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Full text of "Journal de Physique, de Chimie et d'Histoire Naturelle"

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JOURNAL. 
DE PHYSIQUE. 


JOLIE NAT, 
DE PHYSIQUE, 
DE CHIMIE, 
D'HISTOIRE NATURELLE 


ÉT:D ES. ÆRTS, 
AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOU CE; 
Par J.-C. DELAMÉTHERIE, 


JUILLET AN 1815. 


TOME LXXXI. 


À PARIS, 


Chez Mme Ve COURCIER, Imprimeur-Libraire pour les 
Mathématiques et la Marine, quai des Augustins,n° 57. 


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HO LLE NA EL: 


DE PHYSIQUE, 


DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


JUILLET AN 1615. 


SUITE AU MÉMOIRE 
sur 
LA CULTURE DE LA BETTERAVE A SUCRE; 
Par M. PAJOT DESCHARMES. | 


Pis SECOND. Terrain propre à la culture de la Bette- 
rave. La culture de la betterave réussit suivant l’attention qu’on 
Jui donne ; l’espèce de cette racine qui eontient le plus de sucre, 
exige, par cela même, des soins particuliers; mais ils sont souvent 
contrariés par la nature du sol , son exposition et le climat. La 
grande variété des terrains rend donc extrêmement différentes 
les qualités des betteraves et les proportions de leurs parties 
sucrées. Quelle ne séra pas cette différence dans les produits, 
si elle est augmentée par une qualité de racines non appropriée 
à ce sol? d'où suit l'extrême importance, pour obtenir de 

rands succès, de bien connoître l'espèce de betterave qui peut 
être la plus convenable à la nature du terrain et au climat ; ce 


6 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


qui paroît démontrer cette assertion, c’est que chaque qualité 
de betterave crue dans le même terrain, donne des résultats dif- 
férens lors de la cristallisation du sirop. Un vase en effet contient 

uantité de sucre, tandis que d’autres ne donnent peu ou point 
Fa cristaux; mais ce qui est le plus extraordinaire, c’est que 
ces accidens se manifestent sur des vases de même forme et 
du sirop de même bain. Ces résultats si variés sont une-preuve 
de la nécessité d’étudier cette racine précieuse, soit sous ses 
rapports physiologiques, soit sur ceux qui embrassent sa culture, 
c'est-à-dire les terrains qui sont les plus propres à chacune de 
ses espèces ou variétés, soit enfin d'étudier avec le plus grand 
soin les procédés usités, en portant son attention sur les opéra- 
tions qui paroissent les plus minutieuses en apparence, et dont 
là négligence peut influer, peut-être plus qu’on ne pense, sur le 
peu de succès des travaux. 


L'expérience des cultivateurs et des fabricans ayant dû jeter 
un grand jour sur la nature du terrain dont s’'accommode davan- 
tage la betterave à laquelle ils ont donné la préférence, on croit 
devoir s’en rapporter aux conseils et documens des uns et des 
autres; on les laissera donc parler eux-mêmes, ainsi qu’on l’a fait 
dans le chapitre précédent, de celle qui concerne l’espèce ou la 
variété de cette racine qui a dû faire provisoirement leur choix. 
On se contentera seulement de faire considérer, 1° comme un 
principe fondamental, que la betterave étant une plante à racine 
pivotante, elle a besoin, pour bien venir, d’être mise dans une 
terre substantielle, meuble et profonde, ou rendue telle par des 
facons ou apprêts particuliers; 2° que le sirop et les cristaux 
soit du sucre de betterave, soit de celui de canne à sucre, étant 
identiques, il est à présumer que les mêmes qualités de terre 
et les mêmes expositions leur conviennent essentiellement : les 
conditions exigées pour la canne paroissent en effet s’accorder 
avec celles exigées pour la culture de la betterave. 


Ier, Opinions des Cultivateurs et Fabricans sur les Terres 
dégères, sablonneuses et profondes, considérées comme propres 
à La culture des Betteraves. M. de T. Walle partage l’avis gé- 
néral, que pour bien cultiver les betteraves il faut employer de 
préférence les terres sablonneuses, bien faconnées et qui ne soient 
pas trop élevées; tout autre sol mêlé y est très-propice, lorsqu'il 
est approprié à cette fin. (Bouches-de-l’Yssel. ) 

Il est du plus grand intérêt d’avoir de bonne terre qui ait 
produit du froment ou bien du seigle l’année précédente, tel est 


« 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. # 
le conseil de M. Morduyht, de Nimégue, qui ne parle que d'après 
l'expérience. (Bouches-du-Rhin.) 

M. Zando (de Gênes) conseille de choisir, par préférence, 
les terrains qui sont légers, sablonneux et point humides. 


Suivant M. Bouffier (de Grenoble), la nature du sol, son 
exposition et la composition des engrais concourent pour beaucoup 
dans la quantité et la qualité du sirop de betteraves , le goût 
sucrédes racines concorde parfaitement avec ces données. (Isère.) 


* Comme plante et racine pivotante, dit M. Mons, de Brayer, 
Ja betterave doit avoir une terre bien meuble, profonde et sa- 
blonneuse, et peu humide. (Des Deux-Nèthes.) 


MM. Charpentier frères (de Valenciennes) sont d’avis que 
pour avoir de bonnes betteraves à sucre, il faut employer la 
pui de betterave blanche et jaune, et la confier à un terrain 
éger, d’un sol profond, qui ne soit pas gras ni trop maigre. 
(Nord.) 

_ La Société d'Agriculture, etc., du département du Nord, 
s’éponce ainsi : les terrains qui paroïssent mériter la préférence 
pour la culture de la betterave, sont ceux légers, sablonneux 
et point trop humides. (Nord.) 

. La Société d'Agriculture de Boulogne croit devoir insister 
sur l’avantage de préférer , lorsqu'on sera maître du choix, un 
sol sablonneux, parce que l’expérience a démontré que les vé- 
gétaux dont la matière sucrée formé un des élémens, en four- 
nissent d'autant plus, qu’ils se trouvent placés dans une bonne 
exposition, et cultivés dans un sol sablonneux, favorable au dé- 
veloppement du sucre; elle estime en conséquence, qu'une terre 
légère, profonde, ni trop sèche ni trop humide, est celle qui 
convient le mieux aux betteraves. ( Pas-de-Calais.) 

Un terrain meuble et propre au froment est le plus convenable 
à la culture de cette plante. La couche de la terre fertile doit 
avoir environ g pouces de profondeur, un pied vaut encore 
mieux; c’est ainsi que s'annonce M. Sistenden, qui conseille en 
outre de choisir un terrain bien exposé au soleil. (Roer.) 

Les terres les plus favorables à la betterave sont celles à blé, 
ee compactes, légères et profondes; cette opinion est celle de 

. le comte de Chanteloup. (Seine.) 

Nous avonsreconnu, disent MM. Baruel et Isnard, que les 
betteraves qui proviennent d’un terrain léger, sablonneux, point 


» 


4 


Es JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


humide et qui n’a pas été fumé l’année où l’on sème les bette- 
raves, donnent un sirop de meilleure qualité et une plus grande 
quantité de sucre; c'est donc à un terrain de cette nature, 
ajoutent-ils, que l’on doit donner la préférence, d'autant que, : 
peu propre à toute espèce de culture, il sera par là plus uti- 
lement employé. ( Seine.) 

M. Parmentier, ce nestor de l'Agriculture, et dont les sages 
avis ne peuvent que prévaloir, dit positivement que la betterave : 
ne réussira que dans des sables gras et bien amendés. Cette 
terre lui convient particulièrement ie un certain point, 
par la facilité qu’elle offre aux racines de la pénétrer sans trop 
d'obstacles; mais, ajoute-t-il, il faut en même temps qu’elle 
y trouve une nourriture suffisante. 

M. Maximin Isnard qui a visité les diverses fabriques de 
sucre établies en Allemagne, et qui a été à portée de s’ins- 
truire sur la qualité du terrain que l’on destine dans ces contrées 
à la culture de la betteraye, a fait connoître que le terrain le 
plus favorable est celui léger , profond, pas trop de ; la terre 
toutefois doit être bien ameublie, On ne destine d’ailleurs à cette : 


culture que les terres dans lesquelles on a récolté du froment 
l’année précédente. ( Allemagne.) 6 


Il faut, dit M. Bonmatin, que le terrain propre à la culture 
de la betterave soit sablonneux et léger, sans être humide, tel 
que dans le département de l'Aisne, aux environs de Soissons 
et dans la commune de #Wailly; cette racine y acquiert toutes 
les qualités convenables. Il ajoute qu’il convient en général, et 
autant que possible, de choisir des terres meubles sur lesquelles 
on aura à récolter du blé la campagne prochaine, ( Aisne.) 

M. Ch. Derosne, cultivateur et fabricant, dont les lumières 
sont d’un grand poids, s'exprime ainsi : La betterave destinée à 
la fabrication du sucre exige un terrain médiocrement humide, 
profond, et qui aït été ameubli par des labours d’automne et 
d'hiver. Le terrain ne doit pas être abrité par des arbres; il 
n’est pas nécessaire que le sol soit d’une excellente qualité. (Seine- 
et-Marne. ) 

M. Maillefer, de Bray, maintient , d’après son expérience, 


que le terrain pour la betterave doit être léger, ou du moins 
sablonneux. ( Moselle.) 


On a observé dans quelques cantons du département de l’Indre ; 
que le terrain léger, sablonneux, profond et peu humide est 


celui 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 9 


celui où les betteraves se plaisent le mieux, et où elles donnent 


un sirop de meilleure qualité et une plus grande quantité de 
sucre. (Indre.) 


$ IT. Opénions des Cultivateurs et Fabricans sur les Terres 
des prés défoncés ou des ‘marais desséchés. M. Charles De- 
rosne a essayé cette sorte de cullure; voici ce qu’il a recueilli 
de cette expérience. 


Les betteraves semées et cultivées dans certains prés défoncés 
sont venues très-bien , elles étoient d’une bonne qualité , et elles 
ont donné beaucoup de produit. Dans d’autres prés défoncés, 
des betieraves ont été repiquées avec le plantoir, mais trop tard, 
à cause de la sécheresse du printemps; elles ont pris , en très-peu 
de temps, accroissement le plus vigoureux, leur feuillage étoit 
très-fort, très-élevé et aussi d’un vert très-foncé; quoique ces 
racines aient été plantées er rayon à trois pieds de distance, 
leurs feuilles couvroient entièrement le terrain. Lorsqu'on a ar- 
raché les plantes, les feuilles pesoient plus que les racines ; 
ces dernières étoient mal conformées, remplies de radicules qui 
formoient toufle. Les betteraves ont donné un produit consi- 
dérable en racines , mais elles éloient peu sucrées. M. Derosne 
paroit porté à croire que la force de végétation a détruit le 
sucre et l'a empêché de se former. Les derniers prés n’étoient 
cependant pas marécageux, les betteraves repiquées éloient de 
l’espèce blanche, dite de Prusse. (Seine-et-Marne.) 

M. Mallet observe que des marais desséchés, ou des terres 
en nature d’herbe, seroient frès-propres à la culture de la bette- 
rave, Celte terre ayant beaucoup de profondeur et étant de 
bonne qualité, doit rapporter en abondance, et sans recevoir de 
fumier, pendant plusieurs années; 1l pense même que l’emploi 
de* cette nature de ferre à raison de sa grande fertilité, écono- 
miseroit une grande partie du terrain. (Calvados. ) 

M. Drouet, de Suinte-Menchould, a entrepris de planter en 
betteraves un hectare de prés-marais, sur lequel il venoit de 
faire la récolte des foins au 10 juin. On sera étonné que dans 
une saison aussi avancée et dans un terrain aussi réfractaire à 
la culture de la betterave , il ait pu obtenir un produit avanta- 
geux. On verra plus bas les moyens qu’il a employés et les travaux 
qu'il a exécutés. L'expérience qu’il a faite sur l’espèce de terrain 
qu'il y a consacré, est en eflet du plus grand intérêt, 

$ HIT. Opinions des Cultivateurs et Fabricans sur les Terres 

Tome LXXXI, JUILLET an 1815. B 


10 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


compactes et argileuses. Les terrains qui sont argileux et trop 
compacts ne peuvent nullement convenir aux betteraves, cette 
assertion est confirmée par les résultats de l’expérience.. 


Les betteraves apportées par des cultivateurs de la Beauce, 
et récoltées dans les environs de Thercy, dans des terres fortes, 
ont rendu des produits presque nuls; cependant sur les bords 
de la Loire les etteraÿés y viennent très-bien quoique la terre 
y soit argileuse ; mais le voisinage de la rivière la rend vraisem- 
blablement assez fraîche et humide dans la saison de l'été, et 
Ja dispose ainsi à se laisser pénétrer par la Uge de sa racine. 
Ce qu'il y a de certain, c’est que les terres situées sur les bords 
de la Loire, sont très-favorables à la culture de celte racine. 
(Loiret.) 

Si on plante la betterave dans un terrain uni et compacte, 
la racine qui s'enfonce n’éprouve pas les rayons du soleil, elle 
ne grossit pas faute de pouvoir se faire jour à travers le limon 
qui l’entoure et la presse [ M. Maillefer, à Bray].(Moselle.) 

Comme toutes les racines, la betterave se plaît dans une terre 
douce et substantielle, un peu fraîche et argileuse; c’est l’opinion 
de M. Pilot (Nord ); elle se trouve fortifiée par lobservation 
suivante qui offre un cas particulier. La betterave champêtre 
réussit, ainsi que toutes les autres, dans les terres un peu com- 
pacles et argileuses, qui toutefois ont élé divisées par plusieurs 
labours. ( Nord.) 

On doit éviter de mettre celte racine dans des sols compactes 
et trop argileux (Ch. Derosne, Seine-et-Marne). 

Les betteraves récoltées dans des terrains argileux, deviennent 
maigres , graveleuses et peu succulentes. (Seine-Inférieure.) 


M. Labat annonce que les betteraves ne donnent presque rien, 
ou ne lèvent presque pas dans des terres trop compactes. (Seine- 
et-Oise.) : 

Dans les terres fortes et argileuses la betterave a peu de 
succès, elle pousse plutôt hors de terre ne pivotant dans le sol 
que sur la pointe de sa racine, ce qui fait qu’elle reste petite. 
Les plus grosses ne pèsent pas au-delà d’un kilogr.; elles sont 
en général minces et peu jnteuses. C’est ainsi que viennent les 
racines aux environs de Parme. Par des expériences directes, 
on n'a obtenu de betteraves rouges venues dans un terrain de 
cette nature, que 2 livres : de sirop par quintal de racines. 
(Taro.) 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, IT 


Les terres des environs de Castelnaudary ( Aude), exposées 
au nord, sont de nature très forte ; cette espèce de terrain est 
peu propre à la croissance de la betterave, et toujours les sortes 
de racines qui y ont été recueillies se sont montrées et restées 
plus visqueuses dans leur jus, que celles produites dans la terre 
douce, sablonneuse, mais de bonne qualité, du quartier Saënt- 
«Jean de la même ville; leur saveur est plus sucrée et plus fraîche 
que celles venues sur les terres fortes, qui n’ont qu’un goût fade 
et nauséabond , par rapport aux corps muqueux dont elles abon- 
dent. Cette opinion , au surplus, est celle de M. Perpère, di- 
recteur de l'Évole expérimentale établie à Castelnaudary. 


S 1V. Opinions des Cultivateurs et Fabricans sur les Terres 
marécageuses. On concevra sans peine la différence qui existe 
dans la qualité d’une terre marécageuse ou susceptible d’être 
baignée d’eau, avec une terre moins humide, pour peu qu’on 
fasse attention à la différence soit de l’abondance, soit de la 
qualité des fruits de la même espèce crus dans l’un ou l’autre 
terrain. Il suffira de prendre pour exemple la belterave cultivée 
dans les jardins , et qui y est arrosée, et de la mettre en parallèle 
avec celle qui est cultivée en plein champ sans arrosement. Cette 
dernière doit contenir plus de sucre que les premières, parce 
qu’il est sensible que la betterave des jardins est plus aqueuse 
à raison de l’arrosement qu’elle a recu; ce qui d’ailleurs est con- 
firmé par l'analyse et la qualité des fruits qui sont reconnus 
plus sucrés dans les annéessèches que dans les années pluvieuses. 

Les betteraves acquièrent une grosseur prodigieuse dans les 
vastes marais qui environnent Bourges, elles y sont aqueuses, 
insipides et ne contiennent qu'une petite quantilé de matière 
sucrée. (Cher.) 

Les betteraves des environs de Gand sont en raison de la 
nalure de son terrain très-humide, y acquièrent un goût âcre; 
elles ne produisent pas de sucre. (Escaut.) 

Le terrain aqueux des environs d'Anvers ne produit que des 
betteraves d’une mauvaise qualité. M. Bonmatin assure que dix 
kilog. de cette racine, provenant de la meilleure graine, ne con- 
tiennent pas aulant de sucre que 2 kilog. de celte même plante 
récoltée dans l’intérieur de l’empire. (Deux Néthes.) 

Les betteraves qui ont cru dans un terrain humide et trop 
fumé, pendant une année froide et pluvieuse, sont plus grosses, 
mais elles sont aussi inférieures en qualité. ( Boulogne, Pas-de- 
Calais.) 

B 2 


12 JOURNAE DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Les betteraves ne viennent bien que dans les champs placés 
convenablement pour recevoir les canaux d'irrigation qui ont 
été pratiqués très-anciennement dans certains cantons sous. les 
rois d'Aragon. ( Pyrénées orientales.) 

Cette note sembleroit contrarier ce qui a été dit plus haut 
contre les arrosemens, puisqu'en les multipliant trop, la racine 
perd sa qualité sucrante en devenant trop grosse; mais on doit 
observer que si cependant la saison éloit trop sèche, l'arrosement 
de temps à autre, ou une irrigation ménagée à propos, seroit 
fort utile dans les lieux où les localités le permettroient. Les 
canaux d'irrigation pratiqués däns certains cantons du départe- 
ment des Pyrénées orientales, aflrent ce précieux avantage. 

M. J. Fischer (à Strasbourg) n’a obtenu que des betteraves 
salées, parce qu'elles avoient été plantées dans des champs 
marécageux et tourbeux; la racine en outre en avoit été trop 
exposée au soleil. ( Bas-Rhin.) 

M. Pascal a éprouvé que le suc d’un poids donné de bette- 
raves non arrosées et qui avoient souffert de la sécheresse, mar= 
quoit à l'aréomètre de Beaumé 12 degrés, tandis que le suc d’un 
même poids de betteraves arrosées ne marquoit au même pèse- 
liqueur que 7 degrés. Il résulte de cette expérience, que les ra- 
cines les plus volumineuses sont celles dont le suc est le plusléger, 
et que la différence de la douceur dans les sucs de cette plante 
de la même variété, est en général en raison inverse de leur 
produit en volume. (Bouches-du-Rhône.) 


M. Deyeux ayant semé de la graine de betteraves dans deux 
carrés de son Jardin, dont l’un fut abondamment semé et fré- 
quemment arrosé, et l’autre soumis simplement à la culture or- 
dimaire, les racines produites dans le premier carré étoient ex- 
trêmement grosses; mais lorsqu'il fut question d’en extraire du 
sucre, il ne s’y en trouva pas. Celles du deuxième carré étoient 
moins grosses, mais en revanche elles réunissoient toutes les 
conditions qui leur appartiennent essentiellement. ( Seine et 

larne.) 

M. Bourdon, des Ændelys, a cultivé des betteraves dans un 
terrain humide, le produit a été moindre de moitié que celui 
obtenu de la même quantité de betteraves de la même espèce, 
récoltées dans un terrain sec et léger. (Seine-Inférieure.) 


M. Seguin, à Carpentras, n'a retiré des belteraves crues 
dans ce pays, que du nitrate de potasse, la mélasse avit ua 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 13 


goût détestable, Cette saveur toutefois étoit moins désagréable 
à fur et mesure que, lors de l'évaporation, le salpêlre se préci- 
Pitoit. C’est toujours ce sel que l’on obtient des betteraves venues 
dans des terres trop humides ou trop fumées. (Vaucluse.) 


Il résulte de foutes ces diverses autorités, qu'on doit éviter 
de semer et de planter des betteraves dans des terres maréca- 
geuses ou trop humides, ces dernières, sans être marécageuses, 
donnent de belles racines ; mais peu riches en matière sucrée, 
elles doivent être rejetées avec non moins d'attention. 


$S V. Opinions des Cultivateurs et Fabricans sur les Terres 
médiocres , trop sablonneuses ou pierreuses. Les fortes terres, 
pour étre productives, demandent des amendemens faits de 
longue main; elles doivent étre imprégnées d’une suflisante 
quantité de sucs végétaux donnés par les engrais et les fumiers 
qui y entretiennent une certaine humidité vivifiante, ils contri- 
buent à les préserver des pernicieux effets d'une longue séche- 
_resse qui ne tarde pas à évaporer cette humidité, à détruire les 

agens de la végétation, et par conséquent à anéantir ce qu'ils 
avoient commencé et les espérances qu'ils avoient données. 

Les betteraves ne viennent pas plus grosses que le doigt dans 
le département des Apennins; c’est la faute du climat et du 
terroir dont le fond est pierreux. 


Le terrain du département de l’Arno ne convient pas, à ce 
qu'il paroît, à la culture des betteraves qui y deviennent plutôt 
âpres que sucrées : d’après des essais faits, on n’a pu en obtenir 
de sucre, mais bien un sirop amer et d’un très-mauvais goût. 

Le terroir de Géres, dont le sol est sec, rend la betterave 
coriace, filandreuse, sans jus et sans sucre, malgré les arrosages 
conveuables et faits à temps. 


M. Giolert n’a reliré des betieraves qu’il a semées à Turin 
et aux environs, que du nitre et du sel calcaire; le sol et le climat 
ne conviennent point à la culture de celte racine. 


Les betteraves n’ont donné que du nitre dans certains cantons 
du département de Marengo. 


Les betteraves qui sont récoltées dans les environs de Peau- 
préau, rendent peu de sirop, elles ont montré le défaut d’être 
filandreuses ; le sol très-pierreux paroît en être la cause. (Maine- 
et-Loire.) 


Quoique les notes ci-dessus établissent que les terres de la 


14 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


nature qu’elles indiquent, ne sont rien moins que convenables 
à la culture de la betterave, on peut cependant assurer que les 
sols les moins fertiles s'améliorent promptement par cette même 
culture. Des exemples frappans confirment cette assertion. Nous 
ne citerons ici que la plaine des Vertus, au nord de Paris. 
Suivant ce que dit à ce sujet M. Barruel, cette plaine étoit 
si ingrate, il ÿ a environ 80 ans, que le blé ne pouvoit y venir. 
Depuis qu'on y cultive la betterave, non-seulement il y vient 
bien , mais il passe pour le plus beau de la contrée. En ce qui 
concerne la betterave, on remarque en eflet que cette plante 
y végète on ne peut mieux. À Ja vérité, la différence qu’on 
aperçoit dans les terres de eette plaine, a de quoi surprendre, 
lorsqu'on en compare les produits avec celui des terrains ana- 
logues situés dans tout autre arrondissement; mais on cessera 
bientôt d’être étonné, lorsqu'on observera que le terrain de cette 
partie des environs de Paris est tout artificiel, et que ce n’est 
en quelque sorte que du terreau produit par le fumier que 
lon y met chaque année en profusion, tandis que les autres 
sont privés de cetle ressource immense d’approvisionnement que 
Paris ne cesse de verser dans tout son voisinage. 


$S VI. Opinions des Cultivateurs et Fabricans sur les Terres 
voisines de la rer.— Les épreuves suivantes, faites directement 
sur les lieux, sembleroïent démontrer qu'il faut renoncer absolu- 
ment à la culture de la betterave sur les bordsde la mer. 


Des betteraves, crues dans les terres des environs de Toulon, 
traitées par M. Fougues , au lieu de donner du sucre pour résul- 
tat, n’ont au contraire produit que du nitre. Le sirop obtenu 
n’étoit pas du tout sucré; il avoit au contraire un goût très-désa- 
gréable. ( Var.) 

M. Bermond, pharmacien en chef de la même ville, n’a 
obtenu que du nitrate de potasseet du muriate de soude. M. Baron, 
pharmacien à l'hôpital du bagne , n’a extrait que du muriate de 
soude, 

A Marseille, on n’a pas élé plus heureux qu'a Toulon. 
M. Berard n’a retiré des betteraves de ce canton, que du mu- 
riate de soude et du nitrate de potasse. ( Bouches-du-Rhône.) 

MM. Poulet et Laurent, pharmaciens distingués de cette 
même ville, ont employé les betteraves de Gardannes, qui 
jouissent d’une grande réputation ; mais leur travail a été entière- 
mentinfructu eux. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 15: 


Me, le Deuc-Hello (à Guingamp) s’est assuré que les terres 
voisines de la mer ne sont pas favorables au développement de la 
matière sucrée dans la betterave ; le suc quiena été retiré lors de 
sesexpériences, étoit toujours salé ou nitré. (Côtes-du-Nord.) 


Quelques habitans de Saint Brieux et de Zanion, voisins de 
la mer, avoient aussi cultivé une petite quantité de betteraves : 
ïls en essayèrent l'extraction du sucre; mais ils n’obtinrent que 
des sirops chargés de nitre et de sel marin. Cependant les sucs 
avoient été trailés par le même procédé qui avoit procuré du sucre 
avec le suc de betteraves crues dans un terrain éloigné de trois 
myriamètres des côtes. (Même département.) 


Ces divers résultats que l’on vient d'annoncer, doit - on les 
attribuer à la proximité de la mer et à Pinfluence de l’eau salée 
que renferme le sol , ou à des vapeurs salines dont est imprégnée 
l'atmosphère sur la végétatior des betteraves ? ou plutôt ne doit- 
on pas croire que les terrains qui ont recu les graines de ces plantes, 
étoient mal disposés en ce qui concerne leurs engrais ? il importe- 
roit infiniment d’avoir à cet égard des données positives, 


S VIT. Avantages de la culture de la B etterave pour la récolte 
des céréales qui doit lui succéder. La culture de la betterave pré- 
pare la terre pour le froment et le seigle. ( Aude.) 


Il est aujourd'hui incontestable que la culture de cette racine 
est une des meilleures préparations que l’on puisse donner aux 
terres destinées au froment ; et d’ailleurs, dans l’année où la bette- 
rave va se cultiver, on ne pourroit admettre avantageusement ce 
dernier : telle est l’opinion de M. Zelicofe. ( Bas-Rhin. ) 


La betterave mise dans les guérets destinés à recevoir la graine 
de froment, les dispose à cette deuxième récolte. Le froment semé 
sur la terre où on a récolté les betteraves, et immédiatement 
après leur extraction, est plus beau que celui qui seroit semé sur 
les guérets mis en jachères. Cet avis de M. Barbier ,de Nantes, 
est le résultat de ses expériences à cet égard. ( Loire-Inférieure.) 


La Société d'Agriculture du département de la Seine pense 
que la culture de Ja betterave, loin de faire diminuer le produit 
des récoltes, du froment surtout, est au contraire, lorsqu'elle est 
bien traitée, un excellent moyen de J’augmenter partout, et de 
la manière la plus économique, en portant naturellementl es culli- 
Yateurs à supprimer les jachères dans les contrées où elles sont 
encore en usage. 

MM, Tessur et Deyeux remarquent aussi que la terre dans 


16 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Jaquelle on a semé ou planté des betteraves, est très-propre à 
donner ensuite un riche produit en froment ou en tout autre 
graine, et avec peu de dépense, L’engrais, les labours, les sarclages 
qu'elle a reçus, et l'espèce de défoncement qu'on lui donne en 
fouillant les racines, ne laissent aucun doute sur cette assertion, 
La culture de la betterave, ajoutent-ils, peut entrer dans les 
bons assolemens. 


$ VIIT. Considérations générales. — M. de la Chapelle, 
près Nogent-sur-Seine, assure qu'un arpent de terre argileuse 
cultivé en betteraves, produit plus qu'un arpent cultivé en 
froment. (Aube.) 


La betterave étant une racine pivotante et volumineuse, 
écrit-ou de Toulouse, les terres fortes trop compactes et celles 
légères peu substantielles ne peuvent lui convenir, dans un cli- 
mat surtout où les chaleurs de l’été sont très-fortes et souvent 
de longue durée. ( Haute-Garonne.) 


Le sieur Olivier, de Bordeaux, estime que les betteraves 
ne doivent être semces ni dans un terrain trop gras, ni dans 
celui trop humide. ( Gironde.) 

Les betteraves, pour prospérer, doivent êlre semées dans des 
terres mixtes grasses el profondes, On doit choisir de préfé- 
rence les terres qui conservent de l'humidité, Le sol des étangs 
pourroit être convenable, parce que la végétation y est toujours 
active, et qu’il ne faut point d’engrais. ( Landes.) 

Les soins particuliers que M. Delille et son associé, M. Ge, 
de Zyon, ont pris de la culture de la betterave, les ont con- 
vaincus, disent-ils, que la graine de cette plante exige un ter- 
rain léger et bien émietté, comme celui des jardins. (Rhône.) 

La betterave croît aussi bien sur les coteaux que dans les 
belles vallées du département de la Somme. 

À l'appui des opinions toutes concordantes entre elles, et qui 
ont été émises plus haut, d’après lesquelles il sembleroit qu’on 
dût préférer un terrain léger, sablonneux et substantiel, attendu 
les grands avantages qu’il présente, il paroîtra sans doute pins 
convenable de donner connoissance du résultat des RPC 
faites par M. Charles Derosne, sur des terrains analogues et 
de boune qualité, et aussi sur d'autres qui étoient inférieurs. 

10, Les betterayes qui ont crû dans un sol argileux et sec, 
épuisé par des récoltes trop réitérées de céréales, ont été de 
médiocre qualité et ont produit très-peu. 

224 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 19 

20, Celles qui ont crû dans un bon terrain ordinaire, ni trop 
sabloaneux, ni trop argileux , et qui étoit assolé de blé, avoine 
et jachères, après avoir été semées dans l’année de jachères, 
ont généralement peu produit; mais elles étoient d’une excel- 
lente qualité et d’un sirop tellement supérieur, qu'il pouvoit 
entrer directement dans la consommation. Ces sirops cristalli- 
soient à Pair libre et contenoient une quantité énorme de sucre, 
(Seine-et-Marne.) | 

Les terres dans lesquelles on a planté, l'année précédente, du 
froment, du seigle, etc., sont les plus propres à la culture de 
la betterave, qui vient encore très-bien dans une terre dans la- 
quelle on a planté précédemment des pommes de terre, parce 
que la culture exigée pour cette espèce de pomme rend le ter- 
rain très-meuble. 

On préfère généralement à cette autre terre celle qui seroit 
sablonneuse et bien fertilisée; la betterave ne s'y développe pas 
autant, mais elle y est beaucoup plus sucrée, et elle est par 
conséquent plus propre à la fabrication du sirop. (Seine.) 

On doit observer, enfin , que les betteraves altèrent d'autant 
moins la terre, qu’étant semées de graines, elles pivotent profon- 
dément, et que par elles - mêmes elles tirent une grande partie 
de leurs sucs au-dessous de la terre végétale. ( Seine.) 


Si l’on s’en rapporte à l'opinion de M. Perpère, de Castel- 
ñnaudary, la haute température des départemens méridionaux 
de la France développant promptement le principe sucré dans 
les divers végétaux, notamment les fruits et les racines sucrantes, 
en diminue par cela même leur quantité, tandis qu'au contraire, 
dans le nord, suivant l'opinion de ce même particulier, la frai- 
cheur du terrain et du climat augmente le suc dans les racines ; 
ce sentiment, que paroît appuyer l’expérience des produits ré- 
coltés en sucre extrait de la betterave, sous l’une et l’autre tem. 
pérature des départemens désignés, a besoin d’être confirmé par 
des essais directs, puisque M. Perpère lui même, tout en an- 
nonçant le principe de la différence des climats, avoue que 
douze quintaux de betteraves de Castelnaudary lui ont fourni 
le produit extraordinaire de 47 livres de sucre. 

CHAPITRE TROISIÈME. Des Engrais. Depuis plusieurs an- 
nées l'expérience avoit appris aux cultivateurs de betteraves 
à sucre, dans l'Allemagne , que non-seulement les engrais 
étoient peu propres, pour ne pas dire nuisibles, à la forma- 

Tome LXXXI. JUILLET an 1815. Cr 


38 JOURNAL DE PHYSIQUE; DE CHIMIE 


tion de la matière sucrée dans cette racine, mais encore que 
quelques-uns, par la nature de leur principe, y produisoient 
des sels étrangers, Des essais multipliés avoient démontré, en 
outre, que plusieurs variétés de cette plante fournissoient plus 
abondamment du sucre que d'autres, et que cette différence 
devoit être attribuée aux parties constituantes qui subissent une 
décomposition avantageuse à la formation du principe sac- 
charin, formation qui étoit favorisée par les élémens dont 
se composoient certains fumiers, et que développoit la na- 
ture de la terre à laquelle on confioit la semence. Les Fran- 
çais se sont empressés de répéter ces diverses expériences qui 
pouvoient les éclairer; mais ce n’est que depuis deux ans qu’ils 
ont recueilli des faits qu’il importe de publier pour la propa- 
gation des sucreries indigènes ; on les trouvera consignés dans 
ce Recueil. La marche adoptée précédemment continuera d’être 
suivie, c'est-à-dire, que seront d’abord classées les observations 
relatives aux épreuves des engrais favorables à la production 
du sucre, et ensuite celles qui ont rapport aux engrais qui lui 
sont nuisibles. 


$ Ier, Engrais favorables à la production du sucre dans la 
Betterave. Il est du plus grand intérêt d’avoir de bonne terre 
bien fumée l’année précédente à la culture de la betterave. Cette 
terre aura dû produire à cette époque du froment ou bien du 
seigle. (Bouches-du Rhin.) 


Le fumier destiné aux prairies est le meilleur pour les bette- 
raves; puis vient celui des vaches. Plus le fumier est vieux, 
dit M. Derelle, meilleur il est. C’est pour cela qu’on engraisse 
les prairies, par préférence, l’antomne précédente, ou au com- 
mencement de l'hiver. ( Bouches-de-l'Yssel.) 

Des expériences assez nombreuses sont en faveur des bette- 
raves cultivées dans un terrain fumé seulement de l’année pré- 
cédente. ( Bas-Rhin.) 

En ne fumant pas les terres où l’on sème les betteraves, on 
évite les sels ammoniacaux qui rendent l'extraction du sucre 
très-difficile; c’est l'opinion de M. Isnard. (Bas-Rhin.) 

Il ne faut pas que le terrain soit fumé pour le semis de la 
graine de betterave , mais il convient qu'il l’ait été l'année pré- 
cédente ( Richard Daubigny). ( Calvados.) 

Dans le département de la Côte-d'Or on plante le maïs et 
les haricots sur guérets; la même méthode est pratiquée pour 
la ‘betterave, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE: 19 


Le carbonate calcaire convient aux plantes aromatiques et 
sucrées, pour la conservation de leur essence et de leure sels 
dans leur pureté, qualités qui leur sont enlevées par les fuuniers 
animaux employés ordinairement. Il est d’autant plus facile d’ap- 
pliquer cette espèce d’engrais aux betteraves, qu’on peut en ré- 
pandre à tous les labours, aux transplantations et aux binages: 
cette facilité promet de grands avantages; on pourroit, par ce 
moyen, cultiver ces racines dans les terres fortes; le carbonate 
calcaire, en divisant leur surface, les empêcheroit de prendre 
de la ténacité et les tiendroit constamment dans un état d’hu- 
midité, circonstance essentielle qui assureroit une abondante 
récolte et des racines sucrées. On peut en juger par celles qui 
croissent dans diverses parties du département de Pa. com- 
parées entre elles. Celles qui ont cru dans les terres argileuses, 
au nord, traitées ainsi que vient de l’indiquer M. Gouffier, de 
Grenoble, contiennent presque le double de sirop que celles 
LTsère di midi, avec le secours des fumiers chauds des villes. 

sère. > 


On répend en automne des engrais de fumiers de bêtes à 
cornes, dans la proportion de douze voitures à quatre chevaux 
par razière, ou vingt-quatre voitures par hectare. La courte 
graisse, dit la Société d'Agriculture de Douai, est un excel- 
lent engrais pour cette racine. ( Nord.) 


La terre doit être fécondée, suivant M. Pillef, par des fu- 
miers entièrement consommés. ( Nord.) 


Il faut employer la graine de betterave blanche dans un ter< 
rain qui surtout n’a pas été fumé de l'année. MM. Charpentier 


frères, de J’alenciennes, regardent cette condition comme essen- 
tielle. (Nord.) 


La cendre de houille, si abondante dans le département de 
l'Ourthe, est un excellent engrais, et même dans le pays il 
paroît le seul convenable pour cette racine. 


Un sable gras paroît devoir être préféré, car l'humidité hâte 
le développement de la plante. Une terre nouvellement marnée 
présente aussi des avantages; la marne la rend plus meuble. 
( Telle est l'opinion de la Société d'Agriculture de Boulogne 
(Pas-de-Calais) ; elle pose en outre, en principe, que dans la 
culture de la betterave pour l’extraction du sucre, il ne faut 
pas une trop grande abondance de fumier , puisque la racine 
perd sa qualité sucrée en devenant trop grosse; il conviendroit 


C 2 


20 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIÉ 


même, lorsque le sol seroit assez fertile pour donner une bonne 
récolte et suflire à la nourriture de la plante, de ne point fumer 
l’année où les betteraves seront semées, puisqu'elles en acquer- 
ront plus de qualité. 

D'aprés M. Frédéric Xarcher , il faut planter les betteraves 
dans des terrains qui ne sont pas trop fumés. ( Rhin-et-Moselle.) 

M. Van-Recum annonce comme un fait reconnu de tout culti- 
vateur doué de lumières et d’expérience, que fa culture de la 
betterave exige une terre bien préparée , et fumée au moins un an 
auparavant ; c'est-à-dire, qu’elle doit être plantée dans un champ 
où il y a eu, l'année précédente, du froment , du seigle, etc., 
pour pouvoir profiter encore de l’engrais qu'il a reçu. ( Rhin- 
et-Moselle. ) 

La betterave à sucre n’admet point de fumier trop fort et ré- 
cemment mis. Selon que le terrain est plus ou moins bas, on doit 
conseiller d’ensemencer pendant un an, et même deux ans, le 
champ nouvellement engraissé, de froment ou de seigle, avant 
de planter la betterave, dont la végétation alors sera moins vive, 
et les parties visqueuses moins dominantes. M. Sistenden est aussi 
de l'avis de M. Æchard, qui conseille de porter sur le terrain 
choisi, des engrais pendant l’automne. Le fumier des chevaux, 
des troupeaux et des pores est moins favorable aux betteraves à 
sucre que celui des vaches. Îl ajoute que M. de Koppy ne fait 
point d'observation à cet égard, saus doute parce qu’il propose de 
porter l’engrais en automne sur les terres. A cette époque du prin- 
temps, ils sont pour la plupart réduits. (Roër. } 

Si le sol est ‘Compacte, disent MM. Tessier et Deyeux (Seine), 
on y jette des marnes calcaires ou des décombres de bâtiment, 
pour aider à l'effet des labours. Un sable gras paroïtroit préférable 
à tout, s’il étoit frais. 

M. Bonmatin (Seine ) recommande de fumer la graine de 
betterave dans un terrain sur lequel on aura récolté du blé de la 
campagne précédente. 

La qualité fertilisante des cendres suHureuses ne laisse rien 
à desirer , dit M. le comte Zhomond. (Seine) 

La Société d'Agriculture du département de la Seine pense que 
le fumier ne peut produire d'effet nuisible sur la racine de la 
betterave, que lorsqu'il est mal préparé ou transporté trop tard 
sur le terrain qu’il doit amender; mais si l’on a la précaution 
de le répandre et de l’enfouir avant l'hiver, ou en hiver au plus 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 24 


tard, lorsqu'il a été convenablement apprêté d’avance et bien 
consommé, ses effels sur celle racine ne peuvent être que 
très-avantageux. 

Il faut que les terres légères , sablonneuses , et qui ont un fond 
suffisant, soient fumées un an d’avance , à moins qu’elles n'aient 
été amendées avant l’hiver, avec un fumier bien consommé. Je 
pourrois même garantir, s'écrie M. Calvet, le succès de cette 
racine dans des terres qui ne seroient pas trop argileuses, si, 
deux ans auparavant, on y enfouissoit soit des fumiers longs, des 
feuilles, de la marne (si l’on en avoit), et tant d’autres amen- 
demens capables de diviser la terre et de la disposer à une fer- 
mentation favorable. 

L’engrais doit être répandu d'avance sur le terrain , et assez 
tôt pour qu'il soit consommé au temps où la racine de betterave 
commence à se former, afin de ne point altérer sa qualité : tel 
est l'avis de M. Tessier, (Seine.) 

M. Chamberland, d'Honfleur, annonce avoir employé les 
terres sulfureuses pour engrais dans la culture des betteraves. 
Le succès, dit-il, a surpassé ses espérances, Il ajoute que les 
cendres de tourbe sont aussi excellentes pour servir d’engrais à 
cette racine. ( Seine-Inférieure.) 

Les fumiers végétaux ne paroissent pas produire d’effets nui- 
sibles d’une manière aussi marquée que ceux des animaux. 1] sera 
donc nécessaire, dans le pays où la culture de la betterave est 
déjà introduite, de changer la marche adoptée. Il sera d'ailleurs 
toujours préférable de ne cultiver cette plante que comme un 
dernier produit, c’est-à-dire , lorsque la terre fumée aura été 
privée de sa trop grande force végétative et des sels qu’elle con- 
tient , par plusieurs récoltes précédentes. 

Dans les bas terrains, semés'encore selon la rotation triennale, 
de blé, d'avoine, de jachères, les betteraves peuvent être culti- 
vées très-avantageusement dans l’année de Jachères. Dans les 
terres d’une moindre qualité , elle pourra l’être en remplacement 
de l’avoine; dans les terres médiocres, il faudra fumer l’année 
même qu’on cultivera la betterave. 


Les fumiers gras des bêtes à cornes doivent être préférés à tous 
autres ; lorsqu'on fumera l’année même qu'on cultivera cettera- 
cine , il vaudra mieux le faire en automne qu’au printemps. 


Lorsque la betterave n’est cultivée que comme deuxième ou troi- 


24 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE : 


sièmeproduit, l'effet des fumiers, même échauffans, n’a plus pour 
elle d’inconvéniens. ( Seine-et-Marne.) 


Comme il importede confirmer de plus en plus, par l'expérience, 
avantage de ne pas fumer le terrain où l’on sème la betterave, 
les résultats suivans ne peuvent qu’ajouter aux conseils tracés dans 
la série des notes qu’on vient de lire ; des faits parlent au reste 
plus haut que les préjugés, et ils font toujours plusd’impression. 

La betterave champêtre venue dansun jardin qui n’avoit été que 
très-peu fumé, dont la terre n’avoit été binée et sarclée qu’une 
fois, et jamais arrosée, a donné un suc de 9 degrés, au pèse-liqueur 
de Baumé. 

La betterave blanche à écorce rouge et fusiforme, crue sur 
la même planche , et traitée de même, a donné r1 degrés. 


La betterave jaune fusiforme de Castelnaudari , venue sur la 


mème planche, cultivée de la même manière, a donné un suc de 
10 degrés. 


La betterave jaune fusiforme de Paris, venue sur le même 


terrain, et traitée comme les précédentes racines, a donné un 
suc de 10 degrés. 


Enfin le suc de la betterave rouge fusiforme de Paris, cultivée 
sur la même planche, et avec la même attention que les précé- 
dentes racines, a marqué 9 degrés. 


Le terrain où les variétés de betteraves ont cru, étoit de 
médiocre qualité. 


Pour acquérir un résultat de comparaison dans une autre 
partie du même terrain , traitée de la même manière , les deux 
épreuves suivantes ont été faites sur la betterave rouge fusi- 
forme de Paris, qui a donné un'suc de 9 degrés , et sur la bette- 
rave fusiforme blanche à écorce rouge qui a donné un suc de 
11 degrés. | 

Les deux essais qui suivent ont été faits dans un autre jardin 
non arrosable , dont le terrain est très-léger et sablonneux , et en 
outre couvert d’arbres à fruits. Les betteraves mises en expérience 
ont recu la même culture que la précédente. 


La betterave ronde jaune a donné un suc qui a marqué 
8 degrés, et le suc de la betterave fusiforme à écorce rouge 
et à cercles concentriques rouges et blancs , a donné 9 degrés. 

Les trois variétés suivantes sont venues dans un jardin potager 
et dans un carrédifférent , éloignés au moins de deux cents pas l’un 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 23 


de l’autre ; on y avoit répandu surtout de l’engrais en abondance. 
Les terrains avoient été sarclés et arrosés plusieurs fois. La pre- 
mière cle ces variétés étoit parfaitement exposée au soleil. La 
deuxième qui est la même que la première de celles que l'on 
vient de passer en revue, et la troisième , étoient ombragées par 
des arbres. 


La première racine de cette épreuve étoit fusiforme et jaune ; 
son suc exprimé a marqué 8 degrés. 

La deuxième, à écorce et à cercles rouges et blancs con- 
centriques , a donné un suc qui ne marquait que 7 degrés. 

Enfin le suc de la troisième, ronde jaune, a marqué seulement 
6 degrés. 

SIL. Fumiers ou engrais nuisibles à la production du sucre 
dans la Betterave. Le fumier de cheval convient peu à la pro- 
duction dela matière sucrée dans les betteraves; celui desmoutons 
n’y paroît nullement propre. M. Detwelle ajoute qu'on ne retire 
de ces racines venues dans des terres auxquelles on a donné cette 
dernière sorte d’engrais, que du sirop encore rempli de nitre. 
(Bouches-de-l'Yssel.) 

M. Bonmatin a remarqué que le terroir des environs de Gand 
produit des betteraves qui contiennent du nitrate de potasse et une 
autre matière glutineuse dont il est difhicile de débarrasser les 
sirops. (Escaut.). 

M. Zévéque (de Brest) a confirmé par son expérience, celle 
de M. Æchard, relativement à la betterave qui croit dans un 
champ nouvellement engraissé par le fumier de mouton; cette 
racine , dans ce cas, contient plus de nitre que de sucre. 
(Finistère. ) 

M. Magnien,de Toulouse, a rencontré souvent des racines qui 
fournissoient peu de sucre, et au contraire beaucoup de nitrate 
et de muriate de potasse, et d’autres sels d’une saveur fort désa- 
gréable, C’est assez ordinairement le lot de la terre des jardins 
des villes, ou toute autre terre qui a été fumée avec du fumier 
de mouton, de cheval ou de vache. Ces engrais donnent des bette- 
raves d’une qualité aussi médiocre. C’est uné raison des plus puis- 
santes pour préférer les terrains sablonneux non fumés pour la 
culture de cette plante. (Haute-Garonne.). 


M. Gouffiér, de Grenoble , attribue au fumier chaud des 


villes, le peu de sucre qu’on retire des terres qui ont recu cette 
N 


24 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


sorte d'engrais, il pense qu’elle est la cause de la différence que 
MM. Drapieret Derosne ont remarquée dans les betteraves venues 
daos les environs de Paris. (Eure.) 

M. Bonmatin juge le sol crayeux du département de la Marne 
peu propre à la culture de la betterave, il le trouve trop sus- 
cepüble de s’échaufler. (Marne.) 

Gardez-vous bien, s'écrie M. Pillet, de préparer les terres à 
belleraves avec de longs fumiers; de telle espèce qu'ils soient, 
les racines deviendroient fourchues et ne donneroient pas de 
profit. (Nord.) 

Ilest bon que les cultivateurs sachent que de tous les fumiers 
les moins convenables, c’est celui du mouton. Les sels qu’il ren-. 
ferme produisent dans la betterave, du nitrate de potassé, ou 
du salpêtre et du sel ammoniac, peu ou presque point de matière 
sucrée. (Bas-Rhin.) k 

L’esgrais de mouton, dit M. V’an-Recum, ne vaut rien pour 
les terres destinées aux betteraves, il renferme trop de salpêtre; 
son avis, en outre, est que la betterave destinée pour le sucre, 
ne doit pas être cultivée dans les champs nouvellement fumés 
et dans les terres engraissées par la fiente des moutons. La plante 


devenant volumineuse et aqueuse, ne contient pas de sucre, 
(Rhin-et-Moselle.) 


M. Derosne est d'avis que les fumiers abondans sont d’autant 
plus préjudiciables, que la betterave dans sa végétation prend 
une partie des principes salins que renferme le fumier, et que 
les sirops qu’on en obtient conservent une saveur désagréable 
qu'aucun moyen connu ne peut faire disparoître. Ces fumiers, 
en outre, semblent faciliter le développement des principes mu- 
queux et extractifs aux dépens de ceux sucrés, principes qui 
rendent beaucoup plus difhicile l'extraction de la petite quantité 
de sucre qui se trouve confondu avec eux. 


Le même fabricant - cultivateur prétend que les terres char- 
gées de trop d'engrais produisent des racines qui surchargent 
les sirops d’une grande quantité de sels qui leur donnent un goût 
détestable , lequel, dit-1l, ne se trouve pas dans les eaux-mères 
des betteraves blanches de Suède. 11 a aussi remarqué que la 
betterave d’Aubervilliers et des Vertus près Paris, ne donne 
que 2 pour 100 de sucre brut, ce qu’il attribue à la nature des 
terres de ce pays, fumées avec trop de profusion avec les engrais 
sortis de la Capitale. 


Les 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 25 
Les betteraves cultivées à Zurphen sont en général très- 
aqueuses et elles donnent de foibles produits; c’est une suite de 
la qualité du sol : telle est l'opinion de M. Bonmatin. ( Yssel 
supérieur. ) 
Ce fabricant a encore remarqué que le terroir d'Amsterdam _ 
donnoit des betteraves qui rendoient peu de produit. Le sirop 
qu’onobtientcontient une partie demuriatede chaux.(Zuyderzée.) 


C’est encore à la mauvaise qualité des engrais qu’on. doit rap- 
porter le tort qu'a essuyé M. J.-Jh. #Weiler, de Strasbourg 
(Bas-Rhin), qui, quoique les betteraves qu'il avoit achetées 
fussent de très-belle apparence, n’ont donné cependant que des 
sirops de mauvaise qualité, salés et amers, qui par la cristalli- 
sation lente, ont produit plus de nitre que de sucre. 

$ IIT. Produits d'Expériences directes faites sur des terres 
préparées sans fumier, ou avec des fidniers de diverses qua- 
lités. Ces expériences sont d’autant-plus intéressantes, qu'elles 
démontrent de la manière Ja plus évidente, toute l’inflience des 
engrais sur les sucs de la? betterave. Ecoûtons-à ce sujet 
MM. Briard et Moqui- Cazan , entrepreneurs à Namur 
( Sambre et F4 da e).(Voôici comment ils s'expriment relative- 
ment à cette éf entiere dont ils se Sont occupés en 1813. 

Nous Le ltivé nous - mêmes 2o-hectares de betteraves, 
les terres furent disposées comme iFsuit. 


De cinq hectares bien labourés-en octobre, moitié fut engraissée 
de fumier de cheval, et l’autre avec les dépôts d’ordures de la 
fabrique, mêlées de chaux et de cendres de Zerre-houille ; le 


tout fut labouré trois fois en mars, planté en avril au râteau et 
en temps sec. 


La première partie a souffert du ver-hanneton et n’a produit 
que 7000 kilogrammes par hectare. 


La deuxième a produit 23,000 kilogrammes de betteraves 
blanches. 


Un hectare qui n’a pas été fumé depuis quatre ans, a produit 
20,000 kilogrammes, moitié semence jaune et moitié rouge du 
pays. 

Trois hectares non fumés depuis deux ans, ont produit cha- 
cun 30,000 kilogrammes , et ainsi du reste. 

Mais ce qui ajoute à l'intérêt de ces expériences, ce sont les 
qualités des sucs obtenus comparativement à ceux de l’année 
précédente, 


Tome LXXXI. JUILLET an 1815. D 


26 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

Notre jus, disent-ils, ne pesoit encore que 6 degrés; cette: 
année, au contraire, il pèse 7 degrés à 7 degrés et demi, selon 
“les qualités des betteraves du pays. Le jus de betteraves jeunes 
pèse de 7 à 8 degrés. Toutefois 1l faut observer que ces sortes 
de betteraves ont cru dans des terres non fumées. 


Des résultats aussi positifs acquièrent un nouveau poids par 
ceux qu'avoit obtenus auparavant M. Hermstadt, chimiste de 
Berlin, d’après la méthode qu'il avoit suivie. Voici comment il 


s’énonce à ce sujet ; son opinion ne sauroit être trop connue. 


Les betteraves cultivées dans un terrain sur lequel ont parqué 
des brebis, ou qui a été engraissé avec le fumier de cesanimaux, 
ne donnent presque point de sucre, mais beaucoup de salpêtre. 

Celles qui croissent dans une terre récemment engraissée avec 
du fumier de cheval, donnent moins de sucre que de substances 
salines. 

Celles recueillies sur un terrain nouvellement fumé avec du 
fumier de vaches, fournissent du sucre qui contient beaucoup 
de sel ammoniac phosphorique, d'acide de pommes et d'acide 
muriatique. 

Celles cultivées dans des jachères sont plus petites, mais 
contiennent plus de sucre ; et généralement celles récoltées dans 
un terrain sablonneux, sont plus sucrées que celles produites 
par des terres grasses et argileuses. 


(La suite au Cahier prochain.) 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 27 


SUITE DES OBSERVATIONS 


AVEC RÉFLEXIONS 
SUR L’ÉTAT ET LES PHÉNOMÈNES DU VÉSUVE, 
Pendant une partie des années 1813 et 1814; 


Par J.-F.-B. MÉNARD pe LA GROYE, 


Membre, Associé ou Correspondant de plusieurs Sociétés 
scientifiques, 


Nouvelle Ascension. 


Enix le 25 janvier, c’est-à-dire un mois précisément après 
l’éruption, le temps étant redevenu froid et assez clair, quoi- 
qu'il eût plu encore la veille au soir, je me déterminai à faire 
une nouvelle ascension. J’ai su de lermite, que ce matin-là 
vers le point du jour, la terre avoit frémi, dans les environs 
de l’ermitage du moins, d’une manière assez alarmante. Per- 
sonne n’étoit encore allé sur le sommet du volcan depuis l’é- 
ruption, et je suis le premier, avec Salvatore, qui l'ai visité. 
M. le duc della Torre avoit entrepris cette visite quelques jours 
auparavant, mais il avoit été repoussé par la fumée, et l’on va 
voir que par la même cause je ne pus obtenir encore une grande 
satisfaction. 

Le Vésuve étoit tres-beau ce matin-là. Tandis qu’une brume 
répandue dans toute la partie inférieure de l'atmosphère, obs- 
curcissoit sa base, les cimes se détachoiïient nettement sur un 
fond de ciel assez clair. La crête de la Somma et le flanc du 
Cône qui la regarde étoient blanchis de neige, ce que je n’avois 
point encore vu, le temps ayant été si doux jusqu'alors à cause 
du scirocco qui avoit toujours soufflé, que même la Haute- 
Dent de Saint-Miçhel au-dessus de Castell-à-Mare, n’avoit pas 


D 2 


Es] JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


seulement grisonné. Sur toute l'aire de la section du Cône, 
persistoit néanmoins mne vapeur grisâtre, produit des fumerolles , 
qui ne s’élevoit qu'à une hauteur très-médiocre. On voyoit sortir 

u sein de cette vapeur, un nuage épais et floconneux, rose 
à son origine, puis blanc, puis gris, et qui devenoit brunätre 
à mesure qu'il s’éloignoit. Ce nuage, versé d’abord avec une 
majestueuse lenteur sur le côté sud-est du Cône, se relevoit 
ensuite , et, se dilatant de plus en plus, formoit un grand spectre 
triangulaire, ou espèce de cône renversé et opposé, lequel avoit. 
beaucoup plus d’étendue que celui de toute la montagne. Il 
finissoit par se fondre supérieurement avec les nuages dont le 
haut de l'atmosphère étoit encore rempli. Le vent qui s’accrois- 
soit en le poussant toujours, allongeoit ce grand nuage et le 
rabattoit de plus en plus. Il lui faisoit prendre une direction 
tout-à-fait horizontale, et même sa partie inférieure vint toucher 
la surface de la mer. Cette partie inférieure étoit roussâtre; 
il sembloit parfois qu’il en tombât une espèce de pluie fine, et 
l'on pouvoit croire que c’étoit de la cendre. C’est un fait que 
je n'ai pu vérifier et qui même me parut très-douteux lorsque 
je fus sur la montagne, 


La première remarque que je fis, fut sur la pluie de Zapillo. 
On m'avoit dit, et je l’ai rapporté, qu’il en étoit tombé jusqu’à 
Naples, jusqu’à Procida mème ; c’est ce que n'ai garde de nier. 
Pourtant, en decà de $, Giovanniteduccio , je n’en vis aucune 
apparence, et même ces pelites scories ne commencèrent à me 
devenir sensibles, sur les côtés du chemin et le long des murs 
où on les avoit laissées et, qui plus est, ramassées , que vers les 
premières maisons de Portici. Elles étoient après cela de plus 
en plus communes, et les tas formés de leur balaÿure, de plus 
en plus multipliés et considérables. IL ÿ avoit beaucoup de ces tas 
le long des allées du jardinroyal, sur les deux côtés, semblables aux 
approvisionnemens de cailloux ou de mâchefers qu’on fait sur 
une grande route. Enfin je n’eus pas trop de peine à croire, ce 
qu'on m’assura, qu'il y avoit eu jusqu'à un palme d’épaisseur 
de ces scories par toutes les rues de Résina. Il étoit tombé aussi 
de grosses pierres cà et là dans ce village; mais ce fut sans 
doute cette grêle de lapillo qui causa le plus de crainte aux 
habitans : en effet, ils étoient menacés, si elle eût duré long- 
temps, de voir leurs maisons éprouver le même sort que celles 
de Pompei, avec la seule diflérence qu'ici, aulieu de pierres- 
ponces ou lapillo blanc, c’étoit du lapillo noir. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. - 29 


Ces scories sont d’une fragilité singulière et en même temps 
très-boursoufflées, légères à proportion, demi-vitrifiées et luisantes 
comme du charbon animal ; ce qui paroïît répondre directement 
à la question ainsi émise par Saussure, dans le chapitre xv1t14 
de son Ægenda géologique : « $ 2322. 120. S’il est vrai que 
» souvent les scories nouvellement lancées, et qui ont été 
» subitement refroidies par leur prompt trajet au travers de 
» l'air, paroissent enduites d’un vernis bitumineux. » Et cela 
fait voir que la distinction établie premièrement par Dolomieu, 
de scories des courans et scories des cratères ; ne suflit point, 
et qu'il faut diviser ces dernières en scories pesantes, ternes 
ou pierreuses et solides, et scories légères, luisantes ou’vitreuses 
et fragiles. Sans doute cette subvitritication et cette friabilité 
dépendent du moindre volume avec multiplicité de surface, et 
d’une projection plus rapide et plus haute, toutes circonstances 
qui hâtent le refroidissement de la masse. C’est aussi ce qui 
aura causé la division en lapilli, des ponces de Pompei. 

D'après l'abondance du lapillo à Résina , je croyois qu’en ap- 
prochant du Cône elle viendroit à un point tel, que je me 
figurois déjà comme très - pénible l’accès du pied même de ce 
Cône. Je fus donc bien surpris de voir qu'au contraire cette 
abondance diminuoit dès en commencant à monter à Sainte- 
Marie de Pugliano, et si promptement même, que, moins d’un 
mille au-delà, c’étoit à peine si l’on pouvoit trouver quelques- 
unes de ces scories; il y en avoit seulement par-ci par-là de 
grosses qui apparemment r’avoient pu suivre le nuage. Salvatore 
me dit en avoir vu une du poids de r2 livres, et qui par con- 
séquent devoit être très-volumineuse. Je compris ainsi, ce que 
j'avois peine à croire auparavant, que non-seulement les cendres, 
mais aussi ces scories légères pouvoient se soutenir quelque temps 
dans l’air et être portées par le vent jusqu’à des distances sur- 
prenantes. Cela me confirma aussi le rapport de l’ermite sur 
cette nuée de feu qu’il avoit vu passer au-dessus de sa tête, Je 
pense pourtant que le vent ne fait qu’aider et allonger, pour 
ainsi dire, de pareils transports. Sans doute la projection étoit 
oblique dans la circonstance dont il s’agit, et devoit décrire une 
parabole; autrement il seroit diflicile d’expliquer le trajet des 
pierres compactes et pesantes, telles qu'on dit qu’il en tomba 
aussi, beaucoup même, à Résina et à Portici, non moins 
qu'aux environs de l’ermitage. D’un autre côté, toutes les pro- 
jections n’avoient pas eu celle force ni cette direction, non plus 


30 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


que cet aide du vent, puisqu'enfin en abordant le Cône, je le 
trouvai recouvert de ces nouveaux lapilli qui étoient aussi gé- 
uéralement plus gros, c’est-à-dire moins brisés que ceux de la 
grande route. Ils avoient même détruit tout l'ancien sentier , 
ce qui rendoit la montée actuelle très-pénible; mais, soutenu par 
le froid et animé de l'espoir de voir quelque chose de nouveau, 
elle ne m'a jamais paru si courte. 

Chemin faisant néanmoins, je m'’arrêtai encore sur divers 
produits de déjection. Je ramassai du sable volcanique qui étoit 
en grande partie composé de petits cristaux de pyroxène déta- 
chés; puis des balles, qu'on appelle aussi armes volcaniques , 
la plupart en forme d'amandes. Cette éruption en a produit peut- 
être plus qu'aucune autre, et mon guide en remplit le fond 
d’un panier. Il y avoit aussi des pièces, contournées sous diverses 
gures, de lave scorifiée commune. 


Je rencontrai assez fréquemment, et depuis le pied du Cône 
jusqu’au milieu de son sommet, des masses ou des fragmens 
erratiques d’une lave très-pleine, compacte, fort pesante et gris 
noirâtre, comme le plus beau basalte, mais de plus ordinaire- 
ment subvitreuse, aigre et cassante avec presqu'autant de facilité 
et d'irrégularité que le verre. Le guide m'en fit remarquer entre 
autres un bloc énorme, et dont J'aurois eu peine à croire qu'il 
eût pu être véritablement lancé en l'air, si, outre que cela étoit 
indiqué par son isolement et la manière dont il gisoit, je n'avois 
vu qu’il étoit tout fracassé, par la chute sans doute , sans cepen- 
dant que les pièces en fussent désunies. Ges masses dans leur 
entier, sont pour l'ordinaire, du moins, arrondies, et paroissent 
faire le corps ou le noyau des grosses bombes, comme on les 
appelle, qui sont du reste, ou tout-à-fait émaillées à l'extérieur, 
ou du moins comme enveloppées par une matière de vraie 
scorie, laquelle souvent ne semble que moulée dessus et peut 
quelquefois s’en détacher en partie sous forme de plaques ou 
calottes (r). C’est enfin, à ce qu’il paroît, cette même lave qui 
étant boursoufllée et poreuse, produit l’écume de lave. 


1] est probable que les larmes et les bombes sont des portions 
enlevées du sein même du bain de lave qui existe au foyer 


(1) Spallanzant fait mention de semblables globes qui s'offrirent à lui pêle- 
mêle avec les scories , en gravissant le cône de l’Etna. (Fiaggi alle due Si- 
cilie , tome, pag. 210.) r 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 3% 


du volean, et qui n'étant encore ni brülé ni scorifié, conserva 
une entière fluidité. Cet état de lave, et surtont ses rapports 
avec le basalte, méritent une grande attention. Il est probable 
encore que le caractère demi-vitreux qui s'offre ici, est un eflet 
du prompt refroidissement. M. Breislack (Foyag. Campan, 
tome I, pag. 258— 259) a très-bien expliqué la formation et 
les accidens de ces bailes et bombes volcaniques. Spallanzani a 
remarqué que tandis que les pyroxènes (schorls, comme on les 
appeloit alors) compris dans la lave des coulées, sont parfai- 
tement intacts, ceux des bombes,de l’éruption de 1788 du moins, 
montroient un commencement de fusion (Jiaggt, 1. I, p. 30), 
et il dit ensuite que ces pyroxènes se fondent complètement au 
feu artificiel. 

Mais ce que je vis de plus curieux, cest une autre lave, 
blanche, avec une nuance verdâtre et verd jaunätre, point ou 
très-peu luisante, peu cassante et même assez tenace lorsqu'elle 
est poreuse, ayant , dans son état compacte, l'apparence d’un 
hornstein, et pouvant êlre appelée énail; mais plus souvent 
comme grenue et assez légère déjà ; plus souvent encore remplie 
de pôres, boursoufflée comme du pain bien levé; enfin paroissant 
former un vrai passage à la pierre-ponce, et ayant une légéreté 
et une friabilité presqu’égales. Ses cavités ou cellules présentent 
aussi un œil luisant et quelques filets. Avec un degré de plus 
et une nuance purement jaunâtre au lieu de verdâtre, on auroit 
en effet, ou à bien peu près, soit la ponce de Pompei, soit 
telle autre qui se trouve dans la côte de Cantaroni, Du reste, 
on voit des morceaux qui sont moitié noirs et moitié blancs. 
J’ai donné à cette singulière production le nom de biscuit, parce 
qu'outre qu’elle ressemble assez bien à certain biscuit de porce- 
laine, lorsqu'elle est grenue ou sub-compacte; il m’a paru pos- 
sible qu’elle eût été en eflet recuite, et que ce fût dans l'origine 
une de ces laves précédentes, décolorées par les acides, qui fût 
pendant la dernière éruption, retombée dans le cratère où elle 
auroit été ainsi refondue. Il ÿ a une pierre-ponce avérée qui, 
comme je le dirai ailleurs, est probablement dans le même cas, 
et qu’on peut appeler aussi ponce grenue , d'autant que je crois 
que Dolomieu en reconnoît de telle. — J’avois déjà observé, 
antérieurement à cette éruption, un biscuit à peu près semblable, 
grenu, dur et pesant ; mais il étoit compris dans une coulée de 
lave noire, au lieu que celui principalement ponceux dont je 
parle à présent, ne s’est trouvé qu’en masses détachées, éparses, 


82 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


fracassées aussi, comme tout ce qui a été lancé du cratère. Il 
paroît encore qu'il y a passage de la variété compacte ou émail, 
a celte lave également compacte etsubvitreuse, mais noirâtre, qui 
forme les bombes. 


Enfin j'observai (et j'avois fait aussi cette remarque long- 
temps avant la présente éruption), non-seulement sur le pied, 
la pente et le sommet du Cône, mais encore sur les deux 
coulées nouvelles que je visitai après, un assez grand nombre 
de morceaux épars, de laves antiques diverses, telles qu’on en 
trouve dans le mont de Somma et que le Cicerone reconnoissoit 
aussi fort bien. Ces morceaux ne portoient aucun signe d’avoir 
été fondus de nouveau, ni en tout, ni en partie, et cela servoit 
à les faire mieux apercevoir encore; j'ai trouvé seulement qu'ils 
étoient très -cassans, Justement comme des pierres fortement 
chauffées. 


On ne pouvoit guère douter qu'ils n’eussent été lancés par 
le nouveau cratère, et jene pus imaginer de meilleure explication, 
qu’en supposant que le volcan avoit fouillé de nouveau parmi 
ses anciennes déjections; c’est même une chose qui doit arriver 
souvent et depuis fort long-temps. M. Breislack parle d’un gros 
bloc de marbre blanc qu'il rencontra une fois sur le Cône, et 
moi-même j'y en ai vu un en descendant du côté de Bosco. Sans 
doute le foyer du Vésuve moderne existe encore bien au-dessons 
du niveau de la Pedamentine; c’est là sans doute qu'il retrouve 
ces matières qu’il a déjà fondues, lancées et entraînées plusieurs 
fois, et qu’il calcine, projette et recouvre de nouveau. Mais 
poursuivons. 


En venant de Résina à l’ermitage, je m'étois souvent arrêté, 
ravi d'admiration, à la vue des magnifiques globes de fumée 
blanche et nuancée de rouge incarnat, lesquels s'étendant ensuite 
de bas en haut sur leur propre masse, formoient, ce que, malgré 
Ja petitesse de la comparaison, je ne puis guëre mieux exprimer, 
comme des espèces de toiles d'opéra que le vent rangeoit , à 
mesure qu'elles sortoient, les unes derrière les autres; et comme 
ces masses se succédoient assez rapidement , nous en pouvions 
compter toujours dix à douze ensemble, parallèles et peu écartées. 
Le guide m'a assuré que quand on en voyoit au-delà de 50, 
c'est qu'il y avoit alors grarde éruption. 

Cependant , après que nous eûmes passé l’ermitage, comme 
le bordde la section du Cône couvre de plus en plus tout ce qui 


n'arrive 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 33 


m'arrive pas au-delà d’une certaine hauteur en dessus du milieu 
de son aire , je cessai de jouir de cet effet; et, loin d’y retrouver 
du plaisir, quand je fus en haut, je n’en éprouvai plus que l’in- 
commodité. Cette grande fumée ne me permit de rien Voir 
absolument, ni du tout, ni de quoi que ce fût de la bouche du 
cratère dont elle sortoit, et je ne pouvois dire même alors si 
c'étoit une montagne ou un enfoncement. Le guide n’en put 
pas deviner davantage : il croyoit que ce cratère étoit celui dont 
Javois vu le principe en octobre, et que la même montagnole 
subsistoit prodigieusement agrandie, tandis qu’au contraire, 
comme je l'ai vu depuis, c’est un grand cratère tout enfoncé qui 
a remplacé cette colline. 

Tout ce que je pus reconnoître, ce fut la partie nord-occi- 
deutale encore du grand cratère de 1794, et quelques rochers à 
l’arrivée de l’aire. Au-delà, les choses etoient changées à un 
point tel, que je ne savois plus où j'en étois. Il me parut qu’une 
partie de l’ancien sol s’étoit élevée en montagne dont les flancs 
étoient entr'ouverts par d'énormes crevasses. T'oute cette croûte 
d’écume de lave dont j'ai parlé, et même les portions supérieures 
des anciens courans, ou avoient disparu sous les lapilli, ou 
avoient élé délruites, et je demeurois frappé à la vue d’une 
nouvelle coulée qui s’étoit avancée du côté du nord-ouest, 

Elle étoit fort courte, puisqu'elle n’arrivoit pas jusqu’au limbe 
de l'aire; mais elle étoit si haute, avec des flancs si roides, et 
les mottes ou glèbes (x) qui la couvroient partout et sembloient 
Ja former entièrement, éloient si volumineuses', que rien ne m'a 
paru plus semblable aux schères de nos volcans d'Auvergne, et 
ne m'a fait mieux concevoir ces antiques courans. 


Deux causes doivent contribuer, et d’autres encore, peut-être, 
à élever ou gonfler ainsi les courans de lave (2) : la première, 


(1) J’ai adopté l’un ou Pautre de ces mots pour désigner ces grandes scories 
et ces aspérités dificiles à décrire, lesquelles forment tout le dessus des coulées 
volcaniques ordinaires. L’expression convient d'autant mieux, que non-seule- 
ment ces parlies saillantes et détachées ressemblent, plus qu’à toute autre chose, 
aux pieces élevées et renversées par le soc dans un champ dont la terre est 
souvent forte, mais qu’il y a aussi des espèces de sillons comme des canaux in- 
formes contournés et : échirés. En apercevant une coulée de lave de loin, il 
semble voir un terrain noirâtre profondément et fraîchement labouré , ou du 
fumier répandu en abondance , ou de la touxbe étendue pour la faire dessécher. 

(2) Pennant [ dans son ouvrage intitulé le Nord du Élbe, tome I (d’après 


Tome LXXXI. JUILLET an 1815. E 


34 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


que cette matière en se refroidissant et se solidifiant d’abord sur 
les flancs, comme Spallanzani l’a observé( éaggi, tom.I, p.25), 
doit former une espèce de canal dort les bords vont en s’exhaus- 
sant, et où le liquide contenu monte à proportion; la seconde, 
que les scories et les masses déjà refroïdies, qui empéchent et 
retardent aussi l'écoulement de ce liquide, forment en dessus des 
entassemens plus ou moins considérables. 

De cette coulée, qui aussi se trouvoit rougie presque partout, 
sortoient, ainsi que de toute l'étendue de l'aire, une infinité de 
fumerolles grises, toutes très- actives, très- chaudes et plus ou 
moins remplies. d'acide muriatique. Un moment , lorsque j'étois 
encore sur le flanc du Cône, j'avois éprouvé très- distinctement 
l'acide sulfureux ; mais après cela, soit qu’il n’y en eût point, ou 
qu'il fût dominé par celui-ci, je ne sentis plus que le muriatique- 
sur tous les points du sommet où nous portämes nos pas. Cet 
acide rendoit souvent la fumée suffocante, il provoquoit à une 
toux vive et sèche, et nous aurions dû périr, sans doute ,'si nous 
eussions été obligés de le respirer pendant quelques minutes de 
suite; eflet que nous évitions, ou du moins que nous atténuions 
beaucoup, en filtrant l'air au travers de nos mouchoirs ou de 
nos vêtemens ; du reste il ne nous causoit aucune incommodité 
durable. Je portois un pantalon de drap gris-mêlé foncé, avec 
des guêtres aussi de drap, noires. L'un et l’autre et mon chapeau 
changèrent sensiblement de couleur et prirent une nuance rou- 
geâtre; je ne doute pas qu'ils ne fussent devenus entièrement 
rouges, si J'avois passé toute la journée au milieu de ces fumées 
acides. C’est un effet sans doute de l'altération du fer qui cons- 
titue la couleur de ces étoffes, aussi bien que de celui qui noircit 
les laves. De même que je l'ai dit, en parlant des suites de l’é- 
ruplion de 1812, cet acide rougissoit aussi, jaunissoit et blan- 
chissoit toutes ces laves. Par lui, souvent les lapilli qui entou- 
roient l’issue des fumerolles, étoient déjà réduits à l’état d’une 
terre qu’on auroit prise pour des z#zagma de soufre et de sel. 
J’ai retiré de ces lapilli décomposés , de petits pyroxènes par- 
faitement nettoyés, D et'luisans comme du jayet poli, ce que 
J'avois déjà observé, comme j'ai dit, sur l’écume de lave, éga- 
lement altérée, qui couvroit précédemment la sommité. 


la citation de Spallanzani, Viaggi, tome IV, pag. 21 )] parle d’une coulée de 
lave d'Islande vomie en 1:83, laquelle avoit de hauteur perpendiculaire sur 
ses bords, 80 à 100 pieds. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 35 


Dans un mois seulement, ces fumerolles paroïssoient avoir 
produit déjà plus d'effet que celles qui avoient subsisté depuis 
l’éruption de 18r2 , n’en avoient faiten dix-huit mois. Ellesétoient 
aussi beaucoup plus multipliées, et souvent, en nous arrétant, 
je sentois mes souliers se brûler et la chaleur devenir insu ppor- 
table aux pieds. J’ai remarqué que le plus souvent ces fumerolles 
étoient disposées en traînées suivies, ce qui étoit aisé à reconnoître 
par la trace des colorations qu’elles produisoient , et ce qui te- 
noit probablement à ce qu’elles sortoient de crevasses étroites 
situées en dessous, sans être sensibles à la surface. Cependant il 
y en avoit aussi beaucoup d’isolées et qui ne formoient que 
comme des points épars et saupoudrés. A voir de loin ces places, 
on eût dit qu'il étoit passé par là des ânes errans et chargés de 
sacs crevés, remplis de couleurs jaune et blanche parfaitement 
mélangées. 

Toutes ces vapeurs étoient encore certainement très-aqueuses, 
et il y en avoit de si épaisses ef si abondantes, qu’on ne pouvoit 
pas voir le terrain d'où elles sortoient. D’autres cependant pa- 
roissoient claires et assez sèches ; au dessous d’elles, à une trés+ 
petite profondeur, nous apercevions ou nous trouvions le feu, 
et en présentant du papier à leur issue, il s’allumoit au bout de 
quelques secondes, 

L’orifice de ces mêmes fumerolles étoit souvent tout tapissé de 
houppes et d’aiguilles délicates d’un sel blanc que mon guide 
prenoit toujours pour du muriate d'ammoniaque, mais que je 
trouvois toujours être du muriatede soude. Ce sel brûlant, dur, 
comme nitreux et d’une saveur très-piquante, paroît manquer 
d’eau de cristallisation ; il n’est pas cristallisé non plus, mais 
concrétionné, et je ne doute pas qu’il ne soit produit par subli- 
malion, comme l’a aussi remarqué M. de Buch en 1805. Peut. 
être aussi qu'il est formé de toutes pièces par le volcan, — Je vis 
encore une grande crevasse dont les parois éfoient tapissées de 
muriale de cuivre également concrétionné et d’un vert pâle, à 
cause, sans doute, du mélange de muriate de soude qui domine 
même dans ces masses. — Je trouvai aussi du fer oligiste, 
comme saupoudré, dans une petite fente. 

À quelques pas de là , il y avoit une cavité qu’on voyoit tout 
ardente encore; j'y fourrai le bout de mon bâton, qui prit bien- 
tôt feu; et comme Je le frottois contre les parois de cette cavité, 
je vis sa flamme teinte d’une belle couleur verte, ce qui mon- 
toit, sans doute, qu’il y avoit là encore un peu de cuivre. J’in- 


E 2 


36 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
troduisis également un rejeton de bois vert de châlaignier qué 
le guide venoit de couper en passant sur la côte de Cantaroni; 
1l prit feu de même très-promptement et en pétillant. 

Ce fut à cela que se bornèrent mes observations dans cette 
ascension où , à cause du froid, de la neige, du feu, de la fumée, 
du chaos enfin, et de la briéveté du temps dont on peut disposer 
en cette saison, je ne pus faire qu’une courte visite aux alentours 
du cratère, 

Lorsque nous commencions à redescendre , j’entendis une 
détonation , ou, pour mieux dire, une suite de détonations assez 
fortes, quoique sourdes ; mais je n’apercus pas qu’elles produi- 
sissent rien d’extraordinaire, — La fumée continua d’étre abon- 
dante tout ce jour et toujoursrougeâtre. — Le soir, la pluie ayant 
recommencé, on ne vit plus rien. l 

Le 26, de même. — Le 27 au soir , feu sensible à l’ordinaire. 

Le 28, temps couvert , qui ne permettoit-encore de rien voir. 

Il fit froid pendant ces trois jours , et toutes les montagnes qui 
entourent le golfe, excepté le cap Minerve et l’île de Capri, je 
crois, furent couvertes d’un manteau de neige qui descendoit à 
moins de 400 mètres, peut-être, au-dessus de la mer. 

Le 29, soirée très-sereine et très-calme, avec un beau clair de 
la lune dans son premier quartier. Le feu vésuvien étoit aussi 
très-sensible, et J’entendis des gens du peuple dire en passant, 
Somma fa fuoco, mais sans s'arrêter un moment pour le regar- 
der, Ce feu sembloit s’'éteindre , ou plutôt s’enfoncer de temps à 
autre; mais je suis persuadé qu’il avoit été continu et même tou- 
jours à peu près tel depuis éruption. Comme on n’y distirguoit 
point de pierres et point de flamme non plus, il paroissoil que 
ce ne fût que la fumée embrasée dans son origine, méme cause 
qui lui donnoit une teinte rougeâtre pendant Je jour. Mais cet 
embrasement est-il admissible, et n’est-ce pas plutôt une simple 
réverbération ? C’est ce que je crois. Au reste, cette fumée mon- 
toit droit ce jour-là et formoit un peu le pin, mais elle étoit 
médiocre et seulement grisâtre. 

Le 30 au soir, toujours même apparence de feu, avec des in- 
termittences de peu de durée. 

Le 3r, cette apparence étoit peu considérable et ces intermit- 
tences assez longues. On ne voyoit plus la fumée sur la lave que 
vers le haut, et cette fumée diminuoit aussi sur le cratère. Enfin 
il n'étoit plus guère vraisemblable que l’éruption se ranimät, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 87 


Le rex et le 2 de février le mauvais temps m’empécha de rien 
observer. 4 
- Le 3, toutela montagne étoit cachée dans le brouillard. 

Le 4 enfin, après une continuité de pluie presque désespé- 
ranle, depuis que j'étois de retour à Naples, le temps se remit 
et fut superbe, très-froid aussi : j'en profitai pour retourner à 
Pouzzoles ; je vis persister, durant toute cette journée , de la glace 
d’une ligne au moins d'épaisseur, et le cap Minerve, la sommité 
de Capri, le mont Epomeo rester blancs de neige, quoique le 
soleil rayonnât sans aucun obstacle. Un seul nuage obscurcissoit 
encore une partie du ciel, mais il l’'embellissoit : c’étoit celui du 
Vésuve qui, après avoir atteint une hauteur communément égale 
à celle de la montagne, tantôt plus, tantôt moins, s’allongeoit 
jusqu’au-dessus du golfe de Salerne. Le Cône,. demeuré tout 
noir de ce côlé , tandis qu’à l’opposé il étoit entierement revêtu de 
neige épaisse et d’un beau blanc, présentoit un aspect très-pilto- 
resque et plus aérien que je ne l’eusse encore vu. Vers le coucher 
du soleil, le nuage, vivement éclairé paroissoit comme enflammé 
et représentoit assez bien l’effet d’une grande éruption. La nuit 
venue, quoique la lune, dans son plein, brillât à son tour du plus 
vif éclat, le feu se voyoit parfaitement et continuement, mais 
toujours vacillant comme la flamme d’un lampion ou trépied que 
le vent élève et abaisse alternativement. 


Excursion pour voir la nouvelle Lave. 


Après cette belle journée, le temps se gâta de nouveau dans 
la nuit, et le matin du 5 il tomboit de la neige, dans les rues 
de Naples même, ce que je n'ai ,vu qu’une seule fois. Cette 
neige abondante même, fut cependant fondue dès avant midi, 
et comme Je vis que le temps alloit se remettre, impatient de 
rester toujours à la maison et comptant sur la lune pour le 
retour, je m’acheminai de nouveau vers le Vésuve, quoiqu'il 
fût ro heures passées. Je n'avois point le projet de remonter 
encore à son sommet; je ne voulois que voir de près la lave 
qui avoit coulé sur son flanc sud-sud-occidental. 


La première remarque que je fis, c’est que le lapillo qui, 
comme j'ai dit, étoit de plus en plus abondant jusque dans 
Résina, diminuoit ensuile, et manquoit tout-à-fait passé la Torre 
del Greco; c'étoit bien la preuve qu’il avoit formé une espèce 
de nuage poussé et soutenu par le vent. Ce lapillo étoit aussi 


36 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
très-menu, soit parce Fun avoit été déjà divisé par l'effort de 
la projection et par les froissemens éprouvés dans le nuage même, 
ou plutôt parce qu’il s’étoit brisé, à raison de sa grande fragilité 
en tombant sur le pavé du chemin, et sur les tuiles et terrasses 
des maisons. 


Une autre remarque intéressante, c’est que le vent de nord- 
est soufflant avec violence et rabattant à l'opposé la fumée vé- 
suvienne , encore très-abondante en ce jour, je sentis, dans tout 
le trajet précisément de la torre del Greco, l'odeur de l'acide 
muriatique, d’une manière si marquée, que tout le monde devoit 
s'en apercevoir, et que j'élois, parfois sur le point de tousser 
malgré moi. Je ne doute pas que si cette fumée acide eût élé 
rabatine ainsi pendant long-temps, elle n’auroit pu gâter une 
multitude de choses dans la ville, et altérer peut-être la santé 
des habitans, l'air en étoit obseurcei comme par un brouillard, 
et je ne voyois alors que le pied de la montagne; mais tout 
passé la Torre, cet air éloit aussi clair et aussi pur qu'auparavant. 
Je découvris très-bien dès-lors la lave que j’allois examiner. 

J’aurois peut-être eu peine à la reconnoître et à la Joindre 
dans un temps ordinaire ; mais comme elle ne souflroit point 
de neige, tandis que la majeure partie des environs en étoit 
couverte, cela la rendoit très-distincte, même de Naples, et je 
vis avec une égale nelteté, en avançant, qu’elle s’éloit divisée 
inférieurement en deux branches. Cependant la plus basse de 
ces branches s'étoit arrêtée à beaucoup plus d’un mille encore 
au-dessus du mont des Camaldules, et s’il ne me fut pas difficile 
de trouver des sentiers pour arriver presque jusque là, du moins 
étoit-ce un triste trajet tout à travers d'anciennes laves. Je 
quittai la grande route en prenant le chemin du mont des Ca- 
maldules; la direction précise de la lave étoit néanmoins entre 
cette montagnole et celles de 1760. 


Son manque de neige m’annonçoit assez qu’elle conservoit de 
la chaleur dans toute son étendue, et en effet, quoique cette 
chaleur ne se fit sentir ni au corps, ni au visage, ni même aux 
pieds dans les souliers, je la trouvois fort bien dans beaucoup 
d’endroits, en posant les mains à terre, et ce fut même un moyen 
dont je me servis souvent pour réchaufler mes doigts engourdis 
par la bise violente et par la poussière de neige que cette bise 
faisoit voler, 

Il ne s'exhaloit plus sur toute la surface de cette coulée, dans 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 3 


son tiers inférieur que je remontai, aucune vapeur générale, sen 
sible ni à la vue ni à l’odorat; cependant, et encore jusque vers 
l'extrémité, subsistoient éparses quelques fumerolles assez vives, 
comme les fumées grises d'autant de petits feux. Des places 
jaunies et blanchies çà et là , montroient que ces fumerolles avoient 
été plus multipliées, et em même temps qu'il étoit sorti avee 
elles, dans un assez grand nombre de lieux, de l’acide muriatique 
plus où moins actif; ce qui étoit d'ailleurs confirmé par la pré- 
sence du muriate de fer. — Ce muriate, soit par lui-même, soit 
à cause de quelqu’autre dont il est mêlé, comme nous allons 
voir, attire fortement l'humidité, et les morceaux de lave qui 
en sont pénétrés tombent peu de temps après en déliquescence, 
de manière qu’on ne peut pas les conserver sans beaucoup de 
précaution. La liqueur qui en résulte est un peu épaisse, jaune 
rougeâtre, astringente, avec üne saveur acide et odeur d’acide 
muriatique. Telle liqueur recueillie sur ladite lave et transportée 
à Rome dans un flacon de verre, a donné à M. Conti, bon chi- 
miste et professeur à la Sapience, lequel en a fait l'analyse 
en mai 1814: 


Muriateïde fer... le 17. 1.020 
Muniate d'alhmine, . "7 21. 5... 110 
Muriate de chaux. . 4 ...:, - .  6,r4 
ù Acide murialique libre. . . . , . . 9.97 
AUS Le ele ele rosllahee ie 2 UE (A 


Eotal: 2207 TES 


Dans plusieurs endroits aussi, je trouvai des incrus{ations 
blanches et dures de muriate de soude très-piquant, mais du 
reste point d’autres sels. 

Toutes ces émanations acides avoient donc cessé dans la partie 
inférieure de Ja coulée, et les fumerolles qui subsistoient néan- 
moins dans celte partie, comme je viens de ledire , n’étoient que de 
la vapeur d’eau chaude, ce que prouvoit leur défaut d’odeur 
parüculière, le défaut de saveur dans l'humidité qu’elles dépo- 
soient aux issues de leurs soupiraux, et aussi le défaut de co- 
Joration et d’altération quelconque sur les parois de ces issues. 
Mais comme plus je remontois et plus je trouvois ces fume- 
rolles nombreuses encore et actives, j'en retrouvois quelques-unes 
d'acides qui se maintenoient, et je voyois que plus haut elles 
demeuroienttrès-multipliées. 


40 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


L'observation de ces diverses fumerolles avoit été mon but 
principal en venant ici; j'en fus bien sansfait. Ces fumées enfin, 
et les altérations produites par elles, étant les mêmes précisé- 
ment et accompagnées des mêmes circonstances que J'avois 
notées sur le sommet de la montagne, je vis ainsi clairement 
ce que J’avois depuis long-temps soupçonné, mais dont je voulois 
être assuré par mes yeux : que ce n'est pas le foyer seul du 
volcan qui produit les vapeurs acides, l’eau et les sublimations, 
comme ce n’est point lui seul qui comporte et conserve la cha- 
leur, mais que la lave, isolée et au plus grand éloignement de 
ce foyer où elle parvienne, donne aussi ces produits. Or si la 
lave porte avec elle et en elle tous les principes des émanations 
volcaniques, n’en doit-on pas conclure qu’elle porte aussi la 
cause prochaine de tous les phénomènes qui résultent de ces 
émanations ? et il me semble qu’en effet dans quelques éruptions 
il s'est ouvert sur le courant même de la lave, de petits cra- 
tères et qui ont vomi des scories comme la montagne elle-même. 
Enfin je crois qu’il y a dans la lave tout ce qui fait le volcan, 
et vice versé, et le volcan ne consiste que dans la lave. 


Cette grande fumée qui sort du sommet du Cône, est-elle autre 
chose aussi que la masse concentrée de l'infinité de fumerolles 
produites pa le grand bain de lave qui reste encore dans le 
creuset ?.,.. 


Réflexions sur le principe des Incendies volcaniques. 


Saussure semble avoir posé les bases de toute la théorie vol- 
canique, par ces deux questions qu'il émet dans son Ægenda 
du Géologue : « Vérifier s'il ne seroit point possible que des 
» pierres ou métaux ferrugineux, décomposés par l'eau, subissent 
» une fermentation qui, agissant sur de grandes masses , déga- 
» geroit une chaleur suffisante pour produire les effets d’un 
» volcan. » « S'il existe des laves anciennes qui, comme on le 
» dit de celles d'Ischia, soient susceptibles de se réchauffer par 
» lhumidité des pluies et des brouillards, ce qui appuie la 
» conjecture précédente. » À 


M. le duc della Torre, père, rapporte qu'ayant, un an jour 
pour jour après l’éruption de 1794, introduit un thermomètre 
de Fahrenheit dans une fente de la lave vomie par cette érup- 
üon, sur un des points, dit-il, les plus élevés de la coulée, il 
vit monter la liqueur à 178 degrés, tandis qu’un: autre ther- 

momètre 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, : at 


momètfre semblable ne marquoit à l'air libre que 77.— Encore 
un an après, M. della Torre répéta la même expérience sur 
la même fente, et les mêmes thermomètres se soutinrent à 107 : 
et à 75 degrés. ( Gabinetto resuviano , édiz. 3°, pag. 43 et 49.) 
La chaleur n’étoit donc diminuée dans un an que de 70 degrés, 
et si elle a continué dans la même progression, elle n’aura été 
complètement dissipée qu’au bout de deux autres années, c’est- 
à dire quatre ans aprés l’éruption. Observez que c’étoit sur la 
parle la plus haute et la plus extérieure par conséquent, que 
M. della Torre faisoit son observation. Et combien de temps 
celte chaleur se sera-t-elle conservée dans le milieu de la masse? 
Pendant huit années peut-êlre ou plus!...(1). Dolomieu n’a 
pas craint d’avancer que la lave de l’4rso dans l'ile d'Ischia 
(et c'est celle que Saussure avoit en vue dans sa seconde ques- 
tion ), fume depuis plus de 5oo ans; mais sans admettre ce 
fait qui a été mal vu, comme je le dirai ailleurs, Spallanzani 
apporte que de son temps il y avoit sur l’Etna des laves qui 
ne cessoient de fumer depuis 26 ans (2). Le même auteur, 
dans ses Observations sur le Vésuve (7iaggi, tome I, pag. 34), 
rapporte aussi que la lave de 1785, qui s’est répandue dans le 
vallon de la Vetrana, et qu'on lui dit avoir coulé pendant 15 
inois, exhaloit une chaleur très-sensible dans quelques endroits, 
et de légères fumées, 20 autres mois plus tard. Sept ans après 
éruption, M. Breislack (Introduzione alla Geologia, tomel, 
pag. 152) a trouvé cette même lave, encore chaude et fu- 
mante sur plusieurs points, quoique, dit-il, une partie des 
scories de la surface eût commencé à se revêtir de lJichens. 
Or maintenant, je le demande, si cela est conforme aux lois 
ordinaires du refroidissement ? si une pareille chaleur qui se 
conserve pendant des mois, des années et même des siècles, 
peut être seulement communiquée, ou si elle n'est pas plutôt 


(2) Hamilton ayantlaissé tomber morceaux de bois dans les fentes 
d'une lave sortie du Vésuve depuis trois ans-et demi , qui n’avoit plus de commu- 
nication avec le foyer du-volcan, et qui, à l'endroit où il fit l’expérience , se 
trouvoit distante de 4 milles de sa source , ces morceaux de bois s’enflam- 
amerent sur-le-champ. À | - 

(2) Et:il dit que le courant qu'’il.fut oblige de traverser peu loin du cratère 
supérieur de ce volcan, conservoit encore , quoiqu’ayant cessé de couler depuis 
‘onze mois et perdu toute communication avec le foyer , une couleur rouge in- 
“térieure très «sensible en plein jour. En faisant entrer un bâton dans les fentes 
4! fumoit subitement et s’enflammoit. (Viaggi, cap. viu et xx.) 


Tome LXXXI, JUILLET an 1818, F 


4 JOURNAL DÉ PHYSIQUE, DE CHIMIE 
spontanée? ‘si une matière fondue qui coule pendant plus 
d’un av, et peut d’ailleurs gagner , bien avant même dans l 
mer, n'a pas son feu propre ?.... On répondra peut-être que 
c'est à la grande étendue et à l’énormité de leurs masses que 
les laves doivent la conservation de leur chaleur; mais je ré- 
pliquerai : Pourquoi toutes les coulées qui sont d’un volume à 
peu près égal et dans le même état de fusion, ne conservent- 
elles pas également cette chaleur? pourquoi y en a-t-il de petites 
qui restent chaudes plus long-temps que*les grandes ? pourquoi 
Ja plupart sont-elles refroidies dans un temps très-court ? pourquoi 
toutes se refroidissent-elles si inégalement, qu’elles ont çà et là. 
des parties encore rouges de feu quand le reste n'a plus de 
chaleur sensible à la main? à 

Reconnoissons donc plutôt ce que je viens d'avancer, que 
êette chaleur, les laves F conservent par la raison qu’elles l’ont 
produite, qu’elle leur est propre, et peut être cependant la seule 
qui agisse dans leur fusion, qu’elle peut naître et s’entretenir 
uniquement par une sorte de fermentation, comme dit Saussure.. 
dans les roches quelconques d’où ces laves tirent leur origine, 
fermentation dont ces roches apportent le principe ou ferment 
avec elles, en sortant du sein de la montagne, fermentation 
qui produit aussi, ou du moins développe les sels, etc., et est 
enfiu la cause des éruptions et de tous les effets volcaniques. Ce 
mot de fermentation est impropre, sans doute, puisqu'il n'y 
a point ici de matières animales ni végétales; mais hors de 
supposition pareille d’un travail, d’un mouvement quelconque 
inlestin, je ne vois point de moyen pour expliquer plausiblement 
ce qui s’observe dans les volcans. — On me demandera main- 
tenant : qu'est-ce qui détermine, excite ou contient ce mouvye- 
ment intestin? quel est ce ferment ? et je réponds : 


Nous voulons toujours que ce que nous ne savons pas puisse 
s'expliquer d’après ce que nous savons, et toujours nous eroyons 
posséder les élémens des choses et les principes des sciences. Nous 
prétendons juger de tous les phénomènes du globe, sur ce qu'il 
nous est donné de voir à sa surface ; et presque tous ceux qui ont 
recherché la cause des volcans se sont arrêtés au soufre, aux 
bitumes, aux métaux, aux houilles; il faut ajouter l’anthracite, 
quoiqu'il ne paroisse pas qu'aucun volcaniste y ait encore songé ; 

enfin à présent on a recours aux gaz ,hydrogène, etc., parce que 
.ce sont là les seuls corps inflammables fossiles qui soient connus. 
Cependant il faut toujours s'assujétir aux faits; c'en est un cer- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 43 


tain que les volcans atteignent à une très-grande profondeur , et 
que le Vésuve, par exemple, qui a son issue au milieu d’une for- 
mation très-étendue, et la seule qui se découvre dans tous les 
environs (à part les autres terrains volcaniques ) de calcaire com- 
pacte commun, calcaire qui doit encore s’enfoncer beaucoup au- 
dessous des déjections dont est formée toute la montagne du 
volcan; c’est un fait, dis-je, que le Vésuve traverse des couches 
de marbre blanc et grenu, tel que celui de Carrare , des schistes 
. cornés et des petrosilex bien probablement , diverses roches mi1- 

cacées, du granit même, ou l'équivalent, et enfin des pierres 
composées, telles que d’amphibole et de népheline , ou de pyroxène 
et d'amphigène, qui ne sont point encore connues à la surface de 
la terre, à moins qu’on ne suppose qu'il ait pu former toutes ces 
roches, ce qui est bien plus difficile à croire, ou que ce soient des 
transformations opérées d’après un mode dont nous n'avons point 
d'exemple. Tous les volcans éteints du milieu de la France sont 
situés immédiatement sur le granit de l'espèce regardée comme 
la plus ancienne et fondamentale ; ils ont leur foyer 4out au-des- 


sous, peut - être, et probablement encore, dans des roches in- 
connues. 


Or, où’ast-on vu la houille, le pétrole, les bitumes placés sous 
le granit, dans le granit, ou seulement au-dessous des marbres ? 
et du moins, où a-t-on vu le feldspath, l’amphibole, le py- 
roxène , etc. accompagner les houilles et les bitumes?... Tous 
ces combustibles ou autres corps également d’origine végétale ou 
animale, qu'on s’est plu à imaginer, ne gisent point plus bas que 
les terrains dits secondaires , ensorte que s’il faut absolument 
avoir recours à un corps inflammable qut nous soit connu, il #y 
a, parmi les solides, que le soufre, soit seul, soit combiné ‘avec 
le fer, et le fer lui-même , unique métal qu'on voie jouer un 
rôle notable dans les volcans, et même dans la nature entière. 
Je ne parle point de l’anthracite, parce qu’il est trop évident 
que ce n’est encore qu’un charbon végétal. Viennent ensuite les 
gaz sur lesquels M. Patrin principalement a fondé sa théorie dont 
le principe peut être bon, mais qui est tellement compliquée et 
conjecturale dans ses développemens, qu’il me permettra de ne 
pas en dire davantage. On peut remarquer que les roches cor- 
méennes et argileuses sont très- sujettes à contenir du fer sulfuré, 
et un fait plus considérable que tous les autres en ce genre, c’est 
celui observé par Spallanzani, et que j'ai vérifié, que la lave de 
laquelle paroissent résulter tous les phénomènes de la solfatare 


F 2 


4%. JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


de Pouzzoles est, dans son état sain, remplie de fer sulfuré quë 
s'y découvre, avec l’aide de la loupe, disséminé partout ; ensorte 
que cette supposition des pyrites et de leur jeu, tant de fois mise 
en avant et 4ant de fois rejetée , n’est point du tout gratuite: ik 
est diflicile, au contraire, d’en former une également bien fondée 
et aussi simple. M. Breislack lui-même, n’a pu s'empécher de le 
reconnoître, lorsqu'il dit : « S£, comme àl est vraisemblable, les. 
» sulfures métalliques sont une des causes, principales des 
» Znflammations volcaniques... etc.» (Foy. Campan,, tom. 1,. 
pag. 246.) Qu'il ÿ ait seulement du fer et du soufre dans la mére- 
pierre, il ne nous en faut pas davantage pour expliquer tout : ce 
sera le sulfure de fer, en se décomposant par le contact de l'eau 
absorbée, soit de la mer, soit des sources, et probablement de 
l’une et des autres ; ou bien le fer en s’oxidant de son côté, et le. 
soufreens’acidifiant du sien, qui produifont, ainsi que dans le vol. 
can artificiel de Lemery , cette fermentation d’où résultera , d'une 
part, la-chaleur qui réagit sur la fermentation elle-même qu’elle 
augmente, et la fusion de la roche à l’aide de l’eau tant absorbée 

u’en combinaison dans cette roche; d’autre part , le dégagement 

e ces eaux sous forme de fumée, la sublimation du soufre: 
celle du muriate de soude contenu dans l’eau marine, et la dé- 
composition d’une autre parlie de cette eau et de ce sel, fournis: 
sant ainsi l'acide muriatique , tandis que de son côté une autre 
partie de soufre, en brûlant, produira l’acide sulfureux. Avec ce 

rocédé,, nous aurons encore le gaz hydrogène, s'il le faut, et 
d’autres. On voit qu’il n’y a pas d'embarras pour trouver encore 
la cause des commotions, des détonations, des projections de 
pierres et des épanchemens de laves, quoiqu’aucun de ces der- 
niers effets n’ait lieu à la Solfatare. Et M. Breislack, tout en cher= 
chant une autre explication, lève la difficulté principalelorsqu'’il dit 
encore:«Lessulfures métalliques peuvent, il est vrai, se décomposer 
» tranquillement et pendant une longue suite de siècles; nous en 
» avons des exemples dans les Zagoni de Tcscane et dans la solfa- 
» are de Pouzzoles, qui, dès le temps de Strabon, exhaloit des 
» vapeurs Telle est aussi , je ke suppose, la décomposition des. 
» sulfures métalliques existans dans les Apennins,, voisins du 
» Vesuve.» (Loc. cit., pag. 29b.). 


M. Faujas croit que c’est l’eau de la mer qui, en touchant des 
corps combustibles embrasés , se- décompose et produit les gaz, * 
cause des détonations, projections, etc.; maïs alors ces gaz ne 
devoient être, ou à peu près, que de l'hydrogène, et nous voyons 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 45 


que l’hydrogène ne joue qu’un rôle très-peu considérable , ou même 
nul dans les volcans. 


Quoi qu’il en soit , il paroît bien encore que notre fermentation 
volcanique, ainsi que toutes les autres , ne peut avoir lieu qu'une 
fois sur la même matière; et sous ce rapport, comparant les laves 
refroidies avec leur matière première, je les appellerois roche 
morte ou roche brûlée, tandis que je nommerois celle-ci roche 
vive ou roche combustible. 


Tout cela est dans l’hypothèse que le principe des incendies 
volcaniques soit une combustion quelconque , comme on le sup- 
pose ordinairement. " 


Je trouve cependant un autre moyen d'explication plus simple 
et qui n’est pas moins satisfaisant , quoique plus conjectural, 
J'imagine que la matière première des laves soit , par l'effet de la 
grande chaleur qui peut exister à [a profondeur où elle se trouve, 
absolument dépourvue d’eau, et que cependant elle ait, comme 
la chaux et la plupart des substances terreuses ou alcalines caus- 
tiques, une grandeaflinité pour ce liquide ;que ee soit enfin comme 
uue espèce de chaux vive. Si cette chaux vient à être baignée, ou 
seulement humectée par l’eau, soit infiltrée, soit absorbée, soit 
abimée , des puits ou de la mer, comme nous redirons plus loin 
que cela est probable ; qui n’en voit tout de suite les effets ? Cesera 
cette eau qui, en se combinant avec la terre ou pierre caustique#. 
et passant ainsi à l’état solide ou à un état moins liquide, laïssera 
dégager son calorique avec bouillonnement , production de fumée, 
fusion boueuse de la pierre, fusion qui se rappoïte non au verbe 
actif fondre, mais au verbe neutre /user, comme on dit que 
la chaux fuse; enfin tout ce qui s’observe dans le phénomène 
de extinction de la chaux ; à quoi il sera aisé d’ajouter les su- 
blimations et décompositions nécessaires pour avoir les différens 
gaz, et par suite. APT | 

Mais que savons-nous au reste ? et pouvons-nous nous flatter 
de résoudre le problème avec certitude, tant que nous ne serons 
po assurés de tenir immédiatement cette matière première des 

aves , tant que nous serons dans le cas de douter si même il y a 
unewnére-pierre ? Que savons-nous de tout ce qui peut exister , 
de tout ce qui peut se jpasser, je ne dis pas dans l’immensité 
intérieure du globe terrestre , mais sous son écorce ? Y a-t-il 
réellement du soufre dans le sein des volcans, ou n'est-ce pas 
plutôtquelque corps inconnu qui produit lesoufre, comme peuvent 


45 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


être produits l'acide muriatique, la soude, l’ammoniaque, ete. ? 
Y a-t-il inflammation ou combustion et quelque corps eflective+ 
ment qui brûle ou qui soit capable de brûler ? Y :a-t-l même 
quelque combinaison qui occasionne un dégagement de calo- 
rique ? Peut-être le calorique qui existe làn'’est-il point dégagé, 
mais CONCENTIÉ.«.. 


Dolomieu, l'homme qui ait jamais le’ mieux connues volcans, 
le géologue qui a médité le plus profondément sur les faits, avoit 
finipar penser une chose qui d’ailleurs fut imaginée par Kircher 
et par d’autres peut-être avant lui, que les volcans pouvoient 
atteindre à une profondeur où l’intérieur du globe seroit encore 
fluide, ce qui rentre aussi dans le système de Buffon; ensorte 
que les laves ne seroient que des portions d’un même bain général, 
agitées et soulevées par une espèce d’effervescence, poussées au- 
dehors ; enfin vomies et répandues à la surface par le moyen dé 
ces bouches ou puits, extrémités de longs boyaux, canaux ou 
soupiraux que la sage nature auroit ainsi réservés à dessein, 
pour prévenir la rupture de la croûte de notre planète. — On 
objecte que cette fluidité intérieure du globe terrestre n’est point 
pores et que l'énorme profondeur qu’on suppose ici dans 
les volcans, paroît avoir quelque chose de si exagéré, qu'elle 
répugne à la raison. On peut demander aussi pourquoi ces sou- 
piraux ne sont-ils pas plus multipliés encore et plus également 
répartis ? pourquoi les volcans s’éteignent-ils ? et si l’on répond, 
c’est parce que leurs conduits s’obstruent ; pourquoi, à l’excep- 
tion d’un seul, cité par M. de Humboldt, et qui encore n’est 
qu'à 40 lieues de la mer, tous ceux qui se trouvent avancés dans 
les terres sont-ils éteints, et ne s’y emrallume-t-il pas de nou- 
veaux? pourquoi, hormis le Stromboli, ceux-là même qui ont le 
plus d’activité éprouvent-ils de longues interruptions ? Comment 
se fait-il que des substances qu’on regarde comme préexistantes, 
telles que les cristaux de pyroxène, de péridot, etc., comprises 
dans une matière ainsi presqu'éternellement fondue et néces- 
sairement animée d’une grande chaleur, n’aient pas cédé où 
ne sè soient pas précipitées par l'effet de leur pesanteur, etc.?... 
Il ne seroit pourtant pas difficile de répondre à ces objections ; 
mais je veux, quant à présent, les laisser subsister. J’espère 
qu’on n’exige pas de moi que je dise,dans ce Mémoire tout ce 
que je peux penser, adopter ou réjeter de toutes les théories 
proposées jusqu'à ce jour. Il faut savoir suspendre, s'arrêter, 
Cette réserve est commandée par Fétat de nos connojssances 


! ET D'HISTOIRE NATURELLE. 47 


encore fort imparfaites sur la plupart des objets primordiaux 
de la Géologie, comme je lai pensé depuis long-temps, pour 
faire avec certaine sécurité du moins, et sans trop de peine, 
quelques pas de plus, c’est à la Chimie d'ouvrir la route. Celui 
qui a reculé dernièrement les bornes de celte science, et dont 
l'esprit est fécond en aperçus nouveaux, Davy, doit être main- 
lenant pour la seconde fois devant le Vésuve et près de la Sol- 
fatare. Espérons que ce sera lui enfin qui rapportera pour ré- 
soudre ce grand problème, les données véritables et sans lesquelles 
tout ce qu’on a écrit jusqu'ici sur les volcans, peut fort bien 
ressembler à ce qu’on disoit du tonnerre avant les grandes dé- 
couvertes de l'électricité. — Je reprends le fil de mes observations. 


. La nouvelle lave que j'examinois diffère beaucoup d’une an- 
cienne sur laquelle elle a coulé et qui étoit subvitreuse on ver- 
nèssée, comme on dit, et cordée à sa surface; mais cette coulée 
est toute semblable à la plupart des autres et à celle que j'ai 
vu sortir en octobre, c’est-à-dire qu’elle est entièrement chargée 
de grosses et pesantes scories détachées ou mottes, portant di- 
verses nuances, jaunâtre , verdâtre, rougeâtre, brunâtre; de scories 
moindres en tout volume, et de beaucoup de petits grumeaux 
ou grains qui passent absolument à l’apparence de Zerre, qu’on 
peut aussi ramasser à pleines mains. On diroit que les coulées 
de cette espèce sont des champs labourés par les géans. Cette 
lave forme aussi sur ses flancs des talus assez élevés et roides; 
nulle part cependant on n’y peut découvrir la masse intérieure 
pleine et continue, et il n’auroit pas été possible d'en pincer 
pour mouler, comme on le fait quelquefois, des portions assez 
fluides. Je n’ai pu enfin juger de la nature de sa pierre qu’en en 
taillant des morceaux sur les grosses glèbes. Cette pierre est, 
comme la plupart des autres, d’un gris foncé ou noirâtre, mé- 
diocrement garnie de pyroxène, sans amphigène apparent ; et 
élle contient une assez grande quantité delamelles de mica brun. 


Dernière ascension au sommer. 


Le 8 février, j’entrepris une seconde et dernière ascension 
au cratère. Il avoit plu encore le matin de la veille; le temps 
s'étoit remis au beau le soir ; j'eus une journée superbe et vrai- 
ment prinl(anière, froide d’abord, puis presque trop chaude 
pour la saison. Le ciel étoit parfaitement clair et débarrassé de 
nuages, à l'exception de celui qui ne cessoit encore de s'élever 


48 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


de la cime du volcan. Un vent modéré poussoit ce nuage vers 
le sud-est de la manière la plus avantageuse pour qu’on püt 
cufin découvrir le nouveau cratère. Salvatore ne connoissoit 
point encore ce cratère, et il en étoit aussi curieux que moi. 
Nous montâmes sans nous arrêter que pour prendre le repos 
nécessaire et contempler aussi, ce que je ne devois plus revoir, 
le merveilleux golfe, la délicieuse campagne et l'heureuse ville 
‘de Naples!!! | 
Cette fois il n’y avoit rien à recueillir sur la pente du Cône, 
vu qu'il étoit couvert, de ce côté, par un mänteau de neige 
où nous enfoncions souvent jusqu’à mi- jambe, assez ferme 
d’ailleurs, glacée à la surface, et qui me fit bien voir que le 
corps même de la montagne ne conserve point de chaleur. Par 
l'observation du contraire au sommet, je vis qu'il y avoit là 
sur toute l'étendue de l'aire une chaleur trés-sensible. Cette neige 
qui, à raison de la plus grande hauteur, auroit dû étre plus 
abondante sur cette aire, n'y existoit que par places. Néanmoins 
ces places servoient éncore à faire voir que la chaleur n’étoit 
pas générale, et qu’elle n’étoit produite que par les fumerolles ; 
car quand ces fumerolles étoient un peu écartées, il y avoit de 
la neige sur les intervalles, et cela jusque dans le cratère. J’en 
ai vu même dans une crevasse où à 10 pas de là on se brüloit 
les pieds. Cet isolement de la chaleur sur quelques ‘points me 
parut un fait assez digne d’attention, et qui prouve du moins 
que la lave est un mauvais conducteur de calorique. — Autre 
chose assez curieuse, c'est que la neige au voisinage des fu- 
merolles, et même sur toute l'aire du sommet , éloit imprégnée 
d’une saveur d’acide muriatique plus ou moins sensible, qui 
lui communiquoit un peu le goût de pomme de reinette. Je ne 
me serois peut-être pas avisé de faire cette remarque , mais Sal- 
vatore, qui m'en avertit, éloit bien à même de la vérifier, car 
tout le fong du chemin il mangeoit de la neige; c’est une passion 
chez les Napolitains, et aussi le Gouvernement en a-t-il fait 
un objet de fisc : la neige vésuvienne est contrebande aussi bien 
que le sel vésuvien ; il n’y a que celle des Apennins de l’Abruzze 
qui ait le droit d'entrer en ville. 
. Ce qui fixa mon attention après cela, c’étoit la diminution 
considérable des fumerolles depuis la première fois que J'étois 
venu; ellesétoient encore fort multipliées, maistoutestrès-affoiblies, 
et plusieurs même me parurent absolument épuisées. Les fumées 
»'étoient plus un obstacle à ce qu'on pût voir très -bien toute 
aire, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 49 
l'aire. Leur acidité avoit aussi beaucoup diminué et n'incom- 
modoit plus qu’en quelques endroits, ou lorsqu'on baissoit la 
tête près du sol. D’autres paroissent s'être réduites à la vapeur 
d’eau. 

J’examinai de nouveau les sels qui, comme j'ai dit, tapissoient 
quelques parties des crevasses et les soupiraux de quelques fu- 
merolles. Je n’y trouvai point encore, et Salvatore non plus, 
quoiqu'il prit la chose à cœur, n’en put découvrir, de sel am- 
moniac. Il paroît que cette éruption n’en a pas produit; mails 
je vis beaucoup de soude-muriatée concrétionnée, dure, sèche, 
blanche et d’une saveur agréable lorsqu'elle étoit pure, mais 
souvent teinte de verdâtre ou de jaunâtre, demi-molle , humide 
et donnant sur la langue un goût styptique fort mauvais et qui 
ne se passoit qu’en sucant de nouveau le sel marin pur; tout 
cela, effet d’un mélange des muriates de cuivre et de fer. Le 
premier de ces muriates ne se trouvoit guère autrement pi ab= 
solument seul; il est alors sec et insipide; celui de fer, au 
contraire, aftire fortement l'humidité, comme j'ai dit, et se 
résout bientôt en liqueur , de sorte que pour le bien conserver 
il faudroit porter sur la montagne même, des vases de verre qui 
se fermassent hermétiquement. 


Je remarquai encore sur ce sommet, comme j'ai dit que Je 
l'avois fait sur la coulée, beaucoup de lave grumelée réduite 
à un point de ténuité tel, qu'une bonne partie peut passer au 
travers d’un tamis ordinaire. 11 ne paroît pas que personne , avant 
moi, ait bien pris garde à celte modification curieuse, — Mais 
je suis impatient d'arriver à l’article du cratère. 

Pourrai-je en donner une idée juste !.... Je demeurai en extase 
à sa vue, Il n’étoit pas possible de le découvrir mieux et de le 
voir plus beau. Plus tard on aura pu y descendre, on aura pu 
du moins en faire le tour et l’examiner sous tous les aspects, le 
décrire ayec précision et de sang-froid ; mais le grandiose , le 
magique en aura disparu ! Tel qu'il étoit alors, on ne peut mieux 
se figurer l'entrée de l'enfer poétique. Le mouvement, la mort; 
l'expansion , l’abime ; la fumée et la neige; le froid et le chaud ; 
le silence et la tempête ; l'obscurité redoutable des entrailles de 
Ja terre et la douce lumière du soleil le plus pur; le noir des 
scories saines, les vives et perfides couleurs des laves altérées ; 
le chaos produit par les grosses scories, les grosses pierres et 
quartiers de rocher arrachés du fond du sol; les irrégularités 
de ce sol ,ses crevasses, la confusion , et pourtant la forme simple 


Tome LXXXI. JUILLET an 2815. G 


$o JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


d’un cône renversé compris dans un cône droit ; enfin lescon- 
traires, les seuls élémens paroissant réguer ici et se combattre, 
mais avec ordre, mais avec majesté !.... Ce cratère doit avoir 
un ters de mille de largeur; il paraît le double. Sa figure est 
celle d’un entonnoir , mais à parois inégales : du côté du nord 
et de Pest , il est escarpé; du côté de l’ouest, on y pourroit 
descendre si l’on apercevoit le terme du fond. Nous gagnâmes 
une espèce de large degré ou de bord inférieur situé de ce côté ; 
mais quoique nous vissions beaucoup mieux alors , nous ne pûmes 
découvrir ce qui faisoit ce terme ; il étoit masqué par une saillie 
de la partie inférieure de l’entonnoir. Nous y fimes rouler d’é- 
mormes scories ; nous n’entendions point la fin de leur chute: il 
ne paroissoit pourtant pas que ce fond fût très-bas. Il étoit difficile 
d’estimer la hauteur da cône renversé , vu les inégalités du bord 
qui forme sa base ; je la supposai d’un huitième de mille. Le côté 
nord et celui de l’est sont hautement dominés par la portion 
encore subsistante du cratère de 1794; ceux du sud et surtout de 
l’ouest sont beaucoup plus bas : A ne forme pourtant pas une 
inclinaison remarquable. Je n'ai pas vu non plus que ce cratère 
soit échancré d’aucun côté ; au contraire, la lave du sud, en 
s’élevant beaucoup à ce qu’il paroît, et retombant dans le creuset, 
a formé une paroi haute et escarpée. Celle du sud-est ou devers 
Bosco , n’auroit pu probablement surmonter la grande élévation 
qui se trouve sur ce côté; on croyoit aussi qu’elle avoit coulé par 
une crevasse formée vers le fond. Et quant à la troisième petite 
coulée du nord-ouest , arrêtée vers le reste du limbe du grand 
orle de 1794, il paroît qu’elle s’est épanchée au niveau du bord 
moyen du cratère. Nous jugeâmes encore que dans le commence- 
ment de l’éruption il s’étoit élevé une énorme tumeur qui, en 
crevant , avoit laissé échapper les lapilli, que de grandes crevasses 
s'étoient faites tout autour, et que les coulées ayant été vomies, la 
petite dont je viens de parler avoit passé par une de ces crevasses. 
C’est un reste de cette tumeur crevassée qui a formé le bord supé- 
rieur du nouveau cratère dans lequel ont été engloutis et la mon- 
tagnole que j'avois vu se former en octobre,et tous les autres petits 
cratéres qui subsistoient alors. Il ne s’est point élevé de nouveau 
cône Re , et tout ce nouveau cratère est plus bas que l’an- 
cien sol, 


Au reste, je ne garantis pas d’avoir bien saisi tous ces traits, 
et Je sentis trop que si j’en avois eu le loisir, je devois revenir 
une autre fois pour tâcher de faire une description exacte. L’ob- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. br 


servalion s'accorde mal avec l'admiration ; j’étois presque tout 
enlier à cette dernière, et je ne me lassois point de contempler la 
vaste étendue de ce cxatère, les accidens d’un pittoresque sublime 
qui l’ornoient de tous côtés, la variété des couleurs répandues cà 
et là, la multiplicité des fumerolles... . Cependant rien ne m'at- 
tachoit plus que la vue de deux grandes fumées, dont l’une gri- 
sâlre, s’élevant avec lenteur ,et comme incertaine , depuis le fond 
de lentonnoir, faisoit , mieux que toute autre chose, comprendre 
que ce fond éloit fermé et en repos déjà , tandis que lPautre, 
blanche et épaisse , sortoit avec une violence presqu’inexprimable , 
d'une cheminée ou bouche , telle que celle subsistante depuis 
l'éruption de 1812 , placée vers le milieu du côté oriental , et ainsi 
très-excentriquement. La force de ceite étonnante fumée étoit 
telle ,que la montagne sembloit en frémir, et qu’elle produisoit 
un murmure que je ne puis mieux comparer qu’au bruit de la mer 
agitée , entendue dans le lointain, ou, si l’on veut, à celui d’un 
graud vent dans un bois de haute-futaie. La rapidité aussi avec 
laquelle les flocons naissoient et se succédoient, éloit si grande, 
que , quoique distincts, il étoit impossible de les compter. Eu 
s'élevant, ces flocons se dilatoient, s'épanouissoient et rouloient 
sur eux-mêmes du dedans au-dehors de la colonne. Dire que cela 
ressemble à d'énormes balles de coton gonflées , la comparaison 
seroit trop pitoyable, quoiqu'assez juste ; ce n’est qu'en rappelant 
certains nuages extrêmement condensés , globuleux et pressés les 
uos sur les autres , par un temps serein, qu'on peut en donner une 
idée convenable. En atteignant sa plus grande élévation et son plus 
grand développement, cette fumée formoit, par le contraste d'une 
blancheur éclatante sur le bleu pur et foncé du ciel , un tableau 
dont la beauté ne peut être exprimée ni par la plume, ni par le 
pinceau. Plus bas, elle offroit des teintes rousses et incarnates 
dont l'effet m'étoit pas moins admirable; enfin, vers son issue, 
elle paroissoit, lors de la nuit, enflammée jusqu’à une certaine 
hauteur. Il n’y avoit pourtant ni détonation ni projectiles de 
pierres , ou même de cendres, et il paroissoit, en lexaminant 
bien, que cette apparence de feu ne fût, comme je l'ai déjà @it, 
qu’un simple effet de réverbération dû à la densité de la vapeur. 
Hamilton avertit aussi que l’on se tromje en prenant pour de la 
flamme la fumée qui s'élève à la surface d’une lave coulante , et 
qui pendant la nuit en a toute l'apparence. 


52 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Réflexions sur la grande quantité d'eau qui s’exhale des 
volcans. 


Au reste, ce quime frappoit le plus encore dans mes réflexions, 
c’étoit l'énorme quantité d’eau que supposoit , au fond du volcan, 
une pareille colonne de fumée qui m’avoit cessé d’en sortir depuis 
six semaines , et qui ne devoit pas encore discontinuer pendant 
deux ou trois fois plus de temps peut-être. 11 y a de quoi se re- 
fuser à l'évidence du calcul, quand on pense que la fumée de la 
solfatare, qui n'est rien en comparaison de celle-là, fournissoit 
par jour, au msénémum , dans la fontaine artificielle inventée par 
M. Breislack, six à sept tonneaux de 48obouteilles chacun (Woyag.. 
Campan , tome II, page 88), ou plus de 3000 pintes ( Journai 
des Mines , n° 86). La fumée vésuvienne dont je parle élant con- 
densée de même, auroit pu fournir un ruisseau capable de faire 
marcher un moulin. Il est vrai que M. Breislack croit que cette 
eau de sa fontaine r’éloit pas tenue en dissolution dans la vapeur, 
et que c'étoit un nouveau produit qui se formoit par la combi- 
naison de l'hydrogène du gaz avec l’oxigène de l’atmosphère; mais 
outre qu'il y a lieu de douter beaucoup de cet hydrogène au 
Vésuve, je ne crois pas qu’une pareille combinaison soit facile, 
ni même possible sans inflammation. 


Il est à regretter qu’un observateur si ingénieux et si profonct 
n'ait pas plutôt senti la conséquence de ce fait important, et qu'il 
ait eu recours à des explications moins vraisemblables pour com- 
battre, sur un fondement insuffisant , l'opinion si bien accréditée 
de la communication de la mer avec les volcans. Pour moi, je 
m'arrête à ces faits : Où les volcans puisent-ils cette intarissable 
quantité d’eau nécessaire à l'entretien de leurs fumées presque 
continuelles ? où prennent-ils aussi ce muriate de soude qu’ils sont 
sujets aussi à rendre en abondance ? et d’où distillent-ils cet acide 
muriatique dont leursfumées sontremplies? M.Breislacklui-même, 
lorsqu'il veut à son tour former des conjectures sur les inflam- 
mations du Vésuve , quoiqu'il y fasse intervenir beaucoup d'agens 
et qu'il emploie des moyens compliqués, se voit obligé d'admettre 
le concours d’une eau salée (Voyag. Campan. ,tom.T, pag. 293 
et 295). Il veut que cette eau provienne de sources; mais cela 
n'est-il pas beaucoup plus hasardé que la supposition du concours 
de l’eau marine? D'autre part, que les volcans forment l'acide, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 53 


l'eau, les sels , etc. , de toutes pièces , et la lave même, comme le 
croit M. Patrin, avec des gaz hydrogène, oxigène, azcte, etc. , je 
ne m'y oppose pas; mais outre que rien ne prouve directement et 
ne dénote même ces combinaisons si compliquées, et qu’on de- 
mandera d’où peuvent provenir tous ces gaz supposés; pourquoi, 
chose qu’on remarque loujours et dont on est toujours frappé ; 
Pourquoi presque tous les volcans brûlans se trouvent-ils situés 
près de la mer, et comment a-t-on écrit si souvent: que la mer 
avoit paru absorbée dans beaucoup d’éruptions ? En 1813 encore, 
nous avons vu ses flots se retirer du rivage par deux fois sensi- 
blement, lorsque le Vésuve étoit en travail. Et les éruptions d'eaa 
chaude et salée, tant de fois citées aussi ; les éruptions boueuses 
du moins, si c’est mal à propos qu’elles ont été contestées dans 
ces derniers temps, pourra-t-on bien les expliquer au moyen de 
simples sources ? Braccini (observez que c’est un auteur qui paroît 
Véridique et qui passe pour mériter une pleine confiance), 
Braccini, daus son Histoire de l’Eruption de 1637, dit « qu’il à 
» frouvé plusieurs espèces de coquilles marines sur le Vésuve 
» après cette éruption, » Et le P. Ignazio, danssa Relation de la 
même Eruption, dit « que lui et ceux qui l’accompagnoient , 
» ramassérent aussi, dans ce temps-là , plusieurs coquilles sur la 
» montagne. Cette circonstance conduit à eroire que l’eau lancée 
» du Vésuve pendant cette formidable éruption, venoit de la 
» mer. » (Hamilton, note sur la lettre V.) Moi-même, comme 
je le rapporterai ailleurs, j'ai recueilli dans le cratère du Monte- 
Nuovo, des coquilles de mer calcinées, brisées , et qu'il n’est pas 
vraisemblable d'imaginer avoir été portées là par les hommes ou 
les animaux. 


« Supposer dans la mer, dit Dietrich ( Lettre minéral. Fer- 
» ber, pag. 207, note bb), des ouvertures par lesquelles les eaux 
» pénètrent dans les souterrains des volcans , c’est une chose 
» toute simple. » Et en eflet , quoique Dolomieu ait cherché à 
repousser cette idée, en disant qu'il ne concevoit pas qu’une 
fois l'entrée ouverte à l’eau, elle ne dût se précipiter, remplir 
promptement l’abîme et éteindre tout le feu , on peut lui répondre 
de la manière la plus péremptoire , ce me semble , par le seul fait 
des volcans sous - marins que personne ne révoque en doute. 
Dietrich ajoute : « Ces ouvertures peuvent être permanentes ou 
» occasionnées seulement par les secousses des éruptions» ; ef 
Je dirois encore que, sans les secousses mèmes, cet effet peut 


D4 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

résulter du vide quis'opère dansla cavité du volcan, à mesure que 
les matières en sont vomies. Je sais bien que ces matières et les 
vapeurs qui les soulèvent et les chassent, exercent plutôt un gon- 
lement, un refoulement terribles; mais il peut y avoir aussi des 
momens de l'aspiration la plus violente, et du moins une ab- 
sorption de toutes les eaux voisines, comme le montre le tarisse- 
ment des puits. — Le Vésuve ayant son foyer beaucoup plus bas, 
sans doute, que le niveau de la mer, et s'étendant très-probable- 
ment au-dessous d’elle, il est plus que vraisemblable d'imaginer 
qu'il y ait entre eux possibilité, du moins, d’infiltrations et même 
d'écoulement par de petites voies. M. Breislack est le premier à 
nous indiquer une communication de cette espèce, lorsqu’après 
avoir fait remarquer qu'il existe sur la base méridionale du Vé- 
suve, à presqu'un mille de distance du rivage, et au fond de la 
mer, une source de pétrole (Foyage Campan, tom. I, p.24t ). 
1 veut que ce même pétrole probablement passe aussi dans le 
volcan et serve à ses inflammations (1bëd., p. 293 et suiv.). Je 
finirai par la citation d'un fait bien digne d'attention, et que je 
tiens de M. Monticelli. C’est une mofette, m'a til dit, qui existe 
près de Bosco-Reale, et qui, quand la mer est tempesteuse , se 
montre toujours agitée, irrégulière et sifflante comme si elle 
étoit battue par les flots. 

Le 11 février, je repartis de Naples pour n'y plus revenir. Le 
volcan ne fumoit qu'assez médiocrement, et je m’en allai per- 
suadé enfin qu’il n’y auroit plus d’éruption. 

M. Monticelli m'a encore écrit, en date du 23 avril: « Mon 
» cher ami, le Vésuve vomit toujours de la fumée et bien souvent 
» des cendres. Il a formé une nouvelle bouche au milieu de 
» celle d’où sortit la dernière lave; et quoiqu'il ait les épaules 
» ouvertes du côté de l’est, comme vous savez , il exhale des va- 
» peurs si fortes et si puantes, qu’il n’est pas possible de gagner 
» le cratère de ce côté, et encore moins de s’y arrêter pour l’ob- 
» server. Qu'est-ce que cette odeur, me direz-vous ? l'acide mu- 
» riatique se fait sentir, mais ce n’est pas lui seul qui forme le 
» gaz abondant qui se dégage, et il paroît qu’il y ait aussi ou de 
» l'hydrogène, ou de l'ammoniaque, peut-être l’un et l'autre. — I1 
» est possible qu’il survienne une nouvelle éruption et même 
» quelque chose d’extraordinaire, je vous en instruirai en tel en- 
» droit que vous soyiez.....» 


Mais d’après des nouvelles assez récentes que j'ai eues de Naples, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 55 
il n’est rien arrivé de notable, du moins jusqu’à l'expiration de 
l'aunée 1814, 


P.S. M. Gismondis, qui est placé maintenant à Naples comme 
directeur du Musée et professeur de Minéralogie, m’apprend par 
une lettre écrite de cette ville, en date du 12 mars 1815, que 
notre commun et bon ami, M. Monticelli, a publié dernièrement 
une description de la grande éruption de décembre, avec dédicace 
au célèbre Davy. Je regrette de n'avoir encore aucune autre: 
Tonnoissance de cette relation qui doit être fort intéressante. 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES 


= L2 = 
«| THERMOMÈTRE EXTERIEUR BAROMÈTRE MÉTE 1Q UF. Ets 
A CENTIGRADE. 2 > | 
ë Pommes: CON NS a) À D F ; 
2 Maxemum. | Minimum. [AMinil Maximum. | Minimum. A |°e | 
MIpI.| à | 
heurese o | heures ° heures- mill, | heures. mill. rail. 
pla 45. +20,25|à 4 m. 12,50 , |à11S.........757,10|à 4m.........703,94| 
21235. “H195olà4m. +Æro,00|+18,40à92s........ 763,36|à 4 m. ....... 759,041761,32 
5a5s. <+2275à 4m. + 9,25|22,25|à 8 m.........703,70|à 5 45........ 761,70|762,62 
da2is. +-24,97 à4m. +14,00|+24,00 26 ee... 701,70 |MLTEIS et 756,20|760,44 
5là nudi. +24,75|à 4 m. +15,50| 24,70 à4m........ 7542467 S........ 749,60|751 ,02 
6là midi, +22,00/ù 4 m. +13,50|+22,00|à 10 3 m...... 7AD; T2] AOIS Lie icte e le lee 747,04|747,60 
7jà midi, 419,10 à 4m. 11,50 +19,10/à midi........ 750, 12| 44e. 2 740,24]790,12 
Bla rs m.+18,65 à 11. 12,75) 417,79 ART ENS 2e: (eee de 752,64|à 4m......... 750,14|751,04 
4! là midi, 4-15,50[à 4m. “+12,50|+15,50|à 9 + s........756,70|à 4 m .....,.753,66|755,3 
A| 2) midi. 20,75 à 4m. H11,75|+20,75/à nudi........756,88|à5%s.........716,56|756;0t 
Al lngs. “+23,25a4m. + 9,00|+23,10à11 3s....... HOT TARDE Lee cet 759,18|756,82 
Mlislasis. i7,5olà11s. + 0,25| 411,40 DO AT NI 2 nie vale 756,16|à11 s.........756,00!755;72 
Hlisla3s. “Hi0,40/à4m. + 6,40 +19,25|à 7 m........753,26|à9 +s.........750,00|752;90 
Hlrgla3s +1975|24m. +12,50|+19,25|à 105. .......747,50|à 107 m....... 745,12|745,90 
È 1512 midi, +10,90|à 4m. ÆH10,25|+19,25|à 10%5.......757,00|à 4m........ 791522|755,10 


A | 161à midi. 24.0 |à 4m. + 9,50|424,40/à 7 m......... 757,44|à 10 5... .....752,76|756,06 
17là midi. —+23,20|à 105. H14,00| 423,25 


Ë à AIOIS...s.0- 73320) MIA Ie ee. 0 751:44|751:44 
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|| rojà midi. +20,40|à4m. + 950|+23,40[à 7 m.…........ 73300 | AMIS sie se ete le 2 .752,72175442 
1|,01à midi, +23,60|à 4m. +12,25|+23,60/à 9 m......... 755,o0|à 35.......... 753,62|754,56 
1losla midi, +20,25|à 4m. H13,oc|+20,25là 105......... 758,38|à 4 m.. ...... 753,82|7 55,50 

pla 3s. “k20,60|4m. Hr1,50|+418,50|à 104 m...... 760,32|à 4 m......... 758,96|760,32 
A 123[à midi. 18,25|à 105. 12,75 —+18,25|à1052..... .-..7603,20|à 4 m........ 758,08|760,60 
dogs. “+18,75 a4m. —+12,60|+18,00 ATOM... 762,28|à 10 5.........761,60|762;24 

25|à midi, H18,10|à 1135. 9,40|+418,10|à 104 m...... 762,20|à 10 m.......757,48|756,04 

61135. “—bHi9,75là4m. + 7,25|+17,75|à 105 m...... 763,04|à 425........762,00|762,82 


1|27/à 11 $ m4-18,50 à4m. 11,54|417,75/à 93 S........703,20|à 4m.........701 38|761,60 
191 3s. Hig,oo!à 4m. + 8,72 418,75) à 10 5.....-..709,40|1 4 m.........703,58|764,96 
2gla3s b23,00!à 4m. +10,25| 4292.25 LOU. EEEe-ce ER 765,02là 10 2 5.......763,68|765,16 
3olh4hs. +29,50/à 4m. #-13,75 Lan TÉMe.sese 763,90|à 1045..... ..700,94|762,20 


SE RES A LASER ELU LEE Le UN PUR! SUR ER En ES RU Re ee sn ne 
mioyennes.+-20,64| +11,34|+20,01| 757,92! 754,90/7%6,80| 18,9 


RÉCAPITULA#IO N. 

Millim, 
Plus grande élévation du mercure. .... 76592 le 29 | 
Moindreélévation du mercure......... 745,12 le 14 | 


» 


Plus grand degré de chaleur......... 24,90 le 4 | 
Moindre degré de chaleur......... .. ++ 7°25 le 26 | 
Nombre de jours beaux....... 16 
de couverts.......... + 14 
depluie............... 18 
deiventrstr-tectetiree 30 
de gelée.............. o 
AC ÉDANET TES eee este es 4 | 
de brouillard. ,........ 3 
de neige.:...,. 0 
de grêle... o 


ERRUEREREEEA 


Nora. Nous continuerons cette année à exprimer la température au degré du thermomètre cen- | 
” centièmes de millimètre. Comme les observations faites à midi sont ordinairement celles qu’on 
le thermomètre de correction. À la plus grande et à la plus petite élévation du baromètre 
conclus de l'ensemble des observations, d’où 1l sera aisé de déterminer la température moyenne 
conséquent, son élévation au-dessus du niveau de la mer, La température des caves est également 


A L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARIS. 
JUIN 1815. 


PRE IEN RI ENT 


Sr POINTS VARIATIONS DE L'ATMOSPHEÈRE. 
a | VENTS. 
APRES LUNAIRES. 
453 Se LE MATIN. A MIDI. LE SOIR. 
rl 61/E. Couvert. Très-nuageux. Beau ciel. 
2 N-E. Très-nuageux. Beau ciel. j Légères vapeurs. 
3| 68 10. Nuageux. Légers nuages. Couvert. 
41 76 |O-S-0O. Couvert. Nuageux. Nuageux. 
5| 8r |S-0. Pluie, Idem. Pluie, tonnerre. 
61 85 |S. Très-nuageux, br. |Pluie. Forte averse, tonn. 
71 85 [O-NO. N.L.à4h3/s.| Pluie , abondante. Couvert. Trèsnuagcux. 
81 83 [N-0. Couvert, brouillard. | dem. Pluie abondante. 
ol o2{| Idem, |Lunepérigée. |[Couvert. Pluie fine. Couvert. 
1ol 85| dem. Idem. Nuageux. Nuägecux, petite plu. 
nl 75 5-0. Nuageux, lég.brouil.| Zdem. Petite pluie à 5h. 
12| 97 | Idem. Pluie abondante. Pluie. Pluie par intervalles. 
13] 78 | Zdem. Nuageux. Idem, Idem. 
14| 83| Jen. P.Q.à8h2m.| Pluie. Pluie par intervalles.| Zdem,tonnerre. 
1] 56 |. Idem. Nuageux. lrès-nuageux. Beau ciel. 
16] 78 /SE. Idém. Couvert. Pluie. 
17| 90 |[5-0. Très-nuageux. Pluie ,tonnerre à 10 h.| Pzuie par intervalles, 
18] 75 Idem. Idem. "Frès-nuageux. Jde. 
9] 75 S E. Beau ciel. Pettepluie, Beau ciel. 
20! 76 |S- Trouble et nuageux. |Nuageux. Nuageux. 
21| 74 |S-0. P.L.46h.9"s.|Couvert. Idem. Id. , p. plu’e à 6 h.|Ë 
22] 83 |0. Couvert, lég. brouil. |Couvert. Nuageux. ; 
23| ro O-N-O. Pluie. Idem, Très-nuageux. 
241 70 Idem. Pluie fine. Idem. Nuageux, 
25| 854 N.-0. fort. [Lune apogée. |  Zéem. Idem: Beau ciel. 
26| 70 [N-0. Gros nuages au N, |Très-nuageux. Nuageux. 
o7| 65 IN-N-E. Couvert. Idem. Beau ciel. 
26] mo|. lem. Nuageux. Idem. À Idem. 
29| 71 N-E. D.Q.à9h51s.| Très-beau ciel. Nuageux, Idem. 
3o| 71 [Ne Idem. Liem. Idem. 
Moy. 76 RECAPITULATION. 
À Net tee Rae 
INSEE REC Lee 2 
hottes I 
Jours dont le vent a soufflé du re Der à ETAPE F3 
S-0.::7:. PAR EDS 
Tnt 1.60 6 
NEO Se co 5 


Therm. des caves $ 


» 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 78""70 — 2 p. 10 lig. 9 dixièmes. 


le 14° 29,110 | 


le 16 12°,132 


CCE TOR MNREET 


tigrade , et la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, c'est-à-dire en millimètres et 
emploie généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromètre, on a mis à côté 
et du thermomètre, observés dans le mois, on a substilué le maximum et le minimum moyens, 
du mois et de l'année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoire de Paris et par 
£xprimée en degrés centésimaux , afin de rendre ce Tableau uniforime. 


Tome LXXXI. JUILLET an 1815. H 


58 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


RAPPORT FAIT A L'INSTITUT 
SUR UN VENTRILOQUE; 


Par MM. HALLÉ, PINEL Er PERCY. 


LE sujet du Mémoire que M. de Montègre a Ju à la Classe, 
sur l’artifice par lequel les ventriloques modifient leur voix, peut 
devenir curieux sous plusieurs rapports, soit qu'on y considère 
l'action respective des organes qui concourent à la formation 
de la voix et de la parole, soit qu'on y observe les procédés 
de l’art ingénieux de faire naître les illusions des sens, soit qu’on 
y envisage l’histoire des impostures qui ont tant de fois abusé 
la multitude et trompé même les hommes instruits, et les moyens 
d'en détruire l’eflet en les dévoilant. 


M. de Montègre annonce qu'il doit les détaits qu'il donne 
sur l’artifice du ventriloque, à la complaisance et au désintéres- 
sement de M. Comte qui, par un exercice singulièrement per- 
feclionné de cet art, a donné des scènes {rès-amusantes à diverses 
sociétés, et a produit dans quelques pays des illusions tellement 
fortes, qu’il a eu lui-même de la peine à les détruire en en 
faisant connoître l’origine, et qu’elles Jui ont même fait eourir 
de véritables dangers. ; 

M..de Montègre rappelle d’abord l'ancienneté de cet art, et 
que c’étoit à lui que les pythonisses et les oracles devient la ma- 
jeure partie de leur crédit; car les dénominations de pythonisses 
et d'engastrimythes ou ventriloques, éloient devenues synonymes. 
C’est ce que prouvent divers passages du Zèvre des Roës et 
des Prophètes, dans la traduction des Seplantes; des Actes des 
Apôtres, d'Aristophanes, d'Hippocrate, de Galien, des Pères de 
Église, de Tertullien, de saint Eustache, de saint Jérôme, de 
saint Augustin. Et ici l’on nous permettra de remarquer qu'au 
milieu de cette foule de témoignages qui tous attribuoient cette 
faculté, les uns à l'inspiration d’un dieu, les autres à la puissance 
des démons, au milieu de la vénération que les uns accordoient 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 59 


à ces êtres qui leur paroissoient privilégiés, et des anathèmes 
auxquels les vouoient les autres; Hippocrate semble mettre ces 
phénomènes au nombre de ceux qu'on peut rapporter à des 
causes physiques, puisqu'il indique un eflet tout pareil dépen- 
dant de l’état d'une de ses malades (la femme d’un Polémarque, 
épi. v, xxv, éd. Vanderlind), qui éprouvoit une suffocalion 
causée par la métastase d’une angine gutturale, et dont la voix 
étouflée étoit assimilée par lui à celle des engastrimythes. Dans 
EE d’autres endroits, Hippocrate se montre supérieur à 
son sièc e, en observant que beaucoup de superstitions et de 
préjugés de son temps étoient établis sur l'ignorance où l’on 


étoit des véritables causes de plusieurs phénomènes très-conformes 
aux lois de la nature. 


Enfin M. de Montègre montre par plusieurs aventures, dont 
quelques-unes ont pensé être funestes à M. Comte, et par des 
ouvrâges publiés même de nos jours, que les idées supersti- 
tieuses qu’enfantent l'ignorance et la sottise, ne sont pas tellement 
loin de nous, qu’elles ne méritent encore qu’on leur oppose les 
lumières de la saine Physique et d’une sage Philosophie. 

Mais ce n’est pas sous ce point de vue que nous présentons 
spécialement le Mémoire de M. de Montègre, Les idées qu’il 
s'est faites de la cause des illusions que fait naître l’art des 
ventriloques, peuvent conduire à des observations intéressantes, 
tant sur la dépendance où sont ces illusions de Faction diver- 
sement combinée des organes qui concourent à former la voix 
et la parole, que sur Îeur apport avec la puissance des asso- 
ciations pour nous faire attacher à une même impression, selon 
les circonstances au milieu desquelles elle est reçue, des idées 
totalement différentes ; et cette double source de l’imperfection 
de nos jugemens dans ce qu’on appelle assez improprement les 
illusions des sens, appartient également à la Physique et à la 
Philosophie, en nous offrant des considérations relatives à l’étude 
de l’homme à-la-fois sous le rapport physique et sous le rapport 
intellectuel. 


M. de Montègre, d’après les instructions de M. Comte, rap- 
porte les moyens dont se compose l’art du ventriloque à quelques 
artifices principaux. 

10, Le volume de la voix comparé à la distance du lieu d’où 
elle part, et changeant ordinairement par le changement des 
distances, offre un rapport sur lequel nous avons l'habitude de 


H 2 


Go JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

juger de léloignement des personnes qui nous parlent; ainsi , 
quand nous ne les voyons pas, où que nous ne croyons pas les 
voir, ce volume peut être modifié de manière à nous causer 
des illusions sur cette distance. 

29. La vue des mouvemens de la bouche en accord avec les 
paroles qui en sortent, unit le témoignage des yeux à celui des 
oreilles, et nous fixe sur les connoissances des personnes desquelles 
nous vient le discours. L'art dé dérober les mouvemens de la 
bouche et d'écarter le témoignage des yeux est done un moyen 
de faciliter les erreurs du jugement. 


30, Le concours de deux voix dont le timbre, Paccent, le 
volume et toutes les autres modifications sont très-diflérentes , 
nous fait supposer deux interlocuteurs distincts placés en diflé- 
rens lieux et à différentes distances, et cette idée sera d’autant 
plus fortement prononcée , queles caractères de la distance seront 
plus marqués, et annonceront un éloignement considérable entre 
l’un et l’autre. 


4°. Les réflexions que la voix éprouve dans la voûte de: 
larrière-bouche, dans les fosses nasales, dans la voûte palatine, 
dans les proportions différentes de capacité que la langue, les 
joues et l'ouverture des lèvres donnent à la cavité buecale, ap- 
portent beaucoup de changemens au volume de la voix et à [& 
netteté avec laquelle nous parvient la parole, et par conséquent 
à l’idée que nous nous formons de la proximité des personnes 
qui parlent. Les distances effacent en partie ces modifications 
qui s’atténuent et se perdent en traversant l'air. Si donc l’on 
a l’art de supprimer ces modifications, d’en dépouiller la parole 
ét de nous faire parvenir la voix comme elle sort immédiatement 
du gosier, alors on peut donner Pidée d’un plus grand éloigne- 
ment , et on recule de beaucoup le lieu auquel on en rapporte: 
le point de départ. 

50. Si à l’opposition des voix on a l'adresse d'ajouter une 
rapidité de dialogue, telle que.les parties s’en succèdent si promp- 
tement qu’elles semblent se méler et se confondre en conservant 
les diflérences qui les distinguent, l'illusion devient encore plus 
forte. 

6°. Si, en affoiblissant suffisamment la voix, et en en faisant 
évanouir les modifications accessoires , on efface progressivement 
Jes principales articulations, qui en général se perdent dans l’é- 
yoignemént, et que lhabitude nous instruit à suppléer pour com- 


ET D'HISTOIRE NATURÉLLE. * 6r 


pléter les mots, réduits alors presqu’à la succession des voyelles, 
on simule très-bien une personne qui parle en s’éloignant, et 
Pillusion devient presqu'inévitable. 

7°. L'art de dissimuler les mouvemens que nécessite la parole 
ne consiste pas seulement à masquer les parties du visage dont 
Paction est læ plus apparente; la suppression des labiales dans 
Je discours de l'interlocuteur dont l'éloignement est:simulé, 
leur expression forte dans celui qui se présente sans déguisement 
au spectateur, et, selon M. de Montègre, l'avancement de la 
lèvre supérieure pour couvrir les mouvemens de celle de dessous, 
la direction des sons vers les fosses nasales en les articulant con- 
fusément, toute la pantomime du ventriloque se joignant à ces 
artifices, aident à parler même à visage découvert, sans faire 
cesser l'illusion qu'on a fait naître. 

8°, Si outre cela, par quelqu'adresse propre à maîtriser et à 
donner une direction à l’allention des spectateurs, ou la porte 
sur un point où toutes les conditions remplies établissent la pro- 
babilité du lieu d’où vient la parole; si surtout l'interlocuteur 
non déguisé a l'air de participer lui-même à l'illusion qu'il a 
fait naître dans l'esprit des autres; si, se tournant vers un lieu 
auquel se rapporte l'interlocuteur simulé, ce lieu présente le 
concours de deux plans formaut un angle rentrant, et qui donne 
à la parole renvoyée une direction plus évidente, ce qui se ren- 
contre souvent près des fenêtres ou des portes, ces associations 
de circonstances accessoires ne permettent plus de se dérober à 
l'illusion dans laquelle on est entrainé. 

9°. Sienfin les dispositions des esprits, les temps, l'obscurité, 
le silence, les lieux aident au prestige, si au milieu de tout cela 
des effets inattendus et surprenans provoquent l’attention, excilent 
l'attente, montent les imaginations, on conçoit jusqu'où peut 
aHer le développement des idées, leur communication rapide, et 
comment les HER nées de l’ouïe, peuvent entraîner le délire 
de tous les autres sens. 

Telle est la substance du Mémoire lu à la Classe par M. de Mon- 
tègre. Renfermé dans ces lhnites, l'intérêt en paroîtra peut-être 
assez borné. L'auteur lui aurojl donné une plus grande valeur, 
si, au lieu de se renfermer dans l'examen d’un artifice assez 
curieux, mais plus singulier qu’important dans ses résultats, il 

n eût étendu l'analyse de manière à la lier avec la théorie gé- 
nérale des illusions qui nous viennent des sens, et qu'il s'en fût 


Gz JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


servi pour compléter celle de la formation de la voix: Nous 
croyons M. de Montègre, dont les talens et le bon esprit sont 
connus, très-capable de s'occuper avec succès de cet-objet. On nous 
permettra peut-être ici de présenter quelques idées qui nous 
semblent devoir entrer dans l’esquisse d’un pareil travail. 

Il ya de véritables illusions des sens; ce sont celles qui con- 
sistent dans des perceptions qui n’ont de rapport avec aucun 
objet extérieur, et qui dépendent de causes qui se développent 
au-dedans de nous et qui aflectent les organes de nos sens. Ce sont 
alors des désordres qui appartiennent à un état de maladie. Felut 
ægrisomniavanc fiugentur species. Ge n'est pas de ces illusians- 
Jà qu’il s’agit ici. 5 

Quand nos organes sont sains, les perceptions que déterminent 
en eux les objets extérieurs sont toujours conformes à la nature des 
rapports qui.existent entre ces objets.et le sens affecté, et il n’y a 
encore là ni erreur ni illusion. | 

Mais lorsque, par le concours du témoignage de plusieurs sens 
réunis,,nous avons une fois bien connu la relation ordinaire qui 
existe entre ces témoignages et qui a formé notre premier jugé- 
ment sur la nature des objets, et qu’ensuite, sans renouveler Pé- 
pe qui résulte de ce concours de plusieurs sens, et en supposant 
le même accord entre eux, nous portons le même jugement, en 
nous en rapportant au témoignage isolé d’un seul sens, comme 
celui de la vue ou de l’ouïe, alors il pourra y avoir illusion ; mais 
ce n’est pas dans la perception même que sera cette illusion, elle 
sera dans l’idée que cette perception aura fait naître dans notre 
esprit, et dans les jugemens que nous en déduirons, en partant 
d’une supposition fausse que nous empruntons de nos habitudes. 


Ainsi quand, par le concours du toucher et de la vue, nous 
avons appris à juger la forme des corps-en conséquence de ses rap- 
ports avec les modifications de la lumière qui en trace l’image 
dans nos yeux ; toutes les fois que nous revoyons les mêmes modi- 
fications, nous supposons les mêmes formes, sans pour cela re- 
courir au tact, dont nous cessons. de réclamer le témoignage; et 
toutes les fois que les formes ne coexistant pas avec les mêmes mo- 
difications de la lumière, nous portons un jugement établi sur 
une fausse supposition, l'idée complexe qui.en résulte n’est plus 
conforme à l’objet ,.et l'illusion est produite. Ilen est de même 
des rapports que nous observons habituellement entre les sons,et 
les distances. Ainsi c’est du tact lui-même et de la locomotion, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 63 


ou des souvenirs qu’ils nous ont laissés, que nous déduisons réel- 
lement l’erreur ,que la locomotion'et le tact sont appelés ensuite à 
rectifier. L'art de faire naître ces illusions s’est emparé ensuite 
de ces secrets pour nous ménager de mille manières ei des suprises 
et des plaisirs. È 


- On voit déjà ici un premier ordre d’associations d'idées, d’où 
dépend et la forme d’une idée principale et l'impression qu’elle 
laisse dans notre esprit. Ce premier ordre d’idées associées est pris 
de 70s souvenirs. 

Mais l’entourage des objets est un autre ordre d'association: 
qui a lieu entre des perceptions simultanées , et qui contribue à. 
déterminer la nalure de l’idée principale et à lui donner de la 
force. Un tableau parfaitement exécuté ne nous fait en général 
jouir que du sentiment des perfections de l’art ;. et ne nous fait 
poiat une illusion complète, tant qu’il est environné de sa bor- 
dure et des objets diversement éclairés que la nature place autour. 
de lui et dont la eomparaison déiruit le prestige. On voit au 
contraire la soustraction de toute comparaison rendre à l'illusion. 
toute sa force; c’est ce que nous remarquonsavec bien de l’éton- 
nement et de la satisfaction dans l'exécution des Panorama. 
L’obscurité des lieux et le silence ajoutent également, et par la 
même raison, au prestige des idées que nous attachons aux sons, 
quand ils sont méragés de manière à les faire percevoir dans des 
proportions et sous des rapports mensongers. Les grands effets 
de la musique sont souvent d'autant plus puissans, que l'artiste 


les dépouille tout à coup avec plus d'art, de toute harmonie 
superflue. 


Ainsi quand les rapports étrangers et l'association des idées qui 
en résulte est propre à nous éclairer sur la nature des objets de 
nos perceplions, l'illusion, peut naïîlre de la soustraction de ces 
rapports. 

Mais si l’exclusion des perceptions accessoires favorise souvent 
l'illusion en supprimant les comparaisons qu’elles amènent, et 
qui trahiroient les secrets de l’art, il n’est pas moins vrai que des. 
comparaisons artistement ménagées, et qui offriront des rapports 
établis sur de fausses apparences, donseront lieu à des consé- 
quences trompeuses, feront servir l'impression reçue par. nos 
sens, à nous en faire concevoir une idée différente de l’objet 
lui-même, et deviendront la cause d’un nouveau prestige. Une 
foule de disposilions font naître de nouveaux résultats dont s’en- 


64 SOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

richit la magie de l'optique, en faisant varier sur un même plan 
les angles, les formes, l'intensité de lumière, la netteté des 
contours, les positions respectives sous lesquelles se pré- 
sentent les ol*jets disposés devant nos yeux. Et dans l’art dont 
M. de Montègre nous a entretenus, non-seulement la comparaison 
d'un ou de plusieurs interlocuteurs simulés , au moyen des oppo- 
sitions qu'offre tantôt le mélange des voix, tantôt l’ordre de leur 
succession, leur degré différent de force, la diverse netteté de leurs 
accens, peut faire préjuger des distances qui n'existent pas; mais 
encore tous les sens peuvent être appelés à conspirer au même 
effet, et les idées préconcues elles - mêmes, la disposition des 
esprits, le mouvement imprimé à l'imagination, viennent aussi 
fortifier l’imposture, Ainsi tantôt la réunion ou l’enchaînement 
successif d’une multitude de circonstances peut, d’une même per- 
ception, faire sortir une multitude d’idées différentes, dont une 
seule sera vraie et conforme à l’objet de la perception, vingtautres 
ne seront que des illusions, et toutes seront diversement détermi- 
nées par l’association d'objets étrangers à celui sur lequel est spé- 
cialement fixée l'attention de l'auditeur ou du spectateur. 

Les illusions sont done toujours le résultat d’idées complexes 
que nous associons et dont nous composons les attributs imagi- 
naires d’un objet qui occupe un de nos sens et qui est le principal 
sujet de notre attention. Ces idées se rapportent à une impression 
ou à une perception présente, à laquelle nous en rattachons une 
ou plusieurs autres, prises dans nos souvenirs, souvent empruntés 
à plusieurs sens, et dont l'effet commun, fortifié tantôt par l’ex- 
clusion, tantôt parla réunion et la succession de divers moyens de 
comparaison, et souvent par la disposition de nos esprits, déter- 
mine un jugement qui suppose dans l’objet dont nous sommes 
occupés, une réunion de conditions qui n’existe pas réellement et 
en conséquence de laquelle nous nous'en formons une idée qui 
ne lui est pas conforme. # 


Il est inutile de nous étendre davantage sur l’analyse des asso- 
ciations qui influent sur nos conceptions et nos idées , et sur la 
puissance qu’elles exercent sur nos esprits. Mais pour que l’asso- 
cialion des impressions accessoires ait une influence sur les idées 
que fait naître la perception principale, il faut que cette percep- 
tion soit elle-même dans un rapport ou juste, ou approché avec 
ces accessoires , c’est-à-dire, se trouve avec eux dans des propor- 
tions qui en favorisent et en facilitent l'association. C’est dans la 
cause même de l'impression et de la perception produites, que 

ces 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 65 


ces dispositions doivent se trouver. Dans l’art du ventriloque, 
cette cause est dans les organes mêmes de la voix et de la 
parole. 


Si l’art de favoriser les illusions en faisant naître les associa- 
tions , demande une intelligence et une adresse particulières , 
celui d'employer les organes qui nous offrent le sujet même de 
ces illusions, ceux qui donnent à la voix et à la parole toutes leurs 
modifications, demande un exercice dont l’analyse et l'évaluation 
pe sont pas sans intérêt pour la solution des différentes parties d’un 
des problèmes les plus curieux de la Physique animale. 

L’organe essentiel du son ou de la voix s’étend depuis l’ouvers 
ture de la glotte jusqu’à l’isthme du gosier. Ce qui est en avant 
de cet isthme soit du côté des fosses nasales, soit du côté de la 
bouche, remplit, à beaucoup d’égards, la fonction des pavillons 
dans les instrumens à vent. Les organes de la parole sont placés 
dans cette région spécialement ; mais l’espace qui comprend toute 
la capacité de la poitrine jusqu’à l'ouverture de la glotte, n’est 
pas seulement destiné à donner le mouvement à l'air qui doit 
devenir sonore dans ce passage ; il contribue aussi par l’état et 
les proportions variables des capacités qui le composent, et par 
les différentes mesures de retentissement qui en résultent , à don- 
ner des qualités diverses au son qui se forme dans la glotte. 
C’est ainsi que parmi les instrumens à vent il en est dont l'effet 
dépend de même non-seulement du tube où les tons se diversi- 
fient, et du pavillon par lequel ce tube se termine et s’évase di- 
versement, mais encore d’une cavité plus ou moins grande que 
l'air traverse avant d'arriver au point où le son se forme, et qui, 
retentissant elle-même de ce son, contribue à déterminer sa qua- 
lité et sa force. 


Une infinité de mouvemens font varier les dimensions spé- 
ciales et les rapports respectifs des différens organes qui contri- 
buent à la formation de la voix, et par conséquent les effets de 

appareil total qui résulte de leur réunion. 


L’organe propre et essentiel de la voix est variable dans l’ou- 
verture dans laquelle se forme le son et dans la tension des cordes 
ui doivent rompre la colonne d’air pour la rendre sonore. Il est 
variable dans les différens degrés d’élévation de la glotte et dans 
les changemens de distance de son ouverture à l’isthme du gosier, 
Il l’est encore dans la capacité des parois qui forment le cana] 
compris entre l’une et l’autre. Il est variable aussi dans la ma. 


Tome ZXXXI. JUILLET an 1815. I 


66 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


nière dont l’isthme lui - même s’évase et se rétrécit, et modifie 
ainsi la manière dont sétablissent les rapports de l'instrument 
vocal avec le pavillon antérieur, dans sa partie buccale et dans 
sa partie nasale. De ces variations dépendent non-seulement la 
diversité des tons , mais aussi des modifications assez nombreuses 
du timbre et de la qualité des sons formés dans l'ouverture de 
la glotte. | 


Les cavités que nous avons comparées au pavillon des instru- 
mens à vent, partagées en cavités nasale et buccale, prennent, 
relativement au son qui leur est transmis par l'isthme du gosier, 
des proportions infiniment variées. D'abord l’ouverture del’isthme 
lui-même varie comme nous l'avons dit; mais, outre cela, les 
proportions dans lesquelles le son qui en sort débeuche de part 
et d'autre dans les cavités nasale et buccale, peuvent changer 
respectivement par les mouvemens et les renflemens de la base 
de la langue , par l'élévation et l’abaissement du voile mobile du 
palais, et l’une ou l’antre issue peut être interceptée à volonté. 
La capacité des deux cavités qui composent ce pavillon, mais 
surtout celle de la bouche, depuis son orifice guttural jusqu'à 
son orifice extérieur ou oral, varie par la mobilité de toutes les 
parties qui en forment les parois. Ainsi selon l’écartement ou le 
rapprochement des arcades dentaires, selon la multiplicité de 
formes et de volume que prend la langue, selon la place qu’elle 
occupe entre ces arcades et relativement à la voûte palatine , 
selon le renflement ou le rapprochement des joues, selon l’ou- 
verture des lèvres, le son peut être émis au dehors, ou tel que 
l’a transmis l’orifice guttural, ou modifié par les diverses réflexions 
qu'il subit dans la bouche, et sortir ainsi fortifié , ronflant, re- 
tentissant, clair ou assourdi, plein ou restreint de mille manières, 
sans cependant que le ton primitif en soit changé, et faire ainsi 
sur nos oreilles autant d’impressions diflérentes. Joignez à cela 
ce que les différentes articulations exécutées par les organes de la 
parole, apportent de modifications à la manière dont le son se 
propage et se répand au dehors. 


On a fait moins d’attention, en général, à cette partie de l’ap- 
areil total compris dans les cavités thoracique , trachéale et 
aryngée, qui donne le mouvement à l’air et le porte sur la 

glotte. L'eflort avec lequel cet air est poussé , la vivacité de l’im- 
pulsion donnée à la colonne sonore par l'action des muscles qui 
exécutent le mouvement d'expiration , est à peu près tout ce 
qu'on a vu dans l’influence de cette partie sur la nature et la 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 67 


qualité du son. Cependant la cavité pectorale retentit elle-même 


du son formé à l'ouverture de la glotte, et ce retentissement 
ajoute encore à la force du son. 


En quelque point qu’on touche la poitrine d’un homme qui 
parle, on sent immédiatement le frémissement qui répond à ce 
retentissement. L’un et l’autre est d'autant plus fort, que la poi- 
tine est plus large, plus libre et plus dilatée ; et la perméabilité 
de tous les canaux aériens qui pénètrent les poumons et autour 
desquels ses vésicules se dilatent, propage ce retentissement sur 
tous les points de la cavité et des parois du thorax. 


L'effet est d'autant plus complet, que cette perméabilité est 
plus parfaite, et son observation peut, dans beaucoup de 
cas, remplacer avantageusement, pour les médecins, l'épreuve 
quelquefois infidèle ou pénible de la percussion. Ces voix puis- 
santes qu'on a caractérisées par le nom de s£entor , partent tou- 
jours d’une poitrine libre, grande et large, d’un tube trachéal 
d’un diamètre considérable, d’un larynx très-volumineux. C’est 
avec ces dimensions et avec l'étendue des surfaces retentissantes 
qui leur correspondent , bien plus constamment qu’avec l'effort 
avec lequel l'air est poussé vers la glotte, que la force de la voix 
se trouve dans un rapport évident. Quelque vivacité que l’on 
veuille donner à cet eflort , jamais il ne fera sortir une voix 
éclatante d’un thorax étroit, des accens mâles d’une poitrine 
féminine ou impubère, un son plein d'un poumon dont les canaux 
aériens seront oblitérés par des engorgemens. 

Ces observations sur l'influence de la capacité de la poitrine , 
comme corps retentissant, sur la force du son , sont très-essen- 
tielles pour compléter la théorie de la voix. 


Nous avons eu plus d'une occasion de nous convaincre que dans 
l'artifice par lequel on éteint la voix, et on la modifie pour imiter 
celles qui se font entendre dans l’éloignement, outre les moyens 
dont a parlé M. de Montègre , on contraignoit et étrécissoit évi- 
demment la poitrine, et on lui ôtoit par là presque toute sa faculté 
retentissante, et par suite, à la voix, une grande partie de l’in- 


tensité et des conditions accessoires qui aident à juger de sa 
distance (r). 


QG) Le docteur Lauth, dans un Mémoire sur les ventriloques, en distingue 
deux espèces. Dans les uns, la voix artificielle lui paroît se former uniquement 
dans le gosier , elle simule spécialement celles qui partiroient du dehors et 


{ie 


68 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

M. Comte, en eflet , sans pouvoir lui-même, ainsi qu’il l'avoue, 
se rendre compte de son propre artifice, prétend que la majeure 
partie de ses voix simulées se forme dans sa poitrine , ce qui réel- 
lement est impossible quant à la formation du son et de la voix 
ellemême , mais devient très-probable quant aux conditions ac- 
cessoires qui affectent le son, et qui nous forcent à rapporter 
la voix à un lieu bien éloigné de celui où elle s’est formée. 

Il exprime le desir qu’on examine avec quelqu’attention un mé- 
canisme dans l'exécution duquel il s’est rendu singulièrement 
habile, sans savoir avec exactitude comment il y est parvenu. 
Ce genre d'observation nous semble susceptible de se prêter à 
plusieurs expériences ; il ne nous paroît pas dénué d'intérêt , ni 
indigne de l’attention des physiologistes. 

Nous pensons donc que l’objet dont M. de Montègre a entre- 
tenu la Classe, est susceptible , étant considéré sous des rapports 
pe étendus et dont nous avons essayé d'indiquer quelques déve- 
oppemens , d'acquérir une plus grande importance, et que s’il 
s'occupe de ce genre derecherches, il peut offrir à la Classe un tra- 
vail très-digne de son attention; que néanmoins ce Mémoire , 
tel qu’il est, peut être regardé comme une communication inté- 
ressante dont l’Institut doit savoir gré à l’auteur. 


HALLÉ, PINEL, PERCY. 


viendroient de différens points d’une chambre. Dans les autres , dont il cite un 
exemple remarquable , la voix paroît venir de l’intérieur du corps, et particulie- 
rement du centre de la poitrine, du ventre , etc. ; l’artifice des pressions est peu 
fatigant ; celui des derniers , qui paroît préparé par une longue et forte inspi- 
ration , est pénible... Ce sont les ventriloques de cette dernière espèce qui mée 
ritent réellement le nom qu’on leur donne. C’est de ce genre qu’étoient néces_ 
sairement les pythonisses, et qu’on doit rapporter les observations d’Hippocrate , 
de Galien et des anciens auteurs. (Voyez Mém. de la Soc. des Sciences Agric. 
et Arts de Strasbourg, tomel, pag. 427; voyez aussi Œconom. Hippocr, 
ÆFoësii art. tyyalpycvdop.) 3 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 63 


MÉMOIRE 


SUR 


L'ACTION DE L'ACIDE SULFURIQUE 


Et de diverses Substances grasses, sur les matières 
Végétales et Animales ; 


Par H. GAULTIER De CLAUBRY. 


Zu à la Société Philomatique , le 15 avril 1825. 


GEorFroYy le jeune avoit observé qu'en mélant l'huile de 
thym et l'huile obtenue du succin par la distillation, avec plu- 
sieurs réactifs, il se développoit des couleurs plus ou moins 
variées. Plusieurs autres huiles ne lui présentèrent pas les mêmes 
ponte Il chercha à expliquer, par cette action, la cause de 
a coloration des feuilles et des fleurs ; mais il ne fit qu’un petit 
nombre d'expériences , seulement avec les deux huiles dont nous 
avons parlé , et il n’employa que des acides étendus d’eau (x). 


Il avoit remarqué que l’huilede thym donnoit une teinte oran- 
gée ou rouge de safran, quand on la méloit avec de l'acide sulfu- 
rique étendu d’eau. 

Les expériences faites par Achard et différens autres chimistes, 
sur la combinaison des acides et des huiles, n’avoient pour but 
que de former des savons qui pussent être employés dans les arts; 
eiles n’ont aucun rapport avec celles que j'ai l'honneur de présen- 
ter aujourd’hui à la Société. 

Lorsqu'on met en contact de l'acide sulfurique concentré: 


(1) Mémoires de l'Académie pour-17 7. 


79 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CMIMIE 


avec de l'huile d'olives ou d'autres huiles fixes, le mélange se 


colore en jaune , prend de la consistance , et il se dégage du gaz. 
acide sulfureux. 


Si l’on mêle de l'amidon avec l'huile dont on se sert dans cette 
expérience, au lieu d'obtenir une couleur jaune , il se développe 
sur-le-champ une belle teinte rouge qui passe promptement au 
carmin. Il se dégage en même temps du gaz acide sulfureux, 
et l'huile s'épaissit comme quand on L'enploe pas l’amidon. La 
teinte conserve son intensité pendant plusieurs jours, mais elle 
finit, après un assez long espace de temps, par passer au violet et 
par devenir presque noire ; la matière se charbonne et la couleur 
finit par disparoître : il reste alors une masse abondante en 
charbon, et d’où il se dégage beaucoup d’acide sulfureux. 


* Lorsque l'on soumet à l’action de la chaleur la masse dont Ja 
couleur est d’un beau rouge , les phénomènes dont nous venons 
de parler se produisent très-promptement ; il se dégage une 
très-grande quantité d'acide sulfureux, et il se dépose beaucoup 
de charbon. 


L'eau décolore sur-le-champ la matière rouge; il se sépare 
une grande quantité de flocons bleus et légèrement jaunâtres, 
qui, bien lavés et séchés entre des papiers Joseph, sont à peine 
acides, et qui jouissent à peu près des propriétés du savon acide 
d'Achard. 

Cette masse blanche traitée par l'acide sulfurique concentré, 
reprend une teinte rouge qui tire un peu sur la lie de vin. 

Il paroît , d’après cette action, que l’on n’enlève que l'acide 
surabondant, et que c’est à cétte portion d’acide qu'est due 


la couleur rouge que l'on observe dans le mélange de ces 
substances, 


La potasse en dissolution opère aussi très-facilement la déco- 
loration de la matière rouge ; elle est même plus parfaite par ce 
moyen. Quand après avoir lavé les flocons, on les traite par l’acide 
sulfurique concentré, on obtient de nouveau la couleur rouge, 
mais avec un mélange d'un peu de violet,comme dans l'expérience 
précédente. 

Le sous-carbonate de potasse produit le même effet, et même 
cette action doit 1entrer dans celle de la potasse, puisque l’cide 
carbonique est dégagé par l’acide sulfurique. 


L'acide nitrique décompose entièrement la couleur rouge; la 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. °7E 


liqueur prend une odeur de pommade oxigénée; il se sépare une 
grande quantité de flocons jaunâtres qui viennent nager à la 
surface ; ces flocons sont une combinaison d'huile et d’acide 
nitrique. 

L’acide hydro-chlorique rend d’abord la couleur de la com- 
binaison rouge d’une teinte lie de vin; il se précipite des flocons 
de la même couleur , puis la liqueur se décolore entièrement ;, 
ainsi que les flocons. 


L’acide sulfurique concentré dissout la matière rouge qui 
conserve toute son intensité, mais qui vire plus promptement 
au violet, 


L'huile d'olives divise assez bien la couleur rouge, mais il s’en 
sépare des flocons qui nagent dans la liqueur; la teinte se conserve 
rouge pendant plus long-temps. 


Si l’on met d’abord l'huile en contact avec du chlore gazeux, 
pendant quelque temps, en la mêlant de suite avec de lacide 
sulfurique et de l'amidon, la belle couleur rouge se développe 
à l'instant même, et il ne se dégage pas d'acide sulfureux. 


Le chlore, en agissant sur l’huile , lui enlève une portion 
d'hydrogène , et il se forme de l’acide hydro-chlorique. 

n traitant de la même manière l’amidon par le chlore, puis 
le mêlant avec l’huile et l’acide sulfurique, la belle couleurrouge 
se produit encore sur-le-champ; il ne se dégage pas non plus 
d’acide sulfureux dans cette expérience. 

IL paroît, d’après les deux dernières expériences que je viens 
de rapporter , que la couleur rouge est due à une certaine quan- 
üté de charbon mis à nu ; car quand on traite par le chlore lune 
ou l’autre des substances végétales, et qu’on leur enlève, par 
conséquent, une portion d'hydrogène, la couleur rouge se dé- 
veloppe beaucoup plus promptement que dans le mélange de 
l'huile et de l’amidon dans leur état naturel , avec l'acide sulfu- 
rique. Ce qui me paroît le démontrer, c’est que quand on traite 
l'amidon et l'huile par l'acide sulfurique , il se dégage du gaz 
acide sulfureux , et qu’il ne s’en dégage pas dans le second cas. 
11 paroît que le chlore peut enlever à ces deux substances une 
quantité d'hydrogène suffisante pour que le charbon misà nu 
puisse produire la couleur avec l'acide sulfurique, tandis que 
dans le premier cas , l'acide sulfurique réagit sur une partie 
du charbon qu'il avoit d'abord séparé en s’emparant d’une por- 
tion d'hydrogène, sit 


72 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Quand, au lieu d’amidon, on se sert de gomme , de sucre , où 
d’autres substances qui contiennent beaucoupde charbon , plus de 
l'hydrogène et de l'oxigène, à peu près dans les proportions né- 
cessaires pour faire l’eau , on obtient aussi de belles couleurs 


rouges plus ou moins intenses, comme on le verra dans le 
tableau. 


Les substances grasses, c’est-à-dire celles qui contiennent un 
excès d'hydrogène , ne donnent que des couleurs jaune et marron, 
plus on moins mélangées de rouge. Si on traite ces diverses 
substances par le chlore gazeux, 1l se forme beaucoup d’acide 
hydro-chlorique , et en les mélant ensuite avec de l'huile d'olives 
et l'acide sulfurique, on obtient des couleurs qui sont beaucoup 
plus rouges que dans le premier cas. 


Les acides qui contiennent un excès d’hydrogène et qui se rap- 


prochent des matières grasses, se comportent absolument de même 
que ces substances. 


Les acides qui contiennent un excès d’oxigène plus ou moins 
considérable , ne donnent que des teintes jaunes plus où moins 
mélées de brun et de peu de rouge; traitées d’abord par le 
chlore, ils produisent des couleurs dans lesquelles il y a beaucoup 
plus de rouge. 


Les substances animales paroissent se conduire de la même 
manière quand on les traite par l'acide sulfurique et l'huile 


d'olives, en produisant des teintes plus ou moins variées , comme 
US pe : 
je viens de le dire. 6 


Les diverses huiles grasses et les graisses donnent avec l'acide 
sulfurique, une couleur jaune qui tire sur le brun. 


Quand on substitue à l'huile d'olives une huile fixe quelconque, 
on obtient des couleurs plus ou moins belles, et dans des espaces 
de temps plus ou moins longs, en les mettant en contact avec de 
l’amidon et de l'acide sulfurique. 

L’axonge produit exactement le même effet. 

L'huile volatile de térébenthine, traitée par l'acide sulfurique 
concentré, donne une couleur rouge foncée très-intense. Quand 
elle est d’abord mêlée avec de l’amidon et qu’on y verse de 
l'acide sulfurique concentré, il se produit une superbe teinte 
rouge de carmin. 

L'huile volatile de sabine donne, avec l'acide sulfurique, une 
couleur pourpre mêlée d’un peu de jaune ; mêlée avec l’amidon, 
ou obtient une belle couleur ponceau, 


L'huile 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 73 


L'huile volatile de thym produit, avec l'acide sulfurique, une 


belle teinte orange ; quand elle est mélangée avec l’amidon, elle 
donne une superbe couleur rouge de carmin. 


Lorsque l’on mêle de l'huile d’olives avec de l’huile de noix, 
et que l’on traite ensuite par l'acide sulfurique, il se fait un 
dégagement énorme d’acide sulfureux , la liqueur monte beau- 
coup, et il se produit une couleur tellement foncée , qu’elle semble 
noire ; quand on étend cette couleur sur le bord du verre, elle 
paroît rouge foncé. 

L'huile d'olives dont on a séparé une grande partie par la 
distillation, et qui, comme on le sait, s’épaissit beaucoup et 
perd une portion de son hydrogène, donne avec l'acide sulfu- 
rique une couleur rouge assez intense. Quand on la mêle avec 


l'amidon , on obtient sur-le champ une superbe couleur rouge 
carmin, , 


L’iode, en agissant sur les matières très-hydrogénées, enlève, 
comme on le sait, une portion de leur hydrogène pour former 
de l'acide hydriodique. \ 

Quand on mêle de l'huilede térébenthine, traitée par ce moyen, 
avec de facide sulfurique concentré, il se produit une couleur 
rouge extrêèmement foncée. Cette même huile mélée avec de 
l'huile d'olives et de l’acide sulfurique, donne une couleur qui 
paroît presque noire, tant elle est foncée, 


L'alcool traité par le chlore, donne une huile d’une odeur de 
menthe. Cette huile, mélée avec celle d'olives et traitée par 


l'acide sulfurique, donne une couleur rouge très-foncée qui passe 
au violet et au bleu. 


L'éther traité par le chlore, produit aussi, avec l’acide sulfu- 
rique et l'huile d'olives , une belle couleur pourpre. 


Il paroît , d’après tous ces détails, que toutes les fois que l’on 
enlève à des matières végétales ou animales , une portion de 
leur hydrogène, et que l’on rend le carbone surabondant , on 
place cette substance dans les circonstances convenables pour 


former, avec l'huile et Pacide sulfurique , une belle couleur 
rouge. 


Je renferme dans le tableau ci-joint , les détails qui devien- 
droient fastidieux à la lecture. 

Nota. D’après une observation de M. Biot, nous avons répété 
les expériences rapportées ci-dessus, et nous ayons vu que la 


TomeLXXXI. JUILLET an 1815. K 


74 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


succession des teintes est exactement dans l’ordre des anneäux 
colorés des Tables de Newton. 


Pour bien voir cette succession des teintes, 1l faut verser, sans 
les mêler, l'acide sulfurique et l'huile tenant en suspension la 
substance végétale dans un verre, ‘puis agiter seulement les 
couches qui se trouvent en contact; par ce moyen, ‘on observe 
facilement les diverses couleurs qui sont dans l’ordre suivant. 

Jaune de paille, orangé, rouge du premier ordre, violet du 
deuxième ordre pour tous les mélanges, et de plus bleu, aussi 


du deuxième ordre pour lhuile obtenue en traitant l’alcool par 
le chlore. 


Action de l’ Acide sulfurique sur diverses substances végétales 
et animales, 


Huile d'olives, jaune rougeâtre; La couleur diminue d’intensité 
au bout de deux jours, la matière se grumèle , puis 
devient d’un brun sale. 

—— d’œillets, marron foncé. 

—— de lin, brun jaunâtre. 

—— de colza, jaune légérement brun. 

—— de noix, brun jaunâtre. 

—— d'amandes douces, idem. 

—— de chenevis, brun rougeâtre. 

—— de béen, jaune verdâtre. 

de poisson, jaune rougeâtre. 

Axonge, marron. 

Margarine, jaune pâle. à 

Huile volatile de sabine, pourpre mêlé de jaune. 

de thym, orange. Ë 

—— de térébenthine, rouge orangé. 

Térébenthine de Venise, rouge jaunâtre. 

Acides végétaux, pas de couleur. 

animaux, Zde/m. 

Résine, idem. 

Huile d'olives en partie distillée, assez beau rouge. L’action est 

prompte. 


Action 


‘ Huile 


| | 


ET D’HISTOLRE NATURELLE. 7à 


de l”Acide sulfurique et de l’Huile d'olives sur les 
substances végétales et animales. 


d'olives et amidon, jaune de paille, puis orangé qui passe 
promptement au rouge carmin.et au violet. La couleur se 
produit promptement. 

et fécule de pommes de terre, belle couleur rouge. 

et sucre de cannes, rouge superbe, passe vite au violet. 
La couleur rouge se produit promptement. 

et sucre de raisin, rouge superbe. La couleur se produit 
sur-le-champ. * 

et sucre de lait, jaune rouge, puis rouge superbe, L’ac- 
tion est lente. 

et sucre de fucus, jaune sale. 


etinuline , superbe couleur rouge. L'action est extrême- 
ment prompte. 


et acide benzoïque, orange foncé. L'action est très-lente. 


muqueux, jaune, puis brunâtre. Idem. 


————— oxalique, jaune rougeâtre. Idem. 


acétique, jaune pâle. Idem. 


————— malique, brun sale, puis marron. Idem. 


tartarique, jaune sale, puis marron. Idem. 
citrique, jaune clair, puis brun marron. Idem. 
— urique, jaune brun. Idem. 
sebacique, marron clair. Idem. 
—— camphorique, marron clair. Zderm. 
subérique, marron clair. Idem. 
et margarine, jaune clair. 
et camphre, jaune rougeâtre. 
et résine, brun jaunûtre. 
et cire, jaune rougeâtre, 
et gomme arabique, jaune brun passant au rose. L’ac- 
tion est assez lente. 
etindigo, vert, passeau brun marron. L'actionesttrés-lente. 
et axonge, brun rouge. ‘ 
et campbhre artificiel, jaune brun, marron, puis rouge. 
L’action est lente. x 
et noix, rouge très-foncé qui paroît noir. L'action est 
extrêmement vive. } 
et la même huile en partie distillée, rouge très- vif. 
L'action est presque instantanée. 


K z 


76 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Action de l’ Acide sulfurique et de l’Huile sur diverses 
substances traitées par le Chlore. S 


Sucre de fucus, traité par le chlore mêlé à l’huile d'olives, 
jaune rouge assez foncé. , ù ” 
Margarine traitée par le chlore mélée à l'huile d'olives, jaune 
rouge. | 
Acide camphorique, idem, jaune rouge. 
—— sebacique, idem, jaune rouge. 
—— urique, idem, jaune rouge. 
—— subérique, idem, jaune rouge. 
citrique, idem, jaune rouge. 
Huile de térébenthine id., rouge foncé presque noir. L'action 
est très-vive. 
Camphre , idem, jaune rouge. 
Ether sulfurique, idem , beau rouge. 
Indigo, idem, vert, puis jaune brun. 
Huile obtenue en traitant l’alcool par le chlore, beau rouge 
passant au violet, puis au bleu. Assez promptement. 


Action de l' Acide sulfurique et des corps gras sur les 
substances végétales et animales. 


Huile de térébenthine et caoutchouc, pourpre très-foncé. 
—— de poisson et amidon, brun rouge, passe au beau rouge. 
Axonge et amidon, rouge superbe. 

Huile d'olives en partie distillée et amidon, rouge très-intense. 
de sabine et amidon, pourpre. L'action est très-lente. 
—— de thym, idem, carmin. Sur-le-champ. 

—— Wd’œillets, idem, carmin superbe. En peu de temps. 
de lin, édem, carmin mélé de jaune. Lentement, 
—— de colza, idem, jaune brunâtre, puisrouge. Très-lentement. 
—— de noix, idem, cramoisi très-foncé. Promptement. 
—— de térébenthine, idem, beau carmin. Promptement. 
d'amandes douces, idem, carmin foncé. Lentement, 
de chenevis, rouge foncé. 

—— de béen, rouge foncé. Très-lentement. 


Action de l’ Acide sulfurique et de l'Huile d'olives sur les 
substances végétales traitées par l’Iode 


Huile de térébenthine traitée par l'iode, rouge très- foncé. 
L'action est très-vive. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 77 


LETTRE DU DOCTEUR VALLI 


À M. BRUGNATELLIT, 


SUR L'ÉLECTRICITÉ ANIMALE. 


MoN CHER AMI, 


Profitant du loisir dont je jouis depuis quelque temps au 
sein de l'amitié, jai repris mes travaux sur l'électricité ani- 
male. Je vais vous communiquer les résultats que j'en ai obtenus 
jusqu’à présent , avec quelques réflexions relatives au sujet. 

Les grenouilles restent comme assoupies, lorsque pendant 
quelques minutes on tient une de leurs extrémités dans un bain 
d'acide vitriolique très-concentré. Si l'animal fait des sauts, on 
observe que la partie soumise à l’action de l'acide est restée pa- 
ralysée. — En général elles ne vivent que peu d'heures ; on leur 
prolonge la vie en leur coupant promptement la patte lésée. Cette 
opération rappelle chez elles l'usage des sens. 


Si, après avoir isolé les nerfs qui s'étendent le long du tibia, 
on les touche avec le même acide, la grenouille perd la faculté 
de mouvoir cette partie, sans cependant que les autres en souffrent. 


Une suite d'expériences m'a convaincu que l'acide agit avec 
moins de force et plus lentement, lorsque les membres sur les- 
quels on opère sont dépouillés de leurs vaisseaux sanguins. 

L’arsenic, appliqué sur les nerfs cruraux, ne leur occasionne pas 
de douleur sensible, il ne les assoupit pas, mais il les rend malades. 


Introduit dans les muscles de la cuisse, l’extrémité correspon- 
dante ne devient point paralysée. — La grenouille, mise en li- 
berté, fuit de manière à faire croire qu’elle conserve encore 
toutes ses forces. — Cependant elle ne tarde pas à tomber etsemble 
endormie ou vaincue par la douleur. — Quelques-unes vivent une 
demi-heure, d’autres plus long-temps. 

J'ai ouvert le ventre à trois grenouilles , et après avoir isolé 
les nerfs cruraux et les vaisseaux sanguins qui lesaccompagnent, 
en coupant toutes les parties qui se trouvent autour, je les ai 


78: JOURNAL DE PIIYSIQUE, DE CHIMIE 
saupoudrés d'arsenic en poudre très-fine. Ces grenouilles sont 
mortes en cinq où six minutes. 

Elles ont vécu plusieurs heures, quand, en les préparant, 
j'ai coupé et enlevé les artères qni accompagnent les cruraux. 


L’arsenic opère plus lentement sur l'estomac que sur les par- 
ties musculaires externes. Je ne sauroïis dire: si ce que j'ai ob- 
servé dans les grenouilles a lieu également dans les animaux à 
sang chaud. 

Les grenouilles auxquelles on a fait avaler du sublimé cor- 
rosif dissous dans l’eau, meurent en trois ou quatre minutes, 
dans les soubresauts et les convulsions. 

L'effet de cette solution est plus lent sur les muscles des ex- 
trémités. 

J'ai. soumis à son action les nerfs du tibia, et je n’ai remar- 
qué aucun effet important. 

Le vin enivre les grenouilles, en moins d’une minute, quand 
on les y tient plongées, et les fait périr promptement; si on 
emploie ce moyen pour les priver de la vie, elles n’obéissent que 
foiblement à la force des métaux. 


Dans une forte solution d’opium, elles ont vécu environ un 
quart-d’heure. Soumises aux épreuves ordinaires, elles ont paru 
posséder moins de vitalité que celles tuées par le vin. 

Une grenouille retirée à moitié morte, de la solution d’opium, 
présente un phénomène fort singulier, que voici. Tenue sur la 
paume de la main, si on touche avec l’autre une partie quel- 
conque de son corps, elle donne des secousses semblables à celles 
qu'on exciteroit dans une grenouille vivante, au moyen de l’ap- 
pareil connu. Si on la pose sur une table, au moment qu'on la 
laisse elle entre en convulsions, et immédiatement après elle 
reprend un état de tranquillité apparente. Dans ce nouvel état, 
si je la touche doucement avec les doigts, ou avec un métal ; 
ou avec des substances non eonductrices, je produis en elle de 
nouvelles contractions et de nouveaux tremblemens. 

Les secousses n’ont lieu qu'à certains intervalles. — Les con- 
vulsions sont d’autant plus fortes que l’animal reste plus long- 
temps en repos. 

C’est surtout en touchant le museau, les jointures, les doigts 
et la plante des pieds, qu’on détermine chez ce petit animal le 
mouvement et l'agitation. 

Dans les derniers momens, les secousses avoient lieu, non 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 79 


pas quand je portois la monnoie d'argent au museau de l’ani- 
mal, mais quand je la retirois avec grande célérité ; elles n’étoient 
fé l'effet du stimulant. Je fais cette assertion, parce que jamais 
a grenouille ne m’a paru souffrir lorsque je lui frottois fortement 
le museau avec une pièce d'argent. D'un autre-côté, les contrac- 
tions des extrémités postérieures étoient telles, qu’on ne pouvoit 
les attribuer à un stimulus mécanique. 

L’opium, appliqué sur l'extrémité des nerfs, accélère, dans 
l'animal privé de vie, la corruption des parties où les nerfs se: 
distribuent. J'avois déjà observé, il y a long-temps , que l’action 
de lopium, dans cette-circonstance, ne:se fait pas sentir seule- 
ment aux points touchés du nerf, mais qu’elle s'étend jusqu'aux 
ramifications supérieures, et même au tronc, qui en restent pro- 
fondément offensés. 

J'aurai occasion, par la suite, de reprendre le sujet des pois- 
sons. Je passe à d'autres choses, qui peuvent, je crois, mériter 
notre attention. 


On savoit, depuis les observations de M. Galvani, qu’en exci- 
tant les nerfs cruraux, on mettoit en mouvement, non-seulement 
les extrémités postérieures de la grenouille, mais encore les anté- 
rieures, bien qu'on n'eût établi aucune communication entre 

ces dernières et le conducteur métallique. Il m’est arrivé d’ob- 
server la même chose, soit après avoir coupé Ja tête à la gre- 
nouille, soit après la lui avoir écrasée fortement. Les mouvemens 
des pattes antérieures ne dépendoient donc pas de la volonté de 
l'animal, N'’étoient-ils pas, par hasard, l'effet de la réaction de 
la moëlle épinière? 11 semble que oui. Si on touche les extré- 
milés d’une grenouille, aussitôt après les avoir séparées de l'ani- 
mal conjointement avec cette portion de l’épine où les cruraux 
‘prennent naissance ou viennent se terminer, on voit les extré- 
mités se relirer et fuir la main ou le corps qui les stimule, 
comme si alors elles étoient douées de jugement et de volonté. 
‘Ce phénomène bizarre, dont la durée est en raison de la vita- 
lité de la grenouille, cesse au moment même où les'nerfs viennent 
à être détachés de l’épine. La séparation faite, c’est en vain que 
Je manie ces membres, que je les presse ou les stimule. Ces mou- 
vemens, que peu de temps avant l’on eût dit médités ou volon- 
aires, ne se renouvellent plus. Mon opinion, à ce sujet, est 
que Pimpression faite sur la superficie du corps de la grenouille 
se propage, par le moyen du fluide neiveux, jusquà J'épine, 
qu'il touche et met enjeu le ressort régulateur des.nerfs du mou- 


Bo JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


vement, lequel réagit sur eux, et ceux-ci sur les muscles res- 
pectifs. 

Quoi qu’il en soit, il est certain qu’on n'excile pas de mou- 
vemens dans un muscle, en ixritant les nerfs qui se trouvent au- 
dessous de lui, si ce n’est dans le cas où la communication entre 
ceux-ci et le cerveau, ou la moëlle allongée, reste libre. On peut 
tirer de là une conséquence importante, c’est que les nerfs du 
mouvement différent de ceux du sens et constituent une région 
à part. En eflet, s’il en étoit autrement, si le fluide qui réveille 
les sensalions, et celui qui sert aux mouvemens, parcouroient 
les mêmes voies, il $’ensuivroit qu'en stimulant, sur quelque 
point et dans quelque circonstance que ce fût, le mouvement 
et la sensation auroient lieu en même temps. 


Les nerfs ne se distinguent les uns des autres que par la di- 
versité des fonctions auxquelles ils sont destinés. La faculté de 
sentir leur est cependant commune à tous, et leur est inhérente 
comme la gravité à la matière. 

Chaque nerf a une sensibilité qui lui est propre et qui ne 
peut être excilée que par des slimulans spécifiques. — L’électri- 
cité, autant que je puis le savoir, est le seul stimulant dont 
l'action se fasse sentir sur tous les nerfs indistinctement. La plus 
puissante électricité, pour les nerfs est celle qui est mise en circu- 
fation par les métaux. La décharge d’une bouteille de Leyde ne 
produisit aucun effet sur l’aile d'un poulet, tandis que je pou- 
vois, à l’aide de l'appareil de Galvani, y déterminer des trem- 
blemens considérables. L’étincelle électrique , et même un tor- 
reut de ce fluide, r’agirent pas plus efficacement sur le plexus 
brachial, que l'électricité condensée. 


Je me rappelle d’avoir fait un jour, à Londres, et sans succès, 
de semblables expériences sur une jambe amputée, qui se res- 
sentoit cependant du pouvoir de l’excitateur métallique. 


Dans aucune de mes expériences, l'électricité qui émane du 
frottement de la.cire d'Espagne, ou de cylindres de verre, n’a 
réveillé la sensibilité des animaux à sang chaud. 

Très-souvent même cette électricité d’émanation, car c’est 
ainsi que je l'appellerai, n’éloit pas propre à faire entrer les gre- 
nouilles en convulsions, tandis qu’elle se manifestoit. sensible- 
ment à l’électromètre de l'abbé Vassali. Il n’est done pas vrai 
que ce soit sur les grenouilles que l’action de l'électricité se fait 
le plus sentir, 


Cette 


RE — 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 81 


Cette matière, éminemment subtile et mobile, recoit diffé- 
rentes modifications des corps d'où elle sort et par où elle passe, 
et de ces modifications dépend en grande partie son pouvoir sur 


les nerfs, — La médecine clinique peut tirer parti de cette con- 
noissance. 


J’étois sur le point de fermer ma lettre, quand j'ai reçu la 
vôtre, qui m’apprend le renversement de la doctrine de Galvani, 
par suite des assauts répétés d’un adversaire terrible, M. Volta. 
Je reprends la plume pour vous dire quelque chose à ce sujet. 

Aucune des expériences qui me sont connues ne prouve 
mathématiquement que l'électricité soit la cause des mouvemens 
musculaires; il y en a même beaucoup qui semblent démontrer 
le contraire, entre autres la suivante, qui m'appartient. 


Après avoir coupé une grenouille et l'avoir préparée de la ma- 
nière que vous connoissez, j'ai mis en contact avec l’épine un 
morceau de peau de ladite grenouille, Une monnoie d'argent, 
passée sous cette même peau, servoit d’armure. J’avois un fil de 
cuivre pour conducteur. Lorsque par ce moyen j'établissois une 
communication entre l’armure et le nerf, les extrémités se mou- 
voient assez vivement; mais cela n’arrivoit que lorsqu'un des 
bouts du conducteur se trouvoit appliqué quelques lignes au- 
dessous de l'insertion des nerfs à l'épine. Je les coupois et les 
approchois de la peau, de manière à se toucher à peine, et je 
répétois les expériences en fixant l'extrémité du conducteur, tantôt 
sur la section des nerfs, et tantôt inférieurement à ce point. — 
Dans le premier cas, la grenouille restoit immobile, ce qui 
n’avoit pas lieu quand j'employois, de l’autre manière, mon 
excitateur, Dans cette expérience, l'électricité ne se rendoit pas 
sensible, excepté lorsque le nerf lui offroit des points sur lesquels 
éon action pouvoit s'exercer librement. Si l'électricité apparte- 
noit à l’animal, je ne vois pas pourquoi elle ne se manifesteroit 
pas toujours, puisque, dans l’une comme dans l’autre circons- 
tance, la voie est ouverte à son passage. 

M. Volta a fait beaucoup de belles observations, qui toutes 
tendent à démontrer que c’est l'électricité métallique, et non 
celle de l’animal, qui produit les phénomènes surprenans décou- 
verts par le professeur de Bologne; mais comme ces observations 
se sont pas décisives, non plus que la mienne, il est à desirer 
que M. Volta éprouve Ze céreuit de l'électricité des métaux, sur 
laquelle est fondée toute sa théorie, et la prouve par une expé- 
rience sans réplique, qui est celle de rendre l'électricité métal- 

Tome LXXXI. JUILLET an 1615. L 


82 JOURNAL DE PHYSIQUE; DE CHIMIE 


lique circulante, manifeste et sensible à l'électromètre. Quand 
il sera arrivé à ce point, il aura sans contredit entièrement rai- 
son; mais alors les amis de l’électricité animale auront-ils tort ? 
Est-ce que la non-influence de ce principe sur les mouvemens 
musculaires sera démontrée? Un physicien qui compte beaucoup 
sur sa propre autorité, n’a point craint d'avancer que nous 
sommes encore aussi peu éclairés sur le mécanisme des mouve- 
menus musculaires, que nous l’étions avant la brillante découverte 
de M. Galvani. — Tout le monde ne se contentera pas d’un 
jugement prononcé avec trop de précipitation et avant d’avoir 
des données nécessaires. La cause de Galvani est maintenant 
vivement agitée et défendue par de bons avocats, et il faudra 
encore beaucoup de temps avant que ses raisons soient déclarées, 
par un tribunal compétent , nulles et inadmissibles. — Cependant 
1l me semble, indépendamment des argumens tirés des expériences 
du professeur Galvani et de ses sectateurs distingués, que la ma- 
tière électrique condensée dans les muscles est la cause de leurs 
mouvemens. J'ai traité cette question plus au long, dans mon 
ouvrage intitulé : Experiments on animal electricity with their 
application to the Physiology , and some Pathological, and 
medical Observations. Je vais vous dire, en peu de lignes, sug 
quelle base repose ma théorie. 


L'animal a le pouvoir de condenser l'électricité ; c’est prouvé 
par l’histoire de la torpille, de l’anguille de Surinam , etc. 

Dans la construction des organes électriques des poissons et 
dans celle des muscles on observe le même plan. Dans les uns 
comme dans les autres, les colonnes ou les fibres divisées et 
subdivisées par le moyen de membranes ou de tissu cellulaire, 
présentent une surface très-étendue. Dans les organes des pois- 
sons, les interstices compris entre les membranes forment une 
grande suite de petites aréoles unies ensemble, et ces interstices. 
contiennent une substance huileuse destinée, peut-être, à empé- 
cher le passage de l'électricité. Le tissu cellulaire lui-même, qui 
enveloppe et sépare chaque fibrille dans les muscles, renferme 
une humeur destinée aux mêmes fonctions. Une quantité im- 
mense de nerfs est disséminée tant dans les organes des poissons 
que dans les muscles, et un égal nombre d’artères accompagne 
ces mêmes nerfs dans les uns comme dans les autres, se distribue 
avec eux dans une infinité de points des colonnes, fibres, divi- 
sions et interstices avec lesquels enfin il se perd. 


L'action musculaire ne peut dépendre d’aucune cause méca- 


rs + ET D'HISTOIRE NATURELLE. 83 


nique. Une cause mécanique ne rend compte ni des frémissemens 
des fibrilles musculaires au moment qu’elles sont mises en jeu, 
ni de leurs contractions et relâchemens rapides et successifs, n1 
des forces énormes dont elles sont douées dans l’état de con- 
traction. 

Haller, Fordyce, Blanc ont eu recours à l'attraction newto- 
nienne. Une semblable attraction des fibrilles étant manifeste aux 
yeux de l'observateur attentif, doit être admise au nombre des 
vérités de fait. 

Le stimulus exercé sur les fibrilles musculaires ne détermine 
Fe leur attraction réciproque. La cohésion des fibrilles étant une 

vis produite par le moyen du stimulus, ne pourroit être produite 
que par une autre puissance. Une opinion contraire répugne aux 
lois de la Physique. 

Un agent capable d'augmenter la cohésion des fibrilles, de 
l’accroître considérablement et momentanément, c’est l’électri: 
eité, l'électricité seule. 

Les muscles sont des machines toujours chargées , l'attraction 
yjoue toujours. Les contractions et relâchemens alternatifs 
naissent du changement d’élat de l'électricité par rapport aux 
surfaces de l’organe. Ce changement s'opère par les nerfs qui 
communiquent avec tous les points des fibrilles musculaires dif- 
féremment électrisées. 

ue l’électricité augmente infiniment la cohésion des corps, 
que dans la décharge électrique l'équilibre n'ait point toujours 
Heu, c’est ce qui est évidemment prouvé par les expériences 
originales de Sÿmmer , et par celles de notre célèbre compatriote, 
le père Beccaria. y 

Mes idées relati}ement à l’action musculaire, reposent, comme 
vous voyez sur l’aualogie, l’observation et les faits. 

Aujourd’hui l'ixritabilité hallérienne n’est plus qu’une chimère: 

: , 


VALLI. 


64 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, elc. 


TABLE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER, 


L 


Sutte au Mémotre sur la culture de la betterave à sucre ; 
par M. Pajot Descharmes. 5 
Suite des observations avec réflexions sur l'état et les 
phénomènes du Vésuve, pendant une partie des an- 
nées 1813 et 1814; par J.-F.-B. Ménard de la Groye. 27 


Tableau météorologique ; par M. Bouvard. 55 
Rapport fait à l'Institut sur un ventriloque; par 
MM. Hallé, Pinel et Percy. 58 


Mémoire sur l'action de l'acide sulfurique et des di- 
verses substances grasses, sur les matières végétales 


et animales; par H. Gaultier de Claubry. 69 
Lettre du docteur Valli à M. Brugnatelli, sur l'élec- 
sricité animale. 77 


De l'imprimerie de M"° Veuve COURCIER, Imprimeur - Libraire 
pour les Mathématiques et la Marine, quai des Augustins, n°57. 


JOURNAL 
DE PHYSIQUE, 
DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


\ 


AOUT ax 85. (rt 


LETTRE DU DOCTEUR VALLI 


À M. BRUGNATELLI, 
SUR L’ÉLECTRICITÉ ANIMALE. 
MoN CHER AM1, 


Dans ma quatrième Lettre insérée dans le Journal de Phy- 
sigue(r), j'ai dit que communiquant moi-même, sans me servir de 
métaux , avec les muscles et les nerfs des grenouilles fraîchement 
préparées, j’avois des indices de l’électricité organique. Comme 
on m'objectoit que les contractions musculaires tenoient à l’im- 
pression mécanique sur les nerfs, je répondis par l'expérience 
suivante. — Recouvrez l’épine dorsale d’où les nerfs cruraux 
sortent, d’une armure qui se prolonge ; ensuite prenez d’une main 
les extrémités de la grenouille, et touchez avec l’autre main la 


(1) Qu’on mette les muscles, les membranes, les tendons et les os en con- 
tact avecles nerfs, supposons les cruraux, et on excitera des secousses, des trem- 
blemens , des convulsions dans les membres où se distribuent ces mêmes nerfs. 

Journal de Physique , tome XLI , 2° partie, pag. 190, etc. 


Tome LXXXI. AOÛT an 1615. 


86 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


lame métallique à son extrémité, les mouvemens auront lieu 
Cette expérience, qui me paroissoit décisive, étoit nulle pour les 
seclateurs de Volta, qui considéroient les deux surfaces de la 
feuille métallique comme différemment électrisées, et pensoient 
qu’en touchant le métal, je ne faisois qu’établir l'équilibre des 
deux électricités. Get argument me parut fort, et pour y ré- 
poudre, je crus qu’il fallait opposer des expériences d’une autre 
nalure : ce sont celles qui suivent. | 


LA 


Première Expérience. 


Je prends dans la main une grenouille dépouillée de sa peau et 
préparée à l'ordinaire, je touche les cruraux avec les doigts préa- 
Jablement humectés de sang, ou plutôt j'y applique la cuisse 
d’une autre grenouille récemment détachée du corps ; l’animal , 
de l'électricité duquel je deviens alors conducteur, éprouve des 
contractions légères et de peu de durée : si, comme il arrive 
assez souvent , elles n’ont pas lieu , je peux les provoquer en appli- 
quant à l’épine le bout de la langue ou les lèvres humides. 


Deuxième Expérience. 


. Après avoir placé une grenouille sur un plan (je parle tou- 
Jours de grenouilles préparées}, J'appuie le pouce de la main 
gauche sur les cuisses de Pammal, puis avec la main droite je 
replie une de ses pattes sur l’épine en formant ainsi une espèce 
d'arc. À chaque attouchement la grenouille se contracte, saute 
et me fuit, pour ainsi dire. Ces contractions et ces sauts de- 
vienuent plus rares et moins sensibles à mesure que la vie de 
l'animal diminue, et ils ne se prolongent pas au-delà de trente 
minutes. 

… L'expérience ne réussit pas avec les grenouilles qui sont ma- 
lades ou petites, et quelquefois même avec celles qu’ paroissent 
pleines de vigueur et douées d’une grande sensibilité. 


Troisième Expérience. 


Quelquefois l'électricité n’agit pas dans les organes de l'animal 
au commencement de l'opération. On en détermine les eflets en 
employant, pendant une couple de minutes, l’excitateur métal- 
lique, Un morceau de fer rouillé et humide est plus eflicace que 
le zinc, l'or, l'argent pris séparément, Une légère irritation et la 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 87 


“chaleur de la bouché m'ont donné le même résultat que les 
métaux. 


Quatrième Expérience. 


En humectant avec de la salive les nerfs et les muscles , j'ai 
souvent observé qu’on augmentoit les mouvemens, et que lors- 
qu'ils avoient été interrompus où suspendus, on les reproduisoit 
par ce moyen. 

M. Fouler avoit déjà remarqué que les métaux avoient besoin 
d'être humectés pour exercer sur le fluide nerveux leur faculté, à 
laquelle il donne le nouveau nom d’irfluence. Dans le cas men- 
tionné ci-dessus, l’eau ne pouvoit être substituée avec succès à 
la salive. 


Cinquième Expérience. 


Aprés avoir étendu sur ma langue les extrémités d’une gre- 
|. et en avoir touché les nerfs cruraux, l'animal ne fit 
aucun mouvement, et je n'éprouvai aucune sensation de saveur. 
Peut-être que trop d'humidité ne favorise pas la propagation de 
l'électricité , ou que cette humidité superflue s’en empare aux 
dépens des organes animaux. | 


Sixième Expérience. 


Une patte détachée de la grenouille vivante, etemployée comme 
conducteur, n’a point perdu sa propriété conductrice lorsqu'elle 
a été tirée avec un ruban de soie, en en laissant découverts 
les points qui se trouvoient en contact avec les muscles et les 
nets de l'animal soumis à l’expérience. 

Cependant un fil métallique enduit de cire d'Espagne, devient 
mauvais conducteur, et même refuse entièrement le passage à 
la foible électricité d’un animal fatigué. Cette même électricité 
se comporte donc diversement , selon la nature des corps qu’elle 
rencontre. 4 

Septième Expérience. 


La décharge électrique a lieu quand le nerf est lié à quelque 
distance des muscles, et non quand la ligature se trouve en 
contact aveé eux. Rappelez-vous que cela est d'accord avec 
les résultats de mes premières expériences entreprises avec les 
métaux. Ne seroit-ce pas une preuve que les tuniques des nerfs 
sont de mauvais déférens. 


M 2 


88 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Huitième Expérience. 


La ligature faite immédiatement au-dessous de l’articulatiom 
du genou, a rendu vaines mes tentatives. Je pouvois cependant 
alors occasionner des mouvemens dans la grenouille en ayant 
recours aux métaux. Cela explique pourquoi l’aura épileptique 
qui s'élève du pied, est quelquefois arrêté dans son chemin à 
l'aide de la ligature, et pourquoi quelquefois elle surmonte l’obs- 
tacle qu’on lui oppose. 


Neuvième Expérience. 


On ne peut point obtenir les phénomènes électriques forsqu’on 
ne dépouille pas les extrémités de leurs tégumens; donc la peau 
est un non-conducteur pour nos amphibies.. 


Dixième Expérience. 


Les nerfs et les muscles frottés préalablement avec de l'huile; 
n’ont pas donné passage à l’électricité; cependant on surmonte 
cette résistance avec les métaux. 


Onzième Expérience. 


Après avoir tenu les nerfs cruraux pendant une minute ou 
deux dans une solution d'opium, il ne m’a plus été possible de 
produire de nouveaux mouvemens dans les membres correspon- 
dans. E’opium agit sans doute sur la propre force des nerfs. Si 
les résistances opposées par les nerfs à lélectricité native sont 
en raison directe de cette force, Popiura n’est plus un calmant, 
et Chroson a raison. 


Douzième Expérience. 


Les nerfs qui ont éprouvé l’action de Peau glacée deviennent 
impropres à l’expérience. En réchauffant avec la main l’épine 
et les nerfs, on leur rend la propriété qu'ils sembloient avoir 
perdue. 

Au reste, l’opium et l’eau glacée, employés comme nous l'avons 
dit, n’exercent qu'une foible influence sur les muscles et les 
nerfs, lorsque ces derniers sont fournis d’armures métalliques 
diflérentes. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 89 


Treizième Expérience. 


Les grenouilles qu’on retire à moitié mortes d’une solution 
d’opium ou du vin, éprouvent de violentes contractions au plus 
léger attouchement d’un corps quelconque. 


Dans ces cas, le défaut d'équilibre de l'électricité est-il plus 
grand, ou bien est-ce que les puissances, qui dans l’état de santé 
Jui servoient de frein, sont diminuées. Il me semble que cette 
dernière raison est plus valable. C’est dans la classe la plus dé- 
hicate de notre espèce, dans le sexe qui fait les délices de la 
société, qu’on rencontre plus communément les maladies ap- 
pelées nerveuses ; et il ny a is les toniques qui aient le 
pouvoir de les calmer et de les dompter. 

Dans les expériences rapportées , me direz-vous, le stimulus. 
fait tout, et la chose est si vraie, que lorsque par un moyen. 
quelconque vous enlevez en partie aux nerfs la faculté de sentir, 
vous n'êtes plus à portée de mettre en jeu les ressorts du mou- 
vement, excepté à l’aide des métaux. 

Les faits suivans serviront de réponse à votre objection. 


Quatorzième Expérience. 


Si on touche doucement l’épine de l'animal immédiatement 
après la préparation, les extrémités ne se meuvent point. Au 
contraire les effets sont grands et surprenans, si une des pattes 
est appuyée sur l’épine même ou sur les muscles dorsaux. 


Quinzième Expérience. 


La communination du pied droit avec le crural opposé, oc: 
easionne des secousses et des tremblemens dans les deux extré- 
mités ; mais un uerf irrilé borne son influence aux muscles où: 


il se distribue; donc ces convulsions universelles ne sont point. 
produites par le stimulus. 


Seizième Expérience. 


Si la personne qui m'aide, en faisant chaîne avee moi, touche- 
avec un morceau de muscle frais, les nerfs ou l’épine de la 
grenouille que je tiens suspendue en l'air, je sens entre les doigts 
les tremblemens des muscles de ma pelite bête, tremblemens. 


92 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE, CHIMIE 


sourds et passagers. Bien rarement les contractions sont violentes. 
Si l’on prend le muscle en question avec un gant de laine, 
l'eflet cesse à l'instant. 


Dix-septième Expérience. 


Après avoir recouvert les nerfs cruraux de la grenouille avec 
un morceau de peau ,et porté la patte de l'animal sur l'épine, 
je n'ai observé aucun changement en lui. Après avoir retiré la 
peau à moitié el touché les points même de l’épine, la patte 
dont je me servois pour établir la conimunication, se contracta 
vivement, et l’autre s’éleva du plan où elle reposoit. La même 
chose arrive lorsqu'on fait usage des métaux. Il seroit ridicule 
de dire que ce corps diminue la sensibilité nerveuse. 


Dix-huitième Expérience. 


Je dépouille une grenouille, je la prépare; tenant les cuisses 
avec le pouce et l'index, je plonge dans l’eau une partie de 
l'épine de l'animal, et avec l'autre main j'y tiens une de ses 
pattes. Le fluide électrique trouvant dans l’eau un conducteur, 
la traverse et me donne des signes de sa présence. 


Dix-neuvième Expérience. 


Au lieu de plonger dans l’eau la patte de la grenouille, y 
ayant introduit un doigt de la main, les extrémités se contrac- 
iérent de manière à me faire croire que l'électricité auroit pu 
parcourir une voie beaucoup plus longue, et je ne me trompai 
pas. Un jeune médecin plein de talens, et qui possède ce crite- 
rium qui distingue le vrai artiste du mauvais, le docteur Gia- 
como Solferini , qui m’aida dans toutes mes expériences, s'étant 
tenu à quelque distance de moi, mit un doigt dans le vase 
rempli d’eau, et l'animal entra en convulsion ; l’humidité du pavé 
établissoit une communication entre nous : quand lui ou moi 
nous mettions un non-conducteus sous les pieds, la scène amu- 
sante cessoit, et nous la renouvellions én mettant nos pieds 
par terre. y e 

Pour exciter de nouveau les mouvemens de la grenouille dans 
l'eau, l'opérateur doit rompre la'communication déjà établie, en 
retirant du vase ou l’épine, ou l’autre extrémité de la chaîne, 
pus répéter l'expérience comme auparavant, Il est nécessaire 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, OT 


de prendre la même précaution quand on se sert d’armures et 
de conducteurs métalliques. 


De toutes les expériences que je viens de vous rapporter, 
celle de l’eau est la moins constante. Toutes, en général, réus- 
sissent plus sûrement avec les grosses grenouilles et celles qui 
ont été long-temps privées de nourriture, qu'avec les petites et 
celles qui ont été bien nourries. Quelquefois cependant le résultat 
ne répond pas à l'attente, malgré le meilleur choix possible et 
les plus sages précautions. Ces anomalies surprendront le simple 
opérateur , l'opérateur non philosophe. Quant à vous, qui con- 
noiïssez les lois de l’économie animale, vous y trouverez lexpli- 
cation et la raison de ce qui est un mystère pour Les profanes. 
Je rappellerai une seule de ces lois. L’électricité organique ne 
cireule pas toutes les fois qu’on lui offre des conducteurs, mais 
seulement quand les circonstances lui sont favorables. Nous en 
avons une preuve évidente dans l’histoire de la torpille et de 
l’anguille de Surinam. Ces habitans des eaux ne peuvent faire 
jouer la terrible batterie dont ils sont munis, quand l’excitateur 
a plusieurs anneaux, ou quand il est long et entortillé. 


On a des mouvemens dans les grenouilles qui ne vivent plus, 
en faisant communiquer les muscles avec leurs nerfs respectifs ; 
donc l'électricité des uns et des autres ne se trouve pas en 
équilibre. On a des mouvemens sans le concours des métaux; 
donc les métaux ne sont pas moteurs de l'électricité, ce ne sont 
point eux qui détruisent l’équilibre, ils ne possèdent aucune 
vertu secrète ni magique. Telles sont lés conséquences qui dé- 
rivent naturellement de mes expériences. Désormais l'électricité 
animale cesse d’être un problème, Je m'enorgueillis d'avoir 
contribué au triomphe d’une découverte qui est la plus belle et 
la plus intéressante de notre siècle. 

Je n’étois point parvenu, jusqu’à présent, à réveiller les pal- 
pitations du cœur dans aucun animal en me servant de ma 
“méthode. — Pour mettre en cireulation l'électricité de ce viscère ,- 
il est. nécessaire de lui présenter d’excellens conducteurs, tels 
que le ‘zinc, l'argent, etc. Dans les expériences des poissons 


électriques, l'or fut reconnu le meïlleur conducteur parmi les 
mélaux. 


On sait que les substances métalliques ont divers degrés d'af- 
finité avec le feu électrique. C’est peut-être en vertu de cette: 
affinité qu'ils surmontent la résistance que les muscles et les. 


‘92 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


»erfs opposent au libre cours du fluide électrique. Les métaux 
‘composés ou deux mélaux de différente nature, sont-ils d'autant 
plus actifs qu’ils agissent avec des forces inégales ? 

Au reste, les mélaux eux-mêmes sont fréquemment employés 
sans succès pour rappeler l’action du cœur. Il est probable ae 
l'équilibre de son électricité naturelle s’est établi pendant le 
le temps des mouvemens spontanés. 

L’électricité ordinaire n’a aucun pouvoir sur le cœur. Cette 
observation qui se trouve dans mon ouvrage, Experiments on 
animal electricity , a été confirmée par M. Volta. En partant de 
mes principes, vous ne trouverez pas le phénomène surprenant. 
Permettez-moi de vous les rappeler à la mémoire. L’électricité 
organique n’agit point sur les muscles comme stimulant. Un des 
effets de cet agent est d'augmenter l'attraction des fibres mus- 
culaires. Il seroit aussi absurde de faire dériver cette attraction 
du stimulant, que de faire dépendre d’une force mécanique la 
chute des corps pesans et les révolutions des planètes autour 
du soleil. Les contractions et relâchemens alternatifs des muscles 
dépendent d’un changement d'état d'électricité par rapport aux 
fibres diversement chargées; une électricité étrangère ne peut 
avoir aucune part dans ce mécanisme. Si l'électricité artificielle 
réveille les contractions dans quelque muscle, c’est seulement 
parce qu'elle en irrite les nerfs et les.détermine à ouvrir les 
voies de communication entreles fibres, circonstance qui favorise 
les décharges de l'électricité condensée dans l'organe. 

Quoique le cœur n’ait jamais palpité dans mes expériences, 
je n’en déduis pas pour cela que la loï à laquelle il obéit dans 
ses mouvemens, soit autre que celle qui gouverne les muscles 
soumis à l'empire de la volonté. La loi est la même; mais le 
eœur n’abandonne pas à tous les conducteurs l’électricité native, 
attendu qu’il a, plus que les autres muscles, le pouvoir de la 
retenir dans son sein. 

L’électricité condensée dans les [organes du mouvement n’est 
pas la seule qui mérite la considération du physicien. 

Dans chaque point du corps on trouve plus ou moins con- 
densé ce feu vivifiant. L’excès et le manque de ce feu sont deux 
sources de désordres et de maux. Les objets dont je viens de 
faire mention sont d’une extrême importance, je me propose de 
les examiner dans un Mémoire particulier qui te sera adressé. 


VALLI. 
LETTRE 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 93 


LETTRE DE VALLI 
SUR LE MÉME SUJET. 


Les contractions excitées dans les muscles de la grenouille, 
.en les faisant communiquer avec les nerfs, ne sont pas dues au 
stimulus, mais bien à l’électricité inhérente aux organes de 
l'animal. C’est ce que j'ai prouvé dans ma dernière Lettre, avec 
des argumens qui n’admettent point de réplique. En continuant 
mes recherches, j'ai découvert que les divers fluides rendent les 
phénomènes dont nous nous occupons, plus constans, plus grands 
et plus permanens. Le lait, l'urine, l'esprit de vin, le nitrate 
de zinc, celui de bismuth et le muriate de manganèse sont les 
seuls que j’aie employés jusqu’à présent. Les sels métalliques, et 
ce dernier surtout, ont favorisé merveilleusement la réussite des 
expériences. Dans une grenouille maladive, l'électricité ne se 
manifeste que lorsqu'on humecte l’épine et les muscles des subs- 
tances susdites. Quelques gouttes de nitrate de bismuth ou 
d'esprit de vin versées sur l’épine, assurent le passage au fluide 
électrique à travers l’eau. Sans ce secours, 1l arrive souvent 
qu'il ne peut circuler avec liberté, et même qu’il reste station- 
naire et inerte. i 


Le lait, l’urine, le nitrate de zinc, etc., substitués à l’eau, 
semblent être meilleurs conducteurs qu’elle, à l'exception cepen- 
dant de lesprit de vin. La différence de température en apporte 
une dans les résultats. Ainsi une douce tiédeur détermine la 
circulation de l'électricité, tandis que l’évaporation la trouble 
et l'arrête. L'eau, bien qu’elle se trouve en cet état, peut servir 
à notre but, quand l’épine de la grenouille soumise à l’expé- 
rience , est préalablement plongée dans le nitrate de bismuth. 
Ea continuant à faire des essais sur les diverses substances non- 
électriques, je suis persuadé qu'on parviendroit à calculer les 
afhinités, les rapports et les forces de chacune d'elles avec le 
fluide électrique, calcul qui ne manqueroit pas d'éclairer le 
physicien et de lui être de quelque utilité. 


, Fate Metietta lat eine te =." +, "MANN MUNTS », 


Tome LXXXI. AOÛT an 1815. N 


O4 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Il me sembloit que dans un animal à sang chaud, sur lequel 
on feroit agir les métaux , les phénomènes électriques serotent 
plus sensibles, et même tels à pouvoir les calculer avec l’élec- 
tromètre à la main. Ayant voulu m'en assurer, j'eus le regret 
de voir mes expériences ne pas réussir. Je coupois le nerf crural 
des poulets, et je dirigeois l’action du fluide électrique mis en 
en mouvement, vers l’électromètre. | 

Dans quelques animaux la ligature du nerf n'empêche pas les 
convulsions de la partie qui lui est subordonnée, bien que Pap- 
pareil métallique ne joue qu’au-dessus de la ligature. Cette ex- 
périence que je fis plusieurs fois à Londres avec M. Moorcroft,' 
Je l'ai répétée avec succès avec mon estimable ami, le docteur 
Solferini, sur le plexus brachial d’un chapon. 

‘Je voulus éprouver sur le chapon même, si le nerf crural, 
coupé et ensuite réuni, seroit propre à propager aux muscles 
qui en dépendent, les impressions recues au-dessus de la section. 
L'animal sur lequel je travaillois étoit vivant, et par conséquent 
sa sensibilité devoit être plus grande, les effets plus marqués, 
et cependant je ne vis rien qui püût satisfaire mon extrême 
curiosité. 

J’ai eu recours aux grenouilles qui paroissoient très-riches en 
électricité, et sur lesquelles on peut faire des opérationshasar- 
deuses et cruelles, sans les priver tout-à-fait de la vie. Je les 
ai décapitées, et après leur avoir coupé la moëlle épinière au- 
dessus de la sortie des cruraux, j'ai introduit la pointe d’un 
poincon dans la première vertèbre, ayant soin de tenir bien 
réunis les points de l’épine à l'endroit de la section. L'action 
de ce stimulant sur les extrémités postérieures n’éloit pas vio- 
lente, comme cela arrive ordinairement quand la colonne ver- 
tébrale conserve son intégrité : cependant les palpitations et 
oscillations qui eurent lieu, ne laissent point de doute sur la 
propagation de l’influence nerveuse. 


Un voyageur francais a fait une découverte vraiment belle 
et importante, qui a un très-grand rapport avec le sujet que je 
traite. Il avoit coupé transversalement une torpille, avec l’idée 
de décharger à son gré l'électricité condensée dans les organes 
de l'animal. N'y étant pas parvenu, il s’avisa de rejoindre les 
deux morceaux, et ayant fait de nouvelles épreuves sur le 
poisson, il sapercut qu’il pouvoit encore dans cet état se servir 
à volonté de ses armes, la batterie de feu qui le rend si for- 
midable. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE: 9 


Puisque l’action des nerfs ne laisse pas de se nranifester malgré 
la ligature faite, comme il est mentionné ci-dessus, et bien qu’i 
y ait dans l’épine ou dans le nerf solution de continuité de Ja 
substance verticale et médullaire, je suis forcé de reconnoître 
l'existence d’un fluide, Si j'examine ce fluide, je découvre en 
lui tous les caractères de l'électricité. Comme elle, il est pé- 
nétrant, mobile et rapide. Un fluide qui ne réuniroit pas toutes 


ces propriétés, seroit impropre aux fonctions et au gouvernement 
de l’économie animale. 


IL coûteroit trop à l’animal de tirer du fond de ses propres 
humeurs, un principe dont il doit faire une dépense très-grande. 
La terre qu’il habite et l'air qu’il respire lui en fournissent 
abondamment, 11 le prend de ces sources, et le condense ensuite 
pour le rendre propre aux usages de la vie. 


IL semblera étrange à quelques personnes SE ge 
puisse se condenser et rester accumulée dans les organes ani- 


maux , au milieu des circonstances qui favorisent l'équilibre de 
ce fluide, 


C’est une propriété du feu de se répandre également dans 
tous les corps; mais les êtres vivans le dominent et le graduent 
à leur manière. Ainsi chaque espèce en a sa mesure spécifique. 
Ils ne permetteñt pas qu'il s’en ramasse davantage en eux, et, 
ils retiennent puissamment celui qu’ils se sont déjà approprié, 

L'animal a la faculté d’accumuler et de retenir l’électricité, 
comme il pessède celle d’accumuler et de retenir le feu. Cette 
doctrine est appuyée sur l’histoire des faits. C’est un fait que 
la torpille , ’anguille de Surinam, ete. condensent l'électricité; 
c'est un fait que quelques substances la retiennent avec tant 
d'opiniâtreté, que les pointes de métal les plus aiguës ne peuvent 
les en dépouiller. Symmer fut le premier qui découvrit cette 
résistance, et il l'appelle pouvoir retenant (retentif power), dans 
les bas de soie frottés et joints ensemble. Je rapporte ses paroles : 
« If the black stocking and the rotrite be in conjunction 
together, they retain their electricity roith so much obstinacy 
that even the shapest point of metal cannot deprive them of ir. 
In this case Inever yet have been able to procure an explo- 
sion, nor so much as a spudy discharge by any means Icould 
think of, while the onc was whiten the other. Ihaue put onc 
hand whiten the innermost and with my other have clasped 
the outward siocking; nay, Ihave thrust in my hand, and 


N 2 


95 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


turned the stockings inside out, and in that condition, have 
dashed them against the floor, and all this without procuring 
the least perceptible discharge.» (Philosophical Transact, vol. XI. 
p. r. for the year 1795.) 

Il n’y a peut-être pas dans la nature un agent capable d'autant 
de modifications et d’apparences que l'électricité. La différence 
des couleurs, l'organisation et la nature diverses des corps, le 
plus où moins grand frottement, les puissances mécaniques et 
chimiques diversement employées, en un mot, mille circonstances 
peuvent en changer et multiplier les jeux. Quelle merveille cepen- 
dant, si le même agent assujetti à des forces et des lois nou- 
velles, devient l’excitateur , le moteur des corps animés! 

Le physiologiste qui substitue à l'électricité un principe in- 
connu, offense la raison et la philosophie. 

Dans une des Lettres précédentes, j'ai distingué les nerfs du 
mouvement de ceux des sens, et j'ai dit que la direction du 
fluide dans ces régions séparées n’est pas la même. Les nerfs ont 
donc une force directrice particulière, ou, en d’autres termes, 
leur polarité. 

Le fluide nerveux excité ne fait que mettre en action l’élec- 
tricité dans les organes où il se porte. À dire le vrai, la propo- 
sition est un peu hasardée, et je ne saurois la démontrer par 
des expériences directes : cependant comme les muscles sont 
susceptibles de condenser l'électricité, comme le cerveau se com- 
pose d’une substance qui ne diflère pas de celle des nerfs, il est 
raisonnable de penser que les muscles et le cerveau exécutent 
leurs opérations en vertu de leur propre électricité. Si la loi est 
telle, elle ne devra pas se limiter aux seules parties dont j'ai 
fait mention, mais être commune à toutes celles qui ont ayec 
la première une analogie de structure et de fonctions. 

Je finis. Occupé de divers sujets de médecine, je ne compte 
pas vous parler de long-temps d'électricité animale. Je sais que 
dernièrement vous vous êtes sérieusement appliqué à cette partie. 
Le monde peut attendre de votre génie des expériences dont 
les résultats seront importans. 


Aimez-moli. 4 


VALLI. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 97 


NOTE 


SUR L'AUGCITE, LA COCOLITHE, LA SAHLITE, 
LA MUSSITE, L’ALALITE ET LA LHERZOLITE; 


Par J.-C. DELAMÉTHERIE. 


Ox vient de donner (M. Haüy) dansles Mémoires du Muséum 
d'Histoire Naturelle, 1° année, 4° cahier, des considérations 
sur ces six substances, qu’on croit mètre qu’une seule espèce 
le pyroxène. Elles m'ont fait naître quelques idées qui m'ont 
pis d’un assez grand intérêt pour la Minéralogie et la Cristal- 
ographie, pour les communiquer à ceux qui cultivent ces 
sciences. 


« La première de ces substances, dit l’auteur , page 273, qui 
sont au nombre de six , est celle qui portoit autrefois le nom de 
schorl volcanique , et à laquelle M. Werner a donné celui 
d’augite, Ses cristaux sont noirs ou d’un noir verdâtre (1), et 
leur forme la plus ordinaire est celle d'un prisme octogone, ter- 
miné par des sommets dièdres.» L’auteur l’a nommée pyroxène, 
nom impropre. 

« La seconde substance qui se trouve en Norwége et en Suède, 
a été nommée cocolithe {pierre à noyaux), parce qu’on l’a ob- 
servée d’abord en masse composée de grains arrondis et distincts. 
Ces grains sont d’un vert noirâtre, et n’ont entre eux qu’une faible 
adhérence. 


» La sahlite, que je place au troisième rang , s'offre assez or- 


dinairement sous la forme d’un prisme octogone à bases obliques, 
dont la couleur est d’un vert grisâtre. 


(1) Quelques-uns sont verts. C’est pourquoi je leur avois donné le nom de 
#irescile , qui n’est réellement qu’une variété de l’augite. 


98 : JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

» La mussite et l’alalite. 

» Nous devons la connaissance de la quatrième et de la cin- 
quième substance, à M. Bonvoisin, qui leur a donné le nom 
de mnussite et d’alalife , dérivés de ceux des vallées de la Mussa 
et d’Æla, dans le Piémont, où il les a trouvées. La mussite se 
cristallise en longs prismes rhomboïdaux obliques , dont les pans 
ont souvent leur niveau altéré par des courbures, comme dans 
les cristaux appelés cyléndroïdes. Ces prismes, dont la couleur est 
d'un blanc grisâtre ou d'un verd grisâtre , sont réunis en groupe 
parallèlement à leur longueur. Les cristaux d’alalitesontdesprismes 
octogones , terminés par des sommets plus ou moins chargés de 
facettes, Leur forme est en général très-prononcée; leur couleur 
est d’un gris légérement verdâtre, joint à une assez belle trans- 
parence. 

» La /herzolite. 

» Enfin M. Charpentier, qui réunit à un haut degré les connais- 
sances du minéralogiste à celles du géologue, a reconnu que la 
substance nommée /herzolite par quelques auteurs (x) , étoit une 
variété lamellaire du pyroxène, et l'étendue des terrains qu’elle 
occupe, a engagé ce savant à la placer parmi les espèces géo- 
logiques sous lenom de pyroxène en roche. 

» Les considérations que nous a suggérées la loi de symétrie, 
pour juger d’après le seul aspect des cristaux d’amphibole 
( hornblende) (2), qu’ils ont pour forme primitive un prisme dont 
la base est située obliquement à l’axe, s’appliquent comme d’elles- 
mêmes aux cristaux de pyroxène. Rien n’est si commun parmi 
ceux qui ont été connus le plus anciennement , que la variété dont 
la forme est un prisme octogone à huit pans , terminé vers 
chaque extrémité par deux faces qui se réunissent sur une arête 
inclinée à l'axe. Or le même raisonnement que j'ai fait par 
rapport à plusieurs variétés analogues d’amphibole, conduit à 
cette conséquence , que la forme primitive du pyroxène ne peut 
étre qu'un prisme rhomboïdal ou rectangulaire, qui, dans l’un 
et l’autre cas, sera oblique. 


(”) Charpentier , que j'ai constamment connu comme un homme équitable 
qu' ne se laïsse point dominer par la haine et l’injustice, ct qui est incapable 
de faire une cour vile, a nommé cet auteur , et a dit l’herzolithe de Delamé- 
therie. .., parce que c’est moi qui lui ai donné ce non®. À 

(2) Æmphibole, c’est-à-dire équivoque , ambigu, nom bien impropre, puis- 
que , selon l’auteur, leur seul aspect en détermine la forme. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 99 


» Le résultat de la division mécanique confirme ce que l'œil 
avoit lu; mais il laisse le choix indécis entre les deux espèces de 
prisme , la rectangulaire et la rhomboïdale ; cependant l’ensemble 
des faits détermine la préférence en faveur de ce dernier. 


» La molécule intégrante sera, comme dans l’amphibole , 
le prisme TRIANGULAIRE , qui résulte de la sous-division du 
À L. »q L 
prisme rhomboïdal dans le sens de ses deux diagonales. 


» Et /a molécule soustractive sera semblable à un prisme 
(triangulaire). » | 

Je vais faire quelques observations sur ce que nous venons 
de lire. 


1°. l’auteur est incertain si la forme du pyroxène et de ces 
autres substances , est un prisme rectangulaire , comme Bournon 
l’a pensé relativement à la sahlite , où un prisme rhomboïdal ; 
cependant il donne la préférence à cette dernière opinion. Or 
ne doit donc la regarder que comme une hypothèse. Or on 
ne sauroit réunir en une seule espèce ces six substances d’après 
une hypothèse. 


20. Mais il fait un aveu essentiel relativement à la nature de la 
moléeule : il convient que 

La molécule INTÉGRANTE et lamolecule SOUSTRACTIVE, 
soit dans son amphibole, soit dans les six autres substances, 
sont des PRISMES TRIANGULAIRES qui résultent de la sous- 
division du prisme rhomboïdal. 


Or le prisme triangulaire peut être composé de lames triangu- 
laires. 


C’est l’opinion que j'ai constamment soutenue dès 1792, dans 
la Sciagraphie, tom. IT, pag. 348. Je disois: : 

« Chaque lame rectangulaire ou obliquangalaire peut être 
» composée de deux ou quatre lames triangulaires (fig. 1) ; 
» ensorte qu’en dernière analyse, /outes les lames pourroïent se 
» rapporter à la triangulaire.» 

J’ai donné du développement à cette opinion ailleurs, et surtout 
dans mes Leçons de Minéralogie, tom. I, pag. Lit. 


On doit donc regarder comme prouvé et avoué, que les mo- 
lécules des cristaux peuvent être des prismes sriangulaires. Or des 
prismes triangulaires peuvent être composés de lames triangulaires, 
S1 ces lames sont posées également , et de même dimension , elles 
formeront un prisme triangulaire droit, égal dans sa longueur. 


100 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Si ces lames ne sont pas de même dimension, et qu’elles fassent 
des retraites, elles formeront des /étraèdres. 

Le prisme peut être oblique, si les lames triangulaires se placent 
obliquement par rapport à l'axe. 

Ainsi, en dernière analyse, les molécules des cristaux sont com- 
posées de lames triangulaires. 


30, 11 ne me paroîit point prouvé que ces six substances, l’au- 
gite (ou pyroxène) , la cocolitbe , la sahlite , la mussite, l’alalite 
et la Iherzolite ne forment qu’une seule espèce; tous les carac- 
tères minéralogiques disent le contraire. 

a. Leurs caractères extérieurs sont entièrement diflérens. IL 
w’y a aucun rapport extérieur entre l’augite volcanique et la 
sahlite, la mussite, l’alalite, comme le savent ceux qui ont vu 
ces substances. Leur aspect, leur facies , leurs couleurs , leur 
dureté, leur transparence. ... diflèrent entièrement. 


b. Leurs caractères cristallographiques ne diffèrent pas moins. 


La forme la plas ordinaire de l’augite est un prisme octogone 
‘avec des sommets dièdres; 


Mais j'ai prouvé que sa forme primitive est le prisme rhom- 
boïdal avec des sommets dièdres ( Journal de Physique et 
Leçons de Minéralogie , tome II, page. 214) : j'en ai décrit 
17 variélés. 

La forme primitive de la sahlite est le prisme rectangulaire, 
suivant Bournon. : 

La forme primitive de l’alalite est, comme je lai fait voir, un 
prisme rectangulaire, souvent passant à l’octogone. 

La forme de la mussite est un prisme arrondi d 


) ! ont on ne peut 
déterminer la figure. 


c. Enfin l'analyse chimique de ces six substances, quoique 
très-imparfaite, y laisse également apercevoir de grandes difié- 
rences. 

Celle de la lherzolite, faite par Vogel, diffère de celle de l’au- 
gite, de la cocolithe , de la mussite. 

On ne sauroit donc regarder comme une seule espèce ces six 
substances. 


4°. Cette prétention de regarder, sans motifs suflisans, comme 
une seule espèce , plusieurs substances qu’on a toujours distin- 
guées, et d’en séparer d’autres pour en faire plusieurs espèces, 
nuit beaucoup aux progrès de la science. 


On 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. YoL 


On avoit voulu, par exemple, regarder comme une mème 
espèce le calcaire et le fer spathique, sous prétexte que leurs 
formes cristallines sont les mêmes..... Cette prétention est re- 
connue fausse aujourd'hui par tous les minéralogistes. C’est comme 
si on avoit voulu ne faire qu’une seule espèce de fer sulfuré, de 
plomb sulfuré, de l'argent sulfuré , parce qu’elles affectent les 
mêmes formes cubiques et octaèdres et leurs variétés. 


On a voulu séparer d’autres substances qui paroissent de la 
même espèce. 


On a fait deux espèces distinctes du grenat et de l’aplome. 
Cette prétention ne paroît point fondée, comme je l'ai fait voir 
ZLecons de Minéralogie, tome IT, page 112. 

La zéolite (mesotype) a été séparée du natrolite ; Smithson 
a fait voir que cetie opinion r’étoit pas fondée ( Journal de 
Physique , tome LXXIX, page 444) , et que la mesotype et la 
natrolite étoient une seule espèce .... 


On ne sauroit donc être trop circonspect sur cette réunion OU 
distinction des espèces minérales, sans motifs suffisans. 


Que le minéralogiste sage suive donc l'exemple du savant 
Werner et de tous ceux qui cultivent la science avec un desir 
sincère de lui faire faire des progrès. 

Qu'il abandonne ces fausses prétentions à ceux qui se laissent 
entièrement dominer par unamour-propre déplacé, soutenu par une 
prédilection pour les caractères cristallographiques, et un défaut 
des vraies connoissances des minéraux ; car un vrai minéralogiste 
ne confondra pas le fer spathique, par exemple, avec le spath 
calcaire, quoique l’analyse chimique lui dit dufférer. 


Tome LXXXI. AOÛT an x1815. | O 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES 


PR 


« RE er L é #4 
: THERMOMÈTRE EXTERIEUR BAROMÈTRE MÉTRIQUE. > À 
à CENTIGRADE. | ae 
w EN D 
SÙ Maxemum. | Minimum. |A Mini. Maximum. | Minimum. Ba ki Ü 
heures. © | heures. o heures mill. | heures. mill. mill. g: 
1la4is. +25,08làgm. +14754+ , |a6m...... ..760,44là45s........ 759,80] , ; 
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[à midi. +20,00|à 6ES. +12,50|+20,00|à 1045....... 761,36|à 4 m,........ 757,64|758,70| 20,3 
Bla 3s.  H18,10|à 4 m. + 6,75|+416,25 à CCM ES à 764,20|à 4 m........ 762,46|763,90| 19,0 
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Hola 11 2m—25,75|à 4 + m.+-12,25|+24,50|à 9 m.........762,80|à9 3 s........ 761,36762,50| 21,9] 
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16là midi. +21,75|à 10 s.+15,25|—2r,75 à HO NNS NIET 764,48|à4 À m....... 762,70|763,38| 22,6[k 
17la3s.  +25,00/à 44m,.+413,50| 22,50] à 4 5 m.......763,72/à 105........750,12/762,24| 22,4] 
Blr8lag _m.—+0,00là 1045. +16,25|+17,50/à 4  m.......757,06|à 10 $s....... 757,561757,96| 21,6]! 
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loorà midi, 18,10o|à 1155. H10,85|+-18,10|à 11 s.......708,40| 47 m....... 753,70]755,42| 20,5 
Mlorila3s. 22.50 47m. 0,75] +22,25/à7 2 m....... 750,041à65.......,.. 757,32]758,62| 21,8 
Miz2la3 s. -21,75/à 45m. 415,00 20,25|à 9 1 s....... .757,34|à 4 2m.......756,50|757,18| 20,8|) 
H|23/à 11m. +22,00|à 43 m. 413,50 421,75 92 s........ 759,80|à41m........ 757,60[758,00| 21,5]) 
Bi 2qlà midi. H22,10/à 4+ m.+11,25|+22,10l/à 3s..........701,22|à 4 3 me....... 760,38|761,02| 21,3 
Hio5lamidi. +22,10|à 44 m.-r3,00 2,10 à 1125s........763,J0|à 4 5 m.......762,40|703,70| 20,7 
26|à 103 mæ419,25|à 4 Fm.+1275|416.75/à 7Em.......763,12/à 5 +5.,...:.. 760,90|761,96| 20,àl} 
o7là 35. +16,10|à 45 m.+12,50|+15,60|à 9 im......... 762,60|à 5 &s........761,50|762,92| 19,6 
M|o0là 35. —21,00|à 45 m.+12,75|H19,79|à 105...... ...763,74là 315........ 762,08|762,84| 19,6f 
Mioola 3s. 21,90 45 m.12,75|+19,00|à 9#m...,...764,12/41%6S........ 760,66|763,74| 16,91! 
M|sojà midi. +z21,00|à 4 À m.-13,50|+21,00|à 10s.........759,30|à midi. .......756,70|756,70| 20,0 
B|3rlà midi, +21,5ofà 4 4m.+14,00|+21,50 àI1OS....... 763,36|à 4 1 m....... 759,9017600,94| 20,21" 
É|Moycnnes.+22,16| +-13,02|+-21,10| 799574: 761,09/76,67| 20,4| | 
ÉÉ CA PH TU LA TION. | 
Millim. 
Plus grande élévation du mercure. .... 765°04 le 10 | 
Moindreélévation du mercure......... 753,70 le 20 
Plus grand degré de chaleur......... +28,09 le 15 
Moindre degré de chaleur........... + 6°75 le 8 
Nombre de jours beaux....... 19 
de couverts.......... 10 
depluie............... 12 
deWents ee. male ces 31 
de gelée... 0000. o 
de tonnerre........... o L 
de brouillard. ......... 7 ) 
de neige....:......4.. o : 
de grêle 


Nora. Nous continuerons cette année à exprimer la température au degré du thermomètre cen 
centièmes de millimètre. Comme les observations faites à midi sont ordinairement celles qu’on 
le thermomètre de correction. À la plus grande et à la plus petite élévation du baromètre 
conclus de l'ensemble des observations, d'où 1l sera aisé de RÉ la température moyenne" 
conséquent , son élévation au-dessus du niveau ae la mer. La température des caves est également k 


A L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARIS. 
JUILLET 1815. 


POINTS VARIATIONS DE L'ATMOSPHÉÈÉRE. 


LUNAIRES. 
LE MATIN. A MIDI. LE SOIR. 


1 N-N-E. Beau ciel. Nuageux. Beau ciel. 
2] 71 N-E. Couvert. ) Beau ciel. Idem, 
: Idem. Beau ciel. Légers nuages. Nuageux. 
3| 67 8 
4l 64! Ziem. Trèsnuageuxe Très-nuageux. Idem. 
5| 64| dem. Nuageux. Idem. : Idem. 
6| 551 Zdem: [NLanbh36| Jdem. Légères vapeurs. Idem. 
| 64|N-0. Jde. Couvert. Pluie à 5h. 
8] 64 [N. Lune périgée. | Idem. Idem, Couvert. 
gl 7210. Pluie. Pluie. Pluie par intervalles. 
N. Nuageux, brouillard, |Ciel voilé. Beau ciel. 
ri Idem: NE Re , brouillard.| Nuageux, Nuages à l'horizon. 
N-E. dem. Idem. Nuageux. 
S, P.Q.àsha'm.| Très-nuageux. Idem. Pluie. 
Idem. Nuageux, brouillard.| : Idem. Nuageux. 
S-O. Couvert. ; Idem. Pluie. 
O. Idem. Couvert. Nuageux. 
S-O. Très-nuageux. Idem. Idem. 
O. Couvert. Pluie, Pluie par intervalles. 
Idem. Idem. Couvert. Petite pluie à 2h. 
Idem. Nuageux: Pluie fine. Pluie par intervalles. 
S-0. P.Lhtob.29'5.| dem , léger br.  |Très-nuageux. Très-nuageux. 
NE. Couvert. Idem. Quelq. g. d’eau. à7 h. 
N. Lune apogée. [Nuageux , plu. à 5 h.| : Idem. Beau ciel. 
N-O. Nuageux. Couvert. Pluie par intervalles. 
O-N-0. Couvert. Très-beau ciel. Idem. 
Idem. Petite pluie,brouill. |Pluie abondante. Pluie. 
N-0. Couvert. Pluie. Beau ciel. 
N. Idem. -  [Très-nuageux. Tdem. 
Idem:  |D.Qarrho’m.|Couvert, brouillard. | Zaem. Très-nuageux. 
Idem. Couvert. : Idem. Couvert. 
 [N-O. Idem, Idem. Nuageux: 


RÉCAPITULATION. 


INR APE 08110 

N-E...... bacon) 

Hi era L To 

Jours dont le vent a soufflé du { Sr © 

SO PES 3 

+ O7 = UT 
NEO Pere ereceee 4 


le 1 129,110 


5 Therm. des cayes | centigrade; 


le 16 12°,110 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 31""9= 1 p. 2 lig. r dixième. 


tigrade , €t la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, c'est-à-dire en millimètres et 

TS généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromètre, on a mis à côté 
hebdu thermomètre, observés dans le mois, on a substitué le zzaximum et le minimum moyens, 
[dumois et de l'année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoire de Paris et par 
| Exprimée en degrés centésimaux, afin de rendre ce Tableau uniforme. 


104 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
A]. OERSE Le ue AMEN. OEES 
ee 
TABLE 
DE LA QUANTITÉ D'EAU DE PLUIE, 


“Et du nombre des jours de pluie, neige et bruine, à 
Viviers, pendant trente années ; 


PAR Honoré FLAUGERGUES. 


L'UDOMÈTRE dont je me sers:pour recevoir et mesurer l’eau 
de pluie, consiste en une cuvette prismatique carrée de fer- 
blanc peinte à l'huile, dont l'ouverture et la base ont exacte- 
ment six pouces de côté; cette cuvette est placée au milieu 
d’une cour spacieuse, sur une petite colonne de pierre, à abri 
de-tout rejaifiissement : aussitôt que la pluie a cessé, je mesure 
l'eau tombée dans la cuvette, en la transvasant dans un vais- 
seau cylindrique de verre exactement divisé en pouces cubes; 
il est évident que ‘trois pouces cubes d’eau forment dans la 
cuvette, un .prisme d’une ligne de hauteur; c’est d’après ce rap- 
port que j'ai réduit en ligues de hauteur, les quantités d’eau 
tombées chaque mois, et mesurées en [pouces cubes. - 

A l'égard de la neige (qui n’estautre chose que la pluie gelée), 
jai mesuré de même l’eau provenue de celle tombée dans la 
cuvette, en la faisant fondre dans un vaisseau fermé, et à une 
chaleur modérée. 

La hauteur totale .de l’eau de pluie tombée à Viviers dans 
le cours de trente années, comprises entre 1777 et 1808, s'élève 
à 82 pieds r pouce 4 lignes 2. Cette quantité, divisée par 80, 
donne 32 pouces 10 lignes 4#, pour la hauteur moyenne de 
l'eau qui tombe dans une année, et cette quantité, prise pour 
l'unité, est répartie entre les douze mois de l’année, de la ma- 
hière suivante: 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. où 
Hi Janvier TARN O 008! 

: pe { Février: M MO: 04O 
m7 MES ee eleeute: : G0020 
pou pe “ot 4 ; f : ; CE 
0.271. UT es à 0 Morte 2 ere IF OCO D 

0,4156 

, gonfilet. 7e M ueor7z 
Eté, 2 {août SMEMENORO REC MT NC 
92480 Sepiembre . . .!. . . 0276: 
Oetobre . 55 due: £ \55s110 1408 : 

trs Novembre . . . . . . :0,1908: 

du © & Décembre. » «+ . 4 ‘0,0704 

0,0644 


La somme de la quantité de pluie, de l’automne-t de l'hiver... 
esi à la somme de la quantité de pluie du printempsiet de l'été. 
comme 13 est à 12: XN- d ; 

Dans lecours desditestrenteannées,/laplusypluvieuseaété 18or, 
dans laquelle il est tombé 48 pouces # ligne d’eau, et durant 


“laquelle il-y a eu 141 jours pluvieux , et la,plus sèche a été 1770. 


“pendant laquelle il ne tomba que 20 pouces 7 lignes + d'eau, 


et où il n'y eut que 69 jours pluvieux. 


Si l'on«additionne les quantités d'eau de pluie tombée pen- 


. dant chaque décade d'années prise séparément, et qu’on divise 


les sommes par 10, pour avoir la moyenne annuelle pour cha- 
cune de ces trois décades d'années, on trouvera les quantités 
suivantes : 


Quantité d’eau de püietombéedans| | Quantité moyenne annuelle 
uie. 


Décades d'années. chaqhe décade. 


1778 — 1787 25 pieds #1 p.2 lig. 81 poue, 1 Jig. 
1788 — 1797 27 8 2 + 33! 2 à É 
1798 — 1807 :| 28 : Dr “| 84 2 + 


. On voit par cetle Table, qu'il y a une augmentation. sen, 


206 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


sible dans la quantité moyenne annuelle d’eau de pluie, 
mesure qu'on s'éloigne de l’année 1778, époque du commen 
ment de ces observations ; cette augmentation depuis 1° 
jusqu'à 1802 (années auxquelles se rapportent les quant 
moyennes de la première et de la troisième décade), est 
x pouce 9 lignes 5, ce qui fait à peu près 11,052 d’accroissem 
par année, ou environ la 375€ partie de la quantité moye 
annuelle d’eau de pluie. 


La plus forte pluie que j'ai observée, a été celle du 6 s 
tembre 1800 : il tomba dans dix-huit heures, 13 pouces 2 lig 
et + d’eau. 

Pendant lesdites trente années, faisant 10,956 jours, il 
eu 2839 jours pluvieux, ce qui fait en nombre rond, 95 ja 
pluvieux dans l’année ( à peu près un sur quatre) , ces 2839 Jc 
ont été partagés entre les trois décades, de la manière suiva 
1778 —1787, 830 jours, 1788 — 17097, 947 jours, et 1798— 14 
1062 jours, et répartis entre les douze mois de l’année a 
qu'il suit: 


: Janvier., » » ns + et 248 ionre 
Pi À Février. a ete dal 200 
99: LNTaTS te EN ENS ee A ADIE) 
A à EAN à 
7r4 Juin. PUIS HS er NP20 
IA4II 
£ 2 Juillet ME MNT SE NÈREZ 
e {août : 1121111 138 
Et LU Septembre... . . . + « . 213 
Octobre MATE MIN I0S 
pe ni { Novembre:. , « .'. … . 336 
7E0e Décembre: 0 MEN 00286 


: 1428 


Le nombre des jours de pluie pendant l'automne et l’h 
est au nombre des jours de pluie pendant le printemps et l 
comme 4 est à 3. 


Oa voit par ces Tables, que le nombre des jours pluvi 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLS. 107 


dans l’année , à Viviers , augmente sensiblement, etquela so mme 
des jours pluvieux de l'hiver et du printemps, est à peu près 
égale à la somme des jours pluvieux de l'été et de l'automne. 

Si l’on divise les quantités totales de pluie tombée chaque 
mois, par le nombre des jours pluvieux, on aura l'intensité de 
la pluie diurne pour chaque mois, comme dans la Table sui- 
vante, où la quantité moyenne annuelle de pluie est prise poux 
l'unité. 
| anvier NM EU MORE 00085 
RÉVHIENS 614 .Lest 5. et 250007 S 
Mars. et Ou ONE Der a oog7Æ 


AVES ARE RME M MENT 0,0002 
Le Mai Dee RENE 100008 
Un MERE TS Ne MIN OOTTE 


Juulers as. + ef No es cuit 0,000 
à AO TEE de er retire lee tal ettlO;Or40 
- Septembre, . . . . , . + + « 0,0180 


| GOütobre. se ie ete 00180 
k Novembre. 12-111 -"cletf HO OTt/z 
‘3 Décembre. . :. +... « + 00074 


… Dans le cours desdites trente années, les jours où il a plu le 
plus souvent, ont été le 3r octobre et le 4 novembre, qu'il a 
plu dix-sept fois, et les Jours qu'il ale moins plu, ont étéle 4 
et le 7 juillet qu’il n’a plu qu'une seule fois. 

On peut conclure de ces observations, r° que le mois d’oc- 
|tobre est celui. pendant lequel il tombe le plus de pluie à Fiviers,. 
et juillet, celui pendant lequel il en tombe le moins. 


| 20. Que le mois de septembre est celui où les pluies diurnes 
sont les plus fortes, prises séparément, et février, celui où les 
pluies diurnes sont les plus foibles. 

89. Enfin , que le mois de novembre est celui où les pluies sont 


le plus fréquentes , et août, celui pendant lequel les pluies sont 
le plus rares, 


3 Me 5725 735 922; 


Se 2 2 VE D RS SR PS © RS 


HO RE 
DNI a G% 
EÉ 


Lo] AS Gal = | ka 2e | 19 22/1 Cd] æ= 


JOURNAL DE, PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Quantité 
de pluie 


v. | Févr. |Mars.|Avril.| Mai. Juin. | Juil. [Août.| Sept. [Octob.| Nov. | Déc. | tombée 


rune. 
année. 


(24 . 8 ; lig- pos lig- 
8] 251) 25 . Bal 112) 0 98: 222) 15 | 29.114 
23 . 73 
5 
. 63 
! 5 


i 
+. 2% 


3.11! 


Lou] 509! 


HKe) 
571] 22 2] 40! go eo 15 7 
10) 223] B : 7: 542] 45 | 43 EX 
29%] 21 | 40%] 59il 58 1] 20% o2 
17 | © | 321] 5b2| 33 | 24 |‘ o . 61 
22%| 202 11) 942 572 21 164 6 
731 814) Bo | 15 | o | 63:|, 5? 113 
551 324] 31 | 68: 372] 52] 55 . 32 
7 | 0.251 o |34i] 9 | 13: 0? 
Go 311] 9 172l 112) BE 6 61 
3 2] 4b2| 56. | 30 |: o |: 6 8: 
203] 114] 12 | 131} 3o | 221} 10: 5 
20% 71] 612] 331) 44 | 281] 38 52 
37, 263| 69 20 | 18.| o | 8 2? 
38: Oo | 192| 471 05 | 81 142 1 
27] 551|. 62] o11] 41 | 20 9 4: 
661 71247 | "o| 54 5 51 
36 | 411] 2b f 292} 981] 62! 42: 8 
20!) 25) s É 25 | o Le 3: 
201] 61 451) 394! 45 | 452] 30 72 
384] doi] 111] 30 | 71] 34] 59 6: 


917 [9631 55738073/150g3 1656 'P4638825/p85. 41 


M 
- 23 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 109 


TABLE 


Du nombre de jours de pluie, neige, bruine, etc., à Viviers, pendant 
30 années. 


jours. | jours- | jours- | jours. | jours. jours: | jours | jourse | jourse | jours+ | jourse | jours- 
12 9 
4 7 10 | 13 
GRPE7 
10 


13 


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Tome LXXXI. AOÛT an 1815. P 


10 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


NOTICE MÉTÉOROLOGIQUE. 


LA hauteur moyenne du baromètre, à mon observatoire à 
Viviers, élevé de neuf toises et trois pieds au-dessus des eaux 
moyennes du Rhône, à midi vrai, réduite à la densité du mer- 
cure, à la température de la glace fondante corrigée de l'effet 
de la capillarité, est déduite de 4294 observations comprises 
entre le 30 avril 1802 et le r°* mai 1815, est de 27 pouces 
111,038. Les extrêmes ont été, le 10 janvier 1803, à 26 pouces 
20 lignes &, le 8 février 1804 et le 31 janvier 1810, à 26 pouces: 
à lignes <-. 

La température moyenne observée chaque jour au lever du 
soleil, sur un thermomètre parfaitement isolé en pleine cam- 
pague , déduite de deux années d'observations complètes, est de 
6°,54 du thermomètre de M. Deluc. 


Température moyenne du fond d’un puits qui a 3r pieds de 
profondeur, et l’eau dix-huit pieds de hauteur; 90,48. . 

La latitude de mon observatoire est, d’après mes dernières. 
observations, de 44° 29° 2! 5? 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. LIL 


SUITE AU MÉMOIRE 


SUR 
LA CULTURE DE LA BETTERAVE A SUCRE; 
Par M. PAJOT DESCHARMES. 


CHAPITRE QUATRIÈME. Des labours des Terres propres à la 
culture des Betteraves. On a vu dans le chapitre précédent, que 
les engrais donnoient de l’action aux sols foibles et languissans , 
et réveilloient l'énergie. de ceux épuisés, que quelques-uns avoient 
la propriété de servir d’aliment à la plante, tandis que d’autres 
avoient celle de diviser la terre ,et d’attirer sur elle l'humidité de 
l’atmosphère, ce qui, en excitant une fermentation propice, hâtoit 
la décomposition des fumiers. Mais envain les premiers élémens 
de la végétation auroient-ils été prodigués sur la terre destinée 
à les élaborer , si celle-ci n’avoit été disposée, au préalable, à 
les seconder dans leurs effets, par des apprêts ou façons indispen- 
sables et appropriés à leur nature, à celle de ces mêmes engrais, 
comme aussi à celle de la semence qui doit lui être confiée. Ce 
sont ces diverses préparations que le chapitre suivant va nous 
apprendre. 


Jusqu'à l’époque où par le sentiment de ses besoins la France 
s’est occupée de la culture en grand de la betterave, l'agriculture 
n’avoit, à cet égard, qu’une notion bien foible des préparations 
qui pouvoient être convenables à la terre dans laquelle la graine 
de cette racine devoit être semée , ou son plant repiqué. Ses con- 
noissances étoient bornées aux observations qu’avoient pu faire 
les jardiniers qui étoient, en quelque sorte, les seules personnes, 
principalement dans la France, qui se fussent livrées à ce genre 
de culture; encore leurs expériences n’embrassoient que les va- 
riétés non recherchées, et que les étrangers, plus or regar- 
doient comme peu productives en matière sucrée. Il a donc fallu 
s'en rapporter au zèle des particuliers qui se sont adonnés à cette 


PA 


112 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


nouvelle branche d'économie rurale. Les résultatsqu’ils ont obte- 
pus ne laisseront pas que de jeter une grande lumière dans les 
opérations des cultivateurs, et tout porte à croire que les premiers 
fruits de leurs recherches mettront les nouveaux entrepreneurs, 
qui suivront les erremens qu'ils ont tracés, sur la voie d’assurer 
leurs travaux par des succès encore plus satisfaisans. C’est un 
avantage qu'ils devront au point d’où ils seront partis, c’est-à- 
dire à l'instruction de ceux qui les auront devancés dans cette 
nouvelle carrière, et dont le lecteur saura apprécier le mérite. 
On a cru devoir la présenter, d’après le plan qui a été adopté 
Jusqu'ici pour les matières qui précédent. 

$ Ier. Opinions des Cultivateurs et Fabricans de Sucre, sur 
les labours les plus convenables aux différentes espèces de 
Terres consacrées à la culture de la Betterave. La meilleure 
terre, dit M. Wornhuydt , est celle menue; pour obtenir , il 
fait donner quelques labours au mois de septembre , il les répète 
au mois de février ; et dans le printemps, au mois d'avril, il fait 
recoler, c'est-à-dire brûler à un pied de profondeur la terre du 
sillon, ce qui fait encore une charrue de la même profondeur, de 
sorte que la terre neuve se ie toujours au-dessus de la vieille. 
Les graïnes viennent alors dans une sorte de terre neuve qui n’a 
été nullement productive. ( Bouches-du-Rhin. } 


La terre doit être labourée profondément et levée avec la pelle 
dans le printemps; il vaut encore mieux la bécher à la profondeur 
d’un pied et demi : c’est l'avis de M. de Twelle. (Même dépar- 
tement.) 


Il faut, selon M. Mallet, préparer la terre, en donnant trois 
labours : les premiers doivent être faits avant l'hiver. ( Calvados.) 


M. Richard d'Aubigny considère comme facile la culture de 
la betterave; 1 suffit, suivant lui, de donner au terrain deux le- 
bours profonds et croisés, et par un troisième et quatrième , de 
relever des ados de 15 pouces. (Même département. ) 

On ne peut espérer de succès complet pour la culture de la 
betterave que dans les terres meubles et profondes des vallées et 
bassins des rivières et ruisseaux affluens. ( Haute-Garonne.) 


Il est bon de faire bécher les terres pour betteraves, elles sont 
rendues ainsi plus légères et plus meubles, et par cela même, 
plus productives. ( Marne.) 

La Sociélé d'Agriculture de Lille conseille d’enterrer le fu- 
mier à la chartue, où au moins à six pouces de profondeur, ensuite 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 113 


de labourer à sillons étroits. Il convient que le dernier labour soit 
profond. (Nord. ) 

M. Pillot conseille de seconder la terre par de fréquens labours, 
autrement les racines deviendroient fourchues et ne donneroïent 
pas de profit, si on ne labouroit pas assez profondément, et si on 
ne divisoit pas la terre à la fourche, à la herse ou au râteau. Ce 
qu’il ya de certain, c’est qu’on ne peut donner trop de façons au 
terrain destiné à recevoir de la graine de betterave. ( Mème dé-. 
partement. ) é * 


Suivant M. Mens de Brayer (d'Anvers), il faut à la terre pour 
betteraves deux labours; le premier doit se faire au mois d'oc- 
tobre après avoir fumé le terrain, et le deuxième ou le dernier 
se fait au mois de mars. Après. ces facons il faut bien niveler la 
terre avec la herse ou le râteau. (Deux-Néthes. ) 

L'expérience a démontré que pour émincir le terrain en grand, 
il faut le- labourer et retourner avant l'hiver , afin que la gelée et 
Ja neige fondent toutes ies mottes de terre que rien ne peut mieux 
émietter. On n’y parviendroit autrement sans de grands frais ; 
il a été également observé que les fumiers étant bien fondus, il 
faut donner alors avec la charrue une seconde façon vers la fin: 
de février. (Rhône. ) 

M. Sistenden s'exprime ainsi : Lorsque le fumier est mis, le 
terrain doit être divisé en rabats autour de fossés larges et pro- 
Fonds, la terre de ces fossés est jetée sur les rabats pour en couvrir 
le fumier, Les fosses ou rigoles servent à conduire l’eau du ter- 
rain, afin que l'humidité hivernale ne le fasse aigrir. Aussitôt 
que le terrain à planter aura été au printemps libéré de son humi- 
dité, à tel point qu’en bèchant la terre les mottes se résolvent 
comme il faut , il est bon de la tourner profondément à l’aide de 
la bèche, et de la rendre parfaitement unie; après cette facon, 
il est divisé en rabats de 3 à 4 pieds de large, séparés par des 
sillons larges à peu près d’un pied. ( Roër.) 

Sur les rives de l’Ærmançcor, dans un terrain près de Joigny ; 
qui n’est ni jardin ni chenevière, un particulier a récolté 25,000 
kilogrammes de betteraves dans un journal qui a été béché (Saône- 
et-Loire.) 

M. Bonmatin dit expressément qu’il faut retourner la terre et 
Jui donner une demi-facon au mois de septembre, et qu'à la ie 
mai on doit lui donner les labours nécessaires pour recevoir les: 
semences de betteraves. ( Seine.) 


114 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Ou le sol qu’on destine à cette plante est naturellement meuble; 
ou ilest compacte. Dans le premier cas il lui faut peu de labours; 
et dans le second il convient, afin de bien le diviser , d'en donner 
trois à quatre entre les houages. ( Société d'Agriculture de la 
Seine. ) 

Quelque nature de sol qu’on adopte pour la betterave, la terre 
doit étre travaillée profondément , bien divisée par plusieurs la- 
bours et hersages, surtout celle qui est forte et argileuse, cette 
dernière même avec le râteau à pointes de fer. On doit bien se 
garder de donner ces labours lorsqu'elle est trop humide; une 
pareille erreur de culture ne peut se réparer que difficilement, 
même en faisant passer le râteau armé de pointes de fer : c’est 
l'opinion de M. C'alvel. (Seine. ) 

S IT. Expérience particulière de M. Drouet, de Saïnte- 
Menéhould. On ne peut mieux finir le chapitre qu’en faisant 
connoître le procédé que M. Drouet , de Sainte-Menéhould, dont 
on a déjà publié un essai, a suivi pour défoncer un terrain de 
nature de pré-marais, qu’il a voulu ‘appliquer à la culture de la 
betterave à sucre : on ne pourra qu’admirer sa méthode qui pa- 
roît promettre de grands avantages à ceux qui seront dans le cas 
de l’imiter. 

Voici les travaux sommaires qu'il a fait exécuter pour atteindre 
le but qu’il s’étoit proposé. 

Il a culbuté le terrain dans une profondeur de 27 centimètres ; 
en faisant trancher le gazon en deux parties égales, dont la su- 
périeure, couverte et remplie de racines , a été renversée soigneu- 
sement et jetée au fond du sol ; l’autre a été répandue à la superficie. 
Cette opération étant terminée, le terrain offroit l’aspect d’une 
terre de jardinage bien meuble. 

Pour venir à bout de, cette opération, qui dans le commence- 
ment étoit très-difhcile, il a d’abord employé le service du loùchet; 
mais le travail n'étant ni assez BRIE ni assez économique, 
il a cherché dans celui des charrues, un moyen plus efficace. Il 
a fait construire une charrue montéecomme les autres, mais dont 
l’ajustage du soc et du versoir est différent. En combinant le 
travail de cette charrue avec le labourage d’une autre charrue 
ordinaire , on obtient une culture plus profonde, plus égale, plus 
divisée et moins dispendieuse qu'avec tous les instrumens aratoires 
connus. 

Le résultat de cette nouvelle pratique avoit pour but essentiel, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 115 


x° de donner en un seul jour, et au moment qu’on le desire, à un 
terrain négligé et couvert d'herbes, une culture profonde qui 
rend la terre meuble, et fait disparoître les herbes et racines qui 
se seroient opposées à la production d’aucunes plantes pendant le 
cours de la eampagne ; 2° de plonger au fond du sol la première 
couche de terre végétale épuisée par une infinité de récoltes pré- 
cédentes ; de ramener à la superficie une couche de terre neuve 
et fertile, qu’on pourra labourer pendant plusieurs années, sans 
craindre de toucher à la couche du fond, qui pendantces inter- 
valles réparera ses pertes par le repos, et acquerra une nouvelle 
énergie, objet intéressant qui donne la faculté de supprimer les. 
jachères dans les terrains ainsi cultivés ; 3° de favoriser l’accrois- 
sement de la betterave, plante pivotante qui demande une terre: 
défoncée profondément pour y végéter à son aise. ’ 


M. Drouet a remarqué que dans les terrains cultivés comme it 
vient d'être dit, les betteraves s’enfonçoient jusqu’au collet et 
végéioient dans la terre , au lieu que dans les terrains cultivés 
autrement , les racines s’élèvent au-dessus du sol, faute de pou- 
voir le pénétrer. Or cette partie qui est à découvert, ne contient 
presque pas de saveur sucrée, remarque très-importrnte dans la 
culture de la betterave destinée à la fabrication du sucre. 


_ 49, Cette méthode Se les herbes inutiles et parasites de 
croître dans les rangées des betteraves, ce qui évite la dépense 
des sarclages. 


Tels sont les différens avantages d’ane méthode dont l’auteur 
a annoncé avoir acquis la certitude, 


IIT. ZJnstrument araloire nommé CULTIVATEUR. 
M. Drouet n'ayant point fait connoître la composition de sa 
charrue, on n’a pu qu’en annoncer les bons effets. En attendant 
que son zèle pour un art auquel il se livre avec tant de succès, 
lui ait permis d'enrichir Ja société de la découverte de sa nouvelle 
charrue, nous avons cru devoir conseiller l’emploi d’un autre 
instrument aratoire éprouvé en Angleterre dans les terrains 
forts et argileux, et en jachères. Ce ne seroit point un objet 
indifférent si des terres de cette nature, corrigées par des mé- 
langes appropriés, pouvoient être appliquées avantageusement à. 
la culture de la betterave. Des certificats authentiques ont cons- 
taté que cette charrue avoit labouré six arpens de jachères par 
Jour avecsix chevaux. Son auteur est M. Coséer, de Northamptor, 
en Angleterre, qui a donné à cet instrument aratoire le nom. 


416 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


de cultivateur. On en peut voir la description dans les Annales 
des Arts et Manufactures. 


CHAPITRE CINQUIÈME. De l’ensemencement. Les dernières 
instructions que l’on vient de passer en revue concernant les opéra- | 
tions vraiment importantes au succès de la betterave à sucre, sur 
Jesquelles 1l est essentiel d’être fixé, et dont le concours avec la 
végétation contribue le plus efficacement à la formation du 
DR sucré dans les racines, nous ayant paru ne pouvoir 
atteindre, par leur publication dans ce Recueil, le but utile 
qu'on s’est proposé , qu'après les y avoir présentées avec cet as- 
cendant que donne le conseil appuyé de l'autorité de l'exemple, 
nous avons cru devoir, en ce qui les concernoit, laisser parler 
uniquement les fabricans et les cultivateurs qui avoient pour eux 
la pratique et l'expérience de leur méthode, Cette marche qui 
laisse à chaque entrepreneur la faculté de s'assurer par lui-même 
de la bonté de chacune, de rectifier la sienne s’il la trouve er- 
ronée , comme aussi de la maintenir s'il la voit sanctionnée 
par des épreuves concordantes, nous a paru la plus prudente, 
surtout dans l’origine du développement d’un art sur lequel nous 
n'avons eu jusqu’à présent que des notions très-vagues et très-1n- 
certaines. Des faits et des résultats s'offroient tout naturellement, 
comme les seuls points vers lesquels devoit se diriger la boussole 
des fabricans , et si le rapprochement de ce qui a étédit, exécuté 
et conseillé à cet égard, est susceptible d'éclairer ou, mieux encore, 

- de régulariser désormais leurs premières opérations dans un genre 
d'industrie qui intéresse aussi vivement l’état et le citoyen, le 
but où tendent ces renseignemens se trouvera rempli. 

Il eût été facile d'établir le même ordre relativement aux 
autres parties qui vont suivre celles que l’on vient de traiter ; 
mais nous avons pensé que tous les documens qui, dans leur 
‘ensemble ,annonceroient plutôt des systèmes que des faits positifs, 
devoient être envisagés d’une manière plus générale. Tel est le 
plan adopté pour tout ce qui se rattachera à cette considération. 
On se réserve toutefois de s’en écarter et de mettre, ainsi qu'on 
l'a fait jusqu’à présent, les auteurs des méthodes et procédés, en 
quelque sorte, en présence ou d’eux-mêmes ou des lecteurs , 
lorsque leurs avis se trouveront confirmés par la pratique et 
l’expérience. | 

S Ier. Méthodes d’Ensemencement. I] ya deux méthodesconnues 
pour opérer l’ensemencement des betteraves ; l’une est pratiquée 
pour les semis en pleine terre, et l’autre est employée dans les semis 


faits 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 117 


faits sur pépinière ou sur couche. Ce dernier mode est usité lors- 
qu’on adopte le repiquage des jeunes plantes. 

L’ensemencement direct a lieu dans les champs où la plante 
doit rester , et s'exécute plus vite, puisqu'il réduit à une seule 
opération , les deux qu'on est obligé de faire en semant sur couche 
et repiquant après. 

Ces deux méthodes ont chacune leurs partisans ; ceux de l’en- 
semencement directassurent que ce mode est le plus économique, 
en ce qu'il exige moins de bras; ils prétendent en outre que les 
jeunes plantes ne sont pas exposées à languir et souvent à périr, 
en passant d’un sol riche en principes nutritifs, dans un sol qui 
l'est moins. Les partisans des pépinières disent que par l’adoption 
de ce dernier mode, on se procure de plus belles racines. 

$ IT. Semis en pleine terre. Le semis en pleine terre peut 
s’opérer par rayons ou rigoles, au cordeau, à la volée et en forme 
de plantation. 


Le semis par rayons ou rigoles qui paroït avoir obtenu le plus 
de succès, parce qu'il évite le temps du repiquage considéré 
comme dispendieux , se fait avec la Dznette, avec la charrue ou 
à la Aerse. 

Lorsqu'on se sert de la binette, on fait le semis par rayons, 
comme pour planter des haricots, des pois, des fèves, etc. ; on 
tire des rigoles bien alignées de deux pouces environ. Ces sillons 
doivent être assez écartés les uns des autres pour qu’on puisse 
marcher entre deux ; leur distance peut être de quatorze à quinze 
pouces. 


Dans les lieux où la méthode du binage à la charrue et du sar- 
clage à la herse est introduite, pour faciliter davantage cette double 
opération, peut-étreseroit il convenable de tenir les rayons espacés 
de quinze à dix-huit pouces. 


On peut, si l’on veut, tracer les rayons ou rigoles avec la 
charrue, et recouvrir de la même manière la semence mise à 
des distances convenables; la charrue verse alors, pour recou- 
vrir la graine, la terre d’un rayon sur l’autre. Cette méthode 
doit être économique. 

On auroit beaucoup d'avantages à se servir d’une herse inven- 
tée à cet effet par un cultivateur cité par Commerell. Cette 
machine, ainsi qu’il l'annonce , trace à la fois quatre rigoles où 
l'on dépose la semence que l’on recouvre ensuite au râleau ou 
avec le dos d’une herse. 


Tome LXXXI. AOÛT an 2875. Q 


118 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


En ce qui concerne le semis au cordeau, voici comment a lieu 
cette opération. Dans le chanp qu’on a préparé, on tend un cor- 
deau, gros à peu près comme le petit doigt , et à la distance de dix- 
huit pouces en tous sens ; au lieu de l’intersection , on fait en 
terre avec le doigt, ou avec un léger plantoir émoussé, un 
trou d'un pouce environ de profondeur , dans lequel on ne 
doit mettre qu'une seule graine que l’on recouvre aussitôt, puis 
on ratisse. 


M. Pajot Descharmes pense que le cordeau, pour donner moins 
d'embarras et plus d’exactitude dans les distances, pourroit, à 
chacune d'elles, être marqué d’un nœud qui indiqueroit la pose 
de la graine, qu’il convient d’ailleurs de placer en quinconce, afin 
de lui donner plus d'air. 

On peut aussi faire des lits de la largeur de quatre pieds et 
demi, en laissant un espace de quinze pouces entre chacun. Dans 
un lit de cette sorte , on peut semer sept rangées, en laissant entre 
deux la largeur de neuf pouces ; dans ce cas, on n'a pas besoin 
de passer dans les rangées pour en ôter l'ivraie ; on pourra l'arra- 
cher facilement et y atteindre , du vide qui sépare chaque lit ; ce 
vide servira en outre à recevoir les herbes enlevées. Celte propo- 
sition de M. de Twelle n’est point à rejeter. 


S IIL. Plantation. La plantation consiste à garnir tout un 
champ , en posant les graines de betteraves , soit deux à deux 
ensemble , soit plutôt-une à une, dans de petits trous éloignés 
de douze à quinze pouces. Après leur levée, on détruit les jets 
les plus foibles. | 


Quelques personnes prétendent s'être bien trouvées de cette 
méthode ; mais elle est regardée par d’antres-comme plus dispen- 
dieuse que le semis en rayons, puisqu'elle ne dispense pas du 
sarclage et de l'enlèvement des mauvaises herbes, Les partisans 
de la plantation se fondent aussi sur ce que mille racines semées, 
comparées avec mille racines transplantées le même jour , celles 
semées ont donné un dixième de plus en racines; que celles-ci 
avoient des pivots plus nourris et moins de Fadicules qui, 
su eux , sont presque toujours perdues pour la fabrication 

u sucre. 


S IV. Considérations particulières. Ceux qui préfèrent les 
plantations, doivent toujours avoir des plants en réserve dans leur 
pépinière, afiu de powwoir remplacer tous les sujets qui périssent 
après l'opération, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 119 


Lorsqu'on sème en rayons, on ne met à la main qu’une 


graine à la fois dans chaque place, et on la recouvre de suite 
avec le râteau. Ê 


Dans les pays d'irrigation, les pieds de betteraves se posent sur 
le bord des planches que l'eau cotoie. 


On doit toujours préférer des graines les plus saines et les plus 
grosses ; si après leur levée elles se montrent, trop drues, on en 
ôte une partie; mais cette opération ne doit se faire que lorsque 
les tiges ont quelques pouces de hauteur. 


On doit préférer le hersage, autant que possible, avant le semis; 
on ne doit pas non plus négliger le roulage de la terre : plus le 
champ est uni, plus le succès est assuré. 


$ V. Epoque du Semis. C’est pour l'ordinaire au printemps, 
c’est-à-dire en avril et mai, selon les localités, le climat, la 
nature du sol et son exposition , qu’il convient de semer la bette-" 
rave. Toutefois il faut que les terres , surtout celles du champ où 
la plante doit rester, aient recu leurs apprêts, et que l'on n’ait plus 
à redouter les gelées tardives. Le moïs d’avril, en général , paroït 
être celui le plus favorable ; si l’on semoit plus tôt, on auroit à 
craindre qu’il ne survint de petites gelées capables de nuire aux 
jeuves pousses ; ou, dans le cas d’une trop douce température , 
qu’elles ne montassent trop vite, ce qui alors les empêcheroit de 
produire de belles racines. Si, d'un autre côté, on semoit plus 
tard, il y auroit lieu d'appréhender que les plantes ne soient peu 
productives, puisqu'elles n’auroient pas pris toute l'extension qui 
leur est propre. 

Quelques essais ont démontré que l’on pouvoit encore semer 
la graine de betteraves dans la première quinzaine de juin. 
M. Rauch, de Vergeville (Meurthe), avoit fait une première 
plantation du 20 au 23 avril; celle-ci ayant manqué, une deuxième 
eut lieu du 9 au 13 juin, c’est-à-dire, quarante-quatre jours aprés. 
Cette première récolte réussit ; mais, comme on doit le pressentir, 
elle ne fut portée qu’à son yérimum. Les racines étoient espacées 
de douze à treize pouces. Cette indication pent être utile suivant 
les circonstances , les temps et les lieux. 


$ VI. Semis à la volée. L'ensemencement fait à la Yolée z 
de grands inconvéniens. Commerelle, cette grande autorité en 
agriculture, les a reconnus. Le suffrage de Ca/vel n’est pas non 
plus à rejeter. D'après ces deux agronomes, il reste démontré, 
et chacun sans peine est à même de s’en convaincre , que, quel- 


Q z 


120 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


que falent et quelqu'adresse qu'on suppose à un semeur, il ne 
peut pas placer ses graines précisément dans les distances con- 
venables ; d’où résulte une dépense considérable dans l'emploi de 
la semence. Il est à observer eu outre que le sarclage est très-diffi- 
cile , qu'il demande plus de temps, et ‘qu’on est exposé à chaque 
instant à sarcler les tiges naissantes des betteraves dont la pre- 
mière végétation est ainsi suspendue ou est contrariée dans son 
mouvement. Le désordre qui l’affoiblit donne lieu à la naissance 
des racines latérales. 


Pour le semis à la volée, après que la terre a recu deux ou 
trois labours, qu’elle a été Mimi préparée et hersée, on 
répand la graine à pleines mains, en la jetant le plus également 
possible , et avec les mêmes précautions qu’on prend pour le 
froment et pour beaucoup d’autres graines ; on a seulement l’at- 
tention de semer clair. On recouvre ensuite la semence à la 
.herse, ainsi qu’on en agit pour les céréales. 

Dans le cas où des places présenteroient un superflu de graines 
levées, on l’enlève , ainsi qu'il a été dit, puis on choisit les 
meilleures plantes enlevées pour les repiquer aux endroits où 
il se trouve des vides, soit avec le doigt même, soit avec un 
petit plantoir. 

S VIT. Semis sur couche ou sur pépinière. La pépinière se 
fait sur couche ou en pleine terre, et l’une et l’autre, selon 
l'étendue de la culture qu'on a en vue. La première a lieu on 
sur des couches tièdes, ou dans des vases, ou dans des caisses. 
La seconde dans une terre bien amendée et située dans une bonne 
exposition, On a la précaution d’en défendre les semis par des 
paillassons dont on les couvre, ou par tous autres abris conve- 
nables, lorsqu'on craint les froids, surtout les gelées inopinées 
qui pourroient survenir dans le début de leur croissance ; ce soin 
doit se continuer jusqu'à ce que la végétation ait donné della 
force aux racines, et acclimaté les tiges. Dans les pays dont la 
température est variable au printemps , on combine cette culture 
avec cette variation , et on ne confie les graines à la terre, disposée 
d’avance à les recevoir, qu’au moment jugé opportun par rapport à : 
la saison. Il n°y a pas d'exemple qu'on ait eu à se repentir de ces 
soins particuliers, lorsqu'on s’y est livré avec l'intérêt qu'ils 
exigent. 

Dans quelques départemens où il n’y a pas de jachères, des 
cullivateurs ont proposé de planter avant l'hiver les graines se- 
mées, seulement après la récolte des navets, de la moutarde, elc. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 121 


D’après cette intention , on semeroit la graine à la fin d'avril ou 
bien au commencement de ce mois, selon la saison et l’état de 
l'atmosphère, sur un petit terrain qu’on auroit l'attention de 
tenir bien préparé, et de semer en outre dans un temps frais, 
ou après la pluie, ou à son approche, c’est-à-dire lorsque le vent 
du midi soufile, parce que l'air alors est humide et chaud, et 
que la pluie qu'il produit est favorable à la végétation. 

Quoique l’onconsidère en général l’ensemencement par pépinière 
et sur couche, comme plus coûteux que celui fait en pleine terre 
et à demeure, et qu'on lui oppose le plus grand nombre de bras 
qu'il exige, cependant on pense qu'il produit de plus belles ra- 
cines; du moins on est très-porfé à le croire. 

$S VIII. Sernis dans les jardins. Il est aussi d'usage, parmi 
les jardiniers, de semer des betteraves dans les oignons, les ca- 
rottes, les panais, etc. pour éviter de les éclaircir. Cette méthode: 
peut être bonne en petit, mais elle ne convient point à une cul- 
ture en grand. 

Le plantage peut aussi avoir lieu dans un jardin potager, où: 
l'on peut faire des trous distans de 12 à 15 pouces, dans chacun 
desquels on verse plusieurs graines (soit 2 à 4), qu’on arrache 
ensuite successivement , pour ne laisser qu'une seule plante, qui. 
pour lors jouira de toute l'influence de Pair. 


S IX. Trempage de la Graine avant de la semer. Pour hâter 
la levée des graines, surtout lorsque la saison est sèche, on 
fait, à l'époque du semis, détremper ses capsules, selon l’une 
des manières suivantes : 


On se procure de l’eau tiède nourrie de copeaux de corne 
(peut-être l’eau de fumier rendroit le même service), on la verse 
dans des vases sur les capsules, qu’on laisse tremper dedans 
l'espace de 15 jours. On enlève, après ce temps écoulé, le plus 
d’eau qu’il est possible, et on place les vases dans un endroit 
plutôt chaud que froid, jusqu'à ce que la graine commence à. 
pousser ; alors on procède à la pose des capsules dans la terre. 


Voici une autre pratique. Des cultivateurs conseillent de faire 
tremper seulement les graines 24 heures dans l’eau de pluie ; on 
les met ensuite à ressuyer, afin de pouvoir les manier pour les 
semer, 

L'abbé Commerelle indique le procédé suivant, publié, par - 
Schubert, de Leipsik. 

. Lorsqu'on n'a point à craindre les dangers du froid, on fait 


122 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


tremper la graine de betterave deux fois 24 heures dans une eau 
végétale tiède, dans laquelle, suivant la quantité qu'on veut 
semer , on a fait bouillir auparavant un peu de colombine, de 
fente de poule, de poudrette, si on en a, avec 3 décagrammes 
(une once) de chaux vive; on peut y ajouter du sel ordinaire ou 
du salpêtre. 

Le chaulage dispose puissamment la graine à développer avec 
vigueur les germes qu’elle renferme, et dont une partie seroit 
languissante sans l’action de cet agent. On peut, après qu’elles 
ont subi cette opération, confier les graines avec assurance dans 
une bonne terre préparée pour les recevoir. Le chaulage est en 
outre très-utilé pour la destruction du virus, ou autrement, des 
humeurs en quélque sorte vénéneuses qu’auroient déposés sur la 
graine les divers insectes qui la recherchent. 

M. de Telle conseille, quand les terres sont trop sèches, à 
époque où l’on veut semer la graine, de la mettre dans du sable 
bumide, jusqu'à ce qu’elle con:mence à pousser. 


X. Enfoncement des Graines dans La terre. Quoiïqu’on ait 
l'habitude de placer plusieurs graines dans chacun des trous 
pratiqués pour les recevoir, dans l'alignement de chaque sillon 
ou rigole, néanmoins il seroit plus profitable, par rapport à la 
multiplicité des germes dont chaque capsule se compose, de 
n’en placer qu’une seule; aussitôt posées, elles doivent être cou- 
vertes de terre, ent telle sorte qu’elles n’y soient enfoncées ni 
moins d’un demi-pouce, ni à plus d’un pouce. Si elles se trou- 
voient enfoncées plus avant, elles tarderoient trop à s'élever au- 
dessus du sol; leur pose trop basse est nuisible, quand surtout 
des pluiés abondantes surviennent, elles plombent ou battent 
trop la terre. En général, enfouir trop la semence, c’est s’op- 
poser à son développement. 

$S XI. Déstance entre les Graines semées dans des rayons, 
à demeure et en pleine terre. Plas les plantes sont éloignées 
entre elles, plus elles sont à portée de profiter des bienfaits 
de la circulation de l'air et de son influence; mais comme l’ex-- 
périencé a déjà fait connaître que les racines d’un poids moyen 
étoient plus abondantes en sucre que celles qui présentoient un 
gros volume, il convient d’espacer les graines dans la terre, 
d'obtenir les betteraves d’une nature plus sucrée. C’est pourquoi 
les graines semées en rayons, à demeure et en pleine terre, 
peuvent être rapprochées plus qu'on ne la fait jusqu'ici, en ayant 
toutelois l'attention que la distance laissée entre chaque .graine 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 123 
ne puisse nuire ni à leur végétation, ni à la production du prin- 
cipe saccharin. 

D’après quelques essais tentés à ce sujet, des fabricans et cul- 
tivateurs conseillent de semer ainsi qu'il suit : 


La betterave 4/anche, dans sa pulpe et dans son écorce, ne 
prenant pas un très-gros volume, peut être espacée de 10 pouces. 

La betterave jaune, à raison de la moindre grosseur qu'elle 
acquiert quand elle est semée, peut être plantée à 12 pouces. 

La betterave rouge, qui ne grossit pas extraordinairement ,. 
peut élre espacée comme celle précédente, c’est-à-dire à 12 pouces. 


Celle connue sous le nom de désetle, ou autrement la 2erte- 
Te à écorce rouge et à pulpe blanche, acquérant un plus: 
grand volume que les betteraves rouges, exige d’étre éloignée de- 
15 pouces. 


Enfin, la déserte rouge veinée à cercles concentriques rouges 
et blancs dans son intérieur, peut être cultivée avec la même 
distauce qu’on donne à celle qui précède. Ces distances, au 
reste, ne sont présentées que comme des indices; les terrains, 
le climat, les expositions, ne peuvent donner à cet égard que 
des leçons utiles que l’expérience ensuite ne tardera pas à con- 
firmer ou à modifier. 

$S XII. Graines semées sur pépinière. Distance et enfon- 
cement. I] paroît que la graine semée sur pépinière, ou sur 
couche, ne peut être espacée à moins de 2 pouces, afin de 
Jaisser à la betterave naissante Le moyen de se fortifier sans être 
génée. 

Quant à son enfoncement, on a déjà dit quele semis ne doit 
être enfoui au-delà d'un pouce; la terre veut être piétinée légé- 
rement, et la couche abritée, si les circonstances exigent. 

$S XIII. Soins à donner aux Graines levées sur couche. S'il 

ousse des herbes en même temps que les tiges des betteraves ,on 
rend le plus grand soin delesenlever, afin de facilitérautour d’elles 
L circulation de l'air atmosphérique et les effets de son in- 
fluence, es ce qui concerne le principe sucré, Le :nême soin: 
pour le sarclage des plantes parasites, doit se renouveler autant 
de fois qu'il est nécessaire, avant l'enlèvement des jeunes plantes. 


$ XIV. Quantité de Graines à semer par hectare ou arpen£ 
métrique. La graine de betieraves est légère ; trois livres sultisent 
pour ensemencer, dans un sol de bonne nature et à la volée, 


124 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


un arpent de 900 toises carrées ; il faut seulement deux livres, 
si on sème par rayons; on en emploie moins encore, lorsqu'on 
plante par deux graines seulement, ou par une à-la-fois dans 
chaque trou. Il suit de la proportion de l’arpent à l’hectare, 
que pour ce dernier, # faut dans le premier cas, et pour le semis 
à la volée, 4 kil. 4 hect. et 5 grammes, et pour le second cas, où 
la plantation est par rayons ou rigoles, 2 kil.9 hect. et 87 grammes. 
C'est à peu près la même quantité quand on repique les plants. 

Ces quantités sont calculées dans la supposition que la distance 
est d'environ un pied sur 15 pouces d’une graine à une autre. 
Toutefois il est bien entendu que cette graine est reconnue bien 
sèche et bien nourrie, et que d'autre part, le terrain a été pré- 
paré convenablement. 


$S XV. Urilité des doubles Germes que donne une seule 
graine. H y a, selon M. Calel, un moyen de doubler la ré- 
colte des betteraves. Chaque graine renferme au moins deux 
amandes que l’on peut séparer lorsque, par la croissance, les 
racines auront acquis la force nécessaire. IL est très facile de 
les dédoubler, et de repiquer ensuite avec le soin convenable 
celle qui a été séparée. 

L'observation de M. Calvel, sur les moyens d'utiliser les 
germes provenant d'une seule graine, par des dédoublemens, 
au moyen du repiquage, est un trait de lumière qui doit per- 
fectionner la marche des cultivateurs. Cette utile pratique ne 
peut que rendre un grand service, par la multiplication de cette 
plante et l’économie de sa graine. On verra plus bas la manière 
proposée par M. Calvel, pour la séparation de ces doubles germes, 
qui ne doit avoir lieu qu’au moment de leur plantation. 


S XVI. Séjour des Graines en terre, avant de lever. Lorsque 
le temps est favorable, que la terre a été bien apprétée et que 
la graine elle-même a été bien disposée par le trempage, il est 
rare qu’elle mette plus de ro à 12 jours pour germer et s'élever 
au-dessus du sol. Ce cas arrivant, on peut opérer dans le mois 
le repiquage, après avoir sarclé et éclairci les jeunes tiges. 

$S XVII. Germination des Graines à diverses époques. Quand 
la germination a lieu à diverses époques, on est en droit de sup- 
poser un mélange de graines dans Île semis. La différence du 
temps de leur sortie hors de terre laisse croire facilement qu'il 
s'est trouvé des capsules ayant 2 ou 3 ans depuis leur récolte 
ou qui ont mûri à différens intervalles plus ou moins longs, 

Cette 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 125 
Cette variété doit toujours se faire remarquer , lorsqu'on a re- 
cueilli à une seule époque les graines des quenouilles du porte- 
graines. Il n'en sera pas de même lorsqu'on aura pris le soin 
de rejeter les graines qui naissent sur l'extrémité des tiges, et 
qui sont encore vertes lorsque la maturité des premières graines 
oblige de les récolter. 


S XVIII. Soëns à donner aux Graines levées. Lorsque les 
graines sont levées, il faut s’empresser d’en éclaircir les jeunes 
tiges, ainsi qu'il a déjà été recommandé; on aura un grand soin, 
en enlevant celles qui sont superflues, de ne pas couper leurs 
pivots, afin de pouvoir les repiquer avec profit aux endroits qu'on 
auroit reconnus dépourvus de plants et qu’il importe de repeupler. 

Onéclaircit les jeunes plantes, en arrachant les mauvaises herbes 
qui les privent, soit des sucs nourriciers de la terre, soit de l’in- 
fluence de l’air atmosphérique et de la lumière. Ce sarclage doit 
être réitéré souvent, et toutes les fois que les plantes inutiles 
commencent à prendre le dessus sur les plantes à conserver. Le 
premier sarclage doit être surtout opéré de très-bonne heure, 
afin de pouvoir distinguer les feuilles des jeunes tiges de bette- 
raves, autrement on courroit Le risque de les enlever et de les 
confondre avec l’ivraie, Cette opération, au surplus, doit être 
faite par un temps sec. 


$S XIX. Semoirs. L'économie de la semence et la sûreté de 
sa levée, sont deux points très-essentiels en Agriculture, et le 
succès des méthodes pratiquées à cet effet, ne peut que contribuer 
infiniment à en multiplier l'adoption. S'il est une culture à la- 
quelle il est à desirer d’en voir faire l'application, c’est surtout 
à celle de la betterave, dont l'introduction est récente. D'après 
Putilité majeure qui s'y trouve liée , non-seulement il importe 
de l’encourager, mais encore de la propager par tous les moyens 
qui en sont susceptibles. Or les semoirs inventés tant en France 
qu’en Angleterre, présentent des moyens très-propres à remplir 
ce double but. Afin de mettre le lecteur à portée de faire un 
choix à cet égard, nous allons d’abord lui faire connoître deux 
des instrumens de ce genre qui paroissent avoir mérité davan- 
tage l'attention des cultivateurs anglais ; ils ont fixé particulière- 
ment la nôtre, et par la facilité qu’ils offrent dans leur appli- 
cation à la graine de betterave, et par les diverses utilités qui 
en dépendent. Nous donnerons ensuite la description de deux 
autres semoirs analogues, inventés par des Français fabricans 
de sucre. i 


Tome LXXXI. AOÛT an 1615. B. 


126 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


S XX. Semoirs anglais. Ces semoirs ont été approuvés par 
la Société d'Encouragement des Arts et de l’Agriculture à Londres, 
l'un est de M. Xnigt et l’autre de M. Munigs; tous deux sont 
employés pour le semis de la graine des navets. 


Quoique ces deux semoirs aient été inventés spécialement 
pour les navets, on ne tardera pas, en se rendant compte de 
leurs dispositions, à s’apercevoir de la faeilité avec laquelle on 
peut les appliquer au semis de la graine de betteraves. C’est 
aussi sous ce rapport que l’on a cru être utile à cette nouvelle 
culture, en annonçant la description et les dessins de ces ins- 
so insérés dans les Ænnales des Arts et Manufactures, 
vol. 


S XXT. Semoirs français. MM. Gréllon de Villeclair, de 
Chéteauroux (Indre) et M. Viallard, d'Amiens (Somme), se 
sont occupés chacun des moyens de semer les graines de bette- 
raves , à l’aide d’une machine. Le lecteur va juger lui même du 
mérite de ces semoirs, d’après la description qu’en ont faite les 
nventieurs. 

S XXII. Semoir de M. Grillon de Villeclair. Cet instrument 
est armé de cinq petits soes qui s'enfoncent à discrétion dans 
la terre, au moyen de roues à cric placées à chacune des extré- 
mités du cylindre auquel tiennent les socs. 


Il suit de cette disposition, que l'instrument trace cinq sillons 
à-la-fois. On remarque que chaque soc est suivi d’une roue 
armée, à distance égale, de clous de fer à très-large tête. Chaque 
roue entre dans chacun des sillons et y trace les trous dans 
lesquels on dépose les graines, ensorte que chaque tour entier 
des roues trace trente trous. 


Ce moyen de sillonner son terrain, qui déjà a subi toutes 
les préparations nécessaires, est tellement accélératif, que cinq 
femmes qui suivent l'équipage, ne peuvent fournir à oleces les 
graines dans les trous, et qu'il en a fallu doubler le nombre. 

Dans un terrain qui présenté quelqu'aspérité, la machine va- 
cille un peu et ne trace pas tous les rayons à la même pro- 
fondeur. L’auteur a remédié à cet inconvénient, en mettant 
derrière les cinq roues une traverse et une autre en avant de 
celle de devant, par ce moyen, sa machine n’éprouve plus de 
variation. 

Il seroit difficile de la faire manœuvrer dans un petit jardin 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 127 


clos de haies, on perdroit trop de terrain pour tourner. Cette 
machine ne convient qu'aux cultures en grand. 

Un seul cheval et un seul homme suffisent pour conduire l’é- 
quipage, et peuvent suflire à l’ensemencement d’au moins trois 
arpens par Jour. 

On observera que ce semoir ne pourroit être employé dans des 
terres grasses et argileuses, et aussi dans des momens de pluie, 
parce que les rouesse chargeroient de terre, et que leschevilles dont 
les roues sont armées ne marqueroient plus la place des graines, 
d’où l’on voit que ce semoir ne convient qu'à des terres légères 
et sablonneuses ; c’étoit, à la vérité, l'intention de son auteur, 
qui se propose de construire une herse qui s’emploiera après le 
semoir et fermera les rayons. Les dents placées sur trois rangs, 
feront l'effet d’un râteau. Elle sera suivie d’un rouleau qui aplatira 
la terre, en faisant une légère pression sur la graine; mais pour 
l’usage de cette herse, on observe qu'il faut un terrain bien pré- 
paré à l’avance. Il faut aussi que an dents soient espacées de 


manière à laisser passer la terre , et ne pas anuuller l'effet dela 
herse. 


$ XXIIE. Semoir de M. Viellard. M. Viellard, d'Amiens, 
a imaginé une machine qui peut semer également et à point fixe 
et régulier, et qui ne met qu'une graine à la fois; il l’a construite 
de la manière expliquée ci-dessous. Elle se compose, savoir, d’un 
brancard placé sur un essieu de 6 pieds, à cet essieu sont fixés 
quatre piques ou socs de 15 pouces en 15 pouces, en partant du 
milieu, car il ne reste que 7 pouces+ à la lisière des allées, et 
12 pouces pour les deux moyeux des roues. L 

Les piques forment les rayons dans lesquels tombe la graine, 
leurs longueurs sont proportionnées à la distance que laisse l’es- 
sieu, plus 2 pouces pour la profondeur des rayons. La roulette 
tournante du devant et les deux roues tiennent la machine dans 
un parfait équilibre. : 

A l’essieu et sur le derrière est placée une trémie percée de 
quatre trous directement derrière les quatre piques ou socs. 
Au-dessus de cette trémie est placée une planche mobile fixée par 
deux forts ressorts d’horloge, elle est destinée à boucher les trous 
de la trémie. Aux deux roues sont placés deux liteaux qui sont 
deux cercles de forte tôle, et auxquels on a rivé des mentonnets 
en fer placés de 15 pouces en r5 pouces, lesquels accrochent les 
oreilles de la planche mobile, pour qu’elle donne passage à la 
graine. 


R 2 


128 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Sur le derrière du brancard est placé un râteau destiné à recou- 
vrir la graine, les dents de ce râteau ne doivent entrer que très= 
eu pour ne pas déranger la graine. A ce râteau sont placés des 
tue de vieilles faux en forme de ratissoire, pour former les 
allées, à l’effet de faire le service des planches dans le sarclage ,le 
binage et la récolte. 

Dans le cas où l’on trouveroit le semoir trop large et trop em- 
barrassant, il peut être réduit à deux piques ou socs; alors on 
feroit la planche en deux fois, au lieu de la faire en une (Cepen- 
dant le semoir dont l’auteur a fait usage, va parfaitement bien; 
il annonce même qu'il n'est pas très-embarrassant). Cela étant, 
l’essieu ou les roues dune charrue ordinaire, sur lequel on place 
une trémie faite de trois morceaux de volige, et un léger rebord 
de liteaux peuvent y être placés facilement. Il y a des râteaux 
partout ; il s’agiroit donc d’y placer les deux ratissoires de ma- 
nière que l’ouvrier pt lever celle du côté du dernier rayon. 

Ce semoir, soit qu’on le fasse simple ou double, simplifiera , 
dit auteur, singulièrement le travail qu'occasionne cette culture. 
Le point qui exige de l'attention est la proportion des trous de la 
planche du fond de la trémie, à la grosseur des graines, pour 
qu'elles y passent aisément et jamais deux à la fois. Pour ce faire, 
on les passe au crible ; les plus grosses restent dessus, et les petites, 
qui passent sont semées avec une planche particulière dont les 
trous sont proportionnés à ces dernières semences; il en est ainsi 
de toutes les graines. 

La planche du fond de la trémie doit se placer et déplacer à 
volonté, au moyen de rainures faites aux deux bouts de cette 
même trémie, à l’aide desquelles elle y est assujétie. On l'y main- 
tient par deux petits tourniquets de chaque côté; le tout est fait 
dans la force du bois, pour que rien ne gène les mouvemens de 
la planche mobile. 

$S XXIV. Charrue - Semoir de M. Jouenne. M. Calvel pro- 
pose non-seulement la charrue de M. Jouenne, qui a la propriété 
de s’enfoncer à la volonté du cultivateur et lui paroît très-propre 
pour faire les rigoles pour les plantations ; mais encore il conseille 
l'usage du semoir du même auteur, qui ouvre la raie, y dépose 
les semences et en même temps les recouvre. 

$S XXV. Semoir de M. Molard. M. Molard, administrateur 
du Conservatoire des arts et métiers, et dont les talens en méca- 
pique sont bien connus, s'est aussi occupé d’un semoir propre à 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 129 


l’ensemencement de lagraine debetteraves. M. François Demallet, 
fabricant de sucre indigène à /a Varenne-Saint-Maur, qui a fait 
l'essai de cet instrument en 1813, assure qu’il réunit une grande 
économie à la célérité et à la bonté du travail. Il est fâcheux que 
les circonstances n’aient pas permis à l'inventeur de faire les dé- 
penses nécessaires pour perfectionner son modèle, et pour en faire 
des copies qui auroient été délivrées, d’après leur demande , aux 
cultivateurs de betteraves, qui s’attendoient à se servir de ce se- 
moir cette même année. D’après l'opinion de M. Dernallet, il y 
a tout lieu de croire que cet instrument seroit à la portée du plus 
grand nombre des cultivateurs , puisqu'il pense que le prix n’en 
devroit pas excéder 200 francs. 

CxaPiTRE VI. Repiquage. Beaucoup de personnes blâment 
cette opération , parce qu’elles ont cru remarquer que la betterave 
repiquée ne vient jamais comme celle qui ne l’a pas été, et qu’elle 
acquiertun volume tout au plus de la moitié de celui que prend 
la plante qui n’a pas été déracinée. Elles paroissent s’étayer, à 
cet égard, de l'observation générale que lon a faite concernant 
les plantes non ligneuses qui, étant repiquées, deviennent toujours 
plus foibles que celles qui ne Pont pas été. On a remarqué pareille- 
ment que les betteraves non repiquées n’ont qu’une seule racine 
pivotante, lorsque la terre a été ameublie, qu’elle a du fond, 
et qu’elle a recu les apprêts convenables. Celles, au contraire, 
qui ont été repiquées ont, indépendamment de cette grosse ra- 
cine, plusieurs filets, barbes ou rejets. Cette observation semble- 
roit contredire l’assertion de MM. Tessier et Deyeux qui, dans 
leur Instruction , annoncent que des expériences réitérées ont 
appris que les semis par rayons ou àla volée, ne donnent pas 
d’aussi belles racines que les plants élevés en pépinière et repi- 
qués. De nouvelles épreuves faites avec tout le soin possible par 
des particuliers zélés, instruits et sans préjugés , peuvent seules 
éclairer sur un point aussi important. 


$ Ier. Epoque des labours à donner au terrain destiné au 
répiquage. Le terrain à repiquer se prépare mieux, quand on y 
fait porter l’engrais en automne, pour ensuite le faire couvrir pat 
les labours avant l’hiver. 

Aussitôt qu'au printemps suivant on peut mettre la charrue- 
dans le champ sans l’endommager , on le herse bien, et on le 
tourne aussi profondément que la terre le permet. Après deux 
à trois semaines, on laboure de nouveau, et on le laboure en 
travers et à l4 même profondeur. On laisse reposer lecham:p» 


130 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


pendant huit jours, et alors on l’aplanit moyennant la herse. 
Quand le temps de la plantation est arrivé , on laboure le 
‘champ en carré, et il est ensuite parfaitement nivelé par le her- 
sement. 


S II. Epoque du repiquage. On avoit pensé que les plants 
étoient bons à repiquer dès le moment qu'ils avoient acquis la 
grosseur d’une plume , et qu’ils avoient poussé cinq à six teuilles ; 
ais des observateurs ont démontré que des racines trop subtiles 
n'ayant pas assez de force pour produire une bonne betterave ; 
il convenoit de ne repiquer aucun plant de cette racine avant 
qu’il n’ait six à sept feuilles au moins, et que sa grosseur ne s0lt 
celle du petit doigt. Ce ne seroit donc, d’après ce conseil , qu'un 
mois après le semis que la plante auroit la force convenable pour 
résister à l’effet de la transplantation; à cette époque, sa longueur 
est ordinairement de cinq à six pouces. 

La durée du repiquage peut, au surplus , se prolonger jusqu’à 
la -mi-juillet ; le cultivateur a le temps de bien préparer la terre 
qui doit recevoir la plante, et doit disposer en outre une plus 
grande étendue. Le produit en sera plus gend , S'il peut, d’après 
l'avis de M. Pillot, du département du Nord, fumer avec de !a 
poudre calcaire employée seule , les terrains où on aura récolté 
de ces racines l’année précédente. Cette expérience, si elle con- 
firmoit le vœu de l’auteur, seroit d’un très-grand intérêt. 


S IIT, Avantage des Plants à repiquer. C’est principalement 
dans les terres qui ont été semées à la volée qu’on arrache les 
pieds qui sont trop près les uns des autres, pour les repiquer au 
plantoir dans les places vides. Cette opération est absolument 
nécessaire, parce que la graine semée, ainsi qu'il a été dit, ne 
sauroit qu'être répandue inégalement et trop abondamment sur 
le terrain. | 

En général on doit, en éclaircissant, arracher les plantes les 
moins fortes, et on a soin de conserver les plus vigoureuses, qui 
doivent être espacées, comme nous l’avons observé, de 12 à 15 
pouces, selon l'espèce ou variété des racines auxquelles elles ap- 
partiennent. 

11 faut , autant que possible, ne se livrer à l’arrachage que par 
un temps pluvieux, il y a moins de danger à rompre le pivot de 
la plante, et on débarrasse aussi plus facilement le terrain des 
mauvaises herbes qui y ont poussé. 


On doit porter l'attention de ne rien retranchér à la longueur 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 19r 


du pivot du plant arraché, on ôteroit à la betterave; en l'éboutant, 
les moyens de pousser en pivotant ; et on la forceroit de se repro- 
duire par des racines latérales, que l’on rejette le plus souvent 
lors de la fabrication du sucre. 


Il faut aussi se garder de couper en aucune manière les feuilles 
de la plante, on la priveroit de ses suçoirs naturels, et par consé- 
quent d’une grande partie des principes qu’elle aspire de l’atmo- 
sphère par leur secours. 

On procède, au surplus, à l'enlèvement ou à l’arrachage du 
plant, à l’aide d’une béche que l’on enfonce dans la terre assez 
profondément pour qu’en soulevant la racine on l’obtienne toute 
entière sans la rupture de son pivot. Aussitôt arrachée, on s’em- 
presse de soustraire la jeune tige au contact de l'air, es en 
éviter les mauvais effets ; si on ne pouvoit pas la planter de suite, 


on auroit soin de la plonger dans des apprêts dont 11 va être parlé 
tout à l'heure. 


S IV. Séparalion des Germes des Plants à repiquer. 
M. Calvel est d'avis qu'avant de repiquer les plants, il convient 
de s'assurer s'ils ont plusieurs germes; dans ce cas, et si la vigueur 
du sujet le permet , on se sert de la pointe d’un instrument tran- 
chant pour commencer l’incision; on peut aussi la faire avec 
l'ongle. On sépare donc les germes en suivant leur division com- 
mencée selon leurs fibres longitudinales : cette opération s’exécute 
assez facilement. Aussitôt séparés, les germes sont plongés dans 
les eaux d'apprêt, puis on les plante. 


. S V. Apprét des Plants à repiquer. Plusieurs recettes sont 
indiquées pour donner aux jeunes plants une augmentation de 
force végétative et en faciliter la reprise. 

Quelques personnes recommandent de les tremper dans une 
espèce de bouillie composée de bouse de vache et de bonne terre, 
en parties égales, et d'en enduire la racine de la jeune plante. 


D'autres cultivateurs remplissent un tonneau d’eau de fumier, 
y délayent du fumier frais de vache, sans paille, pour en faire 
une masse légère. On transporte ce tonneau sur le champ destiné 
à la plantation, et où reposent les plants en petits tas. Les racines 
et les feuilles étant parfaitement bien assorties et alignées, on 
prend alors un petit tas par les feuilles avec les deux mains, et 
on enfonce toutes les racines des plants dans cette préparation ,. 
on les pose alors par terre el on en poudre lés racines de tous 
côtés, d’une poignée de cendres. Cette dernière substance leuz 


1932 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


donne un enduit qui, en les préservant contre l’exsication, aug- 
mente en même temps l'énergie de leur croissance. 


Enfin on propose aussi le procédé de Schubert, qui consiste à 
se munir d’un vase dans lequel on délaye du fumier de vache, un 
peu d'argile et du terreau, on fait du tout une boue bien détrem- 
pée, dans laquelle on plonge promptement le plant, pour le 
soustraire à l'influence de l'air et le préserver du danger de la 
dessication. 

Les précautions sont indispensables, surtout lorsqu'on ne pré- 
voit pas pouvoir repiquer les jeunes plantes aussitôt qu’elles ont 
élé retirées soit de la pleine terre, soit de la pépinière. 


$ VI. Procédé du Repiquage. Le repiquage a lieu pour Por- 
dinaire au plantoir, en rapprochant la terre comme les jardiniers 
ont coutume de faire pour tout ce qu’ils plantent. Cet instrument 
est banni par plusieurs cultivateurs , parce que son effet est d'agir 
comme un coin qui resserre la terre, dans toute sa circonférence, 
à une époque où la foiblesse de la tige réclame tous les moyens 
qui peuvent faciliter son développement. M. Calvel, qui partage 
ces avis, propose le procédé suivant. 


Faites une rigole assez profonde, rangez les racines à la dis- 
tance convenable, entourez-les d’une terre bien émiettéeet coulez- 
les avec soin, donnez-lui après un léger arrosement qui laisse 
fléchir la terre sans la plomber; le contraire arriveroit si l’eau 
tomboit de trop haut. Cet agronome conseille, en outre, de jeter 
l’eau dans la rigole , à côté de la plante, et d’abriter cette dernière 
de l’action du soleil. 


$S VIT. Distance des Plants repiqués. L'espace entre les 
plantsrepiqués doit être proportionné à celui que réclame l'espèce, 
ou à la variété de la betterave, ainsi qu’il a été recommandé pour 
l'ensemencement des graines. Ce qui y a été dit doit recevoir ici 
son application ; le lecteur doit donc consulter l’article où cet ob. 
jet est traité, 


$ VIII. Quantité de Plants à repiquer par hectare. Com- 
munément on emploie de vingt-quatre à vingt-huit mille plantes 
pour repiquer un demi-hectare. Cette diflérence en plus ou en 
moins dépend de la distance qui est observée entre chaque jeune 

racine, d'après son espèce ou sa variété. 
S IX. Temps propre au Repiquage. On choisit pour cette 
opération , le lendemain d’un jour de pluie, ou l’approche 4 
a 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 133 
Ja pluie. Si la saison étoit déjà avancée, et si l’on ne prévoyoit 
pas qu’il retombât de l’eau de quelque temps, on s’empresseroit 
alors d’arracher les jeunes plantes, après seulement avoir bien 
mouillé le terrain qui les renfermoit, en telle sorte que l’enlè- 
vement pût s'effectuer sans rompre les racines; on les mettroit 
de suite dans un trou ou dans un vase rempli d'excrémens liquides 
d'animaux, délayés dans du jus de fumier, ainsi Fe a été re- 
commandé plus haut, de manière que les racines de ces plantes 
arrachées en soient totalement enduites. On les repique ensuite 
dans le champ destiné à les recevoir, et qu’on auroit soin d'ar- 
roser à fur et mesure de la plantation. 


Il devient inutile de dire que dans les temps même de séche- 
resse, on doit s'occuper, si la saison commande, non-seulement 
des champs à planter , mais encore du remplacement des vides, 
dans les terrains qui sont plantés ou semés, afin d’accélérer, 
autant que possible, l’activité de la végétation, toutefois après 
avoir pris les précautions d’arrosement relatives aux circonstances. 


11 est d’autant plus essentiel de saisir le moment favorable 
pour le repiquage , que s’il se fait par un temps qui ne promette 
pas de la pluie, et si, après cette opération, il arrive au con- 
traire un temps sec, les frais, non-seulement en sont perdus, 
mais encore les betteraves qu’on récolte, risquent d’être d’une 
qualité inférieure à celles qui n’ont point élé repiquées. On sent 
toute la justesse de cette observation de M. Ch. Derosne, quoi- 
qu'il soit zélé partisan du repiquage. 


CHAPITRE SEPTIÈME. Soins à donner aux Semis et aux 
Plantations. Les betteraves exigent des soins particuliers, depuis 
le moment où elles sont confiées à la terre, jusqu’à celui où on 
les récolte. Ces soins consistent surtout dans le sarclage, le 


binage et le butage. S’ils sont négligés, ces plantes ne donnent 
que de foibles produits, 


S Ier, Sarclage. Après avoir repiqué les betteraves, soit dans 
le champ où les graines ont été semées en pleine terre, et 
aux endroits où la germivation a été en défaut et a laissé des 
vides à remplir, soit dans les champs destinés aux plantations 
de jeunes tiges enlevées des pépinières, on ne tarde pas à s’oc- 
_cuper du sarclage, L'époque à laquelle on se livre à cette façon, 
est, pour l'ordinaire, celle où les plantes sont garnies de 6 à 7 
feuilles; elles sont alors plus faciles à distinguer des plantes pa- 
 rasites qu'il s’agit d'enlever, et dont le terrain doit, autant que 
Tome LXX XI. AOÛT an 1615. 5 


194 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

possible, étre purgé; les jeunes tiges des betteraves courroient 
autrement le risque d'être étouflées, si on laissoit à ces mauvaises 
herbes le temps de prendre le dessus. Une fois que l'opération 
du sarclage est commencée, elle doit être continuée jusqu'à 
l’époque de la récolte. On la renouvelle ordinairement tous les 
quinze jours, suivant que la terre a été plus ou moins favorable 
à la végétation. Cependant lorsque les feuilles de la plante s'é- 
tendent assez pour empécher l'élévation de l’ivraie, on peut alors 
cesser le sarclage. On ne sauroit , au reste, tenir les champs trop 
nets, et surtout en arracher avec soin le chiendent, l’une des 
plantes les plus nuisibles aux betteraves. 


S'IL. Modes de Sarclage. Plusieurs instrutens ont été adop- 
tés pour l'opération du sarclage ; les uns sont applicables aux 
terrains semés à la volée, et les autres aux terrains plantés. On 
se sert pour le semis à Ja. volée, et avec un grand avantage, 
de la bèche des Grecs, dont le soc représente un A, espèce de 
triangle qui permet d'enlever les plantes étrangères sans déplacer 
la terre. Cet instrument est toutefois peu expéditif à cause de 
l'attention continuelle que l’ouvrier doit avoir de ne pas endom- 
mager les betteraves. ? 

Si au contraire il s’agit de sarcler un terrain semé par rayon, 
on se sert alors d’une charrue sans roues, qu’on attèle d’un cheval, 
et que dans beaucoup d’endroits on paroît avoir adopté pour 
les terrains plantés. Par son moyen on remue la terre jusqu'à 
2 ou 3 pouces; on déracine ainsi les mauvaises herbes qui ne 
tarderont pas à se faner. Cette facon est nécessaire lorsque les 
terres sont douées d’une certaine ténacité; mais lorsqu'elles sont 
d’une nature sablonneuse, il suffit de racler le sol avec une 
ratissoire ordinaire. , 

S III. Binage, Cette opération ne se pratique très-souvent 
que deux à trois fois lorsque la saison est favorable, elle est 
indispensable pour rendre la terre plus susceptible de la péné- 
tration des principes végétaux répandus dans l'atmosphère, etaussi 
pour activer la végétation. 3 vi: 300 

Le premier binage se donne quinze jours ou trois semaines 
après la plantation des champs, c'està-dire lorsque les plantes 
sont garnies de 6 à 7 feuilles; elles sont alors plus faciles à être 
reconnues, leur largeur est d'environ 7 à 8 pouces. Ces facons 
bien importantes , sont données avec soin au moins tous les mois 
jusqu’à la récolte, elles doivent même être plus fréquentes, selon 
la sécheresse de la saison. 4 


*, ET D'HISTOIRE NATURELLE. "135 


«S$ IV. Méthode plus généralement adoptée. On emploie un 
1astrument qui est garni de deux pelites roues de charrue qu’on 
peut éloigner et rapprocher à volonté selon la largeur des rayons. 
On le promène le long des jeunes plantes, en l’'enfoncant d’en- 
viron 3 pouces et relevant à l’entour d’elles, à droite et à gauche, 
une partie de la terre qui est dégagée, en telle sorte que par ce 
moyen le milieu du rayon procure un écoulement aux eaux plu- 
viales et préserve, dans les orages, les jeunes plantes d’être inon- 
dées ou noyées. 

. Ces sortes de labours sont recommandés particulièrement pour 
les terres dures et sèches; mais pour celles pierreuses on paroît 
préférer à la charrue une houe légère. L'un et l'autre instrumens 
doivent être mis en œuvre selon la nature des terres et en ayant 
égard aux circonstances qu’apportent les saisons. Quelle que soit 
au surplus la méthode qui sera mise en usage, il eu résull(era que 
non - seulement les mauvaises herbes seront troublées dans leur 
croissance, et que les feuilles des betteraves, recevant toute lin- 
fluence de l’air, couvriront livraie et l'étoufferont, mais encore 
que cette pratique répétée d’après les besoins, produira un grand 
avantage aux récoltes qui succéderont à celle de la betterave, tel 
que celui de leur rendre un terrain bien meuble et de plus bien 
purgé de toutes sortes d’herbes nuisibles, 

Outre que la nature du sol doit être prise en considération 
par rapport à l’instrument dont on fera usage , la disette des bras 
ne doit pas l'être moins, car il peut arriver que les pluies du prir- 
temps et d'été, lorsqu’elles sont continuelles , en multipliant , d’une 
part, les mauvaises herbes, s’oppôsent au sarciage et au binage, 
vu l'impossibilité de mettre le pied dans les champs; d'autre part, 
le service des autres plantes potagères, telles que les haricots, 
les pommes de terre, etc. qui demandent aussi à être sarclés et 
binés, se trouvant à fajre au même instant. Lorsque les inconvé- 
niens de la pluie ont cessé, il devient très utile et aussi très-éco- 
nomique d’employer à cette double opération du sarclage et du 
binage, des instrumens qui accélèrent le travail en épargnant 
les bras; ce n’est pas un objet de peu d'importance dans les en- 
droits peu habités. 

- & V. Butage. S'il est démontré que le sarclage et le binage 
sont deux opérations absolument nécessaires au succès de la bette- 
rave, on est moins avancé en ce qui concerne le butage. Les avis 
des agriculteurs paroissent différer à cet égard ; il convient done 
de rechercher les leçons de expérience et de s'abstenir de pro 


S 2 


136 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


noncer pour ou contre cette opération , jusqu’à ce qu'une pralique 
réfléchie ait parlé en connoissance de cause, et par conséquent 
fixé tous les doutes sur ce sujet. , 


Parmi les défenseurs du butage, se trouve M. Isnard qui con- 
seille de la pratiquer lorsque les betteraves ont pris un certain 
accroissement. On se sert, dit-il, pour cette opération , d’une 
charrue à double versoir, mue par un cheval conduit dans tous 
les intervalles des rangées des tt ce qui détruit encore une 
grande partie des mauvaises herbes. 


LU 
M. Dettmar-Basse conseille aussi, en remuant laterre autour 
de la plante, de l’amonceler à son pourtour, afin que la racine ne 
se colore pas, ce qui rendroit en outre, selon lui, la partie supé- 
rieure de la racine dure et sèche. 


M. Calvel qui, dans cette matière, comme dans toutes celles 
de l’économie rurale , mérite d'être écouté, après avoir considéré 
qu’il est de la nature de toutes les betteraves de tendre à s'élever 
hors de terre, fait observer que celle qui pousse de graines semées 
à demeure, a plus cette disposition que celle qui a été repiquée; 
il croit que dans le commencement de sa naissance on peut assi- 
miler cette plante à celles à qui le butage donne généralement un 
surcroît de végétation, et il est d'autant plus autorisé à le penser, 
qu’il a vu à la fin de juillet des betteraves trop décourertes, dont 
lépiderme étoit durci par la chaleur et cessoit de grossir : quel- 
ques légères incisions ou un léger butage faciliteront les moyens 
de lui faire acquérir plus de volume en attirant la sève. Il regarde 
<omme possible que le butage qui abrite detle jeune racine, soit 
indiqué par la nature, qui semble la protéger, plus que d’autres 
racines analogues, contre l’action directe du soleil. Lorsque cette 
plante a acquis toute sa maturité, il ne voit pas d'inconvénient à 
la déchausser insensiblement ; il conjecture même qu’à cette 
époque et dans cette circonstance, un surcroît de fermentation 
excité par le soleil, peut y produire, ou y augmenter le principe 
sucré, 

M. Mens de Brayer partage aussi Fopinion de ramener à 
chaque binage la terre autour des racines qui seroient déchaussées, 

Au nombre des personnes qui proscrivent le butage, se dis- 
tingue M. Tessier, qui défend positivement cette opération, sur 
le fondement que la betterave a une tendance à s'élever plus on 
moins au-dessus du sol. Il regarde même comme utile de dégager 
Ja terre du pied de cette plante, s’appuyant, à cet égard, de 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 137 


l'autorité des cultivateurs allemands qui plantent des choux ou 
baricots entre les betteraves, et qui dans les binages jettent au 
pied de ces légumes la terre qu'ils ôtent à ces racines, en ayant 
toutefois l'attention de ne les pas verser avec l'instrument dont 
ils se servent. 


La Société d’ Agriculture de Boulogne sur - Mer exprime le 
mème sentiment, c'est-à dire, quelle rejette le rapprochement 
de la terre près du pied de la betterave ; elle conseille de plus, 
de Fen dégager, en formant autour de son collet un petit bassin 
qui favorise l'influence de l'atmosphère sur cette extrémité supé- 
rieure de la racine. 


Si l'on en croit M. Boufer, de Grenoble, le butage ne con- 
vient qu'aux plantes dont les nœuds prennent racine lorsqu'ils sont 
recouverts de lerre, comme le mais, la pomme de terre, etc. 11 
est d’avis que cette disposition nuit essentiellement à la qualité de 
la betterave. I pense, en outre, qu'en forçant cette plante-de 
s'élevèr au-dessus du sol, le batage lui fait pousser des collets aux 
dépens de sa grosseur, ce qui contrarie l'extraction du sucre et 
jee la racine de la chaleur si nécessaire à la qualité de son suc. 

d après ses observations la betterave ne prend des collets que: 
quand elle est gênée, et lorsqu'elle ne l'est pas, elle contracte à son 
sommet une forme plutôt concave que couvexe; elte s'élève hors 
de terre jusqu'à 2 à 3 pouces, selon les variétés, et alors elle 
est plus sucrée et plus belle. 

Cette divergence d'opinions est une nouvelle preuve de la né- 
cessité de s’en rapporter, sur les avantages et les désavantages 
de l'opération du butage, aux conseils de l'expérience; elle doit 
être le seul guide des cultivateurs prudens et jaloux de s’'éclairer, 
En attendant qu’elle se soit prononcée d’une manière d'finitive, 
nous croyons pouvoir conseiller aux partisans du butage, la char: 
rye-buttoir de M. Guillaume. 


138 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


MÉMOIRE 
: SUR s .: 
UNE ÉCHELLE SYNOPTIQUE 
DES ÉQUIVALENS CHIMIQUES; | 
Pan M. VW. Hype WOLLASTON. 


Lu devant la Société Royale, le 4 novembre 1813. 


EX ERA LT. 


LorsQu’ux chimiste doit soumettre une substance saline à 
un examen analytique, les questions qui se présentent à résoudre 
sont si nombreuses et si variées, que rarement il spra disposé 
à entreprendre par lui-même la suite d’expériences nécessaires 
au genre de recherches qu'il aura entreprises, tant qu’il pourra 
se fier sur les travaux de ceux qui l'ont précédé dans la même 
carrière, 

Si, par exemple, le sel soumis à l'analyse, est le vitxiol bleu 
ordinaire, ou sulfate de cuivre cristallisé, les premières ques- 
tions qui se présentent sont vcelles-ci : (1) combien contient-il 
d’acide sulfurique ? (2) combien d’oxide de cuivre? (3) combien 
d'eau? On ne peut pas être satisfait de ces premières données, 
et lon peut desirer encore de connoître les quantités (4) de 
soufre, (5) de cuivre, (6) d'oxigène, (7) d'hydrogène. Pour 
arriver à cette détermination, il est naturel de considérer les 
quantités des divers réactifs qui peuvent être employés pour 
découvrir la proportion d'acide sulfurique, et de s'assurer com- 
bien il faut de baryte (8), de carbonate de baryte (9), ou de 
nitrate de baryte (10). Pour arriver à ce but, (11) combien on 
emploiera de plomb sous la forme de nitrate (12)? et lorsque 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 139 


les précipités de sulfate de baryte (13) et de sulfate de plomb 
(14) seront obtenus , il devient nécessaire de connoîlre aussi la 
proportion d'acide sulfurique sec qu’ils contiennent respective- 
ment. On peut encore chercher à confirmer ses résultats en dé- 
terminant les quantités de potasse pure (15), ou de carbonate 
de potasse (16), nécessaires pour la précipitation du euivre. On 
peut enfin faire usage, dans le même but, du zinc (17), ou du 
fer (18); et il peut devenir utile alors de connoître les quan- 
tités de sulfate de zinc (19), ou de sulfate de fer (20), qui 
restent dans Ja dissolution. 


Ces questions, et beaucoup d’autres du même genre, qu’il 
seroit ennuyeux de spécifier, et inutile d’'énumérer, fatiguent 
l'esprit, et prennent beaucoup de temps aux chimistes expéri- 
mentateurs, à moins qu'ils ne puissent avoir recours à-quelques 
analyses antérieures auxquelles ils puissent se fier. 

L’échelle que je vais décrire est destinée à résoudre, par la 
seule inspection, toutes ces questions par rapport à plusieurs des 
sels contenus dans la Table, non-seulement en exprimant nu- 
mériquement les proportions qui peuvent servir à obtenir par 
le calcul la solution desirée, mais en indiquant directement les 
poids précis des divers principes contenus dans un poids donné 
d’un sel que l’on æxamine, ainsi que les quantités des divers 
réactifs nécessaires pour son analyse, et celles des précipités que 
chacun d’eux produiroit. 

\Pour former cette échelle, il faut d’abord déterminer les. 
proportions dans Jesquelles les différens corps connus de la Chimie 
s'unissent entre eux, et exprimer ces proportions en de tels 
termes, que la même substance soit toujours représentée par le 
même nombre. 


C’est à Richter que nous devons ce mode d’expression; c’est 
encore lui qui a le premier observé la loi des proportions cons- 
_ tantes , sur laquelle est fondée la possibilité de cette représenta- 
tion numérique. Les proportions assignées à divers sels par ses: 
prédécesseurs Bergman, Wenzel, Kirwan, sont incompatibles 
avec ce mode de notation. Si nous consultons le Traité de l’a- 
nalyse des eaux par Bergman, nous trouvons qu'il établit que 
dans le sulfate de potasse 40 d’acide sulfurique sont combinés 
avec 52 de potasse, ou que 100 d'acide sulfurique prennent 1380: 
de potasse; dans le muriate de potasse, il dit que 6r de cet 
alcali sont combinés avec 31 d'acide, ce qui donne une pro: 


140 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

portion de 130 à 66, de sorte que la quantité de potasse qui 
exigeroit 100 d'acide sulfurique pour sa saturation, en deman- : 
deroit 66 d'acide muriatique. 

Maïs si nous faisons une semblable estimation par le moyen 
de la chaux, puisque le sulfate de chaux est supposé contenir 
46 d'acide combiné avec 32 de chaux, 100 d’acide exigeront 69,5 
de base : et dans le muriate de chaux, puisque 44 de chaux 
sont supposés combinés avec 31 d'acide, 69,5 de chaux exi- 
geront 49 d'acide. Dans ce cas, la quantité d'acide muriatique, 
équivalente à 100 d’acide sulfurique, au lieu d’étre66, sera 49, 
résultat qui, s’il est vrai, ne permeltroit pas d'attribuer toujours 
le même nombre à la même substance. 

En comparant les analyses de Wenzel, les unes avec les 
autres, nous trouvons les mêmes contradictions. Si nous choi- 
sissons le sulfate d'ammoniaque, et le muriate d’ammoniäque, 
nous obtenons 67,3, pour la quantité d’acide muriatique, équi- 
valente à 100 d’acide sulfurique. Mais, en comparant le sulfate 
et le muriate de magnésie, au lieu de 67,3, nous avons 73. 


En recourant aux tables de Kirwan, nous trouvons le même 
embarras pour déterminer la quantité d’acide muriatique équi- 
valente à un poids donné d’acide sulfurique. Lorsque la com- 
paraison se fait au moyen de la potasse, le calcul donne 68,3 
pour le poids correspondant de l'acide muriatique; mais, si ce 
sont les combinaisons de la chaux avec les acides qui servent 
pour cette détermination, au lieu de 68,3, on n’a plus que 59. 


Richter, en observant cette espèce de contradiction, pensa 
que , si le sulfate de potasse étoit formé comme l'indique Kirwan, 
eu le décomposant par le muriate de chaux, la dissolution 
devoit contenir un grand excès d’alcali; mais au contraire, il 
trouva par des expériences directes, que les sels neutres restent 
toujours neutres après leur nee et conséquemment dans 
tous les cas le même poids d'acide muriatique devait corres- 
pondre à la même quantité d’acide sulfurique, et pouvoit, par 
celle raison, être exactement exprimé par le même nombre, dans 
les. rapports de composition des sels, Il estimà que 712 parties 
de cet acide correspondoient à 1000 d'acide sulfurique, ce 
dernier nombre étant pris pour unité de comparaison à laquelle 
tous les autres nombres se rapportent, tant ceux des acides que 
ceux des alcalis et des terres. 


Il ne pouvoit échapper à lasagacité de M Berthollet qu'il 
existe 


. ET D'HISTOIRE NATURELLE, 141 


existe de nombreuses exceplions à cette loi de neulralisation, 
et que ces cas d’aflinités dominantes éloient dus à un excès 
de quelqu'un des corps existans dans les sels mélangés; mais 
if ne fut pas assez heureux pour découvrir la loi qui préside à 
la plupart de ces exceptions. On a trouvé depuis, que lorsqu'une 
baie est unie à une quantité d'acide plus grande que celle qui 
est nécessaire pour la neutraliser, la quantité combinée est alors 
exactement un multiple simple de celle nécessaire à la satura- 
tion, et présente alors une nouvelle modification, plutôt qu’une 
exception à la loi des proportions à termes fixes. 

Le premier exemple d'un corps que l’on supposa uni avec 
diverses doses d'un autre, en telles proportions que l’une de 
ces doses éloit un simple multiple de l’autre, fut indiqué par 
M. Higgius, qui conçut plutôt qu'il n’observa certains degrés 
sucçessifs d’oxidation de l’azole, et qui représenta, comme il 
suit, la série de ses combinaisons avec l'azote : 


:(f) r d’azote avec 2 d'oxigène. . gaz nitreux. 
1 d'azote avec 3 d'oxigène. . vapeur nitreuse rouge. 
x d'azote avec 4 d'oxigène. . acide nitreux rouge. 
1 d'azote avec b d’oxigène. . acide nitrique blanc. 


11 émit en même temps l'opinion , que c’étoit encore en suivant 
les mêmes proportions en volume, que les gaz s’unissoient entre 
eux , ayant précédemment observé un exemple de combinaison 
par volume exactement double, dans la formation de l’eau par 
la combustion des gaz oxigène et hydrogène ; et il exprima sa 
persuasion que le nombre des molécules est le même dans des 
“volumes égaux de différens gaz, et que le nombre des molécules 
dans les composés d’azote et d’oxigène sont successivement dans 
les proportions indiquées ci-dessus, 


Mais, quoique M. Higgius, dans l'exemple de l’union de l’hy- 
drogène avec l’oxigène, ait entrevu la loi des volumes observée 
par Gay-Lussac, par rapport à l'union des gaz, et que dans 
ses idées sur l'union des dernières molécules des corps, 1l ait 
clairement précédé M. Dalton dans ses vues sur la combinaison 
chimique atomistique , il ne paroît pas (**) avoir pris beaucoup 


(*) 4 comparative View of the phlogistic and antiphlogistic theories , 1789, 
P- 153. 3 É à 
C* Dans l'acide nitreux jaune la proportion paroît être de 4 à 1, mais celui 


Tome LXXXI. AOÛT an 1615. . T 


142 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


de peine pour constater cette loi des proportions multiples sur 
laquelle est principalement fondée la théorie atomistique; et il 
est de fait que c’est à M. Dalton que nous sommes redevables 
de la première observation exacte d’une.combinaison de multiples 
simples dans l’union du gaz nitreux avec l’oxigène. Dans ses 
recherches pour déterminer la composition de l'atmosphère, il 
trouva que la quantité d’oxigène contenu dans 100 mesures d’air 
commun, pouvoit se combiner avec 36 ou 72 mesures de gaz 
mifreux, selon une certaine variation dans la manière de faire 
l'expérience (*). 

Néanmoins les chimistes en général ne paroïssent point avoir 
été frappés de l'importance de l’observation de M. Dalton , jusqu’à 
ce-qu'ils aient connu les autres faits observés par M. Thomson 
et par moi (**), sous une forme plus palpable dans les sels 
peutres, sous-acides ou sur-acides, qui ne le sujet des ex- 
périences les plus concluantes et les moins équivoques; et c’est 
peut-être à M. Berthollet (***), qui les répéta et les confirma , 
qu'elles doivent d’avoir attiré l’attention des autres chimistes, 
qui admettent maintenant que.le terme de bin-acide exprime 
exactement la relation de plusieurs sels sur-acides avec les come 
binaïsons neutres formées des mêmes principes. Depuis ce temps, 
les cas dans lesquels on a observé l'influence de la même loi 
sont devenus si nombreux, spécialement par rapport aux dif- 
férens degrés d’oxidation, que nous avons la plus forte raison 
de présumer qu’elle est universelle, et que dans les analyses qui 
ne seroient pas d'accord avec l'observation générale, nous sommes 
fondés à soupconner quelque pre dans quelques-uns 
des résultats. 

Suivant la théorie de M. Dalton, qui semble le mieux rendre 
raison des faits, la combinaison chimique à l'état de neutra- 
lisation, provient de l’union d’un sel atome de chacune des 
substances combinées; et dans le cas où l’an des ingrédiens est 
en excès, alors deux on plusieurs atomes de celui-ei sont unis 
à un atome seulement de l’autre substance.’ 


qui est blanc contient environ six parties d'air déphlogistiqué contre une d’air 
phlogistique. Comparative View , p. 84. 

@) Manchester Mem. Vol. V. Nicholson. Journal , vol. XIII, p. 433. 

(**) Philos. Trans. , 1808 , p.74. Ditto, p, 96. 

C%#) Mémoires d'Arcueil, tome IT, p. 47:. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 143 


D’après ces vues, lorsque nous estimons les poids relatifs des 
équivalens, M. Dalton conçoit que nous estimons les poids 
réunis d’un nombre donné d’atomes, et conséquemmment la pro- 
portion qui existe entre les dernières molécules de chacun de 
ces corps. Mais, comme il est impossible en plusieurs circons- 
tances (lorsque l’on ne connoît que deux combinaisons des 
mêmes substances), de savoir laquelle des combinaisons doit 
être considérée comme composée d’une paire d’âtomes simples, 
et que la décision de cette question m'intéresse que la théorie, 
qu’elle n’est point du tout nécessaire à la formation d’une Table 
destinée aux usages de la pratique, je n'ai point cherché à faire 
cadrer mes nombres avec la théorie atomistique; mais j'ai eu 
pour but de la rendre usuelle , et j'ai considéré la doctrine des 
multiples simples, sur laquelle est fondée la théorie atomistique, 
seulement comme un moyen de déterminer, par la simple divi- 


sion, celles des quantités qui sont sujeltes à s'éloigner de la 
loi de Richter. 


. Voulaut calculer, il y a quelque temps, pour mon usage par- 
ticulier, une série d'atomes supposés , Je pris l’oxigène comme 
unité décimale de mou échelle, afin de faciliter l’évaluation des 
nombreuses combinaisons qu'il forme avec les autres corps; 
mais, quoique dans la présente Table des équivalens j'aie con- 
servé la même unité, et que j'aie pris soin de rendre l’oxigène 
également saillant, tant pour les raisons que je viens d'indiquer, 
que pour son influence sur les affinités des corps par les diverses 
proportions dans lesquelles il s’unit à eux, néagmoins la mesure 
réelle, à l’aide de laquelle les corps sont comparés entre eux, 
dans les expériences que j'ai faites, et qui m'ont servi à trouver 
les équivalens, est une quantité déterminée de carbonate de 
chaux : c’est un composé qui peut être considéré comme lun 
des plus certainement neutres. Îl est très-aisé de l'obtenir dans 
un état de pureté uniforme, très-aisé à analyser, comme com- 
posé binaire. C’est la mesure la plus convenable du pouvoir des 
acides, et il fournit l'expression la plus nette pour la compa- 
raison du pouvoir neutralisant des alcalis. 


La première question à résoudre est donc celle du nombre 
par lequel on doit exprimer le poids relatif de l’acide carbo- 
nique , si l'oxigène est représenté par 10. Il semble bien prouvé 
qu'unequantité déterminée d'oxigène donne exactement un vo- 
lume égal d'acide carbonique en s'unissant avec le carbone. 


2 


144 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Et comme la pesanteur spécifique de ces gaz (*) est comme 10 
à 13,77, ou comme 20: 27,4, le poids du carbone peut être 
exactement représenté par 7,54, qui, dans cet exemple, com- 
biné avec 2 d’oxigène, forme le deutoxide. L’oxide de carbone 
formant le protoxide , sera représenté par 17,54. s 

L’acide carbonique étant donc indiqué par 27,54, il résulte 
de l’analyse du carbonate de chaux, qui par la chaleur perd 
437 pour cent d'acide, et laisse 56,3 de base, que ces deux 
corps sont combinés dans la proportion de 27,54 à 35,46; et 
conséquemment que la chaux doit être représentée par 35,46 , 
et le carbonate de chaux par 63. 

Si nous continuons la série, dans le but d'estimer la confiance 
EL Pon doit avoir dans les précédentes analyses, nous pourrons 

issoudre 63 de carbonate de chaux dans l'acide muriatique ; 
et, en évaporant jusqu’à siccité parfaite, nous obtiendrons en- 
viron 69,56 de muriate dechaux (**); et, en déduisant le poids 
de la chaux 35,46, nous aurons pour différence 34,1, qui doit 
être considéré comme exprimant la quantité de l'acide muria- 
Uque sec. 

Mais puisque nous savons maintenant, par les brillantes dé- 
couvertes de M. H. Davy, que la chaux est un corps mélal- 
lique uni à l'oxigène, ce sel peut aussi être considéré, sous un 
autre point de vue, comme un composé binaire, c’est-à-dire, 
un.oxi-muriate de calcium. Dans ce cas, nous devons transporter le 
poids de ro d’oxigène à l’acide muriatique, faisant en tout 44,1 
d’acide oxi-muriatique, combiné avec 25,46 de calcium; ou 
enfin, si nous le regardons, avec ce même illustre chimiste, 
comme un chlorure de calcium, sa valeur, dans l’échelle des 
équivalens, sera toujours 69,56, et la portion de matière ajou- 
tée ici au calcium, soit qu’elle retienne son dernier nom d'acide 
oxi-muriatique, soit qu'on lui restitue son ancienne dénomina- 
tion d’acide marin déphlogistiqué , ou qu’on lui assigne défini- 
tivement celle de chlore, elle sera toujours exactement repré- 
sentée par 44,1, nombre qui n’exprime qu’un fait sans relation 
à aucune théorie, et qui donne le moyen d'évaluer les propor- 


() Biotet Arago, 1,1036 : 15195 :: 10 : 13,77. 1 
@*) Dans les expériences du docteur Marcet, sur la composition du muriate 
de chaux, rapportée dans son Analyse de l’eau de la mer Morte, 50,77 de carbo- 


nate donnent 56,1 de muriate de chaux, et50,77 : 561 :: 65 : 69,6. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 145 


tions des composans dans toute combinaison murlatique, Sans 
qu'il soit nécessaire d’entrer dans aucune discussion sur leur na- 
ture simple ou composée, question qui n’est encore résolue par 
aucun argument concluant. : f 
Nous pouvons, par le même moyen, assigner aux muriates 
de potasse et de soude leur place dans l'échelle des équivalens, 
et les poids relatifs de potasse et de soude pure peuvent étre 
déterminés peut-être avec plus d’'exactitude, par Je moyen de 
ces composés, que par aucun autre, par la raison qu'ils ne sont 
pas susceptibles d’un excès d’acidité, et qu'ils ne sont pas dé- 
composés par la chaleur. 
. Si à une quantité d'acide muriatique, que je sais, par une. 
expérience préliminaire, être capable de dissoudre 100 p- de 
carbonate de chaux, j'ajoute 100 grains de carbonate de potassæ 
cristallisé, et qu'après l'addition je trouve qu'il ne dissout plus 
que 49,8 de carbonate de chaux, j'infère de là que 100 de ce 
carb”.rate équivalent à 5o,2 de carbonate de chaux, et conse- 
quemment que 125,5 est l'équivalent de 63 dans la Table. 


Ensuite, si je combine 125,5 de carbonate de potasse cris- 
tallisé, avec un excès d’acide muriatique, et que j'évapore à 
siccité, je chasserai toute l’eau avec l'excès d'acide, et Je trou- 
verai 93,2 de sel neutre. Soit que je l'appelle zzuriate de po- 
tasse, chlorure de potassium, ou de tout autre nom, dans une 
vue quelconque, j’en puis soustraire 34,1 pour l'acide sec [réel 
ou imaginaire (*)], et j'en conclus que la valeur de la potasse 
sera 59,1, qui contiendra seulement 49,1 de polassium, qui 
exige, pour se convertir en potasse, 10 d'oxigène. 

La question qui se présente ensuite (**)est relative à la com- 
position du carbonate de potasse cristallisé, que j'ai proposé 
d'appeler Di-carbonate de potasse , pour indiquer d’une manière 
plus précise la diflérence qui existe entre ce sel et celui que 
l'on appelle sous-carbonate (***), et pour rappeler en même temps 


a ———————_———…—"—" "—"—————…—" — —…"…"——————.— 


(”) Son existence isolée est certainement imaginaire ; Car on ne peut pas plus 
l'obtenir à l’état de pureté , que l’acide sulfurique sec et l’acide nitrique sec. 

(°*) Si les basès de la série qui donne 49,1 sont exactes , on doit avoir exac- 
tement 10,000 sans aucune fraction, et la proportion assignée par Berzelius, en 
est assez voisine pour qu’il n’y ait pas ici d'erreur considérable, 85,02 : 16,98 
::49,1 ; 18,04. 

(**#) J'ai évité d'employer le. nom de carbonate de potasse pour l’an de ces 


146 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


la double dose d’acide carbonique qui y est contenue. Il devient 
nécessaire, quand même on le compare au carbonate de chaux, 
de le considérer comme un sur-carbonate; car, si nous ajoutons 
une solution de ce sel à une dissolution neutre de muriate de 
chaux, il se produit une effervescence considérable provenant 
de l'acide carbonique qui excède la quähtité nécessaire pour la 
saturation de la chaux. Si on sature 125,5 de cesel avec l'acide 
nitrique, en prenant les précautions convenables pour ne laisser 
perdre aucune portion du liquide avec le gaz qui se dégage, la 
perle est d'environ 55 d’acide carbonique , ce qui est le double 
de 27,6; mais si avant la saturation on a chauflé le sel à une 
chaleur rouge foible, il perd 38,8, savoir, ‘27,5 d'acide carbo- 
nique et 11,3 d'eau; après quoi l'addition d'un acide chasse 
seulement 27,5, ou une proportion simple d’acide carbonique (*). 


Dans cette expérience j’ai fait usage d'acide nitrique, afin 
que le résultat pût me guider dans le choix à faire entre les 
évaluations antérieures, qui sont extrêmement discordantes par 
rapport à l'équivalent de cet acide. La proportion de nitrate 
de potasse que jai obtenue en évaporant une dissolution par la 
chaleur, au point seulement nécessaire pour fondre le résidu, 
donne au minimum , en trois expériences, 126 pour l'équivalent 
du nitrate de potasse, “duquel, si nous déduisons 59,1 de potasse, 
il restera 66,9 pour l'équivalent apparent de l'acide nitrique sec. 
Conséquemment:, je ne balance en aucune manière à préférer 
l'évaluation résultante (**) de l'analyse du nitrate de potasse, 
par Richter, qui donne 67,45 ; en en soustrayant une portion 
d'azote, il reste 49,91 , quantité si voisine de cinq parties d’oxi- 
gène, que je crois devoir admettre les quantités suivantes, 
17,94 + bo, ou 67,54. 

Par cette esquisse de la méthode à employer pour de pareilles 
recherches, quand il est nécessaire de faire quelques expériences 
originales, on comprendra pleinement ce que l’on doit entendre 
par équivalens, et de quelle manière la série peut être conti- 
nuée. J’ai cependant, dans plusieurs circonstances, déduit mes 
nombres d'analyses antérieures , lorsque je pouvois trouver entre 


sels, parce qu’il a été appliqué aux deux, etqu'ilestconséquemmientsusceptible 
d’occasionner des méprises lorsqu'il se trouve seul. 


@) Phil. Trans. 1808, p. 97 


(+) 46,7 258,3 :: 59,1 : 67,45. Citée dans les Mémoires d’Arcueil, t. UT, 
pag. 53. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 147 


diverses aulorités une coïncidence suffisante pour donner con- 
fance en leurs résultats. 


Par rapport à l'acide oxalique, j'ai été embarrassé pour choisir 
entre les résultats discordans, et j'ai été obligé d’avoir recours 
à l’expérience directe, F 


100 grains de bin-oxalate de potasse, vulgairement appelé 
sel d’oseille, furent exposés à un degré de chaleur suflisant 
pour délruire l'acide oxalique, et convertir le sel en sous-car- 
bonate de potasse. Je versai alors une quantité déterminée d’acide 
muriatique sur le résidu, et je saturaï ensuite l’excès avec du 
carbonate de chaux. Une autre quantité égale du même acide 
fut ensuite saturée par le carbonate de chaux seul. La différence 
des quantités de carbonate de chaux, dissoutes dans les deux 
expériences, indiquoit que 100 de bin-oxalate correspondoïent 
à 40,9 de carbonate de chaux. De là l'équivalent de 63 de car- 
bonate de chaux sera 154 de bin-oxalate de potasse. Si on en 
déduit 59,1 de potasse, le reste 94.9 divisé par 2, donne 47,45 
pour l'équivalent de l’acide oxalique sec. C’est pourquoi j'adop- 
ierai le résultat que le très-ingémieux et très-exact M. Berzelius 
a obtenu par le moyen de l’oxalate de plomb, et qui consiste à 
ce que 296,6 (*) de litharge sont combinés avec 100 d'acide 
oxalique, ce qui donne la proportion de 139,5 de litharge à 
47 d'acide oxalique. Un tel accord entre des méthodes totalement 
différentes , est singulièrement satisfaisant, et semble prouver 
que dans les expériences faites pour arriver au même but par le 
moyen de la chaux, il peut se former à-la-fois quelques composés 
diflérens par les proportions d’acide et de base, comme dans les 
cas d’oxalate et de bin-oxalate de strontiane, observés par le 
docteur Thomson, et qu’on a pu tirer des conséquences fausses 
des précipités dans lesquels ils se trouvoient. | 

Si l’on «exceple les exemples que je viers d'énumérer, il est 
frès-peu de circonstances où j'aie été obligé de faire de nouvelles 
expériences, ayant trouvé entre les résultats indépendans obte- 
nus par les autres, une coïncidence suffisante pour me rassurer 
sur leur exactitude , et d’après cela j'ai adopté ces déterminations, 
sans avoir la prétention de les confirmer par de nouvelles expé- 
riences. 


Je n’ai pas le dessein, dans la Table qui suit ce Mémoire, 


(*) Ann. de Chimie, n° 243. 


14B JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


d'entreprendre une énumération complète de tous les élémens ou 
composés que je suppose être bien connus, mais seulement d’y 
renfermer quelques-uns de ceux qui se présentent le plus souvent. 
Je ne la présente point comme un essai de correction pour les 
évaluations faites par d’autres, mais comme une méthode propre 
à appliquer avantageusement leurs résultats à former une approxi- 
mation aisée pour quelques objets de nos recherches. 


Les moyens qui ont servi à la construire seront en partie com- 
pris par l'inspection de la planche, dans laquelle on voit la liste des 
substances évaluées, arrangées sur les deux côtés d’une échelle de 
nombres, dans l’ordre de leurs poids respectifs, et à des distances 
relatives à ces poids. La série des nombres placés sur lPéchelle 
mobile peut être avancée ou reculée à volonté, de sorte qu’un 
nombre quelconque exprimant le poids d’un composé, peut être 
placé devant le point auquel correspond le composé, dans la 
colonne adjacente. Dans cette situation, les poids de tous les 
corps qui entrent dans la composition de tous les réactifs qui 
peuvent être employés, ou des précipités qui peuvent être oble- 
nus dans son analyse, se trouveront vis-à-vis des points où leurs 
noms seront placés. 

Afin d'indiquer plus clairement l’usage de cette échelle, Ja 
planche présente deux situations diflérentes du curseur : dans 
l'une, l’oxigène est 10, et les autres corps sont, par rapport à lui, 
dans la proportion convenable ; de sorte que, par exemple, l’acide 


carbonique étant 27,54, et la chaux 35,46, le carbonate de chaux 
correspond à 63. 


Dans la seconde figure, le curseur est représenté tiré par le 
haut, jusqu’à ce que le nombre 100 corresponde au muriate de 
soude, et l'échelle indique alors combien il faut de chacune des 
autres substances pour correspondre à 100 de sel marin. Elle 
indique, selon les diverses opinions, par rapport à la nature de 
ce sel, qu'il contient 46,6 d'acide muriatique sec, et 53,4 de 
soude, ou 39,8 de sodium, et 13,6 d’oxigène ; ou, si on le con- 
sidère comme une chlorure de sodium, qu'il contient 60,2 de 
chlore, et 39,8 de sodium ; par rapport aux réactifs, on peut 
voir que 283 de nitrate de plomb, contenant 192 de litharge, 
employé pour séparer l'acide muriatique, donneront un précipité 
de 237 de muriate de plomb, et qu’il restera en dissolution en- 
viron 146 de nitrate de sonde. On peut voir en même temps que 
l'acide contenu dans la même quantité de sel, peut former 232 de 
sublimé corrosif contenant 185,5 d’oxide rouge de mercure, ou 


qu'il 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 149 


qu’il pourra donner naissance à 91,5 de muriate d’ammoniaque 
composé de 62 de gaz acide muriatique , et de 20,) d’ammo- 
niaque. L’échelle indique encore que pour obtenir tout l'acide 
par la distillation, la quantité d’huile de vitriol nécessaire est 
d'environ 84, et que le résidu de la distillation sera de 122 de 
sulfate de soude sec, duquel on peut obtenir 277 de sel de Glau- 
ber, qui contient r55 d’eau de crisfallisation. Ces données, et 
plusieurs autres semblables , sont obtenues par la simple inspec- 
üon , aussitôt que le poids de la substance que l’on se propose 
d'examiner, indiqué sur le curseur , est mis en correspondance 
exacte avec son nom dans la colonne adjacente. 


Quant à la méthode de division de cette échelle, ceux qui sont 
accoutumés à l’usage des autres règles mobiles, et qui sont fa- 
miliarisés par la pratique avec leurs propriétés, reconnoîtront 
sur le curseur l'échelle ordinaire des nombres de Guuter, comme 
on l'appelle, et verront que les résultats qu’il donne sont les 
mêmes que ceux que l’on obtiendroit par les opérations arith- 
métiques, 

Ceux qui connoissent la doctrine des proportions et l'usage des 
logarithmes pour leur calcul, comprendront le principe sur le- 
quel cette échelle est construite, et il ne sera pas besoin de leur 
dire que toutes les divisions sont des espaces logarithmiques, 
et par conséquent que l'addition et la soustraction mécaniques 
des rapports formés par juxta-position , correspondent, en eflet, 
à la multiplication et à la division des nombres par lesquels les 
rapports sont exprimés dans la notation arithmétique ordinaire. 


Pour ceux qui ne sont pas également au courant des proprié- 
tés des logarithmes, et qui n'ont pas une idée aussi nette des 
rapports des grandeurs, 1l leur sera, je présume, agréable de 
A ici une explication du mode de construction de cette 
échelle. 


On doit observer d’abord, que les nombres naturels ne sont 
Es placés à des intervalles égaux, mais que l’on trouve à tous 
es intervalles égaux, des nombres qui ont entre eux le même 
rapport. Dans la figure troisième on voit une ligne divisée sur 
le même principe et à plus grands intervalles. Ceux marqués 
A,B,CG,D,E sont tous égaux, et aux points de division sont 
placés les nombres 1, 2,4, 8,16, qui croissent dans le même 
rapport. Et puisque la série 3 : 6: 12 : 24 a le même rapport de 
1 à 2, les intervalles à, b, c , d seront les mêmes que les précé- 

Tome LXXXI. AOÛT an 1815. V 


150 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


dens. À d’autres intervalles égaux, marqués F, G,H,1, sont 
placés les nombres r, 3, 9, 27, qui croissent régulièrement dans 
le rapport de 1 à 3; et, par le moyen d’un compas, on trouvera 
que l'intervalle de 2 à 6, ou de 6à 18, qui sont dans la même 
proportion de 1 à 3, est exactement égal à F, G, intervalle entre 
ret 3. Comme un seul intervalle représente un rapport simple, 
la somme de 2 ou 3 intervalles représente un rapport double ou 
triple. Si r est augmenté trois fois dans le rapport de 1 à 2, il 
deviendra 8, qui est, par rapport à 1, le triple rapport de 2 à r. 
Le rapport de r à 8 est alors très-bien représenté par A D, qui 
est le triple de A B. 

Les distances des nombres intermédiaires 5,7, 10,11,13à7, 
sont également prises proportionnellement au rapport qu’ellesont 
avec l'unité, et sont aisément obtenues par le moyen d’une table 
de logarithmes; car, comme ces derniers sont des mesures arith- 
métiques des rapports que tous les nombres ont avec l'unité, les 
espaces qui leur sont proportionnels, deviennent des représenta- 
tions linéaires de ces mêmes quantités. 

Si les espaces AD, AE représentent les rapports respectifs 
de 8 et de 16 à l'unité, la différence D E représentera le rapport 
de 8 à 16, qui tombent à D et à E. De même, un autre espace K/ 
représente exactement le rapport de 7 à 15, de sorte que la me- 
sure d’une fraction exprimée par des quantités qui sont incom- 
mensurables, est rendue sensible à la vue, comme celle d’un 
simple multiple ; et si à l’aide d’un compas on prend la distance 
de deux points, et qu’on la transporte à une autre partie de 
l'échelle, les pointes tomberont sur des nombres qui auront entre 
eux le même rapport que les nombres qui formoient le premier 
intervalle, 

On voit donc que les différens points de la colonne des équi- 
valens indiquent les diverses quantités cherchées dans une posi- 
tion donnée du curseur. Les distances relatives auxquelles sont 
placées les substances, représentent des ouvertures de compas 
rendues permanentes, et qui se présentent en même temps à la 
vue. Dans la table qui se trouve à la fin de cet écrit, le rapnort 
des différentes substances est exprimé en nombres. Dans l'échelle 
gravée des équivalens, les rapports de ces nombres sont repré- 
sentés par les intervalles logarithmiques auxquels ils sont placés, 
leurs diverses positions élaut déterminées par celles de leurs 
nombres respecuüfs sur le curseur dont les divisions sont loga- 
rithmiques ; conséquemment tous les points de la colonne des 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 151 


équivalens indiqueront les nombres en conservant les mêmes 
rapports, quelle que soit la partie de l'échelle qui leur soit pré- 
sentée. Ceux qui voudront y trouver quelques données, les ob- 
tiendront par la seule inspection. Ceux qui en possèdent déjà, 
pourront corriger les positions de quelques articles, par la com- 
paraison des meilleures analyses, quels que soient les nombres 
par lesquels les résultats de ces analyses puissent être exprimés. 

. J'espère que, sans avoir occupé trop long-temps la Société, 
J'aurai rendu intelligible le principe sur lequel cette échelle est 
construite, ainsi que la manière de s’en servir. Je crois qu’elle 
deviendra d’un usage général, et qu’elle paroîtra commode aux 
chimistes ; elle sera enfin un exemple d’approximation mécanique, 
qui peut être fréquemment et avantageusement substitué aux 
calculs, dont les résultats sont souvent plus minutieux que ne 
le comporte l'exactitude de l'observation; et, s’il tend à intro- 
duire l'usage de l'échelle mobile commune, instrument très-pré- 
cieux, il fournira le moyen d’épargner une portion de temps 
considérable à ceux qui s'occupent des recherches scientifiques. 
Nous nous bornons à faire imprimer la Table numérique Ci- 
jointe des équivalens chimiques , sans faire graver l'échelle synop- 
tique qu’on trouvera dans le Journal des Mines, cahier de fé- 
vrler 181. + | 


JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


152 


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‘anbuogdsoud apr y o$flc —aua8ix( 06 + gbtLi 
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O‘ÇOr + + * *xneyo DD ——— 


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- G6gr * * + *quopd op ——— 

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‘£6L (nvo L) + apixo 1 ape t = géglr * + + + + * A9] 0p ——— 

0‘0g (neo G) (4) + apixo 1 + opioe 1 — 9'OGT * * * *OuAmO 9p ——— 
OLYr + + + ay{ieq op ——— 

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“wosdyp jes ap Gfcçr — C'GL (nes L)+ 9'YL (u)' “oisouSeuu op ——— 
1'Got * : - ‘assmod 2p ——— 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


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*s "dop çeft e joua op op c'19 = ç'r1 nvap 2S0pI1<+# oG * * *29s oubranypns opo5y 
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9 ‘ ‘ *xneyo op ayeuoqaer) 
“ossmod ap ayeu , 
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‘apnos 9p 9Jeu 
Rd 9p G'Gor = nvo,p g'i1 + onbruoques oproep ge + 909  ‘‘apnos 9p —— 
“eUDETUOUWLUE p jeu0ques-1q 9p GOL = onbruoqueo apror GLe + 06 ‘UOLULUE P 2JEU0qIL2-Sn0S 


JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


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104 


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* *onbyroods inajuesoq 


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“osseod 2p ayerint 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


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JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Muriate 


107 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


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ggur X G = gfog : gfggr : : £Égc t001 (cp) 
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JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


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“snrpoziog (Gb) 
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“Lau (ot) 
“peuour, 39 ogoanog (6e) 


“RzusAA (96) 
{ae (Lg) 
oo (0€) 
“snorg (ce) 
‘xouoq") (te) 
“oessnr-{es) (ec) 
‘snipoziog (2ç) 
"pieux (1€) 
“sddrqq ‘x (08) 
‘sosagjod{q sex (62) 
“jgonx (97) 
“eoureg (7) 
“oessn-de) (97) 


“eseyjod{y 4 (cz) 
“08e1IY J9 jo1g (Ÿz) 
“saouoripdxe IE (e7) 

‘Hu (zz) 
“auapr (12) 
*U9P] (oz) 
uopr (63) 
‘snHaziog (g1) 
“£aeq (41) 
“Wap, (91) 
“mordery (1) 
“u9p] (ÿ3) 
‘Sntfezaog (cr) 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 15q 


Dans cette Table j'ai, dans beaucoup de cas, pris de doubles 
témoignages de diverses sources, afin que mes conséquences 
fussent confirmées par leur accord. Le nombre 29 peut être 
indiqué comme un résultat déduit de données antérieures, et 
qui coïncident avec d’autres expériences avec une exactitude 
remarquable. 


Dans l'extraction de l'acide nitrique du nitre par la distilla- 
tion, on peut l'obtenir tout entier si l’on emploie assez d’acide 
sulfurique pour convertir le résidu en bi-sulfate de potasse. Dans 
ce cas, chaque portion de la potasse, dont l’acide nitrique est 
“pré absorbera l’eau de deux portions équivalentes acide 
sulfutique, et chaque portion d'acide nitrique pesant 67,54, se 
combinera avec 22,64 d'eau. De là, 90,18 d’acide nitrique liquide 
ainsi obtenu, devra dissoudre l'équivalent 63 de carbonate de 
chaux. En effet, par une expérience faite avec beaucoup de soin 
sur de fortes proportions, par M. Phillips (*), il paroît que 681 # 
d’un acide semblable dissout 476 de marbre, ce qui est dans 
le rapport de 90,18 à 62,96, résultat qui correspond avec les- 
time à :35 près; degré de coïncidence qui se rencontre rare- 
ment, même dans la répétition de la même expérience par l’ana- 
lyste le plus habile. L S 

La pesanteur spécifique de cet acide étoit de 1,50. 


() Experimental Examination of the Pharm. Lond, by R. Philips. 


X2 


160 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


RAPPORT 


FAIT A LA CLASSE DES SCIENCES DE L'INSTITUT 
ROYAL DE FRANCE, 


SUR 


LES OBSERY ATIONS DU VÉSUVE, 


Lues à la Classe, les 23 et 30 janvier 1815, 


Pan M. MENARD pe LA GROYE. 


Commissaires : MM. DE HuMBoLDT, Gay-LussAC et RAMOND. 


LE Mémoire dont la Classe nous a chargés de lui rendre 
compte, ne lui a été lu que par extraits. Il nous a été remis 
dans son entier , par M. Ménard de la Groyÿe, et constitue un 
Ouvrage considérable intitulé : Observations avec réflexions 
Sur l’élaf et Les phénomènes du Vésuve, pendant une partie 
des années 1813 et 1814. Pour donner une idée générale de la 
manière dont l’auteur a envisagé son sujet, nous n’avons rien 
de mieux à faire que de transcrire ici l'exposé qu'il fait lui- 
même de son plan, et d'indiquer, dans ses propres expressions, 
les limites où il s’est proposé de se renfermer. 


Je ne veux, dit-il à la page 2 de son Mémoire, je ne veux 
rien répéter des descriptions du volcan ; je ne veux rien rap- 
peler de son histoire. Je me restreins absolument aux obser- 
vations que j'ai pu faire par moi méme, dans un temps pres- 
crit, sur son sommet, la seule partie qui soit sujette à de 
grandes variations. Je ne veux dire que l’état où j'ai trouvé 
ce Sormmet, et les phénomènes qu’il m'a présentés pendant 
une partie des deux années qui viennent de s’écouler. Je 
joindrai seulement à ces faits, les réflexions qu’ils m’ont 
suggérées naturellement et immédiatement, sans m'’étendre à 
presqu'aucune généralité... Je préviens encore que mes re- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 161 


‘marques ne vont offrir aucun fait nouveau ; mais l’exactilude 
que j'ai tâche de leur donner, et la simplicité des conséquences 
que j'en déduis, paroftront , je l'espère, de quelque valeur. 

D’après cette déclaration, nous n'avons rien à exiger de M. de 
la Groye, si: ce n’est l'exposé exact des faits bien observés et 
les explications qui naissent d’elles-mêmes, sans le secours de 
ces vaines hypothèses qui essayent de devancer la marche me- 
surée des sciences et Les lents progrès de l'observation. L’on n’a 
effectivement rien de plus à demander au géologue qui se propose 
de faire l’histoire et non le roman de la nature. ê 

M. Ménard nous paroît avoir bien rempli le premier objet, 
et la description très-détaillée qu'il nous donne des phénomènes 
et des effets des dernières éruptions, ajoute aux connoissances 
que nous avoient déjà transmises les savans naturalistes qui ont 
observé les éruptions antécédentes. 

11 examine d’abord les vestiges de la fameuse éruption de 1794, 
et ce qui subsiste de celles qui ont eu lieu depuis cette époque 
jusqu’en 1812. L’éruption du 1°" janvier de cette année, éloit 
Ja dernière survenue, au moment où M. Ménard aborda le 
Vésuve. 11 lui donne une attention plus particulière, en décrit 
Ja lave et les divers produits, et fait mention de fumées acides 
qui peut-être en éloient encore une suite éloignée. 

Le journal des phénomènes dont il a été témoin, commence 
aux premiers jours d’avril 1813. Dès le ro, il y eut une explosion 
accompagnée d’une projection de pierres. M. Ménard visita le 
cratère d'où elles étoient sorties, et remarqua qu'il éloit percé 
dans une couche de lave ancienne dont la compacité égaloit 
celle du basalte. 


En juin, la mer parut un moment absorbée. On regarde ce 
puénomène comme ê présage assuré d’une éruption prochaine. 
‘M. Ménard croit à l'absorption et doute du présage. D’autres 
n'y voient ni absorption, ni présage, mais une oscillation des 
eaux occasionnée par une oscillalion du sol, c’est-à-dire le 
travail du volcan déjà en action. Il en est à peu près de même 
-de l’abaissement de l’eau des puits que notre auteur remarqua 
durant le mois suivant. Elle paroît due au fendillement du sol 
pret qu’à cette même absorption qu'il admet conformément à 
‘opinion vulgaire. 

Une observation moins commune , et quenous regardons comme 
assez curieuse , est celle de l’intérieur du cratère, tel qu’il le 
vit le 2 septembre. On lui avoit annoncé que ce cratère vo- 


162 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


missoit des flammes; c’étoit une fournaise qu’il entrevoyoit par 
ua soupirail obliquement ouvert. Mais point de flamme, dit-il, 
ai grande, ni petite; pas méme de parties d’une intensité dif- 
J'érente : ce n'éloit partout que l’apparence du fer chauffé 
entre le rouge et le blanc. I\ ne sauroit dire, au reste, s’il y 
avoit là un bain de lave, ou si c’étoient seulement les parois 
et le fond dela caverne qu’il voyoit dans cet état d’incandescence. 


Une petite éruption survient au commencement d'octobre, 
elle élève un cône nouveau et fournit une lave peu considé- 
rable, M. Ménard ne tarde pas à les aller observer, persuadé, 
avec raison, que la possibilité d'examiner de plus près les phé- 
nomèênes, donne aux éruplions médiocres un intérêt tout parti- 
culier.— T1 remarque, en passant, les fumerolles anciennes, les 
trouve très afloiblies ainsi que la chaleur des parties d’où elles 
émanoient. Leur odeur ne présentoit rien de particulier; c’étoit 
toujours celle de l'acide muriatique et de l’acide sulfureux. Le 
nouveau Cône s’élevoit d'environ cinquante mètres, et éloit 
entièrement formé de scories, avec très-peu de Zapilli et encore 
moins de cendres. Il ne s'en exhaloit aucune vapeur, tandis que 
la lave, au contraire, marquoit son cours par une fumée grise 
que l’auteur attribue à l’évaporation de son humidité. Une autre 
fumée s’élevoit du cratère chaque fois qu’il lancoit des pierres; 
celle-ci paroissoit une projection de sable volcanique; mais lors- 
qu'elle étoit eflectuée, ce qui restoit de fumée permanente éloit 
encore de la vapeur aqueuse. 


À l’occasion de ces projections de sable, l’auteur examine en 
quoi les sables différent des cexdres volcaniques. Celles-ci sont 
grises; c'est de la poussière de lave, et il la nomme /ave pul- 
vérulente. 


Quant à la colonne de feu du volcan, ce n’est point une 
flamme, mais un torrent de particules incandescentes, et dans 
l'intervalle de ces émissions embrasées , c’est peut-être la lumière 
du foyer brûlant, réfléchie par la fumée qui lui échappe. 

M. Ménard examine ensuite avec beaucoup de soin la nou- 
velle lave, Elle étoit encore en écoulement, entraînant avec len- 
teur, mais avec bruit, des pièces scorifiées de toute dimension, 
lesquelles glissoient et couloient les unes sur les autres et for- 
moient un canal à la partie liquéfiée. Il voit le front de cette 
lave, procédant peu à peu en avant sans se montrer elle-même, 
et toujours cachée par Les scories qu’elle poussoit devant elle, et 


ET D'HISTOIRE NATURELLEe 163 


qui se dérouloient en culbutant dans le sens où elles éloient 
poussées par le courant intérieur, 


IL s'occupe de l'origine de ces scories et de celles qui cons- 
tituent le Cône du cratère. L'opinion jusqu'à présent reçue ne 
lui paroît admissible qu'à certains égards, et 1l les considère 
plutôt comme une production distincte et particulière. Elles 
sortent toutes formées du creuset du cratère; ce sont, à son 
avis, des portions de la lave qui ont parcouru tous les degrés 
de la fusion et de la combustion dont les laves ont le principe 
en elles-mêmes, et qui, par conséquent, ont pu accomplir at 
sein du volcan l'œuvre de la scorification, dernier terme de 
laction du fondant, après quoi la lave cesse d'être fusible au 
degré de chaleur qui l’avoit originairement liquéfiée. Toute cette 
théorie se lie à l’idée que l’auteur s’est formée de la fusion des 
laves et des moyens de cette fusion. Il les expose ici avec beau- 
coup d’étendue et y revient ensuite à diverses reprises. Deux 
faits déjà établis avant lui, et que ses observations tendent à 
confirmer, sont le point d’appui des systèmes proposés à ce 
sujet. Le premier de ces faits est le peu de chaleur des laves 
coulantes; Je second est la lenteur de leur refroidissement. Il 
est diflicile de les révoquer entièrement en doute; mais les ob- 
servations relatives au second ne sont peut-être pas exemptes 
d’exagérations, et il est à regretter que le premier n’ait pas encore 
été l’objet d’expériences très- exactes. — Quoi qu'il en soit, 
M. Ménard, dans le nombre des hypothèses antérieurement pro-. 
posées, paroît ne pas rejeter celle des mères-pierres beaucoup 
ph fusibles que les roches auxquelles on seroit tenté d'attribuer 
‘origine des laves; et il s'attache spécialement à la supposition 
d’un Jondant qui provoque et maintient la liquéfaction ignée , 
Jusqu'à son entière dissipation , ensorte que la lenteur du refroi- 
dissement des laves condensées lui paroît encore une suite de 
son action latente. 


Mais quel est ce fondant ? Dolomieu, qui avoit observé beau- 
coup de volcans, le trouvoit dans le soufre. M. Ménard le re- 
Jette entièrement, du moins en ce qui concerne le Vésuve; et c'est 
101 le lieu de dire qu’il propose ailleurs une division des volcans 
en sulfureux et en muriatiques, et qu'il range le Vésuve dans 
ces derniers, quoique l'acide muriatique ne soit pas le seul dont 
odeur l'ait frappé, et quoique plusieurs observateurs y aient re- 
connu des vapeurs sulfureuses extrêmement suflocantes. Au reste, 
d’autres fondans peuvent prêter leur secours à l'hypothèse. Au 


104 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


defaut du soufre, il y a de la potasse et de la soude dans les’, 
laves; il y a des substances volatiles qui se signalent par les 
bulles des scories et les vapeurs que toutes les parties des volcans 
exhalent. L'auteur du Mémoire paroît les prendre en considéra- 
tion, mais il s'attache surtout à l'oxigène, originairement com- 
biué avec le fer dont les laves abondent, et insiste spécialement 
sur l’eau , considérée comme principe constituant, comme sèche, 
comme glace, comme capable en cet état d’étre non-seulement 
un fondant accessoire très-paissant, mais peut-être même l’unique 
fondant des laves, dont la condensation seroit ensuite une sorte 
de desséchement occasionné par la perte de l'eau, plutôt qu'une 
simple consolidation due à la perte du calorique. Nous n'avons 
pas besoin d’avertir que ces idées lui sont propres. 

De ces considérations, l’auteur passe à celle de la texturelithroïde 
des laves condensées, et il parcourt les phénomènes et la théorie 
de la dévitrification. Ce sujet a été beaucoup éclairei depuis 
une vinglaine d'années, par des expériences entre lesquelles celles 
de Hall tiennent un rang distingué. M. Ménard marche ici sur 
un terrain connu, mais il -en profite pour y jeter le germe de 
quelques idées non moins nouvelles, essaie une explication de 
la formation des porphyres, et une comparaison entre les basaltes 
d’origine ignée et les basaltes d'origine aqueuse, si toutefois il y: 
en a. Nous ne le suivrons pas davantage dans cétte partie de son 
travail; elle ne le détourne pas de son objet, puisqu'il traite des 
volcans avec beaucoup plus d'étendue qu'il ne lavoit annoncé; 
mais elle nous détourneroit du nôtre, puisque c’est principale- . 
ment des faits dont nous avons à rendre compte à la Classe. 


Le Journal de M. Ménard en présente peu du 6 au 16 octobre; 
car il ne contient autre chose que les apparences du Vésuve vu 
de Naples. Le 16, M. Ménard y monta de nouveau et trouva 
que le Cône de la dernière éruption avoit changé de couleur ; 
il étoit devenu rougeâtre, de noir qu'il étoit, ce qui s'explique: 
naturellement par l'oxidation des scories. Il ne put apercevoir 
le fond du cratère; son guide lui apprit qu'il en avoit vu le: 
goulot fermé par des quartiers de pierres incandescentes. La lave 
avoit cessé de couler , mais elle conservoit une chaleur très-sen- 
sible et exhaloit une vapeur inodore; elle n’avoit rien de parti- 
culier : sa texture est dense, sa couleur noirâtre ; elle abonde, 
comme les autres, en pyroxène, et renferme des points blancs - 
qui doivent être de l'amphigène, Ceci conduit l’auteur à des ré-» 
Aexions sur la nature des roches qui ont pu fournir la matières 

des 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 165 


des laves, ou qu’on est accoutumé de leur comparer, c’est-à- 
dire les cornéennes , les petrosilex, les graustein, les grünstein, 
et il paroît bien tenté de les regarder toutes comme le produit, 
plutôt que comme l’aliment du feu volcanique. IL croit, de plus, 
que l’on s'est souvent mépris sur certaines laves, par suite de la 
ressemblance qui existe, d’une part, entre le pyroxène et l’am- 
phibole, de l’autre, entre lamphigène et le feld-spath. Il men- 
üonne des laves amphigéniques, et une roche qui lui paroît com- 
posée de pyroxène et de néphéline, contenant en outre du mica, 
et associée à de la pierre calcaire grisâtre; celle-ci est peut-être 
native, mais semble avoir été chauffée. Du reste, il est fort dis- 
posé à regarder le pyroxène comme un produit du feu, quoique 
nous le connoissions dans des montagnes certainement primitives. 
IL a la même opinion du péridot, et à l’égard decelui-ci, nous 
r'avons pas la même objection à lui faire. Enfin il parle de cer- 
tains fragmens erratiques rencontrés sur les flancs du Vésuve, et 
qu'il a imparfaitement observés. Ce sont des sortes de cornéennes 
ou de petrosilex, qu’on peut supposer, dit-il, être la matière 
première des laves, la r1ére-pierre, comme disoit Guillaume 
Thompson; il n’y manque que le pyroxène et le mica. Nous 
sommes fâchés qu’on n’ait pas essayé, au moins au chalumeau, 


si cette roche est douée de la fusibilité qu'on attribue aux 1êre58+ 
pierres. 


Mais passons à la grande éruption de décembre 1813.M. Menard 
se trouvoit (alors) à Rome; il partit à la première nouvelle des 
phénomènes qui en signalèrent le commencement. De retour à 
Naples, le 8 janvier, il nous décrit ce qui s’étoit passé en son 
absence, sur la foi du Moniteur des Deux-Siciles et d’après 
Jerapport de M. Monticelli. L’éruption s’annonca le 24 décembre, 
par un tremblement de terre, et se déclara le 25, avec détona- 
tions , jets immenses de fumée, projection considérable de Zapilli, 
épanchement de laves. Nous ne le suivrons pas dans sa narration, 
tout intéressante qu'elle est, et nous nous contenterons de l’ac- 
compagner dans son ascension au Vésuve, le 25 janvier, c’est- 
à-dire un mois juste après l’éruption. Personne encore n’avoit 
pu ou osé atteindre la cime; ainsi point de temps perdu. 


La première remarque porte sur la pluie de Zapälli. Les abords 
de la montagne en étoient couverts, et son cône en étoit à peu 
près exempt. La projection des scories peut avoir été oblique, 
comme le pense l’auteur, mais Le vent sufht bien pour faire dévier 
la gerbe, en fléchir la cime et éloigner le lieu de la chute du point 


Tome LXXXI. AOÛT an 1815. Y 


166 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

de départ; c'est ce que l’auteur reconnoît aussi, et ses observa- 
tions lui en ont fourni plus d’un exemple. Ce lapillo étoit noir 
et d'une fragilité singuhère, très-boursoufflé, demi-vitrifié et 
Jluisant comme du charbon animal; ce sont les effets du refroi- 
dissement subit. Il étoit aussi tombé du sable volcanique, en 
grande partie composé de QUE cristaux de pyroxène, des sco- 
ries en larmes, des pièces diversement contournées de lave sco- 
rifiée commune, des bombes volcaniques dont l'écorce, égale- 
ment scorifiée, enveloppe un noyau de lave dense. — On comprend 
que les plus lourdes de ces déjections avoient ecdé les premières 
aux lois de la pesanteur, et se trouvoient en plus grande abon- 
dance au voisinage du centre d’éruption. Dans le nombre il re- 
connut beaucoup de fragmens de laves antiques répandus sur 
toutes les parties de la montagne. Ce sont autant de vieilles cou- 
lées actuellement enfouies sous les déjections plus récentes, et 
que le volcan lance au dehors par l'effort de ses explosions, 
sans leur avoir fait éprouverune fusion nouvelle. Enfin M. Menard 
remarque une production singulière, qu’il appelle biscuit à cause 
de Ja ressemblance qu'il trouve entre certains morceaux et le bis- 
cuit de porcelaine, et aussi parce que cette substance pourroit 
bien, à son avis, être une lave recuite ; elle est d’un blanc ti- 
rant sur le jaune verdâtre, mais on la trouve quelquefois noire 
en partie. Comme elle n’a pas été essayée, sa description nous 
laisse dans l’incertitude sur sa nature. 

La fumée qui sortoit du cratère ne permit pas de lobserver: 
en entier. Notre voyageur reconnut seulement que le sommet 
du Vésuve avoit éprouvé de grands changemens. I1 observe une 
nouvelle lave dont les aspérités lui rappellent l'aspect des cheïres 
de l'Auvergne; elle avoit coulé vers le nord-ouest, mais ne 
s'étendoit pas jusqu’au limbe de l'aire. 11 la décrit très-bien et 
voit, comme Spallanzani, la cause de son exhaussement au-dessus 
du sol, dans le refroidissement de ses flancs. qui, en se conso-" 
lidant, forment à la lave coulante un canal dont les bords vont 
en s’élevant toujours, Cette lave avoit des parties incandescentes; 
il s’en exhaloit beaucoup de fumerolles, les unes purement 
aqueuses , d’autres décidément acides et altérant la couleur des 
scories exposées à leur action. M. Menard reconnoît d’abord l’odeur 
de l'acide sulfureux, puis il n’est plus frappé que de celle de 
l'acide muriatique. Vers les orifices d’où ces vapeurs s’échappent, 
il remarque diverses sublimalions, du fer oligiste, du muriate de 
cuivre concrétionné , des houppes d’un sel blanc qui est, dit-il, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 167 


du muriafe de soude, manquant d’eau de cristallisation, et qui 
se distingue par une saveur vive et brûlante. 

Il remonte au Vésuve, le 4 février suivant, pour visiter une 
autre lave qui avoit coulé sur le flanc sud-sud-ouest de la mon- 
tagne; elle étoit aisée à reconnoître, même de loin, par sa cou- 
leur sombre, au milieu du tapis de neige dont lesenvirons étoient 
couverts, ce qui annoncoit assez qu’elle conservoit encore un reste 
de chaleur. Il ne s’en exhaloit cependant aucune vapeur visible, 
mais çà et là quelques émanations acides, autour desquelles les 
scories s’imprégnoient de muriate de fer qui les faisoient tomber 
en déliquescence, 


Les conséquences que M. Menard tire de l'observation des 
fumerolles sont assez singulières pour mériter d’être rapportées 
dans ses propres termes : Ce n’est point, dit-il, le foyer seul 
des volcans qui produit les vapeurs acides, l’eau et les subli- 
Mmalions , comme ce n’est point lui seul qui comporte el conserve 
la chaleur. La lave, à son plus grand éloignement de ce foyer, 
donne aussi ces produits. Or si elle porte en elle-méme tous 
les principes des émanations volcaniques, n'en doit-on pas 
conclure qu'elle porte aussi la cause prochaine de tous les 
phénomènes qui en résultent? Il me semble, ajoute-t:il, que 
duns quelques éruptions il s’est ouvert, sur le courant méme 
de La lave, de petits cratères qui ont vomi des scories comme 
la montagne elle-méme.... Il y a dans la lave touf ce qui 
Jüait le volcan, et le volcan ne consiste que dans la lave. La 
grande fumée enfin qui sort du sommet du cône, est-elle autre 
chose que la masse concentrée de l'infinité de fumerolles pro- 
duites par le bain de lave ? 


On prévoit que cette manière d’envisager les laves va sug- 
gérer à l’auteur une explication de la lenteur de leur refroi- 
dissement, si toutefois elle a besoin d’être expliquée autrement 
que par leur volume, leur entassement et les lois ordinaires de la 
déperdition de la chaleur. M. Menard ne doute point de cette 
nécessité; il s'appuie de réflexions très-puissantes, si les obser- 
vations elles-mêmes sont justes, et il allègue quelques expériences 
thermométriques du duc de la Torre , sur le progrès du refroi- 
dissement dans la lave de 1794. Une chaleur, dit-il, qui se con- 
serve des mois, des années et même des siècles, ne sauroit être 
communiquée , il faut qu’elle soit spontanée ; il en voit la cause 
dans un ferment qui agit, selon lui, jusque dans la lave déjà 
consolidée. Ce ferment il le trouve ou dans le fer sulfuré, ou 


Ya 


268 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


plutôt (et cette idée lui appartient en propre) dans l’eau fortement 
attirée par la matière première de la lave, qu’il suppose à l’état 
caustique dans les profondeurs de la terre, où il peut régner une 
chaleur capable de la priver de toute humidité. Cette matière 
première des laves seroit une espèce de chaux que la rencontre 
de l’eau mettroit en fermentation, soit que cette eau y arrivât 
par infiltration, soit qu’elle y aflluât par l'effet de l'absorption 
déjà alléguée à l'occasion du desséchement des puits et de la re- 
traite momentanée de la mer. Enfin celte fermentation -volca- 
nique, ainsi que toutes les autres, ne pourroit avoir lieu qu'une 
fois dans la même matière , et sous ce rapport, M. Menard, com- 
pe les laves refroidies à leur matière première, appelleroit 
es unes roche morte ou roche brilée , et les autres roche vive 
ou roche combustible. 


Plusieurs de ces idées sont un peu vagues, il faut l'avouer, 
et quelques-unes sont trop en contradiction avec nos connoissances 
chimiques, pour que nous ne partagions pas sincèrement les 
doutes qui naissent dans l'esprit de l’auteur lui-même, sur la so- 
lidité de son système et la valeur de ses explications. 


Un dernier voyagé au sommet , exécuté le 8 février, lui fournit 
l’occasion de voir le cratère, dont l'aspect lui parut magnifique, 
quoique les dimensions ne fussent pas des plus considérables, à 
en juger d’après M. Menard, qui les estime à un mille de tour, 
sur un huitième de mille de prefondeur. Au reste, son cône n’est 
inférieur qu’à celui de 1794, et domine ceux des éruptions pos- 
térieures. Ses bords sont de hauteur inégale, mais il n’est échan- 
cré sur aucun point de son pourtour. La lave du sud s’est élevée 
dans l'entonnoir ; et en retombant au fond du creuset elle a for- 
mé une paroi haute et escarpée; celle du sud-est paroït avoir 
coulé par une crevasse inférieure, et quant à celle du nord-ouest, 
il est probable qu’elle s’est épanchée par le bord raoyen du cra- 
tère. — Deux colonnes de fumée sortoient du fond, l’une vague 
et incertaine, étoit exhalée par une bouche probablement obs- 
truée ; l’autre échappoit avec bruissement d’une cheminée excen- 
tiquement placée, et paroissoit enflammée à sa base , mais n'étoit 
accompagnée d'aucune projection de scories ou de cendres. L’au- 
teur s'arrête un moment à la considération de l'immense quantité 
d’eau que charrient de pareilles fumées, et réfute lopinion de 
M. Breislack , qui la croit formée par larencontre de l'hydrogène 
du volcan avec l’oxigène de l'atmosphère. Le sentiment opposé 
le conduit naturellement à insister sur la probabilité de commu. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 169 


nications établies entre les volcans et la mer. Il rapporte ce qu’on 
a dit ou pu dire de plus concluant pour l’établir, et doit, en effet, 
y attacher d'autant plus d'importance, que cette communication 
lie entre elles toutes les parties de son système; car l’interven- 
tion de l’eau, et spécialement de l’eau salée, explique à-la-fois, 
pour lui, la fermentation volcanique, la longue chaleur des laves, 
l'humidité exhalée, les vapeurs acides et les muriates qu'il a 
observés. 
Là se termine le Mémoire et finit notre analyse. 


Quelque succincts que nous ayons été dans l'exposé des idées 
de l’auteur, on aura apercu que la partie systématique de son 
travail y occupe une très-grande place et sort même des limites 
où nous l’avions vu disposé à se renfermer. Il nous auroit fallu 
beaucoup plus de temps qu’il ne nous en étoit accordé, pour 
ranger, par ordre de matières et réunir en corps de doctrine, les 
opinions, les hypothèses, les preuves intercalées dans le journal 
des observations, sans autre ordre que celui de ces observations 
elles-mêmes, et S'il avoit élé question de les discuter, l'étendue 
de notre Rapport auroit approché de celle du Mémoire. Nous 
yous en sommes tenus à ce qui constitue son intérêt véritable, 
c'est-à-dire aux phénomènes de plusieurs éruptions, soigneusement 
et diligemment observés dans le cours de plusieurs voyages, 
Les faits sont nombreux, et nous devons ajouter que M. Menard 
donne à ses descriptions et à ses récits un caractère d’exactitude 
et de scrupule qui inspire la plus grande confiance. Son ouvrage, 
considéré sous ce point de vue, lui assure une place honorable 
entre les historiens du Vésuve, ainsi que des droits incontes- 
tables à la reconnoissance des savans, et nous pensons que la 
Classe lui doit des éloges et des encouragemens. 


Signé HumsoLoT, GaAy-Lussac, RAMOND , Rapporteur. 


17 Avril 1815: 


779 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


"re nr 


EXTRAIT d’une Lettre de M. VAN-MONS à J.-C. 
DELAMETHERIE , sur la Métallisation de l'Hydro- 
gène; par M. DOBREINER. 


M. DoBREINER croit avoir métallisé l'hydrogène, en le pla- - 
çcant dans une position à pouvoir s'unir au mercure au moment 
de son dégagement d'avec l’eau. A l'aide de la pile galvanique 
il se forme un amalgame cousistant, que la chaleur résout en 
hydrogène régénéré et en mercure liquide. On peut à froid ma- 
nier cet amalgame sans qu'il se désunisse. M. Dobreiner croit 
aussi avoir métallisé, plus ou moins, le phosphore, lequel, en 
brûlant sous une cloche, tandis qu’un rayon direct du soleil le 
frappe, prend une couleur d’or et de l’éclat métallique. Sa tex- 
ture est alors lamelleuse. Le soufre dépouillé d'hydrogène, de- 
vient d’un bleu aussi beau que lindigo. L'auteur pense que tous 
«es corps simples sont de nature métallique. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 171 


Là 
_ NOUVELLES LITTÉRAIRES. 


Essai sur l'Histoire de la Nature, par MM. Gavoty et 
Toulouzan. 
Ici bien des vérités ne se feront sentir qu'après qu’on aura vu 
la chaîne qui Les lie à d’autres. 
De l'Esprit des Lois. Préface, pag. Ixxxvij. 


« Trois vol, in-8o, à Paris, chez 4rthus Bertrand, Libraire, 
rue Haute-Feuille, n° 23 , an 1815. 

Les auteurs de cet ouvrage ont considéré l’ensemble de la 
nature. 

Dans le premier volume, ils traitent de la Nature et de ses 
lois , et ensuite des Corps inorganiques. 

Dans le second-volume , ils traitent des Corps organiques en 
général, et de leurs diflérentes fonctions. 

Dans le troisième volume, ils traitent des différens Corps or- 
ganiques, et principalement de l’homme, et des divers variétés’ 
de l’espèce humaine. 

Nous ferons eonnoître plus en détail cet ouvrage intéressant. 

De l'ile de Sainte-Hélène, et de Buonaparte. Essai conte- 
nant k description et la statistique de l’île Sainte-Hélène, un 
précis historique sur la navigation de la mer Atlantique, des vues 
commerciales et politiques sur celte colonie, et des réflexions 
sur le sort futur de Buonaparte ; par M. Toulouzon de Saint- 
Martin , V'un des auteurs de l’Essai sur l'Histoire de la Nature. 


Devant lui se taisoient les Rois respectueux ; 
Cet immense Colosse, élevé par la guerre 
Au trône de la terre, 
Tombe, et n’est plus déjà qu’un nom jadis fameux. 


Gilbert. Ode à Mowsieun sur son voyage en Piémont, 6°st. 


À Paris, chez Lenormant, Imprimeur-Libraire, 

L'ile Sainte-Hélène, dit l’auteur , fait partie d’une chaîne sous- 
marine et volcanique, qui commence à l'ile Tristan d’Acunha, 
vers le 37° degré de latitude australe, et qui se continue par 
Sainte-Hélène, l’Ascension , ‘les îles du cap Verd, les Cauaries, 
Madère , les Acores, l’Archipel britannique, et celui du Feroër, 
jusqu’en Tslande , situés sous ie cercle polaire du nord. 


173 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, etc. 


TABLE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


Lettre du docteur V'alli à M. Brugnatelli, sur l'électricité 


animale. Pag. 85 
Lettre de M. Valli sur le méme sujer. 93 
Note sur l'augite, la cocolithe, la sahlite, la mussite, 

l'alalite et la lherzolite ; par J.-C. Delamétherie. 97 


Tableau météorologique ; par M. Bouvard. 
Table de la quantité d'eau de pluie, et du nombre des 
jours de pluie, neige et bruine, à Fiviers, pendant 


trente années ; par Honoré Flaugergues. 104 
Notice météorologique. 110 
Suite au Mémoire sur la culture de la betterave à sucre ; 

par M. Pajot Descharmes. TL 
Mémoire sur une échelle synoptique des équivalens chi- 

miques; par M. IV. Hyde Wollaston. Extratt. 138 


Rapport de l'Institut sur les observations du V'ésuve, lu 
à la première Classe, les 23 et 30 janvier 1815; par 
M. Menard de la Groye. Commissaires, MM. de Hum- 
boldt, Gay-Lussac et Ramond. 169 
Extrait d'une Lettre de M. Van-Mons à J.-C. Delamé- 
therie, sur la métallisation de l'hydrogène ; par 
M. Dobreiner. 170 
Nouvelles littéraires. A OAUR 171 


A Gé 4 SE ARE TRI 
De l'Imprimerie de M" Veuve COURCIER, Imprimeur - Libraire 
pour les Mathématiques et la Marine, quai des Augustins, n° Bye 


JOURNAL 


PAR HMS TLOUE. 
DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


2} 


SEPTEMBRE AN 1815. { É 
He AE 


ÿ 
a; 


MINERALOGICAL OBSERVATIONS VETe 


OBSERVATIONS 
ET CONSIDÉRATIONS GÉOLOGIQUES ; 
PAR LE PROFESSEUR JAMESON, 


Lues à la Société W'ernérienne d'Histoire naturelle ,le8janv. 1614; 
ürées du second vol. des Mémoires de cette Société, 


Traduction. Extrait de la Bibliothèque Britann., juillet 1615. 


I. Sur la Stratification. 


La matière dont la partie solide du globe est formée est de na- 
ture métallique et plusou moins oxidée. Pendant leur formation, 
leur oxidation et leur combinaison, ces matières ont dû subir 
des extrêmes de froid et de chaleur très-distans l’un de l’autre, 
et les hautes températures peuvent avoir occasionné des fusions, 
à la manière des volcans. Cette matière terreuse paroît avoir été 


Tome LXX XI. SEPTEMBRE an 1815. .Z 


174 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

Tormée dans un ordre déterminé et régulier, et consolidée sous 
la forme de mas$es et de couches tabulaires, qui sont au globe 
entier de la terre, ce qüe les lamelles, dont un cristal est formé, 
sont à la masse du cristal lui-même. Ces couches ne sont pas 
irrégulièrement disposées ; au contraire, il est très-probable que 
si on les considéroit dans leur räppoït avec la masse totale du 
globe, on trouveroit qu’elles se rencontrent sous certains angles 
déterminés ,- précisément comme les lamelles des cristaux se 
coupent entre elles. 


Sous ce point de vue, on peut considérer la terre comme sus- 
ceptible de clivage, à la manière des cristaux; ainsi la forma- 
tion dés couches doit avoir été plus simultanée qu’on ne le sup- 
pe communément. L'opinion recue est que chaque couche est 
’eHet d’un dépôt séparé, terminé par des plans extrêmes, dont 
la présence indique la stratification, et que des veines contem- 
poraines ne passent jamais d’üne couche dans une autre. Les 
considérations suivantes me font mettre en question la justesse 
de cette opinion, et elles me portent à admettre plus volontiers 
une formation plus simultanée dans les couches. 


10. Les plans extrêmes ou terminateurs des couches ne se pro- 
longent pas toujours Sur toute l’éténdue d’une montagne; au 
contraire, nous trouvons quelquefois des plans limitrophes de 
diverses couches, et qui se terminent dans la masse d’une couche 
plus épaisse, qui elle-même se noie dans une plus considérable ; 
montrant à peu près les mêmes caractères que ceux qu’on observe 
dans les plans terminateurs des concrétions distincies des roches 
cristallines de trapp et de porphÿre. Mais ces indices de couches 
sont presque toujours parallèles‘aux lames schisteuses de la roche, 
de manière que lorsqu'ils disparoissent dans les roches feuilletées, 
on peut néanmoins déterminer la direction et l’inclinaison des 
couches, en étudiant la position de ces feuillets intégrans. Ainsi, 
dans beaucoup de cas, ces plans terminateurs doivent être con- 
sidérés comme autant de solutions particulières de continuité 
qui ont eu lieu dans une substance cristallisante de même na- 
ture, mais sur une toute autre échelle que ce qu’on voit d’ana- 
Jogue dans les structures lamielleuses ou schisteuses de certaines 
concrélions terréuses ou pierreuses (1). 


(1) On remarque quelquefois dans les couches horizontales des grès on 
d’autres roches, que la Structure feuilletée’se montre à angles droits ayec le plan 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 179 


29, Dans les régions de nature primitive, on observe une 
transition non interrompue depuis le granite jusqu’à l’ardoise ar- 
gileuse, de manière que les grandes masses, doivent être consi« 
dérées comme des formations principales; et les plus petites, 
comme des formations subordonnées. Ces couches sont tellement 
mêlées et confondues par des gradations, qu’on peut affirmer 
de deux portions contiguës d’une même roche, séparées ou non, 
par des plans terminateurs, qu’elles sont de formation contempo- 
raine ou simultanée; ainsi deux portions D MES de granite, 
de gneiss, ou de gneiss et granite, ou enfin de granite et de 
roche schisteuse micacée, sont de formation contemporaine. 


3°. Les veines qui, dans toute théorie, sont supposées avoir 
élé formées en même temps que la masse pierreuse qui les ren- 
ferme, traversent différentes couches de granite, ou de gneiss, 
ou de basalte, ou d’amygdaloïde, de wacke, etc., montrant 
ainsi que ces couches elles mêmes sont de formation simulta- 
née, et qu'après la formation de chacune de ces roches indivi- 
duelles, il n’y a pas eu de cessation d’un prétendu procédé de 
dépôt. 

4°. Les couches de roches, telles que le granite et le gneiss, 
sont tellement liées aux couches environuantes, qu’on ne peut 
guère hésiter à les considérer comme appuyant le système de la 
formation simultanée des couches en général. Ainsi ces couches 
sont quelquefois d’une étendue considérable; elles se terminent 
dans toute direction dans la masse qui les renferme, et elles sont 
tellement entremêlées à leur jonction, qu’il est fort difficile de 
dire où chacune commence et finit. Ici on voit évidemment que 
le granite de la partie inférieure de la couche est de formation 
contemporaine avec le gneiss qui le recouvre immédiatement, 
et que le granite de la grande portion de la couche a été formé 
en même temps que le gneiss qui le termine ; ailleurs, ces couches 
ont une grande épaisseur, et elles envoient des veines de granite 
dans toutes les directions dans la masse de roche environnante, 


bo, Certaines apparences, dans les roches de trapp, éclaircissent 


de la couche. Si donc cette structure lamelleuse, et les grandes couches ter 
restres ne sont que des variétés d'un même phénomène , on peut en conclure 
u’en général les couches verticales n’ont pas pris cette direction par l'effet 
’une force qui les auroit soulevées toutes formées , mais qu’elles sont actuels 
lement dans leur position primitive, 
2 2 


176 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


encore Ja question de la formation simultanée des couches. On 
observe quelquefois dans ces roches de pelites portions isolées 
de pierre calcaire, ou d’ardoise argileuse, tellement entremélée 
de trapp, qu’on ne peut y méconnoître une origine simultanée. 
Dans d’autres cas, la pierre calcaire et l’ardoise argileuse pa- 
roissent en petites couches, qui alternent, et sont régulièrement 
._renfermées dans le trapp. Et J'ai observé dans quelques districts 
des couches de pierre calcaire, d'ardoïse argileuse et de mine 
de fer argileuse, alternant les unes avec les autres, sur une 
étendue considérable, et toutes ensemble comprises dans un im- 
mense banc de trapp. Le grès quartzeux qui accompagne si sou- 
veüt les roches de trapp, présente des apparences analogues à 
celles que je viens d'indiquer. D’autres formations, dont j'aurai 
bientôt l’occasion de parler à la Société, présentent la même ap- 
parence remarquable de couches variées, renfermées ensemble 
dans un grand banc ou dans une suite de couches de roches d’une 
même espèce. Dans les cas que je viens de citer, le trapp, la 
pierre calcaire , l’ardoise argileuse, etc. étant renlermées dans 
le trapp, ont avec cette roche le même rapport qu’ont les cristaux 
de quartz à la masse qui les renferme, ou des portions contem- 
poraines de gneiss ou granite, dans lequel elles sont contenues. 


II. Sur les Filons ou veines. 


Il y a actuellement deux opinions principales sur la formation 
des filons. On suppose dans l’une, que presque toutes les mines 
se sont formées dans des crevasses ouvertes, qui ont été rem- 
plies de haut en bas par les matières minérales qu’elles contiennent 
actuellement. Dans l’autre théorie, ces crevasses ont été remplies 
de bas en haut par l’action des feux souterrains. J'ai toujours 
regardé la dernière opinion comme insoutenable, et je crois que 
la première a été trop généralisée. Je suis maintenant assez en- 
clin à croire que nombre de crevasses qu’on a cru avoir été rem- 
plies de haut en bas, sont de formation contemporaine avec les 
roches qui les renferment (r}, et que dans plusieurs cas elles ont 


——————————————————]——— "———_——— 


(1) J'ai démontré cette opinion dans ma Théorie de la Terre, tome IV, 
pag. 116, ann. 1707. 

« Je regarde, dis-je, les filons soit métalliques , soit pierreux, comme.ayant 
été produits par cristallisation dans le même temps que les montagnes où ils 
fe lrouvent. Ces matières métalliques et pierreuses, ainsi que les terres qui 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 177 
été formées par simple cristallisation spontanée de la matière 
vénigène dans une direction perpendiculaire à celle des couches, 
et par conséquent il n’y a eu ni crevasse, ni remplissage. Voici 
des faits qui appuient cette idée, 

19. Dans les rognons de granite qui se trouvent dans le gneiss, 
et que, dans toutes les théories, on regarde comme étant de fox- 
mation contemporaine avec lui, on voit le granite sortir du ro- 
gnon en facon de veine ou de filon, pour pénétrer dans la roche 
environnante, Voilà un exemple de formation de filon sans cre- 
vasse préalable. 

20. Les veines qui sortent de plus grandes masses de granite 
et qui coupent des couches de gneiss, de grey-wacke ou d’autres 
roches, sont de même nature , c’est-à-dire formées sans fissure 


antérieure. Ce sont des rognons formés sur une très-grande 
échelle. ; 


30, Des couches de pierre calcaire alternent quelquefois avec 
des couches de trapp, et en conséquence elles doivent être con- 
sidérées comme de formation contemporaine. Ces couches de 
pierre calcaire envoient quelquefois des branches ou des veines 
dans le trapp environnant; il faut donc considérer. celles- ci 
comme étant de formation simultanée avec la pierre calcaire, 
c'est-à-dire sans solution de continuité antérieure. 


4°. Des couches de porphyre, de siénite, de greenstone, etc. 
qui se terminent dans les couches environnantes, croisent quel- 
quefois, pendant une partie de leur cours, la direction des couches 
des roches qui les renferment, et ces couches acquièrent ainsi le 
caractère de filons. Ce fait jette encore du jour sur la formation 
de ceux-ci sans crevasses préalables, comme aussi sur l’agglo- 
mération contemporaine des couches de porphyre, de greenstone 
et d’autres matières pierreuses stratifiées. 

bo. Dans le schiste micacé, comme dans lardoise argileuse, 
on remarque des rognons de quartz contemporains et de tout 
volume, depuis quelques pouces jusqu’à quelques brasses de dia- 
mètre. Ces masses ont souvent une forme allongée, et elles de- 


composent la salbande du filon, etses lisières, étoient mélangées avec les élé- 
mens qui forment la masse du globe. Elles se sont séparées de ceux-ci par afli- 
nile et se sont réunies par voie d'élection pour former les filons... » 
Toutes mes opinions surnagèrent aux factions: 
(Note de J.-C. Delamétherie.) 


170 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


viennent, par une suite de gradations, finalement tabulaires ; 
forme dans laquelle on peut les considérer comme autant de filons 
contemporains formés sans cavité antérieure. On voit des appa- 
rences semblables dans les roches de trapp, où se montrent des 
rognons contemporains et des veines de greenstone; comme aussi 
des rognons et des veines de basalte se voient dans le trapp-tuff. 


6°, Dans quelques filons, et même dans ceux de nature mé- 
tallique , les plans qui terminent les couches ne sont pas inter- 
rompus par le filon, mais ils le coupent décidément ; ce fait 
appuie encore l’opinion que je cherche à établir. 

7°. Des veines contemporaines se coupent souvent récipro- 
quement. On pourroit alléguer ce fait en faveur du système de 
la formation successive de ces filons et par suite d’un remplis- 
sage. Mais si ces veines ont été formées à la manière des cris- 
taux, on peut expliquer leurs croisemens, comme on explique ceux 
qui sont si fréquens dans les groupes de cristaux. Si l’on est sa- 
tisfait de ce mode d’explication, on peut l’étendre jusqu’à la 
formation simultanée des différentes couches et filons, métallifères 
où non, dans un district donné. 


8°. On observe que des filons contemporains occasionnent des 
ruptures, ou failles, dans les veines qu’ils coupent. On pourroit 
citer ce fait comme étant en opposition avec l’idée que ces filons 
ont été formés sans crevasses préalables, si on n’observoit des 
faits analogues en petit, dans les groupes des cristaux contem- 
porains. 


9°. Quelques filons contemporains sont coupés dans une partie 
de leur cours, par une portion de la matière stratifiée qui les 
renferme. Ainsi des veines de granite ou de gneiss sont traver- 
sées par des portions ou des couches minces de ce même gneiss. 
Ce fait appuie encore l’idée de la formation des veines sans fis- 
sure préalable. On trouve des apparences analogues dans certains 
cristaux, comme dans ceux de schorl et de tremolite. Les veines 
métallifères de la pierre calcaire du Derbyshire, qui sont souvent 
interrompues par des couches de trapp, sont probablement des 
phénomènes de ce genre. 


III. De la Houille. 


On s'accorde assez généralement à eroire que cette substance 
est d’origine végétale, mais qu’elle a été plus ou moins modifiée 
par des procédés naturels qui nous sont peu connus. Mais la pré- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 179 


sence de la houille dans des régions primitives, où l’on n’a jus- 
qu'à présent découvert aucun débris de corps organisés, et les 
rapports géognostiques particuliers à ce minéral, me portent à 
croire que les variétés désignées sous les noms de glance-coal, 
c’est-à-dire anthracites, et b/ack-coal, houille, charbon noir, 
sont des dépôts chimiques primitifs qui ont aussi peu de rapports 
avec les dépouilles végétales, que les coquillages, etc., qu’on 
trouve dans la pierre calcaire, en ont avec cette même pierre 
considérée en masse. Mais je crois, en revanche, que le brown 
coal est formé de débris de matières végétales. Les faits suivans 
me semblent appuyer ces deux opinions. 


1°. Le glance-coal se trouve dans les terrains primitifs, dans 
le gneiss, la roche micacée à feuillets, et si intimement associé 
avec ces roches, qu'on ne peut douter que sa formation n'ait été 
contemporaine. 

20. On trouve cette même substance dans les roches de tran- 
sition, où elle est quelquefois associée à des débris végétaux, 
mais en petit nombre et rares. [ls ont évidemment le même rap- 
port avec le glance-coal , que les pétrifications marines qu’on 


trouve dans la pierre calcaire, ont avec la masse pierreuse qui 
les renferme. 


3°, On rencontre aussi le g/ance-coal dans les roches de floëtz, 
accompagné d’une quantité plus considérable de débris végétaux 
qu'on n’en trouve dans le sol de transition, précisément aussi 
comme on trouve plus de coquillages pétrifiés dans le calcaire de 
fluëtz que dans le calcaire de transition. 


4°. On trouve le 2/ack-coal (houille noire) exclusivement 
dans la région de floëtz, et là il est associé à des débris végé- 
taux; mais ceux-ci ne sont pas en proportion plus grande dans 
la houille, que les coquillages pétrifiés dans le calcaire-floëtz ne 
se montrent dans la masse qui les renferme. 


bo. Le black-coal se montre en filons, de formation contem- 
poraine avec celle des roches basalliques ou du grès qui les con- 
tiennent. Ce fait prouve que, dans un cas au moins, il existe une 


formation indépendante des débris accidentels de végétation qui 
l'accompagnent. - 


6°. Le black-coal se montre quelquefois en concrétion lamel- 


Jeuse concentrique, caractère qui annonce une formation par 
agglomération cristallisée. 


180 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


7°. Quelques variétés de cette houille paroissent affecter une 
forme déterminée, ce qui semble indiquer un mode d'agglomé- 
rtion puls rapproché de la cristallisation que du simple dépôt. 

80. Quant à l’origine du #row-coal (houille brune), elle est 
assez évidente, d’après l'aspect de sa masse, composée quelquefois 
en entier de débris végétaux reconnoissables, et dans laquelle ces 
indices se trouvent toujours en quantité plus ou moins consi- 


dérable (r) [a]. 


QG) Notre Collection minéralogique renferme quelques échantillons dans 
lesquels la substance passe par gradations insensibles, de l’apparence de bois 
parfait avec sa couleur, ses fibres , ses nœuds, etc, d’un côté , à celle de houille 
parfaite et brûlant avec tous les symptômes ordinaires, de l’autre. Dans 
d’autres échantillons venant des environs àd’Alais, et que nous devons à la com- 
plaisance de notre savant compatriote le professeur De Candolle , une couche 
de roseaux qui ont laissé leur empreinte dans les ardoises compactes que ces 
roseaux ont moulée , est convertie en entier en houille parfaite ; son épaisseur 
est d'environ une ligne et demie. { Vote des Traducteurs.) 

[a] Tous les faits rapportés par M. Jameson, confirment ce que j'ai dit ci- 
.devant , cahier de mars, pag. 222, sur les strates du globe, et léur action gal- 
yanique , qui a pu avoir assez d'activité pour produire des fusions... 


(Note de J.-C. Delamétherie.) 


DES 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 10£ 


DES PROPRIÉTÉS DE DIFFÉRENS CORPS, 
SUR LA LUMIÈRE ; 
Pan 1x nocrevs BREWESTER. 


EXTRAIT par J.-C. DELAMÉTHERIE. 


LA double réfraction de la lumière, opérée par certains corps, 
fut d’abord observée par Bartholin, Huyghens. ... Les physiciens 
se sont ensuite occupés beaucoup de ce phénomène, et Malus y 
a aperçu de nouveaux faits très-surprenans. 


Un rayon de lumière qui tombe sur une des faces d’un rhom- 
boïde de spath calcaire transparent, dit cristal d’Islande , et 
qui le traverse, se divise en deux faisceaux : l’un continue la 
direction première du rayon ; 

Et l’autre suit une direction diflérente, qui forme avec la 
première un angle de 6° 16’. 

Le premier de ces faisceaux est dit éprouver la réfraction 
ordinaire ; 

Et le second faisceau éprouve une réfraction appelée réfrac- 
#7" extraordinaire , ou double réfraction. 


Si lon place un autre rhomboïde du même cristal derrière Le 
premier, dans certaines circonstances décrites par Malus, les 
phénomènes sont entièrement diflérens. Le faisceau qui a subi 
dans le premier la réfraction ordinaire, l’éprouve de même dans 
le second : la même chose a lieu pour le faisceau qui a éprouvé 
la réfraction extraordinaire : et ni l’un ni l’autre n’est séparé 
en deux comme dans le premier. 


Mais si l’on fait tourner lentement le second rhomboïde autour 
de l'axe de vision, tandis que le premier demeure fixe, chacun 
des deux faisceaux commence à se séparer en deux; et lorsqu’on 
& parcouru environ la huitième partie d’une révolution entière, 
la totalité de chacun des deux faisceaux est divisée en deux 
portions, et on a quatre images ou faisceaux. 


Tome LXX XI. SEPTEMBRE an 1815. Aa 


182 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Lorsqu'on a fait faire un quart de tour au cristal, le faisceau 
sorti du premier cristal avec la réfraction ordinaire, subit seul 
la réfraction extraordinaire dans le second : et le faisceau qui 
avoit subi la réfraction extraordinaire dans le premier, éprouve 
la réfraction ordinaire dans le second, de manière que les quatre 
faisceaux se réduisent à deux. 


On retrouve les mêmes phénomènes alternativement et respec- 
tvement à SRE demi-quart impair et pair, de révolution du 
second cristal, Îe premier demeurant fixe. 


Un objet lumineux étant fixé entre ces deux cristaux, on 
n'apercevra que deux images au commencement de la révolu- 
tion; l’une produite par les rayons qui ont éprouvé la réfraction 
ordinaire, et l’autre, par ceux qui ont éprouvé la double ré- 
fraction ; mais on verra quatre images après un huitième de tour, 
et ainsi de suite. 


On ne peut donc douter que la lumière qui forme ces images, 
n'ait subi quelque nouvelle modification, et n'ait acquis quelque 
nouvelle propriété. 

Malus a appelé polarisation, cette nouvelle propriété qu’ac- 
quiert la lumière dans ces circonstances. 

La dépolarisation est d'ôter à la lumière sa propriété pola- 
risante. 6 

Un grand nombre de substances transparentes cristallisées 
jouissent de cette propriété à divers degrés, et polarisent la lu- 
miere, ou la dépolarisent. 

Le docteur Brewester cite les suivantes dans l’ordre de leurs 
puissances réfractives : 

Le plomb rouge, ou plomb chromaté. 
Le plomb blanc, ou plomb carbonaté. 
Le zircon. 

La pistazite, ou thallite. 

La strontiane carbonatée. 

La chrisolite. 

Le spath calcaire, 

La topaze. 

L’acide tartrique. 

Le cristal de roche. 

Le cuivre sulfaté. 

Le gypse, ou chaux sulfatée. 

Le fer sulfaté. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 103 


La lumière RÉFLÉCHIE produit, dans certaines circonstances, 
des phénomènes analogues à ceux que produit la lumière ré- 
Jfractée, c'est ce que les expériences de Malus ont prouvé : nous 
avons imprimé son Mémoire dans ce Journal. 


« Dirigeons, dit Malus (Journal de Physique ,tome LXXIT, 
page 393), au moyen d’un héliostat, un rayon solaire dans le 
plan du méridien, de manière à ce qu’il fasse avec l'horizon 
un angle de 19° 10’. Fixons ensuite une glace non étamée, de 
manière à ce qu'elle réfléchisse ce rayon verticalement , et de 
haut en bas : si l’on place au-dessous de cette première glace 
et parallèlement à elle, une seconde glace, celle-ci fera avec 
le rayon descendant un angle de 35° 2/, et elle le réfléchira de 
nouveau parallèlement à sa première direction ; dans ce cas,on 
u'observera rien de remarquable. 


» Maïs si on fait tourner cette seconde glace vers les£ où 
vers l’ouest, sans changer d’ailleurs son inclinaison par rapport 
à la direction du rayon vertical, elle ne réfléchira plus une 


seule molécule de lumière, ni à sa première, ni à sa seconde 
surface. 


» Si en continuant à lui conserver la même inclinaison par 
rapport au rayon vertical, on tourne sa face vers le sud, elle 
commencera de nouveau à réfléchir la proportion ordinaire de 
la lumière incidente. 

» Dans les positions intermédiaires, la réflexion sera plus ou 


moins complète, selon que le rayon réfléchi s’approchera plus 
ou moins du méridien. 


» Nous voyons donc ici un rayon de lumière vertical qui; 
tombant sur un corps diaphane, se comporte de la même ma- 
nière, lorsque sa face réfléchissante est tournée vers le zord et 
le sud, et d’une manière différente lorsqu'elle est tournée vers 
Vest et vers l’ouest, quoique d'ailleurs ces faces forment cons- 
tamment avec la direction verticale de ce rayon, un angle de 
990 25°. 

» Ces observations nous portent à conclure, que la lumière 
acquiert, dans ces circonstances, des propriétés indépendantes 
de sa direction par rapport à la surface qui la réfléchit, mais 
relatives uniquement aux côtés du rayon vertical, et qui sont 
les mêmes pour les côtés sud et nord, et différentes pour les 
côtés est et ouest. 


» En donnant à ces côtés le nom de pôles, j'appellerai pola- 
Aa 2 


164 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


risation, la modification que donnent à la lumière des propriétés 
relatives à cés pôles, 

» Les corps qui jouissent de la double réfraction, produisent 
les mêmes eflets sur les rayons lumineux. » 


Des propriétés de l’Agate sur la Lumière. 


Brewester en répétant les expériences de Malus sur différens 
corps, fut frappé d’un phénomène que lui offrit l'agate. 

IL prit une agate d'environ Æ de pouce d'épaisseur, qui étoit 
très-transparente. Il voyoit au travers très-distinctement l’image 
d'objets lumineux : de part et d’autre de cette image, il en pa- 
roissoit une fortement colorée, qui formoit avec elle un angle 
d'environ 10 degrés, et fortement teinte des couleurs prisma- 
tiques. Dans les deux images colorées, comme dans celle qui 
ne l'étoit pas, la lumière étoit polarisée. 

Un rayon de lumière tombant sur une plaque d'agate, étant 
recu après l'avoir traversée sur une autre plaque de ja même 
substance, dont les lames soient parallèles à celle de la première, 
Ja lumière traverse facilement la seconde; mais si les lames de 
la seconde sont perpendiculaires à celles de la première, 44 Zu- 
nèère sera totalement réfléchie, et l’objet cessera d’étre visible. 

Mais un autre phénomène fort curieux, est l'apparition d’une 
foible lumière nébuleuse vue à travers l'agate, sans rapport avec 
l'image, quoique l’'accompagnant toujours, et toujours placée 
dans une direction parallèle aux lames de l'agate. Toutes les 
variétés d’agate, la cornaline, la calcédoine..., présentent les 
mêmes phénomènes. 

Le docteur Brevwester conjecture que l’agate est composée de 
lames, et que sa structure approche de celle des cristaux qui 
produisent la double réfraction; mais l’imperfection de cette 
structure produit la lumière nébuleuse. 

L’agate a deux sortes de structure, dit-il, qu’on découvre 
mème à l’œil : l’une est formée de sillons ressemblans à la suite 
des chiffres 3.3.3.3..., la lumière qui les traverse est nébuleuse; 
celle ‘au contraire , qui passe entre eux , produit l’image distincte, 

Si l’on fait passer la lumière au travers de la partie de lagate, 
où ces lignes serpentines sont les plus grosses, l’image n’a point 
la même apparence que lorsque la lumière a passé dans les ligne: 
les plus fines. Si lon incline le plan de l’agate, de manière qu'une 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 185 


bonne portion de lumière puisse passer entre ces slries, on a 
l’image claire, fort nette; mais si on le place de manière que 
la lumière ne puisse pas passer entre les lames serpentantes , 
la totalité de la lumière est nébuleuse. 

C’est donc la structure imparfaite de l’agate indiquée par ces 
lames ondoyantes, qui produit l'image nébuleuse. L'autre est 
le résultat d’une structure analogue à celle de tous les autres 
corps transparens. 


Les phénomènes que l'agate présente, comparés à ceux des 
autres corps transparens qui offrent les mêmes phénomènes par 
rapport à la lumière, font conclure à l’auteur , par analogie, 
que Îles deux images produites par tous les corps qui ont cette 

ropriété, sont l'effet de deux structures difiérentes, relatives 
à quelque axe ou ligne fixe du cristal primitif. Il faut chercher 
à déterminer la diflérence de l’arrangement des molécules inté- 
grantes de ces substances, si on veut avoir une explication satis- 
faisante du phénomène. 


L'auteur a observé des phénomènes analogues, que présente 
la lumière dans le sulfure de carbone, dans le carbonate de: 
baryte, et dans le nitrate de potasse. 


Lorsqu'on examine les deux images formées par le spath cal- 
calre ( cristal d'Islande), et les autres cristaux parfaitement 
transparens, on observe qu’elles sont de même grandeur, éga- 
lement lumineuses et distinctes. Ainsi rien autorise à supposer 
une différence dans la structure de leurs lames, 


Mais dans les substances dont la transparence est imparfaite, 
telles que l’agate, le carbonate de baryte..., Pune des images 
est nébuleuse et imparfaite, D’où l’on doit conclure que leur 
structure varie, et est imparfaite. La lumière nébuleuse est trans- 
mise par la structure imparfaile. 

L'expérience a présenté de nouveaux faits à Brewester. 


La lumière transmise par l’agate, dans une certaine direction, 
est entièrement nébuleuse ; l’image parfaite est convertie en un 
nuage informe, et elle se confond avec l’image zébuleuse 
ordinaire. d 

Dans une autre direction, une des images est distincte et 
parfaitement formée; dans un échantillon qui a la faculté 
dépolarisatoire , il doit y avoir nécessairement deux images 
parfaites. 


366 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Dans un certain prisme de carbonate de baryte, les deux 
images étoient imparfaites. 


Dans un second , l’une des images étoit nébuleuse, et l’autre 
distincte. 


Dans un troisième, les deux images étoient presque parfaites. 

Il suit de là que la structure imparfaite, qui en général ne 
transmet qu'une masse de lumière nébuleuse , laisse former une 
image distincte, lorsque les rayons traversent dans une direction 
particulière. 

Et la structure parfaite, qui en général donne une image 
distincte, en produit une qui l’est peu , lorsque la lumière tra- 
verse le corps transparent dans une Heron ifférente, 


Ces faits font faire un pas à la science ; ils indiquent en partie 
la structure essentielle à la formation des doubles images. On 
peut expliquer la polarisation opposée de deux faisceaux de 
rayons, en supposant que les cristaux sont formés de lames 
inclinées dans différentes directions. 

Le rayon, par exemple, qui tombe sur l’agate perpendicu- 
lairement à ses lames, est modifié d’une manière différente, que 
quand il tombe parallèlement à ses lames. 


Le point le plus embarrassant, est la réfraction extraordi- 
naire qui a lieu dans le cas de l'incidence perpendiculaire , 
soit que ce phénomène résulte d’une loi extraordinaire de ré- 
fraetion, ainsi que l'ont supposé Huyghens et Newton, soit 
qu'il provienne de forces qui dépendent de la structure élémen- 
taire du cristal. 


Pour apercevoir les causes de ce phénomène, les expériences 
doivent être répélées et variées sur différentes substances, 


Brewester examine ensuite les phénomènes que présentent cer- 
tains corp qui dépolarisent la lumière, 

Il a observé que lorsqu'un rayon de lumière polarisé traverse 
du mica dans une certaine direction , il n’est point modifié ; mais 
s'il le traverse dans une autre direction, il est dévolarise, Il 
appelle cette seconde direction axe dépolarisant. 


Il a u cette propriété dépolarisante dans la gomme ara- 
bique , dans la corne, dans certains verres, dans les topases et 
dans plusieurs autres cristaux. 


Mais quelques corps , tels que le diamant, le fluor, le sel gemme, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 187 


etc. ne paraissent exercer aucune action sur un rayon de lumière 
polarisé qui les traverse. 

Attendons de nouvelles expériences. 

Il pense que la lumière qui vient des nuages et du firmament, 
est en grande partie polarisée. 

Celle qui vient de l’arc-en-ciel l’est de même. 

Mais 1l dit que la lumière qui vient de la lune west pas po- 
larisée. 

Tous ces faits prouvent que la lumière, en traversant des 
substances qui sont composées de lames, éprouve des modi- 
fications particulières, suivant qu’elle tombe perpendiculaire- 
ment sur ces lames, ou d’une manière oblique. 


Je crois utile de rapporter des expériences analogues qu'a faites 
Malus, et qui se trouvent dansle Journal de Physique, t. LXXII, 
page 597: 

« J’ai publié, dit-il, il y à un an, dans les Mémoires de la 
Société d’ Arcueil , qu'après avoir modifié un rayon solaire, je 
le faisois passer à travers un nombre quelconque de substances 
diaphanes , sans qu'aucune de ses molécules fût réfléchie, ce qui 
me donnoit un moyen de mesurer avec exactitude la quantité de 
lumière que ces corps absorbent , problème que la réflexion par- 
telle rendoit impossible à résoudre, 


» Effectivement , en placant sur la direction d’un rayon polarisé, 
une pile de glaces paralleles et formant avec lui un angle de 
35° 24, j'avois observé que ce rayon ne produisoit de lumiere 
réfléchie sur aucune d'elles, et j'en avois conclu que la lumière 
qui auroit été réfléchie en employant un rayon ordinaire , tra- 
versoit dans ce cas-ci la série des corps diaphanes. 


» Un physicien étranger, en rapportant mon expérience, ob- 
serve qu'il ne pense pas, comme moi, que la lumière modifiée 
soit transmise par les surfaces , lorsqu'elle n’est pas réfléchie, et 
qu'il est plus paré à croire que dans ce cas-ci la portion qui 
se réfléchit ordinairement , est entièrement absorbée ou détruite. 
J'ai résolu cette question d’une manière incontestable de la ma- 
nière suivante, 


» Je fais tourner le rayon incident sur lui-même, sans le 
changer de place, et en lui conservant la même position par 
rapport à la pile. Quand il a fait un quart de circonférence, il 
est totalement réfléchi par l’action successive des glaces, et ik 
cesse d’être aperçu à l'extrémité de la pile. Enfin, après une 


’ 


108 JOURNAL DE PHYSIQUE, DÉ CHIMIE 


demi - révolution sur lui-même, il commence à la traverser de 
nouveau. 


» Cette expérience présente le singulier phénomène d’un corps, 
qui paroît lantôt diaphane , tantôt opaque, en recevant non-seu- 
lement la même quantité de lumière, mais encore le même rayon, 
et sous une même inclinaison. 

» Je n’ai pas besoin d'observer que pour faire tourner un rayon 
polaire sur lui-même, j'emploie un rayon formé par la réfraction 
ordinaire d’un cristal d'Islande, dont les faces sont parallèles entre 
elles et perpendiculaires à la direction du rayon. C’est en faisant 
tourner ces faces dans leur propre plan, que je change la posi- 
tion des pôles du rayon, sans faire varier sa direction n1 son 
intensité. » 


Cette expérience de Malus sur un rayon de lumière qui tra- 
verse une pile de plusieurs lames de verre, présente des phéno- 
mènes analogues à ceux d’un même rayon traversant des plaques 
d’agate composées de diflérentes lames. 


(La suite au Cahier prochain.) 


SUITE 


pr 


ET D'HISYOIRE NATURELLE. 189 


SUITE AU MÉMOIRE 


SUR 
LA CULTURE DE LA BETTERAVE A SUCRE : 


Par M. PAJOT DESCHARMES. 


CHAPITRE HUITIÈME. Effeuillage. Nous n’examinerons ici 
Y'effeuillage que sous son rapport avec le principe sucré, et à 
ce sujet nous ferons la demande suivante : Doit-on efleuiller la 
betterave que l’on cultive pour lextraction du sucre? C’est une 
question sur laquelle il n’a pas encore été répondu d’une ma- 
nière satisfaisante. Avant de faire connoître les opinions des diffé 
rentes personnes qui ont cherché à fixer les idées sur les avan- 
tages ou les désavantages de l’enlèvement des feuilles à la racine 
de la betterave, il convient de poser quelques principes puisés 
dans la culture des plantes en général, et sanctionnés depuis long- 
temps par l’expérience. 

Il est reconnu, 1°. que les plantes privées de leurs feuilles 
souffrent et n’ont point une si belle végétation que celles qui 
n'ont pas été dépouillées; 

29 Qu’elles sont exposées à avorter, en ne donnant pas de 
fruits, si les feuilles sont enlevées avant leur maturité; 


30 Que si les fruits sont parvenus à leur entière croissance ; 
ou ils languissent par suite du dépouillement des branches, ou 
ils dont presque pas de saveur. 


D’après ces données, M. Calvel pense que la betterave ne 
peut que perdre beaucoup de son volume , étant privée des prin- 
cipes fécondans que les feuilles aspirent de l'atmosphère, et 
d'autre part, que l’élaboration de son suc doit se ressentir de 
la sève indigeste qui s'élève de la racine, et dont les feuilles la 
dégagent par autant de sucçoirs. 


Il ne faudroit pas conclure de ces observations , que cet agro- 


Tome LXXXI. SEPTEMBRE an 1815. Bb 


x90 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


nome rejetteroit entièrement l’effeuillage; loin de là, il le con- 
seille, pourvu qu’il soit fait insensiblement et d’après levœu de 
la nature , c’est-à-dire lorsque les feuilles, par leur foiblesse et leur 
changement de couleur, annoncent leur prochaine destruction. 
C’est à cette époque, il est bon d’en prévenir, qu’il faut seule- 
ment s'occuper de leur soustraction ; pour en profiter, toutefois 
sans nuire à la plante, la prudence exige qu’elle ne soit ni anti- 
cipée, ni forcée. 

En faisant l'application des principes établis ci-dessus à la 
betterave, et en calculant les effets ou modifications auxquels 
elle se trouve sujette, on seroit tenté de regarder la méthode de 
l’effeuillage comme utile, puisqu'elle tend à faire diminuer le 
volume de la racine; et on a déjà vu que celle d’une moindre 
grosseur étoit plus sucrée que celles qui sont trop volumineuses; 
cela étant, il seroit d’autant plus précieux de vérifier l’objet de 
cette remarque, qui, s’il étoit rempli, on auroit le double béné- 
fice, savoir, celui des feuilles de la plante, et celui de l’abon- 
dance de la matière sucrée. Il n'appartient qu’à l’expérience de 
lever les doutes à cet égard; c’est le maître que les cultivateurs. 
#abricans doivent s’empresser d'interroger ; en attendant ses le- 
cons, voici les sentimens qui ont prévalu Jusqu'ici. 

es agronomes renommés conseillent de ne recueillir les feuilles 
des betteraves que lorsqu’elles commencent à se’ plier ou qu’elles 
se recourbent vers la terre. C’est alors qu’elles doivent être enle- 
vées, puisqu’elles cessent d’être utiles à la plante. La nature semble 
en ce moment indiquer cette séparation. 

D’autres cultivateurs assurent que l’on peut cueillir successi- 
vement toutes les feuilles de la betterave, en ayant soin de n’en- 
lever d’abord que les plus grandes, en commençant par celles 
qui sont les plus voisines de la terre, et en ayant l’attentionde ne 
pas blesser l’écorce, ni d’ébranler la racine. 


Toutefois M. Achard recommande de ne pas effeuiller la bette- 
rave dans l'été; il assure qu’elle devient plus sucrée : si au con- 
traire elle est dégarnie de ses feuilles dans cette saison, les 
collets prennent trop de croissance. 

Des expériences ont prouvé que la betterave ayant été défeuil- 
lée pendant l'été, au moment où la sève est dans la plus grande 
activité, et avant la maturité des feuilles, il résultoit de cette. 
opération prématurée une végétation forcée qui nuisoit beaucoup 
au développement des principes saccharins qui doivent se mon- 
trer dans chaque racine. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 19€ 


Il a été prouvé encore que la même graine, semée en temps con- 
venable, binée à propos et effeuillée au moment propice, a donné 
des plantes extrêmement sucrées et dont le suc a marqué 7 degrés 
à 7 degrés + au pèse-liqueur, tandis que si la même plante est 
cultivée par un colon ignorant ou insouciant, et qui ne vise 
qu'à son profit, en leffeuillant souvent, la racine deviendra, à 
la vérité, plus grosse, pèsera davantage, mais ne rendra que 
de l’eau, pour ainsi dire, ou un suc qui marquera tout au plus 
x où 2 degrés. 

A ces différens avis il convient d’ajouter celui de M. Zszard. Il 
pense que le non-arrachage des feuilles prévient le trop grand 
développement du collet de la betterave, et forme des racines tou- 
jours belles; au lieu que par la méthode qui consiste, soit à déchause 
ser la betterave, soit à en enlever trop fréquemment les feuilles , 
on obtient des racines avec un collet monstrueux et souvent d’un 
volume triple de la racine elle-même , d’où résulte une perte con- 
sidérable, Jorsqu’on destine la plante à la fabrication du sucre, 
cette partie de la plante devant en être séparée. 

S Ier. Époque de l’Effeuillage. Cette époque, qui dépend du 
sol, de son exposition, de la vigueur de la plante, etc., ne peut 
être assignée d’une manière précise. Au bout de trois mois, la 
croissance des betteraves est regardée en général comme ache- 
vée; ce n’est qu’alors qu'on peut cueillir quelques feuilles, quand 
on ne commence pas encore la récolte. 

Suivant M. Isnard, que l’on a cité plus haut, c’est en sep- 
tembre seulement qu’on arrache le peu de feuilles que l’on donne 
aux vaches; on n’enlève toutefois que celles qui sont le plus près 
de terre et qui jaunissent. ’ 

Quelques personnes, qui ne veulent pas profiter des feuilles 
de betteraves, en foulent les fanes dès le commencement d'août, 
dans la vue de faire grossir les racines. 


Suivant M. Tessier, on commence la cueillette des feuilles 
quand elles ont un pied de longueur. 


M. Weiler, de Strasbourg, est d'avis qu’on ne doit pas ef- 
feuiller avant la fin de septembre, Les têtes des feuilles, dit-il, 
sont très-dures; en les effeuillant il en pousse d’autres, et cette 
reproduction répétée ne peut, suivant lui , se faire qu'aux dépens 
de la partie sucrée contenue dans la racine. 

S IT. Durée de l’Effeuillage. Une fois que l’on a commencé 
l'arrachage des feuilles, il se continue pour l'ordinaire jusqu’à 


Bb 2 


192 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


J’époque de la récolte, en ayant toujours le soin de n’enlever que 

les plus grandes, et successivement. Cette récolte a lieu toutes 

les six semaines, ou tous les mois, selon les saisons et la culture, 
lorsque le produit est destiné à la nourriture des bestiaux. 


Les personnes qui ne se pressent pas de dépouiller les racines, 
n’en recueillent les feuilles que lorsqu'elles sont foibles et presque 
desséchées. Dans ce cas, elles ne les enlèvent qu’en septembre, 
et seulement pour les donner aux vaches. 


S IIT. Mode d'Effeuillage. Ce sont les feuilles inférieures , 
ou qui sont en bas de la plante, qu'on cueille les premières; 
pour ne pas faire de tort à la plante, on a soin de les enlever 
de dehors en dedans, sans toucher aux feuilles du cœur, qu'il 
faut laisser; on prend bien garde de ne pas blesser le collet des 
racines, car les plaies pourroient, dans ce cas, occasionner une 
extravasation du suc, et quelquefois une production de rejetons 
qui nuisent à la formation du principe sucré. 


On enlève les feuilles en les détachant à la main, par les pédi- 
cules, et les abaissant de dedans en dehors, près de la racine; 
on les coupe ou détache de la plante en les cassant. Cette méthode 
est recommandée par M. Calvel, pour empêcher une déperdition 
de sève qui auroit lieu par l'emploi d’un instrument tranchant. Il 
est à observer que si les feuilles étoient coupées horizontalement, 
celles qui surviendroient repousseroient mal et très-foiblement. 


$ IV. Urilité de l’Effeuillage. Lorsque la soustraction des 
feuilles est faite avec prudence et à temps opportun, elle est très- 
favorable à la betterave. La terre alors n’est plus ombragée par 
des feuilles tombantes qui interceptent la circulation de lair et 
apportent un obstacle à l'influence des rayons solaires ; elle pro- 
cure à la plante une nouvelle vigueur, qui se manifeste par la 
production de nouvelles feuilles. 

V. Produit de l'Effeuillage. Suivant quelques fabricans, 
le produit de l’effeuillage, avec celui des têtes ou collets de bette- 
raves, que l’on coupe avant la fabrication ou lors de la récolte, 
peut être évalué à la moitié de la valeur du loyer de la terre. 
Comment alors se priver d’un si grand avantage ? quel puissant 
- motif pour l’espérer, si la betterave à sucre n’est pas privée d’une 
partie de son principe sucré par le défeuillage? On sent que sur 
un point aussi important on ne sauroit être éclairé par un trop 
grand nombre de lumières; l’économie rurale y est infiniment 
intéressée. 


ET D'HISTÔIRE NATURELLE. 199 


CHAPITRE NEUVIÈME. Porte-Graines. 1] n’est point de culti- 
vateur instruit qui ne soit pénétré de l’importance de la bonne 
qualité des graines à sucre, et combien, pour en assurer l'ense- 
mencement, il est nécessaire qu'il les fasse ou les recueille lui- 
même, par le secours de porte-graines réservés et choisis dans 
cette vue. L'expérience qui a été faite à ce sujet, depuis l’ori- 
gine de la cullure de la betterave à sucre, a suffisamment dé- 
montré la vérité de ce principe agricole. Il est peut-être bien peu 
de ces cultivateurs qui, n'écoutant que leur zèle pour seconder 
les vues du Gouvernement, et que leur desir de se livrer à cette 
nouvelle branche d'économie rurale, et de la propager tout à- 
la-fois par leur exemple, n'aient pasà regretter d’avoir été obligés 
de recevoir en quelque sorte des graines de toutes mains; heu- 
reux encore quand celles achetées au prix taxé par la rareté, la 
concurrence, et presque toujours par l’agiotage, sortoient de terre 
chamarrées des diverses couleurs que produisent leurs différentes 
espèces, Sous cet aspect, leur espoir n’éloit pas tout-à-fait décu ;, 
mais ceux qui, au coût des graines ou surannées, ou passées au 
feu, etc., ont dû ajouter la perte de leur temps, de leur culiure, 
n’ont rien vu lever, et par conséquent rien récolté, quel n’a pas 
dû être, je ne dis pas leur regret, mais leur dégoût ou leur décou- 
ragement! Qu'ils ont été coupables ceux qui, par de semblables 
manœuvres, contrarioient ainsi les vues de l'autorité et s’oppo- 
soient à la création d’une nouvelle source de prospérité publique, 
en paralysant les efforts de ces zélés citoyens! C’est pour éviter 
ces divers inconvéniens, attachés à l'achat des graines de bette- 
rave, qu’il convient de faire connoître aux persounes intéressées 
à les récolter elles-mêmes, les résultats des moyens et des soins 
employés. Les instructions qui vont suivre présenteront un détail 
suffisant des uns et des autres. 


-$ Ier. Choix du terrain convenable aux Porte-Graïnes. I] 
faut choisir un terrain peu liant, ferme et substantiel, plutôt 
humide que sec et en trés-bonne exposition, à l'abri des vents 
violens et de tout ce qui pourroit nuire à la tige que les'bette- 
raves doivent produire. Si le terrain étoit trop humide ou trop. 
fertile, les tiges pousseroient trop de fleurs, les graines seroient 
de médiocre qualité, puisqu'elles ne mürirojent pas. Par la même 
raison, on doit éviter les terrains abrités par des arbres; ceux 
trop légers sont aussi à rejeter ; les racines dont les tiges seroient, 
battues par les vents ne pourroient s'y maintenir. 

S IL. Préparation du terrain. Le terrain doit être défoncé. 


T04 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


au moins à six pouces plus profondément que les betteraves que 
Von veut y mettre. On creuse un trou, dans lequel on met un peu 
de fumier bien consommé; il ne peut que favoriser puissamment 
la végétation. Si la terre étoit ou trop forte ou trop compacte, 
il seroit indispensable de faire le trou plus grand et plus profond, 
et de mêler avec le fumier , du sable ou une terre bien légère. 
En général le terrain doit être fertile et avoir du fond; s’il est 
fatigué, il réclame des engrais; ceux-ci doivent être chauds, si 
le terrain est froid, et même s’il est habituellement humide ; s’il 
est trop ombragé, les graines müûrissent diflicilement , ou seule- 
ment en partie. 


III. Choix des Porte-Graïnes. Une fois que l’on a ré- 
colté des belteraves, on peut se procurer soi-même sa graine 
pour les années suivantes. Pour cela, lors de l’'arrachage des bette- 
raves, on met à part, selon les besoins, les racines les plus grosses 
et les mieux nourries, celles qui paroïissent les plus rondes, les 
plus lisses, les plus saines et les mieux constituées, et qui en 
outre ont au moins de 12 à 215 centimètres de diamètre ; elles 
poussent de Le fortes tiges et donnent plus de graines. On en 
ôte les grandes feuilles à la main, en conservant les petites du 
cœur, sans lesquelles la pousse ne se feroit pas. Il est presqu’inu- 
tile de dire qu’on doit rejeter les racines qui sont branchues ou 
qui ont quelques blessures, et que celles auxquelles on donne la 
préférence doivent avoir été cueillies à l’époque d’une parfaite 
maturité et ayant toutes leurs racines aucunement endomma- 
gées, non plus que leurs collets ; les feuilles séparées à la main, 
on les coupe avec un couteau. Les porte-graines sont ensuite 
ressuyés et serrés dans un magasin à l’abri de la gelées jusqu’au 
besoin. On indiquera le moyen de les conserver, lorsqu'on s’oc- 
cupera de la conservation des betteraves destinées à la formation 
du sucre. Si, au moment de leur plantation, ces racines avoient 
leur extrémité desséchée et flétrie, on la couperoit jusqu'à la 
partie saine. Cette recommandation suppose qu'on n’auroit pas 
d’autres plantes pour les remplacer; car cette coupe lui ôte le 
moyen de pivoter et donne lieu à des racines latérales. 


S IV. Époque de la Plantation. Elle a lieu au printemps, 
elle est à peu près celle des carottes, des choux et des raves, 
on ne peut en préciser le mois, cela dépend des lieux, des cli- 
mats, de la température de la saison et des expositions du ter- 
rain, Une considération importante qu’il ne faut pas perdre de 


vue, c’est qu’on doit avoir l’attention de ne point exposer ses 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 3105 


porte-graines aux rigueurs du froid, qui leur est toujours funeste 
ou peu favorable. Il renaît souvent de nouvelles branches en 
remplacement de celles gelées et que l’on a supprimées après les 
avoir tordues et cassées. 

Le mois d’avril est en général ji jodne la plus tardive pour 
cette plantation; il n’est pas besoin de recommander de rebuter 
toutes celles qui sont meurtries, gâtées, gelées ou endomma- 
gées de quelque manière que ce soit; ces sortes de plantes ne 
sauroient étre trop saines. 


S V. Appréts à donner aux Porte-Graines. M. Calvel pro- 
pose la préparation suivante. 

On laisse tremper les porte-graines pendant deux jours dans 
une eau un peu tiède, où on a laissé infuser un peu de fumier 
en poudre, tel que celui de la fiente de pigeon, de poule, ou 
dans une eau de fumier ordinaire ; une forte pincée de sel ou de 
chaux accélère la végétation. Cette préparation est avantageuse 
à la racine, surtout si elle est un peu sèche et si le terrain a 
besoin de quelque humidité. 


S VI. Mode de Plantation. Auparavant de confier lesracines 
à la terre, on doit avoir la précaution de couper au raz, jusqu’à 
la naissance du collet, toutes les fanes ou feuilles qui auroient 
pu pousser avant la plantation, surtout celles qui partent du 
cœur ; elles sont sans énergie et même elles sont rabougries, peu 
susceptibles d’une utile végétation , et comme elles pousseroïent 
les premières, elles seroient nécessairement un obstacle à un 
avantageux dévehoppement de celles qui naïîtroiest bientôt à leur 
place. M. Calvel garantit cette vérité pratique. 


Après avoir fait dans le terrain destiné à recevoir les porte- 
graines, des trous plus profonds de six pouces que les racines, 
afin qu’elles aient pour pivoter une terre meuble, ainsi qu’il a été 
recommandé, on place les plantes à 2 ou 3 pieds les unes des 
autres en tous sens. S’il y a des variétés des différentes couleurs 
dont il a été parlé, et si on desire d’obtenir une semence franche, 
il faut bien les éloigner entre elles, à cause du mélange que 
procureroient indubitablement les poussières séminales transpor- 
tées par les vents. 


On enfonce les racines dans la terre, sans trop comprimer 
celle-ci, et jusqu’à ce qu’il ne sorte que l'extrémité où paroît 
s’annoncer la végétation. M. Calvel insiste sur cette pratique, 
parce que la betterave a la disposition de s’élever hors de terre, 


x96 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
principalement lorsque ses racines, ‘en poussant, y éprouvent 
même une légère résistance. Sa sève est si abondante qu'elle agit 
dans tous les sens; c’est une propriété particulière à toutes les 
variétés de la betterave. 

Avant de les déposer dans la terre, on a la précaution de les 
bien neltoyer, de couper jusqu’au vif les feuilles qu’on auroit 
laissées ou qui auroient poussé pendant l'hiver; sans cette précat- 
ton, les branches qui praviendraient de ces germes prématurés 
ne perpétueroïient que des branches foibles, mauvaises et médio- 
crement fécondes. Ÿ 


L’instrument le plus en usage pour planter les porte-graines 
est un plantoir long environ de 2 pieds 2 et surmonté d’une tra- 
verse pour appuyer la main qui l’enfonce. Le plantoir est ferré 
par le bout qui entre dans la terre. La tête seule de la betterave 
ou son collet doit sortir de [a terre, Un morceau de bois à tête 
mousse sert à garnir la racine, de la terre nécessaire pour la com- 
primer légérement. 

$ VIT. Quantité de Porte-graines par hectare. Si les porte- 
graines ne sont espacés qu’à 2 pieds, (un are en contient 225 )s 
il en faudra par hectare ou 2 arpens +, 22,b00, ce qui feroit au- 
trement 20 pieds par perche. Pour mettre plus d'espace entre 
chaque pied, il faut les placer en quinconce. 


S VIIL. Soins à donner aux Porte-graines. Les porte-graines 
plantés dans des terres où le sable abonde, doivent être arrosés 
dans les temps de hâle ou de sécheresse. Les arrosemens, {ou- 
jours modérés ,»sont faits en forme d’aspersion ou de pluie, et 
lorsque le soleil est absent. 

Il arrive quelquefois que les gelées blanches tardives brüûlent 
les tiges, il n’y a pas alors à balancer, il faut les couper près de 
leur naissance, à un ou deux yeux. 

Pour éviter une déperdition de sève, on fait d’abord une forte 
torsion, jusqu'à ce que la partie qui est au-dessus de ces yeux, 
soit entièrement flétrie, ou encore de même avec les branches 
traînantes ou chiffonnes, dont il est nécessaire de débarrasser le 
terrain qui en est épuisé en pure perte. 

Lorsqu'on est forcé de renouveler les branches qui ont été 
gelées, on donne aux racines un surcroît d’'amendement , ou 
quelque léger arrosement avec une eau de fumier. ; ; 

Les plantes, ainsi qu’il a été reconnu, prenant mieux leur dé- 
veloppement à l'ombre ou à l'abri d’une clarté trop vive, il 

est 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 197 


esf prudent de couvrir les porte-graines , aussitôt leur plantation 
faite, avec un peu de menue litière ; elle sert, en outre, à les 
garantir de la gelée tardive, de Pardeur du soleil, ou de l’action 
de la lumière, Lorsque les germes s’annoncent, on a la précau- 
tion d’écarter la litière, sauf à abriter de nouveau la plante, si 
ua froid ou une chaleur trop forte étoit à craindre. 

On ne doit pas être moins attentif à prévenir les orages d’un - 
vent violent contre des branches encore herbacées et qui 
ne sauroient lui résister ; il faut alors les attacher à des tuteurs, 
car celles qui seroient cassées donneroient des graines peu mûres, 

- leur position les soustrayant à l'influence de la chaleur et des 
météores atmosphériques. 

Comme les tiges montent de 5 à 6 pieds, il faut leur donner 
des tuteurs de 6 à 7 pieds de haut, que l’on enfonce d’un pied 
dans la terre, en entrelaçant les tuteurs avec de petites gaules, 
et l’on forme une espèce d’espalier; c’est contre cet espalier que 
l'on attache les tiges à mesure qu’elles s’allongent, afin que les 
vents ne puissent les rompre. M. Commerell, qui indique cette 
manière de souteuir les tiges des porte-graines , propose aussi de 
suivre la méthode de Schubard, qui veut que l’on coupe les 
branches latérales, ainsi que la tige des branches principales, 
afin qu’on ne récolte que de la bonne graine; il suftiroit quel- 
quefois d’abriter les branches latérales et de les bien palissader. 
C’est au propriétaire à veiller lui-même sur cette disposition. 

Les tuteurs peuvent être aussi , selon M. Calvel, placés entre 
les porte-graines, tant sur les côtés, que devant et derrière; 
ainsi les branches de chaque plante seront attachées à quatre dif- 
férens tuteurs, et chacun d'eux servira à soutenir les branches 
des quatre betteraves voisines : on multiplie les tuteurs, si le 
besoin lexige. 

Lorsque les porte-graines ont acquis l'extension nécessaire , 
on lés arrête en prenant l'extrémité de leurs branches. Les se- 
mences qui en seroient provenues sans cette mesure, pourroient 
être de mauvaise qualité, et par conséquent peu fertiles. 

On ne doit pas non plus négliger le sarclage; on sent que plus 
on donne d'accès à la chaleur, à la rosée et aux autres principes 
atmosphériques, pour pénétrer jusqu'aux racines, plus on favo- 
risera les progrès de la plante et la maturité de sa graine. 

Dans les terres sablonneuses, si la sécheresse étoit considérable, 
il faudroit en diminuer les effets par des arrosemens. M. Calyel, 


Tome LXXXI. SEPTEMBRE an 1815. Ce 


198 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


qu'on s’empresse de citer quand il s'agit de bonne méthode , an- 
nonce que dans des cas de sécheresse trop considérable, un bu- 
tage diminueroit le mal, en ce que les terres ramenées vers les 
racines, empécheroient, où au moins retarderoient l’évaporalion. 
Le butage, suivant le même agronome, offre, en outre, l’'avan- 
tage, dans les temps pluvieux, d'humecter le pied des porte- 
graines, qui müriroient difficilement sans cette précaution. 


CHAPITRE DIXIÈME. Récolte de la Graine de Betteraves.: 
Il importe plus qu’on ne seroit porté à le croire, peut-être au 
premier moment, de surveiller la récolte de la graine de bette: 
raves ; car de l'attention qu’on lui donne et du soin avec lequel 
elle se fait, dépend très-souvent le plus ou le moins de succès 
du semis. Le point précis de sa maturité, le temps propre à le 
recueillir, la dessication de la tige, le choix de la graine, etc., 
ces différens objets, on ne sauroit en douter, sont du plus grand: 
intérêt pour un cultivateur, et surtout pour un fabricant de sucre 
exploitant par lui-même la culture de cette racine pour l'aliment 
et le roulis de son entreprise. L'expérience acquise à cet égard, 
et dont les résultats sont consignés dans ce chapitre, ne peuvent 
que le guider plus sûrement dans celte partie essentielle de son. 
industrie. 


17. Époque de la maturité. C'est vers le milieu de sep- 
tembre, ou dans le commencement d'octobre, un-peu plutôt ou 
un peu plus tard, que les graines de betteraves sont parvenues à 
leur maturité; on la reconnoît lorsque les capsules qui les re- 
couvrent, sont bien jaunes ou brunes, suivant les variétés , et que 
les pédicules des graines n’y adhèrent plus. 


M. Fouques a remarqué que dans le département du Var la 
maturité se faisoit reconnoître dès le mois de juillet ou d'août. 
Cette différence dans les époques dépend beaucoup du climat et 
de l'exposition du sol. 


M. Achard annonce que les récoltes les plus précoces ont lieu 
dès le commencement d’août, et celles les plus retardées, dans le 
cours de septembre; plus tard, les capsules ne pourroiïent mûrir. 

$ II. Mode de Récolte. On recueille les graines de betteraves 
en differens temps, car il est naturel de penser que celles qui 
sont néesles premières, ont müûri avant celles qu’ellesont précédées, 
On commence d’abord par ramasser les branches mûres, on les 
lie ensemble, on les suspend au soleil, ou entre deux courans 
d’air pour les faire arriver à une dessication complète ; quelques 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 199 


Jours après on recueille le reste, et successivement. On s’expose 
autrement à avoir un mauvais mélange. 


Ceux qui conseillent d’arracher les betteraves lorsque les graines 
commencent à mürir, sont loin d'obtenir de bonne semence, 
une maturité secondaire ne peut que suppléer foiblement à la 
vérilable. 

_ Si le temps le permet, des cultivateurs font aoûter de suite les 
tiges, après les 4voir coupées avec une serpette tranchante, en 
les adossant et étalant contre un mur ou contre une palissade , 
une haie, etc.; si au contraire on a lieu de craindre de ne pou- 
voir les sécher, on les met à l’abri dans un endroit aéré, après 
les avoir liées ensemble par poignées. On les suspend pour bâter 
leur dessication. 

Quelques agronomes recommandent de cueillir la tige avec la 
racine, de détacher de ces dernières les graines mûres, en les 
secouant sur un drap, puis de les déposer sous un angar, en 
traversant les racines par une perche, si la chair est assez ferme 
pour cela. Ce mode paroit être préféré, parce que, suivant l’ex- 
périence acquise , la végétation continuant dans l4 racine, con- 
tribue à la parfaite maturité des graines en retard. On a soin 


d’aérer ces tiges, afin qu'elles sèchent au plutôt et ne moisissent 
pas. 


S IIT, Bartage pour l’égrenage. Lorsque les poignées des 
porte-graines ont été désidches convenablement et conservées 
ainsi pendant tout l'hiver, il est très-facile, lorsque le moment 
est arrivé, d’en secouerles graines, de les détacher de ces mêmes 
tiges. Il ne s’agit que de les battre légérement avec un bâton, 
sur un drap étendu dessous. D’autres personnes se servent du 
fléau ; quelques-unes aussi préfèrent de les égrapper. 


M. Æchard recommande l’égrenage à la main ; quoique ce 
mode soit le plus long, on en est quitte pour séparer par le 
crible, les feuilles qui ont été brisées par cette opération et ont 
pu se mêler avec la capsule qui renferme la graine. 


S IV. Conservation des Graines détachées de leurs tiges. 
Lorsque les graines ont été détachées des tiges, quel que soit 
le moyen qu'on ait employé pour cela, on a soin de bien es 
éplucher et cribler ; on les renferme , comme toute autre graine 
potagère, dans des sacs de tissu un peu clair; ensuite on les 
dépose ainsi ensachées, dans un lieu sec et sans feu , ou sur des 
plauches dans un grenier. Gette marche est bonne pour des pe- 


Cc a 


200 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


tites parties de semence ; mais lorsqu’on.en a une grande provision 
à soigner, on a l'attention, lorsqu'elle est séparée de la tige et 
qu'elle est criblée, de la faire sécher dans un grenier ou magasin 
aéré, par couches qui ne soient pas trop épaisses ; on les remue 
de temps en temps, afin de les empêcher de s’échauffer ou moisir. 
Quelques semaines après, Jorsqu’on a lieu de les croire suffisam- 
ment sèches, on les dépose dans des tonneaux, et on les conserve 
ainsi soit pour la vente, soit pour les semis. 

Si l'on veut conserver la graine plus de deux ans, il faut veiller 
à ce que l'hiver elle ne soit pas placée dans un endroit trop chaud, 
el l'été, an doit l’étaler au grand air, ou au soleil, de temps à 
autre. 

$ V. Choix des Graines. La semence des betteraves doit 
éprouver le même triage qu’on fait pour toutes les espèces de 
graines en général. La plus parfaite est la meilleure; on choisit, 
à cet effet, les capsules les plus fortes; celles-ci sont réservées, 
comme de raison, pour être plantées, et les plus mûres sont 
destinées à être semées. On ne parvient à obtenir cette diflérence 
qu'à l’aide d’un crible. 

Les betteraves blanches et jaunes sont en général considérées 
comme les plusriches en sucre cristallisable ; 1l paroît done dans 
l'intérêt du fabricant de recueillir par préférence les graines de 
ces sortes de racines. 1] faut , en conséquence, les éplucher soi- 
gneusement, et rebuter toutes celles qui semblent douteuses, 
afin d’avoir un semis de betteraves pur et sans mélange de bet- 
teraves de qualité inférieure. 

$ VI. Produit en Graines. On a remarqué que chaque racine 
peut rendre de 3 à 4 hectogrammes (10 à 12 onces) de graines, 
d’où il suivroit qu’une vingtaine de racines pourroit fournir en- 
viron un boisseau. Quelques cultivateurs ont annoncé que cin- 
quante porte-graines pourroient donner ensemble environ 12 
kilogrammes de graines en {otal; d’autres prétendent que six 
plantes, lorqu’elles ont été cultivées dans un bon terrain , donnent 
assez de semence pour un hectare ;'enfin M. Drapiés , de Lille, 
a publié que le produit de dix-huit mille deux cent quatre-vingt- 
huit porte-gräines, récoltés en 18:1, avoit été de 4597 kilogr. 
Ces diverses données, ainsi qu’on doit le pressentir, ne peuveut 
être considérées que comme approximatives. Si on les prenoit 
pour bases de l’ensemencement qu’on auroit à faire, il seroit 
prudent de forcer le nombre indiqué, non-seulement pour parer 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 20T 


aux âccidens, mais encore pour se ménager une ressource pour 
année suivante, 


$ VII. Quantité de kilogrammes à semer sur couche pour 
l’ensemencement d’un hectare. On a déjà vu au chapitre de 
lEnsemencement , la quantité de kilogrammes de graines néces- 
cessaire pour semer ou planter un hectare ; mais il est non moins 
essentiel de connoître l’espace à semer, ou la superficie qu'on 
doit ensemencer sur couche ou sur pépinière , pour pouvoir plan- 
ter un hectare, comme aussi la quantité de graines qu'on doit 
confier à son sol. 


Un mètre carré de semis fournit en plants pour près de deux 
hectares, et un kilogramme de graines produit ce résultat, tan- 
dis que pour le semis à Ja volée, il faut le double et plus de 
graines. 

$ VIII. Durée de la faculté germinative de la graine de 
Betteraves. La graine de betteraves ne peut se conserver au 
plus que trois ans. Beaucoup de personnes, entr'autres M. Calvel, 
assurent qu'elle ne peut se conserver bien saine que pendant deux 
ans; le même agronome ajoute que sa faculté germinative ne 
commence à s’affoiblir que la troisième année; cependant il est 
d'avis, ainsi que M. Tessier, qu’il vaut mieux se servir de la 
graine de deux ans, parce que les semis sont plus sûrs de venir 
à bien. Au reste il se peut que la faculté de se reproduire subsiste 
dans cette graine, eût-elle trois ans-, si elle n’a point été gâtée, 
ni échauflée, et si elle a été en outre recueillie à son point de 
maturité. 

M. Pillot (département du Nord) ne croit pas à la vertu ger- 
minative de cette graine pendant deux ans ; il l’a vue, dit-il, 
dégénérer dès la seconde année; il est donc à préférer , à moins 
que la graine de l’année n’ait pas bien müûri , de semer toujours 
celle de la dernière récolte. 

Cependant on doit observer que si on n’avoit pour semis que 
de vieilles graines de trois à quatre ans, bien loin de la rejeter, 
et faute d’autres, il est possible d’en tirer parti, surtout pour la 
pépinière ; mais alors il faudroit semer les graines très-drues, 
ie qu'il est dans l’ordre de croire qu'une grande partie ne 

everoit point, ; 

Cap. XI. Dégérs et Ravages occasionnés par l'intempérèe 
des saisons, et par les vers et insectes. La betterave, comme 
toules les autres racines, est sujette à souflrir de l'inconstanee 


202 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


des saisons, Sa végétation est favorisée ou retardée par l’influence 
atmosphérique, lorsque l'effet s'en exerce trop long-temps sur 
elle. Si l'excès du froid et du chaud lui est nuisible, une cha- 
leur humide ne lui est pas moins pernicieuse , par la quantité 
d'insectes ou de vers dont elle propage la croissance , et qui 
trouvent une nourriture très-propre à leur développement, dans 
les jeunes pousses de la plante, dont ils ne tardent pas à éclaircir 
le sol. On va faire connoître.les uns et les autres dégâts, ainsi 
que les moyens d'y remédier autant que possible. 


$ rer, Ravages occasionnés par l'intempérie des saisons. 
Si le printemps est très-humide, la graine pourrit; si la plante 
est trop humectée par des pluies fréquentes , la racine prend trop 
d’embonpoint, elle devient aqueuse et ne produit souvent qu'un 
suc dont le sirop ne cristallise qu'en petite quantité et difhici- 
lement. 

Si l'été est trop sec, la végétation est arrêtée, la racine devient 
chétive et le produit est presque nul, s’il n’est pas vicié. On peut 
toutefois obvier , jusqu’à un certain point, à l'inconvénient de la 
sécheresse, par des irrigations faites à propos ; mais il est diflicile 
d’avoir des sols placés de manière à jouir de cet avantage. 

La grêle, quoiqu'un fléau passager et local , est encore un 
grand obstacle au développement des plantes qui en sont frap- 
pées, par la coupe des feuilles, suçoirs naturels de la racine, 
et la meurtrissure de sa pulpe à son collet, ce qui occasionne 
l'extravasation des sucs séveux. 

Les gelées blanches de l'automne et les gelées plus ou moins 
fortes de l'hiver occasionnent le déchirement du tissu de la plante; 
ses principes vitaux ainsi altérés, sont d'autant plus aptes, lors 
du dégel, à éprouver un changement qui ne tarde pas à influer 
sur la matière sucrante et à la dénaturer. 


$ IT. Ravages et dégäts occasionnés par les vers et les in- 
sectes. Non-seulement, comme on vient de le voir, chaquesaison, 
par son intempérie, peut porter obstacle à la bonne végétation de 
la betterave, ou en altérer les principes saccharins; mais ce qui 
est non moins à redouter, ce sont les ravages que produisent 
les différens animaux ou insectes. Les uns attaquent la graine, 
les autres la racine. 

Parmi ceux qui attaquent la graine, on distingue le zulot : 
les oiseaux s’en emparent aussi lorsqu'elle est mal couverte. Les 
souris la recherchent pareillement , lorsqu'elle est déposée dans 
des greniers, soit dans des sacs, soit dans des tonneaux. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 203 


Les vers et les Zoches détruisent la jeune plante lorsqu'elle est 
levée ; elle est dévorée pareillement par les Zmaçons à coquilles, 
la limace noire et les chenilles : les loches , surtout, sont {rès= 
friandes des pousses nouvelles; elles s’en emparent aussitôt 
qu’elles sortent de terre. 

Les mordettes, les courterolles , les mans , les varrens, ou 
autrement les vers blancs ou /arves des hannetons, en mangent 
la chair avec avidité. Ces derniers insectes, surtout, s’en nour- 
rissent longuement , en traversant la racine dans toute la longueur 
de son pivot. 

11 résulte de ces différens dégâts de la part de ces vers et in- 
sectes, que si la plante ne meurt pas, elle se trouve tellement 
contrariée par la disposition accidentelle de ses sucs nourriciers , 
qu’elle devient petite et chétive, et par conséquent qu’elle donne 
un foible produit. : 

$ III. Moyens de remédier, au moins en partie, aux inlerm- 
péries des saisons. La grande humidité occasionnée par les 
pluies, ainsi que les effets de la grêle, ne sauroient être éloignés 
ni garantis, puisque ce sont des résultats de la constitution lo- 
cale atmosphérique; mais une sécheresse trop long-temps pro- 
longée, peut être tempérée par une irrigation, si le terrain en 
est susceptible. | 

En devancant l’époque des gélées blanches par une récolte 
précoce, et en prenant les précautions convenables pour mettre 
es racines à l’abri des fortes gelées de l'hiver, il est possible 
de se garantir, au moins en grande partie, des maux qui sont 
la suite d’une trop basse température sur une plante aussi aqueuse 
que l’est la betterave. On peut donc concevoir l'espérance qu'en 
s'y prenant à temps opportun et avec l'attention nécessaire dans 
l'application des moyens disponibles , une partie des obstacles que 
produit l’inconstance des saisons, sera écartée. 

$ IV. Moyens proposés pour arrêter ou prévenir les ravages 
des vers et insectes. Ce à quoi il n'est pas facile de s’opposer, 
c’est aux ravages de diflérens insectes que multiplient les pluies 
d'été, ou une chaleur humide. Beaucoup d'agriculteurs ont pro- 
posé des moyens de les éloigner; ils peuvent être plus ou moins 
efficaces, et pour que nous les conseillions , il faudroit les avoir 
éprouvés : il en est un cependant qui est signalé par la confiance 
publique, c’estle spécifique annoncé et publié par M. Tatin, 
comme infaillible pour la destruction de tous les insectes qui 
nuisent aux productions de la terre. Ce spécifique, constaté de- 
la manière la plus authentique, a mérité a son auteur une récom- 


1204 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


pense nalionale. On croit donc devoir en recommander l’usage. 

La description et le procédé se trouvent dans l’ouvrage de 
son auteur, intitulé Préncipes raisonnés et pratiques de la 
Culture, etc. 

S'il ne s’agissoit d’éloigner les divers limaçons ou limaces 
que d’un petit espace planté ou semé, étc., comme, par exemple, 
un mètre carré, ce seroit chose facile, en répandant tout autour 
de cet espace, un petit cordon d’un pouce de largeur environ, 
de sable fin ou petit gravier. Ce sable suftiroit pour arrêler ou 
entraver la marche de ces divers insectes. Faute de chaux vive 
sous la main, ce moyen peut être mis en usage avec sûreté. 

La sciure de bois, ou la cendre peuvent aussi être employées 
avec succès ; l’une, par la causticité de son sel, fait périr l’in- 
secte, et l’autre, ainsi que le sable, par leur adhérence à l’hu- 
meur qui transsude du corps de l'insecte ou du ver, gêne la 
contraction de ses muscles, el suspend forcément sa marche, J’ai 
souvent vu faire l'expérience de ces deux moyens avec succès. 

Un conseil qu’on ne croit pas susceptible d’être dédaigné, c’est 
de planter la betterave , le moins que lon peut, auprès des ha- 
bilations, car les poules et les volailles de basse-cour sont très- 
friandes de cette racine, et se jettent dessus avec une certaine 
avidité qui présage d’avance les dégâts qu’elles feront, si on ne 
s’empresse de les chasser du champ le plutôt possible. 

CHAPITRE DOUZIÈME. Cullure comparée des terres pour 
blé et pour Betteraves. Le bénéfice résultant de la culture 
d’un champ de betteraves, sur celui que donne la culture d’un 
champ semé en blé ne pouvant que contribuer à l'extension de 
cette nouvelle branche de l’économie rurale, on a cru faire 
plaisir aux lecteurs, en leur exposant ci-après le tableau com- 
paratif des deux cultures, auquel a donné lieu une expérience 


directe faite, dans cette vue, par M. Chalvet, de Grenoble 
( département de l'Isère. ). 


$ ler. Culture du Blé. 
4 


Toyerid'un arpentss eee es ele DUO I 
rois labours à 67 ON NM RME 
Pour faire couper les blés, les scier, mettre en 
meules, transporter dans les granges et voiturer 
aux marchés, lorsqu'ils sont battus... . . . 5 
POUNSEMEMMEMCONMUN EE N  E-e LA 


160 
Pour 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 205 


Pour ensemencer un arpent, il faut 12 décalitres 
de blé. 
On suppose que les 12 mesures, prélèvement fait 
des sommes et frais de battage, rendent cinq 
pour cent, alors on aura un produit de 72 dou- 
bles décalitres qui, vendus 3 fr. 75 cent. l’un, 
DORE cie cie0 sale lle ec Rial AOÏL 


Produit des ‘blés. 191400 105722, , * 2yo fr, 
Frais de culture. .: . , , : «+: . . 180 


Beénéhce se ion. ren 90 
$ Il. Culture des Betteraves. 


Foyer d'ancarpents JA NUE ONU SUN SO TE 
Troistlabours’'a s7fr. l'an. 0,520 0" 5x 
Pour semer, arracher et repiquer au cordeau. . 27 
Pour sarcler et buter 3 fois, à 9 fr. l'un. . . « 27 
Pour arracher les racines à leur maturité, les ap- 

propriestetilés nettoyer... ee 20 
Pour voiturer aux fabriques 604 quintaux de ces 

racines, les diverses distances étant compensées, 

HIDO CON. IE 10041, 1e re seen ete he 11002 


482 
Vente de 604 quintaux de racines, à un fr. l’un. . 604 


Produit des betteraves. . , . , . . 6Go4 fr. 
Frais de culture, . -. . . . . , . . : 462 


Bénétice te etats le sl l22 


Balance. 


Bénéfice des betteraves. . + + « + » 122 
PIE ee le ie De 90 


Différence en faveur de la culture de 
lbettera ve nee PI REMAURRERENte32 


S III. Observations générales, Le calcul ci-dessus, sauf les 
diflérences des prix par rapport aux localités, et des produits 


Tome LXXXI. SEPTEMBRE an 2815. Dd 


206 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

par rapport à la nature el à la qualité des terres, etc., peut servir 
de base pour s’éclairer dans des entreprises de ce genre. Nul 
doute qu’en définitif les résulta's ne soient à l'avantage de la 
nouvelle culture, surtout si on a égard aux observations sui- 
vantes. 


10. La valeur de la paille des blés se compense avec le pro- 
duit des feuilles de la betterave, dont, comme l'on sait, on 
nourrit avee profit les bestiaux. 

20. Les arpens employés à cette culture ne resteront jamais 
en jachères; les blés qu'on semera l’année suivante dans les 
terres, y donneront une récolte sûre et abondante, attendu que 
le sol souvent remué, ne permettra pas aux plantes parasites. 
d'y végéler. 

5°, Pour cette culture, les terres de troisième et quatrième 
classes, bien exposées et un peu sablonneuses, paroissent les plus 
propres ; les betteraves qui s’y recucillent contiennent plus de 
matière sucrante que celles qui croissent dans des terres de pre-— 
mière classe , quoique fraîches et excellentes. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 207 


SUITE 
AUX RÉFLEXIONS GÉOLOGIQUES 
SUR LES VOLCANS, 


ET 
CONSIDÉRATIONS SUR LA GUADELOUPE, 
Et Esquisse des changemens survenus à la Caverne de la Soufrière 
{consacrée à Spallanzani ), ainsi qu’aux parties du Plateau qui 


lui correspondent, depuis 1789 jusqu'au moment où elle a cessé 
d'être praticable. 


Extrait du Journal des Observations faites à la Guadeloupe; 
Par F. L'HERMINIER, 


CHIMISTE-PHARMACIEN À LA BASSE-TERRE. 


La caverne, qui devient maintenant le sujet de nos réflexions, 
les mérite à plus d’un titre. Citée comme exemple dans l'Ency- 
clopédie Française, elle a été visitée par plusieurs savans; c est 
à l’observateur Peyssonel que nous sommes redevables de ce que 
nous en connoissions avant qu'une commission composée d'amis 
des sciences et d'hommes qui les cultivoient, nous eût commu- 
niqué les résultats de travaux que le génie dirigea constamment ; 
tandis qu’une plume savante nous en transmettoit l'histoire, et 
que la sage hypothèse interrogeoit la Chimie. Je ne puis mieux 
faire qu’en rappelant les propres paroles de ces estimables savans. 
Leurs observations nous conduiront jusqu’à celles que j ai com- 
mencées dès mon arrivée en cette colonie. : 


= , 
Ce sera pour mon cœur un nouvel hommage que Je rm em- 


Dd 2 


208 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


presse d'adresser à ceux que les temps ont respectés, et une fleur 
que l’amitié ira déposer et consacrer à la mémoire de ceux-dont 
nous avons à déplorer la perte, 


« (XVIII). En 1780, son entrée commençait bien plus haut qu’elle 
ne le fait aujourd’hui ; elle étoit basse, et l’on ne pouvoit pénétrer 
qu’en se courbant. Après y avoir fait environ vingt pas, en 
descendant sur une penle assez rapide, et dans l'obscurité, on 
y revoyoit la lumière par une fente placée dans le dessus et au 
flanc dela montagne. En r79r ,une partie de la voûte étoit tombée, 
et l'entrée de la caverne commençait , comme aujourd’hui, à la 
crevasse par laquelle , auparavant, on voyoit le jour. En y entrant, 
on y éprouvoit une fraicheur agréable : elle était tapissée, des 
deux côtés, d’une croûte épaisse de cinq à six lignes de cristaux 
{riables , un peu acerbes , colorés de verd et de jaune , humectés 
E: une eau limpide et fort stiptique, qui circuloit entre eux. 

ne eau de même nature découloit, goutte à goutte, de son som- 
met. De cette première caverne, on passoit dans une seconde 
beaucoup plus vaste, dans laquelle on voyait les mêmes éboule- 
mens et les mêmes cristaux qu'on y trouve encore. Quelques 
stalactites brunes ou jaunes pendoient à la voûte, et filtroient 
une eau claire qui se perdoit dans la terre. 

» (XIX ). C'étoit dans le fond de cette seconde caverne, 
comme le dit Peyssonel, qu’on sentoit que la chaleur augmentoit, 
et qu'en montant encore plus haut , on parvenoit à un endroit qui 
formoit une troisième grotte, où la chaleur étoit si considérable, 
que l’on pouvoit à peine y respirer ; les flambeaux avoient beau- 
coup de peine à y brûler, et l’on y étoit bientôt trempé de sueur. 
Peyssonel ajoute encore qu'au côté gauche de cet endroit, la 
grotte semble continuer , et que voulant aller plus avant de ce 
côté , il demeura surpris d'y trouver de la fraîcheur ; de voir que 
les flambeaux y brûlaient très-bien ; en descendant encore plus, 
il trouva qu’il ÿ faisoit un froid excessif; revenu de cet endroit, 
‘il passa par la partie chaude de la grotte où il avoit été auparavant, 
“et y éprouva la même difficulté de respirer , et la même chaleur 
que la première fois (r). 

» (XX.) Si ceux d’entre nous qui visitérent cette caverne, 

_pe firent alors ni notes, ni collections, ils la parcoururent ce- 
pendant assez profondément pour vérifier ce que dit le savant 


oo 


(1) Encyclopédie, art, Soufrière, édit, de Genève, 1778. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 209 


observateur que nous venons de citer. Ils ajoutent qu’ils enten- 
dirent le bruit d’une eau courante qui les intimida , et les empécha 
de pénétrer plus loin. 

» Quelques personnes ont dit avoir touché le fond de celte 
caverne, et y avoir pris des échantillons ; mais s’il faut en croire 
un vieux citoyen noir , nommé Bernard, qui, depuis plus de qua- 
rante ans, est presque le seul guide qui ÿ conduit les étrangers ; 
il paroît qu’ils ont été trompés par un coude quien changeoit la 
direction, et qu’on pouvoit, en le suivant, pénétrer encore 
davantage vers le sommet de la montagne, et s’approcher de 
Yancien volcan. Bernard , parvenu dans cet endroit, en a ressent 
plusieurs fois la chaleur ‘et entendu le bruit. Les dangers multi- 
pliés auxquels il s’exposa , et l'horreur de ces lieux, semblent 
prouver, comme il l’assure, qu'aucun de ces curieux n'a effec- 
tivement osé avancer jusque là. 


» (XXI.) Lorsqu'on quittoit ces lieux de ténèbres, on retour: 
noit à main droite; on ne cotoyoit plus la montagne comme 
on l’avoit fait jusqu'alors ; mais on montoit par une pente rapide 
qu’il eût élé presqu'impossible de gravir, si l’on n'y avoit pas 
retrouvé la mousse et les arbustes qui revêtissoient la partie du 
nord et de l’est. On apercevoit , à peu de distance de là, une 
fente qui commençait au-dessus de la caverne ; à mesure qu’on 
s'élevoit ,.on la voyoit se prolonger sur le sommet de la montagne, 
en se dirigeant vers l’ancien volcan. Partout elle varioit en lar- 
geur : là ; elle formoit un vaste précipice ; ici, elle se rétrécissoit 
assez pour que les mousses puissent la couvrir et la faire entiè- 
rement disparoître ; aussil'observateur étoit-il exposé à s’y abimer, 
si, par imprudence, il se fût écarté un instant des conseils du guide, 
Personne n’a pu déterminer précisément la profondeur de cet 
abîme ; il paroît qu’il s’étendoit fort loin vers la base de la 
montagne. L’un de nous y jeta des pierres dans les voyages an- 
técédens ; il les entendit descendre pendant quelques secondes, 
en bondissant d’un bord à l’autre ; mais le son diminuant par 
degrés, il ne put déterminer l'instant de leur chute. 

» (LIIT.) Ce fut vers le nord que nous dirigeâmres: notre 
route ; les anciennes crevasses et des trous profonds , formés par 
la chute des roches lancées dans la dernière éruption, l’entra- 
vérent un peu; cependant, après une demi-heure environ de 
marche , nous arrivâmes vers le sommet de la caverne. Ici, 
nous trouvâmes deux petits soupiraux sur le revers de la mon- 
tagne. La pente que nous suivimes pour descendre à cette caverne, 


230 JOURNAZ DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


est celle dont nous avons déjà parlé (XXI). Elle est tellément à 
pic, que nous ne l’aurions descendue qu'avec beaucoup de peine, 
si nous n'avious rencontré des arbustes et la mousse qui nous 
soutenoient, En tournant sur la gauche, nous nous trouvâmes à 
l'entrée de la caverne. On y descend par une pente rapide d’en- 
viron 8o pas, en marchant sur les décombres de la partie anté- 
rieure de la voûte écroulée. L’immense vestibule que forme cette 
p'emière caverne, dont le sol plat et uni semble avoir été nivelé, 
recoit sa lumière de l'ouverture spacieuse et très-élevée que pré- 
sente actuellement son entrée. Une croûte cristallisée , verdâtre 
et friable, d'environ six lignes d'épaisseur, tapisse ses côtés comme 
autrefois [ n° 43] (1). On voit aussi à la voûte quelques stalac- 
tiles ferrugineuses [n° 47] (2), d'où découle une eau limpide 
qui dépose des couches de la même nature sur les rochers ou sur 
les terres qui la recoivent, Cette eau se réunit cà et là en petits 
bassins dont la profondeur excède rarement 4 pouces. Nous ap- 
précions la hauteur de celte caverne à 6o pieds, sa largeur à 80, 
et sa longueur à 150. Le baromètre s’y est élevé à 24 pouces, le 
thermometre à 16 degrés, et l'hygromètre à 5o. Nous y avons pris 
de l’eau , n° 17. 

» (LIV.) Aprés avoir observé cet endroit, nous nous dispo- 
sämes à pénétrer plus profondément dans le sein de la montagne, 
Outre deux fanaux que nous avions eu la précaution d'apporter 
avec nous , pour garantir la lumière de l’eau qui dégoutte de la 
voüle, et des courans d'air que nous pourrionsrencontrer , chacun 
de nous portoit une ou deux bougies allumées. Alors nous péné- 
trêmes dans la seconde caverne par une bouche qu'on voit à 
l'extrémité de la première. Elle est à demi fermée par les ébou- 
Jemens anciens qui s’étendeut depuis le sommet de cet antre 

_fénébreux jusqu'à sa base, par une pente de 60 degrés. Nous 
parcourümesenviron 120 toises sur ces mêmes éboulemens , avant 
d'arriver près de son extrémité. 

» Les lumières de ceux d’entre nous qui étoient les plus avan- 
cés , s'éteignirent lorsqu'ils voulurent franchir des grosses masses 
de pierres qu’on y jugea nouvellement accumulées. Nous recon- 
nûmes en eHet qu’il se dégageoit une quantité considérable de 


(1) (N° 45.) Chaux sulfatée limpide ou verte, primitive , sur la lave phorphy- 
ritique alterée. 

(2) (N° 47.) Fer oxidé carbonate, stalactitique. Produit de l’altération de la 
lave porphyritique décomposée. Le 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 217 


vapeurs invisibles, formées d’un acide pénétrant qui nous incom- 
moda beaucoup lorsque nous recveillimes cet air, n° r5. C’étoit 
du gaz acide carbonique, uni à une petite portion d'acide sulfu- 
reux. La chaleur de l’espace d’où il sortoit , éleva le thermomètre 
à 60 degrés. Celle de l'air ambiant ne le fitmonter qu’à 19 degrés. 
L'atmosphère du reste de la caverne étoit à 16 degrés. 

» (LV.) C’étoit à ka droite de ce site, et après avoir gravi 
environ 60 pas vers le sommet de la voûte, qu'on rencoutroit 
l'entrée d’une troisième caverne que Peyssonel, et d’autres depuis, 
avoient visitée. Les nouveaux éboulemens qu'a produits l’érup- 
tion dans cet endroit, où la voûte forme un irumensecul-de-lampe, 
Font fait totalement disparoître. On n’y retrouve plus cette cha- 
leur suffocante, ni ces vapeurs qui éteigairent les lumières. 
Ne pourroit-on pas conjecturer que, forcées par l'encombrement 
de changer de direction , elles en auroient pris une nouvelle beau+ 
coup plus courte pour sortir au lieu où nous venions de les recon- 
noîlre (1). 

» Près de l'endroit où se dégagent actuellement ces vapeurs. 
et un peu sur la gauche, il s'est ouvert une nouvelle caverne dont 
la profondeur nous est inconnue. Ses ruines offrent à la vue quel- 
que chose d’horrible et d’effrayant. Des masses de rochers, sus- 

endus seulement par les pointes de leurs angles, semblent prêtes 
à se précipiter sur la tête de ceux qui pénètrent dans ce noir sou- 
terrain. On voit à côté d'elles les vides qu'ont laissés à sa voûte, 
d’autres rochers aussi considérables qui se sont écroulés, et sur 
lesquels on marche. La nouveauté de ces désastres, opérés depuis 
peu de jours, ajoutoit à la terreur que ce hideux spectacle inspi- 
roit; elle s’accroissoit encore lorsqu'on réfléchissoit que le grand 
atelier qui les avoit produits subitement, travailloit toujours avec 
une étonnante aclivité. On entendit un courant d’eau à une cer- 
taine distance de l’entrée de cette caverne, où régnoit une grande 
fraicheur. à 


« (LVI. ) Si les vapeurs dont nous avons parlé ne sont pas vi- 
sibles lorsqu'elles sortent , leur pesanteur spécifique, plus consi- 
dérable que celle de l'atmosphère qui les entbure et qui les 
empêche de s'élever à plus de 5o pouces, lés entraînant vers la 
base de la caverne, où elles perdent bientôt une partie du calo- 
rique qui les dissolvoit, elles deviennent apparentes el forment 
2e ET QUE CN EEE OX Qi LR REA SRE 1 V71 0 


(1) C’est cette nouvelle caverne que j'ai désignée sous le nom de troïsième , 
et dans laquelle je fus asphyxié , comme on le verra plus loin. 


212 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
un nuage blanc et épais qui s’élevoit à 18 pouces du sol, à Pins- 
tant où nous l’apercûmes pour la première fois. 

» ‘Pendant que nous nous occupions à observer Pensemble et les 
. détails de cette seconde et immense caverne, ce même nuage 
gagna notre hauteur et s'éleva au-dessus du niveau de la nou- 
velle excavation où nous desirions de pénétrer; mais l'un de nous 
s'étant abaissé près de celte vapeur, pour ramasser son bâton qu'il 
avoit laissé tomber, et s'étant senti sulloqué, nous rappelâmes 
notre vieux guide, qui y étoit déjà entré, et nous nous retirâmes 
très-vite vers la première. caverne, car nous courions le danger 
d’être étouftés par ce nuage, qui s’éleva de plus en plus, et qui 
se trouva bientôt après au-dessus du niveau de notre sortie. 

» (LVIT.) Cetimmense souterrain est élevéd’environ 140 pieds. 
Sa voûte suspend des masses considérables de rochers; elle forme 
un plein cintre assez régulier. Nous avons estimé sa largeur à 
190 pieds, et sa longueur à 750. Quelques stalactites brunes, fer: 
rugineuses [n°30](1), pendent à cette voûte, d'où l’eau suinte en 
mille endroits ; elle dépose aussi sur les pierres qui la reçoivent des 
couches de la même matière qui forme les stalactites (n° 31). 
On voit cà et là, dans quelques espaces de ses parties latérales, 
des petits cristaux incrustés d’une matière ochracée; ils sont ad- 
hérens sur un granite gris, duquel on détache facilement des 
éclats (n° 48, A). La terre de l’éboulement et ses rochers ont 
une nuance jaune sale (n° 46). 


» (LVIIT.) Nous ne voulûmes point sortir de ce vaste sou- 
terrain sans y laisser un procès-verbal qui püût servir d’instruc- 
tion à ceux qui viendroient le visiter après nous, et leur faire 
éviter le danger que nous avions couru. Il fut déposé, comme 
le précédent, dans une bouteille sèche, ‘bien bouchée et lutée, 
que nous enfoncâmes à droite, et en entrant, dans le sol de la 
première caverne, etc., elc., etc. » 

J'ai trouvé dans les deux premiers souterrains les différens 
degrés d’altération de la pierre principale, sur laquelle je n’ose 
prononcer , pour la considérer définitivement comme lave, quoi- 
qu’elle soit magnétique et donne l'odeur d’alumine par imbibi- 
tion. Ces diflérens degrés marchent progressivement de la cou- 


QG) (N°: 30 . 351.) Toutes ces stalactites sont formées de fer oxidé carbonaté, 
variant dans les proportions de l’un ou l’autre. Quelquefois aussi, les stalactites 
sont recouvertes de chaux sulfatée primit,ve limpide. 


Jeur 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 213 


Jeur gris plombé au blanc absolu, par voie de décomposition, 
et l’on retrouve le soufre, ainsi que le fer, isolés. Le premier, 
en passant par les différens degrés d’oxigénation, aprés avoir 
formé des sulfures, se combine successivement avec l'alumine, 
puis la magnésie, et enfin la chaux, suivant l’ordre des affinités, 


tandis que le fer se retrouve à l’état de fer oxidé et oxide carbo- 
naté stalactitique. 


Depuis mon premier voyage à la soufrière de la Guadeloupe, 
c'est-à-dire un an après l'éruplion, je n’avois remarqué dans 
cette caverne que des éboulemens parfois assez considérables , 
mais qui cependant ne changeoïient pas sensiblement l'exactitude 
de la description, lorsqu’en août 1808 j'entrepris de pousser plus | 
loin mes recherches. Un phénomène d'optique nous avoit toujours 


fait croire que nous voyions le jour à l’endroit où se trouve le 
cul-de-lampe. 


Mieux disposés le 6, étant accompagnés de M. Collot, profes- 
seur de dessin, directeur de l'Ecole de Peinture instituée à la 
Güadeloupe (1), et de mes deux intrépides guides, MM. J.-B. 
et Fs. Michaux du Gommier, nous convinmes d’aller plus loin. 
Je vis alors très-distinctement que ce que nous prenions pour 
le jour n’étoit que la réflexion de nos flambeaux , dans un milieu 
plus dense formé de gaz acide carbonique et d’eau vaporisée, et 
| qui, remplissant entièrement l’ouverture, faisoit l'office de mi- 

roir ou de glace dépolie d’un côté. 

Nous franchîmes cet obstacle avec précaution, car nous nous 
attendions à trouver un précipice vertical, comme il s’enxencontre 
parfois à la terminaison des fentes; nous n'éprouvâmes d’abord 

d’autres sensations qu'une chaleur assez vive et qui ne s’étendoit 

vaux jambes seulement ; mais comme il étoit possible que des 
ae se fussent établies sur le sol même, nous n’y fimes 
plus attention (ee phénomène étant communalors sur la Soufrière), 
et nous pénétiâmes dans cette immense caverne. à 


Nous trouvâmes des l’entrée, des blocs de rochers réguliers su- 
pres par leurs angles. Ses parois, son sol étoient également 


ormés d'énormes blocs, les premiers suspendus, les autres 
entassés. 


L’humidité n'y paroissoit pas aussi grande; le baromètre se 


(1) Cette institution publique, la seule qui existoit sous le Gouvernement 
français dans cette Colonie, a été supprimée depuis la prise de la Guadeloupe. 


Tome LXXXI. SEPTEMBRE au 1815. Ee 


214 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


soutenoit à 24 pouces ” lignes bo; le thermomètre de Réaumu* 
à 230, Plus spacieuse et plus majestueuse que les autres, elle 
paroissoit se diriger vers l’ouest, et sa coupe générale éloit d’est 
en ouest. 

Je recueillis sur le sol des plaques de chaux sulfatée blanche 
{sulfate de chaux des chimistes, gypse ou plâtre), de lalumine 
sulfatée (ou alun natif) blanche ou jaunâtre, pulvérulente, acï- 
culaire et amorphe; plus, de la chaux sulfatée primitive. Tous 
ces produits étoient réunis sur le sol, en amas, et paroissoient w 
sorlir du sommet, ce que je ne distinguois que très-foiblement, en 
raison de la hauteur de sa vaste coupole. Parvenus à l’extrémité 
de cette caverne, me trouvant en avant et à gauche, et voulant 
ramasser un fragment de la roche originaire , qui me sembloit un 
prisme régulièrement hexagone, de 16 pouces de long sur 8 pouces 
de diamètre, mwa poitrine se gonfla tellement, que la respiration 
paroissoit suspendue. 

De suite une forte chaleur se fit sentir à la tête, et j'éprouvai 
une sensation analogue à un gonflement subit de la figure ; bien- 
tôt une sueur abondante découla de tout mon corps, et je n’eus 
que le femps d’avertir mes braves compagnons de retourner sur 
leurs pas; mon flambeau étoit éteint, je marchai machinalement» 
vers leur lumière ; ils étoient heureusement à peu de distance et 
s’éloient dirigés vers moi; ils m'aidèrent à sortir de ce danger, 
et comme ils étoient plus élevés que moi, ils n'éprouvèrent que 
la chaleur aux jambes. De retour à la première entrée, le malaise 
continuoit et mon pouls, pendant plus d’une heure, batlit avec 
autant de violence que dans le plus fort accès de fièvre. 


Cette fois nous avions pénétré à 150 toises de profondeur, exac- 
tement mesurées à la ligne. 

J'y retournai le 22 janvier 1809, et j'observai qu’en effet, vers 
le tiers et à gauche, commencoit une fumerolle dont les gaz et 
es vapeurs s’élevoient du milieu des masses de rochers; leur 
dégagement étoit accompagné d’une sorte de sifflement. Outre 
odeur de gaz hydrogène sulfuré très-forte, je distinguai celle 
du gaz acide sulfureux. 

Les expériences eudiomélriques n’indiquèrent que c;13 d’aie 
vital ou oxigèue, 6 

C’est dans cette année que s’ouvrit la nouvelle fumerolle de” 
la grande fente, et située dans sa partie nord-nord-ouest. Ou ne 
disinguoit alors que des fissures au travers desquelles les gaz et! 


, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 215 

Veau vaporisée se faisoient jour. Elle répondoit à plus du tiers 
de sa longueur. 

Ce fut dans cette course que j'établis mon campement à l’en- 

trée de la caverne, où je passai la nuit. Le thermomètre se main- 

fint constamment entré 10° et 110 (Réaumur). L’hygromètre à 


cheveux, de Saussure, étoit insuffisant et auroit indiqué 5 à 79 


au-delà de humidité extrême. 
Les vents de la partie nord-nord est formoient une brise assez 


Constante. Nous ressentimes fortement le froid , et d’une manière 


plus sensible qu’il ne le seroit en hiver, au-dessous de la glace. 


Ce n’est qu’en août 1810 que commenca l’éboulement de la 
partie nord de la grande fente. Il s'étoit ouvert de nord-nord-ouest 
en sud-sud-ouest, précisément au lieu où la fumerolle s’étoit éta- 
blie en 1800. 


Les caractères de ce nouvel éboulement furent augmentation 
des fissures, devenues plus larges, et la chute d’une couche de 
roche compacte, de 6 à 8 pieds d’épaisseur sur à peu près 15 pieds 
de hant. 

L'intérieur de la caverne ne me présenta rien de particulier , 
excepté les affalemens. 

En mars 181x, la fumerolle du nouvel éboulement de la grande 
fente avoit pris un caractère plus décidé, tandis que dans l’inté- 
rieur de la troisième caverne la température y étoit plus élevée. 
C'est à cette époque que de nouvelles bouches s’ouvrirent dans 
la direction nord-ouest +nord-sud-est + sud. Les anciennes avoient 
perdu de leur activité, tandis que les nouvelles paroissoient être 
disposées à devenir formidables. De nouveaux produits, tels que 
l'arsenic oxidé sulfuré rouge, avec le soufre et le soufre sublimé, 


» Jes alumine et magnésie sulfatées (alun et sel d’epsom natif), 


avoient accompagné la formation rapide des nouvelles bouches, 
Je trouvai également de l’ammoniaque muriatée (sel ammoniac) 
qui fut bientôt dissoute par la grande quantité d’eau pluviale qui 
tomba peu de,temps après. 

Ces phénomènes, nouveaux pour nous, indiquoient un grand 
travail. Je pressentois quelques catastrophes. Heureusement que 
respectant la Guadeloupe, elles ont porté leur action sur lile 


de Saint-Vincent, qui les ressentit l’année suivante. 


Ce fut le 20 mars 1811 que j'eus l'honneur d'accompagner 
Son Excellence S.-A. Cochrane. 
Nous tentâmes de pénétrer dans la troisième caverne, mais 


Ee 2 


216 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


nos flambeaux s’éteignirent successivement, par l'effet de l'air 
devenu de plus en plus irrespirable, et la chaleur presque into- 
‘lérable, nous forcèrent à nous arrêter ; il fut impossible d’aller 
plus loin; une fumerolle nouvellement établie sur le pont de læ 
fente de la caverne avoit pris un accroissement assez rapide, et 
il en étoit de même de celle du pont de la grande fente, et de 
celle du pic, etc. 


Je fis quatre excursions à la Soufrière dans cette même année. … 
En avril 1812 j'y retournai ; les fumerolles avoient conservé leur 
activité. Je ne pus visiter la Soufrière que le 10 mai, quelques 
jours après l’éruption de Saint-Vincent. C’est bien dans ce mo- 
ment qu’il étoit facile d’observer avec quelle activité les feux. 
souterrains travailloient. 


Il faut avoir été témoin des temps où la nature calme prépare 
ses ouvrages à loisir, et les comparer à la scène imposante et 
terrible que nous avions maintenant sous les yeux. Généralement 
la fumée se frayoit des issues de toutes parts. Le pont de la 
grande fente eût été impraticable pour d’autres qui n’en avoient 
pas eu l'habitude; une partie du côté occidental, ainsi que du 
côté opposé , s’étoit manifestement abaissée. 


De nouvelles ouvertures, dirigées d’ouest en est, vers le pitom 
Breislack, s’étoient formées par explosion, en projetant des 
quartiers de roches et couvrant les plantes d’alentour d’une espèce 
de cendre produite de leur detritus. 


On entendoit distinctement deux bruits souterrains dans la > 
grande fente ; le premier produisoit une sorte de décrépitation 
continue, tandis que le second ne laissoit entendre que des déto- 
nations sourdes et intermittentes. 


L’affalement de la pra fente étoit considérable, et des 
masses énormes de rochers, téls que celui que nous nommons 
la caverne des cinq amis ; avoient obliqué en se déversant 
en sud. 


A peine s’étoit-on aperçu à la Basse-Terre des tremblemens 
de terre qui accompagnèrent l'explosion de Saint-Vincent, et 
que j'avois observés et consignés dans mon Journal. 

S'il y avoit du danger sur le plateau, à plus forte raison devions- 
nous le craindre dans la caverne. 

C’est pourquoi je remis à une autre excursion le soin de la 
visiter. J’avois alors à m'occuper des sources de la rivière du 
Galion, qui brûloient sur une surface d'un mille à peu près, et 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 217 


qui présentoient un travail chimique dans sa plus grande activité. 
Je n'ai eu qu’à me féliciter de lui avoir donné la préférence ; car 
je ne crois pas trouver deux fois une occasion de surprendre la: 
nature sur le fait, 


Je relournai à la Soufrière en avril, accompagnant S. A. Co- 
chrane et sa demoiselle. L’est-sud-est présentoit encore des chan- 
gemens notables. Il nous fut définitivement impossible de péné- 
trer dans la première caverne, parce que de formidables fume- 
rolles s’éloient ouvertes à son entrée ; tandis que sur le plateau, 
le pont de la fente de la caverne étoit impraticable, depuis qu’une 
fumerolle s’'étoit étendue jusqu’au quart de la hauteur de la mon- 
tagne, dans cette partie, et que les plantes y étoient flétries à 
une grande distance. Depuis ce temps, il a fallu renoncer à 
descendre par le nord, et par conséquent visiter la caverne, jusqu’à 
ce qu’une éruption répète, dans cette partie, le phénomène 
arrivé-en l’an VI, ou que les feux souterrains, s’éteignant tout 
à coup dans cette direction , aillent se rallumer vers un autre 
point qui me paroît devoir être l’est. 

Arrétons-nous ici, et résumons ce que nous n'avons fait que 
raconter. 


L’éruption de l’an VI eût été complète, si la lave eût coulé ; 
du reste elle a été accompagnée d’éruption d’eau , de cendres et 
d'énormes quartiers de rochers ; une partie du plateau a été 
projetée à une grande distance : qu’en est-il résulté ? un bruit 
épouvantable. En mars 18r1 , nous avons vu la Soufrière mena- 
cer de prendre le caractère de volcan- ouvert , et ce n’est qu’en 
1812 que Saint-Vincent a été frappé, tandis qu'en 1812 la 
Soufrière n'a reçu que le choc secondaire. Dans tous les cas, 
la Soufrière ouverte de toutes parts, ne présente pas une résis« 
tance proportionnée à la puissance qui agit. Il y aura sans doute 
des éruptions partielles ; nous en serons inquiets, tandis qu’elles 
ne seront pa$ plus dangereuses que les précédentes , et que nous 
en serons quiltes pour la peur et le bruit, 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES 


Rlraass. 


è 31là 35. 


Mlr5la midi. +2450là 4 m.#+-13,25|L2},50 à 7m... 


: 3ofà midi. +421,75|à 54m. —+10,25|—o2r,75|à 9 m ..... 
Æ23,40{à 51m.—ro,oo|+23,25 à 94 m....... 764;38là 35... 


K Moyennes.+23,36| E 


D 2 TTL ED EMEA UNE EL & QU 


CENTIGRADE. 


PRO." “CONS NS 
| Maximum. | Minimum. 


a Mrpr. Maximum. 


heures. © | heures. ° haures. mill. | heures. 
1135. “20,00! 4 +m.—+ra,00|20,00|ù 105 S.......706,68|à 4 Lm.... 
ol midi, +2r,40/à 42m. 9,25|2r,40jà 9 m......... 76G,08| à 9 à Sous. 
3la3s. +23,75|à 4 Lim. 13,70 22,00|à midi, ....... 765,38|à 4 : m.. 
4[a midi. 425,50 à4im.—+ir,25| 5,501 7 m......... 763,04|à 10 15.... 
5là midi. +30,00|à 4 £ m.H-14,25| 30,00 A4 aimer. .75070|a13entsl LL. 
élà midi, +18,75 à9+ s. 11,50 + 18,79 à 11 i Serre 753,02 à7 im PATIO 
7la3s. +H18,90/à4£m.+ 9,75) +17,50à 10% s....... 759,60|À 4 1m....s.. 
814 midi. +20,40|à 4 Lm.+ 7,25|H20,40|à 45 me....... 757,20|À 10 5... 
ola3s +19,90|à4im.#+4 9,79) 418,60! 9 3 Seesree.797,90|à42m....... 
tola3s. +#22,50|à 45 m.+10,00| +21,29|à 7 Messe. 797,62|à 945... 
1rfà 104 im-10,50|à 4 À m. +1290|+ 719,101 4 % Mm....... 753,70 | a5 sente oui 
M\rolà midi. #416,29|à 4 2 m.+10,10|+-16,29 à6 TS--oor.se 703, 30|À 4m... 
dlsslamidi. +r18,90|à 42 m.+12,0c|+L16,00|à 10 Songe 761,56! à 45 m....... 


23,75 à4 3 m.+13,50 or ,5olà 10 5........765,14|à 4 i m.... 
+....705,82265....... 


—-12,06[+-22,56| 
RECAPITULATION. 
Millim, 
Plus grande élévation du mercure. .... 7(6°34 le 25 
Moindreélévation du mercure......... 749,64 le 12 
Plus grand degré de chaleur......... +30.00 le 5 
Moindre degré de chaleur........... + 725le 8 
Nombre de jours beaux...... HI 
de couverts.........…. 5 
de pluie........ Hébaines 10 
devent...-.......... OI 
de gelée: 3-0." © 
de tonnerre......... 100 
de brouillard.......... 9 
de neige.........-.. o 
depréleR retient o 


MinrMun. 


. 


A 
MIDI. 


mill | mil, 
763,621764,64 
764,50/765,46 
764,241765,56 
757,70]761,06 
752,24|753,90 
751,16/751,34 
75970|796,24 


--799,604|796,14 
.756,121757,00 


756,12 79728 
749,64[75 044 
749,80/791,04 
724:04|797:04 
762,64|764:76 


...703.40[765,12 


Él16la midi. +28,75|à 4 3 m.+1475|06,75là 4 3 m....... 759,50|à 52 s..... »+.792,021755,94 
Mlrrlaros. “H21,25/à 5m. “130c|-+20,90!à 10+m....... 761,3|à 5 m. +... 758,641760,40 
Dlrgla ds. 22,505 m. —11,25|29, 10 àU+m........761,00/à gs...... 758,00[760,50 
\|19 à midi. 926,001 5m. “+-12,79| 425,00 à 105..... ...797,12|à midi. ...... .753,721799;72 
|oo1x3 s. “+r22,50|À5m. -14,40|-+21.00|à 9 À Se... 799,64|à 5 me... .-758,00|759:00 
É2rlà midi, H23,25/1 5m. 12,50|+:3 29|à 10 m........799,64|à 6 35s..... 756,40|759:46 
Hlolx3s. “26,601 5m. +16,25| +25 10/8 m.........757,48|à9L s........755,68|750,74 
Hl3la3s. “H+26,00/ù5m. —ÆH16,50|+25,50|à 105.........701,66|à 5 m...... 756,08|758,30 
Mloqalh3s. “<22,50|15 m. +H15,00|22,25/à 9 4 s........766,12|à 5 m. .......763,40|765:36 
D |25là 215. Ho4,50oà5m. + 9,75|L23,90)à 104 m....,.766,34|à 9 45... 763,60|766,00 
Hl26lazs. “L28,40là5m, —+12,50|-L27,00 à 95S.+......764,56|à 5 m.,....,..762,96|763;,90 
É|27la is. —<20,50[15m, +14,50|4-20,00 à 5 in.........764,10 19% s........7060,02|763,00 
N 12811 midi. +26,25|à 5m. 416,00 L28,25/à 9 m..... +...759,60|à 6 S...,...... 75704|759,40 
H\2olà midi. H21,60|à 5 in, 414,40 +21,60 à BRs-eeurere 762,16|à 51 m..... 759,30|761 ,0ù 


.-764,50|à 5 À m..... -.763,24|764,20 


763,14|763.804 


NI.” 


756,10/750,75| 21,3 


Nora. Nous continuerons cette année à exprimer la température au degré du thermomètre cen: 
centièmes de millimètre, Comme les observations faites à midi sont ordinairement celles qu'on 
le thermomètre de correction. À la plus grande et à la plus petite élévation du baromètre 
conclus de l'ensemble des observations, d’où 1l sera aisé de déterminer la température moyeure 
conséquent, son élévation au-dessus du niveau de la mer. La température des caves est égale ment 


| 
| 


À L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARIS. 


AOUT 1815. 
3 <S 
«Ave. POINTS VARIATIONS DE L’'ATMOSPHERE. 
a VENTS. 
ñ LUNAIRES. 
“Jos LE MATIN, A MIpl. LE SOIR. 
1] 721N. Couvert. Couvert. Beau ciel. 
21 72 [N-O. Nuageux, brouillard,| Nuageux. Couvert. 
3 79| Idem: Nuageux, Couvert, * {Beau ciel. 
4l 7 E. Beau ciel, brouillard.| Nuageux, Liem. 
5! 69 |S-E. NL.à7h7m.| Légers nuages, br. Idem. Nuageux, pl. etécl. 
6| 74 IN-0O. Lunepérigée. | Pluie. Idem. Beau cicl. 
7| 67 ldem. Pluie fine, Idem. Idem, 
8| 70 |S-E. Nuageux, brouillard.|Couvert. Tdem. 
9 64 IN-E. Couvert. Nuageux. Nuageux, 
10] 69 |N-O. Nuageux, Idem. Idem. 
11, 69 |[S-0. P.Q.àrib2#s. Couvert, Couvert, Pluie. 
12] 74 |0. 14. , pl. av. le jour.| Nuageux. Pluie à10h. 
131 7: | dem. Nuageux. Idem. Nuageux. 
14| 87 N-0. Idem. Petite pluie. Idem. 
15] 80 |O. Couvert. Nuageux. Beau ciel. 
16| 79 [S-O. Nuageux, lég. brouil.| Zéem. Nuageux. 
17| 66| Idem. Nuageux. ‘ Idem. Idem. 
18| 609 |[O. Idem, Iég.brouill. | Idem. Idem. 
19| 66] Tiem. Lune apogée. [Nuageux , tég. brouil.| Zgerz. Idem. 
50| 64|._ Idem. |P.Läoh20'm. Nuageux. Idem. Légers nuages. 
21| 62 NO. Idem, Idem. fau) Jéem. 
22| 79 [5-0O. Pluiefineà 8h. Quelques éclaircis. |P/uie. 
53l 6ol Idem. Couvert. Très-nuageux. Nuageux, pl. à 8h. 
24] 70 |0. Pluie fine. | Couvert, Beau ciel, 
5] 7o |[S- Beau ciel, brouill.  [Très-beau ciel. Idem. 
26| 72 |5-O. Nuageux, Nuageux. Nuageux. 
27 2 [Se D.Qrob26”.s|  Z4em , léger br, Quelques nuages. Beau ciel, 3 
28] 71 [0. ; Nuageux. Couvert, Petite pluie parinterv.|# 
2g| 65] dem, Idem. Nuageux. Nuageux. 
301 65] Idem. Beau ciel. Idem. Beau ciel. 
31] 62 |S-E. Légères vapeurs, Petits nuages. Légers nuages. 
Moy. 71 - RECGA PET U LA T.1O:N. 
INÉRS ones" 
INSEE eeeee- PURE 
Dosocoanse Dr I 
Jours dont le vent a soufflé du Le rare DES 3 4 
Se Je Eee 1 THE 6 
DT eco 
NEO Tree 7 


Therm. des caves 


centigrades 


5 Jen ES r20;100 


le 16 12°,110 


O Les, 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 25""0— 6 lig. 4 disièmes, 


tigrade , et la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, c'est-à-dire en millimètres et 
se généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromètre, on a mis à côté 
et du thermomètre, observés dans le mois, on a substitué le z7aximun et \e rrinimum moyens, 
du mois et de l'année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoire de Paris et par 
exprimée en degrés centésimaux, afin de rendre ce Tableau uniforme, 


‘220 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


à 
ESSAI 
D'ANALYSE COMPARATIVE 


SUR 


LES PRINCIPAUX CARACTÈRES 


ORGANIQUES ET PHYSIOLOGIQUES 


DE L'INTELLIGENCE ET DE L'INSTINCT ; 
Par L. CHIAVERINI, 


Du Collége de Naples, Professeur de Médecine; Membre de la 
Société Royale Académique des Sciences; de celle de Médecine, 
et de l’Athénée de Médecine de Paris. 


A Paris , chez Adrien Égron , Imprimeur , rue des Noyers, n° 37 ; Gabon; 
Libraire, place de l’Ecole de Médecine, n° 2. ( 1815). 


Préface. 


Depuis que la raison humaine, affranchie des présomptions 
de l'autorité, et désabusée des artifices des sophismes, et des 
prestiges de l'imagination, a désavoué l'innéité des idées, et de- 
puis qu'on a commencé à examiner les ressorts mécaniques et la 
progression empirique de la pensée, la Psychologie a établi avec 
la Médecine, l’Idéalogie et la Législation même, une commu- 
nication de principes sûrs et d’utiles applications. Ainsi, une 
analyse comparative des caractères organiques et physiologiques 
de l'intelligence et de l'instinct pourroit maintenant promettre 
tout-à-la-fois de l'intérêt et de l'agrément. 

J'ai pris à tâche d’essayer cette thèse. Je sens bien que je suis 

Æncore 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. . 237 


encore exotérique en Histoire naturelle, et qu’en écrivant en 
France, j'apporte de la poterie à Samos ; mais je ne puis pas 
résister au devoir d'offrir un hommage aux illustres Académies 
qui m'ont fait l'honneur d'inscrire mon nom. 


On a beaucoup écrit sur l'instinct; mais on l’a fait ou d’une 
manière historique seulement, ou dans des vues purement ascé- 
tiques, ou dans un esprit tout-à-fait métaphysique. Il falloit ce- 
pendant rapprocher des corditions et des phases de l’organisa- 
tion animale les phénomènes intellectuels et instinctifs, pour er 
définir les caractères essentiels, et pour apercevoir les nuances 
et le progrès de leurs rapports réciproques. Les recherches des 
zoonomistés et les spéculations des idéologistes modernes, ont 
accumulé des matériaux, et ont tracé le dessein de cette branche 
de l’Anthropologie; je ne fais maintenant que profiter de leurs 
L'avaux, pour en déduire des principes capables de m'éclairer 
dans cet objet, sur lequel je trouve encore du vague et du dis- 

enuliment. 

D’après cela, je n'ai pas la vaine ambition de rechercher la 
zature de lame, ni le procédé intime de ses fonctions : cette 
question n’est point de mon ressort. Je mé borne ici à considérer 
en général les organes de l’ame et leur influence sur les opéra- 
tions de celle-ci. 

On convient aujourd’hui que les progrès de la science psy- 
chologiquenécessitent la rectification de son technicisme. Je n’ose 
porter la main à une néologie scientifique, qui exige une grande 
pénétration , habileté et justesse de l'esprit; mais je ne puis m’em- 
pêcher de me permettre une modification de quelques termes, 
pour exprimer la distinction d'idées, que je crois puisée dans les 
faits; et pour éloigner, autant que possible, l'amphibologie. Je 
soumets à la critique cette modification de mots, loin de vou- 
loir en imposer l'acceptation. J'ai écrit avec concision, afin 
qu’on puisse, sans détour et sans illusion, saisir le vrai ou le 
faux des énonciations, pour les admettre ou les rejeter. On ne 
doit pas s'attendre à un luxe d’éloquence dans un ouvrage du 
genre didactique; et comme il m’a fallu écrire dans une langue 
qui ne m'est pas assez familière, il m'a été difhicile de traduire 
mes idées avec précision et élégance. 

Je divise ce Mémoire en trois chapitres : dans le premier, 
je rappelle les principaux reliefs anatomiques du système ner- 
veux et des organes des sens; je considère, dans le second, 
les fonctions principales et la progression de l'intelligence chez 


Tome LXXXI. SEPTEMBRE an 1815. FE 


222 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


l'homme; dans le troisième, jefais une analysesommaire des traits 
anatomiques et physiologiques de l'intelligence et de l'instinct, 
dans la série des différentes classes d'animaux, afin d'observer 
S'il y a des lignes de démarcation, ou bien des points de conti- 
guité, ou de transition dans leurs facultés. 


CHAPITRE PREMIÉR. 


$ Ier. Pour procéder avee ordre et précision, autant qu'il 
m'est possible, dans l’exposition de ces recherches, et afin de 
nous entendre, je dois faire précéder quelques données anato- 
miques, d’ailleurs bien connues ; et je dois fixer certaines signi- 
fications physiologiques qui me semblent encore capables d’en- 
tretenir Pambiguilé et l’indécision dans nos raisonnemens. Je 
débute donc par des autorités, non du Péripate, mais de deux 
grands analystes des organes et de la progression de la pensée. 
« On pourroit penser, d’après cela, qu’au fond toutes les parties 
du système nerveux sont homogènes et susceplibles d'un certain 
nombre de fonctions semblables, à peu près comme les frag- 
mens dun grand aimant que l’on brise deviennent chacun un 
aimant plus petit, qui a ses pôles et son courant ; et que ce sont 
des circonstances accessoires seulement, et la complication des 
fonctions que ces parties ont à remplir dans les animaux très- 
élevés, qui rendent leur concours nécessaire, et qui font que 
chacune d'elles a une destination particulière (1).» — « Le ju- 
gement, la réflexion, les passions, toutes les facultés de l'ame 
ne sont que la sensation transformée (2). » Ç 


S IF. Avant de tirer le parti que je me propose des citations 
précédentes, il faut présenter une idée, descriptive au moins 
sinon définitive, des mots sensibilité et sensation , pour com- 
mencer à éloigner l’équivoque et les contestations. Une altéra- 
tion quelconque excitée sur une partie d’un animal vivant ver- 
tébré, par exemple, se communique instantanément à toutes les 
autres parties du corps, et se concentre au cerveau plus qu'’ail- 
leurs; d’où résulte un changement subit dans Pétat et dans 
l’ordre actuel des fonctions de l'ame, ce qui quelquefois déter- 
mine des mouyemens volontaires. Cette faculté ou propriété de 
recevoir et de concevoir immédiatement des excitations plus ou 


(1) Cuvier, Lecons d'Anat. comparée. 
(:) Condillac, Art de penser. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 223 


moins locales, et de les propager rapidement à tout le reste du 
corps, de l’accumuler dans le cerveau, et d’en occasionner des 
mouvemens musculaires, appartient exclusivement au système 
nerveux, et se manifeste d'une manière éminente dans les ani- 


maux nerveux. Elle a été nommée en général sensibilité, exci- 
Zabilité nerveuse. 


A. Ces vérités (S Ier) déjà posées, on peut modifier un même 
terme général, pour exprimer les modifications principales d’une 
même propriété et d’une même fonction, communes et primi- 
tives. Ainsi, z, l’excitabilité du système nerveux, jusqu’à pré- 
sent dite indistinctement sensibilité (S IL), je l'appelle sez- 
Silité; la fonction générale de la sensilité, ses; lui-même, 
système sensile. Donc la sensilité et le sens sont la propriété 
et la fonction fondamentale et générale du système nerveux. 
— 2. La sensilité des organes, dans lesquels les extrémités des 
nerfs subissent une modification spécifique, je Pappelle propre- 
ment sensibilité; sa fonction locale, sezsion ou ämpression ; 
organe même, sensible. Le mot sensibilité donc n’exprime 
que la sensilité spécifique ou modifiée des organes des sens. 
— 3. Je nomme sensitivité la sensilité spécifique ou modifiée 
da cerveau; sa fonction proprement, sensation ; l'organe même, 
Sensorium, et son adjectif, sezsétif. Donc, par le mot sensa- 
tion on peut désigner le sens spécifique composé et central du 
sensorium. — 4. La sensilité spécifique des viscères et d’autres 
organes influencés immédiatement par le système du nerf tris- 
planchnique, je l’appelle sensualité : elle est la base des appélits 
fondamentaux. 


B. — 1. D'après cette signification, la sensation proprement 
dite n'appartient pas aux animaux acéphales (x), et bien moins 
aux plantes. — 2. Puisque le sensorium rapporte l'origine de 
la sensation à l'organe qui a recu l'impression , le terme sen- 
sibilité, accordé aux organes qui recevant l'impression excitent 
da sensation, peut signifier ici la capacité d'être senti, comme 
Buisson l'a remarqué. — 3. Le terme général sensilité peut mieux 
indiquer la faculté commune et fondamentale du système ner- 
veux; tandis que le mot susceptibilité est trop universel, appli- 


——————————_———————_—— 


(1) J'entends par animaux acéphales ceux qui n'ont pas de cerveau; et par 
céphalés, ceux qui ont un cerveau. 
Ff2 


224 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


cable même aux corps inorganiques : celui d’excitabilité est 
commun à toutes les parties des êtres vivans. 


C. Comme les termes sensible et insensible, à l’égard de la 
contractilité, ete., donnent désormais une idée équivoque, 1n- 
compatible avec la rigueur de la philosophie physiologique, on 
peut changer le nom composé de contractilité insensible avec 
celui de Zonicité ou ton, el ceux contractilité et de contraction 
sensible, avec ceux de confractilité et de contraction simple- 
ment. Pour éviter le même inconvénient, on peut substituer au 
terme de contractilité et contraction animale, celui de contrac- 
tilité et contraction volontaire, et à celui d’organique, celuï 
d'automatique. Ainsi je préfère le terme simple sensation à 
celui composé de sensation animale, et celui de sens à celui 
de sensation organique; enfin je crois plus propre d'adopter les 
mots vie automatique et vie sensitive, plulôt que ceux d’orga- 
nique et d’animale. 

$ IIT. Toutes les parties de l'organisme possèdent la dispo: 
sition organique à concevoir, immédiatement ou par communi- 
cation, un mouvement ou excitation toute propre, à l'occasion 
d’un contact ou application d’un stimulus: cette disposition or- 
ganique s'appelle en général excitabilité. Elle est l'expression 
immédiate du ton organique, ou tonicité, c’est-à-dire une es- 
pèce de densité ou attraction organique entre les élémens des 
fibres, et soutenue par le courant galvanique. Cette tonicité ou 
excitabilité est très-obtuse dans les os, les cartilages, peu à peu 
avancée dans les parties molles en général, et enfin elle est la 
plus exaltée, la plus visible et la plus énergique dans les fibres 
musculaires, et la plus prompte et la plus délicate dans les 
nerfs. Ainsi les nerfs sont le plus promptement, les muscles 
le plus fortement excitables, tandis que les os, les cartilages, etc. 
le sont très-peu. Ainsi la tonicité est la propriété fondamentale 
de tous les organes élémentaires et primitifs de organisme : le 
degré le plus manifeste et énergique de la tonicité est la’ con- 
tractilité (ou irritabilité) : elle est l'expression générale et ra- 
dicale de la vitalité inhérente à chaque fibre élémentaire de 
l'organisme; tandis que le degré infiniment petit de la tonicité 
daus les os, les ongles, les cornes, les dents, les coquilles, etc. 
se rapproche de la dureté des phosphates, des carbonates, etc. 
calcaires bruts. 

A. L’excitabilité générale se trouve modifiée dans les. par- 
ties’ différentes de l'animal; et cette modification tient à la 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 225 
composition chimique et à la disposition physique des parties 
mêmes. 

$ IV. Il est certain que les nerfs entretiennent une com- 
munication d'énergie, une diffusion d'excitabilité entre tous les 
organes de l'animal. On ne peut désavouer ni méconnoître 
la présence et les effets du galvanisme, qui affecte un fond 
d’analogie incontestable avec l'électricité générale, dont le 
galvanisme semble une modification travaillée dans l'animal 
même. On connoît déjà la propriété éminemment anagalva- 
nique de la substance nerveuse. C’est done le fluide nerveux 
où galvanique, qui soutient le ton organique ou excitabilité. 
Cette électricité animale semble se répandre à l’aide de la subs- 
tance du système nerveux; ces ganglions en général, et en 
particulier la substance grise du système nerveux, semblent 
en être les élaborateurs, les condensateurs, les réservoirs, les 
conducteurs immédiats. Le professeur Geoflroi S. Hil a dé- 
montré que la partie essentielle des organes ou batteries élec- 
triques de la torpille, du gymnote engourdissant, du silure 
trembleur, est toujours le concours d'un nerf quelconque bien 
développé (r). 

A. Comme la diffusion paisible du galvanisme ou de la force 
nerveuse produit ou soutient la tonicité , et comme un excès de 
galvanisme , dirigé sur quelque série de muscles, produit le 
mouvement volontaire ; 1l est plausible d'envisager la contrac 
tion musculaire comme un excès plus ou moins temporaire du 


ton musculaire ; et celui-ci comme l'élément de la contraction 
musculaire, 


-B. Onsait que la contraction musculaire en général n’a besoin 
que de la continuité de la substance et de la propriété anagalva- 
nique ou conductrice des nerfs, pour en recevoir l’action tonique 
et contractile (4.) ; tandis que l'intégrité du mécanisme des sen- 
sations nécessite aussi l’intégrité de l'organisme intime des nerfs; 
car si l’on coupe et si l’on fait réunir et cicatriser les deux bouts 
d’un nerf qui se porte seul à quelque muscle volontaire, celui-ci 


SR —————— —  ————————— — —————————————————— — —— —— ————————— "© 


(1) Si même, selon Jacobson, dans la raie cet appareil est un organe du tou- 
cher , il n’en est pas moins un organe électrique : 1l peut avoir la faculté élec 
trique également et la sensible. ‘l'ous les appareils des sens sont peut-être aussi 
des appareils galvaniques. Cette idée, originaire du célebre Pr. N: Andria > 
sera développée ailleurs. 


226 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


conserve ou acquiert de nouveau la faculté contractile jusqu'à un 
certain point ; mais il ne recouvre pas sa sensibilité, 

S V. Tous les phénomènes des corps vivans se décomposent 
en deux fonclions radicales, savoir, sens. et mouvement : les 
proprielés communes et élémentaires correspondantes sont la 
sensilité et la contractilité ; et celles-ci sont inhérentes, la pre- 
mière au système nerveux, la seconde aux fibres musculaires, 
quels que soient leurs rapports d’influence et de dépendance 
réciproques. La contraction et la turgescence ou le relâchement, 
sont les formes radicales et communes de tout mouvement orga- 
nique, c’est-à-dire, des fibres élémentaires dont le mouvement 
ne peut être que contraction et relâchement, ou turgescence : 
c'est un phénomène de chimie vitale. Les formes secondaires 
et spécifiques du mouvement de chaque organe compliqué, 
tiennent à la forme extérieure , à la direction , à la complexion, etc. 
des fibres composantes : c'est un procédé de la mécanique 
auimale. 

Æ. Si l’on remarque des phéaomènes semblables de sens et de 
contraction dans les animaux sans système nerveux et muscu- 
laire apparens, et si on les entrevoit même jusque dans les 
plantes , on doit supposer que ces êtres ont des systèmes sensile 
et contractile tout particuliers : donc ils peuvent jouir d’une sen- 
silité et d'une irritabilité ou contractilité quelconques toutes 
propres ; et ainsi ils peuvent sentir d’une manière spéciale, comme 
ils jouissent d’un mode de circulation et de respiration tout parti- 
culier, par des systèmes circulatoires et respiratoires tout diflérens 
de ceux des animaux (1). Il n’est donc pas nécessaire, ou plutôt il 
n’est pas possible ni régulier qu’ils aient des systèmes nerveux et 
musculaires analogues à ceux des animaux à système nerveux 
et musculaire visibles ; car, même dans ceux-ci, nous voyons les 
phénomènes du sens et du mouvement volontaire exécutés par des 
systèmes nerveux et musculaires évidemment modifiés , dégra= 
dés, dans leurs classes différentes (2). 


(:} Les systèmes de sensibilité et d'irritabilité des plantes seroient-ils la 
parue médullaire , et la partie fibreuse pas encore convértieen bois qui se gal- 
vaniseroit mutuellement ? (J’oyez J.-C. Delamétherie, Considérations sur les 
Ætres organisés, tome Il.) 

(2) Le docteur Lamark, dont j'admire l’esprit synthétique, objecte des ar- 
gumens, qui, au lieu d’infirmer, confirment au contraire l’opinion que les 
mouvemens de certaines parties des végétaux ne sont que des signes d’une irri, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 22 

$ VI. Les ganglions du système trisplanchnique ou viscéral, 
ne peuvent pas être la seule des causes qui dérobent à la perception 
ou conscience le sens et le mouvement; c’est-à-dire, ils ne sont 
pas la seule cause qui isole en quelque manière le sens et le mou- 
vement automatique de la conscience et de la volition. Car, 
— r. des organes du système trisplanchnique reçoivent aussi des 
filets nerveux directement du cerveau; — 2. un stimulus fort et 
extraordinaire , l’inflammation, l’irritation intense dans ces or- 
ganes , excitent la sensation; — 3. la respiration des amphibies, 
la rumination sont tout-à-fait volontaires , quoique leurs organes 
reçoivent les mêmes branches du même trisplanchnique, comme 
dansles autres vertèbres ;— 4. on a réussi quelquefois à contracter 
la faculté de vomir à volonté ; — 5, la huitième paire cérébrale qui 
se distribue à l'organe vocal , a des ganglions ou des plexus, sans 
être pour cela moins volontaire ; et celui-cimême, par ses anasto- 
moses nombreuses avec les autres deux nerfs sympathiques, est 
à même de participer aux sentimens de Here , et de les 
exprimer par la voix non moins que par la p ysionomie active; 
— 6. les poissons n'offrent pas de ganglions dans les anastomoses 
du trisplanchnique avec les paires vertébrales; — 7. Bichat lui- 
même avoue que la sensibilité organique peut s'élever à la sensi- 
bilité animale ; —8. les animaux à sang blanc n’ont pas de moëlle 
épinière proprement, mais un nerf trisplanchnique ou gangliaire, 
qui donne des filets nerveux aux viscères et aux membres, c’est 
ä-dire, aux organes automatiques ainsi qu'aux volontaires. On 
peut donc conclure que, selon le plan d'économie générale de 
Ja nature, qui est de coordonner et d'employer plusieurs causes à 
Ja production d’un effet, les causes qui concourent plus ou moins 
à la volontariété ou involontariété des mouvemens musculaires, 
et à la sensibilité ou insensibilité des organes, peuvent être non- 
seulement la présence ou l'absence des ganglions, mais aussi la 
différence de constitution intime des organes , qui les rend plus 
ou moins exposés à l'action ou à la réaction du sensorium ; 
l'habitude , qui efface plus au moins la sensibilité et la volonta- 


tabilité et d’une sensilité toutes propres aux végétaux ; que les propriétés vége- 
tales sont rudimentaires de celles des animaux ; que les fonctions des êtres 
vivans ont leurs élémens dans les fonctions générales de la matière; que le mé- 
canisme de la vie proprement dite n’est qu'uné complexion des furces simples 
et initiales de la Physique et de la Chimie générales : ce que je me propose 
d'analyser ailleurs, 


228 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

riété innées des organes; et la différente intensité des impressions 
et de la volition. Enfin la sensitivité ( la sensilité cérébrale) et la 
sensualité (sensilité trisplanchnique) sent identiques, et sont 
#‘ransitives lune à l’autre. 

a. Déjà on pent entendre que l'excès d'irritation dans les vis- 
cères du système trisplanchnique peut exciter la sensation, et que 
la passion ou excès de volition apporte une réaction dans les 
organes du système trisplanchnique. 

$ VII. Les nerfs trijumaux (la cinquième paire cérébrale ) 
donnent des filets de communication à l'iris, aux narines, à la 
langue et à tant d’autres parties de la face, qui cependant dans 
la langue sentent les saveurs, qui dans le nez peuvent sentir les 
odeurs , et qui dans l’iris sentent indirectement la lumière. — Le 
nerf optique ne peut sentir par l'œil que les rayons lumineux ; 
l'acoustique ne peut sentir que le son par l'appareil auditif, etc. 
Dans les poissons , des branches de la cinquième paire peuvent 
servir au goût, car l’hypoglosse manque. Le trisplanchnique même 
donne des filets à l'estomac, au foie, etc.; cependant la douleur 
aiguë dans le gastritis est ordinairement bien différente de la cou- 
leur obtuse dans l’hépatitis, ete. Donc la cause primitive orga- 
nique de la spécificité des sensations est, — 1. la spécificité de 
l’organisation des organes sensibles , qui sont disposés à modifier, 
à recevoir et à transmettre aux nerfs cree BA l’inpression 
spécifique de certaines propriétés des corps extérieurs ; — 2. la 
modificabilité spécifique de chaque nerf intermédiaire à organe 
sensible et au sensorium. Les nerfs peuvent être originairement 
disposés à recevoir indifféremment les impressions des propriétés 
des corps extérieurs ; mais, par l’intermède des organes sensibles 
spéciaux , ils ne recoivent que l'impression de telle propriété, et 
non des autres; et pour cela, ils s’habituent à recevoir par les 
organes correspondans , et à transmettre au sensorium telle, et 
non pas nne autre sensalion : ils subissent donc une modification 
habituelle desensilité, et par là une inflexion de leur organisation; 
— 3. la sensilité compliquée et concentrée du sensorium, est la 
raison de la concentration et de la perception de tant de sensations 
Spécifiques diflérentes. 

a. Le docteur Gall, qui a toute la déférence pour le cerveau 
et les nerfs dans les sensations , ne peut pas s’empécher de dire : 
« Puisque cette paire de nerfs ( la cinquième) se divise en un 
si grand nombre de branches qui ont des fonctions diverses, qui 
se répandent tantôt dans les parties du mouvement volontaire, 


tantôt 


“£T D'HISTOIRE NATURELLE. 229 


antôt dans celles du mouvement involontaire, et qui tantôt sont 
affectés à un sens spécial, comme celui du goût. ...» Donc on 
peut déduire évidemment , que la spécificité ces sensations tient 
en premier lieu à la spécificité de structure de chacun des organes 
sensibles. 


A. La septième paire (portion dure de l’acoustique) , et par- 
ticulièrement la cinquième, cérébrales, anastomosées et éparses 
immédiatement dans tous les organes sensibles et motiles de la 
face, produisent dans les traits É celle-ci une altération plus ou 
moins fugace ou permanente, correspondante aux aflectious plus 
ou moins fugaces ou permanentes du sensorium et du trisplanch- 
nique. Cette physionomie s'annonce dans l'état sain, non moins 
que dans l’état pathologique; elle peut être nationale et indivi- 
duelle. Cela prouve que la manière et l'habitude de sentir , de 
penser, d'agir, influe à son tour à imprimer dans l'homme des 
iraits organiques superficiels, et à donner une inflexion particu- 
lière aux fibres composantes. 

B. La huitième paire cérébrale, qui sympathise par ses nom- 
breuses anastomoses , particulièrement avec la cinquième, la 
septième et le trisplanchnique, va presque seule sur l'organe vocal: 
elle est donc àmême de participer à tous les sentimens intimes de 
l'animal, et de les énoncer. La voix est commune à tous les 
animaux à poumons : Jes animaux possèdent la faculté de donner 
à leur voix quelques inflexions; elle est bien remarquable dans 
quelques oiseaux imitateurs ; mais l’homme seul jouit du plus 
haut degré de la faculté de donner à sa voix des articulations, 
des modifications infiniment nombreuses , correspondantes au 
nombre de ses idées. 


$ VIIL. Dans l'organisme, toutes les parties ont une connexion 
médiate ou immédiate entre elles: ainsi, elles se communiquent 
mutuellement l'excitation, c’est-à-dire , elles sont consensuelies ; 
elles ont une coordination de leurs fonctions, un ensemble de 
résultats , l’unité ou la conspiration à un but, soil-il prévu et pré- 
ordonné, ou bien éventuel. Il s'ensuit que l’altération dans un 
organe peut exciter et communiquer une altération consensuelle 
dans les fonctions du sensorium. Le cerveau et le nerf trisplanch- 
nique se communiquent réciproquement l’excitation : ainsi, la sen- 
silité du sensorium et celle du trisplanchnique sont congénères, 
communicables, transitives (SVI ). 


$S IX. Si le sensorium avoit une organisation parfaitement 


Tome LXX XI. SEPTEMBRE an 1815. Gg 


230 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


homogène, il ne pourroit s’y exécuter qu’un mouvement homo: 
tone, qui n’y pourroit représenter des sensations différentes; par 
conséquent la comparaison des idées et la détermination des vo- 
litions différentes seroient impossibles. Donc le sensorium doit 
être un organe individu, mais compliqué, résultant des extrémités 
des nerfs des organes différens. Ce n’est que cette convergence des 
nerfs d'organes divers qui explique la concentration des impres- 
sions variées, nécessaire pour l'unité et pour l'identité de la 
conscience dans les sensations et dans les volitions simultanées et 
successives ; cet organe central ou sensorium peut-être lui-même 
lorgane immédiat d’un 720ù immatériel, qui ne pourroit avoir 
une aclion réciproque avec les organes différens subalternes, qu’à 
Paide d’un organe central et commun : celui-ci peut être l'organe 
commun et primitif d’autres centres nerveux des organes des sens 
et des organes des dispositions innées du docteur Gall, quand ils 
serolent avérés. 

Æ. Quelquefois un poulet à peine décapité, une oiïe , un reptile, 
privés de cerveau, exécutent des mouvemens ; mais ceux-ci sont 
incertains et irréguliers, dus à la sensation et à la volition locates 
(S XIT. 4.) et à un résidu d’habitude. Donc ces phénomènes 
n'excluent pas la nécessité d’un centre nerveux pour les sensations 
et pour les mouvemens volontaires , particulièrement dans les 
vertèbres. 


B. Si l’on est forcé d'admettre plusieurs organes ou plusieurs 
parties différemment organisées dans le cerveau , cela mexclut pas 
celte concentration des sensations et cette unité de la pensée; car 
ce n’est que la connexion médiate de ces divers organes qui consti- 
ue aussi la concentration des nerfs et l’unité de coorganisation. II 
est bien indifférent que le centre de réunion ou de communication 
des nerfs soit un point dans le cerveau, ou bien le cerveau tout 
entier; car ce point n’en seroit pas moins matériel et divisible que. 
le cerveau teut ensemble, 


$ X. Le sensorium représente le plexus ou ganglion commun 
de tous les plexus ou ganglions secondaires et de tous les nerfs, 
qui tous y conslituent cet organe central commun. Les plexus 
nerveux , en général, acquièrent ou constituent une exaltation 
ou condensation de sensilité, par laquelle ils sont GR d’une 
exeltation ou condensation de sens en général; ils forment des 
réunions immédiates des nerfs d'organes plus ou moins éloignés 
entre eux, et ils établissent ainsi une communicabilité immé- 
«liste et réciproque de l’excès d’excitation. Ces plexus done 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 231 
sont en général les ressorts principaux du consensus ou de la 
sympathie. 

aæ. Si l’on veut considérer la partie cendrée du cerveau et des 
ganglions comme l'organe de renforcement et la matrice des 
nerfs, selon M. Gall; cette idée n’exclut pas la mienne, de 
regarder cette même substance comme un organe d'élaboration, 
de condensation, etc., du fluide nerveux. 


Æ. A l’occasion d’une impression, le sensorium représente la 
artie secondaire du consensus ; l'impression locale produit dans 
e nerf intermédiaire une excitation qui, selon l'expression du 
NÉE Tommasini, se répète jusque dans le sensorium, ef 
Sn elle acquiert une forme et une intensité propres à la forme 
et à l'énergie de l’organisation du sensorium même. Les plexus 
subalternes et les organes qui sont en connexion ou dépendance 
avec eux, concoivent aussi par consensus une excitation cor- 
respondante à la forme et à l'énergie de son organisation. Dans 
e mouvement volontaire, le sensorium représente la partie pri- 
mitive du consensus, dont la partie secondaire est représentée 
par les muscles dans lesquels ben volitive du sensorium 
se transforme en contraction, c’est-à-dire en une fonction toute 
Propre à l’organisation de la fibre musculaire. 


.S XI. L’excitabilité, en général, et particulièrement la sen- 
sibilité, peut s’accumuler dans un organe ou système, ou par. 
des causes extraordinaires, par exemple dans le système géni- 
tal de la femme pendant la gestation, etc., ou par développement 
progressif d’un organe ou système, comme du système génital 
dans la puberté; ou par des causes morbifiques, comme dans 
linflammation : alors Porgane, le système où s’aecumule la sen- 
silité , acquiert une prépondérance dans le consensus des fonc- 
tions de la vie. 

a. L'accumulation et la prépondérance de l’excitabilité peut 
être organique et permanente comme dans le cas de la puberté 
à l'égard du système sexuel; dans le sensorium , à l’occasion 
d'habitude à la méditation, etc., ou bien dans des maladies or- 
ganiques. Cette prépondérance d'excitabilité peut être éphémère 
et mobile, comme dans des maladies aiguës et sympathiques, 
dans des affections nerveuses, dans des fonctions extraordinaires, 
comme de quelques impressions ou sensations; dans la diges- 
tion , etc. : car alors l’excitabilité se pos davantage dans 
la partie malade, dans la partie sentante, dans le système diges- 
üf, etc., temporairement. 


Gg 2 


232 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


S XIT. Tous les nerfs participent à la sensation ; car les nerfs, 
en Cconvergeant et en se communiquant dans le cerveau , consti- 
tuent le sensorium : ainsi le sensorium n’est que le centre du 
système nerveux, et la sensitivité m'est que la señsilité spécifique, 
concentrée etcomplexe du sensorium; c’est-à-dire, que la sensilité 
inhérente et répandue essentiellement au système nerveux et à 
chacune de ses distributions et de ses sections, est modifiée spé- 
cifiquement dans l’organisation spéciale des organes avec lesquels 
ses extrémités sont coorganisées. Elle est complexe et exaltée dans 
le sensorium, par la complexion et par l'énergie de cet organe 
même, et par la réunion et par la cominunication immédiate 
des nerfs cérébraux dams le sensorium : ainsi la sensilité spéci- 
fique du sensorium ou la sensitivité (1I..4.) devient une faculté 
capable de concentrer toutes les sensations diflérentes, et de dis- 
poser ou d'exécuter la comparaison et la réminiscence de celles-ci; 
tellement que l’on peut imaginer que la sensilité de chaque nerf 
est simple, et celle du sensorium ou la sensitivité n’est que la 
complexion de la sensilité de tous les nerfs, qui par là est extrême- 
ment compliquée. Les impressions différentes vont se concentrer 
dans le sensorium par l’intermède des nerfs, et là elles occa- 
sionnent la sensation et toutes ses formes de composition ($ IT 
et XVII), comme différens sons simples qui partiroient de di- 
vers points de la base d'une superficie parabolique élastique , 
Par exemple, iroient converger et former une harmonie dans le 
centre ou ombilic de cette superficie. 


Æ. Chaque partie ou membre du corps animal a ainsi presque 
sa sensibilité et sa volonté locales, qui peuvent, jusqu’à un cer- 
tain point, s'exercer à l'insu du sensorium, c’est-à-dire sans con- 
science. Les nerfs isolés dans les astéries et les autres animaux 
sans moëlle épinière et sans cerveau, ont leur sensilité indépen- 
dante. L’excitation locale ou le sens peut se communiquer à tout 
le reste du système nerveux, et occasionner l'unité, la sinergie 
des sensions ou impressions (S II.4.) et des mouvemens des 
aulres parties, sans participaion ou influence de la conscience, 
c'est-à-dire sans sensation et volition sensoriale. 

B..Les nerfs en général sont plus forts et le cerveau plus 
pelit en proportion, dans la série descendante des animaux cé- 
phalés. C'est pour cela particulièrement qu’ils devancent l’homme 
par ka sensilité locale ou sensibilité de quelque organe des sens; 
mais ils lui sont beaucoup inférieurs par la sensitivité , ou sen- 
silité du sensorium, c’est-à-dire par l'intelligence. Le nerf, pat 


—… 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 233 


exemple, olfactif dans le chien, l’ophtalmique dans les oiseaux, 
Pacoustique dans la taupe, etc., sont extrêmement forts, et ces 
animaux ont la sensibilité de l’odorat, de Ja vue, de loue, 
extrêmement exquise. Les céphalés offrent des phénomènes non 
équivoques de sens , qui en dernier résultat d'analyse n’est que 
Ja forme fondamentale et commune des sensations. Les mouve- 
mens d'animaux décapités , et particulièrement des reptiles, ne 
sont pas dus à la seule irritabilité, comme on le prélend : car 
des petits chats, des lapins, etc., décapités, vont quelquefois se 
frotter avec leurs pattes postérieures sur la blessure (1). Ce 
sont donc des preuves incontestables que la sensilité des par- 
ties est homogène et communicable à celle du cerveau; que 
chaque membre a sa sensation et sa volition locales et élémen- 
taires; que la sension ou impression locale peut quelquefois se 
communiquer à tout le reste du système nerveux, et exciter des 
mouvemens musculaires sans participation de conscience; et que 
dans des circonstances ou de monstruosité et de pathologie, etc. , 
ou de constitution originaire dans les animaux acéphales, un 
autre centre nerveux ou sensile, comme la moëlle épinière seule, 
ou les plexus du trisplanchnique, peuvent, pendant un certain 
temps et jusqu'à un certain degré, suppléer à l'office du senso- 
rium, pour la communication des impressions locales, et pour 
la détermination volitive des mouvemens. 


(La suite au Cahier prochain.) 


(1) Poyez Legallois , Expériences sur le principe dè la vie, eu. 


‘294 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
a  ——— 
HAUTEURS 


DES PRINCIPALES MONTAGNES DU GLOBE 
AU-DESSUS DU NIVEAU DE L'OCÉAN. 


EXTRAIT de l’Annuaire présenté au Roi, par le Bureau 
des Longitudes, pour l’an 1815. Chez Mme Ve Courcier. 


j EUROPE. 
Met. Mt. 
Mont-Blanc. (Alpes). 4775 | Sneehaten.(Norwège) 2500 
Mont-Rose. (Alpes.).. 4736 | Monte - Vellino. (A- 
Ortler. (Tyrol). . . 4699 pennins.). 2393 
Fisterahorn. (Suisse.). 4302 | Montagne de “Mezin. 
Jung-Fran. (Idem)... 4180 (Cévennes.). . . . 200r 
Mulahasen (Gr enade). 9555 | Olympe. (Grèce. j: . 1988 
Mont-Perdu.(Pyrén.). 3436 | Lacha.(1dem.) . . . 1968 
Col du Géant.(Alpes.) 3426 | Mont-d'Or. (Er ance.). 1668 
Vignemale, (Pyrén.). 3356 | Cantal. (France.).. . 1657 
Le Cylindre. (Pyrén.). 3332 tre d'Estre. ( Por- 
 Ætna. (Sicile)... 1, 3237 1) + 1700 
- Picdu Midi. (Idem). 2935 | Puy D M (Πrance.). 1658 
Budosch. (Transilv.). 2924 | Wenside.(Yorkshire) 1627 
Surul, (/dem.).. . . 2924 | Hussoko. (Moravie.). 1624 
Legnone. . . . . . 2806 | Schneckoppe. ie 
Canigou. (Pyrénées.). 2781 me.). : 1608 
Pointe Lomnis. CE Adelat. (Suède.). . + 1578 
pats.).. . 2701 | Suœfials-Iokull. CIs- 
Monte - otoAd. Etre) ee Ets 1559 
(Gorse.). . . . . 2672 Mont-des-Géans. (Bo- 
Monte-d'Üro. (Idem. ) 2652 hème.). . 1512 
Lipsze. (Crapats.). . 2534 | Puy-de-Dôme. (Evan) 1477 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. . 235 
Met. Mt. 
Le Ballon. (Vosges.). 1403 | Mont-Erix. (Sicile.).. 1187 
Ponte - Noire. (Spitz- Snowden. (Pays de 4 
berp.) 5. SR". 1372 Galles). . . 1155 
Ben - Ken (Invern- Broken. (Hartz Saxe.) 1140 
shires) SRE NL. 1325 | Sierra de Foja. Para 
Fichtelberg. (Saxe.).. 12r2 garbes.).. , 1100 
Vésuve. (Naples.). . 1198 | Shehelien. (Ecosse.).! 1039 
M'Parnasse. (Spitzb.) 1194 | Hekla. (Islande)... . 1018. 
AMÉRIQUE. 
Met. Met. 


Chimborazo. (Pérou.) 6530 
Cayambé. (Idem.). . 5954 


- Sierra-Nevada.(Mex.) 4786: 


Mont. du beau Temps. 


Antisana(vole. Pérou.) 5833 (côte N.O. Amér.) . 4549: 
Cotopaxi. (vole. 1d.). 5753 | Nevado de Toluca. 
Mont Saint-Elie. (côte (Mexique.). . . . 462x 
N.-E. Amérique.) . 5513 | Coffre dePerote, . . 4088 
Popocalepec. (volean Mont. d'Otaïti. (mer 
du Mexique.). . . 5400 dus.) bte 3323 
Pic d'Orizaba. 5295 | Mont. Bleues.(Jamaï) 2218 
Mowna - Roa. ( iles Volcan de la Solfatara. 
Sandwich.). . . . bo24 | (Guadeloupe.).. . 1557 
” ASIE. 
” Met. Met: 
Le pic le plus élevé du Ophyrile de Sumatra) 3950 
bete ser a ete 7400 | Mont-Liban. . 2906 
Pic de la frontière de ‘Petit-Altaiï. (Sibérie.).… 2202 
Ja Chine et de la Elburs. (sommet du 
Russiehn,. 0401: 535 | Caucase.).. . . . 1762: 
AFRIQUE. 
Met. Met, 
Pic de Ténérifle. . . 3710 | Mont - Salaze. (île 


Montagne de Ambotis- 
mène, (Madagasc.) 3507 
Mont. duPic.(Acores) 2412 


Bourbon.).. . . . 3313 
Montagne de la Table. 


(cap de B.-Espér.).. 1163 


236 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Passage des A'pes qui conduisent d'Allemagne, de Suisse 
et de France en Italie. 


Met. 

Passage du Mont-Cervin. . . . . > NN SATO 

CENP DCR eue: sDatellahe de te 2530 

du col de Seigne.. . . . . . .  246r 

du grand Saint-Bernard. . : : .. 2426 

‘du col Ferret. NN AMAU2I2T 

du petit Saint- Bérnard. HT MOULE LC 2192 

du Saint-Gothard.. . . , . . . 2075 

duMont:Cénts, ANCIENS 2066 

dufSimplomb: Ne TER 2005 

du Splügen. . . . . fes 2 020 

la poste du Mont. Cest EN 1906 

letcaltde Mendes teen RUE _ 179 

les Taures de Rastadt.. . . . . 1559 

abbrennen ete A CNE A420 
Passage des Pyrénées. 

Portide :Pinédet rene MEME . -2b16 

Portide Gavarnie- Meet 2331 

Portide"Cavarére eee 22bg 

Passage de Tourmalet.. « . . . . . 2194 


Hauteurs de quelques Fele habités du Globe. 
Met. Met. 


Métairie d'Antisana.. 4101 | VillagedeBreuil.(val- 
Ville de AN ne léedu Mont-Cervin) 2007 
(Pérou.).. . . . . 3618 | Village de Maurin. 


Ville de Quito. Ré "2008 (Basses-Alpes.).. . 1902 
Ville de Caxamarca. Village deSaint-Remi. 1604 
(Pérou.).. . 2860 Village de Heas. Py- 
Santa-Fé de Bogota. . 2661 rénées.). . . 1405 
Ville de Cuenca. (Pro- Village de Gavarnie. 
vince deQuito.). . 2633 (Idem.).…. + + 1444 
Mexico.. . 2277 | Briançon. . . 1306 
HAE du Saint-Go- Village deParége. (Py- | 
thard. . . 207d rénées.) . . 1290 
Village de Saint- Vé. Palais de Saint: Ilde- l 
ran. (Alpes-Marit.). 2 fonse. (Espagne.).. 1155 


Pontarlier 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 


Met. 

Pontarlier.. . ,:.,:. 828 À Gotha. , , 
Nadrid. MA ee Oo num... ds (ebsiele 
Inspruck . PARA TOR 566 | Dijon.. . s'iele 
Munich... %976n01.71586 Prague. . : . 
Berne VE 1 habrtGessel à Seul 1 
Lausanne. : ; : . 5o7 | Vienne. (Autriche.).. 
Augsbours. 16, ... 475 Lyon... . 1. 
Salszbourg. . . . . 452 | Gottingue. 
Neuwchâtel.. . . . 438 | Milan. (Jardin botan.) 
Plombières. . . . 421 Bologne... . . . . . 
Clermont - Ferrand. Parme: 53e e 

(Préfecture.).… Aïr | Dresde. +: 
Genève... 020 -HO72nINPars. ( Observatoire 
Freyberse tete Royal, rer es 


Ulm. . . . . . . . 369 | Rome. (Capitole.). 
Ratisbonne. . . . . 362 | Wirtemberg.. 
Moscowe ten... 1400 | Beïlins 1, .*. 


Hauteurs de la limite inférieure des neiges perpétuelles sous 


diverses latitudes. 


Met. 
A 0° de latitude, ou sous l'équateur. . . . 4800 
ZOPE NS Ra er veits Me V'Ad dt eMEL ANT 4600 
AMOR Te te Ve AR NL NE DEN 2b5o 
NOONE MENT De ete Vale Rae Et eue ASALETOOO 


Hauteurs de quelques Édifices. 


La plus haute des pyramides d'Égypte. . . 146 


La tour de Strasbourg (le Munster), au-dessus 
dupavé.. . . . . IC CN 142 


La tour de Saint-Etienne à Vienne. . . . 1938 


La coupole deSaint-Pierre de Rome au-dessus 
de la place. . . . . . . . . . . . . + 192 


La tour de Saint-Michel à Hambourg. . . 130 
de Saint-Pierre à Hambourg. . - 119 


de Saint-Paul de Londres... « « + 110 


Tome LXXXI. SEPTEMBRE an 181. Hh 


rs 


C3 


ê) 


JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Met:. 
Le dôme de Milan (au-dessus de la place). . 109. 
La tour des Asinelli à Bologne.. . . . A 0 


La flèche des Invalides (au-dessus du pavé). . _205 
Le sommet du Panthéon (au-dessus du payé). 79 


La balustrade de la tour de Notre-Dame (au- 
dessus du pavé). . . + + + . « . . + 66 


La colonne de la place Vendôme. . . . . 43. 
La plate-forme de PObservatoire Royal. .… 27 


Lamâture d’unvaisseau francais de 1 20 canons 
au-dessus delatour. « « . . . . . . . 7à 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 2939 


CINQUIÈME LETTRE 


SUR 


L'INCERTITUDE DE QUELQUES OXIDATIONS; 
Par L. J. PROUST. 


LORSQU'EN 1802, M. Thenardlut pour la première fois, que si 
la science jusqu'alors avoit distingué deux muriates de mercure, 
elle auroit aussi à compter désormais, deuxnitrates, deux sulfates , 
deux acétates, et ainsi de tous les autres sels que ce métal pou- 
voit former; lorsqu'il vit que les deux muriates, par exemple, 
n’avoient pas, comme on se l’étoit imaginé, le même oxide 
pour base ; lorsque ce professeur reconnut enfin, que l'opinion 
qui attribuoit à l’acide marin la nécessité d’être sur-oxigéné pour 
produire du sublimé corrosif, n'étoit pas fondée, il fut, ce me 
semble, à même de juger avec tous les chimistes, que cette 
découverte ne se recommandoit pas moins par ce qu’elle ajoutoit 
à nos connoissances, que par les services qu'elle rendoit à la 
médecine. Je dirai plus, M. Thenard se trouve d'autant mieux 
dans le cas de se faire des idées justes sur ces objets, de les 
apprécier, par conséquent, que lui-même il prête la main à 
Fourcroy pour l'aider à s'assurer de la vérité dans une matière 
qui leur parut alors aussi nouvelle. 

La distinction de bases différentes pour les deux muriates du 
mercure, ne se borna point là : on l’étendit aux muriates de 
l'étain, de l’antimoine et de l’arsenic, en faisant voir que ce 
n'étoit pas non plus leurs acides qui étoient sur-Oxigénés, mails 
bien Les oxides qui saturoient ces acides. De là, des notions plus 
exactes sur la nature des sels métalliques ; de là enfin, cette con- 
séquence, savoir : que les combinaisons doubles du mercure et 
de quelques autres métaux, n'étoient pas entre elles comme leurs 
acides , masi plutôt comme les oxides qui leur servoient de base. 


Ces observations, à la vérité, ne brillojent pas de l'éclat des 
Hh 2 


240 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


grandes découvertes: malgré cela pourtant, elles se firent re- 
marquer dans la série des travaux de notre âge, et Fourcroy 
fut le premier à les accueillir, comme au reste, tout ce qui 
aplaudissoit de bonne foi à des résultats plus précis, et dont 
l'objet, en un mot, étoit d’affranchir læ science de quelques- 
uns de ses anciens préjugés. Ainsi, dussé-je le répéter encore, 
c’est à partir des premiers travaux du laboratoire de Ségovie, 
et des notes envoyées de Madrid sur le système de Fourcroy, 
que la Chimie commenca de distinguer, emFranee , un premier 
et un second oxide pour plusieurs métaux, et par conséquent un 
premier et un second sulfate, un premier el un second prussiate, 
et pour parler grec enfin, un proto et un deuto-sulfate, un proto 
et un deuto-prussiate, etc., ete: Si ces distinclions-là se ren- 
contrent ailleurs que dans les Mémoires qui les annoncerent, 
cilez-les, dirai-je à tout ami de la vérité, carrdidus imperti! 
Le läboratoire de Madrid n'existe plus, mais on ne lui refusera 
point, j'espère, d’avoir contribué dans son temps à accroître, 
a embellir même l'édifice que la Chimie française venoit d’é- 
lever sur les ruines du phlogistique. 

Jusqu'à la publication de l'ouvrage de Fourcroy, la Médecine, 
en effet, avoit pas eu des idées plus exactes sur les deux mu- 
riates du mercure que sur le kermèës antimonial et le tartre émé- 
tique : et comment les auroit-elles eues? La Chimie de son côté 
n'avoit encore distingué dans ces muriates, que la différence 
des acides et nullement celle des bases, Nous en trouvons même 
une preuve bien frappante dans cette formule que donna Fourcroyÿ 
pour l'acétate. Faites bouillir, disoit-il, le vinaigre sur du pré- 
cipité perse, sur du turbith minéral, ou sur le précipité d’une 
dissolution nitrique par la potasse ; ce qui équivaloit à ceci: 
— Prenez la base du sublimé corrosif, tandis qu’il auroit fallu 
dire au contraire : — Prenez celle du sublimé doux, comme 
la seule qui puisse convenir à cet acétate. Or ces faits-là démon- 
trent clairement, si je ne me trompe, que jusqu’à cette époque 
on avoit point encore eu l’idée de deux oxides pour le mercure, 
et par conséquent de deux sulfates, deux nitrates, etc: 

C’est enfin cette distinction qui nous conduisità pénétrer dans 
l'obscurité des dissolutions nitriques; à en inférer, par exemple, 
qu'il »y avoit, à la rigueur, que trois dissolutions possibles pour 
cet acide : d’abord, celle dont la base étant toute au 2aximum , 
se change par cela même tout en sublimé corrosif; seconde- 
meut, celle dont la base étant toute au 77é1mum, se change 
complètement ens ubiimé doux; et en troisième lieu, toutes 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 24x 


fes dissolutions qui ayant été préparées sans égard à cette théorie, 
peuvent fournir dès-lors les deux muriates à-la-fois, mais dans 
des rapports qui varient comme ceux des deux oxides qui s'y 
trouvent. Ceux qui sont au courant de l’histoire de la. science, 
verront à présent toute l'influence que ces diflérens états de dis- 
solution dûrent avoir dans le travail de Bayen, qui ne fit qu’entre- 
voir l'aurore de la nouvelle doctrine. 


Oxide rouge. 


Cet oxide a été parfaitement analysé. M. Thenard, malgré 
cela, ne nous en donne pas l'évaluation la plus rigoureuse ; 
Fon ne sait pourquoi. s; 

Il est formé, dit-il, de cent parties de mercure unies à 
dix d’oyigène. Cela n’est pas exact : car cent parties du bel 
oxide cristallin de Hollande, donnent constamment 92 de mer. 
cure, cest donc 8 pour cent, mais non 8 sur cent. D’après 
cela : le mercure fixe réellement & 1£, ou assez exactement 8,7 
d'oxigène par quintal. Il est vrai aussi, qu'il faut prendre un 
oxide préalablement desséché à la cornue, autrement on risque 
de n’en tirer que de 90 à gr. C’est par ceite raison là, je pré- 
sume, que Lavoisier ne tira que 90 5 du précipité perse, qu'il 
souinit à l'expérience; un précipité perse fourni par Beaumé, 
donne 92 7, mais il lui arrive quelquefois aussi de cacher des 
restes de mercure coulant. 


Muriates. 


L'’oxide rouge se dissout avec chaleur dans l'acide muria- 
tique , mais sans aucune émission de gaz. L’évaporation en tire 
immédiatement du sublimé corrosit : voilà l'expérience qui 
prouve que l'acide n’a nul besoin de changer d'état, et que 
l'oxide majeur en est la base. En lisant néanmoins dans l’ou- 
vrage de M. Thenard, pag. 59o , que le sublimé doux se dissout 
daus l’acide muriatique oxigéné, sans plus d'explication sur cela, 
l'on voit qu’il caresse encore une opinion que les chimistes ont 
abandonnée depuis long-temps. Il assure de plus, que ce sublimé 
ne se dissout point dans l’acide muriatique simple. M. Thenard 
pe se sera point rappelé qu'il s’y dissout, et même qé'il amène 
un résultat bien intéressant pour la théorie; c’est, d’une part, 
le changement de ce muriateen sublimé corrosif, et en deuxième 


242 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
heu, l'emprunt qu'il fait pour cela, de l’oxigène sur une partie 
de l'oxide , qui dèslors se sépare en mercure coulant, 

Enfin je trouve daus sa définition du sublimé corrosif, une 
ambiguilé qui fatigue la pensée; la voici : 

« Il est fondé (le procédé du sublimé doux) sur ce que le 
» sublimé corrosif contient presque deux fois autant d’oxigène 
» et d'acide que le sublimé doux. » — Par cette phrase on en- 
iendra toujours, que ce sont les élémens du sublimé corrosif, 
qui sont collectivement plus oxigénés que ceux du sublimé doux, 
Ilauroit fallu dire, au contraire, que le sublimé corrosif diffère 
du sublimé doux, en ce que la base du premier contient le 
double d’oxigène de celle du second, ce qui est fort diflérent, 
et ne compromet point alors l’idée qu’on doit avoir de l'acide 
muriatique dans ces deux combinaisons. 


M. Thenard ne fait connoîlre qu'un précipité blanc, mais de 
temps immémorial on en connoît deux, et bien diflérens. Le 

remier , c’est le sublimé doux dont il fait mention; le second, 
c’est celui qu’on obtient, par la potasse, d’un mélange de sublimé 
corrosif et de muriate d’ammoniac. Il en résulte une union sin- 
gulière d’oxide rouge et de muriate, dont l'analyse n'a pas été 
donnée, je crois; J'y reviendrai ailleurs, parce que si le premier 
est connu, le second ajoute à nos richesses une combinaison nou- 
velle qu’on n’avoit pas remarquée jusqu'ici. 


Proto-Nitrate et Deuto-Nitrate. 


M. Thenard cite la précipitation du deuto-nitrate ou du deuto- 
muriate par les alcalis, comme un des moyens dont on peut 
user pour avoir de l’oxide rouge, pag. 108, tome II. Ce moyen- 
là est nouveau, mais estil bon? si M. Thenard en a fait l’expé- 
rience, il a dû remarquer que ces précipités-là , deutoxides par 
le fond, sont pourtant loin de l'être par la forme, car ils sont 
toujours d’un jaune briqueté ferrugineux d’une nuance très- 
indécise; et sous pareille apparence il n’y a nul espoir de les 
assimiler à l’oxide rouge, ou bien alors il faudroit en justifier 
l'identité par un examen comparatif; c’est à quoi M. Thenard 
n’a point pensé. J’en donnerai une analyse ailleurs. 

M. Thenard n'aura peut-être pas élé frappé de l'énorme dif- 
férence qu'il y a toujours entre l’oxide qui vient de Hollande, 
et celui que nous préparons dans nos laboratoires. Je vais dé- 
tailler cela, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 243 


Le proto-nitrate est le sel qu’on a coutume d'employer par: 
tout. Ce sel fond à la plus douce chaleur. Bientôt aprés, le gaz 
mtreux s'élève par suite de la réaction de loxigène sur l'acide, 
et à la fin il reste un oxide qui pèse communément de 85- 
à 86 centièmes, y compris le peu de sous-nitrate jaune qui s'at- 
tache aux parois de la retorte; mais ce précipité-là est Jjaunâtre 
plutôt que rouge, il est mal uni, mat et sans éclat; e’est ce qu'on 
voit tous les jours dans les pharmacies. 


Mais un deutoxide dont Ja base auroit été bien saturée d’oxi- 
gène, devroit nécessairement offrir beaucoup de différence dans 
& distillation et ses résultats, puisque l’oxide n’a plus besoin 
de réagir sur l'acide. Quel seroit maintenant l’aspect de son 
produit comparé avec le précédent? voilà ce que je me proposois 
d’examiner. Il est certain que celui de Hollande est bien su- 
périeur au nôtre. Il est cristallin, il est nacré, moëlleux, au 
point qu’on seroit tenté de le.prendre pour un sublimé. Je crois 
même que quelques auteurs anciens l'ont donné à entendre. Tel 
est le problème de pratique qui reste à éclaircir pour perfec- 
tionner celle préparation en France. Ces diflérences n’auront 
sûrement point échappé à Chaptal; mais je ne puis me rap- 
peler ce qu'il en dit, l'ouvrage sur les Arts que je recus de son: 
amitié, s'étant allé perdre en Espagne avec tant d’auires. 


ra 


#3 Protoxides.. 


MM. Fourcroy et Thenard fixèrent à quatre sur cent la pre- 
xuère oxidation de mon oxide mineur. Voici le résultat de deux 
évaluations qui, la portant moins haut, dérangent par conséquent 
un peu l’accord numérique que l’on croit apercevoir entre les 
deux oxides d'un même métal. D'abord je tirai mon oxide du 
muriate doux , parce que ce sel n’est point sujet à varier comme 
Le proto-nitrate que M. Thenard recommande pour se le procurer. 


Deux cents grains d’oxide mineur rendirent, 


FD EE AO PE D AE EEE me 2 
SIC MAR AU ER PSE ete 2. 
NTerCure ERA 2 TOO) 
Donc Aie: EE LEE CEE 7 


Pour l’oxigènede 189 parties de mercure, 
ou à,7 sur cent. 


244 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Trois cents grains rendirent, 


EU EL NPA E 0 D PHONE RME LEE 3 
SAC MEME LEUR LR 3 
NTéteRe Me MEN re Le RG 
DONC NCIS ENS FU 9 
Pour loxigène de 285 parties de mercure, 
ou 3,15 sur cent. 
300 


11 résulleroit de ces épreuves, que le mercure fixe environ 
trois et demi d’oxigène pour se changer en premier ou en pro- 
toxide, mais il me paroît douteux que cela arrive justement à 
quatre. Au surplus, soit 3,7, ou 3,15, ou même 4 pour le zzë- 
nim'um, et8,7 pour le maximum, on n’apercoit pas une grande 
harmonie entre ces diflérens termes. D'ailleurs la difficulté de 
pouvoir porter le protoxide à un terme constant et invariable, 
comme le sont, par exemple, l’oxide rouge, le mercure doux, 
le sublimé corrosif, etc. diminue de beaucoup la confiance que 
l’on doit donner à son évaluation. 

Le protoxide est d’un vert olive foncé; à l'air il ne tarde pas 
à changer d’éclat. L’oxigène tendant à se reporter d’une partie 
de l’oxide sur l’autre, il finit par n’êlre plus que l’oxide rouge 
altéré par du mercure divisé. Pour le conserver à l’usage des 
démonstrations, il faut le tenir à l'ombre dans un flacon plein 
d’eau bouillie et hermétiquement fermé; ce qui ne s'obtient pas 
comme on voudroit d’un flacon bien ajusté. Il faut encore ajouter 
gros comme une tête d’épingle de cérat ou de pommade au 
bouchon, puis l’enfoncer en le tournant sur lui-même. Cette 
bagatelle est indispensable pour garder, d’une année à l’autre, 
une multitude de dissolutions sujettes à changer d'état par l'in- 
troduction de Pair. 

L'acide muriatique convertit sur-le-champ le protoxide en mer- 
cure doux : si les lavages précipitent en Jaune avec les alcalis, 
c’est une preuve qu'il s’y est déjà formé ou mélé du deutoxide. 

Je vais.rassembler sur le même objet quelques faits qui dé- 
montrent de plus en plus, que, quelque nombreuses que soient 
:es chances qu’on puisse offrir à l’oxidation d’un métal, jamais 
pourtant il ne s’écartera de celles qui lui ont été assignées par 
la nature; et si ce principe est constaté pour un métal, il est 
bien douteux qu'il ne Je soit pas pour tous les autres. 

10, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 245 


19. L’acide muriatique gardé sur du mercure dans un flacon 
bien fermé, le convertit en mercure doux, ; 


2°, Beaumé et Scopoli firent tous leurs efforts pour obtenir 
quelque chose de moyen entre le sublimé corrosif et le mercure 
doux, mais ils n’y réussirent pas. 

30, Le sublimé corrosif gardé sous l'eau avec du mercure, 


s’y change en mercure doux. C’est le cosmétique contre les ma- 
cules de la face, de Crollins. 


4°. Le proto-muriate et le proto-sulfate d’étain changent le 
sublimé en mercure doux, puis en mercure coulant. 

5, L’hydrogène sulfuré ramène aussi le sublimé à l’état de 
mercure doux d’abord, ensuite à un éthiops que je n’ai point 
assez examiné. 

6°. Le mercure battu avec de l’eau salée et du sulfate de zinc 
ou de fer, se convertit en mercure doux avec une promptitude 
étonnante; c’est ce résultat qui cause une aussi grande perte de 
mercure dans les travaux de l’amalgamation en Amérique. Je 
donnerai sur cela quelques détails curieux. 


7°. Le sublimé corrosif mêlé au proto-nitrate de mercure, 
abandonne l’oxide rouge pour prendre l’oxide mineur du proto- 
nitrate, et l’acide de ce dernier devient deuto-nitrate; mais je 
voudrois savoir si le protoxide peut, à lui seul, écarter la base 
su sublimé corrosif, ou bien si l'acide se partageroit les deux 
ases, 


Sulfure de Mercure. 


Le cinabre, dit M. Thenard, est formé d'environ cen£ parties 
de mercure et dix de soufre. — Pour un composé aussi parfai- 
tement connu que lest aujourd’hui le cinabre, il faut convenir 
que la définition est vague; mais commençons par rappeler les 
principes. 

Si c’est une vérité certaine en Chimie, que la moindre va- 
riation dans le rapport des facteurs d’un composé, en amèêne 
toujours une considérable dans ses attributs et ses propriétés; 
comment concevoir à présent, que le cinabre, dont l'aspect ne 
varie pas le moins du monde dans ces belles masses de sublimés 
que la Hollande nous fournit depuis un siècle, puisse néanmoins 
varier dans les siens, autant que le donne à entendre ici l’expres- 
sion dont se sert M. Thenard aux yeux d’une Chimie accou- 
tumée à méditer sur les caractères de la combinaison, sur son 


Tome ZXXXI. SEPTEMBRE an 16815, Ii 


1 i 


246 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


tempérament, sur ses habitudes, si l’on peut dire ainsi? Rien n'est 
moins vraisemblable, de voir qu’un composé qui demeure cons- 
tant "dans ses attributs, ne le soit pas aussi dans la proportion 
de ses élémens. Je ne crois pas même qu’on puisse citer un seul 
fait en opposition à ce principe : bien entendu qu’il faut toujours 
tenir compte de l’influence que peuvent avoir dans ces attributs 
les modifications particulières qui dépendent du relâchement ou 
de la condensation des agrégés. Cela posé, ce n’est donc jamais 
qu’à des mélanges spécialement qu’il est permis d’appliquer le 
vague des proportions indéfinies, mais dans aucun cas possible, 
à la combinaison : voilà en Chimie la loi et les prophètes. 


Ainsi, deux de soufre seulement au-dessus ou au-dessous d’une 
proportion assignée par la nature , mais combinés, sufliroient 
pour changer de fond en comble toute la physionomie d’un sul- 
ure, pour le rendre méconnoissable, pour lui donner en un mot 
attitude d’un produit tout-à-fait nouveau. Et comme ces consi- 
dérations sont applicables à tout ce qui est combinaison vraie, 
elles le sont par conséquent au cinabre. D’après ces principes, ik 
n’y a donc aucune appa rence que le cinabre puisse être un ré- 
sultat variable, un composé sujet à des à peu prés de proportion, 
parce qu’enfin le sulfure de mercure appartient aux combinaisons 
et non aux mélanges. 

Quoi qu’il en soit enfin, cent parties de cinabre de Hollande 
rendent 85 de mercure : c’est un résultat constant. Le mercure, 
d’après cela, fixe donc 17,647 de soufre par quintal, et non 10: 
et c’est aussi la proportion des cinabres naturels, d'Hydria, d’'Es- 
pagne, du Pérou, etc., quand ils ont été purifiés. Si maintenant 
1l en existe qui soient dans des rapports diflérens , rien aa moins 
ne l’a jusqu'ici fait connoître. Voyons à L'une si nous trou- 
verons plus de variétés dans les cinabres de nos laboratoires. 

« 11 paroît, dit M. Thenard, que le soufre peut se combine 
» au mercure en un assez grand nombre de proportions, » — 
Voilà d’abord une idée qui nous jette dans une exagération 
outrée; car, à ce compte, 1l faut déjà supposer une douzaine de 
sulfures au moins. Et en effet, à moins d’une douzaine, dirons 
nous, l’on conviendra que l’expression d’un assez grand nombre 
seroit aussi par trop exagérée; mais pareille profusion nous mène, 
de plus, à une conséquence que M. Thenard n'aura sûrement 
pas prévue; la voici : c’est qu’elle nous donne le mercure pouy 
un métal extraordinaire , c’est qu’elle le soustrait à cette loi de 
la nature qui assujétit tous les corps simples généralement, mé- 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 247 


faux, combustibles, etc., à ne jamais contracter enfre eux qu'un 
nombre de combinaisons extrêmement limité :où est, par exemple, 
celui qui en contracte seulement jusqu'à quatre? pas va seul 
encore. L’azote n'arrive qu'à trois ; et le fer avec tant d’oxides 
_et tant de sulfures, n’y atteint pas! Si le mercure, à son tour, 
est capable de former un aussi grand nombre de sulfures, que 
le donne à entendre la définition de M. Thenard , il fait donc 
alors une étrange exceptiôn à la loi! Il ÿ a plus, c’est qu’il est 
hors la loi...,; mais dans l’art, comme dans la nature, il y a 
une ligne de démarcation qui sépare la combinaison des mé- 
langes, et je crains bien que M. Thenard ne lait point encore 
assez méditée. Au surplus, prenons connoissance de ses nouveaux 
sulfures. 


Rien d’abord ne s'oppose à ce qu’on en puisse reconnoître un 
certain nombre pour le mercure, car, puisque nous en admettons 
déjà deux pour le fer, il n’en coûtera pas assurément d’en ad- 
mettre autant et même davantage pour le premier de ces mé- 
taux. Voilà quelle est notre protession de foi sur cet article. 
Cela posé, dirons-nous, s’il en existe trois seulement pour le 
mercure , et c'est se tenir loin du grand nombre, comme on 
voit; comment expliquer que M. Thenard, qui d’ailleurs n’a 
point négligé de nous parler des proto, des deuto et des trito= 
sulfures connus ou présumés des autres métaux , n’en ait pourtant 
pas spécifié un seul..., non un seul..., au-delà de notre vieux 
cinabre ? Tranchons le mot, et disons franchement à M. Thenard, 
que le silence très-remarquable qu’il garde sur tout cela dans 
l'occasion présente, anéantit déjà toute espèce de confiance à 
cet égard. Avouons-lui plus encore, c’est que des sulfures qu’un 
professeur n’a point été en état de circonstancier pour lui-même, 
qu’il n’a pu décrire par conséquent dans un ouvrage qui porte 
sonnom..., n'existent réellement pour personne. Et, à la vérité, 
si M. Thenard n’a eu pour garant de leur existence, que ces 
idées flottantes et hasardées qu’on s’étoit faites autrefois sur la 
possibilité d’unir le mercure et les autres métaux à l’oxigène, 
au soufre, etc., dans toutes sortes de proportions, il s’apercevra 
bien, en y réfléchissant, que, faute de s'être tenu assez au 
courant de tout ce que la Chimie a amélioré depuis sur la théorie 
de ces différens objets, il n’a fait autre chose que bâtir sur 
le sable. 

Connaissant les propriétés du cinabre, dit M. Thenard, il 
sera facile dese faire une idée des autres.... Mais encore une 


li 2 


248 JOURNAL DÉ PHYSIQUE, DE CHIMIE 


fois, puisque M. Thenard n’a pour lui-même aucune idée de 
ces autres sulfures, où ses lecteurs iroient-ils donc en chercher 
pour eux ? On vient de voir que l’union du soufre au mercure 
en différentes proportions, n’étoit encore que probable à la 
page 386. — Une page plus loin, ce n’est plus cela; M. Thenard 
en fait de suite une chose courante, démontrée par conséquent. 
Voyons donc ces preuves. 


« Le cinabre, dit-il, se combine avec différentes proportions 
» de soufre, et probablement (probablement!) de mercure : en 
» le faisant chauffer convenablement avec ces corps, il perd 
» alors sa couleur et en prend une noire,ou violet noirâtre. » 


Mais est-il démontré, dirons-nous maintenant, que l’on ob- 
tient par de pareils moyens, et par des moyens où l’hésitation 
est aussi manifeste, des sulfures nouveaux ou des combinaisons 
vraies? et si quelques-uns de ces sulfures existent, n’étoit-ce pas 
là le cas d'appeler l’attention au moins sur l’un d’eux, et par 
conséquent sur l’heureuse proportion qui, malgré des influences 
aussi opposées dans les atiributs d’un composé, que le sont or- 
dinairement toutes celles qui dérivent de lexcès de l’un ou de 
l’autre de ses facteurs, peut néanmoins amener à elle seule, 
et par un contraste bien étrange assurément , une seule et même 
couleur , et la couleur noire enfin à la place de celle qui carac- 
térise le cinabre? Pareil sulfure, s’il avoit été trouvé, devenoit 
un vrai présent pour la science. 

Et en effet, un sulfure rouge de sa nature, devenu noir par 
Je changement des proportions ou du soufre, ou du mercure in- 
distinctement , un composé nouveau à caractères inhérens et bien 
distincts par conséquent, une combinaison permanente dans tous 
ses attributs, autant que le cinabre l’est dans les siens, et pour 
tout dire, en un mot, un résultat que tous les efforts de la- 
nalyse ne rabaisseroient point au rang de ces bigarrures que le 
cinabre peut offrir quand il est contaminé, défiguré par des 
poussières noires, par du mercure divisé, par des, éthiops, etc., 
devenoit aux yeux des chimistes une production.des plus inté- 
ressantes, un véritable deuto-sulfure enfin, digne par cela même 
d’une description particulière. . .: mais non! je ne vois rien encore 
ici qui nous Robe cette conquête, au moins tant que la 
Chimie ne confondra pointles mélanges avecles combinaisons. 

Nous avons bien vu le cinabre de Hollande , celui d’Almaden,, 
qu’on purifioit à Séville pour en faire du vermillon, les cinabres 
d’antimoive, d'arsenic, et autres de l’ancienne Chimie, prendre up 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 249 


ton violet plus ou moins foncé par le resserrement qu'une chaleur 
excessive, une sublimation trop en petit font prendre aux aiguilles 
d’un sublimé : nous voyons les plus beaux vermillons y revenir 
aussi quand on les sublime de nouveau. Cependant, dérivées, 
comme nous l'avons dit de quelque différence dans le mode 
d’agrégation, ces nuances-là ne peuvent jamais se prendre pour 
des signes de changement dans les proportions, à moins que 
l’analyse n’en décide. Or il ne paroïît pas que M. Thenard ait 
fondé ses nouveaux sulfures noirs, violets noirâtres sur les dé- 
cisions de l'analyse. 


C’est encore avec une égale confiance que M. Thenard assure, 
page 25 du tome II, qu’on peut former plus de sulfures de: 
mercure que d’oxides. On peut au contraire, lui assurer que son 
ouvrage prouve plus d'oxides que de sulfures de mercure. 

Si nous réfléchissons maintenant aux incertitudes nombreuses 
dont M. Thenard encombre son ouvrage, seulement sur le sul- 
fure, nous ne craindrons plus d'avancer, qu’au lieu de faire 
baleter ainsi la patience d’un élève à la poursuite d'objets pro- 
blématiques , il eût été mieux, sans doute, de le ramener sur 
des faits positifs, et il n’en manque pas certainement ; sur des 
résultats qui intéressent généralement la curiosité et l’enseigne- 
ment; sur des choses, en un mot, propres à compléter sous: 
ses yeux le tableau des combinaisons du mercure. Tels seroient, 
par exemple, 


Une évaluation discutée des deux produits qui composent le 
cinabre; l’action des acides sur ce sulfure; la résistance singu- 
lière que le nitrique éprouve à l’entamer, quand d’ailleurs il 
oxide si aisément ses facteurs séparés, et par conséquent la fa- 
cilité que tout cela donne pour séparer le cinabre des différens 
sulfures auxquels il est quelquefois uni dans ses mines; la diffi. 
culté qu’il oppose à sa décomposition dans le sein de la terre;. 
la décomposition des sulfures alcalins par le mercure, à la tem. 
pérature ordinaire, et le renversement des résultats par des 
températures élevées; l'analyse très-curieuse des sulfures et des 
bydro-sulfures alcalins, tant par le mercure que par son oxide; 
celle des précipités bruns ou noirs que donnent les dissolutions 
avec l'hydrogène sulfuré, ou les éthiops par précipitation ;. le 
dégagement extraordinaire de gaz, et la détonation qui aecom- 
pagne ordinairement le travail du cinabre en grand; l’absence- 
de ces eflets quand on y emploie du soufre et du mercure 
chauflés d'avance; la détonation des oxides avec Je soufre de: 


2b0 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Bayen; la série de vermillons différemment nuancés qu’on obtient 
par le procédé de Maurice Hoffman; ceux particulièrement que 
produisent le nitrate et le sublimé corrosif, qui l’'emportent en 
vigueur et en éclat sur le vermillon de la Chine, ete., etc. 
Que de choses enfin dans un sulfure ! que d'objets à reprendre, 
à grouper autour du cinabre ! à augmenter nos richesses, à étendre 
par conséquent l'horizon des idées d’un élève! 

Le cinabre n’a pas toujours été pris pour un sulfure, et puisque 
M. Thenard donne un article à la transmutation du mercure, 
ilpouvoit conc en donner un aussi à celle que le cinabre a éprouvée 
dans les opinions, depuis le renouvellement de la Chimie. 

Et en effet les chimistes, frappés de l’opposition qu’on dé- 
couvre entre la transparence de ses cristaux, et l’opacité ou le 
reflet métallique qui est particulier à presque tous les autres sul- 
fures ; ‘entraînés de plus par cette analogie de couleur qui rap- 
proche si fortement le vermillon de l’oxide rouge; séduits, mn PL 
par toutes ces apparences, les chimistes imaginèrent naturelle- 
ment que le cinabre ne pouvoit être qu’un oxide sulfuré, aussi 
lui en donnèrent-ils le titre dans la nomenclature; mais éclairés 
depuis par des faits plus précis sur sa nature, ils lui ont restitué 
le rang qui lui appartenoit. Falloit - il absolument que ces dé- 
couvertes vinssent desrégions hyperboréennes , pour que M. The- 
nard se décidât à leur accorder un souvenir ? comme aussi à ces 
travaux du même auteur qui ont également remis à leur véri- 
table place, soit en Chimie, soit en Minéralogie, une multitude 
d’autres sulfures que les conjectures du même âge avoient relégués 
parmi les oxides sulfurés? que si vous n’êtes bienveillant envers 
ceux de votre patrie, au moins soyez juste, car dans la société 
la première des sciences , ce n’est pas la Chimie, c’est la justice! 


Décomposition du Cinabre à Aimaden. 


Mais que dira-t-on en Espagne, quand on verra ce travail 
d'Almaden, connu de toute la terre, aussi étrangement défiguré 
qu'il l'est dans l’ouvrage de M. Thenard? et pourtant, depuis le 
Mémoire de l’un des frères Jussieu, publié vers 1730 ou 1732, 
que de relations partout sur cet Almaden, que de documens 
l'Ecole des Mines de Paris n’auroit-elle pas fournis à l’auteur! 

Par exemple M. Thenard suppose que la vapeur du mercure 
qui, comme il le dit lui-même, exige au moins 350 degrés poux 
le maintenir à cette hauteur, peut néanmoins traverser paisible, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 25€ 


ment douze files d’aludels d'environ 6o pieds de long chacun, 
et s’aller rendre ensuite dans la petite chambre qui les termine; 
mais celte chambre n’est là que pour servir d’issue aux fumées, 
et recueillir encore quelques atomes de mercure, s'ils peuvent 
ÿ arriver ! la vapeur de l'alcool n’y atteindroit pas! Copions de 
peur de méprise. 

« Tandis que le mercure se volatilise, et vient se rendre par 
» Îles aludels dans le petit bâtiment dont nous parlons, pag. 713, 
» tome II, » Oh non! ce seroit un grand vice dans le système 
des aludels, qu’une condensation qui ne commenceroit à s’effec- 
tuer que dans ce bâtiment-là! et d'ailleurs, ce seroit une chose 
impossible , attendu la baute température des vapeurs de ce 
métal. Pour s’en convaincre, il ne faut que se représenter une 
distillation de mereure avec allonge et ballon, puis se demander 
s’il seroit possible que sa vapeur püût aller se rendre par l’allonge 
dans le récipient. Elle a même si peu de disposition à cheminer, 
qu'on a toule la peine du monde à préserver de rupture le cof 
des retortes, à cause de l'opposition des températures qui S'y 
accumulent en même temps, et qui sont, d’une part, celle de 
la vapeur mercurielle, et de l’autre, la température de latmo- 
sphère. Mais enfin quel est ce minérai qu’on broye, qu’on pétrit 
avec de l'argile pour en former de petites masses qu’on place 
sur le sol du fourneau? Rien de tout cela ne se pratique à Al- 
maden, si ce n’est avec la suie des aludels et les balayures qu'on 
ne pourroit placer dans le fourneau sans les voir retomber dans 
le foyer, en traversant le minéral et la grille qui le süpporte. 
On voit que M. 'Thenard a confondu le tout avec une très-petite 
partie du travail. Dans une autre Leltre, nous reviendrons sur 
quelques produits assez curieux de la décomposition en grand 
du cinabre d’Almaden. 


Faute à corriger, Cahier d'août, page 101. 


Ligne 27, quoique l'analyse chimique, lisez, que l'analyse chi- 
mique. 


252 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, etc. 


TOO PRE EE PC EPL VE RTE ONE TETE D EURE NT APE "2 LS IE TEEN 


TABLE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER, 


Mineralogical observations, etc. Observations et con- 
sidérations géologiques; par le professeur Jameson. 
Traduction. Pag. 
es propriétés de différens corps sur la lumière; par 
le docteur Brewester. Extrait par J.-C. Delamétherie. 

Suite au Mémoïre sur la culture de la betterave à sucre; 

… par M. Pajot Descharmes. 

Suite aux réflexions géologiques sur les volcans, et con- 
Sidérations sur la Guadeloupe; par F. l'Herminier. 
Extrait du Journal des Observations faites à la Gua- 
deloupe. 

Tableau météorologique; par M. Bouvard. 

Æssai d'analyse comparative sur les principaux varac- 
tères organiques et physiologiques de l'intelligence et 

… de l'instinct; par L. Chiaverrni. 

Hauteurs des principales montagnes du globe au-dessus 
du niveau de l'Océan. 

Cinquième lettre sur l'incertitude de quelques oxida- 
tions; par L. Proust. 


173 
181 


189 


207 
218 


220 
234 
239 


De l’Imprimerie de M"° Veuye COURCIER, Imprimeur - Libraire 


pour les Mathématiques et la Marine, quai des Augustins, n° 57, 


JOURNAL 


DE PHYSIQUE, 


DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


OCTOBRE AN 1815. 


SIXIÈME LETTRE | 5) 


SUR 00 


L'INCERTITUDE DE QUELQUES OXIDATIONS. 


DEUXIÈME MÉMOIRE. 
Par L. PROUST. 


Examen du système des proto, des deuto et des trilo-sulfures. 


LORSQU'UN métal s’unit à l’oxigène en proportions différentes, 
il fait naître une suite de combinaisons qu’on appelle protoxides, 
deutoxides, tritoxides, etc. Lorsqu’au lieu de l'oxigène, c’est 
au soufre qu'il se combine, il en provient un autre ordre de 
combinaisons qu’on appelle sulfures, mais qu’on devroit aussi 
nommer proto-sulfures, deuto-sulfures , etc. relativement à la 
diflérence de leurs proportions, et sans égard aucun avec les 
protoxides, les deutoxides, etc. du même métal. Quoique nous 
Le connoissions encore aucun métal susceptible de produire 


Tornc LXXXI. OCTOBRE an 1815. Kk 


254 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


jusqu’à trois oxides et trois sulfures bien distincts, nous en 
accorderons néanmoins la possibilité pour le moment, afin de 
nous rapprocher de l'opinion de M. Berzelius qui, comme on 
voit, étend cette possibilité bien au-delà des limites que lux 
accorde aujourd’hui la Chimie francaise. 


Quoi qu’il en puisse être, il s’agit actuellement d'examiner si 
cette loi de la nature qui assujettit les deux séries dont nous 
venons de parler, à des proportions constantes , a encore arrêté 
que ces mêmes séries fussent enchaînées l’une à l’autre par de 
certains rapports particuliers entre leurs proportions; —de savoir, 
par exemple, sil est bien assuré que la quantité de soufre qui 
sature un proto-sulfure, soit double de celle de l’oxigène qui 
sature le protoxide du même métal ; de savoir s’il l’est encore, 
que les deuto et les trito-sulfures soient assujettis au même 
rapport à l'égard des deutoxides et des tritoxides; mais pour 
éviter toute méprise, nous allons copier les passages où M. The- 
nard explique ce système , et nous les examinerons successivement. 


Composition des sulfures, tome I, pag. 368. 


Parmi les chimistes, les uns, à la tête desquels on doit placer 
M. Berthollet, pensent que le soufre peut se combiner en un 
grand nombre de proportions avec le même métal ; d’autres, 
au contraire, croient qu’il n'existe qu’un petit nombre de com- 
binaisons possibles entre ce combustible et un métal quelconque. 
M. Berzelius a embrassé cette dernière opinion et l’a considérée 
sous un point de vue si nouveau, qu'il se l’est rendue propre. 


Arrétons-nous un moment à cette opinion, D'abord elle ne 
sera pas tout-à-fait sans mérite, cette opinion-là , quand un aussi 
excellent juge que M. Berzelius, l’a préférée aux autres, et de 
plus, quand il en a su tirer un si grand parti, qu'il est enfin 
parvenu à en faire sa propriété. Heureusement pour nous qu’il 
ne s’agit pas ici d’une propriété dans Paris; mais je me permet- 
trai de demander à M.'Thenard lui-même, si l’exquise politesse 
qui distingue si hautement les sociétés savantes auxquelles il 
appartient aujourd'hui, si l'intérêt de la science aussi peuvent 
jamais autoriser le mystère ou, plus franchement, l'espèce de 
cachotterie dont il use ici envers l’auteur de cette opinion? Re- 
prenons le texte. 

Il s’est convaincu (M. Berzelius), 1° qu’un métal se combine 
tout au plus en un aussi grand nombre de proportions avec le 
soufre qu'avec l’oxigène ; 2e que le proto-sulfure d'un métal ques 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 255 


conque contient toujours deux fois autant de soufre que le 
protoxide de ce métal contient d'oxigène ; qu’il en est de même 


du soufre des deuto-sulfure et trito-sulfure, par rapport au deut- 
oxide et triloxide. 


Tout ceci pouvoit, jusqu’à un certain point, ne se considérer 
que comme autant d’apercus nouveaux, résultans des recherches 
de M. Berzelius sur les sulfures; mais quand M. Thenard nous 
les propose sérieusement dans son ouvrage destiné à l’enseignement 
chez nous, il leur donne alors toute la consistance d'une doc- 
trine déjà démontrée : il les garantit même en quelque sorte, 
quand il termine son article par la réflexion suivante : « Il est 
» cerlain que la plupart des sulfures naturels sont soumis à cette 
» loi de composition.» On peut donc dès à présent admettre 
le système de M. Berzelius sur la parole de M. Thenard. — Exa- 
minous-le cependant sur celle de Bergman : candida sunt Tevi- 
denda, dit quelque part ce savant. 


Parmi ces propositions, toutes d’un grand intérêt si elles sont 
fondées, la première appartient évidemment à la Chimie fran- 
çaise; mais comme elle ne repose que sur un fait seul appar- 
tenant exclusivement à l'histoire du fer, peut-on ne pas s'étonner 
ici de l’air de généralité ou d’axiome dont M. Thenard l’a re- 
vêtue? Hors le cas dont nous allons parler, cette proposition n’a 
en effet aucune application. 


Par exemple, le chimiste qui annonça pour la première fois 
que le fer est susceptible de deux oxidationsconstantes, découvrit, 
quelques années après, que ce métal admettoit aussi deux sulfu- 
rations à termes fixes. Actuellement, si après avoir fait cette 
découverte, il se fût avisé de dire à son siècle: « Je me suis 
» convaincu qu'un métal se combine tout au plus en un aussi 
» grand nombre de proportions avee le soufre qu'avec l’oxigène. » 
Il me semble qu'après avoir un peu ri de l’'emphase, on auroit 
encore eu raison de lui rappeler, que sa découverte se bornant 
au fer purement et simplement, ce n’étoit pas là un motif d'en 
inférer un principe. nouveau, applicable à tous les mélaux en 
général; et voilà justement aussi la question que M. Thenard 
auroit dû se faire avant de nous l’annoncer , cette proposition, 
comme quelque chose d'important pour la Chimie. 

Où sont en effet ces métaux qui partagent avec Je fer la pro- 
priélé de donner autant de sulfures que d’oxides? Pas un seul 
encore! pas même l’arsenic! aussi M. Thenard m'en fait-il re- 

Kk 2 


256 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


marquer aucun décidément parmi les quinze sulfures connus 
qu’il nous cite page 368, tome T : donc la proposition de M. Ber- 
zelius n’a rien de nouveau pour les chimistes français. Passons 
à l'examen de la seconde. 

« Tous les sulfures, dit M. Thenard , n'existent point dans la 
» mature, on n’en trouve que quinze qu’on peut réduire à douze, 
» attendu la rareté de ceux de l’urane, du nickel et du cobalt. » 
Cela étant, nous allons séparer d’abord tous les sulfures en qui 
lon n’a point trouvé de correspondance avec les oxides, pour 
n'avoir à considérer ensuite que ceux qui auront à nous offrir 
plus particulièrement cet accord remarquable qui a fourni le 
fonds du système de M. Berzelius. 


Comparaison des Proto-Sulfures avec les Deutoxides. 


x. Manganèse. 


L’oxigène de son protoxide est égal à 14 
Le soufre de son sulfure, à . . . . . 34 Vauquelin. Ce 
nombre n'étant pas double du précédent, nous dirons 
are exception. 
2. Bismuth. 
Oxigène. . . . 12 
Soutre. . . . . 17,6 Kirwan. 15 Proust. 2° exception. 


3. Zinc. , 
Oxigène.. + . - 25 
Soufre,. . . . 38 à peu près, Proust. 3e exception: 


4. Fer. 
Oxigène. : : :.1 125 
Soufre.. . . .« 60 Proust. 58,7 Berzelius. 4° exception. 


b. Arsenic. 


Oxigène. ; . . 38 - Proust. 
DOUTE des plus que le poids du métal, Proust. 
75 Thenard, je crois. be exception. 


6. Étain. 


Oxigène. . . . 15 Proust. 13,6 Berzelius. 
Soufre, . . . . 25 Bergman. 18 Kirwan. 27,23 Berzelius, 
6e exception. 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE, 257 


7. Molybdène. 
Dxrnene. sale UE 
Soufre. . , . . 66,6 Klaproth. 7° exception. 


8. Mercure. 


Oxigène. . . . 3,5 Proust. 4 Fourcroy et Thenard. 
Soufre.. . . . 25 Kirwan. 37,6 Proust. 8e exception. 


9. Plomb. 


Oxigène. . . . 9,8 et non pas 7,7 avec Berzelius. 1 
Soufre.. . . . 15 Kirwan. 15 Proust. 9° exception. 


10. Cuivre. 

Oxigène. 012,0 

Euh: . + + + 28 Proust. 27 Vauquelin. 25,6 Berzelius. 
10€ exceptions 


11. Antimoine. 


Oxigène. . . . 4,6 Berzelius. 
27,9 fleurs d’antimoine, Thenard. 

22 Proust. 

Soufre. . . . . 29,9 Kirwan, sulfure natif. 
35 . idem, sulufure artificiel. 
35  Bergman. 
33,3 Proust. 
37,25 Berzelius.. 


M. Thenard ne s'étant point attaché à faire connoître quel 
est le vrai protoxide parmi les oxides de ce métal, quel est en 
outre le vrai proto-sulfure parmi les sulfures, nous dirons, 11° 
exception. 

12. Argent. 


Oxigène. . . - 7,7 Thenard et Gay-Lussac.. 
7,6 Berzelius. 


9 Proust. 
Soufre.. ; . - 15  Kirwau. r5 Proust. 14,9 Berzelius. 2r 
Vauquelin. 


L'accord de trois personnes ayant ici l'avantage, nous ad- 
mettons l’oxidation de l'argent à 7,5 et sa sulfuration à 15; 


156 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


comme offrant à peu près le double de oxidation, et cela, pour 
qu'on ne nous accuse pas de pointillage; car à la rigueur, le 
but de M. Thenard étant d’enrichir nos élémens d’une connois- 
sance fondamentale, c'étoit à lui, je pense, de dissiper toutes 
objections sur ce sujet; c’étoit de démontrer rigoureusement la 
correspondance que l'on a promis se trouver entre les protoxides 
et les proto-sulfures, de l'asseoir sur des bases un peu plus so- 
lides que les à peu près qu’il se contente assez volontiers de 
nous donner par tout : or on ne aperçoit que trop qu'il ne 
s’en est point occupé sérieusement. Récapitulons maintenant nos 
découvertes. 


Que lrouvons-nous enfin au bout de cette revue...? Rien du 
tout! ou, si vous voulez, un seul proto sur douze sulfures. . .! 
un exemple seul, en tout Israël, pour servir de fondement à 
la tant vantée correspondance des sulfures avec les oxides; cela 
est bien étrange! 


Mais si, comme nous l’assure M. Thenard, « i/ est certain 
» que la plupart des sulfures naturels sont soumis à cette loi 
» de Composition, » où sout-ils, encore une fois, ces proto- 
sulfures qui correspondent à des protoxides. . .? On tombe des 
nues, en vérité, quand de sulfure en sulfure on arrive à des 
résultats qui ne rappellent à la pensée... que le ridiculus mus 
de la fable! 


Passons maintenant aux deuto et aux trito-sulfures, promis tout 
aussi solennellement que les proto-sulfures, 


M. Thenard nous les a déjà annoncés comme on l’a vu p. 369. 
Il en étend l'explication dans une note de la même page; il y 
revient encore page 372 : il y explique même un autre rapport 
qu'il doit y avoir, non plus de sulfure à oxide comme aupa- 
vavant, mais de deuto à proto-sulfure, de trito à deuto-sulfure, etc:; 
et enfin, pour que rien ne manque à la facilité qu’on. doit à ses 
lecteurs, M. Thenard reprend ces objets et les récapitule dans 
un nouveau détail, pag. 373. « D’après les généralités que nous 
» venons, dilil, de donner sur les sulfures, 11 seroit possible de 
» tracer l'histoire particulière de chacun d'eux. — Nous appel- 
» lerons proto-sulfures ceux qui correspondent au premier degré 
5 d’oxidation; deuto sulfures, ceux qui, etc., tréto-sulfures , 
» ceux qui, etc., el simplement sulfures, ceux qui, elc., ele, » 
Voilà, j'espère, des prolégomènes circonstanciés : voilà mon élève 
bien préparé à les comprendre, et la science enhn toute prête 


ET D'HISTOIRE NATURELLP£. 259 


à se féliciter de ces aussi heureuses découvertes. Entrons donc 
de pied ferme dans les deutc-sulfures. 


Mais où les prendre maintenant ? on ne trouve aueun chapitre 
sur ces objets, rien dans la table qui les indique, rien dans tout 
le reste de louvrage qui rappelle seulement qu'il en ait été 
question. On parcourt encore une fois les sulfures, on arrive 
aux alliages, et tout est fini! pas un seul mot sur les deuto et 
les trito-sulfures. ..! à peine en croit-on ses yeux! et c’est là 
ce système de sulfuration que M. Berzelius & considéré sous des 
points de vue si nouveaux, qu’il se l’est rendu propre! 


Bien étonnés, sans doute, de voir que les métaux les mieux 
connus, ceux , par exemple , dont les sulfures sont aussi les 
plus abondans , ne s’arrangeoient pas mieux dans ce système, 
on s’est eflorcé d’en justifier les écarts, pour Le fer, le mer- 
cure et l'arsenic , au moins, en leur prêtlant des sur-composi- 
tions qui défigurent, qui éloignent leurs proto-sulfures de l'état 
primitif, qui font, en un mot, qu’on ne les rencontre Jamais 
dans la nature, et on prouve tout cela. .., en n’en citant pas 
même un seul exemple! Etrange Chimie que tout cela! 

Sur l’antimoine, M. Thenard avoit à sa disposition trois oxides 
et quatre sulfurations données par différens auteurs; mais au 
lieu de balancer ces résultats entre eux, au lieu de les discuter 
en maître qui ambitionne de dissiper à son tour une partie 
des incertitudes qui enveloppent depuis si long-temps ces objets, 
M. Thenard , de son autorité seulement, donne la préférence à 
ceux de M. Berzelius, Ils le mériteront, sans doute, mais au 
moins falloit-il nous en convaincre; faute de quoi, nous ne 
voyons plus ici qu'une partialilé qui manque son coup...,même 
quand elle diroit vrai. 

M. Berzelius fixe à 12,5 la protoxidalion du cuivre, mais 
d’autres avoient paru avant la sienne : quelle est la préférable ? 
à 12,5 de protoxidation, il est évident que c’est une proto-sul- 
furation de 25,0 qui devoit y convenir; mais il y a aussi une 
proto-sulfuration de Vauquelin, qui est de27, une autre de Proust, 
qui est de 28. Ces autorités ne disoient-elles rien à la justice de 
M. Thenard? 

La sulfuration du plomb est à 15 sur cent d’après plusieurs 
auteurs; on ne pouvoit le contester; mais comment la faire 
cadrer avec la protoxidation de ce métal, qui est au moins de 9,0? 
eu la ramenant par la plume à 7,7! cela est tout-à-fait commode! 


260 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


A la vérité, quand on rougit dans un creuset de platine, du 
nitrate de plomb dont l'oxide coule et attaque si aisément le 
platine, on est sûr de se trouver bien au-dessous de 9,0, mais 
dans une cornue les produits sont bien diflérens. 

Que la composition d’un sulfure offre un rapport de quantité 
avec celle de Van des oxides du même métal, ce n’est jamais 
là, me semble, qu'un effet du hasard, surtout quand l'exemple 
ne s’en répète point; et c'en seroit même un autre encore, quand 
on en découvriroit quelques-uns de plus en comparant des listes 

lus nombreuses de sulfures et d’oxides ; mais tant que de pareïs 
résultats resteront isolés, rares et sans liaison entre eux, ils ne 
seront jamais que des faits bons à conserver, tout au plus dans 
nos annales; et quoi qu’on fasse, on n’y trouvera de sitôt, ni 
de quoi fonder une doctrine nouvelle sur la sulfuration, ni 
rien qui puisse justifier non plus les exagérations hyperboliques 
avec lesquelles M. Thenard a voulu placer la découverte de 
M. Berzelius au-dessus de tout ce que la Chimie française avoit 
fait dans ce genre. 

Voici, par exemple, quelques fragmens bons à conserver. Parmi 
différens rapprochemens dont on avoit commencé l'essai, il s’en 
est présenté quelques-uns, mais ils ne sont pas nombreux : on 
pourra les joindre à celui de l’argent. 

L’oxidation majeure du mercure étant à 8,7 comme nous 
l'avons fait voir, et le soufre du cinabre à 17,6, on voit que 
ce sulfure correspond assez bien avec le deutoxide du mercure. 

Le protoxide du cobalt étant à 20 d’oxigène et son sulfure 
à 40, voilà encore un rapport de ce genre. 

Le protoxide du nickel est, comme nous l'avons dit, à 25 
ou 26, et son sulfure à 48 environ. En rectifiant ces deux éva- 
luations, peut-être y découvriroit-on encore plus de correspon- 
dance. 

J’avois, autant qu’il peut m’en souvenir, arrêté la protoxida- 
tion du cuivre à 14 : j'ai trouvé son sulfure à 28 constamment. 
Donc encore un rapport à noter, s’il n’y a rien à réduire à la 
premiére de ces évaluations. On voit de là, qu’en général le 
soufre se combine avec les métaux dans une proportion bien plus 
forte que l’oxigène. 

Quantau fer, au mercure, à l’arsenic , etc., auxquels M. The- 
nard assigne des proto-sulfures qui correspondroient à des prot- 
oxides, sans les ton auxquels les exposent des combi- 

naisons 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 261 


maisons avec une certaine quantité de soufre ou de métal, 
pag. 369. 

J’observerai sur cela, què nous ne connoissons encore que 
le sulfure du fer au #727ëmum , qui puisse se combiner avec une 
portion de soufre, et devenir par là un composé nouveau, une 
pyrite, etc.; mais en prenant ce sulfure à son premier état, nous 
ne voyons pas qu'il corresponde à aucun oxide de fer. 


Le mercure ne nous présente non plus rien de tout cela dans 
sa sulfuration, l’arsenic encore moins. Si maintenant nous con- 
sidérons ces trois sulfures dans les combinaisons qu’ils pourroient 
former avec un excès de ce métal, nous nous égarons dans un 
Jabyrinthe de possibilités que M. Berzelius ne paroît pas non plus 
avoir sondées. Ainsi, obscurité, confusion de quelque côté qu'ou 
envisage son système. 4 

IL est temps enfin d’arriver à une découverte qui intéressera 
plus, j'espère, que toutes celles que nous avons si vainement 
cherchées jusqu'ici. C’est de voir actuellement M. Thenard en 
contradiction avec lui-même ; c’est de le montrer abandonnant 


toutä-coup la doctrine de M. Berzelius, sans nous expliquer les 
motifs de cette étrange conversion. 


Nous avons bien reconnu, par exemple, qu’il ne lui avoit 
pas été possible de soutenir d’un seul fait bien constaté, les 
deuto et les trito-sulfures ; de là le manque des chapitres que 
son ouvrage promettoit sur cela. Cependant au moment où il ne 
se voyoit point encore tout-à-fait sans ressources à cet égard, 
M. Thenard prend le parti désespéré de rejeter loin de son 
texte les nouveaux proto, deuto et trito-sulfures que M. Ber- 
zelius vient de lui offrir, comme s’jls n'étoient pas de la même 
main, du même aloi, comme s'ils ne brilloient pas par une con- 
cordance aussi parfaite, aussi mathématique que les premiers! 
il y a de l’inconséquence à cela, ce me semble. 


Et en effet, au lieu de continuer à bâtir sur ce fond , il rejette 
dans une note tout ce qui lui reste sur cette matière, {elles que 
les choses suivantes : 1° M. Berzelius, dit-il, a découvert un 
proto-sulfure d’étain dont le soufre se monte à 27,23, quantité 
double de 13,6 qui représente l’oxigène du protoxide de ce métal. 
Malgré cet accord, M. Thenard, qui le croiroit ? intitule sy/fure 
tout bonnement le chapitre qu’il donne sur le sulfure de l’étain, 
et il abandonne la nomenclature de M. Berzelius. Il fait plus 
même, car, au lieu d'employer l’évaluation de ce chimiste, il 


Tome LXXXI. OCTOBRE an 1815. LI 


262 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


donne celle de Bergman, 25 sur cent. Tout cela n'est-il pas 
singulier ? 

. 20, Il rapporte un deuto et un trito-sulfure dont les nombres 
s'accordent encore admirablement avec ceux du deutoxideetdw 
triloxide d’étain, et n’en fait aucun usage dans son texte, ne 
fût-ce que pour prouver qu’au moins il en existe un de chaque 
espèce. L'autorité de M. Berzelius a donc perduyson empire! 
Oh, inconstance de nos jugemens! encore Fa réflexions, et 
M. Thenard avoit le bon esprit de repousser loin de lui tout 
ce fatras de poli-sulfuration! 

Je me garderai d'analyser ici les procédés que donne M. The- 
nard pour obtenir du proto, du deuto et du trito-sulfure; car 
pour peu qu’un lecteur ait de conuoissances en pratique, sa pa- 
lience n’y tiendroit pas. 


Enfin M. Theuard termine sa note par nous apprendre que 
l'or musif que Pelletier et Proust avoient regardé comme étant 
un oxide sulfuré, M. Berzelius pense que c’est là son trito-sul- 
fure. Tel pense qui ne prouve pas; et toujours dans les ornières 
de l'incertitude; en vérité, M. Thenard, il seroit bien temps de 
nous en tirer! Que conclure de cette revue? que M. Thenard, 
ne prouve ni proto-sulfures, ni deuto sulfures, ni trito-sulfures.. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 263 


SEPTIÈME LETTRE, 


OU SUITE D'OBSERVATIONS SUR LE TRAITÉ 
ÉLÉMENTAIRE DE CHIMIE DE M. THENARD; 


Par L PROUST. 


Sulfures de Fer. 


LE chimiste, qui annonça que le fer étoit susceptible de deux 
oxidations à termes fixes, découvrit, peu de temps après, que ce 
métal n'admettoit pareillement que deux sulfurations du même 
genre. Je dirai maintenant que de ces premières observations- là 
dafent réellement toutes les connoissances du jour sur les sul- 
fures du fer artificiels au minimum et au maximum, et par 
conséquent, sur les deux sulfures naturels qu'on appelle py- 
rite magnétique et pyrite ordinaire, que dorénavant je désigne- 
rai par pyrite jaune , pour éviter les circonlocutions. 

La découverte des deux sulfures artificiels donna occasion à 
son auteur d'annoncer que le premier, ou le sulfure mineur, 
n’existoit point dans la nature, tandis que le second, ou la py- 
rite jaune, se rencontre, se produit même si abondamment dans 
Jes mines. Jusque-là, en eflet, la pyrite magnétique n’avoit point 
encore paru dans les cabinets des minéralogistes; mais une 
fois avertis de la possibilité de son existence, ils ne pouvoient 
tarder à la rencontrer aussitôt qu’elle se présenteroit quelque 
part; et c’est aussi ce qui est arrivé. Ainsi la découverte du sul- 
fure mineur naturel n’a réellement été faite que depuis les Mé- 
moires de l’auteur sur les sulfures du fer; car tout ce qu'on sa- 
voit avant cette époque, sur ces objets, se réduisoit à penser 
que la pyrite jaune étoit un oxide sulfuré. C’est sur quoi on 
peut consulter l’analyse des pyrites, que Vauquelin donna dans le 
Journal des Mines. La nouvelle nomenclature, enfin, ne les 
désigna pas autrement, 


Ll's 


264 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


La découverte des deux sulfures, considérés comme métaux 
et non comme oxides sulfurés, appartient donc exclusivement à 
la Chimie française, et celle de la pyrite magnétique, qui ré- 
pond au premier de nos deux sulfures, à M. Hachette, si je ne 
me trompe. Voyez, pour les dates de tout cela, le Journal de 
Physique. 

Lors donc qu'on voit M. Thenard annoncer, dans une note 
de la pag. 378, tome I, que, selon M. Berzelius, il n'existe que 
deux sülfures de fer dans la nature, je me trouve on ne peut 
plus flatté de voir mes conséquences adoptées par un chimiste de 
son mérite; mais je ne reviens pas, en même temps, de la lé- 
géreté d’un professeur qui, vivant au milieu des bibliothèques, 
n'ambitionne néanmoins jamais de se montrer au courant de son 
histoire, et qui s'expose par conséquent à ce que M. Berzelius 
soit le premier à l’avertir de sa méprise. De pareilles négligences 
traînent à leur suite une multitude de désagrémens : le moindre, 
d’abord, est d'obscurcir, comme à dessein, les époques, ou, tout 
au moins, de les confondre; après quoi l’on s’expose à brouiller 
les tilres et les propriétés, de manière à désobliger infiniment 
tout le monde, même ceux qui voudroient essayer de rédiger 
chronologiquement l’histoire de la science; mais c’est bien pis 
encore, quand l'intention d’affliger est manifeste. J 

Je ne sais pas bien positivement si c’est M. Hachette qui fit 
la découverte de la pyrite magnétique, ou si c’est M. Berzelius; 
mais ce qu'il y a de certain, c’est que l'analyse de ce dernier, 
portant le soufre à: près de 59 sur 100, nous offre, avec celle 
du sulfure mineur, qui est à 60, une correspondance extrême 
ment salisfaisante pour les principes, et qui confirme plus que 
jamais ce que j'ai déjà eu occasion d’avancer bien des fois : c’est 
que la nature n’a pas deux poids pour une même combinaison A 
soit qu'elle la produise par elle-même, soit que le chimiste la 
copie dans son laboratoire, tant il est vrai qu'il n’est point donné 
à l’homme de la former sur des proportions arbitraires ou difié- 
rentes de celles qui lui sont assignées de toute éternité. Homo 
naluræ minister, etrien de plus. 

Cette vérité, dirai-je encore, ne me paroît pas avoir été bien 
sentie par la plupart de nos analystes. Le mercure doux qu'un 
pharmacien compose par la voie sèche on par la voie humide ; 
ve diffère en rien de celui que je découvre dans les mines d’Al- 
maden. Le muriate qui encroûte les piastres qu’un naufrage en- 
sevelit au fond des mers, ne diffère pas dans ses proportions, de 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 265 


Ces belles masses vitreuses d’argent corné qui nous sont venues 
es mines de Guantajaia , sur la mer du Sud. Les proportions du 
civabre de Hollande, de Guamavelica et d’Almaden sont tou- 
Jours les mêmes. La couche de sulfure qui plombe ces reliquaires 
d'argent que la piété de nos pères conserve dans leursalcoves, n'est 
aufre chose que le sulfure d'argent de Konsberg où du Potosi. 
Pourquoi le sulfure de fer au minimum, égalèment fait sur une 
proportion fixée par la nature, différeroit-il de celui qu’elle nous 
présente dans la pyrite magnétique ? Bi jamais on répète compa- 
rativement l’analyse d'un sulfure mineur bien préparé, et celle 
d’une pyrite magnétique, qui ne soit mélangée ni d’oxide, ni de 
pyrite jaune, comme je l'ai remarqué dans bien des échantillons 
que J'avais amassés à Paris, je ne doute pas que laccord de 
leurs proportions ne se confirme plus rigoureusement encore. 


Les combinaisons métalliques étant assujetties aux mêmes lois, 
les oxides, les sulfures, toutes les combinaisons salines qui peuvent 
en dériver, ne peuvent donc jamais se présenter autrement qu'à 
termes fixes ; mais la nature ensuite les mélange, les déguise et 
les divise les uns par les autres. Æx énjurié loci color est. Voilà 
nos minéraux. Peu de naturalistes, je le répète, les ont envisa- 
gés sous ce point de vue. Venons à la composition des sulfures 
naturels. 


M. Berzelius et moi convenons parfaitement des proportions 
du sulfure au #énèmum, lui, pour celui de la nature, ou pyrite 
magnétique, et moi, pour celui de nos laboratoires, c'est-à-dire 
de 58,75 à 60 de soufre sur quintal, pour l’un comme pour 
Fautre. 

Maïs nous sommes loin de nous accorder sur la pyrite jaune, 
par exemple. En chauffant à certain point le sulfure mineur, 
avec une nouvelle dose de soufre, je trouvai qu’il fixoit par ce 
moyen 30 de plus au-dessus de 60; total go. Je renvoie à mon 
Mémoire pour, les détails; mais M. Berzelius porte cette sur- 
charge à 117, double des 56,75 qui constituent le r727imum du 
sulfure. Cela m'a paru d’abord extraordinaire; je me serai trom- 
pé, pourtant; car M. Hachette la portant de son côté à 115, 
son évaluation confirme par conséquent assez bien celle de 
M. Berzelius ; elle prouve tout au moins que celui-ci ne peut 
qu'être tout près de la vérité, et dès-lors je m’empresse de 
l'admettre. 

Mais voici une difficulté qui m’arrête. Lorsqu'on chauffe for- 


266 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


tement 100 parties de fer avec 117 de soufre, on en obtient le 
sulfure au 72inimum, qui, de l’aveu de Berzelius , de Hachette 
et de Proust, ne retient que de 58 à 60 de soufre. Cela bien 
entendu, pourquoi 217 de pyrites distillées s’arrêtent-elles à 195, 
au lieu de 158 à 60? M. Thenard, qui copie ces faits, n’auroit-il 
pas dû éclaircir un peu une difficulté qui choque autant les prin- 
cipes de la sulfuration du fer, qui, pour tout dire en un mot, 
saute aux yeux? Et si M. Berzelius, malgré cela, n’admet que 
deux sulfures constans dans la nature, à quel titre M. Thenard 
en admet-il trois? Que si la pyrite distillée fournit un sulfure 
moyen entre les deux extrêmes 56,75 et 117, comment M. Therard 
ne nous dit-il rien de la physionomie et des propriétés de ce troi- 
sième sulfure , qui ne peut ni ne doit ressembler à aucun des deux : 
autres? M. Thenard me paroît copier facilement les ehoses comme 
on les lui présente, mais il laisse à d’autres le soin d’en discuter 
la réalité. Cela est commode. Allez maintenant chercher des idées 
neltes sur l’histoire, sur Ja nature et les proportions des sulfures 
du fer, dans le Traité élémentaire théorique et pratique de 
M. Thenard ! 


Nous avons vu ailleurs la facilité avec laquelle M. Thenard 
soustrait le mercure à la loi qui assujettit les corps simples à un 
très-petit nombre de combinaisons ; nous allons voir maintenant 
le fer mis à son tour hors de cette loi. — Outre Les trois sul- 
Jures dont on vient de parler, on peut encore en admettre 
plusieurs autres, dit-il, pag. 378. Et quels sont ces nouveaux 
sulfures? qui le croiroit ? Débord un mélange de sulfure vrai, 
fondu dans une certaine quantité de fer; puis un autre sulfure 
fait de même, mais selon des proportions dont M. Thenard 
n'analyse point le résultat, et qui, faute de cela, n’est par con- 
séquent que le premier, ou le second, ou le troisième , ou enfin 
le quatrième des cinq sulfures qu’admet ce professeur ! Cela est-il 
supportable? 

Placer sur la ligne des combinaisons vraies, ou à proportions 
fixes, une combinaison quelconque, délayée , dissoute, fondue, 
mélangée dans un excès de l’un ou l’autre de ses facteurs, dans 
un oxcipient quelconque, par conséquent; M. Thenard, en vé- 
rité, me permettra bien de lui dire avec ma franchise ordinaire, 
que c'est là aussi par trop confondre les moulins à vent avec les 
châteaux. 

Que diroit-il, lui-même, d’un professeur qui, après avoir dé- 
crit le salpêtre, ajouteroit : mais on en peut admettre plusieurs 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 267 


autres encore. Par exemple, lorsqu'on fait fondre du salpétre 
dans deux parties de potasse, on en obtiendra un salpêtre nou- 
veau bien fondu, qui contiendra plus de potasse, etc. Enfin, 
quand on emploiera parties égales de salpêtre et de potasse, on 
en obtiendra encore.....! Avec pareils principes, combien de 
salpêtres n’auroit-on pas? Voilà les sulfures de M. Thenard! Ana- 
Iysons-les enfin. + 

Quel que soit l’auteur où M. Thenard ait pris sa première re- 
cette : 200 partiesde limaille et 100 parties de soufre, par exemple, 
il a bien dû juger que cette formule-là étoit vicieuse par le défaut 
de proportions, et par conséquent, qu’il ne devoit pas la tirer de 
son obscurité. Et en effet, 200 parties de fer veulent au moins 
deux fois 60 ou 120 parties de soufre pour leur saturation. A quoi 
bon un sulfure mélangé de fer, qui donne, par conséquent, comme 
le dit M. Thenard lui-même, une portion d'hydrogène sulfuré ? 
Cela cesse d’être un sulfure. 

Quant à la seconde, 200 parties de fer contre 200 de soufre, 
elle revient, après la fonte, à 320 de sulfure au z7é7êmum ; seu- 
lement on a perdu 8o parties de soufre qui se sont dissipées et 
brülées, Mais le sulfure au #72nimum n’est autre chose que lun 
des deux sulfures admis par Berzelius, Hachette et Proust. Ce 
sulfure-ci n’a donc rien de nouveau, et c’est à celui-là qu'il 
falloit s’en tenir. Donc le précédent n’étoit pas admissible, et 
celui-ci n’est autre que l’un des deux sulfures connus. Done 
voilà les cinq sulfures de M. Thenard réduits à trois. Reste main- 
tenant à nous expliquer ce que c’est que le sulfure à 95 de soufre 
sur 100, puisque M. Berzelius, dont il est tiré, n'admet lui-même 
que deux sulfures de fer. Mais celui-ci n’est pas dans la nature ! 
Comptez alors qu’il ne sera pas non plus dans Part! 


Sulfure d’Arsenic. 


De Dioscoride à Valmont de Bomare, on n’a cessé de nous 
répéter qu’il y avoit de l’orpiment et du réalgar. M. Thenard 
mous répète aussi qu'il y a du réalgar et de l’orpiment, puis les 
pagodes de Chine, puis les tasses purgatives, puis le dépilatoire 
des Turcs, puis, etc. Combien de fois dans ma vie j'ai payé ces 
choses.là ! Mais quelle différence y a-til du réalgar à lorpi- 
ment ? Les proportions citées par Bergman sont-elles vraies ? L’ar - 
senic forme-tl avec le soufre une combinaison à terme fixe, 
comme la plupart des autres métaux, ou deux également à termes 


268 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


fixes, comme le fer? Voilà des éclaircissemens que la Chimie 
attend depuis des siècles, et M. Thenard nous retient toujours, 
à cet égard, dans l’ornière que suivaient nos pères. Cela n’avance 
pasla Chimie. 

Sulfure de Manganèse. 


N’existe point dans la nature, p.374. Mais pardon, M.Thenard, 
ou bien vous n'avez pas vu de minéraux de tellure, ou d’or de 
Nagiag ! Klaproth l’a rencontré dans ces mines. Del Rio l’a trouvé 
au Mexique. J'en ai vu aussi, et en ai donné l’analyse. Ce sont 
des noyaux verdâtres, d’un ton un peu pyriteux, extrêmement 
remarquables dans plusieurs échantillons. Îls-sont empâtés dans 
du carbonate de manganèse; ils donnent l'hydrogène sulfuré en 
abondance, de l'acide carbonique, et dans LA dissolutions, du 
manganèse pur. Enfin tous les minéralogistes moderues en parlente 


Sulfure de Zinc. 


S’obtient par les deux premiers procédés, qui sont : chauffer 
le métal ou son oxide avec du soufre, dit M. Thenard. Pour 
celui ci, passe; mais pour le premier, M. Thenard ne se sera 
point ressouvenu qu'’ilen esten Chimie de la sulfuration du zinc, 
comme de celle de l'or; qu’il est en opposition, par conséquent, 
avec tout ce qu'il y a de docimasistes, de chimistes et de mé- 
tallurgistes anciens et modernes. M. Thenard n’aura jamais rien 
essayé sur cela; car alors il auroit infailliblement observé des 
faits curieux ; mais il aura jugé qu'à vue de pays cette sulfu- 
ration-là devoit aller son train comme celle du fer, du cuivre, etc. 

M. “henard, cependant, auroit pu lire quelque part, que 
M. de Morveau, frappé de cette singularité, s’occupa, il y aura 
trente ans déjà, de la sulfuration du zinc par la voie indirecte 
de ses oxides. Son travail parut , il est vrai, sous le règne du 
phlogistique; mais les faits étant toujours les mêmes, il n’y au- 
roit qu’à les costumer en oxigène, comme on a fait très-utile- 
meut pour la science des travaux de Scheele , de Bergman, et 
alors on rendroit à M. de Morveau un hommage qui lui est dû 
à tant de litres. 


Jusqu'à l’époque de la nomenclature, les blendes étoient des 
oxides sullurés, comme les orpimens, les réalgars, etc.; et 
c'est, Je crois, Proust qui a le premier désabusé de ces idées-là, 
Le fait est, qu'un oxide de zinc, chauffé avec du soufre, y perd 


29 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 269 


25 d’oxigène, et prend à sa place environ 38 à 40 de soufre. 

Enfin Ë belle blende jaune, chauffée avec du soufre, ou du char- 
bon, ou de la limaille de fer, se montre inaltérable. La blende 
est donc un métal saturé de soufre. Pourquoi ne peut-on le sul- 
furer immédiatement ? Voilà ce qu’il faut chercher. Mais enfin 
pourquoi ne pas setenir au cours de nos connoissances sur lezinc , 
ce qui seroit le vrai moyen d'indiquer ce qui reste à faire ? 


Sulfures en général. 


« Sont connus depuis très-long-temps ; ils ont été étudiés par 
» un grand nombre de chimistes, et particulièrement par 
» MM. Gay-Lussac et Berzelius, pag. 373.» Toujours des idées 
vagues ou mal arrêtées sur chaque objet; tant il est vrai que 
la précipitation gâte tout. | 

D'abord on ne connoît bien réellement les sulfures, que de- 
puis Bergman, Berthollet et Proust. IL falloit donc mettre ces 
aoms-là avant ceux de Gay-Lussac et de Berzelius. Il n’y a point 
de concision qui autorise à n’être pas juste envers tout le monde. 


Et en effet, avant leurs recherches, la pyrite étoit un oxide 
sulfuré, le cinabre un oxide sulfuré, la blende un oxide sulfuré, 
l’orpiment un oxide sulfuré, le verre d’antimoine un oxide sul- 
furé, le sulfure verd de manganèse un oxide sulfuré , les mines 
d'argent rouge autant d’oxides sulfurés. L’or musif, voilà le 
seul oxide sulfuré qui nous soit resté. Ces découvertes sont mo- 
dernes, et leur rapprochement ne pouvoit qu'être instructif. Quant 
aux autres sulfures, les métallurgistes fondoient la galène, la 
pyrite cuivreuse et l’antimoine, et l2 Chimie ne s’en occupoit 
guère. Il y a encore des observations très-bonnes pour le temps, 
dans un Mémoire de Monnet, sur la minéralisation. 


« En effet, lorsqu'on expose le per-sulfure d’un métal à une 
» température suffisamment élevée, on en dégage presque tou- 
» jours une portion de soufre, pag. 364. » Toujours des idées 
mal circonscrites, toujours des généralités là où iln’y en a point !... 
Il »’y a pourtant qu'un per-sulfure dans toute la Minéralogie; 
c’est la pyrite. Quels sont donc les autres? et à quel autre per- 
sulfure appliqueroit-on ce presque toujours ? 


« Quelquefois le sulfure se décompose complètement, et l’on 
» remarque que ce sont surtout les sulfures dont les métaux ont 
» très-peu d’affinité pour l’oxigène, qui sont dans ce cas. Zbid.» 
Toujours des généralités, là où il n’y a pas même un fait connu! 


Tome LXXXI. OCTOBRE ar 1618. Mm 


/ 


270 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Le nombre des sulfures est si petit, d'ailleurs, que M. Thenard 
auroit dû en spécifier au moins une couple d’exemples. Le mer- 
cure, l'argent et le platine ont bien peu d’aflinité pour l’oxigène, 
et malgré cela leurs sulfures ne se décomposent point ainsi. Donc 
l’idée de M. Thenard n’a pas de fondement. . 


« C’est même en traitant le sulfure de plomb par la fonte (de 
» fér), qu'on obtient la majeure partie da plomb qu'on verse 
» dans le commerce, pag. 368.» Le plomb alors coûteroit assez 
cher; car le fer absorbant 60 de soufre sur 100, il faudroit tou- 
jours un quintal de fonte pour dessoufrer 460 livres de galène, 
et cela, en supposant qu'on y procédât dans des vaisseaux 
fermés; et pour exploiler une mine de plomb, il faudroit 
exploiter aussi une mine de fer à ses côtés. Mais rien de tout cela 
ne “exécute. Toute galène pure contient de 84 à 85 de plomb. 
On la traite à la flamme du réverbère, et il en sort communé- 
ment 60 centièmes de plomb de première coulée. Ce qui reste sur 
l'aire se passe au fourneau à manche; on en retire du plomb 
aigre : c'est avec celui-ci qu’on fait du plomb de chasse, en y 
ajoutant de l’orpiment, ce qui donne au grain la propriété de 
s’arrondir; avec le plomb doux, on moule des balles. Le dernier 
produit enfin, est une scorie qui nage sur le plomb; on la fait 
écouler : c’est la saturnite de Kirwan et de Monnet, Elle est 
ordinairement composée de sulfure de cuivre dissous dans une 
certaine quantité de plomb. Je ne me rappelle pas d'y avoir 
trouvé de phosphore, quoique le phosphate ne soit pas rare 
dans les filons de galène. 


Hydrogène sulfuré. 


« Son odeur et sa saveur sont insupportables, pag. 360 , 
» tome EF.» Oui, sans doute, pour les gens à l’ambre; mais 
pour un chimiste, l’oxigénation n’est pas non plus supportable; 
et l'odeur des œufs, qu’on lui compare, est bien autrement in- 
fecte et révoltante que celle de l'hydrogène sulluré. 

« Ge gaz est très-dangereux à respirer. » Cela est ‘vrai, mais 
c'est quand il est en masse. Hilaire Rouelle manqua de perdre: 
Ja vie au Jardin des Plantes, en précipitant une grande quan- 
tité d’hydro-sulfure sulfuré de potasse. Maïs lorsqu'il est délayé 
dans l'atmosphère, on n’en est pas dangereusement affecté, Je 
n'en explique pour afloiblir une exagération pareille à celle de 
ces gens qui assurent qu'on ne peut pas manier ou flairer l’arse- 


L 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 271 


pic sans risque, et pour faire sentir l'embarras bien superflu 
d’avoir à ses côtés du ait de chaux pour le saturer , puis encore 
un flacon d’où se dégage du gaz muriatique oxigéné, comme le 
recommande M. Thenard, pag. 311 du premier volume, et 661 
du second. Le gaz sulfureux n’est pas moins suflocant; craint- 
on, pour cela, de brûler de la poudre ? C’est le même cas. 


Préparation. 


M. Therard parle-t-il sérieusement, quand il propose l’em- 
ploi du sullure d’antimoine, de l'acide muriatique , des matras, 
des deux tubes et d’un fourneau ( pag. 310 , tome I}, pour se 
procurer l’hydrogène sulfuré, pour en remplir des flacons, en 
dissoudre dans l’eau, etc. 


Mais au second tome, pag. 660, M. Thenard a bien perfec- 
tionné sa pratique; car, ne se souvenant plus de ce procédé, il 
recommande celui où l’on fait usage du sulfure de fer, ce qui 
est bien plus raisonnable. Quant à l’économie, M. Thenard n’a 
pas tout-à-fait choisi ce qu'il y avoit de mieux. Et comme l’em- 
ploi de l’hydrogène sulfuré devient fréquent aujourd’hui dans les 
grands laboratoires, dans ceux surtout où l’on s’occuperoit de 
purifier le nickel et le cobait, de préparer des eaux hydro-sul- 
furées, des hydro-sulfures, elc., je vais donner un moyen de 
se procurer le sulfure de fer à beaucoup moins de frais que ce- 
lui que M. Thenard propose pag. 378. Il est aisé de concevoir, 
eu effet, que fondre du sulfure et le couler en plaques, pour le 
pulvériser ensuite, sont un accroissement superflu de manipula- 
tions ajoutées à une dépense également inutile de charbon et de 
creusets. Voici le procédé. 


On remplit un creuset de 4 à 5 livres d’un mélange fait dans 
les proportions de cinq parties de limaille et de trois et demie 
de soufre. Le creuset couvert, on le place sur la grille d’un four- 
neau de réverbère proportionné, et dont les deux pièces supé- 
zieures restent de côté. Ensuite on la remplit de charbon, qu’on 
élève de 4 à 5 pouces au-dessus du creuset; puis ony jette de la 
braise allumée. La porte du cendrier restera fermée. Tandis que 
le feu se communique partout, tandis qu’il se consume, le creu- 
set parvient à rougir obscurément : et quand tout est froid, la 
limaille se trouve à la fin sulfurée, sans avoir éprouvé de fu- 
sion. Il ne s’agit plus que de retirer du creuset une masse pul- 
vérulente qui, s’égrainant entre les mains, se trouve par là tout 

Mn 2 


272 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


appropriée à l'opération de l'hydrogène sulfuré. Le creuset se 
garde pour cet objet, car il peut y servir long-temps, et la cha- 
leur du fourneau se met encore à profit, par une évaporation 
quelconque. 


De l'utilité de T Hydrogène sulfuré dans l’analyse moderne: 


Bergman, qui fit un si long travail sur le nickel, ne pensa 
point à y appliquer lhydrogène sulfuré. Jusque-là on ne soup- 
conna point encore que ce réactif fût capable de séparer certains 
métaux des autres, et pût en débarrasser les dissolutions com- 
pliquées, sans cependant augmenter le nombre des combinaisons 
qui peuvent s'y trouver. 


Ce fut dans la séparation du tannin d'avec l'acide gallique, que 
hydrogène sulfuré fut employé, pour la première fois, comme réac- 
üf; peu d'analyses minérales pourroient aujourd'hui s’en passer, 
et M. Thenard avoit à ce sujet une belle occasion de rendre 
quelqu'hommage à la Chimie française. Je n’oublierai pas de dire 
ici que le savant professeur Roux, mêlant le muriate d’arsenic 
aux eaux sulfureuses d'Enghien, fixa le premier les idées sur la 
réalité du soufre dans ces eaux, qu’on avoit toujours été fort 
embarrassé d'y démontrer, quoiqu'on ne pât pas d’ailleurs dou- 
ter de son existence. 


M. Thenard, qui ne pense pas toujours sur un objet, au pre- 
mier volume comme au second, nous a donné, tome I, p.37r, 
un moyeu de sulfurer , par l'hydrogène sulfuré, zous les métaux, 
sans déstinction. Voyez le paragraphe qui commence par : Ou 
prend un sel formé, etc. L'oubli, car c’en est un dans un pro- 
fesseur du mérite de M. Thenard, est pourtant singulier! A cet 
oubli, M. Thenard en ajoute un autre qui n'est pas moins 
grave ; le voici, c'est qu’il assure que le précipité qu’on obtient 
d'uue dissolution passée par l’hydrogène sulfuré, est un sulfure 
métallique qu'il ne s’agit plus que de conserver dans un 
flacon. Comment qualifier toute cette confusion-là ? Dans les 
précipités Lirés des métaux qui sont susceptibles de les donner 
par ce moyen, l’on trouve tantôt des oxides hydro-suifurés, tan- 
tôt des sullures purs et simples, avec celte restriction ceper= 
dant, que tous ces précipités sont sujets à contenir un excès de 
soufre qui n'appartient point à leur constitution ; et la raison en 
est évidente, c’est que les dissolutions métalliques précipitent 
ou décomposent souvent plus d'hydrogène sulfuré qu'il n’en faut 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 279 
pour les combinaisons ou sulfureuses, où hydro-sulfureuses qui 


ont à se produire. D’abord, les hydrogènes sulfurés ne sont pas 
toujours aussi chargés de soufre, les uns que les autres, à cause 
d’un reste de fer non combiné qu'ils contiennent souvent; 2° à 
cause de l'acide des dissolutions nitreuses, qui décompose à lui 
seul plus ou moins d'hydrogène sulfuré; et 3° enfin, parce que 
toutes les fois qu'une dissolution métallique n’a pas d’excès d’acide, 
une parlie de l’oxide abandonnera, se précipitera et agira comme 
oxide simple sur l'hydrogène sulfuré. C’est, je crois, Robiquet 
qui l’a remarqué sur le nickel. L'ouvrage de M. Thenard ne 
me paroîtroit pas un guide bien sûr pour l'analyse des minéraux. 

A la vérité, M. Thenard a bien rectifié toutes ces fausses 
icées-là dans son second volume. 11 y donne, pag. 333, une 
liste de dissolutions dont les unes précipitent par l'hydrogène sul- 
furé, et les autres non, ce qui indique assez clairement qu'il 


ne pensoit plus alors comme au temps où il écrivoit l’article 
du tome I, pag. 371. 


J’aime beaucoup, par exemple, voir M. Thenard nous racon- 
ter ce qui arrive quand on ajoute de l'hydrogène sulfuré à une 
dissolution de fer au maximum (note b, pag. 333). Il supprime- 
Je phénomène le plus piquant du procédé, pour qu’on ne découvre 
pas, se persuade-t-il': hélas! tout se découvre! Oh petitesse ! 
Pourquoi pas plus de franchise ? 

Le Mémoire qui fournissoit à M. Thenard cette expérience, 
jolie dans sa pralique, comme elle l’est dans le jeu de ses afti- 
nilés, lui en a présenté une autre qui n’est pas non plus d'un 
moindre intérêt, pour démontrer surtout que la pature ne veut 
que du sublimé corrosif, ou du muriate doux, et jamais de 
combinaisons intermédiaires entre ces deux points. Il la rapporte 
aussi dans la note de la page 334. Peut-on s'empêcher de rire 
maintenant, lorsqu'on découvre les moyens que M. Thenard met 
en œuvre pour couvrir une invasion de lerriloire...; pour dé- 
guiser uue expérience particulière sur le sublimé corrosif. ..; pour 
en tirer comme une sorte de formule générale qui ait l'air d'ap- 
partenir à tout ce que l’on voudra, afin qu'on n’en puisse plus 
soupconner l'auteur. De l’astuce à la place de la bonne-foi, quelle 
pitié! Relisez-là cette note, et jugez vous-même si dans le dé- 
guisement que vous donnez à mon expérience, elle peut être autre 
chose que du galimatias pour tout lecteur qui n'a point d'intérêt 
à vous déchirer? 


Craon , juillet 1815. 


THERMOMÈTRE EXTÉRIEUR £ É 
lou BAROMETRE MÉTRIQUE. 


ES 
Maximum. | Minimum. |A Mir. Maximum. Minimum. 


‘Sunof 
IGIN vw 
*LNI “NUA- 


heures. © | heures: © heures. 
155 #22 g0|à 5 4 m,.+10,25|+22,00/ù 9 m......,..7 
ï, +#-29,75|à 55 m.+11,25 
5. #25,90/à 52m. H12,25 
25,29 |à 5 À m.+12,50 
+#19,00/à 105. 11,79 
. 18,00|à 5 Lui. + 9,00 
#17 90|à 5£im.—+ 570 
+7,79|à 5 £ m.+ 6,00 
+20,00|à 5 1 
22,29 |} 
A à3s. +2460|151m.+ 
{irolà midi. +25,30|à51;m 
Ali3là3s. <26,20à5 
£ 14 à3s. 20,25 à 
Hirsla3s. <27,70|2 
M |16/à midi. +25,00|à 53 
Hirslà3s. “<+21,00/ 
M |160 AS +-21,60|: 
K | 19 à 35. +19,90 à 
Blooa3s. +H17,00|: à E 
Rizila3s. 16,655 5 m. 415,00 : 757,42|758,268 
22|a 35, H+21,70/ ù 3,90|+-19,00 5 756,00 
H23là3s. H15,70 ï 15,25 : 748,70] ! 
Nl2jla3s. 16,50 6m. 17,59 754,16 
Élaslamici. +18,75|1 6 m. 3,50|+18,75 758,18]. 
H|26/à 3s. +19,50|16 m. +18,10|à 7 À À IOS......+ -759,20|701,20 
diz7là 35. +18,75|à 6 m. é —18,65/à 95 764,20|4 6 m 762,20 
Ml8la3s. +17,90|à 6 m. 50| 17,50 764,84|à 9 1 s........ 763,70 
A|29/à midi. 4-22,75|à 6m. + 952|+22,75/è IST 754,00| à 5 1 751,08 
| 3o[à midi. H16,00|à 10 s. +-10,00 Ho 105.........753,47|à 6 m 792,40 


n Peu que 


: Cv Cu O5 © © D 


a ao 
n 


Ë Moyennes.+-21,11| + 9,95|+20,33| 756,6. [700,955| 
; | ACT TPE ECS RNCS TES 7 VI PEN LC RER RE EE NE JR EE à CE EST NU SEE MSP LS à GOT CEE 


RECAPITULATION. 
Millim, 
Plus grande élévation du mercure. .... 766°04 le 9 
Moindreélévation du mercure 748,70 le 29 
Plus grand degré de chaleur........, +-26°25 le 14 
Moindre degré de chaleur . + 3,90 le 23 
ombre de jours beaux. 
de couverts 
de pluie... ...... 
deivente-ecre#ten-ctee ë 


denelge tete 
de grêle 


Nora. Nous continuerons cette année à exprimer la température au degré du thermomètre cen 
cenlièmes de millimètre, Conune les observations faites à midi sont ordinairement celles qu'on, 
le thermomètre de correction. A la plus grande et à la plus petite ‘élévation du baromètre 
conclus de l'enseinble des observations, d’où 1l sera aisé de ner la température moyenne 4” 
conséquent, son élévation au-dessus du niveau de la mer. La température des caves est égalemeil hi 


i} 


A L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARIS. 


SEPTEMBRE 1815. 


| e Hyc POINTS 
| « VENTS. _— 
LENS LUNAIRES. 
& |à midi. 
L LE MATIN. 
 — 
1} 68 |N-O. Légers nuages. Beau ciel. Beau ciel. 
2| 67 IN-E. Lunepérigée. | Beau ciel, lég. brouil.| Nuageux. Idem. 
3| 69 |[N-O. N.L.àah17s. Nuageux, brouillard,| Zaem. Idem. 
4| 70 |0. Nuageux. Très-nuageux. Nuageux, petite pl. 
5| 63 NO. Idem. Beau ciel, Beau ciel. 
6| 68 |N-N-O, Très-nuageux. Couvert. Idem. 
7| 62/N. Nuages à l’horiz., br.|[Nuazeux. Idem. 
ô] 62 [N-N-E Jdem, Liem. Couvert. 
9] 62/E. Beau ciel, brouillard.| Beau ciel. Ciel superbe. 
10] 61 NE. P.Q.iohg's.| Zdem. Idem. Idem. 
mn 6: IN. Idem. Idem. Idem. 
2) 62 SE. Idem. - Idem. Idem. 
13| 66| Zdem Idem. Idem. Idem. 
14| 60| Idem Nuageux, brouillard.| Légers nuages. Nuageux, 
15| 61 |E-S-E Lune apogée, | [dem. Beau ciel. Beau ciel. 
16| 73 |S-O. Pluie , tonnerre. Très-nuageux. Quelq. gouttes d’eau. 
17] 69 |O. Couvert. Nuageux. beau ciel. 
16] 691!N.. P.L.à4h.2's. Nuageux, brouillard.| Zac. Item. 
16] ©) LE. Idem, Légères vapeurs. Idem, 
20| 60| Idem Légers nuages. Idem. Idem. 
21| 60! Idern. Beau ciel. Beau ciel. Idem. + j 
22] 671$. Iéem, br. gelée bl. |  Zdem, Pluie, éclairs, tonn. 
b3| 87 |N-O. Pluie abondante, ton.| Couvert. Beau ciel. 
24| 76 |SS-0. Nuageux, brouillard. Nuageux. Pluie. 
25| 63 [SS-E, Couvert, brouillard. |Couvert. Petite pluie. 
26| 86 |S. D.Q.à8h7m.| Zdem. Très-nuageux. Idenr. 
27| 77 |S-0. Couvert. Nuageux. Beau ciel. 
26| 77 |S-E. Beau ciel, brouill. Idem. Idem. 
29! 61] Zdem Nuageux. Idem. Couvert, pluie. 
5o| 82/|N-0. Couvert, pluie à 9h. |Couvert. Couvert. 
pu 69 RÉCAPITULATION. 
Nono aan one D 
NÉS ceate ee 2 
Bhéserbérdoeserte 5 
Jours dontle vent a soufllé du Die tr RAR p 
SHOP: HacAs6adte 2 
OL sodte cuodeboe 2 
NEO EN 5 


le 1° 129,110 


Fherm. des caves ; Ë centigrade; 


le 16 12°,111 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 31""80= 1 p. 2 lig. 1 dixième. 


DEEE TORRES TRE PET EE TEE RER DSP SRE STE EN CET RE VIE 


M figrade , et la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, c’est-à-dire en millimètres et 
| emploie généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromètre, on a mis à côté 
et du thermomètre, observés dans le mois, on a substitué le maximurn et le minimum moyens, 
du mois et de l'année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de Observatoire de Paris et pas 
exprimée ça degrés centésimaux , afin de rendre ce Tableau uniforme. 


276 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


SUITE À MES VUES 
SUR L'ACTION GALVANIQUE, 


COMME CAUSE PRINCIPALE 
DES COMMOTIONSSOUTERRAINES ET DES VOLCANS; 


Par J.-C. DELAMÉTHERIE. 


L’EXPLICATION que j'ai donnée des commotions souterraines 
dans le Cahier de mars de ce Journal, pag. 222, est assez 
intéressante pour que je cherche à l’appuyer par de nouveaux 
faits, J’y ai fait voir que le globe terrestre est composé de divers 
strates qui ont des interruptions ; ces slrates forment des es- 
pe de piles galvaniques. Ils se galvanisent les uns positivement, 
es autres zégativement, quelquefois sans eau, d'autres fois avec 
le concours de l’eau. 11 y a pour lors décharge, détonation , 
commotion, chaleur, fusion. .., comme dans les piles voltaïques 
construites par Part. 

Jamesson, dans un Mémoire inséré au Cahier précédent de 


ce Journal, a confirmé l'existence de ces strates et leur solution 
de continuilé. 


« La matière, dit:l, dont est composé le globe, paroît avoir 
été formée dans un ordre déterminé régulier, et considérée sous 
la forme de masses et de couches tabulaires, qui sont au globe 
entier de la terre, ce que les lamelles dont un cristal est formé, 
sont à la masse du cristal lui-même. Ces lamelles ne sont pas 
irrégulièrement disposées : au contraire, il est très-probable que 
si on les considéroit dans leur rapport avec la masse totale du 
globe, on trouveroit qu’elles se rencontrent sous certains angles 


déterminés, précisément comme les lamelles des cristaux se 
coupent entre elles. 


» Les plans extrêmes ou terminateurs des couches ne se pro- 
longent pas toujours sur toute l'étendue d’une montagne : au 


contraire, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 277 


contraire, nous trouvons quelque fois des plans limitrophes de 
diverses couches, qui se terminent dans la masse d’une couche 
plus épaisse, qui elle-même se noie dans une autre plus consi- 
dérable. À 

» Dans beaucoup de cas ces plans terminateurs doivent être 
considérés comme autant de solutions particulières de conti- 
Auié, » 


CMAPE io re alle + ‘eo ++ ce 


ais ut e Folle. siils, alfoeflehe Le: +, 


Si on suppose que l’action galvanique de quelques-unes de ces 
couches soit ou positive, ou négative, et que l’action galvanique 
d’autres couches voisines et opposées à celles-ci, soit dans un 
sens différent, on concoit que la solution de continuité dans ces 
couches excitera, comme entre les deux colonnes d’une pile vol- 
taïque , des décharges, des commotions, des détonations... 


. + 7e le CL ER 


Menard dans son Mémoire sur les phénomènes qu’il a observés 
au Vésuve (imprimé cette année dans ce Journal, Cahier de mai 


et suivans), rapporte d'autres faits qui viennent également con- 
frmer mon opinion. 


10. Le soufre, ditil, est peu abondant dans les substances 
rejetées par ce volcan. 


20. Il n’y a point observé de substances bitumineuses, ni 


d'odeur bitumineuse. Ses compagnons n’y en ont point égale- 
ment observé. 


On ne cite qu’un seul fait d’odeur bitumineuse observée au 
Vésuve. Ce furent Buch, Humboldt... qui disent y avoir ob- 
servé cette odeur en 1805. 


Mais Breislack dit qu'il y a une fontaine de pétrole dans la 
baie de Naples, à peu de distance de la base du Vésuve. On 
peut donc supposer qu’une portion de cette huile de pétrole aura 


été dans cette éruption, absorbée avec les eaux de la mer et a 
donné l'odeur bitumineuse. 


30. Les éruptions du Vésuve sont souvent précédées et accom- 
pagnées de pluies abondantes. 


4° Les eaux des puits qui sont dans les environs de la 
montagne, diminuent et disparoissent alors. 


5o. Les eaux des mers de la baie de Naples sont souvent ab- 
sorbées. 


Nous avons vu également que les commotions décrites par 


Tome LXXXI. OCTOBRE an rô1b. Na 


278 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
Vassali, qui arrivent à Pignerol..., sont précédées et accom- 
pagnées par des pluies. 
6°. Les éruptions du Vésuve sont accompagnées d’une grande 
Re de vapeurs aqueuses qui s’en dégagent avec violence, 
e vapeurs d’acide marin...; on {trouve dans les matières re- 
jetées du sel marin, diflérens muriates, de l’ammoniac..….. 


7°. Meuard a vu dans l’intérieur du cratère une lueur, qui 
ressembloit à celle d’un fer chauflé au rouge ou au blanc. 

8°, Mais il n’y a aperçu ni flamme ni scintillation. 

9°. Cette lueur paroît absolument semblable à celle qu’on 
observe dans les substances métalliques soit de platine, soit de 
fer. .., qui communiquent les décharges de puissantes piles gal- 
vaniques positives et négatives. Voyez les expériences qu'a faites 
H. Davy avec la pile de l’Fastitution royale, qui a 128,000 pouces. 
carrés de surface, 11 y a fondu le quartz et les substances qui 
passent pour ètre les plus infusibles; la lueur qui se dégageoit 
surpassoit l'éclat de la lumière du soleil... 


10°. La plus grande partie des laves du Vésuve contiennent une: 
telle quantité de fer, que Menard les regarde comme une sorte 
de pierre de fer, ou de fer en pierres...; c’est ce que j'ai ap- 
pelé laves fontiformes , nom bien approprié. 

110. Ce fer formoit des strates, et leur action galvanique éloit 
très-puissante.... 


._ CR Ve) al ee led er Re ent der ee 


Tous ces phénomènes observés au Vésuve par Menard, e 
qu’il faut relire dans son Mémoire, ne permettent pas de douter 

w'ils ne sont pas les effets de l’inflammation des substances 
combustibles; mais ils se déduisent de l’action de piles galvani- 
ques, produite par les diflérens strates de la terre, comme ceux 
que nous avons vus dans les vallées de Pignerol, de Cuson... 

St sl eleha: le Ve te aliel'elentiat en elle tRes ho ester or ere 

Je ne rapporterai pas ici une plus grande quantité de faits 
qu'il faut lire dans le Mémoire de Menard. 

Je vais réunir les conséquences qu’on en peut tirer, et ajouter 
à ce que j'ai dit dans le Mémoire imprimé au mois de mars. 

Le globe terrestre doit être considéré, avec Æraximène..., 
ainsi que tous les autres grands globes, comme une masse composée 
de substances primitivement aériformes. (F'oyez mon Mémoire 
sur la Fluidité aériforme des substances qui ont formé le globe 
terrestre , Journal de Physique, tome LXI, pag. 276.) 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 279 


Ces substances avoient sur leur axe un mouvement de ro- 
ation en 23 heures 56° 4". 


Elles ont cristallisé successivement et ont formé une masse 
sphéroïdale à peu près régulière; c’est une cristallisation aéri- 
Jorme. 

Cette probabilité peut être estimée — x — 99,000,000. 

L'axe du pôle est à celui de l'équateur environ daus le rap- 
port de 310 à 3rr. 

Cettefluidité aériforme suppose un assez haut degré de chaleur 
dans ces substances. 

Le globe qui en est résulté a conservé une partie de cette 
chaleur : c’est sa chaleur centrale. 

Cette probabilité est — x — 99,000,000. , 

Cette chaleur diminue continuellement et le globe se refroïdit 
chaque jour. (Théorie de la Terre, tome 111, pag. 416.) 

Cette probabilité est = x. 

L'intérieur de la masse du globe est composé de substances 
dites prémitives. Les unes sont homogènes, comme les quartz, 
feld-spaths , micas , hornblendes...; les autres sont composées 
de plusieurs de ces substances homogènes réunies. Ce sont les 
granits, les porphyres, les gneis, les schistes, les talcs, les ser- 
pentines..., les calcaires dits prémitifs...,.les substances mé- 
talliques.. 


Toutes ces substances se sont déposées suivant les lois des 
aflinités, et ont formé la masse du globe. 


Elles ont formé diflérens strates avec des solutions de con- 
tinuile. 

Il est demeuré dans celte masse solide, des espaces vides qui 
ont formé des cavernes plus ou moins considérables. Quelques- 
unes de ces cavernes pouvoient contenir des fluides élastiques. 

Il s’est formé dans ces masses différens filons , soit pierreux , 
soit métalliques, qui ont été déposés par cristallisation, avec 
les terrains qui les environuent. 3 

Ces strates ont exercé les uns sur les aufres une action gal- 
vanique, soit positive comme les stratesmétalliques..., soit négative 
comme les strates sulfureux, bitumineux, micacés, magnésiens.….. 

L’eau peu abondante dans le principe, s’est peu à peu accu- 
mulée dans la masse. 


Cette eau a été repoussée constamment à la surface de la 
Nn 2 


280 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


masse, comme plus légère, et a formé les mers qui couvroient 
le globe à cette époque. 


Les substances qui formoient alors la surface du globe, étoient 
tenues en dissolution, ou en solution, dans ces eaux; elles y 
ont cristallisé également suivant les lois des affinités. 

C’est une cristallisation aqueuse. 

Cette probabilité est — x —99,000,000. 

Ces substances ont formé diflérens szrates avec des solutions 
de continuité. 

Ces nouveaux strates exercoient, comme les premiers, une 
action galvanique les uns sur les autres. 

Cette action galvanique étoit ou positive, ou négative. 

Toute la masse du globe se trouvoit électrisée par ces diflé- 
rentes aclions. 

L'électricité de la masse du globe est un fait. 

Cette probabilité est — x — 99,999,999. , 

Les solutions de continuité de ces divers strates électrisés ou 
positivement ,ou négativement, déterminoient entre eux, comme 
entre les piles voltaïques positives et négatives, des décharges, 
des commotions, des détonations, des étincelles, de la chaleur, 
quelquefois assez considérable pour réduire ces substances en 
fusion... 

Ces décharges sont augmentées par le concours de l’eau. 

Ces masses cristallines n’ont point formé une surface plane , 
ou à peu près plane, comme difiérens géologues le supposent. 

Mais de grands amas de substances cristallisées s’y sont amox- 
celés et élevés çà et là, comme dans les grandes masses de sels 
cristallisés par l’art, le sel marin, l’alun...; elles y ont formé 
des élévations plus ou moins considérables. Ce sont les diffé- 
rentes chaînes de montagnes primitives qui n’avoient aucune 
direction constante. 

Ces probabilités sont = x — 99,000,000. 

Ces montagnes furent formées dans les eaux. 

Au milieu de ces grandes masses cristallisées dans les eaux, 
il est demeuré des vides, ou des cavernes, remplis souvent de 
fluides élastiques. 

Il s’y est formé à la surface, des fentes causées par le re- 
froidissement de la masse du globe; car cette surface se re- 
froidit plus promptement que son intérieur; elle se fendra done 
comme la surface des grands glaciers, qui se fendent par la même 
cause, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 28r 


Mais ces fentes furent beaucoup plus étendues. 
Les eaux continuèrent de diminuer, et laissèrent à découvert 
la partie solide du globe, ou les continens. 


Une partie de ces eaux qui a disparu, entra en combinaison 
dans ies diverses substances minérales qui se formoient. 


Une autre portion de ces eaux s’enfouit dans les cavernes in- 
térieures du globe, 


Une troisième partie s’est précipitée dans les fentes produites 
à la surface du globe. 


. ca . . . . . . . . . . . . . . . . 


Les êtres organisés des continens furent alors produits par une 
génération spontanée, une cristallisation... . 

Les mêmes espèces furent produites en différens endroits de 
la surface de la terre. 

Les mêmes espèces purent aussi être produites à différentes 
époques. 

Ceux de ces êtres organisés qui périssoient, laissoient leurs 
parties solides sur le sol; elles étoient entrainées par les eaux 
courantes dans les grands bassins. 

Ce sont les fossiles. 


Ces débris fossiles se mêloient avec les nouvelles couches, 
les nouveaux terrains qui se formoient dans le sein des eaux. 


Les houilles sont également des débris d'êtres organisés, Ils 
ont été minéralisés par divers agens...; l’action galvanique-a 
beaucoup contribué à cette minéralisation. 

Ces nouveaux terrains, où étoient enfouis les fossiles, cons- 
tituèrent ce qu'on appelle les errains secondaires. 

Les uns furent formés dans le sein des mers, ce furent les 
terrains secondaires marins. 

Les autres furent formés dans les lacs d'eaux douces, ce: 
furent les terrains d'eaux douces. 


Les immenses couches de houille qui subsistent, les prodigieuses 
quantités de coquilles, de madrépores et autres débris d'êtres 
organisés qui se présentent de toutes parts..., ne permettent 
pas de douter que toutes ces opérations ont exigé de longues 
suites de siècles. 

Ces dépôts de fossiles ont été faits à différentes époques. 


L'action galvanique, qu’exercoient entre elles les diverses: 
substances minérales, causa diflérentes commotions , soit dans: 


262 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


les terrains primitifs, soit dans les secondaires; car ces subs3 
ins primitif, Soit dens les ; car. 

tauces font, comme nous lavons dit, des ssrates qui he sont 

pas contigus. Il y a entre eux des solutions de continuité. 


On doit donc considérer ces strates comme les plaques des 
piles voltaïques. 

Les actions de ces strates sont, les unes positives , les autres 
nésatives, i 

Elles sont plus fortes lorsqu'il y a de l'eau, surtout l’eau salée 
des mers. 


Lorsque l’électricité de ces strates est forte, que l’action gal- 
vanique a une grande intensité, les solutions de continuité y 
causent, décharge, détonation, commotions , chaleur. ..; ce sont 
les simples détonations , comme à Pignerol, à Cuson.... 


Mais la chaleur produite peut être assez considérable pour 
réduire en fusion des portions de ces strates, les faire couler 
comme les laves.... 

Ce sont les volcans. 

La fluidité de ces laves est une f/uidité ignée. 

L’action galvanique peut se soutenir long-temps entre les 
parties des laves; elle est la cause de la chaleur que quelques 
laves conservent pendant plusieurs années. 


Les volcans ont été ou sous-marins, ou sur les continens. 

Les foyers des volcans peuvent être à des profondeurs plus 
ou moins considérables. 

Ils peuvent être dans des terrains primitifs ou secondaires. 

Des interruptions peuvent avoir lieu dans l’action des volcans 
produite par des causes locales, comme cela a eu lieu au Vé- 
suve, à Jorullo...; des strates cessent de se communiquer par 
la suite des commotions.. ..; les communications se rétablissent 
gnsuite.... | 

Les laves, en se dévitrifiant , cristallisent d’une fusion et d’une 
cristallisation ignées ; mais cette cristallisation est confuse , quoi- 
que quelquefois elles paraissent tendre à la forme prismatique. 


Ces cristallisations ignées ont été bornées aux produits vol- 


caniques. : 

Elles ne paraissent pas s’être étendues à la masse du globe ; car 
les terrains dont le globe est composé, sont diflérens des laves 
volcaniques. sn à 

Les laves porphyriques, par exemple, différent entièrement 
des porphyres dits prémitifs. Dans les laves, le feldspath est à l’état 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 283 


vitreux , et la pâte a également un /acies particulier différent de: 
celui des porphyres. 


Il en faut dire autant des autres laves, des /eucitiques, des 
hornblendiques , des augiliques.… 


L'opinion de Descartes, de Leibnitz, de Buffon, de Hutton, 
de Fleuriau... qui pensent que la masse du globe terrestre a été 
daos un état de fusion ignée , ne paroït donc pas appuyée sur des 
preuves sufisantes, 

Les probabilités disent donc, que 


a. La masse du globe a été formée des substances à l’état 
aériforme; c’est une liquidité etune cristallisation aériformes (x). 
Cette probabilité est — 99,000,000. 

&. La croûte extérieure du globe a été formée de substances- 
dissoutes et cristallisées dans les eaux. 

C’estune fluidité et une cristallisation aqueuses (2) ; c’est une- 
probabilité = 99,000,000. 


. €. Enfin les seuls produits volcaniques ont éprouvé une fusion. 
ignée. 

C’est une fluidité et une cristallisation ignées (3) ; cette pro- 
babilité est — 99,999,000. 

On doit conclure de ces faits, que 

Le globe terrestre est dans un état habituel d'électricité : c’est: 
un fait admis de tous les physiciens qui le regardent comme un: 
#1agasèn commun d'électricité. 

Cette probabilité est — 99,999,999. 

Il y a une action galvanique continuelle entre toutes les por-- 
tions de la masse du globe. 

Cette action produit plusieurs phénomènes particuliers dans: 
l'intérieur , et à la surface du globe. 

Cette action galvanique non interrompue entre les différentes 
parties du globe, les phénomènes particuliers-qu’elle produit, 


QG) Zoyez mon Mémoire sur la Fluidité aériforme des substances qui ont 
formé le globe. (Journal de Physique, tome LXI.) 

(2) foyez ma Théorie de la Lerre , et différens Mémoires dans ce Journal. 

(3) Zoyez mon Mémoire sur les Substances volcaniques , Journal de Phy-- 
sique, tome LXII, pag. 192. 

Je réunira, si je puis, dans un seul ouvrage, tous mes travaux-sur la: 
Géologie. 


284 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


les commotions souterraines qui en sont la suite , les volcans qui 


en résultent... complètent ma doctrine sur les principaux phéno- 
mènes de /a théorie de la terre. 


Cette doctrine est appuyée sur de fortes probabilités. 

Quant aux phénomènes particuliers , ils ont pu être les effets 
de différentes causes. ue filons métalliques, par exemple, 
dans les terrains secondaires , ont été déposés avec les nouvelles 
couches, ou dans des fentes, comme le prouvent les coquilles 
fossiles , les arbres, les pierres roulées qui s’y trouvent... (comme 
dans les mines de plomb de Pompeau....). 


. Des couches ont pu être renversées, soulevées par des commo- 
tions souterraines ou volcaniques, ou par d’autres causes. 


Mais l’action galvanique s'étend jusque dans le sein de l’atmo- 
sphère, par la foudre ascendante et descendante. Elle a une 
part dans les phénomènes météorologiques , comme je tâcherai un 
jour de le prouver, 


J'ai également prouvé dans ce Journal (tome LXXVI et suiv.), 
que cette action galvanique a une grande influence dans les phé- 
nomèënes chimiques. 


VE see) “enfeit, Û ais . FAC COM ET ONNNE ÉOP 


L'action galvanique doit donc être regardée comme un des 
grands agens des phénomènes naturels. 

Cette probabilité est — x — 99,999,000. 

Mais il nous manque encore une théorie qui donne une explica- 
üon satisfaisante de cette action. 


Mrs et ere 'er se, dt ee elyeilie es Ce tie): eo NES RES NS 


De nouvelles analogies très-intéressantes doivent être déduite 
des faits que nous venons d’exposer. 

C’est un fait que le globe terrestre est dans un état continuel 
d'électricité. 

Son atmosphère est également dans un état habituel d’élec- 
tricité. - 

La probabilité de ces faits est — 99,999,999. = 

L’analogie dit que ce globe et son atmosphère sont envelop- 
pés d’une atmosphère électrique, qui s'étend à de grandes dis- 
tances. 

La probabilité de cette analogie peut être estimée—99,000,000. 

L'analogie dit que tous les autres grands globes, les planètes, 


les 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 285 


les comètes, les soleils ont une structure analogue à celle du globe 
terrestre. 4 | à à En: 

L'analogie dit donc qu’ils doivent être également dans un éta 
continuel d'électricité. 4 nd #4 - \ 

Ils sont donc pareillement environnés d’atmosphères électriques 
fort étendues. ae 

Toutes ces atmosphères électriques sont contiguës. 

Ces probabilités peuvent être estimées — 99,000,000. ; 

Or on sait que le fluide électrique exerce une action qui est 
en raison inverse des carrés des distances. 


On peut donc conclure, par analogie, que le fluide électrique 
est le fluide gravifique universel, qui fait peser tous les globes 
les uns sur les autres, et sur chaque globe, les corps qui sont à 
sa surface. 

Cette probabilité peut être estimée —99,000,000. 


On doit se rappeler que dans mes Tables de Probabilité, pu- 
bliées d’abord dans mes Principes de la Philosophie naturelle â 
en 1787, tome II, et ensuite en 1814, Journal de Physique, 
tome LXXIX , pag. 133, j'ai, pour exprimer les diflérens degrés 
de probabilité , suivi l'exemple des géomètres dans leurs tables des 
SURUS. eee IIS expriment le sinus total, ourayon , par un nombre 
fixe 100,000,000, et non par des z2ombres indéfinis.... 


J’exprime également la certitude pour un nombre fixe, 
100,000,000 ; Je l’exprime par le &. 

J'exprime le plus haut degré de probabilité, le maximum de 

robabilité par $—1, ou par 99,999.999- 1 
À Le Meme s niOhAbILE : debit la plus foible , est 
représenté par 1. 4 

J'ai assigné d’une manière indéterminée les degrés de proba- 
bilité de ane faits géologiques que Je viens d'exposer. Ges 
probabilités sont néanmoins très-grandes; je les suppose supérieures 
à + g,ou à 50,000,000. 

Cependant il seroit utile de tâcher de déterminer par OR 
mation, comme je l'ai dit, ces degrés de probabilité. C est LA 
seul moyen d’avancer la science et de hâter les progres de 
l'esprit humain... 

Je renvoie à mes Tables de Probabilité , publiées l'année der- 
nière (tome LXXIX de ce Journal, pag. 173 et a D 
Chacune des vérités que je viens d'énoncer, doit ÿ être mise à la 
place qui lui appartient, pag. 180. 

Tome LXXXI. OCTOBRE an 1815. Oo 


286 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


De cette manière, on perfectionnera ces Tables de Probabilité, 
et on arrivera à des résultats qu'on n’eût osé espérer. 

Ce beau travail doit occuper principalement le philosophe, 
qui cherche à accélérer les progrès de l’esprit humain , et à donner 
des bases fixes à ses connaissances. 

Pour compléter mes Tables des degrés de Probabilité de nos 
Connoissances, je dois faire une addition à la page 169. 

J’y ai dit: 

. L'analogie m’apprend qu’il existe hors de moi d’autres 
ETES een 
Il faut ajouter : 


Nous ne connoissons ce qui est hors de nous que par nos 
Sensalions. Or on sait bien , ainsi que Berkeley l’a prouvé, que 
des couleurs, des sons, des saveurs , des odeurs, diflérentes es- 
péces de toucher... nous sont absolument personnelles, ne sont 
point des choses hors de nous, ne sont point des corps. Nous 
éprouvons les mêmes sensations dans les rêves, dans le somnam- 
bulisme, dans le délire... sans qu’elles nous soient causées par 
les corps que nous croyons sentir dansces circonstances. ... 


Aussi tous les philosophes conviennent-ils aujourd’hui que nous 
n'avons aucune certitude de l'existence des corps ; que nous n’a- 
vons aucun moyen de nous assurer de leur existence , et qu'ils 
ne sauroient être ni des couleurs, ni des sons, ni des saveurs, 
ni des odeurs... 

Cependant aucun de nous, ni lesautres hommes, ni les animaux 
n’ont aucun doute sur l’existence des corps; 2ous agissons cons- 
Larment comme s'ils existoient. 

J’ai cherché, dans mes Préncipes de la Philosophie naturelle , 
tome IT, à donner l'explication de ces faits. 

« Lorsque l’analogie , y disois-je, page 24, me fait apercevoir 
des moyens qui peuvent me procurer des sentimens agréables, 
et en éloigner de désagréables, je me sens nécessité à employer 
ces moyens. Mon corps fait tous les mouvemens nécessaires pour 
parvenir à cette fin. Etant sur les bords d’un précipice , la mé- 
moire me rappelle tout le mal que l’analogie me dit que je me 
ferois, si J'y tombois. Ce souvenir est pénible : je me retirerai 
donc de dessus les bords du précipice, non que je sache que je 
me ferois mal, mais parce que la mémoire m'en fait souffrir un 
véritable, si je ne me retire pas. 

Je fuis également tout ce que l’analogie me dit,d’après la 
mémoire, pouvoir me causer des douleurs, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 287, 


Je recherche tout ce que l'analogie me dit, d’après la mémoire 
pouvoir me causer des plaisirs. 


La mémoire sera donc un motif déterminant pour me faire 
agir conformément à l'analogie. Cependant je n'ai aucune certi- 
tude que les événemens arriveront ou sont arrivés de la manière 
que la mémoire et l’analogie me le disent... 

Je me comporterai donc, j'agirai en tout, comme s'il existoit 
des êtres hors de moi, comme s’il existoit des corps, sans que 
=. : 

J aie cependant aucune certitude de leur existence. 

Cette analogie, qui me fait agir comme $il existoit hors de 
moi des objets qui me causent des sensations, est = 8 —2 
= 99:999.998- 

11 faut donc ajouter à la page 172, ligne 23 des Tables 
de Probabilité (Journal de Physique, tome LXXIX), cette 
phrase : 

« Probabilité de Panalogie que , quoique nous n’ayions aucune 
certitude de l'existence des corps, nous devons agir comme s'ils 
existoient — 99,999,998. » 


Oo 2 


288 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


SUITE À MES MÉMOIRES 
SUR LES CRISTALLISATIONS GÉOLOGIQUES. 


DES CRISTALLISATIONS RÉGULIÈRES ET DES CRISTALLISATIONS 
CONFUSES ; 


Par J.-C. DELAMÉTHERIE. 


IL est avoué aujourd’hui de tous les géologues, que les subs- 
lances minérales sont toutes cristallisées d’une manière soit ré- 
gulière, soit confuse, et que Ze globe de la terre a été formé 
Par une cristallisation générale des parties dont il est composé. 
J'ai dé’eloppé cette vérité que j'avois énoncée dans mes Prin- 
cipes de la Philosophie naturelle. Le lecteur doit se rappeler 
les différens Mémoires que j'ai donnés dans ce Journal sur les 
Cristallisations géologiques. 


Il est reconnu que toutes les cristallisations régulières sont 
les effets de la position de z1o/écules régulières les unes à côté 
des autres, suivant certaines /oës constantes. 

J'ai distingué trois espèces de molécules : 

Les molécules prémitives, € 
Les molécules élémentaires , 
Les molécules intégrantes. 2 Î 

Les molécules primitives sont les premières parties de matière. 
Elles sont unes, wovos, monos. Leur dureté doit être très-grande, 
ainsi que l’a dit Newton, afin qu’elles ne se brisent pas, et que 
les corps qu’elles forment demeurent toujours les mêmes. 


Les molécules é/émentaires sont formées de différentes molé- 
cules primitives combinées. Ce sont les corps dits simples, 
le charbon, le soufre , l’oxigène..., les terres, les métaux... 


Les molécules irtégrantes sont formées de molécules élémen- 
taires combinées. ... La molécule intégrante, par exemple du 
calcaire, est formée de chaux combinée avec l’ac de carbonique; 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 289 


celle du gypse est formée de chaux combinée avec l'acide 
sulfurique... 


J'ai prouvé qu’il est probable que les molécules irtégrantes 
sont composées de /ames. 


Cette probabilité est —x—90,000,000. Ces lames, ou sont 
triangulaires, comme dans le fluor ; ou rhomboïdales, comme 
dans le calcaire ; ou rectangulaires, comme dans le fer sulfuré. .… 
Mais ces lames rhomboïdales peuvent être composées de lames 
triangulaires ,eomme on lobserve dans un caleaire du Moutiers ; 
les lames rectangulaires peuvent être composées de lames trian- 
gulaires, comme on l’observe dans la galène.... 


Ainsi, en dernière analyse, toutes les lames dont sont com- 
posées les cristallisations régulières, sont triangulaires suivant 
une probabilité —9g0,000,000. Elles se réunissent par des forces 
particulières. 

Mais les créstallisations confuses présentent des phénomènes 
particuliers qui n’ont pas été assez examinés. 

Exposons les faits. Prenons pour exemple les calcaires. 

Le calcaire cristallisé régulièrement, présente des lames rhom- 
Boïdales posées , les unes par rapport aux autres , suivant cer- 
taines lois, comme l'a fait voir Bergman à l'égard du cyzodonte 
(dent-de-chien)... Il a appliqué les mêmes principes à plusieurs 
autres espèces de cristaux. 

Ces lames rhomboïdales paroissent , suivant les probabilités, 
composées de lames triangulaires, comme on l’observe parti- 
culièrement dans un calcaire trouvé à Moutiers. 


Des calcaires cristallisés confusément, comme le marbre de 
Paros, celui d'Athènes, présentent des lames irrégulières, qu’on 
appelle écailleuses. 

D’autres calcaires cristallisés confusément , tels que les marbres 
de Carare, ne présentent point de lames distinctes. 


Enfin les calcaires communs, tels que les calcaires compactes, 
ne présentent qu’un aspect terreux... 

Les mêmes faits s’observent dans tous les minéraux cristalli- 
sés régulièrement ou confusément, tels que les gypses, les fluors, 
les appatits.... Le gypse riviforme ne présente que des écailles. 

Mais pour mieux apercevoir ce qui se passe dans ces opéra- 


tions de la nature, rappelons ce qui a lieu dans les cristallisa- 
tons opérées par l’art. 


250 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Des sels, tels que le marin, le nitre..., dissous dans l’eau, 
et mis à cristalliser, présentent différens modes de cristallisation. 

Lorsque la cristallisation est opérée lentement, on a des cris- 
taux réguliers. On apercoit les lames régulières, comme, par 
exemple, des lames rectangulaires dans le sel marin... 

Lorsque la cristallisation est moins lente, les cristaux ne sont 
pas réguliers, et les lames s'apercoivent difficilement. 

Enfin une cristallisation plus précipilée ne présente plus que 
des masses informes. On n’y distingue aucunes lames. 

Des corps rendus liquides par l’action du feu, et mis à cris- 
talliser, tels que le soufre, les substances métalliques... ., pré- 
sentent les mêmes phénomènes. 

Du bismuth fondu, et refroidi avec lenteur, cristallise en 
cubes. ; 

On y distingue des lames rectangulaires. 

Le même bismuth fondu , et refroidi promptement, cristallise 
d’une manière confuse. 

Les terres et les aikalis fondus qui forment le verre, présentent 
les mêmes phénomènes, 

Ces verres refroidis lentement, cristallisent en prismes hexa- 
gones ; mais refroidis promptement , ils cristallisent confusément, 

Les pierres fondues, telles que les laves dans certaines circons- 
tances , donnent des verres, des obsidiennes, cristallisés confu- 
Sément. 


Ces laves coulantes, et refroidies lentement, sont dévitrifiées 
et passent à l’état pierreux ; elles affectent quelquefois la forme 
de colonnes ou prismes basaltiques. Elles ont conservé une ten- 
dance à la cristallisation; mais ce ne sont pas des vrais cristaux. 

Enfin un refroidissement plus précipité les fait cristalliser en 
masses confuses; telles sont les laves en masse. 

L] . L] . L2 L . . . . L . LL D L2 . . L2 L2 e L1 L2 LL L2 L2 L L 

On doit conclure de tous ces faits, que 

a. Dans les cristallisations régulières, le cristal est composé 
de molécules qui forment des lames régulières, placées les unes 
à côté des autres par une force quelconque, suivant certaines 
lois régulières. 

b. Dans les cristallisations confuses, les molécules ne forment 
pas des lames régulières , et ces molécules paroissent placées les 
unes à côté des autres d’une manière confuse, par une force 
quelconque, sans suivre aucune loi régulière. 


\ 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 297 


Les cristallisations régulières et les cristallisations confuses 
ont donc deux causes qui les font difiérer. 


a. Les molécules sont régulières dans les premières, et ne le 
sont pas dans les autres. 


b. Leurs positions, les unes par rapport aux autres, se font, 
dans les premières, d’une manière régulière , suivant des lois 
constantes, et dans les secondes, d’une manière irrégulière. 
Néanmoins, dans les unes et les autres il y a une force qui 
donne de la solidité aux corps ; par conséquent elles s’adhèrent 
avec force en se combinant. 

Ces probabilités sont —99,000,000. 

Mais ces positions des molécules, les unes par rapport aux 
autres, dans ces cristallisations , présentent un fait bien digne 
d'attention. Elles peuvent changer sans que les corps paroissent 
allérés. 


Tous les corps pénétrés de chaleur, sans néanmoins entrer 
en fusion, augmentent de volume, sont dilatés, n’ont plus la 
même pesanteur, la même dureté... La position respective 
de leurs molécules est donc changée. 

Un refroidissement plus ou moins prompt, produit d’autres 
changemens très-remarquables, qui indiquent d’autres change- 
mens dans les positions respectives de leurs molécules, par 
conséquent une nouvelle direction de la force qui les unit. 

a. L’acier, par exemple , acquiert par la trempe une grande 
dureté ; mais 1l devient fragile, et casse d’autant plus facilement 
que la trempe est plus forte. J 

L’acier trempé a une pesanteur différente de celui qui ne 
l’est pas ; l’un a un graën différent de celui de l’autre. 

Cependant le facies de l’un ne diffère pas de celui de l’autre 
d'une manière sensible. 

Toutes les substances métalliques chauflées , et refroidies 
promptement, présentent des phénomènes analogues. 


8. Les verres, tels que les glaces, les verres à boire, les bou- 
teilles...., présentent des phénomènes analogues. Refroidis 
promptement , ils se brisent sans recevoir aucun choc. Pour 
éviter cet accident , on les fait recuire, c'est-à-dire, on les fait 
chauffer et refroidir lentement. Leurs molécules prennent donc 
un nouvel arrangement, 


.c. La larme batavique, qui est un verre fondu et jeté su- 
bitement dans l’eau froide, a une grande dureté. Elle supporte, 


292 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
sans être brisée, de violens coups de marteau; mais lorsqu'on 
casse l'extrémité de sa pointe, elle se réduit toute en une espèce 
de poussière. 

Si on la faitrecuire, c’est-à-dire chauffer et refroidir lentement, 
elle perd toutes ses qualités et acquiert celles d’un verre ordinaire. 


On doit conclure que la recui'e produit dans le verre un nou= 
vel arrangement de ses molécules, une nouvelle direction de la 
force qui les unit, et une nouvelle diflérence d'intensité de 
cette force. 


Une chaleur intense, d’un côté , et la recuite de l’autre, 
opèrent donc des changemens dans la position des molécules des 
corps dans leur arrangement intérieur , dans l'intensité et dans 
la direction des forces qui les unissent, sans que leur /acies 
paroisse altéré d’une manière sensible, 

Il ÿ a également une altération dans la molécule elle-même. 

Les positions respectives des molécules des corps peuvent donc 
changer ; ces molécules peuvent être aeltérées, et les corps 
peuvent acquérir de nouvelles qualités, sans que leurs caractères, 
leur /acies éprouvent des changemens sensibles. 


Cette probabilité est = x—99,999,000. 


Ces cristallisations diverses des minéraux nous font entrevoir 
la reproduction des êtres organisés par cristallisation. 


La cristallisation des minéraux est un arrangement symé- 
trique, suivant certaines lois constantes, de molécules constantes 
qui forment des lames. 


La génération des êtres organisés est une cristallisation ou 
un arrangement symétrique des parties ou molécules suivant 
certaines lois constantes, 


Cet arrangement ne se fait pas ordinairement suivant des 
? AE L À 
lignes droites, mais le plus souvent suivant des lignes courbes. 


Mais des minéraux cristallisent également suivant des lignes 
courbes : telles sont les cristallisations confuses du f/os ferré, 
de la mussite...., celles de l’asbeste, de l’amianthe.. 


Les cristallisations minérales ont en général de la dureté... ; 
il en est cependant , telles que l’amianthe, qui ont une grande 
flexibilité, une grande souplesse. 


n4:e. ne let ie, lai . . ao /e le ‘ee 


Les différences principales qu’il y a entre les cristallisations 
minérales 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 293 


. minérales et Jes cristallisations des êtres organisés, sont que dans 
ces dernières il y a un arrangement symétrique des molécules 

à l’intérieur comme à l'extérieur, ce qui constitue des vaisseaux. 
Des liqueurs circulent dans les vaisseaux, et y déposent de 

nouvelles molécules, qui leur donnent de l’accroissement. 


Enfin il y a de l'irritabilité dans ces vaisseaux. 


. . . . . . . . . . . . . . . . . . 


Mais chez les êtres organisés, comme chez les minéraux, 
J'arrangement des molécules est symétrique et s'opère suivant 
des lois constantes. 

La probabilité que la reproduction des êtres organisés est 
analogue à la cristallisation des minéraux, est donc très-grande; 
elle est = x — g0,000,000. 


Tome LXXXI. OCTOBRE an 1815. Pp 


294 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


ESSAI 


SUR L’'HISTOIRE DE LA NATURE; 
Par MM. GAVOTY #r TOULOUZAN. 


Ici bien des vérités ne se feront sentir qu'après qu’on 
aura vu la chaîne qui les lie à d’autres. 


De l'Esprit des Lois. Préface , pag. Ixxxvij. 


Trois vol. in-8°, Æ Paris, chez Arthus-Bertrand, Zäébraire, 
rue Haute-Feuille, n°9 23. 


FX CD A TET 


LE but principal de cet ouvrage est de placer les faits comme 
les choses sont dans la nature , en les liant et les comparant sans 
cesse à l’aide d’une marehe progressive indépendante de tout sys- 
tème de classification et de toute méthode artificielle. 

Cette marche à laquelle les auteurs soumettent non seule- 
ment les sciences naturelles etexactes, mais encore tous les genres 
de connaissances positives, montre la nature dans tous ses tra- 
vaux, l’homme dans toutes ses vicissitudes, et l’univers dans toute 
son immensilé. 


Dans cet extrait, on suivra cette marche qui peut offrir 
à-la-fois l'exposition du plan et l'analyse de l'ouvrage. 


INTRODUCTION. 


Elle est divisée en deux parties. 

La première attaque les principes de Bacon et de d’Alembert 
sur le système des connaissances humaines. Dans les connais- 
sances de fait, l’entendement humain n’est pas le principe , mais 
le moyen. Par conséquent, toute théorie des sciences, déduite 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 295 


des facultés de l'entendement , est nécessairement fausse, puis- 
que cette théorie doit découler du principe et non des moyens. 

Ce principe a sa source dans les objets existans, c’est-à-dire 
les corps. 

L'ensemble de ces corps est ce que nous appelons l'univers. 

L'étude de l'univers est l’objet d’une science générale, qui doit 
se nommeï science de la nature. 

Les parties de l'univers se présentent à nous sous trois rap- 
ports, soit que nous nous bornions à décrire; soit que nous cher- 
chions à expliquer. 

Les trois rapports de l'étude descriptive sont l’aspect ou le 
Jacies , la dimension et la composition ; d'où la Physique simple, 
les Mathématiques et la Chimie. 

Les trois rapports de l'étude raisonnée (qui n’est que l’exten. 
sion et la complication de l'étude descriptive) sont les propriétés, 
les mouvemens et les actions ; d'où la Physique expérimen- 
tale et raisonnée , les Physico-Mathématiques, et la Chimie 
philosophique. 

Toutes les autres sciences , telles qu’elles soient, ne sont 
que des ramifications de ces trois branches de la science de la 
nature. 


Dans la seconde Partie on examine les méthodes en usage 
dans les sciences naturelles, Toutes étant plus ou moins artifi- 
cielles, ne peuvent être utiles que dans l’enseignement. En ap- 
parence ,elles semblent aider la mémoire; en réalité, elles donnent 
de fausses idées sur la nature et ses productions. 


Il ne peut y avoir qu'une seule manière de décrire la nature; 
c’est de la suivre dans ses opérations. Sa marche étant graduée 
et progressive, il faut passer par des nuances et des transitions d'un 
objet à l’autre, et arriver à la connoïissance du tout par la liaison 
des parties. 

Ainsi l'Introduction simplifie l'étude de la nature et en écarte 
les difhicultés, en rectiñiant et la théorie des sciences et la mé- 
thode convenable à l'Histoire naturelle par une opération qui 
concilie les moyens avec les choses et les facultés de l'homme 
avec les corps de la nature. . 


= 


296 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


LIVRE PREMIER. 
DE L’UNIVERS ET DE SES LOIS. 


Ce Livre est, à proprement parler, l'introduction du corps 
de l'ouvrage. Il contient le système de l’auteur (r) sur le méca- 
nisme de l'univers, 7 

[admet deux matières :la matière solide qui pèse , et la matiére 
fluide qui ne pèse pas. : : 

Elles sont les seuls élémens des corps bruts ou inorganiques. 

Le principe vital, par sa jonction avec les deux autres élémens, 
forme les corps vivans ou organiques. 

Ces trois élémens créés seuls dans l’origine des choses, ne 
peuvent plus exister maintenant que dans leurs composés. 

Les signes ou caractères de ces composés sont relatifs aux 
quantités élémentaires qui les composent. : 

Il y a des caractères passifs ou propriétés , et des caractères 
actifs ou /acultés. 

Les propriétés découlent toutes de ce principe : que les deux 
matières élémentaires s'étant combinées dans toutes les propor- 
tons possibles, il doit s'être produit une série de corps. de 
par leurs propriétés remplissent tous les intervalles , depuis la 
plus grande solidité ou pondérabilité jusqu’à la plus grande fluidité 
ou impondérabilité. 

Les propriétés se trouvent dans tous les corps, parce que les 
deux élémens de la matière qui en sont la source , entrent dans 
tous les corps. j . L E 

Les facultés , au contraire, r’appartiennent qu aux êtres doués 
de vie, parce qu’elles naissent uniquement du principe vital ou 
troisième élément. 

Or cet élément vital $étant uni aux deux auties dans toutes 

‘les proportions possibles , il doit s'être produit une série de corps 
qui par leurs facultés remplissent tous les intervalles, depuis le 
plus bas jusqu’au plus haut degré de vitalité. É 

Tous les corps sont animés des forces que leur communiquent 

les élémens ; elles sont donc au nombre de trois : r° la force 


RC 


r Le L 
() Ce livre est en entier de M. Toulouzan; en général le fonds de l’ouvrage 
Jui appartient. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 297 


d’atfraction ou des solides ; 2° la force d'expansion ou des fluides; 
90 la force d'organisation ou vitale. 


Les deux premières sont opposées entre elles, l’une tendante à 
rapprocher les molécules, et l’autre à les écarter. 


La troisième est opposée aux deux autres, dans le même sens 
que celles-ci le sont entre elles ; c’est-à-dire qu’elle tend à com- 
poser les organes et à lesmaintenir , tandis que les deux premières 
tendent à les décomposer et à ramener les molécules organiques 
dans le tourbillon de la matière. 


Ces trois forces sont exactement appréciées et définies. Cette 
partie du système de M. Toulouzan semble donner de l'attraction 
universelle, une idée plus claire et plus juste que celle qui a élé 
adoptée jusqu’à ce jour. 

L'auteur ne trouve que deux systèmes de corps dans l'univers. 
Les corps bruts ou inorganiques formés des deux premiers élé- 
meñs, et les corps vivans ou organiques formés de tous les 
trois. 

Ces deux systèmes sont régis chacun par une loi qui a ses 
fondemens dans la composition des corps et dans les forces élé- 
mentaires qui les sollicitent. 


Première Loi. 


Les corps bruts ou inorganiques sont essentiellement assu- 
jétis à un mouvement général ; ils agissent les uns sur les 
autres en raison directe de leur fluidité, et ent raison inverse 
de leur solidité. 

Deuxième Loi. 


Les corps vivans ou organiques sont autant de centres 
de mouvemens particuliers, déterminés par un principe vital, 
et exécutés par les agens d'expansion et de pesanteur. Dans 
chacun de ces corps, tous les phénomènes suivent la raison 
composée de celte triple agrégation. 


Ces bases préliminaires divisent naturellement le corps de 
l'ouvrage en deux Livres, qui se sous-divisent en deux Parties ; 
l'une où l’on examine les corps en particulier , ou dans leur exis- 


tence individuelle; l'autre où on les étudie en général, ou dans 
leur existence relative. 


298 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


LIVRE DEUXIÈME. 
DU PREMIER SYSTÈME DE CORPS, OU DES CORPS INORGANIQUES. 
PREMIÈRE PARTIE. | 
Des Corps inorganiques en particulier. 


« Tousles corps inorganiques, disent les auteurs dans Je résumé 
de la première Partie (1), sont lés résuliats divers d’une combi- 
naison qui s’est effectuée entre deux matières élémentaires, l'une 
solide et pesante, l’autre fluide et non pesante, Cetie combiuaïi- 
son dans ses détails, donne les corps Zerrestres, el dans son 
ensembie les corps célestes. 

» Les corps terrestres sont tous compris en cinq grandes 
classes. - 

» 10, Les z2décomposés produits par la combinaison directe des 
deux matières élémentaires. Dans cette classe on remarque d’un 
côté, des corps fluides impondérables , comburans et sans forme 
déterminée, qui font fonction d'agens (2) ; de l’autre, des corps 
solides, pesans, combustibles et de forme régulière, qui font 
fonction de bases (3) ; et entre deux, un corps mixte, qui facilite 
les premières dans Paction qu'ils exercent sur Les seconds, et qui 
fait fonction de véhicule \4). 

» 20, Les composésiminédiats, nés de la combinaison des indé- 
composés, offrent trois sortes de corps: les acides, dans lesquels 
la partie fluide combinée est assez forte pour agir au-dehors, et 
qui font l'oflice d'agens secondaires ; les oxides, dans lesquels la 


(@) Tome I, pag 137 et suiv. 

() Ces agens sont les fluides impondérables au nombre de cinq : le gravi- 

ue où éthére , le lumineux, le calor ique, l'électrique etle magnétique. Suivant 
M.'Toulouzan , ils sont composés d’une quantité inappréciable de matiere solide 
fondue et comme dissoute dans une sorte de mer fluide. 115 ne sont ainsi que des 
modifications successives de la matière fluide élé:nentaire , operées graduelle— 
ment par la combinaison de quelques molécules détachées de la matière solide 


élémentaire. js 
(5) Les bases sont l'inverse des agens. L’auteur y comprend, non-seulement 
{ons les métaux, mais encore les bases des alcalis, des terres et des corps in 
flammables. Il se trouve ici à peu près d'accord avec Berzelius. | 
(4) Ce véhicule est l’oxigène. L'auteur réfute l'opinion des chimistes, qui ap= 
pliquent au chlore et à l’iode la théorie de l'oxigenc. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 299 


partie solide domine, et qui ne sont que des bases secondaires ; 
enfin l’eau, dans laquelle les fluides et les solides, combinés en 
égale proportion, se neutralisent réciproquement, et font de ce 
liquide un véhicule secondaire. 

» 30. Les composés médiafs, formés des corps précédens 


unis de trois manières, par surcomposition , par mélange, et par 
dissolution. 


» La surcomposition s’opère diversement : 1° les oxidesà l’état 
de gaz s'unissent, soit entre eux, soit avec d’autres corps, et 
forment des composés médiats gazeux ; 20 d’autres oxides sont 
ramenés à l’état de bases ; et s’unissant alors à des corps inflam- 
mables, forment les composés médiats combustibles ; 39° ces 
derniers peuvent dans la suite se méler avec des corps de même 
nature, ce qui ne produit qu’une composition un peu plus 
compliquée. 

» Le mélange se fait par le moyen de l’eau, qui divise les 
molécules des corps qu'elle imbibe ; en se chargeant de ces 
molécules , ce liquide perd de sa pureté, contracte des carac- 


tères qu'il n'avait pas, et donne lieu à la formation des eaux 
minérales. 


« 


» La dissolution est l'effet naturel des actions qui doivent 
avoir lieu entre les agens, le véhicule et les bases secondaires : 
lorsqu'elle a été complète , il se forme des se/s ; lorsqu'elle a été 
incomplète , il se forme despéerres qui, en s’agrégeant, produisent 
les roches (x). 

» 40. Les composés volcaniques provenus de laltération que 
le feu fait subir aux composés précédens. Cette aftération a pour 
résultat de calciner en quelque sorte les corps, et de les reproduire 
sous d’autres formes plus ou moins variées, suivant les circons- 
tances. Ce quatrième genre de composition n’est pas une suite 
nécessaire du précédent, qui peut être considéré comme le der- 
nier terme des transformations successives que les corps peuvent 


(1) En général la doctrine chimique de l’auteur peut paroître prématurée ; 
mais elle est conforme aux nouvelles données de la science, eten simplifie sin 
gulièrement l'étude. Entre autres idées neuves, je dois faire remarquer celle 
qui établit une distinction entre les sels et les pierres : distinction importante 
que réclament également la Chimie et la Minéralogie , et qui est fondée sur des 


considérations péremptoires qu’il faut lire dans l’ouyrage même , tome I, p.7c 
et suivantes, c 


1 


300 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


subir par leurs actions mutuelles ; il se rattache aux grands phé- 
nomènes produits par l’ensemble de ces’ actions, ét il ést une 
dépendance des mutations du globe. 


» 5°, Les composés fossiles amenés par la décomposition des 
corps organiques. La force d'organisation distrait et sépare du 
tourbillon de la matière, des parties qui entrent dans la compo- 
sition des corps vivans. Elles y restent tant que ces corps jouissent 
de la vie; mais lorsque celle ci finit, ces parties sont, par un 
mouvement fermentalif, ramnenées peu à peu à leur premier état; 
ce qui ue peut cependant avoir lieu que de plusieurs manières 
différentes , et de telle sorte, que ces composés conservent tou- 
Jours les traces des changemens par lesquels ils ont passé. 

» Les corps célestes sont tous compris en trois grandes 
classes. BUT 

» 1°, Les corps /ucides ou soleil : la surabondance des fluides : 
fait que ces corps envoient directement la lumière; qu'ils ont 
peu de masse comparativement au volume ; qu'ils sont placés au 
centre, et qu'ils peuvent être considérés comme les agers des mou- 
vemens célestes. - 

» 2°. Les corps zzixtes ou comèles : intermédiaires entre les 
corps lucides et les corps opaques, ils offrent toutes les modifica- 
tions comprises entre la lucidité et Popacité. Leur volume et leur 
masse varient suivant les circonstances; ils parcourent l’espace 
irrégulièrement , et peuvent être considérés comme les véhicules 
des mouvemens célestes. 


» 30. Les corps opagues ou planètes : la surabondance de 
solides fait que.ces corps réfléchissent la lumière; qu'ils ont 
beaucoup de masse comparativement au volume; qu'ils sont 
placés à la circonférence, et qu'ils peuvent être considérés 
comme les bases ou les objets résistans sur lesquels le mouve- 
ment agit. \ 

» Ainsi {ous les corps inorganiques sont les résultats divers des 
combinaisons qui se sont eflectuées entre les deux matières élé- 
mentales et primitivement créées. Toutes les différences d’aspect, 
de forme, de propriétés, de caractères, etc. dépendent des pro- 
portions inégales de ces deux matières. Tous agissent ou résistent 
suivant qu'il sont plus voisins de la nature fluide ou de la nature 
solide ; mais ils n'ont que le pouvoir d'agir et de résister, et ne 
sont pas libres de le faire , élant privés de volonté, I leur faut 
un véhicule qui les sollicite, et ce véhicule nait de la combinai- 

son 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 301 


son égale des agens et des bases. De cette manière, les rapports 
pe sont jamais interrompu ; les phénomènes naissent les uns des 
‘autres ; toutes les parties se renouvellent, et le tout ne change 
point ; l'équilibre se maintient ; les masses se balancent avec les 
masses, les molécules avec les molécules, parce que si l’action 
ou la résistance, en s’exerçant , empiétent parfois l’une sur l’autre, 
le véhicule, comme terme moyen , les replace chacune dans ses 
limites, et établit ainsi l’ordre primitif. » 


SECONDE PARTIE. 
Des Corps inorganiques en général. 


« S Ier. Du Ciel et de ses Phénomènes. Après avoir décrit 
et expliqué les phénomènes de mouvement, et ceux de chaleur 
et de lumière, l’auteur conclut que le type de tous les rapports 
est dans les proportions élémentaires (1). 

» En partant de ce type, dit-il, on peut se figurer le ciel 
comme une mer éthérée qui sert à-la-fois d’excipient et de vé- 
hicule à des corps de même nature, qui ne difièrent entre eux 
que par une plus ou moins grande quantité respeclive de fluides 
et de solides. Partout cependant ceux-là surabondent aux sur- 
faces et ceux-ci aux noyaux; mais dans les corps lucides il y 
a, sous un volume donné, moins de masse que dans les corps 
opaques : de là viennent toutes les différences et naissent tous 
les phénomènes, 


» Par cette cause, les premiers se constituent les foyers de 
la force qui repousse en même temps que les seconds se portent 
vers eux par leur poids; et comme sur tous les points de lu 
circonférence ils trouvent toujours le même obstacle, leur ten- 
dance à peser vers le centre, les oblige de tourner autour sans 
pouvoir Jamais l’atteindre. Cet eflet général qui se remarque 
dans notre système solaire, se reproduit dans quelques-unes de 
ses parties, par l’inégale densité des corps opaques eux-mêmes. 
Ceux d’entre eux qui contiennent plus de parties fluides ont 
rattaché à leur mouvement d’autres corps de même nature, mais 
d’une solidité plus prononcée lorsqu'ils se sont trou és placés 
à une distance qui permettoit à cette action de s’exercer. Dans 
les relations de ces planètes avec leurs satellites, on retrouve 


————————_—_——— 


(1) TomeI, pag. 177 et suiv. 
Tome LXXXI. OCTOBRE an 1815. Qq 


302 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


une concordance parfaite avec les phénomènes qui naissent des 
rapports qu’elles ont elles-mêmes avec le soleil : il n'y a de dif- 
férence que dans les dimensions. Les mouvemens offrent plus 
d’inégalités, parce que la disproportion est plus forte, Pinter- 
valle moins grand, les révolutions plus rapides. Ici tout est jour- 
nalier, là tout est séculaire. Ce sont de petits systèmes dans 
un système plus vaste dont ils nous présentent une image abrégée 
mais fidèle, 

» Peut-être aux confins de notre monde les mêmes phéno- 
mènes s’opèrent-ils plus en grand dans toutes les parties du ciel 
étoilé, L'espace incommensurable qui nous en sépare paroît rempli 
par ces corps mixtes qui semblent appartenir à plusieurs sys- 
tèmes limitrophes. Leur course parabolique et vagabonde est le 
résultat nécessaire d’une composition où les deux agens de la 
nature se balancent; influencés tour à tour suivant qu'ils s’'appre- 
chent du corps lumineux qui les dilate, ou qu'ils s’égarent parmi 
les corps opaques qui les condensent, ils dépendent de tous et 
ne tiennent à aucun. De perturbations en perturbations leurs 
courbes dégénèrent , et toujours gouvernés par cette loi dont 
ils semblent s’écarter sans cesse, ils remontent partout les 
ressorts en parcourant successivement les intervalles planétaires. 

» Quant aux planètes, les rapports sont plus fixes, et 1l est 
des élémens généraux qui varient peu. La forme sphéroïdale 
est empreinte à tous les corps; les orbites sont toutes inclinées ; 
les mouvemens sont périodiques et elliptiques; les mêmes forces 
les développent ; la même loi les perpétue; en un mot, si quelque 
chose doit surprendre, c’est que chaque corps n'ayant à lui 
seul que deux mouvemens vrais, l’un sur son axe, l’autre autour 
d’un centre, il puisse en résulter des aspects si variés , des effets 
si singuliers , des phénomènes si remarquables. L'accord harmo- 
nique de toutes les parties de ce vaste système dépend unique- 
ment de la tendance des solides vers le centre et des fluides 
vers la circonférence. Cette disposition générale et invariable, 
qui est le fondement du monde, s'étend de l’espace aux inters- 
tices, des sphères à leurs différentes parties, et produit dans la 
composition de la terre des effets analogues à ce qui se passe 
dans le ciel. » 


$ II. De la Terre et de sa composition. « Le mode de 
composition de la terre est exactement conforme à celui des 
corps bruts qui en font partie. On y remarque trois masses, 
l'atmosphère, Vocéan et la £erre proprement dite, dont les ca- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 303 


ractères sont la f/uëdité, la liquidité et la solidité. Ainsi nous 
relrouvons, dans la totalité des phénomènes comme dans les 
détails, un agent, un véhicule et une base (1). Envisagés en 
grand, les deux élémens, dont tous les corps inorganiques sont 
provenus, donnent naissance à l’élément liquide, terme moyen 
destiné à rapprocher les deux autres, à établir les communica- 
Uons, et à faciliter les échanges entre la masse qui agit el celle 
qui résiste (2). » 

Je ne suivrai pas l’auteur dans la description très-détaillée 
qu'il donne de l'atmosphère, de l'océan et de la terre. Elle n’est 
Jamais au dessous du niveau des connoissances les plus récentes, 
et souvent on y remarque des faits nouveaux et des observa- 
. tions importantes, On peut citer entre autres une explication 
du flux et du reflux de la Méditerranée, pag. 272, et ce que 
l'auteur dit de la construction des polypiers sur une base gra- 
uitique, pag. 409. 

La partie géographique est entièrement neuve ; elle offre cinq 

parties du monde : 1° partie méridionale de l’ancien continent 
ou Afrique; 2° partie septentrionale de l’ancien continent ou 
Europe et Asie; 3 partie septentrionale du nouveau-continent 
ou Colombie; 4° partie méridionale du nouveau-continent ou 
Amérique ; bo terres entre les deux continens ou Polynésie. 
- Chacune de ces parties du monde est divisée en régions phy- 
siques que l’auteur examine sous les rapports géographiques et 
géologiques, en passant graduellement de lune à l'autre. La 
Géographie se termine par des vues générales sur l'ensemble 
de la surface terrestre. 

S ITT. De la Terre et de sa construction. On traite dans ce 
paragraphe de la formation et de la superposition des terrains, 
ainsi que du gisement des substances terrestres. 

« En résumé le centre doit être, suivant les paroles de l’auteur, 
une masse métallique et bien peu altérée, dont la grande force 
attractive fixe autour d’elle toutes les matières qui après en avoir 
été détachées se sont’ difléremment combinées et assimilées pour 
former les divers terrains. Au dessus du noyau métallique est 
une première enveloppe qui, posée d’abord horizontalement, 


UC en ME UE rem tge ete 


QG) Joyez pag. 7 et 8. 
(2) Tome, pag. 181. 


304 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


s’est ensuite soulevée par l’eflort des fluides élastiques. Cette 
enveloppe est ce que nous appelons £errain primitif qui, depuis 
son soulèvement, forme à l’intérieur une voûte à plein cintre 
dont la plus haute élévation est sous l'équateur, et les points 
d'appui ou les piliers sur les pôles. Le vide de cette voûte est 
rempli par les eaux filtrées de l'Océan qui en occupent le fond, 
et par les fluides élastiques qui, n’ayant pu s'échapper lors du 
soulèvement, ont surnagé sur les eaux, et font encore eflort 
contre les parois de la voûte. Le terrain primitif à l'extérieur 
offre une suite d’inégalités qu’on peut comparer à des pyra- 
mides dont la base est commune, mais dont les sommets s’é- 
cartent à mesure qu’elles s'élèvent. Cette élévation est très-con- 
sidérable sur le cintre de la voûte ou sous l'équateur, et diminue 
par degrés jusqu'aux pôles où le terrain primitif est presque 
horizontal. Les vides que laissent entre elles les pyramides ou 
les montagnes, sont occupés en partie par l'Océan et en partie 
par les débris du terrain primitif, Ces débris ont formé trois 
autres. terrains successivement posés sur le sol par les eaux. 
1° Le terrain de transition qui ne renferme que quelques ves- 
tiges d'animaux marins perdus dans des masses de pierres cal- 
caires et magnésiennes, de grès et de sables agglutinés. Ces masses 
forment un premier recouvrement de peu d'épaisseur qui borde 
comme une ceinture les montagnes primitives. Les roches de 
transition n’en atteignent les sommets que dans les zones tem- 
pérées et glaciales, où l'élévation du sol primitif est médiocre. 
20. Le terrain secondaire qui est proprement un amas de débris 
de roches tant primitives que de transition, et de détrimens 
de végétaux et d'animaux péris dans une grande inondation. 
Toutes ces matières, après avoir été ballottées et comme réduites 
en pâte par les eaux, ont été déposées par elles sur les flancs 
des montagnes par couches horizontales. Ces dépôts sont toujours 
plus considérables d’un côté de la montagne, ce qui fait que 
les pentes sont escarpées sur une face et se prolongent sur l’autre. 
Les roches secondaires sont à une médiocre hauteur dans les 
montagnes équatoriales, tandis qu'en s’approchant des pôles, elles 
cachent etsurmontentlesrochesprimitivesquileur servent d'appui. 
Ce fait général indique positivement que le déversement des 
eaux s'est fait de l'équateur vers les pôles, et que les matières 
du terrain secondaire ne sont que les débris des montagnes 
équatoriales poussés par les eaux dans les régions polaires, 39. Le 
terrain d’alluvion qui est un mélange de tous les autres, et qui 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 305 


a été déposé, soit par des inondations postérieures de l'Océan, 
soit par l’action des eaux courantes. Ce terrain occupe le fond 
de toutes les vallées, et constitue proprement le sol cultivable (1).» 


S IV. De la Terre et de ses Commotions. Ce paragraphe 
traite, 1° des phénomènes volcaniques; 2° des commotions lo- 
cales que l’auteur attribue aux volcans ; 3° des commotions gé- 
nérales dont il voit la cause dans les fluides élastiques des ca- 
vités terrestres (2). 

$ V. De la Terre et de ses Changemens. Ce paragraphe est 
divisé en trois époques. La première comprend les temps où 
les terrains océaniques se sont formés. La seconde date du temps 
où commenca la diminution graduelle de l'Océan, et la troi- 
sième de celui où les différentes parties du globe se sont mises 
en équilibre. 

Le niveau de l'Océan baisse, et Ja retraite des mers , quoique 
beaucoup plus lente aujourd’hui que dans les commencemens, 
ne laisse pas de continuer. Où passent ces eaux ? une partie s’en. 
goufire ; et, chassant à mesure les fluides qui surnagent et flottent 
à la surface de l'Océan souterrain, les forcent d’agiter les entrailles 
de la terre pour se faire une issue à la faveur des commotions 
qu'ils provoquent. L'autre partie se décompose, alimente les 
volcans , et fournissant de nouvelle matière à la masse desterres, 
donne lieu à des recompositions sans fin. De cette sorte, l’enve- 
loppe fluide s'accroît journellement des émanations sorties du 
sein de la terre et des mers, tandis qu’à son tour la surface solide 
acquiert peu à peu ce qu’elle avoit originairement perdu. Ainsi 
’élément liquide restituant chaque jour aux deux autres ce qu’il 
y avait puisé, disparaîtra dans la suite des temps, et comme il 
ne s’étoit formé qu’à leurs dépens , qu’il n’exisfoit même que de 
Jeurs mutuelles modifications, il arrivera insensiblement au même 
terme d’où il est parti. La surface terrestre aplanie dans tout son 
contour, redeviendra une masse compacte, serrée, sans montagnes 
et sans inégalités; et autour d'elle un fluide ambiant sagitera 
sans cesse Jusqu'à ce que le frottement, en développant les 
actions, reproduise ce choc des deux élémens qui, en donnant 
naissance aux liquides, amènera lesmêmes phénomènes par lesquels 
s'ouvrit la création. 


ET 


(1) Tome II, pag. 472 et suiv. 
(2) Tome I, pag. 517. 


306 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


& VI. Des changemens généraux dans le système inorga- 
nique. Où examine ici les anciennes traditions sur les grands 
changemens astronomiques. « De quelque manière qu’on explique 
la formation des astres, les changemens importans qu'ils ont subi 
datent des temps primitifs de leur existence, et doivent être 
considérés non comme des dérangemens dans le mécanisme 
actuel, mais comme des eflets subséquens de l'impulsion pre- 
mière et créatrice. Ces eflets ayant aîteint leur but, ne serotent 
sujets à varier qu'autant qu'une autre cause hors de l’ordre 
physique viendrait spontanément détruire celte impulsion (1).» 


LIVRE TROISIÈME. 
DU SECOND SYSTÈME DE CORPS OU DES CORPS ORGANIQUES. 
PREMIÈRE PARTIE. 
Des Corps organiques en particulier. 


Cette première Partie qui remplit tout le second volume, est 
divisée en trois paragraphes. 

S ler. De la Chafne des Corps organiques. C’est un grand 
problème à résoudre. L'auteur a suivi à peu près la chaîne que j'ai 
établie dans mes Considérations sur les Etres organisés. Mais il ÿ 
a une idée qui n'appartient qu’à lui; c’est celle de regarder les fa- 
milles monocotylédones comme d’une organisation plus com- 
pliquée que les dicotylédones. Ce travail ne peut être considéré 
que comme un essai. Les masses paroïissent bien établies; mais 
les détails n’ont pu êlre examinés suflisamment dans un ouvrage 
aussi générique, La chaîne commence par les mousses, et se con- 
tinue par les plantes bilobées ou dicolylédones, les unilobées ou 
monocoltylédones, les êtres mixtes, les invertébrés et les vertébrés 
jusqu'à l'homme inclusivement. 

II. De la Nature des Corps organiques. « Nous avons con- 
cilié, disent les auteurs, les rapports nalurels autant qu'il a été 
possible ; ils unissent sans interruption toutes les familles entre 
elles, Daus la description pure et simple des corps organiques , 
nous devions nous borner à assigner le rang de chaque fanulle 
sans nous occuper des phénomènes vitaux. Parcourons maintenant 


EEE nn 


(2) Tomel, pag. b24. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 307 


ces phénomènes dans un ordre tel qu’il corresponde à la pro- 
gression que nous avons reconnue. Pour y parvenir, considérons 
tous les corps organiques sous cinq rapports; mais n’assignons 
pas à ceux-ci des limites rigoureuses, puisqu'elles n’existent pas, 
et que les phénomènes qu'ils comprennent doivent se lier aussi 
par gradation. 

» Ces cinq rapports ont pour objet les familles Zz/obées et 
les familles unilobées dont les points de liaison sont connus; 
ensuite les familles que nous appelons mixtes et qui renferment 
cette série d'êtres comprise entre les dernières plantés unilobées 
et les vers; les familles zzvertébrées depuis les vers jusqu'aux 
poissons ; et enfin les familles vertébrées depuis les poissons jusqu'à 
l’homme inclusivement. » 


L'organisation et les phénomènes vitaux de ces cinq familles 
sont examinés dans le plus grand détail. L'auteur mène toujours 
de front l’Aratomie, la Physiologie et la Composition chimique. 
On peut regarder ce travail comme le seul qui représente dans 
son ensemble tous les phénomènes de la vie depuis la mousse 
jusqu'à l'homme, et qui permette de saisir leur source, leur 
filiation et leurs résultats. 

Indépendamment de ce que ce travail offre d’avantageux sous 
les rapports généraux, on y trouve en particulier quantité de 
faits nouveaux et quelques nouvelles opinions sur les tissus or- 
ganiques, la nature du principe vital, le mode de génération, 
les facultés vitales, la circulation du sang, les caractères dis- 
tiactifs des espèces, etc., etc. 


Les titres seuls de la Section consacrée aux familles vertébrées 
feront voir quelle vaste étendue l’auteur a mesurée. 


Familles vertébrées. 5 
Organisation (c’est l'Ostéologie et la Myologie). 
Phénomènes vitaux. 

Fonctions nutritives : 
1° Préhension et mastication; 2° insalivation; 3° déglutition; 
4° digestion ; 5° absorption; 6° circulation; 7° respiration ; 8° as- 
similation; 9° excrétions; 109 sécrétions. 
Fonctions animales : Ê A 
19 Système nerveux; 29 appareil visuel; 3° appareil auditif; 
4° appareil olfactif; 5° appareil du goût; 6° appareil du toucher; 
7° sensations; 8° mouvemens; 9° Sommeil ; 10° voix ou forma- 
tion du son. 


308 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Fonctions génératives : 
1° Organes prénarateurs; 29 organes copulateurs; 30 organes 

éducateurs; 40 acte génératif; 5° accidens de la génération ; 
6° caractères sexuels ; 7° fécondation et vie du fœtus; 80 allai- 
tement; 9° périodes de la vie; r0° durée de la vie et causes 
de la mort. 

Dérangemens organiques ou maladies. 

Composition chimique. 


S IL. Résumé sur les Corps organiques. Je voudrois pouvoir 
lranscrire en entier ce résumé qui oflre en raccourci tout le 
système vital et qui montre la liaison de ses innombrables 
parties; mais les bornes de mon Journal ne me permetlent d'en 
citer que quelques fragmens. 

« Des trois élémens auxquels on peut faire remonter l’origine 
de tous les corps, deux seulement ont été employés au sys» 
tème inorganique, et tous les trois au système vital. 


» Comme tout n'existe que par leurs combinaisons, il ne peut 
pas arriver qu'aucun de ces élémens se trouve aujourd’hui dans 
son état primitif, et c’est la raison pour laquelle nous ne ren- 
controns que des composés sans découvrir Jamais leurs principes. 

» Quelques-uns de ces composés primitifs provenus unique- 
ment des deux premiers élémens, et ne formant que des com- 
binaisons binaires, ont élé ensuite et successivement appelés à 
concourir aux phénomènes vitaux. 

» Cette nouvelle destination ne pouvoit être remplie qu’autant 
que le troisième élément interviendroit pour transformer les 
combinaisons binaires des premiers composés, en d’autres com- 
binaisons successivement plus compliquées. » 

Dans les familles bilobées, que l’auteur regarde comme les 
plus simplement organisées, on ne trouve d’essentiellement né- 
cessaire que le carbone , l'hydrogène et l’oxigène. 

Dans les unilobées il entre de plus un peu d’azote. 

Dans les mixtes l'azote augmente et il s'y joint un peu de 
chaux. 

Dans les invertébrées la chaux augmente et le phosphore ap- 
paroît. : 

Dans les vertébrées le phosphore devient de la même impor- 
tance que les autres priacipes. 

La combinaison diverse de ces principes produit les substances 
organiques ou matériaux immédiats, dont les uns jouissent des 

facultés 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 359 
facultés vitales 


cuit , et les autres ne font que participer à Porga- 
msation. : 


Les premiers sont au nombre de cinq départis ainsi : le 774: 
cilage, seul chez les familles bilobées ; le mucilage et l’a/bu- 
mire chez les unilobées; le mucilage, appelé alors mucus, 
l'albumine et la gélatine chez les mixtes; ces trois derniers et 
la fibrine chez les invertébrées; enfin tous les quatre et de plus 
l'osmazome chez les vertébrées. 


Les seconds ne sont qu'au nombre de deux, le corps /igneux 
et le corps osseux. Celui là est dévolu aux deux premières fa- 
milles et celui-ci aux deux dernières. Les mixtes manquent de 
l’un et de l’autre, ou plutôt n’en offrent que de foibles traces. 

De ces deux genres de matériaux immédiats est résulié cet 
assemblage que nous appelons corps organique, et qui, d'abord 
assez simple, va toujours se compliquant dans sa composition, 
dans ses organes, dans les actes qu’il remplit. 

L’auteur suit ensuite cette complication, 1° dans le squelette ; 
2° dans les organes et les tissus qui les composent ; 3° dans les 
propriétés ; 4° dans les facultés ; 5° dans les fonctions de la 
vie nutritive , de la vie animale et de la vie générative; 6° dans 
les rapports mutuels des familles organiques. 


« Ainsi, dit-il, en finissant, sous quelque point de vue qu’on 
envisage le système vital, on reconnoît en lui une progression 
continue qui en lie toutes les parties, depuis la mousse jusqu'à 
l'homme. 


» Les phénomènes vitaux, considérés dans leur ensemble, pré- 
sentent une série d'effets qui, simples dans lorigine, vont tou- 
jours en se compliquant, non par des mutations, mais par des 
causes qui viennent s’additionner à celles qui existoient déjà. 
Envisagés dans l'individu , ils constituent une suite d’eflets qui 
naissent, se développent, décroissent et se terminent. Les par- 
ties se renouvellent , mais le système est permanent. Cette diver- 
sité provient de ce que l'élément vital est indestructible; mais 
comte la vie ne peut résulter que de son union avec les deux 
autres, et que cette union n’est que momentanée, elle a son 
terme comme elle avoit eu son commencement. » 


) id 


Tome LXXXI. OCTOBRE an 1815. Re 


310 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


SECONDE PARTIE. 
Des Corps organiques en général. 


Cette seconde Partie remplit tout le dernier volume. Elle est 
divisée en sept paragraphes. 
 $ Ter, Des Rapports généraux entre les espèces organiques 
et inorganiques. — Premier : Rapport, tiré de l' Aliment. — 
Deuxième Rapport, tiré de le Reproduction. — Troisième 
Rapport, tiré des Climats. 


S IT. De La distribution des Corps organiques sur le Globe. 
— Habitans de l Atmosphère. — Habitans des Eaux. — Ha- 
bitans de la Terre. — Ensemble des productions de la sur/ace 
terrestre. 

L'auteur conclut de l’ensemble des faits que lui a fourni l’exa- 
men des productions du globe, 


10. Tous les végétaux et tous les animaux terrestres ont pris 
naissance sur les lieux élevés qui furent les premiers abandonnés 
par les eaux. : 


20, Ces lieux peuvent être considérés comme les centres pro- 
ductifs des pays qu'ils dominent. 

30. Les végétaux et les animaux qui en sont sortis, modifiés 
par l’action du climat, du sol, de la nourriture et autres causes 
locales, ont offert des différences plus ou moins grandes, mais 
jamais assez pour rendre leur origine méconnoissable. 

4°. Chaque climat a possédé à la fois des productions sem- 
blables à celles desautres , et des productions qui n’étoient propres 
qu'à lui seul. 

5°, Ce dernier caractère, par lequel on pent distinguer un 
centre productif d’un autre, est d'autant plus remarquable que 
les communications sont plus difliciies entre les divers pays, 
tandis qu'il s’altère par le mélange des productions d’une con- 
trée avec celles de plusieurs autres, 

Les centres productifs sont au nombre de cinq. 

1°. Les monts Lupata, en Afrique, ou l’Épine du monde ; 
29 le plateau d’Australasie , ou les montagnes de la Nouvelle-Hol- 
lande; 3° les Cordilières , ou les Andes; 4° le plateau de Tar- 
tarie, ou Bogdo; 5° le Caucase et les montagnes du miif de 
l’Europe, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 31 
« La distribution générale des productions terrestres s’est faite, 
en premier lieu, par des voies naturelles, c’est à-dire par une 
sorte d’effusion de chaque centre vers tous les points de la cir- 
conférence qui n'oflroient point d'obstacles. Dans la suite, 
l'homme, qui a recu le pouvoir et les moyens de changer et de 
modifier l’ordre naturel, a successivement tran$porté partout 
les végétaux et les animaux ; et tandis que d’un côté il alté- 
roit ainsi les caractères primitifs, de l’autre il rendoit faciles des 
échanges qui, sans lui, ne se seroient Jamais eflectués. Le ré- 
sultat définitif de cette coopération de sa part, a été de faire 
participer toutes les contrées du globe où il a pu pénétrer, 
aux mêmes avantages, et d'accélérer la marche par laquelle la 
nature tend plus lentement à fertiliser et à peupler la terre. Mais 
Phomme, avant de parvenir à cette fin et de seconder la na- 
ture, fut soumis lui-même à cette marche lente qu’il a influen- 
cée dans la suite; et l'espèce humaine se multiplia et se distribua 
sur toutes les parties de la surface habitable, dans le même ordre 
et dans la même progression que les autres productions terrestres. 
En se disséminant ainsi, l'espèce humaine, composée d’abord 
d'individus semblables, offrit des variétés aussi nombreuses et 
même davantage que les autres espèces végétales ou animales. 
L'histoire de ces variétés, la recherche des causes qui les ont 
produites, des lieux d'où elles tirent leur origine, des changemens 
qu'elles ont subis, enfin des résultats qu’elles nous offrent dans 
leur état actuel, vont nous occuper dans la Section suivante, 
qui sert en quelque sorte de complément à celle qui précède. » 


$ III. De l'Hornme et des variétés de l espèce. Ge paragraphe 
est peut - être le plus intéressant de tout louvrage. On y voit les 
peuples primitifs partir du lieu de leur naïssance, se disperser , 
multiplier, former d’autres peuples dont tous les déplacemens, 
toutes les périodes d’existence, tous les caractères physiques et 
moraux sont exactement étudiés et comparés avec Île secours de 
l'Histoire, de la Géographie et de la Philosophie de l'esprit bu- 
main, depuis les premiers âges jusqu'aux temps actuels. 

Le résumé de ce paragraphe donnera une idée des opinions 
de M. Toulouzan. 

« Retracons brièvement Ja marche au moyen de laquelle l’es- 
pèce humaine concentrée, dans l’origine, sur les cinq pius hautes 
montagnes du globe, s’est dispersée ensuite dans tous les pays 
habitables, 

» La race nègre ou éthiopienne est originaire des monts Lu- 


Ruz 


312 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

pala , ou premier centre productif : elle a poussé trois tiges ; — 
la tige atlantique, qui n’est représentée aujourd’hui que par les 
Berbères ; — la tige mandingue, qui a donné naissance aux noirs 
occidentaux ; — la tige éthiopique, qui s’est divisée en quatre 
branches, les Abissins, au nord; les Giagas, à l’ouest, dans le 
centre de l'Afrique; les Gallas, au sud, jusqu’au cap de Bonne- 


Espérance ; et les Ziudges, à l’est, sur toute la côte de la mer 
des Indes. 


» À l’orient, cette première race s’est alliée à la seconde et a 
produit le premier peuple métis, ou les nègres Malais, qui, de 
la Nouvelle-Hollande, ont passé dans plusieurs îles de lAus- 
tralasie. ‘ 


» La race malaie ou australasienre est originaire du plateau 
d’Australasie, ou second centre productif. Elle a fourni deux 
tiges : — la tige australasienne, depuis la terre des Papous 
jusqu’à la presqu'île de Malaca ; — la tige polynésienne, passée 
de la Nouvelle-Hollande dans la Nouvelle-Zélandé, et de là ra- 
mifiée dans la Polynésie. 


» Vers lorient, cette seconde race a envoyé deux colonies en 
Amérique, l’une del’île de Pâques, l’autre des îles Sandwich. Elles 
ont produit, en s’alliant à la troisième race, le second peuple 
métis, ou les Malais-Américains, qui habitent partie au sud, 
dans les terres magellaniques, et partie au nord, vers l’'embou- 
chure de la Colombia. 


» La race américaine où péruvienne est originaire des Cor- 
dilières, ou troisième centre productif. Il en est sorti quatre 
tiges : — la tige Guarani, au sud, qui a peuplé le Paraguay; 
— Ja tige Galibi, à l’est, d’où viennent les nations du Brésil et 
de la Guiane ; — la tige Caraïbe, au nord-est, à laquelle se rap- 
portent les Indiens de l'Orénoque, de la Louisiane et des Etats- 
Unis jusqu'à la mer d'Hudson; — la tige Maysca, au nord- 
ouest, qui s’est dispersée dans la Nouvelle-Grenade, la Tierra- 
Firma, les deux Mexiques et les deux Californies. 


» A l'occident, cette troisième race s’est mélangée avec la qua- 
trième, et a donné naissance au troisième peuple métis, ou aux 
Américains-Mongols, qui occupent la partie occidentale de la 
Colombie (Amérique septentrionale), depuis la plaine de Mexico 
jusqu'aux dernières limites du pays des Chipiouyans. 

» La race Mongole on Scythe est originaire du plateau d'Asie, 
ou quatrième centre productif, Quatre tiges s’en sont détachées : 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 313 
— la tige mongolique, à lorient, qui a occupé la Mongolie, la 
Chine et les paysindo-chinois; — la tige mantchourique, divisée 
en deux branches : les Mantchoux, dans la Mantchourie, la Co- 
rée, le Japonet les îles voisines; les Toungousses dans le nord-est 
de l'Asie et sur les côtes septentrionales de la Colombie et celles 
du Groenland; — la tige kalmourique, dont une branche, les 
Kalmoucks, habite entre la Chine, le Thibet, la Tartarie indé- 
pendante et la Russie, et l’autre, les Tschoudes, n’a laissé que 
la peuplade des Bouriates, établie aux environs du lac Baïkal; 
— la tige tartarique, à laquelle appartiennent la branche des 
thibétains et celle des Tartares qui, outre les peuples de ce nom, 
comprend encore les Turcs et les Tartares-Mogols de l'Inde. 


» Vers l'occident, cette quatrième race s’est mélée plusieurs 
fois, et de différentes manières, à la cinquième, et a produit en 
dernier résultat le quatrième peuple métis, ou les Mongols- 
Caucasiens, qui sont les Cosaques au midi, et les peuples fin- 
noïs , à l’extrémité septentrionale de l'Europe. ; 


» La race caucasique où européenne est originaire du Caucase, 
ou cinquième centre producüf ; elle se divise en cinq tiges: — la 
tige persique , formée du premier rassemblement des familles du 
Caucase, conservée pure chez les Guèbres du Khorasan, et mé- 
langée avec les Arabes et les autres peuples dans les Persans, les 
Arméniens et les Afghans; — la tige hindourique, dont une 
branche descend des anciens Perses , et l’autre des Perses et 
des Mongols ou Scythes. La première comprend les Indous et 
tous les peuples de l’Inde méridionale ; la seconde les Indo- 
Scythes et tous les peuples de l’Inde septentrionale. — La tige 
chaldaïque , qui tire son origine des Perses occidentaux ou 
Mèdes. Les peuples chaldéens, après avoir eu une existence glo- 
rieuse et avoir envoyé des colonies sur toutes les côtes de la 
Méditerranée, par le moyen des Phéniciens , se sont perdus dans 
la, population souvent renouvelée de leur pays. Les Syriens sont 
le reste de cette population. La tige chaldaïque ne subsiste pure 
que dans les Arabes, qui occupent les trois Arabies, une partie 
de la Syrie et de l'Afrique, et dans les Juifs qui sont dispersés 
dans toutes les contrées du monde. — La tige sarmatique, issue 
des Perses du nord-est ou Parthes ou Hyrcaniens. Les Sarmates 
se sont divisés en une foule de petites nations qui, en général , 
ont habité l’Europe orientale , depuis l'embouchure de la Vistule 
jasqu’aux bords du golfe Adriatique, Quelques-unes pénétrèrent 


314 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


en Italie , en Espagne et dans l'Aquitaine. Cette tige a été un 
des élémens de la population moderne de l'Europe. — La tige 
celtique, formée du second rassemblement des familles du Gau- 
case, est divisée en cinq branches : 1° les Caucasiens descendus 
de la région montagneuse dans les plaines de l'Asie Mineure, 
et alliés aux peuples chaldéens ; 20 les Celtes partis des rives 
occidentales de la mer Caspienne, et devenus possesseurs de 
l'Europe occidentale, sur toute la ligne occupée par les Sarmates: 
de cette tige il ne resta sans mélange que les Scandinaves, les 
Germains et les Celtes ou Gaulois; 3° les Grecs, formés des: 
Caucasiens-Chaldéens de l'Asie Mineure et des Egyptiens pro- 
venus de la race éthiopienne. Les Grecs, composés de plusieurs 
petites nations, s’étant réunis sous Alexandre, soumirent tout 
l'Orient depuis le Nil jusqu'à l'Indus; de sorte que leur race 
occupa une grande étendue de pays, indépendamment des co- 
lonies qu'ils fondèrent sur plusieurs points de la côte de la 
Méditerranée. En général cette branche subsista dans l'Europe 
méridionale et orientale depuis le mont Hémus jusqu'à la Mé- 
diterraaée , et depuis les côtes du Pont-Euxin jusqu'à celles de 
l'Adrialique, 4° Les Romains , nés du mélange des Sarmates,, des 
Celtes et des Grecs. Ce peuple suivit les traces des Grecs, et 
fonda, des débris de leur empire, un empire plus vaste. Les 
peuples romains occupoient l’Europe méridionale et occidentale , 
depuis le Danube jusqu'aux colonnes d’Hercule, et depuis le golfe 
de Venise jusqu'à l'océan Atlantique. 5°. Les peuples modernes 
de l'Europe, composés, à lorient, du mélange des Sarmates et 
des Grecs; à l'occident, de l'alliance des Celtes et des Romains. 
Les peuples orientaux sont les Grecs, les [llyriens, les nations 
danub.ennes, les Polonais et les Russes ; les peuples occidentaux 
sont les Italiens, les Espagnols, les Français, les Anglais , les 
Allemands, les Suédois, Danois et Norwégiens. Dans la partie 
méridionale, le mélange a été plus complet à l’occident qu'à 
l'orient. Dans la partie septentrionale, les tiges sarmatiques et 
celtiques sont peu altérées ; dans les points limitrophes , entre 
les quatre branches-mères, les rameaux se sont croisés dans tous 
l2s sens. 

» Vers l'occident, la cinquième race s’est alliée à la premiére, 
et a donné naissance au cinquième peuple métis ou aux Cauca- 
siens-Nègres, savoir : les Maures, provenns du croisement des 
Atlantes où Berbères et des Arabes pasteurs , et les Zembas ou 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 315 


Zangues-Bariens, issus des Zmdges ou quatrième branche de la 
üge éthiopique et des Arabes navigateurs. 


» Enfin les cinq races, par leurs tiges , leurs branches etleurs 
rameaux , se sont unies et confondues. Lorsque cette union s’est 
faite par des voies naturelles , elle a produit des peuples métis 
qui, ayant des caractères mixtes et nuancés dans les deux sens, 
ont lié par progression les cinq races entre elles ; de manière que 
la couleur et les autres caractères physiques vont, en s'altérant 
par gradation, de l'occident à l’orient, et de lorient à locci- 
dent.... Mais lorsque le mélange des races s’est fait par des voies 
humaines, il a produit des hommes de couleur qui tranchent 
d'autant plus, que les races-mères sont plus distantes l’une de 
l'autre dans leur organisation. . .» 


S IV. De l’Homme et des facultés de l’Individu. 1°. Orga- 
nésation morale ; 2° Maladie morale ; 3° ensemble des facultés 
de l'Individu. 


Ce paragraphe qui est en grande partie de M. Gavoty, se fait 
remarquer principalement par les richesses du style. L'auteur 
admet un principe intelligent, une ame raisonnable , une essence 
immortelle bien différente du principe vital et de l’ame sensitive 
des bêtes. 


$S V. De l'Homme et des changemens qu’il opère : 1° Chan- 
gernens dans le système inorganique ; 2° changemens dans le 
système organique ; 3° ensemble des changemens opérés par 
l'Homme. 


Les considérations intéressantes de ce paragraphe témoignent 
fortement en faveur de l’ordre progressif adopté par les auteurs. 
« Les faits que nous venons d'exposer, disent-ils, font connoîlre 
la filiation des changemens opérés par l’homme, et celle des 
moyens qu'il a successivement mis en œuvre pour accroître son 
industrie. Il en résulte que sa puissance décroît par degrés, depuis 
le métal jusqu’à l’animal. 11 dispose pleinement du premier ; il ne 
fait que seconder l'instinct du second. Le végétal est le chaïnon 
intermédiaire. D’un côté il procure la matière combustible qui 
est nécessaire pour travailler le métal, et il offre comme lui 
des ressources pour tous les arts; de l’autre il fournit la matière 
alimentaire de l’animal , et il présente comme lui des moyens sans 
nombre d'industrie. Ainsi les trois leviers de la puissance de 
l’homme, sont la métallurgie , l'agriculture et l'économie domes- 


316 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


tique. La première est la base ou l'élément primitif de Pédifice 
social ; la seconde en est le véhicule ou la cause modératrice 
qui l’entretient ; la troisième est l'agent ou la force active qui 
cireule et donne un air de vie à cet édifice. De ces trois puis- 
sances combinées se forme celle de l'homme, qui peut tout quand 
elle suit la marche de la nature, mais qui ne peut rien lorsqu'elle 
s’en écarte. » 

S. VI. Des changemens généraux dans le Système orga- 
nique. M. Toulouzau ne veut pas qu'une seule des espèces don- 
nées par la création, soit perdue. Il distingue les espèces primi- 
tives des espèces secondaires, C’est à celies-ci qu’appartiennent 
les ossemens fossiles dont on ne retrouve plus les analogues 
vivans. Il ne se montre pas partisan des méthodes classiques qu’il 
a déjà attaquées plusieurs fois dans son ouvrage, et il est en eliet 
indubitable que l’état actuel de nos connaissances exigeroi un 
systema natur®æ fondé sur de nouvelles bases puisées dans la na- 
ture elle-même. 


« La nature, dit-il, a départi à chaque corps et à chaque 
phénomène une cerlaine somme d'influence qui s'exerce réci- 
proquement. Cette réciprocité subsiste dans l'infiniment grand 
comme dans l’infiniment petit. C’est la cause de toutes les alté- 
rations, et par conséquent de toutes les variétés. Par ce moyen, 
il n’est pas un point dans l’univers qui nese touche avec un autre 
point; pas un mode de combinaison qui ne soit susceptible d'être 
épuisé, pas de forme qui tôt ou tard ne soit donnée. Les rapports, 
les nuances, les mixtes se multiplient de toutes parts, et unissent 
les extrêmes dans tous les sens : c'est le vœu de la nature. Ce 
n’est donc point un signe de dépérissement , mais une consé- 
quence des lois établies... Dans les premiers âges du monde, 
les influences générales de la nature tendaient à grandir les formes 
et à prolonger la durée de l'existence; c’étoit un temps d'enfance: 
tout devoit croître et multiplier ; Le système inorganique sortoit à 
peine du chaos et venoit de se consolider. Le système organique , 
à son tour, commença de prendre possession d’un vaste domaine 
qu’il fallait peupler. Tous les étres se mirent au niveau des cir- 
constances , grandirent et multiplièrent excessivement , jusqu’à 
ce qu’ils fussent ramenés à l’état où nous les voyons aujourd'hui, 
et qui est encore relatif à celui de la nature... .» 


S VII. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 317 
$S VIT. Du balancement des deux Systèmes de Corps. 


« Le balancement est dans la nature ce que la compensation 
est dans l’état social. ... Gette compensation et ce balaucement 
se remarquent dans l’ensemble et les détails, dans les masses et 
les molécules, dans les espèces et les individus. Il ya donc, dans 
le système physique comme dans le système moral, des élémens 
opposés qui, par leurs actions contraires , sont la cause de tout 
ce qui se produit : c’est le plan général de la création ; et voilà 
pourquoi l’homme ne peut raisonner ni juger que par comparai- 
son.... Par l'effet de ce balancement alternatif de la matière et 
de la vie, la nutrition assimile les substances brutes à la subs- 
tance organique; la fermentation décompose la substance orga- 
nique, et la restitue aux substances brutes. C’est le circulus 
æterni motüs des Anciens, ou une rotalion de la nature qui fait 
circuler toutes les parties sans attirer le tout....» 


La conclusion qui termine ce grand ouvrage , est un morceau 
oratoire qui appartient à M. Gavoty, et qui finit par un hymne 
à la Divinité, écrit avec autant de chaleur que de sentiment, 


Tome LXXXI. OCTOBRE an 181, Ss 


318 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


DISSERTATIO DE MOTU SANGUINIS PER VENAS, 


OU 


DISSERTATION 


SUR 


LE MOUVEMENT DU SANG DANS LES VEINES; 


Par Josepx ZUGENBUHLER, D. M. 


LE mouvement du sang chez les animaux a donné lieu à 
une multitude d’hypothèses parmiles Anciens; les uns l’attribuoient 
à la chaleur, les autres à la fermentation, des troisièmes à l'air 
qui y étoit contenu. ..; plusieurs l'ont attribué à l'ame, ou à 
quelque principe vital... Enfin Harvée donna des preuves évi- 
dentes de la circulation du sang. 


Aujourd’hui il est reconnu que le sang cireule dans tout le 
corps. Le cœur, en se contractant, le chasse dans les artères. 
Mais par quel moyen est-il rapporté au cœur par les veines? 

Les uns ont eu recours à l’élasticité des veines; les autres ont 
dit que les pulsations des artères, qui accompagnent toujours 
les veines, donnent l'impulsion au sang veineux; que les val- 
vules, qui sont dans la veine, l’empêchent de rétrograder...; 
enfin les contractions des muscles en comprimant les veines, 
soutiennent celte première impulsion communiquée par le sys- 
tème artériel.... 


L'auteur, persuadé de l'insuffisance de tous ces moyens, a eu 
recours à une autre hypothèse. « Les parois du ventricule droit 
du cœur en se contractant dans la systole, chassent le sang ; 
mais au moment de la dilatation du cœur, ou à sa diastole il 
se fait un vide : en suivant les lois de la pression des fluides, 
le sang de la veine-cave est porté dans le ventricule droit. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 319 


« Îdea mea est : parietes ventriculi dextri cordis systole 
comprimuntur ad expellendum sanguinem. Momento dilata- 
tionis cordis, ceu per diastolen spatium vacuum oritur, et 
juxta leges pressionis fluidorum sanguis in ventriculum dex- 
trum truditur. À | 


» On ne peut pasnier, continue l’auteur, que dans un récep- 
tacle fermé hermétiquement, il ne se fasse un vide, si on en 
dilate les parois. On ne peut pas nier que s'il y a un fluide 
voisin, il se précipitera dans ce vide par la pression de l'air : 
or on doit considérer le cœur comme analogue à ce réceptacle. 
Il se remplira donc du sang voisin par la pression de l'air qui 
enveloppe tout le corps de l’animal. » 


On doit conclure que la cause principale du monvement du 
sang veineux, est dans le cœur lui-même. Le mouvement du 
cœur peut être regardé comme une véritable respiration du sang. 
Motus cordis revêrà respiratio sanguints dici potest. 


On concoit facilement que la veine-cave étant désemplie, les 
portions inférieures du sang s'élèvent jusqu’à cette veine-cave, 
et ainsi de proche en proche tout le sang veineux participe à 
ce mouvement, 


320 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, ec. 


Ds | 


TABLE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


Sixième lettre sur l'incertitude de quelques oxidations. 
Deuxième Mémoire ; par L. Proust. Pag. 

Septième lettre, ou suite d'observations sur le Traité 
élémentaire de Chimie de M. Thenard; par L. 
Proust. 

Tableau météorologique; par M Bouvard. 

Suite à mes vues sur l’action galvanique, comme cause 
principale des commotions svuterraineset des volcans; 
par J.-C. Delarmétherie. 

Sui'eà mes Mémotressur lescristallisations géologiques. 
Des cristallisations régulières et des cristallisations 
confuses ; par J.-C. Delamétherte. 

Essai sur l'histoire de la nature; par MM. Gavoty et 
Toulouzan. Extrait. 

Dissertatio de motu sangutnis per venas ; ou diiserta- 
cion sur le mouvement du sang dans les veines; par 


Joseph Zugenbuhler. D. M. 


De l'imprimerie de M"° Veuve COURCIER, Imprimeur - Libraire 


pour les Mathématiques et la Marine, quai des Augustins, n° 57. 


JOURNAL 


DPI EH YS LOUE, 
DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


NOVEMBRE AN 1615. 


FAITS 


Par L. PROUST. 


STAHL étoit persuadé que le mercure se congéleroit à un 
froid plus intense que celui qu'on éprouvoit d'ordinaire en Al- 
lemagne. Juncker, le plus distingué de ses disciples, n'étoit 
point de cet avis. Sa congélation avoit pourtant été remarquée 
dès l’année 1596 par Libavius. Ce chimiste conservoit du mer- 
cure qui s'étoit pris 22 pastillum solidum à solo frigore com- 
pactum. Il ajoute qu'il lavoit vu dès l’année d’auparavant, et 
même qu'il avoit distingué au centre d'une masse de mercure 
congelée, existere radios instar cristallorum pyramidalium , 
üré du gros z1-/olio de cet auteur. Voyez l’article Mercure. 


Oxide rouge précipité par la Pofasse. 


Ce précipité tiré d’une dissolution deuto-nitrique, a toujours 
une couleur jaune indécise, qui ne permet pas de le confondre 


Tome LXXXI. NOVEMBRE an 1819. DE 


322 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


avec l’oxide rouge ordinaire, J’ai cru long-temps que cela tenoit 
à des restes de nitrate non décomposé ou même de potasse, 
mais l'expérience qui suit me désabusa de cette idée. 

Cent grains de ce précipité rendirent par la dissolution un 
peu d'humidité, un léger résidu de silice et go de mercure : 
il n’a donc manqué ici que deux de mercure pour qu’on ait 
pu le considérer comme un oxide pur; d’où il suit que sans 
le mélange de matières étrangères ce précipité ne seroit autre 
chose que l’oxide rouge; mais alors d’où vient cette nuance? 
de sa grande division tout simplement. Et en ellet, l'oxide rouge 
des pharmacies, trituré dans un mortier de porcelaine, n’est plus 
lui-même qu’une poudre jaune. Ainsi c'est la condensation qui, 
ajoutant à l'intensité, donne la couleur rouge à cet oxide, 

Le précipité ci-dessus repassé dans la potasse bouillante, n’y 
perd rien de sa nuance orangée. 

Le précipité tiré du sublimé corrosif se comporta de même; 
de l’eau, des traces de silice, mais pas un soupcon de matière 
saline. Mais ce qui m'étonne, c’est le muriate doux que Bayen 
tire du sien par la distillation. 


Précipité blanc des pharmacies ,.ou de Beaumé. 


La potasse versée dans une solution de sublimé corrosif et 
de muriate d’ammoniaque, y occasionne un précipité très-blanc 
que l’eau bouillante ne peut dissoudre. 

Ce précipité chauffé, donne de l’eau, du gaz ammoniacal 
et du muriate doux. D'où vient ici la réduction de l’oxigène 
dans la base du sublimé corrosif? Nous allons le voir tout-à- 
l'heure. 

Cent parties de précipité blanc délayées à grande eau, puis 
passées par le courant d'hydrogène sulfuré, donnèrent d’abord 
un précipité noir, La liqueur filtrée, puis évaporée, rendit 26 
parties de muriate d’ammoniaque. Donc la base du sublimé 
corrosif, ou 74 grains d'oxide rouge combinés à 26 de ce mu- 
riate, forment le précipité blane qui nous occupe. : 

L’insolubilité, la couleur blanche et la constance des proportions 
démontrent évidemment qu’il y a dans ce précipité, combinaison 
et non 71élange. 

On juge maintenant ce qui doit arriver quand on le chauffe 
à un certain degré. De l’eau; une portion de gaz ammoniacal 
non décomposé ; du gaz azote, et par conséquent de lPoxide 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 329 
-réduit dans la quantité de son oxigène, qui ne peut plus produire 
alors que du muriate doux avec acide du muriate ammoniacal. 

L'oxide rouge se dissout aussi dans une solution de muriate 
d’'ammoniaque, et la potasse en tire du précipité blanc. 

On obtient encore du précipité blanc en versant une solution 
de deuto-nitrate de mercure dans une solution de nitrate am- 
moniacal , puis ajoutant de la potasse. Je n'ai pas examiné celui-ci 
qui pourtant mérite de l'être, car alors il est possible que 
l’oxide rouge se combine avec lesdiflérens sels ammoniacaux, etc. 

Voyons maintenant la formation d’un précipité blanc auquel 
on est loin de s'attendre. Par exemple : 

Le précipité du sublimé corrosif par la potasse, ne contient 
pas un soupcon d'acide muriatique, s’il a été bien préparé ; mais 
ce précipité arrosé d’ammoniaque, tandis qu’il est fraïs, blanchit 
et forme à Pinstant une combinaison dont l'analyse va nous 
expliquer la nature. 


Cent grains de ce nouveau précipité sec donnèrent par dis- 
tillation, de Peau, du gaz azote et go grains de muriate doux 
dont 7 à 8 de mercure pur. D'où provient ici l'acide muriatique? 
d’un ammoniaque impur évidemment; et en eflet, tout ammo- 
niaque qui n’a pas été préparé avec un gaz pur, contient de 
l'acide muriatique. Pour s’en assurer il sufhit d'exposer à l'air 
de l’ammoniaque couvert d’un papier, et l’on trouve à la fin 
du muriate d’ammoniaque. Ainsi l’oxide rouge ne fit autre chose 
qu'analyser mon ammoniaque; donc pour reconnoître si un am- 
moniac est pur, il est bon d’en saturer un peu avec de l’acide 
uitrique, puis de voir si le mélange trouble le nitrate d'argent. 


Oxide délonant. 


L’oxide rouge gardé sous de lammoniaque pur y prend un 
jaune pâle. Deux cents grains de ce produit bien sec, chauflés 
dans une retorte très-douce, ne perdirent rien, mais ils passèrent 
au brun. La retorte fut ensuite placée immédiatement sur de 
la braise couverte de cendre. Peu de temps après j'apercus 
de l'agitation dans la poudre, je m'éloignai, et aussitôt une dé- 
tonation partit avec l’éclat d’un coup de pistolet. La retorte 
retomba en mille pièces. D’où l’on peut conclure, je crois, que 
de l’ammoniaque s’attacha à l’oxide et produisit à l’aide de la 
chaleur tous les effets que Berthollet avoit découverts dans lo 
fulminant. 


ALES 


324 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Oxide rouge et Sublimé corrosif. 


D'abord le sublimé corrosif peut dissoudre une assez forte 
dose d’oxide rouge et changer par là de cristallisation. 


En second lieu, si on jette de l’oxide rouge dans un flacon 
de gaz muriatique oxigéné, il y a absorption et chaleur : une 
partie s’y dissout et l’autre se rembrunit; elle va même jusqu'au 
noir, si on la fait entrer dans de nouveau gaz. 

Cent parties d’oxide devenu puce par ce procédé , et que l’eau 
n’attaque pas, si je me le rappelle, donnèrent par la distillation 
un sublimé corrosif pesant 35, et pour reste 65 d'oxide rouge 
pur; car en le chauffant ensuite, il rendit sur le pied de 92 
centièmes de mercure. Quant aux produits liquides de ces ex- 
périences, c’est, je crois, Chenevix qui les a examinés. 


Proto-Nutrate. 


Le mercure gardé sous un acide de 20°, se change en proto- 
nitrate. Ce sel, à la rigueur, n’est pas soluble dans l’eau, et 
quand il s’en dissout, c’est qu’une partie enlève à l’autre un peu 
de son acide; mais de l’eau aiguisée d’acide ou de vinaigre dis- 
üllé, le dissout complètement. 


Lorsqu'on fait bouillir dans une retorte une couple d’onces de 

roto-nitrate avec une livre d’eau, le sous-nitrate jaune qui se 
Re où, si l’on veut, le turbit nitreux de Beaumé ne paroît 

as diminuer; mais ce qu'il y a de remarquable, landis que 
l’eau distille, ce sont des stries de mercure extrêmement fines 
qui descendent continuellement avec elle. Alors la liqueur de 
la retorte commence à donner des indices de deuto-nitrate, et le 
sous-nitrale Jaune verdit de son côté, à cause de la poudre 
mercurielle noire qui s’y ajoute, Donc le mercure peut s'élever 
à la température de la vapeur de Peau. 


La Chimie offre déjà plusieurs faits de ce genre, tous relatifs 
au transport de l’oxigène d’une partie sur l’autre. Tels sont le 
mercure doux bouilli dans l'acide muriatique qui s’y change en 
sublimé corrosif et en mercure libre : l’action de l’acide sulfu- 
rique aqueux sur le protoxide du cuivre, qui devient deutoxide, 
qui se change en sulfate, tandis qu'une partie de cuivre pur 
reste en liberté. L’accumulation de loxigène sur l’oxide mineur 
du plomb, quand on traite le minium avec l’acide muriatique, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 325 


selon l'opinion de Vauquelin. L’oxide mineur de l'élain dissout 
dans la potasse; il passe à l’état d'axide, majeur en enlevant l’oxi- 
gène à une certaine quantité du premier qui alors se sépare 
en métal pur, etc. 


Acétate de. Mercure. 


Le précipité qu'on tire du proto-nitrate par la potasse , donne 
avec le vinaigre, un acétate très-blanc ; mais si la dissolution 
du proto-nitrate contenoit par hasard un peu de deuto-nitrate, 
lacétale seroit sali de jaune, qui est aussi la couleur du deuto- 
acétate. Il le seroit encore, si on gardoit trop long-temps le 
précipité à cause du deutoxide que Pair y introduiroit. Aïnsi 1l 
n'y a que le précipité frais et pur qui puisse donner cet acétate 
qui a la forme et l'éclat d’une belle gaze d’argent. 


Sous-Nitrate jaune. 


Centparties de proto-nitrate de mercure bouillies à grande 
eau, ont laissé , après trois épreuves, de 36 à 37 de poudre jaune. 


Muriate doux. 


Cent parties du même protonitrate dissoutes dans une eau 


acidulée, donnent communément de go à gr de muriate doux, 
avec le sel marin. 


Lorsque le proto-nitrate est pur, l’eau des lavages jaunit à 
peine avec l’hydrogène sulfuré. 

Ce muriate décomposé à la retorte avec la limaille de fer, 
donne 84 centièmes de mercure coulant; mais si cent parties 
de mercure donnent 103,5 d’oxide mineur, les 84 doivent donc 
en fournir 86,94; alors sa composition seroit : 


Acide muriatique . MORE PMU TP AMETS C6 
Oxidemoirs-barneseb fo 2vbestle ,10186;94 


100,00 
Sublimé corrosif. 


Décomposé par la limaille, donne 74 centièmes de mercure 
coulant, et par conséquent dix de moins, que le muriate doux. 
Et comme 92 de ce métal absorbent assez exactement 8 d’oxi- 


326 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


gène, l'oxide rouge, base du sublimé, seroit alors de 80,435 
etséh acides do 2afoatt.0hx0 à Loi JS gout iing,565 


100,000. 


Mais en considérant combien Bergmann, Kirwan, Wenzel 
et tous les chimistes qui se sont occupés successivement des éva- 
luations, ont rencontré de difficultés dans ce genre de recherches, 
je me garderai bien de donner les miennes pour arrêtées. IL 
faut se contenter d'enregistrer tout cela, en attendant que nos 
neveux s'occupent de reprendre ces travaux. 


Deuto-Nitrate. 


La dissolation du proto-nitrate n’a pas besoin d’un excès d’acide 
pour se suroxider; elle y arrive d'elle-même par une évaporation 
douce à l’air libre; la liqueur s’épaissit et ne précipite plus qu'en 
jaune avec la potasse, L 

Le deuto-nilrate se laisse concentrer au point de peser 347 
sous le volume de 100 parties d’eau. En cet état, on ne peut 
le transvaser sans qu’il ne se prenne- aussitôt en une masse ai- 
guillée qui refuse de couler. Si on pousse la distillation, on en 
tire une masse que l’eau dissout en grande partie, Néanmoins il 
s’en sépare une poudre blanche, qui passe au rose par le lavage, 
et qui finit par n'être plus que de l’oxide rouge fort beau. C’est 
ce résultat que je me proposois de pousser à bout, afin de voir 
définitivement quel seroit son oxide, comparé à celui du proto- 
nitrate. Cette description ressemble, dira-t-on, à celle que 
M. T'henard nous donne du deuto-nitrate : lequel des deux a copié 
l'autre? Je puis assurer ici que ce n’est pas moi. Redde cuique 
suum sera toujours ma devise. 


Carbonate de Mercure. 


Le proto-nitrate, dissous et décomposé. par un carbonate de 
potasse bien saturé, donne un précipité jaune clair qui est un vrai 
carbonate. Mais il change d'état avec le temps; car quand on 
l’examine avec l'acide muriatique, on est tout surpris de trouver 
dans la dissolution du sublimé corrosif, après la séparation du 
mercure doux: 

Le deuto-nitrate donne un précipité rouge obscur, dans lequel 
on ne découvre qué fort peu d'acide carbonique; sa couleur le 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 327 


prouve, d’ailleurs; car autrement , l’acide carbonique le couvri- 
roit, comme le font tous les autres acides. 


Mais en général, dans la nature comme dans l’art, des oxides 
majeurs donnent rarement des carbonates; car iln’y ena en elfet, 
ni pour l’étain , ni pour le manganèse, ni pour l’antimoine, ni 
pour le plomb, le nickel, le cobalt, ete. 

Dans la nature il y a du carbonate de fer; maïs l’oxide alors 
est au 7#Énémum, jamais au maximum. Dans la rouille, par 
exemple, le fer est au maximum ; aussi n'est-elle jamais carbo. 
natée, quoi qu’en dise M. Thenard , qui le répète après d’autres 
auteurs. 

Proto-Sul/fate. 


Est assez soluble dans l’eau. La potasse le précipite en noir, 
comme le mercure doux, ce qui’ doit être, puisqu'ils ont même 
base. C’est cette expérience qui me conduisit à découvrir deux 
sulfales pour le mercure, comme les deux nitrates, les deux acé- 
tates, etc. Le proto-sulfate bouilli à grande eau jaunit et passe 
au verdâtre, comme le proto-nitrate, et par les mêmes causes, 
à ce qu'il m'a semblé. Jauni par ce procédé, le proto-sulfate 
n'a pas pour cela changé d'état, et il ne faudroit pas le confondre 
avec le turbith minéral, dont l’oxide est au maximum; aussi le 
premier noircit-il toujours au contact de la potasse. 


Æccident arrivé à une cuve de Mercure. 


Quelqun s’amusa un jour à faire flotter une masse de plomb 
dans la cuve au mercure, et mayant point élé apercue, elle y 
resta jusqu'au lendemain. Cette masse, assez profondément ron- 
gée , pouvoit avoir diminué de 4 à 5 onces de son poids, quand 
on la retira; et pour le mercure, il avoit tellement perdu de son 
éclat et de sa liquidité, qu'il n’étoit plus possible d’y plonger 
une plaque de verre sans la retirer couverte d’un étamage sale et 
ridé. Distiller 125 livres de mercure étoit une entreprise acca- 
blante pour l'imagination; aussi les gardé-je en cet état pendant 
une année. Mais en parcourant un jour mon Priestley, Je ne 
sais pourquoi, j'y découvris une expérience qui n'éloit pas sans 
rapport avec mon objet ; j'en fis l'essai et eus lieu de m'en ap- 
plaudir. La voici : 


Je fis agiter fortement le mercure, par portions de 5 à 6 livres, 
dans un flacon très-fort et dont il n’occupoit guère qu’une hui- 


328 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
tième partie, après quoi je le laissai en repos et débouché , 
pour y entretenir la communication avec l’air. Cette opération 
fut recommencée une couple de:fois. Le mercure ensuite fut 
versé dans un entonnoir de papier fort, et placé dans un autre 
de verre, afin de le soutenir. Cela fait, je perçai le premier 
avec une aiguille à tricoter , et le meréure distilla parfaitement 
net, laissant une crasse épaisse d’un ton gris et d’un aspect ter- 
reux ; c'éloit du plomb moitié oxidé, moitié métallique, mêlé 
d’un peu de mercure, Tout le reste fut travaillé de même, et 
mes 125 livres de mercure, qui ne laissoient pas la moindre queue 
sur une assiette, ont servi depuis, comme si rien ne lui fût 
arrivé. 

C’est un fait connu, que les alliages sont infiniment plus prompts 
à s’oxider que leurs métaux séparément. Cette cause et la promp- 
titude avec laquelle le plomb divisé s’oxide quand il est battu 
dans un air humide, me paroissent expliquer assez bien la faci- 
lité avec laquelle je parvins à cette dépuration. Ici l'humidité 
ne pouvoit manquer, car le mercure en contient toujours très- 
sensiblement, 


Sur la Conservation des Cadavres par le Sublimé corrosif. 


C’est une, découverte des plus intéressantes, à mon avis, et 
à laquelle par conséquent on donnera quelque jour l'attention 
qu’elle mérite, M. Thenard rapporte le fait, et n’en fait pas 
connoître l’auteur! 

Je proposai il y a déjà des années, l'usage des astringens qui 
s'offroit si à propos pour-cet objet : mais le procédé du docteur 
Chaussier me paroitroit aujourd’hui préférable à cause de la 
garantie qu'il offre contre le ravage des insectes. Les insectes, 
en eflet, n'épargnent point les corps desséchés du caveau de 
Toulouse, aussitôt qu’ils passent de son atmosphère dans celui 
des collections. J’en emportai autrefois un avant-bras qui, par 
cela même, s’est à peine conservé deux années. 


11 ÿ avoit dans les magasins du cabinet de Madrid un corps 
de femme guanche qu'on ne put placer dans les salles à cause 
de cette destruction, Combien d'années pourtant ne s’étoit-il pas 
conservé dans les catacombes des Canaries? Pour celui du 
guanche qu’on y voit encore, je pense, il a fallu le restaurer 
avec des lambeaux pris sur d’autres corps également envoyés 
du même lieu. 


Je 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 329 


Je ne doute pas non plus qu’un jour en Espagne on ne 
substitue l’un de ces préservatifs au long et dégoûtant procédé 
du pourrissoir, prodridero , dans lequel æn tient un corps, afin 
de l’amener à une dessication qui permette de le renfermer ensuite 
dans les marbres du Panthéon. Le prodridero est un caveau où 
Von a placé un gril de fer sur lequel on étend le cadavre; un 
courant d’eau passe dessous. Cette préparation dure environ trois 
années, 


On voit par les détails de l’exhumation de Saint-Denis, con- 
servés par M. de Châteaubriant, que les cercueils de plomb ne 
suspendent que bien imparfaitement la putréfaction des corps, 
malgré ces tas de poudres aromatiques excessivement dispen- 
dieuses dont on a coutume d’en farcir les cavités. Peut-être même 
ne l’arrétent-ils qu'au moyen des crevasses que les plombs sont 
sujets à éprouver; ce qui dès-lors occasionne une dessication 
insensible des parties molles, sans quoi il faut croire que la 
compression des gaz qui s’échappent en abondance de toute pu- 
tréfaction humide, réagissant sur ces mêmes parties, en même 
temps qu'elle les dissout, ne tarderoit point à réduire uu corps 
en squelette. 


Et c’est même un résultat assez démontré par l'observation 
qu’on eut lieu d’en faire il y a quelques années sur le cercueil 
d'un Anglais qu’on transporta de Paris à Calais. Les plombs 
s'étant crevés par l’effet d'une pareille réaction, on fut très- 
surpris de n’apercevoir à l’ouverture du cercueil, qu’un sque- 
lette nageant dans une masse énorme d’un liquide putrilagineux. 
M. Sage de qui je tiens l'anecdote, offroit dans ses cours 
une expérience de M. Charles de PInstitut, qui paroiît propre 
à donner une idée de ce que doit éprouver un cadavre res- 
serré dans un vase hermétiquement fermé. C'est celle de la gre- 
nouille ou de l'oiseau suspendu dans l'intérieur d’un flacon 
plein d'hydrogène dans l'intervalle d’un mois : en effet, on voit 
ces animaux se réduire en un squelette qui ne laisse après lui 
qu'une portion dé liquide sanieux et infect. 

Mais aujourd’hui qu’une raison plus ferme et plus éclairée 
que celle de nos pères, exclut absolument tout usage qui ne 
se recommande par aucun rapport d'utilité physique ou morale 
avec le bien de la société, pourquoi continuons-nous comme 
eux d’entasser sous la voûte des lieux saints, ces. masses d’in- 
fection que notre vanité renferme à si grand prix dans des caisses 
de plomb? à quoi bon en effet tel ou tel résidu de notre espèce? 


Tome LXXXI. NOVEMBRE an 1815. Vy 


330 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

sous quel rapport que ce soit enfin, que peut-on jamais se pro- 
mettre d’utile dans ces emmagasinemens de cadavres pourrissans ? 
tout au plus à préparer aux races à venir des ressources pareilles 
à celles que la violation des sépultures fit trouver dans les caveaux 
de Saint-Denis! 

Car, après tout, quelle que soit notre vénération pour la dé- 
pouille des hommes qui se sont distingués pendant leur vie, 
confessons de bonne-foi, que l’état où ils se trouvent commu- 
nément dans ces cercueils, même après une longue suite d'années, 
est toujours si affreux à imaginer, si dégoûtant , que la piété la 
plus religieuse ne consentiroit sûrement pas à les découvrir, 
sans exposer à reculer d’horreur à leur aspect. 

Mais quelle différence, au contraire, avec des corps bien 
conservés , tels que ceux de Toulouse, tel, par exemple, que 
celui d’un Guanche ou d’un sujet préparé par les moyens qu in- 
dique aujourd’hui la Chimie ! On y apercevroil encore l’em- 
preinte du souffle sacré qui les anima durant la vie ; on y re- 
trouveroit les restes d’une physionomie qui ne cessoient de parler 
fortement à la pensée. Quel panthéon, en effet, pour l'homme 
qui ne craindroit pas d’envisager les ruines de son espèce, que 
celui où il pourrait aller, lui, sa femme et ses enfans, contem- 
pler sans ellroi les larves d’un Henri IV, d’un Sully, d’un 
Montesquieu ; d’un Rousseau, d’un Cervantes, d’un Lavoi- 
sier , etc. ? Le silence d’un tombeau , qui nourrit si bien la mé. 
ditation dans les ames tendres, se trouveroit toujours là ; mais 
on n'y découvriroit plus la mort et son horrible cortége de pu- 
tréfaction. La figure de ce Guanche dont la main s'appuie sur le 
coup de lance qui lui percça la poitrine, inspire des réflexions, 
sans doute, mais elle ne cause point d’horreur. 

Le sublimé corrosif jouit en outre d’une propriété qui le ren- 
droit doublement nécessaire dans les collections animales , et qui 
les préserveroit par conséquent de toute espèce d'insectes ; c’est 
qu'il est dans un état permanent d’effluve ou de vaporisation, 
à ce qu’il m'a semblé. Quelque bien renfermé, par exemple, 
qu'on le tienne entre plusieurs enveloppes de papier, son atmo- 
sphère n’en atteindra pas moins tout ce qui est fer ou acier dans 
le tiroir où ils se trouveront ensemble : couteaux, canifs, chaînes 
de montre, etc., gardés à une assez bonne distance d’un paquet 
de sublimé , rien n'échappe à l'effet qu'il exerce partout autour 
de lui ; voilà ce que j'ai eu lieu de remarquer. Le camphre n’est 
donc pas plus vaporisable que le sublimé. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 331 


DÉCOMPOSITION 
DU CINABRE À ALMADEN; 


Par L. J. PROUST. 


DE tous les moyens employés pour la décomposition du 
cinabre en Europe , celui que les Espagnols pratiquent dans leur 
exploitation d'Almaden, est sans contredit le plus avantageux 
qu’on ait pu imaginer. Qu’y a-t-il de plus simple , en eflet, de 
plus expéditifqu’un fourneau qui extrait, dans l’espace de douze 
à quinze heures, telle quantité de mercure que puissent contenir 
250 et 300 quintaux de minerai ? Quoi de plus économique, en 
outre, qu'un procédé qui n’exige d'autre moyen que la flamme 
du combustible, qui ne demande ni triage, ni bocards, ni 
AS ni séchoirs, ni enfin aucune dépense d’intermèdes que 
ce soit ? 


Jusqu'à l'an 1645 on employoit les cornues de terre et Ja 
chaux, quand un certain Juan Alonzo Bustamente proposa d'y 
substituer un fourneau de son invention. Ce fourneau est dans 
son genre une retorte garnie d’allonges, mais une retorte ouverte 
par en bas, de telle manière que le poids de l'atmosphère lui 
sert de fond, son oxigène d'intérmède pour la combustion du 
soufre , et le courant de la flamme une puissance qui comprime 
les vapeurs mercurielles, l'acide sulfureux, etc., et les oblige 
de prendre la route des aludels. Cette découverte enfin, et pour 
le temps , m'a toujours paru ün trait de génie de la part de son 
inventeur. Bustamanté s’aida sans doute des ouvrages de métallur- 
gie qu'on connoissoit déjà, tels que ceux d’Agricola, d’Erker, etc.; 
mais, malgré cela, combien d'essais particuliers , que d'idées 
contradictoires n’eut-il pas à combiner avant d'arriver à un 
résultat capable de remplir l’objet d’une grande exploitation. 

Le fourneau d’Almaden est un cylindre de 24 pieds en œuvre 
sur 4 de diamètre. Sa base repose sur le sol, et son sommet est 
fermé par une voûte, au milieu de laquelle on a conservé une 
petite ouverture, afin d’en achever plus facilement la charge. 


Vv 2 


232 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


D’un côté se trouve une porte disposée comme celle des four- 
neaux à faïence. Le fourneau chargé ; on la fermeavec des briques 
et de la terre. A l'opposé de cette porte et à la naissance de la 
voûle, on a pratiqué douze petites fenêtres qui ne sont séparées 
entre elles que par la largeur d’une brique : on les appelle 
arquettes ; arguetas. C'est par elles que sortent les vapeurs du 
mercure, pour se rendre dans les douze files d’aludels avec les- 
quelles on les fait aboucher. La longueur totale de ces files est 
d'environ 65 à 66 pieds (r) ; et comme les fourneaux sont cons- 
truits deux à deux, il y a par conséquent vingt-quatre files 
daludels de 66 pieds chacune sur la terrasse qui est destinée à 
les supporter. Enfin leur extrémité se rend dans un petit bâti- 
ment situé par conséquent à l'extrémité de cette terrasse. C’est 
par là que s’'échappent les fumées du soufre. Il s'y condense 
même encore quelques parcelles de mercure qui ont pu échapper 
à la longueur des aludels. On peut voir ces fourneaux sur les 
planches de Jussieu, dans les Mémoires de l’Académie , an- 
née 1730 où 32 ; et en outre sur celles de Jacob Ferberr, Descrip- 
tion des travaux d'Hydria. Berlin, 1775, en allemand, 


La dépense de ces aludels, qui sont autant de cylindres de 
terre cuite, renflés par le milieu, est un objet assez considérable; 
le service en est pénible. Comme c’est en eux que se fait la con- 
densation du mercure, on les vide à chaque fournée; il faut. 
les rajuster, et on en lute les jointures avec de la cendre 
délayée. 

À Hydria, on y substitua d’abord des canaux fixes qu'on 
recouvroit avec des dales. Depuis on a abandonné ce système : 
on l’a remplacé par un long corps de bâtimens, divisé dans sa 
longueur avec des séparations qui obligent les vapeurs à descendre, 
remonter et redescendre, jusqu'à ce qu’enfin on ne trouve plus 
de mercure dans la dernière chambre. Par ce moyen on ne 
perd pas plus d’un et demi pour cent , au rapport de don Fauste 
de Elhuyar qui en avoit suivi les travaux, tandis que la perte 
est bien plus forte à Almaden. Mais ce n’est rien en comparaison 
de ce qu’on perdoit à Guancavelica au Pérou, où les aludels 
r’avoient que le quart en longueur de ceux d’Almaden, selon des 
plans qui me furent communiqués , et point de chambre à leur 


© ————— ————" ————— ———————— —© "© ———— "7 


QG) Chaque file se compy9se de 44 aludels, total, 528 aludels pour le service 
de chaque fourneau. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 333 
extrémité. Le ministère, lorsque je sortis d'Espagne en 1806, 
étoit dans le dessein de substituer les bâtimens de condensation 
aux aludels; mais les événemens qui ont troublé depuis la tran- 
quillité de l'Espagne, en auront fait ajourner l’exécution pour 
long-temps. : 

Le fourneau d'Almaden est divisé par trois arceaux voûtés 
qui servent de grille. Du sommet de cette grille à celui du 
fourneau , la hauteur est de 9 pieds. C’est sur elle qu’on place 
250 et 300 quintaux de minerai de la manière dont nous allons 
l'expliquer. 

D'abord on place sur la grille de gros pavés de grès contenant 
peu de cinabre : le grès, comme on sait, en est la gangue. Ces 
pierres s'appellent so/eras, solaires , puisqu'en effet elles occupent 
toujours le sol du fourneau. Au-dessus d'elles on arrange celles 
qui sont plus riches , mais de moindre volume, et ainsi de suite ; 
de sorte que la charge se complette avec 25 quintaux du minerai 
le plus pesant : c’est celui qui a un aspect acéré dans sa cassure, 
et qu’on désigne à Almaden par cirabrio metal. Cela fait, on 
termine avec un certain nombre de briques composées des suies 
qu’on ramasse dans les aludels, et des balayures de mine qu’on 
a pétries avec un peu d'argile pour leur donner de la consis- 
tance, Comme on laisse des vides entre les pierres, afin de 
faciliter le passage de la flamme et le courant de l'air , on sent 
en effet que sans la précaution d’en former des solides, tous ces 
résidus, pulvérulens de leur nature , viendroient à se perdre en 
retombant dans le foyer du fourneau. C’est cette partie de sa 
charge, ce sont ces briques, en un mot, que M. Thenard, ou 
Je ne sais quel auteur, aura pris pour une opération qu’on faisoit 
subir à la mine d'Almaden. Toute cette disposition est, comme 
on voit, on ne peut mieux entendue; car il est évident que le 
minerai le plus riche doit être aussi le plus éloigné de la base 
du fourneau , c’est-à-dire du point de sa hauteur, où la com- 
pression de Patmosphère pourroit n'être pas toujours suflisante 
à certains Jours , pour empêcher le cylindre de vapeurs de s’allon- 
ger ou de s’abaisser jusqu’à la porte où l’on brûle le combustible, 
ce qui est arrivé quelquefois, et a occasionné, par conséquent , 
des pertes considérables. 

. On en eut un exemple frappant dans l'été de 1787 : les maga- 
sins étant surchargés de mine et la saison avancée , on imagina de 
charger jusqu’à 35 quintaux de cinabre riche, au lieu des 25 qui 
faisoient la charge ordinaire. Cette augmentation qui auroit dû 


334 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

n'être qu'un simple essai, ne fut point examinée de suite, on la 
répéta en conséquence jusqu'à la fin de la campagne. Mais quand 
on arriva au relevé comparalif des produits de chaque fourneau, 
on fut très-surpris de trouver qu'on n’avoit extrait de cette sur- 
charge, que la moitié à peu près du mercure qui ÿ correspon- 
doit. Je fus consulté sur ces diflérences, et je crus alors en avoir 
aperçu la cause dans le prolongement du cylindre de vapeur 
qui, se trouvant trop resserré, ne put plus se dépêcher à temps 
égaux par le diamètre des arquettes, et fut contrait par là de 
s’abaisser au-dessous de la grille; alors une partie des vapeurs du 
mercure se perdit par le sommet de la porte du foyer où lon 
brûle le combustible. 

En comparant entre elles les dimensions des arquettes avec 
le diamètre du cylindre, je trouvai que le total des premières 
ne formoit que la quatre-vingtième partie de l’aire de ce cylindre. 
Que l’on se représente actuellement une relorte de 9 pouces 
de diamètre environ, dont le col n’en auroit qu'un de sortie, 
et l’on concevra de suite, que pour peu que l’augmentation de 
température vint à augmenter l’élasticité des vapeurs, il y auroit 
nécessairement un effort ou une pression plus ou moins cousi- 
dérable contre ses parois. Voilà ce qui arrivoit à la cornue d’AI- 
maden dans le cas des surcharges. 

J’ai dit que le carré des arquettes n’étoit que la quatre-ving- 
tième partie du carré de l'aire du cylindre: j'ajouterai qu'il est 
moindre encore, car Je découvris , en outre, que l'embouchure 
totale des aludels étoit, de son côté, moindre que la sortie des 
arquettes à laquelle ces tuyaux s’abouchent. Un défaut aussi no- 
table contribuoit donc encore au refoulement des vapeurs par 
la partie qui offroit le moins de résistance. Mais une chose qui 
me fit encore mieux connoître le tempérament de ce fourneau, 
et la part que le poids de l’atmosphère prend à son régime, ce 
fut d'observer que la perte du mercure avoit élé très-variable 
pendant tout le temps que durèrent les distillations. Il ÿ eut, 
par exemple, nombre de fournées où le’ produit fut ce qu'il 
devoit être. J’en conclus que si Pon avoit fait marcher ensemble 
l'observation du baromètre et la note des produits jour par jour, 
on auroit reconnu que les produits complets étoient aussi ceux 
qu'on obténoit dans les jours où la colonne atteignoit sa plus 
grande hauteur. Donc, enfin, le fourneau d'Almaden est une 
retorte. Si on ne peut augmenter la résistance de son fond, on 
peut au moins contre-balancer cet inconvénient, en augmentant 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 335 


l'ouverture des arquettes et celle des aludels. Je tire ces détails 
d'un volume d’Annales de Chimie que l’auteur publia à Ségovie 
en 179r. Le gouvernement d'Espagne peut ne pas lui tenir compte 
aujourd’hui de son zèle , mais Je suis bien persuadé que la nation 
ne l’oubliera point. 


Sur la Suie des Aludels. 


Dans les fonderies de plomb au reverbère, il se produit ha- 
bituellement des quantités considérables de sulfate. La suie des 
cheminées , les fumées qui s’en échappent, les encroûtemens qui 
s’entassent sur le sol des fourneaux , tout cela n’est autre chose 
que sulfate de plomb. Lesminerais même en contiennent presque 
toujours, j'eus lieu de le reconnoître dans un voyage que je fis 
aux mines de ZLénarecs, situées au pied de la Szerra-Morena 
du côté de l'Andalousie. Cette observation me conduisit à pré- 
sumer la formation du sulfate de mercure durant la calcination 
du cinabre, puisqu’en.eflet cette calcination ne diffère point de 
celle qu’éprouve la galène dans les réverbères; je songeai à me 
procurer une portion des suies qui s’amassent dans les aludels, 
C’est leur analyse que je vais présenter ici, elle m’a conduit à 
des résultats qui ne peuvent manquer d’intéresser les chimistes, 
Ils démontreront, par exemple, que la décomposition du cinabre 
est à peu près aussi complète dans ce fourneau qu’il soit pos- 
sible , etils nous feront trouver, d’un autre côté, des produits 
auxquels on ne se seroit guère attendu. 


Avant de passer à celte analyse, nous commencerons par 
donner une idée de la quantité habituelle qui s’en amasse à 
chaque fonte. 


Cette fonte consiste à brûler sous la voûte, pendant douze 
à quinze heures de suite, des combustibles qui fournissent une 
flamme abondante, tels que les cistes, les romarins, le grand 
myrte, la bruyère, le genêt, le branchage des ÿeuses, des: 
liéges, etc. : si ces combustibles venoient à manquer, on auroit 
recours au beau charbon de terre de Belmez, qui n’est, je crois, 
de une journée d’Almaden; mais alors il faudroit changer les 

oyers. C’est avec ce charbon qu'on alimente le fourneau de 
la pompe à feu qui y a été établie depuis quelques années. 
Enfin on juge que la fonte a été bien conduite, quand les 
grosses pierres qui reposent sur la grille ne conservent aucun 
noyau de cinabre dans leur centre. 


336 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


La quantité de suie qu’on recueillit dans deux files de 44 aludels 
chacune, se trouva de 7 livres 8 onces 4 gros. Celle de deux 
autres files , de 5 livres 11 onces 4 gros et demi : total 13 hvres 
3 onces 7 gros et demi, et par conséquent 53 onces pour terme 
moyen de chaque file. Si actuellement on multiplie ce produit 
par 12, nombre des files de chaque fourneau, on trouvera que 
chaque fournée rejette par conséquent de 39 livres 12 onces à 
45 livres de suie, ce qui est, comme on voit, assez considé- 
rable. Que fait-on de ces produits? nous l'avons dit : on y joint 
les balayures du cinabre , on empâte le tout avec de l'argile et 
on en fait des briques qu’on place sur le haut des charges. 


Dans l’année 1787, on fit 916 fournées entre janvier et juillet. 
Maintenant si on multiplie ces 39 livres 12 onces par le nombre 
des fournées, on en tire pour résultat 36,411 livres de suie,ou 
364 quintaux. Voyons de quoi elles sont composées. 


Analyse des Suies. 


Elles se présentent sous l'aspect d’une poudre fine, noire, 
très-pesante, dans laquelle on ne distingue aucun globule de mer- 
cure : elle répand une odeur de noir de fumée; sa saveur est 
fortement acide , et pour la conserver sèche il faut la renfermer, 
autrement elle attire beaucoup d'humidité. 


Le lavage lui enlève trois choses : de l’acide sulfurique , du 
sulfate d’'ammoniaque et du sulfate de chaux. 


Par une évaporation poussée à un certain point, presque tout 
le sulfate de chaux s’en sépare. L'alcool mêlé au reste, en préci- 
pita le sulfate d’ammoniaque : le résidu ne contenant plus que 
de l'acide sulfurique, je le mélai avec du muriate de chaux, et 
l’évaporation en fit ressortir une quantité de plâtre de chaux 
dont je déduisis l’acide, d’après les proportions de Bergman, 
autant que Je puis me le rappeler. 

La poudre soumise à la distillation, donna premièrement du 
mercure coulant en grande quantité; 2° du muriate doux, et 
en troisième lieu du cinabre. Le résidu consistoit en poudre 
de charbon mélée d’uu peu de sable, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 337 
- La poudre lavée et séchée donna par la distillation, 


Mercure coulant. . . . . . . . . . 66 livres. 


Murialedodns cousine Re 
Crabe Eten. eme LUE 250 ME 
Noir.de fumée un peu sableux.. . . . 5 
Ajoutons-y eau acidulée,. . . . . . 2 &os 
Acide sulfurique pur. . , . . . « .« 2 8 
Sulfate d’ammoniaque.. . . , . . . 3 6 
pDullale delchaux, RES tel SM 

99 & 


Perte 8 onces. Je ne remarquai aucun gaz durant cette dis- 
tillation. 


1°. Il résulte de ceci, que le mercure s’y trouve divisé ou 
réduit à une sorte d’éthiops par le mélange des autres substances. 


2°, La petite quautité de cinabre fait connoître que sa décom- 
position est assez complète, puisqu'elle n'arrive pas à demi-livre 
dans les quarante livres de suie qui s’échappent d’une fournée 
de 250 à 300 quintaux de minerai. 


30. Le sulfate d’ammoniaque procédera sans doute d’une portion 
moniaque p à P 
d’'ammoniaque fournie par les combustibles, 
q P 


4. Et celui de chaux des parties que contiennent les cen- 
dres , et que le tirage du fourneau doit entraîner dass le torrent 
des vapeurs. 


5°. Le charbon démontre clairement aussi que le combustible 
n’est pas bien administré dans le chauflage, qu’au lieu, par 
exemple, de ne le brûler qu’à l'embouchure, on le jette dans 
le foyer même, ce qui occasionne deux résultats différens; l’un, 
de la flamme à l’aide de l’air qui se précipite après lui; et le 
second, de remplir le fourneau d’une masse fuligineuse semblable 
à celle qu’on tire d’un combustible qui éprouve la distillation. 
De là ce charbon qui, faute de se consumer dans le trajet de 
la flamme, arrive jusque dans les aludels. En général, dans 
beaucoup de fourneaux, dans ceux à chaux, par exemple, on 
commet souvent la même faute. Il n’y a guère que dans les fa- 
briques de porcelaine et de faïence où l’on ait l’art de bien 
coPoEe le combustible, et de faire ensorte que les produits 
ulugineux se consument au profit de la chaleur. 

Ces résultats mont rien de bien extraordinaire : mais celui qui 


Tome LXXXI. NOVEMBRE an 1615. Xx 


338 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


peut surprendre à juste titre, c’est le muriate doùx dont Ja 
quantité s'élève à 18 pour cent; ce qui donneroit à l’année une 
récolte de 6,552 livres, récolte capable d’approvisionner par con- 
séquent toutes les pharmacies d'Europe; et comme ce produit est 
toujours à un assez hant prix dans le. commerce, léxtraction 
pourroit donc en mériter la peine, puisqu'il ne se vendroit jamais 
moins de quatre à cinq fois plus que le mercure. 

Le muriate doux n’est pas très-rare dans les mines de ce 
métal. Le chimiste Woulf le découvrit pour la première fois 
dans celles du duché des Deux-Ponts. J’ai trouvé des échan- 
tillons parmi la mine de fer portant cinabre des environs de 
Terruel, qui en donnoient jusqu’à une once par quintal, outre 
six onces de mercure. Le directeur des mines d'Espagne, don 
Francisco de Angulo, l’a rencontré assez fréquemment à Al: 
maden, mais jamais en masses bien fortes. Ce sont des plaques, 
ou des rudimens de cristaux aplatis et d’un gris nacré. Au toucher 
de. la potasse , elles noircissent immédiatement comme le mer- 
cure doux de nos laboratoires. Voilà sans doute l’origine de celui 
des suies. 


Je présume que la seule action de la flamme ne le décompose 
pas ; il est possible alors que ce soit en grande partie le même 
qui revient dans les suies, ou qui circule ainsi entre le fourneau 
et les aludels, faute de mêler de la cendre ou de la chaux à 
l'argile qu’on emploie pour en faire des briques. 


Quant au sulfate de mercure, il est sublimable ; mais comme 
il lui faut infiniment plus de chaleur que le mercure doux, ce 
n'est, Je Fense, qu'aux voûtes où on pourroit le rencontrer. À 
la vérité ces combustibles doivent aussi s'opposer à sa formation. 


Sur des améliorations proposées par Gensane , Fonte 
des Mines , tome II. 


Gensane se trompe quand il propose de substituer aux four- 
naux d’Almaden la déeomposition du cinabre dans un réverbère. 
Voici ce qu'il conseille : Un fourneau sur lequel on calcineroit 
vingt-cinq quintaux de minerai broyé et mélé d’intermèdes, 
comme du fer et de la chaux, et à l'extrémité duquel, là 
précisément où l’on a coutume: de placer la cheminée, on au- 
roit arrangé trois tuyaux de terre continués par des tuyaux de 
fer, qu’on rafraichiroit. convenablement pour faciliter la:conden- 
sation du merçure..... 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 33 
9 


Don Fausto de Ehluyar trouva ce fourneau établi en Hongrie. 
On y chargeoït trente quintaux de minerai mêlé de-chaux ; mais 
la pratique ayant fait découvrir que ce qui touchoit immédiate- 
ment à l'aire, ne se décomposoit pas à l’entier, on imagiva de 
la construire en fer, afin de pouvoir aussi chaufler par-dessous. 
Triste ressource ! 


L'expérience ayant encore fait sentir que le.fer ne pouvait y 
tenir long-temps, on y a substitué un long bâtiment divisé par 
cloisons ; et pour plus d'économie, on l’a placé entre deux four- 
neaux qu’on fait marcher ensemble ou alternativement, ce que 
Je ne me rappelle plus, quoique j'en aie vu les plans entre les 
mains de Ebhluyar. Je ne m'arrêterai pas davantage à la compa- 
raison de ces réverbères avec le fourneau d'Almaden, parce que 
la supériorité de celui-ci laisse bien derrière lui tous les four- 
neaux imaginables. 


Dans l’année où l’approvisionnement des tuyaux étoit fait pour 
monter la pompe à feu, l’on imagina à Almaden d’en substituer 
quelques-uns aux aludels, en plaçant, selon l’idée de Gensane, 
des tuyaux de terre entre le fourneau et ceux de fer. La conden- 
salion du mercure se fit très-bien , et d'autant mieux qu’on avoit 
eu soin de placer dans l’eau tout ce nouveau système. Mais on 
Va juger maintenant de ce qu'il en auroit coûté, par l'analyse 
des suies qu’on retira de ces tuyaux. 

D'abord ce n’étoit plus, éomme dans les aludels, une poudre 
d’éthiops mercuriel, mais des encroûtemens vitrioliques d'un 
pouce d'épaisseur sur plus de 20 et 21 pouces en carré. 


Voici l'analyse de ces encroûtemens. 


Alun cristallisable.. , . . . . . 14liv. 8 onces. 


Sulfate de fer vert. . . . . . . 23 8 
Muriate de mercure doux. . . . 3 4 
Closer rte rain 5 
NTÉREREE LE ea Male 04 

CHATDONS ES TR de eee UT 8 
Sulfate de chaux... 5. . 7.00 15 


97 
Fau!et'pertes 151.2 4 + 3 


Que résulte-t-il de ceci ? que voilà des matières salines nou- 
velles formées aux dépens des tuyaux de fer, deterre, etc. 


XXI 2, 


340 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


2°, Que le mercure doux a été infiniment moins considérable , 
sans doute parce que le contact de la fonte, très-échauflée aux 
approches du fourneau, en aura décomposé la plus grande partie. 

30. Que le cinabre y est plus abondant, je ne sais pourquoi. 

4°. Comme le sulfate de fer contient environ 24 livres de 
métal par quintal ( Bergman), le quintal de ces encroûtemens 
aurait détruit par conséquent jusqu'à 6 livres de fonte, Qu'on 
juge de là le peu de service qu’auroient fait des tuyaux de fer. 

La croûte qui me fut adressée pesoit 220 dragmes ; elle enleva 
donc environ douze dragmes de fer dans un espace carré d’en- 
viron 20 pouces ; mais la destruction des tuyaux ne se borna 
point là; car dans les parties les plus éloignées du fourneau, 
on en fit tomber des écailles d’oxide rouge qui avoient l’épais- 
seur d’une piastre, effet nécessaire de l’action des acides sur 
toute leur étendue. 

Je suis persuadé que le bâtiment condensateur de Hongrie 
remplaceroit avec avantage les aludels d’Almaden ; mais pour 
que ses parois supportassent l’action continuelle des acides sul- 
furique et sulfureux, avec quelles pierres le construiroit-on ? 


Almaden fournissoit, année commune, 25,000 quintaux de 
mercure ; mais on en a tiré aussi jusqu’à 30 et 32,000, presque 
tous destinés à passer en Amérique. Pendant une dixaine d’an- 
nées on y a encore ajouté 10,000 quintaux des mines d'Hydria. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 341 


RECENSE CAEN EP RIT SEE PI SN CPE SE À 


SUITE DE L'ESSAI 
D'ANALYSE COMPARATIVE 


SUR 


LES PRINCIPAUX CARACTÈRES 


ORGANIQUES ET PHYSIOLOGIQUES 


DE L'INTELLIGENCE ET DE L'INSTINCT ; 
Par L. CHIAVERINI, 


Du Collége de Naples, Professeur de Médecine; Membre de la 
Société Royale Académique des Sciences ; de celle de Médecine, 
et de l’Athénée de Médecine de Paris. 


À Paris, chez Adrien hp , Imprimeur , rue des Noyers, n° 37 ; Gabon; 
Libraire, place de l'Ecole de Médecine, n° 2. ( 1815). 


CHAPITRE SECOND. 


$ XII. LE sens intime du système de la nutrition, de celui 
de la génération , et même de celui des muscles, etc. , indiquent 
le besoin de l'aliment, du sexe, de l'exercice, ou de la quiescence 
ou repos des fibres, etc.; ces sens intimes sont proprement les 
appétits. Ceux-ci sont les premiers à susciter des mouvemens 
musculaires , qui d’abord sont automatiques, ensuite se rendent 
de plus en plus volontaires, et enfin à force de répétitions fré- 
quentes , deviennent plus ou moins habituels. Les organes exté- 
rieurs des sensations recoivent des objets externes les impres- 
sions qui sont transmises plus ou moins eflicacement au senso- 
rium : celui-ci commence à connoître les objets mêmes, à en 
apercevoir les qualités relatives à la sensibilité générale, et 


342 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


apprend à déterminer et à diriger les mouvemens : ceux-ci enfin 
mettent l'organisme en rapport avec les objets extérieurs. Donc 
la sensilité générale est inhérente essentiellement et primitive- 
ment au système nerveux chez les animaux où nous le recou- 
noissons, et modifiée dans les organes sensibles externes el internes. 
Cette sensilité ainsi répandue dans tout le système nerveux , 
mais concentrée, composée et modifiée particulièrement dans 
le cerveau, est la propriété organique et la condition principale 
intrinsèque de l'intelligence. 

Æ. Donc l'organe essentiel et principal de l'intelligence est le 
cerveau : le système nerveux est en connexion avec des organes 
différens, qui le rendent accessible à l’action médiate ou immé- 
diate de divers objets extérieurs : il est en connexion particu- 
lièrement avec les organes de la digestion, de la respiration, 
de la génération , etc,, qui provoquent les mouvemens extérieurs 
relatifs aux besoins sentis; il est organisé et disposé de manière 
à pouvoir transmettre et à concentrer les impressions diverses 
dans le sensorium, et à en occasionner les fonetions. IL établit 
donc peu à peu le consensus entre les organes de l'intelligence, 
et ainsi l’association de leurs fonctions. 


©” & XIV. L’aflection immédiate de la sensualité des organes 
internes est le sens de privation des objets relatifs à la sensualité 
même desdits organes : c’est l'appétit de chacun d’eux , c'est 
Pélément du desir, un desir initial, mais aveugle, indéterminé, 
automatique dans son origine , c’est-à dire sans aucune connois. 
sauce préalable des objets relatifs. Les sensations extérieures , 
par l’expérience successive, font connoître peu à peu les objets 
extérieurs relatifs aux appétits. C’est alors qu’on commence à 
desirer ou à haïr certains objets, sélon qu’on se souvient ou qu'on 
conclut du plaisir ou de la douleur qu'ils produisent, c’est alors 
donc qu’on a le desir ou l’aversion complète. Cesaffections, quand 
elles réagissent et se propagent sûr le système ou sur l'organe 
appélitif, et sur le système trisplanchnique en général, excitent 
la passion ; comme à son tour l’excitabilité exaltée ou l'excitation 
de l'organe ou du système appétitif excite et rappelle l'idée de 
l'objet autrefois senti, et détermine en conséquence le desir ou 
l'aversion : l’origine donc où le foyer des appétits prmitifs n’est 
que dans le système de la digestion et nutrition, de la généra- 
tion, etc. Les passions sont consécutives à la première impression 
du plaisir ou de la douleur; elles n’ont leur impulsion immédiate 
que dans le sensorium, et précisément dans la mémoire : c’est- 


ET D'HISTOIRE NATURÊLLE. 243 


à-dire le desir ou Paversion, les passions en un mot, ne peuvent 
éclore sans connoissance préalable des objets de l'appétit; tandis 
que les appétits naissent sans connoissance de leurs objets : ce 
ne sont que les organes extérieurs, annexés ou associés aux or+ 
ganes internes appétitifs, qui mettent ceux-ci en rapport avec 
leurs objets. 


a. L’estomac est le foyer de l'appétit des alimens, dit faim; 
les organes sexuels sont le foyer de amour physique; le cerveau 
a son appétit, celui deconnoitreles objets, dit curiosité, La faim, 
l'amour, etc., se répandent sur tous les autres organes annexés 
au système alimentaire, sexuel, elc:, et même sur tous les autres 
systèmes du corps, quand ces appétits sont excessifs ; de même 
que la curiosité centrale du sensorium se communique à toutes 
les ramifications du système sensile en général. C’est pour cela 
que l'amour, la faim, la curiosité, etc., ont leur physionomie, 
comme ces desirs assouvis ont aussi la leur. 

3. Les affections primitives immédiates et générales de la sen- 
sibilité sont le plaisir et la douleur : celles-ci sont les causes 
immédiates et déterminantes des actions, qui d’abord sont spon- 
tanées et instinctives, ensuite se rendent volontaires et senties, 
enfin elles deviennent habituelles; comme le plaisir et la douleur 
modérés peuvent se rendre peu à peu indifférens. Ces affections 
appartiennent essentiellement au système sensile et à tous ses 
points, et constituent le sens : elles produisent la sensation quand 
elles sont fortes, et concentrées dans le sensorium. 


- $S XV. La sensation, le jugement, la réminiscence peuvent 
produire dans le sensorium une réaction, qui dispose à chercher 
l’objet du plaisir, ou à éviter celui de la douleur. Cette réaction 
élémentaire constitue la vo/lition, dont la faculté est dite vo- 
donté. L'élément de la volition constitue le desir ou laversion; 
mais quandelle est très-forte, elle produit une réaction consen- 
suelle dans le système des nerfs trisplanchnique et pneumo-gas- 
triqne : et comme ses plexus nerveux sont aussi autant de con- 
densateurs de Ja sensilité (S X. .4.), les passions exploitent 
leur force particulièrement dans la région du plexus céliaque 
et des autres plexus subalternes, et ainsi elles altèrent la circu- 
lation, la respiration, ete. L’excès de volition produit aussi une 
forte réaction dans le système musculaire en général. C’est le 
mécanisme des passions. On conçoit donc que la passion est un 
excès de sensation et de volition. La volition est proportionnée 
à la. sensation, non-seulement dans la passion, comme M. de 


344 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Tracy l'a bien observé; mais aussi dans tous les phénomènes 
et dans toutes les modifications de la sensation; car la volonté 
suit toujours le développement , la gradation, l’altération, etc., 
de lasensitivité ; et pour cela la réaction volitiveaccompagne tou 
jours la sensation. La volition est comme la fonction réactive 
du sensorium à l’occasion d’une sensation : c’est aussi l'intensité 
de la volition qui augmente l'intensité de la sensation, 


a. La volition concentrée dans le sensorium produit la mé- 
ditation; répandue aux organes extérieurs des sens, elle produit 
l'attention ; propagée aux fibres musculaires, elle en produit la 
contraction. Dans la douleur, la réaction volitive se manifeste 
par des efforts de l’éviter, de la venger, par des pleurs, etc. 

b. Puisque la sensilité appartient au système nerveux en 
général ; que la volition accompagne la sensation, et que la 
sensation peut être locale et partielle ($ XII), la volonté peut 
être aussi locale et partielle. La rétraction soudaine d’un membre 
agacé pendant le sommeil, dans la distraction de l'ame, etc., 
le mouvement des tentacules des polypes, des membres coupés 
des animaux à sang froid, etc., ne seroit-ce pas une volition 
locale? (voyez aussi le S XXX1).— On pourroit m’opposer ici 
que dans les paralysies on perd tantôt la sensibilité, tantôt la 
contractilité, très-rarement l’une et l’autre à-la-fois. Cette ob- 
jection disparoît, quand on réfléchit que l'exécution du mou- 
vement volontaire nécessite seulement la continuité électromo- 
trice dans le nerf, tandis que la sensation nécessite aussi l’in- 
tégrité de l’organisation intime du nerf intermédiaire ( 2oyez 
S1V.1C.). 

$ XVI. Depuis l'enfant , qui d’abord sent à peine, par exemple 
Ja chute d’un corps auprès de lui, commence à distinguer, à 
reconnaître, à comparer, à éviter , etc., les circonstances de 
la chute des corps, en apprend ensuite les causes extérieures, etc., 
jusqu'à Galilée, qui en déduit les lois fécondes de la Mécanique, 
élevées depuis par Kepler et Newton au système universel, et 
que Lagrange, Laplace ont compris sous des formules plus gé- 
nérales; et depuis l’insecte , qui ne connoît que des qualités 
de quelques objets relatives à sa conservation , jusqu’à Bacon 
qui sent l'étendue et les corrélations des objets de l'esprit hu- 
main, on voit une progression, ou une gradation plus ou moins 
interrompue de sensations et de jugemens toujours plus com- 
posés. Îl est encore facile d'observer qu'un enfant ou un idiot 
peut regarder indifféremment les oscillations d’une lampe, des- 

quelles 


: 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 34) 


quelles cependant Galilée en déduit la mesure exacte du temps, 
et en prélude ainsi toutes les très-heureuses applications à PAs- 
tronomie, à la Géographie, à la Nautique, etc.! La lumière 
frappe les plantes, les polypes, les nouveaux-nés; elle y excite 

es mouvemens simples etautomatiques, des sens ou excitations 
obscures ; qui cependant deviennént les élémens de l’'Optique 
pour le génie de La Porta et de.Newton. 


Æ. On sent immédiatement que le liége est moins dense que 
le fer; que la lumière est plus forte près du corps lamineux ; 
qu’un cône équilatère et un cylindre rectangle, circonscrits à 
une sphère, et la sphère même inscrite, sont graduellement plus 
grands l’un que l’autre; mais on peut découvrir par le raison- 
nement, que par exemple l’astéroïde Jupiter est moins dense que 
la Terre; que la lumière est en raison inverse double des dis- 
tances ; que le cône, le cylindre circonscrits, et la sphère inscrite 
sont en raison continue sesquialtère. Un larron peut bien avoir 
de la jouissance en volant; mais il ne peut apprendre qu'en 
réfléchissant que, par les lois de la réaction animale, il est ex- 
posé à la représaille, et qu'il a perdu la garantie publique. 

a. Il y a donc des propriétés relatives ou des rapports des 
corps qu’on sent immédiatement, c’est-à-dire par impression et 
par sensation simple; il y a d’autres propriétés qu'on ne peut 
connoître que médiatement ou par raisonnement. Les premiers 
sont des rapports immédiats ou sensibles; les autres sont éloi- 
gnés ou rationaux; et les idées correspondantes sont sensibles, 
ou rationnelles. 


à. Les rapports sont artificiels ou arbitraires, accidentels ou 
variables, essentiels ou constans : les rapports moraux sont les 
actions de l’homme, capables d’affecter d’une manière quel- 
conque la sensibilité des autres. 


S XVII. La sensation des rapports immédiats ou sensibles 
est la sensation proprement dite ($ 11.4.) La répétition spon- 
fanée ou hâtée d’une idée, c’est la réminiscence, dont la fa- 
culté s’appelle mémoire. Le jugement est la sensation des rapports 
rationaux : le jugement se réduit donc à sentir des rapports 
éloignés de deux objets : la faculté de juger se dit proprement 
‘intelligence, et chez l'homme raëson. L’abstraction est la sen- 
sation fixée, ou l’attention, sur une seule des qualités ou des 
rapports d’un objet. Généraliser une idée, c’est reconnoître une 
même qualité, ou même rapport dans plusieurs objets; et pour 


Tome LXXXI. NOVEMBRE an 1815. Yy 


346 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


cela, autant on connoît d'objets, autant on peut étendre l’idée 
de cette qualité. L’art de raisonner se dit idéologie ou logique ; 
l'habitude de raisonner, philosophie (à). L’imagination est la 
faculté de multiplier, d’exagérer, de combiner, etc., des idées 
simples, et non pas d’en créer : c’est l'observation qui en donne 
de nouvelles. Enfin la sensation des fonctions propres s'appelle 
conscience : c’est la sensation des sensations. La conscience m10- 
rale est la conscience des rapports moraux de ses propres actions : 
le sentiment est la sensation des rapports moraux. La conscience 
comprend donc la sensation de l'identité de son moi; et celle-ci 
contient la sensation de l'existence des objets extérieurs. 


Æ. Ainsi l’homme commence d’abord à recevoir et concevoir 
des impressions (ou sensations locales inaperçues); celles-ci 
commencent à produire des sensations; peu à peu il rapporte 
celles-ci aux organes sensibles d’où elles proviennent; enfin il 
distingue les objets extérieurs qui les occasionnent. Comme la 
connoissance quelconque de l'existence de ses organes sensibles 
et des objets extérieurs n’est qu'un jugement ; et comme le moi, 
dans cet acte, reconnoît son identité en comparant et en rap- 
pelant les sensations diverses et successives et les objets diflérens; 
et comme enfin la faculté de juger se développe par des degrés 
plus ou moins rapides; on concoit aisément que la conscience 
se développe, s'étend, s’éclaircit et se perfectionne à proportion 
de la faculté et de l'habitude de juger. 

B. La mémoire de rapports sensibles est automatique; celle 
de rapports essentiels et rationaux (XVI, a. b.) est rationnelle, 
La première est commune à l’homme et aux autres animaux 
céphalés; la seconde appartient éminemment à l’homme. 


C. II me semble que non-seulement c’est le tact actif, mais 
ce sont toutes les sensations voulues, qui contribuent plus ou 
moins à constater l'identité de son principe cognoscitif ou roi, 
et l'existence et les modes des objets extérieurs. C’est le tact 
le premier qui produit le moins d'’illusion; mais tous les autres 
sens concourent aussi par un témoignage réciproque à constaler 
l'existence des corps extérieurs. Pour cela, des organes plus nom- 
breux et plus exquis donnent des idées plus nombreuses, plus 
exactes et plus sûres : et ces organes, employés avec plus d'at- 


QG) Les racines étymologiques du mot philosophie en expriment plutôt le 
but, c’est-à-dire l’amour de la science , de la vérité. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 347 


tention, rendent la conscience plus énergique et moins perplexe. 

a. L'idée primitive de la distance dérive exclusivement du 
tact (en tâtant ou en marchant) : c’est ensuite l’œ1l qui y supplée 
presque pour toujours, et par le moyen du jugement. On dit 
que des aveugles-nés savent connoître la proximité ou l’éloigne- 
ment d’un objet par l'intensité de l'odeur ou du bruit, etc., et 
on conclut de là que l’idée de la distance peut s’acquérir même 
avec d’autres sens que ceux du tact et de la vue. Mais l’homme 
et d’autres animaux aveugles peuvent se former une idée quel- 
conque, un signe de l'approche ou de l'éloignement des objets, 
mais jamais ne peuvent acquérir l’idée de la distance proprement 
dite : l'homme aveugle peut se former une idée supplémentaire, 
mais elle n’est pas celle de la mesure de l’espace. 

D. l'illusion de nos sens peut regarder moins l'existence, 
que les modes des corps extérieurs, savoir, leur forme, leur 
grandeur, leur mouvement, etc. Du reste, je ne vois pas qu’il 
soit aussi nécessaire qu'impossible de démentir notre illusion. 
Je demande seulement si cette apparence quelconque des corps 
produit en nous des affections constantes, si elle est capable 
d'offrir l’objet de règles invariables pour l'idéologie. On a jusqu’à 
présent raisonné avec succès et utilité sur l’'Astronomie, sur la 
Physique, sur la Chimie, etc., sans que la grande question de 
Zénon et de Diogène soit encore décidée. 


$S XVIII. Pour sentir le rapport de deux objets, il est néces- 
saire d’avoir la réminiscence plus ou moins tempusculaire d’un 
ou des deux objets à comparer. Dans la sensation , on connoît 
Pobjet qui lexcite, et on la rapporte à l’organe qui recoit l’ex- 
citation. Dans la réminiscence, on compare l’idée actuelle avec 
celle déjà reçue autrefois. Donc la sensation et la réminiscence 
sont elles-mêmes des jugemens élémentaires; comme ensuite 
celles-ci deviennent les fonctions élémentaires ou les facteurs du 
Jugement complet. 


Æ. La sensation et la mémoire peuvent avoir pour objet les 
rapports essentiels, les accidentels, ou les arbitraires. (S XVI. 
a. b.) Alors le jagement peut être plus ou moins exact; et les 
systèmes scientifiques fondés sur ces rapports peuvent être plus 
ou moins artificiels et caducs. 

.B. Les systèmes donc, les méthodes, le langage, l'algo- 
rithme,..., sont autant de mécanismes ou d'artifices pour aider 
la mémoire et faciliter la sensation dansle jugement (S XVIII) 
sur des objets nombreux et compliqués. 


Yy 2 


348 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


XIX. Les actions d’abord sont excitées pär les appétits 
(S XIII.) : elles ne sont alors que spontanées ; mais répétées 
Jusqu'à un certain point, elles se rendent de plus en plus perçues 
et volontaires; c’est-à-dire que le sensorium apprend à rapporter 
à cerlains organes l’origine de la sensation, et à déterminer , 
diriger et associer les mouvemens des muscles volontaires : enfin, 
ces actions efficacement voulues et senties, quand elles sont ré- 
pétées avec fréquence et homotonie, peuvent se rendre peu à 
peu habituelles, savoir, moins voulues ‘et senties , plus faciles et 
parfaites, F 

S XX. Toutes les opérations de l'intelligence et de la con- 
tractilité musculaire acquièrent plus ou moins d'habitude, c’est- 
à-dire de rapidité et d’exactitude, On a attribué ces opérations 
intellectuelles et musculaires, si rapides et si exactes, à un Ins- 
tinct, à une impulsion spontanée, à un sens intérieur, où énné. 
Un homme, à la vue d’un cheval fougueux qui l’approche, 
ou d’un corps énorme qui va s’écrouler, s’écarte épouvanté à 
l'instant et presque spontanément; mais c'est toujours l’eflet d’un 
Jugement ou d’une réminiscence rapide du danger : on se Jette 
avidement sans hésitation, par exemple sur l’or; mais parce 
qu'on en a appris la valeur et l’usage de convention sociale. Il 
n'ya pas ici l’instantanéité, mais plutôt la rapidité habituelle, 
c'est-à-dire acquise de se souvenir, de juger et d'exécuter des 
mouvemens volontaires correspondans. 

a. Ordinairement on s’habitue à passer immédiatement d’une 
première donnée à une dernière conséquence , par élimination de 
plusieurs jugemens intermèdes, en se souvenant ainsi des rapports 
essentiels et démontrés entre le premier et le dernier terme. 
Un géomètre se souvient que les trois angles d’un triangle rec- 
tiligue égalent deux angles droits; le physicien par le temps qui 
passe entre l'éclair et le tonnerre, conclut immédiatement de 
la distance d'un nuage; lemédecin , d’un symptôme, peut prévoir 
à l’instant le siége, la nature, l'indication et l'issue d’une ma- 
ladie, etc. sans qu’ils aient besoin de répéter toujours la série 
des jugemens intermèdes. 

$S XXI. La volition est déterminée par une sensation; ou, 
dans le concours de plusieurs objets ou motifs, par la sensation 
plus forte. Si donc la sensation est bornée et fixée sur un seul 
rapport ou motif, il n’y a pas de délibération. Mais quand on 
connoît plusieurs rapports ,on peut porter l'attention sur chacun 
d’eux, et en sentir le plus fort qui détermine la volition. Cette 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 349 


sensation portée sur chacun des rapports ou motifs, pour déter- 
miner une action, c'est-à-dire l'acte de passer en revue plusieurs 
idées, et de juger quelle est la plus convenable pour atteindre 
un but, et de se déterminer à une ou à une autre action, se dit 
délibération , dont la faculté se dit Ziberté. Donc la liberté n’est 
autre chose que la faculté délibérative ; et la délibération n’est 
qu'un jugement sur ce qu'il convient de faire, sur les moyens 
à employer; elle a donc d'autant plus d’étendue que le nombre 
des “idées est plus grand, que les jugemens peuvent être com- 
posés et multipliés, et que la raison est plus développée ; et elle 
est moins faillible quand les idées sont moins erronées : savoir, 
la faculté de connvître et de reconnoître plusieurs rapports, 
c’est-à-dire l'intelligence, quand elle est plus étendue et recti- 
fée , elle augmente l’extension de la liberté, et diminue la fail 
libilité des actions. Donc la liberté dans l'homme, et particuliè- 
rement dans le philosophe, acquiert le complément de sa latitude; 
tandis que chez les autres animaux, la liberté ou la faculté dé- 
libérative est rétrécie et bornée de plus en plus, par le petit 
nombre et par l’imperfection de leurs idées. Cette liberté, si 
rétrécie enfin, reste insensiblement abolie par l'habitude : ou 
bien elle disparoît, par une organisation tres-simple, et par le 
défaut de pluralité d'organes sensibles; puisque la monotonie des 
impressions et des idées n’admet pas de délibération. 

a. Dans la concurrence d’un nombre quelconque de motifs, 
c’est toujours la sensation la plus forte qui détermine la volonté : 
donc cette liberté ne consiste essentiellement que dans la faculté | 
de délibérer , et non pas dans celle de choisir , même malgré la 
sensation plus forte, malgré le motif ou le moyen le plus eflicace. 
L'indifférence dans les actions est incompatible avec la sensitivité 
exposée à l'impression de plusieurs motifs ou rapports. 

b. Jusqu'ici, je n’ai prétendu parler que de la liberté z7/ellec- 
tive ( XXT ) : celle-ci doit être distinguée de la liberté physique, 
qui est la faculté d'agir selon et d’après la volition. La faculté de 

aire ce qui peut étre utile ou non nuisible aux autres, est dite 
liberté #10rale ou civile. 

c. L'homme jouit de la plénitude de sa propre satisfaction , 
quand il peut exécuter sa volonté. Que sa volonté soit toujours 
déterminée par des motifs plus ou moins secrets, il ne le sent 
pas, ou peu lui importe. C’est donc la liberté physique la plus 
manifeste et réelle. — La liberté civile semble donner des restric- 
tions à la liberté physique : mais elle a plus de force et moins 


300: JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


d’erronéité que celle-ci; ear elle affermit et rassure le résidu 
de la liberté physique ; à laquelle l’économie politique doit 
déroger pour assurer la prospérité commune , qui se décom- 
pose enfin en prospérité individuelle. M. Ferguson dit , que la 
sécurité, dans le fait, est de Pessence de la liberté, ou plutôt 
elle la constitue; celui qui acquiert cet avantage, acquiert tout 
et ne’ cède rien (1): ou, je crois mieux dit , que la sécurité est 
le but et l'effet immédiat de la liberté civile; et que l’homme 
en société cède des petits droits de sa liberté physique, pour 
s'assurer de plus grands avantages par la liberté civile. 


S XXII. II est vrai que les appétits sont les élémens des 
passions ($ XIIT) ; mais celles-ci ne recoivent leur forme ou 
empreinte propre, et leur développement, que dans le senso= 
rium (2.). Enfin dans l’homme les facultés organiques du sen- 
sorium ont une grande prépondérance sur le reste du système 
nerveux et des organes sensuels ($ XI. B.). Donc les passions 
sont immédiatement exposées et subordonnées à la raison; par 
conséquent, des actions dérivatives des passions sont toujours 
morales ; et pour cela les conditions de tempérament, d’âge, de 
sexe, d’ignorance, du moment primitif del’éclat des passions, etc., 
ve peuvent que modifier limputabilité ou attribution des ac- 
tions morales : enfin l’aliénation mentale neutralise la moralité 
des actions, démoralise ou rend indifférentes les actions. 


S XXIII. L’amour-propre (philautie) est l'affection immé- 
diate et fondamentale de la sensibilité, qui, modifié dans les 
deux formes primitives, desir et aversion , subit différentes 
formes subalternes et spécifiques, acquiert divers degrés d’in- 
tensité, et recoit ainsi des dénominations variées selon l’accrois- 
sement et l'inflexion des organes sensibles, la progression de 
l'âge , l'influence de l'habitude, et les conditions des objets. 
Cette passion radicale qui constitue le ressort de la conservation 
de l'individu et de la société , quand elle se soustrait au frein 
de la raison, ne fait que miner la santé physique et morale, 
particulière et publique. 

$S._XXIV. Si l’essence de l'intelligence est la faculté de juger 
(S XVILI.), si sa manifestation est le mouvement délibéré, le 
caractère collectif de l'intelligence estla liberté ou faculté déli- 
bérative ($ XXI.) Cette faculté, dont les élémens existent dans 
toutes les branches du système nerveux ($ XII.), n’est que la 


—————————2 


(1) Principles of moral and political Science. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 35# 


sensilité concentrée et compliquée du sensorium, c’est-à-dire la 
sensitivité(S 11.4. 3.). Le jugement est toujours précédé, 1° des 
sensations intimes, où appétits, qui déterminent d’abord des 
mouvemens spontanés des muscles annexés ou associés aux or- 
ganes appétitifs; 20 des sensations extérieures, à l’aide desquelles 
on connaît les objets qui l’occasionnent , et qui ont des rapports 
avec les appétits. Enfin l'intelligence se manifeste par des ac- 
tions musculaires, qui d’abord étant automatiques et incertaines, 
peu à peu deviennent volontaires et décidées ; à force de répéti- 
tion fréquente, elles se rendent plus ou moins habituelles, sa- 
voir, moins voulues et moins aperçues, plus faciles et plus sûres. 
C’est-à dire, que l'organisme de l'intelligence est essentiellement 
fondé sur la sensitivité, et il est aidé et manifesté par la moti- 
lité; sa fonction fondamentale et primitive est le jugement ; sa 
fonction démonstrative est le mouvement volontaire ; l'organe 
essentiel, central, immédiat et premier de l'intelligence est le 
sensorium : les nerfs en sont comme des parties intégrantes, et 
les moyens de communication et de concentration de toutes les 
sensations qui y aboutissent ; ils deviennent donc par là les ins- 
trumens immédiats du développement de l'intelligence : les or- 
ganes internes donnent l’origine et sont le foyer et le centre des 
appétits, qui sont pour cela les causes primitives et excilatrices 
des mouvemens spontanés : les organes sensibles extérieurs sont 
les moyens de rendre l'ame accessible aux impressions spécifiques 
des objets extérieurs : les muscles volontaires servent à mettre 
l'organisme en rapport avec les objets extérieurs ; ils sont donc 
auxiliaires au développement de l'intelligence : enfin les objets 
extérieurs sont les causes occasionnelles de son évolution. 

A. Les fonctions qui par des mouvemens immédiats et po 
tanés, n’annoncent aucun jugement ou réflexion, c’est-à-dire, 
ne manifestent aucune délibération préalable, sont £zs#inctives, 
et cette faculté est dite 2zsfènct. En un mot, le jugement et 
les actions délibérées appartiennent à l'intelligence : la sensation 
locale ou sens (S II. Æ.r.), etles actions indélibérées , constituent 
complètement l'instinct. 


CHAPITRE TROISIÈME. 
Psychologie comparée. 


JE crois avoir prouvé jusqu'ici que les organes de l’intelli- 
gence sont le cerveau, le reste du système des nerfs, les organes 


352 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


des sens , et les muscles volontaires. Je passe à une comparai- 
son sommaire de ces organes dans la série des animaux : car 
l'existence et la différence quelconque de ces organes peuvent 
être la cause organique de l'existence ou possibilité , et de ka 
différence de l'intelligence ; ou bien elles peuvent ÿ entrer pour 
beaucoup. 


S XXV. Le système nerveux, peu apparent mais présumé 
‘dans les polypes, d’après leur sensibilité, est peut-être fondu 
“dans leur A tanee gélatineuse : il commence à manifester des 
‘ganglions dans des radiaires , et dans des annélides : dans les 
mollusques acéphales commence à paroître un cervelet bilobé ; 
dans les insectes un très-petit cerveau bilobé aussi se montre: 
celui-ci va toujours en augmentant de proportion dans les pois- 
sons, les reptiles, les oiseaux, les mammifères, jusqu’à l'homme, 
dans lequel le cerveau a la plus grande proportion de volume 
et de densité, de nombre et de profondeur de ses circonvolutions. 
Dans la progression de l’âge, chez l’homme, par exemple , de 
tout le système nerveux, le cerveau est le dernier à atteindre 
son entière évolution. Dans les variétés nationales ou indivi- 
duelles de l’espèce humaine, les hémisphères du cerveau ont des 
différences de développement , qui correspondent en général à 
la différence de leur intelligence. Les lésions du cerveau ap- 
portent des altérations dans les fonctions intellectuelles. Ainsi, 
à mesure qu'on remonte des zoophytes jusqu’à l’homme, le 
système nerveux acquiert toujours plus de concentration du 
volume et de l’énergie; les parties subissent toujours plus de 
dépendance vitale ; et les fonctions acquièrent plus de variétés, 
et d'unité ou conspiration. Il semble donc que le cerveau 
est l'organe immédiat de l'intelligence, et que la différence de 
perfection du cerveau contient la raison primitive de la diffé- 
rence de perfection de l'intelligence (1). 


S XXVI. Les organes sensibles internes, appétitifs, ont la 
première influence sur l’évolution de l'intelligence : c’est d’eux 
que les mouvemens instinctifs et ensuite les intellectuels ont 
leur origine spontanée. La voracité des carnivores, la tempé- 


QG) Les rapports spéciaux d’autres différences d'organisation et de dévelop- 
pement d’autres parties du cerveau aux fonctions intellectuelles , jusqu’à pré- 
sent sont inconnus, ou hypothétiques. Il me sufñlit d'envisager et de poser les 
rapports généraux et avérés du système nerveux. 


rance 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 353 


rance du bradypus ou du chameau, la respiration si modifiée 
dans les oiseaux, les mammifères terrestres, les amphibies , les 
poissons et les animaux inférieurs; l'amour sexuel chez les an- 
drogynes, les bermaphrodites , les mono-sexuels, etc., sont des 
sensations de besoins, ou appétits, qui imposent des habi- 
tudes différentes (r), exposent les animaux à diverses sensations 
extérieures , provoquent divers mouvemens musculaires, et con- 
courent ainsi à diflérencier le développement et la constitution 
de l'intelligence. C’est donc dans la constitution, les degrés et 
les modifications des forces et des organes de la digestion, de 
la respiration , de la génération, etc., qu’on doit chercher les 
Fo efforts, les premiers mouvemens de l'instinct et de 
intelligence. 


$S XXVII. Mais les appétits ne sont que des sensations in- 
fernes spontanées et incertaines (S XIII.) Ce sont les organes 
sensibles extérieurs qui font connoître à l’animal les objets de ses 
appétits, et ensuite de ses passions (2b.). Les conditions de ces 
organes concourent ainsi au développement de l'intelligence ; 
il faut donc les parcourir. L’organe du toucher est commun à 
tous les animaux, mais il est le seul dont jouissent les radiaires : 
les vers, les polypes, les infusoires : donc ceux-ci ne peuvent 
acquérir qu’une idée de quelque propriété tangible des corps ; 
ceci constitue chez eux l'organe du goût dans leurs palpes et 
dans leur estomac. L'on commence à trouver des yeux dans les 
insectes, quelques annélides, les mollusques céphalés, jusqu’à 
l'homme : tous ceux-là donc peuvent acquérir encore des idées 
de lumière, de grandeur relative , de couleur, de distance, etc. 
L'organe de l’ouïe , qu’on présume exister dans quelques animaux 
invertébrés, est bien manifeste chez les vertébrés : ceux-ci donc 
acquièrent l'idée du son. L’organe olfactif se retrouve jusque 
dans des insectes : ainsi ils peuvent avoir quelque idée des 
odeurs. L’organe du goût est complet dans les mammifères; mais 
il est commun à tous les animaux : les oiseaux et autres animaux 
qui ne l'ont pas bien prononcé dans les parties de la bouche, 
peuvent y suppléer par l'odorat, la vue, le tact (2). 


() L'organisation et la fonction d’un organe s’influencent mutuellement dans 
leur développement; mais dans l’origine, on ne peut supposer une fonction 
initiale sans les rudimens précxistans de l’organisation. 

(2) Ces observations générales ont quelques exceptions : par exemple, les 
yeux du proteus, du spalax , de la taupe , etc. , sont oblitérés ; on en peut dire 


Tome LXX XI. NOVEMBRE an 1825. ZLz 


354 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


S XXVIIT. Les organes locomotiles mettent les organes sen- 
sibles de l'animal en rapport avec les objets de ses appétits ou 
de ses passions : ainsi ils ont leur influence sur l’évolution de 
l'intelligence. On doit donc les introduire dans l'évaluation des 
causes organiques de celle-là. La motilité des doigts de l’homme, 
unie à leur sensibilité exquise , constitue l'organe le moins illu- 
soire des autres, et l'instrument le plus adroit de la pensée. La 
faculté préhensile de la queue dans des quadrumanes, les coes- 
coes, les kinkajous, les sarigues, multiplie les moyens de leur 
intelligence. Au contraire, le trop peu de motilité des doigts 
de l'éléphant, du dauphin, empêche en partie ceux-ci d'acquérir 
des idées, dont ils sont peut-être capables par les conditions 
avantageuses de leur cerveau. Donc la différente motililé im- 
médiate ou médiate des. organes sensibles externes, donne plus 


ou moins de facilité et de moyens pour le développement de 
l'intelligence. 


S XXIX. La différence du tissu intime d’un même système, 
d’un même organe, chez les animaux hétérogènes, concourt 
également à modifier la constitution et les habitudes de ceux-ci. 
Elle est bien visible la différence de couleur, de structure, etc. , 
entre le tissu musculaire des vertébrés à sang rouge, et celui 
des animaux à sang blanc , et même entre celui des mammi- 
Îères, des poissons, des reptiles. Le cellulaire est très-différent 
dans l’homme et les mammifères, les poissons, les polypes, les 
méduses, etc. Elle est aussi visiblement différente la structure 
intérieure du système nerveux dans les animaux hétérogènes. 
C'est donc la différence de la structure intime des systèmes 
nerveux d’animaux divers, qui constitue la modification prin- 
cipale de leur sensilité, etc. Est-ce la modification du système 
nerveux chez les divers individus de l'espèce humaine, qui est 
aussi la cause principale de la diversité de leurs tempéramens ? 


S XXX. La différence des organes extérieurs homonymes 
des sens chez les animaux hétérogènes est bien plus manifeste 
et non moins importante. L’organe du tact est plus exquis dans 
l’homme, plus obus dans les oiseaux, les poissons, les quadru- 
pèdes : l'organe de l’odorat est nul dans les polypes, ambigu 


autant de quelqu’autre organe chez d’autres animaux, Mais ces exceptions sont 
trop peu nombreuses et trop légères , pour qu’elles puissent altérer l'exactitude 
et la légitimité de la proposition générale. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 35) 


dans les poissons , très-sensible dans le chien, etc. : l'organe de 
la vue est le plus simple dans les crustacés, composé dans les 
insectes; il est télescopique dans les oiseaux en général; le ves- 
pertilio, le strix, sont nyctalopes; lanableps , le gyrinus, sont 
amphilopes : l’ouïe est exquise dans les oiseaux, les reptiles, le 
lièvre, la loutre; et dégradée dans les poissons , les insectes. Cela 
nous fait souvenir d’abord, que l'homme est devancé par la dé- 
licatesse de quelque organe sensible et motile de certains ani- 
maux, et peut-être par quelque autre organe qui nous manque, 
qui pour cela, nous est inconnu ; et que cependant l’imperfection 
relative de leurs organes peut être la cause primitive par laquelle 
ces animaux ne sentent qu'un petit nombre de propriétés des 
corps extérieurs. [| ne faut donc pas croire que les conditions 
de nombre, de qualité et de perfection des organes sensibles 
externes ne soient pour rien dans le développement de l’intel- 
ligence, quoique la condition organique essentielle et principale 
de celle-ci soit le sensorium ($S XXII.). 


A. Le nombre et la perfection des organes sensibles et mo- 
tiles augmentant, non-seulement on a des idées simples et on 
exécute aussi les mouvemens simples, correspondans aux nom- 
bres des organes; mais on a encore les idées et les mouvemens 
composés, qui proviennent des comparaisons nombreuses et ré- 

étées, Ainsi le nombre des idées et des mouvemens volontaires 
devient la somme d’une série géométrique, sur la série arith- 
métique des organes mêmes : car ceux-ci agissent en communi- 
cation, et produisent ou occasionnent la combinaison des idées, 
non moins que des mouvemens volontaires. 

B. De ce que je viens d'exposer, l’on peut conclure que la 
perfection organique du sensorium, sans celle des organes des 
sens et des mouvemens volontaires, ou la perfection d’un, de 
plusieurs, ou même de tous ceux-ci, sans la perfection du cer- 
veau, constitue toujours la disposition organique d’une intelli- 
gence très-bornée. Au contraire, la perfection réunie et propor- 
tionnellement avancée du sensorium principalement et des or- 
ganes sensibles et motiles, constitue la disposition à une intel- 
ligence plus élevée; laquelle condition est avérée dans espèce 
humaine. 

$S XXXI. Ceux des animaux dont le système nerveux, plus 
ou moins conslaté, n’a aucune trace de cerveau, et conséquem- 
ment de sensorium, ne peuvent avoir qu’un sens local, simple, 
et homotone au contact de corps extérieurs, sans jugement et 


Zz 2 


356 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


“sans volition délibérée : ainsi, ils n’ont qu’une sensation et une 
volition tout-à-fait automatiques et locales. Le sens et le mou- 
vement, par exemple, d’un polype peuvent être comparés au 
sens ef au mouvement spontané d’un membre d'un vertébré dans 
le sommeil, fâché par une longue compression, extension, ou 
contraction, ou agacé par un stimulus modéré : ils peuvent être 
comparés au mouvement et au sens d’une grenouille préparée, 
où d’un membre récemment coupé d’un animal même à sang 
chaud, exposé au galvanisme. Il n'y manque dans ces cas-là que 
la sensation et la volition proprement dites (SI, XV), c'est- 
à-dire du sensorium. 

$S XXXII. Si on imaginoit d'élever, de composer et de con- 
centrer de plus en plus ces facultés simples et automatiques, 
on trouveroit les fonctions de l'intelligence de plus en plus 
composées et perfectionnées. Dans les animaux céphalés les plus 
simples, on commence à reconnoître les organes rudimenlaires, 
les facultés élémentaires, et les fonctions initiales de l’intelli- 
gence, qui se développent et se composent de plus en plus dans 
la série ascendante des animaux , et se trouvent enfin dans l’homme 
portées au plus haut degré de composition et de perfection. 
Ainsi l’homme est UE de s'élever aux idées les plus abs- 
traites, aux conclusions et aux formules les plus générales, aux 
expressions et aux définitions les plus réduites ; et de descendre 
par l'application des principes à un nombre indélfini de cas par- 
ticuliers, à la solution de plusieurs problèmes spéciaux , et à 
la déduction d'autres rapports inconnus : c’est-à-dire, l’homme 
a la faculté d'exécuter la synthèse et l'analyse d’une progression 
indéfinie; tandis qu’elle va se décomposant rapidement dans les 
autres animaux, qui sont bornés à très-peu de jugemens et à des 
idées très-peu générales. Wine 

Æ. Donc les conditions organiques de la plus grande intelli- 
gence, sont : 1° Ja plus grande proportion de la masse cérébrale 
( bien organisée et bien excitable ) à tout le reste du sys- 
tème nerveux; 20 Ja plus grande proportion du système nerveux 
au musculaire; 3° le plus grand nombre, la plus grande per- 
fection et complication, et la correspondance réciproque, des 
organes sensibles internes et externes, non moins que des 
mobiles. g 

$S XXXIII. Retenons donc que la fonction essentielle et prin- 
cipale de l'intelligence est le Jugement; que le jugement rest 
que la sensation des rapports; que la mémoire doit représenter 
l'idée plus ou moins antérieure, au moins d’un des sujets à com- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 397 


parer; que la déduction est toujours une prévoyance plus ou 
moins étendue; et enfin, que ces fonctions intellectuelles se ma- 
nifestent par des mouvemens délibérés. Voyons à présent si d’autres 
animaux nous donnent des indices de ces mêmes fonctions, et s’il y 
a quelque correspondance entre celles-ci et l’organisation du sys- 
tème sensile. Les vertébrés qui, par la complexion du système 
nerveux et du cerveau en particulier, sont immédiatement au- 
dessous de l’homme et à la tête des autres animaux, jouissent 
d’un degré bien connu d'intelligence, qui a ses nuances aussi 
dans les classes et jusque dans les espèces différentes. Je ne saurois 
rien ajouter à tout ce qu'ont éloquemment rapporté Condillac, 
Darwin, sur les traits de l'intelligence des vertébrés; et il est 
inutile d'exposer ici tout ce qu’on observe ordinairement sur les 
actions, les habitudes et la docilité des animaux domestiques; 
mais il n’est pas moins vrai, quoique généralement contesté , 
que même les insectes en général manifestent quelque trait d’in- 
telligence. Si on observe sans aucune prévention des insectes les 
plus connus, par exemple, l’araignée, l'abeille, la fourmi, le 
scarabé, etc., on voit leur adresse, leur ruse, leur hésitation, 
soit pour éluder leurs ennemis, soit pour surprendre leur proie, 
soit pour voler la provision d’autrui, soit pour s'assurer des dis- 
positions de l’autre sexe à l’époque de leurs amours, soit enfin 
pour se conduire dans des circonstances nouvelles auxquelles on 
les expose, et parmi des objets nouveaux qui s'offrent à eux. 
Ces opérations supposent ou annoncent quelque degré de mé- 
moire, de prévoyance, de volition, de jugement, c'est-à-dire 
d'intelligence. On ne peut pas dire que les insectes en général, 
les Molisaies céphalés, les crustacés, soient dépourvus de 
quelque degré de docilité; puisqu'on n’en a pas suflisamment 
sn l'éducation , et puisqu'on n’en connoît pas assez les ha- 
itudes. 


$ XXXIV. L’anatomie comparée peut nous conduire à quelque 
principe incontestable sur les limites de l'intelligence dans les 
animaux inférieurs. La concentration cérébrable du système 
nerveux, et la pluralité d’organes sensibles, constituent la con 
dition organique essentielle de l'intelligence : on voit, en eflet, 
ces deux conditions toujours réunies; dans les animaux à cerveau 
il y a toujours plus d’un organe sensible, et cela est avéré 
jusqu'aux insectes. Quand on se souvient que le cerveau dégrade 
depuis l’homme jusqu'aux insectes, et qu’il commence à dispa— 
roître dans les vers, les radiaires et les polypes (S XXV.); om 


358 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


peut décider que la perfection, la dégradation, ou la nullité 
du cerveau annoncent la condition principale de la perfection , 
de la dégradation, ou de la nullité de la faculté intellective. 
Les polypes et les autres animaux qui n’ont aucun vestige de 
cerveau, mi pluralité d'organes sensibles, ne peuvent jouir de 
Ja faculié, comparative et: volitive qui nécessite la pluralité et 
Ja contraction des sensations. Ils ue peuvent donc avoir d'in- 
telligence. 


A. Ainsi, on peut conclure que la dégradation de l’intelli- 
‘gence correspond à la décomposition , diminution et imperlection 
du cerveau ou sensorium et des organes sensibles; et la nullité 
absolue de l'intelligence tient à l'absence totale d’un sensorium 
où centre sensitif. Ces animaux vraiment ont presque tout-à-fait 
entières leurs facullés vitales, reproductives, digestives, dans 
chaque point, dans chaque section de leur corps (r). 

. S XXXV. Mais quoique un animal soit doué des conditions 
organiques requises pour l'intelligence , il ne peut pas en atteindre 
le comble, s'il ne se trouve parmi des circonstances opportunes; 
car celles-ci peuvent occasionner le développement et les modi- 
fications de l'organisme, et par conséquent des habitudes. Le 
docteur Lamarck établit que « l'influence des circonstances est 
effectivement en tout temps et partout agissante sur les corps 
qui jouissent de la vie.... À mesure que les circonstances d’ha- 
bitation, d'exposition, de climat, de nourriture, d'habitude de 
vivre, etc. viennent à changer, les caractères de taille, de forme, 
de proportion entre les parties, de couleur, de consistance, 
d'agilité et d'industrie changent proportionnellement. » En ré- 
sumé donc, les circonstances influent sur l’organisation et sur 
l'habitude, N'est ce pas l'éducation, l’émigration, etc. qui ont 
tant modifié la forme, l’habitude et le penchant d’un animal, 
dont lriginal est si rapproché du loup méchant et presque in- 
docile ? N'est-ce pas l’avarice et la cruauté du paysan, ainsi que 
le peu de convenance de climat et de nourriture, qui ont 


2 —— 


(1) L'observation dernierement émise, que les polypes ont aussi des organes 
reproductifs locaux, en général sous la bouche, n’a pas encore obtenu l’assen- 
tüment unanime des naturalistes. Cependant on peut croire que ces animaux 
peuvent se reproduire] par ovules , non moins que par morceaux; € imme un 
arbre peut se reproduire d’une semence, ainsi que d’une branche ou d’une 
feuille vivantes, détachées d'un arbre de la même espèce. La faculté repro- 
ductive spontanée, se retrouve jusque dans les membres des reptiles en général, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 359 


défiguré et hébêté un des plus beaux et des plus vifs quadrupèdes 
de l'Arabie? Ne sont-ce pas les circonstances de la société qui 


ont amené et amènent les progrès de l'esprit humain tant en bien 
qu'en mal? 


S XXXVI. Les modes d’agir des animaux en général ne sont 
pas une mesure toujours exacte des degrés possibles de leur 
intelligence; parce que l’imperfection de celle-ci peut tenir non- 
seulement à l’imperfection du sensorium , ou des organes des 
sens, ou au manque de circonstances opportunes; mais quel- 
quefois à l’imperfection des organes de lexpression, des ac- 
tions, etc. : dé même qu’on auroit bien tort de croire idiots 
des aveugles-nés, des sourds muets, les aphones, si ceux-ci jouis- 
sent d’ailleurs d’un cerveau bien organisé; car dans ce cas il 
n'y auroit que le défaut ou l’imperfection des organes propres 
à l'expression conventionnelle, ou de ceux des mouvemens vo- 
lontaires, ou bien le défaut ou l’imperfection des organes propres 
à introduire les idées. La facilité qu'ont la Pie, le perroquet, 
d’articuler leur voix, n’annonce pas leur intelligence plus grande’ 
que celle de l’ourang, qui a plutôt une imperfection des organes 
vocales qu’une infériorité d'intelligence. 

S XXVII. Il est incontestable que des indices d'intelligence 
dans la série des animaux correspondent jusqu'à un certain point. 
aux différences d'organisation F système nerveux. Nous ne: 
pouvons considérer que la surface.-de l’organisation ; cependant 
on ne doit pas déroger à l’organisation intime et profonde du 
système sensile en général, et particulièrement du cerveau, 
dans les fonctions intellectuelles. Il est hors de doute que lor- 
ganisation commence dans les élémens des matières organisées; 
et pour cela, on devroit évaluer d’abord l’organisation intime 
et élémentaire; qu’on peut cependant supposer , faute d’une dé- 
monstration pratique. 

A. Les rapports constans de l’organisation même grossière et 
superficielle, avec les fonctions intellectuelles, nous prouvent 
la nécessité d’une organisation élémentaire particulière dans le 
cerveau et dans tout le reste du système nerveux. Chacun des 
rudimens , des fibrilles élémentaires, et chaque système et or- 
gane de l'être vivant a son degré, son mode de sensibilité et 
d'irritabilité simple : l’ensemble de ces propriétés et de ces fonc- 
tions spontanées , toujours plus ou moins composées dans l’é- 
chelle des êtres vivans, constitue d'abord l'instinct. « L'instinct 
est dans la fibre vivante de chaque partie du corps, » dit M. Virey; 


360 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


c’est-à-dire les élémens de l'instinct sont inbérens aux élémens 
organiques. Mais l’organisation extérieure ou superficielle du 
système nerveux est un résultat correspondant et intégral de son 
organisation profonde; et pour cela, elle peut servir d'indice 
approximatif de la gradation organique de l'intelligence. 


B. Mais, tout exacte qu’elle pourroit étre , l’équation des 
conditions organiques de l’intelligence , tout exquise et parfaite 
ga pourroit en imaginer l'organisme secret et élémentaire, 

oit-on supposer dans le mystère de l'organisation intime et 
élémentaire du cerveau, etc., la raison suflisante de la diflé- 
rence énorme qui sépare l’homme de l’ourang même, dont le 
cerveau, etc, , par l’organisation grossière et visible, ne diffère 
pas beaucoup de celui de l’homme? ou bien faut-il remplir ce 
vide immense par un principe sentant immatériel ? Les méta- 
physiciens spiritualistes et les matérialistes les plus outrés de 
tous les temps, balancent leurs opinions. Ce n’est que la théo- 
logie qui peut couper ce nœud, et amortir là-dessus notre curio- 
sité importune, 

C. Le terme instinct peut être synonyme de celui de zature 
animale. 1ls ont les mêmes fondemens organiques , les mêmes 
phases, les mêmes phénomènes, la même progression et succes- 
sion , et produisent les mêmes résultats, ou , comme on le dit, 
sont dirigés au même but de la conservation et jouissance 
individuelle. La réaction de la nature (10/imina naturæ), 
comme celle de instinct, n’est pas toujours infaillible, tant 
dans l’état de santé, que dans celui de maladie : ces réactions 
doivent être bien surveillées et évaluées par le médecin, pour 
les seconder, ou les modérer, ou les accroître, ou les détour- 
ner, selon l'indication. Hoc opus, hic labor est ! 

S XXXVIII. L'organisation ou disposition réciproque des 
parties intégrantes de l’organisme ne suffit pas pour l'exécution 
des fonctions et pour l'exercice des facultés. Dans la mort vio- 
lente et soudaine, les parties, dans les premiers momens, ne 
perdent pas leur organisation, mais leur ton organique, leur 
excitabilité, Pour les fonctions intellectuelles aussi elle est néces- 
saire et a la force tonique (S III.) des parties organiques de 
l'intelligence. Dans quelques cas d’exaltation ou bipersthénie 
cérébrale, idiopathique ou sympathique, comme dans des fièvres 
ou dans des aliénations mentales, nous voyons une exaltation ou 
excès d'énergie des fonctions intellectuelles. Au contraire, dans 
des momens de mélancolie, de faiblesse immédiatement ner- 

veuse , 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 36r 


veuse, de démence temporaire, le talent le plus vif peut res- 
sembler à celui d’un imbécille. On a des exemples très-fréquens 
de mobilité et disquilibre de l’excitabilité dans les sympathies 
(consensus morbosus ); et la thérapeutique en tire souvent le 
parti le plus avantageux pour l'indication contre-irritative. Le 
plaisir dans le goût est proportionné à l’érétisme des papilles 
nerveuses de cet organe, etc. La première indication pour faire 
revivre un homme exanimé, par exemple, d’inanition, est celle 
d’ériger immédiatement et par degrés la tonicité de l'estomac 
avec des excitans diffusibles, et non pas de l’accabler avec des 
alimens, etc. Donc la force nerveuse, ou ton organique ou ex- 
citabilité du système nerveux, et principalement du cerveau, 
n'a pas peu d'importance dans les fonctions intellectuelles ; et 
l’altération, la mobilité, le disquilibre, etc., de l’excitabilité 
nerveuse peut altérer l'énergie, l’équilibre, l'harmonie des mêmes 
fonctions. 

$ XXXIX. Aprèsavoir rédigé les caractères physiologiques et 
anatomiques principaux de l'intelligence, on peut établir ceux 
de l'instinct. Celui-ci est borné à des mouvemens spontanés 
excités immédiatement par les appétits, ou par les impressions 
extérieures, mais sans conscience, sans délibération, sans déter- 
mination volitive ; il est renfermé donc dans une vie tout-à-fait 
automatique. Ainsi, les actions instinctives appartiennent auesi 
au système sensile et motile, mais privé de concentration céré- 
brale : la propriété de l'instinct est la sensilité et la motilité 
automatique ; l'expression en est le sens purement local, et le 
mouvement tout-à-fait spontané. L'instinct donc appartient d’a- 
bord à tout corps vivant en géneral, mais principalement à tous 
les animaux acéphales. Les phénomènes purement instinctifs 
sont presque des sensations et des volitions locales et excen- 
triques (S XIL.), sans sensation et volition proprement dites, 
ou centrales. 


I. Les céphalés peuvent aussi exécuter des actions instinc- 
tives, c’est-à-dire sans délibération. Les mouvemens par exemple 
du nouveau-né ne sont qu'instinctifs; peu à peu les impressions 
occasionnent la sensation , le jugement , la délibération, et les 
mouvemens deviennent voulus , délibérés , libres. Ainsi les pre- 
mières actions ici sont instinclives, non par l'absence, mais par 
le développement du sensorium. Dans les imbécilles, les idiots, 
les actions peuvent êlre instinctives par imperfection du +enso- 
rium, 


Tome LXXXI. NOVEMBRE an 1615. Aaa 


362 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


$ XL. Le caractère organique principal de l'intelligence est 
le sensorin, point central commun du système nerveux. Le 
caractère organique de l'instinct est la nullité d’un sensorium. 
Les acéphales done sont exclus de l'intelligence, et sont bornés 
à linstinet stationnaire par condition organique. L'intelligence 
ne peut être ébauchée que chez les animaux qui commencent 
à offrir un système nerveux concentrique ou à cerveau, c’est-à- 
dire on peut entrevoir quelque trait anatomique et physiologique 
d'intelligence élémentaire , et la plus incomplète, par exemple 
dans les insectes en général, et dans tous les autres animaux 
supérieurs invertébrés, jusqu'aux vertébrés, où ces traits sunt 
de plus en plus prononcés et complexes. 

.4. La présence d’un cerveau donc, comme disposition orga- 
nique ou possibilité d'intelligence, peut offrir le caractère ex-- 
clusif de Panimalité, et celui-ci pour cela pourroit exclure tous 
Ps autres, qui sont équivoques et contestables. On pourroit: 
donc considérer comme animaux proprement les seuls céphalés, 
chez lesquels cependant l’animalité a toujours ses nuances. C’est 
à grande raison que MM. Duméril et Blainville prennent du 
système nerveux le caractère principal dans le système zoolo- 
gique. L’animalité s’exténue et disparoît dans les acéphales (apa- 
thiques de M. Lamarck); et ceux-ci font une transition nalu- 
relle aux plantes, sous le rapport de la sensilité. 

b. Vu la distance énorme de l'intelligence de l’homme à celle 
des autres animaux, on marque le degré suprême de l’intelli- 
gence de l'homme à préférence par le titre de raison. Celle-ci 


n’a pas moins ses nuances remarquables du génie, des talens, 
de l'imbécillité. 


A. Dans la progression ascendante des animaux céphalés , 
depuis l’insecte par exemple, les organes rudimentaires et les 
fonctions initiales de l'intelligence se multiplient et se composent 
de plus en plus jusqu'au plus haut degré de perfection dans 
l’homme; tandis que depuis l’homme au contraire, c'est lins- 
tinct qui prédomine jusqu'aux polypes, chez lesquels il com- 
mence à se rendre tout-à-fait absolu et stationnaire , et va aboutir 
à la manière de sentir de la valisneria, du nymphæa, de la mi- 
mosa, de la dionæa, ete., et va toujours se simplifiant jusqu'aux 
plantes les plus brutes ; enfin, il se réduit à son radical, à sa 
firme élémentaire et universelle de l'attraction dans les corps 
dits organiques. | 

PB. Puisque la sensilité quelconque est la faculté organique 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 263 


Tondamentale de l'intelligence et de l'instinct, puisque l'instinct 
est comme le terme simple de la sensilité, et que l'intelligence 
dans l’homme en est le terme le plus composé; ou peut ima- 
giner que l’iastinct est comme l’ébauche ou avorton de la raison 
dans les autres animaux; comme lembryon et l’enfance de la 
raison dans l'enfant ; et que la raison dans l’homme est comme 
le complément, l'évolution totale de l'instinct. S'il étoit permis 
d'employer iei le langage mathématique, on pourroit représenter 
la sensilité radicale par x; la série 2, 2 go AM 
primer la gradation de l'instinct, depuis les premiers animaux 
acéphales jusqu'aux plautes mêmes ; et la série 2x, 3x, 4%... 
les nuances de l'intelligence dans les céphalés jusqu’à l’ourang ; 
et dont la puissance 42°.... indiqueroit le degré suprême de 
l'intelligence de l'homme ou la raison. 


$ XLI. L'instinct n’est pas toujours infaillible comme on l’a 
exagéré. Un enfant tombé dans l’eau, par exemple, pour ne pas 
se noyer fait des efforts irréguliers, qui, au contraire, le perdent. 
Une irritation aux yeux, etc., sollicite l'homme à les frotter 
pour s’en soulager , et il ne fait que l’accroître : voilà des mou- 
vemens spontanés ou instinctifs, qui sont erronés. Le genre 
equus mange inconsidérément le conium maculatum , qui pour 
lui est un poison. Le cuculus va déposer quelquefois erronément 
ses œufs dans le nid d'oiseaux non insectivores, et ses petits 
en conséquence eu meurent de faim. La musca vomiloria va 
pondre quelquefois erronément dans l’arum putrifié, ou dans 
la fleur de la stapelia, où ses larves meurent, faute de nour- 
riture convenable, c'est-à-dire de viande pourrie. Les oiseaux 
et autres auimaux qui se laissent attraper par des voix, des 
sons, des alimens faux, prouvent que l'instinct n’est pas toujours 
infaillible ; comme malheureusement il y a des marques de fail- 
libilité de la raison dans l'homme. 


pourroil ex- 


S XLII. Les actions spontanées, excitées d’abord par les 
appétits, appartiennent à l'instinct proprement inné; mais. des 
actions nécessitées par des circonstances extérieures peuvent se 
rendre habituelles, et constituer un instinet acquis et transmis- 
sible : car la modification fréquente et monotone des mêmes 
actions amène peu à peu celle des organes; comme la modi- 
fication des organes amène à son tour celle des fonctions. Et 
puisque la modification contractée des organes principaux par- 
üiculièrement, peut se transmettre à la postérité, elle peut donc 


Aaa 2 


364 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


transmettre aussi la modificabilité des actions spontanées, laquelle 
est le germe de l'instinct acquis. Ainsi, les habitudes des ani- 
maux aborigènes, nécessitées par les circonstances externes, ont 
pu se transmettre avec la modification de l'organisme. « Ainsi, 
les facultés acquises se propagent par la génération et deviennent 
héréditaires » , dit Fréd. Cuvier. 

a. Les animaux ne manquent pas de traditionalité par laquelle 
des petits, qui, dès leur naissance, n’ont pas assez de décision, 
de facilité, ni de précaution dans leurs premières actions (quoi- 
qu'on en pense différemment), apprennent par l’exemple, la 
voix, les attitudes, etc., de leurs parens et d’autres animaux 
Congénères à connoître, à chercher, à saisir, à éviter des objets 
relatifs à leur sensibilité, ou, comme on le dit, relatifs à leur 
Conservation. L'expérience donc peut aussi les instruire, selon 
l'étendue de leur intelligence et la durée de leur vie. 


8. Des animaux sociables, comment pourroient-ils l'être sans 
se communiquer leurs idées ? Nont-ils pas les moyens de s’en- 
tendre? Les hirondelles accourent pour refaire à la hâte le nid 
défait d’un autre couple, dont la femelle est prête à pondre, 
et qui fait retentir l’air de ses plaintes; les fourmis se donnent 
l'avis d'une provision à piller; les abeilles s’entre-aident pour 
“emporter de leurs ruches les cadavres d’autres abeilles, pour at- 
taquer leurs ennemis, etc. Condillac, malgré qu’il refuse aux 
bêtes la faculté traditionale, en parlant des signes abstraits, dit: 
« Or les bêtes n’ont pas, ou du moins ot fort peu l'usage 
de ces signes. Il convient aussi que les animaux apprennent par 
expérience. 

c. « Il est certain (a écrit le profess. Geofiroi St.-Hilaire) 
gree quoique les animaux naissent avec un instinct déterminé, 
ils le modifient pourtant selon que changent autour d'eux les 
localités et les êtres au milieu desquels ils se trouvent. » Le 
professeur Lamarck a fait une observation allusive à ce propos. 
(S XXXV.) 

d. Enfin, les céphalés en général ne manquent pas de mé- 
moire, d'éducabilité, de faculté délibérative, mais toujours élé- 
mentaires, plus ou moins avancées, ou proportionnées au petit 
nombre et à la perfection relative de leurs idées. Les animaux 
sociables ont des égards réciproques, soit en ne s’oflensant pas, 
soit en se défendant mutuellement contre leurs ennemis, soit 
en surveillant à la sûreté commune, soit en s’entr'aidant dans 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 365 


leurs fravaux, etc., et ce ne sont pas des actions tout-à-fait au- 
tomatiques. Aussi les animaux sociables ont-ils l'ébauche d’une 
liberté civile? 

S XLIIT. L'instinct et l'intelligence ne peuvent pas naître des 
idées innées : ils ont une faculté commune inhérente à l’orga- 
nisation. Les dispositions et les instrumens organiques, les causes 
excitatrices internes et externes, le mécanisme et le but de 
Pinstinct et de l'intelligence en général et de la raison en par- 
ticulier, sont les mêmes : leur différence ne consiste que dans 
le nombre , la complication, la proportion, le perfectionnement, 
lénergie, et l'opportunité des, conditions organiques et des cir- 
constances extérieures. La grenouille est carnivore, et sa larve 
est frugivore; la larve de l’hydrophyle est carnivore, et son 
insecte parfait est phytophage : ces deux larves sont tout-à-fait 
aquatiques, et ces animaux parfaits sont amphibies : c’est parce 
que, par leur métamorphose, ils changent les conditions orga- 
niques, et par conséquent les appétits de leurs systèmes alimen- 
taires, respiratoires, etc.; en un mot, ils changent leurs habi- 
tudes, Le nouveau-né humain commence par être ébloui des 
impressions extérieures, à ramper et à marcher en chancelant, 
à chercher à tâtons; peu à peu avec l’évolution de son organi- 
sation, il se dispose jusqu’à mesurer la distance des astres, à 
en évaluer la pesanteur, la densité, etc. Donc Pinstinct et la 
raison ont le même dessein, la même base, la progression même 
de l'organisme. J’aperçois une transition de l'instinct à l’in- 
telligence, et non pas une antithèse d’essence qui puisse les 
rendre incommensurables. 


_ $S XLIV. Je suis bien loin d'imaginer et d’énoncer une gra- 
dation suivie, une série non interrompue, une progression con- 
tinue des facultés organiques de l’instinct et de l'intelligence, 
depuis les plantes, les infusoires, les polypes, etc., jusqu'aux 
Aristote, aux Leibnitz.... Elle est démentie par des interrup- 
tions qu’on trouve dans la série des animaux, et même par une 
sorte d’inversion d'organisation parmi la plupart des plantes et 
quelques animaux des dernières classes : ainsi il y a des plantes 
dioïques et des animaux androgynes; il y a des animaux qui 
se reproduisent par bouture, et des végétaux qui ne se repro- 
duisent que par des œufs ou graines fécondées. Je ne dissimule 
pas la distance énorme entre l'intelligence de l’homme et celle 
même de l’ourang, qui lui paroît si contigu par son organisation 
visible. Je n’ignore pas le vide immense qui sépare la perfec- 


366 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


übilité de l'homme de celle même des autres animaux vertébrés, 
Je n'ose pas rapprocher la salutation du corbeau à Auguste, 
du panégyrique de Pline à Trajan; ni les talens de J'oiseau- 
moqueur, de celui de Pylade et de Bathille; ni la docilité des 
chevaux de Franconi, de celle des disciples de M. Sicard. Je 
dis seulement, que le dessein organique de l'intelligence et de 
l'instinct est le même; quoique l'intelligence soit la plus émi- 
nente dans l'homme, trés-dégradée dans les vertébrés, très-petite 
dans les insectes, enfin nulle dans les animaux inférieurs : et 
pour cela, les facultés organiques de l'intelligence de l’homme 
et celles des autres animaux ne sont pas incommensurables. Du 
degré le plus éininent de la raison au plus bas de l'instinct 
stalionnaire, il y a une progression, plus ou moins interrompue, 
d'organisation. Enfin toutes les facultés et tous les attributs de 
l'intelligence ont leurs élémens, leurs rudimens, leurs ébauches 
plus ou moins composées dans tous les animaux. L'instinct de 
la construction dans le castor, de la musique dans le serin , 
de la ruse dans le renard. ,., ne seroit-il pas uue fraction infi- 
niment petite du talent de Bonarota, de Rameau, d'Ulysse. . .? 
N’observons-nous pas des gradations remarquables de l'intelli- 
gence, même dans les variétés et les individus même divers de 
l'espèce humaine? Un idiot ne peut pas comprendre le premier 
axiome d'Euclide, et P ythagoras démontre le fécond théorème47°. 
Si on remarque quelque perfectionnement stationnaire dans les 
travaux des abeilles, des araignées, des oiseaux, ne remarquons- 
nous pas aussi en général un état d’immobilité dan: l'esprit des 
Orientaux? Depuis la fleur du tulipa, depuisle poisson cobilis ,etc., 
qui pressentent, et annoncent par des mouvemens extraordi- 
paires les orages, jusqu’à Halley, qui par une série de calculs 
prédit le retour des comètes; et depuis les vagissemens de l’en- 
lance, jusqu'aux traits pathétiques des Philippiques et des Ca- 
ülinaires, on peut apercevoir un jeu toujours et de plus en 
plus compliqué de seusilité; on entrevoit une transition et une 
progression plus ou moins interrompue de l'instinct le plus au- 
DE au degré le plus transcendant de l'intelligence et de 
a raison. 


$ XLV. Puisque dans les céphalés on retrouve les rudimens 
des facultés et les élémens des fonctions intellectuelles de plus 
en plus composés, exquis et parfaits; on peut conclure que le 
caractère physiologique ge n’est pas la possession 
exclusive de quelqu'une de ces facultés, mais plutôt le degré 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 367 


le plus avancé d'extension, de composition, de perfectionnement 
et de co-ordination de celles-ci, lesquelles conditions constituent 
la plus grande perfectibilité. 


A. Les autres animaux n'ayant qu'une pelite dimension à 
remplir, savoir, n'ayant qu'un petit nombre d’appétits à salis- 
faire, d'idées à acquérir, et de mouvemens à exécuter, ils ont 
pu se rapprocher du termé de leur perfectibilité. L'homme, au 
contraire, parcourant l'asymptote fatale des catastrophes , a bien 
pu parcourir une grande partie de sa pérfectibilité, jusqu'à nos- 
sièclés féconds en funestes occasions d'exploiter les ressorts nom- 
breux de son intelligence; mais il est encore bien loin de 
fixer ses habitudes, d’assouvir sa curiosité, d’épuiser son in- 
telligence. 


B. Lactance ne distingue l'homme des bêtes, que par le 
sentiment de Ja religion; Hutton et Fréd. Cuvier, par la fa- 
culté de réfléchir. Or la religion est suggérée par la réflexion 
même; et celle ci n’est qu'une formule d’abstraction, dont læ 
faculté élémentaire ne manque pas aux autres animaux intelli- 
gens. Ainsi, ces énonciations rentrent dans la mienne; c'està-dire, 
Ja différence ne consiste que dans le maxünum et le mérnimumn 


d'intelligence (S XLV ). 


a. Comme l’idée quelconque de Dieu est le résultat d’un degré 
élevé de réflexion, elle appartient exclusivement à l’homme, 
malgré ce qu’un zèle trop outré a dit de la religion des bêtes. 
Il est facile à concevoir, que la persuasion de l'existence de 
Dieu saccroit avec ia progression de l'intelligence. L'homme 
simple de la nature se crée par sa réflexion une idée de Dieu, 
et une religion, qui cependant peut dégénérer en superstition 
ou en fanatisme. Un demi-savant, ou méchant ne peut mécon- 
noître un Dieu que pour détester les absurdités du fanatisme et 
de la superstition, ou pour trouver sous l’athéisme l'impunité 
de ses crimes. L'homme qui a l'étendue et la profondeur pos- 
sible des connoïssances sur les détails, l'harmonie et la magni- 
ficence de l'univers, et qui a toute la pureté de sa raison et de 
sa morale, peut sentir l'existence du Créateur. C’est même 
l'étude dela Nature quidémontre l'existence de Dieu aux Newton, 
aux Derham, aux Pascal, aux Linné..., « Une fausse science 


fait les athées; une vraie science prosterne l'homme devant la- 
Divinité, » 


308 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


C. Si le genre humain exerce toujours la versatilité de son 
organisme , s'il hâte le développement de ses facultés, marche- 
ti en même temps tout droit vers son véritable bonheur ? 
Jusqu'à ce que l’homme attente aux droits, c’est-à-dire à la 
sensibilité morale des autres, le développement progressif de 
son intelligence ne fait qu'augmenter ses maux, au lieu de les 
prévenir. Qu'on ramène les actions, les lois, les idées à l’em- 
pire, au conseil, au flambeau de la raison : sans la sanction 
de celle-ci, les idées sont fausses, les actions mauvaises, les 
lois injustes; et le bonheur ne peut être que particulier, illu= 
soire, ou éphémère. La raison est la seule garantie d’une féli- 
cité légitime, générale et permanente ; comme elle est la fa- 
culté la plus précieuse qu’a prodigué à l’homme un Dieu plein 
de sagesse et de bonté. 


EXPÉRIENCES 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 369 


EXPÉRIENCES ET OBSERVATIONS 
PROPRES À DÉTERMINER 
SI LES SELS ONT UNE ACTION DIRECTE 
SUR LA VÉGÉTATION DES PLANTES; 


Par le Professeur CARRAD ORI. (3 Bim. du Journ. de 
Brugnatelli.) 


TRADUIT PAR M. H. GAULTIER De CLAUBRY. 


Les substances salines sont regardées depuis long-temps comme 
un principe de fécondité, d’après l'opinion qu'ont eue et qu'ont 
encore beaucoup de personnes, que les sels ont une grande in- 
fluence sur la végétation. On retrouve dans les sels qu’apportent 
le fumier et les engrais de quelque nature qu'ils soient, ou que 
l'air dépose, la plus grande ressource pour expliquer la fertilité 
et la prospérité des campagnes. Ici le sel commun, là le nitre 
ont été indiqués comme les moyens les plus efficaces pour ac- 
tiver la végétation ; là on a préconisé les alcalis ou les subs- 
tances alcalines comme les cendres et la chaux. 


On ne doit pas être étonné que cette opinion soit si accré- 
ditéeet si généralement reçue: elleest sanctionnée par la plushaute 
antiquité, d’où elle nous est parvenue comme par tradition. Platon 
regardoit ce sel comme une chose divine, d'aov, et depuis ce 
temps jusqu'ici on lui a attribué une vertu prodigieuse. 

Mais de tous ces sels ce fut le nitre que les anciens préco- 
nisèrent davantage. On leregardoit, commeon le voit d’après les 
ouvrages de Hwk, de Mayow et de Louis Barberi, médecin 
d’Inola (1), comme un composé d’un esprit particulier répandu 


(1) Spiritfs nitroaerei operationes in microcosmo, etc. Voyez mon Mé- 


Tome LXXXI. NOVEMBRE an 1815. Bbb 


370 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
dans l'atmosphère qu’ils appelloient esprit nètreux-aérien, équi- 
valent à notre gaz oxigène : et son origine aérienne , sa na- 
ture, c’est-à-dire la réunion de parties très-actives, très-subtiles 
et volatiles, comme sont celles de l’air et la propriété. qu'il a 
de cristalliser en forme de végétation, le firent regarder comme 
doué de la vertu productrice ou végétatricé par excellence. 
En effet Glauber l'appelle l'unique principe de la génération et 
de la végétation des plantes et des animaux. 8a2 nîtrum est unica 
vegelalio, generatio, elaugmentatio omnium vegetabilium , ani- 
malium, etc. I étoit persuadé que ce nitre étoit l’esprit de 
vie du monde élémentaire, et que par une circulation perpé- 
tuelle et jamais interrompue, il passoit de l’air et de la terre 
dans les végétaux, des végétaux dans les animaux, et que de là 
il retournoit dans le sein de la terre et donnoit la forme et la 
vie à tous les êtres organisés. Le nitre, dit le célèbre Bacon, 
est la vie et l'ame des végétaux , et en preuves de cela, Zoyle 
assuroit que le nitre se trouvoit sous diverses formes dans tous 
les corps, et qu'il ne pouvoit pas exister de corps sans ce sel; 
d’où il l'appelle le sel Le plus catholique. — Nullum salem 
esse, qui nitro Sit magis catholicum. 


Libavius sur l’asserlion de Pline, attribue la fertilité de 
l'Egypte au sel de nitre que le Nil porte sur la terre dans les 
inondations : et à la vérité il existe beaucoup de nitre dans 
les terres d'Egypte, parce qu'il s'y régénère facilement, comme 
le prouve le témoignage des anciens écrivains que confirment les 
relations des voyageurs modernes. 

Ils étoient dans la persuasion que les plantes, par le moyen 
du nitre, pouvoient avoir une végétation plus vive et plus fé- 
conde, Les savans de l’Académie des Curieux de la Nature 
rapportoient au nitre les végétations monstrueuses et les super- 
félations admirables de la nature. Ils croyoient que les brouil- 
lards et les pluies fécondoient par les parties de nitre aérien 
dont ils se chargeoiïent dans l'air et qu'ils les déposoient sur la 
terre, Voici ce que dit un poëte en parlant des brouillards. 


Vedi tu quelle si minute, e lievi 
Bollicine , ove il suo candore alberga? 
Elle son tutte nitro , e allor che fuori 
Versanle strutte , ne vien ricco il suolo. 


moire sur les Preuves de l'antiquité de la Chimie pneumatique en Italie... 
Gior. di fisica del regno d'Italia. 1813. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 371 


Les terres se fertilisoient en restant en repos, parce qu’elles 
avoient ainsi le temps d’accumuler des sels nilreux moyennant l’in- 
fluence de l'air et des météores; et ces engrais étoient si utiles, 
parce qu’ils déposoient dans le terrain, leurs sels et principa- 
lement les sels nitreux. Zmpregnatio sali maximè fit à nitrosio; 
omnèis enim stercoratio est nitrosa. Franc. Baronis de Veru- 
lamio Historia vitæ et mortis. 

On n’a pas manqué de recourir à l'expérience pour en avoir 
la confirmation. Homberg et après lui Home ont fait voir par 
expériences que les plantes nourries avec une petite quantité 
de nitre végétoient très-bien : et ensuite le professeur Eënof a 
fait des expériences particulières, d’où il résulte que, si tous 
les sels n’ont pas, comme on l'a cru, une propriété fertilisante, 
il ÿ en a quelques-uns auxquels on doit certainement l'accorder (1). 


Une opinion d’un aussi haut intérêt, sanctionnée par les phi- 
losophes de l'antiquité, soutenue par quelques modernes et qui 
résonne dans toutes les bouches, me parut mériter une dis- 
cussion particulière pour connoître quand et comment elle étoit 
vraie, et pour parvenir à ce but, j'ai cru devoir recourir à des 
expériences faites avec des sels purs appliqués à des plantes dans 
la plus grande force de leur végétation, afin d'observer exacte- 
ment la marche de la végétation dans ces circonstances et quel 
est leur effet sur l'économie végétale. 


J’ai fait végéter dans des vases de verre diflérens et dans de 
l'eau contenant du nitre en dissolution de manière à en avoir 
la saveur d’une manière bien sensible, de petites plantes de parié- 
taire (parietaria officinalis), de fumeterre ( fumaria officinalis) 
et d'ortie (wrtica dioica); j'ai mis des plantes semblables à vé- 
géter dans un même nombre de vases et dans de l'eau pure. 

Dans d'autre eau contenant moins de sel et dont la saveur 
étoit à peine sensible et contenue dans un même nombre de 
vases de verre, J'ai fait végéter des petites plantes de froment 
(triticum aeslivum , triticum hibernum ), de lentille (er- 
vum lens), de vesce (vesciæ sativa) déjà germées, c’est-à- 
dire dont la radicule et la plumuie étoient à peine développées 
et toujours attachées à la semence : j'ai mus aussi le même 


() Bibliothèque: Britannique, 1812, sur l’Influence qu’exercent différens 
acides, sels, etc. , sur la végétation, de M. le prof. Æinof. 


Bbb 2 


372 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


nombre de plantes semblables dans des vases avec de l'eau pure. 
Les plantes de pariétaire, d’ortie, etc., périrent en cinq ou six 
jours , et l’on voyoit çà et là transuder à leur surface, le nitre 
qu’elles avoient absorbé; mais les jeunes plantes de froment, 
de vesce, elc.$ continuèrent à végéter avec beaucoup de peine, 
un petit nombre poussèrent des branches, aucunes ne poussèrent 
de racines, tandis que celles qui étoient dans l’eau avoient crû 
très-sensiblement. 


J’arrachai deux petites plantes de fève (vicia faba) encore 
jeunes ( elles tenoient encore à leurs semences) avec leurs ra- 
cines; et les ayant bien séparées de toute la terre, j'en plaçai 
une dans un petit vase d’eau contenant assez peu de nitre 
pour êlre à peine sensible à la saveur; je mis l’autre dans un 
vase d’eau pure. Elles continuèrent à végéter toutes deux, mais 
celle qui étoit dans l’eau nitrée crut sensiblement moins que 
l’autre, les petites racines me parurent toujours de même force, 
elles ne se développèrent ni s’allongèrent, mais elles changérent 
de couleur et devinrent brunes, tandis que celles de l’autre 
plante qui crûrent et se multiplièrent restèrent toujours blanches. 

Je fis alors l'expérience inverse; je placai dans l’eau nitrée 
la petite plante qui étoit dans l’eau pure, et je mis celle de l’eau 
pure dans l’eau nitrée. Alors la plante qui avoit été portée de 
l’eau nitrée dans l’eau pure, poussa de nouvelles racines qui 
étoient blanches , comme celles de la plante qui avoit végété dans 
l'eau pure, et l’autre plante qui avoit été portée de l’eau pure 
dans l’eau nitrée, cessa de croître. 

Je mis dans de l’eau salée avec une petite quantité de nitre, 
plusieurs petites plantes de froment et de vesce encore jeunes 
et que j'avois élevées dans l’eau; jeles placçai dans des vases de 
verre pour observer tous les progrès de la végétation. Les petites 
plantes crûrent fort peu, mais leurs racines qui étoient longues, 
mais toujours attachées aux semences ou cotylédons, ne s’allon- 
gèrent pas, se retournèrent et devinrent brunes. 

Je répétai lexpérience avec des plantes de lupin (/Zupinus 
albus) encore jeunes et toujours attachées aux cotylédons; de 
fèves, de vesce et de froment, mais dans de l’eau qui contenoit 
si peu de nitre que l’on ne pouvoit même en distinguer Ja sa- 
veur : elles y végétèrent toutes, leurs racines se prolongèrent 
et il s'en développa de nouvelles, mais avec beaucoup de peine 
en comparaison d’autres plantes semblables que j'avois mises en 
même temps à végéter dans l’eau pure : d’où l’on voit que le 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 379 


nitre, même en très- petite quantité, empêche ou retarde la 
végélation. 

L'eau nitrée s'oppose aussi à la germination des semences; 
elles germent très-diflicilement et ne se développent jamais bien 
si l’eau est un peu salée; si elle contient beaucoup de sel, elles 
ne germent jamais, et, d’après quelques expériences faites pour 
connoître si le nitre ala propriété d’aider la végétation des 
plantes provenues de semences gonflées dans l’eau nitrée, comme 
on l’avoit cru (1), J'ai fait voir ailleurs (2) que les semences 
gonflées dans l’eau nitrée et mises ensuite à végéter dans l’eau 
pure, ne donnent pas de plantes d’une meilleure constitution : 
au résumé, le nitre ne favorise ni la germination des semences, 
ni la végétation des plantes qui proviennent des semences abreu- 
vées de ce sel. 


Des observations que je viens de faire connoître, ilme paroît 
résulter clairement que le nitre ne favorise pas, mais retarde la 
végétation. L'action du nitre sur l'organisme végétal me semble 
devoir être considérée sous deux points de vue : l’action chi- 
mique , c’est-à-dire le changement que produit le nitre comme 
agent chimique appliqué à la fibre ou au tissu organique des 
végétaux , et l’action qu'il exerce sur l’économie végétale comme 
puissance qui agit sur la vitalité ou la force végétative des 
plantes , aciion que appellerai physiologique. Pour déterminer 
en quoi consiste l’action chimique, il faut considérer quelle 
espèce d’altération elle produit sur la fibre végétale. Nous avons 
vu que les racines des plantes qui ont végété dans l’eau nitrée 
sont devenues brunes; il paroît donc que l’action chimique du 
nitre doit se réduire à une altération semblable à une combus- 
tion lente, ins à l’action physiologique, on doit penser qu’elle 
gêne la vitalité ou paralyse la force de végétation, parce que , 
comme on le voit par les expériences précédentes, le nitre em- 
pêche ou diminue le développement et laccroissement des 
plantes. 


Le nitre seul appliqué immédiatement au tissu végétal, intro- 
duit dans la circulation, ne peut être utile à Ja végétation des 
plantes , parce qu’il n’est pas susceptible d'activer l'organisme 


(Gi) Semina vidi equidem multos medicare serentes 
Et nitro prius. . .. ViRGILE. 


(2) Efemeride Fisico Med di Milano. x806. 


374 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


et d'accroître l'énergie de la force vitale ou végétative (1), et 
qu'il peut au contraire attaquer l'organisme lui-même, et para- 
lyser la force qui le meut et le règle. Ce n’est en somme, ni un 
renforçant (rinforzante), ni un stimulant, mais plutôt un 
débilitant, un contre-stimulant de la machine animale. 

J'ai fait des expériences semblables ou à peu près semblables, sur 
les plantes avec du sel marin , je n’en rapporterai que les résultats, 
afin d'éviter des détails fastidieux. L’eau sensiblement chargée de 
sel marin tue les plantes; quand elle n’est que très-peu salée , 
elle les laisse végéter, mais s'oppose à leur accroissement , ou 
retarde l'allongement ou le développement des racines et des 
tiges des plantes qui y végètent; elle ne fait cependant que 
brunir les plantes, comme le fait le ‘nitre, et je crois, par la 
comparaison que j'en ai faite, que le sel commun est suscep- 
tible d'empêcher l'accroissement ou le développement des plantes, 
ou, en peu de mots, qu’il est moins contraire à la végetation 
que le nitre, 

Les acides sont aussi très-nuisibles à la végétation, à quelque 
dose qu’on les emploie. Ils empêchent la germination des se- 
mences, quelque étendus qu'ils soient , excepté l'acide muria- 
tique oxigéné très-étendu , qui , comme je l'ai fait voir ailleurs (2), 
la favorise momentanément et contrarie la végétation à quelque 
époque que ce soit. Les petites plantes de froment germées , 
mises à végéter avec leurs jeunes racines dans un petit vase, 
avec de l'eau mêlée seulement avec une seule goulte d’acide 
nitrique , périrent en peu de jours. De la même mauière, toute 
plante herbacée périt dans l'eau à laquelle on a ajouté la plus 
petite quantité d'acide sulfurique ou d'acide murialique : leur 
organisation est attaquée et leur substance ramollie. Les acides 
végétaux, comme l'acide acétique et l'acide cilrique , quoique 
très foibles, contrarient aussi la germination et la végétaion , à 
quelque époque que, ce soit, quoiqu'ils n'exercent pas sur le 
tissu organique l’action chimique qu’exercent les acides miné- 
raux ; d'où il. paraît qu'ils agissent physiologiquement, c'est-à- 
dire, ez déprimané le système ou en contre-stimulané. 

J'ai ensuite examiné l’action des alcalis, Je les ai trouvés 


a ——— 
(1) J'oyez mon Mémoire sur la vitalité des plantes. Giorn. di Pisa. 
(2) De l’action de l’'Acide muriatique oxigéné sur la Végétation , Mémoire 
Ju à la Société des Géorgifiles. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 375 


moins nuisibles à la végétation que les acides. Le carbonate 
de potasse, dissous dans l’eau à très-petite dose, ne permet pas 
aux semences de germer et en empêche le développement des 
semences déjà germées dans l’eau pure. Dans une quantité 
presque imperceptible les semences germent, mais avec peine, 
et trouvent un obstacle au développement de leurs parties. Le 
carbonate de soude produit le même effet. L’ammoniaque ou 
alcali volatil est vraiment meurtrier. 


On a regardé les alcalis comme un stimulant de la végéta- 
tion ; mais d’après mes expériences, quand ils sont purs, non- 
seulement ils ne jouissent pas d’une vertu stimulante , mais ils 
ont une action tout opposée. Ils s'opposent au développement 
et à l'accroissement des plantes, et il paroît qu'ils paralysent 
plutôt la végétation. 

Le professeur £izof, au contraire, comme je l'ai dit plus 
haut, regarde les sels comme utiles à la végétation. Il pense 
que le sel marin en très-petite quantité, peut être utile : il regarde 
Je nitre comme absolument nécessaire : il en donne des preuves. 
1] séma du cresson dans de la terre mélée avec du nitre , et les 
plantes y prospérèrent plus que dans une autre terre. 

J'ai pensé devoir rapporter ici l’opinion du prof. Eënof sur le 
plâtre, que l’on peut regarder comme une substance saline. II 
croit que le plâtre sur lequel on a tant écrit de notre temps, 
agit comme un stimulant sur les plantes, ét qu'ouvrant les pores 
des feuilles et les suçoirs des racines et altérant les organes ins- 
piratoires et expiratoires des plantes, il accroît l'énergie des 
fonctions végétales. Il faut le préparer par la calcination pour 
le rendre pulvérulent, et il est nécessaire de le tenir à l'air afin 
qu'il s’humecte et reprenne son eau de cristallisation , avant de 
se répandre sur la terre. Sans cette précaution, il s’attacheroit 
sur les feuilles humides des plantes et empécheroit leurs fonc- 
tions inspiratoires et expiratoires. Cependant il n'est pas utile 
à toutes les espèces de plantes, mais seulement aux légumineuses. 
Pour moi qui n’admets pas de stimulans pour les végétaux (1), 
je ne crois pas que le plâtre agisse comme stimulant sur la 
végétation. D'après quelques expériences que j'ai rapportées dans 


QG) Voyez mon Mémoire intitulé : Tentative pour connoître l'Action de 
quelques Substances médicamenteuses sur l'Economie des Végétaux. Journ. 
Fis. del regno d'Italia. 1813. 


376 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


mes Mémoires sur l'action de la Magnésie sur la Végéta- 
tion, etc. , et sur le plätre et le soufre considérés comme ez- 
&grais : insérés, l’un dans le Journal de Pise, l’autre dans les 
Annales d'Agriculture du royaume d'Italie, je crois avoir 
prouvé que le plâtre agit comme corroborant. J’ai observé 
ensuite que le plâtre favorise la germination des plantes légu- 
mineuses et céréales, et que les plantes s’y développent avec 
plus de vigueur; les racines sont plus fortes et sont couvertes 
de beaucoup de poils ou d’organes absorbans (r). 

Kirnan dans son Traité sur les Engrais, dit que le plâtre 
favorise la végétation par la propriété qu'il a de disposer à un 
point considérable, les substances organiques à la putréfaction. 
Il y a des personnes qui pensent que l'utilité du plâtre ne dépend 
pas de son action sur les végétaux, mais sur les substances or- 
ganiques qui se trouvent dans la terre et qui se décomposent 
alors en peu de temps et se convertissent en une matière plus 
capable de nourrir les plantes, que celle que produit la putré- 
faction ordinaire (2). 


Le professeur Æënof ne croit pas l'acide sulfurique utile, 
comme la cru le professeur Blumenbach; mais il regarde 
l'acide nitrique comme bon, et croit que lon peut s’en servir 
avec avantage en le répandant sur la terre, J'ai au contraire 
tiré de mes expériences la conclusion nécessaire que les acides 
sont nuisibles, D’où peut donc naître cette contradiction ? 


Mes expériences prouvent que les sels nuisent aux plantes 
quand on les emploie purs et qu’on les applique immédiatement, 
et ici le professeur Æinof parle de sels unis à la terre. Quand 
ils sont ainsi mélangés, on ne remarque pas leur action sur les 
végétaux, mais celle qu’ils exercent comme agens chimiques sur 
la terre cultivable et sur les principes qui la composent. Il se 
pourroit alors qu'ils soient utiles, suivant que le terrain cède 
plus facilement ses principes fertilisans aux plantes. Il se peut 
aussi qu'ils soient utiles en modifiant la qualité du terrain, et 
qu'ils y portent ainsi une fertilité mécanique. Il se peut enfin 
qu'ils se décomposent eux-mêmes et portent une fertilité phy- 
sique à la terre par leurs principes constituans. Et d’après cela, 


(1) Voyez mon Mémoire sur les Organes absorbans des racines. Giorn. 
Milanese Agrario. 
(2) Poyez Dictionnaire de Chimie de Klaproth , art. Plätre. 


quelqu’expérience 


ET D'HISTOIRE NATURE LLE, 377 
quelqu’expérience particulière favorable ne peut décider de 
l'utilité générale-des sels par la-végétation: Onsait qu'il y à 
des plantes qui aiment les sels et qui y prospèrent. Zinnœus 
rapporte qu'il y a dans le jardin botanique une xétraria qui ne 
fleurit jamais que quand on lui fournit du nitre. 

Du reste je crois avoir bien établi par mes expériences, que 
les sels, quand on veut examiner la question de savoir sils 
ont ou n'ont pas la propriété d’exciter:ou d'activer la végéta- 
tion, ne jouissent pas de cette propriété ; parce que l’observa- 
lion montre clairement qu'ils ne favorisent-en rien le dévelop- 
pement des plantes ni leur force de végétation , mais qu’ils les 
contrarient. Pierre Crescenzio est du même sentiment sur la 
manière. d'agir dés sels sur la végétation. L'eau salée, dit-il, doit 
être rejetée par-dessus tout , parce qu’elle est desséchante , brû- 
lante , et qu’elle contrarie l'accroissement des plantes. D’où l'on 
doit conclure que c’est une erreur basée sur l’autorité des anciens, 


que croyance vulgaire que la fertilité des campagnes déperd 
es sels. 


Siles sels peuvent jamaisétreutiles à la végétation, ilparoît, am 
seul aspect d’après mes expériences, que cela peut être dans quel- 
ques circonstances et non toujours et généralement, et cela, 
quand la végétation étant immodérée, on voudra la modérer. 
On a vu que les sels n'accélèrent pas la végétation, mais em- 
pêchent ou retardent le développement et l'allongement des fibres 
végétales. D’où il est clair que s'ils peuvent faire du bien aux 
plantes, c’est en cnbéchant l'anamen tien excessive ou Fl’allon- 
gement des fibres, et d’après cela, en modérant la végétation 
trop active. 

D'ailleurs il est certain que les sels ne peuvent avoir de part 
dans la fertilisation, en les considérant comme engrais, parce 
qu'ils ne peuvent, rigoureusement parlant, entrer dans la classe 
des substances fertilisantes qui sont sujettes à la putréfaction , 
comme le sont toutes les espèces de fumiers. Et si l’on oppo- 
soit à cela que les sels se trouvent dans la composition des 
plautes, on pourrait répondre que l’on ne sait encore d’une ma- 
nière certaine s’ils sont introduits ou formés dans les plantes, 
comme ils sont formés tous les jours sur notre globe par les 
procédés chimiques impénétrables de la nature, et que l’on ne 
regarde pas les sels comme parties constituantes des végétaux. 


Tome LXXXI. NOVEMBRE an 1815. Cce 


378 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


ET 


A PRATICALTREATISE OF GAZ-LIGHT, ETC., 


ou 
TRAITÉ PRATIQUE DU GAZ-LUMIÈRE, 


Ou des  Thermo:fampes, donnant une Description sommaire 
des Appareils «et des Machines pour calculer PIllumination , 
les Rues, les Maisons et les Manufactures avec le gaz Hyÿdro- 
gène carburé, ou le gaz de Houille, avec des remarques sur 
l'utilité, la sûreté et la nature en général de cette nouvelle 
branche d'Economie civile ; 


Par Frépéric ACCUM, 


Chimiste-Praticien pour la Minéralogie, et la Chimie appliquée aux 
* Arts et aux Manufactures, Membre de la Société Royale d'Islande, de 
la Société Linnéenne et de l'Académie Royale des Sciences de 
Berlin, etc. J 
AVEC SEPT PLANCHES COLORIÉES. 


Un vol. in-8. À Londres, de l'imprimerie de G. Hayden , Covent-Garden, 
chez Ackerman, strand , n° 101. 


EXTRAIT par J.-C. DELAMÉTHERIE. 


JE me suis proposé dans cet ouvrage, m'a dit l’auteur, de 
donner une description de l’art nouveau de se procurer de la 
lumière par le moyen du gaz hydrogène carburé qu’on obtient 
de la houille , et j'ai substitué avec un succès sans égal, ce gaz 
aux chandelles et aux lampes. 


a. Il fait voir que la lumière que produit ce gaz a beaucoup 
plus d'éclat que celle que donnent l’huile et les chandelles. 

b. On y trouve encore une grande économie. , 

On sait que la houille donne par la distillation dans les vais- 
seaux fermés, diflérens produits. 


10. Une grande quantité d'un gaz inflammable carburé. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 379 

29, De l'acide carbonique, quelquefois, du ,gaz hydrogène 
sulfuré. 

39. Une vapeur aqueuse chargée d’ammoniaque. 

4°. Une huile noirâtre analogue au goudron, découverte qui 
paroît due au célèbre Beccher. 

J’ai décrit dans ce Journal, tome XXXIII, pag. 41, le 
procédé de lord Dundonald pour recueillir cette huile, et la 
convertir en goudron pour l’usage de la marine. 


bo. Le résidu de cette houille distillée est une substance solide 
nommée coke ou coake, dépouillée d'huile, très-combustible 


et qu'on emploie dans plusieurs circonstances, de préférence à la 
houille. 


La plupart de ces faits étoient connus : mais J. Clayton les 
décrivit d’une manière plus particulière dans un Mémoire qu'il 
as en 1739 dans les Transactions Philosophiques de 

ondres. 


Hales dans sa Statique, considéra principalement les gaz qui 
se dégageoient de la distillation de la houille, 


Diller lut en 1787, à l’Académie des Sciences de Paris, un 
Mémoire dans lequel il donnoit la description de différens ap- 
pareils très-élégans pour opérer l’inflammation du gaz inflam- 
mable; j'insérai un extrait de ce Mémoire dans le Journal de 


Physique, tome XXXI, pag. 188. 
Dumotiez construisit des appareils analogues très-ingénieux 
et très-élégans. 
Murdoch , en 1792, employa à l'éclairage le gaz qu'il retiroït 
de la houille, de la tourbe et d’autres combustibles. Il les subs- 
titua à l'usage des chandelles et des lampes. 


Lebon, en 1802, employa à l’éclairage de sa maison , à Paris, 
les gaz inflammables qu’il retiroit de la combustion du bois. 

En 1803 et 1804, Winsor, au Lycée de Londres, fit des 
expériences pour éclairer avec le gaz inflammable. 

En 1305, Northern de Leeds, substitua le gaz retiré de la 
houille aux méthodes ordinaires d'éclairer. 

Clegg suivit le même procédé. 

Murdoch, en 1808, éclaira plusieurs manufactures de coton 
de Manchester avec le gaz retiré de la houille. La combustion 
de ce gaz y remplacoit deux mille cinq cents chandelles. On ob- 
tient pour 650 livres sterlings, la même quantité de lumière que 

Ccc 2 


360 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


celle qui coûtoit 8000 livres sterlings par les procédés ordi- 
naires. 

Akerman, libraire-imprimeur à Londres, éclaire tous ses 
ateliers par le moyen de ce gaz, et avec une grande économie. 
Il obtient pour 40 liv. sterl. 5 schel., ce qui lui coûtoit 159 liv. 


La lumière est beaucoup plus vive, dit-il. Nous ne sommes 
pas sufloqués par les vapeurs du charbon et des huiles. Nous 
n'avons pas de taches d'huile , ou de suif et autres avaries, qui 
se montent à plus de 5o lv. sterl. par an. 


Ce gaz est employé avec avantage par les orfèvres pour souder 
les métaux... 

Enfin aujourd'hui on emploie en grand ce procédé. Une por- 
tion de la ville de Londres , et particulièrement le quartier de 
Westminster , est éclairé par le gaz retiré de la houille. 

L'auteur donne ensuite la description des procédés qu’il em- 
ploie pour retirer ces gaz et les distribuer. Il a fait graver les 
principales parties de ses appareils. 

On met la houille dans des espèces de cornues de fer un peu 
allongées, en forme de cylindre. Ces cornues sont fermées à 
une de leurs extrémités ; un couvercle couvre l’autre extrémité; 
à ce couvercle sont adaptés un ou plusieurs tubes de fer, par 
lesquels s’échappent les substances et les gaz qui se dégagent. 

Ces cornues remplies de houille, sont placées dans un fourneau: 
on ÿ met de Ja houille et on allume. La distillation commence: 
les différens produits dont nous avons parlé se dégagent. La va- 
peur aqueuse, l’ammoniaqueet l'huile dégageés et sont reçues 
dans des vaisseaux particuliers. 

Les gaz enfilent des tuyaux appropriés, et se rendent dans 
un grand récipient qu’on appelle gazomètre. Ce récipient est 
rempli d'eau qui sert à laver le gaz, et purifie le gaz inflammable 
ou hydrogène carburé des autres gaz qui lui sont étrangers, tels 
que l'acide carbonique , l'hydrogène sulfuré....…. 

On ajoute à l’eau des solutions d’alcali, de l’eau de chaux, 
pour absorber ces derniers gaz avec plus de facilité. 

Ce gaz hydrogène carburé, bien lavé, est ensuite recu danses 
tuyaux particuliers qui le portent dans tous les lieux qu’on desire. 
Des robinets placés à propos en procurent f'issue à volonté, et 
on l’allume à k manière ordinaire. 

Le gazomètre où le gaz est emmagasiné , est formé de deux 
parties principales : 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 381 


19 D'un grand vase qui renferme le gaz. s 
20. D'un autre vase plus grand qui renferme le premier. Il 
contient l’eau sur laquelle le gaz repose. 


Le vase intérieur est suspendu par des chaînes de fer, ou des 
cordes qui passent sur des poulies, et auxquelles sont attachés 
des poids, qui font à peu près équilibre à sa charge. Un tuyau 
communique à une soupape, et c'est par ce conduit que le gaz 
passe dans le gazomètre. Le gaz déplace l'eau du récipient et 
s'échappe en bulles, ce qui le lave de plus en plus. 

Le gazomètre est mu par les poids, et le gaz s'échappe par les 
tuyaux préposés. 

On le conduit ainsi dans tous les lieux qu’on desire. Des robi- 
nets sont placés aux extrémités des tuyaux, et en les ouvrant le 
gaz s'échappe. ; 

Il faut voir dans l’ouvrage même la distribution admirable 
de tous ces appareils. 


L'auteur entre ensuite dans tous les détails économiques, et 
il fait voir par le calcul, qu’on retire plus d'argent de la vente 
des divers produits de la houille qu'on emploie, que son achat 
ne coûte. Ainsi cette méthode d’éclairer par les thermo-lampes, 
réunit le double effet d'être moins dispendieuse et de procurer 
uue plus grande lumière. 


Elle a été autorisée par un acte du Gouvernement Britan- 
nique , qui en fixe les conditions. 
. On pourroit l'employer également en France, en Belgique et 
dans toutes les contrées où la houille est abondante. 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES 


SHnolC 


THERMOMÈTRE EXTÉRIEUR 
CENTIGRADE. 
En LL 


+ VENT + 


—+ 6,060+15.01| 


756,01! 


RÉCAPITULATION. 


Millir. 
Plus grande élévation du mercure. .... 7(6°74 le 
Moindreélévation du mercure......... 747.44 le 
Plus grand degré de chaleur......... —+20°3 le 
Moindre degré de chaleur....... .... + 425 le 

ombre de jours beaux....... 13 

delCOUVEETS-- Eee 18 

depluie.---c Jabotse 15 

delventestelrecrecee dI 

desolé rene tee o 

detoOnnente serre o 

de broutllard ere 15 

deMmelse =te-ce-ee-cee o 

de gréles 22e 


BAROMÈTRE MÉTRIQUE. |» 
AN | 


Maximum. | Minimum. [AMinr] Maximum. | Minimum. ss z 
mipi.| 
le ° Pur ° _[ heures. mills | heures. mill mill. o 

1la 3: +16 coli Yy+s. H10,00|+#+15,75|à y>s........ 751,74|à 6m... 752,04|75,24 17,9 

aa S5s. +16,75 16m. +10,00|+16,50|à 9 + s........708,58|à 6 m....… +...795,90|790,00| 179 
oja mil, 416,00|ù 64m.+ 5,50|+16,00|à 9 € s........ 706,74\à 95.......... 764,78|766,54| 17:7 
alà Ss 17,751 6% im. 4:6,25|H16.colà 131n........ VOD ASIE Sen est 761,42|761,90| 1757 
5d3s. Æ+iboo16ziun. + 5,25 +16,70/à10 m...,4.. 762,12/à 9 1 s........761,04|761,84| 17,6 

là 3. +2239|à 6 ; m.+410,00| 420,00! 9 + m....... 7bo,üü|à 5 +s........ 759,90|760,74| 17 
7làds. +15,259s. +13,7o|+.....|àgs........ ..764 56|a 6 + m....... 76c,g0|......| .... 
üjà 3s. “+16,50|à 10Es.+10,00|+16,r0|à 10 m....... 76524435. M6. 764,38[765,06| 16,6 
gla 3s. +13 50/à 6 Ein. 5,00! +11,00/à 6 : im....... 764,20|a 115...... ...761,50|763,45| 15,3 
10|à3s. +13,90 à 6% m.+ 4975|+11,50|à 61 m.......759,12[295......... 753,00|757,66| 15,0 
11fàds. <+11,75/à 61 m.+ 8,75|+10,75|à 6 À m....... 752,84la 5 LS... 752,26|752,46| 14,2 
12là 33s. -14,50|à 62 m.+ 7,co|+15,75/à92s........ 755,74là 6+im....... 753,78 754,94] 15,6 
Mi13la 3s  +17,25/à 6 m.+ 6,00|+16,00|à 10 m........75692|à5 Ls........ 755,12[756,04| 16,0 
bhrgjà midi. +19,10/à 6 { m. +12,50|+19,00|à 10+m.......756,74la9£s........ 753.741756,36| 16,3 
Alislads. +17,00/à 105. +12,50|+15,50|à 10 5........761,74|à 6 :m....... 756.401760,02| 16,6 
Mi16là3s. +16,50|16£m.+12,40|+18,00|à 10 m.....,.76170/à9Ls......... 750,78|761,32| 16,8 
d\i7 à midi. +#17,60/à 9 1s. +io,vo|+17,60 9 1 s........ T0 AO |A ee crétois ere 757,52|758,20| 1637 
d116 à midi, +15,00|à 6 Lin. + 8,75|415,00/à 10 1 m...... 761,84là 9 s..........750,00[761,82| 16,3 
Aliglämidi. +16,25|à 62 m.+413,75|Æ18.25/à midi. ....... 794.921à9245S..-.. ..-753,12/754,92| 16,5 

Hi20:à3s. —+20,10 a 63 m.+410,60 =F18,55|à rom... 751,929 Ls.........790,20|751,16| 17; 
AIzilà ds. +16,10/à105. +10,50|H16,00|à 105.........755,00|a 6 &m....... 751,24|753,32| 16,8 
|22|à midi. 16,00! à 62 m.+ 8,50|+16,00|à midi........759.66|à 6 À m....... 757:70|759,60| 16,9 
23/a 38. +18,25à6 3m, + 9,00|+17,60/à 51 m....... 756,56|à7 2 s........754,40|755,74| 17,0 
A |24 à midi. +-16,75|à 915. +Æ10,00 RE CAE DE Se.seee + + 704,40|à 6 ? M....... 753,48|753,84| 16,6 
Hizolà 103 m+r29o gs. 10,25 +12,60 64m... .751,66|à 9 À m...... .747,92|750;25| 15,0 
M |26|à midi. 412,75 ab} un. + 8,50|19,75 à 10€ s.......751,40là 64m.......748,94|791,00| 25,9 
AI27835S +11,75 7m. + 7.25 +10 60|à MSc e 749,66 |à 3 s..........1747,44|748,72| 13,2 
Al20118 s. 14107 m. +875 +13,10 à 1045....... 756,92|à 7 m:....... 753,76|755,50| 13,9 
D 29 à midi, +13,90|à 7 m. + 7,75|4+13,90 à 7 m......... 754,52{à 1025....... 749,301752,82| 13,7 
R 30 à 93m. 9,oclà 105. —Æ 7,25[ 875 à 105.........753,10|X 7 m. ....... 750,20|791,20| 12,9 

M|3r à 3s. + 8901101254 425|+ 8,25 à 10 LsS....... 757,00|à 7 m.........754.481795,58| 12,2} 

M|Moycnnes +15,66 795,35[756,75| 15,9 


27 


“NUIHL 


Nora. Nous continuerons cette année à exprimer la température au degré du thermomètre cen- 
centièmes de millimètre, Gomme les observations faites à midi sont ordinairement celles qu’on 
le thermomètre de correction. À la plus grande et à Ja plus petite élévation du baromètre 
conclus de l'enseinble des observations, d’où il sera aisé de déterminer la tempéraiure moyenne 
couséquent, son élévation au-dessus du niveau ae la ner, La température des caves est également 


A L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARIS. 
OCTOBRE 1815. 


D AC EST 


“| Hyc. POINTS VARIATIONS DE L'ATMOSPHERE. 
a VENTS. = 
mi LUNAIRES. 
“Eee LE MATIN. A MIDI. LE SOIR. 
1] 881. Lunepérigée. |Couvert, pluie à 9h. | Pluie. Nuageux. 
2] 86 |N-0O. N.Lärohro'm| Couvert, lég. brouil.| Idem. Beau ciel. 
3] 80 |S-E. Beau ciel, brouillard.| Nuageux. Idem. 
4| 8o1|S. Nuageux, brouillard.| Ze. Très-nuageux. 
2] 86 |5-S-0. Beau ciel, brouill. ép.| dem, Couvert. 
6| 88 |S. Nuageux, brouillard.| Pluie. Pluie par intervalles. 
7| 89 IN-E. Pluie, brouillard. |Couvert. Nuageux. 
8] 90! Idem. Couvert, brouillard. |Très-nuageux: Beau ciel, 
9| 72/E. Très-beau ciel. Beau ciel. Idem. 
10] 75 | Idem. P.Q:à4h54m.| Idem. Nuageux. Couvert, 
11] 88 |[SE. Pluie , brouillard.  |Pluie, brouillard. Idem. 
12] 89 |S. Nuageux, lég. brouil.|Très-nuageux. Très-nuageux. 
13| 87 ISS-E, Lune apogée. |  Jdem. Nuageux. Liem. 
14| 96 |S-0. Couvert. Quelques éclaircis. {Petites averses: 
15] 68 |N-O. Pluie fine. Nuageux. Nuageux, brouillard. 
16| 89 |S-O. Couvert. Idem. Nuageux. 
17| 87 |O. Couvert, brouillard. |Couvert. Pluie. 
18| 86 |S-O. P.L.à8h.12"m. Nuageux, brouillard.| Nuageux. Couvert. 
19] 941|S. Quclq. gouttes d’eau. | Frès-nuageux. Idem. 
20] 7o| dem Beau ciel. Beau ciel. Nuageux. 
21| 77 S 0. Couvert. Couvert. Idem. 
22] 82 |S-E. Nuageux, brouillard.| Nuageux. Idem. 
23] 83 |S. Pluie. Très-nuageux. Pluie à 10 h. 
24| 78 Idem. Pluie continuelle. Idem. Nuageux. 
25] 68 |S-S-O. D.Q.à4b175.| Couvert, brouillard. | P/uie, brouillard. Pluie. 
26| 60 |S-O. Nuageux. Nuageux. Idem. 
27 86 |S. Pluie. Pluie, Idem. 
2b| 87 |S-E. Couvert, lég. brouil. |[Nuageux. Nuageux. 
29| 60 |E. Nuageux. Couvert. Pluie à 10 h.£, 
do| 91 |N-E. Pluie abondante. Pluie continuclle. Couvert. 
311 74] Idem. … |Lunepérigée. INuageux. Nuageux, Nuageux. 
LE ARE RÉCAPITULATION. 
Nédiseterse «… © 
IN-E:.-.. 0. s-ep e 4 
Br er -ece 3 
Jours dont le vent a soufflé du e M TOMTNE 14 
SOS ST. 9 5 
Or Fer CO € I 
NEO. sen » ve a sjoroipie 2 


le 1*° 129,110 


Therm. des caves centigrades 


le 16 12°,110 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 61""70— 2 p. 3 lig. 4 dixièmes. 


tigrade , et la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, cesi-à-dire en millimètres et 
emploie généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromètre, on a mis à côté 
et du thermomètre, observés dans le mois, on a substitué le z72aximum et le mninimum moyens, 
du mois et de l’année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoire de Paris, ot par 
exprimée en degrés centésimaux , afin de rendre ce Tableau uniforme. 


384 JOURNAL DE PAYSIQUE, DE CHIMIE 


DESCRIPTION 


TECHNIQUE ET ÉCONOMIQUE 
DES MINESDE HOUILLE DE S..GEORGES-CHATELAIN,. 
DÉPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE ; 
| Par Louis CORDIER ; 


Inspecteur-Divisionnaire au Corps Royal des Mines de France. 


EXTRAIT. 


Nous ne suivrons point l’auteur dans les détails qu’il donne 
sur l'exploitation de ces mines de houille, quelque intéressans 
qu’ils soient. Nous allons seulement rapporter ses annotations 
générales. 

Les mines de Saint-Georges, dit-il, se trouvent situées dans 
un des meilleurs pays de France; les bois, les fourrages, le 
fer, les matériaux de construction et la main-d'œuvre y sont 
à très-bon marché. Une partie des ouvriers seulement travaille 
à l’année; plusieurs cumulent des services qu’on a coutume de 
séparer dans les très grands établissemens : c’est ainsi que les 
mineurs font la pose du boisage dans les puits et les galeries; 
le temps est pris sur celui des postes de percement. J’ai eu 
égard à cette particularité dans les estimations. On a pu voir 
en outre que J'ai pris en considération le mouvement d’exploi- 
tation très-actif, qui avoit lieu pendant que l’on perçoit les ou- 
vrages souterrains utiles, mentionnés dans la description pré- 
cédente. Il est évident que ces ouvrages eussent coûté très-cher, 
si les chevaux, les machines, les ouvriers , la direction avoient 
été exclusivement occupés à leur confection, comme cela arri. 
veroit dans un établissement absolument nouveau, et commen_ 


cant 
» 


| ET D'HISTOIRE NATURELLE. 385 
cant à pied-d'œuvre. Enfin je m’ai dû compter que le boisage 
des percemens taillés dans la houille. 

Pendant l’année 1807, qui présente des résultats moyens, la 
totalité des travaux a employé 65 ouvriers y compris le con- 
trôleur, deux maîtres mineurs, un maître charpentier , les éplu- 
cheurs, mesureurs et palfreniers-toucheurs. La vente des 90,000 
doubles décalitres extraits, a produit 48,000 francs, dont il 
faut distraire 30,000 francs pour les dépenses. Le bénéfice a 
été de 18,000 francs, dont on peut faire la division fictive 
suivante : 


Pour intérêt pendant un an, à 5 pour 100, de la fr. 
mise de fonds courante de 80,000 fr. . . . . . . 1,500 


Pour intérêt à 10 pour 100, de la valeur des ou- 
vrages souterrains et dépendances extérieures (d’après 
PESHMAMOR EU Nes eee deteueleleess |+ 103000 
Pour intérêl à 5 pour 100, de la valeur des ter- 
rains, bâtimens et dépendances (.d’après l'estimation) 1,500 
Bénéfice commercial:et industriel du concession- 
naire remplissant lui-même les fonctions de directeur 
doétabiEsemEnts, Lt. she uen, Sen: joe 73000 


Somme égale. .. . .« . . . . . 10,000 


Le territoire de Saint-Georges et des environs offre un pays 
à collines et plateaux, très-peu élevé au-dessus du niveau de 
la vallée de la Loire, dont il n’est distant que de 22 kilomètres 
(quatre lieues). Les mouvemens du -sol sont très-adoucis. Ce 
territoire appartient à-la-fois aux formations primitives, secon- 
daires et tertiaires. 

Au midi (ou plus exactement au S.-S.-O.), le terrain houillier 
repose immédiatement sur des roches granitiques feuilletées 
(gneiss et schiste micacé), disposées en bancs, dont les direc- 
tions et inclinaisons variées n’ont aucun rapport avec celles des 
couches de houille. 


Au nord, ainsi qu'à l’est et à l’ouest, ce terrain disparoît 
‘sous de minces recouvremens horizontaux, composés de sables 
calcaires coquilliers (dits /a/hun), et d’argiles grossières , 
mélées de sables quartzeux. 
Les roches du terrain houillier sont, 1° des grès et pouddingues 


Tome LXXXI. NOVEMBRE an 1615. Ddd 


386 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
grisâtres presqu’entièrement quartzeux, à ciment de même 
nature, mêlés de petits fragmens de schiste argileux, ou de peu 
de feld-spath en grains, entrecoupés fréquemment de petits 
filons de quartz, et presque toujours excessivement durs à percer; 
20 des grès grisâtres ou gris verdâtres, à grains fins et moyens, 
composés de feld-spath et quartz, avec peu de mica, et des 
parcelles de schiste argileux; 3° des schistes argileux noirs, ou 
gris noirâtres, feuilletés, tantôt tendres et tantôt durcis, soit 
par des infiltrations quartzeuses, soit plus rarement par des in- 
filtrations quartzeuses, soit plus rarement par des infiltrations 
de calcaire ferrifère. : | 

L'épaisseur du système placé. entre la première couche de 
houille et le sol primordial, est d'environ 100 mètres; les poud- 
dingues y sont généralement plus abondans qu'ailleurs, et les 
schistes s'y montrent parfois avec une finesse de contexture, et 
une couleur verte prononcée, qui les rendent tout-à - fait sem- 
blables aux schistes argileux, dits de transition par l'Ecole al- 
lemande. 

Il ne nva pas été possible de constater, ainsi que je l’aurois 
desiré, la nature et la puissance particulières à chacune des 
assises qui composent le terrain houillier, et d’en présenter la 
série avec ce détail circonstancié qu’on doit regarder comme 
la perfection des observations géologiques. Je me suis assuré 
que ces assises sont en général assez minces, que les plus épaisses 
n’excèdent pas trois à quatre mètres, et que les autres n'ont 
quelquefois pas un décimètre. Les alternations sont extrêmement 
répétées. 

La houille et le schiste argileux (dit craor par les ouvriers) qui 
remplissent les dix couches exploitées, se présentent et s’abattent 
également en petits fragmens parfaitement schisteux, ayant au 
plus 15 centimètres de longueur sur 3 d'épaisseur, offrant la 
même couleur noire , le même luisant métallique ,et tachant for. 
tement. Les éplucheurs ne peuvent les distinguer que par le poids 
ou la cassure, ou bien par l’altération que le contact de Pair 
ou de l’eau produit en peu de temps sur la surface des fragmens 
argileux. 

À s'en tenir au simple aspect de la houille de Saint-Georges, 
on pourroit presque la confondre avec lanthracite schisteuse; 
d’ailleurs elle est légère, s’enflamme promptement , et brûle 
avec tant de facilité, qu'on est obligé de la mêler pour plusieurs 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 387 


usages, Elle chauffe avec une grande ardeur, et permet de tra- 
vailler le fer avec autant de célérité que les meilleurs charbons 
de terre de France ou d'Angleterre. Il est rare qu’elle contienne 
des particules pyriteuses disséminées. 


J’ai exposé précédemment de quelle manière le schiste argileux 
et la houille étoient disposés dans les dix couches connues , et 
J'ai fixé la puissance moyenne de ces couches à 15 décimètres. 
Je dois dire de plus, que dans les cas d'exception, qui sont 
assez rares, la puissance n’est guère au-dessous de 4 décimèlres, 
ni au-dessus de 5 mètres. 


Ainsi, deux circonstances influent sur la quantité de houille 
contenue dans un espace donné : la distance du toit et du chevet 
d’une part, et, de l'autre, l'absence ou la présence du schiste 
argileux accompagnant; circonstances qui peuvent se combiner 
de différentes manières, comme je l’ai déjà dit, souvent on voit 
le schiste accompagnant remplacer entièrement la houille; mais 
nulle part je n’ai observé de ces rapprochemens exacts du chevet 
et du toit, qui sont si préjudiciables dans certaines exploitations 
de France. 

11 suit, de ce qui a été dit jusqu'ici, que la forme aplatie 
des amas de houille, est tout ce qu'ils offrent de constant : ils 
sont communément amincis vers les bords; quelquefois aussi 
des portions de bordure se terminent en bourrelets : leur étendue 
est singulièrement variable ; les plus grandes dimensions en lon- 
gueur et largeur ne coïncident point avec les lignes de direc- 
tion et inclinaison des couches, et ne se correspondent point 
avec les amas voisins. Si on veut supposer que les périmètres 
de chacun des amas contenus dans la même couche, soient 
projetés sur un plan parallèle au chevet de la couche, ces pé- 
rimètres, tantôt isolés, et placés à des distances variables, tantôt 
et plus rarement se touchant et se recouvrant même dans quel- 
ques parties de leurs bordures, présenteroient une suite de figures 
dentelées, non-seulement circulaires et ovales, mais même 
oblongues, étroites , et plus ou moins sinueuses. 


Cette dernière disposition s’est présentée deux fois au puits 
Solitaire; on y a exploité une colonne de houille plongeant 
presque verticalement jusqu'à 253 mètres du Jour, et oflrant 
une puissance de deux à trois mèlres, sur une largeur com- 
munément double ou triple. Une seconde colonne, épaisse de 
deux à trois mètres, large de quatre, et longue de plus de 400, 


Ddd z 


388 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


a élé suivie dans sa couche , sur. une pente douce d’environ 
20 degrés vers l’est, et. s’est perdue à la profondeur de. 226 
mètres.du.jour, En citant ces exemples , je ne dois, pas négliger 
d’avouer que ce n’est pas sans peine que je suis arrivé. à déter- 
miner les conditions d'un gisement si compliqué, et à rectifier 
les idées fort incohérentes qu’on en avoit conçues antérieure- 
ment à mes observations. 


Aux particularités remarquables que je viens. de décrire, il 
faut en ajouter une dernière, sansicontredit plus curieuse. De- 
puis près d'un siècle que les mines de Saint- Georges sont ex- 
ploitées et fouillées par des percemens en tous sens, on n'y a 
jamais rencontré, soit dans les couches de combustible, soit 
dans les différentes roches du terrain houillier , aucune empreinte, 
aucun vestige de corps organisé. Mes propres recherches pour 
en découvrir, malgré que je les aie variées et multipliées, ont 
été complètement en défaut. 

Une exception si singulière, et que je crois sans exemple, 
du moins pour les mines de charbon gras, rapprochée des autres 
circonstances qui caractérisent le gisement de la houille de 
Saint-Georges-Chatelaison, me. confirme dans l'opinion où, Je 
suis depuis long-temps, qu'une partie des mines de houille de 
l’Europe, gisantes dans les grès et les pouddingues, appar- 
tiennent à cette classe des terrains secondaires, qui a élé nom- 
mée intermédiaire ou de transition par M. Werner, et en cons- 
tituent même les assises les plus anciennes. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 389 
PREMIER MÉMOIRE ET. OBSERVATIONS 


SUR: LARRANGEMENT ET LA DISPOSITION 
DES FEUILLES, 


Sur la Moelle des Végétaux et. sur la,Connoissance des 
Couches Corticales en: bois; 


Par M. PALISSOT, BARON DE BEAUVOISs. 


EXTRAIT par J.-C. DELAMÉTHERIE. 


L'auteur divise son Mémoire en trois parties : 
Dans la première il traite de la moelle des végétaux. 
Dans la seconde il traite des analogues des rayons médullaires 
dans quelques plantes monocotylédones. 
Dans la troisième il traite de la conversion des couches cor- 
ticales en bois. ? 
La moelle des végétaux , ditil, peut, être considérée sous 
plusieurs points diflérens. 
La nature de sa substance, 
La forme de sa masse, 
La forme de l’étui dont elle est entourée, 
Les changemens qu’elle éprouve, 
Enfin son utilité. 


Malpighi , Hales, Grew, Duhamel du Monceau, et généra- 
lement tous les auteurs qui ont écrit sur l'anatomie des plantes, 
pensent que la moelle n’est qu'une modification du tissu cellu- 
laire, un composé de cellules. 


« La moelle des végétaux, ai-je dit, Considérations sur Les 
Etres organisés, tom. I, pag. 178 est un tissu auquel on a cru 
voir quelques rapports extérieurs avec une liqueur pleine de pe- 


tites bulles d’air : telle est la forme sous laquelle se présente la 
moelle de sureau.... 


» Lorsque la moelle n’est pas comprimée, telle que dans les 


390 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


tiges de plusieurs plantes herbacées, elle ne remplit pas entiè- 
rement la cavité de la tige. Elle se présente alors sous la forme 
d'un amas de fibres entrelacées comme la bourre de coton, 
comme dans le sparganium, les tiges des tithimales, celles 
des laitrons.... 

« Jai décrit la moelle dans les diverses parties des végétaux 
où elle présente des modifications particulières. » 


Palissot dit ensuite : « On a remarqué dans la moelle du sureau 
» et de plusieurs autres arbres, des filets longitudinaux colorés 
» en rouge ou en brun, et dont l'utilité n’est pas encore cons- 
» tatée, » 


Il ne dit point celui à qui est due cette observation. 


J'ai fait connoître le premier ces vaisseaux rouges ( Considé. . 
rations sur les Etres organisés, tome III) que j'ai vus dans 
la moelle du sureau , de l’yéble, de l’hortensia. 

« En enlevant, ai-je dit, ibid. , pag. 454, la substance médul- 
Jaire d’une branche de sureau, jy ai distingué une grande quan- 
tité de vaisseaux rouges, qui forment en général une zone 
concentrique. Ils sont placés dans la substance médullaire à un 
quart de ligne, ou même plus, de la partie ligneuse. Ils sont 
très-gros dans l’yèble, 

» Ces vaisseaux rouges, détachés de la partie médullaire , et 
examinés à la loupe , paroissent demi - transparens et composés 
de petits nœuds, comme les vaisseaux lymphatiques des animaux: 

» Ils sont entièrement distincts des trachées. » 

Je fis voir dans ce temps, l’an 1805, ces vaisseaux rouges à 
un grand nombre de savaus qui ne les avoient point vus, par- 
mi lesquels éloit l’auteur lui-même... . Il l’a sans doute oublié, 
ou...., puisqu'il n'a point parlé de mon travail, c'est pourquoi 
je le lui rappelle sans aucune réflexion : il les fera lui-méme. 

L'auteur examine ensuite la forme de l'étui médullaire d'après 
plusieurs faits qu'il rapporte. Le premier , dit-il, tend à établir : 

1° Que l’étui médullaire a dans tous les végétaux une forme 
déterminée ; 

29 Que cette forme paroît être en rapport avec l’arrangement 
et la disposition des feuilles et des rameaux sur les branches 
qui forment des espèces de spirales, Il en a déjà observé cinq 
formes principales : 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 891 


10 La #riangulaire, dans le laurier rose, la, verveine odo- 
rante, dont les branches sont trichotomes ou à spirale à trois. 

20, La zétragone , le tilleul, dont la spirale, formée par l’ar- 
rangement, des feuilles, est composée de quatre feuilles. 

30. La pentagone , le chéñe ; le châtaignier, dont la spirale 
est composée de cinq feuilles. 

4°. La polygone, les pins, dont la spirale est composée de 
plusieurs feuilles. ais 

bo. La ronde ou ovale, dans les ‘arbres dont les feuilles sont 
opposées. | 

L’auteur considère ensuite l'utilité de la moelle, D’a près l’o- 
pinion de Grew , dit-il, lépiderme est continu avec le paren- 
chyme de l’écorce, comme le parenchyme avec les insertions 
(rayons médullaires) dans le bois : de même, les insertions en 
traversant le bois jusqu’à la moelle, sont continues avec elle, 
ensorte que l’épiderme, le parenchyme; les insertions.-et la moelle 
ne sont qu’une seule et même chose remplie. de vaisseaux diffé- 
rens et de diverses manières... 16222 40 1592 


L'observation , ajoute l’auteur, nous apprend que le sentiment 
de Grew est fondé. 


Enfin il parle des différens changemens qu’éprouve la moelle 
dans le cours de la vie d’un arbre. U ... 


La moelle est nécessaire pour l'accroissement des végétaux : 
mais de vieux arbres, tels que des saules, peuvent continuer de 
vivre sans moelle. 

L'auteur parle ensuite des parties analogues des rayons médul- 
laires qui existent dans quelques plantes monocot ylédones. 


La différence, ditil, est remarquable dans l’organisation des 
monocotylédones comparée à celle des dycotylédones. Elle a de 
tout temps frappé les botanistes observateurs. Cependant Ru. 
phius paroît être le premier qui en ait parlé avec quelques dé- 
tails. Trunci palmorum lignum etiam diversum est à natur@ 
aliorum lignorum. Externa enim facies magis corticem refert, 
ex firinis, et in longitudinem extensis filamentis composi- 
tum quurn interna medulla sit admodèm fungosa et mollis, 
sibi invicem tamen ubique juncta. Rumph. Amboi I, pag. 1. 

Daubenton rapporte ce qu'avoit dit Rumpbhius. 


Dupetit-Thouars a remarqué une différence entre des mono- 
cotylédones dans les pandanus et les dracæna. 


392 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


_ L’auteur parle en troisième lieu de la conversion des couches 
corticalés en bois. | 

La majeure paftie des botanistes, dit-il, qui se sont occupés 
de l'anatomie végétale, pense que les arbres font leur accroisse- 
ment en grosseur par la compression des couches intérieures de 
l'écorce ou le Ziber en bois. Plusieäts expériences de Duhamel 
Viennent à l'appui de ce sentiment. 


Mais Hales a émis une opinion contraire. Il fait émaner les 
couchés ligneuses'du. bois méme. 


J'ai embrasséle sentiment de la majeure partie des botanistes, 
et je pense qué l’accroissement chez les végétaux.est l'effet d’une 
nouvelle cristallisation de leurs ‘sues nourriciers, comme l’ac- 
croissement des animaux... . L'accroissement des os est fait par 
le périoste et non-par los... 

Car j'ai démontré le sentiment dés anciens philosophes, Pytha- 
gore, Empédocle..i que l’organisation des végétaux est ana- 
logue à celle: dés animaux , et qu'on trouve chez les premiers 
les mêmes systèmes ou tissus que-ehéz les seconds. 

Tissu muqueux. 

Tissu séreux. 

Tissu. fibreux. 
. On ne sauroit trop rappeler ces principes à ceux qui cherchent 
sincèrement la vérité. 


ADDITION 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 393 


2 CR PAR TE TEA ES PESTE EE PE EC SE ETS LEA 


ADDITION A MON MÉMOIRE 


Sur les Causes des Commotions souterraines par l’ Action 
galvanique ; 


Par J.-C. DELAMÉTHERIE. 


JE vais ajouter à ce que j'ai dit dans le Cahier précédent 
sur les causes des commotions souterraines par l’action galva- 
nique, les réflexions suivantes : 


19 Elles sont accompagnées d’une forte électricité, comme 
Vassali l'a prouvé lors des commotions arrivées à Pignerol.... 


20. Ces commotions , ces tremblemens de terre sont des se- 
cousses presque ÿrstantanées, qui durent souvent moins d'une 
seconde; elles détruisent , ellesrenversent , les maisons, les villes, 
les montagnes. .., avec la rapidité .de l'éclair. Ce sont des eflets 
analogues à ceux que produisent les physiciens, lorsqu'ils ren- 
versent par une étincelle foudroyante ces petits châteaux cons: 
truits en carton... 


30. Ces tremblemens de terre ne sont accompagnés d’aucunes 
inflammation ni combustion. Lorsque Lisbonne fut renversée 
en 1755, par on affreux tremblement de terre, on ne vit point 
de flamme sortir du sein de la terre. Des maisons furent brülées, 
mais parles feux qui étoient dans ces maisons mêmes. 


4°. Ces tremblemens se communiquent presque instantanément 
à des distances plus ou moins considérables. 


On peut les comparer aux commotions de la torpille; et les 
strates du globe, aux muscles de la torpille. 


Tome LXXXI. NOVEMBRE an 1815. Eee 


394 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


DE LA NATURE 
DE L’ACIDE MURIATIQUE; 
Par M. BERZELIUS. 
EXTRAIT D'UNE LETTRE DE M. **, 


A J.-C. DELAMÉTHERIE. 


j Leïpsic, ro octobre 1815: 


M, GIBERT, auteur d’un Journal de Physique allemand, vient 
de recevoir de M. Berzelius un Mémoire, que j'ai lu sur l’acide 
muriatique. Ce célèbre chimiste suédois Padmet pas la nouvelle 
théorie que M. H. Davy a proposée sur cet acide. 


M. H, Davy pense que l’acide muriatique oxigéné est un corps 
simple, auquel il a donné le nom de chlorine, et quelles chi- 
muisles francais appellent chlore. 


Ce chlore, dans cette opinion, peut se combiner avec l’oxi- 
gène, et il forme un acide appelé chlorique. Les combinaisons 


de-cet acide sont appelées chlorates. On a des chlorates de zinc, 
de fer... 


Le chlore peut également se combiner avec l'hydrogène, et 
il forme un acide appelé hydro-chlorique. Les combinaisons de 
cet acide sont appelées Aydro-chlorates. Cet acide hydro-chlo- 
rique est celui qu'on appeloit rmuriatique, et les hydro-chlorates 
sont ce qu'on appeloit des muréates. Le sel marin est un hydro- 
chlorale de soude. 


M. Berzelius ne regarde point ces assertions comme prouvées. 
Il préfére ce qu'il appelle l’ancienne théorie qui lui paroît plus 


ET D'HISTOIRE NATURELLE.  * 395 


conforme aux faits connus, et en donne des explications plus 
satisfaisantes. Il dit donc que 


: L’acide muriatique ordinaire combiné avec l’oxigène, forme 
l'acide muriatique oxigéné, ce que Davy appelle chlorine. 
M. Berzelius propose son opinion avec toute la circonspection 
d’un véritable savant, qui ne recherche que la vérité. Quand son 
travail sera connu, on s’empressera sans doute à soumettre cette 
question à une nouvelle discussion. C'est pourquoi je m'empresse 


“e vous en faire part, pour que vous le communiquiez à vos 
ecteurs.... | 


Eee 2 


396 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHPMIE 


ANALYSE DU MISPICKEL; 
Par M. STROMEYER. 


EXTRAIT DE L'ALLEMAND. 


M. STROMEYER a Ju dans la séance du 2 avril de la Société: 
Royale de Gottingue, un Mémoire sur le mispickel cristallisé’ 
de Freyberg en Saxe. Ce fossile a été presque généralement en- 
visagé par les minéralogistes comme un alliage naturel de fer 
avec l’arsenic métal. Le soufre qui a été reconnu dans ce mi- 
néral par Vauquelin, fut attribué à du sulfure mécaniquement 
interposé. D’après ces données, on avoit classé: le mispickel 
comme une espèce particulière. En effet cette opinion parut 
être justifiée par l'analyse de Lampadius d’après laquelle ce 
fossile seroit composé de 42,r d’arsenic et de 57,9 de fer. 
M. Haüy, probablement guidé par ces résultats et par des rai- 
sons cristallo-tomiques, le prit pour une espèce partieulière en: 
lui attribuant comme forme primitive, un prisme droit rhom- 
boïdal à quatre faces de 1119 18° et 68° 42’. Bientôt après, 
M. Bernhardi a fait voir combien cette forme primitive, adoptée 
par M. Haüy, saccordoit peu avec la véritable structure du 
minéral. M. Bernhardi démontra de plus que la cristallisation 
du mispickel pourroit être déduite du cube; par là il a renou- 
velé une idée émise précédemment par M. Hausmann, savoir, que 
le mispickel devoit probablement sa cristallisation à la présence du 
sulfure de fer chimiquement combiné avec l’arsenic, etqu’il falloit: 
le regarder par conséquent comme une pyrite arsenicale. Cette 
opinion acquit plus de poids par l'analyse de Thomson. D'après 
ce chimiste , le mispickel seroit composé de 


ATSEDIC Me Te eee eee el ee PTE 
HEC EL Ca D A Le SNS MS GT 0 
SOLE RME RS SE NT D 


100,00 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 397 


. M. Thomson ajoute qu'il a trouvé dans tous les échantillons 
la même quantité de soufre. 


M. Stromeyer a reprisl’analyse du fossile dans lequel M. Lam- 
padius n’avoit pas trouvé de soufre. Ses expériences ne lui lais- 
sèrent aucun doute sur la présence constante du soufre dans le 
mispickel cristallisé de Freyberg. Il résulte de plus de son ana- 
lyse, que le soufre existe dans le fossile combiné avec le fer 
et constitue du per-sulfure de fer. Ces essais confirmèrent donc 
le soupçon de MM. Hausmann et Bernhardi. 


Tandis que M. Stromeyer étoit encore occupé à déterminer 
les proportions des élémens et à rechercher si le soufre y étoit 
uni au fer, ou bien si une partie en éloit alliée avec l’arsenic, 
et si le mispickel étoit par conséquent une combinaison binaire 
de per-sulfure de fer et de fer arsenical, comme on pourroit le 
présumer d’après le travail de Thomson, parut une analyse du mème 
fossile cristallisé par M. Chevreul, en voici les résultats : 


IATSENICe ele ere sales De 04D AIO 
HER Tale te sieste hist shot aies t 04000 
SOUILE sale LES Ps lee e ele. 20 100 


M. Chevreul émet une opinion toute différente sur la nature 
du mispickel. Il croit devoir adopter, d’après son analyse, que 
le fossile en question consiste en une combinaison d’arsenic avec 
du sulfure de fer au 7énimum. 11 se fonde sur ce que le fer et 
le soufre s’y trouvent dans les mêmes proportions que Hatchett 
les a rencontrées dans le magnetkics, ou comme elles existent 
d’après Berzelius dans le per-sulfure de fer artificiel. 


Les expériences que M. Stromeyer a faites depuis ne sont 
pas du tout favorables à cette opinion, quoique les proportions 
qu'il a trouvées ne différent que très-peu de celles annoncées 
par M. Chevreul. Les conséquences que M. Chevreul a an- 
noncées, se trouvent déjà annullées par le fait, que MM. Hat- 
chett et Berzelius ont donné les proportions de soufre dans le 
sulfure naturel et artificiel à plusieurs centièmes trop bas, ce 
que M. Stromeyer sepropose de faire connoître trèsincessamment. 
L'idée que le mispickel contient du fer sulfuré au 77é2èmum, 
est au reste incompatible avec son action sur les acides, 


M.Stromeyer prouve au contraire, ce qui devient déjà probable 
par l'analyse de Thomson, que le mispickel est une combinaison 


398 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


binaire de fer sulfuré au maximum, uni à un alliage de fer et 
d’arsenic. 


Il y a trouvé les proportions suivantes: 


AESeNIES ao. 3e 0 elle ED aire dr OS 


Lt LM A à: Ste 
DORE es dd 0181 EU ER 2 O6 


100,00. 


Ou bien en adoptant que le fer s’y trouve au maximum avec 
le soulre : 


Rae déiterioater at Ame 
Een, arsenioal. fasse ral ete It 20 660 


100,00 
DAV 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 399 


CE EU CS | 


NOUVELLES LITTÉRAIRES. 


De la Nature et de la Production du Gaz électrifiable 
par 2. G. Sage, de l'Académie Royale des Sciences de Paris, 
Fondateur et Directeur de la première Ecole des Mines. 


Natura enim sacra sua non simul tradit 
Veritatem caliginosé nocte premit. 


Brochure in-8° de 45 pages d'impression. 
À Paris, de l’Imprimerie de Didot l'aîné. 
Opuscules de Physique, par le même. 


Hione iene juvat integros accedere fontes 
Æique haurire , juvatque novos decerpere flores. 
Lucrëce. 
Brochure in-8° de rr0 pages, 
A Paris, de l’Imprimerie de Didof lainé. 
DeT Origine et de la Nature des Globes de feu météoriques, 
par le même. 


> Ex aërclethali nascitur fulmen. 


Brochure in-8° de 20 pages. 
À Paris, de l’Imprimerie de Didot Yainé. 


409 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, efc. 
SRE ET D CRE D EE EE ED EE 
TABLE 
DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


Faits pour servir à l'histoire du mercure; par L. 
Proust. Pag. 327 
Décomposition du cinabre à Almaden, par le méme.  33x 
Suite de l'essai d'analyse comparative surles principaut 
caractères organiques et physiologiques de L'intelli- 
gence et de l'instinct; par L. Chiavertni. 341 
Experiences et observations propres à déterminer St 
les sels ont une action directe sur la végétation des 
plantes ; par le prof. Carradori. Traduit par M. H. 
Gaultier de Claubry. 369 
A pratical treatise of gaz-light, etc., ou Traité pra- 
tique du gaz-lumière, ou thermo-lampes, etc.; par 
Frédéric Accum. Extraït par J.-C. Delamétherte. 378 
Tableau météorologique; par M. Bouvard. - 38a 
Description technique et économique des mines de 
houille de Saint-Georges-Chätelin, département de 
Maïine-et-Lotre; par Louis Cordier. Extrait. 284 
Premier Mémoire et observations sur l'arrangement et 
la disposition des feuilles , sur la moelle des végétaux 
et sur la connoïssance des couches corticales en bots; 
par M. Palissot, baron de Beauvois. Extrait par 
J.-C. Delaméthertie. 389 
Addition à mon Mémorre sur les causes des commotions 
souterraines par l'action galvanique; par J.-C. De- 
laméthertie. 393 
De la nature de l'acide muriatique; par M. Berzelius. 
Extrait d'une lettre de M. ***, à J.-C. Delamétherie. 394 
Analyse du mispickel; par M. Stromeyer. Extrait de 
l'allemand. 396 
Nouvelles littéraires. 399 


R GER , Imprimeur - Libraire 
$ 
/ 


De l’Imprimerie de M®° Veuv Cor 4 
pour les Mathématiques et 1d Matri ijifat dés Augustins, n°57. 
14 


+® À 
(2 A 
ÿ 


== 


JOURNAL 
D'E'P'H VS JOUE; 


DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


DÉCEMBRE an 1815. 


MÉMOIRE 


CHASSE 


Sur environ trois millions de quintaux de Mercure 
enfouis dans la vase d’une Rivière du Pérou ; 


Par L. PROUST. 


Les Espagnols commencèrent à exploiter la montagne du Po- 
tosi 25 à 26 ans après leur entrée au Pérou, c’est-à-dire vers les 
années 1570 à 1571. L'argent s’y présenta d’abord avec une telle 
abondance, qu’on en détachoïit la plus grande partie au ciseau, 
de sorte qu’au rapport des historiens de la conquête, un quintal 
de minerai ne rendoit pas moins de la moitié ou les trois quarts 
de son poids en métal. Mais à mesure qu’on s’est éloigné de cette 
époque, et qu’il a fallu fouiller les profondeurs, le rapport de 
l'argent à sa gargue n’a cessé d’aller en diminuant ; et les choses 
ea sont à ce point aujourd’hui, qu’un caisson de minerai de cin- 
quante quintaux , mesure adoptée dans toutes les mines d'Amé- 
rique, uu caisson qui donneroit au-delà d’une livre d’argent , se 
considéreroit comme une mine riche, sobre saliente. On peut 


Tome LXXXI. DÉCEMBRE an 1815. Fff 


402 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

juger d’après cet apercu, que l’Indien qui fait extraire avec pro: 
fit une livre d'argent de cinquante quintaux , ou, si l’on veut, un 
grain et quaire-vingt-quatre centièmes de grain d’une livre du 
minerai qui lui est coufié, doit conduire son amalgamation avec 
une adresse digne d’être remarquée , avec une sûreté de mani- 
pulation par conséquent, que toute l'exactitude de nos plus sa- 
vans docimasistes ne désavouerait pas. 


Ce que j'ai à dire sur ce travail n’ajoutera rien à la connois- 
sance que nous en ont déninée MM. Humboldt et Bonpland. Je: 
vais en parcourir les manipulations, mais ce sera pour conduire- 
uniquement mes lecteurs à la découverte d’un fait qu'il m'æ 
paru curieux de conserver dans l'Histoire de la métallurgie. 


Former les 145. 


L’Indien mêle environ trente:six livres de sel à six quintaux et’ 
un quart de minerai réduit en poudre. Il incorpore le tout avec 
un peu d’eau, afin d’en tirer un mélange humecté au point de- 
se laisser pelotonner aisément entre les mmaïns : cela fait, il le- 
retourne , il le rapproche et en forme un cône tronqué au sommet 
duquel il laisse une cavité suffisante pour recevoir le mercure... 

n caisson de minerai ain8i préparé fournit par conséquent huit 
tas de poudre salée et humectée dont quatre hommes se’partagent: 
le foulage. 

Quantité de Mercure. 


L’essai de læ mine ayant élé fait d'avance et au mercure, 
celui qu’on y destine est toujours de cinq fois le poids de l’ar: 
gent qu'on espère en tirer. Tout amalgame égoutté se trouve en: 
effet composé de cinq parties de mercure contre une d'argent. 

Ainsi lorsqu'un caisson est censé devoir rendre vingt livres 
d'argent, c’est cent trente livres par conséquent de mercure 
qu'on partagera sur les huit tas. Ces dispositions faites, le fou- 
lage dure dix, douze, dix-huit et même vingt jours si la saison 
est trop froide. 

Fapar. 


C’est le verbe indien qui exprime que le travail est à son 
second période, qu'il faut par conséquent ajouter aux tas une 
nouvelle dose de mercure ; elle est toujours là moitié de la pre- 
mière, Son objet est de réunir l’'amalgame et d'en prévenir la 
trop grande division. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 403 


Le Lavage. 


Le foulage terminé, l'Indien fait en terre un trou circulaire 
de la profondeur de sa jambe; il le garnit d’une peau, puis il y 
jette une partie du mélange sur lequel vient tomber un filet 
d’eau amené jusqu’au milieu par un canal de bois qui le traverse. 
Assis sur ses bords 1l l’agite doucement avec ses pieds, de ma- 
nière à ce que les parties terreuses mises en mouvement , puissent 
s’en aller avec le courant qui sort de sa fosse. Enfin il obtient 
son amalgame , et voilà pour lui l’heureux moment de la récolte. 


La Pella. 


Ainsi se nomme la pelotte d’amalgame qu'on a fait égoutter 
dans un sac de toile. Ductile comme une cire amollie, on en 
moûle souvent des figures d'hommes, d'animaux, de fruits, etc., 
après quoi elle s’endurcit. Ces objets séparés du mercure par le 
feu, présentent une sorte de bijoux d'argent mat et poreux qu'on 
rencontre en Espagne dans les cabinets des particuliers. 


Fourneau à distiller la Pella. 


C'est notre ancienne distillation per descensum. Les pelotes 
d’amalgame sont placées sur un plat de terre percé comme une 
‘écumoire : Ce plat s’ajuste sur l’embouchure d’un canon de terre 
cuite au fond duquel il y a de l’eau. On le recouvre avec un 
chapiteau de terre qui n’a ni gouttière ni sortie; le tout conve- 
nablement luté, on le couvre de charbons ardens; la distillation 
se fait par en bas, la pella desséchée reste sur le plat ; et comme 
elle contient toujours un reste de mercure, on n’en estime la 
valeur dans les fonderies du gouvernement, que sur le produit 
de la fonte. Parlons maintenant de la perte du mercure. 


Perte du Mercure. 


‘Cette perte est très-considérable. Premièrement il en reste, 
<omme je viens de le dire, une portion dans la pella distillée, 
ou ce qu’on appelle alors la péana , à cause de la ressemblance 
qu’on lui donne par le moulage, à une pomme d’ananas ou de 
pin. 

Secondement, quiconque a eu occasion de distiller ou de laver 


Fff 2 


404 JOURNAL DE: PHYSIQUE, DE CHIMIE 
du mercure, a pu s’apercevoir qu'il surnage toujours une infinilé 
de globules ramassés en filets, en stries , en gondoles, etc., qu’on 
a beaucoup de peine à faire plonger sous l’eau, à cause de l'air 
qui s’y est attaché ou qui les mouille. Le lavage des terres em- 
porte donc une grande quantité de ces filets, qu’on appelle Zizes 
au Pérou. Mais cette perte est peu de chose en comparaison de 
celle qui provient des changemens du mercure, ou en oxides, 
Ou en muriate doux, ou en combinaisons d’un autre genre, que 
lon wa point encore évaluées jusqu’à ce jour. 

C’est ce troisième genre de perte qu'on désigne dans toutes les 
exploitations du Pérou et du Mexique, par consumo. On y est per- 
suadé, par exemple, que la séparation de l'argent doit infailiible- 
Mentcorzsommer du mercure, et qu’il est par conséquent inutile 
de s’en occuper , comme il le seroit dansun atelier à sucre, de de- 
mander compte du bois qu’on brûle pour faire des cuites. Cette con- 
Sommation est très-variable ; elle s'élève communément de huit à 
douze, et a seize onces de mercure par huit onces ou marc 
d'argent, de sorte que, l’une dans Pautre, on évalue générale- 
ment cette perte au double du poids de Pargent que produit une 
mine. Voyons maintenant les conséquences de tout ceci. ' 

Les registres de la Mounoie du Potosi font foi de deux mille 
millions de piastres fortes, ou bien de deux cent quatre-vingt- 
Cinq à deux cent quatre-vingt-six millions de marcs d'argent, 
frappés depuis 1570 jusqu'à l'année 1800 par exemple, c'est à- 
dire dans un espace d'environ 230 ans. Je tiens cette observa- 
tion d’un Espagnol qui en a fait le relevé sur les registres mêmes. 
Aussi instruit dans la partie: des Mines que dans la Statistique 
et l'Histoire naturelle du Pérou, sa patrie, j’aimerois à lui don- 
ner ici un témoignage public de l'estime que partagent tous ceux 
qui le connoïssent ; mais je n’ai pas son aveu, et daus les circons- 
tances présentes, un éloge pourroit devenir un titre de pros- 
cription. 

Actuellement, ces 286 millions de marces d’argent supposent, 
et sans la moindre défalcation , comme nous le verrons tout à 
l'heure, 286 millions de livres de mercure, on bien deux mil- 
lions huit cent soixante mille quintaux de mercure employés à 
leur extraction... 


De la rivière Pilcomayor. 


Mais qu’est devenu cet océan de mercure uniquement con- 
sommé au Potosi? Il est aujourd’hui dans le lit du Pilcomayor, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 405 
la setle rivière qu’il y ait dans cette contrée, et qu’on y a ame- 
née, aulant que je puis me le rappeler, exprès pour le lavage 
des amalgamations. C’est dans son sein que se rendent en effet 
toutes les boues, los relaves qui proviennent du travail de l’ar- 
gent depuis environ 230 années. 

J'ai prévenu qu'il »’y avoit rien à défalquer de cette eflroyable 
masse de mercure : les raisons qui suivent vont démontrer que 
ce n’est point aller assez loin, peut-être, que de borner à trois 
millions de quintaux celui que le Pilcomayor n'a cessé d’englou- 
Ur jusqu'à nos jours. 

D'abord tous les Espagnols péruviens que j'ai été à même de 
consulter, ceux dont J'ai lu les Mémoires particuliers ou impri- 
més, conviennent unanimement de ce fait ; c’est que les tâton- 
nemens du premier siécle de l’amalgamation ont coûté des flots 
de mercure et d’argent, qui n'étant point parvenus à s’'amalga- 
mer faute de ces directions pratiques que l'expérience a fait 
découvrir depuis , n’ont fait autre chose que de ‘aller perdre 
dans la rivière avec les lavages. 

La seconde cause de l'augmentation du mercure dans le- 
Pilcomayor est celle-ci; et elle est bien plus évidente encore : 
c’est qu’au lieu de porter aux fonderies royales les pignas dé- 
barrassées de mercure pour y être fondues et y laisser les droits 
qu'on avoit à percevoir sur elles, on n’a cessé d’en détourner 
des quantités prodigieuses, et de faire entre le Potosï et les 
districts environnans , une contrebande soutenue de lingots pro- 
venant de fontes particulières, que toute la vigilance du gou- 
vernement pouvoit d'autant moins réprimer, que le quint auquel 
ces produits furent assujétis d’abord , étoit une imposition qui 
ne tarda point à devenir trop forte et à favoriser par conséquent 
Fextraction frauduleuse des métaux. Or les registres du Potosi 
ne faisant pas mention de cet argent-là, il est évident que tout 
le mercure qu'on a consommé à l’extraire, a dû former une 
multitude de ruisseaux qui sont allés se perdre dans la même 
rivière. Voilà la nouvelle mine que le temps réserve aux âges 
futurs, si ses dépôts toutefois n’ont point été s'étendre sur des 
plaines où il seroit impossible de les aller chercher. 


Considérations sur cette nouvelle Mine. 


Si les dépôts du Pilcomayor contiennent de la terre calcaire 
ou autre, capable de décomposer des combinaisons salines 


406 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
mélalliques, il est permis de conjecturer qu’en les chauffant dans 
un fourneau comme celui d'A lmaden,onen retireroitdu mercure 
avec la même facilité qu’on l’a extrait du cinabre de Guanca- 
velica ou autres! Il ne s'agiroit alors que de façonner cette vase 
en briques pour l’exploiter utilement. Après l'extraction du mer- 
cure, 1l y aura encore tel résidu qui pourra mériter aussi d’être 
amalgamé de nouveau pour l'argent qu'il contiendra. Les doci- 
masistes d'alors ne perdront point cela de vue: que si au 'con- 
traire le mercure retourne à son état primitif de cinabre, l’ex- 
traction s’en fera encore par le même procédé. 


Que conclurons-nous de ces faits? Qu'un jour à veniron dé- 
tournera les eaux du Pilcomayor, ainsi que celles des autres 
rivières qui s'étant trouvées dans le voisinage des grandes ex- 
ploitations d'Amérique, sont aujourd’hui le réceptacle de peut- 
être vingt millions de quintaux de mercure, de celles qui en- 
gloutissent au moins tout ce que les mines d'Hydria, de Hongrie, 
d’Alinaden et de Guancavelica ont pu fournir au Nouveau-Monde 
depuis environ deux siècles. 


Et pareillement si les relations métalliques se rétablissent entre 
l'Espagne et les mines d'Amérique, l’un des premiers soins du 
Gouvernement, ce sera sans doute, car son intérêt nous en ré- 
pond, ce sera, dis-je, de ne plus permettre désormais la perte 
de los relaves, de les assujétir au contraire à se réunir dans 
de vastes et profondes fosses, d’où l’on pourra toujours les ex- 
traire, quand la succession du temps forcera d’y avoir recours: 
cette ressource à laquelle personne n'a pensé, que je sache, n’est 
point une conjecture hasardée, une richesse d'imagination : elle 
est le résultat nécessaire d'un état de choses incontestable, puis- 
qu'il est sous les yeux de l’âge présent, puisqu'il ne peut manquer 
d'obtenir la conviction de quiconque a des notions en Histoire 
zaturelle et en Chimie. 


On objectera peut-être que le mercure se trouvera disséminé 
dans une telle immensité de terres, qu’il ne sera peut-être plus 
permis de s'en promettre des extractions lucratives. L’objection 
est fondée : mais on juge bien aussi que la différence de densité 
aura forcé les dépôts purement métalliques de s'arrêter, de for 
mer des couches bien avant ceux qui ne sont que terreux, et 
alors on peut croire qu’il se présentera des stratifications infini- 
ment plus riches les unes que les autres ; mais en cela l’on ne se 
conduira pas autrement qu'on le fait dans toutes les exploitations 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 407 


&u monde; le chofx des couches que la docimastique fera con- 
noître pour être les plus avantageuses à bénéficier. 


Réflexions sur les Amalgamations d'Amérique. 


Quel est l’état du mercure dans ces dépôts ? J'ai déjà dit que 
je l’ignorois , parce qu’en effet toutes les fois qu’an ne calcine 
pas les minerais, ce qui ne se pratique point au Pérou avec les 
mines pauvres , il ny a plus lieu de présumer que des sulfates 
métalliques puissent disposer le mercure à se changer en muriate 
doux, comme on voit que cela arrive dans les amalgamations 
de Hongrie. 

Je croyoisavant de m'en occuper, que le sel marin n’étoit pas 
an ingrédient très-essentiel à l’action du mercure sur les coibi- 
maisons de l'argent ; mais l'expérience ne tarda point à me désabu- 
ser, dans une suite d'épreuves que j'entrepris sous la direction 
d’un Espagnol, grand praticien dans cette partie , el qui avoit 
passé longues années à exploiter des mires au Pérou. Nous fai- 
sions l'un et l’autre des essais sur cent demi-gros de mine , lui 
en établissant ses amalgames sur une planche avec une simple’ 
spatule de bois, et moi dans des demi-boles de porcelaine avec 
un pilon de verre. Je ramassois soigneusement les boues de mon: 
travail, dans le dessein d’y chercher ensuite le mercure qui 
manquoit à mes résultats. Don Domingo Fernandez, inspecteur 
des travaux de la Monnoie, s’éloit chargé de son côté, de vé- 
rifier la richesse de nos minéraux par la fonte, afin de comparer 
les produits des deux procédés. On peut juger de toute limpor- 
tance de ce travail et des lumières qni devoient en résulter pour 
les exploitations d'Amérique; mais le temps de la désolation vint 
anéauiir tout à coup rune entreprise à laquelle nous nous élions 
singulièrement attachés Fernandez et moi, 

Ce qui contrarioit le plusinos principes, ce fut de voir que nos 
amalgamations réussissoient très-bien sur des mines pauvres ;. 
sans le préliminaire d'aucune calcination. Et quand les miné- 
raux nous paroissoient assez riches pour l’exiger, mou praticien 
ne les-poussoit jamais assez loin pour dénaturer totalement les: 
'sulfures. 


Ces sulfures sont constamment ceux de plomb , de zinc, d'an: 
‘timoine, de fer, de cuivre et d'argent, jamais ou rarement d’ar- 
senic, L’aspect de ces minéraux, quand ils ne sont pas riches, 
ne se rapporte à rien de connu. L'action du pilon y fait décou-- 


408 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

vrir quelquefois des grains de fer pur ; mais ce n'est pas dans 
des sulfures de fer qu’on les trouve , comme Thénard l’a sup- 
posé, faute d’avoir distingué cela dans mes Mémoires. Tous nos 
minéraux enfin étoient de différentes parties d'Amérique. Les 
uns furent achetés : le Ministre, M. de Cevallos, qui favorisoit 
ce travail, nous avoit fait obtenir des dépôts du cabinet du Roi, 
tous ceux que leur apparence n’appeloit pas à figurer dans cette 
riche collection. 

Une chose déjà certaine pour nous, c’est que le muriate de 
mercure se trouvoit dans nos boues. Il suflisoit de les toucher 
avec la potasse liquide, pour les voir noircir à l’instant. C’est 
par conséquent une pierre de touche dont on pourroit faire 
usage un jour dans la recherche des déoôts du Pilcomayor et 
autres grands réceptacles d’amalgamation. : 

C’est un fait généralement connu dans les travaux d'Amérique; 
que l’amalgamation est suspendue par des incidens qu'aucun 
voyageur n'a encore pu rapporter aux principes de la Chimie, 
parce que, d'une part , ils lui sont présentés dans des raisonne- 
mens qu’il ne comprend pas, et parce que de l'autre, il n’a pas 
Je temps de les analyser sur les lieux. Ce sont ces perturbations 
qui obligent le directeur el Æzognero d'employer tantôt de la 
chaux, tantôt de la boue, du fumier , des cendres, du #agis- 
trat ou de la pyrite calcinée, etc., pour rétablir l'action du 
mercure sur l'argent. Mais de ce que faute d’avoir étudié cette 
opération en grand, nous n’en concevons point la théorie ici 
en Europe, il ne faut pas croire qu’elle soit étrangère à nos 
lois d’aflinités : l'exemple suivant va nous en fournir une preuve 
éclatante. 

Soit à amalgamer an sulfure d'argent, ou ce minéral qu’on 
appelle plomb aigre , plomo bronco dans le langage des mineurs 
du Pérou. Chez nous tout se réduiroit à le plonger dans la cou- 
pelle remplie de plomb. Mais au Pérou il faut amalgamer ex- 
elusivement, et à froid surtout. Que fait-on alors ? On a recours 
à un procédé qui ne surprendra personne , mais que peu de 
chimistes pourtant se flatteroient de découvrir du premier coup. 
Il consiste à faire dissoudre du plomb dans le mercure, avec 
lequel on se propose de traiter le sulfure d’argent.... Aïnsi 
Famalgame d’argent s'obtient en décomposant un amalgame de 
plomb. Donc le soufre quitte l'argent pour sunir au plomb. 
On conviendra, j'espère, qu'il seroit difficile d'imaginer en 
£urope une plus belle application de la science des aflinités, 


FAITS 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 409 


FAITS 


SUR LA DOCIMASTIQUE DES MINES D'OR 
ET D'ARGENT, 


PAR, EE PROUST. 


DE tous les procédés que nous offre la Chimie pour l'essai 
des mines d’or ou W’argent, celui de la scorification perfectionné : 
par Gellert, est sans contredit le plus avantageux. Aussi Sage, 
Rouelle, Darcet et Berthollet lui donnérentäls la préférence, à 
celte époque de notre âge, où il fut question de reconnoître 
si la cendre des végétaux toujours mélée de fer et de manga- 
nèse, contenoit aussi de l'or, comme quelques auteurs anciens 
l'avoient donné à entendre. 


Chez les docimasistes antérieurs à Gellert, tels que Schlutter, 
Cramer, Schlinders, etc., la scorification consistoit à placer 
la poudre du minerai sur un bain de plomb fondu. Là les 
sulfures brûloient , les parties terreuses se vitrifioient par oxide 
du plomb , etle plomb restant, et enrichi d’or et d’argent, se 
transportoit sur une coupelle où il achevoit de donner son bouton 
de fin. Cette opération exigeoit des têls ou scorificatoires d'une 
argile qui ne cédât pas trop vite à l’action de l'oxide. J’ai vu 
chez Rouelle la scorification poussée jusqu’à ce que le bouton 
de fin restât seul au milieu du verre de plomb, mais il falloit 
pour cela des têts de porcelaine dure, et de trois à quatre lignes 
d'épaisseur au moins. 


Glauber après avoir fait dissoudre dans la litharge une mine 
ou une chaux métallique aurifère, y promenoit une baguette 
de fer, ou bien il y projetoit de la limaille. Voilà les premiers 
élémens de la désoxidation d’un métal par un autre. Il terminoit 
à la Copa la scorification du plomb qui provenoit de son 
travail. 


Gellert fit mieux; il conseilla de réduire le verre de plomb 
Tome LXXXI. DÉCEMBRE an 1815. Geg 


410 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


de Glauber en le fondant avec le flux noir, et de coupeler 
ensuite, Par ce moyen, en effet, on n'avoit plus à craindre l’em- 
barras des scoties ferrugineuses, et les pertes de grenaille aux- 
quelles elles devoient exposer les produits. 


Mais Sage a rendu le procédé plus simple encore en réunissant 
deux opérations en une. Il proposa en conséquence de fondre 
à-la-fois la litharge, le flux noir et la terre ou la cendre qu'on 
soupconnoit orifère. C’étoit imiter ces travaux de Saxe et de 
Hongrie , qui consistent à traiter les minerais tenant argent avec 
de la litharge ou des scories de plomb au travers des charbons, 
afin d’en obtenir un plomb riche qu’on puisse ensuite scorifier 
à la coupelle. Le procédé de Sage bien conduit , est en effet 
si heureux dans ses résultats, que Berthollet s’en servit pour 
retrouver an quart de grain d’or, si je me le rappelle, qu’il 
avoit étendu ou éparpillé à dessein dans une livre de cendres. 

Je vais donner ici l'extrait d’un travail que j’entrepris à Ségovie, 
sur une mine d'argent orifère de la province de Caracas. Il 
confirmera de son côté ce que je viens de dire sur les avan- 
tages de la scorification. La mine étoit de l’espèce de celles 
qu'on appelle pacos au Pérou, c’està-dire un sulfure d'argent 
fragile, ferrugineux, poussière rouge, disséminé dans une roche 
siliceuse, mêlée de carbonate de chaux, mais contenant de l’or, 
et de plus du muriate d'argent. 


Traitement par l'Acide nitrique. 


Me flattant d'arriver au but par les acides, aussi bien que 


par la scorification qui est plus laborieuse, j’appliquai cet acide 
à la mine. 


Les dissolutions faites, les lavages réunis, je précipitai le tout 
par le sel marin, et fis marcher à côté de ce travail une disso- 
lution de cent parties d'argent pur. Les produits recueillis et 
séchés à même température, j’obtins, d’une part, 133 livres de 
muriate, du quintal d'argent et de la mine, une quantité du 
même qui répondit à onze marces six onces et six gros d'argent. 
Rien de plus satisfaisant, je croyois avoir atteint le vrai produit, 
et pourtant j'en étois encore éloigné. 

Mais comme il s’agissoit d’essais rigoureux, capables de tran- 
quilliser des intéressés qui n’avoient point encore élé d'accord 
sur la valeur de cette mine, il me parut indispensable d’appli- 
quer la scorification au résidu. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. ati 
Légèrement calciné, j'y trouvai d’abord l'odeur qui annoncoit 
des restes de soufre, puis après une vapeur muriatique opaque 
qui me fit soupconner du muriate d'argent; mais ne m’arrétant 
point à cette indication, je pris le parti de le fondre. 
Quatre-vingt-trois livres 3 onces docimastiques que pesoit ce 
résidu, furent fondues avec 3 livres de poudre de charbon, 52 
livres de minium et 300 livres d’une potasse qui avoit été passée 
à la chaux. Il en résulta 40 livres 6 onces de plomb qui fut 
immédiatement soumis à la coupelle : il en provint un bouton 
de 7 marcs 7 onces et 4 gros : donc la vraie richesse de cette 
mine étoit de 19 marcs 6 onces 2 gros d'argent. 


Cet argent soumis au départ rendit un marc d’or par trente-six 
marcs d'argent; donc la scorification m’eût fait obtenir du pre- 
mier coup un produit qui exigeât deux opérations. 


Le muriate d'argent se trouvoit dans cette mine; je lai vu 
depuis assez fréquemment dans beaucoup d’autres d'Amérique. 
Sage l’avoit découvert aussi dans le rapport d’un tiers du poids 
d’un argent natif du Pérou. C’est encore le muriate qui me paroiît 
surabonder dans les mines du Nouveau-Mexique, au point même 
qu'on ne peut, dit Gamboa (x), ni les chauffer, ni les calciner 
sans leur faire perdre beaucoup de leur richesse. Le muriate 
d'argent chauflé à découvert se volatilise en effet avec assez de 
facilité. C’est ce muriate qui formoit une croûte épaisse au 
beau morceau d'argent natif qu’on voyoit sur une table du ca- 
binet de Madrid, et qu'on n’y verra plus sans doute, d’après 
cette multitude de Murats subalternes qui portèrent la déso- 
lation avec leur chef dans ce pays-là. Il pesoit 275 livres. 


Pour découvrir le muriate dans la mine de Caracas, je pra- 
tiquai le procédé très-simple qu’a encore indiqué Sage. Il consiste 
à triturer ou, si l’on veut, à faire bouillir dans un petit matras 
100 grains de mine et 100 grains de limaille de zinc ou de fer 
avec suffisante quantité d’eau. Si l'opération a été soignée, le 
lavage précipitera d’une solution de nitrate d'argent, une 
quantité de muriate qui représentera très-bien celui que le mi- 
nerai contenoit lui-même. 


Guantajaia sur la côte du sud au Pérou, fournit la table 
d'argent dont je viens de parler, et surtout ces beaux rognons 


() Ordenanzas de Mineria Madria. 
Geg 2 


412 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


de muriate transparens qu’on voyoit souvent à Madrid ; mais 
des morceaux plus curieux encore, c’étoit un empâtement in- 
time d’argent natif, de muriate et de carbonate de chaux. Je 
crois en avoir donné l'analyse quelque part. 


Traitement de la Mine par amalgamation. 


Je traitai convenablement 100 livres de minerai calciné d’a- 
vance avec 50 livres de sel et 150 de mercure employé à deux 
reprises, selon la méthode du Pérou. 


Le mercure rassemblé se trouva peser 159 liv. 8 onc. : il avoit 
donc attiré 19 marcs d’argent ; mais ce n’étoit point là le produit 
entier, Je pris alors le parti de scorifier le résidu : et le plomb 
de retour me rendit encore 6 onces d'argent. J’en perdis donc 
deux gros par le procédé de l’amalgamation , peutêtre aussi ne 
l'administrai-je point avec assez de soin : je ne le connoissois 
point alors aussi bien que quelques années après. 


La calcination cependant ne dut pas me faire perdre de l’ar- 
gent, car à une température élevée le carbonate de chaux dé- 
composera sans doute le muriate. Mais enfin la scorification est 
toujours le moyen le plus assuré d'obtenir du premier coup la 
totalité d’un produit. 


Fais pour l'Histoire du Muriate d’argent. 


. C’est, je crois, le chimiste Crollius qui.en fit la découverte, 
à peu près vers le commencement de 1600. Il paroît même qu’il 
ne se détermina à en publier la composition dans sa Basilica 
Chimica, que pour arrêter l'abus qu'en fit une personne à qui 
il lavoit communiquée. Cet homme, déguisé sub pietate pha- 
risaica, dit-il, méloit cette poudre à d’autres drogues qu'il offroit 
de transmuer en argent; et quand il voulait transmuer en or, 
il se servoit alors de l'or fulminant dont il avoit d’abord neu- 
tralisé le danger en le faisant chauffer avec du soufre. C’est 
Crollius encore, qui compara le muriate fondu à de la corne. 
Kunkel ensuite me paroît en avoir étudié les propriétés plus 
en détail. L’argent précipité par le sel marin, augmente d’un 
quart de son poids, dit-il, et c’est effectivement ce qui a été 
confirmé depuis par Homberg , Woulf et Bergmann. J'ai trouvé 
la densité du muriate d'argent fondu égale à 54,545. Alors le 
pied cube doit peser 38r livres 12 onces 3 gros 64 grains. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 413 


Le muriate natif et l’artificiel prennent une couleur rouge en 
fondant à la flamme d’une bougie. Quant à ses autres qualités, 
comme la transparence de corne, la flexibilité, etc., on ne voit 
guère cela dans les enseignemens publics que par les yeux de 
la foi : sa fonte n’a cependant rien que d’extrêmement facile ; 
elle w’attaque pas les creusets; on la coule dans un poëlon d’ar- 
gent comme le cristal minéral des pharmacies; et alors on obtient 
une feuille transparente, du ton de la corne, quelquefois de 
l’écaille, moins flexible, et qui se laisse assez bien couper aux 
ciseaux. Kunkel étoit persuadé qu’on en pourroit faire des taba- 
tières, bijoux tristes et sans mérite, je pense, à cause de 
lobscurcissement rapide que lui cause la lumière : mais gare 
aux instrumens d'acier qu'elle touche! l’un et l’autre se détruisent 
complètement. Les beaux morceaux de muriate natifs du Pérou 
sont aussi transparens ; leur raclure devient violette, de même 
que tous les minéraux blancs, frais cassés, quand ils en con- 
tiennent : c'est même un moyen de le découvrir. Ce muriate 
enfin n’est pas très-vaporisable, surtout si on ne le chauffe que 
pour le liquéfier. 

L’acide muriatique, l’ammoniaque le dissolvent assez abon- 
damment. Par l’évaporation spontanée on en tire des lames cou- 
vertes de cristaux octaèdres peu volumineux. 


L'argent réduit de la lune cornée est sujet àretenir du muriate; 
on ne le découvre qu’en le dissolvant. Fernandez s’en est aperçu, 
et moi aussi depuis lui. Mais de ce qu'il se dissout dans lun ou 
dans l’autre de ses facteurs, il n’en faut pas conclure, — Il y 
a plusieurs muriates d'argent, 


Le sublimé corrosif gradué dans une dissolution bien étendue 
de nitrate d'argent, donne aussi des cristaux de muriate. 


Juncker donne dans son Conspectus Chemiæ , la méthode 
de l’employer en Allemagne pour l’argentage du cuivre. En 
France on en use aussi pour blanchir les cadrans, les échelles 
de baromètre, thermomètre, et autres objets de ce genre. 

L’acide marin chauffé sur de l'argent en feuilles, donne du 
muriate. L'argent de départ, gardé sous cet acide , le donne 
aussi. Cet argent bouilli dans une bassine avec du sel ammo- 
niac dissous, dégage de l’ammoniaque. La liqueur bouillante 
transvasée laisse déposer du muriate, et en dissolvant cet argent, 
on en retrouve encore ; mais le vinaigre même et l’ammoniaque, 


At4 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


au rapport de Struwe, agissent sur l'argent de départ. J'ai fait 
connaître autrefois , que les piastres tombées dans la mer, s’y 
transformoient en muriate, et à ce qu’il paroît, en un assez 

etit nombre d'années. Tel sera donc pour les siècles futurs, 
Fétat de tant de trésors engloutis dans l’océan , si jamais le fond 
des mers redevient partie des continens, 


Réduction du Muriate d'argent. 


Kunkel nous a aussi enseigné la manière de le réduire ; c’est de 
le fondre avec la potasse. J’avertirai pourtant qu’il faut l’employer 
passée par la chaux, et fondue d’avance, autrement l’intumes- 
cence est considérable : de là un éparpillement de grenailles 
diflicile à rassembler, et la nécessité d’y employer de grands 
creusets. Mais avec la potasse ainsi préparée , l’on peut fondre 
à plein creuset. Darcet m'a assuré que la chaux y étoit préférable. 

Cent trente-trois parties de muriate bien sec rendirent avec 
poids égal de potasse 96 livres 12 onces; ainsi 3 livres 4 onces de 
perte. 

Gent trente-trois liv. muriate fondu et potasse rendirent ç7 liv. 
4 onc. 1 gros; ainsi 2 liv, 11 onces 7 gros de perte, et c’est là le 
produit réel. Ne s’en est-il point perdu par vaporisation, par 
imbibition dans les creusets ? Mais j'en ai déjà prévenu : c’est 
que l’argent produit retient souvent du muriate ; alors je pré- 
sume qu'un peu de charbon ajouté à la potasse écarteroit cet 
inconvénient en se chargeant de l’oxigène de l'argent. 


Traitement du Muriate par le mercure. 


M. Argraff avoit déjà reconnu que le mercure et le carbo- 
pate d'ammoniaque triturés avec le muriate, ne lui enlevoient 
que lentement et imparfaitement l'argent. 


D'Elhuyar dans les-recherches qu’il fit sur l’amalgamation à 
Glashute en Hongrie, essaya aussi de triturer le muriate avec 
le mercure , sans pouvoir réussir à le décomposer à l’entier: 
d’où l’on peut conclure, je crois, que dans les travaux d’Amé- 
rique il doit se perdre beaucoup d'argent quand les minéraux 
contiennent du muriate. Sage en avoit aussi fait la remarque. 


Lorsqu'on a d’assez grandesq uantités de muriate provenant 
q 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 4rb 
de précipitations, j'en ai eu jusqu’à deux livres, il est infini- 
ment expéditif de le faire cuire dans un chaudron de fer avec 
de l’eau et des lames ou des tournures de fer. La décomposi- 
tion en est facile et prompte. On passe au mercure la poudre 
de départ qui en résulte, et lon termine de reste comme il 
convient : par ce moyen j'ai obtenu 75 liv. d'argent par quin- 
tal. La limaille de fer convient aussi à ce travail ; mais elle a 
l'inconvénient d’entraver des restes de muriate ou de poudre 
d'argent , de sorte qu'il faut alors y appliquer le mercure à deux 
fois. Enfin le produit se réunit très-bien par la fonte avec de 
la potasse et du borax; mais sil y reste de la limaille, on y 
trouve quelque difficulté. 


416 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


NOTE 
SUR L'OURS GRIS D'AMÉRIQUE. 


M. CLINTON , dans les notes ajoutées à son Discours d’intro- 
duction lu devant la Société littéraire et philosophique de New- 
Yorck, en 1815, donne quelques observations assez intéres- 
santes d'histoire naturelle, parmi lesquelles nous avons extrait 
cette note sur l’ours que les Américains nomment ours grèsâtre 
(grisley bear), et dont nous avons eu l’occasion de voir l’année 
dernière en Angleterre une patte, qui nous a réellement élonné 
par sa grandeur. 


L’ours blanc, brun ou grisâtre, dit M. Clinton, car il peut 
être de toutes ces couleurs, depuis le brun jusqu’au blanc presque 
pur, est d’une taille beaucoup plus considérable que l’ours com- 
mun (1). Un individu, tué dans l'expédition de Clarke et Lewis, 
pesoit entre cinq et six cents livres au moins ; il avoit huit pieds 
sept pouces et demi du nez à l'extrémité du pied de derrière; 
la circonférence étoit de cinq pieds dix pouces à la poitrine, 
de trois pieds dix pouces au cou, et d’un pied onze pouces à la 
patte de devant ; les ongles avoient quatre pouces trois quarts 
de long. On a trouvé, empreintes dans le sable ou dans la boue, 
des traces de ces animaux qui avoient onze pouces de long sur 
sept pouces un quart de large , sans compter les ongles. Dixon, 
chasseur indien, a assuré à un ami de M. Clinton avoir vu un 
individu de quatorze pieds de long. Le pied de devant , cou- 
vert de sa peau, que j'ai vu à Londres dans la collection de 
M. Bullock , paroît avoir appartenu à un individu qui étoit au 
moins de cette taille, et même d’une beaucoup plus grande, si 
l'on admet à la rigueur ce qu’en dit M. Bullet dans la des- 
cription de son muséum, puisqu'il suppose qu’étendue pour 
saisir sa proie, cette patte couvriroit un espace de quatre pieds 


(1) Probablement sous ce nom on entend en Amérique, l’ours noir. 
sur 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 417 


sar trois. Quoi qu'il en soit, l’ours argenté d'Amérique est en 
général plus haut et plus long que l'ours commun, son ventre 
est plus mince, sa tête plus grande et plus longue , ainsi que 
ses défenses ou dents canines, Il a cinq doigts à tous les pieds, 
comme toutes les espèces du genre, et les ongles qui les ter- 
minent sont beaucoup plus longs mais plus émoussés que dans 
l'ours commun. Sa queue est plus courte; son poil plus long, 
plus fin, plus abondant sur toutes les parties du corps, forme 
une grande touffe ou une sorte de crinière à la partie supérieure 
du cou. Les testicules pendent sous le ventre, chacun dans une 
poche séparée de deux à trois pouces, au lieu d’être, comme 
dans l'ours commun et les chiens, situés plus en arrière , entre 
les cuisses. Le foie, les poumons, le cœur, sont plus grands, 
même proportionnellement à sa taille, que dans l’espèce or- 
dinaire. 

Cette espèce est très-nombreuse au nord-ouest des établisse- 
mens américains, spécialement dans les vastes contrées d'où 
naissent les différentes sources du Missouri ,au-de là duMississipi; 
on en a même vu jusqu'à la rivière d'Hudson, 

Cet ours est tres - féroce , et essentiellement carnivore ; il 
attaque l’homme partout où il l’aperçoit, et il est très-avide de 
sa chair; aussi est-il regardé comme le tyran des forêts de cette 
partie de l'Amérique. Les Indiens ne l’attaquent jamais que 
lorsqu'ils sont au moins sept à huit réunis; et lorsqu'ils vont à 
sa poursuite, ils se fardent, se peignent, et en général ont 
recours à toutes les cérémonies superstitieuses qu’ils emploient 
en cas de guerre avec une nation voisine. Ils disent que ces 
ours ont souvent tué les plus braves d’entre eux. On en a cepen- 
dant vu quelques-uns que les Indiens étoient parvenus à appri- 
voiser. 


La ténacité à vivre de cette espèce paroit être étonnante ; 
aucune blessure, si ce n’est à travers la tête ou le cœur, n’est 
mortelle, et souvent il s’en est échappé après avoir été blessés 
grièvement dans quelqu’autre partie du corps. Dans l’expédition 
de Clarke et Lewis, dont nous avons parlé plus baut ; ils ont 
souvent attaqué.les chasseurs, et le capitaine Lewis fut  pôur- 
suivi par un de ces ours, et ne lui échappa qu’en se’ plongeant 
dans une rivière. Un de ses hommes en blessa un àotravers [es 

oumons ; il n’en fut pas moins poursuivi par l'ours en fureur 
Re d'un mille, et iline futtiré du danger que par le capi- 
taine et sept de ses. gens qui suivirent l'animal à la piste de son 


Tome LXXXI. DÉCEMBRE an 1815. Hhh 


418 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

sang , et qui le tuèrent. Il avait, avec ses griffes, préparé dans 
la terre une sorte de gîte de deux pieds de profondeur sur cinq 
de long, et étoit parfaitement vivant quand ils le trouvèrent, 
ce qui étoit au moins deux heures après avoir recu la blessure. 
(Bas’s Journ. Lewis et Clark Exped. an Missouri, vol. I.) 


Le révérend John Hechwelder dit que les Indiens de la tribæ 
Mohican ont la tradition d’un animal appelé le grand ours nu 
(big naked bear); ils le disent tout nu, excepté une toufle de 
poils blancs sur le dos ; ils ajoutent qu’il est fort cruel, beau- 
coup plus gros et plus long que l'ours commun. Il paroît pro- 
bable, comme le pense M. Clinton, que cet animal est le même 
que l’ours gris d'Amérique, dont nous venons de parler. C’est à 
tort que dansles Philosophiques Transactions Am. Soc., tom. VI, 
on l’a regardé comme l'ursus arctos de Linné, et que le docteur 
Belknap Ya représenté comme tel dans son Histoire du New 
Hampshire. IN est également probable que c'est de cette 
grande espèce d’ours que Bossu a parlé dans son Voyage à la 
Louisiane, en disant que dans ce pays il y a des ours blancs 
dont le poil est très-fin et moelleux , ce qui , comme l’a fait 
justement observer Forster dans les noles jointes à sa traduc- 
tion du Voyage de Bossu, ne peut convenir à l’ours blanc po- 
laire, dont le poil au contraire est dur comme des soies de 
cochon. 


Il resteroit à déterminer si cette grande espèce d’ours est par- 
ticulière au continent de l'Amérique. D’après ce que dit Pennant, 
Aret. Zoology., vol. IIT, que dans le nord de la Tartarie il y 
a des ours terrestres entièrement blancs, qui parviennent à une 
très-haute taille; et que les ours argentés , que les Allemands 
nomment sèlber baer, à cause du mélange des poils blancs avec 
les poils noirs, ont été trouvés en Europe et dans l'Amérique 
septentrionale au 70° de latitude, on pourra être porté à penser 

ue cette espèce est commune aux deux continens; c’est en 
effet l'opinion vers laquelle paraît pencher M. Clinton, mais il 
ne nous semble cependant pas, ainsi qu'à lui, que ce soit un 
roblème tout-à-fait résolu. 

1} en est peut-être de même de la question, beaucoup plus 
intéressante à éclaircir, savoir, si les ossemens d’animaux que 
M. Jefferson a fait connoître sous le nom générique de great 
claw ou de megalonix, ne proviendroient pas de cette grande 
espèce d’ours; on peut dire ie que ce doit être à peu près 
l'opinion de cet homme célèbre. En eflet, d’après l’existence 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 419 


chez les nations sauvages de dessins grossiers représentant une 
espèce de lion, le rapport des anciens historiens de la colonie, 
qu'il existoit dans ce pays une grande espèce de ce genre, et 
enfin, d’après le récit des voyageurs modernes, qui ont entendu 
pendant la nuit des rugissemens terribles qui eflrayaient les 
chiens et les chevaux, M. Jefferson en avait conclu qu'il devait 
exister dans ces contrées un grand animal carnassier, et que par 
conséquent il seroit possible que les os qu’il décrivoit appar- 
tinssent à cette espèce. Or la découverte réelle et certaine de ce 
grue animal carnassier vivant, milite fortement pour l'opinion 
e M. Clinton, qui pense que les os décrits par M. Jefferson 
sous le nom de 7eganolix , proviennent de cette grande espèce 
d’ours vivante, tout en avouant que pour que son hypothèse 
devint une vérité, il faudroit une comparaison rigoureuse des 
squelettes. Nous avouerons également que, malgré la difficulté 
de la prouver, du moins, dans l’état actuel de nos connoïssances, 
on pourra être porté à adopter cette opinion, en voyant: 
1° Que c’est dans les lieux où se trouve encore, et où devoit 
se trouver beaucoup plus souvent anciennement l'ours argenté, 
c'est-à-dire à l’ouest de la Virginie, qu’ont été également trou- 
vés les cinq ou six os les seuls qu’on connoisse du meganolix ; 
20 Que ces ossemens ont été découverts dans des carrières 
calcaires trèsnombreuses dans ce pays, assez analogues à celles 


où se sont trouvés en Allemagne les ossemens de l'ours des 
cavernes ; 


30 Que la taille présumée de l'animal fossile et de l'animal 
vivant est à peu près la même; 

4° Que la forme et la grandeur des ongles se rapportent assez 
bien ; 

5° Enfin on sera d'autant plus porté à l’'admettre, que lon 
sera plus convaincu que la connoissance des animaux quadru- 
pèdes même, est loin d’être assez complète pour qu'on puisse 
regarder comme définitivement perdues d’autres espèces que 
celles dont on trouve les restes dans la masse même de pierres 
cristallisées, comme les azoplotherium , les paleotherium , etc. 

Cependant , je le répète, la comparaison du squelette de l’ours 


argenté avec le peu que nous connoissons de celui du megalo- 


nix, est le seul moyen d'établir cette opinion d’une manière 
satisfaisante. 


Hbh 2 


mem 0 D Le? UE LUE Et D QUE 
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES 


de 
de 


Plus grande élévation du mercure. .... 
Moindreélévation du mercure. “ace 
Plus grand degré de éhaleur..2 AASERRE 


Moindre degré de chaleur 


de pluie. 


couverts 


vent.. 


RÉCAPI TUL A-DI ON. 
Millim, 
772°38 le 26 
72),40/le 15 
« +1q%o le 9 
+. — 7,50 de 29 
Nombre de jours beaux....... 12 


au 


FA ” * " H 

«| THERMOMEÈTRE EXTERIEUR BAROMÈTRE MÉTRIOUE. > 

= CENTIGRADE. # 2 2 

CR PCR. CN de ES 
‘| Maximum. | Minimum. |A Mini. Maximum. Mivimunu. Se ; 2 

| heures. o heures. heures. mäll. | heures. mill, mill. o 
15. + 6,25 à7 m. + a70{+ 74002 s...24.0.757,90là guise 4%.08757;561757,56| 11,9 
2la3s.. + 7:40 à7m. — 0,°5|+ DIofA 10 4 3... 760, oùlà 7im.........759,2|760,90| 11,6 
3là midi. + 9,10 7m. + 3004 9,109 S........766,20|1 7 m. .......763,20|765 06 11,3 
ald3s. +6,75là7m. + 1,902 5,75là ro ! m......768,94là 7 im . .......708,00|768.70| 10,8 
5aSs. + 5cofù7m. — 2,5c|+ 4,4o/ù 10 Lin.......768,96|[à 10 3s.......768,06|768,72| 9,6 
6la midi, + 8,25 0%s. + 1,0.|+ d,29/à 10 +in. [Li:768 30 a6% SRAITEN .767,16|766,12| 10,6 
7là3is. + 7107 +m.— 1,50 + 6,10fà 9 m..... .…. 706,86 a5> Sat ...765,02|766,90| 9,7 
8la3s. <+r,o0o!à7iain.# 5,50 419,00 à loim.......70486|à 105..... ....703,52|764,66| 10,9 
| os. es 7 ETS 9,00 Lr3,50/à7 2 Guise -761.62143 5. see. «..-7509,92/760,10| 11,0 
Bliolads. <+1270/à7+m.tHu,20|412,60|à 9s.. see e70T. 121474 tee NET 766,64! 12,0 
Dlcila midi. Las 17m. 9,50 + 13,65 MODS LE. ..766,64/à 0 LS. 764,00|766 24| 11,6 
wlaids. +#1i2,29/17£m+ 7,79|-H11,79|à 0 & in. -.701,00 à 10 à 'Échbteoe 757,3t|760:90| 11,2 
rafèmidi. +#+12,50/à 105. += 5,79|+12,90|a 7 à m. see :700) 06|à 534 GRSEM OS TE 749,00|745;20| 12,0 
rgja midi. + 6,751 0XS. Æ 550|4+ 8 75lù ro £m......745,92|à9 î Sédcoges 735,20|744:90| 11,9 
151à9 5. EE G25la gs + 0,2%! 57998 ..743,10)à 7 3m en Car 729,40|754:70| 9,4 
6[à midi. + 4751 9s. + 1,724 4,79 À A dre 40,02} 7 # m. -741,24|749,00 CR 
islags. + 3,50/19Em.—'0o,S | 3,50/à 955: 754,841 midi ee ce .751,227501,92| 7,5 
fa JEs. + 49010 PS 2,25/2 4/oo!à 10° 1s.......761,72|: d7im.......750,90|760,12| 9,0 
ga ds "Heron homme go ot5fagtin....... 762,324 g9Ls........756,10|761,50 6,8 
195. + 3cola1os, + 17|4+ 275473 m.......740,02 à515s.........746,50|748»%40| 6,1 
midi. + 4 40/17 Lin. Æ 1,752 4.4olà midi. « .-749306|à 5 Ls........740,90|749:06| 6,4 
[a nudi. + 4,75l18s Æ c,60|+ 4751485... ..799,70|à 7 = m.......703,60|75460| 6,4 
:3fags. + 1,00|à 10Ès.— 2,00| + o,60fà joie a à .762,00|à 7 3 m...... .759,60|760:66| 5,2 
2qla midi, + 0,50|1915, — 1,25| 4 o.5olà 9 is. LL L76870 a î 3e... 763,92|765:36| 4,7 
2543 $& —o,10|à7£in.— 1,75|— 0o,75|à 105.........771,64|à 7 ? m.......770,16|770:76| 4,4 
26 32s. + 9,o0|à74ia. — 2,00 — 0,10 àb3m SHtdote 772 2,30 à 10 5. .......708,28[771:20| 5,2 
27làa audi. — 1,001 75 m.— 3;40— 1,00 1721m........765,14|à 9 25........760,80|763;78| 4,6 
Das. — 0,25 7 im. — 4,25 — 0,75à95S. ... 4.759,80 285. AE RE 785,92] 4,4 
2gla3s — 0,29/à7+m.— 750|— 2,50jà à Ses... 7640 7 £ M. ...... 762,90|763,96| 4,0 
3ola 3s. + 2,00|à7im.— 3,00|+ 0, PE TO eee 761, de D Sue ...759,00|766,44| 2,4 
A | Moyennes + 5,77; + 1,15|4+ 5,44| 760,87] 797,41|759,42| 6,4 


Nous continuer rons celle année à exprimer la te mpérature au degré du thermomètre cen- 


centièmes de millimètre, Comme les observations faites à midi sont ordin: urement celles qu on 


le thermomètre de correction. 


A la plus grande et à la plus petite élévation du baromètre 


conclus de ensemble des observations, d’où il ser a aisé de déterminer la température royenne 
conséquent , son éléyahion au-dessus du niveau ae la mer, La température des caves est également 


À L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARIS. 
NOT EMBRE 1815. 


“|Hyc POINTS VARIATIONS DE L'ATMOSPHERE. 
a VENTS. us 
# L LUNAIRES. 
ces LE MATIN, A MIpl. LE SOIR. 
1] 77 IN-E. N.L. Re lou ciel, gelée bl, | Beau ciel, Beau ciel , léger Lr. 
2| &1 1dern. Idem, glace. Couvert, Beau ciel. 
3| 66 |N-O, Nuazeux. Idem. Idem, plà sh. 
4] 84 NE. Idem, br. gelée bl. |Légers nuages à l'hor.| 1dern. 
0] 64| dem. Beau ciel, browullard.|Couvert, brouillard. |Couvert, brouillard. 
6! 821$. Couvert, brotullard. | Beau ciel, br. à l'hor.| Beau ciel. 
7| 66 |S-O. Beau ciel, brouiilard.| Légers nuages, br. |lrès-nuageux. 
ë| ç2|0. Piuie av. le jour, br.|Quelques éclaircis.  [Couvert. 
9] 95|O-S-O.  |P.Q.40h43/m.|Puie, brouillard. Pluie fine, Idem. 
10| 69 |[U. Lune apogée. | Couvert, brouillard. |Couvert. Idem. 
11] g1 |5-0. Idem. Idem. Idem. 
12! 69 |S. Idem. Idem. Idem. 
13| 095 |S-O:tr.for. Couvert. Pluie. Forte averse,à4età8h.|f 
14| 75 |S-S-O. Beau ciel. Légers nuages. Pluie. 
15] 86 |[N-0. Pluie et neige. Couvert. lrès-nuageux. 
16| &4 10. P.L.àrrh17/s.| Couvert. Petite pluie. Pluie à 7 h. 
17| 64 |S-5-O. Liem, br., gl., neig.|Couvert. Couvert. 
18| 86 |U. eau ciel, brouwllard.| Beau ciel, brouillard.|Beau ciel. 
19] 64 |S-U. Tdem, brouill. ép. [Nuageux, brouillard.|Couvert, 
20] go |E. Neige, brouillard. [Brouillard humide. |Couvert, brouillard. 
21| 94|[N-E. . Brouillard humide. |Couvert, brouillard. | Pie fine. 
22| 93| dem. Pluie fine. Pluie, brouillard. Neige abondante. 
23| 69! 1dem.  |D.Qauhifs.|Couvert, brouillard. |Couvert, brouillard. [Beau ciel. 
24| 89| Idem. Lune périgée. | Idem. Idem. Couvert. 
29] 83| Idem. Idem. Idem, Beau ciel, brouillard. 
26| 82| Idem. Beau ciel, brouillard.| Beau ciel. | Idem. 
27| 81] Zdem. Idem. Nuageux. Couvert. 
26] 86 |N-O. Idem, Lier. Idem, 
29] 821S-E. Idem. Beau ciel, brouilllard.| Zdem. ve 
v0| 92/E, N Lau h1's. Couvert, brouillard. |Couvert. Quelques éclaircis. 
Û 
Moy. 66 RÉCAPITULATION. 
rs NE retro ere 
N-E... 250000 11 


Jours dont le vent a soufflé du S. 


le.1* 20,110 


Therm. des caves \ 


D 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 36""70= 1 p. 4 lig. 3 dixièmes. 


| centigradez. 


le 16 12°,588 


tigrade , et la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, c'est-à-dire en millimètres et 
emploie généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromètre, on a mis à côté 
et du thermomètre, observés dans le mois, On a substitué le #7aæimum et le minimum moyens, 
du mois et de l'année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoire de Paris, et paz 


exprimée en degrés centésimaux , afin de rendre ce Tableau uniforme, 


422 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
À 
DE LA FORCE DÉCOMPOSANTE 
DU PRINCIPE SUCRÉ 
SUR LES SELS ET SUR LES OXIDES MÉTALLIQUES; 


Par M. VOGEL, DocTEUR Ès-SCIENCES. 


Présenté à l’Institut, le 235 janvier 1815. 


LEs progrès rapides dont la science est redevable aux travaux 
des chimistes l’ont fait changer de face d’une manière très- 
frappante. 

On n’osoit pas croire, il y a quelques années, que les acides 
pouvoient être neutralisés par d’autres corps que par les subs- 
tances alcalines ou par les oxides métalliques. 


Leur combinaison neutre avec l'alcool est cependant un fait 
avec lequel nous sommes très-familiarisés aujourd’hui. L'union 
de l’acide muriatique avec les huiles volatiles, qui constitue un 
composé, partageant quelques propriétés du camphre; celle des 
acides avec la gonme, l’albumine, la graisse, l’urée, etc., est 
maintenant reconnue de tous les chimistes. 


Outre les bases salifiables, on ne connoissoit qu’un petit 
nombre de corps susceptibles de décomposer les sels métalliques 
à une température peu élevée. 


Je me propose de faire voir, dans ce Mémoire, que beaucoup 
desels métalliques peuvent être décomposés par un grand nombre 
de substances du règne organique, sans qu’on ait besoin d'élever 
la température de beaucoup au-dessus de celle de l’eau bouillante. 


Il faut placer le principe sucré au premier rang de toutes 
les matières qui décomposent les sels métalliques avec énergie. 
Toutes les autres manifestent une action bien inférieure à celle 
du sucre; quelques-unes n’ont même aucune action décomposante 
sur les sels métalliques et sur les oxides isolés. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 423 


Sucre et Acélate de Cuivre. 


Je fis dissoudre 5o grammes d’acétate de cuivre dans une 
quantité suflisante d’eau bouillante , et je versai la liqueur chaude 
dans une cornue de verre tubulée, contenant 5o grammes de 
sucre en poudre. La cornue étoit munie d’un ballon tubulé, 
et celui-ci d’un tube recourbé qui plongeoit sur des cloches 
remplies de mercure. 

L'appareil ainsi monté, je portai la liqueur à l’ébullition. 

Le sucre s’est dissous dans la dissolution de l’acétate de cuivre. 
1 se forma bientôt une poudre rouge sans qu’il y eût aucun 
D Dore de gaz (x). J’ai démonté ensuite l'appareil après 
le refroidissement. Le ballon contenoit beaucoup d’acide acétique. 

Le liquide de la cornue fut décanté, et le précipité rouge 
suffisamment lavé et desséché. 


La liqueur décantée, légèrement bleuâtre, fut introduite de 
nouveau dans la cornue, avec 25 grammes de sucre; je l’en- 
tretins bouillante pendant un quart d’heure. Une petite quantité 
d'une poudre brune moins belle se forma alors, etil passa encore 
dans le récipient du vinaigre radical. 


Par cette seconde ébullition avec une nouvelle quantité de 
sucre , le liquide avoit tout-à-fait perdu sa couleur bleue; il étoit 
d’un brun clair et d’une odeur forte d’acide acétique. 


Pour retrouver les 75 grammes de sucre employés, jé réunis 
les eaux de lavage du dépôt rouge à la liqueur décantée que je 
ruis à évaporer dans une capsule de porcelaine pesée d'avance. 

Il s’en volatilisa encore beaucoup d'acide acétique. 

J’ai rapproché jusqu’à ce que la masse, quoique presque bouil- 
Jante, eût la consistance d’un sirop épais. Elle devint solide 
par le refroidissement et ne pesa que 67 grammes, malgré le 
cuivre et l’acide acétique combinés. 


Cette matièré sucrée, solide et cassante, attire fortement 
l’humidité de l'air et se liquéfie entièrement au bout de quelques 
Jours, 

EEE 


(1) Lorsque tout le dépôt rouge eut été formé, il se dégagea, vers la fin 
de l’ébullition, une quantité de gaz acide carbonique si petite , que je serois 
tenté d’attribuer sa formation à un peu de sucre trop chauflé contre les 
parois de la cornue. 


424. JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Lorsque la couleur bleue de la dissolution de l’acétate de 
cuivre est entièrement détruite par le sucre, le liquide brun 
contient néanmoins du cuivre, quoique l’ammoniaque ne puisse 
pas dénoncer sa présence. Je n'en suis assuré de la manière 
suivante : - 

D'abord le prussiate de potasse y forme un précipité brun; 
la potasse y produit un précipité Jaune, mais qui ne paroît 
qu'après plusieurs minutes. 

L’ammoniaque, à la vérité, ne colore pas la dissolution en 
bleu; cependant, si l’on transvase souvent la liqueur, elle acquiert 
au bout de quelque temps une teinte bleuâtre, 


J’ai dit plus haut qu’une portion considérable de sucre qu'on 
fait bouillir avec l’acétate de cuivre disparoissoit, sans cependant 
qu'aucun dégagement de gaz eût lieu. 

1] faut donc qu'une partie de ce sucre soit décomposée et 
concoure à produire de l’eau. 


Les expériences que l’on lira plus bas, où j'ai Fait agir l'huile 
de térébenthine sur l’acétate de cuivre, et le sucre sur l’oxide 
brun de plomb, appuieront cette assertion. 

Je reviens à la poudre rouge qui se forme par l’ébullition 
de l’acétate de cuivre avec le sucre. Sa couleur est plus ou 
moins intense selon la durée de l’ébullition. 


Pour lavoir d’un beau rouge foncé, il faut retirer la cornue 
du feu immédiatement après sa formation. Lorsque l’on fait 
bouillir plus long-temps, elle devient un peu plus briquetée. 


La poudre rouge se dissout entièrement et sans effervescence 
dans l'acide muriatique; il en résulte un sel blanc insoluble 
dans l’eau et très-soluble dans un excès d'acide muriatique. Sa 
dissolution dans l'acide murialique est précipitée en jaune par 
la potasse. 


Ces expériences prouvent suffisamment que la poudre rouge 
n'est autre chose que du protoxide de cuivre très-pur (oxide 
au: 72 CPIUN ). 

Comme 5o grammes d’acétate de cuivre ne m'ont fourni que 
15 grammes de protoxide, il est évident quele sucre n’en avoit 

as séparé la totalité de loxide, et qu’une partie en devoit être 
restée dans la liqueur avec le sucre; car, sélon Proust, l’acétate 
de cuivre contient, 0,39 d’oxide. *; Ma eV 

L'acélate de cuivre est décomposé à peu près-de la même . 

manière : 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 425 


manière par le sucre de lait, le sucre d’amidon, la mélasse, 
la manne, le miel (r), et très-foiblement par le sucre de 
raisin, 

Mais de tous ces principes, c’est le sucre de canne qui oc- 
cupe le premier rang; il décompose l’acétate de cuivre avec la 


plus grande facilité, et produit le protoxide de la couleur la 
plus intense. 


La matière qui paroît s'éloigner beaucoup des sucres quant 


à son action sur l’acétate de cuivre, est le préncipe doux de 
Scheele. : 


J'ai fait bouillir de l’acétate de cuivre avec du principe doux 
de Scheele privé de plomb, et rapproché jusqu'à consistance 
de sirop. | 

Il a fallu une très-longue ébullition pour que la liqueur passât 
au bleu pâle. J’ai apercu une légère odeur de vinaigre. Ce n’est 
qu'après le refroidissement qu'il s’est déposé une très- petite 
quantité de protoxide de cuivre. 

La dissolution d’acétate de cuivre, quoiqu’elle n’eût pas sen- 


siblement perdu sa couleur bleue, avoit cependant éprouvé 
ua changement remarquable. 


La potasse en excès , au lieu d’y former un précipité, donne 
au liquide une couleur d’un bleu d’azur , parfaitement semblable 
à la dissolution de l'hydrate de cuivre dans l’'ammoniaque. La 
potasse dissoudroit donc ici l’hydrate de cuivre. 


Les substances qui ont encore moins d'action que le principe 
doux, sont l'huile d'olive et la gélatine animale. 


La graisse de porc et la cire surtout, que j'ai fait bouillir 
avec une dissolution d’acétate de cuivre, se colorent en bleu 
et dissolvent l'hydrate de cuivre; la dissolution de l’acétate devient 
très-pâle, contient beaucoup d'acide acétique libre, mais il ne 
se dépose pas de protoxide de cuivre. ; 


La gomme arabique, que j'ai fait bouillir long-temps avec 


de l'acétate de cuivre, n’a pas produit la moindre trace de 
protoxide, 


(1) Le protoxide de cuivre qui se forme par le miel est toujours d’un 
jaune d’ocre, et jamais aussi beau que celui obtenu à l’aide des autres 
subtances sucrées. 


Tome LXXXI. DÉCEMBRE an 1815. lii 


426 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

Lorsque l'on fait bouillir ces corps avec une dissolution d’acé- 
tate de cuivre, à peine se forme-t-il une petite quantité de 
protoxide de ce métal. 


Sucre et Sulfate de Cuivre. 


J'ai fait bouillir une dissolution de sulfate de cuivre avec 
du sucre, en employant le même appareil que celui dont je me 
suis servi pour l’acétate de cuivre. 

Il ne se dégagea aucun gaz ; mais, au bout de quelque temps, 
il se déposa une poudre rouge très-diflérente du protoxide de 
cuivre ; elle a le brillant métallique, et ne se dissout pas dans 
l'acide muriatique. C’étoit du cuivre métallique très-divisé. 

Lorsque l'on fait bouillir long-temps le sulfate de cuivre avec 
du sucre, la liqueur devient d’un brun noirâtre; dans ce cas, 
l'acide sulfurique paroît agir sur le sucre. 

Toutes les autres espèces de sucre, ainsi que le miel et la 
manne, précipitent le cuivre métallique d’une manière, quoique 
plus lente, du moins à peu près semblable. 

Ce liquide est précipité en jaune par la potasse; il doit donc 
contenir du proto-sulfate acide de cuivre (1). 

Le principe doux de Scheele, au lieu de séparer le cuivre 
en état métallique, y forme un peu de protoxide, et la liqueur 
surnageante acquiert par la potasse une couleur bleue céleste 
sans qu'il se forme de précipité. 

L'huile d'olive et la gélatine animale agissent encore bieu 
plus foiblement sur le sulfate de cuivre. 


Nitrate de Cuivre. 


Lorsque l'on fait bouillir une dissolution de nitrate de cuivre 
avec du sucre, il ne se forme aucun précipité, ni de protoxide, 
ni de cuivre métallique. La liqueur reste parfaitement transpa- 
rente dans son plus haut degré de concentration et même après 
le refroidissement. 


10 


(1) Selon M. Proust, le proto-sulfate de cuivre ne peut pas étre obtenu en trai- 
tant le protoxide par l'acide sulfurique ; mais il paroît qu’il s’en forme par cette 
voie indirecte. à 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 427 


Ii semble néanmoins que le nitrate a subi une espèce de dé- 
composition, car la potasse forme dans la liqueur un précipité 
plus ou moins jaunâtre. 


En faisant bouillir le nitrate de cuivre pendant long-temps 
avec le sucre de lait, il se dépose une petite quantité de cuivre 
métallique. Il ne seroit donc pas impossible que le sucre pût 
produire le même effet par une plus longue ébullition. 


Muriate de Cuivre. 


Une dissolution de muriate de cuivre, neutre autant que 
possible, a été introduite dans un matras avec du sucre en 
poudre. 


Le matras, muni d’un tube recourbé qui plongeoit sous des 
eloches remplies de mercure, a été mis sur des charbons ardens. 
La liqueur, entretenue en ébullition pendant quelque temps, 
ne laissa dégager aucun gaz. Un peu d’eau étoit passée sous la 
cloche, mais pas une trace d’acide muriatique. 


Aucune poudre rouge ne s’étoit formée pendant l’ébullition ; 
mais après le refroidissement il s’étoit déposé une quantité notable 
d’une poudre blanche cristalline. 


La liqueur surnageante verte étoit très-acide ; l'acide paroït 
cependant y être fixé, parce qu’il ne passa aucune bulle de gaz 
muriatique sous la cloche pendant l’ébullition du liquide. 


La potasse forme dans la dissolution un précipité jaune, ce 
qui feroit croire qu’elle contient un proto-muriate acide de 
cuivre. 

La poudre blanche cristalline qui s’étoit déposée après le 
refroidissement du muriate de cuivre, est insoluble dans l’eau 
et soluble dans l’acide muriatique. Cette dissolution est précipitée 
en jaune par la potasse. Le dépôt blanc étoit donc un proto- 
muriate de cuivre zeutre. 

Je suis parvenu à désoxider beaucoup d’autres sels au moyen 
da sucre; mais les quatre genres de sels dont la base métallique 
est propre à décomposer l’eau, m'ont paru inaltérables par celte 
substance. 

En effet, je fis bouillir long temps une dissolution d’acétate 
de zinc avec du sucre; la liqueur finit par se brunir, mais il ne 
se développe pas d'acide acétique. 

lii 2 


425 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Le sulfate de zinc s'est comporté de la même manière. 

Je dois en dire autant des sels à base de fer, d'étain et de 
manganèse, ë 

_L’acétate de plomb que l’on fait bouillir avec du suere ac- 
quiert bientôt une couleur brune, prend une odeur semblable 
à celle que l’on remarque à l'extrait de saturne , mais il ne se 
forme aucun précipité. 1] n’y eut pas d’acide acétique mis à nu. 


Il seroit cependant possible qu’une partie du sel fût décom- 
posée ; car on verra plus bas que l’oxide de plomb en certaines 
proportions peut former un composé très-soluble avec le sucre. 


SUCRE ET SELS A BASE DE MERCURE. 
Nüitrate de Mercure. 


Une dissolution de proto-nitrate de mercure (au minimum) 
a élé mélée avec une dissolution de sucre. Le mélange resta 
parfaitement clair à la température ordinaire de l’atmosphère ; 
mais aussitôt que le liquide fut porté à l’ébullition, il se troubla, 
quoique très-étendu d’eau, et laissa déposer un précipité noir. 
Cette poudre, étant lavée et légèrement desséchée, présenta du 
mercure métallique très-divisé et mêlé d’une pelite quantité 
d’oxide noir. 

La liqueur surnageante , bien plus acide que n’étoit la disso- 
lution employée, contenoit encore du protoxide de mercure que 


je n'ai pas pu en séparer par une ébullition plus continue avec 
du sucre. 


: 


Proto-muriate de Mercure (Mercure doux). 


Le proto-muriate de mercure, obtenu par la précipitation 
du proto-nitrate au moyen du muriate de soude, a été sufli- 
samment lavé.et mis en ébullition pendant long-temps avec une 
dissolution de sucre. Le sel n’éprouve pas le moindre change- 
ment de couleur. 


Le mercure doux ordinaire, provenant d'un mélange de su- 
blimé et de mercure coulant , est cependant devenu légèrement 
noirâtre en le faisant bouillir avec une dissolution concentrée 
de sucre. 

Il y a plus, le proto-muriate précipité, quand on l’a fait su- 
blimer, devient aussi noirâtre par l'ébullition avec le sucre. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 459 

On sait que la pesanteur spécifique du proto-muriate précipité 
est bien inférieure à celle du proto-muriate sublimé , et je ne 
saurois trop à quelle cause attribuer. cette diflérence. 

Quoi qu’il en soit, j'ai remarqué qu’en faisant sublimer le 
proto-muriate précipité, suffisamment lavé , il s'en dégage du 
gaz nitreux. Il seroit donc possible que la coexistence de l'acide 
nitrique et muriatique s’opposât à l’action décomposante du 
sucre. 


Muriate de Mercure per-oxidé (Sublimé corrosif). 


La dissolution de sublimé corrosif mêlée à celle de sucre, 
abandonnée à elle-même pendant plusieurs jours, ne perd rien 
de sa transparence; mais portant le mélange à l’ébullition, la 
liqueur devient laiteuse au bout de deux minutes. Il ne se 
dégage ni gaz acide muriatique, ni aucun aufre gaz. 


‘ Après le refroidissement , il se dépose une poudre blanche 
insoluble dans l’eau et dans l'acide nitrique, Arrosée d’une dis-, 
solution de potasse ou bien d’eau de chaux , elle devient noire, 
C’est donc évidemment du proto-muriate de mercure. 


à. 


J'ai essayé inutilement d'augmenter la quantité de sucre, 
jai réitéré en vain les ébullitions; jamaïs je n’ai pu parvenir 
à convertir en mercure doux la totalité du sublimé corrosif 
émployé. 

Deuto-acétate de Mercure: 


Je me suis procuré ce sel, en faisant dissoudre de l’oxide 
rouge de mercure dans du vinaigre radical. La liqueur, éva- 
porée à siccité, me présenta le sel en forme cristalline irrégu- 
lière. Ce deuto -acétale fut introduit dans une dissolution de 
sucre; il s’y est dissous d’abord; mais au bout de quelques 
minutes d’ébullition, il se forma une grande quantité de pail= 
lettes blanches nacrées, peu solubles dans l’eau, et qui deviennent: 
noires par l’action de la potasse. j 


_ Tout le deuto-acétate de mercure étoit passé à l’état de proto 
acétate, connu sous le nom de Zerre feuilletée mercurielle. 


Sucre et Nitrate d'Argent. 


Les dissolutions de nitrate d’argent et de sucre ne se troublent 
pas mutuellement à froid. Mais aussitôt que l’on porte le mé- 


430. JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


lange à l’ébullition, le liquide se colore et laisse déposer une 
poudre d’un brun noirâtre. 


Ce précipité, étant lavé et desséché, n’a pas l'éclat métal- 
lique. J’ai cependant reconnu , au moyen de l'acide muriatique 
et de l'ammoniaque, que c'étoit un mélange d'argent métallique 
très-divisé et d’oxide d'argent. 


Sucre et Muriale d’Or. 


Il étoit facile de prévoir que le muriate d’or, si décompo- 
sable par les substances du règne organique, devoit éprouver 
du changement par laction du sucre; aussi ne l’ai-je employé 
que dans l'intention de compléter la série de ces expériences. 


Une dissolution neutre de muriate d’or a été mêlée avec une 
dissolution de sucre. Le mélange introduit dans un flacon qui 
en étoit presqu’entièrement rempli, a été chauflé au bain-marie. 
A peine l’eau du baïn avoit-elle acquis le degré de l’ébullition, 
que le muriate d’or dans le flacon se troubla et laissa déposer, 
une poudre d’un rouge clair. Mais lorsque l’on porte le muriate 
d’or avec le sucre à l’ébullition , il se dépose une poudre d’un 
rouge foncé. 


Le principe doux de Scheele précipite aussi dans le muriate 
d’or une poudre d’un pourpre foncé à la simple chaleur du 
bain-marie. 

SUCRE ET OXIDES MÉTALLIQUES. 


Per-oxide de Mercure (Oxide rouge). 


J'ai fait bouillir de l’oxide rouge de mercure, réduit en poudre 
fine, avec une dissolution de sucre de canne, après quelque 
temps _d'ébullition, loxide avoit perdu de son intensité de cou- 
leur ; je filtrai la liqueur, qui ne contenoit cependant pas de 
mercure en dissolution. 

L'’oxide recueilli sur le filtre, étoit d’un gris noirâtre, l’acide 
muriatique n’en dissout qu’une partie, en LAOAT une poudre 
blanche, insoluble, qui est noircie par les alcalis. 

La poudre noirâtre étoit donc un mélange de proto et de 
per-oxide de mercure (oxides noir et rouge). 

La manne enlève aussi de l’oxigène au per-oxide de mercure ; 
le sucre de lait est bien moins propre à opérer cette désoxidation. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 43r 


SUCRE ET OXIDES DE PLOMB. 
Miniurmn. 


J'ai fait bouillir du minium porphyrisé avec une dissolution 
de sucre : après une demi-heure d’ébullition, j'ai filtré la 
liqueur toute chaude; je me suis assuré, au moyen de l’hydro- 
sulfure d’ammoniaque et du sulfate de soude, qu’elle contenoit 
beaucoup de plomb en dissolution. 


Au contact de l'air, ce liquide se couvre d'une couche de 
carbonate de plomb; il se trouble de même quand on y souffle 
pendant quelque temps au moyen d’un tube. 


L’oxide de plomb s’y trouve-t-il dissous par le sucre ? ou 
s’est-il formé de l'acide acétique ? Pour résoudre la question, 
J'ai introduit le liquide sucré dans une cornue tubulée, et j’ai 
distillé après y avoir ajouté de l'acide sulfurique étendu d’eau. 
* Beaucoup de sulfate de plomb s’est déposé; mais il n’a pas 
passé dans le récipient une trace d’acide acétique; même l'odeur 
de cet acide ne s’est nullement manifestée, 


Cinq grammes de minium ont élé mis en dissolution avec 
dix grammes de sucre dissous dans l’eau. 


Après avoir filtré la liqueur et lavé le résidu, j'ai desséché 
à la température de l'eau bouillante le restant du minium. Ce 
résidu étoit bien moins rouge que le minium employé, et res- 
sembloit en quelque sorte à la litharge : il pesoit 4,4 grammes ; 
il avoit donc perdu 0,6 grammes de son poids. 


La dissolution de sucre, chargée de plomb, laisse déposer 
par le refroidissement une matière blanche, sur laquelle Je re- 
viendrai plus tard, en parlant de la litharge. 


Litharge. 


La litharge a été mise en ébullition avec le sucre dissous 
dans l’eau : la liqueur filtrée étoit très-chargée de plomb. 
Comme le sucre n'étoit point acide, le plomb n’a pu être 
dissous par l'acide acétique. 

A l’article minium, j'ai déjà fait voir que l’acide acétique 
ne se forme pas aux dépens du sucre et du plomb oxidé, L’ex-, 
périence suivante appuie encore, jusqu’à un certain point, cette 


432 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


assertion : j'ai fait bouillir le carbonate de plomb, ou la céruse 
du commerce, avec une dissolution de sucre, sans pouvoir 
Jamais trouver un atome de plomb dans la liqueur. 


Si l'acide acétique étoit adhérent au sucre, ou bien s’il s’en 
étoit formé par l’ébullition , il auroit nécessairement dû dissoudre 
une quantité de plomb du carbonate employé. 


En faisant évaporer dans une étuve la dissolution de la 
Litharge par le sucre, il reste une masse visqueuse, qui se refuse 
à donner des cristaux. | s 

Lorsque l’on filtre la dissolution, concentrée et bouillante, 
dans un flacon, qui en est entièrement rempli,.et que Pon porte 
ce flacon bien bouché dans un endroit frais, on trouve au bout, 
de vingt-quatre heures une multitude de grumeaux d’un blane 
de neige, semblables au chou-fleur, | 4 

J'ai décanté le sirop : par l’exposition à une température de 
la glace fondante, il laisse déposer encore une nouvelle quan- 
tité de matière blanche, et perd par là, beaucoup de sa con- 
sistance. 


Le dépôt, suffisamment lavé par l’eau, est rès-léger et sans 
saveur : chauffé lentement dans un creuset, il se carbonne, 
devient incandescent , exhale une odeur de caramel, et il ne. 
reste définitivement que de petits globules de plomb métalliques; 
il est inaltérable à l'air et n'en attire pas l’humidité (x). 

L’eau et lalcool que l'on a fait bouillir avec lui, contiennent, 
à peine de foibles traces de plomb en dissolution. 

L’acide sulfurique que l’on fait chauffer avec lui, le noircit,. 
et il se forme du sulfate de plomb. 


La matière, suffisamment lavée, a été délayée dans un peu 
d'eau; j'y ai fait passer un courant de gaz hydrogène sulturé,. 

Le sulfure de plomb séparé, j'ai évaporé le liquide filtré, 
qui m'a fourni une substance blanche, cassante, jouissant de 
toutes les propriétés du sucre. 

De cinq grammes de ce composé blanc, j'ai retiré un gramme 
de sucre. Ù 


(1).Gette matiere insipide, laisséélong+temps à l'air, reprend cependant 
une saveur sucrée, et dans cet état elle fait effervescence avec les acides. Il 
paroît que , dans cette circonstance, l’acide carbänique de l’air s’est combiné 
ayec l’oxide de plomb , et'en a séparé une quantité de sucre. 

Le 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 433 


: Le sucre devient donc tout-à-fait insoluble dans l’eau, quand 
il est combiné en certaines proportions avec l’oxide de plomb; 
il peut former aussi un composé soluble, comme le prouve le 
sirop qui contient du plomb en dissolution. 


Dix grammes de lithärge ont été mis en ébullition avec 5o 
grammes de sucre dissous dans l’eau : la liqueur filtrée, et le 
résidu lavé à l’eau chaude, je n'ai retrouvé sur le filtre que 
7,3 de litharge desséchée; il y avoit donc 2,7 de disparu. 


On voit que la litharge se dissout en beaucoup plus grande 
quantité dans le sucre, que ne le fait le minium (1). 

Le sucre de lait dissout Ja litharge à l'aide de l’ébullition : 
la liqueur, très-brune, est chargée de plomb. 


Le résidu sur le filtre, présente une poudre d’un jaune sale, 
qui retient, même après les lavages, du sucre de lait chimi- 
quement combiné (2). 


Par l'exposition à la chaleur, ce résidu pulvérulent se car- 
bonise, et le plomb se réduit. | 

Le sucre de lait se combine donc avec l’oxide de plomb, 
et forme deux composés différens, dont l'un est liquide et 
l’autre insoluble dans l’eau. 


Oxide puce de Plomb. 


Un gramme d’oxide puce de plomb, bien desséché, a été 
mis en ébullition avec 10 grammes de sucre dissous dans l’eau : 
la couleur brune de l’oxide a bientôt disparu, et il est resté 
use poudre d’un rouge pâle, blanchâtre. 

J'ai mis le liquide tout bouillant sur le filtre : le résidu, étant 
suffisamment lavé et desséché, ne pesa plus que 0,4 grammes; 
il y avoit donc 0,6 de perte. 

Dans le liquide j'ai versé de l’acide sulfurique, ce qui m'a 
donné 0,4 de sulfate de plomb desséché. Comme ce sel contient 


: (1) La manne dissout aussi le minium et la litharge , et laisse déposer , par 
le refroidissement , une matière blanche , qui est en moindre quantité que 
celle qui provient du sucre. 

(2) M. Berzelius annonce , dans les Annales de Chimie, cahier du mois de 
novembre 1814, qui vient de paraître, que le sucre , la gomme , l’ami- 
don, etc. peuvent se combiner avec l’oxide de plomb; mais je ne connais 
encore aucun détail de ses expériences. 


Tome LXX XI. DÉCEMBRE an 1815. Kkk 


434 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
0,75 d’oxide de plomb, il y a une perte assez grande, même 
en faisant abstraction de l’état du per-oxide de plomb, de est 
de beaucoup supérieur à l’oxidation du plomb dans le sulfate. 
Ii ÿ a plus, les 0,4 grammes de résidu n’étoient pas encore 
de l'oxide de plomb exempt de toute matière organique; car 
cette poudre, quoique bien lavée, brûle dans un creuset de 
platine chauffé, en répandant une odeur de caramel ; et l'acide 
sulfurique la rend noire à l’aide de la chaleur. : 


Pour me rendre raison de la manière dont les substances, 
que j'ai fait agir dans les expériences ci-dessus, opèrent la 
désoxidation des oxides métalliques, j'ai comparé l’action des 
huiles volatiles sur les mêmes oxides, à celle du sucre. Cette 
comparaison m'a conduit à l'hypothèse que je vais développer, 
mais à laquelle je suis bien loin d’attacher de l’importance. 

J'ai mêlé de l’huile de térébenthine avec une dissolution d’a- 
cétate de cuivre. L’huile acquiert de suite une couleur bleue, 
et semble dissoudre de l’acétate de cuivre ou du moins son 
bydrate. 

J’ai introduit le mélange dans un matras muni d’un tube 
recourbé qui plongeoïit sous une cloche remplie de mercure. 
Le liquide füt entretenu pendant quelque temps en ébullition, 
sans qu'aucun gaz passât sous la cloche. Il s'étoit cependant 
déposé une poudre rouge, qui, après avoir été lavée par l’eau 
et par l'alcool, présenta tous les caractères du protoxide de 
cuivre. 


J'ai fait dessécher des cristaux rhomboïdaux d’acétate de 
cuivre , à la température de l’eau bouillante; et je les ai mis 
en contact ävec l'huile de térébenthine, qui en a bientôt acquis 
une couleur bleue, Cette intensité augmente quand on chaufle 
légèrement le mélange. 


Lorsque l’on porte cette huile bleue à l’ébullition , il se fait 
un saut brusque, une effervescence vive qui ressemble à une 
espèce d’explosion ; l'huile perd sa couleur bleue, et il se dépose 
sur-le-champ du protoxide de cuivre. 

L’hydrate de cuivre, bien lavé et desséché, ainsi que la 
cendre bleue, produisent à peu près le même effet. 

L'huile se colore d’abord en bleu, il se forme ensuite du 
protoxide de cuivre, et l'huile devient brune et épaisse ; le bouil- 
lonnement très-vif et la décoloration ont presque lieu en même 
temps. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 435 


Dans les deux expériences que je viens de citer, on pourroit 
attribuer le mouvement brusque au dégagement de l'eau, car 
l'acétate de cuivre, ainsi que l’hydrate, en renferment une cer- 
taine quantité; mais je ne dois pas me faire la même objection 
dans l’expérience suivante. ; 


Le deutoxide de cuivre, provenant de la calcination d'un 
hydrate, a été mis en ébullition avec l'huile de térébenthine. 
Cette poudre ne contient certainement pas d’eau, et l’huile de 
térébenthine avoit été purgée d’eau par une ébullition soutenue; 
néanmoins les mêmes explosions ont eu lieu comme ci-dessus, 
et beaucoup de gouttelettes d’eau passèrent dans le récipient. 


L’huile de térébenthine, après quelques minutes d’ébullition, 
étoit devenue brune et avoit acquis une consistance résineuse 
très épaisse. Il s’étoit formé en outre une quantité de protoxide, 
qui resta mêlé avec le deutoxide employé. 


Huile de Térébenthine et Oxide puce de Plomb. 


Un gramme d’oxide puce de plomb a été introduit dans une 
cornue munie d’un récipient : après y avoir versé 20 grammes 
d’huile de térébenthine, j'ai chauffé jusqu'à faire bouillir l'huile. 


La liqueur étoit à peine entrée en ébullition, que j'ai retiré 
la cornue du feu; mais l'action de l'huile sur l'oxide étoit si 
vive qu’elle monta prodigieusement, et, sans un refroidissement 


subit que je lui fis éprouver , elle auroit passé infailliblement 
dans le récipient. 


A la suite de cette effervescence, l'huile étoit devenue très- 
brune et épaisse ; beaucoup de gouttelettes d’eau étoient passées 
dans le récipient , et l’oxide brun de plomb avoit passé au gris 
blanchâtre. 

Après avoir décanté l'huile, j'ai lavé l'oxide, à plusieurs re- 
prises, par l’alcool. | 

La matière desséchée présenta une poudre d’un blanc rou- 


geâtre, pesant 0,6 grammes; l’oxide puce avoit donc éprouvé 
une perte de 0,4. 


Cette poudre, projetée dans un creuset de platine échauffé, 
se boursouffle, devient incandescente et exhale une odeur de 
térébenthine ; il reste de l’oxide jaune de, plomb. 

Lorsqu'on la chauffe avec de l'acide, sulfurique, l'odeur de 
l'huile de térébenthine se manifeste d'une manière très-forte : 


Kkk 2 


436 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


la masse se boursouffle, charbonne , et il se dégage du gaz acide 
sulfureux. 

La poudre étoit donc une combinaison solide d’oxide de 
plomb avec l'huile de térébenthine, peut-être plus où moins 
résinifiée. 

En réfléchissant à ces derniers faits, on ne peut guère refuser 
d'admettre qu’en traitant de l’oxide puce de plomb desséché, 
avec de l'huile de térébenthine, il n’y ait formation d’eau; je 
crois même que ce que je viens de dire de la réduction du 
plomb par l'huile de térébenthine, s'applique à toutes les ré- 
ductions de même espèce; je crois, dis-je, que dans ces cas 
l’oxigène du métal se combine avec l’hydrogène du sucre ou 
de l'huile volatile pour former de l’eau, d’où 1l s'ensuit que le 
carbone et l’oxigène deviennent plus dominans dans les subs= 
tances employées. 

CONCLUSIONS. 


11 résulte des expériences ci-dessus : 


19 Que la dissolution de l'acétate de cuivre. est décomposée 
par le sucre; l'acide acétique se dégage, il se précipite du 
protoxide de cuivre, et la liqueur surnageante est un proto- 
acétate de cuivre; 


20 Que le sucre de lait, le miel, la manne et les autres es- 
pèces de sucre partagent jusqu’à un certain point cette propriété 
décomposante ; 

30 Que la gomme arabique ne décompose pas ce sel, et que 
le principe doux de Scheele, la gélatine, la graisse et la cire 
ne décomposent l’acétate de cuivre que d'une manière foible et 
très-imparfaite ; 

4° Que le sulfate de cuivre est décomposé par le sucre, 
mais qu’au lieu du protoxide il se précipite du cuivre mé- 
tallique; que toutes les autres espèces de sucre, ainsi que la 
manne, agissent à peu près de la même manière sur le sulfate 
de cuivre ; 

5° Que les nitrate et muriate de cuivre ne laissent pas dé- 
poser du protoxide par le sucre, mais qu’il se forme dans cette 
circonstance des sels à base de, protoxide; 

60 Que les sels dont les bases métalliques décomposent l’eau, 
comme ceux de fer, de zinc, d'étaiÿ et de manganèse, sont 
indécomposables par le sucre ; #1 ? 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 437 


‘79 Que le nitrate de mercure est réduit par le sucre, que 
le mercure doux n’en est pas sensiblement altéré, mais que 
le sublimé corrosif est ramené à l’état de mercure doux , et 
que l’acétate de mercure per-oxidé est réduit au protosacétate 
de mercure au moyen du sucre; 

80 Que le nitrate d'argent et le muriate d’or sont très-faci- 
lement décomposables par le sucre; 


9° Que le per-oxide de mercure est ramené à l’état de protoxide 
par le sucre et la manne; 


10° Que les oxides de plomb sont très-solubles dans une dis- 
solution de sucre; que le sucre et le sucre de Jait, en se com- 
binant avec l’oxide de plomb, peuvent former des composés 
tout-à-fait insolubles dans l’eau; que la manne peut tenir une 
quantité notable de plomb en dissolution; 


110 Que le sucre désoxide partiellement l’oxide brun de plomb, 
et que l'huile de térébenthine peut former une combinaison 
chimique avec l’oxide de plomb ; 


120 Qu'il paroît que dans toutes ces désoxidations il se forme 
de l’eau aux dépens de l’oxigène du métal et de lhydrogène 
du sucre, du moins cette assertion devient probable par l’ana- 
logie de l’action des huiles volatiles sur les oxides (1). 


(1) Lorsque je présentai ce Mémoire à l’Institut il y a onze mois, on ne 
connoissoit pas en France les détails d'expériences dus à M. Berzehus , sur 
la combinaison des matieres du regne organique ayec les bases salifiables, 
et je n’ai pu parler de ce travail que dans la note qui se trouve à la page 433. 

Le Mémoire du célèbre chimiste Suédois a paru depuis en entier (voyez 
Annales de Chimie , tome XCV, pag. 51 }; j'ai la douce satisfaction de m’être 
rencontré avec ce digne successeur de Scheele sur plusieurs points , et d’être 
arrivé au même résultat, quoique j'aie employé une marche différente. 


AV. 


438 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


DES BATEAUX ET VAISSEAUX 
MUS PAR DES MACHINES A VAPEUR; 


Par J. C. DELAMÉTHERIE. 


. On fit à Paris, il y a plus de trente ans, l'essai d’un chariot 
à quatre roues, mu par une machine à vapeur. Une chaudière 
pleine d’eau étoit placée sur le chariot, et chauffée par un four- 
neau, à un assez haut degré pour réduire l’eau en vapeur. A la 
partie postérieure de la chaudière étoit un tuyau par lequel s’é- 
chappoit avec rapidité la vapeur de l’eau, à peu près comme elle 
le fait dans un éolipyle. Cette vapeur éprouvoit une assez grande 
résistance de la part de l'air, pour donner au chariot un mou- 
vement en avant. Ce mouvement pouvoit lui faire parcourir plus 
d’une lieue par heure. 


Les bateaux à vapeurs sont construits d'après un autre priu- 
cipe. La vapeur fait mouvoir dans l’eau de grandes roues ana- 
logues à celles des moulins à eau. 


On fait remonter à l'an 1797, l'invention de ces bateaux , ou 
au moins la première application de cet appareil. C’est à cette 
époque que M. Clarke montra à Leith en Ecosse, un bateau qui 
étoit mu par la vapeur. 


Il en parut un autre peu de temps après à Glasgow sur la 
rivière de Clyde : et aujourd'hui il y en a seize à dix-sept qui 
naviguent régulièrement sur cette rivière. 


On a établi de semblables paquebots réguliers à vapeur aux 
Etats-Unis, entre New-Yorck et Albany. 


On en a également construit au Canada sur le fleuve Saint- 
Laurent. 

M. Fulton en construisit un semblable à Paris sur la Seine, 
à peu près en 1800, qui vogua plusieurs heures. J’étois du 
nombre de ceux qui étoient sur le bateau. Nous partions au-des- 
sous des ponts, et nous descendions jusqu’au-dessous de Passi : 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 439 


de là nous remontions à l'endroit d'où nous étions partis ; ce 
qui se répéta plusieurs fois. Le bateau retournoit facilement et 
Sans éprouver aucune difficulté. 

Tous ces bateaux à vapeur n’avoient jusqu'ici été employés 
que sur les rivières, mais on vient d’en faire un essai heureux 
sur une mer orageuse, dans un voyage de Dublin à Eondres. 
Nous allons donner un extrait de ce voyage mémorable fait par 
M. Isaac Weld, tel qu'il l’a communiqué au professeur Pictet 
(Bibliothèque Britannique , an 1815, Cahier de septembre , 
page 56). Il commence par décrire la machine. 


La machine à vapeur, dit-il, p. 59, occupe le milieu du bâtiment; la 
chaudière est à droite en regardant l'avant, ou à tribord ; le cy- 
lindre et le volant faisoient contre-poids à gauche ou à bas bord. La 
force de la machine était estimée équivalente à quatorze che- 
vaux (1). Le jeu du piston met en mouvement de chaque côté 
du bâtiment, par un bras à manivelle, une roue verticale à 
aubes, fort ressemblante à celles des moulins que l'eau frappe 
en dessous, à la différence pour l'effet, que dans les moulins, 
le courant de leau fait tourner la roue et met en action le mé- 
canisme intérieur ; tandis qu'ici c’est la vapeur qui met en mou- 
vement les roues, dont les aubes frappant l’eau comme autant 
de rames verticales , prennent sur le liquide leur point d’appui 
et font marcher leur centre; c’est-à-dire, le bateau lui-même en 
avant. Ces roues ont environ onze pieds de diamètre, et elles 
plongent dans l’eau d’environ un quart de leur rayon, plus ou 
moins, selon les circonstances. Leur largeur est d'environ trois 
pieds six pouces, et elles sont fabriquées de tôle épaisse. Pour 
éviter le bruit désagréable provenant du clapotage des aubes à 
leur entrée dans l’eau, lorsque leur plan est parallèle à l’axe de 
Ja roue, ou perpendiculaire au plan de son mouvement, on a 
disposé obliquement ces aubes, de manière que chacune entrant 
dans l’eau par un angle, coupe le liquide au lieu de le frapper 
en s’enfoncant ; cette obliquité alterne pour chaque aube, égale- 
ment de part et d’autre du plan de la roue, de manière que 
l’action moyenne reste la même que si le plan des aubes étoit 
perpendiculaire à celui de la roue ; cette disposition oblique donne 


() La force d’un cheval est l’unité de convention adoptée pour désigner 
action de ces machines; et leur devis de construction montée ordinairement 
à autant de fois 5o liv. st. qu’elles représentent de chevaux. 


440 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


aux aubes une prise plus douce et plus uniforme; et lorsqu'on 
approche l'oreille de la cage qui enveloppe les roues, on n’en- 
tend qu'un murmure ou gazouillement léger. Il n’y a rien de 
désagréable dans le mouvement de la machine en général ; on 
l'entend à peine lorsqu'elle a été récemment huilée; ensuite les 
coups de piston commencent peu à peu à se faire apercevoir; 
et lorsqu'on est assis dans la cabine , ou appuyé contre quelque 
partie du bâtiment, on ressent un léger tremblement semblable 
à celui que produit l’action des rames, mais moins marqué et 
plus uniforme. Lorsqu'on écrit, la plume-éprouve comme une 
sorte de vibration qui n’affecte pas sensiblement l'écriture. 


La vitesse de la circonférence des roues est de vingt milles 
(6 lieues & ) à l'heure; et celle du bâtiment, lorsque l’eau est peu 
agitée, est d’envirou un tiers de celle des roues, c’est -à -dire, 
6 à milles à l'heure. La vitesse moyenne de celui dans lequel j'ai 
voyagé de Dublin à Londres (comme on le verra ci-après) a 
été d'environ 7 + milles par heure ; mais lorsque le vent étoit 
favorable, nous avons toujours ajouté la voile. Avec un bon vent 
et une mer qui n’est pas trop agitée, on peut eslimer la vitesse 
moyenne du bâtiment à r1 ou 12 milles à l'heure. Les roues ne 
sont pas placées précisément au milieu de sa longueur, mais 
entre la £et les £ du côté de l'avant. Cette longueur totale est 
d'environ go pieds, et sa largeur, au milieu du tillac, de 14 pi.; 
mais il paroît beaucoup plus large par l'effet d’une galerie qui 
se projette en dehors, de part et d’autre, et qui est garnie en 
dessous de manière à ne former qu’une surface continue avec le 
corps du bâtiment. On peut , au moyen de cette galerie, en faire 
le tour entier, excepté là où elle est interrompue par la cage des 
roues qui s'élève de quatre à cinq pieds au dessus du plan de la 
galerie, et où cette cage forme comme un boulevard autour de 
cette partie du bâtiment. Les croisées de la cabine s’ouvrent sur 
la galerie et non immédiatement sur l’eau. Le port du bâtiment 
est de soixante-quinze tonneaux. 

La fumée qui s'échappe du feu très-violent qu’on entretient 
sous la chaudière de la machine à vapeur, feu qui consume en- 
viron deux tonnes et un quart de houille de Whitehaven en 
vingt-quatre heures (r), cette fumée, dis-je, s'élève dans un 


(1) Le fourneau de la chaudière consumoit trois tonnes de houille d'Ecosse 
dans les 24 heures; on a trouvé que celle de Whitehayen et de Workington 


gros 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 441 


gros tuyau cylindrique de fer battu très-épais ; ce canal fait en 
même temps l'office de mât, et porte à sa vergue une grande 
voile carrée. La partie inférieure de ce mât-cheminée étoit si 
chaude qu’on ne pouvoit s’en approcher ; mais la voile ne couroit 
aucun risque, et on n'en avoit point non plus à craindre du foyer 
entretenu sous la chaudière. Le fourneau qui le contenoit repo- 
soit sur des briques fortement assemblées par des bandes de fer, 
et les paroïs intérieures du bâtiment étoient revêlues en tôle, 
Mais la chaleur autour du fourneau étoit presque insupportable 
pour toute personne qui n’y étoit pas habituée. Cependant le 
tiseur demeuroit à son poste pendant un nombre d'heures con- 
sécutives, et jamais plus de cinq minutes en repos; il étoit 
constamment occupé à tisonner sous la grille pour entretenir 
l'accès libre de l’air, et empécher la houille de se former en 
gâteaux qui obstruent son passage; il falloit aussi tisonner en 
dedans, et jeter.de temps en temps et peu à la fois du nouveau 
combustible par pelletées. Cette manipulation est essentielle 
pour maintenir l’activité uniforme du foyer. On apercevoit l’eflet 
de cette chaleur constante, dans la conträction de toutes les 
pièces de bois environnantes, et en particulier des pièces du 
plancher du pont ; mais le corps du bâtiment n’en étoit nulle- 
ment aflecté. 


Indépendamment de la voile carrée dont j'ai parlé, on en 
mettoit une triangulaire au mât de beaupré que portoit la proue, 
et une troisième voile au grand mât , qu'on pouvoit dresser ou 
baisser à volonté. 


On avoit peint en dehors de la galerie dix-huit grands sabords ; 
et l’aspect du bâtiment étoit si formidable à tous ceux pour qui 
il étoit un objet nouveau, qne plusieurs capitaines de frégate 
nous ont affirmé que s'ils l’eussent rencontré à la mer pendant 
la guerre , ils auroient cherché à le reconnoître avant de s’en 
approcher. 


Le commandement du navire avoit été donné à M. G. Dodd, 
jeune bomme fort résolu, qui étoit allé à Glasgow exprès pour 
’amener à Londres. Il avoit fait son apprentissage dans la marine 
anglaise, et il s’étoit distingué ensuite comme ingénieur civil, 
architecte et même topographe. Son équipage se réduisoit à un 


' 
duroïit plus Jeng-temps ; et que celle de Sivansea possédoit celte qualité dans 
un degré encore plus éminent. 


Tome LXXXI. DÉCEMBRE an 1855. LIL 


#42 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


contre-maître, quatre matelots du premier ordre , un ingénieurs 
forgeron, un tiseur et un mousse. C’étoit la première embar- 
cation de cette espèce qu’on eût jamais osé hasarder sur la mer 
orageuse qui termine le canal-de Saint-George, en doublant le 
cap Lézard ; mais plein de confiance en son bâtiment et son 
équipage , il mit hardiment à la mer (1). 

Le commencement de son voyage ne fut pas heureux ; le: 
temps étoit fort dérangé; et dans le canal étroit qui sépare l'E- 
cosse de l'Irlande, la mer est quelquefois terrible, par la ren- 
contre du reflux de la marée avee la forte houle qui vient de 
J’ocean Atlantique. Après avoir vainement tenté d'avancer, il 
fut forcé de chercher un abri à Loch Ryan. Une seconde ten- 
talive ne réussit guère mieux que la première; il gagna cepen- 
dant la côte d'Irlande, mais là il faillit perdre son bâtiment, 
par l'ignorance ou la maladresse d'un pilote qui ,; prenant un 
cap pour un autre, risqua de le jeter à la côte. Le capitaine 
Dodd m'a aflirmé qu'aucune force que celle de la vapeur n’au- 
roit pu pousser le bâtiment contre vent et marée, et le sauver 
du milieu des écueils. Il fit une halte à Dublin pour reposer son 
équipage et examiner la mécanique de l'appareil à vapeur (2). 

Le 25 mai, j'appris par un pur hasard, l’arrivée d’un bâtiment 
à vapeur à Dublin; je cherchai de suite à le voir, et je le trouvai 
prêt à partir, avee un grand nombre de curieux, pour montrer 
sa marche dans la baie. Je fus si enchanté de ce dont je fus 
témoin et de ce que j’appris de son passage de Glasgow à Dublin, 
qu'ayant eu l'intention de passer à Londres, je pris de suite la 


(1) Le second bâtiment à vapeur dont j'ai fait mention comme navigant 
sur la T'amise, y a été amené de Glasgow ; etun troisième, du même genre, 
est venu d’Ecosse à Hull; mais ils étoient d’une construction différente de 
celui-ci ; on pouvoit en ôter les roues motrices, et on m'a dit qu'ils avoient 
été amenés par la côte orientale de l'Angleterre, à voiles seulement et par 
un beau temps. S'il en estainsi, le bâtiment la 7'amise peut réclamer l’hon- 
neur d’avoir été le premier qui ait sillonné la haute mer, mü par la vapeur ; 
et il est certainement le premier de son espèce qui ait doublé le cap qui 
termine l’Angleterre à l’ouest, ou le Land's End. 

(2) Lorsque le bâtiment fut en vue de la baie, un pilote arrivant , comme 
à l’ordinaire, monta à bord d’un air effaré. — « Que voulez-vous devenir , » 
dit-il, au capitaine? — « Je veuxaller à Dublin, » répond froidement celui-ci, 
— «à Dublin! y pensez-vous ? avec un mât en feu et pas un pouce de voile ! »— 


. Le bonpilote prenoit pour un navire en détresse celte embarcation fumante ct 
sans voilure. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 443 


résolution de tenter l'aventure du voyage, en faisant le tour de 
la partie méridionale de l'Angleterre; et le dimanche suivant, 
28 à midi, nous mîmes à la mer, Plusieurs personnes s’embar- 
quérent avec nous par curiosité et seulement pour traverser la 
baie et aborder à Dunleary, à sept milles de distance; malheu- 
reusement la mer étoit fort grosse, et le roulis du bâtiment 
donna un violent mal de mer à presque tous les passagers. Nous 
avions à bord quelques ofliciers de marine, qui s’accordoient à 
dire que ce bâliment ne soutiendroit pas long-temps une grosse 
mer, et qu'il y auroit beaucoup de danger à s’aventurer loin 
de la côte. Cependant rien n’avoit soufiert dans ce passage, 
et le bâtiment avoit fait route au milieu des vagues en bien 
moins de temps que ne l’auroit fait le meilleur voilier. La crainte 
que témoignoient ces marins ne seroit-elle point l'effet d’une 
prévention peu raisonnée contre une forme de bâtiment inusitée ? 
Ma femme avoit eu le courage de m'accompagner : je ne lui 
dissimulai point l'opinion que j'avois entendu .énoncer et dé- 
battre ; mais quoiqu’elle eût beaucoup souffert, comme bien 
d autres, des angoisses si pénibles du mal de mer, elle persista 
dans l'intention de me suivre; et le soir, après avoir passé quel- 
ques heures à terre chez un de nos amis, nous remimes eu 
mer, seuls passagers. 

Le rivage éloit couvert de plusieurs milliers de spectateurs, 
qui nous souhaitoient un heureux voyage, à mesure que nous 
avancions dans la magnifique baie qui s'étend jusqu'à l'île Dalkey; 
la mer étoit très-calme, et nous comptions sur une navigalion 
très -agréable pour la nuit; mais lorsque nous fûmes hors de 
l'abri de la côte, nous retrouyâmes une mer trèshouleuse. Ce- 
pen lant, passé le premier jour, ma femme, trés-heureusement, 
ne souflrit plus du mal de mer. En eflet, le mouvement du 
vaisseau difléroit absolument de celui d’une embarcation poussée 
par des voiles ou des rames; l’action des roues sur l'eau, de 
part et d'autre, prévenoit le roulis; le bâtiment ne plongeoit 
Jamais de l'avant, et il flottoit sur le sommet des vagues comme 
un oiseau de mer. Le mouvement le plus désagréable avoit lieu 
lorsque les vagues prenoient le bâtiment par le travers; mais 
ICI encore, sa construction particulière lui procuroit un grand 
avantage ; car les cages qui renfermoient les roues agissoient 
comme autant de bouées, ou d'allèges, qui contribuoient à 
tenir le bâtiment à flot. Dans ces occasions, l’arrivée brusque 
de l’eau dans la cage du côté du vent et la compression sou- 


LI 2 


444 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

daine de l'air causoient un bruit alarmant, et un choc semblable 
à celui qu'on éprouve d’une mer houleuse. Après avoir recu 
ce choc d’un côté, on en éprouvoit ordinairement un autre, en 
facon de réaction du côté opposé; puis un troisième beaucoup 
plus foible du premier côté, après quoi le bâtiment conservoit 
un mouvement régulier pendant quelques minutes. Je ne me 
rappelle pas d’avoir éprouvé plus de trois de ces secousses en 
succession rapide; el leur effet constant étoit de faire eesser le 
roulis, qui dure quelquefois si long-temps dans les bâtimens voi- 
liers (1). On ne peut nier qu'elles ne fussent inquiétantes au 
premier moment par le bruit qui les accompagnoit et par leur 
force de percussion qui faisoit trembler tout le bâtiment, mais 
il Wen résultoit aucun inconvénient durable ; au contraire 
l'équilibre se rétablissoit de suite; et pendant tout le voyage, 
le bâtiment a fait, comme le disent les matelots, route sèche, 
c’est-à-dire, qu'il dansoit si légèrement sur les vagues, que 
jamais il n’en -a embarqué une seule, et que dans tout le pas- 
sage nous n'avons pas élé mouillés une seule fois, même de 
leur écume; exception des plus rares et qu'on n’attendroit d’au- 
cune des embarcations connues: 


Nous laissâmes loin derrière nous tous les bâtimens sortis 
de Dublin par la même marée; et le lendemain, vers neuf 
Beures du matin, nous dépassions Wexford (2). On avoit re- 
marqué, depuis les hauteurs qui dominent la ville, l’épaisse 
fumée (3) qui sortoit de notre mât, et on en avoit conclu que 
le bâtiment étoit en feu. A l'instant tous les pilotes mirent à 

: Rte 
Ja mer pour voler à notre secours; et à l’arrivée des premiers 

. P . . . ? . x Fa P , 
qui nous altergnirent, on pouvoit deviner à leur attitude l’ex- 
trême surprise, mélée de désappointement qu'ils éprouvoient 
en nous voyant en très-bon état, ce qui les frustroit du droit 


rt 


(1) I y a peu de circonstances plus dangereuses à la mer que le roulis d’un 
vaisseau par un calme plat, lorsqu'elle est houleuse , surtout si la mâture du 
bâtiment est le moins du monde disproportionnée en excès; ce balancement 
finit quelquefois par détacher les mâts ; et plus d’un navire solidement construit 
s’est perdu par cette singulière cause ; un vent léger suffit pour donner anx 
voiles un appui qui rétablit l’équilibre stable. 

(2) Nous invitons ceux de nos lecteurs qui voudront donner à cette re- 
lation tout l'intérêt qu’elle mérite , à la lire en ayant sous les yeux la carte 
du canal d'Irlande et de la côte méridionale de l'Angleterre. 

(5) Nous n’avons jamais été incommodés de la fumée, elle s’éleyoit beau 
æoup au-dessus de nous. 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 445 
4 


de salvage (x). Le temps étant devenu très-variable, et accom= 
- pagné de pluie et de tonnerre, nous entrâmes à Wexford; le 
but du capitaine étant bien plus d'amener son bâtiment en 
très-bon état à Londres, que de lui faire faire une grande di- 
ligence , qui l’exposeroit à quelques risques. 

Nous remimes à la mer vers deux heures du matin, le mardi 
30 mai (2), en nous dirigeant sur le Cap de Saint-David (3). 
Pendant notre traversée du canal de Saint-Georges, une des 
aubes de la roue à tribord se dérangea; on arrêla la machine; 
et on coupa l'aube avec un ciseau d’acier. Peu d'heures après 
le même accident eut lieu dans l’autre roue , et on y remédia 
de même. On ne s’apercut pas qu'une aube de moins à chaque 
roue produisit un eflet sensible dans la marche du bâtiment. 
Heureusement, à cette époque la mer étoit très-calme, et nous 
avions dépassé tous les écueils. Si un pareil accident” nous eût 
Surpris dans ‘certaines situations que nous éprouvâmes ensuite, 
il auroit pu nous être fatal. Cependant on pouvoit modérer la 
vitesse des roues et mème les arrêter tout-à-fait, au moyen d’un 
petit levier qu’on pouvoit faire agir d’un seul doigt ; on amenoif 
ainsi à portée de la main telle aube de la roue qui pouvoit avoix 
besoin d’être réparée. 

Le même jour vers deux heures après midi nous atteignîmes 
la passe de Ramsay , entre l’île de ce nom et le Cap Saint-David.. 
Nous y fimes une halte de trois heures pour huiler la machine 
et donner quelque repos au tiseur, qui n'avoit pas quitté un 
instant son poste depuis le départ de Wexford. La côte est hé- 
rissée de rochers abruptes, mais nous ne tardâmes pas à voir 
sortir de quelques petites criques, autour desquelles on ne voyoit 
aucune trace d’habitations, un nombre de bateaux, dont les 
rameurs, nous prenant, comme à l'ordinaire, pour un bâtiment 
en détresse, parce que nous n'avions ni mâts de hune ni per- 
roquets, venoient à notre secours. Nous abordämes à l'ile de 


(1) Ce droit est un dédommagement proportionné à la valeur du charge 
ment, et qu'on donne à ceux qui ont contribué à sauver un bâtiment en 
détresse. 

(2) J’emploie la division civile ou coramune dutemps , en faisant la journée’ 
de 24 heures qui commencent à minuit. 

- (3) C’est la pointe la plus occidentale du pays de Galles méridional dans: 
sa partie voisine de l'Irlande, 


446 [JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Ramsay, lieu sauvage, où un seul bâtiment sert d’abri à fous 
les habitans. Nous y trouvâmes du lait, du beurre frais, du 
fromage, des œufs, du pain et du cre», espèce d’ale, ou 
bière forte, qu'on fait tres-bonne dans le pays de Galles. On 
découvre, depuis les collines qui terminent l'ile, au sud, la 
baie de Saint-Bride, au travers de laquelle on apercevoit dis 
tinctement l'effet de la lutte entre la marée qui descendoit de 
la passe de Ramsay en un courant étroit et turbulent, et la 
marée montante, de part et d'autre, dans une direction opposée, 
Dans les endroits où Les bords des deux courans se trouvoient 
en opposition, comme, par exemple, à l’entrée de la passe, les 
vagues étoient fort hautes et se choquoient dans toutes les di- 
rections. Nous étions tenus de suivre ce courant étroit, qui 
nous procuroit la seule chance de traverser la baie de Saint- 
Bride sans être obligés d’attendre une autre marée. Le temps 
avoit mauvaise apparence, et l’abri qu’on peut treuver dans la 
passe de Ramsay est très-précaire. 

La turbulence des vagues, lorsque nous leur fûmes livrés, 
étoit vraiment alaïmante; nous nous trouvions souvent si bas 
entre deux vagues, qu’elles nous déroboient la vue de la côte, 
quoique très-élevée; mais le bâtiment faisoit route au travers 
de tous ces obstacles, de la manière la plus leste. Une petite 
flotte de bâtimens marchands quitta la passe et essaya de nous 
suivre, mais dans la seule traversée de la baie nous les devan- 
câmes tous Aull down; c'est-à-dire, qu'à la distance où nous 
étions, on ne yoyoit plus que leur voilure, tout le corps du 
bâtiment étant caché par l’eflet de la courbure de la mer. 


De l’autre côté de la baie de Saint-Bride on trouve, entre 
des rochers, un vilain et étroit passage, appelé Jack Sound. 
Le pilote nous avertit du danger qu'il y avoit à tenter de le 
franchir autrement qu’à mer haute et bon vent; il y avoit là, 
disoit-il, un remou et des tournans, qui saisiroient le bâtiment 
et le porteroient sur des rochers à fleur d’eau. Le capitaine 
Dodd, qui conuoissoit la puissance de ses roues, Insista pour 
aller en avant, ce qui nous épargnoit cinq heures, et proba- 
blement une nuit de plus à la mer. Le pilote réitéra ses re- 
montrances ; et il trembloit de frayeur; mais nous traversâmes 
tous ces tourbillons, rondement, et sans apparence de danger. 
Rien de plus eflrayant cependant, que l'aspect de ces rocs et 
surtout de ceux qu'on appelle l'Evéque et ses Clercs, et qui 
sont entourés d’autres formant autant de petites îles; tous sont 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 447 


de couleur noire ; la mer venoit les frapper en vagues creuses, 
qui résonnoient de toutes parts; ajoutez, que le temps étoit 
obscur, et vous aurez quelque idée du spectacle. On croit qu'il 
se perd annuellement, dans ces parages, un nombre de vaisseaux 
à qui la brume cache cette côte dangereuse. Notre situation là, 
à l'entrée de la nuit, sur un bâtiment qui n'auroit eu d'autre 
ressource que celle du vent pour en sortir, auroit élé fort péril- 
leuse ; mais nos puissantes et infatigables roues nous tirèrent 
bientôt de ce danger et nous amenèrent sains et saufs dans la 


rade de Milford. 


En approchant de la ville, nous rencontrâmes le paquebot 
du Roi qui sortoit du port, chargé des dépêches pour Water- 
ford , et, toutes voiles au vent. Nous l’avions dépassé d'environ 
un quart de mille, lorsque le capitaine Dodd eut la pensée de 
lui remettre quelques lettres par lesqueiles nous informions nos 
amis, et surtout le bureau des postes, qui pensoit déjà à se pré- 
valoir du bateau à vapeur pour le transport des dépêches, de 
notre arrivée à Milford. On vira de bord, et dans peu de mi- 
nutes nous atteignimes le baquebot, et nous fimes le tour. Nous 
écrivimes quelques mots en navigant côte à côte avec lui ; puis 
après les avoir remis au capitaine, nous fimes une seconde fois 
le tour de son bâtiment, et nous remimes le Cap sur Milford. 

Le mercredi 3r , et jeudi 1x juin furent employés, à Milford, 
à satisfaire la curiosité d’un nombre d'ofliciers de marine qu'on 
rendit témoins de la manœuvre; examiner l’intérieur de la ma- 
chine et à nettoyer la chaudière, opération qui m’avoit pas été 
faite depuis le départ de Glasgow. 

Il m'avoit semblé qu’elle devoit peu à peu se remplir de 
sel; et j'avois questionné l'ingénieur à ce sujet ; mais il avoit 
aflirmé qu'il ne s’y en formoit pas un atome. Cependant, lors- 
qu’on l’ouvrit pour la nettoyer, on y trouva du très-beau sel, 
en quantité telle, qu'il représentoit une certaine valeur. La 
chaudière fut nettoyée une seconde fois dans le cours du voyage, 
mais l’ingénieur-forgeron persista à aflirmer qu’il n’y avoit point: 
de sel tant qu’elle demeuroit fermée, et qu'il ne le voyoit pa- 
roître et se précipiter qu'au moment où il ouvroit la chaudière 
et où il examinoit à la chandelle ce qui se passoit dans son 
intérieur (1). 


oo 


(1) D’après ce que m’en dit le capitaine, ce phénomène me semble ana- 


448 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Nous remîmes à la mer assez tard le jeudi soir, de conserve 
avec le Myrite, corvette dont le capitaine desiroit voir ce que 
pourroit faire notre bâtiment dans une mer un peu rude; mais 
le vent ayant baissé, le Myrte ne sortit pas de la rade. Pour, 
marcher de front avec nous, il fut obligé de déployer toutes 
ses voiles jusqu’au perroquet, et alors 1l nous gagna quelque 
-peu; mais lorsque nous eûmes viré de bord contre le vent pour 
ramener à terre quelques dames qui s’étoient embarquées avec 
nous par curiosité, nous laissâmes le Myrte bien loin derrière 
nous. 

Pendant toute la matinée du vendredi nous nous trouvâmes 
au milieu du canal de Bristol, ne voyant plus que le ciel et 
l'eau. Vers le soir, nous découvrimes les côtes élevées qui ter- 
minent l’Angleterre à l’ouest; mais le temps reprenant une mau- 
vaiseapparence , le pilote jugea qu'il y auroit del’imprudence à en- 
treprendre de doubler de nuit le Cap de Zand’s End, et nous 
nous dirigeâmes vers Saint-Îves sur la côte septentrionale et 
vers l'extrémité du Comté de Cornwall. 


En approchant du rivage, nous vimes une escadre de petits 
bateaux qui se portoient sur nous à toutes forces de rames et 
de voiles. On avoit pris ici comme ailleurs l'alarme en voyant 
un bâtiment, qu'on jugeoit en feu, se diriger sur la ville; et 
à l'instant toutes les embarcations disponibles avoient été mises 
à l’eau : les bateaux pilotes de cette station sont sans compa- 
raison les plus beaux que j'aie jamais vus. Ils portent deux 
voiles et six rameurs. Lorsqu’ils eurent reconnu que nous n'avions 
pas besoin d’eux, ils virèrent de bord, et cherchèrent à se de- 
vancer mutuellement dans leur retour. Dans une carrière d’en- 
viron sept milles, nous devancâmes d’un bon mille le plus rapide 
de tous. Ces marins nous dirent ensuite, que notre bâtiment 
étoit le premier qu'ils eussent jamais vu, qui pût les gagner de 
vitesse; et qu’eux-mêmes abordoient à volonté les bâtimens de 
guerre et ceux de la douane, les meilleurs voiliers, Tous les 
rochers qui dominent Saint-lves étoient couverts de curieux; 


Jlogue à celui quia lieu dans une solution saturée de sulfate de soude qu’on 
verse chaude dans un vase de verre , bien bouché ensuite. Elle ne se cris= 
tallise pas tant qu’elle n’est pas soumise à la pression atmosphérique ; mais 
des qu’on la débouche , la cristallisation a lieu , et le liquide prend presqu’en 
entier l4 forme solide. i j à 


et 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 449 


et lorsque nous entrâmes dans la baie, l'aspect de notre bâtiment 
parut causer autant de surprise aux habitans, que celui du ca- 
pitaine Cook en produisit, à sa première apparition chez les 
insulaires de la mer du Sud. Ceteffet n'éloit pas nouveau pour 
nous, car partout où nous avions côtoyé l'Angleterre, nous 
avions été l’objet du même étonnement, jusqu'à ce que les 

‘ papiers publics, en annonçant la présence d’un bâtiment à va- 
peur dans le canal d'Irlande, et en expliquant la cause mysté- 
rieuse de nos mouvemens, diminua la surprise à notre approche, 
en laissant subsister la curiosité toute entière. 


Le port de Saint-Ives n’est pas à l'abri du vent de nord-esf, 
et comme :il commencoit à souffler très-fort-de ce rumb, on 
irouva convenable de faire passer le bâtiment dans le port de 
Hale, à quatre milles de distance, où on le mit à l'ancre à 
l'embouchure dune rivière, et en parfaite sûreté entre deux 
collines de sable. Chaque fois que nous prenions terre, nous 
saisissions l’occasion d'observer les objets dignes d’attention qui 
se trouvoient à notre portée; nous entreprimes de traverser 
l'isthme à pied jusqu'à Mount’s bay, sur la côte méridionale 
de ÈS om pour examiner à notre aise les masses curieuses 


de rochers qui forment le mont Saint-Michel, le château bâti 
dessus, etc. 


L'acte de doubler le Zand’s End nous avoit toujours été 
représenté comme la partie la plus difficile et la plus dangereuse 
du voyage; et nous nous trouvions déjà au côté méridional de 
ce Cap formidable, tandis que notre bâtiment attendoit encore 
un moment favorable pour en faire le tour. Cependant, comme 
un des motifs du voyage avoit été la nouveauté et la difficulté 
même de l’entreprise, nous résolûmes, au lieu d’attendre que 
le bâtiment vint nous chercher dans notre abri, de retourner 
à Hale, et de braver, avec l'équipage, le danger du passage, 
s'il y avoit quelque risque à courir. 

À notre retour, le dimanche soir 4 juin, nous remarquâmes 
en approchant du rivage, une foule de personnes en mouve- 
ment; et peu d’instans après nous vimes emporter en hâte plu- 
sieurs cadavres d'hommes et de femmes. On nous apprit qu'un 
bateau qui contenoit onze personnes, descendant en parte de 
plaisir, Jusqu'à l'embouchure de la rivière, avoit été entrainé 
par la marée et porté sur les brisans avant que personne s’a- 
percût du danger que couroient ces malheureuses victimes. 
Le capitaine Dodd étoit .oceupé dans son esquif, avec son 


Tome LXXXI, DÉCEMBRE an 1815. Mmm 


&5o JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

activité ordinaire, à reconnoître l'entrée du port, lorsqu'il 
découvrit le bateau et sa dangereuse position ; à peine eut-il 
le temps de l’annoncer, et déjà le malheur étoit à son comble. 
Ce brave homme, sûr de ses quatre rameurs s’élance har- 
diment avec eux jusqu’au milieu de ces brisans, et au 
risque éminent de leur vie ils parviennent à retirer des vagues 
quatre des naufragés qui avoient encore des signes de vie, mais 
dont deux seulement survéeurent au funeste événement. Les 
autres succombèrent malgré les soins infatigables du capitaine 
Dodd et de ses gens pour leur adminisirer les secours indiqués 
par la Société humaëne (x). Il est possible que la manière dont 
on les trausporta , la tête pendante, ait rendu plus diflicile leur 
rappel à la vie. J’arrivai trop tard pour dire combien cette pra- 
tique étoit mauvaise. Parmi les neuf individus qui périrent si 
malheureusement, il y avoit trois’ jeunes personnes, filles d’une 
veuve âgée, qu'elles faisoient vivre de leur travail. Sans avoir 
été témoin du désespoir de cette mère, on ne peut s'en former 
une idée....: mais tirons le rideau sur cette scène déchirante. 


Le lundi, 5 juin à 4 heures, le temps paroïssant radouci, nous 
nous rembarquâmes. Mais, en doublant le Cap Cornwal, le 

remier des deux grands promontoires qui terminent l'Angleterre 
à l’ouest, nous ne tardâmes pas à voir que les apparences nous 
avoient trompés ; une houle eflroyable arrivoit sur nous, de 
toute la profondeur de l'Atlantique, tandis que la marée qui 
descendoit le canal de Saint-Georges, rencontroit ces vagues, 
et les soulevoit à une hauteur qu’il sembloit impossible de fran. 
chir, et également dangereux d’avoir à l'arrivée, si on prenoit 
le parti de virer de bord. Le bâtiment sembloit souffrir ; et les 
chocs répétés contre la cage des roues alarmoïent le pilote, qui 
les entendoit pour la première fois. La nuit s’approchoit, et 
aucun port ne s’ofroit à nous, sauf celui que nous avions quitté, 
et qui étoit déjà trop loin. Dans cet élat de choses, le capitaine 
Dodd remarquant que le bâtiment paviguoit mieux contre la 
vague que daus toute autre direction, fit faire une longue bordée 
dans ce sens Jusqu'à ce que nous fussions sortis des parages où 
la houle luttoit contre la marée; nous primes de la voile qui 
contribuoit toujours à l'équilibre du bâtiment; et au bout de 


0 


() Cest une société établie depuis long-temps à Londres pour encourazer 
et diriger les efforts tendant à rappeler lesnoyés à la vie, 


. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 45t 


quelques heures nous eûmes enfin doublé le Zand's End et 
nous trouvâmes une mer tranquille. Dès ce moment le voyage 
n'offrit plus rien de pénible ou de redoutable; nous étions à 
l'entrée du canal de la Manche, qu'on dit être toujours plus 
tranquille que la mer d'Irlande; le soleil brilloit sur nous, la 
mer étinceloit de lumière, et la côte déployoit toutes ses 
beautés ; on distinguoit ses bois, ses villages et sa riche culture. 


Nous arrivâmes à Plymouth le mardi G juin vers onze heures 
du matin : le maître du port, qui n'avoit jamais entendu parler 
d'un bâtiment à vapeur, fut comme pétrifié d’étonnement lors- 
qu’il monta sur le nôtre; et, comme un enfant qui entre en 
jouissance d’un nouveau jouet, il saisit le gouvernail et nous 
fit circuler autour de plusieurs vaisseaux de guerre qui étoient 
rassemblés dans la baie ; les matelots accouroient en foule sur 
le côté de leur navire auprès duquel nous passions, et perchés 
sur tous les haubans, ils donnoient carrière à leurs observations, 
tout-à-fait amusantes pour nous. Comme nous étions sans voiles, 
nos roues étant invisibles, il étoit certes diflicile de deviner la 
cause de notre mouvement rapide; et comme, par hasard dans 
ce moment, le feu brüloit sans fumée, on ne pouvoit pas même 
soupconner ce moleur. 

Le mercredi fut employé à démontrer les détails et la manœuvre 
du bâtiment à l'amiral du port et aux ofliciers de marine, qui 
s'empressèrent de venir à notre bord: La maison de l'amiral 
est très-héureusement située sur une éminence qui commande 
le Hamoaze, large embouchure de la rivière. Pour lui montrer 
ce que le bâtiment pouvoit faire, on maintint le gouvernail, de 
mauière à donner au mouvement une direction circulaire pen- 
dant plusieurs minutes; manœuvre absolument impraticable lors 
qu’on n’est poussé que par la voile. 

De Plymouth nous navigâmes sans interruption jusqu’à Ports- 
mouth, où nous arrivâmes le vendredi 9 juin, à neuf heures du 
matin, ayant fait r5o milles en vingt-trois heures. Cette pé- 
riode fut la plus longue de celles que nous passâmes à la mer dans 
tout le voyage. 

A Portsmouth l'admiration fut encore plus prononcée, s'il 
est possible, que partout ailleurs. Les spectateurs s’entassoient 
par dixaines de milliers, et le nombre des embarcations qui se 
pressoient autour de nous, devint si considérable et tellement 
incommode , qu’il fallut recourir à l’amiral pour une garde qui 

Mmm 2 


452 JOURNAL. DE PHYSIQUE; DE: CHIMIE 


maintînt la police autour de nous. Nous entrâmes dans le port 
de la manière la plus brillante; toutes voiles dehors et favorisés 
par la marée, nous filions douze à, quatorze milles à l'heure (x). 
Une Cour martiale étoit en ce moment siégeante sur le vais- 
seau de guerre le G/adiateur; en peu de minutes tous les mem- 
bres du conseil de guerre défilèrent les uns après les autres sur 
notre bord, à l’exception du président, forcé, par l'étiquette, de 
garder son fauteuil jusqu’à ce que la séance fût régulièrement 
levée, et la cour ajournée. 

. Le samedi 10, la bande de musiciens de l'amiral fut envoyée 
de bonne heure à notre bord, et bientôt suivie d’un grand 
nombre de dames, escortées des‘ principaux officiers du port: 
on passa la matinée à voguer au travers de la flotte, et à ad- 
mirer les beaux sites qu'ofire l’île de Wight; on s’occupa beau- 
coup de la convenance d’avoir en station dans le port un bâ- 
timent pareil au nôtre dont l'emploi seroit de remorquer les 
vaisseaux de guerre jusque dans la rade; je crois qu'un Rapport 
sur cet objet aura été fait au Gouvernement. 

Notre relai suivant fut à Margate, à l'embouchure de la 
Tamise. Nous y arrivämes le dimanche matin 1r, et nous y 
passâämes vingt-quatre heures. De là, et pour dernière navigation 
nous remonlâmes la rivière jusqu'à Limehouse, à l'entrée de 
Londres, en neuf heures. 


Récapitulation. 
Distances. Temps: 
De Dublin à Dunleary. : + . . . | 8 milles r + heures. 
Duanleary à Wexford .… . , . . 67 135 
MVexford à Ramsay. . . + . . . 63 II 
Ramsay à Milford, . . . . : . 18 £ 
Milford à Saint-Ives. . + 4 + . . 710 19 
Baie de Saint-Ives à Plymouth. + 110 . 19 
Plymouth à Portsmouth. . . . + 155 23 
Portsmouth à Margate.. .… . . . 129 20 $ 
Margate à Limehouse. . . .. … go 9 


760 m.en 121 <heur. 


Le Tableau qui précède est tiré de la mesure de la marche 
du vaisseau , exprimée en milles nautiques de 60 au degré, 
tels qu’on les compte dans les cartes. marines. 


(1) Cette vitesse est à peu près double de celle du grand trot des chevaux. 


2: © ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 453 
La Notice que je viens de donner ne doit pas laisser le moindre 
doute sur l'utilité des bâtimens à vapeur dans tous les cas où 
il importe d'aller vite, et où la distance à parcourir n'est pas 
très-considérable ; mais l'immense consommation de combustible 
que ce procédé exige (deux tonnes, en vingt-quatre heures, 
pour un bâtiment de 75 tonneaux), est un obstacle insurmon- 
table à l'emploi de ces bâtimens dans un long voyage; la 
grande mise en dehors qu’exige la construction de la machine, 
ajoutée à la valeur du combustible qu’elle consume, ne per- 
mettra pas qu'elles soient employées avec avantage au transport 
des marchandises. Mais dans des situations telles que Dublin 
et Holÿhead, où l’on n’épargne rien pour accélérer les dépêches 
de Londres à Dublin, les deux villes principales de l'Empire 
Britannique, ces bâtimens pourroient être d’un grand service, 
surtout dans les mois d'été où les calmes sont assez fréquens, 
et arrêtent tous. les bâtimens à voile. De même entre Douvres 
et Calais, et partout où des passagers sont pressés de traverser, 
on se servira de ces bâtimens avec beaucoup d'avantage, 
. Il est prouvé par ce premier voyage en pleine mer, que les 
roues fonctionnent très-bien dans la mer la plus rude; et que 
le mouvement du bateau qui les porte, quoique certainement 
bien plus lent au milieu des vagues que dans une eau ealme , 
sera toujours plus rapide que celui d’un bateau ordinaire. Dans 
tout notre voyage, nous n'avons pas rencontré un seul bâti- 
ment qui pût nous suivre, exceplé le Gig (léger bateau à rames) 
de la frégate le Curaçoa, qui, monté de sept jeunes et vigoureux 
rameurs, marcha de front avec nous pendant environ vingt 
minutes lorsque notre bâtiment r’étoit poussé que par la machine 
à vapeur. Comme avisos, ou courriers de mer, le mérite de 
ces embarcations est incalculable ; et, en temps de guerre.... 
mais je m'arrête : trop de misères se mélent à ces souvenirs ; 
on respire enfin le zéphir balsamique de la paix : laissons là: 
ce triste sujet, et jouissons. 


454 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
1 om eo … 
SECOND MÉMOIRE 


SUR L'ARRANGEMENT ET LA DISPOSITION 
DES FEUILLES ; 


Par M. PALISOT BARON DE BEAUVOIS, 
Lu le 6 juillet 16r2. | 


Des Arbres, des Arbrisseaux et des Plantes à rameaux 
et à feuilles verticillées. 


Daxs un premier Mémoire sur la Moelle des Végétaux Li- 
gneux, j'ai établi la probabilité d’une harmonie constante entre 
la forme de l'étui médullaire, l'arrangement et la disposition 
des rameaux et des feuilles sur les tiges et sur les branches. 
A l'appui de cette opinion, j'ai rapporté et j'ai mis sous les 
yeux de la Classe plusieurs faits frappans et entièrement nou- 
veaux. Mais, à cette époque, la saison n'étant pas très-avancée, 
il ne m'avoit pas été possible de répéter les observations faites 
dans les années antérieures et d'en entreprendre de nou- 
velles pour compléter ce genre de travail; il falloit de plus, 
soumettre aux mêmes épreuves toutes les plantes, tant ligneuses 
qu’'herbacées qui croissent autour de nous, ou qu’on cultive 
dans les jardins et dans les serres. J'ai donc dû renvoyer à un 
autre moment de me mettre à même de présenter quelque chose 
de plus positif, et de constater irrévocablement ce qui, en avril 
dernier, n’étoit encore que probable. 

C'est de ce travail dont je me suis occupé depuis le retour 
de la belle saison. De nouvelles observations me permettent au- 
jourd'hui de prononcer avec assurance sur des faits que les 
botanistes jugeront sans doute de la plus haute importance, 
puisqu'il s'agit d'établir et de faire connoître une loi constante 
et nouvelle de la végétation. Peut-être même les savans qui 
s'occupent essentiellement de l'Anatomie comparée, puiseront- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 455 


ils, dans ces nouveaux faits, des observations, des rapproche: 
mens ou des différences importantes à constater. Les nouveaux 
faits que je vais mettre sous les yeux de la Classe sont tous 
confirmatifs de ceux consignés dans mon premier Mémoire. 

On se rappelle que j'ai distingué quatre sortes de dispositions 
de feuilles ; savoir : 

19 À feuilles et rameaux verticillés; 

Mess «sin 20% OPPOSÉS; 

D9.. - . « + + + + + + alternes, c’est-à-dire, dont les ra 
meaux et les feuilles sont distiques et disposés alternativement 
sur deux côtés opposés des branches. 


Yu + + + + + + + .« . en spirales composées chacune de 
où 4; 5, ou un plus grand nombre de feuilles. Bonnet les ap- 
peloit Jeuilles en quinconce. 


Examiner à la fois et en mème temps ces quatre sortes de 
plantes qui composent la totalité des végétaux dicotylédons (car 
il n’est question que de ceux-ci en ce moment}, ce seroit mul- 
tiplier les difficultés, et jeter de la confusion qui ne pourroit 
que nuire aux observations. J’ai donc cru devoir m'occuper de 
chacune séparément ; c’est pourquoi il ne sera traité aujourd’hi 
que des plantes à feuilles verticillées. Mais on verra par la réunion 
des faits ci-après ce que l’on doit penser de cette sorte de dis- 
position des feuilles, et que la même loi qui régit les plantes 
à feuilles verticillées paroît être applicable à celles dont les ra- 
meaux et les feuilles sont opposés, et, suivant toutes les appa< 
rences, à toutes les plantes dicotylédones. 


Avant d'entrer en matière, je dois témoigner ici ma recon- 
noissance à M. Lestibondois, professeur d'Histoire naturelle à 
Lille, dont le jardin et les serres ont été mis à ma disposition 
pour faciliter mes recherches, et à notre confrère M. Thouin, 
qui, avec sa complaisance et son aménité ordinaires, m'a fait 
ouvrir toutes celles du Muséum d'Histoire Naturelle. Ce savant , 
non content de me procurer tous les moyens qui cépendoient 
de lui, n’écoutant que son zèle et son amour pour la science, 
s’est même détourné de ses occupations pour m’accompagner 
el m'aider dans mes recherches. Nous avons examiné ensemble 
toutes les plantes à rameaux et à feuilles verticillés du jardin, 
tant ligneuses qu’herbacées ; il a été témoin de tous les faits que 
je vais rapporter ; il les a tous vérifiés. C’en seroit sans doute 
assez pour dissiper toule espèce de doute, s'il en pouvoit exister ; 


456 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


mais ces faits sont si nouveaux, si curieux et si intéressans , que 
je crois devoir de plus les mettre sous les yeux de la Classe. 
Quoique ces sortes de plantes, à rameaux et à feuilles verticillés, 
soieut les moins nombreuses , celles que nous possédons se trou- 
vent suffisaminent multipliées pour déterminer que la loi, dont 
nous allons parler, et qui indique la cause et l’origine de la 
disposition des feuilles sur les branches et sur jes rameaux, est 
constante et invariable, et que ces observations pourront donner 
lieu par la suite à l'explication de plusieurs phénomènes de la 
végétation, dont la cause est jusqu'à présent restée indéeise et 
inconuue. 

De toutes les plantes soumises à mes observations je ne citerai 
qu’un petit nombre de celles qui m'ont présenté les faits les plus 
remarquables. 

La tige du Phlox Caroliniana se trouve garnie tantôt de deux 
feuilles opposées, et tantôt de trois feuilles verticillées. Dans le 
premier cas, l’étui médullaire est rond ou ovale-oblong, plus 
allongé à mesure qu’il est plus près du point d'insertion des ra- 
meaux et des feuilles. Dans le second cas, l’étui médullaire est 
à trois angles, si chaque feuille est garnie d’un bourgeon ou d’un 
rameau à son aisselle , et semblable à celui du laurier - rose, 
nerium oleander. 

Le même phénomène se remarque dans la salicaire, lythrum 
salicaria , la lysimachia, etc. 


La garance, rubia tinctorum , porte communément quatre 
feuilles verticillées, et seulement deux rameaux ; alors son étui 
médullaire est rond ou ovale-oblong ; mais si, comme cela ar- 
rive quelquefois, la verticille se trouve composée de six feuilles 
et de trois rameaux, l’étui médullaire devient triangulaire. 

Cette observation se répète avec les mêmes circonstances 
dans les autres espèces du genre rubia, dans les galium , les 
aparine et aulres genres semblables. 


Les feuilles sont verticillées par quatre dans l’asperula nitida; 
mais chaque verticille ne porte que deux rameaux: aussi l’étui 
médullaire est-il rond ou ovale-oblong. 

La veronica spuria porte tantôt trois, tantôt quatre feuilles 
el rameaux verticillés : son étui médullaire est à trois ou quatre 
angles. 

La veronica maritima a trois feuilles et trois rameaux ; son 
étui médullaire est à trois angles. 


La 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 457 


Ta veronica virginica est garnie de trois, de quatre ou de 
Cinq feuilles, et de quatre ou de cinq rameaux ; son élui mié- 
dullaire, qui change comme celui des feuilles, est à trois, 
quatre ou cinq angles très prononcés. 

Enfin les tiges du cephalanthus occidentalis sont tantôt à 
deux, tantôt à trois, tantôt à quatre feuiiles ; l'étui médullaire 
varie dans les mêmes proportions : on le voit ou rond et ovale- 
oblong , ou à trois ou quatre angles. 

Ce qu'il y a.de très-remarquable, c’est que dans la plupart 
des plantes citées, la même tige offre quelquefois les trois modes 
de disposition, ce qui présente une question assez diflicile à ré- 
soudre. Est-ce la forme de l’étui médullaire qui détermine lar- 
rangement des feuilles et des rameaux sur les branches? ou bien, 
le nombre des feuilles et des rameaux est-il la cause première des 
diverses formes de l’étui médullaire ? La-seule chose qu’il nous 
soit permis de dire, et dont on ne peut pas douler , c’est que 
l'étui médullaire est constamment en harmonie avec l’arrange- 
ment et la disposition des feuilles et des rameaux. Mais quelle 
est la cause première et dominante de ces eflets ? Il faut avouer 
qu'il n’est pas aisé de pouvoir la déterminer. Cependant je ha- 
sarderai une opinion que je soumets aux botanistes éclairés dans 
cette partie. 


Si l’on examine avec attention toutes les plantes du moment 
de leur germination jusqu'à celui de leur floraison, on voit, 
1° que, comme la majeure partie des dicotylédones, elles com- 
mencent par produire deux lobes séminaux ; 2° que le plus sou- 
vent les premières feuilles sont simples et opposées ; 3° que lors- 
que sur une même branche on trouve en même temps deux 
feuilles ou rameaux opposés, des verticilles de trois et d’autres 
de quatre, et même de cinq feuilles et de cinq rameaux ; les 
premières sont presque toujours les plus inférieures, et les autres 
successivement en montant jusqu'au sommet, Ne peut-on pas 
présumer, d'après cela, qu'originairement l'élui médullaire a 
une forme déterminée, ronde, ou ovale oblongue, et que cette 
forme ne change que par l'augmentation d'un ou de plusieurs 
rameaux ; ce qui semble indiquer que ce n’est pas l’étui médul. 
laire qui détermine le nonibre des rameaux, mais au contraire 
ces derniers, qui, tirant leur formalion et leur subsistance des 
fibres contenues dans l’étui médullaire, le forcent à changer et 
à varier sa forme primitive. 

Les réflexions suivantes paroïissent venir à l’appni de cette 


Tome LXXXI. DÉCEMBRE an 1815. Nnn 


4:8 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE. 


conJecfure. En établissant, ce qui ne me paroît plus douteux ;: 
au moins quant aux plantes à feuilles et à rameaux verticillés,. 
que l’étui médullaire est en harmonie et en conformité avec 
l'arrangement et Ja disposition des feuilles sur les branches , il 
est Indispensable de faire une distinction importante des feuilles 
garnies à leur aisselle d’un bourgeon ou d'un rameau, et de 
celles qui en sont privées, comme cela arrive dans Ja plupart 
des plantes que nous avons citées plus haut; indice que, dans 
certains cas, les feuilles verticillées ne sont, comme l’a déjà: 
observé M. Dupetit-Thouars, dans un Mémoire dont lextrait 
est rapporté au Bulletin de la Société Philomatique, tome IT, 
P- 122, qu'une modification des feuilles opposées. En effet , les 
asperula, rubia, galium, et autres plantes semblables, portent 
depuis quatre jusqu'à huit feuilles verticillées et plus. Cependant 
On ne voit à leur aisselle qu'un, communément deux, et quel- 
quefois {rois rameaux ; le nombre de ceux-ci détermine toujours 
celui des angles de l’étui médullaire. Ces faits ne semblent:ls 
pas annoncer que, généralement parlant, les plantes dont il est 
question n’ont peut - être que deux feuilles effectives divisées 
chacune en deux, trois ou quatre, ce qui donne le nombre ap- 
pin de quatre, six ou huit, nombres doubles ou multiples 
de deux. 


Quoi qu’il en soit au surplus de ces observations que je sou- 
mets aux botanistes, toujours sera-t:l vrai de dire qu'il est né- 
cessaire de faire la distinction qui vient d’être établie, et de 
regarder comme constant que, dans les plantes dont il est ques- 
tion dans ce Mémoire, la forme de l’étui médullaire n’est pas 
en raison du nombre des feuilles apparentes , mais de celui des 
rameaux ou des bourgeons qui naissent aux aisselles de ces 
mêmes feuilles. L'exemple des lis, des martagons, des fritillaires, 
et beaucoup d’autres plantes semblables, dont les feuilles sont 
sans bourgeons, parce que les tiges sont toujours simples , 
peuvent être cités pour preuves de cette assertion. Les feuilles 
dans ces plantes sont éparses et sans ordre ; elles ne laissent 
aucune trace dans l'intérieur. Mais si on coupe la hampe immé- 
diatement au-dessous des fleurs ,. que dans le lis blanc on trou- 
vera disposées en spirales de cinq, on remarque leur origive sur 
la tranche. Je n’exceple- pas de cette règle les lis bulbifères, 
parce que les bulbes qu'ils produisent tombent, et ne peuvent 
pas étre assimilées à des bourgeons ou à des rameaux. 


J'aurais pu multiplier les exemples en citant toutes les plantes 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 459 
à feuilles et à rameaux verticillés; mais je pense que ceux rap- 
portés ci-dessus, et ceux cités dans mon premier Mémoire , 
sufiiront pour établir, comme une loi constante de la végéta- 
tion et une marche invariable : que dans toutes les plantes à 
Jeuilles verticillées , la forme de l’étui médullaire est toujours 
en harmonie avec le nombre, l'arrangement et la disposition 
des rameaux sur les tiges ou les branches. 


Je terminerai ce Mémoire par une dernière observation im- 
portante. Si aux faits que je viens de mettre sous les yeux de la 
Classe , on ajoute que l’étui médullaire du sycomore , de érable 
ordinaire, du chèvre-feuille et de plusieurs autres arbres sem 
blables dont les feuilles sont opposées, prend, ainsi que je l'ai 
fait voir dans mon premier Mémoire , la forme d’une étoile com- 
posée d’autant de rayons qu'il doit sortir de rameaux d’un même 
point (1), on pourra penser que la même loi qui régit les plantes 
à feuilles et à rameaux verticillés , est commune à celles où elles 
se trouvent opposées, et suivant toutes les probabilités, à toutes 
les plantes dicotylédones. Mais nous ne prononcons aflirmative- 
ment, quant à présent , que sur les plantes à feuilles et à rameaux 
verticillés. Je présenterai à la Classe d’autres Mémoires dans 
lesquels on examinera successivement les autres végétaux à feuilles 
opposées, alternes et en spirales. Je finirai par une dernière 
observation relativement à ces dernières, c’est que les spirales 
composées de cinq feuilles s’observent sur le plus grand nombre 
d'espèces, et que ce nombre cinq se trouve presqu'aussi général 
pour la disposition des feuilles, que pour les folioles ou les di- 
visions des calices , les lobes ou les pétales de la corolle et les 
étamines des fleurs : rapprochement assez remarquable, et qui 
peut fournir aux botanistes philosophes de nombreux et de 
yastes sujets de réflexions. 


(1) Payez mon premier Mémoire. 


Nan 2 


450 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
DU CRYOPHORE DE WOLLASTON 
ET DE CELUI DE MARCET. 


EXTRAIT de la Bibliothèque Britannique. 


VVOLLASTON a donné le nom de cryophore à un instrument 
composé d’un tube de verre coudé formant un siphon , et terminé 
par deux petites boules. Il ÿ met un peu. d’eau, il le vide d'air, et 
le scelle hermétiquement.'[l fait passer l’eau dans une des boules, 
et plonge l’autre branche du siphon dans un mélange d’eau et 
de sel : l’eau se congèle bientôt dans la boule. 


Le docteur Marcet a construit un autre cryophore. Il est com- 
posé d’un tube vertical renflé à son extrémité inférieure. La 
partie supérieure est recourbée sous un angle aigu et terminée 
par une boule qu’on remplit à moitié d’eau. Ce tube traverse 
une plaque de laiton à laquelle il est luté. Cette plaque s'applique 
exactement sur le goulot usé à l’émeril d'un récipient de la ma- 
chine pneumatique dans lequel on fait le vide. On place sous 
le récipient, comme dans Pexpérience de Leslie , ane soucoupe 
contenant de l’acicle sulfurique, pour absorber la vapeur aqueuse 
à mesure qu’elle se forme. 


On garnit d'un peu de coton humecté d'eau l'extrémité du 
tube qui plonge dans le récipient, et on fait promptement le 
yide. 

L'évaporation de l’eau dont le coton est imbibé , produit un 
froid qui condense dans l'intérieur du tube , la vapeur qui ar- 
mive de la boule. Enfin l’eau de la boule se congèle. 

Le docteur Marcet a imaginé, au lieu d’eau , d’humecter le 
coton de la Zigueur de Lampadius (sulfure de carbone), le 
liquide le plus évaporable. 11 a produit un froid capable de 
congeler le mercure dans un lieu dont la température étoit de 
24 degrés centigrades. 

Le mercure étoit contenu dans un tube de verre de thermo- 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 46r 
féfre trés-allongé et divisé de 10 en ro degrés seulement, pour 
indiquer les degrés de condensation. Le réservoir de ce thermo- 
mètre étoit enveloppé de deux à trois doubles de mousseline 
imbibée du sulfure de carbone. Il étoit luté sur une plaque de 
laiton qu’il traversoit, et qui s’appliquoit sur le goulot du réci- 
pient. On avoit placé sous le récipient une soucoupe remplie 
d’acide sulfurique. 


Tout étant ainsi préparé, on a fait. le vide, dans:-le récipient : 
le mercure est descendu rapidement à o, à 10, à 20, à 80., et 
ensuite à 100, à 150o° dans l'intervalle d’une minute, 


On a ouvert les robinets , enlevé le récipient , cassé la boule 
x} » 4 
au thermomètre... ., et on a trouvé le mercure congelé. 


Le docteur Marcet a fondu un fil de platine par un autre 
procédé également ingénieux : c’est en faisant passer un jet de 
gaz oxigène à travers la flamme d’une lampe à esprit de vin. 
Le jet d’oxigène étoit produit par la pression de dix-huit pouces 
d’eau. Le fil de platine introduit dans cette flamme, acquéroit 
un tel éclat, qu'on en soutenoit à peine la vue; et bientôt il 
s’aggloméroit en un bouton plus ou moins gros. 

Ce platine ainsi fondu , niché dans un fil d’argent, est sus 
ceptible d’être tiré à la filière , et on obtient par ce moyen un 
fil de platine extrêmement fin. 


On le débarrasse de son enveloppe en le plongeant dans l'acide 
mitrique, qui dissout l’argent. 


ARMES 


462 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

EEE 
LH ANNUAIRE 

Présenté au Roi parle Bureau des Longitudes pour l'an 1816. 


À Paris, Chez M°° V* Courcier, Imprimeur-Libraire, n° 57. 


L’UTILITÉ de cet Annuaire est assez connue. Elle est d'au: 
tant plus précieuse , qu’on est assuré de son exactitude par le 
nom des savans qui le rédigent. 

Nous allons en extraire les faits particuliers à l’an 1816. 

L’obliquité de l’écliptique rer janvier 1816, est 23027/45"3. 

IL ÿ aura deux éclipses de soleil. 

La première , le 27 mai : elle sera invisible à Paris. 

Une seconde éclipse de soleil aura lieu le 19 novembre : elle 
sera visible à Paris. 

Il ÿ aura deux éclipses de lune. 

La première sera une éclipse totale de lune, le 10 juin, visible 
à Paris. j 

La seconde éclipse de lune aura lieu le 4 décembre : elle sera 
visible à Paris. 

La déclinaison de l’aiguille aimantée étoit, en 1804, — 22034! 

Son inclinaison étoit à Paris, le 2 décembre 18r4,—68° 36" 

La population composant la France, d’après les derniers traités, 
est de 29,152,743. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 403 


MEMOIRE 


SUR LE FLUX ET REFLUX DE LA MER ; 
Par M. LAPLACE. 


Lu à la première Classe de l’Institut, le 10 juillet 1815. 


CE phénomène mérite particulièrement l'attention des obser- 
Vateurs, en ce qu'il est le résultat de l’action des astres, le plus 
près de nous et le plus sensible, et que les nombreuses variétés 
qu'il présente ; sont très-propres à vérifier la loi de la pesanteur 
universelle. Sur l'invitation de l’Académie des Sciences, on fit 
au commencement du dernier siècle, dans le port de Brest , une 
suite d'observations qui furent continuées pendant six années con- 
sécutives, et dont la plus grande partie a été publiée par Lalande, 
dans le quatrième volume de son Astronomie, La situation de 
ce port est très-favorable à ce genre d'observations. Il commu 
nique avec la mer par un canal qui aboutit à une rade fort vaste, 
au fond de laquelle le port a été construit. Les irrégularités du 
mouvement de la mer parviennent ainsi, dans ce port, très- 
affoiblies ; à peu près comme les oscillations que le mouvement 
irrégulier d’un vaisseau produit dans le baromètre , sont atté- 
nuées par un étranglement fait au tube de cet instrument. D’ail- 
leurs, les marées étant considérables à Brest , les variations 
accidentelles causées par les vents , n’en sont qu’une foible partie. 
Aussi l’on remarque dans les observations de ces marées, pour 
peu qu’on les multiplie, une grande régularité que ne doit point 
altérer la petite rivière qui vient se perdre dans la rade immense 
de ce port. Frappé de cette régularité, je priai le Gouvernement 
d’ordonner , à Brest, une nouvelle suite d'observations, pendant 
une période entière du mouvement des nœuds de l'orbite lupaire: 
C’est ce qu’on a bien voulu faire. Ces nouvelles observations 
datent du 1er juin de l’année 1806 ; et depuis cette époque, elles 


464% JOURNAL DE PHYSIQUE) DE CHIMIE 


ont été continuées sans interruption jusqu’à ce jour. Elles laissent 
encore beaucoup à desirer: elles ne se rapportent ni au même 
endroit du port, ni à la même échelle, Les observations des cinq 
premières années ont été failes au lieu qu’on nomme /a Méture ; 
les autres Font été près du bassin. J’ai reconnu que ce change- 
ment n'a produit que de très-légères diflérences ; mais il eût 
mieux valu sans doute faire toutes les observations au même 
endroit, et sur la même échelle. Il est temps enfind’observer ce 
genre de phénomènes, avec le même soin que les phénomènes 
astronomiques. 

J’ai considéré dans ces nouvelles observations, celles de l’an- 
née 1807 et des sept années suivantes. J'ai choisi dans chaque 
équinoxe et dans chaque solstice , les troissyzygies et les trois 
quadratures les plus voisines de l’équinoxe et du solstice. Dans 
les syzygies, J'ai pris l’excès de la haute mer du soir sur la basse 
mer du matin du jour qui précède la syzygie, du jour même 
de la syzygie, et des quatre jours qui la suivent ; parce que la 
plus haute mer arrive vers le milieu de cet intervalle. J’ai fait 
une somme des excès correspondans à chaque jour, en doublant 
les excès relatifs à la syzygie intermédiaire, ou la plus voisine 
de l'équinoxe ou du solstice. Par ce procédé, les effets de la va- 
rialion des distances du soleil et de la lune à la terre, se trouvent 
détruits; car si la lune étoit, par exemple, vers son périgée 
dans la syzygie intermédiaire, elle étoit vers son apogée dans les 
deux syzygies extrêmes. Les sommes d’excès, qu’on obtient 
ainsi, sont donc à fort peu près indépendantes des variations 
du mouvement et de la distance des astres. Elles le sont 
encore des inégalités des marées, différentes de l'inégalité dont 
la période est d'environ un demi-jour, et qui, dans nos 
ports ,-est beaucoup plus grande que les autres; car, en consi- 
dérant à-la-fois les observations aux deux équinoxes et aux deux 
solstices, les effets de la petite inégalité dont la période est à 
peu près d’un jour, se détruisent mutuellement. Les sommes 
dont il s'agit, sont donc uniquement dues à la grande inégalité. 
Les vents doivent avoir sur elles peu d'influence; car s'ils élèvent 
la haute mer, ils doivent également soulever la basse mer. J’ai 
déterminé la loi de ces sommes pour chaque année, en observant 
que leur variation est à fort peu près proportionnelle au carré de 
leur distance en temps au #axémum ; ce qui m'a donné ce 77axi- 
amum , sa distance à la moyenne des heures des marées syzygies, 
et le coefficient du carré du temps, dans la loi de la variation. 


Le 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 455 


Le peu de différence que présentent, à l'égard de ce coefficient, 
les observations de chaque année, prouve la régularité de ces 
observations; et d’après les lois que j'ai établies ailleurs, sur la 
probabilité des résultats déduits d’un grand nombre d’obse: va- 
tions, on peut juger combien les résultats déterminés par l’en- 
semble des observations des huit années , approchent de la 
vérité. 

J'ai considéré de la même manière les marées quadratures , en 
prenant les excès de la haute mer du matin, sur la basse mer du 
soir du jour même de la quadrature et des trois jours qui la 
suivent. L’accroissement des marées, à partir du minimum, étant 
beaucoup plus rapide que leur diminution, à partir du maximum, 
j'ai dû restreindre à un plus petit intervalle, la loi de variation 
proportionnelle au carré du temps. 

Dans tous ces résultats , l'influence des déclinaisons des astres 
sur les marées, et sur la loi de leur variation dans les syzygies et 
dans les quadratures, se montre avec évidence. En considérant 
par la même méthode, dix-huit marées syzygies équinoxiales, 
vers le périgée et vers l'apogée de la lune ; l'influence des chan- 
gemens dela distance lunaire, sur la hauteur et sur la loi de 
Variation des marées, se manifeste avec la même évidence. C’est 
ainsi qu’en combinant les observations, de manière à faire ressor- 
tir chaque élément que l’on veut connoître, on parvient à démèler 
les lois des phénomènes, confondues dans les recueils d’obser- 
vations. 

Après avoir présenté les résultats dont je viens de parler, je 
les compare à la théorie des marées, exposée dans le quatrième 
livre de la Mecanique céleste. Cette théorie est fondée sur un 
principe de Dynamique qui la rend très-simple et indépendante 
des circonstances locales du port, circonstances trop compliquées 
pour qu'il soit possible de les soumettre au calcul. Au moyen 
de ce principe , elles entrent comme arbitraires dans les résultats 
de analyse, qui doivent ainsi représenter les observations, si 
la gravitation universelle est en effet la véritable cause du flux 
et du reflux de la mer. Voici quel est ce principe : L’éfat d’un 
système de corps dans lequel les conditions primilives di mou- 
vement ont disparu par les résistances qu’il éprouve, est pé- 
riodique comme les forces qui l'animent. En réunissant ce 
principe à celui de la coexistence des oscillations très-petites, 
je suis parvenu à une expression de la hauteur des marées, dont 
les arbitraires comprennent l'effet des circonstances locales du 


Tome LXXXI. DÉCEMBRE an 1815. Ooo 


466 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


port. Pour cela , j'ai réduit en série de sinus et de cosinus d’angles 
€roissans proportionnellement au temps, l'expression génératrice 
des forces lunaires et solaires sur l'Océan. Chaque terme de la 
serie peut élre considéré comme représentant l’action d'un autre 
particulier qui se meut uniformément à une distance constante, 
dans le plan de l'équateur. De là naissent plusieurs espèces de 
flux partiels, dont les périodes sont à peu près d’un demi -jour 
lunaire , d’un jour, d’un mois, d'une demi-année, d’une année, 
enfin de dix-huit ans et demi, durée du mouvement périodiqne 
des nœuds de l'orbite lunaire. 


J'ai comparé, dans le livre cité de la Mécanique Céleste, 
celle théorie aux observations faites à Brest au commencement 
du dernier siècle, et J'ai déterminé les constantes arbitraires 
re:alives à ce port. Il était curieux de voir si ces constantes se 
relrouvent les mêmes par les observations faites un siècle après, 
où si elles ont éprouvé quelque altération par les changemens 
que les opérations de la nature et de l’art ont pu produire au 
fond de la mer, dans le port et sur les côtes adjacentes. Il ré- 
Sulte de cet examen, que les hauteurs actuelles des marées, 
dans le port de Brest, surpassent d'un quarante - cinquième en- 
Viron, les hauteurs déterminées par les observations anciennes. 
Une partie de cette diflérence peut venir de la distance des points 
où ces observations ont été faites; une autre partie peut être 
altribuée aux erreurs des observations : mais ces deux causes ne 
me paroissent pas suflisantes pour produire la différence entière 
qui indiqueroit avec une grande probabilité , un changement sé- 
culaire dans l’action du soleil et de la lune sur les marées à Brest, 
si l'on était bien assuré de l'exactitude des graduations de l’an- 
cienne échelle, en tenant comple de son inclinaison à l'horizon. 
Mais l'incertitude où l’on est à cet égard , ne permet pas de pro- 
noncer sur ce changement, qui doit à l'avenir fixer l'attention des 
observateurs. Du reste, on sera surpris de l'accord des observa- 
tions anciennes et modernes entre elles, et avec la théorie, par 
rapport aux variations des hauteurs des marées dépendantes des 
déclinaisons et des distances des astres à la terre , et aux lois de 
leur accroissement et de leur diminution, à mesure qu’elles s’é- 
loignent de leur maxënum et de leur #7ënimum. Je n'avois point 
considéré dans la Mécanique Céleste, ces lois relativement aux 
variations des distances de la lune à la terre. Ici je les considère, 
et je trouve le même accord entre les observations et la théorie. 


Le retard des plus grandes et des plus petites marées sur les 


s 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 457 


instans des syzygies et des quadratures, a été observé par les an- 
ciens eux-mêmes , comme on le voit dans Pline le naturaliste- 
Daniel Bernoulli, dans sa pièce sur le flux et le reflux de la mer, 
couronnée en 1740 , par l'Académie des Sciences, attribue ce 
retard à l’inertie des eaux, et peut-être encore, ajoute-t-il, au 
temps que l’action de la lune emploie à se transmettre à la terre, 
Mais j'ai prouvé dans le quatrième livre de la Mécanique Céleste, 
qu’en ayant égard à l’inertie des eaux, les plus grandes marées 
coïacideroient avec les syzygies, si la mer recouvroit régulière- 
ment la terre entière. Quant au tems de la transmission de l’ac- 
tion de la lune, j'ai reconnu par l’ensemble des phénomènes 
célestes, que l'attraction de la matière se transmet avec une 
vitesse incomparablement supérieure à la vitesse même de la 
lumière. Il faut donc chercher une autre cause du retard dont 
il s’agit. J'ai fait voir dans le livre cité, que cette cause est la 
rapidité du mouvement de l’astre dans son orbite, combinée 
avec les circonstances locales du port. J'ai remarqué, de plus, 
que la même cause peut accroître le rapport de l’aclion de la 
lune sur la mer, à celle du soleil , et J'ai donné, pour recon- 
noître cet accroissement par les observations , une méthode dont 
voici l’idée. 

Supposons le mouvement du soleil , uniforme. Si l’on ne consi- 
dère que la grande inégalité des marées dont la période est d’en- 
viron un demi-jour ; la marée solaire se décompose à fort peu 
près en deux autres qui sont exactement celles que produiroient 
deux astres mus uniformément , mais avec des vitesses diflérentes, 
dans le plan de l'équateur , à la moyenne distance du soleil à la 
terre. La masse du premier astre est celle du soleil, multipliée 
par le cosinus de l’inclinaison de l’écliptique à l'équateur : son 
mouvement est celui du soleil dans son orbite. Le second astre 
répond constamment à l’équinoxe du printemps, et sa masse est 
celle du soleil , multipliée ‘par la moitié du carré du sinus de 
lobliquité del’écliptique. A l’équinoxe, ces astres son! en conjonc- 
tion ou en opposition , et la marée est la somme des marées pro- 
duites par chacun d’eux : au solstice , les astres sont en quadra- 
ture , et la marée est la différence de ces marées partielles, Les 
observations de la marée solaire dans ces deux points, feront 
donc connaître le rapport des marées, et par conséquent le rap- 
port des actions des astres sur.l'Océan; et en le.comparant au 
rapport de leurs masses, on déterminera l’accroissementl qu'y 
produit la diflérence de leurs mouvemens. Cet accroissement est 

Oco 2 


468 JOURNAL DE PMYSIQUE, DE CMIMIE 


presque insensible pour le soleil, à cause de la lenteur de. sort 
mouvement; mais il est sensible pour la lune dont le mouve- 
ment est treize fois plus rapide, et dont l’action sur la mer est 
près de trois fois plus grande. 

En comparant , dans le quatrième livre de la Mécanique 
Céleste, les observations des marées équinoxiales et solsticiales 
dans les syzygies et dans les quadratures, je fus conduit par cette 
méthode à un accroissement d’un dixième au moins, dans le 
rapport de l’action de la lune à celle du soleil ; mais je remar- 
quai qu'un élément aussi délicat devoit être déterminé par un 
plus grand nombre d’observations. Le Recueil des observations 
modernes m'a procuré cel avantage. Ces observations, employées 
en nombre double, confirment l’aecroissement indiqué par les 
observations anciennes, et elles le portent au-dessus d’un huitième, 
Une autre méthode fondée sur la comparaison des marées vers 
Papogée et le périgée de la lune, et appliquée aux observations 
tant anciennes que modernes, conduit encore à un résultat sem- 
blable. Ainsi l'accroissement de l’action des astres sur les marées, 
dans le port de Brest, ne doit laisser aucun doute. 


Les résultats des observations étant toujours susceptibles d’er- 
reurs, 1l est nécessaire de connoître la probabilité que ces erreurs 
sont contenues dans des limites données. On conçoit, à la vérité, 
que la probabilité restant la même, ces limites sont d’autant 
plus rapprochées , que les observations sont plus nombreuses et 
plus concordantes entre elles. Mais cet apercu général ne suffit 
pe pour assurer l'exactitude des résultats des observations, et 
existence des causes régulières qu’elles paraissent indiquer. Quel- 
quefois même, il a fait rechercher la cause de phénomènes qui 
n'étoient que des accidens du hasard. Le calcul des probabilités 
peut seul faire apprécier ces objets ; ce qui rend son usage de la 
plus haute importance dans les sciences physiques et morales. 
Les recherches précédentes m'offroient une occasion trop favo- 
rable d'appliquer à l’un des plus grands phénomènes de la nature, 
les nouvelles formules auxquelles je suis parvenu dans ma Théorie 
analytique des Probabilités, pour ne pas la saisir. J’expose ici 
avec étendue, l'application que j’en ai faite aux lois des marées. 
Mon but a été, non-seulement d'assurer la vérité de ces lois, 
mais encore de tracer la route qu'il faut suivre dans ce genre 
d'applications. Parmi ces lois, les plus délicates sont celles de 
l'accroissement etde la diminution des marées vers leur 24xémum 
et leur r2énümum, et l’influence qu'exercent à cet égard, les 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 469 


déclinaisons des astres et la variation de leurs distances à la 
terre. On verra que ces lois sont déterminées par les observations, 
avec une précision et une probabilité extrêmes; ce qui explique 
l'accord remarquable des résultats des observations modernes, 
avec ceux que les observations anciennes m’avoient donnés, et 
avec la théorie de la pesanteur. Suivant cette théorie, l'action 
de la lune sur là mer suit la raison inverse du cube de sa dis- 
tance au centre de la terre; et cette loi représente les observations 
des marées avec uve telle exactitude, qu’on auroit pu remonter 
par ces observations seules, à la loi de l’attraction réciproque 
au carré des distances. 


J'ai desiré surtout , d'appliquer mes formules de probabilité, 
à l’accroissement del’action de la lune sur les marées, dépendant 
des circonstances locales. Les observations précédentes m'ont 
fourni, pour le déterminer, seize équations de condition, et 
j'en ai conclu cet accroissement égal à la treize cent trente-cinq 
dix-millième partie de l'action de la lune sur l'Océan. En ap- 
pliquant à ce résultat mes formules , je trouve qu'il y a vingt-un 
mille quatre cents à parier contre un, que les circonstances lo- 
cales accroissent, dans le port de Brest, le rapport de l'action 
de la lune sur les marées, à celle du soleil; cet accroissement 
peut donc être regardé comme certain ; mais il n’y a que quatorze 
à parier contre un, que la valeur précédente n’est pas en erreur 
de sa moitié. Il faut donc attendre de nouvelles observations, 
pour lobtenir avec une grande probabilité de ne se tromper que 
de quantités très-pelites. 

Le rapport des actions de la June et du soleil sur la mer, cor- 
rigé de l'effet des circonstances locales, est important à connoître; 
en ce qu'il détermine les coefliciens de la nutation terrestre , 
de linégalité de la précession des équinoxes, et de l'équation 
lunaire du mouvement du soleil. Newton et Daniel Bernoulli 
avoient déduit ce rapport des phénomènes des marées ; mais 
sans avoir égard à la correction dont je viens de parler, qu'ils 
ne soupconnoient pas. Le rapport que j'ai conclu et corrigé par 
l'ensemble des observations précédentes, donne la masse de la 
lune égale à RL celle de la terre étant prise pour unité. Il 

2 
donne ensuite, en secondes sexagésimales, 9”,65 pour le coefli- 
cient de la nutation, ce qui ne surpasse que de cinq centièmes 
de seconde, le coeflicient déterminé par les observations de’ 
Maskeline : mes formules de probabilité font voir qu'il y a vingt- 


479 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


un mille quatre cents à parier contre un, que la nutation n’est 
pas au-dessous de 9",31; il ÿ a le même nombre à parier contre 
un qu'elle n’est pas au-dessus de 9",94. Suivant ce même rap- 
port, le coellicient de l'inégalité de la précession, est 18.04, 
et celui de l'équation lunaire des Tables du soleil, est 7,56, 
ce qui ne diffère que de six centièmes de seconde, du coeff- 
cient que M. Delambre a trouvé directement par la discussion 
d'un grand nombre d'observations solaires, J’ai supposé, dans 
ce calcul, la parallaxe moyenne du soleil, égale à 8",59, telle 
que je l'ai déduite de ma théorie de la lune, comparée à l’iné- 
galité du mouvement lunaire , connue sous le nom d'énégalité 
parallactique, et que M. Burckhardt a déterminée au moyen 
d'un trés grand nombre d'observations. M. Ferère, savant astro- 
nome espagnol, vient de confirmer cette parallaxe, par une 
nouvelle discussion des passages de Vénus en 1769, dans laquelle 
il a rectifié par ses propres observations , la longitude et la lati- 
tude des lieux où ce passage a été observé en Amérique. L'accord 
de toutes ces valeurs déterminées par des phénomènes aussi dis- 
parates, est une nouvelle confirmation du principe de la pesanteur 
universelle. 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 47T 
HR Rule ke SÉPARÉE EIRE 
DES PROPRIÉTÉS 
DE LA NACRE DE PERLE SUR LA LUMIÈRE; 
Par Le pocreur BREW ESTER. 


EXTRAIT. 


LE docteur Brewester en continuant ses expériences sur la 
- lumière, les a étendues à la nacre de perle. II a obtenu des faits 
très-surprenans; ils dépendent également d’une structure parti- 
culière de cette substance. 


Il choisit pour ces expériences de la nacre d’un blanc mat et 
uniforme, qui ressemble un peu à la perle ellemême, et qui de 
jour laisse à peine apercevoir les couleurs prismatiques. On en 
prend une lame mince, qu’on aplanit des deux côtés. On fait 
arriver obliquement sur le milieu de cette lame, la lumière d’une 
bougie sous un angle d'incidence quelconque; on y voit par ré- 
flexion l'image de la flamme peu brillante; on apercoit un peu 


au-dessous , et à quelques degrés de distance, une seconde image 
fortement colorée. 


Si en laissant Ja bougie fixe , on fait tourner la lame sur son 
centre, de manière que le rayon incident fasse avec le plan de 
cette lame un angle constant , l’image colorée prendra un mou- 
vement de rotation autour du rayon principal réfléchi. La com- 
muse section du plan dans lequel s'opère cette réflexion, et de 
celui de la lame réfléchissante, demeurant invariable. 


L'auteur appelle axe de réflexion extraordinaire , la droite 
imaginée sur la nacre, dans l'intersection du plan de celle-ci 
avec celui de la réflexion colorée. 


Il appelle pôle primaire de la réflexion extraordinaire, Y'ex- 
trémité inférieure de cette ligne. 

L’angle formé au pivot réfléchissant par les rayons de réflexion 
ordinaire et extraordinaire, est appelé angle d’aberration. 


472 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


L’angle d'aberration de la masse colorée varie selon ur loi 
différente de celle à laquelle est soumis le rayon extraordinaire. 


Sous de grands angles d'incidence cette masse est d’un beau 
cramoisi. 

Sous un angle de 37° elle devient verte: 

Puis jaune lorsqu'on a diminué encore l’angle; 

Enfin blanche et très-lumineuse. 

Ges couleurs deviennent plus brillantes, lorsqu'on a poli la 
nacre; elles varient avec son épaisseur. 


Mais un phénomène encore plus particulier, est que la nacre 
communique les propriétés qu’on vient de décrire, à des subs- 
tances molles et opaques par simple appiication. 

L’auteur fixa la lame de nacre sur un ciment ordinaire; elle 
y laissa son empreinte. Cette empreinte produisit les mêmes ac- 
cidens lumineux que la lame elle-même. Il crut d’abord que 
quelque couche mince de la lame étoit demeurée adhérente au 
ciment; mais il reconnut bientôt le contraire. Il plongea ce 
ciment dans l'acide nitrique, qui n’auroit pas manqué de dis- 
soudre la portion de nacre; et rien ne changea au phénomène, 

Au lieu de ciment il prit des impressions de la nacre avec 
la cire à cacheter de toutes couleurs, avec le baume de tolu, 
avec de la gomme ordinaire, avec une feuille d’or, avec une 
feuille d’étain, avec le métal fusible de Darcet, avec le plomb..…., 
et les phénomènes furent toujours les mêmes. 


L'auteur, recherchant les causes de ces phénomènes, crut les 
apercevoir dans la configuration particulière de la surface de 
la nacre. En examinant celte surface très-polie avec des len- 
tilles qui grossissoient 200, 300 et 400 fois, il découvrit qu’elle 
étoit évidemment sillonnée. 11 compara ces sillons à ceux du 
bout du doigt d’un enfant. Ces sillons sont parallèles entre eux, 
lorsque la nacre a une structure régulière : dans le cas opposé 
ils ont toutes les directions imaginables. 

Ces sillons sont les effets des diflérentes lames dont est formée 
la nacre. 

De tous ces faits que lui ont présentés les lames de nacre; 
et ses empreintes, l’auteur en tire les conclusions suivantes : 

1°. Indépendamment des forces ordinaires qui réfléchissent et 
réfractent la lumière à la surface des corps, il y a en dehors 
de la surface de la nacre et de tous les corps analogues , de 

nouvelles 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 473 
nouvelles forces qui réfléchissent la lumière, et qui la séparent 
en ses couleurs primitives. 

20, Les lignes qui limitent l’espace dans lequel s’exerce la 
réflexion dans toutes les surfaces qui possèdent cette configu- 
ration, sont droites et non parallèles à la structure sillonnée de 
la surface. Ainsi une surface, qui même à l'œil nu paroît remplie 
d’éminences et de dépressions, est capable de réfléchir la lumière 
avec une parfaite exactitude. 

30, Puisqu'une configuration particulière de la surface d’un 
corps, indépendamment de sa nature chimique et de sa structure 
cristalline, peut produire les couleurs les p'us brillantes, ne se 
pourroit-il pas que les couleurs de tous les corps fussent les 
effets de l'arrangement mécanique de leurs molécules extrèmes; 
et les changemens que ces couleurs éprouvent par l’action de 
la lumière, de la chaleur et des influences atmosphériques, ne 
proviendroient-ils point des changemens qui auroient eu lieu dans 
ces surfaces ? 

4°. Ne se pourroit-il pas qu’il y eût près de la surface de 
tous les corps cristallisés, une nouvelle force refringente qui 
produisit les phénomènes de la double réfraction ? 

L'auteur rapprochant ensuite les phénomènes que la nacre 
produit sur la lumière, en tire les conclusions suivantes: 

1° La nacre polarise la lumière d’une manière différente de 
celle de tous les corps créstallisés, en ce que cette polarisation 
ne se rapporte à aucun axe fixe dans la substance. 

2°, La nacre polarise la lumière d'une manière différente de 
celle de tous les corps z0z-cristallisés, en ce que le faisceau 
transmis est entièrement polarisé par’ une seule lame, et de la 
même manière que le faisceau réfléchi. 

3°. Si la nacre polarise la lumière en vertu de sa structure 
lamelleuse, les lames doivent elles-mêmes avoir la propriété de 


polariser la lumière d'une manière différente de celle de tous les 
autres corps. 


sitotette l'ntini os e 11e pan ex Neo no beiLpt CEA AUr cn fe eee 


Nous avons déjà vu que l’agate ne polarise la lumière qu’en 
vertu de sa structure lamelleuse. 

Nous avons aussi vu que Malus en faisant passer la lumière 
à travers plusieurs lames de verre transparent, a également ob- 
tenu des phénomènes particuliers. 


Nous en devons conclure que tous ces phénomènes dépendent 
de la même cause. 


Tome LXXXI, DÉCEMBRE an 1815, Ppp 


474 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
NOUVELLE LITTÉRAIRE. 


DTÉCANIQUE ANALYTIQUE , parJ. L. LAGRANGE, de l'Ins- 
titut des Sciences, Lettres et Arts, du Bureau des Longitudes, 
Grand Officier de la Légion-d'Houneur, elc., elc., elc. 

. Nouvelle Edition revue et corrigée par l’auteur. Tome second 
in-4°. À Paris, chez Mme Ve Courcier, Imprimeur-Libraire pour 
les Mathématiques, quai des Augustins, n° 57. 1815. 

La publication de ce deuxième volumede la Mecanique Ana- 
D'iigue a éprouvé unretard , dit-on dans l'Avertissement, dont 
nous allons exposer les principaux motifs, M. Lagrange en avoit 
déjà fait imprimer les premitres feuilles, lorsque la mort l’enleva 
aux scicnces. M. Prony se chargea de suivre lédition de ce 
volume, et fut aidé dans la revision des épreuves par M. Garnier, 
professeur à l'Ecole Royale Militaire. Le manuscrit des VIIe 
‘et VIITe sections se trouva fort en ordre; mais étant arrivé à 
Ja IXe section, on reconnut que celte partie étoit incomplète, 
et que le premier paragraphe seul en étoit achevé. M. Binet (J.) 
fut invité à faire avec MM. Prony et Lacroix, les recherches 
nécessaires dans les papiers de M. Lagrange, pour compléter, 
s'il étoit possible, les matières qui devoient entrer dans celte 
section. Leurs recherches fournirent la conviction que notre 
illustre auteur n'avoit fait que préparer cette partie, et que rien 
d’entiérement achevé n’avoit été égaré. 

De nombreuses occupations ayant détourné M. Prony des soins 
de l'impression qui, dans la section IXe en particulier, exigeoit 
une grande alténtion , pour coordonner les matières, et les no- 
talions de l’ancienne édition, avec ce qui éloit imprimé de la 
nouvelle, M: Binet (J.) a bien voulu se charger de ce travail 
souvent pénible. On a profité de toutes les notes marginales sur 
l'exemplaire de M. Lagrange et écrites de sa main. 

Ce tome est le dernier de l'ouvrage. 

Parmi les autres manuscrits de l'auteur, une Commission de 
l'Institut est chargée de faire choix de ceux qui se trouvent en 
état d'être imprimés. Les autres seront classés et déposés à la 
Bibliothèque de l'Institut. 

La Mécanique Analytique est un des ouvrages les plus pré- 
cieux de l’auteur, Le rival des Newton, des Euler, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 475 


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TABLE 
DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


Mémoire sur environ trois mille quintaux de mercure 
enfouis dans la vase d'une rivière du Pérou; par L. 


Proust. Pag. 401 
Faits sur la docimastique des mines d'or et d'argent; 
par le méme. - 409 
Note sur l'ours gris d'Amérique. 416 
Tableau météorologique; par M. Bouvard. 420 
De la force décomposante du principe sucré sur les sels 
et'sur les oxides métalliques; par M. Vogel. 422 
Des Lateaux et vaisseaux mus par des machines à va- 
peur; par J.-C, Delamétherte. \ 438 


Second Mémoire sur l'arrangement et la disposition 
des fcuilles; par M. Palisot Baron de Beauvois. 454 
Du cryophore de Wollaston et de celui de Marcet. 


Extrait. 460 
ÆAnnuaîre présenté au Ro par le Bureau des Longitudes 
pour l’an 1816. 462 


Mémoire sur le flux et reflux de la mer; par M. Laplace. 463 
Des propriétés de la nacre de perle sur la lumière; par 

le docteur Brewester. Extrait. 47I 
Nouvelle littérarre. 474 


Ppp 2 


476 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


TABLE GÉNÉRALE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. 


/ 


HISTOIRE NATURELLE. 


Suiteau Mémorre sur la culture de la betterave à sucre ; 


par M. Pajot Descharmes. Pag. 5 
Suite. : 111 
Suite, 189 


Suite des observations avec réflexions sur l'état et les 
phénomènes du Vésuve, pendant une partie des an- 


nées 1813 et1814; par J.-F.-B. Ménard de la Groye. 27 


Note sur l'aupite, la cocolithe, la sahlite, la mussite, 
l'alalite et la lhkerzolite ; par J.-C. Delamétherie. 97 


Rapport de l'Institut sur les observations du Vésuve, lu 
à la première Classe, les 23 et 30 janvier 1815; par 
M. Menard de la Groye. Commissaires, MM, de Hurm- 
boldt, Gay-Lussac et Ramond. 16 


Mineralogical observations, etc. Observations et con- 
sidérations géologiques; par le professeur Jameson. 
Traduction. 173 


Suite aux réflexions géologiques sur les volcans, et con- 
Sidérations sur la Guadeloupe; par F. l’Herminier. 
Extrait du Journal des Observations faites à la Gua- 
deloupe. 207 


fauteurs des principales montagnes du globe au-dessus 
du niveau de l'Océan. 254 


Description technique et économique des mines de 
houtlle de Suint-Georges-Chätelin, département de 
Maine-et-Loire; par Lours Cordier. Extraït. 284 

Premier Mémoire et observations sur l'arrangement et 
la disposition des feuilles , sur la moelle des végétaux 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 477 


et sur la connoïssance des couches corticales en Dors; 
par M. Palisot Baron de Beauvois. Extrait par 
J.-C. Delamétherie. Pag. 389 


Second Mémoire sur l'arrangement et la disposition 
des feuilles; par M. Palisot Baron de Beauvois. 454 


Note sur Fours gris d'Amérique. 416 
PHYSIQUE. 
Rapport fair à PInstitut sur un ventriloque; par 
MM. Hallé, Pinel et Percy. 58 
Tableau météorologique ; par M. Bouvard. 
Juin. 55 
Juillet. 102 
Août. 218 
$ . Septembre. 274 
Octobre. 382 
Novembre. 420 


Lettre du docteur V’alli à M. Brugnatelli, sur lélec- 
tricité animale. 77 
Suite. 85 
Lettre de M. Valli sur le méme sujet. 03 
Tuble de la quantité d'eau de pluie, et du nombre des 
jours de pluie, neige et bruine, à Fiviers, pendant 
trente années ; par Honoré Flaugergues. 104. 


Notice météorologique. 110 


Des propriétés de différens corps sur la lumière; par 
le docteur Brewester. Extrait par J.-C. Delamétherie. 181 
Essai d'analyse comparative sur les principaux caractères 
organiques et physiologiques de l'intelligence et de 
l'instinct; par L, Chiavertnr. 220 
Suite. 341 
Suite à mes vues sur l'action galvanique, comme cause 


principale des commotions souterraines et des volcans: 
par J.-C. Delamétherie. 276 


Surle à mes Mémotressur lescristallisations géologiques. 
Des cristallisations régulières et des cristallisations 
confuses ; par J.-C, Delaméthertie. 285 


847 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Æssat sur l’histoire de la nature; par MM. Gavoty et. 
Toulouzan. Extrart. Pag. 294 


Drssertatio de motu sanouinis per venas ; Où dissertæ- 


Lion sur le mouvement du sans dans les veines; par 


Joseph Zugenbuhler. D. M. 318 
ÆExperiences et observations propres à déterminer si 

les sels ont une action directe sur la végétation des 

plantes; par le prof. Carradori. Traduit par M. H. 

Gaultier de Claubry. . 569 
ÆÀ pratical treatise of gaz-light, etce., ou Traité pra- 

tique du gaz-lumière, ou thermo-lampes, etc.; par 

Frédéric Accum. Extrait par T.-C. Delamétherie. 378 


Addition à mon Mémorre sur les causes des commotions 
souterraines par l'action galvanique; par J.-C. De- 
lamétherie. ; 393 

Des Lateaux et vaisseaux mus par des machines à va- 
peur; par J.-C. Delamétherie. 438 

Annuaire présenté au Roi par le Bureau des Eongitudes 
pour l'an 1816. 462 

Mémoiresur le flux et reflux de la mer; par M. Laplace. 463 

Des propriétés de la nacre de perle sur la lumière; par 
Le docteur Brewester, Extrait. 47 


CHIMIE, 


Mémoire sur l’action de l'acide sulfurique et des di- 
verses substances grasses, sur les matières végétales 


et animales; par H. Gaultier de Claubry. 69 
Mémoire sur une échelle synoptique des équivalens chi- 
miques; par M. WW. Hyde Wollaston. Extraït. 138 


Extrait d'une Lettre de M. Fan-Mons à J.-C. Delamé- 
there, sur la métallisation de l'hydrogène; par 
M. Dobreiner. 170 


Cinquième lettre sur l'incertitude de quelques oxida- 
tions ; par L. Proust. 239 


Sixième lettre sur l'incertitude de quelques oxidations. 
Deuxième Mémoire ; par L. Proust. 293 


Septième lettre, ou suite d'observations sur le Traïté 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 479 


J 


élémentaire de Chimie de M. Thenard; par LI. 


Proust. Pag. 263 
Faits pour servir à l'histoire du mercure; par L. 
Proust. 327 


Décomposition du cinabre à Almaden, par le méme. 33x 
PF 2 PE 


De la nature de l'acide muriatique ; par M. Berzelius. 
Extrait d'une lettre de M. ***, à J.-C. Delamétherie. 394 


Analyse du mispickel; par M. Stromeyer. Extrait de 
l'allemand. 396 

Mémotrre sur environ trois mille quintaux de mercure 
enfouis dans la vase d’une rivière du Pérou; par L. 


Proust. 4ox 
Faits sur la docimastique des mines d'or et d'argent ; 

par L. Proust. 409 
De la force décomposante du principe sucré sur.les sels 

et sur les oxides métalliques ; par M. Vogel. 422 
Du cryophore de Wollaston et de celui de Marcet. 

Extrait. 460 


Nouvelles littéraires. 17T ; #09, 474 


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; A MM. les Souscripteurs 
pu JOURNAL DE PHYSIQUE, 


M. 


Vous êtes averti que votre Abonnement expire 
avec le présent Cahier. Le prix de la Souscription 


est toujours, pour Paris, de 27 fr. par an, et de 15 fr. 
pour SiX MOIS; 


Et pour les Départemens, 33 fr, par an, et 18 fr: 
pour six MOIS. 


On s’abonne à Paris, chez Madame veuve Courcier, 
Impriumeur-Libraire, quai des Augustins, n° 57. 


Il faut affranchir les lettres et l'envoi de l'argent, 


De l'Imprimerie de M° Veuve COURCIER, Imprimeur - Librairç 
pour les Mathématiques et la Marine, quai des Augustins, n° 57e 


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