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XXXIV.
La table générale des 20 premiers volumes (1851 à 1870),
formant la première série de LA BELGIQUE HORTICOLE, se trouve
à la fin du tome XX.
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BELGIQUE HORTICOLE
ANNALES
DE BOTANIQUE ET D'HORTICULTURE
PAR
EDOUARD MORREN,
ique,
Secrétaire de la Fédération des Sociétés d’horticulture de Belgique
et de la Société royale d’horticulture de Liége; Membre de l’Académie royale des sciences, des lettres
et des beaux-arts de Belgique, etc., etc.
1884.
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A LA DIRECTION GÉNÉRALE, BOVERIE, 1.
A LA MÉMOIRE
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SA VIE, SES TRAVAUX ET DES JARDINS D'ANTIBES ©,
GUSTAVE ADOLPHE THURET est né à Paris le 23 mai 1817.
Il était le troisieme fils d’Isaac Thuret, consul des Pays-Bas à
Paris et appartenait à une famille protestante d'origine française,
qui s’était réfugiée en Hollande à l’époque de la révocation de
l’édit de Nantes. Il commenca son éducation sous la direction d’un
professeur privé et pendant cette période de sa vie parcourut
deux fois, en famille, la Suisse et l'Italie supérieure. Plus tard
en 1835, recu bachelier es-lettres, il visita seulla Grande-Bretagne,
et voyagea quatre mois durant à travers l'Angleterre, l'Écosse,
l’Irlande,les Orkneys, les îles Shetland et les Hébrides, observant
tout ce qui était susceptible d’exciter son intérêt ou sa curiosité et
rapportant de cette exploration ample moisson d’impressions
durables. De 1836 à 1838 il suivit les cours de la Faculte
de droit et y prit son diplôme de licencié. En 1837 il fit avec sa
famille un long voyage en Allemagne et en Hollande, et consacra
(1) Cette notice a été rédigée d’après un article de M. FARLOw inséré dans
le Journal of Botany (1876, p. 4)et d’aprèsle Gardeners Chronicle (10 juillet 1875,
p. 40) dont la direction nous a communiqué le cliché du portrait de Gustave
Thuret.
ses loisirs au dessin, à la peinture et surtout à la musique, qu'il
VOTE
cultivait avec ardeur. Il passait la majeure partie de l’année au
château de Rentilly, près Lagny (Seine et Marne), residence de son
père. M. A. de Villiers, un de ses amis, qui partageait son goût
pour la musique, mais était en même temps un botaniste d'un
certain mérite et avait accompagné dans ses tournées d’explora-
tion Adrien de Jussieu, fit naître chez lui le goût de l’aimable
science. Les deux amis herborisèrent de concert aux alentours de
Rentilly, récoltant des plantes et les déterminant au moyen de la
Flore parisienne de Bautier : les cas difficiles ou litigieux étaient
soumis à M. Decaisne. Vers la fin de l'été, Thuret revint à Paris;
sous les auspices de M. Decaisne, il se familiarisa avec la science
des plantes, acquit de solides notions d'organographie et d’ana-
tomie végétales : c'est de cette époque que date entre le maître
et l'élève, une amitié qui ne fit que s’accroître et se resserrer
avec les années.
À cette époque, Decaisne travaillait à ses « Essais sur une
classification des Algues et des Polypes calcifères »; Thuret se
trouva donc tout naturellement amené à s’occuper des Algues.
Pendant l’hiver 1889-40, Thuret se rendit pour la première
fois à Constantinople. De retour en France, il accompagna sa
famille à Lyon et se consacrä sérieusement à l’étude des végé-
taux, herborisant avec MM. Jordan et Seringe et s'adonnant aux
recherches microscopiques. L’une de ses premières découvertes
fut celle des organes locomoteurs des antherozoïdes des Chara(l),
En octobre de la même année, Thuret retourna à Constantinople
comme attaché à l’ambassade de France. Il explora les environs
de Brousse, le mont Olympe, etc., et y recueillit de nombreuses
plantes, parmi lesquelles M. Boissier reconnut plusieurs espèces
nouvelles. A la fin de l’année il prit un congé pour parcourir la
Syrie, la Palestine et l'Égypte; mais ce voyage si plein d'interêt,
dont il se plaisait plus tard à rappeler les incidents, faillit avoir
(1) Note sur l’anthère du Chara et les animalcules qu’elle renferme, 2#
Annales des Sciences naturelles, 1840.
Dire
une terminaison funeste. M. Thuret tomba malade à Thebes, et
fut ramené, non sans peine ni danger, au Caire et de là à Alexan-
drie, d’où il fit voile pour la France. Une fois de retour à la maison
paternelle, il se remit à l'étude des Algues, sous la direction de
M. Decaisne, qui préparait alors une classification de ces végé-
taux. Un cours d’eau qui traversait le pare de Rentilly lui
fournissait en abondance les matériaux nécessaires à ses études.
Thuret ne tarda pas à pouvoir affirmer que les spores de cer-
taines Algues — dont on connaissait depuis longtemps les mou-
vements spontanés, sans qu'on en sût la cause — étaient munies
d'organes locomoteurs ou cils, diversement disposés, suivant
les genres. On avait cru longtemps — et cette opinion compte
encore aujourd'hui un certain nombre de partisans — que les
cellules claires et refringentes (hétérocystes) des Nostochinées
y exercent les fonctions d'organes reproducteurs. M. Thuret
prouva, en 1844, que ce ne sont pas ces globules, mais bien les
filaments moniliformes (hormogonies) des Nostocs qui remplissent
ce rôle. Il observa la rupture de ces filaments mis en liberté par
la résorption de la substance gélatineuse où ils sont plongés, et
vit leurs fragments se mouvoir sur le champ du microscope, ceux
là même qui ne comptaient que trois articles. Enfin il suivit
leur développement et leur transformation en jeunes Nostocs —
et plus tard, nombre d’années apres, compléta ces observations
par la découverte du même phénomène de dispersion et de repro-
duction chez toutes les Nostochinées, les Lyngbya comme les
Nostoc, les Scÿtonema comme les Rivularia.
Les auteurs qui s’étaient occupés des Fucacées antérieure-
ment à cette époque y avaient decrit deux sortes d'organismes
reproducteurs — de volumineuses spores brunes et de plus petits
corpuscules, appelés microphytes ou sporidies. Soupconnant que
ces sporidies pourraient bien n’être autre chose que des anthé-
ridies, M. Decaisne et Thuret partirent pour le littoral du nord
de la France, à l’effet d’élucider la question sur les lieux. Ils
constaterent d’abord que chez certains Fucus les mêmes con-
Frot
ceptacles contiennent à la fois et simultanément l’un et l’autre
organismes, tandis qu'ailleurs les deux sortes de corpuscules sont
renfermés dans des conceptacles distincts, sur le même individu
ou sur des individus séparés. Plus tard ils reconnurent que la
sporidie, placée sur le champ du microscope dans une goutte
d'eau de mer, met en liberté une profusion de corpuscules :
transparents, mobiles, munis chacun d’un point rouge (point
oculiforme) et de deux cils, et s’assurèrent que ces corpuseules
étaient incapables de germer. Il s'agissait évidemment de produc-
tions semblables aux anthérozoïdes des Chara. Decaisne et
Thuret constatèrent en outre que chez certaines espèces de Fucus
le contenu du sporange, au lieu de rester simple, se fractionne
en deux, quatre ou huit parties, constituant chacune une spore
apte à germer.
L’extrême facilité avec laquelle on se procure, aux dépens des
espèces dioïques de Fucus, des quantités considérables de spores
et d’anthérozoïdes, permit à Thuret de donner, en 1853, la
démonstration expérimentale de la sexualité des Fucacées. Tenus
à part, les corpuscules des deux sortes se décomposèrent sans
germer; les mélangeait-on au contraire : on ne tardait pas à
voir les spores s’entourer d’une membrane ou enveloppe et entrer
en germination. Depuis cette époque, la nature des relations
entre le corpuscule mâle et la spore au moment de la fertilisation
a été plus exactement établie, mais rien d’essentiel n’a été ajouté
aux démonstrations si claires et si concluantes de Thuret sur le
fait même de la sexualité de ces plantes.
Poursuivant la série de ses observations sur la fécondation
des Fucacées, Thuret démontre en 1857 que l’action des anthé-
rozoïdes sur la spore est instantanée : il reconnait, à l’aide de
réactifs appropriés, que la membrane est déjà nettement appa-
rente 6 ou 8 minutes après le contact, et qu'au bout d’une heure
elle a revêtu les caractères chimiques de la cellulose. De 1845
à 1847, il continue ses investigations sur les anthéridies des
Cryptogames supérieurs et les zoospores des Algues d’eau douce
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et fait en compagnie de Riocreux, nombre d’explorations sur le
littoral. Le résultat de ses recherches, orné de superbes figures
dues à Riocreux, fut présenté à l’Académie des Sciences en 1847
et obtint, trois ans plus tard, le grand prix pour l’avancement
des sciences naturelles.
On peut dire, sans exagération, que le mémoire contenant
l'exposé de ces recherches, d'importance capitale en algologie,
est un des plus complets qui aient jamais été publiés.
En 1847, Thuret quitta Rentilly pour s'installer à Versailles
avec sa famille. Les troubles politiques qui survinrent vers
cette époque ralentirent, sans les interrompre tout à fait, ses
investigations scientifiques. En 1849 il fit paraître une note sur
les anthéridies des Fougères et des Equisetum; l’année suivante,
il s'occupa à écrire le récit de ses excursions sur le littoral, pré-
parant, avec l’habile et dévouée collaboration de Riocreux, les
matériaux d’un grand ouvrage sur les Algues marines, dont
plus de quarante planches sont déjà gravées. Ces séjours
temporaires sur les côtes de la mer ne suffisaient pas à assouvir la
soif de connaissances dont Thuret était dévoré. En novem-
bre 1852, il s’associe avec le D' Bornet et s’installe à Cherbourg.
La démonstration de la sexualité des Fucacées, une note sur
les Ulva Lactuca et latissima, des recherches sur les anthéridies
des Algues, la découverte de la germination des spores des Nosto-
chinées, tel est, en peu de mots, le bilan scientifique apparent de
ses cinq années de séjour en Normandie : mais ce bilan est incom-
plet, car Thuret, grâce à ses herborisations continuelles et à
l'étude des Algues à leurs divers stades de développement, acquit
une Connaissance approfondie de cette classe végétale ; et lorsque,
par la suite, son ami et compagnon, M. A. Le Jolis, entreprit la
publication de la liste des Algues marines de Cherbourg, il trouva
dans Thuret un assistant et un guide précieux, dont les
connaissances étaient rarement en défaut.
Cependant le climat de la Normandie avait eu sur la santé
de Thuret l’action la plus fâcheuse; l'asthme dont il souffrait,
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et qui s'était aggravé sous l'influence prolongée de l'humidité
dans la mauvaise saison, l’obligea bientôt à se retirer dans le midi
de la France, sur le littoral de la Méditerranée, où il espérait
trouver abondance d’Algues et un ciel plus clément. Malheureu-
sement la récolte des Algues sur la Méditerranée n’est pas chose
facile, car il n’existe que peu ou point de marée et l’algologue se
trouve ainsi à la merci des vents. Thuret se décida, à la fin, à
choisir Antibes comme la localité la mieux appropriée aux
exigences de sa santé et à la récolte de ses spécimens d'étude et
y fit acquisition d’un terrain inculte et sauvage qu’il transforma
en peu de temps en un des jardins les plus en renom de l’Europe,
en dépit de l'opinion des propriétaires voisins, qui le défiaient d'y
rien faire croître. C’est là que Thuret se retira en compagnie de
son ami Bornet, et c’est là qu’il passa le reste de son existence,
ne quittant son jardin que pendant les chaleurs ardentes de l'été,
pour demander aux rives de l’Atlantique un peu de bien-être et
de fraîcheur.
Le voyageur qui a parcouru le Sud de la France n'oublie jamais
la pittoresque beauté d'Antibes, située à mi-chemin entre Nice et
Cannes, avec une vue magnifique de Nice abritée par des mon-
tagnes couvertes de neiges perpétuelles, d’un côté, et de l’autre
l’Estrelle et l’île historique de Sainte Marguerite. La brillante
peinture d'Horace Vernet au Louvre rappelle l’époque, depuis
longtemps passée, où Antibes joignait aux avantages de sa
situation pittoresque l'honneur d’être une importante station
navale française : aujourd’hui, à part l’animation provoquée de
temps à autre par le passage de quelque caravane de touristes
anglais installés à Cannes, les habitants y sont tranquilles et
paisibles autant que les débris de leur amphithéâtre romain.
La demeure de Thuret, située sur une éminence peu élevee, à
l'endroit désigné sous le nom de Cap d'Antibes, commande une
superbe perspective de la baie de Nice : on distingue même, pendant
les matinées claires et ensoleillées, les sommets des montagnes
de la Corse se projetant sur l’horizon, bien loin, au midi. La
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pelouse qui se déploie de chaque côté de la maison se parait, au
printemps, des brillantes corolles de l’Anemone coronaria, tandis
qu'un magnifique Pougainvillea, aux fleurs rose-pourpré, con-
trastant avec les Cactus et autres plantes charnues installées
plus bas, grimpait le long du porche et tapissait de son feuillage
luxuriant l’une des faces de l’habitation. Du côté oppose se voyait
un groupe de Protéacées en fruits, d’allure bizarre : on eût dit
des étrangers sortis de la maison pour jouir de la perspective.
Plus loin, un massif d’arbres et de plantes buissonneuses, ayant
au centre un robuste Z'ucalyptus globulus, dont le feuillage
penché, de couleur vert sombre, était relevé çà et là par les
bouquets brillants des fleurs d’Acacias, remplissant le jardin de
leur parfum pénétrant. Inutile d’insister davantage sur les
splendeurs botaniques qui décoraient ces lieux, les rocailles
tapissées d'espèces rares de Sedum, Sempervioum, Mesembryan-
themum, Àloë; les curieux buissons cachés sous les arbres ; les
Lihacées, dont le visiteur venant du nord avait peine à admettre
la croissance spontanée; le vert brillant des Campbriers, les
Casuarina au feuillage sombre et pendant, les Grevillea robusta
avec leur verdure étincelante ou le pittoresque désordre des
Oliviers.
Au milieu des splendeurs de ce superbe climat et de cette
incomparable végétation, Thuret s’adonna avec ardeur aux soins
du jardinage et à ses études, en compagnie du D" Bornet, son
ami, un élève de Léveillé, dont il avait fait la connaissance à
Paris. Entre ces deux botanistes existait l’amitié la plus intime.
Bien que dissemblables à l’extrême, ils étaient unis par leur
communaute de dévouement à la science, d’amour pour les
recherches délicates, d’affection et de bienveillance pour les débu-
tants, par leur sympathie réciproque. Thuret était grand, ses
cheveux grisonnants faisaient paraître son teint clair, son main-
tien était digne sans froideur, son parler lent. Bornet, au con-
traire, est de petite taille, brun de visage, s'exprimant avec
volubilité. Thuret réalisait plutôt le tempérament anglais,
jo.
Bornet est français jusqu’au bout des ongles. Dans sa retraite
d'Antibes, Thuret se trouvait protégé contre l’indiscrète curiosité
des touristes qui passent l'hiver à Nice et à Cannes; les
visites mêmes de ses confrères en botanique n'étaient rien
moins que fréquentes. Plus d’une fois de jeunes botanistes se ren-
dirent à Antibes pour y étudier les Algues : il les reçut toujours
de la façon la plus cordiale, mettant à leur service ses livres et
ses collections, — et chacun s’en refournait sous le charme de sa
cordialité, de sa bienveillance et de sa connaissance approfondie
des Algues : Woronin, Famintzin, Janczewski, Rostafinski,
Cornu et l’auteur même de cet article (Farlow) sont la pour
l’attester. Sa demeure était pleine de dessins, de notes, de pré-
parations d’Algues, et il suffisait souvent d’une simple question
pour le lancer dans une dissertation qu'il poursuivait parfois
plusieurs heures durant, charmant et décourageant à la fois ses
jeunes auditeurs. Quand reparaissaient les ardeurs de l’eté, les
deux amis revenaient à Paris, y passaient quelques jours en
famille, puis partaient pour les rives de l'Atlantique et s’y
livraient à de sérieuses études, jusqu’à ce que les premiers
froids de l’automne vinssent les rappeler dans leur paisible retraite.
Généralement une plante spéciale ou un groupe de plantes
faisait l’objet de ces études d’été et l’on choisissait comme rési-
dence une station où il y eût chance d’en rencontrer à profusion:
c’est ainsi que l’été de 1873 fut consacré, à Biarritz, à l’étude du
développement du Polyides rotundus, travail dont les résultats
n’ont pas encore été publiés; l’été de 1874 se passa à Cherbourg,
où la santé de Thuret ne lui permit pas de récolter comme
d'habitude. Pendant l’automne de 1875, il revint à Antibes comme
d'ordinaire; bien que sa santé fût affaiblie et que son asthme le
fit beaucoup souffrir, il n’y avait rien qui fût de nature à faire
naître chez ses amis de sérieuses appréhensions à son sujet. Mais
le 10 mai 1875, étant en visite à Nice, il fut pris d’une indispo-
sition subite, et mourut, sans agonie, d’une angine de poitrine,
ne laissant à ses amis que la triste consolation de savoir que cette
nr
fin prématurée lui épargnait de longues souffrances physiques et
que la présence de son vieux et dévoué camarade ne lui manquait
pas à ses derniers moments.
Le temps n’est pas encore venu d’apprécier à sa juste valeur
la place que Thuret occupe dans la science et ce serait présomp-
tion de notre part que d’entreprendre pareille tâche. Mais nous
pouvons examiner ses qualités et ses mérites comme naturaliste
et comme écrivain. [Il n’a, malheureusement, publié que peu d'ou-
vrages, car, bien qu'il eût accumulé une quantité énorme de notes
et de dessins, il hésitait à livrer au monde savant le résultat
de ses études avant de l'avoir travaillé et remanié à fond,
craignant de demeurer en dessous de la tâche qu’il s’était imposée.
En revanche, s’il publiait peu, il mettait avec la plus extrême
obligeance ses observations, ses dessins et ses connaissances au
service de tous ceux qui les réclamaient de lui. Le soin extrème
qu’il apportait à vérifier les moindres détails, à revoir et à contrôler
ses observations, qui ne lui paraissaient jamais assez complètes, la
difficulté qu'il éprouvait à exprimer sa pensée à sa propre satis-
faction — difiiculté qu’on ne soupconnerait pas à la lecture de
ses memoires — suflisent amplement à expliquer le nombre rela-
tivement restreint de ses publications qui rachètent du reste
ce défaut par leur haut degré de précision, d’exactitude et leur
profondeur de vues, de telle sorte qu'il ne reste rien ou peu de
chose à y ajouter et que l’on peut justement dire à leur égard :
Non multa, sed multum.
Thuret, à l'heure de sa mort, confia ses manuscrits et ses
dessins au D' Bornet, avec mission de surveiller leur publication :
alors seulement que cette tâche sera terminée, les botanistes
pourront apprécier à sa juste valeur ce dont la science lui est
redevable. Pour autant qu’on se borne aux publications parues
jusqu’à présent, on voit que la réputation scientifique de Thuret
repose en grande partie sur ses travaux algologiques, notamment
ses « Recherches sur les Zoospores des Algues et les Anthéridies
des Cryptogames, 1850; Recherches sur la fécondation des
vd
Fucacées suivies d'observations sur les Anthéridies des Algues,
1857; Recherches sur la fécondation des Floridées, 1867, en
collaboration avec le D' Bornet. » Le premier de ces mémoires
est un abrégé du travail qui valut à Thuret le prix de l’Académie
et qu'il avait l'intention de publier ix-extenso dans la suite :
nous avons indiqué précédemment sa signification et sa portée.
Les « Recherches sur la fécondation des Fucacées » nous
paraissent être, de tous les ouvrages de Thuret, celui où
les qualités de l’écrivain apparaissent le mieux en relief. Le
sujet, intéressant en lui-même, est admirablement traité : c’estun
modèle de dissertation scientifique, écrit dans un langage ni trop
concis ni trop délayé. C’est là que nous trouvons le secret de ses
succès comme écrivain : il expose toujours les faits simplement,
sans ennuyer le lecteur de détails dépourvus d'intérêt ni s’écarter
jamais du sujet qui l’occupe. Les « Recherches sur la Féconda-
tion des Floridées » prouvent combien Thuret était exempt
d’idées ou d’opinions préconcues. Naegeli avait figuré un organe
auquel il ne consacrait d’ailleurs qu’une courte notice en passant,
ne lui attribuant, dans sa théorie, aucun rôle dans la fertilisa-
tion des Floridées. Frappé par la figure de Naegeli, mais sans
aucune idée préconçue sur ce que pouvait être la fécondation de
cette classe d’Algues, Thuret rechercha et découvrit, dans l’or-
gane décrit par le botaniste allemand, le trichogyne, la clef de
voûte de la fécondation chez les Floridées.
Thuret était un correspondant large et généreux, il avait
l'habitude de fournir à ses amis des notes d’une haute valeur
scientifique, dont une partie a été livrée à la publicité. Il n’a
malheureusement fait paraître aucun traité sur la classification
des Algues, mais dans une note publiée par Le Jolis dans sa «Liste
des Algues marines de Cherbourg, » il expose brièvement ses vues
sur la question et met en tête de la classe, non les Fucacées, mais
les Aloridées — opinion à laquelle se sont ralliés la plupart des
auteurs modernes.
Comparer Thuret à d’autres Algologues n'est pas aisé. Il
ns
n’avait pas la prétention de pouvoir, comme Agardh ou Harvey,
déterminer les espèces étrangères. Bien que possèdant un
herbier considérable, il n’éprouvait nullement le désir de l’aug-
menter par voie d'échanges avec l'étranger, estimant que
poussée au delà d’une certain limite, pareille collection devient
pour le botaniste une gêne et une entrave, bien plutôt qu'un
moyen d'accroître ses connaissances. Pour lui, ce n'étaient plus des
Algues que ces choses informes, vertes ou rouges, entassées dans
les cartons : c’est attachées aux rochers, déroulant leur thalle
flexible dans les eaux des étangs et des lacs, abordant, à chaque
marée, une nouvelle phase de leur existence, à chaque saison un
nouveau stade de vie, qu’il aimait à les voir et à les étudier. Avec
cette préférence pour les études faites sur place, rien d’étonnant
à ce qu'il mit Griffith, comme algologue, au-dessus de Harvey,
ni à ce qu’il engageät ses amis à se rendre, pendant l’automne
ou l’hiver, en quelque point du littoral pour y étudier en détail
les espèces qui y grandissent, au lieu de se borner à une courte
excursion au cœur de l'été, alors que les Algues sont moins
nombreuses ou en moins bonnes conditions, pour y récolter
quantité de spécimens destinés à être immergés dans l'alcool et
à servir aux travaux d'hiver.
Lamouroux, Bory, Chauvin, Montagne ont avancé en France
l’algologie autant que faire se pouvait par l’étude exclusive des
spécimens d’herbier. Thuret et ses disciples — Bornet, Le Jolis,
Derbèes, Solier, auxquels nous pourrions adjoindre les frères
Crouan — en transportant leurs microscopes sur le littoral, ont
placé la France à la tête des nations pour ce qui regarde la
connaissance approfondie des Algues marines,
L'intérêt que Thuret portait à la botanique ne se bornait
pas aux Algues; il s’étendait plus ou moins à tous les Crypto-
games. Chaque fois que Thuret changeait de résidence, il ne
manquait pas de se faire un herbier, aussi complet que possible,
des espèces croissant spontanément dans le district. C’est en
grande partie sur les matériaux récoltés par Thuret, lors de
== 6 ==
son séjour en Provence, que M. Ardoïino à écrit sa « Flore des
Alpes maritimes. »
Thuret s’interessait aussi vivement à l’histoire, à la littéra-
ture, à tous les arts d'agrément, ainsi qu'aux questions reli-
gieuses, théologiques aussi bien qu’ecclésiastiques qui provoquent
en ce moment un redoublement d'attention dans toute l’Europe,
apportant à l’examen de ces matières un jugement calme et
impartial, un esprit aux idées nobles, saines et toujours libérales.
Ce serait omettre un des traits essentiels de son caractere, que
de ne pas mentionner sa générosité envers les désherités de la
fortune : désireux de jeter le voile de l'oubli sur ses largesses, il
appliquait à la lettre le précepte de l'Évangile; sa main gauche
ne savait jamais ce que donnait sa main droite — et nous croyons
ne pouvoir mieux terminer cet article consacré à la mémoire de
l’homme éminent qui n’est plus, qu’en disant de lui qu’il realisait
à la fois le type parfait du savant et du gentleman.
Page
PPT ENS
dr
LA
LGIOQUE HORTICOLE.
1884.
DESCRIPTION DU P/ZLLPBERGTA SANDERIA NA Morr.
Figuré planche I-II,
PAR M. EpouaArD MORREN.
Billbergia Sanderiana foliis coriaceis in situ naturali brevibus, mucro-
natis et valde armatis, in caldariis imo longioribus et spinis minimis margi-
natis. Scapo nutante; panicula laxa, elongata, nitida; spathis dilute roseis;
ramis inferioribus parvis subtrifloris, superioribus bi vel unifloris. Floribus
bracteolatis, sessilibus. Sepalis ligulatis, apice coeruleis. Petalis triplo longio-
ribus, lamina coerulea, ungui luteo-virescenti. Fructu sulcato.
Brasiliana, a cl. Glaziou super montes de Novo Friburgo, provinciae Rio-
Janeirensis, anno 1868, detecta et in herbariis sub n° 2731 dessicata. In Europae
caldaria invecta viri cl. F. Sander cui dedicamus.
Figures analytiques.
. Une fleur, gr. nat.
. Une bractéole,
. Un sépale, aggr.
Un pétale et une étamine.
. Le pistil.
. Le fruit.
. Le feuillage et une inflorescence.
I À À ©
Brillante acquisition pour le genre Püillbergia déjà fort bien pourvu.
La plante croit sur ia Serra de Novo Friburgo dans la province de
Rio de Janeiro. Elle a été découverte par M. A. Glaziou qui l’a récol-
tée le 23 mai 1868 et classée dans son herbier sous le numéro 2731.
Elle a été introduite vivante en Europe, au mois d'août 1882 par
M. Sander, de Saint Albans, en Angleterre, qui nous en a fait part et
auquel nous la dédions, en témoignage de son zèle pour l'introduction
en Europe des plus belles productions de la végétation exotique
2
Rs
Le Büillbergia Sanderiana développe une belle panicule pendante et
rameuse et, sous le rapport botanique, doit être classé près du PBul-
bergia viltata (Belg. hort., 1874, p. 19, pl. I-II) et du PBilbergia
amoena. Il se recommande par le rose tendre des bractées et le bleu
des pétales.
Les plantes nées et développées au Brésil ont les feuilles très
coriaces, courtes, larges et bordées de fortes épines noires telles que
nous les représentons. Mais les drageons qui se forment ici dans
les serres ont une tout autre physionomie. Les feuilles sont moins
fermes, plus longues, moins larges et surtout presque dégarnies
d’épines qui sont devenues chétives et insignifiantes. N'ayant plus à
lutter et à se défendre, ces plantes semblent s'adapter aux nouvelles
conditions vitales auxquelles elles sont soumises.
Plante de dimensions moyennes pour le genre (ici, 0"50 de haut et
040 de diamètre), à caudex épiphyte, épais et à drageons rapprochés.
Feuilles relativement nombreuses (jusque 15 ou 20) en rosette lâche,
dressée, infundibuliforme, coriaces, inégales, relativement courtes
(jusque 0®30 à 040), dressées, peu arquées, vertes sur les deux faces,
lisses et luisantes en dessus, un peu pelliculeuses en dessous; à gaine
large (0"10), ovale et longue; à lame en courroie large (jusqu'à 005
ou 6), un peu canaliculée, bordée de fortes épines cornées, noires, très
aigues, longues (jusqu’à 0"007) et peu espacées surtout à la base, enfin
brusquement tronquée et brièvement mucronée.
Par la culture et dès la première année les feuilles modifient les
caractères des plantes spontanées, elles s’amollissent, s’allongent, se
rétrécissent même de moitié et atténuent considérablement leurs
épines qui deviennent très courtes et inoffensives.
Inflorescence pendante et parfois assez longue pour atteindre la
souche de la plante. Hampe épaisse (0"008), lisse, blanche, arquée, à
nœuds éloignés (0*05-6), portant chacun une bractée membraneuse,
enveloppante, obtuse et rose. — Par la culture, cette hampe peut
s’atténuer jusqu’à devenir grêle (0005).
Panicule pendante, longue (0"25), lâche, à rachis lisse et pâle, à
nœuds rapprochés (0"025 au moins), portant dans un ordre spiral,
chacun ou au moins le plus grand nombre, une spathe membraneuse,
ovale, ample (0"05-6), large (003), étalée et rose tendre. Aux nœuds
supérieurs la spathe se restreint de plus en plus et se réduit à l'état
SO
de bractéole minime. A l’aisselle des spathes se trouvent, suivant le
rang et sur des rameaux courts, 3, 2 ou 1 fleurs pourvues chacune
d'une bractée minime (0"013), égale à l'ovaire, membraneuse, ligulée,
acuminée, droite, lisse et rose pâle.
Fleurs sessiles, longues (007), presque tubuleuses, un peu arquées.
Sépales courts (0018), droits, ligulés, arrondis, lisses, blanc-verdâtre
avec la pointe bleue. Pétales deux fois plus longs (0"05) disposés en
entonnoir allongé, ligulés, pourvus à la base de 2 petites écailles
pectinées, à onglet blanc verdâtre, à limbe plus large (0005), obtus
et bleu. Étamines 3 libres, 3 faiblement adhérentes à la base des
pétales, toutes de même longueur que la corolle, à filets droits, blanc-
verdâtre, à anthère dorsifixe, courte et droite. Pistil un peu plus long
(0"054), à 3 branches stigmatiques larges, contournées et violettes,
à ovaire cylindrique, court (0"015), cannelé et lisse. Fruits en baie
pourvue de côtes.
REVUE CRITIQUE DES PLANTES NOUVELLES DE 1883,
PAR T. Moore.
Traduit de « The Gardeners’ Chronicle. »
Un des signes les plus indiscutables des progrès de l’horticulture,
une des meilleures preuves de la réalité de sa marche en avant, c’est
l’arrivée incessante de nouveautés, qui ne font, après tout, qu’obéir
à la loi de l'offre et de la demande. Nous voyons en effet, chaque
année, nos horticulteurs de profession — les introducteurs sont tous
commerçants, aujourd’hui — trouver moyen d’avoir des nouveautés
à offrir pour répondre à leur but, et continuer à en fournir, à grands
frais et au péril de l’existence de leurs collecteurs. Or, il n’en serait
pas ainsi, s’il n’y avait de généreux et zélés protecteurs des progrès du
jardinage et si l’horticulture se trouvait stationnaire; aussi n’est-ce
jamais sans une vive satisfaction que nous portons au bilan de chaque
année nn relevé considérable de plantes nouvelles — le sujet dont
nous nous occupons plus spécialement; et nous estimons que, sous ce
rapport, l’année 1883 pourra, sans défaveur, entrer en lice avec celles
qui l’ont précédée. Nous commencerons ce résumé des acquisitions les
2 (00) et
plus importantes de l’année par l’aristocratie du royaume de Flore, la
famille des Orchidées.
ORCHIDÉES.
Il ne peut y avoir de doute sur la plante à laquelle revient le
premier rang, la place d'honneur; celle-ci appartient, sans conteste,
au Vanda Sanderiana (Gardeners’ Chronicle, 20, 440, fig. 67, 68), qui
a fleuri en Angleterre depuis l’époque où nous en avons fait mention
il y a quelque douze mois et a été décrite par le professeur Reichen-
bach, comme « la plus grande nouveauté introduite depuis des
années » — opinion que ne peuvent manquer de partager ceux qui ont
vu ses splendides fleurs, et à laquelle les autres se rallieront, dès qu'ils
auront eu l’heureuse chance de les admirer à leur tour. Imaginez un
épiphyte toujours vert, en touffe dense, rameuse, couverte des feuil-
les récurvées, canaliculées. à pointe oblique, habituelles aux Vandas,
et sortant de leurs aisselles des racèmes de 8-12 fleurs, mesurant
chacune 5 pouces (12 1/2 cent.) de diamètre, planes à la manière de
celles de l'Odontoglossum vexillarium ; le sépale supérieur et la moitié
supérieure des pétales sont de la même teinte rouge-bleuâtre, tandis que
les sépales inférieurs, de plus grandes dimensions, sont teintés de
jaune-verdâtre vif, avec des stries longitudinales et transversales
rouge-cramoisi, formant une sorte de damier serré : Le minuscule labelle
cramoisi brun servant de repoussoir aux autres couleurs. La plante
est originaire des Iles Philippines; elle a fleuri pour la première fois
en Europe chez W. Lée, Esq., et sera difficilement détrônée de sa
position prédominante. |
Une autre jolie forme du même genre, le Vanda suavis Schrôderiana,
a fait son apparition pendant l’année; elle diffère de la plante type,
l’une de nos plus jolies Orchidées orientales — par la couleur jaune-
orange immaculée de son périanthe, et la nuance blanc pur du labelle
et de la colonne : c'est donc une forme bien distincte et une addition
intéressante à nos collections.
Une autre Orchidée orientale nouvelle mérite une place en évidence :
c'est l’Aërides Lamwrencianue, que l’on rattache à l’4. odoratum et dont
le spécimen original a été vendu aux enchères pour 235 guinées. Elle
produit de longues grappes d’une trentaine au moins de jolies fleurs,
MOT
grandes comme celles de l’À. crispum, de couleur blanche passant au
jaunâtre, teintées de pourpre-rosé au sommet; sépales et pétales
oblongs-cunéiformes, labelle à lobes latéraux élevés oblongs-dolabri-
formes, le lobe central avec deux bandes pourprées convergeant vers
l'origine de l’éperon cônique incurvé. La plante est dédiée à Lady
Lawrence.
Le Phaluenopsis Sanderiana est sans contredit une plante jolie
autant que distinguée, son aspect est intermédiaire entre P. amabilis
et P. Schüilleriana : feuilles oblongues-allongées, vertes ou panachées ;
fleurs en panicule, arrondies dans leur pourtour, de 4 pouces (10 cent.)
de diamètre, sépales et pétales passant, suivant les variétés, par toutes
les teintes du rose-blanchâtre au pourpre rosé, labelle blanc maculé de
jaune et marqué de bandes pourprées ou brun-canelle; cirrhes en
forme d’ancre. La plante a fleuri pour la première fois chez M. N. M.
de Rothschild; elle a été introduite de l’Orient par MM. Sander et Cie.
P. leucorrhoda alba est une chaste et délicate forme de cette rare
espèce, à feuilles oblongues à peine maculées, à hampes pendantes de
jolies fleurs d’un blanc pur, sauf la base des sépales qui est tachetée de
pourpre en dessous et les lobes latéraux du labelle, marqués supérieu-
rement de ponctuations et de bandes pourpre-rosé plus foncé; les
cirrhes du labelle sont fortement développés. Il a gagné, pour compte
de MM. Low et Ci, une mention de première classe au commencement
de l’année dernière, à une exposition de Kensington-Sud.
Passant à un autre groupe non moins décoratif, celui des Cattleyas,
nous y trouvons diverses additions et acquisitions. Tout d’abord, le
Cattleya nobilis (fig. 120, p. 729 de notre dernier volume), espèce
naine — proche parente du C. Walkeriana, maïs à fleurs plus grandes,
couleur rose-magenia brillant, à labelle blanc à la gorge et au disque,
avec le lobe antérieur bordé et teinté de rose au sommet. C'est une
plante brésilienne, introduite par la Compagnie continentale d’horticul-
ture. Puis le C. superba splendens de M. Beckett, espèce d’une rare
beauté, de couleur pourpre rosé intense, d’une richesse exceptionnelle,
avec un labelle violet rosé à reflets marron, et sur toute sa surface un
éclat velouté qui lui prête un attrait hors ligne. Le C. Sanderiana,
mentionné l’an dernier, semble être une forme de C. gigas — C. gigas
Sanderiana — et une forme superbe, grâce au pourpre brillant de
son labelle et au contraste qu’il forme avec les deux macules jaunes
> 3952
nettement circonscrites à la gorge du tube. D’autres jolis Cattleyas
ont été mis en vente pendant l’année,notamment : C. Trianae formosa,
C. Mendeli selbornensis, C. Warneri sudburgensis et C. Mossiae
Hardyana, le dernier à fleurs élégamment maculées ou striées,
curieuse particularité qui semble constante chez cette race. Nos
voisins du Continent semblent disposés à tourner sérieusement leur
attention vers le croisement des Orchidées : c’est ainsi que M. A. Bleu
vient d'obtenir, du croisement des C. amethystina et Aclandiae (non
Acklandiae, comme le voudrait l'orthographe erronée consacrée par
l'usage), un charmant hybride, le C. calumnata (non calumniata),
figuré récemment dans la Revue Horticole; c'est une forme naine à
grandes fleurs du genre du C. Aclandiae, avec les sépales et les pétales
blancs légèrement teintés de rose et de vert et marqués de lourdes
macules violettes, le labelle à lobes latéraux blancs et étalés, à lobe
moyen saillant, cunéiforme, d’un riche cramoisi pourpré velouté.
Parmi les Laelias, nous avons le charmant et grâcieux Z. Amanda, à
grandes fleurs incarnat pâle traversées de veines pourpres, le labelle
plus lourdement marqué, avec les veines centrales plus apparentes et
parallèles, celles du pourtour divergentes, diversement entrecroisées
et s'étendant jusqu'aux bords crispés de l'organe. Z. Wyattiana est une
toute jolie Orchidée, importée avec un stock de la forme à bulbes
courtes du Z. purpurala. Les fleurs sont grandes, avec les pétales et
les sépales blancs, le labelle irrégulièrement ondulé en avant, les lobes
latéraux jaune clair et le lobe frontal d’un beau pourpre clair, veiné de
nuance plus foncée. Puis vient Z. anceps Hilliana, à périanthe d'un
blanc pur, avec le labelle pourpre clair, bilobé en avant, marqué de
fortes veines rayonnantes et le disque orangé vif : c’est une charmante
variété, qui peut, sans désavantage, entrer en comparaison avec le
superbe Z. anceps Darwsoni en personne.
En revanche nous n’avons guère à enregistrer d’additions au groupe,
non moins populaire, des Masdevallia — encore s'agit-il de nouvelles
variétés plutôt que de nouvelles espèces. Faisons toutefois une excep-.
tion en faveur du Masdevallia Schlimi, qui a fleuri chez Sir Trevor
Lawrence, à gagné sa mention de première classe et est regardé,
malgré le caractère imparfait de sa première floraison, comme une
espèce d'avenir. Les feuilles, à l’état sauvage, dépassent un pied
(30 cent.) de long ; de leur milieu surgit un racème de six à huit fleurs,
Des.
27 05e
qui naissent l’une au dessus de l’autre à l’aisselle de bractées engaïi- .
nantes; chacune d'elles présente une coupe peu profonde, des sépales
étalés, les deux inférieurs oblongs, le supérieur plus court, tous
trois prolongés en longs éperons jaunes, de couleur jaune parsemée
de macules serrées d’un beau brun-rougeâtre, tandis que les pétales
et la colonne sont blancs et le labelle jaune. Le brillant /. Harryana,
fécond en variétés, nous présente deux jolies formes bien distinctes,
les M. H. atrosanguinea et M. H. miniata : le premier de nuance
cramoisie brillante teintée de magenta, que fait ressortir la couleur
jaune-orangé du tube; le second, non moins gracieux, à fleurs
rouge-vermillon teinté d’écarlate, avec le tube jaune orangé, formant
comme un œil jaune à ces belles et brillantes fleurs.
L’Odontoglossum crispum (Alexandrae), l'une des plantes favorites,
— et ce n’est que justice — continue à fournir des formes élégam-
ment maculées; plus belles et meilleures sont celles produites par
certains districts, parmi ceux que les exigences de la mode font
livrer au pillage. Parmi les variétés maculées, l’une des plus bril-
lantes est L’'O. crispum Cooksoni, à fleurs toutes tachetées de brun
foncé riche, nuance qui contraste merveilleusement avec celle de
l'O. crispum Sievensi, où les macules, bien qu’abondantes, sont de
nuance brun très pâle. O. crispum Marianae et O. crispum reginae
sont deux autres formes splendidement marquées. D’autres formes de
la même espèce — nées peut être d’hybridation — tendent graduelle-
ment vers un fond de couleur jaune; mentionnons notamment O. cris-
pum aureum magnificum et O. crispum Scolti, à grandes et belles
fleurs de nuance jaune-crême, tous deux fort remarqués aux exposi-
tions. Il est du reste certains cas où cette teinte jaunâtre est
manifestement due au stade de développement atteint par la fleur.
O. Pescatorei nous a aussi gratifié d’un certain nombre de variétés
charmantes. À côté du gracieux O.P. Veitchianum signalé l’an dernier,
nous avons à renseigner aujourd'hui O. P. aurantiacum chez lequel la
nuance jaune de la base du labelle est devenue orangé intense, puis
O. P. Schroederianum voisin du Veitchianum, auquel il le cède à peine
en beauté et dont il se distingue par ses macules de nuance pourpre plus
décidée et s'étendant moins avant sur les divisions du périanthe. Un
nouveau et tout charmant Odontoglossum est O. eugenes, considéré
comme un hybride naturel entre O. Pescatorei et O. triumphans,
soie
à sépales et pétales jaune orangé, maculés de brun châtain, à labelle
blanc tacheté de brun, avec une marque jaune sur le disque : c’est une
plante originaire de la Nouvelle Grenade, qui a pris naissance dans la
collection aujourd’hui célèbre de Trentham.
L'Zllustration horticole a figuré tout récemment uue splendide forme
d'Oncidium Papilio, VO. P. Eckhardti, à fleurs de dimensions
doubles de celles du type et naturellement bien plus apparentes et plus
attractives : sépales linéaires dressés de 5 pouces (12 1/2 cent.) de long,
labelle large de 2 1/2 pouces (6 1/4 cent.), jaune clair au centre avec
une bordure rouge-brunâtre vif, large d’un demi pouce (1 1/4 cent.).
Mentionnons, parmi les Dendrobium, D. Wardianum giganteum,
remarquable par sa croissance vigoureuse ainsi que par la grandeur et
la riche coloration de ses fleurs ; puis, parmi les introductions les plus
récentes, D. Deari, espèce à floraison abondante, à larges fleurs
blanches, sans autre marque qu’une minuscule macule verte au centre ::
c'est une Orchidée qui deviendra certainement populaire quand elle
sera mieux connue, parce que son utilité s’appréciera tous les jours
davantage. Il s’agit d'une espèce à fleurs blanches; mais n'oublions
pas que chez bon nombre d’Orchidées de choix, des variétés blanches
apparaissent tout à coup, alors souvent qu'on s’y attend le moins, et
qu’elles ont été de tout temps les favorites des éleveurs, qui semblent
fascinés par la délicatesse de leurs corolles.
Nous avons à porter, à l’actif de l’année écoulée, deux ou trois
Calanthe nouveaux d’un réel mérite. Tous viennent de Cochinchine, et
sont proches parents du C. vestita : peut être même s'agit-il de simples
variétés de cette plante hautement décorative, à laquelle ils ressem-
blent par leurs robustes hampes, dressées ou penchées, naissant de
pseudobulbes aphylles et couvertes d’une profusion de fleurs et de
feuilles bractéales. Dans le C. Regnieri, les fleurs ont deux pouces
(5 cent.) de diamètre, les sépales blancs, les pétales blancs, avec une
bande centrale rose peu apparente, et le labelle trilobé, à.lobe frontal
émarginé, rouge-rosé vif, marqué d’une tache cramoisi-intense au
centre. Dans le C. Sievensi, sépales, pétales et labelle sont blancs, ce
dernier marqué d’une tâche centrale pourpre rosé; dans le €. Wül-
liamsi, une introduction nouvelle, le sépale dorsal est blanc, les
2
sépales latéraux ont leur base blanche au dessus et rouge-rosé en
dessous; les pétales sont blancs, bordés de rouge-rosé et teintés de la
4
210 ER
même nuance dans leur moitié inférieure, et le labelle entièrement
de couleur rose intense, beaucoup plus foncée sur le disque.
Peut-être, parmi toutes ces espèces, n’en est-il pas de plus remar-
quable que le Paphinia grandis, dont les fleurs étalées ont 7 pouces
(171/2 cent.) de largeur et de profondeur, sépales et pétales sont longs
de 31/2 (8 5/1 c.) et larges de 1 1/2 pouce (3 3/4 cent.); le sépale dorsal,
oblong-lancéolé, est blanc-jaunâtre sur sa face inférieure,avec des raies
transversales étroites, irrégulières, couleur pourpre chocolat : la face
supérieure est tout entière de cette dernière nuance. Les sépales latéraux
sont subfalciformes, avec des marques semblables, mais moins serrées
et moins régulières ; les pétales ovales-acuminés sont rétrécis à la base
et rayés comme le sépale dorsal, sauf que les bandes sont plus concen-
triques et étroites à la base, élargies au sommet; le labelle présente
une configuration bizarre ; il se compose d’une sorte de griffe pourpre
noirâtre, attachée à un disque cordiforme de nuance chocolat plus
claire, couleur crême au centre, dont la pointe forme une sorte
d'isthme étroit au delà duquel se déploient deux lobes filiformes de
teinte pourpre noirâtre, puis, tout au bout, un lobe terminal arrondi
blanc-crêmeux, couvert d’appendices filiformes. Les dimensions
gigantesques de la fleur et la forme remarquable de son labelle en font
une plante qu’il est difficile d'oublier. Moins extraordinaire — bien que
son périanthe étalé mesure 5 12 cent. (13 5/4 cent.) — est le Baie-
mannia Wallisi major, qui à fleuri pour la première fois chez Sir
T. Lawrence, et semble destiné, quand il sera mieux établi, à faire au
Paphinia une concurrence redoutable. Les sépales sont ovales-lancéo-
lés, acuminés, brun rougeâtre riche, charnus, d’apparence tesselée, à
cause de leur surface veinée et inégale ; les pétales sont de même nuance,
blanes à la base, avec une tache blanche centrale de chaque côté de
la colonne ; le labelle ovale acuminé semble de couleur plus foncée,
par suite des marques réticulées pourpre-noirâtre qui le parsèment;
il porte une griffe longue d’un quart de pouce (6 1/4 milim.) garni
antérieurement d’une crête dressée formée de nombreux appendices
filamenteux blancs. Anguloa eburnea est une autre nouveauté parmi
les formes à grandes fleurs, du genre d'A, Clomesii, mais avec des
fleurs blanches au lieu d'être jaunes; ii a été jugé assez important
pour mériter, en septembre dernier, à Kensington Sud, une mention
de première classe. Lycaste Harrisonae eburnea est une autre Orchi-
FLD ARE
dée, qui ne tardera pas à devenir la favorite des horticulteurs, grâce
à ses fleurs voyantes, cireuses, d’un blanc d'ivoire. Elles présentent
une forme typique, de grandes dimensions, des sépales et des pétales
blancs, avec les lobes latéraux du labelle dressés et jaunes, marqués
de veines serrées et fourchues d’un pourpre rougeâtre, le lobe frontal
blanc, avec quelques jolies veines pourprées sur Les bords. C’est une
toute gracieuse plante, entièrement distincte du Zycaste Harri-
sonae alba. |
Nous eussions voulu consacrer quelques lignes à la description
des nouveaux Cypripediums hybrides de MM. Veitch, superbes
plantes nées du C. Séedeni, dont trois formes ont été exposées
naguère à Kensington-Sud et ont remporté, par acclamation, des
distinctions de première catégorie : nous voulons parler des C. car-
dinale Calurum et Schrüderae. Mais M. O’Brien s’en est occupé dans
un récent numéro de notre journal, avec une compétence qui nous
dispense d’en rien dire dans le présent article. Nous passons donc
outre, pour gagner du temps et économiser de la place, en nous
contentant de confirmer l'appréciation élogieuse qu’il a formulée en
leur honneur : ils représentent, en effet, un progrès marqué sur les
formes naturelles précédemment connues et montrent combien le culti-
vateur qui dispose, comme matériaux de travail, des richesses entassées
dans nos serres à Orchidées, peut collaborer avantageusement à la
création moderne d'espèces nouvelles : car celles dont nous parlons
valent bien, à notre avis, les neuf dixièmes, pour ne pas dire davan-
tage, de celles que fabriquent à grand renfort de travail nos botanistes
d'herbiers.
Nous ne pouvons clôturer ces notes relatives aux Orchidées nou-
velles, sans mentionner deux superbes spécimens d’une espèce déjà
ancienne, qui ont fleuri l’an dernier. Nous voulons parler : |
D'abord d’un exemplaire de Renanthera (Vanda) Lomi, cultivé par
M. Bergman dans la collection du baron Rotschild à Ferrières, avec
onze hampes florales représentant une longueur totale de 110 pieds
(33 mètres) et portant 280 fleurs ;
Ensuite d'un spécimen du même individu, élevé par M. Skopec
à Péchau, dans les serres du baron Hruby, garni de 22 hampes char-
gées d’une profusion de ces jolies fleurs.
ton
Nous continuons cette notice succincte sur les nouveautés de l’année
dernière — c’est-à-dire sur les plantes qui ont fait leur première
apparition dans le courant de l’année ou y ont acquis une certaine
notoriété — par le relevé des Fougères.
FOUGÈRES.
Leur nombre est plus restreint que d’habitude, bien qu'il y ait été
fait une ou deux additions intéressantes. La meilleure et la plus
importante acquisition de l’année, dans ce groupe décoratif, est pro-
bablement le Cyathea microphylla des Andes, une minuscule espèce
arborescente, à tige grêle, haut de quelques 4 pieds (1"25), susceptible
sans aucun doute de prendre une position dressée, bien que la plante
exposée par MM. Veitch et fils, et tout récemment primée, ait son
stipe recourbé et ascendant : c’est apparemment une manière d’être
accidentelle ou plutôt un état jeune de la plante, comme dans les
jeunes pieds de Cyathea dealbata qui, de couchés et ascendants qu'ils
sont au début, deviennent par la suite entièrement érigés. Les frondes
de ce nouveau Cyathea sont gracieusement étalées, longues de 2-3 pieds
(60-90 cent.) ou même davantage, sans toutefois jamais acquérir de
bien grandes dimensions, ovales dans leur pourtour, tripinnati-
séquées et particulièrement élégantes à cause de la petitesse de leurs
dernières pinnules, lesquelles sont ovales oblongues, profondément
pinnatifides, à lobes entiers, oblongs-obtus, traversés chacun par une
seule veine, à la base de laquelle, sur les frondes fertiles, est inséré un
sore solitaire. La plante vient des Andes du Pérou et de l’Ecuador ; elle
est remarquable par ses frondes composées et ses minuscules pinnules,
les plus petites et les plus coquettes parmi les Cyatheas connus jusqu’à
ce jour.
Plus remarquable encore, eu égard à sa dissemblance d'aspect
d'avec ses congénères, est l’Adiantum Novae-Caledoniae, exposé pour
la première fois, par MM. W. et J. Birkenhead, et primé à la grande
exposition de l’été 1883 à Manchester, puis jugé digne plus tard de la
même distinction à Londres, par le « Comité Floral. » Son facies
rappelle un Adiantopsis bien plus qu’un Adiantum, sauf qu'il est
normalement tripenné au lieu de présenter des ramifications rayon-
nantes : les frondes ont ainsi une apparence plus ou moins étoilée,
ne DS RE
tandis que d'autre part les dimensions exagérées de la pinnule basi-
laire postérieure lui donnent un contour pédatiforme. En tous cas le
facies est tout-à-fait original et distinct. La souche forme une minus-
cule couronne érigée, de laquelle partent les pétioles foliaires avec
leur couleur pourpre-noirâtre habituelle, supportant des limbes pédato-
pentangulaires, de contour arrondi, tripennés, de nuance vert sombre;
les pinnules sont étroites-allongées, de forme lancéolée, étirées à
l'extrémité en un prolongement falciforme, de façon à rappeler l'un ou
l'autre Cheïilanthes, n'était la fructification qui reproduit le type
adiantoïde pur — sores portés en arrière sur l’indusie orbiculaire-
cordiforme. Deux autres Adiantum, d'origine horticole, méritent une
courte mention. L'un, À. Weigandi, est d’origine américaine et
a été gagné par M. Veitch; il a plus ou moins l'aspect de
l'A. decorum, espèce décorative d’un incontestable mérite; ses
frondes sont de grandeur moyenne et de forme triangulaire, tripennées
comme dans l’espèce précitée, mais les segments, ainsi que les
pinnules inférieures, sont longuement pétiolés, de telle sorte que la
fronde se trouve ouverte-étalée au centre, tandis qu'elle devient
serrée-touffue à son sommet ainsi qu’à l'extrémité de ses segments;
cette disposition, jointe à la forme spéciale des pinnules — ovales sur
une base large et découpées en lobes irréguliers et apparents, bien
qu’elles semblent peu divisées, à cause de l’étroitesse des sinus -—
donne à la plante un facies distinct et caractéristique, plus facile à
reconnaître qu’aisé à décrire. L’autre est un nouvel hybride horti-
cole né des À. cuneatum et Bausei; il tient du premier son port et sa
taille, ainsi que ses minuscules pinnules cunéiformes, tandis qu'il
emprunte au second leur forme défléchie; son caractère est donc
absolument intermédiaire entre ses deux parents : d’où le nom
d'A. cuneatum deflexzum dont on l’a baptisé. Hybride ou non, cette
variété a été gagnée par M. F. Bause, actuellement à Portland Road,
South Norword, dont le nom est familier aux hybridateurs.
Des Nouvelles Hébrides nous est venue, grâce à l'intermédiaire de
M. Veitch, une superbe Fougère à frondes persistantes, le Davallia
brachycarpa, espèce appartenant à une minuscule section proche
parente du groupe Dareoïde dans le genre Asplenium, qui se distingue
des Davallias types par des sores courts, obliques, insérés solitairement.
C’est une plante de serre chaude élégante et décorative, à vastes
2000) —
frondes arquées, de texture un peu coriace, à limbe large, ovale,
quadripenné, dont les derniers segments sont cunéiformes, tri- ou
bifides, obtus, les fertiles falciformes, avec un sore solitaire sur le côté
intérieur de la nervure.
Tout proche des Fougères se rangent les Sélaginelles, parmi
lesquelles nous avons à mentionner les Selaginella canaliculata (S. cau-
data de Spring), C’est une forme grimpante, dont le port rappelle
S. Willdenowi (aussi connu sous le nom de $. caesia arborea) attei-
gnant une hauteur de 5 à 6 pieds (125 à 1"®50), avec de vigoureuses
tiges rouge-brunâtre pâle, qui s’enracinent librement dans leur partie
inférieure et portent supérieurement des branches pennées longues
d'un pied, dont les derniers ramuscules sont également pennatiséqués ;
les branches inférieures sont entières, munies de côtes et semi ovales,
les intermédiaires, plus petites, ont un caractère analogue.
PLANTES DE SERRE CHAUDE OU TEMPÉRÉE.
Une des nouveautés les plus intéressantes et Les plus brillamment
colorées, parmi les plantes de cette section, est le Ækododendron
Curtisi, introduit de Sumatra. C’est une forme buisonneuse naine à
feuillage persistant, haute d’une couple de pieds (60 cent.), couverte
de feuilles lancéolées et de bouquets terminaux de fleurs campanuli-
formes, couleur cramoisi brillant, de petites dimensions quand on les
compare aux espèces plus répandues, mais d’une profusion telle qu’il en
résulte une espèce hautement décorative et bien digne de la mention
qu’elle à obtenue en novembre dernier, à Kensington-Sud. Une autre
plante intéressante, de caractère ornemental et de floraison luxuriante,
est le Medinilla Curtisi, originaire du même pays et importé par le
même collecteur —espèce buissonneuse naine, extrêmement rameuse et
florifère, à fleurs blanches, avec des étamines pourpres, en têtes corym-
biformes axillaires et terminales disséminées sur toute la plante. Les
feuilles sont opposées, sessiles, ovales-acuminées, vert intense, à bords
et nervure médiane rouges; la plante est remarquable, entre autres
particularités curieuses, par ses rachis et ses pédicelles rouge-corail.
L'Anthuriwm ferrierense, dont nous avions entendu parler précé-
demment, a été exposé en fleurs l’an dernier : c’est un hybride, gagné
à Ferrières, entre l'A. Andreanum écarlate et l'A. ornalum blanc, et
Lion ee
destiné, quand il sera bien établi, à devenir l’une des plantes favorites
des amateurs de jardinage : ses feuilles sont grandes et cordiformes,
du genre de l'A. ornatum, tandis que la spathe, également cordiforme;
longue d’environ 6 pouces (15 cent.)., et d’un beau rose ou rouge
cerise, embrasse un spadice de 4 pouces (10 cent.) de long, érigé, blanc
d'ivoire devenant jaune orange au sommet.
Wormia Burbidgei est une brillante forme de serre chaude, pour
vastes collections, appartenant à la famille des Dilléniacées, à grandes
feuilles longues parfois d’un pied et demi (45 cent.), et d’un vert vif, à
fleurs circulaires jaune clair, de 4 pouces (10 cent.) environ de diamè-
tre, introduite de Bornéo par le collecteur dont elle porte le nom.
Le Caraguata sanguinea de M. André, originaire des Andes de la
Nouvelle Grenade, est une jolie Broméliacée, bien qu’elle n'ait pas été
goûtée du « comité floral, » lequel ne semble pas apprécier à leur juste
valeur les beautés spéciales de cette famille peu en faveur dans notre
contrée. La plante est de dimensions moyennes, avec une touffe serrée
de feuilles rosulées, dont les intérieures sont colorées en rouge sang
intense, et contrastent étrangement avec les minuscules fleurs blanches
profondément nichées dans leur région centrale : c’est une beauté d’un
type tout spécial : et si nos concitoyens ne l’apprécient pas, tant pis
pour nos concitoyens. Une remarquable espèce d’un type tout différent,
admirablement adaptée pour la culture en corbeille, est le Zoya linearis
sikkimensis, Asclépiadée à tiges grêles, flasques, pendantes, hirsutes,
couvertes de feuilles molles, charnues, presque arrondies, et portant
des ombelles terminales de fleurs blanches cireuses, avec une minuscule
couronne à D lobes jaunâtres.
Passons maintenant aux plantes bulbeuses, bien dignes d'attention
et destinées, dans leur ensemble, à le devenir toujours davantage.
De toutes, la plus recommandable est probablement Fucharis Sanderi,
espèce bien reconnaissable, qui se distingue aisément des formes
voisines par ses feuilles ovales plissées et ses fleurs blanches plus
petites, mais semblables, sous tout autre rapport, à celles de l’Z7. ama-
zonica ; en dépit de ses moindres dimensions, la plante est tout aussi
utile et aussi recommandable que ses congénères. Crinum ornalum
— le même peut être que C. Kirki -- est une jolie plante bulbeuse de
serre chaude de l’Afrique tropicale : elle produit des ombelles multi-
flores de fleurs campanuliformes peu profondes, avec une large bande
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= OÙ —
rouge au centre de chacun des six segments du périanthe. L'une et
l’autre espèces ont été primées : ce sont de fort belles plantes décora-
tives de serre chaude, bien qu’à l’instar des autres formes bulbeuses
elles soient moins appréciées actuellement que d’autres espèces, celles
notamment au port buissonneux. Pourtant le goût public semble y
revenir, et peut être sont-elles destinées à acquérir dans la suite une
certaine popularité. Crinum zeylanicum reduclum, espèce nouvelle de
Zanzibar, possède, dit M. Baker, le mérite spécial, au point de vue |
horticole, « d’être naine-compacte, et couverte de grandes fleurs
apparentes. » La hampe, longue de moins d’un pied (30 cent.), émer-
geant d’une rosette d'une douzaine de feuilles ensiformes, supporte une
ombelle de 4 fleurs, à tube vert, long de 5-6 pouces (12 1/2 à 15 cent.),
à limbe composé de segments elliptiques, blancs, avec une raie
centrale rouge, juste comme dans le C. zeylanicum type. Iln’est pas
improbable qu'entre ces trois formes, gagnées en différentes localités et
à des époques plus ou moins éloignées, existent des liens d’intime
parenté.
Une ou deux Cycadées intéressantes sont venues récemment à notre
connaissance — notamment une espèce indienne, le Cycas Beddomei,
du genre C. circinalis : les stipes des pieds cultivés à Kew ont seule-
ment quelques pouces de haut; les frondes sont longues de 3 pieds
(90 cent.), les pétioles quadrangulaires, avec quelques petites dents
au voisinage du limbe, les segments foliaires larges d’un demi pouce
(1 1/2 cent.), et les cônes (mâles) longs de 13 pouces (32 1/2 cent.) et
larges de 3 (7 1/2 cent.), à base deltoïde, à faces latérales acuminées,
ceux de la moitié supérieure défléchis. La plante est originaire de la
Péninsule indienne. Le Cycas elegantissima a été exposé et primé :
c’est une forme élégante, à frondes pennées récurvées d’un vert intense
et brillant : nous ignorons si elle à supporté l’épreuve d’un examen
botanique sérieux. Enfin nous avons, dans le Dioon spinulosum, une
intéressante nouveauté mexicaine, différente du D. edule par les
segments de ses frondes plus larges et armés de dents épineuses et par
le nombre de ces segments — qui semble être inférieur, au moins de
moitié, à ce que l’on observe dans les feuilles entièrement développées
de cette dernière espèce.
ROUE
Le groupe dont il nous reste à parler, bien que nous l’ayons laissé
pour la fin, est loin d'être le moins important. Il comporte moins de
_ nouveautés que d'habitude, tout en comprenant quelques sujets
de réelle valeur dans leurs départements respectifs.
PLANTES RUSTIQUES ET SEMI-RUSTIQUES.
Pour commencer par les espèces buissonneuses à fleurs, la plus
remarquable qui soit venue à notre connaissance est l’Zydrangea rosea,
espèce ou variété japonaise nouvelle du genre de l’ÆZ. Hortensia, mais
infiniment plus jolie et plus décorative. Son port est buissonneux,
comme celui de l’Æ7. Æortensia, dont il n’est probablement qu’une
variété, car il possède un feuillage identique, mais ses bouquets de
fleurs sont plus grands et d’une nuance rouge rosé brillant, qui laisse
bien loin derrière elle la teinte rose pâle de la forme type, plus
ancienne et plus répandue. La plante est originaire du Japon; elle a
été exposée par MM. Veitch et fils, auxquels elle a valu deux distinc-
tions, l’une à la Société royale d’horticulture, l’autre à la Société
royale de botanique. Nous sommes redevables à la même firme du
Leucothoë Davisige, espèce Californienne de la Sierra Nevada, formant
un joli buisson rustique à feuilles persistantes, haut de 3 à 5 pieds
(090 à 1"50) et portant des feuilles oblongues obtuses, d’un vert vif,
crénelées-spinuleuses, et des racèmes terminaux dressés de minuscules
fleurs blanches, penchées, ampulliformes ou ovales, disposés en bou-
quets au sommet des branches et des ramuscules : le comité floral
a primé, en juin dernier un spécimen de floraison remarquable : c'est
donc une forme à floraison estivale. La plante a été dédiée par Torrey
à l’auteur de sa découverte, Miss Davis, qui l’a récoltée près d'Eureka,
Nevada Co.
Quelques additions intéressantes ont été faites au groupe des Azaleas
rustiques. Ce sont, il est vrai, des semis anglais obtenus d’hybrida-
tions, mais peu susceptibles d’être rangés dans la catégorie des
« plantes de fleuristes » et par suite bien à leur place dans nos
colonnes. Ceux qui connaissent le Narcissiflora double à fleurs jaunes
savent combien c’est une excellente plante pour la culture forcée — et
l'onale droit d'en attendre autant d’autres formes de coloris net et
distinct. — Aussi n'éprouvons-nous aucune hésitation à recommander
le rubra-plena de M. A. Walterer et l'alba-plena de MM. Ker et fils,
d
on
comme plantes de serre à floraison précoce et comme espèces frutes-
centes de pleine terre fleurissant pendant les derniers mois du
printemps. Les formes à fleurs simples ont donné à Knaphill de super-
bes variétés ; C. 5. Sargent figuré dans le Florist, d’un jaune magnifi-
que avec une macule jaune orange, et enrietla Sargent, l’une des plus
jolies parmi les formes de couleur rose, avec deux macules jaune d’or
vif sur les segments supérieurs. N'oublions pas 7. H. Hannemell,
admirable fleur dont la nuance écarlate-orange brillant défie le pinceau
du peintre le plus habile; non plus que MS Walier Bruce, splendide
forme blanche, marquée de jaune-orange sur les segments supérieurs,
avec une teinte rose clair à la base des étamines et à la face externe du
tube : deux plantes que la gravure reproduira sous peu, et dont l’énu-
mération est loin d’épuiser la liste des espèces, encore innommées pour
la plupart, dûes à l’année qui vient de s’écouler.
Un Houx panaché, variété de l’Zlex aquifolium, d'apparence bien
distincte et d’une beauté frappante, a figuré à l’une des séances de la
Société royale d’horticulture sous la dénomination de lawrifolia aureo-
Mmarginata : c’est une variété à feuilles bordées d’or, du groupe dépourvu
de piquants — ou peu s’en faut, — groupe dont la variété lawrifolia est
le type vert. La plante, qui a mérité une mention à M. Waterer, a la
région centrale de ses feuilles vert-bronzé foncé, avec une bordure
jaune d’or bien distincte : c’est une addition intéressante à ce groupe
décoratif. Une autre plante d’un réel mérite et d’une grande rareté,
pour ne pas dire entièrement nouvelle, est le Yycca gloriosa variegata
de M. Veitch, dont les feuilles sont parcourues de bandes longitudinales
jaunes teintées de rouge-rosé, formant une panachure bien apparente
et de bel effet.
Parmi les arbres et les arbustes à feuilles caduques, la première
place revient sans conteste au Prunus Pissardi : prunier décoratif,
originaire de la Perse, à feuilles de couleur rouge intense, avec les
fruits de même nuance, même pendant les premiers stades de leur
développement. La plante n’est pas absolument nouvelle, puisqu'elle a
été figurée en 1881 dans la Revue horticole d’après des pieds cultivés
à Paris; mais elle n’a pas encore rencontré en Angleterre la faveur
qu’elle mérite, à en croire des lettres récemment parues dans nos
colonnes (Gardeners’ Chronicle, 1883, vol. XX, pp. 444, 472, 504), et
qu’elle est certaine d'acquérir, quand elle sera plus généralement
3
LEE
connue. Son nom rappelle le jardinier du Shah de Perse, qui l’a fait
parvenir à nos voisins d’outre-Manche. — Un autre arbre intéressant,
qui à figuré à plusieurs expositions estivales, est l’Acer crataegifolium
variegatum, un tout gentil Erable, à feuilles ovales trilobées, à lobes
acuminés, avec une panachure blanc crêmeux, originaire du Japon.
PLANTES HERBACÉES.
Cette division n’est guère féconde, cette année, en sujets intéres-
sants. Le plus important sans aucun doute est Japlocarphe Leichlini,
connu en jardinage sous le nom de Gorteria acaulis. C’est une espèce
vivace de l'Afrique australe, acaule, avec des feuilles lyrées-pennati-
séquées, longues de 6 à 12 pouces (15 à 30 cent.) d’un vert vif à la
face supérieure et couvertes inférieurement d’un tomentum de couleur
blanche; les hampes tomenteuses-blanchâtres, hautes d’un pied
(30 cent.), portent des capitules floraux de 2 1/2 pouces (6 1/4 cent.) de
diamètre, à fleurons jaune rosé vif maculés de pourpre en dessous; en
somme une jolie Composée, à floraison abondante, imparfaitement
rustique, réclamant abri et protection en hiver, pas absolument neuve,
puisqu'elle à passé quelques années sous la dénomination de Gorteria,
et tout récemment débaptisée. — En revanche le Wimulus radicans,
des montagnes de la Nouvelle-Zélande, est une vraie nouveauté,
entièrement rustique, à ce qu’on affirme, à tiges grêles, rameuses,
radicantes, qui rampent sur le sol et portent de minuscules feuilles
serrées, obo vales-obtuses, hirsutes, de couleur vert bronzé, ainsi
que des fleurs bilabiées, à lèvre supérieure pourpre et bilobée, à lèvre
inférieure trilobée et blanche, avec une teinte jaune au palais. Son
caractère rampant et gazonnant en fait une plante susceptible de
nombreuses applications ornementales.
D’autres additions ont été faites au genre Mimulus grâce aux essais
des hybridateurs en vue de diversifier et d'améliorer la « plante au
Musc » populaire. Ces nouvelles variétés ont été, pensons-nous,
gagnées par M. Claphane; c’est M. R. Déan qui les a fait connaître,
et bien qu’elles ne soient probablement que le point de départ vers des
acquisitions plus importantes, elles ne laissent pas de mériter, en
attendant, une place parmi les formes vivaces rustiques de taille naine.
Deux de ces « Musc » perfectionnés ont paru jusqu’à ce jour, tous
TE
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deux de port nain et compacte, avec des fleurs plus grandes que le
type; le plus intéressant est le Wimulus moschatus ruber, à grandes
fleurs d’un beau rouge-cuivre : c’est un acheminement vers l’obtention
d'un « Muse » écarlate; son feuillage exhale une odeur musquée
pénétrante. L'autre, le M. moschatus grandiflorus, à des fleurs jaune
vif, très grandes (comparativement) : c’est une forme bien distincte
du « Musc d'Harrisson. »
Parmi les plantes vivaces-herbacées du groupe semi-rustique à
porter à l’actif de l’année écoulée, nous signalerons plusieurs Sarra-
cenias hybrides nouveaux d’un grand intérêt, exposés par M. Bull;
deux notamment qui ont gagné des mentions de première classe, à
savoir le Sarracenia Srwaniana X et le 8. Wülsoniana X : le premier
obtenu par croisement des S. variolaris et purpurea, jolie forme
élégamment marquée, à ascidies recourbées infundibuliformes, large-
ment ailées, munies d’un opercule bilobé, ovale-cordiforme, parcouru,
aussi bien que la paroi interne de l’urne, de veines cramoisies pronon-
cées : l’ensemble rappelant plutôt le S. purpurea, mais avec des
ascidies plus érigées ; le second né d’un croisement entre les S. puwr-
purea et flava, bien distinct, à urnes érigées, infundibuliformes,
renflées, resserrées en dessous de l’orifice, de telle sorte que le haut
de l’ascidie revêt une forme campanulée, vertes, parcourues de
lourdes côtes cramoisi plus ou moins reliées entre elles par des
veines transversales, couronnées par un opercule largement cordi-
forme, replié latéralement au dessus de l'orifice et marqué de
puissantes côtes dichotômes, divariquées, de couleur pourpre cramoisi
intense, réunies par des veinules de même nuance.
Une autre forme, #. Mitchelliana X, hybride entre les S. Drum-
mondi rubra et purpurea, est naine et grêle, avec un facies parti-
culièrement distingué : ses urnes sont plutôt courtes, en forme
d'entonnoir recourbé, de nuance vert-olive, avec une abondante
panachure d’un beau rouge, revétant à la fin uue teinte rouge
cramoisi uniforme : l’opercule est cordé-réniforme, apiculé, ondulé,
avec un réticulum bien apparent, rouge cramoisi intense.
Nous laissons de côté plusieurs autres hybrides non encore dénom-
més, d’allure vraiment remarquable et destinés à ajouter un nouvel
intérêt aux collections de ces bizarres plantes semi rustiques, appréciées
seulement depuis l'époque toute récente où M. Stevens et le D' Moore
He nNe
ont commencé leurs essais d’hybridation. Nous en comptons actuelle-
ment nombre de jolies espèces, déjà en possession d’une certaine popu-
larité qui ne fera que s’accroître avec les acquisitions nouvelles.
N'oublions pas que cette famille, depuis que sa culture est plus intelli-
gemment comprise, nous fournit à la fois de superbes fleurs en même
temps qu'un feuillage (urnes) hautement décoratif : de telle sorte qu'il |
existe chez les hybrides un fond inépuisable d'intérêt, puisqu'ils sont
destinés à nous révéler, vraisemblablement, quand le temps en sera
venu, beauté et nouveauté dans leur inflorescence en même temps que
dans leur feuillage.
Telles sont, résumées en peu de mots, quelques-unes des nouveautés
qui assureront une place honorable à l’année 1883 dans les annales de
l’horticulture : elles suffisent à montrer que la période écoulée a eu sa
part de belles et bonnes acquisitions. D'H.F.
UN COUP D'ŒIL SUR CORDOVA
SA CLIMATOLOGIE ET SA VÉGÉTATION
PAR E. KERBER.
Traduit du Botanische Jahrbücher für Systematik, Pjfanzengeschichte ünd
Pflanzengeographie, du Dr A. Engler, 1883, p. 501 et suivantes.
A la veille de quitter le district de Côrdova il me prend fantaisie
de réunir en un travail d'ensemble, alors que toutes les impressions,
tous les détails sont encore présents à ma mémoire, les observations
que j'ai pu recueillir pendant un séjour de plus de trois mois dans
cette contrée; ce regard jeté en arrière, est un trait d'union entre le
présent et le champ de mon activité passée, plus intime et plus com-
plet qu’une sèche nomenclature des collections récoltées en ces lieux
ou la coordination de notes journalières plus ou moins aphoristiques.
Dans un pays tel que les districts orientaux du Mexique, exploré
jusque dans ses moindres détails par nombre de voyageurs et de
naturalistes résidents, la mission d’un botaniste, parcourant à l’heure
présente ces contrées, ne peut être de tracer à grands traits le tableau
d'ensemble si souvent reproduit de la végétation indigène. Car la
LD am
répartition géographique des végétaux importants, dans la zône du golfe
du Mexique, est aujourd’hui parfaitement connue, grâce aux travaux
de LtEBManN (1) et à l'examen critique de nombreuses données par
Grisezacu (2). Son rôle me parait être d'individualiser plutôt que de
généraliser, et de tracer les impressions nées chez lui par l’étude d’un
district restreint, avec l’espoir d'ouvrir ainsi la voie à des recherches
plus complètes et plus étendues dans le champ de ses explorations.
Semblable résultat s'obtient en partie par la sèche nomenclature
des espéces récoltées en une localité donnée; au moins évite-t-on,
grâce à semblable catalogue, de voir les formes signalées se disperser
et se perdre parmi les volumineux herbiers des musées avant d'avoir
servi à établir les diverses flores locales.
Les faits généraux mentionnés dans les quelques pages qui suivent
auront pour résultat de modifier les idées presque universellement
recues sur ces contrées, idées inspirées par les descriptions des anciens
voyageurs et devenues en grande partie inexactes, grâce aux progrès
réalisés dans ces districts, sous le rapport de la culture du sol, depuis
quelque dix ans. D’après des documents officiels, le budget douanier
annuel de la municipalité de Côrdova ne dépassait guère, il y a 20 ans,
25000 pesos : il est aujourd'hui quintuplé, c’est à dire qu'il atteint
120,000 pesos, et les revenus de la République entière se sont accrus,
pour ces régions, dans une proportion presque aussi forte, de 17 à
30 millions, ensuite de la pacification du pays et de la construction
de voies ferrées importantes, qui ont donné aux transactions commer-
ciales une impulsion inespérée. Le district de Cordova est une preuve
vivante de cette assertion : c’est à peine si dans un vaste rayon, on y
rencontre, cà et là, un rare vestige de la forêt vierge qui naguère
encore enlaçait la ville de tous côtés.
Il suit de là qu'une relation destinée à donner une vue d'ensemble
de la flore avoisinant Côrdova doit tenir compte, en toute première
ligne, de ces innombrables tentatives de culture qui nulle part ailleurs
n’ont autant modifié l’allure botanique du paysage : grâce aux efforts
persévérants et intelligents de divers propriétaires fonciers et surtout
(1) Vegetation des Piks von Orizaba( Bot. Zeitg. 1844) ef Botanische Briefe aus
Mexico (Flora 1843).
(2) Die Vegetation der Erde, Leipzig 1872, II, p. 314-337.
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aux nouveautés introduites et acclimatées, en dépit de difficultés sans
nombre, par M. Huco Fincx, le prédécesseur du Consul de Prusse
actuel, pendant son long séjour dans ces contrées. Bon nombre de
renseignements, parmi ceux qui suivent, sont empruntés aux notes
de cet habile observateur, qui mieux que personne possède à fond la
flore des alentours (1).
La ville de Côrdova, capitale du district de même nom, est située,
d’après un plan topographique publié en 1881 par l'ingénieur espagnol
RAIMUNDO Jausoro, sous 18° 5418” de latitude nord et 2° 1/10” de
longitude à l’est de Mexico, à 878 m. d'altitude au dessus du niveau de
l'Océan Atlantique. Elle repose dans la vallée du Rio Seco, large d’une
lieue et que traverse, de temps immémorial, une large artère de com-
munication entre la côte et la capitale. La vallée est fermée au nord
et à l’est par une large chaine de montagnes qui sépare le Rio de
Jamapa du Rio Seco, à l’ouest par la Barranca de Metlac, au sud, mais
incomplètement, par les collines du Rio Blanco. L’Arrogo de San
Antonio, qui sort du quartier nord de la ville, se jette dans le Rio
Seco, non sans avoir recu de nombreux affluents parmi lesquels nous
citerons à l’ouest, comme les plus importants, l’Arroyo Hondo et
l’'Arroyo Toribio. Tous ces filets d’eau ont creusé la formation
trachytique conglomérée (nommée Tepetate par les indigènes), qui
supporte une couche de limon rouge de 3-4 m. de haut, en profonds
ravins (barrancas), dont les parois sont trop abruptes pour les exigences
de l’agriculture. Partout où la configuration superficielle du sol
empêche ou retarde l'écoulement des eaux atmosphériques se forment
des marais, qui ne se dessèchent en partie qu'en avril et mai, fin de
la belle saison. Dans les endroits boisés, aux lieux qu’abritaient
(1) L’AZbum Mexicanum a publié, sous la signature de cet habile naturaliste,
un catalogue des genres végétaux importants représentés dans la Flore de Cor-
dova ; une liste des plantes utiles, des arbres fruitiers, etc., écrite à la prière
de la Société adjudicatrice des voies ferrées du pays, a paru en 1877 dans le
journal & La Naturaleza (Periodico cientifico de la Sscietad mexicana de histo-
ria natural, 4ème vol., p. 69-72), sous le titre: Apuntes inéditos del Sr Hugo
Fincr, acerca de algunas plantas del districto de Cérdova. — En Belgique a paru,
en 1873, la « Flore mexicaine aux environs de Cérdova ». Impressions de
voyage (1869-70) par OMER DE MALZINE ». — Extrait du Bull. de la Fédérat. des
Sociétés d'hortic. de Belgique, 18712. — Gand 1873.
hi
ARTS
paguère les chênes de la forêt vierge, une couche d’humus noir,
fertile, haute d'environ 1/2 m. recouvre le limon : les progrès de
l’agriculture tendent de jour en jour à la faire disparaître. Cà et là le
limon fait place à un sol pierreux mélangé d’humus.
Les conditions climatériques et météorologiques spéciales aux ver-
sants orientaux des Cordillères mexicaines sont bien connues. Il est à
peine utile de rappeler que Cordova appartient au second étage clima-
térique, à la zône tempérée (Terra lemplada). Pour définir, conformé-
ment à la tâche que je me suis imposée, les conditions climatologiques
de Cordova mieux que ne peut le faire cette désignation générale, je
joins ci-contre un tableau résumant mes observations journalières à
Cordova et au voisinage, dans l’Hacienda La Luz.
Les instruments qui servirent à ces déterminations, insuffisants par
malheur pour donner une idée complète des conditions météorologiques
de la contrée, sont les suivants :
1° Un baromètre anéroïde de CaMpPBELL et Cie à Hambourg, vérifié le 23 mai
1882 à la station d’essai de la marine allemande entre 790 et 670 mm.; sa
formule de réduction est 12 suivante :
R=F X x + 0,022 (F — 760) + 0,026 (x — #).
20 Un thermomètre d’après CELsius, de CAMPBELL et Cie, non vérifié.
30 Un ébulliomètre R. Fuess à Berlin {n° 29), vérifié à la hâte le 26 mai 1882
_ à lastation marine de Hambourg ef, marquant 9980 sous pression barométri-
que de 760,4 mm. (réduite à 0°) : ce qui implique, au voisinage de 1000, une
erreur en moins de 0035. Un essai comparatif plus sérieux, institué le 18 juin à
bord du Holsatia à la hauteur du cap Hayti avec le baromètre marin de FUESS
(n° 662) donna, aux environs de 100°, une erreur de — 0023, l'instrument
marquant 99099 pour une pression atmosphérique de 767,22 mm. ; (hauteur
réduite à 0° et rapportée au baromètre normal de la station d’essai).
Les heures d'observation (9 h. du matin, 3 de l'après dinée, 9 heures
du soir), ont été choisies conformément aux instructions de J. HANN
dans le « Guide » de NEumAyER et les indications enregistrées par
jour, à part de rares exceptions. Il n’a pas été tenu compte, dans ce
tableau, des corrections à faire intervenir,
Peut-être ne sera-t-il pas mauvais de remarquer que la saison des
pluies (mai à juillet) fut cette année exceptionnellement sèche, à en
croire les indigènes de la contrée, non seulement à Cordova, mais
encore dans l’intérieur des terres, où la récolte manqua par places,
notamment à Puebla.
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Comme nous l’avons fait observer dès les premières lignes de cette
notice, la végétation aux environs de Cérdova porte l'empreinte d’une
culture avancée. L'espace exploré, comprenant une lieue carrée
environ, est couvert sur presque toute son étendue de Haciendas,
de Ranchos (Solares) plus ou moins importants, produisant en abon-
dance café, bananes, maïs, riz, fèves et tabac.
Les Caféiers, dont la récolte commence en septembre et dure
jusqu'en février, produisent abondamment de l’âge de 4 à 10 ans et
atteignent souvent, sur terrain convenable et moyennant fumage,
15 années d'existence; il se trouve même des pieds phénoménaux
vieux de 60 à 100 ans. La récolte du district est assez importante
pour devenir le point de départ d’exportations annuelles considérables
vers les États-Unis et l'Europe (notamment Hambourg). On a planté
tout récemment, en certaines localités 2-3000 pieds de Caféiers de
Libérie — trop jeunes encore pour que l’on puisse se prononcer sur
l'issue de cette tentative, dont la réussite paraît d’ailleurs fort
douteuse.
L’ombrage nécessaire aux plantations de Caféiers est fourni surtout
par le Bananier ou Pisang, dont la culture prend ainsi une extension
proportionnelle à celle du café. Le Musa paradisiaca indigène fournit
les variétés désignées sous le nom de Platano guineo, enano, manzano,
ciento en boca, etc.; du Musa sapientum sont nés les Plaiano largo,
macho, Melocoton, ete. Le Platano de Manilla paraît une variété du
Musa textilis. Il existe à Côrdova 18 à 20 variétés de Bananes. Les
plantes, cultivées sous conditions favorables, n’ont pas besoin d’être
renouvelées, grâce à la durée presque indéfinie de leur rhizôme.
Cependant, afin d'assurer le rendement des récoltes annuelles, on
a l’habitude de planter tous les 3 ans les jeunes pousses nées
des souches adultes entre les rangées de pieds plus anciens, que
l’on étête régulièrement. Le Plätano enano (Bananier nain) à une
tige basse, épaisse et de grandes inflorescences couvertes de minus-
-Cules fruits; ceux du Plädtano manzano tirent leur nom de leur
saveur, rappelant celle de la pomme; ceux de l'espèce ciento en boca
(cent en une bouchée) sont remarquables par leurs petites dimensions ;
le Pldtano macho (Bananier mâle) en produit de très gros : d’où l’on
peut conclure que le qualificatif « macho », dans le dialecte usuel,
désigne non les pieds mâles, mais bien les plus vigoureux. Le Platano
LS IE ER
macho, planté en mai, donne souvent naissance à des graines stériles,
grosses comme des pois, à test noir; planté à toute autre époque, il
produit, tout comme les autres sortes, des semences de très petites
dimensions.
Parmi les Bananiers d’Asie et d’Afrique, on rencontre assez commu-
nément les Musa Ensete, superba, coccinea et autres d'importation
toute récente. Tout à fait remarquable est la tentative instituée avec
plein succès par un jardinier de Mexico, lequel réussit à greffer l’un
sur l’autre les rhizômes de deux variétés de Bananiers, de telle sorte
que de la même souche partent chaque année deux tiges épigées avec
des bananes rouges sur l’une et jaunes sur l’autre.
Le Maïs représente, par rang d'importance, la troisième production
de ce district; on admet généralement à tort que cette utile Graminée
fournit, sous les tropiques, quatre récoltes annuelles. La vérité vraie,
c’est qu’on ne peut compter sur la réussite que d’une seule récolte, celle
d'octobre et novembre, dont le semage se fait en avril et mai, généra-
lement à partir du 15 mai, jour de St Isidore. On ensemence aussi en
d’autres mois et les semailles faites en août-septembre produisent aussi
sous conditions, de pleines récoltes; mais parfois aussi elles n’arrivent
pas à maturité et ne donnent que du fourrage; aussi le dialecte usuel
désigne-t-il avec raison les récoltes de maïs venues ainsi hors temps
sous le nom d’Avantureros.
Le Riz ne se cultive guère qu’à l’est de la ville et son rendement est
suffisant pour permettre d'en exporter chaque année vers la Havañe et
le Yucatan.
Une autre plante fréquemment cultivée dans cette région est la fève
indigène (Frijol negro), qui prospère sur toute l'étendue des Tierra
caliente et templada; c’est une espèce longuement volubile, à fleurs
bleues, dont les fèves de couleur noire fournissent, concurremment
avec les « tortillas » de maïs, l’aliment usuel des classes inférieures
de la population indigène. On rencontre aussi cà et là diverses espèces
de Phaseolus à tige basse, dressée, à minuscules fleurs violettes,
donnant des fèves blanches, brunes, jaunes ou maculées de noir et de
blanc, prospérant sous tous les climats et réussissant de préférence
sur les plateaux élevés. La Vicia Faba (Frigol gordo ou Ayocote dans
la langue du pays) y figure sur les marchés, où elle arrive des environs
de San Andres, Chalchicomula et Puebla et est tenue en haute estime
dans le pays.
EYES
La culture du Tabac, qui tenait jadis le premier rang dans cette
contrée, se trouve aujourd'hui reléguée à l’arrière plan. Le tabac
actuel est moins estimé que celui de San Andres Tuxtla, lequel est
exporté en Havane et vendu comme tabac de cette dernière prove-
nance. Les plantations de Tabac s'étendent à partir du littoral jusqu’à
1,200 m. d'altitude.
La culture de la Canne à sucre, jadis considérable, ne présente plus
aujourd’hui qu’un intérêt secondaire. Il en est tout autrement des
plantations de Quinquina, qui représentent une branche importante
de la richesse du pays et ont chance d'atteindre, dans l’avenir, une
extension bien supérieure encore à celle qu’elles présentent actuelle-
ment. L'empereur Maximilien confia à la « Sociedad de geografia y
estadistica » de Mexico des graines de Cinchona Condaminea, succi-
rubra et Calisaya importées des Indes orientales, avec mission d’en
essayer l’ensemencement en lieux et temps convenables.
La Société transmit les graines, avec le subside important y attaché
par l’empereur, au senor José ApoziNaR NieTo, cultivateur indigène
en accompagnant l'envoi d’une instruction détaillée relative à la
culture des quinquinas rédigée par MarkHaAm sur la demande de
l’empereur. Niro obtint au début d'excellents résultats (l) et,
conformément aux ordres qu'il avait reçus, distribua entre les
divers propriétaires fonciers de Côrdova près de 1500 jeunes plantes.
Celles-ci grandirent et prospérèrent : vers l’âge de 9 à 10 ans, elles
donnèrent jusqu'à 26 livres (12 k°*) d'écorce, mais à la suite de la
première taille elles commencèrent à dépérir, bien que la souche décor-
tiquée continuât encore à pousser des rejets. D’où il advint que 10 ans
après cette première tentative, 130 à peine des pieds distribués par
Nierto étaient encore en vie. FIncx fit connaître à la Sociedad de géo-
grafia y estadistica ces résultats peu encourageants et crut pouvoir
attribuer la mort des plantes à ce que l’on avait été prodigue d’engrais
à leur égard. Il recueillit sur les spécimens encore vivants (2?) des
(1) Les graines germent 17 jours après l’ensemencement, quand le sol n’est
pas trop humide.
(2) Ua fait curieux au point de vue botanique, c’est la production, observée
à cette époque, de nombreuses formes batardes et de variétés nées des trois
espèces de Quinquina primitivement plantées.
LE Ga Les
graines fertiles que ceux-ci produisaient déjà depuis leur 3e ou leur
4e année, les sema sur les terres de l’Hacienda Trinidad dont il était
un des co-propriétaires et obtint jusqu à 12,000 pieds nouveaux, dontil
exporta nombre de fois l’écorce. Lorsque FiInoKk se retira de l’associa-
tion, la culture du Quinquina y fut naturellement abandonnée, maïs elle
continue et prospère actuellement encore au Rancho de Santa Mathilde,
propriété de Murray, son gendre et au Rancho de San Rafaël.
Ces diverses plantations suffisent à la consommation de Cérdova (1).
FINcCE a plus d’une fois expédié de ses plantes à S. Andres Tuxtla, sañs
que leur culture ait paru réussir dans d’autres parties du pays. La :
possibilité de leur acclimatation est surabondamment démontrée; quant
à savoir si leur élève se poursuivra, c’est un point plus douteux eu
égard au peu d'intérêt qu’on lui porte. On commet en général la faute
d'abandonner trop complètement le soin des plantations aux Indiens
peu au courant de cette besogne : circonstance qui explique la dégéné-
rescence rapide des fruits à pepins et à noyaux (pommes, poires,
pêches)cultivés dans les terres hautes, lesquels ne tardent pas à devenir
bien inférieurs à leurs congénères d'Europe ou d'Amérique, sans qu’on
puisse en chercher la cause ailleurs que dans le manque de soins intelli-
gents, — négligence pour le moins bien étrange, dans un pays où ces
fruits sont en haute faveur.
Très répandue est la culture du Capsicum dont on élève de nom-
breuses variétés, les unes sur le littoral, les autres jusque sur les terres
hautes. L’Ananas est souvent planté; il ne réclame aucun soin spécial,
en dehors de l'enlèvement des mauvaises herbes abondantes dans
ces parages. À côté du type à feuilles larges se rencontre une
variété à feuillage étroit (Pina Esmeralda) ainsi que l’Ananas de
Colombie, espèce dépourvue d’aiguillons et connue sous le nom de
Mordilona. Les meilleures variétés fournissent un produit d'expor-
tation important et rémunérateur. De nombreuses variétés de Cala-
bazas (Cucurbita) déjà cultivé par les Aztèques et de Camotes (Batatas)
se voient fréquemment exposées sur le marché; en revanche il est
exceptionnel d’y rencontrer de ces racines de Dioscorées vulgairement
désignées sous ie nom de Camote del Cerro, aussi bien que le Name
(1) La livre (450 gr.) d’écorce se vend 6 réaux (fr. 3 75).
AS —
(Fams), Dioscorée importée des Antilles : d'autres représentants indi-
gènes de la même famille produisent des tubercules de saveur amère
et non comestibles. La Carotte réussit sous des latitudes plus froides;
elle est fournie au marché de la ville par les districts de Maltrata et
de Chalchicomula, où sa culture est fort bien entendue et pratiquée
sur une vaste échelle. Le Wanihot (Yuca) est planté en quantité suffi-
sante pour alimenter Cordova de fécule ; plus rares sont les cultures
de Jécamas (Dolichos).
Parmi les plantes culinaires, nous mentionnerons commeendémiques
les suivantes : PAysalis (Tomate de Cascara), plusieurs espèces;
Sechium edule? (Chayote, Challote ou Espinoso) variétés nombreuses,
à fruits épineux ou lisses, gros ou petits, arrondis ou allongés;
Passiñora quadrangularis? (Granada de China) et une autre espèce à
fruits ronds. Il est rare de voir figurer au marché le Sapotes Chichihua
des montagnes voisines, espèce à fruits ovales, gros comme la Granada
de China et de couleur jaune-rouge comme elle, avec des graines
ridées semblables à celles des Papayacées. Très rares, bien que vigou-
reuses et prospères, sont les Opuntiées (Tuna), dont les plateaux
élevés et secs de Puebla approvisionnent largement les marchés; fort
abondante au contraire une espèce de Phyllocactus à gros fruits
comestibles (Pifahaya). En fait d'épices, les Indiens tiennent en
grande estime le Papalo-Quelite (Bidens); au contraire ils ne font
guère de cas de la Sauge (Sulvia patens, (Chia) que j'ai rencontrée
presque partout ailleurs. Les grandes feuilles rondes d’un Peperomia
(Tlanepa-Quelile) rapées servent à assaisonner une sorte de ragoût
connu sous la dénomination de MWole.
Mentionnons, en fait d’autres plantes indigènes utiles, le CAicamole
(Momordica ?) dont les racines tuberculeuses sont employées comme
succédané du savon; puis le gigantesque Bambusa arundinacea (Otale)
dont le chaume sert à de multiples usages; une espèce plus petite, qui
croît spontanément à 95-600 m. d’altitude au-dessus de la surface de la
mer et dont l'aire de dispersion est fort restreinte, se cultive depuis
peu de temps avec plein succès ; on plante aussi souvent une sorte de
bambou nommé Carrizzo, plus petit que l’Ofate; en revanche l’Z»digo
(Anil) s’y trouve à l’état sauvage, jamais cultivé, et la Vanille ne se
plante cà et là qu’à titre de curiosité : les espèces aromatiques du genre
ne sont du reste représentées que par une seule forme, la Vanille
= 46
Pompona(). Le Cebolleja ou Cévadille des officines (Asagraea oficinalis)
grandit spontanément et sert en hippiatrique, concurremment avec
l’huile de Sapin Oyamel, à chasser les vers des plaies en suppuration.
Diverses espèces de Salsepareilles croissent sur les montagnes voisines,
mais les meilleures sont presque épuisées. L’Zpomaea purga (Raïz de
Jalapa) se rencontre aux mêmes stations et se cultive à #* Jyan Cos-
comatepec. Les tubercules officinaux de l’7Z»omaea Orizabensis rensei-
gnés par Le Danoïs sont inconnus à Côrdova ausi bien qu’à Orizaba
même. Sans doute il y a, de la part de l’auteur, confusion avec les tuber-
cules du J. Purga. Des appréciations exagérées, relatives aux vertus
médicales de cette plante, ont provoqué en divers endroits des essais de
culture d’une Aristoloche, qui représente un diaphorétique et un
diurétique puissants et fournit un antidote infaillible contre les mor-
sures des serpents vénimeux. Maïs la croyance en son efficacité
contre l’épidémie de vomito-negro qui sévit au pays depuis plusieurs
années ne repose sur aucune base sérieuse et n’est nullement par-
tagée par les médecins. L’écorce d’un Aralia arborescent, que l’on
nomme Palo cuchara, Temalcahuile où même par extension Ana-
cahuita, passe pour jouir des propriétés de cette dernière plante.
Le Lipvia trifoliata, disparu des pharmacopées européennes, possé-
derait, à ce qu’on affirme, une efficacité incontes table sous les
climats tropicaux : on en fait parfois usage contre les gastralgies.
Enfin on cultive ça et là l’Avellana (Æchinocystis, ou gen. aff.?) dont
les semences sort couvertes d’une arille de couleur rouge, mucilagi-
neuse et comestible.
Nombre d’espèces européennes, utilisées comme plantes culinaires
ou fourragères, s'adaptent admirablement au climat de ces régions :
d’autres ont besoin d’être fréquemment renouvelées, parce qu’elles ne
tardent pas à dégénérer. On a obtenu, de graines importées d'Europe,
un radis tendre, savoureux; les semences nées sur place n’ont produit
qu’une racine longue de 1/2 m., assez coriace et utilisée seulement par
les classes pauvres. La Laitue pommée, que l’on coupe en mars et
avril, a subi rapidement la même dégénérescence. La Luzerne (Alfalfa)
(1) Finck prétend avoir observé au Mexique 11 espèces de Vanille, dont
4 odorantes.
4
À
à
Dar; Se
ne prospère que sous des latitudes plus froides,aussi bien que l’Asperge,
cultivée à Côrdova comme plante décorative. On n’a pas tenté jusqu’à
ce jour l'introduction du Cumin (Comnio). En revanche, sont complète-
ment acclimatées les espèces suivantes : Zycopersicum (J'itomale), dont
les fruits n’atteignent ni la grosseur ni la saveur de ceux cultivés
en d’autres contrées, notamment en Californie; Toronjil (Melissa),
Oregano(Origanum), Hinojo(Foeniculum), Ajonjoli(Sesamum), dont les
graines servent à assaisonner le pain, en lieu et place de Curvi, Culan-
tro (Coriandrum, n° 129°) et les diverses variétés de choux. Le climat
est trop chaud pour les plantes bulbeuses d'Europe, qui réussissent à
merveille à la hauteur de Maltrata d’où elles alimentent les marchés
voisins. Bien digne de remarque est l’existence à San Andres Tuxtla,
tout contre la côte, de deux AZiwm à minuscules bulbes rouges chez
l’un, blanches chez l’autre, pour lesquels la température moyenne de
Cordova semble trop peu élevée. Seraient-ce des espèces indigènes ?
Innombrables sont les arbres fruitiers que l’on cultive en cette région.
Citons, parmi les Palmiers, le Cocotier planté cà et là et qui traine une
triste et misérable existence, sans jamais mürir ses fruits; puis
l'Acrocomia sclerocarpa qui réussit à merveille, bien qu'originaire
d’une altitude moins élevée (500 m.) : ses graines (Coyol) se voient
fréquemment sur le marché — aussi bien que les dattes, cultivées
de temps immémorial sur les terres hautes. Cà et là se rencontre
l’Atlalea Cohune à graines savoureuses; partout se cultive à pro-
fusion le Chamaedorea Tepejilote, dont les épis floraux, doués d’une
légère amertume, servent de condiment aux potages. Dans chaque
Solar se dressent de nombreux et robustes spécimens de Mangifera
indica, dont on distingue deux variétés, la plus commune produisant
des fruits plus gros, plus courts, à noyau plus volumineux que l’autre,
plus estimée et plus rare, nommée au pays Mango de Manila; toutes
deux importées par les Espagnols de l'Asie à Acapulco. Les Mangos
fleurissent en janvier et février ; l’époque de la maturité commence ici
fin juin et se continue jusqu'à la mi-septembre; elle est de mars à
juillet sur le littoral. Quantité de fruits sont emballés dans des caisses
avant maturité complète et expédiés vers les districts plus froids, où
ils se conservent plusieurs jours. On cultive encore Diospyros (nigra ?),
Casimiroa edulis, qui s'adapte à toute espèce de climat, depuis la
côte jusqu’à 2000 m. d'altitude au dessus de la mer; Zncuma
LU A SN EE
mammosa (Mamey) qui fleurit en août-septembre et dont le fruit
mürit en un an sur le littoral, tandis qu’il réclame ici, pour parvenir
à maturité, complète, 1 1/2 à 2 ans. Un autre Zucuma se couvre de
plus petits fruits (Sapote Nino ou Sapote Mamey), à chair d'un jaune
de chrome caractéristique et peu savoureuse. Indépendamment du
Persea gratissima (Aguacate), dont les nombreuses variétés à fruits
gros ou petits sont cultivées partout, l’on rencontre sur la montagne
deux ou trois autres espèces du même genre, non encore dénommées
probablement, telles qu’une forme à minuscules fruits de couleur
noir-bleu, assez semblables à des prunes, très estimés des indigènes
du pays et se vendant parfois à très bon compte sur le marché; une
autre qui croît spontanément, mürit avant tous ses congénères dès le
mois de juin et se nomme 7'epe Aquacate; enfin le Chinene à gros
fruits. Un Byrsonima (Nanche) produit des baies comestibles, aussi
bien que le Punchosia (Sapote de Santo-Domingo); un autre fruit
nommé Pipicho est tenu en haute faveur. Parmi les Anona j'ai
observé : Anonu squamosa? (Cubeza de negro ou Flama sapote)
A. muricata (Guanübana), A. reticulata? (Chirimoya), plus une
espèce indigène à fruits minuscules, mais très savoureux, dont les
fleurs, qui présentent un périgone vert à trois grands lobes jaunes,
sont plus grandes que celles du Cabeza de negro et possèdent un
arome comparable à celui de la pomme. Nombre de ces fruits se
sclérifient prématurément, avant d'atteindre à maturité(l). Le Guana-
bana est acidule : on le mange avec du sucre. Très répandu est le
Psidium Guava, dont les fruits (Gwyabas) sont remarquables par la
facilité avec laquelle ils pourrissent et deviennent la proie des vers. On
le trouve aussi souvent à l’état cultivé qu’inculte, aussi bien que les
divers Syondias : Sp. Monbin (Ciruelo), S. purpurea (Cacao) et Sp.
lutea (Joba), tous trois à fruits comestibles, bien que ceux de variétés
produites par cette dernière espèce soient parfois trop chargés de résine
pour être bien agréables au goût. Quant au Sapote Cabello, fruit dont
(1) Le genre Anona me paraît nécessiter une revision de fond en comble; c’est
ainsi que le Chirimoya, que HELLER nomme À. Cherimolia, me semble n'être
autre chose qu’À. reliculata; quant à son Guanabana, ce serait À. muricala |
et non reticulala.
CR ET
ee 0 en
la chair, les dimensions et le facies rappellent entièrement le Sapote
Nino (Lucuma sp.) mais avec un noyau velu-fibreux, comme dans
beaucoup d'Anacardiacées; je n’ai pu vérifier s’il appartient aussi à une
espèce du genre Spondias. Cà et là se rencontre un Terminalia sp. à
noyau savoureux rappelant le goût de l’amande : d’où son nom d’A]-
mendra (de la India). Le Carica Papaya se cultive par places, sans
être tres répandu ; la forme indigène des forêts vierges porte de minus-
cules fruits très lactescents. C’est en vain que j'ai tâché de découvrir
le Jacaratia conica, qui n’est pas rare à Colima. Les gousses comes-
tibles de plusieurs Znga (n° 1, 12 et 19) et d’un Wimosa, sont désignées
respectivement sous le nom de Jaquinicuil et de Guaje. Le Tejocote
(Crataegus mexicana), dont les fruits sont fréquemment exposés en vente
au marché, croît sur les montagnes voisines, en compagnie de raisins
passablement savoureux. Citons, en fait de Cüîtrus : Citrus medica
(Citrone, Limon real), C. limonuwm (Limon), C. Lima ou Limeta(Lima),
C. Bergamia (Lima agria), C. Bigaradia (Naranja agria),C. decumana
(Toronja), C. Aurantium (Naranja dulce). Deux sortes de figues se
vendent sur le marché, l’une à fruits ronds, d’un blanc jaunâtre,
cultivée dans le district, l’autre à fruits allongés, d’un noir bleu,
venant de Maltrata. Une troisième figue, petite, de nuance rose,
introduite de la Louisiane, n’a pas tardé à dégénérer et à perdre sa
couleur. N'oublions pas de mentionner les graines du Pinus Llaveana,
ou Pinon, qui croît en abondance dans la montagne et dont on cueille
les cônes avant maturité complète, pour en faire des tas qu’on recouvre
de Paxtle (Tillandsia usneoïdes), afin qu'ils s'échauffent et achèvent
de mürir; après quoi on les vanne. Il faut avoir soin, pendant la
période de maturation, d’éloigner à grand fracas les oiseaux friands
de ces graines. L’arrobe (25 litres) de ces Pinones si: péniblement
obtenus se vend au prix maximum de 20 dollars. Une autre plante,
représentée ici par un nombre peu considérable de spécimens, est
l’Arbre à pain (Arlocarpus incisa), importé du littoral. L’A. integri-
folia d'Afrique produit des régimes de fruits pesant jusqu’à 20 livres.
Les graines sont fort recherchées pour l’ensemencement, mais il est
tres difficile de les tenir à l'abri de la pourriture, circonstance à
laquelle il faut attribuer le peu d'extension pris jusqu’à ce jour par
la culture de ce végétal.
Peu de plantations d'arbres, en dehors des arbres fruitiers : ce qui
L'E5Ee
existe sous ce rapport peut être apprécié à propos du jardinage, lequel
atteint ici un degré de développement et de perfection supérieur peut-
être à ce qui existe dans toute autre ville mexicaine. Témoin le jardin
(Zôcalo) tracé au centre de la ville il y a quelque dix ans, de dimensions
restreintes il est vrai, mais d’une culture irréprochable. On avait
songé autrefois à en faire un parc d’acclimatation de vaste envergure,
mais force a été d'y renoncer, faute d'argent. Dans la plupart des
Solares se cultivent aussi nombre de plantes décoratives, empruntées
les unes à la végétation des montagnes environnantes, les autres à des
contrées étrangères. C’est particulièrement le commerce des Orchidées,
florissant en Europe dans ces dernières années, qui à contribué à
introduire sous ces latitudes de nombreux représentants de cette
famille, originaires de climats plus chauds ou plus rigoureux, dont les
uns se sont parfaitement acclimatés, tandis que les autres n’ont pas
tardé à succomber au changement d'habitat. Le fait que certaines
espèces, telles que Clerodendron japonicum, Thunbergia, introduites
depuis un certain nombre d'années, se sont naturalisées et multipliées
au point de devenir un fléau pour l’agriculture, permet de prévoir que
nombre d’autres plantes, parmi les formes importées, deviendront
avec le temps assez répandues pour être confondues avec les espèces
indigènes. Aussi, dans le dénombrement des plantes décoratives ren-
contrées à Cordova, aurai-je soin de sigualer leur provenance chaque
fois qu’elle me sera connue avec certitude.
Pour commencer par les Fougères, je citerai : Davallia Schlechten-
dahli, Polypodium crassifolium spontané et planté, divers Alsophila
indigènes, dont quelques uns cultivés, notamment A. aculeatla et
A. pruinata; puis Cyalhea (des montagnes voisines). Nombreuses sont
les espèces de Palmiers plantées dans les jardins, mais représentées
par un nombre restreint de spécimens. Citons principalement : Areca
rubra et espèces voisines ; Oreodoxa regia, originaire du littoral et bien
acclimaté; puis, parmi les formes importées : Arenga saccharifera,
Caryota sobolifera, Metroxylon, Lalania borbonica, Livistona australis,
Copernicia, Sabal umbraculifera, Chamaerops, Trithrinaæ, Rhapis,
Phoenix reclinata, Ph. flexzuosa, Ph. dactylifera, Astrocaryum meæi-
canum (de la côte), deux formes du minuscule Malortica (de même pro-
venance), J'ubaea spectabilis, Kentia Belmoreana, Cocos flexuosa et deux
nouvelles espèces de Bactris (de la côte). On rencontre aussi, à l’état
Le Fe
spontané, Attalea Cohune (Palma real, le plus beau des représentants
de cette superbe famille avec Waximiliana regia), plus répandu sur le
littoral, ainsi qu'Acrocomia sclerocarpa, puis divers Geonoma et
Chamaedorea indigènes ou cultivés, notamment : Ch. Tepejilote, Ch.
elegans var., Ch. graminifolia var., Ch. desmoncoïdes scandens, Ch.
insignis, Ch. eleyantissima, Ch. gracilis, etc.; puis Thrinax argenteu,
abondant à Oajaca, Tehuacan et autres lieux, et Cocos nucifera chétif
et mal acclimaté. Le climat s’est montré trop froid pour l’Ælueis
quineensis, trop chaud pour le Pritchardia filamentosa de Californie.
Parmi les Musacées introduites, j'ai noté : Æavenala madagasca-
yiensis, puis diverses espèces déjà renseignées : M. Ænsete, superba,
coccinea, variegata; quant aux espèces endémiques d’Æeliconia : H.
Bihai, psittacina et quatre ou cinq autres, originaires de districts
voisins; elles sont encore indéterminées et se rencontrent surtout
cultivées dans les jardins.
Parmi les Orchidées on trouve, à l’état spontané, quelques Sypiran-
thes et Maxillaria, abondants parmi les forêts de chênes; plus rare-
ment ZLaelia anceps, Epidendrum odoratissimum, Trichopilia tortilis,
Oncidium multifiorum, O. Cavendishi, O. alatum, Lycaste aromatica,
Catileya citrina, Chysis bractescens, Cyrtochilum maculatum, Schom-
burgkia tibicinis, Sobralia macrantha, divers Zsochilus, Cypripedium
Irapeanum, etc.; à l'état cultivé : Æpidendrum Brassavolae, ebur-
neum, cochleatum, nemorale, vitellinum, ciliare, oncidioïdes, Arpo-
phyllum spicatum, Cyrlopodium punclatum, Mormodes aromatica,
Catasetum tridentatum, Chysis aurea, Peristeria Barkeri, cerina,
Huntleya? Laelia albida, Oncidium stramineum, ornithorhynchum,
incuroum, reflezum, Odontoglossum bictoniense, nebulosum, macu-
laium, cordaium, Rossi, Lycaste Deppei, Coelia Baueri, Brassavola
glauca, Brassia viridis, Stelis, plusieurs Slanhopea, Acropera Loddi-
gesüi, citrina, Maxillaria densa, Xylobium, etc. : le tout avec d’innom-
brables variétés fréquentes d’ailleurs chez les Orchidées, sans compter
un intéressant produit de croisement, le Cycnoches Eggertoniana, à
folioles périgôniales maculées.
Le Vucca (Isote) est indigène et très répandu; ses fleurs sont
mangées en guise de légume. Les divers Commelyna et Trades-
cuntia, spontanés dans ces régions, sont souvent transplantés et
cultivés dans les jardins, entre autres une gentille espèce à fleurs
EE
blanches, à bractées rouge sang foncé, avec des feuilles épaisses et
charnues, dont le port rappelle celui de l’Agave et qui croît sur le
mont Oajaca. On trouve aussi, spontané ou cultivé, le Dioscorea ele-
phantipes et les Aroïdées suivantes : Xanthosoma Kerberi Engl. n.
sp., Syngonium podophyllum Schott, 5 acutum Engl., Philodendron
radiatum Schott, Spathiphyllum Moss (Liebm.) Engl. ;
Antluriwm brachygonatum Schott.
Les Cycadées indigènes ne se rencontrent guère qu'en culture,
notamment : Dioon edule, ainsi qu’une espèce nouvelle du même
genre originaire d'un autre district, à pinnules dentelées-spinescentes
(Dioon spinulosum Dyer, forma), Ceratozamia mexicana et C. fuscata.
En fait de Conifères il n'existe guère que des introductions, telles
que : Cupressus pyramidalis et espèces voisines, Araucaria Cooki,
À. excelsa, A. brasiliensis, Thuya, etc.
J'ai remarqué, parmi les Dicotylédones Angiospermes : Casuarina;
Impatiens, Viola, Cedrela rotundifolia, Bursera sp. (Palo mulato)(),
-Garcinia Livingstoni et Mangostana, espèces exotiques ainsi que
Cinnamonum oficinale, Liquidambar styraciflua indigène(?2), puis
divers Rosa produisant, même à l’état sauvage, des fleurs doubles,
l’'Aibiscus du Japon, un PBougainvillea de la République Argentine,
l'Astrapaea Wallichi Lindl. d'Asie, le Cleome speciosa indigène et une
espèce voisine à fleurs blanches, le Bryophyllum calycinum spontané
partout, le Poinciana regia importé il y a quelque douze ans et déjà
fort répandu, un Bauhinia arborescent d’Asie, divers Begonia dont
trois espèces nouvelles, l’une chez laquelle la culture a fait naître des
taches blanches à la face supérieure des feuilles, un Pixa arborescent
à fleurs rouge-rosé (Coyolillo), Melia Azedarach, Cobaea scandens,
Coleus, Columnea Lindeni spontané sur les chênes, un Tabernaemon-
Lana endémique, le Vo/kameria japonica, espèce introduite qui conserve
même à l’état sauvage la duplication de ses corolles, les Clerodendron
Balfouri et squamatum, un Sanchezia, du sud de l'Amérique à feuilles
(1) HELLER signale un Schinus sp. sous la dénomination triviale de Palo
Mulato.
(2) À mon avis, le Baume Styrax produit à Cordova n'existe pas dans Îé
commerce européen (voir Archives de la Commission scientifique du ME
t. 1 p. 342).
dl
Lan NS ris
élégamment marquées de jaune sur les nervures, un Zigustrum arbo-
rescent de Perse (Trueno), le Clethra mexicana indigène et deux espèces
voisines, l’Achimenes Ghiesbrechli qui tapisse çà et là les parois
rocheuses, un Gardenia d’Asie à fleurs doubles supérieurement accli-
maté, quatre Plumiera, V’ Aristolochia grandiflora qui se couvre d’une
profusion de fleurs pendant toute l’année, Dorstenia contrajerva, un
nouveau Jatropha à fleurs rouge corail introduit de districts voisins,
divers Croton de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie à nervures
foliaires colorées, Pedilanthus Fincki, Castilloa elastica (Hule)()
dont la culture en dépit des résultats les plus encourageants, ne s’est
guère répandue. Cet arbre, même sur le littoral, ne peut être « misen
perce » qu’à l’âge de 4 ans; à Côrdova, limite supérieure d'adaptation
de la plante, il convient de l'épargner jusqu’à sa dixième année. On
rencontre assez fréquemment, spontané ou cultivé comme espèce
ornementale, le Cecropia peltata, ainsi que l’Agdestis, superbe plante
de tonnelle naguère importée du littoral et bien acclimatée. Une rangée
de Ficus d'Asie arborescents, baptisés du nom de Laurel de India,
entoure le Zocalo; malheureusement on a commis la maladresse de
gâter les superbes cimes de ces arbres par une taille artificielle. Très
répandue dans les champs, les jardins, etc., est la Belle de nuit (Mira-
bilis Jalapa), dont les fleurs revétent toutes les nuances imaginables
et exhalent un parfum pénétrant. |
Pour retrouver les vestiges de la flore primitive de ces contrées, si
profondément bouleversées par l’activité de l'être humain, il faut les
rechercher parmi les débris de la forêt vierge (Monte virgen), qui
couvrait autrefois tout ce territoire et dont les derniers restes se voient
encore cà et là au sein même des cultures, notamment aux ravins
escarpés des rivières et des cours d'eaux, aux pâturages marécageux
et aux clôtures qui limitent les champs. Les Barrancas, à cause de la
raideur de leurs parois presque à pic, les marais à cause de leur sur-
abondance d'humidité, ne sont guère lieux favorables à des tentatives
(1) Dans une communication adressée à la Commission scientifique du Mexi-
que, le S. Z. Finck confirme en tous points l’assertion émise par LÉON COINDET
dans les archives de cette commission t. 1 p. 357, que cet arbre produirait des
fleurs jaunes et des épis fructifères rouges : c’est-à-dire que le périanthe
jaune, au début, se colorerait en rouge lors de la maturité.
— "hi
de culture. Quant aux haies, débris vigoureux et florissants de la
végétation forestière d'autrefois, elles n’ont guère modifié leur carac-
tère primitif; on les respecte à cause des services qu’elles rendent
comme clôture des plantations. La végétation des forêts de Chênes
consiste, à part 3 ou 4 espèces de Quercus parmi lesquels le Jalapensis
se montre le plus fréquemment, en diverses broussailles lianes, plantes
parasites et épiphytes, identiques à celles qui composent les clôtures
précitées. Il va sans dire qu'à l'ombre des forêts se développent
en plus grande abondance les espèces qui s’accommodent de ces
stations abritées; Fougères et Orchidées s’y trouvent plus largement
représentées sans toutefois faire défaut ailleurs. Inversement, les
plantes qui réclament un éclairage puissant ont cherché et conquis
les espaces mieux exposés, sans manquer d’ailleurs au domaine des
forêts.
Je termine cette notice par la nomenclature, sans commentaire, des
plantes observées et récoltées en ces lieux pour autant qu'il s'agisse
d'espèces déterminées et dénommées.
Quant aux formes non déterminées, je me contente de les désigner
par le numéro d'ordre qu’elles occupent dans ma collection :
Polypodiaceae : Acrostichum (106), Taenitis (107+, 128), Pleuri-
dium crassifolium Link, Polypodium (742, 97, 102, 106, 123, 1267,
1272), Pteris (61, 96, 98, 98<), Blechnum occidentale L. et 103,
Asplenium (105, 108:), Aspidium (109<, 64).
Cyatheaceae : Dicksonia (90°), Alsophila (564, 95°), Cyathès (96°,
996, 1402):
Gleicheniaceae : Gleichenia (100, 101:).
Ophioglossaceae : Botrychium (120:).
Selaginellaceae : Selaginella Galeotti Spring.
Cycadeaceae : Dioon spinulosum Dyer, Ceratozamia (111<).
Gramineae : Dimorphostachys Schaffneri Fourn., Paspalum com-
pressum Nees, P. conjugatum Sw., Panicum maximum Jacq.; espèces
indéterminées (55, 74, 88, 92, 100, 110).
Cyperaceae : 51, 57, 91.
Commelinaceae : Commelina pallida W. et 119+, Tinantia fugax
Scheidw., Tradescantia elongata C. Mey. et 694, 90.
‘Hypoxideae : Hypoxis.
Amaryllidaceae : 38<, 130, Alstroemeria (psittacina ? 131‘),
AN LS
Bromeliaceae : Billbergia (122:)(1), Tillandsia, espèces nombreuses
(354, 43°).
Orchideae : 34+, 75*, Cynoches ventricosa, C. Eggertoniana,
C. aurantiaca, Stanhopea tigrina, St. maculata. Voir aussi plus haut.
Zingiberaceae : Amomum (2).
Cannaceae : Maranta arundinacea L. et 4‘.
Myricaceae : Myrica.
Urticaceae : Urtica caracasana Jacq. (Mal hombre).
Éuphorbiaceae : Jatropha urens (Mala muger), 55 et 121%, Ricinus
communis L., Cyclostigma jalapense.
Loranthaceae : Phoradendron nervosum Oliv., Loranthus Kerberi
Fourn.
Monimiaceae : Siparuna ?
Piperaceae : Piper spec., P. variegatum H. B. Kunth, puis
51 et 1325.
Aristolochiaceae : Aristolochia (Richardsoni ? 724).
Podostemaceae : Apinagia (83).
Polygonaceae : Polygonum acre H,B. Kunth.
Phytolaccaceae : Rivina (65, 65*).
Amarantaceae : Amarantus spinosus L.
Plantaginaceae : Plantago spec.
Labiatae : Salvia xalapensis Benth., Micromeria xalapensis Benth.,
Hyptis (93), Ocimum (104), puis 84 et 94.
Verbenaceae : Tamonea verbenacea Sw., Lippia (36°), Lantana (53).
Acanthaceae : Dianthera, Aphelandra (66°).
Gesneraceae : Columnea (7°). |
Solanaceae : Cestrum (nocturnum ? 52°), Datura arborea L., Sola-
num (68, 116).
Convolvulaceae : Jacquemontia violacea Choisy, Ipomaea cathartica
Poir., J. variabilis Choisy, Exogonium Jalapa H. Bn., Ipomaea bona
nox L., Quamoclit Kerberi Fourn.
Boraginaceae : Cordia crenulata À. D. C. et 82.
Asclepiadaceae : Dictyanthus campanulata Rchb., Asclepias curas-
savica L. (145) et 372.
(1) Cette détermination est probablement erronée; on ne connait pas de
Billbergia au Mexique. E. M.
LC EE
Apocynaceae : 715.
Oleaceae : Fraxinus spec.
Myrsinaceae : Ardisia (68°).
Sapotaceae : Chrysophyllum (31°).
Compositae : Elephantophus cuneifolius Fourn., Tagetes micrantha
Cav., Bidens leucantha W. Spilanthes fimbriata, Sclerocarpus Kerberi
Fourn., Zinnia elegans Jacq., Parthenium Hysterophorus L., Melam-
podium divaricatum DC., Polymnia maculata Cav., Zexmenia (59),
puis 66, 101, 103, 111, 115, 118. |
Rubiaceae : Triodon angulatus Benth., Spermacoce assurgens
R. P., Crusea? (60), 97*, Hamelia patens Jacq.
Umbelliferae : 108.
Cactaceae : Phyllocactus (117).
Passifloraceae : Passiflora (117).
Onagraceae : 95.
Lythraceae : Cuphea (41*), 60.
Melastomaceae : 80, Conostegia (81), Centronia (9°), Heeria rosea
Triana, Arthrostemma companulare Triana.
Leguminosae : 59°, 67, 73*, 133, Calliandra (78), Acacia 86, 89,
119, Mimosa pudica L., Hymenaea Courbaril L., Cassia (63, 67+, 109,
114), Phaseolus (85), Dioclea? (56), Centrosema (49, 71), Desmo-
dium ? (75), Arachis hypogaea L. |
Sapindaceae : Paullinia? (77).
Rhamnaceae : Gouania (73).
Rutaceae : 79.
Geraniaceae : Oxalis (120).
Malpighiaceae : Bunchosia (8*), Byrsonima (309).
Sterculiaceae : Helicteres (3*).
Malvaceae : Hibiscus (112), Malvaviscus arboreus Cav., Pavonia
rosea Schlechtdl., Sida carpinifolia L., Anoda (58). |
Guttiferae : Clusia (72).
Hypericaceae : Hypericum (99).
Caryophyllaceae : Drymaria (70).
Polygalaceae : Polygala (54).
Ranunculaceae : Ranuneulus (107), Clematis (87).
Dee a, »
LEA .
2)
MASDEVALLIA BI
La Belg. hort.
J
1884, pl. III.
ON ES
NOTE SUR LE MASDEVALLIA BELLA Reuz.
OU MASDEVALLE ELEGANTE.
Figuré planche III.
Masdevallia bella, Roue. 2% Gard. Chron., 1878, I, p. 725; 1880, I, p. 756
et 760, fig. 131-132. — Floral Magazine, 1881, pl. 433.
Le Masdevallia bella est de la section des Chiméroïdes par ses fleurs
de forme étrange et de coloris bizarre. Il ressemble au 7. Climaera
(Belg. hort. 1882, p. 313, pl. XIII) dont on le distingue surtout par la
forme du labelle : il offre aussi certaines ressemblances avec les Wasde-
vallia Nycterinia et Wallisi. Il croît spontanément dans les gorges de
la Nouvelle-Grenade où il à été découvert par Gustave Wallis à
8000 pieds d'élévation et a été introduit dans les cultures euro-
péennes, en 1878, par M. Low, horticulteur à Clapton, Londres.
Nous le figurons et le décrivons ici d’après un spécimen qui a fleuri
en décembre 1882 dans la collection de M. Oscar Lamarche-de
Rossius. Ses pédoncules sont érigés et la nuance des fleurs est moins
ochracée que dans certaines variétés.
DESCRIPTION. — Feuilles peu coriaces, dressées, longues de Om12 à Om26,
subsessiles, atténuées en pétiole, elliptiques, larges de 02025, bicuspidées,
_ traversées par un sillon médian, enfin de couleur vert gai.
Pédoncules rampants, grêles, roses, assez longs (008) et uniflores.
Fleurs très grandes puisqu’elles mesurent jusque 0220 de diamètre vertical.
Périanthe très ouvert, gamophylle, de forme générale triangulaire, ample
(0206 sur 02045), velu, de couleur jaune paille parsemé de petites taches inégales,
rose carmin foncé, rares à la partie inférieure, plus abondantes et confluentes
sur les bords et surtout au lobe supérieur. Ce périanthe est partagé en trois
divisions rhomboïdales : les deux inférieures larges, la supérieure plus étroite,
mais toutes prolongées en une corne mince, rose foncé, la supérieure droite,
plus ou moins dressée et plus longue (008), les deux inférieures un peu plus
courtes (006) et croisées comme deux épées. Pétales minimes, spathulés,
échancrés, jaune paille et ponctués. Labelle à hypochyle étroit et court, tandis
que l’épichyle ou limbe est très ample, en forme de valve de coquille, sillonné,
crêté et blanc pur. Colonne minuscule.
PNIES UE
BULLETIN DES NOUVELLES ET DE LA BIBLIOGRAPHIE.
La Sociéte de Malines à, le 18 mars, inauguré les expositions
florales de cette année. On y voyait, comme de coutume, les admi-
rables orchidées de M. F. de Cannart d’'Hamale, très nombreuses et
tres bien venues. Ses Coelogyne cristala notamment sont littéralement
couverts de fleurs et pas un de ses émules ne les obtient dans un aussi
bel état. On a beaucoup remarqué à l'exposition de Malines, les collec-
tions nombreuses et variées présentées par M. Richard Lamotte,
nouveau venu parmi les amateurs belges.
La Société agricole et horticole d’Andenne (Province de Namur) .
organise, pour le 21 septembre 1884, une grande exposition des
produits de la culture comprenant une section de floriculture. A
cette occasion un grand prix d'honneur à été mis à la disposition de la
Société d'Andenne par la Fédération des Sociétés d’horticulture de
Belgique. On peut s'adresser pour le programme et le règlement à
M. Simon, secrétaire-général de la Société.
Le Dr J. Bayley Balfour a été élu récemment professeur de bota-
nique à l’Université d'Oxford. Il occupait depuis quelques années la
chaire de Glasgow et il avait été un des élèves les plus distingués de
l'Université d'Edimbourg. Sa position actuelle lui donne droit à des
honoraires de 700 £ st. et résidence au Magdalen College.
L’Oncidium Limmingheï, décrite en 1856, par le professeur Morren
(Belg. hort., VI, p. 253, c. ic.) quand il fut importé de Caracas au
Jardin botanique de Liège, vient d'être retrouvé au Brésil, par
M. Pedro Binot. Ce collecteur a introduit une certaine quantité de
cette rare et jolie espèce au Jardin botanique de Bruxelles où il se
trouve actuellement.
Æichmea platynema (Pironneava platynema Gaudichaud), bromé-
liacée gigantesque dont les feuilles atteignent un mètre cinquante de
longueur et quinze centimètres de large, a été introduit vivant en.
Europe dès l’année 1880, par M. Glaziou, de Rio Janeiro (voir le n° 26).
Un pied de grandes dimensions qui a développé pendant la traversée
UNE
une inflorescence d’ailleurs atrophiée et qui est mort à son arrivée
en Europe, nous à mis à même de déterminer l'espèce. Il avait été
expédié en Europe par M. Binot, de Petropolis.
Un Azalea souvenir de Marie Rosseel vient d’être offert en vente
par M. A. L. Rosseel, horticulteur à Gand. Cette variété nouvelle a
la fleur double, très grande et de couleur rose saumoné. Elle a recu de
la Société botanique de Londres un certificat de mérite et de la
Société royale d'horticulture de Londres un certificat de première
classe.
Fr. Crépin, Manuel de la Flore de Belgique, 5° édition, Bruxelles,
chez Mayolez, 1884, 1 vol. in-12, — La Flore de Crépin est depuis
longtemps classique et populaire en Belgique. La nouvelle édition qui
vient de paraitre se recommande par de nombreuses améliorations, des
figures analytiques, une nomenclature flamande et la meilleure appa-
rence typographique.
Ferd. von Mueller, Zucalyptographia. — Le célèbre et infatigable
botaniste officiel de la colonie de Victoria à Melbourne, baron Ferdi-
nand von Mueller vient de distribuer la neuvième décade de sa mono-
graphie illustrée des Eucalyptus.
F. von Mueller, Systematic census of Australian plants : First
annual supplement and additional annotations.
R. Schomburgk, directeur du Jardin botanique d’Adelaide, dans
l'Australie méridionale, nous a récemment envoyé le rapport qu’il
vient de publier sur la situation et les progrès de cet établissement. Ce
document, fort détaillé, témoigne une grande prospérité ; il est
accompagné de gravures représentant des vues prises dans le jardin.
Franz Antoine, PAylo-iconographie der Bromeliaceen der KX.K.
Hofburg-Garten in Wien, Vienne, 1884, (chez Gérold et C°). M. Franz
Antoine, directeur du jardin privé de la Cour impériale et royale à
Vienne, a réuni une des plus belles collections de Broméliacées qui
existe en Europe et, excellent artiste, il a lui-même dessiné toutes les
plantes rares ou intéressantes qui ont fleuri sous ses yeux. Il vient de
commencer la publication de cet album en un bel et grand atlas
ICBOTSE
accompagné d'un texte descriptif. L'ouvrage sera tiré à cinquante
exemplaires seulement. Le prix de chaque livraison est de fr. 17-50.
La première donne, avec un frontispice très gracieux et une préface
intéressante, la figure et la description des Wriesea Wamwranea,
Vr.conferta, Vr. paraibica et Vr. psiltacina var. decolor.
À. W.Bichler, Beiträge zur Morphologie und Systematik der Maran-
taceen. Br. in-49, avec 7 planches, Berlin 1884. — L'’essai de morpho-
iogie et de classification des Marantacées, publié par M. le professeur
Eichler, est d’un grand intérêt scientifique. Nous y reviendrons.
Alphonse Lavallée. Zes Clématites à grandes fleurs, Paris 1884,
1 vol. in-4°, avec 24 planches gravées. — M. Alphonse Lavallée,
président de la Société nationale d’horticulture de France, a publié un
mémoire scientifique sur la section la plus brillante et la plus
embrouillée du genre Clematis.
Toutes les descriptions ont été faites d’après la nature vivante et
avec une extrême sagacité. La préface du livre exprime les pensées
les plus judicieuses et des projets qui devraient être adoptés.
L'ouvrage est édité avec beaucoup de soins et même de luxe par
MM. Baillière.
Ch. Baltet, Traité de la cullure fruitière commerciale et bourgeoise;
un vol. in-l2°, Paris 1884, G. Masson, éditeur. — Le livre de
M. Baltet est conçu sur un plan nouveau et d’ailleurs excellent. Il est
particulièrement utile à ceux qui voudraient s’instruire ou se ren-
seigner au sujet de la grande culture et de l’exportation des fruits.
Voici, par exemple, les titres des paragraphes qui traitent de
l'Abricotier.
1. Terrains qui conviennent à l’Abricotier.
. Situations qui conviennent à l’Abricotier.
. Variétés d’Abricots; descriptions, qualités.
. Plantations commerciales d’Abricotiers.
. Culture de l’Abricotier.
. Récolte des Abricots.
. Emballage des Abricots.
D I OO tr 2 ww
. Emploi des Abricots.
La plupart des fruits cultivés dans l’Europe centrale sont traités de
ere Ar
la même manière. Les moins importants, comme la Néfle, qui n’inté-
ressent pas la grande culture, sont laissés de côté. D’autres sont réunis
en groupes comme les Groseillers, y compris le Cassis. Les fruits méri-
dionaux, comme les Oranges, ou les fruits exotiques, comme les
Ananas, ne rentrent pas dans le cadre de l'ouvrage.
M. Baltet a voulu divulguer et populariser les connaissances et les
procédés bons à connaître pour la culture des fruits qui intéressent
le commerce et l’industrie. Son livre est utile, attrayant, bien écrit,
orné de jolies gravures. Nous le recommandons sans réserves.
NOTE SUR LE PAHYSALIS PERUVIANA NEES
| ou COQUERET DU PÉROU, |
PLANTE NOUVELLE A FRUITS COMESTIBLES,
PAR M. PAILLIEUX.
(Journ. de la Soc. nat. d'hort. de France, 1833, p. 109).
Je considère le PAysalis peruviana comme très supérieur à tous les
autres Physalis et j'en ai poursuivi la propagation avec tout le zèle pos-
sible. Ses graines me sont venues en 1878 de la Nouvelle-Calédonie.
Mon excellent correspondant, M. V. Perret, directeur du pénitencier
agricole de la Dumbéa, ne connaissait pas le nom de la plante et me la
désignait simplement comme une Solanée comestible; mais il paraît
qu'elle avait été depuis longtemps déjà introduite en Océanie.
Dans l’intéressante publication qu'il a faite en 1875 et qu’on peut
lire dans les Mémoires de la Société des Sciences naturelles de Cherbourg,
tome XIX, publication dont il a bien voulu me donner un des exem-
plaires tirés à part, M. le capitaine Jouan cite le PAysalis peru-
viana L., parmi les plantes médicinales. Notre Physalis se nomme
Konini aux îles Marquises, et, selon Jardin, est employé par les
naturels en compresses contre les maux de tête; mais c’est comme
fruits comestibles, propres à confectionner des tartes, des confitures,
des sirops et divers articles de confiserie qu’on recherche les baies de
Physalis peruviana et qu’on cultive au Pérou, au Cap de Bonne
Espérance, aux Indes, etc., la plante qui les produit.
Dans un mémoire intitulé Ærumeracion de los generos y especies de
plantas, etc., M. Martinet, professeur d'histoire naturelle à Lima,
dit : « On mange les fruits parfumés du Physalis peruviana. »
NEO RE
Dans le Manuel de jardinage pour le Bengale que je cite quelquefois, -
se trouve un chapitre consacré à notre plante, que je reproduis
intégralement. Le P. peruviana y porte en anglais le nom de Peru-
vian Cherry, Cape Gooseberry. « Plante vivace, dit le Manuel,
herbacée, originaire du Pérou, naturalisée au Cap et très généralement
cultivée dans ce pays-ci. (Ze Bengale.)
« Le fruit, qui ressemble exactement à celui de l’Alkekenge des
Jardins anglais dont il est assurément le très proche parent, est
enfermé dans un appendice de feuilles sèches (1).
« Il est d’une couleur d’ambre claire, du volume et de la forme exacts
de la cerise et délicieux et utile autant qu'aucun des produits de la
campagne. Il n’est peut-être pas au monde de fruit qui fournisse une
plus exquise confiture.
« Les graines doivent être semées en mai ou en juin et le plant est
mis en pleine terre, en lignes distantes de quatre pieds et à deux pieds
de distance l’un de l’autre. R
« Les plantes peuvent prospérer dans une terre ordinaire de jardin,
mais de préférence dans celle qui a recu un peu d'engrais. Lorsqu’elles
sont hautes d'environ huit pouces, elles doivent être buttées à moitié
de leur hauteur. Lorsqu'elles fleurissent, il y a avantage à pincer le
bout des jets pour qu’ils ne s'étendent pas trop et aussi pour procurer
plus de nourriture au fruit.
« Les baies müûrissent pendant les mois de janvier et de février.
Quoique vivace, le Physalis doit être cultivé comme plante annuelle
et les vieux pieds, après avoir donné des fruits une fois, doivent être
arrachés et jetés. Lorsque la saison est venue, on doit semer pour
faire une nouvelle plantation.
« La plante est délicate et ne supporte pas beaucoup de froid. J’ai
essayé plusieurs fois de la cultiver à Ferozepore, mais sans succès. Elle
végétait vigoureusement pendant toute la saison chaude, mais le froid
venait détruire mon abondante récolte avant qu’elle fût mûre. »
Cette observation de l’auteur anglais est applicable aux cultures de
Physalis pratiquées sous le climat de Paris, et, tout récemment, une
plantation qui me promettait de 80 à 100,000 fruits, ne m’en a donné
4
(1) Le calice se développe en même temps que le fruit, le couvre entièrement
et se dessèche avant la récolte.
2 Qù Lo
que 2000 parfaitement mûrs. Tout le reste a été détruit par une gelée
de deux dégrés. C’est dans le Midi que la culture du Physalis sera
fructueuse. Que les cultivateurs du littoral méditerranéen veuillent
bien s’y livrer et ils pourront, avec quelques précautions, conserver
les fruits pendant la durée de l’hiver, les expédier à Paris et dans
toutes nos grandes villes, en quantité illimitée, et en obtenir un prix
largement rémunérateur.
Des baies cueillies à Antibes, le 7 mars dernier, ont été adressées à
un membre de la Société d’Acclimatation qui me les à données.
Leur mâturité et leur fraîcheur étaient irréprochables. J’exposerai,
non sans réserves, les procédés de culture que j’ai pratiqués jusqu'ici.
On observera qu'ils sont propres au climat des environs de Paris
et qu’ils devront être modifiés au Nord et au Sud de cette région.
Je sème en mars, sur couche et sous châssis. Lorsque le plant est
à point je le mets en godets, toujours sur couche et sous châssis, un
seul pied par godet. Vers fin de mai, je mets en place en pleine terre
à 110 de distance en tous sens.
Je n’ai pas jusqu'ici butté mes plantes. A l'avenir, je ferai usage
de ce procédé, indiqué dans l’ouvrage que j’ai cité.
La plantation recoit deux binages pendant la saison et des arrosages
modérés. Je supprime tous les bourgeons inférieurs et ne conserve que
les rameaux supérieurs. Je pince dès que ces rameaux sont en fleurs.
La récolte commence en septembre et se poursuit jusqu'aux gelées.
Les fruits ne sont mürs qu'après dessication complète du calice qui les
enveloppe.
Dans nos départements du Nord on devra faire des boutures du
Physalis peruviana, en même temps que celles du Peargonium, leur
faire passer l'hiver à côté de ces derniers et les planter en même
temps lorsqu'il n'y aura plus de gelées à craindre.
Au Sud de la Loire, on pourra semer en pépinière, en pleine terre.
Sur le littoral de la Méditerranée, on récoltera tout l'hiver en proté-
geant les plantes contre la gelée. Les baies récoltées doivent être
placées dans un lieu froid et sec. Elles se conservent parfaitement
pendant quatre mois. Cueillies dans le Midi, à la fin d’octobre, elles
fourniront donc l’aliment d’un commerce très lucratif jusqu'au mois
de mars. Je dis très lucratif parce qu’on obtiendra toujours un bon
prix d’un fruit qui se conserve frais pendant tout l’hiver.
PEAR EE
Le Physalis peruviana est extrémement productif. J’ai vu des pieds
chargés de plus de 100 fruits. Je n’exagère nullement en estimant
à 5 ou 600,000 le nombre de baies que produira l’hectare dans
nos départements des Alpes-Maritimes, du Var, des Bouches du
Rhône, etc. Ces baies voyagent bien ; elles arriveront à Paris et dans
toutes nos grandes villes, en parfait état. La consommation en sera
illimitée; tous les confiseurs et tous les pâtissiers les achèteront et,
lorsque la concurrence aura abaissé les prix, la population ouvrière,
toujours avide de fruits, s’en emparera à son tour.
Les baies mûres du Physalis peruviana, mangées dans leur état
naturel, sont agréables, mais très inférieures aux fraises, aux
groseilles, etc.
Elles sont bonnes en compotes. L'industrie du confiseur et du
pâtissier les rend excellentes. Le confiseur les prépare au fondant
et au caramel. Il en fait des confitures et un sirop exquis.
Elles suppléent, chez le pâtissier, à tous les fruits dont il fait des
flans et des tartelettes.
La maison B*** à vendu l’an dernier, dans l’espace d’une semaine,
7 à 8000 baies confites au fondant et au caramel; on lui a déjà livré
cette année 30,000 fruits et elle en achètera en plus grand nombre en
janvier et en février, si l'on peut les lui fournir. |
La maison B*** a fait des confitures et du sirop qui ne le cédent
en rien à ce que l’on connaït de meilleur à Paris.
Une observation importante doit trouver ici sa place.
Pour les confitures, les sirops et les pâtisseries, le volume des baïes
est de peu d'importance, mais pour le caramel et le fondant, il est
nécessaire qu’elles soient grosses comme une belle cerise.
Or, j'ai eu l’occasion de reconnaître que le Physalis semé en pleine
terre dans le Var et un peu trop abandonné à lui-même, donnait une
grande quantité de fruits, mais que ces fruits étaient beaucoup plus
petits que ceux qu’on obtient dans les environs de Paris par la culture
maraïchère.
Il faudra donc, dans nos départements du littoral Sud, ne pas se
borner à produire de petites baies, mais en récolter de grosses en
fumant, binant, buttant, arrosant et pinçant les plantations.
Je pense que la culture du PzAysalis doit être propagée sans retard
et mon opinion me semble suffisamment motivée.
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DESCRIPTION DU VAZESEA FENESTRALIS.
PAR M. Ep. MORREN.
Planche IV-V.
Vriesea, section des Xiphion ou Gladiolifloræ.
Vriesea fenestralis. — Cespites rosulati, laxi, 0»70 diametri, surculis axil-
laribus,sessilibus. Folia coriacea, brevia (0m35-50),lata (0,07-8),arcuata, concava,
pallida, tessellata, basi guttulis vel ocellis roseis ornata, apice mucronato-rotun-
data. Caulis floriferus simplex, elatus (120). Scapus erectus, longus (055),
_ robustus nodis approximatis (005), bracteis foliaceis convolutis internodium
aequantibus. Spica disticha, elongata(0»52), rachidi nodoso,alabastris ascenden-
tibus approximatis, floribus remotiusculis, patentibus, sessilibus, numerosis
(hic 39). Bracteae breves, latae, ovatae, obtusae, involventes, basi transversim
plicatae. Sepala longa (0045), elliptica, in tubum convoluta, pariter bracteas
more foliorum colorata. Petala longiora (0065), latissima, ovata, emarginata,
basi squamigera, pallide lutea, in corollam campanuliformam disposita. Stamina
inclusa, filamento crassiusculo, anthera adnata. Stylus aequilongus, stigmato
trilobato.
Vriesea (?) fenestralis. Linden et André in ZUustration horticole, 1875,
p. 124, pl. CCXV.
Plante de dimensions moyennes pour le genre (environ 0"50 de
hauteur et 0®70 de large). Drageons axillaires, sessiles, d’ailleurs
tardifs et peu nombreux.
Feuilles nombreuses (une soixantaine), disposées en une rosette lâche
et gracieuse : elles sont coriaces, courtes (0"35-50), plus ou moins
arquées et aussi canaliculées. Dans la plante adulte, le feuillage est
finement et irrégulièrement marqueté sur les deux faces : des lignes
longitudinales parallèles, vertes, minces et rapprochées (0"002 en
moyenne) sont coupées par d’autres lignes vertes transversales, mais
sinueuses, irrégulières et parfois confluentes; les intervalles sont blanc
d'ivoire plus ou moins verdâtre. La gaîne des feuilles est fort large
(0#10-12), ovale, convexe, ornée de nombreuses petites macules ou
ocelles rose foncé qui, dans la jeunesse de la plante, sont plus nom-
breuses et disséminées même sur toute l'étendue du feuillage. La lame
est large (0"07-8), légèrement glaucescente, brusquement tronquée et
acuminée au sommet qui est d’ailleurs réfléchi.
AN Des
Inflorescence centrale, dressée, simple, élancée, beaucoup plus
haute que le feuillage (ici 120 au-dessus du sol).
Hampe droite ou un peu sinueuse, longue (ici 0"55), glabre, lisse,
verte, nœuds peu distants (0"05) portant chacun, et dans un ordre
spiral, une bractée foliacée, lisse, convolutée de la longueur du méri-
thalle, verte et ocellée. Epi simple, très long (ici 0"52), à rachis droit,
vert, comprimé sur les faces floripares et renflé aux nœuds qui sont
rapprochés (0012 à 15), très nombreux (ici 39 fleurs) et distiques.
Les boutons sont ascendants et équitants : les fleurs sont horizon-
tales, sessiles, longues (0065). Bractées florales courtes (003), tres
larges, ovales, enveloppantes, obtuses au sommet, plissées et bossues
à la base; sépales allongés (0045), elliptiques, convolutés en un tube
qui est large pendant l’anthèse mais retréci à la défloraison, lisses et
colorés, ainsi que les bractées, en vert clair parsemé de petites macules
rondes, rose foncé ou brunâtre, isolées ou confluentes. Pétales longs
(0065), très larges, ovales, échancrés, jaune pâle, squamigères à la
base et disposés en une corolle campanulée, très large au moment de
l'épanouissement. Étamines incluses, à filet large et anthère adnée.
Stigmate épais, style robuste, ovaire conique, graines à chevelure
funiculaire longue et blonde,
Les fleurs du Vriesea fenestralis offrent plusieurs phénomènes
intéressants à observer. Elles s’épanouissent successivement à deux
ou trois jours d'intervalle. Elles s'ouvrent dans le courant de l’après-
midi, restent épanouies pendant la nuit jusqu’à la matinée suivante,
pendant laquelle les sépales se resserrent et les pétales se flétrissent.
Elles sont donc éphémères et nocturnes.
En outre, elles sont remarquables par la sécrétion d'un liquide
aqueux si abondant que ces fleurs paraissent verser des larmes. Ce
liquide est acide : il produit sur la langue l’impression du vinaigre et
il rougit fortement le papier de tournesol. Une espèce voisine, le
Vriesea bituminosa de Wavra, est également remarquable par la
sécrétion des fleurs.
La description qui précède et le dessin que nous publions ont été
faits d'après un spécimen cultivé dans nos serres de la Boverie où il a
fleuri, sans doute pour la première fois en Europe, au mois de juin 1883.
Vers la même époque, nous recevions un dessin de la même espèce fait
à Pétropolis même, par M. Mondon, beau-père de M. Pedro Binot. Ce
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spécimen, développé dans la patrie même de la plante, mais peut-être
dans une localité plus froide que sa station naturelle, est beaucoup plus
restreint que celui de notre serre : il mesure seulement 040 de dia-
mètre et 120 de hauteur.
Les jeunes plantes de Wriesea fenestralis issues de semis ont une
allure toute particulière, bien différente de celle qu’elles acquièrent
dans l’âge adulte : leurs feuilles sont lancéolées, aigues et entièrement
couvertes d'ocelles rose-brun. Ces jeunes plantes semblent porter la
livrée de la jeunesse comme maints animaux.
Le Vriesea fenestralis a été introduit une première fois en Europe,
en 1852 dans l’établissement horticole de M. Linden, à Gand, et c’est en
1875 que M. Ed. André l’a fait connaitre dans l’Z!ustration horticole,
sous le nom que nous lui avons conservé. Il semble toutefois que les
plantes de cette première introduction ne soient pas restées vivantes.
M. Glaziou, le zéêlé et savant directeur des jardins impériaux de Rio-
Janeiro, nous a envoyé vers 1856, sous le nom de Wriesea sp. du Pico
de la Tinca, des graines qui, bien cultivées, nous ont fourni une nou-
velle introduction du Wriesea fenestralis. Une des plantes issues de ce
semis de 1876 a fleuri en 1883. Dès lors de nouvelles introductions de
graines ont été faites notamment par M. Pedro Binot, de Petropolis, et
par M. Lietze, de Rio-Janeiro. La plante est définitivement acquise à
l’horticulture européenne et elle est annoncée en vente par M. Peeters,
horticulteur à St Gilles-Bruxelles, par MM. Jacob-Makoy à Liège et
d’autres horticulteurs.
UNE EXCURSION BOTANIQUE DANS LA PROVINCE D ACONCAGUA
PAR LE D' À. PHILIPPI,
traduit du « Gartenfiora », novembre 1883, p. 336; janvier 1884, p 11.
Vers la mi-décembre de l’an dernier, j'entrepris une excursion bota-
nique au nord de Santiago, spécialement dans le but de récolter des
semences de mon joli Arguria glabriuscula; je pris le train jusqu’à
Santa Rosa de los Andes : en cet endroit, la voie ferrée s’interrompt
pour faire place à la route qui se dirige vers Mendoza par le sommet
de l'Uzpallata, route carrossable seulement sur une faible partie de son
0 De
parcours. À peine a-t-on quitté la ville, à peine a-t-on laissé derrière
soi les jardins fruitiers et légumiers de la banlieue, que l’on rencontre
un pont jeté sur le lit spacieux du fleuve Mapocho: des cailloux roulés
en abondance, d'eau pas le plus mince filet ; une partie a éte utilisée
pour alimenter d'innombrables canaux d'irrigation, le reste s'est
desséché ne laissant qu’une sorte de vase ou de limon. L'élément liquide
ne reparaît qu’une couple de lieues en aval, vers Pudaguel, où il
forme un cours d’eau de respectables dimensions. On croirait qu’en des-
cendant du sommet des Andes voisines, les eaux ont dùü entrainer avec
elles maintes plantes des montagnes : ce serait une erreur. Je n’en ai
pas rencontré une seule, sauf une jolie Loasée, le Mentzeliu aspera, que
je trouvai une fois en abondance. Après avoir franchi les collines por-
phyriques de Renca, arides, désolées, couvertes sur leur versant méri-
dional d’une uniforme végétation de Cereus Quisco Gay — un Cactus
candélabriforme, le même que le Cereus chilensis et non chiloënsis,
comme on l'écrit quelquefois erronément : l'ile humide de Chiloë, avec
ses pluies incessantes, ne produit pas de Cactus — on arrive dans une
immense plaine située à un niveau inférieur au Mapacho et dont la
région la plus basse est occupée par un lac peu profond, lequel augmente
ou diminue d’étendue ou même disparait tout à fait suivant que l’année
est plus ou moins pluvieuse. Cette plaine n'est guère cultivable; elle
repose sur un sous-sol salifère, dont les efflorescences, composées surtout
de sulfate sodique, apparaissent cà et là, et nourrit maintes plantes
intéressantes, telles qu'un Dislichlis non encore décrit, un Atriplex
également inédit et le fameux Ocimum salinum du bon Molina, la
« Yerba del Salitre », qui n'est pas un Ocimum, pas même une Labiée,
mais bien le Frankenia Berleriana. La plante est bien, comme le déerit
Molina, couverte d’efflorescences blanches, salines, mais composées de
tout autre chose que de « Salitre » (salpêtre) : on désigne du reste au
Chili sous ce nom tout sel qui vient s’effleurir à la surface du sol. Sur
les pieds d'Acacia Cavenia et de Prosopis Siliquastrum, abondants en
cette localité, s’étale à profusion un curieux parasite, le Zoranthus
cuneifolius, garni de ses superbes fleurs rouges. |
En cet endroit, la voie ferrée pénètre par un chaïînon latéral dans les
flancs des montagnes qui limitent au midi la vallée du fleuve
Aconcagua; elle s’enfonce dans un ravin où serpente un insignifiant
ruisselet ct y fait tant de tours et de détours qu’en certains points sa
PRE D 22
forme rappelle celle d’un S. Tout le district susceptible d'irrigation
est soigneusement cultivé et produit spécialement des raisins et des
figues ; quant aux versants des montagnes, ils sont nus, stériles,
couverts cà et là de buissons et de broussailles éparses. Sur une crête
large et spacieuse, au nord du petit village de Montenegro, se trouve
la séparation des deux bassins : on n’y fait presque jamais attention.
Un bon bout de chemin au delà, la voie ferrée s'engage dans une étroite
crevasse rocheuse aux parois escarpées et bien peu, parmi ceux qui
font le voyage pour la première fois, peuvent se défendre d’une
impression d’effroi à la vue du précipice béant ouvert d’un côté,
des rochers à pic qui surgissent de l’autre et semblent prêts à secouer
à chaque instant, sur la tête de l’audacieux explorateur, leurs énormes
blocs vacillants. On traverse un tunnel, puis un pont jeté sur une
crevasse d’un millier de pieds (300 m.) de profondeur, puis bientôt
après un second tunnel, puis un troisième avant d'arriver à la station
de Clai-Mai, la première de la plaine d’Aconcagua.
Le train glisse trop rapidement pour qu'il soit possible de reconnaitre
nettement la végétation éparse sur les versants de la voie ferrée; dans
les recoins ombreux des rochers grandissent un Cassia, diverses Calcéo-
laires, un Viviania etc. ; au printemps, fleurit à profusion le Senecio
adenotrichius D.C., espèce glanduleuse, visqueuse, annuelle ou bis-
annuelle, douée d’une odeur pénétrante qui me plait personnellement
beaucoup. Sur leur flanc méridional, les rochers ne portent guère que
le Cereus Quisco et un Puya ou Pourretia,à feuilles rapprochées, grises
en dessous, à fleurs bleuâtres que l’on confond souvent avec le Powr-
reiia coarciala KR. et P., lequel s'en distingue par ses feuilles plus
grandes, dressées, vertes sur les deux faces et ses fleurs jaune soufré.
J'ai moi-même versé dans cette erreur et pris longtemps cette plante
pour le P. coarctata, en donnant au vrai coarctata le nom de gigantea.
La plante dont il s’agit est le P. Wytei. Ses inflorescences, encore en
bouton, sont souvent mangées en salade.
Le Cereus Quisco mérite bien qu’on s’y arrête un instant : c'est une
des plantes les plus communes au nord et au centre du Chili; ses innom-
brables pieds recouvrent, jusqu’à une respectable hauteur le versant
méridional des montagnes, là même où la neige tombe abondamment
et où la température s’abaisse jusqu’à 5 à 6°R. sous O (— 6 à —71/: °C).
Son port est extrêmement variable; il acquiert jusqu’à 12 pieds (3760)
Re ce
de hauteur et au delà, avec une dizaine de pouces (25 cent.) d'épaisseur.
Tantôt il forme des colonnessimples, dressées ; tantôt, à partir d’une cer-
taine hauteur, il se divise en candélabres; parfois de multiples rameaux
partent d'une souche unique. Tout aussi variables d'aspect sont les
aiguillons: les uns courts et gros, longs à peine de 3 millim.,les autres
trois ou quatre fois aussi longs et minces. La fleur est blanche, assez
grande et donne naissance à un fruit nommé «Guillave» ou « Guiyace»,
dont la chair sucrée et mucilagineuse fait les délices des enfants. À
côté de ces Cereus se rencontre parfois, surtout dans la province
d'Aconcagua, l’élégant Zoranthus aphyllus, dont les buissons rameux,
hauts de 5 centimetres et sans feuilles, portent des fleurs rouge vif
auxquelles succèdent des fruits rouge pâle et comestibles.
À partir de Liaiïllai où se rencontrent les deux trains, l'un en
partance de Santiago pour Valparaiso, l’autre venant de cette dernière
localité, et où l’on a le temps de déjeuner, les voyageurs en destina-
tion de Santa Rosa suivent d’abord la ligne de Valparaiso, puis
prennent une autre voie conduisant à S. Felipe, capitale de la
province d'Aconcagua. La route se fait à travers une plaine cultivée
comme un jardin et couverte d'innombrables arbres fruitiers, notam-
ment de pruniers, de châtaigniers, de figuiers, sans compter les
vignes. Santa Rosa de los Andes est une délicieuse petite ville, toute
fraiche et proprette, avec une population de 5000 âmes, située
à 769 m. au dessus du niveau de la mer, à 90 kilom. de Santiago et
1 kilom. environ au sud du fleuve Aconcagua. Comme toutes les villes
espagnoles de l'Amérique méridionale, elle est partagée en carrés par
des rues rectilignes et croisées à angle droit. Au centre se trouve une
place découverte en quadrilatère contre laquelle se dresse l'église ; les
maisons sont toutes à un seul étage. Au sud-est, des collines rocheuses
basses, stériles, dénudées descendent en s’étageant jusque tout près
de la ville et du fleuve: même disposition sur la rive septen-
trionale du cours d’eau, mais avec une allure plus avenante aux
yeux d’un amateur de botanique, de telle sorte que, dès le lendemain
matin, je me hâtai de passer le fleuve à l’est de la ville, sur un pont
suspendu, de construction singulièrement primitive, accessible seule-
ment aux piétons et aux cavaliers, le « puente de Cimbra ». Le lit du
fleuve présentait sa végétation accoutumée : des pieds venus à hauteur
d'homme d’un Baccharis à feuilles étroites nommé « chilca » dans le
sil
pays et que je prends pour 2. pingraea, bien que je ne sois pas com-
plètement fixé sur son véritable nom botanique, de nombreux spéci-
mens de 2. confertifolia et d’une ou deux espèces voisines, de Scirpus
chilensis et asper, de Cyperus vegelus, Gynerium, Psoralea glandulosa
dont feuilles et fleurs sont utilisées en guise de thé, Zupinus micro-
carpus déjà dessèché. Dans les fentes des rochers grandissent Zphedra
andina (Pingopingo), le charmant Wiania rosea, Prouslia pyrifolia —
dont les feuilles n’ont pas avec celles du poirier la plus lointaine res-
semblance et dont la panicule florale se lignifie en formant un faisceau
d'épines, — Æelianthus thurifer (Flourensia D.C.) dont on ne songe
plus, comme du temps de Molina, à récolter les granulations résineu-
ses accumulées à sa surface pour les brüer en guise d’encens, ce
dernier produit ayant cessé d'être une rareté, depuis que le Chili n’est
plus une colonie espagnole et que liberté pleine et entière est assurée
au commerce.
La plante en question est une des plus communes dans les régions
centrales du Chili; on la trouve par milliers de pieds sur les versants
méridionaux des montagnes qu’elle pare au printemps d’une profusion
de fleurs. Son nom indigène est « Maravilla del Campo », merveille
des champs. Je rencontre encore, assez abondant, le Colliquaya odori-
fera, une Euphorbiacée buissonneuse dont le bois dégage en brülant
une odeur suave et aromatique ; en revanche, diverses plantes qui gran-
dissent ailleurs dans des stations analogues, font ici complètement
défaut, deux Rhamnées épineuses entre autres, les Trexoa trinervia et
Talquenea quinquenervia Je récolte assez bien de graines de Calceolaria
purpurea et reconnais en passant le Sulpiglossis sinuata, encore couvert
d’une profusion de fleurs presque noires, le Vicotiana acuminata, le
Solanum eleagnifolium, puis un Cephalophora annuel, presque aussi
odorant que le C. aromatica Schrad, mais différent de ce dernier. Les
espèces annuelles qui tapissent pendant l'hiver et le printemps le sol
de leur fraiche verdure, étaient depuis longtemps flétries et passées à
l’état de poussière. Cependant il était encore possible de reconnaitre le
Lastarriaea chilensis — minuscule plante buissonneuse haute de 2 cr,
de couleur jaune verdâtre, rangée parmi les Polygonées par les uns,
parmi les Scléranthées par les autres, — les Chaetanthera multicaulis
et ciliala, les Medicago denticulata et maculala d'Europe qui devaient
former le fond de la végétation. Joignez-y un Oxypetalum, une couple
DT AIN
de buissons desséchés de Zoasa acanthifolia, un Stipa, un Galium,
quelques pieds de Maytenus boarin et d'Escallonia illinila (Nipa) dans
une courbe humide du lit du fleuve; puis une couple de Gnaphales,
croissant pêle mêle avec divers Rumex d'Europe dans un gazon de
Chépica (Paspalum conjugatum), — Graminée dont les racines sont
employés en thérapeutique comme succédané du ZTrülicum repens
d'Europe, ce qui à fait dire à certains érudits indigènes que le chiendent
croît au Chili — et vous aurez au complet la végétation de ce coin de
terre : récolte botanique insignifiante, en somme.
Et ce ne fut guère mieux le lendemain. J'avais pris une voiture pour
pousser une pointe vers Mendoza, jusqu'aux limites de la route car-
rossable. Celle-ci demeure, sur tout son parcours, emprisonnée entre
des terres cultivées encloses de murs d'argile et interrompues cà et là
par de petites déclivités qui n'offrent rien de bien intéressant au point
de vue botanique. Le long du chemin se rencontre en abondance le
Marrubium vulgare, connu dans le pays sous le nom d’Yerba cuyana,
parce que la plante serait venue, dit-on, d’au delà des Cordillères de
Cuya — c'est ainsi que se nommaient autrefois les provinces argentines
de Mendoza, $. Luis et S. Juan, jadis réunies au Chili; puis Cestrum
Parqui, Aristotelia Maqui et Mühlenbeckia chilensis commun partout.
Je me demande depuis longtemps déjà si cette plante est spécifique-
ment distincte du A7. sagittifolia, comme le prétend Meisner. Elle est
extrêémement polymorphe et chacun, d'ailleurs au premier coup d'œil,
refuserait de considérer comme identiques la plante buissonneuse à
ramification diffuse, à branches courtes, à multiples fleurs que j'avais
sous les yeux et la forme grimpante à fleurs de nuance claire que l’on
rencontre au midi, notamment à Valdivia — le Polygonum tamni-
Jolium H.B.K. Le sol est d'origine détritique, riche en cailloux
roulés que l’on rencontre par places jusqu'à 60-80 pieds (18 à 24 m.)
au dessus du niveau des eaux de l’Aconcagua. Au bout d’une couple de
lieues la vallée se rétrécit, les montagnes se rapprochent et descendent
vers le fleuve qu’on traverse sur un pont, le « puente de las vise-
achas », pour passer sur la rive septentrionale; un peu plus loin, le
cours d’eau se trouve encaissé dans des rochers à pic, à travers
lesquels la mine a creusé, à 30 ou 40 pieds (9" à 12" de hauteur)
au dessus des eaux, un chemin si étroit par places que deux voitures
n’y pourraient passer de front. C'est le seul endroit pittoresque que
SE
j'aie vu sur tout le trajet (plus haut commencent les paysages gran-
dioses des Alpes ou des Andes). Bientôt la vallée s’élargit de nouveau;
voici quelques champs, des maisonnettes, une chapelle de S. José, une
gentille habitation avec une verandah encadrée de vignes, sur laquelle
flotte un drapeau. C’est le « Resguardo del Rio Colorado », la douane
pour le bétail et certaines marchandises en partance de Mendoza. Là
mon cocher fait halte. On m'avait dit au départ que l’on pouvait
y déjeuner, mais je remarquai sans peine que je n'étais pas dans une
auberge et m'assis sur une chaise sous la vérandah en attendant...
ce qui allait arriver. J'avais à peine eu le temps de m'installer qu'une
porte s’ouvrit, livrant passage à un personnage de petite taille, en
lunettes, l'air affable, souriant : « Hé! Docteur, me cria l’apparition,
d’où nous arrivez-vous ? » — C'était ni plus ni moins que D. Carlos
Gonzalez, le préposé à la douane, dont j'avais fait peu auparavant la
connaissance à Santiago. Il me fit voir ses instruments météorologi-
ques, qui lui servent à faire des observations suivies et régulières et sa
petite bibliothèque composée en majeure partie de romans fran-
çais; sa principale occupation, pendant ses heures de loisir — et
elles ne lui manquent pas — est de traduire ces romans en espagnol
pour les feuilletons des journaux du pays. Dans l’entretemps le cafe
était prêt; 7 heures du matin sonnaient à peine, car j'avais quitté
. Santa Rosa dès 9 heures et les chevaux avaient marché bon train;
cependant la fille de mon hôte ne tarda pas à descendre, tout habillée,
pour nous faire les honneurs de la table avant d'aller entendre la
messe à la chapelle de $S. José.
Apres le café, jefis encore l 1/2 lieue à peu près dans la même direction.
Je traversai, sur un pont élégamment construit, le Rio Colorado, un
affluent septentrional de l’Aconcagua, puis parcourus quelques kilome-
tres de route carrossable, coupée de parties qui ne le sont pas. C’est en
vain que je cherchai les Larrea nitida et Krameria cistoïdea ; au lieu
de ces plantes que je m'attendais à rencontrer, je n'observai que des
espèces communes : buissons de Quillaja saponaria (les arbres sont
abattus depuis longtemps et on ne les laisse pas repousser), de Porliera
hygrometrica, nommé au Chili « Guyacon », très semblable au bois de
Gayac dont il se distingue à peine au point de vue de ses applications
médicales, de « Huingan », Duvaua dependens, qui n’a dans son port
absolument rien de pendant, de Cereus Quisco, de Proustia, Colletia
PME de
sSpinosa, Gymnophylum polycephalum, Teucrium bicolor à fleurs toutes
blanches ; pas un seul Pourretia, à ma grande surprise, bien qu'il en
croisse une profusion sur la montagne en face. Le long du chemin
grandissent en abondance Senecio adenotrichius, S. hakeïfolius, le vrai,
sans fleurons ligulés, à feuillage vert-grisâtre, une jolie Alstrœmère,
etc.; dans un minuscule marais voisin viennent Jwussieua repens et
mon Physalis mendocina, que je possédais depuis bien des années
de la province de Mendoza. Je profitai d’un rocher en saillie et
de quelques buissons dont l'ombre devait me protéger contre les
rayons brülants du soleil pour faire un frugal repas composé de pain,
de fromage et de vin, que j'avais emportés avec moi dans mon
vasculum; après quoi je repris le chemin du retour. J’arrivai à mon
Resguardo en temps opportun : le déjeuner était servi et on allait se
mettre à table. Avec nous prirent place la dame de la maison, une
amie de la demoiselle et un officier de marine — l’une et l’autre en
visite auprès de M. Gonzalez. Le dernier avait fait partie de
l'expédition du commandant Simpson, ayant mission d'explorer une
partie de la côte occidentale de la Patagonie et du cours du fleuve |
Aisen, qui s’y jette dans la mer et est navigable sur une étendue
considérable de son parcours. Il nous raconta diverses particularités
de son voyage et près de 2 heures s’écoulèrent ainsi, rapides, intéres-
santes et instructives, après quoi je remontal en voiture et revins à :
Santa Rosa. Je fis à pied une partie de la route pour recueillir
Calceolaria polifolia, C. andina ? Grammatocarpus volubilis «Monjita»,
un gentil Loasa grimpant dépourvu d’aiguillons, etc : — journée
agréable et intéressante à tous Les points de vue, sauf pour ce qui est de
la récolte botanique.
Je revins par chemin de fer de Santa Rosa à S. Felipe et me mis en
route dès le lendemain pour les bains de Jahuel, à 5 lieues nord-est
de la ville, afin d'explorer la végétation voisine dont on m'avait dit
monts et merveilles. La route traverse presque constamment une
plaine en pente douce assez bien cultivée. À une demi lieue à peine de
S. Felipe se rencontre, descendant jusqu’à la route, une première
colline rocheuse; une seconde s'élève proche du hameau de Santa
Maria, où l’on passe le ruisseau de Jahuel. Dans la plaine croit en
abondance l'Algarrobo (Prosopis Siliguastrum D.C), qui fournit un
bois à brüler d’une dureté remarquable. Puis vient une crête rocheuse
4
ge Be de,
dénudée, aux teintes multicolores, bleues, violettes, rouges, grises,
formée de porphyre stratifié presque entièrement transformé en
argile. Ce porphyre, auquel Domeyko a donné le nom bien choisi
et expressif de Porphyre bigarré (porfido abigarrado), compose la
majeure partie de la Cordilière supérieure au Chili; il constitue une
puissante formation subordonnée aux assises de calcaire jurassique, si
bien caratérisées par leurs fossiles, que l’on rencontre jusqu’à
38-4000 m. au-dessus du niveau de la mer en certaines localités, et
doit être considéré comme contemporain du grès bigarré d'Europe.
Bientôt on distingue sur les pentes arides et nues, une couple de
maisons entourées d'un épais massif d'arbres et de plantes buisson-
neuses : ce sont les bains de Jahuel, auxquels on arrive par une route
capricieusement découpée en zigzags. La végétation serrée qui se
déploie au voisinage de cette très modeste et très primitive installation
se compose d'ÆZugenia Chequen, Mailenus Boaria et Escallonia, sur
lesquels grimpe en les enlaçant de ses multiples replis, le Cissus
striala. D'Eugenia chequen — c'est le nom, emprunté à la langue
arabe, sous lequel l’Arragonais de Santiagoarrayan désigne Je
«Myrte» — il n'existe guère que des spécimens en buisson, avec cà
et là quelque pied vigoureusement développé ; j'en observai un dont la
circonférence atteignait pour le moins 6 pieds (180) : malheureuse -
ment il avait perdu la majeure partie de ses rameaux. Dans ces pro-
vinces arides, peu ou point boisées, un peu d'ombre et de verdure,
sous quelque modeste aspect qu’il se présente, est toujours le bien venu
et nous comprenons à ce point de vue la réputation dont jouit Jahuel —
sans compter un air pur, une vaste perspective sur l'immensité des
plaines et une altitude relativement élevée ; aussi croyons-nous que ces
bains doivent étre assez fréquentés sur la fin de l'été; il est vrai que
90 personnes trouveraient difficilement à s’y héberger : le 20 décembre
il n’y en avait guère que 6 ou 7. Les bains consistent en vastes exca-
vations maçonnées de forme carrée ; les cabines sont pavées de dalles
en argile commune, recouvertes d’un paillasson tressé, d'un vrai
paillasson en T’ypha angustifolia (1), un banc et une paire de chevilles
(1) L'usage de ces paillassons est fort répandu dans les provinces du centre du
Chili : on les rencontre dans la hutte du pauvre comme dans le palais somp-
tueux du riche, recouverts il est vrai, dans ce dernier cas, de tapis d’étoffes
ER vi
de bois fichées dans la muraille d'argile et voilà tout l’ameublement,
Cette installation contraste, par son caractère rudimentaire et primitif,
avec la richesse et l'élégance des bains d’Apoquindo et de Cauquenes, -
qui, pour le luxe et le confort, le cèdent à peine, surtout les derniers,
aux établissements balnéaires allemands. La température de l’eau
est de 22° C.; elle ne contient en dissolution, à en juger par sa ne
qu’une très faible porportion de principes minéraux,
On rencontre plusieurs sources semblables à peu de distance ls unes
des autres et l'humidité qu’elles communiquent au sol est cause de
l'existence de ces minuscules oasis. Les côteaux ou monticules du voi-
sinage présentent la végétation habituelle — Cereus Quisco, Flourensia
thurifera, Acacia Cavenia, Litsea caustica ou venenosa (auquel je n’ai
jamais rien trouvé de caustique ou de vénéneux), Duvaua dependens,
en buissons épais de hauteur d'homme. Une montagne en face produi-
sait en abondance Gymnophytum polycephalum, Ombellifère haute de
2 pieds (0"60), à ramification diffuse, aphylle, couverte d'innombrables
fleurs jaunes.
En revenant à San Felipe, je recueillis, croissant le long du chemin,
une ou deux espèces de Sphaeralcea, genre dont l’étude, au point de
vue de la détermination spécifique, ne m’a pas conduit jusqu’à ce jour
à des résultats bien satisfaisants.
S. Felipe, une des plus hospitalières et des plus coquettes parmi les
petites villes du Chili, est située au sud et à peu de distance du fleuve
Aconcagua : comme la plupart des cités chiliennes, elle possede, du
côté du fleuve, son « Alameda » — on désigne sous ce nom une large
et vaste allée bordée de plusieurs rangées de peupliers en pyramide
(alamo), limitant la ville au moins d’un côté et où l’on rencontre bien
rarement un promeneur. Les Chiliens, hommes et femmes, professent
une curieuse aversion pour la promenade pédestre ; parader en voiture,
étaler de riches toilettes, d’élégants équipages, des chevaux de prix,
à la bonne heure : de temps à autre un promeneur d’allures respecta-
bles se risquera au parc Consinno de Santiago, jamais une dame
chilienne. Par exemple, la superbe Alameda de Santiago — la Can-
précieuses ; les planchers en bois sont rares et de date récente. Chose curieuse,
le Typha angustifolia ne croît pas dans le sud du Chili, où l’usage de ces nattes
est du reste inconnu.
j
nada, la « Calle de las delicias », suivant sa dénomination officielle —
D
splendide promenade plantée d'arbres de toute espèce, fait exception à
cette règle; il est vrai de dire qu’elle occupe le centre de la ville et est
décorée de fontaines et de statues, parmi lesquelles la plus détestable
figure équestre que je connaisse, celle de Bernardo O'Higgins ; quand le
gouvernement en eut décidé l'érection, ce n’est pas à un artiste, mais
bien au vieil amiral Blanco, qu'il s’adressa pour savoir quelle pose il
convenait de donner au général. Aussi voyons-nous le fondateur de
l'indépendance du Chili brandissant bien haut son épée, tournant d’un
côté sa bouche toute grande ouverte et monté sur un cheval qui se cabre
si fort, si fort... que la chute du cavalier serait immanquable s’il
n'était tout d’une pièce avec sa monture. Il est vrai que la pauvre bête
n'a que trop de raison de se cabrer, en présence du guerrier espagnol
qui lui pique le flanc. Mais finissons-en de cette digression et revenons
à la botanique.
Dès le lendemain matin, je passai le pont et grimpai les flancs des
montagnes qui s’abaissent en cet endroit jusqu’au fleuve. A leur pied
grandissent en abondance Oxybaphus ovatus à grandes fleurs rouges
et Æoffmannseggia falcaria, que l’on rencontre aussi dans la banlieue
de San Felipe et même de Santiago où il ne mürit presque jamais ses
fruits. Je pus y recueillir une profusion de graines de mon Argylia
glabriuscula, une charmante plante dont les fleurs de couleur foncée
font penser à la variété noire du Salpiglossis sinuata. Les feuilles sont
digitées, à folioles bipennées, formant un ensemble élégant et déco-
ratif. Je trouvai aussi en abondance PBrachyris floribunda, puis plus
- haut, côte à côte avec le Cereus Quisco, Bridgesia incisifolia, une Sapin-
dacée sutfructescente, croissant à hauteur d'homme et chargée de
minuscules fruits prolongés en aile au sommet; enfin des buissons bas,
touffus de diverses Opuntiées à articles globuleux, que l’on nomme
« leoncitos » (petits lions) et qu’il faut bien se garder de toucher, car
ils Sont couverts d'innombrables aiguillons dont les crochets recourbés
produisent de fort douloureuses piqûres. Il existe plusieurs espèces de
ces Opuntiées à articles globuleux ou ovoïdes, mais je n'ai pu,en
comparant les formes observées avec la description des auteurs, en
déterminer une seule avec certitude. Jen cultive quatre ou cinq depuis
une couple d'années, mais elles refusent de fleurir en pot.
Je me remis en route d’assez bonne heure pour profiter du train du
matin et j'étais de retour à Santiago vers 12 1/2heures. D° H. F.
USE
PHILOGÉNIE VÉGÉTALE.
LIEUX D'ORIGINE OU CENTRES DE CRÉATION DES
ESPÈCES CULTIVÉES.
Notes recueillies pendant une lecon de M. le Professeur Ed. Morren.
Naguère encore, on recherchait, en géographie botanique, ce qu’on «
appelait le centre de création des espèces, genres, familles, ete. Le mot M
indique assez à quelle opinion générale on s’en référait : on admettait |
l'apparition surnaturelle des formes actuelles dans quelque coin privi-
légié, dans quelque Eden.
Aujourd’hui, le problême se pose différemment : la création des espèe-
ces, genres, familles, etc. de la flore actuelle s’est transformée dans
une question de philogénie, c'est-à-dire de filiation, de descendance;
on recherche comment les formes actuelles peuvent être naturellement
reliées aux formes ancestrales, et, à cet égard, on possède déjà des
données péremptoires. Nombre de Conifères, de Cupulifères, et autres
plantes vivantes sont reliées, par des documents irréfutables aux formes
de la flore tertiaire. Ce qui est vrai des espèces, l’est plus encore pour
les genres et les familles, On peut faire remonter les classes végétales
jusqu'aux âges primaires de la géologie. Il n’en est pas moins vrai
que, dans l’âge quaternaire, les formes contemporaines ont un lieu
d’origine, c'est-à-dire que, dès le commencement de l’âge moderne et
au delà des temps historiques, la diversité des climats avait provoqué
une répartition géographique des plantes à la surface du globe.
C’est pendant l'âge tertiaire que cette diversité s’est progressivement
établie. Il semble d’ailleurs que la végétation s’est répandue sur Len
globe en procédant du pôle nord vers le pôle sud, comme si le premier
avait été habité avant le second, tout au moins comme si l'émergence»
des terres y avait été plus ancienne. Récemment, M. le prof. Engler,
dans son essai d'histoire du développement des espèces végétales,
en particulier des régions florales depuis la période tertiaire,«
constate qu'à cette époque, il existait déjà quatre grandes régions
”
4
végétales sur le globe, déterminées par la diversité des climats; il
ENT ee
appelle ces régions :
1° Arctique.
2° Paléotropique ou région tropicale de l’ancien monde.
3° Néotropique ou région tropicale du nouveau monde.
4° Océanique, Australie extra-tropicale,
Poursuivant son analyse, M. Engler en arrive à fragmenter ces 4 ré-
gions primitives en un grand nombre de sous-régions contemporaines.
C'est donc dans l’une ou l’autre de ces subdivisions de M. Engler que
se trouvaient les formes actuelles quand l’homme les a distinguées
pour la première fois.
C’est là leur lieu d'origine, leur patrie, leur centre de création selon
l’ancienne expression.
_ Ilest bien probable que la plupart des espèces actuelles procèdent
chacune par descendance déterminée, simple, d’une forme ancestrale.
Chacune d'elles aurait ainsi une origine déterminée et unique, elle
serait monopodique (une seule origine).
Il est bien possible que certaines espèces aient une origine polypo-
dique, c’est-à-dire que leur apparition sur divers points du globe aurait
été simultanée. La conception de l’espèce intervient ici : ainsi, il existe
actuellement un cèdre sur le Liban (Cedrus ZLibani), un cèdre sur
l'Atlas (Cedrus atlantica), enfin un cèdre sur l’'Hymalaya (Cedrus
deodara). On peut les considérer comme trois espèces distinctes à
présent ou dès leur apparition, ou bien, avec M. Parlatore et d’autres
botanistes, les réunir toutes trois en une seule espèce. Il en est de même
pour bien d’autres formes végétales ; si la polyphilie est discutable
pour l’espèce, elle ne l’est pas moins pour le genre et pour la famille.
Indépendamment de toute théorie, les formes actuelles, espèces,
genres, familles sont naturellement réparties sur certains espaces du
globe, c'est ce qu’on appelle leur aire géographique. Il est évident que
la patrie se trouve dans cette aire et, en principe, au ceutre de l'aire.
Cest ainsi que, considérant les choses au point de vue géographique,
on constate l'existence de telle forme dans telle contrée déterminée :
c'est là que cette forme est endémique (chez elle).
L'endémie est intéressante quand l'aire est très restreinte,
Exemples classiques :
Le Muscadier est endémique à Ceylan.
nee de
L’'Araucaria excelsa, à l’état spontané dans l'ile de Norfolk.
Le genre Pelargonium est endémique au cap de Bonne-Espérance.
Le genre Sequoia, en Californie. | |
Les Stylidées sont Australiennes.
Les Broméliacées (2000 espèces), toutes américaines.
Par opposition, on appelle Syoradiques, les formes (espèces, genres,
familles) qui sont dispersées sur un grand territoire ; exemples :
Le Pteris aquilina est à peu près cosmopolite.
Les Composées, les Ombellifères, les Lichens sont dans le même cas.
La géographie botanique pourrait rechercher l’endémie de toutes les
formes végétales, l’origine des 150000 espèces, des 12000 genres et
des 500 familles qui composent le règne végétal. (C’est peu à côté des
2000000 espèces animales).
+ 24 mn
Il nous suffit actuellement de connaitre quelques exemples concer-
nant les plantes cultivées.
Ce sujet a été traité récemment par un des fondateurs de la géogra-
phie des plantes, M. Alphonse de Candolle, dans son livre : « Origine
des plantes cultivées, Paris 1883, 1 vol. in-8° ». |
M. de Candolle constate que le nombre des plantes cultivées est de
250 espèces.
L'origine de ces espèces est excessivement difficile à découvrir, au
point qu’on l'ignore pour le plus grand nombre d’entre elles et surtout
pour les plus anciennement cultivées, les plus utiles à l’homme.
On ne connait pas l’origine du froment, du maïs, du tabac, de la
fève, etc. C'est-à-dire qu’on n’en a jamais récolté d'exemplaires authen-
tiques spontanés. Est-ce à dire que ces espèces sont en voie d'extinction,
que leurs graines, servant d’appât naturel aux animaux, sont ainsi
livrées à une destruction presque fatale ? Ou ne serait-ce pas plutôt que
sous l'influence du climat artificiel, comme on peut appeler cet ensem-
ble de conditions dont on entoure une plante cultivée, les formes, les
caractères, par les progrès de l'évolution, auraient tellement changé,
que les botanistes sont incapables de rattacher les formes cultivées aux
formes originelles.
M. de Candolle a apprécié, pour chaque espèce cultivée, tous les do-
cuments relatifs à leur origine; ces documents concernent surtout la
paléophytologie, la phytologie contemporaine, l’histoire, la linguis-
tique. En combinant ces divers ordres de renseignements, 1l arrive à
LT ==
certaines conclusions, mieux établies que celles de ses devanciers. Le
problème était obscur pour bon nombre d'espèces. En 1807, Alexandre
de Humboldt constate que : « l'origine des végétaux les plus utiles à
l'homme et qui le suivent depuis les époques les plus reculées est un
secret aussi impénétrable que la demeure de tous les animaux domes-
tiques. Nous ne savons pas, disait Humboldt, quelle région a produit le
froment, l'orge, l’avoine et le seigle. Les plantes qui constituent la
richesse naturelle de tous les habitants des tropiques : le bananier, le
papayer, le manihot et le maïs n'ont jamais été trouvés à l’état
sauvage. Les pommes de terre sont dans le même cas. » (1)
Il résulte des investigations de M. de Candolle que, parmi les plantes
cultivées, les plus utiles à l’homme semblent ne pas être connues à l’état
sauvage et, réciproquement, si la culture cessait, par la disparition de
l'humanité, ces espèces disparaitraient avec elle. Beaucoup de ces
plantes sont certainement des races issues de formes très différentes à
l’état sauvage ; elles sont donc liées au sort de l’humanité. Exemple :
l’artichaut, la betterave, l'ananas, etc.
Presque toutes les plantes cultivées sont originaires de l’hémisphère
| boréal. La pauvreté relative de l’hémisphère austral est extraordi-
naire : le Cap de Bonne Espérance et la Patagonie n'ont pas fourni
une seule espèce utile. Quant à l’Australie, c’est tout au plus si on lui
est redevable d’une sorte d’épinard. Les Etats-Unis de l'Amérique du
Nord n’ont pas été beaucoup plus utiles à l’homme : on leur doit le
topinambour et la chicorée.
L'Afrique est relativement peu généreuse. L'Amérique centrale et
l’Amérique méridionale, le Mexique et les Antilles, ont fourni un
contingent notable ; mais l'Asie mineure, la Perse semblent être
le lieu d’origine des végétaux dont l'humanité tire le meilleur parti.
Il est digne de remarque que ces végétaux : froment, riz (Ancien
Monde), maïs (Nouveau Monde) ont été cultivés par l’homme dès les
premiers temps de l’humanité et nous ont laissé des vestiges préhisto-
riques.
Les plantes domestiquées depuis 4000 ans sont peu nombreuses et
moins nombreuses encore sont les plantes soumises depuis 2000 ans
(âge moderne).
(1) HumBozoT, Essai sur la géographie des plantes, p. 28.
MS
M. De Candolle a résumé ses recherches sous forme de tableau dans
lequel les espèces cultivées sont classées d’après leur genre d'utilité,
c’est à dire suivant qu’elles sont cultivées pour leurs racines, leurs
souches, leurs tiges, feuilles, fruits, grains, pour l’homme ou pour les
animaux.
Il semble préférable pour l’enseignement de distribuer ces mêmes
plantes d’après leur lieu d’origine et d’apprendre quelles sont les
plantes cultivées que nous ont fourni l'Europe, l'Asie, l'Afrique,
l'Australie et l'Amérique, tout en constatant, au préalable, que l’aire
de dispersion naturelle des plantes n’est pas toujours circonscrite dans
une seule de ces divisions établies en géographie,
EUROPE.
Europe et Sibérie occ.? . . . . . | Brassica Rapa.
LES _ D RNDE De donne — Napus.
— Aie Sept AMEN RES A IUT — oleracea.
— Sibérie et Asie sept. . . . . | Nasturtium officinale.
— occidentale . . . . . . . | Crambe maritima.
— sept. et Sibérie. . . . . . | Atriplex hortensis.
— et Asie occ. tempérée. . . . | Asparagus officinalis.
— tempérée. . . . . .. .: | Trifolium hybridum.
— — Asie tempéré ,. . . . . | Medicago lupulina.
— — et Amér. sept. . . . . . | Fragaria vesca.
— — et Asie temp. . . . + | Pyrus communis.
— — Caucase, Hym. et Afr. Lot + | Ribes Grossularia.
— sept. et Am. sept. . . . +. | Ribes rubrum.
— temp. mérid. et Afr. sept. . . | Sinapis alba.
— — — — SEE — nigra.
— mérid. Asie occ. tempérée . . | Anthriscus cerefolium.
— Afr. sept., Asie occid. . . . | Cichorium Intybus.
— Asie occ. temp., Sibérie . . . | Humulus Lupulus.
Europe orientale . . . . . . . | Cochlearia Armoracia.
— et Asie occ. tempérée . . . . | Daucus carota.
— moy. et mérid. : "©? "50, °tINPastinaca sativa.
— et Caucase . . . + . | Chaerophyllum bulbosum.
S-E. de l’Europe et A . . . | Tragopogon porrifolium.
5-0. de Europe, sud du Caucase . . | Scorzonera hispanica.
Europe temp. mérid., Afr. sept. et Asie
occidentale . . . . . .| Apium graveolens.
— mérid., Algérie, Liban . . . | Petroselium sativum.
Sardaigne et Sicile . . . . . | Valerianella olitoria.
Europe mérid. Afr. sept., Ce . | Cynara Cardunculus.
— = — HOT Re: — — var. Scolymus.
— 83
Europe mérid. Afr. sept. Asie occ.
Rég. méditerr., Caucase, Turkestan
Europe, Asie sept., monts de l’Inde
Région méditerranéenne .
Europe tempérée . AU
Europe temp., sud du Caucase .
— — Algérie, Asie occ. temp.
—- méridionale .
Région méditerr. ? :
Europe, Algérie, sud du Caucase .
Espagne, Algérie, Grèce.
Région méditerr. .
Asie occidentale
Italie, Grèce, Asie mineure .
Europe et Asie tempérée. he
— mérid., Arménie, sud du Cau-
case, Talysch . :
Région méditerr., Asie occ. tempérée.
Europe Arménie, sud du Caucase .
— sept. et moy., Arménie, Sibérie,
Mandschourie . SUR
Grèce, Italie, Asie occ. tempérée .
Sicile, Macédoine, Sud du Caucase
Du Portugal à la mer Caspienne, Algé-
rie, etc.
Serbie, Grèce, Anatolie .
_ Europe orientale tempérée ?
Région méditerranéenne.
Europe temp. et Asie orient.
Canaries, Région méditerr. Asie occ.
ÉÉMIDÉTÉG AT ec Pie
Lactuca Scariola.
Cichorium Endivia.
Rumex acetosa.
Allium ampeloprasum.
Allium Scorodoprasum.
Onobrichys sativa (Sainfoin).
Trifolium pratense.
Trifolium incarnatum.
Ervum Ervilia (Ers).
Vicia sativa.
Lathyrus Cicera (Jarosse).
Linum angustifolium.
(Lin anciennement cultivé)
Linum usitatissimum.
(Lin actuellement cultivé)
(dérivé du précédent ?)
Crocus sativus.
Rubus idaeus.
Prunus insititia.
Amygdalus communis.
Pyrus Maius.
Ribes nigrum.
Ervum Lens.
Lupinus albus.
Castanea vulgaris.
Triticum monococcum.
Secale cercale.
Papaver somniferum.
Juglans regia.
Beta vulgaris.
ASIE.
Asie occ. tempérée . . .
— — — $.-E. de l’Europ
Désert des Kirghis, Asie occ. tempérée.
Perse, Afganistan, Bélouchistan, Pa-
lestine ?.
Modification du Cepa?
Sibérie .
L'URSS PES
Raphanus sativus.
Rubia tinctorum.
Allium sativum.
Allium Cepa.
Allium ascalonicum.
Allium fistulosum.
Lepidium sativum.
= OANEZ
De l’Hymalaya occ. à la Russie mérid,
et la Grèce .
Perse? .
— Turquie Harpe
Asie occ. tempérée :
Inde N.-E., Asie occ. temp.
Arménie et Perse sept. ir
Asie occ. tempérée, Région méditerr .
— — — E, tempérée. :
De la mer Caspienne à Panatoles occ.
Anatolie, sud du Caucase, Perse sept.
Mongolie, Mandschourie.
Perse sept., midi Caucase, arte
Perse, Afganistan, Belare-Chistan.
Syrie, Anatolie mérid., Iles voisines .
Syrie. ;
Sud de la mer Caspienne.
Du midi du Caucase à la Perse ? Tade
septentrionale ?.
Côte mérid. d’Anatolie, Syrie
Mandschourie, Sibérie centrale.
Tartarie, Sibérie jusqu'en Daourie. .
Région de l’'Euphrate ?
Dérivé du précédent ?. .
Asie occ. tempérée . . . .
Dérivé du précédent ?.
— occidentale ?.
Daourie, Sibérie
Inde, Guinée :
— Arch. Indien, Polyiiéaie ;
Ceylan, — — ë
Asie mérid.? Ceylan, Java, Malehar?
Java, Ceylan . . SLR LUI
N.-0. de l’Inde, Ft
Inde .
Asie occ. trop., Nubie? :
Ceylan, Inde
Inde. — Mongolie.
Moluques
Est de l’Inde
Inde . STE
Iles du Pacifique
Iles de la Sonde, Malaisie
Pays des Birmans, Inde 2
Inde occ. Messe LC
Archipel indien, Cochet DE
Portulaca oleracea.
Spinacia oleracea.
Rumex patientia.
Medicago sativa.
Trigonella foœnum-graecum.
Morus nigra.
Vitis vinifera.
Prunus avium.
Prunus Cerasus.
— domestica.
Pyrus sinensis.
Cydonia vulgaris.
Punica Granatum.
Olea europaea.
Pistacia vera.
Faba vulgaris.
Pisum sativum.
Ceratonia Siliqua.
Fagopyrum esculentum.
— tataricum.
Triticum vulgare et variétés.
— Spelta.
Hordeum distichon.
— vulgare (4 rangs)
— hexastichon (6 rangs).
Avena orientalis.
Cannabis sativa.
Cucumis Melo.
Colocasia antiquorum.
— macrorhiza.
Dioscorea sativa.
Corchorus capsularis.
— olitorius.
Indigofera tinctoria.
Lawsonia alba.
Cinnamomum zeylanicum.
Morus alba.
Caryophyllus aromaticus.
Citrus Aurantium Bigaradia.
Citrus medica.
Citrus decumana.
Garcinia Mangostana.
Zizyphus Jujuba.
Mangifera indica.
Jambosa vulgaris.
Archipel indien, Malacca .
Inde, Moluques, Abyssinie .
Iles de la Sonde
Asie méridionale .
Inde .
— et Afrique trop.
— et Chine mérid. .
Iles de la Sonde
Moluques
_Inde.
Archipelindien . ,. .… ,
— — ? Polynésie? .
Chine et Japon. — Extrême ue
— Japon.
Cochinchine? S.-0 de a Chine?
Chine 2
— et Co hinchine.
Japon .
— et Java .
— et Chine septent,.
Chine, Inde Pr mictans Perse, ue
nie, Anatolie.
— mérid. et Cochinchine.
Cochinchine, Japon, Java
Chine occ. — Hymal. or. .
— Japon, Arch, indien .
227 2 Ecrit SE SE CO CORRE
5, 2,
MB... 0 ©
TC ES
Jambosa malaccensis.
Cucurbita Lagenaria.
Cucumis sativus.
Solanum Melongena.
Artocarpus integrifolia.
Artocarpus incisa.
Musa sapientum, 5
Phaseolus aconitifolius.
— Mungo.
— Lablab.
— trilobus.
Eleusine Coracana.
Oryza sativa.
Gossypium herbaceum.
Sesamum indicum.
Myristica fragrans.
Piper nigrum.
— longum.
— officinarum.
— Betle.
Areca Catechu.
Cocos nucifera.
Thea sinensis.
Boehmeria nivea.
Saccharum officinarum.
Citrus aurantium var. sinense,
— nobilis.
Zizyphus vulgaris.
Prunus armeniaca.
Amygdalus Persica.
Eriobotrya japonica.
Benincasa hispida.
Diospyros Kaki.
— lotus.
Nephelium Lit-chi.
Dolichos Soja.
Fagopyrum emarginatum.
Panicum italicum.
Brassica chinensis.
Dioscorea Batatas.
— japonica,
DR.
AFRIQUE.
(Afrique sept., Nubie, Abyssinie et Arabie). =
Abyssinie, Arabie. . . . . . . | Celastrus edulis.
Nubie, Cordofan, Sennaar . . . . | Indigofera argentea.
Arabie? mu . + . + . | Carthamus tinctorius.
De l'Egypte au Mae SALES Zizyphus Lotus.
Région moy. de la médit. et Afr. nue Ficus carica.
— — — — . | Phœnix dactylifera.
Egypte, Arabie . . . . . . . | Panicum miliaceum.
Haute Egypte . . . . . . | Gossypium arboreum.
— — Sennaar et Cr do ra . + . | Ricinus communis.
(Afrique intertropicale).
Afrique tropicale . . . . . . . | Amarantus gangeticus.
— intertropicale . . . . . . | Panicum maximum.
_——.,. .. .. . . . + . + + | Hibiscus esculentus.
Guinée +: . : . 2,0 04 7, © . NCucurbita maxime
Afrique intertropicale. . . . . . | Citrullus vulgaris.
__—, «+ … + + Vi , "1 Cucumi Anpuris
Guinée |. . + . : . …, ‘ . | Elaeis guineensis:
Afrique équatoriale . . . . . . | Cajanusindicus.
— intertropicale . . . . . . | Voandzeia subterranea.
— —. + . + + + + + + . |-Arachishypogaes.
— tropicale. . . . . . . . | Holcus sorghum.
Ne de OP NI ee Bee tee — saccharatus.
Afrique tropic., Guinée, Mozambique. | Coffea arabica.
Guinée, Angola. . . Ar Me — liberica.
AUSTRALIE.
Nouvelle Hollande et Nouvelle Zélande
Tetragonia expansa.
Eucalyptus globulus.
| Spondias dulcis.
Iles de la Société, des Amis et Fidji
AMÉRIQUE.
(Amérique septentrionale.)
Amérique sept. tempérée. Fragaria virginica.
Cucurbita pepo et Melopepo.
Indiana . ; Helianthus tuberosus.
États-Unis otente ns UE Diospyros virginica.
Sud de l’Amér. sept., Mexiq., ? Ton ?
Californie? . . . . . . | Nicotiana rustica.
Mexique. . . . . .:. +. 1. 4VArareamericans:
me de + + ee + s'. <. "MOpuntiatcu indie
ue one + ++ + «+ «1. 1 Persea gratiesima. 10 pen.
— — —
Antilles ?
— et Nouvelle-Grenade
— et Panama
— 87
(Antilles).
. . | Anona squamosa.
— muricata.
-— reticulata.
Chrysophyllum Cainito.
(Amérique intertropicale et Nouvelle Grenade).
Nouvelle Grenade,
Amérique tropicale
Equateur (Pc de Loxa)
— (Pce de Cuenca) .
Equateur
Amérique intertropicale .
— centrale
Campêche, Panama, ee
Amérique centrale et Antilles .
— — Mexique .
Amazone, Orénoque .
Panama, Yucatan .
Nouvelle Grenade .
Amérique intertropicale .
Nouvelle Grenade, Mexique et Ales
Bresil, — .-: =
—- oriental A répica
Orénoque
Brésil ? ,
227,00
Arracacha esculenta.
Convolvulus batatas.
. . | Marantaarundinacea.
Cinchona officinalis.
— succirubra.
Nicotiana tabacum.
Anona Cherimolia.
Anacardium occidentale.
Psidium Guayava.
Sechium edule.
Sapota Achras.
Papaya vulgaris.
Ananassa sativa.
Theobroma Cacao.
Zea maïs.
Bixa orellana.
Gossipium barbadense.
Arachis hypogæa.
Manihot utilissima.
Lucuma mammosa.
Capsicum annuum.
Phaseolus lunatus.
(Paraguay — Pérou).
Paraguay, Brésil oriental.
Pérou oriental, Bolivie orientale.
Bolivie et Pérou méridional .
Ve. Li
Pérou . . ntiulée
— oriental à Dr ;
Eiaet Pérou? . : . . ,
Nouvelle Grenade ? Pérou? Chili? .
Chili et Californie.
Ilex paraguayensis.
Erythroxylon Coca.
Cinchona calisaya.
Fragaria chiloensis.
Lucuma Caimito.
Capsicum frutescens.
Lycopersicum esculentum.
Solanum tuberosum.
Chenopodium Quinoa.
. . | Madia sativa.
Origine inconnue :
Phaseolus vulgaris.
Cucurbita moschata,
— licifolia,
NOUVELLES RECHERCHES SUR LA COLORATION ROUGE
DANS LES VÉGÉTAUX PHANÉROGAMES,
SON ORIGINE ET SA SIGNIFICATION,
PAR M. H. P1cx.
Analyse par M. le Dr Armand Jorissen.
Dans une série d'articles que publie le « Botanisches Centralblalt »
1883, pages 281, 314, 343, 375, l’auteur rapporte les expériences qu’il
a entreprises à ce sujet et fait connaitre les déductions qu'il croit
pouvoir tirer de ses observations.
On sait que les jeunes pousses de certains végétaux se font remar-
quer par une coloration rouge plus ou moins intense et que ces organes
en voie d’accroissement sont le siège de migrations de substances
emmagasinées dans les dépôts nutritifs. Pick fait remarquer que
l’apparition de la coloration rouge est accompagnée de la formation de
tannin. Si l’on coupe transversalement de jeunes feuilles de rosier
colorées en rouge, on reconnait que tout l’épiderme est imprégné d’une
masse hyaline fortement réfringente et que cette substance se ren-
contre également dans les tissus qui doivent servir au transport des
hydrates de carbone. |
Cette matière se comporte à la facon du tannin en présence des
réactifs micro-chimiques et l’auteur n’est pas éloigné de supposer que
cette substance constitue un état de transport de l’amidon. |
Dans toutes les plantes qui se font remarquer par la coloration
rouge des jeunes pousses, la matière colorante provient du tannin
fortement réfringent dont il est question ci-dessus; ce pigment se
comporte aussi comme le tannin en présence des réactifs.
Ajoutons que seuls les végétaux qui contiennent du tannin peuvent
produire des pousses rouges et que la formation de la matière colo-
rante doit être attribuée surtout à l’action de la lumière.
Pick conclut des observations qu’il à faites sur des plantes à
feuillage coloré et d'expériences exécutées au moyen de la lumière
rouge, que celle-ci à pour effet de favoriser la transformation de
il
4
oo
l'amidon en un principe soluble et de rendre possible le transport de
ce produit dans la plante, sans diminuer sensiblement l’énergie de
l'assimilation chlorophyllienne.
L'auteur signale ensuite ce fait que lorsqu'on examine des végétaux
à feuillage rouge, on est frappé de l’abondance des cristaux d’oxalate
calcique que contiennent ces plantes. IL est peu probable que l’acide
oxalique provienne du tannin; ce n’est, du reste, pas ce produit qui doit
fixer l'attention, mais le physiologiste doit se préoccuper surtout de la
présence d’une grande quantité de calcium dans les parties de la plante
destinées au transport de l’amidon.
Pick rappelle à ce sujet l’observation de Bühm qui a constaté que si
lon plonge dans l’eau distillée des plantules de haricot, il se produit
un arrêt remarquable dans le transport de l’amidon. Si l’on place des
plantules dans un milieu qui puisse fournir du calcium, l’amidon
émigre parfaitement dans diverses parties des végétaux ; au contraire,
si on immerge les petites plantes dans un liquide tout à fait exempt de
calcium, l'amidon ne quitte pas la moëlle et l'écorce du premier
entre-nœud.
Cette influence du calcium constitue un sujet intéressant pour le
physiologiste; Pick se propose d'étudier la question d'une manière
approfondie.
NOTICE SUR L'ORNITHOCEPHA LUS GRAN-
DIFLORUS, Linpz.,
par M. Epouarp MORREN.
Planche VI.
FAMILLE DES ORCHIDÉES. TRIBU DES VANDÉES.
Ornithocephalus, W. Hooker in Æxotic Flora, II, 1825, pl. 127. —
Lixpcey, Gen. and spec., 1830-40, p. 141. — H. G. Rous. in Walp. Ann., VI,
1861, p. 492. — BENTHAM et HOoKkER, Gen. plant., III, 1883, p. 568.
Ornithocephalus grandiflorus, LinpLey in Ann. of nat. hist., IV, 1840,
p. 388. — H. G. Roux. 1. c. et Gard. Chron., 5 août 1882, p. 168.
Le genre Ornilhocephalus a été créé par sir William Hooker, en
1825, sur une petite Orchidée introduite de l'ile de la Trinité par le
Baron de Schack, l'O. gladiatus. La conformation de la colonne ou
"OR
gy nostème qui réunit les étamines et le style au centre de la fleur
est des plus bizarres : le sommet de cet organe se prolonge, en effet,en
un long appendice dans lequel repose le caudicule des 4 masses
polliniques et ressemble étonnamment à une petite tête d'oiseau à long
bec, comme l’exprime heureusement le nom d’Ornithocephalus.
Depuis 1825, le genre Ornithocephalus s'est successivement accru au
point de compter actuellement une vingtaine d'espèces toutes indigènes
dans les régions chaudes de l'Amérique, depuis le Mexique jusqu'au
Brésil. C'est sans doute par erreur de détermination que Beer, de
Vienne (Orchid. 1863, pl. II, fig. 29 et pl. IX fig. 19), parle d’un
Ornilhocephalus de Java. Outre l'O. gladiatus, si bien analysé et
figuré par Hooker, les seules espèces qui ont été, à notre connaissance,
introduites dans les collections européennes jusqu’à ces dernières
années sont les suivantes :
0. ciliatus Lino. (Paxton Mag. of Botany, 1844, tome II, p. 70).
Petite plante de la Guyane, à grappes courtes et fleurs puhescentes.
0. chloroleucus H. G. Roue. (Symbolue Orchidaceae in Bonplandia,
1855, p. 226). Du Brésil et introduite chez Schiller à Hambourg.
Inflorescence hispide.
0. Oberonia Rcus. (Gard. Chron. 1869, p. 988). De la Trinité
et introduit chez M. Wilson Saunders. Fleurs mignonnes de couleur
jaune et blanche.
Ces petites plantes ne sont intéressantes que pour le botaniste et
pour l’amateur curieux des productions singulières de la nature.
Une autre espèce, l'Ornithocephalus grandiflorus, introduite depuis
deux ou trois ans, les surpasse par sa grande taille et Les éclipse
toutes par ses qualités esthétiques. Lindley l’avait décrite en 1840,
d’après un spécimen récolté par Gardner, sur la chaîne des Orgues
au Brésil et conservé dans son herbier ; maintenant elle est cultivée
dans plusieurs collections.
Nous l'avons remarquée au mois de juillet 1883 dans les serres du
jardin botanique de Bruxelles où l’excellent chef de culture, M. L:
Lubbers, avait su lui faire produire une abondante et charmante florai=\
son. C'est d’après ce spécimen que nous l’avons fait peindre pour
publier ici cette jolie et intéressante Orchidée qui ne figure encore 'f
dans aucun recueil de botanique.
En voici la description sommaire :
A 50
Racines charnues, aériennes. Pseudobulbes minimes. Feuilles dis-
tiques, épaisses, relativement grandes (0"12), dressées, obovales assez
larges (0"035), traversées par un sillon médian, glabres, vertes.
Inflorescence axillaire, arquée, pendante. Hampe grêle (008).
Rachis allongé (009). Grappe floribonde (ici 20 fleurs), lâche. Brac-
tée florale herbacée, ovale-lancéolée, minime (0®007). Pédoncule
grêle, assez long (0"015), droit, blanc, lisse. Fleurs grandes pour
le genre et odoriférantes, colorées en blanc et vert. Sépales courts,
recourbés, ovales, le supérieur plus grand, tous blancs avec une
macule verte près de la base. Pétales plus grands, deltoïdes, dirigés
en avant, à base verte, le reste blanc. Labelle à hypochylle calleux,
vert et jaune; à épichylle blanc. Colonne courte, prolongée au sommet
et en avant en un long bec sinueux, très mince et coudé sur le labelle.
Se cultive en bonne serre tempérée.
SUR LES TRAVAUX BOTANIQUES DE M. LE D'AUG. GRAVIS
pendant son séjour au laboratoire de la station zoologique de Naples.
Rapport à Monsieur le Ministre de l'Intérieur.
On sait que M. le Dr Dohrn a fondé à Naples, auprès d’un vaste
aquarium, des laboratoires parfaitement outillés pour les zoologistes
et pour les botanistes qui veulent appliquer leurs talents à résoudre
les nombreux problèmes des sciences biologiques.
La Belgique, comme la plupart des nations civilisées, s’est fait
réserver une place dans cet établissement du D" Dohrn et elle l’attribue
annuellement à quelque naturaliste que les corps savants recommandent
à la sollicitude du Gouvernement. C’est ainsi que M. le D' Auguste
Gravis, qui à été récemment nommé assistant de botanique à l’Uni-
versité de Liège, a pu passer à Naples l’année 1883.
Il y à consacré tout son temps à des travaux botaniques qui produi-
ront sans aucun doute de bons résultats et nous sommes persuadé que
beaucoup de personnes liront avec intérêt la narration sommaire que
M. Gravis à faite lui-même de ses occupations. Nous la publions ici en
lui laissant la forme qu’il lui à donnée dans son rapport adressé au
Gouvernement. |
Ep. MoRREN,.
509
Monsieur le Ministre,
J'ai l’honneur de vous adresser un rapport sur mes travaux pendant
l'année 1883 au Laboratoire de la Station Zoologique de Naples.
Pour bien profiter de l’occasion exceptionnelle qui m'était offerte
par un séjour prolongé dans un établissement scientifique placé au
milieu de tant de richesses naturelles, je n'ai pas cru devoir limiter
mes études à un point déterminé, ni me livrer exclusivement à des
recherches originales sur un sujet restreint. J'ai tâché, avant tout,
de m'initier aux méthodes employées par les savants qui travaillent
ici et de recueillir le plus de matériaux possible pour mes études
ultérieures. Je me suis donc occupé à peu près également de l'Anatomie
des plantes phanérogames, des Algues marines, de la Flore méditerra-
néenne et des procédés techniques en usage parmi les zoologistes.
I. Travaux d’Anatomie végétale.
J'avais choisi comme sujet principal de recherches la famille des
Zostéracées. L'habitat et les particularités physiologiques des plantes
qui composent cette famille faisaient espérer, en effet, d’intéressantes
observations anatomiques.
Les plantes phanérogames marines étant peu connues du personnel
. de la Station zoologique, j’ai dû d’abord guider moi-même les pécheurs
dans la recherche de ces végétaux. Nous découvrimes bientôt les trois
espèces qui habitent le golfe de Naples, savoir :
le Posidonia oceanica (L.) Del.
le Cymodocea nodosa (Ucria) Aschs.
etle Zostera nana Rth.
Toutefois, nous ne pûmes récolter que des individus adultes et c’est
par leur étude que je fus contraint de commencer. La structure compli-
quée de ces plantes fit bientôt sentir la nécessité de connaître d’abord
l'embryon et le développement de la jeune plante.
Il fallut donc rechercher les organes fructificateurs. Cette recherche
fut extrêmement pénible et me prit beaucoup de temps. Je finis cepen-
dant par trouver les fleurs et les fruits mûrs du Cymodocea nodosa et
du Zostera nana.
4
None
Quant au Posidonia oceanica, je crois pouvoir affirmer qu’il n’a pas
fructifié l’an passé. Mes investigations personnelles, celles des pêcheurs
de la Station et des pêcheurs du golfe restèrent sans résultat. Plusieurs
fois même j'ai plongé en scaphandre dans les endroits où la plante
abonde, mais ce fut toujours en vain. Les pêcheurs prétendent d’ail-
leurs que le Posidonia ne fleurit pas tous les ans, mais seulement à de
longs intervalles, après lesquels il produit des fruits en abondance,
Les graines trouvées furent semées à l’Aquarium et germèrent
lentement. Ce n’est qu’assez tard pendant le second semestre que les
matériaux que je désirais furent prêts à être étudiés. Leur étude fut
commencée aussitôt, mais ne püt être terminée à cause des recherches
que j'avais entreprises sur la technique en usage parmi les zoolo-
gistes. Ces dernières recherches, en effet, ne pouvaient se faire
qu’à la station zoologique, tandis que l’étude anatomique du Cymodocea
et du Zostera pouvait aisément être continuée partout ailleurs à l’aide
des matériaux conservés à l'alcool.
Néanmoins, des particularités d'un grand intérêt se sont déjà révélées
dès mes premiers travaux sur les Zostéracées et me font espérer beau-
coup des études qu’il reste à terminer.
Je ne me suis pas d’ailleurs borné aux plantes phanérogames
marines; j'ai récolté beaucoup de matériaux parmi les plantes d’eau
douce. Une excursion que je fis dans les Marais Pontins au commen-
cement du mois d'avril et l'exploration méthodique des lacs Lucrin,
Averne, Fusaro et Licola, près de Naples, m'ont procuré des graines,
des individus en germination et des individus adultes complets des
espèces suivantes :
Najas major L.
Ruppia maritima 1.
Zannichellia palustris L.
Potamogelon pectinatus L.
Enfin j'ai complété certaines recherches commencées par moi, au
Laboratoire de M. le Prof. C. Eg. Bertrand, à Lille, sur la Pariétaire.
Cette plante, assez rare chez nous, est ici très commune. L'examen
que j'ai fait de l'embryon et de la plante pendant ses premiers âges
m'a fourni des résultats qui seront bientôt prêts à être publiés.
En résumé, outre les observations que j’ai pu faire ici sur l’Ana-
tomie des Phanérogames, j'ai réuni et conservé à l'alcool des maté-
riaux assez complets pour l'étude monographique des Zostéracées et
des Potamées. Pour le Cymodocea, notamment, ces matériaux com-
prennent la plante adulte dans toutes ses parties, les organes fructifi-
cateurs, les graines mûres, l'embryon pendant la germination et la
jeune plante à divers degrés de développement. Tous ces matériaux
contenus dans près de 400 tubes et flacons me permettront de complé-
ter les observations commencées ici.
II. Etude des Algues marines.
Le peu de temps que j'avais à consacrer à l'étude des Algues ne me
permit pas d'entreprendre un travail original, lequel aurait nécessai-
rement porté sur un point spécial, comme par exemple sur le dévelop-
pement d’une espèce déterminée. Un semblable travail, d’ailleurs,
n'aurait pas conduit au but que je me proposais, à savoir : une con-
naissance générale du vaste groupe des Algues. J’ai donc récolté et
déterminé toutes les espèces que j'ai pû me procurer. J'en ai composé
un herbier qui comprend tous les types qui se rencontrent dans le golfe,
à part ceux qui y sont rares. Quelques échantillons plus précieux ont
été conservés à l’alcool.
Mon attention s’est portée aussi sur l’habitat des Algues et sur leur
dispersion aux différentes profondeurs dans la mer. Les descentes que
j'ai faites en scaphandre pour chercher les graines du Posidonia ont
servi, en même temps, à compléter les premières notions que j'avais
acquises par des explorations en barque le long des côtes. Quant aux
espèces des grandes profondeurs, elles m'ont été fournies par les dra-
guages qu'on exécutait en vue de la pêche de certains animaux.
III. Etude de la Flore méridionale.
Mon séjour prolongé à Naples m'a permis d’étudier, d’une manière
assez approfondie, la Flore méditerranéenne si différente déjà de celle
de notre pays. Lors de l’excursion que j'ai faite dans les Marais Pontins
en vue de la récolte des plantes aquatiques d’eau douce, je me suis
fixé pendant neuf jours à Terracine, au milieu d’une contrée très peu
visitée encore. Outre la flore des marais, j'ai observé la végétation du
littoral et celle des montagnes, dans les Monts Lepini.J’ai communiqué
None
à la Société royale de Botanique de Belgique le compte-rendu de cette
herborisation (1). Ce travail contient l'indication de près de 400 espèces
de plantes, ainsi que des renseignements sur la constitution physique
et l’histoire d’un pays qui à éveillé récemment l'attention des natura-
listes aussi bien que des économistes par la question de la Malaria.
J'ai fait aussi de petites herborisations aux environs de Naples,
notamment du côté de Pozzuoli et sur le Vésuve. À la demande de
M. le Prof. Ed. Morren, j'ai fait un herbier spécial des plantes qui
croissent dans cette région. Cet herbier, destiné à l'Université de Liége,
comprend 150 espèces.
Mes observations sur la Flore méridionale ont été résumées dans
une note intitulée : « Les environs de Naples au point de vue botanique.»
Cette note sera prochainement présentée à la Société royale de Botani-
que de Belgique.
Au jardin botanique de Naples se trouve réunie une belle collection
de plantes exotiques qui, grâce à la douceur du climat, y prospèrent
en pleine terre. On peut, notamment, admirer dans ce jardin quantité
de beaux arbres des pays étrangers. M. le Directeur A, Pasquale à
bien voulu me permettre de cueillir des rameaux de tous ces arbres
pour en faire un herbier. J’ai ainsi formé une collection de feuilles qui
me sera très utile pour l'étude de la nervation. Il serait difficile de se
procurer ailleurs tous ces exemplaires, parce que la plupart de ces
arbres sont bannis de nos serres à cause de leur grande taille et de nos
jardins à cause de leur délicatesse.
L'’herbier que j’ai réuni depuis un an se compose de 18 cartons con-
tenant environ 1500 espèces, représentées par de grands et nombreux
échantillons.
IV. Etude des procédés techniques en usage parmi les zoologistes.
Par la nature même des tissus qu’ils ont à examiner, les zoolo-
gistes ont dü, depuis longtemps, chercher des procédés capables de
rendre plus facile l'observation des éléments histologiques. Ces procé-
(1) Une herlorisation dans les Marais Pontins, dans Bull. Soc. r. de Botanique
de Belgique, tome XXII.
dés se sont beaucoup multipliés et ont pris une grande importance
dans la science moderne. A la station zoologique de Naples, où sont
venus trävailler un grand nombre de savants de tous les pays, revient
une large part de ce résultat.
En histologie végétale, la présence de membranes cellulaires douées
de propriétés physiques et chimiques très distinctes de celles du pro-
toplasme et du noyau rend moins nécessaire l'emploi de procédés
techniques compliqués. Cependant, en botanique comme en zoologie,
l'anatomie comparée exige la connaissance de la structure des êtres
dans toute leur étendue et à tous leurs âges. L'étude des organes en
voie de développement, comme les embryons et les sommets végé-
tatifs, est appelée à résoudre bien des questions que laisse incertaires
l'examen des organes adultes. Or cette étude des organes en voie de
développement est extrêmement délicate et difficile. Ne pourrait-on pas
la rendre plus aisée par l’usage de procédés techniques semblables à
ceux des zoologistes ? Telle est la question que je me suis posée et que
j'ai cherché à résoudre.
Après bien des essais infructueux, j'ai trouvé que dans leur ensem-
ble les procédés techniques usités en zoologie sont applicables en bota-
nique, mais avec certaines modifications nécessitées par la nature
différente des tissus.
La première difficulté que j’eus à surmonter fut la contraction
violente que subissent les objets par suite de l'emploi de l'alcool absolu
et pendant l'inclusion dans la paraffine à chaud. Pour y remédier, j'ai
expérimenté toutes les liqueurs destinées à tuer le protoplasme et le
noyau et à les fixer définitivement dans leur position naturelle.
J'ai eu à m'occuper ensuite de la coloration des objets « 5x olo », de
la confection des coupes successives au moyen d’un microtome et de la
fixation de ces coupes sur le slide par l’un des divers procédés décou-
verts à la station zoologique. Parmi ces procédés de fixation, les plus
récents permettent de colorer les coupes sur le slide même et consti-
tuent ainsi un très grand progres.
Malheureusement, tous les fixatifs usités jusqu'à ce jour sont
solubles dans la potasse, ou bien sont désagrégés par ce réactif
dont l'emploi est si fréquent en histologie végétale. J'ai eu la satis-
faction de trouver un fixatif nouveau qui résiste indéfiniment à
l’action de la potasse. J'ai trouvé également un autre fixatif qui
a l'avantage de ne pas se colorer par les liqueurs dont on se sert pour
teindre les coupes. Les formules de ces deux nouveaux fixatifs seront
prochainement publiées dans les « Millheilungen » de la station zoolo-
gique. Quant aux autres résultats de mes recherches sur la tech-
nique, je me propose de les communiquer à la Société belge de
Microscopie (1).
J'ai la conviction que l'emploi de procédés techniques analogues à
ceux des zoologistes rendra des services importants dans certaines
recherches délicates d'anatomie végétale. Aussi n’ai-je pas hésité à
faire l’acquisition, pour mes études ultérieures, d’un microtome du
modèle le plus perfectionné avec tous ses accessoires. |
Je dois témoigner ici toute ma reconnaissance à M. le D' P. Mayer,
ainsi quà MM. les D' Eisig, Gicsbrecht et Andres qui ont bien
voulu me guider dans mes recherches et me faire participer à leur
précieuse expérience.
En terminant ce rapport, je ne puis me dispenser, Monsieur le Minis-
tre, de vous renouveler l'expression de mes sentiments de vive recon-
naissance pour la faveur que vous avez bien voulu me faire en me
confiant une mission scientifique au Laboratoire dela Station zoologique
de Naples. J'espère qu’il me sera possible, par la suite, de profiter des
nombreux matériaux que jy ai recueillis, ainsi que des précieuses
connaissances que j'y ai acquises.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, Phommage de mon
profond respect.
| A. GRAVIS.
Naples, le 5 février 1884.
(1) Procédés techniques usités à la station zoologique de Naples en 1883, dans
Bull. soc. b. de Microscopie, tome X, N° VII p. 104-127.
LME
NOTE SUR LE CONCOMBRE ANGOURIE
CUCUMIS ANGURTA (Link)
PAR M. PAILLEUX.
(Bull. de la Soc. d’acclim. de France, \883, p. 239.)
Le petit volume de ce Concombre et les épines molles dont il est
hérissé lui donnent l'apparence d’un marron d’Inde. La plante figure
depuis longtemps dans les catalogues sous le nom de Concombre
Arada, qui ne lui appartient pas.
Le Concombre Arada, décrit par Descourtilz, tire son nom d’une
conformation particulière qui le fait ressembler, en un certain point,
aux femmes de la tribu des nègres Aradas. Je n'ai pas réussi jusqu'ici
à me le procurer. C’est le Cucumis compressus de Linné.
Le Concombre Angourie croit partout naturellement aux Antilles et
principalement dans les savanes sèches et près des rivières dont les
bords offrent une riche végétation. On le rencontre dans la Nouvelle-
Grenade, au Brésil, près de Bahia, dans toute l'Amérique du Sud,
principalement dans sa partie orientale, où il est fréquemment cultivé
dans les potagers. |
La culture de l’Angourie ne présente aucune difficulté. Cinq mois
s’écoulent entre la date du semis et celle de la récolte. On sème sous
le châssis en mars ; on met la plante en pots en avril ; on la met en
place, sous cloche, du 15 au 25 mai, on récolte du 10 ou 15 août.
La fructification est d’une abondance extraordinaire. On peut
compter sur une centaine de fruits par pied; mais, si les plantes
recoivent la pluie pendant plusieurs jours, la récolte est entièrement
détruite. On n’est assuré de récolter qu’autant qu'on préserve la plan-
tation de l’eau du ciel au moyen de châssis vitrés. L’Angourie n’exige
pas de couche neuve ou vieille. Il suffit de la planter en paquets,
garnis d’un peu de fumier consommé.
Le 10 août 1876, j'ai présenté à la Société centrale d’'Horticulture
des Angouries admirablement bien venues, semées le 16 mars et
chargées d’une multitude de fruits, à point pour la récolte. Sous le
climat de Paris, c’est une plante d’amateur que j'ai pris grand plaisir
à cultiver.
OO er
Dans le midi, sa culture serait certainement rémunératrice, comme
on en pourra juger par ses usages.
Les fruits de l’Angourie se mangent en salade. À la Basse-Terre
(Guadeloupe), nos soldats d'infanterie de marine les recueillent dans
leurs promenades autour de la ville et les ajoutent à leur ordinaire.
On prépare de diverses manières ce joli petit Concombre, en sauce,
en conserves au vinaigre, notamment dans celles qui portent aux
colonies le nom d’Acharts. Selon Descourtilz (Flore des Antilles),
pour le préparer, on le coupe par le milieu et on enlève les graines
qu'il contient en nombre infini; puis, on le fait cuire seul, ou avec du
jambon, ou des crabes, ou des tomates, ou bien encore avec de la
morue. Pour le confire au vinaigre, selon l’auteur que je cite, il faut le
dépouiller de ses graines et ajouter des tiges, des pampres et des
fruits verts de piment.
M. le docteur Sagot, dans notre PBullelin, 1872, p. 550, nous dit
que le jeune fruit cuit du Cucumis Anguria est tendre et très-agréable.
La plante, dans un bon terrain, fructifie beaucoup. C'est le Pepin-
hodo mato des colonies portugaises. M. Naudin, dans les Annales des
sciences naturelles, à publié sur le C. Anguria, une note instructive
et intéressante à laquelle nous renvoyons le lecteur. Selon lui, la plante
est bien d’origine américaine, ce dont il avait douté d’abord; elle est
considérée comme potagère et cultivée comme telle dans une grande
partie de l’Amérique. Il semble que sous ce rapport on en ait tiré
quelque parti en Italie, dans le siècle dernier, comme nous l’appren-
nent, dit-il, Gilii et Xuarès dans un opuscule aujourd’hui fort rare
(Osservatione fitologice, etc.), qui fait partie de la bibliothèque de
M. Delessert et de celle de l'Institut. Je conserve dans du vinaigre,
préparé avec fleurs de sureau, piment, etc., les fruits du C. Anguria
sans leur enlever leurs graines. Je considère cette opération comme
inutile et j’emploie les fruits entiers sans les couper.
Cette conserve est très jolie, très bonne. Il ne faut pas confondre
l'Angourie avec tous ces légumes insipides et mous, véritables
éponges à vinaigre, qu'on a l’habitude d'associer aux Cornichons. On
devra cueillir les fruits avant leur entier développement; leur peau
durcit assez vite.
Pour conclure, je recommande vivement la culture de l’Angourie
aux amateurs de la région de Paris et aux horticulteurs ou maraïchers
du midi de la France. La vente de ses fruits me semble assurée.
— 100 —
BULLETIN DES NOUVELLES ET DE LA BIBLIOGRAPHIE.
Ombrage des vitres. Au moment où, en s’élevant de plus en plus
à l’horizon, le soleil augmente constamment aussi d'intensité, il est
utile, croyons-nous, de dire quelques mots de la manière dont se fait
cet ombrage. On a le choix entre deux produits de couleurs toutes
différentes : le vert anglais, qui est sombre; le blanc d’Espagne, dont
la couleur est à peu près celle du lait. La première de ces deux prépa-
tions se fait à chaud. Pour cela on met dans un chaudron une certaine
quantité d’eau à laquelle on ajoute du vert dit anglais, plus ou moins,
en raison de l'opacité que l’on veut donner au badigeon, puis un peu
de colle de pâte pour donner de la consistance au liquide et en assurer
la résistance à la pluie. On fait bouillir le tout, en ajoutant au besoin,
soit de l’eau, soit du vert, de manière à avoir un liquide un peu
sirupeux que l’on projette sur les vitres avec une seringue à larges
trous ou que l’on étend avec une brosse ou un balai de crin à long
manche. La seconde préparation ne diffère guère de la première que
par l'élément essentiel qui est le blanc d'Espagne ou «blanc de Meu-
don. » Quant aux modes de préparation et d'emploi, ils sont absolument
les mêmes que ceux que nous venons de faire connaître en parlant du
vert anglais. (Revue horticole, 1884, p. 194.)
Procédé pour teindre la mousse en vert. Voici un procédé
qu’on nous communique pour teindre la mousse : On met seize
centigrammes d'acide picrique (amer indigo) dans deux litres
d'eau bouillante, on ajoute ensuite du carmin d’indigo en quantité
proportionnée au degré de couleur verte qu’on veut obtenir. On prend
alors des petits paquets de mousse que l’on trempe dans ce liquide
pendant une minute environ, puis on les laisse sécher à l'air. (Monit.
de l’hortic.)
M. Gennadius, inspecteur de l’agriculture à Athènes, a publié,
sous les auspices du département de l'intérieur, un mémoire sur
une maladie des Orangers qui sévit dans l’île d’Andros et qui est
la conséquence de l’envahissement de ces arbres par un insécte {
hémiptère, le Dactylopius citri. À
— 101 —
M. Petermann, Rapport sur les travaux de la station expérimentale
de l'Etat, à Gembloux en 1884, br. in-8°, 1884.— La station agricole
de Gembloux a passé sous la direction de l'État et est désormais
intimement unie à l'Ecole d’agriculture. Le Rapport que vient de
publier son habile directeur, M. Petermann, est intéressant surtout
au point de vue des matières fertilisantes et de leur emploi.
Vilmorin-Andrieux, Supplément aux Fleurs de pleine-terre, Paris
1884, 1 vol.in-12, de 200 pages et 175 figures. — Élargissant le cadre
de leur grand ouvrage sur les feurs de pleine terre, qui ne comprenait
que des plantes rustiques sous le climat de Paris, MM. Vilmorin-
Andrieux ont fait paraitre un utile supplément dans lequel nombre de
plantes qui réclament un peu de protection en hiver ont pu trouver
place. Citons, par exemple : Amaryllis, Amorphophallus, Begonia,
Pelargonium, etc.
M. G. Perotti, horticulteur à Trieste, vient de publier un
catalogue fort étendu, de plus de 200 pages, orné de gravures et même
de nombreuses planches coloriées. Ses collections de plantes exotiques
et ornementales sont considérables et bien fournies en espèces rares
ou nouvelles.
M. Corenwinder, directeur de la station agronomique de Lille,
vient de mourir à l’âge de 64 ans. Il a rendu de notables services
à la biologie des plantes par ses importants travaux, spécialement sur
la formation du sucre dans la betterave.
Jean Verschaïfelt, né à Gand, le 5 septembre 1811, est décédé à
Ledeberg, le 20 avril 1884. Il fut un des pères de l’Horticulture gan-
toise et l’une de ses plus sympathiques personnifications. Jean Ver-
schaïfelt a longtemps dirigé un important établissement de culture qui
depuis quelques années appartient à MM. De Smet frères.
M. G. A. Lüdemann est mort à Bourg-la-Reine, le 15 mars 1884,
âgé de 62 ans.
— 102 —
CONSEILS A UN JEUNE CHATELAIN
SUR LA
CULTURE DU POIRIER
(Bull. de la Soc. d'hort. de la Sarthe, 1883, p. 193).
— ——_—— ——
Au château d'Omécourt, le jardin replanté
Montrera désormais son antique beauté.
Pour manger de bons fruits il n’est rien de futil :
Sachons joindre toujours l’agréable à l’utile.
Au couchant, au midi. recrépissez les murs,
Les fruits en espaliers en seront plus tôt mûrs;
D'un mètre en profondeur, la terre défoncée
Au centuple rendra la somme dépensée ;
Dans le sol ameubli, retourné, bien fumé,
Auquel est mélangé du terreau consommé,
Les racines prendront une ample nourriture;
Et l’arbre, obéissant aux lois de la nature,
Deviendra plus fécond. Greffé sur cognassier,
Le poirier donne vite un bon fruit, moins grossier
Mais le poirier sur franc, dédaignant d’être arbuste,
S'élance avec vigueur, vit plus longtemps robuste.
Le citadin précoce en ses brülants désirs,
S’abandonne trop jeune à ses fougueux plaisirs,
Mais il s’épuise vite et succombe avant l’âge;
Le simple villageois plus mür et moins volage,
Profite doucement du bonheur d’être heureux :
Tel est le poirier franc, cet arbre vigoureux
Grandit en pyramide élégante, hardie;
Et si le ver rongeur ou bien la maladie
Ne viennent l’attaquer, on jouit plus longtemps
Du plaisir de manger ses produits abondants.
En juillet, au mois d'août, je vois, à bouche pleine
Les gourmets savourer la tendre Madeleine
Et la Cuisse-Madame agréable sans fard,
La poire d'Angleterre et le beurré Giffard.
Les poires qu’en septembre avec plaisir on mange,
Sont la grosse William, le Saint-Michel-Archange,
Le beurré d'Amanlis. Octobre voit murir
La Fondante des Bois, un peu prompte à pourrir,
D AOB =
Le beurré Picquery, trop rare dans les branches,
Et la Bonne Louise, une poire d’Avranches,
Le Paradis d'automne avec les Bons-Chréliens
Qui font souvent l’objet de tous nos entretiens.
11 est d'excellents fruits qui sont mûrs en novembre,
Que vous pouvez aussi déguster en décembre :
Le Passe Colmar gris et l’'Epine du Mas
Qui se colore en jaune au milieu des frimas,
Le bon beurré Clairgeau, la fameuse Duchesse
Des grands seigneurs du Nord, et le MNouveau-Bouvier,
Le Saint-Germain d'hiver qui mürit en janvier,
Le Peurré-des- Trois- Tours, dit Beurré Magnifique,
Le Soldat-Laboureur découvert en Belgique.
A Pâques, nous mangeons Bergamotte-Esperen,
Ce fruit si parfumé que produisit le Rhin,
Qu’achète à prix d'argent l’opulente richesse (1)
Le Doyenné d'hiver, le Bon Chrélien d’Espagne,
Et le Bésy d'Héry qui nous vient de Bretagne (2).
Mais le roi des bons fruits, le plus délicieux,
Digne de figurer sur la table des dieux,
C’est le fruit appelé Doyenné du Comice;
Dans un dessert il est notre plus grand délice;
Aussi chez les gourmets on le voit en faveur,
Leurs palais délicats en aiment la saveur;
Et, fier de son succès, l’Angevin a la gloire
D’avoir su découvrir cette excellente poire
Qui souvent n’est pas müre avant la Saint-Martin.
Et lorsqu’à vos amis vous donnez un festin,
Empéchez les valets de charger votre table
De magnifiques fruits dont le gout détestable
Fait grimacer les gens; car la douce bonté
N’accompagne jamais la perfide beauté :
Je veux parler ici de la Belle-Angevine (3);
Croyant trouver en elle une saveur divine,
(1) Chaque année, l’Anjou expédie cette poire et d’autres en Russie pour
une valeur qui dépasse cent mille francs. La Duchesse a été découverte en Anjou
par M. Audusson père, en 1820.
(2) Le Bon-Chrétien d'Espagne et le Bésy- d Héry sont délicieuses cuites dans
leur jus.
(3) En 1861, le fameux Chevet, du Palais-Royal, a vendu la Belle-Angevine
120 francs la paire.
— 104 —
Et ne soupconnant pas sa fade crudité,
Le gourmand la dévore avec avidité ;
Mais surpris, il s'écrie : « Ah! la mauvaise poire!
Pour en chasser le goût, vite, versez à boire. »
C’est ne tromper personne en aucune facon -
Que d’offrir aux gourmets la figue d’Alencon(l),
Elle est pelite et rousse, oui, mais sa chair exquise 4
Sait flatter le palais d’une jeune marquise.
On repousse bien loin l'orgueilleuse beauté
Qui se montre partout rebelle à la bonté :
Et l’homme de bon sens préfère pour amante
Une femme d’esprit dont l'humeur est charmante.
Enfermez bien les fruits dans un endroit obseur,
Dans une cave où règne un air sec, toujours pur,
Où la même chaleur en tout temps se conserve,
Et des fruits vous aurez une belle réserve;
Sur des barreaux de bois peu séparés entre eux,
Vos poires garderont un gout plus savoureux ;
Ces présents de Pomone au parfum délectable,
Régalent des amis assis à votre table.
Voulez-vous des poiriers cultivés avec art;
Venez voir dans l’Anjou le professeur Levard (2);
Sous son habile main, qui jamais n’est timide,
L'arbre obéit, s'élève en pyramide,
Ou forme en espalier de gracieux contours
Que, ravis, nous allons admirer tous les jours;
Visitez nos jardins, où chacun se fait gloire
De montrer les beaux fruits produits dans Maine-et-Loire(?).
Eug. PIBOEN,
Ancien directeur de l'École normale du Mans.
(1) Cependant la Figue d'Alençon est capricieuse, parfois elle est excellente
et l’année suivante on lui trouve une âcreté peu agréable.
(2) M. Levard est professeur d’horticulture à l'Ecole normale d'Angers, dont
le jardin fruitier est un des plus beaux de l’Anjou, et même de la France, au
dire de M. Dubreuil et des membres du Congrès pomologique.
(3) Outre les vingt-six poires nommées ci-dessus, je dois encore citer parmi
les meilleures, le beurré superfin, le beurré d’Aremberg, Van Mons de Léon
Leclerc, le Seigneur, Joséphine de Malines, Bonne de Malines, le beurré
d’Apremont, et le doyenné d’Alençon.
er
— 105 —
DESCRIPTION DU VRIESEA DUVALIANA sp. Nov.
PAR M. EDpouUARD MORREN.
Figuré Planche VII-VIIT.
Vriesea Duvaliana. Cespites exigui. Folia membranacea, brevia (013),
arcuata, subtus pallido roseo tincta, vagina lata, lamina lanceolata. Caulis
floriferus erectus, elatus (hic 020). Scapus longiusculus (0m]4-15), gracilis,
bracteatus. Spica simplex, elongata (015) elliptica, anceps. lata (0m042), floribus
numerosis (hic 18), approximatis, distichis. Bracteæ conduplicatæ, carinatæ,
rostratæ, equitantes, inferius coccineæ, superius virides. Flores axillares
longiores (005), calice incluso, petalis superantibus, luteis, apice viridi notatis,
genitalibus exsertis.
Vriesea Duvaliana Morren in Journal de la soc. nat. d'hort. de France, 1884, p 30.
La plante est de petite taille (0"15 de hauteur, 022 de diamètre) et
croit en touffe serrée. Dans chaque pousse, les feuilles sont nombreuses
(une vingtaine), membraneuses, courtes (0"13), arquées, lisses, un peu
nuancées de rose violacé surtout à la face inférieure : la gaîne est
large; la lame en courroie plane et lancéolée. Inflorescence droite et
assez haute (ici 020). Hampe assez longue (0"14-15), mince, forte et
vêtue de bractées. Épi simple, allongé (0"15), elliptique, plat, large
(02042), à fleurs nombreuses (ici 18), rapprochées et distiques. Brac-
tées florales étroitement pliées par le milieu, carénées, chevauchant
l’une sur l’autre, longues (004), terminées en forme de bec, lisses,
colorées en rouge vermillon à la partie inférieure et en vert vif à la
partie supérieure. Fleurs axillaires, à calice caché sous la bractée tandis
que les pétales jaune clair, passant au vert à la pointe, le dépassent un
peu ; les étamines et le pistil sont eux-mêmes encore un peu plus longs.
Le Vriesea Duvaliana ressemble au Wriesea carinata Wawra ( Vr.
brachystachys Hort.), dont il se distingue par l’épi plus long, elliptique
et plus floribond. Il est plus étroitement uni encore avec le Vriesea
Paraïbica Wawra, dont il diffère par le feuillage plus court et nuancé
de rose bronzé, par la hampe plus élevée et plus svelte, par l’épi plus
allongé et par la coloration verte du sommet des pétales.
Nous lui avons donné le nom de M. E. Duval, de Versailles, qui vient
de créer un vaste et remarquable établissement d’horticulture et qui a
| 9
— 106 —
présenté la plante à l’exposition de la Société nationale d’horticulture
de France, à Paris, en mai 1883,
Le Vriesea Duvaliana est originaire du Brésil d'où il a été introduit
en Europe en 1875, très probablement par M. Pedro Binot, de Petro-
polis.
La plante est jolie, à couleurs vives, facile à cultiver et se prétera,
sans doute, aussi bien que le Wriesea brachystachys à la décoration
des appartements.
LA VIE DE LA PLANTE.
CROISSANCE ET SENSIBILITÉ,
par M. Le D° M. T. Masters).
CROISSANCE.
Accroissement et extension. -— Accroissement des cellules. — Points d’ac-
croissement. — Croissance des racines, des tiges et des feuilles. — Influence de
l’accroissement sur la forme. — Mouvements dépendant de la croissance. —
Mouvements du protoplasme. — Turgescence. — Circumnutation des racines,
des tiges et des feuilles. — Plantes en germination.
Dans l'étude de l'accroissement des plantes, nous avons à distin-
guer ce qui n’est qu’extension des anciens matériaux de ce qui est
résultat de la formation de substance nouvelle. Un exemple du
premier mode de croissance se rencontre dans les premiers stades
de germination d’une graine ou dans les rejets que poussent Îles
tubercules de pomme de terre en cave. Dans pareils cas, la plante
(1) M. T. Masters, Plant Life; 1 vol. in-8°, Londres, 1883, chez Bradbury,
Agnew et Co. Cet excellent livre fait partie d’une série de manuels destinés à
éclairer des lumières de la science la pratique de la culture rurale, quelque
chose comme le Livre de la Ferme de M. Joigneaux. Le Plant Life du Dr Masters
est un manuel de physiologie végétale, aussi simplement écrit que profondé-
ment rétliéchi. Il suffit pour en exposer le.plan de nommer les chapitres :
Nutrition végétale ; le travail et les matériaux; la mécanique; la croissance;
l’irritabilité (sensiéiveness); le développement ; la multiplication; la bataille pour
la vie; applications pratiques; mort et décrépitude. — Nous en tirons deux
chapitres que notre collaborateur et ami, M. le D' H. Fonsny, a bien voulu
traduire en français.
4
— 107 —
pousse ou grandit sans augmentation réelle de substance ou de poids,
à part l’eau absorbée : elle vit sur les ressources accumulées dans
ses tissus et poursuit ce mode d'existence jusqu’à épuisement
complet de la réserve nutritive. Mais l'accroissement, dans le
sens d'augmentation réelle de substance et de poids par addition
de nouveaux matériaux, dépend de la quotité de carbone assimilé.
Une plante contenant de la chlorophyille (matière colorante verte
des feuilles) dans ses tissus, et nous n’avons affaire qu’à celles-là,
absorbe du carbone sous forme d’acide carbonique pendant qu’elle
demeure exposée à la lumière et en perd constamment à la lumière
comme dans l’obscurité. Seulement, comme le gain total est supérieur
à la perte, le compte se balance en faveur de la plante. Celle-ci peut
donc être considérée comme le résultat de l'excès de travail accompli
par l'intermédiaire des cellules vertes, grâce à l’influence des rayons
solaires, sur celui réalisé par les cellules incolores, bien que l’activité
de ces dernières soit continue et celle des premières intermittente.
Reste à chercher comment s'effectuent cette augmentation de substance,
cet accroissement et cette édification des nouveaux matériaux. Nous
avons passé en revue les circonstances qui favorisent ou contrarient
le phénomène ; reste à examiner de quelle facon le processus lui-même
s’etfectue: pour cela, force nous est de revenir à la structure de la
plante et à la constitution de la cellule.
Accroissement des cellules. — La cellule parfaite — nous l’avons
exposé précédemment — se compose d’une enveloppe membraneuse
enfermant le protoplasme, d’une petite quantité de liquide aqueux, et,
dans la période d’accroissement, d’un corpuscule ovale fortement réfrin-
gent, connu sous le nom de noyau ou « nucléus ».
L’accroissement d’une cellule peut s'effectuer d'après l’un des trois
modes suivants. Il peut y avoir simple extension de la membrane cel-
lulaire, laquelle s’étire sous l'influence de l’afflux d’eau dans sa cavité :
d’où résulte un état de « turgescence » de la cellule, toujours tempo-
raire et peu susceptible d’être considéré comme un phénomène d’ac-
croissement, dans le sens de formation de nouveaux matériaux, bien
que les deux processus soient si intimement liés que l'un ne peut se
passer sans l’autre.
Un second mode de croissance, résultant de l’adjonction réelle de
— 108 —
matériaux nouveaux et entraînant par suite une majoration de poids,
est l’accroissement dit «intercalaire >», parce que les nouveaux élé-
ments sont sensés s’interposer entre de plus anciens. Les molécules
de la membrane cellulaire commencent par se disjoindre sous l’in-
fluence de la pression causée par la turgescence du protoplasme, et dans
les interstices ainsi créés sont poussées, comme qui dirait, de nou-
velles molécules de membrane formées aux dépens du protoplasme.
Imaginez un certain nombre de grains de sable disposés sur une table
et se touchant, puis un nouveau grain glissé de force entre deux grains
voisins et vous aurez une juste idée de ce mode d’accroissement — à
cela près que, dans l'espèce, la particule nouvelle prend naissance dans
la cellule même. La pression nécessaire est produite, dans le cas des
cellules, par l'accroissement du protoplasme intérieur et la turgescence
résultant de l’afflux osmotique de liquide dans la cellule. L'’accrois-
sement du protoplasme lui-même se fait d’une facon absolument iden-
tique, c’est-à dire par formation de particules nouvelles qui viennent
s’intercaler entre celles plus anciennes. De nouveaux matériaux
se déposent ainsi contre la face externe du protoplasme ou la paroi
interne de la membrane cellulaire.
Enfin l'accroissement peut encore se manifester, non plus par
l'extension de cellules âgées ou l’incorporation d'éléments nouveaux
parmi les anciens, mais par l'augmentation du nombre des cellules
préexistantes, grâce à la subdivision du protoplasme en deux ou
plusieurs segments dont chacun ne tarde pas à se revêtir d’une
membrane.
Pour de plus amples détails sur les différents processus de division
du protoplasme et de formation de cellules nouvelles, il faut s’adresser
aux ouvrages spéciaux. Ce que nous venons de dire est suffisant pour
indiquer le mode d’accroissement général des organes qui nous
intéressent le plus, la racine, la tige et la feuille.
Points d’accroissement. — Comme nous l’avons constaté, les divers
membres des plantes sont au début exclusivement cellulaires et
identiques quant à leur structure; plus tard, au fur et à mesure de
leur croissance, non seulement leur apparence extérieure, mais encore
la forme et l’arrangement de leurs cellules constitutives se modi-
fient de facon à donner naissance à différents tissus — fibreux, ligneux,
— 109 —
vasculaire, épidermique ; c’est ainsi que dans la racine parvenue
à son complet développement, la structure interne et l’arrangement
des tissus diffèrent la plupart du temps de ceux de la tige, et ceux-ci
de ceux des feuilles, etc. : ces différences intéressant bien plus la
disposition des cellules et des tissus que les cellules elles-mêmes
et leurs modifications. Seulement, quelles que soient les divergences
de structure de la feuille, de la tige et de la racine adultes, ces
organes, aussi longtemps qu’ils gardent la faculté de pousser et de
grandir, conservent intacte et sans modification une partie de leur
tissu cellulaire, apte à se diviser, à se multiplier et à assurer la
croissance de l'organe. Ce tissu susceptible d’accroissement con-
stitue le : cambium » ou « méristéme ». Pour ce qui regarde l’allonge-
ment, il existe certains points spéciaux où la subdivision des
cellules est le plus active : c’est ce qu'on nomme les « points végéta-
tifs >. Les cellules s’y divisent rapidement et chaque cellule formée
conserve des dimensions restreintes au lieu de se développer comme
ailleurs par accroissement interstitiel.
Croissance des racines. — Le point végétatif d’une racine, en ce qui
concerne son allongement, se trouve compris dans un étroit espace juste
en decà de l’extrême pointe, celle-ci étant, comme nous l'avons précé-
demment constaté, recouverte d’une minuscule coiffe empruntée au
derme de la racine et lui servant comme de bouclier protecteur dans sa
progression à travers le sol.
Le fait que l’accroissement en longueur de la racine est limité à une
zone fort restreinte, voisine de l’extrémité, se démontre par une expé-
rience on ne peut plus simple. On marque sur une racine en voie
d’accroissement une série de traits équidistants, séparés par 1/8 de
pouce (3 millim.) d'intervalle environ et l’on observe, jour par jour, les
progrès de l’allongement de l’organe : on remarque sans peine que les
traits les plus rapprochés de la pointe s'écartent plus ou moins, tandis
que les autres conservent leur position première. L'expérience est aisée
à réaliser au moyen d'une Jacinthe croissant dans un vase en verre ou
d’une fève germant sur de la mousse humide : elle prouve que la zone
d'accroissement en longueur est fort restreinte et que son maximum
d'activité se trouve nonà l'extrême pointe, mais un peu endecà, entre la
pointe et l'insertion des premières papilles radicales. Nous trouvons
— 110 —
donc dans une racine en voie d’accroissement, en procédant de bas en
haut : d’abord, à l'extrême pointe, la coiffe ou piléorhize, constamment
renouvelée par la transformation de cellules intérieures ou supérieures;
ensuite une zone fort circonscrite, consacrée à l'allongement de la ra-
cine; enfin, en decà, une région généralement, mais pas toujours,
munie de papilles et à laquelle est spécialement attribuée la fonction
d'absorption.
Comme la partie supérieure et épaisse du corps de la racine est
relativement fixe, ce sont les fines fibrilles radicales, grâce à la
situation de leur point végétatif et à son renouvellement incessant,
qui peuvent, sous des conditions favorables, s’insinuer parmi les
particules constitutives du sol.
Accroissement de la tige, — Dans la tige et les rameaux, les points
d’allongement se trouvent tous au sommet de l’axe ou de ses subdivi-
sions. Ils y forment la substance des « bourgeons », lesquels sont
revêtus soit d’écailles foliacées protectrices et servant à l’emmaga-
sinage de la nourriture, comme dans le cas des bulbes, soit de
feuilles parfaites. L’épaississement des tiges s'effectue aussi au moyen
d’un tissu d’accroissement ou cambium, dont la situation varie dans
les deux embranchements principaux, les « Exogènes » et les « Endo-
gènes ».
A la première classe appartiennent les arbres et les arbustes
indigènes, les trèfles, les betteraves, les navets et la grande majo-
rité des espèces dont les feuilles présentent une nervation réticulée.
Dans ces plantes, les faisceaux ligneux qui forment la plus grande
partie de la tige consistent surtout en « cellules ligneuses » et
« cellules libériennes » unies à divers types de vaisseaux; à la face
externe de chaque faisceau s'étale une mince couche de cambium
susceptible d’accroissement, grâce à laquelle il s’épaissit à sa surface.
Les faisceaux ligneux ainsi constitués se disposent en amas cunéifor-
mes, lesquels s’arrangent à leur tour en zônes concentriques autour
de la moëlle cellulaire centrale, en formant des anneaux visibles sur
la section du tronc, et dont chacun représente, sous nos latitudes,
l’épaississement d’une saison ou du moins d’une période d’accroisse-
ment.
Dans les Endogènes, auxquels appartiennent les céréales, les
4
graminées, et en général les plantes dont les feuilles présentent
— 111 —
une nervation parallèle ou à peu près, le cambium occupe le centre .
de chaque faisceau ligneux, de telle sorte que leur accroissement en
diamètre est limité par la pression des tissus extérieurs plus anciens
et qu’il ne se forme pas d’anneaux concentriques dans la tige. D'ailleurs,
dans notre pays, ces plantes ne produisent pas de tige ligneuse.
Accroissement des feuilles. — Les points végétatifs des feuilles
varient de position suivant l'espèce. Habituellement la direction de
l'accroissement principal est de dedans en dehors (centrifuge);
d’autres fois, elle est de dehors en dedans (centripète). Indépendam-
ment de ces points végétatifs de position déterminée, dans lesquels
des cellules nouvelles prennent constamment naissance pendant la
période active, il peut s’en former d’autres en des points isolés, par
production de cellules d’accroissement au milieu ou parmi d’autres
cellules dépouillées de toute aptitude multiplicative, de telle sorte que
l'accroissement de substance d’une plante peut se faire par intercala-
tion aussi bien qu’à ses extrémités.
En résumé donc, le véritable accroissement consiste dans la for-
mation de nouveau protoplasme au moyen de l’ancien et dans la
division du protoplasme en cellules nouvelles. Cette division a lieu
spécialement et essentiellement en certains points définis nommés
points végétatifs. Les nouveaux tissus ainsi formés sont d’abord
exclusivement cellulaires, certaines des cellules constitutives con-
servant la faculté de se diviser, sans parfois la manifester autre-
ment qu'à une période ultérieure, tandis que d’autres se modifient
de diverses façons, au fur et à mesure de la croissance, pour donner
naissance aux cellules ligneuses, aux fibres, à l’épiderme, etc.
Relations entre la forme et la croissance. — Si nous supposons
le degré ou intensité de l’accroissement égal dans toutes les directions
et opérant sans obstacles ou entraves, il en résultera une plante
sphérique, et de fait de telles plantes existent. Mais dans la majorité
des cas, les conditions sont telles qu’il en résulte un accroissement
plus puissant dans une direction que dans l’autre; ou encore une
augmentation de volume de certaines régions, tandis que d’autres
demeurent stationnaires : la conséquence est toujours un changement
— 112 —
de forme. Pour la racine et la tige, la direction principale d’aceroisse-
ment est verticale de bas en haut et de haut en bas; dans les
feuilles elle est horizontale, de telle sorte qu’une racine ou une
tige étant divisible de haut en bas en deux moitiés sensiblement
égales dont l’une est la reproduction de l’autre, une feuille doit se
partager horizontalement, et les surfaces supérieure et inférieure sont
généralement différentes. Les variations de forme dépendent non
seulement de variations dans la direction d’accroissement, mais
encore de la place où l'accroissement se manifeste et de son
caractère soit local, comme dans le cas des points végétatifs et du
tissu cambial préindiqués, soit général, à travers toute la masse.
La forme de la plante ou de chacune de ses régions varie nécessaire-
ment suivant que l'accroissement est continu ou intermittent, égal ou
inégal. Ce sont là toutes circonstances aisées à comprendre et nous les
mentionnons ici parce qu’elles expliquent le développement des bulbes
ou des racines — d'un navet ou d'une betterave, par exemple — en oppo-
sition avec celui du feuillage. C’est là aussi qu’il faut chercher l’expli-
cation de l’appauvrissement des épis ou des récoltes défectueuses.
Phénomènes associés avec l'accroissement et l’activité. — Nous
comprenons sous ce titre les divers mouvements du liquide contenu
dans les cellules (suc cellulaire) et du protoplasme, tels qu’on les observe
dans les cellules vivantes, dans celles là surtout où les phénomènes
vitaux sont le plus actifs. Nous y joignons les mouvements associés
plus ou moins directement avec la croissance, ainsi que l’influence des
divers agents — tels que gravitation, chaleur, lumière, etc. — sur la
plante et ses divers organes. Ces phénomènes et ces influences sont le
plus manifestes pendant la croissance active; et quand ils apparaissent
au sein d'organes vivants dont la croissance actuelle est terminée, ils
ne sont pas différents par leur essence, bien qu'ils puissent l'être en
intensité et même, jusqu’à un certain point, en caractère.
Mouvements dépendant de la croissance.— Il y a quelques années,
la notion de mouvements se produisant chez les plantes et distincts des
déplacements tout mécaniques düs à l’action du vent ou d'autres agents
extérieurs était, sinon absolument ignorée, au moins si peu remarquée
que l’on opposait l'immobilité des plantes à la mobilité des animaux.
— 113 —
Aujourd’hui, nous savons que la locomotion même est loin de consti-
tuer un attribut exclusif au règne animal; mais pour notre but
présent, nous nous contentons de passer en revue les mouvements le
plus directement en rapport avec la croissance.
Mouvements du protoplasme. — Le protoplasme est une substance
éminemment mobile ; la membrane cellulaire est absolument élastique ;
l’un et l’autre, comme nous l'avons montré, sont perméables à l’eau à
différents degrés : d'où résulte l'aptitude des cellules, sous des condi-
tions favorables, à devenir turgides. Comme le degré de turgescence
varie suivant les circonstances, la flaccidité succédant à l’état de tension
et ce dernier l’emportant à son tour sur la flaccidité, l’on conçoit non
seulement que des changements de forme doivent résulter de ces diffé-
rences dans le degré de tension des cellules, mais encore qu'il doit se
produire des mouvements des parties intéressées. Il va sans dire que
ces mouvements sont plus apparents quand la croissance est irrégu-
lière et inégale. La turgescence, nous l’avons dit, est la condition
essentielle de l’accroissement; si elle se manifeste sur le côté d’une
tige ou sur l’une des faces d’une feuille, il en résulte une courbe, dont
la convexité se tourne vers la zone de gonflement et d’accroissement
maximum, la concavité vers la région opposée, où la croissance est
moins active ou nulle. Cette dernière oppose comme un frein à l’ex-
tension rapide de l’autre face : d’où résulte l’inflexion signalée.
Circumnutation. — Considérons maintenant le cas, extrêmement
fréquent, où le maximum d’accroissement se manifeste tantôt en un
point, tantôt en un autre ; nous verrons naturellement les courbures
se produire d'abord en un endroit, puis en un autre : c’est ce qui arrive
dans le cas de pousses en voie d’accroissement, dont le sommet tourne
graduellement, en décrivant des courbes ou des ellipses d'amplitude
variable et avec une plus ou moins grande rapidité, suivant les circon-
stances. Ce mouvement, qui n’est ordinairement perceptible qu’à l'aide
d'instruments délicats, peut quelquefois se reconnaître à l'œil nu,
même chez des organes d'apparence aussi rigide que les pousses des
Conifères. Parmi les résultats atteints grâce à ce mouvement de
« nutation rotatoire » ou de « circumnutation », suivant l'expression
de Darwin, nous signalerons l'exposition successive des diverses
feuilles aux conditions d'éclairage les plus favorables,
— 114 —
Mouvement de l’extrémité de la racine. — Tandis que la racine
s’allonge par une zone voisine de son extrémité de la façon précédem-
ment décrite, l'énergie d’accroissement n'est pas égale dans toute
la région au même instant. Supposons une fibrille faite de cellules
superposées en rangées longitudinales : c’est tantôt dans une rangée,
tantôt dans une autre que se manifeste le maximum d’accroissement
marqué par la turgescence des cellules, de façon à faire peu à peu et
graduellement le tour de Ja racine. L'effet de cette plus grande
énergie de turgescence et d'accroissement tantôt en un point, tantôt
en un autre, est de mouvoir l'extrémité de la racine non pas circu-
Jlairement — parce que l'organe poursuit sa croissance en decà de la
pointe, pendant le mouvement de celle-ci — mais en une sorte de spirale
avançante, de telle facon que la pointe de la racine se trouve forcée
d'entrer dans le sol et de pénétrer entre ses particules, juste comme
la pointe d’un tire-bouchon pénètre dans le liège sous la poussée
de la main, remplacée, dans le cas présent, par la pression du sol
surjacent.
Darwin, qui a tant contribué à élucider et à faire connaître les
mouvements des racines et autres organes, évalue à 1/4 de livre
(125 gr.) l'énergie d’allongement terminal de la radicule (racine
primaire d’une plante en germination) : bien supérieure sans doute
serait cette poussée, si l’organe était empêché de s’infléchir latérale-
ment par la terre circumjacente. Tout en s'allongeant, la radicule
s’épaissit et repousse dans tous les sens la terre humide avec une
force supérieure à 8 livres (4 k°) dans un cas, à 3 (1 1/2 k°) dans
un autre... La région en voie d’accroissement fonctionne donc, non
pas comme un clou enfoncé dans une planche à coups de marteau,
mais bien plutôt comme un coin de bois qui, pénétrant peu à peu dans
une crevasse, se gonfle en même ternps par absorption d’eau; or,
pareil instrument finirait par faire éclater même une masse rocheuse.
Mouvement des tiges. — La circumnutation des tiges, en tant que
résultant d’une croissance active ou du moins se produisant simulta-
nément, s’observe le mieux dans le cas des plantes grimpantes, telles
que le Houblon, chez lesquelles les extrémités libres des pousses en
voie d’accroissement décrivent de vastes courbes jusqu’à ce qu’elles
viennent en contact avec un support autour duquel elles s'enrou-
— 115 —
lent (1) et réussissent ainsi à élever leurs feuilles, au dessus du niveau
où elles seraient plongées dans l'ombre, pour les placer dans une position
privilégiée, où elles sont pleinement exposées à la lumière, et cela
avec un minimum de dépense de matières premières. Très analogues
sont les mouvements des stolons et des coulants — ceux des Fraisiers,
par exemple -- et probablement, car ces cas n’ont pas été étudiés, des
rhizomes du Chiendent (Trificum repens), des scions du Paturin (Poa
pratensis), du Trèfle, du Mille-feuilles, etc. Ces mouvements ont pour
but de faciliter l'introduction des coulants entre d’autres plantes et
d'assurer ainsi l'extension de leur aire d’accroissement. Les mouve-
vements de la tige sont plus spécialement en connexion avec la
croissance; ils cessent ou s’affaiblissent pour peu que la croissance
soit complète ou s’interrompe. Toutefois, dans certaines circonstances,
la faculté de s’accroïtre persiste en certains points après s'être
éteinte partout ailleurs, ou bien, s’il n’y a pas croissance proprement
dite, au moins observe-t-on certains des phénomènes qui s’y rattachent.
Ainsi les chaumes des Graminées, du froment par exemple, sont munis
de joints ou < nœuds » saillants correspondant à l'insertion des
feuilles. Si quelqu’ouragan de pluie ou de vent vient à les coucher
sur le sol, ils se redressent, grâce à l'intervention des nœuds, qui
s'accroissent ou du moins deviennent turgescents, surtout à leur
face inférieure : celle-ci devient convexe. La face supérieure, qui ne
s'accroît que peu ou point, affecte dès lors une forme concave; et la
conséquence, c’est que le sommet de la tige se redresse peu à peu,
comme le montre le tracé ci-dessous. Soit un nœud de tige couchée
représenté par une ligne horizontale . Grâce à l'intervention des
agents précités, sa position ne tarde pas à devenir oblique /, puis
verticale | .
Darwin à prouvé que les nœuds des Graminées continuent à pré-
senter des mouvements d'amplitude très restreinte pendant une
période de longue durée. Supposons la tige couchée : il est clair que
ces mouvements aideront la tendance à redressement prémentionnée
et faciliteront le relèvement de l'organe (Darwin, Power of Move-
ment, p. 903).
(1) Voir DARwIN, The Movements and Habits of Climbing Plants.
— 116 —
Mouvements des feuilles. — Les feuilles des plantes présentent
diverses sortes de mouvements; les uns périodiques : tel, par exem-
ple, le « sommeil » des feuilles; d’autres dus à l’excitation lumineuse
ou à sa suppression ; d’autres encore provoqués par contact, comme
dans le cas de la Sensitive ; mais ceux que nous mentionnons ici,
dépendent de causes analogues à celles précédemment invoquées au
sujet des tiges et des racines. Les mouvements d’accroissement des
feuilles s'observent dans le pétiole ou dans le limbe ou dans tous deux
à la fois et affectent une direction exclusivement verticale, de telle
sorte que la feuille s'élève ou s’abaisse : seulement l’ascension ne
s'effectue jamais dans un plan identique à la descente, d’où résulte un
certain déplacement latéral. L’ascension se manifeste habituellement
le soir, la descente le matin. Ces mouvements dépendent vraisembla-
blement de ce que le maximum d'’accroissement affecte tantôt l’une,
tantôt l’autre face.
L'existence des mouvements d’accroissement est donc démontrée
dans les racines, les tiges et les feuilles ; probablement se manifestent-
ils à un degré plus ou moins marqué partout où il y a croissance éner-
gique. C’est ainsi que les plantes en voie de germination en montrent
de très appréciables : dans une plantule de chou, par exemple, les
diverses régions, la radicule, la tigelle supportant les feuilles séminales
ou cotylédons et ces derniers organes eux-mêmes présentent, d’après
Darwin, de semblables mouvements destinés à faciliter la descente
de la racine et l’ascension des parties susjacentes. |
SENSIBILITÉ.
Mouvements dépendant des conditions extérieures. — Gravitation, chaleur,
lumière, humidité. — Action de la gravitation sur les racines. — Géotropisme.
— Influence de la lumière, de la chaleur, de l’humidité et du contact sur les
racines. — Passage des racines à travers le sol. — Action de la gravitation sur
les feuilles. — Héliotropisme. — Sommeil des feuilles. — Action de la chaleur
et de l’humidité sur les feuilles. — Dispositions défensives, — Choix des
variétés rustiques. — Influence du contact sur les feuilles. — Action de la
gravitation, de la lumière, de la chaleur, de l'humidité et du contact sur les
tiges. — Effet subséquent. — Plantes grimpantes. — Effet combiné des agents
internes et externes.
Tout proche des mouvements d’accroissement viennent se ranger
une série de déplacements dus à des causes multiples, telles que
4
— 117 —
gravitation, chaleur ou froid, lumière ou obscurité, contact ou irri-
tation, etc.. Sans doute ils sont, par leur essence, identiques aux
mouvements d’accroissement; seulement, au contraire de ces derniers,
ils ne se limitent pas aux organes en voie de développement; en
outre, ils ont parfois le caractère d’actes réflexes, le contact ou l’irri-
tation d'une partie déterminant un mouvement dans une région plus
ou moins distante. Il est souvent difficile de séparer les effets de ces
diverses causes, car une plante et ses différentes parties sont soumises
à la fois à l'influence combinée d’un plus ou moins grand nombre de
ces agents, dont l'intervention modifie nécessairement la force et la
direction d'accroissement.
Il nous paraît convenable d'indiquer d’une facon générale dans ce
chapitre, d’abord la façon dont racines, tiges et feuilles sont affectées
par l’action de la gravitation, de la lumière, de l'humidité, d’un contact
ou d'une irritation momentanée, puis de résumer en peu de mots le
caractère général des résultats dus à ces diverses causes, agissant
séparément ou en combinaison.
Action de la gravitation sur les racines. — Géotropisme. — La
tendance du pivot de la racine à se diriger verticalement vers le bas
est un de ses caractères les plus accentués, et cette disposition à
grandir ou à se mouvoir vers le centre de la terre sous l'influence de
la gravitation est connue sous le nom de « géotropisme », l’impulsion,
contraire se nommant « apogéotropisme ». Knight a été le premier à
faire voir que cette tendance de la racine est due à la gravitation. Il
fit germer des graines sur une roue mise en mouvement : l'effet de la
gravitation était détruit par ce mouvement continu et les radicules, au
lieu de grandir vers le bas, se dirigaient vers la périphérie de la roue.
Darwin (1. c. p. 540) fait voir que l'extrémité de la racine est seule
intéressée par cette tendance, de telle sorte que sa destruction arrête
le mouvement descendant de l’organe. Tandis que la racine principale
ou radicule, avec l’aide de circonstances favorables, pénètre perpen-
diculairement dans le sol de haut en bas, les racines secondaires se
dirigent obliquement; quant aux tertiaires et à leurs subdivisions,
elles sont si peu affectées par le géotropisme qu’on les voit croître
indifféremment dans tous les sens. Ce mode de développement des
diverses parties de la racine explique comment toute la masse du sol
— 118 —
à leur portée devient pour elles, les circonstances aidant, un riche
territoire de chasse à leur usage. De plus il a été prouvé que si la
radicule primaire — l’origine du corps de la racine — vient à être
détruite, éventualité qui se présente souvent dans la nature, grâce
aux insectes ou à d’autres agents, les racines secondaires, au lieu de
conserver leur direction oblique, prennent celle préalablement suivie
par l’organe endommagé et descendent verticalement.
Action de la lumière et de la chaleur sur les racines. — L'action
directe de la lumière sur les racines affecte habituellement un carac-
tère négatif. Quant à la chaleur, des différences de température
intéressant tantôt un côté, tantôt un autre, peuvent influencer la
forme et la direction d’accroissement des racines. Darwin a montré
que les mouvements des racines, provoqués par irritation ou par
contact, s'arrêtent sous l'influence d’une température trop basse ou
trop élevée. Pendant leur passage à travers le sol, les racines doi-
vent éprouver constamment des variations de température tantôt d'un
côté, tantôt d’un autre, d’où résultent certaines courbes ou inflexions
des radicelles. L'effet de la chaleur exagérée du sol sur la germination
des graines a été étudié par M’ Prillieux et ne laisse pas d'intéresser,
en renseignant les conditions qui président à la formation des racines
tubéreuses et des hibernacles radicaux. En faisant germer des hari-
cots et des courges dans un substratum surchauffé, on voit la
tigelle — c'est-à-dire la portion de la plantule comprise entre la racine
et les cotylédons — se gonfler prématurément en une production tubé-
reuse, tandis que son allongement s'arrête. Ce mode anomal de déve-
loppement, dû à la chaleur du sol,se produit donc précisément dans ces
mêmes organes qui constituent les tubérosités des navets ou les
« racines » des betteraves. L'augmentation de volume reconnaît pour
cause le développement excessif des cellules existantes plutôt que la
production de cellules nouvelles.
Action de l'humidité sur les racines. — Bien plus nettement appa-
rente pour l'observateur superficiel est l’action de l’humidité sur les
racines. Le trajet que peuvent effectuer les racines à la recherche de
l'eau, la vigueur de leur développement et la richesse de leurs ramifi-
cations quand elles l'ont atteinte sont des faits familiers à tous. Trop
souvent l'on voit des tuyaux de drainage se boucher par la présence
— 119 —
d’une lacis de racines dont la structure s’est modifiée et dont la crois-
sance s’est activée par la présence d’une surabondance d'humidité. Si
l’eau se répartit uniformément tout autour des racines, leur croissance
est régulière et uniforme; mais si l'humidité, comme le cas se présente
plus souvent, est plus abondante dans un sens que dans l’autre, alors
la racine s’incurve du côté où il y en a le plus, sa tendance à se rap-
procher de l’eau l’emportant sur l’action de la gravitation. Si l’on
imprégne de graisse l'extrémité de la racine, cette dernière cesse de
s’infléchir vers l'humidité; d’où M. Darwin et son fils concluent
que la sensibilité à l'humidité réside spécialement dans l'extrémité de
l'organe. La relation existant entre ces mouvements et ce mode d’ac-
croissement d’un côté, et les phénomènes de nutrition dépendant des
racines de l’autre, est trop évidente pour nécessiter de plus amples
commentaires.
Influence du contact sur les racines. — L'effet de la pression causé
par le contact, quelque faible qu’il soit, d’un corps étranger avec la
racine est d’incurver cette dernière dans une direction variable suivant
la région touchée. Si le contact a lieu dans la région où l’accroisse-
ment est le plus actif, la racine devient concave au point touché,
convexe au point opposé, probablement parceque la croissance s’arrête
d’un côté sous l'influence de la pression, tandis qu’elle persiste de
autre. Il en résulte qu’en pareil cas la racine se tourne vers l'obstacle,
pour s’enrouler autour de lui quand il est de petites dimensions, ou
ramper à sa surface, lorsqu'il est d’un plus grand volume.
D'autre part, si c'est l'extrémité même de la racine qui vient à étre
touchée, la racine se détourne de l'obstacle en devenant convexe au
point de contact, concave du côté opposé. Il arrive parfois que la racine,
en continuant à grandir, forme ainsi de véritables nœuds. Le but de
cette sensibilité au contact semble être de permettre aux racines de
triompher des obstacles qu’elles rencontrent dans le sol. Ainsi < qu’une
racine vienne se heurter en chemin contre un obstacle, la pression
exercée d’un côté de la pointe force la région en voie d’accroissement à
grandir plus vite du côté de l'obstacle et à s’en écarter. » (F, Darwin).
On voit donc que l’irritation résultant des diverses causes précitées
n’est pas purement locale dans ses effets, mais devient le point de
départ de mouvements dans les parties voisines — d’où le qualificatif
de « sensibles » donné aux régions ainsi affectées.
— 120 —
Passage des racines à travers le sol. — Résumé. — Le trajet
effectué par une racine à travers le sol est, dit Darwin, « provoqué et
modifié par toute une série d'agents et de causes multiples : géotropisme,
agissant comme nous venons de l’exposer d’une facon différente sur les
racines primaires, secondaires et tertiaires, sensibilité au contact, dif-
férente à la pointe et dans la région immédiatement supérieure; et
probablement sensibilité à l'humidité plus ou moins considérable des
diverses couches du sol... La direction que prend l’extrémité de la
racine à chaque période successive de sa croissance ,détermine le trajet
d'ensemble de l'organe; il importe donc qu’elle puisse suivre, dès le
début, la direction la plus avantageuse et voilà pourquoi toutes les sensi-
bilités résident dans la pointe de la racine et pourquoi cette région
détermine les parties surjacentes à s’infléchir vers la cause d’excita-
tion ou à s’en écarter. Une racine peut être comparée à un animal
fouisseur — une taupe, par exemple — qui voudrait pénétrer verticale-
ment dans les profondeurs du sol. En agitant constamment sa tête de
droite et de gauche, en « circumnutant », il sentira les pierres ou autres
obstacles, l'augmentation de résistance du sol et s’en détournera ; il se
dirigera vers la terre la plus humide, certain d’y rencontrer un
meilleur territoire de chasse : néanmoins, après chaque interruption,
guidé par le sens de gravitation, il sera capable de retrouver sa direc-
tion descendante et de creuser à des profondeurs de plus en plus consi-
dérables. »
Ailleurs Darwin résume comme suit les mouvements de la racine :
« Nous doutons qu’il existe chez les plantes structure plus admirable,
mieux adaptée aux fonctions à remplir, que celle de l'extrémité de la
racine. La pointe est-elle légèrement pressée, brûlée ou sectionnée ?
elle transmet à la région immédiatement surjacente une impression
qui la porte à s’écarter du siège de l'irritation; bien plus, l'extrême
bout de la racine est apte à distinguer entre un corps dur et un autre
un peu plus mou, qui le pressent simultanément en sens contraire.
Toutefois, si la pression s'exerce en decà de la pointe, il n’y a pas
transmission aux parties voisines, mais inflexion brüsque et directe
vers l’objet. Si la pointe sent l’air plus humide d’un côté que de l’autre,
il y a transmission de l'impression perçue à la région surjacente, qui
s’infléchit vers la source d'humidité. La pointe est-elle impressionnée
par la lumière ? la région voisine se recourbe dans la direction opposée;
Fe
— 121 —
est-elle excitée par la gravitation? elle tend vers le centre attractif.
Dans chaque cas, nous pouvons clairement percevoir le but final ou
l'avantage résultant de ces divers mouvements. Deux ou plusieurs
stimulants agissent souvent à la fois sur l’extrémité radicale et l’un
ou l’autre l'emporte, suivant son importance pour la vie du sujet. Le
trajet effectué par la racine en pénétrant dans le sol doit être déterminé
par la pointe — et voilà pourquoi cette dernière a acquis ces diverses
formes de sensibilité. Il n’y a guère d’exagération à comparer l’extré-
mité d’une racine, douée de ces facultés et capable de diriger les mouve-
ments des régions voisines, au cerveau d’un animal inferieur logé à
l'extrémité antérieure du corps, recevant les impressions transmises
par les organes des sens et présidant aux divers mouvements de l’or-
ganisme. »
Déductions pratiques. — Il résulte de cet exposé qu’au point de vue
de la culture et des diverses opérations qui s’y rattachent — labourage,
nature, quantité et temps d'application de l'engrais, etc., — le mode
d'action de la racine, en général, doit être étudié eu égard aux carac-
tères et aux propriétés du sol. La forme spéciale et les caractères de la
racine en culture — racines pivotantes, charnues, fibreuses, profondes
ou superficielles — doivent être pris aussi en sérieuse considération.
Action de la gravitation sur les feuilles. — La tendance des
feuilles, pendant leur période d’accroissement, à se disposer de telle
facon que l’une de leurs faces se tourne vers le ciel, l’autre vers le sol,
est un fait d'observation journalière. Tout aussi connue est la torsion
des feuilles ou de leurs pétioles destinée à les redresser, quand elles
ont été dérangées de leur position normale. On serait tenté, à priori,
d'attribuer ces déplacements bien plus à l'influence de la lumière que
de la gravitation ; mais comme ils se produisent dans l'obscurité aussi
bien que sous éclairage et cessent de se manifester chez les plantes
soustraites à l’influence de la gravitation, il est clair qu'il faut en
attribuer la cause à cette dernière force (Van Tieghem).
Action de la lumière sur les feuilles. — AÆélictropisme. — Nous
avons précédemment mentionné, au chapitre de la nutrition, les modi-
fications chimiques consécutives à l'exposition des feuilles à la lumière.
Il nous reste à parler ici de la faculté, connue aujourd’hui sous le nom
10
— 122 —
d’« héliotropisme », qu’elles ont de se tourner vers la lumière et
notamment de placer leur face supérieure à angle droit avec la direc-
tion de l'éclairage. On a attribué cette disposition horizontale des
feuilles, spécialement la direction qu'elles affectent eu égard à la
lumière, à l’action combinée de la gravitation ou géotropisme, de
l’héliotropisme et de la différence d'énergie d’accroissement sur l’une
et l’autre faces. Mais M' Francis Darwin, à l’aide d'expériences desti-
nées à annuler ou à contrarier les effets de la gravitation et d’une
croissance inégale, a prouvé que l'aptitude des feuilles à se placer à
angle droit avec les rayons incidents dépend d’une forme spéciale de
sensibilité, capable de régulariser l'action des autres forces, qu’elles
soient externes, comme la gravitation, ou internes, comme celles qui
déterminent la direction et la quotité de l'accroissement. Les mouve-
ments des feuilles vers la lumière différent d’autres mouvements de
caractère périodique, en ce qu’ils sont influencés bien plus par la direc-
tion que par l'intensité de l'éclairage. |
L’accroissement en général — et celui des feuilles en particulier —
est retardé par l’action de la lumière. C'est-à-dire que l'accroissement
se manifeste indépendamment de la nutrition de la feuille, en tant que
cette nutrition consiste en décomposition d'acide carbonique et fixation
de carbone — et non simultanément avec ce phénomène. Ainsi le
D" Vines démontre que les feuilles se développent : 1° dans l'obscurité
ou sous l'influence de la lumière bleue; 2° dans l’air dépourvu d’acide
carbonique; 3° en l’absence même de chlorophylle. Mais s'il n'existe
pas une relation directe entre la nutrition et l’accroissement, il y a
néanmoins entre eux un rapport indirect; la croissance, dans ces
conditions apparemment défavorables, n’est possible que moyennant
une réserve nutritive formée au préalable par assimilation.
Sommeil des feuilles.— D’autres mouvements des feuilles dépendent
exclusivement de l’intensité de l’éclairage auquel elles sont soumises.
A cette catégorie appartiennent les mouvements des plantes auxquels
on attribue communément certaine connexion avec le sommeil, bien
qu’ils n'aient aucune analogie réelle avec le sommeil des animaux. Les
feuilles du trèfle et du sainfoin présentent nettement ces déplacements
nocturnes : les folioles se replient aux approches de la nuït pour s'éta- ;
ler le matin, au fur et à mesure qu’apparaît le jour. Les plantes
4.
à |
— 123 —
placées dans la région obscure du spectre solaire manifestent des
mouvements analogues. Parfois les feuilles s'élèvent, d’autres fois elles
s’abaissent, elles se replient vers le haut ou vers le bas, mais, dans
tous les cas, le but à réaliser semble être le même, à savoir : protéger
les feuilles contre l’abaissement de température dû à la radiation noc-
turne, aussi nuisible qu’une vraie gelée. La cause dépend d’un gonfile-
ment ou turgescence et, par suite, d’une prédominance d’accroissement
alternativement sur l’une, puis sur l’autre face.
Action de la chaleur et de humidité sur les feuilles. — Il ne nous
reste plus grand chose à ajouter, sous ce rapport, à ce que nous avons
dit précédemment. Deux mots sur l’influence des températures exagé-
rées trouveront ici tout naturellement leur place.
Si la température descend en dessous d’un certain degré, différent
pour chaque espèce et même pour chaque individu, les fonctions de la
feuille s’interrompent, la chlorophylle ne se forme plus qu'imparfaite-
ment (d'où la teinte jaune du froment gelé); si l’abaissement s’accen-
tue, la plante est frappée de mort.
Action de la gelée.— Quand une feuille gèle, le liquide contenu dans
les cellules, s'échappe à travers leurs membranes devenues perméables
et se congèle au dehors, de facon à remplir de glace les espaces inter-
cellulaires. Il est plus que rare de voir le suc cellulaire se congeler à
l'intérieur de la cellule. Si semb'abe accident se produit, il amène
probablement la rupture de la paroi cellulaire et la mort du sujet.
Dans la majeure partie des cas, les cellules perdent cette turgescence
indispensable, comme nous l'avons dit, à leur activité. Tous les phéno-
mènes vitaux s'arrêtent, mais il ne leur est pas impossible de reprendre
par la suite, car maintes fois, lorsque la glace imprégnant les tissus
repasse à l’état liquide, elle est réabsorbée par la membrane et la vie
reparaît. Le froment d’hiver doit souvent geler de cette facon, mais il
est exceptionnel que la plante soit tuée, parce que les fermiers s’adres-
sent de préférence aux variétés auxquelles ils ont reconnu un
maximum de rusticité et de résistance. Quand le froid est suffisant pour
tuer tout ou partie du feuillage, celui-ci devient flasque et noir. La
flaccidité s'explique par les causes prémentionnées, aussi bien que par
l'interruption apportée à l’afflux de l’eau par la racine. Quant à la
— 124 —
décoloration, c’est l'effet de quelque changement moléculaire encore.
mal connu dans la chlorophylle.
Action d’une chaleur exagérée. — Une température excessive déna
ture ou paralyse les fonctions de la feuille, Quand la transpiration
s’exagère et que l'absorption ne s’accentue pas proportionnellement,
le feuillage ne tarde pas à se flétrir, comme on le voit sur un champ
de betteraves par une journée chaude, pendant laquelle l’évaporation
par la surface foliaire est supérieure à l’absorption d'humidité par
Jes racines. D’autre part, pendant la nuit, les racines continuent à
travailler, tandis que le pouvoir sudorifique des feuilles s’affaiblit et
des gouttelettes d’eau apparaissent sur le feuillage. Quand la tempé-
rature s'élève au point de frapper de mort subite une plante ou une
feuille, c’est le protoplasme qui est tué; sa constitution et sa structure
moléculaire se modifient, sa faculté absorbante pour les liquides
disparaît et la cellule perd sa turgescence.
Dispositions défensives. — Les effetsfächeux d’une température trop
basse ou trop élevée sont heureusement contrebalancés par la confor-
mation de la feuille, l'épaisseur de son derme, l’arrangement de ses |
tissus, le duvet dont elle est revêtue et autres particularités de struc-
ture : autant de circonstances qui rendent on ne peut plus
important, pour le cultivateur, le choix à faire de la variété la mieux
adaptée à telle ou telle localité spéciale. Pour ce qui est du froment,
par exemple, il est des variétés beaucoup plus rustiques que d’autres,
notamment les variétés aristées; celle désignée sous le nom de
« Blood Red » (rouge sang) est remarquable sous ce rapport : peut-
être doit-elle son immunité à l'habitude de tenir ses feuilles près
du sol pendant l'hiver et le printemps, de façon à les mettre à l’abri
de trop brusques variations de température; en tout cas elles ont,
dans cette position, plus de chance de se trouver protégées par un.
revêtement de neige. Ainsi le choix de l'espèce de froment le mieux
adaptée au climat de l’Ecosse, aux districts de l’ouest ou de l'est de”
l'Angleterre, etc., est affaire de grande importance. Une forme qui
réussirait dans un climat chaud et humide échouerait fatalement dans
une région plus sèche, la température s'y élevat-elle même davan-
tage.
Mr Vesque a récemment démontré que dans une atmosphère humide, ”
À 214$
À
MENT e SE
les feuilles sont plus minces et plus longues, les faisceaux vasculaires
de la tige plus tenus et moins parfaitement développés que dans un
air sec. Les effets d’une atmosphère saturée sur l’accroissement des
feuilles paraissent donc similaires à ceux mentionnés par Rauwenhof
comme caractéristiques des plantes venues dans l’obscurité. Largement
exposées à la lumière, dans une atmosphère sèche, chaude,stagnante,
avec une abondante transpiration se dégageant de leur surface, les
feuilles deviennent plus épaisses, leur structure anatomique se modifie
et leur pubescence se développe davantage.
Il n’y aurait pas, pour l’agriculteur, grand profit à tâcher d'amener
ses plantes à s'adapter d’elles-mêmes aux diverses conditions d’exis-
tence, comme le font les physiologistes et les expérimentateurs; seule-
ment les renseignements et les faits mis en évidence par ces derniers
sont de nature à guider le fermier dans le choix des variétés les mieux
appropriées par leur conformation et leur structure aux particularités
climatériques des diverses localités.
Influence du contact sur les feuilles. — Ce sujet ne comporte
pas de bien grands développements, eu égard à son peu d'importance
pratique actuelle pour les cultivateurs. Indépendamment des mouve-
ments qui se rattachent directement à la croissance, à la gravitation, à
l'influence de la lumière et ne se manifestent que pendant la période
d’accroissement, il en existe d’autres qui se présentent dans les feuilles
complètement développées : tels sont les mouvements périodiques
de jour et de nuit, les mouvements provoqués par la chaleur et la
lumière et enfin ceux déterminés par un contact mécanique tel que
celui de substances azotées, comme dans les feuilles « carnivores »
ou par un choc, comme dans les folioles de la Sensitive. Ces derniers
mouvements s'arrêtent sous l'influence du chloroforme et de l’éther, qui
sont sans effet sur les déplacements provoqués par la lumière et la
chaleur. Leur cause est attribuée à la contraction brusque du proto-
plasme et à l’expulsion du liquide contenu dans les cellules composant
la moitié inférieure du renflement que les feuilles douées de cette pro-
priété présentent à la base de leur pétiole. Les cellules ainsi vidées
perdent leur turgescence et déterminent l’abaissement de la feuille.
L’eau chassée de la cavité cellulaire passe dans les espaces intercellu-
laires correspondants et dans la tige — tout comme dans les cas de
iù fee
feuilles gelées — pour être réabsorbée dès que l’excitation cesse. Une
fois l’équilibre rétabli, la feuille reprend sa position horizontale.
Action de la gravitation sur les tiges. — Ia cause de la direction
ascendante qu'affectent les tiges est encore inconnue : le phénomène
semble antagoniste de l’action de la pesanteur. Si l’on courbe une tige
vers le sol, l’accroissement devient plus énergique sur la face inférieure,
laquelle tend à prendre une forme convexe et à redresser l'extrémité
libre. C’est grâce à cette faculté que les chaumes de froment couchés
sont susceptibles de reprendre leur position verticale.
Toutefois, certaines tiges ou portions de tiges sont directement et
positivement influencées par la gravitation ; telles les tiges souterraines
qui s’enfouissent pour se tubériser; de plus, la position et la direction
des diverses branches d’un arbre prouvent à l’évidence que l'influence
positive ou négative de la gravitation varie suivant les cas, de telle
sorte qu’en résumé il semble naturel d’attribuer les directions qu’affec-
tent ces diverses parties bien plus à la différence d'intensité de leur
accroissement, eu égard aux nécessités locales et à l’action de la
lumière, qu’à la gravitation pure et simple.
Influence de la lumière sur les tiges. — Les remarques formulées
sous cette même rubrique relativement aux feuilles s’appliquent aux
tiges, à part les modifications indispensables. Les tiges ont habituel-
lement une tendance marquée à grandir ou à se diriger vers la lumière,
bien qu'elles montrent parfois une disposition tout opposée, comme
dans le lierre, les coulants des fraisiers et d’autres cas analogues, où
cette particularité favorise l’application de la tige à la surface du sol,
ou d’un mur, ou de tout autre support, comme dans le cas de maintes
plantes grimpantes.
L'action retardatrice exercée par la lumière sur l'accroissement
semble en désaccord avec une partie des phénomènes que nous venons
de mentionner — notamment l’inflexion des tiges vers la lumière, le
fait que les tiges poussent le jour comme la nuit, que les tissus des
plantes venues dans l’obcurité sont faibles et imparfaitement dévelop-
pés. Ces coutradictions apparentes s'expliquent quand on songe que
cette influence retardatrice, si nettement perceptible sur des sujets
cultivés dans des conditions artificielles où l'action des autres agents
— 127 —
est prévenue ou interceptée, se trouve compensée ou même vaincue
par d’autres causes — chaleur, humidité, etc., — chez les sujets
venus dans des conditions naturelles; sans compter qu'il ne faut pas
oublier ce qu'on nomme «l'effet subséquent » : autrement dit, les
facilités apportées à la croissance par l'obscurité, la chaleur ou d’autres
forces peuvent se continuer, même après que ces diverses influences
ont cessé de se faire sentir, de telle sorte qu'une plante est susceptible
de prospérer un temps au milieu de circonstances adverses, grâce à
l'élan acquis préalablement sous des conditions plus favorables.
Influence dela chaleur et de l’humidité sur les tiges. — La croissan-
ce des tiges est directement influencée par la chaleur; ici,comme dans
d’autres cas, il existe un minimum au dessous duquel l'accroissement
est impossible, un optimum où il affecte sa plus grande vigueur, un
maximum au delà duquel la chaleur lui porte préjudice. C’est en
partie l'influence favorable de la chaleur qui détruit l’action de la
gravitation et permet à la tige d'effectuer sa direction ascendante. La
tige s'accroît plus vite et davantage du côté le plus exposé à la
chaleur, pourvu que celle-ci ne soit pas exagérée et cette tendance a
pour effet de l’écarter du sol. De même, l’humidité de l’atmosphère
favorise l’accroissement ; la tige grandira plus vite du côté le plus
exposé aux vapeurs d'eau ; il en résultera une convexité et la face
concave, ainsi que l'extrémité libre, se tourneront vers le côté le plus
sec.
Influence du contact sur les tiges. — Plantes grimpantes. —
L'exemple le plus remarquable de cette influence se rencontre dans les
plantes grimpantes. Nous avons vu précédemment que les régions
jeunes des plantes en voie d’accroissement présentent d'ordinaire des
mouvements gyratoires, dûs à une croissance inégale, affectant tantôt
l’une, tantôt l’autre direction et provoquant, de la part de l'extrémité
libre, des mouvements circulaires sur lesquels la température ou
l'éclairage n'ont qu’une influence indirecte. Dans le cas des plantes
grimpantes, telles que le houblon, la cuscute, les vrilles du pois, de la
vigne, qui sont particulièrement sensibles au contact, ces mouvements
sont beaucoup plus marqués, afin d'assurer à la plante les moyens de
s’accrocher à un support et d'exposer ainsi les feuilles dont elles
— 128 —
peuvent être garnies à l'influence de la lumière et de l’air, avec un
minimum de dépense de force et de tissus. Semblables plantes, en fait,
dépendent d’autres végétaux comme supports mécaniques. Pour peu
que l'extrémité libre d’une telle plante ou le bout d’une vrille vienne
en contact avec le chaume d’une Graminée, l'accroissement s'arrête
à la face de contact, tandis qu’il s’accentue sur la face opposée. En
conséquence, une des faces de la plante grimpante s’aplatit contre son
support, l’autre, grâce à sa croissance plus rapide, devient convexe, et
force est à l'extrémité libre de s'enrouler autour de l’axe qui lui sert
d'appui. L’accroissement de la face convexe est donc la conséquence
directe de l'impression due au contact.
Effet combiné des causes précitées. — Les effets de la lumière, de
la chaleur, de la gravitation, etc., sur les plantes en voie d’accroisse-
ment sont donc multiples ; considérés séparément, ils semblent souvent
contraires aux faits observés. La raison, c'est que dans la nature les
diverses influences se contrarient souvent les unes les autres, la crois-
sance de la plante étant le résultat des effets combinés de ces diverses
causes et de la prédominance tantôt d’un agent, tantôt d'un autre,
suivant les circonstances. Ceci explique pourquoi les saisons remar-
quables par une fertilité exceptionnelle ne sont pas précisément
celles où une ou plusieurs conditions ont été particulièrement
favorables à un moment donné, voire même pendant la période de
croissance, mais bien celles où les conditions se sont montrées
généralement avantageuses du commencement à la fin. Le physiolo-
giste s'efforce d'isoler les agents susceptibles d’influencer la crois-
sance, afin de déterminer l’action spéciale à chacun d’eux; le
praticien, lui, se trouve en présence de l'effet combiné des divers
agents, mais il ne peut s'en rendre exactement compte à moins de
bien connaitre le mode d'action séparé de chacun des composants.
D''HPE,
ee mess ne cent
— 129 —
NOTICE SUR LES CYPRIPEDIUM.
par M. Gozprin@!l).
La distribution géographique de ce genre est pleine d'intérêt.
On le trouve en effet représenté à la fois sur l’Ancien et sur le Nouveau
Continent, aussi bien dans l’Hémisphère Boréal que dans l’Hémisphère
Austral. Telle espèce se rencontre au sein des régions arctiques de la
Sibérie et des marécages glacés de l'Amérique du Nord; telle autre
affectionne les districts montueux de l’Amérique méridionale; mais la
« métropole » du genre se trouve dans les régions torrides de l’Asie,
notamment dans l'extrême Inde et l’Archipel environnant. Bien que
cosmopolite à l'excès, le genre Cypripedium ne compte pas de représen-
tant connu sur les vastes continents d'Afrique et d'Australie ; il n’at-
teint pas non plus les latitudes australes extrêmes de l'Amérique du
Sud. En fait, il semble que les divers membres de cette tribu aient eu
pour points de départ un nombre fort restreint de centres de disper-
sion.
D’après le dénombrement le plus récent paru dans le Genera Plan-
darum, il existerait une quarantaine de Cypripedium et dix Selenipe-
dium environ, soit, en nombre rond, une cinquantaine de représen-
tants des deux genres; dans ce chiffre ne sont probablement pas
comprises plusieurs formes horticoles considérées comme de simples
variétes. La plupart des espèces connues dans l’un et l'autre genres
sont actuellement en culture.
L'ensemble de la tribu se divise tout naturellement en trois groupes,
dont chacun possède un ensemble de caractères qui lui est propre,
une distribution géographique distincte et réclame, la chose va de soi,
une culture spéciale et appropriée. Nous pouvons définir ces groupes
comme suit : |
]°, groupe des régions tempérées, comprenant les espèces des
régions ternpérées des deux Continents ;
(1) Conférence donnée à la Société royale d’horticulture de Londres. — Gar-
dener’s Chronicle, juin 1883, p. 7€5 et 787,
— 130 —
2”, groupe Selenipedium -— espèces confinées dans l'Amérique méri-
dionale ;
3°, groupe oriental — formes habitant les Tropiques de l'Ancien
Continent.
Le groupe tempéré compte une douzaine d'espèces, toutes bien
distinctes par leur port des représentants des autres groupes. Ce sont
des plantes vivaces-herbacées, portant, sauf quatre exceptions, des
hampes feuillées hautes de 1 à 3 pieds {30 à 90 cent.) ; ces hampes sont
caduques, périssent en automne, et il ne reste de la plante que de gros
bourgeons charnus, hivernants, d’où prendront naissance les tiges de
l'année suivante. Tous les Cypripedium rustiques produisent des fleurs
plus ou moins élégantes, plus apparentes parfois que leurs congénères
des Tropiques.
Ce groupe possède une «ire de dispersion très étendue, allant de
l'extrême Orient à l'extrême Occident, à travers tout l’hémisphère
austral. L’aire la plus vaste appartient sans contredit au C. Cal-
ceolus, une de nos Orchidées indigènes, aujourd’hui presque entière-
ment disparue, que l’on rencontre dans toute l’Europe centrale,
s’avançant vers le nord jusqu'en Scandinavie. On l’observe en Sibérie
en compagnie de l’élégant macranthum, des ventricosum et guitalum ;
une forme quelque peu distincte, le C. Aismorü, se rencontre au Japon.
Un petit nombre d'espèces s'étendent au sud jusqu'aux monts Hima-
laya; plus à l’est, en se dirigeant vers le Japon, apparaissent C. ma-
cranthum, plus deux ou trois espèces locales, à savoir : C. japonicum,
fort jolie plante, C. cardiophyllum et debile, deux formes peu apparen-
tes, dont la seconde représente la forme la plus petite du genre.
T'ournant nos regards vers le Nouveau Monde, nous observons, dans
l'Amérique septentrionale, huit espèces distinctes, toutes actuellement
en culture dans nos jardins. Tout à l’ouest apparait le C. californicum;
puis vient, dans les Montagnes Rocheuses, le montanum ou occidenta-
le; enfin, toujours marchant vers l’est, les candidum, arietinum (tête
de bélier), pubescens et parvtifiorum, ces deux derniers proches parents
de notre Calceolus indigène. Aux Etats-Unis se rencontre C. acaule,
puis C. spectabile (Fleur-Mocassin), le roi des Cypripedium. Une autre
espèce très-jolie, la plus australe du groupe, est le C. Zrapeanum,
originaire des Savanes du Mexique supérieur, plante aux exigences si
multiples qu’il n’a pas été possible, jusqu’à ce jour, de réussir sa cul-
— 131 —
ture. C’est comme qui dirait une forme gigantesque du Culceolus, à
fleurs entièrement d’un jaune vif.
La connaissance de l’habitat naturel et des conditions d’existence
d'une espèce fournit souvent au cultivateur d’utiles renseignements
quant à ses exigences — et cette assertion est vraie surtout pour les
Cypripedes rustiques. Généralement parlant, ce sont les hôtes des
marécages, surtout les espèces de l'Amérique septentrionale, qui la
plupart affectionnent les marais tourbeux. Maintes fois on les ren-
contre croissant au milieu de sphaignes et de détritus végétaux, sans
attaches avec le sol. Pour ce qui est de l’ombre ou de l'éclairage, ils se
montrent assez capricieux et irréguliers dans leurs goüts. Ainsi, pour
citer quelques exemples, le spectabile ne peut souffrir l’action directe
des rayons du soleil et ne prospère qu’en station abritée, tandis que
le minuscule acaule, commun dans les forêts de Tamarac, ne paraît pas
le moins du monde incommodé d’un éclairage intense. D’autres espèces
des Etats Unis, le candidum et l'arielinum, croissent dars des marais
tourbeux où leurs racines sont maintenues constamment humides,
tandis que les rayons du soleil inondent leurs tiges. Les deux espèces à
fleurs jaunes — pubescens et parvifiorum — prospèrent indifféremment
en station abritée ou découverte, sèche ou humide; ils semblent seule-
ment avoir une prédilection marquée pour l'argile compacte, d’accord
en cela avec notre C. Calceolus indigène, qui ne se rencontre jamais que
sur un sol calcaire, et ne réussit en culture que dans une argile com-
pacte mélée de chaux. C’est encore une espèce qui aime les rayons du
soleil, bien qu’il soit préférable, en règle générale, de lui donner un
lèger abri. Les espèces sibériennes — macranthum et ventricosum, son
proche parent — sont les plus malaisées à cultiver, probablement par-
ce qu’on s'obstine à les élever en marais tourbeux, alors qu’elles récla-
ment un traitement analogue à notre Calceolus. L'une et l’autre formes
croissent en compagnie du Calceolus, et les racines importées des loca-
lités où elles abondent en contiennent un fort contingent. Dans les
serres d'York, le macranthum a été cultivé avec plein succès et a
fleuri cette année dans une argile calcareuse compacte, semblable à
celle où grandit notre Cypripedium indigène. Même remarque pour le
C. japonicum, plante considérée comme de culture difficile et qui réus-
sirait sans aucun doute en sol argileux au lieu de tourbe humide. Il
croit spontanément dans les bosquets humides et ombrageux de Bam-
— 132 —
bous, et ses racines fibreuses et tenaces pénètrent profondément dans
le sol argileux jaune qui les entoure. Le C. guttatum de Sibérie — une
espèce à. fleurs blanches maculées de cramoisi, la plus gentiment colo-
rée peut-être de toutes celles que comprend ce genre décoratif — se
rencontre sur les versants orientaux des monts Oural où il est plus
abondant et plus commun que les Calceolus ou macranthum. 11 croît
dans les bois de Bouleaux, de Pins et de Peupliers, où le sol est riche en
humus et maintenu constamment humide, et semble exclusif aux forêts
composées des trois essences d'arbres prémentionnées. Il y grandit au
milieu des mousses et du gazon et paraît réclamer le même traitement
que les Pyroles ou les Epigaes. Le C. Zrapeanum ou Fleur-Pélican,
comme on le nomme parfois, se trouve dans les régions supérieures du
Mexique, à 3 ou 4000 pieds (900 à 1200 m.) d'altitude, dans des con-
ditions telles que les racines demeurent saturées d'humidité pendant la
croissance active des hampes, tandis qu’une fois la tige morte, le sol se
dessèche complètement, assurant ainsi à la plante une période de repos
bien marquée pendant la mauvaise saison. L’insuccès contre lequel :
sont venus se heurter les essais de culture de ces Cypripedium rusti-
ques dépend sans doute en grande partie de ce qu’on prétend les culti-
ver tous dans des conditions identiques, c’est-à-dire dans un substratum
de tourbe humide et sous abri — traitement qui convient à certaines
espèces, mais pas à toutes.
Le groupe Selenipedium ou Sud-américain compte une douzaine
d'espèces, dont presque toutes actuellement en culture. Leur facies
est absolument distinct des autres Cypripedium, à l'exception de
quelques formes indo-orientales. Toutes ont de longues feuilles ensi-
formes, épaisses, de couleur verte uniforme; toutes portent de robustes
hampes multifiores, généralement garnies de bractées foliacées appa-
rentes. Mais leur caractère distinctif essentiel réside dans la fleur,
dont l’ovaire est triloculaire, au lieu de n'avoir qu’une seule loge,
comme dans le reste des Cypripedium. C’est en se basant sur cette
différence de structure que le Professeur Reichenbach a créé son genre
Selenipedium, mais les espèces qui s’y rapportent ont constamment êté
rangées dans les jardins pêle-mêle avec les vrais Cypripedium et cette
confusion ne semble pas sur le point de cesser. Il existe, du reste,
dans la structure de la fleur chez l’un et l’autre groupe, d'autres
F
— 133 —
différences de moindre importance ; c’est ainsi que dans les vrais
Cypripedium, le sépale dorsal ou impair est habituellement le plus
développé, tandis qu’il représente, dans les Selenipedium, la division
périgoniale la moins apparente. En outre, dans presque toutes les
espèces, les pétales manifestent une tendance marquée à se prolonger
en appendices caudiformes, le cas extrême, sous ce rapport, étant
représenté par le caudalum, l’une des plus étranges parmi les
Orchidées.
Dans cette espèce, les pétales forment de gigantesques appendices,
longs parfois d’un yard (91 cent.). Il est curieux d'observer la rapidité
de leur développement. C’est à peine s'ils atteignent, lors de l’anthèse,
un pouce (21/2 cent.) de long, mais, pendant les 4 ou 5 jours qui suivent,
ils arrivent à 18 ou 20 pouces (45 à 50 cent.) et on les a vus s’allonger
de 51/2 pouces (13 3/4 cent.) en une seule journée. Un fait similaire se
remarque dans le curieux Uropedium Lindeni, qui diffère des autres
Cypripedium par l'existence d’un long appendice caudiforme, en lieu
et place du labelle en forme de sabot de ses congénères(l).
La répartition du groupe sud-américain semble assez limitée, eu
égard à celle des groupes voisins. Son quartier général parait établi
dans les districts montueux de la région nord-ouest du continent. Quel-
ques sentinelles avancées se rencontrent cà et là dans l’Amérique
Centrale et le rare C. vitlatum s’avance même jusqu’à la côte orien-
tale du Brésil. Quelques espèces, non encore introduites, habitent le
Brésil; C. longifolium se trouve .dans les régions élevées de Costa-
Rica, tandis que, plus au sud, nous rencontrons ses proches parents,
les C. Roezli, Hartwegi, Hinksianum et Lindleyanum, si ressemblants
entre eux que maints botanistes les regardent comme des formes
géographiques d’une seule et même espèce. Le C. Schlimi, une espèce
bien distincte, toute jolie et mignonne, qui a joué un rôle d'importance
majeure dans les hybridations, se trouve au voisinage d'Ocanna, tandis
que sa meilleure variété, aussi bien que la forme à fleurs blanches,
habitent la province d’Antioquia. Il croît invariablement dans les
crevasses rocheuses et choisit de préférence celles où il est constam-
ment arrosé par les projections d’eau — circonstance dont doivent
(1) Consulter, au sujet de l’accroissement des pétales de l’Uropedium Lindeni,
la Belgique Horticole, \883, p. 41.
— 134 —
s'inspirer les cultivateurs, qui feront bien de l’élever dans une atmos-
phère humide et pas trop chaude, afin de le protéger contre la mite
farineuse (le thrips), laquelle s’y développe aisément quand on le
tient trop chaud et trop sec. Dans la Nouvelle Grenade on rencontre
le curieux Uropedium au voisinage du lac Macaraïbo; plus au sud,
au Pérou, dans les Cordillères des Andes est la patrie du caudatum,
que l’on trouve aussi plus au nord, mais sous la forme d’une variété
richement colorée, le C. roseum. Le minuscule C. caricinum (à feuilles
de Carex) a été découvert par Pearce en Bolivie; il est communément
désigné sous le nom de C. Pearcei. Tous les Selenipedium réclament
une température modérée, une serre humide et bien ventilée, car
leurs stations se rencontrent constamment à des altitudes élevées, où
règne une atmosphère humide et froide.
Le groupe oriental est le plus nombreux et le plus important au
point de vue du jardinage, car c'est à lui qu’appartiennent les plus
jolies espèces actuellement en culture. Il comprend une trentaine
d'espèces distinctes, pour la plupart introduites et susceptibles d'être
réparties en deux séries, d'après le caractère de l'inflorescence : les
unes à hampes portant une seule fleur, telles que le C. barbatum,
constituant la série des Uniflores; les autres à hampes garnies de
plusieurs fleurs à l'instar des Selenipedium de l'Amérique australe,
et formant la série des Pluriflores dont le C. laevigatum peut servir
de type. Tous les Pluriflores ont de longues feuilles d’une nuance
verte uniforme, de texture coriace et semblent, à part leur ovaire
uniloculaire, l’exacte reproduction des Selenipedium. Il existe dans
les jardins cinq formes de ce groupe, à savoir : les C. Slonei, laeviga-
tum, Parishi, Lori et Haynaldiunum. Une autre jolie espèce de la
même section est le C. glandulifiorum de la Nouvelle Guinée, qui
jusqu’à ce jour n’a pas été introduit vivant dans nos cultures.
La série des Uniflores compte vingt-quatre espèces environ, que l'on
peut à leur tour répartir en deux classes d’après un caractère emprun-
té aux feuilles, unies chez certaines formes telles que C. insigne, «
maculées chez d’autres, telles que C. barbatum. Les formes de ce der-
nier groupe — Cypripedium à feuilles maculées — ont entre elles
une telle ressemblance, un tel air de famille, que l’on est tenté de ne
voir en elles que des variétés d’une ou deux espèces très polymorphes.
— 135 —
Chez toutes, nous trouvons un feuillage parsemé de macules plus ou
moins distinctes, des fleurs à sépale supérieur ou dorsal de grandes
dimensions et, sauf de rares exceptions, des glandes papilleuses sur le
pourtour des pétales latéraux. À ce groupe appartiennent les C. bar-
batum, biflorum, Lamwrenceanum, superbiens (Veitchianum), nigra-
tum, Argus, ciliolare, Hookereae, Bullenianum, Dayanum, Petri,
Javanicum, virens, Burbidgei, Mastersianum, Curtisi, purpuratum,
niveum, et concolor. La section à feuilles vertes comprend les C. vil-
losum, hirsutissimum, Boxalli, insigne, Fairieanum, Druryi et
Spicerianum.
Le groupe oriental est confiné dans une aire relativement restreinte,
surtout les formes à feuilles maculées, spéciales à Bornéo, Malacca,
Sumatra et Java, à part le venustum qui s'étend au nord jusqu’au
Népaul et le purpuralum, que l’on rencontre à Hong-Kong. En consé-
quence il faut à ces espèces de la chaleur et de l’humidité à profusion.
Les formes à feuilles unies sont spéciales au continent; la plus septen-
trionale est notre vieil insigne à floraison hivernale, indigène du
Népaul et susceptible, par suite, d’être cultivé en serre tempérée. Plus
au sud apparaissent successivement les autres représentants du groupe,
y compris le minuscule Fairieanum, dont l'habitat précis semble un
secret pour tout le monde. Le C. Spicerianum, très jolie espèce d'intro-
duction toute récente, vient de l’extrême Inde où il habite les crevasses
des rochers calcaires et s’installe de façon à rester constamment humi-
de. Le gracieux C. concolor, si différent des autres espèces par la forme
de sa fleur, habite sur le continent quelque part du côté de Moulmein,
en compagnie de son frère jumeau, le joli C. niveum, le seul du genre
dont les fleurs soient d’un blanc pur, qui choisit la même résidence,
mais fut rencontré d'abord dans les îles Tambelan, minuscule groupe
tout proche de la terre ferme. L’une et l’autre espèces croissent sur des
rochers calcaires, mais ne semblent pas bénéficier de l’addition de
chaux dans le sol où on les cultive. Toutes les espèces pluriflores sont
insulaires, sauf le Parishi qui habite Moulmein et semble l’exacte
reproduction du laeviyatum des Philippines. Le C. Zomwi est une
espèce épiphyte de Bornéo et une autre forme à peine distincte, le
Haynaldianum, se rencontre aux Philippines. Le gracieux Séonei est
aussi natif de Bornéo. Toutes les espèces du groupe réclament une pro-
fusion d'humidité et de chaleur.
— 136 —
Hybrides. — Il n’est pas d'Orchidées qui se soient plus complaisam-
ment prêtées aux tentatives de croisement que les Cypripedium : d’où
le grand nombre d'hybrides obtenus jusqu’à ce jour. Le but des hybri-
dateurs à été double : d'abord obtenir des formes nouvelles, ensuite
infuser un sang plus vigoureux dans les espèces chétives, en les croi-
sant avec des formes plus robustes. L’un et l’autre résultats ont été
obtenus. Il y a eu production de remarquables variétés, car aucun des
hybrides ne ressemble aux parents auxquels il doit le jour et qu'il laisse
souvent bien loin derrière lui pour la beauté; en outre, les tentatives
de croisement des espèces vigoureuses avec d’autres plus chétives ont
été couronnées d'un plein succès. |
Sans doute, il y a aussi plus d’un échec à enregistrer. Ainsi, jusqu’à
ce jour, on n'est pas parvenu, en dépit de tentatives répétées, à croiser
les espèces rustiques entre elles ou avec les représentants des deux
autres groupes. M" Seden, l’un des plus heureux parmi les hybrida-
teurs d'Orchidées, nous dit avoir obtenu dans ses tentatives de croise-
ment entre le C. speclabile du nord de l'Amérique et l'une ou l’autre
espèce plus délicate, des gousses qui se nouaient, mais dont le contenu
ne tardait pas à avorter ; au moins n’a-t-il jamais réussi à faire germer
aucune de leurs graines. Maintes tentatives ont été instituées pour
croiser les espèces de l'Ancien Continent avec celles du Nouveau, mais
sans qu’il ait été possible, jusqu’à ce jour, d'amener à floraison un hy-
bride entre les deux groupes. Toutefois, il existe dans les serres de
M* Veitch une plante considérée comme l’hybride des C. caudatum et
barbatum, dont le feuillage porte les traces irrécusables d’un croisement
entre ces deux espèces si distinctes. On s’est mis en quatre pour déci-
der cet intéressant hybride à fleurir, mais sans obtenir de résultat
depuis onze ans que cela dure. Sans aucun doute, botanistes
et horticulteurs attendent avec impatience la floraison de ce
curieux produit de croisement, afin de voir quelle sorte de com-
promis interviendra entre les ovaires, l’un tri, l’autre uniloculaire,
des deux générateurs. Il est à remarquer que les divers hybrides
des Cypripedium revêtent des caractères strictement intermédiaires
entre ceux de leurs parents, de telle sorte qu’en croisant deux espès.
ces, l'hybridateur peut savoir à l'avance quels seront les traits domi-
nants de la progéniture. Il va sans dire que certaines espèces s’entre-
croisent plus volontiers que d’autres, de telle sorte que semblables
L
2
4
à
— 137 —
opérations ne sont pas sans présenter certain intérêt pour le botaniste
auquel elles révèlent le degré de parenté des espèces.
Les divers hybrides ainsi obtenus possèdent tous, sans exception,
une constitution plus vigoureuse que leurs parents; ils grandissent
mieux et fleurissent plus abondamment — témoin le x ÆSedeni,
actuellement si populaire et l’un des plus beaux parmi les hybrides
en culture. J'en ai vu naguère, dans les jardins de Sir Trevor
Lawrence, un fort pied, portant de robustes hampes ramifiées, et cou-
vert d’une profusion de fleurs épanouies : il y en avait bien une
soixantaine, Il est vrai qu’il s’agissait d’un spécimen d’une vigueur et
d’une beauté exceptionnelles.
Le Sedeni est le type d’une race d'hybrides hauts en couleur, des-
tinés à être tenus par la suite en grande estime comme plantes de
jardinage, à cause de leur croissance vigoureuse et des fleurs dont ils
se couvrent l’une après l’autre, de telle sorte qu’ils représentent une
floraison comme qui dirait perpétuelle. Ce Sedeni est le produit d’un
croisement entre longifolium et Schlimi, et ce dernier représente,
pour ainsi dire, le point de départ de tous les hybrides hauts en
couleur du groupe Selenipedium. Les deux espèces précitées produi-
sent exactement les mêmes variétés, quelque soit le sens du croise-
ment, c’est-à-dire l’une ou l’autre fonctionnant indifféremment comme
mâle ou femelle; de tous ces hybrides, le plus brillant est le cardinale,
né d’un croisement « secondaire » des Schlimi et Sedeni et qui
semble avoir emprunté à ses deux parents tout le coloris possible. Le
Calurum est un autre produit du croisement secondaire des C. Sedeni
et longifolium. Le croisement des C. caudatum et caricinum ou Pearcei
a donné naissance au Dominianum et ce dernier, croisé à son tour
avec le caudalum, a produit le gracieux albopurpureum, de couleur
rose.
Il y a bientôt quinze ans que fut gagné le premier hybride de Cypripe-
dium : c'était le Zarrisianum, produit du croisement entre les barbalum
et vilosum, réalisé par M' Dominy. Depuis lors, la production de ces
hybrides a pris une allure étonnante et leur nombre égale aujourd’hui,
à peu de chose près, celui des espèces naturelles. Les hybrides les plus
estimés résultent du croisement des espèces indo-orientales, notamment
des formes uniflores avec celles du groupe pluriflore. Ainsi, pour citer
un exemple, le plus bel hybride obtenyn jusqu’à ce jour est le C. Hor-
11
— 138 —
ganiae, remarquable surtout parce qu’il est l'exacte reproduction du
C. platytaenium, variété aussi rare que jolie du C. Slonei, à pétales
latéraux de grandes dimensions abondamment maculés de noir. Cet
hybride est né du croisement des C. superbiens et Stoner. Curieuse est
la tendance, manifestée par les hybrides nés de ces croisements d'espèces
uniflores et pluriflores, à porter plusieurs fleurs sur la même hampe:
tel est le cas pour le Selligerum (barbatum X laevigatum) et lEury-
andrum (Stonei X barbatum).
On croirait, en thèse générale, qu’il ne peut se manifester que peu
de variation entre les individus nés de graines provenant de la même
plante; tel n’est pas le cas pour ces Cypripedium hybrides, desquels on:
obtient souvent certains semis bien supérieurs aux autres. C’est ainsi
qu'il existe une variété du premier hybride gagné par M' Dominy
(Æarrisianum), connue dans le commerce sous le nom de superbum,
infiniment supérieure au type sous tous les rapports, beaucoup plus
rare et de valeur marchande dix fois plus considérable. De même le
C. selligerum a produit une jolie variété — var. mujus — à fleurs
beaucoup plus grandes et plus hautes en couleur que la forme type.
Dans les serres de M" Veitch, à Chelsea, d'où nombre de ces hybrides
ont pris leur essor, il en existe encore tout un stock dont on attend
impatiemment la floraison et sur lesquels reposent de grandes espéran-
ces. Patience et habileté sont nécessaires dans l’hybridation des Orchi-
dées : il faut souvent nombre d'années pour amener les semis à floraison.
Toutefois, les Cypripedium qui n’ont pas de pseudobulbes à développer
avant de donner naissance à des fleurs font parfois exception à cette
règle; certaines formes à croissance rapide — S'edeni et autres sembla-
bles — ont fleuri dans les quatre ans après leur germination. Quant aux
types à croissance lente — caudatum et Stonei — il leur faut souvent:
une douzaine d'années pour fleurir.
Parmi les horticulteurs qui se sont occupés avec le plus de talent
et de succès de l’hybridation des Cypripedium, nous mentionnerons
M Seden, qui a gagné, pour M" Veitch, une trentaine de variétés
distinctes ; M' Bowring, de Forest Farm, Windsor, qui a obtenu quel-
ques formes jolies et intéressantes; M° Warner, qui a malheureuse-
ment égaré ses notes relatives au parentage de ses semis; M° Cross,
M. Swan, etc. Il est curieux de constater que tous ces hybrides ont:
pris naissance en Angleterre, sauf une seule exception; je veux!
FE
parler d’un hybride continental, le C. Dauthieri, proche parent du
Harrisianum.
— 139 —
DÉNOMBREMENT DES HYBRIDES.
NOM DE L’HYBRIDE.
PARENT FEMELLE.
PARENT MALE,
Ainsworthi
albo- purpureum
Arthurianum
Aschburtoniae.
calanthum .
calurum .
cardinale
conchiferum
Crossianum
discolor .
Dominii .
euryandrum
Fraseri .
grande
gemmiferum
Harrisianum
lucidum .
macropterum
Marschallianum
marmophyllum
meirax à
Morganiae .
microchilum
melanopthalmum .
nitens
oenanthum . .
Seden’s variety.
porphyreum
porphyrospilum
politum . ‘
pycnopterum
Sedeni
Sedeni
selligerum .
— majus
Schroderae .
superciliare .
stenophyllum ‘:
Swanianum.
tessellatum .
vernixium
vexillarium .
Williamsianum
Sedeni
Schlimi .
insigne .
IASISN EN RE
barbatum biflorum
longifolium
Sedeni
Pearcei
venustum
Pearcei *
barbatum
barbatum
Roezli
Hookerae
barbatum
villosum
Lowei Ne
venustum pardinum
Hookerae
Veitchianum
niveum .
villosum
Harrisianum
Harrisianum
Roezli
Lowei
VENUS.
Schlimii.
longifolium .
barbatum
barbatum
caudatum
barbatum .
SCHIMIS.
barbatum .
barbatum
Argus 5 0
barbatum. . .
Roezli
Dominii
Fairieanum
barbatum
Lowei
Sedeni
Schlimi
Roezli
barbatum
caudatum
Stonei
hirsutissimum
caudatum
Dayanum
villosum
Lowei
Veitchianum
concolor
barbatum
Stonei
Druryi
insigne Maulei
insigne Maulei
insigne Maulei
Schlimi
Hookerae
Lowei
longifolium
Schlimi
laevigatum
laevigatum
Sedeni
Veitchianum
Pearcei
Dayanum
concolor
villosum
Fairieanum
DÉSEPRRS
— 140 —
DESCRIPTION DU W/DULARIUM ACANTHOCRA TER,
PAR M. ÉpouaArp MoRREN.
Planche IX.
Nidularium. Cfr. Belg. hort., 1860, tome X, p. 237 et 294; 1861, tome XI,
p. 315.
Nidularium acanthocrater, vastum (080 diametri et ultra), folia coriacea,
longa (060 minusve), lata (usque ad 009), patentia, spinis corneis, nigris,
uncinatis armata, in acumen repandum fastigiata, atroviridia, subtus pulve-
rulenta, griseo fasciata ; floralia nitida, pallentia, purpureo-roseo tincta, maculis
fuscis notata. Scapus brevis. Capitulum nidulans, latum, floribundum, bracteis
viridibus, petalis malvaceis.
Var. Plutonis : Folia floralia roseo-purpurea.
Var. Proserpinae : Folia floralia cyanescentia.
N. acanthocrater ÉD. Morren i# Catal. L. Jacob-Makoy, n° 121, 1883, p. 3.
La plante est d’un aspect étrange et mérite bien, nous semble-t-il, le
nom d’ACANTHOCRATER, qui signifie {4 coupe épineuse (axaySa, épine,
xparp, coupe). Cette coupe est formée par les feuilles étroitement asso-
ciées, bordées d’épines crochues et noires, terminées par un dard relevé
comme celui du scorpion : elle est d’un vert sombre, marqué de marbru-
res noires, et, par les changements de couleurs qui se produisent dans
le cœur, au voisinage des fleurs, elle semble renfermer un liquide qui,
selon les cas, ressemble à du vin ou à de l’encre. On distingue, en effet,
deux variétés : l’une, que l’on peut nommer Proserpine, a les feuilles
florales colorées en bleu violacé noirâtre ; l’autre, appelée Pluton, a ces
mêmes feuilles d'un rose d’aniline, tirant sur le pourpre. Toutes deux
conservent cette coloration pendant plus d’une année, avec des chan-
gements de nuances qui se dégradent et pâlissent de plus en plus.
Les fleurs sont disposées en un capitule nidulant parmi des bractées
vertes et sont pourvues de pétales de la couleur des violettes de Parme.
DEscCRipTion. — La plante est de grande dimension (080 de diamètre; 030 à
0»35 d’élévation). Feuilles (une quinzaine sur la plante) très coriaces, longues
(060 ou moins), très larges (0m09), étalées; gaîne longue, quelque peu carénée,
brunâtre à la partie inférieure; limbe un peu rétréci à son origine, canaliculé,
ensuite plan et étalé, bordé d’épines très fortes (0"005), cornées, noires, droites
ou crochues, parfois doubles, peu espacées (0"005-7), brusquement arrondi et
tronqué au sommet où les épines sont petites et rapprochées et se terminant
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ee à Lu
PS8 ‘2404 ‘0107 DT
— 141 —
enfin par une extrémité échancrée, relevée et armée d’un fort aiguillon. La colo-
ration des feuilles est étrange : la nuance générale est le vert foncé, mais les
feuilles moyennes ont la face supérieure poudrée de petites pellicules grises,
très rapprochées et disposées en séries longitudinales, tandis que la face infé-
rieure présente, outre ces mêmes séries de ponctuations longitudinales, d’autres
bandes transversales grisâtres. Les feuilles centrales, successivement plus
courtes tout en demeurant larges et fort épineuses, sont généralement lisses et
prennent, dans le cœur de la plante, autour de l’inflorescence, une teinte pàle,
blanc jaunâtre fortement nuancé de rose malvacé ou de blanc violacé. Toutes
ces feuilles portent, en outre, un plus ou moins grand nombre de taches éparses,
petites ou grandes, libres ou confluentes, d’un brun foncé presque noir. Ces
couleurs disparaissent avec l’âge autour de l’infrutescence.
Inflorescence capituliforme, profondément nidulante, large (0w05), très flori-
bonde (une centaine de fleurs); bractées et sépales verts; pétales lancéolés,
aigus, de couleur mauve pâle.
La plante est originaire du Brésil d’où elle nous a été gracieuse-
ment envoyée en 1877, par les soins de M. Glaziou : elle fleurit dans
nos serres en 1881 et elle a été mise au commerce en 1883 par
MM. Jacob-Makoy, horticulteurs à Liége.
La plante était de constitution très vigoureuse à son arrivée du
Brésil : elle avait les feuilles épaisses comme du cuir, de fortes et
méchantes épines et mesurait près d’un mètre de diamètre. Il semble
que, dans nos serres, elle s’amollisse par la culture, comme beaucoup
d’autres Broméliacées et, sous ce nouvel aspect, elle ressemble au
Nidularium Laurentii, de Regel.
On la cultive aisément dans la serre tempérée qu’elle contribue
beaucoup à embellir.
NOTICE SUR LA VÉGÉTATION DE L'ILE St HÉLÈNE,
PAR M. LE Dr Morris.
(The Gardener's Chronicle, 23 février 1884, p. 241-242.)
Le Dr Morris, directeur des plantations et jardins publics à la
Jamaïque, a écrit un Rapport sur la situation actuelle et l'avenir de
l’agriculture dans l'ile de St Hélène, rapport qui vient d’être imprimé
par les soins du Colonial Office et contient nombre de renseignements
intéressants, comme le lecteur pourra s’en assurer d’après le résumé
que nous publions dans ces colonnes.
— 142 —
Le nom de St Hélène évoque, devant l'esprit de tout eitoyen anglais,
un souvenir historique d’une haute importance : ce fut en effet le lieu
d’exil de Napoléon 1‘ après la bataille de Waterloo. M. Morris, dans
son introduction, fait brièvement allusion à cet événement ; il rap-
pelle que l’île fut découverte par les Portugais le 21 Mai 1502; qu’elle
fut occupée par les Hollandais jusqu’en 1651, époque où la compa-
gnie des Indes Orientales en prit possession, et devint un apanage de la
Couronne en 1833. La superficie de l’île est d'environ 45 milles carrés
(116 ‘ kilom. car.) — 10 ‘},; milles (16 ‘/; kil.) de long sur 8 {};
(13 ‘1 kil.) de large. Des 28,800 acres (11,635 hectares) qui composent
l'étendue de l’île, la partie cultivable est presque tout entière propriété
privée. Les dépendances de la Couronne, à part Longtown Farm et
quelques autres possessions, consistent en terres stériles, désolées,
_Jongeant le littoral et impropres à toute espèce de culture. M. Morris
trouve la caractéristique de l’île à la fois dans sa structure géoiogique
et dans sa végétation. La zone littorale, actuellement aride et dénudée,
était jadis tapissée d’une luxuriante végétation et d’arbres ombra-
. geant les effroyables précipices qui surplombent la surface de la mer.
Cette région forme aujourd’hui tout autour de l’île une ceinture d’un
à un et demi mille (1600 à 2400 mètres) de largeur. De vastes et pro-
fondes vallées, des crêtes rocheuses presque inaccessibles rayonnent
de la chaîne centrale de montagnes vers l'océan, divisant ainsi la zone
littorale en une infinité d’éminences et de saillies détachées, pour ainsi
dire, les unes des autres. Il ne s’y trouve absolument aucune trace de
végétation, à part une Cactée (Prickly Pear), quelques Mésembryan-
thèmes et les rares Pélargoniums indigènes Pharnaceum et Tripteris.
Sur le Bam se rencontrent, épars et clairsemés, quelques buissons d’Asler
glutinosus Roxb., la plus abondante probablement parmi les espèces
qui font leur résidence de cette côte rocheuse, où les plantes sont si
rares et si profondément enfouies dans les crevasses et les anfractuo-
sités du sol qu’on ne les aperçoit pas de la mer, de telle sorte qu’elles
ne contribuent guère à relever l'aspect aride et désolé du territoire.
La région moyenne s'étend à partir des limites de la zone littorale.
sur une largeur de trois quarts de mille (1200 mètres) environ; la
surface en est moins rocheuse et les versants plus uniformément
tapissés de gazon. C'est là que les arbustes de l’Australie, du Cap et.
de l'Amérique se sont installés en massifs de dimensions respectables.
4
Les pentes sont en parties couvertes d’Ajoncs, avec cà et là un pied de
Gommier indigène ; dans les ravins humides s’abritent de robustes
Fougères.
« Les Genêts d'Angleterre, dit M. Morris, les Ronces, les Saules, les
Peupliers, les Pins d'Écosse, les Ajoncs, les plantes buissonneuses du
Cap de Bonne Espérance, les espèces arborescentes d'Australie et les
mauvaises herbes d'Amérique ont expulsé de cette région la majeure
partie des espèces indigènes. IL y a, chez ces diverses formes intro-
duites, tendance manifeste à empiéter de plus en plus sur les hautes
— 143 —
terres actuellement occupées encore par la flore indigène. Pour ce qui
est des arbres proprement dits, tels que Pins, Acacias, etc., ils parais-
sent avancer de plus en plus vers le bas, dans la direction des vallées,
suivant ainsi la dissémination de leurs graines par l’action des vents
alizés. » |
La zone centrale ne semble pas avoir une étendue supérieure à
3 milles (4,827 mètres) de longueur sur 2 (3,218 mètres) de large ; en
certains points, les rochers sont nus et escarpés; ailleurs le terrain
est parsemé d’ondulations, de pentes gazonneuses, de prairies, de
pâturages, de moissons, avec cà et là des jardins, des fermes et, dans
les vallons, des bosquets fournis de Chênes et d’Acacias. Sur l’extrême
crête de la chaine centrale, qui s'étend de High Peak à Rock Rose,
apparaissent les derniers débris de la forêt vierge indigène, peuplée de
Choux en arbre (Shee Cabbage Tree des habitants, Zachanodes prenan-
thifiora du D' Burchell, Hikania arborea du D' Roxburgh ou Solidago
Leucadendron de Wildenow), de Fougères arborescentes, d'Oliviers
sauvages (Vesiota elliptica), d'Angéliques, de Lobélies et du gracieux
et délicat Wahlenbergia. En cet endroit le sol est fécond et riche, bien
qu'ayant peu de profondeur, et le climat d’une fraicheur remarquable,
M. Morris estime qu'il faudrait planter dans les vallons tièdes et
abrités des Aloës, des Fourcræas et autres espèces analogues, en même
temps que nombre d’arbres rustiques, afin que ces pionniers de la végé-
tation se répandent et se multiplient peu à peu dans ces solitudes et
regagnent graduellement le terrain perdu jusqu’à présent, IL existe, à
l’heure actuelle, près de 8000 acres (3200 hectares) de pâturages et de
moissons, avec une tendance marquée à les laisser s'étendre de jour en
jour. Les maisons de campagne, habitées au temps de la Compagnie
des Indes orientales par de riches marchands et des fonctionnaires
2 'TAtre
aisés, tombent aujourd’hui en ruines; les jardins et les vergers dont
elles étaient entourées sont convertis en vulgaires pâturages : quel-
ques têtes de bétail paissant cà et là, voilà tout ce qui rappelle la vie
et l’activité humaines à plusieurs milles à la ronde.
Près de 400 acres (160 hectares) de terrain sont plantés d'arbres
indigènes ou introduits, près de 300 (120 hectares) sont utilisés pour la
culture des plantes fourragères ou transformés en vergers, jardins, etc.
Le recensement de 1881 fixe à 4500 personnes, en dehors de la garni-
son et de la marine, la population de Ste Hélène dont plus d’une
moitié habite Jamestown. Après divers renseignements et tableaux rela-
tifs au régime des pluies, à la température et à d’autres conditions
météorologiques présentées par l’île, M. Morris continue comme suit :
« Tenant compte de l’examen attentif du sol, du climat, et des ressour-
ces générales de l’île, je ne puis m'empêcher de concevoir, pour son
avenir, de flatteuses espérances, pourvu qu’on sache développer ses
richesses de manière à lui permettre d'entrer en compétition avec
d’autres contrées. Le sol à lui seul suffit pour procurer à Ste Hélène les
éléments de sa prospérité future. Mais il faut montrer au peuple en
quoi consistent ces ressources ; il faut lui enseigner à s’en servir, l’en-
courager et l’aider dans son œuvre. Je voudrais tout d’abord qu’un jar-
dinier habile et intelligent füt envoyé dans l’île pour y entreprendre
et y résoudre la question de rénovation de l’agriculture locale et, si le
Gouvernement de l'ile ne possède pas les ressources suffisantes pour
indemniser pareil fonctionnaire et son état major, qu’une allocation
soit accordée à cette fin par la Couronne. »
M. Morris recommande ensuite la création, à Plantation House, d’un
modeste établissement avec pépinières, etc., où un jardinier et ses
aides pourraient introduire et élever, pour les répandre, des espèces
encore inconnues dans l'ile.
Nous avons puisé à droite et à gauche dans cet intéressant rapport
afin de montrer sa tendance et son caractère : des chapitres séparés
sont consacrés à l'étude des plantes économiques et présentent une
importance égale, pour ne pas dire supérieure, à ceux auxquels nous
avons emprunté ces diverses citations. Dr H. F,
— 145 —
NOUVELLES DE COLOMBIE,
PAR F. C. LEHMANN,
(traduit du Gartenfiora Deutschlands, Rüsslands und der Schweiz,
Janvier, 1884, p. 8).
Supposant qu'il ne vous sera pas indifférent d’être renseigné sur
mes faits et gestes les plus récents dans la province de Cali et les dis-
tricts limitrophes de la Colombie, je me permets de vous communiquer
un court aperçu de mon dernier voyage de 10 mois et des points sur
lesquels s’est plus spécialement portée mon attention. Si je n’ai pas
accompli d'actions d'éclat ni réalisé de grandes découvertes, au moins
ai-je renseigné diverses particularités qu’il sera intéressant d'étudier
de plus près par la suite. Malheureusement je ne vois pas moyen
d'indiquer, même brièvement, dans ces quelques lignes, tout ce dont
je me suis occupé pendant ces dix derniers mois : je me bornerai sim-
plement à vous donner une idée succincte de mes travaux.
Je ne me désintéresse pas complètement de la récolte des plantes : il
le faut bien; c’est ici ma seule chance de réussite, le seul moyen de
poursuivre mes voyages. Mais les collections d'oiseaux, de poissons,
de coléoptères, de papillons, d'arachnides, de mollusques, etc. que j'ai
réunies et enrichies de nombreuses observations sur la provenance, les
mœurs, le caractère utile ou nuisible de chacun d’eux; les notes que
j'ai rassemblées sur les mœurs et les dialectes des diverses tribus
indiennes; les données préhistoriques et les spécimens anthropolo-
giques que j'ai recueillis, les rectifications topographiques relatives à
divers territoires représentés erronément sur les cartes et mille autres
objets que je ne puis rappeler ici, prouvent surabondamment que
javais tout autre chose à faire que de dépouiller les forêts de leur
parure et que j'ai quelque droit à être rangé dans la catégorie plus
honorable des voyageurs-collectionneurs.
Vers la mi-août de l’an dernier, de retour d’un voyage de cinq mois
à Guatemala, je débarquai céans en assez mauvais état de santé. Mais
le séjour dans les régions plus froides de la Cordillère de Dagua eut
sur ma constitution ébranlée l'influence la plus bienfaisante, au point
— 146 —
de me permettre de me livrer, sans retard ni entraves, à mes excur-
sions favorites et au travail de dessiccation des matériaux récoltés.
Sans pour celanégliger cette dernière besogne, je tournai mon attention
vers les conditions géologiques et surtout climatologiques du pays,
avec l'espoir d’y trouver l'explication de l'existence, dans certaines
localités, d'espèces qui manquent en d’autres points d'une même region.
Concurremment avec ce travail, je me livrai à des essais de culture
sur nombre d'espèces végétales, surtout d'Orchidées, dont je plantai
une couple de pieds dans divers districts: j'essayai surtout la trans-
plantation d’espèces des régions froides dans des régions plus chaudes
et vice-versà. Les résultats de ces tentatives me paraissent d’une
importance tout à fait hors ligne au point de vue de la culture des
plantes; ils seront réunis et publiés par la suite dans un travail
d'ensemble.
Vers la mi-octobre, je me dirigeai vers la Cordillère centrale, spé-
cialement vers le pays des [ndiens-Paëz. Indépendamment des recher-
ches botaniques et autres qui constituaient tout naturellement ma
principale occupation, je n’omis aucune occasion d’étudier les mœurs
et le mode d’existence de ces Indiens, sans oublier leur idiome, dont je
dressai un vocabulaire, comprenant plusieurs centaines de noms et
d'expressions. Au commencement de novembre, je franchis la Cordillère
centrale sur le Paramo de Guanàcas pour gagner le bassin du Magda-
lena supérieur, Je parcourus ce territoire sans trève ni repos, en une
suite ininterrompue d’excursions vers le Rio Ullucos, le Rio de la
Plata, le Rio Moscopan, à San Augustin — région intéressante, riche
en pierres sculptées d’un travail original et qui serait, suivant certains
érudits, le point central où les Indiens-Andaqui, hahitant ces lieux
avant la conquête et dispersés aujourd’hui dans les forêts voisines des
sources du Caqueta, auraient tenu jadis leurs fêtes religieuses périodiques
— et dans maintes autres directions, à la recherche de l’un ou l’autre
objet intéressant. Le 31 décembre j’atteignis Neiva, que j'abandonnaï
le 2 janvier suivant pour suivre le versant ouest de la Cordillère orien-
tale, puis remonter le cours du Rio Cabrera jusqu’à Alto de Oséras où
il prend sa source; après quoi je me dirigeai vers Bogota par le som-
met de la Cordillère qui sépare le bassin du Magdalena des Llanos de
S. Martin et y arrivai le 16 janvier. Je n’entreprendrai pas de vous
dépeindre cet inhospitalier Paramo, où il faut soutenir une lutte inces-
— 147 —
sante contre le vent et les ouragans de grêle, les seuls agents qui vien-
nent animer et troubler la solitude et le silence de ces lieux désolés,
où il faut se frayer péniblement une route à travers des marécages
encastrés dans des couches grèseuses escarpées, inclinées tantôt vers
l’est, tantôt vers l’ouest, pays des diverses espèces d’Espeletia, où pas
une maison — tout au plus une cabane malpropre, séjour temporaire
d’un berger plus malpropre encore — n'offre un abri au voyageur
exténué.
A Bogota, sans que je me fusse présenté nulle part — mon arrivée
en cette ville était tout à fait inattendue — je me trouvai au bout d’une
couple de jours en relation avec les notabilités les plus compétentes en
matière de botanique; je mentionnerai avant tous le D' Sandius Groot,
un savant qui depuis une trentaine d'années travaille à un classement
méthodique des plantes utiles ou médicinales de la Colombie. Je fus
admis, par son intermédiaire, à visiter les herbiers de Bogota, entre
autres la riche collection qu'y à laissée le D" José Triana en partant
pour Paris, vue peu récréative d’ailleurs, et qui faillit m'arracher des
larmes de chagrin et d’indignation. Figurez-vous des monceaux de
papiers entassés pêle-mêle les uns sur les autres, couverts d’une épaisse
couche de poussière, réunis au moyen de lazzos et imparfaitement pro-
tégés par d’autres tas de livres à demi déchirés, et vous aurez une idée
de ce qu'est l’herbier de Triana. La plupart des espèces sont mangées
des vers à tel point que la tige seule reste..., et encore. Vous pensez
bien que je me mis à la recherche de l’Anthurium Andreanum, lequel
se trouve encore par bonheur en assez bon état, bien qu'il ait été récolté
le 10 mai 1853 à l’ouest de Pasto. — Parti de Bogota le 27 janvier, je
visitai les PIEDRAS PINTADAS (pierres peintes) de Facatativa et de Paudi,
les majestueux ponts de pierre naturels de cette dernière localité, la
célèbre chute de Tequendama, etc.; et, par des tours et des détours sans
nombre, je franchis en quatre endroits différents les montagnes qui
limitent la savane de Bogota. Dans la suite du voyage, je touchai Puri-
ficacion, Natagaima, les Hiéroglyphes d’Aipe, Neiva, La Plata et la
Tierra à Dentro ; puis je franchis le Parama de Moras de la Cordillère
centrale pour arriver à Cali le 8 mars. — La récolte de ce voyage
comprend 4 grandes caisses de spécimens d'histoire naturelle, sans
compter les herbiers, quantité d’esquisses au crayon et à la couleur, un
relevé topographique relativement exact et détaillé du cours inférieur
— 148 —
de la Plata et du Fleuve Paëz et un journal de voyage de plus de 400
pages in octavo.
Depuis mon retour, je n’ai pu, grâce à des attaques de fièvre presque
incessantes, entreprendre qu’une seule excursion sérieuse vers le volcan
Sotora, au sud de Popayan. ù
À bientôt d’autres détails sur de nouvelles plantes et mes prochaines
expéditions. D: FFE?
NOTE SUR LA DÉHISCENCE DES ANTHÈRES,
PAR M. LECLERC DU SABLON,
présentée à l’Académie des Sciences de Paris le 25 août.
On sait que les anthères s'ouvrent, au moment de leur maturité, soit
par deux fentes longitudinales, ce qui est le cas le plus ordinaire, soit
par des pores de forme variable. Cette déhiscence a été généralement
attribuée à une couche de cellules sous-épidermiques dont les parois
portent des épaississements caractéristiques : mais il n’a pas été donné
de raison de l'influence de ces cellules, ordinairement appelées fibreu-
ses, ni indiqué de relation constante entre la disposition des ornements «
des cellules et la forme des valves. Tous les auteurs ne sont d’ailleurs
pas d'accord sur le rôle de la couche fibreuse et quelques-uns pensent
que l’épiderme doit jouer un rôle actif dans la déhiscence.
Pour ce quiest du rôle de l’épiderme, j'ai cru pouvoir conclure
qu’il est négligeable. Chez un grand nombre d’étamines, il se flétrit
au moment de la maturité, s’exfolie et disparait même complètement
(Conifères, Composées). D'autre part, chez les espèces où il persiste
sans modification, on peut quelquefois l'enlever sans endommager les
assises sous-jacentes. On peut alors constater que les valves se recour-
bent comme si elles étaient intactes, Cette expérience, facile à faire avec
l’anthère du Tabac peut se répéter sur celle de l’Iris, de la Digitale,
etc.; elle montre bien que c'est à la couche fibreuse seule qu'il faut
attribuer la déhiscence de l’étamine.
Il y a donc lieu de montrer par quel mécanisme cette couche
fibreuse produit la courbure des valves. Les cellules qui la composent”
#
— 149 —
ont des parois minces formées de cellulose pure et portent des bandes
d'épaississement qui sont lignifiées. Dans tous les cas que j'ai étudiés,
la déformation des valves pendant la déhiscence est produite par l’iné-
gale contraction des parties non lignifiées et des épaississements ligneux
de la membrane. L'observation directe d’une cellule, avant et après sa
dessiccation, permet de vérifier cette inégalité de contraction. Dans cer-
tains cas, on peut même faire des mesures précises, par exemple avec
les cellules spiralées de l’anthère de l’/ris pseudo Acorus ou mieux
avec celles du sporange des Æquisetum, qui sont tout à fait semblables
à celles de certaines anthères. On constate alors que l’axe de la spirale
se raccourcit beaucoup, que, par conséquent, les tours de spire se rap-
prochent sans que pour cela le filet qui constitue la spirale se raccour-
cisse notablement. L'examen des principales formes d'ornement que
présentent les cellules fibreuses va d’ailleurs nous montrer que tou-
jours la forme de la valve est déterminée par la plus grande contrac-
tion des parties non lignifiées. |
Déhiscence longitudinale. — Dans le cas où la couche fibreuse se
compose d’une seule assise, la face externe est en général dépourvue
d'ornements, tandis que la face interne présente, soit des plaques
ligneuses (Zathyrus, Aquilegia, Erodium), soit des filets convergents
vers le centre de la paroi (Malva, Lavatera), soit des bandes parallèles
entre elles (Zychnis, Papaver). Les valves devront donc se recourber
vers l'extérieur. Chez l’Æedysarum flexuosum, c’est la face externe
qui porte les ornements et la face interne qui en est dépourvue: aussi,
chez cette espèce, les valves se recourbent-elles vers l’intérieur.
Dans tous les cas, les parois radiales portent des bandes d’épaississe-
ment en rapport avec celles des parois tangentielles.
Ilest intéressant de remarquer que la déhiscence d’un certain nombre
de sporanges d’Hépatiques se produit par un mécanisme identique.
L’assise sous-épidermique (Calypogeia) ou à la fois l’épiderme et l’assise
sous-épidermique (Jungermania) portent des épaississements en forme
d'U, tout à fait comparables à ceux du Lychnis.
Il peut arriver que la forme des valves soit plus compliquée que dans
les cas précédents (Delphinium, Nigella, Antirrhinum). Chez le Nigella
Mspanica, par exemple, l’une des valves se recourbe complètement vers
l'extérieur, tandis que l’autre ne se recourbe que sur ses bords et reste
immobile dans sa partie moyenne. Cela tient à ce que, dans cette der:
— 150 —
nière région, les deux faces de l’assise fibreuse sont également lignifiées,
tandis que, dans la partie recourbée, la face interne seule porte des
plaques ligneuses.
Dans le cas où la couche fibreuse se compose de plusieurs assises, le
mécanisme est le même. Chez la Digitale, par exemple, la face externe
de la couche fibreuse est dépourvue d’ornements, tandis que la face
interne en présente un grand nombre. Chez le Tabac, les bandes
d’épaississement de la face externe sont toutes parallèles à l’axe de
l’anthère, tandis que celles de la face interne s’anastomosent et ont des
directions quelconques ; la contraction parallèlement à une section
transversale devra donc être plus grande sur la face externe.
Déhiscence porricide. — Elle a, en général, la même cause que la
déhiscence longitudinale, mais cette cause est localisée au sommet de
os
l'anthère, soit que la couche fibreuse ait disparu sur le reste de l’an-«
thère, soit qu’elle n’y présente pas Les caractères favorables à la déhis-
cence. Chez le Richardia, par exemple, la couche fibreuse existe dans
la partie indéhiscente de l’anthère, mais elle ne s’interrompt pas vis-à-
vis de la cloison et les ornements sont les mêmes sur les deux faces. Il
n’y a donc pas de raison pour quela déhiscence se produise. Au sommet,
au contraire, on voit que, dans une section transversale, les ornements
sont plus nombreux et plus épais sur la face interne, et que la couche
fibreuse est remplacée, vers le milieu de la loge, par un tissu mou
dont la grande contraction et la faible résistance favorisent la déhis-
cence. On peut expliquer d’une facon analogue la formation des pores
chez le Dianella, le Cassia et le Solanum, sauf que, pour le Cassia, les
cellules ne portent pas d’ornements, que c’est la paroi tout entière quim
est plus ou moins lignifiée, et que chez le Solanuwm la partie indéhis-
cente est dépourvue de cellules fibreuses. Les pores de la Bruyère ont
une tout autre origine; ils sont formés par la résorption de certains
tissus; aussi ne les voit-on pas se refermer en plongeant les anthères
dans l'eau.
à
— 151 —
DU DÉVELOPPEMENT DES ORGANES DANS LE RÈGNE
VÉGÉTAL,
PAR M. H. VorcaTina(l).
Applications à l’arboriculture.
L'ouvrage dont la seconde partie vient de paraître, cinq ans après
la première, peut être regardé à juste titre comme un événement au
point de vue de la botanique aussi bien qu’à celui de l’arboriculture.
Tous ceux qui ont suivi des cours d’arboriculture et qui ont étudié des
ouvrages sur cet art ont été peu satisfaits des explications soi-disant
physiologiques que les praticiens invoquent en faveur de leurs opéra-
tions. Le langage des arboriculteurs ressemble passablement à celui
des médecins du temps de Molière. Ils font monter, descendre, affluer,
concentrer la sève en n'importe quel endroit et dans n'importe quel
organe. Ils croient comprendre leurs explications absolument comme
les anciens médecins croyaient comprendre les leurs.
Il est clair que cet état de choses ne pouvait pas durer. Tout
physiologiste, qui s’est trouvé quelque peu en contact avec les arbori-
culteurs, à eu certainement le désir d'entreprendre des expériences
sérieuses dans le but de trouver la raison physiologique des artifices
des arboriculteurs et d'exploiter au profit de la science le trésor
d'observations que les praticiens ont accumulé depuis les temps les
plus reculés. Mais, pour y arriver, il aurait fallu, avant tout,
étudier l’art tel qu’il existe et nous ne craignons pas de dire que c’est
la nécessité absolue de cette étude préliminaire qui a découragé les
meilleures volontés.
_ M. Vüchting, professeur à l'Université de Bâle, n’a pas reculé
devant ces ennuis, et le livre que nous avons sous les yeux prouve
qu’il à eu raison.
(1) Recherches physiologiques sur les causes de l'accroissement et les unités
biologiques. — Ueber Organbildung im Pflanzenreich.— Physiologische Unter-
suchungen über Wachsthumsursachen und Lebenseinheïten, 2e partie, Bonn,
1834, in-8°, 200 pages et 4 planches. — Analyse, d’après les Annales agrono-
miques par M. P. P. DEHÉRAIN, 1884, p. 410. |
— 152 —
La première partie de ce travail s’occupait des causes qui déter-
minent le lieu et le degré de développement d’yeux dormants sur les
rameaux, les racines et les feuilles coupées. Il a été établi qu’en
première ligne interviennent des causes intérieures dont nous ne
pouvons que constater l’existence et, en seconde ligne, certains agents
extérieurs, surtout la pesanteur et la lumière.
Les causes intérieures trouvent notamment leur expression dans ce
fait que les rameaux tendent à produire des rameaux à leur sommet
et des racines à leur base, tandis que les racines produisent des racines
à leur sommet et des rameaux à leur base. C'est ce que l’auteur
appelle la polarité.
Il s’agit de voir à présent comment toutes ces forces visibles ou invi-
sibles que nous voyons agir sur des parties de plantes détachées inter-
viennent dans la construction de la plante entière, de l'arbre surtout.
L'auteur divise son mémoire de la manière suivante :
I. Introduction;
II. Opposition polaire dans l’ensemble des membres de la plante;
IIT. Accroissement de rameaux à bois inclinés ou courbés ;
IV. Le port des arbustes et des arbres;
V. De la symétrie dans l’accroissement du système radiculaire et
de la couronne;
VI. Varia;
VII. Historique et théorie de la taille des arbres fruitiers;
VIII. Appendice concernant les objections de M. Sachs.
Nous allons parcourir rapidement ces différents chapitres pour y
relever les points les plus intéressants.
I, — INTRODUCTION.
Avant d'exposer les parties expérimentales du travail, il est impor-
tant d'établir une sorte de classification parmi les plantes ligneuses;
un simple coup d'œil, même superficiel, nous apprendra qu’il faut dis-=
tinguer les arbres ou arbustes monocormiens de ceux qu’on peut appeler
polycormiens. Les premiers ne forment qu’un seul axe vertical ou
orthotrope, tandis que tous les autres sont latéraux ou plagyotropes M
L'effet pittoresque de l’ensemble est celui de l’unité, le tout est limité
par une surface conique ou par un ellipsoïde. Les conifères sont les
meilleurs représentants de ce groupe.
— 153 —
Il est évident que les végétaux du second groupe, les polycormiens,
n'ont d’abord qu'un seul axe principal, à côté duquel les autres axes
sont plagiotropes, mais peu à peu, ceux-ci font concurrence à l’axe
primaire, de sorte que les différents membres du système de ramifica-
tion dépendent les uns des autres à un degré beaucoup moindre que
dans les végétaux du premier groupe et que l'ensemble présente un
contour variable, tantôt régulier, tantôt irrégulier; l'art peut modifier
ces formes à l'infini, sans faire trop de violence à la nature. C’est à ce
groupe qu'appartiennent la plupart de nos arbres feuillus et de nos
arbustes. Il est presque inutile d'ajouter que ces deux types extrêmes
se relient entre eux par de nombreux intermédiaires.
M. Vüchting ne s'occupe provisoirement que des végétaux pol ycor-
miens ; les expériences sur les monocormiens, quoique très nombreuses,
n'ayant pas encore fourni de résultats définitifs. Il décrit ensuite le
système de ramification de ces arbres polycormiens. Examinons, en
hiver, sur un poirier, tous les rameaux sortis dans le courant de
l’année d’une branche à bois de l’année précédente; nous voyons que
le bourgeon terminal a produit une nouvelle branche-mère qui con-
tinue la direction de la précédente; un peu plus bas sortent encore
quelques branches latérales formant, avec la branche-mère, un angle
qui devient de plus en plus grand à mesure que l’on descend, d’abord
de 50°, puis de 700 et enfin de 82°; au sommet, tous ces rameaux longs
Se redressent et tendent à prendre la direction verticale; les rameaux
latéraux sont de plus en plus courts et finissent par devenir perpendi-
culaires à la branche-mère; à la base, celle-ci ne porte plus que des
bourgeons qui ne partent pas.
Quant à la grosseur des bourgeons nous pouvons faire les remarques
suivantes : sur les rameaux longs, le bourgeon terminal est le plus
gros; les bourgeons suivants sont à peu près égaux vers le milieu de
la branche; ils diminuent vers la base; tout à fait à la base, ils sont
très petits et peuvent même avorter. Tous ces bourgeons sont pure-
ment végétatifs, pas un seul ne donnera une fleur. Les bourgeons des
rameaux courts sont dans le même cas, à cela près que la grosseur du
bourgeon terminal dépasse de beaucoup celle des autres, souvent tel-
lement réduits qu'on ne les aperçoit qu'avec peine et que le rameau
tout entier ne semble porter qu’un bourgeon terminal; celui-ci produit
presque toujours des fleurs.
12
TAURS
— 154 —
Sur les rameaux longs, les entrenœuds basilaires sont courts, les
bourgeons très rapprochés; au milieu ils s’écartent davantage pour sem
rapprocher de nouveau au sommet; la loi est la même sur les rameaux }
courts, mais les entrenœuds sont toujours moins longs ; les coussinets
annulaires des feuilles très-rapprochés donnent au rameau un aspect
caractéristique.
Il existe des différences anatomiques considérables entre les rameaux
à bois et les rameaux à fleurs; les premiers sont bien plus solides que
les autres; à grosseur égale, il est bien plus facile de rompre un
rameau à fleurs qu'un rameau à bois. Les rameaux intermédiaires
entre les formes extrêmes dont il vient d'être question présentent
également des caractères moyens, mais il peut arriver, lorsque le
système de ramifications est pauvre, qu’il n’existe qu’un seul rameau
long au sommet, tandis que tous les autres restent très courts, sans
intermédiaire, et même que le rameau terminal reste relativement
court.
Sion n'intervient pas, ce mode de ramification continue indéfiniment,
du moins quant aux rameaux à bois ; mais les rameaux courts, qui se
terminent par une fleur ou par une inflorescence, subissent un change-
ment; l'axe du bourgeon s’allonge un peu et s’épaissit à tel point qu'il
prend la forme d’un tonneau; après la maturation des fruits, la partie
terminale de ces axes se détache et on voit au-dessous, un, deux, trois
ou plusieurs bourgeons à fleurs; rarement ces derniers produisent des
rameaux courts, feuillus, se terminant par des bourgeons à fleurs;
plus rarement encore, ils donnent naissance à des rameaux à bois.
Ainsi, on distingue d’abord les branches à bois et les branches à
fruits; parmi les premières, la branche apicale porte le nom de
branche-mère ou de branche tirante, les rameaux longs suivants,
celui de branches latérales, les gourmands enfin sont des rameaux à
bois qui naissent en un endroit quelconque des rameaux ou des
branches déjà âgés.
Les formes de passage entre les rameaux à bois et les rameaux à
fruits, lorsqu'ils sont grêles, droits, à entre-nœuds allongés, portent le
nom de brindilles ; un rameau semblable, mais court et ne renfermant,
pas encore de fleurs dans son bourgeon terminal, s'appelle dard ; on L
l'appelle Zambourde lorsque son bourgeon terminal renferme de jeunes
fleurs ; enfin, ces petits tonnelets, dont il a été question plus haut, et
qui sont de vrais foyers de fructifications, ce sont les bowrses.
— 155 —
M. Vüchting soumet l’orme et le tilleul à une étude semblable à
Celle que nous venons de résumer pour le poirier. Ces arbres n’étant
point cultivés pour leurs fruits, nous ne croyons pas devoir nous y
arrêter. |
Dans le système radiculaire, on distingue : 1° de longues racines
vigoureuses, correspondant aux longs rameaux aériens et qui, tous
les ans, continuent à leur pointe l’accroissement de l’année précé-
dente ; quelquefois des racines semblables naissent près du sommet
au-dessous de la pousse de l’année; 2° les racines fibreuses, plus
courtes, plus grêles que les précédentes, ramifiées, et qui naissent
latéralement sur les racines vigoureuses; 8° les racines absorbantes
qui se développent sur les racines fibreuses; elles sont courtes, assez
épaisses et ne produisent que des racines semblables. Chez quelques
arbres, le marronnier d'Inde, par exemple, elles se détachent tous
les ans; mais le plus souvent l'écorce seule se détruit, tandis que les
parties internes restent saines et reproduisent de nouvelles racines
semblables.
II. — OPPOSITION POLAIRE DANS L'ENSEMBLE DES MEMBRES DE LA
PLANTE.
1e Z'xpérience. — Une branche de saule de deux ans est détachée de
l’arbre, débarrassée de l'extrémité du rameau-mère qui aurait porté
des fleurs, de sorte que nous n’avons plus qu’une branche-mère portant
deux ou trois rameaux à bois. Cet ensemble, préparé au commencement
du mois de mars, est suspendu dans un grand bocal de verre, la tête
en bas ou la tête en haut, et maintenu dans l'obscurité. Après quelque
temps, on voit que tous les bourgeons voisins du sommet organique
des rameaux se sont développés et ont donné naïssance à des pousses;
toutes les racines, au contraire, se sont formées sur la partie organi-
quement basilaire quelle que füt d'ailleurs la position du complexus.
Celui-ci se comporte donc comme une unité; les forces polaires, qui
déterminent l'opposition de sommet et de base, se font sentir sur toutes
les terminaisons de l’ensemble.
2e Expérience. — La même expérience peut être faite sur des racines
d’orme traitées de la même manière. La partie morphologiquement
basilaire produit sur son callus de nombreuses pousses aériennes, tan-
dis que toutes les racines se montrent près de tous les sommets du
— 156 —
complexus radiculaire. L'auteur fait remarquer à ce propos que les
feuilles qui, isolées, produisent facilement des racines, ne le font pas,
lorsqu'on les laisse réunies au rameau. En effet, dans le premier cas,
la feuille est une unité, dans le second le rameau garni de feuilles est
l’unité et donne naissance aux racines à la base du rameau.
3° Expérience. — Des germinations de pois ont été divisées en deux
lots, qui ont subi les traitements suivants :
a) On a détaché la radicule immédiatement au-dessous des cotylédons
et les jeunes plantes ainsi mutilées ont été partiellement enterrées dans
la terre ou dans la sciure de bois humide.
Il s’est formé un cal d’où sont sorties une ou plusieurs masses assez
peu semblables à des racines, portant à leur tour de fines racines
normales ; un examen attentif a permis d'affirmer que ces masses parti-
culières ne sont que des racines fasciées.
b) On a détaché la tigelle au-dessus des cotylédons en ayant soin
d'enlever également les bourgeons qui naissent dans l’aisselle des
cotylédons et même le tissu sous-jacent.
Les racines ont continué à se développer normalement; la plaie s’est
recouverte d’un cal plus épais à la place des anciens bourgeons axil-
laires; souvent l’accroissement s’est arrêté là; d’autres fois, un ou
deux rameaux sont sortis précisément des parties épaissies du cal.
c) On coupe la tige au dessus des cotylédons en laissant les bourgeons
axillaires de ceux-ci. Ces bourgeons axillaires se développent immé-
diatement et remplacent l’axe-mère absent.
d) On coupe la tige au-dessus de la première feuille : le bourgeon
axillaire de cette feuille s’accroït de suite, ceux des cotylédons égale-
ment, mais avec moins de vigueur; le rameau rejette sur le côté le
reste de l’axe-mère et en continue la direction.
e) Les opérations analogues faites sur les racines ont donné les
résultats attendus. La racine secondaire la plus rapprochée de la plaie
se trouve favorisée et remplace la racine principale enlevée; d’autres
fois deux ou trois racines secondaires rapprochées exagèrent simulta-
nément leur croissance sans que l’une d'elles soit favorisée vis à vis
des autres, évidemment parce qu’elles sont toutes insérées à la
même hauteur.
Dans toutes ces expériences, les différents objets étaient librement.
exposés à l’action de la pesanteur .On les a répétées en fixant les plantes
|
— 157 —
ou les rameaux sur un elinostat, appareil qui sert à leur imprimer un
mouvement lent de rotation autour d’un axe horizontal de manière à
supprimer la pesanteur. Les résultats ont été les mêmes.
Une série d’autres expériences analogues sur des jeunes pieds
d'érable de trois à cing ans n'ont fait que confirmer les faits observés
sur les jeunes plantes herbacées et sur les rameaux et les racines isolés.
Nous avons reproduit ces premiers essais avec quelques détails afin
de donner au lecteur une idée des procédés de M. Vôchting. A l’avenir
nous pourrons nous borner à un résumé d’autant plus succinct que c’est
moins l'expérience en elle-même, qui est nouvelle, que l’idée d’en tirer
parti pour la science.
L'auteur complète les notions sur la polarité par de nombreuses
opérations méthodiquement poursuivies sur des poiriers cultivés en
pleine terre. Les effets de ces amputations à différentes longueurs sur
les rameaux à bois, sur les brindilles, les dards, etc., et même sur les
racines, sont trop connus des arboriculteurs pour qu'il soit nécessaire
de les reproduire ici.
M. Vôchting termine ainsi le premier chapitre de son travail :
« Un même bourgeon peut se transformer en un rameau à bois, long
ou court, en un rameau à fleurs, en une épine, ou bien, il peut rester
dormant; un même primordium de racine peut devenir une racine
puissante semblable à la racine principale ou une fine racine secon-
daire. Mais les conditions qui déterminent le mode de développement
du bourgeon ou de la jeune racine sont entièrement dans la main de
l’expérimentateur. »
Tout cela n’est pas absolument nouveau; bien plus, les faits énoncés
sont, depuis des temps immémoriaux, la base même de l’art de tailler
les arbres; mais l'interprétation diffère notablement de celle de
Duhamel qui croit à la qualité spécifique de la sève, propre dans un
cas à former des racines, dans l’autre à former des branches, de
de Candolle qui fait intervenir la chaleur du sol emportée par la sève
ascendante jusqu’au sommet des rameaux où elle donnerait aux bour-
geons supérieurs la faculté de s’accroïître plus rapidement que les
autres, de Hofmeister qui s'adresse surtout à la pesanteur.
Pour M. Vôchting, tous ces faits dépendent avant tout d’une force
intérieure ; cette même force qui dirige l'édification de l'arbre intact,
agit de même lorsqu'il s’agit de la régénération de parties mutilées.
— 158 —
III. — ACCROISSEMENT DE RAMEAUX A BOIS INCLINÉS OU COUREÉS.
Dans son premier mémoire, l’auteur a montré que des rameaux
coupés, maintenus dans une position horizontale ou inclinée, déve-
loppent leurs bourgeons au sommet, sur tout le pourtour, et à la face
inférieure jusqu'à une certaine distance du sommet, tandis que les
racines naissent à la base, sur tout le pourtour, et à la face inférieure
jusqu’à une certaine distance de la base. La cause de ces phénomènes
doit être recherchée dans la combinaison de la force intérieure, dont
il a été question plus haut, avec la pesanteur. |
Les mêmes faits ont été observés sur les rameaux attenant à l’arbre,
sauf naturellement la production de racines. La couronne de bourgeons
autour du sommet se développe toujours; quant aux autres, la face
supérieure du rameau est d'autant plus favorisée que sa position se
rapproche davantage de l'horizontale. IL est à remarquer que le
rameau complètement renversé, puis amputé au sommet, produit bien
encore sa couronne de rameaux terminaux mais que presque tous les
autres bourgeons se développent même parfois jusqu’à la base sans que
l’un des côtés soit favorisé. Tels sont les faits relatifs au premier
développement des bourgeons; il s’agit de voir maintenant quel sera le
développement ultérieur de ces bourgeons. Tant que la branche ne
s'incline pas au-dessous de l'horizon, le rameau le plus voisin du
sommet tronqué, même s’il naït à la face inférieure conserve l’avance
qu'il a prise dès le début; mais, lorsque la branche est fixée suivant
l'horizontale, il est bientôt dépassé par un des rameaux qui naissent à
la face supérieure dans le voisinage du sommet, souvent même par un
rameau qui part au milieu ou à la base de la plante.
Lorsque la branche est renversée, ce sont ordinairement les rameaux
voisins de la base qui l’emportent sur les autres. Mais toutes ces règles
ne sont pas sans exceptions ; souvent, quelle que soit la position anor-
male qu’on donne à la branche, les rameaux se développent exclusive-
ment dans le voisinage du sommet morphologique.
À ces essais fondamentaux, l’auteur rattache plusieurs séries d’expé-
riences sur le saule, l’Aria, le Nequndo, le coudrier, la vigne, etc.,
expériences qui avaient pour but de dévoiler le développement des
rameaux non seulement sur des branches inclinées ou roulées en spirale
sur un support, mais encore d'étudier le développement ultérieur des
— 1959 —
rameaux sur une branche qu’on avait couchée dans la position anor-
male après que les bourgeons étaient déja développés. Les résultats
ont été en général conformes aux prévisions déduites des expériences
précédentes ; dans tous les cas, nous ne pouvons les reproduire ici et le
lecteur désireux d’en connaître tous les détails devra s'adresser à
l'original.
L'auteur étend ensuite ces études, qui ne comprenaient jusqu'alors
que l'influence de la courbure et de l’inclinaison sur un rameau unique,
sur le complexus tout entier de branches et de rameaux et il résume
ces observations dans les deux paragraphes suivants :
1) Lorsque deux rameaux longs parvenus au même degré de déve-
loppement sont insérés à la même hauteur sur une branche-mère ver-
ticale et qu'ils sont également inclinés sur l'horizon, leur eroissance
s’accomplit en général de la même manière. Mais lorsque les rameaux
insérés à la même hauteur sont différemment inclinés, leur croissance
n’est plus la même. Elle est d'autant plus faible que le rameau est plus
incliné et d'autant plus forte qu’il se rapproche davantage de la posi-
tion verticale. Le maximum de l'énergie de la croissance correspond à
la position verticale et les différences de ces énergies sont en général
proportionnelles aux différences d’inclinaison.
2) La croissance de deux rameaux longs, de force et de hauteur
d'insertion différentes, est directement proportionnelle à la force et à
la hauteur d'insertion et inversement proportionnelle à l’inclinaison.
Le phénomène devient encore plus compliqué lorsque la branche-
mère, au lieu d’être verticale comme nous l'avons supposé dans le cas
précédent, s'incline plus ou moins vers l'horizon; les facteurs qui
déterminent l’accroissement des rameaux seront alors au nombre de
quatre, Savoir : |
a) la distance de l'insertion au sommet du rameau; b) le degré de
développement déjà acquis; c) le degré de l’inclinaison du rameau;
d) sa position à la face inférieure ou à la face supérieure.
Sur le poirier et sur le pommier, le ralentissement de la croissance
des rameaux de la face inférieure et des rameaux inclinés favorise
naturellemeni la formation des rameaux à fleurs.
L'auteur jette un dernier coup d’œil rétrospectif sur ces diverses
expériences et il résume son opinion dans un petit exposé très clair
sous sa forme mathématique.
— 160 —
Deux forces sont en présence, la polarité, force intérieure et la
pesanteur. La première tend à former des rameaux au sommet OTgA=
nique ou morphologique de la branche-mère, la seconde tend au con-
traire à développer les rameaux sur les régions les plus élevées, .
Suivant l’inclinaison, la courbure, etc., du rameau, ces deux forces
pourront agir dans le même sens ou agir dans des sens opposés; en
d’autres termes, la pesanteur ajoute son effet à la polarité lorsque la
position du rameau est comprise entre l’horizontale et la verticale
ascendante, elle entrave la polarité lorsque l’inclinaison du rameau
tombe sous l'horizon, et elle lui est directement opposée lorsque le
rameau descend verticalement de haut en bas.
IV. — LE PORT DES ARBUSTES ET DES ARBRES.
Arbustes. — L'auteur décrit d’abord la croissance de plusieurs
arbustes (Rhipsalis Saglionis, Heterocentron diversifolium, Berberis
vulgaris, Sambucus nigra, Symphoricarpus vulgaris et racemosus,
Lycium barbarum), pour déduire ensuite des faits observés, les causes
qui interviennent dans la production des aspects si divers qu'ils
présentent.
Le mode de croissance d’un arbuste, son port, dépendent en première
ligne de facteurs inhérents à l'édification morphologique de l'espèce.
Jusqu'à présent, cette cause intérieure échappe à l’expérimentation
directe; mais une série d’influences extérieures concourrent également
à imprimer aux arbustes leur cachet particulier. Grâce à leur poids
propre, et peut-être à un éclairage unilatéral, les rameaux subissent
une courbure qui entraine les développements des rameaux longs en
avant de l’endroit courbé ou sur la courbure même; ce phénomène a
pour résultat d'empêcher l’arbuste de s'élever rapidement à une grande
hauteur. |
Souvent l'extrémité des rameaux de l’année est trop faible pour
supporter le froid de l'hiver et meurt avant la nouvelle poussée prin-
tanière (Clerodendron, Indigofera, Vilex, Poeonia Moutan). Arrivées à M
une certaine hauteur, les branches ramifiées ralentissent leur accrois-
sement, et, à leur base, se développent d’autres branches, les innova-
tions, qui tantôt s'élèvent directement, tantôt séjournent dans le sol à
l'état de rhizomes, destinés plus tard, soit à redresser leur extrémité,
soit à émettre des rameaux aériens. Au premier abord, il est difficile dem
— 161 —
comprendre le développement des rameaux d'innovation à la base des
rameaux préexistants. Mais, quand on songe que ces derniers ne sont
doués que d’un accroissement limité, on ne tarde pas à voir que ce cas
peut être ramené à celui d’une feuille, autre organe à accroissement
limité qui produit également des racines et des rameaux à sa base.
Arbres.— Les arbres se divisent, quant à leur port, en deux groupes
distincts : ceux à rameaux dressés et les arbres pleureurs.
Ces derniers présentent plusieurs types :
ler Type. — Arbres pleureurs dépourvus de toute tendance à l’élé-
vation.
Sophora japonica, var. pendula.
Tous les rameaux sont étroitement recourbés à la base, de manière
à diriger leur extrémité verticalement de haut en bas. Au printemps,
on voit se développer les bourgeons terminaux, mais ces jeunes
rameaux sont bientôt dépassés par d’autres qui prennent surtout
naissance à la face supérieure de l'endroit courbé, et qui usurpent
bientôt le rôle de véritables rameaux d'innovation; ils se courbent à
leur tour et ainsi de suite, de sorte qu’au bout de quelques années,
chacun de ces systèmes apparaît sous la forme très caractéristique
d’une série d’arceaux implantés les uns sur les autres. A celà s'ajoute
que, tôt ou tard, la partie de chaque pousse qui est située au-delà des
innovations, se dessèche et meurt.
Le Caragana arborescens var. pendula appartient également à cetype.
2° type. — L'arbre pleureur s'élève peu à peu à l’aide de quelques
rameaux isolés qui se dressent au lieu de rester pendants.
Fraxinus excelsior var. pendula.
& type. — L'arbre pleureur s'élève par le redressement postérieur,
négativement géotropique des plus forts rameaux d’abord pendants.
Faqus syloatica var. pendula.
4e type. — L'arbre pleureur s'élève par suite de la combinaison
des deux phénomènes qui sont intervenus dans la formation du
deuxième et du troisième type.
Saliz babylonica, Forsythia suspensa.
Toutes les formes des arbres pleureurs que M. Vôüchting a eu l’occa-
sion d'étudier peuvent être rangées dans l’un de ces quatre types.
La plus grande, ou pour mieux dire, l'unique difficulté, est de
savoir pourquoi les rameaux des arbres pleureurs pendent. Dutran-
— 162 —
chet attribuait l'accroissement de haut en bas des rameaux du frêne
pleureur, à l’héliotropisme négatif; mais il est facile de se convaincre
de l’inexactitude de cette opinion; en effet, lorsque cet arbre croït au
bord d’un massif, et qu’il ne recoit par conséquent la lumière que
d’un seul côté, la majorité des rameaux se développe du côté éclairé.
Hofmeister, et avec lui plusieurs autres observateurs, indiquent le
poids des feuilles et la faiblesse des rameaux comme la cause de leur
direction anormale. M. Vôchting se range à cet avis qu'il a vérifié
pour les variétés du hêtre, du coudrier, du sophora, du frêne, etc.
Cependant il doute, à la suite d'expériences non encore terminées,
et qu'il ne décrit pas, que cette cause purement mécanique soit la
seule ; il semblerait que le géotropisme positif peut ajouter son effet à
celui du poids. |
Chez les arbres à rameaux dressés, on reconnait aisément le con-
cours de ce que M. Vôchting appelle la cause intérieure, spécifique,
variant, quant à ses effets, d’une espèce à l’autre, avec le géotropisme
négatif et l’action de la lumière. Peut-être même y a-t-il encore
d’autres facteurs; dans tous les cas, ces causes tendent constamment à
augmenter la hauteur de l’arbre, à en écarter verticalement les diffé-
rents membres, tandis que la lumière favorise les rameaux situés à
l'extérieur. La forme pyramidale si prononcée chez notre peuplier
pyramidal, et qui peut être considérée comme l'opposé des formes
pleureuses, mérite une mention spéciale. Tous les rameaux principaux
qui naissent, suivant les règles établies, dans le voisinage du sommet
des branches, se dirigent verticalement de bas en haut et l’emportent
de beaucoup sur les rameaux obliques ou horizontaux insérés plus
bas: iis forment des faisceaux serrés, dont les parties internes, c’est-à-
dire tournées vers le tronc, dépérissent faute de lumière. En même
temps le rameau dont la direction se rapproche le plus de la verticale
est favorisé, ce qui, malgré le grand nombre de concurrents, conduit à
la formation d’un tronc.
V. — DE LA SYMÉTRIE DANS L’ACCROISSEMENT DU SYSTÈME RADICULAIRE
ET DE LA COURONNE.
Du Petit-Thouars considérait le végétal, non comme un indiviâu,
mais comme une réunion d'individus dont chacun est composé d'un
bourgeon et d'une racine mis en relation l’un avec l’autre par un
— 163 —
faisceau fibro-vasculaire ou par une réunion de faisceaux appelé
« trace foliaire. » Depuis longtemps déjà, cette théorie, spirituel-
lement développée par le botaniste français, a dû céder devant
l'observation anatomique, qui nie l’individualité complète du faisceau
fibro-vasculaire. Elle reposait néanmoins sur des faits ancienne-
ment connus, professés par Duhamel, par Senebier et par la majorité
des arboriculteurs modernes. Un pommier planté à la limite entre
la terre labourée d'un jardin et un gazon se développe surtout du
côté du jardin. Si on ampute une forte racine d’un arbre fruitier, la
branche correspondante subit un retard manifeste, mais sans périr.
Bref, cette correspondance entre les branches et les racines est
souvent considérée comme l’une des bases de la taille des arbres. Nous
savons aujourd'hui qu’une masse déterminée de feuilles correspond à
un développement donné des branches, à la grosseur du tronc, à un
système donné de racines : cette relation est purement spécifique,
c'est-à-dire, qu’elle n’est pas nécessairement la même pour tous les
arbres, mais deux causes, l’une mécanique, l’autre physique, main-
tiennent cet équilibre ; un arbre dont les parties aériennes sont tres
développées exige des racines également très fortes; si la couronne
prend de fortes dimensions, les racines sont également mieux nourries
et peuvent mieux s’accroître, et inversement si le système radiculaire
est robuste, la couronne en profite.
Apres ces considérations générales l’auteur étudie quelques faits
tirés de la pratique horticole et qui doivent servir de démonstration.
A) Cullure en pot des arbres fruiliers. — Lorsqu'un arbre fruitier
est cultivé en pot et que ses racines ne peuvent pas s'étendre normale-
ment, le système végétatif tout entier est en souffrance ; chaque branche
he produit guère qu’un seul rameau à bois, souvent même on est obligé
d’avoir recours à des recepages pour obtenir une couronne suffisante;
en revanche, la production des fleurs et des fruits est favorisée au plus
haut degré. L'individu cultivé de cette manière vit cependant
beaucoup moins longtemps que dans les conditions normales.
Il semble donc qu’il existe une relation entre les rameaux longs et
les racines longues, entre les rameaux courts et les courtes racines
fibreuses.
B) La taille des racines. — La taille des racines, connue depuis
l'antiquité, préconisée de nouveau surtout en Angleterre, repose sur
— 164 —
le même principe. Si tous les ans on coupe les plus fortes racines”
d’un arbre, tout en lui donnant les fumures nécessaires, on l’oblige à"
former une motte serrée de petites racines fibreuses. On réduit de
beaucoup le développement des rameaux à bois et on favorise celui
des rameaux à fleurs. C’est pour la même raison que de jeunes arbres
nouvellement transplantés portent souvent de nombreux fruits dans
les premières années, tandis qu'ils deviennent stériles plus tard, alors
que leurs racines ont pu prendre de la force.
c) La décortication annulaire. — L'auteur nous donne d’abord un
aperçu historique très complet et très intéressant de la question pour
exposer ensuite brièvement ses propres idées. |
Quant à ses conséquences physiologiques, la décortication annulaire
équivaut à une séparation totale des rameaux, à la formation d’un
nouvel individu dont la croissance se poursuit d’une manière indépen-
dante et qui ne recoit de l’organisme maternel que la sève brute; la
portion du rameau située au-dessus de la blessure annulaire se com-
portera donc comme une plante dont on empêche le développement
radiculaire. Il ne se produit pas de rameaux longs, mais, au contraire,
de nombreux fruits; cela pourrait continuer pendant longtemps, s'il
n’intervenait pas de troubles dans l’ascension de la sève brute, trou-
bles qui causent la mort de l'individu à moins que les bourrelets
cicatriciels ne parviennent à rétablir la communication morpho-
logique avec la plante-mère.
De même que la plaie annulaire limite la base d’un individu mor-
phologique, de même elle détermine le sommet de l'individu inférieur;
en conséquence, il naît des rameaux longs immédiatement au-dessous
de la plaie, ainsi que M. Hardy l’a constaté. A l’air humide, le bour-
relet qui se forme à la base du rameau séparé par la plaie annulaire
produit des racines, et lorsque celles-ci sont entourées de terre, on voit"
naître des rameaux longs à la partie supérieure du nouvel individu.
Les décortications incomplètement annulaires produisent des effets
analogues. En pratiquant une plaie de ce genre au-dessus d’un bour-
geon dormant, on le fait partir; on peut également, par le même pro-
cédé, exagérer le développement d’un bourgeon, par exemple remplacer«
un bourgeon à fleurs par un bourgeon à bois. Si on fait l'entaille au=
dessous d’un bourgeon au lieu de la faire au-dessus, on le retarde ou
on peut même le conserver à l'état dormant.
— 165 —
Grâce aux principes énoncés ci-dessus, il est facile de prévoir les
phénomènes que la décortication annulaire provoque sur les racines.
Au-dessus de la plaie naissent de nouvelles racines, tandis qu’au
dessous, la portion individualisée tend à former des bourgeons à son
sommet morphologique.
VI. — VARIA.
Le chapitre intitulé Varia traite des périodes vitales de l'arbre et
résume de nouveau, mais d’une manière plus générale, les relations
entre la polarité des plantes ou parties de plantes et le géotropisme.
Le point de vue pratique que nous avons choisi nous permet de le
passer sous silence.
VII. — HISTOIRE ET THÉORIE DE LA TAILLE DES ARBRES.
Il est peu de sciences ou d'arts, si on veut, qui, par pur empirisme,
Soient arrivés à un aussi haut degré de perfection que la taille des
arbres.
Les savants sont assez enclins non seulement à nier l’utilité de la
taille des arbres, mais à la traiter de nuisible, de barbare, de contraire
à la nature. Certes, ils auraient raison si la prospérité d’un arbre était
toujours l’état que nous recherchons dans un but intéressé. Si ces
savants étaient logiques, ils défendraient également la castration des
animaux domestiques. En châtrant un animal, nous reportons toutes
son activité sur la vie végétative; nous faisons l'inverse en taillant
les arbres; il est vrai que nous abrégeons la vie de l'individu, mais peu
nous importe : quand l’arbre ne produira plus de récoltes suffisantes,
nous le remplacerons par un autre.
L'art de la taille des arbres, tel que nous le possédons aujourd'hui,
est d’origine septentrionale, quoique certaines pratiques nous aient été
léguées par les anciens; il est, en effet, aisé de reconnaître dans nos
procédés méthodiques, une influence de climat complètement étrangère
à la région méditerranéenne. Les froids de l'hiver, les gelées printa-
nières, les étés trop frais nous obligent à cultiver nos meilleurs fruits
le long des murs, ce qui nous permet de les abriter à peu de frais.
Nous devrons donc donner aux arbres une forme convenable, forme
qui répugne à la nature et que l’arboriculteur habile cherche à obte-
nir sans trop nuire à l'arbre. Tel est le premier objet de notre art; le
— 166 —
second consiste à activer la vie sexuelle aux dépens de la vie végéta-
tive autant que le permet l'harmonie nécessaire entre les deux fonc- 4
tions de la plante. |
M. Vôchting écrit l'histoire de l’arboriculture depuis Boycean de la
Baranderie (1638) jusqu'aux travaux de M. Hardy et de M. Lucas. Il
nous montre nettement combien Legendre et La Quintinye ont lutté«
sans succes contre la production des rameaux verticaux et des gour-
mands sur l’axe principal de leurs arbres en espalier; il résume la
fameuse théorie de la sève de ce dernier auteur dont il reconnaît,
d’ailleurs la compétence et le mérite. Déjà du temps de La Quintinye,
les cultivateurs de Montreuil, les Pepin entre autres, ont complète-
ment révolutionné l’arboriculture en espalier, en renonçant à l’ancienne
palmette, en supprimant l'axe vertical, et, autant que possible, tous
les rameaux verticaux, en tirant enfin parti des gourmands au
lieu de chercher à les détruire. L'arbre ne recevait que deux
branches maîtresses inclinées à droite et à gauche d'environ 45° et
dont les ramifications formaient les ailes droite et gauche de l’arbre.
C’est à un prêtre parisien, Roger Schabol (1767) qu'on doit la publi-
cation de la culture « à la Montreuil » ; Schabol adopta, à peu de chose,
près, la théorie de la sève de La Quintinye; il donne à la sève une
signification véritablement individuelle au point que ces expressions
deviennent souvent des anthropomorphismes; c’est à lui, en effet, que
nous devons les expressions de « dompter la fougue de la sève »,
« amuser la sève », etc.
Duhamel, dont les procédés pratiques sont certainement inférieurs
à ceux de Schabol et de Butret qui travailla également à répandre les
méthodes de Montreuil, s'est au contraire illustré par des vues théo=
riques plus concises et peut être meilleures que tout ce qui a été écrit
avant et après lui.
Hales et Knight (1813) ont à leur tour apporté un important con: |
tingent de connaissances théoriques; jusqu'alors science et pratique
avaient marché de pair, s'appuyant mutuellement l’une sur l’autre;
mais bientôt une scission se dessina d’autant plus profonde que les
progrès des études anatomiques et physiologiques ont été plus rapidesé
le praticien, incapable de suivre ce mouvement, se borna désormais
à établir des règles et préceptes empiriques. Néanmoins Mustel (1781)
et Féburier (1812) reconnaissent l'existence de deux sèves distinctess
e
pe
Arrivé à ce point de son historique, M. Vôchting abandonne la
méthode chronologique pour décrire la culture des principaux arbres
fruitiers.
Nous ne pouvons pas reproduire ces chapitres; contentons-nous de
citer les auteurs que M. Vüchting a consultés.
Culture du pêcher. — Lepère.
Culture du poirier. — Hardy, Lucas, Du Breuil, Baltet, Dolivot.
Culture de la vigne. — V. Babo, Metzger, Bronner, Du Breuil,
Carrière, Guyot, Müller et Lebel, Hardy, Hooïibrenk, Rose-Charmeux.
Le dernier chapitre a pour but d'éclairer la discussion entre l’auteur
et M. Sachs, au sujet de la cause interne dont il a été question dans
la première partie de cet ouvrage. Il nous paraît inutile d’insister sur
cette querelle qui à pris, par moments, un caractère personnel dont
les causes et les tendances nous échappent et dont l’aigreur ne saurait
que nuire à la dignité des savants.
LE FLEUVE CONGO, DEPUIS SON EMBOUCHURE
JUSQU’A BOLOBO,
PAR H.-H,. JonnsTon (Simpson, Low Er Cie, 1884).
M. Johnston vient de faire paraître, sous ce titre, le récit détaillé
de son voyage à travers l'Afrique tropicale. L'auteur, naturaliste
ayant tout, s'est attaché spécialement à peindre aux yeux du lecteur
la merveilleuse végétation de ces contrées. L'ouvrage, orné de nom-
breuses gravures, se recommanderait à la fois par l'intérêt de son
style et l'exactitude de ses descriptions, s’il faut en croire la notice
bibliographique suivante, que nous empruntons au Gardener’s Chro-
nicle (mai 1884, p. 648).
Il est malheureusement notoire que les livres de voyages sont en
général peu satisfaisants ; ou le voyageur est un homme sans esprit
d'observation, incapable de voir ou d'apprécier, dépourvu de juge-
ment et de tact et ne sachant discerner ce qui est susceptible d’inté-
resser le lecteur; ou bien, s’il possède les connaissances et les
dispositions nécessaires, il manque des aptitudes requises pour
exposer, sous une forme attrayante, les résultats de ses investigations.
— 168 —
M. Johnston réalise, sans contredit, un type tout différent. Il
déborde d'intelligence et de zèle; il sait après quoi regarder et
comment regarder; il admire ou du moins apprécie tout ce qu'il
voit, et les pages qu’il écrit reflètent de la façon la plus heureuse le
juvénile enthousiasme qui fait le fond de son caractère. De tout cela
résulte un livre de voyages fécond en utiles renseignements et d’une
lecture aussi attrayante qu’un roman — plus intéressant, à coup sûr,
que la plupart d’entre eux. Presque toujours, quand il s'agit de
livres de l'espèce, dont les auteurs voyagent pour leur agrément per-
sonnel, le lecteur dépose l’ouvrage avec un sentiment de regret, à la
pensée que ces facilités, ces occasions d'observer et d'étudier sont
échues en partage à des gens qui ont su en tirer si peu parti pour le
bénéfice de leurs semblables. D'autres fois ce sont d’éblouissantes
descriptions d'animaux ou de plantes, si bizarrement tracées qu’il n’est
pas de mortel capable de se faire une idée de ce à quoi peut ressembler
pareille créature. Nous laissons volontiers à ces « gentlemen » leurs
voyages et leurs distractions; mais pourquoi diable se mélent-ils
d'écrire ? Dans l’œuvre de M. Johnston, tout au contraire, l'exactitude
des descriptions s’allie à un style d’une vigueur et d’une fraicheur
incomparables. « Je me suis efforcé, » dit l’auteur, « de produire, en
m'aidant de la plume et du pinceau, un « guide au Congo » capable de
donner à ceux qui projettent pareil voyage, aussi bien qu'à ceux qui
demeurent au logis, une idée exacte de ce qu'est le grand fleuve. Tout
ce qui s’y trouve écrit ou dessiné a été directement emprunté à la
nature, et les fautes qui le parsèment dépendent de l'insuffisance des
détails plutôt que de l’inexactitude des contours. » Telle est l’appré-
ciation, beaucoup trop modeste, que l’auteur formule sur son livre; il
nous à suffi de le parcourir pour nous convaincre, que cette prétendue
insuffisance de détails est, dans l'espèce, un avantage plutôt qu’un
défaut, du moins pour le commun des lecteurs auxquels ce livre est
destiné; tandis que les contours, nettement tracés et évidemment
exacts, servent admirablement à donner une idée claire et précise de la
nature des contrées parcourues et de leur caractère général, organique
ou inorganique. M. Johnston, partant d'Angola, s’est dirigé au Nord
vers l'embouchure du Congo, puis il a remonté le cours du fleuve vers |
l'Est jusqu’à Balobo, à 300 milles environ de la côte. Depuis la Sierra
Leone jusqu’au 4e ou au 5m degré au Sud de l'équateur, les forêts
— 169 —
serrées et touffues habituelles aux régions tropicales et patrie des
gorilles, bordent le littoral et s'étendent dans l'intérieur des terres
jusqu'à Victoria Nyanza et au lac Tanganika. Plus au sud se déploie
une immense savane, plus parcimonieusement boisée et ressemblant
davantage à un parc — « désignation que justifient ses vastes pelouses
découvertes et ses groupes décoratifs d'arbres aux épais ombrages. »
C'est à travers ce district, fécond en plantes intéressantes dont
Welwitsch nous a fait connaître un bon nombre, que M. Johnston fit
route pour rendre visite à Stanley et aux différentes stations de
l'Association africaine établies sous les auspices du souverain de
Belgique. Plus au sud encore, le long du littoral, s’étend une vaste
région où la végétation est clairsemée et les pluies extrêmement
rares, et qui passe à son tour à de vastes déserts de sables, où il pleut
à peine et dont aucun tapis végétal ne couvre la triste nudité. C’est la
patrie du Welwitschia. Mais l'intérêt du présent volume réside entière-
ment dans le district semblable à un parc qu'arrose le Congo inférieur.
Nous laissons parler l’auteur lui-même : à peine a-t-il dépassé
l'embouchure du fleuve, à Kissangé, qu'il écrit les lignes suivantes :
« Nos qualificatifs sont insuffisants pour décrire, comme elle le mérite, la
végétation de pareilles contrées. Il nous faudrait une langue à l'instar de
celles de l’Afrique centrale, qui ont jusqu'à sept termes différents pour
exprimer diverses sortes de forêts... Il y existe une luxuriance de végétation,
une profusion de feuilles et de fleurs, qui défie le pinceau aussi bien que la
plume. Les torrides ardeurs du soleil, la fermentation d’une boue fangeuse
évoquent une végétation capable de lutter, par l’abondance, la variété et les
mounstrueuses dimensions de ses formes, avec les forêts de la période houil-
lère, et conservant, jusqu’à notre époque dégénérée, quelque chose de la puis-
sance et de la majesté du royaume de Flore dans les siècles d'autrefois. »
« Pour ce qui est de la parcimonie et du peu d'apparence des fleurs,
que certains auteurs reprochent à la végétation de ces contrées,
M. Johnston nous apprend, que « l'Afrique tropicale, au moins,
dément la théorie des naturalistes disposés à refuser aux zones équato-
riales des fleurs comparables à celles des régions tempérées. » En toute
première ligne vient une Orchidée terrestre, le Zyssochilus giganteus,
qui s'élève à une hauteur de 1"80, avec « une profusion de fleurs
rouge mauve, jaune d’or au centre, telles qu'il n'existe guère au
monde de plantes susceptibles de rivaliser avec elles pour la richesse
15
— 170 —
du coloris et la délicatesse des contours. Ces Orchidées, avec leurs
feuilles vert-clair, ensiformes et leurs robustes hampes florales incur-
vées, croissent par groupes de quarante à cinquante individus; elles
se mirent dans les mares d’eau stagnantes peu profondes où baignent
leurs bulbes et teignent de leur délicate nuance la lisière des majes-
tueuses forêts au feuillage vert-pourpre. » En remontant le Congo,
près de Stanley-Pool, l’auteur consacre au paysage les lignes suivantes:
« Sur ce promontoire, qui surgit presque perpendiculairement du sein des
eaux, les forêts s’accrochent aux flancs des collines, serrées, compactes, sans
que l’œil, aussi loin qu’il puisse voir, découvre dans leur luxuriance la moindre
éclaircie. Dans cette saison de l’année, presque tous les arbres sont en fleurs,
et il en résulte une variété de coloris d’un effet saisissant. Ici ce sont des
corolles écarlates répandues avec une étonnante profusion, là des fleurs pen-
dantes d’un blanc rosé, gracieusement attachées par leurs longs pédoncules
flexibles au sein de la masse sombre du feuillage, tandis que des lianes
errantes promènent, tout le long des victimes qu’elles enserrent, leurs tiges
souples et vigoureuses et leurs fleurs jaunes et pourpres. Il n’est pas une note
de la gamme du vert qui ne soit représentée; les arbres que couronne cette
luxuriance de feuillage varient en couleur du vert bleu au jaune verdâtre et du
blanc verdâtre au roux, en même temps que leur forme et leur aspect se modi-
fient à l'infini. Il en est dont le feuillage est dense et serré, d’autres où il est
épars en touffes irrégulières. D’élégants Mimosas élèvent fièrement au-dessus
de leurs congénères leur superbe couronne vert sombre velouté; çà et là surgit,
du sein de cet océan de verdure, la cime aigüe de quelque Dracæna. Les vastes
feuilles planes d’un Figuier alternent avec les frondes plumeuses d’un gracieux
Palmier. Ici c’est une tige complètement masquée par un inextricable lacis de
flexibles lianes, formant à sa surface une sorte de toile d’araignée: là de
robustes Calamus, dressés au bord de l’eau, figurent une sorte de clôture treil-
lissée et semblent interdire l’entrée de ces forêts enchanteresses, que parais-
sent garder, sentinelles vigilantes, les Lis blancs (Crinum) disséminés le long
du rivage. »
« Toutefois, au point de vue exclusif de la luxuriance et de la
richesse, 1l n'est rien qui puisse entrer en lice avec les fruits des
Cucurbitacées, dont les brillantes nuances servent à attirer l’attention
des oiseaux.
« L'esprit d'observation de l’auteur est mis en évidence par ce qu'il
dit des Dracaenas et des Euphorbes succulentes, qu’il n’a jamais vus
à l’état sauvage sinon au voisinage immédiat des villages ou des habi-
tations; l'explication de cette particularité est du reste fort simple :
:
— 171 —
c’est que la région inhabitée du pays est périodiquement livrée aux
flammes par les indigènes, de telle sorte qu’il ne peut exister de
végétation puissante, ni d'arbres forestiers, que là où ce feu de brous-
sailles est incapable d'atteindre. Il n'est pas facile de dire au juste
quelle part ont ces incendies dans l'apparition de certaines terribles
Graminées; toujours est-il que l’auteur parle en termes peu ménagés
des ennuis qu'elles lui ont causés, chaque fois qu'il a voulu se frayer
un passage à travers leurs chaumes entrelacés, leurs feuilles aigües
comme des lames de rasoir et leurs épis dentelés.
« Ces Graminées, » dit-il, « 1à où elles croissent, suppriment toute perspec-
tive, abritent et dissimulent aux regards des serpents, des buffies et des indi-
gènes hostiles. Je ne connais pas d’aspect plus désolé que celui de ces chaumes
ondoyants vus du sommet de quelque coiline africaine. Un lac se laisse
traverser en canot ou contourner ; un désert stérile peut se franchir à marches
forcées, et puis on voit du moins son chemin devant soi. Mais du gazon! Com-
ment prévoir les dangers qui s’y dissimulent? Pièges, fondrières, peuplades
ennemies ou bêtes féroces.... Desséché, il coupe comme un rasoir, il vous
balafre le visage et le dos des mains. Les limbes foliaires entrecroisés vous
barrent le passage comme une moisson d’épées, jettent irrévérenscieusement
votre chapeau par terre, emprisonnent vos jambes, s’enlacent autour de vos
pieds. Seulement, à l'instar de beaucoup d’autres obstacles, leur ténacité
diminue quand vous leur faites courageusement face. Enfoncez votre couvre
chef jusqu'aux yeux, baissez la tête, mettez vos mains en poche et en avant,
au pas de charge, vous les verrez céder devant vous. »
« Non seulement il existe, disséminées à travers les pages de ce
volume, de nombreuses allusions aux plantes et autres objets du
domaine de l'histoire naturelle, mais des chapitres spéciaux leur sont
consacrés. Ceux relatifs au règne végétal nous apprennent, qu’il existe
notamment des arbres gigantesques parmi les espèces représentatives
de la famille des Légumineuses, entre autres le gracieux Camoensia,
décrit et figuré par Welwitsch; une mention spéciale y est consacrée
aux Mussaendas, aux Baobabs, aux Hibiscus et à une vingtaine
d’autres genres décoratifs; tandis que le Zissochilus giganteus y est de
nouveau représenté comme « Le plus brillant ornement de la flore du
Congo », détail que la seule inspection des figures ne nous permettrait
pas de deviner. L’auteur mentionne en outre de nombreux Palmiers,
notamment un Hyphaene, probablement 77. ventricosa : c’est une
superbe et majestueuse plante, haute de 9 à 18 mètres, avec des frondes
en éventail de couleur vert-bleuäâtre et des grappes de fruits jaunes,
dont la forme et les dimensions rappellent celles d’une grosse pomme
et qui renferment une mince pulpe sucrée autour d’un noyau dur
comme l’ivoire; les éléphants se montrent extrêmement friands de ce
produit. Juste au-dessous du panache foliaire se voit un curieux ren-
flement ou ventre, qui donne au stipe en forme de colonne un aspect
à la fois étrange et gracieux. |
« Bien que nous ayons surtout insisté sur le côté botanique de
l'œuvre de Johnston, le lecteur aurait tort de croire qu’il néglige ou
laisse de côté les autres branches de l’histoire naturelle. Loin de 1à, le
livre déborde de curieuses et intéressantes observations, relatives non
seulement aux oiseaux, aux quadrupèdes, aux poissons, mais encore
au caractère physique de la contrée et aux particularités corporelles
et mentales de ses habitants, vis-à-vis desquels le voyageur manifeste
la plus franche sympathie.
« Nous terminons cette notice en reproduisant les lignes qu’il con-
sacre à la description de l'embouchure du grand Mobindu et du littoral
voisin :
«Il s’y trouve une région de plus de 700 milles d’étendue, conquise désormais
à la civilisation et que l’explorateur peut parcourir sans autres risques que ceux
résultant des éléments ou des ennuis inhérents aux rivières tropicales. Le
climat, en dehors de la côte, est loin d’être insalubre moyennant certaines pré-
cautions; et les principaux désagréments semblent résulter du gazon et des
insectes. Cette œuvre de progrès et de civilisation s’est accomplie en sept ou
huit ans, grâce à l’intelligence et à l’énergie de Mr Stanley, sous l’impulsion
duquel de nombreuses stations ont été fondées, la terre assurée à son possesseur
et le passage des voyageurs et des marchands rendu libre et sûr jusqu’à plu-
sieurs centaines de milles au delà de Stanley Pool, sans escorte ni armes à feu.
L'ouverture de cette route à travers le continent africain pour le profit du
monde entier et dans un simple but de civilisation et de progrès, est dûe à la
munificence, aux vues larges et éclairées d’une personnalité bien connue des
horticulteurs anglais, je veux parler du Roi des Belges. »
D' HS
— 173 —
CULTURE DU LARLINGTONIA CALIFORNICA,
PAR C. WISSENBACH, DE WILHELMSHÔHE PRES CASSEL.
Traduit du Garien Zeitung, avril 1884, p. 181.
La culture des « plantes insectivores », grâce à l’intéressant ouvrage
de DARWIN, a pris dans ces derniers temps une extension considérable.
Hommes de science et praticiens, botanistes, jardiniers et amateurs,
tous portent spécialement leur attention sur l'étude et l'élève des
« espèces carnivores. » Le beau sexe lui-même ne reste pas en arrière;
et nous avons tout récemment recu la visite d’une dame, nous sup-
pliant de donner à l’un de nos « carnivores » un petit morceau de
viande de mouton qu’elle avait apporté avec elle; elle désirait si vive-
ment assister à un de leurs repas! L’attention des visiteurs est du reste
déjà sollicitée par l'apparence inusitée de ces plantes, surtout des
Darlingtonia.
Le Darlinglonia californica à poussé chez nous des urnes hautes de
64 cm. qui, loin de s’amincir supérieurement en fuseau, sont robustes
et vigoureuses — preuve indiscutable que notre méthode de culture
convient à son tempérament.
On le plante de bonne heure en janvier ou février, dans des pots de
dimensions relativement faibles et peu profonds; pour les pieds plus
vigoureux, on fait usage de « terrines » et l’on y dispose une couche de
tessons suffisante pour provoquer un drairage efficace.
Le substratum doit être poreux et marécageux. Un mélange de
sphaignes découpées, de « Hamburger Soden » (Quid?), avec un peu de
détritus de bois et de feuillage et de fragments de tuiles, donne d’excel-
lents résultats. Après rempotage, on dispose les plantes sous châssis
abrité contre la gelée et maintenu à peu près fermé. Pour obtenir le
degré d'humidité nécessaire à leur croissance, on enfonce les pots dans
de la mousse et on arrose par le haut pendant les journées chaudes et
ensoleillées. Il faut donner de préférence peu d’eau à la fois, en prenant
garde de jamais laisser les pots se dessécher.
La poussée végétative débute en mars et avril; les hampes florales
apparaissent et se couvrent de leurs fleurs si étrangement conformées.
Après la floraison se développent les nouvelles ascidies,
— 174 —
Pendant les mois de printemps, on ferme le vitrage pour faire monter
la température des châssis; on arrose fréquemment afin de maintenir
l'atmosphère humide. Au début de la poussée végétative, la p'ante doit
être abondamment fournie d’eau et légèrement abritée quand le soleil
est trop vif. Ces précautions ont une importance capitale au printemps
aussi bien qu’au commencement de l'été : elles sont indispensables
pour que les urnes poussent rapidement et acquièrent tout leur
développement.
Une fois ce résultat atteint, on donne, peu à peu, à la plante plus
d’air et de lumière, de façon à l’y accoutumer graduellement et à ne
plus devoir l’abriter, pendant la période estivale, que lors de journées
exceptionnellement chaudes. On peut même dégarnir graduellement
les châssis de leur vitrage, quitte à le replacer par des temps secs
et chauds, afin de maintenir suffisamment humide l'atmosphère inté-
rieure. C’est en habituant ainsi les plantes à l'air et à la lumière quon
obtient cette brillante coloration des urnes, moins apparente chez les
Darlingtonia, mais si remarquable dans les Sarracenia, Cephalotus, etc.
L'été dernier nous avons, en guise d'essai, placé plusieurs Darling-
tonia et Sarracenia dans de larges caisses en zinc remplies d’eau — en
les disposant sur des fragments de tuiles empilés de telle sorte que le
fond des pots vint juste au niveau du liquide. Le succès de cette
méthode s’est pleinement affirmé. Les plantes recevaient par dessous
une humidité abondante, grâce à l’approvisionnement d’eau, et l’atmo-
sphère intérieure se maintenait mieux saturée qu’au moyen des
mousses dont nous faisions précédemment usage.
Vers le milieu de l’été se développe habituellement une seconde
pousse, qui atteint son complet développement sans nécessiter une
réclusion aussi complète qu’au printemps.
Vers l’automne on suspend peu à peu les arrosages, afin de préparer
les plantes au repos hivernal, et on leur fait passer la mauvaise saison,
non dans la serre, mais sous châssis froid, à l'abri de la gelée, dont une
légère atteinte ne peut du reste leur faire aucun tort.
La multiplication des Darlinglonia s'effectuesans difficulté au moyen
de rejets que les pieds vigoureux produisent en abondance. |
Il faut avant tout apporter un soin spécial à supprimer la vermine
qui pourrait envahir la plante. Un seul puceron suffit, non pas précisé=
ment pour détruire une jeune urne, mais en tous cas pour la déformer
— 175 —
à jamais. Il est facile d'en avoir raison à l’aide d’aspersions répétées
de lessive de tabac, etc.
Nous traitons d’une facon absolument identique les Dionaea musci-
pula, Cephalotus follicularis, Drosera dichotoma, D. capensis, D. rotun-
difolia — notre espèce indigène —, Sarracenia variolaris, S. purpurea,
S. psittacina, et nous en obtenons d'aussi bons résultats. Le Cephalotus
et les deux premiers D'osera passent l'hiver en serre, sous température
de 5 à 7 ‘js C. Les Sarracenia flava, Drummondi, rubra et Chelsoni,
cultivés de la même façon, n’ont pas aussi bien réussi; ils paraissent
réclamer plus de chaleur et nous ferons en sorte de satisfaire leurs
exigences au prochain printemps. D'PHC UF
BULLETIN DES NOUVELLES ET DE LA BIBLIOGRAPHIE
Exposition internationale d’horticulture à Paris en 1885. —
La Société nationale et centrale d'horticulture de France organise une
exposition internationale, qui sera ouverte du 20 au 81 mai 1885 dans
le Pavillon de la ville et les terrains avoisinants aux Champs-Elysées
à Paris. Cette exposition sera certainement tres intéressante : le pro-
gramme et le reglement sont publiés. On peut les obtenir en s’adres-
sant à M. Bleu, secrétaire général de la Société, rue de Grenelle, 84,
à Paris. Nous engageons les horticulteurs de Belgique à contribuer au
succès de cette exposition internationale et tous nos amateurs à la
visiter.
M. Fr. de Cannart d’Hamale, président de la Fédération des Sociétés
d’horticulture de Belgique, a renoncé depuis quelque temps à la plupart
des fonctions publiques qui l'ont occupé pendant une grande partie de
sa vie. Il est aujourd'hui le plus ancien et toujours le plus zélé de tous
les amateurs de botanique horticole; malgré ses quatre-vingt-deux ans,
dont il porte le poids fort allègrement, il a conservé pour ses plantes
une prédilection de tous les instants. Sa collection d’Orchidées, qu'il
cultive à Malines, autour de son babitation, est toujours fort étendue et
dans un parfait état de culture. Ses Panda notamment sont absolument
extraordinaires par leur nombre, leur vigueur et leur variété : on
y trouve, en nombreux exemplaires, les Vanda Lost et Sanderiana.
Parmi beaucoup d’autres plantes fleuries dans cette collection au mois
— 176 —
d'octobre de cette année, on peut citer les Caltleya Domiana, Catileya
Pinelli, Cattleya inlermedia, et d'autres, ainsi que l’Æpidendrum
sceplrum.
Le jubilé de M. Fachs. — Un certain nombre d'anciens élèves de
l'École d’horticulture de Vilvorde, se sont réunis à Bruxelles le 28 sep-
tembre dernier à l'effet de jeter les bases d’une association dont le but
est de resserrer les liens de confraternité qui existent entre-eux. Ils ont
saisi cette occasion pour se rendre chez M. Fuchs, afin de le féliciter
au sujet du 25° anniversaire de son entrée en fonctions comme profes-
seur d'architecture de jardins à l’École de Vilvorde, se réservant de
fêter d’une facon plus solennelle le prochain anniversaire de sa nomi-
nation officielle.
L'un de ses jeunes gens, M. A. Millet, a remis au jubilaire un splen-
dide bouquet et lui a exprimé, dans les meilleurs termes, les sentiments
d'affection et de reconnaissance de ses anciens élèves. Après lui,
MM. D. Laurent, P. Buquet et L. Dubrulle, ont fait ressortir l’impul-
sion donnée par M. Fuchs à l’art des jardins. Ils ont rappelé quelques
unes de ses plus importantes créations, disant qu’elles resteront
l'expression des principes auxquels il les a initiés et qui ont fait école,
ajoutant que tous ses anciens élèves étaient fiers et heureux d’avoir pu
profiter des lecons d’un homme qui, par son talent et sa persévérance,
s’est acquis une aussi juste renommée,
Le jubilaire, profondément ému, à vivement remercié ceux qu'il
appelle toujours ses amis. Il leur a témoigné la vive satisfaction qu'ils
lui ont procurée par la bonne volonté et l’amour du travail dont ils ont
toujours fait preuve depuis le début de ses cours, sous la direction de
M. Laurent de Bavay. Il a exprimé l'intention de continuer malgré son
âge et ses travaux, à former de nouveaux élèves. Cette fête, tout
intime, laissera d’agréables souvenirs à tous ceux qui y ont assiste.
Nous sommes certains que tous ceux qui connaissent M. Fuchs s'y asso-
cieront de tout cœur.
Les Orchidées Luddemann. — Référant au désir exprimé par feu
M" Luddemann, qui avait voulu que sa précieuse collection d’'Orchidées
ne fut pas morcelée, ses héritiers l’ont fait vendre le 11 septembre de cette
année, en un seul lot. Elle a été adjugée à M' le duc de Massa moyen-
nant la somme de 16,800 fr., prix dérisoire de bon marche, si l’on songe
— 177 —
au choix des variétés qui la composaient, environ mille plantes seule-
ment, mais toutes plantes d'élite; des Renanthera matutina,aux hampes
magnifiques, un Wanda Rohani, plante unique, des Cypripedium, en
diverses variétés, des PAaloenopsis, des Laelia elegans, des Cattleya,
des Odontoglossum, des Coelogyne, des Oncidium, etc., que se fussent
disputés les amateurs si on les avait vendus séparément. La collection
de Broméliacées a été aussi adjugée à M' ie duc de Massa, moyennant
366 fr. et la bibliothèque 1,015 fr. à M" Gallois.
Recettes contre les pucerons des feuilles et des fleurs. — Ze
« Jahrbuch fur Garlenkunde und Botanik » de Bonn, dans son numéro
de juillet 1884 (page 175), recommande les trois recettes suivantes pour
la destruction de ces aptères, aussi incommodes que tenaces :
I. — Ziquide de Nessler (pucerons du feuillage).
Prenez : 40 gr. savon noir, 60 gr. extrait de tabac, 50 gr. huile de
grain (alcool amylique) et 2 décilitres esprit de vin; puis étendez
d’eau de pluie ou de rivière pour faire un litre de liquide.
Le modus faciendi est des plus simples :
On enduit de savon la paroi intérieure d'un verre que l’on remplit
ensuite d’eau et qu’on abandonne à lui-même jusqu’à disparition com-
plète du savon : la dissolution se fait rapidement, parce que les couches
de liquide saturées gagnent constamment le fond du vase. Il ne reste
plus qu’à ajouter les autres ingrédients et diluer jusqu’à un litre.
L'’extrait de tabac peut être remplacé par une infusion du même narco-
tique, que l’on préparera en versant Je l’eau bouillante sur une trentaine
de grammes de tabac, en petits fragments ou en poussière, tel que l’on
peut s’en procurer aux manufactures, laissant digérer, puis passant
après refroidissement à travers une pièce de toile, de coton ou mieux
un filtre de papier. Le mélange se fait comme précédemment.
IT. — Ziquide de Koch (pucerons du feuillage).
Prenez 1 kilogr. savon mou (brun ou vert), faites le dissoudre dans
litres environ d’eau chaude et ajoutez-y une décoction préalablement
filtrée de 1/4 k° rapures de Quassia (Quassia amara), que vous prépa-
rerez en faisant macérer les écorces dans cinq litres d'eau froide
pendant une douzaine d’heures, puis amenant à l’ébullition.
— 178 —
Il ne reste plus qu’à ajouter au liquide ainsi obtenu assez d’eau douce
pour faire 40 litres. La dépense est extrêmement minime : 60 centimes «
pour le savon; 20 à 25 cent. pour le quassia; en tout 80 à 85 centimes.
III. — Ziquide de Nessler (pucerons des fleurs).
Prenez 50 gr. savon vert (ou noir), 100 gr. huile de grain (alcool
amylique), 200 gr. esprit de vin et 650 gr. eau.
Dissolvez le savon dans l’eau en chauffant légèrement, puis ajoutez
l'huile de grain et l'esprit de vin.
A voir soin d’agiter fortement le liquide avant d'en faire usage.
D'H°eFe
LES CLÉMATITES A GRANDES FLEURS
PAR M. A. LAVALLÉE.
(Ann. de la Soc. d’hort. de Toulouse, 1884, p. 89).
Celui qui ne connaîtrait du genre Clématite que la Clématite Vigne
blanche (Clematis Vilalba), ornement de nos haies, et par ses fleurs, et
surtout par ses fruits aux flocons plumeux, ou la Clématite odorante
(C. Flammula) de nos provinces méridionales, aurait assurément droit
de s'étonner de l'attrait que ce genre exerce auprès des horticulteurs
et des botanistes.
Le temps n’est pas éloigné où le nombre des espèces cultivées de Clé-
matites, même dans les jardins botaniques, était assez limité. En 1829,
Desfontaines, dans la 3° édition de son Cataloqus Plantarum Horti
reqii parisiensis, p. 207, n’en énumère que 16, dont 4 seulement quali-
fiées d'ornementales (les C. Viorna, Viticella, florida, Flammula). Que
d'étapes ce genre n’a-t-il pas parcourues depuis! On en compte aujour-
d’hui près de 200 espèces, originaires de l’Ancien et du Nouveau-Monde,
mais surtout des régions centrale et septentrionale de l'Asie. Aussi,
à l'exception de quelques-unes d'Afrique ou de la Nouvelle-Zélande,
la plupart sont de plein air. Plusieurs se prétent à des modifications
intéressantes déterminées, soit par la culture, soit par l’hybridation ;
elles ont ainsi justement conquis la faveur générale, et à côté de l’adoz
niste en cherche de nouvelles variétés, on voit les botanistes de pro=
—- 179 —
fession consacrer leur talent et leur temps à débrouiller la synonymie
des espèces et à fixer les caractères des nouvelles par la plume et par
le pinceau.
À la date de quelques années, Decaisne, de regrettable mémoire,
publiait la revision des Clématites du groupe des tubuleuses cultivées
au Muséum et donnait les descriptions et les figures de huit espèces
originaires de la Chine et du Japon et introduites depuis plusieurs
années dans les jardins botaniques, fortes plantes, de grande vigueur,
mais d’un aspect assez modeste.
Mais voilà que M. Alphonse Lavallée, ambitionnant de marcher sur
les traces du célèbre botaniste Jacquin, vient de soumettre à une
analyse détaillée, à une comparaison rigoureuse, un nouveau groupe
de Clématites, et cette fois des plus belles, les C. à grandes fleurs
(Clematides megalanthes), donnant la descriplion et l'iconographie des
espèces cultivées dans son Arboreltum de Segrez, source inépuisable
d'importants travaux.
Dire que ce groupe contient les sections Patentes, Floridae, Vili-.
cillae, Aromatica, Eriostemon, Urnigerae, Meclatis et Anemoniflora,
c'est indiquer que les plus méritantes s’y trouvent représentées.
Trois espèces composent la section des Patentes : l’une, du Nord de
la Chine, a ses folioles grandes, en cœur, et 6 sépales, c'est le C. lanu-
ginosa ; des deux autres, originaires des parties tempérées du Japon,
le C. palens a de 7 à 8 sépales lancéolés acuminés comme les folioles,
tandis que chez le C. ÆHakonensis il n’y a que 4, plus rarement 5-6
grands sépales.
Un horticulteur anglais à introduit le C. Tunbridgensis, figuré
dans la monographie de M. Lavallée, t. IVPIS, et paraissant tenir le
milieu entre les deux dernières espèces citées. Le C. florida, du Japon,
esi aussi intermédiaire entre les C. patentes, dont il a le périanthe
grand et étalé, mais dont l’éloignent les organes sexuels, et les
Viticelles, dont il n’a pas les fleurs en cloche. C’est à bon droit que
M. Lavallée en forme sa 2e section, les Foridae.
La 3° section, Vilicellue, indépendamment du C. Viticella, caracté-
risé par sa petite taille et ses fleurs axillaires se développant successi-
vement, et des C. francofurlensis et Guascoi (hybrides très probable-
ment des C. ÆHukonensis et Viticella), comprend le C. campanifora,
distinct par son exubérante végétation, par ses grandes folioles, par
— 180 —
ses fleurs réunies au sommet des tiges principales et apparaissant
toutes à la fois.
Le C. aromatica de Lenné et Koch (C. odorata Hort., C. coerulea
odorata Hort.), dont l’origine est inconnue, constitue seul la 4° section
(Aromalica).
La 5e, Ærioslemon, caractérisée surtout par ses étamines velues,
offre des plantes multicaules, traïînant sur le sol et comprend, indépen-
damment des C. Eriostemon de Decaisne et cylindrica de Sims, deux
espèces d’origine inconnue, le C. Bergeroni de Lavallée (C.rosea Hort.,
C. intermedia rosea Hort.), qui est dans le même cas, et le C. distorta
Lavall.
La 6° section, Urnigerae, a ses fleurs en forme d’urcéole renfié à la
base, 4 sépales épais recourbés au sommet, et le connectif des étamines
terminé par une petite pointe velue. Dans cette division rentrent, à
côté d'espèces bien connues, les C. crispa et Viorna, d'autres espèces
lus rares, les C. reticulata, texensis et fusca, ainsi que deux autres
confondues sous le nom de C. Pälcheri, et dont l'une est appelée par
M. Lavallée C. Sargenti.
Le C. orientalis, tour à tour nommé C. flava, C. graveolens,
C. daurica, aux fleurs nombreuses, aux achaïnes très petits et pubes-
cents, forme à lui seul la 7° section Meclatis.
Enfin la 8° Anemoniflora, est aussi uniquement représentée par le
C. montana, devenu depuis longtemps un des hôtes des jardins bota-
niques, aux fleurs grandes, étalées, solitaires, aux achaines à queue
plumeuse. |
Ajoutons que quelques résultats physiologiques fort importants se
détachent de cette consciencieuse étude : la Clématite de Jackmann
nous était venue d'Angleterre à la date d’une dizaine d’années avec
l'estampille d’hybride, attribuée au croisement des Clematis lanu-
ginosa, Hendersoni et Viticella; maïs elle offrait une exception aux
lois qui font rentrer par voie de semis les hybrides, ces formes aber-
rantes, dans l’un ou l’autre des parents; M. Lavallée y reconnait une
espèce récoltée naguère au Japon et désignée sous le nom de C. Hako-
nensis. Ce même savant a constaté que d’autres vrais hybrides de
Clématites sont presque constamment stériles.
On le voit, l'ouvrage de M. Lavallée est des plus remarquables aù
point de vue des documents qu'il renferme; mais il ne l’est pas moins
:
— 181 —
sous le rapport artistique. C’est un beau volume grand in-4°, édité par
MM. J. B. Baillière et fils, et illustré par M. Bergeret, ayant égale-
ment droit à figurer dans toute bibliothèque de botaniste et d’amateur
de belles plantes. DD Cros
Que nous étions loin de penser en analysant cette belle monogra-
phie de M. Lavallée que c'était la dernière œuvre léguée par lui à la
science! que toutes ces richesses végétales réunies à grands frais et
avec tant de peines et de soins, je dirais presque avec tant d'amour,
dans ce beau parc de Segrez, risquaient d’être, en partie du moins,
perdues pour l’horticulture et pour la science, qui avaient tant à
espérer encore du zèle et de l’activité de leur possesseur, enlevé subi-
tement, hélas! dans la force de l’âge (à 49 ans) et de l'intelligence.
Comme il était heureux, en effet, de pouvoir offrir à ses collègues, aux
séances de la Société nationale et centrale d'Horticulture de France,
dont il dirigeait les travaux, les prémices de ses observations sur ces
milliers d’arbres et d’arbustes qu'il suivait dans toutes les phases de leur
développement et dont il faisait connaitre et les caractères floraux et le
fruit. Quel dommage que les Zcones seleciæ arborum el fruticum in
hortis Segrezianis colleclorum s'arrêtent aux cinq livraisons parues!
Que va devenir cette collection unique en son genre et si riche de pro-
messes? Puisse la famille, obéissant à la fois à un culte pieux et au
sentiment qui avait créé l’Arboretum, l’entretenir et contribuer
encore, soit par des observations personnelles, soit par un appel géné-
reusement adressé aux hommes d'étude, à perpétuer l'utilité de cet
établissement : puisse-t-elle répondre ainsi au sentiment de son fonda-
teur et bien mériter des amis de l’horticulture et de la science!
= PRD ee
LES PLANTES ET LES FLEURS D'AGRÉMENT
DANS LA RÉGENCE DE TUNIS. |
La floriculture est un art à peu près inconnu des indigènes de la
Tunisie; il existe bien à Tunis, à la Marsa et dans quelques autres
villes de la Régence, un petit nombre de jardins où la plupart des
plantes d'ornement cultivées en Europe croissent vigoureusement à
l'ombre des Palmiers, des Acacias, des Casses, des Eucalyptus, des
Belhombra, etc., en rappelant toutes les merveilles de la végétation
intertropicale; mais ces jardins sont la propriété de quelques grands
seigneurs tunisiens, des consuls étrangers ou des chefs de corps de
l’armée d'occupation.
Cependant l’Arabe aime les fleurs; mais il les aime à un point de
vue différent de celui auquel nous nous placons : il les apprécie peu
au point de vue esthétique et il les recherche surtout pour les sensa=
tions matérielles qu’elles lui procurent par l'intermédiaire de l’odorat.
Il existe certainement peu de pays où le bouquet à bon marché ait
autant de succès qu'en Tunisie ; au printemps et au commencement de
l'été, une bonne moitié des indigènes de la Régence porte dans le
turban, au niveau de l'oreille, un de ces petits bouquets de roses,
d'oranger, de jasmin, d'œillets, que de jeunes garcons promènent dans
les rues, piqués sur une raquette de cactus et débitent pour la modique
somme de 1 caroube (4 centimes).
La forme de ces bouquets varie peu : les fleurs d'oranger ou de
jasmin sont montées, chacune séparément, sur un brin d'Halfa ou de
Sparte; 20 à 30 de ces fleurs sont ensuite réunies et liées ensemble des
manière à former une sorte de corymbe; au centre, on place quelque-
fois une rose du Bengale, quelques fleurs de Pelargonium capilalum
Ait., un capitule de Zantana camara, L., ou bien encore on met
seulement autour du bouquet quelques feuilles de Geranium Rosat. |
À Djerba, centre de culture de jasmin, les fleurs de cet arbuste sont,
disposées d'une facon un peu différente : un fragment de pétiole de
dattier est divisé, dans une partie de sa longueur, en une multitude de
brins adhérents par la base ; au sommet de chacun de ces brins, on |
plante une fleur et on donne au tout la forme d’un éventail. Les roses
— 183 —
doubles, les œillets rouges, les Pelargonium sont ordinairement réunis
en petits fascicules et ficelés au bout d’un petit bâtonnet.
A Tunis, les fleurs de l’Acacia farnesiuna W. sont disposées sur
plusieurs verticilles espacés et entremêlés de petits morceaux de
clinquant.
A Sousse, à Mestir, c'est le Zosa moscala Mill. qui domine dans la
confection des bouquets, les fleurs de ce rosier sont entremélées de
feuilles et montées à la facon des bouquets de cerises que les fruitiers
de Paris vendent aux enfants. On sait que le Rosa moschala Mill. est
originaire de l'Inde; le type à fleurs simples est cultivé de temps
immémorial dans la Régence où il pousse maintenant sans aucun
soin ; il n'est même pas très rare de le rencontrer dans les haies autour
des jardins et là il se présente avec toutes les apparences d’une
plante spontanée. Pendant longtemps, cette rose a été employée pour
la fabrication de l'essence de rose si renommée, dite de Tunis;
aujourd'hui la production des essences a suivi le déclin de toutes
les industries tunisiennes et l’on trouve aussi souvent dans les bazars
l'essence de Geranium Rosat que la véritable essence de rose.
Les parfums sont presque un besoin pour les indigènes de la
Régence; ils en portent volontiers sur eux et s’en servent dans les
grandes circonstances de leur vie. Les parfums d'origine végétale le
… plus en usage sont les essences de fleurs d'oranger, de jasmin, de
geranium et de rose; cette dernière, pure ou falsifiée, n'est pas seule-
ment un parfum de toilette: elle sert encore à aromatiser des confitures,
des pâtisseries, des boissons rafraîchissantes, etc. Il n’est donc pas
étonnant que les plantes utilisées pour la production des essences
soient aussi celles qui fournissent la plus grande partie des bouquets
à bas prix consommés dans les villes de la Tunisie; mais à défaut de
ces fleurs, l’Arabe se contente d’une fleur odorante quelconque; j'ai
vu plusieurs fois les spahis de notre escorte cueillir des sommités de
Ridolfia segetum Mor. pour en orner leur turban, et, dans les souk
des grandes villes, il n’est pas rare de rencontrer des Maures, qui tien-
nent à la main ou qui portent à leur coiffure une branche de Geranium
Rosat, de Menthe, d'Aguus-castus ou de Pulicaria odora Rchb.
La plante en pot, qui a tant de succès en France, dans toutes les
classes de la société, est à peine connue des indigènes de la Régence;
grâce à mon titre de thoubibe (médecin), j'ai pu pénétrer dans un
= Fo4re
certain nombre d'intérieurs tunisiens et ce n'est que très exceptionnel-
lement que j'y ai vu cultiver l’œillet grenadin ou le basilic ; cette der-“
nière plante est même la seule qui se vende quelquefois en mottes sur
quelques marchés.
Dans les quartiers juifs et maltais de Sfax, l'œillet, les Mesembryan-
themum edule L. et acinaciforme L. sont fréquemment cultivés dans
de vieilles boites à conserves ou dans des marmites à couscous hors
d'usage et ornent de leurs fleurs les terrasses et le sommet des murs;
mais, dès qu'on pénètre dans les quartiers arabes, on ne trouve plus
trace de ces jardins aériens.
Tunis est la seule ville de la Régence où j'aie vu, à l'extrémité du
faubourg des Maltais, un souk (marché couvert) de peu d’étendue,
réservé pour la vente des fleurs; j'y ai noté, à la fin de juin, les plantes
suivantes, coupées, pour la plupart, dans les massifs de quelques jar-
dins européens des environs: Pelargonium inquinans Aït. et capilatum «
Ait. Jasmin, Acacia farnesiana W., un Dahlia rouge qui, par la peti-
tesse de ses fleurs, rappelle le Dahlia Lilliput. Pieds d'alouette bleus et
blancs à fleurs simples, Rose du Bengale, Yucca gloriosa L., Œillet
rose et rouge, Solidago glabra Desf., Hibiscus syriacus, L., Vilez
agnus-castus L , Laurier rose à fleurs simples, une Casse à grandes
fleurs jaunes, Cassia floribunda Cav. (?), Poinciana pulcherrima L.,
Lantana camara L., Ocymum minimum L. | |
Le même souk abrite une petite boutique où l’on vend du Takrouri
en bouquets ; ce sont des sommités de chanvre indien séchées à l’air et
ficelées au bout d’une petite baguette. On sait que l'usage de cette
substance, connue dans l'Orient sous le nom de Haschich, agit d’une
facon désastreuse sur le système nerveux. Dans un but de moralisa-
tion, le gouvernement Beylical s’en est réservé le monopole en la |
frappant d'un impôt assez élevé; ce sont habituellement les bureaux
de tabac de la Régence qui débitent, aux amateurs, cette drogue sous $ |
forme de poudre plus ou moins fine. D' BonNer. |
(Ze Nalturaliste, 1881, 512).
La Belg. hort.
1884, pl. X.
— 185 —
NOTICE SUR LE XVRIESEA RETROFLEXA (xyBr.)
VRIESEA SCALARIS VAR. RETROFLEXA,.
PAR M. Ep. MORREN.
Planche X.
Vriesea scalaris retroflexa, Caespites Vrieseae scalari similes, robustio-
res. Scapus arcuatus, dependens. Rachis retroflexus, ascendens, internodiis
brevibus (0095). Flores numerosi (10-15), floribus Vrieseae psittacinae similes.
Hybrida e Vrieseae scalari (Cfr. B. Æ., 1880, pl. XV, p. 309) pollini Vrieseæ
psittacinae var. Morrenianae (Cfr. B. H., 1882, pl. X, p. 281) fecundata orta.
Le Vriesea retrofiexa est une plante hybride issue du Vriesea
scalaris fécondé par le Vriesea psittacina var. Morreniana. La pollini-
sation à été faite, dans nos serres particulières, en 1879 et les graines
qui en sont résultées ont été semées le 10 juillet 1880. Elles ont bien
germé et, après trois années de croissance, les jeunes plantes ont fleuri
pour la première fois dès le mois de juillet 1884. Ces plantes réunissent
en elles une singulière et jolie combinaison des caractères de leur père
et mère, les Vr. psittacina (voyez La Belq.hortic., 1882, pl.X, p.287)
et Vr. scalaris (1880, pl. XV, p. 309). Ces deux espèces ont beaucoup
d’affinités botaniques, c’est-à-dire de ressemblances dans la conforma-
tion de leurs fleurs, mais elles diffèrent considérablement par leur
stature, leur port, ou ce qu'on pourrait appeler leurs caractères physio-
nomiques.
Le Vriesea psiltacina porte une hampe droite, robuste, terminée
par un épi dressé de fleurs qui sont particulièrement rapprochées dans
la variété Morreniana. On sait que ce dernier caractère a été commu-
niqué et fixé dans la variété Morreniana par une première hybridation
effectuée à l’aide du Vriesea brachystachis.
Dans le Vriesea scalaris, au contraire, la hampe est grêle et arquée,
l’épi est pendant, les fleurs sont fort espacées. Le contraste est donc
complet et il est intéressant de constater comment ces deux tendances
contraires ont pu se concilier par leur combinaison.
Dans l’hybride, que nous nommons Vriesea retroflexa ou VRIESEA
REPLIÉ, le feuillage ressemble à celui de la mère dont il possède les
cils caractéristiques sur le bord des feuilles, mais il est plus robuste et
presque aussi allongé que celui du père. La hampe, après s'être élevée
14
RE, 2 | "3
hors de la rosace des feuilles, se courbe vers le sol; elle est plus |
épaisse et vêtue de bractées mieux colorées que la mère; elle doit
cette vigueur et cette vivacité de coloris au tempérament du père.
Le rachis, c’est à dire l’axe de l'inflorescence, est singulièrement
contourné; il se relève parfois brusquement par une sorte de coude
ou par une courbe plus ouverte, quelquefois aussi il offre plusieurs
ondulations comme le corps d’un serpent : d’ailleurs -1il se comporte un
peu différemment dans chaque individu, mais chez tous on voit se
manifester le caractère du Vriesea psittacina ou, en d’autres termes,
la marque du sang paternel. L'épi est plus ou moins fourni, plus
ou moins allongé selon les individus ; en général, il comporte de dix
à quinze fleurs et une longueur de vingt à trente centimètres. Les
fleurs sont rapprochées comme celles du père, auxquelles elles ressem-
blent le plus par la conformation des bractées qui sont pliées en forme
de carène et par la vivacité du coloris. Elles sont d’ailleurs parfaite-
ment conformées et fertiles.
Cet hybride paraît être intéressant pour la morphologie et la physio-
logie végétales : on y voit la réunion des formes des parents et celle
de leurs directions pendant la croissance. Celles-ci se manifestent avec
autant de netteté que celles-là. La tige florale, après s'être abaissée
comme celle de la mère, se relève comme celle du père et ainsi elle se
courbe d’abord vers le sol pour se recourber ensuite vers le ciel. Nous
avons voulu rechercher si ces courbures sont déterminées par les
influences extérieures, et au moment où la hampe commençait à s'ac-
croître au niveau du feuillage, nous avons renversé quelques plants
avec leur pot que nous avons suspendus librement au toit de la serre.
Dans ce cas, la hampe s’est allongée en demeurant droite. Remettant
les pots en place sur leur base, les hampes étaient verticales, mais,
après quelques jours, elles ont fléchi et quelques unes ont relevé leur
extrémité. Ces expériences pourraient être reprises et étendues pour
fournir quelques éclaircissements sur les problèmes de la direction des
membres des plantes pendant leur croissance.
Ce même hybride a déjà offert un autre phénomène physiologique
digne d’être mentionné : c’est la floraison infantile des drageons.
Comme toutes les Broméliacées, il développe, autour de la touffe prin-
cipale, de jeunes drageons qui propagent la plante et qui, en général,
fleurissent après quelques années de croissance. Ici, au contraire, au
de,
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— 187 —
moins pour quelques pieds, ces jeunes pousses fleurissent de suite et en
même temps que la touffe principale : leurs inflorescences sont courtes,
_pauciflores et arquées.
Le Vriesea retroflexa réunit de nombreuses qualités esthétiques
qui le rendent digne des soins des amateurs d’horticulture, Sa florai-
son est de trèes-longue durée : elle continue pendant plusieurs mois et
charme le regard par les couleurs vives des bractées et des pétales qui
sont les unes rouges, les autres jaunes. Il convient parfaitement
pour la culture en corbeille dont le centre pourrait étre occupé par son
père, le Vriesea Morreniana (hyb.).
La plante se plaït en serre tempérée. Elle est mise au commerce par
MM. Jacob-Makoy, horticulteurs, à Liége.
CULTURE DES ANANAS.
PAR M. ED. ANDRE.
(Revue horticole, 1884, p. 464).
La culture des Ananas, encore peu répandue en France il y a quel-
ques années, y prend de jour en jour une importance croissante. On
avait bien exagéré, en les considérant comme des difficultés graves,
les quelques soins que réclament ces plantes pour se développer vigou-
reusement et produire des fruits supérieurs en qualité à ceux qui nous
viennent d'Amérique. Les ouvrages spéciaux donnant les instructions
nécessaires pour réussir dans cette culture ne font pas défaut et cepen-
dant nous avons recu d’un certain nombre d'abonnés des demandes
de renseignements à ce sujet; nous allons répondre aujourd’hui en
résumant, d'apres le Journal of Horticulture, les procédés usités en
Angleterre :
On sait que nos voisins d'Outre-Manche réussissent à la perfection
dans la culture des Ananas.
À défaut d’une petite serre spéciale qu’il sera bon d’avoir si on veut
se livrer à cette culture d’une manière un peu suivie, à défaut même
d’une serre basse quelconque, on peut se contenter de châssis ou de
bâches dès qu’ils sont bien construits et surtout pourvus d’un bon
appareil de chauffage. On verra plus loin quelle température maxima
il est nécessaire d'obtenir en hiver.
— 188 —
D'ailleurs, jusqu’au moment de leur mise à fruit, on peut cultiver .
les Ananas dans des châssis garnis de réchauds, mais il est indispen- |
sable que ces châssis ferment d’une façon hermétique.
La multiplication se fait surtout par œilletons qui se développent
en assez grand nombre sur les pieds qui ont fructifié et que l’on peut
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d’ailleurs facilement se procurer. La meilleure époque pour le boutu-
rage est le mois d'octobre.
Certaines précautions préliminaires doivent être observées; c’est
ainsi que l’on doit laver à l’eau chaude les boiseries et les verres des
serres ou châssis employés, badigeonner à la chaux les parois iuté-
rieures en maçonnerie, laver également les pots, etc.
On a soin de dégarnir de feuilles la partie des œilletons qui doit
être enterrée, c’est-à-dire environ 4 à 5 centimètres de hauteur.
Il est bon, avant de repiquer ces œilletons, de les laisser à l'air,
dans le cabinet de rempotage, pendant deux ou trois jours, afin de les
débarrasser d’une partie de leur sève trop abondante.
Les pots à employer auront un diamètre de 12 centimètres environ
au moment du bouturage et seront successivement remplacés par de
plus grands, pour arriver à 25-30 centimètres au moment de la fructi-
fication.
Empotage. — Avant de procéder à cette opération, on doit préparer
une certaine quantité de tessons que l’on passera successivement au
crible, de manière à les diviser en trois ou quatre catégories variant
en dimensions de 1 à 5 centimètres; on place ensuite ces tessons dans
les pots, sur une épaisseur de 6 à 8 centimètres, en ayant soin de mettre
les plus gros dans le fond et les plus petits au dessus; on saupoudre
la surface de ces tessons d’une couche légère, mais ininterrompue, de
suie fraîche, qui empêche les vers de pénétrer à l’intérieur des pots;
et au dessus, on met quelques petits fragments de terre gazonnée, en
plaçant l’herbe en dessous.
La terre à employer consiste en un sol argilo-siliceux (terre franche
légèrement sableuse) que l’on aura à l’avance laissé en tas pendant
une année environ, en le changeant de place de temps en temps pour
l’aérer et le diviser. On y ajoute de la poudre d'os, un peu de suie
neuve et de charbon de bois écrasé, dans la proportion, pour chacun.
de ces ingrédients, d’un pot de 0,25 de diamètre pour une brouettée de
terre franche; puis le tout est soigneusement mélangé. °
— 189 —
Lorsqu'un nouvel empotage est devenu nécessaire, on dépote
avec soin les jeunes plantes, on enlève le drainage ou fond de
la motte, que l’on dégage tout autour avec une pointe de bois pour
remplacer la terre épuisée par de la neuve, en ayant bien soin de ne
_pas endommager les racines, et on rempote dans des pots d’une gran-
deur suffisante pour laisser un espace de 5 à 6 centimètres entre la
motte conservée et les parois du pot.
On a préparé dans la serre ou les châssis choisis un lit de tannée ou
de terreau de feuilles, et on le tasse fortement de manière à éviter
l’affaissement- que produirait la décomposition de la matière employée.
La partie supérieure des jeunes plantes doit être à environ 5 centimètres
du verre, pas davantage, et les pots totalement plongés dans la tannée
ou le terreau. Les ananas devant fructifier seront placés à environ
75 centimètres les uns des autres, les plus jeunes seront plus ou moins
rapprochés, suivant leurs dimensions.
Arrosage, ombrage. — Aussitôt que les plants rempotés sont placés
dans le lit destiné à les recevoir, on les arrose avec de l’eau tiède et
limpide et on les ombre contre le soleil ardent. Quand la terre
nouvelle est garnie de racines, l’ombrage peut être supprimé pendant
tout le reste de la saison et l’on arrose modérément, quand besoin est.
Si l’on n’a pas de serre ou châssis spéciaux pour les Ananas devant
fructifier, on les placera dans la partie la plus chaude de l’endroit où
la culture en est faite.
Afin de maintenir le fruit, quand il se développe, dans une position
verticale, on peut placer, de chaque côté de la plante, en les piquant
solidement en terre, deux piquets ou tuteurs que l’on réunit par des
liens solides maintenant le fruit par sa base et son sommet.
Les plantes de force à fructifier terminent leur développement entre
la fin de septembre et le 15 octobre, c’est-à-dire une année après la
multiplication. À partir de cette époque jusqu’au mois de janvier, les
serres ou châssis qui les contiennent seront aérés toutes les fois qu’il
sera possible de le faire.
Des bassinages peu abondants, avec de l’eau limpide, seront donnés
jusqu’à la fin de septembre, tous les jours, après midi, lorsque le soleil
se montre; de cette époque, jusqu’à la fin d'octobre, deux bassinages
par semaine suffiront, en ayant toujours soin de maintenir l’atmosphère
humide, ainsi que la matière dans laquelle les pots sont plongés. De
— 190 —
novembre à la fin de février, on suspend les bassinages, à moïns que,
de temps à autre, l’aridité de l’air n’oblige à en donner de légers, et
on les reprend au commencement de mars, en les donnant de plusen
plus abondants à mesure que les jours augmentent de longueur.
Engrais. — Des récipients remplis d'engrais liquide seront en tout
temps placés sur les conduites d'eau chaude, sauf cependant à l'époque
où les fruits seront sur le point de mürir. Il en résulte une évapora-
tion constante qui augmente considérablement la vigueur des plantes.
Il est bon aussi, lorsque l’aération est supprimée, de répandre à
l’intérieur de la serre de cet engrais liquide.
Température nécessaire. — D'octobre à janvier, la température noc-
turne doit être entre 15° et 16° centigrades. Si les Ananas dont les
fruits sont en train de se développer sont réunis dans un compar-
timent spécial, il convient de leur donner 18° à 20° avec une chaleur
de fond de 24.
Quand le soleil parvient à élever la température à 18°, on commence
à donner régulièrement un peu d'air, que l’on augmente successi-
vement jusqu'aux fortes chaleurs, pour diminuer ensuite lorque
l'automne approche.
Mise à fruit. — C'est vers le 1% janvier que la culture doit être
conduite de manière à provoquer la fructification des Ananas. Dans
ce but, la température nocturne doit être réglée à 19, et, pendant le
jour, on conserve 21° sans l’aide du soleil et 26° dans les belles jour-
nées. La chaleur de fond doit être proportionnellement poussée de 24°
à 32°.
La matière dans laquelle les pots sont enterrés doit être plutôt sèche
qu’humide, et aussi l’atmosphère de la serre, de manière qu’une végé-
tation trop rapide ne nuise pas à la formation des fruits. En février,
la température sera élevée de 1° ou 2°. Aussitôt que les jeunes fruits se
montrent au centre de la plante, on emploie des engrais liquides, à
l’aide desquels on tient la terre constamment fraîche. La température
devra être légèrement humide pendant la floraison.
On augmentera les arrosages à mesure que le fruit se développera,
et par les journées chaudes, on devra bassiner la plante tout entière.
Il faut cependant éviter, autant que possible, de laisser l’eau
séjourner dans les couronnes, car cela les élargirait et nuirait au
développement régulier du fruit. Fa di
— 191 —
Il est difficile de déterminer d’une facon précise l’heure à laquelle on
doit, chaque jour, fermer les serres ou châssis, parce que bien des con-
ditions diverses déterminent des modifications à cette partie du traite-
tement. On peut cependant donner, d’une manière générale, les
indications suivantes : par les belles journées, on aérera, à partir
du moment de la matinée où la température est suffisamment chaude
jusqu’à trois heures et trois heures et demie, de la fin d'avril à la
mi-mai; jusqu'à trois heures et demie ou quatre heures, de cette
époque à la fin de juin et à quatre heures et demie en juillet et août.
Le meilleur engrais liquide à donner est le guano dilué dans l’eau,
en mettant le contenu d’un pot de 0,20 centimètres de guano pour
environ 150 litres d’eau.
L’ombrage que l’on donne quand le soleil est ardent, entre le
15 avril et le 15 septembre, ne durera, dans des conditions moyennes
de température et d'exposition, que de dix heures du matin à trois
heures et demie de l’après-midi.
Les Ananas sont quelquefois attaqués par les Coccus bruns ou blancs.
On les en débarrasse facilement en les lavant avec un mélange d’eau
de savon très légère et d’une faible quantité de pétrole. Il faut seule-
ment, pendant les trois jours qui suivront l'emploi de cette prépara-
tion, ombrer d’une facon plus suivie, car le moindre rayon de soleil
fatiguerait considérablement les sujets traités.
— 192 —
SUR LES PROGRÈS DE LA CULTURE FRUITIÈRE
EN ANGLETERRE, D'APRÈS M. WHITEHEAD,
PAR M. LAVERRIÈRE.
(Bull. de la Société naï. d'agriculi. de France, 1884, p. 351).
M. Hardy, au nom de la Section des cultures spéciales de la Société
Nationale d'Agriculture de France, présente un Rapport sur un travail
adressé à la Société par M. Laverrière, correspondant, d’après une
brochure de M. Charles Whitehead, de Maidstone, sur les progrès de la
culture fruitière en Angleterre.
On trouve dans ce travail, dit M. Hardy, des renseignements utiles
sur les variétés de fruits, sur leurs quantités et leurs qualités, sur le
mode et l’époque des envois, selon le pays de provenance, dont pour-
raient faire leur profit les producteurs français qui cherchent des
débouchés pour leurs produits. |
La Section des cultures spéciales, eu égard à ces considérations,
demande à la Société de vouloir bien décider l'insertion dans le Bulletin
de la Note adressée par M. Laverrière.
Cette proposition est mise aux voix et est adoptée.
La Note de M. Laverrière est ainsi conçue :
« Bien que l'Angleterre importe des quantités considérables de
fruits envoyés de toutes les parties du monde, les prix de ces denrées
n’en restent pas moins à un taux fort élevé. Pour les fruits fins de
dessert, ils sont même tellement exorbitants que les classes opulentes
seules peuvent les payer.
« Cette cherté est d’autant plus remarquable que l'importation des
fruits en Angleterre y jette sur les marchés des quantités de plus en
plus grandes. En 1882, elles ne s’élevaient pas à moins de 4,045,691
boisseaux d’une valeur de 42,972,725 francs, tandis que onze ans
auparavant, en 1871, elles n’atteignaient que 1,128,568 boisseaux
valant 14,902,675 francs.
« Quels sont les pays qui ont fourni ces fruits comestibles à l'Angle-
— 193 —
terre, quelles ont été la proportion et la progression de leurs envois de
1871 à 1882, c’est ce que M. Whitehead nous fait connaître par l’inté-
ressant tableau suivant, dont les chiffres sont empruntés à la statistique
officielle du royaume.
en Re
PAYS NOMBRE DE VALEUR EN NOMBRE DE VALEUR EN
DE PROVENANCE. BOISSEAUX. FRANCS. BOISSEAUX, FRANCS.
Éilemagnel.! . … «1. . + 69,519 592,600 515,604 3,171,400
ÉMnden ns. . . . . 160,392 1,448,550 444,886 4,971,900
Hleques . … … © . + 276,286 2,395,550 593,158 4,229,100
A . . . 394,606 5,368,550 924,683 8,388,579
Portugal, Açores, Madère. . . ‘3,979 1,427,025 133,124 2,031,125
Espagne, Canaries. . . . . 99,112 1,219,875 462,082 6,943,925
BÉURS M 0 0, |: 6,441 -1,015,100 1.065,076 9,679,750
RL. 1... .: 55,150 925,100 222,128 2,251,925
Antilles anglaises . . . . . 10,063 268,750 20,168 395,250
EMubres pays -U. 1). . + . 12,520 246,575 14,197 189,525
Mes de la Manche . . . . . » ” 50,584 514,350
« En résumé, d’après M. Whitehead, la valeur des fruits importés
qui, en 1871, n’était que de 14,900,000 francs, a monté jusqu’à près de
50 millions de francs pendant l’année 1882.
« Mais, quand on compare les envois de chaque pays exportateur
pendant les années 1871 et 1882, on est frappé de l'inégalité de la pro-
gression dans leurs envois à onze ans d'intervalle. Celui qui dépasse
tous les autres dans le développement de ses envois de fruits en
Angleterre est la Belgique, qui double la quantité de ses. expéditions
et fait monter leur valeur de 2,395,000 fr. à 4,229,000 francs. Elle
est suivie de près par les Ÿtats-Unis qui vingtuplent leurs envois,
mais n’obtiennent pas une contre-valeur proportionnellement aussi
élevée, sans doute à cause de la qualité inférieure de leurs produits.
Viennent ensuite la Âollande et l'Allemagne, dont les envois, en
valeur aussi bien qu’en quantité, montrent une progression extraordi-
naire. La France, où la culture fruitière est cependant si avancée,
dont les produits jouissent d’une réputation si bien établie, qui, en
1871, tenait la tête des pays exportateurs, en quantité aussi bien que
sous le rapport de la valeur, tombe en 1882 à un rang qui ne devrait
pas être Le sien ; dans cet intervalle de onze ans, elle n’arrive pas même
à doub'er ses envois en Angleterre, tandis que les pays concurrents
décuplent, vingtuplent les leurs.
« En 1871, la Belgique, la Hollande, l'Allemagne, pour ne parler
que de ces trois contrées, totalisaient leurs expéditions en Angleterre
ARE
par 506,000 boisseaux de fruits d’une valeur, en chiffres ronds, de L
4,400,000 fr. En 1882, elles exportent 1,553,000 boisseaux vendus
12 millions 1/2 de francs. C’est une différence de plus de 1 million de.
boisseaux et de 8 millions de francs qui, pour une grande part, pou-
vaient revenir à la France si celle-ci, forte de la supériorité de son cli-
mat, de son sol et de ses travailleurs, avait déployé à produire et à
développer ses relations commerciales autant d’activité que ses trois
rivales. Et, à ces chiffres, on pourrait ajouter l million de boisseaux et
plus de 8 millions de francs, si on tenait compte des exportations
fruitières des État-Unis, dont la concurrence semblerait encore plus
facile à vaincre, à cause de la distance qui les sépare du marché anglais,
et qui, par là, leur impose des frais de transport et de conservation
dont sont affranchis les pays producteurs continentaux que l’on vient
de nommer.
« Au point de vue français, il semble utile de savoir quelles sont les
espèces de fruits que l'Angleterre tire de préférence de l’étranger, à
quelles époques les mêmes espèces provenant de pays divers arrivent
sur ses marchés, les avantages au point de vue de la concurrence que ces
derniers peuvent retirer de la précocité plus ou moins grande de leurs
produits. À cet égard, M. Whitehead entre dans des détails que le
cultivateur français doit connaître. Il ajoute même quelques renseigne-
ments précieux sur les modes d'emballage, sur les prix de transport,
que l’on pourrait souhaïter plus abondants, mais qui, tels qu’il les
donne, sont encore très instructifs.
« La plupart des fruits importés, dit M. Whitehead, arrivent sur
les marchés anglais avant la maturité des fruits indigènes, par consé-
quent ils ne se font pas concurrence. C’est surtout le cas pour les fruits
tendres, tels que les fraises, les groseilles. |
« Pour les pommes, il en est autrement; le Canada et les États-
Unis en envoient de grandes quantités qui, à certains moments,
font baisser les prix des pommes anglaises. Il en est de même pour les
reines-Claudes et les prunes expédiées, de temps à autre, par la
Belgique, la Hollande et la France en quantités telles que les prix
s’en trouvent matériellement affectés, surtout pour les fruits de
seconde catégorie.
« Les plus belles prunes viennent du centre de la France, et arri=
vent avant que les prunes anglaises soient mûres. Mais les prunes
— 195 —
inférieures, produites en Belgique, en Hollande et en Normandie, non
seulement viennent concurrencer les prunes anglaises de même
qualité, mais encore tendent à déprécier les prix, absolument comme
l'abondance des sardines fait baisser les cours des harengs.
« Des quantités énormes de prunes communes, connues sous les nom
de Quetsche, sont expédiées par eau à des prix excessivement bas par
Amsterdam et Rotterdam. Elles se vendent directement à leur sortie
des vapeurs sur le quai de Sainte-Catherine, à raison de 12 1/2 à 15
centimes la livre anglaise, et servent à faire des confitures.
« La Hollande envoie aussi des r'eines-Claudes de pauvre qualité qui
se vendent de 17 1/2 à 20 centimes la livre. On mange très peu de ces
fruits; presque tous sont achetés par les fabricants de confitures.
« Les premières cerises arrivent d'Alger ei d’Espagne, longtemps
avant la maturité des cerises anglaises. En général, elles manquent de
couleur et de saveur; leur qualité est tout à fait commune. Quelque
temps après il vient des cerises beaucoup meilleures d'Avignon et
d'autres régions du midi et du centre de la France. Ensuite, c’est le tour
des cerises d'Angers et de Normandie, qui arrivent à Londres en payant
moins d’un centime de transport par livre, tandis que les producteurs
anglais de Sittingbourne et de Maidstone (Kent) sont obligés de payer
un fret de 2 centimes par livre pour une distance qui n’excède pas 65
kilomètres.
< Les cassis sont expédiés par la France, la Hollande et la Belgique
peu de temps avant que ces fruits soient mürs en Angleterre. En géné-
ral, ils ne sont pas d’aussi bonne qualité que les cassis anglais. Il en est
de même des groseilles, que la France envoie par quantités considéra-
bles. À en juger par leur aspect, ces fruits étrangers ne trouvent pas,
dans leur pays d’origine, des conditions de sol et de climat aussi bonnes
qu'en Angleterre; aussi les producteurs de la Grand-Bretagne n’ont-ils
rien à craindre de la concurrence étrangère sous ce rapport.
« Il n’en est pas de même pour les poires. Dans cette spécialité, les
Français sont les plus forts; ils produisent des fruits incomparable-
ment supérieurs à ceux de tous les autres pays. Les poires provenant
des environs de Nantes, d'Angers et de quelques autres districts de la
France centrale, sont admirablement conformées, d’un aspect sédui-
sant, d'une saveur délicieuse. Les poires françaises arrivent en Angle-
terre environ trois semaines avant la maturité des poires anglaises ;
— 196 —
mais leurs envois se prolongent fréquemment jusqu'au printemps
suivant.
« La plus grande partie du fruit exporté de France est recueillie
par des agents qui fréquentent certains marchés, dépôts ou centres
auxquels les producteurs portent leurs produits; ces agents trient,
classent les fruits et les emballent avec soin pour les expédier en
Angleterre.
« L'opération du triage et de l’assortissement se fait avec discerne-
ment et habileté; l'emballage est l'objet de soins judicieux. C’est grâce
à ces précautions que les consignataires sont parvenus à acquérir la
confiance des acheteurs de Londres. Certaines marques ont acquis une
renommée si solide qu’elles sont chaque jour de plus en plus demandées.
Très souvent on achète les fruits sans vérifier; les acheteurs sont suff-
samment édifiés par le simple vu de la note d’avis.
« La consignation des fruits en Angleterre est devenue si générale,
que les approvisionnements des marchés français s’en ressentent. Et
cependant la consommation des fruits a pris en France un développe-
ment extraordinaire pendant ces vingt dernières années. Mais l’ac-
croissement de la production qui en est la conséquence n'arrive pas à
suffire, et un Anglais qui habite la France depuis plusieurs années
déclarait récemment qu'il ne trouvait à pourvoir sa table qu’en
envoyant acheter au marché avant cinq heures du matin ; passé cette
heure, tout était vendu et enlevé pour les consignataires anglais.
« À l’occasion de cette insuffisance de la production fruitière,
M. Whitehead cite les paroles d’un des plus habiles horticulteurs fran-
çais. D’après ce praticien, Paris à lui seul, bien que les Parisiens ne
comptent pas parmi les grands consommateurs de fruits, absorbe
annuellement plus de 23 millions de livres de fruits frais. Aussi con-
seille-t-il aux cultivateurs de France de planter activement des arbres
fruitiers. À quelqu'un qui observait que de trop grandes plantations
aviliraient la valeur des fruits, il répondait « que c'était là une grosse
« erreur ; que plus on produisait, plus on consommait. Aujourd'hui,
« ajoutait-il, on produit dix fois plus de fruits qu’il y à quarante ans,
« et cependant jamais les fruits n’ont été plus chers. Au lieu donc de
« persévérer dans la culture du blé et de l’avoine, quine rapportent plus
« autant qu’autrefois, appliquez-vous à faire du fruit,que le consomma-
« teur réclame et sur le prix duquel il ne lésine pas . Imitez le fabri-
mr NOT ‘a
« cant, qui délaisse le produit qui ne rapporte rien pour le produit qui
« rapporte. »
« Cet avis n’a pas été perdu, et si M. Whitehead le relève, c’est
parce qu'il croit que le cultivateur anglais pourrait en faire son profit.
Non seulement les Français, les Belges, les Allemands, étendent leurs
cultures fruitières, mais les Américains se sont mis à planter activement,
et adoptent, avec l'énergie qu’ils mettent en toutes choses, les meilleu-
res méthodes d'emballage et de conservation. À cet égard, les rensei-
gnements contenus dans le Rapport annuel du Commissaire de l’agricul-
ture pour l’année 1878 peuvent donner matière à plus d’une réflexion
salutaire. À cette époque, on ne comptait pas moins de 480,000 hectares
en vergers à pommes. Dans l’espace de vingt ans, la valeur des produits
avait monté de 33 millions à 250 millions de francs. L’abondance de la
récolte des fruits aux États-Unis, dit le Commissaire, est une des preu-
ves les plus satisfaisantes des progrès de l’agriculture dans ce pays.
La demande des fruits sur les marchés de l'intérieur et sur ceux
de l'étranger, loin de se ralentir, va en croissant et tient tête à
l’accroissement de la production. Et c’est là un fait dont on ne peut
que s'applaudir, car rien n’est plus désirable pour les populations que
la possibilité de manger chaque jour le plus de fruits possible.
« Les États-Unis produisent également des pêches en quantités
énormes, d'une valeur annuelle estimée à 287 millions de francs. À
certains moments, les pêches et aussi les pommes abondent à un tel
point qu’on les donne aux porcs. Mais les Américains n'ont pas tardé
à mettre un terme à ce gaspillage, et, avec leur ingéniosité ordi-
naire, ils se sont mis en mesure de tirer un parti meilleur de leurs
excédants, en les desséchant ou en les conservant par des procédés
divers.
« C’est ainsi qu’à Baltimore et dans d’autres villes situées au centre
de régions fruitières, on a organisé de grands établissements où l’on
emploie les machines et appareils les plus perfectionnés pour évaporer
et sécher rapidement les parties aqueuses contenues dans les fruits.
Par un procédé ingénieux, on sépare l’eau des parties solides qui,
simultanément, subissent une transformation chimique, à la suite de
laquelle il se produit du sucre de canne. Les fruits ainsi préparés ne
se distinguent plus, à l'épreuve culinaire, des fruits frais, comme on
en à fait l'expérience dans la confection des puddings. Ce plat, dit le
— 198 —
Commissaire dans son Rapport, fait avec des fruits frais et des fruits
conservés, n’offrait pas la moindre différence.
« Pour vulgariser les procédés de dessiccation des fruits et pour
les mettre à la portée du grand nombre, les Américains ont imaginé
des poêles et autres machines, d’un poids léger, et dont le prix ne
dépasse pas 375 francs. On rencontre maintenant ces appareils dans un
grand nombre de districts ruraux éloignés des villes. Ils permettent de
traiter toute espèce de végétaux frais, même les plus délicats, tels que
oignons, pois, asperges, céleris, fèves de Lima, absolument comme on
traite, en les déshydratant, les fruits de toutes les saisons de l’année,
et deles mettre en état d’être expédiés sur n'importe quel point du
globe. Tous ces produits, ainsi préparés, lorsqu'on les plonge dans
l'eau, reprennent la forme, la couleur, la saveur et les autres propriétés
qu'ils avaient à l'état frais.
« En un mot, dit le Commissaire de l’agriculture de Washington,
le commerce en végétaux et en fruits déshydratés et conservés, a pris
des proportions énormes, occupe des milliers de personnes, donne de
beaux profits, et vivifie remarquablement les transactions commercia-
les dans toutes les branches. En outre, l'expédition des végétaux et
fruits frais recoit une impulsion étonnante depuis que l'on a adopté les
réfrigérateurs dans les wagons et dans les bateaux à vapeur.
« Au Canada, la production fruitière s’est également beaucoup
développée pendant ces quinze dernières années. Le gouvernement et
les cultivateurs canadiens sont d'accord pour favoriser cette industrie
de tout leur pouvoir.
« La partie de ce pays qui produit le plus de fruits est la province
d'Ontario, dans l'Ouest. On prétend que tous les fruits de la zone
tempérée peuvent y venir. À Ontario même, il existe une grande
association de cultivateurs fruitiers quis'est donné la mission d’amé-
liorer les procédés de culture, de paquetage et de conservation.
« Une Commission, instituée en 1880 par le lieutenant gouverneur
pour rendre compte des progrès réalisés en agriculture, a présenté.
un Rapport dans lequel on rencontre quelques particularités intéres-
santes.
« Les pommes provenant de la province d’Ontario sont très belles,
meilleures que celles des États-Unis. On prétend que lorsque les
pommes canadiennes sont de qualité supérieure, les Américains les «
— 199 —
accaparent et les marquent américaines, tandis que, lorsqu'elles sont
simplement passables, ils les marquent comme de provenance cana-
dienne.
« Les Canadiens sont très fiers de la supériorité de leurs pommes,
d'autant plus qu'ils sont parvenus à battre les pommes anglaises sur
leurs propres marchés avec la variété Æibsion Pippin (Pépin de
Ribston) qui est cependant la pomme classique des vergers d'Angleterre
(Ch. Baltet). Une autre variété de pomme canadienne, ia Pomme grise
Swayzie, cultivée principalement dans le district de Niagara, a atteint
les plus hauts prix en Angleterre, s'étant vendue jusqu’à 125 francs le
baril (environ 1 hectolitre) sur le marché de Covent Garder. On croit
que cette pomme, parfumée, d’un arôme très fin, introduite au Canada
depuis longtemps, est d’origine française. André Leroy, dans son
Dictionnaire de Pomologie, la cite comme pomme de dessert de la plus
haute qualité.
« Mais les Canadiens ne sont pas seulement très habiles cultivateurs
de pommes, il sont encore très versés dans l’art de les conserver en
magasin, c’est-à-dire dans des caves, bien assainies et ventilées, où
ils maintiennent une température de 82 à 35 degrés F. (0° à 1° 66 C.).
« À ce propos, M. Whitehead cite incidemment M. Slade, du Massa-
chussetts, qui rapporte n'avoir jamais rencontré nulle part des caves
moins coûteuses, plus efficientes et plus commodes que celles qu’il
a vues dans cette partie des États-Unis. Ces caves sont situées
au-dessous d'un hangar à foin. L'une d'elles, qu'il à examinée,
avait 100 pieds de long; son sol et les murailles étaient enduits de
ciment. On y entrait par une porte double, et les deux extrémités,
donnant au nord et au sud, étaient percées de fenêtres protégées par
des volets. Lors de sa visite, on était au printemps, la température
intérieure ne dépassait pas 38° F. (3° 33 C.), tandis que la température
extérieure marquait 63° F. (17° 22 C.). Les pommes remplissaient un
certain nombre de mannes; bien qu’elles présentassent ainsi à la vue
une surface de plus de 100 mètres carrés, il ne rencontra pas un seul
fruit taché. Pour bien gouverner une cave à fruits, il faut de l’habilete,
du jugement et une surveillance de tous les instants, n’admettre que
peu de jour, entretenir l’air dans une grande pureté, maintenir une
température basse et constante. |
« Pour en revenir au Canada, on place les pommes sur des rayons
— 200 —
en bois. Maïs beaucoup préferent les placer dans des barils au furet à
mesure qu'elles sont cueillies, et les y garder jusqu’au moment où on
en aura besoin.
« L’emballage pour le marché se fait bien. Les pommes de choix
pour dessert sont enveloppées, une à une, dans du papier mou de cou- f
leur. On garnit de ce même papier les fonds de dessous et de dessus, «
ainsi que les parois intérieures de la futaille. Pour les pommes de
qualité ordinaire, on se contente de les stratifier et de remplir les vides
avec des balles de sarrasin, après avoir soigneusement éliminé les
pièces présentant le moindre signe de détérioration.
« Mais voici une autre description de procédé de triage et d'embal-
lage des pommes, telle qu’elle à été faite devant la Commission agricole
d'Ontario par l’un des plus habiles cultivateurs :
« Si l’on veut emballer les pommes sur place, c’est-à dire dans le
verger même, il convient de dresser une tente afin d’abriter les fruits
contre le soleil; sous cette tente, une table dont les bords seront garnis
de petites chevilles en bois afin d'empêcher le fruit de rouler par
terre. La table sera couverte d’un drap de laine, pour que les hommes
en versant leurs paniers sur la table ne blessent pas les fruits. Les
emballeurs trieront les fruits, en ayant soin d'écarter toute pièce qui
n’aura pas le volume normal, ou qui sera tachée, ou véreuse, ou défor-
mée d’une facon quelconque. Gardez-vous bien de mettre des pommes
moyennes et des pommes grosses dans un même baril. Cueillez chaque
pomme avec soin, ne les jetez pas dans le panier de toute la longueur
du bras de manière à ce qu'elles s’entrechoquent, et quand vous les
apportez à la table de triage versez-les doucement pour leur éviter les
meurtrissures et les écorchures.
« Ces précautions dans le maniement des pommes sont générales
aux États-Unis aussi bien qu’au Canada, et elles expliquent comme
quoi elles arrivent en si bon état et si régulièrement sur les marchés
d'Europe.
« Au dire de M. Whitehead, des précautions pareilles ne sont pas
usitées chez les cultivateurs fruitiers anglais, qui ne prétent que peu |
de soins à l’emmagasinage, à l'emballage et à l’assortissement des
fruits destinés au marché. Il y a même de forts cultivateurs qui ne se
donnent seulement pas la peine de mettre en magasin, tant ils son
pressés de :e débarrasser de leurs produits. Cela entraîne un énorm
— 201 —
gaspillage de pommes et de poires, car le plus souvent ces fruits sont
vendus à des personnes quin'ont ni les capitaux ni les moyens suffisants
pour avoir un magasin convenable. Les ouvriers manient brutalement
les pommes au moment où elles sont le plus juteuses et où leur peau est
délicate. Quant à les assortir, on n’en prend nul souci. On brasse et
l’on emballe les fruits rudement, on les charge sur des trains de
marchandises qui heurtent fréquemment, et lorsque les fruits arrivent
à destination, ils sont en si piètre état qu’ils sont impropres à être
conservés, et qu'ils ne sont plus bons qu’à être promptement consom-
més ou à faire des confitures. Et c’est ainsi que se perdent beaucoup
de beaux fruits de dessert. Aussi M. Whitehead engage-t-il chaleureu-
sement ses compatriotes à prendre modèle sur les Américains, à ne
pas se croiser les bras, ce qui serait abandonner virtuellement le
marché anglais à l’énergie et à la persévérance transatlantiques.
« M. Whitehead recommande ces soins avec d'autant plus d’instances,
qu’en adoptant les pratiques américaines, en organisant dans certains
centres des ateliers de conserves pour garder le fruit en boîtes, ou en
le desséchant, ou par les divers procédés les plus efficaces, tels que
l’ébulition de la pulpe sans addition de sucre, on le tiendrait en réserve
faire bouillir jusqu’à ce que la demande se produisit, soit pour la
consommation directe, soit pour la fabrication des confitures.
« Dans l’industrie des conserves qui demandent du sucre, il dit que
l’Angleterre a une situation beaucoup plus avantageuse que d’autres
pays, à cause du bon marché de ce condiment chez elle, ce qui est dû
à l’action du libre échange. Aux États-Unis, le sucre se paye de 60 à
80 centimes la livre; en France, de 50 à 60 c.; en Allemagne, en
Hollande, en Belgique, il est relativement cher. Aussi les fruits
partiellement conservés, envoyés par tous ces pays, ne renferment-ils
pas de sucre additionnel; presque tous sont séchés au soleil ou
artificiellement.
« En outre, les producteurs anglais ont cet avantage sur leurs
concurrents étrangers d’être à même d'envoyer comparativement frais
leurs fruits aux fabricants de confitures et de gelées, car ces dernières
ne sont réellement bonnes qu’à la condition que les fruits soient en
bon état, qu’ils n’aient pas ressué, qu’ils n’aient pas été meurtris par
un long transit.
« Tous ces avantages réunis et habilement mis en œuvre doivent
15
— 202 —
pousser à l’extension de la fabrication des gelées en Angleterre. |
C’est ce que lord Sudeley, qui a fait récemment des plantations éten-
dues d’arbres fruitiers dans son domaine du Gloucestershire, semble
avoir pressenti, car il à transformé quelques-uns de ses bâtiments
d'exploitation en usine pour fabriquer de la gelée de fruits ou des.
conserves sur une grande échelle, sans négliger, toutefois, les instal-
lations nécessaires pour l’envoi des fruits frais en nature au marché,
tout le temps que les cours seront favorables à ce genre de commerce.
Cette transformation ne lui à pas occasionné de grands frais. Il à
trouvé dans M. Beach, le fabricant bien connu de confitures, un loca-
taire avec lequel il à passé un bail de dix ans. M. Beach s'est engagé
à prendre tous les fruits que produiront les 200 hectares de culture
fruitière de lord Sudeley à un prix fixé, et il en tirera le parti le plus
avantageux soit en les dépulpant, soit en les traitant à la vapeur, ou
bien en les vendant frais. |
« Cette usine est actuellement en état de travailler; elle a inauguré
ses opérations l’été dernier avec une splendide récolte de fraises
estimée à 10 tonnes, soit 10,000 kilogrammes. Cette année-ci, le
domaine produira environ 100 tonnes de fruits, ce qui est énorme
quand on considère que les plantations d’arbres fruitiers sur le domaine
de lord Sudeley ne remontent pas au delà de 1880.
« Mais outre la fabrication des confitures et gelées, M. Beach
pourra adopter d’autres modes d'utiliser les fruits. Il pourra, à l'exemple
de ce qui se fait en Amérique, blanchir et sécher des pommes. A ce
propos, M. Whithead mentionne un établissement qui vient précisé-
ment de se fonder à Sainte-Catherine (Canada), et dans lequel on est
outillé pour arriver à sécher 150 boisseaux de pommes par jour. L’ap-
pareil employé consiste en une boite suffisamment spacieuse, placée
au-dessus d’un fourneau. Deux monte-charges se meuvent lentement,
apportent le fruit placé sur des rayons, le soumettent à l’action de
l’air chaud et le sortent parfaitement sec, prêt à être emballé dans
des caissons de 295 kilogrammes. La température nécessaire est)
maintenue entre 160 et 170° F, (71° 11 à 76° 66 C.).
« Les plantations d'arbres fruitiers étant destinées à donner aux
terres une grande plus-value, M. Whitehead s'étonne que ce genre de
culture ne soit pas adopté avec plus d’ardeur par les propriétaires de”
son pays. Mais si, jusqu'ici, le nombre des hommes d'initiative dans
— 203 —
cette direction est encore petit, il y en a cependant qui donnent des
exemples dont les conséquences ne tarderont sans doute pas à se faire
sentir. Parmi eux, il faut citer en première ligne lord Sudeley, dont
on a parlé plus haut. Ce grand seigneur est, jusqu’à présent, le seul qui
ait compris l’atfaire à son vrai point de vue économique.
. « Lord Sudeley a complanté 200 hectares, et se propose d'étendre
ses plantations sur 80 hectares de plus. Le sol est moyennement bon,
facile à travailler, et repose sur le lias. Il a commencé par le défoncer
profondément avec la charrue à vapeur et par lui donner une bonne
fumure; ensuite il a planté, en lignes espacées de 16 pieds, les arbres
bien choisis : pommiers, poiriers, cerisiers, pruniers. Les pommiers,
au nombre de 3,000, appartiennent aux variétés les plus recherchées,
telles que : Zord Sufield, Keswick Codlin, Grenadier, Cox's Orange
Pippin, Cellin, Warners’ King. En poiriers, au nombre de 812, on
rencontre : le Peurré de Capiaumont, Easter beurré, Louise-Bonne,J'ar-
gonelle, Beurré d'Amanlis, Doyenné d'été et autres variétés de choix.
Parmi les 32,000 pruniers appartenant à 44 variétés, on remarque
principalement celles : Diamond, Pond’s seedling, Orléans précoce,
Greengage, Victoria, Compole d'automne. La variété de prune dite de
Damas (Damson), représentée par 9,000 sujets, se subäivise en Damas
crilienden (très-répandue dans le comté du Kent),en prune Shropshire,
Cheshire, Prune commune, Prune noire. Les cerisiers sont relative-
ment peu nombreux, 522, parce que lord Sudeley n’est pas bien sûr de
leur réussite sous son climat; ils appartiennent au Bigarreau tardif et
précoce, au PBigarreau cœur noir, aux variétés dites de ÆXent, de
Flandres. Pour le moment ils ont bonne apparence.
« Entre ces lignes d’arbres à tiges plus ou moins hautes, lord Sude-
ley a planté des groseillers, des fraisiers ; dans quelques cas, des fram-
boisiers sont intercalés entre les groseillers. Mais en dehors de ceux-ci
il y à encore 20 hectares qui sont exclusivement complantés en gro-
seillers, framboisiers et fraisiers. Tout compte fait, les plantations de
fraisiers couvrent une surface de 40 hectares; les framboisiers, une
surface de 24 hectares.
« Un certain nombre de pommiers sont conduits en pyramides et se
comportent parfaitement sous cette forme.
» Lord Sudeley n’a pas encore planté beaucoup de fruits en buisson.
Son intention, cependant, est d'y consacrer 32 hectares, rien que pour
— 204 —
les prunes, ce qui permet d'éviter les tuteurs, donne moins de prise au
vent et assure une récolte plus hâtive que chez les arbres à tige.
« Les fraisiers appartiennent aux variétés Séirling Castle et Ame-
rican Scarlet, tirées des plantations d'Isleworth et très estimées pour
les conserves.
« Les 130,000 pieds de groseillers appartiennent à 45 variétés.
Celles qui paraissent préférées et plantées en plus grand nombre sont
les variétés Warringlon, Lancashire Lad, Lancashire Prize, Crown
Bobet Wlhitesmith.
«Il n’y à pas moins de 228,000 buissons de groseilles noires ou
cassis, tous empruntés aux variétés les plus marchandes, telles que :
Lee's Prolific, Baldwin's Black, Black Naples et Prince de Galles.
« En fait de framboisiers, on a surtout adopté le Carter's Falstaf.
« Le choix judicieux des espèces et des variétés, la manière dont les
plantations ont été conduites, la culture, l’organisation et l'installation
de la fabrique de confitures qui rend le producteur indépendant des
marchés, tout en un mot contribue à faire de l’entreprise de lord
Sudeley l’une des plus importantes de l'Angleterre. On peut rencontrer
en Amérique des exploitations de ce genre aussi vastes, et même
plus vastes, mais, dans aucune, l’organisation n’est aussi parfaite, le
choix et l’assortiment des fruits aussi varié.
« Ajoutons que des rideaux de peupliers, de sapins d’Ecosse et
d’autres arbres à croissance rapide entourent l’exploitation et l’abri-
tent contre les vents dominants. Sur les bords du petit ruisseau
Isborne, on à installé des oseraies qui fournissent aujourd’hui de quoi
suffire à la vannerie nécessaire pour recevoir tous les fruits du domaine.
« En outre, on a créé des pépinières sur tous les points appropriés
par la nature du sol et par l'exposition, d’où l’on tire les plants de
réforme nécessaires pour remplacer les manquants. Ces pépinières,
extrêmement bien soignées et formées des variétés les plus recher-
chées, rendent non seulement service en fournissant économiquement
des jeunes sujets, mais encore en donnant à l'exploitant des sujets
dont l’origine est certaine, de belle venue, parce qu’ils ont été obtenus
sur une terre riche, bien traitée, ce qui n'arrive pas toujours pour les
plants achetés, trop souvent venus en sol pauvre, épuisé par des
récoltes successives, vendus très cher, quoique malingres, exposés
«
aux chancres et à une caducité précoce. Grâce à ces soins, lord
— 205 —-
Sudeley, sur 40,000 pieds de pruniers qu’il a plantés, n’en a pas vu
5,000 qui aient mal tourné.
« Combien de gens, s’écrie M. Whitehead, qui négligent ces précau-
tions ou qui les ignorent! Combien se trouvent arrêtés dés leurs
débuts et péniblement surpris, parce qu'ils n’ont pas su faire les
sacrifices voulus pour payer à leur prix les bonnes espèces de fruits,
des arbres vigoureux et sains, parce qu’ils ne se sont pas donné la
peine de préparer convenablement leur terrain ! Dans la culture
fruitière comme dans toute autre culture, ce n’est pas avec un petit
capital que l’on peut réussir; il y faut au contraire un capital
abondant, judicieusement employé, et y déployer en outre une
sagacité très grande. On ne saurait s'empêcher de s’indigner quand on
voit certaines personnes acheter des arbres de toutes mains, pourvu
qu'ils soient à bon marché, les planter dans un herbage, en se bornant
à entourer les tiges avec un fagot d’épines pour les défendre contre la
dent des bestiaux; souvent ces arbres ne sont même pas soutenus par
un tuteur. Quand on les retrouve deux ans après, il n’est pas étonnant
de ne rencontrer que des balivaux souffreteux, déformés, écorcés,
maltraités par le bétail. Et ces personnes viennent ensuite se plaindre,
comme si la faute n’était pas imputable à leur incurie!
« Ceux qui plantent en terres arables ne procèdent guère mieux; on
les voit labourer, herser, semer sans prendre garde aux arbres qu'ils
blessent, dont ils détruisent les racines. Ce qui ne les empêche pas
plus tard de s'étonner quand leurs arbres sont rabougris, cancéreux,
à peine productifs.
« Sur son domaine de Toddington, lord Sudeley procède d’une toute
autre facon, comme on vient de le voir. Et c'est pourquoi on ne saurait
trop attirer l'attention sur ses cultures fruitières, qui serviront peut-
être de point de départ à une ère de prospérité pour l’exploitation de
la terre. ».
— 206 —
SUR L'É VOLUTION DES FORMES VÉGÉTALES
DANS LES ARTS DÉCORATIFS.
PAR LE PROF. JACOBSTHAL, DE BERLIN.
Traduit de « Nature », juillet 1884, p. 248 et suivantes.
Cette assertion que la civilisation moderne ne peut guëre être
comprise sans recourir à l’étude historique de ses stades successifs
de développement, est également vraie pour ses diverses branches.
Considérons, par exemple, l’art décoratif. Tout comme le langage et
l'écriture, il renferme des éléments de formes anciennes, voire même
préhistoriques, mais il doit, à l’instar des autres expressions de la cul-
ture intellectuelle qui subissent des changements incessants, s’adapter
aux diverses exigences qui s'imposent à lui, sans en excepter celles
de la mode, tout arbitraires qu'elles soient; et voilà comment, même
dans les phases les plus primitives de son évolution, ses formes
originales se dissimulent souvent au point d’être, ou peu s’en faut,
méconnaissables. |
Des recherches tendant à révéler, dans la limite du possible, la
marche de ce processus évolutif, ne sont pas dépourvues d’une
certaine utilité : on est plus apte à reconnaitre les beautés de détail
d’une ornementation artistique quand on connaît le style qui lui
a servi de thème, et l'artiste, une fois débarrassé des entraves de
la tradition absolue, sera mieux placé pour discerner entre les formes
accidentelles et arbitraires d’un côté, organiques et légitimes de
l’autre ; il trouvera dès lors plus aisément le chemin vers de nouvelles
créations.
Je réclame donc du lecteur une certaine indulgence pour l’exposé
des résultats d’investigations quelques peu théoriques, mais dont la
portée pratique est indiscutable, et le prie de me suivre dans un
salon moderne, non pas dans un de ceux qui éblouissent par leur
froide élégance, mais dans un de ces appartements dont le confortable
nous invite à y prolonger notre séjour. |
Le plafond en platre présente une rosace centrale, qui passe, par de
légères formes florales de convention, au modèle d'ensemble. La frise,
— 207 —
faite des mêmes matériaux, présente, comme motif principal, un
dessin floral du même genre, mais plus compacte. Ni l’un ni l’autre,
bien qu'ils appartiennent à un type ancien et toujours renouvelé, n’a
éte jugé digne d’un nom spécial.
Les murailles sont couvertes d'un papier dont l’ornementation
s'inspire des dessins des splendides manufactures de tissus du moyen-
age ; elles représentent un entrelacement de spirales et de plantes
grimpantes, et portent l’estampille indéniable de la civilisation orien-
tale. C’est ce que l’on nomme « type grenade ou ananas », bien que
ni l’un ni l’autre de ces fruits n'y soit reconnaissable.
Même observation pour les dessins des étoffes des chaïses et des
sofas, ainsi que pour les
moulures de la cheminée — HONOR ROCCO SECTE
avec une allure orientale
plus apparente.
Le tapis, qui n’est pas un
vrai tapis d'Orient, n’attire
guère l'attention, c’est vrai,
mais il berce doucement le
D" K 2/'
= 7};
regard, quand il s’abaisse
—<{(24
par hasard vers lui, grâce à
son modèle simple et gra-
cieux, emprunté aux plus
anciens types indo-persans
(type cachemire, palmes in-
diennes) et qui va se répé-
tant d’une facon méthodique
et rythmée (fig. 1).
Le dessin à fleurs de la
robe de chambre du maitre
du logis, aussi bien que du
léger châle de laine négli-
gemment jeté sur les épaules
de son épouse et jusqu'aux
Yerroteries multicolores, fabriquées en Silésie d’après des modèles
indiens de la collection Reuleaux, qui parent le manteau de cheminée,
reproduisent constamment le même motif : tantôt en dispositions
— 208 —
linéaires d’allure plus géométrique, tantôt en spirales plus capri-
cieusemert enlacées.
Et maintenant, permettez-moi de définir ces trois groupes de
modèles qui figurent dans nos habitations modernes comme « modèles
nouveaux ». Mériteront-ils encore, la saison prochaine, ce nom pris
dans son acception la plus
= ! | large ? C’est affaire à la mode
d’en décider, nous renonçons
à prévoir ses caprices.
Laissant pour le moment
de côté la détermination
[7 exacte et précise des formes
A)
ny qui se présentent dans ces
$ trois groupes, nous y obser-
Fig. 2.
vons, en les examinant avec
un peu d'attention, bon nombre d'éléments communs. Considérés
d'une facon générale, ils présentent tous une feuille embrassant une
inflorescence en forme de cornet ou de Chardon; parfois un fruit.
Même remarque pour les ornements en platre et la tapisserie (fig. 2).
Le type cachemire lui-même consiste essentiellement en une feuille
avec sa pointe étalée latéralement, qui enferme une hampe florale
auriforme, garnie de minuscules fleurs dépassant parfois, mais rare-
ment, les contours de la feuille; l’ensemble est traité absolument
comme un ornement sans relief, et voilà ce qui empêche de le recon-
naître à première vue. La partie étalée de la feuille n’est pas entière-
ment dépourvue d’ornement; elle est relevée par de minuscules saïllies,
des mouchetures et des fleurs. L’aspect général nous semblera moins
étrange, si nous réfléchissons aux figures d'animaux des peintures
orientales, où le développement des couches musculaires est souvent
traité à un point de vue purement décoratif qui nous fait l’effet d'une
exagération conventionnelle.
On ne risque guère de se tromper en affirmant que les formes végé-
tales ont servi de type primordial à ces canevas. D'autre part nous
connaissons le principe général qui domine l’histoire de la civilisation,
en vertu duquel le cultivateur supplante le berger comme ce dernier
supplante le chasseur : et le fait est également vrai pour l’histoire de
l’art que nous discutons, c’est à dire que les représentations d'animaux.
— 209 —
sont les premières à apparaître, et elles nous frappent à cette époque
par leur extrême fidélité. Plus tard l’homme commence à manifester
certaine prédilection pour les formes végétales comme sujets de ses
croquis, en s'adressant de préférence à celles qui lui sont, sous quelque
rapport, utiles ou nuisibles. Toutefois, dans les plus anciens monu-
ments de l’art décoratif en Egypte, nous rencontrons ces formes végé-
tales côte à côte avec les figures d'animaux, mais l’histoire première de
cette civilisation déjà avancée nous est inconnue. Partout où il nous
est possible de passer en revue des phases artistiques plus rudimen-
taires, quoique moins anciennes peut-être, chez les Grecs par exemple,
nous trouvons la confirmation du principe précité, chaque fois au
moins que nous avons affaire à la reproduction de la flore indigène
par opposition à celle empruntée aux civilisations étrangères. Pour
le sujet qui nous occupe, il n’y a pas d'utilité à remonter aussi avant
dans l’histoire du globe.
La représentation ornementale des espèces végétales affecte deux
modes bien différents. S'agit-il de la simple reproduction par la pein-
ture de plantes symboliques (branches de laurier, d’olivier, de sapin,
de lierre), c'est-à-dire d’une simple décoration caractéristique d’ordre
technique, ce qu'on recherche avant tout, c’est une représentation de
l’objet aussi fidèle que possible : l’auteur doit surtout étudier la nature
et apprendre à l’imiter. En pareil cas, généralement parlant, l’inter-
prétation des formes ne présente pas de difficulté spéciale : les détails
même les plus minutieux du modèle offrent des points de repère sürs
et infaillibles. Mais il en est tout autrement quand il s’agit de l’autre
mode de décoration, celui qui n’a en vue, en recourant aux lois struc-
turales des êtres vivants, que d'organiser, en quelque sorte, la matière
brute et de donner à la pierre une sorte de vitalité. Ces dernières
formes, dès leur origine, diffèrent essentiellement des objets naturels;
elles vont se modifiant de plus en plus, en s’adaptant à certaines
exigences particulières, se combinant et se fusionnant avec d’autres
types, et finissent par donner naissance à des formes individuelles qui
ont chacune leur histoire : tel le type ornemental Acanthe, qui, dans
sa forme ultime, diffère du tout au tout d'avec la plante de même
nom, et, en général, toutes les créations élevées par l’art à la dignite
d'êtres vivants, tels que griffons, sphinx, dragons et anges.
Déchiffrer et dériver pareilles formes est naturellement chose peu
— 210 —.
aisée; parfois nous n’avons même pas à notre disposition, pour trouver
le mot de l'énigme, les préliminaires indispensables; ou bien ce sont
des anneaux importants qui font défaut (témoins les palmes grecques, si
répandues). Et plus la reproduction exacte de la plante devient chose
secondaire, plus le travestissement se fait complet. De même que pour
le langage, où la racine se retrouve à peine dans le mot définitif, de
même, dans l’art décoratif, le type original est à peine reconnaissable
dans son adaptation ornementale. La migration des races et les rela-
tions commerciales écloses de bonne heure entre pays éloignés ont
largement contribué à la fusion des types; en revanche, dans de vastes
contrées, notamment sur le continent asiatique, nous trouvons, à tra-
vers les siècles, une fixité, une invariabilité dans les formes une fois
introduites, bien propre à amener une confusion entre les œuvres
artistiques anciennes et modernes et susceptible d’attacher à ce genre
de recherches de nouvelles difficultés. « J’ai vu », écrit un vieux
voyageur français, « dans le trésor d'Ispahan les vêtements de Tamer-
lan; ils ne different en rien de ceux d'aujourd'hui. » L’ethnologie, les
sciences naturelles et l’histoire de l’art technique se trouvent ici face
à face avec de grands et mystérieux problèmes!
Dans le cas en discussion, l’étude du premier groupe de formes
artistiques élaborées par le génie occidental conduit à des résultats
positifs, parce que l'exécution des types gravés dans la pierre peut
être suivie sur des monuments d'âge relativement peu avancé, portant
chacun leur date, et dont les débris existent encore. Pour passer cette
revue rétrospective, retournons d’abord aux plus anciennes des
formes connues. Elles nous viennent de l’âge d’or de l’art décoratif
chez les Grecs, du quatrième ou du cinquième siècle avant l'ère
chrétienne, époque où l’ancien style architectural, simple et primitif,
fut supplanté par des formes que caractérisaient une plus grande
richesse de structure et une ornementation plus développée. Nombre
de fleurs empruntées à des chapiteaux de Priène, de Milet, d'Eleusis,
d'Athènes (monument de Lysicrate) et de Pergame; aux « calathus »
d’une cariatide grecque de la villa Albani près de Rome; à des
guirlandes de sépultures grecques; au magnifique casque d'or d’un
guerrier grec (musée de St. Pétersbourg), nous montrent le type le
plus primitif du modèle en question — une feuille enroulée, évidée,
embrassant une sorte de bouton ou de fleur.
,
C’est ce qu’on voit nettement dans les figures 3 et 4, empruntées au
temple d'Apollon à Milet, construit, il y a quelque dix ans, dans un
— 211 —
Lysi-
crate à Athènes : la partie centrale de la feuille y est occupée par une
petite fleur ou des fruits.
Le génie romain s'empare de ce type primitif, qu'il modifie et
développe; s'inspirant des proportions plus considérables de ses monu-
ments, recherchant plus d’abondance et de richesse dans les détails,
il pousse plus loin le découpage de la feuille qui passe au type
Acanthe; un côue de pin, un ananas ou tout autre fruit, d’une res-
semblance presque irréprochable, vient prendre la place de la fleur
primordiale,
Quant au bouton claviforme, s’écartant davantage encore du modèle
primitif, il se transforme en une tige se ramifiant à la façon d'un
candélabre, et la base de la feuille, enroulée comme une cloche,
— 212 —
devient un « Campanulum » dans le vrai sens du mot, et tend de plus.
en plus vers l’apparence d’un vase, comme on en voit sur la frise dé
la Basilique Ulpia, à Rome.
Tout ce qu'il nous reste, actuellement, de peintures datant de cette
époque, nous fait assister à une évolution absolument paraïlèle et
identique. Les splendides vases gréco-italiens, les coupes richement
décorées d’Apulie, nous montrent dans les spirales des ornements,
aussi bien qu'à l’avant-plan des figures, des fleurs correspondant
exactement aux représentations en relief d’origine grecque men-
Fig. "1.
tionnées plus haut : témoin les figures 7 et 8, empruntées à un
célèbre vase napolitain représentant les funérailles de Patrocle.
Les peintures et les mosaïques de Pompeï, aussi bien que les pein-
tures romaines, dont il ne nous reste malheureusement qu’un bien
petit nombre de spécimens, prouvent que les développements successifs
de ce type se sont manifestés dans plusieurs directions; ils représen-
tent en effet, en combinaison avec les merveilleux chefs d'œuvre des
Romains dans l’art plastique, le plus haut degré auquel soit arrivé
le développement de ce type, degré que la renaissance, fidèle imitatrice
de ce genre, n’a pas su dépasser.
C’est ainsi que les dessins des « loggias » de Raphaël ne sont que
la continuation ininterrompue des formes des thermes de Titus. Plus
tard, l’imitation de ce type traditionnel devient plus libre, moins
servile; l'érable ou l’aubépine remplacent l’acanthe primitif. Souvent«
la pièce centrale fait complètement défaut, à moins qu’elle ne soit ;
suppléée par des feuilles retombantes. Nous avons assisté, dans le“
— 213 —
cours du présent siècle, à un phénomène évolutif identique. Schinkel
et Bütticher ont débuté par les formes grecques, qu'ils ont adaptées à
différents usages; puis sont venus Stüler, Strack, Gropius, etc., les-
quels ont suivi la route tracée par leurs devanciers en se rapprochant
de plus en plus des modèles de cette période de la Renaissance, imita-
trice de l’art Romain, qui caractérisent l’époque actuelle (fig. 9).
Et maintenant, cherchons quelle plante a suggéré l’idée de cette
forme ornementale presque indispensable qui
prend place à côté des Acanthes et des Palmes,
ei n’a pas tardé à acquérir une importance
considérable, par sa fusion avec les lois struc-
turales de ces deux derniers types.
Nous trouvons le modèle de cette forme
dans la famille des Aracées ou Aroïdées. Une
bractée enroulée en cornet et nommée spathe,
colorée souvent des nuances les plus brillan-
tes, y entoure les fleurs ou les fruits, disposés
en spadice. Les plus anciens écrivains — d.
Théophraste, Dioscoride, Galien et Pline — er
consacrent une attention spéciale aux représentants de cette intéres-
sante famille, et insistent sur la valeur alimentaire, médicale, etc.
de leurs rhizômes. Diverses espèces d’Arum sont comestibles et
les qualités nutritives de leurs tiges souterraines en font l’objet
d'une culture importante, en Egypte et aux Indes, par exemple
(le Sagou ou Arrowroot de Portland s’extrait des rhizômes de l’Arum
maculatum). Une espèce de ce groupe contraste étrangement, par
le plissement net et accentué de son cornet bractéal, avec les con-
tours unis ou à peine ondulés de la spathe des Aracées méditerranéennes
et rappelle les formes ornementales que nous sommes en train de dis-
cuter. C’est le Dracunculus vulgaris, qui emprunte son nom aux
mouchetures de sa souche, bigarrée comme une peau de serpent. Son
aire de distribution est très étendue : on le trouve en abondance dans
les bois d’olivier et les vallées des cours d’eau, sur tout le littoral de
la Méditerranée; les anciens en faisaient un fréquent usage en théra-
peutique et les Grecs modernes, s’il faut en croire von Heldreich, ont
en lui la même confiance. Il passait non seulement pour guérir la mor-
sure des serpents, mais encore pour écarter ces dangereux reptiles,
— 214 —
qui fuyaient devant son possesseur et évitaient même les lieux où il
croissait. Ajoutez à ces précieuses qualités l'aspect saisissant de la
plante, qui atteint souvent de gigantesques dimensions, et vous com-
prendrez qu’une attention spéciale lui ait été consacrée et qu'on ait
songé à en tirer parti dans l’art décoratif. Le D" Julius Schmidt,
décédé depuis peu et, de son vivant, directeur de l'observatoire
d'Athènes, affirme que ces plantes, dont il existe une profusion dans la |
vallée de Céphise, atteignent parfois une hauteur de 2 metres, la
spathe seule mesurant près d’un mètre.
Le botaniste D' Sintenis, qui a parcouru l’an dernier l’Asie Mineure «
et la Grèce, m'a conté en avoir vu de superbes spécimens en maintes
localités, notamment à Assos, au voisinage des Dardanelles, sous les
Cyprès des cimetières turcs.
L'inflorescence correspond presque exactement à la forme orne-
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mentale, mais la feuille multipartite a exercé une influence particulière |
sur son développement et sur celui de nombreux types collatéraux
dans le détail desquels je ne puis songer à entrer actuellement. L’allure"
de la feuille rend compte de diverses formes, extraordinaires et inex-
dl
>, 00e
pliquées jusqu'à présent, observées dans l'ancienne ornementation
plane et dans les types de la Renaissance développés depuis lors. L'idée
d'étudier de près la plante m’a été suggérée, il y a quelque cinq ans,
après avoir eu l’occasion d'en examiner le feuillage au jardin botanique
de Pise. J’eus par la suite la chance d'en obtenir quelques fleurs, et
celles-ci vinrent confirmer en tous points les prévisions que j'avais
formées (fig. 10 et 11).
La feuille du Dracunculus affecte une allure particulière : elle
consiste en un certain nombre de lobes disposés sur un rachis plus ou
moins fourchu (tendant plus ou moins à se dichotomiser). Rappelez-
vous quelques-unes des décorations murales mises au jour par les
fouilles de Pompeï, et vous y retrouverez des formes similaires, avec
toutes les variations et broderies imaginables. Vous y verrez constam-
Fig. 12.
ment, dans les ornementations verticales, des tiges entourées de feuil-
les conformes à la description qui précède. Autrefois on s’imaginait y
voir la représentation en perspective — mal comprise ou convention-
nelle — d’une fleur circulaire.
— 216 —
Or pareilles fleurs figurent également dans ce modèle, et réduisent ;
ainsi à néant l'hypothèse précitée. C’est de la combinaison de cette
forme avec le type floral qu'est née la série de modèles caracté-
ristiques de l’art romain, tels qu'on les retrouve surtout dans les
thermes de Titus et, à la Renaissance, dans l’œuvre de Raphaël
(fig. 12, 13, 14). :
Nos efforts, pour déterminer l’origine et les développements suc-
cessifs du premier groupe de formes, se trouvent donc couronnés de
succès; mais dans l’étude du second type, nous nous heurtons à de
plus sérieuses difficultés.
Ni l’histoire ni la géographie ne nous fournissent de guide pour
diriger nos investigations dans cette forme artistique, introduite en
Occident par le génie arabico-moresque, et qui depuis lors a pris
chez nous un prodigieux développement. Une seule voie nous reste
ouverte pour sa détermination : c’est de passer graduellement, des
formes richement développées et puissamment différenciées, à celles
que caractérisent plus de simplicité et de moindres dimensions, quand
bien même elles paraîtraient contemporaines des premières ou d’une«
f
Ce
époque moins reculée.
Et nous ne devons pas oublier que l’art oriental — nous l’avons dit
plus haut — est demeuré stationnaire pendant de longues périodes. En.
Tr
fait, les formes les plus simples sont invariablement caractérisées p
une ressemblance de plus en plus marquée avec les modèles les plus
4
anciens et les formes florales naturelles des Aracées. Nous y revoyons
— 217 —
la spathe, contournée quelquefois comme une feuille d’Acanthe, plus
souvent déployée, réduite de plus en plus à de simples contours et se
transformant en une sorte de fond ou d’arrière plan, puis le spadice, de
forme habituellement conique, d'autre fois remplacé par un chardon
ou par une grenade. Auberville, dans son magnifique ouvrage intitulé
« L’ornementation des tissus », exprime sa surprise de voir le terme
« modèle en grenade » réservé exclusivement à ces formes, alors que
leur partie centrale consiste neuf fois sur dix en un chardon. Autant
que je puis en juger par la littérature qu'il m'a été possible de consul-
ter relativement à la question, il n’y a guère que l’important ouvrage
sur l'architecture ottomane, publié à Constantinople sous le patronage
d'Edhem-Pacha, qui jette quelque lumière sur ce point intéressant; les
grenades qui ont servi d'origine à ce type ornemental y sont entourées
de feuilles, de façon à rappeler vaguement certaines formes décora-
tives. Mais il ne faut pas se hâter de conclure d’après des ressem-
blances aussi lointaines : j'en appelle à quiconque a cueilli de ces fruits
savoureux suspendus aux branches grêles et flexibles du grenadier, et
je lui demande s’il est possible de rapporter les feuilles épineuses qui
figurent dans certains modèles aux minuscules bractées rapprochées
et serrées autour des grenades, à quelque stade de leur développement
qu'on les envisage.
Il n'est pas besoin d’une bien grande pénétration pour retrouver,
dans les grandes lignes de l’ensemble, la spathe typique des Aracées,
bien qu'il n'en reste plus à la fin que des contours déchiquetés, et
qu’il s’y soit glissé des formes ornementales absolument indépendantes
du reste du modèle. Quant au chardon central, impossible de le dériver
de l'espèce ordinaire : le verticille de feuilles extérieur rend pareille
hypothèse inadmissible. L’idée d'en faire un artichaut — bien que
cette plante, ainsi que le chardon, ait pu être utilisée à une époque
ultérieure — n’a guère de fondements plus sérieux. Le professeur
Ascherson, le premier, a attiré mon attention sur une espèce de
chardon cultivée de toute antiquité, le Carthame (Carthamus tincto-
rius, fig. 15), dont les anciens utilisaient les fleurs comme matière
tinctoriale. Des dessins et des spécimens desséchés de cette plante,
aussi bien que la littérature y relative, m'ont inspiré tout d’abord
l'espoir d'y trouver le modèle primordial de ce type décoratif, et
16
— 218 —
cette présomption s'est trouvée confirmée par l'étude de la plante
vivante, bien que je n’aie pu l'obtenir, malgré tous mes efforts,
en parfait état de développement.
Du temps du roi égyptien Sargo
— s'il faut en croire Ascherson et
Schweinfürth — cette espèce était
déjà bien connue comme plante de
culture; on ne la connaît pas à
l’état spontané (De Candolle, « ori-
gine des plantes cultivées »). Sa
culture en Asie s'étend jusqu’au
Japon. Semper cite un passage
d’un drame indien où il est ques-
Fig. 15. tion d'un portail d'ivoire, suppor-
tant des bannières où était peint le faux safran (Carthame).
L'importance de cette plante, comme matière tinctoriale, ne tarda
pas à s’amoindrir ; aujourd'hui elle a perdu toute valeur, depuis
l'introduction des nouveaux principes colorants. Actuellement son
seul usage est dans la préparation du rouge (rouge végétal).
Mais à une époque où la teinture, la filature et le tissage se trou-
vaient, sinon réunis dane une seule main, du moins rapprochés et
groupés en connexion intime dans la sphère restreinte d’une industrie
domestique, l'aspect de vastes agglomérations de cette jolie plante,
avec ses capitules jaune d’or, devait suggérer l’idée de l’immortaliser
par l’art textile, d'autant plus que le crayon savait reproduire, avec
une irréprochable exactitude, son involucre épineux. Des dessins
de cette plante d’après nature, empruntés à de vieux ouvrages de
botanique du seizième et du dix-septième siècle, ressemblent prodi-
gieusement aux modèles d’ornementation. Plus tard, quand le goût
dominant eût introduit dans ces dessins des grenades ou d’autres fruits
— des Ananas, par exemple, — on les logea au milieu du verticile
foliaire, |
Je ne puis songer à entrer dans les inextricables détails relatifs à
cette question, dans laquelle il faut tenir compte de l'influence de l’Asie
orientale, qui a sans doute exercé, dès les temps les plus reculés, une
action marquée sur le goût de l’époque et amené une fusion entre.
le style correct des fleurs composées pour ornementation plane et les
— 219 —
formes prémentionnées, de facon à devenir le point de départ de
modèles spéciaux, tels qu'on les rencontre dans les tissus persans
et les ornements sans relief (fig. 16).
Nous passons enfin au troisième groupe de formes, le modèle cache-
mire ou palmes indiennes. Nous
Jai Des los f Sésañbésébéaeéeééééees
alssons de cote les 1ormes periec- (DICO LOTONC ee ere r0xe)
tionnées qui nous montrent, dans
leur état de complet développement,
des contours absolument fantai-
sistes, ressemblant plus ou moins
à un bouquet de fleurs penché sur le
côté et émergeant d’un vase mon
semble correspondant à certaines
formes romaines dont j'ai parlé précédemment), pour nous occuper
exclusivement des types plus simples, parce que nous manquons, ici
Fig. 7e
aussi, de renseignements quant au lieu et à la date où ces modèles ont
pris naissance (fig. 17, 18 et 19).
Ici encore nous sommes frappés par d’étonnantes ressemblances avec
les types qui ont fait l'objet de nos précédentes études; nous passons
par des formes de transition directe qui different à peine des précé-
dentes par l’inflexion latérale de la pointe foliaire; parfois c’est la
pièce centrale, le spadice, qui s'incline vers l'extérieur; il n’est pas
jusqu'aux détails qui ne concordent merveilleusement avec la struc-
ture d’une inflorescence d’Aroïdée, à tel point qu'on ne peut se
défendre d’y voir une copie plus où moïns réussie.
— 220 —
Ce style ornemental a été introduit en Europe lors de l'expédition
française en Égypte, grâce à l'im-
portation de châles de cachemire
originaux. (Quand il apparaît en
formes isolées, comme à Venise au
quinzième siècle, il ne semble avoir
exercé sur le goût dominant aucune
influence ; son introduction semble
plutôt devoir être attribuée à l'im-
pression sur calicot.) Peu après, la
manufacture des châles devint une
industrie européenne et s’est main-
tenue, depuis lors, en pleine prospé-
rité. Falcot nous apprend à ce sujet
que les dessins pour modèles de
châles de Couder — un célèbre
artiste français qui avait étudié son
art aux Indes mêmes — furent
réimportés et utilisés dans ce pays
(fig. 20).
Dans pareils modèles, la forme
primitive nous apparaît transfigu-
rée par une différenciation, une
élaboration d'une élégance, d’une
Fig. 20.
richesse et d’un coloris vraiment
merveilleux ; aussi pouvons-nous, sans crainte, les mettre en parallèle
avec les modèles sans relief du moyen-âge, dont nous avons précé-
demment parlé, parmi les œuvres les plus brillantes et les plus.
remarquables de l’art décoratif.
Il est hors de doute que ce style, arrivé à un tel degré de développe-
ment et de perfection, s’est montré réfractaire à toute fusion avec les
formes d'origine occidentale. Raison de plus pour scruter plus minutieu-
sement les lois qui président à son existence, afin de nous familiariser
avec elles, de nous les assimiler, en quelque sorte, par une connais
sance approfondie de leur mécanisme. Un grand progrès a été réalisé
sous ce rapport, quand la critique, au prix d’un travail persévérant «
— 221 —
et pénible, s’est trouvée en mesure de rejeter, comme dépourvues de
toute valeur, certaines imitations maladroites ou même des créations
difformes, telles qu’il en éclôt tous les jours. Si, après avoir étudié
ces modèles classiques qui reposent et caressent la vue par leur fondu et
leur douceur, en même temps qu'elles l’enchantent par la richesse de
leur coloris ou le fini de leurs détails, nous jetons les yeux sur nos
tissus modernes, nous reconnaissons que l’élégante symétrie de la
forme y est souvent interrompue, noyée dans d’autres dessins, ou
mutilée (la fleur sortant des feuilles sens dessus dessous): sans
compter les capricieuses spirales qui parcourent l’ensemble, alors
qu'aucune connexité ne les rattache à pareil style, au gré des
fantaisies d'un dessinateur incapable et sans goût. Une fois qu'il est
démontré que l'original de ces modèles n’est autre qu’une plante,
restons donc fidèles, dans les développements artistiques auxquels
notre esprit s’abandonne, aux lois générales de son organisation
et faisons en sorte d'éviter de ces ridicules inconséquences.
Il y à quelques années, je me suis adressé à un jeune botaniste du
nom de Rühmer, assistant au musée botanique de Schôneberg, — qui
malheureusement a succombé depuis lors aux suites d’une affection
de poitrine, — à l'effet d'obtenir quelques renseignements destinés à me
servir de guide dans mes investigations. Je lui demandai de chercher,
dans les ouvrages spéciaux qu'il avait à sa disposition, les usages des
Aracées indiennes au point de vue médical et domestique; j'en recus
un travail détaillé sur cette question, établissant qu'’abstraction faite
des divers Alocasia et Colocasia prémentionnés, nombre d’Aracées
servent à divers usages domestiques. Le Scindapsus, employé en
thérapeutique, conserve actuellement encore un nom sanscrit,
« Vustiva ». Je ne puis entrer plus avant dans les détails de ces
recherches, et me contente de faire observer, que les dessins, tout
incomplets et imparfaits qu'ils soient, de ces plantes si malaisées à
se procurer par le moyen des collecteurs à cause des difficultés spé-
ciales dont s’entoure leur conservation, témoignent d’une vigueur,
d’une luxuriance, bien propres à séduire les artistes indiens ou per-
sans et à justifier leur présence dans l’art décoratif. Ajoutons encore
que Haeckel, dans ses « Lettres d’un voyageur indien », mentionne
à maintes reprises l’influence des Aracées sur l’aspect général de la
végétation, résultant du prodigieux développement des Caladium et des
— 222 —
Pothos et des enchevèétrements impénétrables que forment leurs souches
entrelacées. #3
Comme conclusion, je ferai remarquer que les résultats de mes
recherches — dont je n’ai pu donner ici qu’un exposé succinct —
conduisent à rejeter certaines dérivations, certaines origines, admises
sans preuve jusqu'à présent; témoin la forme que j'ai étudiée en
dernier lieu et où les uns prétendent voir une palme assyrienne, les
autres un Cyprès balancé par le vent. Je puis dire, en faveur de ma
théorie, que les lois de formation admises par elle se trouvent en :
connexion plus intime avec les types parvenus jusqu’à nous, et nous
donnent un moyen plus efficace de les utiliser et de les développer
dans l'avenir. Ces études ne sont, en réalité, que le « prodrome »
d’une solution raisonnée de ces questions délicates ; les résultats
eussent-ils été différents, que je n’en aurais pas moins — et c'est ce
que j'avais en vue — donné l'essor à des travaux capables d’attester
la vérité des paroles de l’illustre poëte défunt :
« Des biens de tes aïeux, un jour veux-tu jouir ?
Commence par les conquérir. » D'H.F.
INOTE
SUR LE PELARGONIUM À GRANDES FLEURS
SPÉCIALEMENT
SUR LES VARIÉTÉS HORTICOLES DE M. V. LEMOINE,
Horticulteur à Nancy.
PAR M. ÉpouaArD MoRREN.
(Planche XI.)
Pelargonium ceucullatum WiLLpeNow, Species plantarum, III, I, 1800,
p. 69. — AITON, ÆZortus Kewensis, IV, 1812, p. 174.
Greranium africanum arborescens, foliis cucullatis angulosis.
J. J. Dixzenius, Horti Elthamensis plantarum rariorum icones et nomina, 1724,
p. 125, tab. 129.
P.hortulanorum ZÆort. gallorum.
P. speciosum Æort. anglicorum.
P. grandifiorum Hort. belgorum.
Les plantes qui se sont fait remarquer par la beauté de leurs fleurs
et auxquelles on a donné place dans le jardin ou dans les serres ne se |
PELARGONIUM HORTULANORUM (HyBr.). Cap de Bonne-Espérance.
VARIÉTÉS DE V. LEMOINE. Serre froide.
oo
perpétuent pas invariablement avec les mêmes caractères, mais, au
contraire, leur progéniture ne cesse de modifier, dans certaine mesure,
leur forme et leur coloration. Comme tous les êtres vivants, elles
varient dans la limite de leurs aptitudes. Leurs qualités esthétiques,
déjà remarquables dans les conditions naturelles de leur existence, se
manifestent, dans les conditions nouvelles de l’état de culture, sous
des apparences inconnues qui souvent sont supérieures aux premières.
Des mérites qui n’existaient qu'à l’état potentiel trouvent ainsi à se
produire au dehors ; un principe produit toute une série de développe-
ments et ainsi, grâce à la culture, ces plantes s'élèvent, par leur progé-
niture, dans la voie de l’évolution esthétique; en deux mots, leur
beauté s’embellit encore. Cette évolution, toute naturelle et spontanée
dans son escence, est favorisée par la sélection artificielle. |
Ces réflexions sont particulièrement applicables au Pélargonium à
grandes fleurs qui, depuis un siècle environ qu'il est passé du Cap de
Bonne-Espérance dans les cultures européennes, ne cesse de varier et
d'embellir ses fleurs : elles deviennent plus grandes, plus régulières,
plus nombreuses même ; leur coloris se revêt de toutes les nuances et
de tous les tons du rose et du carmin; leurs pétales se couvrent de
bigarrures inattendues qui semblent rivaliser de grâce et d’élécance,
sous le contrôle d’un œil expérimenté qui sait élaguer et supprimer
les dégénérescences ou les regressions. Cet embellissement ne cesse de
se perfectionner et l'évolution esthétique semble tendre vers l'idéal.
Tels sont les Pelargoniums de M. V. Lemoine, horticulteur à Nancy,
dont nous placons ici un petit bouquet sous les yeux de nos lecteurs.
Ce choix, pris à peu près au hasard, ne peut que donner une idée
approximative de la variété et de la gracieuse figure de ces jolies
fleurs. Nous ne nous arrêterons pas à les décrire ni à les dépeindre.
Mais qu’on veuille bien comparer ces Pélargoniums de 1884 à ceux
du temps passé et l’on reconnaïitra l’évolution que nous avons signalée.
On pourra, par exemple, ouvrir la Belgique horticole de 1855 et voir,
à la page 353, un bouquet de Pelargoniums tels qu’ils étaient il y a
trente ans. Alors, la vogue était aux Odier et aux Miellez, aux
formes arrondies, régulières, géométriques, aux pétales maculés et
aux couleurs tranchées, tandis que les Lemoine d’aujourd’hui se
distinguent par des fleurs ondulées, des pétales chiffonnés, par des
nuances douces et fondues. Il y a bien d’autres différences encore : la
— 224 —
toilette et la parure des fleurs ont absolument changé : on peut
trouver que celles-ci ou celles-là sont les plus belles, c'est affaire de
goût, mais la physionomie n’est plus la même : les Pélargoniums de
1855 semblent avoir vieilli, ils sont démodés, tandis que ceux de 1884
peuvent, à juste titre, être appelés des Pélargoniums nouveaux. En quoi
sont-ils nouveaux, si ce n'est par le revêtement d’une ornementation
inattendue : le fond reste le même, en ce sens qu’au point de vue
botanique le Pélargonium n'a pas changé, mais ses apparences se
modifient, se transforment même. Ces changements ressemblent un
peu à ceux de nos vêtements ou à ce qu'on nomme la mode,
Le contraste est beaucoup plus grand si l'on remonte plus loin en
arrière; les documents ne manquent pas, grâce aux iconographies
botaniques. Nous possédons un recueil spécial et considérable de
Pélargoniums dessinés et peints de 1825 à 1833, à Vienne, par
Léopold Trattinick et publié, sous le titre de Veue Arten von Pelar-
gonien, en 6 volumes in-octavo. Plusieurs centaines de Pélargoniums à
grandes fleurs y sont figurés, sans doute les plus beaux de l’époque.
On les admirait alors et aujourd’hui ils paraissent presque ridicules;
leurs fleurs sont petites; elles semblent étriquées et grimaçantes;
leurs pétales sont étroits et maigres; les couleurs même sont peu
variées. Personne aujourd’hui ne voudrait prendre la peine de les
cultiver, alors qu'on publiait à grands frais leur portrait il y a
cinquante ans. Ce n'est pas seulement affaire de mode, question de
caprice ou de goût, mais ces fleurs du temps passé sont réellement
par trop archaïques et sont loin d'atteindre la beauté de celles qui
s'épanouissent maintenant. Il s'est fait une véritable révolution
esthétique chez ces plantes comme elle s’est faite dans les arts
plastiques, l'architecture par exemple et dans les autres manifestations
de l'esthétique humaine : il n’y a pas seulement changement, mais il y
a amélioration, passage d’un état d'infériorité vers un état supérieur,
en un mot progrès.
Les livres de l’autrichien Trattinick font suite à un ouvrage anté-
rieur de l'anglais Robert Sweet, qui, parmi de nombreux recueils
d'iconographie botanique, a publié en 1820-22, sous le titre de Gera-
niaceue, deux volumes de planches coloriées parmi lesquelles beaucoup
représentent les Pélargoniums à grandes fleurs de cette époque rela-\
tivement assez éloignée. Robert Sweet était botaniste; il était soigneux
4
et méthodique; on le considère souvent comme un des fondateurs de la
— 225 —
nomenclature et de la classification des Pélargoniums, qu’il décrit avec
beaucoup d’exactitude et qu’il représente avec un véritable talent
d'artiste. Mais les fleurs de ce temps là étaient de petites dimensions;
elles avaient encore, de la facon la plus apparente, les caractères
‘ naturels de l’état sauvage, l’irrégularité de la corolle, l'inégalité des
deux pétales supérieurs relativement larges et des trois pétales infé-
rieurs plus longs et plus étroits, le contraste des deux taches foncées
sur les premiers, tandis que les seconds sont unicolores. On voit, sans
préjugé pensons-nous, qu’à l'époque de Sweet les Pélargoniums com-
mencaient seulement à ressentir les effets de la domestication. Nous
n’entendons pas dire qu’ils subissaient, comme par une sorte de con-
trainte, les effets des nouvelles conditions extérieures qui les entou-
raient, comme pour les contrarier ou les restreindre. Bien au contraire,
nous croyons que le changement de milieu leur était favorable et leur
permettait de produire et de manifester toutes sortes d’aptitudes qu'ils
possédaient en germe, à l'état latent mais qui ne trouvaient pas à se
manifester dans les conditions qui leur étaient imposées par le climat
de leur patrie. La domestication ou la culture n’est pas pour les plantes
un état d’esclavage ou de dépression, elle est au contraire un état favo-
rable à leur expansion morphologique, à leur développement physiolo-
gique, à leur évolution philogénique: témoins les plantes du légumier
et du jardin fruitier, le choux et le poirier, par exemple, qui certes
ont donné auprès de l’homme tout ce que leurs aptitudes leur ont
permis de donner jusqu’à ce moment. On dirait volontiers de ces
plantes, transportées de l’état sauvage dans le monde civilisé, que,
dégagées de la lutte pour l'existence, de la recherche pénible des
aliments parcimonieux et précaires et des préoccupations de leur
reproduction livrée au caprice du vent ou au vagabondage inattentif
des insectes, elles peuvent librement s’épandre, se développer pour
faire bien et produire mieux.
On pourrait remonter beaucoup plus haut dans l’histoire des
Pélargoniums à grandes fleurs en recourant, par exemple, aux
ouvrages d'Andrews, de l'Héritier, de Miller, d’Aiton et de beaucoup
d’autres : il conviendrait surtout de rechercher les origines mêmes
de ces plantes, leur première introduction en Europe, à l’époque de
James Sherard et de Jean Tradescant, leur découverte au Cap de
— 2826 —
Bonne-Espérance, et toutes les circonstances de leur végétation natu-
relle dans la flore de l'Afrique australe. Ce sujet serait digne d'exciter
le travail d’un chercheur : il a déjà été esquissé par M. Shirley
Hibberd(l) et il serait fécond en observations et en inductions d’une
portée générale.
On connaïtrait ainsi la cause de l'incertitude dans laquelle on se.
trouve actuellement quant à la nomenclature botanique du Pélargo-
nium des fleuristes. On l'appelle aussi, Pelargonium hortulanorum,
dans le Bon jardinier par exemple, quand on le dégage en quelque
sorte de toute descendance directe avec un Pélargonium spontané et
qu’on le considère comme une production hybride créée par les arti-
fices de la culture. C’est un moyen commode d'’écarter, sans le
résoudre, le problème de l’origine. On l'appelle encore Pelargonium
grandiflorum, mais nous nous refusons absolument à rattacher le
Pélargonium des fleuristes au Pelargonium grandiflorum tel qu’il a
été décrit et figuré par H. Andrews (Xepository, 1799, pl. XII) et par
Robert Sweet (Geraniaceue, 1820, pl. 29), et s'il ne s’agit pas
de celui-là, nous ne savons pas de quel autre Pelargonium grandi-
forum il peut étre question. Le nom n'est sans doute que la
traduction latine de l'appellation usuelle de Pélargoniums à grandes
fleurs. En Angleterre, on l'appelle volontiers Pelargonium eximium, ce
qui veut dire le Pélargonium éminent, mais ce nom a été donné par
R. Sweet (Geraniaceae, pl. 26) à un Pelargonium qui est sans doute
de la race des Pelargoniums à grandes fleurs, mais qui, au dire de
Sweet lui-même, est déjà une variété horticole, résultat du croisement
entred’autres variétés qui étaient connues sousles noms de P. capitatum
et P. augustum. |
A notre connaissance, la botanique des Pélargoniums à grandesfleurs
n’est pas encore faite. Les spécialistes, tels que Sweet et Trattinick,
ont embrouillé la question en confondant comme à plaisir les espèces,
les races, les variétés, les hybrides et les métis. Le Prodrome de
de Candolle (I, 1824, p. 662), qui a paru en même temps, porte
l’empreinte de cette fâcheuse influence. |
L'origine du Pélargonium à grande fleur est donc à l’état de
(1) Lecture delivered by Mr Shirley Hibberd, in the Council Chamber of the
Royal Horticultural Society, — Gardeners Chronicle, 3 juillet 1880, p. 5..
— 227 —
problème. En attendant qu’il soit résolu, nous croyons qu’on peut
rapporter cette plante au Pelargonium cucullatum de Willdenow
(Species plantarum TITI, I, 1800, p. 670) et de Aiton (Æortus Kemwensis,
IV, 1812, p. 174) qui eux-mêmes citent les origines de cette espèce. —
Le Geranium africanum arborescens, foliis cucullatis angulosis, figuré
à la planche 129 du grand ouvrage de Sherard sur son jardin d’Eltham,
nous semble lui appartenir déjà et, si nous ne nous trompons, les
feuilles du Pélargonium des fleuristes ont encore une tendance à se
creuser un peu en forme de cornet.
La culture du Pélargonium à grandes fléurs devrait faire le sujet
d’un exposé spécial. Elle n’est pas précisément difficile n1 dispendieuse,
mais elle à certaines exigences et c’est sans doute pourquoi ces plantes
admirables ne sont pas plus généralement répandues. Il suffit de noter
que le Pélargonium aime une terre siliceuse, comme toutes les plantes
du Cap, et qu’il répugne à développer ses racines dans un sol calca-
reux. Pour prospérer, il lui faut toujours un bel éclairage, un air vif
et frais, le soleil en été et de copieux arrosements, un sol fertile et
bien fumé, parfois même de l’engrais liquide. En hiver, il craint autant
la chaleur que le froid et on conseille de le maintenir dans une tempé-
rature intermédiaire entre 4 et 12 degrés centigrades. On peut le sortir
des serres en été, dans le courant de juin et l’y rentrer au commence-
ment d'octobre. Il doit être préservé de l’envahissement des pucerons,
souvent taillé et rempoté. Il convient de le rajeunir par le bouturage,
la plante vieillissant vite et appauvrissant sa floraison. On le tient
ordinairement en petites touffes allongées de 40 à 60 centimètres,
parfois en masses d’un mètre de diamètre.
La floraison à lieu ordinairement d’avril à juin et elle dédommage
amplement des soins qu'elle a demandés.
— 228 —
BIOGRAPHIE DE GEORGES ENGELMANN,
PAR ASA (GRAY,
Extraite du rapport présenté par la Commission de l’Académie américaine
des arts et des sciences, en mai 1884,
et traduite de l'American journal of Science, vol. XX VIII, juillet 1884.
La mort du Dr Engelmann, survenue le 4 février dernier, a privé
la section botanique de l’Académie américaine d’un de ses rares
membres correspondants, et la science de l’un de ses adeptes les plus
fervents et les plus distingués.
Engelmann est né à Francfort-sur-Mein, le 2 février 1809; il
venait donc d'accomplir sa 75°"e année. Son père était l’un des plus
jeunes fils d’une famille qui desservait depuis plusieurs générations
la paroisse de Bacharach sur le Rhin; il se destinait à la. même
profession et prit ses grades à l’Université de Halle, mais pour se
consacrer bientôt à l’enseignement. Il épousa la fille de Georges Oswald
May, peintre qui eut son heure de célébrité, et le jeune couple établit.
à Francfort, non sans succès, une de ces écoles pour demoiselles si
répandues aux États-Unis, mais inconnues en Allemagne avant cette
époque.
Georges Engelmann fut l’ainé des treize enfants qui naquirent de
ce mariage et dont neuf atteignirent l’âge viril. Grâce à une bourse
fondée par la « Congrégation réformée de Francfort, » il put suivre
en 1827 les cours de l’Université d'Heidelberg, où il eut comme com-
pagnons d’études Karl Schimper et Alexandre Braun. Engelmann
entretint avec ce dernier le commerce le plus intime et une corres- »
pondance amicale, interrompue seulement par la mort de Braun
en 1877. Quant à Schimper, qui avait manifesté de remarquables
dispositions pour la philosophie naturelle, après avoir jeté les bases
de la phyllotaxie et fourni les matériaux nécessaires aux recherches
ultérieures de Braun et d’autres savants, il abandonna, par une
étrange défaillance de caractère, la carrière scientifique qui s ouvraït
à lui pleine de promesses et où ses deux amis, Agassiz et Braun et
plus tard Engelmann s'étaient jetés à corps perdu.
À la suite de troubles nés d’une démonstration politiqué provoquée
par les étudiants d’Heidelberg, Engelmann vint à Berlin en 1828 et. |
4
— 229 —
fréquenta deux ans les cours universitaires de cette ville. Puis il se
rendit à Würzbourg, où il prit son grade de Docteur en Médecine en
juillet 1831. Sa thèse inaugurale, De Antholysi Prodromus, qui fut
publiée à Francfort en 1832, atteste dès cette époque sa prédilection
pour la botanique et la tournure scientifique de son esprit. C’est une
dissertation morphologique, basée exclusivement sur l'étude des mon-
struosités, et illustrée de cinq planches dont les dessins sont exécutés
par l’auteur même. C'est, en quelque sorte, un ouvrage parallèle au
traité des métamorphoses des plantes, publié quelque quarante ans
plus tôt par un compatriote — le plus célèbre, sans aucun doute —;
et il vit le jour à temps pour étre honoré de l'approbation de Goëthe.
Madame de Willems, correspondant de l'illustre écrivain, lui en
fit parvenir une copie un mois seulement avant sa mort. Goëthe,
dans sa réponse, s’informe obligeamment de l’auteur, qui a parfaite-
ment saisi, dit-il, ses idées sur la morphologie végétale, et a fait
preuve de tant de talent dans leur exposé qu’il est prêt à remettre
entre les mains du jeune botaniste toute sa collection de notes manus-
crites et de dessins inédits (1).
Engelmann passa le printemps et l'été de l’année 1832 à Paris, tout
occupé de travaux médicaux et scientifiques, en compagnie de Braun
et Agassiz; tous trois, écrivait-il plus tard, menant « une heureuse
existence dans leur union scientifique, en dépit du choléra. » Dans
l'intervalle, les oncles du D' Engelmann avaient décidé d'acquérir
quelque terrain dans la vallée du Mississipi et l'avaient engagé à
devenir leur agent. Déjà l’un des membres de la familie était installé
dans l'Illinois, non loin de St Louis. Le D' Engelmann quitta Brême
en septembre, fit voile pour Baltimore, rejoignit ses parents dans le
courant de l'hiver et entreprit à cheval, dans le sud de l'Illinois, le
Missouri et l’Arkansas, des excursions solitaires et pas mal aventu-
reuses, d’où il ne retira d'autre fruit que ses récoltes botaniques, ce
qui le décida à s'établir en qualité de médecin à St Louis, vers la fin
de l'automne 1835. St Louis était à cette époque une station-frontière
commerciale plutôt qu’une ville, comptant à peine huit à dix mille
habitants.
(1) Le manuscrit original de l’Anéholysis, en allemand, avec dessins originaux
au net (don du fils de l’auteur), est conservé à la bibliothèque de l’Herbier de
l'Université de Harvard.
— 230 —
Le D" Engelmann vécut assez longtemps pour Ia voir se transformer
en une métropole de plus de 500,000 âmes. Il commença absolument
dénué de ressources, après avoir épuisé le peu d’argent qu'il avait
emporté d'Europe avec lui. En quatre ans il jeta les bases d’une
brillante clientele, gagna de quoi faire un voyage en Allemagne, et
put enfin tenir un engagement contracté depuis nombre d’années déjà,
en ramenant à son modeste foyer celle qu’il avait choisie comme com-
pagne de son existence, Dora Hartsmann, sa cousine, qu’il épousa à
Kreuznach, le 11 juin 1840. C’est pendant sa traversée de retour vers
New-York que l’auteur de cette notice eut le plaisir de faire la con-
naissance personnelle d'Engelmann et ce fut le point de départ d’une
amitié et d’une collaboration scientifique qui durèrent plus d’un demi-
siècle.
La réputation d’habileté du jeune docteur ne tarda pas à s'étendre
à St-Louis, parmi les représentants des diverses nationalités qui
composent cette population cosmopolite, et en 1856 il put, sans
inconvénients, abandonner sa clientèle pendant une couple d’années, .
pour consacrer d’abord l’été à des recherches botaniques aux environs
de Cambridge, puis retourner, avec son épouse et son jeune fils, au
pays natal et y employer à des travaux utiles et intéressants cette
longue période de vacances. En 1868, Engelmann parcourut l’Europe
pendant un an entier, laissant son fils à Berlin pour y poursuivre ses
études médicales. Enfin, ayant perdu, en janvier 1879, sa fidèle
compagne de 40 ans d'existence, et sérieusement menacé dans sa santé
jusqu'alors robuste, il se décida, pendant l’été 1883, à faire voile pour
l'Allemagne. Le voyage lui fut propice, et il se trouva capable de
reprendre ses recherches botaniques, que malheureusement des symp-
tômes d’une alarmante gravité vinrent bientôt interrompre. Le:
voyage de retour eut sur sa santé une influence plus salutaire encore;
et lorsqu'il rejoignit ses amis, aux premiers jours de l’automne, sur
le continent américain, on pouvait espérer le voir poursuivre pen-
dant longtemps encore, avec aisance et facilité, les travaux scienti-
fiques auxquels il se remettait avec ardeur. Mais cet heureux état de
choses ne dura guère; infirmités et souffrances s’accentuèrent de jour
en jour, jusqu'à ce qu'un mal subit vint mettre un terme à cette
existence aussi honorable que bien remplie.
Pendant les dernières années de sa vie, le D' Engelmann s’adonna M
— 231 —
à l'exploration de vastes régions de son pays adoptif, telles que les
montagnes de la Caroline du Nord et du Tenessee, le district du Lac
Supérieur, les Montagnes Rocheuses et les plaines voisines du Colo-
rado, ainsi que les territoires adjacents; c’est ainsi qu'il étudia
sur place, et avec l'exactitude et la minutie qui caractérisent ses
travaux scientifiques, les Cactus, les Conifères, et autres groupes
végétaux dont il s’occupait spécialement depuis nombre d'années.
Il entreprit en 1880 une longue exploration à travers les forêts
des Etats-Pacifiques, où il vit pour la première fois, à l’état de nature,
les plantes qu’il avait étudiées et décrites trente ans plutôt. Les
compagnons du D' Engelmann n'oublieront jamais son courage, son
adresse, son zèle, son enthousiasme, la bonté de son caractère, sa
gentillesse à l'égard de tous ceux qui se trouvaient en rapport avec
lui. Ses collaborateurs — aussi bien que les ouvrages scientifiques
düs à sa plume — attestent sa remarquable perspicacité, l'infatigable
persévérance qui présidait à ses recherches, son esprit de critique
judicieuse, enfin, son caractère loyal et conscientieux, qui lui faisait
un devoir de repasser constamment ses conclusions d'autrefois au
creuset des idées plus récentes ou des nouvelles découvertes.
Pour apprécier sainement l’œuvre botanique du D' Engelmann —
auquel nous allons naturellement consacrer la suite de cette notice —
il ne faut pas perdre de vue que son existence fut celle d’un médecin,
distingué et fort en vogue, qui, chargé d'années et souffrant, ne
pouvait — l’eût-il même voulu — refuser le secours de son art à qui
le réclamait ; il ne lui restait donc que les heures consacrées par la plu-
part des hommes au repos ou au plaisir, pour poursuivre ses travaux
scientifiques, parmi lesquels la botanique prenait une part considérable
mais non exclusive. Engelmann s’occupait aussi sérieusement de
météorologie. En s’installant à St-Louis, il commença une série
d'observations barométriques et thermométriques, qu'il poursuivit
régulièrement et systématiquement jusqu’au bout, relevant les indica-
tions lui-même quand il n’était pas absent, et cela jusqu’à l'avant
dernier jour de sa vie, pour les instruments de l’intérieur. On l’a
même vu, pendant la dernière semaine de son existence, se frayer un
chemin à travers la neige de son jardin pour arriver jusqu’à ses
thermomètres à maxima et minima. Sa dernière publication (imprimée
après sa mort par l’Académie des sciences de St-Louis) est l'exposé
— 2388 —
méthodique et complet de ses observations thermométriques pendant
quarante-sept ans. Il s'excuse de ne pas avoir attendu l'accomplisse-
ment du demi-siècle pour en faire connaître les résultats, parce que
trois ans d'observations en plus n’y auraient pas introduit grande
différence. |
La liste des travaux et des notes botaniques du D' Engelmann,
composée par le professeur Sargent, son collaborateur et ami a été
publiée dans le journal botanique de Coulter (n° de mai 1884) : elle
mentionne une centaine, et le dénombrement est loin d’être complet.
La première publication d'Engelmann, sa thèse inaugurale dont nous
avons déjà parlé (De Antholysi Prodromus) traite de la tératologie
dans ses rapports avec la morphologie. C’est une publication remar-
quable pour l’époque et pour un simple étudiant en médecine doué
d’aptitudes botaniques. Le journal Nature (avril 1884) vient d'en
faire paraître une intéressante analyse, signée du D' Masters, le
premier tératologiste de l'époque, où l’auteur compare l’œuvre d'Engel-
mann à la ZTéralologie végétale plus détaillée de Moquin-Tandon,
parue dix ans plus tard, et où il déclare « que si l’on se place à un
point de vue purement philosophique et si l’on considère que l’une de
ces productions n'est que l'essai d’un étudiant, tandis que l’autre est
due à la plume d’un botaniste de profession, force est d’avouer que le
traité d'Engelmann, tel qu'il est, nous permet de scruter plus intime-
ment les vues de la nature et les causes pour lesquelles elle s’écarte
de ses formes ordinaires, que l'œuvre du botaniste français. »
Une fois dans la vallée du Mississipi, au milieu d'espèces dont la
plupart réclamaient un examen critique sérieux, le D' Engelmann
s’abandonne sans réserve à son goût pour la botanique et à son
esprit d'observation. Rien n'échappe à son attention; il dessine avec
facilité et a soin de conserver et de classer méthodiquement ses notes
et ses croquis, pour son propre usage et celui de ses correspondants.
Mais ce qui laissera surtout, dans la flore de l'Amérique septentrio-
nale, une trace ineffaçable de son passage, c'est la sage habitude dont
il ne se départit jamais, d'étudier ses sujets dans leurs rapports
systématiques, de se consacrer spécialement à un genre particulier,
à un groupe de plantes (d'ordinaire le plus difficile) et de ne l’aban-
de vue que son œuvre a exercé sur la botanique une influence marquée,
&
donner qu’après l’avoir tiré aussi au clair que possible; c’est à ce point
— 233 —
Ainsi sa première monographie du genre Cuscute (publiée en 1842
dans ce Journal), mentionne quinze espèces et cela sans dépasser
à l’ouest la vallée du Mississipi, alors qu'avant Engelmann les
publications botaniques n’en renseignaient qu’une seule forme indigène,
et encore non spéciale aux États-Unis. En 1859, après une revue du
genre dans les matériaux disséminés parmi les principaux herbiers
de l’Europe et de l'Amérique, il fait paraître, dans le premier volume
de l’Académie des sciences de St Louis, un classement systématique
des Cuscutes, où il caractérise soixante-dix-sept espèces, sans compter
d’autres formes renseignées comme variétés.
Pour nous borner ici aux monographies dûes à sa plume, nous
devons citer ses recherches sur la famille des Cactées; son œuvre,
à ce sujet, est immense et d’une importance capitale et le D' Engel-
mann est une des autorités les plus écoutées en cette matière. C’est
lui qui le premier basa l’arrangement de ces plantes sur des caractères
floraux et carpologiques. Il commença ce travail de géant par
son « Esquisse sur les découvertes botaniques de l'expédition du
Dr A. Wisiizenus, du Missouri au Nord du Mexique, » (compte-rendu
de ce voyage publié par le gouvernement des États-Unis). Vint
ensuite, dans le présent journal (1852), un article sur le Cactus géant
du Gila (Cereus giganteus) et espèces affines; puis le Synopsis des
Cactées des États-Unis, publié dans les Annales de l’Académie des
Arts et des Sciences d'Amérique (1856); enfin deux mémoires illustrés
sur les espèces méridionales et occidentales, publiés l’un dans le
quatrième volume des comptes-rendus de l'expédition du « Pacific
Railroad, » l’autre dans le rapport d’Emory sur l’Exploration des
frontières mexicaines. Engelmann avait préparé, en outre, de nom-
breux matériaux pour une revision complète des Cactacées du Nord
de l’Amérique, dont ce groupe a grandement besoin. Sans doute ses
dessins et ses collections rendront d'immenses services au futur
monographe de cette famille, et faciliteront notablement sa tâche;
mais la science n’en a pas moins perdu en lui un de ceux qui pouvaient
le plus efficacement contribuer à l’élucidation de ce groupe difficile.
Le D' Engelmann s'est aussi exercé sur deux autres groupes
végétaux spéciaux au continent américain, d'une détermination
exceptionnellement difficile en spécimens d'herbier, les Yucca et les
Agave. Ses efforts ont été couronnés d’un plein succès. On peut
47
OBS
affirmer qu’il ne reste rien à ajouter aux monographies qu'il intitule
modestement: « Notes sur le genre Yucca », publiées dans le troisième
volume des Annales de l’Académie St Louis, 1873, et « Notes sur le
genre Agave », illustrées de figures photographiques et parues dans
la même publication en 1875.
D'autres genres dont Engelmann s'occupa ensuite successivement
furent moins difficiles au point de vue des matériaux et plus en rap-
port avec sa manière de procéder exacte et consciencieuse : tels sont
les Juncus, dont la monographie parut dans le second volume
des Annales de l’Académie St Louis, accompagnée d’ExsICCATA
pour servir de pièces à l'appui; les Æ'uphorbia, dans le quatrième
volume du Rapport du « Pacific Railroad » et dans la partie bota-
nique du « Mexican Boundary » ; les Sagiltaria et genres voisins ; les
Callitriche, les Zsoëtes, dont la revision définitive est probablement en
voie de publication, et les Zoranthacées de l'Amérique septentrionale
— auxquelles il faudrait ajouter, pour être complet, les Sparganium,
certains groupes de Gentiana, et quelques autres genres. Engelmann
travailla obligeamment plusieurs de ces groupes pour le Manuel du
D' Gray; il collabora activement à bon nombre de mémoires de l'ami
qui consacre ces quelques lignes à son souvenir.
N'oublions pas les diverses notes du D' Engelmann sur les Chênes
américains et les Conifères, publiées notamment dans les Annales de
l'Académie St. Louis — ouvrages d'un haut intérêt et d’une impor-
tance capitale, fruit d'études consciencieuses et prolongées. Nous pou-
vons en dire autant de ses travaux sur les Vignes de l'Amérique
septentrionale, dont il finit par reconnaître et caractériser une
douzaine d’espèces — sujet bien approprié à son esprit de recherche
et d'investigation et qui acquiert actuellement une haute importance
aux yeux des viticulteurs, tant d'Amérique que d'Europe. Tout ce que
nous savons, ou peu s’en faut, au point de vue scientifique, sur nos
espèces et nos formes de Vignes, c’est aux recherches d'Engelmann
que nous le devons. Sa première publication à ce sujet, « les Vignes
du Missouri », parut en opuscule séparé en 1860; son dernier
ouvrage, contenant une révision des espèces Américaines, avec
figures des graines, fut publié, il y a quelques mois seulement, dans
la troisième édition du Catalogue de Bushberg.
Quelque imparfait et incomplet que puisse être ce court exposé de
— 235 —
l’œuvre botanique d’'Engelmann, il suffit à montrer tout ce que peut
faire, pour la science, un médecin en vogue pendant ses korae
subsecivae, ses vacances d'occasion. Il en est peu, parmi ceux
dont la botanique est le seul objectif, qui aient accompli une tâche
aussi étendue. Il est à peine utile d’ajouter, et pourtant nous ne
pouvons résister au désir de le dire ici, que le D' 'Engelmann fut
hautement apprécié par les botanistes des deux mondes, que son nom
figure sur les listes de la plupart des Sociétés qui ont pour but l'étude
de la nature, qu’il fut « partout une autorité reconnue et consultée
dans les branches de sa science favorite dont il s’occupait le plus
spécialement, » et que son affabilité, son inépuisable complaisance le
faisaient aimer et vénérer de tous ceux qui le connaissaient.
Il y a plus de cinquante ans, ses vieux amis et collaborateurs
américains — et, parmi eux, l’auteur de cette notice — dédièrent à
Engelmann un genre végétal monotypique, un indigène de ces plaines
que le jeune émigrant, à son arrivée, foulait aux pieds, solitaire et
découragé. Depuis cette époque, le nom d’Engelmann, grâce à ses
recherches persévérantes et à ses remarquables travaux, est associé
pour toujours à « l’Herbe au Bufle » de nos plaines, aux gigantesques
Coniferes des Montagnes rocheuses, aux Cactus monstrueux et à
nombre d'espèces affines, ainsi qu’à maintes autres plantes dont les
annales botaniques gardent seules le souvenir. Et, comme le dit un de
ses biographes « les plaines occidentales, parées des rayons jaunes de
l'Engelmannia et les versants élevés des Montagnes rocheuses, avec
leur noble revêtement de forêts où brille au premier rang le splendide
Conifere, le plus beau de tous, qui porte le nom d’Engelmann, rappel-
leront à nos concitoyens, aussi longtemps que vivra chez eux le goût
de l’aimable science, la mémoire d’une existence pure, honnête et
laborieuse. » D: EH F.
— 236 —
LE DIMORPHISME DES AROIDÉES.
Traduit de 7%e Gardeners Chronicle, octobre 1884, p. 501.
La différence considérable qui s’observe entre le feuillage de maintes
Aroïdées suivant que la plante est jeune ou qu’elle a atteint son com-
plet développement, est apparemment normale, et ne mérite pas à
proprement parler d’être rangée parmi ces variations remarquables
auxquelles s'applique le terme de dimorphisme. Toutefois, dans le cas
spécial auquel nous allons faire allusion, la différence a été si marquée
et si peu prévue que force nous est d'y voir un exemple de dimor-
phisme bien caractérisé. Il y a quelques années, une plante d’origine
sud-américaine fut introduite en Europe et distribuée sous le nom de
Marcgravia paradoxæa; sans doute la ressemblance de son allure grim-
pante et deson feuillage aplati conforme à ce que nous connaissons
du Marcgravia umbellaia (Syn. M. dubia) contribuèrent à la faire
prendre erronément, hâtons-nous de le dire, pour un représentant de ce
genre. En effet les tiges du À. paradoæa sont aplaties, et s’attachent,
comme celles du Lierre, aux surfaces humides au moyen de racines
adventives ou crampons; quant aux feuilles elles sont suffisamment
rapprochées pour se recouvrir les unes les autres, et la plante, en
grimpant, les applique étroitement contre la muraille ou l'appui le
long duquel on la cultive. Ces feuilles sont arrondies dans leur pourtour
et larges à peu près comme ia paume de la main. Au fur et à mesure
que la plante grandit, elle s’affranchit peu à peu de ia surface qui lui
servait de soutien et le feuillage, qui s'était développé parallèlement
à l'accroissement de la tige, ne tarde pas à présenter des limbes
allongés pinnatifides, semblables à ceux de divers Philodendron. Un
spécimen actuellement en culture dans la collection de Kew, met
parfaitement en évidence ce caractère dimorphique. Il grandit le long
d’une muraille humide et mesure près de 4"50 de haut. Les feuilles
inférieures sont de dimensions restreintes, mais au voisinage du sommet
elles atteignent 030 de diamètre, et parmi celles développées en der-
nier lieu, il en est d'oblongues avec un limbe partagé de chaque côté en
un certain nombre de divisions, absolument comme dans le Philoden-
dron pinnatifidum. C'est à ce genre qu'il faut rapporter la plante, si
l’on tient compte de son lieu de naissance; en tous cas ce n’est pas un.
Marcgravia ; nous n'y trouvons ni le feuillage épais, entier, coriace,
hole
ni les fleurs verdâtres en ombelles terminales, ni enfin les bractées
urniformes qui caractérisent ce dernier groupe.
La plante cultivée dans les jardins sous la dénomination de Pothos
aurea, et qui n’est autre chose qu’une Aroïdée grimpante, à tiges
munies de crampons et à feuilles ovales-acuminées, vertes avec des
marbrures et des macules jaunes, est un autre exemple de dimorphisme
foliaire. La plante, grâce à un traitement généreux, a donné à Kew
un feuillage à la fois plus grand et dissemblable par la forme de celui
que produisent les jeunes spécimens. Les feuilles, chez ces derniers,
ont 7 1/2 centimètres de long sur 0"06 de large, et sont entières, tandis
que chez les sujets robustes, elles sont longues de 045, larges de
032 et nettement pinnatifides. Ces caractères sont bien apparents
sur un spécimen cultivé à Kew, ainsi que sur un exemplaire du
jardin botanique de Cambridge. La plante vient des îles Salomon, d’où
M. Linden l’a introduite dans nos cultures en 1880, et n’est probable-
ment qu’une espèce de Æaphidophora. La forme provisoirement dénom-
mée Pothos celatocaulis par M. N. E. Brown et dont le port rappelle
étrangement le prétendu Harcgravia paradoxa, n’est vraïsemblable-
ment qu’une espèce de Scindapsus; son allure et son feuillage rappel-
lent mieux les plantes de ce genre que les Pothos, dont les diverses
formes se ramifient avec profusion et sont garnies de feuilles à pétioles
curieusement ailés.
Ces exemples prouvent à l'évidence combien une dénomination
générique basée sur l'examen d’une plante imparfaitement développée
peut être erronée. D: H. F.
LE CLIMAT DE L’AMÉRIQUE CENTRALE ET LA
CULTURE RATIONNELLE DES ORCHIDÉES,
PAR R. PFAU.
Traduit du Gartenflora, octobre 1884, p. 313.
Quand on songe que l'Amérique centrale ne constitue qu’une étroite
bande de terre entre deux vastes océans, on est tenté d'envisager son
climat comme exceptionnellement humide et pluvieux. Semblable con-
clusion n’est vraie qu’en partie, car l'Amérique centrale présente cette
— 238 —
curieuse particularité d’être partagée par la haute chaîne des Cordil-
lères, sorte de colonne vertébrale qui la parcourt dans toute sa
longueur, en deux régions climatériques absolument différentes. Sur
les versants tournés vers l'Océan Atlantique, il pleut toute l’année,
sans discontinuer; un jour sans pluie est une rare exception. Mais
c'est tout autre chose du côté de l'Océan Pacifique. Là, deux saisons
bien tranchées partagent l’année : la saison des pluies et la saison
sèche. La première commence en mai et dure jusqu'en novembre; la
seconde, pendant laquelle ne tombe pas une seule goutte d’eau, coïncide
avec nos hivers d'Europe. La limite entre ces deux zônes climatologi-
ques est on ne peut plus nette, et suit plus ou moins exactement la
direction de la grande chaîne de montagnes précitée. Le voyageur qui
traverse, pendant la saison sèche, l’isthme par lequel les deux océans
communiquent, demeure stupéfait du changement. Dans les premiers
temps de mon séjour, j'explorais ces régions avec mes gens; c'était
en février; nous gravissions chaque jour les pentes escarpées des
montagnes, et parcourions en tous sens la forêt vierge, marchant à
travers de gigantesques amas de feuilles desséchées, sous des arbres
qu'un soleil ardent avait dépouillés de leur verte parure; pas la
moindre goutte d’eau : mares, ruisseaux, tout était à sec; un quart
d'heure plus loin, nous passions, de cette sécheresse saharienne, dans
des marais d’une profondeur capable de défier les descriptions fantai-
sistes du Dante en personne... Il se fait tard; la nuit tombe peu à
peu ; nous avançons quand même : autour de nous ce n’est plus qu'un.
vaste marécage; nous enfoncons jusqu’au genou dans une vase gluante;
les arbres mêmes paient leur contingent à cette menaçante inondation :
de l’eau suinte goutte à goutte de leurs rameaux, couverts d’une
couche épaisse de mousse et des guirlandes flottantes du 7landsia
usneoïdes. Nous campons au milieu de cette nature désolée, éloignés
de plusieurs journées de marche de toute habitation. Nous sommes
percés jusqu'aux os, et pas moyen de faire du feu : le bois est trop
humide. Nous sommes brisés de fatigue; le froid fait claquer nos
dents, le thermomètre ne marque qu’une couple de degrés au-dessus de
zéro... Je frissonne encore aujourd’hui quand je songe aux tourments
que nous avons endurés en cet endroit, et je bénis le Ciel d’avoir
pu m’en tirer sain et sauf. Et pourtant je suis revenu plus d'une fois,
par la suite, à ces contrées presque inexplorées et inconnues : tant est
.
n
— 239 —
puissante la séduction qu’exerce sur l’homme un voyage de découverte!
La cause de ces pluies incessantes que nous venons de signaler
réside dans les vents alizés. Nous savons que la rotation de la terre
a pour conséquence la production de vents alizés qui, pendant presque
toute l’année, soufflent de l’est à l’ouest, sur l'Océan Atlantique,
dans l’un et l’autre hémisphères; l'équateur seul, échauffé par les
rayons verticaux du soleil, échappe à leur action. Les vents alizés de
l'hémisphère austral partent du Nord de l'Afrique, traversent l’Atlan-
tique et arrivent à l'Amérique centrale saturés de vapeurs qu'ils ont
empruntées aux immenses étendues d’eau sur lesquelles ils ont passé ;
ils s'arrêtent à la chaine des Cordillères; le froid intense de ces
régions condense leurs vapeurs en nuages et en pluie, puis le vent,
ainsi dépouillé de son humidité, continue à s'élever, tiède et sec,
pour redescendre par l’autre versant des Cordillères vers l'Océan
pacifique. Tel est le climat depuis le mois de novembre jusqu’en mai,
pendant lesquels le soleil prodigue ses faveurs à l’hémisphère
austral. Les vents alizés, pendant cette période de l’année, soufflent
plutôt du Nord-Est, à cause d’un courant boréal, provoqué par l’hiver
des contrées septentrionales qui rejette quelque peu vers le nord la
direction primitive du vent. Les indigènes désignent ce vent alizé
sous le nom de « Crisa » ou de « el viento del Norte. »
Mais quand le soleil revient vers le Nord, amenant avec lui le
calme dans les régions atmosphériques, les vents alizés s’affaiblissent
et bien qu’ils viennent encore frapper les versants atlantiques des
Cordillères, ils se brisent contre eux et n’ont plus la force de gravir
leurs cimes. Alors commence la saison des pluies pour les versants
des Cordillères tournés vers l'Océan Pacifique. La cause, d’ailleurs,
en est toute locale. Les matinées sont constamment claires, sereines ;
les rayons verticaux du soleil des Tropiques échauffent plus fortement
la terre que la surface de l'Océan ; d’où résulte, l’après-midi, une brise
de mer puissante, nommée « Irason », saturée de vapeurs d’eau, qui
se condensent le long des Cordillères et retombent habituellement
entre deux et quatre heures sous forme d'une pluie torrentueuse,
accompagnée de violentes décharges électriques. Quand le soleil se
couche, le sol humide se refroidit, et vers 5 heures du soir la terre et
l’eau ont repris sensiblement la même température. Pendant la nuit
a lieu le processus inverse : la terre émet plus de calorique que l’eau,
— 240 —
et il se produit une brise de terre, favorable en cette saison de
l’année aux bâtiments voiliers et que l’on nomme « el Terranito ».
Une page empruntée à mon journal et datée du 20 août 1882.
donne une idée de ce que sont ces orages périodiques des contrées
tropicales : « La nuit précédente avait été claire et sereine;
c'était une de ces nuits merveilleuses, où la pleine lune épanche
à flots sur le paysage sa féerique lumière. L'air était tiède, em-
baumé; la température de dix-huit degrés centigrades; pas un nuage
qui vint assombrir la voûte azurée, parsemée à profusion de bril-
lantes étoiles, depuis la Grande Ourse jusqu’à la Croix du Sud; et
pourtant des éclairs ininterrompus semblaient embraser l'horizon.
Les habitants du village se livrèrent jusqu'après minuit au plaisir de
la danse; la scène était si enchanteresse, si poétique, que je renoncçai
à me coucher... Le lendemain de bon matin j'étais à l'ouvrage, sui-
vant mon habitude dans les contrées tropicales, où la matinée est de
tout le jour, la seule période propice à n'importe quel travail : on y
fait plus de besogne de 5 à 9 heures du matin que pendant le reste de
la journée. Le ciel était encore clair et serein, comme pendant la nuit;
le soleil, montant rapidement à l'horizon, éclairait toute la contrée;
l'atmosphère était si transparente, ou plutôt tellement saturée de
vapeurs d’eau, que les points les plus éloignés du paysage, les volcans
élevés, la vaste surface de l'Océan semblaient à portée de la main. Vers
9 heures la température s'élève; à 11 heures, le sommet des volcans
se coiffe de nuages bleu sombre, dont le volume augmente rapidement.
Une légère brise de mer vient mettre en mouvement les couches
atmosphériques, endormies jusqu'alors dans le calme du matin.
Bientôt le tonnerre gronde sur les montagnes : tantôt c’est un roule-
ment prolongé, tantôt des éclats bruyants, comme ceux d'une canon-
nade lointaine. Vers 2 heures de l’après-midi, la voûte du ciel est toute
noyée dans un revêtement gris sombre; les nuées orageuses s’entre-
choquent avec un fracas comparable à celui d’une gigantesque chute
d'eau. L’orage est sur nous ; mais ce qui sort de ses flancs n’est pas
une pluie ; c’est un torrent irrésistible, un déluge qui se précipite sur
nous, remuant la terre jusque dans ces entrailles et transformant en un
rien de temps le sol désséché, durci, en un immense lac. A peine avons-
nous eu le temps d’accoutumer nos oreilles à cet horrible vacarme que
la nuit profonde dont nous sommes environnés s’illumine d’innom-
— 841 —
brables éclairs, qui sillonnent l’espace tout autour de nous avec
d'épouvantables craquements : et pourtant ce n’est que le début, le
signal du soulèvement des éléments déchaînés ; de gigantesques serpents
de feu, accompagnés de détonations violentes, se succèdent de minute
en minute; pendant plus d’une heure, ce ne sont qu’alternances de
profondes ténèbres et d’éblouissantes clartés, avec accompagnement
incessant de tonnerre. Vers trois heures l’orage s’apaise : une heure
plus tard la pluie a cessé, les derniers nuages ont disparu, et avant le
soir le terrain détrempé, semblable à un immense lac, est redevenu,
grâce aux ardeurs du soleil, sec et poussièreux. La nuit retrouve
nos indigènes aussi insouciants et aussi gais que la veille; pas un
de nos amis ne fait mention de l'orage de la journée, tant pareil
cataclisme est chez eux chose accoutumée.
Il est curieux d’observer l'influence qu’exerce sur l'être humain
l’état électrique de l’atmosphère : après semblable orage je me sens
constamment plus joyeux, plus dispos, et suis assez tenté de croire
que l'électricité, concentrée autour de la zone équatoriale, fait aussi
puissamment sentir son action sur la végétation tropicale, surtout sur
les plantes épiphytes, qui « vivent d’air. » Ne serait-il pas possible que
ces décharges électriques terrifiantes eussent pour effet de produire
des dégagements gazeux, soit au sein de l’atmosphère, soit plutôt
aux dépens des immenses dépôts de détritus végétaux à demi putréfés
qui tapissent le sol de la forêt vierge sur toute son étendue, trans-
portant ainsi les émanations de cet engrais puissant jusqu’au domaine
qu'habitent les Orchidées et les Broméliacées? Et si cette hypothèse
venait à se vérifier, ne pourrait-on réaliser en petit dans nos serres ce
processus naturel, au moyen d’un appareil galvanique agissant sur le
guano, le fumier, ou toute autre substance riche en principes nutri-
tifs? Nous donnerions ainsi à nos cultures ce « quelque chose »
d'indéterminé, dont feu Spyers(l) parlait autrefois dans les colonnes du
Gardener's Chronicle.
La comparaison des observations thermométriques recueillies par
moi en août à Costa-Rica et à Chiswick (Londres) démontre que la
température de l'Amérique centrale est surtout caractérisée par son
(1) Voir Belgique horticole, 1879, p. 328,
— 242 —
uniformité, notamment pour ce qui est des minima qui surviennent
vers les dernières heures de la nuit. Les maxima du reste ne différent
guère non plus les uns des autres. Une fois seulement, le 9 août, le
thermomètre s’est élevé à 26 1/9° C. Et celà provenait de ce que c'était
le second jour sans pluie, peut-être aussi de ce qu’à midi le ciel était
sans nuages. En tous cas, la température est loin de s'élever comme
sur le continent européen, où le thermomètre marque parfois 37 7/9° C.;
dans ma station de Costa-Rica, le maximum n’a pas dépassé 26 1/9 C.,
et 23 8/9 C. à Chiswick. La différence entre ces deux localités se réduit
donc à 2 2/s C.
La température des nuits est extrêmement douce, agréable; elle ne
descend guère en dessous de 15 5/o° C., au contraire de Londres, où
nous la voyons s’abaisser jusqu’à 10° C. |
En Angleterre, la région la plus tempérée pourtant de toute l'Europe
centrale, les variations brusques de l’atmosphère nous impressionnent
désagréablement ; il est des journées où le minimum atteint sensible-
ment le maximum de la veille; ce qui n’arrive jamais sous les Tropi-
ques. Dans les autres régions de l'Amérique centrale, le rapport entre
les maxima et les minima est absolument constant et uniforme. Ainsi,
pour obtenir une représentation graphique des températures du lit-
toral, sachant que la moyenne y est de 26 19° C. au lieu de 21 1/9° C.
constatés à mon observatoire, je n’ai qu'à tracer, 5° C. plus haut, une
ligne parallèle à celle qui résulte de mes constatations directes, et je
suis sûr d’être sensiblement dans le vrai. Même remarque s'applique
au diagramme des températures sur les montagnes : il suffit, pour
chaque 1000 pieds (300 m.) d'altitude, de descendre la ligne de 1 2/5° C.
La température est on ne peut plus uniforme pendant la saison des
pluies; dans la saison sèche, il n’y a pas plus de 1 1/9° C. d'écart; le
minimum à cette époque est de 13 s8/s° C. au lieu de 15° C.; car
l'influence de la chaleur solaire, qui se fait sentir tout le long du
jour, est plus que contrebalancée par l’action du vent frais qui descerd
des hautes montagnes. La chaleur la plus forte que j'ai constatée pen-
dant les mois de sécheresse, à une altitude de près de 3000 pieds
(900 m.), atteignait 30° C. en mars 1881.
Pour ce qui est du régime des pluies, il est de règle que les matinées
sont exemptes d'ondées, tandis que le contraire a lieu pour les après
midi; un après-midi sans pluie est une rare exception. Sur les
. ”
— 243 —
trente-un jours du mois d’août, j’ai compté 23 averses ou orages, dont
j'ai précédemment décrit l’un des plus violents.
Mais je ne dois pas oublier un autre facteur climatérique de ces
contrées, la rosée, extrêmement abondante en ces lieux, beaucoup
plus que dans n'importe quelle contrée d'Europe, au point de suppléer
en partie au manque de pluie pendant la saison sèche.
Et maintenant que j'ai fait connaitre au lecteur le climat de ces
régions, voyons quelles conclusions pratiques il y a lieu d’en faire
découler pour la culture des Orchidées.
CULTURE DES ORCHIDÉES.
Il est évidemment inutile de chercher, dans nos serres chaudes, à
imiter en tous points la nature; nombre de ses éléments, tels que la
lumière et l'électricité, sont en dehors de notre portée ; d’autres, l’hu-
midité, la ventilation et la chaleur, par exemple, ne peuvent s’obtenir
que d’une façon tout à fait artificielle. Force nous est d’utiliser ce que
nous possédons: toutefois nous pouvons dire que tout manque d’har-
monie, de proportionnalité dans les agents employés par nous, consti-
tue pour la vie de la plante un sérieux danger. Ainsi, sous le ciel
brumeux de nos contrées, c'est une faute que de donner artificielle-
ment une chaleur tropicale aux plantes nées sous les rayons brillants
du soleil des Tropiques. Les Trichopilia grandissent, dans leur pays,
en plein soleil sous une température moyenne de 21 1/9 C. Le
minimum ne descend jamais en dessous de 13 sjo C. Or aucun
cultivateur ne s’aviserait de maintenir à pareil degré la température
de ses serres, pendant nos hivers sombres et brumeux. Les jardi-
niers ont fini par apprendre cette loi pratiquement, après de nom-
breux insuccès et à leurs propres dépens.
Toutefois, si nous ne devons pas nous attacher à imiter servilement
la nature, il ne faut pas non plus rejeter dédaigneusemeut les lecons
quelle nous donne. Il est clair, par exemple, qu'un Pescatorea, gran-
dissant sous l’ombrage épais et touffu de la forêt vierge, ne peut se
cultiver comme un Calileya où un Zaelia, croissant sur les arbres des
rochers et des savanes découvertes que la saison sèche dépouille de
leur feuillage, et ne prospérant, en conséquence, que sous un éclairage
puissant. De même les plantes du littoral réclament plus de chaleur
que celles des montagnes.
— 244 —
Je ne dirai rien de la chaleur qu'il convient de donner à chaque :
catégorie de plantes. Les renseignements fournis par les voyageurs
nous ont fait connaître les températures exigées par la plupart des
espèces connues, et pour ce qui est des formes nouvelles, c’est à
qui les découvre à donner à ce sujet les détails nécessaires.
La question de l'éclairage est d'une importance capitale. Tout le
groupe des Orchidées sans pseudobulbes — Pescatorea, Warscewic-
zella, Bollea, — ne vient que dans la profondeur des forêts, sur
les rochers, les troncs ou les branches basses des arbres ; il leur faut
donc de l'ombre; trop de lumière les tuerait. Même remarque pour les
Trichopilia, les Chysis, le Cypripedium longifolium et presque tous
les Masdevallia. Tout proche de ces plantes, dans les mêmes localités,
mais au sommet des arbres, se trouvent Odontoglossum cariniferum,
O. Schlieperianum, O. Oerstedti et la plupart des formes de ce genre,
Oncidium cheirophorum, Æpidendrum prismatocarpum et espèces
voisines, Cypripedium caudatum, etc. À celles-là il faut un éclairage
moins affaibli; les rayons directs du soleil leur sont funestes, mais
une ombre épaisse leur est plus préjudiciable encore. Je les ai vues
accidentellement prospérer et fleurir en plein soleil, mais leurs
corolles étaient de nuance pâle et effacée ; venaient-elles au contraire
au pied des arbres, au milieu de la forêt, elles ne tardaient pas à
languir et à périr.
Les espèces qui réclament l'éclairage le plus intense comptent parmi
les plus jolies. Citons seulement les Catlleya, entre autres C. Skinneri
et C. Domiana, deux espèces de l'Amérique centrale, les Zaelia, dont
il n'existe dans cette contrée (à l'exception du Mexique) qu’un petit
nombre de formes; la plupart des Oncidiées, les splendides Sobraliées
(Fenzliana, etc), les gentils Epidendrum (macrochilum, Stamfor-
dianum, etc.)
Je ne dois pas omettre de faire observer que ces plantes, dans leurs
stations naturelles, ne se trouvent exposées aux rayons directs du
soleil que pendant la saison sèche. A l’époque des pluies elles sont
abritées par le feuillage des arbres; elles sont aussi protégées contre les
ardeurs du jour par d’épais nuages, et souvent enveloppées, le soir, d’un
brouillard dense et opaque. Aussi le traitement qui consiste à les sou-
mettre à un éclairage continu ne me paraît-il pas recommandable.
Ceci me conduit à examiner de plus près la question de l’humidité
— 245 —
et des arrosages. Dans la saison des pluies, l’atmosphère des Tropiques
est à tel point saturée d'humidité qu’il n’est pas possible d'y conserver
à l’abri de la rouille une arme, un outil, un couteau, ou, généralement
parlant, un instrument quelconque d’acier ou de fer. Les habits que
l’on revêt le matin sont littéralement percés, quelque précaution que
l'on prenne pour les maintenir secs, et les bottes deviennent blanches
de moisissures. Pendant le reste de l’année, les vents du Nord des-
sèchent bien l'atmosphère, mais les nuits n’en restent pas moins fort
humides, comme le prouve l’abondante rosée qu’elles déposent sur les
objets exposés à leur influence. Aussi devons-nous tenir nos serres à
Orchidées constamment humides; nous doutons toutefois qu’il soit
utile d'y avoir une atmosphère constamment saturée d'humidité; car
leur ventilation, même réalisée par les meilleurs systèmes, est trop
insuffisante, eu égard à celle des stations naturelles de ces plantes,
pour qu’un air trop humide ne compromette pas leur vie. Pour ce qui
est des arrosages, nous estimons que, même en hiver, les aspersions
légères et fréquemment répétées ne peuvent qu'être utiles aux sujets,
et rendent superflus les arrosages proprement dits, pour autant, bien
entendu, que les plantes commencent à pousser(l). Les Huntleya
(Pescatorea, etc.), les Cypripédiées et les Sobraliées réclament,
pendant toute l'année, beaucoup d'humidité autour de leurs racines.
Les premiers notamment croissent au sein des forêts et ne reçoivent
jamais directement une seule goutte de pluie. J’estime en conséquence
que le meilleur moyen de leur fournir l'humidité nécessaire à leur
existence est de les plonger dans l’eau : c’est ainsi que je procède,
avec plein succès. Pour ce qui regarde la ventilation, je ne puis que
répéter, avec tous les auteurs qui ont écrit sur la question : plus on
ventile, mieux cela vaut. Et il y a, sous ce rapport, une difficulté
sérieuse à vaincre, car la ventilation dessèche l’atmosphère en été et
la refroidit en hiver. Reste à découvrir un système qui pare à ces
désagréments.
Je crois inutile d’insister davantage sur les détails de cette culture,
et je conclus en faisant observer que les suggestions précédentes ne
(1) À St Pétersbourg, on ne fait pas d’aspersions pendant les jours les plus
courts où le soleil demeure sur l’horizon pendant six heures à peine et n’éclaire
que peu ou point, ni par les temps couverts et brumeux. (Ép. REGEL).
— 46 —
sont pas les simples vues théoriques d'un voyageur, mais les conclu-
sions de nombreuses expériences instituées dans mes cultures de
Chiswick depuis plusieurs mois et dont les résultats sont à tel point
satisfaisants qu’ils me semblent confirmer sous tous rapports la justesse
de mes obser vations. l D' H. F.
LES JARDINS DU LITTORAL MÉDITERRANÉEN
PAR M. le D' Guiraup
(La Nature, 1884, p. 201 et 263).
Le littoral méditerrannéen est, au point de vue botanique et horti-
cole, une région privilégiée entre toutes. Sa flore autochtone, dont
la physionomie caractéristique frappe l’œil le moins observateur, est
d’une richesse incomparable, et à côté d'elle se forme une sorte de flore
artificielle et subspontanée où viennent se rencontrer les spécimens de
presque tous les domaines végétaux du globe. C'est à Nice que l’on a
vu apparaitre le premier représentant de la famille des Palmiers, le
Palmier nain (Chamoerops humilis). Bien des plantes des régions chau-
des s’y sont naturalisées et s’y multiplient à l’état subspontané et sans
l'intervention de l’homme. L’Agave et le Figuier d'Inde, tous les
deux du Mexique, poussent sur les rochers les plus arides et les plus
inaccessibles, et donnent à certains coins de la Corniche un facies tout
africain. Quelques Ficoïdes du Cap tapissent les talus du chemin de fer,
et le voyageur peut, pendant des trajets de plusieurs kilometres,
admirer de la portière du wagon leurs innombrables fleurs d’un rose vif
s'épanouissant au soleil. Dans les Garigues, le Ricin, originaire de
l'Inde, devenu vivace et passé presque à l’état d'arbre, se mêle à
l’'Euphorbe arborescent et à la Cinéraire maritime, ces hôtes habituels
des rochers incultes du bord de la mer. Le Géranium (Pelargonium
zonale), abandonné à lui-même, forme sur bien des points des haies
toujours en fleurs qui se conservent et se renouvellent sans aucun soin.
Une espèce de tabac (Wicotiana glauca) tend à s’échapper des jardins
et à se multiplier spontanément. Que d’autres exemples l’on pourrait
citer ! |
Les conditions climatériques, du reste, favorisent ces tendances.
L'hiver, cette saison si critique, dans nos pays, pour les plantes des
he
pays chauds, se fait assurément sentir sur le littoral, mais en général
d’une facon assez atténuée pour épargner les plus sensibles d’entre
elles. Sur certains points, bien abrités, le thermometre descend
rarement au dessous de O°, et encore n’est-ce que pendant quelques
instants. C’est vers la fin de janvier ou dans les premiers jours de
février que la plupart des plantes indigènes, trouvant dans le sol l’hu-
midité nécessaire à leur développement,commencent à entrer en végé-
tation et quelques unes à fleurir, et depuis ce moment jusqu’en mai,
c'est une série de floraisons qui s’échelonnent et se succèdent sans
interruptions. Puis en juin commence la saison sèche, la végétation
s'arrête et entre dans la période de repos dont elle ne sortira guère
qu’en décembre.
Par ce régime de la végétation qui contraste si fort avec celui
de l’Europe centrale, la région méditerranéenne se sépare nettement de
celle-ci et se rapproche nettement des contrées de la zone chaude.
Il y a là, on le voit, un vaste champ d'expériences et de recherches
pour l’acclimatement des végétaux exotiques. Sous l'impulsion de
quelques amateurs riches et éclairés, ce champ a été largement
exploité dans ces dernières années et la flore cultivée s’est enrichie et
s’enrichit tous les jours de nombreuses espèces nouvelles.
Une visite dans quelques uns des jardins du littoral, en permettant
de juger du résultat de ces tentatives et de la valeur de ces récentes
acquisitions, ne peut donc manquer d'offrir un vif intérêt, tant au point
de vue de la géographie botanique qu’à celui de l’horticulture.
C’est à Cannes incontestablement que sont les plus beaux et les plus
riches, et ce privilège, cette station le doit moins à son climat, dont la
moyenne de température serait plutôt inférieure à celle des stations
voisines, qu'à son sol, un gneiss en décomposition, éminemment
propre à la culture arborescente, à l'abondance de ses eaux, aussi bien
qu'à la riche colonie qui s’y est fixée et qui en a fait sa patrie d’adop-
tion. Une promenade dans les jardins des environs de Cannes donne
une idée de ces splendeurs végétales. Nous devons citer surtout le jar-
din Valetta, dont son opulent propriétaire, M. Dognin, a fait une des
merveilles du littoral.
Ce parc de 5 hectares, tracé sur le versant d’une colline exposée au
sud-est, dans une situation unique, dominant la mer, avec de féeriques
échappées sur l'Estéréal, les îles Ste Maguerite, le cap d’Antibes et les
nn. 4.
— 248 —
sommets neigeux des Alpes au dernier plan, est un exemple de ce
que peut faire dans cette règion favorisée un amateur passionné d'hor-
ticulture, riche et homme de goût. ,
Une promenade sous la direction de l’aimable M. Dognin qui sait
faire, avec tant de bonne grâce, les honneurs de ses plantes, est un véri-
table voyage autour du monde végétal, faisant passer sons les yeux du
botaniste émerveiilé les types les plus variés et les plus rares, comme
culture de plein air, de végétaux exotiques; nous ne croyons pas qu'il
existe en Europe rien qui puisse être comparé à ce splendide jardin.
Non loin de là, au golfe Jouan, est la villa des Cocotiers, apparte-
nant à un amateur distingué, M. le comte d’Epremesnil. Quoique
assez récemment créée, sa collection de Palmiers peut compter parmi
les plus riches et ies plus remarquables, tant au point de vue du nom-
bre des espèces que de la force et de la beauté des individus. D’intéres-
sants essais d’acclimatation de ces magnifiques végétaux se poursui-
vent, sous l'intelligente direction du jardinier en chef, M. Chevrier.
Nous ne devons pas omettre non plus le jardin Mazel, qui, quoique
un peu dépouillé aujourd'hui, conserve encore quelques beaux spéci-
mens d'espèces rares, et le jardin de la villa Vallonbrose, un des plus
anciens et des plus remarquables de Cannes.
Au cap d'Antibes, nous trouvons le jardin qu'un botaniste éminent,
M. Thuret, avait créé à grands frais et à l'entretien duquel il consacrait
la meilleure part de ses revenus. L'Etat, auquel M. Thuret l’a généreu-
sement légué, en a confié la direction à un membre de l'Institut,
M. Naudin, dont les belles recherches sur les hybrides du règne végétal
ont été si souvent invoquées dans les polémiques auxquelles ont donné
lieu les théories darwinistes. IL était difficile de faire un meilleur
choix et ce savant éminent, dont les précieux renseignements nous
ont été si utiles pour la rédaction de notre article, accomplit un véri-
table tour de force en maintenant, avec le budget plus que modeste
qui lui est alloué, le jardin Thuret à la hauteur de sa réputation.
Sur un autre point du littoral, entre Menton et Vintimille, un riche
amateur anglais, M. Thomas Hanbury, a transformé le pittoresque,
mais aride cap de Mortala, en un féérique jardin qu'il peuple de plantes
venues à grands frais de toutes les parties du monde, de la Chine et de
l'Inde en particulier. Désireux de donner un caractère plus scientifique
à ses essais d'introduction, M. Hanbury a attaché à son jardin un
— 49 —-
botaniste spécialement chargé de la détermination des espèces qui
y sont cultivées.
Tout près de Menton, sur la frontière italienne, se trouve le jardin
que notre aimable et distingué confrère, le D' H. Bennet, a créé sur les
rochers ensoleillés de Grimaldi. Beaucoup moins étendu que le précé-
dent, il n’en renferme pas moins des spécimens intéressants et que l’on
chercherait en vain ailleurs. Ce jardin est en effet dans des conditions
d’abri toutes particulières qui en font une sorte de serre chaude. En
entendant l’éminent Docteur causer sur ses chères plantes et nous
raconter les ingénieuses observations qu'il à faites sur chacune d'elles,
on s'aperçoit vite que l’amateur est doublé d’un savant physiologiste.
Citons aussi dans cette revue les jardins de Monte Carlo et leurs
pépinières.
Nous n’en finirions pas si nous devions signaler tous les parcs de la
contrée, remarquables à des titres divers; nous ne pouvons cependant
oublier dans cette rapide énumération le jardin de la villa Vigier, un
des plus anciennement créés et riche en beaux et forts exemplaires de
Palmiers et de Conifères; le jardin Fremy, un petit coin de forêt
vierge; le parc de la villa Chambrun, le plus vaste peut-être du lit
toral; tous trois à Nice.
Dans une région dont la caractéristique est la douceur des hivers,
c'est sur les Palmiers, ces princes du règne végétal, que s’est surtout
portée, comme il était facile de le prévoir, la faveur des amateurs, Ce
sont eux qui donnent à la flore des jardins de la Rivière, ce cachet
si particulier et si exotique et cet aspect tropical qui frappent tout
d’abord les gens du Nord.
Nous sommes loin du temps où le Dattier, le Caamaerops excelsa et le
Chamaerops humilis qui se trouvaient, il a quelques années encore, à
l'état spontané, au cap Ferrat, représentaient à eux seuls cette remar-
quable famille. A la session de la Société botanique tenue à Nice
en 1865, M. Germain de St Pierre, parlant des plantes décoratives
rustiques de la région, ne signalait, outre ces trois espèces, que le
Jubaea spectabilis. Aujourd’hui l'on compte au moins une cinquantaine
d'espèces cultivées en plein air et ce nombre augmente chaque année.
Le plus répandu, cela va sans dire, est le Dattier. On le rencontre un
peu partout, et toute maison hivernale qui se respecte en plante à tort
et à travers le long de ses promenades et de ses avenues (à titre
18
— 250 —
de réclame). Je ne sais si ces tristes échantillons atteignent bien le but
que l'on se propose et n'inspirent pas plutôt des comparaisons désobli-
geantes pour ce noble fils du désert. En tous cas, ce n’est pas
d’après ces spécimens qu’il faudrait juger de ce bel arbre et c’est à
Bordighera, dont le sol sablonneux et aquifère lui convient parti-
culièrement et où il est cultivé sur une vaste échelle, qu’il faut voir
ses troncs élancés, pressés les uns contre les autres, se mélant et
s'entrelaçant dans tous les sens, ses majestueux panaches qui se
balancent au souffle de la brise de mer. C'est bien là l’oasis tel que
l’ont décrit les voyageurs, tel que notre imagination se l’est repré-
sentée. En dehors de ce petit coin de la Rivière, où il ne mürit
d’ailleurs pas ses fruits, le Dattier semble, il faut l’avouer, un peu
dépaysé et plusieurs autres Palmiers, quoique d'introduction plus
récente et de patrie beaucoup plus lointaine, paraissent le surpasser
en rusticité.
Parmi ces espèces, nous citerons en première ligne le PAænix
canariensis, improprement appelé à Nice Phœnix Vigieri, dont le port
plus compacte et le feuillage plus touffu en font un des Palmiers les plus
décoratifs; le Jwbaea spectabilis, au tronc monstrueux, dont on peut voir
de très forts exemplaires dans les jardins Thuret et Dognin; se plaisant
dans les endroits les plus secs, tout à fait rustique, il se développe
malheureusement très lentement, l’Areca sapida dé la Nouvelle
Zélande, au port si élégant et si majestueux; le Brahea ou Pritchardia
Jilifera du Mexique, caractérisé par les filaments blanchâtres qui se
détachent du bord de ses feuilles ; par la rapidité de sa croïssance et sa
résistance au froid, presque l’égale de celle du Chamacraps excelsa, il
est une des meilleures acquisitions de ces derniers temps; plusieurs
espèces de Cocos, le C. flexuosa, Romanzofiana, campestris et d’autres
dont la détermination est encore douteuse, qui se développent avec une.
rapidité et une vigueur incroyables dans les jardins d'Epremesnil et
Dognin et qui ont supporté plusieurs degrés de froid.
Dans le jardin de ce dernier, il existe un sujet rapporté au C.
botryophora, àgé de 10 à 12 ans et dont le stipe droit et élancé a une
douzaine de mètres de hauteur et 1.60 de circonférence à 020 du sol.
N'oublions pas les Æentia Balmoreana et Forsteriana, espèces de la
Nouvelle-Zélande, d’une élégance rare, le Rhapis flabelliformis qui
forme de vigoureuses touffes chez le comte d'Epremesnil, le Sabal
— 851 —
umbraculifera, magnifique espèce dont les feuilles s’enroulent autour
du tronc.
Enfin, un grand nombre d’autres espèces, plus récemment intro-
duites et qui ne sont encore représentées que par quelques rares exem-
plaires, viendront probablement bientôt grossir cette liste déjà longue
de Palmiers rustiques.
A côté des Palmiers, les opulents amateurs dont nous avons
parlé essayent, dans les parties les plus fraîches et les plus ombragées
de leurs parcs, la culture des Fougères arborescentes de l'Australie, de la
Nouvelle-Zélande, de Tasmanie, les Cyathea, Cibotium, Alsophila, Ba-
lantium. Grâce à beaucoup de soins, de minutieuses précautions contre
les rayons directs du soleil, ces Fougères paraissent développer de
vigoureuses frondes. Mais s’accomoderont-elles bien de l’atmosphère si
sèche des étés du Midi ? Et d’ailleurs peut-on parler d’acclimatement
lorsqu'on est obligé de faire venir les troncs, déjà gros, du pays d’ori-
gine dont les forêts, grâce à ce commerce, se dépeuplent rapidement ?
C’est ce qui nous parait douteux.
Les Cycadées d'Australie et de l’Afrique australe, telles que le Cycas
revoluta, les Encephalartos, le Dion edule, paraissent mieux appro-
priées au climat, y fleurissent et sont représentées dans quelques
jardins par de superbes échantillons.
Les conditions météréologiques de la Rivière, l'extrême sécheresse
de l'été ne semblent guère favorables à la plupart des Conifères qui
aiment, en général, l'humidité atmosphérique, l'exposition au Nord, les
altitudes élevées. Deux ou trois espèces de Pins, à peu près autant de
Genevriers frutescents, représentent seuls cette famille dans la flore
spontanée du littoral; ce sont : le Pinus Halepensis, arbre de troisième
grandeur ,qui constitue le fond de la végétation arborescentedesterrains
calcaires entre Nice et Menton; le Pinus marilima et le majestueux
Pin Parasol ou Pin Pignon qui préfèrent les terrains sablonneux des
environs de Cannes, où ce dernier forme quelques petites forêts.
Quelques espèces exotiques paraissent cependant très bien venir
dans certains jardins et chez MM. Dognin et Vigier, l’on peut voir
de magnifiques spécimens des Araucaria excelsa, Bidiwilli, brasiliensis ;
de Dammara australis ; de Podocarpus Tatara, arbre de grande taille,
très résinifère et donnant un excellent bois; de Callitris quadrivalvis
ou Thuya d'Algérie, originaires, pour la plupart, de l'Australie et de
— 252 —
la Nouvelle-Zélande. Citons aussi deux espèces intéressantes d’un
groupe voisin tout à fait naturalisé, le Casuarina quadrivalvis et le
C. tenuissima.
De toutes les acquisitions faites depuis longtemps, la plus précieuse
pour la région méditerranéenne est assurément celle des Eucalyptus,
qui sont appelés à jouer un rôle de plus en plus important, tant par
leurs propriétés antimiasmatiques que par les qualités supérieures de
leur bois.
Le genre est très nombreux en espèces et la nomenclature en est
encore un peu confuse et embrouillée. M. Naudin, qui s’en occupe avec
prédilection et qui en a fait récemment l'objet d’une intéressante étude
publiée dans les Annales des sciences naturelles, évalue à 80 environ les
espèces qui sont déjà introduites sur le littoral et qui paraissent devoir
s'y acclimater.
L’Æucalyptus globulus, le plus ancien et le plus répandu, peuple déjà
les promenades, les jardins, et par les dimensions qu'ont atteintes des
sujets âgés au plus de 20 à 25 ans, tels que ceux que l’on voit en sortant
de la gare de Nice, on peut juger si les espérances que l’on fonde sur
lui sont justifiées. Plusieurs autres espèces, qui ont déjà fleuri et
fructifié, telles que les Æ. cornuta, Lehmanni, rudis, calophylla, etc.,
etc., ne paraissent pas avoir une moindre valeur.
Les Acacias, presque tous d'Australie, entrent pour une large
part dans cette flore artificielle, et ne contribuent pas peu, par leurs
élégantes houppes d’un jaune d’or, s’épanouissant en hiver, à l'or-
nementation des jardins. Parmi les plus intéressants ou les plus
gracieux, l'on peut citer l'A. Farnesiana, vulgo la Cassie, cultivé
industriellement sur quelques points pour ses fleurs, qui fournissent
une essence très recherchée en parfumerie, l'A. decurrens, grand arbre
précieux par l’abondance du tannin de son écorce, les À. sienophylla,
melanoxylon, glaucoptera, cullriformis, cyanophylla, etc., etc., et
surtout le ravissant A. deulbala, aussi décoratif par son feuillage
léger et délicat que par les innomblables fleurs dont il se couvre
au premier printemps, mais qui, malheureusement, ne prospère que
dans le sol granitique des environs de Cannes et dépérit dans les
terrains calcaires de Nice et des autres stations.
Un autre groupe non moins répandu dans les jardins du littoral et
qui y est représenté par de nombreuses espèces, est le groupe des
— 253 —
Agaves, Aloës et Cactées qui retrouvent dans une certaine mesure, dans
la région méditerranéenne, les conditions de milieu de leur pays natal.
L'on sait combien l’Agave commun (A. americana) et le Figuier de
Barbarie (Opuntia Ficus [ndica), originaires du Mexique d’où ils ont
été importés, il y a trois ou quatre siècles, par les Espagnols, se sont
vite naturalisés sur les bords de la Méditerranée et avec quelle rapi-
dité ils s’y sont multipliés. Dans l'Afrique du Nord, où ils sont utilisés
pour former les haies des champs, ils forment un des traits caracté
ristiques du paysage. Sur la Rivière, c’est sur les rochers les plus
arides et les plus brülés par le soleil, d'Ezé, de Monaco, de Ville-
franche, de la Mortola qu'ils se plaisent, et que l’on aperçoit de loin
la gigantesque hampe de l’Agave se détachant dans l’azur du ciel.
C’est dans les jardins Hanbury, Bennet, Dognin que l’on pourra
juger du nombre et de la variété des espèces de ce groupe introduites
dans ces derniers temps et se rendre compte de leur mérite ornemental.
C’est le genre Agave qui à été surtout mis à contribution et l’on ne
peut nier que quelques espèces, les À. Salmiana, applanata, ferox,
quoique un peu raides, ne soient par leur taille et l'ampleur de leurs
feuilles, de superbes et majestueuses plantes.
Les Bambous jouent aussi un rôle important dans la décoration des
jardins où ils forment d'énormes touffes et poussent des chaumes de
plusieurs mètres de haut et d’une grosseur proportionnée.
Nous ne pouvons omettre enfin de signaler, parmi les plus belles
espèces exotiques tout à fait rustiques, le faux poivrier (Schinus molle)
à l’élégant feuillage et le magnifique Bouwgainvillea speclabilis, du
Brésil, dont les rameaux grimpants tapissent les murs et se couvrent
tout l'hiver de fleurs (bractées florales) du violet le plus éclatant. Bien
d’autres plantes que l’on n’est guère habitué à voir qu’en serre sont
cultivées à l’air libre dans les jardins dont nous avons parlé et ne
ressemblent guère aux échantillons plus ou moins étiolés que l’on con-
nait dans le nord; le Theophrasta imperialis, Artocarpus imperials,
les Strelitzia, quelques Ficus, le Camphrier (Zaurus camphora) ombra-
geant de son épais et noir feuillage, une longue allée du parc Dognin;
de nombreux représentants de cette belle famille des Protéacées, d’une
culture ordinairement si difficile et si ingrate dans nos pays,
Banksia, Sienocarpus, Grevillea, Protea, qui deviennent ici de grands
arbres, etc., etc, La facon dont ils se comportent et dont ils se
= Te
développent fait bien augurer de leur avenir, mais les essais sont
encore trop récents et trop peu multipliés, les espèces encore trop
rares, pour qu'on puisse en tirer aucune conclusion définitive. Il
ne faut pas oublier d’ailleurs que l’exposition, les conditions d’abri,
le sol, jouent un rôle capital dans le plus ou moins de succès
de ces tentatives isolées. Par suite de variations dans ces divers
éléments, il existe sur le littoral, parfois dans une aire très res-
treinte, plusieurs climats locaux présentant de sensibles différences.
C’est ainsi que bien des plantes acclimatées au golfe Jouan ne résistent
pas dans le jardin Thuret au cap d'Antibes.
Mais que d’autres végétaux pourraient être essayés avec de grandes
chances de succès! Que de belles acquisitions il reste à faire dans le
groupe des Bruyères du Cap dont la brillante floraison a lieu en hiver
et qui s’accommoderaient parfaitement sans doute des terrains où se
plaisent si bien leurs gracieuses sœurs, les Bruyères méditerranéen-
nes ; dans la superbe famille des Mélastomacées ; dans les Orchidées
terrestres ou épiphytes dont le Comte de Paris possède à la villa
St Jean, à Cannes, une remarquable collection, et qui, selon le savant
directeur du jardin Thuret, trouveraient, sur certains points, un milieu
favorable à leurs habitudes.
Comme on le voit, le champ est vaste et presque illimité. Mais pour
en tirer le meilleur parti et éviter Les tàtonnements et les déceptions,
il faut voir si les conditions climatériques du pays d'origine de la
plante que l’on veut introduire ne diffèrent pas trop de celles de la
région méditerranéenne ; et par conditions climatériques, nous enten-
dons, non seulement la température moyenne qui n’est qu'un des
facteurs du climat, mais bien cet ensemble complexe de phénomènes
auquel les organismes végétaux se montrent sensibles.
Les résultats déjà obtenus sont là, du reste, pour montrer la voie à
suivre et fournissent, au point de vue de la géographie botanique, de.
précieuses indications. Si l’on jette un coup d'œil, en effet, sur la part
que les divers domaines végétaux ont prise à la formation de cette
flore, il est facile de voir combien cette part est inégale.
Parler de végétation tropicale dans la région méditerranéenne est
une figure permise aux littérateurs, mais un peu inexacte au point de
vue scientifique. Les régions tropicales et subtropicales ne fournissent,
en effet, qu’un appoint tout à fait insignifiant aux jardins du littoral
— 255 —
et cela était aisé à prévoir si l’on considère, qu'outre l’infériorité de
la température moyenne, les conditions climatériques sont tout à fait
opposées. D'un côté, un régime régulier de pluies coïncidant avec la
saison chaude, une atmosphère saturée d'humidité pendant la période
de végétation, de l’autre une sécheresse extrême de l'été entraînant
l’arrêt presque complet de cette végétation pendant les mois à tempé-
rature élevée ainsi que de grandes variations, suivant les années,
dans la quantité d'eau tombée et dans les époques où elle tombe. Aussi
les plantes vraiment tropicales, celles à végétation continue ou à
végétation estivale, font-elles assez triste figure et ne contribuent guère
à la décoration des jardins.
La part de la région Chino-Japonaise est déjà plus grande. C’est le
pays d’origine de la plupart des Bambous acclimatés sur le littoral, du
Camphrier, du Chamaerops excelsa et du Rhapis flabelliformis. Cepen-
dant les plantes les plus caractéristiques de cette flore, les Magno-
lacées, les Conifères, les Camélias s’accommodent en général mieux
du climat plus humide et plus égal des côtes de l’Océan qui se rap-
proche davantage de celui de leur patrie.
Le Mexique fournit la nombreuse série des Agaves et deux des Pal-
miers les plus rustiques, Prahea filifera et dulcis.
De l'Amérique du Sud, mais de la région extratropicale du Pérou,
Chili, Paraguay, viennent la plupart des Cocotiers qui paraissent si
bien s'accommoder du climat et du sol de Cannes, ainsi que le J/ybæa
spectabilis.
Mais il y a deux domaines végétaux dont les conditions climaté-
riques ont une singulière analogie avec celles de la région méditéra-
néenne, l'Afrique australe, le Cap en particulier, et l'Australie du Sud
et la Nouvelle Zélande ; et ce sont ces deux régions qui ont contribué
dans la plus large mesure, comme il est facile d’en juger, à la consti-
tution de cette flore cultivée et qui lui fourniront dans l’avenir ses plus
précieuses acquisitions.
C’est au Cap que l'on doit les nombreux Aloes recherchés pour
la bizarrerie de leur port et leurs belles fleurs, la plupart des
Cycadées, les Strelitzia, les Bruyères et un grand nombre de plantes
bulbeuses etc., etc., et c’est l'Australie et la Nouvelle Zélande
qui ont fourni le plus grand nombre de Palmiers, l’innombrable
série des Acacias, les Eucalyptus, les Protéacées, les Fougères arbo-
rescentes, etc., etc.
— 256 —
Outre que, par suite de cette analogie de climat, la naturalisation
des végétaux de ces contrées est presque assurée, ceux-ci ont l’avan-
tage, si recherché sur le littoral, d’une floraison hivernale et leur
période de végétation coïncide avec celle de la plupart des plantes.
méditerranéennes. Aussi, grâce à l’appoint qui lui est fourni par ces
flores exotiques, M. Hanbury est-il arrivé à constater dans son jardin
de la Mortala la floraison, dans la première semaine de janvier 1883,
de 429 plantes, dont la liste à été publiée par le Gardeners’ Chronicle.
C’est là un résultat d'autant plus intéressant que le littoral est,
comme on le sait, la grande officine de fleurs de toute l’Europe.
Il y a, en effet, dans ces essais plus qu’une question de curiosité ou
de fantaisie coûteuse. L'industrie horticole, grâce à la situation privi-
légiée de la région, tend à prendre une importance de plus en plus
grande. Des maisons considérables se sont déjà fondées et voient le
chiffre de leurs affaires augmenter chaque année.
Dans le rapport de la prime d'honneur du Concours régional tenu à
Nice en novembre dernier, nous trouvons qu’une Société, de création
assez récente cependant, et qui se livre surtout à la culture des fleurs
pour bouquets, obtient un rendement net de 4 à 5000 fr. à l’hectare,
tous frais payés, et cela sur une superficie de plusieurs hectares.
Il est parlé dans le même rapport d’un jardin d’un hectare et demi,
cultivé à métayage, dont la part des métayers est, pour l’un d’eux, de
3500 fr. par an, pour l’autre de 1800 fr.
D'autre part, au golfe Jouan, à Nice, à Bordighera, plusieurs horti-
culteurs se livrent avec succès à l'élevage en grand des Palmiers,
Cycadées, Agaves et ne craignent pas d'entrer en concurrence avec
les établissements si bien outillés de la Belgique.
Mais, en laissant même de côté le point de vue utilitaire, les opulents
amateurs, dont nous avons essayé de signaler les essais d’acclimatation,
n’en ont pas moins bien mérité de la botanique et de l’horticulture, en
introduisant nombre de belles et intéressantes plantes, pour la plupart
fort peu connues en Europe à l’état vivant, et en permettant de les
juger et de les étudier dans des conditions qui se rapprochent de celles
dans lesquelles elles se développent à l’état spontané.
:
|
— 257 —
NOTE SUR LES PÉLARGONIUMS A GRANDES FLEURS,
PAR M. V. LEMOINE, FILS, DE NANCY.
Les Pélargoniums dits à grandes fleurs sont cultivés et connus en
France sous ce nom (Pelargonium grandiflorum) ou même sous la
dénomination plus simple de Pélargonium, qui s'oppose au terme
vicieux de Géranium servant à désigner à la fois les Pelargonium
zonale et pellatum. En Suisse, quelques amateurs les distinguent par
le nom d’ « Elégants ». Je crois qu’il serait bon de leur appliquer,
comme le font plusieurs ouvrages spéciaux, le qualificatif de kortula-
norum, mot général et un peu vague, et par cela même préférable à
tout autre dénomination spécifique, car il servirait à grouper des
formes qu’il serait difficile d'attribuer à une espèce unique et pure.
En effet, on sait bien peu de choses précises sur leur origine, et bien
peu d'auteurs sont fixés sur ce point : quelques-uns et le Voyreau
jardinier illustré est du nombre, le font provenir de croisements
successifs où le Pelargonium cucullalum aurait joué un rôle prépon-
dérant. Vers 1830, on en connaissait déjà quelques variétés, entre
autres celle qui porta le nom de Charles X, plante à fleurs blanches,
assez grandes, ornées de deux petites macules sur les pétales supé-
rieurs, dont la beauté modeste faisait les délices des amateurs de
l’époque. Depuis, Lémon, Chauvière, Dufoy, Foster, Gaines et
quelques autres horticulteurs entreprirent de perfectionner ce beau
genre par des semis répétés, en récoltant des graines sur les meilleures
variétés et sans avoir recours à des croisements artificiels, moyen
pratique si peu employé à cette époque. Tout ce qu’on peut dire,
c’est que si le nombre des variétés de Pélargoniums à grandes fleurs
avait augmenté considérablement (on en voit près de 100 variétés
décrites dans les catalogues marchands de 1840), leurs qualités
n'avaient pas fait autant de progrès, et la mode, n’y trouvant plus
rien de nouveau et de tentant, commençait peu à peu à en faire justice
en les abandonnant. C’est alors que Duval, jardinier chez M. Odier,
obtint, par une suite de sélections judicieusement faites, toute une
série nouvelle de Pélargoniums ayant une macule bien accentuée
sur chaque pétale (1847). Cette apparition provoqua un engouement
dont on se ferait difficilement une idée; la multiplication ne suffit plus
19
— 258 —
à satisfaire les demandes qui arrivaient nombreuses de toutes parts.
Tout le monde voulait avoir les Pélargonium Odier; on boutura, on
sema avec acharnement, on croisa avec attention et méthode: tous les
semeurs se mirent à l'œuvre; il suffit de citer les noms de MM. Miellez,
Rougier, Demay, Thibaut et Keteleer, Boucharlat, Malet, ete., pour
rappeler à l'esprit tant de belles et bonnes variétés que nous devons à
ces semeurs. C’est à Malet qu’on doit la sous-race de P. Diadematum,
représentée par des variétés où dominent les teintes rouges et les
formes régulières (1) et issue probablement de croisements auxquels la
plante classée comme espèce sur les catalogues anglais sous le nom de
Diadematum aurait contribué d’une facon très efficace. S'il en est ainsi,
cette espèce pourrait être placée, avec le P. cucullutum, à la base de
l’arbre généalogique de tous les Pelargonium hortulanorum cultivés
aujourd’hui.
Grâce aux soins assidus des horticulteurs, le genre s’est beaucoup
amélioré depuis plusieurs années; des variétés de toutes formes, de
toutes couleurs se sont montrées. À côté des fleurs régulières se pré-
sentant en ombelles horizontales, on recherche les fleurs à bords
ondulés ou frisés; à côté du blanc le plus pur, on voit l’écarlate et le
pourpre; des fleurs doubles ont apparu ; enfin une transformation d’un
caractère tout particulier à donné naissance au groupe désigné en
Angleterre sous le nom de Regal Pelargoniums et classé dans les
catalogues français parmi les plantes à fleurs doubles. Les fleurs de
cette section sont caractérisées par un nombre de pétales extrême-
ment ondulés variant de 6 à 8, par des étamines en quantité aussi peu
fixée, et par un pistil atrophié ou hypertrophié, rarement susceptible
de donner des graines en bon état. Ces plantes proviennent de
monstruosités ayant apparu sur des variétés soumises à une culture
et à une multiplication prolongée et épuisante, de « sports» fixés par
le bouturage, et qu'on ne peut propager que par le bouturage des
parties aériennes. En effet, si l’on provoque sur des racines décou-
vertes et entaillées l’émission de bourgeons, ceux-ci, développés et
séparés de la plante-mère, n’y ressemblent en aucune façon. Cette
opération, pratiquée sur les variétés D' Masters, Captain Fraikes, etc.,
(1) La variété qui occupe le centre de la planche XI peut être rangée dans ce
groupe.
— 259 —
a eu pour résultat des plantes rappelant en tous points les Pélargo-
niums Odier, vendus par Miellez il y a près de 30 ans. Le phénomène
est général, car quand on multiplie de racines des plantes telles que
des Phlox à fleurs panachées, des Pélargoniums zonale tricolor, le
Symphytum oficinale fol. var. et bien d’autres, les jeunes plantes
issues de ces racines ne portent pas trace de panachure; elles repro-
duisent rigoureusement la plante originelle et non la variété qui s'y
est produite accidentellement par un sport.
Il est probable que les variétés de Pélargonium, divergeant de plus
en plus dans tous les sens, donneront lieu à de nouvelles séries toujours
plus éloignées les unes des autres, à mesure qu’elles se perfectionneront
et que des éléments étrangers y entreront. C’est à l'influence du Pelar-
gonium glaucum que nous devons un groupe à part, caractérisé par des
plantes basses et trapues, extrémement florifères et remontantes,
donnant l'illusion de bouquets de fleurs et précieuses pour la vente
des marchés (1).
De la culture des Pélargoniums il y a peu de chose à dire, car elle
est fort bien connue et pratiquée presque partout. Elle consiste à
rabattre les plantes à deux yeux après la floraison; à les rempoter, dès
que les nouveaux bourgeons sont développés, dans un mélange de terre
franche et d’un tiers de terreau de couche; à les placer dans la serre
près du vitrage en ayant soin d’aérer chaque jour, à moins que le froid
ne devienne trop vif; à maintenir la température entre 2° et & cent.
Si la température extérieure est trop humide, il est bon de chauffer la
serre en l’aérant pour essuyer les plantes, et de tenir celles-ci bien
propres. À la fin de février, il faut pratiquer un nouveau rempotage,
et si les rameaux se sont étiolés en hiver par défaut d'air, un nouveau
pincement. Enfin les engrais liquides tels que la colle forte (500 gr.
pour 100 litres d’eau), le guano, administrés modérément, donnent
une grande vigueur aux Pélargoniums. Quant à la multiplication, elle
se fait en août, au moyen de boutures qui reprennent facilement sur
couche tempérée. Pour débarrasser les plantes de l’envahissement des
pucerons, on ne saurait trop recommander les seringages au jus de
tabac, ou les fumigations, répétés tous les 15 jours.
(1) Ces croisements ont été opérés dans l’établissement V. Lemoine et y ont
donné des résultats vraiment remarquables.
— 260 —
DESCRIPTION DU VRIESEA WARMINGI Ep. More.
VRIESEA DE M. WARMING
pAR M. ÉpouaArD MoRREN.
Planche XII-XIII.
Vriesea Warmingi, elata, surculis approximatis. Folia coriacea, longa
(090), vagina lata, limbo angustiore (005), subtus colore roseo nubhilo tincta.
Scapus elatus, erectus, bracteatus. Spica simplex, porrecta, rachidi rigida, pul-
vinata, fusca, floribus paulum distantibus (0m02), numerosis (28-34), distichis,
erecto-patentibus, tubulosis. Bractea coriacea, ovata, aurea, florem breviter
pedunculatum arcte involvens. Foliola calycis vix longiora. Petala ligulata,
lutea, apice revoluto, basi squammis duabus integris instructa. Stamina exserta,
fundo imo petalorum adnata, filamento robusto, anthera dorsifixa, longaque.
Stylus paululo longior, stigmate trilobato, viridi,
E Brasilia, à. v. cl. Glaziou viva mihimetipsi anno 1880 missa, illustrissimo
doctori Eug. Warming dedicata.
EXPLICATION DES FIGURES (PLANCHE XII-XIII)
Fig. 1. Plante réduite au cinquième de la grandeur naturelle,
— 2. Le sommet de l’épi, grandeur naturelle.
— 3. Une fleur enveloppée par sa bractée.
— 4. Une bractée florale.
— 5. Un sépale.
— 6. Un pétale.
— ‘7. Une étamine.
— 8. Le pistil.
— 9. Le stigmate.
Plante de grandes dimensions, mesurant de 1" à 1®40 d'envergure
à l’état naturel. Drageons axillaires, rapprochés et dressés. Feuilles
nombreuses (une trentaine,) en rosace lâche, coriaces, dressées, plus
ou moins étalées suivant l’âge, peu arquées, fermes, lisses, longues
(jusqu’à 0"99). Gaïîne très-large (0"10), très convexe, sauf les bords
qui sont remarquablement apprimés, longue (0"10-20), de couleur vert-
brun rougeâtre, souvent chargée sur les bords d’une efflorescence
craieuse. Limbe plus étroit (0"05), en courroie, fortement canaliculé
dans la partie dressée, puis aplani dans la partie étalée, lancéolé au
‘epnedue}) ons
USAUT
HION ‘IONINUVA VASAINA M A
La Belg. hort.,
1884, pl. XU-XUI. VRIESEA WARMINGI, More. 2 Brésil,
Serremtempérée,
— 261 —
sommet, vert marbré et finement strié de rose foncé, surtout dans la
région inférieure et vers la pointe.
Inflorescence dépassant longuement le feuillage (jusque 1"40 de
hauteur). Hampe centrale, droite, ferme, longue (0"55-60), robuste
(0“008), à nœuds rapprochés (0"045), portant, dans un ordre spiral,
chacun une bractée plus longue que l’entrenœud (0"065), ovale-
lancéolée, acuminée, étroitement convolutée, herbacée, lisse, colo-
rée de vert foncé et de brun, enfin, toutes à peu près semblables
entre elles.
Epi très allongé (0"50-70), droit, simple, à rachis épais (0"008),
subquadrangulaire et pulviné, très luisant, brun «marron, à nœuds
rapprochés (0°018-20), portant chacun une fleur dans un ordre exacte-
ment distique.
Fleurs nombreuses (28 à 34), ascendantes et imbriquées à l’état de
bouton, mais séparées les unes des autres et divergentes quand elles
s’épanouissent. Elles s’ouvrent une à la fois et durent plusieurs jours,
de sorte que la floraison se prolonge longtemps. Elles sont allongées
(0"07), droites, tubuleuses et assez épaisses (0012).
Bractée florale coriace, largement ovale, longue (0"046), égalant
presque le calice, très large (0036), étroitement convolutée autour
de la fleur qu’elle étreint davantage encore pendant la maturation du
fruit, ordinairement un peu fendue et par suite bifide au sommet,
luisante, lisse, sèche à l’extérieur, mais couverte à la face interne d’un
liquide mucilagineux, enfin, jaune d’or au moment de l’anthèse
et passant ensuite au vert.
Pédoncule court (0007), très épais (0"006-7), lisse et vert. Sépales
coriaces, ovales-elliptiques, longs (0"04), dépassant peu la bractée
(0"007), obtus ou crénelés au sommet, épais, lisses, jaune d'or.
Pétales ovales-ligulés, longs (0"047), dépassant un peu le calice
(0"007) par leur lame révolutée au sommet, très larges (0"011),
munis à la base de 2 écailles grandes, entières et linguiformes, jaune
d'or. Etamines adnées par la base du filet à la base des pétales,
longues (0047) et dépassant la corolle. Filet droit, robuste. Anthère
dorsifixe, dressée et longue (001). Ovaire lisse. Style épais, arqué,
dépassant un peu les anthères ; stigmate à 8 lobes papilleux, ondulés,
frangés et verts.
Cette nouvelle espèce de Vriesea, que nous dédions à M. le D Eugène
— 262 —
Warming, professeur à l’Académie royale des sciences de Copenhague,
est originaire du Brésil d’où elle nous a été envoyée, en 1880, par
les soins de notre savant ami M. le D' A. Glaziou, directeur des jar-
dins publics et impériaux à Rio-de-Janeiro. Elle a fleuri pour la pre-
mière fois en 1882, au mois de septembre, dans nos serres de la Bo-
verie et nous l’avons fait représenter à l’aquarelle pour la figurer ici. |
Une nouvelle floraison, en 1884, a eu lieu dans de plus grandes pro- |
portions et s’est prolongée pendant près de trois mois.
La plante a quelques affinités botaniques avec les Vriesea conferta et
Vr. plalynema de Gaudichaud, mais elle est tout a fait nouvelle en
botanique et en flériculture.
Elle est fort ornementale, de grand effet, se recommande par les
nuances chaudes et riches de son feuillage et de ses fleurs, Elle pros-
père aisément en serre tempérée.
BULLETIN DES NOUVELLES ET DE LA BIBLIOGRAPHIE.
M. O. Bruneel, secrétaire de la Chambre syndicale des horticul-
teurs belges, à Gand, et M. Ph. Janssens, trésorier de la Société royale
Linnéenne, à Bruxelles, ont été récemment élus membres du Comité
directeur de la Fédération des Sociétés d’horticulture de Belgique.
Pélargoniums V. Lemoine. — La planche XI de notre recueil
représente un bouquet de Pélargoniums à grandes fleurs cueilli parmi
les variétés nouvelles obtenues par M. V. Lemoine, l'habile floricul-
teur de Nancy.
Voici les noms et la description de ces variétés. En haut et à gauche,
Philémon et Baucis; au milieu, Feu d'artifice; à droite, Me Bouchar-
lat. Au centre du tableau, le Vésuve. En bas et à gauche, Vénus de
Milo.
1. Philemon et Baucis : violet clair, 5 macules noires aigrettées de
blanc.
2. Feu d'arliñce : fleurs grandes, rouge carminé panaché et strié de
blanc rosé, macules marron et feu sur les pétales supérieurs.
3. Me Boucharlat: fleurs érigées, doubles, blanc-azuré, légères
taches pourpre au centre des pétales.
4. Le Vésuve : ombelles de 7 à 10 fleurs érigées, orange vermillon-
né, liseré blanc, centre blanc. |
— 203 —
5. Vénus de Milo : fleurs érigées, régulières, blanches, avec de
légères stries à la gorge, bords ondulés.
L’Exposition internationale d’horticulture, organisée par la
Société nationale et centrale d’horticulture de France, sera ouverte, à
Paris, du 20 au 30 mai 1885. La Société a nommé la Commission
organisatrice qui s’est constituée sous la présidence de M. Charles
Joly. D’un autre côté, la Fédération des Sociétés d’horticulture de
Belgique prendra les mesures nécessaires pour faciliter et favoriser
la participation des cultivateurs de Belgique à ces importantes floralies.
Hamburger Soden. — Dans son article sur la culture du Darling-
tonia californica, inséré à la page 173 de la Belgique horticole de cette
année, M. Wissenbach recommande, pour la préparation du sol,
l’emploi de Famburger Soden. Aucun dictionnaire usuel de la langue
allemande ne renseigne ce terme technique, qui d’ailleurs n’a pas son
équivalent en français. Les Æamburger Soden sont des morceaux de
gazon tirés de prairies marécageuses : ils ne contiennent pas de terre
et consistent seulement en racines et souches de lèches (carex), de
joncs ou d'herbes dures. À quelques mètres plus bas, sous ces gazons,
se forme la tourbe. Les racines fibreuses de bruyères ou de fougères
peuvent sans doute les remplacer.
Nouveaux renseignements sur la culture du Darlingtonia
californica (Suite à la page 173). — M. Wissenbach, qui dirige avec
beaucoup de talent les cultures du palais de Wilhelmshôühe, près Cassel,
a fait de nouvelles observations sur la culture de ce végétal rare et
intéressant.
Cette année on a quelque peu modifié, à Wilhelmshôhe, la culture
du Darlingtonia, Le temps s'étant maintenu chaud et sec, on a mis
des châssis sur les plantes de 10 heures à 4 heures et on a ombragé
légèrement de 11 heures à 2 heures pour mieux maintenir l'humidité
dans l’air. On a ainsi obtenu des plantes de grande beauté, portant
chacune 100 à 120 urnes, parmi lesquelles les pee grandes ätteignaient
64 centimètres d'élévation.
A. Franchet, Plantes du Turkestan, 1 vol. in 8°. Paris, 1883. —
M. Franchet a déterminé et classé les herbiers récoltés au Turkestan
— 264 —
par M. Capus. Il y a reconnu bon nombre d'espèces nouvelles qui sem-
blent avoir échappé aux explorateurs et aux botanistes russes.
Album Vilmorin. — MM. Vilmorin-Andrieux continuent à aug-
menter chaque année le nombre des planches chromolithographiées de
leur album. Cette belle publication iconographique mérite d’être appré-
ciée par les gens du monde, amateurs de jardins. L'Album Vilmorin
se compose de quatre séries : les fleurs, les plantes bulbeuses, les
légumes et les graminées.
J. H. Wakker, Onderzoek der ziekten van Hyacinthen en andere bol-
en knolgemassen, broch. in 8° max0.. Haarlem, 1884. c. ic. — Ce
mémoire, publié par la Société royale pour la culture des plantes
bulbeuses à Haarlem, traite des maladies des Jacinthes et d’autres
plantes bulbeuses ou tubéreuses. M. Wakker a reconnu une bactérie,
qu'il nomme PBacterium Hyacinthi, dans une maladie nouvelle des
Jacinthes qu’on appelle le jaune. Il décrit aussi une Pezize qui déter-
mine une sorte de pourriture noire et l’Oecidium Convallariae qui fait
naître des taches pathologiques sur les feuilles des Muguets.
D:. J. Ritzema Bos, Mededeelingen omtrent de Narcisolieg. — La
mouche des narcisses, Merodon equestris, ravage les plantations de
Narcisses dont elle détruit les bulbes.
Charles Baïley, On the structure, the Occurrence in Lancashire,
and the Source of Origin of Naias graminea Del., Londres, 1884,
br. in-8&. — Monographie élégante et détaillée d’un végétal de struc-
ture fort intéressante. L'auteur, botaniste à Manchester, a soigneuse-
ment observé et représenté les principaux organes de la nutrition et
de la reproduction du Vaias graminea.
Bulletin de la Fédération des sociétés d’horticulture de Bel-
gique. — Le 23° volume de ce recueil vient de paraitre. Il concerne
l’année 1882 et contient, outre la composition et la statistique des
Sociétés, le tableau de leurs travaux les plus importants. Il renferme
un traité théorique et pratique du Thermosiphon, par M. T.A.Fawkes,
architecte anglais et la dixième édition de la Correspondance botanique
de M. Ed. Morren. Le volume est orné d’un beau portrait de Gaspard
Demoulin.
— 265 —
CULTURE EN PLEIN AIR DES ORCHIDÉES
AMÉRICAINES.
La culture des Orchidées américaines en plein air, même sous le
climat de l'Europe moyenne est, depuis quelque temps, expérimentée
en Angleterre et sur le continent. On choisit un endroit frais, abrité
du nord et du soleil ardent de midi, laissant pénétrer les rayons du
soleil levant et, si possible, à peu près ouvert du côté de l’ouest. Un
bosquet d'arbres ou de taillis clair semé, tapissé de mousses, quelque
peu vallonné et rocailleux, peut réunir ces conditions. On peut y sup-
pléer par des abris de thuyas, des palissades ou des claies, ou bien
encore par des couches profondes ou enfin par des treillis de menuiserie
légère. On y dispose les Orchidées dès le 15 mai en ayant soin de les
préparer au plein air par une culture en serre aussi froide et aussi
aérée que possible et puis il suffit de prodiguer l’eau pour maïntenir au
voisinage des plantes un air frais et humide,
Cette culture est préconisée par M. Bénédict Roezl qui à passé une
grande partie de sa vie en Amérique. Botaniste habile, cultivateur
expérimenté et observateur perspicace, il a vécu dans la patrie des
Orchidées : rentré dans son pays, à Prague, il recommande à ses amis
de cultiver en plein air pendant la belle saison, le plus grand nombre
des Orchidées américaines dites de serre froide. Ses conseils ont été
suivis par un des meilleurs orchidophiles de la Bohème, le baron
Hruby, à Peckau, près Vrolin, en Bohème. Dans le courant de cet été,
notre savant ami Roezl nous avait déjà fait part des résultats mer-
veilleux obtenus par le baron Hruby. Récemment, dans une lettre du
21 novembre, il nous écrit encore que les Orchidées de Peckau ont fait
énormément de progres. Les plantes n’ont été rentrées dans les serres
que dans les premiers jours de novembre. Ellessontdonc restéesen plein
air pendant tout le mois d’octobre. L'Odontoglossum vexillarium n’a
pas cessé de fleurir depuis le mois d’avril jusqu’à cette époque tardive.
Il en est de même des Cattleyas qni sont aussi en fleurs. Le C. Perci-
valiana et le rare Paphinia grandifiora développaient leurs boutons.
De fait, pourquoi n’en serait-il pas ainsi et combien de fois n’a-t-on
pas eu le tort de tenir en serre des plantes exotiques que l’expérience a
— 266 —
montré être d’un tempérament à préférer l’air libre, au moins quand
l'hiver ne sévit pas.
Le Mexique est le pays d'origine des Cactées, de l’A gave americana,
du Dahlia, du Cobaea scandens, des Echeveria, des Yucca, du Maïs, de
la Capucine et de nombre d’autres plantes qui font l’ornement de nos
jardins pendant toute la belle saison. Ces plantes s’alanguiraient et
périraient même si on les maintenait en serre pendant toute l’année.
Ne conviendrait-il pas d'essayer judicieusement de cultiver, dans des
conditions analogues, les Orchidées mexicaines telles que les Zaelia,
les Zycaste,les Sobralia et certains Odontoglossum, Epidendrum et.
Oncidium. |
La Colombie nous a donné les Bégonias tubéreux, les Irésines, des
Ipomées, des Cannas,des Solanum d’ornement; le Pérou nous a fourni
les Loasa, les Tagetes et la pomme de terre, que personne assurément
ne s’aviserait de cultiver en serre si froide qu’elle puisse être. Ne con-
viendrait-il pas, par analogie, de cultiver dans les mêmes conditions
climatériques, tout en tenant compte deleurs exigences particulières, les
Odontoglossum et les Masdevallia. Les succès obtenus par les cultiva-
teurs qui ont tenu ces plantes dans les serres les plus froides semblent
être un sûr garant de leur développement en plein air dans nos con-
trées. Il est encore permis de l'espérer quand on sait que ces mêmes
plantes périssent ordinairement dans les serres, en été, par l'influence
pernicieuse d’un excès de chaleur et d'humidité stagnante qui répu-
gnent à leur constitution montagnarde.
Rappelons enfin que beaucoup d'autres plantes ornementales, généra-
lement cultivées dans les jardins d'Europe, pendant tout le temps que
la gelée n’est pas à craindre, nous viennent de l'Amérique du Sud;
telles sont le Cereus peruviunus, le Gunnera scabra, le Gynerium
argenteum, le Tigridia pavonina, l'Aloysia citriodora, les Alstroe-
mères, les Calcéolaires, les Salpiglossis, Collomia, Schizanthus, et
quantité d'autres.
Pas besoin d'être prophète pour prévoir que l’avenir est à la culture
en plein air, dans une grande partie de l'Europe, de quantité d'Orchidées
exotiques que l’on maltraite et que l’on méconnaît aujourd’hui en les
enfermant sous des cachots vitrés. Ép. MoRREN.
— 207 —
RESPIRATION, COMBUSTION ET LUMINOSITÉ.
A
Conférence donnée à l'Association pour la propagation des sciences
naturelles, à Vienne, le 5 décembre 1883,
par Jos. BoExm,
Docteur en philosophie et en médecine, professeur ordinaire de Botanique à
l’Université et à l'Ecole supérieure d’agriculture de Vienne.
Dans ma causerie sur « les plantes ei l'atmosphère » par laquelle
j'ai eu l’honneur d'ouvrir l’an dernier la série de ces entretiens, je me
suis efforcé d'établir que les cellules végétales vertes sont le laboratoire
où se fabriquent les substances dont sont édifiés les divers organismes.
Mais ces principes organiques, préparés dans les cellules chlorophyl-
liennes au moyen d'acide carbonique et d’eau, ne fonctionnent pas
seulement à titre de matériaux de construction : ils sont aussi des
sources de force ou de travail. La vie consiste en une merveilleuse
combinaison de mouvements nécessairement produits par des forces,
et découvrir la nature de ces forces est le problème que la science
physiologique se propose de résoudre.
On admettait autrefois l'existence, dans les organismes vivants,
d'une force essentiellement différente de toutes les autres causes de
mouvement. Aujourd’hui, personne ne doute plus que la prétendue
force vitale — autant qu'elle est accessible à nos investigations — ne
soit la résultante étrange et merveilleuse des énergies chimico-physi-
ques mises en jeu par la respiration. J’ai mentionné cette théorie dans
ma précédente causerie, mais d’une façon incidente et en me plaçant
à un tout autre point de vue. Aujourd’hui nous allons étudier de plus
près la respiration et les phénomènes collatéraux.
Tout le monde sait que la chaleur animale est la conséquence d’un
phénomène chimique qui s’accompagne de la formation d'acide carboni-
que, Toutes les réactions chimiques capables de développer de la
chaleur portent le nom de combustion. Mais la chaleur n’est pas
essentiellement ditférente de la lumière : l’une et l’autre sont des
vibrations de l’éther, distinctes seulement par leur durée et leur
longueur d’ondulation; et la production, par combustion, soit de
— 268 —
chaleur, soit de lumiere, soit de l’un et l’autre phénomènes à la fois,
ne dépend que de circonstances accessoires.
La première question qui se pose devant nous est la suivante : Quels
corps sont susceptibles de brûler; pourquoi, ce faisant, dégagent-ils de la
chaleur et que deviennent-ils en se consumant? Peuvent brûler, c’est-à-
dire s’unir avec production de chaleur, tous les corps qui ont l’un pour
l’autre une affinité réciproque. Quand on verse de l’acide sulfurique
dans l'eau, le mélange s’échauffe et un fragment de phosphore, déposé
sur une minuscule capsule flottant à la surface du liquide, ne tarde
pas à s’enflammer : on peut donc dire que ces deux liquides « brülents
l’un avec l’autre. Mais on réserve habituellement ce nom de combustion
aux phénoménes qui se produisent lors de l’union d’un corps quelconque
avec l'oxygène. Parmi ces phénomènes, nous allons examiner de plus
près ceux où il est question de l'oxydation d’un corps carburé, c'est-à-
dire de son union avec l'oxygène.
L'oxygène est un élément gazeux, dont l’atmosphère contient en
volume 21 °}, environ. Il fait partie, à l’état combiné, de la majeure
partie des corps solides ou liquides, et pour l’en séparer, il faut une
force d'autant plus puissante que l’union est plus intime. La partie du
corps ainsi détachée de l'oxygène manifeste une certaine tendance à
s'unir de rechef au gaz en question; nous la baptisons du nom de corps
combustible et quand elle brüle, c’est-à-dire se recombine à l'oxygène,
elle met en liberté, sous forme de chaleur et de lumière, Juste autant
de force qu’il en a fallu pour la séparer de ce gaz. Ainsi l'énergie em-
ployée pour décomposer chimiquement les corps n’est pas anéantie ;
elle persiste, elle se dissimule dans les parties constituantes du corps
décomposé sous un état spécial, où nous la désignons sous le nom de
Jorce latente ou de tension, quitteà redevenir libre, chaque fois que ces
principes élémentaires se combinent pour reconstituer le corps primitif.
Dans ces quelques lignes se trouve résumée, avec la concision qui
nous est imposée par les limites de cette causerie, la réponse aux
diverses questions précédemment formulées. La séparation de l'oxy-
gène de ses combinaisons peut s'effectuer par l'intermédiaire de
diverses forces. L'eau se décompose le plus aisément au moyen d'un
courant électrique ; l'acide carbonique — et ce cas est Je seul dont nous
ayons à nous occuper — dans la cellule végétale. Mais cette dernière
séparation n'a pas lieu dans toute espèce de cellule : elle est spéciale.
— 269 —
aux cellules chlorophylliennes, encore celles-c n’y parviennent-elles
pas sans aide ni secours. Par un processus dont l'essence nous est
inconnue et dont l’importance, au point de vue de l’économie de Ja
nature organique entière, est immense, la cellule végétale verte,
pour réaliser cette décomposition de l’acide carbonique dont nous ne
pouvons venir à bout dans nos laboratoires que grâce à l’intervention
d'agents énergiques, utilise les rayons du soleil. Et non seulement elle
sépare les éléments constitutifs de l’acide carbonique, mais encore elle
unit aussitôt le carbone mis en liberté avec l’eau et quelques autres
éléments, pour en former ces principes que nous qualifions d’orga-
niques, dont sont constitués plantes et animaux et dans lesquels sont
accumulées, à l’état latent, les forces, les tensions que la fonction
respiratoire met en jeu. Les principes nutritifs des êtres vivants,
qu'ils soient utilisés comme matériaux de construction ou source de
force, sont donc des produits d'élaboration de la chlorophylle : il n’en
existe pas d’autres que ceux formés dans la cellule végétale.
Mais ce n'est pas seulement comme nourriture que nous utilisons les
plantes et leurs produits; nous en faisons encore usage pour la produc-
tion de la chaleur, de la lumière et de la force motrice nécessaire au
fonctionnement de nos machines. Or les forces que met en liberté la
combustion des principes organiques ne sont autre chose que les rayons
solaires fixés. Donc les rayons du soleil, abstraction faite des énergies
considérables dissimulées sous l'écorce du globe, représentent la sowrce
unique des. forces terrestres et bien minime est la fraction que les plantes
parviennent à en fixer.
Donc encore, il va de soi que le bois et le charbon actuels représen-
tent, non des provisions gratuites, mais des trésors coûteux, et la
houille, don fait à notre époque par les siècles écoulés, doit fatalement
disparaître, consommée par l'être humain, au bout de quelques géné-
rations.
De telle sorte que la question suivante se pose d'elle même : V’exis-
terait-il pas, en dehors des plantes, d'autres accumulateurs des rayons
solaires, grace auxquels nous pourrions nous affranchir du règne
végétal pour la production de Zwmiüère el de chaleur?
Ces mêmes rayons solaires, dont l’action lente et silencieuse se mani-
feste dans la cellule végétale verte, produisent aussi le vent, soulèvent
les flots et aspirent jusqu’ausommet des montagnes leseaux des Océans.
:L'paOtee
L’ouragan qui déracine les arbres, renverse nos demeures, submerge
nos vaisseaux, les avalanches de neige et de glace qui s’engloutissent
brusquement dans des abîmes sans fond, sont l’expression exagérée de
ces mêmes forces qui ventilent nos habitations, alimentent nos sources,
parent de fleurs nos prairies et ouvrent nos yeux à l'existence. Quand
nos machines tournent sous l'impulsion du vent, de la pluie, le véritable
moteur que nous rencontrons toujours dissimulé à l’arrière-plan, c’est
le soleil. Malheureusement le vent est inconstant : quant à l'eau, sa
force motrice fait trop souvent défaut là où le besoin s’en fait sentir;
et puis il ne peut être question de la transporter comme le bois ou le
charbon. Mais dans ces derniers temps, on a appris à transtormer Île
travail mécanique, aussi bien que celui fourni par le vent et l’eau, en
une quantité à peu près équivalente d'électricité, qui se transporte
à volonté et redevient, au gré de nos désirs, chaleur, lumière ou
travail. Ainsi les machines dynamo-électriques actionnées par l'eau et le
vent, aussi bien que les accumulateurs électriques, peuvent nous con-
duire au but auquel nous faisions précédemment allusion, c'est-à-dire
remplacer les plantes dans la fixation des rayons solaires.
Toutefois, quelque légitime que soit l’espérance de voir la science et
l'industrie réussir, au moyen de l'électricité, à tirer parti d’une bonne
partie des forces solaires, inutilisées jusqu’à présent, pour la produc-
tion de travail, de lumière et de chaleur tout en nous laissons tribu-
taires des plantes pour ce qui regarde les substances alimentaires, 1l
ne faut pourtant pas bâtir à ce sujet de châteaux en Espagne.
Une source commode de lumière et de chaleur est le gaz d'éclairage.
C’est un mélange d'hydrogène (H), d'oxyde de carbone (CO), de gaz
des marais (CH) et de gaz oléfiant ou éthylène (C?H*), ce dernier se
décomposant d'abord, avant de brûler, en carbone et gaz des marais :
C2H!—C + CH. Fait-on arriver dans un jet de gaz d'éclairage en com-
bustion une syfisante quantité d'oxygène, les produits engendrés
consistent exclusivement en eau (H°0) et acide carbonique (CO?) et
il n’y a guère production que de chaleur. L'afflux d'oxygène est-il
insufisant, alors le carbone séparé de l'éthylène, avant de brüler, se
trouve porté à l’incandescence, et la flamme se fait lumineuse. La
vérité de cette théorie se démontre aisément par le brûleurde Bunsen,
bien connu de chacun de vous. Ce qui brille dans la flamme du gaz,
_ c'est du carbone incandescant. Quant à la flamme de l’huile, du bois
— 211 —-
ou d'une bougie, elle ne diffère de la précédente qu’en ce que les gaz
dont elle est composée se forment aux dépens de la matière première,
grâce à la chaleur engendrée par la combustion. D'où il résulte,
comme le démontre d’ailleurs l'expérience réalisée sous vos yeux, que
dans un espace clos et par suite de plus en plus pauvre en oxygène, [a
Jiamme d'une bougie s'éléint plus 1ôl que celle du gaz, car dans la
première, comme je viens de vous l’enseigner, le gaz combustible se
produit par la chaleur née de la combustion, et celle-ci est d'autant plus
lente et plus pénible que l’air est moins fourni d'oxygène.
La flamme est formée, avons-nous vu, de gaz en combustion. Les
corps brülant à l’état solide — le fer, par exemple — ne produisent pas
de flamme. J'ouvre ce tube et je secoue, à travers l'air, la fine poussière
de fer y renfermée dans une atmosphère d'hydrogène; je vois tomber
comme une pluie d’étincelles, mais sans flamme proprement dite.
De même que le fer, le charbon n’est pas volatil. En revanche, il forme
avec l'oxygène deux combinaisons gazeuses : l’une, l’acide carbonique,
quand l'oxygène est en excès; l’autre, l’oxyde de carbone, quand il y a
pénurie d'oxygène — cette dernière se transformant en acide carbo-
nique sous l’influence d’une plus grande quantité d’air. Une soucoupe de
porcelaine, qui se couvre d’un dépôt de suie quand on la plonge dans la
flamme d’une bougie, demeure intacte lorsqu'on la tient à une certaine
-hauteur au dessus de la flamme. Qu'est-il donc advenu du charbon ?
La flamme est entourée d’une enveloppe bleue, laquelle est dûe à de
l’oxyde de carbone en combustion, et le charbon séparé à l’intérieur de
la flamme vient constamment s'oxyder dans cette zone périphérique.
Donc c’est à la même cause qu’il faut attribuer le pouvoir éclairant de
la flamme ordinaire et celui de la lumière électrique, car dans l’arc
voltaïque, outre le charbon porté à l’incandescence, il y a l'oxyde de
carbone qui brûle avec une lueur bleue. L’éfhylène vient-il à ne plus
exister dans la flamme du gaz ou à ne plus être décomposé par la
combustion, la flamme cesse de noircir la porcelaine et d’éclairer.
C'est le dernier cas qui se présente quand le gaz brûle dans un air
pauvre en oxygène; et l’on voit alors la température de la flamme
diminuer en même temps que son pouvoir éclairant, car une spirale
de platine cesse d’y être portée à l’incandescence; une capsule de
porcelaine mise en lieu et place du platine demeure immaculée, abso-
lument comme dans la flamme la plus chaude. Donc il existe deux cas
— 272 —
absolument opposés dans lesquels la flamme du gaz cesse d’être
éclairante : dans la flamme chaude, abondamment fournie d'oxygène,
où le charbon séparé de l’éthylène se consume aussitôt; dans la flamme
froide, alimentée par un air pauvre en oxygène, l’éthylène ne s’y
décomposant pas ou le charbon qu’il fournit n’étant plus porté à
l’incandescence.
Quand on place du bois sur des braises ardentes et qu’il se refuse à
brûler, on souffle sur le feu, c’est-à-dire qu’on y introduit de l’oxygène.
Mais si l’on souffle latéralement un peu trop fort sur la flamme du gaz
ou d'une bougie, on la voit s'éteindre aussitôt. La cause en est, non pas,
comme on l’a dit trop souvent, dans l’abaissement de température de
la flamme, mais bien dans le fait que le gaz combustible se trouve déplacé
par l'air.
L’extinction de la flamme du gaz peut aussi se produire dans des con-
ditions spéciales, dont la connaissance n’est pas exempte d'intérêt. Vous
voyez, sur cette cuve à eau, deux flammes de grandeur sensiblement
égale, produites l’une par le gaz d'éclairage, l’autre par une bougie.
Je couvre l’une et l’autre à l’aide d’une cloche, j'ouvre complètement
le robinet du gaz et je vois la flamme correspondante s’éteindre aussitôt,
alors que la bougie continue à brûler. Comment expliquer cette discor-
dance?
Le gaz d'éclairage ne passe du gazomètre dans les tuyaux que parce-
que le premier plonge dans l’eau. Si, par l’intermédiaire d’un ajutage
en caoutchouc, on fixe à l’orifice de l’un des tuyaux un tube en verre
dont on plonge ensuite l’extrémité libre dans l’eau, puis qu’on ouvre
le robinet de dégagement, on voit l’eau descendre dans le tube en
dessous du niveau qu'elle occupe à l'extérieur, et la différence de
niveau (2 à 4 ct) représente la valeur de la pression sous laquelle
le gaz s'écoule. La pression à l'orifice libre du tube de dégagement vient-
elle à l'emporter, ne fât-ce que d'un rien, sur la pression combinée de ces
deux colonnes liquides, il en résulte, non seulement que le gaz ne peut
sortir, mais que de l'air est aspiré dans le tuyau et que le gaz se trouve
refoulé, La flamme du gaz s'éteint, comme vous voyez, dès que je la
couvre d’une cloche que j’enfonce de quelques centimètres dans l’eau.
Vous comprenez maintenant pourquoi elle s'éteignait dans notre
précédente expérience. Le robinet une fois ouvert, la flamme s’agran-
dissait brusquement, l’air emprisonné par les parois de la cloche
— 273 —
se dilatait d’une facon subite et pénétrait dans le tube de dégage-
ment. L'espace dont l’air se trouve ainsi brusquement échauffé, est-il
considérable et la ventilation insuffisante, il peut même arriver,
comme ce fut le cas lors de l’incendie du Ringtheater à Vienne, que les
flammes soient projetées au dehors.
Je tiens encore à attirer votre attention sur un fait qui n’est pas sans
importance et qu'ignorent peut-être la plupart d’entre vous. Si dans
une maison à plusieurs étages on a allumé deux becs de gaz, l’un au
rez-de-chaussée et l’autre à l'étage supérieur, puis que l’on ferme le
compteur, c’est le premier bec qui s’éteint d’abord, tandis que le second
brûle encore le lendemain. L'expérience peut être réalisée en petit de
la facon suivante : deux flammes sont alimentées à l’aide d’un tube
bifurqué et de deux longs tuyaux en caoutchouc au moyen d’un cou-
rant gazeux emprunté à la même source. Vient-on à fermer le
robinet, l’une et l’autre s’éteignent simultanément. Maïs qu'on les
dispose à des niveaux différents : alors on voit l’inférieure s’éteindre
de suite, tandis que l’autre continue à brûler pendant assez long-
temps. La cause en est dans la plus grande légèreté spécifique du gaz
resté dans les tuyaux, en vertu de laquelle il tend à s'élever tandis que
de l’air atmosphérique est aspiré par l’orifice inférieur. Veut-on ensuite
rallumer les becs, on n’y parvient qu'après que la pression du gaz a
déplacé et expulsé par les orifices de sortie l’air entré dans les tuyaux.
Le crépitement spécial que l’on perçoit de temps à autre lors de l'allu-
mage n'a d'autre cause que la sortie de l'air atmosphérique aspiré
dans les conduites et prouve l’occlusion imparfaite du système par
la fermeture des robinets. En pareil cas, une explosion pourrait se
produire dans les tuyaux lors de l’allumage, accident qu’il n’y a pas
lieu de redouter dans le cas de fusion accidentelle d’une conduite de
gaz lors de l'incendie d’un bâtiment. Donc lorsqu'il arrive dans une
catastrophe que les flammes supérieures d’un bâliment s'éteignent avant
les inférieures, c'est une preuve certaine que le « gaz » n'élait pas fermé.
Examinons à présent en peu de mots le phénomène de combustion
du bois ou du charbon dans un poële ordinaire. Nous ne pouvons enflam-
mer la houille qu’à condition de la mettre en contact avec du bois, du
papier ou d’autres corps aisément inflammables, c'est-à-dire capables
de prendre feu à une température moins élevée que le charbon et
d’engendrer, en brülant, la chaleur nécessaire à la combustion de ce
20
M
dernier. C’est qu'en effet les corps susceptibles de s'unir entre eux ne
le font que dans des conditions déterminées; par exemple le chlore,
à la température ordinaire, ne s’unit à l'hydrogène que sous l'influence
_de certain éclairage; le charbon et ses combinaisons ne brülent qu'à
une température donnée, etc.
Vient-on, après avoir allumé un poêle, à en fermer les portes, on
voit la combustion s'arrêter, évidemment faute d'oxygène. Chacun
sait en outre que a combustion se fait mal, lorsque La porte du cendrier
étant fermée, celle du foyer est loute grande ouverte, bien que, dans ce
cas, rien n'empêche l’afflux de l'air vers le foyer. Comment expliquer
ce phénomène ?
Lors de la combustion du bois ou du charbon à l’air libre, la flamme
obtenue n'est jamais aussi vive, aussi intense, toutes conditions égales,
que dans un foyer; c'est que, dans le premier cas, le « tirage » fait
défaut. On entend par tirage un puissant courant d’air et il y a lieu
de se demander ce qui lui donne naissance.
Un volume d'air donné possède un certain poids. L’air vient-il à
s'échauffer, alors ses molécules s’écartent et il en résulte qu’à volume
égal, son poids diminue. Donc, si ce volume d’air chauffé est entouré
d’une mince paroi et ne peut se refroidir, il doit en résulter qu’il tend
à monter dans l’air ambiant non échauffe, absolument comme un
bouchon plongé dans l’eau revient à la surface du liquide. C’est sur
ce principe que fut basé le premier aérostat construit, 1l y a quelque
cent ans, par Mongolfier. Pour qu'il y ait tirage dans un poêle, il faut
donc qu’à pression et volume égaux, l’air emprisonné dans la chemi-
née ouverte supérieurement soit plus léger que l’air extérieur servant
à alimenter le foyer. La porte du foyer est-elle ouverte, la chaleur du
poêle se communique au dehors, l'air qui doil élre aspiré se dilate, et le
tirage devient difficile ou impossible : voilà pourquoi le tirage d’un
poële se règle mieux par la porte du cendrier que par celle du foyer.
Passons maintenant à la respiration. C’est, avons-nous vu, la com-
bustion des produits carburés dans l'organisme, avec mise en liberté
des forces qui président à l’activité interne et externe des différents
êtres vivants. Toutefois une partie seulement des forces dégagées par
la respiration se transforme en travail — et encore d'une facon com-
plètement indéchiffrable aux yeux de la science actuelle. Dans les
machines actionnées par la vapeur, il y a séparation brusque, violente
— 275 —
des molécules d’eau par l’éther qui vibre entre elles, impulsion com-
muniquée au piston et mouvement de celui-ci.
Mais pour ce qui est de la transformation en travail des forces de
tension mises en jeu dans la fonction respiratoire, telle que nous la
constatons spécialement dans les organismes animaux, nous ne savons
rien de son essence. Toutefois la majeure partie des forces ainsi pro-
duites ne nous apparaît pas sous forme de travail, mais bien de
chaleur, plus rarement de lumière : ce dernier phénomène apparais-
sant dans les vers luisants et dans certaines putréfactions ou
moisissures, où la phosphorescence se produit non par la décomposi-
tion des fibres ligneuses, mais bien par des cryptogames vivants. De
même les lueurs que dégage parfois la viande quelque peu avancée
et les eaux de la mer dépendent des phénomènes respiratoires de cer-
tains organismes. Les produits de la respiration consistent, comme
ceux de la combustion complète, en eau et acide carbonique. Quant
aux phases qui président à la transformation de l’albumine en urée,
elles nous sont complètement inconnues.
Les aliments respiratoires consommés par les êtres vivants des deux
règnes proviennent sans exceplion, nous l’avons démontré précédem-
ment, de la cellule chlorophyllienne. Une fois les aliments dissouts dans
le tube digestif et introduits dans le torrent sanguin complètement
brülés, vient le tour des matériaux de réserve accumulés, au temps de
l'abondance, sous forme de graisse. Un homme adulte rejette journel-
lement, sous forme d’acide carbonique, 3 à 400 grammes de carbone.
Les matériaux de réserve accumulés dans les plantes ou parties de
plantes privées ae chlorophylle fonctionnent absolument comme la
graisse animale; une bonne moitié, pendant la phase de germi-
nation des graines, sert à la respiration. 27 n’y a pas jusqu’à la
cellule verte qui ne respire sous éclairage, en même temps qu'elle
fabrique de toutes pièces les aliments nécessaires à cette fonction, non
seulement pour son propre usage, mais encore en quantité incompa-
rablement plus grande. 3
Ainsi, pendant le jour, il y a dans la cellule verte à la fois produc-
tion et décomposition d'acide carbonique; en l'absence de lumière ou
sous éclairage insuffisant, le premier phénomène se manifeste seul.
Mais comment plantes el animaux se procurent-ils l'oxygène nécessaire
à la respiration?
— 276 —
Le procédé, cela va sans dire, varie suivant la structure et le mode
d'existence de l’espèce en vue, suivant qu'elle emprunte cet oxygène
à l'air ou à l'eau. Il n’est pas question, dans ce dernier cas, de loxy-
gène constitutif de l'eau, mais bien de celui qui se trouve dissout
dans le liquide et peut en être séparé par ébullition. Les organismes
les plus simples, toutes les plantes aquatiques aussi bien que les
régions munies de stomates chez les végétaux terrestres, absorbent
l'oxygène par leur surface.
Chez les animaux terrestres d'organisation plus élevée, l'absorp-
tion d’air se fait de préférence par les poumons, organes auxquels on
peut rapporter, par extension, les {rachées des insectes et les branchies
des animaux aquatiques.
Le poumon constitue un système compliqué et ramifié de tubes
aspirateurs, dont les dernières ramifications aboutissent à des vési-
cules botryoïdes enserrées dans un lacis de vaisseaux capillaires.
L'’oxygène aspiré se répand dans le sang, s’y unit aux globules dont
la couleur foncée passe au rouge vif, est transporté par leur intermé-
diaire dans les diverses régions du corps et y sert à la production
d'acide carbonique — lequel se répand en sens inverse. Les globules
sanguins ont aussi la facullé de s'unir à l'oxyde de carbone; ce faisant,
ils deviennent incapables d'absorber l’oxygène et l'existence est com-
promise. C’est ce qui arrive quand hommes ou animaux respirent
pendant un certain temps de l’air contenant ne füt-ce que des traces
de ce gaz toxique.
Mais comment l’air pénètre-t-il dans les poumons? Ce n'est pas
simplement par l'ouverture de la bouche et des fosses nasales. Les
poumons forment l’intérieur d’un soufflet dont les parois sont en partie
mobiles. Lors de l'aspiration, la cage thoracique s'élargit par le
soulèvement des côtés et l'abaissement du diaphragme; dès lors, l’air
enfermé dans la cavité pulmonaire se dilate, cesse de faire équilibre
à la pression extérieure et une quantité d’air correspondante pénètre
dans les poumons. C’est le processus contraire qui se produit dans
l'expiration. |
Les trachées sont des canaux aérifères à ramifications multiples
répartis dans toute l'étendue du corps des insectes et approvisionnant
directement les divers organes d'oxygène. Les branchies ne sont autre
chose que des poumons retournés et plongeant dans l’eau ambiante.
1
TT
Cette eau est-elle dépourvue d'oxygène, les poissons ne tardent
pas à s'y « noyer », c'est-à-dire à y mourir d’asphyxie. [Inversement
les animaux à branchies peuvent vivre assez longtemps dans un air
humide.
L'eau contient, à la température ordinaire, près de 2°), de son
volume d'air, dont 1/3 environ formé d'oxygène. D'où il résulte que,
toutes choses égales, les poumons Trecoivent, dans l’unité de temps,
beaucoup plus d'oxygène que les branchies; c’est-à-dire que le proces-
sus respiratoire est, en thèse générale, bien plus énergique chez les
animaux à poumons que chez ceux munis de branchies. Aussi voit-on
la chaleur propre de ces derniers subir le contre-coup des changements
de température extérieure, c’est-à-dire varier dans des limites fort
étendues, d’où leur nom d'animaux à sang froid; plus justement
seraient-ils dénommés : à éempéralure variable.
Du reste, parmi les animaux terrestres, il en est qui rentrent
dans celte catégorie ; ce sont ou bien des êtres lourds, paresseux, à respi-
ration lente, comme les reptiles et les amphibies, ou bien des animaux
à respiration énergique, produisant beaucoup de chaleur, mais en per-
dant aussi beaucoup, gràäce à la surface relativement considérable de
leur corps. Dans une ruche bien peuplée, la température s'élève par-
fois jusqu’à 40° centigrades. Chez la marmotte, au contraire, la fonc-
tion respiratoire, pendant le sommeil hivernal, se réduit au 1/50 de ce
qu’elle était dans les conditions normales d'existence de l'individu et
la température interne s’abaisse dans les mêmes proportions.
Nous avons précédemment fait observer que les organismes les plus
simples n'absorbent l'oxygène que par la surface de leur corps. C'est de
la même façon que respirent aussi ex partie les animaux « supérieurs »,
pour autant que la superficie de leur corps soit perméable à l'air.
La respiration cutanée n’est qu'accessoire chez l’homme, eu égard à la
respiration pulmonaire; il en est tout autrement chez la grenouille,
qui peut vivre sous une épaisse croûte de glace. L’ablation des pou-
mons n’entraine la mort de ce dernier animal qu’au bout de plusieurs
jours.
Très remarquable est l’apport d'air aux organes internes d’un arbre.
Il s'effectue, en partie transversalement par les lenticelles, en partie
verticalement par l’eau qui monte des racines aux feuilles et cède sur
son passage aux cellules de la tige l’air dont elle est saturée. De même
— 278 —
que chez les animaux, nous voyons la respiration végétale manifester
une énergie bien plus marquée chez les plantes terrestres que chez les
espèces aquatiques : dans l’un et l’autre cas, la consommation d’oxy-
gène s'élève ou s’abaisse, dans les limites compatibles avec l’existence,
proportionnellement à la température.
Puisque les plantes respirent, elles engendrent aussi de la chaleur,
mais dont il est difficile, pour de multiples raisons, de constater
directement la production, sauf dans des cas exceptionnels. Je me
souviens pourtant d’un tas d'orge en germination, où s'était déve-
loppée une température comparable à celle de l’essaim d’abeilles
précité. Dans certaines ffeurs, la température peut s'élever considéra-
blement, jusqu’à 20° C. À l'intérieur des arbres, la température est
tantôt supérieure, tantôt inférieure à la température ambiante et
dépend à la fois de la mauvaise conductibilité des tissus végétaux et
de l’afflux d’eau qui s’y fait constamment par la racine.
Un animal à respiration aérienne vient-il à être plongé sous l'eau,
il continue à y vivre jusqu’à ce que l'oxygène accumulé dans ses
poumons et dans les corpuscules sanguins se trouve en majeure
partie consommé. L'espace clos dans lequel on a laissé périr un animal
par asphyxie ne contient pour ainsi dire plus d'oxygène. Il n’est pas
sans intérêt de savoir que les flammes s’éteignent, dès que la propor-
tion d'oxygène se trouve réduite à 12-14 °/, pour les bougies, à 7-8 °/,
pour le gaz d'éclairage.
Voici réunies, sous une cloche, une souris blanche, une bougie
allumée et une capsule renfermant de la lessive de potasse, pour
absorber l’acide carbonique produit : vous voyez l’animal continuer
à se mouvoir allègrement, alors que déjà la flamme s’est spontanément
éteinte.
La combustion est d'autant plus vive que l’air où elle s'effectue est
plus riche en oxygène. Je plonge dans cette fiole, pleine d'oxygène
pur, un fragment de bois présentant un point d’incandescence : vous
le voyez se rallumer et achever de se consumer avec une flamme très
vive. L'on croyait autrefois cette même loi applicable à la respiration
des êtres animaux et végétaux, laquelle se serait effectuée avec d’au-
tant plus d'énergie que l’air eût été plus riche en oxygène. Des expé-
riences récentes n’ont pas confirmé cette hypothèse; au contraire, les:
plantes, dans l'oxygène pur, ne tardent pas à cesser de grandir, pour
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reprendre leur croissance normale quand on dilue leur atmosphere
avec de l'hydrogène au lieu d’azote.
Plus curieuse encore est l'attitude des plantes vis à vis d’ün
milieu indifférent privé d'oxygène. Non seulement les phénomènes
vitaux ne sont pas suspendus par cette cause, mais il continue à
y avoir production d'acide carbonique en même temps qu'il se
forme de l'alcool, et ces mêmes plantes, une fois replacées, au
bout d'un temps plus ou moins long, dans leurs conditions primi-
tives d'existence, reprennent, comme si de rien n'était, leur vie
normale. La matière première aux dépens de laquelle se produisent
l'acide carbonique et l'alcool est le sucre, qui se décompose suivant
l'équation suivante : O6 H!? 05 — 2 C? H60 + 2 C 0?. Toutes les
espèces végétales ne s'adaptent pas également à remplir pareil rôle;
nulle ne s'en acquitte aussi bien que la levre, un champignon coni-
diospore, auquel appartient de temps immémorial, en raison même
de cette faculté, une place importante dans l’économie domestique.
Cette décomposition de la glucose en acide carbonique et alcool porte le
nom de fermentalion alcoolique et n’est, au point de vue physiologique,
qu'une respiration, c’est-à-dire une combustion intérieure, en vertu
de laquelle les éléments respiratoires sont dédoublés avec production
d’acide carbonique et de chaleur. Un grand nombre d’autres orga-
nismes se conduisent comme la levure. Pour beaucoup de bactéries dont
les produits de fermentation sont d’ailleurs tout différents, l'oxygène
libre est un poison mortel, et même parmi celles à respiration nor-
male, il en est qui deviennent, pour l’homme et les animaux, de mor-
tels ennemis. Témoins la maladie charbonneuse et quantité d’autres
aifections graves engendrées par ces êtres microscopiques. De ces fer-
_ mentations proprement dites, qui ne sont autre chose que des formes
spéciales du phénomène respiratoire en l'absence d'oxygène et s'accom-
pagnent du dédoublement des matières organiques, 1l faut distinguer
la fermentation acélique, produite également par un champignon, la
« mère du vinaigre ». Ce cryptogame respire normalement et a la
curieuse propriété de fixer l'oxygène sur l’alcool, son substratum, de
manière à le transformer en acide acétique : C? H50 + 0? —C? H* 0°
+ EH? 0.
Tout différent aussi des fermentations est le phénomène de putré-
faction, c’est-à-dire la destruction des matières organiques avec
.— 280 —
absorption d'oxygène; phénomène qui, suivant toute vraisemblance,
s'accompagne plus rarement de l'intervention d'organismes inférieurs.
La chaleur développée pendant la putréfaction peut être suftisante
pour enflammer la matière organique intéressée.
L'essence même de la respiration intérieure, tout aussi bien que
le processus en vertu duquel l'oxygène introduit dans la cellule
végétale ou animale, se porte sur les éléments respiratoires, sont
de profonds mystères pour la science actuelle. Tout ce que nous
savons, c’est que combustion et respiration sont des phénomènes
identiques, grâce auxquels la substance organique redevient ce qu’elle
était avant l'intervention de la cellule chlorophylienne. Tous les
étres vivants sont formés d’eau, de gaz et de cendres, et c’est sous
forme de cendres, de gaz et d’eau qu'ils retournent à la terre, leur
mère commune.
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BULLETIN DES NOUVELLES ET DE LA RIBLIOGRAPHIE.
Hommage à Pierre Belon (1517-1564). -— Pierre Belon fut un des
grands naturalistes du seizième siècle et s’est à jamais illustré par la
publication d'ouvrages considérables sur la zoologie, l'anatomie com-
parée et la botanique. Un comité s’est constitué en France pour faire
ériger, au Mans, au moyen d’une souscription publique, une statue à
la mémolre de Pierre Belon. Parmi les botanistes qui en font partie se
trouvent MM. Bureau, Chatin, Duchartre et M. Louis Crié professeur
de botanique à la Faculté des sciences de Rennes auquel les souscrip-
tions peuvent être transmises. d
Bouturage des Cattleya. — Des rameaux de Cattleya labiata
détachés de la tige et librement suspendus dans une atmos-
vhère humide et tiède, émettent, près de leur base, des racines
adventives.
Le fait a été constaté dans les cultures de M. Dieudonné Massange,
de Louvrex au château de Bouillonville (Marche), cultures actuelle
ment confiées aux soins de M. J. Mräzck.
L'observation est intéressante à consigner : elle permettra d'utiliser,
au moins dans certaines circonstances, des branches accidentellement.
cassées près de leur insertion sur le rnizome.
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a mé 4h =
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La Belgique horticole,
— 281 —
NOTE SUR LE GENRE ÆICROSTYLIS Nurrazz
SPÉCIALEMENT
LES M. METALLICA ACHB. ET M. LOWI SP. NOV.
pAR M. ÉpouARD MORREN.
Planche XIV, fig. 1 et 3.
ORCHIDÉES. — EPIDENDRÉES. — MALAXÉES.
MiCROSTYyLIS, Nuttall in Gen. North. American Plants, 1818, II, 196. —
Poepp. et Endl. Nov.gen.ac spec. plant. IT, 1835, p. 8. — Lindley, Pofanical
Register, 1829 ad tab. 1290. Genera and species Orchidaceous Plants, 1840, p. 18.
— Bentham et Hooker, Genera plantarum, XII, 1883, p. 494. — Hemsley in
Gardeners Chronicle, 1881, II, 462.
CREPIDIUM, Blume Bijdr. 385 ; tabellen fig. 63.
ACHROANTHES Rof.
PEDILEA, Lindley.
PTEROCHILUS, Hooker.
Dienta, Lindley.
Le genre Microstylis a été créé en 1818 par le botaniste américain
Nuttall et ainsi nommé en considération de l’extrême brièveté du
style (wwxpos petit et orvAos colonne). Le type fondamental du genre
est le 27. ophioglossoides. En 1829, le grand orchidologiste Lindley
améliora la caractéristique des Wicrostylis et constata que le genre
proposé par Blume sous le nom de Crepidium ne saurait en être
séparé. Il leur assimila également le genre inédit T’hyreochilus de
Wallich.
En 1840, dans son important ouvrage, devenu fort rare et
recherché, sur les genres et les espèces d’Orchidées, J,. Lindley
donne la diagnose du genre et de 14 espèces qu'il lui rapporte. Parmi
elles, beaucoup avaient été décrites antérieurement comme étant des
Malaxis. Plus récemment, en 1883, Bentham et Hooker lui rapportent
les genres Achroanthes de Rafinesque, Pedilea de Lindley, Pterochilus
de Hooker et Dienia : ils lui attribuent une quarantaine d’espèces.
Le genre Microstylis est classé parmi les Orchidées, dans la tribu
des Epidendrées. Il forme, avec le genre Malaxis, la sous-tribu des
Malaxées. Les caractères différenciels sont même insignifiants ; ils
21
— 282 —
portent sur la longueur et la largeur relatives des pétales qui seraient
plus courts que les sépales chez les Jalaxis, tandis qu’ils seraient plus
étroits et plus courts chez les Wicrostylis. Une autre différence réside
dans les organes de la végétation : les drageons naissent au sommet des
pseudo-bulbes chez Malais tandis qu’ils se montrent à la base des
pseudo-bulbes chez Wicrostylis.
La diagnose des HMicrostylis peut être résumée en quelques lignes :
Drageons naissant à la base des pseudo-bulbes de l’année pré-
cédente. Tiges courtes, simples ou rameuses. Feuilles peu nombreuses.
Grappe terminale; sépales étalés, libres, les latéraux souvent plus
courts. Pétales étalés, linéaires ou filiformes, égalant presque les
sépales. Labelle très étalé, sagitté, cordé ou auriculé à la base, entier ou
denté, sans tubercules. Colonne très courte, rarement ou peu allongée,
pourvue au sommet de 2 dents ou oreillettes. Anthère biloculaire;
4 pollinies collatérales. — Herbes terrestres ou épiphytes.
Le port est tres varié et le genre réunit actuellement des espèces.
d’allure très différente. Il en est qu’on peut difficilement distinguer
d'un Malaxis; d’autres ont le feuillage bigarré, ressemblent à certains
Anectochiles; quelques unes, enfin, se développent de manière à rap-
peler certains Calanthe. Les fleurs, toujours petites, parfois de couleur
verte, souvent colorées, d’ailleurs insignifiantes, sont disposées en.
grappes ordinairement Jlâches, mais dans certaines espèces fortement
contractées en capitule ombelliforme porté sur un long pédoncule.
La distribution géographique est fort étendue. Une espèce se trouve
en Europe, dans la flore suisse, souvent classée auprès du Malaæis
paludosa. La même et un petit nombre d'autres croissent au nord de
l'Amérique. Un groupe nombreux est formé des espèces récoltées au
Mexique, aux Antilles, en Colombie et au Pérou. Enfin, le gros du
genre Microstylis est indien, tant sur le continent qu’à Ceylan et …
dans les colonies néerlandaises.
Nombre d'espèces ont été introduites dans les cultures euro-
péennes, où elles se plaisent dans de petites serres tempérées
et humides. La plus jolie est le Microstylis metallica, miniature
à petites feuilles ondulées sur les bords, d’une jolie couleur rose
violacée chatoyante de brun cuivré. Ses fleurs, rose clair, sont
bizarres comme certains insectes ailés. Elle est figurée ci-contre
(Planche XIV, numéro 1), d’après un spécimen cultivé chez MM. Jacob
— 283 —
Makoy à Liége, qui l’avaient recue de Bornéo, en 1881, en même
temps que plusieurs horticulteurs anglais la recevaient aussi. Ils l'ont
exposée à Liège à la grande exposition du 24 juillet 1881.
Microsbylis metallica : Plante minime, s'élevant à 0"10-15 et
avec l’inflorescence jusqu’à 0®25. Pseudo-bulbes hypogées, cylin-
driques ; tiges aériennes dressées, couvertes par un petit nombre
(7) de feuilles lesquelles sont disposées sur deux rangs. Pétioles
engaînants, canaliculés, droits, courts (002). Limbe plus ou moins
étalé, elliptique, très lisse sur les deux faces, avec les bords élégam-
ment ondulés. Ces feuilles, longues (de 0%07-8 au moins) et larges
(0"02-3), sont entièrement rose vif pendant leur jeunesse, passant
ensuite au brun foncé, à reflets métalliques et pourprés et singulière-
ment translucides.
L'inflorescence est dressée au sommet de la tige ; la hampe (longue
de 015) et le rachis sont minces, anguleux, lisses et de même couleur
que le feuillage. Epi droit et lâche, courbé pendant le développement,
et formé de fleurs petites, nombreuses (une vingtaine), espacées,
chacune à l’aisselle d’une petite bractéole lancéolée et réfléchie.
L'ovaire pédunculiforme est long (0"010), très mince, brusquement
réfléchi à la partie supérieure. Fleur relativement grande (0"012 de
diamètre), de couleur rose et se présentant avec le labelle dirigé
vers le haut. Deux sépales sont dressés, relativement courts
(0"005-6), en languette obtuse, à bords réfléchis et dépassant un
peu le labelle; le 3° sépale, descendant, est plus long (0008) et
plus étroit. Deux pétales sont minces, antenniformes, un peu clavés
et divergents. Le labelle est ample, étalé, plan, profondément échan-
cré à la base qui se prolonge de chaque côté en une oreillette; son
contour est orbiculaire et denticulé sur le bord supérieur. Colonne
fort courte, saillante au centre de la fleur, munie d’une petite
protubérance verte de chaque côté du clinandre. Toute cette fleur
est de couleur rose lie de vin. Elle est figurée sur la planche
ci-jointe, agrandie, vue de face (en a) et de dos (en b).
Microstylis Lowi (planche XIV, figure 3). Tiges courtes et
dressées. Feuilles distiques, à pétiole canaliculé, engaînant, costé
et violacé. Limbe allongé (008), étalé, arqué, elliptique, étroit
(0"02), très inéquilatère à la base, à bords ondulés, de couleur
brun cuivré, plus foncé sur les bords, la ligne médiane étant
— 2814 —
occupée par une large bande pâle de nuance bianchâtre. Le pédon-
cule est rose pourpré, à côtes rouges. Fleurs pourpres, à oreillettes
du labelle sagitté de couleur ochracée.
Il a été introduit, en 1881, de Bornéo chez MM. Jacob-Makoy et Ce, ;
à Liége et dédié à M. Stuart Low. Il a été exposé pour le première fois
à la grande exposition de Hambourg, en septembre 1881 ; il fut ainsi
une des douze plantes nouvelles qui valurent à notre établissement
liégeois la grande médaille d’or de l'État.
Le M. Lomwi est du groupe du A7. versicolor. Il diffère du 44. chlo-«
rophrys par ses feuilles plus grandes, bordées de brun foncé au lieu
d’avoir la bordure vert pâle : du calophylla, par la bande clair au
milieu de la feuille, etc.
Environ trente espèces ont été attribuées, à tort ou à raison, au
genre Microstylis. Ayant dû les rechercher pour ce petit travail, nous
les mentionnons ici en indiquant leur patrie et les ouvrages de bota-«
nique où se trouvent les descriptions et les renseignements détaillés.
ÉNUMÉRATION DES ESPÈCES DE MICROSTYLIS.
M. atropurpurea MiQuEeL, F1. Ind. Bat. TITI, p.625. — Platystylis atropur-
purea Linprey, Gen. and spec. Orch. p. 18. Java. Cultivé au jardin botanique
de Buitenzorg en 1866.
M. biaurita Linpcey, Cat. Wallich, no 1941. Gen. and spec. Orch. p. 20. —
Indes, le Pundue. Cultivé au jardin botanique de Buitenzorg en 1866.
M. biloba LinpLey, Cat. Wallich, ne 1940. Gen. and spec. Orch. p. 20. —
Malaxis acuminata Don; Prodr. 29.— Indes, Népaul. — Cultivé à Kew, en 1871.
M. calophylla Rous., Gard. Chron., 1879, II, 718. Liparis elegantissima
Hortul. nonn. — Malaisie, Java. — Exposé à Amsterdam, en 1877, par
MM. Groenewegen et bientôt cultivé chez beaucoup d’orchidophiles. Feuilles
ovales, lancéolées, aigues, un peu ondulées, vert jaunâtre, panachées de brun
au centre et à bordure claire. Fleurs jaunâtres. C'est par erreur que M. Bull :
(catalogue 1881) le dit originaire de l'Amérique méridionale. .
M. caulescens Linp. Bot. Reg. 1841, ad tab. 1. — Tige de 4 pouces
environ de longueur, couverte par 10-12 feuilles distiques. Fleurs très petites, 1
vertes, en une grappe mince de 3 pouces de long. Trouvé par le colonel Hall, au
Pérou, dans la vallée de Lloa, à laltitude de 8000 pieds.
M. chlorophrys Rous., Gard. Chron. 1881, I, 266. Car. W. Bull. 188], p.19*
Feuilles allongées (012), elliptiques, de nuance brune un peu purpurescente,.
— 285 —
surtout dans le milieu, à bordure ondulée vert clair marbré de brun, de Bornéo.
Introduit chez M. W. Bull, en 1881.
M. commelynaefolia ZoLz. Flora (de Regensburg), 1847, p. 456. Res.
Orch. Zolling. in Bonplandia, 1851, p. 58. Walp. Annales, I, p. 114. — Petite
plante rampante, à feuilles d’un centimètre à peine. Fleurs violettes, Java; rare;
forêts montueuses de la vallée du Tjiapus, 3-5000 pieds. Cultivé à Buitenzorg
en 1866.
M. cordata RcxB. Walp Ann. V, p. 207. — Dienia cordata LinbLey, Bot.
Reg. 1838, misc. no 134. Gen. and spec. Orch. p. 22. — Tige monophylle; épi
délicat de petites fleurs vertes. Mexique. Importé par M. Barker.
M. decurrens Miq. F1. Ind. Bat., I, 625. — Malaxis decurrens Bl., Bijdr.
p. 389; éabellen, 54. — Platystylis decurrens Lindl., Gen. and. spec. Orca.
p. 18. — Java, sur le tronc des arbres au mont Salak. |
M. diphyllos Linz. Znd. sem. H. B. PETROPOL., 1868, p. 79. — Malais
diphyllos Chamisso in ZLinnaea, VI, 34. Rchb. F1. germ. XIII, 493. — Peut
être une forme du A. monophytllos. — Au Mexique, dans les vallées tourbeuses
et basses de Unalaxhka.
M. discolor Lainpi. Proc. of the R. Hort. Soc., 1861, p. 660. Gen. and
spec. Orchid. p. 20. — Wight, Zc. pl. Ind. or., V, 1631. Dans les pâturages sur
les collines de la vallée du Zeylon, aux Indes.
M. Ehrenbergi RouB. Orch. Ruirianae et Pavoniae, Bonplandia, 1856, p.217.
M. excavata LinpLr., Bof. Reg., 1838, misc. p. 51, n° 93. — Mexique. Im-
porté par M. Barker.
M. fastigiata Rons., Linnaea, XXII, 834. Orch. Ruiz. et Pavonianae, Bon-
plandia, 1886, p. 217. — Ophrys fastigiata Pavon.
M. flavescens Linpr., Gen. and spec. Orch., p. 20. — Crenidium fla-
vescens Blume, p. 388. — Voisin du M. discolor sinon semblable. Ile de
Java, au sommet du mont Burangrang, province de Krawang.
M. histionantha LKk. KL.et OTro, Zcones plant. rar. hort. Bot. Berol.,
1841, pl. 5. — Lindl., Bof., Reg., 1840, p. 88, misc. n° 214, Allgem. Garten-
Zeitung, 1844, p. 287. Botanical Magazine, tab. 4103. À Ugem. Gartenz. 1844, 281.
MacaxiS PARTHONI, Ch. Morr., Pull. Acad. de Brux. V. p. 484, 1838 et
Prémices, 1841. — Hemsloy, Gard. Chron. 8 oct. 1881, p. 463, fig. 85 (Ana-
lyses). — Découvert à La Guayra, en Colombie, par Moritz, et envoyé de là au
Jardin Botanique de Berlin, en 1836, il a été décrit et figuré par Link, Klotsch
et Otto, dans un des premiers fascicules de leurs Icones, sous le nom de
M. histionantha (iorioy, voile et «005, fleur). Il est pourvu de deux grandes
feuilles entre lesquelles monte un pédoncule terminé par une grappe contractée
de petites fleurs verdâtres, Charles Morren décrivait presque en même temps,
— 286 —
sous le nom de Malaxis Parthoni, la même plante qu’il avait rencontrée dans les
serres du chevalier Parthon de Von, ancien consul de France, à Wilryck,«
près d'Anvers. La plante venait de chez Van Houtte et on la disait originaire
du Brésil. Charles Morren fit connaître, à cette occasion, plusieurs jolies
observations d'anatomie végétale, C’est Lindley qui a reconnu l'identité des
M. histionantha et Malaxis Parthoni.
M. Josephiana Rcus, Bof. Mag., 1811, tab 6325. — Pseudo-bulbes épigées ; l |
trois ou quatre feuilles assez grandes. Port du M. histionantha. Épi allongé et
lâche, de fleurs jaunes, relativement grandes et à larges pétales. Très différent
du M. metallica et des autres espèces du même groupe. Des forêts tropicales
du Sikkim Himalaya. Fleurit à Kew, en 18717.
© M. Lowi. — Voir plus haut.
M. luteola WiGuT, Zcon. pl. Ind. or. ©. V, tab. 1632.
M.? macrostachya Lixp.., Gen. and spec. Orck. p.21. — Ophrys macro-
stachya Zlave, nov. veg. mex., 2. 9. — Mexique, Jesus del Monte, près de Val-
lisoleta.
M. metallica Rous. Gard. Chron., 1879, II, 750. — W. BuLr,, Catal. 1881,
p. 19. — Bof. Mag., 1833, pl. 6668. — Belg. hort. 1884, p. 283, pl. XIV. —
M. H. Low, de Clapton, Londres, en ont reçu de Bornéo, en 1880.
M. monophyllos Lixpc. Gen. and spec. Orch. p. 19. — REGEL, Znd. sem. H.
Bot. Petropolit., 1868, pp. 18, 79. — Rous. F1. germ. XIII, 493. Flora, 1863,
1. — Ophrys monophyllos Lin. — Epipactis folio unico etc., Haller
Helv. t. 36. — Monorchis ophioglossoides, MENTZELIUS, pug. t. 5, fig. 112.
— Malaxis monophyllos WizLp. n° 4. — En Europe, dans les marécages,
les bois, les Alpes; en Amérique près de Halifax.
Il peut donner deux feuilles; SwarTz, FI, Ind. occ. p. 1443, — Ophrys
bifolia F7. suecica, II. 811.
M. ophioglossoides NuTrTazz, Gen. North Améric. PI. II, p. 196. —
LinpLey Gen. and. Spec. Orch. p.19. — LopDiGEs, Bof. Cabin. 1826, tab. 1146. —
Singulière ressemblance avec un Ophioglossum. De l’Amérique du Nord, au
Canada, à la Nouvelle Ecosse, etc. Cultivé par Loddiges en 1826. |
Var. mexicana Linpcey, Bot. Reg., 1829, pl. 1290. — Malaxis unifolian
MicHAux. — Plus robuste du Mexique.
M. purpurea LiNpLEY, Gen. and spec. Orch., p.20. = Rcus., Orch. Zolling, in
Bonplandia, 1851, p. 58. — Fleurs jaune pourpré. Parmi les Bambous, à l'ombre
sur les rives du Zeylon, à Ceylan. — Cultivé à Kew en 1867.
M. Rheedi Linpi., Gen. and spec. Orch. p.21. — WGuxT., {con. pl. Ind.ors
IT], 902. — Rous., Orch. Zollinger., Bonplandix, 1851, p. 58. — RueeDe, How,
Mal., XII, 27. — Malaxis Rheedi WiLLo. n°5. - - Epidendrum resupina;
— 287 —
tum ForsT. — Fleurs jaune de soufre, sur la terre, dans les bois touffus, près
Tjikoya, à Java. Cultivé à Kew. ;
M. rupestris Porpr. et ENDL., nov. Gen. ac sp. plant., IT, 1835, p. 8,
tab. 111. — Du Pérou, sur les rochers calcaires les plus chauds. — Deux
feuilles : pédoncule élevé : grappe contractée.
M. spicata LinpL. Gen, and spec. Orch. p. 19. — Malaxis spicata SWARTZ,
Proûr. p.119; Flora Ind. occ. p. 1441, t. 28, fig. a. b.c. — Willd ne 1. — Dans
les gorges des montagnes de la Jamaïque.
M. trilobulata Kusz. N. E. Brown. Gard. Chron., 23 sept. 1882, p. 393. —
L'Orchidophile, 1 novembre 1882, p. 423. — Penang, dans les jungles. Apporté
à Kew, des îles Andaman, par le lieut.-col. Berkeley.
M. umbellata Linpi. Gen. and spec. Orch. p. 19. — Malaxis umbellata
SWARTZ, Prodr. p.119. Flora ind. occ., p. 1444. Wrczp. n° 2. — Dans les bois
frais des hautes montagnes de la Jamaïque australe.
M. ventricosa Porpp. et EnDL., Nov. Gen. ac. Sp. plant. II, p.9. — RCHB.
Die Wagenerischen Orchideen, in Bonplandia. 1854, p. 22. Al. Gartenz., 1854,
117. — Caracas, dans les bois touffus.
M. ventilabrum Rcus. Gard.Chr., 1881, 3 déc. 1881, p. 717. — Feuilles vert
clair, à nuance brunâtre sur les nervures. Fleurs petites, jaune avec le labelle
orangé. Certaines ressemblances avec le M. Reehdi. Des îles de la Sonde; intro-
duit par M. Hugh Low.
M. versicolor LixpLey, Gen. and srec. Orch. p. 21. — WiGxr, /c. pl. ind.
or. ITT, 901. — Pterochilus plantagineus Hook. — Crepidium Rheedi
BI. — Liparis priochilus Lopp., Bot. Cab., 1831, pl. 1751. — Feuilles un peu
nuancées de brun et ondulées : fleurs jaunes en épi allongé. Sur la terre et Les
arbres dans les jardins de Buitenzorg ; à Ceylan. — An M. funebris HORTUL. ?
M. Wallichi Linpr. in Wall. cat. no 1938. Gen. and. spec. Orch , p. 20. —
Nepaul et Silhet. Cultivé à Kew, en 1863 et 1875.
— 288 —
.NOTE SUR LE DOSSINIA MEINERTI, SP. Nov.
ANOËECTOCAILUS MEINERTI, Hort. Mak.
PI. XIV, fig. 2.
La plante a été introduite de Sumatra, dit-on, en 1881 et présentée
au public, par MM. Jacob-Makoy, sous le nom de Anoectochilus
Meinerti, aux grandes expositions florales de Liége, le 24 juillet 1881
et de Hambourg, au mois de septembre de la même année.
Feuilles grandes (0"06 de long et 0"05 de large), à pétiole court et
canaliculé, à limbe ovale, brièvement acuminé et bien étalé. Ces
feuilles sont d’un tissu et d’une coloration indescriptibles : on dirait
un filigrane d’or brodé sur un velours de soie. Ce velours est de
nuance brune passant au vert le plus pur dans la région moyenne;
le filigrane est disposé de chaque côté en trois ou quatre lignes
courbes qui s'étendent de la base au sommet du limbe et d'où partent
des traits hiéroglyphiques et saccadés, minces, clairs et métalliques.
La plante nous paraît voisine du Dossinia marmorata que les horti-
culteurs s’obstinent à étiqueter sous le nom de Anoectochilus Lomwi.
Il convient donc de l'appeler Dossinia Meinerti, au moins jusqu’à ce
qu'on ait pu analyser les fleurs.
Dossinia marmorata, Morr., Annales de Gand, IV, 1848, p. 171, pl. 193. —
BLumE, Coll. des Orch., I, 56, etc. — La Belg. horticole, 1862, XII, p. 7,
pl. I-IE, fig. 3,p. 9.
Cheirostylis marmorata, LiNpz. — CH. LEMAIRE, Flore des serres, IV,
pl. 370.
Macodes marmorata, Rcus., in Berl. Alg. Gartenz., 1857, p. 117.
Anoectochilus Low: Hortulanorum.
Ep. MoRREN.
— 289 —
UNE EXCURSION AU CRATÈRE DU RUCU-PICHINCHA,
DANS LA RÉPUBLIQUE DE L'EQUATEUR.
4 janvier 1881].
EXTRAITS DU JOURNAL DE M F. C. LEHMANNU).
Le 27 décembre 1880, j'étais à Quito, de retour d’un voyage d’ex-
ploration de plusieurs semaines sur les versants du Chimborazo, du
Tunguragua et sur les rives du Rio Pastassa(?). J’espérais anxieuse-
ment un changement dans l’état de l'atmosphère; car le temps, qui
n'avait rien laissé à désirer pendant mon séjour dans les localités
précitées et s'était montré on ne peut plus propice à mes nombreuses
excursions, avait pris peu à peu, depuis mon arrivée sur les terres
hautes de Quito, une allure sombre et pluvieuse, et j'attendais avec
impatience un état de choses plus favorable pour risquer une seconde
ascension du volcan Pichincha. Ma première tentative, les 23 et
24 janvier 1880, avait eu peu de succès : le paysage ravissant qui se
déploie de toutes parts, autour de la montagne, était demeuré constam-
ment voilé par d’épais nuages. Cependant les jours succédaient aux
jours, sans amener aucune modification dans l’atmosphère : pendant
les premières heures de la matinée, de 6 à 8, un ciel clair et sans
nuages, sur lequel tranchaient nettement les contours grandioses des
| montagnes qui masquent la perspective de Quito; puis, peu à peu, de
minuscules nuages grisàtres se montraient sur leurs versants, s’agglo-
méraient, grossissaient, s’élevaient le long des cimes qu'ils cachaient
complètement vers 10 heures; une heure plus tard, ils noyaient tout
l'horizon, et vers deux heures de relevée commencaient à tomber des
torrents de pluie. Ces phénomènes hydrométéoriques se produisaient
chaque jour avec une régularité mathématique, une précision désespé-
rante : chose habituelle pendant les mois de mars, avril, mai, octobre,
(1) Gartenflora, oct. 1884, p. 294.
(2) Beaucoup de géographes écrivent « Pastaza ». J’ai préféré adopter l’ortho-
graphe admise par le Dr Th. Wolf, savant allemand qui habite au Guyaquil, et
par nombre d'écrivains de l’Ecuador. |
— 290 —
période des pluies dans ces contrées, mais vraiment exceptionnelle en
décembre et janvier, saison du « Verano de los Indios » (l'été des .
Indiens) pour les habitants des districts montagneux de l'Ecuador et de
la Colombie. Et comme il n’est guère pratique de tenter une explora- |
tion dans les régions élevées des montagnes quand celles-ci se couvrent
de nuages avant 11 heures et que des ondées tombent avant le soir,
j'employai les heures de la matinée à déterminer la circonscription de
diverses espèces végétales endémiques aux plateaux élevés de Quito;
puis j’entrepris l’ascension d’une éminence formée de la superposition
de prismes de basalte, « El Panecillo », qui s’élève au sud de la ville à
200 m. environ au-dessus du niveau de la Plaza Mayor de Quito. Une
tradition fort répandue veut qu’elle soit l’œuvre des anciens Incas, qui
l’auraient utilisée comme observatoire. Enfin j'étudiai de près la ville,
fort intéressante, à cette époque surtout où l’on y célèbre la fête des
Innocents. avec des mascarades sans nombre, qui durent du 28 décem-
bre au 6 janvier. C'est en pareille occasion que ressortent les traits
caractéristiques de la population, dissimulés d’habitude sous le masque
d’un fanatisme religieux exagéré. Mais je préfère laisser ici de côté la
description des gens et des choses, pour m’en tenir exclusivement
au positif, c’est-à-dire aux détails qui se rapportent directement à
l'horticulture et à la botanique : le lecteur de la Belgique horticole ne
s'inquiète guère de savoir comment vit et s'amuse l’habitant de Quito.
Le haut plateau de Quito représente une immense vallée presque
circulaire, dont le sol est parsemé de nombreuses inégalités. Il
est séparé, au Nord, du plateau moins élevé d’Ibarra, par les pics
escarpés du Mojanda, qui s'élèvent à 4000 m. au dessus du niveau de
l'Océan. A l'Est surgit majestueusement la Cordillère orientale, avec
ses pics géants, le « Cayambe-Ureu », la plus haute montagne de Quito,
dont le sommet (5840 m., Reiss et Stübel) est partagé par la ligne
équatoriale, le « Guamani» inhospitalier, « l’Antisana » (9796 m.,
Reiss et Stübel), le séduisant « Sincholagua » ou « Limpiopungo », |
comme on l'appelle encore; enfin le roi des Volcans du globe, le 4
« Cotopaxi »(1) (5943 m., Reïss et Stübel). A l’est, entre le Cotopaxi«
(1) Et non « Cotopachi », suivant l’orthographe du Dictionnaire de poche de
Meyer, non plus que & Cotopaji », comme l'écrit le D' von Klôden, dans son
traité de Géographie physique.
— 291 —
et les superbes pyramides neigeuses d’Ilinissa, s'étend la chaine de
montagnes de Tiupullo, qui sépare à la fois le plateau de Quito des
plateaux de Latacunga et de Riobamba, plus au midi, et le bassin de
l'Océan Pacifique des cours d’eaux tributaires de l’Atlantique. À l’est
enfin, la Cordillère occidentale de l’Ecuador, avec ses pics volcaniques:
« Corazon » (4787 m., Reiss et Stübel), « Atacatzo » (4539 m., Reiss
et Stübel), « Pichincha » (4787 m., Reïss et Stübel), et les « Cerros
de Calacali » (3600 à 3700 m.), complète l'encadrement de la vallée.
Partant du Cotopaxi,sans s’y rattacher systématiquement toutefois,une
suite d’éminences, comprenant entre autres les pics de « Rumiñahui »,
« Pasochoa » et « Ilalo », se déploie vers le nord et contribue à donner
au sol de la vallée son caractère inégal et accidenté. De tous les ver-
sants des montagnes, d'innombrables cours d’eau se déversent au
centre de la vallée, où ils creusent dans le sol des dépressions atteignant
parfois 100 m. de profondeur : leurs rivages escarpés, presque à pic,
les font désigner dans le pays par les expressions de Quebradas, Guaicos
ou Huaicos. Ils s’unissent pour former d’abord quatre fleuves, qui se fu-
sionnent à leur tour en un fleuve unique, le Guyabamba (1), lequel fait
irruption à travers la Cordillère occidentale, entre les Cerros de Calacali
et les pics méridionaux du volcan de Catocachi, recoit plus loin les
eaux du Rio Blanco et prend dès lors le nom de « Rio de Esmeraldas.»
La végétation du plateau de Quito est, dans son ensemble, assez
riche en espèces, bien qu’assez maigre par places. Dans les profondes
vallées des cours d’eau, celle notamment du Rio Guayabamba, on ne
rencontre guère, avec les buissons épineux des Mimosa, que des
représentants des genres Agave, Fourcroya, Cereus, Opuntia, Aloë,
Pitcairnea et quelques autres. C’est au milieu de ces buissons de
Mimosa que j'eus l’heureuse chance de découvrir, en février 1877,
une des espèces les plus rares et les plus extraordinaires du genre
Catasetum (C. expansum Rchb. fil.), aisément reconnaissable à ses
grandes fleurs brun-châtain brillant et de configuration bizarre, ainsi
qu’à l'altitude élevée — 1550 m. — où elle s’observe. Plus haut, vers
2000 à 2500 m., dans les vallées du Puembo, du Pifo, du Tum-
baco, etc., dont le sol se compose en partie de sable, en partie d’une
(1) Ce nom s'écrit très diversement : Guayllabamba, Guaillabamba, Gualla-
bamba et Guyabamba. J’ai mes raisons pour préférer cette dernière orthographe,
— 292 —
sorte d'argile nommée « Cangahua », on ne voit, en dehors de
cultures médiocres de Maïs et d’Alfalfa, de haies d’Agave et de
Fourcroya, de pieds épars de Guavo ou Guamo épargnés par la
cognée et de rares massifs de Lantana, de Sauges, etc., que d’im-
menses étendues de plaines et d’éminences uniformément colorées
en gris rougeâtre. Mais sur ces terrains maigres et stériles croissent
nombre de formes intéressantes : Phaedranassa, Amaryllis, Ismene,
ainsi qu'une Orchidée terrestre assez abondante (probablement un
Ponthieva), toutes plantes qu'on ne rencontre nulle part ailleurs. Sur
la plaine en forme de terrasse de Quito et dans la vallée de Machachi,
riche en sources, qui s'étend à une altitude de 2500 à 2900 m. et dont
le sol est un mélange de Cangahua, de cendres volcaniques et de tourbe,
se déploient de superbes prairies, presque constamment vertes, où se
dissimule une flore herbacée d’une richesse inouïe et dont la culture
est hautement rémunératrice. Mais de forêts nulle part. A. Von Hum-
boldt affirme bien avoir trouvé, au commencement de ce siècle, le long
des rives du Rio Machangara, près de Quito, de superbes et majestueux
Cedrela, indices d’une végétation forestière autrefois florissante. Il n’en
reste actuellement plus la moindre trace, et le caractère général de la
flore spéciale à ce territoire me fait douter que les forêts y aient jamais
eu une bien grande extension; elles n'auraient pu, en tous cas, se |
développer ailleurs que dans les gorges profondes et le long des rives
des cours d’eau, dont le sol est plus fertile et plus productif.
Cette même région représente la limite supérieure extrême de l’aire
de dispersion de certaines formes spéciales au plateau de Quito : Agave,
Fourcroya, Aulne, etc. Les Agate, répandues à profusion sur toute
l'étendue des terres hautes qui se déploient entre Porto, dans la
Colombie du sud, et le nord du Pérou, abondantes surtout sur les
détritus volcaniques et les formations de Cangahua et de sable entre
2200 et 2700 m. d'altitude, cessent de végéter ici, sous l'Équateur, à
partir de 3000 m. d’élévation. Même observation pour les deux autres
genres, Fourcroya et Alnus, renseignés dans cette région. Les Fowr-
croya n’atteignent, dans les Andes de l’Ecuador et de la Colombie, une
altitude de 3000 m. qu’en un nombre de points fort restreint ; les
Aulnes dépassent rarement cette limite. Cette particularité est d'autant
plus étonnante et plus remarquable, que ces mêmes plantes s’élèvent
beaucoup plus haut au Guatemala, sous 16° de latitude nord. Je possède
— 293 —
une série d'observations très exactes et très étendues sur la végétation
des régions septentrionales de ce pays, desquelles il résulte que le
Fourcroya Bedinghausi se rencontre fréquemment et en plein état
de santé à 3500 mètres de hauteur, sur les monts Altos, et plusieurs
Agave à 3600 mètres, sur la Sierra Madre, la montagne située le
plus au nord, entre Guatemala et Chiapas (Mexique). S'il faut en
croire les renseignements de B. Roezl publiés dans la description
de ses voyages d’exploration dans la partie occidentale du Mexique
— renseignements basés, il est vrai, sur des observations fort
incertaines (l)}, — ce même Fourcroya se rencontrerait encore sur
le Colima à 4000 m. d'élevation. La limite extrême de diverses
espèces arborescentes, telles que Chênes,Conifères et surtout Aulnes,
s'élève aussi manifestement au fur et à mesure que l’on s’avance
vers les Tropiques. C’est ainsi que l’on trouve au Guatemala sur
les monts Altos, entre Solola et Potonicapam et entre San Juan de
Ostuncalco et San Marcos, sur la Sierra Madre, entre Hunhuatenango
et Todos Santos, à une altitude variable entre 2800 et 3500 m., des
Chênes, des Pins, des Sapins et parmi eux de vrais massifs d’Aulnes,
pour la plupart vigoureusement développés. Ces mêmes arbres se
rencontrent en d'autres points du Guatemala, notamment vers Chima-
lemango et au-dessus de Ia Antiqua Guatemala, à des altitudes
moindres, variant entre 1500 et 2000 m. Au fur et à mesure que l’on
descend vers l’Equateur, Aulnes et Chênes deviennent plus rares et
les deux limites, supérieure et inférieure, de leur aire de dispersion
se rapprochent. Il est curieux d'observer à quel point les diverses
essences d'arbres qui constituent presque à eux seuls les vastes forêts
du centre du Nouveau Continent vont se perdant peu à peu sous
l’Equateur. C’est ainsi qu’à ma connaissance, les Sapins ne dépassent
jamais 15°30/, les Pins 10°20’, les Chênes l° de latitude nord. Les
Aunes, que l’on rencontre encore fréquemment sous l’Equateur, où ils
(!) Les neveux de Roezl, les frères Klaboch, m'ont plus d’une fois déclaré
que leur oncle ne se chargeait jamais, en excursion, d’autre chose que de
papier pour sécher les plantes et d’ustensiles pour les déterrer, à l’exclusion de
tout instrument scientifique et qu’il savait reconnaître l’altitude au caractère
de la végétation. Je me réserve d’ailleurs, dans ma « contribution à l’étude des
Orchidées de l'Amérique tropicale » qui doit paraître dans ce journal, de reve-
nir surles observations de Roezl.
— 294 —
sont moins abondants, toutefois, que sous des latitudes plus élevées, y
occupent presqu'exclusivement les rivages des affluents supérieurs de
l'Amazone, pour autant que leur parcours s’étende entre 2000 et
2900 m. d'altitude; on les trouve aussi, plus rares, plus disséminés,
sur le territoire compris entre les Cordillères. C’est à peine s'ils
existent çà et là, épars, sur les versants occidentaux des Andes de
l’Ecuador, où leur présence est l’indice d'un sol peu productif.
Il n’est pas sans intérêt de rechercher à quelies causes est due cette
plus grande élévation de la limite supérieure de végétation des diverses
formes au voisinage des Tropiques. Ces causes, il faut, à mon avis, les
rechercher, d’un côté dans les conditions climatériques spéciales aux
diverses latitudes, de l’autre dans les dispositions phénologiques des plan-
tes sous l'Equateur ; la température moyenne n’y varie guère, entre le -
mois le plus chaud et le plus froid, que d’un à deux et demi degrés C.,
pour autant qu’il n'intervienne pas d'’influences perturbatrices
locales, et la longueur des jours demeure constante. Au voisinage des
Tropiques, la longueur des jours varie notablement dans le cours de
l'année et provoque des variations parallèles dans la température.
Or, les diverses plantes réclament, pour le développement de certains
de leurs organes, tels que feuilles, fleurs, etc., un certain quantum
de chaleur variable suivant leurs dispositions individuelles, mais
ce quantum n’est indispensable que pendant une partie de l’année : on
comprend ainsi que des espèces vivant à Quito à 3000 m. d’altitude,
c'est-à-dire capables d'accomplir leurs diverses fonctions végétatives
sous une température annuelle moyenne variable entre 11 et 12° C.,
puissent atteindre au Guatemala jusqu’à 3600 m. d’élévation, parce
que la température moyenne y est la même pendant une partie de
l’année; quant à l’abaissement de température qui s’y manifeste pen-
dant certains mois, où la moyenne ne dépasse pas 3 ou 4° et où la neige
tombe parfois en abondance, il coïncide avec la période de repos de la
végétation et reste sans influence sur elle(t).
Mais revenons à notre beau pays de Quito. Au-dessus de la région
(1) L'apparition sporadique de quelques arbres des genres Polylepis et
Hesperomes à 4000 m. et au delà, aussi bien que des buissons de Chuquivaguo
à 4500 m. de haut sont des faits exceptionnels, auxquels les lois ordinaires ne
peuvent s’appliquer.
— 895 —
précitée, que son climat tempéré, ses riches cultures de froment,
d'orge et de carottes et le moëlleux tapis, parsemé toute l’année de
fleurs odorantes, qui couvre les pentes de ses montagnes, désignent
comme le séjour d’un éternel printemps, se développe, de2900 à 3600"
d'altitude, une forêt touffue, dont la lisière inférieure présente encore
des arbres relativement vigoureux, mais peu élevés et rabougris,
tandis qu’elle passe supérieurement à une sorte de fourré touffu.
Une étude topographique détaillée démontre que les deux limites
régionales de cetté ceinture forestière ne sont pas nettement circon-
scrites, qu’elles vont tantôt s’éloignant, tantôt se rapprochant, suivant
les circonstances locales. Mais si l’on examine l’ensemble à vol
d'oiseau du haut d'un point élevé, tel que le sommet de 1'Ilalé ou le
versant méridional du Mojanda, on voit ces inégalités disparaitre et
l’ensemble de la forêt présente aux regards l’aspect du rivage sombre
d'une vaste mer intérieure — ce qu'était probablement autrefois le pla-
teau de Quito. Dans ces forêts, où la végétation consistesurtouten repré-
sentants des genres Æesperomeles, Weinmannia, Aralia, Befaria, avec
quelques Composées, se développe une riche flore cryptogamique. Les
Fougères arborescentes abondent dans les endroits touffus et humides;
plus répandues encoresont les espèces herbacées de cette même famille,
qui couvrent lesol dans les endroits ombragés et humides et décorent de
leurs frondes gracieusement découpées les épais coussinets de mousse
entassés sur les rameaux des arbres rabougris. Sur les ravinements es-
carpés, le Marchantia polymorpha couvre de son tapis verdoyant de
vastes étendues de terrain. Partout grandissent en abondance les repré-
sentants de la flore épiphyte ou parasite : Loranthacées, Broméliacées,
Orchidées, ete. — ces dernières figurées par de nombreuses formes
des genres Pleurothallis, Stelis, Epidendron, Telipogon, sans compter
les Odontoglossum angustatum et pardinum, deux des plus jolies
espèces du genre, et le charmant Oncidium olivaceum H. B. Kth.,
découvert pour la première fois par À. de Humboldt sur les versants
occidentaux du volcan de Puracé dans la Colombie occidentale, d'où il
s'étend, de toutes parts, dans les forêts semblables à des parcs qui
couvrent les plateaux de Pasto, Tuquarres, Tulcan, Ibarra et Quito,
pour atteindre sa limite méridionale extrême sur le plateau de
Riobamha. L'espèce se distingue nettement d'une forme très voisine,
l'O. nubigenum Lindl., par le développement deux fois plus considé-
— 296 —
rable de ses divers organes, par la ramification de sa hampe florale et
la coloration toute différente de ses fleurs, dont les sépales et les
pétales sont brun olive et le labelle rose tendre, avec des macules rouge
brun à la base. Les spécimens fleuris de cette plante, quand ils se
trouvent réunis en assez grand nombre, embaument l'atmosphère
d'un suave parfum de vanille.
C’est au delà de cette ceinture verdoyante de forêts que commence
la région des Graminées du Paramo et de la riche flore herbacée des
Andes, qui persiste jusqu'à la limite de la neige éternelle. Les plantes
les plus apparentes de cette région appartiennent aux genres Gentiana,
Werneria, Castilleja, Halenia, Sida, Lupinus, Ranunculus,Chuquiraga,
Culcitium, etc. Quelques-uns de ces genres (Gentiana) sont représentés
par un grand nombre d'espèces ; d’autres (Halenia) par une profusion
d'individus. Les Graminées font partie des trois genres Paspalum,
Andropogon et Stipa. L'existence, affirmée par certains botanistes
géographies, d’une zone de Conifères entre cette région à végétation
herbacée et celle des neiges éternelles, me paraît chose fort douteuse.
Sans doute les Sapins s’avancent parfois en masse jusqu'aux régions
les plus élevées des Andes, c’est-à-dire au voisinage des neiges éter-
nelles, mais seulement par places, d’une facon sporadique ; — au moins
ce fait semble-t-il résulter d’un ensemble d'observations fort étendues.
Il ne peut donc être question d’une zone de végétation forestière con-
tinue, en forme de ceinture. Les seuls endroits où l’on rencontre ces
Conifères en grand nombre, sont les « Arenales » ou vastes étendues
sableuses des hautes chaines de montagnes. Et leur existence en ces
stations me paraît dépendre, bien moins de l'altitude et de l’abaisse-
ment de température qui en résulte, que de la nature du terrain et de
facteurs météoriques locaux. Ces « Arenales » sont formés de Rapilli,
de sable et de cendres, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas de consistance, et
sont secoués, balayés dans toutes les directions par les ouragans qui
sévissent sur les Cordillères pendant la majeure partie de l’année. Des
végétaux de consistance plus tendre, de développement moins rapide,
ne pourraient guère s’y enraciner, Et j'ai en effet observé sur le
Chimborazo, où ces Arenales occupent de vastes étendues, que les
Lichens, dont chacun connaît la rapide croissance, n’y apparaissent en
masses que pendant la saison des pluies, caractérisée d’ailleurs par des
vents doux et faibles, tandis qu’ils disparaissent complètement à
— 297 —
l’époque des sécheresses et des tempêtes. D'autre part, nombre de
Phanérogames, qui réussissent à s’enraciner en des points abrités
contre ces tempêtes, se rencontrent jusque dans la zone des neiges
éternelles. Je reviendrai par la suite sur ces curieux végétaux.
Tels sont les traits d'ensemble du plateau de Quito ; j'arrive mainte-
nant à la relation de ma seconde ascension du Pichincha, que j'exécutai
avec plein succès les 3 et 4 janvier 1881.
Le 3 Janvier, un changement notable se produisit dans l’état du
ciel. L’horizon était parsemé de minuscules cirrhus fins comme plume,
et l'atmosphère baignait dans une sorte de vapeur bleuâtre, caractéris-
tique de la saison sèche. Le baromètre, de son côté, tendait à monter:
tout présageait du beau temps pour le lendemain.
Je partis de Quito vers 2 heures de l'après-midi, accompagné de
M. Alex. Schibbye, un honorable pharmacien danois. Le but que nous
avions pour ce jour là en perspective, était d'arriver à l’Hacienda del
Rosario, propriété du Senor Garcia Saiäsa, perdue dans une gorge
profonde sur les versants méridionaux du Pichincha. Nous nous pro-
posions d’y passer la nuit, pour entreprendre le lendemain, aux pre-
mières heures de la matinée, l'ascension du volcan. Nous primes la
route qui va de Quito à Magdalena pour nous diriger ensuite vers Lloa
jusqu’à la limite des eaux de la Cordillère, d’où un sentier obliquant à
droite nous conduisit à l’'Hacienda en trois longues heures d’un trajet
fatigant et pénible. La réception qu'on nous fit à l’hacienda fut tout
empreinte de cette cordialité qui distingue les populations hispano-
américaines; comme j'étais porteur de lettres de recommandation du
Senor Garcia Saläsa, propriétaire du lieu, et que les gens de l’hacienda
avaient eu plus d’une fois l’occasion de me voir, lors de précédentes
excursions dans ces parages, ce fut à. qui ferait de son mieux pour
nous rendre aussi agréable que possible le temps de notre séjour.
L’hacienda, nous l'avons dit précédemment, est blottie dans un
ravin du versant méridional du Pichincha; autour d'elle se déploient
de belles prairies, dont le tapis verdoyant cache une flore herbacée
d’une richesse exceptionnelle. C’est là que je récoltai Wimulus andi-
cola, Plantago linearis, Dumerilia paniculata, nombre de Gentianes,
d’Aulnées (Znula), etc. Les rampes de la montagne sont tapissées d’un
revêtement buissonneux touffu, serré, où figurent notamment les
22
— 298 —
Chusquea, diverses Fougères arborescentes, le Bomarea Caldasiana et
un joli Zacsonia. Vers le sud-ouest, au delà de la haute vallée de Lloa,
l'œil se repose avec complaisance sur la masse sombre des immenses
forêts de la zone forestière occidentale. Les ressources de l’hacienda
consistent dans la culture de l’orge, de carotte, de la luzerne, voire même
du froment, dans l'élève du bétail et la vente de lait. Tout le versant
méridional supérieur du volcan, dont le gazon est grossier et im-
propre à l'élève du bétail, est aussi sa propriété, ce qui en fait
une sorte de station sanitaire pour les malheureuses mules de Chillo-
galenos, condamnées à desservir les lamentables voies de commu-
nication entre Babahogo et la capitale. C’est là que ces infortunées
bêtes de somme, alors que leur dos n’est plus qu’une plaie, que leur
existence ne tient plus qu’à un fil, sont abandonnées à elles-mêmes,
chassées vers les hauteurs : celles qui échappent à la « Nirvana »
ou aux serres meurtrières des Condors. abondants sur le Pichincha,
sont reprises au bout de 3, 6 ou 12 mois, pour recommencer leur
misérable vie. Le prix de la pension, dans ce « sanitarium », n’est
actuellement que de 2 réaux (1 fr.) par mule et par mois — à peu
près ce que coûte la nourriture journalière de l’animal à Quito.
Le lendemain, vers 5 heures du matin, nous nous mettons en route
pour le cratère, sous la conduite de deux guides : Ramos, attaché
depuis plusieurs années à l’hacienda en qualité de majordome, et
Chamoro, un sympathique et obligeant chasseur de Quito. Le temps
était superbe, le zénith sans nuages : il y avait bien un léger brouillard
autour du sommet de la montagne, mais qui ne tarda pas à se dissiper
aux premières lueurs du jour. Bientôt nous avons dépassé les terres
cultivées de l’hacienda et gravissons une pente escarpée que tapis-
sent les buissons de la zone forestière supérieure. Au bord des minus-
cules clairières qui la parsèment, nous observons, en assez grand
nombre, le mignon petit lièvre des Andes, nommé Conejo par les
indigènes, gaiement occupé à brouter le gazon. Cet animal, différent du
Lepus sylvaticus du centre de l'Amérique, semble fort répandu sur les
Andes de l'Amérique tropicale. On est parfois surpris de le rencontrer.
dans les régions du Päramos en telle abondance qu’un bon chasseur, en
dépit de la difficulté de distinguer ce gibier au milieu des hautes
Graminées grisâtres qui couvrent le terrain, réussit aisément à en.
abattre une centaine de pièces par jour. J’ai observé le « Conejo» sur
»,
— 299 —
toute l'étendue des trois Cordillères, de Bogota en Colombie jusqu’au
Pérou, et ne crois pas que l’on puisse imaginer une plus grande variété
dans la taille et la couleur des individus. La dispersion locale semble
du reste assez variable et irrégulière. C’est ainsi qu'en janvier 1880
il m'est arrivé d'en voir en un jour plusieurs centaines, et de n’en
rencontrer plus tard que deux spécimens en six jours, sur toute la
Cordillère orientale de Bogota, entre cette ville et l’Alto de Oséras —
trajet que je fis en janvier 1883. J’ai soigneusement relevé, chemin
faisant, les « époques d'apparition » de cette curieuse petite bête —
sans malheureusement pouvoir m'appuyer sur autre chose que les
assertions des indigènes. En janvier 1883, alors que je me préparais à
entreprendre, par la Cordillère orientale, le long et pénible voyage qui
conduit du Rio Cabrero, dans l’Etat de Tolima, à la ville de Bogota,
mon guide, qui était né et avait grandi sur l'inhospitalier Paramo de
Sumapaz, en connaissait à fond les particularités naturelles et tirait
de la chasse une bonne partie de sa subsistance, m'affirma, chemin
faisant, que, deux ans plus tôt, nous aurions pu faire un riche butin en
« Conejos », abattre une couple de centaines de pièces, par exemple.
Mais depuis un an tous avaient disparu, à part cà et là un rare spéci-
men, et nous devions nous estimer heureux d’en rencontrer un en
route. Plus d'une fois, dans le cours de ce voyage, je renouvelai mes
questions à ce sujet, sans jamais obtenir autre chose que cette réponse
concordante et uniforme, que les « Conejos » apparaissent en grand
nombre pendant sept ans, puis disparaissent pendant autant d'années.
Ce qu'ils deviennent alors est un point sur lequel je n'ai pu obtenir
d'éclaircissements satisfaisants : car je ne donne pas ce nom à leurs
hypothèses d’une migration vers d’autres contrées ou vers les forêts
vierges, d'une extinction presque complète de la race, etc. Ce qui m'a
. le plus frappé chez cet animal, lors de mon ascension du Pichincha,
c'est sa vivacité, sa gaieté pendant les premières heures de la matinée.
Jusque vers 9 heures, on le voit brouter, sautiller de toutes paris; plus
tard on n’en observe plus que de rares spécimens.
Au bout de 25 minutes d'une lente ascension, nous atteignons la
vaste étendue découverte du Paramo. Le regard s’y promène à perte
de vue sur d'immenses surfaces hérissées de « pailles » (paja); c'est
sous ce nom que les indigènes du pays désignent les chaumes du
Paramos, hauts de 50 cent. environ. Seules les gorges profondes, qui
— 300 —
descendent jusqu’à la base du côté des cendres, abritent quelques buis-
sons bas, appartenant aux genres Chuquiraga, Barnadesia, Duranta
etc. auxquels se marient les Calceolaria rosmarinifolia, Eupato-
rium pichinchense,. Aster rupestris, ete. Cà et là parmi le gazon,
disposé en touffes circulaires, étincellent les fleurs jaunes de diverses
Renoncules, la corolle lilas-rougeâtre de la Gentiana cernua ou
quelque Halenia jaune verdâtre. Le Gentiana sedifolia, répandu
partout dans les districts de la Colombie, de l’Ecuador et du Pérou,
mais nulle part en grande abondance, est fréquente sur le Pichincha
— aussi bien qu’une variété à fleur blanche. Devant nous, au
Nord, se dresse la vaste cime du volcan. toute blanche de neige, cou-
ronnée d’un nuage de vapeurs sulfureuses. Plus nous approchons
du cône de cendres, plus les espèces végétales semblent devenir
nombreuses. Le Chuquiraga y grandit jusqu’à la base du Rucu-
Pichincha, sous forme d'un buisson haut de 30 cm. à peine.
Tout à côté, comme c’est l'habitude dans les petites familles proche
parentes, croît le bizarre Culcilium rufescens, que les indigènes
désignent sous le nom d’Arquilecla et considèrent comme un remède
héroïque (1). Des touffes serrées de Werneria nubigena couvrent le sol
cà et là, tandis que le Sida pichinchensis contraste gracieusement avec
la teinte grise uniforme du paysage. Une autre plante abondante en
ces lieux et qui m'a fait l'impression la plus étrange est une
espèce de Lupin, le Zupinus alopecuroïdes. On pourrait difficilement se
figurer chose plus extraordinaire. Tandis que les nombreuses espèces
de ce genre qui croissent sur l'étendue des Andes, sauf une forme
spéciale à l’Ilinissa, ont des tiges grèles, minces, presque toujours
couchées sur le sol, celle-ci se dresse en une sorte de hampe épaisse,
haute de 50 centim., dont le feuillage exceptionnellement serré,
disposé avec une irréprochable symétrie, fait une sorte de pyramide.
régulière; quelque chose comme les Lauriers taillés de nos jardins
modernes — en miniature bien entendu — sauf que le Lupin est d’un
gris argenté. Ses fleurs violettes, plus souvent blanchâtres, émergent «
à peine de l’aisselle de leurs bractées grisâtres. L’altitude au-dessus de
l'Océan de cette région si riche en plantes intéressantes est de 4350 m.
Vers 8 heures, nous atteignons la base du cône de cendres, Nous
(1) Ils Pemploient surtout en infusé ou décocté, comme diurétique.
— 301 —
attachons nos bêtes — car nous avons fait à cheval cette partie
du trajet — au voisinage d'un gigantesque bloc de trachyte, à des
débris rocheux entassés autour de nous en un désordre étrange et
sauvage, et nous voilà commencant à pied l'ascension fatigante,
mais nullement dangereuse, du sommet du volcan. Une heure plus
tard nous atteignons le bord sudo-oriental du cratère, 4420 m. (Reiss
et Stübel) au-dessus de l'Océan, et plongeons curieusement nos regards
dans les profondeurs chaotiques du volcan, qui lancent vers nous
d’épaisses vapeurs sulfureuses, d’un blanc grisâtre, à travers lesquelles
nous ne découvrons que par éclaircies l’abime où elles prennent
naissance. Vu d’en haut, le foyer du cratère affecte la forme d’un fer à
cheval, dont les deux branches s’éléveraient fortement vers l’ouest.
Les ouvertures d’où les vapeurs s'élèvent avec une sorte de gargouille-
ment, sont percées dans l'angle Nord-Est du cratère: il y en aurait 22,
à ce qu'affirment Ramos et Chamoro. Du centre du cratère surgit une
éminence inclinée vers l’ouest, mais dont la surface, aussi bien du
reste que celle du cratère dans cette même direction, est voilée par
l’épais nuage qui plane constamment au-dessus d'elle : il me semble
toutefois qu’elle n’atteint nulle part l'élévation des bords extérieurs du
cratère. Son extrémité orientale leur est en tous cas inférieure de
100 m. au moins et se compose de pierres entassées sans ordre, de
texture spongieuse, entre lesquelles transparaît çà et là la couleur
jaune d’or des cendres. Les pentes extérieures du cône, aussi bien que
le haut du versant intérieur du cratère, sont couvertes d’une couche de
neige épaisse de 6 centim., fortement gelée, et faisant entendre sous
les pieds son craquement caractéristique : aussi nous y enfonçons à
peine. Le thermomètre n'est guère descendu que d’un demi degré C.
sous 0, et le sol sousjacent, à 10 cent., de profondeur, marque
encore + 1° C.
_ Après nous être orientés aussi exactement que possible, et avoir
promené un regard d’admiration sur le splendide panorama, unique
en son genre, qui se déploie en ces lieux aux yeux émerveillés
du spectateur — et quel est l’homme qui n’éprouverait en pareils
moments une suprême jouissance, si cette expression convient pour
désigner les sensations de l'être intelligent en présence de la grandeur
de semblables scènes — nous nous séparons en deux groupes.
M. Schibbye, qui ne ressent pas encore le moindre malaise — ce qui
— 302 -—-
malheureusement n’est pas le cas pour moi — décide de gravir, jus-
qu’au sommet le plus élevé, par le bord oriental du cratère tandis
qu’accompagné de Ramos, qui m’affirme être descendu plus d’une fois
dans la gueule du volcan pour y chercher du soufre, j'essaie de
pénétrer dans ses profondeurs afin d’y récolter les plantes qui y gran-
dissent. Nous parvenons à dégringoler une soixantaine de mètres,
Ramos en avant, le long de la pente escarpée du cratère, parmi
les débris scoriacés qui la parsèment, quand peu à peu le brouillard
qui nous enveloppe semble s’épaissir; si denses sont les vapeurs
sulfureuses où nous baignons que nous avons peine à nous distinguer
l’un l’autre à dix pas de distance. Ramos qui jusqu'alors est descendu
courageusement en avant, sans mot dire, finit par me faire remar-.
quer qu'il considère comme extrêmement dangereux de pousser
plus loin. Je constate aussi que le sentier utilisé jadis pour
pareille descente est coupé de nombreux éboulements, ce qui augmente
encore le danger de pareille entreprise. Sans compter que l'influence de
l'altitude et peut être l’action des vapeurs sulfureuses m'ont fortement
indisposé et donné un violent mal de tête, de sorte que je ne me fais
pas trop tirer l'oreille pour suivre le conseil de Ramos. Une demi
heure d’une escalade pénible au delà de toute expression et nous
sommes de retour surle bord du cratère : mon butin scientifique, à
part une couple de lichens, se réduit à zéro. |
Bien que mon malaise et mes souffrances ne fissent que s’accroître
d'instant en instant, je ne pouvais me décider à redescendre directe-
ment le sentier au bas duquel nous avions laissé nos montures. Restait
à savoir jusqu’à quel point il nous serait possible de réaliser le plan .
que j'avais formé : suivre le bord du cratère jusqu’à son extrême limite.
occidentale, puis descendre vers nos bêtes par le milieu du versant du
cône de cendres. N'importe, nous nous mettons bravement en route.
Ramos et Chamoro marchent en arrière, ce dernier portant mes car-
tons de réserve. Nous cheminions depuis une heure lentement et avec
précaution sur les bords ondulés du cratère, quand nous nous trouvons
tout à coup en face d'un gigantesque amas de débris rocheux de
couleur noire,avec un peu de neige dans leurs angles, et, tranchant sur
sa blancheur, une profusion de fleurs rouges incaruat, grandes comme
un Paconia japonica de dimensions moyennes. L’Urcu-Rosa, sans aucun
doute, l’'Urcu-Rosa, m'écriai-je, et malaise et douleur de têteavaient dis-«
— 303 —
paru comme par enchantement — du moins la joie et la surexcitation
que j'éprouvais m’empéchaient de les sentir. Jamais, dans la longue
suite de mes voyages, pareil spectacle ne s’est offert à mes yeux : la
sublime éloquence de notre grand Humboldt lui-même eût été mise
à une rude épreuve, s’il eût eu l’heureuse chance d'observer ce splen-
dide sujet dans l’un de ses habitats naturels. Et c’est lui pourtant qui
l’a fait connaitre et dédié à l’auteur de sa découverte, qui lui en avait
procuré des spécimens desséchés. C’est un coup d'œil ravissant, in-
comparable, que la vue de cette plante, avec le brillant coloris de ses
corolles et le vert étincelant de son feuillage, au milieu de cette solitude
désolée, où la neige étend son blanc linceul, où la végétation, par-
cimonieuse et partout clair-semée, revêt un aspect gris de cendres,
monotone, rabougri. Loin des regards profanes, sous le soufle puis-
sant des sauvages rafales du Nevadas des Andes, elle dresse au sein de
la neige ses élégantes corolles légèrement inclinées, et sa vue fait
naître un sentiment de joie mélancolique et presque douloureuse que
les paroles sont impuissantes à exprimer.
L'Urcu-Rosa tire son nom du mot Urcu, qui signifie en dialecte de
Quichhua « montagne rocheuse » et de l'espagnol Rosa, rose; c’est
donc comme qui dirait « Rose des montagnes rocheuses », et jamais joli
nom ne fut mieux appliqué. Pour les botanistes, c'est le Aanunculus
Gusmani H.B.K. Il grandit dans les angles des grandes masses
trachytiques, où se sont accumulées des parcelles d’humus. C’est là
qu’il vit en compagnie d’une Saxifrage, le Culcilium nivale H.B.K.
et de quelques mousses. La station de Pichincha se trouve à une
altitude de 4520 m. au dessus du niveau de l'Océan. La plante se
rencontre assez abondamment en cet endroit, mais dans une aire fort
restreinte.
À part Gusman, Jameson et moi, aucun des voyageurs nombreux qui
ont exploré Quito n’a observé cette Renoncule dans la station précitée
— au moins n’en est-1l question nulle part. Pourtant la plante est loin
d’être rare sur les Andes ; outre l’Ecuador, on la trouve en Colombie
ainsi qu'au Pérou. La limite septentrionale de son aire de dispersion
atteindrait, d’après mes observations personnelles, jusque vers 1° de
lat. N. On la rencontre, représentée par des individus puissamment
développés; sur la Montaña de Batana, à l’est de la ville de Pasto, sur la
Cordillère orientale. Dañs l’Ecuador, elle abonde notamment sur
—. 304 —
l’'Antisana et, d’après le D' Wolf(l), à Guyaquil, sur les pics supérieurs
de la Cordillère orientale de Cuenca. |
J'en recueillis bon nombre d'exemplaires; après quoi, fidèle à l'itiné- |
raire que je m'étais tracé, j'entrepris, en compagnie de Chamoro, de
regagner le pied du volcan en suivant le milieu du cône de cendres.
Quant à Ramos, il avait pris les devants à la recherche de M. Schibbye.
Nous avancions lentement et péniblement sur le versant escarpé du
cratère, à travers la lave desséchée où nous enfoncions jusqu’au
genou. Grande fut ma surprise de rencontrer, dans les crevasses creu-
sées au sein de ces débris mouvants par l’eau du ciel et la fonte des
neiges, aussi bien que derrière les blocs rocheux disséminés çà et là,
une flore d’une richesse exceptionnelle : j'y trouvai presque toutes les
espèces précédemment signalées, Werneria, Sida, Culcitium, Lupi-
nus, etc., à 50 m. environ en contre bas des bords du cratère, c'est-à-
dire 4500 m. d'altitude.
Bien avant d'arriver à l'endroit où nous avions laissé nos bêtes,
les douleurs de tête et le malaise dont je souffrais déjà depuis nombre
d'heures étaient montés à un diapason effrayant. Plus d’une fois je
tombai évanoui sur le sol. Pourtant, grâce à des vomissements con-
vulsifs répétés, qui diminuèrent quelque peu mes souffrances, je pus
poursuivre cette pénible descente. Mais, une fois arrivé à destination,
je fus repris de douleurs plus intenses que jamais : congestion violente
de la tête, souffrances aiguës, lacérantes dans les hémisphères céré-
braux, le tout acccompagné de violentes nausées, que des vomisse-
ments intermittents parvenaient seuls à soulager. M. Schibhye, aussi
bien que Ramos et Chamoro, m'affirmaient ne ressentir aucun malaise;
ce qui le prouvait à l'évidence, c’est que le premier se sentait encore
la force et l’envie d’entreprendre l'escalade des rocs escarpés du
Guagua-Pichincha, Je savais d’ailleurs, par expérience, que tous
ces symptômes du « mal des montagnes » disparaîtraient comme par
enchantement, dès que j'aurais atteint des régions moins élevées;
de sorte que je me décidai à prendre les devants, avec Chamoro, pour
ajouter encore quelques plantes à notre récolte et gagner tout douce-
ment soit la lisière de la forêt soit l’hacienda, où nous devions nous
retrouver,
(1) D: Th. Wolf : Viajes cientificos per la Republica del Ecuador, II, p. 22 -
(905 —
Dans le détour que nous fimes le long de la Quebrada, nous arri-
vâmes à un endroit où était étendu le cadavre d’une mule, autour
duquel se trouvaient réunis plusieurs condors (Sarcoramphus Condor
Lees). L'un d’eux était posé sur les débris du pauvre animal, un second
était posé sur Le sol à quelque vingt pas de distance, trois autres tour-
noyaient dans l’air, et décrivaient autour du groupe des cercles de
plus en plus rapprochés. Les deux premiers étaient si acharnés à la
curée qu’ils nous laissèrent approcher jusqu’à 25 pas avant de pren-
dre leur vol — encore s’éloignèrent-ils à peine. Nous ne portions
malheureusement avec nous aucune arme à feu.
Nous n'avions pas atteint la partie buissonneuse de la forêt que
déjà MM. Schibbye et Ramos étaient sur nos talons. Nous étions à
l’hacienda vers 5 1/2 heures, et comme le temps était favorable, nous
poursuivimes sans plus tarder notre route vers Quito, où nous arri-
vâmes, frais et dispos, une heure et demie plus tard.
Faisons remarquer, en terminant, au lecteur qui pourrait trouver
étrange le peu de renseignements scientifiques donnés dans ceslignes à
propos de l’ascension du Pichincha, que mes observations sur la vie
végétale et animale dans ces régions, sur les rapports réciproques
entre certains représentants des deux règnes, sur l'influence du sol
et du climat sur la végétation — si aisée à reconnaître sur le
Pichincha, quand on étudie comparativement la flore des versants
occidentaux et orientaux de la montagne, — sur la fécondation des
plantes par les insectes et autres animaux, considérée au double point
de vue subjectif et objectif; que toutes ces observations, faites dans
cette exploration aussi bien que dans celles qui l’ont précédée ou
suivie, feront l’objet d'une publication spéciale, qui paraîtra dès
que le classement de mes collections d’histoire naturelle sera terminé.
DRE Er
— 306 —
NOTICE SUR LE V/CTORIA REGIA,
PARC. CLAVARD:
Traduit de « The Gardeners Magazine », 21 septembre 1884, p. 541.
Le Victoria Regia, que l’on peut voir en fleurs depuis quelques
semaines à Kew, a déjà épanoui une vingtaine de ses corolles et bon
nombre de boutons attendent encore le moment de s'ouvrir. La plante
a été semée en mars; elle est annuelle dans nos cultures.
Les voyageurs qui ont eu l’heureuse chance de contempler ce noble
« Lis aquatique » au milieu des eaux tranquilles des étangs de la vallée
de l’Amazone, sa demeure de prédilection, nous assurent qu'il paraît
s’accommoder aussi bien de l’atmosphère de nos serres chaudes que de
ses stations indigènes.
On ne le rencontre guère à l’état de nature que dans les lacs les
plus reculés des prairies avoisinant les plaines traversées parles cours
d’eau du Brésil méridional, où il grandit dans des pièces d’eau si
peu profondes qu’il est aisé de les traverser dans un canot poussé
au moyen d’une perche.
Il habite toute la région de l’Amazone, bien qu'on le trouve rarement
dans le fleuve même.
Les feuilles mesurent 4"50 à 5"50 de circonférence, et ont quelque
fois jusqu’à 240 de largeur. Leur face supérieure est verte, luisante,
l’inférieure d’un pourpre intense, avec de fortes veines cramoisies.
Les bords relevés sont larges de 71/2 centimètres, et garnis de piquants
serrés.
Les indigènes désignent les feuilles sous le nom de < furno al
jacare » (rôtissoire d’alligator), à cause de leur forme circulaire et
de leurs bords retournés, qui les font ressembler aux larges poëles peu
profondes où l’on torréfie la fécule de manioc.
Les fleurs, composées de plusieurs centaines de pétales, ont bien
30 centim. de diamètre lors de leur complet épanouissement ; elles sont
d’un blanc pur le matin, quand elles s’entrouvrent pour la première
fois à la lumière, et passent graduellement au rose. Elles répandent
le premier jour un parfum exquis. Vers le soir du troisième jour,
elles s'enfoncent sous l’eau pour y mürir leurs graïnes. Les Indiens
— 307 —
mangent le fruit, qui renferme des semences farineuses, saines et d’un
goût agréable. Les Espagnols nomment la plante « Maïs del agua »
(Maïs d’eau). Un joli petit oiseau de la classe des échassiers, assez
semblable à l’ibis, se voit fréquemment se promenant sur ses larges
feuilles.
La découverte du Victoria Regia, le plus beau des représentants de
la tribu des « Lis aquatiques », date de 1801; c’est le botaniste
Haencke qui l’observa le premier dans les eaux tranquilles formées
par l’élargissement de l’Amazone et de sesaffluents. Il fut si émerveillé,
dit-on, des dimensions des feuilles et des fleurs, qu’il se jeta à genoux
dans un transport de joie.
En 1827, la plante fut revue par un naturaliste français,
d'Orbigny, mais elle ne fut introduite en Europe que dix ans plus tard,
lors de sa découverte dans la Guyane anglaise par Sir Richard Schom-
burgk, à l'endroit où le fleuve Berbice étale ses eaux en un lac cristal-
lin.
En 1845, un voyageur anglais du nom de Bridges exploraït les rives
d’un cours d’eau tributaire du fleuve Mamore, dans le Brésil méridio-
nal, lorsqu'il arriva à un étang caché parmi les arbres et dont la
surface était toute couverte des blanches corolles du Victoria Regia.
Si grande fut sa joie qu’il voulait se jeter à l’eau pour atteindre sa
brillante trouvaille : il fallut que les Indiens dont il était accompagné
le retinssent de force,en lui montrant les longs becs noirs des alligators
émergeant d’entre les feuilles étalées. Restait à se procurer un canot;
l’on y parvint non sans peine, et l’heureux explorateur se trouva enfin
en possession d’un chargement de feuilles, de fleurs et de capsules
mûres.
M. Bridges importa les graines en Angleterre, en les conservant,
pendant la traversée, dans de l'argile humide, Deux germèrent dans
l’aquarium de Kew en 1848; des pieds qui en naquirent, l’un fut
expédié à Chatsworth, où la jeune plante prit possession, en 1849, d’un
bassin spécial préparé à son intention vers la fin de septembre; il fallut
doubler les dimensions primitives du bassin pour faire place aux feuil-
les, et celles-ci se développèrent avec une telle vigueur que chacune
d'elles pouvait supporter aisément le poids d’un enfant debout. Le
premier bouton s’ouvrit en novembre, et là fleur fut offerte à Sa
Majesté par M. Paxton.
— 308 —
L'Europe entière prit un vif intérêt à cette nouvelle espèce, et par-
tout des serres spéciales furent réservées à son usage.
Depuis lors la plante a été cultivée avec plein succès dans les Indes
occidentales et autres régions des tropiques; on l’a retrouvée plus
récemment dans les régions lacustres de l'Afrique centrale.
Le Victoria Regia est né, aux Indes, de semis obtenus en Angle-
terre. Le célèbre collecteur Robert Fortune a eu l’heureuse chance de
le voir fleurir pour la première fois aux Indes, dans le jardin botanique
de Calcutta, et lui a prédit que non seulement il deviendrait le plus
plus bel ornement des lacs indiens, mais encore qu’il régnerait,
comme la souveraine dont il porte le nom, sur un domaine où l’astre
du jour ne se couche jamais. D'.H UF:
LA LUTTE POUR L'EXISTENCE.
Traduction du Chapitre VII du Plant Life.
DE M. MAXWELL F. MASTERS.
Les plantes considérées dans leurs rapports avec la lutte pour l’existence. —
Effet de conditions extérieures défavorables. Hostilité de formes rivales. —
Compétition entre plantes de la même espèce. — Végétation uniforme. —
Végétation associée ou mixte. — Végétation alternante, rotation. — Les
tendances du cultivateur différentes de celles de la plante, à l’état de nature. —
La lutte pour l’existence dans les pâturages ou les prairies. — Gazons de
Rothamsted, leur composition, changements qu’y produisent les divers
engrais. — Graminées, leur nature, leurs différences; contraste entre espèces
proche parentes. — Légumineuses. — Espèces miscellanées. — Végétation et
caractéristique des terrains constamment privés d'engrais. — Action des divers
engrais et des diverses combinaisons d'engrais sur la lutte pour l’existence. —
Effets de la suppression de la fumure, ou de la substitution d’un engrais à
un autre. — Résultats généraux.
On connait les rapports de la plante vivante avec la chaleur,
la lumière, l'humidité et les autres agents physiques dont elle est
entourée; ces conditions lui sont tantôt favorables, tantôt préjudi-
ciables — et dans ce dernier cas, son existence n’est qu’une lutte
prolongée contre ces influences adverses. Il en est toujours ainsi
jusqu’à un certain point, et quand ces difficultés ne peuvent plus étre
contrebalancées ou vaincues, la plante, comme tout autre être vivant,
succombe et meurt. La vie de chaque individu peut donc se définir
« une lutte contre les circonstances ».
Mais indépendamment de ce conflit « extérieur » avec les éléments,
les plantes sont toujours plus ou moins en état d’hostilité réciproque.
Des sujets de diverses espèces, croissant pêle-mêle à l'état de nature,
peuvent être en contestation pour le substratum, la nourriture, l'air et
le soleil. En pareil cas, s'il y a de quoi les contenter toutes, la lutte
est moins vive, moins acharnée, eu égard aux exigences spéciales
des diverses plantes : toutefois, c’est la plus vigoureuse qui finira par
prévaloir. Un cultivateur admettra difficilement que la prépon-
dérance de telle ou telle espèce soit dûe à sa supériorité. Le fait
est que pareille notion ne répond pas à ses idées ; et pourtant c’est
l'expression de la stricte vérité, pour les plantes à l’état sauvage.
Des représentants de la même espèce croissant pêle-mêle, des bruyères
par exemple sur un terrain tourbeux, ont des exigences identiques, et
sont servis à peu près de la même façon. Il en résulte que les sujets les
moins vigoureux finissent par disparaître, tandis que les plus robustes
se trouvent sur un pied d'égalité relative, mais une fois l'équilibre
détruit, c’est le plus fort ou le mieux adapté aux circonstances sous
lesquelles il végète, qui Survivra.
Nous avons, dans nos cultures, des exemples de végétations com-
plexes, uniformes, où alternantes (rotation). C'est ainsi que les
céréales, les navets, les pommes de terres, etc. représentent des
végétations uniformes rendues telles par la volonté du cultivateur,
dont l’objet est d'assurer le développement maximum d’une espèce
végétale particulière, froment, seigle, avoine ou toute autre. Pour y
parvenir, il les cultive en masse, et a soin, par un labourage appro-
prié et la suppression des espèces rivales, de renforcer les conditions
favorables à leur développement et de réduire à un minimum les cir-
constances susceptibles de leur porter préjudice. Il y a, dans ce cas,
lutte extérieure contre les mauvaises herbes et guerre intestine entre
individus de la même espèce, doués des mêmes exigences. Et de même
que la compétition entre plantes d'espèces différentes peut être préve-
nue par le sarclage,de même l'hostilité entre formes de la même espèce
peut être mitigée grâce à des semis clair semés, qui permettent à
chaque individu d'atteindre son complet développement, et de tirer
— 310 —
tout le parti possible des ressources mises à sa disposition. Sauf dans
des cas exceptionnels et en vue de résultats tout spéciaux, le mieux
est de cultiver les diverses espèces végétales de facon à réduire autant
que possible la compétition individuelle, en donnant à chacun le plus
de chances et de latitudes possible. Sans quoi le plus fort et le
mieux adapté finit par l'emporter sur son rival moins bien doué, et il
en résulte, pour le cultivateur, une perte d'énergie et un gaspillage de
ressources, par le fait des formes éliminées. Le cultivateur vise à
obtenir le plus grand nombre possible d'individus de bonne qualité ;
la nature, au contraire, favorise le développement d’un petit nombre
d'individus, doués de facultés d’adaptation exceptionnelles, qui ont
aisément raison de leurs rivaux, mais ne sont pas nécessairement
ceux auxquels le fermier eût donné la préférence.
La lutte dans les prairies. -— Le combat pour la vie s'étudie le
mieux dans les pâturages mixtes, où croît pêle mêle une grande
variété de plantes appartenant à diverses familles, différentes au
double point de vue de leur structure et de leurs exigences.
Parmi ces plantes il en est d’utiles au fermier : certaines
Graminées et la plupart des Légumineuses, par exemple, à côté
d’inutiles et même de positivement nuisibles. La facon dont se com-
portent les plantes ainsi associées sous fumage variable, à fait l'objet
d'études approfondies continuées à Rothamsted pendant nombre
d’années. Nous mentionnons brièvement ici, sous forme d’une simple
esquisse, ce qu’il y à de plus important parmi les résultats obtenus,
à titre d'exemple et d'enseignement pour le cultivateur-praticien.
Le nombre total d'espèces observées sur les terrains expérimentés
est de 89, parmi lesquelles 20 Graminées, et 10 Légumineuses; les
autres n’y figurent habituellement que pour un faible pourcentage
et appartiennent à divers groupes naturels : on les range commodé-
ment sous la rubrique « Miscellanées >». Le nombre et la proportion
relative de ces dernières, tels qu’ils résultent d'observations faites sur
place ou de l'examen de spécimens dûment recueillis, varient con-
sidérablement suivant les saisons et, plus spécialement, suivant la
nature de l’engrais employé.
Les plantes varient entre elles : les Graminées présentant certains
caractères communs, les Légumineuses différant des Graminées, et
— 311 —
les unes comme les autres se distinguant plus ou moins des plantes
Miscellanées, dont les membres présentent habituellement de l’un à
l’autre des variations considérables. Ces variations dépendent natu-
rellement des différences d'organisation, des attributs héréditaires, de
la structure intime, de l'allure, du tempérament, du mode d’existence
des diverses espèces. Parmi ces facteurs, il en est qui sont beaucoup
plus influencés que d’autres par les conditions de sol et de climat(l).
(1) Dans le texte les plantes sont désignées par leurs noms latins, plus
précis, plus uniformes dans leur application, moins variables avec les localités
et d'un usage général dans les ouvrages de botanique; nous y joignons les noms
français, pour ceux des lecteurs qui ne seraient pas familiers avec la nomencla-
ture scientifique. Rappelons encore que nous nous bornons à mentionner les
plantes les plus importantes et les plus répandues sur les pâturages.
GRAMINÉES.
Anthoxanthum odoratum. — Flouve odorante.
Alopecurus pratensis. — Vulpin des prés.
Phleum pratense.
Agrostis vulgaris.
Aira caespitosa.
Holcus lanatus.
Phléole des prés.
Agrostide vulgaire.
Canche cespiteuse.
Houlque laineuse.
Avena pubescens. — Avoine pubescente.
— elatior. — — élevée.
— flavescens. — — jaunissante.
Poa pratensis.
— trivialis.
Briza media.
Dactylis glomerata.
Cynosurus cristatus.
Festuca ovina.
— pratensis.
— elatior.
Bromus mollis.
Lolium perenne.
Paturin des prés,
— commun.
Brize intermédiaire.
Dactyle aggloméré.
Cynosure à crêtes.
Fétuque ovine.
— des prés.
— élevée.
Brome mou.
Ivraie vivace.
LÉGUMINEUSES.
Trifo!ium repens. — Trèfle rampant.
— pratense. —æ— — des prés.
Lotus corniculatus. — Lotier corniculé,
Lathyrus pratensis.
Gesse des prés,
— 312 —
Les Graminées. — Des 18 espèces qui composent habituellement
le gazon, toutes, sauf le Bromus mollis, sort vivaces. Elles s’y rencon-
trent en proportions très variables, suivant la saison et la nature de
l'engrais employé. Elles varient aussi dans la vigueur de leur constitu-
tion et leur aptitude à supporter le froid ou la sécheresse; leurs
caractères de structure sont, généralement parlant, différents de ceux
d'autres plantes et variables d'espèce à espèce. Il en est qui se main-
tiennent et même se multiplient, quand on les cultive en compétition
ou en association avec des formes rivales; d’autres — tels que
Anthozanthum odoratum, Festluca ovina et Agrostis vulgaris — n’y
parviennent que pour autant que la concurrence soit faible, et succom-
bent pour peu qu'il en soit autrement.
Les Graminées ont le dessus sur les végétaux de tous les autres
ordres, au double point de vue du nombre des espèces et de la produc-
tion, absolue ou relative. Celle-ci est la moins satisfaisante sur les
terrains absolument privés d'engrais ; elle atteint son maximum sous
l'influence d'engrais riches en azote, tels que sels ammoniques et.
nitrate de soude, combinés avec des sels terreux et alcalins — notam-
ment à base de potasse. Seulement, tandis que l’emploi de pareils
engrais entraine un accroissement dans le rendement du sol en
graminées, le nombre des espèces représentatives de la famille semble
au contraire diminuer. Sur un sol non fumé, on trouvera, par
exemple, 16 espèces de Graminées, contribuant chacune en notable
proportion, à la formation de l’ensemble; ce nombre se réduira à 13
sur les terrains fertilisés par un engrais riche en ammoniaque; —
encore sur ces 18 n'en est-il qu’un petit nombre qui jouent un rôle
—
MISCELLANÉES.
Ranunculus-diverses espèces. — Renoncules (Florin d'or).
Cerastium triviale. — Céreste vulgaire.
Conopodium denudatum. — Noix de terre,
Centaurea nigra. — Centaurée noire.
Cirsium arvense. — Cirse (Chardon) des champs.
Bellis perennis. — Pâquerette.
Achillea Millefolium. — Achillée mille-feuilles.
Taraxacum officinale. — Pissenlit.
Plantago lanceolata. — Plantain lancéolé.
Rumex acetosa. — Oseille sauvage.
— 313 —
appréciable dans la composition du gazon : le reste est si peu représenté
que ce n’est pas la peire d’en tenir compte.
La particularité de structure qui assure aux Graminées la supériorité
sur les formes rivales, réside surtout dans le puissant développement
de leurs racines qui monopolisent, pour ainsi dire, tout le sol à leur
portée, dont elles excluent, ou peu s'en faut, le reste des sujets. Ce
développement est à la fois superficiel et profond, à des degrés
nécessairement variables suivant les espèces. Il ne faut pas omettre
non plus de tenir compte de leur mode habituel de croissance en
touffes compactes, non plus que de leur aptitude à produire des rejets
rampants, souterrains ou épigés, qui s’insinuent entre les plantes
voisines et accaparent toute surface inoccupée. Enfin, il n’est pas
douteux que les différences anatomiques intimes ne jouent dans l’oc-
currence un rôle plus important peut-être que ces divers caractères
extérieurs ; seulement leur recherche réclame de minutieuses et
patientes études comparatives au microscope, effectuées sous des con-
ditions et à des saisons différentes — et c’est là un sujet à peine effleuré
jusqu’à ce jour.
Bien que les Graminées, envisagées dans leur ensemble, se com-
portent d’une manière spéciale, distincte de celle qu’affectent les
autres occupants du sol, il n’en est pas moins vrai que les divers
individus, voire même les représentants d'un même genre, varient
notablement de l’un à l’autre.
Il est intéressant, sous ce rapport, de comparer les tendances toutes
différentes des deux Graminées les plus généralement répandues, les
Fesiuca ovina et Agrostis vulgaris. Pour ce qui regarde les disposi-
tions structurales, elles semblent à peu près d’égale force, seulement
l'influence d’un sol riche en engrais azotés est manifestement préju-
diciable à la santé de la première espèce, tandis que la seconde en béné-
ficie et vient plus vigoureuse et plus touffue. Les Poa trivialis et
Holcus lanalus présentent un contraste analogue: le premier prospère
sous l’action du nitrate de sodium, le second gagne en vigueur par
l’addition au sol des sels ammoniques. Même différence entre l’Agrostis
vulgaris, que les sels ammoniques influencent puissamment, et les
Holcus lanatus, Avena pubescens et Avena flavescens, sur lesquels agit
particulièrement le nitrate de sodium. On observe d’ailleurs des con-
trastes marqués entre espèces du même genre, de structure très
25
— 314 —
voisine, telles que Pou trivialis et pratensis ou les trois espèces
d'Avena. Au contraire les Bromus mollis et Poa trivialis se com-
portent de la même façon en présence du nitrate sodique. Les Pog
pratensis et Agrostis vulgaris se rencontrent dans leur prédilection
pour l'ammoniaque additionnée de sels minéraux, tandis qu'ils mani-
festent à l'égard du nitrate de soude des tendances tout opposées ; le
premier n'est pas modifié par son action, tandis que l’autre en béné-
ficie largement.
Tels sont, en raccourci, les contrastes remarquables et les analogies
curieuses qui ressortent de l'examen des documents de Rothamdsted. :
La particularité la plus frappante est, sans aucun doute, la tendance
tout opposée, manifestée par diverses Graminées, vis-à-vis des sels
ammoniques d’un côté et du nitrate sodique de l’autre, avec ou sans
addition d'engrais minéraux. Il n’est guère douteux que ces caracté-
ristiques soient la conséquence de différences dans l’organisation et la
structure des sujets, seulement rien n’a été fait jusqu’à ce jour pour
identifier les attributs physiologiques précités avec des différences
correspondantes dans la structure intime : tout ce que l’on sait sous
ce rapport, c'est que les plantes à système radical superficiel sont
favorisées par les sels ammoniques, tandis que les formes profondé-
ment enracinées préfèrent les nitrates plus diffusibles.
Les Légumineuses constituent un groupe de plantes caractérisé —
du moins pour ce qui est des espèces indigènes — par des fleurs appar-
tenant au type « papilionacé » (comme dans le pois commun), des
feuilles composées, c’est-à-dire formées de divisions ou segments
séparés et distincts, et un fruit allongé déhiscent à la maturité en
deux valves, et scientifiquement dénommé « gousse » ou « légume ».
C’est à ces caractères, et à beaucoup d’autres encore, que l’on reconnaît
cette famille importante, où viennent se ranger les pois, les fèves, les
trèfles, les vesces, le sainfoin, la luzerne, et autres plantes agricoles
— parmi lesquelles il en est d’annuelles, comme les pois et les fèves,
d’autres vivaces, et dont l’allure et le facies général sont assez différents
de ceux des Graminées pour que personne ne s’avise de les confondre.
Bien qu’elles contiennent dans leurs tissus plus d'azote que les
céréales, elles ne semblent pas spécialement favorisées, comme le sont
ces dernières, par l'emploi des engrais azotés, et ce fait, observé dans
=
LE
— 9315 —
les cultures exclusivement réservées aux Légumineuses — champs de
fèves ou de trèfles, par exemple — n’est pas moins apparent là où
elles croissent en association avec d’autres espèces, comme dans les
pâturages. À Rothamsted, les Légumineuses viennent en quantité
proportionnellement plus considérable sur un terrain fumé à l’aide
d’un engrais minéral mixte à base de potasse. Les particularités
saisonnières, même quand elles sont favorables à ces plantes, ne sufi-
sent pas pour contrebalancer les effets fâcheux de certains engrais; c'est
ainsi qu’elles ont disparu, pendant nombre d’années de caractère clima-
térique tout différent, de terrains fumés à l’aide d'engrais ammo-
niacaux. En somme, leurs exigences sont tout opposées à celles des
céréales et les conditions qui favorisent ces dernières ne sont rien
moins que propices aux plantes dont nous parlons. Ainsi l'effet
d'engrais azotés — tel qu'il résulte des expériences instituées dans
les diverses stations d'essai — est de proscrire plus ou moins com-
plètement les Légumineuses, ou de réduire leur nombre, ou, si l'on
veut, de favoriser le développement de tout ou partie des Graminées
au point d'étouffer les formes concurrentes. D'autre part, les engrais
minéraux, par eux-mêmes assez indifférents à l'égard des Grami-
nées, favorisent notablement le développement des Légumineuses.
La potasse leur est particulièrement propice; leur proportion et leur
vigueur augmentent constamment avec l'addition d'une proportion
convenable de cette substance en guise d'engrais et diminuent régu-
lièrement quand elle disparait ou fait défaut. Nous donnons, à l’appui
de notre dire, le pourcentage en poids d’une récolte sur un terrain où
les conditions d’engrais étaient le plus favorables aux légumineuses :
65 */, de graminées, 20 °/, de légumineuses, 15 °/, d'espèces miscella-
nées. Les proportions, sur terrain non fumé, étaient : 68 graminées,
9 Légumineuses, 23 miscellanées. Considérant l’autre extrême, celui
réalisé par l'addition d’une quantité considérable d'engrais azotés, nous
trouvons; 95 °/}, de graminées et 5 ‘/, de miscellanées — avec dispa-
rition presque complète des légumineuses (0,01 °/.).
Parmi les Légumineuses des pâturages, c’est le Zathyrus pratensis
qui semble le plus apte à se maintenir en dépit de circonstances défavo-
rables, beaucoup mieux que les espèces congénères, telles que trèfles ou
lotier. Sans doute ses longues racines rampantes et son port grimpant,
joints à sa rusticité, constituent la source principale de ces avantages.
— 316 —
Plantes miscellanées. — En dépit du grand nombre d’espèces
miscellanées que l’on rencontre sur le terrain et de leur allure extré- .
mement variable, il faut reconnaître qu’envisagées comme facteurs
dans le combat pour la vie, elles le cèdent beaucoup en importance
aux graminées et aux légumineuses. Sur les sols fumés, elles n’exis-
tent jamais qu’en proportion inférieure aux graminées et n’atteignent
un certain degré de prééminence que dans les cas où certaines particu-
larités de saison ou d'engrais empêchent ces dernières plantes d’at-
teindre leur complet développement. Les formes douées d’un puissant
développement souterrain et de la faculté d’absorber et de mettre en
réserve de grandes quantités d’eau, le Xwmex acelosa par exemple,
se trouvent évidemment dans des conditions particulièrement avanta-
geuses quand elles réussissent à prendre possession d'un territoire
jusqu'alors inoccupé, qu’elles retiennent et défendent avec toute
chance de succès contre les tentatives de nouveau venus -— aussi bien
que dans les cas où la densité du sol offre un obstacle sérieux à la péné-
tration des racines fibreuses. Seulement, en règle générale, le lacis
filamenteux que forment les racines des graminées, et grâce auquel
elles réussissent à tirer parti de chaque particule du sol à leur portée,
constitue un attribut plus précieux que le puissant système radical
souterrain de diverses miscellanées. Nombre d’espèces de ce groupe se
rencontrent en proportion si insignifiante, qu’on ne peut guère y voir
que des occupants accidentels, et si la prépondérance de certaines
formes dépend surtout du développement relativement faible des
graminées, il n’en est pas moins vrai qu'il existe des indices tendant
à prouver l’action favorable de certains engrais, variables d’ailleurs,
sur quelques-unes de ces plantes — bien que les expériences instituées
sur les formes de ce groupe, cultivées en association, donnent des résul-
tats beaucoup moins apparents que chez les graminées et les Légumi-
neuses.
Développement de la végétation des prairies en l’absence |
d'engrais. — Les changements qui surviennent d'année en année dans M
la végétation d’un sol privé d'engrais pendant longtemps doivent être
attribués, sans aucun doute, aux influences saisonnières et à l’épuise-
ment progressif du terrain; ceux que l’on observe dans la végétation
des terres fumées ont évidemment pour cause, d’une part les engrais,
— 317 —
de l’autre les variations climatériques. Le produit d’une récolte de
foin à Rothamsted, en l'absence d'engrais, a varié de 8 à 39 quintaux,
avec une moyenne de 23 quintaux, sur une durée de 25 ans. Un exa-
men attentif y fait reconnaître 49 espèces, en proportion très variable
— parmi lesquelles 17 graminées, 4 légumineuses et 28 plantes de
pâturages de divers ordres, classées en bloc dans le groupe « miscei-
lanées ». La proportion, en poids, est de 69 °/, graminées, 8 °/, légu-
mineuses et 23 °/, miscellanées.
L'apparence générale d’un terrain non fumé est celui d’une végé-
tation égale, régulière sans prédominance spéciale d'aucune forme. Le
gazon est extrêmement mêlé, la récolte maigre, la couleur vert
jaunâtre : il s’y forme une sorte de compromis entre les divers mem-
bres de la communauté, dont aucun n’est particulièrement favorisé.
C’est d'habitude le Festuca ovina qui prédomine, parmi les Graminées ;
le Briza media y croit plus abondamment que sur d’autres sols. Parmi
les légumineuses, le Zous corniculatus l'emporte sur le Zathyrus pra-
tensis, comme c’est habituellement le cas sur un sol épuisé et privé de
potasse. Abondantes sont, en général, les formes miscellanées, telles
que Xenoncules, Plantago lanceolata, Centaurea nigra, Agrimonia
Bupatoria, Scabiosa arvensis, Leontodon hispidus, Brunella vulgaris,
Achillea millefolium, Conopodium denudatum, Rumex acetosa, Luzula
campestris et Galium verum. Aux premiers jours de l'été, le contraste
est frappant entre l'herbe maigre, clairsemée, jaune verdâtre, par-
semée de nombreuses fleurs de ce terrain, et le gazon serré, vert
bleuâtre foncé, presque entièrement dépourvu de fleurs du sol fumé
voisin.
Effets des engrais sur le combat pour la vie. — Lorsqu'on
observe, pendant une longue série d'années, sur la végétation d’un
même terrain, des effets identiques dans leur nature, sinon dans leur
intensité, c’est à l’engrais employé qu’il faut attribuer ces résultats,
en reportant les fluctuations qui peuvent survenir sur le compte des
variations climatériques. Dans l'exposé de l'influence exercée par les
divers engrais sur la nature et l’acharnement du combat pour la vie,
il convient de traiter d’abord les cas où aucun changement n'a été
apporté dans le mode de fumage, en commencant par les terrains où
l’on a fait usage d'engrais comparativement simples, pour finir par
ceux où l’engrais employé est de nature plus complexe.
— 318 —
Engrais exclusivement minéraux. — L'effet de pareils engrais, con-
sistant en mélanges de diverses sels alcalins et terreux, sans addition
de substances azotées, est mis en évidence par l’un des champs d’expé-
rience de Rothamsted. D’une facon générale, on y observe à côté d’un
accroissement insignifiant des Graminées, interrompu d’ailleurs par de |
fréquentes fluctuations, une augmentation considérable dans la propor-
tion des légumineuses, bien qu’il y ait eu, dans ces derniers temps, ten-
dance manifeste à régression. C’est particulièrement le Zathyrus
pratensis qui prédomine sur tous ses congénères. Les graminées qui se
maintiennent le mieux sont : Feséuca ovina, Agrostis vulgaris et Hol-
cus lanatus. Achillea millefolium s'est considérablement développé,
Conopodium denudatum et Rumex acetosa se sont montrés habituellement
abondants. Ce genre d'engrais semble défavorable à la plupart des
espèces végétales des prairies, autres que celles mentionnées plus haut.
La récolte est d'ordinaire moyenne; elle mürit régulièrement et de .
bonne heure, et manifeste une tendance marquée à développer ses tiges
aux dépens de son feuillage, dont la couleur est d’un vert jaunâtre pâle.
Dans les cultures de froment, les engrais purement minéraux n’ap-
portent à la récolte qu'un accroissement insignifiant, en dépit de leur
influence favorable sur les légumineuses. Les diverses expériences
viennent confirmer l’assertion de Boussingault(l), que les sels alcalins
ou terreux, bien qu'indispensables aux plantes, n’interviennent utile-
ment qu’en combinaison avec des substances capables de fournir de
l’azote.
Superphosphate de chaux seul. — La récolte maigre et fibreuse du
terrain fumé à l’aide de cette seule substance l'emporte à peine sur
celle des terres non amendées. Les graminées et les espèces
miscellanées ont subi une légère augmentation; au contraire, les légu-
mineuses ont diminué. Grande abondance de formes d’ailleurs, sans
qu'aucune soit bien prospère. Parmi les mieux représentées figurent
Holcus lanatus, Avena flavescens, Poa trivialis, Lolium perenne et
Festuca ovina ; le Dactylis glomerata, au contraire, semble ne pas y
trouver de quoi satisfaire à ses exigences. Parmi les miscellanées, les
Rumex acelosa et Achillea millefolium bénéficient légèrement, tandis
(1) BoussINGAULT, Ann. Soc. Nat. 1851, Bot. 19.
— 319 —
que pour d’autres formes, le rendement est moindre que sans engrais.
En somme, nouvelle confirmation des vues de Boussingault, déjà citées
dans le précédent paragraphe. Le célèbre chimiste français est arrivé,
en effet, à cette conclusion tout à fait conforme aux résultats obtenus
à Rothamsted, que le superphosphate, en l’absence de produits suscep-
tibles de fournir de l’ammoniaque, ne produit sur la végétation que
peu ou point d'effet. Toutefois les recherches de Boehm tendent à
prouver, que les jeunes plantes cultivées dans l’eau distillée meurent
avant épuisement complet de la réserve nutritive accumulée dans les
graines qui leur ont donné naissance ou dans leurs cotylédons, tandis
que l’addition de chaux, particulièrement sous forme d’ulmate, avant
que ce point ne soit atteint, rend au sujet son apparence saine et
vigoureuse : ce serait surtout, d’après Dehérain, sur le développe-
ment de la radicule que la chaux aurait une influence favorable.
Les superphosphates se sont montrés inefficaces — ou peu s’en faut —
dans les diverses cultures spéciales, sauf dans le cas des navets, où la
récolte, rapportant 1 à 2 tonnes par arpent, en l’absence d’engrais, s’est
élevée à près de 8 tonnes, sous l'influence du superphosphate de chaux.
Ammoniaque employée isolément. — La récolte moyenne, sur les
terrains fumés à l’aide de sels ammoniacaux seuls, n’a guère dépassé
celle des sols non fumés. La principale différence s’observe dans les
Graminées, dont le nombre d'espèces diminue, tandis que leur propor-
tion globale augmente considérablement par rapport aux autres plantes.
Agrostis vulgaris et particulièrement Fesfuca ovina — deux pauvres
graminées, d’ailleurs — sont favorisées par cet engrais au point de
former la grande masse de la récolte, tandis que d’autres espèces
meilleures diminuent notablement — sans excepter le Dactylis glome-
rata, — qui est loin d'occuper dans ce cas une position prépondérante.
Les sels ammoniacaux ne sont propices à aucune légumineuse; toute-
fois le Zotus corniculalus semble en être un peu moins incommodé
que les autres formes. Parmi les espèces miscellanées, presque com-
plètement bannies aussi bien que les Légumineuses, c'est le Rumex
acetosa qui à l'avantage; le Conopodium denudatum parait aussi avoir
bénéficié de cet engrais, dans certaines saisons. La récolte est habi-
tuellement moyenne, d'une riche couleur verte, murissant tard, avec
profusion de feuillage et relativement peu de tendance à fleurir.
2 %0 =
Nitrate sodique employé seul. — L'application de ce sel a eu,
pour résultat général, un accroissement dans la proportion des grami-
nées, notamment des Festuca ovina, Alopecurus pratensis, Holcus lana-
tus et Poa trivialis, à l'exclusion presque complète du Poa pratensis.
Peu de tendance, au sein du gazon, à produire des tiges. Les Légu-
mineuses n'existent qu'en minimes proportions, et c’est encore le
Lotus corniculatus qui prédomine quelque peu. Dans le cas d’un terrain
exclusivement consacré à la culture des fèves, le nitrate sodique — au
contraire de l’ammoniaque — s’est trouvé exercer une action favorable.
Parmi les formes miscellanées, les Æumex acelosa et Centaurea nigra
sont spécialement remarquables par leur abondance; les Renoncules se
trouvent aussi largement représentées. Les plantains ont diminué; mais
le caractère principal de cette végétation consiste dans l’énorme quan-
tité de Cerastium triviale produite sous l'influence de pareil engrais.
Récolte tardive, de couleur vert sombre, avec développement pré-
dominant du feuillage sur les tiges, bien que ces dernières aient plus
de tendance à se former que sous traitement ammoniacal.
Superphosphate et ammoniaque. — Les effets obtenus par cette
combinaison correspondent assez bien à ceux produits par l’ammo-
niaque seule, à savoir : accroissement de la récolte, portant exclusi-
vement sur les graminées, réduction proportionnelle considérable
des Légumineuses, absence relative des espèces miscellanées. Le
Festuca ovina gagne prodigieusement et, à un degré moindre l’Agrostis
vulgaris, espèce à peine radicante. Diminution marquée, d’autre part,
pour Anthozanthum odoratum, Holcus lanatus et Avena pubescens.
La récolte mürit plus tardivement que dans le cas de superphosphate
seul; son feuillage est plus abondant, plus foncé et ses tiges moins
développées — autant de caractères qui révèlent l'influence de l’am-
moniaque.
Principes minéraux en combinaison avec l’ammoniaque. —
Partout où l’on à fait régulièrement usage de pareil engrais, il en est
résulté une récolte abondante, avec un fort pourcentage de graminées,
une proportion insignifiante ou nulle de légumineuses, et peu de
formes miscellanées. L'effet est d'autant plus marqué que la quantité
d’ammoniaque est plus grande, sans toutefois lui être proportionel. La
récolte totale a dépassé celle des autres terrains, — en même temps
— Jel —
qu'il y avait réduction dans le nombre des espèces, pour ce qui regarde
surtout les formes miscellanées. Quand la proportion d’ammoniaque
était relativement faible, il y avait prédominance des estuca ovina,
| Agrostis vulgaris, Avena elatior, Holcus lanatus et Poa pratensis, avec
exclusion presque absolue du Poa trivialis. Les deux premières espèces
ne doivent pas du reste leur exubérance à l’engrais exclusivement,
car elles prospèrent sous une foule d’autres conditions. Même observa-
tion pour le Rumex acetosa. Vient-on à doubler la proportion de sels
ammoniacaux, on constate alors, pendant quelques années, la prédo-
minance énorme du Dactylis giomerala, avec accroissement consi-
dérable des Agrostis vulgaris, Holcus lanatus, Alopecurus pratensis et
Avena elatior. Les Briza media, Cynosurus cristatus, Bromus mollis
et ZLolium perenne, tous gazons pauvres, sauf le dernier, pâtissent de
ce traitement — aussi bien que Po trivialis, qui diminue notablement,
en égard au Poa pratensis.
Parmi les plantes miscellanées, exclusion presque complète des
Renonculacées aussi bien que des Légumineuses et des Ombellifères;
diminution considérable des Composées et des Labiées; le Planiago
lanceolata disparaît entièrement et le Rymex acetosa lui-même est à
peine représenté. Comme ces effets s'observent généralement partout
où l’ammoniaque fait partie de l’engrais employé et s’accentuent au
fur et à mesure que sa proportion augmente, il semble à première
vue que l’ammoniaque soit préjudiciable à certaines formes végétales.
Pourtant, il est plus probable que la diminution de ces plantes dépend
de l'accroissement relatif des graminées, mieux adaptées à cet engrais,
plutôt que d'une action directement préjudiciable dûe à la substance
employée. |
On remarque, en règle générale, sur les terrains fumés à l’ammo-
niaque, un développement considérable du feuillage; les engrais
minéraux que l’on y ajoute semblent hâter la maturation et la rendre
plus complète. Une combinaison des deux principes, pour autant qu'il
n’y ait pas proportion exagérée d’ammoniaque, est presque toujours
salutaire, notamment pour les Céréales, les Cruciféres (Navets), les
Chénopodes (Betteraves), les Solanées (Pommes de terre), etc.
Sels minéraux et nitrates. — La récolte, sous l'influence de pareille
combinaison, est généralement abondante, mürit de bonne heure, est
— 322 —
de couleur vert sombre, avec abondance de feuillage et peu de tiges.
Le pourcentage des graminées est fort, celui des légumineuses faible
et celui des espèces miscellanées notablement réduit — tous effets
très-analogues, dans leur ensemble, à ceux réalisés sous l'influence
d'engrais minéraux et ammoniacaux.
Les plantes spécialement favorisées sont : Poa trivialis, Bromus
mollis et, à la longue, Alopecurus pratensis; les Légumineuses et les
formes miscellancés, au contraire, pâtissent de ce traitement. Les
nitrates semblent préjudiciables à certaines Graminées, telles que
Priza media, Cynosurus cristatus et Poa pratensis, — aussi bien qu'aux
légumineuses en général, aux Ombellifères et à nombre de Composées.
Ils paraissent, au contraire, exercer une influence tant soit peu favora-
ble sur les Cerastium triviale, Plantago lanceolaia, Galium verum,
Centaurea nigra, Ranunculus, etc.
La combinaison de sels minéraux avec l’ammoniaque paraît plus
avantageuse au développement des Poa pratensis, Agrostis vulgaris, :
Festuca ovina, etc., que l’influence simultanée des nitrates et des sels
minéraux; ceux-ci l'emporteraient au contraire à l'égard des espèces
suivantes : Poa trivialis, Dactylis glomerata, Bromus mollis, Lolium
perenne. |
À certaines époques, pendant les années de sécheresse (1870) notam-
ment, le Bromus mollis a largement prédominé sur les autres espèces,
grâce à ses racines profondes, qui lui donnaient, sur ses congénères,
un avantage assuré.
Effet du changement d’engraiïs. — Le but des expériences réali-
sées sous ce rapport à Rothamsted était de constater positivement à
quel ingrédient spécial tel ou tel engrais mixte doit son influence
particulière et de confirmer les résultats obtenus par d’autres méthodes.
La suppression ou l’addition d’un sel peut, suivant les circonstances,
fournir les éléments nécessaires à la solution de ces questions. Nous
résumons, dans les paragraphes qui suivent, les effets obtenus par la
suppression de certains engrais ou par la substitution d’un engrais
à un autre.
Suspension de tout espèce de fumage. — Sur un terrain fumé au
moyen d'engrais d’étable, on avait obtenu une majoration de récolte,
plus marquée que sous n’importe quelles autres conditions, avec,
— 323 —
accroissement du pourcentage des Graminées et de certaines formes
miscellanées et réduction des Légumineuses, En suspendant l’usage de
l'engrais, on vit la végétation de ce terrain se rapprocher graduel-
lement, mais uniformément, de celle des sols non fumés, le nombre
des espèces augmenter sans prépondérance appréciable d'aucune, et
les gazons riches, tels que Poa trivialis, faire place peu à peu aux
gazous pauvres, tels que Festuca ovina.
Suspension de l’engrais d’étable. — Un autre terrain, qui avait
recu au début une combinaison de fumier et d’ammoniaque, a été
traité, à partir de 1864, par une faible dose de sels ammoniacaux
seuls. Graminées et Légumineuses y diminuent en nombre, mais
les espèces qui résistent semblent gagner en vigueur et en luxu-
riance. Les formes miscellanées, telles que ARumex acetosa et les
Composées, diminuent, les Renonculacées déclinent, et plus manifeste-
ment encore les Ombellifères et le Plantago lanceolata, cette dernière
plante étant d’une sensibilité extrême vis-à-vis des sels ammoniacaux.
Suspension de la potasse. — Le premier effet observé à la suite
de la suppression de la potasse fut une diminution proportionnelle des
graminées ; puis ce fut au tour des Légumineuses qui s’affaiblirent
manifestement et constamment, tandis que les formes miscellanées,
notamment Achillea millefolium et Rumex acelosa, prenaient de
l’extension. |
L'accroissement du Pesluca ovina est probablement dû à l’affai-
blissement de ses compétiteurs, bien plus qu’à l’influence favorable de
l’engrais. Anthoxanthum odoratum s'est aussi multiplié, mais toutes
les autres Graminées, sans exception, se sont réduites en vigueur et
en nombre. Au contraire, les Renonculacées et les Composées, notam-
ment l’Achillea millefolium, ont bénéficié de ce régime, tandis que les
Ombelliferes, et le Plantago lanceolata ont diminué.
Sur les terrains fumés à l’aide d'engrais minéraux additionnés
d’'ammoniaque, et où la potasse fait défaut, les Graminées acquièrent
une importance considérable, grâce à l’ammoniaque ; les Légumineuses
disparaissent presque complètement, sous l’action combinée de ces
deux circonstances défavorables : présence d’ammoniaque, d’un côté,
et absence de potasse de l’autre, Les Renonculacées diminuent, ainsi
— 324 —
que les Ombellifères, les Composées, les Plantago lanceolata et Rumex
acelosa.
En règle générale, il est reconnu que l’accroissement des plantes
s'arrête quand la teneur du sol en potasse descend au dessous de cer-
taines limites. Dehérain a récemment prouvé, dans une Lo de
recherches instituées sur le Sarrasin, que la production d’amidon aux
dépens de la chlorophylle ne se fait qu'en présence de potasse : aussi-
tôt celle-ci ajoutée, l’'amidon commence à apparaître. Ni le sodium,
ni le lithium ne peuvent d’ailleurs remplacer cet agent, sur les fonc-
tions duquel on ne sait du reste que bien peu de chose. Les sels de
potasse et de magnésie ont aussi une tendance générale à augmenter
le poids des feuilles, tandis que le chlorure de sodium favorise le
développement des tiges.
Substitution d'engrais minéraux mixtes à l’ammoniaque. — De
cette substitution résulte, en général, une diminution de la production
d'ensemble, avec affaiblissement des Graminées et accroissement des
Légumineuses et des espèces miscellanées en nombre et en proportion.
Parmi les Graminées, c'est le Festuca ovina qui domine; c’est le
Lathyrus pratensis, parmi les Légumineuses et le Rumex acelosa parmi
les plantes miscellanées.
Toutefois le changement le plus saillant, au bout d'un certain
nombre d'années, s’est trouvé résider moins dans la distribution des
espèces que dans le caractère de leur développement, notamment dans
leur tendance accentuée à former des tiges et à pousser en graines.
Résumé. — Il résulte des détails qui précèdent, que les plantes
rencontrées sur les divers terrains varient considérablement, au triple
point de vue de leur nombre, de leur caractère, et de leur degré de
développement, et cela suivant la nature de l’engrais employé, l'allure
variable des saisons, et l'association amicale ou la compétition hostile des
formes assemblées. Il est bien rare que l’un ou l’autre de ces facteurs
agisse isolément; presque toujours, leur influence se fait sentir en com-
binaison.Les circonstances ne sont jamais deux fois identiques et jamais
ne se réalise un état d'équilibre absolu. C’est dans le cas de terrains
privés d'engrais d’un côté, et dans celui de terrains hautement fumés
de l’autre, que l’on se rapproche le plus de cet état d'équilibre, mais
— 225 —
sans toutefois neutraliser jamais l'influence de variations climatériques
survenant à l’une ou l’autre période d’accroissement. D'ailleurs, alors
même qu’un état d'équilibre relatif viendrait à être atteint, des causes
insignifiantes, de la catégorie que l’on pourrait dénominer acciden-
telles, (préjudice causé par les insectes ou les cryptogames parasites,
par exemple), suffisent pour faire pencher la balance, amener une
variation dans l’arrangement et la répartition des espèces, et un chan-
gement correspondant dans le développement des formes individuelles.
Pour ce qui est de l'influence des engrais, on peut dire, en thèse
générale, qu’il est relativement rare de les voir employer en quan-
tité suffisante pour devenir positivement délétères ou toxiques. Dans
nombre de cas où un engrais particulier se trouve être plus ou moins
directement préjudiciable à l’une ou l’autre espèce, le dommage
indirect né de son action bienfaisante sur une ou plusieurs autres
plantes, croissant en association avec les premières, est plus considé-
rable que le tort direct qu'il est susceptible de produire. Les engrais
ont, sur les diverses plantes, une action toute ditférente, qui varie
même sur une seule et même espèce, d’après l’époque et le stade
d'accroissement où ils sont employés. Il en est qui activent la crois-
sance et le développement des tissus cellulaires, aux dépens des consti-
tuants ligneux et fibreux, d’autres qui favorisent la consolidation des
tissus, avancent la période de floraison et accroissent la proportion
des graines. Mais toute modification ainsi provoquée est essentiellement
de nature physiologique, affectant le développement de l'individu et
non le caractère de l’espèce. Aucune combinaison d'engrais n’est
susceptible d'entraîner de ces changements qu'un naturaliste qualifie-
rait de spécifiques.
— 326 —
SUR LE CHOIX DES ARBRES A PLANTER DANS
LES AVENUES DES VILLES &.
M. Renou fait une communication sur le choix des arbres à planter
dans les avenues des villes.
M. Renou s'exprime à peu près en ces termes : |
« Il n’est personne de nous qui n’ait été frappé de l’état déplorable
où se trouvent les tilleuls de nos jardins publics et surtout les marron-
niers de nos grands boulevards. La plupart sont totalement grillés
ou dépourvus de feuilles; quelques-uns ont même déjà refait un
feuillage nouveau et des fleurs. Cet état n’est pas particulier à la
saison chaude que nous traversons; presque chaque année, une série
d’une quinzaine de jours de chaleur un peu forte suffit pour amener le
même résultat. On lit alors dans les journaux qu’il se passe un
phénomène remarquable, que les marronniers ont refleuri, etc., etc.
Les arbres employés dans les plantations de l'intérieur de Paris
sont les suivants :
Orme; Aiïlante ;
Tilleul commun ; Mûrier à papier de la Chine;
Erable faux platane ; Paulownia ;
Erable plane ; Frêne;
Erable Negundo ; Saule blanc;
Platane d'Orient; Peuplier blanc;
Platane d'Occident; Peuplier d'Italie;
Acacia blanc; Peuplier noir.
Marronnier;
Ces cinq derniers arbres ne sont plantés que sur les bas quais.
Enfin on rencontre encore les arbres suivants dans les villes ou vil-
lages des environs de Paris ou dans quelques autres points de la France:
Tilleul argenté; Catalpa ;
Tilleul d'Amérique; Mürier blanc;
Crataegus Aria; Hêtre;
Sorbier des oiseleurs; Noyer d'Amérique.
Gleditschia triacanthos ; |
Il faut à Paris des arbres à croissance rapide, donnant beaucoup
(1) Bull. de la Soc. nat. d'agricult. de France, 1884, p- 497.
mont
d'ombre le plus tôt possible; mais aucun arbre de dimensions suff-
santes n’est en feuilles avant la fin d'avril.
Autrefois on ne plantait guère à Paris que l’orme et le tilleul
commun ; les autres ont été employés successivement. Les conditions
de la vie pour les arbres ont toujours été assez difficiles dans l’intérieur
de Paris, mais l'introduction du gaz, il y a près de 60 ans, a rendu
ces conditions beaucoup plus difficiles encore, à cause de l’altération
du sol; les tuyaux de conduite du gaz éprouvent toujours de nom-
breuses pertes, et au bout de quelques années, la terre de la voie
publique est entièrement imprégnée de matières goudronneuses, sulfu-
reuses, absolument noire et impropre à toute végétation. De plus, la
foulure du sol, les immondices, la poussière et le manque de rosée
pendant la nuit, rendent la vie des arbres très difficile.
L’Ailante réussit bien; il a l'inconvénient de porter des fleurs à
odeur désagréable et est un peu maigre de feuillage dans ces conditions
difficiles.
L’Acacia donne lieu aux mêmes remarques pour son feuillage, mais
sa fleur, à odeur de fleur d'oranger, est au contraire des plus agréables.
Le Müûrier de la Chine, Proussonetia papyrifera, a eu l'inconvénient
de geler en décembre 1879; mais cet accident est si rare, qu'il ne
suffit pas pour faire rejeter ce bel arbre qui réussit très bien.
Les Platanes végètent bien sur nos boulevards; mais ils deviennent
beaucoup trop grands et genent considérablement les maisons voisines
par leur branchage.
L'Érable Negundo a pendant longtemps, comme l'Acacia, un feuil-
lage un peu maigre. |
Les Érables planes et Faux Platanes me paraissent les meilleurs
arbres à planter sur la voie publique.
Le Paulownia convient aussi parfaitement; il y en a de très beaux
devant le théâtre du Gymnase et à la tête de l’île Saint-Louis.
-Le Marronnier d'Inde et le Tilleul doivent être entièrement
proscrits, à cause de l'inconvénient qu’ils ont et que j'ai signalé en
commençant, de perdre leurs feuilles dès le milieu de l'été. »
M. Cornu, à la suite de cette communication, présente les observa-
tions suivantes :
Le choix des arbres d’avenues est une question très grave et très
complexe.
— 328 —
Le Tilleul n'est pas tué par la chaleur, mais par un acarien, la
grise, qui fait tomber les feuilles.
La présence de cet acarien a un double effet : une fois la feuille
tombée, l'acarien se détache et va se poser sur d’autres plantes qu'il
attaque.
Le Tilleul argenté pourrait être employé; il n'est pas attaqué par
ce parasite; mais une difficulté se présente : cette variété se repro-
duit mal de graine. Cependant, un horticulteur des environs de Paris,
M. CÜroux, a trouvé, il y a 7 à 8 ans, un moyen de régulariser la
production de cette variété.
Il procède en prenant un Tilleul d'Europe, l’arrache, le coupe à
la base et greffe un rameau de même taille de Tilleul argenté, en
employant, soit la greffe en fente anglaise, soit la greffe à cheval.
Le sujet ainsi greffé est mis sous couche et la reprise est à peu près
assurée.
D'autres arbres présentent des inconvénients : l’Aïlante doit être.
repoussé à cause de son odeur mauvaise, à cause de son écorce qui se
pèle, se détache par places. Les parties de l’écorce ainsi soulevées sont
détachées par les passants qui enlèvent l’écorce mère avec le périderme
et font souffrir l’arbre. Pourtant l’Ailante a une croissance rapide.
L'Orme présente de grands avantages : il supporte bien la séche-
resse; mais il salit les trottoirs par ses fruits qui se détachent.
L'Érable a l'inconvénient d’être attaqué par un grand nombre de
pucerons.
Le Robinia devient jaune si le terrain dans lequel il a été planté est
mauvais.
Le Paulownia est délicat; il a l'inconvénient de ne se couvrir de :
feuilles que très tard.
Le Saule, le Peuplier exigent trop d’eau. Les Platanes ne se couvrent
de feuilles qu'à la fin d'avril seulement; ils dégagent des poussières
très mauvaises. |
En résumé, il y aurait avantage, dit M. Cornu, à choisir les variétés
qui conviennent le mieux au sol dont on dispose et à les intercaler.
Dans la région septentrionale, les Hêtres, les Ormes sont à recom-
mander. |
Malheureusement, à Paris, le sol est composé de plâtras, de terres
rapportées qui sont sujettes aux émanations du gaz et qui sont à peu
près stériles.
— 329 —
| M. BouquEeT DE LA GRYE ajoute qu’il est très difficile de faire venir
des arbres dans les avenues.
Le sol est, à Paris, composé de plätras; c'est un véritable inaca-
dam. Les racines, lorsqu'elles ont dépassé la couche de terre rappor-
tée mise au pied de l’arbre, ne peuvent plus pénétrer. Les avenues
recouvertes par le pavage en bois empêchent l’aération et l’arrosage
par les eaux de pluie. L’asphalte présente les mêmes inconvénients.
Les arbres plantés dans ces conditions vivent de dix ans à quinze ans,
- puis ils dépérissent tout à coup.
Les arrosages donnés sont insuffisants; on ne songe pas que l’eau
apportée par ces arrosages superficiels ne peut atteindre les racines
qui s'étendent à 12 ou 15 mètres du pied de l’arbre.
En résumé, quel que soit le choix de l'arbre, les plantations ne
pourront jamais durer.
Le tuyau de gaz amène la mort immédiate.
M. Bouquet de la Grye rappelle qu’il avait proposé, il y a Tél
années, un système tendant à remplacer les arbres d’avenues par des
plantes grimpantes montant sur des pilastres ornementaux à hauteur
du premier étage; ce système n’a pas été adopté.
M. DoxioL appelle l'attention de la Société sur un détail qui a une
importance capitale. L’une des grandes causes du dépérissement des
arbres d’avenues est le système de taille qui leur est appliqué.
M. Doniol ajoute qu'il a vu, à Marseille, des Platanes bien soignés,
soumis à la taille normale et qui prospéraient.
Les Ormeaux réussissent dans des conditions mauvaises ; il ne faut
donc pas les proscrire.
M. Peuicor signale les inconvénients de certaines variétés de
Peupliers qui, du côté du Pont-Neuf, laissent échapper un coton qui
tombe sur les passants.
M. Cornu, répondant à M. Doniol, expose que le Platane est l'arbre
des contrées chaudes. Il réussit très bien en Algérie et aux environs
de Perpignan. L’Ormeau est attaqué par un insecte qui détruit toutes
les feuilles.
0
DESCRIPTION DU VRIESEA AMETHYSTINA sp. NOV.
par M. Épouarp MoRREN. |
Planche XV-XVI.
Vriesea amethystina : folia elongata, lingulata, acuminata, pellucida,
subtus amethystina. Scapus gracilis, erectus, frondem superans, bracteatus.
Spica disticha, rachidi pulvinato. Flores (sub novem) distichi, distantes,
subsessiles, tubulosi, elongati (0°07), lutei, bractea minima (dimidio calycis),
Dar” 7
petalis longissimis (duplo calycis), antheris exsertis.
Brasiliana, anno 1881, v. cl. Glaziou detecta et ad H. Bot. Leodii missa.
Le Vriesea que nous nommons amethystina, en considération de la
belle et rare coloration du feuillage en rose pourpré de nuance
améthyste, est absolument nouveau pour la botanique et l’horticulture.
C'est une plante brésilienne qui nous a été envoyée en 1881, par les
soins de notre savant ami M. Glaziou, directeur des jardins publics et
impériaux de Rio de Janeiro (sous le n° 61). Les fleurs, portées sur un
long épi dressé, sont entièrement d’un beau jaune d’or.
Le Vriesea amethystina a quelques affinités avec le Vriesea War-
mingi que nous avons décrit et figuré récemment.
DESCRIPTION. — Plante de dimensions moyennes pour le genre, la touffe de
feuillage mesurant ici Om40 de hauteur et 0265 de diamètre, cespiteuse, à
drageons rapprochés. Souche courte et assez épaisse (0025). Feuilles seprées
en rosace, nombreuses (25-30), dressées ou plus ou moins étalées, peu arquées,
longues (jusque 040), d’un tissu délicat et quelque peu diaphane, très luisantes,
vert pâle et rosé à la face supérieure, tandis que la face inférieure est de nuance
améthyste, rose tirant sur le bleu. Gaïîne large (plus de 004), convexe,
lancéolée, passant au limbe qui est en lanière lancéolée, canaliculée, étroite
(0"025 en moyenne) et acuminée.
Inflorescence dressée et dépassant le feuillage (ici 0*70 au dessus dela souche).
Hampe droite, longue (0m45), svelte (0"004 d'épaisseur), cylindrique, lisse, vert
brunâtre, à nœuds espacés (0035-40), portant, dans un ordre spiral,chacun une
bractée étroitement embrassante, dressée, lancéolée, membraneuse, égalant à
peu près le mérithalle, lisse, moitié rouge et moitié verte. Epi allongé
(ici 0w018), droit, distique, à fleurs (ici au nombre de 9) assez distantes. Rachis
à mérithalles obconiques, fortement épaissis à chaque nœud, très lisses, comme
vernissés, bruns, nus et diminuant graduellement (0"03 à On015).
Fleurs allongées (007), cylindriques, étroites (0006), un peu arquées, à
Vaisselle d’une bractée courte (02022 à 0067), moitié du calice, lancéolée,
condupliquée, lisse, colorée en jaune et vert. Pédoncule court (0w01), épais,
‘IAX-AX ‘Id ‘PS8
6910919404 9nb1019T VT
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L Fo nes VRIESEA AMETHYSTINA: Rs |
— 9391 —
obconique, lisse, vert pâle. Calice court (0*28), moitié de la corolle, à divisions
condupliquées épaisses, obtuses, lisses, jaune d’or.
Corolle longue (0055), tubuleuse, un peu arquée, à pétales en languette
étroite (0907), jaune citron, un peu réfléchis à l'extrémité et munis près de la
base de deux écailles linguiformes et entières.
Étamines adnées par la base à la base des pétales (sur une longueur de 0m005),
à filaments minces dépassant un peu les pétales et portant ainsi au dehors de la
corolle une anthère adnée et relativement courte (0006). Style plus long,
courbé. Stigmate à 3 branches papilleuses, étalées. Ovaire pyramidal, lisse.
Capsule très longue (0048), presque double des sépales. Graines très nom-
breuses, à chevelure blonde.
FIGURES ANALYTIQUES.
1. Une fleur, grandeur naturelle. . Un stigmate (agrandi).
6
2. Une bractée florale. 7. L'épi.
3. Un sépale. 8. Une feuille.
9
4. Les 3 pétales avec les étamines. . La plante réduite à 1/3 gr. natur.
9. Le pistil.
PORTEFEUILLE DU PRATICIEN
PAR M. E. JApour.
Attaché au Jardin botanique de l’État, à Bruxelles.
CULTURE DES BÉGONIAS TUBÉREUX.
Pour avoir de beaux Bégonias, bien fleuris, au mois de mai-juin,
on choisit, en novembre-décembre, les plus beaux tubercules; ceux de
deux ans sont les meilleurs. On prépare un châssis ou plusieurs (selon
la quantité que l’on veut soumettre à ce genre de culture), dans une
serre chaude, le plus près possible de la lumière; on dispose les tuber-
cules sur un lit de sphagnum et l’on maintient dans les châssis une
température de dix-huit à vingt degrés centigrades.
On les bassine une ou deux fois par jour et l’on supprime toutes les
tiges d'apparence faible, afin de fortifier les autres. Au bout d'un mois
les tubercules sont propres à être mis en pots; à cet effet, on prépare
des pots bien propres et de différentes dimensions suivant la grosseur
des tubercules. La meilleure terre est celle de bruyère à moitié faite et
— 332 —
bien légère, dans laquelle on mélangera une partie de bon terreau de
fumier bien décomposé. Pour la mise en pot, on prend le tubercule
par le dessus; de la main droite on retire les fragments de mousse qui
seraient retenus à celui-ci; on remplit le pot de terre et l’on fait une
petite fosse pour mettre le tubercule au milieu; on donne un coup de
pouce léger, afin de bien l’asseoir; on comble le pot de terre, en ayant
soin d'élever autour du tubercule une petite butte, afin que l’eau ne
puisse séjourner autour et ne le fasse pourrir. On bassine tous les jours
jusqu'à ce que les pousses soient bien sorties. En janvier-février
s’il fait beau, or peut les aérer pendant une heure ou deux.
Dès que les plantes se touchent, on les espace et on laisse les vitres
bien claires. Quand les plantes sont assez fortes, on leur donne de dix à
douze degrés la nuit, et le jour on maintient la température entre
dix-huit et vingt degrés C.
Quand, en mars, le soleil commence à prendre force, on brouille les
vitres d’un peu de blanc d'Espagne mélangé de bière et d'huile de lin.
Les plantes étant à ce moment bien développées, on peut les arroser à
l’engrais liquide une à deux fois la semaine.
Quand les boutons apparaissent, on supprime tout bassinage; si l’on
a eu soin de bien les espacer, et de les tenir éloignés du vitrage, la
floraison s'effectuera en mai. On cesse les arrosages progressivement
après la floraison, de manière que trois ou quatres semaines après, on
puisse mettre les plantes sous les tablettes à l’abri de l'humidité.
LE STEPHANOTIS FLORIBUNDA var. EL VASTON.
Le Siephanotis floribunda var. Elvaston, de la famille des Asclépia-
dées, est une plante des plus recherchées pour son abondante floraison.
Ses fleurs sont un peu plus grandes que celles du type, et ce qui en
fait le mérite, c’est qu’il est bien plus florifère que ce dernier. Les
fleurs sont d’une belle couleur blanc d'ivoire, la corolle présentant un
aspect vernissé. Ses feuilles sont épaisses et oblongues, un peu plus
courtes que celles du S. foribunda; à leur aisselle naissent des
bouquets de dix à quinze fleurs réunies sur un même pédoncule.
La culture de cette plante grimpante est assez facile; elle se con-
— 333 —
tente d’une bonne serre tempérée bien claire et réclame une bonne
exposition. Pour en obtenir de beaux produits, on la cultivera en pleine
terre dans un compost formé d’un quart de terre franche et trois quarts
de terreau de fumier bien décomposé. En été on l’arrosera abondam-
ment et de temps à autre on lui donnera de l’engrais, mais en hiver
on la tiendra assez sèche. On conduit les tiges sur un fil de fer tendu et
éloigné des vitres de la serre d’environ quinze ou vingt centimètres.
Comme cette plante est sujette à être attaquée par les cochenilles et
autres insectes, on devra, une fois au moins tous les quinze jours, la
seringuer avec un mélange d’eau dans laquelle on aura fait dissoudre
du savon noir et un peu de tabac; un lavage à l’eau claire rendra la
plante plus belle et la débarassera de la crasse que le savon et le tabac
déposent sur le tissu des feuilles. On la multiplie de boutures de
branches latérales à moitié aoûtées, plantées dans de la terre de bruyère
sablonneuse, placées sur couche chaude et sous cloches. La multipli-
cation se fait en février.
CULTURE DE L'ALLAMANDA HENDERSONTI.
L’Allamanda Hendersoni, de la famille des Apocynées, est une de
nos belles plantes à fleurs, de serre chaude. Le peu de soins qu’elle
réclame est largement compensé par l’abondante floraison qu'elle
donne depuis juillet jusqu'en novembre. Ses fleurs, en forme d’enton-
noir, sont d’une belle couleur jaune d’or tranchant admirablement sur
ses belles feuilles vert clair, oblongues, supportées par un court
pétiole. On peut la cultiver en pots; cependant, si on peut la mettre en
pleine terre, on obtiendra de plus beaux résultats.
On plante dans un bon compost formé moitié de terre de bruyère
substantielle, et moitié de terreau. On la conduit le long d’un fil de fer
tendu au faite de la serre, ou sur le coté du chemin si la serre a une
bâche, le palissage et le nettoyage se faisant ainsi plus facilement.
Quand la plante aura atteint la longueur d’un mètre cinquante, on la
pincera, afin de la forcer à se ramifier; quand, à leur tour, les ramifica-
tions auront atteint cette longueur, on leur fera subir le même traite-
ment, pour obtenir, par ces pincements répétés, le plus de jeunes
pousses possible; c'est sur ces dernières ramifications et à leur
extrémité qu’elle fleurit,
— 334 —
Cette plante, devant se cultiver en serre chaude ou à défaut de
celle-cien serre tempérée, est sujette aux attaques des insectes ; on devra
donc, de temps en temps, la seringuer avec de l'eau chargée d'un peu
de jus de tabac.
Sa multiplication se fait en février; on choisit du bois bien aoûté,
ou, si l’on peut, des branches bifurquées ; la reprise de ces dernières
est plus certaine. On les plante en terre de bruyère additionnée de
moitié de sable et l’on place sur couche chaude ou en serre, sous cloche
ou sous châssis.
NOTE SUR LA CULTURE DU VICTORIA R£SGIA.
Cette splendide Nymphaeacée dont tous les visiteurs ont pu, cette
année, admirer le développement exceptionnel au Jardin botanique de
Bruxelles, n’est pas, comme on pourrait le croire, d’une culture bien
difficile. Une fois installée, elle n'exige que des soins de chauffage,
d’aérage et de propreté. La température de l’eau et celle de l’air ont
leur importance, mais c’est surtout la qualité de l’eau qui exerce une
grande influence et qui décide de la réussite.
Élevée de graines qui avaient germé spontanément dans le fond du
bassin et qui provenaient de la plante cultivée l’année précédente, la
Victoria a été mise en place au commencement du mois de maï. Elle
a été plantée dans un substratum formé de vase d’étang et de charbon
de bois, reposant sur un lit de grosses scories traversé par un tuyau du
thermosiphon. Le tout formait un tertre d'environ 080 au centre.
Immédiatement après la plantation, le bassin à été rempli d’eau, de
facon à recouvrir le cœur de la plante de 8 à 10 centimètres et cette
quantité d’eau a été augmentée graduellement pour arriver jusqu’à
030. Sa température a été portée à 20° C et s’est élevée progressive-
ment jusqu’à 28. Celle de l'air était maintenue à 20-25° C et, avec
l’aide du soleil, arrivait parfois à 35. Dès qu’elle dépassait ce chiffre, on
aérait. Bien qu’exposée aux rayons du soleil pendant toute la journée,
la plante n’a pas été ombrée. Seules, quelques guirlandes de plantes
grimpantes et quelques touffes de Saccharum brisaient légèrement
l'intensité des rayons lumineux. us
La première fleur s’est épanouie le 15 juin ét mesurait 0,32 de
diamètre. À ce moment, les feuilles qui avaient atteint leur maximum
— 335 —
de développement présentaient un diamètre de 225 avec des bords
relevés de 0,10 centimètres. Aussi le coup d’œil qu’offrait la serre
était-il des plus remarquables.
Ainsi que nous le disions plus haut, la qualité de l’eau est d’une
grande importance dans la culture de la Victoria, comme du reste
dans'celles de toutes les plantes aquatiques. Au Jardin de Bruxelles,
l'aquarium est actuellement alimenté par de l’eau de pluie recueillie
dans une citerne située dans la partie la plus élevée de l’établisse-
ment. Le tuyau d'alimentation est placé à 0,30 centimètres au-dessus
du fond, de manière à empêcher les impuretés d’être entrainées avec
les eaux. |
La première année de son installation, le bassin était rempli par les
eaux dites « de la ville ». Ces eaux, chargées de sels calcaires,
donnaient aussi naissance à une quantité d'algues qui se collaient
aux plantes et les étouffaient. C’est alors que l’on se décida à utiliser
l'eau de la citerne citée ci-dessus. Mais dès l’abord on remarqua que
cette eau, que l’on croyait saine, exerçait une influence néfaste sur les
plantes. Les poissons même y mouraient au bout de quelques heures.
Ne sachant à quelle cause attribuer cet état de choses, on eut recours
à l’analyse chimique et l’on découvrit que cette eau contenait en
dissolution une quantité notable de sels de cuivre.
On rechercha la source de cette substance si toxique et on s’apercut
qu'elle était amenée par l’eau des pluies qui tombait sur les plaques de
cuivre oxydé recouvrant le dôme. On détourna ces eaux et depuis lors
plantes et poissons prospèrent et se multiplient. Il est donc permis de
compter qu’à l’avenir, la Victoria, de même que les autres plantes
aquatiques vivant dans son voisinage, continueront à croitre et à se
développer avec la même vigueur que celle qu’elles ont montrée cette
année.
— 9336 —-
ÉTUDE SUR LES PELARGONIUMUW).
PAR M. SHIRLEY HIBBERD.
Traduite de The Gardeners Chronicle, juillet 1880, p. 5.
Les Pélargoniums constituent un sujet d'étude assez vaste pour occu-
per autant d'heures, de jours,voire même de semaines que j'ai deminutes
à vous consacrer en cette circonstance. Les plantes rassemblées sous
vos yeux, sur cette table, représentent, en partie, la superbe collec-
tion d'espèces et d’hybrides que possède la Société royale d'Horticulture,
et dont le traitement à Chiswick est ce que l'on peut désirer de mieux.
C’est chose heureuse pour moi que de ne pas avoir à m'occuper des
Géraniums, car si ces plantes sont de moindre importance, elles nous
reportent plus en arrière dans le temps, et nous devrions, pour leur
rendre pleine justice, fureter dans Les vieux livres où nous puiserions
de curieux renseignements à leur sujet. Et puisque nous avons men-
tionné les Géraniums, force nous est de débuter par des définitions. Un
Pélargonium n’est pas un Géranium, bien qu’on les confonde souvent
dans une dénomination commune. Les vrais Géraniums sont, pour la
plupart, des espèces herbacées de l’hémisphère boréal, tandis que les
Pélargoniums consistent presque tous en plantes buissonneuses ou
suffrutescentes de l'hémisphère austral. Transportons-nous, pour un:
instant, sur les versants enchanteurs de Darby Dale dans le Derby-
shire, ou sur les rives de la Clyde ou du Calder. Nous y trouvons de
vastes nappes du charmant Géranium des prés (Geranium pratense),
un vrai Géranium celui-là, dont la fleur est une des plus jolies que l’on
puisse rêver. Dans les recoins rocheux d’Ashwood Dale, ou sur les
rives du Doon « aux ondes bavardes », nous pourrons rencontrer à
profusion, au cœur de l'été, l’'Herbe à Robert (Geranium Robertianum),
avec ses fleurs rouge rose et ses feuilles purpurines — un vrai bijou
de la couronne de Flore. Enfin suivons la voie ferrée de Furness à
Withehaven, et nous verrons tout le long du chemin, principalement
(1) Cette étude est le résumé d’une conférence donnée par M. SHIRLEY HIBBERD,
au local de la Société royale d'Horticulture de Londres, à l’occasion de l’exposi-
tion annuelle de Pélargoniums, le 29 Juin 1880.
— 9331 —
vers St Bees, le Géranium sanguin (Geranium sanguineum) épanouir
ses corolles cramoisies, en trainées compactes, longues parfois de plus
de 200 mètres et d’un coloris resplendissant. Il n’est pas de nuance,
parmi celles qu’offrent aux regards les espèces de nos jardins, qui
puisse donner même une idée du coloris de cette plante en certains
points des côtes du Cumberland; les nappes de Coquelicots écarlates
qui parsèment cà et là les champs mal cultivés ne sont rien, à côté
de ces massifs de l’une des espèces les plus communes et les plus rusti-
ques de notre flore indigène.
Passons maintenant de l’autre côte du globe et débarquons au voisi-
sinage du Cap de Bonne-Espérance, sur le vaste désert de Karroo, par
exemple, où l’on trouve beaucoup de sable, beaucoup de soleil et peu
de pluie. Là, au sein de la désolation et de la solitude, s’étale une flore
d’une richesse inouïe : ces bruyères que vous rencontrez cà et là, en
massifs resplendissant des teintes les plus brillantes, se composent en
majeure partie de Pélargoniums indigènes, affectant d'habitude l'allure
d'arbres en miniature, à feuilles caduques, bien que dans les vallons
voisins du littoral, où les pluies sont plus abondantes, ils se transfor-
ment en buissons toujours verts.
Bien distinctes par leurs caractères sont donc ces deux tribus
végétales, et non moins différentes de constitution et d’aspect. Nous
pouvons envisager les Géraniums comme des herbes d'Europe, les
| Pélargoniums comme des miniatures d'arbres africains.
En examinant les fleurs, nous trouvons au vrai Géranium* cinq
pétales de dimensions et de configuration identiques ; il n’en est pas de
même des Pélargoniums, où les deux pétales supérieurs sont tantôt plus
grands, se tenant à l'écart des autres non sans une certaine dignité,
comme des parents abaissant leurs regards sur des enfants dociles et
soumis, tantôt plus petits, comme des enfants qui auraient grandi et
seraient devenus intraitables.Lesfleuristes font de leurmieux pour faire
disparaître l’irrégularité des pétales des Pélargoniums et les rendre,
sous ce rapport au moins, identiques aux Géraniums, mais la trans-
formation rêvée ne se réalisera pas avant que nous n’ayons vu s’accom-
plir bien des choses étonnantes. Un Géranium d’ailleurs a 10 étamines,
un Pélargonium sept seulement, parfaites il est vrai. Ces chiffres ne
sont pas constants, mais les rares exceptions sont sans importance
dans un exposé général tel que celui-ci. Je ne dirai rien des Erodiums,
— 338 —
sauf que leurs caractères les plus saillants les rattachent aux Géra-
niums. Quant à leurs noms, rien de bien intéressant à en dire; ils
sont empruntés à une prétendue ressemblance entre le fruit mür de
ces plantes et le bec d'une cigogne, d’une grue ou d’un héron. |
Après avoir bien discuté et passé en revue les différences et les res-
semblances des divers genres de Géraniacées, l’on arrive à cette con-
clusion, qu’il n'existe guère qu’un caractère constant et infaillible pour
reconnaitre un vrai Pélargonium, à savoir: le tube nectarifère qui
termine inférieurement la fleur et descend d’un côté tout le long du
pédoncule floral. En tenant ce dernier au jour, vous distinguerez ce
tube que vous prendrez à première vue pour un second pédoncule : mais
une dissection de l’organe à l’aide d’une épingle ou de la pointe d'un
canif vous démontrera qu’il part de la base du plus grand des sépales
verts et apparaît souvent comme une sorte de doigt ou d'éperon dans
Ja ligne du vrai pédicelle. Et maintenant, si vous possédez bien cet
exposé, vous pouvez caresser l’idée que vous savez quelque chose des
Pélargoniums.
HISTOIRE DU PÉLARGONIUM.
Le meilleur résumé de l’histoire du Pélargonium que j'aie rencontré
figure dans le n° du 2 octobre 1841 du Gardeners Chronicle. C'est là
qu’il est question du premier Pélargonium connu comme habitant
d'un jardin anglais. L'article parle en effet d’un Pélargonium connu
de Gérard, dont il n’est du reste fait aucune mention dans le « Gérard »
de 1597. Mais le « Gérard» de Johnson de 1633 signale (page 948) une
plante,qu’il nomme Geranium indicum, « récemment introduite dans ce
pays grâce aux soins de M. John Tradescant » ; l’auteur ajoute « qu'il
a vu la plante en fleurs vers la fin de juillet 1632, lors de sa première
floraison chez son propriétaire ». La plante figurée par Sweet sous le
nom de Pelargonium filipendulum n'est qu’une variété du Pelargonium
triste, identique au Geranium indicum du « Gérard » de Johnson. C'est
ainsi que nous pouvons reporter à 250 ans d'ici la première floraison
d’un Pélargonium dans notre contrée.
C’est peut-être ici le lieu de faire observer qu'il n A guère L
vrais Pélargoniums en dehors des espèces du cap de Bonne Espérance.
Le P. canariense est indigène des Canaries ; le P. australe vient du
continent australien; le 2. cotyledonis croît spontanément à S' Hélène;
— 339 —
le P. Endlicherianum est une forme asiatique, on pourrait même
presque dire européenne. Deux ou trois espèces sont originaires d'Abys-
sinie. Mais le 2. triste est sans aucun doute une plante du Cap, et
il est intéressant de savoir que notre premier Pélargonium doit son
introduction dans nos contrées à ce John Tradescant, dont Parkinson
parle comme de l’un des plus adroits, des plus habiles et des plus
dévoués parmi les amateurs de curiosités et de raretés naturelles.
Sans doute la plante figurait parmi les trésors conquis lors de son
voyage en Barbarie, sur la flotte envoyée contre Alger en 1620.
Lorsqu'il devint plus tard, en 1629, jardinier de Henriette Marie,
épouse du roi Charles 1°, la plante figura dans sa fameuse collection
de Lambeth. d’où elle fut lancée dans le monde horticole comme avant-
garde des Pélargoniums d’aujourd’hni et de la Société qui porte leur
nom. Comme la découverte du Cap date de 1497, il a fallu 123 ans à
la plante pour traverser la Méditerranée, et les commerçants Portugais
n'ont probablement pas été étrangers à l’accomplissement de ce voyage.
Une chose bizarre, c’est que John Tradescant, un vrai Anglais, né
dans le Worcestershire et probablement d’origine française, ait été
constamment regardé comme un Hollandais. La chose est surtout
curieuse sous ce rapport, que subséquemment à l’introduction du pre-
mier Pélargonium du Cap, une douzaine d’autres espèces pour le moins
qui ne tardèrent pas à faire leur apparition en Europe, doivent leur
importation à des Hollandais. Le Dr James Sherard en cultivait en 1732
une demi douzaine d’espèces dans son superbe jardin d'Eltham. La
seconde édition de Miller, parue en 1733, mentionne une vingtaine
de Géraniums d’Afrique, qui sont tous en réalité des Pélargoniums
du Cap. Nous arrivons ainsi au Genera Plantarum de Linné en 1737 et
à son Species plantarum, publié 18 ans plus tard, où nous voyons les
vingt-cinq espèces de Pélargoniums connues à cette époque, décrites,
pour la dernière fois dans un ouvrage de haute valeur scientifique, sous
le nom de Géraniums. En 1787 L’Héritier savait les reconnaître aux
caractères que nous avons mentionnés quelques lignes plus haut. Enfin
l’Hortus Kerwensis de 1812 décrit 102 espèces et hybrides en culture à
Kew, entre autres P. triste, grossularioïides, zonale, inquinans, late-
ripes, peltatum, grandifiorum, quercifolium et fulgidum. ;
Ne
VARIÉTÉS HORTICOLES.
Les splendides variétés horticoles de Pélargoniums qui font les
délices de nos fleuristes sont, dans un certain sens, des créations dûes
à l’industrie humaine. La nature en effet ne s’est jamais préoccupée de
produire semblables bijoux. Ce sont les fruits d'hybridations, de croise-
ments systématiques, nés du talent et de la persévérance des fleuristes
pendant une période de soixante-cinq années, laps de temps bien court
eu égard aux résultats obtenus, et qui devient tout à fait insignifiant
quand on compare les espèces originales sorties des mains de la nature
avec les splendides formes de l’époque actuelle. C’est vers 1815 que
commencent les essais de croisement; à la tête de ce mouvement horti-
cole vient se placer Sir Richard Colt Hoare, qui obtient bon nombre
de charmants hybrides. L'œuvre est poursuivie, avec des tendances
plus sérieuses et plus rationnelles, par M" Robert Sweet, auteur de
diverses publications illustrées d’une réelle valeur, parmi lesquelles
un ouvrage consacré aux Géraniacées, qui parut de 1820 à 1830, en
cinq volumes, avec 500 figures d'espèces et d’hybrides de Géraniums,
de Pélargoniums et d’autres représentants du même groupe naturel.
L'ouvrage de Sweet met bien en évidence les progrès réalisés pendant
ces quinze années dans la culture et l'amélioration de ces jolies
plantes : nous y voyons déjà la fleur des fleuristes prendre forme,
annoncer en quelque sorte ce qu’elle deviendra plus tard. Le quartier
général du groupe des Pélargoniums, à cette époque, étaient surtout
les pépinières de Colvill, King’s Road à Chelsea; mais MM. Davay,
Dennis, Tait et autres cultivateurs de la même ville occupent égale-
lement une place en évidence parmi ceux qui apportèrent bon nombre
de nouveautés à l’œuvre de Sweet. Il n’est pas facile de décou-
vrir pour quels motifs le monopole de la culture des Pélargoniums
était à cette époque dévolu à Chelsea. Sans doute M. Anderson,
alors directeur du Jardin botanique de cette ville, fit naître dans
le district le goût de ces travaux, et prépara, comme qui dirait, 1
l'atmosphère locale pour l’éclosion et le développement du secré-
taire honoraire de la Société des Pélargoniums, le dernier et le
plus habile parmi les administrateurs de ce célèbre jardin.
D D
A
SECTION À GRANDES FLEURS.
Les Pélargoniums à grandes fleurs des fleuristes passent pour
descendre du P. speciosum. Il est manifeste, pour toute personne qui
s'occupe de la culture de ces plantes, que le sang d’une vingtaine
d'espèces au moins coule dans leurs veines. L'introduction du
P. speciosum date de 1794, bien que la plante ne figure sous ce nom ni
dans l’ouvrage de Sweet ni dans l’ÆZortus kewensis. Elle est décrite cà
et là incidemment, comme produisant des fleurs pourpres et blanches,
et l’on ne peut dire qu'elle ait une histoire. Si l’on me demandait :
qu'est-ce donc que ce Pelargonium speciosum? je renverrais à la
description du P. involucratum de Sweet (n° 33). L'auteur y mentionne
le P. speciosum d’Andrews comme identique à son P. superbum et fait
justice du speciosum de Willdenow. Il semble probable, d’après moi,
que le P. spectabile (136), hybride obtenu des P. cucullatum et ignes-
cens, et le P. involucraium (33), né des P. cucullatum et superbum,
sont les fondateurs de la race actuelle des fleuristes. Ce qu'il y a de
certain, c'est que ces formes typiques étaient douées d’une apti-
tude spéciale à varier indéfiniment et d’une constitution plastique
capable d’en faire le point de départ d'innombrables « surprises
florales ». Il n’y a pas d'exagération à affirmer que parmi les hybrides
véritables, il en est une cinquantaine au moins qui peuvent revendi-
quer la paternité de notre race d’exposition. Seulement il faut renoncer
à élucider ce point litigieux, car ce n’est que bien exceptionnellement
que les « éleveurs » d’autrefois tenaient note des renseignements
nécessaires à la solution de pareils problèmes généalogiqnes.
La première variété qui mérite d'être qualifiée de « fleur des
fleuristes » est le Geranium grandissimum, gagné par M. Widnall de
Grantchester ; elle est figurée dans le Foricultural Cabinet du 1° sep-
tembre 1834. C’est une charmante fleur à pétales supérieurs de couleur
sombre et pétales inférieurs d’une chaude nuance rouge incarnat, mais
de trop petites dimensions et de trop pauvre forme pour qu'on lui fit
aujourd’hui l'honneur de la recevoir dans une collection de Pélargo-
niums. Quels immenses progrès les fleurs obtenues dans ces derniers
temps par M° Hoyle ou M" Foster réalisent sur ce type primordial !
C’est M. Hoyle, sans contredit, que nous devons placer au premier
rang parmi ceux auxquels revient l'honneur d’avoir produit, grâce à des
croisements systématiques, les plus belles variétés de l’époque actuelle.
PeAD EE
SECTION ZONALE.
Cette race n’a acquis de l'importance que subséquemment à la précé-
dente. Sweet groupait les formes qui la composent sous la dénomination
générique de Ciconium, dont les espèces les plus importantes étaient
le Ciconium zonale et le C. inquinans, introduits le premier en 1710,
le second en 1714. Il n'est pas douteux qu’ils ne soient les parents de
notre race actuelle, mais leurs différences n’expliquent pas cependant
les innombrables variations de feuillage et de fleurs que nous observons
dans les formes de jardinage. C’est probablement le C. reticulatum de
Sweet (143), hybride bien distinct, qui a servi de point de départ à la
panachure des feuilles, laquelle a, dans ces dernières années, atteint
un développement réellement extraordinaire. En tous cas, cet hybride
marque une étape importante, et semble bien adapté à devenir le fon-
dateur d’une race.
La section « à bouquets » est la plus ancienne parmi les « zonale. »
Elle doit son origine au C. Fothergilli, dont la figure donnée par
Sweet (226) pourrait servir à représenter un bon Pélargonium à bou-
quets de l’époque actuelle — d’où il résulte que cette section a été
moins modifiée par la culture que les formes zonale et inquinans.
Une autre section des anciens fleuristes est celle à feuilles vertes
et fleurs rouge-rosé, dont « Christine » nous représente le type
moderne. Ce groupe est annoncé dans le C. cerinum, admirablement
figuré par Sweet (176). Nous y voyons des feuilles pubescentes et des
fleurs de nuance rouge-rosé tendre, à pétales gracieusement arrondis
et de dimensions presque égales. Les cultivateurs qui se rappellent
Lucia rosea sauront sans peine rattacher les formes naines de la classe
« Christine » au joli Pélargonium à fleurs cireuses que Sweet considé-
rait comme une espèce distincte.
La forme la plus célèbre de la section zonale est sans contredit la
plante à feuilles vertes et à fleurs écarlates connue sous le nom de
« Général Tom-Pouce,» descendant de « Frogmore Scarlet,» et rivale
de « Huntsman », de « Cooper’s Scarlet, » et de nombre d'autres formes
aujourd’hui disparues de la lice. Cette remarquable variété fut gagnée.
vers 1842 par M. Wilson, jardinier de W. Pigott, Esq., de Dullingham:-
House, New-Marquet (voir, pour son historique, Gard. Chron. 1866,
— 343 —
p. 973). On raconte qu’à l’état de semis, la plante fut condamnée et
jetée à des enfants, qui la torturèrent de toutes facons et des mains
desquels elle finit par passer dans un tonneau à cendres. Elle en sortit,
on ne sait par quel hasard, fut plantée, et au fur et à mesure qu’avan-
çait l'été apparurent ces caractères qui devaient lui assurer sa réputa-
tion et lui valoir plus d'admirateurs que n’en eut le protégé de Barnum.
Du reste maints cultivateurs peuvent réclamer l'honneur d’avoir
contribué à la naissance de cette race; car c'était à cette époque une
véritable manie que d'obtenir des Pélargoniums écarlates adaptés à la
culture en parterre, une manie qui dura quelque quinze ans, de 1840
à 1855, une sorte de « fièvre scarlatine » horticole — et nombre de
variétés à peine distinctes naquirent presque en même temps en divers
endroits. Plus d’une d’entre elles passa pour l’authentique « Tom Pouce,»
et valait peut-être tout autant. Mais la forme vraie, originale, différait
toutefois de la plupart de ses rivales en ce qu’elle müûrissait rarement
ses graines sans le secours d’une fécondation artificielle — moyennant
quoi elle devenait aussi prolifique qu'aucune autre. Ce caractère sépare
nettement la forme en question de « Christine », qui donne des graines
à profusion ; il y a du reste la différence du feuillage, lisse, mince, d’un
vert jaunâtre chez le premier, épais, coriace, d’un vert bleuâtre chez la
seconde ; l’un nous ramène à l’inqguinans, l'autre aux cerifera. C'est la
nature elle-même qui a pris soin de tracer depuis des siècles ces carac-
tères distinctifs au sein des solitudes qui s'étendent, mornes et désolées,
à l’ouest du Cap Town.
La variété « Christine » à fleurs rouge rosé a été gagnée par M. F.
R. Kinghorn, de Richmond, en 1852. Elle est née du croisement entre
Princesse Royale, d’Ingram et une anciennne forme de la section « à
bouquets, » fort employée autrefois pour l’ornementation des murailles
et des pilastres. Toutefois cette parenté ne rend pas compte du
moëlleux tout particulier et du ton bleu qui dominent dans le feuillage
de leur progéniture et rappellent si nettement le cerinum ou monstro-
sum de Sweet. M. Kinghorn, à qui je suis redevable de ces détails
généalogiques, me dit avoir remarqué de bonne heure l'individualité
puissante de cette forme, qui semble l’élever au rang d'espèce distincte;
la plante, du reste, se reproduit abondamment et constamment par
semis. Ca été, pendant une quinzaine d’années, la plante de parterre la
plus populaire, laissant loin dernière elle jusqu’à Tom Pouce lui-même.
RAS ARE
Une autre jolie variété, « Kose Queen, » mise en vente en 1885, fut
gagnée par M. Kinghorn dans le même stock que Christine ; c'est une
forme que distinguent de brillantes qualités, mais qui ne s'adapte pas
aussi bien que sa rivale à la culture en parterre et par suite n’est
jamais arrivée à la même popularité.
FORMES PANACHÉES.
Il serait injuste de laisser absolument de côté les variétés à feuilles
panachées qui, dans un parterre habilement composé jouent un rôle
aussi important que les formes à couleurs vives. Elles fondent les
nuances, lés marient, les divisent. En 1844 il n'existait guère de
variétés panachées de la section zonale; une seule portait des fleurs
écarlate vif; c’était la « Panachée de Lée », et Dieu sait si elle était
rare. Elle devait sa naissance, pensons-nous, à M. Bailey, jardinier à
Nuneham-Park. M. Kinghorn en prit le pollen pour féconder l’antique
« compaclum », fonctionnant comme conjoint femelle, et du premier
stock de semis venus de ce croisement, il obtint le célèbre « Cerise
Unique » et la non moins illustre « Fleur du jour », la plus utile et la
plus renommée de toutes les zonale à feuillage panaché. M. Kinghorn
estime que cette acquisition représente le plus grand progres accompli
d’une fois dans une œuvre de l'espèce, et je déclare m'’associer sans
réserve à cette manière de voir. La plante originale, robuste et vigou-
reuse et deux pieds moins forts de « Fleur du jour » furent achetés
par M. Lée en Août 1849, et ceux-ci, un an après, possédaient un
stock de 1500 pieds de dimensions variables à offrir en vente — spec-
tacle merveilleux pour l’époque, et qui de nos jours même ne laisserait
pas d’exciter l’admiration.
Or, il se trouve que cette dernière variété de la section à feuil-
lage argenté, la plus utile de toutes, nous conduit directementau point
de départ de toute la race des « tricolores ». |
En 1850, en effet, M. Kinghorn obtint de « Fleur du Jour » la jolie
variété connue sous le nom « d'attraction », dont la feuille présente
une bordure argentée et une zone sombre, d’où partent des rayons
effacés, d’une riche nuance rouge et brune, aboutissant à la bande cre-
meuse qui la circonscrit au dehors. Ce fut le premier « tricolore
argenté » et l’un des parents du premier « tricolore doré ». M. Griève,
— 345 —
dans son admirable ouvrage intitulé Æistory of variegated Pelargo-
niums (Histoire des Pelargoniums panachés), raconte qu'il féconda
une variété à zone sombre, connue sous ie nom de Coilage Maid
au moyen du pollen d’Afiraction. Parmi les semis obtenus se trouve
le parent de l'Zmpereur des Français, à zone sombre, dont est
descendue toute la race des ricolores dorés. De Cotlage Maid
et de Golden Chain (ce dernier fournissant le pollen), M. Griève
a obtenu Tom Pouce doré, et de ce dernier fertilisant l’Zmpereur
des Français, Faisan doré le premier Tricolore doré vrai. Ce même
Empereur des Français, petit fils d’Atéraction, fécondé par le pollen
de Faisan doré, a produit les deux plus illustres parmi les Tricolores,
à savoir A Pollock et Sunset (coucher du soleil).
VARIÉTÉS A FLEURS DOUBLES.
Les Pelargoniums à fleurs doubles sont nés, il y a au moins cinquante
ans. Une jolie forme double, de couleur pourpre, nommée Veiichianum,
qui n’appartient pas à la section zonale, mais est proche parente du
Barringloni, a été obtenu à Exeter, vers 1828, par M. Veitch; son
portrait figure dans le volume supplémentaire de Sweet (81), presque
à côté d’une autre forme double nommée émplicalum, aussi semblable
au cucullatum à fleurs doubles récemment obtenu par M. Cannell
que peuvent l’être deux choses probablement différentes.
Mais l’histoire des Pélargoniums à fleurs doubles ne commence
guère qu'avec Surprise de Wilmore, jolie variété semi-double, décrite
et figurée dans le Gardeners Chronicle, 17 août 1850. Elle fut
trouvée par M. Wilmore, de Strawberry Dale, Edgbaston, croissant
au beau milieu d’une plantation de Roses Trémières, et si peu habi-
tués étaient les yeux des fleuristes à pareil objet, qu’elle fut d’abord
regardée comme un hybride véritable entre un Pélargonium et une
Rose Trémière. L'histoire de cette variété présente cette particularité
curieuse, qu’en coïncidence avec sa découverte dans le jardin d'Edgba-
ston, feu M. Beaton l’obtenait comme « sport» du Diadematum
rubescens et le baptisait du nom de monstrosum. La plante d’Edgbas-
ton fut exposée par M" Lee, de Hammersmith, à Regent's Park, le
80 juin 1852, et M. Beaton supprima en sa faveur son monstrosum.
Les zonales doubles sont de date plus récente; l’un des plus anciens
25
ro
est « Gloire de Nancy» à fleur écarlate-cramoisi, exposé pour la
première fois dans cette contrée en 1866. En 1869, dix-sept formes
doubles de cette section étaient connues du public, tandis qu’à la
même époque, on pouvait dire des représentants des autres groupes
que « leur nombre était légion ». Arrivés à cette période de leur
histoire, les Pélargoniums constituent un sujet trop vaste pour qu'il
soit possible de le traiter en cette occasion ; aussi ne vous entretien-
drai-je, ni des éricolores, ni des bicolores, ni des formes à feuilles
de Lierre ou des wniques, qui, pendant une dizaine d’années, envahi-
rent les jardins, fournirent le topique habituel des conversations de
table, décorèrent la boutonnière des industriels comme des pairs du
royaume, et convainquirent une bonne moitié des humains que la
Providence avait exclusivement réservé les jardins à la culture de
cette seule tribu végétale et que le Pélargonium n’était autre chose
que l’arbre du bien et du mal en personne, planté au milieu du
Paradis terrestre pour les délices et... le malheur du tout premier
des jardiniers ! Il est positif que pendant les quelques années où, dans
l’appréciation des amateurs, les Géraniums furent tout et les autres
plantes rien, le monde sembla oublier qu’il dispose de quelque chose
comme 150000 espèces végétales entre lesquelles il peut choisir pour
l’ornement et la décoration des parterres. Et il n’est pas moins positif
que pendant cette même période, étrange et intéressante à la fois, de
notre «histoire horticole », les fleuristes avaient la tête trop bourrée
de zones, de bandes, de tuyaux de chaufferie, de parterres, pour
qu'autre chose put y trouver place, de telle sorte que l’on vit le
phénomène de la Tulipomanie se reproduire sous une autre forme, sans
s’en douter pour ainsi dire, et sans s’apercevoir que la passion des Pé-
largoniums avait rendu le monde aux trois quarts fou.
Maintenant que nous sommes mieux placés pour examiner le sujet de
sang-froiä, nous remarquons que deux classes de Pélargoniums demeu-
rent en pleine possession de la faveur du public. Il y a d’abord les
variétés d'expositions à grandes fleurs et les formes à grandes fleurs
de la section zonale ; puis vient un bataillon serré de Pélargoniums
panachés à feuilles de Lierre, à fleurs doubles, gracieux et utiles, mais
dont la ressemblance et le trop grand nombre cessent de nous embar-
rasser. La Société des Pélargoniums les soumet à un critérium sévère,
et il faut qu'une variété soit réellement bonne et distincte pour sortir
— 947 —
victorieuse de l'épreuve, sans compter que l'obtention des variétés
nouvelles se base aujourd’hui davantage sur les principes scientifiques
— d'où résultent des caractères nouveaux, bien propres à mettre
en évidence le vaste champ d’exploration ouvert par l’hybridation
aux esprits aventureux. Personne, dans ces derniers temps, n’a contri-
bué d’une façon plus directe au traitement scientifique du sujet que
notre laborieux et actif trésorier, le D' Deuny, dont je vais brièvement
vous exposer l’œuvre.
Le D" Deuny a débuté dans l'élève des Pélargoniums en 1866;
son but était de rechercher l'influence des parents sur l’hybride auquel
ils donnent naissance, et d’établir ainsi une règle scientifique pour le
choix des variétés en vue des semis. En manipulant des variétés à
feuilles panachées et à fleurs distinctes et décoratives, il trouva que
le conjoint mâle exerce sur le rejeton une influence prédominante.
C’est en fécondant les grandes fleurs étoilées de Zéonidas à l’aide
du pollen emprunté aux corolles plus délicates de Zord Derby, qu’il
jeta les fondements de sa série de « zonales à fleurs circulaires. »
Depuis 1871 jusqu’à l’époque présente, le D' Deuny a lancé dans le
monde horticole quelque chose comme soixante variétés; il en a, dans
le même laps de temps, élevé, fait fleurir et détruit près de 30,000. Ces
chiffres prouvent qu'avec un choix judicieux et sévère et la ferme
résolution de ne laisser passer que les formes de qualité vraiment supé-
rieure, il faut élever 500 semis environ pour courir la chance d'en
obtenir un seul qui en vaille la peine. Feu M. John Kalter avait l'habi-
tude de dire, qu’il faut faire fleurir 2000 semis de Chrysanthèmes pour
risquer d’en avoir un bon : d’où il résulte, si ce dernier chiffre est
l'expression de la vérité, que l’élève des « zonales » est affaire avan-
tageuse, puisque les chances de succès y sont quatre fois plus nom-
breuses que pour les Chrysanthèmes. D'ailleurs le D' Deunyÿ obtient
plus de bonnes choses qu’il n’en livre au commerce, car il fait chaque
année un choix de plantes pour semis, dont le nombre atteint environ
8 °/, de l’ensemble. D'où il résulte, que pour chaque nouveau né, baptisé
et lancé dans le monde, il en est mis en réserve quinze autres, aussi
bons ou peu s’en faut, mais qui sont réservés, pour l’un ou l’autre
motif, donnent leur pollen ou leurs graines, puis sont détruits pour
faire place à une nouvelle sélection.
Parmi les résultats intéressants qui découlent des recherches et
As
des observations de notre ami, il en est un qui cadre merveilleusement
avec l’idée que fait naître l’étude des figures de Sweet, à savoir l’apti-
tude de certaines variétés à revêtir l’allure et les caractères d'espèces .
distinctes et à se reproduire exactement par autofécondation. Il n'ya
pas à douter que parmi les prétendues espèces végétales, qu’il s'agisse
des Pélargoniums du Cap ou des Saules d'Angleterre, bon nombre n’ont
aucun droit à ce titre, et méritent la dénomination d’hybrides tout
aussi bien que ceux obtenus dans nos cultures. Et ceci nous conduit à
nous demander : Qu'est-ce donc qu'une espèce ? Grave question, où je
ne saurais pas où commencer, et qui m'avertit qu’il est temps de finir.
Je termine donc, Mesdames et Messieurs, en déclarant que je ne
saurais y répondre, que je ne sais ce que c’est qu’une espèce, et vous
remerciant de votre bienveillante attention, je me replonge dans le
silence « qui est d’or. » D: HF.
CULTURE DU TAYRSACANTHUS RUTILANS,
PAR AUG. HUPE, horticulteur à Connewitz, près Leipzig.
Traduit du Deutsche Gürtner-Zeitung, 20 juillet 1884, p. 255.
Le Thyrsacanthus rutilans, cette vieille mais toujours jolie plante
à floraison hivernale, aujourd’hui presque complétement disparue des
cultures, me tomba de nouveau sous les yeux, il y a quelque deux ans ;
l’aspect gracieux et enchanteur de ses grappes fleuries m'’inspira
le désir de m'en occuper, afin de constater par moi-même s’il méritait
le discrédit où il était tombé pendant ces dernières années. Le premier
individu dont je fis acquisition me donna, par les procédés de culture
habituellement en usage, un spécimen sain et vigoureux, qui, à ma
grande joie, se couvrit, pendant les mois d’hiver — décembre jusqu’en
février — d’une profusion de longues grappes de fleurs, vingt-cinq
environ. J'utilisai ces fleurs pour en faire des bouquets, et je pus con-
stater à cette occasion qu’elles se conservent cinq à six jours sans rien
perdre de leur fraicheur et de leur beauté. C’est du reste ce que j'ai mis
en évidence l'hiver dernier, au concours de floriculture de Berlin, où
l'on a pu voir une branche de fleurs de T'hyrsacanthus, arrangée à mon
établissement de Leipzig, non seulement supporter à merveille le
voyage, mais encore conserver, pendant les quatre jours que dura
— 349 —
l'exposition, son éclat et sa fraicheur. J'avais aussi exposé un groupe
de Thyrsacanthus en fleurs, et mes deux envois furent primés.
Il serait difficile de trouver une espece de serre à floraison hivernale
plus effective, sous culture convenable; avec ses longues grappes
Fig. 21. — Thyrsacanthus rutilans.
rouges pendantes, elle ressemble à une fontaine de fleurs. C’est aussi
une plante de toute beauté pour la décoration des appartements ; seule-
— 350 —
ment, d'après mon expérience personnelle, il ne faut la faire entrer
en chambre qu’à la première apparition des grappes florales, sous
peine de voir les fleurs tomber au bout de peu de jours. |
Le procédé de culture auquel j’ai recours est le suivant :
Je trouve avantageux d'élever chaque année de nouveaux pieds.
Aussitôt après la floraison, qui dure jusqu'en mars ou avril, les plantes
forment de’ jeunes têtes, que je coupe dès qu’elles sont suffisamment
développées, pour les empoter dans de la terre de bruyère ou de l’humus
sableux; puis je les place dans les châssis à multiplication, où elles
ne tardent pas à s’enraciner. Dès que les racines ont envahi le substra-
tum, il faut dépoter, transplanter, et répéter au besoin l'opération. Le
Thyrsacanthus aime un substratum substantiel, légèrement poreux ;
j'emploie à cette fin un mélange à parties égales de terreau et de com-
post, auquel j'ajoute un peu de sable et de fines rognures de corne. Il
se trouve bien aussi des engrais liquides, qui m'ont donné d’excellents
résultats.
On peut, sans inconvénient, laisser la plante monter jusqu'à une
hauteur d’un mètre et même davantage : les grappes florales pendantes
ont souvent un mètre de long et produisent sur le feuillage l’effet le
plus décoratif. Je ne conseillerai l’usage de tuteurs, que dans le cas où
il est possible d’élever la plante à une certaine hauteur.
Les pieds obtenus par multiplication tardive fleurissent encore
fort complaisamment.
Note. M. Hüpe a exposé au concours de floriculture de Berlin, l'hiver
dernier, un groupe de Z'hyrsacanthus rutilans, qui excita l’admiration
aussi bien des hommes du métier que des simples amateurs. Son
Altesse Royale le prince héritier en demanda un spécimen pour l’impé-
ratrice, sa mère. DOS
— 35l —
NOTE
SUR
LE CLIMAT DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 0.
PAR M. LE D' J. JEANNEL.
Nos quatre saisons, caractérisées par des différences bien tranchées
de température, ne s’observent pas à la Nouvelle-Calédonie. L'année
se partage en deux saisons seulement, l’une tempérée, comparable à
notre printemps, l’autre chaude et estivale; encore ces deux saisons
ne diffèrent-elles l’une de l’autre que par 6 degrés thermométriques
quant aux moyennes mensuelles, et par 8 ou 10 degrés quant aux
minima et aux maxima. On en peut juger par les moyennes inscrites
au tableau ci-après, d’après les observations poursuivies pendant
quatre années par M. Heckel, pharmacien de la marine :
Tableau des moyennes de température observées à la Nouvelle-Calédonie
en 1866, 67, 68, 69.
Moyennes mensuelles, Minima, Maxima. Moy. annuelle.
Saison printantère.
MEME NN Line 2202
ABS Ale Au t.14871:2108 |
A ui nt 4 Re tre
PR 1 2: .. .: 2109
Saison chaude.
Dépiembre .: .: . =. . .:. 2407
D 2, 4 4 9509 + 24°5(2)
MOveibDre 2. 0, or 2 0," 20l
Décembre; 4,0, Ua: 0960]
ETES. lient. & 0607
DémriGr. di r Li dirai ts 2008
RER En es ce ni on 22001
PAM à. * JT ve 2009
+ 240 + 33
(1) Bull. de la Soc. d’acclimatation de France, 1884, p. 853.
(2) D’après M. Rocxas, la moyenne annuelle, est de + 2205 seulement; le
mois le plus chaud est février : moyenne + 268; le mois le plus froid est
juillet : moyenne + 2001. Il a observé une température minima de + 18° et une
maxima de + 360. |
— 302 —
On compte, à la Nouvelle Calédonie 120 à 130 jours de pluie par
année. |
La quantité de pluie observée annuellement est de 0m900.
Les rosées sont peu abondantes (Rochas).
Il n'existe pas, à proprement parler de saison sèche et de saison
pluvieuse.
Le maximum de pluie, d’après les observations de M. Heckel,
pour une période insuffisante de quatre années, parait correspondre
aux mois d'avril et de mars, mais aucun des mois de l’année n’est
complètement privé d’eau. On ne voit jamais d’averses torren-.
tielles comme dans nos colonies tropicales ; la plus grande quantité
d’eau reçue en un jour n’a jamais dépassé 0"175. Généralement,
la pluie est fine, serrée et persistante.
Est-il possible d’acclimater en Algérie ou en France les plantes qui
croissent naturellement dans la Nouvelle Calédonie ?
Les observations météorologiques résumées ci dessus permettent de
comparer le climat de ce pays avec celui des autres régions, et four-
nissent les indications les plus utiles; mais on en peut tirer encore de
la nomenclature des plantes spontanées ou des plantes cultivées avec
plus ou moins de succès dans notre colonie australe. |
D’après M. Moore, directeur du jardin botanique de Sydney, le
Melaleuca leucodendron imprime un cachet tout à fait original aux
forêts des plaines de la Nouvelle-Calédonie, avec les Gardenia, les
Antholoma, les Dammara, les Santalum, et quelques Fougères gigan-
tesques (Alsophila).
Le Saccharum oficinale est usité comme plante alimentaire.
Les pâturages sur le littoral sont constitués presque exclusivement
par les Andropogon austro-caledonicum et Schoenanthus.
Les Bananiers indigènes, Musa Fehli, M. paradisiaca, M. discolor,
M. poiele, fournissent la principale alimentation des indigènes qui
cultivent aussi l'Igname (Dioscorea satira) et plusieurs grandes
Aroïdées (Colocasia antiquorum, C. esculenta, C. macrorhiza).
Le Pandanus odoratissimus, très commun sur le littoral, fournit une
spathe comestible.
Le Cocotier (Cocos nucifera) s'y montre avec les Picus indica,
F. granatum et un Artocarpus voisin de l’A. incisa.
Le Ricinus communis et le Bromelia Ananas s’y sont acclimatés.
— 353 —
Le Portulaca flava voisin du P. oleracea, le Cardamine sarmentosa
et le Zepidium piscidium fournissent un appoint à l’alimentation.
Quant aux plantes alimentaires de l’Europe introduites par les
| missionnaires, elles ont prospéré pour la plupart : le Maïs, le Mürier,
la Laitue, le Chou, le Haricot, l’Asperge, le Cognassier, le Poirier, le
Pommier sont cultivés avec succès ; la Pomme de terre, les Céréales,
la Vigne réussissent mal.
En somme, le climat de la Nouvelle-Calédonie paraît se rapprocher
assez de celui du littoral algérien pour que les plantes de cette colonie
lointaine puissent être cultivées pour la plupart dans les plaines basses
de l'Algérie et même sur le littoral des Alpes-Maritimes.
Le tableau suivant permet de comparer, au point de vue des tempé-
ratures, le climat néo-calédonien (l) avec celui d'Alger et des princi-
pales stations du littoral des Alpes-Maritimes :
Moyennes thermométriques.
Hiver. Printemps. Été, Automne, Année entiére,
Alger + 1204 + 172 + 2306 + 2104 + 178
Menton 902 1602 2406 1705 1706
Cannes 900 1508 2402 18°0 1607
Hyères 805 150 2304 1505 1506
Nice 803 1397 2209 16°1 __ 15°2(2)
Quant aux plantes innommées récemment distribuées par la Société
d’Acclimatation, il est à croire qu’elles pourront être cultivées sans
difficulté dans les jardins favorablement situés de l'Algérie, moyennant
des arrosages pendant l’été. Mais réussira-t-on en France sur le litto-
ral des Alpes-Maritimes ? La chose est douteuse : cependant on s’expo-
serait fort à être contredit par les faits en prédisant la négative.
D'abord les Z'ucalyptus et les Acaciu d'Australie, si bien établis chez
nous, proviennent d’une contrée voisine de la Nouvelle-Calédonie et
dont le climat est analogue ; en outre, quelques Musa se soutiennent
en pleine terre dans nos jardins, et l’Igname, les Colocasia, le Coco-
tier, la Patate douce, qui prospèrent dans la Nouvelle-Calédonie font
(1) Voy. le tableau, ci-dessus p. 351.
(2) Moyenne annuelle à Paris + 10°6; à Londres et à Bruxelles + 102.
— 304 —
partie des cultures ornementales ou économiques de la région de
l’Oranger.
Il faut considérer d’ailleurs que les observations météorologiques de
M. Heckel ont été faites sur le littoral néo-calédonien et que Pile
présente une longue arête de montagnes dont les cîmes atteignent la
hauteur de 1200 mètres. Là, sans aucun doute, dans les hautes vallées,
sur les plateaux, la température se rapproche beaucoup de celle du
bassin de la Méditerranée et c’est peut être de ces régions que
proviennent les graines dont nous essayons la culture.
Je conclus : |
1° Qu'il est très rationnel d'essayer l’acclimatation en Algérie et
sur le littoral des Alpes-maritimes des plantes néo-calédoniennes.
2° Que les graines distribuées par la Société doivent être semées
dans les jardins, vers le mois d’avril, à l’époque où la température
moyenne commence à dépasser + 15 degrés. Ces graines retrouveront
alors, à peu de chose près, les conditions de germination du pays qui
les a produites, savoir une période franchement printanière, suivie
d’une longue période estivale.
Les mois critiques seront ceux de juin, juillet et août, dont il
faudra compenser la sécheresse par les arrosements, et ceux de
décembre, janvier et février, pendant la durée desquels il faudra
peut-être des abris contre le froid. Enfin, on devra préférer les
localités abritées contre les vents secs du Nord-Est et du Nord-Ouest.
LES MÉSEMBRIANTHÈMES OU FICOÏIDES 0).
PAR LE D' D. CLos.
S'il est dans le grand groupe des plantes grasses un genre digne de
captiver à la fois l’attention et de l'amateur et du botaniste, et j'ose
même dire du philosophe, c'est à coup sur le genre Ficoïde. Com-
parez entre eux les divers genres des Cactées, vous y remarquerez
quatre ou cinq formes bien distinctes : tiges sphériques ou mélonifor-
mes, cylindriques, cannelées, prismatiques, mammelonées, uncinées
(1) Ans. de la Soc. d’hort. de la Haute-Garonne, 1884, p. 128.
— 309 —
ou portant des protubérances crochues; mais quel autre genre, je le
demande, pourrait lutter avec celui des Mésembrianthèmes quant à
la variété et à la singularité des feuilles, la splendeur ou la multipli-
cité des fleurs.
A côté des espèces pourvues, comme les Mesembrianthemum corda-
tum et pinnatifidum, de tiges et de feuilles rentrant dans le type com-
mun, combien n’en est-il pas qui, par la singulière conformation de
ces organes, prêtent aux plus curieuses observations, sans parler de
la Glaciale (4/. glaciale), aux tiges et feuilles couvertes de glandes
ayant l’apparence de la glace.
Voici d’abord le groupe des barbus, aux feuilles cylindriques ou
demi-cylindriques, couronnées, comme les sépales, par une étoile de
poils blancs (les ÀZ. barbatum, stellatum, stelligerum) et à la suite, les
espèces à feuilles ou cylindriques allongées (M.calamiforme, M. cylin-
dricum), ou ressemblant à une langue (HW. linguoeforme), à une doloire
(M. dolabriforme), à un poignard (M. pugioniforme), à un cimeterre
(M. acinaciforme), à une faux (M. mascinum), à des tenailles (A. for-
Jicatum), à un delta grec (M. delloïdes).
Quelques espèces se distinguent par leur tige très courte, s’élevant
à peine au dessus de la surface du vase qui les contient et portant
d’étranges feuilles toutes bordées de fortes dents et qui rappellent les
mâchoires du loup, du chat, du tigre, de la belette (les 47. Zupinum,
Jelinum, ligrinum, mustellinum).
D’autres Ficoïdes sont sarmenteux (A. sarmentosum), épineux
(M. spinosum), ou difformes (M. difforme).
Est-il besoin de faire l'éloge des espèces qualifiées d’admirables
(M. spectabile), aux grandes fleurs du plus beau rose et odorantes, des
gracieux M. amoenum, M. blandum. etc. ?
Signalons un petit nombre d'espèces à tige non apparente et réduite
à 4-8-10 feuilles grandes, concaves, s’écartant pour laisser voir à leur
centre une belle fleur (M. octophylium, M. truncatum, etc.).
Enfin, il est diflicile de concevoir comme appartenant au même
genre que les grandes espèces, un type plus singulier que les sphé-
roïdes (M. moniliforme, M. pisiforme), sortes de globules en forme
de pois ou de cône renversé et d’où sort une fleur, rose dans le premier,
blanche dans le second ; ces globules en séchant donnent naissance à de
nouveaux individus.
— 356 —
Les 350 espèces environ de Ficoïdes connues aujourd’hui sont la
plupart originaires du Cap de Bonne-Espérance ; la plupart aussi méri-
tent les soins de la culture et par leurs fleurs parfois très grandes ou
sans nombre, rouges, violettes, roses ou jaunes et presque toujours
aux teintes vives, quelquefois blanches, souvent douées d’un délicieux
parfum, rentrant dans le groupe des météoriques, c’est-à-dire s’ouvrant
le matin, le soir ou la nuit, plus souvent vers midi, d’où le nom de
Mésembrianthème (fleur de midi) et se fermant aux approches de
la pluie.
On s'étonne de ne pas voir plus fréquemment des collections de ces
espèces dont la culture ne demande que peu de soins, réclamant avant
tout une vive lumière et une assez forte chaleur; quels effets mer-
veilleux ne produiraient pas un ensemble de ces plantes à l'heure de
l'épanouissement des fleurs multicolores aux innombrables pétales et
étamines d'une forme délicate ! Le genre Ficoïde, à lui seul, suffirait
à la démonstration de cette grande loi de la nature, la variété infinie
dans l’unité; à lui seul, il témoignerait au besoin de la puissance du
Créateur.
À part la Glaciale et quelques autres espèces annuelles (les Ficoïdes
flamboyante, flasque, de de Candolle, etc.), toutes sont ou vivaces ou
demi-ligneuses. :
Plusieurs espèces confiées à la pleine terre au Jardin des Plantes
(de Toulouse) y ont passé sous abri l’hiver de 1882-83; telles les
M. umbelliferum, noctifiorum, lunatum, Eckloni, corniculatum, unci-
nalum, Spinosum, intansum. W
Ce magnifique genre de plantes a été l’objet d’études approfondies
de la part de l'anglais Haworth et du prince de Salm-Dyck en Alle-.
magne. Chacun d’eux, après avoir réuni une collection considérable
des espèces de Ficoïdes, en a fait connaître un grand nombre de nou-
velles et le second a rendu à la science et surtout à l’horticulture un
signalé service en publiant, dans sa Monographie des Mesembrianihe-
mum, commencée en 1854, les figures de la plupart d’entre eux.
— 307 —
CULTURE DES LIS EN PLEINE TERRE Ü,
PAR M. VILMORIN.
Les splendides Lis (Z. auratum et Z. lancifolium) qu'on importe
maintenant en très grande quantité du Japon, ne sont, en général, pas
difficiles à cultiver. Ils ne demandent qu’un peu d'attention. Tout
d'abord, il faut préparer convenablement la terre ; elle devra se com-
poser d’un tiers de bonne terre de jardin, d’un tiers de fumier de vache
bien consommé et d’un tiers de terre de bruyère avec une abondante
addition de sable de rivière pur. |
A défaut de terre de bruyère, on peut employer du terreau de
feuilles et, au lieu de fumier de vache, du terreau de couche con-
sommé; mais il ne faudra pas oublier le mélange de sable. Pour les
oignons de bonne force à fleurir,on emploie des pots de 15 centimètres,
on garnit le fond de charbon de bois grossièrement concassé pour
assurer un drainage convenable et l’on recouvre de 5 à 7 centimètres
de terre qu’il ne faudra pas cribler trop fin.
On examine ensuite les oignons un à un, on a soin de les débarrasser
des écailles endommagées et d'enlever toute moississure qui aurait pu
se former sur ou entre les écailles, en se servant pour cela d’un pin-
ceau ou d’une plume. On place ensuite l’oignon dans le pot et on l’en-
toure de terre en le tenant dans la main gauche, de manière à
maintenir les écailles serrées et à ce qu’il ne s’y introduise point
de terre, ce qui pourrait facilement déterminer de la pourriture.
Les pots sont alors placés sur couche tiède ou dans un endroit chauffé
modérément.
Lorsque la terre est un peu humide, on ne doit pas arroser, et les
bulbes doivent, en général, être tenus un peu secs, jusqu’à ce qu'ils
commencent à pousser. Plus tard, et à mesure que les pousses se déve-
loppent, on remplit peu à peu le pot. Par ce traitement, on aura rare-
ment à déplorer la perte d’un oignon.
(1) Revue horticole, 1885, p. 38.
— 358 —
Les racines qui se développent sur la tige, au dessus du bulbe,
étant celles qui fournissent la principale nourriture pour la formation
des fleurs, on fera bien de planter les oignons bien au fond des pots et
non pas au dessus, comme on fait pour les Jacinthes. C’est une faute
qu’on commet très souvent et qui a généralement pour résultat de
donner de petites fleurs et d’occasionner la perte des oignons.
En nous envoyant la note dont nous vous donnons ci-dessus la
traduction (d’après la Gazette horticole de Freyhof”), M. Ad. Christian,
grand amateur, de Bonn (Allemagne), chez qui nous avions remarqué,
l'été dernier, quelques touffes splendides de Zilium auralum, placées
depuis 3 ans en pleine terre et qui étaient couvertes d’une profusion
de 60 à 70 fleurs, ajoute : « s’il s'agit de plantations en pleine terre,
je recommande de placer l’oignon à environ 30 centimètres de profon-
deur, sur une couche de quelques centimètres d'épaisseur de sable de
rivière pur et de le recouvri” ensuite de terre composée comme il est
dit d’autre part.
« En hiver, pour éviter une trop forte infiltration d’eau et, par
suite, la pourriture de l’oignon, j'ai soin de couvrir l’endroit d’un
châssis ou d’une simple planche. » VILMORIN.
CULTURE DE LA VIGNE SOUS VERRE.
EXCURSION A HOEYLAERT,
PAR M. CHARLES VAN DEN HEEDE.
Le 20 juillet dernier, trente-trois membres de notre Société
prenaient, à 6 h. 17 m. du matin, le train pour la Belgique, et cela,
dans le but principal de visiter un vignoble. Aller chercher des
vignobles en Belgique, voilà qui, au premier abord, pourrait paraitre
légèrement paradoxal, si je ne me hâtais d'ajouter que celui dont j’ai
à vous entretenir, le plus brièvement possible, est sous verre. C’est
moins un vignoble qu'une véritable manufacture de raisins; vous
pouvez me passer cette expression, car on peut certes comparer
l’'ensembe des serres d'Hoeylaert à une réunion d'ateliers ; ateliers
bizarres et curieux dans lesquels, au lieu de fils et de tissus on
LCR
fabrique, à point nommé et presque au jour dit, pendant les trois
quarts de l’année, des miliers de kilos de raisins!
Mais, avant de m’étendre sur l’objet le pius sérieux et le plus inté-
ressant peut-être de notre voyage, je dois, il me semble, vous
expliquer comment nous avons été amenés à en faire le sujet d’une
excursion.
Dans le cours d’une conférence sur la culture de la vigne sous
verre, faite à la section d’Armentières, par notre estimé et vénéré
professeur, M. H.-J. Van Hulle, notre attention fut attirée par les
détails qu'avec son amabilité habituelle il nous donna sur le genre de
culture pratiqué à Hoeylaert et les procédés presque primitifs
employés par les viticulteurs de cette localité. Comme le Vulqum pecus
nous connaissions tous un peu de réputation, l'importance de la culture
forcée des raisins dans les environs de Bruxelles, mais nous fûmes
étonnés lorsque le savant conférencier nous développa le système mis
en pratique dans ce pays et les résultats merveilleux que l’on en
retire. Il nous cita, en particulier, MM. Sohie frères, les véritables
fondateurs de la culture industrielle du raisin à Hoeylaert, et nous
parla des 25 ou 30 cultivateurs voisins de cette exploitation qui,
alléchés par la prospérité inouïe de ces laborieux et intelligents
travailleurs, ont imité leur exemple, bâti force serres, planté énor-
mément de vignes et récolté une formidable quantité d'espèces
sonnantes. Malheureusement, comme toutes les bonnes choses, cela
se gâte peut-être un peu; la concurrence ayant fait baisser les prix
de vente des raisins, cette culture n'est plus aussi productive ; mais
malgré cet inconvénient, qui est loin d’en être un pour le consom-
mateur, la culture forcée des raisins est encore étonnamment rému-
nératrice. Je vous invite instamment à lire à ce sujet le remarquable
ouvrage de M. H.-J. Van Hulle sur la Cullure de la Vigne sous verre,
combinée avec celle des Fraisiers, petit traité qui, soit dit en passant,
devrait se trouver entre les mains de tous ceux qui, dans le Nord de
la France, je pourrais dire de l’Europe entière, portent quelque
intérêt aux choses de la culture. Je ne puis m’empêcher d'ajouter, dût
la modestie de notre honorable ami s’en blesser, que M. Van Hulle
a été et est encore en Belgique un des principaux promoteurs de ce
mode de culture intensive de la vigne. Depuis près de 30 ans, il mène
une campagne des plus actives pour la propagation de la culture écono-
— 9360 —
mique et rationnelle, c’est-à-dire commerciale, des végétaux fruitiers
de grand rapport. Parmi ceux-ci, la Vigne, cultivée pour la vente des
raisins de table, occupe incontestablement une des meilleures places ;
je crois ne pas me tromper en disant qu'elle devrait en occuper la
plus importante. |
Si, dans les pays privilégiés par le soleil, une immense partie de la
récolte est transformée en vins exquis, que l’on nous vend ensuite plus
ou moins authentiques, il n’en est pas moins vrai que bon nombre de
grappes sont vendues et consommées en nature. L’Est, le Centre, le
Sud-Ouest et le Midi de la France cultivent depuis longtemps quan-
tité de raisins de table, surtout des Chasselas, destinés à la vente et
en livrent à la consommation des millions de kilogrammes.
Une des illustrations de l’horticulture française, Charles Baltet,
dans son excellent Trailé de la culture commerciale et bourgeoïse,
ouvrage des plus intéressants et des plus bourrés de renseignements
que l’on puisse lire, nous donne des développements très précis sur
tous les centres de production des raisins. Il nous parle aussi de la
concurrence qui devient de plus en plus active dans ce genre de com-
merce, comme dans beaucoup d'autres, hélas! Heureusement pour
nos cuültivateurs d'Hoeylaert, cette concurrence ne produit son effet
qu’à partir du mois d’août, moment de l’année où ils n'ont plus ou
tout au moins ne doivent plus avoir rien à vendre. Le prix de leurs
raisins forcés varie de 2 à 6 francs le kilogramme, tandis que ceux
müris en plein air dans les régions dont nous parlions tout à l'heure
sont vendus, en gros, de 20 à 100 fr. les 100 kilos. Nos célèbres
vignerons de Thomery vendent leurs raisins plus cher, car ils ont,
eux, du raisin frais ou paraissant absolument frais pendant toute
l’année, c'est-à-dire du 1°" janvier au 31 décembre; leurs procédés de
conservation sont très bons et leur permettent de fournir, dans le cours
de cette période, environ deux millions de kilogrammes de raisin aussi
délicat que s’il venait d’être détaché du cep de vigne ; seulement, c’est
toujours du Chasselas !
Certes, le Chasselas doré et ses variétés, surtout le Chasselas rose
royal, sont des raisins délicieux, mais ils ne font pas à table l’effet des
belles grappes de Frankenthal. |
Nos viticulteurs d’'Hoeylaert ne cultivent que du Frankenthal
(Frankenthaler ou Black Hamburg); c'est incontestablement la meil-
— 361 —
leure variété pour la culture en serre et même pour la culture forcée,
quoique son époque de maturité normale soit plus tardive que celle
du Chasselas.
Mais je m'aperçois que je mets, comme on dit vulgairement, la
charrue avant les bœufs, et que je vous entretiens de la fin de notre
voyage sans vous parler du commencement; je dois pourtant vous
toucher quelques mots de notre visite au Jardin Botanique de
Bruxelles, après vous avoir raconté notre entrée dans la capitale de
toutes les Belgiques. |
Je ne crois pas nécessaire de m’appesantir sur les petits incidents
du voyage et sur les points de vue plus ou moins pittoresques de la
route. Les villes que nous apercevons en passant, Tournai, Leuze,
Ath, Enghien, Hal, sont connues de tous. La Senne, que nous traver-
sons plusieurs fois et que nous ne cessons d’apercevoir qu’à Bruxelles
même, où on l’a cachée sous de magnifiques boulevards et de superbes
constructions, ne rappelle que de bien loin notre Seine française. La
seule ressemblance que nous pouvons découvrir, c’est la quantité de
pêcheurs à la ligne qui peuplent ses bords aux approches de la ville,
à l'instar des environs de Paris. Ici, je ne sais s'ils prennent du pois-
son; en attendant, cela leur fait toujours prendre l'air.
Pour en revenir à notre arrivée, sans avoir même le loisir de
secouer la poussière du chemin, comme le temps nous presse, nous
zrimpons lestement dans sept ou huit vigilantes découvertes et,
fouette cocher, en route pour le Jardin Botanique, en passant par
l'Hôtel-de-Ville, sans oublier la visite traditionnelle au plus ancien
bourgeois de Bruxelles, l’illustre Manneken-pis. Après un coup d'œil
jeté, au petit trot, sur l’Hôtel-de-Ville et son admirable place, si
curieuse par la belle architecture de ses anciennes maisons, nous
dirigeons nos cochers vers la Bourse, la Monnaie, la place des Mar-
tyrs et nous débarquons au Jardin botanique par l’entrée du boulevard.
À l'inverse de ceux de plusieurs villes que je pourrais vous citer et
dont les brillantes cultures seraient si bien appréciées des connaisseurs,
ici l'entrée est publique et tout le monde entre; on comprend en Bel-
gique qu'un jardin modèle fermé aux visiteurs est une étrange chose.
Aussi LE JARDIN BOTANIQUE DE BRUXELLES est-il un charmant but
de promenade parfaitement fréquenté. Du reste, ce magnifique établis-
sement, dont les cultures sont magistralement dirigées par M. Louis
26
— 362 —
Lubbers depuis un certain nombre d'années, renferme d’admirables
sujets d'études. Nous y admirons surtout le splendide jardin d'hiver,
complètement planté de Fougères arborescentes dont les immenses et
pittoresques colonnes envoient à 8 et même 10 mètres de hauteur leurs
frondes si gracieuses et si légères. D'énormes Angiopteris ou Marailia,
dont la collection est des plus complètes, rompent la monotonie et font
admirer leur ample feuillage et leurs formes anté-diluviennes si
curieuses. Les amateurs peu familiarisés avec cette espèce se deman-
dent même si ce sont là des Fougères, tellement leur facies contraste
avec celui des Cyathea, Cibolium. Alsophila, etc. ; cette famille pré-
sente, il est vrai, des formes assez disparates. Depuis les A diantum,
au feuillage si tenu et si délicat, jusqu'aux grandes feuilles entières de
l’'Asplenium Nidus avis, par exemple, il y a de la marge; les unes
semblent de la fine dentelle, les autres de l’épaisse toile à voile. Les
mignonnes Sélaginelles sont bien l’antipode des Balantium antarc-
ticum, dont les troncs peuvent atteindre une circonférence de 2 mètres
sur 10 à 12 mètres de hauteur.
Une très jolie rotonde, que nous voyons ensuite, renferme un grand
bassin circulaire dans lequel s'épanouit presque à l’aise le Victoria regia,
dont les belles feuilles orbiculaires de 1 m. 50 de diamètre sont ornées
par deux ou trois magnifiques fleurs, où le blanc et le rose se marient
harmonieusement. Cette reine des eaux est majestueuse. Sur le bord
du bassin, nous remarquons quelques jolis pieds du curieux Desmodium
ou Hedysarum gyrans, le télégraphe végétal, ainsi nommé parce que
les petites folioles situées à la base des feuilles de cette Papilionacée
sont animées d’un mouvement giratoire assez surprenant; rappelons
que cette plante exige une température moyenne assez élevée (22 à
28 degrés centigrades) pour acquérir un développement normal et
faire preuve de vitalité.
Nous examinons une douzaine de serres où se trouvent réunies de
superbes collections de tous genres. Les Aroïdées, surtout, sont
admirablement cultivées; nous nous extasions devant de superbes
Anthurium, Alocasia, etc., d’une végétation resplendissante.
Les plantes de la Nouvelle-Hollande et la belle collection de Cactées
provenant du regretté Dumoulin, de Mons, sont également en très bon
état de culture. Quelques belles Orchidées en fleurs charment aussi
nos regards; dans une des serres consacrées à ces bijoux végétaux, _
— 303 —
nous trouvons une plante grimpante aux gigantesques fleurs du jaune
le plus pur; c’est l’AZZamanda Hendersoni, bonne variété d'une
très ancienne plante.
Après un rapide examen du jardin, où nous découvrons encore une
grande quantité de plantes remarquables, nous visitons les immenses
serres en forme de galeries entourant la grande salle, dite du Dôme.
Ces galeries sont ornées de gigantesques Palmiers dont les stipes ont,
pour la plupart, 8 à 10 mètres de hauteur. Nous remarquons de superbes
Sabal Blackburniana, Livistona sinensis, Phæœnix dactylifera, ete., qui
sont là depuis 1826, c’est-à-dire depuis près de 60 ans. Plusieurs
d’entre eux étaient déjà, paraïît-il, d’une assez jolie taille lors de leur
arrivée au jardin. Beaucoup d'échantillons magnifiques des genres
Caryota, Trithrinaz, Hyophorbe, Astrocaryum, etc., et de monumen-
tales Pandanées accompagnent ces princes du règne végétal en leur
formant un splendide et brillant cortège.
Dans la grande salle d'entrée ou Bazar, à côté de celle du Dôme,
nous Voyons un énorme Agave americana foliis striatis, en floraison;
sa hampe atteint 5 m. de hauteur et commence à développer des fleurs
assez insignifiantes et plus curieuses que belles. Ceux d’entre nous qui
n’ont jamais vu cette plante en fleurs la contemplent avec étonnement.
Avant de prendre congé des aimables guides que M. Lubbers avait
bien voulu mettre à notre disposition, et que nous remercions chaleu-
reusement, nous jetons un regard, trop rapide, hélas! sur les collec-
tions de produits végétaux, de fruits, de graines et de fossiles instal-
lées dans la salle du Dôme. Nous regrettons de n’avoir pas le temps
nécessaire pour admirer les herhiers qui, sans contredit, sont parmi
les plus complets et les plus considérables de l’Europe. Un seul de
ces herbiers, celui dit herbier général, est composé de plus de
75,000 espèces représentées par 400,000 spécimens ! Quelles richesses !
L’herbier d'Europe est l’un des plus riches qui ait été formé ; quant à
l'herbier particulier de la Belgique, il suffit de dire qu’il comprend
ceux de Lejeune, Crépin, Nyst, Libert, de Cloët, Coemans, Westendorp
et Martinis. Ces noms suffisent pour prouver que cette collection est
unique dans son genre.
La Xevue de l’horticulture belge et étrangère, excellente publication
rédigée avec un talent si éprouvé par MM. Burvenich, comte de
Kerchove de Denterghem, Éd. Pynaert, Ém. Rodigas, Auguste Van
— 304 —
Geert et H.-J. Van Hulle, aidés de nombreux et compétents collabora-
teurs, donne tous les mois la nomenclature des plantes en floraison au
jardin botanique de Bruxelles; nous y relevons, dans le N° 8, août 1884,
que 700 espèces et variétés, sans compter les innombrables sous-variétés
de plantes cultivées, s’y trouvaient en fleurs à la date du 20 juillet.
Avant de sortir de ce monument élevé à la gloire de l’horticulture
et de la botanique, nous avons la bonne fortune de rencontrer M. Binot,
de Pétropolis (Brésil), un de nos membres effectifs; nous lui souhai-
tons, au galop, un bon voyage et nous prenons notre vol vers la gare
du Luxembourg. Il est plus de midi; il s’agit de manger et de prendre
le train pour Groenendael à 12 h. 53 ; en Belgique, comme ailleurs, le
chemin de fer n'attend pas. Après un repas à la vapeur, beaucoup trop
succinct, et qui, pour plusieurs d’entre nous, consiste tout simplement
en un essai de solution de ce problème : Quelle est la plus grande
force de résistance, celle de la mâchoire humaine ou celle de la viande
mal cuite ? Après, dis-je, ce banquet commandé, préparé et absorbé en
23 minutes, nous attrappons, toujours courant, notre train, et vite en
voiture.
Nous passons à Etterbeek, Watermael, Boisfort et, à 1 h. 15, nous
abordons à Groenendal, la vallée verte, bien nommée. En effet, rien de
plus charmant et de plus pittoresque que ce joli village et ses environs,
situés au milieu de la forêt de Soignes, qui commence aux portes de
Bruxelles, au bois de la Cambre, et se prolonge jusque près de
Waterloo, à 15 kilomètres. Ces magnifiques futaies, dont notre petit
bois de Phalempin, si fréquenté des Lillois, ne peut donner qu'une
faible idée, sont, pendant la belle saison, parcourues par les familles
bruxelloises.
Groernendael et Hoeylaert (Hooilaart, selon la nouvelle orthographe
flamande) se trouvent dans une immense clairière, où le terrain est”
beaucoup plus accidenté que celui de la forêt; une suite de petites
collines chevauchant les unes sur les autres, coupées de ravins et de
petits marécages ornés d’une foule de plantes en fleurs, bordent la
voie dont les rampes sont quelquefois assez rudes et difficiles à gravir. î
Heureusement, tous nos excursionnistes ont bon pied, bon œil; ils
arpentent avec énergie les deux ou trois kilomètres qui séparent lah
gare de Groenendael de la terre promise, c’est-à-dire de l’exploitationM
de MM. Sohie frères. ee
2 365 me
Enfin, un affreux gamin, que, après sa réponse, nous serions tentés
de prendre pour un ange, nous indique du doigt un petit sentier raviné,
caillouteux et bordé de haies. Ce joli chemin ressemble assez à une
espèce de cheminée penchée à l’angle de 45°, — « C’est là, Mijn-
heer Sohie, nous dit-il. » Ce mot cabalistique ranime notre ardeur et
nous escaladons à un trot raisonnable l’agréable boulevard en question.
A moitié de l’ascension, notre élan se ralentit considérablement;
quelques-uns se retiennent aux branches de la haie pour ne pas reculer
et éviter de refaire, en sens inverse, le chemin parcouru.
Nous sommes bien récompensés de nos peines en arrivant à l’habi-
tation, nous devrions dire au château de MM. Sohie, par le curieux
panorama qu’il nous est donné de contempler. Un véritable océan de
serres, groupées sur une douzaine de petites collines, dont elles
suivent la forme, par rangées de 15 ou 20 et toutes à peu près sem-
blables comme dimension, voilà ce qui compose la manufacture de
raisins de ces Messieurs. |
Renseignements pris, les trois hectares de terrain formant la pro-
priété de MM. Sohie contiennent 200 serres, toutes plantées en Franc-
kenthal et appropriées de façon à fournir du raisin forcé pendant les
trois quarts de l’année.
Toutes ces serres, construites de la façon à la fois la plus solide et
la plus élémentaire, sont chauffées par des fourneaux et des conduits
en briques qui, à une certaine distance du foyer, sont continués par
des tuyaux ou pots en terre cuite, emboîtés et lutés à la terre glaise.
Ce chauffage repose tout bonnement sur le sol qu’il contribue à
réchauffer, et par ce mode le plus simple, donne des résultats incon-
testablement merveilleux. |
Les dimensions des serres, toutes assez basses et à deux versants,
sont de 8 mètres de large environ, sur 20 à 25 mètres de longueur;
elles suivent la pente assez raide du terrain, ce qui facilite le tirage
de l'appareil de chauffage dont nous venons de donner la description,
car le fourneau est naturellement toujours placé au bas de la pente.
Les quinze ou vingt premières serres dans lesquelles nous pénétrons |
sont bondées de grappes parfaitement müres et en pleine exploitation;
un autre groupe nous montre des raisins un peu moins avancés; un
troisième groupe de serres nous fait voir des vignes dont la végétation
commence à se développer. D’autres encore renferment des vignes en
— 366 —
fleurs ; dans un très grand nombre de serres, la treille est complètement
en repos; la récolte est faite depuis un certain temps déjà. Chaque
groupe de serres est mis graduellement en végétation, au moyen du
chautfage et des arrosements. Cet échelonnement des cultures est
réellement intéressant à étudier.
La question du chauffage est ici d'une certaine importance ;
MM. Sohie frères emploient, année moyenne, environ 1,500 tonnes de
charbon et produisent avec cela plus de 50,000 kilos de raisins forcés.
Chaque serre est pourvue d’un très grand bassin destiné à recueillir
précieusement les eaux pluviales; les constructions sont disposées
d'une façon très ingénieuse afin de ne rien perdre du liquide indispen-
sable à la culture, surtout dans les conditions particulières où l’on se
trouve à Hoeylaert. Le sol, maigre et sec, est composé d’un sable
rougeâtre un peu argileux, mêlé de quelques cailloux ou graviers, et,
à ce qu’il nous paraît, notablement ferrugineux ; il n’est pas absolu-
ment favorable à la vigne, et exige, outre quelques amendements
ou engrais, de copieux arrosements. Un grand manège, mû par un
cheval, est chargé, du reste, de pourvoir à l'insuffisance des pluies et
au manque d’eau dans les moments de sécheresse. Un abondant paillis
couvre le sol et contribue également à maintenir une certaine fraîcheur.
Vous me permettrez de ne pas pousser plus loin les détails
techniques du mode de culture usité dans cette curieuse exploitation ;
je vous renverrai pour cela à l'ouvrage si complet de M. H.-J. Van
Huile, qui vous expliquera la chose beaucoup mieux que votre servi-
teur. Je ne veux pas abuser plus longtemps de votre patience et me
contenterai de vous dire que nous sommes sortis de cet établissement
émerveillés par la beauté du résultat obtenu, surtout en tenant compte
de l’économie et de la simplicité des moyens employés. En effet, aucun
frais ni luxe inutile dans cette installation; les charpentes intérieures
qui dirigent les treilles et en même temps supportent les serres dont
ils forment pour ainsi dire la carcasse, sont en bois grossièrement
équarri; les barreaux ou combles en fer n’ont jamais été peints, pas
plus que le mastic. Comme le dit avec raison M. H.-J. Van Hulle, le
sans-facon dans la construction est peut-être poussé un peu loin, mais
on comprend très bien que MM. Sohie ont travaillé ferme depuis près
de vingt ans avec la conviction bien arrêtée, et bien justifiée par le
succès, de faire en ce laps de temps une brillante fortune sans avoir
besoin de s'inquiéter si leurs serres leur survivraient.
— 907 —
Après avoir pris congé de ces Messieurs et les avoir remerciés de
leur charmant accueil, dû bien certainement à la chaude recomman-
dation de l’aimable professeur dont je vous citais le nom tout à l’heure,
nous reprenons la route de Groenendael. Nous contemplons sur tous
les côteaux des environs d'autres légions de serres, en nombre plus
restreint, il est vrai, car aucun établissement n’a encore acquis l’im-
portance de celui des fondateurs de cette culture dans le pays. Nous
. traversons, en les admirant, les magnifiques ombrages de la forêt de
Soignes, et nous remontons en wagon à 3 h. 47, un peu moins vive-
ment qu’à l'aller, car la fatigue commence à se faire sentir.
Arrivés à Bruxelles, comme il nous reste quelque temps disponible,
notre caravane se disperse. Pendant que les uns vont chercher à se
consoler du peu de confortable de notre repas de midi, les autres, plus
curieux ou moins gourmands, vont payer leur tribut d'admiration
aux nombreux monuments et aux brillants magasins dont Bruxelles
fourmille. Le Palais-de-Justice, notamment, cet immense et lourd
édifice qui couronne et domine la ville entière, est salué au passage.
Enfin, à 5 h. 56, heure du départ pour Lille, nos trente-trois excur-
sionnistes se retrouvent réunis et rentrent dans leurs foyers, avec la
satisfaction que procure une journée bien remplie et pendant laquelle
l'harmonie, la bonne humeur et la cordialité la plus parfaite n’ont cessé
de régner.
BULLETIN DES NOUVELLES ET DE LA BIBLIOGRAPHIE.
M. Émile Rodigas a été nommé chevalier de l’ordre de Léopold,
par arrêté royal du 7 mars 1885. Cette distinction, depuis longtemps
méritée, est la juste récompense d’une carrière honorable et laborieuse
consacrée à l’enseignement et à la science horticole.
Les confrères et les amis de M. Émile Rodigas ont décidé spontané-
ment de célébrer le 25° anniversaire de son enseignement à l'École
d’horticulture de l’État. Cette manifestation sympathique aura lieu à
Gand, le 3 mai 1885.
Le Dr Edouard von Regel, directeur du Jardin botanique impérial
de St Pétersbourg, pourra célébrer le 13 août 1885 l’heureux jubilé
— 9368 —
de 70 années d'âge. Un comité de botanistes et de savants horticulteurs |
s’est constitué en Allemagne pour féliciter à cette occasion le célèbre
jubilaire et rendre un solennel hommage aux immenses services qu’il
a rendus à la science pendant une longue carrière d'honneur et de
travail. Tous ceux qui désirent s'associer à cette manifestation voudront
bien s'adresser à M. Max Sabersky, trésorier de la Société pour le
progrès de l'horticulture, Oranienburger strasse, 74, à Berlin, N.
M. Alph. de la Devansaye, président de la Société d’horticulture de
Maine et Loire, à Angers, vient de recevoir la décoration du Mérite
agricole en considération de ses publications, des distinctions obtenues
aux concours horticoles et des hautes positions occupées aux jurys
internationaux.
M. le D: R. A. Philippi, professeur de botanique à Santiago (Chili),
est parti, au commencement de 1885, pour Valdivia dans le but d’en
observer la végétation. b |
Son fils, M. le professeur Fréderic Philippi, directeur du jardin
botanique de Santiago, a recu une commission de son gouvernement
pour explorer la faune et la flore de la nouvelle province de Tarapaca.
L’Exposition internationale d’Anvers en 1885 comprendra une
section horticole, laquelle comporte une exposition permanente dans
les jardins et plusieurs expositions temporaires qui seront installées
dans une vaste salle de trois mille mètres carrés. Ces expositions
temporaires, au nombre de quatre, auront lieu aux dates suivantes :
10 mai, pour les Azalées, plantes bulbeuses, Orchidées, etes
28 juin, pour les Roses.
2 août, exposition générale des produits de l’horticulture.
27 septembre, pomologie et produits maraîchers,
Le conseil d'administration de la Société royale d’horticulture
d'Anvers a été chargé par le comité exécutif de l'exposition universelle
de toute l'organisation de la section horticole. Ce conseil s’est adjoint
dans ce but quelques botanistes et horticulteurs du pays. On sait que
la gratuité des transports est acquise pour tous les produits. Les
programmes sont publiés. |
La Société d’horticulture du Massachusebts, la plus importante
et la plus active, eroyons-nous, des Sociétés horticoles dans les États-
— 369 —
Unis d'Amérique, annonce une série d'expositions et de concours qui
se suivront à Boston dans le courant de 1885. Les plus importantes
sont fixées aux 19 mars, 23 juin, 15 septembre et 12 novembre. Les
programmes, qui comportent beaucoup de concours, peuvent être
obtenus en les demandant à M. Robert Manning, secrétaire,
Le Monodora Myristica Duvar, de la famille des Anonacées, arbre
rare de l'Amérique méridionale ou peut-être des Antilles, vient de
fleurir (mars 1885) au Jardin botanique de l’Université de Liége. Cette
fleur est grande et de structure très bizarre : 1l y a lieu de faire
remarquer aussi qu’elle s’est développée sur une plante, obtenue par
bouture, haute seulement de douze à quinze centimètres. — Cette
plante est parfois cultivée sous le nom, absolument faux, de Wyristica
grandifolia : elle est, en réalité, le Wonodora Faux-Muscadier.
On connaît actuellement dans le même genre, fondé par Duval, les
Monodora grandiflora de Bentham et 37. Angolensis de Welwitsch.
Vriesea Krameri (sp. nov.) — M. Fr. Barth. Kramer, directeur
du Jardin de Jenisch, à Flottbeck près Hambourg, a recu du Brésil un
Vriesea nouveau du groupe du Vriesea psitlacina.
Il a le port et l'allure générale du Vriesea psitiacina Morreniana dont
il se distingue par les fleurs plus rapprochées (0008), le rachis et les
bractées florales couleurs rouge de sang.
Le Physalis peruviana cultivé, en 1884, chez plusieurs amateurs
de Liége, s’est bien développé, même en plein air dans une situation
chaude et abritée ; il a fleuri et fructifié, mais en ne produisant qu’un
nombre de fruits insuffisant pour en préparer l'excellente confiture que
l’on connait.
L'Hivernage des Canna se pratique ordinairement dans nos contrées
septentrionales, comme celui des Dahlias : aux premiers froids, on
relève les plantes et on porte les souches dans un cellier à l’abri de la
gelée ou dans un coin perdu d’une orangerie. Ces précautions semblent
ne pas être nécessaires. Dans plusieurs jardins de la province de Liege,
on se contente de couvrir les corbeilles de Canna avec leur propre
feuillage et un lit de feuilles mortes bien sèches et on découvre dès
que les gelées ne sont plus à craindre. Par ce procédé les plantes,
demeurant en place, se développent mieux et plus rapidement,
Ismene tenuifolia vient de donner ses belles fleurs parfumées dans
les serres de M. Fr. de Cannart d'Hamale à Malines. Cette remarquable
Amaryllidée, récemment décrite par M. J. G. Baker (Bot. Mag., 1878,
pl. 6397), n’était encore connue qu'aux environs de Guayaquil, d’où
elle à déjà été introduite en Europe par MM. E. G. Henderson et fils.
M. de Cannart d'Hamale l'avait recue des îles Hawaï, avec d’autres
plantes indéterminées. Notre excellent ami nous écrit que cette fleur a
parfumé toute sa serre pendant le mois de janvier 1885.
Paniers à Orchidées. — Des corbeilles à Orchidées en bois de Pitch
Pin reliés par du fil de fer galvanisé sont fabriquées par M": Ve
Lebœuf et fils, rue Vésale, 7, à Paris, dans les conditions les plus
avantageuses. Ces corbeilles sont bien faites et de prix modéré; nous
en faisons usage et nous les recommandons aux amateurs pour les
plantes à végétation aérienne, telles que certaines Orchidées, Bromé-
liacées, Utriculaires, etc.
À. Gravis. RECHERCHES ANATOMIQUES SUR LES ORGANES VÉGÉTATIFS
DE L'UrTicA pioica, Bruxelles, 1885, 1 vol. in 4° de 234 pages et
23 planches gravées. — L'Académie royale de Belgique vient de
publier, dans le recueil de ses Mémoires, un travail considérable de
M. le D' Gravis, assistant du cours de botanique à l'Université de
Liége, sur l'anatomie de l’Ortie commune. M. Gravis a fait l'étude de
cette plante dans toute son étendue et à tous ses âges : il a inauguré
ainsi une méthode nouvelle qui l’a conduit à des observations impor-
tantes et d’une portée générale. Ce mémoire sur l’Ortie est un monu-
ment scientifique de la plus haute valeur.
C. H. Delogne, FLORE CRYPTOGAMIQUE DE LA BELGIQUE, 2° fascicule,
Bruxelles, chez À. Manceaux, éditeur. — La deuxième partie de la
Flore des Muscinées de Belgique, par M. C. H. Delogne, vient de
paraître chez M. Manceaux, éditeur à Bruxelles (voir la Belgique hor-
hicole, 1883, p. 154). Elle contient la fin des mousses proprement dites
et se termine par d’utiles renseignements sur la bibliographie, les her-
biers, les étymologies. De bons tableaux dichotomiques conduisent à
la détermination des genres et des espèces.
rl —
Robert Hogg, THe FRuIT MANUAL, 5° édilion, 1 vol. in-&; London,
1884. — On connaît partout, dans le monde de l’horticulture, les longs et
importants services rendus à la science pomologique par M. le Dr Ro-
bert Hogg, vice-président de la Société royale d’horticulture de Londres
et directeur du Journal of Horticulture. Naguère encore, au congrès
de la Société pomologique de France, réuni à Rouen, ils ont provoqué
la remise d'une médaille d’or au célèbre et sympathique pomologiste
anglais. Celui-ci vient précisément de faire paraître une nouvelle
édition, la cinquième, de son Fruit Manual, donnant, dans un ordre
méthodique, la classification de tous les fruits cultivés en Angleterre,
non seulement les Poires, les Pommes, les fruits à noyaux et les baies,
mais aussi les fruits secs, les Ananas, etc. Cet ouvrage, de huit cents
pages environ, peut être considéré comme classique.
J. DH... TABLE ALPHABÉTIQUE DES ESPÈCES ET DES PRINCIPALES
VARIÉTÉS DU GENRE Lis (LiLiuM), Gand, 1884; brock. in-8. —- L'au-
teur, dont la modestie a voulu garder l'anonymat, a disposé dans un
ordre alphabétique de nombreux renseignements bibliographiques et
critiques sur les Lilium. Son travail réunit à de nombreuses qualités
le mérité de l’utilité.
F, Antoine, PHYTo-ICONOGRAPHIE DES BROMÉLIACÈES. — La qua-
trième livraison vient de paraïtre : elle comprend la figure et la
description des Wriesea Jonghei Mrrn, corallina Lindl., inflata
Wawra et scalaris Morrn et du Promelia anliacantha Bert.
G. Vasey, THE AGRICULTURAL GRASSES OF THE UNITED-STATES,
Washington, 1884, 1 vol. in-8° de 144 p. et 120 planches. — M. le
D' George Vasey, botaniste du département de l'Agriculture, à
Washington, a publié, sous les auspices de ce département, la descrip-
tion et la figure de toutes les graminées qui font partie des prairies
naturelles aux Etats-Unis d'Amérique ou qui ont quelque valeur
agricole. Cet excellent ouvrage est également utile au botaniste et à
l’agronome. Il est complété par la composition chimique de ces mêmes
graminées américaines déterminée par M. Clifford Richardson.
H. Correvon, Les PLANTES DES ALPEs, 1 vol. in-12°, Genève, 1885.
— M. Henry Correvon, directeur du Jardin d’acclimatation de Genève
— 318 —
est un enthousiaste de la flore alpine. Terrestria sidera, flores est
l’'exergue de son livre. Il est allé sur les sommets neigeux de la Suisse,
dans le domaine de la flore alpine, observer les plantes chez elles,
étudier leurs mœurs et apprécier leurs exigences. Puis il les a empor-
tées et réunies dans un jardin d’acclimation qu'il a créé à Genève et,
dans un livre bien écrit, il a réuni toutes les connaissances qu'il a
acquises pour en faire part à ceux qui aiment comme lui à cultiver
auprès d'eux ces bijoux de l’écrin de Flore qu'on nomme les plantes
alpines.
A. Marchaïs, Les JARDINS DANS LA RÉGION DE L'ORANGER, Cannes,
1885, 1 vol. in-12°. — Ce petit livre, destiné aux jardiniers praticiens,
énumère toutes les plantes ornementales, utiles ou comestibles qui
sont cultivées, en France, dans les pays où fleurit l’Oranger. Il
fournit sur chacune d’elles quelques renseignements pratiques et il.
contient, en outre, un vocabulaire des mots grecs et latins les plus
employés dans le langage horticole et botanique. L'auteur, M. A. Mar-
chaïs, ancien chef de culture du Jardin botanique de la villa Thuret,
à Antibes, est actuellement fixé à Cannes (route de Pégomas). Son
livre, qui n’a aucune prétention scientifique, peut être utilement
consulté sur l’acclimatation des végétaux exotiques dans le sud-ouest
de la France. É
Br Ferd.von Mueller, EvcazyProcrapnra.— Le célèbre botaniste
du gouvernement pour la colonie de Victoria, à Melbourne, vient de
terminer, avec la dixième décade, le premier volume de son important
Atlas descriptif des Zucalyptus de l'Australie et des îles voisines. Ce
volume est complété par de nombreuses et utiles annotations.
R. Hogg, rxe GARDENERS YEAR-Book AND ALMANACK, 1885; 1 vol.
in-12; Londres. M. le D' Hogg, vice président de la Société Royale
d'horticulture de Londres continue la publication régulière de son
excellent Annuaire horticole. Le volume pour 1885 est rempli d’ar-
ticles utiles et intéressants.
Lindenia, INconocraPaie pes Oroxinées. — MM. J. et L. Linden
annoncent la publication prochaine d’une nouvelle iconographie des
Orchidées qui sera rédigée par M. Emile Rodigas avec la collaboration
CE CRE LE
nn —
de plusieurs botanistes et amateurs distingués. La Zindenia sera la
continuation de la Pescatorea, ouvrage très recherché et d’ailleurs fort
rare en librairie : elle sera de format grand in quarto et paraîtra par
livraisons mensuelles. On s’abonne à Gand, chez M.F.Meyer-Van Loo,
imprimeur (60 francs par an).
NORGE
SUR LES
ERICAS RUSTIQUES DE PLEINE TERRE
PAR M. NaGy.
- (Traduit du Wiener illustrirte Garten-Zeitung, janvier 1885, p. 32).
Les Ericas ne sont malheureusement pas appréciés chez nous autant
qu’ils devraient l’être. Et pourtant rien de plus joli qu’un massif de
ces plantes, cultivées en plein air, sur terre de bruyère, avec un bon
drainage et quelques Rhododendrons au centre. Parmi les espèces
rustiques, réparties depuis peu entre les genres Calluna, Gypsocallis,
Menziesia et Dabæcia, nous mentionnerons les suivantes comme méri-
tant la préférence,
L’Prica ou Calluna vulgaris s'élève plus haut que ses congénères ;
tandis que ces dernières ne forment souvent que des coussinets
musciformes, il revêt habituellement l'aspect d’une plante buisson-
neuse, ramifiée et de médiocres dimensions. Il en existe des variétés à
profusion, entre autres :
Alba minor, moins vigoureuse, mais compacte, à fleurs blanches ;
Bigida alba, plus grande, plus haute, avec de longues grappes
de fleurs blanches ;
Pubescens alba, à feuillage extraordinaire, laineux, épis floraux
abondants et serrés ;
Aurea, de bonnes dimensions, avec deux variétés, différentes par
le coloris plus ou moins foncé des fleurs;
Coccinea, à corolle rouge-carmin ;
Alporti, variété remarquable par son port compacte, buissonneux et
ses fleurs pourpre foncé ;
Variegala, qui n’est autre chose que la forme ordinaire avec un
feuillage varié et panaché de blanc;
Scarlei, variété délicate à fleurs blanches extrêmement persistantes ;
NOTA ES
Pygmea, différente des types par son port moussu, qui seul la
recommande à l'attention des horticulteurs, car elle fleurit parcimo-
nieusement ;
Flore pleno, jolie surtout par pieds séparés, beaucoup moins en
massif; les fleurs sont doubles, l’allure dégagée et vigoureuse ;
Tenuis, grâcieuse et délicate forme, à fleurs foncées en couleur.
L’Ærica carnea ou herbacea est une plante tout aussi durable et très
hautement appréciable à cause de l’époque de sa floraison qui. par un
temps favorable et en pleine terre, a lieu pendant les premiers mois
de l’année et persiste longtemps. Les fleurs sont d'ordinaire d’un
rouge-rosé : la forme vraiment blanche est exceptionnellement rare.
Erica cinerea fleurit en été, en juillet et août; elle est fort
répandue dans la nature; à l’époque de sa floraison, elle emprunte à
ses coralles purpurines un aspect extrêmement décoratif. Les cata-
logues en mentionnent nombre de variétés parmi lesquelles, a/ba,
atropurpurea et coccinea semblent être les meilleures.
Erica tetralix, à feuillage épais, possède aussi une variété alba et
une 7#bra; la forme Mackiana n’est autre chose qu’une hybride entre
cette espèce et la suivante. |
ÆE. ciliaris est une gentille espèce à fleurs purpurines relative-
ment grandes, d’allure hautement décorative. À titre de variété s’y
rattache l’Æ. Mamweana très-apprécié en Angleterre et considéré par-
fois comme une espèce distincte à cause des dimensions exceptionnelles
de ses fleurs et de leur jolie nuance magenta. Elle doit son introduc-
tion à M. MAw, de Benthamhal, qui la rapporta des montagnes de
Cintra, en Portugal; elle fleurit à Edinbourg par les soins de M’Na
et se répandit de là en Angleterre et sur le continent.
Erica ou Gypsocallis vagans est une espèce au port gracieux,
vigoureuse, haute de 60 à 70 cent., garnie d’épis serrés de fleurs
rouge-pourpre, qui persistent longtemps. La variété rubra, plus
foncée, est extrêmement jolie; la forme alba proprette et gentille au
possible.
FE. mullifiora porte des fleurs rouge-rosé.
Erica arborea représente, parmi les formes élevées une des plus
décoratives du genre; malheureusement il ne réussit guère en pleine
terre à cause de son extrême sensibilité au froid. Son proche parent,
Æ. codonodes, lui ressemble beaucoup, mais semble un peu plus
— 315 —
rustique : rien de joli, au printemps, comme un pied vigoureux de
cette plante, avec ses grandes et gracieuses corolles blanches.
E. australis, sous exposition convenable, épanouit aux premiers
jours d'avril ses corolles d’un beau rouge; il acquiert de grandes
dimensions, mais se montre extrêmement sensible au froid.
FE. stricta affecte une allure compacte, érigée; ses pieds, hauts
parfois d’un mètre, se couvrent en été de fleurs purpurines.
E'. medilerranea se pare au printemps de bouquets serrés de fleurs
rougeûtres. Il atteint deux mètres de haut, mais ne vient que sous
abri. La variété 4ybernica est plus basse, mais plus rustique.
Der.
FRE
Ja
dll
INDEX DES PLANTES CITÉES DANS CE VOLUME,
Pages.
Acacia Cavenia .68, 76
— cultriformis . 252
— cyanophylla . 252
— dealbata 252
— decurrens. LA 202
— Farnesiana . 185, 252
— glaucoptera 252
— melanoxylon . 252
— stenophylla 252
Acer crataegifolium variegatum . 54
Achillea Millefolium. 517, 518, 525
Achimenes Ghiesbrechti . . 53
Achroanthes. . 281
Acrocomia sclerocarpa . 47, 51
Acropera citrina. . . . . 5
— Hoddigesi. 3 22040, + bi
Adiantum Bausei, . . . . 28
—— CHNeAlUM. . QU: ver 128
— — deflexum . . . . . 28
— déCOTUHL 0.) .. .. 40120
— Novae-Caledoniae. . . . 27
Se Veipandns.) vont ir ,1028
Aechmea platynema. . . . 58
Aorides CriSpum 1.12. 1.11. 21
—- Lawrencianae, . . . . 20
= odoratum,.. . . . 1v:07120
Agave americana , 253, 266, 565
— applanata. 255
— ferox . 255
— Salmiana . 253
Agaves , 292
Agrimonia Eupatoria 917
Agrostis vulgaris, 512, 515, 514, 518
Pages.
Allamanda Hendersoni. . 553, 363
Alnus NP D
Alopecurus pratensis . 920, 321
Aloysia citriodora. 266
Alsophila . 251
— aculeata 50
— pruinata 50
Amaryilis. 292
Anacardiacees 49
Andropogon. 296
— austro-caledonicum . 351
Anguloa Clowesi . 25
— eburnea 25
Anemone coronaria . 11
Anoectochilus Lowi. 288
— Meinerti . 288
Anona muricata . 48
-— squamosa . 48
— reticulata . 48
Anthoxanthum odoratum 125,
912
920
Anthurium Andreanum. . 29, 147
— brachygonatum 52
— Ferrierense 29
— ornatum . 29
Araucaria Bidwilli . 251
— brasiliensis 52, 251
— Cooki . 52
— excelsa 92, 251
Areca rubra 50
,— Sapida . 250
Arenga saccharifera . 50
Arguzia glabriuseula. 67
— 378 —
Pages.
Argylia glabriuscula . 77
Aristolochia grandiflora 55
Aristotelia Maqui 72
Arpophglilum spicatum. 51
Artocarpus imperialis . 253
— integrifolia 49
Arum maculatum. 213
Asagraea officinalis . 46
Asplenium Nidus avis . 362
Aster glutinosus . 142
— rupestris . 300
Astrapaea Waillichi . 52
Astrocaryum mexicanum . . 50
Attalea Cohune 47, 51
Avena elatior . Je 21
— flavescens. . 915, 518
— pubescens. . 915, 920
Aulnes ; 292
Azalea alba-plena. 92
— rubra-plena . 92
— Souvenir de Marie Rosseel . 59
Bacterium Hyacinthi 964
Bacharis confertifolia 71
— pingraea . : 71
Balantium antlarcticum. 362
Bambusa arundinacea 45
Banksia 253
Barnadesia 300
Batatas. ME 44
Batemania Waillisi major 25
Begonia tubéreux. 951
Billbergia amoena 18
— Sanderiana 17
— vittata . : 18
Bollea .- :., <1#ve 244
Bomarea Caldasiana . 298
Bougainvillea spectabilis . 255
Brachyris floribunda. 71
Brahea dulcis . 255
— filifera. 255
Brassavola glauca 51
Brassia viridis. 51
Bridgesia incisifolia .
Briophyllum calycinum
Briza media .
Bromelia Ananas . L4, 352
Bromeliacées . . . . . . 993
312, 514, 321
Broussonetia papyrifera ,. . 327
Brunella vulgaris. . . . . 317
Bromus mollis
Bursera sp. 7
Calanthe Regnieri . ,. . . 2%
— Stevensi + +: EN
— Vestita. . "NES
— Williamsi . OO
Calceolaria andina . . . . 74
— polifolia à NE 77
— purpurea :. =. NON
— rosmarinifolia OPEN
Callitriche :- "NON
Callitris quadrivalvis. ,. ,. . 951
Caraguata sanguinea, ,. . ,. 30
Caraganaarborescens var. pendula 161
Cardamine sarmentosa . . . 353
Carica Papaya. + CO ME nee
Carthamus tinctorius . ,. . 9213
Caryota metroxylon . . . . 50
— sobolifera , . OO
Casimiroa edulis. . . . . 47
Cassia floribunda . . . . . 184
Castilleja . . . .. 1000006
Castilloa elastica. . . ,. . 53
Casuarina quadrivalvis . . . 252
— tenuissima. . . . . . 9252
Catasetum expansum . . . 9291 ;
— tridendatum, . . . . 51
Cattleya .. . . : UNE
— Aclandiae , , ROME?
— amethystina . : PUMA?
— columnata. . . . 2
— citrina, . .. . + CR
. 176, 244
— gigas . .: 1). UN PNNNSE
— Dowiana .
— — Sanderiana . . . 21
— 3179 —
Pages.
176
280
— Mendeli selbornensis. . . 22
Cattleya intermedia.
== TEINTE ee
— Mossiae Hardyana . . . 22
OS ee à er MAI 2
— Percivaliana . 265
— Pinelli. 176
ÉnSandleriang . 200 21
— Skinneri . 244
— superba splendens . . . 21
— Trianae formosa . . . . 22
= alkerianals + .-",., 21
— Warneri Sudburgensis . . 22
Cecropia peltata . . . . . 59
Cedrelu rotundifolia . . . . D2
Cedénsadantien . : .:. .… 79
DE DdOrR + so ee, 79
nn DHDANIe ) « ioeu es _ 19
317, 520, 522
Cephalophora aromatica . . 71
175
. 320, 522
Ceratozamia fuscata . . . D2
Centaurea nigra .
Cephalotus follicularis .
Cerastium triviale
— TETE
Cereus chilensis . . . . . 68
— giganteus . 225
— peruviana. 266
— Quisco. 68, 69, 76, 77
GSsbveant Parqui. à + #4) ., 72
Chaetanthera multicaulis . . 71
Chamaedorea desmoncoïdes
SCANNER +0 MMA ren OI
— GROSSE CR: |
— elegantissima. . . . . D
== UE CCE Ce
— graminifolia var. . . . . 51
SMS à. Le jsoiren ot) 01
— Tepegilote. 47, 51
CHamaer Oops. . .. , ...+ / 50
— excelsa, 249, 250, 255
— humilis . 246, 249
Cneirostylis marmorata. 288
Chuquiraya .
Chusquea .
Chysis aurea .
— bractescens
Cibotium .
Cinchona Calisaya
— Condaminea .
— succirubra.
Ciconium Fothergilli.
— inquinans .
— zonale. , . .
Cinnamomum oflicinale.
Cissus striata .
Citrus Aurantium,.
— Bergamia .
— Bigaradia .
— decumana.
— limonium.,. . . .
— medica
Clematis à grandes fleurs
— aromatica .
— Bergeroni.
— campaniflora .
— coerulea
— crispa .
— daurica
— distorta
— Eriostemon
— flammula ,.
— flava
— florida .
— francofurtensis
— fusca .
— graveolens.
— Guascoi
— Hakonensis
— Hendersoni
— lanuginosa.
— megalanthes .
— montana .
— odorata
— orientalis .
. 178,
. 179,
942
942
942
52
75
49
49
49
49
49
49
60
180
180
179
180
180
180
180
180
178
180
179
179
180
180
179
180
180
179
179
180
180
180
Clomatis patens
— Pitcheri
— reticulata .
— rosea .
— Sargenti
— texensis
— Tunbridgensis
— Viorna.
— Vitalba
— Viticella
Cleome speciosa .
Clerodendron Balfouri.
— japonicum
— squamatum
Clethra mexicana.
Cobaea scandens .
Cocos hotryophora
— campestris
— flexuosa
— nucifera
— Romanzoffana
Coelia Baueri .
Coelogyne cristata .
Colletia spinosa .
Colliguaya odorifera.
Colocasia antiquorum
— esculenta .
— macrorhiza
Columnea Lindeni
Conifères. ;
Conopodium denudatum
Crataegus mexicana .
Crepidium
— flavescens.
— Rheedi
Crinum Kirki
— ornatum .
— zeylanicum reductum
Cucumis Anguria
— compressus
Cucurbita.
Culcitium . ,
PEUR
Pages.
179
180
180
180
180
180
Mer)
. 178, 180
AE
. 178, 180
52
52
50
52
ES
52, 266
950
250
50, 250
51, 352
250
51
HOUR 954
. 317, 518
49
281
285
987
30
30
51
— nivale,.
— rufescens .
Cupressus pyramidalis .
Cyathea
— dealbata
— microphylla .
Cycas Beddamei
— circinalis .
— elegantissima .
— revoluta
Cycenoches Eggertoniana
Cymodocea nodosa ,
Cynosurus cristatus .
Cyperus vegetus .
Cypripedium
— açaule.
— albopurpureum .
— arietinum .
VAE US ee
— Atsmorii .
— barbatum .
— biflorum .
— Boxalli,
— Bullenianum .
— Burbidgei.
— Calceolus .
— californicum .
— candidum.
— caudatum .
— cardinale Calurum .
— cardiophyllum
— caricinum.
— ciliolare
— concolor
— Curtisi,
— Dauthieri .
— Dayanum .
— debile .
— Dominianum .
— Druryi
— euryandrium .
— Fairieanum
251
51
92
. 521, 322
71
SP MS
. 130, 151
137
130
135
. . 430
. 134, 155
135
135
135
27 CUBES
. 130, 151
130
SAR ER
155, 136, 244
26
0 RME
. 134, 157
155
— 381 —
Pages. Pages,
Cypripedium glanduliflorum . 154 Cypripedium ventricosum, . 151
É— autaiume. 0 |. 1%). 192 — villosum , . . . . 155,137
— Harrisianum . . . . . 157 VITE NA LUN ITS
— Hartwegi. . . . . . 135 re UVILEMUNT ENT M ETC ler
— Haynaldianum . . . 134, 155 Cyrtochilum maculatum , . 51
— Hinksianum . . . . . 155 Cyrtopodium punctatum . . 51
— hirsutissimum . . . . 155 Dactylis glomerata . . . . 313
— Hookerae . . . Ur 199 Dammara australis . . . . 251
SIN | tee fe. nreilte MOD Davallia brachycarpa. . . . 28
— Jrapeanum . . . . 51, 130 — Schlechtendahli . . . . 50
— japoniceum . . . . . 150 Darlingtonia californica . 175, 263
=— javanicum. , . . . . 135 Dendrobium Deari . . . . 24
— laevigatum . . . . . 154 — Wardianum giganteum. . 24
— Lawrenceanum + : . .: 455 Dionia cordata ,. .-. . . 285
su Lindleyanum,. . . . . 133 Dionaea muscipula . . . . 175
— Jlongifolium . . . .153, 244 Dioon edule . . . . 31,55, 251
DOME CN cire) 194 — spinulosum . . . . 351,52
— macranthum . . . . 130, 151 Dioscorea elephantipes . . . 52
— Morganiae. . ,. . . . 158 SL SabIVa sense. te NET mode
— Mastersianum. . . . . 155 Diospyros nigra?. , . . . 47
en MORÉANUM, . + :-: 190 Dorstenia contrajerva . . . 55
A 0 RE 0) Dossinia marmorata . . . . 288
— HIVEUINR et. 0 Lire 490 — Meinerti Mur er 288
— occidentale . , , . . 130 Dracunculus vulgaris . . . 215
AMIS SO 1,7. 194 Drosera capensis . . . . . 175
— parviflorum . . . . 150, 151 — dichotoma. . . . . . 175
4) ECTS SP ER 677 -- rotundifolia . ,. . . . 175
EE el oc. eddy : Dumoriliæ paniculaia. :,. :. "207
Dabyiieniumes ©. 400: 1991. Durantay .. 40! .-.:1/1.: 300
— pubescens. . . . .150,154 Duvaua dependens . . . 73, 76
— purpuratam . . . . . 155 Ælaeïs guineensis. . . . . 5
OPA elle 0 0 10109 Encephalartos , . . . . 951
OS OU. 7 + à covnc. MO94 Hphedraandna 0 07
SCHL 0 ous où coulis MO9 Epidendron .: . .,:.2.112 295
== Schroderae, : + 0. x "96 Hpidendrum. 2 1.0,..0266
——_ SÉdENL. à: : «Win 120; 197 ==" Brassavolae, 4 Ne
— selligerium . . . . . 158 a ACIHAPE es cure ren ie et el
— spectabile. . . . . 151, 156 ACOChIeatUINe) + RUN 1 Pb
— Spicerianum . . . . . 135 — CDUrNEUM MS Et. 001
— Stonei. . .. .-. . 154,155 Æ=nemorales Mn in st Di
— superbiens . . . . . 135 — odoratissimum . . . . 51
ÉRXOHUSEUNT: | ao 10 0199 = DRCIQOIUeS 2 IEC NT
Epidendrum prismatocarpum .
— sceptrum .
— vitellinum.
Epipactis fol. unic. .
Erica arborea .
— australis .
— carnea.
— ciliaris.
— cinerea.
— mediterranea .
— stricta .
— vagans.
— vulgaris
Escallonia illinita
Eucalyptus calophyila .
— cornuta
— globulus .
— Lehmanni.
— rudis .
Eucharis amazonica .
— Sanderi
Eugenia Chequen
Eupatorium pichinchense .
Fagus sylvatica
Festuca ovina.
Ficoïdes .
F'icus aspica
— granatum .
— indica . .
F'lourensia thurifera.
Foeniculum .
Forsythia suspensa .
Fourcroya
— Bedinghausi .
Frankenia Berteriana
Fraxinus excelsior
Galium verum.
Garcinia Livingsioni.
— Mangostana
Gentiana .
— cernua.
TE sedifolia . , e
— 382 —
Pages. Pages.
244 Geranium africanum arb., fol.
176 cucul. angul. 222
51 — grandissimum. 341
286 — indicum 338
374 — pratense 336
974 — Robertianum . 336
913 — Rosat . 182
974 — sanguineum PU 337
574 Grammatocarpus volubilis ;. 74
. 374 Grevillea . 253
. 974 — robusta +. 2. CONS
574 Gorteria acaulis . . . . . 54
3973 Gunnera scabra "7 206
72 Gymnophytum polycephalum 74,76
252 Gynerium argenteum 266
0252 Haplocarphe Leichlini . . . 34
10, 252 Hedysarum flexuosum . 149
252 — girans . s<. TIRE 562
252 Helianthusthurifer . . . . 71
30 Heliconia Bihai .
30 — psitlacina MONO
75 Heterocentron diversifolium 160
300 Hibiscus syriacus j 184
. . . 161 Hoffmanseggiafalcaria. . . 77
312, 515, 515 Holcus lanatus . 915, 318
351 Holenia . . . . ; 296
398 Hoya linearis sikkimensis . . 30
352 Hydrangea Hortensia . . . 32
352 — rosea L -. , NN?
76 Hyphaone ventricosa . . . 171
47... 1iox aquifolium : APSNNNSSSSS
161 Ipomaea Orizabensis . . . . 46
. 292 — purga . 0 © CNE
293 Iris pseudo Acorus 149
68 Ismene. 292
LT MG — tenuifolia . 370
. 317, 522 Isoëtes . 254
52 Jacaratia CONICA NN
52 Jubaea spectabilis. .50, 249, 255
. 254,296 J'ussieua repens . . . . . 74
500 Kentia Balmoreana . 50, 250
146500 — Forsteriana . .. . 40950
Krameria cistoidea
as =
Pages.
75
Lachanodes prenanthiflora. . 143
Laelia .
— albida ,
— Amanda
— anceps.
— — Dawsoni
— — Hilliana
— elegans.
— purpurata.
— Wyattiana
Lantana Camara .
Larrea nitida .
Lastarriaca chilensis.
Latania borbonica.
Lathyrus pratensis
-Laurus Camphora.
Leontodon hispidus .
Lepidium piscidium .
Leucothoë Davisiae .
Lilium auratum
— lancifolium
Liparis elegantissima.
— prischilus .
Lippia trifoliata
Liquidambar styraciflua.
Litsea caustica
— venenosa .
Livistona australis
— Copernicia.
— Sinensis
Loasa acanthifolia.
Lolium perenne .
Loranthacées. :
Loranthus aph yllus .
— cuneifolius
Lotus corniculatus
Lucia rosea
Lucuma Mammosa
Lupinus
— alopecuroïdes .
— IMmicrocarpus .
. 182, 184
315, 517, 518
. 243, 266
51
29
51
29
29
177
99
29
75
71
50
253
317
909
92
997
997
284
287
46
52
Luzula campestris.
Lycaste
— aromatica ,
— Depper.
— Harrisonae eburnea .
— — alba
Lycium barbarum
Lycopersicum
Lyssochilus giganteus
Macodes marmorata .
Malaxis
— acuminata.
— decurrens.
— diphyllos .
— monophyllos .
— Parthoni .
— KRheedi.
— spicata.
— umbellata.
— unifolia
Mangifera indica.
Maregravia dubia
— paradoxa .
— umbellata,
Marchantia polymorpha
Marrubium vulgare .
Masdevallia bella
— Harryanna
— — atrosanguinea.
— — miniata
— Nycterina.
— Schlimi
— Wallisi
Maxillaria densa.
Maximiliana regia .
Maytenus boarin.
Medicago denticulata
— maculata .
Medinilla Curtisi.
Melaleuca leucodendron.
Mélastomacées .
Melia Azedarach .
160
nv r
. 169, 171
288
282
984
985
. . 285
. 285, 286
285
286
287
287
286
47
72, 75
Melissa.
Mentzelia aspera .
Mesembrianthèmes .
— 9384 —
Pages.
47
68
394
Mesembrianthemum acinaci-
—
Microstylis Achroanthes
forme
amoenum .
barbatum .
blandum .
calamiforme .
cordatum .
corniculatum .
cylindricum .
deltoïdes .
difforme .
dolabriforme .
Eckloni
edule .
felinum
fortificatum
glaciale
intansum .
linguaeforme .
lunatum
lupinum ,.
moniliforme .
muscinum ,
mustellinum .
noctiflorum
octophyllum .
pinnatifidum .
pisiforme .
pugioniforme .
sarmentosum ,
spectabile .
spinosum .
stellatum .
stelligerum
tigrinum .
truncatum.
umbelliferum.
uncinatum
. 184, 555
555
555
555
355
355
556
555
555
555
555
. 356
. 185
555
555
555
aNÈSEE
. 555, 356
355
353
355
355
356
556
281
biaurita
biloba .
calophylla .
caulescens. .
chlorophrys
Commelynaefolia .
cordata
crepidium .
decurrens .
Dienia .
diphyllos .
discolor
Ehrenbergi
excavata .
fastigiata .
flavescens .
histionantha
Josephiana
Lowi
luteola.
macrostachya .
metallica .
mexiCana .
monophyllos .
Nuttall.
ophioglossoïdes. .
Parthoni .
Pedilea
Pterochilus
purpurea .
Rheedi
rupestris .
spicata.
trilobulata.
versicolor .
ventilabrum ,
ventricosa .
umbellata.
— Wallichi
Mikania arborea .
Mimulus andicola.
Pages.
- Microstylis atropurpurea . : 284
284
.: LINGE
281, 285, 286
286
286
281, 282, 286
286
286
. . 9281
. 281, 286
285
281
281
286
286
287
287
A rc
. 284, 287
287
. 287
. 287
287
143
Mimulus radicans
— moschatus ruber.
— — grandiflorus .
Mirabilis Jalapa .
Momordica .
Monodora angolensis
— grandiflora
— Myristica .
Monorchis ophioglossoides .
Mormodes aromatica.
Muhlenbeckia chilensis
— sagittifolia.
Musa coccinea .
— discolor
— Ensete.
— Fehü .
— paradisiaca
— paiete .
— sapientum,
— superba
— textilis.
— variegata .
Myristica grandifolia
Naias graminea
— Major .
Nesiota elliptica .
Nicotiana acuminata.
— glauca.
Nidularium acanthocrater .
— Laurenti.
Nigella hispanica .
Ocimum minimum
— salinum
Odontoglossum .
— angustatum
— bictoniense
— cCariniferum
— cordatum .
— crispum
— — Cooksoni .
— — Stevensi
— — Marianae . .
— 385 —
Pages.
54
35
53
53
43
369
369
369
286
51
72
. 72
42, 51
. 352
42, 51
352
. 44, 352
352
.. 4l
42, 51
41
51
369
964
95
145
71
246
140
141
149
184
266
295
244
Pages.
Odontoglossum crispum reginae 23
— — aureum magnificum , 23
— — Scotti . 23
— eugenes 23
— maculatum 51
— nebulosum 51
— Oerstedti 244
— pardinum . 295
— Pescatorei . 23
— — Veitchianum . 23
— — aurantiacum . 23
— — Schroederianum , 23
— Rossi 51
— Schlieperianum 244
— triumphans PROS
— vexillarium . . ,. . 20,265
Oncidium . 266
— elatum. 51
— Cavendishi 51
— cheirophorum. 244
— Convallariae 264
— incurvum . 51
— Limminghei 58
— multiflorum 5
— nubigenum 295
— olivaceum . 295
— ornithorhynchum 51
— Papilio. 24
— — Eckhardi . 24
— reflexum 51
— stramineum 51
Ophrys macrostachya 286
— monophyllos . 286
Opuntia Ficus Indica . 255
Opuntiées 45
Orchidées 295
Orisanum'.2 1106 )2 547
Ornithocephalus chloroleucus . 90
— ciliatus. 90
— gladiatus 89
— grandiflorus 89
— Oberonia 90
Pages.
Oxybaphus ovatus . . . . 77
Paeonia japonica . 902
— Moutan Ur: 160
Pandanus odoratissimus 952
Paphinia grandiflora. 265
—NeTANdIS à 0 HN HR 2)
Paspalum conjugatum . , . 72
Passiflora quadrangularis . . 45
Pelargonium augustum. 226
— australe 998
— Barringtoni 945
— canariense. 11H M 00S
— Capitatum . 182, 184, 226
— cotyledonis HN 088
— cucullatum 229, 257, 341
— Diadematum . 258
— Endlicherianum . 399
— eximium . 226
— Feux d'artifice . 262
— filipendulum . 998
— fulgidum . 999
— glaucum . CANTON 200
— grandiflorum . 222, 226, 257, 559
— grossularioïdes 339
— hortulanorum 222, 226, 258
— inquinans . . 184, 539
— involucratum. 941
— lateripes . 399
— Le Vésuve. 262
— Mne Boucharlat . . 262
— peltatum . . 257, 999
— Philemon et Baucis . 362
— quercifolium . - 1 999
— speciosum. . 222, 541
— spectabile. 941
— superbum. 941
— triste . 998
— Vénus de Milo 262
— Veitchianum . LI SES
— zonale . 246, 257, 339
Pedilanthus Fincki. . . . 55
— 386 —
Podilen.: . CU TND
Peristeria Barkeri
— cerina.
— Huntleya .
Persea gratissima .
Pescatorea
Phaedranassa
Phalaenopsis amabilis . . . 21
— leucorrhoda alba. . . . 21
— Sanderiana LM EE 7
— Schilleriana :. """mN?1
Phaseolus. ::::-01.1 SENNENERNne
Philodendron pinnatifidum 236
— radiatum. . CNW NN
Phoenix canariensis .« . . . 250
— dactylifera 50, 563
— flexuosa : ©: “ONCE
— reclinata . . ©. SONO
— Vigieri. "5 TRS 250
Phyllocactus. . . . . . 45
Physalis mendocina . . . . 74
— peruviana . 61,369
Pinus Halepensis . 251
= Llaveana NN
— maritima . à 251
Pironneava platynema . . . 58
Platano . .. "2H
Plantago lanceolota 917, 321, 225
— linearis. we 297
Platystylis atropurpurea 284
— decurrens. 285
Pleurothallis. 295
Poa pratensis 115, 314, 521
— trivialis . 315, 518, 521, 322
Podocarpus Tatara . 251
Poinciana pulcherrima . 184
— regia . «+ +: SNANONENSNZ
Polygonum tamnifolium . . 72
Polyides rotundus . . . . 12
Polypodium crassifolium . , 50
Ponthieva. 292
Porliera hygrometrica . . . 75
Portulaca oleracea 555
Posidonia oceanica .
Potamogeton pectinatus
Pothos aurea .
— celatocaulis
Pourretia coarctata .
— gigantea
— Whytei
Prunus Pissardi .
Pritchardia filamentosa.
— filifera.
Prosopis Siliquastrum
Protea . à
Proustea pyrifolia
Psidium Guava
Psoralea glandulosa .
Pterochilus .
— plantagineus .
Pulicaria odora .
Quercus Jalapensis
Quillaja saponaria
Ranuneulus . . .
— Gusmani .
Raphidophora .
Ravenala madagascariensis .
Renanthera Lowi.
— inatutina .
Renoncules .
Rhapis. es
— flabelliformis . ..
Rhipsalis Saglionis .
Rhododendron Curtisi.
Ricinus communis
Ridolña segetum .
Rosa moschata.
. 250, 255
— 387 —
Pages.
93, 192
93
937
937
69
69
69
33
51
9250
68, 74
953
71
48
71
281
287
183
54
73
996
303
237
51
96
177
317
50
160
29
552
185
185
-Rumex acetosa 316, 517, 518, 920, 525
Ruppia maritima .
Sabal Blackburniuna .
— umbraculifera
Saccharum officinale
Sagittaria . Le
Salpiglossis sinuata . .
Palvia patens .
95
Pages
Sambucus nigra. . . . . 160
SUDOLe Cabello , EN NPA
— Nino (Lucuma Sp.) . . . 49
— Chichihua. . . . ,. . 45
Sarracenia Chelsoni. . . . 175
— Drummondi . . . . . 175
— ,pÜFpUreAt 100 MMM PENSE
— VUE SU VEN NS MF EOENSD
— flava UML E 35247
— Mitchelliana . . . . . 35
=npsittacina 0 0 MOINS
— purpurea . . 35, 175
Es RUE Se 0 RE SM REMTERTS
= SWANIANA. ONCE
— variolaris . FO 0939475
— Wilsoniana . . . . . 99
Scabiosa arvensis. . . . . 917
Schinus molle. ,. . . . . 255
Schomburgkia tibicinis. . . 51
SCITDUS ASpEr. UN NN
Chiens UN NN 7/1
Sechium edule . . . . . 45
Selaginella caesia arborea . . 29
= CanalCulati 29
= Caudatats + . me 229
— Willdenow . . . . . 29
Senecio adenotrichius 12,069;74
— hakeïtolius. + + 0074
SESAMUMNN. 0 1 1 ON NET
SIA Se EE SO MEN 296
— pichinchensis. . . . . 500
Sobralia: - (Ua er "266
rimacrantha 220. MEN ONE
Solanum eleagnifolium . . . 71
Solidago glabra . . . . . 184
—- Leucadendron . . . . 145
Sophora japonica var. pendula . 161
Sparganium . . . 254
Spathiphyllum cochlear roues 52
SDONdIAS We SJ 7 Le | MAS
SÉENOCACDUS 295
Stephanotis floribunda . . , 552
Stelis
Stipa
Symphoricarpus vulgaris .
— racemosus.
Pages.
. 1205
296
160
160
Symphytum officinale fol. var. 259
Syngonium acutum .
— podophyllum .
Tacsonia .
Talguenea quinquenervia .
Telipogon.
Teuecrium bicolor.
Theophrasta imperialis.
Thrinax argentea.
Thyreochilus.
Thunbergia .
Thyrsacanthus rutilans 348
Tigridia pavonina
Tillandsia usneoïdes.
Trewoa trinervia .
Trichopilea .
— tortilis.
Thrithrinax .
Triticum repens .
Typha angustifolia
Ulva Lactuca .
— latissima .
Uropedium Lindeni.
Urtica dioica .
Vanda Lowi
— Rohani.
— Sanderiana
— suavis Schrôderiana .
Vanille Pompona .
52
52
298
71
295
74
253
51
281
50
, 349, 530
.… 266
49, 258
71
Pages.
Vicia Faba. "48
Victoria regia 506, 307, 508, 334, 562
Vinca rosea 71
Vitex agnus-castus 184
Volkameria japonica 52
Vriesea amethystina . 330
— bituminosa +: 4 NO
— brachystachys 105, 106, 185
— carinata . 11409
— conferta . . 60, 262
— Duvaliana. . 105, 106
— fenestralis. 65
— Krameri 369
— Morreniana . 4187
— paraïbica . 60, 105
— platynema. 262
— psittacina . 369
— psittacina var. decolor . . GU
= — var. Morreniana . . 185, 369
— retroflexa . 185
— scalaris 1 10180
— Warmingi . 260, 550
— Wawranea 60
Warscewiczella. 244
Werneria . 296
— nubigena . 300
Wormia Burbidgei 90
Xanthosoma Kerberi 52
Yerba cuyana . 72
Yucca gloriosa. 184
— — variegata . 39
Zannichellia palustris . 95
Zostera nana . 92
TABLE DES MATIÈRES
DE
PA BELGIQUE HORTICOLE — 1884
Botanique, Physiologie végétale, Géographie des plantes, Sciences.
= © © 00 NI D À OI RO
CE
A la mémoire de Gustave Thuret
. Description du Büillbergia Sanderiana à
. Revue critique des plantes nouvelles de 1883, par T. opte -
Un coup d’æil sur Cordova, sa climatologie et sa végétation par E. Mer ber
. Note sur le Masdevallia ne
L’Oncidium Limminghei.
. Aechmea platynema . 5
. Description du Vriesea ne Ah: :
. Une excursion botanique dans la province d'aconcagun Fa le DrA. PR pais
. Philogénie végétale par Ed. Morren .
. Nouvelles recherches sur [a coloration ne me Le tue Rene
rogames
. Notice sur PO nocphalue rase us.
. Sur les travaux botaniques de M. le Dr Aug. Gravis
. Description du Vriesea Duvaliana . :
. La vie de la plante, par le Dr M. T. Mate :
Notice sur les Cypripedium . . . RAR LME S ARLES
. Description du Nidularium Acanthocr cr.
. Notice sur la végétation de l’Ile de Ste Hélène, par 1 M. le Dr Mo
. Note sur la déhiscence des anthères, par M. Leclerc du Sablon .
. Du développement des organes dans le règne VÉCEE par M. H. Wectine
. Le fleuve Congo depuis son embouchure jusqu’à Bolobo, par H.-H. John-
ston e 2 ° e e e e ° L
. Les Clématites à grandes fleurs par M. A. “Lavallée È :
. Les plantes et les fleurs d’agrément dans la régence de Tunis . 5
. Notice sur le * Vriesea retroflexa (hybr.) Vriesea scalaris var. retroflexa .
. Sur l’évolution des formes végétales dans les arts décoratifs, par le prof.
Jacobsthal de Berlin, , , . SSL da,
. Note sur le Pélargonium à grandes res ES PO LR SET NE
. Le dimorphisme des Aroïdées ;
, Les jardins du Littoral méditerranéen, Le M. le Dr EU al
Pages.
5
17
19
29.
930.
51.
92.
— 390 —
Description du Vriesea Warmingi .
Respiration, combustion et luminosité, par . Bochm ,
Note sur le genre Microstylis Nutall
Note sur le Dossinia Meinerti sp. nov. .
33. Une excursion au cratère du Rucu-Pichincha, par F. 1 Lehtins . NOR
54. Notice sur le Victoria regia, par G. Layard |. 0
55. La lutte pour l’existence, par M. Maxwell F, Masters. . . . . . , 5308
36. Description du Vriesea amethystina sp. nov. . . . . . . . . . 350
37. Étude sur les Pelargoniumi, par M. Shirley Hibberd . . . . . . . 336
38. Les Mesembrianthèmes ou Ficoïdes, par le Dr D. Clos . . . . . . 555
Horticulture.
4. Azalea Souvenir de Marie Rosseel . 2 .
2, Note sur le Physalis Peruviana Nees + . . A
3. Note sur le Concombre Angourie par M. ailleurs. RE
4. Culture du Darlingtonia californica par C. Wissenbach. . . . . . 175
5. Les Orchidées Luddemann . . D D ou Oo.
6. Culture des Ananas, par Ed. ANR DER ‘12.2 MIOT
7. Note sur les Pélargoniums à grandes fleurs, par M. LE Lente » END
8. Culture en plein air des Orchidées américaines . . . . . . . . 265
9. Pélargoniums V. Lemoine . . \ IRON?
10. Nouveaux renseignements sur la Place du Darnaton te califorie . . 265
41. Bouturage des Cattleya . 41406000 NE ENNNNEEE 211
12. Portefeuille du praticien. . . :, . . 41/0 SN
45. Culture des Bégonias tubéreux .…. . À: "NON Ne 531
44. Le Stephanotis floribunda var. Elvaston . . . . ON
45. Culture de l'AlZamanda Hendersoni 2, 2, 1 MONNAIE
16. Note sur la culture du Victoria regia . . ne ©:
17. Culture du Thyrsacanthus rutilans par Aug. He 0
48. Culture des:Lis en pleine terre par M. Vilmorin. LV: "ONE
49. Culture de la Vigne sous verre. Excursion à Hoeylaert . . . . . . 658
20. Le Wonodora Myristica Dunal (floraison) . . . . . . . . . . 369
24. Le Vriesea Krameri (sp. nov.) . 4 *: 2.0, M MOMIE STE
22. Le Physalis peruviana . . . .. . 2100 ONE
23. L'Hivernage des Canna . RS 6 57 CRE INNAMEMRSUE
24, Ismene tenuifolia (sa floraison) . . A
Expositions, Sociétés, Fédération, Jardins, Ecoles, Académies.
À. Exposition de Malines, 48 mars 1884 . 4. NOR
2, Exposition d’Andenne, 21 septembre 1884. . . . A
3. Exposition ho d’horticulture à Paris en 1885 . … … em
4. Exposition internationale d'Anvers en 1885 . . . . . . . . . 568
5. Expositions du Massachusetts en 4885 . . . "HE
Technologie.
4. Ombrage des vitres He RER,
2. Procédé pour teindre la mousse en vert 5
3. Recettes contre les pucerons des feuillles et des TT.
4. Paniers à Orchidées .
— 391 —
Entomolog'ie.
Pages.
4. Dr J, Ritzema Bos. — La mouche des Narcisses. . . . , , . . . 9264
Climatologie.
1. Le climat de l'Amérique centrale et la culture rationnelle des Orchidées
par R. Pfau . TO AAS Me
2. Note sur le climat de la No ele REdonie, Sn le De el : rl rt NO
Pomolog'ie.
1. Conseils à un jeune châtelain sur la culture du poirier . . . 102
2. Sur le progrès de la culture fruitière en Angleterre, d’après M. Whitehead. 192
Notice biographique.
dBosraphie de Georges Engelmann . . . , . ... .. . . . . 228
Nécrologie.
CP UN HT) sense nNaA01
LE Verte RSR RE EE (0)
ERA 0 ee OU DA 4 ulln ve 1e a 01
Miscellanées.
1. Bulletin des nouvelles et de la Bibliographie 58,59, 60, 61, 100, 101, 175, 176
177, 178, 262, 265, 264, 280, 567, 368, 369, 570, 571, 372, 375
2. Nouvelles de Colombie par F. C. Lean CPR : RE ROUE 5
5. Le jubilé de M. Fuchs . . RE Pen ne cet DA0
4. Les Hamburger Soden de M. nan M en ter Le 20 Li 1208
5. Hommage à Pierre Belon . . . LL AS
6. Sur le choix des arbres à planter dans (sa avenues mie ee ultr CAES A0
7. 1 Die ROUES SRE ER 7
EDS Ed von-henel, DL EM AENSETS,S du ou, , «,. 307
en — “iphonse de la-Devansaye : =. + . … … 1. : +, + « 368
DIE DER À. Philipp. ot © . +... RM Tin 41/0268
Bibliographie.
1. Fr. CréPin. — Manuel de la Flore de Belgique, 5e édit. 1884 . . . . 59
2. Fero. Von Muzzer. — Monogr. illustrée des Eucalyptus. . . . . 59,572
5. I, — Systematic census of Australian plants. . . . 59
4. R. Scnomeurexk. — Rapport sur le Jardin botanique d’Adelaïde, ,. . . 59
5. Franz ANTOINE. — Phyto-iconographie der Bromeliaceen . . . . . 59, 271
6. Eicuzer. — Beiträge zur Morphologie und Systematik der Marantaceen . . 59
7. ALPHoNse LAVALLÉE. — Les Clématites à grandes fleurs, 1884 . . . . 60
S Cn.Barrer. — Traité de la eulture fruitière : . -. . . . . . . 60
9, M. Genvanius. — Mémoire sur une maladie des orangers. . . . . . 100
. PETERMANN. — Travaux de la station expérimentale de Gembloux en 1884. 101
. Vizmorin-ANpRiEUx. — Supplément aux fleurs de pleine terre . . . . 101
M ou Calalogue. 0 UN OS 0, à Lions «+ © A0
— 392 —
13. A. Francner. — Plantes du Turkestan
44. VicmoriN-ANDRIEUX. — Album 9264
45. J. H. Waxker.— Onderzoek der ziekten van Hyeinthen en Fr Ro en
knolgewassen, 1884 : . 264
16. Cuarces Baïzey. — Monographie du Naias graminea . 264
17. Bulletin de la Fédération des Sociétés d’horticulture de Bale ie 1882. 264
18. A. Gravis. — Recherches anatomiques sur l’Urtica dioica . 970
19, C. H. Decocne. — Flore cryptogamique de la oh 370
20. Roserr Hocc. — The fruit Manual . Me 371
21. J. D. H.... — Table des espèces et des variétés 1 . Le 571
22. G. Vasey. — The Agricultural Grasses of the United-States . 97!
23. H. Correvon. — Les Plantes des Alpes ; 371
24. À. M. Maronais. — Les Jardins dans la région de l'Orenac ; 571
25. R. Hocc. —- The Gardeners Year-Book and Almanach, 1885. 572
26. Linnenia, — Iconographie des Orchidées . 372
Planches coloriées.
4. Billbergia Sanderiana (pl. I-IT) . LIMOGES
2. Dossinia Meinerti (pl. XIV). . 288—
3. Masdevallia bella (pl. IH) 57°
4. Microstylis metallica (pl. XIV) . 281.
5. — Lowi(pl. XIV). ; 281 ”
6. Nidularium Acanthocrater (pl. IX). 140 *
7. Ornithocephalus grandiflorus (pl. VI) . 80 ”
8. Pelargonium hortulanorum (pl. XI) 222
9. Vriesea amethystina (pl. XV-XVI) . : 390
10. — fenestralis (pl IV=N) >: 1.0 … .,. 65
11. — rétroflexa (pLEN) Ne nn cn. 5e 1857
12. — Warmingi (pl. XII-XHI). . . . . 260
Gravures.
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2. Vriesea fenestralis ë : Mo 60,
3. Les formes végétales dans les . déconbts Fu 1-20 . 206 +
4. Thyrsacanthus rutilans (fig. 21). 549 »
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