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Full text of "Keepsake d'histoire naturelle : description des oiseaux suivie d'un exposé de l'art de les préparer et de les conserver"

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D'HISTOIRE HARVRUERE. 


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DENCREPTEON DES UNE] 


SUIVIE D'UN EXPOSÉ 


DE L'ART DE LES PRÉPARER ET DE LEN CONNERVER, 


Classification de CUVIER. -- Texte de BUFFON 


REVU, RÉDUIT ET PRÉCÉDÉ D'UNE INTRODUCTION 


PAR M. ACHILLE COMTE, 


PROFESSEUR D'HISTOIRE NATURELLE A L'ACADEMIE DE PARIS, 
CHEF DU BUREAU DES COMPAGNIES SAVANTES ET DES AFFAIRES MÉDICALES 
AU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ; 


Qurrage illustré par 150 Dessins 


DE 


VICTOR ADAM. 


PARIS, 
BAZOUGE-PIGOREAU, EDITEUR, 


QUAI DES AUGUSTINS, 47 BIS. 
Loxores , ROBERT TYAS, Libraire, 50, Cheapside. 


INTRODUCTION. 


« Quand l'esprit de l’homme ignorait beaucoup, a dit un écrivain célèbre (1), 
« quand tout était mystère autour.de lui dans la nature, tout, pour ainsi dire, 
« était fiction dans son: esprit : faute de savoir, il imaginait sans cesse. Mais 
« plus la réalité s’est dévoilée devant lui, plus l'invention est devenue dif- 
« ficile. Encore quelques siècles d'observation, quelques progrès d’exacti- 
« tude dans les sciences, quelques perfectionnemens dans la statistique et 
« l’économie sociale, et la fiction deviendra la chose du monde la plus rare. 
« L'esprit de l’homme ne saura plus qu’observer et décrire, et le prix de 
« l’imagination devra s’accroître alors par la difficulté de ses efforts. » 

Cette disposition des esprits grandit sans cesse dans notre siècle, et nous 
sommes peut-être condamnés à ne voir se produire, que rarement, ces hommes 
d'élite chez lesquels le savoir n’éteint pas l'enthousiasme ; qui donnent pour 
base à leurs travaux, des observations exactes, patientes et difficiles, sans 
chercher à résister aux inspirations de leur élan poétique ; et qui, pour raconter 


(3) M. Villemain, 


des découvertes qui honorent la science , ne se croient pas forcés de faire di- 
vorce avec l'élévation de la pensée et la pureté du style. 

Nul écrivain n’a mieux offert , que Buffon , cette heureuse alliance de la fic- 
tion et de la vérité, lui qui a su plier à des descriptions toutes matérielles les 
mouvemens de sa fertile imagination , et qui regardé, dans son siècle, comme 
un prodige de science, restera, pour les siècles à venir, le plus parfait 
modèle d’éloquence , de naturel et d'harmonie. 

Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, fut dès sa plus tendre jeunesse 
animé du desir d'étudier la nature et d’en pénétrer les secrets. Noble et riche, 
toutes les carrières lui étaient ouvertes et il pouvait espérer de s'y faire re- 
marquer ; mais la Création et ses OEuvres lui parurent seuls mériter de fixer 
son ardeur et son activité, et il s'empara de l'Histoire Naturelle pour lui consa- 
crer sa fortune et sa vie. 

A Montibart, il s'était choisi une retraite silencieuse au milieu des délices de : 
la campagne ; il s’y rendait seul au lever du soleil, et jamais nul importun 
n'y venait le troubler. C’est là qu’il étudiait avec ivresse les merveilles de la 
nature dont il était entouré, et c’est de là qu’il écrivit les pages éloquentes qui 
protégeront à jamais ses travaux et sauveront sa mémoire de l'oubli. Pour 
mieux les apprendre, il les récitait à haute voix, comme il eût récité de beaux 
vers, et il les confiail encore à ses amis, pour profiter de leurs conseils et per- 
fectionner ses ouvrages. 

Buffon s'était nourri, dans son travail, de la lecture de Platon, d’Aristote et 
de Pline, ses auteurs favoris; c’est en les approfondissant et en ajoutant ses 
propres expériences à leurs théories, qu'il devint mathématicien , physicien, 
naturaliste, philosophe et écrivain. Qu'on ne s'étonne point de cette aptitude 
égale et universelle à des ordres de connaissances en apparence si différentes 
et si séparées ; une fois que l'esprit de l'homme est arrivé à ces hautes régions 
de la pensée, il n’y a plus de poète, plus d'écrivain, plus de savant; toutes ces 
distinctions scolastiques tombent et s’évanouissent ; la lumière qui brille aux 
yeux de l'âme est une lumière continue et universelle ; par elle les lois géné- 
rales deviennent aussi claires que les faits particuliers, et l’homme qui à 
reçu son influence divine, trouve, sans effort, aux ordres de sa pensée, et 
comme Îles fruits naturels d’une organisation privilégiée, la sûreté infaillible 
du jugement, la délicatesse exquise du goût, la simplicité sublime de l’expres- 
sion. 

Une grande fortune servit Buffon dans des recherches longues et difficiles 
qui avaient pour but d'éclairer des points douteux, ou de découvrir des lois in- 


nl 


connues. [1 voulut étudier la force et la durée du bois, et put appliquer à 
cet examen le produit de ses forêts étendues ; pour résoudre quelques problèmes 
sur l’action du feu, il eut à sa disposition des foyers immenses de flammes ; 
et l'humanité lui doit une reconnaissance particulière pour les perfectionne- 
mens pratiques qu’il apporta dans les méthodes agronomiques et, entre autres 
choses, dans la disposition des fers de la charrue. 

En étudiant avec soin les diverses sciences, Buffon donnait pourtant tout son 
amour à une seule, à la science de l'Histoire Naturelle. Dès 1739, nommé in- 
tendant général du Jardin du Roi, il sut trouver dans cette position élevée, 
des occasions et des moyens plus faciles encore de nourrir sa passion pour l’é- 
tude de la Nature; ce fut cette circonstance qui décida l'occupation de toute sa 
vie et, s’il continua à cultiver les mathématiques et la physique, ce fut seule- 
ment dans leurs rapports avec l'Histoire Naturelle. 

Après dix années d’un travail opiniâtre, Buffon offrit à la France étonnée son 
immortel ouvrage de l’Æistoire des Animaux. Quand cet œuvre parut, une 
révolution soudaine et salutaire s’opéra dans les esprits; l’Europe savante 
montra le plus grand empressement de connaître cet important ouvrage, et 
bientôt, dans tous les points du monde où les sciences étaient en honneur, 
on voulut lire et méditer cette production dont la France s’enorgueillissait 
comme d’une conquête. 

Ïl faut le reconnaître, en effet, jusqu’à Buffon, il n'existait aucun traité sur 
la Nature que l’on pût opposer aux ouvrages des anciens; ce grand écrivain en 
dotant son pays d’une richesse si enviée par toutes les autres nations, s’est 
fait, de lui-même, une place durable parmi les intelligences élevées qui diri- 
gent les destinées de l'esprit humain. « L'Histoire Naturelle, disait-il, la seule 
« et vraie science est la connaissance des faits : l’esprit ne peut y suppléer, et 
« les faits sont, dans la science, ce qu’est l'expérience dans la vie civile... 
L'histoire naturelle est l'étude des philosophes, elle est la source des autres 


& 


& 


sciences physiques et la mère de tous les arts. Toutes les idées des arts ont 
« leurs modèles dans les productions de la nature; Dieu a créé et l’homme 
« imite... Ét il ajoutait : l'étude de l'Histoire Naturelle doit être présentée 
« aux jeunes gens dans ce temps où la raison commence à se développer; dans 
« cet âge où ils pourraient croire qu'ils savent déjà beaucoup, rien n’est plus 
« capable de rabaisser leur amour-propre , et de leur faire sentir combien il y 
« a de choses qu'ils ignorent... » 

Rendons grâce à Buffon d’avoir donné un élan si salutaire à l'étude de l’His- 
toire Naturelle. Sans lui, cette science serait restée le domaine de quelques 


— IV — 


érudits, et ne serait jamais descendue dans des classes avides d'instruction, 
mais que rebutait la sécheresse d'écrivains qui, pour la plupart, s'étaient con- 
tentés d'être exacts. Jusqu'à Buffon, l’on était réduit, dans l'étude des animaux, 
à des méthodes arbitraires qu’on ne pouvait suivre avec un intérêt soutenu, et 
. dont le fond et la forme étaient souvent secs , diffus et inintelligibles. Ce fut lui 
qui sut nous intéresser à ces êtres, par les prestiges de son langage harmo- 
nieux et poétique. C’est donc à ce grand écrivain que nous devons rapporter 
le goût que les hommes de toutes les classes prirent à l'Histoire Naturelle qui 
est reconnue, aujourd’hui, comme aussi indispensable dans l’éducation de la 
jeunesse, que toutes les connaissances qu'elle cultive pour former son esprit 
et son cœur. S'il est donné au travail de fortifier notre âme, quelle science 
plus propre à l'agrandir, en effet, que celle qui prouve, à chaque pas, 
une intelligence supérieure et conservatrice de toutes choses. Si l’homme 
pense ajouter à sa pensée et à son savoir, en s’initiant au savoir et à la pensée 
d’un autre homme, que doit-il augurer de son intelligence, lorsqu'elle le met en 
rapport avec les productions de la nature et que, par elle, il arrive à com- 
prendre des secrets qui, par la profondeur où ils se cachent, devraient lui être 
à jamais voilés. L'homme qui a compris les deux mouvemens combinés de la 
terre et du soleil, et qui a suivi les astres dans leurs voyages célestes; celui qui 
a fouillé les entrailles de la terre et décrit ses innombrables productions, celui- 
là peut s’honorer de sa destinée dans ce monde, et se croire, sans vanité, doué 
d'une intelligence supérieure. Voilà la pensée que fait naître l'étude des scien- 
ces et la contemplation de la Nature, étude antipathique aux idées d’abaisse- 
ment et de désordre que laissent, dans l’imagination, les doctrines grossières 
d'un matérialisme ignorant. 

C'est pour avoir sagement compris les tendances de notre époque, qu’on a 
multiplié, sous tant de formes, des notions générales et élémentaires d'Histoire 
Naturelle, à l'usage de la jeunesse et des gens du monde; et qu'on a fait sa part 
à cette science, dans le plan des Etudes Universitaires. Depuis long-temps, 
déjà, cet enseignement a été reconnu comme une des occupations les plus 
utiles et les plus élevées ‘de nos Ecoles; sans trop écouter ses scrupules, l’Uni- 
versité a pensé que la science de la nature pourrait étendre ses conquêtes, 
sans rien perdre de ce qu’elle a de moral et de religieux, et l'enfance et la 
jeunesse sont initiées aujourd’hui aux merveilles de la Création, pour qu’elles 
puissent concevoir et admirer la profonde sagesse du Créateur. 

La description des Oiseaux, sujet de ce KEEPSAKE ,, est une des parties les 
plus attrayantes de l'Histoire des Animaux. C'est, peut être, dans cetouvrage, 


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que Buffon à le mieux montré les qualités de son talent : élévation du point de 
vue , marche forte et savante des idées, majesté des images, noble gravité des 
expressions, harmonie soutenue du style. 

Appelé à diriger la réimpression de ce savant ouvrage, j'en ai, à dessein, 
retranché les détails qui n'étaient pas purement descriptifs et beaucoup de 
développemens qu’on ne regrettera pas de n’y pas trouver. Pour rendre cette 
Ornithologie digne d’être mise aux mains de la jeunesse, je devais éviter des 
descriptions dont l'imagination ou la pudeur nese fussent pas accommodées, et 
je crois l'avoir fait en respectant cette chasteté naïve de l’âme qu’un souffle 
peut ternir et qu’on ne saurait effleurer sans danger. 

Avant de passer aux peintures brillantes qui ont été choisies pour ce KEEP- 
SAKE, et pour mieux en faire apprécier l'intérêt et la vérité, nous. devons 
consacrer quelques pages à l'étude de l’organisation des Oiseaux. On serait, en 
effet, privé de la plus belle partie de leur histoire, si l’on n’avait aucune idée 
des fonctions de ces animaux et du jeu de leurs organes. Les rapports nom- 
breux qui se remarquent entre la structure particulière de chaque espèce et 
ses habitudes instinctives, font l’objet intéressant de l’Anatomie et de la Phy- 
siologie comparées; ils méritent d’être au moins esquissés dans des considéra- 
tions générales, et le tableau que l’on en fait, quoique rapide er superficiel, 
prépare le lecteur à l’histoire des mœurs des animaux, et lui prête un secours 
précieux pour l'intelligence des descriptions. 


CLASSE DES OISEAUX. 


La classe des oiseaux réunit tous les animaux vertébrés le mieux organisés 
pour le vol. On les distingue facilement par la forme générale de leur corps, 
et par les plumes dont ils sont recouverts; mais la structure de leurs organes 
intérieurs, etla manière dont leurs diverses fonctions s’exécutent, sont leurs 
caractères les plus importans. 

La forme générale des oiseaux ne varie que fort peu et elle est liée à la na- 
ture de leurs mouvemens. [ls n’atteignent presque jamais une grande taille. 
Leurs membres postérieurs sont spécialement destinés à la station et à la mar- 
che, tandis que leurs membres antérieurs, qui ne servent jamais ni à la mar- 


— VI — 


che, ni à la préhension, ni au toucher, forment des espèces de rames très 
étendues que l’on a nommées ailes, et qui lui servent à frapper l'air, pour s’y 


soutenir et s’y mouvoir. 


APPAREILS DES MOUVEMENS. 


Le squelette, qui détermine la forme générale du corps et qui est, en 
même temps, l’une des parties les plus importantes de l'appareil du mouvement, 
se compose à-peu-près des mêmes os que le squelette des mammifères; mais 
leur forme et leur disposition varient. 

La tête est petite; les os du crâne se soudent entre eux de très bonne heure, 
et la face est fermée, presque entièrement, par les màchoires qui s’allongent 
beaucoup et constituent le bec. La mandibule ou mâchoire supérieure s'articule 
avec le crâne, de façon à conserver quelque mobilité, et la mandibule infé- 
rieure est suspendue à un os mobile, nommé tympanique qui, lui-même, s’ar- 
ticule avec l'os temporal. Enfin, ces mandibules sont enveloppées dans une 
substance cornée qui tient lieu de dents. 

L’articulation de la tête avec la colonne vertébrale est très mobile, et a lieu à 
l'aide d’une seule éminence arrondie. Cette disposition donne à l'oiseau la fa- 
Culté de tourner sa face tout-à-fait en arrière. 

Le cou des oiseaux à une grande flexibilité; comme ces animaux prennent 
en général leur nourriture à terre avec leur bec, il était nécessaire que cette 
partie de leur corps füt d'autant plus longue, qu’ils sont plus haut montés sur 
les pattes; c’est effectivement ce que l’on remarque presque toujours. Nous de- 
vons ajouter ici, que ces os sont toujours très mobiles les uns sur les autres, que 
le cou peutse plier en S et, par conséquent, s’allonger ou se raccourcir, suivant 
que ses courbures s’effacent ou augmentent. 

La charpente osseuse du tronc est très solide. Chez les oiseaux qui volent 
(et ils volent tous, a un petit nombre d’exceptions près) , les vertèbres du dos 
qui doivent soutenir les côtes et fournir, par conséquent, un point d'appui aux 
ailes, sont tout-à-fait immobiles et souvent même soudées entre elles. 

Les côtes des oiseaux présentent, aussi, quelques particularités de structure 
qui tendent à augmenter la solidité du thorax; mais la partie la plus remarqua- 
ble de la charpente osseuse du thorax des oiseaux est l'os sternum. Cet os donne 


VU — 


attache aux principaux muscles qui servent au vol, il prend un développement 
extrême, et constitue un vaste bouclier qui s'étend très loin en arrière sur l’ab- 
domen, et présente presque toujours une espèce de carène longitudinale que 
l'on à nommée brechet. 

Les os de l'épaule sont également disposés de manière à donner plus de puis- 
sance aux ailes; ils sont au nombre de trois : une omoplate très allongée, une 
clavicule qui se soude à celle du côté opposé, pour former un os en V et, enfin, 
une espèce de seconde clavicule qui prend une grande force et constitue un 
arc-boutant, placé entre l’articulation de l'épaule et le sternum. Ces doubles 
clavicules maintiennent les épaules écartées, malgré les efforts violens que le 
vol exige en sens contraire, et elles sont d'autant plus robustes que le vol doit 
être plus puissant. 

L’aile de l’oiseau correspond au membre antérieur des mammifères, et, se 
compose comme lui de trois portions principales : le bras, l’avant-bras et la 
main. Le bras est formé d’un humérus; l’avant-bras, composé d’un radius et 
d’un cubitus, est d'autant plus long que l'oiseau est meilleur voilier; enfin la 
main est réduite à une sorte de moignon qui sert à l'insertion des grandes plu- 
mes de l’aile. 

L’aile de l'oiseau etla nageoire du poisson diffèrent l’une de l’autre bien moins 
qu'on ne le croirait au premier coup-d'œil. Voilà pourquoi, depuis les Natura- 
listes de la Grèce jusqu’à notre époque, le nom d’aile a été si souvent donné 
à celte nageoire. L’une et l’autre représentent une surface assez large, relati- 
vement au volume du corps et l’animal peut, suivant ses besoins, accroître 
ou diminuer cette surface : il n’a pour cela qu’à étendre sa nageoire ou son aile 
avec force , ou à les resserrer en plusieurs plis. La nageoire ainsi que l'aile, 
se prêtent à ces déploiemens ou à ces contractions, parce que, l’une et l’autre, 
elles sont composées d’une substance membraneuse , molle et souple. La sur- 
face qu’elles présentent toutes deux résiste avec précision et frappe avec force, 
car elle est soutenue par de petits cylindres réguliers ou irréguliers, solides, 
durs et presque inflexibles. Dans l'aile, cette surface est fortifiée par des 
plumes ; dans la nageoire, elle est quelquefois consolidée par des écailles. On 
a pu dire avec raison, que les oiseaux nagent dans l'air, et que les poissons 
volent dans l’eau. 

Les membres postérieurs des oiseaux qui, ainsi que nous l'avons déjà dit, : 
sont destinés à servir à la station et à la marche, deviennent quelquefois des 
organes de natation; d’autres fois aussi, les oiseaux s’en servent pour la préhen- 
sion des ahmens. Les os des hanches sont très développés, et sont soudés à Ja 


- — VII — 


partie voisine de la colonne vertébrale, de façon à ne former avec elle'qu'une 
_seule pièce. — La ceinture osseuse composée de cet assemblage, et que l’on 
nomme le bassin, reste presque toujours incomplète en avant; le fémur est 
court et reployé en avant; le tibia est fort, etle péroné est réduit à n’être“plus 
qu’un simple stylet osseux. Le tarse et le métatarse sont représentés par un 
seul os, dont la longueur détermine la hauteur de l'oiseau sur ses jambes. Enfin 
le nombre des doigts varie de quatre à deux; presque toujours il y en a trois 
qui sont dirigés en avant, et un en arrière; le nombre des phalanges va ordinai- 
rement en augmentant de deux à cinq, depuis le doigt postérieur (ou pouce) 
jusqu’au quatrième doigt. 

Chez les oiseaux nageurs, les doigts sont palmés, c’est-à-dire réunis par des 
membranes assez larges pour permettre leur écartement et pour consti- 
tuer des espèces de rames. Chez les oiseaux qui grimpent, deux des doigts 
sont dirigés en arrière et deux en avant; et chez ceux qui ont l'habitude de 
marcher à gué dans les rivières, les marais, etc., pour y chercher des poissons 
ou des vers, les tarses deviennent si longs que l’animal a l’air d’être monté sur 
des échasses. Enfin, chez tous ces animaux, existe un mécanisme particulier 
qui, lorsqu'ils sont perchés sur des branches, fait servir le poids de leur corps 
à la flexion de leurs doigts, et leur fait, par conséquent, serrer dans leurs pattes 
le support qu'ils ont saisi. , 

Les plumes dont le corps des oiseaux est couvert les protègent contre le 
froid et l'humidité : ce sont aussi des instrumens puissans de locomotion. Elles 
sont formées par des organes quisécrètent une matière analogue à celle dont se 
composent les poils, et elles tombent, tantôt une fois, tantôt deux fois par an. 
Leurs couleurs varient extrêmement d’une espèce à une autre; dans le grand 
nombre, la femelle diffère du mâle par des teintes moins vives; et alors les pe- 
tits ressemblent à la femelle : enfin, dans certaines espèces, le plumage d'hiver 
diffère par ses couleurs de celui de l'été. 

Les grandes plumes raides qui sont implantées sur les membres antérieurs 
de ces oiseaux, donnent à ces organes une étendue très considérable, et en font 
des rames puissantes qui fendent l'air, et le frappent avec assez de force et de 
rapidité pour que le choc puisse lancer l'animal au-dessus du point frappé. 
Plus l'étendue des ailés est grande, plus les oiseaux ont de facilité pour se sou- 
tenir dans l'air et s’y mouvoir avec rapidité. Les plumes, qui sont les plus utiles 
pour le vol, sont celles qui sont fixées sur la main. 

Les plumes de la queue servent aussi au vol, mais c’est d’une autre manière; 
l'oiseau s’en sert comme d’un gouYernail pour diriger sa course. 


APPAREILS DES SENSATIONS. 


Le sens du toucher doit être peu actif chez les oiseaux en raison de la nature 
de leurs tégumens. Le goût paraît être aussi très obtus chez la plupart de ces 
animaux; leur langue est, en effet, presque toujours dure et cornée. L’odorat, 
au contraire, est souvent très délicat; on voit des oiseaux de proie, guidés par 
ce sens, se diriger vers des animaux morts, placés trop loin d’eux pour qu’ils 
aient pu les apercevoir. 

Le sens de la vue est, en général, plus développé chez les oiseaux que chez 
tous les autres animaux. On remarque au fond de leur œil une membrane plis- 
sée nommée peigne, qui s’avance de la rétine vers le cristallin, et qui paraît 
être de nature nerveuse. La face antérieure du globe de l’œil est renforcée par 
un cercle de pièces osseuses, et, outre les deux paupières ordinaires, il y a tou- 
jours à l’angle externe de l'œil une troisième paupière, qui peut s'étendre 
comme un rideau au-devant de cet organe. 

Les oiseaux n’ont pas, comme la plupart des animaux vertébrés, un pavillon 
saillant au-devant de l'oreille; les oiseaux de nuit ont seuls une grande conque 
extérieure, mais qui n’est pas saillante, et l'ouverture de l'oreille est générale- 
ment cachée par des plumes à barbes effilées. 

Le cerveau des oiseaux est moins développé que celui de la plupart des mam- 
mifères, et présente quelques différences importantes. 

Enfin, pour terminer ce qui a rapport aux fonctions de relation, nous ajou- 
terons que, chez les oiseaux, la voix se forme principalement dans un larynx in- 
férieur, qui est situé à l'extrémité de la trachée-artère, au point où le conduit 
. se bifurque pour constituer les bronches. Chez les oiseaux chanteurs, cet organe 
présente une structure très compliquée; on voit des membranes élastiques ten- 
dues dans sonintérieur et un grand nombre de muscles destinées à mouvoir 
les pièces solides qui le composent; mais chez les oiseaux qui ne modulent pas 
les sons, sa structure est beaucoup plus simple. 


OISEAUX, b 


APPAREILS DÉ LA NUTRITION. 


Les organes destinés aux diverses fonctions de la nutrition sont à-peu-près 


les mêmes que ceux des mammifères. 
L'appareil de la digestion présente, dans la classe des oiseaux, la plus grande 


uniformité de structure. Il n’existe jamais de dents; les alimens saisis par le 


bec sont en général avalés sans avoir été divisés, ils ne séjournent pas dans la 
bouche. La forme du bec varie beaucoup et change suivant la nature des ali- 
mens dont l'oiseau fait usage, aussi fournit-elle d'excellens caractères pour la 
classification de ces animaux. 

La langue est, en général, peu charnue et recouverte de papilles cornées qui 
servent à retenir les alimens. L’os hyoide, qui supporte cet organe, est très 
allongé. 

Les glandes salivaires sont moins nombreuses que chez les mammifères; 
toutes sont placées sous la langue. La salive est en général épaisse et visqueuse. 

L'œsophage descend le long du cou et présente, en général, vers sa partie 
inférieure une dilatation considérable, appelée jabot; cette poche constitue un 
premier estomac qui fait saillie au-dessus des clavicules; elle est très grande 
chez les oiseaux granivores, et elle se voit dans les rapaces; mais elle manque 
dans l’autruche et dans la plupart des oiseaux piscivores. 

Au- dessous du jabot, l’œsophage seresserre et pénètre dansle thorax. Bientôt 
après il se dilate de nouveau pour former un second estomac appelé ventricule 
succenturié. Cette cavité est remarquable par les follicules qui sont logés dans 
ses parois, et qui servent à former un liquide propre à la digestion des alimens 
(le suc gastrique). Ce ventricule est beaucoup plus grand et beaucoup plus glan- 
duleux dans les oiseaux qui manquent de jabot, que dans ceux qui en sont pour- 
vus intérieurement; il s'ouvre dans un troisième estomac, le gésier, dont la 
forme est globuleuse et dont la structure varie suivant le régime de ces ani- 
maux. Dans les granivores, il présente des parois musculaires d’une force et 
d'une épaisseur extrêmes , et il est tapissé en dedans par une espèce d’épiderme 
dur et épais qui ressemble à de la corne ; dans les oiseaux de proie diurnes, 
au contraire, ses parois sont extrêmement minces, et dans quelques oiseaux 
aquatiques, il ne forme qu'un seul sac avec le ventricule succenturié. 


L’intestin des oiseaux est en général moins long que celui des mammifères ; 
chez la plupart de ces animaux, il n’a que deux ou trois fois la longueur du 
Corps. 

Du reste ce canal se divise en deux portions, savoir : l'intestin grèle et le gros 
inteslin. 

L’intestin grèle communique avec le gésier par l'ouverture du pylore qui est 
située très près du cardia. 

La bile est versée dans cet intestin par deux conduits percés près de deux ou 
trois canaux par lesquels passe le suc pancréatique . 

L’organe sécréteur de la bile , le foie , est généralement plus volumineux que 
chez les mammifères et divisé en deux lobes à-peu-près égaux. La vésicule du 
fiel est ordinairement grande , mais elle manque complètement chez quelques 
oiseaux , tels que le perroquet. 

Le pancréas est également grand. 

Enfin , le gros intestin est très court, et se termine par une dilatation appelée 
cloaque. 

Le chyle provenant de la digestion des alimens est absorbé par des vaisseaux 
particuliers appelés chylifères , qui forment deux canaux thoraciques qui mon- 
tent au-devant de la colonne vertébrale et vont s'ouvrir, près du cœur, dans les 
veines jugulaires. 

Le sang des oiseaux contient des globules ovalaires comme celui des reptiles 
et des poissons ; la chaleur de ce liquide est plus grande que chez les mammi- 
fères. 

La circulation se fait de a même manière que chez les mammifères ; elle est 
double et complète. 

Le cœur présente dans son intérieur quatre cavités, savoir: un ventricule et 
une oreillette placés à gauche et autant du côté droit; le sang est chassé par le 
ventricule gauche dans l’artère-aorte qui le distribue à toutes les parties du 
corps. Le liquide revient ensuite au cœur par les veines, et pénètre dans l’oreil- 
lette droite qui le pousse dans le ventricule droit situé au-dessous ; cette der- 
nière cavité, en se contractant, envoie le sang aux poumons, par l'artère pul- 
monaire ; de l'artère pulmonaire, le sang passe dans les veines pulmonaires et 
arrive ainsi dans l'oreillette gauche; enfin, oreillette gauche le verse dans le 
ventricule gauche , d’où nous l'avons vu sortir tout-à-l’heure pour se distribuer 
à tous les organes. 

Les oiseaux se distinguent de tous les autres animaux vertébrés par leur 
mode de respiration qui est aérienne, comme chez les mammifères et les repli- 


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les; mais qui a lieu non-seulement dans les poumons, mais aussi dans la sub- 
stance de tous les autres organes. Chez les mammifères et les reptiles, les 
bronches se terminent dans des cellules qui sont toutes en cul-de-sac, et l’air 
qui entre dans les poumons ne peut aller au-delà ; tandis que chez les oiseaux , 
les bronches et les cellules pulmonaires communiquent avec de grandes cavi- 
tés renfermées dans le tissu cellulaire, et ce fluide pénètre ainsi dans toutes les 
parties du corps, même dans l'intérieur des os. Ce qui donne de l'intérêt à 
cette circonstance, c’est que cet air à été respiré; qu'ayant, par conséquent, 
perdu de son oxigène, il est devenu plus léger, et que, dilaté par la chaleur, il 
favorise la force ascensionnelle de l'oiseau. Le sang subit donc le contact de 
l'air dans tout le corps, comme en traversant les vaisseaux capillaires du pou- 
mon, et on peut dire que la respiration de ces animaux est double comme leur 
circulation. Aussi un oiseau consume proportionnellement plus d’air qu'aucun 
autre animal, et périt plus rapidement lorsque sa respiration est interrompue. 

La cavité du thorax qui loge le cœur et les poumons n’est pas séparée de 
l'abdomen par une cloison musculaire complète, comme chez les mammifères. 


MOEURS DES OISEAUX. 


Les Oiseaux sont ovipares, c’est-à-dire qu’ils pondent des œufs d’où sortent 
leurs petits. . 

L'œuf se forme d’abord dans un organe nommé ovaire, et sort du sein maternel 
en traversant l’oviduete : il consiste d’abord en un sac rempli du jaune, et ce 
n'est que dans l’oviducte qu’il s’entoure de blanc, puis d’une enveloppe plus 
solide, encroûtée de matière pierreuse la coquille. Sur la membrane du jaune, 
on aperçoit un point blanchâtre qui, en se développant, deviendra le jeune ani- 
mal, dont la nourriture a été préparée d'avance, dans l'enveloppe qui le protège. 

Pour que le jeune oiseau se développe dans l'intérieur de l'œuf, il faut que 
celui-ci soit maintenu à un certain degré de chaleur. Dans les pays extrême- 
ment chauds, la chaleur du soleil suffit quelquefois, et certains oiseaux aban- 
donnent leurs œufs à eux-mêmes; mais le plus ordinairement, le père et la 
mère, ou la mère seulement, entretiennent sur leurs œufs la chaleur dont ils 
ont besoin, et les couvent avec leur corps. 


— XIII — 


La durée de l’incubation varie dans les différens genres d'oiseaux, mais elle 
est la même pour tous les oiseaux d’une même espèce : quarante à quarante- 
cinq jours pour les cygnes; vingt-cinq pour les canards ; vingt-et-un pour les 
poules ; quinze à dix-huit jours pour nos serins domestiques ; douze jours seu- 
lement pour l’oiseau mouche, etc., etc. | 

Presque tous les oiseaux construisent un nid pour loger leurs œufs, et pour 
servir de demeure à leurs petits, qui pendant les premiers temps de la vie, 
sont en général dépourvus de plumes, et incapables de se mouvoir, et de se 
nourrir eux-mêmes. 

En général, il règne dans ces constructions, un art, une adresse et une élé- 
gance qui excitent l’étonnement. Ce qui surprend encore, c’est la régularité avec 
laquelle toutes les générations successives exécutent les mêmes travaux, et 
bâtissent des nids exactement semblables, lors même que les circonstances où 
ces animaux ont été placés ne leur ont jamais permis de prendre de leçons de 
leurs parens. Ils semblent guidés par un instinct mystérieux à prendre une foule 
de précautions, dont ils ne peuvent pas apprécier d'avance toute utilité. 

Chaque espèce d'oiseau apporte des différences dans la forme, la disposition 
et l'emplacement du nid. Celui des plus grands oiseaux de proie repose sur 
l’entablement que présentent quelques parties d’un rocher ou sur la plate-forme 
d’une tour élevée ; son étendue est très considérable, et chaque année contri- 
bue à son accroissement; il est rare, en effet, que ces oiseaux abandonnent le 
premier monument de leur tendresse maternelle ; ceux qui le quittent y re- 
viennent périodiquement déposer leurs œufs. Ce nid est souvent composé de 
pièce de bois si volumineuses qu’on hésiterait à croire qu’elles aientété apportées 
par l’oiseau, si l’on ne connaissait la puissance extraordinaire de ses muscles ; 
ces pièces de bois sont arrangées de manière à résister aux chocs des vents et | 
elles supportent des branchages liés entre eux par une sorte de mastic formé de : 
débris de nourriture. Les espèces qui n’emploient à cette construction que des 
joncs et des rOSEAUX, les accumulent en si grande quantité, et les fixent si bien 
à la plate-forme, que les coups de vent ou les autres intempéries des saisons 
en occasionnent rarement la destruction. 

Le plus grand nombre des oiseaux établissent leur nid sur les arbres entre 
la bifurcation des branches. Des brins de paille et de petites büchettes que l’oi- 
seau apporte, lie et entrelace avec son bec et son pied, constituent la charpente 
extérieure, qui maintient la mousse et le duvet dont se compose la couche. 
Quelques espèces ont aussi l'habitude de suspendre leur nid, plus artistement 
travaillé encore, à l'extrémité d’un rameau flexible. Ce berceau et la couveuse 


AIN 


qui l'habite, cèdent aux moindres influences du vent et sont bercés par un ba- 
lancement presque continuel. 

La construction de certains nids ressemble à une véritable maçonnerie faite 
de büchettes, de graviers ou de petites feuilles enduites d’un mastic, fait avec de 
la terre délayée par la salive de certains oiseaux ou simplement gàchée. Que de 
peine, que de voyages! qui n’admirerait une semblable industrie, surtout lors- 
que l’on pense que l'oiseau n’a pour exécuter ce travail qu'un seul instrument, qui 
doitenm me temps servir au transport des matériaux. Ces nids mastiqués ont 
ordinairement une forme ronde ou conique ; ils sont établis dans les angles des 
croisées, des cheminées, des murailles, et souvent dans les entablemens abri- 
tés par les rochers. Ils sont ou isolés, ou serrés les uns contre les autres; l’ou- 
verture se trouve ménagée, soit sur le haut, soit sur l’un des côtés, et même 
quelquefois dans la partie inférieure. L'intérieur offre assez souvent plusieurs 
compartimens. Quelquefois une espèce de vestibule est séparée du véritable 
nid par une cloison, et c’est dans cet espace que le mâle se retire après avoir 
pourvu aux besoins de la couveuse. : 

Un assez grand nombre d'oiseaux établissent leur nid immédiatement sur le 
sol , entre quelques mottes de terre, qui les garantissent de la submersion. Ces 
nids sont d’une construction beaucoup moins soignée : un duvet abondant, 
maintenu par des tiges flexibles et convenablement entrelacées , forme tout 
l'appareil de l’incubation. Il est des espèces qui se contentent d’arrondir une 
cavité dans la terre ou dans le sable pour y déposer à nu leurs œufs, qu'elles 
couvent assidument ou qu’elles abandonnent pendant le jour à la chaleur du 
soleil. Dans ce dernier cas, néanmoins, leur sollicitude les porte à recouvrir ces 
œufs d’une petite couche de sable, soit pour les soustraire aux regards des ani- 
maux qui en feraient leur nourriture, soit pour les protéger contre l’action trop 
vive des rayons solaires. 

Je ne puis donner ici, comme je l’aurais desiré, une description complète de 
tous les nids curieux que les naturalistes ont observés, et je dois me borner à 
dire quelques mots de celles de ces ingénieuses constructions qui ont des titres 
particuliers à notre intérêt. 

La Mésange à longue queue n'est guère plus grosse qu'un Roitelet ; son nid 
est fermé par le haut, bien serré partout ; il n’a qu’une ouverture circulaire 
uressée solidement, c’est la porte et la fenêtre du petit manoir. Mais comme le 
froid et quelques gouttes de pluie pourraient pénétrer par celte entrée, elle est 
garnie de rideaux assez serrés pour garantir de l'air et de la pluie, et assez 
transparens pour que la lumière ne soit pas interceptée; cesont de petites plu- 


— XV — 


mes disposées tout autour de la porte, dirigées vers le centre, que l'oiseau force 
aisément , soit pour entrer, soit pour sortir, et que leur élasticité remet sur- 
le-champ en place. 

L’extérieur de l'édifice à exigé l'emploi de deux sortes de matériaux, des 
herbes pour le tissu , et des mousses et des lichens pour le crépissage. Ces oi- 
seaux se sont établis contre la tige d’un arbre ; appuyéssur une branche, ils 
trouvent le moyen d’attacher leur construction à l'écorce de l'arbre, de la re- 
vêtir des mêmes plantes parasites dont cette écorce est couverte, et d'en continuer 
ainsi l'apparence, de sorte qu'un spectateur inattentif ne puisse rien soupçon- 
ner, ét ne remarque point cette protubérance qui sera l'asile d’une vingtaine de 
jeunes Mésanges. 

Une autre espèce de ce genre pousse encore plus loin les précautions de 
sûreté; comme elle fréquente les lieux aquatiques, elle suspend son nid à une 
branche flexible, pendante au-dessus des eaux; l'ouverture du nid est pro- 
longée par un appendice ou tuyau, à travers lequel la couleuvre la plus leste 
ne pourrait essayer de s’introduire. Cette espèce de Mésange, que les Polonais 
nomment Aemiz, est extrêmement rare en France, quoique notre climat ne la 
repousse pas, car on la trouve en Italie, en Allemagne, dansle nord de l’Eu- 
rope, et même en Sibérie. 

L'intérieur du nid de la Mésange à longue queue est garni d’une profusion 
de plumes propres à conserver la chaleur des œufs et des petits, durant les 
absences forcées du père et de la mère. L'édifice terminé est ordinairement 
de huit pouces de hauteur, sur plus de quatre pouces de diamètre: c’est une 
œuvre immense pour deux oiseaux d'aussi petite taille; ils l’ont commencée 
au milieu des rigueurs et des privations de l'hiver, et, en travaillant avec 
opiniâtreté, ils n’ont fini que vers le milieu du printemps. La femelle y dépose 
quelquefois jusqu’à vingt-deux œufs, produit d’une pontelong-temps continuée, 
en sorte que l’incubation commence pour quelques œufs, beaucoup plus tôt que 
pour ceux qui sont venus les derniers. : 

Les naissances suivent l’ordre de l’incubation; quelques petits sont en état 
de prendre l’essor, tandis que d’autres ne sont pas encore couverts de plumes. 
Il y a donc alors une surveillance à exercer, des soins à prodiguer au dehors et 
au-dedans; le père et la mère partagent entre eux ces pénibles fonctions. 
Enfin, toute la nombreuse famille quitte le manoir natal , et elle ne se dis- 
perse que pour former de nouvelles unions, et construire de nouveaux nids. 
C’est ainsi que le couple fondateur de cette petite colonie passe l’année entière 
au milieu de travaux assidus. 


> NU 


Voici un exemple de prévision dont l’homme serait tenté de croire qu'il est 
seul capable: c’est la Fauvette des roseaux qui nous le fournit. Cet oiseau jus- 
tifie le nom qu'il porte, car il naîtau milieu des roseaux , et ne s’en éloigne que 
lorsque des circonstances impérieuses l'y contraignent. Pour établir son nid, 
il choisit un espace entre des tiges qui croissent dans l’eau ; il attache à ces 
supports des liens qui lui serviront à suspendre l'habitation qu'il destine à sa 
progéniture. Ce nid, d’un tissu très serré, surtout vers le fond, prolongé dans 
le sens de sa hauteur, est à-peu-près à un pied au-dessus des eaux; mais 
les constructeurs ont prévu le cas où quelque débordement pourrait l’atteindre, 
etlesubmerger ; le nid deviendrait alors une petite barque solidement amarrée et 
que le courant ne pourrait entraîner. La Fauvette des roseaux est, on le voit, 


une digne émule de la Mésange Remiz. 


Le talent de bien construire un nid n’est pas réservé exclusivement aux 
oiseaux de la plus petite taille ; je pourrais citer ici la rondeur, le poli et la 
solidité du nid de la grive , l’adroite suspension de celui du loriot, mais l’espace 
me manque et je suis forcé de passer à la description du nid du Gros-bec du 
cap de Bonne-Espérance: ce que je vais en dire a été raconté par Vaillant dans 
l'Histoire de son voyage en Afrique. 


Plusieurs centaines de cesoiseaux seréunissent pour construire, en commun, sur 
un arbre, une sorte de toiture tissue avec de grandes herbes, et tellement serrée, 
qu’elle est impénétrable à la pluie. Il paraît que la forme de cet abri dépend de la 
situation des branches qui le supportent. Lorsque ce travail est terminé, l’espace 
est distribué pour y placer des nids attachés à la surface inférieure du toit; et 
il faut qu’un instinct particulier dirige les constructeurs de ces nids, car ils sont 
tous de même grandeur, tous contigus l’un à l’autre.Ces habitations privées sont 
à une certaine distance du bord du toit, et chacune a son ouverture ; cependant, il 
arrive assez souvent qu'une même porte donne entrée dans trois nids : l’un au 
fond et les autres de chaque côté; quelquefois aussi deux voisins seulement ont 
établi entre eux cette sorte d'intimité. Ainsi, après avoir laissé entre le bord du 
toit et les nids, assez d'intervalle pour quela pluie ne puisse atteindre les minces 
parois des habitations privées , chaque oiseau se loge avec très peu de travail, 
car il profite des constructions mitoyennes. 


Les nids, d'environ trois pouces de diamètre, sont faits avec des herbes plus 
fines que celles de la toiture, également bien serrées et garnies intérieurement 
de duvet. Lorsque la population augmente, les nouvelles habitations ne peuvent 
être placées que sur les anciennes, et dans ce cas, quelques-unes de ces cases 


— XVII — 


RÉUNIE, délaissées par leurs propriétaires ; sont converties en voie IE. 
que pour arriver aux nouvelles constructions. 

Vaillant se fit apporter un de ées édifices tout entier, toit et chambres; il y 
compta trois cent vingt nids. Si un couple d'oiseaux occupait chacune de ces pe- 
tites demeures, l'édifice entier aurait contenu six cent quarante habitans ; mais ce 
voyageur soupçonne que, dans ces Gros-becs, le nombre des mâlesest pluspetit 
que celui des femelles, circonstance qu'il a remarquée, dit-il, dans d’autres es- 
pèces de la même contrée ,.et surtout parmi les oiseaux qu’il à nommés Repu- 
blicains , en raison de leur manière de vivre en sociétés nombreuses et perma- 
nenles ; 1 Gros-bécs, dont il s’agit, sont de ce nombre. IL serait intéressant 
-de suivre, durant tout le cours d’une année au moins, une population aussi nom- 
breuse et aussi bien unie, dans les momens consacrés aux soins de la génération 
naissante ! Ilest probable que l'hôtel ou la caserne demeure déserte lorsque les 
petits prennent leur volée, jusqu’à ce que les femelles viennent y faire une nou- 
velle ponte. On ignore comment l'association s’est formée, comment elle se re- 
forme après avoir été dissoute ou suspendue : on n’a pas vu les ouvriers à l’œuvre, 
et ce qu'il y a de pluscurieux et dedigne d'être observé, est précisément ce que 
nous ignorons. 

‘Je terminerai par l'histoire d’un nid qui figure, avec une importance égale , 
dans les annales de la Gastronomie et dans celles de la Zoologie. Je veux parler 
des nids de Tonquin, objets d’un conimerce important dans les mers de la Chine 
et de l'Inde, et que les Hollandais considèrent comme l’un des meilleurs mets de 
leur cuisine. Ce comestible n’est autre chose que le nid d’une espèce de salan- 
gane , l'Hirundo esculenta. Ce nid, bâti dans la forme qu’ont à-peu-près les 
_ nids de toute cette famille, n’est pas composé, comme on l’a cru, d'œufs de pois- | 
sons ou d’autres substances animales, mais des branches d’un fucus, décolorées 
et agglutinées ensemble par cette hirondelle. M. Lamouroux, à qui furent mon- 
trés les brins d’un de ces nids, a eru les reconnaître pour un varec de la mer 
des Indes, le Fucus sacchariferus, qui contient une grande quantité de sucre. 

C’est suriout dans les cavernes des côtes, dans les îles de l'Océan qu’on va 
chercher les nids de Tonquin. Pour atteindre à l’entrée d’une caverne battue 
par la mer, il faut descendre un rocher à pic, de plusieurs centaines de pieds 
de hauteur , rester suspendu sur l'abime, pendant plus d’une heure, sans autre 
soutien que les légères échelles de rotin ou de bambou qui, d’espace en 
espace, tapissent le rocher. Arrivé à l'entrée des grottes, on allume les flam- 
beaux et l’on procède à la recherche des nids, placés le plus souvent dans des 
- fentes et des crevasses où il faut pénétrer avec précaution ; il y règne une nuit 


OISEAUX. La 


— XVIII — 


éternelle, et l’on n'entend d’autre bruit que le mugissement des vagues qui se 
précipitent avec fracas au fond de ces abîmes. I] faut avoir le pied bien sûr et 
la tête bien calme, pour escalader, sans tomber, ces roches humides et glis- 
santes ; une hésitation, un faux pas seraient suivis d’une mort certaine. Les 
accidenssont loin d’être sans exemples : quelquefois, au milieu du silence qui 
préside à la cueillette, un cri se fait entendre, un flambeau disparaît, et le 
bruit effroyable d'une portion de roche détachée qui roule au fond du pré- 
cipice, et dont l'écho semblable au grondement du tonnerre se prolonge dans 
toutes les parties de la caverne, annonce aux chasseurs consternés la perte 
d'un de leurs camarades. Les nids les plus estimés sont ceux qu’on recueille 
dans les cavernes les plus humides et que les oiseaux n’ont pas encore salis 
par la couvée. Ils sont plus blancs, plus nets et plus transparens que les autres. 

La cueillette se fait deux fois par an et, si l’on a soin de ne pas dégrader 
les roches en prenant les nids, le nombre est à-peu-près égal à chaque fois. 
On a essayé de ne descendre dans les grottes qu'une fois chaque année, mais 
on ne trouvait pas, au bout de ce temps, une quantité de nids plus considérable 
que celle qu'on recueille à chaque vente semestrielle. 

La seule préparation que reçoivent les nids de Tonquin avant d’être livrés aux 
Chinois, est la dessiccation : on a soin d'y procéder à l'abri des rayons du soleil 
qui en détérioreraient la couleur et la qualité; puis on les assortit en première, 
deuxième et troisième sortes, et on les emballe dans de petites boîtes en bois, 
de la contenance d’un demi-pécul ou de 30 kilogrammes environ. Les cavernes 
qui sont exploitées avec soin donnent environ 53 p. 100 des nids de première 
qualité, 35 de ceux de la seconde , et 11 de ceux de la troisième : ces derniers 
sont gâtés par les excrémens des petits. Croirait-on que cette denrée est 
achetée à raison de 150 francs et plus la livre de première qualité. 

On peut se faire une idée, d'après ces prix, du rang des consommateurs. 
Une quantité considérable de ces nids est destinée aux tables de la cour. Les 
Chinois disent que rien n’est plus stomachique, plus stimulant, plus salutaire, 
que cette nourriture ; mais son seul mérite est certainement le prix auquel 
elle est vendue ; ce prix flatte la vanité des riches, qui en sont ainsi les seuls 

consommateurs. La quantité annuelle de ces nids qu’on importe en Chine 
s'élève à deux cent quarante-deux mille livres environ :en estimant chaque livre 
à une moyenne de 50 fr., on trouve que, pour ce seul article, les Chinois paient 
aux îles de l’Archipel plus de 12 millions de francs. C’est un monopole impor - 
tant pour les souverains des diverses îles où se trouvent les cavernes. Aussi 
la possession de ces lieux est-elle souvent la seule cause des guerres que se 


—— >'Q[ De — 


font ces petits peuples. On conçoit qu’une marchandise si précieuse excite la 
cupidité ; aussi les cavernes qui sont le moins difficile à aborder, ont-elles 
été souvent exposées aux déprédations des flibustiers et des autres pirates, 
qui non-seulement enlevaient les nids, mais dégradaient les roches, et di- 
minuaient, par ces dévastations, la récolte des années suivantes. Dans les 
lieux où règnent l’ordre et la tranquillité, et où l'accès des cavernes est diffi- 
cile, on n’a pas ces accidens à craindre, et le revenu est assez régulier. Telles 
sont les cavernes de Goenong-Goetoe à Java : elles donnent annuellement près 
de sept mille livres de nids, qui valent, au prix du marché de Batavia, cent 
trente-neuf mille dollars espagnols ou près de 700,000 fr. Les frais d'exploi- 
tation, de curage, d'emballage, ne s’élèvent pas à plus de 10 à 11 p. 100. 

Rien n’est admirable comme la constance avec laquelle les oiseaux couvent 
leurs œufs. Quelquefois les deux parens se partagent ce soin; d’autres fois , le 
mâle se borne à pourvoir aux besoins de la femelle, pendant que celle-ci reste 
accroupie sur les œufs ; et, dans d’autres espèces encore, c’est la femelle qui 
s'occupe de l’incubation. En général, ce n’est qu’à regret que, poussée par la 
faim, la mère quitte ses œufs pendant quelques instans. Chez la plupart des 
oiseaux, la femelle prodigue les soins les plus tendres à ses petits, et long-temps 
après leur naissance. Elle les recouvre de ses ailes pour les garantir du froid , 
leur apporte une nourriture choisie, que souvent elle digère à moitié et dé- 
gorge ensuite dans leur gosier, pour la rendre mieux appropriée à leur esto- 
mac délicat. Elle guide leurs premiers pas, leur apprend à se servir de leurs 
ailes; et lorsqu'un danger les menace, elle déploie pour les sauver autant de 
courage que d’activité. 

Sous ce rapport, les mœurs des oiseaux sont bien intéressantes à étudier ; 
mais ce ne n’est pas encore ce qu’elles offrent de plus remarquable. Le phéno - 
mène le plus singulier de leur vie est, sans contredit, l'habitude qu'ont certaines 
espèces de faire, à des époques déterminées de l’année, de longs voyages, et de 
changer de climat suivant les saisons. 

Quelques oiseaux voyageurs effectuent leurs émigrations isolément, ou seu- 
lement accompagnés de leurs femelles ; mais le plus grand nombre voyagent 
en commun. Pour ceux-ci, on admire l’instinct qui les porte à s'appeler, à se 
rassembler vers un point fixe, douze ou quinze jours avant celui du départ. Ce 
départ est ordinairement l'indice d’une variation météorologique ; car on re- 
marque que jes oiseaux en ressentent les influences assez tôt pour que, d’après 
leur maintien ou leurs habitudes, l’on puisse pronostiquer des changemens de 
température, L'on peut juger de l’ordre qui doit être suivi dans toute la route 


par celui que nous sommes à même d'observer chez quelques grandes espèces 
telles que oies. La conduite de la troupe est confiée à un chef placé en tête des 
deux files, plus ou moins écartées, qui se rencontrent Vers un point. Le chef 
est le sommet de cet angle mouvant; il ouvre la marche, porte les premiers 


coups à la résistance de l'air, fraie le chemin , et toute la bande le suit en ob- | 


servant l'ordre le plus parfait. Comme les efforts de ce chef sont très violens, 
et qu'il ne pourrait les supporter pendant tout le voyage, on le. voit, lorsqu'il 
est fatigué, céder le poste à son plus proche voisin, et prendre rang à l'ex- 
trémité de l’une ou l’autre des deux files. Les oiseleurs qui, dans certains can- 
tons, comptent sur le passage des oiseaux comme sur le revenu d'une rente, 
calculent d'avance l’époque et les chances de ce passage. Munis de leurs filets 
et de tous les appareils de la chasse, ils partent pour les gorges et les vallées 
par où les bandes doivent passer, et ils y arrivent à point nommé, peu d’instans 
avant elles. Ces bandes sont quelquefois si nombreuses , et les individus qui les 
composent tellement serrés les uns contre les autres , que le jour en est quel 
quefois très sensiblement obscureci. 

La route que tiennent les oiseaux dans ons migralions, et la nouvelle pa- 
trie qu’ils adoptent momentanément, sont presque toujours les mêmes chaque 
année. [l est cependant des oiseaux dont le voyage semble n'avoir aucun .but 
apparent, et auxquels tous les climats peuvent convenir ; ceux-là, doués d’ailes 
très longues, paraissent ne suivre aucune direction fixe ; ils ne s'arrêtent que 
pour prendre-un repos indispensable , et leurs apparitions sont constamment 
accidentelles; bien différens, sous ce rapport, d’un petit nombre d’espèces 
moins favorisées de la nature, qui sont privées des instrumens du vol, dont la 
démarche est lente et embarrassée et qui, condamnées à ne point quitter la ro- 
che qui les à vues naître, usent E- patience à attendre une pro que leur ap- 
porte le roulement des vagues. 

Après que l’oiseau.a passé la saison de la ponte, il perd ordinairement 
ses plumes : ce phénomène s'appelle la mue. Elle est le plus souvent double 
dans les oiseaux de rivage et dans les oiseaux d’eau ou les palmipèdes ; aussi on 
doit toujours observer si l'oiseau est en plumage d'été ou en plumage d'hiver, 
quand on décrit une espèce qui appartient à l’un de ces ordres. L'oiseau perd 
aussi la voix éclatante et brillante qu’il avait prise avec sa puberté, qu'il sem 
ble perdre et renouveler chaque année. 

Il y a plusieurs espèces qui changent de plumes dans le lieu même où elles 
ont élevé leurs petits; d’autres, au Contraire, cherchent un pays plus convenable 
où elles trouveront une température plus chaude et une nourriture plus abon- 


Cat ont. dun. nié 


A PRE 


ES 


— XXI — ; 


dante pour supporter l’état de maladie que leur cause la mue. Ainsi tous les oi- 
seaux inseclivores quittent de bonne heure les climats tempérés pour se porter 
vers le midi, tandis que nous voyons arriver à des provinces septentrionales , 
des bandes nombreuses de palmipèdes qui ont été faire leur ponte, pendant 
l'été, dans la zône glaciale. On connaît depuis long-temps les longues émigra- 
tions que font les hirondelles, les grues, les cailles; ces oiseaux traversent d'as- 
” sez-grandes étendues de mer. Les cigognes présentent même ce fait remar- 
quable, qu’elles sont du nombre des espèces qui pondent deux fois, et qu'une. 
de ces pontes a lieu en Europe, tandis que l’autre a lieu en-Egypte. 

L'époque des inondations , du débordement périodique des fleuves, influent 
sur l’époque du voyage des canards. C’est ce que l’on croit avoir observé en 
Amérique. D’autres espèces n’entreprennent pas des voyages aussi longs que 
celles que nous venons de citer. Les alouettes , les merles, les loriots, nous en. 
offrent des exemples. Ces migrations sont ce que les chasseurs appellent le 
passage des oiseaux. Il dure plus ou moins pour chaque espèce, dont quelques- 
unes paraissent se disperser en plusieurs tribus, qui partent chacune à des épo- 
ques différentes. Ainsi les alouettes, en Hollande, passent toujours en trois 
époques éloignées chacune de quinze à dix-huit jours. 

La connaissance de la distribution géographique des oiseaux sur le globe, 
s’acquiert par une étude suivie de leurs migrations. Les oiseaux sont plus ré- 
pandus à la surface de la terre que les quadrupèdes, soit à cause de la faculté 
avec laquelle ils se transportent d’un lieu dans un autre, soit à cause des tem- 
pératures différentes auxquelles ils peuvent se soumettre subitement, en s’éle- 
vant dans les régions supérieures de l'atmosphère. Toutefois on peut assigner : 
pour quelques espèces certaines limites qu’elles ne sauraient dépasser. 

Si l’on cherche à avoir un aperçu du nombre total des espèces d'oiseaux qui 
sont sur le globe, on est conduit à porter ce nombre à cinq mille. 

Sur ces cinq mille, près de neuf cents sont confinées dans la Zone tempérée 
boréale; cinq cents dans l'Afrique australe ; trois cents dans les régions équa- 
torialés de l'Afrique; douze cents dans les Zones inter-tropicales de l'Amérique; 
cinq cents dans la péninsule de l'Inde; près de mille à Java, Sumatra et dans 
les autres îles de cet immense archipel sous l’équateur , et près de trois cents 
sur les côtes dé la Nouvelle-Hollande. "+ 


MR — 


CLASSIFICATION DES OISEAUX. 


Les oiseaux diffèrent beaucoup moins entre eux que les mammifères. Ainsi 
à l'exception de quelques modifications dans le plumage, dans la forme géné- 
rale du corps, dans la disposition du bec, et dans la conformation des pieds, 
ils offrent de grandes ressemblances. Leur classe est donc difficile à bien 
subdiviser; aussi, que d'efforts ont été faits pour atteindre ce but! on compte 
plus de quinze méthodes qui ont essayé de ranger ces êtres suivant leurs rap- 
ports les plus naturels, et de les grouper d’après leurs affinités ou leurs res- 
semblances. J'ai suivi, dans cet ouvrage, la classification créée par G. Cuvier 
dans son RÈGNE ANIMAL ; c’est, de toutes, celle qui n’a paru la plus claire et 
la plus facile. Mais, avant de l’exposer avec détail, je crois qu'il est juste de 
rappeler rapidement les principales méthodes qui ont été proposées, et d’indi- 
quer le nombre des genres qu’elles admettent. 


Méthode de Brisson .. 1760. Cent quinze genres. 

Méthode de Linné ... 1766. Quatre-vingt-sept genres. 

Méthode de Latham .. 1790. Cent un genres. 

Méthode de Lacépède. 1799. Cent trente genres. 

Méthode de Duméril.. 1806. Cent douze genres. 

Méthode d'Illiger..... 1811. Quarante-et-un genres. 

Méthode de Vieillot.. 1816. Deux cent quatre vingt-deux genres. 
Méthode de Temminck 1820. Deux cent deux genres. 


Méthode de Latreille.. 1825. Deux cent cinquante-deux genres. 


La méthode proposée par M. de Blainville, en 1821, est tout anatomique | 
et prend pour base de classification l'Æppareil sternal : elle est encore in- | 
complète. 

Dans la classification des Oiseaux, comme dans celle des MamMiIrèREs , 
G. Cuvier à établi les divisions d'ordres de fumilles et de genres, d'après les 


= QI 


modifications que présentent les organes de la mastication et de la locomotion, 
c’est-à-dire, le bec et les pieds. Il a fait servir à sa méthode tous les rapports 
de formes, d'organisation, de mœurs et de patrie des oiseaux ; elle permet de 
les déterminer sans difficulté, de les découvrir sans hésitation, et elle fait 
connaître les ressemblances plus ou moins grandes qui se remarquent entre 
eux. Les Divisions et les Subdivisions ont été établies de manière à ne placer 
dans chaque groupe , que des oiseaux qui fussent d’autant plus semblables 
entre eux, que leur groupe était d’un rang moins élevé dans la Classification, 
et appartenait à une Division moins générale. D'après la place qu’un oiseau 
occupe dans ce classement, on devine les traits principaux de son organisation 
et, par conséquent aussi, de ses habitudes instinctives. 

Les oiseaux Aapaces correspondent aux Æccipitres de Linné. Les Passe- 
reaux réunissent les deux ordres des Passeres et des Picæ de Linné, à l’ex- 
ception des oiseaux à deux doigts devant et deux doigts derrière, dont il a 
composé son troisième ordre, les Grimpeurs. Les Gallinaces représentent 
les Gallinæ de Linné. Enfin les deux derniers ordres, les Æchassiers et les 
Palmipèdes se rapportent aux deux ordres Grallæ et Ansères du naturaliste 
Suédois. 

Les caractères de chacun de ces Six ordres sont exposés dans le tableau 
suivant. 


ACHILLE COMTE. 


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ÉONTETS 


© KEBPSARE 


HISTOIRE NATURELLE. 


DES OISEAUX DE PROIE. 


On pourrait dire que presque tous les oiseaux vivent de proie, puisque pres- 
que tous recherchent et prennent les insectes , les vers et les autres petits ani- 
maux vivans : mais je n’entends ici par oiseaux de proie que ceux qui se 
nourrissent de chair et font la guerre aux autres oiseaux; et, en les comparant 
aux quadrupèdes carnassiers, je trouve qu'il y en à proportionnellement 
beaucoup moins. La tribu des lions, des tigres, des panthères, onces , léo- 
pards, guépards, jaguars , Couguars , ocelots, servals, margais, chats sauvages . 
ou domestiques ; celle des chiens, des chacals, loups, renards, isatis ; celle des 
hyènes : civettes , zibets, genettes et fossanes ; les tribus plus nombreuses en- 
core des fouines, martes, putois, moufettes, furets, vansires, hermines, be- 
lettes, zibelines, mangoustes, surikates, gloutons, pékans, visons, sousliks 
et des sarigues, marmoses, cayopollins , tarsiers, phalangers ; celle des rous- 4 
settes, rougeltes, chauves-souris, à laquelle on peut encore ajouter toute la 
famille des rats, qui, trop faibles pour attaquer les autres, se dévorent eux- 

- mêmes. Tout cela forme un nombre bien plus considérable que celui des aigles, 
dés vautours, éperviers, faucons, gerfauts, milans, buses, crécerelles, éme- 
1 


OISEAUX, 


LENS 


rillons, ducs, hiboux, chouettes, pies-grièches et corbeaux , qui sont les seuls 
oiseaux dont l'appétit pour la chair soit bien décidé ; et encore y en a-t-il plu- 
sieurs , tels que les milans, les buses et les corbeaux, qui se nourrissent plus 


volontiers de cadavres que d'animaux vivans. 
Les oiseaux de proie étant moins puissans, moins forts et beaucoup moins 


nombreux que les quadrupèdes carnassiers , font aussi beaucoup moins de dé- 
gât sur la terre ; mais en revanche , il existe une grande tribu d'oiseaux qui font 
une prodigieuse déprédation sur les eaux. Il n’y à guère parmi les quadrupèdes 
que les castors , les loutres, les phoques et les morses, qui vivent de poisson ; 
au lieu qu’on peut compter un très grand nombre d'oiseaux qui n’ont pas d’au- 
tre subsistance. 

Nous séparerons ici ces tyrans de l’eau des tyrans de l'air, et ne parlerons 
pas, dans cet article, de ces oiseaux qui ne sont que pêcheurs et piscivores; ils 
sont, pour la plupart, d’une forme très différente, et d'une nature assez éloi- 
gnée des oiseaux carnassiers : Ceux-ci saisissent leur proie avec les serres; ils 
ont tous le bec court et crochu, les doigts bien séparés et dénués de membra- 
nes, les jambes fortes et ordinairement recouvertes par les plumes des cuisses, 
les ongles grands et crochus; tandis que les autres prennent le poisson avec le 
bec qu'ils ont droit et pointu, et qu’ils ont aussi les doigts réunis par des 
membranes, les ongles faibles et les jambes tournées en arrière. 

En ne comptant pour oiseaux de proie que ceux que nous venons d'indiquer, 
et séparant encore pour un instant les oiseaux de nuit des oiseaux de jour, nous 
les présenterons dans l’ordre qui nous a paru le plus naturel. 

Tous les oiseaux de proie sont remarquables par une singularité dont il est 
difficile de donner la raison; c’est que les mâles sont d'environ un tiers moins 
grands et moins forts que les femelles; tandis que, dans les quadrupèdes et dans 
les autres oiseaux , ce sont les mâles qui ont le plus de grandeur et de force. A 
la vérité, dans les insectes, et même dans les poissons, les femelles sont un peu 
plus grosses que les mâles , et l’on en voit clairement la raison : c’est la prodi- 
gieuse quantité d'œufs qu’elles contiennent qui renfle leur corps. Mais cela ne 
peut en aucune façon s'appliquer aux oiseaux, d'autant qu'il paraît, par le fait, 
que c’est tout le contraire : car, dans ceux qui produisent des œufs en grand 
nombre, les femelles ne sont pas plus grandes que les mâles; les poules, les 
canes, les dindes, les poules faisanes, les perdrix, les cailles femelles, qui 
produisent dix-huit ou vingt œufs , sont plus petites que leur mâle, tandis que 
les femelles des aigles, des vautours, des éperviers, des milans et des buses, 
qui n'en produisent que trois ou quatre, sont d’un tiers plus grosses que les 


Are 


mâles : c’est par cette raison qu'on appelle #ercelet le mâle de toutes les es- 
pèces d'oiseaux de proie. Ce mot est un nom générique, el non pas spécifique, 
comme quelques auteurs l'ont écrit; et ce nom générique indique seulement 
que le mâle ou tiercelet et d’un #ers environ plus petit que la femelle. 

Ces oiseaux ont tous pour habitude naturelle et commune le goût de la chasse 
et l'appétit de la proie, le vol très élevé, l'aile et la jambe fortes, la vue très 
perçante , la tête grosse, la langue charnue, l'estomac simple et membraneux, 
les intestins moins amples et plus courts que les autres oiseaux. Ils habitent de 
préférence les lieux solitaires , les montagnes désertes, et font communément 
leur nid dans des trous de rochers ou sur les plus hauts arbres : l’on en trouve 
plusieurs espèces dans les deux continens ; quelques-uns même ne paraissent 
pas avoir de climat fixe et bien déterminé. Enfin ils ont encore pour caractères 
généraux et communs le bec crochu, les quatre doigts à chaque pied , tous 
quatre bien séparés. Mais on distinguera toujours un aigle d’un vautour par un 
caractère évident : l'aigle a la tête couverte de plumes, au lieu que le vautour 
l'a nue et garnie d’un simple duvet; et on les distinguera tous deux des éper- 
viers , buses, milans et faucons, par un autre caractère qui n’est pas difficile à 
| saisir, c’est que le bec de ces derniers oiseaux commence à se courber dès son 
insertion , tandis que le bec des aigles et des vautours commence par une par- 
tie droite, et ne prend de la courbure qu’à quelque distance de son origine. 

Tous les oïseaux de proie ont plus de dureté dans le naturel et plus de féro- 
cité que les autres oiseaux; non-seulement ils sont les plus difficiles de tous à 
priver, mais ils ont encore presque tous, plus ou moins, l'habitude dénaturée 
de chasser leurs petits hors du nid bien plus tôt que les autres, et dans le temps 
qu'ils leur devraient encore des soins et des secours pour leur subsistance. 
Cette cruauté n’est produite que par un sentiment encore plus dur, qui est ie 
besoin pour soi-même el la nécessité. 

Tous les animaux qui, par la conformation de leur estomac et de leurs intes- 
tins , sont forcés de se nourrir de chair et de vivre de proie, quand même ils 
seraient nés doux , deviennent bientôt offensifs et méchans par le seul usage de 
leurs armes, et prennent ensuite de la férocité dans l'habitude des combats. 
Comme ce n’est qu’en détruisant les autres qu’ils peuvent satisfaire à leurs be- 
soins , et qu'ils ne peuvent les détruire qu'en leur faisant continuellement la 
guerre , ils portent une âme de colère qui influe sur toutes leurs actions, dé- 
uit tous les sentimens doux, et affaiblit même la tendresse maternelle. Frop 
pressé de son propre besoin, l'oiseau de proie n'entend qu'impatiemment et 
sans pitié les cris de ses petits, d'autant plus affamés qu'ils deviennent plus 


PAL, Nes 


grands : si la chasse se trouve difficile, et que la proie vienne à manquer, il les 
expulse, les frappe, et quelquefois les tue dans un accès de fureur causée par 
la misère. 

Un autre effet de cette dureté naturelle et acquise est l’insociabilité. Les oi- 
seaux de proie, ainsi que les quadrupèdes carnassiers, ne se réunissent jamais 
les uns avec les autres; ils mènent, comme les voleurs, une vie errante et soli- 
taire. Cependant le mâle et la femelle se réunissent , et comme tous deux sont 
en état de se pourvoir, et qu’ils peuvent même s’aider à la guerre qu'ils font 
aux autres animaux , ils ne se séparent pas. On trouve presque toujours une 
paire de ces oiseaux dans le même lieu, mais presque jamais on ne les voit 
s’attrouper ni même se réunir en famille ; et ceux qui, comme les aigles, sont 
les plus grands, et ont, par cette raison, besoin de plus de subsistance, ne 
souffrent pas même que leurs petits, devenus leurs rivaux, viennent occuper 
les lieux voisins de ceux qu’ils habitent ; tandis que tous les oiseaux et tous les 
quadrupèdes qui n’ont besoin pour se nourrir que des fruits de la terre vivent 
en famille, cherchent la société de leurs semblables, se mettent en bandes et 
en troupes nombreuses, et n’ont d'autre querelle, d'autre cause de guerre, que 
celles de l'amour et de l'attachement pour leurs petits. Les femelles prennent 
même de la férocité pour leur défense. 

Avant d'entrer dans les détails historiques qui ont rapport à chaque espèce 
d'oiseaux de proie, nous ne pouvons nous dispenser de faire quelques remar- 
ques sur les méthodes qu’on à employées pour reconnaître ces espèces, et les 
distinguer les unes des autres. Les couleurs, leur distribution , leurs nuances, 
les taches, les bandes, les raies, les lignes , servent de fondement à la distinc- 
on des espèces. Lorsque ces variétés sont grandes, ou seulement assez sensi- 
bles pour être aisément remarquées, on en conclut, sans hésiter, que ce sont 
des indices certains de la différence des espèces ; et en conséquence on consti- 
tue autant d'espèces d'oiseaux qu’on remarque de différence dans les couleurs. 
Cependant rien n’est plus fautif et plus incertain : nous pourrions faire d'a- 
vance une longue énumération des doubles et triples emplois d’éspèces faites 
par les nomenclateurs d'après cette méthode de la différence des couleurs ; 
mais il nous suffira de faire sentir ici les raisons sur lesquelles nous fondons 
celte critique, et de remonter en même temps à la source qui produit ces 
erreurs. 

Fous les oiseaux en général muent dans la première année de leur âge, et les 
couleurs de leur plumage sont presque toujours, après cette première mue, 
res différentes de ce qu'elles étaient auparavant : ce changement de couleur, 


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après le premier âge, est assez général dans la nature, et s'étend jusqu'aux 
quadrupèdes, qui portent alors ce qu’on appelle la Zivree ; et qui perdent cette 
livrée, c’est-à-dire les premières couleurs de leur pelage , à la première mue. 
Dans les oiseaux de proie, l’effet de cette première mue change si fort les cou- 
leurs, leur distribution , leur position , qu'il n’est pas étonnant que les nomen- 
clateurs, qui presque tous ont négligé l’histoire des oiseaux, aient donné, 
comme des espèces diverses, le même oiseau, dans ces deux états différens dont 
l’un a précédé et l'autre suivi la mue. Après ce premier changement, il s'en 
fait un second assez considérable à la seconde et souvent encore à la troisième 
mue : en sorte que, par cette seule première eause, l’oiseau de six mois, celui de 
dix-huit mois et celui de deux ans et demi, quoique le même, paraît être trois 
oiseaux différens , surtout à ceux qui n'ont pas étudié leur histoire , et qui n’ont 
d'autre guide, d'autre moyen de les connaître , que les méthodes fondées sur 
les couleurs. +88 | 

Cependant ces couleurs changent souvent du tout au tout, non-seulement 
par la cause générale de la mue, mais encore par un grand nombre d’autres 
causes particulières : la différence des sexes est souvent accompagnée d’une 
grande différence ‘dans la couleur; il y a d’ailleurs des espèces qui, dans le 
même climat, varient indépendamment même de l’âge et du sexe ;silyena,et 
en beaucoup plus grand nombre, dont les couleurs changent absolument par 
l'influence des différens climats. Rien n’est done plus incertain que la connais- 
sance des oiseaux, et surtout de ceux de proie dont il est ici’ question, par les 
couleurs et leurs distributions ; rien de plus fautif que la distinction de leurs 
espèces fondée sur des caractères aussi inconstans qu’aceidentels. 


DES AIGLES. 


Il y à plusieurs oiseaux auxquels on donne le nom d’Æigles : les nomencla- 
teurs en comptent onze espèces en Europe, indépendamment de quatre autres 
espèces , dont deux sont du Brésil, une d’Afrique, et la dernière des Grandes- 
_ Indes. Ces onze espèces sont : 1° l'aigle commun , 2° l'aigle à tête blanche, 5° 
l'aigle blanc, 4° l'aigle tacheté , 5° l'aigle à queue blanche, 6° le petit aigle à 
queue blanche, 7° l'aigle doré, 8° l'aigle noir, 9° le grand aigle de mer, 10° 


— 6 — 


l'aigle de mer, 11° le jean-le-blane. Mais les nomenclateurs modernes parais- 
sent s'être beaucoup moins souciés de restreindre et réduire au juste le nombre 
des espèces, que de les multiplier , chose bien moins difficile, et par laquelle 
on brille à peu de frais aux yeux des ignorans : car la réduction des espèces 
suppose beaucoup de connaissances, de réflexions et de comparaisons ; au lieu 
qu’il n’y a rien de si aisé que d’en augmenter la quantité : il suffit pour cela de 
parcourir les livres et les cabinets d'histoire naturelle, et d'admettre, comme 
caractères spécifiques , toutes les différences, soit dans la grandeur, dans la 
‘forme ou la couleur ; et de chacune de ces différences, quelque légère qu'elle 
soit , faire une espèce nouvelle et séparée de toutes les autres. Mais malheu- 
reusement , en augmentant ainsi très gratuitement le nombre nominal des es- 
pèces, on n’a fait qu'augmenter en même temps les difficultés de l’histoire na- 
turelle, dont l'obscurité ne vient.que de ces nuages répandus par une nomen- 
clature arbitraire , souvent fausse, toujours particulière, et qui ne saisit jamais 
l'ensemble des caractères ; tandis que c’est de la réunion de tous ces caractères, 
et surtout de la différence ou de la ressemblance de la forme, de la grandeur, 
de la couleur, et aussi de celle du naturel et des mœurs, qu'on doit conclure 
la diversité ou l’unité des espèces. 

Mettant donc d’abord à part les quatre espèces d’aigles étrangers dont nous 
nous réservons de parler dans la suite, et rejetant de la liste l'oiseau qu’on ap- 
pelle jean-le-blanc, qui est si différent des aigles, qu’on ne lui en à jamais 
donné le nom; il me paraît qu’on doit réduire à six les onze espèces d’aigles 
d'Europe mentionnées ci-dessus, et que, dans ces six espèces, il n’y en a que 
trois qui doivent conserver le nom d’aigles, les trois autres étant des oiseaux 
assez différens des aigles pour exiger un autre nom. Ces trois espèces d’aigles 
sont : 1° l'aigle doré, que j'appellerai le grand aigle; 2° Vaigle commun ou 
moyen; 3° l'aigle tacheté, que j'appellerai le petit aigle : les trois autres sont 
l'aigle à queue blanche, que j'appellerai pygargue, de Son nom ancien, pour 
le distinguer des aigles des trois premières espèces, dont il commence à s’éloi- 
gner par quelques caractères; l'aigle de mer, que j'appellerai balbuzard, de 
Son nom anglais, parce que ce n’est point un véritable aigle; et enfin le grand 
aigle de mer, qui s'éloigne encore plus de l'espèce, et que, par cette raison, 
j'appellerai orfraie, de son vieux nom français. 

Le grand et le petit aigle sont chacun d’une espèce isolée; mais l’aigle com- 
mun et le pygargue sont sujets à varier. L'espèce de l'aigle commun est compo- 
sée de deux variétés, savoir : l'aigle brun et l'aigle noir; et l'espèce du pygargue 
en contient trois, savoir : le grand aigle à queue blanche, le petit aigle à queue 


HN EE 


blanche, et l'aigle à tête blanche. Je n’ajouterai pas à ces espèces celle de l’ai- 
gle blanc; car je ne pense pas que ce soit une espèce particulière, ni même une 
race constante et qui appartienne à une espèce déterminée : ce n’est, à mon 
avis, qu'une variété accidentelle, produite par le froid du climat, et plus sou- 
vent encore par la vieillesse de l'animal. On verra dans l’histoire particulière 
des oiseaux que plusieurs d’entre eux, et les aigles surtout, blanchissent par la 
vieillesse , et même par les maladies, ou par la trop longue diète. 

On verra de même que l’aigle noir n’est qu’une variété dans l'espèce de l’ai- 
ole brun ou aigle commun; que laigle à tête blanche, et le petit aigle à queue 
blanche, ne sont aussi que des variétés dans l’espèce du pygargue ou grand 
aigle à queue blanche, et que l'aigle blanc n’est qu'une variété accidentelle ou 
individuelle qui peut appartenir à toutes les espèces. 

Ainsi des onze prétendues espèces d'aigle, il ne nous en reste plus que trois, 
qui sont le grand aigle, l'aigle moyen et le petit aigle; les quatre autres, savoir : 
le pygargue , le balbuzard, l’orfraie et le jean-le-blance, étant des oiseaux assez 
différens des aigles pour être considérés chacun séparément, el porter par 
conséquent un nom particulier. Je me suis déterminé à cette réduction d’es- 
pèces avec d'autant plus de fondement et de raison, qu'il était connu, dès le 
temps des anciens , que les aigles de races différentes se mêlent volontiers, et 
que d’ailleurs cette division ne s'éloigne pas beaucoup de celle d’Aristote, qui 
me paraît avoir mieux connu qu'aucun de nos nomenclateurs les vrais carac- 
ières et les différences réelles qui séparent les espèces. Il dit qu’il y en a six 
dans le genre des aigles ; mais dans ces six espèces, il comprend un oiseau qu'il 
avoue lui-même être du genre des vautours, et qu'il. faut par conséquent en 
séparer, puisque c’est en effet celui que l’on connaît sous le nom de vautour 
des Alpes. Ainsi reste à cinq espèces , qui correspondent d’abord aux trois es- 
pèces d’aigle que je viens d'établir, et ensuite à la quatrième et à la cinquième, 
qui sont le pygargue , et l’aigle de mer ou balbuzaid. J’ai cru, malgré l’auto- 
rité de ce grand philosophe, devoir séparer des aigles proprement dits ces 
deux derniers oiseaux; et c’est en cela seul que ma réduction diffère de la 
sienne : car du reste je me trouve entièrement d'accord avec ses idées; et je 
pense comme lui que l’orfraie (ossifraga), ou grand aigle de mer, ne doit pas 
être compté parmi les aigles, non plus que l'oiseau appelé jean-le-blane, du- 
quel il ne fait pas mention, et qui est si différent des aigles, qu’on ne lui en à 
jamais donné le nom. 


PETIT AIGLE. 


CPI OT) 


La troisième espèce est l'aigle tacheté, que j'appelle petit aigle (1), et dont 
Aristote donne une notion exacte, en disant que c’est un oiseau plaintif, dont le 
plumage est tacheté, et qui est plus petit et moins fort que les autres aigles : et 
en effer, il n’a pas deux pieds et demi de longueur de corps, depuis le bout du 
bec jusqu'à l’extrémité des pieds; et ses ailes sont encore plus courtes à pro- 
portion, car ellés n'ont guère que quatre pieds d'envergure. On l’a appelé 
aquila planga, aquila clanga, aigle plaintif, aigle criard ; et ces noms ont 
été bien appliqués, car il pousse continuellement des plaintes et des cris la- 
mentables. On l’a surnommé anataria , parce qu’il attaque les canards de pré- 
férence ; et morphna, parce que son plumage, qui est d’un brun obscur, est 
marqueté sur les jambes et sous les ailes de plusieurs taches blanches, et qu’il 
a aussi sur la gorge une grande zone blanchâtre. | 

C’est de tous les aigles celui qui s’apprivoise le plus aisément; il est plus fai- 
ble, moins fier et moins courageux que les autres : c’est celui que les Arabes 
ont appelé zimiech, pour le distinguer du grand aigle, qu’ils appellent zu- 
mach. La grue est sa plus forte proie; car il ne prend ordinairement que des 
canards, d’autres moindres oiseaux , et des rats. L'espèce, quoique peu nom- 
breuse en chaque lieu, est répandue partout, tant en Europe qu'en Asie, en 
Afrique , où on la trouve jusqu’au cap de Bonne-Espérance dans ce continent : 
mais il ne paraît pas qu’elle soit en Amérique ; car, après avoir comparé les 


(r) En latin, aquila nϾvia ; en allemand, stein-adler, gauseaar; en anglais, roughfooted eagle. 


7 3 27 D ACT ? 
— LES D lb er Ce cars Ad ; 


NO: > 


indications des voyageurs, j'ai présumé que l'oiseau qu'ils appellent l'aigle de 
l’'Orénoque, qui a quelque rapport avec celui-ci par la variété de son plumage, 
est néanmoins un oiseau d’espèce différente. Si ce petit aigle, qui est beaucoup 
plus docile, plus aisé à apprivoiser que les deux autres, et qui est aussi moins 
lourd sur le poing et moins dangereux pour son maître, se füt trouvé égale- 
ment courageux , On n'aurait pas manqué de s’en servir pour la chasse : mais 
il est aussi lâche que plaintif et criard ; un épervier bien dressé suffit pour le 
vaincre et l’abattre. 

La femelle, qui, dans l'aigle, comme dans toutes les autres espèces d’oi- 
seaux de proie, est plus grande que le mâle et semble être aussi, dans l’état 
de liberté, plus hardie, plus courageuse et plus fine, ne paraît pas conserver 
ces dernières qualités dans l’état de captivité. 

Dans l’état de nature, l'aigle ne chasse seul que dans le temps où la femelle 
ne peut quicter ses œufs ou ses petits. Comme c’est la saison où le gibier com- 
mence à devenir abondant par le retour des oiseaux, il pourvoit aisément à sa 
propre subsistance et à celle de sa femelle : mais, dans tous les autres temps 
de l’année , le mâle et la femelle paraissent s'entendre pour la chasse; on les 
voit presque toujours ensemble, ou du moins à peu de distance l’un de l’autre. 
Les habitans des montagnes, qui sont à portée de les observer , prétendent que 
l’un des deux bat les buissons, tandis que l’autre se tient sur quelque arbre ou 
sur quelque rocher pour saisir le gibier au passage. Ils s'élèvent souvent à une 
hauteur si grande, qu'on les perd de vue; et, malgré ce grand éloignement, 
leur voix se fait encore entendre très distinctement, et leur cri ressemble alors 
à l’aboiement d’un petit chien. 

Malgré sa grande voracité, l'aigle peut se passer long-temps de nourriture, 
surtout dans l’état de captivité, lorsqu'il ne fait point d'exercice. J'ai été in- 
formé par un homme digne de foi qu’un de ces oiseaux de l'espèce commune, 
pris dans un piège à renard, avait passé cinq semaines entières sans aucun ali- 
ment, et n'avait paru affaibli que dans les huit derniers jours, au bout des- 
quels on le tua, pour ne pas le laisser languir plus long-temps. 4 

Quoique les aigles en général aiment les lieux déserts et les montagnes, il est 
rare d’en trouver dans celles des presqu'iles étroites, ni dans les îles qui ne 
sont pas d’une grande étendue ; ils habitent la terre ferme dans les deux conti- 
nens , parce qu'ordinairement les îles sont moins peuplées d'animaux. Les an- 
ciens avaient remarqué qu’on n'avait jamais vu d’aigles dans l’île de Rhodes ; 
ils regardèrent comme un prodige que, dans le temps où l’empereur Tibère 
se trouva dans cette île, un aigle vint se poser sur le toit de la maison où il était 


OISEAUX, 2 


ER 


logé. Les aigles ne font en effet que passer dans les îles sans s'y habituer ; et 
lorsque les voyageurs ont parlé d’aigles dont on trouve les nids sur le bord des 
eaux et dans les îles, ce ne sont pas des aigles dont nous venons de parler, 
mais les balbuzards et les orfraies, qu’on appelle communément aigles de mer, 
qui sont des oiseaux d’un naturel différent, et qui vivent plutôt de poisson que 


de gibier. 


BALBUZARD. 


Le balbuzard (1) est l'oiseau que nos nomenciateurs appellent aigle de 
mer, et que nous appelons en Bourgogne craupécherot, mot qui signifie 
corbeau pécheur. Crau où craw est le cri du corbeau : c’est aussi son nom 
dans quelques langues, et particulièrement en anglais; et ce mot est resté en 
Bourgogne parmi les paysans, comme quantité d’autres termes anglais que 
j'ai remarqués dans leur patois, qui ne peuvent venir que du séjour des Anglais 
dans cette province, sous les règnes de Charles V, Charles VI, etc. Gesner 
qui, le premier , a dit que cet oiseau était appelé crospescherot par les Bour- 
guignons , à mal écrit ce nom , faute d'entendre le jargon de Bourgogne : le 
vrai mot est erau, et non pas eros ; et la prononciation n’est ni eros ni erau, 
mais eraw, ou simplement er avec un 4 fort ouvert. 

À tout considérer, on doit dire que cet oiseau n’est pas un aigle, quoiqu'il 
ressemble plus aux aigles qu'aux autres oiseaux de proie. D'abord il est bien 
plus petit; il n’a ni le port, ni la figure, ni le vol de l'aigle : ses habitudes 
naturelles sont aussi très différentes, ainsi que ses appétits, ne vivant guère 
que de poisson qu'il prend dans l’eau, même à quelques pieds de profondeur; 
et ce qui prouve que le poisson est en effet sa nourriture la plus ordinaire, 
c'est que sa Chair en a une très forte odeur. J'ai vu quelquefois cet oiseau 
demeurer pendant plus d'une heure perché sur un arbre à portée d’un étang, 
jusqu’à ce qu'il aperçüt un-gros poisson sur lequel il püt fondre , et l'emporter 
ensuite dans ses serres. Il a les jambes nues , et ordinairement de couleur 


(1) En latin, aquila marira ; en italien, anguista piombina ; en allemand, fischaller ou £sed-ahr; 
en anglais, baldbuzard. 


LAMRNT À Yes 


bleuâtre , les ongles noirs, très grands et très aigus; les pieds et les doigts si 
raides , qu’on ne peut les fléchir; le ventre tout blanc, la queue large, et la 
tête grosse et épaisse. C’est une erreur populaire, que cet oiseau nage avec un 
pied , tandis qu’il.prend le poisson avec l’autre ; et c’est cette erreur populaire 
qui a produit la méprise de M. Linnæus. Auparavant, M. Klein a dit la même 
chose de l'orfraie ou grand aigle de mer; et il s’est également trompé, car ni 
l’un ni l’autre de ces oiseaux n’a de membranes entre aucun doigt du pied 
gauche. La source commune de ces erreurs est dans Albert-le-Grand, qui à 
écrit que cet oiseau avait l’un des pieds pareil à celui d’un épervier, et l’autre 
semblable à celui d’une oie; ce qui est non-seulement faux, mais absurde et con- 
tre toute analogie : en sorte qu’on ne peut qu'être étonné de voir que Gesner, 
Aldrovrande, Klein et Linnæus, au lieu de s'élever contre cette fausseté, l’aient 
accréditée, et qu'Aldrovrande nous dise froidement que cela n’est pas contre 
toute vraisemblance, puisque je sais, ajoute-t-il très positivement, qu'il y 
a des poules d’eau moitié palmipèdes et moitié pissipèdes , ce qui est encore un 
autre fait tout aussi faux que le premier. 

Cet oiseau, au lieu d’habiter les rochers escarpés et les hautes montagnes, 
comme les aigles, se tient plus volontiers dans les terres basses et maréca- 
geuses à portée des étangs et des lacs poissonneux. Il est ordinairement très 
gras, et peut, comme les aigles, se passer d'alimens pendant plusieurs jours 
sans en être incommodé ni paraître affaibli. Il est aussi moins fier et moins 
féroce-que l’aigle ou Le pygargue; et l’on prétend qu’on peut aisément le dresser 
pour la pêche, comme l’on dresse les autres oiseaux pour la chasse. 


PYGARGUE. 


(PI. 1.) 


L'espèce du pygargue (1) me paraît être composée de trois variétés, savoir : 
le grand pygargue, le petit pygargue et le pygargue à tête blanche. Les 
deux premiers ne diffèrent guère que par la grandeur, et le dernier ne diffère 
presque en rien du premier, la grandeur étant la même, et n’y ayant d'autre 


(1) En laün, aguila albicilla, hinnularia. 


no ne 


différence qu'un peu plus de blanc sur la tête et le cou. Aristote ne fait mention 
que de l'espèce, et ne dit rien des variétés ; ce n’est même que du grand py- 
gargue qu'il a entendu parler, puisqu'il lui donne pour surnom le mot hin- 
nularia, qui indique que cet oiseau fait sa proie des faons (hënnulos), c'est- 
à-dire des jeunes cerfs, des daims et chevreuils ; attribut qui ne peut convenir 
au petit pygargue, trop faible pour attaquer d’aussi grands animaux. 

Les différences entre les pygargues et les aigles sont, 1° la nudité des 
jambes; les aigles les ont couvertes jusqu’au talon, les pygargues les ont nues 
dans toute la partie inférieure ; 2° la couleur du bec; les aigles l'ont d’un noir 
bleuâtre, et les pygargues l'ont jaune ou blanc; 3° la blancheur de la queue, 
qui a fait donner aux pygargues le nom d’aigles à queue blanche, parce qu’ils 
ont en effet la queue blanche en dessus et en dessous dans toute son étendue. 
Ils diffèrent encore des aigles par quelques habitudes naturelles; ils n’habi- 
tent pas les lieux déserts ni les hautes montagnes : les pygargues se tiennent 
plutôt à portée des plaines et des bois qui ne sont pas éloignés des lieux 
habités. 

Il paraît que le pygargue, comme l'aigle commun, affecte les climats froids 
de préférence : on le trouve dans toutes les provinces du nord de l'Europe. 
Le grand pygargue est à-peu-près de la même grosseur et de la même force, 
si même il n’est pas plus fort que l'aigle commun : il est au moins plus car- 
nassier, plus féroce, et moins attaché à ses petits, car il ne les nourrit pas 
long-temps; il les chasse hors du nid avant même qu'ils soient en état de se 
pourvoir; et l’on prétend que, sans le secours de l’orfraie, qui les prend alors 
sous sa protection, la plupart périraient. Son nid est une aire ou un plancher 
tout plat, comme celui du grand aigle, qui n’est abrité dans le dessus que par 
le feuillage des arbres, et qui est composé de petites perches et de branches 
qui soutiennent plusieurs lits alternatifs de bruyères et d’autres herbes. Ce 
sentiment contre nature qui porte ces oiseaux à chasser leurs petits avant 
qu'ils puissent se procurer aisément leur subsistance , et qui est commun à 
l'espèce du pygargue, et à celles du grand aigle et du petit aigle tacheté, in- 
dique que ces trois espèces sont plus voraces et plus paresseuses à la chasse 
que celle de l’aigle commun, qui soigne et nourrit largement ses petits, les 
conduit ensuite, les instruit à chasser et ne les oblige à s'éloigner que quand 
ils sont assez forts pour se passer de tout secours. 

D'ailleurs, le naturel des petits tient de celui de leurs parens : les aiglons 
de l'espèce commune sont doux et assez tranquilles, au lieu que ceux du grand 
aigle et du pygargue, dès qu'ils sont un peu grands, ne cessent de se battre ct 


LE NAT ES 


de se disputer la nourriture et la place dans le nid, en sorte que souvent le 
père et la mère en tuent quelqu'un pour terminer le débat. On peut encore 
ajouter que, comme le grand aigle et le pygargue ne chassent ordinairement 
que de gros animaux, ils se rassasient souvent sur le lieu, sans pouvoir les 
emporter; que par conséquent les proies qu'ils enlèvent sont moins fréquentes, 
et que, ne gardant point de chair corrompue dans leurs nids, ils sont souvent 
au dépourvu; au lieu que l'aigle commun, qui tousles jours prend des lièvres et 
des oiseaux , fournit plus aisément et plus abondamment la subsistance né- 
cessaire à ses pelits. On a aussi remarqué, surtout dars l’espèce des pygargues 
qui fréquentent de près les lieux habités, qu'ils ne chassent que pendant 
quelques heures dans le milieu du jour, et qu’ils se reposent le matin, le soir 
et la nuit; au lieu que l’aigle commun (aquila valeria) est en effet plus va- 
leureux, plus diligent et plus infatigable. 


LES VAUTOURS. 


L'on a donné aux aigles le premier rang parmi les oiseaux de proie, non 
parce qu'ils sont plus forts et plus grands que les vautours; mais parce qu'ils 
sont plus généreux, c’est-à-dire moins bassement cruels; leurs mœurs sont 
plus fières, leurs démarches plus hardies, leur courage plus noble, ayant au 
moins autant de goût pour la guerre que d’appétit pour la proie : les vautours, 
au contraire, n’ont que l'instinct de la basse gourmandise et de la voracité; ils 
ne combattent guère les vivans que quand ils ne peuvent s’assouvir sur les 
morts. 

L’aigle attaque ses ennemis ou ses victimes corps à corps; seul il les pour- 
suit, les combat, les saisit : les vautours, au contraire, pour peu qu'ils pré- 
voient de résistance, se réunissent en troupes comme de lâches assassins, et 
sont plutôt des voleurs que des guerriers, des oiseaux de carnage que des oi- 
seaux de proie; car, dans ce genre, il n’y a qu'eux qui se mettent en nombre et 
plusieurs contre un; il n’y a qu'eux qui s’acharnent sur les cadavres, au point 
de les déchiqueter jusqu'aux os : la corruption, l'infection les attire, au lieu 
de les repousser. Les éperviers, les faucons, et jusqu'aux petits oiseaux mon- 
trent plus de courage; car ils chassent seuls, et presque tous dédaignent la 
chair morte, et refusent celle qui est corrompue. 


Dans les oiseaux comparés aux quadrupèdes, le vautour semble réunir la 
force et la cruauté du tigre avec la lâcheté et la gourmandise du chacal, qui 
se met également en troupes pour dévorer les charognes et déterrer les cada- 
vres; tandis que l'aigle a, comme nous l'avons dit, le courage, la noblesse, la 
magnanimilé et la munificence du lion. 

On doit donc d’abord distinguer les vautours des aigles par cette différence 
de naturel, et on les reconnaîtra à la simple inspection, en ce qu’ils ont les 
yeux à fleur de tête, au lieu que les aigles les ont enfoncés dans l'orbite; la 
tête nue, le cou aussi presque nu, couvert d’un simple duvet, ou mal garni de 
quelques crins épars, tandis que l’aigle a toutes ces parties bien couvertes de 
plumes; à la forme des ongles, ceux des aigles étant presque demi circu'!ai- 
res, parce qu'ils se tiennent rarement à terre, et ceux des vautours étant plus 
courts et moins courbés; à l'espèce de duvet fin qui tapisse l’intérieur de leurs 
ailes, et qui ne se trouve pas dans les autres oiseaux de proie; à la partie du 
dessous de la gorge, qui est plutôt garnie de poils que de plumes; à leur atti- 
tude plus penchée que eelle de l'aigle, qui se tient fièrement droit, et presque 
pérpendiculairement sur ses pieds; au lieu que le vautour, dont la situation 
est à demi horizontale, semble marquer la bassesse de son caractère par la 
position inclinée de son corps. On reconnaîtra même les vautours de loin, en 
ce qu'ils sont presque les seuls oiseaux de proie qui volent en nombre, c’est- 
à-dire plus de deux ensemble, et aussi parce qu'ils ont le vol pesant, et qu'ils 
ont même beaucoup de peine à s'élever de terre, étant obligés de s’essayer etde 
s’efforcer à trois ou quatre reprises avant de pouvoir prendre leur plein essor. 


OISEAUX ÉTRANGERS QUI ONT RAPPORT AUX VAUTOURS. 


I. L'oiseau envoyé d’Afrique et de l'ile de Malte, sous le nom de vautour 
brun, qui est uné espèce ou une variété particulière dans le genre des vau- 
tours ét qui, ne se trouvant point en Europe, doit être regardée comme 
appartenant au climat de l'Afrique, et surtout aux terres voisines de la mer 
Méditerranée. 


II. L'oiseau appelé par Pelon le sacre d'Égynte, et que le docteur Shaw 


PALUEURS 
MANGA FEI 


à 7 RURE 0 D 
Le ee es Ver . 


PE 153 ee 

indique sous le nom ackbobba. Cet oiseau se voit par troupes dans les terres 
stériles et sablonneuses qui avoisinent les pyramides d'Égypte : il se tient 
presque toujours à terre, et Se repaît, comme les vautours, de toute viande 
et de chair corrompue. «Il est, dit Belon, oiseau sordide et non gentil; et 
« quiconque feindra voir un oiseau ayant la corpulence d’un milan, le bec 
« entre le corbeau et l'oiseau de proie, erochu par le fin bout, et les jambes 
« et pieds, et marcher comme le corbeau, aura l'idée de cet oiseau, qui est 
« fréquent en Égypte, mais rare ailleurs, quoiqu'il y en ait quelques-uns en 
« Syrie, et que j'en aie, ajoute-t-il, vu quelques-uns dans la Caramanie. » 


= 


ROI DES VAUTOURS. 


L'oiseau de l'Amérique méridionale, que les Européens qui habitent les colo- 
nies ont appelé ro2 des vautours, et qui est en effet le plus bel oiseau de ce 
genre. C’est d’après celui qui est au Cabinet du Roi que M. Brisson en a donné 
une bonne et ample description. M. Edwards, qui a vu plusieurs de ces oi- 
seaux à Londres, l’a aussi très bien décrit et dessiné. Nous réunirons ici les re- 
marques de ces deux auteurs, et de ceux qui les ont précédés, avec celles que 
nous avons faites nous-même sur la forme et la nature de cet oiseau. C’est cer- 
tainement un vautour; car il a la tête et le cou dénués de plumes, ce qui est le 
caractère le plus distinctif de ce genre : mais il n’est pas des plus grands, 
n'ayant que deux pieds deux ou trois pouces de longueur de corps, depuis le 
bout du bec jusqu’à celui des pieds ou de la queue ; n’étant pas plus gros qu’un 
dindon femelle , et n’ayant pas les ailes à proportion si grandes que les autres 
vautours, quoiqu’elles s'étendent, lorsqu'elles sont pliées, jusqu'à l’extrémité 
de la queue, qui n’a pas huit pouces de longueur. Le bec, qui est assez fort et 
épais, est d’abord droit et direct, et ne devient crochu qu’au bout ; dans quel- 
ques-uns il est entièrement rouge, et dans d’autres il ne l’est qu’à son extré- 
mité, et noir dans son milieu : la base du bec est environnée et couverte d’une. 
peau de couleur orangée, large, et s’élevant de chaque côté jusqu’au haut de 
la tête ; et c’est dans cette peau que sont placées les narines, de forme oblon- 


RS ue 


gue, et entre lesquelles cette peau s'élève comme une crête dentelée et mobile, 
et qui tombe indifféremment d’un côté ou de l’autre, selon le mouvement de 
tête que fait l'oiseau. Les yeux sont entourés d’une peau rouge écarlate, et li- 
ris a la couleur et l'éclat des perles. La tête et le cou sont dénués de plumes, et 
couverts d’une peau de couleur de chair sur le haut de la tête, et d’un rouge plus 
vif sur le derrière et plus terne sur le devant. Au-dessous du derrière de la tête 
s'élève une petite. touffe de duvet noir, de laquelle sort et s'étend de chaque 
côté sous la gorge une peau ridée, de couleur brunâtre, mêlée de bleu et de 
rouge dans sa partie postérieure ; celte peau est rayée de petites lignes de du- 
vet noir. Les joues ou côtés de la tête sont couverts d’un duvet noir; et entre le 
bec et les yeux, derrière les coins du bec, il y a de chaque côté une tache d’un 
pourpre brun. À la partie supérieure du haut du cou, il y a de chaque côté une 
petite ligne longitudinale de duvet noir, et l'espace contenu entre ces deux li- 
gnes est d’un jaune terne; les côtés du haut du cou sont d’une couleur rouge, 
qui se change, en descendant par nuances, en jaune. Au-dessous de la partie 
nue du cou est une espèce de collier ou de fraise, formée par des plumes dou- 
ces assez longues et d’un cendré foncé ; ce collier, qui entoure le cou entier et 
descend sur la poitrine, est assez ample pour que l'oiseau puisse, en se resser- 
rant, y cacher son cou et partie de sa tête, comme dans un capuchon, et c’est 
ce qui à fait donner à cet oiseau le nom de moine par quelques naturalistes. 
Les plumes de la poitrine, du ventre , des cuisses, des jambes, sont blanches, 
et teintes d’un peu d’aurore ; les plumes de la queue sont toujours noires , aussi 
bien que les grandes plumes des ailes , lesquelles sont ordinairement bordées 
de gris. La couleur des pieds et des ongles n’est pas la même dans tous ces oi- 
seaux : les’uns ont les pieds d’un blanc sale ou jaunûtre, et Les ongles noirà- 
tres ; d’autres ont les pieds et les ongles rougeâtres , les ongles sont fort courts 
et peu crochus. 

Cet oiseau est de l'Amérique méridionale, et non pas des Indes orientales, 
comme quelques auteurs l’on écrit : celui que nous avons au Cabinet du Roi a 
été envoyé de Cayenne. Navarette, en parlant de cet oiseau, dit : « J'ai vu à 
Acapulco le roi des zopilotles ou vautours; c’est un des plus beaux oiseaux 
qu'on puisse voir, etc. » Cet oiseau vient uniquement de l'Amérique. Hernan- 
dès , dans son Histoire de la Nouvelle-Espagne, le décrit de manière à ne 
pouvoir s'y méprendre ; Fernandès, Nieremberg et de Laët, qui tous ont copié 
la description de Hernandès, s'accordent à dire que cet oiseau est commun 
dans les terres du Mexique et de la Nouvelle-Espagne : et comme dans le dé- 
pouillement que j'ai fait des ouvrages des voyageurs , je n’ai pas trouvé la plus 


ST PE 


légère indication de cet oiseau dans ceux de PAfrique et de l'Asie, je pense 
qu’on peut assurer qu’il est propre et particulier aux terres méridionales du 
nouveau continent, et qu'il ne se trouve pas dans l’ancien. On pourrait m'ob- 
jecter que, puisque l’ouroutaran ou aigle du Brésil se trouve, de mon aveu, 
également en Afrique et en Amérique, je ne dois pas assurer que le roi des 
vautours ne s’y trouve pas aussi. La distance entre les deux continens est égale 
pour ces deux oiseaux ; mais probablement la puissance du vol est inégale, et 
les aigles en général volent beaucoup mieux que les vautours. Quoi qu'il en soit, 
il paraît que celui-ci est confiné dans les terres où il est né, et qui s’étendent 
du B résil à la Nouvelle-Espagne ; car on ne le trouve plus dans les pays moins 
chauds ; il craint le froid. Ainsi, ne pouvant traverser la mer au vol entre le 
Brésil et la Guinée , et ne pouvant passer par les terres du Nord, cette espèce 
est demeurée en propre au Nouveau-Monde, et doit être ajoutée à la liste de 
celles qui n’appartiennent point à l’ancien continent. 

Au reste, ce bel oiseau n’est ni propre, ni noble, ni généreux; il n’attaque 
que les animaux les plus faibles, et ne se nourrit que de rats, de lézards, de 


serpens : aussi il à une très mauvaise odeur, et les Sauvages mêmes ne peu- 
vent manger de sa chair. 


GRIFFON. 


(PI. 2.) 


C’est le nom que messieurs de l’Académie des sciences ont donné à cet oiseau 
pour le distinguer des autres vautours. D’autres naturalistes l’ont appelé le 
vautour rouge, le vautour jaune, le vautour fauve; et comme aucune de 
ces dénominations n’est univoque ni exacte, nous avons préféré le nom 
simple de griffon. Cet oiseau est encore plus grand que le percnoptère; il a 
huit pieds de vol ou d’envergure, Le corps plus gros et plus long que le grand 
aigle, surtout en y comprenant les jambes, qu'il a longues de plus d'un pied, 
et le cou, qui a sept pouces de longueur. 

Je crois que le griffon est, en effet, le grand vautour d’Aristote. 


OISEAUX, à 


RL 4. 


Il me paraît que l'espèce du griffon est composée de deux variétés : la pre- 
mière , qui à été appelée autour fauve, et la seconde vautfour doré’, par les 
naturalistes. Les différences entre ces deux oiseaux, dont le premier est le 
griffon, ne sont pas assez grandes pour en faire deux espèces distinctes et 
séparées ; car tous deux sont de la même grandeur, et en général à-peu-près 
de la même couleur; tous deux ont la queue courte relativement aux ailes, 
qui sont très longues, et par ce caractère qui leur est commun, ils diffèrent 
des autres vautours. Ces ressemblances ont même frappé d’autres naturalistes 
avant moi, au point qu'ils ont appelé le vautour fauve congener du vautour 
doré : je suis même très porté à croire que l'oiseau indiqué par Belon, sous le 
nom de vautour noir, est encore de la même espèce que le griffon et le vau- 
tour doré, car ce vautour noir est de la même grandeur, et a le dos et les ailes 


de Ia même couleur que le vautour doré. 


URUBU MALE ET FEMELLE. 


GRIP et 3) 


Cet oiseau est appelé owroua par les Indiens de Cayenne , wrwbu (ourou- 
bou) par ceux du Brésil, zopélot{ par ceux du Mexique, et nos Français de 
Saint-Domingue et nos voyageurs lui ont donné le surnom de marchand. C'est 
encore une espèce qu'on doit rapporter au genre des vautours, parce qu'il est 
du même naturel, et qu'il a comme eux le bec crochu , et la tête et le cou dé- 
nués de plumes, quoique , Par d’autres caractères , il ressemble au dindon ; ce 
qui lui à fait donner par les Espagnols et les Portugais le nom de gallinaga ou 
gallinaço. W n’est guère que de la grandeur d’une oie sauvage ; il paraît avoir 
la tête petite, parce qu’elle n’est couverte, ainsi que le cou, que de la peau 
nue, et semée seulement de quelques poils noirs assez rares : cette peau est 
raboteuse et variée de bleu, de blanc et de rougeûtre. Les ailes, lorsqu'elles 
sont pliées ; s'étendent au-delà de la queue , qui cependant est elle-même assez 


longue. Le bec est d’un blanc jaunâtre, et n’est crochu qu’à l'extrémité ; la peau 
nue qui en recouvre la base s'étend presque au milieu du bec, et elle est d’un 
jaune rougeûtre. L’iris de l’œil est orangé , et les paupières sont blanches; les 
plumes de tout le corps sont brunes ou noirâtres, avec un reflet de couleur chan- 
geante, de vert et de pourpre obcurs; les pieds sont d’une couleur livide , et 
les ongles sont noirs. Cet oiseau a les narines encore plus longues à proportion 
que les autres vautours ; il est aussi plus lâche, plus sale et plus vorace qu'au- 
cun d’eux, se nourrissant plutôt de chair morte que de chair vivante :il a 
néanmoins le vol élevé et assez rapide pour poursuivre une proie, s’il en avait 
le courage ; mais il n’attaque guère que les cadavres; et s’il chasse quelquefois, 
c'est en se réunissant en grandes troupes, pour tomber en grand nombre sur 
quelque animal endormi ou blessé. 

Le Marchand est le même oiseau que celui qu'a décrit Kolbe, sous le nom 
d'aigle du Cap. se trouve donc également dans le continent de l'Afrique et 
dans celui de l'Amérique méridionale, et, comme on ne le voit pas fréquenter 
les terres du Nord, il paraît qu'il à traversé la mer entre le Brésil et la Guinée. 
Hans Sloane , qui a vu et observé plusieurs de ces oiseaux en Amérique, dié 
qu’ils volent comme les milans, qu'ils sont toujours maigres. Il est donc très 
possible qu'étant aussi légers de vol et de corps, ils aient franchi l'intervalle 
de mer qui sépare les deux continens. Hernandès dit qu’ils ne se nourrissent 
que de cadavres d'animaux, et de matières immondes : qu’ils se rassemblent 
sur de grands arbres, d'où ils descendent en troupes pour dévorer les 
charognes. Il ajoute que leur chair a une mauvaise odeur, plus forte que celle 
de la chair du corbeau. Nieremberg dit aussi qu'ils volent très haut et en gran- 
des troupes; qu’ils passent la nuit sur des arbres ou des rochers très élevés, 
d’où ils partent le matin pour venir autour des lieux habités; qu’ils ont la vue 
très perçante , et qu'ils voient de haut et de très loin les animaux morts qui peu- 
vent leur servir de pâture; qu’ils sont très silencieux, ne criant, ni ne chan- 
tant jamais , et qu'on ne les entend que par un murmure peu fréquent; qu'ils 
sont très communs dans les terres de l'Afrique méridionale, et que leurs petits 
sont blancs dans le premier âge, et deviennent ensuite bruns ou noirâtres en 
grandissant. Marcgrave, dans la description qu’il donne de cet oiseau, dit qu'il 
a les pieds blanchâtres , les yeux beaux, et, pour ainsi dire, couleur de rubis, 
la langue en gouttières et en scie sur les côtés. Ximenès assure que ces oiseaux 
ne volent jamais qu'en grandes troupes, et toujours très haut; qu'ils tombent 
tous ensemble sur la même proie, qu'ils dévorent jusqu'aux os, et qu'ils se 
remplissent au point de ne pouvoir reprendre leur vol. 


900% 


Ce sont ces mêmes oiseaux dont Acosta fait mention sous le nom de poul- 
lazes , « qui sont, dit-il, d’une admirable légèreté, ont la vue très perçante, et 
« qui sont fort propres pour nettoyer les cités, d'autant qu'ils n’y laissent au- 
« cunes choses mortes. Ils suivent les chasseurs, surtout ceux qui ne vont à la 
« chasse que pour la peau des bêtes : ces gens abandonnent les chairs, qui 
« pourriraient sur les lieux et infecteraient l’air sans le secours de ces oiseaux, 
« qui ne voient pas plus tôt un corps écorché, qu'ils s'appellent les uns les au- 
«tres, et fondent dessus comme des vautours; en moins de rien ils en dévorent 
« la chair, et laissent les os aussi nets que s’ils avaient été ràclés avec un cou- 
«&teau. Les Espagnols des grandes îles et de la terre ferme, aussi bien que les 
« Portugais, habitans des lieux où l’on fait des cuirs, ont un soin tout particu- 


= 
= 


lier de ces oiseaux, à cause du service qu’ils leur rendent en dévorant les 
«€ Corps morts, et empêchant ainsi qu’ils ne corrompent l'air : ils condamnent à 
«une amende les chasseurs qui les tuent par méprise. Cette protection à extré- 
« mement multiplié cette vilaine espèce de coqs-d’'Inde; on en trouve en bien 
« des endroits de la Guiane, aussi bien que du Brésil, de la Nouvelle-Espagne 
«et des Grandes Iles. Ils ont une odeur infecte. Il arrive souvent qu'un bœuf 
« qu’on laisse retourner seul à son étable , après l'avoir Ôté de la charrue, se 
« couche sur le chemin pour se reposer : si ces oiseaux l’aperçoivent, ils 
«tombent immanquablement sur lui et le dévorent. Lorsqu'ils veulent atta- 
« quer une vache ou un bœuf, ils se rassemblent et viennent fondre dessus 
«au nombre de cent, et quelquefois davantage. Ces bêtes ont l’œil si excel- 
« lent, qu’elles découvrent leur proie à une extrême hauteur, et dans le temps 
« qu'elles-mêmes échappent à la vue la plus perçante; et aussitôt qu’elles 
« voient le moment favorable, elles tombent perpendiculairement sur l’animal 
« qu’elles guettent. Ces aigles sont un peu plus gros que les oies sauvages : 
« leurs plumes sont en partie noires, et en partie d’un gris clair ; mais la partie 
«noire est la plus grande : ils ont le bec gros, crochu, et fort pointu : leurs | 
« serres sont grosses et aiguës. Et il y a du plaisir à être présent aux disputes 
« qu'ils ont entre eux en mangeant. Un aigle préside souvent au festin, et les 
«€ fait tenir à l'écart pendant qu'il se repait. Ces oiseaux ont un odorat merveil- 
« Jeux ; il n’y a pas plus tôt un cadavre, qu'on les voit venirede toutes parts 
« en tournant toujours, et descendant peu-à-peu, jusqu'à ce qu'ils tombent sur 
« leur proie. On croit généralement qu'ils ne mangent rien qui ail vie; mais je 
« sais qu'il y en a qui ont tué des agneaux , et que les serpens sont leur nourri- 
« ture ordinaire. La coutume de ces oiseaux est de se jucher plusieurs ensemble 
« sur de vieux pins et des cyprès, où ils restent le matin pendant plusieurs 


NO. 


« heures, les ailes déployées (1). Ils ne craignent guère le danger, et se lais- 
« sent approcher de près, surtout lorsqu'ils mangent. » 

Nous avons cru devoir rapporter au long tout ce que l’on sait d'historique au 
sujet de cet oiseau , parce que c’est souvent des pays étrangers, et surtout des 
déserts, qu'il faut tirer les mœurs de la nature. Nos animaux, et même nos oi- 
seaux, continuellement fugitifs devant nous, n’ont pu conserver leurs véritables 
habitudes naturelles ; et c'est dans celles de ce vautour des déserts de l’Amé- 
rique, que nous devons voir ce que seraient celles de nos vautours, S'ils n'étaient 
pas Sans cesse inquiétés dans nos contrées, trop habitées pour les laisser se 
rassembler, se multiplier et se nourrir en si grand nombre : ce sont là leurs 
mœurs primilives; partout ils sont voraces, lâches, dégoûtans, odieux, et, 
comme des loups, aussi nuisibles pendant leur vie qu’inutiles après leur mort. 


MILANS ET BUSES. 


Les milans et les buses, oiseaux ignobles, immondes et lâches , doivent sui- 
vre les vautours, auxquels ils ressemblent par le naturel et les mœurs. Ceux-ci, 
malgré leur peu de générosité, tiennent, par leur grandeur et leur force, l’un 
des premiers rangs parmi les oiseaux. Les milans et les buses, qui n’ont pas ce 
même avan{age, et qui leur sont inférieurs en grandeur, y suppléent et les sur- 
passent par le nombre. Partout ils sont beaucoup plus communs, plus incom- 
modes que les vautours, ils fréquentent plus souvent et de plus près les lieux 
habités. Ils font leur nid dans des endroits plus accessibles; ils restent rare- 
ment dans les déserts ; ils préfèrent les plaines et les collines fertiles aux mon- 
tagnes stériles. Comme toute proie leur est bonne, que toute nourriture leur 
convient, et que plus la terre produit de végétaux , plus elle est en même temps 
peuplée d'insectes, de reptiles, d'oiseaux et de petits animaux, ils établissent 
ordinairement leur domicile au pied des montagnes, dans les terres les plus vi- 
vantes , les plus abondantes en gibier, en volaille, en poisson. Sans être cou- 
rageux , ils ne sont pas timides; ils ont une sorte de stupidité féroce qui leur 


(1) Par cette habitude des ailes déployées, 1l parait encore que ces oiseaux sont du genre des 


vautours, qui tous tiennent leurs ailes étendues lorsqu'ils sont posés. 


00... 


donne l'air de l’audace tranquille , et semble leur ôter la connaissance du dan- 
ger. On les approche, on les tue bien plus aisément que les aigles ou les vau- 
tours. Détenus en captivité, ils sont encore moins susceptibles d'éducation : de 
tout temps on les a proscrits, rayés de la liste des oiseaux nobles, et rejetés de 
l'école de Ja fauconnerie ; de tout temps on a comparé l’homme grossièrement 
impudent au milan, et la femme tristement bête à la buse. 

Quoique ces oiseaux se ressemblent par le naturel, par la grandeur du corps, 
par la forme du bec, et par plusieurs autres attributs, le milan est néanmoins 
aisé à distinguer non-seulement des buses , mais de tous les autres oiseaux de 
proie, par un seul caractère facile à saisir : il a La queue fourchue ; les plumes 
du milieu étant beaucoup plus courtes que les autres , laissent paraître un in- 
tervalle qui s'aperçoit de loin, et lui à fait improprement donner le nom d’aigle 
à queue fourehue. Y à aussi les ailes proportionnellement plus longues que les 
buses, et le vol bien plus aisé : aussi passe-t-il sa vie dans l’air. Il ne se repose 
presque jamais, et parcourt chaque jour des espaces immenses; et ce grand 
mouvement n’est point un exercice de chasse ni de poursuite de proie, ni même 
de découverte, car il ne chasse pas : mais il semble que le vol soit son état na- 
turel, sa situation favorite. L'on ne peut s'empêcher d'admirer la manière dont 
il l'exécute : ses ailes longues et étroites paraissent immobiles; c’est la queue 
qui semble diriger toutes ses évolutions, et elle agit sans cesse ; il s'élève sans 
efforts, il s’abaisse comme s’il glissait sur un plan incliné ; il semble plutôt na- 
ger que voler ; il précipite sa course, il la ralentit, s'arrête et reste comme sus- 
pendu ou fixé à la même place pendant des heures entières, sans qu’on puisse 
s'apercevoir d'aucun mouvement dans ses ailes. 

Ïl n’y à dans notre climat qu'une seule espèce de milan , que nos Français ont 
appelé milan royal (1), parce qu’il servait aux plaisirs des princes, qui lui 
faisaient donner la chasse et livrer combat par le faucon ou l’épervier. On voit 
en effet avec plaisir cet oiseau lâche, quoique doué de toutes les facultés qui 
devraient lui donner du courage, ne manquant ni d'armes, ni de force , ni de 
légèreté, refuser de combattre, et fuir devant l’épervier , beaucoup plus petit 
que lui, toujours en tournoyant , et s’'élevant comme pour se cacher dans les 
nues, jusqu’à ce que celui-ci l’atteigne , le rabatte à coups d'ailes , de serres et 
de bec , et le ramène à terre, moins blessé que battu, et plus vaincu par la peur 
que par la force de son ennemi. 


(a) En latin, milvus; en italien, »#ibio, nibbio, poyana; en espagnol, milano ; en allemand, weihe 


ou weiher; en anglais, kite ou glead. 


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(ie) 
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MILAN. : 


(CPLM) 


Le milan, dont le corps entier ne pèse guère que deux livres et demie, qui 
n’a que seize ou dix-sept pouces de longueur depuis le bout du bec jusqu’à l’ex- 
trémité des pieds, a néanmoins près de cinq pieds de vol ou d'envergure. La 
peau qui couvre la base du bec est jaune , aussi bien que l'iris des yeux et les 
pieds ; le bec est de couleur de corne , et noirâtre vers le bout, et les ongles 
sont noirs. Sa vue est aussi perçante que son vol est rapide ; il se tient souvent 
à une si grande hauteur qu'il échappe à nos yeux , et c’est de là qu'il vise et dé- 
couvre sa proie ou sa pâture , et se laisse tomber sur tout ce qu’il peut dévorer 
ou enlever sans résistance. [Il n’attaque que les plus petits animaux et les oi- 
seaux les plus faibles ; c’est surtout aux jeunes poussins qu'il en veut : mais la 
seule colère de la mère-poule suffit pour le repousser et l’éloigner. Les milans 
sont des animaux tout-à-fait [èches. 

Cette espèce de milan est commune en France, surtout dans les provinces de 
Franche-Comté, du Dauphiné, du Bugey, de l'Auvergne , et dans toutes les au- 
tres qui sont voisines des montagnes. Ce ne sont pas des oiseaux de passage ; 
car ils font leur nid dans le pays, et l’établissent dans des creux de rochers. 
Les auteurs de la Zoologie britannique disent de même qu'ils nichent en An- 
gleterre, et qu'ils y restent pendant toute l’année. La femelle pond deux ou 
trois œufs , qui, comme ceux de tous les oiseaux carnassiers, sont plus ronds 
que les œufs de poule ; ceux du milan sont blanchâtres, avec des taches d’un 
jaune sale. Quelques auteurs ont dit qu'il faisait son nid dans les forêts, sur de 
vieux chênes ou de vieux sapins. Sans nier absolument le fait, nous pouvons 
assurer que c’est dans des trous de rochers qu’on les trouve communément. 

L'espèce paraît être répandue dans tout l’ancien continent , depuis la Suède 
jusqu’au Sénégal. (1) 


(1) 11 paraît que le milan royal se trouve dans le Nord, puisque M. Linnæus l’a compris dans sa 
liste des oiseaux de Suède, sous la dénomination de falco cerä flavä, caudä forcipatä, corpore ferru- 
gineo, capite albidiore (Faun. Sued. n° 59); et l’on voit aussi, par les témoignages des voyageurs, 
qu’il se trouve dans les provinces les plus chaudes de l'Afrique. 


— 9 — 


BUSE. 


(PI 3.) 


La buse (1) est un oiseau assez commun, assez connu, pour n’avoir pas besoin 
d’une ample description. Elle n’a guère que quatre pieds et demi de vol sur 
vingt ou vingt-et-un pouces de longueur de corps ; sa queue n’a que huit pou- 
ces ; et ses ailes , lorsqu'elles sont pliées, s'étendent un peu au-delà de son 
extrémité. L’iris de ses yeux est d’un jaune pâle et presque blanchâtre; les 
pieds sont jaunes, aussi bien que la membrane qui couvre la base du bec, et 
les ongles sont noirs. 

Cet oiseau demeure toute l’année dans nos forêts. Il paraît assez stupide, 
soit dans l’état de domesticité, soit dans celui de liberté. Il est assez séden- 
taire, et même paresseux : il reste souvent plusieurs heures de suite perché sur 
le même arbre. Son nid est construit avec de petites branches, et garni en de- 
dans de laine ou d’autres petits matériaux légers et mollets. La buse pond deux 
ou trois œufs, qui sont blanchâtres , tachetés de jaune; elle élève et soigne ses 
petits plus long-temps que les autres oiseaux de proie, qui, presque tous, les 
chassent du nid avant qu'ils soient en état de se pourvoir aisément : M. Ray 
assure même que le mâle de la buse nourrit et soigne ses petits lorsqu'on a tué 
la mère. 

Cet oiseau de rapine ne saisit pas sa proie au vol; il reste sur un arbre, un 
buis son , ou une motte de terre , et de là se jette sur le petit gibier qui passe à 
sa portée : il prend les levrauts et les jeunes lapins, aussi bien que les perdrix 
et les cailles; il dévaste les nids de la plupart des oïseaux : il se nourrit aussi 
de grenouilles , de lézards, de serpens, de sauterelles , etc., lorsque le gibier 
lui manque. 

Cette espèce est sujette à varier , au point que, si l’on compare cinq à six 
buses ensemble , on en trouve à peine deux bien semblables : il y en a de pres- 


(1) En latin, buteo ; en italien, buzza, bucciario; en allemand, Vusz-hen, busant, buse, bushard ; 
en anglais, buzzard, common buzzard. 


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que entièrement blanches, d’autres enfin qui sont mélangées différemment les 
unes des autres, de brun et de blanc. Ces différences dépendent principalement 
de l’âge et du sexe; car on les trouve toutes dans notre climat. 


OISEAU SAINT-MARTIN. 


(BL E) 


Les naturalistes modernes ont donné à cet oiseau le nom de faucon lanier ou 
lanier cendre; mais il nous paraît non-seulement d’une espèce, mais d’un 
genre différent de ceux du faucon et du lanier. Il est un peu plus gros qu'une 
corneille ordinaire , et il a proportionnellement le corps plus mince et plus dé- 
gagé ; il a les jambes longues et menues , en quoi il diffère des faucons, qui les 
ont robustes et courtes , et encore du lanier, que Belon dit être plus court em- 
piété qu'aucun faucon : mais par Ce caractère des longues jambes, il ressemble 
au jean-le-blanc et à la soubuse. Il n’a donc d’autre rapport au lanier que l’ha- 
bitude de déchirer avec le bec tous les petits animaux qu'il saisit, et qu’il n’a- 
vale pas entiers, comme le font les autres gros oiseaux de proie. Il faut, dit 
M. Edwards, le ranger dans la classe des faucons à longues ailes : ce serait, à 
mon avis, plutôt avec les buses qu'avec les faucons que cet oiseau devrait être 
rangé ; ou plutôt il faut lui laisser sa place auprès de la soubuse , à laquelle il 
ressemble par un grand nombre de caractères, et par les habitudes naturelles. 

Cet oiseau se trouve assez communément en France, aussi bien qu’en Alle- 
magne et en Angleterre. 

En comparant cet oiseau avec ce que dit Belon de son second oiseau Saint- 
martin, on ne pourra douter que ce ne soit le même; et indépendamment des 
rapports de grandeur, de figure et de couleur, ces habitudes naturelles de voler 
- bas, et de chercher avec avidité et constance les petits reptiles, appartiennent 
moins aux faucons et aux autres oiseaux nobles qu’à la buse, à la harpaye, et 
aux autres oiseaux de ce genre, dont les mœurs sont plus ignobles , et appro- 
chent de celles des milans. 


OISEAUX, Â 


HN 


BONDRÉE. 


(PL 4. 


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Comme la bondrée diffère peu de la buse, elle n’en a été distinguée que par 
- ceux qui les ont soigneusement comparées. Elles ont, à la vérité, beaucoup 
plus de caractères communs que de caractères différens ; mais ces différences 
extérieures , jointes à celles de quelques habitudes naturelles, suffisent pour 
constituer deux espèces qui , quoique voisines , sont néanmoins distinctes et sé- 
parées. La bondrée est aussi grosse que la buse, et pèse environ deux livres; 
elle a vingt-deux pouces de longueur, depuis le bout du bec jusqu’à celui de la 
queue, et dix-huit pouces jusqu'à celui des pieds : ses ailes, lorsqu'elles sont 
pliées, s'étendent au-delà des trois quarts de la queue ; elle a quatre pieds 
deux pouces de vol ou d'envergure. Son bec est un peu plus long que celui de 
la buse : la peau nue qui en couvre la base est jaune, épaisse et inégale : les 
narines sont longues et courbées : lorsqu'elle ouvre le bec, elle montre une 
bouche très large et de couleur jaune ; l'iris des yeux est d’un beau jaune; les 
jambes et les pieds sont de la même couleur, et les ongles, qui ne sont pas fort 
crochus , sont forts et noiràtres. 

Ces oiseaux , ainsi que les buses, composent leur nid avec des bûchettes, et 
le tapissent de laine à l’intérieur, sur laquelle ils déposent leurs œufs, qui sont 
d’une couleur cendrée, et marquetés de petites taches brunes. Quelquefois ils 
occupent des nids étrangers; on en à trouvé dans un vieux nid de milan. Ils 
nourrissent leurs petits de chrysalides , et particulièrement de celles des gué- 
pes : on à trouvé des têtes et des morceaux de guêpes dans un nid où il y avait 
deux petites bondrées. Elles sont, dans ce premier âge, couvertes d’un duvet 
blanc , tacheté de noir ; elles ont alors les pieds d’un jaune pâle, et la peau qui 
est sur la base du bec, blanche. On a aussi trouvé dans l'estomac de ces oi- 
seaux, qui est fort large, des grenouilles et des lézards entiers. La femelle est, 
dans cette espèce, comme dans toutes celles des grands oiseaux de proie, plus 


grosse que le mâle ; et tous deux piètent et courent, sans s’aider de leurs ailes, 
aussi vite que nos coqs de basse-cour. | 


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1199 — 


con à collier, et ne lui laisser que le nom de soubuse, comme au lanier cen- 
dré , celui d'oiseau Saint-martin. : 

Le mâle, dans la soubuse, est, comme dans les autres oiseaux de proie, 
considérablement plus petit que la femelle; mais l’on peut remarquer, en les 
comparant, qu'il n’a pas comme elle de collier, c’est-à-dire, de petites plumes 
hérissées autour du cou. Cette différence, qui paraît être un caractère spécifi- 
que, portait à croire que ces deux oiseaux n'étaient pas le mâle et la femelle : 
mais la chose est certaine; et en y regardant de près, on trouve les mêmes pro- 
portions entre la queue et les ailes, la même distribution dans les couleurs; elle 
fait son nid sur des buissons épais. La soubuse, l’oiseau Saint-martin et la har- 
paye, forment un petit genre à part voisin des milans et des buses. 

Harpaye est un ancien nom générique que l’on donnait aux oiseaux du genre 
des busards, ou busards de marais, et à quelques autres espèces voisines, 
telles, nous l'avons dit, la soubuse et l'oiseau Saint-martin, qu’on appelait kar- 
paye-épervier. La harpaye a les mêmes habitudes naturelles que les deux oi- 
seaux dont nous avons parlé dans les deux articles précédens : elle prend le 
poisson comme le jean-le-blanc , et le tire vivant hors de l’eau. Cet oiseau sem- 
ble, dit M. Frisch, avoir la vue plus perçante que tous les autres oiseaux de 
rapine , ayant les sourcils plus avancés sur les yeux. Il se trouve en France 
comme en Allemagne , et fréquente de préférence les lieux bas et les bords des 
fleuves et des étangs ; et comme, pour le reste de ses habitudes naturelles, il 
ressemble aux précédens , nous n’entrerons pas à son sujet dans un plus grand 
détail. 


ÉMÉRILLON. 


(BEST 


L'oiseau dont il est ici question n’est point l’émerillon des naturalistes, mais 
l’émerillon des fauconniers, qui n’a été indiqué ni bien décrit par aucun de nos 
nomenclateurs : cependant c’est le véritable émerillon dont on se sert tous les 
jours dans la fauconnerie, et que l’on dresse au vol pour la chasse. Cet oiseau 
est, à l'exception des pies-grièches, le plus petit de tous les oiseaux de proie, 


= ‘> 


n'étant que de la grandeur d’une grosse grive : néanmoins on doit le regarder 
comme un oiseau noble, et qui tient de plus près qu'un autre à l’espèce du fau- 
con ; il en a le plumage, la forme et l'attitude ; il a le même naturel, la même 
docilité, ettout autant d’ardeur et de courage. On peuten faire un bon oiseau 
de chasse pour les alouettes , les cailles, et même les perdrix, qu'il prend et 
transporte, quoique beaucoup plus pesantes que lui; souvent il les tue d’unseul 
coup, en les frappant de l'estomac sur la tête ou sur le cou. 

_ Cette petite espèce, si voisine d’ailleurs de celle du faucon par le courage et 
le naturel, ressemble néanmoins plus au hobereau par la figure, et encore plus 
au rochier : on le distinguera cependant du hobereau, en ce qu'il a les ailes 
beaucoup plus courtes, et qu’elles ne s'étendent pas, à beaucoup près, jusqu’à 
l'extrémité de la queue; au lieu que celles du hobereau s'étendent un peu au- 
delà de cette extrémité ; mais ses ressemblances avec lerochier sont si grandes, 
tant pour la grosseur et la longueur du corps, la forme du bec, des pieds et des 
serres, les couleurs du plumage, la distribution des taches, etc..., qu’on serait 
très bien fondé à regarder le rochier comme une variété de l’émerillon, ou du 
moins comme une espèce très voisine. | 

Au reste, l’émerillon s'éloigne de l'espèce du faucon et de celle de tous les 
autres oiseaux de proie, par un attribut qui le rapproche de la classe commune 
des autres oiseaux; c’est que le mâle et la femelle sont dans l’émerillon de la 
même grandeur, au lieu que, dans tous les autres oiseaux de proie, le mâle est 

“bien plus petit que la femelle. Cette singularité ne tient donc point à leur ma- 
nière de vivre, ni à rien de tout ce qui distingue les oiseaux de proie des autres 
oiseaux ; elle semblerait d'abord appartenir à la grandeur, parce que dans les 
pies-grièches, qui sont encore plus petites que les émerillons, le mâle et Ia fe- 
melle sont aussi dela même grosseur ; tandis que-dans les aigles, les vautours, 
les gerfauts, les autours, les faucons et les éperviers, le mâle est d’un tiers ou 
d’un quart plus petit que la femelle. 

L’émerillon vole bas, quoique très vite et très légèrement; il fréquente les 
bois et les buissons pour y saisir les petits oiseaux, et chasse seul sans être ac- 
compagné de sa femelle : elle niche dans les forêts en montagnes, et produit cinq 
ou six petits. 

Mais, indépendamment de cetémerillon dont nous venons de donner l’histoire 
et la représentation, il existe une autre espèce d’émerillon mieux connue des na- 
turalistes, dont M. Frisch a donné la figure, et qui a été décrite d’après nature 
par M. Brisson. Cet émerillon diffère en effet, par un assez grand nombre de 
caractères, de l'émerillon des fauconniers ; il paraît même approcher beaucoup 


plus de l'espèce de la crécerelle. Mais ce qui semble appuyer notre conjecture, 
c’est que les oiseaux d'Amérique qui nous ont été envoyés sous les noms d’eme- 
rillon de Cayenne, et d'émerillon de Saint-Domingue, ne nous paraissent 
être que des variétés d’une seule espèce ; et peut-être l’un de ces oiseaux n'est-il 
que le mâle ou la femelle de l’autre : mais tous deux ressemblent si fort à l’éme- 
rillon donné par M. Frisch , qu'on doit les regarder comme étant d'espèces très 
voisines ; et cet émerillon d'Europe , aussi bien que ces émerillons d'Amérique 
dont les espèces sont si voisines , paraîtront, à tous ceux qui les considéreront 
attentivement, beaucoup plus près de la crécerelle que de l’émerillon des fau- 
conniers. Lorsque ces oiseaux sont pris trop jeunes , ils sont souvent cr'ards et 
difficiles à élever : il ne faut donc pas les dénicher avant qu'ils soient un peu 
grands; ou, si l’on est obligé de les ôter de leur nid, il ne faut point les manier, 
mais les mettre dans un nid le plus semblable qu'on pourra au leur, et les nourrir 
de chair d'ours, qui est une viande assez commune dans les montagnes où on 
les prend , et, au défaut de cette nourriture, on leur donnera de la chair de 
poulet : si l’on ne prend pas ces précautions, les ailes ne leur croissent pas, et 
leurs jambes se cassent ou se déboîtent aisément. Les émerillons jeunes, et qui 
ont été pris en septembre, octobre et novembre , sont les meilleurs et les plus 
aisés à élever : ceux qui ont été pris plus tard, en hiver ou au printemps suivant 
et qui par conséquent ont neuf ou dix mois d'âge, sont déjà trop accoutumés à 
leur liberté pour subir aisément la servitude et demeurer en captivité sans 
regret, et l’on est jamais sûr de leur obéissance et de leur fidélité dans le service; 
ils trompent souvent leur maître, et le quittent lorsqu'il s’y attend le moins. 

On les prend tous les ans au mois de septembre, à leur passage dans les îles 
ou sur les falaises de la mer. Ils sont de leur naturel, prompts, propres à tout 
faire, dociles et fort aisés à instruire : on peut les faire voler pendant tout le 
mois de mai et celui de juin, parce qu’ils sont tardifs à muer; mais aussi , dès 
que la mue commence, ils se dépouillent en peu de temps. Les lieux où l’on 
prend le plus d’émerillons sont non-seulement les côtes de Barbarie, mais 
toutes les îles de la Méditerranée, et particulièrement celle de Candie. 

Comme les arts n’appartiennent point à l’histoire naturelle, nous n’entrerons 
point ici dans les détails de l’art de la fauconnerie ; on les trouvera dans l’Ency- 
clopédie. « Un bon faucon dit M. Le Roy, auteur de l’article Fauconnerie, 
« doit avoir la tête ronde , le bec court et gros, le cou fort long, la poitrine 
« nerveuse, les mahutes larges, les cuisses longues , les jambes courtes, la 
« main large, les doigts déliés, allongés et nerveux aux articles, les ongles 
« fermes et recourbés, les ailes longues. Les signes de force et de courage 


« sont les mêmes pour le gerfaut et pour le tiercelet, qui est le mâle dans toutes 
« espèces d'oiseaux de proie, et qu’on appelle ainsi, parce qu'il est d’un tiers 
« plus petit que la femelle: une marque de bonté moins équivoque dans un 
« oiseau, est dechevaucher contre le vent, c’est-à-dire de se raidir contre, et 
« se tenir ferme sur le poing lorsqu'on l’y expose. Le pennage d’un faucon 
« doit être brun et tout d’une pièce, c’est-à-dire de même couleur : la bonne 
« couleur des mains est le vert d’eau; ceux dont les mains et le bec sont jaunes, 
« ceux dont le plumage est semé de taches , sont moins estimés que les autres. 
« On faitcas des faucons noirs; mais quel que soit leur plumage, ce sont toujours 
« les plus forts en courage qui sont les meilleurs... Il y a des faucons lâches et 
« paresseux, il y en a d’autres si fiers, qu'ils s’irritent contre tous les moyens 
« de les apprivoiser : il faut abandonner les uns et les autres. » | 

Nous avons dit que l’émerillon était voisin du faucon par son naturel féroce 
et son courage. Lorsqu'on jette les yeux sur les listes de nos nomenclateurs d’his- 
toire naturelle, on serait porté à croire qu'il y a dans l’espèce du faucon autant 
de variétés que dans celle du pigeon, de la poule ou des autres oiseaux domes- 
tiques ; cependant rien n’est moins vrai : l’homme n’a point influé sur la nature 
de ces animaux; quelque utiles aux plaisirs, quelque agréables qu’ils soient 
pour le faste des princes chasseurs, jamais on n’a pu en élever, en multiplier 
l'espèce. On dompte, à la vérité, leur naturel par la force de l’art et des pri- 
vations ; on leur fait acheter leur vie par des mouvemens qu’on leur commande; 
chaque morceau de leur subsistance ne leur est accordé que pour un service 
rendu; on les attache, on les garrotte, on les affuble , on les prive même de 
la lumière et de toute nourriture, pour les rendre plus dépendans, plus dociles 
et ajouter à leur vivacité naturelle, l’impétuosité du besoin : mais ils servent 
par nécessité, par habitude et sans attachement ; ils demeurent captifs, sans 
devenir domestiques : l'individu seul est esclave ; l'espèce est toujours libre, 
toujours également éloignée de l'empire de l’homme; ce n’est même qu'avec 
des peines infinies qu'on en fait quelques-uns prisonniers , et rien n’est plus 
difficile que d'étudier leurs mœurs dans l’état de nature. 

Comme ils habitent les rochers les plus escarpés des plus hautes montagnes, 
qu'ils s’'approchent très rarement de terre, qu'ils volent d’une hauteur et d’une 
rapidité sans égale, on ne peut avoir que peu de faits sur leurs habitudes na- 
turelles : on a seulement remarqué qu’ils choisissent toujours , pour élever leurs 
petits, les rochers exposés au midi; qu’ils se placent dans les trous et lesanfrac- 
tures les plus inaccessibles ; qu’ils font ordinairement quatre œufs dans les der- 
niers mois de l’hiver; qu'ils ne couvent pas long-temps, car les petits sont 


adultes vers le 15 de mai ; qu’ils changent de couleur suivant le sexe, l’âge et 
la mue; que les femelles sont considérablement plus grosses que les mâles; que 
tous deux jettent des cris perçans, désagréables et presque continuels, dans le 
temps qu'ils chassent leurs petits pour les dépayser; ce qui se fait, comme chez 
les aigles, par la dure nécessité qui rompt les liens de famille et de toute société 
dès qu’il n’y a pas assez pour partager, ou qu’il y a impossibilité de trouver 
assez de vivres pour subsister ensemble dans les mêmes terres. 

L’émerillon est peut-être l'oiseau dont le courage est le plus franc, le plus 
grand, relativement à ses forces ; il fond sans détour et perpendiculairement 
sur sa proie, au lieu que l’autour et la plupart des autres arrivent de côté : 
aussi prend-on l’autour avec des filets dans lesquels l’émerillon ne s'empêtre 
jamais; il tombe d’à plomb sur l’oiseau, victime exposée au milieu de l'enceinte 
des filets, le tue, le mange sur le lieu s’il est gros, ou l'emporte, en se rele- 
vant, S'il n’est pas trop lourd. 

S'il y a quelque faisanderie dans son voisinage, il choisit cette proie de pré- 
férence: on le voit tout-à-coup fondre sur un troupeau de faisans, comme s’il 
tombait des nues, parce qu'il arrive de si haut, et en si peu de temps, que son 
apparition est toujours imprévue, et souvent inopinée. On le voit fréquemment 
attaquer le milan, soit pour exercer son courage, soit pour lui enlever une 
proie : mais il lui fait plutôt la honte que la guerre ; il le traite comme un lâche, 
le chasse, le frappe avec dédain, et ne le met point à mort, parce que le milan 
se défend mal, et que probablement sa chair lui répugne encore plus que sa 
lcheté ne lui déplaît. . 


CRÉCERELLE. 


(PI. 5.) 


La crécerelle (1) est l'oiseau de proie le plus commun dans la plupart de nos 
provinces de France, et surtout en Bourgogne : il n’y a point d’ancien château 
ou de tour abandonnée qu'elle ne fréquente et qu’elle n’habite ; et c’est surtout 


(x) En latin, innunculus; en italien, canibello, ticttinulo, tintarello, garinello ; en espagnol, cer- 
OISEAUX. 6] 


SEE 

le matin et le soir qu'on la voit voler autour de ces vieux bâtimens, et on l’en- 
tend encore plus souvent qu’on ne la voit; elle à un cri précipité pl, plé, pl, 
ou pri, pri, pri, qu’elle ne cesse de répéter en volant, et qui effraie tous les 
petits oiseaux, sur lesquels elle fond comme une flèche et qu’elle saisit avec 
ses serres : Si, par hasard, elle les manque du premier coup, elle les poursuit 
sans crainte du danger jusque dans les maisons; j'ai vu plus d’une fois mes gens 
prendre une crécerelle et le petit oiseau qu'elle poursuivait, en fermant la fe- 
nôtre d'une chambre ou la porte d’une galerie qui étaient éloignées de plus de 
cent toises des vieilles tours d’où elle était partie. 

Lorsqu'elle à saisi et emporté l’oiseau, elle le tue et le plume très proprement 
avant de le manger: elle ne prend pas tant de peine pour les souris et les mu- 
lots; elle avale les petits tout entiers et dépèce les autres. Toutes les parties 
molles du corps de la souris se digèrent dans l'estomac de cet oiseau: mais la 
peau se roule et forme une petite pelote, qu'il rend par le bec. En mettant ces 
pelotes qu'elle vomit dans l’eau chaude, pour les ramollir et les étendre, on 
retrouve la peau entière de la souris, comme si on l’eût écorchée. Les ducs, les 
chouettes, les buses, et peut-être beaucoup d'oiseaux de proie, rendent de pa- 
reilles pelotes, dans lesquelles, outre la peau roulée, il se trouve quelquefois des 
portions les plus dures des os: il en est de même des oiseaux pêcheurs; les 
arêtes et les écailles des poissons se roulent dans leur estomac, et ils les re- 
jettent par le bec. l 

La crécerelle est un assez bel oiseau; elle a l’œil vifet la vue très perçante, 
le vol tisé et soutenu; elle est diligente et courageuse : elle approche, par le 
naturel, des oiseaux nobles et généreux : on peut même la dresser, comme les 
émerillons, pour la fauconnerie. La femelle est plus grande que le mâle, et elle 
en diffère en ce qu’elle a la tête rousse, le dessus du dos, desailes et de la queue, 
‘ayé de bandes transversales brunes, et que en même temps toutes les plumes 
de la queue sont d’un brun roux plus ou moins foncé ; au lieu que, dans le mâle, 
la tête et la queue sont grises, et que les parties supérieures du dos et des ailes 
sont d’un roux vineux, semé de quelques petites taches noires. 

Nous ne pouvons nous dispenser d'observer que quelques-uns de nos no- 
menclateurs modernes ont appelé épervier des alouettes la crécerelle femelle, 


nicalo où zerricalo; en allemand , ræthel-weih ou wannen-wæher, qudd alas extendat (ait Schwenk= 
feld) ventiletque instar ventilabri quod vannum nominant ; en anglais, kestril ou kestrel. On l’a aussi 
appelée en vieux francais, et encore actuellement dans quelques provinces de France, cercerelle, quer- 


cerelle, écrecelle. 


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et qu'ils en ont fait une espèce particulière et différente de celle de la cré- 
cerelle. | 

Quoique cet oiseau fréquente habituellement les vieux bâtimens, il y niche 
plus rarement que dans les bois; et lorsqu'il ne dépose pas ses œufs dans des 
trous de murailles ou d'arbres creux , il fait une espèce de nid'très négligé, 
composé de büchettes et de racines , et assez semblable à celui des geais, sur 
les arbres les plus élevés des forêts ; quelquefois il occupe aussi les nids que 
les corneilles ont abandonnés. Il pond plus souvent cinq œufs que quatre, et 
quelquefois six, et même sept, dont les deux bouts sont teints d’une couleur 
rougeûtre ou jaunâtre , assez semblable à celle de son plumage. 

Ses petits, dans le premier âge, ne sont couverts que d’un duvet blanc; 
d’abord il les nourrit avec des insectes, et ensuite il teur apporte des mulots 
en quantité, qu'il aperçoit sur terre du plus haut des airs, où il tourne lente- 
ment , -et demeure souvent stationnaire pour épier son gibier, sur lequel il 
fond en un instant : il enlève quelquefois une perdrix rouge beaucoup plus : 
pesante que lui ; souvent aussi il prend des pigeons-.qui s’écartent de leur com- 
pignie; mais sa proie la plus ordinaire, après les mulots etles reptiles, sont 
les moineaux, les pinsons et les autres petits oiseaux. 

Comme il produit en plus grand nombre que la plupart des autres oiseaux 

de proie, l'espèce est plus nombreuse et plus répandue; on la trouve dans 
toute l'Europe , depuis la Suède jusqu’en ltalie et en Espagne ; on la retrouve 
même dans les pays tempérés de l'Amérique septentrionale. Plusieurs de ces 
oiseaux restent pendant toute l'année dans nos provinces de France : cepen- 
dant j'ai remarqué qu’il y en avait beaucoup moins en hiver qu'en été, ce qui 
me fait croire que plusieurs quittent le pays pour aller passer ailleurs la mau- 
vaise saison. æ à 
J'ai fait élever plusieurs de ces oiseaux dans de grandes volières ; ils sont, 
comme je l'ai dit, d’un très beau blanc pendant le premier mois de leur vie, 
après quoi les plumes du dos deviennent roussàtres et brunes en peu de jours 
Ils sont robustes et aisés à nourrir; ils mangent la viande crue qu'on leur 
présente à quinze jours ou trois semaines d'âge; ils connaissent bientôt la 
personne qui les soigne, et s’apprivoisent assez pour ne jamais l'offenser. Ils 
font entendre leur voix de très bonne heure; et, quoique enfermés, ils répè- 
tent le même cri qu'ils font en liberté : j’en ai vu s'échapper et revenir d’eux- 
mêmes à la volière, après un jour ou deux d'absence, et peut-être d’abstinence 
forcée. 


Je ne Connais point de variété dans cette espèce que quelques individus qui 


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ont la tête et les deux plumes du milieu de la queue grises, tels qu’ils nous sont 
représentés par M. Frisch. Mais M. Salerne fait mention d'une crécerelle jaune 
qui se trouve en Sologne, et dont les œufs sont de cette même couleur jaune. 
« Cette crécerelle, dit-il, est rare, et quelquefois elle se bat généreusement 
« contre le jean-le-blanc, qui, quoique le plus fort, est souvent obligé de lui 
« céder. On les a vus, ajoute-t-il, s’accrocher ensemble en l'air, et tomber 
« de la sorte par terre, comme une motte ou une pierre. » Ce fait me paraît 
bien suspect, car l'oiseau jean-le-blanc est non-seulement très supérieur à la 
crécerelle par la force, maisilale vol et toutes les allures si différentes, 
qu'ils ne doivent guère se rencontrer. 


PIE-GRIÈCHE ROUSSE. 


(PI. 5.) 


Cette pie-grièche rousse est un peu plus petite que la grise, et très aisée à 
reconnaître par le roux qu’elle a sur la tête, qui est quelquefois rouge, et ordi- 
nairement d’un roux vif; on peut aussi remarquer qu'elle a les yeux d’un gris 
blanchâtre ou jaunâtre , au lieu que la pie-grièche grise les a bruns; elle a 
aussi le bec et les jambes plus noirs. 

Le naturel de cette pie-grièche rousse est à très peu près le même que celui 
de la pie-grièche grise : toutes deux sont aussi hardies , aussi méchantes l’une 
que l’autre; mais ce qui prouve que ce sont néanmoins deux espèces différentes, 
c’est que la première reste au pays toute l’année, au lieu que celle-ci le quitte 
en automne, et ne revient qu’au printemps : la famille, qui ne se sépare pas à 
la sortie du nid, et qui demeure toujours rassemblée , part vers le commence- 
ment de septembre, sans se réunir avec d’autres familles, et sans faire de 
longs vols ; ces oiseaux ne vont que d'arbre en arbre, et ne volent pas de suite, 
même dans le temps de leur départ : ils restent pendant l'été dans nos cam- 
pagnes , et font leur nid sur quelque arbre touffu; au lieu que la pie-grièche 
grise habite les bois dans cette même saison, et ne vient guère dans nos 
plaines que quand la pie-grièche rousse est partie. On prétend aussi que de 


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toutes les pies-grièches, celle-ci est la meilleure, ou, si l’on veut, la seule: 
qui soit bonne à manger. 

Le mâle et la femelle sont à très peu près de la même grosseur ; mais ils dif- 
fèrent par les couleurs assez pour paraître des oiseaux de différente espèce : 
nous ferons observer, au sujet de cette espèce et de la suivante, appelée lecor- 
chieur, que ces oiseaux font leur nid avec beaucoup d’art et de propreté, à-peu- 
près avec les mêmes matériaux qu’emploie la pie-grièche grise ; la mousse et 
la laine y sont si bien entrelacées avec les petites racines souples, les herbes 
fines et longues, les branches pliantes des petits arbustes, que cet ouvrage 
paraît avoir été tissu. Ils produisent ordinairement cinq ou six œufs, et quel- 
quefois davantage ; et ces œufs, dont le fond est de couleur blanchâtre , sont eu 
tout ou en partie tachés de brun ou de fauve. 

Ces oiseaux, quoique petits, quoique délicats de corps et de membre, doi- 
vent néanmoins, par leur courage, par leur large bec, fort et crochu, et par 
leur appétit pour la chair, être mis au rang des oiseaux de proie, même des. 
plus fiers et des plus sanguinaires. On est toujours étonné de voir l'intrépidité 
avec laquelle une petite pie-grièche combat contre les pies, les corneilles , les 
crécerelles, tous oiseaux beaucoup plus grands et plus forts qu’elle : non-seule- 
ment elle combat pour se défendre, mais souvent elle attaque, et toujours avec 
avantage , surtout lorsque le couple se réunit pour éloigner de leurs petits les 
oiseaux de rapine. 

Elles n’attendent pas qu’ils approchent; il suffit qu’ils passent à leur portée, 
pour qu’elles aillent au-devant : elles les attaquent à grands cris , leur font des 
blessures cruelles, et les chassent avec tant de fureur, qu’ils fuient souvent sans 
oser revenir ; et, dans ce combat inégal contre d’aussi grands ennemis, ilest 
rare de les voir succomber sous la force, ou se laisser emporter ; il arrive seu- 
lement qu’elles tombent quelquefois avec l'oiseau contre lequel elles se sont: 
accrochées avec tant d’acharnement, que le combat ne finit que par la chute. 
el la mort de tous deux. Aussi les oiseaux de proie les plus braves les res-- 
pectent ; les milans, les buses, les corbeaux, paraissent les craindre et les fuir 
plutôt que les chercher. 

Rien dans la nature ne peint mieux la puissance et les droits du courage, que 
de voir ce petit oiseau, qui n’est guère plus gros qu'une alouette, voler de pair 
avec les éperviers, les faucons, et tous les autres tyrans de l'air, sans les 
redouter , et chasser dans leur domaine sans craindre d’en être puni; car, 
quoique les pies-grièches se nourrissent communément d'insectes, elles aiment 
la chair de préférence : elles poursuivent au vol tous les petits oiseaux; on en 


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a vu prendre des perdreaux et des jeunes levrauts; les grives, les merles, et 
les autres oiseaux pris au lacet-ou au piège, deviennent leur proie la plus ordi- 
naire ; elles les saisissent avec les ongles ; leur crèvent la tête avec le bec, leur 
serrent et déchiquètent le cou; et après les avoir étranglés ou tués , elles les 
plument pour les manger, les dépecer à leur aise, et en emporter dans leur nid 
les débris en lambeaux. 

La pie-grièche rousse habite les bois et les montagnes en été, et vient dans 
les plaines et près des habitations en hiver ; elle fait son nid sur les arbres les 
plus élevés des bois ou des terres en montagnes. Ce nid est composé au dehors 
de mousse blanche entrelacée d'herbes longues, et au-dedans il est bien doublé 
et tapissé de laine; ordinairement il est appuyé sur une branche à double et 
triple fourche. La femelle, qui ne diffère pas du mâle par la grosseur ; mais 
seulement par la teinte des couleurs plus claires que celles du mâle, pond ordi- 
nairement cinq ou six, et quelquefois sept, ou même huit œufs gros comme 
ceux d’une grive ; elle nourrit ses petits de chenilles et d’autres insectes dans 
les premiers jours, et bientôt elle leur fait manger des petits morceaux de 
viande que leur père leur apporte avec un soin et une diligence admirables. 

Bien différente des oiseaux de proie, qui chassent leurs petits avant qu’ils soient 
en état de se pourvoir d'eux-mêmes, la pie-grièche garde et soigne les siens 
tout le temps du premier âge; et quand ils sont grands, elle les soigne encore : 
la famille ne se sépare pas, on les voit voler ensemble pendant l'automne en- 
tier, et encore-en hiver, sans qu'ils sé réunissent en grandes troupes. Chaque 
famille fait une petite bande à part, ordinairement composée du père, de la 
mère, et de cinq ou six petits, qui tous prennent un intérêt commun à ce qui. . 
leur arrive, vivent en paix et chassent de concert, la famille ne se sépare que 
pour en former de nouvelles. e 

Îl est aisé de reconnaître les pies-grièches de loin , non-seulement à cause 
de cette petite troupe qu’elles forment après le temps des nichées, mais encore 
à leur vol, qui n’est ni direct ni oblique à la même hauteur , et qui se fait tou- 
jours de bas en haut et de haut en bas alternativement et précipitamment ; on 
peut aussi les reconnaître , sans les voir, à leur cri aigu oui trôui, qu'on en- 
tend de fort loin, et qu’elles ne cessent de répéter lorsqu'elles Sr Ave au 
sommet des arbres. 


ÉCORCHEUR. 


(PL 5.) 


L’écorcheur est un peu plus petit que la pie-grièche rousse, et lui ressemble 
assez par les habitudes naturelles ; comme elle, il arrive au printemps, fait 
son nid sur des arbres ou même dans des buissons, en pleine campagne, et 
non pas dans les bois; -part avec sa famille vers le mois de septembre, se 
nourrit communément d'insectes, et fait aussi la guerre aux petits oiseaux, 
en sorte qu'on ne peut trouver aucune différence essentielle entre eux, sinon 
la grandeur , la distribution et les nuances des couleurs , qui paraissent être 
constamment différentes dans chacune de ces espèces, tant celles du mâle 
que celles de la femelle. Néanmoins, comme entre le mâle et la femelle de 
chacune de ces deux espèces il y à dans la couleur, encore plus de différence 
que d’une espèce à l’autre, on serait très bien fondé à ne les regarder que 
comme des variétés, et à réunir sous la même espèce, la pie-grièche rousse , 
l’écorcheur, et l’écorcheur varié, dont quelques naturalistes ont encorefait une 
espèce distincte, et qui cependant pourrait bien être la femelle de celui dont 
il est ici question. 

Au reste, ces deux espèces de pies-grièches, avec leurs variétés, nichent 
dans nos climats, et se trouvent en Suède comme en France; en sorte qu’elles 
ont pu passer d’un continent à l’autre. Il est donc à présumer que les espèces 
étrangères de ce même genre , et qui ont descouleurs rousses, ne sont que des 
variétés de l’écorcheur , d'autant qu'ayant l'usage de passer tous les ans d’un 
climat à l’autre, elles ont puse naturaliser dans des climats éloignés, encore 
plus aisément que la pie-grièche, qui reste constamment dans notre pays. 

Rien ne prouve mieux le passage de ces oiseaux de notre pays dans des cli- 
mats plus chauds, pour y passer l'hiver, que de les retrouver au Sénégal. La 
pie-grièche rousse nous à été envoyée par M. Adanson, et c’est absolument le 
même oiseau que notre pie-grièche rousse d'Europe; il y en a une autre qui 


tn. dt dite 


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nous à été également envoyée du Sénégal, et qui doit n'être regardée que 
comme une simple variété dans l'espèce. 

Il en est de même de la pie-grièche que nous avons appelée l’écor- 
cheur des Philippines , et encore de celle que nous avons appelée pie-grièche 
de la Louisiane, qui nous ont été envoyées de ces deux climats si éloignés 
l'un de l’autre, qui se ressemblent assez pour ne paraître que le même oiseau, 


_et qui en réalité ne font qu’une variété. 


OISEAUX DE PROIE NOCTURNES. 


Les yeux de ces oiseaux sont d’une sensibilité si grande, qu'ils paraissent 
être éblouis par la clarté du jour, et entièrement offusqués par les rayons du 
soleil ; il leur faut une lumière plus douce , telle que celle de l’aurore naissante 
ou du crépuscule tombant: c’est alors qu'ils sortent de leurs retraites pour 
chasser, ou plutôt pour chercher leur proie; ils font cette quête avec grand 
avantage, car ilstrouvent dans ce temps les autres oiseaux et les petits animaux 
endormis, ou prêts à l’être. 

Les nuits où la lune brille sont pour eux les beaux jours, les jours de plaisirs, 
les jours d’abondance, pendant lesquels ils chassent pendant plusieurs heures 
de suite, et se pourvoient d’amples provisions. Les nuits où la lune fait défaut 
sont beaucoup moins heureuses; il n’ont guère qu’une heure le soir et une 
heure le matin pour chercher leur subsistance. Car il ne faut pas croire que la 
vue de ces oiseaux, qui s'exerce si parfaitement à une faible lumière, puisse se 
passer de toute lumière , et qu’elle perce en effet dans l'obscurité la plus pro- 
fonde; dès que la nuit est bien close, ils cessent de voir, et ne diffèrent pas à 
cet égard des autres animaux, tels que les lièvres, les loups, les cerfs, qui 
sortent le soir des bois pour repaître ou chasser pendant la nuit. 

Ces derniers animaux voient mieux lejour que la nuit; au lieu que la vue des 
oiseaux nocturnes est si fort offusquée pendant le jour, qu’ils sont obligés de se 
tenir dans le même lieu sans bouger, et que, quand on les force à en sortir, 
ils ne peuvent faire que de très petites courses, des vols courts et lents, de peur 
de se heurter. Les autres oiseaux, qui s’aperçoivent de leur crainte ow de la 


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gêne de leur situation , viennent à l’envi les insulter; les mésanges, les pinsons, 
les rouges-gorges , les merles, les geais, les grives , etc., arrivent à la file: 
l'oiseau de nuit, perché sur une branche, immobile, étonné , entend leurs 
mouvemens, leurs cris qui redoublent sans cesse, parce qu’il n’y répond que 
par des gestes bas, en tournant sa Lête, ses yeux et son corps, d'un air ridi- 
cule ; il se laisse même assaillir et frapper sans se défendre; les plus petits, les 
plus faibles de ses ennemis, sont les plus ardens à le tourmenter, les plusopinià- 
tres à le huer. 

C’est sur cette espèce de jeu de moquerie ou d’antipathie naturelle qu'est 
fondé le petit art de la pipée. Il suffit de placer un oiseau nocturne, ou même 
d’en contrefaire la voix, pour faire arriver les oiseaux à l'endroit où l’on a tendu 
les gluaux. Il faut s'y prendre une heure avant la fin du jour pour que cette 
chasse soit heureuse ; car s’y l’on attend plus tard, ces mêmes petits oiseaux, 
qui viennent pendant le jour provoquer l'oiseau de nuit avec autant d’audace 
que d’opiniâtreté , le fuient et le redoutent dès que l'obscurité lui permet de se 
mettre en mouvement et de déployer ses facultés. 

On peut diviser en deux genres principaux les oiseaux de proie nocturnes, le 
genre du hibou et celui de la chouette, qui contiennent chacun plusieurs espèces 
différentes: le caractère distinctif de ces deux genres, c’est que tous les hiboux 
ont deux aigrettes de plumes en forme d'oreilles , droites de chaque côté de la 
tête, tandis que les chouettes ont la tête arrondie, sans aigrettes et sans aucune 
plume proéminente. Nous réduirons à trois les espèces contenues dans le genre 
du hibou ; ces trois espèces sont, 1° le duc ou grand duc, 2° le hibou ou moyen 
duc, 3° le sCops ou petit duc ; : 


DUC OÙ GRAND DUC. 


(PL. 6.) 


Les poètes ont dédié l’aigle à Jupiter , et le duc à Junon : c’est en effet l'aigle 
de la nuit, et le roi de cette tribu d’oiseaux qui craignent la lumière du jour et 
ne volent que quand elle s'éteint. Le duc (1) paraît être, au premier coup-d’œil, 


(1) En latin, bubo; en italien, duco, dugo; en espagnol, Euho; en allemand, vu, huhu, schuffut, 
OISEAUX, 6 


— A9 — 


aussi gros, aussi fort que l'aigle commun ; cependant il est réellement plus 
petit, et les proportions de son corps sont toutes différentes : il a les jambes, 
le corps et la queue plus courts que l'aigle, la tête beaucoup plus grande, les 
ailes bien moins longues , l'étendue du vol ou l’envergure u’étant que d'environ. 
cinq pieds. | 

On distingue aisément le duc à sa grosse figure, à son énorme tête, anx 
larges et profondes cavernes de ses oreilles, aux deux aigrettes qui surmon- 
tent sa tête, et qui sont élevées de plus de deux pouces et demi; à son bec 
court, noir et crochu; à ses grands yeux fixes et transparens; à ses larges 
prunelles noires et environnées d’un cercle de couleur orangée ; à sa face en- 
tourée de poils ou plutôt de petites plumes blanches et décomposées qui abou- 
tissent à une circonférence d’autres petites plumes frisées ; à ses ongles noirs, 
très forts et très crochus ; à son cou très court; à son plumage d’un roux brun 
taché de noir etde jaune sur le dos, et de jaune sur le ventre, marqué de ta- 
ches noires ettraversé de quelques bandes brunes , mêlées assez confusément; 
à ses pieds couverts d’un duvet épais et de plumes roussâtres jusqu'aux 
ongles (1); enfin à son cri effrayant huëhou, houhou , bouhou, pouhou, qu'il 
faitretentir dans le silence de la nuit, lorsque tous les autres animaux se taisent, 
et c’est alors qu'il les éveille, les inquiète, les poursuit et les enlève, ou les 
met à mort pour les dépecer et les emporter dans les cavernes qui lui servent 
de retraite : aussi n’habite-t-il que les rochers ou les vieilles tours aban- 
donnéesetsituées au-dessus des montagnes. Il descend rarement dans les plaines 
et ne se perche pas volontiers sur les arbres, mais sur les églises écartées et 
sur les vieux châteaux. He 

Ses chasses les plus ordinaires sont les jeunes lièvres, les lapins, les taupes, 
les mulots, les souris, qu’il avale tout entières, et dont il digère la substance 
charnue , vomit le poil, les os et la peau en pelotes arrondies. Il mange aussi 
les chauves-souris, les serpens, les lézards, les crapauds, les grenouilles, el 
en nourrit ses petits : il les chasse avec tant d'activité, que son nid regorge 
de provisions ; il en rassemble plus qu'aucun autre oiseau de proie. 

On garde ces oiseaux dans les ménageries à cause de leur figure singulière. 


blu, becghu, huhuy, hub, huo, puhi; en anglais, great horn-owl, eagle-owl. On l'appelle aussi en 
français, grand hibou cornu; en quelques endroits de l'Italie, barbagianni; en quelques endroits de 
la France, /arbaian. 

(2) La femelle ne diffère du mâle qu'en ce que les plumes sur le corps, les ailes et la queue, sont 
d'une couleur plus sombre. 


L'espèce n’en est pas aussi nombreuse en France que celle des autres hiboux, 
etil n’est pas sûr qu'il reste au pays toute l’année; ils y nichent cependant 
quelquefois sur des arbres creux, et plus souvent dans des cavernes de rochers, 
ou dans des trous de hautes et vieilles murailles. Leur nid a près de trois pieds 
de diamètre; il est composé de petites branches de bois sec entrelacées de 
racines souples, et garni de feuilles en dedans. On ne trouve souvent qu'un 
œuf ou deux dans ce nid, et rarement trois: la couleur de ces œufs tire un peu 
sur celle du plumage de l'oiseau ; leur grosseur excède celle des œufs de poule. 

Les petits sont très voraces , et les pères et mères très habiles à la chasse, 
qu’ils font dans le silence et avec beaucoup plus de légèreté que leur grosse 
corpulence ne paraît le permettre ; souvent its se battent avec les buses, et sont 
ordinairement les plus forts et les maîtres de la proie qu’ils leur enlèvent. Ils 
supportent plus aisément la lumière du jour que les autres oiseaux de nuit ; car 
_ilssortent de meilleure heure le soir, etrentrent plus tard le matin. On voit quel- 
quefois le duc assailli par des troupes de corneilles, qui le suivent au volet l’en- 
vironnent par milliers; ils soutientleur choc, pousse des cris plus forts qu'elles, 
el finit par les disperser, et souvent par en prendre quelqu'une lorsque la lu- 
mière du jour baisse. | | 

Quoiqu'ils aient les ailes plus courtes que la plupart des oiseaux de haut vol, . 
ils ne laissent pas de s’élever assez haut, surtout à l'heure du crépuscule; mais 
ordinairement ils ne volent que bas et à de petites distances dans les autres 
heures du jour. |; 

On se sert du duc dans la fauconnerie pour attirer le milan. On attache au 
. duc une queue de renard, pour rendre sa figure encore plus extraordinaire ; 
il vole à fleur de terre, et se pose dans la campagne, sans se percher sur aucun 
arbre. Le milan qui l’aperçoit de loin , arrive et s'approche du duc, non pas 
pour le combattre ou l’attaquer, mais comme pour l’admirer, etil se tient 
auprès de lui assez long-temps pour se laisser tirer par le chasseur, ou pren- 
dre par les oiseaux de proie qu'on lâche à sa poursuite. 

Les hibous, ainsi que les chouettes, qui composent le genre entier des oi- 
seaux de proie nocturnes, diffèrent des oiseaux de proie diurnes : 

1° Par le sens de la vue, qui est excellent dans ceux-ci, et qui paraît fort 
obtus dans les autres, parce qu’il est trop sensible et trop affecté de l'éclat de la 
lumière; on voit, en effer, leur pupille , qui est très large, se rétrécir au grand 
jour d’une manière différente de celle des chats. La pupille des oiseaux de 
nuit reste toujours ronde en se rétrécissant concentriquement, au lieu que 
celle des chats devient perpendiculairement étroite et longue ; 


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2° Par le sens de Pouïe : il paraît que ces oiseaux de proie nocturnes ont ce 
sens supérieur à tous les autres oiseaux , et peut-être même à tous les ani- 
maux; car ils ont, toute proportion gardée, les conques des oreilles bien plus 
grandes qu'aucun des animaux : il y a aussi plus d'appareil et de mouvement 
dans cet organe qu'ils sont maîtres de fermer et d'ouvrir à volonté, ce qui 
n’est donné à aucun animal ; 

3° Par le bec, dont la base n’est pas , comme dans les oiseaux de proie 
diurnes, couverte d’une peau lisse et nue, mais au contraire garnie de plumes 
tournées en devant. De plus, ils ont le bec court et mobile dans ses deux par- 
ties, comme le bec des perroquets; et c’est par la facilité de ces deux mou- 
vemens qu'ils font si souvent craquer leur bec, et qu’ils peuvent aussi l’ouvrir 
assez pour prendre de très gros morceaux, que leur gosier, aussi ample, aussi 
large que l'ouverture de leur bec, leur permet d’avaler tout entiers; 

k° Par les serres, dont ils ont un doigt antérieur mobile, et qu’ils peuvent 
à volonté retourner en arrière; ce qui leur donne plus de fermeté et de facilité 
qu'aux autres pour se tenir perchés sur un seul pied ; 

5° Par leur vol, qui se fait en culbutant lorsqu'ils sortent de leur trou, et 
toujours de travers et sans aucun bruit, comme si le vent les emportait. Ce 
sont là les différences générales entre ces oiseaux de proie nocturnes et les 
oiseaux de proie diurnes; comme l'on voit, ils n’ont; pour ainsi dire, rien de 
semblable que leurs armes, rien de commun que leur appétit pour la chair et 
leur goût pour la rapine. 


SUOPS OÙ PETIT DUC. 


( PL 6.) 


Voici la deuxième espèce du genre des hiboux, c’est-à-dire des oiseaux de 
nuit qui portent des plumes élevées au-dessus de la tête; et elle est aisée à 
distinguer des deux autres ; d’abord par la petitesse même du corps de l’oi- 
seau, qui n’est pas plus gros qu'un merle, et ensuite par le raccourcissement 
très marqué de ces aigrettes qui surmontent les oreilles; dans cette espèce , 


ces aigrettes ne s'élèvent pas d’un demi-pouce, et ne sont composées que d’une 
seule petite plume. 


LP LE 


Ces deux caractères suffisent pour distinguer le petit duc (1) du moyen et 
du grand duc ; et on le reconnaîtra encore aisément à la tête, qui est propor- 
tionnellement plus petite par rapport au corps que celle des deux autres, et 
encore à son plumage plus également bigarré et plus distinctement tacheté que 
celui des autres : car tout son corps est très joliment varié de gris, de roux, 
de brun et de noir; et ses jambes sont couvertes, jusqu’à l’origine des ongles, 
de plumes d’un gris roussàtre, mêlé de taches brunes. Il diffère aussi des 
deux autres par le naturel, car ilse réunit en troupe en automne et au prin- 
temps, pour passer dans d’autres climats ; il n’en reste que très peu, ou point 
du tout, en hiver, dans nos provinces, et on les voit partir après les hirondelles 
et arriver à-peu-près en même temps. 

Quoiqu'’ils habitent de préférence les terrains élevés, les scops se rassem-- 
blent volontiers dans ceux où les mulots se sont le plus multipliés, et ils y font 
un grand bien par la destruction de ces animaux, qui se multiplient toujours 
trop, et qui, dans de certaines années, pullulent à un tel point qu’ils dévorent 
toutes les graines et toutes les racines des plantes les plus nécessaires à la 
nourriture et à l'usage de l’homme. On a souvent vu, dans le temps de cette 
espèce de fléau, les petits ducs arriver en troupe, et faire si bonne guerre aux 
mulots, qu’en peu de jours ils en purgent la terre. 

Les hibous ou moyens ducs se réunissent aussi quelquefois en troupes de 
plus de cent; nous en avons été informés deux fois par des témoins oculaires : 
mais ces assemblées sont rares , au lieu que celles des scops ou petits ducs se 
font tous les ans. D’ailleurs, c’est pour voyager qu'ils semblent se rassembler ; 
et il n’en reste point au pays; au lieu qu’on y trouve des hibous ou moyens 
ducs en tout temps : il est même à présumer que les petits ducs font des 
voyages de long cours, et qu'ils passent d’un continent à l’autre. 

L'oiseau de la Nouvelle-Espagne indiqué par Nieremberg, sous le nom de 
talchicuaili, est ou de la même espèce, ou d’une espèce très voisine de celle 
du scops ou petit duc. Au reste, quoiqu'il voyage par troupes nombreuses, il 
est assez rare partout et difficile à prendre; on n’a jamais pu m'en procurer 
ni les œufs ni les petits, et on a même de la peine à l’indiquer aux chasseurs , 
qui le confondent toujours avec la chevêche, parce que ces deux oiseaux sont 
à-peu-près de la même grosseur, et que les petites plumes éminentes qui dis- 


" 


(1) En lan, asio; en italien, zivetta ou zuetta; alochavello, chivino; en allemand, stock-eule; en 


anglais, little horn-owl. 


AT 


tinguent le petit duc sont très courtes , et trop peu apparentes pour faire un 
caractère qu’on puisse reconnaître de loin. | 

Au reste, la couleur de ces oiseaux varie beaucoup suivant l’âge et le cli- 
mat, et peut-être le sexe : ils sont tous gris dans le premier âge; il y en a de 
plus bruns les uns que les autres quand ils sont adultes. La couleur des yeux 
paraît suivre celle du plumage ; les gris n’ont les yeux que d’un jaune très pâle, 
les autres les ont plus jaunes ou d’une couleur de noisette plus brune : mais 
ces légères différences ne suffisent pas pour en faire des eRREE distinctes et 
séparées. 

Le scops se tient pendant l'été dans les bois, toujours dans des arbres creux; 
quelquefois il s'approche en hiver de nos habitations. Il chasse et prend les 
petits oiseaux, plus encore les mulots et les campagnols; il les avale tout en- 
tiers, et en rend aussi par le bec les peaux roulées en pelotons. Lorsque la 
chasse de la campagne ne lui produit rien, il vient dans les granges pour y 
chercher des souris et des rats, retourne au bois de grand matin, à l'heure de 
la rentrée des lièvres ; se fourre dans les taillis les plus épais ou sur les arbres 
les plus feuillés, et y passe tout le jour sans changer de lieu; dans la mauvaise 
saison, cet oiseau demeure dans les arbres creux pendant le jour , et n’en sort 
qu’à la nuit. Ces habitudes lui sont communes avec le hibou ou moyen due, 


aussi bien que celle de pondre leurs œufs dans des nids étrangers, surtout 


dans ceux des buses, des crécerelles , des corneilles et des pies : il fait ordi- 
nairement quatre œufs d’un gris sale , de forme arrondie, el à-peu-près aussi 
gros que ceux d’une petite poule. 


HIBOU OU MOYEN DUC. 


(PI. 6.) 


Le hibou (1), ofus, ou moyen duc, a, comme le grand duc, les oreilles fort 
ouvertes et surmontées d’une aigrette composée de six plumes tournées en 


(4) En latin, asio ou otus ; en italien, gufo, barbagianni ; en espagnol , mochuelo ; en allemand, 
ohr-eule où rautz-eule , ohrreutz , hautz-lein ; en anglais, korn-owl. 

Il est plus commun en France et en Italie qu'en Angleterre. On le trouve très fréquemment en 
Bourgogne , en Champagne, en Sologne, et dans les montagnes de l'Auvergne. 


2e ES 


avant; mais ces aigrettes sont plus courtes que celles du grand duc, et n'ont 
suère plus d'un pouce de longueur; elles paraissent proportionnées à sa taille ,: 
car il ne pèse qu'environ dix onces et n’est pas plus gros qu’une corneille : 
il forme donc une espèce évidemment différente de celle du grand due, qui 
est gros comme une oie, et de celle du scops ou petit duc, qui n’est pas plus 
grand qu'un merle, et qui n’a au-dessus des oreilles que des aigrettes très 
courtes. Je fais cette remarque, parce qu’il y a des naturalistes qui n’ont re- 
gardé le moyen et le petit duc que comme de simples variétés d’une seule et 
même espèce. 

Le moyen duc a environ un pied de longueur de corps, depuis le bout du 
bec jusqu'aux ongles, trois pieds de vol ou d'envergure, et cinq ou six pouces 
de longueur de queue;ila le dessus de la tête, du cou, du dos et des ailes rayé 
de gris, de roux et de brun; la poitrine et le ventre sont roux, avec des bandes 
brunes irrégulières et étroites ; le bec est court et noirâtre ; les yeux sont d’un 
beau jaune; les pieds sont couverts de plumes rousses jusqu’à l’origine des 
ongles, qui sont assez grands et d’un brun noirûâtre. 

L'espèce en est commune et beaucoup plus nombreuse dans nos climats que 
celle du grand duc, qu’on n’y rencontre que rarement en hiver; au lieu que le 
moyen duc y reste toute l’année, et se trouve même plus aisément en hiver 
qu’en été. Il habite ordinairement dans les anciens bâtimens ruinés, dans les 
cavernes des rochers, dans le creux des vieux arbres, dans les forêts en mon- 
tagnes, et ne descend guère dans les plaines. Lorsque d’autres oiseaux l’atta- 
quent, il se sert très bien et des griffes et du bec; il se retourne aussi sur le 
dos pour se défendre, quand il est assailli par un ennemi trop fort. 

Il paraît que cet oiseau, qui est commun dans nos provinces d'Europe, se 
trouve aussi en Asie. | 

Il y à dans cette espèce plusieurs variétés, dont la première se trouve en 
Italie. Ce hibou d'Italie est plus gros que le hibou commun, eten diffère aussi 
par les couleurs. 

Ces oiseaux se donnent rarement la peine de faire un nid, ou se l’épargnent 
en entier. Ils pondent ordinairement quatre ou cinq œufs; et leurs petits, qui 
sont blancs en naissant, prennent des couleurs au bout de quinze jours. 

Comme ce hibou n’est pas fort sensible au froid , qu'il passe l'hiver dans 
notre pays, et qu’on le trouve en Suède comme en France, il a pu passer d’un 
continent à l’autre. Il paraît qu’on le retrouve en Canada et dans plusieurs 
autres endroits de l'Amérique septentrionale, il se pourrait même que le hibou 
de la Caroline, décrit par Catesby , et celui de l'Amérique méridionale, indi- 


qué par le père Feuillée, ne fussent que des variétés de notre hibou , pro- 
duites par la différence des climats, d'autant qu'ils sont à très peu près de la 
même grandeur, et qu'ils ne diffèrent que par les nuances et la distribution 
des couleurs. | 

On se sert du hibou et du chat-huant pour attirer les oiseaux à la pipée; et 
l'on a remarqué que les gros oiseaux viennent plus volontiers à la voix du hi- 
bou, qui est une espèce de cri plaintif ou de gémissement grave et allongé, 
elow , cloud, qu'il ne cesse de répéter pendant la nuit, et que les petits oi- 
seaux viennent en plus grand nombre à celle du chat-huant, qui est une voix 
haute, une espèce d'appel, Acho , hoho. 

Tous deux font pendant le jour des gestes ridicules et bouffons en présence 
des hommes et des autres oiseaux. Aristote n’attribue cette espèce de talent-ou 
de propriété qu'auhibou ou moyen duc, otos; Pline la donne au scops, et appelle 
ces gestes bizarres motus satyricos : mais ce scops de Pline est le même oiseau 
que l’otos d’Aristote ; car les Latins confondaient sous le même nom scops, l’otos 
et le scops des Grecs, le moyen duc et le petit duc, qu'ils réunissaient sous 
une seule espèce et sous le même nom, en se contentant d’avertir qu'il existait 
néanmoins des grands scops et des peuits. 

C’est en effet au hibou, ofus, au moyen duc, qu'il faut principalement ap- 
pliquer ce que disent les anciens de ces gestes bouffons et mouvemens saty- 
riques ; et comme de très habiles physiciens naturalistes ont prétendu que ce 
n’était point au hibou , mais à un autre oiseau d’un genre tout différent, qu'on 
appelle {a demoiselle de Numidie, qu’il faut rapporter ces passages des an- 
ciens, nous ne pouvons nous dispenser de discuter ici cette question, et de re- 
lever cette erreur. 

Ce sont les anatomistes de l'académie des sciences qui, dans la description 
qu'ils ont donnée de la demoiselle de Numidie, ont voulu établir cette opinion, 
et s'expriment dans les termes suivans: « L'oiseau, disent-ils, que nous décri- 
vons est appelé demoiselle de Numidie, parce qu'il vient de cette province 
« d'Afrique, et qu'il a certaines façons par lesquelles on à trouvé qu’il semblait 
« imiter les gestes d’une femme qui affecte de la grâce dans son port et dans son 
« marcher, qui semble tenir souvent quelque chose de la danse. Il y a plus de 
« deux mille ans que les naturalistes qui ont parlé de cet oiseau l'ont désigné 
« par cette particularité de l’imitation des gestes et des contenances de la 
« femme. Aristote lui à donnéle nom de bateleur , de danseur et de bouf- 
« fon, contrefaisant ce qu’il voit faire... Il y à apparence que cet oiseau dan- 
« seur et bouffon était rare parmi les anciens, parce que Pline croit qu'il est 


» 


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A ONE. LA NP 


Ne 


« fabuleux: en mettant cetanimal qu’il appelle satyrique, au rang des Pégases, 
« des Griffons et des Sirènes. » 

Je ferai encore observer que tous ces mouvemens bouffons ou satyriques, at- 
uibués au hibou parles anciens, appartiennent aussi à presque tous les oi- 
seaux de nuit, et que, dans le fait, ils se réduisent à une contenance étonnée, 
à de fréquens tournemens de cou, à des mouvemens de tête en haut, en bas et 
de tout côté, à des craquemens de bec, à des trépidations de jambes , et des 
mouvemens de pieds dont ils portent un doigt tantôt en arrière, tantôt en 
avant, et qu’on peut aisément remarquer, tout cela en regardant quelques-uns 
de ces oiseaux en captivité. Il faut les prendre très jeunes lorsqu'on veut les 
nourrir; les autres refusent toute la nourriture qu’on leur présente dès qu'ils 
sont enfermés. ‘ 


CHAT-HUANT. 


(PI. 7.) 


Le Chat-huant (1) qui a les yeux bleuâtres, et l’Effraie qui les à jaunes sont 
à-peu-près de la même grandeur; ils ont environ douze à quinze pouces de 
longueur; ainsiils n’ont guère depuis le bout du bec jusqu’à l'extrémité des pieds, 
que deux pouces de moins que la Hulotte, mais ils paraissent sensiblement moins 
gros à proportion. On reconnaîtra le chat-huant, d’abord à la couleur de ses yeux, 
et ensuite à la beauté et à la variété distincte de son plumage; et enfin à son cri 
hoho, hoho,hohohoho, par lequelilsemble huer, hôler ou appeler à haute voix : 

Gesner, Aldrovande et plusieurs autres naturalistes après eux, ont employé 
le mot sérix pour désigner cette espèce : mais je crois qu'ils se sont trompés, 
et que c’est à l’Effraie qu’il faut le rapporter : sérix , pris dans cette acception, 
c’est-à-dire comme nom d’un oiseau de nuit, est un mot plutôt latin que grec. 
Ovide nous en donne l’étymologie , et indique assez clairement quel est l’oi- 


seau nocturne auquel il appartient par le passage suivant : 


(1) En latin, roctua; en Catalogne, cabeca ; en allemand, milchsauger, Kinder-melker, stoch- 
eule; en anglais, common brown owl, ou leech-owl. 


OISEAUX, 


Strigum 
Grande caput, stantes oculi, rostra apla rapinæ, 
Canities pennis , unguibus hamus inest. 
Est illis strigibus nomen ; sed nominis hujus 


Causa, quod horrendà stridere nocte solent. 


La tête grosse , les yeux fixes, le bec propre à la rapine, les ongles en ha- 
meçon , sont des caractères communs à tous ces oiseaux ; mais la blancheur du 
plumage (canities pennis) appartient plus à l'Effraie qu'à aucun autre; et ce qui 
détermine sur cela mon sentiment, c’est que le mot stridor, qui signifie en la- 
tin un craquement, un grincement, ua bruit désagréablement entrecoupé et 
semblable à celui d’une scie, est précisément le cri gre, grei de l'Effraie; au 
lieu que le cri du Chat-huant est plutôt une voix haute , un hôlement , qu'un 
grincement£. 

On ne trouve guère les chats-huants ailleurs que dans les bois; en Bourgogne, 
ils sont bien plus communs que les hulottes; ils se tiennent dans les arbres 
creux, et l’on m'en à apporté quelques-uns dans le temps le plus rigoureux de 
l'hiver; ce qui me fait présumer qu’ils restent toujours dans le pays, et qu'ils 
ne s’approchent que rarement de nos habitations. M. Frich donne le chat- 
huant comme une variété de l’espèce de la hulotte , et prend encore pour une 
seconde variété de cette même espèce le mâle du chat-huant. Ainsi, au lieu de 
trois variétés qu'il indique , ce sont deux espèces différentes. 

Comme le chat-huant se trouve en Suède et dans les autres terres du Nord, 
il a pu passer d’un continent à l’autre ; aussi le retrouve-t-on en Amérique 
_ jusque dans les pays chauds. Il y a, au cabinet de M. de Mauduyt, un chat-huant 
qui lui a été envoyé de Saint-Domingue, quine nous paraît être qu’une variété 
de l'espèce d'Europe, dont il ne diffère que par l’uniformité des couleurs sur la 
poitrine et sur le ventre, qui sont rousses et presque sans tache, et encore par 
les couleurs plus foncées des parties supérieures du corps. 


a 


CHOUETTE OÙ GRANDE CHEVÈCHE. 


BJ) 


Cetie espèce, qui est la chouette (1) proprement dite, et qu'on peut appeler 
la chouette des rochers ou la grande chevêéche, est assez commune : mais 
elle n’approche pas aussi souvent de nos habitations que l’Effraie ; elle se tient 
plus volontiers dans les carrières , dans les rochers, dans les bâtimens ruinés 
et éloignés des lieux habités , il semble qu’elle préfère les pays de montagnes, 
et qu’elle cherche les précipices escarpés et les endroits solitaires ; cependant 
on ne la trouve pas dans les bois, et elle ne se loge pas dans les arbres creux. 

On la distinguera aisément du chat-huant par la couleur des yeux, quisont d’un 
très beau jaune, au lieu que ceux duchat-huant sont d’une couleur bleuâtre; on 
la distinguera plus difficilement del’Effraie, parce que toutes deux ont l'iris des 
yeux jaune, environné de même d’un grand cercle de petites plumes blanches: que 
toutes deux ont du jaune sous le ventre, et qu’elles sont à-peu-près de la même 
grandeur : mais la chouette des rochers est , en général, plus brune, marquée 
de taches plus grandes et longues comme de petites flammes ; au lieu que les 
taches de l'Effraie , lorsqu'elle en a, ne sont, pour ainsi dire, que des points 
ou des gouttes; et c’est par celte raison qu’on a appelé l’effraie noc£ua gutta- 
ta , et la chouette desrochers dont il est ici question , noctua flammeata. Elle 
a aussi les pieds bien plus garnis de plumes , et le bec tout brun, tandis que 
celui de l’Effraie est blanchâtre, et n'a de brun qu’à son extrémité. Au reste, 
la femelle, dans cette espèce, a les couleurs plus claires et les taches plus pe- 
tites que le mâle, comme nous l'avons aussi remarqué sur la femelle du chat- 
huant. Les laboureurs font grand cas de cet oiseau, en ce qu’il détruit quantité 
de mulots: et que dans le mois d’avril on l’entend crier jour et nuit gout, 
mais d’un ton assez doux, et que , quand il doit pleuvoir , il change de cri, et 


(1) En laün, cicuma ; en allemand, stein-hutz, ou stein-eule ; en anglais, great brown owl. Noc- 


ua quam saxatilem Helyetii cognominant. 


semble dire goyon; qu'il ne fait pas de nid, ne pond que trois œufs tout 
blancs, parfaitement rond, et gros comme ceux d’un pigeon ramier. 

La chouette loge dans des arbres creux, et Olina se trompe quand il avance 
qu’elle couve les deux derniers mois de l'hiver : cependant ce dernier fait n’est 
pas éloigné du vrai; non-seulement celte chouette, mais même toutes les 
autres , pondent au commencement de mars , el couvent par conséquent dans 
ce même temps; et à l'égard de la demeure habituelle de la chouette ou grande 
chevêche, dont il est ici question, nous avons observé qu’elle ne la prend pas 
dans des arbres creux , comme l’assure M. Salerne, mais dans des trous de ro- 
chers et dans les carrières, habitude qui lui est commune avec la petite che- 
vêche. Elle est aussi considérablement plus petite que la hulotte, et même plus 
petite que le chat-huant, n'ayant guère que onze pouces de longueur depuis le 
bout du bec jusqu'aux ongles. | 

Il parait que cette grande chevêche, qui est assez commune en Europe, sur- 
tout dans les pays de montagnes, se retrouve en Amérique dans celles du Chi- 
li, et que l'espèce indiquée par fe P. Feuillée , sous le nom de chevèche-lapin, 
et à laquelle il a donné ce surnom de lapin, parce qu’il l’a trouvée dans un 
trou fait dans la terre , n’est qu’une variété de notre chouette des rochers d’'Eu- 
rope; car elle est de Ja même grandeur , et n’en diffère que par la distribution 
des couleurs. Si cet oiseau creusait lui-même son trou, comme le P. Feuillée 
paraît le croire, ce serait une raison pour le juger d’une autre espèce que 
toutes nos autres chouettes; mais il ne s’ensuit pas, de ce qu'il a trouvé cet 
oiseau au fond d’un terrier , que ce soit l’oiseau qui l'ait creusé. Ce qu’on en 
peut seulement induire, c’est qu'il est du même naturel que nos chevêches 
d'Europe qui préfèrent constamment les trous , soit dans les pierres , soit dans 
les terres , à ceux qu’elles pourraient trouver dans les arbres creux. 

Pour présenter en raccourci, et d’une manière plus facile à saisir, les ca- 
ractères qui distinguent les einq espèces de chouettes, nous dirons: 

1° Que la hulotte est la plus grande et la plus grosse; qu’elle a les yeux noirs, 
le plumage noirâtre , et le bec d’un blanc jaunâtre ; qu'on peut la nommer /a 
grosse choucfte noire aux yeux noirs. 

2° Que le chat-huant est moins grand etbeaucoup moins gros que la hulotte ; 
qu'il à les yeux bleuûtres, le plumage roux mêlé de gris-de-fer , le bec d'un 
blanc verdàtre , et qu’on peut l'appeler la chouette rousse et gris-de-fer aux 
yeux bleus. 

3° Que l’Effraie est à-peu-près de la même grandeur que le chat-huant ; 
qu'elle ales yeux jaunes, le plumage d'un jaune blanchâtre, varié de taches 


bien distinctes , et le bec blanc, avec le bout du crochet brun, et qu'on peut 
l'appeler la chouette blanche ou jaune aux yeux oranges. 

Le Que la grande chevêche ou chouette des rochers n’est pas si grande que 
le chat-huant ni l’effraie , quoiqu'elle soit à-peu-près aussi grosse ; qu’elle a le 
plumage brun, les yeux d’un beau jaune et le bec brun; et qu’on peut l’appe- 
ler la chouette brune aux yeux jaunes et au bee brun. 

5° Que la petite chouette ou chevêche est beaucoup plus petite qu'aucune des 
autres ; qu’elle a le plumage brun, régulièrement taché de blanc, les yeux d’un 
jaune pâle, et le bec brun à la base et jaune vers le bout, et qu’on peut l’ap- 
peler la petite chouette brune aux yeux jaunâtres, au bec brun et orangé: 
Ces caractères se trouveront vrais en général, les femelles et les mâles de 
toutes les espèces se ressemblant assez par les couleurs, pour que les diffé- 
rences ne soient pas fort sensibles : cependant il y a ici, comme dans toute la 
nature, des variétés assez considérables, surtout dans les couleurs. 


EFFRAIE OÙ FRESAIE. 


(CRIE 


L’Effraie (1), qu’on appelle communément la chouette des clochers, effraie 
en effet par ses soufflemens , che, chei, cheu, chiou; ses cris âcres et lugu- 
bres grei, gre, crei, et sa voix entrecoupée qu’elle fait souvent retentir dans 
le silence de la nuit. Elle est, pour ainsi dire, domestique , et habite au milieu 
des villes les mieux peuplées : les tours, les clochers, les toits des églises et 
des autres bâtimens élevés, lui servent de retraite pendant le jour, et elle en 
sort à l'heure du crépuscule. Son soufflement, qu’elle réitère sans cesse, res- 
semble à celui d'un homme qui dort la bouche ouverte; elle pousse aussi, en 


(1) En latin, a/uco ; en allemand et en flamand, kérck-eule, ce qui signifie chouette des eglises; 
schleier-eule , chouette voilée, parce qu’elle semble avoir la tête encapuchonnée; perl-eule, parce 
que son plumage est parsemé de taches rondes comme des perles, ou des gouttes de liqueur; en 


anglais, whitc-owl, chouette blanche. 


on 


volant et en se reposant, différens sons aigres, tous si désagréables, que cela 
joint à l’idée du voisinage des cimetières et des églises , et encore à l’obscurité 
de la nuit, inspire de l'horreur et de la crainte aux enfans, aux femmes, et 
même aux hommes soumis aux mêmes préjugés et qui croient aux revenans, 
aux sorciers, aux augures : ils regardent l’Effraie comme l'oiseau funèbre , 
comme le messager de la mort; ils croient que quand il se fixe sur une maison, 
et qu'il y fait retentir une voix différente de ses cris ordinaires, c’est pour ap- 
peler quelqu'un au cimetière. | 

On la distingue aisément des autres chouettes par la beauté de son plumage : 
elle est à-peu-près de la même grandeur que le chat-huant, plus petite que la 
hulotte , et plus grande que la chouette proprement dite. Elle a un pied ou 
treize pouces de longueur depuis le bout du bec jusqu’à l'extrémité de la 
queue, qui n’a que cinq pouces de longueur. Elle a le dessus du corps jaune, 
ondé de gris et de brun, et taché de points blancs ; le dessous du corps blanc, 
marqué de points noirs; les yeux environnés très régulièrement d’un cercle de 
plumes blanches, et si fines qu’on les prendrait pour des poils; l'iris d’un beau 
jaune; le bec blanc, excepté le bout du crochet qui est brun; les pieds cou- 
verts de duvet blanc, les doigts blancs et les ongles noirâtres. 

Il y en a d’autres qui, quoique de la même espèce, paraissent au premier 
coup-d’œil être assez différentes ; elles sont d’un beau jaune sur la poitrine et 
sur le ventre, marquées de même de points noirs : d’autres sont parfaitement 
blanches sur ces mêmes parties, sans la plus petite tache noire; d’autres enfin 
sont parfaitement jaunes et sans aucune tache. 

J'ai eu plusieurs de ces chouettes vivantes : il est fort aisé de les prendre, 
en apposant un petit filet, une trouble à poisson, aux trous qu’elles occupent 
dans les vieux bâtimens. Elles vivent dix ou douze jours dans les volières où 
elles sont renfermées; mais elles refusent toute nourriture, et meurent d’ina- : 
nition au bout de ce temps : le jour, elles se tiennent, sans bouger, au bas de 
la volière; le soir, elles montent au sommet des juchoirs, où elles font en- 
tendre leur soufflement che, chei, par lequel elles semblent appeler les autres. 
J'ai vu plusieurs fois, en effet, d’autres Effraies arriver au soufflement de l’Ef- 
fraie prisonnière, se poser au-dessus de la volière, y faire le même soufflement, 
et s’y laisser prendre au filet. Je n’ai jamais entendu leur cri àcre (stridor) , 
crei, grei, dans les volières : elles ne poussent ce cri qu’en volant et lors- 
qu'elles sont en pleine liberté. La femelle est un peu plus grosse que le mâle, 
el a les couleurs plus claires et plus distinctes; c'est de tous les oiseaux noc- 
turnes, celui dont le plumage est le plus agréablement varié. 


L'espèce de l'Effraie est nombreuse, et partout très commune en Europe : 
comme on la voit en Suède aussi bien qu’en France, elle a pu passer d’un 
continent à l’autre. Aussi latrouve-t-on en Amérique, depuis les terres du Nord 
jusqu’à celles du Midi. Marcgrave l’a vue et reconnue au Brésil, où les naturels 
du pays l’appellent fuidara. 

L’Effraie ne va pas, comme la hulotte et le chat-huant, pondre dans des nids 
étrangers : elle dépose ses œufs à cru dans des trous de murailles, ou sur des 
solives sous les toits, et aussi dans des creux d'arbres ; elle n’y met ni herbes, 
ni racines, ni feuilles, pourles recevoir. Elle pond de très bonne heure, au 
printemps, c’est-à-dire dès la fin de mars ou le commencement d'avril; elle 
fait ordinairement cinq œufs, et quelquefois six et même sept, d'une forme allon- 
gée, et de couleur blanchâtre. 

Elle nourrit ses petits d'insectes et de morceaux de chair de souris : ils sont 
tout blancs dans le premier âge, et ne sont pas mauvais à manger au bout de 
trois sémaines, car ils sont gras et bien nourris. Les pères et mères purgent les 
églises de souris; ils boivent aussi assez souvent ou plutôt mangent l’huile des 
lampes, surtout si elle vient à se figer ; ils avalent les souris et les mulots, les 
pelits oiseaux tout entiers, et en rendent par le bec les os, les plumes et les 
peaux roulées. 

Dans la belle saison, la plupart de ces oiseaux vont le soir dans les bois voi- 
sins; mais ils reviennent tousles matins à leur retraite ordinaire, où ils dorment 
et ronflent jusqu'aux heures du soir; et quand la nuit arrive, ils se laissent 
tomber de leur trou, et volent en culbutant presque jusqu’à terre. Lorsque le 
froid est rigoureux, on les trouve quelquefois cinq ou six dans le même trou, 
ou cachées dans les fourrages; elles y cherchent l'abri, l’air tempéré et la 
nourriture : les souris sont en effet alors en plus grand nombre dans les gran- 
ges que dans tout autre temps. En automne, elles vont souvent visiter pendant 
la nuit les lieux où l’on a tendu des rejetoires et des lacets pour prendre des 
bécasses et des grives : elles tuent les bécasses qu’elles trouvent suspendues, 
et les mangent sur le lieu; mais elles emportent quelquefois les grives et les 
autres petits oiseaux qui sont pris aux lacets ; elles les avalent souvent entiers 
et avec la plume ; mais elles déplument ordinairement, avant de les manger, 
ceux qui sont un peu plus gros. Ces dernières habitudes, aussi bien que celle 
de voler de travers, c’est-à-dire comme si le vent les emportait, et sans faire 
aucun bruit des ailes, sont communes à l’Effraie, au chat-huant, à la hulotte et 
à la chouette proprement dite. 


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DES OISEAUX PASSEREAUX. 


Nous réunissons , sous cette dénomination commune, tous les oiseaux qui ne 
sont ni nageurs , ni échassiers, ni grimpeurs , ni oiseaux de proie, ni gallina- 
cés, c’est-à-dire , qu'il contient tous ceux qui ne présentent pas les caractères 
assignés aux cinq autres ordres; le caractère propre de cet ordre se trouve ainsi 
négatif; mais cependant, quoiqu'on ne puisse pas réunir, sous un signalement 
commun , toutes les espèces qui y rentrent, il n’en est pas moins vrai qu’elles 
sont naturellement rapprochées par l’ensemble de leur organisation. 

Les passereaux n’ont ni la violence des oiseaux de proie, ni le régime déter- 
miné des gallinacés ou des oiseaux aquatiques : les insectes, les fruits, les 
grains fournissent à leur nourriture : les grains d'autant plus exclusivement 
que leur bec est plus gros, et les insectes, lorsque cet organe est plus grêle; 
ceux qui l'ont fort, poursuivent même les petits oiseaux. 

La longueur proportionnelle de leurs ailes et l'étendue de leur vol sont va- 
riables comme leur genre de vie. Ils ont quatre doigts, trois en avant, un en 
arrière , plus rarement deux en avant et un en arrière, et quelquefois tous les 
quatre en avant; mais jamais deux en avant et deux en arrière, comme dans 
les grimpeurs ; enfin, le doigt du milieu est réuni, avec le doigt externe, dans 
une étendue plus ou moins considérable et au moyen d’une membrane. 


OISEAUX, 8 


HIRONDELLE DE CHEMINÉE, 


OU 


HIRONDELLE DOMESTIQUE. 


(PL 8.) 


Elle est en effet domestique par instinct ; elle recherche la société de l'homme 
par choix; elle la préfère, malgré ses inconvéniens , à tout autre société. Elle 
niche dans nos cheminées , et jusque dans l’intérieur de nos maisons, surtout 
des maisons où il y a peu de mouvement : elle recherche la société et fuit Le 
bruit de la foule. 

Lorsque les maisons sont trop bien closes, et que les cheminées sont fermées 
par le haut comme elles le sont à Nantua et dans les pays de montagnes, à 
cause de l'abondance des neiges et des pluies, elle change de logement sans 
changer d'inclination; elle se réfugie sous les avant-toits et y construit son 
nid : mais jamais elle ne l’établit volontairement loin de l'homme ; et toutes les 
{ois qu'un voyageur égaré aperçoit dans l'air quelques-uns de ces oiseaux, il 
peut les regarder comme des oiseaux de bon augure , et qui lui annoncent in- 
failliblement quelque habitation prochaine. Nous verrons qu'il n'en est pas 
tout-à-fait de même de l’hirondelle de fenêtre. 

L'hirondelle de cheminée (1) est la première qui paraisse dans nos elimaits : 
c'est ordinairement peu après l’équinoxe du printemps. Elle arrive plus tôt 
dans les contrées plus méridionales, et plus tard dans les pays du nord. Mais 
quelque douce que soit la température du mois de février et du commencement 
de mars, quelque froide que soit celle de la fin de mars et du commencement 


(x) Aredula de Cicéron; vagr volucris d'Ovide ; ales bist nos de Sénèque; daulides aves de Plu- 
tarque. Les deux derniers noms conviennent à Philomèle autant qu’à Progné. 


En hollandais, swalem; en Suisse, Laus-schwalm. 


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d'avril, elle ne paraît guère dans chaque pays qu’à l'époque ordinaire (1). On 
en voit quelquefois voler à travers les flocons d’une neige très épaisse. Elles 
souffrirent beaucoup, comme on sait, en 1740 : elles se réunissaient en assez 
grand nombre sur une rivière qui bordait une terrasse appartenant alors à 
M. Hébert, et où elles tombaient mortes à chaque instant; l’eau était couverte 
de leurs petits cadavres. Ce n’était point par l’excès du froid qu’elles péris- 
saient; toul annonçait que c’élail faute de nourriture : celles qu'on ramas- 
sait étaient de la plus grande maigreur, et l’on voyait celles qui vivaient 
encore se fixer aux murs de la terrasse dont j'ai parlé, et pour dernière res- 
source , saisir avidement les moucherons desséchés qui pendaient à de vieilles 
toiles d'araignées. 

Il semble que l’homme devrait accueilir, bien trailer un oiseau qui lui an- 
nonce la belle saison, et qui d’ailleurs lui rend des services réels ; il semble au 
moins que ses services devraient faire sa süreté personnelle, et cela a lieu à 
l'égard du plus grand nombre des hommes, qui le protègent quelquefois jusqu’à 
la superstition (2) : mais il s’en trouve trop souvent qui se font un amusement 
inhumain de le tuer à coups de fusil, sans autre motif que celui d'exercer ou 
de perfectionner leur adresse sur un but très inconstant, très mobile, par con- 
séquent très difficile à atteindre; et ce qu'il y à de singulier, c’est que ces 
oiseaux innccens paraissent plutôt attirés qu'effrayés par les coups de fusil, et 
qu'ils ne peuvent se résoudre à fair l’homme, lors même qu'il leur fait une 
guerre si cruelle et si ridicule. Cette guerre est plus que ridicule, car elle est 
contraire aux intérêts de celui qui la fait, par cela seul que les hirondelles nous 
délivrent du fléau des cousins, des charançons et de plusieurs autres insectes 
destructeurs de nos potagers, de nos moissons, de nos forêts, et que ces insectes 
se multiplient dans un pays, et nos pertes avec eux, en même proportion que 
le nombre des hirondelles et autres insectivores y diminue. 

L'expérience de Frisch , et quelques autres semblables (3), prouvent que les 


(1) Pline dit que César fait mention d’hirondelles vues le 8 des calendes de mars. Mais c’est un 
fait unique , et peut-être étaient-ce des hirondelles de rivage. 

(2) On a dit que ces hirondelles étaient sous la protection spéciale des dieux pénales; que lors- 
qu’elles se sentaient maltraitées, elles allaient piquer les mamelles des vaches, et leur faisaient perdre 
leur lait : c'étaient des erreurs, mais des erreurs utiles. 

(3) Dans un château près d'Épinal en Lorraine, on attacha, il y a quelques années, au pied 
d'une de ces hirondelles , un anneau de fil de laiton, qu’elle rapporta fidèlement l’année suivante. 


Hecrkens, dans son poème intitulé Zirundo, cite un autre fait de ce genre, 


= 60 — 


mêmes hirondelles reviennent aux mêmes endroits : elles n'arrivent que pour 
faire leur ponte, et se mettent tout de suite à l'ouvrage. 

Elles construisent chaque année un nouveau nid, et l’établissent au-dessus de 
celui de l’année précédente, si le local le permet. J'en ai trouvé dans un tuyau 
de cheminée, qui étaient ainsi construits par étages; j'en comptai jusqu’à quatre 
les uns sur les autres, tous quatre égaux entre eux, maçonnés de terre gàchée 
avec de la paille et du crin. Il y en avaitde deux grandeurs et de deux formes 
différentes : les plus grands représentaient un demi-cylindre creux (1), ouvert 
par le dessus, d'environ un pied de hauteur, ils occupaient le milieu des parois 
de la cheminée ; les plus petits occupaient les angles, et ne formaient que le 
quart d’un cylindre, ou même d’un cône renversé. Le premier nid, qui était le 
plus bas, avait son fond maçonné comme le reste; mais ceux des étages supé- 
rieurs n'étaient séparés des inférieurs que par leur matelas, composé de paille, 
d'herbe sèche et de plumes. 

Dans cette espèce, comme dans la plupart des autres, c’est le mâle qui chante: 
mais la femelle n’est pas absolument muette : son gazouillement ordinaire 
semble même prendre alors de la volubilité. Ils font deux pontes par an: la pre- 
mière d'environ cinq œufs ; la seconde de trois. Ceux que j'ai vus étaient blancs. 

Tandis que la femelle couve, le mâle passe la nuit sur le bord du nid. Il dort 
peu; car on l'entend babiller dès l’aube du jour, et il voltige presque jusqu’à la 
nuit close. Lorsque les petitssont éclos, les père et mèreleur portent sans cesse 
à manger, et ont grand soin d'entretenir la propreté dans le nid, jusqu’à ce que 
les petits, devenus plus forts, sachent s'arranger de manière à leur épargner 
cette peine. Mais ce qui est plus intéressant, c’est de voir les vieux donner aux 
jeunes les premières leçons de voler, en les animant de la voix, leur présentant 
d’un peu loin la nourriture, et s’éloignant encore à mesure qu'ils s’avancent 
pour la recevoir; les poussant doucement et non sans quelque inquiétude hors 
du nid, jouant devant eux et avec eux dans l'air, comme pour leur offrir un se- 
cours toujours présent, et accompagnant leur action d’un gazouillement si ex- 
pressif, qu'on croirait en entendre le sens. On jugera avec quelle passion les 
hirondelles aiment leur géniture, si l’on se rappelle ce que dit Boerhaave d’un 
de ces oiseaux qui étant allé à la provision, et trouvant à son retour la maison 
où était son nid embrasée, se jeta autravers des flammes pour porter nourri- 
ture el secours à ses pelits. 


(x) Frisch dit que l'oiseau donne à son nid cette forme circulaire, ou plutôt demi cireulaire, en 
prenant son pied pour centre, 


Su 


Les hirondelles de cheminée ont le cri d’assemblée, le cri du plaisir, le cri 
d’effroi, le cri de colère, celui par lequel la mère avertit sa couvée des dangers 
qui menacent, et beaucoup d’autres expressions composées de toutes celles-là , 
ce qui suppose une grande mobilité dans leur sens intérieur. 

Ces oiseaux vivent d'insectes ailés qu’ils happent en volant; mais comme ces 
insectes ont le vol plus ou moins élevé, selon qu'il fait plus ou moins chaud, 
il arrive que, lorsque le froid ou la pluie les rabat près de terre et les empêche 
même de faire usage de leurs ailes, ces oiseaux rasent la terre et cherchent 
ces insectes sur les tiges des plantes, sur l’herbe des prairies et jusque sur le 
pavé de nos rues; ils rasent aussi les eaux et s’y plongent quelquefois à demi 
en poursuivant les insectes aquatiques; et, dans les grandes disettes , ils vont 
disputer aux araignées leur proie jusqu'au milieu de leurs toiles, et finissent 
par les dévorer elles-mêmes. Dans tous les cas, c’est la marche du gibier qui 
détermine celle du chasseur. 

On trouve dans leur estomac des débris de mouches, de cigales, de scara- 
bées , de papillons, et même de petites pierres, ce qui prouve qu'elles ne 
prennent pas toujours les insectes en volant, et qu’elles les saisissent quelque- 
fois étant posées. En effet, quoique les hirondelles de cheminée passent la plus 
grande partie de leur vie dans l'air, elles se posent assez souvent sur les toits , 
les cheminées, les barres de fer, et même à terre et sur les arbres. 

Dans notre climat, elles passent souvent les nuits, vers la fin de l'été, per- 
chées sur des aunes au bord des rivières ; on a remarqué que les branches 
qu’elles adoptent pour y passer ainsi la nuit meurent et se dessèchent. 

Quoiqu’en général ces hirondelles soient des oiseaux de passage, même en 
Grèce et en Asie, on peut bien s’imaginer qu’il en reste quelques-unes pendant 
l'hiver, surtout dans les pays tempérés où elles trouvent des insectes. On dit 
qu’elles paraissent rarement dans l’île de Malte. (1) 


(x) En l’année 1779, l'hiver fut sans neige, et le printemps très beau ; néanmoins ces hirondelles. 
v'arrivèrent en Bourgogne que le 9 avril, et sur le lac de Genève que le 14. On dit qu'un cordon- 
nier de Bâle ayant mis à une hirondelle un collier sur lequel était écrit : 

Hirondelle, 
Qui es si belle, 
Dis-moi, l’hiver où vas-tu? 
recut le printemps suivant, et par le même courrier, cette réponse à sa demande : 
A Athènes, 
- Chez Antoine. 
Pourquoi t'en informes-lu ? 


Ce qu'il y a de plus probable dans cette anecdote, c’est que les vers furent faits en Suisse. 


CE pes 


On s’est quelquefois servi, et l’on pourrait encore se servir avec le même 
succès de ces oiseaux pour faire savoir très promptement des nouvelles intéres- 
santes : il ne s’agit que d’avoir à sa disposition une couveuse prise sur ses œufs et 
apportée de l'endroit même où l’on veut envoyer un avis, et de la lâcher avec 
un fil à la patte, noué d’un certain nombre de nœuds, teint d’une certaine cou- 
leur, d’après ce qui aura été convenu; cette bonne mère prendra aussitôt son 
essor vers le pays où est sa couvée, et portera avec une célérité incroyable les 
avis qui lui auront été confiés. 

L'hirondelle de cheminée a la gorge, le front et deux espèces de sourcils 
d’une couleur aurore ; tout le reste du dessous du corps blanchâtre avec une 
teinte de ce même aurore ; tout le reste de la partie supérieure de la tête et du 
corps d’un noir bleuàtre éclatant; les pennes des ailes, suivant les différentes 
incidences de la lumière , tantôt d’un noir bleuàtre, tantôt d’un brun verdâtre ; 
les pennes de la queue noiràtres avec des reflets verts ; le bec noir au dehors, 
jaune au dedans ; le palais et les coins de la bouche jaunes aussi, et les pieds 
voirâtres. Dans les mâles, la couleur aurore de la gorge est plus vive, et le 
blanc du dessous du corps a une légère teinte de rougeâtre. 

Le poids moyen de toutes les hirondelles que j'ai pesées, est d'environ trois 
gros ; elles paraissent plus grosses à l'œil, et cependant elles pèsent moins que 
les hirondelles de fenêtre. 

Comme j'ai trouvé que dans les quadrupèdes, il y a des espèces dont le sang 
se refroidit et prend à-peu-près le degré de la température de l'air, et que c’est 
ce refroidissement de leur sang qui cause l’état de torpeur et d’engourdisse- 
ment où ils tombent pendant l'hiver: j'ai pensé qu’il devait aussi se trouver, 
parmi les oiseaux , quelques espèces sujettes à ce même état d’engourdissement 
causé par le froid. 

J'ai donc fait des recherches pour connaître quelles peuvent être ces espèces 
sujettes à l'engourdissement ; eu pour savoir si l’hirondelle était du nombre, 
j'en ai fait enfermer quelques-unes dans une glacière où je les ai tenues plus 
ou moins de temps : elles ne s’y sont point engourdies; la plupart y sont mortes, 
et aucune n’a repris de mouvement aux rayons du soleil; les autres, qui n’a- 
vaient souffert le froid de la glacière que pendant peu de temps, ont conservé 
leur mouvement, et en sont sorties bien vivantes. 

J'ai conclu de ces expériences que cette espèce d’hirondelle n’est point 
sujette à l’état de torpeur ou d’engourdissement, que suppose néanmoins et très 
nécessairement le fait de leur séjour au fond de l’eau pendant l'hiver. D'ail- 
leurs, M. Adanson m'a positivement assuré que, pendant le séjour assez long 


a eee 


qu'il a fait au Sénégal , il avait vu constamment les hirondelles à longue queue, 
c'est-à-dire nos hirondelles de cheminée, dont il est ici question, arriver au 
Sénégal dans la saison même où elles partent de France, et quitter les terres 
du Sénégal au printemps. 

On ne peut donc guère douter que cette espèce d’hirondelle ne passe en effet 
d'Europe en Afrique en automne, et d'Afrique en Europe au printemps; par con- 
séquent elle ne s'engourdit, ni ne se cache dans des trous, ni ne se jette dans 
l'eau à l'approche de l'hiver ; d'autant qu'il y à un autre fait qui prouve que 
celte hirondelle n’est point sujette à l’engourdissement par le froid , et qu’elle 
en peut supporter la rigueur jusqu’à un certain degré, au-delà duquel elle périt. 

En effet, si l’on observe ces oiseaux quelque temps avant leur départ, on les 
voit d'abord vers la fin de la belle saison voler en famille, le père, la mère et 
les petits; ensuite plusieurs familles se réunir et former successivement des 
troupes d'autant plus nombreuses que le temps du départ est plus prochain ; 
partir enfin presque toutes ensemble en trois ou quatre jours à la fin de sep- 
tembre ou au commencement d'octobre : mais il en reste quelques-unes, qui 
ne partent que huit jours, quinze jours, trois semaines après les autres, et 


quelques-unes encore qui ne partent point et meurent aux premiers grands 


froids ; ces hirondelles qui retardent leur voyage sont celles dont les petits ne 
sont pas encore assez forts pour les suivre. Celles dont on a détruit plusieurs 
fois les nids après la ponte, et qui ont perdu du temps à les reconstruire et à 
pondre une seconde ou une troisième fois, demeurent par amour pour leurs 


petits, et aiment mieux souffrir l'intempérie de la saison que de les abandon- 


c 


ner : ainsi elles ne partent qu'après les autres, ne pouvant emmener plus tôt 
leurs petits, ou même elles restent au pays pour y mourir avec eux. 

Il paraît donc bien démontré par ces faits, que les hirondelles de cheminée 
passent alternativement et successivement de notre climat dans un climat plus 
chaud ; dans celui-ci pour y demeurer pendant l'été, et dans l’autre pour y 
passer l'hiver; et que par conséquent elles ne s’engourdissent pas. Mais, d’un 
autre côté, que peut-on opposer aux témoignages assez précis des gens qui ont vu 
des hirondelles s’attrouper et se jeter dans les eaux à l'approche de l'hiver, qui 
non-seulement les ont vues s’y jeter, mais en ont vu tirer de l’eau, et même de 
dessous la glace avec des filets ? que répondre à ceux qui les ont vues dans cét 
état de torpeur reprendre peu-à-peu le mouvement et la vie dès qu'on les met- 
tait dans un lieu chaud , et en les approchant du feu avec précaution ? 

Je ne trouve qu’un moyen de concilier ces faits : c'est de dire que l’hirondelle 


qui s’engourdit n’est pas la même que celle qui voyage; que ce sont deux es- 


te 


pèces différentes que l’on a pas distinguées, faute de les avoir soigneusement 
comparées. Celte erreur est assez naturelle, et doit être d'autant plus fréquente 
que les choses sont moins connues, plus éloignées, plus difficiles à observer. 
Je présume donc qu’il y a une espèce d'oiseau voisine de celle de l’hirondelle, 
qui s’engourdit en effet; et c’est vraisemblablement le petit martinet, Ou peut- 
être l’hirondelle de rivage. Il faudrait donc faire sur ces espèces , pour recon- 
naître si leur sang se refroidit, les mêmes expériences que j'ai faites sur l’hi- 
rondelle de cheminée, Ces recherches ne demandent, à la vérité, que des soins 
et du temps; mais malheureusement le temps est de toutes les choses celle qui 
nous appartient le moins et nous manque le plus. 


HIRONDELLE DE RIVAGE 


(PI, 8.) 


Les hirondelles de rivage arrivent dans nos climats et en repartent à-peu-près 
dans les mêmes temps que nos hirondelles de fenêtre. Dès la fin du mois d’août, 
elles commencent à s'approcher des endroits où elles ont coutume de se réunir 
toutes ensemble; et vers la fin de septembre, M. Hébert a vu souvent les deux 
espèces rassemblées en grand nombre sur la maison qu’il occupait en Brie, 
et, par préférence, sur le côté du comble qui était tourné au midi. Lorsque 
l’assemblée était formée, la maison en était entièrement couverte. Cependant 
toutes ces hirondelles ne changent pas de climat pendant l'hiver. Le même 
observateur en a vu voltiger en différens mois de cette saison jusqu’à quinze 
ou seize à-la-fois, dans les montagnes du Bugey; c'était fort près de Nantua, à. 
une hauteur moyenne, dans une gorge d’un quart de lieue de long sur trois ou 
quatre cents pas de large, garanti du nord et du couchant par des rochers à 
perte de vue, où le gazon conserve presque toute l’année son beau vert et sa 
fraicheur, où la violette fleurit en février, et où l'hiver ressemble à nos prin- 
temps. C’est dans ce lieu privilégié que l’on a vu fréquemment ces hirondelles 


jouer et voltiger dans la mauvaise saison, et poursuivre les insectes, qui n’y 
manquent pas non plus. 


MES — 

Lorsque le froid devient trop vif, et qu'elles ne trouvent plus de moucherons 
au dehors, elles ont la ressource de se réfugier dans leurs trous où la gelée ne : 
pénètre point, où elles trouvent assez d'insectes terrestres et de chrysalides 
pour se soutenir pendant ces courtes intempéries. Les gens du pays dirent à 
M. Hébert qu'elles paraissaient les hivers, après que les neiges desavents étaient 
_fondues, toutes les fois que le temps était doux. 

Le nid de ces hirondelles n’est qu'un amas de paille et d'herbe sèche; il est : 
garni à l’intérieur de plumes sur lesquelles les œufs reposent immédiatement. 
Quelquefois elles creusent elles-mêmes leurs trous; d’autres fois, elles s’em- 
parent de ceux des guêpiers et des martins-pêcheurs. Le tuyau qui y conduit 
est ordinairement de dix-huit pouces de longueur. | 

On n’a pas manqué de donner à cette espèce d'hirondelles le pressentiment 
des inondations, comme on a donné aux autres celui du froidet du chaud, et 
tout aussi gratuitement : on à dit qu'elle ne se laissait jamais surprendre par 
les eaux ; qu’elle savait faire sa retraite à propos, et plusieurs jours avant qu’elles 
parvinssent jusqu’à son trou. Mais elle a une manière tout aussi sûre et mieux 
constatée pour ne point souffrir des inondations, c’est de creuser son trou el 
* son nid fort au-dessus de la plus grande élévation possible des eaux. 

Ces hirondelles ne font qu’une seule ponte par an; elle est de cinq ou six 
œufs blancs, demi transparens et sans taches. Leurs petits prennent beaucoup 
de graisse, et une graisse très fine, comparable à celle des ortolans. Cette es- 
pèce a un fonds de subsistance plus abondant que les autres, et qui consiste 
non-seulement dans la nombreuse tribu des insectes ailés, mais dans celle des _ 
insectes vivans sous terre, et dans la multitude des chrysalides qui y végèlent. 

Quoique cette espèce semble être la plus sauvage des espèces européennes, 
du moins, à en juger par les lieux qu’elle choisit pour son habitation, elle est 
toutefois moins sauvage que le grand martinet, et elle va souvent de compagnie 
avec celle de fenêtre, et même avec celle de cheminée. Cela arrive surtout dans 
les temps du passage, Lemps où les oiseaux paraissent mieux sentir qu’en toute 
autre circonstance le besoin et peut-être l'intérêt qu’ils ont de se réunir. Elle 
ne se perche jamais, et revient au printemps beaucoup plus tôt que le grand 
martlinel. | 

Elle a toute la partie supérieure gris-de-souris; une espèce de collier de la 
même couleur au bas du cou; tout le reste de la partie inférieure blanc; les 
pennes de la queue et des ailes brunes ; les couvertures inférieures des ailes 
grises ; le bec noirâtre, et les pieds bruns garnis par derrière, jusqu'aux doigts, 
d’un duvet de même couleur. 


OISEAUX. - J rt) 


LR: 


HIRONDELLE AU CROUPION BLANC 


OU 


HIRONDELLE DE FENÊTRE. 


Ce n'est pas sans raison que les anciens donnaient à cette hirondelle le nom 
de sauvage. Nous avons vu que l’hirondelle de cheminée, lorsqu'elle trouve les 
cheminées fermées, niche sous les avant-toits des maisons, plutôt que de s’éloi- 
gner de l’homme; l’espèce à croupion blanc, qui abonde dans les environs des 
villes, et qui y trouve fenêtres, portes, entablemens, en un mot toutes les ai- 
sances pour y placer son nid, ne l’y place cependant jamais; elle aime mieux 
l'aller attacher tout au haut des rocs escarpés. Elle s'approche de l’homme, 
lorsqu'elle ne trouve point ailleurs ses convenances ; mais elle préfère, pour 
l'emplacement de son manoir, une avance de rocher à la saillie d’une corniche, 
une caverne à un péristyle, en un mot, la solitude aux lieux habités. 

Un de ces nids, que j'ai observé dans le mois de septembre, et qui avait été . 
détaché d’une fenêtre, était composé de terre à l'extérieur ; il était fortifié dans 
le milieu de son épaisseur par des brins de paille, et dans la couche la plus in- 
térieure par une grande quantité de plumes. La poussière qui garnissait le 
fond du nid fourmillait de petits vers très grêles. 

Les mêmes nids servent plusieurs années de suite, et probablement aux 
mêmes couples : ce qui doit s’entendre seulement des nids que les hirondelles 
attachent à nos fenêtres ; car on assure que ceux qu’elles appliquent contre les 
rochers, ne servent jamais qu'une seule saison, et qu’elles en font chaque an- 
née un nouveau. Quelquefois il ne leur faut que cinq ou six jours pour le con- 
struire ; d’autres fois elles ne peuventen venir à bout qu’en di ou douze jours. 
Elles portent le mortier avec leur petit bec et leurs petites pattes; elles le gà- 
chent et le posent avec le bec seul. Souvent on voit un assez grand nombre de 


NT, Que 


ces oiseaux qui travaillent au même nid, car ils se plaisent à s’entr’aider les 
uus les autres. On en à vu pourtant qui travaillaient à détruire le nid avec encore 
plus d’ardeur que les autres n’en mettaient à le construire. Quoi qu’il en soit, 
ces hirondelles arrivent plus tôt ou plus tard, suivant le degré de latitude. Sou- 
vent elles sont surprises par les derniers froids, et, comme je l'ai déjà dit, on 
en a vu voltiger au travers d’une neige fort épaisse. Les premiers jours de leur 
arrivée, elles se tiennent sur les eaux et dans les endroits marécageux. Je ne les 
ai guère vues revenir aux nids qui sont à mes fenêtres aÿant le 15 avril; quel- 
quefois elles n’y ont paru que dans les premiers jours de mai. 

Elles établissent leur nid à toute exposition, mais par préférence aux fené- 
tres qui regardent la campagne, surtout lorsqu'il y a dans cetie campagne des 
rivières, des ruisseaux ou des étangs : elles le construisent parfois dans les 
maisons ; mais cela est rare et même fort difficile à obtenir. Leurs petits sont 
souvent éclos dès le 15 juin. 

Je fis un jour détacher du haut d’une autre fenêtre un nid contenant quatre 
petits nouvellement éelos , et je le laïssai sur la tablette de la même fenêtre ; 
les père et mère , qui passaient et rapassaient sans cesse, voltigeant autour de 

_Fendroit d’où l’on avait Ôôté le nid, et qui nécessairement le voyaient el enten- 
daïent le cri d'appel de leurs petits, ne parurent point non plus s’en occuper, 
tandis qu’une femelle moineau , dans le même lieu et les mêmes circonstances, 
ne cessa d'apporter la becquée aux siens pendant auinze jours. 

Il semble que l'attachement de ces hirondelles pour leurs petits dépende du 

. local; cependant elles continuent de leur donner la nourriture encore long- 
temps après qu'ils ont commencé à voler, et même elles la leur portent au mi- 
lieu des airs. Le fond de cette nourriture consiste en insectes ailés qu'elles 
attrapent au vol , et cette manière de les attraper leur est tellement propre, 
que , lorsqu’elles en voient un posé sur une muraille , elles lui donnent un coup 
d’aile en passant pour le déterminer à voler, et pouvoir ensuite le prendre plus 
à leur aise. 


Co 


MARTINET, 


ET MARTINET À VENTRE NOIR. 


(PL 8.) 


Le martinet noir est plus gros que nos autres hirondelles, et pèse dix à douze 
gros ; il a l’œil enfoncé, la gorge d'un blanc cendré ; le reste du plumage noi- 
râtre, avec des reflets verts ; la teinte du dos et des couvertures inférieures de 
la queue plus foncée ; celles-ci vont jusqu’au bout des deux pennes intermédiai- 
res ; le bec est noir, les pieds de couleur de chair rembrunie; le devant et le 
côté intérieur du tarse sont couverts de petites plumes noirâtres. ; 

Les oiseaux de cette espèce sont de véritables hirondelles, et, à bien des : 
égards, plus hirondelles, si j'ose ainsi parler, que les hirondelles mêmes; car 
non-seulement ils ont les principaux attributs qui caractérisent ce genre, mais 
ils les ont à l'excès: leur cou, leur bec et leurs pieds sont plus courts, leur 
tête et leur gosier plus larges ; leurs ailes plus longues; ils ont le vol plus élevé, 
plus rapide que ces oiseaux, qui volent déjà si légèrement. Îls volent par né- 
cessité, car d'eux-mêmes ils ne se posent jamais à terre , el lorsqu'ils y tom- 
bent par quelque accident, ils ne se relèvent que très difficilement dans un 
terrain plat; à peine peuvent-ils, en se traînant sur une petite motte, en grim- 
. pant sur une taupinière ou sur une pierre , prendre leurs avantages assez pour 
mettre en jeu leurs longues ailes. 

C’est une suite de leur conformation : ils ont le tarse fort court; et lorsqu'ils 
sont posés, ce Larse porte à terre jusqu’au talon, de sorte qu'ils sont à-peu-près 
couchés sur le ventre et que, dans cette situation , la longueur de leurs ailes 
devient pour eux un embarras plutôt qu’un avantage, et ne sert qu’à leur don- 
ner un inutile balancement de droite et de gauche. Si tout le terrain était uni 
_et sans aucune inégalité les plus légers des oiseaux deviendraient les plus pesans 
des reptiles; et s’ils se trouvaient sur une surface dure et polie, ils seraient privés 
de tout mouvement progressif; tout changement de place leur serait interdit. 

La terre n’est pour eux qu'un vaste écueil, et ils sont obligés d'éviter cet 


— 69 — 

écueil avec le plus grand soin. Ils n’ont guère que deux manières d’être, le 
mouvement violent ou le repos absolu : s'agiter avec effort dans le vague de l'air 
ou rester blottis dans leur trou, voilà leur vie : le seul état intermédiaire qu'ils 
connaissent, c'est de s’accrocher aux murailles et aux troncs d'arbres tout 
près de leur trou, et de se traîner ensuite dans l'intérieur de ce trou en rampant, 
en s'aidant de leur bec et de tous les points d'appui qu'ils peuvent se faire. Or- 
dinairement ils y entrent de plein vol ; et après avoir passé et repassé plus de 
cent fois devant ce trou, ils s’y élancent tout-à-coup;, et d’une telle vitesse, 
qu’on les perd de vue, sans savoir où ils sont allés : on serait presque tenté de 
croire qu'ils deviennent invisibles. 

Ces oiseaux sont assez sociables entre eux ; mais ils ne le sont point du tout 
avec les autres espèces d’hirondelles, avec qui ils ne vont jamais de compagnie : 
aussi en diffèrent-ils pour les mœurs et le naturel. On dit qu’ils ont peu d’instinct: 
ils en ont cependant assez pour loger dans nos bâtimens sans se mettre dans 
notre dépendance, pour préférer un logement sûr à un logement plus commode 
ou plus agréable. Ce logement est un trou de muraille dont le fond est plus large 
que l’entrée, le plus élevé est celui qu’ils aiment le mieux, parce que son élé- 
vation fait leur sûreté; ils le vont chercher jusque dans les ‘clochers et les plus 
hautes tours , quelquefois sous les arches des ponts; d’autres fois dans des ar- 
bres creux, ou däns des berges escarpées à côté des martins-pêcheurs, des 
guépiers et des hirondelles de rivage. Lorsqu'ils ont adopté un de ces trous, 
ils y reviennent tous les ans, et savent bien le reconnaître, quoiqu'il n’ait rien. 
de remarquable. On les soupçonne, avec beaucoup de vraisemblance, de 
- s'emparer quelquefois des nids des moineaux ; et quand à leur retour ils trou- 
vent les moineaux en possession du leur, ils viennent à bout de se le faire ren- 
dre sans beaucoup de bruit. 

Les martinets sont, de tous les oiseaux de passage, ceux qui, dans notre pays, 
arrivent les derniers et s’en vont les premiers. D’ordinaire ils commencent à 
_ paraître sur la fin d'avril ou au commencement de mai, et ils nous quittent. 
avant la fin de juillet. Leur marche est moins régulière que celle des autres 
hirondelles, et paraît plus subordonnée aux variations de la température. 

On en voit quelquefois dès le 20 avril; mais ces premiers venus sont des pas- 
sagers qui vont plus loin: les domiciliés ne reviennent guère prendre posses- 
sion de leur nid avant les premiers jours de mai. Leur retour s'annonce par de 
grands cris. Ils entrent assez rarement deux en même temps dans le même 
trou : et ce n’est pas sans avoir beaucoup voltigé auparavant : plus rarement 
ces deux sont suivis d’un troisième ; mais ce dernier ne s’y fixe jamais. 


PO 


Buffon fitenlever en différens temps et en différens endroits dix ou douze nids 
de martinets : il trouva dans tous à-peu-près les mêmes matériaux, et des ma- 
tériaux de toute espèce , de la paille avec l’épi, de l'herbe sèche, de là mousse, 
du chanvre, des bouts de ficelle, de fil et de soie, un bout de queue d’hermine, 
de petits morceaux de gaze, de mousseline et autres étoffes légères, des plumes 
d'oiseaux domestiques, de perdrix , de perroquets; du charbon, en un mot 
tout ce qui peut se trouver dans les balayures des villes. 

Comment, dit-il, des oiseaux qui ne se posent jamais à terre viennent-ils à 
bout d’amasser tout cela ? Un observateur célèbre soupçonne qu’ils enlèvent ces 
matériaux divers en rasant la surface du terrain, de même qu’ils boivent en 
rasant la surface de l’eau. Frisch croit qu’ils saisissent dans l'air ceux qui sont 
portés jusqu’à eux par quelque coup de vent, mais on sent bien qu'ils ne peu- 
vent se procurer que fort peu de chose de cette dernière façon. Je trouve beau- 
coup plus vraisemblable ce que m'ont dit quelques gens simples , témoins ocu- 
laires, qui avaient vu fort souvent les martinets sortir des nids d’hirondelles et 
de moineaux, emportant des matériaux dans leurs petites serres; et ce qui 
augmente la probabilité de cette observation, c’est que les nids des martinets 
Soht composés des mêmes choses que ceux des moineaux ; et que l’on sait d’ail- 
leurs que les martinets entrent quelquefois dans les nids des petits oiseaux pour 
manger les œufs, d’où l’on peut juger qu’ils ne se font pas faute de piller le nid 
quand ils ont besoin de matériaux. A l'égard de la mousse qu'ils emploient en 
assez grande quantité, il est possible qu'ils la prennent avec leurs petites serres 
qui sont très fortes, sur le tronc des arbres, où ils savent fort bien s’accrocher, 
d'autant plus qu'ils nichent aussi, comme on sait, dans les arbres creux. 

Ces oiseaux, pendant leur court séjour dans notre pays n’ont que le temps 
de faire une seule ponte; elle est communément de einq œufs blancs, pointus, 
de forme très allongée. Lorsque les petits ont percé la coque, bien différens des 
petits des autres hirondelles , ils sont presque muets et ne demandent rien : 
heureusement leur père et mère entendent le cri de la nature , et leur donnent 
tout ce qu'il leur faut. Ils ne leur portent à manger que deux ou trois fois par 
jour ; mais à chaque fois ils reviennent au nid avec une ample provision, ayant 
leur large gosier rempli de mouches, de papillons, de scarabées, qui s’y pren- 
nent comme dans une nasse ; mais une nasse mobile, qui s’avance à leur ren- 
contre et les engloutit. [is vivent aussi d'araignées qui se trouvent dans leurs 
urous et aux environs: leur bec a si peu de force, qu'ils ne peuvent s’en servir 
pour briser cette faible proie , ni même pour la serrer et l’assujettir. 

| De sept nids trouvés sous le cintre d’un portail d'église à quinze pieds du sol, 


A RES 


il n’y en avait que trois qui eussent la forme régulière d'un nid en coupe, et 
dont les matériaux fussent plus ou moins entrelacés ; ils l’étaient plus réguliè- 
rement qu'ils ne le sont communément dans les nids des moineaux ; ceux des 
martinets contenaient plus de mousse et moins de plumes, et en général ils sont 
moins volumineux. 

Vers le milieu de juin , les petits commencent à voler et quittent bientôt le 
nid ; après quoi les père et mère ne paraissent plus s'occuper d'eux. Les uns et 
les autres sont couverts d’une vermine qui ne paraît pas les incommoder beau- 
coup. 

Ces oiseaux sont bons à manger, comme tous les autres de la même famille, 
lorsqu'ils sont gras ; les jeunes surtout, pris au nid, passent en Savoie et dans 
le Piémont pour un morceau délicat. Les vieux sont difficiles à tirer, à cause 
de leur vol également élevé et rapide; mais comme , par un effet de cette ra- 
pidité même , il ne peuvent aisément se détourner de leur route, on en tire 
parti pour” les tuer, non-seulement à coups de fusil, mais à coups de baguette; 
toute la difficulté est de se mettre à portée d’eux et sur leur passage , en mon- 
tant dans un clocher , sur un bastion, etc. ; après quoi il ne s’agit plus que de 
_ les attendre et de leur porter le coup lorsqu'on les voit venir directement à soi 
ou bien lorsqu'ils sortent de leur trou. 

Dans l'ile de Zante , les enfans les prennent à la ligne; ils se mettent aux fe- 
nêtres d’une tour élevée, et se servent pour toute amorce, d'une plume que ces 
oiseaux viennent saisir pour porter à leur nid : une seule personne en prend 
de cette manière cinq ou six douzaines par jour. On en voit beaucoup sur les 
ports de mer : c’est là qu’on peut les ajuster plus à son aise, et que les bons ti- 
reurs en démontent toujours quelques-uns. 

Les martinets craignent la chaleur , et c’est par cette raison qu’ils passent le 
milieu du jour dans leur nid, dans les fentes de muraille ou de rocher , entre 
l’entablement et les derniers rangs de tuiles d’un bâtiment élevé ; le matin et 
le soir il vont à la provision, ou voltigent sans but et par le seul besoin d’exer- 
cer leurs ailes : ils rentrent le matin sur les dix heures, lorsque le soleil paraît, 
et le soir, une demi-heure après son coucher. 

Ils vont presque toujours en troupes plus ou moins nombreuses, tantôt décri- 
vant, saps fin, des cercles dans des cercles sans nombre, tantôt suivant à rangs 
serrés la direction d’une rue , tantôt tournant autour de quelque grand édifice 
en criant tous à-la-fois de toutes leurs forces; souvent ils planent sañs remuer 
les ailes, puis tout-à-coup ils les agitent d’un mouvement fréquent et précipité. 
On connaît assez leurs allures ; mais on ne connaît pas si bien leurs intentions. 


Le Lg 2 


Dès les premiers jours de juillet, on aperçoit parmi ces oiseaux un mouve- 
ment qui annonce le départ; leur nombre grossit considérablement, et c’est du 
10 au 20, par des soirées brûlantes, que se tiennent les grandes assemblées ; 
ces assemblées sont fort nombreuses. Après le coucher du soleil, ils se divisent 
par petits pelotons, s'élèvent au haut des airs en poussant de grands cris, et pren- . 
nent un vol tout autre que leur vol d’amusement. On les entend encore long- 
te mps après qu’on à cessé de les voir, et ils semblent se perdre du côté de la 
campagne. Ils vont sans doute passer la nuit dans les bois : car on sait qu'ils y 
nichent , qu’ils y chassent aux insectes ; que ceux quise tiennent dans la plaine 
pendant le jour , et même quelques-uns de ceux qui habitent la ville, s’'appro- 
chent des arbres sur le soir, et y demeurent jusqu’à la nuit. Les martinets, ha- 
bitans des villes, s’assemblent aussi bientôt après , et tous se mettent en route 
pour passer dans des climats moins chauds. Plusieurs naturalistes prétendent . 
qu'ils s’engourdissent dans leur trou pendant l'hiver ; mais cela ne peut avoir 
lieu dans nos climats, puisqu'ils s’en vont long-temps avant l'hiver; èt même 
avant la fin des plus grandes chaleurs de l'été. Je puis assurer d’ailleurs que je 
n’en ai pas trouvé un seul dans les nids que j'ai fait enlever vers le milieu d’a- 
vril, douze ou quinze jours avant leur première apparition. 

Le martinet n’a point de ramage ; il n’a qu'un cri ou plutôt un sifflement … 
aigu , dont les inflexions sont peu variées; et il ne le fait guère entendre qu’en 
volant. Dans son trou, c’est-à-dire dans son repos, il est tout-à-fait silencieux; 
il semble qu’il craindrait en élevant la voix, dese déceler. 

Des oiseaux dont le vol est si rapide ne peuvent manquer d’avoir la vue per- 
çante. Mais tout a ses bornes, et je doute qu'ils puissent apercevoir une 
mouche à la distance d’un demi-quart de lieue, comme dit Belon, c’est-à- 
dire de vingt-huit mille fois le diamètre de cette mouche, en lui supposant 
neuf lignes d'envergure ; distance neuf fois plus grande que celle où l’homme 
qui aurait la meilleure vue pourrait l’apercevoir. Les martinets ne sont pas 
seulement répandus dans toute l'Europe, M. le vicomte de Querhoënt en a vu 
au cap de Bonne-Espérance, et je ne doute pas qu'ils ne se trouvent aussi en 
Asie, et même dans le nouveau continent. 

Si l’on réfléchit un moment sur ce singulier oiseau , on reconnaîtra qu’il a 
une existence en effet bien singulière et toute partagée entre les extrêmes op- 
posés du mouvement et du repos; on jugera que privé tant qu'il vole ( et il 
vole long-temps ) des sensations du tact, ce sens fondamental , il ne les re- 
trouve que dans son trou ; que là elles lui procurent, dans le recueillement, 
des jouissances préparées, comme toutes les autres, par l'alternative des pri- 


vations: enfin l’on verra que son caractère est un mélange assez naturel de 
défiance et d’étourderie. Sa défiance se marque par toutesles précautions qu’il 
prend pour cacher sa retraite, dans laquelleil se trouve réduit à l’état de rep- 
tile, sans défense , exposé à toutes les insultes : il y entre furtivement, il y 
reste long-temps ; il en sort à l’improviste ; il y élève ses petits dans le silence; 
mais, lorsque ayant pris son essor il a le sentiment de sa vitesse et la conscience 
de sa supériorité sur les autres habitans de l'air, alors il devient étourdi, té- 
méraire; il ne craint plus rien , parce qu’il se croit en état d'échapper à tous 
les dangers, et souvent comme on l’a vu, il succombe à ceux qu’il aurait évi- 
tés facilement s’il eût voulu s’en apercevoir ou s’en défier. 

Quoique les hirondelles des deux continens ne fassent qu’une seule famille, 
et qu'elles se ressemblent toutes par les formes et les qualités principales , ce- 
pendant il faut avouer qu’elles n’ont pas toutes le même instinct ni les mêmes 
habitudes naturelles. Dans notre Europe et sur les frontières de l’Afrique et 
del’Asie les plus voisines de l’Europe, elles sont presque toutes de. passage. 
Au cap de Bonne-Espérance et dans l'Afrique méridionale, une partie seule- 
ment est de passage, et l’autre sédentaire. A la Guiane, où la température est 

.assez uniforme, elles restent toute l’année dans les mêmes contrées, sans avoir 
pour cela les mêmes allures: car les unes ne se plaisent que dans les endroits 
habités et cultivés ; les autres se tiennent indifféremment autour des habitations 
ou dans la solitude la plus sauvage ; les unes dans les lieux élevés , les autres 
sur les eaux; d’autres paraissent attachées à certains cantons par préférence, 

. et aucune de ces espèces ne construit son nid avec de la terre comme les 

nôtres: mais il y en a qui nichent dans des arbres creux, comme nos mar- 
tinets, et d’autres dans des trous en terre comme nos hirondelles de ri- 
vage. 

On peut remarquer comme une variété dans cette espèce, la salangane pe- 
tite hirondelle de rivage fort célèbre, et dont la célébrité est due aux nids sin- 
guliers qu'elle sait construire. Ces nids se mangent et sont fort recherchés, 
soit à la Chine, soit dans plusieurs autres pays voisins situés à cette extrémité 
de l'Asie. C’est un morceau très estimé, très cher, et qui par conséquent a été 
très altéré , très falsifié, ce qui, joint aux fables diverses dont on a chargé 
l'histoire de ces nids, n’a pu qu'y répandre beaucoup d’obscurité. 

Celui de la salangane est un nid véritable, construit par la petite hirondelle 
qui porte le nom de salangane aux îles Philippines. Les écrivains ne sont 
d'accord ni sur la matière de ce nid , ni sur sa forme. ni sur les endroits où 
on le trouve: les uns disent que les salanganes l’attachent aux rochers, fort 


OISEAUX, 10 


TE — ; 
> 
près du niveau de la mer; les autres, dans les creux de ces mêmes rochers ; 
d'autres , qu’elles les cachent dans des trous en terre. 

Quant à la forme de ces nids, les uns assurent qu’elle est hémisphérique,; les 
autres disent qu'ils ont plusieurs cellules; que ce sont comme de grandes co- 
quilles qui.y sont attachées, et qu'ils ont, ainsi que les coquilles, des stries ou 
rugosités. 

A l'égard de leur matière, les uns prétendent qu’on n’a pu la connaître jus- 
qu’à présent; les autres, que c'est une écume de mer ou du frai de poisson; les 
uns, qu’elle est fortement aromatique; les autres, qu'elle n’a aucun goût; d’au- 
tres, que c’est un suc recueilli par les salanganes sur l'arbre appelé calam- 
bouc; d’autres, une humeur visqueuse qu'elles rendent par le bec; d’autres, 
qu’elles les composent de ces holothuries qui se trouvent dans ces mers. Le 
plus grand nombre s'accorde à dire que la substance de ces nids est transpa- 
rente et semblable à la colle de poisson; ce qui est vrai. 

Les pêcheurs chinois assurent, suivant Kœmpfer, que ce qu’on vend pour 
ces nids, n’est autre chose qu'une préparation faite avec la chair des polypes. 
Enfin Kœæmpfer ajoute qu’en effet cette chair de polypes, marinée suivant une 
recette qu’il donne, a la même couleur et le même goût que ces nids. Il est 
bien prouvé, par toutes ces contrariétés, qu’en différens temps et en différens 
pays, on à regardé comme nids de salangane différentes substances, soit natu- 
relles, soit artificielles. | 


CABARET. 


(PI. 9.) 


La longueur totale du cabaret est de quatre pouces et demi; son vol a près 
de huit pouces; son bec, un peu plus de quatre lignes; sa queue deux pouces; 
elle est fourchue et ne dépasse les ailes que de huit lignes. 

Le dessus de la tête et le croupion sont rouges; il a une bande roussâtre sur 
les yeux; le dessus du corps, varié de noir et de roux; le dessous du Corps, 
roux, tacheté de noirâtre sous la gorge; le ventre blanc; les pieds bruns, quel- 


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quefois noirs; les ongles sont fort allongés, et celui du doigt postérieur est plus 
long que ce doigt. 

Lorsqu'il s’agit d'oiseaux en qui les couleurs sont aussi variables que dans 
ceux-ci, on s'exposerait à une infinité de méprises si l’on voulait prendre ces 
mêmes couleurs pour les marques distinctives des espèces. Le cabaret de 
M: Brisson avait du rouge sur la tête et le croupion, et celui de M. Frisch n'en 
avait point sur la tête. Une grande partie de ces variétés viennent du temps et 
des circonstances où ces oiseaux ont été vus; si c’est au milieu du printemps, 
ils avaient leurs plus belles couleurs; si e’est pendant la mue, ils n’avaient plus 
de rouge ; si c’est après , ils n’en avaient pas encore; si c’est après avoir été. 
tenus plus ou moins de temps en cage, ils en avaient perdu plus ou moins; et 
si les plumes dés différentes parties tombent en des temps différens, c’est encore : 
une source abondante de variétés. Dans celte incertitude, on est forcé d’avoir 
recours, pour déterminer les espèces, à des propriétés plus constantes, à la 
forme du corps, aux mœurs, aux habitudes. ' 

M. Daubenton le jeune a eu, pendant deux ou trois ans, un cabaret qui avait 
été pris au filet. II était d’abord très sauvage; mais il s’apprivoisa peu-à-peu, et 
devint tout-à-fait familier. Le chenevis était la graine dont il paraissait le plus 
friand. Il avait la voix douce et mélodieuse; presque semblable à celle de la 
fauvette appelée traîne-buisson. Il perdit tout son rouge dès la première an- 
née, et il ne Le reprit point; ses autres couleurs n’éprouvèrent aucune altéra- 
tion. On a remarqué que. lorsqu'il était en mue ou malade, son bec devenait 
aussitôt pale et jaunâtre, puis reprenait par nuance sa couleur brune à mesure 
que l'oiseau se portait mieux. La femelle n’est pas entièrement dépourvue de 
belles couleurs; elle a du rouge sur la tête, mais elle n’en a point sur le crou- 
pion. Quoique plus petite que la femelle de la linotte ordinaire, elle a la voix 
plus-forte et plus variée. Cet oiseau est assez rare, soit en Allemagne, soit en 
France; il a le vol rapide, et ne va point par grandes troupes; son bec est un 
peu plus fin à proportion que celui de la linotte. 


Dé fr JE 


BENGALE. 


(PIENO®) 


Le bengali a, de chaque côté de la tête, une espèce de croissant couleur de 
pourpre, qui accompagne le bas des yeux, et donne du caractère à la physio- 
nomie de ce petit oiseau. 

La gorge est d’un bleu clair; cette même couleur domine sur toute la partie 
inférieure du corps jusqu’au bout de la queue, et même sur ces couvertures 
supérieures : tout le dessus du corps, compris les ailes, est d’un joli gris. 

Dans quelques individus, ce même gris, un peu plus clair, est encore la con- 
leur du ventre et des couvertures inférieures de la queue. 

Dans d’autres individus venant d’Abyssinie, ce même gris avait une teinte : 
de rouge à l'endroit du ventre. 

Dans d’autres enfin, il n’y a point de croissant couleur de pourpre sous les 
yeux ; et cette variété, connue sous le nom de cordon bleu, est commune. 
M. le chevalier Bruce, qui à vu cet oiseau en Abyssinie, nous a assuré posi- 
tivement que les deux marques rouges ne se trouvaient point dans la femelle, 
et que toutes ses couleurs étaient d'ailleurs beaucoup moins brillantes. Il 
ajoute que le màle à un joli ramage ; mais il n'a point remarqué celui de la 
femelle : l’un etlautre ont le bec et les pieds rougeûtres. 

Le bengali est de la grosseur du sizerin : sa longueur totale est de quatre 
pouces neuf lignes; son bec, de quatre lignes ; sa queue , de deux pouces; 
elle est étagée et composée de douze pennes : le vol est de six à sept pouces. 

On se tromperait fort si, d’après les noms de seénegalis et de hengalis, on 
se persuadait que ces oiseaux ne se trouvent qu'au Bengale et au Sénégal ; ils 
sont répandus dans la plus grande partie de l'Asie et de l'Afrique , et même 
dans plusieurs des îles adjacentes, telles que celles de Madagascar , de Bour- 
bon, de France, de Java, etc. On peut même s’attendre à en voir bientôt 
arriver d'Amérique, M. de Sonnini en ayant laissé échapper dernièrement 
un assez grand nombre dans l’île de Cayenne, et les ayant revus depuis fort 


TL) je 


vifs, fort gais, en un mot très disposés à se naturaliser dans cette terre étran- 
gère et à y perpétuer leur race. Il faut espérer que ces nouveaux colons . 
dont le plumage est si variable, éprouveront aussi l'influence du climat améri- 
cain , et qu'il en résultera de nouvelles variétés , plus propres toutefois à orner 
nos cabinets qu’à enrichir l’histoire naturelle. 

Les bengalis sont des oiseaux familiers et destructeurs, en un mot de vrais 
moineaux ; ils s’approchent des cases, viennent jusqu’au milieu des villages, 
et se jettent par grandes troupes dans les champs semés de millet; car ils 
aiment cette graine de préférence , ils aiment aussi beaucoup à se baigner. 

Au Sénégal on les prend sous une calebasse qu’on pose à terre, et qu’on sou- 
lève un peu, en la tenant dans cette situation par le moyen d’un support léger 
auquel est attachée une longue ficelle ; quelques grains de millet servent 
d'appât, les Sénégalis accourent pour manger le millet ; l’oiseleur, qui est à 
portée de tout voir sans être vu, tire la ficelle à propos, et prend tout ce qui se 
trouve sous la-calebasse , bengalis , sénégalis , petits moineaux noirs à ventre 
blancs , etc. 

Ces oiseaux se transportent assez difficilement , et ne s’'accoutument qu'avec 
peine à un autre climat; mais une fois acclimatés , ils vivent jusqu’à six ou 
sept ans, c'est-à-dire autant et plus que certaines espèces du pays: on est 
même venu à bout de les faire nicher en Hollande, et sans doute on aurait le 
même succès dans des contrées encore plus froides, car ces oiseaux ont les 
mœurs très douces et très sociables : ils se perchent très près les uns des 
autres, chantent tous à-la-fois. et mettent de l’ensemble dans celte espèce de 


chœur. 


SÉNÉGAL. 


(PL 9.) 


Deux couleurs principales dominent dans le plumage de cet oiseau: le 
rouge vineux sur la tête , la gorge, tout le dessous du corps jusqu'aux jambes, 


el sur le croupion ; le brun verdâtre sur le bas-ventre et sur le dos: mais à l’en- 


ue 


droit du dos il a une légère teinte de rouge. Les ailes sont brunes, la queue 
noirâtre , les pieds gris, le bec rougeûtre, à l'exception de l’arête supérieure 
et inférieure , et de ses bords qui sont bruns, et forment des espèces de cadres 
à la couleur rouge. 

Cet oiseau est un peu moins gros que le bengali piqueté; mais il est d’une 
forme plus allongée: sa longueur totale est de quatre pouces et quelques lignes, 
son bec de quatre lignes, son vol de six pouces et demi, et sa queue de dix- 
huit lignes ; elle est composée de douze pennes. 


NEREVAN. 


( PL 9.) 


Le brun règne sur la tête, le dos, les ailes et les pennes de la queue: le des- 
sous du corps est gris clair, quelquefois fauve clair, mais toujours nuancé de 
rougeâtre ; le croupion est rouge ainsi que le bec; les pieds sont rougeûtres : 
quelquefois la base du bec est bordée de noir, et le croupion semé de points 
blancs, ainsi que les couvertures des ailes. 

Celui que M. Commerson appelle serevan avait tout le dessous du corps fauve 
clair ; ses pieds étaient jaunètres : il n’avait ni le bec ni le croupion rouge, et 
on ne lui voyait pas une seule moucheture : c'était probablement un jeune ou 
une femelle. 

D’autres oiseaux fort approchans de ceux-là, envoyés par M. Commerson 
sous le nom de bengalis du Cap, avaient une teinte rouge plus marquée de- 
vant le cou et sur la poitrine ; en général , ils ont la queue un peu plus longue à 
proportion. 


Tous sont à-peu-près de la grosseur des bengalis et des sénégalis. 


Voici encore de petits oiseaux qui sont de grands destructeurs. Les maïas se 
réunissent en troupes nombreuses, pour fondre sur les champs semés de riz; 
ils en consomment beaucoup , et en perdent encore davantage: les pays où l’on 
cultive cette graine sont ceux qu'ils fréquentent par préférence ; et ils auraient 
comme on voit, des titres suffisans pour partager, avec le padda, le nom d’oc- 
seaux de riz. Mais je leur conserverai celui de maÿas, qui est leur vrai nom; 
je veux dire le nom sous lequel ils sont connus dans le pays de leur naissance, 
et dont Fernandès devait être bien instruit. Cet auteur nous apprend que leur 
chair est bonne à manger, et facile à digérer. 

Le mâle a la tête, la gorge et tout le dessous du corps, noirâtres; le dessus, 
d’un marron pourpré, plus éclatant sur le croupion que partout ailleurs : il a 
aussi, sur la poitrine, une large ceinture de la même couleur, le bec gris, 
et les pieds plombés. 

La femelle est fauve dessus, d’un blanc sale dessous : elle a la gorge d’un 
marron pourpré, et, de chaque côté de la poitrine , une tache de la même 
couleur , répondant.à la ceinture du mâle : son bec est blanchâtre et ses pieds 
sont gris. 

Fernandès raconte comme une merveille que le maïa a le ventricule derrière 
le cou. Mais si cet auteur eût jeté les yeux sur les petits oiseaux auxquels on 
donne la becquée , il aurait vu que cette merveille est très ordinaire, et qu’à 
mesure que le jabot se remplit, il se porte vers l’endroit où il trouve moins 
de résistance, souvent à côté du cou, et quelquefois derrière ; enfin il se se- 


rait aperçu que le jabot n’est pas le ventricule. La nature est toujours admi- 
rable, mais il faut savoir l’admirer. 


Liege 


GRAND SOUI-MANGA VERT 


A LONGUE QUEUE. 


(PI. ro.) 


Cet oiseau se trouve au cap du Bonne-Espérance, où il a été observé et nourri 
quelques semaines par M. le vicomte de Querhoënt, qui l’a décrit de la manière 
suivante : « Il est de la taille de la linotte ; son bec, qui est un pen recourbé, 
« a quatorze lignes de longueur; il est noir, ainsi que les pieds, qui sont garnis 
« d'ongles longs, surtout celui du milieu et celui de l'arrière ; il a les yeux 
« noirs, le dessus et le dessous du corps d’un très beau vert brillant avec quel- 
« ques plumes d’un jaune doré sous les ailes ; les grandes plumes des ailes et 
« de la queue d’un beau noir violet changeant; le filet de la queue, qui a un 
« peu plus de trois pouces, est bordé de vert. » M. Brisson ajoute qu’il a de 
chaque côté , entre le bec et l’œil, un trait d’un noir velouté. 

Dans cette espèce, la femelle à aussi une longue queue, ou plutôt un long 
filer à la queue, mais cependant plus court que dans le mâle; car il ne dépasse 
les pennes latérales que de deux pouces et quelques lignes. Cette femelle a le 
dessus du corps et de la tête d’un brun verdâtre, mêlé de quelques plumes 
d’un beau vert ; le croupion vert ; les grandes plumes des ailes et de la queue 
d’un brun presque noir , ainsi que le filet ou les deux pennes intermédiaires : 
le dessous du corps est jaunâtre avec quelques plumes vertes à la poitrine. 

En général, les soui-mangas ont proportionnellement le bec plus long que 
les guit-guits , et leur plumage est pour le moins aussi beau, aussi beau même 
que celui des brillans colibris : ce sont les couleurs les plus riches, les plus 
éclatantes, les plus moelleuses; toutes les nuances de vert, de bleu, d’o- 
rangé, de rouge , de pourpre, relevées encore par l’opposition des différentes 
teintes de brun et de noir velouté, qui leur servent d'ombre. On ne peut s’em- 
pêcher d'admirer l'éclat de ces couleurs , leur jeu pétillant , leur inépuisable 
variété , même dans les peaux desséchées de ces oiseaux, qui ornent nos ca- 


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binets: on croirait que la nature à employé la matière des pierres précieuses 
telles que le rubis, l'émeraude, l’améthyste , l’aigue-marine , la topaze, pour 
en composer les barbes de leurs plumes. Que serait-ce done si nous pouvions 
contempler, dans toute leur beauté, ces oiseaux eux-mêmes et non leurs cada- 
vres ou leurs mannequins ; si nous pouvions voir l’émail de leur plumage dans 
toute sa fraîcheur, animé par le souffle de vie, embelli par tout ce que la ma- 
gie du prisme à de plus éblouissant, variant ses reflets à chaque mouvement 
de l’oiseau qui se meut sans cesse, et faisant jaillir sans cesse de nouvelles 
couleurs , ou plutôt de nouveaux feux. 


SOUI-MANGA VERT DORÉ CHANGEANT. 


(PI. 10.) 


Il à la poitrine rouge ; tout le reste d’un vert doré assez foncé, néanmoins 
éclatant et changeant en cuivre de roselte; les pennes des ailes noirâtres, bor- 
dées de ce même vert; celles de la queue et leurs grandes couvertures brunes; 
le bas-ventre mêlé d’un peu de blanc; le bec noir, les pieds noirâtres. 

Cette espèce est du Sénégal. La femelle a le dessus brun verdâtre; le dessous 
jaunètre, varié de brun; les couvertures inférieures de la queue blanches , 
semées de brun et de bleu ; le reste comme dans le mâle , à quelques teintes 
près. 

Longueur totale , sept pouces deux lignes; bec, huit lignes et demie, tarse, 
sept lignes; doigt du milieu, cinq ligues et demie, plus long que le postérieur ; 
vol , six pouces un quart ; queue, quatre pouces trois lignes, composée de dix 
pennes latérales à-peu-près égales entre elles, et de deux intermédiaires fort 
longues et fort étroites , qui débordent ces latérales de deux pouces huit lignes 
el les ailes de trois pouces quatre lignes. 

On a donné à ces oiseaux le nom de Soui-mangas, que porte à Madagas- 
car une assez belle espèce ; ils forment un article séparé des oiseaux étrangers 
du nouveau continent qui ont quelque rapport à nos grimpereaux , mais aux- 
quels ce nom de grimpereaux ne peut convenir, puisqu'on sait que la plupart 


OISEAUX, 1E 


—. 82 


ne grimpent point sur les arbres , et qu'ils ont des mœurs , des allures et un 

régime fort différens. Il faut aussi les distinguer de nos SHOT d'Europe, 
et des soui-mangas d'Afrique et d'Asie , par le nom de guit-guit, nom que les 
sauvages, nos maîtres en nomenclature, ont imposé à une très belle-espèce 
de ce genre qui se trouve au Brésil. J’appelle les sauvages nos maîtres en no- 
menclature, etj'en pourrais dire autant des enfans , parce que les uns et les 
autres désignent les êtres par des noms d’après nature, qui ont rapport à 
leurs qualités sensibles , souvent même à la plus frappante , et qui par consé- 
quent les représentent à l'imagination et Îles rappellent à l’esprit beaucoup 
mieux que nos noms abstraits ,adoucis, polis, défigurés, et qui la plupart ne 


ressemblent à rien. 


PETIT OISEAU-MOUCHE. 


Ce très petit oiseau mouche est à peine long de quinze lignes, de la pointe du 
bec au bout de la queue. Le bec a trois lignes et demie, la queue quatre; 
de sorte qu'il ne reste qu’un peu plus de sept lignes pour la tête, le cou, et le 
corps de l'oiseau ; dimensions plus petites que celles de nos grosses mouches. 
Tout le dessus de la tête et du corps est vert doré brun changeant et à reflets 
rougeûtres ; tout le dessous est gris blanc. Les plumes de l'aile sont d’un brun 
tirant sur le violet, et cette couleur est presque généralement celle des ailes 
dans tous les oiseaux mouches , aussi bien que dans les colibris. Ils ont aussi 
assez communément le bec et les pieds noirs ; les jambes sont recouvertes 
assez bas de petits duvets effilés, et les doigts sont garnis de petits ongles ai- 
gus et courbés. Tous ont dix plumes à la queue. La couleur de ces plumes de 
la queue est , dans la plupart des espèces , d’un noir bleuâtre , avec l'éclat de 
l'acier bruni. La femelle a généralement les couleurs moins vives ; on la re- 
connaît aussi, suivant les meilleurs observateurs, à ce qu’elle est un peu plus 
petite que le mâle. Le caractère du bec de l’oiseau-mouche est d’être égal 
dans sa longueur , un peu renflé vers le bout, comprimé horizontalement El 


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droit. Ce dernier trait distingue les oiseaux-mouches des colibris, que plu- 
sieurs naturalistes ont confondus. 

De tous les êtres animés, l’oiseau-mouche(1) est le plus élégant pour la 
forme, et le plus brillant pour les couleurs. Les pierres et les métaux polis par 
notre art ne sont pas comparables à ce bijou de la nature ; elle l’a placé, dans 
l'ordre des oiseaux, au dernier degré de l'échelle de grandeur ; maximèé 
miranda in minimis. Son chef-d'œuvre est le petit oiseau-mouche ; elle l’a 
comblé de tous les dons qu’elle n’a fait que partager aux autres oiseaux : lé- 
sèreté , rapidité, prestesse, grâce et riche parure, tout appartient à ce pe- 
tit favori. L’émeraude, le rubis , la topaze , brillent sur ses habits ; il ne les 
souille jamais de la poussière de la terre, et, dans sa vie tout aérienne , on le 
voit à peine toucher le gazon par instans : il est toujours en l’air , volant de 
fleurs en fleurs ; il a leur fraîcheur comme il à leur éclat; il vit de leur nectar, 
et n’habite que les climats où sans cesse elles se renouvellent. 

C’est dans les contrées les plus chaudes du Nouveau-Monde que se trouvent 
toutes les espèces d’oiseaux-mouches. Elles sont assez nombreuses et pa- 
raissent confinées entre les deux tropiques ; car ceux qui s’avancent en été 
dans les zones tempérées n’y font qu’un court séjour : ils semblent suivre le 
soleil, s’avancer , se retirer avec lui, et voler sur l’aile des zéphirs à la suite 
d’un printemps éternel. 

Les Indiens , frappés de l'éclat et du feu que rendent les couleurs de ces 
brillans oiseaux, leur avaient donné les noms de rayons ou cheveux du soleil. 
Les Espagnols les ont appelés tominejos, mot relatif à leur excessive petitesse : 
le tomine est un poids de douze grains. J'ai vu peser au trébuchet un de ces oi- 
seaux , lequel, avec son nid, ne pesait que deux tomines; et pour le volume, 
les petites espèces de ces oiseaux sont au dessous de la grande mouche asile 
(taon) pour la grandeur, et du bourdon pour la grosseur. Leur bec est 
une aiguille fine , et leur langue un fil délié; leurs petits yeux noirs ne pa- 
raissent que deux points brillans, les plumes de leurs ailes sont si délicates , 


(1) Les Espagnols le nomment fominejo; les Péruviens, quinti, selon Garcilasso; selon d’autres, 
quindé, et de même au Paraguay; les Mexicains, kuitzilzil, suivant Ximenès ; boitzitzil dans Hernan- 
dès ; ourissia (rayon du soleil), suivant Nieremberg; les Brasiliens, guaimunbi (ce nom est générique 
et comprend dans Marcgrave les colibris avec les oiseaux-mouches; c’est apparemment ce même nom 
corrompu que Léry et Thevet rendent par gorambouch, et que les relations portugaises écrivent 
guanimibique) ; guachichil à a Nouvelle-Espagne, c'est-à-dire, suce-fleurs; suivant Gemelli Carreri ; 
en anglais, kumming bird (oiseau bourdonnant); en latin moderne de nomenclature, mellisuga (bris 


son), érochilus (Linn.). 


DE pu 


qu’elles en paraissent transparentes. À peine aperçoit-on leurs pieds, tant 
ils sont courts et menus: ils en font peu d'usage; ils ne se posent que pour 
passer la nuit, et se laissent, pendant le jour, emporter dans les airs. Leur 
volest continu, bourdonnant et rapide. Marcgrave compare le bruit de leurs 
ailes à celui d'un rouet, et l’exprime par les syllabes hour, hour, hour. 

Leur battement est si vif, que l'oiseau s’arrêtant dans les airs, paraît non- 
seulement immobile, mais tout-à-fait sans action. On le voit s’arrêter ainsi 
quelques instans devant une fleur, et partir comme un trait pour aller à un 
autre. Il les visite toutes, plongeant sa petite langue dans leur sein , les flat- 
tant de ses ailes, sans jamais s’y fixer , mais aussi sans les quitter jamais ; il 
ne presse ses inconstances que pour mieux suivre ses amours et multiplier 
ses jouissances innocentes : car cet amant léger des fleurs vit à leurs dépens 
sans les flétrir ; il ne fait que pomper leur miel , et c’est à cet usage que sa 
langue paraît uniquement destinée. Elle est composée de deux fibres creuses, 
formant un petit canal, divisé au bout en deux filets; elle a la forme d’une 
trompe , dont elle fait les fonctions ; l'oiseau la darde hors de son bec, il la 
plonge jusqu’au fond du calice des fleurs pour en tirer les sucs. Telle est sa 
manière de vivre, d’après tous les auteurs qui en ontécrit. La nourriture la 
plus substantielle est nécessaire pour suffire à la prodigieuse vivacité de Foi- 
seau-mouche , comparée avec son extrême petitesse ; il faut bien des molé- 
cules organiques pour soutenir tant de force dans de si faibles organes, et 
fournir à la dépense d'esprit que fait un mouvement perpétuel et rapide; 
un aliment d'aussi peu de substance que quelques menus insectes y paraît 
bien peu proportionné ; et Sloane, dont les observations sont ici du plus grand 
poids , dit expressément qu'il a trouvé l'estomac de l'oiseau-mouche, tout 
rempli des poussières et du miellat des fleurs. 

Rien n’égale en effet la vivacité de ces petits oiseaux, si ce n’est leur courage, 
ou plutôt leur audace : on les voit poursuivre avec furie des oiseaux vingt fois 
plus gros qu'eux , s'attacher à leur corps, et, se laissant emporter par leur vol, 
les becqueter à coups redoublés, jusqu’à ce qu’ils aient assouvi leur petite co- 
lère; quelquefois même ils se livrent entre eux de très vifs combats. L’impa- 
tience paraît êtreleur âme; s'ils approchent d’une fleur et qu'ils la trouvent fanée, 
ils lui arrachent les pétales avec une précipitation qui marque leur dépit. Ils 
n'ont point d'autre voix qu'un petit cri, serep, screp, fréquent et répété; ils le 
font entendre dans les bois dès l’aurore , jusqu’à ce qu'aux premiers rayons du 
soleil tous prennent l'essor et se dispersent dans les campagnes. 


Ils sont solitaires, et il serait difficile qu'étant sans cesse emportés dans les 


SNS 2 


airs, ils pussent se reconnaitre et se joindre: néanmoins l'amour, dont la puis- 
sance s'étend au-delà de celle des élémens, sait rapprocher et réunir tous les 
êtres dispersés ; on voit les oiseaux-mouches deux à deux dans le temps des ni- 
chées. Le nid qu'ils construisent répond à la délicatesse de leur corps; il est fait 
d’un coton fin ou d’une bourre soyeuse recueillie sur des fleurs : ce nid est for- 
tement tissu et de la consistance d’une peau douce et épaisse. La femelle se 
charge de l’ouvrage, et laisse au mâle le soin d'apporter les matériaux : on la 
voit empressée à ce travail chéri, chercher, choisir, employer brin à brin les 
fibres propres à former le tissu de ce doux berceau de sa progéniture ; elle en 
politles bords avec sa gorge , le dedans avec sa queue ; elle le revêt à l'exté- 
rieur de petits morceaux d’écorce de gommier qu'elle colle à l’entour pour le 
défendre des injures de l'air, autant que pour le rendre plus solide : le tout 
est attaché à deux feuilles ou à un seul brin d'oranger, de citronnier, ou quel- 
quefois à un fétu qui pend de la couverture de quelque case. Ce nid n’est pas 
plus gros que la moitié d’un abricot, et fait de même en demi-coupe : on y 
trouve deux œufs tout blancs, et pas plus gros que de petits pois ; le mâle et 
la femelle les couvent tour-à-tour pendant douze jours; les petits éclosént au 
treizième jour, et ne sont alors pas plus gros que des mouches : « Je n’ai jamais 
« pu remarquer, dit le P. du Tertre, quelle sorte de becquée la mère leur ap- 
« porte, sinon qu’elle leur donne à sucer sa langue encore tout emmiellée du 
« suc tiré des fleurs. » 

On conçoit aisément qu'il est comme impossible d'élever ces petits volatiles ; 
ceux qu’on a essayé de nourrir avec des sirops ont dépéri dans quelques semai- 
nes. Ces alimens , quoique légers, sont encore bien différens du nectar délicat 
qu'ils recueillent en liberté sur les fleurs, et peut-être aurait-on mieux réussi en 
leur offrant du miel. 

La manière de les abattre est de les tirer avec du sable ou à la sarbacane. 
Ils sont si peu défians , qu'ils se laissent approcher jusqu’à cinq ou six pas. On 
peut encore les prendre en se plaçant dans un buisson fleuri, une verge en- 
duite d’une gomme gluante à la main; on en touche aisément le petit oiseau 
lorsqu'il bourdonne devant une fleur. Il meurt aussitôt qu'il est pris, et sert 
après sa mort à parer les jeunes Indiennes, qui portent en pendans d’oreille 
deux de ces charmans oiseaux. Les Péruviens avaient l’art de composer avec 
leurs plumes des tableaux dont les anciennes relations ne cessent de vanter la 
beauté. Marcgrave qui avait vu de ces ouvrages, en admire l'éclat et la déli- 
catesse. 


Avec le lustre et le velouté des fleurs , on a voulu encore en trouver le par- 


= 196; 


fum à ces jolis oiseaux ; plusieurs auteurs ont écrit-qu'ils sentaient le musc. 
C’est une erreur dont l’origine est apparemment dans le nom que leur donne 
Oviedo, de passer mosquitus ; aisément changé en celui de passer moscatus. 
Ce n’est pas la seule petite merveille que l’imagination ait voulu ajouter à leur 
histoire : on a dit qu'ils étaient moitié oiseau et moitié mouches, qu'ils se pro- 
duisaient d’une mouche, et un provincial des jésuites affirme gravement dans 
Clusius, avoir été témoin de la métamorphose. On a dit qu'ils mouraient avec 
les fleurs, pour renaître avec-elles ; qu’ils passaient dans un sommeil et un en- 
gourdissement total toute la mauvaise saison , suspendus par le bec à l’écorce 
d’un arbre. Mais ces fictions ont été rejetées par les naturalistes sensés, et Ca- 
tesby assure avoir vu, durant toute l’année, ces oiseaux à Saint-Domingue et 
au Mexique, où il n’y a pas de saison entièrement dépouillée de fleurs. Sloane 
dit la même chose de la Jamaïque , en observant seulement qu'ils y paraissent 
en plus grand nombre après la saison des pluies, et Marcgrave avait déjà écrit 
qu’on les trouve toute l’année en grand nombre dans les bois du Brésil. 


OISEAU-MOUCHE A COLLIER. 


DIT 


LA JACOBINE. 


(PI. ro.) 


Cet oiseau-mouche est de la première grandeur : sa longueur est de quatre 
pouces huit lignes; son bec a dix lignes. Il a la tête, la gorge et le cou, d’un 
beau bleu sombre changeant en vert; sur le derrière du cou, près du dos, il 
porte un demi-collier blanc; le dos est vert doré, la queue blanche à la pointe, 
bordée de noir, avec les deux pennes du milieu et les couvertures vert doré; 
la poitrine et le flanc sont de même ; le ventre est blanc: c’est apparemment 


de cette distribution du blanc dans son plumage qu'est venue l’idée de l'appeler 


CES ICE 


Jacobine. Les deux plumes intermédiaires de la queue sont un peu plus cour- 


tes que les autres; l'aile pliée ne la dépasse: pas: cette espèce se urouve à : 


Cayenne et à Surinam. La figure qu’en donne Edwards paraît un peu trop pe- 
tite dans toutes ses dimensions, et il se trompe quand il conjecture que la se- 
conde figure de la même planche xxxv est le mâle ou la femelle dans la même 
espèce ; les différences sont trop grandes : la tête dans ce second oiseau-mou- 
che n’est point bleue ; il n’a point de collier, ni la queue blanche; et nous 
l'avons rapporté , avec beaucoup plus de vraisemblance, à notre treizième 
espèce. 


OISEAU BRUN À BEC DE GRIMPEREAU. 


(PET oi) 


Cet oiseau n’est pas plus gros que notre bec-figue. | 

Longueur totale cinq pouces un tiers ; bec, un pouce; tarse , sept lignes et 
demie; doigt du milieu, six pouces, plus grand que le postérieur ; vol, huit 
| pouces : queue, vingt-et-une lignes, composée de douze pennes égales , elle 
dépasse les ailes d'environ sept lignes. , 

Le bec de cet oiseau fait à lui seul en longueur les deux septièmes de tout le 
reste du corps. Il a la gorge eu le front d’un beau vert doré; le devant du cou 
d’un rouge vif ; les petites couvertures des ailes d’un violet brillant; les grandes 
couvertures et les pennes des ailes et de la queue, d’un brun teint de roux; 
les moyennes couvertures des ailes, tout le reste du dessus et du dessous du 
Corps, d’un brun noirâtre ; le bec etles pieds noirs. 

Plusieurs espèces étrangères qui appartiennent au genre des grimpereaux , 
ont beaucoup de rapport avec les colibris, et leur ressemblent par la petitesse 
de leur taille , par les belles couleurs de leur plumage, par leur bec menu et 
recourbé, mais plus effilé, plus tiré en pointe , et formant un angle plus aigu, 
au lieu que celui des colibris est à-peu-près d’une grosseur égale dans toute sa 
longueur, et a même un petit renflement vers son extrémité. 


Il n’en est pas non plus du genre des grimpereaux comme de celui des coli- 


= 9 = 


bris par rapport à l’espace qu'il occupe sur le globe. Les colibris paraissent 
appartenir exclusivement au continent de l'Amérique ; on n’en a guère trou- 
vé’au-delà des contrées méridionales du Canada, et à cette hauteur l’espace 
de mer à franchir est trop vaste pour un si petit oiseau, plus petit que plusieurs 
insectes : mais le grimpereau d'Europe ayant pénétré jusqu'en Danemark, 
peut-être plus loin, il est probable que ceux de l'Asie et de l'Amérique se seront 
avancés tout autant vers le nord, et qu’ils auront par conséquent trouvé des 
communications plus faciles d’un continent à l’autre. 

Comme les grimpereaux vivent des mêmes insectes que les pies, les sittelles, 
les mésanges, et qu'ils n’ont pas, ainsi que nous l'avons remarqué plus haut, la 
ressource de faire sortir leur proie de dessous l'écorce en frappant celle-ci de 
leur bec, ils ont l’instinet de se mettre à la suite des bèque-bois, d’en faire, 
pour ainsi dire, leurs chiens de chasse, et de se saisir adroitement du pe- 
tit gibier que ces bèque-bois croient ne faire lever que pour eux-mêmes. 

Par la raison que les grimpereaux vivent uniquement d'insectes, on sent 
bien que les espèces en doivent être plus fécondes et plus variées dans les cli- 
mats chauds , où cette nourriture abonde, que dans des climats tempérés 
ou froids, et par conséquent moins favorables à la multiplication des insectes. 

L'’extrême mobilité estl’apanage ordinaire de l'extrême petitesse. Le grimpereau 
est presque aussi petit que le roitelet, et, comme lui, presque toujours en mou- 
vement; mais tout son mouvement , {toute son action porte, pour ainsi dire; 
sur le même point. Il reste toute l’année dans le pays qui l’a vu naître: un 
trou d'arbre est son habitation ordinaire ; c’est de là qu’il va à la chasse des 
insectes de l'écorce et de la mousse ; c’est aussi le lieu où la femelle fait sa 
ponte et couve ses œufs. Belon a dit, et presque tout les ornithologistes ont ré- 
pété, qu'elle pondait jusqu’à vingt œufs, plus ou moins. Il faut que Belon ait 
confondu cet oiseau avec quelque autre petit oiseau grimpant, tel que les mé- 
sanges ; je me crois en droit d'assurer , d’après mes propres observations et 
celles de plusieurs naturalistes, que la femelle grimpereau pond ordinaire- 
ment cinq œufs, et presque jamais plus de sept. Ces œufs sont cendrés, mar- 
qués de points et de traits d’une couleur plus foncée ; etla coquille en est un 
peu dure. On a remarqué que cette femelle commençait sa ponte de fort bonne 
heure au printemps ; et cela est facile à croire, puisqu'elle n'a point de nid à 


construire , ni de voyage à faire. 


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Cet oiseau à beaucoup de force dans le bec ; il sait très bien s’en servir pour 
se faire craindre des autres petits oiseaux, comme aussi pour pincer jusqu'au 
sang les personnes qui le tiennent et qui veulent le prendre ; et c’est pour cela 
que , suivant plusieurs auteurs, il a reçu le nom de pénson (1): mais comme 
l'habitude de pincer n’est rien moins que propre à cette espèce, que même elle 
lui est commune, non-seulement avec beaucoup d’autres espèces d'oiseaux, 
mais avec beaucoup d'animaux de classes toutes différentes, quadrupèdes, 
millepèdes , bipèdes, etc., je trouve mieux fondée l’opinion de M. Frisch, qui 
tire ce mot pinson de pineto, latinisé du mot allemand pinck, qui semble avoir 
été formé d’après le cri de l'oiseau. 

Les pinsons ne s’en vont pas tous en automne , il y en a toujours un assez 
bon nombre qui restent l'hiver avec nous, je dis avec nous, car la plupart 
s’'approchent en effet des lieux habités, et viennent jusque dans nos basses- 
cours , où ils trouvent une subsistance plus facile. 

Ce sont de petits parasites qui nous recherchent pour vivre à nos dépens, et 
qui ne nous dédommagent par rien d’agréable : jamais on ne les entend chan- 
ter dans cette saison, à moins qu’il n’y ait de beaux jours; mais ce ne sont 
que des momens , et des momens fortrares : le reste du temps , ils se cachent 
dans des haies fourrées, sur des chênes qui n’ont pas encore perdu leurs 
feuilles, sur des arbres toujours verts , quelquefois même dans des trous de ro- 
cher, où ils meurent lorsque la saison est trop rude. Ceux qui passent en d’au- 
tres climats se réunissent assez souvent en troupes innombrables ; M. Frisch 
croit que c’est dans les climats septentrionaux, et il se fonde: 

1° Sur ce qu’à leur retour ils ramènent avec eux des pinsons blancs qui ne se 
trouvent guère que dans ces climats ; 


(x) Pinson commun, frirgilla, etc. Pinçard, pinchard, pinchon, glaumet, huit, pichot, guignot , 
riche-prieur. 


OISEAUX, 12 


: 1902 


90 Sur ce qu'ils ne ramènent point de petits, comme ils feraient s'ils eussent 
passé le temps de leur absence dans un pays chaud où ils eussent pu nicher, 
et où ils n'auraient pas manqué de le faire ; tous ceux qui reviennent, mâles et . 
femelles, sont adultes ; 

3° Sur ce qu'ils ne craignent point le froid, mais seulement la neige, qui en 
couvrant nos campagnes les prive d'une partie de leur subsistance. 

Il faut donc, pour concilier tout cela, qu’il y ait un pays au nord où la neige 
ne couvre point la terre. Or, on prétend que les déserts de la Tartarie sont ce 
pays: il y tombe certainement de la neige ; mais les vents l’'emportent, dit-on, 
à mesure qu'elle tombe, et laissent de grands espaces découverts. 

Une singularité très remarquable dans la migration des pinsons, c’est ce 
que dit Gesner de ceux de la Suisse, et M. Linnæus de ceux de la Suède, 
que ce sont les femelles qui voyagent, et que les mâles restent l'hiver dans le 
pays; mais ces habiles naturalistes n’auraient-ils pas été trompés par ceux qui 
nous ont attesté ce fait, et ceux-ci par quelque altération périodique dans le plu- 
mage des femelles, occasionée par le froid ou par quelque autre cause ? Le 
changement de couleur me paraît plus dans l’ordre de la nature, plus con- 
forme à l’analogie, que cette séparation à jour nommé des mâles et des fe- 
melles, et que la fantaisie de celles-ci de voyager seules et de quitter leur 
pays natal , où elles pourraient trouver à vivre tout aussi bien que leurs mâles. 

Au reste, onsent bien que l’ordre de ces migrations doit varier dans les diffé- 
rens climats. Aldrovande assure que les pinsons font rarement leur ponte aux 
environs de Bologne, et qu'ils s’en vont presque tous surla fin de l'hiver, 
pour revenir l'automne suivant. Je vois au contraire par le témoignage de 
Willughby, qu'ils passent toute l’année en Angleterre, et qu’il est peu d'oiseaux 
que l'on y voie aussi fréquemment. 

Ils sont généralement répandus dans toute l’Europe, depuis la mer Baltique 
et la Suède , où ils sont fort communs et où ils nichent, jusqu’au détroit de 
Gibraltar, et même jusque sur les côtes d'Afrique. 

Le pinson est un oiseau très vif ; on le voit toujours en mouvement, et cela, 
joint à la gaîté de son chant , a donné lieu sans doute à la façon de parler pro- 
verbiale, gai comme pinson. Il commence à chanter de fort bonne heure au 
printemps, et plusieurs jours avant le rossignol ; il finit vers le solstice d'été. 
Son chant a paru assez intéressant pour qu'on l'analysât ; on y à distingué un 
prélude, un roulement , une finale : on a donné des noms particuliers à cha- 
que reprise , on les a presque notées ; et les plus grands connaisseurs de ces 


petites choses s'accordent à dire que la dernière reprise est la plus agréable. 


Quelques personnes trouvent son ramage trop fort, trop mordant; mais il 
n’est trop fort que parce que nos organes sont trop faibles, ou plutôt parce que 
nous l’entendons de trop près et dans des appartemens trop résonnans , où le 
son directest exagéré , gâté par les sons réfléchis: la nature a fait les pinsons 
pour être les chantres des bois ; allons donc dans les bois pour juger leur chant, 
el surtout pour en jouir. 

Si l’on met un jeune pinson , pris au nid, sous la leçon d’unserin,, d’un ros- 
signol , etc., il se rendra propre le chant de ses maîtres ; on en a vu plus d’un 
exemple ; mais On n'a point vu d'oiseaux de cette espèce qui eussent appris à 
siffler des airs de notre musique ; ils ne savent pas s'éloigner de la nature jus- 
qu’à ce point. | 

Les pinsons, outre leur ramage ordinaire, ont encore un certain frémisse- 
ment d'amour qu’ils font entendre au printemps, et de plus un autre cri peu 
agréable , qui , dit-on , annonce la pluie. On a aussi remarqué que ces oi- 
seaux ne chantaient jamais mieux ni plus long-temps que lorsque, par quelque 
accident, ils avaient perdu la vue (1); et cette remarque n’a pas été plus tôt 
faite , que l’art de les rendre aveugle a été inventé ; ce sont de petits esclaves à 
qui nous crevons les yeux, pour qu'ils puissent mieux servir à nos plaisirs. 
Mais je me trompe, on ne leur crève point les yeux; on réunit seulement la 
paupière inférieure à la supérieure par une espèce de cicatrice artificielle, en 
touchant légèrement, et à plusieurs reprises, les bords de ces deux pau- 
piéres, avec un fil de métal rougi au feu, et prenant garde de blesser le globe 
de l'œil. è 

Il faut les préparer à cette singulière opération, d’abord en les accoutumant 
à la cage pendant douze ou quinze jours, et ensuite en les tenant enfermés nuit 
et jour, avec leur cage, dans un coffre, afin de les accoutumer à prendre leur 
nourriture dans l'obscurité (2). Ces pinsons aveugles sont des chanteurs infa- 
tigables ; et l'on s’en sert par préférence, comme d’appeaux ou d’appelans, 
pour attirer dans les pièges les pinsous sauvages : on prend ceux-ciaux gluaux, 
et avec différéntes sortes de filets, entre autres celui d’alouette; mais il faut 
que les mailles soient plus petites, et proportionnées à la grosseur de l'oiseau. 


(x) Ils sont sujets à cet accident, surtout lorsqu'on les tient entre deux fenêtres, à Pexposition 
du midi, 

(2) Gesner prétend qu’en tenant des pinsons ainsi enfermés pendant tout l'été, et ne les tirant de 
prison qu'au commencement de l’automne, ils chantent pendant cette dernière saison; ce qu'ils 
n’eussent point fait sans cela : l'obscurité les rendait muets, le retour de la lumière est le printemps 


pour eux, 


ER 


Le temps de cette chasse est celui où les pinsons volent en troupes nom- 
breuses; soit en automne à leur départ , soit au printemps à leur retour: il 
faut, autant qu’on le peut, choisir un temps calme, parce qu'alors ils volent 
plus bas, et qu’ils entendent mieux l’appeau. Ils ne se façonnent point aisé- 
ment à la captivité ; les premiers jours ils ne mangent point ou presque point, 
ils frappent continuellement de leur bec les bâtons de la cage, et fort souvent 
ils se laissent mourir. 

Ces oiseaux font un nid bien rond et solidement tissu : il semble qu'ils n’aient 
pas moins d'adresse que de force dans le bec. Ils posent ce nid sur les arbres ou 
les arbustes les plus touffus, ils le font quelquefois jusque dans nos jardins, 
sur les arbres fruitiers; mais ils le cachent avec tant de soin, que souvent on à 
de la peine à l’apercevoir, quoiqu’on en soit fort près ; ils le construisent de 
mousse blanche, et de petites racines en dehors ; de laine de crins , de fils 
d’araignée et de plumes en dedans. 

La femelle pond cinq ou six œufs gris-rougeñtres, semés de taches noi- 
râtres plus fréquentes au gros bout. Le mâle ne la quitte pas tandis qu’elle couve, 
surtout la nuit : il se tient toujours fort près du nid et le jour, s’il s'éloigne un 
peu, c’est pour aller à la provision. Il se pourrait que la jalousie fût pour 
quelque chose dans cette grande assiduité ; car ces oiseaux sont d'un naturel 
très jaloux : s’il se trouve deux mâles dans un même verger au printemps, ils 
se battent avec acharnement jusqu'à ce que le plus faible cède la place ou 
succombe. 

Les pères et mères nourrissent leurs petits de chenilles et d'insectes ; ils en 
mangent eux-mêmes; mais ils vivent plus communément de petites graines, 
de celle d’épine blanche, de pavot, de bardane, de rosier, surtout de faîne, 
de navette et de chenevis ; ils se nourrissent aussi de blé et même d'avoine , 
dont ils savent fort bien casser les grains pour en tirer la substance farineuse. 
Quoiqu'ils soient d’un naturel un peu rétif , on vient à bout de les former au pe- 
tit exercice de la galère, comme les chardonnerets : ils apprennent à se ser- 
vir de leur bec et de leurs pieds pour faire monter le seau dont ils ont besoin, 

Le pinson est plus souvent posé que perché : il ne marche point en sautil- 
lant; mais il coule légèrement sur la terre, et va sans cesse ramassant quel- 
que chose. Son vol est inégal; mais lorsqu'on attaque son nid , il plane au-des- 
sus en criant. 

Le pinson est un peu plus petit que notre moineau ; ilest trop connu pour 
le décrire en détail; on sait qu'il a les côtés de la tête , le devant du cou, la 
poitrine et les flancs d’une belle couleur vineuse ; le dessus de la tête et du 


NC. cé ter mt d'a SDS 


Ne NES 


corps marron, le dos olivâtre, et une tache blanche sur l'aile. La femelle 
a le bec plus effilé, et les couleurs moins vives; mais, soit dans la femelle, 
soit dans le mâle, le plumage est fort sujet à varier. J’ai vu une femelle vi- 
vante , prise sur ses œufs le 7 mai, qui avait le dessus de la tête et du dos 
d’un brun olivâtre, une espèce de collier gris quienvironnait le cou par-der- 
rière , le ventre et les couvertures inférieures de la queue blancs, etc. Parmi 
les mâles, il y en a qui ont le dessus de la tête et du cou d’un brun cendré , et 
d’autres d’un brun marron ; quelques-uns ont les pennes de la queue les plus 
voisines des deux intermédiaires, bordées deblanc, et d’autres les ont entiè- 
rement noires. 

Un jeune pinson pris sous la mère , dont les pennes de la queue étaient 
déjà longues de six lignes, avait le dessous du corps comme la mère, le dessus 
d'un brun cendré, le dos olivâtre; ses ailes avaient déjà les deux raies 
blanches : mais les bords du bec supérieur n'étaient point encore échancrés 
près de la pointe , comme ils le sont dans les mâles adultes; ce qui me ferait 
croire que cette échancrure , qui se trouve dans beaucoup d’espèces, ne dé- 
pend pas immédiatement de la première organisation, mais que c’est un effet 
secondaire et mécanique, produit par la pression continuelle de l'extrémité 
du bec inférieur, qui est un peu plus court contre les bords du bec supérieur. 

Tous les pinsons ont la queue fourchue , et composée de douze pennes; le 
fond de leurs plumes est cendré obscur, et leur chair n’est pas bonne à man- 
ger : la durée de leur vie est de sept ou huit ans. 

La longueur totale du pinson est de six pouces un tiers; son bec a six li- 
gnes ; le vol, près de dix pouces; la queue, deux pouces deux tiers; elle dé- 
passe les ailes d'environ seize lignes. 


a 


PINSON D’ARDENNE. 


(PIE Te) 


La femelle n’a point la tache orangé de la base de l'aile , ni la belle couleur 
jaune de ses couvertures inférieures ; sa gorge est d’un roux plus clair, 
et elle a quelque chose de cendré sur le sommet de la tête et derrière le cou. 

La longueur totale du pinson d’Ardenne est de six pouces un quart; son 
bec a six lignes et demie ; le vol, près de dix pouces; la queue, deux pouces 
un tiers; elle dépasse les ailes d’environ quinze lignes. 

Leur plumage est sujet à varier dans les différens individus ; quelques mâles 
ont la gorge noire, et d’autres ont la tête absolument blanche, et les couleurs 
plus faibles. Les jeunes mâles , lorsqu'ils arrivent, ne sont pas si noirs et n’ont 
pas les couvertures inférieures des ailes d’un jaune si vif que lorsqu'ils s’en 
retournent. Îl peut se faire que l'âge plus avancé amène encore d’autres diffé- 
rences dans les deux sexes, et de là toutes celles que l’on remarque dans les 
descriptions. 

Les pinsons d'Ardenne ne nichent point dans nos pays ; ils y passent, d’une 
année à une autre, en très grandes troupes. Le temps de leur passage est 
l’automne et l'hiver : souvent ils s’en retournent au bout de huit ou dix jours ; 
quelquefois ils restent jusqu’au printemps. Pendant leur séjour, ils vont avec 
les pinsons ordinaires, et se retirent, comme eux, dans les feuillages. Il en 
parut des volées très nombreuses en Bourgogne, dans l'hiver de 1774, et des 
volées encore plus nombreuses dans le pays de Wurtemberg, sur la fin de dé- 
cembre 1775; ceux-ci allaient se gîter tous les soirs dans un vallon sur les 
bords du Khin , et , dès l’aube du jour, ils prenaient leur vol. La même chose 
avait été observée dans les années 1735 et 1757. On ne vit peut-être jamais 
un aussi grand nombre de ces oiseaux en Lorraine que dans l'hiver de 1765: 
chaque nuit on en tuait plus de six cents douzaines , dit M. Louinger, dans 
des forêts de sapins qui sont à quatre ou cinq lieues de Saarbourg. On ne pre- 


nait pas la peine de les tirer , on les assommait à coups de gaule et quoique 


AO 


ce massacre eût duré tout l'hiver, on ne s’apercevait presque pas à la fin que 
la troupe eùt été entamée. M. Willughby nous apprend qu’on en voit beaucoup 
aux environs de Venise, sans doute au temps du passage; mais nulle partilsne 
reviennent aussi régulièrement que dans les forêts de Weissembourg, où 
abonde le hêtre, et par conséquent la faîne , dont ils sont très friands. Ils 
en mangent le jour et la nuit: ils vivent aussi de toutes sortes de petites graines. 

Ces oiseaux restent dans leur pays natal tant qu’ils y trouvent la nourriture 
qui leur convient, et que c’est la disette quiles oblige à voyager ; du moins il 
est certain que l'abondance des graines qu’ils aiment de préférence ne suffit pas 
toujours pour les attirer dans un pays , même dans un pays qu'ils connaissent; 
car, en 1774, quoiqu'il y eût abondance de faîne en Lorraine , ces pinsons n’y 
parurent pas, et prirent une autre route : l’année suivante, au contraire, on en 
vit quelques troupes , quoique la faîne eût manqué. Lorsqu'ils arrivent chez 
nous , ils ne sont point du tout sauvages, et se laissent approcher de fort près. 
Ils volent serrés, se posent et partent de même ; cela est au point que l’on 
en peut tuer douze ou quinze d’un seul coup de fusil. 

En pâturant dans un champ, ils font à-peu-près la même manœuvre que 
les pigeons ; de temps en temps on en voit quelques-uns se porter en avant, 
lesquels sont bientôt suivis de toute la bande. 

Ce sont, comme l’on voit, des oiseaux connus et répandus dans toutes les 
parties de l'Europe , du moins par leurs voyages, mais ils ne se bornent point 
à l'Europe: M. Edwards en a vu qui venaient de la baie de Hudson, sous le 
nom d'oiseaux de neige; et les gens qui fréquentent cette contrée lui ont assu- 
ré qu'ils étaient les premiers à y reparaître chaque année au retour du prin- 
temps, avant même que les neiges fussent fondues. 

La chair des pinsons d’Ardenne , quoiqu’un peu amère, est fort bonne à 
manger, et certainement meilleure que celle du pinson ordinaire. Leur plu- 
mage est aussi plus varié , plus agréable , plus velouté ; mais il s’en faut beau- 
coup qu'ils chantent aussi bien : on a comparé leur voix à celle de la chouette 
et à celle du chat. Ils ont deux cris : l’un est une espèce de piaulement; l’autre, 
qu’ils font entendre étant posés à terre, approche de celui du traquet, maisil 
n’est ni aussi fort ni aussi prononcé. Quoique nés avec si peu de talens natu- 
rels , ces oiseaux sont néanmoins susceptibles de talens acquis: lorsqu'on les 
tient à portée d’un autre oiseau dont le ramage est plus agréable, le leur 
-s’adoucit, se perfectionne, et devient semblable à celui qu’ils ont entendu. 

Un chasseur m'a assuré que ces oiseaux nichaient dans le Luxembourg ; 
qu’ils posaient leurs nids sur les sapins les plus branchus, assez haut; qu'ils 


commençaient à y travailler sur la fin d'avril ; qu'ils y employaient la longue 


mousse des sapins au dehors, du crin , de la laine et des plumes au dedans ; | 


que la femelle pondait quatre ou cinq œufs jaunâtres et tachetés, et que les 
petits commençaient à voltiger de branche en branche dès la fin de mai. 

Le pinson d’Ardenne est un oiseau courageux, qui se défend avec son bec 
jusqu’au dernier soupir. Tous conviennent qu'il est d’un naturel plus doux que 
notre pinson ordinaire, et qu'il donne plus facilement dans les pièges. On en 
tue beaucoup à certaines chasses que l’on pratique dans le pays de Weissem- 
bourg; et qui méritent d’être connues. On se rassemble pour cela dans la pe- 
tite ville de Bergzabern et, le jour étant pris, on envoie, la veille, des ob- 
servateurs à la découverte, pour remarquer les arbres sur lesquels ils ont cou- 
tume de se poser le soir; c’est communément sur les petits picéas et sur d’autres 
arbres toujours verts qu’on les, trouve réunis. Ces observateurs, de retour, 
servent de guides à la troupe. Elle part le soir avec des flambeaux et des sar- 
bacanes ; les flambeaux servent à éblouir les oiseaux et à éclairer les chasseurs; 
les sarbacanes servent à ceux-ci pour tuer les pinsons avec de petites boules 
de terre sèche. On les tire de très près, afin de ne les point manquer; car 
s’il y en avait un seul qui ne füt que blessé, ses cris donneraient infaillible- 
ment l'alarme aux autres, et bientôt ils s’envoleraient tous à-la-fois. 

La nourriture principale des pinsons d’Ardenne que l’on veut avoir en cage, 
se compose de panis, de chenevis, de faîne, etc. Olina dit qu'ils vivent quatre 
ou cinq ans. 


VEUVE AU COLLIER D'OR. 


(Plat 


Le cou de cette veuve est ceint par derrière d’un demi-collier fort large , 
d'un beau jaune doré : elle à la poitrine orangée, le ventre et les cuisses blan- 
ches , le bas-ventre et les couvertures du dessous de la queue noirâtres, la 
tête, la gorge, le devant du cou, le dos, les ailes et la queue noirs. Ceue 
queue est comme celle des autres oiseaux ; elle est composée de douze pennes 


ES de NT in Gé, TE D 


OP 


à-peu-près égales , et recouverte par quatre longues plumes qui naissent aussi 

du croupion, mais un peu plus haut: les deux plus longues ont environ treize 
pouces: elles sont noires , de même que les pennes de la queue , et paraissent 
ondées et comme moirées , elles sont aussi un peu arquées comme celles du 
coq; leur largeur, qui est de neuf lignes près du croupion , se réduit à trois li- 
gnes vers leur extrémité, les deux plus courtes sont renfermées entre les deux 
plus longues , et n’ont que la moitié de leur longueur ; maïs elles sont une fois 
aussi larges, et se terminent par un filet délié, par une espèce de brin de soie, 
qui à plus d'un pouce de long. 

Ces quatre plumes ont leur plan dans une situation verticale , et sont diri- 
gées en bas; elles tombent tous les ans à la première mue, c'est-à-dire vers le 
commencement de novembre, et à cette même époque, le plumage de l'oiseau 
change entièrement et devient semblable à celui du pinson d’Ardenne. Dans 
ce nouvel état, la ‘veuve a la tête variée de blanc et de noir, la poitrine , le 
dos, les couvertures supérieures des ailes d’un orange terne, moucheté de noi- 

râtre; les pennes de la queue et des ailes d’un brun très foncé, le ventre et 
tout le reste du dessous du corps blancs. C'est là son habit d'hiver; ellele conserve 

. jusqu'au commencement de la belle saison, temps où elle éprouve une seconde 
mue tout aussi considérable que la première , mais plus heureuse dans ses ef- 
fets, puisqu’elle lui rend ses belles couleurs ; ses longues plumes et toute sa pa- 
rure: dès la fin de juin, ou le commencement de juillet, elle refait sa queue en 
entier. La couleur des yeux , du bec et des pieds, ne varie point; les yeux 

- sont toujours marron , le bec de couleur plombée , et les pieds couleur 
de chair. 

Les jeunes femelles sont à-peu-près de la couleur des mâles en mue ; mais, 
au bout de trois ans , elles deviennent d'un brun presque noir, et leur couleur 
ne change plus dans aucun temps. | 

Ces oiseaux sont communs dané le royaume d’Angola , sur la côte occiden- 
tale de l'Afrique , on en a vu aussi qui venaient de Mozambique, petite île si- 
tuée près de la côte orientale de ce même continent ; ils différaient très peu 
des premiers. k 

La longueur totale de la Veuve au collier d’or est de quinze pouces; sa lon- 
gueur prise de la pointe du bec jusqu’au bout des ongles , de quatre pouces et 
demi; le bec a quatre lignes et demie; le vol, neuf poucés: la fausse queue, 
treize pouces; la queue véritable, vingt-et-une lignes: celle-ci dépasse les 
ailes d'environ un pouce. 


Toutes les espèces de Veuves se trouvent en Afrique; mais elles n’appar- 


OISEAUX. 13 


DR 


tiennent pas exclusivement à ce climat, puisqu'on en à vu en Asie jusqu'aux 
îles Philippines: toutes ont le bec des granivores, de forme conique, plus ou 
moins raccourci, mais toujours assez fort pour casser les graines dont elles se 
nourrissent : toutes sont remarquables par leur longue queue , ou plutôt par les 
longues plumes qui, dans la plupart des espèces, accompagnent la véritable 
queue du mâle, et prennent naissance plus haut ou plus bas que le rang des 
pennes dont cette queue est composée ; toutes enfin, ou presque toutes sont 
sujettes à deux mues par an , dont l'intervalle, qui répond à la saison de pluies, 
est de six à huit mois, pendant lesquels les mâles sont privés non-seulement de 
la longue queue dont je viens de parler, mais encore de leurs belles couleurs 
et de leur joli ramage. Ce n’est qu’au retour du printemps qu’ils commencent à 
recouvrer les beaux sons de leur voix, à reprendre leur véritable plumage, 
leur longue queue, en un mot, tous les attributs, toutes les marques de leur 
dignité. 

Les femelles qui subissent les mêmes mues, non-seulement perdent moins, 
parce qu’elles ont moins à perdre, mais elles n’éprouvent pas même de chan- 
gement notable dans les couleurs de leur plumage. 

Quant à la première mue des jeunes mâles , on sent bien qu’elle ne peut 
avoir de temps fixe; et qu’elle est avancée ou retardée , suivant l’époque de 
leur naissance: ceux qui sont venus des premières pontes commencent à 
prendre leur longue queue dès le mois de mai; ceux au contraire qui sont ve- 
nus des dernières pontes ne la prennent qu’en septembre et même en octobre. 

Les voyageurs disent que les Veuves font leur nid avec du coton; que ce nid 
a deux étages, que le mâle habite l'étage supérieur, et que la femelle couve 
au rez-de-chaussée. Il serait possible de vérifier ces petits faits en Europe et 
même en France, où, par des soins bien entendus, on pourrait faire pondre 
et couver les Veuves avec succès, comme on l’a fait en Hollande. 

Ce sont des oiseaux très vifs, très remuans , qui lèvent et baissent sans cesse 
leur longue queue: ils aiment beaucoup à se baigner, ne sont point sujets 
aux maladies, et vivent jusqu’à douze ou quinze ans. On les nourrit avec un 
mélange d’alpiste et de millet, et on leur donne pour rafraîchissement des 
feuilles de chicorée. 

Au reste, il est assez singulier que ce nom de /’euves, sous lequel ils sont 
généralement connus aujourd’hui , et qui paraît si bien leur convenir, ne leur 
ait été néanmoins donné que par pure méprise : les Portugais les appelèrent 
d'abord oiseaux de Whidha (c'est-à-dire de Juida ), parce qu'ils sont très 
communs sur cette côte d'Afrique. La ressemblance de ce mot avec celui qui 


= 5 — 


signifie /’euve en langue portugaise aura pu tromper des étrangers ; quelques- 
uns auront pris l’un pour l’autre, et cette erreur se sera accréditée d'autant 
plus aisément, que le nom de J’euves paraissait, à plusieurs égards, fait pour 


ces oiseaux , soit à cause du noir qui domine dans leur plumage , soit à cause 
de leur queue traîfnante. 


VEUVE EN FEU. 


(PI, :1.) 


Tout est noir dans cet oiseau , et d’un beau noir velouté, à l'exception de la 
seule plaque rouge qu’il a sur la poitrine, et qui paraît comme un charbon ar- 
dent. Il a quatre longues plumes, toutes égales entre elles, qui prennent nais- 
sance au-dessous de la vraie queue, et la dépassent de plus du double de sa 
longueur. Elles vont toujours diminuant de largeur, en sorte qu’elles se termi- 
nent presque en pointe. 

Cette Veuve se trouve au cap de Bonne-Espérance et à l’île Panay, l’une des 
Philippines. Elle est de la grosseur de la Veuve au collier d’or : sa longueur to- 
tale est de douze pouces. 


RUBIS. 


(PI 02.) 


On donne ce nom à l’oiseau-mouche de la Caroline, Catesby n'exprime que 
faiblement léclat et la beauté de la couleur de sa gorge, en l'appelant wx 
email cramoisi: c'est le brillant et le feu d’un rubis ; vu de côté, il s'y méle 
une couleur d’or ; eten dessous, ce n’est plus qu’un grenat sombre. On peut 
remarquer que les plumes de la gorge sont taillées et placées en écailles, arron- 


— 100 — 


dies, détachées; cette disposition favorable pour augmenter les reflets, se 
trouve, soit au cou, soit sur la tête des oiseaux-mouches, dans toutes leurs 
plumes éclatantes. 

Le Rubis a tout le dessus du corps d’un vert doré changeant en couleur de 
cuivre rouge ; la poitrine et le devant du corps sent mêlés de gris blanc et de 
noirâtre : les deux plumes du milieu de la queue sont de la couleur du dos Cl 
les plumes latérales sont d’un brun pourpré. L’aile est d’un brun teint de violet, 
qui est, comme nous l'avons déjà observé, la couleur commune ‘des ailes de 
tous ces oiseaux. La coupe de leurs ailes est assez remarquable; on l’a com- 
purée à celle de la lame d’un cimeterre ture. Les quatre ou cinq premières 
pennes extérieures sont très longues; les suivantes le sont beaucoup moins, et 
les plus près du corps sont extrêmement courtes; ce qui, joint à ce que les 
grandes ont une courbure en arrière, fait ressembler les deux ailes ouvertes 
à un arc tendu: le petit corps de l'oiseau est au milieu comme la flèche de l'arc. 

Le Rubis se trouve en été à la Caroline, et jusqu’à la Nouvelle-Angleterre, et 
c’est la seule espèce d’oiseau-mouche qui s’avance dans ces terres septen- 
trionales. Quelques relations portent cet oiseau-mouche jusqu'en Gaspésie. Le 
P. Charlevoix prétend qu’on le voit au Canada, mais il paraît l'avoir assez mal 
connu, quand il dit que le fond de son nid est tissu de petits brins de bois, et 
qu'il pond jusqu'à cinq œufs; et ailleurs, qu’il a les pieds, comme le bec, 
fort longs. L'on ne peut rien établir sur de pareils témoignages. On donne la 
Floride pour retraite en hiver aux oiseaux-mouches de la Caroline : en été, ils 
y font leurs petits , et partent quand les fleurs commencent à se flétrir en au- 
tomne. Ce n’est que des fleurs qu’il tire sa nourriture, et l’on n’a jamais observé 
- qu'ilse nourrît d'aucun insecte, ni d'autre chose que du nectar des fleurs. 


RUBIS-ÉMERAUDE. 


(PL. 12.) 


Cet oiseau-mouche , beaucoup plus grand que le petitrubis de la Caroline , a 
quatre pouces quatre lignes de longueur : il a la gorge d’un rubis éclatant ou 
couleur de rosette, suivant les aspects : la tête , le cou , le devant et le dessus 


— 101 — 


du corps, vert d’émeraude à reflets dorés ; la queue rousse. On le trouve au 
Brésil de même qu'à la Guiane. 


RUBIS-TOPAZE. 


CAE) 


De tous les oiseaux de ce genre, celui-ci est le plus beau et le plus élégant: 
il ales couleurs et jette Le feu des deux pierres précieuses dont nous lui don- 
nons les noms ; il a le dessus de la tête et du cou aussi éclatant qu’un rubis ; 
la gorge et tout le devant du Cou , jusque sur la poitrine , vus de face, brillent 
comme une topaze aurore du Brésil; ces mêmes parties, vues un peu en des- 
. SOUS paraissent un or mat, et vues de plus bas encore, se changent en vert 
sombre ;:le haut du dos et le ventre sont d’un brun noir velouté ; l'aile est d’un 
brun violet ; le bas-ventre blanc; les couvertures inférieures de la queue et 
ses pennes sont d’un beau roux doré et teint de pourpre; elle est bordée de 
brun au bout ; le croupion est d’un brun relevé de vert doré ; l'aile pliée ne dé- 
passe pas là queue , dont les pennes sont égales ; elle est large , et l’oiseau l’é- 
tale avec grâce en volant. | 

Le rubis-topaze est assez grand dans son genre : sa longueur totale est.de 
trois pouces quatre à six lignes ; son bec est long de sept à huit. Cette belle 


espèce paraît nombreuse , et elle est devenue commune dans les cabinets des 
naturalistes. On peut leur remarquer un caractère que portent plus ou moins 


tous les oiseaux-mouches et colibris ; c'est d’avoir le bec bien garni de plumes 
à sa base, quelquefois jusqu’au quart ou au tiers de sa longueur. 

La femelle n’a qu'un trait d’or ou de topaze sur la gorge et le devant du cou: 
le reste du dessous de son corps est gris-blanc. 


— 102 — 


HUPPE-COL. 


(PI, x.) 


Ce nom désigne un caractère fort singulier, et qui suffit pour faire distin- 
guer cet oiseau de tous les autres: non-seulement sa tête est ornée d’une huppe 
rousse assez longue , mais de chaque côté du cou, au-dessous des oreilles, 
partent sépt ou huit plumes inégales. Les deux plus longues , ayant six à sept 
lignes , sont de couleur rousse , et étroites dans leur longueur ; mais le bout 
un peu élargi est marqué d’un point vert; l'oiseau les relève en les dirigeant 
én arrière : dans l’état de repos, elles sont couchées sur le cou, ainsi que 
sa belle huppe; tout cela se dresse quand il vole , et alors l’oiseau paraît 
tout rond. 

Le huppe-col a la gorge et le devant du cou d’un riche vert doré; la tête 
et tout le dessus du corps est vert avec des reflets éclatans d’or et de bronze, 
jusqu’à une bande blanche qui traverse les reins; de là, jusqu’au bout de la 
queue règne un or luisant sur un fond brun aux barbes extérieures des pennes, 
et roux aux intérieures , le dessous du corps est vert doré brun, le bas-ventre 
blanc. La grosseur du huppe-col ne surpasse pas celle de l’améthyste. Sa fe- 
melle lui ressemble, si ce n’est qu’elle n’a point de huppe ni d'oreilles , qu’elle 
a la bande roussâtre, ainsi que la gorge ; le reste du dessous du corps, roux, 
nuancé de verdàtre ; son dos et le dessus de sa tête sont , comme dans le mâle, 
d’un vert à reflets d’or et de bronze. 


— 103 — 


CRAVATE DORÉE. 


QUE 12.) 


L'oiseau donné sous ce nom a sur la gorge un trait doré. Sa longueur est de 
trois pouces cinq ou six lignes : tout le dessous du corps, à l'exception du trait 
doré du devant du cou, est gris-blane, et le dessous vert doré. 


COLIBRI-TOPAZE. 


(PIE 2") 


Le colibri-topaze paraît être, même indépendamment des deux longs brins 
de sa queue, le plus grand des oiseaux-mouches. Nous dirions qu’il est aussi 
le plus beau, si tous ces oiseaux brillans par leur beauté n’en disputaient le 
prix, et ne semblaient l'emporter tour-à-tour à mesure qu’on les admire. La 
taille du colibri-topaze , mince , svelte, élégante, est un peu au-dessous de 
celle de notre grimpereau. La longueur de l'oiseau , prise de la pointe du bec 
à celle de la vraie queue, est de près de six pouces ; les deux longs brins l’ex- 
cèdent de deux pouces et demi. Sa gorge et le devant du cou sont enrichis 
d’une plaque topaze du plus grand brillant ; cette couleur , vue de côté, se 
change en vert doré , et, vue en dessous , elle paraît d’un vert pur ; une coiffe 
d’un noir velouté couvre la tête ; un filet de ce même noir encadre la plaque 
topaze ; la poitrine, le tour du cou et le haut du dos sont du plus beau pour- 
pre foncé ; le ventre est d’un pourpre encore plus riche , et brillant de reflets 
rouges et dorés ; les épaules et le bas du dos sont d’un roux aurore ; les 


— 104 — 


grandes pennes de l’aile sont d’un brun violet; les petites pennes sont rousses ; 
la couleur des couvertures supérieures et inférieures de la queue est d’un vert 
doré, ses pennes latérales sont rousses , et les deux intermédiaires sont d’un 
brun pourpré: elles portent les deux longs brins , qui sont garnis de roue 
barbes de près d’une ligne de large de chaque côté. 

La disposition naturelle de ces longs brins est de se croiser un peu au-delà 
de l'extrémité de la queue, et de s’écarter ensuite en divergeant. Ces brins 
tombent dans la mue; et dans ce temps, le mâle, auquel seul ils appartiennent, 
ressemblerait à la femelle, s’il n’en différait par d’autres caractères. La fe- 
melle n'a pas la gorge topaze, mais seulement marquée d’une légère trace de 
rouge; de même, au lieu du beau pourpre et du roux de feu du plumage du 
mâle, presque tout celui de la femelle n’est que d’un vert doré. Ils ont tous 
deux les pieds blancs. | 

‘Aussi brillant, aussi léger que l’oiseau-mouche, et vivant comme lui sur 
les fleurs , le colibri est paré de même de tout ce que les plus riches couleurs 
ont d’éclatant, de moelleux , de suave : et ce que nous avons dit de la beauté 
de l’oiseau-mouche , de sa vivacité , de son vol bourdonnant et rapide, de sa 
constance à visiter les fleurs , de sa manière de nicher et de vivre, doit s’ap- 
pliquer également au colibri: un même instinct anime ces deux charmans 
oiseaux ; et comme ils se ressemblent presqu'en tout, souvent on les a con- 
fondus sous un même nom. 

Celui de colibri est pris de la langue des Caraïbes. Cependant ils diffèrent 
les uns des autres par un caractère évident et constant : cette différence est dans 
le bec. Celui des colibris , égal et filé, légèrement renflé par le bout, n’est 
pas droit comme dans l’oiseau-mouche, mais courbé dans toute sa longueur: 
il est aussi plus long à 
libris paraît plus allongée que celle des oiseaux-mouches ; ils sont aussi géné- 


proportion. De plus, la taille svelte et légère des co- 


ralement plus gros : cependant il y a de LUS colibris moindres que les grands 
oiseaux-mouches. 

Tous les naturalistes attribuent avec raison aux colibris et aux oiseaux- 
mouches la même manière de vivre , et l’on a également contredit leur Opi- 
nion sur ces deux points; mais les mêmes raisons que nous avons déjà dé- 
duites y font tenir , et la ressemblance de ces deux oiseaux en tout le reste, 
garantit le témoignage des auteurs qui leur attribuent le même genre de vie. 

Il n'est pas plus facile d'élever les petits du colibri que ceux de l’oiseau- 


mouche ; aussi délicats , ils périssent de même en captivité. On a vu le père 
et la mère , par audace de tendresse, venir jusque dans les mains du ravisseur, 


nus... ai 


— 105 — 


porter de la nourriture à leurs petits. Labat nous en fournit un exemple assez 
intéressant pour être rapporté. 
« Je montrai, dit-il, au P. Montdidier, un nid de colibris qui était sur un 


A 


appentis auprès de la maison ; il lemporta avec les petits, lorsqu'ils eurent 
« quinze ou vingt jours, et le mit dans une cage à la fenêtre de sa chambre, 
« oùle pèreet la mère ne manquèrent pas de venir donner à manger à leurs 
« enfans, et s’apprivoisèrent tellement, qu'ils ne sortaient presque plus de la 
« chambre, où , sans cage, et sans contrainte , ils venaient manger et dormir 


"= 
# 


avec leurs petits. Je les ai vus souvent tous quatre sur le doigt du P. Montdi- 
« dier, chantant comme s'ils eussent été sur une branche d'arbre. Il les nourris- 
« sait avec une pâtée très fine et presque claire , faite avec du biscuit, du vin 
« d'Espagne et du sucre. Ils passaient leur langue sur cette pâte, et quandils 
« étaient rassasiés, ils voltigeaient et chantaient.... Je n’ai rien vu de plus 
« aimables que ces quatre petits oiseaux , qui voltigeaient de tous côtés dedans 
« et dehors de la maison, et qui revenaient dès qu’ils entendaient la voix deleur 
« père nourricier. » 

Marcgrave qui ne sépare pas les colibris des oiseaux-mouches, ne donne 
à tous qu'un même petit cri. Thevet et Léry assurent seul que leur gonam- 
bouch , chante de manière à le disputer au rossignol; et ce n’est que d’après 
eux que Coréal et quelques autres on répété la même chose: mais il y a toute 
apparence que c’est une méprise. 

Il ne paraît pas que les colibris s’avancent aussi loin dans l'Amérique sep- 


. tentrionale que les oiseaux-mouches ; du moins Catesby n’a vu à la Caroline 


qu’une seule espèce de ces derniers oiseaux ; et Charlevoix, qui prétend avoir 
trouvé un oiseau-mouche au Canada, déclare qu’il n’y a point vu de co- 
libris. Cependant ce n’est pas le froid de cette contrée qui les empêche d’y fré- 
quenter en été; car ils se portent assez haut dans les Andes pour y trouver ure 
température déjà froide. M. de la Condamine n’a vu nulle part des colibris en 
plus grand nombre que dans les jardins de Quito, dontle climat n’est pas bien 
chaud. C’est donc à 20 ou 21 degrés de température qu’ils se plaisent; c’est là 
que , dans une suite non interrompue de jouissances et de délices, ils volent 
de la fleur épanouie à la fleur naissante , et que l’année composée d’un cercle 
entier de beaux jours , ne fait pour eux qu’une seule saison de bonheur. 


OISEAUX. 14 


— 106 — 


-MANUCODE. 


(PI. :3.) 


Le manucode, que je nomme ainsi d’après son nom indien ou plutôt super- 
sütieux manucodiata, qui signifie oiseau de Dieu, est appelé communément 
le roi des oiseaux de paradis; c’est sur des récits fabuleux de Marius que 
Clusius tirases principales observations. S'il faut en croire ces narrations, cha- 
cune des deux espèces d'oiseaux de paradis avait son roi, à qui tous les autres 
paraissaient obéir avec beaucoup de soumission et de fidélité ; et ce roi volait 
toujours au-dessus de la troupe, planait sur ses sujets , delà , il leur donnait 
ses ordres pouraller reconnaître les fontaines où l’on pouvait aller boire sans dan- 
ger, en en faisant l’épreuve sur eux-mêmes , etc. Quoi qu’il en soit, ce préten- 
du roi a plusieurs traits de ressemblance avec l'oiseau de paradis , etil s’en 
distingue aussi par plusieurs différences. 

L'oiseau de paradis a, comme le manucode , la tête petite et couverte d’une 
espèce de velours, les yeux encore plus petits , situés au-dessus de l’angle de 
l'ouverture du bec, les pieds assez longs et assez forts, les couleurs du plu- 
mage changeantes, deux filets à la queue à-peu-près semblables, excepté qu'ils 
sont plus courts et que leur extrémité , qui est garnie de barbe, fait la boucle 
en se roulant sur elle-même; elle est ornée de miroirs semblables en petit à 
ceux du paon. Il a aussi sous l’aile , de chaque côté , un paquet de sept ou huit 
plumes plus longues que dans Ia plupart des oiseaux, mais moins longues et 
d’une autre forme que dans l'oiseau de paradis , puisqu'elles sont garnies dans 
toute leur longueur de barbes adhérentes entre elles. Les autres différences 
sont que le manucode est plus petit, qu'il a le bec blanc et plus long à propor- 
tion , les ailes aussi plus longues , la queue plus courte et les narines couvertes 
de plumes. 


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ave SAS CE ei LAAQ 


— 107 — 


MANUCODE NOIR 


DE LA NOUVELLE-GUINÉE OU SUPERBE. 


(Pl. 132) 


Le noir est la principale couleur qui règne sur le plumage de cet oiseau, c’est 
un noir riche et velouté, relevé sous le cou et en plusieurs autres endroits par 
des reflets d’un violet foncé. On voit briller sur la tête , la poitrine et la face 
postérieure du cou; les nuances variables qui composent ce qu’on appelle un 
beau vert changeant ; tout le reste est noir, sans en excepter le bec. 

Le Superbe se rapproche des oiseaux de paradis non-seulement par sa forme 
totale et celle de son bec, mais encore par l'identité de climat, par la richesse 
de ses couleurs, et par une certaine surabondance , ou, si lon veut, par un 
certain luxe de plumes, qui est, comme on sait, propre aux oiseaux de paradis. 
Ce luxe de plumes se marque dans celui-ci, en premier lieu, par deux petits 
bouquets de plumes noires qui recouvrentles deux narines; en second lieu, 
par deux autres paquets de plumes de même couleurs, mais beaucoup plus lon- 
ques et dirigées en sens contraire. Ces plumes prennent naissance des épaules, 
elles se relèvent plus ou moins sur le dos, mais toujours inclinées en arrière, 
elles forment à l'oiseau des espèces de fausses ailes qui s'étendent presque 
jusqu’au bout des véritables, lorsque celles-ci sont dans leur situation de repos. 

Il faut ajouter que ces plumes sont de longueurs inégales , et que celles de la 
face antérieure du cou et des côtés de la poitrine sont longues et étroites. 


— 108 — 


MAGNIFIQUE DE LA NOUVELLE-GUINÉE 


OU 


MANUCODE À BOUQUETS. 


(PL 523) 


Les deux bouquets se trouvent derrière le cou et à sa naissance. Le pre- 
mier est composé de plusieurs plumes étroites, de couleur jaunâtre, marquées 
près de la pointe d'une petite tache noire, et qui, au lieu d’être couchées 
comme à l'ordinaire, se relèvent sur leur base, les plus proches de la tête 
jusqu’à l'angle droit , et les suivantes de moins en moins. 

Au-dessous de ce premier bouquet, on en voit un second plus considérable , 
mais moins relevé et plus incliné en arrière. Îl est formé de longues barbes 
détachées qui naissent de tuyaux fort courts, et dont quinze ou vingt se réu- 
nissent ensemble , pour former des espèces de plumes couleur de paille. Ces 
plumes semblent avoir été coupées carrément par le bout , et font des angles 
plus ou moins aigus avec le plan des épaules. 

Ce second bouquet est accompagné, de droite et de gauche ; de plumes or- 
dinaires, variées de brun et d’orangé, et il est terminé en arrière , je veux 
dire du côté du dos, par une tache d’un brun rougeûtre et luisant , de forme 
triangulaire, dont la pointe ou le sommet est tourné vers la queue , et dont les 
plumes sont décomposées comme celles du second bouquet. 

Un autre trait caractéristique de cet oiseau, ce sont les deux filets de la 
queue : ils sont longs d'environ un pied , larges d’une ligne, d’un bleu chan- 
geant en vert éclatant, et prennent naissance au-dessus du croupion. Dans 
tout cela ils ressemblent fort aux filets de l’espèce précédente ; mais ils en 
différent par leur forme, car ils se terminent en pointe, et n’ont de barbes 
que sur la partie moyenne du côté intérieur seulement. 

Le milieu du cou et de la poitrine est marqué depuis la gorge par une rangée 


— 109 — 


de plumes très courtes, présentant une suite de petites lignes transversales qui 
sont alternativement d’un beau vert clair changeant en bleu, et d’un vert ca- 
nard foncé. | 

Le brun est la couleur dominante du bas-ventre , des reins et de la queue : 
le jaune roussâtre est celle des pennes des ailes et de leurs couvertures ; mais 
les pennes ont de plus une tache brune à leur extrémité. 

Au reste, ce manucode est un peu plus gros que celui dont nous venons de 

parler à l’article précédent; il a le bec de même, et les plumes du front s’éten- 
dent sur les narines, qu’elles recouvrent en partie ; ce qui est une exception 
au caractère établi pour ces sortes d'oiseaux ; mais les naturalistes sont accou- 
tumés à voir la nature toujours libre dans sa marche, toujours variée dans ses 
procédés , échapper à leurs entraves et se jouer de leurs lois. 
Les plumes de la tête sont courtes, droites, serrées et fort douces au tou- 
cher; c’est une espèce de velours de couleur changeante, comme dans presque 
tous les oiseaux de paradis, et le fond de cette couleur est un mordoré brun ; 
la gorge est aussi revêtue de plumes veloutées ; mais celles-ci sont noires, 
avec des reflets verts dorés. | 


SIFILET 


OU 


MANUCODE À SIX FILETS. 


(PL 13) 


Si l'on-prend les filets pour le caractère spécifique des manucodes, celui-ci 
est le manucode par excellence ; car au lieu de deux filets il en a six, et de 
ces six il n’en sort pas un seul du dos, mais tous prennent naissance de la tête, 
trois de chaque côté ; ils sont longs d’un demi-pied , et se dirigeñt en arrière; 
ils n’ont de barbes qu’à leur extrémité , sur une étendue d’environ six ligues ; 
ces barbes sont noires et assez longues. 


— 110 — 


Indépendamment de ces filets , cet oiseau a encore d’autres attributs qui, 
comme nous l'avons dit, semblent propres aux oiseaux de paradis : le luxe des 
plumes et la richesse des couleurs. 

Le luxe des plumes consiste en une sorte de huppe composée de plumes 
raides et étroites , et dans la longueur des plumes du ventre et du bas-ventre, 
lesquelles ont jusqu’à quatre pouces et plus. 

A l'égard du plumage , les couleurs les plus éclatantes brillent sur son cou; 
par derrière, le vert doré et le violet bronzé; par devant, l’or de la topaze 
avec des reflets qui se jouent dans toutes les nuances du vert; et ces couleurs 
tirent un nouvel éclat de leur opposition avec les teintes rembrunies des parties 
voisines ; car la tête est d’un noir changeant en violet foncé, et tout le reste 
du corps est d’un brun presque noirâtre , avec des reflets du même violet foncé. 

Le bec de cet oiseau est le même à-peu-près que celui des oiseaux de pa- 
radis ; la seule différence , c’est que son arête supérieure est anguleuse et tran- 
chante, au lieu qu’elle est arrondie dans la plupart des autres espèces. 

L’individu qui a servi de sujet à cette description est enfilé, dans toute sa 
longueur, d’une baguette qui sort par le bec , et le dépasse de deux ou trois 
pouces. C’est de cette manière très simple, et en retranchant les plumes de 
mauvais effet, que les Indiens savent se faire sur-le-champ une aigrette ou 
une espèce de panache tout-à-fait agréable, avec le premier petit oiseau à 
beau plumage qu’ils trouvent sous la main ; mais aussi c’est une manière sûre 
de déformer ces oiseaux et de les rendre méconnaissables. Cette habitude a 
pu être la cause de beaucoup d'erreurs , et l’on a pu dire sans être taxé de trop 
de crédulité, que cet oiseau joignait à la singularité d’être né sans pieds, la 
singularité bien plus grande d’être né sans ailes. 


COQ DE ROCHE. 


(PRES) 


Cet oiseau (1), quoique d’une couleur uniforme , est l’un des plus beaux de 
l'Amérique méridionale. Il se nourrit de fruits, peut-être faute de grains ; car 


(1) Les Francais qui habitent l'Amérique appellent cet oiseau coq de roche, et, plus souvent, coq 


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— A111 — 


il serait du genre des gallinacés s’il n’en différait pas par la forme des doigts ; 
qui sont joints par une membrane , le premier et le second jusqu’à la troi- 
sième articulation, et le second au troisième jusqu’à la première seulement. 
Ila le bec comprimé par les côtés vers l’extrémité , la queue très courte et 
coupée carrément; quelques-unes des plumes ont une espèce de frange de 
chaque côté, et la première grande plume de chaque aile est échancrée. Mais 
ce qui le distingue et le caractérise plus particulièrement , c’est la belle huppe 
qu'il porte sur la tête: elle est longitudinale en forme de demi-cercle. Cet 
oiseau est très différent de tous les autres, et fort aisé à reconnaître. La fe- 
melle diffère du mâle en ce que le plumage de celui-ci est d’une belle couleur 
rouge, au lieu que celui de la femelle est entièrement brun ; on aperçoit seule- 
ment quelques teintes de roux sur les reins, la queue , et les pennes des ailes. 
Sa huppe double, comme celle du mâle, est moins fournie, moins élevée, 
moins arrondie , et plus avancée sur le bec , que celle du mâle. Tous deux sont 
ordinairement plus gros et plus grands qu'un pigeon ramier. 

Le mâle ne prend qu'avec l’âge sa belle couleur rouge; dans la première 
année , il n’est que brun comme la femelle: mais, à mesure qu'il grandit, son 
plumage prend des pointes et des taches de couleur rousse, qui deviennent 
tout-à-fait rouges lorsqu'il est adulte , et peut-être même âgé ; car il est assez 
rare d’en trouver qui soient peints partout et uniformément d’un beau rouge. 

Quoique cet oiseau ait dû frapper les yeux de tous ceux qui l'ont rencontré à 
aucun voyageur n’a fait mention de ses habitudes naturelles. M. de Manon- 
court est le premier qui l’ait observé. Il habite non-seulement les fentes pro- 
fondes des rochers , mais même les grandes cavernes obscures, où la lumière 
du jour ne peut pénétrer; ce qui a fait croire à plusieurs personnes que le coq 
de roche était un oiseau de nuit : mais c’est une erreur ; car il vole et voit 
très bien pendant le jour. 

Il paraît que l’inclination naturelle de ces oiseaux les rappelle plus souvent 
à leur habitation obscure qu'aux endroits éclairés , puisqu'on les trouve en 
grand nombre dans les cavernes où l’on ne peut entrer qu'avec des flambeaux. 
Néanmoins, comme on en trouve aussi pendant le jour en assez grand nombre 
aux environs de ces mêmes cavernes, on doit présumer qu'ils ont les yeux 
comme les chats, qui voient très bien pendant le jour, et très bien aussi pen- 


dant la nuit. 


de bois; mais le premier nom lui convient mieux, parce qu'il se tient presque toujours dans les fentes 


des rochers, et même dans des cavernes assez profondes, 


— 112 — 


Le mâle et la femelle sont également vifs et très farouches; on ne peut les 
tirer qu’en se cachant derrière quelque rocher , où il faut les attendre souvent 
pendant plusieurs heures avant qu’ils se présentent à la portée du coup, 
parce que au moindre bruit ils fuient assez loin par un vol rapide , mais court 
et peu élevé. Ils se nourrissent de pelits fruits sauvages , et ils ont l'habitude 
de gratter la terre, de battre des ailes et de se secouer comme les poules : 
mais ils n’ont ni le chant du coq, ni la voix dela poule ; leur cri pourrait s’ex- 
primer par la syllabe #e', prononcée d’un ton aigu et traînant. C'est dans un 
trou de rocher qu'ils construisent grossièrement leur nid , avec de petits mor- 
ceaux de bois sec: ils ne pondent communément que deux œufs sphériques et 
blancs, de la grosseur de l’œuf des plus gros pigeons. 

Les mâles sortent plus souvent des cavernes que les femelles, qui ne 
se montrent que rarement, et qui probablement sortent pendant la nuit. 
On peut les apprivoiser aisément, et M. de Manoncourt en à vu un dans 
le poste hollandais du fleuve Maroni, qu'on laissait en liberté vivre et courir 
avec les poules. 

On les trouve en assez grande quantité dans la montagne Luca, près d'Oya- 
poc, et dans la montagne Courouaye, près de la rivière d’Aprouak. Ce sont 
les seuls endroits de cette partie de l'Amérique où l’on puisse espérer de se 
procurer quelques-uns de ces oiseaux. On les recherche à cause de leur beau 
plumage, et ils sont fort rares et très chers, parce que les sauvages et les 
Nègres, soit par superstition ou par timidité, ne veulent point entrer dans les 
cavernes obscures qui leur servent de retraites. 

Il y a une autre espèce, ou plutôt une variété du coq de roche dans les pro- 
vinces du Pérou , qui diffère de celui-ci, en ce qu'il à la queue beaucoup plus 
longue, que les plumes ne sont pas coupées carrément : celles des ailes ne sont 
pas frangées comme dans le précédent. Au lieu d’être d’un rouge uniforme par- 
tout , il a les ailes et la queue noires , et le croupion d’une couleur cendrée. 
La huppe est aussi différente, moins élevée , et composée de plumes séparées. 

On pourrait croire que ces oiseaux sont, dans le nouveau continent, les repré- 
sentans de nos coqs et de nos poules : mais j'ai été informé qu'il existe, dans 
l’intérieur des terres de la Guiane et au Mexique, des poules sauvages , qui 
ressemblent beaucoup plus que les coqs de roche à nos poules ; on peut même 
les regarder comme très approchantes du genre de nos poules et de nos coqs 
. d'Europe ; elles sont , à la vérité, bien plus petites, ordinairement brunes et 
rousses ; elles ont la même figure de corps , la même petite crête charnue sur 
la tête et la même démarche que nos poules ; elles ont aussi la queue sem- 


— 115 — 


blable, et la portent de même: le cri des mâles est aussi Ie même qu) celui de 
nos coqs ; seulement il est plus faible. 

Les sauvages de l’ intérieur des terres connaissent parfaitement -ces oiseaux : 
cependant ils ne les ont pas réduits en domesticité , et cela n’est point étonnant, 
parce qu'ils n’ont rendu domestique aucun des animaux qui auraient pu leur 
être très utiles , tels que les hoceos, les marails, les agamis, parmi les oi- 
seaux ; les tapirs, les pecaris et les pacas, parmi les quadrupèdes. 

Les anciens Mexicains, qui , comme l’on sait , étaient civilisés, avaient au 
contraire réduit en domesticité quelques animaux , et particulièrement les pe- 
tites poules brunes. Gemelli Carreri rapporte qu’ils les appelaient chiaechia- 
lacea , et il ajoute qu’elles ressemblent en tout à nos poules domestiques , 
à l’exception qu’elles ont les plumes FLE, et qu’elles sont un peu plus 
petites. 


THÉ OÙ GRAND MANAKIN. 


(PI. 14.) 


La longueur de cet oiseau est de quatre pouces et demi, et il est à-peu- 
près de la grosseur d’un moineau: le dessus de la tête est couvert de plumes 
d’un beau rouge, qui sont plus longues que les autres, et que l'oiseau relève à 
volonté, ce qui lui donne alors l’air d’avoir une huppe ; le dos et les petites 
couvertures supérieures des ailes sont d’un beau bleu : le reste du plumage est 
noir velouté ; l'iris des yeux est d’une belle couleur de saphir , le bec est noir, 
et les pieds sont rouges. Ce n’est point un oiseau de long vol. 

Le manakin vert à huppe rouge est le Tijé jeune. On a vu plusieurs manakins 
verts déjà mélés de plumes bleues, et il faut observer qu’ils ne sont jamais 
dans l’état de nature, d’un vert décidé : leur vert est sombre. II faut que les 
Tijés jeunes et adultes soient assez communs dans les climats chauds de l’A- 
mérique , puisqu'on les envoie souvent avec les autres oiseaux de ces mêmes 
climats. 

Ces oiseaux sont petits et fort jolis; les plus grands ne sont pas si gros 


OISEAUX, 15 


— 114 — 


qu'un moineau , el les autres sont aussi petits que.le roitelet. Leurs caractères 
communs.et généraux sont d’avoir le bec court, droit, comprimé par les 
côtés, vers Le bout; la mandibule supérieure convexe en dessus, et légèrement 
échancrée sur les bords , un peu plus longue que la mandibule inférieure , 
qui est plane et droite sur sa longueur. 

Tous ces oiseaux ont aussi la queue courte et coupée carrément, et la même 
disposition dans les doigts que les coqs de roche, les todiers et les calaos ; c’est- 
à-dire, le doigt du milieu réuni étroitement au doigt extérieur , par une mem- 
brane , jusqu’à la troisième articulation et le doigt intérieur jusqu’à la première 
articulation seulement. Les manakins ne ressemblent en aucune façon au coq 
de roche par la conformation du corps; ils ont le bec à proportion beaucoup 
plus court ; ilsm’ont communément point de huüuppe, et dans les espèces qui sont 
huppées, ce n’est point une huppe double, comme dansle coqde roche, maisune 
huppe de plumes simples, un peu plus longues que les autres plumes de la tête. 

Les habitudes naturelles des manakins n'étaient pas connues , et ne sont pas 
encore aujourd'hui autant observées qu'il serait nécessaire pour en donner un 
détail exact. Nous ne rapporterons ici que ce qu’en a dit M. de Manon- 
court, qui à vu un grand nombre de ces oiseaux dans leur état de nature. Ils 
habitent les grands bois des climats chauds de l'Amérique , et n’en sortent ja- 
mais pour aller dans les lieux découverts, ni dans les campagnes voisines des 
habitations. Leur vol , quoique assez rapide , est toujours court et peu élevé : 
ils ne se perchent pas au faîte des arbres, mais sur les branches , à une hauteur 
moyenne ; ils se nourrissent de petits fruits sauvages , et ils ne laissent pas de 
manger aussi des insectes. 

On les trouye ordinairement en petites troupes de huit ou dix de là même 
espèce, et quelquefois ces petites troupes se confondent avec d’autres troupes 
d’espéces différentes du même genre , et même avec des compagnies d’autres 
petits oiseaux de genre différent , tels que les péfpits, etc. C’est ordinairement 
le matin qu'on les trouve ainsi réunis en nombre : ce qui semble les rendre 
joyeux ; car ils font alors entendre un petit gazouillement fin et agréable. La 
fraîcheur du matin leur donne cette expression de. plaisir ; car ils sont en si- 
lence pendant le jour , et cherchent à éviter la grande chaleur en se séparant 
de la compagnie, et se retirant seuls dans les endroits les plus ombragés et les 
plus fourrés des forêts. 

Quoique cette habitude soit commune à plusieurs espèces d'oiseaux , même 
dans nos forêts de France , où ils se réunissent pour gazouiller le matin et le 
soir , les manakins ne se rassemblent jamais le soir , et ne demeurent ensemble 


MAS EE 


que depuis le lever du soleil jusqu’à neuf ou dix heures du matin ; après quoi 
ils se séparent pour tout le reste de la journée et pour la nuit suivante. En gé- 
néral , ils préfèrent les terrains humides et frais aux endroits plus secs et plus 
chauds ; cependant ils ne fréquentent ni les marais ni le bord des eaux. 


ROI DES FOURMILLIERS. 


(PL 14.) 


Le roi des fourmilliers est le plus grand et le plus rare de tous les oiseaux de 
ce genre : on ne le voit jamais entroupes, et très rarement par paires ; on lui a 
donné son nom, parce qu'il est presque toujours seul parmi les autres qui sont 
en nombre, et qu'il est plus grand qu'eux. Nous avons d'autant plus de raison 
d'en faire une espèce particulière et différente de toutes les autres, que cette 
affectation avec laquelle ii semble fuir tous les autres oiseaux et même ceux de 
son espèce, est assez extraordinaire. Il a le bec d’une grosseur et d’une forme 
différente de celle du bec de tous les autres fourmilliers : mais il à plusieurs 
habitudes communes avec ces mêmes oiseaux. Ce roi des fourmilliers se tient 
presque toujours à terre, eLil est beaucoup moins vif que les autres, qui l’en- - 
vironnent en sautillant; il fréquente les mêmes lieux et se nourrit de même 
d'insectes , et surtout de fourmis. La femelle est, comme dans toutes les autres 
espèces de ce genre, plus grosse que le mâle. 

Cet oiseau, mesuré du bout du bec à l'extrémité de la queue, a sept pouces 
et demi de longueur. Son bec est brun , un peu crochu, long de quatorzeli- 
gnes, et épais de cinq lignes à sa base, qui est garnie de petites moustaches, 
les ailes pliées aboutissent à l'extrémité de la queue, qui n’a que quatorze li- 
gnes de longueur ; les pieds sont bruns , et longs de deux pouces. 

Le dessous du corps est varié de roux brun, de noirâtre etde blanc, et c’est 
la première de ces couleurs qui domine jusqu’au ventre, où elle devient moins 
foncée , et où le blanchâtre est la couleur dominante ; deux bandes blanches 
descendent des coins du bec, et accompagnent la plaque de couleur sombre 
de la gorge et du cou : on remarque sur la poitrine une tache blanche à -peu- 


— 116 — 


près triangulaire: le roux brun est la couleur du dessus du corps; il est 
nuancé de noirâtre et de blanc, excepté les reins et la queue, où il est sans 
mélange. 

Les fourmilliers sont des oiseaux de la Guiane qui ne ressemblent à aucun 
de ceux de l’Europe, ils me paraissent former un nouveau genre, qui est en- 
tièrement dù aux recherches de M. de Manoncourt. Cet habile observateur a bien 
voulu-me communiquer toutes les observations qu'il a faites dans ses voyages 
au Sénégal et en Amérique: c’est de ces mêmes observations que j'ai tiré 
l'histoire de la description de plusieurs oiseaux, et en particulier celle des 
fourmilliers. | 

L'on a remarqué qu'ils ne se perchaient point ou très peu , et qu'ils couraient 
à terre comme les perdrix. i 

Ils ont pour principaux caractères extérieurs , les jambes longues , la queue 
et les ailes courtes, l’ongle du doigt postérieur plus arqué et plus long que les 
antérieurs, le bec droit et allongé, la mandibule supérieure échancrée à son ex- 
trémité, qui se courbe à sa jonction avec la mandibule inférieure , qu’elle dé- 
borde d’environ une ligne ; la langue courte et garnie de petits filets cartilagi- 
neux et charnus vers sa pointe. 

En général , les fourmilliers se tiennent en troupes et se nourrissent de pe- 
tits insectes , et principalement de fourmis, lesquelles , pour la plupart, sont 
assez semblables à celles d'Europe. On rencontre presque toujours ces oiseaux 
à terre , c’est-à-dire, sur les grandes fourmillières, qui, dans l’intérieur de la 
Guiane, ont ordinairement plus de vingt pieds de diamètre. Ces insectes par 
leur multitude presque infinie, sont très nuisibles aux progrès de la culture, 
et même à la conservation des denrées dans cette partie de l'Amérique mé- 
ridionale. 

Dans les terres basses , humides et mal peuplées du continent de l'Amérique 
méridionale , les reptiles et les insectes semblent dominer par le nombre sur 
toutes les autres espèces vivantes. Il y a dans la Guiane et au Brésil des four- 
mis en si grand nombre , que, pour en avoir une idée , il faut se figurer des 
aires de quelques toises de largeur sur plusieurs pieds de hauteur ; et ces mon- 
ceaux immenses, accumulés par les fourmis, sont aussi remplis, aussi peuplés, 
que nos petites fourmilières , dont les plus grandes n’ont que deux ou trois 
pieds de diamètre , en sorte qu’une seule de ces fourmilières d'Amérique peut 
équivaloir à deux ou trois cents de nos fourmilières d'Europe : et non-seule- 
ment ces magasins, ces nids formés par ces insectes en Amérique , excèdent 
prodigieusement ceux de l'Europe par la grandeur , mais ils les excèdent en- 


un ‘hi 


core de beaucoup par le nombre. Il y a cent fois plas de fourmilières dass les 
terres désertes de la Guiane que dans aucune contrée de notre continent; et 
comme il est dans l’ordre de la nature que les unes deses productions servent à 
la subsistance des autres, on trouve dans ce même climat des quadrupèdes et 
des oiseaux qui semblent être faits pour se nourrir de fourmis. 

L’on distingue plusieurs espèces dans ces oiseaux mangeurs de fourmis; et, 
quoique différentes entre elles, on les trouve assez souvent réunies dans le 
même lieu : on voit ensemble ceux des grandes et ceux des petites espèces, et 
aussi Ceux qui ont la queue un peu longue et ceux qui l'ont très courte. 

Tous ces oiseaux ont les ailes et la queue fort courtes, ce qui les rend peu 
propres pour le vol, elles ne leur servent que pour courir et sauter légèrement 
sur quelques branches peu élevées. On ne les voit jamais voler en plein air: 
ce n’est pas faute d'agilité, car ils sont très vifs et presque toujours en mouve- 
ment ; mais c’est faute des organes ou plutôt des instrumens nécessaires à l’exé- 
cution du vol, leurs ailes et leur queue sont trop courtes pour pouvoir les sou- 
tenir et les diriger-dans un vol élevé et continu. 

La voix des fourmilliers est très singulière; its font entendre un cri qui va- 
rie dans les différentes espèces , mais qui, dans plusieurs , a quelque chose de 
fort extraordinaire, comme on le verra dans la description de chaque espèce 
particulière. 

Les environs des lieux habités ne leur conviennent pas; les insectes dont 
ils font leur principale nourriture s’y trouvent avec moins d’abondance: aussi 
ces oiseaux se tiennent-ils dans les bois épais et éloignés , et jamais dans lé$ 
savanes ni dans les autres lieux découverts et encore moins dans ceux qui sont 
voisins des habitations. Ils construisent avec des herbes sèches , assez grossiè- 
rement entrelacées , des nids hémisphériques , de deux , trois où quatre pouces 
de diamèure ; ils attachent ces nids ou les suspendent par les deux côtés sur des 
arbrisseaux , à deux ou trois pieds au-dessus de terre : les femelles y déposent 
trois à quatre œufs presque ronds. 

La chair de la plupart de ces oiseaux n’est pas bonne à manger; elle a un 
goût huileux et désagréable , et le mélange digéré des fourmis et des autres in- 
sectes qu'ils avalent, exhale une odeur infecte lorsqu'on les ouvre. 


— 118 — 


GEAI. 


(PI. 15.) 
LE 


Les geais (1) ont la première phalange du doigt extérieur de chaqu® pied 
unie à celle du doigt du milieu; le dedans de la bouche noir ; la langue de la 
même couleur , fourchue, mince, comme membraneuse et presque transpa- 
rente ; la vésicule du fiel oblongue ; l'estomac moins épais et revêtu de muscles 
moins forts que le gésier des granivores. Il faut qu'ils aient le gosier fort large, 
s'ils avalent, comme on dit , des glands , des noisettes , et même des châtaignes 
tout entières , à la manière des ramiers. 

Je me suis amusé quelquefois à considérer leur manège : si on leur donne 
un œillet, ils le prennent brusquement ; si on leur en donne un second , ils le 
prennent de même , etils en prennent ainsi tout autant que leur bec en peut 
contenir ; et même davantage ; car il arrive souvent qu'en happant les nou- 
veaux, ils laissent tomber les premiers, qu’ils sauront bien retrouver. Lors- 
qu’ils veulent commencer à manger , ils posent tous les autres œillets et n’en 
gardent qu'un seul dans leur bec ; s’ils ne le tiennent pas d’une manière avan- 
tageuse , ils savent fort bien le poser pour le reprendre mieux ; ensuite ils le 
saisissent sous'le pied droit, et à coup de bec ils emportent en détail d'abord 
les pétales de la fleur , puis l'enveloppe du calice, ayant toujours l’œil au guer, 
el regardant de tous côtés : enfin, lorsque la graine est à découvert , ils la man- 
gent avidement, et se mettent tout de suite à éplucher un second œæillet. 

Les geais différent des pies par une marque bleue, ou plutôt émaillée de dif- 
férentes nuances de bleu , dont chacune de ses ailes est ornée, et qui suflrait 
seule pour le distinguer de presque tous les autres oiseaux de l’Europe. Il a de 
plus sur le front un toupet de petites plumes noires, bleues et blanches : en gé- 


{ o = . . . . = 
(1) En latin, garrulus ; en espagnol, gayo, cayÿo; en italien, ghiandaia, gazza, verla, berta , 
bertina , baretino ; en allemand, Laher, hatzler, baum-hatzel, eichen-heher, nuss-heher, nuss-hecker 


jack, broc-hexter, marg-graff, marcolfus, en anglais, jay, ia ia, 


NET = 


néral , toutes ses plumes sont singulièrement douces et soyeuses au toucher, et 
il sait, en relevant celles de sa tête, se faire une huppe qu’il rabaisse à son gré. 
Il est d’un quart moins gros que la pie; il a la queue plus courte et les ailes 
plus longues à proportion , et , malgré cela, il ne vole guère mieux qu'elle. 

Le mâle se distingue de la femelle par la grosseur de la tête et par la viva- 
cité des couleurs ; les vieux diffèrent aussi des jeunes par le plumage. 

Les geais sont fort pétulans de leur nature ; ils ont les sensations vives, les 
mouvemens brusques , et dans leurs fréquens accès de colère , ils s’'emportent 
et oublient le soin de leur propre conservation, au point de se prendre quel- 
quefois la tête entre deux branches, et ils meurent ainsi suspendus en l'air : 
leur agitation perpétuelle prend encore un nouveau degré de violence lors- 
qu’ils se sentent gênés, et c’est pour cela qu'ils deviennent tout-à-fait mécon- 
paissables en cage, car ils ne peuvent y conserver la beauté de leurs plumes, 
qui sont bientôt cassées, usées, déchirées, flétries par un frottement continuel. 

Leur cri ordinaire est très désagréable , et ils le font entendre souvent ; ils 
ont aussi de la disposition à contrefaire celui de plusieurs oiseaux qui ne chan- 
tent pas mieux, tels que la crécerelle, le chat-huant , etc. S'ils aperçoivent 
dans le bois un renard , ou quelque autre animal de rapine , ils jettent un cri 
très perçant, comme pour s'appeler les uns les autres, et on les voit en peu de 
temps rassemblés en force , et se croyant en état d'imposer par le nombre, 
ou du moins par le bruit. 

Cet instinct qu'ont les geais de se rappeler, de se réunir à la voix de l’un 
d’eux , et leur violente antipathie contre la chouette, offrent plus d’un moyen 
pour les attirer dans les pièges, et il ne se passe guère de pipée sans qu’on en 
prenne plusieurs; car , étant plus pétulans que la pie, il s’en faut bien qu’ils 
soïent aussi défians et aussi rusés. Ils n’ont pas non plus le cri naturel si varié ; 
quoiqu'’ils paraissent n'avoir pas moins de flexibilité dans le gosier, ni moins de 
dispositions à imiter tousles sons , tous les bruits, tous les cris d'animaux qu’ils 
entendent habituellement, et même la parole humaine. Ils ont comme la pie 
et toute la famille des choucas, des corneilles et des corbeaux , l'habitude d’en- 
fouir leurs provisions superflues , et celle de dérober tout ce qu’ils peuvent em- 
porter: mais ils ne se souviennent pas toujours de l'endroit où ils ont enterré 
leur trésor ; ou bien, selon l'instinct commun à tous les avares, ils sentent plus 
la crainte de le diminuer que le desir d’en faire usage, en sorte qu’au prin- 
temps suivant, les glands et les noisettes qu’ils avaient cachés et peut-être ou- 
bliés, venant à germer en terre et à pousser des feuilles au dehors, décèlent ces 
amas inutiles, et les indiquent, quoiqu'un peu tard, à qui en saura mieux jouir: 


"# 
. 


— 120 — 


Les geais nichent daus les bois, et loin des lieux habités, préférant les 
chênes les plus toufflus, et ceux dont le tronc est entouré de lierre ; mais ils ne 
construisent pas leurs nids avec autant de précaution que la pie. On m'en a 
apporté plusieurs dans le mois de mai ; ce sont des demi-sphères creuses for- 
mées de petites racines entrelacées, ouvertes par dessus , sans matelas au 
dedans , sans défense au dehors : j’y ai toujours trouvé quatre ou cinq œufs ; 
d’autres disent y en avoir trouvé cinq ou six. Ces œufs sont un peu moins gros 
que ceux de pigeon , d’un gris plus ou moins verdâtre , avec de petites taches 
faiblement marquées. 

Les petits subissent leur première mue dès le mois de juillet ; ils suivent 
leurs père et mère jusqu’au printemps de l’année suivante, temps où ils les 
quittent pour se réunir deux à deux et former de nouvelles familles : c’est alors 
que la plaque bleue des ailes qui s'était marquée de très bonne heure paraît 
dans toute sa beauté. 

Dans l’état de domesticité , auquel ils se façonnent aisément , ils s’accou- 
tument à toutes sortes de nourritures , et vivent ainsi huit à dix ans ; dans l’état 
de sauvage, ils se nourrissent non-seulement de glands et de noisettes , mais 
de châtaignes ,- de pois, de fèves, de sorbes, de groseilles, de cérises, de 
framboises, etc. Ils dévorent aussi les petits des autres oiseaux, quand ils 
peuvent les surprendre dans le nid en l’absence des vieux , et quelquefois les 
vieux , lorsqu'ils les trouvent pris au lacet. Dans cette circonstance, ils vont , 
suivant leur coutume , avec si peu de précaution , qu'ils se prennent quelque- 
fois eux-mêmes, et dédommagent ainsi l’oiseleur du tort qu'ils ont fait à sa 
chasse; leur chair, quoique peu délicate, est mangeable, surtout si on la 
fait bouillir d’abord, et ensuite rôtir : on ditque de cette manière elle approche 
de celle de l’oie rôtie. 


L 


La pie (1) a tant de ressemblance à l'extérieur avec la corneille, que Linné 
les a réunies toutes deux dans le même genre, et que, suivant Belon, pour 
faire une corneille d’une pie , il ne faut que raccourcir la queue à celle-ci et 
faire disparaître le blanc de son plumage. En effet, la pie à le bec, les pieds, 
les yeux et la forme totale des corneilles et des choucas; elle a encore avec eux 
beaucoup d’autres rapports plus intimes dans l'instinct, les mœurs et les habi- 
tudes naturelles ; elle est omnivore comme eux, vivans de toutes sortes de 
fruits, allant sur les charognes, faisant sa proie des œufs et des petits des oi- 
seaux faibles, quelquefois même des père et mère, soit qu’elle les trouve en-. 
gagés dans les pièges , soit qu’elle les attaque à force ouverte : on en à vu une 
se jeter sur un merle pour le dévorer ; une autre enlever une écrevisse, qui la 
prévint en l’étranglant avec ses pinces , elc. 

On a tiré parti de son appétit pour la chair vivante, en la dressant à la 
chasse comme on y dresse les corbeaux. Elle passe ordinairement la belle sai- 
son occupée de la ponte et de sessuites. L'hiver elle vole par troupes, et s’ap- 
proche d'autant plus des lieux habités, qu’elle y trouve plus de ressources pour 
vivre. Elle s'accoutume aisément à la vue de l’homme, elle devient bientôt fa- 
milière dans la maison et finit par se rendre la maîtresse. J'en ai connu une 
qui passait les jours et les nuits au milieu d'une troupe de chats. 

Elle jase à-peu-près comme la corneille, et apprend aussi à contrefaire la 
voix des autres animaux et la parole de l’homme. On en a cité une qui imitait 
parfaitement les cris du veau, du chevreau , de la brebis, et même le flageolet 
du berger; une autre qui répétait en entier une fanfare de trompettes. M. Wil- 
lughby en a vu plusieurs qui prononçaient des phrases entières. 


(1) En latin, pica; cissa, avis pluvia selon quelques-uns; en italien, gazza , ragazza, aregazza, 
gazzuola , gazzara, pica, putta; en espagnol, pega , picala, pigazza ; en allemand , aelster, atzel, 
aegerst, agelaster, algaster, agerluster (quasi agrilustra); en anglais, pye, piot, mag-pye, pianct. 


OISEAUX, 16 


Margot est le nom qu'on acoutume de lui donner, parce que c’est celui 
qu’elle prononce le plus volontiers ou le plus facilement ; Pline assure que cet 
oiseau se plaît beaucoup à ce genre d'imitation , qu'il s'attache à bien articuler 
les mots qu'il a appris, qu'il cherche long-temps ceux qui lui ont échappé, 
qu'il fait éclater sa joie lorsqu'il les à retrouvés, et qu'il se laisse quelquefois 
mourir de dépit lorsque sa recherche est vaine , ou que sa langue se refuse à 
la prononciation de quelque mot nouveau. 

La pie a le plus souvent la langue noire comme le corbeau ; elle monte sur 
le dos des cochons et des brebis , comme font les choucas, et court après la 
vermine de ces animaux, avec cette différence que le cochon reçoit ce ser- 
vice avec complaisance, au lieu que Ia brebis, sans douteplus sensible, pa- 
raît le redouter. La pie happe aussi fort adroitement les mouches et autres in- 
sectes ailés qui volent à sa portée. 

On prend cet oiseau dans les mêmes pièges et de la même manière que la 
corneille , et l'on à reconnu en elle les plus mauvaises habitudes, celles de vo- 
ler et de faire des provisions, habitudes presque toujours inséparables dans les 
différentes espèces d'animaux. On croit aussi qu’elle annonce la pluie lors- 
qu'elle’ jase plus qu’à l'ordinaire. 

Elle est beaucoup plus petite que le choucas, et ne pèse que huit à neuf 
onces. Elle a les ailes plus courtes et la queue plus longue à proportion ; par 
conséquent son vol-est beaucoup moins élevé et moins soutenu : aussi n’entre- 
prend-elle’pas de grands voyages ; elle ne fait guère que voltiger d'arbre en 
arbre, ou de clocher en clocher. Lorsqu'elle est posée à terre, elle est tou- 
iours en action, et fait autant de sauts que de pas: elle a aussi dans la queue 
un mouvement brusque et presque continuel , comme la lavandière. 

En général , elle montre plus d'inquiétude et d'activité que les corneilles , 
plus de malice et de penchant à une sorte de moquerie. Elle met aussi plus de 
combinaisons et plus d’art dans la construction de son nid , comme si elle sa- 
vait que plusieurs oiseaux de rapine sont fort avides de ses œufs et de ses pe- 
tits, et que quelques-uns d’entre eux sont avec elle dans le cas de la représaille. 
Elle multiplie les précautions en raison de sa tendresse et des dangers de ce 
qu’elle aime: elle place son nid au haut des plus grands arbres, ou du moins 
sur de hauts buissons, et n'oublie rien pour le rendre solide et sûr; aidée de 
son mâle, elle le fortifie extérieurement avec des büchettes flexibles et du 
mortier de terre gâchée, et elle le recouvre en entier d’une enveloppe 


claire voie, d’une espèce d’abatis de petites branches épineuses et bien entre- 4 


lacées ; elle n’y laisse d'ouverture que dans le côté le mieux défendu, le moins 


accessible, et seulement ce qu'il en faut pour qu'elle puisse entrer el sortir. 

Sa prévoyance industrieuse ne se borne pas à la sûreté, elle s'étend encore 
à la commodité, car elle garnit le fond du nid d’une espèce de matelas orbi- 
culaire, pour que ses petits soient plus mollement et plus chaudement ; et 
quoique ce matelas, qui est le nid véritable, n’ait environ que six pouces de 
diamètre , la masse entière , en y compreuant les ouvrages extérieurs et l’enve- 
loppe épineuse , a au moins deux pieds en tout sens. 

Tant de précautions ne suffisent point encore à sa tendresse, ou, si l’on 
veut, à sa défiance, elle à continuellement l’œil au guet sur ce qui se passe au 
dehors. Voit-elle approcher une corneille , elle vole aussitôt à sa rencontre, 
la harcelle et la poursuit sans relâche et avec de grands cris, jusqu'à ce 
qu'elle soit venue à bout de l’écarter. Si c’est un ennemi plus respectable, un 
faucon , un aigle, la crainte ne la retient point, et elle ose encore l’attaquer 
avec une témérité qui n’est pas toujours heureuse : cependant il faut avouer que 
sa conduite est quelquefois plus réfléchie , s’il est vrai comme on le dit, que 
lorsqu'elle a vu un homme observer trop curieusement son nid, elle trans- 
porte ses œufs ailleurs, soit entre ses doigts , soit d’une autre manière encore 
plus incroyable. 

Elle pond sept ou huit œufs à chaque couvée , et ne fait qu’une seule couvée 
par an, à moins qu'on ne détruise ou qu'on ne dérange son nid, auquel cas 
elle en entreprend tout de suite un autre, et le couple y travaille avec tant d’ar- 
deur, qu'il est achevé en moins d’un jour; après quoi elle fait une seconde 
ponte de quatre ou cinq œufs ; et si elle est encore troublée, elle fera un troi- 
sième nid semblable aux deux premiers, et une troisième ponte, mais toujours 
moins abondantes. Ses œufs sont plus petits et d’une couleur moins foncée que 
ceux du corbeau, avec des taches brunes semées sur un fond vert-bleu , et plus 
fréquentes vers le gros bout. Jean Liébault est le seul qui dise que le mâle et 
la femelle couvent alternativement. 

Les piais, ou les petits de la pie, sont aveugles et à peine ébauchés en nais- 
sant , ce n’est qu'avec le temps et par degrés que le développement s’achève et 
que leur forme se décide : la mère non-seulement les élève avec sollicitude , 
mais leur Continue ses soins long-temps après qu'ils sont élevés. Leur chair 
est un manger médiocre; cependant on y à généralement moins de répugnance 
que pour celle des petits corneillons. | 

Parmi les corbeaux , les corneilles et les choucas, on trouve des individus 
‘qui sont variés de noir et de blanc comme la pie: cependant on ne peut nier que, 


dans l'espèce du corbeau, de la corneille et du choucas proprement dit, le 


— 124 — 


noir ne soit la couleur ordinaire, comme le noir et le blanc est celle des pies , 
et que si l'on a vu des pies blanches , ainsi que des corbeaux et des choucas 
blancs, il ne soit très rare de rencontrer des pies entièrement noires. Au reste, 
il ne faut pas croire que le noir et le blanc, qui sont les couleurs principales -de 
la pie , excluent tout mélange d’autres couleurs ; en y regardant de près et à 
certains jours , on y aperçoit des nuances de vert, de pourpre, de violet, et 
l'on est surpris de voir un si beau plumage à un oiseau si peu renommé à cet 
égard. Le mâle se distingue de la femelle par des reflets bleus, plus marqués 
sur la partie supérieure du corps, et non par la noirceur de Ia langue , comme 
quelques-uns l'ont dit. 

La pie est sujette à la mue , comme les autres oiseaux ; mais on a remarqué 
que ses plumes ne tombaient que successivement et peu-à-peu , excepté celles 
de la tête qui tombent toutes à-la-fois, en sorte que chaque année elle paraît 
chauve au temps de la mue. Les jeunes n'acquièrent leur longue queue que la 
seconde année, el sans doute ne deviennent adultes qu’à cette même époque. 

Tout ce que je sais de positif sur la durée de la vie de cet oiseau , c’est que le 
docteur Derham en à nourri un qui a vécu plus de vingt ans, mais qui à cet 
âge était Lout-à- fait aveugle de vieillesse. 

La pie est très commune en France, en Angleterre , en Allsmagnel en 
Suède, et dans toute l'Europe, excepté en Laponie et dans les pays de mon- 
tagnes , où elle est rare : d’où l'on peut conclure qu’elle craint le grand froid. 
J'ajoute à son histoire une description abrégée , qui portera sur les seuls ob- : 
jets que la figure ne peut exprimer aux yeux , ou qu'elle n’exprime pas assez 
distinctement. , 

Elle à vingt pennes à chaque aile: dont la première est fort courte, et les 
quatrième et cinquième sont les plusslongues ; douze pennes inégales à la 
queue , et diminuant toujours de longueur , plus elles s'éloignent des deux du 

milieu, qui sont les plus longues de toutes; les narines rondes, la paupière 
interne des yeux marquée d’une tache jaune , la fente du palais hérissée de 
poils sur ses bords, la langue noirâtre et fourchue. 

J'ai dit qu'il y avait des pies blanches , comme il y a des corbeaux blanes ; 
el quoique la principale cause de ce changement de plumage soit l'influence des 
climats septentrionaux , cependant il faut avouer qu’on en trouve quelquefois 
dans les climats tempérés, témoin celle qui fut prise il y a quelques années en 
Sologne : et qui était toute blanche, à l’exception d’une seule plume noire qu’elle 
avait au milieu des ailes ; soit qu’elle eût passé des pays du Nord en France 
après avoir subi l'influence du climat, soit qu'étant née en France , cette alté- 


#40 


ration de couleur eût été produite par quelque cause particulière. [l faut dire la 
même chose des pies blanches que l’on voit quelquefois en ftalie. 

La pie du Sénégal est un peu moins grosse que la nôtre, et cependant elle a 
presque autant d'envergure, parce que ses ailes sont plus longues à propor- 
tion, sa queue est au contraire plus courte, du reste conformée de même. Le 
bec, les pieds et les ongles sont noirs, comme dans la pie ordinaire : mais le 
plumage est très différent ; il n’y entre pas un seul atome de blanc , et toutes 
les couleurs en sont obscures. La tête, le cou , le dos et la poitrine sont noirs 
avec des reflets violets ; les pennes de la queue et les grandes pennes des ailes 
sont brunes : tout le reste est noirâtre plus ou moins foncé. 

La pie de la Jamaïque ne pèse que six onces, et elle est d'environ un tiersplus 
petite que la pie commune, dont elle a le bec , les pieds et la queue. 

Le plumage du mâle est noir, avec des reflets pourpres; celui de la fe- 
melle est brun, plus foncé sur le dos et sur toute la partie supérieure du corps, 
moins foncé sous le ventre. 

Ces oiseaux font leur nid sur les branches des arbres. On en trouve dans tous : 
les districts de cette île, mais plus abondamment dans les lieux les plus éloignés 
du bruit; c’est de là qu'après avoir fait leur ponte et donné naissance à une gé- 
nération nouvelle pendant l'été, ils se répandent l'automne dans les habita- 
tions, et arrivent en si grand nombre, que l'air en est quelquefois obscurei. 
Ils volent ainsi en troupes l’espace de plusieurs milles ; et partout où ils se po- 
sent, ils font un dommage considérable aux cultivateurs. Leur ressource pen- 
dant l'hiver est de venir en foule aux portes des granges. Tout cela donne lieu 
de croire qu'ils sont frugivores ; cependant on remarque qu'ils ont l’o- 
deur forte, que leur chair est noire et grossière, et qu’on en mange fort 
rarement. 

Il suit de ce que je viens de dire, que cet oiseau diffère de notre pie non-seu- 
lement par la façon de senourrir , par sa taille et par son plumage , mais en ce 
qu'il a le vol plus soutenu , et par conséquent l'aile plus forte; qu’il va par 
troupes plus nombreuses ; que sa chair est encore moins bonne à manger; en- 
fin que dans cette espèce la différence du sexe en entraîne une plus grande 
dans les couleurs. 


— 126 — 


OISEAU DE PARADIS. 


(PI 15.) 


Le nom d'oiseau (1)de paradis fait naître encore dans la plupartdes têtes l’idée 
d’un oiseau qui n’a point de pieds, qui vole toujours, même en dormant, ou se sus- 
pend tout au qlus pour quelques instans aux branches des arbres, par le 
moyen des longs filets de sa queue, qui vole en pondant et en couvant ses œufs, 
ce qui n’a point d'exemple dans la nature ; qui ne vit que de vapeurs et de ro- 
sée ; qui a la cavité de l’abdomen uniquement remplie de graisse , au lieu d’es- 
tomac et d'intestins , lesquels lui seraient en effet inutiles, puisque ne man- 
geant rien, il n'aurait rien à digérer ni à évacuer ; en un mot, qui n’a d'autre 
existence que le mouvement, d’autre élément que l'air , qui s’y soutient tou- 
jours tant qu'il respire, comme les poissons se soutiennent dans l’eau, et qui 
ne touche la terre qu'après sa mort. 

Ce tissu d’erreurs grossières n’est qu'une chaîne de conséquences assez bien 
tirées de la première erreur, qui suppose que l'oiseau de paradis n’a point de 
pieds, quoiqu'il en ait d'assez gros , et cette erreur primitive vient elle-même 
de ce que les marchands Indiens qui font le commerce des plumes de cet oi- 
seau, ou les chasseurs qui les leur vendent, sont dans l'usage , soit pour les 
conserver et les transporter plus commodément , ou peut-être afin d’accréditer 
une erreur qui leur est utile, de faire sécher l’oiseau même en plumes , après 
lui avoir arraché les cuisses-et les entrailles; et comme on a été fort long- 
temps sans en avoir qui ne fussent ainsi préparés, le préjugé s’est fortifié au 
point que , suivant la coutume, on a traité de menteurs les premiers qui ont 
dit la vérité. 

Au reste, si quelque chose pouvait donner une apparence de probabilité à 
la fable du vol perpétuel de l'oiseau de paradis , c’est sa grande légèreté pro- 


(1) En latin, manucodiata rex, rex paradisi , rex avium. paradisearum, avis regia; en anglais , 


{ 


king of birds of paradise, 


— 197 — 


duite par la quantité et l'étendue considérable de ses plumes ; car, outre celles 
qu'ont ordinairement les oiseaux , il en a beaucoup d’autres et de très longues, 
qui prennent naissance de chaque côté dans les flancs entre l'aile et la cuisse , 
et qui, se prolongeant bien au-delà de la queue véritable , et se confondant, 
pour ainsi dire, avec elle , lui font une espèce de fausse queue qui a causé les 
méprises de plusieurs observateurs. Ces plumes subalaires sont de celles que 
les naturalistes nomment decomposees : elles sont très légères en elles-mêmes , 
et forment , par leur réunion, un tout encore plus léger , un volume presque 
sans masse et comme aérien, très capable d'augmenter la grosseur apparente 
de l’oiseau , de diminuer sa pesanteur spécifique, et de l’aider à se soutenir 
dans l’air ; mais qui doit aussi quelquefois mettre obstacle à la vitesse du vol 
ei nuire à sa direction, pour peu que le vent soit contraire : aussi a-t-on re- 
marqué que les oiseaux de paradis cherchent à se mettre à l'abri des grands 
venis , et choisissent pourleur séjour ordinaire les contrées qui y sont le moins 
exposées. 

Ces plumes subalaires sont au nombre de quarante ou cinquante de chaque 
côté, et de longueurs inégales ; la plus grande partie passe sous la véritable 
queue , et d’autres passent par-dessus sans la cacher, parce que leurs barbes 
effilées et séparées composent, par leurs entrelacemens divers, un tissu 
à larges mailles, et, pour ainsi dire, transparent. 

On fait grand cas de ces plumes dans les Indes, et elles y sont fort recher- 
chées. Il n’y a guère qu'un siècle qu’on les employait aussi en Europe aux 
mêmes usages que celles d’Autruche ; et il faut convenir qu'elles sont très 
propres, soit par leur légèreté, soit par leur éclat, à l’ornement et à la pa- 
rure : mais les prêtres du pays leur attribuent je ne sais quelles vertus miracu- 
leuses qui leur donnent un nouveau prix aux yeux du vulgaire, et qui ont valu 
à l’oiseau auquel elles appartiennent le nom d'oiseau de Dieu. 

Ce qu'il y à de plus remarquable après cela dans l’oiseau de paradis , ce sont 
les deux longs filets qui naissent au-dessus de la queue véritable , et qui s’éten- 
dent plus d’un pied au-delà de la fausse queue formée par les plumes suba- 
laires. Ces filets ne sont effectivement des filets que dans leur partie intermé- 
diaire : encore cette partie elle-même est-elle garnie de petites barbes très 
courtes ou plutôt de naissance de barbes ; au lieu que ces mêmes filets sont re- 
vêtus, vers leur origine et leur extrémité, de barbes d’une longueur ordinaire. 

La tête et la gorge sont couvertes d’une espèce de velours formé par de pe- 
uites plumes droites, courtes, fermes et serrées ; celles de la poitrineet du dos 
sont plus longues, mais toujours soycuses et douces au toucher. Toutes ces 


… 
< 


— 198 — 


plumes sont de diverses couleurs , et ces couleurs sont changeantes et donnent 
différens reflets, selon les différentes incidences dela lumière. 

La tête est fort petite à proportion du corps; les yeux sont encore plus pe- 
its et placés très près de l'ouverture du bec. Clusius assure qu’il n’y à que dix 
pennes à la queue, mais sans doute il ne les avait pas comptées sur un sujet 
vivant ; et il est douteux que ceux qui nous viennent de si loin aient le nom- 
bre de leurs plumes bien complet, d'autant que cette espèce est sujette à une 
mue considérable et qui dure plusieurs mois chaque année. Ces oiseaux se 
cachent pendant ce temps-là, qui est la saison des pluies pour le pays qu'ils 
habitent: mais au commencement du mois d’août , c’est-à-dire , après la ponte, 
leurs plumes reviennent ; et pendant les mois de septembre et d'octobre, 
qui sont un temps de calme, ils vont par troupes , comme font les étourneaux 
en Europe. 

Ce bel oiseau n’est pas fort répandu ; on ne le trouve guère que dans les par- 
ties de l’Asie où croissent les épiceries, et particulièrement dans les îles d’A- 
rou : il n’est point inconnu dans la partie de la Nouvelle-Guinée qui est voisine 
de cesîles, puisqu'il y à un nom; mais ce nom même, qui est burung-arou, 
semble porter l'empreinte du pays originaire. 

L’attachement exclusif de l'oiseau de paradis pour les contrées où croissent 
les épiceries donne lieu de croire qu’il rencontre sur ces arbres aromatiques la 
nourriture qui lui convient le mieux ; du moins est-il certain qu’il ne vit pas 
uniquement de la rosée. J. Otton-Helbigius, qui a voyagé aux Indes, nous 
apprend qu’il se nourrit de baies rouges que produit un arbre fort élevé: Lin- 
né dit qu’il fait sa proie des grands papillons ; et Bontius , qu’il donne quel- 
quefois la chasse aux petits oiseaux et les mange. 

Les bois sont sa demeure ordinaire ; il se perche sur les arbres, où les In- 
diens l’attendent cachés dans des huttes légères qu’ils savent attacher aux 
branches , et d’où ils le tirent avec leurs flèches de roseau. Son vol ressemble 
à celui de l'hirondelle, ce qui lui a fait donner le nom d’hirondelle de 
Ternate. 

Je ne crois pas qu'ilexiste en Amérique, à moins que les vaisseaux européens 
ne l'y aient transporté ; et je fonde mon assertion non-seulement sur ce que 
Marcgrave n'indique point son nom brasilien , et sur le silence de tous les 
voyageurs qui ont parcouru le nouveau continent et les îles adjacentes, mais 
encore sur la loi du climat ; cette loi ayant été établie d’abord pour les quadru- 
pèdes , s’est ensuite appliquée d'elle-même à plusieurs espèces d'oiseaux, et 
s'applique particulièrement à celle-ci, comme habitant les contrées voisines 


— 1929 — 


de l’équateur , d’où la traversée est beaucoup plus difficile , et comme n'ayant 
pas l’aile assez forte, la légèreté seule ne suffit point, en effet, pour faire une 
telle traversée ; elle est même un obstacle dans le cas des vents contraires. 

Il ne paraît pas que les anciens aient connu l'oiseau de paradis. Les carac- 
tères si frappans et si singuliers qui le distinguent de tous les autres oiseaux, 
ces longues plumes subalaires , ces longs filets-de la queue , ce velours naturel 
dont la tête est revêtue, etc., ne sont nulle part indiqués dans leurs ouvrages ; 
et c’est sans fondement que Belon a prétendu y retrouver le phénix des anciens, 
d’après une faible analogie qu’il a cru apercevoir moins entre les propriétés 
de ces deux oiseaux, qu’entreles fables qu’on a débitées de l’un et de l’autre. 

On ne peut nier que leur climat propre ne soit absolument différent, puisque 
le phénix se trouvait en Arabie, et quelquefois en Egypte , au lieu que l’oiseau 
de paradis ne s’y montre jamais, et qu'il paraît attaché, comme nous venons 
de le voir , à la partie orientale de l'Asie , laquelle était fort peu connue des 
anciens. 

Clusius rapporte, sur le témoignage de quelques marins , lesquels n'étaient 
instruits eux-mêmes que par des ouï-dire , qu'il y à deux espèces d'oiseaux de 
paradis : l’une constamment plus belle et plus grande , attachée à l’île d’Arou ; 
l'autre plus petite et moins belle , attachée à la partie de la terre des Papoux 
qui est voisine de Gilolo. Helbigius, qui a ouï dire la même chose dans les îles 
d’Arou, ajoute que les oiseaux de parädis de la Nouvelle-Guinée, ou de la 
terre des Papoux, diffèrent de ceux de l'île d’Arou, non-seulement par la 
taille, mais encore par les couleurs du plumage, qui est blanc et jaunûtre. 

Malgré ces deux autorités, dont l'une est trop suspecte et l’autre trop va- 
gue pour qu’on puisse en tirerrien de précis , il me paraît que tout ce qu’on 
peut dire de raisonnable d’après les faits les plus avérés , c’est que les oiseaux 
de paradis qui nous viennent des Indes ne sont pas tous également conservés 
ni tous parfaitement semblables ; qu’on trouve en effet de ces oiseaux plus pe- 
tits ou plus grands , d’autres qui ont les plumes subalaires et les filets de la 
queue plus ou moins longs, plus ou moins nombreux ; d’autres qui ont ces filets 
différemment posés , différemment conformés , ou qui n’en ont point du tout ; 
d’autres enfin qui diffèrent entre eux par les couleurs du plumage , par des 
huppes ou touffes de plumes, etc. ; mais que, dans le vrai, ilest difficile, 
parmi ces différences aperçues dans des individus presque tous mutilés, défi- 
gurés, ou du moins mal desséchés, de déterminer précisément celles qui peuvent 
constituer des espèces diverses, et celles qui ne sont que des variétés d'âge , 
de sexe , de saison, de climat, d'accident, etc. 


OISEAUX. 17 


— 150 — 


D'ailleurs, il faut remarquer que les oiseaux de paradis étant fort chers 
comme marchandise , à raison de leur célébrité, on tâche de faire passer sous 
ce nom plusieurs oiseaux à longue queue et à beau plumage, auxquels on re- 
tranche les pieds eu les cuisses pour en augmenter la valeur. 


CORBEAU. 


(PI. 16.) 


On 4 donné ce nom à plusieurs oiseaux , tels que les corneilles, les choucas, 
les graves ou Îles coracias , etc.; nous en restreindrons ici l’acception , et nous 
l'attribuerons exclusivement à la seule espèce du grand corbeau (1), du corvus 
des anciens, qui est assez différent de ces autres oiseaux par sa grosseur , ses 
mœurs , ses habitudes naturelles , pour qu’on doive lui appliquer une dénomi- 
nation distinctive, et surtout lui conserver son ancien nom. 

Cet oiseau a été fameux dans tous les temps; mais sa réputation est encore 
plus mauvaise qu’elle n’est étendue , peut-être par cela même qu’il a été con- 
fondu avec d’autres oiseaux, et qu’on lui a imputé tout ce qu'il y avait de 
mauvais dans plusieurs espèces. On l’a toujours regardé comme le dernier des 
oiseaux de proie, et comme l’un des plus lches et des plus dégoütans. Les 
voiries infectes, les charognes pourries, sont, dit-on, le fond de sa nourriture ; 
s'il s'assouvit d’une chair vivante , c’est de celle des animaux faibles ou utiles , 
comme agneaux , levrauts, etc. 

. On prétend qu’il attaque quelquefois les grands animaux avec avantage et 
que , suppléant à la force qui lui manque par la ruse et l’agilité , il se cram- 
ponne sur le dos des buffles , les ronge tout vifs et en détail, après leur avoir 
_ crevé les yeux; ce qui rendrait cette férocité plus odieuse, c’est qu’elle 


(1) En latin, corvus ; en espagnol, cuervo ; en italien, corvo ; en allemand, rabe, rave, kol-rave ; 
en anglais, raven ; en suédois, korp ; en polonais, #ruk ; en hébreu , oreb; en arabe, gerabib'; en 
persan, calak ; en vieux francais, corbin; en Guienne, escorbeau. Ses petits se nomment corbillats 
et corbillards ; et le mot corbiner exprimait autrefois le cri des corbeaux et des corneilles , selon 
Coïgrave. 


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serait en lui l’effet non de la nécessité, mais d'un appétit de préférence pour 
la chair etle sang, d'autant qu'il peut vivre de tous les fruits, de toutes les 
graines , de tous les insectes, et même des poissons morts, el qu'aucun autre 
animal ne mérite mieux la dénomination d’omnivore. | 

Cette violence et cette universalité d’appétit ou plutot de voracité , tantôt 
l’a fait proscrire comme un animal nuisible et destructeur , et tantôt lui a valu 
la protection des lois, comme a un animal utile et bienfaisant; en effet, un 
hôte de si grosse dépense ne peut qu'être à charge à un peuple pauvre ou trop 
peu nombreux; au lieu qu'il doit être précieux dans un pays riche et bien 
peuplé, comme consommant les immondices de toute espèce dont regorge or- 
dinairement un tel pays. C’est pour ces diverses raisons qu’il était autrefois dé- 
fendu en Angleterre de lui faire aucune violence , et que dans l'ile Féroë, dans 

_celle de Malte , etc., on a mis sa tête à prix. 

Si, aux traits sous lesquels nous venons de représenter le corbeau, on ajoute 
son plumage lugubre, son cri plus lugubre encore, quoique très faible à pro- 
portion de sa grosseur, son port ignoble, son regard farouche, tout son corps 
exhalant l'infection , on ne sera pas surpris que, dans presque tous les temps, 
il ait été regardé comme un objet de dégoûtet d'horreur: sa chair était interdite 
aux Juifs ; les sauvages n’en mangent jamais; et, parmi nous, les gens le plus 
misérables n’en mangent qu'avec répugnance et après avoir enlevé la peau, qui 
est très coriace. 

Partout on le met au nombre des oiseaux sinistres, qui n’ont le pressenti- 
ment de l’avenir que pour annoncer des malheurs. De graves historiens ont été 
jusqu’à publier la relation de batailles rangées entre des armées de corbeaux 
et d’autres oiseaux de proie, et à donner ces combats comme un présage des 
guerres cruelles qui se sont allumées dans la suite entre les nations. Combien 
de gens encore aujourd'hui frémissent et s'inquiètent au bruit de son croas- 
sement! Toute sa science de l'avenir se borne cependant, ainsi que celle des 
autres habitans de l'air, à connaître mieux que nous l'élément qu'il habite, à 
être plus susceptible de ses moindres impressions, à pressentir ses moindres 
changemens, et à nous les annoncer par certains cris el certaines actions qui 
sont en lui l’effet naturel de ces changemens. Linné dit que, dans les provin- 
ces méridionales de la Suède; lorsque le ciel est serein, les corbeaux volent très 
haut en faisant un certain cri qui s'entend de fort loin. Les auteurs de la Zoo- 
logie britannique ajoutent que, dans cette circonstance, ils volent le plus sou- 
vent par paires. D’autres écrivains, moins éclairés, ont fait d’autres remarques 
méêlées plus ou moins d’incertitudes et de superstitions. 


— 132 — 


Dans le temps où les aruspices faisaient partie de la religion, les corbeaux, 
quoique mauvais prophètes, ne pouvaient qu'être des oiseaux fort intéressans ; 
car la passion de prévoir les évènemens futurs, même les plus tristes, est une 
ancienne maladie du genre humain : aussi s’attachait-on beaucoup à étudier tou- 
tes leurs actions, toutes les circonstances de leur vol, toutes les différences de 
leur voix, dont on avait compté jusqu’à soixante-quatre inflexions distinctes, 
sans parler d’autres différences plus fines et trop difficiles à apprécier ; chacune 
avait sa signification déterminée ; il ne manquait pas de charlatans pour en pro- 
curer l'intelligence, ni de gens simples pour y croire. Pline lui-même, qui n’é- | 
tait ni charlatan ni superstitieux, mais qui travailla quelquefois sur de mauvais 
mémoires, à eu soin d'indiquer celle de toutes ces voix qui était la plus sinistre. 
Quelques -uns ont poussé la folie jusqu’à manger le cœur et les entrailles de ces 
oiseaux, dans l’espérance de s’approprier leur don de prophétie. 

Non-seulement le corbeau a un grand nombre d’inflexions de voix répondant 
à ses différentes affections intérieures, il a encore le talent d’imiter le cri des 
autres animaux, et même la parole de l'homme , et l’on a imaginé de lui cou- 
per le filet, afin de perfectionner cette disposition naturelle. Colas est le mot 
quil prononce le plus aisément ; et Scaliger en a entendu un qui, lorsqu’il avait 
faim, appelait distinctement le cuisinier de la maison. 

On faisait grand cas à Rome de ces oiseaux parleurs , et un philosophe n’a 
pas dédaigné de nous raconter assez au long l’histoire de l’un d’eux. Ils n’ap- 
prennent pas seulement à parler ou plutôt à répéter la parole humaine, mais 
ils deviennent familiers dans la maison : ilsse privent, quoique vieux, et pa- 
raissent même capables d’un attachement personnel et durable. 

Par une suite de cette souplesse de naturel, ils apprennent aussi non pas à 
dépouiller leur voracité, mais à la régler et à l'employer au service de l’homme. 
Pline parle d’un certain Craterus d'Asie, qui s'était rendu fameux par son ha- 
bileté à les dresser pour la chasse, et qui savait se faire suivre, même par les 
corbeaux sauvages. Scaliger rapporte que le roi Louis XIT en avait un ainsi 
dressé, dont il se servait pour la chasse des perdrix. Albert en avait vu un autre 
à Naples, qui prenait des perdrix et des faisans, et même d’autres corbeaux : 
mais, pour chasser ainsi les oiseaux de son espèce, il fallait qu’il y fût excité et 
comme forcé par la présence du fauconnier. Enfin il semble qu’on lui ait appris 
quelquefois à défendre son maître, et à l’aider contre ses ennemis avec une 
sorte d'intelligence et par une manœuvre combinée. 

Ajoutons à tout cela que le corbeau paraît avoir une grande sagacité d'odo- 
ral pour sentir de loin les cadavres ; Thucydide lui accorde même un instinct 


— 155 — 


assez sûr pour s'abstenir de ceux des animaux qui sont morts de la peste : mais 
il faut avouer que ce prétendu discernement se dément quelquefois, etne l’em- 
pêche pas toujours de manger des choses qui lui sont contraires, comme nous 
le verrons plus bas. Enfin c’est encore à l’un de ces oiseaux qu’on a attribué la 
singulière industrie, pour amener à sa. portée l'eau qu'il avait aperçue au fond 
d’un vase étroit, d’y laisser tomber une à une de petites pierres, lesquelles, en 
s’'amoncelant, firent monter l’eau sensiblement, et le mirent à même d’étancher 
sa soif. Cette soif, si le fait est vrai, est un trait de dissemblance qui distingue 
le corbeau de la plupart des oiseaux de proie, surtout de ceux quise nourris- 
sent de- proie vivante, lesquels n’aiment à se désaltérer que dans le sang, et 
dont l’industrie est beaucoup plus excitée par le besoin de manger que par celui 
de boire. 

Une autre différence, c’est que les corbeaux ont les mœurs plus sociales ; 
mais il est facile d’en rendre raison: comme ils mangent de toutes sortes de 
nourritures, ils ont plus de ressources que les autres oiseaux carnassiers ; ils 
peuvent donc subsister en plus grand nombre dans un même espace de terrain, 
et ils ont moinsde raison de se fuir les uns les autres. C’est ici le lieu de remar- 
quer que quoique les c orbeaux privés mangent de la viande crueet cuite, et qu’ils 
passent communément pour faire, dans l’état de liberté, une grande destruc- 
tion de mulots, de campagnols, etc., M. Hébert qui les a observés long-temps 
et de fort près, ne les a jamais vus s’acharner sur les cadavres, en déchiqueter 
la chair, ni même se poser dessus ; et il est fort porté à croire qu’ils préfèrent 
les insectes, et surtout les vers de terre, à toute autre nourriture. 

Les corbeaux de montagne ne sont point oiseaux de passage, et diffèrent en 
cela plus ou moins des corneilles, auxquelles on à voulu les associer. [ls sem- 
blent particulièrement attachés au rocher qui les a vus naître, ou plutôt sur 
lequel ils ont niché ; on les y voit toute l’année en nombre à - peu- près 
égal, et ils ne l’abandonnent jamais entièrement. S'ils descendent dans la plaine, 
c’est pour chercher leur subsistance : mais ils y descendent plus rarement l’été 
que l’hiver, parce qu'ils évitent les grandes chaleurs; et c’est la seule influence 
que la différente température des saisons paraisse avoir sur leurs habitudes. 

Ils ne passent point la nuit dans les bois, comme font les corneilles; ils sa- 
vent se choisir, dans leurs montagnes, une retraite à l’abri du nord, sous des 
voûtes naturelles, formées par des avances ou des enfoncemens de rocher : 
c’est là qu’ils se retirent pendant la nuit, au nombre de quinze ou vingt. Ils 
dorment perchés sur des arbrisseaux qui croisent entre les rochers; ils font 
leurs nids dans les crevasses de ces mêmes rochers, ou dans les trous de mu- 


— 1354 — 


railles en haut des vieilles tours abandonnées, et quelquefois sur les hautes 
branches des grands arbres isolés. 

Chaque mâle a sa femelle, à qui il demeure attaché plusieurs années de’ 
suite : car ces oiseaux si odieux, si dégoülans pour nous, savent néanmoins 
s'inspirer un attachement réciproque et constant, ils savent aussi l'exprimer 
comme la tourterelle. 

La femelle se distingue du mâle en ce qu Her est d’un noir moins décidé; et 
qu’elle a le bec plus faible; en effet , j'ai bien observé dans certains individus 
des becs plus forts et plus convexes que dans d’autres, et différentes teintes de 
noir et même de brun dans le plumage : mais ceux qui avaient le bec le plus 
fort étaient d’un noir moins décidé, soit que cette couleur fût naturelle, soit 
qu’elle fût altérée par le temps et par les précautions qu’on à coutume de pren- 
dre pour la conservation des oiseaux desséchés. Cette femelle pond, aux envi- 
rons du mois de mars, jusqu'à cinq ou six œufs, d’un vert pâle et bleuàtre, 
marquetés d’un grand nombre de taches et de traits de couleur obscure. Elle 
les couve environ vingt jours, et, pendant ce temps, le mâle a soin de pourvoir 
à sa nourriture : il y pourvoit même largement, car les gens de la campagne 
trouvent quelquefois dans les nids des corbeaux, ou aux environs, des amas 
assez considérables de grains, de noix et d’autres fruits. 

On a soupçonné que ce n’était pas seulement pour la subsistance de la cou - 
veuse au temps de l'incubation, mais pour celle de tous deux pendant l'hiver. 
Quoi qu'il en soit de leur intention, il est certain que cette habitude de faire 
ainsi des provisions et de cather ce qu’ils peuvent attraper, ne se borne pas 
aux comestibles, ni même aux choses qui peuvent leur être utiles, elle s'étend 
encore à tout ce qui se trouve à leur bienséance; et il paraît qu’ils préfèrent les 
pièces de niétal ou tout ce qui brille aux yeux. On en a vu un à Erfort, qui eut 
la patience de porter une à une, et de cacher sous une pierre, dans un jardin, 
une quantité de petites monnaies, jusqu’à concurrence de cinq ou six florins; et 
il n’y a guère de pays qui n’ait son histoire de pareils vols domestiques. 

Quand les petits viennent d’éclore, il s’en faut bien ‘qu'ils soient de la couleur 
des père et mère; ils sont plutôt blancs que noirs, différens en cela des jeunes 
cignes, qui doivent être un jour d’un si beau blanc, et qui commencent par être 
bruns. Dans les premiers jours, la mère semble un peu négliger ses petits; elle 
ne leur donne à manger que lorsqu'ils commencent à avoir des plumes; et l’on 
n'a pas manqué de dire qu’elle ne commençait que de ce moment à les recon- 
naitre à leur plumage naissant, et à les traiter véritablement comme siens. 
Pour moi, je ne vois dans cette diète des premiers jours que ce que l’on voit 


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plus ou moins dans presque tous les autres animaux, et dans l’homme lui- 
même; tous ont besoin d’un peu de temps pour s’accoutumer à un nouvel élé- 
ment, à une nouvelle existence. Pendant ce temps de diète, le petit oiseau n’est 
pas dépourvu de toute nourriture : il en trouve une au-dedans de lui-même, 
et qui lui est très analogue; c’est le restant du jaune que renferme l’abdomen, 
et qui passe insensiblement dans les intestins par un conduit particulier. La 
mère, après ces premiers temps, nourrit ses petits avec des alimens conve- 
nables, ‘qui ont déjà subi une préparation dans son jabot, et: qu’elle leur dé- 
gorge dans le bec, à-peu-près comme font les pigeons. 

Le mâle ne se contente pas de pourvoir à la subsistance de la famille, il veille 
aussi pour sa défense; et s’il s'aperçoit qu’un milan, ou tel autre oiseau de 
proie, s'approche du nid, le péril de ce qu'il aime le rend courageux; il prend 
son essor, gagne le dessus, et se rabattant sur l'ennemi, il le frappe violemment 
de son bec. Si l’oiseau de proie fait des efforts pour reprendre le dessus, le cor- 
beau en fait de nouveaux pour conserver son avantage; et ils s'élèvent quelque- 
fois si haut, qu'on les perd absolument de vue; jusqu’à ce que, excédés de fati- 
gue, l’un ou l’autre ou tous les deux, se laissent tomber du haut des airs. 

Aristote, et beaucoup d’autres après lui, prétendent que lorsque les petits 

- commencent à être en état de voler, le père et la mère les obligent à sortir du 
nid et à faire usage de leurs ailes; que bientôt même ils les chassent totalement 
du district qu’ils se sont approprié, si ce district, trop stérile ou trop resserré, 
ne suffit pas à la subsistance de plusieurs couples ; en cela ils se montreraient 
véritablement oiseaux de proie : mais ce fait ne s'accorde point avec les obser- 
vations que M. Hébert a faites sur les corbeaux des montagnes de Bugey, les- 
quels’ prolongent l'éducation de leurs petits, et continuent de pourvoir à leur 
subsistance bien au-delà du terme où ceux-ci sont en état d'y pourvoir par 
eux-mêmes. 

Gesner a nourri de jeunes corbeaux avec de la chair crue, de petits poissons 
et du pain trempé dans l’eau. Ils sont fort friands de cerises, et ils les avalent 
avidement avec les queues et les noyaux; mais ils ne digèrent que la pulpe, et 
deux heures après ils rendent par le bec les noyaux et les queues. On dit qu'ils 
rejettent aussi les peaux des animaux qu'ils ont avalés avec la chair, de même 
que la crécerelle, les oiseaux de proie nocturnes, les oiseaux pêcheurs, etc., 
rendent les parties dures et indigestes des animaux ou des poissons qu'ils ont 
dévorés.iPline dit que les corbeaux sont sujets tous les étés à une maladie pé-. 
riodique de soixante jours, dont, selon lui, le principal symptôme est une grande 
soif : mais je soupçonne que cette maladie n’est autre chose que la mue, la- 


— 156 — 


quelle se fait plus lentement dans le corbeau que dans plusieurs autres oiseaux 
de proie. 

Aucun observateur, que je sache, n’a déterminé l’âge auquel les jeunes cor- 
beaux sont vraiment adultes et en état de se reproduire; et si chaque période de 
la vie était proportionnée dans les oiseaux, comme dans les animaux quadru- 
pèdes, à la durée de la vie totale, on pourrait soupçonner que les corbeaux ne 
deviendraient adultes qu’au bout de plusieurs annéés; car, quoiqu'il y ait beau- 
coup à rabattre sur la longue vie qu'Hésiode accorde aux corbeaux, cependant 
il paraît assez avéré que cet oiseau vit quelquefois un siècle et davantage : on 
en à vu, dans plusieurs villes de France, qui avaient atteint cet âge; et dans 
tous les pays et tous les temps, il a passé pour un oiseau très vivace : mais il 
s’en faut bien que, dans cette espèce, le terme de l’âge adulte, soit retardé en 
proportion de la durée totale de la vie, car sur la fin du premier été, lorsque 
toute la famille vole de compagnie, il est déjà difficile de distinguer à la taille 
les vieux d'avec les jeunes. 

Nous avons remarqué plus haut que le corbeau n’était pas noir en naissant : il 
ne l’est pas non plus en mourant, du moins quand il meurt de vieillesse; car, dans 
ce cas, son plumage change sur la fin, et devient jaune par défaut de nourri- 
ture: mais il ne faut pas croire qu’en aucun temps cet oiseau soit d’un noir pur 
et sans mélange d'aucune autre teinte ; la nature ne connaît guère cette uni- 
formité absolue. En effet, le noir qui domine dans cet oiseau paraît mêlé de vio- 
let sur la partie supérieure du corps, de cendré sur la gorge, et de vert sous le 
corps, sur les pennes de la queue, et sur les plus grandes pennes des ailes et les 
plus éloignées du dos. 

Il n’y a que les pieds, les ongles et le bec qui soient absolument noirs, et ce 
noir du bec semble pénétrer jusqu’à la langue, comme celui des plumes semble 
pénétrer jusqu'à la chair, qui en a une forte teinte. La langue est cylindrique à 
sa base, aplatie et fourchue à son extrémité, et hérissée de petites pointes sur 
ses bords. L’organe de l’ouïe est fort compliqué, et peut-être plus que dans les 
autres oiseaux. Il faut qu'il soit aussi plus sensible, si l’on peut ajouter foi à ce 
que dit Plutarque, qu’on a vu des corbeaux tomber comme étourdis par les cris 
d’une multitude nombreuse et agitée de quelque grand mouvement. 

L'appétit du corbeau s'étend à tous les genres de nourriture, et permet aux 
oiseleurs de trouver des appâts qui lui conviennent. La poudre de noix vomi- 
que, qui est un poison pour un grand nombre d'animaux quadrupèdes, en est 
aussi un pour le corbeau : elle l’enivre au point qu’il tombe bientôt après qu'il 
en à mangé ; il faut saisir le moment où il tombe, car cette ivresse est quelque- 


— 137 — 


fois de courte durée, et il reprend souvent assez de force pour aller mourir ou 
languir sur son rocher. On le prend aussi avec plusieurs sortes de filets, de la- 
‘cets et de pièges, et même à la pipée, comme les petits oiseaux ; car il partage 
avec éux leur antipathie pour le hibou, et il n’aperçoit jamais cet oiseau, ni la 
chouette, sans jeter un cri. On dit qu’il est aussi en guerre avec le milan, le 
vautour, la pie de mer. | | 
Les corbeaux, lorsqu'ils se posent à terre, marchent et ne sautent point. Ils 
ont, comme les oiseaux de proie, les ailes longues et fortes (à-peu-près trois 
pieds et demi d’envergure) ; elles sont composées de vingt pennes, dont les deux 
ou trois premières sont plus courtes que la quatrième, qui est la plus longue de 
toutes, et dont les moyennes ont une singularité, c’est que l'extrémité de leur 
côte se prolonge au-delà des barbes et finit en pointe. La queue a douze pennes 
d'environ huit pouees : le bout paraît un peu arrondi sur son plan horizontal. 
De la longueur des ailes on peut presque toujours conclure la hauteur du vol : 
aussi les corbeaux ont-ils le vol très élevé, et il n’est pas surprenant qu’on les 
ait vus dans les temps de nuées et d'orage traverser les airs ayant le bec.chargé 
‘de feu. Ce feu n'était autre chose sans doute que celui des éclairs mêmes, je 
veux dire, qu’une aigrette lumineuse. formée à la pointe de leur bec par la ma- 
tière électrique, qui, comme on sait, remplit la région supérieure de l’atmos- 
phère dans ces temps d'orage , et pour le dire en passant, c’est peut-être quel- 
que observation de ce genre qui a valu à l'aigle le titre de Menistre de la fou- 
dre ; car il est peu de fables qui ne soient fondées sur la vérité. 
De ce que le corbeau a le volélevé, comme nous verons de le voir, et de 
ce qu'il s’'accommode à toutes les températures, comme chacun sait, il s'ensuit 
que le monde entier lui est ouvert, et qu’il ne doit être exclu d'aucune région. 
En effet, il est répandu depuis le cercle polaire, jusqu’au cap de Bonne-Espé- 
rance et à l’ile de Madagascar, plus ou moins abondamment, selon que chaque 
pays fournit plus ou moins de nourriture, et des rochers qui soient plus ou moins 
à son gré. Il passe quelquefois des côtes de Barbarie dans l’île de Ténériffe. On 
le trouve encore au Mexique, à Saint-Domingue, au Canada, et sans doute dans 
_les autres parties du nouveau continent et dans les îles adjacentes. Lorsqu'une 
fois il est établi dans un pays et qu'il y a pris ses habitudes, il ne le quitte guère 
pour passer dans un autre. [Il reste même attaché au nid qu'il construit, et il 
s’en sert plusieurs années de suite. - 
Son plumage n’est pas le même dans tous les pays. Indépendamment des cau- 
ses particulières qui peuvent en altérer la couleur ou la faire varier du noir au 
brun et même au jaune, il subit encore plus ou moins les influences du climat : 


OISEAUX, RS 


— 1938 — 


ilest quelquefois bianc en Norwège et en Islande, où il y a aussi des corbeaux 
tout-à-fait noirs, et en assez grand nombre. D'un autre côté, on en trouve de 
blancs au centre de la France et de l'Allemagne, dans des nids où il y en a aussi 
de noirs. 

Les corbines passent l'été dans les. grandes forêts, d’où elles ne sortent de 
temps en temps que pour chercher leur subsistance et celle de leur couvée. Le 
fond principal de cette subsistance au printemps, ce sont les œufs de perdrix, 
dont elles sont très friandes, et qu'elles savent même percer fort adroitement 
pour les porter à leurs petits sur la pointe de leur bec. Comme elles en font 
une grande consommation, et qu'il ne leur faut qu’un moment pour détruire 
l'espérance d’une famille entière, on peut dire qu’elles ne sont pas les moins 
nuisibles des oiseaux, quoiqu'’elles soient les moins sanguinaires. Heureusement 
il n’en reste pas un grand nombre pendant l'été; on en trouverait difficilement 
plus de deux douzaines de paires dans une forêt de cinq ou six lieues de tour 
aux environs de Paris. 

En hiver elles vivent avec les mantelées, les frayonnes ou les freux, et à-peu- 
près de la même manière : c’est alors que l’on voit, autour des lieux habités, 
des volées nombreuses, composées de toutes les espèces de corneilles, se tenant 
presque toujours à terre pendant le jour, errant pêle-mêle avec nos troupeaux 
et nos bergers, voltigeant sur les pas de nos laboureurs, et sautant quelquefois 
sur le dos des cochons et des brebis avec une familiarité qui les ferait prendre 
pour des oiseaux domestiques et apprivoisés. 

La nuit, elles se retirent dans les forêts sur de grands arbres qu’elles parais- 
sent avoir adoptés, et qui sont des espèces de rendez-vous, des points de rallie- 
ment, où elles se rassemblent le soir de tous côtés, quelquefois de plus de trois 
lieues à la ronde, et d’où elles se dispersent tous les matins : mais ce genre de 
vie ne réussit pas également à toutes; car si les corbines et les mantelées de- 
viennent prodigieusement grasses, les frayonnes sont presque toujours maigres. 
On assure que ces oiseaux restent constamment appariés toute leur vie; on pré- 
tend même que, lorsque l’un des deux vient à mourir, le survivant lui demeure 
fidèle, et passe le reste de ses jours dans une irréprochable viduité. 

On reconnaît la femelle à son plumage, qui a moins de lustre et de reflets. 
Elle pond cinq ou six œufs; elle les couve environ trois semaines; et, pendant 
qu'elle les couve, le mâle lui apporte à manger. 

J'ai eu occasion d'examiner un nid de corbine, qui m'avait été apporté dans 
les premiers jours du mois de juillet. On l'avait trouvé sur un chêne, à la hau- 
teur de huit pieds, dans un bois en coteau où il y avait d’autres chênes plus 


— 139 — 


grands. Ce nid pesait deux ou trois livres: il était fait en dehors dé petites 
branches et d’épines entrelacées grossièrement et mastiquées avec de la terre 
et du crottin de cheval; le dedans était plus mollet, et construit plus soigneuse- 
ment avec du chevelu de racines. J’y trouvai six petits éclos; ils étaient encore 
vivans, quoiqu'ils eussent été vingt-quatre heures sans manger : ils n’avaient 
pas les yeux ouverts; on ne leur apercevait aucune plume, si ce n’est les 
pennes de l'aile qui commencçaient à poindre : tous avaient la chair mélée de 
jaune et de noir, Le bout du bec et des ongles jaune; les coins de la bouche d’un 
blanc sale, le reste du bec et des pieds rougeûtre. 

Lorsqu'une buse ou une crécerelle vient à passer près du nid de ces oiseaux, 
le père et la mère se réunissent pour l’attaquer, etils se jettent sur elle avec 
tant de fureur, qu'ils la tuent quelquefois en lui crevant la tête à coups de 
bec. Ils se battent aussi avec les pies-grièches; mais celles-ci, quoique plus 
petites, sont si courageuses qu’elles viennent souvent à bout de les vaincre, de 
les chasser et d'enlever toute la couvée. 

Les anciens assurent que les corbines, ainsi que les corbeaux, continuent 
leurs soins à leurs petits bien au-delà du temps où ils sont en état de voler. 
Cela me paraît vraisemblable : je suis même porté à croire qu’ils ne se séparent 
point du tout la première année; car ces oiseaux étant accoutumés à vivre en 
société, et cette habitude devant bientôt les réunir avec des étrangers, il est 
naturel qu'ils continuent la société commencée avec leur famille, et qu'ils la 
préfèrent même à toute autre ? 

La corbine apprend à parler comme le corbeau, et comme lui elle est omni- 
vore : insectes, vers, œufs d'oiseaux, poissons, grains, fruits, toute nourriture 
lui convient; elle sait aussi casser les noix en les laissant tomber d’une certaine 
hauteur. Elle visite les lacets et les pièges, et fait son profit des oiseaux qu’elle 
y trouve engagés; elle attaque même le petit gibier affaibli ou blessé, ce qui a 
donné l’idée dans quelques pays de l’élever pour la fauconnerie : mais par une 
juste alternative, elle devient à son tour la proie d’un ennemi plus fort, tel que 
le milan, le grand-duc, etc. 

Comwme cet oiseau est fort rusé, qu'il a l’odorat très subtil, et qu'il vole ordi- 
nairement en grandes troupes, il se laisse difficilement approcher, et ne donne 
guère dansles pièges des oiseleurs. On en attrape cependant quelques-uns à la 
pipée, en imitant le cri de la chouette et en tendant les gluaux sur les plus hautes 
branches, ou bien en les auirant à la portée du fusil ou même de la sarbacane, 
par le moyen d’un grand-duc ou de tel autre oiseau de nuit qu'on élève sur des 


juchoirs dans un lieu découvert. 


— 140 — 


On les détruit en leur jetant des fèves de marais, dont elles sont très friandes, 
et que l’on a eu la précaution de garnir en dedans d’aiguilles rouillées. Mais la 
façon la plus singulière de les prendre est celle-ci que je rapporte, parce 
qu’elle fait connaître le naturel de l'oiseau. Il faut avoir une corbine vivante : 
on l’attache solidement contre terre, les pieds en haut, par le moyen de cro- 
chets qui saisissent de chaque côté l’origine des ailes; dans cette situation pé- 
nible, elle ne cesse de s’agiter et de crier : les autres corneilles ne manquent 
pas d’accourir de toutes parts à sa voix , comme pour lui donner du secours; 
mais la prisonnière, cherchant à s’accrocher à tout pour se tirer d’embarras, 
saisit avec le bec et les griffes qu’on lui a laissés libres, toutes celles qui s’ap- 
prochent, et les livre ainsi à l’oiseleur. 

On les prend encore avec des cornets de papier empâtés de viande crue. 
Lorsque la corneille introduit sa tête pour saisir l'appât qui est au fond, les 
bords du cornet, qu’on a eu la précaution d’engluer, s’attachent aux plumes de 
son cou; elle en demeure coiffée, et, ne pouvant se débarrasser de cet incom- 
mode bandeau qui lui couvre entièrement les yeux, elle prend l'essor, et s'élève 
en l'air presque perpendiculairement (direction la plus avantageuse pour évi- 
ter les chocs), jusqu’à ce qu'ayant épuisé ses forces, elle retombe de lassitude, 
el toujours fort près de l'endroit d’où elle était partie. En général, quoique ces 
corneilles n'aient le vol ni léger ni rapide, elles montent cependant à une très 
grande hauteur; et lorsqu'une fois elles y sont parvenues, elles s’y soutiennent 
long-temps, et tournent beaucoup. 


DES OISEAUX GALLINACÉS. 


Les gallinacés ont le corps généralement gros et massif. Ces oiseaux forment 
une grande famille naturelle dont les pigeons seuls s’éloignent assez pour qu’on 
ait été indécis sur la place qu'ils doivent réellement occuper dans cette divz- 
sion ornithologique. 

Les oiseaux de cet ordre ont le bec court et convexe, à mandibule supérieure 
voûtée, courbée depuis sa base jusqu’à la pointe ; leurs narines sont recouvertes 
d’une membrane voütée, nue ou garnie de plumes ; leurs pieds ont les trois 
doigts de devant réunis par une courte membrane ; le doigt de derrière s’arti- 
cule plus haut sur les tarses, au-dessus des articulations des doigts de devant. 
Quelquefois, ces oiseaux manquent de doigt postérieur; d’autres fois il est très 

petit, et leurs trois doigts de devant sont très libres ou réunis. 

Dans beaucoup d'espèces, principalement chez le mâle, on remarque à la 
partie postérieure du tarse, au-dessus du pouce, une saillie nommée eperon ou 
ergot, formée d’une épine osseuse, revêtue extérieurement de cornes, plus ou 
moins pointues, selon les espèces, et qui s’ailonge à mesure que l'animal 
vieillit ; les tarses sont courts ou de hauteur médiocre , les pieds propres à la 
course ; le pouce, lorsqu'il existe, est en général élevé de terre, ou n’y touche 
que par le bout. Les gallinacés'sont lourds, ont le corps très charnu et les ailes 


— 142 — 


courtes, ce qui, avec la faiblesse de leurs muscles pectoraux, rend leur vol assez 
difficile. 

Tous les gallinacés sont pulvérisateurs ; c'est-à-dire que tous aiment à grat- 
ter la terre et à se vautrer dans la poussière ; ils se nourrissent généralement 
de graines, quelquefois d'insectes, et plusieurs espèces de baies et de bour- 
geons. Presque toujours leur nid est fait sans art, sur la terre, et le mâle ne 
prend aucune part à sa construction, non plus qu’à l’incubation des œufs, dont 
le nombre est souvent considérable ; aussitôt que les petits sont sortis de la co- 
quille, ils marchent, mangent seuls, et abandonnent le nid pour suivre leur 
mère. Ils restent en famille jusqu’au printemps suivant, époque à laquelle ils 
se séparent; les pigeons seuls ont des mœurs différentes. 

C’est à l'ordre des gallinacés qu’appartiennent la plupart de nos oiseaux de 
basse-cour ; aucun autre n'offre à l’homme plus de ressources pour ses besoins 
et ses jouissances. La chair de beaucoup de gallinacés est un mets sain et 
léger, qui restaure sans surcharger l'estomac ; leurs plumes servent à divers 
usages : on les applique à la parure et aux arts industriels. 

Ces oiseaux sont presque tous originaires des contrées chaudes des deux con- 
tinens. Quoiqu’ils n’aient pas de régime exclusif, ils vivent en général de 
graines, et, pour avaler la boisson qu’ils ont introduite dans leur bec, ils lèvent 
la tête en l'air. 

Les sexes présentent de grandes différences dans leur plumage, du moins 
jusqu’à ce que les individus aient atteint un âge avancé, époque à laquelle 
les femelles se revêtent quelquefois du plumage des mâles qui est plus éclatant; 
ils diffèrent aussi par la taille qui, dans la plupart des espèces, est moins grande 
chez la femelle. 

Il y a dans l’histoire des mœurs des oiseaux gallinacés, des particularités 
dignes de remarque, et qui pourtant ont échappé à l'attention de quelques 
écrivains naturalistes. Le plus ordinairement ces oiseaux vivent en polygamie ; 
les mâles sont moins nombreux que les femelles et ils en ont, en même 
temps, plusieurs qui les suivent, qu’ils protègent contre les attaques des autres 
animaux et qu'ils ne laissent point approcher par les mâles de leur espèce. Les 
femelles, comme il arrive toujours dans le cas de polygamie, pondent un 
nombre plus ou moins considérable d'œufs qu’elles couvent seules sans que 
les mâles partagent jamais les soins de l’incubation. Les gallinacés sont peu 
voyageurs, on n’en connaît qu'un petit nombre qui se livrent à des migrations 
d'outre-mer. Leur appareil du vol ne leur permettrait pas, en effet, de faire de 
longs trajets sans se reposer ; les ailes sont le p lus souvent courtes et obtuses, 


— 143 — 


et le sternum est remarquable par son peu de solidité. Les cailles, qui entre- 
prennent chaque année de longues traversées , ne les exécutent qu’en se faisant 
supporter par le vent, et sans le procédé ingénieux qu’elles mettent en usage, 
il leur serait véritablement impossible de réussir à voler long-temps. Les gan- 
gas et les hétéroclites voyagent au contraire presque constamment ; aussi leurs 
ailes sont-elles allongées et plus aiguës; chez eux la première rémige est la 
plus longue, et leurs muscles pectoraux ont un grand développement. 

Les gallinacés n’habitent pasindifféremment telle ou telle contrée du globe. La 
poule et le dindon qui se trouvent maintenant presque par toute la terre, y ont 
été portés par l’homme, mais on ne les y rencontrait pas naturellement; il y a 
des oiseaux de cet ordre qui habitent une circonscription territoriale dont ils 
ne semblent pas s'éloigner : c’est ainsi que les coqs sauvages et les faisans sont 
de l’Asie, ainsi que les Lophophores, les paons, etc. ; les dindons, les hoccos, 
les colins, les tinamous, sont d'Amérique, et les pintades du nord de l'Afrique. 
Quelques petits genres, tels que les caïlles, les colins, les lagopèdes, sont de 
l’ancien monde ; quelques autres se trouvent dans les deux Amériques; mais il 
n’en est qu'un très petit nombre qui soient véritablement de l’ancien continent 
en même temps que du nouveau. 

La taille des oiseaux de cet ordre présente des variations considérables : elle 
est tantôt élevée, comme chez les paons, les dindons, etc.; d’autres fois elle 
est fort réduite , Comme chez les colins, les caïlles, etc. ; mais le plus souvent 
elle est moyenne, et ne s'éloigne pas de celle des perdrix, des gangas, des ti- 
nantous , etc. 

Le plumage n’est pas moins varié, et souvent il.emprunte des ornemens qui 
ne le cèdent en rien au brillant métallique et aux reflets chatoyans des plus 
beaux passereaux. Les paons et les éperonniers ont la queue émaillée d’ocelles 
métalliques que les mots ne peignent qu’infidèlement. D’autres, moins riches, 
moins resplendissans dans leurs couleurs, offrent cependant des mélanges fort 
gracieux de rouge, de violet, de noir, etc.; ce sont les perdrix, les colins, etc. ; 
ou bien ils sont caractérisés, comme les hoccos , les pauxis et quelques autres, 
par une teinte uniforme, mais toujours remarquable par sa netteté, si elle ne 
l’est par sa vivacité, comme cela se remarque chez le dindon ou le hocco. 

On a partagé l’ordre des gallinacés en plusieurs genres dont les principaux 


sont : les pigeons, les dindons , les paons, les alectors, les faisans , les pinta- 
des et les tetras. 


isa AE 


TOURTERELLE. 


(PI. 16.) 


La tourterelle (1) aime peut-être plus qu'aucun autre oiseau la fraîcheur en 
été et la chaleur en hiver ; elle arrive dans notre climat fort tard au printemps, 
et le quitte dès la fin du mois d’août. Toutes les tourterelles, sans en excepter 
une, se réunissent en troupe, partent et voyagent ensemble : elles ne séjour- 
nent ici que quatre ou cinq mois; pendant ce court espace de temps, elles ni- 
chent, pondent et élèvent leurs petits au point de pouvoir les emmener avec 
elles. 

Ce sont les bois les plus sombres et les plus frais qu’elles préfèrent pour s’y 
établir ; elles placent leur nid sur les plus hauts arbres, dans les lieux les plus 
éloignés de nos habitations. En Suède, en Allemagne, en France, en Italie, en 
Grèce, et peut-être encore dans des pays plus froids et plus chauds, elles ne 
séjournent que pendant l’été et quittent également avant l’automne. 

On les trouve presque partout dans les îles de la mer du sud. Elles sont, 
comme les pigeons, sujettes à varier ; et quoique naturellement plus sauvages, 
on peut néanmoins les élever de même, et les faire multiplier dans des volières. 
Il est fort possible, que les bisets, les ramiers et les tourterelles dont les es- 
pèces paraissent se soutenir séparément el sans mélange dans l’état de nature, 
se soient néanmoins souvent unis dans celui de domesticité, et que de leur 
mélange soient issues la plupart des races de nos pigeons domestiques, dont 
quelques-uns sont de la grandeur du ramier ; d’autres ressemblent à la tourte- 
relle par la petitesse, par la figure, etc., et dont plusieurs enfin tiennent du 
biset ou participent de tous trois. 


(r) En latin, turtur; en espagnol , tortola ou tortora; en italien, tortora ‘ou tortorella; en alle- 
mand, turtel, turtel-taube; en anglais, turtle, turtle-dove. 


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— 145 


TOURTERELLE À COLLIER. 


(CEE) 


Cette espèce s'appelle de ce nom, parce qu’elle porte sur le cou une sorte 
de collier noir ; elle se trouve dans notre climat, et lorsqu'on les unit ensemble 
avec l'espèce dont nous venons de parler, elles produisent un métis. Celui que 
Schwenkfeld décrit, et qu'il appelle Zurtur mixtus, provenait d’un mâle de 
tourterelle commune et d’une femelle de tourterelle à collier, et tenait plus de 
la mère que du père : je ne doute pas que ces métis ne remontent à la race de 
la mère dans la suite des générations. Au reste, la tourterelle à collier est un 
peu plus grosse que la tourterelle commune, et ne diffère en rien pour le na- 
turel et les mœurs : on peut même dire qu’en général les pigeons, les ramiers 
et les tourterelles se ressemblent encore plus par l'instinct et les habitudes na- 
turelles que par la figure; ils mangent et boivent de même et ne relèvent la tête 
qu'après avoir avalé toute l’eau qui leur est nécessaire ; ils volent de même en 
troupe : dans tous, la voix est plutôt un gros murmure ou un gémissement 
plaintif, qu'un chant articulé ; tous ne produisent que deux œufs, quelquefois 
trois , et tous peuvent produire plusieurs fois l’année dans des pays chauds ou 


dans des volières. 


 PIGEON BISET. 


(PL x.) 


Le biset(1), ou pigeon sauvage, est la tige primitive de tous les autres pi- 


(1) En latin, columba; en espagnol, paloma; en italien, colombo; en allemand, taube ou tauben; 
en anglais, dove, common dove, house-pigeon. 


OISEAUX, 19 


— 146 — 


geons : communément il est de la même grandeur et de la même forme, mais 
d’une couleur plus bise que le pigeon domestique; et c’est de cette couleur que 
lui vient son nom. Cependant il varie quelquefois pour les couleurs et la gros- 
seur ; ils nichent dans les trous des bâtimens ruinés et les rochers qui sont dans 
les forêts, ce qui leur a fait donner , par quelques naturalistes , le nom de pi- 
geons de roche ou rocheraies ; ils aiment aussi les terres élevées et les mon- 
iagnes, et on les a aussi appelés pigeons de montagne. Les anciens ne connais- 
saient que cette espèce de pigeon sauvage, qu'ils appelaient Où ou vinago, 
et ils ne font nulle mention de notre biset, qui néanmoins est le seul pigeon 
sauvage, et qui n’aië pas passé par l’état de domesticité. Un fait qui vient 
à l’appui de mon opinion, c’est que, dans tous les pays où il y a des pigeons do- 
mestiques , on trouve aussi des ænas; au lieu que les bisets ne se trouvent pas 
dans les pays froids k et ne restent que pendant l’été dans nos pays tempérés ; 
ils arrivent par troupes en Bourgogne , en Champagne, et dans les autres pro- 
vinces septentrionales de la France, vers la fin de février et au commencement 
de mars ; ils s’établissent dans les bois, y nichent dans des creux d'arbre, pon- 
dent deux ou trois œufs au printemps, et vraisemblablement font une seconde 
ponte en été; à chaque ponte ils n’élèvent que deux petits, et s'en retournent 
dans le mois de novembre; ils prennent leur route du côté du midi, etse ren- 
dent probablement en Afrique par l Espagne pour y passer l'hiver. 

Le biset ou pigeon sauvage, et l' ænas ou le pigeon déserteur , qui retourne 
à l’état de sauvage, se perchent, et par cette habitude se distinguent du pigeon 
de muraille, qui déserte aussi nos colombiers , mais qui semble craindre de 
retourner dans les bois, et ne se perche jamais sur les arbres. 

Après ces trois pigeons, dont les deux derniers sont plus ou moins près de 
l’état de nature, vient le pigeon de nos colombiers, qui n’est qu'à demi domes- 
tique, et retient encore de son premier instinct l'habitude de voler en troupe : 
s’il a perdu le courage intérieur d’où dépend le sentiment de l'indépendance : 
il a acquis d’autres qualités qui, quoique moins nobles , paraissent plus agréa- 
bles par leurs effets. Ils produisent souvent trois fois l’année, et les pigeons 
de volière produisent jusqu’à dix ou douze fois , au lieu que le biset ne pro- 
duit qu’une ou deux fois tout au plus. Ils pondent, à deux jours de distance é 
presque toujours deux œufs , rarement trois, et n’élèvent presque jamais que 
deux petits, dont crdinairement l’un se trouve mâle et l’autre femelle : il y en 
a même plusieurs, et ce sont les plus jeunes , qui ne pondent qu’une fois; le 
produit du printemps est toujours plus nombreux qu’en automne , du moins 
dans ces climats. 


— 147 — 


Les meilleurs colombiers, où les pigeons se plaisent et multiplient le plus, 
ne sont pas Ceux qui sont trop voisins de nos habitations : ils doivent être pla- 
cés à quatre ou cinq cents pas de distance de la ferme, sur la partie la plus 
élevée du terrain, et il n’est nullement à craindre que cet éloignement nuise 
à leur multiplication; ils aiment les lieux publics, la belle vue, l'exposition 
au levant , la situation élevée, où ils puissent jouir des premiers rayons du 
soleil. On à vu souvent les pigeons de plusieurs colombiers situés dans le bas 
d’un vallon, en sortir avant le lever du soleil pour gagner un colombier situé 
au-dessus de la colline, et s’y rendre en si grand nombre, que le toit était 
entièrement couvert de ces pigeons étrangers, auxquels les domiciliés étaient 
obligés de faire place. C’est surtout au printemps et en automne que ces oi- 
seaux semblent rechercher les premières influences du soleil, la pureté de 
l'air et les lieux élevés. Le peuplement de ces colombiers isolés, élevés et si- 
tués haut, est plus facile, et le produit bien plus nombreux que dans les au- 
tres colombiers. J’ai retiré quatre cents paires de pigeonneaux d’un de mes 
colombiers qui, par sa situation et la hauteur de sa bâtisse, était élevé d’en- 
viron deux cents pieds au-dessus des autres colombiers, tandis que ceux-ci ne 
produisent que le quart ou le tiers tout au plus, c’est-à-dire cent ou cent trente 
paires : il faut seulement veiller à l’oiseau de proie, qui fréquente de préfé- 
rence ces colombiers élevés et isolés, et qui inquiète les pigeons, sans néan- 
moins en détruire beaucoup, car il ne peut saisir que ceux qui se séparent de 
la troupe. f 

Il était aisé de rendre domestiques des oiseaux pesans, tels que les coqs, les 
dindons et les paons ; mais ceux qui sont légers et dont le vol est rapide de- 
mandaient plus d'art pour être subjugués. Une chaumière basse dans un ter- 
rain clos suffit pour contenir, élever et faire multiplier nos volailles; il faut 
des tours, des bâtimens élevés, faits exprès, bien enduits-en dehors et gar- 
nis en dedans de nombreuses cellules, pour attirer, retenir et loger les 
pigeons. Ils ne sont réellement ni domestiques comme les chiens et les che- 
vaux, ni prisonniers comme les poules; ce sont plutôt des eaptifs volontaires, 
des hôtes fugitifs, qui ne se tiennent dans le logement qu’on leur offre’qu'au- 
tant qu'ils s’y plaisent , autant qu'ils y trouvent la nourriture abondante, le 
gîte agréable, et toutes les commodités, toutes les aisances nécessaires à 
Ja vie. 

Pour peu que quelque chose leur manque ou leur déplaise , ils quittent et se 
dispersent pour aller ailleurs : il yen a même qui préfèrent constamment les 
Wrous poudreux des vieilles murailles aux boulins les plus propres de nos co- 


— 148 — 


lombiers; d’autres qui se gîtent dans des fentes et des creux d'arbres; d’au- 
tres qui semblent fuir nos habitations , et que rien ne peut y attirer, tandis 
qu'on en voit au contraire qui n’osent les quitter, et qu'il faut nourrir autour 
de leur volière, qu'ils n’abandonnent jamais. 

Ces habitudes opposées, ces différences de mœurs , sembleraient indiquer 
qu’on comprend sous le nom de pigeons, un grand nombre d'espèces diverses, 
dont chacune aurait son naturel propre. 

Le biset, dont nous nous occupons en ce moment, semble être la souche pre- 
mière de laquelle tous les autres pigeons tirent leur origine, ils en diffèrent plus 
ou moins, selon qu'ils ont été plus ou moins maniés par les hommes. Nous voyons 
dans cette espèce toutes les nuances du sauvage au domestique se présenter 
successivement et comme par ordre de généalogie, ou plutôt de dégénération. 
Le biset nous est représenté, d’une manière à ne pouvoir s’y méprendre, par 
ceux de nos pigeons fuyards qui désertent nos colombiers et prennent l’habi- 
tude de se percher sur lesarbres : c’est la plus forte nuance de leur retour à 
l’état de nature. | 

Ces pigeons , quoique élevés dans l’état de domesticité, quoique en appa- 
rence accoutumés comme les autres à un domicile fixe, à des habitudes com- 
munes, quittent ce domicile , rompent toute société et vont s'établir dans les 
bois; ils retournent donc à leur état de nature, poussés par leur seul instinct. 
D'autres, apparemment moins courageux , moins hardis, quoique également 
amoureux de leur liberté, fuient de nos colombiers pour aller habiter solitai- 
rement quelques trous de muraille, ou bien se réfugient en petit nombre dans 
uue tour peu fréquentée; malgré les dangers , la disette et la solitude de-ces 
lieux, où ils manquent de tout, où ils sont exposés à la belette, aux rats, à la 
fouine', à la chouette, et où ils sont forcés de subvenir en tout temps à leurs 
besoins par leur seule industrie, ils restent néanmoins constamment dans ces 
habitations incommodes, et ils les préfèrent pour toujours à leur premier domi- 
cile, où cependant ils sont nés, où ils ont été élevés ,soù tous les exemples de 
la société auraient dù les retenir. Ces pigeons de muraille ne retournent pas 
en entier à l’état de nature ; ils ne se perchent pas comme les premiers, et sont 
néanmoins beaucoup plus près de l’état libre que de la condition domestique. 
Quant à nos pigeons de colombier, dont tout le monde connaît les mœurs, 
lorsque leur demeure leur convient, ils ne l’abandonnent pas, ou ne la quit- 
tent que pour en prendre une qui convient encore mieux, et ils n’en sortent 
que pour aller s’égayer ou se pourvoir dans les champs voisins. Or, comme 
c'est parmi ces pigeons même que se trouvent les fuyards et les déserteurs dont 


— 149 — 


nous venons de parler , cela prouve que tous n’ont pas encore perdu leur in- 
stinct d’origine, et que l'habitude de la libre domesticité dans laquelle ils vi- 
vent, n’a pas entièrement effacé les traits de leur première nature, à laquelle ils 
pourraient encore remonter. 

Les gros et petits pigeons de volière, dont les races, les variétés, les mé- 
langes, sont presque innombrables, parce que, depuis un temps immémorial, 
ils sont absolument domestiques, sont, pour la plupart, plus grands, plus 
beaux que les pigeons communs, plus féconds, plus gras et de meilleur goût ; 
c’est par toutes ces raisons qu'on les a soignés de plus près, et qu’on à cherché 
à les multiplier, malgré toutes les peines qu’il faut se donner pour leur édu- 
cation et pour le succès de leurs nombreux produits. Dans ceux-ci aucun ne 
remonte à l’état de nature, aucun même ne s'élève à l’état de liberté; ils ne 
quittent jamais les alentours de leur volière; il faut les y nourrir en tout temps: 
la faim la plus pressante ne les détermine pas à aller chercher ailleurs; ils se 
laissent mourir d’inanition plutôt que de quêter leur subsistance ; accoutumés 
à la recevoir de la main de l’homme, ou à la trouver toute préparée , toujours 
dans le même lieu, ils ne savent vivre que pour manger, et n’ont aucune des 
ressources, aucun des petits talens que le besoin inspire à tous les animaux. 

On peut regarder cette dernière classe , dans l’ordre des pigeons, comme 
absolument domestique, captive sans retour, entièrement dépendante de 
l'homme; et l’on ne peut douter qu'il ne soit l’auteur de toutes ces races es- 
claves, d'autant plus perfectionnées pour nous qu’elles sont plus dégénérées. 
L'homme est le maître de forcer la nature par ses combinaisons et de la fixer 
par son industrie : de deux individus singuliers qu’elle aura produits comme 
par hasard, il en fera une race, constante et perpétuelle , et il en tirera plu- 
sieurs autres races qui, Sans ses soins, n'auraient jamais vu le jour. 


— 150 — 


PIGEON GROSSE-GORGE. 


(PL. 17.) 


Les races pures, c’est-à-dire les variétés principales de pigeons domesti- 
ques, avec lesquelles on peut faire les variétés secondaires de chacune de ces 
races, sont : 1° les pigeons appelés grosses-gorges, parce qu’ils ont la faculté 
d’enfler prodigieusement leur jabot en aspirant et retenant l'air ; 2° les pigeons 
mondains, qui sont les plus remarquables par leur fécondité, ainsi que les 
pigeons romains, Les pigeons pattus et les nonnains ; 3° les pigeons-paons, qui 
élèvent et étalent leur large queue comme le dindon ou le paon; 4° le pigeon- 
cravate ou à gorge frisée; 5° le pigeon-coquille hollandais ; 6° le pigeon- 
hirondelle; 7° le pigeon-carme; 8° le pigeon heurté; 9° les pigeons suisses; 
10° le pigeon culbutant ; 11° le pigeon tournant. 

La race du pigeon grosse-gorge est composée des variélés suivantes : 

1°. Le pigeon grosse-gorge soupe-en-vin, dont les mâles sont très beaux , 
parce qu'ils sont panachés, et dont les femelles ne panachent point. 

2°. Le pigeon grosse-gorge chamois panaché : la femelle ne panache point. 
C'est à cette variété qu’on doit rapporter le pigeon de Frisch, queles Allemands 
appellent kropf-taube ou kroïüper, et que cet auteur à indiqué sous la déno- 
mination de columba strumosa ; seu columba æsophago inflato. 

3". Le pigeon grosse-gorge, blanc comme un cygne. 

L° Le pigeon grosse-gorge blanc, pattu, et à longues ailes qui se croisent sur 
la queue, dans lequel la boule de la gorge paraît fort détachée. 

5°. Le pigeon grosse-gorge gris panaché, et le gris doux, dont la couleur est 
douce et uniforme par tout le corps. 

6‘. Le pigeon grosse-gorge gris de fer, gris barré et à rubans. 

7°. Le pigeon grosse-gorge gris piqué, comme argenté. 

5°. Le pigeon grosse - gorge jacinthe, d’une couleur bleue ouvragée en 
blanc. 


9°. Le pigeon grosse-sorge couleur de feu : il y a sur toutes ses plumes 


— A51 — 


une barre bleue et une barre rouge , et la plume est terminée par une barre 
noire. 

10°. Le pigeon grosse-sorge couleur de bois de noyer. 

11°. Le pigeon grosse-gorge couleur de marron , avec les pennes de l’aile 
toutes blanches. 

12°. Le pigeon grosse-gorge maurin, d’un beau noir velouté, avec les dix 
plumes de l'aile blanches comme dans le grosse-gorge marron : ils ont tous 
deux la bavette ou le mouchoir blanc sous le cou; et dans ces dernières races 
à col blanc et à grosse gorge, la femelle est semblable au mâle. Au reste, dans 
toutes les races de grosses-gorges d’origine pure, c’est-à-dire de couleur uni- 
forme, les dix pennes sont toutes blanches jusqu’à la moitié de l’aile, et on peut 
regarder ce caractère comme général. 

13°. Le pigeon grosse-gorge ardoisé, avec le vol blanc et la cravate blanche: 
la femelle est semblable au mâle. 

Voilà les races principales des pigeons à grosse-gorge; mais il y en a en- 
core plusieurs autres moins belles, comme les rouges, les olives, les couleurs 
de nuit, etc. 7 

Tous,ces pigeons ont en général plus ou moins la faculté d’enfler leur jabot 
en aspirant l’air; on peut de même le faire enfler en soufflant de l'air dans leur 
gosier : mais cette race de pigeons grosse-gorge ont cette faculté à un si haut 
point, qu’elle doit dépendre d’une formation particulière dans les organes ; ce 
jabot, presque aussi gros que tout le reste de leur corps, et qu'ils tiennent con- 
tinuellement enflé , les oblige à retirer leur tête et les empêche de voir devant 
eux : aussi, pendant qu'ils se rengorgent, l'oiseau de proie les saisit sans qu'ils 


laperçoivent. 


PIGEON-CRAVATE. 


(LT) 


Le pigeon-cravate est l’un des plus petits pigeons; il n’est guère plus gros 
qu’une tourterelle. On distingue le pigeon-cravate du pigeon-nonnain, en ce 


— 1452 —. 


que le pigeon-cravate n’a point de demi-capuchon sur la tête et sur le cou , et 
qu’il n’a précisément qu’un bouquet de plumes qui semble se rebrousser sur la 
poitrine et sous la gorge. Ce sont de très jolis pigeons, bien faits, qui ont l'air 
très propre, et dont il y en a de soupe-en-vin, de chamois, de panachés, de 
roux, et de gris, de tout blancs et de tout noirs, et d’autres blancs avec des 
manteaux noirs : c’est à cette dernière variété qu’on peut rapporter le pigeon de 
Frisch, sous le nom allemand mowchen, etla dénomination latine columba 
collo hirsuto. Ce pigeon n’est pas d’un grand produit : d’ailleurs il est petit, et 
se laisse aisément prendre par l'oiseau de proie; c’est par toutes ces raisons 
qu'on n’en élève guère. | 


PIGEON NONNAIN. 


(PI. 37.) 


Dans les races moyennes et petites de pigeons domestiques on distingue le 
pigeon-nonnain, dont il y a plusieurs variétés ; savoir, le soupe-en-vin, le rouge 
panaché, le chamois panaché ; les femelles de ces trois variétés ne sont jamais 
panachées. Il y a aussi dans la race des nonnains une variété qu’on appelle 
pigeon maurin, qui est tout noir, avec la tête blanche et le bout des ailes aussi 
blanc ; en général , tous les nonnaïins, soit maurins ou autres , sont coiffés , ou 
plutôt ils ont comme un demi-capuchon sur la tête, qui descend le long du cou, 
et s'étend sur la poitrine en forme de cravate composée de plumes redressées. 
Cette variété est voisine de la race du pigeon grosse-gorge ; car ce pigeon coiffé 
est de la même grandeur, et sait aussi enfler un peu son jabot. II ne produit 
pas autant que les autres nonnains, dont les plus parfaits sont tout blancs € 
sont ceux qu'on regarde comme les meilleurs de la race : tous ont le bec très 
court; ceux-ci produisent beaucoup, mais les pigeonneaux sont très petits. 


PIGEON POLONAIS. 


(PL x7:) 


Les pigeons polonais sont plus gros que les pigeons-paons; ils ont pour ca- 
ractère d’avoir le bec très gros et très court, les yeux bordés d’un large cercle 
rouge, les jambes très basses : il y en a de différentes couleurs, beaucoup de 
noirs , des roux, des chamois, des gris piqués et de tout blancs. 

Les plus beaux de cette race ont jusqu’à trente-deux plumes à la queue, tan- 
dis que les pigeons d’autres races n’en ont que douze : lorsqu'ils redressent leur 
queue, ils la poussent en avant; et comme ils retirent en même temps la tête 
en arrière, elle touche à la queue. Ils tremblent aussi pendant tout le temps de 
celte opération, soit par la forte contraction des muscles, soit par quelque au- 
tre cause; car il y a plus d’une race de pigeons trembleurs. Il y en a de tout 
blancs, d’autres blancs avec la tête et la queue noires ; et c’est à cette seconde 
variété qu'il faut rapporter le pigeon columba caudata. Frisch remarque que, 
dans le même temps que le pigeon-paon étale sa queue, il agite fièrement et 
constamment sa tête et son cou, à-peu-près comme l'oiseau appelé £orcol. Ces 
pigeons ne volent pas aussi bien que les autres ; leur large queue est cause qu'ils 
sont souvent emportés par le vent, et qu'ils tombent à terre : ainsi, on les élève 
plutôt par curiosité que pour l'utilité. Aureste, ces pigeons qui, par eux-mêmes 
ne peuvent faire de longs voyages, ont été transportés fort loin par Les hommes. 
Il y a aux Philippines des pigeons qui relèvent et étalent leur queue comme 
le paon. 


OISEAUX. 20 


— 154 — 


PIGEON RAMIER. 


Comme cet oiseau est beaucoup plus gros que le biset, et que tous deux tien- 
nent de très près au pigeon domestique , on pourrait croire que les petites races 
de nos pigeons de volière sont issues des bisets, et que les plus grandes vien- 
nent des ramiers (1), d'autant plus que les anciens étaient dans l’usage d'élever 
des ramiers, de les engraisser et de les faire multiplier : il se peut donc que 
nos grands pigeons de volière, et particulièrement les gros pattus, viennent 
originairement des ramiers. 

La tourterelle, qui s’apprivoise encore plus aisément que le ramier, et que 
l'on peut facilement élever et nourrir dans les maisons, pourrait, à égal titre, 
être regardée comme la tige de quelques-unes de nos races de pigeons domesti- 
ques, si elle n’était pas, ainsi que le ramier, d’une espèce particulière et qui 
ne se mêle pas avec les pigeons sauvages. 

A juger du genre columbace par toutes les analogies , il paraît que dans l’état 
de nature il y a trois espèces principales, et deux autres qu'on peut regarder 
comme intermédiaires. Les Grecs avaient donné à chacune de ces cinq espèces 
des noms différens ; la première et la plus grande est le phassa, où phatta, qui 
est notre ramier ; la seconde est le peleias, qui est notre biset ; la troisième, le 
trugon, où la tourterelle ; la quatrième, qui fait la première des intermédiai- 
res est l’'œnas, qui étant un peu plus grand que le biset, doit être regardé 
comme une variété dont l’origine peut se rapporter aux pigeons fuyards ou 
déserteurs de nos colombiers ; enfin la cinquième est le phaps, qui est un ra- 
mier plus petit que le phassa, et qu’on à par cette raison appelé palumbus mi- 
nor, mais qui ne nous paraît faire qu'une variété dans l'espèce du ramier; car 
on a observé que, suivant les climats, les ramiers sont plus ou moins grands. 
Ainsi toutes les espèces nominales, anciennes et modernes, se réduisent tou- 


(1) Eu latin, palumbes ; en italien, colombo torquato ; en espagnol, paloma torcalz ; en alle- 


mand , réngel-taube ; en anglais, ring dove, et dans le nord de l'Angleterre, cushat. 


— 155 — 


jours à trois, c’est-à-dire à celles du biset, du ramier et de la tourterelle, qui 
peut-être ont contribuées toutes trois à la variété presque infinie qui se trouve 
dans nos pigeons domestiques. 

Les ramiers arrivent dans nos provinces au printemps, un peu plus tôt que 
les bisets, et partent en automne un peu plus tard. C’est au mois d'août qu’on 
trouve en France les ramereaux en plus grande quantité; et il paraît qu'ils 
viennent d’une seconde ponte, qui se fait sur la fin de l'été; car la première 
ponte , qui se fait de très bonne heure au printemps, est souvent détruite, parce 
que le nid, n'étant pas encore couvert par les feuilles, est trop exposé. II reste 
des ramiers pendant l'hiver dans la plupart de nos provinces. Ils perchent 
comme les bisets; mais ils n’établissent pas, comme eux, leurs nids dans des 
trous d'arbres : ils les placent à leur sommet, et les construisent assez légère- 
ment avec des büchettes : ce nid est plat, et assez large pour recevoir le mâle 
et la femelle. Je me suis assuré qu’elle pond de très bonne heure au printemps 
deux et souvent trois œufs ; car on m’a apporté plusieurs nids où il y avait deux 
et quelquefois trois ramereaux déjà forts au commencement d'avril. Quelques 
gens ont prétendu que dans notre climat ils ne produisent qu’une fois l’année, 
à moins qu’on se prenne leurs petits ou leurs œufs, ce qui, comme l’on sait, 
force tous les oiseaux à une seconde ponte. Comme il y a constance et fidélité 
dans l'union du mâle et de la femelle, cela suppose que l'attachement etle soin 
des petits durent toute l’année. Or, la femelle ne couve que pendant quatorze 
jours. Il y a toute apparence qu'ils produisent plutôt deux fois qu’une par an. 
li est très certain que cela est ainsi dans tous les climats chauds et tempérés, 
eL très probable qu'il en est à-peu-près de même dans les pays froids. 

Les ramiers ont un roucoulement plus fort que celui des pigeons, mais qui 
ne se fait entendre que dans la saison de la ponte et dans les jours sereins. Îls 
se nourrissent de fruits sauvages : ils font un grand dégât dans les blés, lors- 
qu’ils sont versés; et mangent aussi de l'herbe. Ils boivent à la manière des 
pigeons, c’est-à-dire de suite et ne relevant la tête qu'après avoir avalé toute 
l'eau dont ils ont besoin. 

Il paraît que, quoique le ramier préfère les climats chauds et tempérés, il 
habite quelquefois dans les pays septentrionaux ; Linné le met dans la liste 
des oiseaux qui setronvent en Suède. Il nous est arrivé des provinces méridio- 
uales de l'Amérique , ainsi que des contrées les plus chaudes de notre conti- 
nent, plusieurs oiseaux qu’on doit regarder comme des variétés ou des espèces 
très voisines de celles du ramier. 


— 156 — 


POULE ET (00. 


(PI. 18.) 


Le coq (1) est un oiseau pesant, dont la démarche est grave et lente, dont 
les ailes sont fort courtes et qui ne vole que rarement. Il chante indifférem- 
ment la nuit et le jour , et son chant est fort différent de celui de sa femelle. [1 
y a quelquefois des femelles qui ont le cri du coq, c'est-à-dire, qui font le même 
effort du gosier avec un moindre effet; mais leur voix n’est pas si forte, et leur 
cri n’est pas si bien articulé. Le coq gratte la terre pour chercher sa nourri- 
ture; il avale autant de petits cailloux que de grains, et n’en digère que mieux : 
il boit en prenant de l’eau dans son bec, et levant la tête à chaque fois pour 
l'avaler. Il dort le plus souvent un pied en l’air, et en cachant sa tête sous l'aile 
du même côté. Le front du coq est orné d’une crête rouge et charnue, et le des- 
sous du bec d’une double membrane de même couleur et de même nature. Les 
narines sont placées de part et d’autre du bec supérieur, et les oreilles de 
chaque côté de la tête, avec une peau blanche au-dessous de chaque oreille ; 
les pieds ont ordinairement quatre doigts, toujours trois en avant et l’autre en 
arrière. Les plumes sortent deux à deux de chaque tuyau ; caractère assez sin- 
gulier, qui n’a été saisi que par très peu de naturalistes. La queue est à-peu- 
près droite : et néanmoins capable de s’incliner du côté du cou et du côté op- 
posé ; cette queue, dans les races des gallinacés qui en ont une, est composée 
de quatorze grandes plumes, qui se partagent en deux plans égaux : ce qui 
distingue le mâle, c'est que les deux plumes du milieu de la queue sont beau- 
coup plus longues que les autres, et se recourbent en arc ; que les plumes du 
cou et du croupion sont longues et étroites, et que les pieds sont armés d’épe- 


rons. Il est vrai qu’il se trouve aussi des poules qui ont des éperons; mais cela 
est rare. 


(1) En vieux français, gal, gog; en latin, gallus; en espagnol et en italien, ga/lo; en savoyard, 


coq, gau, geau; en allemand, Lahn; en anglais, coch. 


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— 157 — 


- Un bon coq est celui qui à du feu dans les yeux , de la fierté dans la démar- 
che, de la libéralité dans ses mouvemens, et toutes les proportions qui an- 
noncent la force. La 

Les poules doivent être assorties au coq , si l’on veut une race pure; mais si 
l’on cherche à varier et même à perfectionner l'espèce, il faut croiser les races. 
Dans tous les cas, on doit choisir celles qui ont l'œil éveillé, la crête flottante 
et rouge, et qui n'ont point d’éperons : les proportions. de leur corps sont en 
général plus légères que celles du mâle; cependant elles ont Les plumes plus 
larges et les jambes plus basses. Les bonnes fermières donnent la préférence 
aux poules noires, comme étant plus fécondes que les blanches, et pouvant 
échapper plus facilement à la vue perçante de l'oiseau de proie qui plane sur 
les basses-cours. | 

Le coq a beaucoup de soin et même d'inquiétude et de souci pour ses poules : 
il ne les perd pas de vue; il les conduit, les défend, les menace, va chercher 
celles qui s’écartent, les ramène, et ne se livre au plaisir de manger que lors- 
qu'il les voit toutes manger autour de lui. A juger par les différentes inflexions 
de sa voix et par les différentes expressions de sa mine , on ne peut guère dou- 
ter qu'il ne leur parle différens langages. Quand il les perd, il donne des signes 
de regrets. Quoique jaloux, il n’en maltraïte aucune ; et sa passion ne l’irrite 
que contre ses concurrens : s'il se présente un autre Coq, sans lui donner le 
temps de rien entreprendre, ii accourt l’æil en feu, les plumes hérissées, se 
jette sur son rival, et lui livre un combat opiniâtre, jusqu'à ce que l’un ou 
l’autre succombe. 

Ce qui paraît prouver que la jalousie du coq est une passion réfléchie , quoi- 
qu’elle ne porte pas contre l’objet de ses amours, c'est que plusieurs coqs dans 
une basse-cour ne cessent de se battre, au lieu qu’ils ne battent jamais les 
chapons. 

Les hommes, qui tirent parti de tout pour leur amusement, ont voulu mettre 
en œuvre cette antipathie invincible que la nature à établie entre un coq et un 
coq ; ils ont cultivé cette haine innée avec tant d'art, que les combats de deux 
oiseaux de basse-cour sont devenus des spectacles pour la curiosité des peuples. 
On a vu, on voit encore tous les jours, dans plus d’une contrée , des hommes 
de tous états accourir en foule à ces grotesques tournois, se diviser en deux 
partis, chacun de ces partis s’'échauffer pour son combattant, joindre la fureur 
des gageures à l'intérêt du spectacle, et le dernier coup de bec de l'oiseau 
vainqueur renverser la fortune de plusieurs familles, C'était autrefois la folie 
des Rhodiens, des Tangriens, de ceux de Pergame ; c'est aujourd'hui celle des 


— 158 — 


Chinois, des habitans des Philippines, de Java , de l’isthme de l'Amérique, 
des Anglais et de quelques autres nations des deux continens. 

Les poules n’ont pas besoin du coq pour produire des œufs; il en naît sans 
cesse de la grappe commune de l'ovaire ; ils y grossissent, acquièrent leur ma- 
turité, se détachent de leur calice et de leur pédicule, parcourent l’oviducte dans 
toute sa longueur, s’assimilent la Iymphe dont la cavité de ce conduit est rem- 
plie, en composent leur blanc, leurs membranes, leurs coquilles, et restent 
dans ce viscère jusqu’à ce que ses fibres entrent en contraction, et les poussent 
au dehors. 

Le poids moyen d’un œuf de poule ordinaire est d'environ une once six gros. 
Si on ouvre un de ses œufs avec précaution, on trouvera d’abord sous la coque 
une membrane commune qui en tapisse toute la cavité; ensuite le blanc ex- 
terne , qui a la forme de cette cavité; puis le blanc interne, qui est plus arrondi 
que le précédent ; et enfin au centre de ce blanc le jaune, qui est sphérique 
ces différentes parties sont contenues chacune dans sa membrane propre. La 
petite vésicule lenticulaire, appelée ezcatrieule, se trouve à-peu-près sur l'é- 
quateur du jaune , et fixée solidement à sa surface. 

Il n’est pas rare de trouver deux jaunes dans une seule coque; cela arrive 
lorsque deux œufs également mürs se détachent en même temps de l'ovaire, 
et parcourent ensemble l’oviducte, et, formant leur blanc sans se séparer, se 
trouvent réunis sous la même enveloppe. Qu'un œuf détaché depuis quelque 
temps de l'ovaire se trouve arrêté dans son accroissement, et que formé autant 
qu'il peut l'être, il se rencontre dans la sphère d'activité d’un autre œuf qui 
aura toute sa force, celui-ci l’entraînera avec lui, et ce sera un œuf dans 
un œuf. 

On comprendra de même comment on y trouve quelquefois une épingle ou 
tout autre corps étranger qui aura pu pénétrer jusque dans l’ociducte. 

Les poules pondent indifféremment pendant toute l’année , excepté pendant 
la mue qui dure ordinairement six semaines ou deux mois, sur la fin de l’au- 
tomne et au commencement de l'hiver. La fécondité ordinaire des poules con- 
sise à pondre presque tous les jours. Il y a telle manière de nourrir les poules 
communes, qui leur donne une fécondité extraordinaire; la chaleur y con- 
tribue beaucoup. On peut faire pondre les poules en hiver, en les tenant 
dans une écurie où il y a toujours du fumier chaud sur lequel elles puissent 
séjourner. 

Dès qu’un œuf est pondu, il commence à transpirer , et perd chaque jour 
quelques grains de son poids par l’'évaporation à mesure que cette évaporation 


— 159 — 


se fait, ou il s’épaissit, se durcit et dessèche, ou il contracte un mauvais goût, 
et se gâte enfin totalement, au point de ne pouvoir plus rien produire. Pour lui 
conserver long-temps toutes ses qualités, il faut mettre obstacle à certe transpi- 
ration par une couche de matière grasse , dont on enduit exactement sa coque 
peu de moment après qu’il a été pondu : avec cette seule précaution on gardera 
pendant plusieurs mois et même pendant des années des œufs bons à manger , 
susceptibles d’incubation, et qui auront toutes les propriétés des œufs frais. 
Les habitans du Tonquin les conservent dans une espèce de pâte faite avec de 
la cendre tamisée et de la saumure ; d’autres Indiens dans l'huile. 

Une poule qui vient de pondre éprouve une sorte de transport que partagent 
les autres poules qui n’en sont que témoins, et qu’elles expriment toutes par 
des cris de joie répétés. Lorsque la poule aura pondu vingt-cinq ou trente œufs; 
elle se mettra tout de bon à les couver ; si on les lui Ôte à mesure , elle pondra 
peut-être deux ou trois fois davantage , mais enfin il viendra un moment où, 
par la force de l'instinct, elle demandera à couver et exprimera ce desir par un 
gloussement particulier, et par des mouvemens et des attitudes ; si elle n'a 
pas ses propres œufs, elle couvera ceux d’une autre poule, et, à défaut de 
ceux-là, ceux d’une femelle d’une autre espèce, et même des œufs de pierre 
ou de craie. 

Si ses recherches sont heureuses , et qu'elle trouve des œufs vrais ou feints 
dans un lieu retiré et convenable, elle se pose aussitôt dessus , les environne 
de ses ailes , les échauffe de sa chaleur , les remue doucement les uns après les 
autres , comme pour en jouir plus en détail, et leur communiquer à tous un 
égal degré de chaleur; elle se livre tellement à cette occupation, qu’elie oublie 
de boire et de manger : on dirait qu'elle comprend toute l'importance de la 
fonction qu’elle exerce ; aucun soin n’est omis , aucune précaution n’est oubliée 
pour achever l'existence de ces petits êtres commencés, et pour écarter les 
dangers qui les environnent. Ce qu’il y a de plus digne de remarque, c’est que 
la situation d’une couveuse, quelque insipide qu'elle nous paraisse, est peut- 
être moins une situation d’ennui qu’un état de jouissance continuelle , d'autant 
plus délicieuse qu’elle est plus recueillie : tant la nature semble avoir mis d’at- 
traits à tout ce qui a rapport à la multiplication des êtres. 

L'effet de l’incubation se borne »au développement de l'embryon du poulet, 
qui existe tout formé dans la cicatricule de l'œuf fécondé. 

L'industrie humaine n’a pas trouvé qu’il füt au-dessous d'elle d’imiter les 
procédés de l’incubation. D'abord de simples villageois d'Egypte , et ensuite des 
physiciens de nos jours , sont venus à bout de faire éclore des œufs aussi bien 


— 160 — 


que la meilleure couveuse, et d’en faire éclore un très grand nombre à-la-fois ; 
tout le secret consiste à tenir ces œufs dans une température qui réponde à-peu- 
près au degré de chaleur de la poule , et à les garantir de toute humidité et 
.de toute exhalaison nuisible. En remplissant ces deux conditions essentielles, 
et en y joignant l'attention de retourner souvent les œufs , et de faire circuler 
dans le four ou l’étuve les corbeilles qui les contiendront, en sorte que non- 
seulement chaque œuf, mais chaque partie du même œuf participe à-peu- 
près également à la chaleur requise, on réussira toujours à faire éclore des 
milliers de poulets. 

On juge bien que cette mère qui a montré tant d’ardeur pour couver, qui à 
couvé avec Lant d’assiduité, qui à soigné avec tant d'intérêt des embryons qui 
n’existaient point encore pour elle, ne se refroidisse pas lorsque ses poussins 
sont éclos : son attachement, fortifié par la vue de ces petits êtres qui lui doi- 
vent la naissance, s'accroît encore tous les jours par les nouveaux soins qu’exige 
leur faiblesse; sans cesse occupée d'eux, elle ne cherche de la nourriture que 
pour eux; si elle n’en trouve point, elle gratte la terre avec ses ongles pour lui 
arracher les alimens qu’elle recèle dans son sein, et elle s’en prive en leur fa- 
veur : elle les rappelle lorsqu'ils s'égarent, les met sous ses ailes à l'abri des 
intempéries , et les couve une seconde fois. 

Elle se livre à ces tendres soins avec tant d'ardeur et de souci, que sa con- 
stitution en est sensiblement altérée, et qu'il est facile de la distinguer de toute 
autre poule, soit à ses plumes hérissées et à ses ailes traînantes , soit au son 
enroué de sa voix et à ses différentes inflexions qui sont toutes expressives et 
ont une forte empreinte de sollicitude et d'affection maternelle. 

Mais si elle s’oublie elle-même pour conserver ses petits, elle s'expose à 
tout pour les. défendre : paraît-il un épervier dans l'air, cette mère si faible, 
si timide, et qui, en toute autre circonstance, chercherait son salut dans la 
fuite, devient intrépide par tendresse ; elle s’élance au devant de la serre re- 
doutable, et, par ses cris redoublés, ses battemens d'ailes et son audace, elle 
impose souvent à l'oiseau carnassier. Ce qui ne fait pas autant d'honneur à son 
instinct, c’est que si par hasard on lui a donné à couver des œufs de cane ou 
de tout autre oiseau de rivière, son affection n’est pas moindre pour ces étran- 
gers qu'elle le serait pour ses propres poussins : elle ne voit pas qu’elle n’est 
que leur nourrice, et lursqu'ils vont, guidés par la nature, s’ébattre ou se 
plonger dans la rivière voisine, c’est un spectacle singulier de voir la surprise, 
les inquiétudes , les transes de cette pauvre nourrice, qui se croit encore mère, 
et qui , pressée du desir de les suivre au milieu des eaux, mais retenue par une 


2 AO 


répugnance invincible pour cet élément, s'agite, incertaine sur le rivage, 
tremble et se désole, voyant toute sa couvée dans un péril éminent, sans oser 
lui donner de secours. 

Les poulets ne naissent point avec cette crêle et ces membranes rougeàtres 
qui les distinguent des autres oiseaux ; ce n’est qu’un mois après leur naissance 
que ces parties commencent à se développer. À deux mois, les jeunes mâles 
chantent déjà comme les coqs, et se battent les uns contre les autres; ce n’est 
guère qu'à Cinq ou six mois que les poules commencent à pondre. Dans les 
deux sexes , le terme de l'accroissement complet est: à un an Ou quinze mois. 
Les jeunes poules pondent plus, à ce qu'on dit; mais les vieilles couvent mieux. 
Ce temps nécessaire à leur accroissement indiquerait que la durée de leur vie : 
naturelle ne devrait être que de sept ou huit ans, si dans les oiseaux cette 
durée suivait la même proportion que dans les animaux quadrupèdes; mais 
elle est beaucoup plus longue : un Coq peut vivre jusqu’à vingt ans dans l'état 
de domesticité, et peut-être trente dans celui de liberté. | 

Malheureusement pour les coqs et les poules, nous n'avons nul intérêt à les 
laisser vivre long-temps : les poulets et les chapons qui sont destinés à paraître 
sur nos tables, ne passent jamais l’année, et la plupart ne vivent qu’une saison. 
Les coqs et les poules qu'on emploie à la multiplication de l'espèce sont épuisés 
assez promptement, et nous ne donnons le temps à aucun de parcourir la vie 
entière qui leur a été assignée par la nature; en sorte que ce n’est que par des 
hasards singuliers que lon a vu des coqs mourir de vieillesse. 


PINTADE. 


(PI AS") 


I1 paraît que la pintade (1) élevée autrefois à Rome avec tant de soin, s'était 
perdue en Europe, puisqu'on n’en retrouve plus aucune trace chez les écri- 


(1) En latin, meleagris; en italien, gallina di Numidiä; en allemand, perlhuhn; en anglais pin- 
tado où Guinea.heu, É 


OISEAUX, : k É 21 


— 162 — 


vains du moyen àge, et qu'on n’a recommencé à en parler que depuis que les 
E uropéens ont fréquenté les côtes occidentales de l'Afrique, en allant aux 
Indes par le cap de Bonne-Espérance : non-seulement ils l'ont répandue en 
Europe, mais ils l'ont encore transportée en Amérique. 

Le plumage de la piutade, sans avoir des couleurs riches et éclatantes, est 
cependant très distingué : c’est un fond gris bleuâtre, plus ou moins foncé, sur 
lequel sont semées assez régulièrement des taches blanches plus ou moins 
rondes, représentant assez bien des perles; d'où quelques modernes ont donné 
à cet oiseau le nom de poule perlee , et les anciens ceux de varia et de gut- 
tata : tel était du moins le plumage de la pintade dans son climat natal; mais 
depuis qu’elle a été transportée dans d’autres régions, elle à pris plus de blanc, 
témoin les pintades à poitrine blanche de la Jamaïque et de Saint-Domingue. 

Les plumes de la partie moyenne du cou sont fort courtes à l’endroit qui joint 
sa partie supérieure, où il n’y en a point du tout, puisqu'elles vont toujours 
croissant de longueur jusqu’à la pointe, où elles ont près de trois pouces. 

Ces plumes sont duvetées depuis leur racine jusqu’à environ la moitié de leur 
longueur ; et celte partie duvetée est recouverte par l'extrémité des plumes du 
rang précédent, laquelle est composée de barbes fermes et accrochées les unes 
aux autres. 

La pintade a les ailes courtes et Ia queue pendante , comme la perdrix; cette 
circonstance jointe à la disposition de ses plumes, la fait paraître bossue : mais 
cette bosse n’est qu’une fausse apparence, etil n’en reste plus aucun vestige 
lorsque l'oiseau est plumé. 

Sa grosseur est à-peu-près celle de ia poule commune ; mais elle à la forme 
de la perdrix, d’où lui est venu le nom de perdrix de Terre-Neuve. 

La pintade est un oiseau très criard ; son cri est aigre et perçant ; et à la lon- 
que il devient tellement incommode, que, quoique la chair de la pintade soit 
un excellent manger et bien supérieur à la volaille ordinaire, la plupart des 
colons d'Amérique ont renoncé à en élever. 

C’est un oiseau vif, inquiet et turbulent, qui n’aime point à setenir en place, 
et qui sait se rendre maître dans la basse-cour : il se fait craindre des dindons 
même ; et quoique beaucoup plus petit, il leur impose par sa pétulance. 

La pintade est du nombre des oiseaux pulvérisateurs, qui cherchent dans la 
poussière, où ils se vautrent, un remède contre l’incommodité des insectes ; 
elle gratte aussi la Lerre comme nos poules communes, et va par troupes très 
nombreuses : on en voit à l’île de May des volées de deux ou trois cents ; les in- 
sulaires les chassent au chien courant, sans autres armes que des bâtons. 


— 165 — 


Comme elles ont les ailes fort courtes, elles volent pesamment ; mais elles cou- 
rent très vite, et, selon Belon, en tenant la tête élevée comme la girafe : elles 
se perchent la nuit pour dormir, et quelquefois la journée, sur les murs de 
clôture , sur les haies, et même sur les toits des maisons et sur les arbres. 


DINDON. 


(PI. 18.) 


Si le coq crdinaire est l'oiseau le plus utile de la basse-cour , le dindon do- 
mestique (1) est le plus remarquable, soit par la grandeur de sa taille, soit par 
la forme de sa tête, soit par certaines habitudes naturelles. Sa tête, qui est 
fort petite à proportion du corps, est presque entièrement dénuée de plumes, et 
recouverte , ainsi qu'une partie du cou, d’une peau bleuâtre, chargée de ma- 
melons rouges dans la partie antérieure du cou, et de mamelons blanchâtres 
sur la partie postérieure de la tête, avec quelques petits poils noirs clairsemés 
entre les mamelons. De la base du bec inférieur descena sur le cou, jusqu’à en- 
viron letiers de sa longueur, une espèce de barbillon charnu, rouge et flottant. 

Sur la base du bec supérieur, s’élève une caroncule charnue , de forme coni- 
que , et sillonnée par des rides transversales assez profondes ; cette caroncule 
n’a guère plus d’un pouce de hauteur dans son état de contraction ou de repos 
c'est-à-dire, lorsque le dindon ne voyant autour de lui que des objets auxquels 
il est accoutumé , et n'éprouvant aucune agitation intérieure , se promène tran- 
quillement en prenant sa pâture : mais si quelque objet étranger se présente 
inopinément, cet oiseau, qui n’a rien dans son port ordinaire que d'humble et 
de simple, se rengorge#tout-à-coup avec fierté; sa tête et son cou se gonflent ; 
la caroncule conique se déploie, s’allonge, et descend deux ou trois pouces 
plus bas que le bec, qu’elle recouvre entièrement; toutes ces parties charnues 


(x) Les Espagnols lui donnérent le nom de pavun de las Indias, c'est-à-dire paon des Indes oc- 
cidentales; les Catalans l'ont nommé érdiot, gall-d'Indi; les Taliens, gallo d'India; les Allemands , 


indianischer halin; Ves Volonais, indyk ; les Suédois, Lalkon; les Anglais, turke;. 


164 — 


se colorent d’un rouge plus vif ; en même temps les plames du cou et du dos se 
hérissent, et la queue se relève en éventail, tandis que les ailes s ‘abaissent en 
se dépioyant. Dans cette auitude, il va piaffant et accompagnant son action 
d’un bruit sourd que produit l'air de la poitrine qui s'échappe par le bec, et 
qui est suivi d'un long bourdonnement; sa démarche est grave, et s'accélère 
seulement dans le moment où il fait entendre le bruit sourd dont j'ai parlé : de 
temps en temps il interrompt cette manœuvre pour jeter un cri plus perçant, 
que tout le monde connaît et qu'on peut lui faire répéter tant qu'on veut. Il re- 
commence ensuite à faire la roue, ces espèces d’accès sont beaucoup plus vio- 
lens lorsqu'on paraît devant lui avec un habit rouge : c’est alors qu’il s’irrite 
et devient furieux ; il s’élance, il attaque à coups de bec, et fait tous ses efforts 
pour éloigner un objet dont la présence semble lui être insupportable. 

Il y a des dindons blancs, d’autres variés de noir et de blanc, d’autres de 
blanc et d’un jaune roussâtre, et d’autres d’un gris uniforme ; mais le plus grand 
nombre a le plumage Lirant sur le noir, avec un peu de blanc à l’extrémité des 
plumes. Celles qui couvrentle dos et le dessus des ailes sont carrées par le bout ; 
et parmi celles du croupion, et même de la poitrine, il y en a quelques-unes 
de couleurs changeantes, et qui ont différens reflets, selon les différentes inci- 
dences de la lumière : plus ils vieillissent, plus leurs couleurs paraissent être 
changeantes et avoir des reflets différens. 

Les naturalistes ont compté vingt-huit pennes ou nine plumes à chaque 
aile, et dix-huit à la queue. Mais un caractère bien plus frappant, et qui empé- 
chera à jamais de confondre cette espèce avec aucune autre, c’est un bouquet 
de crins durs et noirs, long de cinq à six pouces, qui, chez le dindon mâle 
adulte, sort de la partie inférieure du cou; avant que ce bouquet paraisse, l’en- 
droit d'où il doit sortir est marqué par un tubercule charnu. Linné dit que ces 
crins ne commencent à paraître qu’à la troisième année dans les dindons qu’on 
élève en Suède. Si ce fait est bien avéré, il s’ensuivrait que cette espèce de 
production se ferait d'autant plus tard que la température du pays est plus 
rigoureuse. | 

Si l’on compare les témoignages des voyageurs, on ne peut s'empêcher de 
reconnaître que les dindons sont originaires d'Amérique et des îles adjacentes, 

-et qu'avant la découverte de ce nouveau continent ils n’existaient point dans 
l’ancien. 

Le P. du Tertre remarque qu'ils sont dans les Antilles comme dans leur pays 
naturel, et que, pourvu qu'on en ait un peu de sûin , ils couvent trois à quatre 
{ois l'année : or, c’est une règle générale pour tous les animaux, qu’ils multi- 


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plient plus dans le climat qui leur est propre que partout ailleurs ; s y devien- 
nent aussi plus grands et plus forts, et c'est précisément ce que l’on observe 
dans les dindons d'Amérique. On en trouve une multitude prodigieuse chez les 
Illinois, disent les missionnaires jésuites ; ils y vont par troupes de cent, quel- 
quefois même de deux cents; ils sont beaucoup plus gros que ceux que l’on 
. voit en France, et pèsent jusqu’à trente-six livres; Josselin dit jusqu’à soixante 
livres. Îls ne se trouvent pas en moindre quantité dans le Canada, dans le 
Mexique, dans la Nouvelle-Angleterre, dans cette vaste contrée qu’arrose le 
Mississipi, et chez les Brasiliens. Le docteur Hans Sloane en a vu à la Ja- 
maiqué. Il est à remarquer que, dans presque tous ces pays, les dindows sont 
dans l’état de sauvages, et qu’ils y fourmillent partout, à quelque distance 
néanmoins des habitations, comme s'ils ne cédaient le terrain que pied à pied 
aux colons Européens. 

Comme ces sortes d’viseaux sont pesans, qu'ils n’ont pas le vol élevé et qu'ils 
ne nagent point, ils n’ont pu traverser l’espace qui sépare les deux continens 
pour aborder en Afrique, en Europe ou en Asie : ils se trouvent donc dans le 
cas des quadrupèdes, qui, n'ayant pu, sans le secours de l'homme, passer 
d'un continent à l’autre , appartiennent exclusivement à l’un des deux ; et cette 
considération donne une nouvelle force au témoignage de tant de voyageurs, 
qui assurent n'avoir jamais vu de dindons sauvages, soit en Asie, soit en Afri- 
que, et n’en avoir vu de domestiques que ceux qui y avaient été apportés 
d’ailleurs. | | 


PAON. 


(PI. 19.) 


Si l'empire appartenait à la beauté et non à la force, le paon (1) serait sans 
. contredit le roi des oiseaux ; il n’en est point sur qui la nature ait versé ses tré- 
sors avec plus de profusion : la taille grande, le port imposant, la démarche 


(1) En laun, paro; en espagnol, paron; en italien, paronc; en allemand, p/au; en anglais, peacoct 


— 406 = 


fière , la figure noble, les proportions du corps élégantes et svelles , tout ce qui 
annonce un être de distinction lui a été donné. 

Une aigrette mobile et légère, peinte des plus riches couleurs, orne sa tête 
et l'élève sans la charger : son incomparable plumage semble réunir tout ce 
qui flatte nos yeux dans le coloris tendre et frais des plus belles fleurs, tout ce 
qui les éblouit dans les reflets pétillans des pierreries, tout ce qui les étonne 
dans l'éclat majestueux de l’arc-en-ciel ; non-seulement la nature à réuni sur le 
plumage du paon toutes les couleurs du ciel et de la terre pour en faire le chef- 
d'œuvre de sa magnificence, elle les a encore mêlées, assorties, nuancées, 
fondues de son inimitable pinceau, et en a fait un tableau unique, où elles ti- 
rent de leur mélange avec des nuances plus sombres et de leurs oppositions 
entre elles, un nouveau lustre et des effets de lumière si sublimes, que notre 
art ne peut ni les imiter ni les décrire. 

Tel paraît à nos yeux le plumage du paon, lorsqu'il se promène paisible et 
seul dans un beau jour de printemps : mais si sa femelle vient tout-à-coup à 
paraître, toutes ses beautés se multiplient;-ses yeux s'animent et prennent de 
l'expression: son aigrette s’agite sur sa tête et annonce l'émotion intérieure ; 
les longues plumes de sa queue déploient, en se relevant, leurs richesses 
éblouissantes ; sa tête et son cou, se renversant noblement en arrière, se des- 
sinent avec grâce sur ce fond radieux, où la lumière du soleil se joue en mille 
manières, se perd et se reproduit sans cesse, et semble prendre un nouvel 
éclat plus doux et plus moelleux, de nouvelles couleurs plus variées et 
plus harmonieuses : chaque mouvement de l'oiseau produit des milliers de 
nuances nouvelles, des gerbes de reflets ondoyans et fugitifs, sans cesse 
remplacés par d’autres reflets et d’autres nuances toujours diverses et toujours 
admirables. 

Le paon ne semble alors connaître ses avantages que pour en faire hommage 
à Sa compagne, qui en est privée sans en être moins chérie. 

Mais ces plumes brillantes, qui surpassent en éclat les plus belles fleurs , se 
flétrissent aussi comme elles , et tombent chaque année. Le paon, comme s’il 
sentait la honte de sa perte, craint de se faire voir dans cet état bumiliant; il 
cherche les retraites les plus sombres pour s’y cacher à tous les yeux, jusqu'à 
ce qu'un nouveau printemps, lui rendant sa parure accoutumée, le ramène 
sur la scène pour y jouir des hommages dus à sa beauté. On prétend qu'il en 
jouit en effet; qu'il est sensible à l'admiration ; que le vrai moyen de l’engager à 
étaler ses belles plumes , c'est de lui donner des regards d'attention et de 
louanges ; et qu'au contraire, lorsqu'on paraît le regarder froidement et sans 


mn tre 


beaucoup d'intérêt, il replie tous ses trésors et les cache à qui ne sait point les 
admirer. 

L'âge de la pleine fécondité pour ces oiseaux est à trois ans; c'est l’âge où 
les mâles ont pris un entier accroissement, et où leur puissance s'annonce en 
eux par une production nouvelle très considérable, celle des longues et belles 
plumes de leur queue, et par l'habitude qu'ils prennent aussitôt de les déployer 
en se pavanant et en faisant la roue. 

La femelle ne pond pas ses œufs tous les jours, mais seulement de trois ou 
quatre jours l’un. Elle ne fait qu’une ponte par an, et cette ponte est de huit 
œufs la première année, et de douze les années suivantes. [I paraît qu'elles 
sont moins fécondes dans ce pays-ci, où elles ne pondent guère que quatre ou 
cinq œufs par an; et qu'au contraire elles sont beaucoup plus fécondes aux 
Indes, où elles en pondent de vingt à trente. 

La durée de la vie du paon est de vingt-cinq ans, selon les anciens ; et cette 
détermination me paraît bien fondée, puisqu'on sait que le paon est entière- 
ment formé avant trois ans, et que les oiseaux en général vivent plus long- 
temps que les quadrupèdes. 

J'ai déjà dit que le paon se nourrissait de toutes sortes de grains, comme les 
gallinacés : les anciens lui donnaient ordinairement par mois un boisseau de . 
froment, pesant environ vingt livres. Il est bou de savoir que la fleur de sureau 
leur est contraire, et que la feuille d’ortie est mortelle aux jeunes paonneaux. 

Comme les paons vivent aux Indes à l’état sauvage, c’est aussi dans ce 
pays qu'on à inventé l’art de leur donner la chasse. On ne peut guère les ap- 
procher de jour , quoiqu’ils se répandent dans les champs par troupes assez 
nombreuses, parce que, dès qu’ils découvrent le chasseur, ils fuient devant 
lui plus vite que la perdrix, et s’enfoncent dans les broussailles, où il n’est 
guère possible de les suivre : ce n’est donc que la nuit qu’on parvient à les 
prendre. 

Les Grecs faisaient grand cas du paon, mais ce n’était que pour rassasier 
leurs yeux de la beauté de son plumage; au lieu que les Romains, qui ont 
poussé plus loin tous les excès de luxe, parce qu’ils étaient plus puissans, se 
sont rassasiés réellement de sa chair. Ce fut l’orateur Hortensius qui imagina le 
premier d’en faire servir sur sa.table , et son exemple ayant été suivi, cet oi- 
seau devint très cher à Rome. Les empereurs enchérissant sur le luxe des par- 
ticuliers , on vit un Vitellius, un Héliogabale, mettre leur gloire à remplir des 
plats immenses de têtes ou de cervelles de paons , de langues de phénicoptères, 
de foies de scares, et en composer des mets insipides, qui n'avaient d'autre 


— 168 — 


mérite que de supposer une dépense prodigieuse et un luxe excessivement 
destructeur. 

Dans ces temps-là un troupeau de cent de ces oiseaux pouvait rendre soixante 
mille sesterces , en n’exigeant de celui à qui on en confiait le soin que trois 
paons par couvée ; ces soixante mille sesterces reviennent, selon l'évaluation 
de Gassendi, à dix ou douze mille francs. Chez les Grecs le mâle et la femelle 
se vendaient mille drachmes ; ce qui revient à huit cent quatre-vingt-sept li- 
vres dix sous, selon la plus forte évaluation, et à vingt-quatre livres selon la 
plus faibles. Ce prix était bien tombé au commencement du seizième ‘siècle, 
puisque dans la nouvelle coutume du Bourbonnais , qui est de 1521, un paon 
n’était estimé que deux sous six deniers de ce temps-là, ce qui valait trois li- 
vres quinze sous d'aujourd'hui: mais il paraît que peu après cette époque le 
prix de ces oiseaux se releva; car Bruyer nous apprend qu'aux environs de Li- 
sieux , où l’on avait la facilité de les nourrir avec du marc de cidre , on en éle- 
vait des troupeaux dont on tirait beaucoup de profit, parce que, comme ils 
étaient fort rares dans le reste du royaume, on en envoyait de là dans toutes 
les grandes villes pour les repas d'appareil. Au reste, il n’y a guère que les 
jeunes que l’on puisse manger ; les vieux sont trop durs, et d'autant plus durs 
. que leur chair est naturellement fort sèche. 


FAISAN. 


(PL 19.) 


Ïl suffit de nommer cet oiseau pour se rappeler le lieu de son origine : le fai- 
san (1), c'est-à-dire , l'oiseau du Phase, était, dit-on, confiné dans la Col- 
chide avant l'expédition des Argonautes ; ce sont ces Grecs qui, en remontant 
le Phase pour arriver à Colchos, virent ces beaux oiseaux répandus sur les 
bords du fleuve , et qui, en les rapportant dans leur patrie, lui firent un pré- 
sent plus riche que celui de la toison d’or. 


(:) En laün, phasianus; en italien, fasano; en allemand, fasan; en anglais, pheasant. 


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Encore aujourd’hui les faisans de la Colchide ou Mingrelie, et de quelques 
autres contrées voisines, sont les plus beaux et les plus gros que l’on con- 
naisse: c’est de là qu'ils se sont répandus d’un côté par la Grèce à l'Occident, 
depuis la mer Baltique jusqu’au cap de Bonne-Espérance et à Madagascar; et 
de l’autre par la Médie dans l'Orient, jusqu’à l'extrémité de la Chine et au Ja- 
pon, et même dans la Tartarie. Je dis par la Médie, car il paraît que cette cou- 
trée, si favorable aux oiseaux , et où l’on trouve les plus beaux paons, les 
plus belles poules, etc., a été aussi une nouvelle patrie pour les faisans, qui 
s'y sont multipliés au point que ce pays seul en a fourni à beaucoup d’autres 
pays. Ils sont en fort grande abondance en Afrique , surtout sur la côte des Es- 
claves , la côte d'Or, la côte d'Ivoire , au pays d’Issini, et dans les royaumes de 
Congo et d’Angola. On en trouve assez communément dans les différentes par- 
ties de l'Europe , en Espagne, en Italie, surtout dans la campagne de Rome, 
le Milanais et quelques îles du golfe de Naples ; en Allemagne, en France, en 
Angleterre : dans ces dernières contrées ils ne sont pas généralement répandus. 

Le faisan est de la grosseur du coq ordinaire, el peut en quelque sorte le dis- 
puter au paon pour la beauté ; il a le port aussi noble, la démarche aussi fière, 
et le plumage presque aussi distingué: celui de la Chine a même lés couleurs 
plus éclatantes ; mais il n’a pas, comme le paon, la faculté d'étaler son beau 
plumage ni de relever les longues plumes de sa queue. D'ailleurs ce dernier n’a 
ni l’aigrette du paon , ni sa double queue, dont l’une, plus courte, est compo- 
sée des véritables pennes directrices , et l’autre , plus longue, n’est formée que 
des couvertures de celle-là. En général, le faisan paraît modelé sur des propor- 
tions moins légères et moins élégantes, son corps est plus ramassé, son ‘cou 
plus raccourci, sa tête plus grosse, etc. 

. Ce qu'il y a de plus remarquable dans sa physionomie, ce sont deux pièces 
de couleur écarlate, au milieu desquelles sont placées les yeux, et deux bou- 
quets de plumes d’un vert doré qui s'élèvent de chaque côté au dessus des 
oreilles. Le faisan a outre cela à chaque oreille des plumes dont il se sert pour Q 
en fermer à son gré l’ouverture, qui est fort grande. 

Les plumes du cou et du croupion ont le bout échancré en cœur, comme cer- 
taines plumes de la queue du paon, elles ont beaucoup moins d'éclat dans la 
femelle que dans le mâle , dans celui-ci même, les reflets sont encore plus fugi- 
tifs que dans le paon , et ils dépendent non-seulement de l'incidence de la lu- 
mière, mais encore de Ja réunion et de la position respective de ses plumes, 
car si on en prend une seule à part, les reflets verts s’'évanouissent , et l'on ne 
voit à leur place que du brun ou du noir. Les tiges des plumes du cou et: du dos 


OISEAUX, 20#0)0) 


— 170 — 


sont d’un beau jaune doré et font l’effet d'autant de lames d’or. Les couvertures 
du dessus de la queue vont en diminuant, et finissent en espèces de filets : la 
queue est composée de dix-huit pennes, les deux du milieu sont les plus 
longues de toutes. Chaque pied est muni d’un éperon court et pointu, les doigts 
sont joints par une membrane large. 

Ces oiseaux se plaisent dans les bois en plaine; pendant la nuit ils se perchent 
au haut des arbres, ils y dorment la tête sous l'aile : Le cri du mâle, car la fe- 
melle n’en a presque pas, ressemble à celui du paon ou à celui de la pintade, 
plus encore à ce dernier ; par conséquent il est très peu agréable. 

Leur naturel est si farouche, que non-seulement ils évitent l'homme, mais 
qu'ils s’évitent les uns les autres, si ce n’est au mois de mars ou d'avril, qui est 
le temps de la ponte; et il est facile alors de les trouver dans les boïs, parce 
qu'ils se trahissent eux-mêmes par un battement d'ailes qui se fait entendre de 
fort loin. 

La faisane fait son nid à elle seule ; elle choisit pour cela le recoin le plus 
obscur de son habitation ; elle y emploie la paille, les feuilles et autres choses 
semblables; et quoiqu’elle le fasse fort grossièrement en apparence, elle le 
préfère, ainsi fait, à tout autre mieux construit, mais qui ne le serait point par 
elle-même : cela est au point que si on lui en prépare un tout fait et bien fait, 
elle commence par le détruire et en éparpiller tous les matériaux, qu’elle ar- 
range ensuite à sa manière. Elle ne fait qu’une ponte chaque année, du moins 
dans nos climats : cette ponte est de vingt œufs selon les uns, et de quarante 
à cinquante selon les autres, surtout quand on exempte la faisane du soin de 
couver. Elle pond ordinairement de deux ou trois jours l'un : ses œufs sont 
beaucoup moins gros que ceux de poule, et la coquille en est plus mince que 
ceux même des pigeons ; leur couleur est un gris verdâtre, marqueté de petites 
taches brunes. Chaque faisane en peut couver jusqu’à dix-huit. 

Le faisan est un oiseau stupide, qui se croit en sûreté lorsque sa tête est ca- 
chée, et qui se laisse prendre à tous les pièges. Lorsqu'on le chasse au chien 
courant, et qu'il a été rencontré, il regarde fixement le chien tant qu'il est en 
arrêt, et donne tout le temps au chasseur de le tirer à son aise. Il suffit de lui 
présenter sa propre image, ou seulement un morceau d'étoffe rouge sur une 
toile blanche pour lattirer dans le piège. On le prend encore en tendant des 
lacets ou des filets sur les chemins où il passe le soir et le matin pour ailer 
boire ; enfin on le chasse à l'oiseau de proie, et l’on prétend que ceux qui sont 
pris de cette manière sont plus tendres et de meilleur goût. L'automne est le 
temps de l'année où ils sont le plus gras. 


— 14 — 


FAISAN DORÉ. 


{ PL. 19.) 


Quelques auteurs ont donné à cet oiseau le nom de faisan rouge; on eût été 
presque aussi bien fondé à lui donner celui de faisan bleu, et ces deux déno- 
minations auraient été aussi parfaites que celle de faisan doré; c’est ce qui 
m'a donné l’idée de lui imposer un nouveau nom, et j'ai cru que celui de #reco- 
lore huppé de la Chine le caractériserait mieux, puisqu'il présente à l’espritses 
attributs les plus apparens. 

On peut regarder ce faisan comme une variété du faisan ordinaire, qui s'est 
embelli sous un ciel plus beau; ce sont deux branches d’une même famille qui 
se sont séparées depuis long-temps, qui même ont formé deux races distinctes, 
et qui cependant se reconnaissent encore, car elles s’allient, se mêlent et pro- 
duisent ensemble : mais il faut avouer que leur produit tient un peu de la sté- 
rilité des mulets, ce qui prouve de plus en plus l’ancienneté de la séparation 
des deux races. 

La beauté frappante de cet oiseau lui a valu d’être cultivé et multiplié dans 
nos faisanderies, où il est assez commun aujourd'hui. Son nom de #ricolore 
huppé indique le rouge, le jaune doré et le bleu qui dominent dans son plu- 
mage, et les longues et belles plumes qu'il a sur la tête, et qu'il relève en ma- 
nière de huppe : il a l'iris, le bec, les pieds et les ongles jaunes; la queue plus 
longue à proportion que notre faisan, plus émaillée, et en général le plumage 
plus brillant : au-dessus des plumes de la queue sortent d’autres plumes longues 
et étroites, de couleur écarlate, dont la tige est jaune ; il n’a point les veux en- 
tourés d’une peau rouge, comme le faisan d'Europe. 

La femelle du faisan doré est un peu plus petite que le mâle; elle a la queue 
moins longue : les couleurs de son plumage sont fort ordinaires, et encore 
moins agréables que celles de notre faisane ; mais quelquefois elle devient avec 
le temps aussi belle que le mâle : on en à vu une en Angleterre, qui, dans l’es- 


pace de six ans, avait graduellement changé sa couleur ignoble de bécasse en 


— 4172 — 


la belle couleur du mâle, duquel elle ne se distinguait plus que par les yeux et 
par la longueur de la queue. Des personnes intelligentes, qui ont été à portée 
- d'observer ces oiseaux, m'ont assuré que ce changement de couleur avait lieu 
dans la plupart des femelles ; qu’il commençait lorsqu'elles avaient quatre ans, 
temps où le mâle commençait aussi à prendre du dégoût pour elles et à les 
maltraiter ; qu'il leur venait alors de ces plumes longues et étroites qui, dans le 
mâle, accompagnent les plumes de la queue; en un mot, que plus elles avan- 
çaient en âge, plus elles devenaient semblables aux mâles, comme cela a lieu 
plus ou moins dans presque tous les animaux. 


PERDRIX ROUGE. 


(Pl: 20.) 


Cette perdrix (1) tient le milieu pour la grosseur entre la bartavelle et la 
perdrix grise : elle n’est pas aussi répandue que cette dernière, et tout climat 
ne lui est pas bor. On la trouve dans la plupart des pays montagneux et tem- 
pérés de l’Europe, de l'Asie et de l'Afrique; mais elle est rare dans les pays 
bas, dans plusieurs pays de l'Allemagne et de la Bohême, où l’on a tenté inuti- 
lement de la multiplier. On n’en voit point du tout en Angleterre ni dans cer- 
taines îles des environs de Lemnos; tandis qu’une seule paire portée dans la 
petite île d’Ænaphe (aujourd'hui Nanfo) y pullula tellement, que les habitans 
furent sur le point de leur céder la place. 

Les perdrix rouges se tiennent sur les montagnes qui produisent beaucoup de 
bruyères et de broussailles, et quelquefois sur les mêmes montagnes où se trou- 
vent certaines gélinottes, mal-à-propos appelées perdrix blanches, mais dans 
des parties rioins élevées, et par conséquent moins froides et moins sauvages. 
Pendant l'hiver, elles se recèlent sous des abris de rochers bien exposés : le 
reste de l’année, elles se tiennent dans les broussailles, s'y font chercher long- 


(x) En latin, perdrix; en espagnol, perdiz; en italien, perdice; eu allemand, wédhuln ou feld- 


huhn; en anglais, partridge, 


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temps par les chasseurs, et partent difficilement. Elles vivent de grains, d’her- 
bes, de limaces, de chenilles, d'œufs de fourmis et d’autres insectes; mais leur 
chair se sent quelquefois des alimens dont elles vivent. 

Elle volent pesamment et avec effort, eu l'on peut les reconnaître sans les 
voir, au seul bruit qu’elles font avec leurs ailes en prenant leur volée. Leur 
instinct est de plonger dans les précipices lorsqu'on les surprend sur les mon- 
tagnes, et de regagner le sommet lorsqu'on va à la remise. Dans les plaines, 
elles filent droit et avec raideur : lorsqu'elles sont suivies de près et poussées 
vivement, elles se réfugient dans les bois, se perchent même sur les arbres, et 
se terrent quelquefois. 

Les perdrix ne se mettent à pondre que dans le mois de mai et même de juin, 
lorsque l'hiver à été long. En général, elles font leurs nids sans beaucoup de 

_Soins et d’apprêts; un peu d'herbe et de paille grossièrement arrangées dans le 
pas d’an bœuf ou d’un cheval, quelquefois même celle qui s’y trouve naturelle- 
ment, il ne leur en faut pas davantage : cependant on a remarqué que les fe- 
melles un peu âgées et déjà instruites par l'expérience des pontes précédentes 
apportaient plus de précaution que les toutes jeunes, soit pour garantir le nid 
des eaux qui pourraient le submerger, soit pour le mettre en süreté contre leurs 
ennemis, en choisissant un endroit un peu élevé et défendu naturellement par 
des broussailles. Filles pondent ordinairement de quinze à vingt œufs, et quel- 
quefois jusqu’à vingt-cinq; mais les couvées des toutes jeunes et celles des 
vieilles sont beaucoup moins nombreuses. Ces œufs sont à-peu-près de la cou- 
leur de ceux de pigeon. La durée de l'incubation est d’environ trois semaines, 
un peu plus, un peu moins, suivant les degrés de chaleur. 

La femelle se charge seule de couver, et pendant ce temps elle éprouve une 
mue considérable, car presque toutes les plumes du ventre lui tombent : elle 
couve avec beaucoup d’assiduité, et on prétend qu’elle ne quitte jamais ses 
œufs sans les couvrir de feuilles. Le mâle se tient ordinairement à portée du 
nid, attentif à sa femelle, et toujours prêt à l'accompagner lorsqu'elle se lève 
pour aller chercher de la nourriture; son attachement est si fidèle et si pur, 
qu'il préfère ces devoirs pénibles à des plaisirs faciles que lui annoncent les cris 
répétés des autres perdrix, auxquels il répond quelquefois, mais qui ne lui font 
jamais abandonner sa femelle pour suivre l’étrangère. Au bout du temps mar- 
qué, lorsque la saison est favorable et que la couvée va bien, les petits percent 
leur coque assez facilement, courent au moment même qu'ils éclosent, et sou- 
vent emportent avec eux une parte de leur coquille; mais il arrive aussi quel- 


quefois qu’ils ne peuvent forcer leur prison, et qu'ils meurent à la peine. Pour 


— 174 — 


remédier à cet inconvénient, on met les œufs dans l’eau pendant cinq ou six 
minutes; l'œuf pompe à travers sa coquille les parties les plus ténues de l’eau; 
celte espèce de bain rafraîchit le jeune oiseau, et lui donne assez de force 
pour briser sa coquille avec le bec. Il en est de même des pigeons, et proba- 
blement de plusieurs oiseaux utiles dont on pourra sauver un grand nombre par 
le procédé que je viens d'indiquer, ou par quelque autre procédé analogue. 

Le mâle qui n’a point pris part au soin de couver les œufs, partage avec la 
mère celui d'élever les petits; ils les mènent en commun, les appellent sans 
cesse, leur montrent la nourriture qui leur convient, et leur apprennent à se la 
procurer en grattant la terre avec leurs ongles. Il n’est pas rare de les trouver 
accroupis l’un auprès de l’autre, et couvraut de leurs ailes leurs poussins, dont 
les têtes sortent de tous côtés avec des yeux fort vifs; dans ce cas, le père et 
la mère se déterminent difficilement à partir, et un chasseur qui aime la con- 
servation du gibier se détermine encore plus difficilement à les troubler dans 
une fonction si intéressante : mais enfin si un chien s’emporte, et qu’il les ap- 
proche de trop près, c’est toujours le mâle qui part le premier, en poussant des 
cris particuliers; ils ne manque guère de se poser à trente ou quarante pas; et 
on en à vu plusieurs fois revenir sur le chien en battant des ailes, tant l'amour 
paternel inspire de courage aux animaux les plus timides! Mais quelquefois il 
inspire encore à ceux-ci une sorte de prudence et des moyens combinés pour 
sauver leur couvée : on à vu le mâle, après s'être présenté, prendre la fuite, 
mais fuir pesamment et en traînant l’aite, comme pour attirer l'ennemi par l’es- 
pérance d'une proie facile, et fuyant toujours assez pour n’être point pris, mais 
pas assez pour décourager le chasseur; il l’écarte de plus en plus de la couvée : 
d'un autre côté, la femelle, qui part un instant aprèsle mâle, s'éloigne beaucoup 
plus et toujours dans une autre direction ; à peine s’est-elle abattue, qu’elle re- 
vient sur-le-champ, en courant le long des sillons, et s'approche de ses petits 
qui se sont blottis, chacun de leur côté, dans les herbes et dans les feuilles; elle 
les rassemble promptement; et, avant que le chien qui s’est emporté après le 
mâle ait eu le temps de revenir, elle les a déjà emmenés fort loin, sans que le 
chasseur ait entendu le moindre bruit. Cet amour de la couvée dégénère quel- 
quefois en fureur contre les couvées étrangères, que la mère poursuit souvent 
et maltraite à grands coups de bec. 

Les perdreaux ontles pieds jaunes en naissant; cette couleur s’éclaircit ensuite 
et devient blanchètre, puis elle brunit, et enfin devient tout-à-fait noire dans 
les perdrix de trois ou quatre ans. C’est un moyen de connaître toujours leur 
àge ; on le connaît encore à la forme de la dernière plume de l'aile, laquelle est 


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pointue après la première mue, et qui, l’année suivante, est entièrement 
arrondie. | 

On à tenté avec succès de multiplier les perdrix dans les parcs, pour en peupler 
ensuite les terres qui en étaient dénuées, et l’on a reconnu qu'on pouvait les 
élever comme les faisans, seulement il ne faut pas compter sur les œufs des per- 
drix domestiques. Il est rare qu’elles pondent dans cet état, mais on ne les a 
jamais vues couver en prison. On est donc réduit à faire chercher dans la cam- 
pagne des œufs de perdrix sauvages, et à les faire couver par des poules ordi- 
naires. Chaque poule peut en faire éclore environ deux douzaines, et mener pa- 
reil nombre de petits après qu'ils sont éclos : ils suivront cette étrangère comme 
ils auraient suivi leur propre mère, ils reconnaissent sa voix jusqu’à un certain 
point, et une perdrix ainsi élevée en conserve toute sa vie l'habitude de chan- 


ter aussitôt qu’elle entend des poules. 


FRANCOLIN. 


(B1/20%) 


Quoique le francolin ait beaucoup de rapport avec la perdrix; après avoir 
examiné de près et comparé ces deux sortes d'oiseaux, j'ai cru avoir observé 
entre eux assez de différences pour les séparer. En effet, le francolin diffère des 
perdrix non-seulement par les couleurs du plumage, par la forme totale, par 
le port de la queue et par son cri, mais encore parce qu'il a un éperon à 
chaque jambe, tandis que la perdrix mâle n’a qu'un tubercule calleux au lieu 
d'éperon. 

Le francolin est aussi beaucoup moins répandu que la perdrix. Il paraît qu'il 
ne peut guère subsister que dans les pays chauds : l'Espagne, l'Italie et la Si- 
cile sont presque les seuls pays de l’Europe où il se trouve; on en voit aussi à 
Rhodes, dans l'ile de Chypre, à Samos, dans la Barbarie, et surtout aux envi- 
rons de Tunis, en Egypte, sur les côtes d'Asie et au Bengale. Dans tous ces 
-pays, on trouve des francolins et des perdrix qui ont chacun leurs noms distinc- 


uifs et leur espèce séparée. 


— 176 — 


La rareté de ces oiseaux en Europe, jointe au bon goût de leur chair, ont 
donné lieu aux défenses rigoureuses qui ont été faites en plusieurs pays de les 
tuer; et de là on prétend qu'ils ont eu le nom de francolin, comme jouissant 
d'une sorte de franchise sous la sauvegarde de ces défenses. 

On sait peu de chose de cet oiseau. Son plumage est fort beau; ia un collier 
très remarquable de couleur orangée : sa grosseur surpasse un peu celle de la 
perdrix grise. La femelle est un peu plus petite que le mâle, et les couleurs de 
son plumage sont plus faibles et moins variées. 

. Ces oiseaux vivent de grains : on peut les élever dans des volières; mais il 
faut avoir l'attention de leur donner à chacun une petite loge où ils puissent se 
tapir et se cacher, et de répandre dans la volière du sable ou quelques pierres 
de tuf. | 
Leur cri est moirs un chant qu'un sifflement très fort, qui se fait entendre de 
fort loin. | 

Les francolins vivent à-peu-près autant que les perdrix : leur chair est ex- 


quise; elle est quelquefois préférée à celle des perdrix et des faisans. 


AILLE. 


(PE 20;) 


Les cailles (1) sont constamment plus petites que les perdrix ; elles n'ont 
point derrière les yeux cet espace nu et sans plumes qu'ont les perdrix, ni ce 
fer à cheval que les mâles de celles-ei ont sur la poitrine; jamais on n’a vu de 
véritables cailles à becet pieds rouges ; leurs œufs sont plus petits et d’une toute, 
autre couleur; leur voix est aussi différente, et quoique les unes et les autres 
fassent entendre leur cri d'amour à-peu-près dans le même temps, il n’en est 
pas de même du cri de colère, car la perdrix le fait entendre avant de sebattre, 


(x) En lalin, coturnix; en espagnol, cuaderviz; en italien, quaglia; en allemand, wachtel; en . 


anglais, quai/. 


— 177 — 


et la caille en se battant; la chair de celle-ci est d’une saveur et d’une texture 
toute différentes; et elle est beaucoup plus chargée de graisse; sa vie est plus 
courte; elle est moins rusée que la perdrix, et plus facile à attirer dans le piège, 
surtout lorsqu'elle est encore jeune et sans expérience. Elle a les mœurs moins 
douces et le naturel plus rétif; car il est extrêmement rare d’en voir de privées: 
à peine peut-on les accoutumer à venir à la voix, même lorsqu'elles ont été ren- 
fermées de jeunesse dans une cage. Elle a les inclinations moins sociales; car 
elle ne se réunit guère par compagnies, si ce n’est lorsque la couvée, encore 
jeune, demeure attachée à la mère, dont les secours lui sont nécessaires, ou 
lorsque, par la même cause, on en voit des troupes nombreuses traverser les 
mers et aborder dans le même pays : mais cette association forcée ne dure 
qu’autant que la cause qui l’a produite; car dès que les cailles sont arrivées 
dans le pays qui leur convient, et qu’elles peuvent vivre à leur gré, elles vivent 
solitairement. 

Les cailleteaux sont en état de courir presque en sortant de la coque, ainsi 
que les perdreaux; mais ils sont plus robustes à quelques égards, puisque, 
dans l’état de liberté, ils quittent la mère beaucoup plus tôt, et que même dès 
le huitième jour, on peut entreprendre de les élever sans son secours. 

Elles quittent leurs plumes deux fois par an, à la fin de l'hiver et à la fin de 
l'écé : chaque mue dure un mois; et lorsque leurs plumes sont revenues, elles 
s’en servent aussitôt pour changer de climat si elles sont libres; et si elles sont 
en cage, c’est le temps où se marquent ces inquiétudes périodiques qui répon- 
dent au temps du passage. 

Il ne faut aux cailleteaux que quatre mois pour prendre leur accroissement et 
se trouver en état de suivre leurs pères et mères dans leurs voyages. 

La femelle diffère du mâle en ce qu’elle est un peu plus grosse, qu’elle a la 
poitrine blanchâtre, parsemée de taches noires et presque rondes, tandis que 
le mâle l’a roussâtre, sans mélange d’autres couleurs. Il a aussi le bec noir, 
ainsi que la gorge et quelques poils autour de la base du bec supérieur. 

Le mâle et la femelle ont chacun deux cris, l’un plus éclatant et plus fort, 
l'autre plus faible. Le mâle fait ouan, ouan, ouan, ouan; il ne donne sa voix 
sonore que lorsqu'il est éloigné des femelles, et il ne la fait jamais entendre en 
cage pour peu qu’il ait une compagne avec lui. La femelle a un cri que tout le 
monde connaît, qui ne lui sert que pour rappeler son mâle; et quoique ce cri 
soit faible, et que nous ne puissions l'entendre qu’à une petite distance, les 
mâles y accourent de près d’une demi-lieue. 

La caille, ainsi que la perdrix et beaucoup d’autres animaux, ne produit 


OISEAUX, 93 


— 4178 — 


que lorsqu'elle est en liberté : on a beau fournir à celles qui sont prisonnières 
dans les cages tous les matériaux qu'elles emploient ordinairement dans la con- 
struction de leurs nids , elles ne nichent jamais et ne prennent aucun soin des 
œufs qui leur échappent et qu’elles semblent pondre malgré elles. 

On juge bien qu'avec l'habitude de changer de climat, -et de s’aider du vent 
pour faire ses grandes traversées , la caille doit être un oiseau fort répandu : 
et en effet, on la trouve au-cap de Bonne-Espérance et dans toute l'Afrique ha- 
bitable, en Espagne , en Italie, en France, en Suisse, dans les Pays-Bas et en 
Allemagne, en Angleterre, en Écosse, en Suède, et jusqu’en Islande; et du 
côté de l’est, en Pologne , en Russie, en Tartarie et jusqu’à la Chine. Il est 
même très probable qu’elle a pu passer en Amérique. En général, on en voit 
toujours plus sur les côtes de la mer et aux environs que dans l'intérieur des 
terres. 

La caille se trouve donc partout, et partout on la regarde comme un fort bon 
gibier, dont la chair est de bon goût et saine. 

On se sert aussi de la femelle, ou d’un appeau quiimite son cri, pour attirer 
les mâles dans le piège ; on dit même qu'il ne faut que leur présenter un miroir 
avec un filet au devant, où ils se prennent en accourant à leur image, qu'ils 
prennent pour un autre oiseau de leur espèce : à la Chine, on les prend au vol 
avec des troubles légères que les Chinois manient fort adroitement; et, en 
général, tous les pièges qui réussissent pour les autres oiseaux, sont bons pour 
les cailles, surtout pour les mâles, qui sont moins défians que leurs femelles , 
et que l’on mène partout où l’on veut en imitant la voix de celles-ci. 


CAILLE DE LA CHINE. 


(PI. 20.) 


Get oiseau est aussi décrit sous le nom de caille des Philippines, parce 
qu’elle a été envoyée de.ces îles an Cabinet; mais elle se trouve aussi à la 
Chine, et je l'ai appelée /a fraise, à cause de l'espèce de fraise blanche qu'elle 
a sous la gorge, et qui tranche d'autant plus que son plumage est d’un brun 


— 179 — 


noirâtre. Elle est une fois plus petite que la nôtre. Le mâle diffère de la fe- 
melle, en ce qu'il est un peu plus gros, quoiqu'il ne le soit pas plus qu'une 
alouette ; en ce qu’il a plus de caractère dans la physionomie, les couleurs du 
plumage plus vives et plus variées, et les pieds plus forts. 

Ces petites cailles ont cela de commun avec celles de nos climats, qu’elles 
se battent à outrance les unes contre les autres, surtout les mâles; et que les 
Chinois font à cette occasion des gageures considérables, chacun pariant pour 
son oiseau, Comme on fait en Angleterre pour les coqs : on ne peut donc guère 
douter qu’elles ne soient du même genre que nos cailles ; mais c’est probable- 
ment une espèce différente de l’espèce commune; et c’est par cette raison que 
j'ai cru devoir lui donner un nom propre et particulier. 


CAILLE DES ILES MALOUINES. 


(PI, 20.) 


On pourrait encore regarder cette espèce comme une variélé de l’espèce 
commune qui est répandue en Afrique et en Europe, ou du moins comme une 
espèce très voisine ; car elle n’en paraît différer que par la couleur plus brune 
de son plumage, et par son bec qui est un peu plus fort. 

Mais ce qui s'oppose à cette idée, c’est le grand intervalle de mer qui sépare 
les continens vers le inidi; eLil faudrait que nos cailles eussent fait un très grand 
voyage , si l’on supposait qu'ayant passé par le nord de l'Europe en Amérique, 
elles se retrouvent jusqu’au détroit de Magellan : je ne décide donc pas si cette 
caille des îles Malouines est de la même espèce que notre caille , ni si elle en 
en provient originairement, ou si ce n’est pas plutôt une espèce propre et par- 
ticulière au climat des îles Malouines. 


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DES OISEAUX GRIMPEURS. 


Le doigt, externe se; dirige en arrière comme le pouce, dans les oiseaux de 
cet ordre, qui doivent à cette disposition un appui plus solide, que quelques 
genres metlent à profit pour se cramponner ou tronc des arbres. On leur a 
donné, pour cette raison, le nom de grimpeurs, quoique, à la rigueur, ce nom 
ne Convienne pas à tous, et que plusieurs oiseaux grimpent véritablement, sans 
appartenir à ce groupe par la disposition de leurs doigts. Tout oiseau dont 
les doigts seront partagés deux en avant, deux en arrière, sera de l’ordre des 
Grimpeurs. Les mœurs de la plupart des espèces qui y appartiennent ne sont 
point connues; elles varient d’ailleurs presque à chaque genre. 

Les grimpeurs nichent en général dans les troncs des vieux arbres, leur vol 
est médiocre : comme les passereaux, ils se nourrissent d'insectes ou de fruits, 
selon le degré de force de leur bec. On a remarqué que, dans la plupart des 
genres, le sternum avait deux échancrures en arrière. Toutefois, malgré le ca- 
ractère des pieds, cet ordre est peu rationnel et quelques-uns des genres qui 
le composent pourraient être indifféremment placés dans cette division ou dans 
l’ordre des passereaux. Les plus importans des grimpeurs sont les pics, les 1or- 
cols, les coucous, les toucans et les perroquets. 


 PERROQUET VERT. 


(Blair) 


Ce perroquet (1) n’est analogue à aucune espèce des perroquets du Nouveau- 
Monde, il est dela grosseur d’une poule moyenne; il à tout le corps d’un vert vif 
et brillant; les grandes pennes de l'aile et les épaules bleues; les flancs et le 
dessous du haut de l'aile d'un rouge éclatant, les pennes des ailes et de la queue 
sont doublées de brun. Il a quinze pouces de longueur. On le trouve aux Molu- 
ques et à la Nouvelle-Guinée, d’où il nous à été envoyé. 

C’est à l’occasion de cet oiseau, qu'il est utile de remarquer que les animaux 
que l’homnie a le plus admirés, sont ceux qui lui ont paru participer à sa nature; 
il s’est émerveillé toutes les fois qu’il en a vu quelques-uns faire ou contrefaire 
des actions humaines: le singe, par la ressemblance des formes extérieures, 
et le perroquet, par limitation de la parole, lui ont paru des êtres privilégiés, 
intermédiaires entre l’homme et la brute. Les sauvages, très insensibles au 
grand spectacle de la nature, très indifférens pour toutes ses merveilles, n’ont 
été saisis d’étonnement qu'à la vue des perroquets et des singes ; ce sont les 
seuls animaux qui aient fixé leur attention. Ils arrêtent leurs canots pendant 
des heures entières pour considérer les cabrioles des sapajous, et les perro- 
quets sont les seuls oiseaux qu'ils se fassent un plaisir de nourrir, d'élever, et 
qu’ils aient pris la peine de chercher à perfectionner. 

L’aptitude à rendre les accens de la voix articulée, exige dans l'organe une 
structure particulière et plus parfaite. La sûreté de sa mémoire, quoique étran- 
gère à l'intelligence, suppose néanmoins un degré d’attention et une force de 
réminiscence mécanique dont nul oiseau n’est autant doué : aussi, les naturalis- 
tes ont tous remarqué la forme particulière du bec, de la langue et de la tête 


(x) En latin, psütacus; en allemand, sitich, sickust, papengey (le nom de sittich marque propre- 
ment les perruches, celui de pappengey les grands perroquets); en anglais; popinjay où popinsey 
(les perroquets), maccaws (les aras), perrockeets {les perruches); en espagnol, popagio; eu ilalierr, 
papagallo (les perroquets), perocchelto (les perruches). 


— 165 — 


du perroquet. Son bec, arrondi en dehors, creusé et concave en dedans, offre 
en quelque manière la capacité d’une bouche dans laquelle la langue se meut 
librement ; le son venant frapper.contre le bord circulaire de la mandibule in- 
férieure, s’y modifie comme il ferait contre une file de dents, tandis que, de la 
concavité du bec supérieur, il se réfléchit comme d’un palais : ainsi Je son ne 
s'échappe ni ne fuit pas en sifflement, mais se remplit et s’arrondit en voix. Au 
reste, c’est la langue qui plie en tons articulés les sons vagues qui ne seraient 
que des chants ou des cris. Cette langue est ronde et épaisse, plus grosse même 
dans le perroquet à proportion que dans l’homme ; elle serait plus libre pour 
le mouvement, si elle n’était d’une substance plus dure que la chair, et recou- 
verte d'une membrane forte et comme cornée. 

Ayant plus éminemment qu'aucun animal la facilité d’imiter la parole, le per- 
roquet doit avoir le sens de l’ouïe et les organes dela voix plus analogues à ceux 
de l’homme ; etce rapport de conformité, qui chez lui est au plus haut degré, se 
irouve, à quelques nuances près, dans plusieurs autres oiseaux dont la langue 
est épaisse, arrondie, et de la même forme à-peu-près que la sienne, les sanson- 
nets, les merles, les geais, les choucas, etc., peuvent imiter la parole. Ceux qui 
ont la langue fourchue, et ce sont presque tous nos petits oiseaux, sifflent plus 
aisément qu'ils ne jasent. Enfin ceux dans lesquels cette organisation propre à 
siffler se trouve réunie avec la sensibilité de l'oreille et la réminiscence des 
sensations reçues par cet organe, apprennent aisément à répéter des airs, c’est- 
à-dire, à siffler en musique: le serin, la linotte, le tarin, le bouvreail, semblent 
être naturellement musiciens. Î 

Le perroquet, soit par imperfection d'organes ou défaut de mémoire, ne fait 
entendre que des cris ou des phrases très courtes, el ne peut ni chanter ni ré- 
péter des airs modulés ; néanmoins il imite tous les bruits qu’il entend, le miau- 
lement du chat, l’aboiement du chien et les cris des oiseaux, aussi facilement 
qu’il contrefait la parole. 

Il faut distinguer deux sortes d'imitation : l’une réfléchie ou sentie, et l’autre 
machinale et sans intention : la première acquise, et la seconde, pour ainsi dire, 
innée. L'une ne consiste que dans la similitude des mouvemens et des opéra- 
tions de chaque individu, qui tous semblent être entraînés à faire les mêmes 
choses ; l'espèce entière n’a pas plus d'intelligence qu’un seul individu, et c’est 
en cela que consiste la différence de l'esprit à l'instinct. L'autre imitation, 
qu'on doit regarder comme artificielle, ne peut ni se répartir ni se communi- 
quer à l'espèce; elle n'appartient qu’à l'individu qui la reçoit, qui la possède 
sans pouvoir la donner: le perroquet le mieux instruit ne transmettra pas le 


— 194 — 


talent dela parole à ses petits. Toute imitation communiquée aux animaux par 
l'art et par les soins de l’homme, reste dans l'individu qui en a reçu l'empreinte; 
si cette éducation est facile, et que l’homme puisse la donner aisément à tous 
les individus, l'espèce, comme celle du chien, devient réellement supérieure 
aux autres espèces d'animaux, tant qu’elle conserve ses relations avec l'homme; 
mais le chien abandonné à sa seule nature retombe au niveau du renard ou du 
loup, et ne peut de lui-même s'élever au-dessus. 

Les Grecs ne connurent d’abord qu’une espèce de perroquet, ou plutôt de 
perruche : c’est celle que nous nommons aujourd’hui grande perruche à 
collier, qui se trouve dans le continent de l’Inde. 

On ne connaissait de perroquets à Rome que ceux qui venaient des Indes, 
jusqu’au temps de Néron, où des émissaires de ce prince en trouvèrent dans 
une île du Nil, entre Syène et Méroé. 

Les Portugais qui, les premiers, ont doublé le cap de Bonne-Espérance et 
reconnu les côtes de l'Afrique, trouvèrent les terres de Guinée et toutes les îles 
de l’océan Indien peuplées, comme le continent, de diverses espèces de per- 
roquets , toutes inconnues à l'Europe, et en si grand nombre, qu’à Calicut, au 
Bengale et sur les côtes d'Afrique, les Indiens et les Nègres étaient obligés de 
se tenir dans leurs champs de maïs et de riz, vers le temps de la maturité, 
pour en éloigner ces oiseaux, qui viennent les dévaster. 

Cette grande multitude de perroquets, dans toutes les régions qu’ils habitent, 
semble prouver qu'ils réitèrent leurs pontes, puisque chacune est assez peu 
nombreuse. Ce furent les seuls animaux que Colomb trouva dans la première 
île où il aborda, et ces oiseaux servirent d'objets d'échange dans le premier 
commerce qu'eurent les Européens avec les Américains. Enfin, on apporta des 
perroquets d'Amérique et d'Afrique en si grand nombre, que le perroquet des 
anciens fut oublié. 


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— 183 — 


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( PL 21.) 


C'est l’espèce que l’on apporte le plus communément en Europe aujourd’hui, 
et qui s'y fait le plus aimer , tant par la douceur de ses mœurs que par son ta- 
lent et sa docilité. Le mot de jaco, qu'il paraît se plaire à prononcer, est le 
nom qu'ordinairement on lui donne. Tout son corps est d’un beau gris de perle 
et d'ardoise, plus foncé sur le manteau, plus clair au-dessus du Corps, et 
blanchissant au ventre ; une queue d’un rouge de vermillon termine et relève ce 
plumage lustré, moiré, et comme poudré d'une blancheur qui le rend toujours 
frais; l'œil est placé dans une peau blanche, nue et farineuse qui couvre la 
joue; le bec est noir; les pieds sont gris; l'iris de l'œil est couleur d'or. La 
longueur totale de l'oiseau est d’un pied. 

La plupart de ces perroquets nous sont apportés de la Guinée ; ils viennent 
de l’intérieur des terres de cette partie de l'Afrique. On les trouve aussi à Congo 
et sur la côte d’Angola. On leur apprend fort aisément à parler, et ils semblent 
imiter de préférence la voix des enfans, et recevoir d’eux plus facilement leur 
éducation à cet égard. 

Les anciers ont remarqué que tous les oiseaux susceptibles de l’imitation des 
sons de la voix humaine, écoutent plus volontiers et rendent plus aisément la 
parole des enfans, comme moins fortement articulée. Néanmoins, ce perroquet 
imite aussi le ton grave d’une voix adulte; mais cette imitation semble pénible. 

Non-seulement cet oiseau a la facilité d’imiter la voix de l’homme, il semble 
encore en avoir le désir : il le manifeste par son attention à écouter, par l'ef- 
fort qu’il fait pour répéter, et cet effort se réitère à chaque instant: car il ga- 
zouille sans cesse quelques-unes des syllabes qu'il vient d'entendre, et il 
cherche à prendre le dessus de toutes les voix qui frappent son oreille, en fai- 
sant éclater la sienne. Souvent on est étonné de lui entendre répéter des mots 
ou des sons que l’on n'avait pas pris la peine de lui apprendre, et qu’on ne le 
soupçonnait pas même d’avoir écoutés. 


OISEAUX, 24 


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Il semble se faire des tâches et chercher à retenir sa leçon chaque jour ; il 
en est occupé jusque dans le sommeil, et Marcgrave dit qu'il jase encore en 
révant. C'est surtout dans ses premières années qu’il montre cette facilité, qu'il 
a plus de mémoire, et qu’on le trouve plus intelligent et plus docile. Quelque - 
fois cette faculté de mémoire, cultivée de bonne heure, devient étonnante, 
comme dans ce perroquet dont parle Rhodiginus, qu'un cardinal acheta cent 
écus d'or, parce qu'il récitait correctement le symbole des apôtres. 


VAZA. 


Er) 


Le vaza se trouve à Madagascar, suivant Flaccourt, qui ajoute que ce per- 
roquet imite la voix de l’homme. Rennefort en fait aussi mention; et c’est le 
même que François Cauche appelle wvouresmeinte, ce qui veut dire oëseau noir, 
le nom de vourou, en langue Madécasse, signifiant oiseau en général. Aldro- 
vande place aussi des perroquets noirs dans l'Éthiopie. 

Le vaza est de la grosseur du perroquet cendré de Guinée ; il est également 
noir dans tout son plumage, non d’un noir épais et profond, mais brun et 
comme obscurément teint de violet. La petitesse de son bec est remarquable ; 


il a au contraire la queue assez longue. 
MASCARIN 
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(PI. 21.) 


Il est ainsi nommé, parce qu'il à autour du bec une sorte de masque noir 
qui engage le front, la gorge et le tour de la face. Son bec est rouge ; une coiffe 


— 187 — 


grise couvre le derrière de la tête et du cou; tout le corps est brun; les pennes 
de la queue, brunes aux deux tiers de leur longueur, sont blanches à l’origine. 
La longueur totale de ce perroquet est de treize pouces. On le trouve à l'ile de 
Bourbon, où probablement il a été transporté de Madagascar. Il y a au Cabinet 
du Roi un individu de même grandeur et de même couleur, excepté qu'il n’a 
pas le masque noir ni le blanc de la queue, et que tout le corps est également 
brun; le bec est aussi plus petit, et par ce caractère il se rapproche plus du 
vaza, dont il paraît être une variété, s’il ne forme pas une espèce intermédiaire 
entre celle-ci et celle du mascarin. 


KAKATOES A HUPPE BLANCHE. 


{ PI. 22, ) 


Ce kakatoès est à-peu-près de la grosseur d’une poule : son plumage est en- 
tièrement blanc, à l'exception d’une teinte jaune sur le dessous des ailes et des- 
- pennes latérales de la queue; il a le bec etles pieds noirs. Sa magnifique huppe 
est très remarquable, en ce qu’elle est composée de dix ou douze grandes plu- 
mes, non de l’espèce des plumes molles, mais de la nature des pennes, hautes 
et largement barbées; elles sont impiantées, du front en arrière, sur deux lignes 
parallèles, et forment un double éventail. 

Les kakatoès sont les plus grands perroquets de l'ancien continent ; ils en 
sont tous originaires, et paraissent être naturels aux climats de l’Asie méridio- 
nale. Nous ne savons pas s’il y en a dans les terres de l'Afrique ; mais il est sûr 
qu'il ne s’en trouve point en Amérique. [ls paraissent répandus dans les régions 
des Indes méridionales et dans toutes les îles de l'océan Indien, à Ternate, à 
Banda, à Céram, aux Philippines, aux îles de la Sonde. Leur nom de kakatoès, 
calaeua et cacatow, vient de la ressemblance de ce mot à leur cri. On les dis- 
tingue aisément des autres perroquets par leur plumage blanc, par leur bec 
plus crochu et plus arrondi, et particulièrement par une huppe de longues plu- 


més dont leur tête est ornée, et qu'ils élèvent et abaissent à volonté. 


— 188 — 


Ces perroquets kakatoës apprennent difficilement à parler; il y a même des 
espèces qui ne parlent jamais : mais on en est dédommagé par la facilité de leur 
éducation. On les apprivoise tous aisément : ils semblent même être devenus 
domestiques en quelques endroits des Indes, car ils font leurs nids sur le toit 
des maisons ; et celte facilité de leur éducation vient du degré de leur intelli- 
gence, qui paraît supérieure à celle des autres perroquets; ils écoutent, en- 
tendent et obéissent mieux : mais c’est vainement qu'ils font les mêmes efforts 
pour répéter ce qu’on leur dit. Ils ont dans tous leurs mouvemens une douceur 
et une grâce qui ajoutent encore à leur beauté. Quoique les kakatoès se servent, 
comme les autres perroquets, de leur bec pour monter et descendre, ils n’ont 
pas leur démarche lourde et désagréable , ils sont au contraire très agiles, et 
marchent de bonne grâce, et par pelits sauts vifs. 


KAKATOES À HUPPE JAUNE. 


(PI. 29.) 


Dans cette espèce l’on distingue deux races qui ne diffèrent entre elles que 
par la grandeur. Dans l'une et l’autre le plumage est blanc avec une teinte 
jaune sous les ailes et la queue, et des taches de la même couleur à l’entour des 
yeux. La huppe est d’un jaune citron; elle est composée de longues plumes 
molles et effilées, que l'oiseau relève et jette en avant : le bec et les pieds sont 
noirs. C’est un kakatoëès de cette espèce que décrit Aldrovande, et vraisembla- 
blement le premier qui aitété vu en Italie : il admire l'élégance et la beauté de 
cet oiseau, qui d’ailleurs est aussi intelligent, aussi doux et aussi docile que ce- 
lui de la première espèce. 

Ce kakatoës ne peut supporter d'être en cage; mais il n’use de sa liberté que 
pour se mettre à portée de son maître qu'ilne perd pas de vue : il vient lorsqu'on 
l'appelle, et s'en va lorsqu'on le lui commande ; il témoigne alors la peine que 
cet ordre lui fait en se retournant souvent, et regardant si on ne lui fait pas signe 
de revenir. Il est de la plus grande propreté : tous ses mouvemens sont pleins 


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— 189 —- 


de grâce, de délicatesse et de mignardise. Il mange des fruits, des légumes, 
toutes les graines farineuses, de la pâtisserie, des œufs, du lait, et de tout ce 
qui est doux sans être Lrop sucré. 


KAKATOEN 


À BEC COULEUR DE CHAIR. 


(HE 2%) 


Tout le plumage de ce kakatoës et blanc, à l'exception de quelques teintes 
de rouge pâle sur la tempe et aux plumes du dessous de la huppe ; cette teinte 
de rouge est plus forte aux couvertures du dessus de la queue : on voit un peu 
de jaune clair à l’origine des plumes scapulaires, de celles de la huppe, et au 
côté intérieur des pennes de l'aile et de la plupart de celles de la queue. Les 
pieds sont noirâtres : le bec est brun rougeûtre ; ce qui est particulier à cette 
espèce, les autres kakatoëès ayant tous le bec noir. C’est aussi le plus petit que 
nous connaissions dans ce genre. M. Brisson le fait de la grandeur du perro- 
quet de Guinée : cependant celui-ci est beaucoup plus petit; il est coiffé d’une 
huppe qui se couche en arrière et qu'il relève à volonté. 


KAKATOES À HUPPE ROUGE. 


(PI. 22.) 


C’est un des plus grands de ce genre; il a près d’un pied et demi de lon- 
gueur: le dessus de sa huppe, qui se rejette en arrière, est en plumes blan- 


ches, et couvre une gerbe de plumes rouges. 


— 190 — 


Nous avons vu ce beau kakatoës vivant; la manière dont il témoigne sa joie 
est de secouer vivement la tête plusieurs fois de haut en bas, en faisant un peu 
craquer son bec et relevant sa belle huppe ; il rend caresse pour caresse; il 
touche le visage de sa langue et donne des baisers : il paraît éprouver une sen- 
sation particulière lorsque l'on met la main à plat sous son corps, et que de 
l’autre main on le touche sur le dos, ou que simplement on approche la bouche 
pour le baiser; alors il s'appuie fortement sur la main qui le soutient, il bat des 
ailes, et, le bec à demi ouvert, il souffle en haletant; on lui fait répéter ce pe- 
tit manège autant que l’on veut. Un autre de ses plaisirs est de se faire grat- 
ter ; il montre sa tête avec la patte ; il soulève l'aile pour qu’en la lui frotte: il 
aiguise souvent son bec en rongeant et cassant le bois. 


ARA ROUGE. 


(PKM23:) 


Ce grand ara rouge a près de trente pouces de longueur ; mais la longueur de 
la queue en fait presque moitié. Tout le corps, excepté les ailes, est d’un rouge 
vermeil; les quatre plus longues plumes de la queue sont du même rouge; les 
grandes pennes de l’aile sont d’un bleu turquin en dessus, et en dessous d’un 
rouge de cuivre sur fond noir ; dans les pennes moyennes, le bleu et le vert sont 
alliés et fondus d’une manière admirable; les grandes couvertures sont d’un 
jaune doré, et terminées de vert ; les épaules sont du même rouge que le dos; 
les couvertures supérieures et inférieures de la queue sont bleues ; quatre des. 
-pennes latérales de chaque côté sont bleues en dessus, et toutes sont doublées 
d’un rouge de cuivre clair et métallique ; un toupet de plumes veloutées, rouge 
mordoré, s’ayance en bourrelet sur le front ; la gorge est d’un rouge brun ; une 
peau membraneuse, blanche et nue, entoure l’œil, couvre la joue et enveloppe 
la mandibule inférieure du bec, lequel est noirâtre, ainsi que les pieds. 

Les aras étaient autrefois très communs à Saint-Domingue. 

Ces oiseaux habitent les bois dans les terrains humides plantés de palmiers, 
eLils se nourrissent principalement des fruits du palmier-latanier, dont 11 y a 


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de grandes forêts dans les savanes noyées : ils vont ordinairement par paires et 
rarement en troupes; quelquefois néanmoins ils se rassemblent le matin pour 
crier tous ensemble, et se font entendre de très loin. Ils jettent les mêmes cris 
lorsque quelque objet les effraie ou les surprend. Ils ne manquent jamais aussi 
de crier en volant; et de tous les perroquets, ce sont ceux qui volent le mieux : 
ils traversent les lieux découverts, mais ne s’y arrêtent pas; ils se perchent tou- 
jours sur la cime ou sur la branche la plus élevée des arbres. Ils vont le jour 
chercher leur nourriture au loin; mais tous les soirs ils reviennent au même 
endroit, dont ils ne s’éloignent qu'à la distance d’une lieue environ, pour 
chercher des fruits mürs. 

Les aras font leurs nids dans des trous de vieux arbres pourris, qui ne sont 
pas rares dans leur pays natal, où il y a plus d'arbres tombant de vétusté que 
d'arbres jeunes et sains : ils agrandissent le trou avec leur bec lorsqu'il est trop 
étroit ; ils en garnissent l’intérieur avec des plumes. La femelle fait deux pontes 
par an, comme tous les autres perroquets, et chaque ponte est ordinairement 
de deux œufs. 

Les jeunes aras s’apprivoisent aisément ; et dans plusieurs contrées de l’Amé- 
rique on ne prend ces oiseaux que dans le nid, et on ne tend point de pièges 
aux vieux, parce que leur éducation serait trop difficile et peut-être infruc- 
tueuse. Les sauvages des Antilles avaient une singulière manière de prendre 
ces oiseaux vivans; ils épiaient le moment où ils mangent à terre des fruits 
tombés; ils tàchaient de les environner, et tout-à-coup ils jetaient des cris, frap- 
paient des mains et faisaient un si grand bruit, que ces oiseaux, subitement 
épouvantés, oubliaient l’usage de leurs ailes, et se renversaient sur le dos pour 
se défendre du bec et des ongles ; les sauvages leur présentaient alors un bâton, 
qu’ils ne manquaient pas de saisir, et dans le moment on les attachait avec une 


petite liane au bâton. 


— 192 — 


ARA VERT. 


(PI. 23.) 


L'ara vert est bien plus rare que l’ara rouge et l’ara bleu, il est aussi bien 
plus petit, et l'on n’en doit compter qu'une espèce. 

Sa longueur, depuis l'extrémité du bec jusqu'à celle de la queue, est d’envi- 
ron seize pouces; son Corps, tant en dessus qu’en dessous, est d’un vert qui, 
sous les différens aspects, paraît ou éclatant et doré, ou olive foncé ; les grandes 
et petites pennes de l’aile sont d'un bleu d’aigue-marine sur fond brun doublé 
d’un rouge de cuivre; le dessous de la queue est de ce même rouge, et le des- 
sus est peint de bleu d’aigue-marine fondu dans du vert d'olive; le vert de la 
tête est plus vif et moins chargé d’olivâtre que le vert du reste du corps; à la 
base du bec supérieur, sur le front est une bordure noire de petites plumes 
effilées qui ressemblent à des poils ; la peau blanche et nue qui environne les 
yeux est aussi parsemée de petits pinceaux rangés en ligne des mêmes poils 
noirs ; l'iris de l’œil est jaunâtre. 

Cet oiseau est aussi beau qu'il est rare, et aimable par ses mœurs so- 
ciales et par la douceur de son naturel : il est bientôt familiarisé avec les per- 
sonnes qu'il voit fréquemment ; il aime leur accueil, leurs caresses, et semble 
chercher à les leur rendre ; mais il repousse celles des étrangers, et surtout 
celles des enfans, qu’il poursuit vivement, et sur lesquels il se jette; ilne con- 
naît que ses amis. 

Comme tous les perroquets élevés en domesticité, il se met sur le doigt dès 
qu'on le lui présente; il se tient aussi sur le bois : mais en hiver, et même en 
éLé, dans les temps frais et pluvieux , il préfère être sur le bras ou sur l’épaule, 
surtout si les habillemens sont de laine, car en général il semble se plaire beau- 
coup sur le drap ou sur les autres étoffes de cette nature qui garantissent le 
mieux du froid. 


Lorsqu'on le gratte légèrement , il étend les ailes en s’accroupissant, et il 


— 195 — 


fait alors entendre un son désagréable, assez semblable au eri du geai, en sou- 
levant les ailes et hérissant ses plumes, et ce cri habituel paraît être l’expres- 
sion du plaisir comme celle de l'ennui : d’autres fois il fait un cri bref et aigu 
qui est moins équivoque que le premier , et qui exprime la joie ou la satisfac- 
tion; car il le fait ordinairement entendre lorsqu'on lui fait accueil, ou lors- 
qu'il voit venir à lui les personnes qu'il aime. 


AMAZONE À TÈTE BLANCHE. 


CRIE) 


Îl serait plus exact de nommer ce perroquet a front blane, parce qu'il n'a 
guère que cette partie de la tête blanche : quelquefois le blanc engage aussi 
l'œil et s'étend sur le sommet de la tête ; souvent il ne borde que le front, ce 
qui semble indiquer une variété dans l'espèce. Ces individus diffèrent encore 
par le ton de couleur, qui est d’un vert plus foncé et plus dominant dans 
ceux-ci, et moins ondé de noir, plus clair, mêlé de jaunâtre dans les premiers 
et coupé de festons noirs sur tout le corps; la gorge et le devant du cou sont 
d’un beau rouge. Cette couleur à moins d’étendue et de brillant dans les autres; 
mais ils en portent encore une tache sous le ventre. Tous ces oiseaux ont les 
grandes pennes de l'aile bleues ; celles de la queue sont d’un vert jaunâtre, 
teintes de rouge dans leur première moitié. On remarque dans le fouet de l'aile 
la tache rouge qui est, pour ainsi dire, la livrée des amazones. On apporte fré- 
quemment ces perroquets de Cuba à la Jamaïque , et ils se trouvent aussi à 
Saint-Domingue. On en voit de même au Mexique ; mais on ne les rencontre 
pas à la Guiane. 


OISEAUX. 25 


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AOUROU-COURAOU. 


(217723) 


L’Aourou-couraou de Marcgrave est un bel oiseau qui se trouve à la Guiane 
et au Brésil. Il a le front bleuâtre avec une bande de même couleur au-dessus 
des yeux ; le reste de la tête est jaune ; les plumes de la gorge sont jaunes et 
bordées de vert bleuâtre ; le reste du COrpS est d'un vert clair qui prend une 
teinte de jaunâtre sur le dos et sur le ventre ; le fouet de l'aile est rouge ; les 
couvertures supérieures des ailes sont vertes ; les pennes de l'aile sont variées 
de vert, de noir, de jaune , de bleu violet et de rouge : la queue est verte ; 
mais lorsque les pennes en sont étendues, elles paraissent frangées de noir, de 
rouge et de bleu : l'iris des yeux est de couleur d'or ; le bec est noirâtre, et les 


pieds sont cendrés. 


CRIK. 


(BI. 24.) 


C’est ainsi qu'on appelle cet oiseau à Cayenne, où il est si commun qu'on a 
donné son nom à tous les autres Criks. Il est plus petit que les amazones : mais 
néanmoins il ne faut pas le mettre au rang des perruches. 

Le Crik à près d’un pied de longueur, depuis la pointe du bec jusqu'à l’ex- 
trémité de la queue, et ses ailes pliées s'étendent un peu au-delà de la moitié 
de la longueur de la queue. Il est, tant en dessus qu’en dessous, d’un joli vert 
assez clair, et particulièrement sous le ventre et le cou, où le vert est très bril- 


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lant ; le front et le Sommet de la tête sont aussi d'un assez beau vert; les joues 
sont d’un jaune verdàtre ; il y a sur les ailes une tache rouge; les pennes en 
sont noires, terminées de bleu ; les deux pennes du milieu de la queue sont du 
même vert que le dos; et les pennes extérieures, au nombre de cinq de chaque 
côté, ont chacune sur les barbes intérieures, une grande tache oblongue rouge 
qui s’élargit de plus en plus de la penne intérieure à la penne extérieure ; l'iris 
des yeux est rouge; le bec et les pieds sont blanchâtres. | 

Comme les Criks sont les perroquets les plus communs , et en même temps 
ceux qui parlent le mieux, les sauvages se sont amusés à les nourrir et à faire 
des expériences pour varier leur plumage : ils se servent, pour cette opération, 
du sang d’une petite grenouille, dont l’espèce est bien différente de celle de nos 
grenouilles d'Europe ; elle est de moitié plus petite, et d’un beau bleu d’azur, 
avec des bandes longitudinales de couleur d'or; c’est la plus jolie grenouille du 
monde; elle se tient rarement dans les marécages, mais toujours dans les forêts 
éloignées des habitations. Les sauvages commencent par prendre un jeune Crik . 
au nid, et lui arrachent quelques-unes des plumes scapulaires et quelques au- 
tres plumes du dos; ensuite ils frottent du sang de cette grenouille le perroquet 
à demi plumé : les plumes qui renaissent après cette opération, au lieu de 
vertes qu'elles étaient, deviennent d’un beau jaune ou d’un très beau rouge; 
c'est ce qu'on appelle en France perroquets tapires. Les sauvages de la Guiane, 
comme ceux de l’Amazone, pratiquent cet art de tapirer le plumage des perro- 
quets. Au reste, l'opération d’arracher les plumes fait beaucoup de mal à ces 
oiseaux ; et même ils en meurent si souvent, que ces perroquets tapirés sont fort 
rares, quoique les sauvages les vendent beaucoup plus cher que les autres. 


MEUNIER. 


(EEE) 


Aucun naturaliste n’a indiqué ni décrit cette espèce d'une manière distincte ; 
il semble seulement que ce soit le grand perroquet vert poudré de gris, que 
Barrère a désigné sous le nom de perroquet blanchätre. C'est le plus grand de 


tous les perroquets du Nouveau-Monde, à l'exception des aras. 


— 196 — 


Il a été appelé meunier par les habitans de Cayenne, parce que son plu- 
mage, dont le fond est vert, paraît saupoudré de farine. II a une tache jaune sur 
la tête; les plumes de la face supérieure du cou sont légèrement bordées de 
brun; le dessous du corps est d’un vert moins foncé que le dessus, et il n’est pas 
saupoudré de blanc ; les pennes extérieures des ailes sont noires, à l'exception 
d’une partie des barbes extérieures qui sont bleues; il a une grande tache rouge 
sur les ailes; les pennes de la queue sont de la même couleur que le dessus du 
corps, depuis leur origine jusqu'aux trois quarts de leur longueur, et le reste 
est d’un vert jaunâtre. 

Ce perroquet est un des plus estimés, tant par sa grandeur et la singularité 
de ses couleurs, que par la facilité qu'il a d'apprendre à parler, et par la dou- 
ceur de son naturel. Il n’a qu'un petit trait déplaisant; c’est son bec qui est de 


couleur de corne blanchàtre. 


PAPEGAI MAILLE. 


Ce perroquet d'Amérique paraît être le même que le perroquet varié de l’an- 
cien continent; et nous présumons que quelques individus qui sont venus d’A- 
mérique en France y avaient auparavant été transportés des Grandes-Indes, et 
que si l’on en trouve dans l’intérieur des terres de la Guiane, c’est qu’ils s’y sont 
naturalisés, comme les serins et quelques autres oiseaux et animaux des con- 
trées méridionales de l’ancien continent, qui ont été transportés dans le nouveau 
par les navigateurs. 

Le papegai a la voix différente de tous les autres perroquets de l'Amérique ; 
son cri est aigu et perçant. 

Il a le haut de Ja tête et la face entourés de plumes étroites et longues, blan- 
ches et rayées de noirâtre, qu'il relève quand il est irrité, et qui lui forment 
alors une belle fraise comme une crinière ; celles de la nuque et des côtés du 
cou sont d’un beau rouge brun, et bordées de bleu vif; les plumes de la poi- 
urine et de l’estomac sont nuées, mais plus faiblement, des mêmes couleurs, dans 
lesquelles on voit un mélange de vert; un plus beau vert soyeux et luisant cou- 


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vre le dessus du corps et de la queue; toutefois quelques-unes de ses pennes 
latérales de chaque côté paraissent en dehors d’un bleu violet, et les grandes 
de l'aile sont brunes, ainsi que le dessous de celles de la queue. 


PAPEGAT PARADIS. 


(PI. 24.) 


Catesby à appelé cet oiseau perroquet de paradis : il est très joli, il a le corps 
jaune, et toutes les plumes bordées de rouge mordoré ; les grandes pennes des 
ailes sont blanches, et toutes les autres jaunes, comme les plumes du corps; les 
deux pennes du milieu de la queue sont jaunes aussi; et toutes les latérales sont 
rouges depuis leur origine jusque vers les deux tiers de leur longueur, le reste 
est jaune; l'iris des yeux est rouge ; le bec et les pieds sont blancs. , 

Il semble qu’il y ait quelques variétés dans cette espèce de papegai; car celui 
de Catesby a la gorge et le ventre entièrement rouges, tandis qu’il y en a d’au- 
tres qui ne l’ont que jaune, et dont les plumes sont seulement bordées de rouge; 
ce qui peut provenir de ce que les bordures sont plus ou moins larges, suivant 
l’âge ou le sexe. | 

On le trouve dans l’île de Cuba ; et c’est par cette raison qu’on l’a appelé aussi 
perroquet de Cuba. 


TAVOUA. 


(PL 25.) 


Ce perroquet est assez rare à la Guiane; cependant il approche quelquefois 
des habitations. Nous lui conservons le nom de favoua, qu'il porte dans la Tan- 


— 198 — 


gue galibi; on le recherche beaucoup, parce que c’est peut-être de tous les per- 
roquets celui qui parle le mieux, même mieux que le perroquet gris de Guinée 
à queue rouge; et il est singulier qu’il ne soit connu que depuis si peu de temps: 
mais cette bonne qualité ou plutôt ce talent est accompagné d'un défaut bien 
essentiel ; ce tavoua est traître et méchant au point de mordre cruellement lors- 
qu'il fait semblant de caresser ; il a même l’air de méditer ses méchancetés ; sa 
physionomie, quoique vive, est équivoque. Du reste, c’est un très bel oiseau, 
plus agile et plus ingambe qu'aucun autre perroquet. | 

I à le dos et le croupion d’un très beau rouge ; il porte aussi du rouge au 
front, et le dessus de la tête est d’un bleu clair; le reste du dessus du corps est 
d’un beau vert plein, et le dessous d’un vert plus clair ; les pennes des ailes 
sont d’un beau noir avec des reflets d’un bleu foncé , en sorte qu’à de certains 
aspects elles paraissent en entier d’un très beau bleu foncé; les couvertures 
des ailes sont variées de bleu foncé et de vert. 


MAIPOURT. 


(PI, 25,) 


Ce nom convient très bien à cet oiseau, parce qu'il siffle comme le tapir, 
qu'on appelle à Cayenne maïpourt; et quoiqu'il y ait une énorme différence 
entre ce gros quadrupède et ce petit oiseau, le coup de sifflet est si semblable, 
qu'on s’y méprendrait. I se trouve à Ia Guiane, au Mexique, et jusqu'aux Ca- 
raques; il n’approche pas des habitations, et se tient ordinairement dans les 
bois entourés d’eau, et même sur les arbres des savanes noyées : il n’a d'autre 
voix que son sifflet aigu, qu'il répète souvent en volant, et il n'apprend point à 
parler. 

Ces oiseaux vont ordinairement en petites troupes , mais souvent sans affec- 
tions les uns pour les autres, car ils se battent fréquemment et cruellement. 
Lorsqu'on en prend quelques-uns à la chasse, il n’y a pas moyen de les conser- 
ver: ils refusent la nourriture et se laissent mourir ; ils sont de si mauvaise hu- 


— 199 — 


meur, qu'on ne peut les adoucir, même avec les camoufiets de fumée de tabac. 
dont on se sert pour rendre doux les perroquets les plus revêches. 

Il faut, pour élever les maipouris , les prendre jeunes, et ils ne vaudraient 
pas la peine de leur éducation, si leur plumage n’était pas beau et leur figure 
singulière. [ls sont d’une forme fort différente de celle des perroquets et même 
de celles des perruches : ils ont le corps plus épais et plus court, la tête aussi 
beaucoup plus grosse , le cou et la queue extrêmement courts, en sorte qu'ils 
ont l’air massif et lourd. Tous leurs mouvemens répondent à leur figure. Leurs 
plumes mêmes sont toutes différentes de celles des autres perroquets ou perru- 
ches : elles sont courtes, très serrées et collées contre le corps, en sorte qu'il 
semble qu’on les ait en effet comprimées et collées artificiellement sur la poi- 
trine et sur toutes les parties inférieures du corps. 

Le maïpouri a le dessus’ de la tête noir, une tache verte au-dessous des 
yeux; les côtés de la tête, la gorge et la partie inférieure du cou sont d’uñ 
assez beau jaune ; le dessus du cou, le bas-ventre et les jambes, de couleur 
orangée ; le dos, le croupion, les couvertures supérieures des ailes et les 
pennes de la queue, d’un beau vert; la poitrine et le ventre blanchâtres quand 
l'oiseau est jeune, et jaunâtres quand il est adulte ; les grandes pennes des ailes 
sont bleues à l'extérieur en dessus, et noires à l'intérieur, et par dessous, elles 
- sont noirâtres ; les suivantes sont vertes et bordées extérieurement de jaunà- 
tre ; l'iris des yeux est d’une couleur de noisette foncée ; le bec est de couleur 
de chair; les pieds sont d'un brun cendré, et les ongles noirâtres. 


CAÏCA. 


(P12225°) 


Nous avons adopté, pour cet oiseau , le mot caca de la langue galibi, qui 
est le nom des plus grosses perruches, parce qu'il est en effet aussi gros que le 
précédent : il est aussi du même genre; car il lui ressemble par toutes les sin- 
gularités de la forme , et par la calotte noire de sa tête. Cette espèce est non- 
seulement nouvelle en Europe, mais elle l’est même à Cayenne, et l’on ne sait 


— 200 — 


pas encore de quel pays ils viennent : on en voil tous les ans arriver par petites 
troupes, dans la belle saison des mois de septembre et d'octobre , et ne faire 
qu'un petit séjour ; en sorte que, pour le climat de la Guiane, ce ne sont que 
des oiseaux de passage. 

La coiffe noire qui enveloppe la tête du caïca est comme percée d’une ouver- 
ture dans laquelle l'œil est placée; cette coiffe noire s'étend fort bas, et s’élar- 
git en deux mentonnières de même couleur ; le tour du cou est fauve et jaunà- 
tre ; dans le beau vert qui couvre le reste du corps, tranche le bleu d'azur qui 
marque le bord de l’aile presque depuis l'épaule, borde ses grandes pennes sur 
un fond plus sombre , et peint les pointes de celles de la queue , excepté les 
deux intermédiaires, qui sont toutes vertes et paraissent un peu plus courtes 
que les latérales. 


PERRUCHE PAVOUANE. 


(PF) 


Cette perruche est une des plus jolies. Elle est assez commune à Cayenne; 
on la trouve également aux Antilles, comme nous l’assure M. de La Borde, 
et c’est de toutes les perruches du nouveau continent celle qui apprend le plus 
facilement à parler : néanmoins elle n’est docile qu’à cet égard ; car, quoique 
privée depuis long-temps, elle conserve toujours un naturel sauvage et farou- 
che; elle a même l'air mutin et de mauvaise humeur ; mais comme elle a l’œil 
très vif et qu’elle est leste et bien faite , elle plaît par sa figure. Ces perruches 
volent en troupes, toujours criant et piallant ; elles parcourent les savanes et 
les bois, et se nourrissent, de préférence, du petit fruit d'un grand arbre 
qu’on nomme dans les pays l’immortel, et que Tournefort a désigné sous la dé- 
nomination de corallodendron. 

Elle a un pied de longueur ; la queue à près de six pouces, et elle est régu- 
lièrement étagée ; la tête, le corps entier, le dessus des ailes et de la queue sont 
d'un très beau vert. À mesure que ces oiseaux prennent de l'âge, les côtes de 
la tête et du cou se couvrent de petites taches d’un rouge vif, lesquelles de- 


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— 901 — 


viennent de plus en plus nombreuses , en sorte que, dans ceux qui sont âgés, 
ces parties sont presque entièrement garnies de belles taches rouges ; on ne 
voit aucune de ces taches dans l’oiseau jeune, et elles ne commencent à pa- 
raître qu'à deux ou trois ans d'âge. Les petites couvertures inférieures des 
ailes sont du même rouge vif, tant dans l'oiseau adulte que dans le jeune ; 
seulement ce rouge est un peu moins éclatant dans le dernier. Les grandes 
couvertures inférieures des ailes sont d’un beau jaune; les pennes des ailes 
et de la queue sont, en dessous, d’un jaune obscur; le bec est blanchâtre, et 
les pieds sont gris. 


PIC DE GOA. 


(PI. 26.) 


Ce pic vert (1) d'Asie est moins grand que le pic vert d'Europe. La coiffe 
rouge de sa tête, troussée en huppe et en arrière, est bordée à la tempe d’une 
raie blanche qui s’élargit sur le haut du cou; une zone noire descend depuis 
l'œil, et, traçant un zigzag, tombe jusque sur l'aile; les petites Couvertures 
sont également noires; une belle tache d’un jaune doré couvre le reste de l'aile, 
et se termine en jaune verdâtre sur les petites pennes; les grandes sont comme 
dentelées de taches d’un blanc verdâtre sur un fond noir; la queue est noire ; 
le ventre, la poitrine et le devant du cou, jusque sous le bec, sont entremélés 
et comme maillés légèrement de blanc et de noir. Ce pic est un de ceux dont le 
plumage est le plus beau. De tous les oiseaux que la nature force à vivre de la 
grande ou de la petite chasse, il n’en est aucun dont elle ait rendu la vie plus 
laborieuse , plus dure que celle du pic : elle la condamné au travail > et, pour 


(x) En latin, picus martius ; en italien, pico verde, picozo; en allemand, grunr specht; en anglais, 
green-wood pecker, green-wood spise, high-hoo, hew-hole , rainfowl; en suédois, groen-spick, groen- 
jeoling, wedknari; en polonais, dzieciol zielony; en danois, gron-spæt, gnul-spæt; en lapon, 
zhiaine ; en français, pic-mart, pic vert, pic jaune, picumart ; en Poitou, picosseau ; en Périgord , 
picolat; en Guienne, bivay ; en Picardie, becquebo ; en quelques endroits, pleu-pleu ou plui-plu à 
d’après un de ses cris, 


OISEAUX, 26 


— 902 — 


ainsi dire, à la galère perpétuelle; tandis que les autres ont pour moyens la 
course , le vol, l’embuscade, l'attaque, exercices libres où le courage et l'a- 
dresse prévalent. Le pic, assujéti à une tâche pénible, ne peut trouver sa nour- 
riture qu’en perçant les écorces et la fibre dure des arbres qui la recèlent. 
Occupé sans relâche à ce travail de nécessité, il ne connaît ni délassement ni 
repos; souvent même, il dort et passe la nuit dans l'attitude contrainte de la 
besogne du jour : il ne partage pas les doux ébats des autres habitans de l’air ; 
il n’entre point dans leurs concerts, et n’a que des cris sauvages, dont l’accent 
plaintif, en troublant le silence des bois, semble exprimer ses efforts et sa 
peine. Ses mouvemens sont brusques; il a l'air inquiet, les traits et la physio- 
nomie rudes, le naturel sauvage et farouche : il fuit toute société, même celle 
de son semblable. 

Tel est l'instinct étroit d’un oiseau borné à une vie triste et chétive. Il a reçu 
de la nature des organes appropriés à cette destinée, ou plutôt il tient cette 
destinée même des organes avec lesquels il est né. Quatre doigts épais, ner- 
veux, tournés deux en avant, deux en arrière, tous armés de gros ongles ar- 
qués, implantés sur un pied très Court et puissamment musclé, lui servent à 
grimper en tout sens autour du tronc des arbres. 

Son bec tranchant, droit, en forme de coin , carré à sa base, cannelé dans sa 
longueur , aplati et taillé verticalement à sa pointe comme un ciseau, est l’in- 
strument avec lequel il perce l'écorce, et entame profondément Île bois des 
arbres où les insectes ont déposé leurs œufs : ce bec, d’une substance solide 
et dure , sort d’un crâne épais. De forts muscles dans un cou raccourci portent 
et dirigent les coups réitérés que Le pic frappe incessamment, pour percer le 
bois et s'ouvrir un accès jusqu'au cœur des arbres; il y darde une longue langue 
effilée, arrondie, semblable à un ver de terre, armée d’une pointe dure, osseuse, 
comme d'un aiguillon, dont il perce, dans leurs trous, les vers qui sont sa seule 
nourriture. | | 

Sa queue, composée de dix pennes raides, fléchies en dedans, tronquées à 
la pointe, garnies de soies rudes , lui sert de point d'appui dans l'attitude sou- 
vent renversée qu'il est forcé de prendre pour grimper et frapper avec avan- 
tage. Il niche dans les cavités qu'il a en partie creusées lui-même; et c’est du 
sein des arbres que sort cette progéniture qui, quoique ailée, est néanmoins 
destinée à ramper à l’entour, à y rentrer de nouveau pour se reproduire, et à 
ne S'en séparer jamais. 


— 203 — 


PIC DE SAINT-DOMINGUE. 


(PL 6°) 


Ce petit pic a six pouces de longueur, et il est à-peu-près de la grosseur de 
l’alouette : il à le sommet dé la tête rouge, les côtés sont d’un gris roussâtre ; 
tout le manteau est olive jaunâtre ; tout le dessous du corps est rayé transversa- 
lement de blanchâtre et de brun ; les pennes de l'aile, olivâtres comme le dos, 
du côté extérieur, ont l’intérieur brun et dentelé d’un bord de taches blan- 
châtres engrenées assez profondément; les plumes de la queue sont d’un gris 
mélangé de brun. Malgré sa petite taille , ce pic ne laisse pas d’être des plus 
robustes : il perce les arbres les plus durs. 

Ce pic se tient à terre, souvent surtout près des fourmilières, où l’on est assez 
sûr de le trouver, et même de le prendre avec des lacets. TI attend les fourmis 
au passage, couchant sa longue langue dans le petit sentier qu’elles ont cou- 
tume de tracer et de suivre à la file, et lorsqu'il sent sa langue couverte de ces 
insectes, il la retire pour les avaler; mais si le froïd tient les fourmis renfer- 
mées, il va sur la fourmilière, l’ouvre avec les pieds et le bec, et s’établissant 
au milieu de la brèche qu’il vient de faire, il les saisit à son aise, et avale aussi 
leurs chrysalides. 

Dans tous Les autres temps, il grimpe contre les arbres, qu’il attaque et qu'il 
frappe à coups de bec redoublés : travaillant avec la plus grande activité, il 
dépouille souvent les arbres secs de toute leur écorce. Comme il est paresseux 
pour tout autre mouvement, il se laisse aisément approcher , et ne sait se dé- 
rober au chasseur qu’en tournant autour de la branche, et se tenant sur la face 
opposée. 

On a dit qu'après quelques coups de bec , il va de l’autre côté de l'arbre 
pour voir s’il l'a percé; mais c’est pour recueillir sur l'écorce les insectes qu'il 
a réveillés et mis en mouvement, ou reconnaître les endroits creux où se ni- 
chent les vers qu’il recherche, ou bien une cavité dans laquelle il puisse se 
loger et disposer son nid. 


— 904 — 


C'est au cœur d’un arbre vermoulu qu’il le place, à quinze ou vingt pieds 
au-dessus de terre, et plus souvent dans les arbres de bois tendre. Le mâle et 
la femelle travaillent incessanment, et tour-à-tour , à percer la partie vive de 
l'arbre, jusqu’à ce qu'ils rencontrent le centre carié; ils le vident et le creu- 
sent, rejetant au-dehors, avec les pieds, les copeaux et la poussière du bois ; 
ils rendent quelquefois leur trou si oblique et si profond, que la lumière du 
jour ne peut y arriver. Els y nourrissent leurs petits. La ponte est ordinaire- 
ment de cinq œufs, qui sont verdâtres, avec de petites taches noires. Les jeu-. 
nes pics commencent à grimper tout petits, et avant de pouvoir voler. Le mâle 
et la femelle ne se quittent guère, se couchent de bonne heure, avant les autres 
oiseaux, et restent dans leur trou jusqu’au jour. 

Le mécanisme de la langue du pic a été un sujet d’admiration pour tous les 
naturalistes. La langue du pic vert, proprement dite, n’est que cette pointe 
osseuse qui ne paraît en faire que l'extrémité; ce que l’on prend pour la langue 
est l'os hyoïde lui-même, engagé dans un fourreau membraneux prolongé, en 
arrière, en deux longs rameaux cartilagineux , lesquels se courbent sur la tête, 
se couchent dans une rainure tracée sur le cràne, et vont s'implanter dans le 
front à la racine du bec. Ce sont ces deux rameaux ou filets élastiques qui 
se prêtent à l'allongement et au jeu de cette espèce de langue. La pointe os- 
seuse, qui tient seule la place de la véritable langue, est implantée sur l’ex- 
trémité de cet os hyoïde, et recouverte d’un cornet écailleux hérissé de petits 
crochets tournés en arrière. 


PIC DE CAYENNE. 


(PI. 26.) 


Ce pic est le même que le pic varie huppé d' Amerique, décrit incomplè- 
tement par M. Brisson, sur un passage de Gesner. La huppe d’un fauve doré 
ou plutôt d'un rouge aurore, la tache pourpre à l'angle du bec, les plumes 
fauves et noires, dont tout le corps est alternativement varié, sont des carac- 


— 905 — 


tères suffisans pour le faire reconnaître; et la grandeur donnée, qui est celle 
du pic vert, convient à ce grand pic rayé de Cayenne. Son plumage est très 
richement émaillé par le fauve jaunâtre et le beau noir qui s’y entremêlent en 
ondes, en taches et en festons; un espace blanc dans lequel l’œil est placé, et 
un toupet noir sur le front, donnent du caractère à la physionomie de cet oi- 
seau, et la huppe rouge et la moustache pourpre semblent la relever encore. 

Les créoles de Cayenne l’appellent le charpentier jaune ; il est moins grand 
que notre pic vert, et surtout beaucoup moins épais; sa longueur est de neuf 
pouces. 

Il fait son nid dans les grands arbres dont le cœur est pourri, après avoir 
percé horizontalement jusqu’à la cavité, et continue son excavation en descen- 
dant jusqu’à un pied et demi plus bas que l'ouverture. Au fond de cet antre 
obscur, la femelle pond trois œufs blancs et presque ronds. Les petits éclosent 
au commencement d'avril. Le mâle partage la sollicitude de la femelle, et, 
en son absence , se tient constamment à l'embouchure de sa galerie horizon- 
tale. Son cri est un sifflement en six temps, dont les premiers accens sont 
monotones, et les deux ou trois derniers plus graves. La femelle n’a pas aux 
côtés de la tête cette bande de rouge vif que porte le mâle. 


TOCO. 


( PL 6.) 


Le corps de cet oiseau a neuf à dix pouces de longueur , y compris la tête 
et la queue ; son bec en a sept et demi. La tête, le dessus du cou, le dos, le 
croupion, les ailes, la queue en entier, la poitrine et le ventre sont d’un noir 
foncé ; les couvertures du dessus de la queue sont blanches, celles du dessous 
d’un beau rouge ; le dessuus du cou et la gorge sont d’un blanc jaunâtre; sous 
la gorge, on voit un petit cercle rouge ; la base des deux mandibules du bec 
est noire; le reste de la mandibule inférieure est d’un jaune rougeûtre. Les 
ailes ne s'étendent guère qu’au tiers de la queue ; les pieds et les ongles sont 
noirs. 


= 1908 — 


Ces oiseaux vont par petites troupes de six à dix ; leur vol est lourd et s’exé- 
cute péniblement, vu leurs courtes ailes et leur énorme bec qui fait pencher le 
corps en avant, cependant on les voit presque toujours perchés à la cime des 
arbres et dans une agitation continuelle qui n’ôte rien à leur air grave ; quoique 
très vifs et très remuans, ils n’en paraissent que plus gauches et moins gais. 

Comme ils font leur nid dans des trous d'arbres que les pics ont abandonnés, 
on a cru qu'ils creusaient eux-mêmes ces trous. Ils ne pondent que deux œufs. 
On les apprivoise très aisément en les prenant jeunes. Ils ne sont pas difficies 
à nourrir ; Car ils avalent tout ce qu’on leur jette, pain, chair ou poisson : ils sai- 
sissent aussi avec la pointe du bec les morceaux qu'on leur offre de près; ils 
les lancent en haut, et les reçoivent dans leur large gosier. Mais, obligés de 
ramasser les alimens à terre, ils semblent les chercher en tâtonnant, et pren- 
nent le morceau de côté, pour le faire sauter ensuite et le recevoir. 


TOUCAN À VENTRE ROUGE. 


(Pl 26.9 


Ce toucan a la gorge jaune comme le précédent; mais il a le ventre d’un beau 
rouge, au lieu que l'autre l’a noir. 

La poitrine est d’une belle couleur d’or avec du rouge au-dessus, c’est-à- 
dire sous la gorge; il a aussi le ventre et les jambes d’un rouge très vif, ainsi 
que l'extrémité de la queue qui, pour le reste, est noire; l'iris de l'œil est noir ; 
il est entouré d’un cercle blanc qui l'est lui-même d’un autre cercle jaune. Les 
deux mandibules sont dentelées sur leurs bords. 

Theveté assura que cet oiseau se nourrissait de poivre; qu'il en avalait même 
en si grande quantité qu'il était obligé de le rejeter. Ce fait a été copié par tous 
les naturalistes, et il estinexact. 

Le nom même de {oucan signifie plume en langue brasilienne. Ces oiseaux, 
si difformes par leur bec et par leur langue, brillent néanmoins par leur plu- 
mage. Ils ont en effet des plumes propres aux plus beaux ornemens, et ce sont 


— 207 — 


celles de la gorge: la couleur en est orangée, vive, éclatänte; et, quoique ces 
belles plumes n’appartiennent qu’à quelques-unes des espèces de toucans, elles 
ont donné le nom à tout le genre. On recherche en Europe ces gorges de tou- 
cans pour faire des manchons. Son bec prodigieux lui à valu d’autres honneurs, 
et l’a fait placer parmi les constellations australes, où l’on n’a guère admis que 
les objets les plus frappans et les plus remarquables. Ce bec est en général 
beaucoup plus gros et plus long, à proportion du corps, que dans aucun autre 
oi eau; et ce qui le rend encore plus excessif, c’est que, dans toute sa longueur, 
il est’plus large que la tête de l'oiseau. Ce long et large bec fatiguerait prodi- 
gieusement la tête et le cou de l'oiseau, s’il n’était pas d’une substance légère ; 
mais il est si mince, qu'on peut sans effort le faire céder sous les doigts. Ce bec. 
n’est donc pas propre à briser les graines ni même les fruits tendres; l'oiseau. 
est obligé de les avaler tout entiers : et, de même, il ne peut s’en servir pour se 
défendre, et encore moins pour attaquer ; à peine peut-il serrer assez pour faire 
impression sur le doigt quand on le lui présente. 

Les auteurs qui ont écrit que le toucan perçait les arbres comme le pic, se 
sont donc bien trompés; ils n’ont rapporté ce fait que d’après la méprise de 
quelques Espagnols. Il est certain que les toucans n’ont ni ne peuvent avoir 
cette habitude, et qu'ils sont très éloignés du genre des pics; Scaliger avait 
fort bien remarqué, avant nous, que ces oiseaux ayant le bec crochu et courbé 
en bas, il ne paraissait pas possible qu’ils entamassentles arbres. 

Les toucans sont répandus dans tous les climats chauds de l'Amérique mé- 
ridionale, et ne se trouvent point dans l’ancien continent. Ils ne changent de 
pays, que pour suivre les saisons de la maturité des fruits qui leur servent de 
nourriture, ce sont surtout les fruits de palmiers; comme ces espèces d’ar- 
bres croissent dans les terrains humides et près du bord des eaux, les toucans 
habitent ces lieux de préférénce, et se trouvent même quelquefois dans les pa- 
létuviers qui ne croissent que dans la vase liquide; c’est peut-être ce qui a fait 
croire qu'ils mangeaient du poisson : mais ils ne peuvent tout au plus qu'en ava- 
ler de très petits ; car leur bec n’étant propre ni pour entamer ni pour couper, 
ils ne peuvent qu'avaler en bloc les fruits même les plus tendres sans les com- 
primer. 


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DES OISEAUX ÉCHASSIERS. 


L'ordre des échassiers se compose des oiseaux dont le bas de ia jambe est 
nu comme le tarse. Presque tous ces oiseaux sont remarquables par la longueur 
des pattes, et paraissent comme montés sur des échasses. Leurs pieds présen- 
tent, le plus souvent, de petites palmures entre les doits externes, et manquent 
quelquefois de pouce. Leur taille est ordinairement élancée et leur cou très 
long ; le bec varie quant à sa forme, mais il est en général très long. Leur corps 
grêle et de figure élancée, leurs pieds dénués de membranes, ne leur permet- 
tent ni de plonger ni de se soutenir sur l’eau ; ils ne peuvent qu’en suivreles ri- 
ves : montés sur de très longues jambes, avec un cou tout aussi long, ils n’en- 
trent que dans les eaux basses où ils peuvent marcher; ils cherchent dans la 
vase la pâture qui leur convient; ils sont, pour ainsi dire, amphibies, attachés 
aux limites de la terre et de l’eau, comme pour en faire le commerce vivant, 
ou plutôt pour former, en ce genre, les degrés et les nuances des différentes ha- 
bitades qui résultent de la diversité des formes. 

La plupart des échassiers, que l’on appelle aussi oiseaux de rivage, à quel- 
ques exceptions près, vivent tous de substances animales et recherchent les 
poissons, les reptiles ou bien les vers et les insectes, suivant que leur bec est 


OISEAUX. 27 


— 210 — 


fort ou faible; un petit nombre d’entre eux se nourrissent de graines et d’her- 
bages, et ceux-là seulement vivent éloignés des eaux. Enfin, presque tous ces 
oiseaux ont les ailes très longues, volent très bien, et étendent leurs jambes en 
arrière, lorsqu'ils volent, tandis que les autres oiseaux les reploient sous le 
ventre. 

Les échassiers, qui font leur nid sur les arbres et dans des endroits élevés, 
sont monogames et nourrissent leurs petits jusqu'à ce qu’ils soient en état de 
voler : ceux qui nichent par terre sont presque tous polygames, et leurs petits 
vont, peu après leur naissance, chercher eux-mêmes leur nourriture. 

On rencontre souvent des oiseaux, perchés sur une seule jambe, garder pen- 
dant long-temps, cette attitude ; les échassiers ont cette propriété au plus haut 
point de développement. Îls peuvent se tenir sur un seul pied, pendant des 
heures entières, et surtout durant leur sommeil. M. le professeur Duméril a 
expliqué ce phénomène de statique animale, par une dissection habile de lar- 
ticulation du genou des échassiers, qui a mis à découvert une espèce d’engrè- 
nement osseux, qui rappelle assez la disposition du ressort d’un couteau fermant 
et restant ouvert à volonté. 

Cet ordre se compose de cinq familles principales et de trois petits groupes 
isolés qui diffèrent trop des autres échassiers, pour être compris dans les divi- 
sions précédentes, et qui peuvent être considérés comme formant autant de fa- 
milles séparées. 

Ces cinq familles principales sont les brévipennes, les pressirostres, les cul- 
trirostres , les longirostres et les macrodactyles. 

Les trois petites familles accessoires, formées chacune par un seul genre, sont 
les vaginales , les giaroles, et les flammans. 


OISEAU ROYAL. 


QUE >) 


L'oiseau royal doit son nom à l’espèce de couronne qu'un bouquet des plu- 
mes, ou plutôt desoies épanouies, lui forme sur la tête. Il a de plus le portno- 


= Liu 


ble, la figure remarquable, et la taille haute de quatre pieds lorsqu'il se re- 
dresse. De belles plumes d’un noir plombé, avec reflets bleuâtres, pendent le 
long de son cou, s’étalent sur les épaules et le dos; les premières pennes de 
l'aile sont noires, les autres sont d’un roux brun, et leurs couvertures rabattues 
en effilés, coupent et relèvent de deux grandes plaques blanches le fond sombre 
de son manteau: un large oreillon d’une peau membraneuse, d’un beau blanc 
sur la tempe, d’un vif incarnat sur la joue, lui enveloppe la face et descend 
jusque sous le bec ; une toque de duvet noir, fin et serré comme du velours, lui 
relève le front, er sa belle aigrette est une houppe épaisse fort épanouie, et 
composée des brins touffus de couleur isabelle, aplatis et filés en spirale. 

L'iris de l’œil est d’un blanc pur; le bec est noir, ainsi que les pieds et les ‘ 
jambes, qui sont encore plus hautes que celles de la grue, avec laquelle cet 
oiseau à beaucoup de rapport dans la conformation : il est originaire des cli- 
mats chauds, et paré de la livrée du Midi, de cette zone ardente où tout est plus 
brillant, mais aussi plus bizarre; où les formes ont souvent pris leur développe- 
ment aux dépens des proportions ; où, quoique tout soit plus animé, tout est 
moins gracieux que dans les zones tempérées. 

L'Afrique, et particulièrement les terres de la Gambra, de la côte d'Or, du 
Juida, de Fida, du cap Vert, sont les contrées qu'il habite. Les voyageurs rap- 
portent qu’on en voit fréquemment sur les grandes rivières. Ces oiseaux y pê- 
chent de petits poissons, et vont aussi dans les terres pâturer les herbes et re- 
cueillir des graines. [ls courent très vite, en étendant leurs ailes et s’aidant 
du vent ; autrement leur démarche est lente, et, pour ainsi dire, à pas comptés. 

L'oiseau royal est doux et paisible: il n’a pas d'armes pour offenser, n'a 
même ni défense ni sauve-garde, que dans la hauteur de sa taille, la rapidité 
de sa course, et la vitesse de son vol qui est élevé, puissant et soutenu. fl craint 
moins l’homme que ses autres ennemis; il semble même s'approcher de nous 
avec plaisir. Au cap Vert ces oiseaux sont à demi domestiques, et ils viennent 
manger du grain dans les basses-cours avec les pintades et les autres-volailles. 


. Ils se perchent en plein air pour dormir, à la manière des paons, dont on a dit 


qu'ils imitaient le cri; ce qui, joint à l’analogie du panache sur la tête, leur a 
fait donnerpar quelques naturalistes le nom de paons marins. 

Nous avons reçu cet oiseau de Guinée, et nous l'avons conservé et nourri 
quelque temps dans un jardin. Il y becquetait les-herbes, mais particulière- 
ment le cœur des laitues et des chicorées. Le fond de sa nourriture, de celle du 
moins qui peut ici lui convenir le mieux, est du riz, ou sec, ou légèrement 


bouilli, Néanmoins il paraît que les insectes, et particulièrement les vers de : 


LONDRES 


terre, entrent aussi dans sa nourriture. Îl aime à se baigner, et l'on doit lui 
ménager un petit bassin ou un baquet qui n'ait pas trop de profondeur, et dont 
l’eau soit de temps en temps renouvelée. Pour régal, on peut lui jeter dans son 
bassin quelques petits poissons vivans : illes mange avec plaisir, et refuse ceux 
qui sont morts. 

Son cri ressemble beaucoup à la voix de la grue; c’est un son retentissant 
assez semblable aux accens rauques d’une trompette ou d’un cor. Il aime qu’on 
luirende visite ; et, lorsque, après l’avoir considéré, on se promène indifférem- 
ment sans prendre garde à lui, il suit les personnes ou marche à côté d’elles, 
et fait ainsi plusieurs tours de promenade : et si quelque chose l’amuse et qu’il 

reste en arrière, il se hâte de rejoindre la compagnie. Dans l'attitude du repos, 
il se tient sur un pied ; son grand cou est alors replié comme un serpentin, et 
son corps affaissé, et comme tremblant sur ses hautes jambes, porte dans unedi- 
rection presque horizontale : mais quand quelque chose lui cause de l’étonnement 
ou de l'inquiétude, il allonge le cou, élève la tête, prend un air fier, comme s’il 
voulait en effet imposer par son maintien ; tout son corps paraît alors dans une 
situation à-peu-près verticale; il s’'avance gravement et à pas mesurés, et c’est 
dans ces momens qu'il est beau, et que son air, joint à sa couronne, lui mérite 
vraiment le nom d'oiseau royal. I a passé un hiver à Paris, sans paraître se 
ressentir des rigueurs d’un climat si différent du sien : il avait choisi lui-même 
pour abri une chambre à feu; ilne manquait pas tous les soirs, à l’heure de la 
retraite, de se rendre devant la porte de cette chambre, et de trompeter pour se 
la faire ouvrir. 

Les premiers oiseaux de cette espèce ont été apportés en Europe, dèsle quin- 
zième siècle par {es Portugais, lorsqu'ils firent la découverte dela côte d'Afrique. 


CIGOGNE. 


(Pl) 


La cigogne (1) moins grande que la grue, l’est plus que le héron : sa longueur, 


(x) En latin, ciconia; en allemand et en anglais, stork ; en italien, cigogna, zigogna, et le petit, 


cicognino ; en espagnol, ciguenna ; en vieux français, cigongne ou cigoigne. 


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de la pointe du bec à l'extrémité de la queue, est de trois pieds et demi, et jus- 
qu’à celle des ongles, de quatre pieds; le bec, de la pointe aux angles, a près 
de sept pouces; le pied en a huit; la partie nue des jambes cinq, et l’envergure 
de ses ailes est de plus de six pieds. Le corps est d’un blanc éclatant, et les ailes 
sont noires, caractère dontles Grecs ont formé son nom ; les pieds et le bec sont 
rouges, son long cou est arqué. Les plumes du bas du cou sont blanches, un peu 
longues et pendantes. Le tour des yeux est nu et couvert d’une peau ridée d’un 
noir rougetre ; les pieds sont revêtus d'écailles d'autant plus larges qu’elles 
sont placées plus haut; il y a des rudimens de membranes entre le grand doigt 
et le doigt intérieur, jusqu’à la première articulation, et qui, s'étendant plus 
avant sur le doigt extérieur, semblent former la nuance par laquelle la nature 
passe des oiseaux à pieds divisés, aux oiseaux à pieds réunis et palmés;les on- 
gles sont mousses, larges, plats, et assez approchans de la forme des ongles de 
l’homme. 

La cigogne a le vol puissant et soutenu, comme tous les oiseaux qui ont des 
ailes très amples et la queue courte : elle porte en volant la tête en avant, et les 
* pattes étendues en arrière comme pour lui servir de gouvernail; elle s’é- 
lève fort haut, et fait de très longs voyages , même dans les saisons ora- 
geuses. On voit les cigognes arriver en Allemagne vers le 8 ou le 10 de mai; 
elles devancent ce temps dans nos provinces. Gesner dit qu’elles précèdent les 
hirondelles et qu’elles viennent en Suisse dans le mois d'avril, et quelquefois 
plus tôt ; elles arrivent en Alsace au mois de mars, etmême dès la fin de février. 
Leur retour est partout d’un agréable augure, et leur apparition annonce le 
‘printemps. 

Les cigognes reviennent constamment aux mêmes lieux; et, si leur nid est 
détruit, elles le reconstruisent de nouveau avec des brins de bois et d'herbes de 
marais, qu’elles entassent en grande quantité : c’est ordinairement sur les 
comblesélevés, sur les créneaux des tours, et quelquefois sur de grands arbres, 
au bord des eaux ou à la pointe d’un rocher escarpé, qu’elles le posent. En 
France, du temps de Belon, on plaçait des roues au haut des toits pour enga- 
ger ces oiseaux à y faire leur nid; cet usage subsiste encore en Allemagne et 
en Alsace. 

Dans l'attitude du repos, la cigogne se tient sur un pied, le cou replié, la tête 
en arrière et couchée sur l'épaule; les grenouilles, les lézards, les couleuvres et 
_ les petits poissons, sont la proie qu’elle va cherchant dans les marais, ou sur les 
bords des eaux, ou dans les vallées humides. 

Elle marche, comme la grue, en jetant le pied en avant par grands pas me- 


— 214 — 


surés. Quelquefois, elle fait claqueter son bec d’un bruit sec et réitéré, que les 
anciens avaient rendu par des mots imitatifs, erepitat, glotterat, et que Pé- 
trone exprime fort bien en l'appelant un bruit de crotales : elle renverse alors 
la tête, de manière que la mandibule inférieure se trouve en haut, et que le bee 
est couché presque parallèlement sur le dos. C’est dans cette situation que les 
deux mandibules battent vivement l’une contre l’autre; mais, à mesure qu’elle 
redresse le cou, le claquement se ralentit, et finit lorsqu'il a repris sa position 
naturelle. Ce bruit est le seul que la cigogne fasse entendre. 

La cigogne ne pond pas au-delà de quatre œufs, et souvent pas plus de deux, 
d’un blanc sale et jaunâtre, un peu moins gros, mais plus allongés que ceux de 
Voie; le mâle les couve dans le temps que la femelle va chercher sa pâture. 
Les œufs éclosent au bout d’un mois; le père et la mère redoublent alors d’ac- 
tivité pour porter la nourriture à leurs petits, qui la reçoivent en se dressant et 
rendant une espèce de sifflement. Le père et la mère ne s’éloignent jamais du 
nid tous deux ensemble; et tandis que l’un est à la chasse, on voit l’autre se te- 
nir aux environs, debout sur une jambe, et l’œil toujours à ses petits. Dans le 
premier âge, ils sont couverts d’un duvet brun; comme ils n’ont pas encore 
assez de force pour se soutenir sur leurs jambes minces et grêles, ils se traînent 
dans le nid sur leurs genoux. Lorsque leurs ailes commencent à croître, ils 
s’exercent à voleter au-dessus du nid; mais il arrive souvent que, dans cet exer- 
cice, quelques-uns tombent et ne peuvent plus se relever. Lorsqu'ils commen- 
cent à se hasarder dans les airs, la mère les conduit et les exerce par de petits 
vols circulaires autour du nid où elle Les ramène; enfin les jeunes cigognes déjà 
fortes prennent leur essor avec les plus âgées, dans les derniers jours d'août, 
saison de leur départ. 

Lorsque les cigognes sont assemblées pour le départ, on les entend claque- 
ter fréquemment, et il se fait alors un grand mouvement dans la troupe; toutes 
semblent se chercher, se reconnaître etse donner l'avis du départ général dont le 
signal, dans nos contrées, est le vent du nord. Elles s'élèvent toutes ensemble, et 
dans quelques instans se perdent au haut des airs, Ce départ est d'autant plus 
dificile à observer, qu'il se fait en silence, et souvent dans la nuit. On prétend 
avoir remarqué que, dans leur passage, avant de tenter le trajet de la Médi- 
terranée, les cigognes s’abattent en grand nombre aux environs d’Aix en Pro- 
vence. 

La cigogne est d’un naturel assez doux; elle n’est ni défiante ni sauvage; elle 
peut se priver aisément, et s’'accoutumer à rester dans nos jardins qu’elle purge 
d'insectes et de reptiles. [1 semble qu'elle ait l'idée de la propreté. Elle a pres- 


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que toujours l’air triste et la contenance morne : cependant elle ne laisse pas de 
se livrer à une certaine gaîté, quand elle y est excitée par l'exemple; car elle 
se prête au badinage des enfans, en sautant et jouant avec eux. En domesticité, 
elle vit long-temps et supporte la rigueur de nos hivers. 

L'on attribue à cet oiseau des vertus morales dont l’image est toujours 
respectable : la tempérance, la piété filiale et paternelle. [] est vrai que la ci- 
gogne nourrit très long-temps ses petits et ne les quitte pas qu’elle ne leur voie 
assez de force pour se défendre et se pourvoir d'eux-mêmes. Quand ils com- 
mencent à voleter hors du nid et à s’essayer dans les airs, elle les porte sur ses 
ailes; elle les défend dans les dangers, et on l’a vue, ne pouvant les sauver, 
préférer périr avec eux plutôt que de les abandonner. On l’a de même vue 
donner des marques d’attachement et de reconnaissance pour les lieux et pour 
les hôtes qui l'ont reçue : on l’a entendue claqueter en passant devant les 
portes, comme pour avertir de son retour, et faire en partant un semblable 
signe d'adieu. Mais ces qualités morales ne sont rien, en comparaison des ten- 
dres soins que donnent ces oiseaux à leurs parens trop faibles ou trop vieux. On 
a souvent vu des cigognes jeunes et vigoureuses apporter de la nourriture à 
d’autres, qui, se tenant sur le bord du nid, paraissaient languissantes et affai- 
blies, soit par quelque accident passager, soit que réellement la cigogne, 
comme l'ont dit les anciens, ait le touchant instinct de soulager la vieillesse, et 
que la nature, en plaçant ces pieux sentimens jusque dans les cœurs bruts, ait 
voulu nous en donner l'exemple. La loi de nourrir ses parens, lex ciconia, fut 
faite en leur honneur, et nommée de leur nom chez les Romains. 

Elien assure que les qualités morales de la cigogne étaient la première cause 
du respect et du culte des Égyptiens pour elle; et c’est peut-être un reste de 
celte ancienne opinion qui fait aujourd’hui le préjugé du peuple, qui est per- 
suadé qu’elle apporte le bonheur à la maison où elle vient s'établir. 

Chez les anciens c'était un crime de donner la mort à la cigogne. En Thessa- 
lie, il y eut peine de mort pour le meurtre d’un de ces oiseaux, tant ils étaient 
précieux à ce pays qu'ils purgeaient des serpens. Dans le Levant, on conserve 
encore une partie de ce respect pour la cigogne. On ne la mangeait pas chez 
les Romains : un homme qui, par un luxe bizarre, s’en fit servir une, en fut puni 
par les railleries du peuple. Du reste, la chair n’en est pas assez bonne pour 
être recherchée; et cet oiseau, né notre ami et presque notre domestique, n’est 
pas fait pour être notre victime. 

Il y a deux espèces de cigognes, et elles ne diffèrent que par la couleur; il 
semble, en effet, que, sous la même forme et d’après le même dessin, la nature 


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ait produit deux fois le même oiseau, l’un blanc et l’autre noir. Cette différence 
pourrait être comptée pour rien, s’il n’y avait pas entre ces deux mêmes oiseaux 
différence d’instinct et diversité de mœurs. La cigogne noire cherche les lieux 
déserts, se perche dans les bois, fréquente les marécages écartés et niche dans 
l'épaisseur des forêts. La cigogue blanche choisit, au contraire, nos habitations 
pour domicile; elle s'établit sur les tours, sur les cheminées et les combles des 
édifices : amie de l’homme, elle en partage le séjour et même le domaine; elle 
pêche dans nos rivières, chasse dans nos jardins ; se place au milieu des villes 
sans s’effrayer de leur tumulte ; et partout hôte respecté et bien venu, elle paie 
par des services le tribut qu’elle doit à la société ; plus civilisée , elle est aussi 
plus féconde, plus nombreuse et plus généralement répandue que la cigo- 
gne noire, qui paraît confinée dans certains pays, et toujours dans les lieux 
solitaires. 


TOUYOU. 


(PI. 28.) 


Le touyou est l’autruche de l'Amérique méridionale; il est appelé aussi autru- 
che d'Occident, autruche de Magellan et de la Guiane.D'autres sauvages lui 
ont donné d’autres noms : yardu, yandu, andu et nanduguacu, au Brésil ; 
sallian, dans l’île de Maragnan ; suri, au Chili, etc. Voilà bien des noms pour 
un oiseau si nouvellement connu; nous adoptons volontiers celui de fouyou, qui 
vraisemblablement à quelque rapport à la voix ou au cri de l’oiseau, et nous le 
préférons aux dénominations scientifiques, qui trop souvent ne sont propres qu'à 
donner de fausses idées. | 

Le touyou, sans être tout-à-fait aussi gros que l’autruche, est le plus gros 
oiseau du Nouveau-Monde : les vieux ont jusqu’à six pieds de haut; et Wafer, 
qui à mesuré la cuisse d’un des plus grands, l’a trouvée presque égale à celle 
d’un homme. Il a le cou long, la tête petite et le bec aplati de l’autruche ; mais, 
pour tout le reste, il a plus de rapport avec le casoar. 

Son corps est de forme ovoïde, et paraît presque entièrement rond, lorsqu'il 


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est revêtu de toutes ses plumes; ses ailes sont trés courtes et inutiles pour Je vol, 
quoiqu’on prétende qu’elles ne soient pas inutiles pour la course : il a sur le dos 
et aux environs du croupion, de longues plumes qui lui tombent en arriére et 
recouvrent l'anus ; il n’a point d'autre queue, tout ce plumage est gris sur le dos 
et blanc sur le ventre. C’est un oiseau très haut monté, ayant trois doigts à 
chaque pied , et tous trois en avant; car on ne doit pas regarder comme un doigt 
ce tubercule calleux et arrondi qu'il à en arrière, et sur lequel le pied se re- 
pose comme sur une espèce de 1alon : on attribue à cette conformation la diff- 
culté qu'il a de se tenir sur un terrain glissant, et d’y marcher sans tomber; en 
récompense, il court très légèrement en pleine campagne, en élevant tantôt une 
aile, tantôt une autre. 

Lorsque les jeunes touyous viennent de naître, ils sont familiers et suivent 
la première personne qu’ils rencontrent; mais en vieillissant ils acquièrent de 
l'expérience et deviennent sauvages. Il paraît qu’en général leur chair est un 
assez bon manger, à l'exception de celle des vieux, qui est dure et de mauvais 
goût. 

Leurs plumes ne sont pas, à beaucoup prés, aussi belles que celles de l'au- 
truche : Coréal dit même qu’elles ne peuvent servir à rien. 

Cet oiseau est propre à l'Amérique méridionale, mais il n’est pas également 
répandu dans toutes les provinces de ce continent. [Il est rare d’en voir aux en- 
virons de Fernambouc ; il ne l’est pas moins au Pérou et le long des côtes les 
plus fréquentées ; mais il est plus commun dans la Guiane , dans les capitaine- 
ries de Seregippe et de Rio-grande, dansles provinces intérieures du Brésil, au 
Chili, dans les vastes forêts qui sont au nord de l'embouchure de la Plata, dans 
les savanes immenses qui s'étendent au sud de cette rivière, et dans toute la 
terre Magellanique, jusqu’au port Desiré, et même jusqu’à la côte qui borde le 
détroit de Magellan. Autrefois il y avait des cantons dans le Paraguay qui en 
étaient remplis, surtout les campagnes arrosées par l'Uraguay ; mais, à mesure 
que les hommes s’y sont multipliés, ils en ont tué un grand nombre, el le reste 
s’est éloigné. 1 paraît que le Touyou, qui se plaît, comme l’autruche, sous la 
zone torride, s’habitue plus facilement à des pays moins chauds, puisque la 
pointe de l'Amérique méridionale, qui est terminée par le détroit de Magellan, 
s'approche bien plus du pôle que le cap de Bonne-Espérance ou qu'aucun 
autre climat habité volontairement par les autruches. 


OISEAUX, 28 


— qi — 


AUTRUCHE. 


(PI. 28.) 


L'autruche (4) passe pour être le plus grand des oiseaux; mais elle est privée, 
par sa grandeur même, de la puissance de voler. On en a observé une qui pe- 
sait, quoique très maigre, cinquante-cinq livres tout écorchée et vidée de ses 
parties intérieures; en sorte que, passant vingt à vingt-cinq livres pour ces 
parties et pour la graisse qui lui manquait, on peut, sans rien outrer, fixer le 
poids moyen d’une autruche vivante et médiocrement grasse, à soixante et 
quinze ou quatre-vingts livres. Quelle force ne faudrait-il pas dans les ailes et 
dans les muscles moteurs de ces ailes pour soulever et soutenir au milieu des 
airs une masse aussi pesante? Mais la pesanteur n’est pas le seul obstacle qui 
s'y oppose; la force des muscles pectoraux , la grandeur des ailes, leur situa- 
tion avantageuse, la fermeté de leurs pennes, etc., seraient ici des conditions 
d'autant plus nécessaires, que la résistance à vaincre est plus grande : or, 
toutes ces conditions leur manquent absolument ; car l’autruche n’a point d’ai- 
les, puisque les plumes qui sortent de ses ailerons sont toutes effilées, décom- 
posées, et que leurs barbes sont de longues soies détachées les unes des autres, 
et ne peuvent faire corps ensemble pour frapper l’air avec avantage. Celles de 
la queue sont aussi de la même structure, et ne peuvent, par conséquent, Op- 
poser à l’air une résistance convenable ; elles ne sont pas même disposées pour 
pouvoir gouverner le vol en s’étalant ou se resserrant à propos, et en prenant 
différentes inclinaisons ; toutes les plumes qui recouvrent le corps sont encore 
faites de même. Toutes ont pour barbes des filets détachés, sans consistance, 
sans adhérence réciproque; en un mot, toutes sont inutiles pour voler ou pour 
diriger le vol. Aussi l’autruche est attachée à la terre comme par une double 
chaîne, son excessive pesanteur et la conformation de ses ailes; et elle est con- 


(1) En laün, struthio ; en espagnol, avestruz; en italien, struzzo ; en allemand, struss ou strauss ; 


en anglais, ostrich, 


— 219 — 


damnée à en parcourir laborieusement la surface, comme les quadrupèdes, 
sans pouvoir jamais s'élever dans l'air. Aussi a-t-elle, soit au dedans, soit au 
dehors, beaucoup de ressemblance avec ces animaux : comme eux, elle a, sur 
la plus grande partie du corps, du poil plutôt que des plumes; sa tête et ses 
flancs n’ont même que peu ou point de poils, non plus que ses cuisses, qui sont 
très grosses , très musculeuses ; ses grands pieds nerveux et charnus, qui n’ont 
que deux doigts, ont beaucoup de rapports avec les pieds du chameau. Ses 
ailes sont moins des ailes que des espèces de bras, qui lui ont été donnés pour 
se défendre; l’orifice des oreilles est à découvert, et seulement garni de poil 
dans la partie intérieure où est le canal auditif; sa paupière supérieure est mo- 
bile comme dans presque tous les quadrupèdes, ét bordée de longs cils comme 
dans l’homme et l'éléphant ; la forme totale de ses yeux a plus de rapport avec 
les yeux humains qu'avec ceux des oiseaux, et ils sont disposés de manière 
qu'ils peuvent voir tous deux à-la-fois le même objet. 

L’autruche est un oiseau très anciennement connu, puisqu'il en est fait men- 
tion dans le plus ancien des livres : il fallait même qu’il fût très connu, car il 
fournit aux écrivains sacrés plusieurs comparaisons tirées de ses mœurs et 
de ses habitudes ; et plus anciennement encore, sa chair était, selon toute 
apparence, une viande commune, au moins parmi le peuple, puisque le législa- 
teur des Juifs la leur interdit comme une nourriture immonde. 

La race de l’autruche est donc une race très ancienne; elle à su se conser- 
ver pendant cette longue suite de siècles, et toujours dans la même terre, sans 
altération comme sans mésalliance; en sorte qu’elle est dans les oiseaux, 
comme l'éléphant dans les quadrupèdes, une espèce entièrement isolée et dis- 
tinguée de toutes les autres espèces par des caractères aussi frappans qu'inva- 
riables. 

Le temps dela ponte chez les autruches, dépend du climat qu’elles habitent, et 
c'est toujours aux environs du solstice d'été, c’est-à-dire, au commencement de 
juillet, dans l'Afrique septentrionale ; et sur la fin de décembre, dans l'Afrique 
méridionale. La température du climat influe aussi beaucoup sur leur manière 
de couver : dans la zone torride, elles se contentent de déposer leurs œufs sur 
un amas de sable qu’elles ont formé grossièrement avec leurs pieds, et où la 
seule chaleur du soleil les fait éclore; à peine les couvent- elles pendant la nuit; 
et cela même n’est pas toujours nécessaire , puisqu'on en a vu éclore qui n’a- 
vaient point élé couvés par la mère, ni même exposés aux rayons du soleil, 
quoique les autruches ne couvent point ou que très peu leurs œufs, il s’en faut 
beaucoup qu'elles les abandonnent; au contraire, elles veillent assidument à 


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leur conservation et ne les perdent pas de vue; c’est de là qu’on a pris occasion 
de dire qu’elles les couvaient des yeux , à la leure : et Diodore rapporte une 
facon de prendre ces animaux, fondée sur leur grand attachement pour leur 
couvée; c’est de planter en terre , aux environs du nid et à une juste hauteur, 
des pieux armés de pointes bien acérées, dans lesquelles la mère s’enferre 
d'elle-même lorsqu'elle revient avec empressement se poser sur ses œufs. 

Les jeunes autruches sont d'un gris cendré, la première année, et ont des 
plumes partout; mais ce sont de fausses plumes qui tombent bientôt d’elles- 
mêmes, pour ne plus revenir sur les parties qui doivent être nues, comme la 
tête, le haut du cou, les cuisses, les flancs et le dessous des ailes. Elles sont 
remplacées, sur le reste du corps, par des plumes alternativement blanches et 
noires quelquefois grises. Les plus courtes sont sur la partie inférieure du cou, la 
seule qui en soit revêtue; elles deviennent plus longues sur le ventre et sur le dos. 

L'’autruche est un oiseau propre et particulier à l'Afrique , aux îles voisines 
de ce continent, et à la partie de l’Asie qui confine l'Afrique. Ces régions qui 
sont le pays natal du chameau, du rhinocéros, de l'éléphant et de plusieurs 
autres grands animaux, devaient être aussi la patrie de l’autruche. Elles sont 
très fréquentes dans les montagnes situées au sud-ouest d'Alexandrie. 

Comme l’autruche ne vole point, elle est dans le cas de tous les quadrupèdes 
des parties méridionales de l’ancien continent, c’est-à-dire, qu’elle n’a pu pas- 
ser dans le nouveau : aussi n’en a-t-on point trouvé en Amérique, quoiqu’on ait 
donné son nom au Touyou. Par la même raison, on ne l’a jamais rencontrée en 
Europe , où elle aurait cependant pu trouver, dans la Morée et au midi de 
l'Espagne et de l'Italie, un climat convenable à sa nature ; mais pour se rendre 
dans ces contrées , il eût fallu ou franchir les mers qui l’en séparaient, ce qui 
lui était impossible, ou faire le tour de ces mers, et remonter jusqu’au 50° degré 
de latitude, pour revenir par le nord en traversant des régions très peuplées , 
nouvel obstacle doublement insurmontable à la migration d’un animal qui ne 
se plaît que dans les pays chauds et les déserts. 

Les autruches habitent en effet, par préférence, les lieux les plus solitaires et 
les plus arides, où il ne pleut presque jamais; et cela confirme ce que disent les 
Arabes, qu'elles ne boivent point. Elles se réunissent dans ces déserts en trou- 
pes nombreuses, qui de loin ressemblent à des escadrons de cavalerie, et ont 
jeté l'alarme dans plus d’une caravane. Leur vie doit être un peu dure dans ces 
solitudes vastes et stériles; mais elles y trouvent la liberté; c’est pour jouir de ce 
bien inestimable, qu’elles fuient l'homme : mais l'homme, qui sait le profit 
qu'il en peut tirer, les va chercher dans leurs retraites les plus sauvages ; il se 


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nourrit de leurs œufs, de leur sang, de leur graisse, de leur chair ; ilse pare 
de leurs plumes. Il conserve peut-être l’espérance de les subjuguer tout-à-fait, 
et de les mettre au nombre de ses esclaves. L’autruche promet trop d'avantages 
à l’homme, pour qu’elle puisse être en sûreté dans ses déserts. 

Des peuples entiers ont mérité le nom de struthophages, par l'usage où ils 
étaient de manger de l’autruche; et ces peuples étaient voisins des éléphanto- 
phages, qui ne faisaient pas meilleure chère. On sait que l’empereur Hélioga- 
bale fit un jour servir la cervelle de six cents autruches dans un seul repas. 

Les autruches, quoique habitantes du désert, ne sont pas aussi sauvages 
qu'on l’imaginerait : tous les voyageurs s'accordent à dire qu’elles s’apprivoi- 
sent facilement, surtout lorsqu'elles sont jeunes. Les habitans de Dara, ceux 
de Libye, etc., en nourrissent des troupeaux, dont ils tirent sans doute ces plu- 
mes de première qualité, qui ne se prennent que sur les autruches vivantes; 
elles s’'apprivoisent même sans qu’on y mette du soin, et par la seule habitude 
de voir des hommes, et d'en recevoir la nourriture et de bons traitemens. 

On fait plus que de les apprivoiser; on en a dompté quelques-unes, au point 
de les monter comme on monte un cheval : et ce n’est pas une invention mo- 
derne; car le tyran Firmius, qui régnait en Egypte sur la fin du troisième siècle, 
se faisait porter, dit-on, par de grandes autruches. M. Adanson à vu, au comp- 
toir de Podor, deux autruches encore jeunes, dont la plus forte courait plus vite 
que le meilleur coureur anglais , quoiqu’elle eût deux nègres sur son dos. Cela 
prouve que ces animaux, sans être absolument farouches, sont néanmoins d’une 
nature rétive, et que, si on peut les apprivoiser jusqu’à se laisser mener en 
troupeaux, revenir au bercail, et même à souffrir qu’on les monte, il est diffi- 
cile, et peut-être impossible, de les réduire à obéir à la main du cavalier, à sen- 
ür ses demandes, comprendre ses volontés, et s'y soumettre. Docile à un cer- 
ain point par stupidité, elle paraît intraitable par son naturel, et il faut bien 
que cela soit, puisque l’Arabe, qui a dompté le cheval et subjugué le chameau, 
n’a pu encore maîtriser entièrement l’autruche. 

Au reste, quoique les autruches courent plus vite que le cheval, c’est cepen- 
dant avec le cheval qu’on les courre et qu’on les prend; mais on voit bien qu’il 
y faut un peu d'industrie : celle des Arabes consiste à les suivre à vue, sans les 
trop presser, et surtout à les inquiéter assez pour les empêcher de prendre de 
la nourriture, mais point assez pour les déterminer à s'échapper par une fuite 
prompte; cela est d'autant plus facile qu’elles ne vont guère sur une ligne 
droite, et qu’elles décrivent presque toujours, dans leur course, un cercle plus 


ou moins étendu. Les Arabes dirigent leur marche sur un cercle con centrique 


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intérieur, par conséquent plus étroit, et les suivent toujours à une juste dis- 
tance, en faisant beaucoup moins de chemin qu’elles. Lorsqu'ils les ont ainsi 
fatiguées et affamées pendant un ou deux jours, ils prennent leur moment, fon- 

dent ‘sur elles au grand galop, en les menant contre le vent autant qu'il est pos- 
sible, et les tuent à coups de bâton, pour que leur sang ne gâte point le beau 
blanc de leurs plumes. 

Les struthophages avaient une autre façon de prendre ces animaux : ils se 
couvraient d’une peau d’autruche; passant leur bras dans le cou, ils lui faisaient 
faire tous les mouvemens que fait ordinairement l’autruche elle-même; et, par 
ce moyen, ils pouvaient aisément les approcher et les surprendre. C’est ainsi 
que les sauvages d'Amérique se déguisent en chevreuils. 

On s’est encore servi de chiens et de filets pour cette chasse, mais il paraît 
qu’on la fait plus communément à cheval; et cela seul suffit pour expliquer l’an- 
tipathie qu’on à cru remarquer entre le cheval et l’autruche. 

Lorsque celle-ci court, elle déploie ses ailes et les grandes plumes de sa 
queue, el ce n’est point pour accélérer son mouvement, car elle les relève lors 
même qu'elle va contre le vent, quoique, dans ce cas, elles ne puissent'être 
qu’un obstacle. 

La vitesse d’un animal n’est que l’effet de sa force employée contre sa’ pesan- 
teur, comme l’autruche est en même temps très pesante et très vive à la 
course, il s'ensuit qu’elle doit avoir beaucoup de force : cependant, malgré sa 
force, elle conserve les mœurs des granivores; elle n’attaque point les animaux 
plus faibles; rarement même se met-elle en défense contre ceux qui l’attaquent; 
bordée’sur tout le corps d’un cuir épais et dur, pourvue d’un large sternum 
qui, lui tient lieu de cuirasse, munie d’une seconde cuirasse d’insensibilité, elle 
s'aperçoil à peine des petites atteintes du dehors, et elle sait se soustraire aux 
grands dangers par la rapidité de sa fuite : si quelquefois elle se défend, c’est 
avec le bec, avec les piquans de ses ailes et surtout avec les pieds. 


PLUVIER DORÉ. 


CBI 0) 


Le pluvier doré (1) est de la grosseur d’une tourterelle, sa longueur est 
d'environ dix pouces. Il a tout le dessus du corps tacheté de traits de pinceau 
jaunes, entremêlés de gris blanc, sur un fond brun. Les mêmes couleurs , 
mais plus faibles, sont mélangées sur la gorge et la poitrine. Le ventre est 
blanc, le bec noir, court, arrondi et renflé vers le bout. Les pieds sont noi- 
râtres , et le doigt extérieur est lié par une petite membrane, à celui du milieu. 
Les pieds n’ont que trois doigts , et il n’y a pas de vestige de doigt postérieur : 
ou de talon : ce caractère est distinctif de la famille des pluviers. Tous ont une 
partie de la jambe dénuée de plumes, le cou court, les yeux grands, la tête 
un peu grosse à proportion du corps. 

Il y a peu de différence dans le plumage entre le mâle et la femelle de cette 
espèce ; néanmoins les variétés individuelles ou accidentelles sont très fré- 
quentes , ils ont plus ou moins de jaune , et quelquefois si peu, qu’ils paraissent 
tout gris : quelques-uns portent des taches noires sur la poitrine, etc. 

Ces oiseaux arrivent sur les côtes de Picardie à la fin de septembre ou au 
commencement d'octobre , tandis que dans nos autres provinces plus méridio- 
nales , ils ne passent qu’en novembre, et même plus tard. On les voit en été 
dans le nord de la Suède, en Dalécarlie et dans l’île d’Oeland, dans la Nor- 
wège, l'Islande et la Laponie. C'est par ces terres arctiques qu'ils paraissent 
avoir communiqué au Nouveau-Monde, où ils semblent s'être répandus plus 
loin que dans l’ancien ; car on trouve le pluvier doré à la Jamaïque , la Marti- 
nique , Saint-Domingue et Cayenne, à quelques légères différences près. Ces 
pluviers, dans les provinces méridionales du Nouveau-Monde, habitent les 
savanes , et viennent dans les pièces de canne à sucre où l’on a mis le feu, leurs 


(x) En anglais, green plover ; en allemand, pulvier, pulrosz, see taube, greuner kiwit; en italien, 


piviero. 


— 994 — 


troupes y sont nombreuses et se laissent difficilement approcher: elles y voya- 
gent, et on ne les voit à Cayenne que dans le temps des pluies. 

Les pluviers paraissent en troupes nombreuses dans nos provinces de France, 
pendant les pluies d'automne ; et c’est de leur arrivée dans la saison des pluies 
qu'on les a nommés pluviers. Ils fréquentent, comme les vanneäux, les fonds 
humides et les terres limoneuses, où ils cherchent des vers et des insectes. Ils 
vont à l’eau le matin, pour se laver le bec et les pieds, qu’ils se sont remplis 
de terre en la fouillant; et cette habitude leur est commune avec les bécasses, 
les vanneaux, les courlis et plusieurs autres oiseaux qui se nourrissent de vers. 
Ils frappent la terre avec leurs pieds pour les faire sortir, et ils les saisissent 
souvent même avant qu'ils soient hors de leur retraite. 

Quoique les pluviers soient ordinairement fort gras, on leur trouve les intes- 
uns si vides qu'on a imaginé qu'ils pouvaient vivre d’air. Ils paraissent capables 
de supporter un long jeûne. Schwenkfeld dit avoir gardé quatorze jours un 
de ces oiseaux, qui, pendant tout ce temps, n’avala que de l’eau et quelques 
grains de sable. 

Rarement les pluviers se tiennent plus de vingt-quatre heures dans le même 
lieu. Comme ils sont en très grand nombre, ils ont bientôt épuisé la pâture vi- 
vante qu’ils venaient y chercher : dès-lors ils sont obligés de passer à un autre 
terrain, et les premières neiges les forcent de quitter nos contrées et de gagner 
les climats plus tempérés. Il en reste néanmoins en assez grande quantité dans 
quelques-unes de nos provinces maritimes, jusqu’au temps des fortes gelées ; 
ils repassent au printemps, et toujours attroupés. 

On ne voit jamais un pluvier seul, dit Longolius, et, leurs plus petites ban- 
des sont au moins de cinquante. Lorsqu'ils sont à terre, ils ne s’y tiennent pas 
en repos : sans cesse occupés à chercher leur nourriture, ils sont presque tou- 
jours en mouvement. Plusieurs font sentinelles pendant que le gros de la troupe 
se repait; et au moindre danger ils jettent un cri aigu qui est le signal de la 
fuite. En volant, ils suivent le vent, et l’ordre de leur marche est assez singu- 
lier : ils se rangent sur une ligne en largeur, et, volant ainsi de front, ils for- 
ment dans l'air des zones transversales fort étroites et d’une très grande 
longueur. 

À terre, ces oiseaux courent beaucoup et très vite; ils demeurent attroupés 
tout le jour. Ils se dispersent le soir sur un certain espace, où chacun 
gîle à part: mais, dès le point du jour, le premier éveillé ou le plus soucieux, 
celui que les oiseleurs nomment l'appelant, jette le cri de réclame, huz, hieu, 
huit, et dans l'instant tous les autres se rassemblent à cet appel. C’est le mo- 


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ment qu’on choisit pour en faire la chasse. On tend, avant le jour, un rideau de 
filet en face de l'endroit où l’on a vu le soir ces oiseaux se coucher; les chas- 
seurs en grand nombre font enceinte, et dès les premiers cris du pluvier appe- 
lant, ils se couchent contre terre, pour laisser ces oiseaux passer et se réunir : 
lorsqu'ils sont rassemblés , les chasseurs se lèvent, jettent des cris, et lancent 
des bâtonsen l'air; les pluviers effrayés partent d’un vol bas, et vont donner dans 
le filet quitombe en même temps; souvert toute la troupe y reste prise. 
cette grande chasse est toujours suivie d’une capture abondante : on en 
prend des quantités dans les plaines de Beauce et de Champagne. Quoique 
fort communs dans la saison, ils ne laissent pas d’être estimés comme un bon 
gibier. 

Hôtes passagers plutôt qu’habitans de nos campagnes, les pluviers disparais- 
sent à la chute des neïges, ne font que repasser au printemps, et nous quittent 
quand les autres oiseaux nous arrivent. Il semble que la douce chaleur qui ré- 
veille l'instinct assoupi de tous nos animaux, fasse sur les pluviers une impres- 
sion contraire ; ils vont dans les contrées plusseptentrionales établir leur couvée 
et élever leurs petits, car pendant tout l'été nous ne les voyons plus. Ils habitent 
alors les terres de la Laponie et des autres provinces du nord de l’Europe, et 
anparemment aussi celles de l'Asie. 


PLUVIER A COLLIER. 


(PI. 20.) 


Les pluviers à collier (1) ont la tête ronde et Le bec fort court et bien garni 
de plumes à sa racine; ce bec est blanc ou jaune dans sa première moitié, noir 
à sa pointe; le front est blanc ; il y a un bandeau noir sur le sommet de la tête, 


(1) En anglais, sea-lark, A Cayenne, on le nomme collier; et les Espagnols de Saint-Domingue, 
en le voyant habillé de noir et de blanc, comme leurs moines, l’appellent /railecitos ; et les Indiens 
hegle, thegle, d'après son cri. 


OISEAUX. 29 


— 226 — 


et une calotte grise la recouvre ; cette calotte est bordée d’une bandelette noire 
qui prend sur le bec et passesous les yeux ; le collier est blanc et la poitrine 
porte un plastronnoir; le manteau est gris-brun; les pennes de l'aile sont noires; 
le dessous du corps est d’un beau blanc comme lefront et le collier. 

Tel est en gros le plumage du pluvier à collier. Sauf quelques différences 
légères et vraiment individuelles ou locales, on reconnaît le pluvier à collierle 
même dans presque tous les climats: on nousl’a apporté de Sibérie, du cap de 
Bonne-Espérance, des Philippines, de la Louisiane et de Cayenne; M. Cook l’a 
rencontré dans le détroit de Magellan, et M. Ellis à la baie de Hudson. Ce 
pluvier à collier est l'oiseau que Marcgrave appelle matuitur du Bresil. 

Nous regarderons le pluvier à collier comme une de ces espèces privilégiées 
qui se sont répandues sur tout le globe, malgré quelques variétés dans le plu- 
mage de ces oiseaux, suivant les différens climats; ces différences extérieures, 
quand le reste des traits est le même, ainsi que le naturel, ne doivent être 
regardées que comme la teinte locale, et pour ainsi dire, la livrée des climats, 
livrée que les oiseaux prennent et dépouillent plus ou moins en changeant de 
ciel. 

Les pluviers à collier vivent aux bords des eaux ; on les voit le long de la 
mer en suivre les marées. Ils courent très vite sur la grève, en interrompant 
leur course par de petits vols, et toujours en criant. .En Angleterre on trouve 
leurs nids sur les rochers des côtes; ces oiseaux y sont très communs, 
comme dans la plupart des régions du Nord, en Prusse, en Suède, et plus 
encore en Laponie pendant l'été. On en voit aussi quelques-uns sur nos riviè- 
res ; dans quelques provinces, on les connaît sous le nom de gravières, en. 
d’autres , sous, celui de eriards, qu'ils méritent bien par les cris importuns et 
continuels qu'ils font entendre, pour peu qu'ils soient inquiétés et tant qu'ils 
nourrissent leurs petits , Ce qui est long, ear ce n’est qu’au bout d’un mois ou 
cinq semaines que les jeunes commencent à voler. 

Les chasseurs assurent que ces pluviers ne font point de nids, et qu'ils pondent 
sur le gravier du rivage des œufs verdâtres tachetés de brun. Les père et mère 
se cachent dans les trous et sous les avances des rives. 


VANNEAU. 


( PI. 29.) 


Le vanneau (1) parait avoir tiré son nom, dans notre langue et en latin mo- 
derne , du bruit que font ses ailes en volant, qui est assez semblable au brüit 
d’un van qu’on agite pour purger le blé. Son nom anglais Zapwing a le même 
. rapport au battement fréquent et bruyant de ses ailes. Les Grecs , outre les noms 
d'æx et d'æga, relatifs à son cri, lui avaient donné celui de paon sauvage (rad: 
es) , à cause de son aigretteet de ses jolies couleurs. Cependant cette aigrette 
du vanneau est bien différente de celle du paon ; elle ne consiste qu’en quelques 
longs brins effilés très déliés , et les couieurs de son corps, dont le dessous est 
blanc , n’offrent, sur un fond assez sombre, leurs reflets brillans et dorés qu’à 
l'œil qui les recherche de près. On a aussi donné au vanneau le nom de dix- 
huit, parce que ces deux syllabes, prononcées faiblement, expriment assez 
bien son cri , que, dans plusieurs langues, on a cherché à rendre également 
par des sons imitatifs. Il donne en partant un ou deux coups de voix, et se fait 
aussi entendre par reprises dans son vol, même durant la nuit. Il a les ailes très 
fortes , il s’en sert beaucoup, vole long-temps de suite et s'élève très haut. Posé 
à terre , il s'élance, bondit, et parcourt le terrain par petits vols coupés. 

Cet oiseau est fort gai ; il est sans cesse en mouvement, folâtre, et se joue de 
mille façons eu l'air : il s’y tient par instans dans toutes les situations, même le 
ventre en haut ou sur le côté, et les ailes dirigées perpendiculairement, et aucun 
oiseau ne caracole et ne voltige plus lestement. 

Les vanneaux arrivent dans nos prairies, en grandes troupes, au commence- 
ment de mars, ou même dès la fin de février, après le dernier dégel, et par le 
vent du sud. On les voit alors se jeter dans les blés verts et couvrir le matin les 


(x) En latin moderne, capella, vanellus ; en italien, paonzello, pavonzino ; en allemand, #ywit, 
et vulgairement himmelgeisz (chèvre volante, chèvre du ciel); en anglais, lap-wing et bastard- 


plower; en plusieurs de nos provinees, dix-huit, pivite, kivite, 


— 298 — 


prairies marécageuses pour y chercher les vers, qu'ils font sortir de terre par 
une singulière adresse. Le vanneau qui rencontre un de ces petits tas de terre 
en boulettes ou chapelets que le ver a rejetés en se vidant, le disperse d'abord 
légèrement, et, ayant mis le trou à découvert, il frappe la terre de son pied, et 
reste l'œil attentif et le corps immobile : cette légère commotion suffit pour 
faire sortir le ver, qui, dès qu’il se montre, est enlevé d’un coup de bec. Le 
soir venu, ces animaux ont un autre manège : ils courent dans l’herbe et sentent 
sous leurs pieds les vers qui sortent à la fraîcheur: ils en font ainsi une ample 
pàture , et vont ensuite se laver le bec et les ee dans les petites mares ou 
dans les ruisseaux. 

Ces oiseaux se laissent difficilement approcher, et semblent distinguer de 
très loin le chasseur. En les joindre de plus près lorsqu'il fait un grand 
vent ; car alors ils ont peine à prendre leur essor. Quand ils sont attroupés et 
prêts à s'élever ensemble, tous agitent leurs ailes par un mouvement égal ; 
comme elles sont doublées de blanc et qu’ils sont fort près les uns des autres, 
le terrain couvert par leur multitude, et que l’on voyait noir, di blanc 
tout d’un coup. 

La grande société que forment les vanneaux à leur arrivée tend à se rompre, 
dès que les premières chaleurs du printemps se font sentir, et deux à trois 
jours suffisent pour les séparer. Le signal est donné par des combats que les 
mâles se livrent entre eux; les femelles semblent fuir, et sortent les premières 
du milieu de la troupe, comme si ces querelles ne les intéressaient pas, mais 
en effet pour attirer après elles ces ‘combattans, et leur faire contracter une 
société plus intime et plus douce. 

La ponte se fait en avril, elle est de trois ou quatre œufs oblongs d’un vert 
sombre, fort tachetés de noir. La femelle les dépose dans les marais, sur les 
petites buttes ou mottes de terre élevées au-dessus du niveau du terrain ; pré- 
caution qu'elle semble prendre pour les mettre à l'abri de la crue des eaux, 
mais qui néanmoins lui ôte le moyen de cacher son nid, ei le laisse entièrement 
à découvert. Pour en former l'emplacement, elle se contente de tondre, à fleur 
de terre, un petit rond dans l'herbe, qui bientôt se flétrit alentour par la cha- 
leur de la couveuse. Si on trouve l'herbe fraîche, on juge que les œufs n’ont 
point encore été couvés. On dit ces œufs bons à manger, et dans plusieurs 
provinces on les ramasse à milliers pour les porter dans les marchés. 

Le temps de l’incubation du vanneau, comme de la plupart des autres oiseaux, 
est de vingt jours. La femelle couve assidument : si quelque objet inquiétant 
la force à se lever de son nid, elle piette un certain espace en se traînant dans 


— 929 — 


l'herbe, et ne s’envole que lorsqu'elle se trouve assez éloignée de ses œufs 
pour que son départ n’en indique pas la place. Les vieilles femelles à qui on : 
a enlevé les œufs ne s’exposent plus à nicher à découvert dans les marais; elles 
se retirent dans les blés qui montent en tuyau et y font plus tranquillement 
une seconde ponte : les jeunes, moins expérimentées, s’exposent, après une 
première perte, à une seconde, et font quelquefois jusqu’à trois pontes suc- 
cessives dans les mêmes lieux; mais les dernières ne sont plus que de deux 
œufs ou même d’un seul. 

Les petits vanneaux, deux ou trois jours après leur naissance, courent dans 
l'herbe et suivent leurs père et mère; ceux-ci, à force de sollicitude, trahissent 
souvent leur petite famille, et la décèlent en passant et repassant sur la tête 
du chasseur avec des cris inquiets, qui redoublent à mesure qu’on approche 
de l'endroit où les petits se sont tapis à terre au premier signe d'alarme. 

Ces oiseaux passent pour inconstans, et en effet ils ne se tiennent guère 
plus de vingt-quatre heures dans le même canton; mais cette inconstance est 
fondée sur un besoin réel; un canton épuisé de vers en un jour, le lendemain 
la troupe est forcée de se transporter ailleurs. Au mois d'octobre, les vanneaux 
sont très gras; c'est le temps où ils trouvent la plus ample pâture, parce que, 
dans cette saison humide, les vers sortent de terre à milliers; mais les vents 
froids qui soufflent vers la fin de ce mois, en les faisant rentrer en terre, 
obligent les vanneaux à rentrer. 

A la fin de l’hiver , ils paraissent à milliers dans nos provinces de Brie et de 
Champagne ; on en fait des chasses abondantes; il s’en prend des volées au 
filet à miroir. On le tend pour cela dans une prairie; on place entre les nappes 
quelques vanneaux empaillés, et un ou deux de ces oiseaux vivans pour servir 
d'appelans, ou bien l’oiseleur, caché dans sa loge, imite leur cri de réclame 
avec un appeau de fine écorce: à ce cri perfide , la troupe entière s’abat et 
donne dans les filets. 

Le vanneau est un gibier assez estimé ; cependant ceux qui ont tiré la ligne 
délicate de l’abstinence pieuse l’ont , comme par faveur, admis parmi les mets 
de la mortification. 

Il n’y a pas de différence de grandeur entre le mâle et la femelle; mais il y 
en à quelques-unes dans les couleurs du plumage. Ces différences reviennent, 
en général, à ce que les couleurs de la femelle sont plus faibles, et que les par- 
ties noires sont mélangées de gris ; sa huppe est aussi plus petite que celle du 
mâle , dont la tête paraît être un peu plus grosse et plus arrondie. La plume de 
ces oiseaux est épaisse, et son duvet bien fourni; ce duvet est noir, près du 


— 250 — 


corps ; le dessous et le bord des ailes, vers l'épaule, sont blancs, ainsi que le 
ventre, les deux plumes extérieures de la queue, et la première moitié des 
aulires ; il y à un point blanc de chaque côté du bec, et un trait de même cou- 
leur sur l’œil en façon de sourcil. Tout le reste du plumage est d’un fond noir 
mais enrichi de beaux reflets d’un luisant métallique , changeant en vert et en 
rouge doré, particulièrement sur la tête et les ailes. Le noir sur la gorge et le 
devant du cou est mêlé de blanc par taches : mais ce noir forme seul sur la 
poitrine un large plastron arrcadi; il est ainsi que le noir des pennes de l'aile 
lustré de vert bronzé. Les couvertures de la queue sont rousses, la huppe 
n’est point implantée sur le front, mais à l’occiput, ce qui lui donne plus de 
grâce ; elle est composée de cinq ou six brins délicats, effilés, d’un beau noir 
dont les deux supérieurs couvrent les autres, et sont beaucoup plus longs. La 
longueur totale de l'oiseau est de onze ou douze pouces, etsa grosseur approche 
de celle du pigeon commun. 

On peut garder les vanneaux en domesticité; il faut les nourrir de cœur de 
bœuf dépecé en filets. Quelquefois on en met dans les jardins, où ils servent 
à détruire les insectes ; ils y restent volontiers, et ne cherchent point à s’en- 


fuir. 


HUITRIER. 


(PI. 29.) 


L’huîtrier (1) est de la grandeur de la corneille. Son bec, long de quatre 
pouces, est rétréci et comme comprimé verticalement au-dessus des narines, 
et aplati par les côtés, en manière de coin, jusqu’au bout, dont la coupe carrée 
forme un tranchant; structure particulière qui rend ce bec tout-à-fait propre à 


(1) Quelquefois Lécasse de mer; en anglais, sea-pie, oyster catcher; en Islande, tilldur (le mâle), 
tilldra (la femelle), ce qui indiquerait une différence extérieure entre le mâle et la femelle, dont les 
auteurs ne parlent pas; en latin de nomenclature, ostralega, et, par un nom formé du grec, mais 


qui ne caractérise point en particulier cet oiseau, kæmatopus. 


— 231 — 


détacher, soulever , arracher du rocher et des sables les huîtres et les autres 
coquillages dont l’huîtrier se nourrit. 

Il est du petit nombre des oiseaux qui n’ont que trois doigts. 

Les oiseaux qui sont dispersés dans nos champs, ou retirés sous l’ombrage 
de nos forêts, habitent les lieux les plus rians et les retraites les plus paisibles 
de la nature : mais elle n’a pas fait à tous cette douce destinée ; elle en a con- 
finé quelques-uns sur les rivages solitaires, sur la plage nue que les flots de la 
mer disputent à la terre, sur ces rochers contre lesquels ils viennent mugir et 
_se briser, et sur les écueils isolés et battus de la vague bruyante. 

Dans ces lieux déserts et formidables pour tous les autres êtres, quelques 
oiseaux, tels que l’huîtrier, savent trouver la subsistance et la sécurité. Celui- 
ei vit de vers marins, d'huitres, de patelles et autres coquillages qu’il ramasse 
dans les sables du rivage. Il se tient constamment sur les bancs, les récifs dé- 
couverts à basse mer, sur les grèves, où il suit le reflux, et ne se retire que 
sur les falaises, sans s'éloigner jamais des terres ou des rochers. 

Cet oiseau ne se voit que rarement sur la plupart de nos côtes: cependant 
on le connaît en Saintonge et en Picardie; il pond même quelquefois sur les 
côtes de cette dernière province, où il arrive en troupes très considérables par 
les vents d’est et de nord-ouest. Ces oiseaux s’y reposent sur les sables du ri- 
vage, en attendant qu’un vent favorable leur permette de retourner à leur sé- 
jour ordinaire. On croit qu’ils viennent de la Grande-Bretagne, où ils sont en 
effet fort communs , particulièrement sur les côtes occidentales de cette île. Ils 
se sont aussi portés plus avant versle Nord; car on les trouve en Gothland, 
dans l’île d'Oeland, dans les îles du Danemark, et jusqu’en [Islande et en Nor- 
wège. On en a vu sur les côtes de la terre de Feu, sur celles du détroit de Ma- 
gellan , et à la baie d’Usky, dans la Nouvelle-Zélande, etc. , etc. Ainsi l'espèce 
de l’huîtrier peuple tous les rivages de l’ancien continent, et l’on ne doit pas 
être étonné qu’il se retrouve dans le nouveau. 

Des trois doigts de l’huîtrier , deux, l'extérieur et celui du milieu, sont unis 
jusqu’à la première articulation , par une membrane, et tous sont entourés d’un 
bord membraneux. Il a les paupières rouges comme le bec, et l'iris d’un jaune 
doré ; au-dessous de chaque œil est une petite tache blanche. La tête, le cou, 
les épaules sont noirs, ainsi que le manteau des ailes; mais ce noir est plus 
foncé dans le mâle que dans la femelle. Il y a un collier blanc sous la gorge. 
Tout le dessous du corps, depuis la poitrine, est blanc, ainsi quele bas du dos, 
et la moitié de la queue, dont la pointe est noire; une bande blanche, formée 
par les grandes couvertures , coupe dans le noir brun de l'aile. Les pieds, avec 


= 0e 


MERLE D'EAU. 


(Pl 29) 


Le merle d’eau (1) a les ongles forts et courbés, avec lesquels il se prend au 
gravier en marchant au fond de l’eau : du reste il a le pied conformé comme le 
merle de terre et les autres oiseaux de ce genre ; il a, comme eux, le doigt et 
l'ongle postérieur plus forts que ceux de devant, et ces doigts sont bien séparés 
et n’ont point de membrane intermédiaire ; la jambe est garnie de plumes jus- 
que sur le genou; le bec est court et grêle, l’une et l’autre mandibules allant 
également en s’enfilant et se cintrant légèrement vers la pointe. 

Avec le bec etles pieds courts, et un cou raccourci, on peut imaginer qu'il 
était nécessaire que le merle d’eau apprît à marcher sous l’eau, pour satisfaire 
son appétit naturel et prendre des petits poissons et les insectes aquatiques 
dont il se'nourrit; son plumage épais et fourni de duvet, paraît impénétrable à 
l'eau, ce qui lui donne encore la facilité d’y séjourner ; ses yeux sont grands, 
d'un beau brun, avec les paupières blanches, et il doit les tenir ouverts dans 
l’eau, pour distinguer sa proie. 

Un beau plastron blanc lui couvre la gorge et la poitrine ; la tête et le dessus 
du cou, jusque sur les épaules et le bord du plastron blanc, sont d’un cendré 
roussàtre ou marron; le dos, le ventre et les ailes, qui ne dépassent pas la 
queue, sont d’un cendré noirâtre et ardoisé; la queue est fort courte et n’a rien 
de remarquable. 

Le merle d’eau n’est point un merle, quoiqu'il en porte le nom : c’est un oi- 
seau aquatique, qui fréquente les lacs et les ruisseaux des hautes montagnes, 
comme le merle en fréquente les bois et les vallons; il lui ressemble aussi par 
la taille, qui est seulement un peu plus courte, et par la couleur presque noire 


(r) Les Italiens, aux environs de Belinzone, l'appellent lerlichirollo, et ceux du lac Majeur, 
Jolun d'aqua, suivant Gesner; les Allemands, bach-amsel, wasser-amsel; les Suisses, wasser-trostle; 


les Anglais, wafer-ouzel. 


— 935 — 


de son plumage ; enfin il porte un plastron blanc comme certaines espèces de 
merles : mais il est aussi silencieux que le vrai merle est jaseur ; il n’en a pas 
les mouvemens vifs et brusques; il ne prend aucune de ses attitudes, et ne va ni 
par bonds ni par sauts ; il marche légèrement d’un pas compté, et court au bord 
des fontaines et des ruisseaux, qu'il ne quitte jamais, fréquentant de préférence 
les eaux vives et courantes, dont la chute est rapide et le lit entrecoupé de pier- 
res et de morceaux de roche. On le rencontre au voisinage des torrens et des 
cascades, et particulièrement sur les eaux limpides qui roulent sur le gravier. 

Ses habitudes naturelles sont très singulières : les oiseaux d’eau qui ont les 
pieds palmés, nagent sur l’eau ou se plongent ; ceux de rivage, montés sur de 
hautes jambes nues, y entrent assez avant sans que leur corps y trempe; le 
merle d’eau y entre tout entier en marchant et en suivant la pente du terrain ; 
on le voit se submerger peu-à-peu, d’abord jusqu'au cou, et ensuite par dessus 
de la tête, qu’il ne tient pas plus élevée que s’il était dans l'air ; il continue de 
marcher sous l’eau, descend jusqu’au fond et s’y promène, comme sur le rivage 
sec. C’est à M. Hébert que nous devons la première connaissance de cette habi- 
tude extraordinaire. 

« J'étais embusqué, dit-il, sur les bords du lac de Nantua, dans une cabane 
« de neige et de branches de sapin, où j'attendais patiemment qu’un bateau, 
« qui ramait sur le lac, fit approcher du bord quelques canards sauvages : 
« j'observais sans être aperçu. Il y avait devant ma cabane un petite anse, 
« dont le fond en pente douce pouvait avoir deux ou trois pieds de profondeur 
« dans son milieu. Un merle d’eau s’y arrêta, et y resta plus d’une heure, que 
« j’eus le temps de l’observer tout à mon aise; je le voyais entrer dans l’eau, 
« s’y enfoncer, reparaître à l’autre extrémité de l’anse, revenir sur ses pas; 
« il en parcourait tout le fond et ne paraissait pas avoir changé d’élément ; 
« en entrant dans l’eau, il n’hésitait ni ne se détournait ; je remarquai seule- 
« ment, à plusieurs reprises, que toutes les fois qu'il y entrait plus haut que 
« les genoux, il déployait ses ailes et les laissait pendre jusqu’à terre. Il me 
« paraissait comme revêtu d'une couche d’air qui le rendait brillant; sem- 
« blable à certains insectes du genre des scarabées, qui sont toujours dans 
« l’eau au milieu d’une bulle d’air : peut-être n’abaissait-il ses ailes en entrant 
« dans l’eau que pour se ménager cet air; mais il est certain qu'il n’y manquait 
« jamais, et il les agitait alors comme s’il eüt tremblé. » 

Il y a peu de faits plus curieux dans l’histoire des oiseaux que celui que 
nous offre celte observation. On conçoit que, pour cet exercice, il faut au 
merle d’eau des fonds de gravier et des eaux claires; aussi ne le trouve-t-on 


Op = 


que dans les pays de montagnes, aux sources des rivières et des ruisseaux qui 
tombent des rochers, comme en Angleterre, dans le canton de West-Morland, 
et dans les autres terres élevées; en France, dans les montagnes du Pugey et 
des Vosges, et en Suisse. Il vole fort vite, en droite ligne ,-en rasant de près la 
surface de l’eau, comme le martin-pêcheur. En volant il jette un petit cri. Au 
printemps on le voit avec sa femelle, mais dans tout autre temps on le ren- 
contre seul. La femelle pond quatre ou cinq œufs, cache son nid avec beau- 
coup de soin, et le place souvent près des roues des usines construites sur les 
ruisseaux. 


BEC-EN-CISEAUX. 


(PL. 30.) 


L'oiseau nommé bec-en-ciseaux ne peut ni mordre de côté, ni ramasser de- 
vant soi, ni béqueter en avant; son bec étant composé de deux pièces excessi- 
vement inégales, dont la mandibule inférieure, allongée et avancée hors de 
toute proportion, dépasse de beaucoup la supérieure, qui ne fait que tomber 
sur celle-ci, comme un rasoir sur son manche. Pour atteindre et saisir avec cet 
instrument disproportionné, et pour se servir d’un organe aussi défectueux, 
l'oiseau est réduit à raser en volant la surface de la mer et à la sillonner avec 
la partie inférieure du bec plongée dans l’eau, afin d'attraper en dessous le 
poisson et l'enlever en passant. C’est de cet exercice nécessaire et pénible, que 
l'oiseau a reçu le nom de coupeur-d’eau, de quelques observateurs, comme 
par celui de bec-en-ciseaux, on à voulu désigner la manière dont tombent l’une 
sur l’autre les deux moitiés inégales de son bec, dont celle d’en bas, creusée 
en gouttière, relevée de deux bords tranchans, reçoit celle d’en haut qui est 
taillée en lame. 

La pointe du bec est noire, et sa partie près de la tête est rouge, ainsi que 
les pieds, qui sont conformés comme ceux des mouettes. Le bec-en-ciseaux 
est à-peu-près de la taille de la petite mouette cendrée; il a tout le dessous du 
corps, le devant du cou et le front blancs; il à aussi un trait blanc sur l'aile, 


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dont quelques-unes des pennes, ainsi que les latérales de la queue, sont en 
partie blanches; tout le reste du plumage est noir ou d’un beau noirâtre dans 
quelques individus. 

On a trouvé ces oiseaux sur les côtes de la Caroline et sur celle de la Guiane. 
Ils sont nombreux dans ce dernier parage et paraissent en troupes, presque 
toujours au vol, ne s’abattant sur les vases que pour se reposer. On a remarqué 
que leur vol est lent. L'espèce paraît propre aux mers de l'Amérique. 


LABBE À LONGUE QUEUE. 


(PI. 30.) 


Le prolongement des deux plumes du milieu de la queue, en deux brins dé- 
tachés et divergens, caractérise l’espèce de cet oiseau. Il a sur la tête une ca- 
lotte noire; son cou est blanc, et tout le reste du plumage est gris ; quelquefois 
les deux longues plumes de la queue sont noires. Cet oiseau nous à été envoyé 
de Sibérie, et nous pensons que c’est cette même espèce que M. Gmelin a ren- 
contrée dans les plaines de Mangasea, sur les bords du fleuve Jénisca. Elle se 
trouve aussi en Norwège, et même plus bas, dans la Finmarchie, dans l’Anger- 
manie; les Anglais appellent cet oiseau, sans doute à cause de ses hostilités 
contre la mouette, {he man of war bird (le vaisseau de guerre, ou l'oiseau 
guerrier); mais Ce nom de vaisseau de guerre ou guerrier étant déjà donné, 
à la frégate, et beaucoup plus à propos, on ne doit point l'appliquer à celui-ci. 
La longueur des ailes et la faiblesse des pieds, font penser que cet oiseau doit 
se tenir plus souvent en mer et au vol, que sur terre et posé. Les pieds sont 
rudes comme une lime, et propres à se soutenir sur le corps glissant des grands 
poissons. 

On rangerait le Labbe parmi les mouettes, en ne considérant que sa taille et 
ses traits : mais s’il est de la famille, c’est un parent dénaturé; car il est le per- 
sécuteur éternel et déclaré de plusieurs de ses proches, et particulièrement de 
la petite mouette cendrée tachetée, de l'espèce nommée kutgeghef par les pê- 
cheurs du Nord. Il s'attache à elle, la poursuit sans relâche, et, dès qu'il l'a- 


— 9358 — 


perçoit, quitte tout pour se mettre à sa suite. Selon eux, c’est pour en avaler 
les excrémens, et, dans cette idée, ils lui ont imposé le nom de strundjager 
auquel répond celui de stercoraire : mais nous lui donnerons ou plutôt nous 
lui conserverons le nom de Labbe, car il y a toute apparence que cet oiseau ne 
mange pas les excrémens, mais le poisson que la mouette poursuivie rejette de 
son bec ou vomit, d'autant plus qu'il pêche souvent lui-même, qu'il mange 
aussi de la graisse de baleine, et que dans la grande quantité de subsistances 
qu'offre la mer aux oiseaux qui l’habitent, il serait bien étrange que celui-ci se 
fût réduit à un mets que tous les autres rejettent. Ainsi le nom de stercoraire 
paraît donné mal-à-propos. 

On sait, d’ailleurs, que les mouettes se font une guerre continuelle pour la 
curée : lorsqu'une sort de l’eau avec un poisson au bec, la première qui l’aper- 
çoit, fond dessus pour le lui prendre; si celle-ci ne se hâte de l’avaler, elle est 
poursuivie, à son tour, par de plus fortes qu’elle ne peut éviter qu’en fuyant, 
ou en écartant son ennemi. Alors, soit que le poisson la gêne dans son vol, soit 
que la peur lui donne quelque émotion, soit enfin qu'elle sache que le poisson 
qu'elle porte est le seul objet de la poursuite, elle se hâte de le rejeter; l’autre, 
qui le voit tomber, le reçoit avec adresse et avant qu'il ne soit dans l’eau; il est 
rare qu'il lui échappe. 

Le poisson paraît toujours blanc en l’air, parce qu'il réfléchit la lumière, et 
il semble, à cause de la raideur du vol, tomber derrière la mouette qui le 
vomit. Ces deux circonstances ont trompé les observateurs. 

J'ai vérifié le même fait dans mon jardin; j'ai poursuivi, en criant, de grosses 
moueltes; en courant elles ont vomi le poisson qu’elles venaient d’avaler; je le 
leur ai rejeté; elles l’ont très bien reçu en l'air, avec autant d'adresse que des 
chiens. 


AVOCETTE. 


(B1°:30) 


Les oiseaux à pieds palmés ont presque tous les jambes courtes; l’avocette (1) 


(x) Ce nom vient de l'italien avocetta, L'avocelle porte encore, en Italie, les noms de becco- 


— 939 — 


les a très longues, et cette disproportion, qui suffirait presque seule pour dis- 
tinguer cet oiseau des autres palmipèdes, est accompagnée d’un caractère en- 
core plus frappant par sa singularité ; c’est le renversement du bec : sa cour- 
bure, tournée en haut présente un arc de cercle relevé. Ce bec est d’une 
substance tendre et presque membraneuse à sa pointe; il est mince, faible, 
grêle , comprimé horizontalement, incapable de servir de défense. 

Il est difficile d'imaginer comment cet oiseau se nourrit à l’aide d’un instru- 
ment avec lequel il ne peut ni béqueter ni saisir, mais tout au plus sonder le 
limon le plus mou : aussi se borne-t-il à chercher dans l’écume des flots le frai 
des poissons, qui paraît être le principal fond de sa nourriture. Il se peut 
aussi qu’il mange des vers ; car l’on ne trouve ordinairement dans ses viscères 
qu'une matière glutineuse, grasse au toucher, d’une couleur tirant sur le jaune 
orangé, dans laquelle on reconnaît encore le frai du poisson et les débris 
d’insectes’aquatiques. Cette substance gélatineuse est toujours mêlée dans le 
ventricule de petites pierres blanches et cristallines, et quelquefois il y a dans 
les intestins une matière grise ou d’un vert terreux, qui paraît être ce sédi- 
ment limoneux que les eaux douces, entraînées par les pluies, déposent sur le 
fond de leur lit. L’avocette fréquente les embouchures des rivières et des 
fleuves, de préférence aux autres plages de la mer. 

Cet oiseau, qui n’est qu'un peu plus gros que le vanneau, a les jambes de 
sept à huit pouces de hauteur, le cou long et la tête arrondie. Son plumage 
est d’un blanc de neige sur tout le devant du corps, et coupé de noir sur le 
dos ; la queue est blanche, le bec noir, et les pieds sont bleus. 

On voit l’avocette courir, à la faveur de ses hautes jambes, sur des fonds 
couverts de cinq à six pouces d'eau ; mais, pour parcourir les eaux plus pro- 
fondes, elle se met à la nage, et dans tous ses mouvemens elle paraît vive, 
alerte, inconstante. Elle séjourne peu dans les mêmes lieux; et dans ses 
passages sur nos côtes de Picardie, en avril et en novembre; elle part sou- 
vent dès le lendemain de son arrivée, en sorte que les chasseurs ont grand 
peine à en tuer ou saisir quelques-unes. Elles sont encore plus rares dans l’in- 


térieur des terres que sur les côtes, leur cri peut s'exprimer par les syllabes 
crex, crex. 


torto, beccorella; et sur le lac Majeur, spinzago d'acqua, pour la distinguer de l’autre spirzago, 
qui est le courlis. 


En allemand, frembder wasser vogel, schabel, schnabel, et en Autriche, kramb-schabl ; en an- 
glais, scooper., 


— 240 — 


On trouve à la plupart des avocettes de la boue sur le croupion, et les plu- 
mes en paraissent usées par les frottemens; apparemment ces oiseaux essuient 
leur bec à leurs plumes, ou l’y logent pour dormir, sa forme ne paraissant pas 
moins embarrassante pour le placer dans le repos que pour s’en servir dans l’ac- 
tion, à moins que l'oiseau ne dorme, comme les pigeons, la tête sur la poitrine. 

Il y a peu de différences extérieures dans cette espèce entre le mâle et la 
femelle. Les vieux ont beaucoup de noir; mais les vieilles femelles en ont pres- 
que autant : seulement il paraît que la taille de celles-ci est généralement un 
peu plus petite, et que la tête des premiers est plus ronde. 


NODDL. 


(PI. 30.) 


Le noddi (1) a été nommé moineau fou (passer stultus), dénomination 
néanmoins très impropre, puisque le noddi n’est rien moins qu'un moineau, 
et qu'il ressemble à une grande hirondelle de mer ou à une petite mouette , 
et que dans la réalité, il forme une espèce moyenne entre ces deux genres d’oi- 
seaux ; Car il a les pieds de la mouette , et le bec conformé comme celui de 
l’hirondelle de mer. Tout son plumage est d’un brun noir, à l'exception 
d’une plaque blanche en forme de calotte au sommet de la tête. Sa taille est à- 
peu-près celle de la grande hirondelle de mer. 

On à donné à cet oiseau le nom de xoddi, parce qu’il exprime l’étourderie 
ou l'assurance folle avec laquelle il vient se poser sur les mâts et sur les ver- 
gues des navires, et même sur la main que les matelots lui tendent. 

L'espèce ne paraît pas s'être étendue fort au-delà des tropiques; mais elle 
est très nombreuse dans les lieux qu’elle fréquente. Catesby les a vus pêcher en 
grand nombre, volant ensemble et s’abaissant continuellement à la surface de 
la mer, pour enlever les petits poissons, dont les troupes en colonnes sont 
chassées et pressées par les grands vents. Cette pêche semble se faire, avec 
beaucoup de plaisir et de gaîté, si l’on en juge par la variété de leurs cris, par 
le grand bruit qu'ils font et qu’on entend de quelques milles. 


(1) Noddy, en anglais, signifie soft, étourdi; et cette dénomination a rapport au naturel de 
l'oiseau. 


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DES OISEAUX PALMIPÈDES. 


On donne le nom de Palmipèdes aux oiseaux dont les doigts sont réunis par 
des palmures et dont les jambes ne présentent pas la conformation propre aux 
échassiers. Tout palmipède a, en effet, l'intervalle qui sépare les doigts garni 
d'une large membrane qui les enveloppe jusqüe près de l’ongle. Leurs pieds 
sont faits pour la natation, c’est-à-dire implantés à l'arrière du corps et portés 
sur des tarses forts et comprimés. Un plumage serré, lustré, imbibé d’un suc 
huileux, garni, près de la peau, d’un duvet épais, les garantit contre l’eau sur 
laquelle ils vivent. Ce sont les seuls oiseaux chez lesquels le cou dépasse, et 
quelquefois de beaucoup, la longueur des pieds, et cela était nécessaire, parce 
qu'en nageant à la surface de l’eau, ils ont souvent à chercher dans sa profon- 
deur les animaux dont ils se nourrissent. 

Le séjour qu'ils habitent les a soustraits, pour la plupart, à l'empire de 
l’homme, et même, à beaucoup d’égards, aux investigations des naturalistes. 
Les oiseaux de cet ordre jouissent, en général, d’un système d'organisation 
robuste et approprié au vol de longue haleine; leur sternum est très long, il 
garantit bien la plus grande partie de leurs viscères, et n’a, de chaque côté, 
qu'une échancrure ou un trou ovale garni de membranes; grâce à cette dispo- 


OISEAUX. 51 


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sition, cet os fournit aux muscles abaissans des ailes des points d’attaches très 
étendues. 

Les paimipèdes sont les seuls oiseaux qui réunissent à la jouissance de’air 
et de la terre la possession de la mer; de nombreuses espèces, toutes très multi- 
pliées, en peuplent les rivages et les plaines; ils voguent sur les flots avec autant 
d'aisance et plus de sécurité qu'ils ne volent dans leur élément naturel; partout 
ils y trouvent une subsistance abondante, une proie qui ne peut les fuir; et tan- 
dis que, pour la saisir, les uns fendent les ondes et s'y plongent, d’autresne font 
que les effieurer en rasant leur surface. Fous s’établissent sur cet élément mo- 
bile, comme dans un domicile fixe ; ils s’y rassemblent en grande société, et 
vivent tranquillement au milieu des orages ; ils semblent même se jouer avec 
les vagues, lutter contre les vents, et s’exposer aux tempêtes, sans les re- 
douter. j 

Ils ne quittent qu'avec peine ce domicile de choix, et dès que leurs peuitssont 
éclos, ils les conduisent à ce séjour chéri comme plus convenable à leur na- 
ture que celui de la terre. En effet, ils peuvent y rester autant qu’il leur plaît, 
puisque leur corps, mollement porté, se repose même en nageant, et reprend 
bientôt les forces épuisées par le vol. La longue obscurité des nuits, ou la con- 
tinuité des tourmentes , sont les seules contrariétés qu'ils éprouvent, et qui les 
obligent à quitter la mer par intervalles. Leur corps est arqué et bombé comme 
la carène d'un vaisseau, et c’est peut-être sur cette figure, que l’homme a tracé 
celle de ses premiers navires : leur cou, relevé sur une poitrine saillante, en 
représente assez bien la proue; leur queue courte et toute rassemblée en un 
seul faisceau, sert de gouvernail ; leurs pieds larges et palmés font l’office de 
véritables rames; le duvet épais et lustré d'huile qui revêt tout le corps, est 
un goudron naturel qui le rend impénétrable à l'humidité, en même temps 
qu'il le fait flotter plus légèrement à la surface des eaux. 

La vie de loiseau aquatique est plus paisible et moins pénible que celle de 
la plupart des autres oiseaux ; il empioie beaucoup moins de forces pour nager, 
que les autres n’en dépensent pour voler. L'élément qu'il habite lui offre à cha- 
que instant sa subsistance : il la rencontre plus qu'il ne la cherche, et souvent 
le mouvement de l’onde l'amène à sa portée. Néanmoins la plupart de ces oi- 
seaux ont, avec une grande véhémence d’appétit , les moyens d'y satisfaire; et 
plusieurs espèces , comme celle du harle, du cravan, du tadorne, etc., ont les 
bords intérieurs du bec armés de dentelures assez tranchantes pour que la proie 
saisie ne puisse s'échapper. 

La plupart des oiseaux aquatiques paraissent être demi nocturnes: les hérons 


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rôdent la nuit; la bécasse ne commence à voler que le soir: le butor crie 
encore après la chute du jour; on entend les grues se réclamer du haut des 
airs, dans le silence et l’obscurité des nuits, et les mouettes se promener dans 
le même temps : les volées d’oies et de canards sauvages qui tombent sur nos 
rivières , y séjournent plus la nuit que le jour. 

Ces habitudes tiennent à plusieurs circonstances relatives à-leur subsistance 
et à leur sécurité : les vers sortent de terre à la fraîcheur ; les poissons sont 
en mouvement pendant la nuit, dont l'obscurité dérobe ces oiseaux à l'œil 
de l'homme et de leurs ennemis. Néanmoins l'oiseau pêcheur ne paraît pas 
se défier assez de ceux même qu'il attaque : ce n’est pas toujours impuné- 
ment qu'il fait sa proie des poissons ; quelquefois le poisson le saisit et 
l’avale. Buffon a trouvé un martin-pêcheur dans le ventre d’une an- 
guille ; le brochet gobe assez souvent les oiseaux qui plongent ou frisent en 
volant la surface de l’eau, et même ceux qui viennent seulement au bord pour 
boire etse baigner. Dans les mers froides, les baleines et les cachalots ouvrent 
le gouffre de leur énorme bouche, non-seulement pour engloutir les colonnes 
de harengs et d’autres poissons , mais aussi les oiseaux qui sont à leur pour- 
suite, tels que les albatros, les pingouins, les macreuses , etc., dont on trouve 
les squelettes ou les cadavres encore récens dans le large estomac de ces grands 
Cétacées. 

Les mers les plus abondantes en poissons attirent et fixent, pour ainsi dire, 
sur leurs bords, des peuplades innombrables de ces oiseaux pêcheurs. | 

Dans le nord, les oiseaux terrestres sont peu nombreux comparativement aux 
oiseaux aquatiques. Pour les premiers, il faut des végétaux, des graines , des 
fruits, les derniers ne demandent à la terre qu’un lieu de refuge, une retraite 
dans les tempêtes, une station pour les nuits, un berceau pour leur progéniture; 
encore la glace, qui, dans ces climats froids, le dispute à la terre, leur offre- 
t-elle presque également Lout ce qui est nécessaire pour des besoins si simples. 
MM. Cook et Forster ont vu, dans leurs navigations aux mers australes, plu- 
sieurs de ces oiseaux se poser, voyager et dormir sur des glaces flottantes 
comme sur la terre ferme ; quelques-uns même y nichent avec succès. 

Ce dernier fait démontre que les oiseaux d’eau sont les derniers et les plus 
reculés des habitans du globe, dont ils connaissent mieux que nous les régions 
polaires : ils s’avancent jusque dans les terres où l'ours blanc ne paraît plus, et 
sur les mers que les phoques, les morses et les autres amphibies ont aban- 
données ; ils y séjournent avec plaisir pendant toute la saison des très longs 
jours de ces climats, et ne les quittent qu'après l'équinoxe de l'automne, lors- 


— 244 — 


que la nuit, anticipant à grands pas sur la lumière du jour, l'anéantit bientôt 
et répand un voilé continu de ténèbres. 

L'ordre des palmipèdes se divise en quatre familles, d’après les caractères 
suivans : 

1° Les PLoNGEURS ayant les ailes très courtes. 

90 Les LoNGIPENNES ayant les ailes très étendues ; le pouce libre ou nul, et le 
bec sans dentelures. 

30 Les rorTiPaLMEs ayant les ailes grandes et le pouce réuni aux autres doigts, 
dans une palmure commune. 

L Les LaMELLIROSTRES ayant les ailes de longueur médiocre et le bec garni 
sur les bords de lames et de petites dents. 


PINGOUIN. 


(PI. 31.) 


Le genre des pingouins à le bec cylindrique et pointu; dans quelques espèces, 
la pointe de la partie inférieure est tronquée. Les narines sont toujours des 
ouvertures linéaires; ils ont tous les pieds exactement de la même forme (trois 
doigts en avant, sans vestige de doigt postérieur) ; les moignons des ailes éten- 
dus en nageoires par une membrane, sont couverts de plumules placées si 
près les unes des autres, qu’elles ressemblent à des écailles. 

Le pingouin a les ailes d’un demi-pied de long tout au plus, si peu fournies 
de plumes, qu’il ne peut voler; ses pieds sont d'ailleurs si loin de l’avant- 
corps , et si portés en arrière, qu’on ne conçoit pas comment il peut se tenir 
debout et marcher; l'attitude droite est pénible pour lui; il a la marche lourde 
et lente, et sa position ordinaire est de nager et de flotter sur l’eau, ou d’être 
couché en repos sur les rochers ou sur les glaces. 

Ainsi, quoique l’aile du pingouin ait quelque longueur , et qu’elle soit garnie 
de plusieurs petites pennes , néanmoins on assure qu’il ne peut point voler. Il 


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— 245 — 


a la tête, le cou et tout le dessus du corps noirs: mais la partie inférieure, 
plongée dans l’eau quand il nage, est entièrement blanche; un petit trait de 
blanc existe entre le bec et l'œil, et un autre semblable trait traverse obli- 
quement l'aile. 

Le bec du pingouin est noir, il est tranchant par les bords , très aplati 
par les côtés, qui sont cannelés de trois sillons, dont celui du milieu est blanc 
tout à côlé de son ouverture et sous le velouté qui revêt la base du bec, les na- 
rines sontouvertes en fentes longues. 

Le pingouin se trouve dans les parties septentrionales de l'Amérique et de 
l’Europe. IL vient nicher aux îles Féroé, où il grossit la foule des oiseaux de 
mer qui peuplent ces grands rochers que les Anglais ont appelés les Aiguilles 
(theNeedles). On assure que cet oiseau ne pond qu’un œuf très gros parrapport 
à sa Laille. 

On ignore encore dans quel asile les pingouins, et particulièrement celui-ci, 
passent l'hiver. On pense qu’ils passent l'hiver dans des cavernes de rochers, 
dont l'ouverture est submergée , mais dont l’intérieur s'élève assez au-dessus 
des flots pour leur fournir une retraite où ils restent dans un état de torpeur , 
et nourris de l’imbibition intérieure de la graisse dont ils sont abondamment 
chargés. 

L'oiseau qui n’a jas d’aile est sans doute le moins oiseau qu’il soit possible : 
l'imagination ne sépare pas volontiers l’idée du vol du nom d'oiseau: néanmoins 
le vol n’est qu'un attribut et non pas une propriété essentielle , puisqu'il existe 
des quadrupèdes avec des ailes, et des oiseaux qui n’en ont point. Il semble 
donc, qu’en ôtant les ailes à l’oiseau on en fait une espèce de monstre; mais ce 
qui nous paraît être un jeu dans les plans ou une interruption dans la marche 
de la nature, est pour elle l'ordre le plus parfait, ét sert à remplir ses vues 
dans toute leur étendue , car la nature ne joue pas, mais elle suit des lois con- 
stantes. Comme elle prive le quadrupède de pieds, elle prive l’oiseau d'ailes, 
et ce qu'il ya de remarquable, elle paraît avoir commencé dans les oiseaux 
de terre , comme elle finit dans les oiseaux d’eau. L’autruche est, pour ainsi 
dire, sans ailes ; le casoar en est absolument privé, il est couvert de poils et 
non de plumes; et ces deux grands oiseaux semblent, à plusieurs égards , s’ap- 
procher des animaux terrestres ; tandis que les pingouins, et les manchots 
paraissent faire la nuance entre les oiseaux et les poissons. L’impossi bilité d’a- 
vancer loin sur terre , la fatigue même de s’y tenir autrement que couchés, le 
besoin d’être presque toujours en mer , tout semble rappeler au genre de vie 


. des animaux aquatiques ces oiseaux informes , étrangers aux régions de Pair 


— 246 — 


qu'ils ne peuvent fréquenter , presque également bannis de celles de la terre ; 
et qui paraissent uniquement appartenir à l'élément des eaux. 

Ainsi, entre chacune de ces grandes familles, entre les quadrupèdes, les oi- 
seaux , les poissons, la nature a ménagé des points d'union, des lignes de pro- 
longement, par lesquelles tout s'approche, tout se lie, tout se tient; elle envoie 
la chauve-souris voleter parmi les oiseaux , tandis qu’elle emprisonne le tatou 
sous le test d’un crustacé; elle a construit le moule du cétacé sur le modèle 
du quadrupède, dont elle à tronqué la forme dans lemorse, le phoque. Enfin, 
elle a produit des oiseaux qui, moins oiseaux par le vol que le poisson volant, 
sont aussi poissons que lui par l’instinct et par la manière de vivre: telles sont 
les deux familles des pingouins et des manchots, qu'on doit néanmoins séparer 
June de l’autre, comme elles le sont en effet dans la nature, non-seulement par 
la conformation, mais par la différence des climats. 


GRAND PINGOUIN. 


(PIO3;14) 


La taille de ce pingouin (1)approche de celle de l’oie;la grosseur et le volume 
du corps ont beaucoup moins d'épaisseur. Il a la tête, le cou et tout le manteau 
d’un beau noir, en petites plumes courtes, mais douces et lustrées comme du 
satin ; une grande tache blanche ovale se marque entre le bec et l'œil, et le 
rebord de cette tache s'élève, comme en bourrelet, de chaque côté du sommet de 
la tête, qui est fort aplatie ; le bec, dont la coupe ressemble au bout d'un large 
coutelas, a ses côtés aplatis et creusés d’entaillures. Les plus grandes pennes 
des ailes n’ont pas trois pouces de longueur : on juge aisément que, dans celte 
proportion avec la masse du corps, elles ne peuvent lui servir pour s'élever en 
l'air. Il ne marche guère plus qu’il ne vole, et il demeure toujours sur l’eau, à 
l'exception du temps de la ponte et de la nichée. 

L'espèce en paraît peu nombreuse; du moins ces grands pingouins ne se 
montrent que rarement sur les côtes de Norwège. Ils ne viennent pas tous les 


t) Nommé par les Anglais northern perouin. 
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ans visiter les îles de Féroé, et ne descendent guère plus au sud dans nos mers 
d'Europe. On ignore dans quelle plage ils se retirent pour nicher. 

L'Ækpa des Groënlandais, oiseau grand comme le canard, paraît être un 
pingouin. 


GRAND MANCHOT. 


(UE Sr) 


Ces singuliers oiseaux sont sans ailes, et n’ont à la place que deux espèces de 
membranes qui leur tombent de chaque côté comme de petits bras; leur cou 
est gros et court, leur peau dure et épaisse comme le cuir du cochon. On les 
trouve par trois ou quatre dans des trous de rocher. Les jeunes sont du poids 
de dix à douze livres ; mais les vieux en pèsent jusqu’à seize, et en général ils 
sont de la taille de l’oie. 

Le grand manchot aime la solitude et les endroits écartés; son bec est plus 
long est plus délié que celui des autres espèces de manchots, et il a le dos d’un 
bleu plus clair ; son ventre est d’une blancheur éblouissante; une palatine jon- 
_ quille qui, partant de la tête, coupe ces masses de blanc et de bleu, et va se 
terminer sur l'estomac, lui donne un grand air de magnificence. Quand il lui 
plaît de chanter, il allonge le cou. 

C’est au manchot qu’on peut spécialement donner le nom d'oiseau sans aïles:; 
et même, s'en tenant au premier coup-d’œil, on pourrait aussi l’appeler l’oz- 
seau sans plumes. En effet, non-seulement ses ailerons pendans semblent cou- 
verts d’écailles, mais tout son corps n’est revêtu que d’un duvet pressé, offrant 
toute l'apparence d’un poil serré et ras. 

Néanmoins, en y regardant de très près, on reconnaît dans ces plumules 
et même dans les écailles des ailerons, la structure de la plume, c'est-à-dire 
une tige et des barbes. 

Le corps des manchots est entièrement couvert de plumules oblongues , 
épaisses, dures et luisantes, placées aussi près l’une de l’autre que les écailles 
des poissons ; cette cuirasse leur est nécessaire, aussi bien que l'épaisseur 
de graisse dont ils sont enveloppés, pour les mettre en état de résister au froid. 


— 248 — 


En suivant l’illustre Cook au milieu des glaces australes, où il a pénétré avec 
plus d’audace et plus loin qu'aucun navigateur , nous trouvons partout les 
manchots, et en d’autant plus grand nombre, que la latitude est plus élevée 
et le climat plus glacial ; nous les voyons, avec quelques pétrels, habiter ces 
plages devenues inaccessibles à toutes les autres espèces d'animaux , dans 
ces lieux où toute nature vivante a déjà trouvé son tombeau. Pars mundi dam- 
nata à rerum naturä, œterna mersa caligine (Pline). 

Encore paraît-il qu'ils peuvent aller très loin à la nage, et passer les nuits 
ainsi que les jours en mer. À terre, leur marche est lourde et lente : pour avan- 
cer et se soutenir sur leurs pieds courts et posés tout à l’arrière du ventre, il 
faut qu'ils se tiennent debout, leur gros corps redressé en ligne perpendicu- 
laire avec le cou et la tête. Dans cette attitude, dit Narborough, on les pren- 
drait de loin pour de petits enfans avec des tabliers blancs. 

Mais autant ils sont pesans et gauches à terre, autant ils sont vifs et prestes 
dans l’eau. Ils plongent, et restent plongés; et quand ils se remontrent, ils s’é- 
lancent en ligne droite à la surface de l’eau, avec une vitesse si prodigieuse, 
qu'il est difficile de les tirer. 

Quoique la ponte des manchots ne soit que deux ou trois œufs au plus, ou 
même d’un seul , cependant comme ils ne sont jamais troublés sur les terres 
inhabitées où ils se rassemblent, et dont ils sont les seuls et paisibles pos- 
sesseurs, l'espèce, ou plutôt les espèces des demi-oiseaux, ne laissent pas 
d'être fort nombreuses. 

Aucun navigateur ne manque l’occasion des’approvisionner de ces œufs, qu'on 
dit fort bons, et de la chair même de ces oiseaux. Leur chair, dit-on, ne sent 
pas le poisson, quoique, suivant toute apparence, ils ne vivent que de pêche. 

Pour nicher, ils se creusent des trous ou des terriers, et choisissent, à cet 
effet, une dune ou plage de sable : le terrain en est pourtant si criblé, que 
souvent en marchant on y enfonce jusqu'aux genoux ; si le manchot se 
trouve dans son trou, il se venge du passant en le saisissant aux jambes, 
qu'il pince bien serré. 

Les manchots se rencontrent non-seulement dans toutes les plages australes 
de la grande mer Pacifique, et sur toutes les terres qui y sont éparses, 
mais on les voit aussi dans l'Océan atlantique, et, à ce qu'il paraît, à de moins 
hautes latitudes. Il y en a de grandes peuplades vers le cap de Bonne-Espé- 
rance, et même plus au nord. On peut dire, en général, que le tropique est 
la limite que les manchots n’ont guère franchie, et que le gros de leurs es- 
pèce affectionne les hautes et froides latitudes des terres et des mers australes. 


— 249 — 


HARLE. 


(PI 32.) 


Le harle (1) est d’une grosseur intermédiaire entre le canard et l’oie : mais sa 
taille, son plumage et son vol raccourci, lui donnent plus de rapport avec le 
canard. Le bec du harle est à-peu-près cylindrique et droit jusqu’à la pointe, 
comme celui du plongeon : mais il en diffère en ce que cette pointe est crochue 
et fléchie en manière d’ongle courbe , d’une substance dure et cornée, et en ce 
que les bords sont garnis de dentelures dirigées en arrière. La langue est héris- 
sée de papilles dures et tournées en arrière comme les dentelures du bec; ce 
qui sert à retenir le poisson glissant, et même à le conduire dans le gosier de 
l'oiseau : aussi, par une voracité peu mesurée, avale-t-il des poissons beaucoup 
trop gros pour entrer tout entiers dans son estomac ; la tête se loge la première 
dans l’œsophage, et se digère avant que Île corps puisse y descendre. 

Le harle nage, tout le corps submergé, et la tête seule hors de l’eau; il plonge 
profondément, reste long-temps sous l’eau ; et parcourt un grand espace avant 
de reparaître. Quoiqu'il ait les ailes courtes, son vol est rapide, etle plus sou- 
vent il file au-dessus de l’eau, et il paraît alors presque tout blanc. Cependant 
il a le devant du corps lavé de jaune pâle ; le dessus du cou avec toute la tête 
est d’un noir changeant en vert par reflets ; et la plume qui en est fine, soyeuse, 
longue, et relevée en hérisson, depuis la nuque jusque sur le front, grossiL 
beaucoup le volume de la tête. Le dos est de trois couleurs, noir, blanc et li- 
seré de gris ; la queue est grise; les yeux, les pieds et une partie du bec sont 
rouges. 

Le harle est, comme on voit, un fort bel oiseau; mais sa chair est sèche et 
mauvaise à manger. La forme de son corps est large et sensiblement aplatie 
sur le dos. On a observé que la trachée-artère à trois renflemens, dont le der- 


(x) En anglais, goosander, et la femelle, dur-diver, sparling-foul ; en allemand, meer-rach, weltsch 
cent ; et, sur le lac de Constance, gan ou ganner ; en italien, autour du lac Majeur, garganey. 


OISEAUX. 32 


95e 


nier, près de la bifurcation, renferme un labyrinthe osseux : cet appareil con- 
tient de l’air que l'oiseau peut respirer sous l’eau. Le harle niche au rivage, et 
ne quitte pas les eaux. Ces oïseaux ne paraissent que de loin en loin dans nos 
provinces de France. On croit en Suisse que son apparition sur les lacs an- 
nonce un grand hiver. 

Il se transporte en hiver dans des climats beaucoup plus méridionaux ; car 
il est du nombre des oiseaux qui viennent du Nord jusqu’en Egypte pour y pas- 
ser l'hiver. | 

Les harles ne sont pas plus communs en Angleterre qu’en France; et cepen- 
dantils se portent jusqu’en Norwège, en Islande, et peut-être plus avant dans le 
Nord. On reconnaît le harle dans le geir-fugl des Islandais, auquel Anderson 
donne mal-à-propos le nom de vautour. Il paraît que ces oiseaux n’habitent 
pas constamment la côte d'Islande, puisque les habitans, à chacune de leurs 
apparitions, ne manquent pas d'attendre quelque grand évènement. 

Dans le genre du harle, la femelle est constamment et considérablement plus 
petite que le mâle. Elle en diffère aussi, comme dans la plupart des espèces 
d'oiseaux d’eau, par ses couleurs : elle a la tête rousse et le manteau gris. 


GRAND PLONGEON. 


(PI, 32.) 


Ceplongeon (1) est presque de la grandeur et dela taille de l'oie. Il est connu 
sur les lacs de Suissé. Il ne prend son essor que sur l’eau : mais dans cet élé- 
mentses mouvemens sont aussi faciles et aussi légers que vifs et rapides; il 
plonge à de très grandes profondeurs, et nage entre deux eaux à cent pas de 
distance , sans reparaître pour respirer; une portion d’air renfermée dans la 
trachée-artère dilatée, fournit pendant ce temps à la respiration de cet amphi- 
bie ailé, qui semble moins appartenir à l’élément de l'air qu'à celui des eaux. 


(r) En latin, mergus; en hébreu et en persan, haath; en arabe, semag; en italien mergo, mer- 
gone; en anglais, diver, ducker; en allemand, ducher, duchent, taucher ; en groënlandais , na- 


viarsoak, 


2. GENE 


Les plongeons commencent leur nichée dans le premier printemps, et les 
mouettes ne nichent qu’à la fin de cette saison ou au commencement de l’été. 

Quelques observateurs ont écrit que ce grand plongeon était fort silencieux : 
cependant Gesner lui attribue un cri particulier et fort éclatant. 

Quoique beaucoup d'oiseaux aquatiques aient l'habitude de plonger, même 
jusqu’au fond de l’eau , en poursuivant leur proie, on a donné de préférence le 
nom de plongeon à une petite famille particulière de ces oiseaux plongeurs, 
qui diffèrent des autres en ce qu’ils ont le bec droit et pointu, et les trois doigts 
antérieurs joints ensemble par une membrane entière. 

Les plongeons ont, de plus, les ongles petits et pointus, la queue très courte 
et presque nulle , les pieds très plats et placés tout-à-fait à l'arrière du corps, 
enfin la jambe cachée dans l'abdomen; disposition très propre à l’action de na- 
ger , mais très contraire à celle de marcher: en effet, les plongeons, comme 
les grèbes, sont obligés sur terre à se tenir debout dans une situation droite et 
presque perpendiculaire , sans pouvoir maintenir l'équilibre dans leurs mouve- 
mens ; au lieu qu’ils se meuvent dans l’eau d'une manière si preste et si prompte, 
qu'ils évitent la balle en plongeant à l'éclair du feu, au même instant que le 
coup part: aussi les bons chasseurs , pour iirer ces oiseaux, adaptent à leur 
fusil un morceau de carton , qui, en laissant la mire libre , dérobe l'éclair de 
amorce à l'œil de l'oiseau. 


CANSTAGNEUX. 


(CB1329) 


Le castagneux (1) est un grèbe beaucoup moins grand que tous les autres : 
on peut même ajouter, qu'à l'exception du petit pétrel , c’est le plus petit de 
tous les oiseaux navigateurs : il ressemble aussi au pétrel par le duvet dont il 
est couvert au lieu de plumes. Du reste il a le bec, les pieds et tout le corps 
entièrement conformés comme les grèbes. Il porte à-peu-près les mêmes cou- 


(1) En latin, colymbus ; en anglais, dobchick-diver, arsfoot-diver, greet loon-diver; en allemand, 


deucchel ; à Venise, fisanelle, 


— 259 — 


leurs , mais comme il a du brun châtain ou couleur de marron sur le dos, on 
Jui a donné le nom de castagneux. Dans quelques individus , le devant du 
corps est gris, et non pas d’un blanc lustré ; d’autres sont plus noirâtres que 
bruns sur le dos. Le castagneux n’a pas plus que le grèbe la faculté de se tenir 
et de marchersur la terre; ses jambes traînantes et jetées en arrière ne peu- 
vents’'y soutenir ; et ne lui servent qu’à nager. Il a peine à prendre son vol; 
mais, une fois élevé, il ne laisse pas d’aller loin. On le voit sur les rivières tout 
l'hiver , temps auquel il est fort gras ; mais, quoiqu’on l'ait nommé grèbe de 
rivière, on en voit aussi sur la mer, où il mange des chevrettes, des éperlans, 
des petites écrevisses et du menu poisson ; les deux; jambes sont attachées à - 
l'arrière du corps par une membrane qui déborde quand les jambes s'étendent ; 
et qui est attachée fort près de l'articulation du tarse. 

Par sa conformation, le castagneux ne peut être qu'un habitant des eaux : ses 
jambes, placées tout-à-fait en arrière, et presque enfoncées dans le ventre, ne 
laissent paraître que des pieds en forme de rames, dont la position et le mou- 
vement naturel sont de se jeter en dehors et ne peuvent soutenir à terre le corps 
de l'oiseau que quand il se tient droit à plomb. Dans cette position, on conçoit 
que le battement des ailes, au lieu de l’élever en l'air, le renverse en avant, les 
jambes ne pouvant seconder l'impulsion que le corps reçoit des ailes : ce n’est 
que par un grand effort qu’il prend son vol à terre ; et comme s’il sentait com- 
bien il y est étranger, on a remarqué qu’il cherche à léviter, et il nage tou- 
jours contre le vent. Lorsque par malheur la vague le porte sur le rivage, il y 
reste en se débattant, et faisant des pieds et des ailes des efforts presque tou- 
jours inutiles pour s'élever dans l'air ou retourner à l'eau. On le prend souvent à 
la main, malgré les violens coups de bec dont il se défend. Son agilité dans 
l’eau est aussi grande que son impuissance sur terre; il nage, il plonge, fend 
l'onde, et court à sa surface en effleurant les vagues avec une surprenante ra- 
pidité; on prétend même que ces mouvemens ne sont jamais plus vifs, plus 
prompts et plus rapides que lorsqu'il est sous l’eau ; il y poursuit les poissons 
jusqu'à une très grande profondeur. 

Les castagneux fréquentent également la mer et les eaux douces. Il y en a plu- 
sieurs espèces sur nos mers de Bretagne, de Picardie et dans la Manche. Cet 
oiseau est plus gros que la foulque ; sa longueur du bec au croupion, est d’un 
pied cinq pouces, et du bec aux ongles, d’un pied neuf à dix pouces. Il a tout 
le dessus du corps d’un brun foncé, mais lustré, et tout le devant d’un très beau 
blanc argenté. Comme tous les autres grèbes, il a la tête petite, le bec droit et 
pointu. Les ailes sont courtes et peu proportionnées à la grosseur du corps. 


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— 253 — 


PIETTE. 


(CBS) 


La piette est un joli petit harle à plumage pie, et auquel on a donné quelque- 
fois le nom de religieuse , sans doute à cause de la netteté de sa belle robe 
blanche, de son manteau noir, et de sa tête coiffée en effilés blancs, couchés en 
mentonnière et relevée en forme de bandeau, que coupe par derrière un petit 
lambeau de voile d’un violet vert-obscur; un demi-collier noir sur le haut du 
cou achève la parure modeste et piquante de cette petite religieuse ailée. 

Elle est fort connue, sous le nom de ptette, sur les rivières d’Are et de la Somme 
en Picardie, où il n’est pas de paysan qui ne la sache nommer. Elle est un peu 
plus grande que la sarcelle, mais moindre que le morillon; elle à le bec noir et 
les pieds d’un gris plombé ; l'étendue du blanc et du noir dans son plumage est 
fort sujette à varier, de sorte que quelquefois il est presque tout blanc. La fe- 
melle n’est pas aussi belle que le mâle, elle n’a point de huppe; sa tête est 


rousse, et le manteau est gris. 


PÉLICAN. 


(PL. 32.) 


Le pélican (1) égale ou même surpasse en grandeur le cygne, et ce serait le 
plus grand des oiseaux d’eau si l’albatrosse n’était pas plus épais, et si le flam- 
mant n'avait pas les jambes beaucoup plus hautes. Le pélican les a au contraire 


(1) En latin, onocrotalus ; en ancien latin, truo; en espagnol, groto; en italien, agrotto ; à 


— 954 — 


très basses, tandis que ses ailes sont si largement étendues, que l’envergure 
en est de onze ou douze pieds. Il se soutient très aisément et très long-temps 
dans l'air ; il s’y balance avec légèreté, et ne change de place que pour tomber 
à plomb sur sa proie, la violence du choc et la grande étendue des ailes qui 
frappent et couvrent la surface de l’eau la font bouillonner, tournoyer, et étour- 
dissent en même temps le poisson, qui dès-lors ne peut fuir. 

C’est de cette manière que les pélicans pêchent lorsqu'ils sont seuls : mais en 
troupes ils savent varier leurs manœuvres et agir de concert; on les voit se dis- 
poser en ligne et nager de compagnie en formant un grand cercle qu'ils res- 
serrent peu-à-peu pour y renfermer le poisson et se partager la capture à 
leur aise. 

Ces oiseaux prennent, pour pêcher, les heures du matin et du soir, où le 
poisson est le plus en mouvement, et choisissent les lieux où il est le plus abon- 
dant; c’est un spectacle de les voir raser l’eau, s'élever de quelques piques au- 
dessus, et tomber le cou raide et leur sac à demi plein, puis se relevant avec 
effort retomber de nouveau, et continuer ce manège jusqu'à ce que cette large 
besace soit entièrement remplie; il vont alors manger et digérer à l’aise sur 
quelque pointe de rocher, où ils restent en repos et comme assoupis jusqu’au 
soir. 

Cet oiseau doit être un excellent nageur : il est parfaitement palmipède , 
ayant les quatre doigts réunis par une seule pièce de membrane. Il paraît 
aussi que c'est avec l’âge qu'il prend cette belle teinte de couleur rose tendre 
et comme transparente , qui semble donner à son plumage le lustre d'un 
vernis. 

La tête est aplatie par les côtés; les yeux sont petits et placés dans deux 
larges joues nues. Les couleurs du bec sont du jaune ou du rouge pâle sur un 
fond gris : Ce bec est aplaii en dessus comme une large lame relevée d’une 
arête sur sa longueur, et se terminant par une pointe en croc; le dedans de 
cette lame présente cinq nervures saillantes ; la mandibule inférieure ne con- 
siste qu’en deux branches flexibles qui se prêtent à l'extension de la poche 
membraneuse qui leur est attachée, et qui pend au-dessous comme un sac 
en forme de nasse. Cette poche peut contenir plus de vingt pintes de liquide ; 
elle est si large et si longue, qu’on y peut placer le pied ou y faire entrer le 
bras jusqu’au coude. Ellis dit avoir vu un homme y cacher sa tête; ce qui ne 


Rome, truo; et vers Sienne et Mantoue, agrotti; en anglais, pelecane; en allemand, meergans , 


schneegans ; et en Autriche , ohnvogel. 


— 955 — 


nous fera pourtant pas croire ce que dit Sanctius, qu'un de ces oiseaux laissa 
tomber du haut des airs un enfant nègre qu’il avait emporté dans son sac. 

Ce gros oiseau paraît susceptible de quelque éducation et même d’une cer- 
taine gaîté, malgré sa pesanteur; il n’a rien de farouche , et s’habitue volon- 
tiers avec l’homme. 

Il paraît qu'it serait possible de tirer parti de l'instinct du pélican , qui n’a- 
vale pas sa proie d’abord , mais l’accumule en provision, et qu’on pourrait en 
faire, comme du Cormoran, un pêcheur domestique, et l’on assure que les 
Chinois y ont réussi. Labat raconte aussi que des sauvages avaient dressé un 
pélican qu'ils envoyaient le matin après l'avoir rougi de rocou , et qui le soir 
revenait au carbet, le sac plein de poissons , qu'ils lui faisaient dégorger. 

Le nid du pélican se trouve communément au bord des eaux; il le pose à 
plate terre. 

Cet oiseau, aussi vorace que grand déprédateur, engloutit dans une seule 
pêche autant de poisson qu’il en faudrait pour le repas de six hommes. Il 
avale aisément un poisson de sept ou huit livres. 

Le pélican mange de côté, et quand on lui jette un morceau, il le happe. 
Cette poche où il emmagasine toutes ses captures est composée de deux peaux : 
l'interne est continue à la membrane de l’œsophage; l’extérieure n’est qu’un 
prolongement de la peau du cou; les rides qui la plissent servent à retirer le 
sac, lorsque étant vide il devient flasque. On se sert de ces poches de pélican 
comme de vessies pour enfermer le tabac à fumer : aussi les appelle-t-on, 
dans nos îles, blagues ou hlades, du mot anglais h/adder, qui signifie vessie. 
Quelques marins s’en font des bonnets. 

Il semble que la nature ait pourvu, par une attention singulière, à ce que 
le pélican ne füt point suffoqué quand, pour engloutir sa proie, il ouvre à l’eau 
sa poche tout entière ; la trachée-artère, quittant alors les vertèbres du cou, 
se jette en devant, et s’attachant sous cette poche, y cause un gonflement très 
sensible : en même temps deux muscles en sphincter resserrent l’œsophage 
de manière à fermer toute entrée à l’eau. Au fond de cette même poche est 
cachée une langue si courte. qu’on a cru que l'oiseau n’en avait point. Les 
narines sont aussi presque invisibles et placées à la racine du bec. 


906 


CORMORAN. 


(BI. 32.) 


Le cormoran (1) est un assez grand oiseau à pieds palmés, aussi bon plon- 
geur que nageur, et grand destructeur de poisson. Il est à-peu-près de la 
grandeur de l’oie, mais d’une taille moins fournie, plutôt mince qu'épaisse, 
et allongée par une grande queue plus étalée que ne l’est communément celle 
des oiseaux d’eau : cette queue est composée de quatorze plumes raides comme 
celles de la queue du pic; elles sont, ainsi que presque tout le plumage, d’un 
noir lustré de vert. 

Le manteau est ondé de festons noirs sur un fond brun : mais ces nuances 
varient dans différens individus. Une peau également nue garnit le dessous 
du bec, qui est droit jusqu’à la pointe, où il se recourbe fortement en un croc 
très aigu. 

Cet oiseau est du petit nombre de ceux qui ont les quatre doigts assujettis 
et liés ensemble par une membrane d’une seule pièce, et dont le pied, muni 
de cette large rame, semblerait indiquer qu'il est très grand nageur : ce- 
pendant il reste moins dans l’eau que plusieurs autres oiseaux aquatiques 
dont la palme n’est ni aussi continue ni aussi élargie que la sienne; il prend 
fréquemment son essor et se perche sur les arbres, 

Le cormoran a la tête sensiblementaplatie, comme presque tous les oiseaux 
plongeurs; les yeux sont placés très en avant et près des angles du bec, les 
pieds sont noirs , courts et très forts ; le tarse est fort large et aplati latérale- 
ment; l’ongle du milieu est intérieurement dentelé en forme de scie, comme 
celui du héron ; les bras des ailes sont assez longs , mais garnis de pennes cour- 
tes ; ce qui fait qu'il vole pesamment. 


(x) En latin , corvus aquaticus; en italien, corvo marino ; en espagnol, cuervo calvo; en alle- 
mand, scarb, wasserrabe ; en anglais, cormorant ; dans quelques-unes de nos provinces de France, 


crot- pescherot. 


/ S / 
PL A regie £ / Lo t Cri A4 Hianléttt LC LA 
f 


— 957 — 


Le cormoran est d’une telle adresse à pêcher, et d'une si grande voracité , 
que , quand il se jette sur un étang, il y fait lui seul plus de dégât qu’une troupe 
entière d’autres oiseaux pêcheurs. Heureusement il se tient presque toujours 
au bord de la mer, et il est rare de le trouver dans les contrées qui en sont 
éloignées. Comme il peut rester long-temps plongé, et qu'ilnage sous l’eau 
avec la rapidité d’un trait, sa proie ne lui échappe guère, et il revient presque 
toujours sur l’eau avec un poisson au travers de son bec. 

Pour l’avaler, il fait un singulier manège; il jette en l’air son poisson, et il 
a l’adresse de le recevoir la tête la première , de manière que les nageoires se 
couchent au passage du gosier, tandis que la peau membraneuse qui garnit le 
dessous du bec, prête et s'étend autant qu'il est nécessaire, pour admettre et 
laisser passer le corps entier du poisson, qui souvent est fort gros en comparai- 
son du cou de l'oiseau. 

Dans quelques pays , comme à la Chine, et autrefois en Augleterre, on a su 
mettre à profit le talent du cormoran pour la pêche, et en faire, pour ainsi dire, 
un pêcheur domestique , en lui bouclant d’un anneau le bas du cou pour lem- 
pêcher d’avaler sa proie , et l’accoutumant à revenir à son maître en rapportant 
le poisson qu'il porte dans le bec. 

On voit sur les rivières de la Chine des cormorans ainsi bouclés , perchés sur 
l'avant des bateaux , s’élancer et plonger au signal qu’on donne en frappant sur 
l’eau un coup de rame, et revenir bientôt en apportant leur proie qu'on leur 
Ôte du bec. Cet exercice se continue jusqu’à ce que le maître, content de la 


pêche de son oiseau, lui délie le cou et lui permette d’aller pêcher pour son 
propre compte. 


OISEAU DU TROPIQUE. 


(PI. 33.) 


La grosseur de l'oiseau du tropique (1) est à-peu-près celle d’un pigeon com- 


(1) Paille-en-cul, fétu-en-cul, queue de flèche ; ea anglais, the tropic bird ; en hollandais, pilstaart ; 
en espagnol, rabo de junco ; en latin moderne, lepturus. 


OISEAUX, FR Ve 


+ pie 


mun. Le beau blanc de son plumage suffirait pour le faire remarquer, mais son 
caractère le plus frappant est un double long brin qui ne paraît quecomme une 
paille implantée à sa queue ; ce qui lui a fait donner le nom de paille-en-queue. 
Ce double long brin est composé de deux filets , chacun formé d’une côte de 
plume presque nue et seulement garnie de petites barbes très courtes. Les ha- 
bitans d'Otaïti et des autres îles voisines ramassent ces longues plumes dans 
leurs bois, et en forment des touffes et des panaches pour leurs guerriers ; les 
Caraïbes des îles de l'Amérique se passent ceslong brins dans la cloison du nez 
pour se rendre plus beaux ou plus terribles. | 

Nous avons vu des oiseaux se porter du nord au midi, et parcourir d’un vol 
libre tous les climats de la terre. et des mers ; nous en verrons d’autres confinés 
aux régions polaires, comme les derniers enfans de la nature mourante, sous 
cette sphère de glace : celui-ci semble, au contraire , attaché au char dusoleil 
sous la zone brülante que bornent les tropiques. Volant sans cesse sous ce ciel 
enflammé , sans s’écarter des deux lignes extrêmes de la route du grand astre, 
il annonce aux navigateurs leur prochain passage sous ces lignes célestes : aussi 
sous lui ont donné le nom d'oiseau dutropique , parce que son apparition indi- 
que l'entrée dela zone torride, soit qu'on arrive par le côté du nord ou par celui 
du sud, dans toutes les mers du monde, que cet oiseau fréquente également. 

C'est:même aux îles les plus éloignées et jetées le plus avant dans l'Océan 
équinoxial des deux Indes, telles que l’Ascension, Sainte-Hélène, Rodrigue, 
les îles de France et de Bourbon, que ces oiseaux semblent s'arrêter de préfé- 
rence. Quoique leur apparition soit regardée comme un signe de la proximité 
de quelque terre, il est certain qu'ils s’en éloignent quelquefois à des distances 
prodigieuses , et qu'ils se portent ordinairement au large à plusieurs centaines 
de lieues. 

Indépendamment d'un vol puissant et très rapide, ces oiseaux ont , pour 
fournir ces longues traites , la faculté de se reposer sur l’eau. Ils ont beaucoup 
de rapports avec les hirondelles de mer , ils leur ressemblent par la longueur 
des ailes, qui se croisent sur la queue lorsqu'ils sont en repos; et encore par 
la forme du bec, qui néanmoins est plus fort, plus épais, et légèrement den- 
telé sur les bords. 

On conçoit aisément qu’un oiseau d’un vol aussi haut, aussi libre, aussi 
vaste , ne puisse s’accommoder de la captivité ; d’ailleurs ses jambes courtes et 
placées en arrière le rendent peu agile à terre. On a vu quelquefois ces oiseaux, 
fatigués ou déroutés par les tempêtes , venir se poser sur le mât des vaisseaux, 
el se laisser prendre à la main. 


— 959 — 


PIERRE-GARIN. 


GRANDE HIRONDELLE DE MER. 


(el. 33.) 


Le nom de Pierre-Garin (1) a été donné à une petite famille d'oiseaux pé- 
cheurs, qui ressemblent à nos hirondelles par leurs longues ailes et leur queue 
fourchue, et qui, par leur vol constant à la surface des eaux, représentent assez 
bien sur la plaine liquide, les allures des hirondelles de terre dans nos campa- 
gnes et autour de nos habitations. Ces rapports de forme et d’habitudes natu- 
relles leur ont fait donner, avec quelque fondement, le nom d’hirondelles, 
malgré les différences essentielles de la forme du bec et de la conformation des 
pieds, qui, dans les hirondelles de mer, sont garnis de petites membranes reti- 
rées entre les doigts, etne leur servent pas pour nager. Ils font usage de leurs 
ailes larges et échancrées pour planer, cingler, plonger dans l’air, en élevant, 
rabaissant, coupant, croisant leurs vols de mille et mille manières, suivant que 
le caprice, la gaîté ou l'aspect de la proie fugitive dirigent leurs mouvemens : ils 
ne la saisissent qu’au vol, ou en se posant un instant sur l’eau sans la poursui- 
vre à la nage; car ils n'aiment point à nager, quoique leurs pieds à demi mem- 
braneux puissent leur donner cette facilité. 

Ils résident ordinairement sur les rivages de la mer, et fréquentent aussi les 
lacs et les grandes rivières. Ces hirondelles de mer jettent en volant de grands 
cris aigus et perçans, comme les martinets, surtout lorsque par un temps calme 
elles s'élèvent en l'air à une grande hauteur, ou quand elles s’attroupent en été 
pour faire de grandes courses. Elles arrivent par troupes sur nos côtes de l'O- 


(x) En anglais, see-swallow ; en allemand, see-schwalbe ; en suédois et dans d’autres langues du 
Nord, taern, lerns, stirn, d'où Turner a dérivé le nom de sterra, adopté par les nomenclateurs 
pour distinguer ce geure d'oiseaux, Sur nos côtes de l'Océan, les hirondelles de mer s'appellent 


goélettes ; 


— 260 — 


céan au commencement de mai; la plupart y demeurent, et n’en quittent pas les 
bords ; d’autres voyagent plus loin, et vont chercher les lacs, les grands étangs, 
en suivant les rivières ; partout elles vivent de petite pêche, et même quelques- 
unes gobent en l’air les insectes volans. 

Le bruit des armes à feu ne les effraie pas : ce signal de danger, loin de les 
écarter, semble les attirer ; car à l'instant où le chasseur en abat une dans la 
troupe, les autres se précipitent en foule à l’entour de leur compagne blessée, 
et tombent avec elle jusqu’à fleur d’eau. 

Au reste, les pieds de l’'hirondelle de mer ne diffèrent de ceux de l’hirondelle 
de terre qu’en ce qu’ils sont à demi palmés; car ils sont de même très courts, 
très petits et presque inutiles pour la marche. Les ongles pointus qui arment les 
doigts ne paraissent pas plus nécessaires à l’hirondelle de mer qu’à celle de terre, 
puisque toutes deux saisissent également leur proie avec le bec: celui des hi- 
rondelles de mer est droit , effilé en pointe, lisse sans dentelures, et aplati par 
les côtés. Les ailes sont si longues, que l'oiseau en repos paraît en être embar- 
rassé, et que dans l’air il semble être tout aile. 

Les pierre-garins sont des oiseaux aussi vifs que légers, des pêcheurs hardis 
et adroits ; ils se précipitent dans la mer sur le poisson qu’ils guettent, et, après 
avoir plongé , serelèvent et souvent remontent en un instant à la même hauteur 
où ils étaient en l'air. Ils digèrent le poisson presque aussi promptement qu’ils 
le prennent; car il se fond en peu de temps dans leur estomac: la partie qui 
touche le fond du sac se dissout la première, et l’on a observé ce même effet 
dans les hérons et dans les mouettes ; mais la force digestive est si grande, dans 
ces hirondelles de mer, qu’elles peuvent aisément prendre un second repas une 
heure ou deux après le premier. Celles que l’on prend et qu’on nourrit quel- 
quefois dans les jardins ne refusent pas de manger de la chair, mais il ne pa- 
raît pas qu'elles y touchent dans l’état de liberté. 

Chaque femelle dépose dans un petit creux, sur le sable nu, deux ou trois 
œufs fort gros, eu égard à sa taille ; le canton de sable qu’elles choisissent pour 
cela est toujours à l'abri du vent du nord, et au-dessous de quelques petites 
dunes. Si l’on approche de leurs nichées, les pères et mères se précipitent du 
haut de l'air sur les assaillans, et poussent de grands cris redoublés d'inquié- 
tude et de colère. 


— 261 — 


FRÉGATE. 


(PI. 33.) 


Le meilleur voilier , le plus vite de nos vaisseaux, la frégate , a donné son 
nom à l’oiseau qui vole le plus rapidement et le plus constamment sur les mers. 
La frégate (1) est en effet de tous ces navigateurs ailés, celui dont le vol est le 
plus fier , le plus puissant et le plus étendu : balancé sur des ailes d’une prodi- 
gieuse longueur, se soutenant sans mouvement sensible, cet oiseau semble 
nager paisiblement dans l'air tranquille, pour attendre l'instant de fondre sur sa 
proie avec la rapidité d’un trait; et lorsque les airs sont agités par la tempête, 
légère comme le vent,la frégate s'élève jusqu'aux nues , et va chercher le 
calme en s’élançant au- dessus des orages. Elle voyage en tout sens, en hau- 
teur comme en étendue ; elle se porte au large à plusieurs centaines de lieues, 
fournit tout d’un vol ces traites immenses, qu’elle continue dans les ténèbres 
de la nuit, et ne s’arrête sur la mer que dans les lieux qui lui offrent une pâture 
abondante. 

Les poissons qui voyagent en troupes dans les hautes mers, fuient par colon- 
nes et s’élancent en l’air pour échapper aux bonites, aux dorades, quiles pour- 
suivent, mais ils n’échappent point aux frégates. Elles discernent de très loin 
les endroits où passent leurs troupes qui sont quelquefois siserrées, qu’elles font 
bruire les eaux et blanchir la surface de la mer : les frégates fondent alors du 
haut des airs, et fléchissant leur vol de manière à raser l’eau sans la toucher, 
elles enlèvent en passant le poisson qu’elles saisissent avec le bec, les griffes, 
et souvent avec les deux à-la-fois, selon qu'il se présente, soit en nageant sur 
la surface de l’eau ou bondissant dans l'air. 

Ce n’est qu'entre les tropiques, ou un peu au-delà que l’on rencontre la fré- 
gate dans les mers des deux mondes. Elle exerce sur les oiseaux de la zone 


(1) En anglais, frigate bird ; à la Jamaïque, man of war bird; en espagnol, rabihorcado. 


— 262 — 


torride une espèce d’empire ; elle en force plusieurs, particulièrement les fous, 
à lui servir comme de pourvoyeurs; les frappant d’un coup d'ailes, ou les pinçant 
de son bec crochu, elle leur fait dégorger le poisson qu'ils avaient avalé, et 
s’en saisit avant qu'il ne soit tombé. 

Cette témérité de la frégate tient autant à la force de ses armes et à la fierté 
de son vol, qu’à sa voracité. Elle est en effet armée en guerre; elle à des serres 
perçantes, un bec terminé par un croc très aigu, les pieds courts et robustes , 
recouverts de plumes, comme ceux des oiseaux de proie, le vol rapide et la vue 
perçante. Toutefois, par sa conformation, la frégate tient beaucoup plus à l’élé- 
ment de l’eau ; et quoiqu’on ne la voie presque jamais nager , elle a cependant 
les quatre doigts engagés par une membrane échancrée et, par cette union 
de tous les doigts. elle se rapproche du genre cormoran, du fou, du pélican, 
que l’on doit regarder comme de parfaits palmipèdes. 

La frégate n’a pas le corps plus gros qu'une poule; mais ses ailes étendues 
ont huit, dix et jusqu’à quatorze pieds d'envergure. C’est au moyen de ces ailes 
prodigieuses qu’elle exécute ses longues courses, mais celte longueur exces- 
sive des ailes embarrasse et empêche la frégate , comme le fou, de reprendre 
leur vol lorsqu'ils sont posés, en sorte que souvent ils se laissent assommer au 
lieu de prendre leur essor. Il leur faut une pointe de rocher ou la cime d’un 
arbre , et encore n'est-ce que par effort qu'ils s'élèvent en partant. 

Les frégates se retirent et s’établissent en commun sur des écueils élevés ou 
des îlots boisés, pour nicher en repos. Elles placent leurs nids sur les arbres, 
dans les lieux solitaires et voisins de la mer. La ponte n’est que d’un œuf ou 
deux; ces œufs sont d’un blanc teint de couleur de chair, avec de petits points 
d'un rouge cramoisi. Les petits dans le premier âge, sont couverts d’un duvet 
gris-blanc : ils ont les pieds de la même couleur, et le bec presque blanc : 
mais, par la suite, la couleur du bec change; il devient ou rouge ou noir, et 
bleuûtre dans son milieu, eLil en est de même de la couleur des doigts; la 
tête est assez petite et aplatie en dessus ; les yeux sont grands, noirs et bril- 
lans, et environnés d’une peau bleuûtre. 


— 2635 — 


= GOËLAND À MANTEAU NOIR. 


Ce goëland (1) a deux pieds et quelquefois deux pieds et demi de longueur. 
Un grand manteau d'un noir ou noiràtre ardoisé lui couvre son large dos; 
tout le reste du plumage est blanc. Son bec, fort et robuste, long de trois 
pouces et demi, est jaunàtre , avec une tache rouge à l'angle saïllant de la man- 
dibule inférieure ; la paupière est d’un jaune aurore, les pieds, avec leur 
membrane, sont d’une couleur de chair blanchôtre et comme farineuse. 

Le cri du grand goëland, est un son enroué, qua, qua, qua, prononcé d’un 
ton rauque et répété fort vite : mais l'oiseau ne le fait pas entendre fréquem- 
ment. 

Tous les goëlands sont voraces et criards, on peut dire que ce sont les vau- 
tours de la mer; ils la nettoient des cadavres de toutes espèces qui flottent à la 
surface, ou qui sont rejetés sur les rivages : aussi lâches que gourmands, ils 
n’attaquent que les animaux faibles, et ne s’acharnent que sur les corps morts. 
Leur port ignoble, leurs cris importuns, leur bec tranchant et crochu, présen- 
tent les images désagréables d'oiseaux sanguinaires et bassement cruels : 
aussi les voit-on se battre avec acharnement entre eux pour la curée; et même 
lorsqu'ils sont renfermés et que la captivité aigrit encore leur humeur féroce $ 
ils se blessent sans motif apparent , et le premier dont le sang coule devient la 
victime des autres. Cet excès de cruauté ne se manifeste guère que dans les 
grandes espèces ; mais toutes, grandes et petites, étant en liberté, s’épient, 
se guettent sans cesse pour se piller et se dérober réciproquement la nourri- 
ture ou la proie. 


Tout convient à leur voracité : le poisson frais ou gâté; la chair sanglante, 


(1) En latin, larus et gravia; sur nos côtes de la Méditerranée gabian, sur celles de l'Océan, 
mauve ; en allemand, mew, meuwe (miauleur, de meuwen, miauler); en groënlandais, apa, selon Eg - 


vede ; zayiat dans Anderson, 


— 964 — 


récente ou corrompue ; les écailles, les os même, tout se digère ou se consume 
dans leur estomac : ils avalent l’amorce et l’hameçon; ils se précipitent avec 
tant de violence, qu'ils s’enferrent eux-mêmes sur une pointe que le pêcheur 
place sous le hareng qu’il leur offre en appät, il suffit d’une planche peinte de 
quelques figures de poissons, pour que ces oiseaux viennent s’y briser. 

Les goëlands ont le bec tranchant, allongé, aplati par les côtés, avec la 
pointe renforcée et recourbée en croc, et un angle saillant à‘la mandibule in- 
férieure. Les goëélands ont les trois doigts engagés par une palme pleine, et 
le doigt de derrière dégagé, mais très petit. Leur tête est grosse; ils la portent 
mal et presque entre les épaules, soit qu’ils marchent ou qu'ils soient en repos. 
Ils courent assez vite sur les rivages, et volent encore mieux au-dessus des 
flots ; leurs longues ailes qui, pliées, dépassent la queue, et la quantité de 
plumes dont leur corps est garni, les rendent très légers. Ils sont aussi fournis 
d’un duvet fort épais, qui est d’une couleur bleuàtre, surtout à l’estomac : ils 
naissent avec ce duvet; mais les autres plumes ne croissent que tard, et ils 
n’acquièrent complètement leurs couleurs, c’est-à-dire le beau blanc sur le 
corps, et le noir ou gris bleuâtre sur le manteau, qu'après avoir passé par 
plusieurs mues, et dans leur troisième année. 

Les goëlands se tiennent en troupes sur les rivages de la mer; souvent on 
les voit couvrir de leur multitude les écueils et les falaises qu'ils font retentir 
de leurs cris importuns, et sur lesquels ils semblent fourmiller, les uns pre- 
nant leur vol, les autres s’abattant pour se reposer, et toujours en très grand 
nombre. En général, il n’est pas d'oiseau plus commun sur les côtes, et l’on en 
rencontre en mer jusqu’à cent lieues de distance. Les plus grandes espèces pa- 
raissent attachées aux côtes des mers du Nord. On raconte que les goëêlands des 
îles de Feroé sont si forts et si voraces, qu’ils mettent souvent en pièces des 
agneaux, dont ils emportent des lambeaux dans leurs nids. 

Dans les mers glaciales, on les voit se réunir en grand nombre sur les ca- 
davres des baleines ; ils se tiennent sur ces masses de corruption sans en 
craindre l'infection; ils y assouvissent à l’aise toute leur voracité, et en tirent 
en même temps la pâture de leurs petits. Ces oiseaux déposent par milliers leurs 
œufs et leurs nids jusque sur les terres glacées des deux zones polaires ; ils ne 
les quittent pas en hiver, et semblent être attachés au climat où ils se trou- 
vent, et peu sensibles au changement de toute température. 


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— 265 — 


SARCELLE. 


(PL 34.) 


La sarcelle (1) a la figure d’un petit canard et la grosseur d’une perdrix. Le 
plumage du mâle, à couleurs moins brillantes que celui du canard, n’en est pas 
moins riche en reflets agréables. Le devant du corps présente un beau plas- 
iron tissu de noir sur gris, et comme maillé par petits carrés tronqués, ren- 
fermés dans de plus grands, tous disposés avec tant de netteté et d'élégance, 
qu’il en résulte l'effet le plus piquant. Les côtés du cou et les joues, jusque 
sous les yeux, sont ouvragés de petits traits de blanc, vermiculés sur un fond 
roux. Le dessus de la tête est noir, ainsi que la gorge; mais un long trait 
blanc prenant sur l'œil, va tomber au-dessous de la nuque. Des plumes lon- 
gues et taillées en pointe couvrent les épaules et retombent sur l’aile en rubans 
blancs et noirs; les couvertures qui tapissent les ailes sont ornées d’un petit 
miroir vert; les flancs et le croupion présentent des hachures de gris noirâtre 
sur gris blanc, et sont mouchetés aussi agréablement que le reste du corps. 

La parure de la femelle est bien plus simple : vêtue partout de gris et de 
gris brun, à peine remarque-t-on quelques ombres d’ondes ou de festons sur 
sa robe : il n'y a point de noir sur la gorge, comme dans le mâle, et en géné- 
ral, il y à tant de différence entre les deux sexes dans les sarcelles, comme 
dans les canards, que les chasseurs peu expérimentés les méconnaissent, et 
leur ont donné les noms impropres de fiers, rancanetles, mercanettes. 

Le mâle, au temps de la pariade, fait entendre un cri semblable à celui du 


(r) En grec, fiour:, et chez les Grecs modernes , pappi, dénomination générique, appliquée à 
toutes les espèces du genre des canards. En italien, sartella , cercedula, cercevolo, garsanello; en 
espagnol, cercela; en allemand, murentleir, mittel-entle, scheckicht-endtlin, spreuglicht.-endlie ; 
en bas allemand , crak kasona; et dans quelques endroits, comme aux environs de Sirasbourg, 
kernell, selon Gesner; en russe, tchirka; à Madagascar, sirire; dans quelques-unes de nos provinces, 
garsotte; en d’autres, halbran; dans l’Orléanais , la Champagne, la Lorraine, arcanette; dans le 
Milanais et dans notre province de Picardie, garganer. 

OISEAUX. 34 


= 266 — 


râle. La femelle ne fait guère son nid dans nos provinces, ils volent par ban- 
des dans le temps de leurs voyages, mais sans garder, comme les canards, 
d'ordre régulier ; ils prennent leur essor de dessus l’eau et s’envolent avec 
beaucoup de légèreté. Ils ne se plongent pas souvent, et trouvent à la surface 
de l’eau et vers ses bords la nourriture qui leur convient : les mouches et les 
graines des plantes aquatiques sont les alimens qu'ils choisissent de préférence. 

On servait souvent des sarcelles à la table des Romains; elles étaient assez 
estimées pour qu’on prit la peine de les multiplier, en les élevant en domesti- 


cité, comme les canards. 


SARCELLE DE LA CHINE. 


(PIS 34.) 


Cette belle sarcelle (le mâle) est très remarquable par la richesse et la sin- 
sularité de son plumage. Il est peint des plus vives couleurs, et relevé sur la 
tête par un magnifique panache vert et pourpre, qui s'étend jusqu’au-delà de 
la nuque; le cou et les côtés de la face sont garnis de plumes étroites et poin- 
tues, d'un rouge orangé; la gorge est blanche, ainsi que le dessus des yeux ; la 
poitrine est d’un roux pourpré ou vineux; les flancs sont agréablement ouvragés 
de petits liserés noirs, et les pennes des ailes élégamment bordées de traits 
blancs. Ajoutez à toutes ces beautés une singularité remarquable : ce sont 
deux plumes, une de chaque côté, entre celles de l’aile les plus près du corps, 
qui, du côté extérieur de leur tige, portent des barbes d’une longueur extraor- 
dinaire, d'un beau roux orangé, liseré de blanc et de noir sur les bords, et 
qui forment comme deux éventails ou deux larges ailes de papillon relevées 
au-dessus du dos. 

Les belles couleurs de ces oiseaux ont frappé les yeux des Chinois; ils les 
ont représentés sur leurs porcelaines et sur leurs plus beaux papiers. La fe- 
melle, qu'ils y représentent aussi, y paraît toujours toute brune, et c’est en 
effet, sa couleur, avec quelque mélange de blanc. Tous deux ont également le 
bec et Les pieds rouges. 


— 267 — 


Cette belle sarcelle se trouve au Japon comme à la Chine; car on la recon- 
naît dans l'oiseau Æëmnodsur. 


SARCELLE BLANCHE ET NOIRE. 


(PI. 34.) 


Une robe blanche, un bandeau blanc, avec coiffe et manteau noirs, ont 
fait donner le surnom de religieuse à cette sarcelle de la Louisiane, dont la 
taille est à-peu-près celle de notre sarcelle. Le noir de sa tête est relevé d’un 
lustre de vert et de pourpre; et le bandeau blanc l'entoure par derrière depuis 
les yeux. Les pêcheurs de Terre-Neuve appellent cet oiseau l'esprit, je ne sais 
par quelle raison, si ce n’est qu'étant très vif plongeur, il peut reparaitre, 
l'instant après avoir plongé, à une très grande distance; faculté qai a pu réveil- 
ler dans l'imagination du vulgaire les idées fantastiques sur les apparitions des 
esprits. 


SARCELLE ROUSSE. 


(P12572) 


Celle-ci est un peu plus grande que la précédente, et en diffère beaucoup 
par les couleurs; mais elle s’en rapproche par le caractère de la queue longue, 
et de ses pennes terminées en pointe, sans cependant avoir le brin effilé aussi 
nettement prononcé. La sarcelle rousse a le dessus de la tête, la face et la 
queue noirâtres ; l'aile est de la même couleur, avec quelques reflets bleus et 
verts, el porte une tache blanche; le cou est d’un beau roux marron; les flancs 


— 268 — 


sont teints de cette même couleur , et le dessus du corps en est ondé sur du 
noirâtre. 
Cette sarcelle se rencontre dans la Guadeloupe. 


OIE DE GUINÉE. 


(PI, 35.) 


La taille de l’oie de Guinée surpasse celle des autres oies. Son plumage est 
gris brun sur le dos, gris blanc au devant du corps, le tout également nué de 
gris roussâtre , avec une teinte brune sur la tête et au-dessus du cou. Elle res- 
semble à l’oie sauvage par les couleurs du plumage : la grandeur de son 
corps et le tubercule élevé qu’elle porte sur la base du bec l’approchent un 
peu du cygne. L'Afrique, et peut-être les autres terres méridionales de l’ancien 
continent, paraissent être leur pays natal. 

Non-seulement cette oie des pays chauds produit en domesticité dans des 
climats plus froids, mais elle s'allie avec l'espèce commune dans nos contrées; 
et, de ce mélange, il résulte des métis qui prennent de notre oie le bec et les 
pieds rouges, mais qui ressemblent à leur père étranger par la tête, le cou et 
la voix forte, grave, et néanmoins éclatante. Le bec est noir et armé, sur ses 
bords, de petites dentelures; la langue est garnie de papilles aiguës ; le tuber- 
cule qui surmonte le bec est d’un rouge vermeil. Cet oiseau porte la tête haute 
en marchant ; son beau port et sa grande taille lui donnent un air assez noble. 
L’oie de Guinée se trouve en France comme en Allemagne, en Suède et Sibérie. 


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— 269 — 


OIE D'ÉGYPTE. 


(PL 35.) 


Cette oie est moins grande que l’oie sauvage; son plumage est richement 
émaillé et agréablement varié; une large tache d’un roux vif se remarque sur 
la poitrine ; et tout le devant du corps est orné, sur un fond gris blanc, d’une 
hachure très fine de petits zigzags d’un cendré teint de roussâtre. Le dessus du 
dos est ouvragé de même , mais par zigzags plus serrés, d’où résulte une teinte 
de gris roussâtre plus foncé; la gorge, les joues et le dessus de la tête sont 
blancs ; le reste du cou et le tour des yeux sont d’un beau roux ou rouge bai, 
couleur qui teint aussi les pennes de l’aile voisines du corps; les autres pennes 
sont noires; les grandes couvertures sont chargées d’un reflet vert bronzé sur 
un fond noir; et les petites, ainsi que les moyennes, sont blanches; un petit 
ruban noir coupe l'extrémité de ces dernières. 

Cette oïe d'Egypte se porte ou s’égare dans ses excursions quelquefois très 
loin de sa terre natale , car nous en avons vu qui avaient été tuées en France, 
et, d’après la dénomination que Ray donne à cette oie, elle doit aussi quelque- 
fois se rencontrer en Espagne. 


BERNACHE. 


La bernache (4) est de la famille de l’oie. Elle a la taille plus petite et plus 
légère, le cou plus grèle, le bec plus court et les jambes proportionnellement 


(r) En anglais, bernacle, scoth-goose ; en allemand, baum-ganss. Quelquefois on a désigné la 


— 270 — 


plus hautes que l’oie ; mais elle en a la figure , le port et toutes les proportions 
de la forme. Son plumage est agréablement coupé par de grandes pièces de 
blanc et de noir ; elle a la face blanche+t deux petits traits noirs de l’œil aux 
narines ; un domino noir couvre le cou et vient tomber , en se coupant en rond, 
sur le haut du dos et de la poitrine ; tout le manteau est richementondé de gris 
et de noir, avec un frangé blanc; et tout le dessous du corps est d’un beau 
blanc moiré. 

Parmi les fausses merveilles que l'ignorance a si long-temps mises à la place 
des faits simples et vraiment admirables de la nature, l’une des plus absurdes 
peut-être, et cependant des plus célébrées, est la prétendue production des 
bernaches et des macreuses dans certains coquillages appelés conques anati- 
fères , sur certains arbres des côtes d’Ecosse et des Orcades, ou même dans les 
bois pourris des vieux navires. 

Quelques auteurs ont écrit que les fruits dont la conformation offre d'avance 
des linéamens d’un volatile, tombés dans la mer, s’y convertissent en oiseaux. 
Munster, Saxon le grammairien et Scaliger l’assurent ; Fulgose dit même que 
les arbres qui portent ces fruits ressemblent à des saules, et qu’au bout de leurs 
branches se produisent de petites boules gonflées , offrant l'embryon d’un ca- 
nard qui pend par le bec à la branche, et que lorsqu'il est mùr et formé, il 
tombe dans la mer et s'envole. Vincent de Beauvais aime mieux l’attacher au 
tronc et à l'écorce , dont il suce le suc , jusqu'à ce que, déjà grand et tout cou- 
vert de plumes, il s’en détache. ; 

Leslæus , Majolus, Oderic, Torquemada , Chavasseur, l'évêque Olaüs et un 
Savant cardinal attestent tous cette étrange génération ; et c’est pour la rappe- 
ler que l’oiseau porte le nom d'anser arboreus, et l'une des îles Orcades, où 
ce prodige doit s’opérer, celui de ?omonta, 

Pour Cambden, Boëtius et Turnèbe , c'est dans les vieux mâts et autres dé- 
bris des navires tombés et pourris dans l’eau, qu'ils se forment d’abord comme 
de petits champignons ou de gros vers, qui, peu-à-peu se couvrant de duvet 
et de plumes , achèvent leur métamorphose en se changeant en oiseaux. 

Enfin chez Cardan, Gyraldus et Mayer qui a écrit un traité exprès sur cet 
oiseau sans père ni mère, Ce ne sont ni des fruits ni des vers, mais des coquilles 
qui l’enfantent. Voilà sans doute bien des erreurs sur l’origine des bernaches : 
mais comme ces fables ont eu beaucoup de célébrité, j'ai cru devoir les rap- 


bernache sous le nom de cravant. Barnacle est le nom écossais de l’anser leucopsis, où bernache pro— 


prement dite. Xlake, en cette langue, signifie une oïe. 


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porter , afin de montrer à quel point une erreur scientifique peut être con- 
tagieuse. 

Plusieurs anciens naturalistes ont rejeté ces contes et reconnu que les préten- 
dues conques anatifères ne contiennent qu'un animal à coquille d’une espèce 
particulière. La description que Wormius, Lobel et d’autres font des conques 
anatifères, et les figures qu’en donnent Aldrovande et Gesner, font très bien re- 
connaître les coquillages appelés pousse-pieds. Ces coquillages, par leur adhé- 
sion à une tige commune, auront pu offrir à des imaginations prévenues les 
traits d’embryons d'oiseaux attachés et pendans à des branches. 

Ænéas Silvius raconte que se trouvant en Écosse, et demandant avec empres- 
sement d’être conduit aux lieux où se faisait la merveilleuse génération des ber- 
naches , il lui fut répondu que ce n'était que plus loin, aux Hébrides ou aux 
Orcades , qu'il pourrait en être témoin : et il ajoute spirituellement qu'il vit bien 
que le miracle reculait à mesure qu’on cherchait à en approcher. 

Comme les bernaches ne nichent que fort avant dans les terres du Nord, les 
Hollandais , dans une navigation au 80° degré, furentles premiers qui les trou- 
vèrent. Ces oiseaux se rendent en Irlande , et particulièrement dans la baie de 
Loughfoyle, près de Londonderry. Il est rare qu’ils descendent jusqu’en France: 
néanmoins il en a été tué un en Bourgogne, où des vents orageux l’avaient jeté 


au fort d’un rude hiver. 


EIDER. 


(PI. 35.) 


L’eider (1) est à-peu-près gros comme l'oie; il a le dos blanc etle ventre 
noir, ou d’un brun noirâtre : le haut de la tête, ainsi que les pennes de Ia 
queue et des ailes, sont de cette même couleur, à l'exception des plumes les 
plus voisines du corps, qui sont blanches. On voit, au bas de la nuque, une 


(1) Par quelques-uns, oie à duvet, canard à duvet ; en allemand, eyder-ente, eyder-gans, eyder- 


vogel ; en anglais cutbert.duck, edder-fowt, 


RE 


large plaque verdâtre, et le blanc de la poitrine est lavé d’une teinte briquetée 
ou vineuse. La femelle est moins grande que le mâle, et tout son plumage est 
uniformément teint de roussâtre et de noirâtre, sur un fond gris brun. Dans 
les deux sexes, on remarque des échancrures en petites plumes rases comme 
du velours, qui s'étendent du front sur les deux côtés du bec. 

C'est cet oiseau qui donne ce duvet si doux, si chaud etsi léger, connu 
sous le nom d’eider-don; ou duvet d’eider, dont on a fait ensuite édre-don, ou 
par corruption aigle-don ; sur quoi l’on a faussement imaginé que c'était d’une 
espèce ‘aigle que se tirait cette plume délicate et précieuse. 

Le duvet de l’eider est très estimé, et sur les lieux même, en Norwège et en 
Islande, il se vend très cher. Cette plume est si élastique et si légère, que 
deux ou trois livres, en la pressant et la réduisant en une pelote à tenir dans 
la main, vont se dilater jusqu’à remplir et renfler le couvre-pied d’un grand lit. 

Le meilleur duvet, que l’on nomme duvet vif, est celui que l’eider s’arrache 
pour garnir son nid, et que l’on recueille dans ce nid même. Le duvet pris sur 
le corps mort est moins bon que celui qui se ramasse dans les nids : soit que, 
dans la saison de la nichée , ce duvet se trouve dans toute sa perfection, soit 
qu’en effet l'oiseau ne s’arrache que le duvet le plus fin et le plus délicat, qui 
est celui qui couvre l'estomac et le ventre. 

Il faut avoir attention de ne le chercher et ramasser dans les nids qu'après 
quelques jours de temps sec et sans pluie. 

Les œufs sont au nombre de cinq ou six, d’un vert foncé, et fort bons à 
manger. Lorsqu'on les ravit , la femelle se plume de nouveau pour garnir son 
nid et fait une seconde ponte, mais moins nombreuse que la première. Si l’on 
dépouille une seconde fois son nid, comme elle n’a plus de duvet à fournir , le 
mâle vient à son secours , et se déplume le ventre , c’est par cette raison que 
le duvet que l’on trouve dans ce troisième nid est plus blanc que celui qu’on 
recueille dans le premier. Mais, pour faire cette troisième récolte, on doit atten- 
dre que la mère eider ait fait éclore ses petits; car si on lui enlevait cette der- 
nière ponte, qui n’est plus que de deux ou trois œufs , ou même d’un seul, elle 
quitterait pour jamais la place. Si on la laisse enfin élever sa famille, elle 
reviendra l’année suivante, en ramenant ses petits, qui formeront de nouveaux 
couples. 

En Norwège et en Islande, c’est une propriété qui se garde soigneusement 
et se transmet par héritage , que celle d’un canton où les eiders viennent d’ha- 
bitude faire leurs nids. Les [Islandais font tout ce qu’ils peuvent pour attirer les 
eiders chacun dans leur terrain ; et quand ils voient que ces oiseaux commen- 


cent à s’habituer dans quelques-unes des petites îles où ils ont des troupeaux, 
ils font bientôt repasser troupeaux et chiens dans le continent, pour laisser le 
champ libre aux eiders, et les engager à s'y fixer. 

Ces peuples ont même formé, à force de travail, plusieurs petites Îles, en 
coupant et séparant de la grande divers promontoires ou langues deterre avan- 
cées dans la mer. C’est dans ces retraites de solitude et de tranquillité que 
les eiders aiment à s'établir. 

Tout ce qui se recueille du duvet est vendu annuellement aux marchands 
danois et hollandais, qui vont l'acheter à Drontheim et dans les autres ports de 
Norwège et d'Islande. Sous ce rude climat, le chasseur robuste, retiré sous 
une hutte , enveloppé de sa peau d'ours, dort d’un sommeil tranquille et pro- 
fond , tandis que le mol édredon dont il n’a pas voulu pour lui, transporté 
chez nous sous des lambris dorés, appelle en vain le sommeil sur la tête tou- 
jours agitée de l’homme ambitieux. 

On voit, dans le temps des nichées, des eiders mâles qui volent seuls, et 
n’ont point de compagnes ; ce sont ceux qui n’ont pas trouvé à s’apparier, le 
nombre des femelles étant dans cetté espèce plus petit que celui des mâles. 

Au temps de la pariade, on entend continuellement le mâle crier ha ho, 
d'une voix rauque et comme gémissante ; la voix de la femelle est semblable à 
celle de la cane commune. Le premier soin de ces oiseaux est de chercher à 
placer leur nid à l'abri de quelques pierres ou de quelques buissons, et parti- 
culièrement des genévriers. Le mâle travaille avec la femelle, et celle-ci s’ar - 
rache le duvet et l’entasse jusqu’à ce qu'il forme tout alentour un gros bourrelet 
renflé, qu'elle rabat sur ses œufs quand elle les quitte pour aller prendre sa 
nourriture. Le mâle ne l’aide point à couver, et fait seulement sentinelle aux 
environs pour avertir si quelque ennemi paraît. Les corbeaux cherchent les œufs 
ec tuent les petits : aussi la mère se hâte-t-elle de faire quitter lenid à ceux-ci 
peu d'heures après qu'ils sont éclos, les prenant sur son dos, et d’un vol doux, 
les transportant à la mer. 

À ce moment le mâle la quitte, et ni les uns ni les autres ne reviennent plus 
à terre; mais plusieurs couvées se réunissent en mer, et forment des troupes 
de vingt ou trente petits avec leurs mères, qui les conduisent et s'occupent à 
battre l’eau pour faire remonter , avec la vase et le sable du fond , les insectes 
et menus coquillages dont se nourrissent les petits, trop faibles encore pour 
plonger. On trouve ces jeunes oiseaux en mer dans le mois de juillet et même 
dés le mois de juin, et les Groënlandais comptent leur temps d’été par l'âge des 
jeunes eiders. 


OISEAUX, 35 


— 974 — 


L’eider plonge très profondément à la poursuite des poissons ; il se repaît 
aussi de moules et d’autres coquillages , et se montre très avide des boyaux de 
poisson que les pêcheurs jettent de leurs barques. 

Les eiders voyagent, et non-seulement quittent un canton pour passer dans 
un autre, mais aussi s’avancent assez avant en mer pour que l'on ait pu croire 
qu'ils passaient du Groënland en Amérique. Il s’en trouve jusqu’au Spitzherg , 
car on reconnait leider dans le canard de montagne de Martens. 


CANARD COMMUN. 


(PI, 36 el 30.) 


Le bec du canard (1) comme celui du cygne et de toutes les espèces d’oies, 
est large , épais, dentelé par les bords, garni intérieurement d’une espèce de 
palais charnu , rempli d’une langue épaisse et terminé, à sa pointe, par un on- 
glet corné , de substance plus dure que le reste du bec. Tous ces oiseaux ont la 
queue très courte, les jambes placées fort en arrière et presque engagées dans 
l'abdomen. De cette position des jambes résulte la difficulté de marcher et de 
garder l'équilibre sur terre, ce qui leur donne des mouvemens mal dirigés , 
une démarche chancelante, un air lourd qu’on prend pour de la stupidité , tan- 
dis qu’on reconnaît au contraire par la facilité de leurs mouvemens dans l’eau, 


la force , la finesse et même la subtilité de leur instinct. 


(x) La femelle , cane ; Îe petit, caneton et halbran ; par leslatins, anas ; en italien, axitra, anatre, 
anadra; en espagnol , anade; en allemand , ent,endt, et autrefois, ant, ant-vogel; le mâle, racha, 
actscha , par rapport à sa voix enrouée, et par composition etcorruption , extrack , entrich; la fe— 
melle , erdre ; en Flamand , aente , aende ; en hollandais , le mâle, woordt ou waerdt; la femelle, 
eendt; en anglais, duck wild-duck(le sauvage), tame-duck (le privé ). 

En Normandie , suivant M. Salerne . le canard mâle s'appelle, malart, la cane bourre, et le petit 
bourret (ces noms appartiennent à la race domestique). Les Allemands les désignent sous les noms de 
haus-endte , zam-ente ; les Italiens sous ceux que nous avons déjà cités, et plus particulièrement de 
anitra domestica, Les dénominations suivantes désignent la race sauvage: en allemand , wildeendie, 
mertb-endte, gross-endte, hagrent ; sur le lac de Constance, lass-ent ; et sur le lac Majeur , spiegel. 


ent ; en italien , aritra salyatica, cesone. 


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— 975 — 


L'homme a fait une double conquête , lorsqu'il s’est assujetti des animaux ha- 
bitansà-la-fois et des airset de l'eau. Libres sur ces deux vastes élémens, égale- 
ment prompts à prendre les routes de l'atmosphère, à sillonner celles de la mer 
ou plonger sous les flots, les oiseaux d’eau semblaient devoir lui échapper à ja- 
mais, ne pouvoir contracter de société ni d'habitude avec nous, rester enfin 
éternellement éloignés de nos habitations, et même du séjour de la terre. 

Ils n’y tiennent, en effet, que par le seul besoin d’y déposer leur progéniture ; 
mais c’est par ce besoin même, et par ce sentiment si cher à tout ce qui respire, 
que nous avons su les captiver sans contrainte , les approcher de nous, et, par 
l'affection à leur famille, les attacher à nos demeures. 

Des œùfs enlevés sur les eaux, du milieu des roseaux et des jones, et don- 
nés à couver àune mère étrangère qui les adoptait, ont d’abord produitdans nos 
basses-cours des individus sauvages, farouches fugitifs et sans cesseinquiets de 
trouver leur séjour de liberté ; mais ces mêmes oiseaux, etmieux encore leurs 
descendars , sont devenus insensiblement plus doux, plus traïtables, et ont 
produit sous nos yeux des races privées. L'éducation dela famille rend en effet 
l'affection des parens plus profonde, et lacommunique aux petits qui citoyens, 
par naissance , d’un séjour adopté par leurs parens, ne cherchent point à en 
changer ; n’ayant aucune idée d’un état différent ni d’un autre séjour, ils s’atta- 
chent au lieu où ils sont nés comme à leur patrie, et cette terre natale leur est 
chère à eux-mêmes qui l’habitent en esclaves. 

L'espèce du canard est partagée en deux grandes tribus ou races distinctes, 
dont l’une; depuis long-tempsprivée , se propage dans nos basses-cours , en y 
formant une des plus nombreuses familles de nos volailles; et l’autre nous 
fuit constamment, se tient sur les eaux, ne fait, pour ainsi dire, que passer 
et repasser en hiver dans nos contrées ; et s’enfonce au printemps dans les 
régions du Nord, pour y nicher sur les terres les plus éloignées de l'empire de 
l’homme. 

C’est vers le 15 octobre que paraissent en France les premiers canards : 
leurs bandes , d’abord petites et peu fréquentes, sont suivies, en novembre, 
par d’autres plus nombreuses. On reconnaît ces oiseaux dans leur vol élevé, 
aux lignes inclinées et aux triangles réguliers que leur troupe trace par sa dis- 
position dans l'air. 

On prend les canards sauvages au moyen d’hamecçons amorcés de mou de 
veau, et attachés à un cerceau flottant. Cette chasse est partout une des plus 
intéressantes de l'automne et du commencement de l'hiver. 

De toutes nos provinces, la Picardie est celle où l'éducation des canards 


— 276 — 


domestiques est la mieux soignée, est où la chasse des canards sauvages est Ia 
plus fructueuse ; cette chasse s’y fait en grand et dans des anses ou petits gol- 
fes’disposés naturellement , ou coupés avec art le long de la rive des eaux et 
dans l'épaisseur des roseaux. 

La pariade dure environ trois semaines. La femelle perce les touffes de joncs, 
s'y enfonce et les arrange en forme de nid ; quoique la cane sauvage place de 
préférence sa nichée près des eaux, on ne laisse pas d’en trouver dans les 
bruyères ou dans les champs, sur les tas de paille que le laboureur y élève en 
meules. On trouve ordinairement dans chaque nid dix, quinze et quelquefois 
dix-huit œufs. On a observé que la ponte des vieilles femelles est plus nom- 
breuse et commence plus tôt que celle des jeunes. 

Le mâle ne paraît pas remplacer la femelle dans le soin de la couvée; seu- 
lement il se tient à peu de distance : il l’accompagne lorsqu'elle va chercher sa 
nourriture , et la défend de la persécution des autres mâles. L’incubation dure 
trente jours. Tous les petits naissent dans la même journée, et dès le lende- 
main la mère descend du nid et les appelle à l’eau. Une fois sortis du nid, 
ils n'y rentrent plus. Le soir, la mère les rallie et les retire dans les roseaux, où 
elle les réchauffe sous ses ailes pendant la nuit: tout le jour ils guettent les 
moucherons et autres menus insectes qui font leur première nourriture ; on les 
voit plonger, nager et faire mille évolutions sur l'eau, avec autant de vitesse 
que de facilité. 

Pour élever des canards , il faut les établir dans un lieu voisin des eaux, et 
où des rives spacieuses et libres en gazons et en grèves , leur offrent de quoi 
paitre, se reposer et s'ébattre ; lorsque le lieu ne fournit pas naturellement 
quelque courant ou nappe d’eau , il faut y creuser une marre, dans laquelle les 
canards puissent barboter , nager, se laver et se plonger, exercices absolu- 
ment nécessaires à leur vigueur et même à leur santé. 

Ilne faut pas que l’eau sur laquelle on établira les canards soit infectée de 
sangsues, elles font périr les jeunes en s’attachant à leurs pieds; et pour les 
détruire, on peuplera l'étang de tanches ou d’autres poissons qui en font leur 
pature. 

Le temps de l'éclosion est de plus de quatre semaines ; ce temps est le 
même lorsque c’est une poule qui a couvé les œufs : la poule s'attache par ce 
soin et devient pour les petits canards une mère étrangère, mais qui n’en est 
pas moins tendre ; on le voit par sa sollicitude et ses alarmes, lorsque, con- 
duits pour la première fois au bord de l’eau , ils sentent leur élément et s’y jet- 
tent poussés par l'impulsion de la nature, malgré les cris redoublés de leur 


— 977 — 


conductrice qui, du rivage, les rappelle en vain, en s’agitant et se tourmen- 
tant comme un mère désolée. 

La première nourriture qu'on donne aux jeunes canards est la graine de 
millet ou de panis, et bientôt on peut leur jeter de l’orge : leur voracité natu- 
relle se manifeste presque en naissant : jeunes ou adultes , ils ne sont jamais 
rassasiés : ils avalent tout ce qui se rencontre, comme tout ce qu'on leur 
présente; ils déchirent les herbes, ramassent les graines , ils gobent les in- 
sectes et pêchent les petits poissons , le corps plongé perpendiculairement et la 
queue seule hors de l’eau; ils se soutiennent dans celte attitude forcée pendant 
plus d’une demi-minute par un battement continuel des pieds. 

Les petits canards acquièrent en six mois leur grandeur et toutes leurs cou - 
leurs : ils ont la tête lustrée d’un vert d'émeraude, l'aile ornée d’un brillant 
miroir. Le demi-collier blanc au milieu du cou, le beau brun pourpré de la 
poitrine et les couleurs des autres parties du corps sont assortis, nuancés, el 
font en tout un beau plumage qui est assez connu. 

Ces belles couleurs n’ont toute leur vivacité que dans les mâles de la race 
sauvage ; elles sont toujours plus ternes el moins distinctes dans les canards 
domestiques. | 

En effet, comme tous les autres oiseaux privés, les canards ont subi les in- 
fluences de la domesticité ; les couleurs du plumage se sont affaiblies, et quel- 
quefois même entièrement effacées ou changées: on en voit de plus ou moins 
blancs , bruns, noirs ou mélangés ; d’autres ont pris des ornemens étrangers à 
l'espèce sauvage : telle est la race qui porte une huppe. 

La chair du canard est, dit-on, pesante et échauffante; cependant on en 
fait grand usage, et l’on sait quela chair du canard sauvage est plus fine et 
de bien meilleur goût que celle du canard domestique. Les anciens le savaient 
comme nous, car l’on trouve dans Apicius jusqu’à quatre différentes manières 
de l’assaisonner. 


— 278 — 


SIFFLEUR. 


(PI. 36.) 


Le canard siffleur (1) porte une huppe, et il est de la taille de notre canard 
sauvage. Il à toute la tête coiffée de belles plumes rousses, déliées et soyeuses, 
relevées sur le front et le sommet de la tête en une touffe chevelue. Les joues, 
. la gorge et le tour du cou sont roux , comme la tête : le reste du cou, la poi- 
trine et le dessus du corps sont d’un noir qui, sur le ventre , est légèrement 
ondé ou nué de gris; il y a du blanc aux flancs et aux épaules, et le dos est 
d’un gris brun; le bec et l'iris de l'œil sont d’un rouge de vermillon. 

Une voix claire et sifflante, que l’on peut comparer au son aigu d’un fifre, 
distingue ce canard de tous les autres qui ont la voix enrouée et presque croas- 
sante. Comme il siffle en volant et très fréquemment, il se fait entendre sou- 
vent et reconnaître de loin ; il prend ordinairement son vol le soir et même la 
nuit; ila l’air plus gai que les autres canards : il est très agile et toujours en 
mouvement. Sa taille est au-dessous de celle du canard commun. 

Les canards siffleurs volent et nagent toujours par bandes. Il en passe 
chaque hiver quelques troupes dans la plupart de nos provinces, même dans 
celles qui sont éloignées de la mer, comme en Lorraine, en Brie. 

Ces oiseaux voient très bien pendant la nuit, à moins que l'obscurité ne soit 
totale; ils cherchent la même pâture que les canards sauvages, et mangent 
comme eux les graines de jones et d’autres d'herbes, les insectes, les crustacés, 
les grenouilles et les vermisseaux. Plus le vent estrude, plus on voit de ces 
canards errer. Ils se tiennent bien à la mer et à l'embouchure des rivières 
malgré le gros temps, et sont très durs au froid. 

Ils partent régulièrement vers la fin de mars , par les vents de sud; aucun 
ne reste ici. 

(r) En quelques-unes de nos provinéæs, le canard siffleur s'appelle oignard; en Basse-Picardie, 
oigne; en Basse-Bretagne penru, ce qui veut dire téte rouge ; sur la côte du Croisic on l'appelle 
moreton, nom appliqué ailleurs au millouin ; en catalan, piulla ; vers Strasbourg, schmey et pfir- 


ente ; en Stésie , pfcif-endtlin ; en suédois, wri-and: en anglais, whim, Wwigeon, common Wigeon , 


wehewer. 


LS Coeurs 


= 07e 


CANARD HUPPÉ. 


(PI. 36.) 


Leriche plumage de ce beau canard paraît être une parure recherchée que 
sa coiffure élégante assortit et rend plus brillante ; une pièce d’un beau roux 
moucheté de petits pinceaux blancs couvre le bas du cou et la poitrine, l’aile 
est recouverte de plumes d’un brun qui se fond en noir, et celles des flancs, très 
finement licerées de petites lignes noirâtres, sur un fond gris, sont rubanées à 
la pointe de noir et de blanc. 

Le dessous du corps du canard huppé est gris blanc de perle; un petit tour 
de cou blanc remonte en mentonnière sous le bec et jette une échancrure sous 
l'œil, le dessus de la tête est relevé d’une superbe aigrette de longues plumes 
blanches, vertes et violettes, pendantes en arrière comme une chevelure, le 
front et les joues brillent d’un lustre de bronze ; l'iris de l’œil est rouge ; le bec 
de même avec une tache noire au-dessus. 

Ce beau canard est moins grand que le canard commun; et sa femelle est 
aussi simplement vêtue qu'il est pompeusement paré : elle est presque toute 
brune. Ces oiseaux aiment à se percher sur les plus hauts arbres ; d’où vient 
que plusieurs voyageurs les indiquent sous le nom de canards branchus. 


CHIPEAU OÙ RIDENNE. 


(PI, 36.) 


Le canard appelé chipeau (1) n’est pas si grand que notre canard sauvage. Îl 


(x) S'appelle ridelle ou ridenne, en Picardie ; en anglais, gadival ou gray ; en allemand, schnarr 


ou schnerr-endte ,schnatter-endte, et par quelques-uns einer, 


— 280 — 


a la tête finement mouchetee et comme piquetée de brun noir et de blanc, la 
teinte noirâtre dominant sur le haut de la tête et le dessus du cou ; la poitrine 
est richement festonnée ou écaillée , et le dos et les flancs sont tous vermiculés 
de ces deux couleurs; sous l’aile sont trois taches ou bandes, l’une blanche, 
l’autre noire, et la troisième d’un beau marron rougeâtre. La voix de ce 
canard ressemble fort à celle du canard sauvage; elle n’est ni plus rauque ni 
plus bruyante. 

Le chipeau est aussi habile à plonger qu’à nager ; il évite le coup de fusil en 
s'enfonçant dans l’eau. Il paraît craintif et vole peu durant le jour; il se tient 
api dans les jones, et ne cherche sa nourriture que de grand matin ou lesoir, 
et même fort avant dans la nuit: on l'entend alors voler en compagnie des sif- 
fleurs ; et, comme eux, il se prend à l’appel des canards privés. Les canards 
chipeaux arrivent sur nos côtes de Picardie au mois de novembre, par les 
vents de nord-est; et lorsque ces vents se soutiennent pendant quelques jours , 
ils ne font que passer et ne séjournent pas. Dès la fin de février, aux premiers 
vents du sud, on les voit repasser retournant vers le nord. 

Le mâle est toujours plus gros et plus beau que la femelle: il a, comme les 
canards millouins et siffleurs mâles , le dessous de la queue noir, et dans les 
femelles cette partie du plumage est toujours de couleur grise. 

Le bec de cet oiseau est noir, ses pieds sont d’un jaune sale d'argile, avec 
les membranes noires. Le mâle à vingt pouces du bec à la queue, et dix-neuf 
pouces jusqu’au bout des ongles; son vol est de trente pouces. 


MILLOUIN. 


Le millouin (1) est ce canard que Belon désigne sous le nom de cane à tête 
rousse. [1 à la tête et une partie du cou d’un brun roux ou marron; cette cou- 


(x) En Brie, moreion; en Bourgogne, rougeo ; en catalan bui-xot ; dans le Bolonais co/lo rosso, 
en allemand, rot-hals, rot-ent., mittel-ente , wilde-grawe endt, braun koepfichte endte; en anglais, 
pochard, red-leadead widgcon, common grey widgeon. 


e 


— 9281 — 


leur coupée en rond au bas du cou est suivie par du noir qui se coupe de même 
en rond sur la poitrine et le haut du dos: l'aile est d’un gris teint de noirûtre et 
sans miroir; le dos et les flancs sont joliment ouvragés d’un liseré très fin, qui 
court transversalement par petits zigzags noirs dans un fond gris de perle, la 
tête de la femelle n’est pas rousse comme celle du mâle, et n’a que quelques 
taches roussâtres. 

Le millouin est de la grandeur du tadorne , mais sa taille est plus lourde; sa 
forme trop ronde lui donne un air pesant ; il marche avec peine et de mauvaise 
grace , et il est obligé de battre de temps en temps des ailes pour conserver l’é 
quilibre sur terre. 

Son cri ressemble plus au sifflement grave d’un gros serpent qu’à la voix d’un 
oiseau; son bec large et creux est très propre à fouiller dans la vase , pour y 
trouver des vers et pour pêcher des petits poissons et des crustacés. 

Ces oiseaux appartiennent au nord, ils mangent beaucoup et digèrent aussi 
promptement que le canard. 

L'espèce du millouin est, après celle du canard sauvage, la plus nombreu:e. 
Il arrive en Brie, à la fin d'octobre, par troupes de vingt à quarante, il a le 
vol plus rapide que le canard, etle bruit que fait son aile est tout différent; la 
troupe forme en l’air un peloton serré, sans former des triangles comme les ca- 
nards sauvages. À leur arrivée ils sont inquiets, ils s’abattent sur les grands 
étangs ; l'instant d’après ils en partent, en font plusieurs fois le tour au vol, se 
posent une seconde fois pour aussi peu de temps, disparaissent, reviennent une 
heure après, et ne se fixent pas davantage. 


On ne les approche pas facilement sur les grands étangs. 


TADORNE. 


Le tadorne (1) est le seul palmipède auquel on puisse trouver avec le renard 


un rapport singulier , qui est de se giter comme lui dans un terrier. C'est sans 


(x) Enlatin, vulpanser et anas strepera ; en allemand, bergenten et fuchs-gans, noms qui répon- 


OISEAUX, 36 


— 282 — 


doute pour cette habitude naturelle qu’on a désigné le tadorne par la dénomi - 
‘nation de renard-ote; non-seulement cet oiseau gîte comme le renard, mais 
il niche et fait sa couvée dans des trous qu’il dispute et enlève ordinairement 
aux lapins. 

Elien attribue au vulpanser l'instinct de venir, comme la perdrix, s'offrir 
sous les pas du chasseur pour sauver ses petits ; les Egyptiens, qui avaient mis 
cet oiseau au nombre des animaux sacrés, le figuraient dans les hiéroglyphes 
pour signifier la tendresse généreuse d’une mère. 

Les dénominations données à cet oiseau dans les langues du nord, fuche- 
gans ou plutôt fuchs-ente en allemand (canard-renard ) , en anglo-saxon ber- 
gander (canard montagnard), en anglais burrough-duck (canard-lapin ), 
n’altestent pas moins que son ancien nom l'habitude singulière de demeurer 
dans des terriers pendant tout le temps de la nichée. Il est un peu plus grand 
que le canard commun , et il a les jambes un peu plus hautes ; mais, du reste, 
sa figure, son port et sa conformation sont semblables, et il n’en diffère que 
par son bec, qui est plus relevé, et par les couleurs de son plumage, qui sont 
plus vives, plus belles, et qui, vues de loin , ont le plus grand éclat. La femelle 
est sensiblement plus petite que le mâle, auquel du reste elle ressemble même 
parles couleurs ; on remarque seulement que les reflets verdàtres de la tête et 
des ailes sont moins apparens que dans le mâle. 

Le duvet de ces oiseaux est très fin et très doux: les pieds et leurs mem- 
branes sont de couleur de chair. Le bec est rouge, mais l’onglet de ce bec et 
les narines sont noirs. 

Les tadornes que nous avons vus ne nous ont pas paru d’un naturel sauvage ; 
ils se laissaient prendre aisément et ne faisaient presque pas d'efforts pour s’é- 
chapper. Ils mangeaient du pain, du son, du blé, et même des feuilles de 
plantes et d’arbrisseaux. Leur cri ordinaire est assez semblable à celui du ca- 
nard. Ils se baignent fort souvent, surtout dans les temps doux et à l’approche 
de la pluie ; ils nagent ense berçant sur l’eau; et lorsqu'ils abordent à terre, 
ils se dressent sur leurs pieds, battent des ailes etse secouent comme les ca- 
nards , ils arrangent aussi très souvent leur plumage avec le bec. 

Ainsi les tadornes , qui ressemblent beaucoup aux canards par la forme du 
corps, leur ressemblent aussi par les habitudes naturelles. Comme ils ne sont 
pas difficiles à priver, que leur beau plumage se remarque de loin et fait untrès 


dent à celui de vu/panser; en anglais, schel-drake, burrough-duck, berg-ander; sur nos côtes de Pi- 


cardie, Lerclan. 


— 9283 — 


bel effet sur les pièces d'eau, il serait à desirer que l’on püt obtenir une race 
domestique de ces oiseaux; mais ce ne pourrait être que dans les terrains très 
voisins des eaux salées qu’on pourrait tenter leur multiplication en domesticité 
avec espérance de succès. 


MACREUSE. 


(BIS 7e) 


On a prétendu que les macreuses (1) naïssaient comme les bernaches, dans 
des coquilles ou dans du bois pourri : nous avons suffisamment réfuté ces fables. 
Les macreuses pondent, nichent et naissent comme les autres oiseaux ; elles 
habitent de préférence les terres et les îles les plus septentrionales, d’où elles 
descendent en grand nombre le long des côtes d’Ecosse et de l'Angleterre, et 
arrivent sur les nôtres en hiver, pour y fournir un assez triste gibier. 

Le plumage de la macreuse est noir: sa taille est à-peu-près celle du canard 
commun, mais elle est plus ramassée et plus courte ; l'extrémité de la partie su- 
périeure du becn'’est pas terminée par un onglet corné, comme dons toutes les 
espèces de ce genre : dans le mâle, la base de cette partie, près de la tête, est 
considérablement gonflée, et présente deux tubercules de couleur jaune; les 
paupières sont de cette même couleur ; les doigts sont très longs. 

Les vents du nord et du nord-ouest amènent le long de nos côtes de Picardie, 
depuis le mois de novembre jusqu’en mars, des troupes prodigieuses de ma- 
creuses ; la mer en est, pour ainsi dire, couverte. Dès qu'une macreuse plonge, 
toute la bande l’imite et reparaît quelques instans après. 

La nourriture favorite des macreuses est une espèce de coquillage bivalve 
lisse et blanchâtre. Lorsque les pêcheurs remarquent que, suivant leur terme, 
les macreuses plongent aux vaiïmeaux (c’est le nom qu’on donne à ces coquil- 
lages), ils tendent leurs filets fort làches, au-dessus de ces coquillages : peu 
d'heures après, la mer entrant dans son plein, couvre ces filets , les macreuses 


(1) Les Anglais de la province d'York l’appellent scoter. 


— 284 — 


suivent le reflux à deux ou trois cents pas du bord, la première qui aperçoit 
les coquillages plonge, toutes les autres la suivent , t rencontrant le filet qui 
est entre elles et l’appât, elles s'empêtrent dans ces mailles flottantes ; toutes 
s’y noient; et lorsque la mer est retirée , les pêcheurs vont les détacher du fi- 
let , où elles sont suspendues par la tête, les ailes ou les pieds. 


OIE. 


(PI. 38.) 


L'espèce de l’oie (1) est partagée en deux races ou grandes tribus; dont l’une 
depuis long-temps domestique, s’est affectionnée à nos demeures, et a été pro- 
pagée, modifiée par nos soins; et l’autre, beaucoup plus nombreuse, nous a 
échappée, er est restée libre et sauvage. L’oie sauvage est maigre et de taille 
plus légère que l'oie domestique. L'oie sauvage à le dos d’un gris brunûtre, le 
ventre blanchâtre , et tout le corps nué d’un blanc roussâtre, dont le bout 
de chaque plume est frangé, Dans l'oie domestique, cette couleur roussâtre 
a varié; elle a pris des nuances de brun ou de blanc; elle a même disparu 
entièrement dans la race blanche. Quelques-unes ont acquis une huppe sur 
la tête. Dans les pays où l'on fait de grandes éducations d’oies, tout le soin 
qu'on leur donne pendant la belle saison consiste à les rappeler le soir à la 
(erme, et à leur offrir des réduits commodes et tranquilles pour faire leur ponte 
et leur nichée; ce qui suffit, avec l’asile et l'aliment qu’elles y trouvent en hi- 
ver, pour les affectionner à leur demeure et les empêcher de déserter ; le reste 


(x) En ancien français , oué; le mâle, jars; etle petit, oison; en latin, anser ; en italren , oc, 
papara; en allemand, gans, ganser, ganserich, et le jeune, ganselin ; en espagnol, ganso , pato ; 
le mâle, ersar, ensarea où bivar, et le jeune, patico, hijo de pato ; en anglais, goose, geese. 

Ces noms se rapportent à la race domestique de l’oie ; les phrases et les noms suivans apparlien- 

2 
nent à son espèce sauvage, 

En allemand , wilde ganz, grawe ganz, schnee gansz; en espagnol, ansar bravo; en italien, oca 
salvatica ; en anglais , wild goose, greylagg ; en suédois, will goas ; en polonais, ger dzika; en groën- 


landais, merlech; enhuron, ahonque; en mexicain, tlalacatl, 


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— 285 — 

du temps elles vont habiter les eaux, ou elles viennent s’abattre etse reposer sur 
les rivages , et dans cette vie si pareille à la liberté de la nature , elles en re- 
prennent presque tous les avantages : force de constitution, épaisseur et netteté 
du plumage, vigueur et étendue de vol. La corpulence de l’oie, son port droit, 
sa démarche grave , son plumage net et lustré, son naturel, susceptible d’atta- 
chement et de reconnaissance, enfin sa vigilance tant célébrée, tout concourt 
à nous présenter cet oiseau comme l’un des plus intéressans et même des plus 
utiles. Indépendamment de la bonne qualité de sa chair et de sa graisse, dont 
aucun autre oiseau n’est plus abondamment pourvu, l’oie nous fournit cette 
plume délicate sur laquelle la molesse se plaît à reposer, et cette autre plume, 
instrument de nos pensées, et avec laquelle nous écrivons ici son éloge. 

On peut nourrir l’oie à peu de frais, et l’élever sans beaucoup de soins: elle 
s’accommode à la vie commune des volailles, et souffre d’être renfermée avec elles 
dans la même basse-cour, quoique cette manière de vivre soit peu conve- 
nable à sa nature. Pour former de grands troupeaux d’oies, il faut, en effet, 
que leur habitation soit à portée des eaux et des rivages, environnés de grèves 
spacieuses et de gazons sur lesquels ces oiseaux puissent paitre el s’ébattre 
en liberté. 

La domestieité de l’oie est moins ancienne et moins complète que celle de 
la poule. Cen’est communément qu’au mois de mars qu’elles commencent à pon- 
dre et toujours dans le même lieu. Si on enlève leurs œufs elles font une seconde, 
une troisième et même une quatrième ponte. Mais si l’on continue à enlever 
les œufs, l’oie s'efforce de continuer à pondre, et enfin elle s’épuise et périt ; 
car le produit de ses pontes, et surtout des premières, est nombreux: chacune 
est au moins de sept, communément de dix, douze ou quinze œufs. 

Mais si la domesticité de l’oie est plus moderne que celle de la poule, elle 
paraît être plus ancienne que celle du canard , dont les traits originaires ont 
moins changé. L’oie domestique est beaucoup plus grosse que l'oie sauvage ; 
elle a les proportions du corps plus étendues et plus souples, les ailes moins 
fortes et moins raides : tout a changé de couleur dans son plumage; elle ne 
conserve rien ou presque rien de son état primitif : elle paraît même avoir 
oublié les douceurs de son ancienne liberté. 

Il faut trente jours d’incubation , comme dans la plupart des grandes espèces 
d'oiseaux, pour faire éclore les œufs de l’oie. Pendant que l’oie couve, on lui 
donne du grain dans un vase et de l’eau dans un autre , à quelque distance de 
ses œufs, qu’elle ne quitte que pour aller prendre un peu de nourriture. 

Les monstruosités sont plus communes dans l'espèce de l’oie que dans celles 


— 286 — 


des autres oiseaux domestiques. Aldrovande a fait graver deux de ces mons- 
tres : l’un a deux corps avec une seule tête; l’autre a deux têtes et quatre pieds 
avec un seul corps. Le foie de cet oiseau peut se grossir d’un embonpoint 
d’obstruction excessif; souvent une oie engraissée aura le foie plus gros que tous 
les autres viscères ensemble; et ces foies gras que nos gourmands recherchent, 
étaient aussi du goût des Apicius romains. Ils nourrissaient l’oie de figues, pour 
en rendre la chair plus exquise , et ils avaient déjà trouvé qu'elle s’engraissait 
beaucoup plus vite étant renfermée dans un lieu étroit et obscur ; mais il était 
réservé à notre gourmandise plus que barbare de clouer les pieds, et de crever 
ou coudre les yeux de ces malheureuses bêtes , en les gorgeant en même temps 
de boulettes et les empêchant de boire pour les étouffer dans leur graisse. Com- 
munément et plus humainement , on se contente de les enfermer pendant un 
mois, etil ne faut guère qu’un boisseau d'avoine pour engraisser une oïie au 
point de la rendre très bonne. 

Le cri naturel de l’oie est une voix très bruyante; c’est un son de trompette 
ou de clairon, elangor. Elle a de plus d’autres accens brefs qu’elle répète sou- 
vent ; et lorsqu'on l'attaque elle rend un sifflement que l’on peut comparer à 
celui de la couleuvre. Les Latins ont cherché à exprimer ce son par des mots 
imitatifs, strepit, gracitat, stridet. 

Soit crainte, soit vigilance, l’oie répète à tout moment ses grands cris d’a- 
vertissement ou dé réclame. Cette grande loquacité ou vocifération avait fait 
donner, chez les anciens , le nom d’oie aux indiscrets parleurs, aux méchans 
écrivains et aux bas délateurs ; comme sa démarche gauche et son allure de 
mauvaise grace nous font encore appliquer ce même nom aux gens sols et niais. 
Mais indépendamment des marques de sentiment, des signes d'intelligence, 
que nous lui reconnaissons, le courage avec lequel elle défend sa couvée et se 
défend elle-même contre l’oiseau de proie; et certains traits d’attachement, 
de reconnaissance même , très singuliers, que les anciens avaient recueillis, 
démontrent que ce mépris serait très mal fondé. 


— 987 — 


CYGNE. 


(PI. 38.) 


Le lion et le tigre sur la terre, l'aigle et le vautour dans les airs , ne règnent 
que par la guerre, ne dominent que par l’abus de la force et par la cruauté; le 
cygne (1) règne sur les eaux à tous les titres qui fondent un empire de paix, 
la grandeur , la majesté, la douceur ; roi paisible des oiseaux d’eau, il brave 
les tyrans de l'air, il attend l'aigle sans le provoquer , sans le craindre , et il 
oppose à ses armes la résistance de ses plumes et les coups précipités d’une 
aile vigoureuse qui lui sert d'égide; il vit en ami plutôt qu’en roi au milieu des 
nombreuses peuplades des oiseaux aquatiques, qui toutes semblent se ranger 
sous sa loi. 

Les grâces de la figure, la beauté de la forme , répondent dans le cygne à 
la douceur du naturel ; il plaît à tous les yeux ; il décore, embellit tous les 
lieux qu'il fréquente ; on l’aime, on l’applaudit, on l’admire. Nulle espèce ne le 
mérite mieux : la nature, en effet, n’a répandu sur aucune autant de ces grâces 
nobles et douces qui nous rappellent l’idée de ses plus charmans ouvrages ; 
coupe de corps élégante, formes arrondies, gracieux contours, blancheur 
éclatante et pure, mouvemens flexibles et ressentis; attitudes tantôt animées, 
tantôt laissées dans un mol abandon ; tout dans le cygne , respire les gràces et 
la beauté, et justifie la riante mythologie qui à donné ce charmant oiseau pour 
père à la plus belle des mortelles. 

À sa noble aisance , à la facilité, la liberté de ses mouvemens sur l’eau, on 
doit le reconnaître non-seulement comme le premier des navigateurs ailés, 
mais comme le plus beau modèle que la nature nous ait offert pour l’art de la 
navigation. Son cou élevé et sa poitrine relevée et arrondie semblent en effet 


(x) En latin, o/or; en italien, cino, cygno; en espagnol, cisne; en allemand schwar; en anglais, 


swan; le petit, cygnet; le privé, tame-swan, le sauvage, wild-swan, elk, et, selon quelques-uns, kooper. 


— 988 — 


figurer la proue du navire fendant l'onde; son large estomac en représente la 
carène; son corps penché en avant pour cingler, se redresse à l'arrière et se 
relève en poupe; la queue estun vrai gouvernail; les pieds sont de larges 
rames , et ses grandes ailes demi ouvertes au vent et doucement enflées sont les 
voiles qui poussent le vaisseau vivant, navire et pilote à-la-fois. 

Aux avantages de la nature le cygne réunit ceux de la liberté; libre sur nos 
eaux , iln’y séjourne, ne s'établit qu'en y jouissant d'assez d'indépendance 
pour exclure tout sentiment de servitude et de captivité; il veut à son gré par- 
courir les eaux , quitter sa solitude et revenir à la société, pourvu qu’il trouve 
en nous ses hôtes et ses amis , et non ses maîtres et ses tyrans. 

Chez nos ancêtres, les cygnes étaient en possession de faire l’ornement de 
toutes les pièces d’eau ; ils animaient, égayaient les tristes fossés des châteaux, 
eL ils décoraient la plupart des rivières. 

Le cygne nage si vite, qu'un homme, marchant rapidement au rivage, à 
grand’peine à le suivre. | 

Le cygne, supérieur en tout à l’oie , qui ne vit guère que d’herbages et de 
graines , sait se procurer une nourriture plus délicate et moins commune; il 
ruse sans cesse pour attraper et saisir du poisson; il prend mille attitudes dif- 
férentes pour le succès de sa pêche, et tire tout l'avantage possible de son 
adresse et de sa force. 

Les cygnes sauvages volent en grandes troupes, de même que les cygnes 
domestiques marchent et nagent attroupés; leur instinct social est fortement 
marqué. Cet instinct, le plus doux de la nature, suppose des mœurs innocentes, 
des habitudes paisibles, et un naturel délicat et sensible. Le cygne a l’'avan- 
tage de jouir jusqu’à un âge extrêmement avancé, de sa belle et douce exis- 
tence. Tous les observateurs s'accordent à lui donner une très longue vie; quel- 
ques-uns même en ont porté la durée jusqu'à trois cents ans, ce qui sans doute 
est fort exagéré, 

La femelle du cygne couve pendant six semaines au moins. Elle commence 
à pondre au mois de février. Elle met un jour d'intervalle entre la ponte de 
chaque œuf. Elle en produit de cinq à huit. Ces œufs sont blancs et oblongs; ils 
ont la coque épaisse, et sont d’une grosseur très considérable. Le nid est placé 
tantôt sur un lit d'herbes sèches au rivage, tantôt sur un tas de roseaux abattus, 
entassés et même flottans sur l’eau : la mère recueille nuit et jour ses petits sous 
ses ailes, et le père se présente avec intrépidité pour les défendre contre tout 
assaillant. Son courage, dans ces momens, n’est comparable qu’à la fureur 
avec laquelle il combat un rival. Dans ces deux circonstances, oubliant sa 


— 269 — 


douceur , il devient féroce et se bat avec acharnement ; souvent un jour entier 
ne suffit pas pour vider leur duel opiniàtre. 

En tout autre temps ils n’ont que des habitudes de paix ; aussi propres que 
caressans, ils font toilette assidue chaque jour ; on les voit arranger leur plu- 
mage, le nettoyer, le lustrer et prendre de l’eau dans leur bec pour la répandre 
sur le dos et sur les ailes, le seul temps où la femelle néglige sa toilette, est 
celui de la couvée; les soins maternels l’occupent alors tout entière. 

Les petits naissent fort laids et seulement couverts d’un duvet gris ou jau- 
nâtre, comme les oisons; leurs plumes ne poussent que quelques semaines 
après, et sont encore de la même couleur. Ce vilain plumage change à la 
première mue, au mois de septembre; ils prennent alors beaucoup de plumes 
blanches, d’autres plus blondes que grises, surtout à la poitrine et sur le dos. 
Ce plumage chamarré tombe à la seconde mue , et ce n’est qu'à dix-huit mois 
et même à deux ans d'âge, que ces oiseaux ont pris leur belle robe d’un blanc 
pur et sans tache. 

Comme le cygne mange assez souvent des herbes de marécages, il s'établit 
de préférence sur les rivières d’un cours sinueux et tranquille. Les anciens ont 
cité le Méandre , le Mincio, le Strymon, le Caïsre , fleuves fameux par la mul- 
titude des cygnes dont on les voit couverts. L'île chérie de Vénus, Paphos, en 
était remplie. Néanmoins les régions du Nord semblent être la vraie patrie du 
cygne, puisque c’est dans les contrées septentrionales qu’il niche et multiplie. 
Dans nos provinces, nous ne voyons guère de cygnes sauvages que dans les 
hivers les plus rigoureux. Gesner dit qu’en Suisse on s'attend à un rude et long 
hiver quand on voit arriver beaucoup de cygnes sur les lacs. Cest dans cette 
rnême saison rigoureuse qu'ils paraissent sur les côtes de France, d'Angleterre 
et sur la Tamise, où il est défendu de les tuer, sous peine d’une grosse amende. 

Les cygnes, dans la race domestique, sont constamment un peu plus gros et 
plus grands que dans l'espèce sauvage ; il y en a qui pèsent jusqu'à vingt-cinq 
livres. La longueur, du bec à la queue, est quelquefois de quatre pieds et 
demi , et l’envergure de huit pieds. La femelle est en tout un peu plus petite 
que le mâle. 

Le bec, ordinairement long de trois pouces et plus , est, dans la race do- 
meslique , surmonté à sa base par un tubercule charnu, qui donne à la physio- 
nomie de cet oiseau une sorte d'expression. Ce tubercule est revêtu d'une 
peau noire, et les côtés de la face, sous les yeux, sont aussi couverts d'une 
peau de même couleur. 


Dans toutes les espèces des palmipèdes, il se trouve au-dessous des plumes 


OISEAUX, 37 


— 990 — 


extérieures un duvet bien fourni qui garantit le corps de l’oiseau des impres- 
sions de l’eau. Dans le cygne , ce duvet est d’une grande finesse, d’une 
molesse extrême et d’une blancheur parfaite; on en fait de beaux manchons et 
des fourrures aussi délicates que chaudes. 

La chair du cygne est noire et dure , et c'est moins comme un bon mets que 
comme un plat de parade qu’il était servi dans les festins chez les anciens. 

Quoique le cygne soit assez silencieux , il a néanmoins les organes de la 
voix conformés comme ceux des oiseaux d’eau les plus loquaces. 

Néanmoins la voix habituelle du cygne privé est plutôt sourde qu’éclatante; 
c’est un sorte de strideur, parfaitement semblable à ce que‘le peuple appelle 
le jurement du chat. C'est, à ce qu’il paraît, un accent de menace ou de colère, 
et ce n’est point du tout sur des cygnes presque muets, comme le sont les 
nôtres dans la domesticité, que les anciens avaient pu modeler ces cygnes har- 
monieux qu'ils ont rendus si célèbres. Mais il paraît que le cygne sauvage a 
mieux conservé ses prérogatives, et qu'avec le sentiment de la pleine liberté, 
il en a aussi les accens. L'on distingue en effet dans les éclats de sa voix , une 
sorte de chant mesuré, modulé, et des sons bruyans de clairon, mais dont les 
tons aigus sont très éloignés de la tendre mélodie et de la variété douce et bril- 
lante du ramage de nos oiseaux chanteurs. 

Au reste, les anciens ne s’étaient pas contentés de faire du cygne un chantre 
merveilleux ; seul entre tous les êtres qui frémissent à l'aspect de leur destruc- 
tion, il chantait encore au moment de son agonie, et préludait par des sons 
harmonieux à son dernier soupir. C'était, disaient-ils, près d’expirer, et faisant 
à la vie un adieu triste ettendre, que le cygne rendait des accens doux et tou- 
chans, pareil au murmure léger et douloureux, d’une voix basse, plaintive et 
lugubre. On entendait ce chant lorsqu’au lever de l’aurore, les vents et les flots 
étaient calmés; on avait même vu des cygnes expirant en musique et chantant 
leurs hymnes funéraires. 

Nulle fiction en histoire naturelle, nulle fable chez les anciens, n’a été plus 
accréditée ; elle s'était emparée de l'imagination vive et sensible des Grecs : 
poètes , orateurs, philosophes même, l’ont adoptée comme une vérité. Il faut 
bien leur pardonner leurs fables; elles étaient aimables et touchantes 71eE 
valaient bien de tristes, d’arides vérités. Les cygnes, sans doute, ne chan- 
tent point leur mort; mais toujours, en parlant du dernier essor et des der- 
niers élans d’un beau génie prêt à s’éteindre, on rappellera avec sentiment 
cette expression touchante : C’est le chant du Cygne. 


———“’ñ# 5 7 —————— 


PRÉPARATION 


ET 


CONSERVATION DES OISEAUX. 


On a fait, de nos jours, de si grands progrès dans l’art de préparer les animaux, 
qu’il n’est plus aucun de ces êtrés dont la conservation soit impossible. La Taxi- 
dermie, cette représentation durable de ce qui a vécu, peut justement réclamer 
sa part dans les succès qui ont couronné les travaux des naturalistes modernes : 
ses procédés ingénieux ont fait des galeries de nos musées, autant de ménageries 
artificielles dont tous les habitans rivalisent, par l'élégance de leurs formes et la 

justesse de leurs proportions, avec les êtres vivans dont ils ne sont que les débris, 
et, par là, cet art tout nouveau n’a pas seulement offert une source de jouissances 
aux amateurs de l’histoire naturelle, il a hâté les développemens de cette science 
et l’a enrichi en la popularisant. Nous ne pouvons nous proposer, ici, de suivre 
dans ses détails la Taxidermie des oiseaux ; et nous devons nous borner à indiquer 
les méthodes qui leur donnent le mieux, après leur mort, cet air de vie et de 
fraicheur qui semble les faire respirer. 

Dépouiller un oiseau, en remplir la peau de substances préservatrices, lui don- 
ner, en le montant, une attitude quelconque, est une opération facile; mais ce 
qui l’est beaucoup moins, c’est de traduire ses proportions, de varier ses alti- 
tudes, et donner la grâce, le mouvement et la vie à cet être inanimé. 

Les instrumens dont il faut se pourvoir pour empailler les Oiseaux sont: 1° deux 
scalpels , un à lame faite en forme de lancette ou tranchante des deux côtés, el 
Vauire à dos, à lame plus forte et tranchante d’un seul côté; l'extrémité des 
manches doit être aplatie et arrondie; % des ciseaux droits et courbes; 3° des 


—— 9299 — 


pinces à mors arrondis, aplatis el tranchans sur le côté; 4° deux limes, l’une apla- 
tie pour aiguiser les fils de fer, l’autre triangulaire pour les couper: 5° des alènes 
de différentes grosseurs ; 6° des aiguilles droites et courbes ; 7° des pinces de dis- 
section crénelées à la pointe, pour saisir la peau et la détacher du corps; 8° deux 
érignes, dont une à manche età un seul crochet , et l’autre sans manche et à deux 
crochets, pour fixer la peau quand on la sépare du corps; 9° des vrilles de diffé- 
rens diamètres pour faire les trous dans les huchoirs, planches, etc. , dans les- 
quels doivent passer les fils de fer ; 10° des bourroirs de différentes grosseurs et lon- 
gueurs, terminés à leur extrémité en forme de long cure-oreille, dont l’usage est 
de servir à remplir la peau et le cou de l’oiseau , et à vider lecràäne; 11° un mar- 
teau ; 12% une pelite scie; 13° un petit étau portatif qu’on fixe à volonté: 14° des 
fils de fer ou de laiton de numéros différens suivant le volume de l'oiseau ; 15° des 
tricoises ou grosses lenailles de maréchaux, pour couper les fils de fer d’un 
diamètre un peu gros; 16° une petite enclume. Il faut ajouter à tous ces objets, 
des pinceaux et des éponges de différentes grosseurs, du colon , des étoupes, des 
mousses , LC. 

Les matières propres à bourrer les peaux sont: | 
1° Le coton, pour les très pelits oiseaux, et même pour ceux de grosseur 
moyenne. On l’emploie sans aucune préparation préliminaire ; cependant s’il était 
fort long , et que l’objet à bourrer fùt extrêmement petit, on pourrait le couper, 

ou le hacher, avec des ciseaux. 

2° La filasse de lin ou de'‘chanvre hachée plus ou moins menue selon le be- 
soin. On l’emploie pour les oiseaux, depuis la taille de la petite mésange jusqu’à 
celle du pigeon et au-dessus; en la hachant très fine, on peut s’en servir pour 
les plus petits individus, et telle qu’elle est, on peut en bourrer les plus grands 
oiseaux. 

3° La mousse. Avant de s’en servir, elle doit être parfaitement triée de tous les 
corps étrangers qui peuvent y être mélés; on la passe au four ou à l’étuve, à un 
degré de chaleur suffisant pour faire périr tous les insectes qui peuvent y être 
cachés : elle peut être avantageusement employée pour les oiseaux de la grandeur 
d’une poule et au-dessus. 

4° Le foin de mer. Il est excellent, parce que les insectes s’y mettent rarement; 
mais malheureusement il ne peut être mis en usage que par les préparateurs qui 
sont à proximité de la mer, et peuvent ainsi s’en procurer facilement. Cependant 
on ne doit jamais l’employer seul, parce que, renfermant toujours une grande 
quantité de sel marin, il attire humidité de l'air sur la peau de Panimal, et 
lexpose à pourrir. On aura donc la précaution de le mélanger et de le hacher 
avez des étoupes. Celte matière préparée est excellente surtout pour bourrer le 
cou, parce qu’il n’en est que plus léger, et que les fils de fer y passent beaucoup 
plus aisément. 

5° Le foin, passé au four, s'emploie pour la préparation des grands animaux, 
tels que les chiens, loups, ours; les pélicans, cygnes, autruches, etc. 

6° La paille ne sert guère que pour les très grands mammifères , tels que cerfs, 
buffles, chevaux, rhinocéros, etc. 


— 293 — 


2° Enfin, au besoin et faute des matières que nous venons de citer, on pourra 
en employer d’analogues, mais toujours choisies dans le règne végétal. La bourre, 
le poil et toutes les autres substances animales seront rigoureusement exclues, 
par la raison qu’elles attirent les insectes, et que les dermestes, surtout, les plus 
dangereux de tous, les recherchent avec beaucoup d’avidité. 

Les matières que nous venons d'indiquer ne s’emploient pas spécialement pour 
un seul individu; on peut se servir de coton, de filasse, de mousse, de foin, 
pour le même animal, en employant chacune de ces substances selon la plus ou 
moins grande capacité de la cavité à remplir. 

Si l’on avait à empailler un animal très précieux, et que l’on ne füt pas trop 
pressé par le temps, un moyen que l’on pourrait employer pour s’assurer davan- 
tage de sa conservation, serait de faire tremper ces substances pendant vingt- 
quatre heures, dans une forte dissolution d’alun; mais, en ce cas, il ne faudrait 
s’en servir que lorsqu'elles seraient parfaitement sèches. 

Voici la recette d’un excellent préservatif : 

Sel de tartre, un gros et demi; camphre, cinq gros; arsenic, quatre onces; 
savon blanc, quatre onces; chaux vive, demi-once. 

Il faut dissoudre le camphre dans une suffisante quantité d’esprit-de-vin, y 
ajouter l’arsenic, le sel de tartre, la chaux, et y délayer le savon. 

Il est plus avantageux de se servir de suif blanc que de savon. 

Lorsque ce préservatif est trop sec, on l’humecte avec de l’alcool ou de l’eau- 
de-vie , et il acquiert sur-le-champ toute la liquidité nécessaire. On s’en sert pour 
humecter l’intérieur des peaux. On emploie avec avantage une teinture de colo- 
quinte à l’esprit-de-vin, dont on enduit les peaux à l’intérieur, pour les préserver 
des insectes. 

Le premier soin, avant d'ouvrir un oiseau que l’on se propose d’empailler , est 
d'examiner s’il peut ou ne peut pas être monté. 

Il péut être monté, 1° lorsque la corruption n’a point détaché les plumes du 
derme et de l’épiderme , et que cesparties n’ont souffert aucune altération ; 2° que 
les plumes ne sont point tachées de sang; 3 que la: tête, le bec, les jambes, la 
queue , en un mot, toutes les parties essentielles sont dans un état d’intégrité par- 
fait ; 4 que la peau n’est point déchirée , etc. | 

Les endroits où les effets de lacorruption se manifestent de préférence, sont: le 
ventre près de l'anus, à raison des intestins, qui occasionnent la décomposition 
de ces parties; puis le contour du bec, des yeux, des narines, le dessous de la 
gorge, et les environs des blessures qui ont fait périr animal. 

Un oiseau ne peut pas être empaillé, 1° lorsque chez les individus, comme les 
Cygnes, Oies, Canards, Sarcelles, dans lesquels ont est obligé d'inciser le dessous 
de la gorge, afin de pouvoir faire passer la tête , la corruption a attaqué la peau du 
cou et a occasioné la chute des plumes, inconvénient qui ne permet point de re- 
coudre la peau. 

2° Lorsque le coup de fusil où les blessures ont arraché les plumes, détérioré la 
peau , détruit quelque partie essentielle, comme une jambe, le bec en tout ou en 
partie, le crâne , la queue, etc. 


— 294 — 


3° Lorsque les oiseaux pris aux filets, ont eu la tête écrasée par l’oiseleur. 

4° Enfin, lorsque les chasseurs ont plumé le dessus de la queue répondant au 
COCCYX. 

Lorsqu'un oiseau est en état d’être empaillé, il faut avoir soin de mesurer sa lon- 
gueur totale , depuis le bec jusqu'aux ongles, etau bout de la queue ; étendue de 
son corps, depuis la partie saïllante de la poitrine jusqu’au coccyx; l’envergure de 
ses ailes, la circonférence et le poids de son corps, la longueur du cou, et la forme 
de la tête. 

Il convient de considérer la structure externe et interne du bec, la forme de la 
langue, la couleur des yeux, la longueur et la direction des jambes, la forme des 
doigts, la longueur et les différentes courbures des ongles, etc. 

Lorsque l’on voit qu’un oiseau est en état d’être empaillé , et que l’on ne peut pas 
le monter tout de suite, on commence par le vider, eton remplit de poudre à pou- 
drer ou de farine , l'intérieur du corps. Par ce moyen l’oiseau se maintient frais 
pendant un ou plusieurs jours, et l’on peut le monter ensuite sans craindre que la 
corruption attaque la peau et communique aux chairs une mauvaise odeur. 

Il faut nettoyer et remplir de coton le gosier , le bec, les narines ; l’anus et les 
endroits par lesquels le sang qui coule des plaies peut , en s’écoulant , gâter les 
plumes. 

Avant de mettre du coton dans le gosier, on y introduit de la farine, qui em- 
pèche les humeurs de sortir par le bec. On ferme le bec avec un fil passé dans les 
narines, et on laisse ce fil d’une certaine longueur, afin d’avoir plus de facilité pour 
retourner la peau. 

Comme il existe un grand nombre d’oiseaux, surtout dans les petites espèces , 
qu’on ne peut se procurer qu’en les tuant à la chasse, il est nécessaire d'indiquer, 
sur cet objet important, quelques observations. 

Lorsqu'on a tué un oiseau , il faut mettre sur le sang sorti de la plaie, non point 
de la terre en poussière ou de la cendre, qui salissent ou tachent les plumes, mais 
de la poudre à poudrer. 

Cette substance a la propriété d’étancher le sang, de l’absorber, et de rendre aux 
plumes leur éclat et leur blancheur. Si le coup de fusil a porté dans la tête, et 
que le sang sorte par le bec, il faut en nettoyer l’intérieur avec des étoupes ou du 
colon , et y introduire de la poudre à poudrer. On remet les plumes et les ailes 
dans leur position, et on laisse l’oiseau à terre pendant le temps nécessaire pour 
charger le fusil. Cette opération faite, on enferme l'oiseau dans un cornet de pa- 
Pier proportionné au volume de l'animal, on place la tête la première, en le te- 
nant par les pattes et la queue , afin que les plumes se conservent dans leur di- 
rection ordinaire. On ferme le cornet par le bout qui a servi à introduire l'oiseau, 
c’est-à-dire , par le bout le plus large. Ce cornet doit être plus long que le corps 
de l’oiseau, afin que les plumes de la queue ne soient point gâtées ou recourbées. 
On enferme ensuite le cornet dans une boite de fer blanc, qui est préférable aux 
boites de sapin ou de buis, et on en garnit l’intérieur avec du coton , de la mousse 


ou du papier mou, afin d'empêcher l’oiseau de ballotter par le mouvement de la 
marche. 


ne 


Quand on prend des oiseaux aux filets , il faut les étouffer en les pressant forte- 
ment sous les ailes ; par ce moyen on les conserve en bon état. Les oiseleurs ontle 
tort de leur écraser la tête. Cette méthode empêche souvent de les monter, parce 
que la têle écrasée , ne peut être assujettie qu'avec beaucoup de peine, et lorsqu'on 
dépouille cette partie, le sang sort souvent par les yeux et tache les plumes. 

Il est nécessaire de casser avec des pinces à mors arrondis , pour ne pas couper 
la peau, les ailes au tiers supérieur qui répond aux humérus , et de laisser entiers 
les deux tiers qui répondent aux avant-bras. Cette rupture des ailes facilite le ren- 
versement de la peau à l’endroit des cavités pectorales , et permet de les replier et 
replacer commodément surles cotés du corps lorsqu'on monte l'oiseau. 

Il faut ouvrir avec un scalpel le dessous des pieds répondant au métatarse, et 
enlever avec une alène les tendons fléchisseur des phalanges. L’extirpation de 
ces tendons facilite le passage des fils de fer, qui, toujours placés derrière le tarse, 
‘ letalon et le tibia , ne déforment point ces parties quand l’oiseau est en position. 
Ce procédé ne peut s’exécuter, en commençant, que sur les petits oiseaux, car 
pour ceux d’une grosseur moyenne , il faut, pour extraire facilement les tendons, 
avoir séparé le tibia des muscles qui l’environnent. 

Lorsqu’on veut empailler un oiseau dont la peau des jambes est sèche (ce qui 
arrive lorsqu'il est mort depuis un certain temps), il faut faire tremper les pattes 
dans l’eau tiède. La peau se ramollit et se prête alors à l’introductiorr des fils de 
fer , qui doivent servir à maintenir l’animal en position. 

Lorsqu'on n’a pas le temps de monter un oiseau, et qu'on se contente seule- 
ment d'en vider la peau (qu’on remplit avec du foin de mer ou de la mousse, 
en remettant à un autre moment le soin de l’empailler), il est nécessaire d’enlever 
les tendons, et on passe un fil de fer huilé entre la peau et le tarse. L'huile em- 
péche le fil de fer de se rouiller, et l’on peut, avec ce procédé aussi simple qu’a- 
vantageux, faire jouer le fil de fer en tous sens, et fixer les jambes de l’oiseau 
aussi facilement que sil était frais. 

On se souviendra de préparer trois fils de fer vernissés, dont deux d’égale 
longueur , bien dressés et limés à un des bouts, doivent servir à maintenir les 
extrémités inférieures, après avoir été fixés dans le corps; et le troisième, à em- 
brasser et assujettir le corps, à former le cou, et à être fixé dans la cavité du 
crâne. La longueur des deux premiers fils de fer doit varier selon la grosseur du 
corps de loiseau et la longueur des jambes; celle du troisième, que nous gar- 
nissons d’étoupes dans toute sa longueur , doit excéder les dimensions totales de 
l'oiseau, depuis le sommet de la tête jusqu'aux ongles, au moins d’une fois la lon- 
gueur du corps, dans les individus d’une taille moyenne. Mais dans ceux dont le 
volume du corps est très gros, le cou très allongé, et les extrémités courtes, 
comme les Cygnes, Oies, Cormorans, Pélicans, etc.; el dans ceux, tels que les Fes 
mans, les Grues, Hérons , ete., chez lesquels les parties inférieures sont très dé - 
veloppées, la longuéur du fil de fer qui doit servir à maintenir les jambes, et être 
fixé dans le corps factice, doit être prise en ligne diagonale, depuis l'extrémité 
de l’ongle du doigt intermédiaire de la jambe gauche, jusqu’au contour de l'aile 
droite, qui répond au poignet ou carpe, ou de la jambe droite jusqu'au contour 


— 296 — 


de Paile gauche. Le fil de fer, proportionné à la grosseur de l'oiseau et des par- 
ties avec lesquelles il s’unit, doit être recuit, c’est-à-dire, rougi au feu, afin de 
pouvoir être manié plus facilement sans se rompre. 

Ces préliminaires achevés, on procède ainsi qu’il suit: 

Après avoir étendu sur le dos, la tête en avant et la queue tournée de côté, 
l’oiseau que l’on veut dépouiller , on écarte de droite et de gauche avec le pouce 
et l'index de la main gauche, les plumes qui recouvrent le dessous du ventre, et 
l’on fait de la droite, avec un scalpel, une incision longitudinale , depuis le carti- 
lage xiphoïde jusqu’à l’anus, c’est-à-dire, dans la partie du corps qui répond à la 
saillie antérieure, de larticulation de la cuisse avec la jambe. On a soin que 
cette incision soit aussi petite que peut le comporter le volume du corps que lon 
fait passer par lPouverture pratiquée dans lendroit désigné, parce qu’alors la 
couture de la pean est plus facile et moins longue, et que l’on peut arrondir la 
poitrine et les côtés du corps, ce qui donne aux oiseaux une forme très naturelle. 

Pour extraire de la peau le corps de loiseau (y compris le cou, les ailes et 
les cuisses), les uns pratiquent, soit au côté gauche, soit au côté droit, au- 
dessous de l'aile, une ouverture prolongée jusqu'aux cuisses, qu’ils enlèvent 
quelquefois, et par cette ouverture, ils font l'extraction du corps et des parties 
désignées, en renversant la peau. D’autres font deux incisions angulaires sur les 
côtés du corps, depuis l’anus jusqu'aux contours des ailes, et dépouillent l’oiseau 
en détachant successivement la peau du ventre, des cuisses, du croupion, des 
ailes et de la tête. 

Quelques personnes ouvrent sur le dos les oiseaux aquatiques, très fournis en 
plumes et duvet, au moyen d’une incision qui s'étend depuis les omoplates jus- 
qu’au Coccyx. 

L'on détache ensuite la peau des deux côtés du corps, avec Pextrémité du 
manche du scalpel, qui doit être à cet effet aplatie, arrondie et tranchante, et Pon 
fait paraitre par lincision, les deux cuisses que l’on coupe dans la partie qui 
répond à la rotule; on sépare les muscles qui entourent le tibia: et après avoir 
humecté avec une petite éponge, imbibée d’eau alunée, la partie de la peau qui 
couvrait les chairs de la jambe, afin qu’elle ne se sèche pas, on retire la jambe et 
on la remet dans sa situation naturelle. 

Pour empècher que les plumes qui bordent les deux côtés incisés de la peau ne 
se salissent, soit en frottant contre la partie du corps écorché, soit en raison du 
sang qui peut sortir des plaies, ou bien des humeurs qui s’échappent de l’anus 
ou des intestins, il est nécessaire de placer une trainée de coton ou d’étoupe 
entre le corps et la peau. Quelques personnes emploient le son, la farine, la pou- 
dre à poudrer , l’alun en poudre; mais le coton ou l’étoupe sont préférables. 

Dans les oiseaux qui sont gras, et dont la graisse en coulant tache les plumes, 
il faut avoir soin, pour éviter cet inconvénient, de saupoudrer à différentes re- 
prises, avec de la poudre à poudrer, les bords de la peau et les plumes, dans 
les endroits où lon a pratiqué l'ouverture, La poudre, qui sert de dessiccatif, ab- 
sorbe le sang, la graisse, et empêche les plumes de se tacher. 

Continuant ensuite à détacher la peau du croupion, auquel on laisse adhérer 


og 


quelquefois une partie du corcyx, on la renverse de derrière en avant sur les 
ailes que l’on coupe dans l’endroit fracturé. On dépouille ensuite le cou et la 
tête de l’oiseau jusqu’à l’origine du bec, en avançant vers la partie antérieure, et 
en ayant soin de ménager les paupières et la peau des oreilles qui répond au 
conduit auditif externe. 

Pour faciliter le dépouillement de l'oiseau, s’il est d’un volume considérable, 
on passe avec un carrelet, à travers l’os sacrum, une petite ficelle qu’on noue, 
et à l’aide de laquelle on suspend à un clou ou à un crochet, le corps de l'oiseau 
qu’on veut dépouiller. Ce procédé est utile pour écorcher les Hérons , les Butors, 
les Oces, les Cigognes, les Aigles, etc. 

Dans cette opération, le préparateur éprouve des difficultés provenant de l’état 
d’obésité ou de maigreur de l'animal, de laltération de la peau, du sang et des 
humeurs qui s’échappent du corps, des angles saillans que forme latéralement la 
poiirine, répondant à l’acromion ou à lPinsertion des s#iles dans les oiseaux. de 
proie; où du peu de diamètre du cou dans le F/ammant et le Canard à longue queue; 
de la grosseur de la tête dans les Canards, les Pies, etc. ; dans ce cas, il faut faire 
sur la partie supérieure et antérieure du cou, une incision longitudinale répon- 
dant à la tête et à la base du crâne; et par cetie ouverture, proportionnée tou- 
jours au diamètre de ces deux parties , on parvient à développer la peau jusqu’au 
bec. Cette incision n’a pas les inconvéniens de celle qui a été proposée sur le vertex 
ou sommet de la tête, qui défigure les crêtes, huppes et autres plumes qui en 
font l’ornement. Cette dernière ne pourrait être permise que dans les oiseaux 
qui ne présentant, dans la partie supérieure de la tête, ni huppe, ni aigrette, 
offriraient dans la mandibule inférieure, ou sous le cou, des caractères qu’il 
importe de conserver, et que cette ouverture pourrait dénaturer, altérer ou 
déplacer. 

Pour replacer la peau sur le corps factice, il faut retrancher tous les muscles 
qui font mouvoir les mandibules l’une sur l’autre, le contour ou la tubérosité 
de la mandibule inférieure qui s’unit avec la supérieure au-dessous du crâne, et 
enlever les glandes placées sur les parties latérales du crâne. 

Quand on dépouille un oiseau dont le diamètre du cou ne permet pas de laisser 
passer la tête, il faut replier la peau du cou vers la tête, jusqu’à ce qu’on éprouve une 
résistance qui se fait sentir au tiers supérieur du cou, et qui indique l’impossibilité 
de pouvoir la faire passer. On coupe alors le cou aussi près de la tête qu'il est 
possible, on retourne la peau dans sa direction naturelle, et on faitavec un scalpel 
une ouverture longitudinale sous la partie qu’on appelle, dans les gros animaux, 
la ganache. On écarte, avec le manche du scapel, la peau des deux côtés de l’inci- 
sion ; on la détache du reste du cou ou des vertèbres qui adhèrent à la tête, et on 
nettoie le crâne. Lorsqu'on a introduit le mannequin dans la peau, fixé dans le 
crâne la partie excédante du fil de fer qui l’entoure et qui représente le cou, 
donné au cou sa grosseur naturelle, en roulant autour du fil de fer qui le repré- 
sente une quantité suffisante d’étoupe, on coud les deux bords de l'incision avec 
une aiguille fine, dans laquelle on passe un fil proportionné à l’épaisseur de la 
peau, en ayant soin de passer l'aiguille de dedans en dedans. 


2 
OISEAUX, 33 


UT — 


Lorsqu'on a séparé le cou de la tête, on doit enlever la langue, Pour y réussir, 
‘on coupe avec un scapel les muscles et les membranes qui la tiennent attachée à 
la mandibule inférieure : on a soin de la saupoudrer d’alun ou de chaux en efflo- 
rescence , et de la serrer médiocrement entre deux feuilles de papier pour la faire 
sécher et lui conserver sa forme. Lorsqu'on a détaché la langue, il est utile de faire 
quelques scarifications aux différens muscles qui unissent la mandibule inférieure 
à la supérieure, afin d’y faire pénétrer les préservatifs. 

Après avoir coupé le cou de loiseau, entre l’occipital et la première vertèbre 
cervicale, enlevé et préparé la langue, on doit s'occuper de sortir les yeux. 

Pour enlever les yeux, il faut ouvrir le bec, inciser avec un scapel à lame étroite, 
les parties latérales de la mandibule supérieure ; faire pénétrer linstrument jus- 
qu’au fond de l’orbite; couper les différens muscles qui les attachent au fond de 
la cavité orbitaire; séparer la conjonctive des bords internes des paupières ; piquer 
avec une alène courbe le globe de l'œil dans la partie qui répond à la cornée trans- 
parente, et l'enlever avec un léger effort, en tirant à soi. On saupoudre ensuite, 
avec du préservatif, intérieur de la cavité orbitaire. 

Cette opération achevée, on vide le crâne au moyen d’un morceau de bois ou 
de métal disposé en forme de long cure-oreille, que l’on y introduit à différentes 
reprises avec du coton, lequel s’imbibe d’une partie du cerveau et de ses dépen- 
dances, le reste, poussé par le coton au dehors, s’échappe par les conduits 
opiiques ou orbitaires et le trou occipital. En mouillant ensuite la peau du cou et 
du corps, on la maintient dans un état d'humidité. 

Après avoir vidé le crâne, on doit s’occuper de tanner et de saupoudrer la peau, 
opérations absolument essentielles , et qui ont rapport à la conservation de l’ani- 
mal qu’on prépare. 

La tête nettoyée et vidée, et la peau tannée, il s’agit de s’occuper de la confec- 
tion du mannequin, ou corps factice de l'oiseau, qui doit être modelé sur les 
dimensions de celui qu’on vient de dépouiller. Ces corps doivent varier à raison 
de la forme et de la grosseur des oiseaux. Ils doivent : 1° former une pyramide 
dont la base regarde la poitrine dans les Oiseaux de proie et les Granivores en 
général; 2° ils doivent être arrondis dans les Canards, et généralement dans tous 
les oiseaux aquatiques; 3° de forme oblongue et comprimée, ou aplatie sur les 
côtés, dans les Echassiers Ou Oiseaux de rivage; 4° enfin, très aplatis, soit dans la 
partie qui répond au ventre, soit dans celle qui répond au dos, dans les Grébes, 
Plongeons, etc. | 

Le corps étant formé d’après ces principes, on l’assujétit avec le troisième fil 
de fer vernissé et recouvert d’étoupes dans toute sa longueur, et autour du- 
quel on passe, à différentes reprises, une petite ficelle pour lui donner de la con- 
sistance. Il est essentiel que le corps présente beaucoup de solidité. 

Pour former les corps factices, on emploie une quantité suffisante de mousse ou 


de foin de mer, etc. ; on la façonne de manière à lui donner la forme et le volume 


du corps de lanimal. On prend alors le troisième fil de fer vernissé et recouvert, 
ainsi que nous l’avons dit, d’étoupes dans toute sa longueur; on laisse un des 
bouts excéder le corps factice, d’une longueur proportionnée à celle du cou de 


7 à | 


tas … 


er tre 


— 599 — 


Voiseau (dont les dimensions ont élé prises sur celles de l'individu écorché); et 
avec l’excédant du fil de fer, on entoure le corps dans sa longueur, en commençant 
par la partie qui représente la poitrine, parcourant le dos, et revenant par le 
venire et la poitrine, se replier autour du fil de fer qui sert à former le cou. On 
passe ensuite, à différentes reprises, autour de ce mannequin , une pelite ficelle 
qui sert à assujétir le fil de fer qui embrasse et l’entoure dans toute sa longueur, 
et qui lui donne la consistance nécessaire. : | 

Quelques naturalistes, après avoir rempli et cousu la peau d’un oiseau, se con- 
tentent d’en assujétir la tête et le cou, au moyen d’un fil de fer qui, traversant le 
crâne et sortant par le derrière de la tête, est fortement implanté dans la poitrine. 
Ce procédé, qui donne la facilité d’allonger ou de raccourcir à volonté le cou de 
l'animal, pèche; en ce qu’il ne présente aucune solidité, et que le fil de fer passé 
à nu se rouille et finit par se rompre, si l’où veut remanier l'oiseau ou lui donner 
une nouvelle position. | 

Il est plus avantageux que le fil de fer qui sert à maintenir le corps factice de 
Voiseau, et qui est vernissé et enveloppé, dans toute sa longueur, d’étoupes pour 
empêcher les effets de la rouille , serve à former le cou de l'oiseau, dont les dimen- 
sions ont été prises sur celles de l’animal écorché. En le recourbant ensuite à son 
extrémité, il faut l’introduire dans le crâne par le trou occipital, et Passujétir au 
moyen d’une mèche d’étoupe roulée autour du fil de fer pour le fixer. Par ce pro- 
cédé, les oiseaux acquièrent, au moment où ils sont montés, une solidité bien 
supérieure à cellé des individus.préparés par d’autres méthodes. 

Voici une seconde méthode, plus simple et plus avantageuse, pour allonger ou 
raccourcir à volonté le cou des oiseaux. Lorsque l’on a formé le corps factice, on 
y fait passer intérieurement, de bas en haut et dans toute sa longueur, un fil de fer 
attaché avec une ficelle autour de extrémité de l’autre fil de fer qui dépasse le- 
corps factice. On en replie l'extrémité, on l’assujétit dans le crâne avec de l’étoupe 
ou du coton, et on l’attache autour de la tête de l’oiseau avec la ficelle que Pon 
fait passer dans les cavités orbitaires. Par ce procédé, lorsque l’on a retourné la 
peau et placé le mannequin , en faisant jouer le fil de fer, on allonge ou raccourcit 
à volonté le cou dé loiseau , sans étre obligé de percer le crâne avec un fil de fer; 
qui dérange les plumes du sommet de la tête. Le bout opposé de ce fil de fer, qui 
sort sous la queue, sert à soutenir cette partie, et évite d'introduire un porte- 
queue dans anus. | 

Le fil de fer, après avoir embrassé le corps dans sa longueur, sert à former le 
cou, et est introduit dans le crâne par le trou occipital. Pour l'y fixer, il faut y 
faire entrer autant d’étoupe que peut en contenir la cavité du crâne, et rouler 
autour de ce fil de fer une partie excédante de l'éloupe qui sert à augmenter le 
volume du cou :ilest également nécessaire de remplir de co‘on les orbites, en. 
maintenant la surface des paupières. 

_ Cela fait, il faut avoir soin de refouler doucement la. 4éle en dedans du cou 
avec la main droite, de retirer doucement la peau avec la main gauche, en évitant 
que le bec ne s’engage entre les plis de la peau du cou qu'il pourrait déchirer. 
Pour prévenir cet accident , on fait passer dans les narines un fil que l’on noue à 


— 300 — 


Ws 


son milieu, et qui, dépassant de beaucoup la longueur du cou, sert à retirer la 


tête et donne la facilité de diriger le bec en droite ligne. 

Après qu’on a retourné la tête el le cou de l'oiseau, incisé le croupion, enlevé les 
deux glandes placées au-dessus et en avant, el saupoudré ces parties avec du 
préservatif, et qu’on a placé le corps factice en dedans de la peau , on doit s’occu- 
per d’assujétir les jambes dans le mannequin. 

La disposition des fils de fer qui doivent servir à fixer les jambes, est, sans con- 
tredit, la plus difficile de toutesles opérations de l’art d’empailler. De l’arrange- 
ment de ces fils, dépend la position des extrémités inférieures et la grâce de l’oi- 
seau qu’on prépare. 

Pour placer les fils de fer, il faut les introduire par l’ouverture pratiquée au- 
dessous des pieds, les faire glisser jusqu'aux talons , refouler en dedans le tarse , et 
poussant en avant le fil de fer, le fixer légèrement autour du tibia avec un peu 
d’étoupe qui sert à remplacer le vide des chairs et à former la jambe. 

Cette opération achevée, on doit combiner l’introduction des fils de fer dans le 
corps factice. Ils doivent être : 1° très rapprochés de l'extrémité postérieure ou de 
Panus, dans les Grebes, Plongeons, ete.; 2° placés au tiers postérieur du corps, dans 
les Erhassiers; 3° à-peu-près à la partie moyenne du corps, dans les Gallinacees. 

Lorsque le fil de fer a pénétré hors du corps, on le recourbe en forme de crochet 
pour l’y fixer, en le lirant avec force de la main droite par l'extrémité saillante en 
dessous des pieds, et tenant de la main gauche le corps, afin qu’il ne varie point. 
Le fil de fer ainsi fixé, et faisant partie de la jambe, doit être dirigé de dehors en 
dedans, et rapproché du point central du corps. 

Le même procédé répété sur la partie opposée, on a soin d’égaliser les jambes, de 
les repousser à différentes reprises vers le corps, afin de pouvoir soulever le fil de 
fer de bas en haut, jusqu’à ce qu'il soit dans une situation verticale. Dans cel état, 
on retire de nouveau la jambe de bas en haut, on appuie fortement de haut en bas 
l’index de la main gauche dans l'endroit où le fil de fer est introduit dans le corps, 
afin de lui faire former une concavité; en même temps on recourbe en sens con- 
traire, c’est-à-dire de bas en haut, avec le pouce et l'index de la main droite, le 
fil de fer à une certaine distance de la première courbure, pour donner à cette 
jambe factice sa conformation naturelle, et lui faire former un coude à-peu-près 
de la longueur de los du fémur, et on le recourbe de nouveau de bas en haut à 
l'articulation du tarse et du tibia. 

Cette opération achevée, on remplit la poitrine, le ventre et les côtés du corps 
avec de l’étoupe ou du coton, en ayant soin de soulever avec la pointe du bourroir 
la peau de la poitrine , afin de l’arrondir et de lui donner sa forme naturelle. Il est 
d’une importance majeure de ne point garnirles cavités du corps qui répondent 
aux muscles pectoraux, dans lesquelles se replient et reposent naturellement les 
ailes. Sans cette précaution, les cavités pectorales se trouvant remplies, il serait 
impossible de pouvoir placer les ailes. 

La manière de coudre la peau ne doit pas être passée sous silence. Après en 
avoir rapproché les deux bords lorsqu'elle est remplie , on passe une aiguille gar- 
nie d'un fil ciré, afin qu'il puisse mieux couler (et dont la longueur et la force 


dd 


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sont proportionnées à celle de la dépouille de l'oiseau ), à travers les bords de la 
peau , en le conduisant alternativement du côté droit au gauche , du gauche au 
droit en zigzags, comme le lacet à travers les œillets d’un corset, et toujours de 
dedans en dedans. Cette dernière observation est absolument nécessaire pour évi- 


ter de coudre les plumes qui seraient dérangées, et présenteraient des obstacles 
au passage, soit de l’aiguille, soit du fil. 


On a soin d’écarter les plumes à chaque point de couture, pour qu’elles ne gé- 
nent pas ie passage du fil, et de faire les points dans les bords de la peau, qui, 
dans l’endroit de l’incision longitudinale , est plus forte que dans les autres par- 
ties de l'animal. Mais il arrive, lorsque l’oiseau est ce qu’on appelle un peu fait, 
surtout si le coup de fusil a porté dans le bas ventre , que l’épiderme se sépare avec 
les plumes, du derme ou de la peau, et cette dernière partie trop affaiblie ne peut 
soutenir l'effort du fil : dans ce cas, il faut éloigner les points de la couture des 
bords de l’incision , ce qui diminue le volume de l'oiseau. 


La couture achevée, on prend de la main gauche l’oiseau couché sur le dos, 
on arrange avec la main droite les ailes qu’on place dans les cavités pectorales, 
et on passe avec une longue aiguille ou carrelet , dans la partie du corps saillante 
au dessous des ailes, un fil qui les embrasse latéralement et les maintient dans 
leur position naturelle ; on noue ce fil sur le dos, on le recouvre avec les plumes 
du dessus des ailes et du dos, et lorsque l'oiseau est sec, on le coupe si on le juge 
à propos. 

On place ensuite l’oiseau, 1° sur une petite planche ou sur un pied aplati de 
forme octogone, proportionné à la longueur des doigts, s’il ne perche pas; tels 
sont les Cunards , dont il faut avoir soin d’écarter les doigts en les assujétissant 
_ avec des épingles, pour tendre la membrane qui les unit; 2° sur une petite bé- 
quille ou huchoir,, s’il perche, comme les Grives, Merles, elc.; 3° on fixe conire 
une branche, dans une position verticale ; ceux qui, comme les Pies, les Grimpe- 
reaux, les Mésanges, elc., grimpent, et par ce caractère qui leur est propre, 
s’éloignent des habitudes des autres oiseaux. On peut percher ou cramponner les 
Mésanges , le Tarin, etc., parce que ces oiseaux perchent, grimpent el se suspen- 
dent aux branches des arbres; le dessus du corps doit être tourné en bas, et le 
dessous appliqué contre les branches. 


Pour placer l'oiseau sur un de ces trois supports, on fait pénétrer les deux extré- 
nités des fils de fer qui excèdent les pieds, dans deux petits trous pratiqués, dans 
l’un des supports, à une distance proportionnée à l’écartement naturel des jambes. 
On fixe ceux qui perchent ou qui grimpent , soit en serrant en dehors les fils de fer, 
soiten les roulant autour de la traverse du huchoir ou dela branche, ou en les tor- 
dant l’un dans l'autre, et on assujétit ceux qui ne perchent pas, en coupant avec 
une pince les fils de fer qui excèdent l'épaisseur de la pelite planche, et en intro- 
duisant dans les trous où ils passent un petit morceau de bois pointu qui en rem-— 
plitle vide et maintient les fits de fer. La distance de ces trous doit varier selon 
les différentes situations qu’on donne à l’animal. 


La manière de placer les yeux présente divers procédés. Quelques personnes Les, 


500. 


font entrer dans la cavité orbitaire de dehors en dedans , et les fixent avéc une 
dissolution de gomme arabique. 

Il est préférable de pratiquer dans le bec et sur les parties latérales de la 
voûte du palais, qui répondent aux glandes tonsillaires, une ouverture par laquelle 
on introduit les yeux, que l’on avance à volonté. Par ce procédé, l’ouverture ellip- 
tique que forment les paupières n’éprouve aucune altération; les paupières pous- 
sées en dehors deviennent très saillantes , de même que les yeux qui donnent aux 
oiseaux un air très animé. 

Les yeux doivent être en émail, proportionnés à la grosseur de ceux de l’oi- 
seau qu’on empaille, et en imiter les différentes couleurs. On est dans l’usage 
d'employer deux sortes d’yeux, les uns vitrés ou à chambre, et les autres émaillés 
extérieurement; les premiers qui imitent les yeux naturels, doivent ètre pré- 
férés. 

La disposition des plumes de la queue mérite d’être observée. Quelques 
personnes, en les écartant, les fixent au moyen de deux brins de paille ou de 
deux petits morceaux de bois plats, qu’ils assujétissent à leurs extrémités avec 
du fil. Mais cet arrangement des plumes, qui tend à aplatir la queue, est vicieux. 
Dans l'oiseau, cette partie forme presque toujours une voûte, dont la convexité 
est supérieure ou en avant, et la concavité inférieure ou en arrière. Cette forme, 
qui sert à l'oiseau pour le soutenir dans le vol, mérite d’être observée soigneu- 
sement. 

L'oiseau mis dans la position qui lui convient, on procède à l’arrangement des 
plumes du corps, de celles de la queue, qui doit toujours être relevée en voûte 
et non point aplatie (excepté dans les Cygnes, Canards, Harles), et on Ja soutient 
au moyen d’un porte-queue ou fil de fer enfoncé dans l’anus. On plie plus ou 
moins les jambes à la jointure du tibia avec le tarse, selon l’attitude de l'oiseau 
s’il perche; mais on les laisse à-peu-près droites dans les oiseaux qui ne perchent 
pas. Il est utile de réunir les deux mandibules avec un fil, afin de les empêcher 
de s'ouvrir, si l'animal doit avoir le bec fermé; et d’envelopper le corps et les 
ailes avec une mèche d’étoupes, ou avec des bandelettes de gaze, de mousseline, 
de toile, de papier mou, elc., au moins pendant quelques jours, afin que les 
plumes ne prennent pas une fausse direction. 

On doit avoir soin de colorer les différentes membranes que certains oiseaux 
portent sur la tête ou sur le dessus du cou, ainsi que le bec et les jambes. On pré- 
pare, à cet effet, une composition avec le noir d'ivoire, le blanc de plomb et le 
vermillon , pour les couleurs rouges; avec l’ocre ou la gomme-gutite, pour les 
couleurs jaunes, etc. Lorsque les couleurs dont on a enduit ces différentes parties, 
sont sèches, on y passe une couche de vernis qui sert à les lustrer et à éloigner les 
insectes. 

Dans les oiseaux chez lesquels les narines ne sont point recouvertes par des 
plumes, des poils ou des moustaches, on doit avoir soin de remplir de coton 
l’intérieur de ces parties, lorsqu'elles sont d’une grosseur considérable , afin d’em- 
pêcher que la peau supérieure en se desséchant ne les déforme. On doit également 
soutenir les crèles où autres appendices, avec une ou deux de ces allumettes 


‘ aplaties dont on se sert pour fixer les pièces d'anatomie, et qui, placées sur la 


tête ou sous le cou, et cousues avec ces membranes, en empêchent le racornisse- 
ment, et servent à maintenir ces parties dans leur longueur, largeur et forme 
naturelles. On laisse ensuite sécher l’oiseau, et lorsqu'il est sec on enlève les 
bandelettes de papier ou de toile, et on l’enferme dans la collection. 

Les oiseaux de collection se placent dans des armoires en bois solide et bien 
joint, dont le devant vitré s’ouvre à deux battans. On donne à ces meubles plus 
ou moins de largeur et de hauteur, et une profondeur calculée sur le volume des 
oiseaux qu’ils doivent renfermer. L’essentiel est de coller plusieurs bandes de pa- 
pier sur tous les joints , tant à l’intérieur qu’à l'extérieur , afin de ne laisser au- 
cune issue aux insectes et à la poussière. 

À chaque coin, dans l’intérieur, on place un montant taillé en cran, de pouce 
en pouce. Ces crans servent à placer des rayons, à la hauteur que l’on desire sur 
de petites traverses, de manière à laisser la faculté de les rapprocher des vitres 
ou du fond, selon le besoin. 

Quelques personnes sont dans l’usage de faire pratiquer, dans le dessous, un 
tiroir de cinq ou six pouces de hauteur, pour serrer les peaux non montées, les 
collections de minéralogie , de coquilles, etc. 

Ces armoires, une fois garnies d’oiseaux, doivent s’ouvrir le moins souvent 
possible , afin de ne pas favoriser l’entrée des insectes et de la poussière. On fera 
bien de placer des rouleaux de coton entre la porte et ses battans, pour les faire 
joindre parfaitement. On peut, si on le veut, placer de temps à autre, dans ces 
armoires , des morceaux de camphre, ou y jeter quelques gouttes d'essence de 
serpolet. Enfin, il ne faut négliger aucuns moyens pour s'assurer de la conserva- 
tion des individus qu’elles contiennent. 


FIN. 


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