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Full text of "La Cellule"

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LA    CELLULE 


LA  CELLULE 

RECUEIL 

DE     CYTOLOGIE     ET     D'HISTOLOGIE      GÉNÉRALE 


PUBLIE    PAR 

J.      Jj.      OAlvNOY,      PROFESSEl'R    DK    lllOf-OGIR    rFLLULAIRE, 
KJ  t    Cj1J-»o(JN,      PROFKSSniR    DK   ZOOLOGIE    El    D'EMBR^'OLOr.IE,       J.      Jj£l#N    lO,     PROFl-SSKL'R    d'aNATOMIE    PATlIOr.OnigL'I-:, 

A     l' Université     catholique     de     Louvain 
AVEC     LA     COLLABORATION     DE     LEURS     ÉLÈVES     ET     DES     SAVANTS    ÉTRANGERS 


TOME   X 
i--  FASCICULE. 

I.     Sur    la   part    des   leucocytes    dans  le  pouvoir  bactéricide   du   sang  de   chien, 

par  J.    DENYS   &    J.    HAVET. 

II.     La   soie   et   les    appareils   séricigènes    (II.   Trichoptères), 
par   Gustave    GILSON. 

III.     Du  mécanisme  des  symptômes  gastro-intestinaux  dans  le  choléra  asiatique, 

par   J.    DENYS    &    CH.    SLUYTS. 

IV.     Contribution    à   l'étude    du    développement   organique    et   histologique 
du   thymus,    de    la    glande   thyroïde    et    de    la   glande    carotidienne, 

par   A     PRENANT. 

V.     Etude    sur   les    propriétés    du    poison    du    choléra    asiatique, 
par    Charles   SLUYTS. 

VI.     Du    rapport   entre    le    pouvoir   bactéricide    du    sang   de    chien 

et    sa   richesse    en    leucocytes, 

par   J.    HAVET. 


LIERRE  LOUVAIN 

Typ.  de  JOSEPH   VAN    IN  &  OS  A.    UYSTPRUYST,    Libraire, 

rue    Droite,    4(S.  ,                               rue  de  Namur,    1 1 . 

.  1894 


Ip 


TABLE  DES  MATIERES  DU  TOME  X. 


I.     Sur   la   part   des   leucocytes    dans    le   pouvoir    bactéricide    du    sang    de 

chien,    par   J.    Denys    et   J.    Havet      .....  5 

II.     La  soie  et  les  appareils  séricigènes  il.   Lépidoptères,   suite.   —   II.  Tri- 

choptères),    par    Gustave    Gilson  .....  37 

III.     Du    mécanisme     des     symptômes     gastro-intestinaux    dans    le    choléra 

asiatique,    par   J.    Denys   et    Ch.    Sluyts  ....  65 

IV.     Contribution   à   l'étude   du    développement    organique     et    histologique 
du    thymus,    de    la   glande    thyroïde   et    de    la   glande    carotidienne, 
par   A.    Prenant  .......  85 

V.     Étude     sur    les    propriétés     du     poison     du     choléra     asiatique,     par 

Charles   Sluyts  .  .  .  .  .  .  .  .  i85 

Yl.     Du~   rapport    entre    le    pouvoir    bactéricide    du    sang    de    chien    et   sa 

richesse    en    leucoc3'tes,    par  J.    Havet.  ....  21g 

\'II.     Contribution    à    l'étude   du  système  nerveux  des  téléostéens  (Communi- 
cation   préliminaire),    par   A.    Van   Gehuchten  .  .  .  253 
VIII.     Les  glandes  filières  de  YOiuenia  fusiformis  Délie  Chiage  (Ammochares 

Ottonis    Griibe),    par   Gustave   Gilson  .....  297 

IX.     Le   sphincter  de  la.  néphridie    des    gnafhobdellides,    par    H.    Bolsius  .  333 

X.     Étude    sur   l'action    sporicide    des    humeurs,    par   J.    Leclef     .  .  347 

XI.     Rapport    entre    le    pouvoir    pathogène    des    microbes    et   leur  résistance 

au   sérum,    par   J.    Leclef        ......  377 

XII.     Étude    sur   le    mécanisme   de   la    virulence  du  staphj-locoque   pyogène, 

par   le    D''   Honoré   Van    de    Velde      .  .  .  .  .401 

XIII.     A    propos    d'une    critique    dirigée    contre    le    pouvoir   bactéricide    des 

humeurs,    par   J.    Denys  ......  463 


SUR   LA   PART   DES   LEUCOCYTES 


DANS     LE 


PAR 


J.    DENYS  & 

PROFESSEUR  d'aNATOMIE  PATHOLOGIQUE. 


J.    HAVET 

DOCTEUR     EN     MÉDECINE. 


(Mémoire   déposé  le   3  juillet    1S93.; 


(Travail   du    laboratoire  d'anatomie  pathologique  et    de   pathologie 

■EXPÉRIMENTALE    DE    l'uNIVERSITÉ    DE    LoUVAIN.j 


SUR   LA   PART   DES   LEUCOCYTES 


DANS     LE 


POUVOIR  BACTERICIDE  DU  SANG  DE  CHIEN 


Il  y  a  quelque  temps,  l'un  de  nous  fit  paraître,  en  collaboration  avec 
M.  Kaisin  (i),  un  travail  clans  lequel  il  examinait  la  valeur  des  différentes 
objections  faites  à  la  théorie  du  pouvoir  bactéricide  des  humeurs,  telle 
qu'elle  avait  été  formulée  par  Buchner. 

La  coriclusion  de  ce  travail  fut  qu'aucune  des  objections  formulées  ne 
pouvait  aboutir  à  renverser  cette  théorie,  que  ce  pouvoir  jouait  un  rôle 
considérable  dans  l'immunité  et  la  guérison  spontanée  des  maladies,  que 
l'intervention  des  phagocytes  ne  se  basait  sur  aucune  expérience  décisive 
et  que  son  rôle  restait  à  définir. 

Nous  disions  que  le  rôle  des  leucocytes  et  autres  cellules  absorbantes 
n'était  établi  sur  aucune  expérience  décisive  ;  en  effet,  nous  considérions 
toutes  celles,  qui  ont  été  invoquées,  comme  susceptibles  d'une  interpré- 
tation différente  de  celles  données  au  phénomène  par  Metchnikoff  et  ses 
adhérents. 

Prouvons  notre  affirmation  en  reproduisant  brièvement  les  arguments— - 
des  partisans  de  la  phagocytose. 

1°  -Dans  les  infections  se  terminant  par  la  guérison,  il  se  fait,  dans  la 
région  envahie  par  les  microbes,  une  diapédèse  énergique  et  l'on  trouve  les 
leucocytes  remplis  de  microbes  ou  de  leurs  débris.  Au  contraire,  dans  les 
infections  mortelles,  cette  diapédèse  est  nulle  ou  insignifiante,  et  l'englo- 
bement  des  microbes  fait  défaut  ou  n'a  pas  d'importance. 

(i)     J.  Denys  et  A.  Kaisin   :  Recherches  à  propos  des  objections  clei'ées  récemment  contre  le  pouvoir 
bactéricide  du  san^;  La  Cellule,   t.  IX,    iSgS. 


,S  J.   DENYS  &  J.   HAVET 

D'après  les  défenseurs  de  la  phagocytose,  ces  faits  doivent  s'interpréter 
comme  il  suit.  Quand  les  globules  blancs  sont  à  même  de  s'emparer  des 
organismes'  envahisseurs,  l'infection  est  enrayée,  mais  quand  ils  n'appa- 
raissent pas  sur  le  point  rfienacé,  les  agresseurs  se  développent  à  l'aise  et 
tuent  leur  hôte. 

Les  travaux  dans  lesquels  on  a  combattu  cette  manière  de  voir  sont 
nombreux  et  l'on  y  a  fait  remarquer  avec  raison  que  les  faits  invoqués  ne 
rendaient  pas  du  tout  nécessaire  la  conclusion  qu'on  voulait  en  tirer. 

Les  partisans  du  pouvoir  des  humeurs  conviennent  volontiers  que  l'ap- 
parition des  leucocytes  dans  la  région  envahie  et  l'englobement  des  microbes 
est  un  fait  incontestable,  dans  le  cas  où  le  conflit  se  termine  par  la  défaite 
du  microbe;  mais,  d'après  eux,  l'apparition  des  phagocytes  est  un  phéno- 
mène secondaire,  ayant  pour  but  d'emporter,  d'enterrer,  pour  nous  servir 
d'une  expression  employée,  les  cadavres  des  organismes  tués  par  l'in- 
fluence microbicide  des  humeurs.  Les  partisans  de  la  phagocytose  posaient, 
suivant  eux,  simplement  un  raisonnement  illogique  :  cuin  hoc,  ergo 
propter  hoc. 

METCHNiKOFF-et  SCS  élèves  Ont  cssayé  de  répondre  à  cette  objection 
en  prouvant  d'abord  que  les  leucocytes  absorbent  des  microbes  vivants. 
Ils  firent  remarquer  que,  dans  certains  cas,  les  organismes  situés  à  l'inté- 
rieur des  globules  blancs  présentent  des  mouvements.  Mais  cet  argument 
ne  nous  semble  guère  péremptoire,  car  : 

\"  Si  ces  mouvements  sont  lents,  nous  ne  voyons  pas  bien  comment 
on  les  distinguerait  de  ceux  imprimés  au  microbe  par  le  protoplasme  du 
globule  blanc. 

2°  S'ils  sont  vifs,  ils  nous  paraissent  indiquer  sûrement  que  le  leuco- 
cyte est  mort,  car  nous  ne  les  comprenons  pas  dans  un  milieu  visqueux 
comme  le  protoplasme  vivant. 

Cet  argument  n'est  donc  pas  décisif. 

Leur  second  argument  ne  l'est  pas  davantage.  Il  est  basé  sur  ce  fait  que 
si  l'on  retire  du  corps  vivant  des  leucocytes  renfermant  des  organismes,  et 
si  on  les  met  dans  des  circonstances  favorables  au  développement  de  ces 
derniers,  on  voit  ceux-ci  augmenter  de  nombre.  Ils  deviennent  même  telle- 
ment nombreux  qu'ils  remplissent  tout  le  leucocyte  et  le  font  crever. 

Cette  expérience,  nous  le  reconnaissons,  prouve  d'une  façon  définitive 
que  le  leucocyte  englobe  des  microbes  vivants,  mais  prouve-t-ellc  cju'il  s'en 
rend  maître?  Nullement;  au  contraire,  puisque  le  vaincu  c'est  lui. 


LEUCOCYTES     ET     POUVOIR     BACTERICIDE  9 

La  doctrine  phagocytaire,  à  notre  avis,  manquait  donc  de  base  sûre, 
et  comme  les  objections  faites  à  la  doctrine  du  pouvoir  bactéricide  des 
humeurs  étaient  tombées  devant  l'examen,  l'un  de  nous  avait  conclu,  dans 
le  travail  précité,  que  le  pouvoir  bactéricide  intense  du  sang  de  chien  devait 
être  attribué  au  sérum. 

Nous  reconnaissons  volontiers,  qu'en  formulant  avec  M.  Kaisin  une 
thèse  aussi  absolue,  nous  avons  été  trop  loin.  La  source  de  notre  erreur 
se  trouve  dans  l'affirmation  de  certains  auteurs,  d'après  laquelle  le  sérum 
aurait  le  même  pouvoir  bactéricide  que  le  sang,  ou  à  peu  près.  Nous  nous 
étions  fondés  sur  cette  assertion  pour  nous  dispenser  d'expérimenter  avec 
le  sang  dépouillé  de  ses  globules,  c'est-à-dire  avec  le  sérum  pur.  Mais  à 
l'occasion  d'une  expérience  faite  dans  la  suite,  et  qui  avait  pour  but  de 
comparer  la  puissance  bactéricide  du  sang  de  chien  avec  celle  de  son 
sérum,  nous  avons  constaté  une  différence  considérable  entre  les  deux 
liquides,  différence  tout  en  faveur  du  sang.  Cette  observation  devint  le 
point  de  départ  des  expériences  que  nous  consignons  dans  ce  travail  et 
qui  constituent,  nous  l'espérons,  la  preuve  irrécusable  de  l'intervention  des 
leucocytes  dans  la  destruction  des  microbes.  Elles  ne  peuvent  en  effet, 
d'après  nous,  contrairement  aux  observations  antérieures,  donner  lieu  à 
aucune  autre  interprétation. 

Comme  nous  venons  de  le  dire,  le  pouvoir  bactéricide  du  sang  de  chien 
est  de  loin  supérieur' à  celui  de  son  sérum. 

Donnons-en  quelques  preuves. 

TABLEAU   L 


Inoculation  avec  une  culture  de  bacille  commun  de  l'intestin  dans  le 
sang  et  le  sérum  du  même  chien. 


IMMEDIATE- 
MENT 

APRÈS  I  2  H. 

APRÈS  I 

H. 

APRÈS 

2 

H. 

APRÈS  4  H. 

Sang 
Sérum 

i3566 
17500 

l5l 
14280 

7 
III72 

3 
2201 

0 

728 

On  remarquera,  dans  cette  expérience,  non  seulement  la  différence  entre 
les  chiffres  terminaux,  o  et  7^B,  mais  surtout  l'inégalité  dans  la  rapidité  de 
la  destruction. 


lO 


J.    DENYS    &   J.    HAVET 


Les  expériences  suivantes  ontporté  sur  les  spores  du  bacille  du  foin,  pro- 
venant d'une  culture  sur  agar  et  émulsionnées  dans  l'eau  salée  physiologique. 
Pour  éliminer  sûrement  les  formes  végétatives,  nous  avons  porté  l'émulsion 
à  l'ébullition.  Il  s'agit  toujours  de  sang  et  de  sérum  de  chien. 


TABLEAU    IL 


IMMEDIATE- 


APRÈS    2    H.     I    APRÈS    5     H. 


Sang 
Sérum 


3542 
4692 


79 
713 


7 

24S0 


TABLEAU    III. 


Sang 
Sérum 


IMMEDIATE- 
MENT 


APRÈS  2  H.  j  APRÈS  4  H. 


9280 

io53o 


210 
8010 


64 

8o32 


APRÈS  6  H. 


18 
22960 


TABLEAU    IV. 
Ensemencement  avec  des  quantités  différentes  de  spores. 


IMMÉDIATE- 
MENT 

APRÈS  1/2  H. 

APRÈS  I  H. 

APRÈS  2  H. 

APRÈS  4  H. 

! 
1 

3335 

l35 

112 

52 

72 

Sang 

6916 

667 

725 

270 

55 

15450 

i652 

io5o 

112 

, 

55oo 

4000 

i656 

588 

9750 

Sérum 

1 

II 288 

5628 

3io5 

4805 

44080 

( 

26752 

15295 

2o5o 

4950 

3g3oo 

Ces  trois  expériences  avec  les  spores  du  bacille  du  loin  fournissent  le 
même  résultat  que  celle  qui  a  été  faite  avec  le  coli-bacille.  Elles  proiii'ciit 
que  le  sérum  du  chien  possède  un  poui'oir  bactéricide  beaucoup  inférieur  au 
sani(  du   niéinc  animal. 


LEUCOCYTES      ET     POUVOIR     BACTERICIDE  11 

A  quoi  tient  la  différence? 

Il  fallait  naturellement  songer  aux  globules  blancs,  et  le  premier  pas 
à  faire  était  tout  indiqué  :  c'était  de  comparer  l'action  d'un  sang  complet 
avec  un  sang  dépouillé  de  ses  globules  blancs. 

Nous  sommes  parvenus  à  obtenir  un  sang  privé  de  leucocytes  par  un 
moyen  bien  simple  et  incapable  de  produire  un  changement  autre  que  l'éli-' 
mination  des  leucocytes.  Ce  moyen  est  la  filtration. 

Voici  comment  nous  procédons.  Nous  préparons  un  filtre  double  de  papier 
Joseph,  que  nous  plaçons  dans  un  entonnoir,  qui  vient  lui-même  s'adapter 
sur  un  récipient  quelconque.  Le  tout  est  arrosé  abondamment  d'abord 
d'acide  phénique  à  5  0/0  et  ensuite  d'eau  salée  ph3rsiologique,  afin  d'entraîner 
les  dernières  traces  de  l'antiseptique.  L'entonnoir  avec  son  filtre  et  le  réci- 
pient sont  ensuite  placés  dans  un  bocal  revêtu  intérieurement  de  papier 
humide,  et  fermé  par  une  plaque  de  verre.  C'est  dans  l'atmosphère  humide 
de  ce  bocal  que  se  fera  la  filtration.  Le  tout  est  porté  à  la  couveuse,  et 
quand  l'entonnoir  a  pris  la  température  du  corps,  nous  y  versons  le  sang 
préalablement  chauffé  à  38°.  Le  bocal  est  fermé  avec  la  plaque,  afin  d'em- 
pêcher l'évaporation  du  sang.  Les  premières  gouttes  de  sang  qui  passent  ne 
renferment  déjà  presque  plus  de  leucocytes  à  noyau  polymorphe  ;  ceux-ci 
disparaissent  ensuite  rapidement,  et  après  la  filtration  de  quelques  centi- 
mètres cubes,  le  sang  est  complètement  dépouillé  de  ses  globules  blancs  à 
noyau  polymorphe.  Il  conserve  une  partie  de  ses  globules  blancs  à  noyau 
rond  et  à  protoplasme  rudimentaire;  mais  comme  ces  derniers  ne  possèdent 
que  peu  de  mouvements  amboïdes  et  que  même,  d'après  certains  auteurs, 
ils  en  sont  complètement  dépourvus,  nous  n'en  avons  pas  tenu  compte  dans 
nos  expériences.  L'essentiel  est  l'élimination  des  leucocytes  actifs,  des  vrais 
phagocytes,  et  cette  élimination  réussit  au-delà  de  tout  espoir.  Il  est  possi- 
ble que  le  papier  soit  imprégné  de  quelque  substance  chimiotactique 
positive,  qui  retient  le  globule  blanc. 

Voici  quelques  expériences  faites  avec  le  sang  filtré  et  le  sang  non 
filtré,  ou  sang  complet.  Ordinairement,  nous  avons  opéré  en  même  temps 
sur  le  sérum  du  même  animal,  obtenu  soit  par  dépôt,  soit  par  expression 
du  caillot.  Dans  toutes  ces  expériences,  l'avantage  revient  au  sang  com- 
plet; le  sang  filtré  ne  se  montre  pas  plus  actif  que  le  sérum;  bien  plus, 
chose  curieuse,  il  lui  est  généralement  inférieur. 


12 


J.    DENYS    &   J,    HAVET 


TABLEAU    V. 

Ensemencement  avec  une  culture  de  bacille  de  l'intestin  dans  le  sang 
de  chien. 


IMMÉDIATE-    I  APRÈS 

MENT  !     1/4  d'heure 


APRÈS    l'2  H. 


APRÈS     I    H. 


Sang    complet 
Sang    filtré 
Sérum 


6720 
10425 
i5Si2 


924 

7630 

13338 


o 

3562 

21420 


o 
8384 
6000 


TABLEAU  VI. 


Même  ensemencement. 


IMMEDIA- 
TEMENT 


APRÈS 
1/2  HEURE 


APRÈS  I  H. 


APRÈS 
I  1/2  HEURE 


APRÈS  2  H.   I   APRÈS  4  H. 


Sang    complet 
Sang   filtré 


32620 
40600 


8432 
43892 


i960 
47040 


1197 
84000 


834 
Innombr. 


3020 

Innombr. 


Dans  cette  expérience,  il  n'y  a  aucune  diminution  dans  le  sang  filtré. 


TABLEAU   VIL 


Même  ensemencement. 


IMMEDIA- 
TEMENT 


APRES 
1/2  HEURE 


APRÈS 
I  1/2  HEURE 


APRÈS  3  H. 


APRÈS  5  H. 


APRÈS  7  H. 


Sang    complet 
Sang    filtré 


19430 
2  5  200 


1800    j     32 
g36o   !   25go 


o 

702 


o 
4060 


o 

52O0O 


Pour  terminer,  voici  une  expérience  avec  le  staphylocoque  pyogène,  et 
une  autre  avec  les  spores  du  bacille  du  foin. 


TABLEAU   VIII. 
Ensemencement  avec  le  staphylocoque  pyogène. 


IMMEDIATE- 
MENT 


APRÈS  1/2  H. 


APRÈS     I    H. 


APRES     2    H. 


APRÈS  2  1/2  H. 


Sang   complet 
.Sang   filtré 


2684 
4188 


930 
4956 


273' 
5907 


372 
2568o 


75 
Innombrables 


LEUCOCYTES    ET    POUVOIR    BACTÉRICIDE 


13 


TABLEAU    IX. 

Ensemencement  avec  les  spores  du  bacille  du  foin. 


IMMEDIATE- 


APRÈS   1/2    H. 


APRÈS  I   H.  APRÈS  2  H 


Sang  complet 
Sang  filtré 
Séium 


3776 
6112 
5912 


o 

3583 
4890 


o 
35o3 
4620 


o 

17280 
4830 


La  proposition  que  nous  énoncions  plus  haut,  à  savoir  qu'il  y  a  une 
différence  énorme  entre  le  pouvoir  bactéricide  du  sang  possesseur  de  ses 
leucocytes  et  celui  du  sang  qui  en  est  dépouillé,  se  vérifie  pour  trois  or- 
ganismes différents  :  le  bacille  commun  de  l'intestin,  le  staphylocoque 
pyogène  et  le  bacille  du  foin  sous  forme  de  spores. 

Comme  fait  accessoire,  mais  pourtant  digne  de  remarque,  observons 
que  le  développement  dans  le  sérum  est  moins  abondant  que  dans  le  sang 
filtré  ;  nous  reviendrons  plus  tard  sur  cette  particularité. 

Les  expériences  précédentes  établissent  très  nettement  le  lien  qui  existe 
entre  les  leucocytes  et  le  pouvoir  bactéricide,  mais  elles  sont  pourtant 
passibles  de  l'objection, suivante.  Le  parallèle  entre  le  sang  filtré  et  le  sang 
non  filtré  ne  démontre  pas  que  les  leucocytes  sont  la  cause  directe  de  la 
destruction  des  microbes,  et  qu'ils  tuent  ceux-ci  après  les  avoir  englobés  à 
l'état  vivant.  A  la  rigueur,  on  peut  supposer  que  les  globules  blancs  ont 
expulsé,  sous  l'action  des  organismes,  une  substance  bactéricide,  laquelle 
atteint  ces  derniers  dans  le  plasma.  Dans  cette  hypothèse,  les  leucocytes 
demeurent  à  la  vérité  les  agents  destructifs,  mais  ils  exercent  cette  fonction 
d'une  façon  indirecte,  et  n'englobent  les  organismes  qu'après  leur  mort. 

Malgré  le  peu  de  probabilité  de  cette  hy^pothèse,  elle  méritait  cepen- 
dant d'entrer  en  ligne  de  compte.  Nous  avons  essayé  de  la  résoudre  en 
nous  fondant  sur  les  considérations  suivantes. 

Si  l'hypothèse  proposée  est  vraie,  le  plasma  doit  se  charger,  sous 
l'action  des  microbes  ou  plutôt  de  leurs  sécrétions,  de  substance  bactéricide. 
Si,  après  la  dissolution  de  cette  dernière,  nous  filtrons  le  sang  afin  de  rete- 
nir les  leucocytes,  nous  devons  constater  que  le  filtrat  possède  des  propriétés 
microbicides  notables. 


H 


J.    DENYS    &   J.    HAVET 


Nous  avons  réalisé  cette  expérience  de  la  façon  suivante.  Nous  ense- 
mençons comme  d'habitude  une  portion  du  sang,  et  nous  l'abandonnons 
à  elle-même  à  la  température  du  corps  pendant  une  demi-heure,  afin  de 
laisser  aux  microbes  le  temps  d'agir  sur  les  leucocytes  et  de  les  déterminer 
à  sécréter  leur  poison.  Nous  filtrons  afin  d'éliminer  les  globules  blancs,  et 
nous  examinons,  par  les  plaques,  le  pouvoir  bactéricide  du  sang  filtré.  Dans 
ce  but,  nous  divisons  ce  dernier  en  deux  portions  :  l'une  est  employée 
comme  telle,  l'autre  est  de  nouveau  ensemencée  avec  des  organismes  vivants. 
Enfin,  une  troisième  portion,  constituée  par  du  sang  complet,  sert  à  fixer 
le  pouvoir  bactéricide  absolu. 

Voici  les  deux  expériences  que  nous  avons  faites.  La  seconde  est  en 
quelque  sorte  double,  car  elle  comprend  une  quatrième  portion  de  sang,  à 
laquelle  nous  avons  ajouté,  pour  solliciter  l'expulsion  du  produit  bactéricide, 
non  pas  des  organismes  vivants  mais  leur  poison  dissous,  obtenu  au  moyen 
d'une  culture  des  mêmes  bacilles  sur  pommes  de  terre,  et  délayés  dans 
l'eau  salée  physiologique  (i  p.  de  microbes  pour  20  d'eau).  Après  filtration 
de  cette  portion,  nous  y  avons  ajouté  des  bacilles  vivants. 

TABLEAU  X. 

Ensemencement  avec  une  culture  de  bacille  de  l'intestin  dans  le  sérum 
de  chien.  Une  plaque  faite  avec  la  portion  destinée  à  être  filtrée  donne 
57988  colonies. 


IMMÉDIATE- 
MENT 

APRÈS    I    H. 

APRÈS    2    H. 

APRÈS    8    H. 

Sang    complet 

16900 

71 

6 

0 

Sans  filtré  sans  nouvelle 

420 

812 

5280 

Innombrables 

addition  de  microbes 

Sang   filtré   ensemencé   une 

25740 

365oo 

34190 

Innombrables 

seconde   fois 

Dans  cette  expérience,  au  moment  du  filtrage,  chaque  anse  de  sang, 
c'est-à-dire  environ  7  milligr.  de  ce  liquide,  renfermait  encore  420  bacilles. 
Tous  les  globules  blancs  à  noyau  polymorphe  étant  restés  sur  le  filtre,  on 
doit  admettre  que  les  organismes  se  trouvaient  en  liberté  dans  le  sérum. 
Or  celui-ci  n'a  exercé  sur  eux  aucune  action  bactéricide,  puisque  après  une 
heure  ils  avaient  doublé,  après  deux  heures  avaient  décuplé,  après  huit 
huit  heures  ils  étaient  devenus  innombrables. 


LEUCOCYTES     ET     POUVOIR     BACTERICIDE 


15 


Les  chiffres  fournis  par  la  troisième  portion  permettent  de  tirer  la 
même  conclusion. 

TABLEAU   XL 

Expérience  conduite  comme  la  précédente,  avec  en  plus  une  portion 
de  sang  soumise  avant  le  filtrage  à  l'action  du  poison  dissous,  dans  les 
conditions  indiquées  ci-dessus.  Une  plaque  faite  avec  la  portion  additionnée 
de  bacilles  vivants  et  destinée  à  être  filtrée  fournit  1 10200  colonies. 


IMMÉDIATEMENT 

APRÈS    4    H. 

APRÈS    6    H. 

Sang   complet 

3ogoo 

3l2 

210 

Sang    filtré    sans   nouvelle   addition 

i5oo 

Innombrables 

Innombrables 

de   microbes 

Sang  filtré  ensemencé  une 

5 1600 

Innombrables 

Innombrables 

seconde   fois 

Sang  additionné  de  poison,  filtré 

637000 

Innombrables 

Innombrables 

et  ensemencé 

Cette  expérience  confirme  la  précédente.  Dans  la  2'"^  portion,  les  mi- 
crobes restés  libres  sont  devenus  innombrables  au  bout  de  quatre  heures. 
Ceux  des  portions  3  et  4  échappent  également  à  la  numération. 

A  notre  avis,  ces  deux  expériences  démontrent  qu'on  ne  peut  pas 
admettre  que  les  bacilles  périssent  dans  le  sérum  par  l'effet  d'un  poison 
expulsé  par  les  leucocytes  sous  l'action  des  sécrétions  microbiennes,  ou  tout 
au  moins  que  l'action  bactéricide  énergique  du  sang  de  chien  n'est  pas  due 
à  un  mécanisme  de  cette  nature.  Dans  le  cas,  où  cette  hypothèse  eut  été 
vraie,  l'action  de  la  substance  microbicide  aurait  continué  ses  effets  dans 
le  sang  filtré,  et  cette  action  se  serait  manifestée  par  une  diminution 
considérable  d'organismes  et  par  un  retard  marqué  àe  la  repullulation.  Or 
ces  deux  phénomènes  font  défaut.  Nous  concluons  que  la  part  principale, 
prédominante,  du  pouvoir  bactéricide  du  san-g  de  chien  doit  être  attribuée 
aux  leucocytes  fonctionnant  comme  éléments  phagocytaires. 

Faisons  remarquer  pour  éviter  tout  malentendu,  que  nous  ne  nions 
nullement  que,  sous  l'influence  des  microbes,  les  globules  blancs  ne  puissent 
céder  au  sérum  une  certaine  quantité  de  substance  bactéricide,  mais  cet 
abandon  doit  être  relativement  faible,  et  chez  le  chien,  le  leucocyte  reste 
certainement  dépositaire  de  la  plus  grande  partie  de  l'énergie  microbicide. 

Le  rôle  phagocytaire  des  leucocytes  ne  se  laisse  pas  seulement  établir 
par  les  plaques;  mais,  par  un  examen  microscopique  répété  à  de  courts  in- 


i6 


J.  DENYS  &  J.   HAVET 


tervalles,  on  peut  assister  à  toutes  les  phases  de  l'englobement  et  de  la 
digestion,  de  même  que  l'on  peut  juger  des  progrès  de  la  pullulation. 

Dans  le  sang  filtré  du  chien,  le  développement  du  bacille  commun 
provenant  d'une  culture  dans  le  sang  débute  par  un  allongement  et  un 
épaississement  de  cet  organisme,  il  devient  plus  long  et  plus  gros  ;  en 
même  temps,  il  se  colore  beaucoup  plus  intensément.  Après  une  demi-heure, 
beaucoup  de  bacilles  se  sont  divisés,  et  l'on  voit  dans  le  champ  du  micros- 
cope un  certain  nombre  de  diplobacilles.  Après  une  heure,  ils  forment  des 
chaînettes  de  quatre  individus,  plus  tard  de  huit,  vingt,  cinquante  unités, 
de  sorte  qu'après  quatre  à  six  heures  de  culture,  le  sang  est  rempli  de 
chainettes.  Plus  tard  encore,  ces  chaînettes  se  défont  et,  quand  la  culture 
est  mûre,  elle  est  composée  de  bacilles,  de  diplobacilles  et  d'amas  irré- 
guliers de  bâtonnets. 

Telle  est  en  général  la  marche  de  la  culture,  et  sa  connaissance  per- 
mettra de  bien  se  rendre  compte  des  phénomènes  qui  vont  être  décrits  de 
suite.  Ajoutons  encore  que  dans  un  sang  ou  un  sérum,  où  il  y  a  eu  d'abord 
destruction  intense, ,  le  premier  signe  de  l'épuisement  de  la  phagocytose 
consiste  dans  l'apparition  d'organismes  libres  entre  les  cellules. 

Nous  donnons  une  expérience  où  la  phagocytose  a  été  poursuivie  au 
microscope.  En  même  temps,  nous  avons  fait  des  plaques  pour  contrôler 
les  résultats. 

Une  portion  de  sang  de  chien  est  employée  comme  telle  et  ensemencée 
avec  le  bacille  de  l'intestin  ;  c'est  la  portion  A. 

Une  autre  portion  est  filtrée  et  ensemencée  de  même;  c'est  la  portion  B. 
Avec  toutes  les  deux,  nous  faisons  des  plaques  à  divers  intervalles,  les 
premiers  très  rapprochés  ;  de  plus  nous  faisons  des  préparations  avec  une 
anse  de  sang  étalé  sur  un  couvre-objets  et  coloré  au  bleu  de  méthylène. 

Donnons  d'abord  la  marche  du  nombre  des  microbes  dans  les  deux 
portions. 

TABLEAU   XII. 


Ensemencement  avec  une  culture  de  bacille  de  l'intestin  dans 

le  sang. 

IMMÉDIA- 
TEMENT 

APRÈS  1/2  H. 

APRÈS  I  H. 

APRÈS  2  H. 

APRÈS  3  H. 

APRÈS 
4    1/2    H. 

Sang  complet 
(Portion  A) 

Sang   filtré 
(Portion  B) 

49735 
38836 

i683 
3oio5 

77 

25334 

7 

3go6o 

Augmen- 
tation 

Innombra- 
bles 

LEUCOCYTES     ET     POUVOIR     BACTERICIDE  1? 

Le  sang  filtré  nous  donne  donc  une  faible  diminution. 

Avec  les  deux  portions,  nous  faisons,  à  partir  de  l'ensemencement,  des 
préparations  toutes  les  dix  minutes,  puis  à  de  plus  longs  intervalles. 

Dans  la  première  préparation  faite  avec  le  sang  A,   nous  trouvons  de 
rares  bacilles  libres;  vingt  minutes  plus  tard,  ils  ont  disparu. 

Le  sang  B  nous  fournit  les  étapes  suivantes  : 


Immédiatement. 
Après  20  minutes. 

Après  40  minutes. 
Après     I  heure. 
Après    2  heures 
Après    -\.i  2  heures. 


Rares    bacilles    libres. 

Pas   de   diminution    du    nombre    des    bacilles  ;    quelques    diploba- 

cilles.    Les  bâtonnets   se    colorent   mieux. 

Le   nombre   des    diplobacilles    augmente. 

Beaucoup    de    chaînettes    de    quatre    individus. 

Dans  chaque  champ,  plusieurs  chaînettes  d'une  vingtaine  d'individus. 

"VTaie   culture   de    chaînettes. 


Le  microscope  nous  présente  donc  dans  ce  sang  un  développement 
continu.  Après  deux  heures,  c"est-à-dire  au  moment  où  les  préparations 
montrent  dans  chaque  champ  plusieurs  chaînettes  d'une  vingtaine  d'indivi- 
dus, nous  divisons  le  sang  en  deux  portions  et  nous  ajoutons  à  l'une  d'elles, 
qui  devient  la  portion  C,  son  volume  de  sang  non  filtré.  Les  plaques  faites 
avec  le  mélange  nous  donnent  les  chiffres  suivants  : 

TABLEAU  XI IL 


IMMEDI.\TE- 


APRÈS    1/2  H. 


APRÈS  I   H. 


APRÈS  2  H. 


APRÈS  3  H. 


Portion    C 


90000 


338o 


1716 


1472 


2408 


L'addition  du  sang  non  filtré  a  eu  pour  résultat  immédiat,  non  seule- 
ment d'enrayer  le  développement,  mais  de  faire  tomber  le  nombre  des, 
microbes  à  un  taux  très  bas.  Par  les  préparations  microscopiques,  on  con- 
state que  la  diminution  est  due  non  pas  à- une  action  extracellulaire,  mais 
à  une  absorption  des  microbes  par  les  leucocytes  et  à  leur  dégénérescence 
à  l'intérieur  de  ces  derniers. 

Voici,  en  effet,  ce  que  nous  révèle  le  microscope. 


Immédiatement 
Après  10  minutes. 


Beaucoup    de   bacilles    et    de    chaînettes    libres. 
Les   organismes  libres  diminuent.  Beaucoup  de  leucocj^tes,  isolés 
ou   réunis   en   petits   groupes    de    3  à  5,    sont    remplis    de  bâton- 
nets  bien   colorés.    On    note   également   des   chaînettes    en   partie 
libres,    en    parties   repliées   dans   les    leucocytes. 


l8 


J.    DENYS    &   J.    HAVET 


Apres  20  minutes. 


Après  3o  minutes. 


Après  5o  minutes. 
Après    2  12  heures. 

Après    7  heures. 


Les  organismes   libres  diminuent  encore.   Un  certain  nombre  des 

bacilles    renfermés   dans   les  leucoc^-tes  se  colorent   mal.    Les  leu- 

cocj'tes    forment    des    amas   plus    gros   de    10,    20   individus. 

Les    organismes    libres    sont    extrêmement    rares.     Beaucoup    de 

bacilles    dans    les    globules    sont    mal    colorés   ou   morcelés.    Leur 

nombre    diminue. 

La   dégénérescence   des    microbes   dans   les   leucocytes  progresse. 

Pas  de  bacilles    libres.    Dans  les  leucocj'tes,  peu  de  bacilles  bien 

colorés. 

Pas    de   bacilles   libres.    Les    amas    de   leucocytes  qui  renferment 

des    bacilles    sont  rares. 


Nous  observons,  dans  cette  série  de  préparations,  toutes  les  étapes 
de  la  phagocytose  :  englobement,  dégénérescence,  disparition  des  bâton- 
nets, et  le  phénomène  est  d'autant  plus  facile  à  poursuivre  qu'il  porte  sur 
des  organismes  qui  se  coloraient  bien.  Tandis  que  dans  la  portion  B  (sang 
filtré)  nous  avons,  quatre  heures  après  l'ensemencement,  une  vraie  culture  de 
chaînettes,  la  portion  C,  faite  avec  un  mélange  à  parties  égales  de  B  et  de 
sang  non  filtré,  ne  montre,  après  sept  heures,  aucun  bacille  libre  et  seulement 
de  rares  bacilles  dans  les  leucocytes. 

Deux  heures -après  avoir  fait  la  portion  C,  nous  divisons  celle-ci  égale- 
ment en  deux  et  à  l'une  d'elles  nous  ajoutons  deux  volumes  de  sang  filtré  : 
portion  D. 

Nous  obtenons  d'après  les  plaques  les  chiffres  suivants  : 

TABLEAU    XIV. 


IMMEDIATE- 
MENT 


APRÈS     I     H. 


APRÈS    2    H. 


Sang  C  -|-  2  vol.  de  sang  non  filtré  (Portion  D) 


3  go 


83 


180 


Le  résultat  est  le  même  :  l'introduction  de  sang  non  filtré  dans  la  por- 
tion C  (mélange  de  sang  filtré  et  de  sang  non  filtré)  a  de  nouveau  pour 
conséquence  un  abaissement  du  nombre  des  microbes. 

Le  microscope  nous  révèle  les  faits  suivants  : 

Après  1 3  minutes.  On  constate  que  les  nouveaux  leucocytes  se  sont  presque  tous 
réunis  aux  amas  anciens,  et  que  le  nombre  de  bâtonnets  ren- 
fermés   dans    ceux-ci    a   considérablement   diminué. 

Après    3o   minutes.     Les  bacilles  sont  devenus  extrêmement  rares.   Pas  de  bacilles  libres. 

Après  2  heures.  Pas  de  bacilles  visibles,  ni  dans  les  amas  leucocj-taires,  ni  en 
dehors. 


LEUCOCYTES     ET     POUVOIR     BACTERICIDE  19 

L'examen  microscopique  non  seulement  nous  montre  d'une  façon  sai- 
sissante le  sort  des  microbes  dans  un  sang  possesseur  de  ses  leucocytes, 
mais  il  nous  permet  d'apprécier  à  leur  exacte  valeur  les  chififres  fournis  par 
les  plaques. 

Si  nous  ne  considérons  que  ces  derniers,  nous  serions  tentés  d'admettre 
que  la  plus  grande  partie  des  organismes  a  succombé  en  moins  d'une  demi- 
heure  (voir  le  tableau  XII).  D'un  autre  côté,  nous  serions  portés  à  croire 
que  la  deuxième  addition  de  sang  a  eu  très  peu  d'effet  (voir  le  tableau  XIV;. 
L'examen  microscopique  nous  permet  de  corriger  cette  manière  de  voir. 
La  diminution  énorme  subie  en  une  demi-heure  par  la  portion  C  (de  goooo 
à  33S0)  ne  correspond  pas  au  chiffre  réel  de  l'anéantissement  microbien, 
mais  elle  doit  s'expliquer,  en  partie  du  moins,  par  la  phagocytose.  Un 
seul  et  même  leucocyte  accapare  plusieurs  bâtonnets  indépendants  ou 
plusieurs  chaînettes  indépendantes  ;  ces  chaînettes  et  ces  bâtonnets  auraient 
donné,  dans  le  cas  où  ils  fussent  restés  libres,  plusieurs  colonies;  mais 
englobés  dans  un  même  leucocyte,  ils  n'en  fournissent  plus  qu'une.  Ajoutons 
encore  que  le  nombre  de  colonies  est  inférieur  au  nombre  d'organismes 
libres  pour  une  autre  raison  :  l'agglomération,  l'agglutination  des  leucocytes 
entre  eux. 

C'est  pour  ces  deux  raisons  que  le  nombre  des  colonies  diminue 
rapidement  de  la  première  à  la  deuxième  plaque  et  reste  sensiblement 
stationnaire,  tandis  qu'en  réalité  la  destruction  microbienne  est  plus  lente 
et  plus  graduelle. 

C'est  encore  pour  ce  motif  que  la  deuxième  addition,  portion  D,  tableau 
XIV,  paraît  avoir  peu  d'effet;  le  chiffre  microbien  descend  seulement  de 
390  à  83.  Comme  l'examen  microscopique  le  démontrait,  l'aggrégation 
leucocytaire  avait  atteint  dans  la  portion  C  un  degré  très  prononcé;  les 
amas  de  vingt-cinq  et  de  cinquante  globules  blancs  n'y  étaient  pas  rares; 
tous  ces  amas  renfermaient  un  certain  nombre  de  microbes,  et  pour  réduire 
le  nombre  de  colonies  d'une  unité,  il  était  nécessaire  de  détruire  dans  ces 
accumulations  les  microbes  jusqu'au  dernier. 

Les  chiffres  fournis  par  les  plaques  doivent  donc  être  corrigés  dans  une 
certaine  mesure;  ils  font  paraître  la  destruction  plus  rapide  qu'elle  n'est  en 
réalité,  mais  le  résultat  final  est,  en  somme,  le  même. 

Nous  venons  de  voir  qu'en  enlevant  au  sang  ses  globules  blancs,  on  le 
prive  du  coup  de  la  plus  grande  partie  de  son  pouvoir  bactéricide,  et  nous 


20  J-    DENYS    &   J.    HAVET 

avons  conclu  que  c'est  le  leucocyte,  agissant  par  voie  active  et  par  englobe- 
ment,  qui  est  la  cause  de  cette  perte  de  pouvoir.  Notre  thèse  exige  que,  si 
nous  restituons  au  sang  les  globules  blancs,  le  pouvoir  reparaisse.  C'est  ce 
que  nous  établissons  dans  lés  expériences  suivantes. 

Nous  avons  dû  renoncer  à  ajouter  au  sang  les  globules  blancs  que  nous 
lui  avions  enlevés,  pour  le  motif  que  nous  n'avons  pas  pu  trouver  de  procédé 
pour  retirer  ces  éléments  du  filtre.  Mais  nous  avons  employé  des  cellules 
analogues  :  les  globules  de  pus  des  exsudats  qui,  comme  on  le  sait,  ne  sont 
autres  que  des  leucocytes  émigrés  et  auxquels  tout  le  monde  concède  les 
mêmes  propriétés  qu'aux  cellules  amiboïdes  intravasculaires. 

Pour  obtenir  des  globules  de  pus,  nous  avons  injecté,  dans  la  plèvre  ou 
dans  le  tissu  cellulaire  des  chiens,  des  cultures  mortes  de  staphylocoque 
pyogène  ou  de  choléra  asiatique.  Quand  nous  jugions  le  moment  opportun, 
nous  avons  saigné  les  animaux,  conservé  une  partie  de  leur  sang  comme 
tel  et  filtré  une  autre  partie;  une  troisième  a  été  réservée  pour  son  sérum  ; 
enfin  nous  avons  utilisé  l' exsudât,  soit  complet,  soit  déposé,  soit  centrifugé. 
Tantôt  nous  avons  ajouté  au  sang  les  globules  de  pus  du  même  animal, 
tantôt  ceux  d'un  autre,  mais  avec  le  même  résultat. 

Les  expériences  ont  répondu  parfaitement  à  notre  attente. 

En  voici  quelques-unes. 

Expérience.  Un  chien  reçoit  deux  centimètres  cubes  de  staphylocoques 
pyogènestués  dans  la  plèvre  droite.  Le  lendemain  matin,  le  chien,  qui  pré- 
sente une  température  de  39°, 8  et  qui  ne  paraît  plus  affecté  de  l'injection, 
est  tué  par  hémorrhagie.  Dans  la  plèvre  droite  aucun  exsudât,  mais  en 
regardant  attentivement,  on  remai'que  à  la  surface  de  la  séreuse  une  couche 
crémeuse  mince,  d'un  blanc  un  peu  jaune  et  qui,  au  microscope,  se  montre 
composée  de  globules  blancs,  la  plupart  non  dégénérés  et  animés  de  mou- 
vements amiboïdes.  Nous  versons  dans  la  plèvre  un  centimètre  cube  de 
sérum  provenant  du  même  chien  par  rétraction  d'un  caillot,  nous  grattons 
la  séreuse  et  nous  obtenons  un  liquide  opaque  tenant  les  globules  en  sus-  j 

pension.  Ce  sont  ces  globules  que  nous  ajoutons  au  sérum  après  qu'ils  se  | 

sont  déposés. 


LEUCOCYTES     ET     POUVOIR    BACTERICIDE 


21 


TABLEAU   XV. 

Ensemencement  avec  une  culture  de  bacille  de  l'intestin  dans  le  sang 
de  chien. 


jlMMÉDIA-l     APRÈS     |     APRÈS 

ItementIi  heureIz  heur, 


APRÈS     I     APRÈS 
4    HEUR.  5    HEUR. 


A.  Sang   complet 

B.  Sérum   pur 

C.  Sérum  -|-  globules  blancs  de  la  plèvre 


5940 

7 

5 

0 

7560 

255o 

85i4 

i365o 

696 

36o 

175 

o 

39150 
145 


L'effet  de  l'addition  des  globules  blancs  est  des  plus  évidents  :  d'un 
côté,  nous  avons  comme  chiffre  terminal,  dans  le  sérum  pur,  39150  colonies; 
de  l'autre,  dans  le  sérum  additionné  d'un  certain  nombre  de  leucocytes, 
145  colonies  seulement;  l'intervention  des  globules  blancs  apparaît  plus 
nette  encore  quand  on  tient  compte  des  chiffres  primordiaux  :  7560  dans 
la  portion  B;    i3650,  c'est-à-dire  environ  le  double,  dans  la  portion  C. 

Expérience.  Un  chien  reçoit  dans  la  plèvre  droite  une  culture  morte 
de  choléra  asiatique.  Après  quelques  jours,  nous  le  tuons  et  nous  trouvons 
300  ce.  d'exsudat.  Au  microscope,  on  constate  dans  celui-ci  une  absence 
complète  d'organismes,  mais  beaucoup  de  leucocytes.  Les  uns,  c'est  le 
plus  grand  nombre,  sont  granuleux  (dégénérescence  graisseuse)  et  ne 
présentent  pas  de  pseudopodes  ou  n'en  présentent  que  de  très  paresseux. 
Les  autres,  plus  rares,  mais  pourtant  assez  abondants,  ne  présentent 
pas  de  granulations  graisseuses,  et  maintenus  à  la  température  du  corps, 
ils  sont  sans  cesse  le  siège  de  déformations  amibo'ïdes.  Après  une  heure 
et  demie  d'examen  au  microscope,  ces  mouvements  n'ont  pas  diminué 
d'activité. 

Ce  chien  nous  fournit  : 

1°     Une  portion  de  sang  complet. 

2°     Une  portion  de  sang  filtré. 

3°     Une  portion  de  sang  filtré,  additionné  d'exsudat  centrifugé. 

4°  Une  portion  de  sang  filtré,  additionné  de  globules  de  pus  de  l' exsu- 
dât déposés. 

Les  quatre  portions  sont  ensemencées  avec  une  culture  de  bacille  de 
l'intestin  dans  le  sang  de  chien. 


22 


J.    DENYS   &   J.    HAVET 


TABLEAU    XVI. 


• 

IMMÉDIATE- 
MENT 

APRÈS    3    H. 

APRÈS    5  HEURES 

A.  Sang  complet 

78720 

35oo 

Pas  de  microbes  au  micr. 

B.  Sang  filtré 

77480 

22080 

Forte  augmentation 

C.  Sang  filtré  -j-  exsudât  centrifugé 

SgSoo 

3 1680 

Beauc.  micr.  au  microsc. 

D.  Sang  filtré  -j-  dépôt  de  l'exsudat 

78000 

53o 

612 

Ce  tableau  mérite  notre  attention  à  plusieurs  points  de  vue. 

1°  Le  pouvoir  bactéricide  du  sang  complet  est  dépassé  par  'celui  du 
sang  filtré  auquel,  par  l'addition  du  dépôt,  nous  avons  restitué  des  globules 
sortis  de  son  sein. 

2°  Sans  connaître  nos  expériences  précédentes,  on  pourrait  supposer 
que  la  restitution  du  pouvoir  à  la  portion  D  n'est  pas  due  aux  globules  de 
l'exsudat,  mais  à  des  produits  chimiques  dérivant  des  leucocytes  vivants 
ou  dégénérés  et  dissous  dans  le  plasma  ;  mais  cette  supposition  ne  s'accorde 
pas  avec  les  chiffres  fournis  par  la  portion  C,  où  nous  avons  précisément 
l'association  du' sang  filtré  et  des  principes  dissous  de  l'exsudat.  Loin 
d'exercer  une  influence  plus  nocive  que  le  sang  filtré  pur,  la  portion  C  se 
montre  inférieure  dans  son  action  à  la  portion  B.  Cette  observation  con- 
firme nos  expériences  précédentes,  d'après  lesquelles  le  pouvoir  bactéricide 
du  chien  réside  surtout  dans  les  leucocytes  et  non  dans  une  substance  dis- 
soute dans  le  plasma. 

Chez  le  même  chien,  nous  avons  comparé  l'exsudat  complet  et  l'exsudat 
débarrassé  de  ses  globules.  Voici  les  résultats. 

TABLEAU   XVIL 


Ensemencement  avec  le  bacille  de  l'intestin  (culture  dans  le  sang  de 
chienj. 


IMMEDIATE- 
MENT 


APRÈS     I     H. 


APRÈS     2     H. 


APRÈS    7    HEURES 


A.  Exsudât  complet 


B.  Exsudât  sans  globules 


40000 
29295 


45 


i3og 


29 


37800 


Au  microscope,  rares 

diplocoq.  (impuretés). 

Au  micr.,  une  culture. 


LEUCOCYTES     ET     POUVOIR     BACTERICIDE  23 

Ces  trois  expériences  nous  permettent  de  conclure  que  les  leucocytes 
duii  exsudai,  additionnés  au  sang  filtré,  au  sérum  ou  à  l'exsudat  centrifugé, 
leur  communiquent  un  pouvoir  bactéricide  considérable. 

Les  différentes  phases  de  la  phagocytose  se  laissent  poursuivre  dans 
les  leucocytes  d'un  exsudât  avec  la  même  facilité  que  dans  ceux  du  sang. 

Nous  donnons  deux  exemples. 

1°  Culture  jeune  de  coli-bacille  dans  un  sang  filtré.  Les  bacilles  s'y 
rencontrent  sous  la  forme  de  diplobacilles,  de  courtes  chaînettes,  mais  sur- 
tout sous  forme  de  grands  amas  compacts,  composés  de  plusieurs  centaines 
d'individus.  A  cette  culture,  nous  ajoutons  des  leucocytes  obtenus  par  dépôt 
d'un  exsudât. 

Après  lo  minutes.  Les  amas  de  bacilles  sont  envahis,  nous  dirons  dissociés,  par 
les  leucocytes,  qui  ont  pénétré  jusqu'à  leur  centre.  Beaucoup 
d'organismes    sont   intracellulaires. 

Après  20  minutes.  A  chaque  amas  ancien  de  microbes  correspond  un  amoncelle- 
ment de  leucocytes,  qui  ont  englobé  les  organismes.  Ceux-ci 
ont   diminué. 

Après    3o    minutes.     Les  organismes  sont  devenus  assez  rares.   La  plupart  ont  disparu. 

2°  Culture  jeune  de  coli-bacille  dans  du  sérum  de  chien  chauffé  une 
heure  à  55°.  Addition  de  leucocytes  de  l'exsudat  produit  par  le  bacille 
virgule  mort  de  l'expérience  de  la  page  20.  Rappelons  que  la  plupart  des 
leucocytes  étaient  sans  mouvements  amiboïdes  ou  n'avaient  que  des  mou- 
vements très  paresseux. 

Après    10    minutes.     La   plupart   des    chaînettes    sont    englobées   par    les    leucocytes. 
Après    20    minutes.     Les    chaînettes  libres  sont   rares.    Un  petit  nombre    de    leucocytes 

seulement  participe  à  la  phagocytose  ;  ce  sont,   sans  aucun  doute. 

les   leucocytes   vivants. 
Après   40   minutes.     Plus   d'organismes   libres. 

Apres    5o    minutes.     Les   organismes   englobés   ont   en   grande   partie   disparu. 
Après    3  ]l2  heures.     Plusieurs    bacilles    libres   par    champ. 

A  ce  moment,  nous  ajoutons  de  nouveau  des  globules,  et  nous  consta- 
tons une  heure  plus  tard  que  les  bâtonnets  libres  ont  disparu  et  que  le 
nombre  de  ceux  qui  sont  emprisonnés  a  diminué. 

Concurremment  avec  ces' examens  microscopiques,  nous  faisons  des 
plaques  qui  nous  donnent  les  chiffres  suivants  : 


J.   DENYS    &    J.   HAVET 

A  est  la  culture  jeune. 

B,  la  culture  additionnée  du  dépôt  de  l'exsudat. 

C,  une  partie  de  B,  additionnée  d'une  nouvelle  portion  du  dépôt. 

TABLEAU   XVIII. 


IMMEDIATE- 
MENT 


APRÈS  I  H. 


APRÈS  3  H. 


APRÈS  4  H. 


A 
B 

C 


ii25oo 

2IOOOO 


22000 


256oo 
9760 


5oooo 
3240 


Chaque  introduction  de  leucocytes  entraîne  donc  une  diminution  dans  le 
nombre  des  colonies.  Le  tableau  confirme  ainsi  complètement  les  données 
fournies  par  le  microscope  et  comme  nous  avons  démontré  plus  haut  que 
la  part  prépondérante  du  pouvoir  bactéricide  de  l'exsudat  complet  revient 
aux  éléments  figurés  et  non  aux  substances  dissoutes,  il  ne  peut  rester  aucun 
doute  touchant  l'interprétation  du  recul  microbien. 

Nous  avons  ainsi  démontré  : 

1°     QiCon  rend  an  sang  filtré  un  pouvoir  bactéricide  intense  en  y  intro- 
duisant des  leucocytes  d'exsudat  ; 

2°     Que  les  exsudais  eux-mêmes  détiennent  la  part  principale  de  leur 
pouvoir  bactéricide  des  leucocytes  qu'ils  renferment. 

Les  expériences  précédentes  établissent  à  coup  sûr  l'importance  de  la 
phagocytose  pour  la  défense  du  chien  contre  les  microbes,  mais  faut-il  en 
conclure  qu'il  faut  jeter  pardessus  bord  la  théorie  bactéricide  des  humeurs? 
Nous  n'oserions  pas  soutenir  cette  thèse;  nous  croyons  plutôt  que  la  com- 
position du  milieu  liquide  joue  également  un  rôle  et  que  ce  rôle  chez  cer- 
taines espèces  est  très  important. 

Nos  travaux  sur  ce  point  ne  sont  pas  achevés,  mais  nous  avons  déjà 
constaté  des  faits  curieux,  qui  méritent  d'être  mis  dès  à  présent  en  regard 
de  ceux  fournis  par  le  chien. 


Expériences  avec  le  sang  de  l'homme 

Chez  un  homme  d'une  quarantaine  d'années,  se  plaignant  d'état  con- 
gestif  à  la  tête,  mais  autrement  pas  malade,  nous  pratiquons  une  saignée. 
Une  partie  du  sang  est  employée  comme  telle,  l'autre  après  une  filtration 


LEUCOCYTES     ET     POUVOIR     BACTERICIDE  25 

qui  retient  tous  les  globules  à  noyau  polymorphe  et  u-ne  partie  de  ceux  à 
noyau  rond.  Chaque  portion  fournit  deux  tubes,  que  nous  inoculons  respec- 
tivement avec  une  et  deux  anses  de  culture  de  bacille  commun  de  l'intestin 
dans  le  sang  de  chien. 

TABLEAU  XIX. 


IMMÉDIA- 

APRÈS I  H. 

APRÈS  2  H. 

APRÈS  4  H. 

APRÈS  6  H. 

TEMENT 

I 

anse 

80000 

10206 

69 

2.5 

6 

Sang 

complet 

2 

anses 

120000 

26o3o 

75o 

207 

70 

I 

anse 

80000 

26866 

69 

20 

5 

Sane 

filtré' 

^^"^  to 

2 

anses 

120000 

525oo 

648 

io5 

.  180 

Ainsi  la  destruction  est  sensiblement  aussi  rapide  dans  le  sang  filtré 
que  dans  le  sang  complet.  Ce  résultat  ne  nous  a  pas  peu  étonnés,  mais  il 
ne  pouvait  laisser  place  au  doute,  car  il  était  confirmé  complètement  par 
les  préparations  microscopiques.  En  effet,  celles  qui  avaient  été  faites  après 
la  première  heure,  montraient  de  nombreux  organismes,  bacilles  et  diplo- 
bacilles  bien  colorés,  volumineux,  et  qui  indiquaient  par  conséquent  un 
certain  état  de  prospérité  de  la  semence.  Or,  dans  les  préparations  exécutées 
après  la  deuxième  heure,  les  organismes  avaient  disparu;  il  en  était  de 
même  dans  les  suivantes.  Il  fallait  donc  bien  admettre  leur  destruction. 
Il  serait  pourtant  inexact  de  mettre  le  sang  filtré  et  le  sang  non  filtré  sur 
le  même  pied;  celui-ci  a  une  action  plus  puissante  et  qui  est  surtout  évidente 
quand  on  a  laissé  les  tubes  une  nuit  à  la  couveuse.  Le  lendemain,  le  sang 
complet  a  conservé  la  teinte  artérielle;  le  sang  filtré,  au  contraire,  est  noir 
et  ses  globules  sont  souvent  dissous. 


Voici  une  seconde  expérience  avec  le  sang  humain.  Elle  est  instructive 
à  de  nouveaux  points  de  vue.  En  premier  lieu,  elle  comprend  une  portion  de 
sérum  chauffé  une  heure  à  55°;  en  second  lieu,  une  portion  traitée  de 
même,  mais  soumise  après  le  chauffage,  pendant  sept  minutes  à  un  fort 
courant  d'anhydride  carbonique.  Ce  passage  a  été  effectué  dans  le  but  de 
contrôler,  si  réellement,  comme  quelques  auteurs  le  prétendent,  l'abolition 
du  pouvoir  bactéricide  est  dû  simplement  au  dégagement  de  ce  gaz. 


26 


J.    DENYS    &   J.    HAVET 


TABLEAU   XX. 

Sang  d'un  homme  alcoolique  et  épileptique.  A  part  des  troubles  ner- 
veux, pas  d'altération  de  la  santé. 


IMMÉDIATE- 
MENT 

APRÈS  I  H. 

APRÈS  2  H. 

APRÈS  6  H. 

LE    LENDEMAIN 

Sang 

45530 

8700 

2666 

20 

Sérum 

24000 

22920 

2145 

10 

Sérum  clair; 

aucun  bâtonnet  au 

microscope 

Sérum    chauffé 

29160 

34749 

75000 

Innombr. 

Sérum  trouble 

Sérum  chauffé  -(-  CO2 

2l320 

i8i35 

22470 

Innombr. 

Sérum  trouble 

Expériences   avec   la  poule. 

Si  de  1  homme  nous  passons  à  un  vertébré  d'un  autre  classe,  à  la  poule, 
nous  faisons  les  mêmes  constatations. 


TABLEAU   XXL 

Sang  complet,  sang  filtré  et  sérum  de  poule  inoculés  avec  une  culture 
de  bacille  commun  de  l'intestin  dans  le  sang  de  chien. 


IMMÉDIATE-  APRÈS        [ 

APRÈS  I '2  H.  ,  I  APRÈS  3  H. 

MENT         j  '  |I  1/2  HEURE, 


APRÈS  5  H. 


APRÈS  7  H. 


Sang   complet 

Sang   filtré 

Sérum 


47450 

33280 

858o 


2184 

658o 

325 


70 
2 


6 
3 
o 


0 

10 

o 


o 
io56 

G 


Ce  tableau  nous  permet  d'assimiler  le  sang  de  la  poule  au  sang  de 
l'homme. 

1°  Comme  ce  dernier,  le  sang  filtré  est  encore  doué  de  propriétés 
bactéricides  intenses,  quoique  affaiblies.  (Comparer  les  chiffres  de  la 
deuxième  et  de  la  dernière  colonne.) 

2°  Comme  le  sérum  du  chien  également,  le  sérum  de  la  poule  est  très 
meurtrier  pour  le  bacille  de  l'intestin. 

Et  qu'on  ne  prétende  pas  que  l'anéantissement  doive  être  imputé  au 
transport  de  la  culture  du  sang  de  chien  clans  le  sérum  de  poule  !  Cette  sup- 
position se  trouve  formellement  contredite  par  l'expérience  suivante. 


LEUCOCYTES     ET     POUVOIR     BACTÉRICIDE 


27 


TABLEAU    XXII. 

Deux  portions  du  même  sérum  de  l'expérience  précédente  sont  in- 
oculées :  A,  avec  la  même  culture  du  sang  de  chien  ;  B,  avec  le  sérum 
de  l'expérience  précédente,  c'est-à-dire  avec  une  culture  du  bacille,  non 
seulement  dans  un  animal  de  même  espèce,  mais  dans  celui  du  mêmeanimal. 


IMMEDIATE- 
MENT 


APRÈS  2  H.  APRÈS  4  H.      i      APRÈS  6  H. 


A.  Sérum    inoc.    avec    cuit. 

de    chien 

B.  Sérum    inoc.    avec  cuit, 
dans  sérum    de   poule 


46020 


24310 


1769 


3i8o 


25o 


35 


79 


19 


La  destruction  dans  le  sérum  s'opère  aussi  bien  quand  le  matériel 
d'ensemencement  provient  d'une  culture  dans  un  sérum  de  même  espèce, 
que  lorsqu'il  provient  du  sang  d'une  autre  espèce. 

L'action  bactéricide  du  sérum  de  poule  n'est  pas  un  phénomène  ex- 
ceptionnel ;  nous  l'avons  rencontrée  constamment.  Les  expériences  sui- 
vantes en  sont  la  preuve;  tout  en  étant  la  répétition  de  la  précédente, 
elles  la  complètent  à  différents  points  de  vue. 

TABLEAU  XXIII. 

Sang  de  poule,  sérum  obtenu  par  expression  du  caillot,  et  sérum  ob- 
tenu par  dépôt  du  sang  défibriné.  Inoculation  avec  une  culture  de  bacille 
de  l'intestin  dans  le  sang  de  chien. 


IMMEDIATE- 
MENT 


APRÈS   I    H. 


APRES  2  H. 


APRÈS  4  H. 


Sang 
Sérum    obtenu   par   expr. 
Sérum    obtenu   par   dépôt 


II 900 

7580 
7960 


386i 

2337 

765 


61 

24 

7 


48 
2 
3 


TABLEAU    XXIV. 

Inoculation  avec  une  culture  de  bacille  de  l'intestin  dans  le  sang  de  poule. 


IMMEDIATE- 
MENT 


APRÈS  I   H. 


APRÈS  3  H.  APRÈS  7  H 


Sang 

Sérum   obtenu   par   expr. 
Sérum   obtenu   par   dépôt 


3552 
8160 
4224 


1480 

855 

1344 


43 
o 
I 


46 
2 


28 


J.    DENYS    &   J.    HAVET 


TABLEAU   XXV. 

Dans  cette  expérience,  nous  comparons  le  sang  de  poule,  le  sérum 
déposé  et  centrifugé,  et  le  même  sérum  chauffé  une  heure  à  55".  Inoculation 
avec  une  culture  du  même  bacille  dans  le  sérum  de  poule. 


IMMEDIATE- 
MENT 


APRÈS  I  H.      APRÈS  2  H. 


APRÈS  3  H. 


APRÈS  4  H. 


APRÈS  5  H. 


Sang 

Sérum 
Sérum   chauffé 


IIIOO 

18720 
8173 


4945 
1495 
9685 


408 

I 

19400 


12S 

o 

75600 


116 
3 

I 96000 


i59 
o 
Innombr. 


De  ces  quatres  expériences  nous  pouvons  conclure  que  le  sérum  de  la 
poule  est  bactéricide  au  plus  haut  degré.  Bien  plus,  dans  trois  expériences 
sur  quatre,  il  se  montre  plus  nuisible  au  bacille  que  le  sang.  Cette  action 
plus  intense  est  indiquée  à  la  fois  par  la  destruction  plus  rapide  et  par  la 
destruction  plus  complète.  Le  sérum  chauffé  une  heure  à  55°  a  perdu  tout 
pouvoir  bactéricide. 

Expériences  avec   le  pigeon. 

Le  sérum  du  pigeon  nous  a  donné  les  mêmes  résultats  que  celui  de  la 
poule.  Contentons-nous  d'un  exemple.  Il  complète  les  expériences  précé- 
dentes, en  ce  qu'il  répond  à  l'objection  que  la  perte  du  pouvoir  bactéricide 
est  due  au  départ  de  l'anhydride  carbonique.  Une  portion  de  sérum,  après 
avoir  été  chauffée  une  heure  à  55°,  fut  divisée  en  deux,  et  à  travers  l'une, 
nous  faisons  passer  une  courant  d'anhj'dride  caz-bonique  pendant  douze 
minutes. 

TABLEAU   XXVI. 

Ensemencement  avec  une  culture  de  bacille  de  l'intestin  dans  le  sérum 
de  pigeon. 


IMMEDIATE- 
MENT 


APRÈS  I  H. 


APRÈS  2  H. 


APRÈS  4  H. 


APRÈS  8  H. 


Sang 

1200 

121 

73 

67 

100 

Sérum 

1067 

8 

4 

0 

0 

Sérum    chauffé 

1296 

638 

99000 

Innombrables 

érum    chauffé  -|-  CO9 

1344 

1482 

2640 

Soooo 

Innombrables 

LEUCOCYTES     ET     POUVOIR    BACTERICIDE  29 

Le  sang  et  le  sérum  de  pigeon  se  comportent  donc  comme  celui  de  la 
poule.  Un  courant  d'anhydride  carbonique  ne  restitue  pas  au  sérum  chauffé 
son  pouvoir  bactéricide. 

Que  deviennent  les  bacilles  introduits  dans  le  sérum  de  l'homme,  de 
la  poule  et  du  pigeon  ? 

Leur  sort  est  assez  curieux.  Presque  toujours  quelques-uns  commencent 
par  se  maintenir  et  se  multiplier,  et  ce  n'est  qu'après  des  signes  évidents  de 
vitalité  qu'ils  succombent. 

Ainsi,  dans  le  sang  filtré  et  le  sérum  de  l'homme,  le  maximum  de  la 
destruction  a  lieu  pendant  les  deux  premières  heures.  Dans  la  première 
heure,  on  peut  s'assurer,  par  des  examens  microscopiques  répétés  tous 
les  quarts  d'heure,  qu'un  certain  nombre  de  bacilles  augmentent  de  volume, 
sont  plus  longs  et  plus  gros  et  prennent  mieux  la  matière  colorante;  puis  ils 
disparaissent  en  un  court  espace  de  temps  sans  laisser  de  trace. 

L'expérience  suivante  peut  servir  d'exemple.  Elle  a  été  faite  en  même 
temps  que  les  plaques  du  tableau  XX. 

SÉRUM  NON  CHAUFFÉ  SÉRUM  CHAUFFÉ 

Après    I    heure.  Plusieurs  bâtonnets  par  champ  Plusieurs   bâtonnets   et   diploba- 

microscopique.  cilles   par   champ. 

„       j  j5    „  ■  '  Id.  Augmentation   des   microbes.    A 

côté   des   diplocoques,    il   y   a   des 
chaînettes   de   quatre    individus. 
„       i^3o    )i  Les   bâtonnets    diminuent   de  Comme   précédemment. 

nombre. 
))       1,45    ))  Les   bâtonnets   diminuent  en-  Les    chaînettes    sont   plus    nom- 

core.  breuses    et    comprennent  4  à  8  in- 

dividus. 
))       2         »  Bâtonnets   très    rares.  Comme   précédemment. 

Ainsi,  l'examen  microscopique  confirme  parfaitement  les  résultats 
fournis  par  les  plaques  ;  dans  les  trois  expériences  que  nous  avons  faites, 
nous  avons  toujours  vu  cette  disparition  coïncider  avec  la  deuxième  heure. 

Chez  la  poule,  la  destruction  est  beaucoup  plus  intéressante  à  pour- 
suivre au  microscope  que  chez  l'homme.  Dans  le  sérum  de  cet  animal,  un 
certain  nombre  de  bâtonnets  commencent  par  se  multiplier  et  former  de 
petites  chaînettes.  Tout  d'abord,  ces  chaînettes  sont  composées  d'individus 
égaux  en  longueur  et  en  largeur,  et  se  colorent  intensément;  puis,  à  partir  de 
la  troisième  heure,  une  certaine  irrégularité  se  manifeste  dans  la  chaînette. 


30  J.  DENYS    &    J.   HAVET 

Certains  individus  se  fragmentent  et  sont  remplacés  par  des  granulations 
qui  se  colorent  bien  par  le  bleu  de  méthylène.  D'autres  se  gonflent  en  entier 
et  se  transforment  en  boules.  Plus  tard,  ces  résidus  disparaissent  et  à  la  place 
d'une  chaînette  de  bacilles  bien  imprégnée  de  matière  colorajite,  on  n'aper- 
çoit plus  qu'une  gaine,  deux  à  trois  fois  aussi  large  que  la  chaîne.  Cette 
gaine  renferme  quelques  points  colorés,  mais  sa  substance  elle-même  se 
colore  peu  ;  enfin,  ces  points  disparaissent  eux-mêmes,  et  il  ne  reste  plus  que 
la  gaine,  presque  incolore,  qui  aurait  échappé  certainement  à  l'examen,  si, 
par  la  série  des  préparations,  l'attention  n'avait  été  fixée  sur  elle  et  n'avait 
surpris  la  dégradation  progressive  de  la  chaînette. 

Voici  un  exemple  pris  chez  la  poule  du  tableau  XXV. 

SÉRUM  NON  CHAUFFÉ  SÉRUM  CHAUFFÉ 

Après    I    heure.          Quelques  diplobacilles  par  champ.  Quelques      diplobacilles      par 

champ. 

»       2        1)               En  moj'enne  234  chaînettes   de  10  à  40  diplobacilles  ou  chaî- 

4    individus    et    plus    par    champ  nettes   courtes   par   champ. 

microscopique. 

»      3        »            ■  Pas  d'augmentation    de   chaînet-  Augmentation. 

tes.  Les  bacilles  commencent  à  se 

fragmenter. 

»      4        »               Diminution    des   chaînettes.    La  Encore  augmentation. 

dégénérescence   progresse. 

»      5        »              Rares     chaînettes     toutes     dégé-  Culture  de  bacilles  et  de  diplo- 

nérées.  bacilles. 

Chez  le  chien,  le  phénomène  de  la  dégénérescence  se  laisse  également 
observé  avec  la  plus  grande  facilité;  là  aussi,  un  certain  nombre  de  bacilles 
fournissent  des  chaînettes,  qui  traversent  également  leur  stade  critique 
environ  deux  heures  après  ensemencement. 

Nous  répétons  que  cette  dégénérescence  survient  en  l'absence  de  tout 
élément  figuré  dans  la  préparation. 

Ce  phénomène  nous  paraît  très  important  à  enregistrer.  La  méthode  des 
plaques  en  somme,  toute  précieuse  qu'elle  soit,  ne  nous  renseigne  que  sur 
l'état  de  vie  ou  de  mort  des  organismes.  L'examen  microscopique  nous  fait 
assister  à  leur  dégénérescence,  nous  dirons  à  leur  maladie.  Il  nous  révèle 
en  outre  ce  fait  curieux  que  certains  bacilles  se  multiplient,  qu'ils  donnent 
naissance  avant  de  succomber  à  huit  individus  et  plus.  On  dirait  donc  que 
certains  d'entre  eux  commencent  par  triompher  des  conditions  nuisibles 
dans  lesquelles  ils  se  trouvent;  mais  ils  produisent  sans  doute,  dans  ce  milieu 


LEUCOCYTES     ET     POUVOIR    BACTÉRICIDE  31 

meurtrier  des  rejetons  chétifs,  qui  finissent  par  périr.  Cette  dégénérescence 
tardive  nous  semble  impossible  à  expliquer  par  le  changement  brusque  du 
milieu;  car  l'effet  de  ce  dernier  doit  être  immédiat  et  ne  doit  pas  porter 
sur  la  troisième  ou  la  quatrième  génération,  lesquelles  doivent  être  accli- 
matées aux  exigences  nouvelles. 


Quelles  conclusions  pouvons-nous  tirer  de  nos  expériences? 

La  première,  c'est  qu'il  n'est  pas  juste  de  vouloir  expliquer  la  résistance 
que  les  organismes  supérieurs  présentent  aux  microbes  soit  uniquement 
par  la  propriété  bactéricide  des  humeurs,  soit  uniquement  par  les  facultés 
digestives  des  phagocytes.  Les  adversaires  absolus  du  pouvoir  bactéricide 
des  liquides  ont  tort,  tout  aussi  bien  que  les  partisans  exclusifs  du  rôle  des 
globules  blancs.  Les  moyens  de  défense  de  l'organisme  sont  multiples  :  ce 
sont  d'abord  les  cellules  elles-mêmes,  ensuite  les  liquides  qui  les  baignent. 

Quel  est  celui  de  ces  deux  éléments  qui  joue  le  rôle  principal? 

Chez  le  chien,  c'est  incontestablement  le  globule  blanc;  il  en  est  de 
même  chez  l'homme,  quoique  chez  ce  dernier  la  prépondérance  du  leucocyte 
est  beaucoup  moins  accusée;  elle  se  manifeste  néanmoins  encore  d'une 
façon  incontestable,  soit  par  la  rapidité  avec  laquelle  la  destruction  micro- 
bienne s'opère,  soit  par  la  lenteur  avec  laquelle  se  fait  la  répuUulation. 
Comme  exemple,  nous  pouvons  citer  l'expérience  de  la  page  25.  Après  une 
heure,  le  sang  complet  a  détruit  70000  organismes,  tandis  que  le  sang  filtré 
n'en  a  détruit  que  55000;  le  lendemain,  le  premier  a  conservé  son  aspect 
artériel  normal,  signe  que  la  puUulation  fait  défaut  ou  est  peu  active,  tandis 
que  le  second  est  devenu  noir  et  transparent,  preuve  qu'il  a  donné  lieu  à 
une  culture  de  bacille  de  l'intestin.  En  outre,  d'après  quelques  expériences, 
peu  nombreuses  à  la  vérité,  nous  croyons  que  l'action  du  leucocyte  est  beau- 
coup plus  générale  et  qu'il  est  apte  à  détruire  énergiquement  beaucoup  plus 
d'espèces  microbiennes  que  le  sérum,  qui  paraît  plus  électif. 

La  part  principale  dans  la  préservation  des  animaux  supérieurs  contre 
le  parasitisme  microbien  revient  donc  aux  leucocytes,  mais  ce  serait  une 
grave  erreur  que  de  vouloir  méconnaître  l'intervention  du  sérum.  Chez 
l'homme,  le  pigeon  et  la  poule,  le  pouvoir  bactéricide  de  cette  humeur  est 
considérable  et  ne  se  laisse  pas  expliquer  dans  nos  expériences  par  un 
changement  de  milieu,  puisque  nous  nous  sommes  adressés  pour  l'ensemen- 
cement à  des  cultures  dans  le  sang  ou  dans  le  sérum.  Du  reste,  l'influence 


J.    DENYS    &   J.    HAVET 


du  changement  brusque  du  milieu  a  été  considérablement  exagérée.  Le 
bacille  commun,  transporté  dans  le  sang  filtré,  après  avoir  végété  dans  des 
milieux  très  différents,  s'accommode  rapidement  aux  nouvelles  conditions 
dans  lesquelles  il  est  obligé  de  vivre. 

TABLEAU   XXVIL 

Sang  de  chien  filtré,    ensemencé  avec  du   coli-bacille  de  4  sources  : 
sérum,  bouillon,  agar  et  pomme  de  terre. 


IMMEDIATEMENT 


APRÈS    I    H. 


APRÈS    2    H. 


APRÈS    4    H. 


1.  Bac.  de  sérum 

2.  Bac.  de  bouillon 

3.  Bac.  d'agar 

4.  Bac.  de  pomme 

de  terre 


28250 

39860 

20280 

i3568o 


14840 

37356 

925o 

73630 


63800 
Innombrables 

19845 
Augmentation 


Innombrables 
Id. 
Id. 
Id. 


Dans  les  portions  1 ,  3  et  4,  la  diminution  est  sensiblement  la  même, 
quelle  que  soit  l'origine  de  la  semence;  elle  est  d'environ  50  0/0  et  une 
heure  plus  tard,  il  y  a  progression  partout.  Dans  la  portion  2,  la  perte  con- 
statée tombe  dans  les  limites  d'erreur  possibles. 

Nous  pouvons  donc  bien  hardiment  écarter  pour  le  bacille  de  l'intestin 
l'interprétation  d'une  déchéance  transitoire  due  aux  conditions  nouvelles  de 
l'existence ,  et  considérer  la  destruction  microbienne  comme  ayant  sa  source, 
non  pas  dans  un  état  de  dégénérescence  des  organismes,  mais  dans  un  état 
spécial  du  sérum.  Cet  état,  comme  l'a  montré  Buchner,  est  assez  instable 
et  il  suffit  de  chauffer  le  sérum  pendant  une  heure  à  55°,  pour  que  ce  liquide 
se  prête  immédiatement  à  une  pullulation  rapide  et  progressive. 

Connaissant  le  pouvoir  bactéricide  du  sérum,  la  congestion  et  la  trans- 
sudation inflammatoires  peuvent  être  considérées  comme  des  moyens  mis  en 
œuvre  par  les  organismes  supérieurs  pour  lutter  contre  l'envahissement  des 
microbes.  D'après  Metchnikoff,  dans  son  livre  si  original  sur  la  Patholo- 
gie comparée  de  r inflammation^  la  transsudation  inflammatoire  ne  serait 
d'aucune  utilité.  «  On  peut  se  demander,  écrit-il,  si  cette  transsudation  de 
r>  liquides  représente  un  phénomène  réactionnel  de  la  part  de  l'organisme, 
j>  et,  si  elle  en  est  un,  quel  avantage  peut  retirer  de  cette  réaction  l'orga- 
r>  nisme  envahi.  « 


LEUCOCYTES     ET    POUVOIR     BACTERICIDE  33 

"  En  examinant  cette  question,  il  faut  penser  d'abord  à  une  influence 

-  microbicide  du  liquide  transsudé,  qui  débarrasserait  l'organisme  de  ses 

-  agresseurs.  Or,  bien  au  contraire,  l'œdème  inflammatoire  fournit  un  li- 
•^  quide  très  favorable  à  la  vie  de  toutes  sortes  de  bactéries.  « 

Et  après  avoir  passé  en  revue  un  certain  nombre  de  faits  qu'il  croit 
favorables  à  sa  manière  de  voir,  le  savant  russe  continue  :   -^  Cette  analyse 

-  des  faits  connus  ne  nous  autorise  point  à  admettre  que  l'inflammation 

-  séreuse  soit  un  moyen  employé  par  l'organisme  pour  détruire  les  microbes 

-  pathogènes.  Les  résultats  obtenus  au  sujet  de  la  propriété  bactéricide  des 

-  humeurs  en  général  ne  font  que  confirmer  cette  conclusion.   Malgré  tout 

-  ce  qui  a  été  entrepris  pour  démontrer  le  rôle  actif  de  cette  propriété  dans 

-  la  destruction  des  microbes  et  la  production  de  l'immunité,  il  faut  recon- 

-  naître  que  ce  facteur  ne  présente  aucune  importance  à  ce  point  de  vue.  - 
Et  plus  loin,  Metchnikoff  ajoute  :   -^  L'ensemble  des  faits  analysés  nous 

-  prouve  donc  que  l'exsudation  d'un  liquide  séreux  inflammatoire  ne  peut 
n  être  nullement  considérée  comme  un  moyen  naturel  servant  à  détruire 
y^  les  microbes  pathogènes.  - 

Comme  on  peut  le  voir  par  ces  diverses  citations,  le  père  de  la  doctrine 
phagocytaire  récuse  tout  rôle  définitif  à  la  transsudation  séreuse  dans  l'in- 
flammation, et  il  s'appuie,  pour  porter  son  jugement,  sur  l'absence  de  pou- 
voir bactéricide  des  humeurs.  Nous  croyons  avoir  prouvé  le  contraire  d'une 
façon  absolument  péremptoire,  et  nous  pensons  que  la  transsudation  séreuse 
en  submergeant  le  territoire  envahi  dans  un  flot  de  liquide  bactéricide,  flot 
qui,  sous  la  poussée  de  la  circulation,  se  renouvelle  incessamment,  contribue 
puissamment  à  enrayer  la  marche  triomphante  du  microbe  agresseur. 
L'importance  de  ce  rôle  varie  sans  doute  suivant  les  espèces,  il  varie  aussi 
suivant  la  nature  de  l'envahisseur;  mais  il  n'est  à  négliger  nulle  part. 

Une  remarque  pour  finir.  Existe-t-il  un  lien  entre  le  pouvoir  bactéricide 
du  sérum  et  celui  des  leucocytes? 

On  ne  peut  pas  mettre  en  doute  un  instant  qu'en  fin  de  compte,  l'action 
microbicide  du  leucocyte  se  réduise  à  une  action  chimique.  En  effet,  on  ne 
peut  pas  admettre  qu'il  agisse  sur  le  microbe  d'une  manière  physique,  par 
exemple,  par  trituration;  son  action  nocive  s'exerce  à  coup  sûr  par  une 
substance  qu'il  élabore  et  dont-il  possède  une  certaine  provision.  Or,  il  nous 
semble  que  le  pouvoir  bactéricide  du  sérum  peut  très  bien  se  rattacher  à 
une  fonction  du  leucocyte,  sans  que  l'on  doive  recourir  à  l'existence  dans  le 
sérum  d'une  substance  microbicide  spéciale.  En  effet,  les  lois  générales  de 


34  J-    DENYS   &   J.    HAVET 

la  biologie  nous  font  admettre  qu'il  existe  des  échanges  continuels  entre 
les  cellules  et  les  milieux  dans  lesquelles  elles  sont  plongées  ;  le  leucocyte 
n'échappe  sans  doute  pas  à  cette  loi,  et  il  doit  abandonner  sans  cesse  au 
sérum  une  quantité  plus  bu  moins  considérable  de  cette  substance  qu'il 
élabore.  Notre  supposition  s'appuie  encore  sur  le  fait  que  les  globules  blancs 
sont  soumis  à  une  destruction  continue,  en  vertu  de  laquelle  leur  substance 
se  dissout  dans  les  humeurs.  Au  moment  de  leur  anéantissement,  ces  élé- 
ments leur  abandonnent  leur  produit  bactéricide.  Enfin,  élargissant  le  cercle 
de  nos  suppositions,  nous  pouvons  admettre  que  les  leucocytes,  attirés  sur 
le  théâtre  d'une  invasion  microbienne,  concourent  à  arrêter  celle-ci,  non 
pas  uniquement  par  une  lutte  corps  à  corps  avec  l'agresseur,  mais  en  satu- 
rant le  foyer  de  substance  bactéricide  qu'ils  expulsent  pendant  leur  vie,  ou 
même  après  leur  mort.  Ainsi,  on  comprendrait  le  rôle  de  beaucoup  de  glo- 
bules de  pus,  qui,  tout  en  étant  attirés  dans  la  région  menacée,  et  étant 
entourés  d'organismes,  n'englobent  pas  ces  derniers.  Un  savant  anglais, 
Hankin,  admet  cette  sécrétion  de  produits  bactéricides  par  les  leucocytes. 
D'après  lui,  ces  produits  constitueraient  les  granulations  éosinophiles  de 
certains  globules  blancs.  Nous  avons  déjà  dit  ailleurs  que  nous  ne  considé- 
rons pas  ses  observations  comme  décisives.  Du  reste,  la  plupart  des  leuco- 
cytes ne  possèdent  pas  ces  granulations,  quoiqu'ils  possèdent  le  pouvoir 
d'englober  et  de  digérer  les  microbes  au  degré  le  plus  élevé. 

CONCLUSIONS. 

1"  Le  sang  de  chien  filtré  perd  presque  complètement  son  pouvoir 
bactéricide.  Comme  la  filtration  a  pour  conséquence  de  retenir  les  leuco- 
cytes tout  en  laissant  passer  les  autres  éléments  du  sang,  il  faut  admettre 
que  la  part  principale  de  ce  pouvoir  revient,  che^  le  chien,  aux  globules 
blancs. 

2"  La  destruction  énergique  exercée  sur  les  microbes  par  le  sang  com- 
plet est  le  résultat  d'un  englobement  par  les  leucocytes.  Elle  s'opère  à  l'in- 
térieur de  ceux-ci,  et  non  pas  sous  l'influence  d'un  produit  bactéricide  que 
les  leucocytes  ont  sécrété  dans  le  sérum  sous  l'action  des  microbes. 

3°  On  peut  restituer  au  sang  filtré  son  pouvoir  bactéricide  en  y  ajou- 
tant des  globules  de  pus  vivants. 

4°  L'examen  microscopique  permet  d'assister  à  toutes  les  phases  de 
la  phagocytose. 


LEUCOCYTES    ET    POUVOIR     BACTÉRICIDE  35 

5°  Une  certaine  partie  du  pouvoir  bactéricide  du  sang  de  chien,  mais 
la  plus  petite,  revient  au  sérum. 

6°  Le  sang  filtré  et  le  sérum  de  l'homme  sont  presque  aussi  bactéricides 
pour  le  bacille  commun  de  l'intestin  que  le  sang  non  filtré. 

7°  Les  sangs  du  pigeon  et  de  la  poule  se  comportent  comme  celui  de 
r  homme. 

8°  Dans  les  sérums,  la  destruction  du  bacille  de  l'intestin  est  précé- 
dée d'un  stade  de  prospérité.  Les  bacilles  y  présentent  à  leur  mort  des 
signes  très  nets  de  dégénérescence. 

9°  Le  pouvoir  bactéricide  des  sérums  ne  se  laisse  pas  expliquer  par 
la  présence  de  l'acide  carbonique. 

10°  Conclusion  générale  :  ni  la  théorie  phagocylaire,  ni  la  théorie  des 
humeurs,  prises  séparément,  ne  peuvent  expliquer  l'immunité.  Les  phago- 
cytes et  les  humeurs  concourent  ensemble,  dans  une  mesure  variable  d'après 
les  espèces,  et  aussi  sans  doute  d'après  la  nature  de  l'agresseur,  à  préserver 
les  organismes  supérieurs  contre  l'envahissement  des  microbes. 


1 


f 


Recherches  sur  les  Cellules  sécrétantes. 


LA  SOIE  &  LES  APPAREILS  SÉRICIGÈNES 


I.  LÉPIDOPTÈRES  (suite).  —  II.  TRICHOPTÈRES 


PAR 


Gustave  GILSON 

PROFESSEUR   A    l'uNIVERSITÉ   DE    LoUVAIN. 


(Mémoire  déposé  le  3o  mai  iSgS.) 


I 


La  Soie  et  les  Appareils  séricigènes. 


I.    Glandes  séricigènes   des  Lépidoptères. 

(appendice.) 

Aux  recherches  consignées  dans  la  première  partie  de  ce  travail  (i), 
dont  nous  avons  été  contraint  d'interrompre  la  publication,  nous  ajouterons 
les  quelques  remarques  qui  suivent. 

1^  Nous  avons  omis,  dans  notre  aperçu  historique,  une  note  succinte 
du  professeur  Engelmann,  dans  laquelle  il  expose  les  résultats  des  recher- 
ches poursuivies  par  lui  sur  les  glandes  filières  du  ver-à-soie,  en  collabora- 
tion avec  Van  Lidth  deJeude(2).  Réparons  cette  omission  involontaire 
en  résumant  ici  ce  que  cette  note  contient  d'essentiel.  Elle  a  trait  unique- 
ment à  la  portion  de  l'appareil  que  nous  appelons  tubes  glandulaires. 

Les  auteurs  distinguent  dans  le  tube  glandulaire  trois  parties,  dont  ils 
étudient  la  structure  et  le  contenu. 

Dans  ces  trois  parties,  la  paroi  comprend  une  mince  tiiiiica  propria  et 
une  couche  épithéliale.  Il  s'y  ajoute,  sur  la  face  interne  du  canal  excréteur, 
ou  partie  antérieure,  et  sur  celle  du  commencement  de  la  partie  moyenne, 
une  solide  intima  ciiticiilaire. 

La  propr-ia  est  percée  par  des  branches  trachéennes  qui  se  ramifient 
entre  les  cellules  et  y  pénètrent  parfois.  Ils  considèrent  comme  certain  qu'il 
n'existe  pas  de  nerfs  glandulaires.  . 


(1)  G.   GiLSON  :  La   soie  et   les   appareils  séricigènes;    La   Cellule,   tome   VI,    i''   fascicule. 

(2)  Engelmann  et   Van  Lidth  de  Jeude    :    Ziir   Analomic    iiiul   Physiologie  der  Spinndrûsen   dcr 
Seidenraupe;   Zool.    Anzeiger,    I.  Jahrg..   n.    5. 


40  Gustave   GILSON 

La  structure  des  cellules  les  occupe  ensuite. 

Dans  la  région  antérieure  ils' signalent  des  fibrilles  radiales  dans  la 
masse  protoplasmatique.  U intima,  tout  en  s' amincissant,  pénètre  jusque 
dans  un  bout  de  la  partie  "moyenne,  mais  plus  loin  elle  disparaît. 

Le  protoplasme  de  la  région  moyenne  est  plus  granuleux  et  n'est  pas 
anisotrope  comme  dans  la  région  antérieure. 

Dans  la  portion  postérieure  il  est  granuleux  et  comme  composé  de 
fragments  prismatiques  irréguliers. 

La  portion  postérieure  de  la  glande  contient  plus  de  fer  que  la  moyenne. 
L'action  de  l'électricité  appliquée  sous  le  microscope  pendant  la  vie, 
produit  dans  le  protoplasme  certaines  modifications. 

La  soie  est  déversée  exclusivement  par  la  portion  moyenne  de  la 
glande.  Ce  qui  conduit  les  auteurs  à  cette  manière  de  voir,  c'est  une  ana- 
lyse, —  un  peu  sommaire,  il  est  vrai  —  des  portions  moyennes  et  anté- 
rieures. La  région  antérieure  soumise  à  l'ébullition  dans  l'eau  pendant  trois 
heures  donne  un  mucilage  présentant  les  réactions  de  la  soie.  La  partie 
postérieure  traitée  de  la  même  façon,  n'en  donne  pas  de  trace. 

La  matière  colorante  jaune  est  déversée  surtout  par  la  partie  postérieure 
de  la  région  moyenne. 

Des  pesages  du  cocon  et  de  la  substance  glandulaire  durcie  démontrent 
que  la  sécrétion  se  poursuit  encore  pendant  le  filage  du  cocon. 

Les  auteurs  ont  reconnu  aussi  que  les  modifications  de  réfringence  et 
de  solidité  que  la  soie  subit  après  sa  sortie,  ne  sont  pas  dues  à  la  dessication 
à  l'air;  en  effet,  elle  subit  ces  modifications  même  quand  elle  est  filée  sous 
l'eau. 

Nous  avons  fait  la  même  remarque  chez  les  aranéides  à  propos  de 
Y  Argyronète. 

Cette  note  préliminaire  est  malheureusement  trop  succincte  pour  que 
l'on  puisse  se  rendre  un  compte  exact  des  observations  des  auteurs.  On 
regrette  beaucoup,  en  les  lisant,  l'absence  de  figures  explicatives  ou  des- 
criptives. Nous  pourrions  donc  difficilement  en  faire  la  critique. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  expériences  entreprises  sur  les  glandes  paraissent 
être  la  partie  la  plus  intéressante  de  ces  recherches;  et  il  est  à  désirer,  bien 
que  quinze  ans  se  soient  écoulée,  que  le  professeur  Engelmann  les  pour- 
suive avec  l'ingéniosité  et  la  précision  qui  caractérisent  toutes  ses  investi- 
gations. 


LA  SOIE  ET  LES  APPAREILS  SERICIGENES  4I 

2°  Nous  avons  simplement  signalé  dans  notre  première  partie , 
l'état  rudimentaire  de  la  glande  de  Filippi  chez  le  Cossus  (i),  ainsi  que 
l'absence  de  canal  excréteur  de  ces  organes  dans  cette  espèce.  La  fig.  l, 
de  la  présente  communication  montre  à  la  fois  la  position  reculée  de  ce 
rudiment  et  ses  faibles  dimensions.  La  fig.  2,  qui  n'est  qu'un  tronçon  du 
même  objet,  fait  voir  au  niveau  de  la  glandule,  une  protubérance  de  la 
paroi  du  tube  chitineux  qui  constitue  le  seul  vestige  du  canal  excréteur  de 
cet  organe.  Une  strie  de  structure  un  peu  forte,  qui  existe  souvent  en  ce 
point  de  la  paroi  chitineuse,  nous  avait  fait  croire  qu'il  existe  là  un  mince 
pertuis  servant  au  passage  du  liquide  produit  par  le  rudiment  de  glande. 
Mais  un  examen  plus  attentif  et  des  objets  mieux  préparés  nous  ont  permis 
de  constater  qu'il  n'en  est  rien;  ce  n'est  qu'une  apparence.  Le  produit 
sécrété  ne  peut  passer  dans  la  lumière  du  tube  glandulaire  qu'en  traversant 
la  paroi  chitineuse  elle-même.  Les  cellules  de  la  glande  de  Filippi  rudi- 
mentaire se  trouvent  donc,  par  rapport  à  ce  canal,  dans  la  même  situation 
que  les  cellules  épithéliales  propres  de  ce  dernier  :  si  elles  sécrètent,  leur 
produit  doit  ou  bien  traverser  la  paroi  chitineuse,  ou  bien  descendre  en 
passant  d'une  cellule  à  l'autre,  si  cette  paroi  est  imperméable;  ce  qui  est 
peu  probable  étant  donnée  sa  structure  à  claire  voie,  fermée  seulement 
du  côté  interne  par  une  très  mince  membrane  hyaline. 

En  tout  cas,  la  glande  de  Filippi  du  Cossus  est  dépourvue  d'appareil 
excréteur  ;  elle  est  dans  un  état  de  réduction  très  prononcée  et  on  peut  la 
regarder  comme  un  simple  reliquat  ancestral. 

3"  Nous  avons  admis  que  la  couche  corticale  du  cylindre  de  soie  fait 
défaut  parfois,  surtout  dans  la  partie  postérieure  du  tube  glandulaire.  Mais 
de  nouvelles  observations  sur  ce  point  nous  permettent  aujourd'hui  de  pen- 
ser qu'elle  ne  fait  jamais  défaut.  Elle  peut  devenir  excessivement  mince, 
mais  on  parvient  toujours  à  en  constater  l'existence,  en  examinant  le  fil  de- 
soie  extrait  du  tube  épithélial  et  sectionné  en  long  ou  en  travers.  L'action 
du  réactif  de  Schweizer,  grâce  au  gonflement  qu'elle  produit  dans  toute  la 
masse  du  fil,  même  après  fixation  ou  dessication,  peut  servir  à  la  mettre  en 
évidence.  Il  est  bon  d'y  chauffer  la  pièce,  mais  avec  précaution  ;  car  la  soie 
tout  entière  s'y  dissout  quand  la  température  se  surélève. 

Nous  avons  retrouvé  la  couche  corticale  mince  jusqu'à  l'extrémité  pos- 
térieure du  fil,  au  fond  de  la  glande;  mais  en  ce  point  sa  minceur  est 
extrême. 


(i)     Loc.   cit.,   p.    i38. 


42  Gustave   GILSON 

Cette  remarque  n'est  pas  sans  importance  pour  l'hypothèse  que  nous 
avons  formulée  au  sujet  du  mécanisme  de  la  sécrétion  de  la  soie  et  de  la 
signification  du  grès. 

M.  Louis  Blanc,  de  Lyon,  touche  à  cette  difficile  question  dans  un 
important  mémoire,  publié  peu  après  le  nôtre,  mais  dans  lequel  il  se  place 
à  un  point  de  vue  tout  différent  (i). 

Il  considère  le  grès  comme  le  produit  d'une  sécrétion  spéciale  de  la 
paroi  dans  la  région  antérieure  et  dilatée,  ou  réservoir.  «  La  fibroïne  sécré- 
"  tée  dans  la  première  partie  de  l'appareil  séricigène,  se  déverse  sans  cesse 
„  dans  le  réservoir  et,  dès  son  arrivée,  elle  y  est  entourée  par  une  matière 
„  nouvelle,  fabriquée  dans  cette  région.  Cette  substance  est  le  grès y> 

Nous  avons  dit  que  nous  ne  regardons  pas  le  grès  comme  une  sécrétion 
spéciale;  nous  considérons  sa  production  comme  simultanée  de  celle  de  la 
soie  ou  de  la  fibroïne,  et  comme  résultant  probablement  d'un  travail  de 
triage  s' effectuant  au  sein  des  matériaux  déversés  dans  le  tube  par  toutes 
les  cellules  épithéliales  qui  en  constituent  la  paroi.  Le  fait  de  l'existence 
d'une  couche  de  substance  corticale,  si  mince  qu'elle  soit,  jusqu'au  fond  de 
la  glande  fournit  un.  nouvel  appui  à  cette  manière  de  voir. 


fi)     Louis   Blanc   :    Etude   sur  la    sécrétion   de   la  soie,   etc.  ;    Lyon,    Pitral,    i88q. 


II.     Glandes  séricigènes  des  Trichoptères. 

Rein  arques   prelim  in  aires. 

Les  rapports  étroits  de  parenté  qui  unissent  les  trichoptères  aux  lépi- 
doptères ressortent  des  nombreux  caractères  communs  à  l'imago  et  à  la  larve 
de  ces  deux  groupes  d'insectes.  Aussi,  la  théorie  de  l'évolution  les  fait-elle 
dériver  d'une  souche  commune. 

Il  n'entre  pas  dans  nos  vues  de  discuter  ici  ces  affinités  qui  ont  été 
mises  en  lumière  par  divers  auteurs.  Mais  l'intérêt  particulier  que  donnent 
ces  rapports  intimes  à  toute  étude  anatomique  portant  sur  l'un  ou  sur 
l'autre  de  ces  groupes,  nous  engage  à  décrire  assez  en  détail  l'appareil  séri- 
cigène  de  quelques  larves  de  trichoptères.  Cet  appareil  présente  avec  celui 
des  larves  des  lépidoptères,  décrit  par  nous  dans  le  premier  chapitre  de  ce 
travail  fi),  une  ressemblance  telle  que,  n'était  la  considération  d'ordre  mor- 
phologique que  nous  venons  d'indiquer,  nous  eussions  pu  nous  borner  à 
signaler  les  diflférences  qui  les  séparent. 

Tout  entomologiste  sait  que  le  tube  des  larves  de  phrygane  est  formé 
de  matériaux  étrangers  de  nature  fort  variable,  reliés  entre  eux  par  des  fils 
de  soie  et  tapissés  à  T  intérieur  d'une  couche  régulière  feutrée  de  cette  sub- 
stance. L'existence  de  glandes  filières  chez  les  larves  des  phryganes  est  donc 
un  fait  bien  connu. 

Néanmoins  il  n'existe,  à  notre  connaissance,  aucune  description  détail- 
lée de  ces  organes.  Pictet  (2)  est  le  seul  auteur  qui  en  donne  une  représen- 
tation; elle  est  assez  élémentaire  et  sommairement  décrite.  Il  n'est  pas 
impossible,  toutefois,  qu'il  en  existe  quelque  autre  figure  perdue  dans  un 
travail  dont  le  titre  ne  le  fait  point  prévoir. 

Il  ne  nous  est  pas  possible  de  déterminer  avec  une  certitude  absolue 
toutes  les  espèces  que  nous  avons  étudiées,  les  larves  ne  présentant  pas  tou- 
jours des  caractères  spécifiques  bien  nets.  Nous  avons  envoyé  les  tubes  des 
individus  auxquels  se  rapportent  nos  figures  à  M.  Mac  Lachlan,  de  Londres, 
qui  a  eu  l'extrême  obligeance  de  nous  en  faire  la  détermination. 


(1)  G.   GiLsON   :    La  soie  et   les  appareils  séricigènes  —  /.  Lépidoptères;    La   Cellule,    tome  VI, 
I  fascicule. 

(2)  Pictet    :    Recherches   pour  servir   à    l'histoire    et  l'anatomie    des  phryganides  ;    Genève,    1834. 


44  Gustave   GILSON 

Ce  sont  :  YAnabdia  nervosa,  Cart.  (Phryganea  fusca.  Pict); 
les  Limnophilus  rhombiciis  et  flavicornis; 
et  la  Molanna  angustata,  Cart. 
Cinq  ou  six  autres  espèces  ont  également  fait  l'objet  de  nos  recherches 
mais  nous  n'y  avons  distingué  aucune  différence  notable  dans  la  structure 
des  glandes  filières. 

Aperçu   anatomique. 

L'appareil  séricigène  des  phryganes  comprend,  comme  celui  des  che- 
nilles, deux  longs  tubes  pelotonnés  qui  s'étendent  fort  loin  vers  l'arrière, 
sur  les  côtés  et  en  dessous  du  tube  digestif,  fig.  3.  Ces  deux  tubes  s'unissent 
dans  la  tête  de  la  larve,  beaucoup  plus  en  avant  que  chez  les  chenilles,  à 
la  base  même  de  la  canule  saillante  que  porte  la  lèvre  inférieure.  Le  tube 
résultant  de  leur  fusion  n'est  point  tout  d'abord  un  mince  canal  à  structure 
simple,  comme  chez  le  Bombyx  mort;  il  prend  immédiatement  la  disposi- 
tion que  nous  avons  décrite  chez  ces  derniers  sous  le  nom  de  presse. 

A  la  presse  fait  suite  un  tronçon  mince  qui  débouche,  sans  présenter 
d'autres  particularités,  au  sommet  de  la  canule  fileuse. 

Les  glandes  de  Filippi  n'existent  dans  aucune  des  huit  ou  neuf  espèces 
que  nous  avons  examinées  ;  mais  la  paroi  des  tubes  séricigènes  y  subit  en 
un  point  une  modification,  que  nous  signalerons  plus  loin  et  qui  représente 
peut-être  ces  glandes  annexes. 

A.     Tubes  glandulaires. 

Chacune  des  deux  glandes  tubulaires  se  divise  en  deux  régions  :  une 
région  antérieure  mince,  droite  et  assez  courte  :  la  portion  siiuplevient 
conductrice;  et  une  région  postérieure  volumineuse  et  pelotonnée  en 
plusieurs  anses  :  la  portion  productrice  de  la  soie. 

La  limite  entre  ces  deux  régions  est  nettement  indiquée  par  les  ca- 
ractères différents  de  leur  épithélium  et  de  leur  cuticule  interne,  ainsi  que 
par  un  étranglement  brusque  qui  les  sépare,  fig.  3. 

1°     Portion  postérieure  ou  productrice. 

Cette  portion  est  très  longue.  Son  calibre  est  plus  fort  dans  sa  région 
moyenne  et  antérieure,  bien  que  là  même  elle  soit  loin  de  présenter  cette 


LA  SOIE  ET  LES  APPAREILS  SÉRICIGÈNES  45 

forte  dilatation  qui,  chez  les  chenilles  et  surtout  chez  les  Bombyx  exploités 
dans  l'industrie,  a  reçu  le  nom  de  réservoir.  Tout  en  avant  elle  s'amincit 
aussi  avant  de  s'unir  à  la  portion  conductrice;  mais  au  moment  de  se 
terminer  elle  se  renfle,  fig.  3  et  12,  et  se  trouve  coupée  brusquement  par 
l'étranglement  dont  nous  venons  de  parler.  Nous  appellerons  bulbe  ter- 
minal cette  portion  renflée. 

Les  deux  glandes  reçoivent  des  trachées.  Une  forte  branche  aboutit  au 
bulbe  terminal  et  se  ramifie  sur  lui  ;  cette  portion  est  plus  riche  en  tubes 
aériens  que  toutes  les  autres  régions.  Nous  n'avons  pas  cherché  à  vérifier  ici 
les  observations  que  Wistinghausen  (i;  a  faites  sur  les  chenilles.  Mais  il  est 
incontestable  que  certains  troncs  pénétrent  profondément  dans  les  cellules 
épithéliales  et  passent  à  travers  leur  protoplasme,  aussi  bien  que  chez  les 
les  larves  des  lépidoptères,  ainsi  que  nous  l'avons  signalé  chez  ces  derniers 
dans  notre  première  partie.  Engelmann  et  Van  Lidth  de  Jeude  avaient 
déjà  fait  cette  remarque  en  1S78. 

Les  cellules  qui  constituent  la  paroi  sont  aplaties,  polygonales  et  éton- 
namment semblables  à  celles  des  chenilles.  Elles  possèdent  un  noyau  ramifié 
identique  à  ceux  dont  Helm  ^2)  a  décrit  les  formes  variées  et  que  nous 
avons  étudié_s  nous-mêmes  chez  le  Bombyx  mori  et  d'autres  espèces. 

Noyau. 

Les  noyaux  de  cette  région  sont,  avons-nous  dit,  semblables  à  ceux 
des  lépidoptères.  Ils  sont  ramifiés  et  leur  forme  est  souvent  très  compliquée. 
Gomme  chez  les  Bombyx,  ils  se  fragmentent  totalement  dans  certaines  cel- 
lules de  la  partie  large  du  tube.  On  y  remarque  souvent  des  tronçons  de 
bras  en  voie  de  séparation  réunis  encore  par  un  cordon  mince,  achroma- 
tique, résultant  de  l'étirement  de  la  membrane  nucléaire,  fig.  6.  Celle-ci 
est  très  nette. 

Le  contenu  semble,  à  première  vue,  constitué  d'un  grand  nombre  de 
granulations  chromatiques.  Mais  un  examen  plus  attentif  à  l'aide  de  bons 
objectifs  à  immersion,  y  révèle  des  cordons  ou  chaînettes  extrêmement  tor- 
tillées. Ici,  comme  dans  bien  d'autres  organes,  on  reconnaît  que  l'aspect 
granuleux  est  dû  à  la  section  optique  de  filaments  contournés  formant  des 
anses   extrêmement   courtes.    En    choisissant    les  branches  nucléaires  les 


(1)  Wistinghausen    :    Ueber    Tracheenoidigungen    der   Sericteren    der   Raupe;   Zeit.   f.  Wiss.  Zool. 
t    ^9.    p.   565. 

(2)  Helm  :   Ueber   die   Spinndrûscn   der  Lcpidoptcren;    Zeit.  f.  wiss.  Zool  ,  B.  26,   1876. 


46  Gustave   GILSON 

plus  claires,  les  plus  pauvres  en  nucléine,  on  rencontre,  ça  et  là,  sur  une 
certaine  longueur,  des  tronçons  de  filaments  moins  contournés  et  bien 
nets,    FiG.  9. 

Nous  avons  examiné  les  cellules  épithéliales  des  glandes  filières  intra 
vitam,  en  vue  surtout  de  rencontrer  une  fois  de  plus  cette  vieille  objection 
que  l'on  fait  parfois  encore  aux  cytologistes  :  ce  sont  les  réactifs  qui  font 
apparaître  les  productions  solides  de  la  cellule,  le  réticulum  plastinien,  la 
membrane,  les  corpuscules  ou  filaments  du  noyau,  ou,  du  moins,  qui  trans- 
forment profondément  ces  parties. 

A  cet  effet  nous  avons  extirpé  la  glande  le  plus  rapidement  possible, 
et  nous  l'avons  placée  dans  une  goutte  du  sang  de  l'animal  lui-même.  Les 
corpuscules  nucléiniens  présentaient  exactement  le  même  aspect  que  dans 
les  sections  obtenues  par  diverses  méthodes  de  fixation  et  d'enrobage  et  colo- 
rées au  vert  de  méthyle  ou  à  l'acide  carminique  aluné  de  Paul  Mayer, 
FIG.    7. 

Désirant  éviter  tout  empiétement  sur  des  recherches  spéciales  qui  se 
poursuivent  en  ce  moment,  nous  n'entrerons  pas  davantage  dans  les  détails 
de  la  structure  intime  du  noyau.  Disons  seulement  qu'il  existe  au  sein  de 
l'amas  de  tronçons  nucléiniens,  des  corps  arrondis,  chromatiques,  des  nu- 
cléoles particuliers  qui  souvent  laissent  voir  dans  leur  intérieur  des  cordons 
nucléiniens,  semblables  à  ceux  qui  constituent  la  grande  masse  du  contenu 
nucléaire.  Beaucoup  d'entre  eux  sont  semblables  à  certaines  productions 
que  nous  avons  signalées  il  y  a  longtemps  dans  les  métrocytes  primaires 
des  crustacés  décapodes,  et  sur  lesquels  l'action  des  acides  forts,  spéciale- 
ment celle  de  l'acide  fluorhydrique,  nous  ont  donné  des  résultats  inté- 
ressants (1). 

Cytoplasme. 

La  description  que  nous  en  avons  donnée  chez  le  Bombyx  mori,  nous 
exempte  de  nous  y  arrêter.  Sa  structure  est  très  semblable  chez  les  phry- 
ganes,  tout  en  présentant  un  peu  plus  de  finesse. 

Le  cytoplasme  des  phryganes  présente,  à  frais,  la  même  consistance 
filante  et  collante  que  nous  avons  regardée  comme  due,  chez  les  chenilles, 
à  la  présence  de  la  fibroïne,  ou  plutôt,  pour  ne  préjuger  de  rien,  de  la  sub- 
stance séricigène  disséminée  dans  l'enchylème. 


(i)    G.   GiLSON   :   Étude  comparée  de   la   spermatogénese  c/iej  les  arthropodes  ;    La  Cellule,  t.    II, 
i'^  fascicule,   p.    12S  et  suivantes 


LA  SOIE  ET  LES  APPAREILS  SERICIGENES  47 

Nous  n'y  avons  point  remarqué  ces  productions  bacillaires  qui  sont  si 
distinctes,  du  moins  après  fixation,  chez  le  ver-à-soie  à  la  fin  de  la  période 
larvaire,  et  qui  doivent  être  regardées  comme  des  traînées  de  fibroïne  accu- 
mulée en  certains  parages  du  cytoplasme  et  destinées  à  être  excrétées  pen- 
dant le  filage  du  cocon. 

Sur  le  vivant  ce  cytoplasme  est  translucide  et  d'aspect  vitré;  on  y  dis- 
tingue de  petits  granules  brillants  et  parfois  des  vacuoles.  Ces  dernières 
se  retrouvent  souvent  assez  déformées  dans  les  coupes  d'objets  fixés, 
FIG.    9. 

Du  réticulum,  si  bien  organisé  pourtant,  de  ce  cytoplasme  on  n'aper- 
çoit, dans  ces  conditions,  que  ça  et  là  quelques  filaments.  La  grande  réfrin- 
gence de  l'enchylème  si  particulier  de  ces  cellules  en  fait  un  objet  peu 
favorable-  à  l'observation  de  la  partie  plastinienne  sur  le  vivant.  Cette 
recherche  de  contrôle  demande  le  choix  d'objets  particulièrement  favorables 
et  accessibles;  ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  les  signaler. 

Membrane. 

Sur  les  faces  externes  et  latérales,  elle  ne  présente  rien  de  spécial  ; 
elle  3^  est  très  mince  et  délicate.  Du  côté  extérieure  elle  est  renforcée  par 
la  mince  mais  résistante  tunica  propria,  à  noyaux  aplatis,  qui  entoure  le 
tube,    FIG.    9. 

La  membrane  cellulaire  est  très  distincte  sur  le  vivant,  tant  sur  les 
cellules  examinées  à  plat,  fig.  7,  que  dans  la  section  optique  du  tube, 
FIG.  8.  Mais  elle  s'altère  rapidement  sous  l'influence  de  la  compression 
produite  par  le  couvre-objets;  on  la  voit  bientôt  s'affaiblir  et  devenir  in- 
visible,   FIG.    7. 

Les  sections  optiques  de  la  paroi  du  tube  permettent  de  constater  que 
les  cellules  chevauchent  souvent  l'une  sur  l'autre  et  sont  unies  par  des  sur- 
faces obliques,  où  la  membrane  est  bien  visible,  même  sur  les  objets  vivants, 
FIG.    8. 

La  membrane  qui  ferme  la  face  interne  des  cellules  est  plus  épaisse  et 
plus  résistante.  En  section  optique  elle  présente  un  aspect  ponctué, 
FIG.  9.  De  face  elle  est  très  finement  réticulée.  Sa  texture  est  beaucoup 
plus  fine  que  chez  les  lépidoptères,  plus  difficile  à  observer,  mais  identique. 


48  Gustave   GILSON 

Remarques  sur  les  particularités  du  tronçon  antérieur. 

L'épithéliuin  de  la  portion  productrice  se  modifie  un  peu  dans  le  tron- 
çon antérieur  aminci.  Tout  d'abord  les  cellules  y  changent  de  forme;  elles 
se  raccourcissent  beaucoup  dans  le  sens  du  grand  axe  de  l'organe  et 
deviennent  ainsi  plus  larges  que  longues,  fig.  12.  Vers  le  haut  du  bulbe 
terminal,  où  elles  présentent  cette  forme,  on  les  voit,  en  outre,  affecter  une 
direction  oblique  tantôt  vers  le  haut,  tantôt,  chez  d'autres  individus,  vers 
le  bas,  FIG.  12.  Leurs  noyaux,  vers  le  haut,  prennent  une  forme  de  moins 
en  moins  ramifiée.  A  un  point  donné  ils  passent  à  l'état  de  simples  barres 
courbes,  parfois  assez  trapues;  celle-ci  s'épaississent  et  se  raccourcissent 
encore  dans  le  bulbe,  fig.  12  et  13. 

Si  l'on  examine  le  tronçon  antérieur  aminci  monté  en  entier,  c'est-à- 
dire  dans  le  sens  longitudinal,  on  y  voit  généralement  les  noyaux  disposés 
en  deux  séries  latérales,  l'une  à  droite  et  l'autre  à  gauche,  disposition  qui 
est  celle  des  cellules  elles-mêmes. 

La  membrane  interne  présente  aussi  quelques  détails  nouveaux  dans 
ce  tronçon.  Elle  y  est  un  peu  plus  épaisse  que  dans  les  parties  larges  de  la 
glande.  En  outre,  elle  est  tapissée  elle-même  par  une  couche  membrani- 
forme  assez  épaisse  et  striée,  fig.  12  et  13.   Cette  couche  est  visiblement 
formée  par  les  extrémités  des  filaments  radiés  du  cytoplasme,  qui  ne  sont 
eux-mêmes  que  des  parties  régularisées  du  réticulum  général.  Elle  ressemble 
beaucoup  à  un  plateau  strié  ;  mais  elle  en  diffère  par  le  manque  de  netteté 
de  ses  limites  du  côté  intei'ne  où  ses  fils  se  continuent  avec  les  fils  radiés 
également,  mais  moins  réguliers,  du  cytoplasme,  et  souvent  aussi  par  son 
peu  de  réfringence.  En  beaucoup  d'endroits  elle  n'est  guère  plus  réfringente 
que  le  cytoplasme  lui-même,  tandis  que  les  plateaux  striés  le  sont  d'ordi- 
naire davantage.  Cette  zone  correspond  plutôt  à  la  deuxième  couche  striée 
qui  tapisse  souvent  les  plateaux  vrais  des  cellules  épithéliales,  dans  les 
organes  digestifs,  par  exemple.  Cependant  nous  l'avons  trouvée,  dans  une 
espèce    indéterminée,    plus    brillante    et   plus   semblable   à    une   cuticule 
striée;    ses   trabécules   droites  et  rigides  étaient  évidemment   chitinisées. 
On  pouvait  s'en  convaincre  aisément  grâce  à  certaines  sections  brisées  où 
ces  trabécules  se  voyaient  nettement  cassées,  comme  le  sont  souvent  celles 
de  la  cuticule  de  la  portion  conductrice. 

La  membrane  interne  de  la  région  productrice  présente,  tout  en  avant, 
à  la  limite  de  la  région  suivante,   un  pli  circulaire  saillant  dans  le  cyto- 


\ 


LA  SOIE  ET  LES  APPAREILS  SÉRICIGÈNES  49 

plasme,  fig.  12.  C'est  vers  le  fond  de  ce  repli  qu'elle  se  continue  avec  la 
cuticule  striée  de  la  portion  conductrice. 

Si  l'on  suit  la  zone  striée  jusque  dans  la  région  conductrice,  on  la  voit 
se  continuer  avec  la  cuticule  chitineuse  qui  est  de  règle  dans  cette  région  ; 
elle  en  est  évidemment  l'homologue. 

Signalons  ici  une  particularité  de  cette  zone  que  nous  avons  observée 
chez  une  larve  que  nous  pensons  être  le  Lininophilus  rhombiciis.  Nous 
l'avons  représentée,  fig.  15,  en  section  transversale.  C'est  un  petit  bec 
ou  bourrelet  d'épaississement  existant  d'un  seul  côté,  tout  près  de  l'extré- 
mité de  la  région  productrice,  non  loin  du  sillon  ou  pli  circulaire.  Une 
légère  dépression  existe  à  la  surface  interne  du  tube  au  niveau  de  cet  épais- 
sissement.  Ce  n'est  donc  pas  un  simple  détail  de  structure  de  la  zone  striée 
sous-membraneuse;  c'est,  en  outre,  une  très  légère  évagination  de  la  paroi 
du  tube  interne  tout  entière.  Cette  particularité  qui  ne  paraît  pas  exister 
chez  tous  les  individus,  du  moins  avec  des  caractères  aussi  tranchés, 
présente  par  elle-même  assez  peu  d'intérêt.  Mais  elle  devient  plus  digne 
d'observation  si  on  la  compare  à  ce  léger  bec  du  tube  cuticulaire  qui,  chez 
le  Cossus,  représente  seul  le  canal  excréteur  des  glandes  de  Filippi  rudi- 
mentaires.  S'il  se  révélait  que  cette  saillie  de  la  couche  interne  du  bulbe 
terminal  se  retrouve  souvent  chez  certaines  espèces  de  phryganides,  il  y 
aurait  lieu  de  la  regarder  comme  l'homologue  du  canal  excréteur  de  ces 
glandes  qui  y  font  défaut.  Dans  ce  cas,  le  bulbe  lui-même  devrait  être 
regardé  comme  l'homologue  des  glandes  de  Filippi,  qui  seraient  donc,  ici, 
dans  un   état  de   réduction  plus   profonde  encore  que  chez  le  Cossus. 

Nos  observations  sont  trop  incomplètes  pour  nous  permettre  d'affirmer 
cette  homologie.  Mais  la  question  que  nous  soulevons  n'est  pas  sans 
importance  au  point  de  vue  morphologique.  Elle  s'éluciderait  aisément 
par  l'examen  suivi  d'une  série  d'espèces. 

2°     Poi'tion  antérieure  ou  conductrice. 

Elle  commence  au  sillon  circulaire  qui  termine  la  région  productrice, 
FIG.  12.  Sa  partie  postérieure  est  renflée  comme  la  partie  antérieure  de 
cette  dernière,  et  s'amincit  ensuite.  Le  sillon  circulaire  sépare  donc  deux 
renflements  bulbaires  unis  par  leur  base. 

L'antérieur,  base  de  la  portion  conductrice,  se  distingue  d'une  façon 
nette  et  frappante,  d'avec  la  portion   postérieure  ou    productrice,    par  sa 


50  Gustave   GILSON 

teinte  plus  claire,  par  la  petitesse  de  ses  cellules  et  de  ses  noyaux,  et  par 
la  moindre  affinité  de  toutes  ses  parties  pour  les  matières  colorantes.  Les 
cellules  qui  le  constituent  sont  évidemment  d'une  nature  tout  autre  que 
celles  de  la  région  postérieure;  la  différence  qui  sépare  les  éléments  con- 
stitutifs de  ces  deux  régions  est  beaucoup  plus  profonde  et  plus  tranchée 
que  chez  les  lépidoptères. 

La  membrane  de  ces  cellules  ne  présente  rien  de  remarquable  sur  leurs 
faces  latérales  et  externe. 

Il  est  souvent  difficile  de  distinguer  sur  les  coupes  la  section  des  mem- 
branes latérales  d'avec  les  fortes  trabécules  radiales  de  leur  cytoplasme.  Au 
contraire,  en  dissociant  ces  cellules,  par  l'alcool  au  1/3  ou  autrement,  on 
reconnaît  aisément  que  chacune  d'elles  est  entourée  d'une  membrane  sur 
toutes  ses  faces. 

Quant  à  la  portion  de  cette  membrane  qui  ferme  leur  face  interne,  elle 
est  fusionnée  par  ses  bords,  comme  dans  la  région  postérieure  du  reste, 
avec  la  membrane  correspondante  des  cellules  voisines  et  fait  partie  du 
tube  chitineux  général;  celui-ci  est  donc  une  cuticule  véritable,  dans  le  sens 
cytologique  du  mot.  Cette  cuticule,  au  niveau  du  bulbe,  s'épaissit  beaucoup 
et  prend  une  importance  nouvelle  et  une  structure  spéciale  qu'elle  conserve 
jusqu'au  tube  fileur. 

En  coupe  longitudinale,  elle  se  montre  fortement  striée  et  paraît  formée 
de  bâtonnets  chitineux  gros  et  brillants  ;  l'image  est  très  semblable  à  la  figure 
qu'en  donne  Meckel  (1)  chez  le  Cossus.  Ces  bâtonnets  sont  très  nettement 
séparés  les  uns  des  autres  par  des  espaces  clairs  et  vides,  fig.  12.  Ces 
espaces  sont  évidemment  les  Porenkanàlen  de  Leydig  (2).  Mais  ici,  comme 
à  propos  des  lépidoptères,  nous  sommes  obligés  d'interpréter  autrement  la 
structure  de  cette  membrane.  Tout  d'abord  les  prétendus  bâtonnets  de  la 
section  optique  s'unissent  par  leur  bout  interne  à  une  mince  membranule 
qui  paraît  continue  et  semble  donc  fermer  les  espaces  qui  les  séparent. 
Nous  laissons  pourtant  subsister  sur  ce  dernier  point  quelque  incertitude; 
cette  membranule  si  mince  est  d'une  observation  si  difficile,  que  l'usage 
même  des  meilleurs  instruments  d'optique  ne  permet  pas  de  décider  si 
elle  n'est  pas  elle-même  réticulée  de  façon  à  laisser,  par  ses  mailles,  une 
libre  communication  entre  la  lumière  et  les  espaces  internes  de  la  cuticule. 

Mais  en  outre,  ces  espaces  ne  sont  point  des  pores;  ce  sont  des  fentes 
assez  longues.  En  effet,  les  prétendus  bâtonnets  ne   sont   que  la  section 


(1)  Meckel    ;    Mikrographie   einiger    Drùsenapparate    der    niederen    Thicrc;    Mùll.   Arch.,    1846. 

(2)  Leydig    :    Traité  dhistologie. 


LA  SOIE  ET  LES  APPAREILS  SÉRICIGÈNE3  51 

optique  de  lames  allongées  dans  le  sens  transversal  ou  plutôt  circulaire. 
C'est  ce  que  démontre  l'examen  successif  du  tube  entier  par  sa  surface,  et 
celui  des  coupes  transversales  de  la  région. 

Examiné  à  plat,  le  tube  chitineux  présente  l'aspect  reproduit  dans  la 
FiG.  18.  Si,  après  avoir  mis  au  point  la  surface  supérieure  ou  inférieure  de 
ce  cylindre  légèrement  aplati  par  la  pression  du  couvre-objets,  on  monte  ou 
on  descend  l'objectif  de  manière  à  en  obtenir,  sur  les  bords,  la  section  optique, 
on  constate  que  chacun  des  côtés  de  la  surface  passe  sur  les  côtés  à  un  des  bâ- 
tonnets de  cette  section  optique.  Il  faut  noter  que  dans  cette  figure  la  surface 
seule  est  mise  au  point  et  nullement  la  section,  même  sur  les  bords.  La  sur- 
face du  tube  chitineux  présente  donc  un  aspect  assez  semblable  à  celui  d'une 
trachée,  avec  moins  de  régularité  toutefois  que  celle  des  trachées  spiralées 
ordinaires.  En  effet,  les  diverses  bandes  chitineuses  circulaires  ou  à  peu  près 
sont  unies  entre  elles  par  des  travées  obliques,  assez  distantes  cependant, 
FiG.  18,  et  les  bandes  principales  elles-mêmes  ont  souvent  un  trajet  sinueux 
et  irrégulier.  Néanmoins  l'ensemble  des  travées  principales  semble  ap- 
partenir à  un  système  spiraloïde.  Nous  sommes  parvenu  à  les  dérouler 
comme  un  ressort  en  exerçant  sur  le  tube  des  tractions  longitudinales.  Ce 
résultat  implique  évidemment  la  rupture  de  toutes  les  trabécules  obliques 
unissant  les  tours  de  la  spire.  Remarquons  qu'il  existe  des  trachées  d'in- 
sectes dans  lesquelles  les  tours  de  spires  sont  réunis  par  de  courtes  travées 
secondaires. 

En  section  transversale  le  tube  chitineux  a  l'aspect  d'une  bande  bril- 
lante dont  la  largeur  est  mesurée  par  la  hauteur  des  bâtonnets  de  la  coupe 
longitudinale.  Cette  bande  ne  présente  généralement,  comme  détails  de 
structure  interne,  du  moins  dans  le  bulbe,  que  des  stries  circulaires  extrê- 
mement fines  et  difficiles  à  voir.  Les  trabécules  radiées  du  cytoplasme 
viennent  buter  contre  elle,  mais  on  ne  les  voit  pas  pénétrer  dans  sa  sub- 
stance, FIG.  17.  Or,  telle  ne 'serait  pas  la  structure  des  sections  transverses 
de  ce  tube  si  les  prétendus  bâtonnets  existaient  réellement  comme  tels;  on 
devrait  les  y  retrouver  avec  un  aspect  semblable,  et  la  bande  brillante  devrait 
avoir  une  structure  radiée  assez  grossière.  Il  n'y  a  donc  dans  cette  région 
ni  bâtonnets,  ni  Poreukandleu;  il  n'y  a  que  des  bandes  chitineuses  anasto- 
mosées en  un  réseau  à  mailles  assez  lâches.  Mais  hâtons  nous  de  dire  que 
cette  structure  se  modifie  dans  la  partie  antérieure  de  la  portion  conductrice. 

Suit-on  le  tube  chitineux  au  delà  du  bulbe,  on  le  voit  s'amincir  un  peu. 
En  coupe  optique  longitudinale  il  conserve  sa  striation.  De  face,  il  garde 


52 


Gustave   GILSON 


un  aspect  réticulé,  mais  les  mailles  y  deviennent  de  plus  en  plus  petites 
et  serrées. 

De  plus,  si  l'on  examine  les  coupes  transversales  à  ce  niveau,  on  con- 
state la  disparition  des  couches  concentriques  et  l'apparition  de  stries 
radiales  semblables  à  celles  de  la  coupe  optique  longitudinale  de  la  même 
partie.  Ces  stries  correspondent  donc  ici  à  de  véritables  bâtonnets.  On 
reconnaît  aisément  alors  que  les  trabécules  radiées  du  cytoplasme,  plus 
nombreuses  et  plus  fortes  que  plus  bas,  sont  en  continuité  avec  un  véritable 
bâtonnet  chitineux  de  la  couche  cuticulaire. 

Telle  est  donc  la  structure  de  cette  cuticule  que  Leydig  appelle  intima. 
Son  étude  est  difficile  et  exige  l'emploi  des  meilleurs  objectifs.  Aussi  n'est-il 
pas  étonnant  que  le  savant  de  Leipzig,  à  l'époque  déjà  éloignée  où  il  l'étu- 
diait,  n'ait  point  reconnu  toutes  les  particularités  que  nous  venons  d'y  sig- 
naler, d'une  façon  encore  bien  incomplète  sans  doute,  et  qu'il  l'ait  considérée 
comme  une  couche  brillante  simplement  perforée  de  canalicules  ou  Poren- 
kandlen. 

Ce  tube  chitineux  constitue  un  objet  très  remarquable  pour  l'étude  de 
la  genèse  et  de  la  signification  de  la  membrane  cellulaire.  On  sait  que  si  la 
plupart  des  cytologistes,  et  surtout  l'École  de  Louvain,  à  la  suite  de 
Carnoy,  considèrent  la  membrane  comme  une  différentiation  périphérique 
du  protoplasme,  il  est  pourtant  des  auteurs  qui  n'ont  pas  encore  adopté 
cette  manière  de  voir  (i).  Il  est  encore  assez  fréquent  d'entendre  les  histo- 
logistes  dire  que  la  membrane  cellulaire  est  un  simple  produit  de  sécrétion, 
déversé  au  dehors  par  le  protoplasme  et  solidifiée. 

Or,  si  l'on  suit  la  série  des  coupes  transversales  du  tube  séricigène  des 
phryganides,  dans  la  région  que  nous  venons  d'examiner,  on  se  trouve  dans 
l'impossibilité  de  considérer  la  membrane  comme  une  production  extérieure 
au  cytoplasme.  L'examen  de  trois  coupes  semblables  aux  fig.  14,  13  et  17, 
par  exemple,  démontre  qu'elle  contient  et  emprisonne  les  extrémités  des 
longues  trabécules  radiales  du  cytoplasme,  si  distinctes  dans  cet  objet. 

On  trouve  aisément  dans  le  bout  du  tube  des  endroits,  fig.  14,  où 
ces  trabécules  viennent  buter  contre  une  membranule  interne  très  mince. 
Au  voisinage  de  celle-ci  ces  trabécules  sont  un  peu  épaissies,  légèrement 
régularisées  et  comme  enrobées  dane  un  dépôt  très  faible  encore  d'une 


())  Nous  pailons  uniquement  ici  àc  la  membrane  cellulaire  véritable,  qu'elle  soit  libre  autour  de 
chaque  cellule  ou  fusionnée  entre  éléments  voisins  pour  former  une  cuticule;  mais  nous  n'entendons 
rien  préjuger  sur  la  nature  d'autres  productions  analogues,  telles  que  la  paroi  de  certains  spermatophores, 
celle  des  oothèques  et  d'autres  productions,    qui   doivent  encore  être   étudiées  à  ce   point  de  vue. 


LA  SOIE  ET  LES  APPAREILS  SERICIGENES  53 

substance  brillante  assez  avide  de  carmin,  —  comme  la  cuticule  tout  entière 
—  et  formant  une  couche  encore  irrégulière,  épineuse  du  côté  du  cyto- 
plasme. Plus  bas  on  trouve  des  coupes  où  cette  couche  interne  se  régularise, 
s'épaissit,  s'imprègne  davantage  de  la  substance  brillante,  tout  en  laissant 
encore  voir  très  nettement  les  portions  terminales  régularisées  des  trabé- 
cules  cytoplasmatiques,  fig.  13.  Enfin,  plus  bas,  dans  le  bulbe  lui-même, 
la  couche  est  devenue  plus  solide  encore;  elle  s'est  si  fortement  imprégnée 
de  la  substance  brillante  que  les  trabécules  qui  y  sont  enclavées  cessent 
d'être  visibles,  fig.  17.  Une  structure  nouvelle  s'indique  alors  dans  cette 
couche  compacte  :  une  striation  concentrique  très  fine  s'y  montre.  Les  tra- 
vées radiales  du  cytoplasme  paraissent  dès  lors  venir  buter  non  plus  contre 
une  mince  membranule  limitant  la  face  interne  du  tube,  mais  contre  la 
face  externe  de  l'épaisse  cuticule. 

Si  l'on  ne  connaissait  que  cette  dernière  apparence,  on  pourrait  accor- 
der à  ceux  qui  décrivent  la  membrane  comme  une  sécrétion,  que  leur  hypo- 
thèse, quoique  purement  gratuite,  n'est  pas  une  impossibilité.  Mais  les 
autres  aspects  que  nous  venons  de  signaler,  et  certaines  étapes  intermé- 
diaires, de  même  que  l'étude  attentive  de  bien  d'autres  objets,  contraignent 
l'observateur  à  rejeter  cette  hypothèse  comme  directement  contraire  aux 
faits. 

B.     Tube  fileur. 
Presse. 

Nous  avons  vu  que,  contrairement  à  ce  qui  s'observe  chez  les  larves 
des  lépidoptères,  les  deux  tubes  séricigènes  s'unissent  très  en  avant,  dans  la 
tête.  Il  en  résulte  que  le  canal  commun  ou  tube  fileur  est  beaucoup  plus 
court.  On  n'y  distingue  que  deux  régions  au  lieu  de  trois.  C'est  la  posté- 
rieure qui  fait  défaut;  la  presse  suit  immédiatement  le  point  de  réunion  des 
deux  tubes  glandulaires,  fig.  3. 

La  structure  de  cette  presse  est  très  semblable  à  celle  que  nous  avons 
décrite  chez  les  chenilles.  La  fig.  19,  qui  "est  une  coupe  transversale  du 
mamelon  saillant  ou  canule  fileuse  de  la  lèvre  inférieure,  donne  une  idée 
exacte  de  sa  disposition,  surtout  si  l'on  tient  compte  en  même  temps  de  la 
fig.  4  qui  représente  cet  appareil  suivant  son  profil  longitudinal,  d'après 
une  dissection. 

La  pièce  P  de  la  fig.  19  n'est  autre  chose  que  le  tube  fileur  sectionné. 
La  couche  épithéliale  lu,  ou  matrice  du  tube  cuticulaire,  n'est  elle-même 
autre  chose  que  la  continuation  de  l'épithéhum  des  glandes,  et  la  partie  chiti- 

8 


54  Gustave    GILSON 

tineuse  j7  correspond  au  tube  interne  des  portions  situées  en  arrière.  Seule- 
ment, ici  le  tube  chitineux,  très  épaissi,  est  déprimé  longitudinalement.  Sa 
face  supérieure  porte  une  profonde  gouttière,  un  pli  d'invagination  dont  la 
saillie  rétrécit  la  lumière  du  canal  et  la  réduit  à  une  fente  qui  présente,. en 
section  transversale,  la  forme  d'un  croissant.  Dans  cette  fente  gisent  deux 
fils  de  soie /places  l'un  près  de  l'autre  et  emprisonnés  entre  le  plancher  du 
tube  et  le  fond  de  la  gouttière  supérieure  qui  en  forme  le  plafond. 

Des  fibres  musculaires  s'insèrent  les  unes  au  fond  de  la  gouttière,  les 
autres  sur  la  crête  des  deux  plis  latéraux  que  laisse  sur  ses  bords  le  sillon 
médian,  fig.  19,  vil.  Toutes  se  fixent  par  leur  extrémité  externe  à  la  cuti- 
cule dermique  de  la  canule. 

Le  fonctionnement  de  cet  appareil  est  évidemment  le  même  que  chez 
les  lépidoptères.  C'est  une  presse  dans  laquelle  les  fils  de  soie  venus  des 
deux  glandes  se  trouvent  comprimés.  L'agent  compresseur  c'est  l'élasticité 
des  parois  chitineuses.  Lorsqu'elle  agit  librement,  la  crête  interne  qui  cor- 
respond au  sillon  médian  externe  comprime  fortement  la  soie.  Les  muscles 
agissent  contrairement  à  cette  force.  Leur  direction  et  leur  mode  d'insertion 
indiquent  avec  la  plus  grande  évidence  que  leur  contraction  doit  avoir  pour 
effet  de  relever  la  crête  saillante,  d'élargir  ainsi  la  lumière  du  canal  et,  par 
suite,  de  diminuer  la  compression  que  subit  la  soie.  Son  mécanisme  est  donc 
exactement  le  même  que  chez  les  chenilles.  La  seule  différence  que  nous 
ayons  à  signaler  dans  sa  structure,  est  l'existence  d'une  seule  paire  de  muscles 
latéraux  au  lieu  de  deux  :  les  muscles  inférieurs  insérés  sur  les  crêtes  laté- 
rales. Les  muscles  latéraux-supérieurs  des  chenilles,  qui  sont  dilatateurs 
comme  les  inférieurs,  font  défaut  chez  les  phryganes.  De  plus,  tous  les 
muscles  sont  ici  bien  moins  puissants  que  chez  les  chenilles  fileuses.  Ils 
sont  remarquables  par  la  masse  volumineuse  de  protoplasme  qui  entoure 
leur  noyau  et  s'étend  sur  une  grande  partie  de  la  portion  différentiée. 

Les  fibres  supérieures  sont  disposées  l'une  derrière  l'autre,  en  deux 
séries  longitudinales. 

La  dernière  paire,  plus  volumineuse,  est  séparée  de  la  série  par  un 
espace  vide,  fig.  4;  elle  s'insère  sur  un  prolongement  saillant  et  coloré  en 
brun  qui'  est  une  dépendance  de  la  paroi  supérieure  du  canal  chitineux  et 
qui  termine  en  arrière  le  sillon  longitudinal.  Il  nous  semble  que  l'action  de 
ces  fibres  ne  peut  consister  qu'à  relever  l'appareil  dans  son  ensemble,  peut- 
être  aussi  à  le  tirer  en  avant  ou  en  arrière,  si  son  point  d'insertion  supé- 
rieure le  comporte.  Nous  manquons  de  données  précises  à  ce  sujet;  la 
FIG.  4  ayant  été  faite,  non  d'après  une  section  longitudinale,  mais  d'après 
une  dissection,  les  insertions  supérieures  étaient  rompues. 


LA  SOIE  ET  LES  APPAREILS  SERICIGÈNES  55 

Tronçon  antérieur. 

La  portion  antérieure  à  la  presse  n'est  qu'un  simple  tube  chitineux  à 
section  ovalaire,  tapissée  d'une  matrice  de  cellules  plates. 

Nous  n'avons  pas  examiné  l'orifice  de  la  canule.  Fr.  Klapalek,  qui 
donne  une  courte  description  de  l'appareil,  sans  toutefois  signaler  la  presse, 
dit  qu'il  est  cruciforme  fi). 

Remarques  sur  la  soie  et  sa  production. 

Les  phryganes  sont,  sans  contredit,  moins  bonnes  fileuses  que  beau- 
coup de  lépidoptères.  Néanmoins  leur  appareil  séricigène  et  filcur,  d'après 
la  description  que  nous  venons  d'en  faire,  n'est  guère  moins  parfait  que 
celui  des  chenilles.  Sans  doute  les  glandes  de  Filippi  leur  font  défaut, 
du  moins  dans  les  espèces  que  nous  avons  examinées.  Mais  il  n'est  pas  dé- 
montré que  ce  soit  là  un  caractère  d'infériorité.  Cette  différence  est  peut- 
être  en  rapport  avec  le  régime  aquatique,  si  différent,  de  ces  larves. 

La  réduction  des  muscles  de  leur  presse  est,  au  contraire,  un  indice  de 
faiblesse  relative. 

Le  fil  de  soie  complet  et  sorti  de  la  filière,  ou,  pour  employer 
un  terme  usité  dans  l'industrie,  la  bave,  ressemble  étonnamment  au  fil 
des  lépidoptères.  Il  est  constitué  de  deux  fils  aplatis  exactement  accolés 
l'un  à  l'autre  par  leur  bord,  fig.  20  et  21.  Nous  l'avons  examiné  dans 
plusieurs  espèces  et  nous  n'y  avons  remarqué  que  très  peu  de  différences. 
C'est  surtout  l'épaisseur  des  deux  fils  qui  varie,  et  seulement  dans  de 
faibles  limites. 

Très  souvent  les  deux  fils  portent  une  striation  longitudinale  assez 
régulière,  fig.  20  et  21,  qui  n'est  que  superficielle. 

Comme  chez  les  lépidoptères,  le  fil  est  recouvert  d'une  couche  de  grèsT 
Mais  elle  est  ici  encore  plus  mince  et,  sur  la  bave  filée,  très  difficile  à  voir. 
Dans  l'intérieur  des  tubes  glandulaires  on  la  distingue  plus  aisément,  sur- 
tout dans  les  parties  antérieures,  bien  qu'elle  demeure  remarquablement 
plus  faible  que  chez  les  chenilles. 

Les  cellules  séricigènes  des  trichoptères  sont  loin  d'offrir  un  objet 
favorable  à  l'étude  de  la  sécrétion  de  la  soie.  Sous  ce  rapport  celles  des 


(i)     Fr.   Klapalek    :    Uiitersuchiingen    iiber   die   Fauna    der    Gewàsser  Bohmens;    Archiv   fur    natur- 
wissenschaftl.    Landesdurchforsihung   von    Bôhmen,    V.  Band,    n.  5,    1888,    Prag.,    bei    F.    Rivnac. 

8. 


56  Gustave   GILSON 

bombycides  leur  sont  préférables.  Nous  n'avons  rien  à  modifier  de  ce  que 
nous  avons  dit  sur  ce  sujet  dans  notre  première  partie.  La  soie  produite 
dans  le  cytoplasme  passe  dans  la  lumière  en  traversant  la  mince  mais  solide 
membrane  réticulée  qui  eh  tapisse  la  face  interne. 

Dans  la  lumière  du  tube  l'on  perçoit  aisément  deux  substances  dis- 
tinctes :  une  substance  centrale  et  une  substance  corticale  ou,  si  l'on  veut, 
la  soie  et  le  grès.  Comme  nous  venons  de  le  dire,  c'est  surtout  dans  la  partie 
antérieure,  mais  avant  la  presse,  que  la  couche  corticale  est  bien  dévelop- 
pée. Néanmoins,  on  peut  déceler  la  présence  d'une  mince  couche  corticale 
sur  toute  la  longueur  du  cylindre  de  soie  jusqu'au  fond  de  la  glande,  fig.  Il, 
aussi  bien  que  chez  les  chenilles. 

Nous  continuons  donc  à  considérer  le  grès  comme  le  produit  d'un 
travail  de  séparation,  de  triage,  se  passant  au  sein  de  la  substance  déversée 
par  les  cellules,  ou  du  moins  à  la  périphérie  du  cylindre  de  soie,  et  non 
comme  un  produit  de  sécrétion  spécial,  déversé  seulement  par  les  portions 
antérieures  du  tube. 

Signalons  ici  une  particularité  de  la  zone  externe  du  cylindre  de  soie 
que  nous  avons  rencontrée  à  mainte  reprise  sans  pouvoir  nous  l'expliquer. 
Il  arrive  que  dette  zone  est  remplie  de  vacuoles  claires,  à  membrane 
épaisse,  parfois  très  volumineuse,  fig.  10.  Ces  vacuoles  paraissent  conte- 
nues dans  la  couche  de  grès  elle-même.  Elles  la  désorganisent  parfois  pro- 
fondément. C'est  ainsi  que  dans  la  fig.  9  il  ne  reste  plus  de  la  zone  ordi- 
nairement homogène  de  cette  substance  que  deux  légers  amas  latéraux  qui 
sont  respectés  par  les  vacuoles. 

La  signification  de  ces  vacuoles  nous  échappe,  aussi  bien  que  les  con- 
ditions dans  lesquelles  elles  se  produisent.  Apparaissent-elles  quand  la  larve 
a  beaucoup  filé  et  cesse  de  le  faire?  C'est  possible,  car  nous  ne  les  avons 
observées  que  sur  des  fibres  beaucoup  plus  minces  que  la  lumière  du  tube, 
comme  c'est  le  cas  dans  les  fig.  9  et  10. 

Souvent  dans  la  région  moyenne  et  la  région  postérieure,  le  fil  remplit 
toute  la  lumière  du  tube  sans  laisser  le  moindre  espace  entre  lui  et  la  paroi, 
du  moins  sur  les  objets  fixés  dans  la  vapeur  de  chloroforme  et  l'acide  sulfu- 
reux sous  pression.  Dans  ce  cas,  il  est  plus  difficile  encore  de  saisir  la  mince 
couche  de  substance  corticale  que  lorsque  le  tube  est  partiellement  vidé  et 
où  le  cylindre  de  soie  y  flotte  à  son  aise.  Quand  il  était  bien  rempli,  nous 
n'avons  jamais  vu  de  vacuoles  dans  la  couche  périphérique. 


LA  SOIE  ET  LES  APPAREILS  SERICIGENES  57 

RÉSUMÉ. 

L'appareil  séricigène  des  larves  des  phryganides  est  très  semblable  à 
celui  des  larves  des  lépidoptères.  Il  comprend  deux  tubes  séricigènes  pelo- 
tonnés que  PicTET  avait  déjà  représentés,  et  un  tube  fileur  formé  par  leur 
réunion. 

Ce  tube  fileur  présente  un  appareil  spécial  homologue  et  très  semblable 
à  la  presse  des  chenilles.  Pictet,  tout  en  figurant  le  tube  fileur,  n'avait  pas 
signalé  cette  presse. 

Les  glandes  de  Filippi  manquent  dans  les  Liinnophilus  roinbicus,  et 
flai'icomis,  la  Molanua  angustata,  Y Anabdia  nervosa  et  cinq  ou  six  autres 
espèces  que  nous  n'avons  pu  déterminer.  C'est  là,  probablement,  un  carac- 
tère général  du  groupe.  Une  tubérosité  qui  s'observe  parfois  sur  la  mem- 
brane interne,  au  niveau  du  bulbe  lui-même,  représente  peut-être  les  glandes 
de  Filippi  dans  un  état  de  grande  réduction;  cette  question  demande  de 
nouvelles  recherches.  , 

La  soie  se  forme  exactement  comme  chez  les  chenilles;  le  fil  possède 
une  couche  de  grès  moins  développée  que  chez  ces  dernières. 

La  zone  corticale  du  cylindre  de  soie  existe  jusqu'au  fond  de  la 
glande. 

Le  tube  chitineux  des  portions  antérieures  du  tube  glandulaire  consti- 
tue un  intéressant  objet  pour  l'étude  de  la  genèse  et  de  la  signification  de 
la  membrane  cellulaire.  L'origine  et  la  nature  cytoplasmiques  de  cette  par- 
tie de  la  cellule  y  sont  évidentes.  Il  est  dès  lors  impossible  de  considérer 
la  membrane  cellulaire  comme  un  produit  excrété  par  le  protoplasme  et 
solidifié  :  elle  constitue  réellement  une  différentiation  périphérique  de  ce 
dernier,  emprisonnant  certaines  parties  du  système  réticulé  général. 


EXPLICATION  DE  LA  PLANCHE  IV. 

Grossissements  :  fig.  1  :  obj.  A,  oc.  i  Zeiss,  réduit  de  moitié.  Fig.  3  :  trois 
fois  grossi.  Fig.  4  :  obj.  A,  oc.  i.  Fig.  2,  5  à  10.  Fig.  12  à  21  :  obj.  1/12, 
imm.    homogène,   oc.    2.    Fig     11    :    obj.    D,    oc.    i. 

FIG.  1.  Cossus  ligniperda.  Partie  antérieure  de  l'appareil  séricigène.  P,  presse; 
rF,  rudiment  de  la  glande  de  Filippi  ;  tF,  tubercule  de  la  cuticule  représentant  le 
canal    excréteur   de   la   glande  rudimentaire   de   Filippi. 

FIG.  2.  Id.  Tube  cuticulaire  avec  le  rudiment  du  canal  e.xcréteur  de  la  glande 
de    Filippi,    tF. 

FIG.  3.  Limnophiliis  rhombicus  ou  Jlavicornis.  Représentation  élémentaire  de 
l'appareil    séricigène    dans   son    ensemble.    P,    presse. 

FIG.  4.  Anabdia  nervosa.  Partie  antérieure  de  l'appareil  séricigène,  vue  de 
profil.  P,  presse;  fm,  fibres  musculaires;  tg,  tubes  glandulaires  s'unissant  tout  près 
de   la   presse. 

FIG.  5..  Id.  Une  cellule  de  la  région  moyenne  de  la  portion  productrice  du 
tube  glandulaire,  traitée  par  le  vert  de  méthyle  additionné  d'un  peu  d'acide  acétique; 
n,   noyau   ramifié. 

FIG.  6.  Molanna  angustata.  Partie  d'une  cellule  de  la  portion  postérieure  de 
la  région  productrice.  Le  noyau  s'est  segmenté  en  tronçons  souvent  étirés  en  un 
filament,    et   se    colorant   d'une    façon   presque    homogène.    Vert    de    méthyle    acétique. 

FIG.  7.  Limnophilus  rhombicus  ou  flavicornis.  Portion  de  la  paroi  de  la 
glande  examinée  sur  le  vivant  dans  une  goutte  de  sang  de  l'individu  lui-même  et 
sans  addition  d'aucun  réactif,  m,  membrane  cellulaire  s'altérant  et  disparaissant  par 
endroits    sous    l'action    du    couvre-objets    qui    comprimait    la    pièce. 

FIG.  8.  Section  optique  de  la  paroi  de  la  même  glande,  observée  dans  les 
mêmes  conditions.  La  membrane  qui  sépare  les  deux  cellules  est  bien  visible  et 
présente   une   direction    oblique. 

FIG.  9.  Anabdia  nervosa.  Coupe  transversale  de  la  région  productrice,  portion 
moyenne,  m,  section  de  la  membrane  réticulée  •  qui  tapisse  la  face  interne  du  tube; 
i",  cylindre  de  soie  ;  gr,  amas  latéraux  de  '  substance  corticale  ou  grès.  Solution 
mercurique,    acide    carminique    aluné    de    Mayer. 

FIG.  10.  Id.  Même  traitement,  v,  vacuoles  semblables  à  celles  qui  entourent 
le  cylindre  de  soie,  5  dans  la  fig  9.  La  substance  corticale  gr  forme  ici  une 
couche   complète  ;    n,   noyau. 

FIG.  11.  Espèce  indéterminée.  Partie  terminale  postérieure  du  tube  glandulaire. 
s,    C3dindre   de   soie;   gr,    couche   de   substance    corticale    ou    grès. 

FIG.  12.  Limnophilus  rhombicus  ou  Jlavicornis.  Limites  des  régions  conductrice 
et   productrice;    brc,    bulbe   ou    renflement   basai    de  la  région  conductrice;  brp,  bulbe 


6o  Gustave   GILSON 

ou  renflement  terminial  de  la  région  productrice;  csf,  couche  striée  du  cytoplasme 
tapissant  la  face  interne  de  la  membraiTe  mince  du  tube  ;  elle  correspond  à  la  cuti- 
cule c  de  la  région  conductrice;  e,  étranglement  séparant  nettement  les  deux  régions. 
Le    cj'lindre   de   soie   présente   une    mince    couche    corticale   épaissie   par  endroits. 

FIG.  13.  Anabdia  nervosa.  Coupe  transversale  de  la  région  terminale  antérieure 
ou  bulbe  de  la  région  productrice.  La  lumière  du  tube  est  entourée  d'une  zone 
radiée  qui  n'est  autre  que  la  couche  est  de  la  fig.  12.  Ses  trabécules  sont  en  con- 
tinuité   avec    des   travées    radiées   du    cytoplasme. 

FIG.  14.  Id.  Portion  d'une  coupe  semblable  à  la  précédente,  mais  plus  voisine 
de  la  portion  conductrice.  La  zone  striée  est  peu  épaisse  et  paraît  constituée  d'un 
simple  dépôt  d'une  substance  d'aspect  homogène  entre  les  extrémités  des  trabécules 
radiées    du    cytoplasme. 

FIG.  15.  Id.  Coupe  passant  près  de  la  limite  des  deux  régions  ;  la  partie 
externe  appartient  à  la  région  conductrice  ;  l'interne  à  la  région  productrice.  La 
couche  striée  présente  en  est  une  protubérance  accompagnée  d'un  léger  enfoncement 
de  la  face  interne  du  tube,  qui  représente  peut-être,  comme  le  tubercule  du  Cossus,  le 
canal  excréteur  de  la  glande  de  Filippi  ?  tr,  trachées  ;  prp,  cellules  à  protoplasme  opaque 
de  la  région  productrice;  prc,  cellules  à    protoplasme    clair    de   la    région    conductrice. 

FIG.  16.  Espèce  indéterminée,  fixée  simplement  par  l'alcool.  Coupe  de  la 
portion  antérieure  de  la  région  conductrice,  sous  le  bulbe;  m,  membrane  interne 
réticulée,  détachée  du  cytoplasme  ;  des  tronçons  des  trabécules  radiées  de  ce  dernier 
demeurent    fixés    sur    elle. 

FIG.  17.  Anabdia  ner\osa  Coupe  du  bulbe  basai  de  la  région  conductrice. 
A  la  zone  striée  de  la  région  productrice  s'est  substituée  une  couche  chitineuse  ne 
présentant  en  section  transversale  d'autres  détails  de  structure  que  des  couches 
concentriques.  Les  travées  radiales  semblent  s'arrêter  contre  cette  couche;  mais  l'examen 
d'une  série  de  coupes  prises  plus  haut  démontre  que  leur  partie  intérieure  y  est 
enclavée    aussi    bien    que    dans   la   zone   striée    du    bulbe    de    la    région    productrice. 

FIG.  .18.  Id.  Tronçon  du  tube  chitineux  de  la  région  conductrice,  bulbe.  On 
y  reconnaît  un  réseau  à  mailles  très  allongées  et  très  obliques;  les  travées  de  ce 
réseau  sont  autant  de  lames  aussi  larges  que  la  couche  chitineuse  de  la  coupe 
précédente;  mais  le  tube  étant  vu  de  face  et  chaque  lame  se  présentant  à  l'œil  par 
son    bord,    on    ne    peut   mesurer    cette    largeur. 

FIG.  19.  Limnophilus  ou  Anabdia  —  incertain.  Coupe  transversale  de  la  canule 
fileuse.  P,  presse;  /,  fil  de  soie  engagée  dans  la  lumière  /  de  la  presse;  mt,  matrice 
cuticulaire,  prolongement  en  avant  de  la  paroi  épithéliale  des  tubes  glandulaires; 
ml,  fibres  musculaires  dont  la  contraction  a  pour  effet  de  relever  le  fond  de  la 
gouttière  qui  déprime  la  cavité  du  tube  chitineux  et  par  suite  de  dilater  la  lumière 
et  de  diminuer  la  pression  que  cette  gouttière  fait  subir  aux  fils  en  vertu  de  la  seule 
élasticité  des  parois  ;  pr,  amas  de  protoplasme  non  différentié  de  la  cellule  musculaire. 

FIG.  20.     Soie  d'un  Limnophilus  indéterminé;  fils  assez  épais,  mince  couche  de  grès. 

FIG.  21.     Fil    de    soie    extrait   de    la    gaîne    d'un    Limnophilus    rhombicus. 


BIBLIOGRAPHIE 


Lépidoptères. 

G.   Gilson   :   La    soie    et   les    appareils    séricigènes;     La    Cellule, 
tome   VL     i""   fascicule. 
Engelmann  &  van  Lidth  de  Jeude  :  Zur  Anatomie  und  Physiologie  der  Spinndriisen  der 

Seidenraupe;    Zool.    Anzeiger,    L    Jahrg.,    n.    5. 
Louis   Blanc  :  Étude    sur    la    sécrétion    de    la    soie,    etc.  ;     Lyon, 
Pitrat     i88g. 
Helm   :   Ueber   die    Spinndrûsen   der  Lepidopteren  ;    Zeit.  f. 
wiss.    Zool.,    Bd     26.    1876. 
Levdig  :  Traité    d'histologie. 


Meckel 

Pictet 

F.    Klapàlek 

Wistinghaitsen 

G.   Gilson 

Loew,  H. 

Duméril 


Hagen 


Frit^  Millier 

Kolbe 

Mac  Lachlan 

de  Sélys-Longchamps 


Trichoptères. 

:   Mikrographie    einiger    Drûsenapparate    des    niederen 

Thiere;    Mull.    Arch.    1846. 
:   Recherches  pour  servir  à  l'histoire  et  l'anatomie  des 

Phryganides;    Genève.    1834. 
:   Untersuchungen   ûber    die  Fauna  der  Gewasser  von 

Bôhmen;    Arch.  f.  Naturwiss.  Landesdurchforschung 

von    Bôhmen,    V.  Band,    n.    5,    Prag.    i888. 
:   Ueber  Tracheenendigung  der  Sericteren  der  Raupe  ; 

Zeit.    f.    wiss.    Zool.,    t.    49,    p.    565. 
:  Étude     comparée     de     la     spermatogénèse    chez    les 

arthropodes;    La    Cellule,    t.    II,    i^    fascicule. 
:   Bemerkungen  liber  die  anatomischen  Verhaltnisse  der 

Neuropteren  ;  in  Germar's  Zeit.  f.  Entomol,  B.  4,  1843. 
:   Rapport   verbal   sur   un   ouvrage   de   F.    G.    Pictet, 

etc.;    Ann.  d.  se.  nat.,    2^  série,    Zool.,  t.   2.    1834. 
:    Phr3'ganea    grandis   und   striata.     Linnae    entomol; 

Bd.    5.    i85i.     • 
:   Beziehung    der    Trichopteren    zu     Schmetterlingen; 

Zeit.    f.    wiss.    Zool.,    t.    35. 
:  Zur    naturgeschichte   der    Phr3'ganae    grandis,     etc; 

Entomol.    Nachrichten,    14.    Jahrgang,    n.    5. 
:  A    revised    list   of   British   Trichoptera,     etc.    Trans. 

entom.    Soc.    London,    1882;    et   nombreuses   publi_ 

cations   dans   l'Entom.  Monthly.  Mag.  et  dans  Soc. 

belge  d'entomologie. 
:  Neuroptera    Belgica   et   Soc.  belge   d'entomologie. 


1 


TABLE  DES  MATIÈRES 


I.     La  Soie   et  les  Appareils   séricigènes. 

■   I.     GLANDES     SÉRICIGÈNES     DES     LÉPIDOPTÈRES 

(appendice.) 


Première  remarque  . 
Deuxième  remarque. 
Troisième  remarque. 


PAG. 

39 
41 


du    tronçon    antérieur 


II      GL.A.NDES     SERICIGENES     DES     TR  I  C  H  OPT  E  R  KS 

Remarques   préliminaires  ... 

Aperçu   anatomique  . 

A.  Tubes  glandulaires 

I"     Portion  postérieure   ou  productrice 

Noyau 

Cytoplasme    . 
Membrane 

Remarques   sur   les   particularités 

2°     Portion    antérieure   ou   conductrice 

B.  Tube  fileur 

Presse 

Tronçon    antérieur 

Remarques  sur  la   soie  et  sa   production 

Résumé        .... 

Explication    des  planches     . 

Bibliographie  .... 


4-^ 

44 

44 

44 

45 
4(> 
47 
48 

49 
53 


55 

55 
56 

59 
6i 


i 


i 

I 


(M 


PhnchelT' 


F^Giei&.&culp- 


DU    MÉCANISME 


DES 


SYMPTÔMES  GASTRO-INTESTINAUX 


DANS     LE 


CHOLÉRA    ASIATIQUE 


PAR 


J.  DENYS        &      CH.  SLUYTS 

PROFESSEUR     d'aNATOMIE     PATHOLOGIQUE  ASSISTANT    AU     LABORATOIRE 


(Mémoire   déposé  /e  27  juillet   iSgS.J 


DU     MECANISME 


PTÔII[8  GnTfiC-IIÏÏSTIiiyi  OIIUECM  ISIfflE 


Dans  un  travail  paru  il  y  a  quelques  mois  et  fait  en  collaboration  avec 
M''  Ch.  Van  den  Bergh(i),  l'un  de  nous  étudia  le  mécanisme  des  symptômes 
gastro-intestinaux  dans  le  choléra  produit  par  le  Bacillus  coli  communis. 

Nous  étions  arrivés  aux  conclusions  suivantes  : 

1^  Introduite  directement  dans  les  tissus,  par  exemple  dans  la  plèvre, 
la  toxine  de  cet  organisme  produit  chez  le  chien  un  véritable  état  choléri- 
forme,  extrêmement  violent.  A  l'autopsie,  on  trouve  une  congestion  intense 
de  tout  le  tractus  digestif,  des  hémorrhagies  interstitielles  de  la  muqueuse 
et  une  desquammation  épithéliale  importante.  Celle-ci  s'opère  pendant  la 
vie  même,  comme  on  peut  le  constater  par  l'examen  des  selles. 

2°  Si,  au  lieu  d'introduire  le  poison  dans  les  tissus,  on  l'injecte  dans 
l'estomac  ou  dans  l'intestin,  on  n'obtient  ni  les  symptômes  gastriques,  ni 
l'intoxication  générale,  ni  les  lésions  de  l'intestin,  alors  même  que  l'on  em- 
ploie des  doses  plusieurs  fois  mortelles  quand  elles  sont  introduites  dans  les 
tissus.  Bien  plus,  on  peut,  par  des  ligatures,  emprisonner  la  toxine  dans 
une  anse  intestinale,  et  la  laisser  en  présence  de  la  muqueuse  pendant  des 
heures,  sans  q.ue  celle-ci  soit  affectée. 

3°  L'absence  d'intoxication  quand  le  poison  est  déposé  dans  le  tube 
digestif  ne  trouve  pas  sa  raison  d'être  dans  une  neutralisation  des  produits 
toxiques  par  le  foie,  au  fur  et  à  mesure  que  ces  derniers  lui  sont  amenés 
par  la  veine-porte. 


(i)     J    Denys  et  Ch-   Van  den   Bergh   :  Sur   le    mécanisme   des   symptômes   gastro-intestinaux  dans 
le  choléra    nostras;    Bull,    de   l'Acad.    de    méd.    de    Belg.,    i8g3. 


68  J    DENYS  &  CH.  SLUYTS. 

4°  Il  faut  admettre  que  les  cellules  épithéliales  de  l'intestin  empêchent 
la  pénétration  du  poison  dans  l'organisme.  D'une  sensibilité  extrême  au 
poison  quand  celui-ci  leur  est  apporté  par  le  sang,  elles  le  supportent 
parfaitement  bien  quand  il  se  présente  à  elles  par  leur  pôle  intestinal. 

Nous  avions  conclu  de  ces  faits  expérimentaux  qu'on  ne  pouvait  pas 
considérer  le  choléra  nostras  comme  dû  à  une  simple  résorption  intestinale, 
mais  qu'il  fallait  admettre  dans  son  développement  deux  actes  successifs  ; 
un  premier,  pendant  lequel  une  certaine  quantité  de  poison,  par  suite  de 
circonstances  encore  obscures,  passait  dans  le  sang,  et  un  second,  commen- 
çant au  moment  où  ce  poison  absorbé  déterminait  la  chute  des  cellules 
épithéliales,  et  ouvrait  les  portes  toutes  larges  au  poison  répandu  déjà  à 
l'état  normal  en  grande  quantité  tout  le  long  du  tractus  intestinal. 

On  pouvait  prévoir  dès  lors  que  des  recherches  portant  sur  le  vibrion 
du  choléra  asiatique  conduiraient  à  faire  admettre  dans  cette  maladie  un 
processus  analogue.  Comme  on  va  le  voir  par  la  suite,  l'expérimentation 
a  confirmé  complètement  cette  conjecture. 


METHODE  SUIVIE. 

La  marche,  que  nous  avons  adoptée  dans  nos  expériences,  ne  diffère 
pas  sensiblement  de  celle  qui  a  été  suivie  pour  étudier  le  mécanisme  du 
choléra  nostras.  Au  fond,  il  n'y  a  de  changé  que  le  microbe. 

Le  bacille-virgule  que  nous  avons  employé  est  le  même  que  celui  qui 
a  servi  aux  recherches  de  l'un  de  nous  sur  les  propriétés  du  poison  du  cho- 
léra asiatique  (i).  Un  essai  de  virulence,  fait  avant  l'ensemencement  de  nos 
milieux  de  culture,  avait  démontré  que  ce  vibrion  avait  conservé  sa  puis- 
sance pathogène,  puisqu'un  centimètre  cube  de  culture  dans  le  bouillon 
tuait  un  lapin  adulte  et  vigoureux  en  dix  heures  de  temps. 

Comme  milieu  de  culture  nous  avons  choisi  le  bouillon.  Nous  aurions 
préféré,  comme  dans  nos  études  sur  le  choléra  nostras,  employer  des  cultu- 
res sur  pomme  de  terre,  mais  celles-ci  sont  laborieuses  à  exécuter  et  four- 
nissent peu  de  matériaux,  tandis  qu'avec  du  bouillon  on  peut  se  procurer 
le  poison  facilement  et  en  quantité  aussi  abondante  qu'on  le  désire  (2). 


(1)  Ch.  Sluyts  :   Sur  les  propriétés   du  poison   du   choléra  asiatique;    La  Cellule,  t.  X,   i8g3. 

(2)  Ch.   Sluyts   t   Op.   cit  . 


CHOLÉRA   ASIATIQUE  69 

L'addition  de  gélatine  favorisant  manifestement  le  développement  du 
bacille-virgule,  nous  avons  adopté  pour  notre  bouillon  la  composition 
suivante  : 

Peptone      .         .         .         .  lo  gr. 

Sel  de  cuisine      ...  5     " 

Extrait  de  viande         .         .  5     " 

Gélatine      .         .         .         .         25     » 

Eau 1000    y 

Ce  bouillon  répond  au  fond  à  la  formule  donnée  par  Gamaleia  (1),  sauf 
que  les  pieds  de  veau  sont  remplacés  par  la  gélatine.  Cette  substitution 
simplifie  beaucoup  la  préparation  du  bouillon.  Ce  dernier,  suivant  les 
conseils  de  Gamaleia,  a  été  versé  dans  des  ballons  de  façon  à  former  une 
couche  de  3-4  centimètres  d'épaisseur,  et  a  été  inoculé  avec  une  culture 
de  vibrion  asiatique  sur  la  pureté  de  laquelle  il  ne  pouvait  y  avoir  le 
moindre  doute. 

Les  ballons  sont  restés  quinze  jours  à  la  couveuse.  Pendant  les  dix 
premiers  jours,  il  se  forma  continuellement  à  leur  surface  des  membranes, 
que  nous  fîmes  tomber  au  fond,  par  agitation,  une  ou  deux  fois  par  jour. 
A  partir  du  dixième  jour,  les  membranes  cessèrent  de  se  former,  et  le 
liquide  séclaircit  dans  sa  partie  supérieure.  Après  que  nous  nous  fûmes 
assurés,  par  un  examen  microscopique,  de  la  pureté  de  nos  cultures,  nous 
les  chauffâmes  pendant  deux  heures,  au  bain-marie,  à  58°-6o°.  C'est  Gama- 
leia encore  qui  donne  ce  conseil  pour  obtenir  des  bouillons  bien  toxiques. 
D'après  cet  auteur,  le  chauffage  fait  sortir  le  poison  des  cadavres  microbiens 
et  augmente  la  toxicité  des  bouillons.  Il  défend  de  chauffer  à  une  température 
supérieure  à  60°,  dans  la  crainte  de  détruire  le  poison.  L'un  de  nous  (2)  a 
démontré  que  cette  crainte  n'est  nullement  fondée,  puisque  une  température 
de  120°  prolongée  pendant  plus  d'une  heure  est  sans  action  sensible  sur  la 
toxine  qui  est  la  cause  des  symptômes  cholériques.  Néanmoins,  nous  avons 
suivi  les  indications  de  Gamaleia,  si  pas  dans  la  crainte  de  nuire  au  poison, 
du  moins  pour  facihter,  si  possible,  sa  sortie  du  corps  des  vibrions.  Nous 
avons  du  reste  eu  constamment  la  précaution  d'agiter  le  bouillon  immédia- 
tement avant  de  l'employer,  afin  d'avoir  en  mains,  pour  nos  injections,  un 
liquide  absolument  identique. 


(1)  Gamaleia    :    Arch.   de   méd,   expérim.,    1892. 

(2)  Ch.  Sluyts  :  Op.  cit. 


70  J.  DENYS  &  CH.  SLUYTS. 

Comme  sujet  d'expérimentation,  nous  avons  choisi  le  chien.  Le  lapin 
et  le  cobaye,  qui  succombent  soit  au  vibrion  vivant,  soit  au  vibrion  tué,  ne 
présentent  pas  le  tableau  cholériforme  ;  ils  n'ont  jamais  de  vomissements. 
Le  premier  de  ces  animaux  présente  à  la  vérité  de  la  diarrhée,  mais  elle  est 
inconstante  et  en  général  pas  profuse  comme  dans  le  choléra  humain  ;  quant 
au  cobaye,  la  diarrhée  fait  presque  toujours  défaut.  Contrairement  à  ces 
deux  animaux,  le  chien  réagit  par  des  symptômes  gastro-intestinaux  bien 
marqués,  et  se  trouve  par  conséquent  désigné  tout  naturellement  pour  ce 
genre  de  recherches. 

Nous  avons  expérimenté  sur  une  quarantaine  de  chiens,  la  plupart  tout 
jeunes.  Toutes  nos  expériences  ont  été  faites  avec  le  même  bouillon,  et  nous 
avons  eu  soin  d'exécuter  le  même  jour  des  expériences  de  diverses  sortes, 
afin  de  pouvoir  mieux  comparer  l'influence  du  lieu  d'introduction. 

Introduction    du    poison    dans   les   tissus    (plèvre,    péritoine) 

On  peut  distinguer  chez  le  chien  trois  degrés  de  l'intoxication  par  la 
toxine  du  bacille-virgule.  Il  importe  de  les  bien  connaître  pour  juger  plus  tard 
sainement  les  suites  de  l'introduction  du  poison  par  le  tube  digestif. 

Ces  divers  degrés  dépendent  avant  tout  de  la  dose  employée;  mais  les 
dispositions  individuelles  ont  aussi  leur  mot  à  dire. 

1*^''  DEGRÉ.  Intoxication  légère,  dose  moyenne  i  à  2  ce.  de  bouillon. 
Deux  à  trois  heures  après  l'injection,  la  température  monte  au-delà  de  40°; 
l'animal  est  abattu;  il  a  quelquefois  un  ou  deux  vomissements  alimentaires 
et  autant  de  selles,  solides  ou  molles,  mais  les  symptômes  gastro-intestinaux 
occupent  l'arrière-plan.  Le  lendemain,  tout  est  rentré  dans  l'ordre,  et  l'autop- 
sie ne  fournit  que  des  résultats  négatifs. 

Voici  quelques  exemples  (1)  : 

CHIEN   I,  jeune,  pesant  1,6  k. 

3,42  heures.  T.R.   38», i.   Injection  dans  la  plèvre  de   i   ce.  de  bouillon. 

3,56         »         Une  selle  moulée. 

4,5o        I)        T.R.  38«,8.  Abattement. 

6,10         »         T.R.  40°, 7.   Une   seconde    selle    moulée    et    une    mélangée    à 

du  mucus. 
8,3o        »        T.R.  40». 

Le  lendemain,  T.R.   380,7.   L'animal  touche  à  peine  au  lait  qu'on  lui   pré- 
sente. Dans  la  journée,  il  rentre  dans  son  état  normal. 


(i)     Inutile   de  dire  que  toutes   nos  opérations  ont  été   faites   avec   l'asepsie    nécessaire. 


CHOLERA    ASIATIQUE  71 

CHIEN    II,  adulte,    pesant    3,5   k. 

II, 3o  heures.    T.R.  380,2.   Injection   dans  la  plèvre   de  2  ce.  de  bouillon. 
12, 3o         »         T.R.  390,6. 

2,3q         II         T.R.  410,3.  Abattement,  une  selle  moulée  et  une  demi-liquide. 

4,3o         I)         T.R.  390,8.   Encore  une  selle  liquide. 
Le  lendemain.  T.R.   39", 3.  Se  porte  bien. 

Une  opération  grave,  telle  que  la  laparotomie,  à  laquelle  nous  serons 
souvent  obligés  de  recourir  plus  tard,  n'empêche  nullement  le  mouvement 
fébrile.  En  voici  la  preuve. 

CHIEN  III,  jeune,   pesant  2,4  k. 

Nous  extrayons  du  ventre  une  anse  de  l'intestin,  sur  laquelle 
nous  jetons  une  double  ligature.   L'anse  étant  replacée  et  le 
ventre  fermé,  nous  injectons  dans  la  plèvre  2  ce.  de  bouillon. 
11,45  heures.    L'injection  est  terminée.  T.R.   370,8. 
12,45         I)         T.R. -380,6. 
2,00        1)         T.R.  400,7. 
3,00         I)         T.R.  410,1. 
7,00        »         T.R.  390,6. 

Ces  différentes  expériences,  que  nous  pourrions  multiplier,  nous  font 
voir  qu'un  à  deux  centimètres  cubes  de  bouillon  suffisent  pour  produire 
dans  l'organisme  une  perturbation  assez  marquée  pour  être  sensible  aussi 
bien  au  thermomètre  qu'à  la  simple  vue. 

2i"e  DEGRÉ.  Intoxicutiou  moyenne,  dose  5  à  20  ce.  de  bouillon.  La 
marche  de  la  température  ne  présente  rien  de  constant;  tantôt  elle  est  nor- 
male, tantôt  elle  monte,  tantôt  elle  descend.  L'abattement  est  intense,  c'est 
une  véritable  prostration;  l'animal  se  plaint  continuellement,  et  la  pression 
sur  le  ventre  rend  les  gémissements  plus  aigus,  ou  les  provoque.  Les  selles 
et  les  vomissements  sont  constants  et  nombreux,  alimentaires  d'abord,  mu- 
queux  ou  aqueux  dans  la  suite.  Les  selles  sont  quelquefois  striées  de  sang. 
Après  plusieurs  jours,  l'animal  se  remet,  ou  il  succombe,  après  que  les 
symptômes  cholériques  se  sont  amendés.  A  l'autopsie,  on  ne  trouve  géné- 
ralement pas  de  lésions  notables  de  l'intestin. 


72  J     DENYS  &  CH.  SLUYTS. 

Voici  deux  exemples  de  ce  degré  d'intoxication  : 

CHIEN  IV,  adulte,  pesant  3,5  k. 

II, 20  heuies.  Injections  de  10  ce.  dans  la  plèvre  droite.  T.R.  37°, 6  (i). 
12,1 5        »        L'animal   a   eu   deux   vomissements   alimentaires. 
12, 3o         11         T.R.    38°, I.    Une    selle   liquide.    Prostration. 

2,3o  I)  T.R.  38°, 3.  Une  deuxième  selle.  Pendant  que  le  ther- 
momètre est  dans  le  rectum,  une  troisième  selle  liquide 
est  propulsée  sous  la  forme  d'un  jet.  Ténesme  intense;  la 
muqueuse   rectale   visible   est    fortement   injectée. 

4,3o         »         T.R.  390,6.  Selle  abondante,-  liquide,  avec  des  flocons  blancs. 
Mucus  renfermant  beaucoup   de   cellules.  Prostration.  L'ani- 
mal   est    tué.    Pas    de   lésions    intestinales,    sauf  une    petite 
érosion   au    commencement   du   duodénum. 
CHIEN    V,    jeune,    pesant   1,9  k.  1 

3,3o  heures.  T.R.  38», 2.   Injections  dans  la  plèvre  de  i5  ce.  de  bouillon. 

3,35         1)         Un  vomissement  et  une  selle  en  partie  moulée,  en  partie  molle. 

3,44  »  Une  deuxième  selle,  liquide.  Prostration  ;  l'animal,  couché  de 
son    long,    se   plaint  sans   cesse. 

3,58         I)         Troisième  selle  molle,    avec  fort  ténesme,    suivie  d'une  qua- 
trième  avec  jet. 
T.R.    380,8. 

Un  deuxième  vomissement,  alimentaire,  très  abondant,  suivi 
d'un   troisième,    aqueux. 

Cinquième   selle,    aqueuse,    en  jet,  avec  des  flocons  blancs. 
T.R.    390.    Toujours   la   même   prostration. 
Sixième    selle,     d'eau    claire,    avec    quelques    rares    flocons 
blancs. 

8,3o        ))        T.R.    380,6.    Septième  selle. 

Le  lendemain,  les  symptômes  gastro-intestinaux  ont  disparu, 
mais  l'animal  est  très  abattu;  il  crie  quand  on  appuie  sur 
son    ventre.    T.R.  38o,3. 

Il  est  tué  dans  l'après-midi  ;  pas  de  lésions,  sauf  quelques 
plis   de   la   muqueuse   du  rectum  congestionnés. 

3"^^  DEGRÉ.  Intoxication  mortelle,  dose  20  ce.  de  bouillon  et  plus; 
quelquefois  moins  chez  les  animaux  très  sensibles.  Au  début,  la  marche  de 
la  température  varie;  plus  tard,  elle  baisse  progressivement  falgidité).  Les 
phénomènes  gastro-intestinaux  sont  généralement  très  intenses.  Les  selles 


4,35 

)) 

4,42 

)> 

4.44 

)) 

6,00 

)) 

6,3o 

» 

(1)  Le  chien  a  été  chloroformé,  afin  d'établir,  comme  on  devait  s'y  attendre  du  reste,  que  la 
chloroformisation,  employée  souvent  dans  nos  expériences,  n'influe  pas  sur  la  marche  de  linloxi- 
cation. 


3,44 

» 

4,20 

» 

4.27 

» 

6,5 

1) 

8,3o 

» 

CHOLERA    ASIATIQUE  73 

deviennent  sanguinolentes  et  renferment  souvent  des  lambeaux  épithéliaux. 
Quelquefois  cependant  on  n'observe  ni  selles,  ni  vomisserhents  (choléra  sec). 
Dans  tous  les  cas,  qu'il  y  ait  des  manifestations  gastro-intestinales  ou  qu'elles 
fassent  défaut,  1" estomac  et  l'intestin  sont  le  siège  de  lésions  profondes  :  con- 
gestion intense,  hémorrhagies  interstitielles  de  la  muqueuse,  érosions,  des- 
quammation  épithéliale.  La  mort  est  l'issue  de  ce  degré. 

Comme  exemples,  nous  produisons  une  injection  dans  la  plèvre,  et  une 
autre  dans  le  péritoine. 

CHIEN    VI,   jeune,    pesant    1,2    k. 

3,42  heures.    T.R.    38", 4.    Injection    de    5    ce.    dans   la    plèvre. 

Une   selle   moulée. 

Une   selle   presque    muqueuse. 

Un   vomissement. 

T.R.    3g", 3.    La    prostration    est   profonde. 

T.R.   380,2.    Une   troisième   selle,    en   partie    muqueuse. 

Le   lendemain,    l'animal    est    trouvé    mort    et    présente    des 

lésions   intenses    du   tractus    digestif. 
CHIEN    VII,    jeune,    pesant    1,1    k. 

4,10  heures.    T.R.  3g°.   Injection  de   10  ce.  de  bouillon  dans  le  péritoine. 

Un    vomissement. 

Un    second   vomissement. 

Un    troisième    vomissement. 

Première   selle,    moulée. 

Deuxième   selle,    mollasse,    abondante;    peu  après,  une  troi- 
sième  selle.    Prostration   profonde. 

Quatrième   selle,    aqueuse,    s'écoulant   par    l'anus    relâché. 

T.R.    37°;    un   liquide   clair   s'écoule   de   temps    en    temps, 

en    petite    quantité,    par   l'anus. 
8,i5         »        T.R.    36",2. 

L'animal    est   tué   et   présente   des    lésions    intestinales,    sur- 
tout  marquées   dans   la  partie   supérieure  de  l'intestin   grêle 

et   dans   le    rectum. 

Cette  dernière  expérience  nous  fournit  un  exemple  typique  d'un  état 
cholériforme  grave.  Il  n'est  pas  douteux  pour  nous,  que  l'animal  aurait  suc- 
combé pendant  la  nuit;  c'est  pour  ce  motif  que  nous  l'avons  tué.  L'intensité 
des  symptômes  et  la  marche  de  la  température  justifiaient  amplement  notre 
pronostic. 

Si  nous  résumons  cette  partie  de  notre  travail,  nous  trouvons  qu'on  peut 

produire  che~  le  chien,  en  déposant  le  poison  dans  une  cavité  séreuse,  tous 

les  symptômes  de  l'intoxication,  depuis  les  plus  légers  jusqu'  aux  plus  graves. 

10 


4,21 

» 

4,40 

)) 

4.55 

» 

5,00 

» 

5,10 

» 

5,i5 

» 

6,00 

)) 

74  J     DENYS  &  CH.  SLUYTS. 

Introduction    du    poison    dans   l'estomac    ou    dans   l'intestin. 

1°     Introduction  du  poison  dans  l'estomac. 

Nous  procédons  comme  il  suit  :  l'animal  est  chloroformé;  nous  introdui- 
sons une  sonde  molle  par  l'œsophage  jusque  dans  l'estomac  et,  au  moyen 
d'une  seringue,  nous  injectons  le  bouillon. 

Nous  avons  administré  des  doses  considérables  : 

Le  CHIEN  VIII   (P.  0,6  K.)  reçoit    i5  ce.  de   bouillon. 

»  IX   (P.   1,4  K.)  »         3o  ce,             » 

»  X   (P.   1,3  K.)  »         60  ce.             » 

»  XI    (P.  2,1  K.)  ))         90  ce.             1) 

1)  XII    (P.  2,5  K.)  1)       100  ce.             I) 

Aucun  de  ces  animaux  ne  montra  le  moindre  signe  d'intoxication.  Re- 
venus de  leur  court  sommeil  chloroformique,  ils  se  montraient  gais  et 
animés  comme  avant  l'opération.  Chez  aucun,  la  température,  prise  sou- 
vent, ne  monta  au-delà  de  39%5.  Généralement,  elle  oscillait  autour  de  38°, 5. 
Aucun  chien  ne  fut  pris  de  vomissement,  et  la  défécation  ne  présenta  rien 
d'anormal. 

2°     Introduction  du  poison  directement  dans  l'intestin. 

Cette  opération  nécessite  une  laparotomie,  exécutée  sur  la  ligne  médiane 
avec  les  soins  antiseptiques  nécessaires.  Une  petite  anse  est  tirée  hors  de 
l'abdomen  et  au  moyen  d'une  aiguille  de  Pravaz,  nous  injectons  le  bouillon 
aussi  bien  vers  le  bout  supérieur  que  vers  le  bout  inférieur. 

Le    CHIEN    XIII    (P.    1,9  K.)    reçoit   45    ce.    de    bouillon. 
))         XIV    (P.    1,4  K.)      »  5o    ce.  )) 

Revenus  de  leur  sommeil  chloroformique,  ces  animaux  ne  montrèrent 
aucun  symptôme  rappelant  le  choléra;  ils  n'eurent  ni  accroissement  fébrile 
de  la  température,  ni  vomissements.  La  défécation  n'offrit  rien  de  spécial. 
Ils  ne  présentaient  pas  leur  vivacité  antérieure,  mais  leur  tranquillité 
s'expliquait  naturellement  par  la  plaie  qu'ils  portaient  au  ventre.  Tout  en 
se  tenant  tranquilles,  ils  avaient  l'intelligence  libre,  suivaient  de  l'œil  et  de 
la  tète  ce  qui  se  passait  autour  d'eux,  ne  poussaient  pas  de  gémissements, 
et  ne  présentaient  pas,  dans  leurs  différentes  poses,  l'attitude  prostrée, 
passive,  paralysée,  des  animaux  injectés  dans  une  séreuse. 

Nous  tuâmes  six  heures  après  l'injection  quelques-uns  des  chiens  qui 
avaient  reçu  le  poison  dans  l'estomac  ou  dans  l'intestin.  Leur  tractus  digestif 


CHOLÉRA   ASIATIQUE  "75 

était  pâle,  et  le  rectum  était  rempli  de  matières  fécales,  normales  pour  l'as, 
pect  et  la  consistance. 

Nous  obtenons  ainsi  des  résultats  tout  différents,  suivant  que  le  poison 
est  introduit  directement  dans  les  tissus  ou  déposé  simplement  à  la  surface  de 
la  muqueuse  digestive. 

Dans  le  premier  cas,  on  reproduit  tout  le  tableau  de  l'intoxication  cho- 
lérique. Même  avec  des  doses  faibles,  5  ce.  (Chien  VI),  on  détermine  quelque- 
fois la  mort  avec  les  lésions  intestinales  caractéristiques. 

Dans  le  second  cas,  une  dose  vingt  fois  plus  forte  non  seulement  ne  tue 
pas  l'animal,  mais  ne  provoque  pas  la  moindre  altération  de  la  santé. 

.  Introduction    du    poison    dans   une    anse   intestinale    liée. 

Dans  le  paragraphe  précédent,  nous  introduisons  le  poison  dans  le  tube 
digestif,  et  il  lui  est  loisible  de  se  répandre  dans  toute  l'étendue  de  celui-ci. 
Il  doit  par  conséquent  s'y  diluer.  Est-ce  peut-être  pour  ce  motif  qu'il  est  sans 
action  sur  la  muqueuse?  On  peut  à  priori  dire  que  non,  car,  quand  la  toxine 
est  introduite  dans  la  plèvre  ou  dans  le  péritoine,  elle  arrive  à  la  muqueuse 
intestinale  à  un  degré  de  dilution  certainement  plus  élevé  encore. 

Néanmoins,  nousavons  voulu  résoudrele  problème  pari' expérimentation 
et  dans  ce  but  nous  avons  emprisonné  le  bouillon  dans  une  anse  intestinale. 
Après  incision  de  la  paroi  abdominale,  nous  tirons  une  anse  de  l'intestin  au- 
dehors,  nous  plaçons  sur  elle,  à  la  distance  de  15  à  20  centimètres,  deux  fils 
forts,  et  dans  le  segment  ainsi  isolé  nous  injectons  le  poison.  L'anse  est 
ensuite  replacée,  l'animal  est  tenu  en  observation,  et  sa  température  est  prise 
à  des  intervalles  rapprochés. 

"Voici  nos  expériences  : 

Le   CHIEN    XV   (P.  1,8 

))  XVI  (P.  1,1 

»  XVII  (P.  1,9 

»        XVIII  (P.  2,0 

Aucun  de  ces  chiens  ne  présenta  d'ascension  fébrile  de  la  température. 
Leur  état  général  ne  rappelait  pas  celui  des  animaux  intoxiqués;  ils  ne 
furent  pas  affectés  de  diarrhée.  Deux  présentèrent  des  vomissements,  mais 
ceux-ci  s'expliquent  très  bien  par  la  constriction  exercée  par  les  ligatures 
sur  les  nerfs  de  la  tunique  intestinale. 

10. 


K.) 

reçoit 

10 

ce. 

de 

bouillon 

K.) 

)) 

10 

ce. 

» 

K.) 

1) 

i5 

ce. 

)) 

K.) 

1) 

i5 

ce. 

» 

^6  J-   DENYS  cS:  CH    SLUYTS. 

Les  quatre  animaux  furent  tués  six  heures  après  l'injection.  L'anse  liée 
était  plus  ou  moins  distendue  par  un  liquide  transparent,  mais  elle  ne  pré- 
sentait ni  congestion,  ni  érosions,  ni  hémorrhagie.  Elle  était  pâle,  comme 
le  reste  de  l'intestin.  Les*  villosités  avaient  conservé  leur  épithélium.  La 
muqueuse  avait  gardé  tous  ses  caractères  normaux,  après  avoir  subi,  pen- 
dant six  heures,  le  contact  d'un  bouillon  e'ininemment  toxique  et  capable, 
après  injection  dans  une  séreuse,  de  provoquer  aux  mêmes  doses  l'intoxication 
mortelle,  avec  des  lésions  intenses  de  tout  le  trac  tus  digestif.  Le  contraste 
devient  encore  plus  frappant,  quand  on  songe  que  l'anse  liée  ne  représentait 
pas  la  dixième  partie  de  la  longueur  totale  de  l'intestin.  Jamais  les  conditions 
naturelles  ne  pourront  placer  le  poison  du  choléra  dans  des  circonstances 
plus  favorables  pour  agir  sur  la  muqueuse,  que  son  emprisonnement  dans 
une  anse  intestinale.  Malgré  cela,  il  se  montre  d'une  impuissance  aussi 
radicale  que  le  poison  du  Bacillus  coli  communis. 

On  pourrait  peut-être  nous  objecter  que  la  toxine  est  détruite  par  les 
ferments  digestifs  :  suc  gastrique  et  suc  pancréatique.  Mais  l'un  de  nous  (i) 
a  démontré  qu'elle  résiste  victorieusement  à  ces  deux  digestions,  même  pro- 
longées pendant  vingt-quatre  heures. 

L'absence    d'intoxication    ne    peut    pas    s'expliquer    par    une 
rétention    dans    le    foie. 

Le  foie  est  placé  sur  le  parcours  de  toute  matière  qui  vient  de  l'estomac 
ou  de  l'intestin  et  on  lui  a  attribué  le  pouvoir  de  retenir  certains  poisons  et 
d'en  débarrasser  l'organisme  (Heger,  Charrin).  L'absence  des  différents 
symptômes  d'intoxication,  tels  que  l'ascension  fébrile  passagère,  ne  pourrait- 
elle  être  due  à  une  neutralisation  exercée  par  ce  viscère  sur  la  toxine  du 
choléra  asiatique?  Dans  cette  hypothèse,  une  certaine  quantité  de  toxine 
pourrait  être  résorbée,  mais  serait  incapable  de  produire  ses  effets,  parce 
qu'elle  ne  dépasserait  pas  l'organe  hépatique. 

Nous  ferons  remarquer  que  dans  ce  cas  on  devrait  trouver  au  moins 
les  lésions  de  la  muqueuse  intestinale,  surtout  de  celle  qui  tapisse  les  anses 
liées,  mais  l'expérimentation  n'est  de  nouveau  pas  d'accord  avec  cette 
hypothèse. 

Le  poison  déposé  dans  le  territoire  de  la  veine-porte,  et  obligé  par  con- 
séquent de  passer  par  le  foie  avant  d'entrer  dans  la  circulation  générale, 


(l)      Ch.     SlUYTS    :     Op.     cit. 


CHOLERA    ASIATIQUE  77 

n'agit  pas  avec  moins  d'intensité  que  celui  que  l'on  injecte  dans  la  plèvre. 
Au  contraire,  nous  lui  avons  trouvé  une  puissance  tout  à  fait  extraordinaire, 
de  façon  que  nous  avons  vu  se  produire  les  intoxications  les  plus  graves  avec 
des  doses,  qui,  introduites  dans  la  cavité  pleurale,  auraient  donné  lieu  tout 
au  plus  à  une  pyrexie  de  courte  durée,  et  peut-être  à  quelques  légères  ma- 
nifestations du  côté  du  tube  digestif. 

Comme  endroit  d'introduction,  nous  avons  choisi  la  rate;  celle-ci  était 
tirée  au-dehors,  et  l'injection  faite  dans  sa  substance  même  au  moyen  d'une 
seringue  de  Pravaz.  Le  liquide  injecté  reste  sur  place  pendant  un  certain 
temps,  comme  on  peut  le  constater  par  la  persistance  des  taches  jaunes  qu'il 
produit  sous  la  capsule.  Il  ne  peut  donc  être  question  d'un  départ  brusque 
et  immédiat  du  poison,  qui  mettrait  le  foie  devant  une  tâche  à  laquelle  il 
ne  pourrait  suffire.  Au  contraire,  ce  départ  a  lieu  lentement  et  graduellement. 

Voici  nos  expériences  : 

CHIEN    XIX,    jeune,    pesant     i,8    K.    T.R.     38",  i.     Injection    dans    la    rate   de    2    ce. 

de   bouillon. 
12, oS  heures.    Injection    terminée. 

2,00         I)         T.R.    33°, 5.    Couché    en    long    dans   une    prostration    pro- 
fonde.   Ne   sait   plus   se   tenir   sur   les   pattes. 
3,00         1)         Trouvé   mort.     N'a    eu   ni    selles   ni    vomissements    (choléra 
sec).    Lésions    marquées  et   caractéristiques  de  l'estomac,  de 
la   partie   supérieure   de   l'intestin  grêle   et  du   gros  intestin. 
CHIEN    XX,    jeune,    pesant   2    K.    T.R.    38°. 

12,25  heures.    Injection   de    i    ce.    Après   l'opération,    T.R.    37°. 
1,45         I)         T.R.    34°, 5.    Prostration  complète,   masses  molles    à  l'anus. 
3,00         I)         Trouvé    mort.    Lésions    comme   le   précédent. 
CHIEN    XXI,   jeune,    pesant    1,2    K.    T.R.    38°, i. 

11,45  heures.    Injection    de   o,5    ce.    Après   l'opération,  la   température  est 

descendue   à    360,7. 
12,00        »        Un  vomissement. 

2,3o         1)         T.R.    3go,5.    Deux    nouveaux   vomissements. 
3,3o         I)         Nausées.    Fort   abattement. 
4,3o         I)         Une   selle. 

5,3o         ))         T.R.    38°, 4.    Le    chien    est   tué.    Lésions  caractéristiques  du 
gros   intestin. 
CHIEN    XXII,    jeune,    pesant    1,7    K.    T.R.  38°,i. 

12,00  heures.    Injection   de   o,25    ce.  Après  l'opération,  la  température  est 

descendue   à    37°. 
12, ig         »         Un  vomissement  alimentaire  et  une  selle  liquide.  Abattement. 
12,35         I)         Nausées. 


78  J    DENYS  &  CH.  SLUYTS. 

12,40  heures.  L'état   nauséeux   persiste. 

12,45         i>         Un   deuxièrrie   vomissement,    aqueux,   coloré   en    vert.    Abat- 
tement  extrême. 
2,3o         »         Trouvé   mort.    Lésions    intestinales    intenses    dans    la    partie 
supérieure   de   l'intestin    grêle,    moindres    dans    la   partie    in- 
férieure, .  bien    accusées    dans   le   gros    intestin. 

Si  nous  récapitulons  ces  dernières  expériences,  nous  voyons  : 
une  dose  de        2  ce.  tuer  en  moins  de  3  heures, 

»  r>  1    ce.  n  y,  2    1 /2     » 

»  r,         C,25  ce.  n  r,  1  1/2     » 

Rappelons  que  ces  doses  déposées  dans  la  plèvre  produisent  une  indis- 
position légère,  et  que  des  doses  lo  fois,  20  fois,  40  fois  plus  fortes,  ne  dé- 
terminent généralement  qu'une  intoxication  moyenne,  dont  l'animal  se 
remet.  Nous  voulons  bien  admettre  que  la  résorption  dans  la  rate  est  peut- 
être  plus  rapide  que  dans  la  plèvre;  mais  nous  croyons  aussi  que  l'on  doit 
admettre  que  le  foie  n'exerce,  comme  organe  emmagasinant  la  toxine  du 
choléra,  aucune  action  appréciable.  Si  ce  viscère  était  chargé  de  ce  rôle,  il 
aurait  dû,  nous  semble-t-il,  retenir  facilement  le  poison  contenu  dans  0,25  ce. 
de  bouillon,  ou  tout  au  moins  lui  enlever  son  action  réellement  foudroyante. 

Nous  concluons  :  la  rétention  de  la  toxine  du  choléra  asiatique  dans  le 
foie  ne  peut  pas  expliquer  l'innocuité  des  hautes  doses  de  bouillon  introduites 
dans  le  tractus  digestif. 

Ajoutons  que  chez  deux  chiens  nous  avons  injecté  dans  la  rate  0,5  et 
1  ce.  d'eau  salée  physiologique,  sans  voir  cette  opération  suivie  d'aucun 
effet  particulier. 

CONCLUSIONS. 

Nous  ne  pouvons  que  répéter  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut,  à  savoir 
que  la  toxine  du  vibrion  asiatique  se  comporte  dans  l'intestin  comme  celle 
du  coli-bacille.  La  muqueuse  saine  se  refuse  à  l'absorber,  et  supporte  son 
contact  sans  se  laisser  entamer,  bien  entendu  si  le  poison  se  présente  du 
côté  de  la  lumière  du  tractus  digestif.  Quand  il  peut  aborder  la  muqueuse 
par  sa  face  profonde,  il  y  exerce  au  contraire  les  ravages  les  plus  profonds  : 
congestion,  hémorrhagie,  desquammation  épithéliale. 

I^a  conséquence  qui  se  dégage  de  ces  faits,  c'est  qu'il  n'est  pas  permis 
de  se  représenter  l'intoxication  cholérique  comme  la  résultante  d'un  acte 


CHOLERA    ASIATIQUE  79 

unique,  d'une  simple  absorption  par  la  muqueuse  digestive  d'un  poison  qui 
s'est  formé  accidentellement  dans  le  tube  digestif,  par  suite  de  la  pénétration 
d'un  microbe  spécial.  Le  tractus  digestif  supporte,  chez  le  chien,  des  doses 
plusieurs  fois  mortelles  de  poison,  sans  en  laisser  pénétrer  assez  dans  le  corps 
pour  produire  la  moindre  réaction  appréciable.  Nous  ne  pouvons  pas  douter 
qu'il  en  soit  de  même  chez  l'homme,  car  les  lois  de  l'absorption  sont  des 
lois  générales.  Du  reste,  nous  savons  que  la  muqueuse  se  refuse,  à  l'état 
normal,  à  absorber  une  toxine  pour  ainsi  dire  identique  à  celle  du  choléra 
asiatique,  la  toxine  du  Bacilhis  coli  coniniunis,  qui  est  l'hôte  constant  du 
tube  digestif  et  qui  y  élabore  sans  cesse  son  poison. 

La  manière  dont  se  comporte  la  muqueuse  digestive  est  loin  d'éclaircir 
la  pathogénie  du  choléra,  elle  est  plutôt  faite  pour  jeter  plus  d'obscurité 
encore  sur  ce  processus.  Non  seulement  l'homme  peut  avaler  impunément, 
la  plupart  du  temps  du  moins,  comme  l'ont  démontré  des  expériences  ré- 
centes et  nombreuses,  les  bacilles-virgules  vivants,  mais  on  doit  admettre 
que  son  intestin  tolère  des  quantités  considérables  de  toxine,  sans  que  son 
fonctionnement  ou  celui  de  l'économie  entière  en  soit  troublé. 

Au  début  de  la  notion  microbienne  du  choléra,  on  pouvait  se  représenter 
l'explosion  de  la  maladie  d'une  façon  très  simple.  Le  sujet  avalait  le  microbe; 
celui-ci,  arrivé  dans  l'intestin,  y  pullulait,  y  élaborait  sa  toxine  et  celle-ci 
passait  dans  le  sang,,  absorbée  comme  le  sont  la  peptone  ou  le  glucose. 
Depuis  quelque  temps  déjà,  on  a  dû  abandonner  une  partie  de  cette  concep- 
tion facile,  et  il  a  été  établi,  par  des  faits  nombreux,  que  le  vibrion  asiatique 
peut  traverser  le  tube  digestif  sans  donner  lieu  à  l'explosion  de  la  maladie. 
Mais  voici  plus  :  l'autre  partie  de  la  conception,  celle  de  la  simple  absorp- 
tion, ne  résiste  pas  davantage  à  l'expérimentation,  et  il  ne  suffît  nullement 
que  l'intestin  renferme  le  poison,  pour  que  l'intoxication  s'en  suive;  il  faut 
admettre,  au  contraire,  que  ce  dernier  peut  en  supporter  impunément  des 
quantités  extraordinaires.  Mais  comment  se  figurer  alors  la  genèse  du 
choléra? 

Nous  nous  permettrons  de  formuler  une  hypothèse,  qui  d'un  côté  a 
l'avantage  de  se  concilier  avec  les  résultats  de  l'expérimentation  et  de  l'autre, 
n'est  pas  en  contradition  avec  les  faits  cliniques.  Les  expériences  sur  le 
chien  ne  permettent  pas  d'admettre  la  résorption  du  poison  par  la  muqueuse 
intacte.  En  outre,  rien  ne  nous  autorise  à  admettre  que  le  vibrion  sécrète  une 
substance  qui  altérerait  la  muqueuse  et  lui  enlèverait  ses  qualités  protectrices. 
Car  pourquoi  ne  trouverions-nous  pas  cette  substance  dans  le  bouillon?  Il 


80  J    DENYS  &  CH.  SLUYTS. 

est  donc  nécessaire  que  le  microbe  parvienne  à  se  développer  préalablement 
sur  une  surface  ou  dans  un  organe  qui  laisse  passer  le  poison.  Où  pouvons- 
nous  trouver  cette  surface  ou  cet  organe?  Ne  serait-ce  pas  parmi  les  glandes 
annexées  au  tube  digestif  :  le  foie,  le  pancréas,  qui  communiquent  direc- 
tement avec  la  cavité  intestinale.  Dans  cette  hypothèse,  le  vibrion  serait 
à  même  de  développer  son  action  pathogène  du  moment  qu'il  pourrait 
pénétrer  dans  les  canaux  excréteurs  de  ces  glandes,  s'y  développer,  et  y 
élaborer  son  poison.  Celui-ci  serait  résorbé,  passerait  dans  le  sang;  de  là, 
il  agirait  a  tergo  sur  les  cellules  épithéliales,  les  ferait  tomber,  et,  dès  lors, 
les  voies  d'absorption  les  plus  puissantes  de  toute  l'économie  étant  ouvertes, 
le  poison  ferait  irruption  par  toute  la  muqueuse  digestive  et  produirait 
l'intoxication  si  profonde,  si  rapide,  du  choléra  asiatique.  Il  est  entendu  que 
l'absorption  porterait  également  sur  la  toxine  du  coli-bacille  et  que  celle-ci 
continuerait,  au  besoin,  l'action  du  bacille-virgule.  Ainsi  s'expliquerait  la 
persistance  de  l'état  cholériforme,  alors  que  les  bacilles-virgules  sont  devenus 
très  rares,  et  que  la  flore  du  tube  digestif  est  presque  uniquement  réduite 
au  Bacillus  coli  commitnis. 

En  lin  mot,  Hntoxication  par  le  vibrion  asiatique,  comme  celle  du 
choléra  nostras,  comprendrait  deux  actes,  dont  le  premier  se  jouerait  dans 
un  organe  laissant  filtrer  le  poison,  et  le  second,  dans  l'intestin. 

Nous  le  répétons,  notre  but  est  de  présenter  une  hypothèse  qui  tient 
compte  desdonnéesde  l'expérimentation.  Il  faudra  évidemment  de  nouvelles 
recherches  pour  établir  si  elle  est  vraie  ou  fausse,  ou  si  elle  doit  être  mo- 
difiée. Mais  elle  aura  peut-être  l'avantage  de  contribuer  à  éclaircir  le  mys- 
tère de  l'intoxication  cholérique. 


Tout  récemment,  Emmerich  et  Tsuboi  fi)  ont  attribué  l'action  toxique 
du  vibrion  du  choléra  asiatique  aux  nitrites  que  ce  microbe  produit  par  réduc- 
tion des  nitrates.  Ces  auteurs  font  remarquer  d'abord  que  cet  organisme, 
mieux  que  tout  autre,  possède  la  propriété  d'opérer  cette  transformation 
(Pétri);  en  outre,  l'alimentation  introduit  dans  le  tube  digestif,  surtout  par 
certains  légumes,  des  quantités  de  nitrates  relativement  considérables  et 
amplement  suffisantes  pour  déterminer,  après  leur  réduction,  un  empoison- 


(i)     R.    Emmerich    et    ].    Tsuboi    •    Tiic  Choiera   asiatica,  einc  Jiircli  Cliolerabacillcn    verursac/ite 
Nitritvcfgiftuiig ;  d'après    le   Centr,    f.    Bakt  ,    B.    XIV,    N"   4/5,    i8y3. 


CHOLÉRA    ASIATIQUE  8l 

nement  mortel.  Opérant  sur  des  lapins,  des  cobayes  et  des  chiens,  ils  ont 
provoqué  avec  le  nitrite  de  sodium  un  état  cholériforme  identique  à  celui 
déterminé  par  le  vibrion  lui-même  :  vomissements,  diarrhée,  cyanose, 
chute  de  la  température,  convulsions.  L'intestin  du  chien  fut  trouvé  quel- 
quefois injecté  par  places  et  ecchymose;  dans  ce  cas,  le  contenu  intestinal 
était  légèrement  sanguinolent. 

Les  résultats  que  nous  avons  obtenus  semblaient  peu  se  concilier  avec 
l'opinion  d'EiviMERiCH  et  de  Tsuboi. 

Nous  ferons  remarquer  d'abord  que  nous  obtenons  des  effets  très  pro- 
noncés, la  mort  même,  avec  des  doses  qui  paraissent  complètement  incom- 
patibles avec  un  empoisonnement  par  des  nitrites.  Ainsi  les  chiens  VI 
(poids  1 ,2  k.)  et  VII  (poids  i,i  k.)  succombent  à  l'administration  intra-pleu- 
rale  de  5  ce.  et  de  10  ce.  de  bouillon.  Soyons  larges  et  admettons  que  notre 
bouillon  renferme  2  0/00  de  nitrite  ;  cela  fait  pour  le  premier  chien  i  centi- 
gramme et  pour  le  second  2  centigrammes  du  sel.  Peut-on  admettre  que 
cette  quantité  ait  été  suffisante  pour  produire  l'état  cholériforme  et  la  mort, 
alors  que  les  savants  de  Munich  fixent  eux-mêmes  la  plus  petite  dose  cholé- 
rigène  à  o,3  gr.  ?  La  supposition  devient  encore  plus  improbable,  quand  on 
examine  l'effet  de  l'injection  du  bouillon  dans  la  rate  (chiens  XIX,  XX 
et  XXI II.  Nous  obtenons  dans  ce  cas  le  tableau  cholériforme  et  la  mort 
avec  2  ce,  i  ce.  et  0,25  ce.  En  admettant  toujours  la  proportion  de  2  0/00 
de  nitrite  dans  notre  bouillon,  nous  aurions  produit  le  choléra  avec 
4  milligr.,  2  mill.et  un  demi-milligramme  de  nitrite.  Tout  cela  nous  paraît 
invraisemblable  et  trahit  l'action  d'une  toxalbumine  plutôt  que  celle  d'un 
"composé  salin  inorganique. 

Autre  considération  :  le  chien,  si  sensible  au  poison  cholérigène  quand 
il  est  déposé  dans  ses  tissus,  en  supporte  des  quantités  considérables,  sans 
le  moindre  trouble  de  la  santé,  quand  le  poison  est  introduit  dans  le  tube 
digestif.  Les  nitrites  étant  des  cristallo'ïdes,  c'est-à-dire  des  corps  doués  de 
la  propriété  de  diffuser  à  travers  les  membranes,  comment  expliquerait-on 
la  tolérance  pour  les  fortes  doses  déposées  dans  l'estomac  et  dans  l'intestin? 
Cette  tolérance  singulière  n'indique-t-elle  pas  plutôt  une  substance  non  dia- 
lysable,  telle  qu'une  toxalbumine  ? 

Enfin,  nous  avons  fait  nous-mêmes  quelques  empoisonnements  avec  le 
nitrite  de  potassium,  sans  obtenir  cette  ressemblance  complète  avec  le  cho- 
léra, signalée  par  Emmerich  et  Tsuboi. 


82 


J    DENYS  &  CH.  SLUYTS, 


A  trois  chiens  de  4  k.  environ,  nous  injectons  dans  l'estomac  : 
10  ce.  d'une  solution  à  1  0/0. 
3o  ce.  » 

40  ce.  « 

L'injection  a  lieu  vers  2  h.  de  l'après  midi;  pendant  tout  le  reste  du 
jour,  les  animaux  sont  blottis  dans  un  coin,  ils  sont  abattus  et  ne  prennent 
pas  de  nourriture.  Ils  n'ont  ni  vomissements,  ni  diarrhée.  Ainsi,  ils  se 
comportent  tout  autrement  que  les  chiens  qui  reçoivent  dans  l'estomac  le 
bouillon  du  choléra  asiatique.  Revenus  de  leur  sommeil  chloroformique, 
ces  derniers  se  comportent  absolument  comme  des  chiens  normaux  :  ils 
mangent,  ils  jouent,  ils  courent  à  droite  et  à  gauche. 

Les  chiens  précédents  ne  présentent  rien  de  comparable  au  choléra. 
Chez  les  suivants,  de  même  poids,  nous  notons  un  symptôme  cholériforme  : 
le  vomissement  ou  du  moins  les  nausées. 


CHIEN   XXVI. 

11,40 

II, 5o 

12,7 

Ï2,25 

CHIEN  XXVII. 

11,48 

12 

12,5 

CHIEN  XXVIII. 

11,56 

11,58 

12,5 

12,12 

12, l5 

11,40  heures.     Injection   dans   Yestomac  de  5o  ce.   d'une  solution  de 

nitrite   à    2   0/0. 
I)  Un   vomissement. 

»  Un    second   vomissement.    Abattement. 

1)  Meurt   sans    crampes. 

I)  Injection    dans    le  péritoine    de    5    ce.    de    la    même 

solution. 
I)  Nausées    avec   salivation.    Abattement. 

»  Meurt   sans    crampes. 

i)  Injection    dans    le  péritoine    de    5o    ce.    de   la    même 

solution. 
))  Une   selle   moulée. 

»  Trois   vomissements    alimentaires   consécutifs. 

»  Nausées   violentes,    ata.xie    des    mouvements.    . 

»  Meurt   sans    crampes. 


Ces  chiens  nous  présentent  des  nausées  et  des  vomissements,  mais  la 
diarrhée  fait  défaut  chez  tous.  En  outre,  à  l'autopsie,  nous  n'avons  dans 
aucun  cas  trouvé  les  lésions  qui  ne  font  jamais  défaut  dans  l'intoxication 
cholérique  mortelle  chez  le  chien  et  qui  se  produisent  si  rapidement  :  la 
congestion  intense,  les  hémorrhagies,  la  desquammation  épithéliale.  Chez 
tous  les  animaux,  la  muqueuse  était  pâle.  Nous  nous  trouvons  donc  loin  de 
l'identité  proclamée  par  Emmerich  et  Tsuboi. 

Enfin,  disons  encore  que  dans  une  anse  liée  nous  avons  injecté  5  ce. 


CHOLÉRA    ASIATIQUE  83 

de  la  solution  à  2  o/o,  sans  obtenir  les  altérations  de  la  muqueuse,  et  à  un 
autre  animal  i  ce.  de  la  solution  à  i  o/o  dans  l'épaisseur  de  la  rate,  sans 
produire  aucun  signe  d'empoisonnement,  ce  qui  diffère  des  eflfets  fou- 
droyants obtenus  à  cette  dose  avec  la  culture  de  vibrion. 

L'hypothèse  d'EMMERicH  et  de  Tsuboi  est  donc  loin  de  s'harmoniser 
avec  les  faits.  Du  reste  alors  même  que  ces  auteurs  auraient  prouvé  l'iden- 
tité des  symptômes,  nous  estimons  qu'ils  n'auraient  pas  encore  établi  que  la 
nocivité  du  vibrion  cholérique  réside  dans  les  nitrites,  car  un  appareil  peut 
réagir  de  même  façon  vis-à-vis  de  substances  très  différentes.  Contentons- 
nous  de  rappeler  le  choléra  dû  au  tartre  stibié  et  à  l'arsenic.  Personne  ne 
s'avisera  de  chercher  le  principe  actif  du  vibrion  cholérique  dans  l'antimoine 
ou  l'arsenic.  Gardons-nous  donc  de  conclure  que  les  nitrites  sont  l'agent 
toxique  du  bacille-virgule,  parce  que  leur  action  se  rapproche  ou  même 
serait  identique  à  celle  de  cet  organisme. 


CONTRIBUTION 


A    L ETUDE    DU 


Développement  Organique  et  Histologique 

DU  THYMUS, 
DE  LA  GLANDE  THYROÏDE  ET  DE  LA  GLANDE  CAROTIDIENNE 


PAR 

A.    PRENANT 

AGRÉGÉ   A    LA    FACULTÉ   DE     MÉDECINE    DE    NaNCY 


{Mémoire   déposé  le    lo  juin    1893.) 


u 


CONTRIBUTION 

A   l'Étude   du 


DÉVELOPPEMENT  ORGANIQUE  ET  HISTOLOGIQUE 

DU  THYMUS,  DE  LA  GLANDE  THYROJDE  ET  DE  LA  GLANDE  GAROTIDIENNE 


BUT,  MATÉRIAUX  DÉTUDE  ET  MÉTHODES. 

Le  présent  travail  fait  suite  à  une  étude  publiée  récemment  sur  l'origine 
du  thymus  et  de  la  thyroïde  latérale(i).  Nous  y  avions  examiné  les  premiers 
développements  de  ces  deux  organes.  Mais  nous  avions  négligé  l'examen  de 
leur  évolution  ultérieure.  D'autre  part,  nous  étions  entièrement  demeuré 
sur  le  terrain  anatomique,  et  faute  de  matériaux  traités  par  des  réactifs 
convenables  pour  une  étude  histologique,  nous  avions  dû  complètement 
laisser  de  côté  l'histogenèse  des  ébauches  du  thymus  et  de  la  thyroïde  laté- 
rale pour  nous  limiter  â  leur  organogénèse.  Ce  n'était  pas  sans  regretter  ne 
pouvoir  nous  livrer  à  ces  recherches  histogénétiques,  dont  nous  faisions  res- 
sortir l'intérêt  en  disant  :  "  L'histologie  de  ces  ébauches  a  toujours  été  négli- 
gée, et  ce  ne  sont  nf  les  dessins  de  Kastschenko,  ni  ceux  de  de  Meuron, 
ni  ceux  même  de  Piersol  qui  peuvent  être  considérés  comme  suffisants  au 
point  de  vue  histologique.  La  question  demeure  donc  entière.  Outre  qu'elle 
serait  intéressante  à  traiter  au  point  de  vue  spécial  de  la  genèse  du  thymus 
et  de  la  glande  thyroïde  latérale,  pour  lesquels  les  données  histogénétiques 
nous  paraissent  inséparables  des  faits  orgahogénétiques,  elle  éclairerait  sin- 
gulièrement l'histoire  de  l'origine  des  tissus  conjonctifs,  du  tissu  lymphoïde 
en  particulier,  et  permettrait  peut-être  d'apporter  des  faits  probants  à  l'appui 
de  la  doctrine  des  tissus  apothéliaux,  telle  que  C.  Rabl  l'a  récemment  for- 
mulée. :»  {Loc.  cit.,  p.  220,  note  i.j 


(il    A.   Prenant   :   Annotjtions    sur   le  développement    du   tube    digestif  des    mammifères;    Journal 
de   Tanatomie   et   de   la  physiologie.    1892. 


88  A.    PRENANT 

D'après  ce  qui  précède,  le  présent  travail  a  été  entrepris  dans  le  but  de 
satisfaire  à  un  triple  desideratum.  11  nous  fallait  en  premier  lieu  poursuivre 
le  développement  organique  des  formations  dont  nous  ne  connaissions  que 
la  première  apparition.  En  outre,  nous  désirions  apporter  une  nouvelle  con- 
tribution à  l'histogenèse  des  organes  dérivés  des  fentes  branchiales,  qui 
n'avait  été  jusqu'alors  l'objet  d'aucun  travail  spécial.  Enfin,  nous  nous  pro- 
posions de  faire  servir  cette  étude  histogénétique  à  la  connaissance  de  la 
genèse  des  tissus  lymphoïdes,  actuellement  si  controversée. 

La  question  d'organogénèse  et  celle  d'histogenèse  spéciale  se  sont  élar- 
gies, relativement  à  ce  qu'elles  auraient  dû  renfermer,  si  elles  avaient  été 
simplement  la  suite  des  recherches  consignées  dans  notre  précédent  travail, 
parce  qu'il  nous  a  fallu  y  comprendre  deux  organes  autres  que  le  thymus 
et  la  thyroïde  latérale,  savoir  la  glande  carotidienne  et  la  thyroïde  médiane, 
à  cause  des  relations  étroites  qui  unissent  primitivement  ces  diverses  forma- 
tions, ou  qui  s'établissent  de  bonne  heure  entre  elles. 

Par  contre,  si  notre  sujet  s'élargissait  de  la  sorte,  nous  avons  restreint 
les  matériaux  de  notre  travail,  en  ce  sens  que  nous  avons  préféré  étudier  un 
seul  type  aussi  complètement  que  possible,  plutôt  que  de  disséminer  nos 
observations  sur  plusieurs.  Nos  recherches  ont,  en  effet,  porté  uniquement 
sur  des  embryons  de  mouton,  dont  nous  avons  examiné  les  stades  suivants(i)  : 
E.  de  8  mm.  —  9  mm.  —  lo  mm.  —  deux  E.  de  14  mm.  —  E.  de  15  mm. 

—  16  mm.  —  17  mm.  —  18  mm.  —  20  mm.  —  22  mm.  —  24  mm.  —  quatre 
E.  de  25  mm,  —  E.  de  26  mm.  —  trois  E.  de  28  mm.  —  E.  de  30  mm.  — 
37  mm.  —  40  mm.  —  55  mm.  —  60  mm.  —  70  mm.  —  77  mm.  —  80  mm. 

—  85  mm.  —  90  mm.  —  100  mm.  —  105  mm.  —  110  mm.  —  1 14  mm.  • — 
Fœtus  de  30  cm.  —  Fœtus  de  40  cm.  Fœtus  presque  à  terme.  —  Fœtus 
à  terme. 

Parmi  ces  embryons,  les  uns  ont  été  traités  par  le  liquide  de'KLEiNEN- 
BERG,  quelques-uns  par  le  bichromate  de  potasse  à  1  0/0  ou  par  l'alcool;  le 
plus  grand  nombre  ont  été  fixés  par  le  liquide  de  Flemming,  soit  in  toto 


1)    Comme    le    lapin    est    un    des    animaux    sur    lesquels    la    thyroïdectomie    est    le  plus    souvent 

pratiquée,    et   comme    les   données  embryologiques    peuvent    être   d'un    utile    secours   dans  l'appréciation 

des  résultats  de   la  physiologie  expérimentale,    nous    nous   proposons    de   rechercher    plus  tard    si,    chez 

le  lopin,  le  développement  du  thymus,  de  la  glande  carotidienne  et  de  la  thyroïde  s'opère  de  la 
même    façon   que  chez   la   brebis. 

Nous   compléterons   encore   ces   recherches,   si    nous   en    avons    le   loisir,    par   l'examen  d'embryons  de 

porc,  afin  de  vérifier  les  observations  des  auteurs  qui  nous  ont  précédé  sur  cet  objet  déjà  plusieurs 
fois   étudié. 


DÉVELOPPEMENT   DU    THYMUS  89 

pour  les  plus  petits  embryons,  soit  le  tronc  ayant  été  séparé  de  la  tète  pour 
les  embryons  plus  volumineux,  soit  enfin  après  dissection  préalable  des 
organes  à  étudier  pour  les  stades  âgés.  Les  pièces  traitées  par  le  liquide 
chromo-acéto-osmique  ont  seules  été  utilisées  pour  l'étude  des  dispositions 
histologiques  fines,  tandis  que  les  autres  ont  été  réservées  à  l'examen  des 
relations  anatomiques. 

Les  objets  destinés  à  être  examinés  au  point  de  vue  anatomique,  à  de 
faibles  grossissements,  ont  été  généralement  colorés  en  totalité  par  le  carmin 
boracique  de  Grenacher.  Ceux  qui  avaient  été  fixés  par  la  liqueur  de 
Flemming  et  sur  lesquels  devaient  porter  les  examens  histologiques  à 
l'aide  d'objectifs  forts,  ont  été  colorés  sur  plaque  par  différentes  méthodes, 
telle  que  safranine-orange,  safranine-bleu  d'aniline,  induline-safranine, 
safranine-vert  d'aniline,  et  le  plus  souvent  par  le  procédé  de  triple  colora- 
tion dû  à  Flemming(0. 


(i)     Flemming  :  Neue  Bdtràge  ^ur  Kenntniss  der  Zelle,  II.  Th.  ;  Arch.  fûr  mikr.  Anat.,  Bd.  XXXVII, 
H.    4,   et    Ueber    Tlieilung   iind  Keniformen  bei  Leukocyten   und  ûber  deren    Altractionssphàren;    Ibid. 


Thymus   et   Glande    Carotidienne. 

Il  est  aujourd'hui  reconnu  que  le  thymus  a  pour  ébauche  la  troisième 
poche  entodermique  branchiale;  que  la  plus  grande  partie,  le  corps,  de  cet 
organe  est  fournie  par  un  prolongement  coudé  de  la  poche  branchiale;  que 
celle-ci  même  est  employée  à  former  la  portion  proximale  ou  tète  du  thymus; 
qu'enfin  la  troisième  ppche  branchiale  donne  encore  naissance  à  une  forma- 
tion spéciale,  que  plusieurs  auteurs  ont  considérée  comine  l'ébauche  de  la 
glande  carotidienne. 

Nous  examinerons  d'abord  l'organogénèse  et  l'histogenèse,  encore  très 
controversées,  de  la  glande  carotidienne.  Viendront  ensuite  quelques  parti- 
cularités relatives  au  développement  de  la  tête  du  thymus.  Les  premiers 
développements  du  corps  du  thymus,  n'ayant  plus  guère  de  secrets  à  livrer, 
ne  nous  occuperont  que  peu.  Nous  terminerons  par  l'histogenèse  du  thymus. 

1"     Glande  carotidienne  (organogé}iie  et  histogénie). 

L'organe,  formé  par  la  troisième  poche  branchiale,  qui,  aux  yeux  de 
quelques  auteurs  et  d'après  notre  opinion,  représente  l'ébauche  de  la  glande 
carotidienne,  a  été  découvert  par  Stieda  (79)  chez  les  embryons  de  porc  et  de 
brebis.  C'est  un  ^  corps  triangulaire  "  placé  sur  le  trajet  de  la  fente  branchiale, 
à  l'endroit  où  de  celle-ci  part  le  diverticule  qui  donne  naissance  au  thymus. 
Ce  corps,  Stieda  l'a  parfaitement  vu  s'isoler  de  l'épithélium  branchial,  se 
placer  entre  le  thymus  et  la  cavité  du  pharynx,  et  constituer  un  organe 
arrondi,  c[u'il  suppose  être  la  glande  carotidienne  [loc.  cit.,  p.  19),  bien  qu'il 
ne  l'ait  pas  suivi  dans  son  évolution  ultérieure.  La  fig.  5  de  la  Pl.  II  montre 
le  rudiment  de  la  glande  carotidienne  chez  un  embryon  de  brebis  de  1 1  mm. 
Stieda  représente  ensuite  l'ébauche  carotidienne,  Pl.  II,  fig.  8  et  10,  chez 
des  embryons  de  brebis  de  15  et  de  18  mm.,  comme  attachée  à  la  glande 
thyro'idienne  latérale,  laquelle,  on  le  sait  depuis  Stieda  même,  dérive  de  la 
quatrième  poche  branchiale.  Les  figures  8  et  10  ne  peuvent  donc  se  rapporter 


g2  A.    PRENANT 

au  même  objet  que  celui  que  montre  la  fig.  5,  puisque  ce  dernier  est  en 
rapport  avec  le  thymus  (dérivé  de  la  troisième  poche  branchiale),  tandis  que 
l'organe  des  fig.  8  et  10  est  en  relation  avec  l'ébauche  thyro'idienne  latérale. 
Stieda,  en  réalité,  a  fait  une  confusion  entre  deux  fentes  branchiales  succes- 
sives, ce  qui  lui  a  fait  confondre  en  outre  deux  organes  d'aspect  identique, 
produits  par  l'une  et  l'autre  fente  d'une  façon  indépendante.  Ce  qu'il  nomme 
et  figure  tour  à  tour  comme  glande  carotidienne,  c'est  d'abord  l'organe 
dérivé  de  la  troisième  poche  branchiale,  Pl.  II,  fig.  5;  puis,  un  épaississe- 
ment  de  la  quatrième  poche  entodermique,  annexe  à  l'ébauche  thyro'idienne 
latérale  ou  accessoire  qui  dérive  de  cette  poche,  Pl.  II,  fig.  8  et  10(i). 

Ce  même  organe  de  la  troisième  poche  branchiale  a  été  retrouvé  par 
C.  Rabl  (50)  et  par  Fischelis  (20j,  qui  l'ont  désigné  comme  le  rudiment  de 
la  glande  carotidienne.  —  Il  a  été  observé  aussi  par  Kastschenko  (37)  et  par 
Piersol(57),  qui  l'ont  fait  entrer  dans  la  constitution  de  la  tète  du  thymus. 
Kastschenko  l'a  nommé  «  nodule  thymiquer  et  l'a  décrit,  précisant  sa  struc- 
ture et  sa  situation,  comme  une  masse  d'épithélium,  envahie  par  du  tissu 
conjonctif,  située  au  sommet  de  la  courbe  décrite  par  la  troisième  fente 
épithéliale,  au  voisinage  de  cette  partie  du  sinus  praecervical  que  représente 
la  troisième  poche  épidermique.  —  de  Meuron  (5  0  et  nous-mème  (Sg)  dans 
notre  précédent  travail  avons  aussi  constaté  son  existence.  C'est  à  de  Meu- 
ron que  revient  réellement  le  mérite  d'avoir  découvert  que  cet  organe  est 
un  épaississement  de  l'épithélium  de  la  poche  branchiale;  mais,  pour  n'avoir 
pas  suivi  l'évolution  ultérieure  de  cette  formation  sur  des  embryons  d'un  âge 
suffisamment  avancé,  il  n'a  pu  que  supposer  en  elle  la  glande  carotidienne. 
Nous  avions  dû  précédemment  être  plus  réservé  encore,  nous  borner  à  con- 
stater l'origine  de  ce  corps  telle  que  de  Meuron  l'avait  reconnue,  sa  consti- 
tution toute  spéciale,  ses  rapports  étroits  avec  la  tête  du  thymus.  Nous 
croyons  pouvoir  affirmer  aujourd'hui  qu'il  n'est  autre  que  la  future  glande 
carotidienne. 

A  côté  des  auteurs  qui  soutiennent  la  participation  de  l'épithélium 
branchial  soit  de  la  troisième  poche  entodermique  (Stieda,  Rabl,  de  Meu- 
ron, nous),  soit  de  la  quatrième  poche  (Stieda),  à  la  constitution  de  la  glande 
carotidienne,  se  placent  des  auteurs  qui  nient  cette  participation,  ou  bien 
qui  admettent  pour  la  glande  une  genèse  toute  différente. 


(i)  Cette  confusion  de  Stieda  a  passé  en  général  inaperçue.  Ainsi  de  Meuron,  dans  son  travail 
d'ensemble  sur  les  dérivés  branchiaux,  attribue  à  Stieda  cette  opinion  exclusive,  que  la  glande  carotide 
dérive  de  la  portion  épaissie  de  l'épithélium  de  la  quatrième  fente  branchiale  (Rec.  zool  suisse,  t.  III, 
p.    583   et   622  ) 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  93 

BoRN,  par  exemple,  dit  à  ce  sujet  {loc.  cit.,  p.  309)  :  „Je  n'ai  pu  trouver 
d'ébauche  épithéliale  de  la  glande  carotidienne,  telle  que  la  figure  et  la 
décrit  Stieda.  A  l'extrémité  dorsale  des  ébauches  paires  de  la  thyroïde,  j'ai 
trouvé...  souvent  un  prolongement  épithélial  recourbé  (comp.  fig.  13  et  14), 
qui  correspond  exactement  à  l'ébauche  carotidienne  de  Stieda,  mais  je  n'ai 
pu  en  observer  le  développement  ultérieur;  je  suis  plutôt  disposé,  au  cas 
où  ce  prolongement  s'isolerait  parfois  et  s'accroîtrait,  à  en  faire  provenir  les 
glandes  thyro'ïdiennes  accessoires  dorsales.  "  Ajoutons  immédiatement  qu'on 
cherche  en  vain  dans  les  figures  13  et  14  de  l'auteur  quelque  chose  qui 
corresponde  exactement  à  ce  que  Stieda  a  représenté  dans  sa  figure  10. 
Dans  la  description  très  brève  qu'il  donne  de  l'épaississementde  la  quatrième 
poche  entodermique,  dont  Stieda  a  fait  l'ébauche  de  la  glande  carotidienne, 
BoKN  dit  '  seulement  ceci  :  "  Le  collet  étroit  (de  la  quatrième  poche)  pousse 
en  arrière  un  bourgeon  cellulaire  plein,  coudé  (embryon  de  porc  de  16  mm.)  » 

(BORN,  p.  302). 

Ce  ne  sont  là,  relativement  à  l'origine  de  la  glande  carotidienne,  que 
des  faits  négatifs.  Kastschenko  (37),  Marchand  (47J,  pour  nous  limiter  à 
ceux  qui  ont  appuyé  leur  manière  de  comprendre  la  glande  carotidienne  sur 
des  données  embryologiques,  apportent  au  contraire  des  faits  positifs  à  l'appui 
d'une  opinion  toute  différente  de  celles  qui  précèdent;  pour  eux,  en  effet,  la 
genèse  de  la  glande  se, fait  indépendamment  de  l'épit hélium  branchial,  et 
de  la  façon  suivante. 

Kastschenko  (37)  a  décrit  un  nodule  thymique,  qui  n'est  autre  que  la 
prétendue  glande  carotidienne  de  Stieda.  Stieda,  dit-il,  a  décrit  exactement 
la  structure  de  ce  nodule  épithélial,  qui,  d'après  lui,  doit  plus  tard  se  séparer 
de  l'ébauche  thymique  et  rester  en  contact  avec  la  carotide.  Selon  Kast- 
schenko, cela  n'est  pas  exact.  Il  n'a  jamais  vu,  en  effet,  ce  nodule  séparé  de 
l'ébauche  du  thymus.  Avec  le  temps,  le  nodule  est  enfoncé  dans  la  tête  du 
thymus,  et  la  distance  entre  ce  corps  et  la  carotide  devient  par  conséquent 
toujours  plus  grande.  La  véritable  glande  carotidienne,  Kastschenko  l'a 
rencontrée  pour  la  première  fois  chez  des  embryons  de  porc  de  14-15  mm., 
sous  forme  d'un  nodule  elliptique,  qui  entoure  la  carotide  interne  au  niveau 
de  la  bifurcation  de  la  carotide  primitive.  Ce  nodule  se  développe  comme 
un  épaississement  annulaire  de  l'adventice  artérielle,  fig.  9,  gdc  {\).   Il    est 


(1)  Disons  tout  de  suite  que  nous  n'avons  jamais  rien  vu  qui  resstimble  au  dessin  donné  par 
Kastschenko  (fig.  q).  Ce  dessin  d'ailleurs  nous  paraît  consacrer  une  impossibilité  matérielle  absolue- 
la  glande  carotidienne  y  est,  en  effet,  figurée  occupant  toute  l'épaisseur  de  la  paroi  artérielle;  il  ne 
reste  plus  rien  pour  cette  dernière,  qui  cependant,  en  quelque  point  de  la  carotide  qu'on  l'observe, 
est   fort   puissante. 

12 


94  A.    PRENANT 

intimement  uni  au  ganglion  plexiforme  du  nerf  vague  et  au  premier  ganglion 
sympathique,  et  il  se  montre  traversé  par  un  grand  nombre  de  filets  nerveux. 
Chez  des  embryons  de  porc  de  30  mm.,  le  nodule  s'est  déplacé  latérale- 
ment, et  plus  tard  d'avanta'ge  encore,  vers  l'angle  de  bifurcation  de  la  carotide 
primitive,  fig.  4  et  9.  Il  n'entoure  plus  alors  la  carotide  interne  régulière- 
ment, mais  il  est  épaissi  du  côté  de  la  bifurcation  carotidienne  et  aminci  de 
l'autre  côté.  En  dehors  du  nodule  en^question,  l'auteur  avoue  n'avoir  trouvé 
dans  la  région  de  la  division  de  la  carotide  commune  aucune  formation  qui 
pût  rappeler  la  glande  carotidienne.  C'est  donc  en  quelquesorte  faute  d'autre 
chose  qu'il  considère  comme  telle  le  nodule  annulaire  périartériel. 

Marchand  ("47)  a  étudié  des  stades  âgés  d'embryons  humains  (le  plus 
jeune  ayant  quatre  mois).  Aussi  avoue-t-il  :  ^  Ich  selbst  war  nicht  in  der 
Lage,  mir  durch  systematische  Untersuchung  friiher  Entwickelungsstadien 
ein  eigenes  Urtheil  tiber  die  Frage  der  ersten  Entstehung  der  Glandula 
carotica  zu  bilden.  »  Ses  études  histologiques  de  la  glande  carotidienne  déjà 
complètement  formée  lui  permettent  cependant  de  soutenir  une  opinion 
analogue  à  celle  de  Kastschenko  quant  à  l'origine  et  par  conséquent  à  la 
nature  de  cet  organe. 

Le  travail  de  Schaper  (73bis)  conclut  à  l'existence  dans  la  glande  caroti- 
dienne de  nodules  épithéliaux  abondamment  vascularisés,  sans  que  cepen- 
dant les  vaisseaux  y  forment  des  réseaux  admirables  ;  les  vaisseaux  ont  une 
paroi  propre,  mais  les  cellules  épithéliales  ont  avec  la  paroi  vasculaire  des 
rapports  très  intimes.  Relevons  dans  ce  travail  un  fait  que  nous  avons  eu 
aussi  l'occasion  de  constater  :  c'est  la  difficulté  qu'il  y  a  à  conserver  les 
éléments  de  la  glande  carotidienne  en  bon  état  de  fixation;  difficulté  que 
l'auteur  attribue  à  la  richesse  très  grande  de  ces  éléments  en  hyaloplasme. 

Nous  terminerons  cet  aperçu  bibliographique  en  mentionnant  un  récent 
travail  de  H.  Stilling  (80),  L'auteur  examine  la  structure  du  «prétendu 
ganglion  intercarotidien"  des  anciens  auteurs  chez  plusieurs  mammifères 
et  chez  l'homme,  et  de  son  examen  il  conclut  que  cette  formation,  «  quelle 
que  soit  son  origine  embryonnaire,  n'est  ni  un  simple  lacis  vasculaire,  ni 
un  organe  rudimentaire,  mais  une  glande  vasculaire  sanguine,  d'une  struc- 
ture analogue  à  celle  des  capsules  surrénales  »  (p.  3).  Sans  doute  cette  con- 
clusion ressort  bien  des  faits  constatés  par  Stilling.  Mais  elle  découlerait 
cependant  bien  plus  nettement  et  plus  directement  encore  d'une  étude 
embryologique,  l'origine  d'un  organe  pouvant  nous  renseigner  mieux  que 
quoi  que  ce  soit,  mieux  que  les  rapports  anatomiques  et  la  structure  de  cet 


DÉVELOPPEMENT   DU    THYMUS  95 

organe,  sur  sa  véritable  nature.  Certaines  dispositions  histologiques,  en  effet, 
comme  par  exemple  celle  qui  consiste  dans  la  relation  étroite  des  cordons 
cellulaires  de  la  glande  et  des  vaisseaux  sanguins,  peuvent  être  interprétées 
de  deux  manières,  avec  un  succès  presque  égal. 

Chez  l'embryon  de  la  brebis,  l'organe  carotidien  apparaît,  ainsi  que  l'a 
montré  de  Meuron  (pi.  XXVI,  fig.  22)  et  comme  nous  l'avons  vérifié  nous- 
méme  après  lui  (59,  pi.  XIII,  fig.  2,  Ij,  sous  forme  d'un  épaississement  de  la 
paroi  de  la  troisième  poche  branchiale  avec  laquelle  il  fait  corps.  De  Meuron 
précise  le  lieu  d'apparition,  en  disant  que  c'est  la  paroi  dorsale  de  la  fente 
qui  s'épaissit  pour  le  constituer.  Cet  épaississement  nous  paraît,  au  contraire, 
situé  sur  la  paroi  ventrale  de  la  fente  branchiale,  c'est-à-dire  sur  celle  qui 
est  tournée  du  même  côté  que  la  cavité  laryngienne,  sur  celle  en  d'autres 
termes  de  laquelle  émane  la  paroi  du  diverticule,  auquel  la  plus  grande  par- 
tie du  thymus  doit  sur  origine.  Il  dépend  particulièrement,  et  c'est  là  la 
situation  que  Kastschenko  avait  reconnue  à  son  nodule  thymique,  de  cette 
portion  de  la  troisième  poche  entodermique,  qui  est  adossée  à  la  poche 
ectodermique  correspondante. 

L'organe  se  compose,  chez  des  embryons  de  brebis  de  14  et  de  15  mm., 
de  travées  cellulaires  dont  le  trajet  est  assez  capricieux,  mais  qui  offrent 
cependant  une  direction  principale  longitudinale,  c'est-à-dire  perpendiculaire 
au  grand  axe  de  la  poche  branchiale,  Pl.  I,  fig.  1  et  2.  En  beaucoup  d'en- 
droits,  la  structure  trabéculaire  de  l'organe  est  beaucoup  plus  accentuée 
même  que  dans  la  coupe  qui  a  servi  à  dessiner  les  fig.  1  et  2.   Les  travées 
principales  sont  anastomosées  ensemble  par  des  travées  transversales  sem- 
blables à  elles-mêmes  ;   ou  bien  elles  confluent  çà  et  là  pour  former  des 
masses  plus  larges  qui  se  présentent  sous  forme  de  nodosités.   Les  travées 
sont  séparées  les  unes  des  autres  par  des  espaces  conjonctivo-vasculaires, 
plus  ou  moins  larges  et  plus  ou  moins  nets,  suivant  l'abondance  variable 
des  globules  sanguins  qui  s'y  trouvent  contenus;  outre  les  globules  sanguins, 
ces  espaces  renferment  encore  des  éléments  cellulaires  à  noyau  allongé,  qui 
représentent  tantôt  des  cellules  connectives,  tantôt  des  éléments  endothé- 
liaux  de  la  paroi  des  vaisseaux.  Les  cellules  qui  composent  les  travées  sont 
de  forme  polyédrique,  bien  que  souvent  mal  limitées  ;  elles  sont  intimement 
juxtaposées  dans  une  travée  ou  une  nodosité,  si  bien  qu'elles  présentent  un 
arrangement  épithélial.  Outre  ce  caractère,  elles  se  distinguent  par  la  con- 
stitution très  dense  de  leur  protoplasme,  de  telle  sorte  que  l'ensemble  de 
l'organe  se  reconnaît  à  un  faible  grossissement  par  son  aspect  plus  sombre 


96  A.    PRENANT 

et  plus  coloré.  Par  comparaison  avec  un  objet  dont  l'aspect  nous  est  familier, 
nous  dirions  volontiers  que  les  travées  cellulaires  de  notre  organe  ressemblent 
par  la  nature  de  leur  protoplasme,  par  leur  disposition  épithéliale,  par  leurs 
rapports  intimes  avec  des  vaisseaux,  aux  cordons  ou  aux  îlots  sexuels  de  la 
glande  génitale. 

Les  rapports  des  travées  avec  les  tissus  ambiants  sont  les  suivants. 
A  la  base  de  l'organe,  implantée  sur  la  paroi  branchiale,  l'extrémité  des  tra- 
vées se  continue  avec  cette  paroi  et  se  confond  avec  elle  ;  chaque  travée 
paraît  ainsi  un  bourgeon  de  l'épithélium  de  la  fente  ;  par  suite,  l'ensemble  de 
l'organe  apparaît  comme  un  épaississement  de  cet  épithélium.  Les  travées 
cellulaires  qui  composent  l'ébauche  de  l'organe  ont  donc,  à  en  juger  par  ces 
relations  intimes  avec  la  paroi  branchiale,  une  origine  épithéliale.  Contre 
l'idée  de  cette  origine,  on  ne  pourrait  opposer  que  ce  fait  :  l'organe  n'est  pas 
délimité  nettement  partout  d'avec  le  tissu  mésenchymateux  ambiant,  de 
façon  que  l'on  peut  penser  que  les  cellules  mésenchymateuses,  en  prenant 
des  cai-actères  spéciaux,  s'unissent  en  travées  qui  envahissent  l'épithélium. 
On  peut,  il  est  vrai,  tout  aussi  bien  penser  que  les  végétations  épithéliales 
ou  travées  cellulaires  poussent  d'une  manière  diffuse  et  peu  à  peu  dans  le 
mésenchyme,  d'où  résulte  que  l'organe  ne  peut  être  limité  du  côté  de  ce 
dernier.  La  plupart  de  ces  détails  ont  été  reconnus  déjà  par  Stieda,  à  la 
description  duquel  les  auteurs  qui  ont  suivi  n'ont  rien  ajouté  d'important. 
Dans  son  remarquable  mémoire,  Stieda,  parlant  du  corps  triangulaire  (rudi- 
ment de  la  glande  carotidienne)  chez  des  embryons  de  porc  de  12-16  mm., 
s'exprime  ainsi  :  ^  Les  cellules  qui  constituent  ce  corps  sont  rondes  ou  angu- 
leuses, avec  protoplasme  délicat  et  noyau  arrondi  très  bien  limité.  Les 
cellules  sont  très  serrées  les  unes  contre  les  autres,  prennent  vivement  le 
carmin,  ce  qui  fait  que  le  corps  triangulaire  paraît  plus  fortement  coloré 
que  le  cordon  épithélial.  Il  n'est  pas  douteux  que  ce  corps  soit,  comme  le 
cordon,  de  nature  épithéliale;  les  cellules  du  cordon  et  celles  du  corps 
triangulaire  se  continuent  partout  les  unes  avec  les  autres  au  moyen  de 
formes  intermédiaires;  il  n'y  a  pas  entre  les  unes  et  les  autres  de  limites 
nettes.»  (Loc.  cit.,  p.  14.) 

La  structure  réticulée  de  l'organe  va  en  s'accentuant  avec  l'âge  ;  elle  est 
par  exemple  beaucoup  plus  marquée  chez  des  embryons  de  25  et  de  28  mm., 
FiG.  3.  Du  reste,  elle  dépend  toujours  dans  une  certaine  mesure  de  l'état 
des  vaisseaux  et  de  leur  plus  ou  moins  grande  distension  par  le  sang.  Ainsi 
chez  un  embryon,  plus  âgé,  il  est  vrai,  que  les  précédents  (40  mm.  de  long). 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  97 

OÙ  les  capillaires  de  l'organe  carotidien  étaient  bourrés  de  globules,  la  texture 
trabéculaire  et  réticulée  était  des  plus  manifestes,  fig.  4.  Enfin,  cette  texture 
me  paraît  être  facteur  de  la  nature  du  réactif  employé  pour  la  fixation  et  le 
durcissement  de  la  pièce.  J'ai,  en  effet,  toujours  trouvé,  chez  des  embryons 
plus  développés  à  la  vérité  que  ceux  dont  il  vient  d'être  question  (de  70,  77 
et  1 14  mm.),  que  le  traitement  soit  par  le  bichromate  de  potasse,  soit  par  le 
liquide  de  Kleinenberg,  exagérait  considérablement  la  constitution  réticu- 
lée, FIG.  5,  tandis  qu'à  la  suite  de  l'action  du  liquide  de  Flemming  cette 
constitution  était  moins  évidente. 

La  texture  trabéculaire  et  réticulée  paraît  quelquefois  remplacée  par 
une  texture  lobulaire  ou  même  acineuse.  En  effet,  on  peut  voir  les  cellules 
disposées  par  îlots  ou  lobules,  séparés  les  uns  des  autres  par  des  tractus 
conjonctifs  et  des  vaisseaux.  Je  crois  que  cet  aspect  lobulaire  est  dû  à  ce 
que  les  travées  s'appliquent  les  unes  contre  les  autres  ou  se  replient  sur 
elles-mêmes,  lorsque  les  vaisseaux  sont  vides  de  sang  ou  à  peu  près,  et  sans 
doute  dans  d'autres  conditions  encore  et  pour  d'autres  raisons  que  celle  de 
la  vacuité  vasculaire.  Il  en  résulte  d'abord  que  l'organe  prend  une  texture 
beaucoup  jplus  compacte,  et  en  outre  que  cette  texture,  qui  continue  en 
réalité  d'être  trabéculaire,  peut  en  imposer  pour  une  constitution  acineuse 
comparable  à  celle  d'une  glande  en  grappe.  A  un  fort  grossissement,  l'ana- 
logie est  çà  et  là  plus  frappante  encore,  fig.  3,  a,  parce  que  çà  et  là  l'on 
peut  voir  au  centre  d'un  îlot  cellulaire  une  petite  cavité  arrondie  ou  ovalaire 
qui  simule  le  lumen  d'un  acinus.  Je  crois  cependant  que,  même  dans  ce  cas, 
la  structure  acineuse  n'est  qu'une  apparence,  et  que  les  prétendues  lumières 
ne  sont  autres  que  des  espaces  conjonctivo-vasculaires  ;  ceux-ci  sont  très 
étroits,  parce  qu'ils  sont  englobés,  enserrés  par  le  boyau  cellulaire  qui  s'est 
replié  sur  lui-même.  Ce  bo3^au  enferme  alors  un  capillaire  sanguin,  à  peu 
près  comme  la  partie  initiale  du  tube  urinifère  est  reployée  autour  d'uo-- 
peloton  vasculaire  pour  former  la  capsule  de  Bowmann. 

La  structure  de  l'organe  carotidien,  chez  des  embryons  âgés  (de  30  et 
de  40  cm.\-  chez  des  fœtus  à  terme  ou  presque  à  terme  et  chez  l'animal 
adulte,  est  franchement  réticulée. 

Stieda  a  très  bien  observé  la  constitution  réticulée  de  l'organe  chez 
de  jeunes  embryons.  Chez  un  embryon  de  brebis  de  35  mm.,  la  glande 
carotidienne  est  formée,  dit-il,  par  un  réseau  de  cordons  cellulaires,  qui  est 
traversé  par  des  vaisseaux  sanguins;  les  vaisseaux  sanguins  et  les  cordons 
cellulaires  sont  à  peu  près  d'égale  importance  {loc.  cil.,  p.  23).   Dans  les 


98  A.    PRENANT 

conclusions  relatives  à  la  glande  carotidienne,  il  dit  que  la  masse  cellulaire, 
dont  cet  organe  est  primitivement  formée,  est  pénétrée  dans  le  cours  du 
développement  par  des  vaisseaux  sanguins,  si  bien  qu'à  une  certaine  phase 
la  glande  carotidienne  consiste  en  un  système  de  cordons  cellulaires  pleins, 
ramifiés  et  de  vaisseaux  sanguins  interposés,  pl.  I,  fig.  16.  n  Je  ne  sais, 
ajoute-t-il,  si  plus  tard  les  cordons  s'étranglent  et  s'il  se  fait  ainsi  une 
foi-mation  de  vésicules  ou  d'acinis.  D'après  les  faits  trouvés  par  Luschka 
et  d'autres,  cela  est  presque  à  supposer;  des  recherches  ultérieures  seront 
ici  très  désirables  «  (loc.  cit.,  p.  34). 

Le  réseau  formé  par  les  trabécules  épithéliales  m'est  apparu  avec  des 
caractères  un  peu  différents  suivant  les  cas.  Ou  bien  il  était  très  régulier, 
constitué  de  cordons  d'épaisseur  à  peu  près  partout  égale,  contenant  chacun 
deux  rangées  de  cellules  polyédriques.  Chez  d'autres  embryons,  il  présen- 
tait un  aspect  plus  irrégulier;  certains  cordons  étaient  réduits  à  une  file  de 
cellules,  tandis  que  çà  et  là  les  travées  cellulaires  s'épaississaient  pour  for- 
mer de  véritables  plaques,  quelquefois  larges  de  10-12  cellules.  Enti'e  les 
deux  rangées  d'éléments  d'un  cordon  cellulaire  ou  dans  l'épaisseur  d'une 
plaque,  il  ne  m'a  jamais  été  possible  de  déceler  une  fente  ou  une  cavité 
arrondie  qui  pût  représenter  une  lumière  glandulaire. 

Les  mailles  du  réseau  épithélial  sont  occupées  par  autant  de  vaisseaux 
sanguins,  tapissés  par  une  membrane  endothéliale.  Ces  vaisseaux,  qui  sont 
par  conséquent  extrêmement  nombreux,  communiquent  à  l'organe,  lors- 
qu'ils sont  gorgés  de  sang,  une  couleur  rouge  très  foncée.  Il  m'a  semblé  que 
les  vaisseaux  étaient  plus  spacieux  à  la  périphérie  de  l'organe  que  dans  les 
régions  centrales. 

Les  relations  intimes  qui  existent  entre  les  trabécules  épithéliales  et 
les  vaisseaux  et  aussi  l'absence  de  toute  lumière  dans  l'intérieur  des  travées 
cellulaires  sont  deux  conditions  anatomiques  qui  font  comprendre  comment 
on  a  pu  [Arnold  (4),  Pfôrtner  (56),  Marchand  (47)]  considérer  ces  travées 
comme  n'étant  pas  autre  chose  que  des  cellules  périvasculaires  ou  périthé- 
liales,  de  forme  épithélioïde,  mais  non  de  nature  épithéliale,  disposées 
autour  de  la  paroi  des  vaisseaux,  dont  elles  sont  un  simple  épaississement;  la 
glande  carotidienne  serait  alors  réductible,  comme  l'ont  soutenu  Sertoli(77) 
et  Eberth  (18)  pour  la  glande  coccygienne,  à  un  lacis  vasculaire.  Mais 
l'étude  des  premières  phases  du  développement  de  la  glande  carotidienne, 
en  montrant  que  celle-ci  a  son  origine  dans  l'épithélium  branchial,  permet 
de  rejeter  la  précédente  manière  de  voir  et  de  se  rallier  à  l'opinion  que 


DEVELOPPEMENT   DU    THYMUS  99 

LuscHKA  (45),  Heppner  (34)  et  Stilling  (8o)  ont  défendue,  d'après  laquelle 
il  s'agit  bien  ici  d'un  organe  glandulaire  épithélial  (i). 

Il  me  reste  à  signaler  un  fait  qui  ne  manque  pas  d'importance;  car  il 
est  peut-être  cause  qu'ARNOLD  et  Marchand  ont  réduit  la  structure  de  la 
glande  carotidienne  à  celle  d'un  simple  «  glomérule  artérieux  intercaroti- 
dien  «  (Arnold),  ou  d'un  -  nodule  carotidien  «  essentiellement  formé  de 
vaisseaux  (Marchand).  Le  fait  histologique  auquel  il  est  fait  ici  allusion 
consiste  dans  la  présence  de  formes  dégénératives  de  l'épithélium  carotidien 
chez  des  embryons  âgés  de  brebis  (embr.  de  30-40  mmj.  Cela  donne  à 
supposer,  et  cette  supposition  a  été  faite  déjà  par  Stieda  (79,  p.  34),  que  les 
éléments  épithéliaux  pourront  complètement  disparaître  et  que  la  constitu- 
tion de  la  glande  se  réduira  ainsi  au  schéma  adopté  par  Arnold,  Pfôrtner 
et  Marchand.  On  voit  en  effet  que,  par  endroits,  les  noyaux  des  cellules 
épithéliales  offrent  une  coloration  beaucoup  plus  vive  par  la  safranine, 
FiG.  6  et  14,  11;  leur  diamètre  est  en  général  devenu  moindre;  leur  forme 
s'est  modifiée,  d'elliptique  qu'elle  était,  elle  est  à  présent  très  irrégulière 
et  souvent  bizarre;  leur  structure  a  cessé  d'être  distincte.  Finalement,  le 
noyau  est  transformé  en  une  masse  très  colorée,  sans  structure  évidente  et 
de  forme  très  variable,  fig.  6  et  14.  En  même  temps,  le  protoplasme  des 
cellules,  dont  le  noyau  est  ainsi  modifié,  est  devenu  en  général  beaucoup 
plus  dense  et  par  conséquent  plus  foncé. 

Cette  transformation  frappe  indistinctement  les  éléments  cellulaires 
qui  appartiennent  à  la  périphérie  de  l'organe  et  ceux  qui  occupent  les  régions 
centrales.  Elle  peut  atteindre  d'une  façon  isolée  quelques  noyaux  seulement 
d'un  corps  cellulaire  ;  ou  bien  tous  les  noyaux  d'un  même  cordon  l'éprouvent 
à  la  fois.  Dans  ce  dernier  cas,  les  noyaux  sont  habituellement  changés  en 
bâtonnets  placés  transversalement  par  rapport  à  l'axe  du  cordon.  La  profonde 
modification  que  présentent  les  noyaux  en  question  est  peut-être  préparée 
par  certains  changements  qui  réalisent  des  formes  de  passage  entre  les  corps 
nucléaires  déformés  et  les  noyaux  ordinaires.  .On  trouve,  en  effet,  fréquem- 
ment des  noyaux,  la  figure  14  de  la  planche  II  en  offre  un,  dans  lesquels 
le  suc  nucléaire  s'est  vivement  coloré  par  la  safranine.  Un  degré  de  plus 
dans  la  transformation  nucléaire  est  représenté  peut-être  par  des  noyaux 
qui  sont  remplis  à  moitié  ou  aux  trois  quarts  par  une  sorte  de  poussière 


(1)    Voir  Heppner  pour  la  critique  des   métliodes  employées    par   Arnold    et    par  Sertoli  et  pour 
Vinterprétation   de  leurs   résultats. 


loo  A.    PRENANT 

chromatique,  qui  leur  communique  une  coloration  intense,  tandis  que  le 
reste  du  noyau  est  demeuré  beaucoup  plus  pâle.  Le  noyau  se  rétractant 
ou  se  contractant  ensuite  devient  semblable  au  corps  n  des  figures  6  et  14. 

Il  nous  semble  bien  qu'il  s'agit  là  d'un  processus  de  dégénérescence, 
dont  les  conséquences  pourront  être  la  raréfaction  du  tissu  épithélial  et  la 
réduction  de  l'organe  à  sa  partie  vasculaire.  Nous  nous  sommes  assuré,  en 
tout  cas,  qu'il  ne  peut  être  question  de  déformations  dues  à  l'action  du 
réactif.  En  effet,  les  parties  centrales,  tout  aussi  bien  que  les  portions  péri- 
phériques de  l'organe  présentent  ces  aspects  ;  de  plus,  tout  à  côté  des  noyaux 
modifiés,  s'en  trouvent  d'autres  offrant  les  caractères  habituels,  bien  qu'ils 
aient  été  soumis  aux  mêmes  influences.  Si,  par  conséquent,  l'on  ne  veut  pas 
admettre  que  le  réactif  ne  nous  traduit  pas  fidèlement,  tel  qu'il  est  en  réalité, 
l'état  de  tous  les  noyaux,  et  qu'il  déforme  un  certain  nombre  de  ceux-ci, 
il  faut  reconnaître  tout  au  moins  une  susceptibilité  spéciale  des  noyaux 
modifiés  vis-à-vis  du  liquide  de  Flemming,  par  laquelle  se  trahit  encore  une 
différence  de  constitution  entre  ces  noyaux  et  les  autres.  D'autre  part,  nous 
sommes  convaincu  qu'il  ne  s'agit  pas  d'avantage  de  figures  de  division  d'une 
nouvelle  sorte;  car  on  trouve  dans  la  glande  carotidienne  des  mitoses 
typiques.  Elles  y  sont  toutefois  extrêmement  rares. 

Enfin,  la  glande  carotidienne  contient  en  assez  grande  abondance,  chez 
des  embryons  âgés,  des  cellules  pigmentaires.  Les  éléments  chargés  de  granu- 
lations pigmentaires  sont  le  plus  souvent  des  cellules  connectives  ou  vascu- 
laires  et  ont  alors  des  formes  allongées  ou  ramifiées.  Mais  le  pigment  peut 
se  déposer  aussi  dans  les  cellules  du  parenchyme  épithélial. 

Il  reste  maintenant  à  examiner  les  changements  anatomiques  que  subit 
l'organe  carotidien. 

Chez  des  embryons  de  bi^ebis  de  14  et  de  15  mm.,  l'organe  est  placé 
tout  naturellement  en  dehors  et  au  côté  dorsal  de  la  carotide,  puisqu'il  est 
appendu  à  la  troisième  poche  branchiale,  laquelle  n'est  pas  tournée  directe- 
ment en  dehors,  mais  regarde  du  côté  externe  et  ventral  (voir  dans  notre 
précédent  travail,  loc.  cit.,  les  coupes/ et  Hàe  la  figure  3  de  la  planche  III). 
Il  est  situé  contre  la  carotide,  mais  en  est  cependant  séparé  par  du  tissu 
conjonctif  distinct  de  celui  de  la  paroi  artérielle. 

Plus  tard,  chez  des  embryons  de  18,  de  20  et  de  22  mm.,  l'ébauche 
carotidienne  tend  à  s'isoler,  en  dedans  surtout,  de  la  paroi  branchiale.  Elle 
constitue  maintenant  un  organe  arrondi  sur  la  coupe  transversale,  mais 
légèrement  échancré  ou  tout  au  moins  aplati  au  niveau  de  la  carotide,  à 


DEVELOPPEMENT    DU    THYMUS  lOl 

laquelle  sa  forme  est  ainsi  adaptée;  cet  organe  a  une  longueur  de  0,25  mm.; 
il  a  une  longueur  de  1 ,27  mm.  chez  l'embryon  de  20  mm.,  de  2,1  mm.  chez 
celui  de  22  mm  (la  longueur  étant  calculée  d'après  l'épaisseur  connue  des 
coupes  et  le  nombre  de  coupes  qui  l'intéressent).  La  poche  branchiale  s'est 
pendant  ce  temps  considérablement  transformée;  elle  s'est  réduite,  de  telle 
façon  qu'à  présent  elle  parait  une  annexe  de  la  glande  carotidienne,  tandis 
que  primitivement  celle-ci  était  son  appendice,  fig.  8.  Nous  reviendrons 
tout  à  l'heure  sur  ces  transformations.  Par  le  fait  de  la  réduction  de  la  poche 
branchiale,  il  arrive  que  la  glande  carotidienne  entre  en  rapport  plus  intime 
avec  un  organe,  le  ganglion  du  vague,  dont  elle  était  tout  à  l'heure  très 
écartée  ;  elle  paraît  à  présent  entre  la  carotide  et  ce  ganglion  ;  le  côté  ventral 
du  ganglion  offre,  sur  les  coupes  transversales,  une  concavité  moulée  sur  la 
convexité  du  côté  dorsal  de  la  glande;  celle-ci  à  son  tour  présente  une  conca- 
vité en  rapport  avec  la  convexité  de  la  carotide.  Examinées  dans  le  sens  de 
la  longueur,  les  relations  de  la  glande  avec  la  carotide  sont  telles  que  la  plus 
grande  partie  de  l'organe  répond  à  la  carotide  primitive,  et  que  la  glande 
n'atteint  l'endroit  de  la  bifurcation  artérielle  que  par  son  pôle  supérieur  (1). 

Lorsque  plus  tard  la  poche  branchiale  se  développe  en  bourgeonnant 
de  tous  les  côtés  pour  donner  naissance  à  la  tête  du  thymus,  la  glande 
carotidienne  ne  perd  pas  avec  ce  dernier  organe  les  relations  qu'elle  avait 
auparavant  avec  la  poche  branchiale.  Elle  demeure  adhérente  à  la  tête  du 
thymus,  dont  elle  coiffe  en  partie  l'extrémité  supérieure,  Pl.  II,  fig.  15. 

Chez  un  embryon  de  45  mm.,  la  glande  est  située  dans  l'angle  formé 
par  la  carotide  primitive  et  le  renflement  ganglionnaire  du  pneumogastrique, 
contre  le  cordon  du  sympathique,  entre  ce  dernier  et  la  paroi  du  pharynx. 
Elle  paraît  ainsi  s'être  déplacée  en  dedans.  Elle  semble  aussi  s'être  élevée 
quelque  peu  ;  car  elle  est  visible  au-dessus  de  la  division  de  la  carotide  sur 
un  plus  grand  nombre  de  coupes  qu'auparavant. 

La  glande  carotidienne  d'un  embryon  de  77  mm.  est  portée  plus  haut 
encore,  son  plus  grand  diamètre  étant  un  peu  au-dessous  de  la  division 
carotidienne;  elle  est  en  même  temps  devenue  franchement  interne  par 
rapport  à  la  carotide.  Elle  reçoit  de  nombreuses  branches  artérielles  qui  lui 
viennent  des  vasa  vasoriini  de  la  carotide. 


(i)  Il  s'agît  ici  non  pas  d'une  bifurcation  de  la  c;»rotîJe  priniiti\"e  en  carotides  ex;erne  et  interne, 
comparable  à  celle  qu'offre  l'anatomie  humaine,  mais  d'une  division  de  l'artère  principale  du  cou  en 
une  artère  faciale  antérieure  ou  carotide  externe  qui  prolonge  le  tronc  carotidien  et  en  une  artère 
faciale  postérieure  ou  occipitale.  Auparavant  déjà,  la  carotide  a  fourni  une  artère  thyro'idienne  et  une 
artère  laryngée. 

13 


102  A.    PRENANT 

Je  trouve  par  contre,  sans  pouvoir  me  rendre  compte  de  la  raison  de 
ce  nouveau  déplacement,  la  glande  carotidienne  reportée  chez  un  embryon 
de  1 14  mm.  en  dehors  de  la  carotide;  c'est  un  organe  long  de  2,70  mm.  et 
large  de  0,50  mm.  En  même  temps,  la  glande  contracte  avec  la  tète  du 
thymus  des  rapports  très  intimes,  qui  vont  amener  des  changements  impor- 
tants dans  sa  situation.  On  voit,  en  effet,  la  tète  du  thymus,  qui  jusqu'alors 
était  demeurée  en  dedans  de  la  carotide,  s'avancer  au-devant  d'elle,  c'est-à- 
dire  sur  sa  face  ventrale,  passer  à  son  côté  externe  et  même  se  réfléchir  sur 
sa  face  postérieure  ou  dorsale,  en  l'entourant  aux  trois  quarts.  La  glande 
carotidienne,  qui  repose  sur  la  face  externe  de  l'artère,  est  en  même  temps 
englobée;  de  la  sorte,  elle  n'est  plus  à  nu,  visible  à  l'extérieur,  que  du  côté 
de  la  carotide  et  ne  peut  être  aperçue  que  si  l'on  examine  la  tête  du  thymus 
par  sa  facepostéro-interne,  celle-là  même  qui  loge  l'artère,  Pl.  II,  fig.  13,  gc. 

Dans  la  suite  du  développement,  la  glande  carotidienne,  chez  des 
embryons  de  30-40  cm.  et  chez  le  fœtus  à  terme,  perd  de  plus  en  plus  ses 
rapports  avec  l'artère,  tandis  qu'elle  en  contracte  de  plus  intimes  avec  la  tête 
du  thymus.  Il  arrive  alors  qu'elle  devient  adhérente  à  ce  dernier  organe, 
avec  lequel  on  l'enlève,  quand  on  prépare  les  organes  du  cou  chez  un  em- 
biyon  âgé.  Dés  ce  moment,  elle  ne  mérite  certainement  plus  le  nom  de 
glande  carotidienne  que  lui  valaient  auparavant  ses  relations  étroites  avec 
la  carotide,  tandis  que  ses  connexions  avec  la  tête  du  thymus  pourraient  lui 
faire  attribuer  la  dénomination  de  "■  glande  annexe  de  la  tête  du  thymus  «, 
ou  brièvement  celle  de  «  glandule  thymique  ».  Remarquons  que  cette 
deuxième  désignation  rend  bien  mieux  compte  que  celle  qui  est  adoptée 
habituellement  de  la  communauté  d'origine  entre  la  tête  du  thymus  et  la 
glande  carotidienne.  Ces  étroites  relations  de  la  glande  carotidienne  avec 
la  tête  du  thymus  ont  été  entrevues  chez  le  porc  par  Stieda,  qui  dit  à  ce 
sujet  [loc.  cit.,  p.  19)  :  «  Les  parties  supérieures  du  thymus  embryonnaire 
s'étendent  jusqu'au  larynx  et  jusqu'à  un  corps  rond  (sphérique)  situé  latéra- 
lement à  cet  endroit.  Ce  dernier  dérive  du  corps  triangulaire ».  Plus 

loin,  se  demandant  quelle  est  la  signification  de  ce  corps,   il  le  considère 
hypothétiquement  comme  étant  la  glande  carotidienne. 

En  résumé  donc  :  la  glande  carotidienne  est  une  glande  vasculaire 
sanguine,  c'est-à-dire  un  organe  épithe'lial  pénétré  par  les  vaisseaux,  qui 
prend  naissance  comme  la  tête  du  thymus  aux  dépens  de  la  troisième  poche 
entodermique  branchiale,  qui,  appendu  d'abord  à  la  carotide  primitive  (glande 
carotidienne),  est  ensuite  réuni  à  la  tête  du  thymus  (glandule  thymique). 


DEVELOPPEMENT    DU    THYMUS  103 

2°     Troisième  poche  branchiale  et  tête  du  thymus. 

A  révolution  de  la  glande  carotidienne  se  lie  nécessairement  de  la  façon 
la  plus  intime  celle  de  la  troisième  poche  branchiale  qui  lui  a  donné  nais- 
sance. La  plupart  des  transformations  dont  cette  dernière  est  le  siège  ont 
été  décrites  par  les  auteurs  qui  nous  ont  précédé,  en  particulier  par  de 
Meuron  ;  nous  n^  insisterons  donc  que  pour  relever  certains  détails  mé- 
connus par  ces  auteurs. 

Déjà  chez  des  embryons  de  15  mra.,  et  plus  nettement  encore  chez  des 
embryons  d'un  âge  plus  avancé,  on  voit  que  la  troisième  poche  entodermi- 
que  qui  s'est  d'ailleurs  complètement  séparée  du  pharynx,  se  compose  de 
deux  branches  qui  forment  entre  elles  un  angle  droit  ou  presque  droit, 
ouvert  en  dehors  et  du  côté  ventral.  La  branche  interne  donne  naissance 
à  la  queue  du  thymus.  La  branche  externe,  qui  s'adosse  au  fond  de  la  poche 
ectodermique  (fiindiis  prœcervicalis  de  Kastschenko),  supporte  l'organe 
carotidien.  Celui-ci,  examiné  chez  des  embryons  de  14  et  de  15  mm.,  aune 
forme  générale  arrondie  et  repose  par  une  large  base  sur  la  paroi  branchiale. 
Comme  le  montrent  des  coupes  frontales  pratiquées  chez  un  embryon  de 
16  mm.,  il  présente  sa  plus  grande  largeur  au  niveau  de  la  pointe  externe 
de  la  poche  branchiale  et  va  en  s'amincissant  du  côté  interne. 

La  série  des  coupes  offre  chez  des  embiyons  plus  âgés  (de  18,  20,  22 
et  25  mm.)  la  disposition  suivante.  La  poche  branchiale,  transversalement 
dirigée,  fig.  7,  est  connexe  avec  la  glande  carotidienne;  ce  reste  de  la  poche 
représente  la  branche  externe  seule  des  stades  précédents  ;  elle  est  située 
entre  le  ganglion  du  vague  et  l'organe  carotidien,  et  elle  émet  du  côté  dorsal 
un  diverticule  dont  il  sera  question  tout  à  l'heure.  Une  coupe  pratiquée  à  un 
niveau  plus  inférieur  montre  que  la  cavité  branchiale  a  la  forme  d'une 
équerre  et  se  compose  de  deux  branches  comprenant  entre  elles  l'extrémité 
inférieure  de  la  glande  carotidienne.  Plus  bas,  les  deux  branches  se  confon- 
dent en  une  lumière  assez  spacieuse,  de  forme  triangulaire,  qui,  plus  bas 
encore,  se  rétrécit,  tandis  que  sa  paroi  bourgeonne  pour  donner  lieu  à  la 
queue  du  thymus. 

En  outre,  on  peut  voir,  tant  sur  des  coupes  frontales  d'un  embryon  de 
16  mm.  que  sur  des  coupes  transversales  d'embryons  de  18,  20,  22,  25  et 
26  mm.,  que  la  poche  branchiale  donne  encore  naissance  à  un  autre  diver- 
ticule, qui  se  distingue  par  sa  forme,  sa  situation  et  ses  relations,  ainsi  que 
par  sa  constitution. 


104  ^-   PRENANT 

Ce  diverticule  paraît,  chez  un  embryon  de  16  mm.,  comme  une  émana- 
tion de  la  portion  tout  à  fait  externe  de  la  poche  branchiale  entodermique. 
Je  le  crois  identique  à  la  "  vésicule  thymique  «  de  Kastschenko.  Sa  situation 
latérale  explique  pourquoi  cet  auteur  a  pensé  que  la  vésicule  thymique  a  une 
origine  ectodermique  et  dérive  Au  fitndus  prœcervicalis.  Il  me  semble  au 
contraire  que  le  fond  de  la  troisième  et  de  la  quatrième  poche  ectodermique 
dis  parait  sans  laisser  de  traces  (i). 

Voici  les  faits  essentiels  que  Kastschenko  (37)  décrit  quant  à  la  vésicule 
thymique.  Elle  est  formée  par  la  pointe  interne  du  sinus  prsecervical.  Elle 
est  confondue  dans  les  tout  premiers  stades,  d'une  façon  très  intime,  avec  le 
ganglion  du  nerf  vague.   Mais  déjà  chez  des  embryons  de  15  mm.,  cette 
vésicule  est  séparée  du  ganglion  par  la  couche  de  fibres  nerveuses  qui  main- 
tenant se  développe  sur  la  face  antérieure  du  ganglion.   Chez  des  embryons 
plus  âgés,  la  vésicule  thymique,  et  par  conséquent  la  tète  tout  entière  du 
thymus,  paraît  déjà  complètement  séparée  du  ganglion  du  vague,  mais  au 
contraire  soudée  très  intimement  avec  le  nodule  thymique  (notice  glande 
carotidienne).  La  vésicule  thymique  conserve  longtemps  sa  lumière  et  prend 
l'aspect  d'une  ampoule  reliée  à  la  tête  du  thymus  par  un  pédicule  relative- 
ment grêle,  FiG.  7  et  15,  Vtm  (d'après  une  reconstruction  de  coupes  sériées). 
Plus  tard  sa  lumière  disparaît  ;  le  matériel  cellulaire  se  fusionne  avec  la 
tête  du  thymus  et  on  ne  peut  plus  rien  distinguer  de  la  vésicule  {loc.  cit., 
p.  15  et  19). 

PiERSOL  (57)  a  retrouvé  la  vésicule  thymique  de  Kastschenko; 
comme  lui,  il  la  fait  dériver  de  la  troisième  poche  épidermique  et  l'identifie 
même,  en  raison  de  ses  connexions  avec  le  ganglion  du  vague,  à  l'organe 
de  Froriep.  Il  diffère  de  Kastschenko  en  ce  qu'il  n'attribue  aucun  rôle  à 
cette  vésicule  dans  la  formation  de  la  tête  du  thymus.  Le  thymus,  en  effet, 
selon  lui,  est  une  formation  exclusivement  entodermique,  et  cette  raison  lui 
suffit  pour  exclure  la  vésicule  thymique  à  cause  de  son  origine  ectodermique. 


(i)  Toutefois  je  n'ose  nier  absolument  Torigine  ectodermique,  épidermoïdale,  du  diverticule  , 
c'est-à-dire  de  la  vésicule  thymique  de  Kastschenko.  C'e^t  qu'en  effet,  si  le  plus  souvent  j'ai  pu 
Constater  une  continuité  directe  entre  l.i  paroi  ectodermique  de  la  cavité  branchiale  et  le  diverticule, 
il  m'a  été  impossible  d'autres  fois  de  faire  cette  constatation.  C'est  ainsi  que,  chez  un  embryon 
de  20  mm  ,  la  vésicule  était  isolée  du  côté  gauche,  et  réunie  du  côté  droit  seulement  à  la  cavité 
entodermique  branchiale.  II  est  peu  probable  que  la  vésicule  fût  déjà  séparée  de  la  paroi  branchiale 
parce  que  chez  des  embrj-ons  plus  âges  on  la  trouvait  encore  continue  avec  elle.  Il  est  par  contre 
possible  que  cette  vésicule,  ayant  pris  naissance  dans  la  poche  ectodermique  de  la  branchie,  soit 
demeurée  naturellement  privée  de  tous  rapports  immédiats  avec  la  portio.i  entodermique.  C'est  donc 
là   un   fait   favorable  à   la   manière  de  voir   de    Kastschenko. 


DEVELOPPEMENT   DU    THYMUS  105 

Voici  maintenant  nos  observations  relatives  au  diverticule  branchial 
que  nous  croyons  identique  à  la  vésicule  thymique  de  Kastschenko  et  de 
PiERSOL.  Elles  coïncident  en  partie  avec  les  données  de  ces  auteurs,  que 
nous  avons  du  reste  complétées  et  précisées  sar  plusieurs  points. 

Outre  le  caractère  qu'il  emprunte  à  sa  situation,  le  diverticule  en 
question  est  encore  caractérisé  par  sa  forme;  il  est,  en  effet,  pédiculisé  au 
niveau  de  l'extrémité  implantée  sur  la  paroi  branchiale  et  se  dilate  par  son 
autre  extrémité. 

Il  offre  encore  cette  remarquable  particularité  topographique  de  s'en- 
foncer dans  le  ganglion  plexiforme  du  nerf  vague  ;  il  y  est  à  demi-enfoui 
chez  des  embryons  de  17,  20,  22  et  25  mm.,  fig.  8  et  9;  tandis  que  plus 
tard  (e.  de  26  mm.),  je  l'ai  trouvé  isolé,  séparé  de  ce  ganglion,  fig.  10. 

Non  moins  remarquable  enfin  est  sa  constitution.  Tandis  qu'en  effet, 
à  côté  de  lui,  chez  des  embryons  de  20-26  mm.,  les  restes  de  la  cavité  bran- 
chiale et  de  ses  dépendances  ne  présentent  plus  qu'une  lumière  très  minime 
et  bourgeonnent  pour  donner  lieu  à  la  tète  du  thymus,  au  contraire  ce  diver- 
ticule s'agrandit  beaucoup,  acquiert  une  cavité  très  spacieuse,  tapissée  par 
un  épithélium  conformé  d'une  manière  spéciale.  Celui-ci,  en  effet,  se  montre 
constamment  formé  de  cellules  hautes  du  côté  de  la  tète  du  thymus, 
c'est-à-dire  du  côté  qui  est  libre  de  connexions  avec  le  ganglion  du  pneumo- 
gastrique ;  au  contraire,  la  portion  de  sa  paroi  qui  s'enfonce  dans  ce  ganglion 
est  constituée  par  des  cellules  extrêmement  basses,  çà  et  là  absolument 
plates.  J'ai  vu  en  outix  que  la  paroi  peut  être  en  certains  points  formée  de 
deux  assises  cellulaires  d'aspect  différent,  fig.  9.  Lorsque  le  diverticule  est 
éloigné  du  ganglion  du  vague  (embryon  de  26  m'm),  la  paroi  qui  était 
englobée  dans  ce  ganglion  redevient  haute,  tandis  que  dans  la  portion  de 
paroi  opposée  qui  est  accolée  à  la  tête  du  thymus  les  cellules  s'aplatissent, 
FIG.  10.  _ 

Par  sa  cavité  considérable,  notre  diverticule  mérite  bien  le  nom  de 
vésicule  thymique  que  lui  a  donné  Kastschenko  et  que  nous  conserverons. 
Il  mérite  aussi  l'épithète  de  thymique  que  Kastschenko  a  accolée  au  nom 
de  vésicule  ;  car  nous  croyons,  bien  que  nous  n'ayons  pu  constater  directe- 
ment le  fait,  qu'il  intervient  et  même  joue  le  plus  grand  rôle  dans  la  consti- 
tution de  la  tête  du  thymus.  Voici  sur  quoi  nous  fondons  notre  opinion. 
Chez  des  embryons  de  20  à  25  mm.,  alors  que  la  vésicule  thymique  présente 
les  caractères  que  nous  venons  de  voir,  la  tête  du  thymus  est  constituée  par 
plusieurs  îlots  cellulaires  pourvus  de  lumières  plus  ou  moins  grandes,  entre 


lo6  A.    PRENANT 

lesquelles  se  distingue  la  vaste  cavité  de  la  vésicule  thymique.  Celle-ci  est 
ainsi  contiguë  à  la  tète  du  thymus,  et  cette  proximité  dispose  déjà  à  penser 
qu'elle  en  fera  plus  tard  partie.  Une  autre  preuve  plus  convaincante  consiste 
dans  la  constatation  de  proéminences  de  la  paroi,  saillantes  à  l'extérieur, 
qui  font  l'effet  de  bourgeons  cellulaires  en  voie  de  développement,  bourgeons 
devant  prendre  part  à  la  formation  de  la  tête  du  thymus  (embryon  de  26  mm,, 
FiG.  10).  Enfin,  chez  un  embryon  un  peu  plus  âgé  (28  mm.),  nous  retrouvons, 
exactement  à  l'endroit  qu'occupait  la  vésicule  thymique,  une  cavité  très  vaste 
dont  la  forme  est  non  pas  arrondie,  mais  irrégulière,  et  dont  la  paroi  très 
épaisse  est  garnie  sur  tout  son  pourtour  de  bourgeons  cellulaires  abon- 
dants, desquels  dérivera  la  tête  du  thymus.  Bien  que  nous  manquions  de 
stade  intermédiaire  entre  l'embryon  de  26  et  celui  de  28  mm.,  et  que  nous 
ne  puissions  passer  directement  de  la  vésicule  arrondie  à  paroi  mince  et 
non  bourgeonnante  à  la  cavité  anfractueuse  dont  la  paroi  épaissie  bourgeonne 
de  tous  côtés,  cependant  l'identité  de  situation  nous  fait  penser  que  nous 
avons  dans  cette  dernière  la  vésicule  thyniiquedes  stades  précédents;  celle-ci 
par  conséquent  jouerait  dans  la  constitution  de  la  tête  du  thymus  un  rôle 
important  sinon  prépondérant. 

La  vésicule  thymique  nous  semble  un  organe  épithélial  de  réserve, 
temporairement  inactif,  dont  la  prolifération  tardive  produira  la  majeure 
partie  de  la  tête  du  thymus.  Pour  cette  raison,  la  tête  du  thymus  se  forme, 
dans  sa  plus  grande  masse  du  moins,  plus  tard  que  le  reste  de  l'organe, 
contrairement  à  la  plupart  des  auteurs  qui  veulent  que  son  développement 
soit  le  plus  précoce. 

La  tête  du  thymus,  encore  minime  chez  des  embryons  de  20  à  25  mm., 
se  développe  puissamment  chez  les  embryons  à  partir  du  stade  de  40  mm. 
Elle  est  située  à  un  niveau  plus  inférieur  que  la  glande  carotidienne.  Elle  ré- 
pond au  côté  externe  de  la  carotide  primitive,  et  sa  face  interne  offre  une  con- 
cavité destinée  à  loger  en  partie  l'artère.  La  coupe  transversale  de  la  tête  du 
thymus  a  un  contour  général  arrondi  (embryons  de  70  et  75  mm.),  sauf 
l'échancrure  interne  qui  est  en  relation  avec  la  carotide.  Elle  est  formée 
d'un  certain  nombre  de  lobes  qui  irradient  autour  d'un  centre,  et  qui  sont 
montés  chacun  sur  un  pédicule,  formé  d'une  substance  plus  claire  que  celle 
du  lobe  lui-même,  les  différents  pédicules  se  confondant  en  une  masse  cen- 
trale. Déjà  chez  l'embryon  de  40  mm.,  ces  lobes  sont  en  voie  de  transfor- 
mation lympho'ide,  transformation  dont  il  sera  question  plus  tard. 

Chez  des  embryons  de  40  mm.,  et  mieux  encore  chez  des  animaux  plus 


DEVELOPPEMENT    DU    THYMUS  I07 

âgés,  la  tête  du  thymus  non  seulement  recouvre  la  carotide  du  côté 
externe  et  l'enferme  aux  trois  quarts  en  poussant  ses  lobes  en  avant  et  en 
arrière  d'elle;  mais  encore  elle  tend  à  la  recouvrir  du  côté  interne,  en  englo- 
bant en  même  temps,  ainsi  qu'il  a  été  dit  plus  haut,  la  glande  carotidienne. 

Elle  est  alors  aussi  contiguë  par  sa  face  externe  à  la  glande  sous-ma- 
xillaire, dont  elle  se  distingue  par  le  volume  de  ses  lobes,  qui  ne  sont  pas 
décomposés  en  lobules  et  en  acinis  comme  dans  la  glande  salivaire.  Plus 
tard,  elle  tend  à  être  recouverte  extérieurement  par  cette  glande  et  contracte 
avec  elle  des  rapports  tellement  intimes  qu'il  devient  difficile  de  l'en  séparer. 

Chez  le  fœtus  à  terme,  la  tête  du  thymus  est  un  organe  considérable, 
complètement  adhérent  à  la  glande  sous-maxillaire,  dont  elle  se  délimite  par 
une  différence  assez  notable  dans  la  constitution  macroscopique  et  dans  la 
couleur,-  Pl.  II,  fig.  18. 

Ajoutons  que,  chez  des  embryons  déjà  âgés  (de  9,  lo  et  1 1  cm.),  la  tête 
du  thymus  paraît  se  composer  de  deux  parties  assez  distinctes,  Pl.  II, 
FIG.  13.  L'une,  externe,  est  formée  d'une  demi-douzaine  de  lobes  volumi- 
neux; c'est  à  cette  portion  qu'est  appendue  la  glande  carotidienne,  qui 
semble  être  l'un  de  ces  lobes  dont  elle  se  distingue  cependant  par  sa 
forme  régulièrement  arrondie  et  par  sa  couleur  foncée.  L'autre  portion, 
plus  interne,  est  composée  d'un  nombre  plus  considérable  de  lobes  beau- 
coup plus  petits;  c'est  elle  qui  loge  dans  la  concavité  de  sa  face  interne 
l'artère  carotide  et  le  nerf  pneumogastrique;  c'est  elle  aussi  qui  se  continue 
inférieurement  (ou  postérieurement)  avec  le  reste  du  th)'mus.  Les  coupes 
transversales  ne  montrent  cependant  pas  de  différence  essentielle  dans  la 
texture  de  ces  deux  portions.  Les  gros  lobes  de  la  partie  externe  se  montrent 
formés  des  deux  substances,  corticale  et  médullaire,  la  première  irradiant 
autour  de  la  seconde.  Les  petits  lobes  de  la  portion  interne  formés  de  sub- 
stance corticale,  peuvent  être  réunis  entre  eux  par  des  cordons  constitués 
par  cette  même  substance;  ils  rayonnent  irrégulièrement  autour  d'une  sub- 
stance médullaire  qui  se  prolonge  jusqu'à  eux  sous  forme  de  pédicules.  Ces 
différences  permettent-elles  de  dire  que  chacun  des  gros  lobes  de  la  partie 
externe,  formés  des  deux  substances,  correspond  à  la  partie  interne  tout 
entière  et  représente  un  thymus  réduit?  C'est  ce  que  nous  ne  pouvons 
affirmer. 

En  résume,  la  tête  du  thymus  se  développe  aux  dépens  de  la  troisième 
poche  entodermique  branchiale  elle-même  et  d'un  diverticule  de  cette  poche; 
celui-ci,  qui  est  sans  doute  identique  à  la  vésicule  thymique  de  Kastschenko , 


lo8  A.    PRENANT 

s'enfonce  dans  le  ganglion  du  vague.  La  tête  du  thymus  se  développe  asse^ 
tardivement  d'une  manière  puissante,  englobe  la  carotide  primitive  et  la 
glande  carotidienne,  qui  dès  lors  adhère  à  sa  face  interne;  on  peut  y  distin- 
guer deux  parties  d'aspect  passablement  différent. 

3°     Corps  du  thymus. 

La  tête  du  thymus  est  rattachée  au  reste  de  l'organe  par  un  cordon 
situé  d'abord  en  dehors  et  en  avant  de  la  carotide  primitive,  et  qui  plus  bas 
se  place  directement  en  avant,  pour  se  continuer  avec  le  corps  principal  de 
l'organe  qui  répond  à  la  face  ventrale  de  la  trachée.  Ce  ^  cordon  intermé- 
diaire "  représente  la  plus  grande  étendue  de  la  portion  cervicale  du  thymus. 
Il  est  au  début  extrêmement  mince,  réduit  en  certains  endroits  au  point  de 
n'être  formé,  sur  la  coupe  transversale,  que  par  quelques  cellules,  Pl.  I, 
FiG.  11,  cith,  et  Pl.  III,  fig.  29,  th;  ailleurs  il  est  plus  volumineux;  sa 
forme  est  donc  celle  d'un  cylindre  bosselé.  Chez  des  embryons  de  30  à  40  mm., 
on  le  voit,  coupé  en  travers,  pourvu  d'une  lumière  et  irrégulièrement  bour- 
geonnant. Son  développement  est  assez  précoce,  puis  il  s'arrête,  si  bien  que 
chez  un  embryon  de  70  mm.  et  jusqu'au  stade  de  150  mm.,  il  constitue  un 
filament  grêle,  moniliforme.  Sans  doute,  le  cordon  intermédiaire,  obligé  de 
suivre  l'allongement  rapide  et  considérable  du  cou,  s'étire  aux  dépens  de  sa 
largeur.  Plus  tard,  le  cordon  se  développe  beaucoup  et  se  présente,  chez  le 
fœtus  à  terme,  sous  forme  d'un  ruban  épais,  bosselé,  de  presque  1  cmt.  de 
large.  Ce  cordon  a  subi  une  transformation  lympho'ïde  complète  chez  un 
embryon  de  77  mm. 

Nous  avions  cru  tout  d'abord,  en  nous  fondant  uniquement  sur  les  résul- 
tats fournis  par  les  dissections,  que  le  corps  du  thymus  était  au  début  entiè- 
rement cervical  chez  le  mouton,  et  que  ce  n'était  que  tardivement,  chez  des 
embryons  de  70  mm.,  par  exemple,  que  l'extrémité  inférieure  du  thymus 
cervical  descendait  dans  le  thorax.  La  dissection  nous  avait,  en  effet,  montré 
que  le  corps  cervical  se  prolongeait  inférieurement  par  deux  appendices 
très  grêles,  juxtaposés,  situés  au-devant  des  deux  carotides  primitives,  qui  à 
ce  niveau  se  sont  rapprochées  sur  la  ligne  médiane  pour  se  fusionner  un 
peu  plus  bas  en  un  tronc  commun.  Nous  avons  cru  primitivement  que  ces 
appendices,  que  nous  nous  proposions  de  nommer  thoraciques,  donnaient, 
en  effet,  naissance  par  un  bourgeonnement  secondaire  puissant  à  toute  la 
partie  thoracique  de  l'organe.  (1) 


(1)     Cette   opinion  est   encore   conservée   dans    la  note   que  nous  avons  publiée  sur  le  développement 
du   thymus  dans   les   comptes  rendus  de   la   Société  de   Biologie,   27  mai    1893. 


DEVELOPPEMENT    DU    THYMUS  IO9 

L'examen  de  coupes  sériées  portant  sur  des  embryons  de  25  à  30  mm. 
nous  a  montré  que  déjà  à  cette  époque  le  corps  thoracique  du  thymus  est 
présent,  et  que  les  prétendus  appendices  thoraciques  ne  terminent  pas  le 
thymus,  mais  sont  des  cordons  d'union  entre  les  portions  cervicale  et  thora- 
cique de  l'organe  (cordons  cervico-thoraciques).  Ces  cordons  offrent  une 
constitution  primitive  très  simple,  réduits  qu'ils  sont  à  un  conduit  limité 
par  une  paroi  épithéliale  mince  ou  à  un  cordon  plein  paucicellulaire,  Pl.  I, 
FiG.  12,  et  Pl.  II,  FiG.  19.  Les  deux  cordons  sont  juxtaposés  à  l'intérieur 
d'une  enveloppe  conjonctive  commune. 

Quand  on  suit  d'avant  en  arrière  la  série  des  coupes  des  embryons 
de  30  mm.,  on  voit  la  partie  inférieure  du  corps  cervical  du  thymus  se 
former  impaire  et  se  placer  sur  la  ligne  médiane,  grâce  à  la  coalescence 
des  corps  pairs  du  thymus.  Cette  portion  cervicale  inférieure  s'engage  alors 
entre  les  deux  carotides  primitives,  puis  plus  bas  entre  les  deux  veines 
jugulaires,  plus  bas  encore  entre  les  deux  troncs  veineux  brachio-cépha- 
liques  très  courts  qui  sont  le  confluent  des  jugulaires  et  des  sous-clavières. 
Grâce  à  ce  déplacement,  l'extrémité  inférieure  du  thymus  arrive  à  être  située 
sur  un  plan  plus  antérieur  (plus  ventral)  que  ces  deux  grosses  veines,  Pl.  VI, 
FIG.  25,  A,  thc;  de  telle  sorte  que,  quand  les  deux  veines  se  réuniront  un 
peu  plus  bas  pour  former  la  veine  cave  supérieure,  le  thymus  sera  placé  au 
devant  de  cette  dernière.  C'est  ce  qui  est  arrivé  en  B.  Mais  à  ce  niveau,  le 
thymus  n'est  plus  représenté  que  par  les  deux  cordons  cervico-thoraciques 
extrêmement  grêles,  ccth,  accolés  à  la  paroi  antérieure  de  la  veine  cave.  Ils 
se  retrouvent  en  C  dans  la  même  situation,  quoique  avec  une  très  légère 
déviation  du  côté  gauche  de  la  ligne  médiane.  Vient  ensuite,  de  Z)  à  H,  le 
thymus  thoracique  qui  est  déjeté  franchement  â  gauche,  et  qui  prend  succes- 
sivement les  rapports  qui  sont  donnés  par  la  figure. 

Des  dissections  pratiquées  chez  des  embryons  plus  âgés,  de  70  à  114 
mm.,  m'ont  permis  de  faire  les  mêmes  constatations. 

Tandis  que  chez  des  embryons  de  30  à  40  mm.  le  thymus  est  déjà,  dans 
tout  le  reste  de  son  étendue,  en  voie  de  transformation  lympho'ide,  le  cordon 
cervico-thoracique  conserve  encore  une  constitution  épithéliale.  Plus  tard, 
par  exemple  chez  un  embryon  de  105  mm.,  le  cordon,  macroscopiquement 
reconnaissable  et  anatomiquement  isolable,  ne  se  distingue  plus  au  micros- 
cope par  sa  constitution  histologique;  il  a  perdu,  en  effet,  la  structure  épithé- 
liale primitive  et  s'est  transformé  en  un  cordon  lymphoïde.  Plus  tard  encore, 
ce  cordon  s'épaissit  considérablement  et  prend  un  développement  presque 
semblable  à  celui  du  reste  de  l'organe. 

14 


110  A.    PRENANT 

Le  cordon  cervico-thoracique  se  présente,  à  la  dissection  d'embryons 
âgés  (30 — 40  cm.)  et  de  fœtus  à  terme,  sous  l'aspect  suivant.  Il  est  impair 
et  résulte  de  la  fusion  des  deux  cordons  primitifs  entourés  par  une  gaîne 
conjonctive  commune.  Il  part  de  l'extrémité  inférieure  des  deux  corps  cer- 
vicaux du  thymus,  qui,  tout  à  fait  en  bas,  sont  aussi  confondus  ensemble. 
II  a  la  forme  d'une  bande  blanche,  d'environ  4—5  mm.  de  large  chez  le  fœtus 
à  terme,  mince,  qui  passe  au-devant  des  troncs  veineux  brachio-céphaliques 
et  de  la  veine  cave  supérieure  qui  les  continue;  il  adhère  intimement  à  leur 
paroi.  L'aspect  de  cette  bande  est  différent  de  celui  de  la  portion  cervicale 
et  aussi  de  la  partie  thoracique  du  thymus  ;  sa  surface,  au  lieu  d'être  bosselée 
et  lobée  comme  celle  du  reste  de  l'organe,  est  à  peu  près  lisse.  J'avais  cru 
d'abord  qu'à  cette  différence  d'aspect  correspondait  une  texture  dissemblable; 
mais  l'examen  microscopique  n'a  pas  justifié  cette  prévision.  Cette  bande 
se  prolonge  par  un  épais  cordon,  la  partie  thoracique  du  thymus,  qui  offre 
de  nombreuses  bosselures  irrégulières,  se  déjette  entièrement  à  gauche, 
décrit  une  courbure  très  accentuée,  et  remonte  dans  la  partie  supérieure  du 
thorax  et  du  côté  gauche,  où  il  se  termine  plus  ou  moins  loin  suivant 
l'âge  de  l'animal. 

En  résumé  :  il  existe  chei  l'embryon  de  mouton  deux  parties  dit 
thymus,  qui  par  l'accroissement  en  volume  et  le  dépeloppement  histologique 
sont  en  retard  sur  les  autres  portions.  Ce  sont  d abord  le  cordon  intermé- 
diaire cervical,  qui  unit  la  tête  du  thymus  au  corps  cervical  de  l'organe; 
puis  le  cordon  cervico-thoracique,  qui  relie  la  partie  cervicale  à  la  partie 
thoracique. 

4°     Histogenèse  du  thymus.  Transformation  lympho'ide  de  l'ébauche 

épithéliale. 

On  sait  que  de  bonne  heure  le  thymus,  qui  primitivement  offrait  une 
structure  épithéliale,  perd  cette  constitution  pour  se  transformer  en  tissu 
lymphoïde. 

Comment  s'effectue  cette  transformation?  La  question  a  reçu  deux  so- 
lutions différentes. 

His,  Stieda,  Maurer,  Gulland  ont  admis  que  l'ébauche  épithéliale 
est  pénétrée  par  le  tissu  conjonctif  ambiant  et  par  les  vaisseaux,  envahie 
particulièrement  par  les  lymphocytes;  ceux-ci  se  substituent  aux  éléments 
épithéliaux,  qui  disparaissent  étouffés  par  les  éléments  lymphatiques.  Il  y 
a  substitution  des  seconds  aux  premiers.  Le  processus  général  peut  être 


DEVELOPPEMENT    DU    THYMUS  1  1  1 

considéré  comme  une  sorte  de  pseudomorphose  lymphoïde    d'un    organe 
épithélial. 

Stieda  (79),  après  avoir  décrit  le  thymus  épithélial  chez  un  embryon 
de  brebis  de  22  mm.,  suit  cet  organe  dans  son  développement.  Chez  un 
embryon  de  35  mm.,  le  thymus  épithélial  est  plongé  dans  un  tissu  d'aspect 
spécial,  différent  de  celui  des  parties  ambiantes  et  circonscrit  par  une  enve- 
loppe conjonctive  condensée.  Le  tissu  inclus  fait  l'effet  de  substance  adénoï- 
de (substance  glandulaire  conglobée)  :  c'est  une  charpente  ou  un   réseau 
cellulaire,  parcourue  par  des  vaisseaux,  dans  les  mailles  de  laquelle  sont  si- 
tués des  cellules  et  des  noyaux.  Dans  ce  tissu  se  trouve  le  thymus  épithélial. 
A  ce  dernier  s'est  donc  ajouté,  pour  constituer  le  thymus,  un  tissu  adénoïde 
vasculaire.  Au-delà  de  ce  stade,  l'auteur  n'a  pu  suivre  d'une  façon  sûre  les 
éléments  épithéliaux  du  thymus  embryonnaire.   Chez   des   embryons  de 
50 — 60  mm.,  la  coupe  du  thymus  offre  déjà  l'image  de  l'organe  développé, 
tel  qu'il  se  présente  chez  le  mouton  nouveau-né.  La  coupe  transversale  des- 
sine une  masse  plusieurs  fois  lobée,  composée  de  petites  cellules  rondes  très 
serrées;  les  vaisseaux  y  sont  rares.  Que  sont  devenues  les  cellules  épithé- 
liales?  D'où  proviennent  les  masses  à  petites  cellules  qui  occupent  l'inté- 
rieur du  thymus?  On  est  disposé  à  croire,  répond  Stieda,  que  les  masses 
cellulaires  du  thymus  d'un  embryon  de  60  mm.  sont  les  descendants  des 
cellules  épithéliales.   Mais,  outre  que  cela  n'est  pas    démontré,    les   faits 
observés  sur  le  thymus  développé  sont  encore  contraires.  Ce  que  deviennent 
enfin  les  cellules  épithéliales,  elles  se  retrouvent,  pense  Stieda,  dans  les 
éléments  constituants  des  corps  concentriques  du  thymus  (p.  23-  25).  Plus 
loin  (p.  30),  il  ne  trouve  rien  à  objecter  à  la  manière  de  voir  de  Kolliker, 
fondée  sur  la  comparaison  des  stades  successifs  du  développement.  Mais, 
pour  avoir  constaté,  comme  Kolliker,  au  lieu  de  l'ébauche  épithéliale  pri- 
mitive, la  glande  complètement  transformée  des  stades  âgés,  il  ne  veut  pas 
en  conclure  à  une  origine  directe  des  petites  cellules  du  thymus  définitif 
aux  dépens  des  cellules  épithéliales  de  l'ébauche  embryonnaire.  Il  exprime 
au  contraire  cette  hypothèse,  qu'il  ne  peut  appuyer  sur  des  faits,  que  les 
cellules  épithéliales  ne  sont  représentées  à  l'état  définitif  que  par  les  corps 
concentriques  et  que  par  conséquent  les  cellules  lymphoïdes  viennent  d'ail- 
leurs, par  exemple  du  tissu  conjonctif  environnant. 

Maurer  (50),  dans  un  important  travail  sur  le  développement  du  thy- 
mus des  amphibiens  anoures  et  urodèles,  se  posant  la  question  de  savoir  si 
les  petites  cellules  du  thymus  proviennent  de  la  division  des  cellules  épi- 


112  A.    PRENANT 

théliales  primitives,  ou  si  elles  sont  d'origine  mésodermique  étant  immigrées 
en  même  temps  que  les  vaisseaux,  incline  vers  cette  deuxième  réponse, 
«  parce  que,  dit-il,  il  ne  m'a  jamais  été  possible  de  découvrir  à  côté  des 
petites  cellules  rondes  et  des  cellules  épithéliales  de  l'écorce  éparses  entre 
les  précédentes  des  figures  de  division  ou  des  formes  de  passage  quelcon- 
ques -  (p.  344). 

GuLLAND  (29 — 30)  compare  le  phénomène  de  la  transformation  lym- 
pho'ïde  à  ce  qui  a  été  découvert  par  Kowalewsky  dans  le  développement 
embryonnaire  des  muscidés,  où  des  organes  larvaires  inutilisés  pour  la 
constitution  de  l'imago  sont  détruits  par  les  leucocytes  (1). 

Voici  du  reste  comment  Gulland  décrit  ce  processus.  Le  thymus, 
dit-il,  est  un  vaste  conduit  épithélial,  autour  duquel  le  tissu  conjonctif 
s'épaissit,  repoussé  et  condensé  par  la  progression  incessante  de  l'épithé- 
lium.  Bientôt,  dans  ce  tissu  conjonctif  paraissent  d'abondants  vaisseaux;  les 
leucocytes  s'y  montrent  en  même  temps  en  grand  nombre,  tout  d'abord 
dans  les  parties  du  tissu  conjonctif  voisines  de  l'épithélium,  fig.  9.  Puis 
ils  émigrent  dans  cet  épithélium,  qui,  longtemps  auparavant  déjà,  s'est 
transformé  en  une  masse  pleine,  dendritiquement  ramifiée;  l'immigration 
dure  encore  longtemps  après  que  dans  chaque  lobule  thymique  il  n'y  a  plus 
que  des  restes  d'épithélium,  fig.  10. 

D'autres  auteurs,  au  contraire,  (Kôlliker,  Maurer,  Tourneux  et 
Herrmann)  ont  soutenu  que  les  lymphocytes  qui  constituent  la  plus  grande 
masse  du  thymus  définitif  ne  viennent  pas  du  dehors,  ne  sont  pas  des  élé- 
ments immigrés  dans  l'ébauche  épithéliale,  mais  qu'ils  sont  formés  sur 
place  et  dérivent  de  l'activité  proliférative  des  cellules  épithéliales  mêmes; 
il  y  a  transformation  lymphoïde  de  l'organe  épithélial  (2). 

Kôlliker  (39)  s'est  borné  à  constater  que,  dans  les  lobes  du  thymus, 
on  trouve  d'abord,  dans  un  premier  stade,  de  grandes  cellules  à  noyaux 
volumineux,  puis,  dans  les  périodes  suivantes,  des  éléments  de  taille  bien 


(1)  On  pourrait  aussi,  adoptant  les  vues  de  Gulland,  rapprocher  ce  phénomène  du  fait  étudié 
par  His,  Giacomini,  Chiarugi,  qui  consiste  en  ce  qu'aux  éléments  qui  composent  les  organes  de 
l'embryon  humain  se  substituent  des  éléments  semblables  à  des  leucocytes,  avec  conservation  des  formes 
extérieures   des  organes. 

(2)  Dans  le  travail  de  Dahms  (14)  cité  cependant  par  Tourneux  et  Herrmann  comme  renfer- 
mant une  opinion  analogue  et  des  faits  à  l'appui,  nous  ne  trouvons  aucune  donnée  précise  relative 
à  cette  question  d'histogenèse.  L'auteur,  d'après  l'examen  d'un  foetus  de  dauphin  de  i3  cm.  de  long, 
dit  seulement  que  de  par  l'aspect  des  éléments  des  follicules  du  thymus,  ces  follicules  lui  parais- 
sent  provenir  du   feuillet   interne. 


DÉVELOPPEMENT   DU    THYMUS  113 

moindre,  pourvus  de  noyaux  petits,  ces  éléments  étant  d'autant  plus  abondants 
que  le  développement  est  plus  avancé.  ^  C'est  entre  le  2o"i«  et  le  23™'^  jour 
(chez  le  lapin),  que  se  fait  la  transformation  principale  dans  l'organe  :  les 
cellules  deviennent  toujours  plus  petites  et  plus  insignifiantes;  leurs  limites, 
qui  auparavant  n'étaient  pas  bien  nettes,  s'effacent  complètement,  et  elles 
apparaissent  alors  comme  un  amas  de  petits  noyaux  arrondis  avec  peu  de 
substance  intermédiaire.  La  structure  de  l'organe  perd  ainsi  son  caractère 
épithélial  pour  prendre  celui  du  thymus  adulte.  En  même  temps  se  produit 
une  autre  modification  d'importance  fondamentale,  je  veux  parler  de  la  pro- 
lifération de  vaisseaux  et  de  tissu  conjonctif  dans  les  parois  épaisses  de  la 
glande.  Ces  phénomènes  se  passent  en  même  temps  que  se  transforment 
les  cellules  de  la  paroi.  En  premier  lieu,  de  minces  bourgeons  vasculaires 
s'insinuent  entre  les  vésicules  glandulaires.  Ils  partent  d'une  enveloppe  ex- 
térieure vasculaire,  mais  non  délimitée  exactement  d'avec  le  tissu  environ- 
nant. On  ne  peut  déterminer  exactement  de  quelle  manière  ces  bourgeons 
entrent  dans  la  substance  glandulaire,  mais  là  où  auparavant  on  ne  voyait 
rien  en  fait  de  vaisseaux,  on  en  trouve  un  grand  nombre  à  un  certain  mo- 
ment; on  peut  donc  admettre  que,  venus  du  dehors,  ils  ont  envahi  la  paroi 
épithéliale  transformée.  Dans  des  glandes  à  cet  état,  on  distingue  dès  lors 
une  couche  corticale  plus  dense,  se  colorant  mieux  par  le  carmin,  et  une 
masse  interne  plus  cla,ire,  sans  aucune  cavité  dans  son  centre;  ces  différences 
entre  la  couche  corticale  et  le  centre  proviennent  de  ce  que  le  nombre  des 
noyaux  (cellules?)  et  peut-être  des  vaisseaux  n'est  pas  le  même  dans  les 
deux  parties  '•  (p.  916). 

Bien  que  la  constatation  essentielle  de  Kôlliker,  consistant  à  voir  le 
thymus  formé  d'abord  de  grandes  cellules  épithéliales,  constitué  ensuite  de 
petits  éléments  et  à  ne  voir  que  cela,  paraisse  prudente  à  l'excès,  tant  le 

résultat  semble  mince  au  premier  abord,  elle  est  au  contraire  d'une  grande 

portée,  émanant  d'une  personne  histologique  telle  que  Kôlliker,  qui,  s'il 
n'a  pas  tout  vu  complètement  à  cause  de  l'imperfection  des  méthodes  qu'il 
a  eues  autrefois  à  sa  disposition,  a  vu  la  plupart  des  choses  exactement.  Le 
fait  d'ailleurs  a  plus  de  conséquence  qu'on  ne  lui  en  attribuerait  à  première 
vue.  Car  si,  à  l'exemple  de  Kôlliker,  on  voit  paraître  à  un  certain  moment, 
dans  les  lobes  thymiques  limités  nettement  par  une  enveloppe  conjonctive, 
de  petites  cellules  qui  deviennent  ensuite  innombrables,  et  si  l'on  ne  con- 
state rien  autre  que  ce  fait,  on  n'est  autorisé  qu'à  une  seule  conclusion,  c'est 
que  les  petites  cellules,  qui  sont  les  éléments  lymphatiques,  dérivent  des 


114  A.  PRENANT 

cellules  plus  volumineuses  préexistantes,  qui  étaient  les  éléments  épithéliaux. 
Dès  à  présent,  nous  pouvons  déclarer  que,  sur  des  préparations  peut-être 
plus  démonstratives  que  celles  dont  s'est  servi  Kolliker  alors  qu'il  étudiait 
cette  question,  nous  ne  sortîmes  cependant  arrivé  à  rien  ajouter  d'essentiel 
à  son  observation,  que  nous  ne  ferons  donc  que  confirmer.  Cette  observa- 
tion, renforcée  par  la  nôtre,  appuyée  de  celles  des  auteurs  dont  les  recherches 
sont  analysées  ci-dessous,  nous  suffira,  nous  pouvons  dès  à  présent  l'annon- 
cer, à  supposer  l'origine  épithéliale  des  lymphocytes  du  thymus. 

Le  thymus  des  téléostéens  a  fourni  à  Maurer  (49)  des  conclusions  en 
partie  semblables  à  celles  de  Kolliker.  Les  cellules  épithéliales  de  la  pre- 
mière ébauche  du  thymus  prennent,  selon  lui,  un  aspect  lyrnphoïde;  à  la 
limite  de  l'organe,  elles  se  continuent  toutefois  directement  avec  l'épithélium 
de  la  cavité  branchiale,  tandis  qu'elles  sont  séparées  comme  ce  dernier  du 
tissu  conjonctif  sous-jacent  par  une  membrane  propre.  Du  substratum  par- 
tent des  cellules  conjonctives,  peu  nombreuses  d'abord,  qui,  accompagnées 
de  vaisseaux,  perforent  la  membrane  propre  et  pénètrent  l'organe.  La  masse 
principale  de  celui-ci  est  toujours  formée  par  les  cellules  à  aspect  lymphoïde 
de  l'ébauche  épithéliale.  Ce  n'est  qu'au  bout  de  plusieurs  mois  que  ces 
cellules  en  reviennent  à  leur  caractère  épithélial,  leurs  facultés  de  proliféra- 
tion étant  alors  épuisées.  En  même  temps,  le  long  des  vaisseaux  et  des 
tractus  conjonctifs  font  irruption  dans  le  thymus  une  grande  quantité  de 
cellules  lymphoïdes  venues  du  tissu  conjonctif  ambiant,  qui  se  fixent  dans 
une  zone  intermédiaire,  où  elles  forment  les  follicules  lymphatiques. 
Les  restes  de  l'ébauche  épithéliale  (corps  concentriques)  persistent  d'une 
part  dans  la  profondeur,  d'autre  part  en  formant  le  revêtement  qui  ferme 
le  thymus  du  côté  de  la  cavité  branchiale. 

Chez  un  embryon  de  mouton  de  32  mm.,TouRNEux  et  Herrmann  (89) 
ont  vu  la  glande  composée  "  de  petites  masses  épithéliales  arrondies,  abso- 
lument dépourvues  de  vaisseaux,  formées  uniquement  de  cellules  polyédri- 
ques granuleuses,  mesui-ant  de  6  à  iijj.,  à  noyau  sphérique  relativement 
volumineux.  Çà  et  là,  on  aperçoit  des  sortes  de  lacunes,  au  pourtour  des- 
quelles les  éléments  épithéliaux,  irrégulièrement  prismatiques,  atteignent 
jusqu'à  151-1  de  diamètre;  le  corps  de  ces  grosses  cellules  est  homogène  et 
transparent...  y  Chez  un  embryon  de  38  mm.,  les  éléments  constituant  des 
bourgeons  thymiques  paraissent  rapetisses,  en  ce  sens  que  ceux  de  faible 
dimension  (6  à  8|a)  sont  de  beaucoup  les  plus  nombreux.  Dans  la  plupart 


DEVELOPPEMENT    DU    THYMUS  115 

des  bourgeons  existent  des  vacuoles  bordées  de  grandes  cellules  claires  et  in- 
colores. Ces  éléments  mesurent  jusqu'à  16  et  171-1  et  forment  aussi  çà  et  là, 
au  sein  du  parenchyme,  des  groupes  arrondis  ou  des  traînées  sans  aucune 
trace  de  cavité.  Il  semble  que  les  vacuoles  résultent  de  la  disparition  par 
résorption  de  quelques-unes  des  grandes  cellules.  Ces  dernières  offrent 
beaucoup  d'analogie  par  leur  aspect  avec  celles  qui  forment  à  ce  moment  la 
couche  superficielle  du  revêtement  œsophagien  ou  de  celui  de  la  peau. 
On  constate,  en  outre,  la  pénétration  dans  l'intérieur  des  bourgeons  épi- 
théliaux  de  quelques  prolongements  de  la  charpente  lamineuse,  prolonge- 
ments dont  chacun  contient  une  anse  capillaire.  —  Au  stade  de  50  mm., 
outre  des  changements  dans  la  forme  générale  des  lobes,  on  constate, 
quant  à  la  structure,  que  les  petits  éléments  tendent  à  prédominer  de  plus 
en  plus,  tandis  que  le  nombre  des  vacuoles  et  des  traînées  de  grandes  cel- 
lules claires  est  bien  moindre  qu'au  stade  précédent.  —  Au  stade  suivant 
(embryon  de  130  mm.),  il  devient  évident  à  première  vue  que  c'est  bien  le 
thymus  définitif  que  l'on  a  sous  les  yeux.  Le  parenchyme  est  constitué 
uniformément  par  de  petits  éléments  polyédriques  dont  le  diamètre  varie 
de  5  à  8p..  Les  lacunes  et  les  cellules  claires  ont  disparu.  —  Enfin,  sur  un 
embryon  de  i65  mm.,  les  lobules  primitifs  montrent  nettement  une  zone 
périphérique  de  substance  corticale  et  une  portion  centrale  de  substance 
médullaire;  celle-ci  est  de  texture  plus  lâche. 

TouRNEUx  et  Herrmann  retrouvent  les  mêmes  faits  chez  des  embryons 
de  plusieurs  autres  mammifères  et  chez  l'embryon  humain.  '•  Les  faits  qui 
précèdent  nous  amènent,  concluent-ils,  à  nous  rallier  entièrement  à  l'opinion 
de  KôLLiKER.  "  Malgré  cette  conclusion,  il  semble  que  les  auteurs  ne  se  soient 
pas  entièrement  dégagés  de  l'idée  de  la  participation  possible  du  tissu  con- 
jonctif  ambiant  à  la  constitution  du  parenchyme  même  de  la  glande  défini- 
tive, lorsque,  quelques  lignes  plus  bas,  ils  se  posent  cette  question  :  '^  Mais 
dans  quelle  mesure  les  deux  tissus  épithélial  et  conjonctif  participent-ils  à 
la  composition  du  thymus  arrivé  à  sa  période  de  plein  développement  ?  " 
"  Ne  pourrait-on  admettre,  se  demandent-ils  même,  une  substitution  lente 
et  graduelle  des  éléments  mésodermiques  immigrés  aux  cellules  épithéliales 
de  la  glande  embryonnaire  ?  ^^  Il  est  vrai  que,  pour  certaines  raisons,  ils 
regardent  cette  hypothèse  comme  peu  probable.  Il  n'est  pas  possible,  en 
définitive,  d'après  eux,  d'affirmer  actuellement  que  tous  les  éléments  propres 
du  thymus  chez  le  nouveau-né  soient  des  descendants  directs  de  l'épithélium 


Il6  A.    PRENANT 

branchial.  La  provenance  exacte  des  cellules  ramifiées  constituant  le  réticu- 
lum  des  follicules  reste  en  particulier  à  déterminer  (i). 

Ainsi  que  nous  l'avons  indiqué  au  début  de  ce  mémoire,  la  question  de 
l'histogenèse  du  thymus,  de  la  métamorphose  lymphoïde  de  son  ébauche 
épithéliale,  n'est  qu'un  cas  particulier  du  problème  d'histogenèse  générale 
qui  consiste  dans  la  recherche  de  l'origine  des  tissus  de  substance  con- 
jonctive et  particulièrement  du  tissu  lymphoïde. 

Les  objets,  à  propos  desquels  le  problème  a  été  posé,  sont  indépendam- 
ment du  thymus  (His,  Stieda,  Gulland,  Kôlliker,  Maurer,  Tourneux 
et  Herrmann)  :  les  amygdales  palatine  et  pharyngienne  [Stôhr  (82,  83), 
Retterer  (63,  66,  67),  Zawarykin  (93),  Schwabach  (75),  Gulland  (29,  30)], 
la  bourse  de  Fabricius  des  oiseaux  [Retterer  (62)],  les  follicules  clos  et  les 
plaques  de  Peyer  [Garbini  (25),  v.  Davidoff  (15),  Stôhr  f8i,  85),  Pilliet 
(58),  RuDiNGER  (70),  Retterer  (64,  65,  66,  67),  Gulland  (29),  Klaatsch  (38), 
Tomarkin(88)],  les  amas  lympho'ïdes  ou  les  follicules  parfaits  des  muqueuses 
œsophagienne  et  trachéale  [Flesch  (23),  Rubeli  (69),  "Waldeyer  (90)],  le 
mésentère  des  batraciens  [Maurer  (sobis)]. 

L'analyse  succincte  de  ces  divers  travaux  ne  nous  paraît  pas  superflue. 
Aussi  la  faisons-nous  dans  les  lignes  qui  suivent. 

Les  conclusions  de  Stôhr  (81 — 84),  déjà  formulées  dans  son  premier 
travail  et  reproduites  dans  ses  mémoires  ultérieurs,  sont  les  suivantes.  Les 
follicules  clos  des  divers  organes  étudiés  par  lui  (follicules  clos  de  la  base 
de  la  langue,  amygdales,  follicules  clos  et  plaques  de  Peyer  de  l'intestin) 
sont  formés  de  leucocytes.  Ceux-ci  sortent  des  vaisseaux  par  diapédèse; 
quelques-uns  peuvent  être  surpris  en  train  de  traverser  la  paroi  vasculaire. 
Les  leucocytes  s'accumulent  ensuite  entre  les  travées  du  tissu  conjonctif, 
distendent  les  mailles  de  ce  tissu,  se  divisent  par  caryocinèse  à  l'intérieur 
de  ces  mailles.  Le  tissu  conjonctif,  transformé  en  un  réseau  dont  les  mailles 
sont  occupées  par  des  leucocj'tes,  est  devenu  tissu  adéno'ïde.  Les  leucocytes, 
en  traversant  l'épithélium,  modifient  celui-ci,  et  peuvent  ensuite  tomber 
dans  la  cavité  intestinale.  | 

Retterer  résume  de  la  façon  qui  suit  (66)  la  série  de  ses  travaux  sur 
l'amygdale  linguale  chez  de  nombreux  mammifères,  et  sur  la  plaque  de 
Peyer  du  côlon  (amygdale  colique)  chez  le  cobaye  et  chez  le  lapin. 


(I)  On  peut  aussi  compter  de  Medron  (Sj)  parmi  les  auteurs  qui  sont  favorables  à  la  seconde 
manière  de  voir.  Il  pense,  en  effet,  que  chez  les  sélaciens  on  ne  doit  pas  conclure  à  l'immigration 
dans  le  thymus  d'éléments  mésodermiques,  de  ce  que  l'on  voit  dans  cet  organe  deux  sortes  de  cel- 
lules. K  On  doit  penser  plutôt  qu'il  y  a  ici  les  cellules  épithéliales  primitives  et  les  produits  de  leur 
prolifération   »  (p    53i). 


DEVELOPPEMENT    DU    THYMUS  117 

»  Dès  1885,  j'ai  essayé  de  montrer  que  les  éléments  arrondis  qui  con- 
stituent le  tissu  des  ainygdales  proviennent  de  la  division  des  cellules 
épithéliales.  L'épithélium  de  la  surface  du  canal  alimentaire  pousse  des 
bourgeons,  qui  pénètrent  dans  le  tissu  mésodermique,  comme  lorsqu'il  s'agit 
de  la  formation  des  glandes  en  général.  Ils  produisent  des  amas  de  cellules 
arrondies,  à  faible  corps  cellulaire  {cellules  basilaires).  Ces  amas  sont  entou- 
rés par  le  tissu  mésodermique,  qui  les  sépare  complètement  de  l'épithélium 
originel. 

«  Avant  cette  séparation,  la  limite  (paroi  propre  ou  membrane  basilaire) 
a  disparu  entre  les  cellules  basilaires  et  le  tissu  conjonctif  ;  les  prolonge- 
ments de  ce  dernier  ont  déjà  pénétré  entre  les  cellules  basilaires. 

n  Tandis  que  la  portion  périphérique  de  cette  formation  est  alors  con- 
stituée par  un  tissu  dont  le  réseau  est  conjonctif  et  dont  les  mailles  sont 
remplies  par  les  cellules  épithéliales,  sa  portion  centrale  est  purement 
épithéliale  à  ce  stade. 

?•  Avec  le  progrès  du  développement,  le  réseau  conjonctif  s'étend  de 
plus  en  plus  vers  le  centre,  en  s'insinuant  entre  les  cellules  épithéliales  qui 
se  divisent  et  se  transforment  en  cellules  basilaires.  C'est  ainsi  que  se  forme 
le  tissu  nouveau  du  follicule  clos,  à  charpente  conjonctive  et  à  éléments 
propres,  qui  sont  d'origine  épithéliale.  Les  vaisseaux  sanguins  et  lymphati- 
ques accompagnent  le  réseau  conjonctif. 

«  Ce  tissu  nouveau  est  donc  formé  de  cellules  épithéliales  incluses 
dans  une  trame  conjonctive  et  il  est  parcouru  de  vaisseaux  sanguins  et  lym- 
phatiques ;  pour  rappeler  cette  origine  épithéliale  des  cellules  glandulaires 
et  la  présence  de  vaisseaux  sanguins  et  lymphatiques  dans  le  tissu  complè- 
tement développé,  je  l'ai  appelé  angiothélial.  « 

L'examen  de  la  plaque  de  Peyer  du  cobaye  à  la  naissance  a  fourni  à 
l'auteur  des  résultats  analogues. 

1°  rî  Les  bourgeons  épithéliaux  traversent  la  miiscularis  miicosœ  ef~ 
leur  fond  arrive  au  contact  de  la  musculeuse.  Ils  se  ramifient  en  bourgeons 
secondaires,  multiples,  qui  occupent  le  centre  du  tissu  angiothélial  déjà 
formé  à  cette  époque.  Les  cellules  épithéliales  sont  le  siège  de  nombreuses 
divisions  par  voie  karyokinétique  et  elles  forment  ainsi  des  cellules  arron- 
dies à  faible  corps  cellulaire  (basilaires). 

2°  y>  Bien  limités  sur  les  parties  les  plus  voisines  de  la  surface  intesti- 
nale, ces  bourgeons  sont  comme  égrenés  du  côté  de  la  musculeuse.  Sur  de 
nombreux  points,  on  peut  voir  le  tissu  conjonctif  pénétrer  dans  l'intervalle 
des  cellules  basilaires. 

16 


118  A.  PRENANT 

«  Il  en  résulte  un  tissu  à  éléments  serrés  :  le  réticulum  est  formé  par 
le  tissu  conjonctif,  et  les  mailles  sont  remplies  par  les  cellules  basilaires, 
d'origine  épithéliale  «. 

Dans  une  nouvelle  note  (65),  se  rapportant  aux  plaques  de  Peyer  des 
ruminants  et  des  solipèdes,  il  arrive  aux  mêmes  conclusions. 

ZAWfARYKiN  (93)  voit  daus  l'épithélium  de  l'amygdale  du  chien  de  nom- 
breuses cavités  en  forme  de  bouteille,  qui  lui  paraissent  être  l'œuvre  des 
leucocytes;  ceux-ci  sortent  par  ces  cavités,  en  traversant  l'épithélium  (con- 
formément à  Stohr). 

ScHWABACH  (75j,  étudiant  l'amygdale  pharyngienne,  constate,  autour 
des  invaginations  de  l'épithélium  pharyngien,  la  présence  de  globules  blancs, 
qui  ont  une  origine  vasculaire  (comme  pour  Stohr)  ;  la  formation  des  folli- 
cules, observe-t-il,  débute  autour  des  invaginations  épithéliales. 

Garbini(25),  examinant  les  follicules  lymphatiques  ducœcum  du  cobaye, 
était  arrivé  en  1887  aux  résultats  suivants.  Entre  les  cellules  constituantes 
de  l'épithélium  stratifié  qui  revêt  l'infundibulum  et  les  parois  de  la  cavité 
folliculaire,  on  trouve  des  éléments  épars,  de  forme  sphérique,  qu'il  appelle 
cellules  folliculeuses.  Dans  les  points  où  existent  les  petites  cavités  follicu- 
laires et  juste  au-dessous  de  l'épithélium  stratifié  qui  en  tapisse  le  fond,  se 
trouvent  mêlées  aux  cellules  lymphoïdes  beaucoup  de  cellules  folliculaires, 
qui  forment  ensemble  le  substratum  de  l'épithélium.  De  par  l'existence  des 
cellules  folliculaires  en  ces  points,  l'auteur  croit  que  les  cellules  de  même 
forme,  qui  se  trouvent  entre  les  éléments  épithéliaux,  sont  ces  mêmes  élé- 
ments qui  émigrent  à  travers  l'épithélium,  pour  gagner  la  cavité  folliculaire 
et  tomber  dans  l'intestin  (analyse  d'après  une  note  du  Jahresbericht 
d'HoFFMANN  et  Schwalbe). 

v.  Davidoff  (15)  a  étudié  les  rapports  de  l'épithélium  intestinal  avec  le 
tissu  lymphoïde  chez  le  cobaye  et  l'homme.  Il  admet  sans  réserve  des  rap- 
ports génétiques  étroits  entre  les  leucocytes  et  l'épithélium.  Les  cellules 
épithéliales,  en  effet,  ont  des  prolongements  nucléés  (noyaux  secondaires  de 
l'auteurj,  qui  s'isolent  par  étranglement  du  reste  de  la  cellule,  et  qui  donnent 
naissance  aux  leucocytes.  C'est  ce  qu'a  vu  v.  Davidoff  dans  l'intestin  hu- 
main. —  Les  observations  que  lui  a  fournies  l'appendice  vermiftn'me  du 
cobaye  sont  encore  plus  intéressantes  à  notre  point  de  vue.  L'épithélium  s'y 
comporte  absolument  comme  dans  l'intestin  de  l'homme.  Si  l'on  suit  parti- 
culièrement cet  épithélium  vers  le  fond  des  cryptes,  on  voit  qu'il  devient 
plus  irrégulier,  tant  par  la  forme  que  par  l'état  variable  des  noyaux.  Au- 


f 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  119 

dessous  de  l'épithélium  du  fond  de  la  crypte,  la  membrane  basale  fait  défaut; 
elle  est  remplacée  par  une  ^  zone  intermédiaire  «,  qui  n'est  qu'un  réseau 
de  prolongements  poussés  par  les  cellules  épithéliales  et  qui  établit  une 
transition  insensible  entre  l'épithélium  et  le  tissu  lymphoïde  sous-jacent. 
Les  cellules  de  ce  tissu  sont  considérées  par  v.  Davidoff  comme  dérivant, 
par  la  zone  intermédiaire,  des  éléments  épithéliaux.  Les  follicules  lympha- 
tiques sont  pour  lui  des  endroits,  où  la  formation  des  cellules  lymphoïdes 
aux  dépens  de  l'épithélium  intestinal  se  fait  avec  une  énergie  spéciale. 

De  la  note  de  Pilliet  (58)  relevons  seulement  la  constatation  du  tissu 
lymphoïde  sous  forme  d'infiltration  diffuse  autour  des  glandes  de  Lieberkïjhn 
chez  les  poissons  cartilagineux. 

RiiDiNGER{70),  sur  des  suppliciés,  a  vu  que  les  glandes  de  Lieberkuhn 
de  l'appendice  vermiculaire  sont  envahies  par  les  follicules,  lorsque  ceux-ci 
se  rapprochent  de  la  muqueuse.  Les  cellules  cylindriques  de  la  glande  chan- 
gent alors  de  forme,  deviennent  plates  ;  puis  elles  se  rompent,  et  les  leuco- 
cytes tombent  alors  dans  l'intestin.  L'envahissement  de  la  glande  par  les 
leucocytes  se  fait  comme  il  suit.   Ces  éléments  investissent  les  extrémités 
des  glandes  de  Lieberkuhn  ;  là  où  ils  abordent  la  membrane  propre  de  la 
glande,  les  cellules  cylindriques  deviennent  plus  lâches  et  se  disposent  irré- 
gulièrement en  s'écartant  les  unes  des  autres.  Finalement  et  pour  abréger, 
toute  trace  de  la  glande  disparaît,  absorbée  par  le  follicule;  les  noyaux  des 
cellules  cylindriques  sont  conservés  cependant.  Tels  sont  les  faits,  dont 
l'interprétation  paraît  à  Rudinger  grosse  de  difficultés.  ^  Il  demeure  à  éta- 
blir, dit-il,  si  les  cellules  de  LiEBERKtiHN,  en  cédant  une  partie  de  leur 
protoplasme,  se  transforment  en  leucocytes,  ou  bien  si  les  cellules  cylin- 
driques se  désagrègent  par  suite  de  l'action  des  groupes  de  leucocytes  et  si 
les  leucocytes  détruisent  le  matériel  cellulaire  et  l'utilisent  pour  leur  rapide 
multiplication  i^.  Cependant,  ce  qu'il  a  vu  jusqu'alors  permet  à  l'auteur  de 
conclure  que  vraisemblablement  -^  les  cellules  des  glandes  de  Lieberkuhn 
se  transforment  et  mêlent  leurs  noyaux  à  ceux  des  leucocytes  ;    opinion, 
ajoute-t-il,  qui  cependant  ne  répond  pas  à. la  théorie  classique.  ^ 

Les  résultats  de  Gulland  relatifs  au  thymus  nous  sont  connus.  Dans 
un  travail  d'ensemble  sur  le  développement  du  tissu  adéno'ïde  (29)  et  dans 
une  note  propre  à  l'amygdale  (30;,  l'auteur  déclare  inadmissibles  les  idées 
de  Retterer.  Le  point  de  départ  de  la  formation  amygdalienne  est  une 
invagination  épithéliale  et  un  tissu  conjonctif  ambiant  très  vascularisé.  Les 
leucocytes  émigrent  en  grand  nombre  des  capillaires  dans  le  tissu  conjonctif; 


120  A.    PRENANT 

ils  sont  le  plus  abondants  là  où  le  tissu  conjonctif  est  le  plus  serré,  empêchés 
qu'ils  sont  par  cette  densité  du  tissu  d'aller  plus  loin  ;  par  conséquent,  ils 
s'amasseront  autour  des  extrémités  des  cryptes  épithéliales,  dont  la  pénétra- 
tion dans  le  tissu  conjonctif  a  irrité  et  par  suite  épaissi  ce  dernier.  Les  leu- 
cocytes traversent  ensuite  l'épithélium,  auquel  ils  se  substituent. 

Dans  les  plaques  de  Peyer  de  l'échidné,   Klaatsch  (38)  constate  un 
rapport  très  intime  entre  les  glandes  de  Lieberkuhn  et  les  follicules;  il  n'y 
a  pas  de  limites  nettes  entre  l'épithélium  des  unes  et  les  éléments  lympha- 
tiques des  autres  ;   ces  derniers  se  trouvent  dans  l'épithélium  même.  Ces 
rapports  intimes  glandulo-folliculaires,  la  constitution  en  partie  épithéliale 
des  follicules  de  Peyer  et  les  faits  de  Maurer,  de  Retterer,  de  v.  Davidoff 
disposent  l'auteur  à  admettre  l'origine  épithéliale  des  cellules  lymphoïdes. 
ToMARKiN  (88),  étudiant  les  relations  des  glandes  de  Lieberkuhn  et  des 
follicules  chez  le  cobaye,  arrive  à  une  conclusion  opposée,  favorable  à  l'opi- 
nion de  Stohr.  On  peut  voir,  dit-il,  les  amas  de  leucocytes  qui  constituent 
les  follicules  s'unir  à  l'épithélium  de  la  surface  intestinale,  ou  bien  grimper 
le  long  de  la  paroi  des  glandes  de  Lieberkuhn.  Celles-ci  cependant  ne  per- 
dent jamais  rien  de  leur  limitation  vis-à-vis  du  tissu  ambiant  (contrairement 
à  Retterer). 

Flesch('2  3)  observe  dans  l'œsophage  de  l'homme  et  du  porc  une  curieuse 
pénétration  des  follicules  par  les  conduits  excréteurs  des  glandes  acineuses, 
et  même  un  mélange  des  éléments  qui  constituent  les  deux  organes,  mélange 
qui  pour  lui  a  une  signification  physiologique. 

RuBELi  (69),  sur  le  même  objet,  trouve  aussi,  entre  les  glandes  d'une 
part,  les  nodules  lymphoïdes  circonscrits  ou  Tinfiltration  diffuse  de  la 
muqueuse  d'autre  part,  des  rapports  intimes.  Le  travail  se  termine 
par  diverses  considérations,  dont  certaines  relatives  à  notre  question  et  que 
nous  ignorons  malheureusement,  ne  connaissant  le  mémoire  que  par  une 
analyse. 

Waldeyer  (90)  se  borne  à  la  constatation  de  relations  analogues  entre 
les  glandes  trachéales  et  les  amas  cellulaires  lymphoïdes  de  la  muqueuse. 

Maurer  (49),  enfin,  soutient  cjuc  les  amas  de  globules  blancs  qui  for- 
ment les  glandes  mésentériques  et  la  rate  ont  leur  source  première,  chez  les 
amphibiens  tout  au  moins,  dans  les  cellules  de  l'entoderme  intestinal;  il 
est  ainsi  partisan  de  l'origine  épithéliale  des  leucocytes. 

En  résumé,  dans  tous  les  cas  précités,  les  formations  en  présence, 
dont  on  cherche  à  établir  les  relations  génétiques,  sont,  d'une  part  un  tissu 


DEVELOPPEMENT    DU    THYMUS  121 

épithélial  (cordon  épithélial  du  thymus,  invaginations  épithéliales  de  la 
muqueuse  pharyngienne,  épithélium  de  la  bourse  de  Fabricius,  glandes  de 
LiEBERKUHN  OU  Icurs  représentants  et  l'épithélium  de  revêtement  de  la 
surface  intestinale  même,  glandes  œsophagiennes  et  glandes  trachéales, 
entoderme  du  tube  digestif);  —  d'autre  part  un  amas  de  leucocytes  infiltrant 
le  tissu  conjonctif. 

Dans  certains  cas  et  d'après  l'observation  de  certains  auteurs,  ces  deux 
formations  sont  eu  présence,  juxtaposées,  avant  de  se  pénétrer,  avant  que 
l'on  voie  la  disparition  dès  épithéliums  et  leur  remplacement  par  les  leuco- 
cytes. D'autres  fois  et  pour  quelques  auteurs,  cette  scène  de  l'acte  histogé- 
nétique  a  fait  défaut,  et  l'on  s'est  borné  à  constater  d'abord  la  présence  des 
épithéliums,  puis  à  leur  place  l'existence  des  lymphocytes. 

Les  auteurs,  à  qui  il  a  été  donné  de  voir  les  deux  formations  en  pré- 
sence, et  qui  sont  le  plus  nombreux,  sont  aussi  ceux  en  général  qui  soutien- 
nent l'opinion  d'après  laquelle  les  lymphocytes  viennent  du  dehors,  des 
vaisseaux  en  particulier,  pénètrent  l'épithélium  et  se  substituent  à  lui 
(théorie  de  la  substitution  ou  de  la  pseudomorphose  lymphoïde)  (His,  Stieda, 
GuLLAND,  Stohr,  Zawarykin,  Schwabach,  Garbini,  Tomarkin). 

Les  autres,  qui  n'ont  pu  le  plus  souvent  que  constater  la  succession 
chronologique  des  deux  formations,  ou  qui,  comme  quelques-uns,  ont  réussi 
à  déceler  leur  continuité  parfaite,  admettent  que  l'épithélium  disparaît  en 
fournissant  les  lymphocytes,  qui  sont  produits  sur  place  (théorie  de  la  trans- 
formation ou  de  la  métamorphose  lymphoïde)  (Kolliker,  Maurer,  Tour- 
NEUx  et  Herrmann,  V.  Davidoff,  Rûdinger,  Klaatsch). 

Plusieurs  auteurs,  bien  qu'ayant  surpris  les  deux  formations  épithéliale 
et  lymphoïde  au  voisinage  l'une  de  l'autre,  ne  se  prononcent  cependant  pas 
pour  l'une  quelconque  des  opinions  précédentes  et  se  bornent  à  enregistrer 
le  fait  anatomique  :  tels  Pilliet,  Flesch,  Waldeyer. 

Retterer,  et  peut-être  aussi  Flesch,  occupe  une  place  à  part.  Pour 
lui,  les  deux  tissus,  épithélial  et  vasculo-conjonctif,  se  pénètrent  réciproque- 
ment de  la  façon  la  plus  étroite;  l'épithélium  ne  produit  pas  les  leucocytes; 
les  leucocytes  ne  détruisent  pas  l'épithélium;  les  deux  tissus  se  conservent 
intimement  mélangés,  quoique  dans  des  proportions  inégales  avec  prédomi- 
nance toujours  croissante  des  leucocytes  ;  il  résulte  de  ce  mélange  un  tissu 
nouveau,  le  tissu  angiothélial  (théorie  du  mélange). 

Après  avoir  esquissé  la  question  dans  ses  grandes  lignes,  en  joignant  à 
cet  exposé  la  bibliographie  afférente  à  la  question,  nous  décrirons  les  faits 
que  nous  avons  observés. 


122  A.    PRENANT 

Nous  avons  examiné  tour  à  tour  le  corps  du  thymus,  la  tête  et  le  cor- 
don intermédiaire.  Les  l'ésultats  que  nous  avons  obtenus  sur  ces  trois  por- 
tions de  l'organe  sont  d'ailleurs  identiques;  le  tissu  lymphoïde  s'y  développe 
donc  de  la  même  façon.  Ce  serait  par  conséquent  nous  exposera  des  redites 
fastidieusement  inutiles  que  de  répéter  successivement  une  description  à  peu 
près  pareille  de  faits  essentiellement  les  mêmes,  à  propos  des  trois  portions 
du  thymus.  D'autre  part,  il  est  aussi  superflu  que  nous  reproduisions  ici 
tous  les  détails  de  la  constitution  histologique  du  thymus  embryonnaire;  ■ 

cette  constitution  a  été,  en  effet,  très  bien  décrite  chez  l'embryon  de  brebis 
même  par  Tourneux  et  Herrmann.  Nous  ne  voulons  consigner  dans  les 
lignes  qui  suivent  que  les  détails  importants  au  point  de  vue  de  la  question 
spéciale  qui  nous  occupe.  Sauf  indication  contraire,  notre  description  est 
faite  d'après  l'examen  du  corps  du  thymus. 

Embryon  de  25  mm.  —  Les  lobes  du  corps  du  thymus  sont  peu  déve- 
loppés, constitués  par  des  cellules  épithéliales  à  forme  polyédrique  bien 
nette,  dont  les  noyaux  sont  tous  semblables.  Çà  et  là,  on  observe  quelques 
divisions  indirectes. 

Sur  la  tête  duthymus,  qui  se  compose  de  deux  cavités  à  paroi  épithé- 
liale  stratifiée,  renflée  en  bourgeons  qui  font  saillie  à  l'extérieur,  nous  avons 
noté  quelques  faits.  Les  mitoses  sont  peu  nombreuses  (1 — 2  sur  chaque 
coupe).  On  peut  trouver  au  milieu  de  l'épithélium,  soit  un  élément  ayant 
le  noyau  très  coloré  d'un  globule  rouge,  soit  un  globule  rouge  sans  noyau, 
reconnaissable  par  la  coloration  jaune  que  lui  a  donnée  l'orange  (procédé 
de  coloration  de  Flemming).  Nous  avons  aussi  fait  une  observation  qui, 
d'après  ce  qui  se  passera  plus  tard,  a  son  importance;  il  s'agit  d'un  noyau 
arrondi,  de  petites  dimensions,  renfermant  3 — 4  fragments  chromatiques, 
qui  était  situé  dans  le  même  corps  cellulaire  qu'un  noyau  ordinaire,  et  qui 
touchait  directement  à  la  cavité  de  l'organe. 

Embryon  de  26  mm.  —  Les  lobes  du  corps  du  thymus  sont  de  consti- 
tution épithéliale.  Les  mitoses  sont  nombreuses;  il  3^  en  a  en  moyenne  une 
dizaine  sur  la  coupe  de  chaque  corps  du  thymus,  ce  qui  donne  un  coefficient 
d'environ  1/50,  la  coupe  de  l'organe  comprenant  à  peu  près  500  cellules.  Sur 
cet  embryon,  j'ai  observé  certains  faits  a3^ant  trait  à  la  formation  des  cavités 
ou  vacuoles  que  présentent  les  lobes  du  thymus  et  qui  ont  été  signalées  par 
Tourneux  et  Herrmann  ;  ces  faits  seront  mentionnés  plus  loin,  à  propos 
de  l'embryon  de  28  mm. 

A  côté  de  noyaux  dont  le  contour  est  régulièrement  arrondi  ou  ellip- 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  123 

tique,  je  dois  en  signaler  d'autres  qui  sont  irrégulièrement  lobés,  quadrilobés 
par  exemple,  un  tronçon  de  chromatine  volumineux  s'engageant  dans  l'un 
des  lobes,  Pl.  II,  fig.  21,  a  et  b.  On  observe  aussi  de  petits  noyaux  jux- 
taposés, comme  chez  l'embryon  précédent,  à  des  noyaux  plus  volumineux. 

Embryon  de  28  mm.  —  Les  lobes  sont  plus  volumineux,  subdivisés 
déjà  en  lobules.  Ils  ont  encore  une  constitution  complètement  épithéliale. 
Mais,  parmi  les  cellules  qui  les  constituent,  il  en  est  quelques-unes  dont 
les  noyaux  se  font  remarquer  par  leur  petitesse  et  par  leur  coloration  foncée. 
Beaucoup  de  noyaux  sont  en  division  mitotique. 

La  coupe  transversale  offre  de  nombreuses  lumières  qui  représentent 
le  canal  principal  du  thymus  et  ses  diverticules.  En  outre,  il  existe  quelques 
grandes  cavités,  qui,  n'étant  pas  limitées  par  des  cellules  plus  ou  moins 
nettement  arrangées  en  un  épithélium  prismatique,  n'appartiennent  pas  à 
la  catégorie  précédente  d'espaces,  et  qui,  n'étant  pas  tapissées  par  un  endo- 
thélium.,  ne  sont  pas  non  plus  des  vaisseaux  sanguins;  dans  ces  lacunes  sont 
tombés  des  éléments  pareils  aux  cellules  épithéliales  qui  forment  la  masse 
du  thymus.  Tourneux  et  Herrmann  ont  fait  chez  l'embryon  de  38  mm. 
une  observation  qui  paraît  analogue  :  «  dans  la  plupart  des  bourgeons  exis- 
tent des  vacuoles  bordées  de  grandes  cellules  claires  et  incolores...  Il  semble 
que  les  vacuoles  résultent  de  la  disparition  par  résorption  de  quelques-unes 
des  grandes  cellules  <^.  Chez  l'embryon  qui  précède  (26  mm.),  j'ai  vu  que 
réellement  il  se  fait  bien  une  résorption  parmi  les  éléments  qui  circonscri- 
vent certaines  cavités  du  thymus.  Les  éléments  se  creusent  de  vacuoles 
souvent  très  considérables,  fig.  17,  va;  la  pression  déterminée  par  l'exten- 
sion de  ces  vacuoles  déforme  et  rapetisse  le  noyau,  ve.  Les  cellules  de- 
viennent alors  claires  et  vésiculeuses.  Ces  transformations  ont  été  comparées 
très  justement  par  Tourneux  et  Herrmann,  quant  à  l'aspect  qu'elles  pro- 
duisent, à  ce  qui  se  passe,  à  ce  même  moment,  pour  les  cellules  superficielles 
du  revêtement  épithélial  du  pharynx  et  de  l'œsophage.  Une  cellule  ainsi 
distendue  par  sa  vacuole  peut  éclater,  la  paroi  qui  la  séparait  de  la  cavité 
du  thymus  étant  devenue  très  mince;  la  cavité  cellulaire  s'ouvre  alors  dans 
la  cavité  thymique,  qui  est  agrandie  d'autant,  fig.  17,  a.  On  pourrait  com- 
parer l'aspect  alors  observé  à  celui  que  présente  le  canal  médullaire  d'un  os 
long  en  voie  d'agrandissement  par  résorption  localisée  de  la  substance  os- 
seuse qui  l'entoure.  En  outre,  chez  ce  même  embryon,  j'ai  constaté,  dans 
une  cavité  thymique  toute  petite  et  sans  doute  récemment  formée,  un  fin 
réticulum  bleu  et  une  masse  chromatique  rouge  semblable  à  celle  d'une 


124  ^-    PRENANT 

cellule  en  division  cinétique;  la  cavité  ne  donnait  pas  l'impression  d'un 
simple  vide,  mais  plutôt,  à  cause  d'une  certaine  réfringence,  celle  d'un 
espace  cellulaire  très  distendu.  Je  suppose  en  conséquence  qu'il  s'agit  ici 
d'une  formation  vacuolaire  par  une  sorte  d'hydropisie  d'un  élément  cellu- 
laire peut-être  en  voie  de  division,  ou  bien  encore  d'un  élément  cellulaire 
en  voie  de  dégénérescence.  On  peut  même  assister  au  mode  de  formation 
d'une  semblable  vacuole  par  dégénération  d'un  élément  central,  fig.  16,  a, 
aplatissement  et  dégénération  des  cellules  qui  l'entourent  immédiatement, 
formation  enfin  d'une  cavité  que  bordent  des  éléments  irrégulièrement  cu- 
biques ou  prismatiques  atteints  à  leur  tour  par  la  vacuolisation.  L'aspect 
d'une  vacuole  en  voie  de  formation  est  comparable  à  celui  d'un  corps  con- 
centrique; aussi  puis-je  hasarder  l'hypothèse  que  la  production  de  ces  corps 
n'  est  peut-être  autre  chose  que  la  continuation,  avec  certaines  modifications, 
du  phénomène  de  la  formation  de  vacuoles  dans  l'épaisseur  du  thymus.  Ce 
qui  vient  encore  à  l'appui  de  l'idée  que  le  mécanisme  auquel  sont  dues  les 
cavités  du  thymus  consiste  souvent  et  peut-être  toujours  dans  une  dégéné- 
rescence suivie  de  fonte  cellulaire,  c'est  que  dans  ces  cavités  on  rencontre 
constamment  des  blocs  de  substance  chromatique  rouge,  traces  évidentes 
de  la  présence  d'un  élément  cellulaire,  dont  la  chromatine  seule,  plus  résis- 
tante, aurait  persisté.  Ajoutons  que  les  vacuoles  thymiques  ne  s'observent 
que  là  où  les  lobes  du  thymus  sont  déjà  très  épais,  comme  dans  le  corps 
de  l'organe,  et  non  dans  les  endroits  (le  cordon  intermédiaire  par  exemple) 
où  leur  diamètre  est  beaucoup  moindre;  ce  qui  tient  peut-être  à  ce  que,  en 
raison  de  l'épaisseur  de  la  masse  épithéliale,  les  parties  centrales  de  celle-ci 
sont  moins  bien  nourries  dans  le  premier  cas  que  dans  le  second  (à  rappro- 
cher des  causes  probables  de  la  transformation  vésiculeuse  des  cellules  les 
plus  internes  dans  l'épithélium  œsophagien). 

La  tête  du  thymus  de  ce  même  embryon,  dont  la  paroi  irrégulièrement 
épaisse  bourgeonne  déjà  très  loin,  a  une  structure  encore  épithéliale;  les 
cellules  sont  polyédriques,  mais  de  forme  très  irrégulière.  Quelques-unes 
renferment  de  petits  noyaux  plus  colorés.  Il  faut  noter  aussi  quelques  formes 
cellulaires  sans  doute  dégénératives,  ayant  un  protoplasme  dense,  un  noyau 
réduit  à  quelques  gros  blocs  chromatiques  compactes  et  vivement  teintés 
en  rouge.  Les  divisions  indirectes  sont  abondantes  (une  douzaine  par  coupe). 
Ce  que  l'examen  nous  a  révélé  de  plus  intéressant,  c'est  une  série  de  figures 
que  l'on  ne  peut  interpréter  que  comme  des  stades  successifs  de  la  division 
directe,  fig.  21;  ces  figures,  nous  les  avions  observées  aussi  dans  le  corps 


DEVELOPPEMENT    DU    THYMUS  125 

du  thymus  ;  mais  elles  se  présentaient  dans  la  tête  de  cet  organe  avec  une 
abondance  et  une  variété  beaucoup  plus  grandes.  Outre  des  formes  banales 
(noyaux  en  bissac  par  exemple),  nous  avons  constaté  d'abord  la  présence  de 
deux  noyaux  très  inégalement  gros,  le  plus  petit  en  général  plus  coloré  {«), 
situés  soit  dans  un  même  corps  cellulaire,  soit  le  plus  souvent  dans  deux 
corps  cellulaires  séparés  par  une  ligne  limitante  plus  ou  moins  évidente. 
De  plus,  on  pouvait  voir  un  grand  nombre  de  noyaux  émettant  un  petit 
bourgeon  arrondi  d'un  diamètre  5  —6  fois  moindre  que  celui  du  corps  même 
du  noyau  [b);  ce  bourgeon  se  détachait  quelquefois  d'une  incisure  du  noyau. 
Plusieurs  fois  aussi,  nous  avons  trouvé,  à  côté  d'un  noyau  et  parfaitement 
distinct  de  lui,  un  petit  corps  nucléaire  arrondi,  semblable  aux  bourgeons 
émis  par  d'autres  noyaux  {n  dans  les  cellules  isolées  de  la  figure]  ;  parfois,  il 
existe  deux  petits  corps  nucléaires  semblables  placés  à  côté  l'un  de  l'autre. 
Telles  sont  les  formes  que  nous  avons  le  plus  souvent  aperçues,  et  qui  seules, 
à  cause  de  leur  fréquence  et  de  l'aspect  constamment  analogue  qu'elles  pré- 
sentent, méritent  de  fixer  l'attention.  Elles  ressemblent  beaucoup  aux 
formations  que  Steinhaus  (ySbis)  a  décrites  dans  l'épithélium  intestinal  de 
la  salamandre  sous  le  nom  de  "noyaux  secondaires «.  Le  mode  de  forma- 
tion admis  par  l'auteur  et  qualifié  par  lui  de  "gemmation  indirecte»  est  très 
analogue  à  celui  que  nous  avons  constaté  ici.  Enfin,  comme  Steinhaus, 
nous  supposons  que  les  corps  nucléaires,  que  nous  avons  vus  se  former  à 
côté  d'un  noyau  principal  et  à  ses  dépens,  sont  destinés  à  remplacer  les 
noyaux  anciens.  La  série  des  figures  très  démonstratives  que  donne  Stein- 
haus à  l'appui  de  son  opinion  est  très  comparable  aux  dessins  que  nous 
avons  reproduits  dans  la  fig.  21. 

Embryon  de  36  mm.  —  Quelques  lobes  du  corps  du  thymus  offrent 
encore  une  cavité  épithéliale.  Dans  certaines  cellules  épithéliales,on  retrouve, 
comme  au  stade  précédent,  des  noyaux  petits  et  foncés.  On  observe  même 
quelques  noyaux,  rares  il  est  vrai,  qui  représentent  une  masse  colorée  ("au 
procédé  de  Flemming)  en  violet  foncé,  plus  ou  moins  rouge  ou  plus  ou  moins 
bleue,  sur  laquelle  se  détachent,  avec  une  netteté  variable,  trois  ou  quatre 
corpuscules  chromatiques  rouges.  Disons  tout  de  suite  que  ces  noyaux  for- 
meront dans  le  thymus  définitif  l'immense  majorité.  Çà  et  là,  on  observe  dans 
un  même  corps  cellulaire  deux  corps  nucléaires  très  colorés,  plan-convexes, 
se  regardant  par  leurs  faces  planes  et  très  voisins  l'un  de  l'autre;  il  ne  paraît 
pas  s'agir  d'un  des  stades  habituels  de  l'anaphase.  Les  mitoses  sont  du 
reste  nombreuses. 


16 


126  A.    PRENANT 

Embryon  de  40  mm.  —  Les  lobes  du  thymus,  qui  sont  volumineux, 
paraissent,  à  un  faible  grossissement,  avoir  subi  en  grande  partie  la  trans- 
formation lymphoïde.  En  étudiant  avec  les  objectifs  forts  les  caractères 
nucléaires  de  leurs  cellules  constitutives,  on  observe  toutes  les  transitions 
entre  le  noyau  épithélial  des  stades  précédents,  grand,  pâle,  elliptique,  à 
structure  réticulée  manifeste,  et  d'autre  part  un  noyau  très  petit,  très  coloré, 
arrondi  en  partie,  dont  le  suc  nucléaire  fortement  teinté  masque  en  partie 
la  constitution  intime.  Le  second,  par  comparaison  avec  les  noyaux  des 
globules  blancs  qui  se  trouvent  dans  les  vaisseaux,  appartient  bien  certaine- 
ment à  un  lymphocyte.  La  transformation  lymphoïde  du  thymus  achevée, 
l'immense  majorité  des  noyaux  auront  cette  constitution.  Les  divisions  mi- 
totiques  sont  peu  nombreuses. 

La  tête  du  thymus  du  même  embryon  permet  de  faire  une  distinction 
dans  chaque  lobe  entre  une  zone  corticale  presque  entièrement  épithéliale 
et  une  zone  centrale  riche  en  cellules  à  petits  noyaux  ou  cellules  lymphoïdes. 
Çà  et  là,  on  observe  quelques  formes  dégénératives  probables,  semblables  à 
celles  dont  il  a  été  question  déjà  chez  l'embryon  de  2,8  mm.  De  même,  nous 
avons  retrouvé  ici  les  éléments  à  corps  nucléaires  jumeaux  très  colorés,  si- 
gnalés chez  l'embryon  précédent.  Plusieurs  fois,  nous  avons  pu  faire  l'obser- 
vation suivante.  En  étudiant  attentivement  les  caractères  des  noyaux  d'un 
lobe  de  thymus  et  les  rapports  que  ces  noyaux  ont  entre  eux,  on  constate 
qu'ils  appartiennent  à  deux  types  principaux,  les  uns  plus  grands  et  plus 
clairs,  les  autres  plus  petits  et  de  coloration  plus  foncée  ;  on  s'aperçoit  en- 
suite que  ces  deux  types  nucléaires  sont  en  maint  endroit  accouplés  d'une 
manière  assez  évidente  ;  chaque  couple  comprend  un  noyau  clair  et  un  noyau 
sombre  fPL.  II,  fig.  20,  1,  2,  3,  4).  Il  est  possible  qu'il  y  ait  entre  ces  deux 
formes  nucléaires  une  relation  génétique,  tout  comme  c'était  le  cas  pour  les 
grands  noyaux  et  les  petits  corps  nucléaires  ;z  de  la  fig.  21. 

Embryon  de  55  mm.  —  Les  résultats  de  l'observation  sont  les  mêmes 
que  chez  l'embryon  de  40  mm.  Les  mitoses  sont  assez  fréquentes. 

Embryon  de  85  mm.  —  Pour  la  première  fois  paraît  dans  la  masse  du 
thymus  la  distinction  déjà  faite  par  plusieurs  auteurs  (Kôlliker,  Dahms, 
TouRNEUx  et  Herrmann)  entre  une  substance  centrale  (substance  médullaire 
de  TouRNEUx  et  Herrmann)  et  une  substance  corticale  ou  péiùphérique.  La 
substance  centrale,  plus  claire,  se  prolonge  extérieurement  en  formant  autant 
de  pédicules  aux  lobes  constitués  exclusivement  par  la  substance  corticale 


DÉVELOPPEMENT   DU    THYMUS  127 

plus  foncée.  L'existence  de  ces  pédicules  est  connue  depuis  J.  Simon  (78). 
La  couche  corticale  paraît  correspondre  à  la  masse  thymique  tout  entière 
des  stades  précédents.  La  substance  corticale  contient  en  abondance  les  élé- 
ments à  petit  noyau  arrondi  et  foncé,  que  nous  avons  déjà  comparés,  assi- 
milés même  aux  lymphocytes.  Quant  aux  grands  noyaux  pâles,  ils  sont  en 
nombre  beaucoup  moindre  que  les  autres,  la  proportion  étant  de  1/30  au  plus; 
ils  ont  pris  des  caractères  spéciaux  que  nous  retrouverons  plus  tard  ;  ils  pa- 
raissent appartenir  à  des  cellules  de  soutien,  auxquelles  les  petits  éléments 
seraient  annexés,  disposés  par  îlots  ou  par  rangées.  De  nombreuses  formes 
mitotiques  sont  visibles.  De  plus,  dans  cette  substance  on  rencontre  certaines 
formes  nucléaires  qui  peuvent  passer  pour  des  figures  de  division  directe  : 
ainsi  des  noyaux  en  bissac  ou  des  noyaux  étranglés  annulairement,  l'étran- 
glement pouvant  être  parcouru  par  un  pont  de  substance  chromatique  qui 
réunit  les  deux  fragments  nucléaires  ;  en  outre,  de  grands  noyaux  auxquels 
est  accolé  un  petit  noyau  qui  semble  en  être  une  portion  détachée.  La  sub- 
stance médullaire  (pédicules  des  lobes  et  masse  centrale  en  laquelle  con- 
fluent ces  pédicules)  a  une  structure  beaucoup  plus  lâche  que  la  précédente  ; 
les  éléments _qui  la  constituent  ont  des  noyaux  de  grandeur  variable,  les  uns 
grands  et  clairs,  les  autres  petits  et  très  colorés  ;  l'importance  numérique  de 
ces  deux  sortes  de  cellules  est  à  peu  près  égale  ;  les  éléments  à  petit  noyau 
sont  donc  bien  moins  nombreux  que  dans  la  substance  corticale.  Les  cel- 
lules sont  disposées  par  îlots,  séparés  par  des  tractus  conjonctifs  et  par  des 
vaisseaux  souvent  considérables.   Les  mitoses  y  sont  plus  rares  que  dans  la 
substance  corticale. 

La  tête  du  thymus  offre  une  différenciation  analogue  en  deux  substances 
corticale  et  médullaire.  Les  mitoses  sont  abondantes  dans  la  substance  cor- 
ticale qui  constitue  les  lobes;  sur  la  totalité  de  la  coupe  transversale  de  la 
tète,  comprenant  une  vingtaine  de  lobes,  on  peut  évaluer  à  une  centaine  le 
nombre  de  ces  mitoses.  Cette  proportion  n'est  cependant  pas  supérieure  à 
celle  des  stades  précédents,  puisqu'il  ne  faut  pas  oublier  que  le  diamètre 
de  l'organe  a  plus  que  décuplé,  comparé  à  ce  qu'il  était  par  exemple  chez 
un  embryon  de  28  mm.  ;  elle  serait  bien  plutôt  inférieure.  Les  figures  de 
division  sont  du  reste  bien  différentes  de  ce  qu'elles  étaient  dans  les  stades 
jeunes,  alors  que  l'organe  avait  encore  une  structure  complètement  et  mani- 
festement épithéliale.  Tandis  que  dans  ce  dernier  cas,  les  mitoses,  qui  ap- 
partenaient à  des  cellules  épithéliales,  offraient  de  longs  chromosomes  bien 
isolés  les  uns  des  autres,   ici   au  contraire   les  éléments  chromatiques  se 


128  A.   PRENANT 

montrent  agglomérés  en  une  masse  bosselée  ;  en  d'autres  termes,  au  lieu 
du  type  cinétique  que  l'on  pourrait,  eu  égard  à  l'état  des  chromosomes,  ca- 
ractériser comme  «  type  distinct  et  disséminé,  „  nous  avons  ici  "  un  type 
confus  et  compact.  »  Quant  à  dire  si  les  cinèses,  qui  sont  d'ailleurs  de 
taille  variable,  appartiennent  aux  grands  ou  aux  petits  noyaux,  c'est  chose 
impossible;  la  variation  de  grandeur  ferait  supposer  que  les  deux  sortes  de 
noyaux  sont  en  cause.  Toutefois  les  mitoses  de  petite  taille  sont  en  nombre 
beaucoup  plus  considérable. 

Embryon  de   1 1   cent.  —  Déjà  chez  l'embryon  précédent,  on  pouvait 
constater,  mais  mieux  encore  chez  celui-ci  l'on  peut  voir  que  la  substance 
corticale  qui  constitue  les  lobes  se  montre  elle-même  décomposée  en  une 
zone  extérieure  plus  pâle,  quoique  plus  compacte,  et  une  masse  intérieure, 
intermédiaire  à  la  précédente  et  au  pédicule,  et  qui  est  très  foncée.  Autre- 
ment dit,  chaque  lobe  a  différencié  à  sa  périphérie  une  couche  spéciale  ;  le 
reste  correspond  au  lobe  tout  entier  du  stade  précédent.  On  peut  donc  dis- 
tinguer une  substance  périphérique  (zone  extérieure  des  lobes),  une  substance 
moyenne  (masse  principale  des  lobesj,  une  substance  centrale  (pédicules  et 
axe  central).  Les  substances  périphérique  et  centrale  sont  claires,  la  seconde 
surtout.  La  substance  centrale  doit  sa  coloration  faible  à  sa  texture  très 
lâche  ;  la  substance  périphérique,  bien  que  dense,  est  peu  colorée,  parce 
qu'elle  ne  renferme  pour  ainsi  dire  aucun  des  éléments  de  la  substance 
moyenne,  qui  valent  â  cette  dernière  son  aspect  foncé.   Cette  substance 
moyenne  renferme  en  effet  une  quantité  de  petits  éléments  à  noyau  très 
coloré  (cellules  lymphatiques)  ;  elle  offre  en  outre  quelques  grands  noyaux, 
qui,  par  rapport  aux  petits,  sont  dans  la  proportion  indiquée  pour  l'embryon 
précédent.  Les  substances  périphérique  et  centrale,  peu  riches  en  éléments 
cellulaires,  sont  surtout  pauvres  en  cellules  micronucléées  ;  dans  les  cellules 
à  grand  noyau,  celui-ci  offre  une  ou  plusieurs  incisures  parfois  très  profon- 
des. Ces  deux  substances  sont  à  peu  près  exclusivement  le  substratum  des 
figures  de  division  indirecte. 

Embryons  de  30  et  de  40  cent.  Fœtus  presque  à  terme  et  à  terme.  — 
Dans  ces  stades,  le  thymus  a  acquis  sa  constitution  définitive;  il  a  donc 
pris  complètement,  examiné  du  moins  à  un  faible  grossissement,  l'aspect 
d'un  organe  lymphoïde.  Une  étude  complète  des  stades  avancés  du  thymus 
ne  rentre  pas  dans  le  cadre  de  ce  travail.  Nous  avons  surtout  l'intention 
de  donner  ici  les  faits  qui  permettent  la  comparaison  du  thymus  parvenu 
à  cette  période  avec  l'organe  des  stades  précédents. 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  129 

On  peut  retrouver  dans  le  corps  du  thymus  les  mêmes  zones,  périphé- 
rique, moyenne  et  centrale,  qu'antérieurement,  fig.  24,  Pl.  II.  La  zone 
périphérique,  parfois  très  distincte,  forme  autour  de  l'organe  une  bande 
bien  limitée,  très  compacte,  plus  claire,  semblable  à  un  épithélium  stratifié, 
ip.  La  substance  médullaire,  riche  en  vaisseaux,  est  formée  de  travées 
étroites,  anastomosées  irrégulièrement  en  un  réseau  à  larges  mailles,  sm. 
Le  passage  de  la  substance  médullaire  à  la  masse  corticale  se  fait  par 
l'élargissement  des  travées  en  cordons  plus  considérables,  épais  de  plusieurs 
cellules,  lesquels  à  leur  tour  dans  la  substance  corticale  foUiculeuse,  {cf, 
s'élargissent  en  îlots.  En  somme,  dans  la  substance  médullaire,  la  structure 
de  l'organe  est  franchement  réticulée,  tandis  que  cette  réticulation  nous  a 
paru  indistincte  dans  la  substance  corticale.  Aussi  bien  la  méthode  de  fixa- 
tion que'  nous  avons  employée  (liquide  de  Flemming)  n'est-elle  pas  favorable 
sans  doute  à  ce  genre  de  recherches. 

Les  éléments  cellulaires  constitutifs  du  parenchyme  sont  variés  et 
forment  des  catégories  bien  tranchées.  Ces  catégories  sont  pour  la  plupart 
comparables  à  celles  qu'ont  établies  Flemming  (21,  22),  Heidenhain  (33) 
et  H.  HoYER  (56;,  pour  d'autres  organes  lymphoïdes. 

On  trouve  d'abord,  particulièrement  abondants  dans  la  substance  mé- 
dullaire centrale,  de  grands  éléments  à  corps  protoplasmique  assez  volumi- 
neux, de  forme  irrégulière  et  parfois  ramifiée,  finement  granuleux.  Le 
noyau  de  ces  éléments  est  caractéristique;  il  est  de  deux  à  trois  fois  plus 
volumineux  que  celui  des  autres  cellules,  de  forme  elliptique  ou  arrondie, 
souvent  échancré  en  un  ou  deux  endroits,  parcouru  par  un  réticulum  délicat, 
mais  net:  il  contient  de  un  à  trois  corpuscules  chromatiques  principaux  ou 
pseudo-nucléoles,  vivement  teintés  par  la  safranine;  les  autres  corpuscules 
colorables  qu'il  renferme  ne  sont  pas  visibles  à  première  vue  et  n'atteignent 
pas  à  la  dignité  de  pseudo-nucléoles.  Je  suppose  que  ces  éléments,  qui  cor-- 
respondent,  sans  doute,  à  une  partie  des  cellules  géantes  de  Watney  (9  0, 
sont  des  cellules  appartenant  à  la  charpente'  de  l'organe.  La  comparaison 
de  ces  éléments  avec  les  cellules  que  représente  H.  Hoyer,  f36,  Pl.  XI, 
FIG.  4),  appliquées  sur  le  réticulum  des  ganglions  lymphatiques  et  dont  il 
fait  des  éléments  conjonctifs  ou  endothéliaux,  me  fortifie  dans  l'idée  que  les 
cellules  que  je  signale  dans  le  thymus  font  partie  de  la  charpente  du  paren- 
chyme. Cette  comparaison  pèche  cependant  çur  deux  points  :  d'abord,  en 
ce  que  je  n'ai  pas  pu  voir  les  cellules  du  thymus  dans  la  situation  qu'assigne 
Hoyer  à  ses  éléments  endothéliaux  conjonctifs;  en  second  lieu,  parce  que 
Hoyer  ne  décrit  pas  ces  éléments,  et  ne  donne  pas  les  caractères  de  leur 


130  A.    PRENANT 

noyau.  En  tout  cas,  l'aspect  du  noyau  des  cellules  de  charpente  du  thymus 
rappelle  celui  du  noyau  des  cellules  pédieuses  ou  cellules  de  soutien  du 
testicule,  sans  que  j'aie  pu  cependant  déceler  dans  ce  noyau  les  détails  de 
structure  que  Hermann  a  découverts  dans  celui  de  la  cellule  pédieuse. 

A  côté  de  ces  éléments  de  grande  taille,  il  en  est  d'autres,  volumineux 
aussi,  qui  se  présentent  avec  les  caractères  de  cellules  géantes,  bien  que  je 
n'aie  pu  leur  trouver  plus  de  deux  noyaux  ;  elles  ont  une  forme  arrondie,  un 
protoplasme  sombre,  quoique  criblé  de  petites  vacuoles  ;  les  noyaux  sont 
gros,  vivement  colorés.  Ces  éléments,  qui  correspondent  sans  doute  à  une 
autre  partie  des  cellules  géantes  de  Watney,  sont  peut-être  identiques  à 
ceux  qu'a  signalés  Schedel  (74;,  et  aussi  à  ce  que  Cuénot  décrit  (i3)  comme 
de  petites  plaques  protoplasmiques  à  un  ou  deux  noyaux. 

En  beaucoup  d'endroits,  on  trouve  des  formations  qui  répondent  à  la 
description  des  corps  concentriques  ;  car  elles  présentent  autour  d'une  masse 
centrale  semée  de  petits  grumeaux  chromatiques  rouges  plusieurs  noyaux 
aplatis  très  colorés.  Il  peut  arriver  que  deux  corps  semblables  soient  appli- 
qués l'un  contre  l'autre,  adossés  par  leurs  faces  planes,  ce  qui  est  évidem- 
ment un  passage  à  la  formation  de  corps  concentriques  composés.  Je  rap- 
proche volontiers  ces  productions  de  celles  que  j'ai  signalées  dans  le  thymus 
d'animaux  beaucoup  plus  jeunes  et  qui  aboutissaient  à  la  création  de  vacuoles. 
Les  corps  concentriques,  d'après  ces  recherches,  devraient  peut-être  leur  ori- 
gine à  des  dégénérescences  et  à  des  fontes  de  cellules  épithéliales;  ce  seraient 
donc  des  productions  de  l'épithélium.  Capobianco  (8)  a  fait  récemment  en- 
core intervenir  ici  la  métamorphose  régressive  des  éléments  épithéliaux 
primitifs;  il  attribue  toutefois  une  double  origine  aux  corps  concentriques, 
qui  seraient  formés  de  cellules  lympho'ides  au  centre  et  d'éléments  épithé- 
liaux à  la  périphérie.  Ne  voulant  pas  traiter  la  question  de  la  genèse  des 
corps  concentriques,  je  ne  prétends  pas  que  ces  formations  ne  puissent  être 
d'une  autre  nature.  Les  observations  d'ApANASSiEwr  (  1  et  2),  qui  les  a  fait 
dériver  de  vaisseaux  sanguins  obturés  par  leur  endothélium,  sont  très  pro- 
bantes. Il  me  semble  en  tout  cas  que  l'on  a  dû  confondre  souvent  avec  les 
corps  concentriques  certaines  coupes  de  vaisseaux  sanguins.  Monguidi  (53) 
a  du  reste  été  conduit  à  distinguer  entre  les  vrais  et  les  faux  corps  concen- 
triques, ces  derniers  n'étant  que  des  sections  vasculaires. 

Les  préparations  colorées  par  la  méthode  de  Flemming  montrent  une 
assez  grande  quantité  de  cellules  que  distingue  leur  contenu  protoplasmique, 
FiG.  23,  b.  Leur  protoplasme  est,  en  effet,  constellé  de  grains  volumineux, 
colorés  en  bleu  par  le  violet  de  gentiane  et  dits  «  grains  gentianophiles.  r, 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  131 

Ces  éléments  rentrent  dans  la  catégorie  des  "  cellules  granuleuses  ^  d'HEi- 
DENHAiN  et  de  H.  Hoyer,  bien  que,  par  la  constitution  habituelle  de  leur 
noyau,  ils  diffèrent  des  cellules  granuleuses  figurées  par  exemple  par  Hoyer, 
Pl.  XII,  FiG.  3.  Une  partie  des  cellules  grenues  décrites  par  Watney  cor- 
respond sans  doute  à  nos  éléments  gentianophiles.  Il  est  possible  aussi  que 
ce  soient  ces  cellules  à  grains  gentianophiles  que  Cuénot  (13)  a  vues  dans 
le  thymus  du  surmulot  et  qui  renfermaient  '-  quelques  gros  granules 
clairs  qui  ne  ressemblent  point  au  ferment  albuminogène.  ^  Dans  les  gan- 
glions lymphatiques,  Flemming  a  vu  des  éléments  semblables  {loc.  cit., 
FIG.  1 1,  J?",  h).  Comme  Flemming,  je  trouve  ces  éléments  dispersés  partout, 
aussi  bien  dans  la  substance  médullaire  que  dans  la  substance  corticale  et 
jusque  sous  l'enveloppe  fibreuse  du  thymus;  c'est  même  à  la  périphérie 
d'un  lobé  de  l'organe  que  je  les  ai  observés  en  plus  grande  abondance. 
Flemming  a  constaté  un  grand  nombre  de  fois  que  ces  cellules  sont  situées 
au  voisinage  des  vaisseaux  sanguins,  sans  qu'il  ait  osé  en  conclure  cependant 
que  ce  sont  des  cellules  migratrices  sorties  des  vaisseaux;  la  nature  de  ces 
cellules  lui  est  d'ailleurs  restée  inconnue.  J'ai  vu  pour  mon  compte  de  tels 
éléments  loin  des  vaisseaux  et  loin  des  trabécules  conjonctives.  Du  reste, 
les  cellules  dont  le  protoplasme  est  farci  de  grains  gentianophiles  ne  sont 
pas  toujours  de  même  aspect  ni  de  même  nature.  Presque  constamment 
toutefois,  les  cellules  qui  sont  le  substratum  de  ces  grains  sont  ces  éléments 
de  charpente,  dont  nous  venons  tout  à  l'heure  de  caractériser  le  noyau; 
Flemming  également  a  trouvé  que  les  grains  avaient  souvent  pour  support 
des  cellules  fixes  ramifiées  et  étalées,  fig.  u,  h.  Quant  à  la  nature  des 
grains,  elle  m'échappe  absolument.  Hoyer  n'a  pas  pu  davantage  se  pronon- 
cer catégoriquement  à  ce  sujet.  Dans  quelle  mesure,  par  exemple,  les  grains 
éosinophiles,  dont  Schaffer  (73)  a  fait  connaître  l'existence  dans  le  thymus 
d'animaux  de  différents  âges,  sont-ils  identiques  aux  granules  gentianophiles, 
c'est  ce  qui  reste  à  établir.  N'ayant  pas  d'observations  personnelles  qui 
permettent  de  comparer  les  uns  aux  autres,  nous  nous  bornerons  à  rappeler 
que  les  grains  éosinophiles  des  leucoblastes  se  sont  montrés  également 
gentianophiles  entre  les  mains  de  v.  der  Stricht  (87,  p.  91).  On  sait  toute- 
fois qu'il  existe,  d'après  les  données  histochimiques  d'EHRLiCH,une  différence 
fondamentale  entre  les  granules  éosinophiles,  qui  sont  acidophiles  (granules 
a  d'EHRLiCH),  et  les  grains  gentianophiles,  qui  sont  basophiles  (granules  y  et  5 
d'EHRLicH);  cette  différence  histochimique  paraît  exclure  toute  identité. 

Les  cellules  à  grains  pigmentaires,  que  Flemming  trouve  en  abondance 
dans  les  ganglions  lymphatiques,  ont  fait  défaut  dans  le  thymus.  Elles  ne 


132 


A.    PRENANT 


manquent  pas  cependant  dans  la  glande  carotidienne  d'embryons  du  même 
âge,  où  les  grains  sont  colorés  en  brun  olivâtre  à  la  suite  de  l'action  du 
liquide  et  du  colorant  de  Flemming. 

Mes  recherches  ont  été  infructueuses  aussi  à  l'égard  de  ces  formations 
que  l'on  rencontre,  d'après  Flemming  (21)  et  ses  élèves,  d'après  Mobius  par 
exemple  (52),  en  nombre  variable  à  côté  du  noyau  dans  les  cellules  des 
ganglions  lymphatiques  et  des  corpuscules  malpighiens  de  la  rate,  ainsi  que 
de  l'amygdale  et  de  certains  autres  organes;  Schedel  (74)  a  retrouvé  ces 
formations  aussi  dans  les  éléments  du  thymus.  Il  s'agit  des  -  corps  colo- 
rables  «  (tingible  Kôrper)  de  Flemming.  Je  n'ai  pu  observer  ni  dans  le 
thymus  d'embryons  âgés  et  d'animaux  à  terme,  ni  dans  celui  d'un  agneau 
de  quatre  mois,  des  corps  colorables  identiques  et  concordant  exactement 
avec  ceux  de  Flemming,  c'est-à-dire  offrant  les  formes,  la  coloration  et 
toutes  les  qualités  regardées  par  Flemming  comme  distinctives  et  présentant 
de  plus  le  caractère  d'être  bien  certainement  enfouis  dans  le  protoplasme 
d'un  élément  cellulaire.  Mes  observations  ont  été  plus  heureuses  sur  des 
ganglions  lymphatiques  de  ce  même  agneau,  que  j'avais  mis  en  coupes  pour 
faire  sur  ce  point  et  sur  quelques  autres  la  comparaison  avec  le  thymus. 
J'ai  pu  y  voir,  en  effet,  des  productions  que  je  rapproche  des  corps  colorables; 
ce  sont  de  petits  corps  arrondis,  de  5  à  10  fois  plus  petits  que  les  noyaux  à 
côté  desquels  ils  sont  situés,  colorés  en  bleu  par  le  procédé  de  Flemming, 
homogènes  ou  plus  clairs  au  centre  et  offrant  à  leur  périphérie  quelques 
masses  chromatiques  sombres. 

Quel  rapport  y  a-t-il  entre  les  '^  corps  tingibles  ^  de  Flemming  et  les 
«  noyaux  secondaires  ^  de  Steinhaus  (78bis),  dont  il  a  été  question  plus  haut 
et  dont  nous  avons  rapproché  les  petits  noyaux  que  nous  avons  vus  se  for- 
mer dans  le  thymus  jeune?  Steinhaus  assimile  ces  noyaux  secondaires  aux 
corps  colorables  de  Flemming,  ainsi  qu'à  d'autres  formations  décrites  par 
divers  auteurs.  Nous  devrions,  ayant  identifié  nos  petits  noyaux  aux  no3'-aux 
secondaires  de  Steinhaus,  en  faire  aussi  des  corps  colorables.  Cette  identi- 
fication nous  paraît  cependant  ne  pas  être  contenue  dans  nos  observations, 
et  nous  préférons  provisoirement  distinguer  entre  les  uns  et  les  autres.  On 
sait  que  des  corps  identiques  ou  analogues  aux  corps  colorables  de  Flemming 
ont  été  trouvés  par  plusieurs  auteurs  et  dans  différentes  conditions.  Rap- 
pelons entre  autres  les  observations  de  Martinotti  (48),  de  Firket  (19),  et 
même  celles  de  Cazin  (9),  de  Russel  (71),  qui  ont  décrit  dans  les  tissus 
pathologiques  des  formations  ^«  lobes  hyalins  -  de  Cazin)  comparables  aux 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  133 

corps  colorables.  — -  On  peut  encore  leur  rattacher  les  «  boules  hyalines  ^ 
que  l'on  a  trouvées  (Dittrich  (i6),  Cornil  et  Alvarez  (lo),  et  d'autres)  dans 
les  éléments  constitutifs  du  rhinosclérome.  —  Lowit  (43),  dans  le  proto- 
plasma des  leucocytes  de  l'écrevisse,  a  observé  des  «  corps  pyrénogènes  ", 
qu'il  considère  comme  provenant  du  noyau  des  leucocytes  et  qu'il  regarde 
comme  voisins  des  corps  colorables  de  Flemming.  —  Gulland  (31),  qui  a  vu 
lui  aussi  des  formations  ressemblant  aux  corps  colorables,  les  interprète  tout 
autrement.  Ce  sont  pour  lui  des  fragments  de  leucocytes  ou  de  noyaux  de 
leucocytes  absorbés  par  des  cellules  macrophages  ou  phagocytes.  »  I  hâve 
no  doubt  that  Flemming,  in  describing  the  ^tingible  Kôrper  «  in  and  among 
the  cells  of  his  lymph  glands,  had  under  his  eyes  thèse  fragments  of  dege- 
nerate  nuclei  "  (p.  128).  Ces  corps,  Gulland  les  trouve  dans  les  organes 
lymphatiques  et  particulièrement  dans  le  sinus  lymphatique  et  dans  la 
portion  médullaire,  moins  fréquemment  dans  les  centres  germinatifs  (contre 
Flemming;.  —  Si  l'on  admet  l'identité  des  fragments  leucocytaires  intracel- 
lulaires de  Gulland  et  des  corps  colorables  de  Flemming,  il  faut  faire  de 
même  pour  les  formations  décrites  par  Heidenhain  (33)  avant  Gulland 
et  interprétées  aussi  par  lui  comme  détritus  cellulaires  soumis  à  la  phago- 
cytose. —  Il  faut  en  faire  autant  pour  les  »  boules  "  considérées  par  Nicolas 
(55)  comme  semblables  aux  débris  cellulaires  de  Heidenhain,  mais  ayant 
selon  lui  une  origine  toute  différente,  et  formant  le  produit  de  l'élaboration 
des  cellules  où  on  les  trouve.  —  On  est  ainsi  amené  encore  à  rapprocher 
des  corps  colorables  certaines  d'entre  les  formations  décrites  par  Lukjanow 
(44),  telles  que  les  ■"  sphères  mucinoïdes  -  ou  les  r.  plasmosomes  «  de  cet 
auteur.  On  va  jusqu'à  songer  à  un  rapprochement  vers  les  ^  corps  «  ou 
«  noyaux  accessoires  «  {Nebenkôrper,  Nebenkern)  et  vers  les  «  noyaux 
secondaires  «  de  Steinhaus,  dont  il  a  été  question  plus  haut. 

On  le  voit,  cette  question  est  difficile  et  complexe.  Aussi  ne  disposant 
que  d'observations  incomplètes,  ai-je  voulu  la  soulever  seulement,  mais  non 
la  traiter.  D'après  ce  que  j'ai  vu  ou  plutôt  entrevu  dans  le  thymus  et  dans 
les  ganglions-lymphatiques,  il  y  existe  nombre  de  formations  variées,  encore 
énigmatiques,  qui  offrent  au  cytologiste  un  vaste  champ  de  recherches, 
insuffisamment  exploré. 

Il  me  faut  encore  indiquer  dans  le  thymus  l'existence  de  cellules  situées 
dans  la  zone  périphérique  de  la  substance  corticale  et  renfermant  des  en- 
claves de  forme  ovale,  plus  ou  moins  vivement  teintées  par  l'orange.  On 
pourra  leur  comparer  les  cellules  figurées  par  H.  Hoyer,  Pl.  XII,  fig.  5, 
a  et  b. 

17 


134 


A.    PRENANT 


Toutes  les  formes  cellulaires,  dont  il  vient  d'être  question,  ne  sont  en 
somme  qu'exceptionnelles  dans  le  thymus.  L'immense  majorité  des  cellules 
constitutives  de  cet  organe  est  formée  par  des  éléments  de  taille  variable, 
généralement  petite,  dont' les  caractères  sont  ceux  qu'on  a  coutume  d'attri- 
buer aux  cellules  lymphatiques.  Ces  cellules,  très  clairsemées  dans  la  sub- 
stance médullaire,  sont  au  contraire  très  serrées  dans  la  substance  corticale 
des  lobes.  Leur  corps  cellulaire  est  très  peu  abondant,  de  forme  polyédrique 
et  souvent  ne  peut  être  reconnu  qu'avec  une  grande  difficulté.  Le  noyau, 
généralement  petit,  offre  des  caractères  variables.  On  en  voit  en  effet  de 
toutes  tailles.  Il  offre  toutes  les  constitutions,  étant  tantôt  clair  et  nettement 
réticulé,  et  dans  ce  cas  plus  volumineux,  tantôt  au  contraire  de  structure 
indistincte,  à  cause  de  la  coloration  foncée  que  lui  communiquent  les 
réactifs.  Les  noyaux  de  la  zone  périphérique  de  la  masse  corticale  se 
distinguent  par  leur  état  clair,  d'où  l'aspect  général  de  cette  zone.  Si  dans 
ces  noyaux  petits  et  fortement  colorés,  la  chromatine,  rassemblée  en  3-4 
fragments  volumineux,  est  constamment  colorée  en  rouge  ou  en  rouge  vio- 
lacé à  la  suite  de  l'application  du  procédé  de  Flemming,  l'enchylème,  qui 
remplit  le  noyau,  est  très  diversement  coloré  (bleu,  violet,  gris,  rose,  rouge, 
orangé);  de  là,  un  mélange  de  couleurs  qui  est  loin  d'être  désagréable  à 
l'œil.  H.  HoYER,  dans  les  ganglions  lymphatiques  traités  aussi  par  une 
méthode  de  coloration  (la  méthode  d'EHRLicH-BiONDi),  a  trouvé  pareillement 
les  noyaux  nuancés  dans  tous  les  tons  depuis  le  violet  "  mat  ?>  (clair?)  jusqu'au 
bleu  verdâtre.  Il  parait  donc  exister,  entre  les  diverses  cellules  des  ganglions 
lymphatiques,  des  différences  de  constitution  nucléaire,  traduites  par  des 
variations  de  couleur,  analogues  à  celles  qui  distinguent  les  éléments  lym- 
phoïdes  du  thymus.  On  peut  être  certain  que,  dans  le  procédé  de  Flemming, 
en  raison  de  la  durée  d'immersion  dans  les  différents  colorants,  de  la  colo- 
ration et  de  la  décoloration  à  fond,  les  différentes  parties  d'une  coupe  histo- 
logique  n'ont  pas  été  colorées  au  hasard  par  la  substance  tinctoriale  qui  les 
a  rencontrées,  mais  que  leur  coloration  est  l'expression  fidèle  de  leur  con- 
stitution et  en  est  caractéristique. 

Ces  cellules  sont  juxtaposées  les  unes  aux  autres  dans  les  cordons  de 
la  substance  médullaire,  séparées  par  une  ligne  limitante  intercellulaire 
souvent  bien  nette;  elles  forment  en  certains  endroits  ces  cordons  à  elles 
seules,  les  grandes  cellules  ou  éléments  de  charpente  paraissant  alors  situées 
librement  dans  les  mailles  du  réseau  de  cordons;  ailleurs,  ces  dernières 
cellules  sont  mélangées  aux  éléments  lympho'ïdes  et  participent  à  la  consti- 


DEVELOPPEMENT    DU    THYMUS  135 

tution  de  la  trabécule.  Dans  la  substance  corticale,  il  m'est  impossible  de 
reconnaître  un  arrangement  quelconque  des  éléments  cellulaires. 

Les  différences  de  taille  et  de  structure  nucléaires  permettraient  d'établir 
deux  catégories  au  moins  parmi  les  cellules  lymphoïdes,  les  deux  types 
nucléaires  étant  reliés  du  reste  par  des  formes  intermédiaires  nombreuses. 
Ces  deux  catégories  correspondent  peut-être  à  celle  des  lymphoblastes  et  à 
celle  des  lymphocytes,  ou  au  type  leucoblaste  de  Lowit  et  au  leucocyte 
parfait  (comp.  fig.  22  et  23,  /  et  /'/.  Les  éléments  à  noyau  /',  qui  sont  de 
beaucoup  les  plus  nombreux,  et  que  je  considère  comme  les  cellules  défini- 
tives, ont  un  noyau  arrondi,  petit;  l'enchylème  est  en  général  coloré,  mais 
d'une  couleur  variable;  deux,  trois  ou  quatre  gros  blocs  chromatiques  sont 
plongés  dans  cet  enchylème,  reliés  à  la  membrane  par  des  fils  très  fins, 
FIG.  2.  Les  éléments  pourvus  du  noyau  /,  plus  rares,  que  je  suis  disposé  à 
regarder  comme  des  cellules  jeunes,  ont  un  noyau  elliptique,  volumineux; 
l'enchylème  est  coloré  par  l'orange  d'une  façon  banale;  leur  réticulum  est 
net  et  supporte  un  certain  nombre  de  grumeaux  chromatiques  de  grosseur 
et  de  forme  très  variables.  Je  n'irai  pas  plus  en  avant  dans  la  description 
des  caractèiies  structuraux  intimes  de  ces  éléments,  non   plus   que   dans 
l'établissement  de  leur  filiation,  ces  questions  étant  à  côté  de  l'objet  de  ce 
travail. 

Quant  aux  figures  de  division,  il  sera  question  plus  loin  des  cinèses 
que  l'on  trouve  dans  cette  période  du  développement  du  thymus.  Bornons- 
nous  à  dire  ici  que  les  figures  cinétiques  sont  petites,  du  type  confus,  de 
forme  ramassée  et  ne  paraissent  jamais  appartenir  aux  cellules  dites  de 
charpente.  Ces  figures  siègent  presque  exclusivement  dans  les  substances 
périphérique  et  centrale  et  paraissent  manquer  (cela  avec  une  presque  en- 
tière certitude)  dans  la  masse  corticale  intermédiaire  aux  deux  substances 
précédentes.  Outre  les  cinèses,  nous  avons  trouvé  quelques  figures  de 
sténose.  Mais,  de  même  que  l'affirme  Flemming  pour  les  ganglions  lympha- 
tiques, ces  figures  sont  ici  très  rares  et  ne  présentent  certainement  pas  le 
mode  habituel  de  multiplication  cellulaire.  Il  est  possible  que  ces  figures 
résident  dans  les  lymphocytes;  en  tout  cas,  nous  avons  vu  une  fois  une 
forme  nucléaire  en  biscuit  étiré,  avec  chromatine  condensée,  semblable  à 
celles  figurées  par  Flemming  (2  1,  fig.  9,  /)  et  par  Arnold  (3,  fig.  18,  c),  et 
qui  appartenait  à  une  cellule  endothéliale  ou  peut-être  à  un  leucocyte 
migrateur. 


136  A.    PRENANT 

J'ai  examiné  le  thymus  d'un  jeune  agneau.  Mais  je  me  contenterai  de 
dire,  relativement  à  cet  objet,  que  j'y  ai  retrouvé  essentiellement  les  mêmes 
formes  cellulaires  que  chez  des  animaux  plus  jeunes,  savoir,  des  éléments 
lymphatiques  comparables  aux  cellules  /  et  /'  de  la  fig.  23,  et  des  cellules 
de  charpente  typiques. 

Les  observations  qui  précèdent  ne  seraient  pas  complètes,  si  nous  n'a- 
joutions quelques  mots  relativement  à  l'état  du  tissu  conjonctif  dans  lequel  le 
thymus  est  situé.  Si  l'on  examine  chez  déjeunes  embryons,  longs  de  25  à 
85  mm.,  c'est-à-dire  pendant  la  période  où  les  lobes  épithéliaux  du  thymus, 
subissant  la  transformation  lymphoïde  et  se  remplissant  de  lymphocytes, 
deviennent  les  follicules  ou  nodules  lymphatiques  de  l'organe  définitif,  quelle 
est  la  constitution  du  tissu  conjonctif  capsulaire  et  intracapsulaire  du  thymus, 
on  n'y  découvre  dans  la  plupart  des  cas  rien  de  particulier.  Dans  tout  le 
champ  conjonctif  qui  entoure  les  lobes  du  corps  du  thymus  (tissu  intracap- 
sulairej,  dans  la  bande  annulaire  qui  circonscrit  ce  champ  et  qui  est  formée 
d'une  trame  plus  serrée  (tissu  de  la  capsule),  l'examen  le  plus  attentif  ne 
peut  rien  révéler  en  fait  de  leucocytes  immigrés  en  masse  dans  cet  espace, 
ou  en  fait  de.  leucocytes  sortant  des  vaisseaux  sanguins.  Je  ne  trouve  ni 
vaisseaux  abondants  dans  le  tissu  conjonctif  qui  enveloppe  immédiatement 
le  thymus  épithélial,  ni  amas  de  leucocytes  dans  les  parties  de  ce  tissu 
voisines  de  l'épithélium,  contraiz'ement  à  Gulland,  fig.  9,  et  semblablement 
à  TouRNEUx  et  Herrmann.  Le  tissu  conjonctif  s'est  toujours  montré  (sauf 
dans  un  cas)  (1),  très  lâchement   constitué,  renfermant    parfois    quelques 
leucocytes  semés  çà  et  là,  mais  nulle  part  un  amas  de  pareils  éléments. 
L'aspect  clair,  désert,  du  tissu  conjonctif  contrastait  le  plus  souvent  d'une 
manière  très  frappante  avec  l'état  foncé,  dense,  des  lobes  du  thymus,  à  la 
période  d'accumulation  lympho'ïde  maxima,  par  exemple  chez  un  embryon 

de  55  mm. 

A  propos  de  la  texture  du  thymus  et  de  sa  décomposition  en  plusieurs 

zones  d'aspect  différent  et  différemment  constituées,  je  ne  manquerai  pas  de 
faire  observer  combien  les  faits  que  j'ai  constatés  sur  le  thymus  sont  sem- 
blables à  ceux  que  l'on  connaît  depuis  longtemps  pour  les  ganglions  lym- 
phatiques et  en  général  les  organes  lympho'ïdes,  et  que  Flemming  a  con- 
sciencieusement et  méthodiquement  décrits  (21). 


(1)     Dans  la  tête  d'un  embryon   de  40  mm.,   j'ai  trouvé  les  lobes  épithéliaux  déhiscents  en  dedans 
du   côté  de   l'axe  de   l'organe,   comme  s'ils  étaient  pénétrés  par    le    tissu    conjonctif  ambiant.   Celui-ci, 
tout  aussi  bien   dans  ses  parties  interfolliculaires    que    dans    sa  région    centrale,    renfermait    beaucoup 
d'éléments   lymphoïdes. 


DÉVELOPPEMENT   DU    THYMUS  137 

Flemming  a  retrouvé  dans  la  plupart  des  formations  lymphoïdes  qui 
ont  un  certain  volume  les  régions  centrales  plus  claires  décrites  par  His 
sous  le  nom  de  "  vacuoles  "  ;  il  les  nomme  «  nodules  secondaires  ^  ;  ou 
bien  encore,  pour  rappeler  leur  propriété  physiologique  essentielle,  il  les 
désigne  sous  la  dénomination,  introduite  par  BrUcke  dans  la  science,  de 
«  centres  germinatifs  b.  L'expression  de  nodules  secondaires  signifie  que 
ce  sont  des  nodules  de  second  ordre,  structurés  d'une  manière  qui  leur  est 
propre  et  situés  dans  les  nodules  principaux.  Celle  de  centres  germinatifs 
doit  marquer  que  ces  régions  sont,  comme  dit  Flemming,  l'expression  ana- 
tomique  de  l'accumulation  locale  des  divisions  cellulaires;  autrement  dit, 
c'est  là  que  l'on  trouve  à  peu  près  exclusivement  les  mitoses  dans  les 
organes  lymphoïdes. 

Les  auteurs  qui  ont  étudié  la  texture  du  thymus,  comme  Simon  (78), 
comme  Watney(91j,  comme  Schedel  (74),  élève  de  Flemming,  et  bien 
d'autres,  ont  été  à  même  de  constater  la  différenciation  de  la  substance  de 
cet  organe  en  deux  parties,  centrale  et  périphérique,  médullaire  et  corticale. 
Mais  ils  n'ont  pas  été  au-delà.  Nous  avons  vu,  au  contraire,  que  la  sub- 
stance périphérique  ou  corticale  du  thymus  se  différencie  à  son  tour,  à 
partir  d'un  certain  stade,  en  une  bande  étroite  de  parenchyme  plus  claire 
qui  est  extérieure,  et  un  massif  intérieur  dense  et  foncé.  Une  disposition 
analogue  a  été  figurée  cependant  par  Schedel  (loc.cit.,  fig.21)  sans  qu'elle 
ait  attiré  l'attention  de  l'auteur.  Flemming,  au  contraire,  a  attribué  à  divers 
organes  lymphatiques,  aux  ganglions  mésentériques  entre  autres,  une  con- 
stitution semblable  à  celle  que  nous  avons  décrite  pour  le  thymus.  Dans 
ces  organes,  en  effet,  il  distingue  d'abord  le  centre  germinatif  ou  nodule 
secondaire  formant  substance  médullaire  plus  claire  ;  autour  de  lui  se  trouve 
une  écorce  composée  elle-même  de  deux  couches,  l'une  interne,  mince,  très 
sombre,  ou  zone  intermédiaire,  l'autre  extérieure,  claire,  plus  large,  ou  zone 
périphérique.  Je  ne  crois  pas  qu'il  soit  nécessaire  d'insister  sur  la  ressem- 
blance du  thymus  avec  le  ganglion  lymphatique;  la  seule  différence  que 
l'on  puisse  signaler  entre  les  deux  organes  réside  dans  la  puissance  de  la 
zone  intermédiaire  pour  le  premier,  son  faible  développement  par  contre 
pour  le  second. 

Au  point  de  vue  morphologique  et  au  point  de  vue  physiologique,  la 
désignation  de  la  substance  médullaire  centrale  par  les  noms  de  nodule 
secondaire  et  de  centre  germinatif  me  paraît  applicable  au  thymus. 

Morphologiquement,  en  effet,  cette  substance  est  bien  un  nodule  secon- 


138  A.  PRENANT 

daire.  Il  y  a  à  cela  une  raison  embryologique  qui  manquait  à  Flemming  : 
cette  substance  apparaît  secondairement  dans  le  thymus,  dont  la  constitu- 
tion, avant  la  période  où  la  substance  médullaire  se  forme,  était  celle  de  la 
substance  corticale. 

Physiologiquement,  elle  représente  un  centre  germinatif,  contrairement 
à  ScHEDEL  et  conformément  à  la  thèse  générale  défendue  par  Flemming. 
Elle  est,  en  effet,  comme  la  substance  centrale  des  autres  organes  étudiés 
par  Flemming,  le  siège  de  nombreuses  figures  mitotiques.  Ces  figures, 
ScHEDEL,  au  contraire,  ne  les  trouve  que  dans  la  substance  corticale  (i;  et 
les  refuse  à  la  substance  médullaire.  De  là,  Flemming,  dans  une  note  com- 
plémentaire de  son  travail  (22),  conclut  nécessairement  que  la  régénération 
cellulaire  a  dans  le  tissu  thymique  une  autre  distribution  topographique 
que  celle  qu'elle  offre  dans  les  autres  organes.  Je  suis  d'avis  que  la  formule 
générale  peut  être  conservée  :  la  substance  centrale  est  un  centre  germinatif 
riche  en  mitoses.  Mais  cette  formule  a  besoin,  pour  le  thymus,  de  deux  cor- 
rectifs. Chronologiquement,  la  substance  centrale  n'est  pas  le  premier  foyer 
germinatif  du  thymus,  déjà  parce  qu'elle  fait  défaut  dans  les  premières 
périodes  du  développement  de  l'organe,  puis,  parce  qu'alors  qu'elle  est  déjà 
différenciée,  cç  n'est  pas  tout  d'abord  en  elle,  mais  dans  la  substance  corti- 
cale qu'on  trouve  les  mitoses  les  plus  abondantes.  De  plus,  dans  le  thymus 
développé,  elle  n'est  pas  le  seul  lieu  de  multiplication;  car,  ainsi  que  l'a 
constaté  du  reste  Flemming  pour  les  ganglions  lymphatiques,  ce  n'est  que 
dans  les  zones  sombres  et  à  cellules  serrées,  que  les  mitoses  font  complète- 
ment défaut  ou  sont  tout  au  moins  très  rares  ;  on  en  trouve  au  contraire 
presque  sur  chaque  coupe  dans  la  zone  périphérique  de  la  substance  corti- 
cale. Les  centres  germinatifs  ne  sont  d'ailleurs  pas,  comme  je  les  ai  trouvés 
pour  le  thymus,  étant  une  fois  de  plus  d'accord  avec  Flemming  sur  ce  point, 
des  formations  nécessaires  dans  un  organe  lymphoïde.  C'est  ainsi  que  le 
cordon  cervical  du  thymus,  intermédiaire  à  la  tête  et  au  corps,  manque  de 
substance  médullaire;  celle-ci  fait  également  défaut  dans  le  cordon  qui  relie 
le  corps  cervical  à  la  pai'tie  thoracique.  Mes  observations  ne  me  permettent 
pas  d'ailleurs  de  dire  avec  Flemming  que  ces  formations  sont  en  voie  de 
lente  fluctuation,  c'est-à-dire  sujettes  à  disparition  et  à  réapparition  (21, 
p.  71;  22,  p.  361). 


(1)     L'un   des   deux  dessins,   fig.   21,   qui   accompagnent   le  travail  de  Schedel,    est  d'ailleurs   ab- 
solument schématique.    Dans  un  organe  de  structure  aussi   compacte  que  l'est  le  thymus,   il   me  paraît 
difiBcile  de   voir  aussi   nettement,    au   milieu  des  myriades    d'éléments   qui   encombrent    la    préparation, 
les  figures  mitotiques  à  un   faible  grossissement. 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  139 

Les  résultats  précédents  relatifs  à  la  distribution  topographique  des 
mitoses  paraîtront  peut-être  un  peu  vagues;  on  aimerait,  dans  une  question 
de  ce  genre,  trouver  une  numération  exacte  des  mitoses  observées,  puis  une 
moyenne  des  chiffres  notés  dans  les  diverses  coupes  examinées.  Une  telle 
précision  est  malheureusement  impossible  à  atteindre,  à  cause  de  la  forme 
même  des  figures  mitotiques,  qui  est  telle,  dans  les  stades  âgés,  qu'il  est 
quelquefois  très  difficile  de  dire  si  c'est  bien  une  telle  figure  que  l'on  a  sous 
les  yeux.  Un  observateur  rompu  comme  Flemming  à  la  reconnaissance  des 
figures  de  division  a  cru  devoir  se  tenir  sur  la  réserve  à  cet  égard  en  plu- 
sieurs endroits  de  son  travail  précité,  et  particulièrement  quand  il  dit  de  la 
zone  intermédiaire  que  les  mitoses  y  manquent  totalement  ou  y  sont  du 
moins  très  rares  :  correctif  sans  doute  nécessité  par  la  signification  problé- 
matique de  certaines  formes  cellulaii-es. 

Le  thymus  se  compose  donc  anatomiquement  d'un  certain  nombre  de 
«  nodules  lymphatiques  ^  différenciés  ou  non  en  substances  médullaire  et 
corticale.  Ces  nodules  ou  bien  sont  isolés,  comme  dans  la  partie  externe  de 
la  tête  du  thymus,  ou  bien  confluent  par  leur  substance  médullaire,  comme 
dans  tout  le  reste  de  l'organe,  en  formant  une  masse  lobée  et  même  dendri- 
tiquement  ramifiée.  On  pourrait  croire,  à  première  vue,  et  en  bornant  son 
examen  aux  stades  avancés,  que  dans  le  nodule  lymphatique  la  substance 
médullaire  est  réellement  centrale  et  intérieure.  Ce  serait  là  cependant  une 
façon  erronée  de  se  représenter  la  constitution  d'un  nodule  thymique  et  du 
thymus  tout  entier.  En  réalité,  la  substance  médullaire  est  marginale,  soit 
pour  un  nodule  élémentaire,  soit  pour  l'ensemble  des  nodules  que  présente 
la  coupe  transversale  du  thymus;  c'est  ce  que  montre  l'examen  d'un  em- 
bryon de  brebis  suffisamment  jeune  (7  cent.,  par  exemple).  Seulement  cette 
substance  occupera,  par  rapport  à  un  certain  organe,  tel  que  la  carotide, 
une  situation  plus  interne  que  la  substance  corticale.  Dans  la  suite  du 
développement,  elle  tendra  à  être  entourée  de  plus  en  plus  par  la  substance 
corticale,  jusqu'à  ce  qu'il  ne  reste  plus  qu'un  ou  plusieurs  hiles  ménagés 
entre  les  nodules  élémentaires,  par  où  les  vaisseaux  et  le  tissu  conjonctif 
peuvent  venir  des  parties  environnantes,  spécialement  de  la  carotide,  pour 
pénétrer  dans  l'intérieur  de  l'organe.  On  remettra  les  parties  en  leur  situa- 
tion respective  véritable  et  primitive,  en  déroulant  le  nodule  ou  l'ensemble 
nodulaire  et  en  l'étalant  autour  de  la  carotide. 

Nous  venons  d'employer  l'expression  de  «  nodules  lymphatiques  „  à  la 
place  de  celle,  plus  usitée  en  France,  de  "  follicules  lymphatiques  «,  que 


,4o  A.    PRENANT 

Flemming  et  la  plupart  des  auteurs  allemands,  à  la  suite  de  Henle,  pro- 
posent d'abandonner.  Le  terme  de  follicules  n'est  cependant  pas  aussi  con- 
damnable qu'il  le  paraît  au  premier  abord.  Ne  doivent  être  nommées  folli- 
cules, selon  Henle  et  Flemming,  que  les  formes  d'organes  lymphoïdes, 
telles  que  l'amygdale,  les  "nodules  lymphatiques  de  la  bouche  et  du  pharynx, 
qui  sont  pénétrés  par  de  véritables  invaginations  de  la  muqueuse.  Les 
autres  organes  lymphatiques  qui  ne  satisfont  pas  à  cette  condition  anato- 
mique  ne  méritent  pas  le  nom  de  follicules.  Il  est  bon  d'observer  à  cet 
égard,  que  le  nombre  des  organes  lymphoïdes  qui,  dépourvus  d'invagina- 
tions épithéliales,  doivent  être  rayés  de  la  liste  des  follicules,  va  diminuant 
de  jour  en  jour.  Déjà,  le  thymus  remplit  les  conditions  exigées,  puisqu'il 
loge,  au  moins  au  début,  des  diverticules  de  l'épithélium  branchial;  les 
glandes  de  Peyer  et  bon  nombre  de  ganglions  de  la  trachée  et  de  l'œso- 
phage sont  dans  le  même  cas,  étant  pénétrés  par  des  culs-de-sac  de  l'épithé- 
lium digestif  ou  respiratoire. 

Pour  terminer,  nous  ajouterons  quelques  remarques  sur  les  figures  de 
division  que  nous  avons  observées.  Il  est  hors  de  doute  que  les  élégantes 
cinèsés  que  l'on  trouve  dans  les  premiers  temps  du  développement  du  thy- 
mus appartiennent  à  des  cellules  épithéliales,  puisque  la  structure  de  l'or- 
gane est  encore  à  cette  époque  complètement  épithéliale.  Dès  les  premiers 
indices  de  la  transformation  lymphoïde,  et  lorsque  plus  tard  cette  transfor- 
mation est  centrale,  surgit  une  difficulté.  Que  sont  les  divisions  cinétiques 
que  l'on  a  sous  les  yeux  et  dont  les  caractères  sont  du  reste  autres  que  ceux 
des  cinèses  observées  précédemment?  Doit-on  les  attribuer  exclusivement 
à  des  lymphocytes? 

La  question  revient  à  se  demander  quel  est  le  mode  de  multiplication 
des  lymphocytes.  L'accord  ne  s'est  pas  encore  fait  quant  aux  aptitudes 
mitotiques  des  lymphocytes.  Flemming  (21)  pense  que  les  lymphocytes  se 
développent  dans  les  glandes  lymphatiques  aux  dépens  d'éléments  plus 
jeunes  ou  lymphoblastes  et  qu'ils  continuent  ensuite  à  se  multiplier  par 
mitose.  Grawitz  (1),  Hansemann  (32)  sont  d'un  avis  analogue.  Selon 
LôwiT,  au  contraire  (40,  41),  selon  Ribbert  (68)  et  Baumgarten  (5),  les 
figures  cinétiques  que  l'on  trouve  dans  les  ganglions  lymphatiques  n'appar- 
tiennent ni  aux  lymphocytes,  ni  à  leurs  ancêtres  cellulaires,  les  lymphoblas- 
tes. La  division  des  leucoblastes  de  Lowit  (précurseurs  des  leucocytes  et 


(i)    Je  ne  sais  dans   quel   travail   Grawitz,   qui   est   ici   cité  d'après   Hansemann,    a    soutenu  cette 
opinion. 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  I4I 

identiques  aux  lymphoblastes  qui  forment  les  lymphocytes)  ne  se  fait  pas 
d'après  lui  par  mitose,  tandis  que  ce  mode  de  division  est  celui  des 
érythroblastes  (précurseurs  des  érythrocytes  ou  globules  rouges).  RiBBERTet 
Baumgarten  soutiennent  d'autre  part  que  les  figures  mitotiques  appartien- 
nent aux  cellules  fixes  des  glandes  lymphatiques  :  savoir,  soit  aux  cellules 
du  réticulum  (Baumgarten),  soit  aux  cellules  de  l'endothélium  lymphatique 
(Ribbert).  Grunberg  (28)  a  adopté  une  opinion  mixte  :  les  globules  blancs 
se  forment  d'après  lui  dans  les  ganglions  lymphatiques  par  la  division  tant 
des  cellules  lymphatiques  libres  dans  le  réticulum  que  des  cellules  endothé- 
liales  de  ce  réticulum. 

Pour  les  auteurs  qui  admettent  la  division  mitotique  des  lymphocytes, 
il  s'agissait  alors  de  distinguer  les  figures  de  division  de  ces  lymphocytes 
de  celles  qui  appartiennent  aux  cellules  fixes.  Flemming  et  Grawitz,  pour 
faire  la  distinction,  se  sont  fondés  uniquement  sur  la  grandeur  des  figures  : 
les  plus  petites  sont  celles  des  cellules  lymphatiques.  Hansemann  a  fait 
plus;  il  a  donné  pour  les  ganglions  lymphatiques  de  l'homme  les  caractères 
différentiels  des  mitoses  des  cellules  du  réticulum,  de  celles  des  cellules  de 
l'endothélium  lymphatique,  de  celles  des  lymphoblastes  enfin.   Selon  lui, 
les  différences  entre  les  cellules  endothéliales  et  les  lymphoblastes  sont  les 
suivantes  :  dans  les  lymphoblastes,  le  cytoplasme  est  très  transparent  pen- 
dant la  division,  réduit  souvent  à  un  simple  réticulum  ;  l'auréole  claire  qui 
entoure  la  figure  mitotique  n'est  que  peu  ou  point  visible;  la  division  du 
corps  cellulaire  est  souvent  déjà  terminée  alors  que  le  noyau  est  encore  en 
état  de  dispirème;  les  chromosomes  sont  courts,  épais,  souvent  très  tortueux, 
tendant  à  s'agglutiner;  le  fuseau  est  très  petit  et  aplati,  si  bien  qu'il  peut 
être  complètement  recouvert  par  les  chromosomes  lors  de  l'expansion  du 
monaster;  les  corpuscules  centraux  ne  sont  pas  visibles.   Les  mitoses  des 
cellules  endothéliales  ont  des  caractères  opposés.   Les  figures  de  division 
des  cellules  endothéliales  et  des  cellules  de  réticulum  peuvent  aussi  être_ 
distinguées  entre  elles.  Se  fondant  sur  ces  observations,   Hansemann  dit 
que  ni  les  cellules  du  réticulum  ni  celles  de  l'.endothélium  ne  fournissent  les 
lymphocytes^  mais  que  ceux-ci  dérivent  de  lymphoblastes  spéciaux  ayant 
des  mitoses  caractéristiques. 

Plusieurs  des  caractères  reconnus  par  Hansemann  aux  lymphoblastes, 
nous  les  trouvons  aussi  dans  les  éléments  en  division  indirecte  que  présente 
le  thymus  déjà  transformé  lymphatiquement  ;  ce  sont  en  somme  des  carac- 
tères négatifs  :  ainsi,  l'absence  de  l'auréole  claire,  la  brièveté,   l'épaisseur 

18 


142  A.    PRENANT 

des  chromosomes  et  leur  agglomération  en  une  masse  compacte  à  détails 
le  plus  souvent  indistincts,  l'absence  de  fuseau.  Les  mitoses  des  cellules 
épithéliales  dans  le  thymus  plus  jeune  avaient  des  caractères  inverses  :  pré- 
sence d'un  fuseau,  le  plus  souvent  court, mais  net;  chromosomes  distincts, 
fréquemment  tortueux  et  alors  coupés  en  plusieurs  tronçons;  auréole  claire; 
corpuscules  centraux  et  corpuscules  polaires,  les  premiers  représentés  par 
deux  ou  même  trois  grains  juxtaposés  (ces  corpuscules  n'étant  pas  visibles 
dans  les  mitoses  du  thymus  lymphoïde).  Nous  ajouterons  à  ces  faits  con- 
cernant la  division  des  cellules  épithéliales  les  détails  suivants  :  la  couronne 
équatoriale  est  souvent  incomplète,  en  fer  à  cheval  (i);  le  dyaster  et  le 
dispirème  sont  rares,  le  m.onaster  est  la  forme  la  plus  fréquente;  les  pro- 
phases présentent  les  caractères  habituels. 

En  somme,  ce  qui  permet  d'opposer  les  divisions  des  cellules  épithé- 
liales à  celles  qu'on  rencontre  dans  le  thymus  devenu  13'mphoïdc,  c'est  la 
présence  chez  les  premières  des  particularités  de  structure  qu'on  a  coutume 
de  constater  dans  les  éléments  cinétiques  et  leur  absence  chez  les  autres, 
conformément  à  Schedel  (74)  qui  a  trouvé  indistinctes  dans  leurs  détails  les 
mitoses  du  thymus.  A  ce  propos,  le  thymus  différait  considérablement  des 
autres  organes  lymphoïdes,  puisque  dans  ces  derniers,  dans  les  ganglions 
lymphatiques  en  particulier,  Flemming  a  réussi  non  seulement  à  trouver  les 
mitoses  (ce  qui  est  tout  ce  qu'il  m'a  été  possible  de  faire  dans  le  thymus 
définitif),  mais  encore  à  suivre  leurs  étapes  et  à  déceler  leurs  caractères. 

On  conçoit  maintenant  comment,  l'opposition  que  nous  établissons  entre 
les  cellules  épithéliales  et  les  lymphoblastes  en  division  indirecte  étant  la 
même  que  celle  qu'a  faite  Hansemann  entre  les  cellules  du  réticulum  et  les 
lymphoblastes  en  état  mitotique,  il  s'en  suit  tout  naturellement  un  rappro- 
chement entre  les  cellules  épithéliales  de  l'ébauche  et  les  cellules  du  réticu- 
lum de  l'organe  définitif.  C'est  une  preuve  de  plus  en  faveur  de  l'idée  que 
nous  soutenons,  à  savoir  que  les  cellules  de  charpente  représentent  ce  qui 
reste  des  éléments  de  l'épithélium  primitif.  Par  suite,  si  les  cellules  de 
réticulum  se  divisaient  dans  le  thymus  définitif,  on  devrait  leur  trouver 
vraisemblablement  les  mêmes  caractères  qu'aux  cellules  de  l'ébauche  épi- 
théliale.  Et  comme  on  n'observe  pas  de  figures  offrant  ces  caractères,  il  en 
résulte  que  probablement  toutes  les  formes  cinétiques  que  l'on  aperçoit 
sont  des  divisions  de  lymphoblastes.  L'absence  de  division  dans  les  cellules 


(1)     Flemming,     qui   a   eu   de  semblables   images  sous   les    yeux,    fig.    14,    c.   les  considère   (p.    78) 
comme  des   figures  déformées   par  une   mauvaise  fixation. 


DEVELOPPEMENT    DU    THYMUS  143 

dites  de  charpente  n'a  rien  de  singulier.  L'état  quiescent  absolu  caractérise 
les  cellules  de  soutien  d'un  autre  organe,  j'ai  nommé  le  testicule.  Ici  aussi, 
les  cellules  de  soutien,  qui  sont,  comme  les  cellules  de  charpente  du  thymus, 
le  résidu  de  l'ébauche  épithéliale  primitive,  ne  se  divisent  plus  une  fois 
différenciées.  Dans  les  éléments  propres  à  la  glande,  les  cellules  séminales, 
que  l'on  peut  mettre  sur  le  même  rang  que  les  lymphocytes  propres  au  thy- 
mus, les  divisions  se  succèdent  au  contraire  très  activement. 

Des  observations  qui  précèdent  se  dégagent  les  principaux  faits  suivants, 
qui  confirment  essentiellement  les  données  de  Kôlliker  et  de  ToUrneux 
et  Herrmann  pour  l'histogenèse  du  thymus,  celles  de  Flemming  pour  l'ar- 
rangement  anatomo-microscopique    du    parenchyme   thymique,  celles  de 
Hansemann  pour  la  cytogénèse  des  éléments  du  thymus. 

Dans  la  période  de  transformation  lymphoïde  du  thymus  (embryons 
de  25  à  85  mm.),  on  j> oit  paraître  dans  les  lobes,  à  côté  des  cellules  épithé- 
liales  primitives  et  peut-être  formés  à  leurs  dépens,  des  éléments  à  noyau  de 
plus  en  plus  petit  et  de  plus  en  plus  coloré,  semblables  à  des  lymphocytes. 
C'est  che{  des  embryons  de  28  à  40  mm.  de  long;  c'est-à-dire  au  fort  de 
l'accroissement  des  lobes  thymiques  et  au  début  de  la  transformation  lym- 
phoïde, que  les  divisions  mitotiques  s'observent  le  plus  abondamment.  Plus 
tard  {embryons  de  85  mm.  et  au-delà),  le  thymus  se  différencie  en  une  masse 
extérieure  ou  corticale  et  une  substance  centrale  ou  médullaire,  celle-ci  plus 
claire,  plus  lâchement  texturée,  beaucoup  plus  pauvre  en  éléments  lympha- 
tiques. Dans  la  substance  corticale  à  son  tour  se  différencie  une  lone  péri- 
phérique moins  foncée,  qui  est  sans  doute  une  {one  prolifératrice,  car  elle 
offre  des  figures  de  division  mitotique  qui  manquent  par  contre  dans  le  reste 
de  la  substance  corticale.  Rien  dans  F  entourage  conjonctif  des  lobes  du 
thymus  n'autorise  à  dire  que  c'est  de  ce  tissu  conjonctif  et  de  ses  vaisseaux 
que  proviennent  les  lymphocytes  qui  remplissent  l'organe.  Il  est  probable  que 
les  cellules  cpithéliales,  après  s  être  multipliées  activement  par  cinèse,  donnent 
naissance  à  des  lymphoblastes  soit  par  cinèse,  soit  par  sténose  nucléaire,  car 
on  trouve  les  deux  modes  de  division  Dans  la  sténose,  on  voit  se  faire  de 
petits  bourgeons  nucléaires;  on  constate  d'autre  part  l'existence  de  petits 
noyaux  voisins  de  noyaux  plus  grands  ou  placés  dans  le  même  corps  cellu- 
laire; les  deux  figures  sont  vraisemblablement  les  deux  stades  successifs  d'un 
même  processus.  Les  cinèses  des  cellules  épithéliales  d'autre  part  se  distin- 
guent par  plusieurs  caractères  de  celles  que  présenteront  plus  tard  les  lym- 
phoblastes à  leur  tour.  Ceux-ci,  en  effet,  che^  les  embryons  plus  âgés,  se 


144 


A.   PRENANT 


dhnsent  cinctiqitenicnt  pour  donner  lieu  aux  lymphocytes  ou  cellules  lym-  ' 
phdides  définilires.  Il  est  vraisemblable  qu'un  certain  nombre  de  cellules 
épithéliales  persistent  dans  lorgané  complètement  développé  sous  forme  de 
cellules  de  charpente.  On  pourrait  comparer  ces  cellules  tant  par  leur  destinée 
que  pour  leur  forme  et  pour  la  constitution  de  leur  noyau  aux  cellules  de 
soutien  du  testicule,  tandis  que  les  couvées  de  lymphocytes  seraient  compa- 
rables aux  grappes  d'éléments  séminaux. 

IL 

Glande    thyroïde. 

L'historique  des  découvertes  relatives  à  l'organogénie  de  la  glande 
thyroïde  peut  se  résumer  ainsi,  particulièrement  pour  les  mammifères. 
W.  MtiLLER  (54)  et  KôLLiKER  (3g)  trouvent  que  la  thyroïde  prend  naissance 
par  une  ébauche  médiane  issue  delà  paroi  ventrale  du  pharynx.  Wôlfler(92) 
et  Stieda  (7g)  soutiennent  au  contraire  qu'elle  doit  son  origine  à  deux  ébau- 
ches latérales  parties  des  fentes  branchiales.  Born  (6)  concilie  les  deux 
opinions  en  montrant  que  les  ébauches  latérales  concourent  avec  le  rudiment 
médian  à  constituer  la  glande  thyroïde  :  manièi-e  de  voir  confirmée  depuis 
par  tous  les  auteurs  [Froriep  (24),  Fischelis  (20),  His  (35J,  de  Meuron  (51), 
Kastschenko  (37),  Piersol(57),  nous  (56)]  que  cette  question  a  occupés. 

Les  ébauches  latérales  de  la  thyroïde  avaient  été  vues  avant  'Wôlfler 
et  Stieda,  ailleurs  que  chez  les  mammifères,  par  Remak  fôi),  dont  l'attention 
fut  attirée  par  la  présence  chez  le  poulet  de  vésicules  épithéliales  provenant 
de  la  quatrième  poche  branchiale,  et  qui  les  considéra  déjà  comme  des 
thyroïdes  accessoires;  chez  le  même  animal,  ces  vésicules  furent  retrouvées 
par  GoETTE(2  7bis),  Seessel(76),  Kôlliker(39);  elles  furent  convenablement 
décrites  entre  autres  par  Remak  et  par  Seessel. 

Les  résultats  de  Stieda  (79)  marquèrent  d'emblée  un  grand  perfection- 
nement dans  l'état  de  nos  connaissances  sur  cette  question.  Il  suffit  pour 
s'en  convaincre  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  les  figures  S,  lo,  11,  qui  sont 
d'une  fidélité  remarquable.  Il  fit  dériver  la  glande  thyroïde  de  deux  ébauches 
qu'il  vit  se  former  aux  dépens  des  deux  dernières  fentes  branchiales 
(4""  fentes);  mais  il  ne  sut  pas  montrer  de  quelle  façon  les  ébauches  en 
question  fournissent  la  glande  th3'roïdc,  et  c'est  faute  d'avoir  trouvé  une 
autre  source  de  matériel  cellulaire,  pour  le  développement  de  cet  organe, 


I 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  145 

qu'il  fit  intervenir  celle-là.  Quant  au  développement  ultérieur  de  la  glande, 
ses  recherches  l'ont  conduit  à  confirmer  en  grande  partie  les  faits  découverts 
soit  par  W.  Muller,  soit  par  Kôlliker,  savoir  :  le  bourgeonnement  de  la 
glande,  la  formation  de  cordons  épithéliaux,  l'anastomose  de  ces  cordons, 
l'apparition  d'une  fente,  d'une  lumière  dans  l'intérieur  du  cordon,  la  trans- 
formation de  ces  lumières  çà  et  là  en  cavités  arrondies,  et  du  même  coup 
la  formation  des  vésicules  thyroïdiennes,  l'immigration  des  vaisseaux  dans  la 
thyroïde  et,  comme  conséquence,  1  egrènement  des  cordons  épithéliaux  en 
îlots  creux  ou  vésicules,  découpés  par  les  vaisseaux.  Les  figures  7,  8,  10  de 
Stieda  représentent  chez  le  mouton  une  formation  connexe  avec  l'ébauche 
thyroïdienne  latérale  (seul  rudiment  de  la  thyroïde  d'après  l'auteur);  il  la 
considère  comme  la  glande  carotidienne  (p.  22),  après  avoir  (p.  21)  nommé 
glande  carotidienne  une  autre  ébauche.  Nous  avons  déjà  laissé  entendre 
(voir  p.  92)  que  Stieda  avait  en  réalité  confondu  deux  organes  différents, 
l'un  en  connexion  avec  la  troisième  poche  branchiale,  l'autre  dépendant  de 
la  quatrième  poche.  Nous  avons  déjà  étudié  le  premier  comme  glande  caro- 
tidienne. Nous  retrouverons  le  second  tout  à  l'heure. 

BoRN  (6),  après  avoir  constaté  chez  un  embryon  de  porc  de  1 1  mm.  des 
diverticules  pharjmgiens  correspondant  à  la  quatrième  paire  de  poches 
entodermiques,  nomme  ces  diverticules  ébauches  thyroïdiennes  latérales. 
Chez  un  embryon  plus  âgé  (13  mm.),  ces  évaginations  se  sont  allongées  et 
à  présent  incurvées  de  façon  à  offrir  une  concavité  interne;  -elles  montrent 
une  lumière  nette  et  quelquefois  à  leur  extrémité  aveugle  certaines  proémi- 
nences, —  comme  pour  la  formation  d'acinis  r<  (p.  2951. 

Après  avoir  décrit  les  déplacements  des  ébauches  latérales,  Born  fait 
connaître  le  fait  important  de  leur  fusion  avec  la  glande  thyro'ide  médiane 
(embryon  de  plus  de  2  cm.)  et  continue  :  ^  ces  formations  paires  qui,  après 
leur  fusion,  se  laissent  encore  reconnaître  par  leur  structure  histologique 
distincte,  se  transforment  en  un  réseau  trabéculaire  épithélial  de  même 
aspect  que  celui  de  1  ébauche  impaire  r.  Il  les  nomme  donc  ^  thyroïdes  laté- 
rales "  en  raison  du  lieu  de  leur  origine,  ou  ^  postérieures  "  à  cause  de  leur 
situation  dans  l'organe  total  et  par  rapport  à  l'ébauche  médiane  (p.  300). 
«  Le  collet,  par  lequel  l'ébauche  thyroïdienne  latérale  tubuleuse  est  ratta- 
chée au  pharjaix,  parait  à  présent  très  aminci  ;  cependant  on  peut  y  recon- 
naître le  plus  souvent  une  lumière  encore  nette.  Ce  collet  mince  pousse  en 
arrière  un  bourgeon  cellulaire  plein,  coudé.  L'extrémité  ventrale  renflée  en 
massue  a  épaissi  ses  parois,  mais  ne  parait  pas  modifiée  pour  le  reste  t^ 


146  A.    PRENANT 

(embr.  de  18  mm.)  (p.  302).  Chez  des  embryons  de  19  à  20  mm.,  le  réseau 
formé  parla  thyroïde  médiane  s'est  rapproché  du  fond  des  tubes,  qui  repré- 
sentent les  thyroïdes  latérales,  jusqu'à  entrer  en  contact  avec  ces  tubes. 
Ceux-ci  sont  séparés  du  pharynx  ;  leur  paroi  s'est  très  épaissie.  Leur  extré- 
mité ventrale  plus  épaisse  paraît  çà  etlà bosselée.  Il  se  fait  chez  des  embryons 
de  21  mm.  une  union  complète  des  deux  formations  qui  deviennent  entière- 
ment continues.  Toutefois  les  portions  dorsale  et  externe  de  la  thyroïde 
latérale  sont  encore  libres;  elles  ont  une  lumière  nette,  qui  n'existe  plus 
dans  les  parties  internes,  celles  qui  subissent  la  fusion  ;  celles-ci  ne  présen- 
tent plus  que  quelques  espaces  irréguliers  dans  leur  masse  formée  de  noyaux 
serrés.  C'est  alors  que  la  surface  de  l'extrémité  ventrale  de  l'organe  se  couvre 
de  saillies  et  de  dépressions  dans  lesquelles  pénètrent  des  capillaires;  c'est 
là  l'indice  de  la  transformation  trabéculaire  et  réticulaire  de  la  thyroïde 
latérale.  Plus  tard,  on  peut  encore,  malgré  la  similitude  d'aspect,  distinguer 
le  réseau  de  la  thyroïde  latérale  de  celui  de  la  thyroïde  médiane  par  sa  plus 
grande  coloration.  Chez  un  embryon  de  26  mm.,  alors  que  la  glande  forme 
un  organe  unique,  on  reconnaît  la  provenance  des  parties  latérales  du  réseau 
à  leurs  mailles  étroites  et  à  leurs  travées  épaisses.  Chez  un  embryon  de 
37  mm.,  la  distinction  des  portions  latérales  et  médiane  ne  peut  plus 
être  faite. 

De  Meuron  (51),  suivant  l'évolution  de  la  quatrième  poche  branchiale, 
prétend  que  celle-ci  fournit  un  diverticule  plus  ou  moins  aplati  qui  l'accom- 
pagne du  côté  ventral  et  un  peu  en  dedans,  puis  dépasse  le  fond  même  de 
cette  poche.  C'est  évidemment  ce  diverticule,  bientôt  transformé  en  une 
vésicule,  qui,  dit-il,  a  été  décrit  comme  origine  latérale  de  la  thyroïde  par 
BoRN  et  que  Stieda  considérait  comme  l'ébauche  unique  de  cet  organe. 
Quant  à  l'extrémité  de  la  poche  branchiale  qui  se  trouve  placée  du  côté 
dorsal  de  ce  diverticule,  l'épithélium  qui  en  tapisse  le  fond  est  légèrement 
épaissi  et  présente  en  cet  endroit  les  mêmes  caractères  que  dans  le  prolon- 
gement dorsal  de  la  troisième  fente  (embryon  de  mouton  de  11,5  mm.). 
C'est,  ajoute  De  Meuron,  cet  épaississement  terminal  qui  a  été  décrit  et 
figuré  par  Stieda  comme  l'origine  de  la  glande  carotidienne  (p.  5S3)  (1).  En 
résumé  (p.  584),  la  quatrième  poche  branchiale  donne  naissance  à  deux 
parties  distinctes  :  un  diverticule  ventral  arrondi,  qui  se  détache  plus  tard 
pour  se  joindre  à  l'ébauche  de  la  thyroïde  primitive;  --    un  épaississement 


(1)     Nous   savons  (v     p.   02)   que   Stieda   a   aussi   nommé  glande  carotidienne   autre  chose 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  147 

dorsal  et  latéral  du  fond  de  la  poche.  Poursuivant  l'évolution  de  l'une  et 
de  l'autre  formation,  de  Meuron  montre  comment  le  prolongement  ventral 
de  la  quatrième  poche  devient  une  ébauche  thyroïdienne  latérale  et  accessoi- 
re, en  s'unissant  à  l'ébauche  médiane  et  principale;  il  ne  faudrait  cependant 
pas  croire  que  les  lobes  latéraux  de  la  thyroïde  définitive  proviennent  ex- 
clusivement des  thyroïdes  latérales.  Le  phénomène  de  la  réunion  des  rudi- 
ments latéraux  et  médian  est  ensuite  décrit  un  peu  autrement  par  de 
Meuron  que  par  Born;  l'objet  d'étude  de  ces  auteurs  est  différent  d'ailleurs, 
l'un  ayant  examiné  le  mouton,  l'autre  le  porc.  La  thyroïde  accessoire  ou 
latérale,  après  avoir  perdu  sa  communication  avec  le  fond  de  la  quatrième 
poche,  et  après  que  celle-ci  à  son  tour  s'est  séparée  du  phar3'nx,  est  isolée 
de  toutes  parts;  mais  elle  ne  tarde  pas  à  être  enveloppée  par  les  bo3'aux 
cellulaires,  auxquels  entre  temps  la  thyroïde  médiane  a  donné  naissance. 
Elle-même  subit  d'importants  changements.  Ses  cellules  prolifèrent  rapide- 
ment, de  sorte  que  sa  lumière  ne  tarde  pas  à  disparaître  ou  devient  tout  à 
fait  irrégulière.  En  même  temps,  on  voit  partir  de  sa  surface  des  boyaux 
cellulaires  qui  s'étendent  de  plus  en  plus,  sont  entourés  par  le  tissu  con- 
jonctif  et  qui  donneront  naissance  à  des  follicules  pareils  à  ceux  de  la  thy- 
roïde primitive  (p.  588  et  589).  La  fig.  23  représente  très  fidèlement  les 
dispositions  réalisées  actuellement.  Les  boyaux  issus  de  la  thyroïde  latérale 
se  mêlent  à  ceux  partis  de  la  thyroïde  médiane  sans  s'anastomoser  avec  eux, 
contrairement  à  Born  et  conformément  à  l'observation  de  Fischelis. 
r>  Quant  à  l'épaississement  du  fond  de  la  poche,  il  constitue  une  masse 
solide  arrondie,  placée  en  arrière  du  lobe  latéral  de  la  thyro'ïde  et  comme 
incrustée  dans  sa  surface  postérieure.  Les  boyaux  cellulaires  du  corps  thy- 
roïde l'entourent  de  tous  cotés  sauf  en  arrière Il  est  alors  constitué  par 

de  petite  scellules  arrondies,  d'aspect  plus  ou  moinsl  ymphatique  et  groupées 
en  masses  secondaires  séparées  par  des  trabécules  de  substance  conjonctive. 
Sa  structure  est  donc  la  même  que  celle  de  la  partie  supérieure  du  thymus 
formé  par  épaississement  de  l'épithélium  dorsal  de  la  troisième  fente  bran- 
chiale '•  (p.  589).  Chez  des  embryons  humains.de  16  et  de  28  mm.,  l'auteur 
a  trouvé  les  mêmes  dispositions.  Des  embryons  plus  avancés  (de  26  et 
18  mm.)  lui  ont  montré  l'organe  dorsal  (épaississement  du  fond  de  la  qua- 
trième poche)  structuré  comme  le  thymus. 

Dans  ses  conclusions  (p.  619  et  620),  l'auteur  homologue  chez  les 
mammifères  aux  ébauches  du  thymus  du  poulet  la  partie  qu'il  a  désignée 
comme  portion  supérieure  du  thymus  (mais  qu'il  suppose  être  ailleurs  la 


148 


A.     PRENANT 


glande  carotidienne),  ainsi  que  l'organe  qui  provient  du  fond  de  la  quatrième 
poche  branchiale  et  qui  reste  dans  le  voisinage  de  la  glande  thyroïde  et  par- 
ticulièrement de  la  thyroïde  latérale;  la  nature  histologique  de  ces  organes 
correspond  d'ailleurs,  prétend-il,  à  celle  du  thymus.  L'auteur  n'est  pas  em- 
barrassé pour  expliquer  que  l'organe  dorsal  de  la  quatrième  poche,  bien 
que  partie  intégrante  véritable  du  thymus,  demeure  en  connexion  avec  la 
thyroïde;  il  explique  même  par  ce  rapport,  de  cause  purement  mécanique, 
que  quelques  observateurs,  ignorant  sa  véritable  signification,  l'aient  pris 
pour  une  glande  thyroïde  accessoire. 

Kastschenko  (37,  p.  22)  s'exprime  comme  il  suit  à  propos  de  ce  dernier 
organe.  «  Pour  ce  qui  concerne  la  ^  portion  dorsale  du  thymus  »  décrite 
par  DE  Meuron,  qui  doit  phylogénétiquement  appartenir  au  thymus,  mais 
dériver  de  la  quatrième  poche  épithéliale  et  se  séparer  plus  tard  de  l'ébauche 
latérale  de  la  thyroïde,  je  n'ai  pu  en  trouver  trace.  La  petite  évagination 
de  l'ébauche  latérale  de  la  thyroïde,  que  j'ai  considérée  hypothétiquement 
comme  la  pointe  de  la  quatrième  poche  épithéliale  proprement  dite,  partage 
le  sort  du  tube  tout  entier  ^.  Pour  Kastschenko,  les  ébauches  latérales  de 
la  thyroïde  ne  se  placent  ni  au  côté  dorsal,  ni  au  côté  externe,  mais  sur  la 
face  interne  de,  l'ébauche  médiane  ;  celle-ci,  avant  de  se  fusionner  avec  les 
ébauches  latérales,  entoure  en  effet  ces  dernières  du  côté  externe.  Comme 
DE  Meuron,  l'auteur  soutient,  contre  His,  que  les  ébauches  latérales  ne 
fournissent  pas  exclusivement  les  lobes  latéraux  de  la  thyroïde  définitive; 
elles  ne  jouent  même  qu'un  faible  rôle  dans  l'édification  de  la  masse  totale 
de  la  glande,  au  moins  chez  le  porc.  Avec  les  progrès  du  développement,  la 
cavité  de  l'ébauche  latérale  diminue  de  longueur,  tandis  que  sa  paroi  s'épais- 
sit, en  poussant  de  nombreux  bourgeons  pleins,  qui  se  transforment  peu  à 
peu  en  un  conglomérat  de  cordons  épithéliaux  avec  tissu  conjonctif  interposé 
très  vasculaire.  C'est  alors  que  les  parties  latérales  de  l'ébauche  médiane 
s'accroissent  fortement  en  arrière  et  entourent  les  deux  conglomérats  symé- 
triques en  avant  et  en  dehors.  Puis  se  fait  la  fusion  des  deux  ébauches,  dont 
la  structure  devient  identique  à  tel  point  qu'elles  ne  peuvent  plus  être 
distinguées. 

PiERSOL  (57)  décrit  chez  le  lapin  l'ébauche  thyro'ïdienne  latérale  comme 
se  formant  aux  dépens  de  la  quatrième  poche  entodermique  branchiale; 
mais  il  ne  donne  aucun  fait  nouveau  relativement  à  l'évolution  ultérieure  de 
cette  formation. 

Quant  à  Fischelis  (20),  son  travail  renferme,  ainsi  que  déjà  nous  le 
faisions  observer  dans  notre  mémoire  antérieur,  des  résultats  contradictoires 


DEVELOPPEMENT    DU    THYMUS  149 

relativement  au  lieu  d'origine  de  la  thyroïde  latérale;  tour  à  tour  en  effet, 
il  fait  dériver  celle-ci  de  la  quatrième  (p.  435)  et  de  la  troisième  poche  (p.  438). 
Dans  notre  travail  antérieur  (59),  nous  avons  assigné  la  quatrième  poche 
entodermique  branchiale  comme  point  de  départ  de  la  thyroïde  latérale; 
mais  nous  n'en  avons  pas  suivi  le  développement  ultérieur.  Nous  avons 
observé  aussi  l'épaississement  de  sa  paroi,  dont  nous  avons  dit  (p.  216)  : 
"  Quant  à  l'épaississement  dorsal  et  latéral  de  la  quatrième  poche  branchiale, 
décrit  par  de  Meuron  et  considéré  par  cet  auteur  comme  prenant  part  à  la 
constitution  du  thymus,  il  est  vraisemblablement  représenté  par  l'amas  cellu- 
laire lymphoïde  qui  renforce  la  paroi  externe  de  l'ébauche  thyroïde  latérale; 
nous  n'avons  pas  vu  cependant  cet  amas  se  séparer  de  cette  ébauche  et  deve- 
nir indépendant.  » 

Chez  un  embryon  de  10  mm.,  la  quatrième  poche  branchiale  se  com- 
porte delà  façon  suivante.  Elle  arrive  dans  le  pharynx  au  niveau  de  l'endroit 
où  celui-ci  se  prolonge  de  chaque  côté  de  la  fente  laryngée  par  les  deux 
gouttières  dites  fiuidiis  braiichialis;  c'est  ce  f un  dus  branchialis  même  qui 
lui  sert  de  pédicule.  La  portion  de  cette  poche,  qui  prolongée  irait  rejoin- 
dre la  dépression  correspondant  à  la  quatrième  poche  cpidermique,  fait 
avec  le  reste  de  la  poche  un  angle  presque  aigu,  de  sorte  que  l'ensemble  de 
la  quatrième  cavité  branchiale  entodermique  est  représenté  par  deux  con- 
duits branchés  l'un  sur  l'autre,  de  manière  à  laisser  entre  eux  une  masse 
triangulaire  de  tissu.  Si  maintenant  on  suit  la  série  des  coupes,  on  voit 
que  cette  masse  de  tissu  disparaît  de  plus  en  plus  complètement,  laissant  à 
sa  place  une  cavité  spacieuse,  en  laquelle  confluent  les  deux  branches  dont 
il  vient  d'être  question.  Cette  cavité,  que  nous  appellerons  désormais,  avec 
sa  paroi,  ébauche  thyroïdienne  latérale,  présente,  sur  ces  coupes,  deux  pro- 
longements dorsaux  :  l'un,  interne,  dont  la  lumière  très  étroite  communique 
avec  la  cavité  du  pharynx;  l'autre,  externe,  qui  n'est  que  l'extrémité  externe 
de  la  quatrième  poche.  Plus  bas,  les  coupes  ne  montrent  plus  rien  de  la 
communication  de  l'ébauche  thyroïdienne  latérale  avec  le  pharynx.  Cette 
ébauche  se  montre  alors  comme  une  cavité  piriforme,  à  grosse  extrémité 
ventrale  et  interne  tournée  vers  la  fente  laryngée,  et  dont  la  petite  extrémité 
ou  queue  forme  un  prolongement  dirigé  en  dehors  et  du  côté  dorsal. 

Il  y  a  de  plus  quelques  dispositions  anatom.o-microscopiques  et  histo- 
logiques  intéressantes  à  signaler.  L'extrémité  externe  et  ventrale  de  la 
dilatation  piriforme,  qui  représente  l'ébauche  thyroïdienne  latérale,  présente 
un  renflement  volumineux  de  sa  paroi   épithéliale  fortement  saillant  au- 

19 


150  A.    PRENANT 

dehors;  cette  paroi,  qui  partout  ailleurs  a  la  structure  d'un  épithélium 
stratifié  à  plusieurs  assises  de  cellules  prismatiques,  perd  ici  sa  structure 
épithéliale  régulière  et  se  montre  composée  d'une  accumulation  dense  de 
cellules  irrégulièrement  agencées.  Les  divisions  indirectes  sont  nombreuses 
dans  la  paroi  épithéliale,  notamment  dans  le  renflement  de  cette  paroi  ;  à 
signaler  aussi  des  cellules  à  noyau  grand  et  clair,  semblables  à  des  ovules 
primordiaux.  Au  niveau  du  renflement  en  question,  la  menibraiia  prima, 
limite  de  Tépithélium  et  du  tissu  connectif  ambiant,  a  disparu.  En  d'autres 
points,  sur  d'autres  coupes  de  la  th5'roïde  latérale,  on  observe  que  çà  et  là, 
particulièrement  du  côté  externe  et  ventral,  la  paroi  épithéliale  s'épaissit 
localement,  de  façon  à  former  de  petits  prolongements  en  pointe  ;  la  mem- 
brana  prima  est  soulevée  par  ces  prolongements  et  a  même  pu  disparaître 
à  leur  sommet;  la  j^aroi  épithéliale  se  confond  alors  avec  le  tissu  conjonctif 
embryonnaire.  Celui-ci,  qui  d'une  manière  générale  est  épaissi  et  condensé 
autour  de  la  thyroïde  latérale,  notamment  sur  la  face  externe  de  cette  der- 
nière, présente  de  nombreux  noyaux  en  division,  qui  m'ont  paru  particuliè- 
rement abondants  dans  les  points  où  Tépithélium  est  confondu  avec  le  tissu 
conjonctif;  le  tissu  est  vasculaire,  surtout  sur  la  face  externe  de  la  thyroïde 
latérale. 

Les  dispositions  que  présente  un  embryon  de   14  mm.  diffèrent  déjà 
beaucoup  de  celles  offertes  par  l'embryon  précédent.   La  poche  branchiale 
n'est  plus  rattachée  au  pharynx  par  un  canal,  mais  seulement  par  un  cordon 
assez  étroit.  Les  deux  branches  dont  se  composait  cette  poche  se  retrouvent 
encore,  laissant  entre  elles  un  angle  qui  de  haut  en  bas  devient  de  plus  en 
plus  aigu;  le  sinus  de  cet  angle  ne  regarde  plus  en  dehors  et  du  côté  ventral, 
mais  au  contraire  un  peu  du  côté  dorsal  et  toujours  en  dehors;  les  deux 
branches,  sans  perdre  leur  rapport  réciproque,  ont  donc  effectué  un  mouve- . 
ment  de  rotation  de  moins  de  90°.   La  principale  modification  consiste  en  ce 
que  l'angle  qu'elles  laissent  entre  elles  est  à  présent  rempli  par  un  corps  vo- 
lumineux, de  section  oblongue,  qui  adhère  intimement  à  la  paroi  épithéliale 
et  qui  en  paraît  être  un  c'paississement  externe;  nous  appellerons  désormais 
ce  corps,  en  raison  de  sa  destinée,  la.  glandule  thyroïdienne;  il  se  comportera 
plus  tard,  en  effet,  comme  un  corps  annexe  de  la  glande  thyroïde  et  particu- 
lièrement  de    l'ébauche   thyroïdienne  latérale,  à  laquelle  nous  le    voyons 
rattaché  dès  son  origine.  Nous  reviendrons  du  reste  plus  loin  sur  les  carac- 
tères structuraux  et  sur  les  connexions  exactes  de  cette  glandule.  La  poche 
branchiale  se  continue,  comme  chez  l'embryon  précédent,  par  une  vésicule 


I 


DEVELOPPEMENT    DU    THYMUS  I5I 

spacieuse,    de    coupe   ovale,    qui    dirige   du    côté  ventral  et  vers  la  ligne 
médiane  sa  grosse  extrémité. 

Chez  un  embryon  de  15  mm.,  les  dispositions  ne  sont  que  peu  modi- 
fiées. La  branche  externe  de  la  poche  branchiale  a  beaucoup  diminué.  Elle 
forme  à  présent  avec  la  branche  interne  une  sorte  de  T.  La  glandule  thy- 
roïdienne est  toujours  à  la  place  qu'elle  occupait  auparavant,  c'est-à-dire  au 
côté  dorsal  et  externe  de  la  poche  branchiale,  fig.  26. 

Quelle  est  la  structure,  quelles  sont  les  connexions  intimes  de  l'organe 
nouveau  que  nous  venons  de  voir  se  produire? 

La  glandule  thyroïdienne  est  un  corps  arrondi,  formé  par  un  ensemble 
de  trabécules  irrégulièrement  épaisses,  anastomosées  en  réseau,  les  mailles 
du  réseau  étant  occupées,  dès  l'apparition  de  la  glande,  par  des  capillaires 
sanguins,  semblablement  unis  en  un  réseau.  Les  cellules  qui  constituent 
ces  trabécules  sont  de  nature  épithéliale,  de  forme  polygonale  sur  la  coupe. 
Ces  cellules  se  distinguent  par  la  densité  et  par  suite  l'aspect  sombre  de 
leur  corps  protoplasmique,  ce  qui  fait  que  la  glandule  attire  immédiatement 
les  regards  par  sa  coloration  foncée,  aussi  bien  que  par  sa  forme  arrondie 
bien  délimitée. 

La  limite  de  la  glandule  est,  en  effet,  partout  nette,  excepté  du  côté 
interne;  là,  sur  une  étendue  assez  restreinte,  la  glande  se  confond  avec  la 
paroi  épithéliale  de  la  quatrième  poche  branchiale,  ou,  si  l'on  veut,  de 
l'ébauche  thyroïdienne-  latérale.  Nous  avons  cherché  à  nous  rendre  compte 
exactement  des  rapports  qu'à  ce  niveau  les  deux  organes  présentent  entre 
eux,  et,  dans  ce  but,  nous  avons  dessiné  la  fig,  27.  On  y  reconnaît  que  les 
cellules  épithéliales  de  l'ébauche  thyroïdienne  latérale,  glto,  présentent  à 
l'endroit  de  l'insertion  de  la  glandule  une  disposition  irrégulière;  que  des 
cellules,  qui  font  partie  du  tractus  épithélial,  sont  déjà  douées  de  la  colora- 
tion foncée  qui  est  le  caractère  des  éléments  de  la  glandule;  qu'en  certains 
points,  en  a  par  exemple,  les  trabécules  de  cette  glandule  se  continuent 
directement  avec  l'épithélium  ;  que  les  vaisseaux  de  la  glandule,  enfin, 
pénètrent  jusque  sous  l'épithélium  même.  Il  "est  cei"tain,  par  conséquent, 
que  les  deux  formations  sont  unies  de  la  façon  la  plus  intime,  et  comme, 
chronologiquement,  l'ébauche  latérale  de  la  thyroïde  précède  la  glandule, 
il  est  très  vraisemblable  que  celle-ci  dérive  de  la  première  par  une  modifi- 
cation profonde,  mais  graduelle,  et  par  un  arrangement  particulier  des  élé. 
ments  épithéliaux. 

Du  reste,  la  provenance  épithéliale  de  la  glandule  thyroïdienne  nous 


152  A.   PRENANT 

est  prouvée  par  l'examen  d'un  stade  plus  jeune  d'une  façon  plus  péremptoire. 
Nous  avons  examiné  à  cet  effet  l'embrj^on  de  lo  mm.  ;  mais  l'épaississement 
que  nous  avons  signalé  au  côté  externe  et  ventral  de  la  paroi  épithéliale  de 
l'ébauche  latérale  de  la  thyroïde,  bien  que  très  analogue  par  sa  forme  à 
celui  que  constituera  plus  tard  la  glandule  thyroïdienne,  ne  nous  paraît  pas 
d'autre  part  correspondre  à  cette  glandule  par  sa  situation,  qui  est  trop 
ventrale;  ce  n'est  donc  que  d'une  manière  hypothétique  que  nous  pouvons 
voir  dans  cet  épaississement  le  premier  rudiment  de  la   glandule.    Chez 
l'embryon  de  14  mm.,  il  en  est  tout  autrement;  nous  trouvons  là  un  renfle- 
ment de  la  paroi,  formé  de  cellules  épithéliales  qui  sont  groupées  par  îlots, 
tandis  que  des  tractus  vasculo-conjonctifs  ont  pénétré  dans  son  épaisseur  et 
séparent  les  îlots  les  uns  des  autres,  Pl.  IV,  fig.  41.  De  chaque  côté,  c'est- 
à-dire  à  l'extrémité  dorsale  et  à  l'extrémité  ventrale  de  cet  épaississement, 
l'épithélium  branchial  se  reconstitue  avec  sa  forme  habituelle.  En  ces  points, 
l'épithélium  s'amincit  de  plus  en  plus,  jusqu'à  se  perdre  en  tant  que  couche 
distincte  au  niveau  du  renflement  lui-même;  en  même  temps  ses  cellules  con- 
stitutives s'inclinent  vers  le  renflement.  Il  en  résulte  l'impression  d'un  double 
fait  :  c'est  que  d'abord  l'épithélium  aminci,  puis  disparu  même  à  l'endroit  de 
l'épaississement  nodulaire,  forme  celui-ci  aux  dépens  de  sa  substance;  c'est 
qu'ensuite  le  nodule,  une  fois  constitué  et  à  mesure  qu'il  se  développe, 
refoule  l'épithélium  latéralement.  Comme  maintenant,  en  suivant  la  série 
des  coupes  qui  intéressent  le  nodule  glandulaire,  on  le  voit  sur  les  premières 
comme  sur  les  dernières  sous  la  forme  d'un  Ilot  séparé  de  l'épithélium  par 
du  tissu  conjonctif  et  des  vaisseaux,  il  faut  en  conclure  que  l'organe  a  la 
forme  d'une  sorte  de  champignon  implanté  sur  l'épithélium  branchial. 

Tels  sont  les  premiers  moments  du  développement  de  la  glandule  thy- 
ro'idienne.  Cette  glandule  est  vraisemblablement  connue  depuis  longtemps; 
il  est  possible,  en  effet,  que  quelques-uns  des  corps  signalés  par  Remak  (61) 
et  par  Kôlliker  {3^)  et  demeurés  pour  eux  énigmatiques  correspondent  à 
cet  organe  (voir  Kôlliker,  p.  919).  En  tout  cas,  elle  a  été  réellement  décou- 
verte par  Stieda,  quoique  confondue  par  lui  avec  une  autre  formation; 
depuis,  son  existence  a  été  soupçonnée  par  Born,  confirmée  par  de  Meuron 
et  par  nous  (59,  p.  216—219,  Pl.  II,  fig.  3).  (1) 


(i)  CRfSTiAsi  indique  dans  une  note  (12)  que  chez  les  rongeurs  «  les  organes  connus  sous  le 
nom  de  glandules  ne  sont  autre  chose  que  les  bourgeons  latéraux  »  de  la  glande  thyroïde.  Il  est 
possible  qu'il  en  foit  ainsi  cliez  les  rongeurs;  mais  le  fait  serait  contraire  à  tout  ce  que  l'on  connaît 
du  développement  de  la  glande  thyroïde  d'autres  types  de  mammifères,  où  les  bourgeons  latéraux 
donnent  non  seulement  les  glandules  qui  n'exislent  pas  seules,  mais  encore  les  thyroïdes  latérales  , 
qui   sont   autre  chose  que  les   glandules. 


r 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  153 

Tout  dans  l'histoire  de  la  glandule  thyroïdienne,  l'origine  analogue,  le 
mode  de  formation  et  l'aspect  de  l'ébauche  en  ses  premiers  débuts,  les  con- 
nexions avec  l'épithélium  dune  poche  entodermique  branchiale,  la  structure 
trabéculaire  épithéliale  et  la  vascularisation  précoce,  rappelle  la  glande 
carotidienne.  Nous  reviendrons  plus  loin  sur  le  rapprochement  que  l'on 
peut  faire  entre  les  deux  organes. 

Les  changements  subis  par  la  glande  thyroïde  latérale  et  par  la  glan- 
dule qui  lui  est  annexée  consistent  dans  un  embryon  de  ly  mm.,  en  ce 
que  les  deux  organes  tendent  à  se  séparer  l'un  de  l'autre  ;  la  séparation 
procède  de  bas  en  haut,  c'est-à-dire  du  côté  ventral  à  la  face  dorsale. 

L'examen  d'un  embryon  de  18  mm.  offre  des  modifications  très  im- 
portantes. La  glandule  occupe  toujours  le  côté  dorsal  et  externe  de  l'ébauche 
thyroïdienne  latérale.  Elle  est  située  d'autre  part  juste  en  dehors  d'un  petit 
trcnc  nerveux,  placé  dans  l'angle  de  l'œsophage  et  de  la  trachée,  qui  est 
vraisemblablement  le  nerf  récurrent.  De  toute  la  formation  thyro'ïdienne, 
elle  est  l'organe  qui  a  la  situation  le  plus  proximale.  —  Des  coupes  passant 
un  peu  plus  bas  montrent  au  côté  ventral  et  interne  de  la  glandule  une 
vésicule,  dont  la  cavité  a  une  forme  irrégulièrement  triangulaire  et  à  la- 
quelle elle  est  intimement  unie;  cette  vésicule  représente  l'ébauche  thyroï- 
dienne latérale.  —  Plus  bas,  la  glandule  a  diminué  de  diamètre.  La  cavité 
de  la  thyroïde  latérale  est  devenue  plus  irrégulière;  sa  face  ventrale  est 
occupée  par  les  bourgeons  cellulaires  dépendant  de  la  thyroïde  médiane, 
qui  s'élèvent  sur  la  face  externe  de  la  thyroïde  latérale  et  tendent  à  l'en- 
glober. —  Puis,  suivant  toujours  la  série  des  coupes,  on  voit  à  la  lumière 
principale  de  la  thyro'ïde  latérale  s'adjoindre  un  autre  lumen,  situé  au  côté 
externe  de  la  précédente  et  indépendant  d'elle,  pourvu  d'une  paroi  nette- 
ment épithéliale;  les  deux  lumières  se  confondent  plus  bas.  —  Ensuite,  sur 
des  coupes  plus  distales,  la  thyroïde  latérale  a  augmenté  d'importance,  sa 
lumière  s'étant  par  contre  réduite;  elle  forme  à  présent  un  gros  corps  de 
coupe  triangulaire,  dont  l'angle  dorsal  est  presque  contigu  au  nerf  récur- 
rent. ~  La  lumière  de  la  thyroïde  latérale  redevient  ensuite  spacieuse , 
irrégulièrement  triangulaire,  avec  un  angle  dorsal  et  externe  aigu,  effilé 
en  pointe;  elle  affecte  la  forme  de  l'osselet  marteau,  dont  le  manche  cor- 
respondrait à  cet  angle  dorsal  et  externe.  —  Plus  bas,  la  cavité  étant  de- 
venue de  nouveau  de  plus  en  plus  considérable,  la  thyroïde  latérale  est 
entourée  par  les  bourgeons  de  la  thyroïde  médiane ,  non  seulement  en 
dehors,  mais  encore  du  côté  dorsal;  la  thyi-oïde  médiane  figure  alors  une 


154 


A.    PRENANT 


bande  en  fer  à  cheval  lobée  autour  de  la  thyroïde  latérale,  dont  elle  est 
séparée  par  un  interstice  conjonctif  minime.  -  Enfin,  la  cavité  de  la  thyroïde 
latérale  elle-même  est  devenue  beaucoup  moindre,  tandis  que  la  thyroïde 
médiane  puissamment  développée  se  montre  dans  toute  son  étendue,  avec 
son  isthme  et  avec  ses  lobes  latéraux  qui  enveloppent  les  restes  de  la  thy- 
roïde latérale  presque  complètement. 

Sur  une  série  de  coupes  d'un  embryon  de  20  mm.,  les  images  sont 
essentiellement  les  mémes(i),  Pl.  III,  fig.  28.  Nous  trouvons  d'abord 
quelques  bourgeons  de  la  thyroïde  médiane  ;  puis  parait  la  thyroïde  latérale 
avec  une  cavité  linéaire,  curviligne,  inclinée  en  bas  et  en  dedans,  —  Plus 
bas,  la  courbe  de  cette  cavité  se  prononce  davantage  ;  dans  la  cavité  de  la 
courbe  se  trouve  un  vaisseau  dont  la  lumière  a  une  courbure  analogue.  — 
De  l'extrémité  dorsale  de  la  cavité  de  la  thyroïde  latérale  nait  un  diverti- 
cule,  qui  se  détache  de  la  cavité  principale  à  angle  aigu,  de  manière  à 
laisser  entre  elle  et  lui  un  éperon  de  tissu,  de  forme  triangulaire.  —  La 
glandule  apparaît  alors  coiffant  l'extrémité  borgne  de  ce  diverticule.  Nous 
croyons  retrouver  par  conséquent,  chez  cet  embryon,  les  deux  branches, 
externe  et  interne,  de  l'ébauche  thyroïdienne  latérale  des  stades  précédents, 
représentées  l'une  par  la  fente  principale,  l'autre  par  le  diverticule  de  cette 
fente,  avec  la  glandule  qui  lui  est  appendue.  —  Le  diverticule  ayant  disparu 
plus  bas,  l'extrémité  dorsale  de  la  lumière  de  la  thyroïde  latérale  se  bifur- 
que encore  une  fois,  puis  la  languette  triangulaire  de  tissu,  placée  entre  les 
deux  branches  de  bifurcation,  s'isole  en  une  presqu'île  presque  complète. — 
Sur  des  coupes  passant  à  un  niveau  plus  inférieur,  la  glandule  s'est  complè- 
tement séparée  de  la  thyroïde  latérale,  pour  disparaître  un  peu  plus  loin, 
La  protubérance  arrondie,  qui  formait  jusqu'alors  la  paroi  concave  de  la 
lumière  arquée  de  la  thyro'ide  latérale,  s'isole  en  un  îlot,  qui  disparaît  en- 
suite, laissant  à  sa  place  une  cavité  arrondie  très  spacieuse.  —  Finalement, 
la  lumière  de  la  thyroïde  latérale  n'est  plus  visible  ;  cette  thyroïde  cesse  à 
son  tour  d'exister,  et  la  glande  médiane  persiste  seule.  Les  rapports  de  la 
thyroïde  médiane  avec  l'ébauche  latérale  sont  d'ailleurs  les  mêmes  que 
dans  le  cas  précédent.  Nous  avons  essayé,  sur  cet  embryon  fixé  au  liquide 
de  Kleinenberg,  d'étudier  de  plus  près  l'état  histologique  de  la  glande 
thyroïde  latérale.  Mais  les  résultats  de  cette  étude,  soit  à  cause  de  la  fixa- 
tion, soit  pour  toute  autre  raison,  ne  sont  pas  absolument  certains.  Ce  qui 
est  évident,  c'est  que  la  paroi  épithéliale  de  lébauche  latérale  est  formée 


I 


(1)    Il   est    certain    qu'une    part    des   légères   différences   que   l'on   peut    noter    entre    des    embryons 
d'âge  voisin   tiennent  en   partie  à   une   orientation   différente  des    coupes. 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  155 

d'un  épithélium  stratifié,  à  cellules  cylindriques,  et  quelle  est  inégalement 
épaisse  suivant  les  endroits.  En  certains  points,  nous  avons  cru  voir. que, 
la  limite  profonde  de  l'épithélium  cessant  d'être  nette,  cet  épithélium  deve- 
nait ainsi  continu  avec  une  bande  cellulaire  épaisse,  qui  double  sur  une 
grande  étendue  la  face  externe  de  la  paroi  épithéliale  et  qui  l'élargit 
d'autant.  Il  nous  a  semblé  même  que  de  deux  points  correspondant  res- 
pectivement aux  extrémités  dorsale  et  ventrale  de  l'ébauche  partaient  des 
fusées  cellulaires,  qui  d'une  part  faisaient  le  tour  de  la  paroi  externe  et 
convexe  de  la  thyro'ide,  et  qui  d'autre  part  se  confondaient  dans  la  paroi 
interne  et  concave,  pour  constituer  la  proéminence  arrondie  qui  soulève 
cette  paroi,  Pl.  IX,  fig.  42.  Il  s'en  suivrait  qu'un  tissu  mésenchymateux 
et  vasculaire  prendrait  ici  naissance  aux  dépens  de  l'épithélium;  nous 
n'osons  toutefois  garantir  ni  le  fait,  ni  la  conclusion  qui  en  découle.  En 
tout  cas, -l'aspect  produit  est  semblable  à  celui  que  nous  avons  décrit  plus 
haut  pour  la  formation  de  la  glandule  (v.  p.  152).  On  pourrait,  plus  exacte- 
ment encore  à  tous  les  points  de  vue,  le  comparer  à  celui  que  donne  la 
formation  du  noyau  protovertébral  et  des  fusées  mésenchymateuses  qui 
constituent  le  sclérotome. 

Les  dispositions  que  nous  a  offertes  l'embryon  de  22  mm.  sont  trop 
semblables  à  celles  de  l'embryon  précédent  pour  qu'il  soit  nécessaire  de 
les  décrire  en  détail.  Disons  seulement  que,  dans  son  ensemble,  la  forma- 
tion thyro'idienne  s'est  accrue  ;  l'accroissement  a  porté  surtout  sur  la  thyro'ide 
médiane. 

Chez  un  embryon  de  25  mm.,  l'ébauche  latérale  est  complètement  en- 
tourée par  la  glande  médiane,  aussi  bien  en  dedans  qu'en  dehors  et  du  côté 
dorsal  que  du  côté  ventral.  Elle  l'est  en  bas  également,  comme  cela  résulte 
de  l'examen  des  embr3'ons  précédents,  où  la  glande  médiane  était  encore 
visible  sur  les  coupes  distales,  après  le  départ  de  la  th3'ro'ïde  latérale.  Nous 
voyons  ici  qu'elle  est  aussi  enveloppée  en  haut  par  la  thyro'ide  médiane, 
qui  se  montre  sur  les  coupes  les  plus  proximales  à  l'endroit  où  paraît  plus 
loin  seulement  la  thyro'ide  latérale.  Celle-ci  egt  donc  complètement  enchâs- 
sée dans  la  thyroïde  médiane.  La  cavité  de  l'ébauche  latérale  a  beaucoup 
diminué. 

Chez  un  autre  embryon  de  25  mm.,  fixé  non  plus  comme  les  précédents 
par  le  liquide  de  Kleinenberg,  mais  par  le  bichromate  de  potasse,  on  con- 
state sur  les  coupes  proximales  les  bourgeons  de  la  thyro'ide  médiane,  dont 
l'ensemble  forme  une  masse  arrondie.  —  Puis,  à  cette  masse  s'adjoint  la 
glandule  qui  est  contiguë  à  la  carotide  primitive.  — -  Ensuite,  au  centre  de 


l56  A.    PRENANT 

la  masse  formé  par  la  th3a-oïde  médiane  paraît  un  noj'au  plus  clair,  parais- 
sant formé  de  cellules  unies  par  leurs  prolongements  en  un  réseau.  — 
Cette  masse  d'apparence  réticulée  se  montre  plus  loin  creusée  de  deux 
cavités  à  paroi  épithéliale  bientôt  réunies  en  une  seule.  Celle-ci  est  la  cavité 
de  la  thyroïde  latérale  des  stades  précédents,  plus  réduite.  Elle  a  conservé 
sa  forme  incurvée;  une  protubérance  arrondie  forme  toujours  sa  paroi 
interne.  --  Plus  bas,  la  cavité  s'amoindrit;  plus  bas  encore  apparaît  une 
masse  d'aspect  réticulé;  puis  la  thyroïde  médiane  persiste  seule.  Il  vient  à 
l'esprit  que  le  tissu  central  n'est  autre  que  la  paroi  épithéliale  de  la  thyroïde 
latérale,  et  que  l'illusion  d'un  réseau  est  due  à  la  coupe  tangentielle  de  la 
paroi  épithéliale.  Cette  idée  a  cependant  contre  elle  l'observation  de  l'em- 
bryon suivant.  —  Sur  les  dernières  coupes  intéressant  la  thyroïde  médiane 
seule,  on  voit  nettement  que  chacun  des  lobes  de  celle-ci  est  déhiscent  du  côté 
dorsal  et  en  dedans,  et  qu'il  existe  là  une  fente  conduisant  dans  un  espace 
central  vasculoconjonctif  et  parcouru  par  des  vaisseaux;  cet  espace  central 
réside  à  l'emplacement  occupé  plus  haut  par  la  thyroïde  latérale;  la  fente 
est  située  sur  le  prolongement  distal  du  trajet  suivi  par  la  thyroïde  latérale. 
Cette  fente  représente  le  hile  du  lobe  du  corps  thyroïde  ;  le  hile  loge  la 
thyroïde  latérale,. et  plus  bas  du  tissu  conjonctif  et  des  vaisseaux;  la  glan- 
dule  occupe  la' lèvre  externe  du  hile. 

L'examen  d'un  embryon  de  26  mm.  montre  les  dispositions  dont  il 
vient  d'être  question  déjà  chez  l'embryon  précédent,  fig.  29.  On  voit  sur 
cette  figure  la  masse  centrale  de  tissu  constituée  par  la  thyro'ïde  latérale, 
toi,  la  cavité  de  cette  dernière,  les  bourgeons  de  la  thyroïde  médiane,  tom. 
Cette  figure  est  la  condamnation  de  la  supposition  formulée  ci-dessus, 
d'après  laquelle  la  masse  centrale  réticulée  ne  serait  que  la  coupe  tangen- 
tielle de  la  paroi  épithéliale  de  l'ébauche  thyroïdienne  latérale.  Ici  en  effet, 
cette  masse  est  très  étendue  ;  ce  qui,  pour  l'interprétation  précédente,  est 
une  difficulté.  Elle  borde  une  cavité  considérable,  et  on  peut  la  voir  par 
conséquent  en  un  endroit  correspondant  à  la  partie  moyenne,  la  plus  déve- 
loppée, de  la  glande  latérale;  ce  qui  tend  à  infirmer  encore  l'interprétation 
en  question.  Enfin,  comme  nous  le  verrons  tout  à  l'heure,  l'hypothèse  se 
trouve  définitivement  condamnée  par  l'examen  des  stades  plus  avancés.  En 
somme,  je  suis  porté  à  croire  que  ce  tissu  dérive  de  la  transformation  de 
l'épithélium  primitif. 

Les  relations  exactes  de  la  thyroïde  médiane  et  de  la  thyro'ïde  latérale 
sont  importantes  à  préciser,  pour  décider  si  les  deux  ébauches  se  fusionnent 
réellement,  et  de  quelle  façon  dans  ce  cas  se  fait  le  fusionnement;  si  en 


DEVELOPPEMENT    DU    THYMUS  157 

outre  la  thyroïde  latérale  est  susceptible,  comme  la  thyroïde  médiane,  ainsi 
que  l'ont  dit  Born,  de  Meuron,  Kastschenko,  de  pousser  des  bourgeons, 
desquels  dériveront  en  fin  de  compte  les  vésicules  thyroïdiennes;  si  enfin, 
comme  on  l'a  dit  aussi,  le  mélange  des  deux  ébauches  est  tellement  intime 
que  les  bourgeons  de  l'une  s'anastomosent  avec  ceux  de  l'autre. 

La  thyroïde  latérale  est  nettement  séparée  de  la  thyroïde  médiane  du 
côté  interne,  où  une  bande  de  tissu  conjonctif  lamelleux  s'insinue  entre  les 
deux  organes,  fig.  30,  c. 

Du  côté  externe,  on  peut  avoir,  suivant  les  endroits  que  l'on  considère, 
deux  aspects  différents.  Ou  bien  la  cavité  épithéliale  de  la  thyroïde  latérale 
n'est  limitée  que  par  une  mince  couche  de  cellules  épithéliales  irrégulière- 
ment disposées  sur  2 — 4  assises;  encore  l'arrangement  épithélial  de  ces 
cellules  est-il  loin  d'être  évident,  et  ces  assises  paraissent-elles  plutôt  conti- 
nuer la  masse  de  tissu  cellulaire  réticulé  qui  renforce  la  paroi  interne  (voir 
FIG.  29  à  gauche).  Ou  bien  cette  couche  donne  insertion  à  plusieurs  bour- 
geons de  tous  points  semblables  à  ceux  qui  constituent  à  cette  époque  la 
thyro'ïde  médiane.  C'est  ainsi  que  l'on  peut  voir,  fig.  35,  un  bourgeon  ou 
lobule,  t,  de  la  thyroïde  médiane  implanté  par  une  base  pédiculisée  sur  la 
masse  centrale  réticulée  appartenant  à  la  thyroïde  latérale;  on  constate 
même  que  dans  le  pédicule  les  noyaux  des  cellules  sont  disposés  suivant 
deux  rangées  de  part  et  d'autrede  l'axe  dece  pédicule,  qui  d'ailleurs  est  plein. 

Sur  un  autre  embryon  de  26  mm.,  nous  retrouvons  la  couche  cellulaire 
réticulée;  elle  entoure  la  paroi  épithéliale  de  la  thyroïde  latérale,  fig.  31. 
Cette  couche,  qui  a  une  épaisseur  variable,  tantôt  est  nettement  distincte 
de  la  paroi  épithéliale,  tantôt  se  confond  insensiblement  avec  elle.  Elle  est 
formée  de  cellules  serrées,  dont  les  noyaux  sont  plus  petits  en  général  que 
ceux  de  l'épithélium  de  la  thyro'ïde  latérale  et  que  ceux  aussi  des  lobules  de 
la  thyroïde  médiane.  La  fig.  31  montre  encore  les  relations  de  la  glandule 
thyroïdienne,  gito,  avec  la  thyroïde  latérale;  elles  sont  très  intimes,  la  paroi 
de  celle-ci  se  continuant  insensiblement  avec  les  cordons  cellulaires  de 
celle-là  ;  ces  relations  sont  sans  doute  le  vestige  des  connexions  génétiques 
primitives. 

Nous  avons  dessiné,  fig.  36,  chez  un  embryon  de  28  mm.,  une  partie 
de  la  glande  thyro'idienne  latérale,  afin  de  faire  voir  une  disposition  compa- 
rable à  celle  de  la  fig.  35  et  qui  peut  recevoir  la  même  interprétation.  La 
paroi  de  la  cavité  thyro'idienne  est  formée  par  un  tissu  cellulaire  réticulé  et 
en  certains  endroits  seulement  prend  une  constitution  épithéliale.  A  cette 

20 


158  A.   PRENANT 

paroi  sont  appendus,  notamment  du  côté  ventral  et  en  dehors,  plusieurs 
bourgeons  ou  lobules.  Le  gros  bourgeon  qui  est  dessiné  dans  la  figure  paraît 
se  continuer  absolument  avec  le  tissu  de  la  thyroïde  latérale  ;  son  axe  est 
en  effet  formé  par  une  ma§se  cellulaire  qui  se  confond  avec  le  tissu  réticulé 
de  l'ébauche  thyroïdienne  latérale  ;  à  sa  périphérie,  les  éléments  cellulaires 
prennent  une  disposition  épithéliale  et  sont  plus  serrés,  leurs  noyaux  ayant 
une  coloration  plus  foncée;  sa  limite  externe  est  sur  le  prolongement  de  la 
membrana  prima  qui  borne  extérieurement  la  thyroïde  latérale.  Sur  l'em- 
bryon suivant  (30  mm.),  nous  avons  pu  faire  une  constatation  analogue.  — 
La  FiG.  36  montre  encore  un  fait  qui  est  assez  fréquent,  c'est-à-dire  la  pré- 
sence dans  la  lumière  de  la  thyroïde  latérale  de  plusieurs  cellules  à  noyau 
déformé,  à  corps  cellulaire  clair  et  comme  vésiculeux;  ces  cellules  ressem- 
blent beaucoup  à  celles  que  nous  avons  signalées  dans  les  cavités  dont  se 
creuse  le  thymus  embryonnaire,  ou  encore  aux  cellules  qui  forment  les 
couches  internes  de  la  lumière  œsophagienne. 

Comment  convient-il  d'interpréter  les  connexions,  fig.  35  et  36,  qui 
existent  entre  les  bourgeons  plus  ou  moins  semblables  à  ceux  de  la  thyroïde 
médiane  et  le  réticulum  cellulaire  de  l'ébauche  latérale?  Deux  explications 
peuvent  en  être  données.  Celle  qui  a  été  soutenue  par  les  auteurs,  c'est  que 
le  tissu  de  la  thyroïde  latérale  bourgeonne  pour  donner  naissance  à  des 
lobules  identiques  à  ceux  fournis  par  le  rudiment  médian.  La  continuité 
parfaite  de  ce  tissu  avec  les  bourgeons  est  favorable  à  cette  première 
manière  de  voir.  La  deuxième  explication  consiste  à  dire  que  les  bourgeons 
de  la  thyroïde  médiane,  en  enveloppant  la  masse  intérieure  constituée  par 
la  thyroïde  latérale,  s'abouchent  avec  celle-ci  par  leur  extrémité  centrale, 
rétrécie  en  un  pédicule.  En  faveur  de  cette  opinion,  on  peut  faire  valoir 
deux  faits  :  d'abord,  c'est  que  les  divisions  cinétiques  sont  rares  dans 
la  thyroïde  latérale,  alors  qu'elles  sont  fréquentes  dans  les  lobules  de  la 
thyroïde  médiane,  ce  qui  ne  dispose  pas  à  croire  au  bourgeonnement  de 
la  première;  ensuite,  c'est  la  ressemblance  le  plus  souvent  complète  entre 
les  lobules  adhérents  à  la  thyroïde  latérale  et  par  conséquent  d'origine  dou- 
teuse, et  ceux  qui  en  sont  éloignés  et  qui  font  partie  évidemment  de  la 
thyroïde  médiane.  En  présence  de  l'incertitude  où  nous  laissent  les  faits 
étudiés  de  près,  incertitude  que  ne  ferait  pas  disparaître,  croyons-nous, 
l'examen  le  plus  attentif,  il  nous  semble  qu'il  faut  s'en  rapporter  à  l'impres- 
sion produite  par  l'observation  à  un  faible  grossissement.  Cette  impression, 
que  pourra  procurer  la  vue  de  la  fig.  29,  est  favorable  à  l'idée  de  l'abou- 


I 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  159 

chement  des  lobules  de  la  glande  médiane  sur  l'axe  central  formé  par  la 
thyroïde  latérale. 

A  cette  époque  déjà,  la  glandule  thyroïdienne  a  pris  des  caractères 
structuraux  qu'elle  conservera  jusque  dans  une  période  assez  avancée  de 
l'évolution  embryonnaire.  Nous  ne  pouvons  malheureusement  dire  si  ce 
sont  encore  ceux  du  nouveau-né  et  de  l'adulte  ;  car  le  stade  le  plus  avancé 
qu'il  nous  ait  été  donné  d'examiner  est  celui  d'un  embryon  de  114  mm. 

La  glandule,  examinée  chez  un  embryon  de  26  mm.,  est  formée  de 
travées  cellulaires  plus  ou  moins  épaisses  et  comprenant  de  1  à  5  rangées 
de  cellules,  Pl.  III,  fig.  32.  Les  travées  cellulaires  sont  anastomosées  en 
un  réseau.  La  constitution  trabéculaire  et  réticulée  de  la  glande  est  sur- 
tout évidente  à  un  faible  grossissement  et  dans  des  stades  un  peu  plus 
avancés  (embryon  de  70  mm.  p.  ex.),  fig.  38,  gl.  Les  cellules  qui  consti- 
tuent ces  travées  sont  polyédriques;  leurs  noyaux  ne  présentent  rien  de 
pailiculier,  sinon  que  quelques-uns  sont  colorés  d'une  façon  un  peu  plus 
intense;  le  protoplasme,  au  contraire,  se  fait  remarquer  par  sa  densité  et 
son  aspect  sombre,  fig.  32.  Entre  les  travées  épithéliales  serpente  un  ré- 
seau de  capillaires  sanguins,  limités  par  une  paroi  endothéliale.  Les  travées 
m'ont  paru  toujours  pleines,  sauf  dans  un  cas  où  j'ai  pu  apercevoir  dans 
l'intérieur  d'une  trabécule  une  lumière  entourée  par  des  cellules. 

D'après  ces  faits,  il  est  inutile  d'insister  sur  la  très  grande  similitude 
ou  même  l'identité  structurale  de  la  glandule  thyro'idienne  et  de  la  glande 
carotidienne.  Une  très  légère  différence  entre  les  deux  organes  consiste 
peut-être,  au  point  de  vue  de  la  texture,  en  ce  que  les  travées  de  la  glandule 
paraissent  plus  tortueuses  et  plus  larges,  ce  dont  on  se  rend  bien  compte 
sur  des  coupes  un  peu  épaisses  d'objets  fixés  par  le  liquide  de  Kleinen- 
BERG  ou  par  le  bichromate  de  potasse.  Au  point  de  vue  de  la  structure 
proprement  dite,  il  resterait  à  voir  (ce  que  je  n'ai  pas  pu  faire,  faute  d'objets 
convenablement  traités),  si  la  glandule  présente  chez  des  embryons  un  peu 
âgés  les  mêmes  transformations,  les  mêmes  dégénérescences  que  celles 
qu'offrait  la  glande  carotidienne. 

La  constitution  histologique  de  la  glandule  thyroïdienne  est  donc 
semblable  à  celle  de  la  glande  carotidienne.  La  structure  de  l'une  et  de 
l'autre  est  absolument  spéciale  et  diffère  complètement  et  de  celle  du 
thymus  et  de  celle  de  la  glande  thyro'ïde.  Aussi  ai-je  peine  à  comprendre 
comment  de  Meuron,  qui  a  d'ailleurs  remarqué  la  ressemblance  histolo- 
gique de  l'épaississement  dorsal  de  la  troisième  fente  et  de  l'épaississement 


l6o  A.    PRENANT 

correspondant  de  la  quatrième,  a  trouvé  ce  dernier  formé  ^  de  petites  cel- 
lules arrondies  d'asj^ect  plus  ou  moins  lymphatique  -,  l'a  rapproché  par 
conséquent  du  thymus  au  point  de  vue  histologique  et  même  l'a  rattaché 
anatomiquement  à  ce  dernier  organe.  Il  est  tout  aussi  difficile  de  concevoir 
comment    plusieurs    auteurs,    Sandstrôm    (72),    Gley    (26  bis),    Gley    et 
Phisalix  (27),  Cristiani  (1 1  et  12),  ont  attribué  à  la  glandule  thyroïdienne 
la  constitution  de  la  thyroïde  embryonnaire.  Sa  structure,  disent  par  ex- 
emple Gley  et  Phisalix,  est  "analogue  à  celle  de  la  glande  thyroïde  fœtale^; 
elle  est  formée,  ajoutent-ils,  d'amas  qui  »  sont  constitués  par  des  cellules 
embryonnaires,  serrées  les  unes  contre  les  autres".  Sans  doute,  la  glandule 
thyroïdienne  et  la  glande  thyroïde  ont  en  commun  ce  caractère  d'être  com- 
posées de  travées  anastomosées  en  un  réseau  laissant  entre  ses  mailles  un 
réseau  capillaire  sanguin.   Mais  bien  d'autres  organes,  que  l'on  n'a  jamais 
songé  à  identifier  histologiquement  à  la  thyroïde,  le  foie   par    exemple, 
sont  dans  ce  cas.   Les  cellules  de  la  glandule  sont  nettement  délimitées  les 
unes  des  autres;  leurs  noyaux  sont  relativement  petits.   Les  cellules  de  la 
thyroïde  ont  des  caractères   opposés.    La  glandule   présente  une  texture 
trabéculaire  et  réticulée,    alors    que    cette   constitution  n'est  pas  acquise 
encore  à  la  glande  thyroïde.    Il  suffit,  en  un  mot,  d'avoir  sous  les  yeux  les 
deux  organes,  dans  leurs  rapports  naturels,   pour  être  frappé  non  de  leur 
similitude,  mais  tout  au  contraire  de  leur  dissemblance  histologique.   Mes 
recherches  toutefois  ayant  porté  sur  la  glandule  embryonnaire  du  mouton, 
et  celles  des  auteurs  précités  ayant  eu  pour  objet  la  glandule  annexée  à  la 
thyroïde  adulte  chez  l'homme,  le  cheval,  le  bœuf,  le  lapin,  le  rat,  la  souris, 
le  campagnol,  on  comprend  la  réserve  que  je  dois  apporter  à  ma  critique. 
L'étude  d'un  embryon  de  30  mm.  ne  nous  a  pas  offert  de  changements 
notables  dans  l'anatomie  de  la    formation    thjaoïdienne.    Sur   les    coupes 
proximales,    chaque    lobe    de   la    glande    est    largement    ouvert    par    en 
haut;    le   hile   dorsal  ainsi  réalisé  est  occupé  par  la  glandule,   par  un  pro- 
longement connectif  et  vasculaire  et  par  une  vésicule  épithéliale  qui  appar- 
tient à  la  thyroïde  latérale.  —  Puis,  la  vésicule  disparaît,  remplacée  par  la 
masse  cellulaire  caractéristique  de  la  thyroïde  latérale.  —  Plus  loin  paraît 
la  cavité  principale  de  cette  glande,  avec  une  paroi  épithéliale  et  des  bour- 
geons appendus  à  cette  paroi,  dont  ils  semblent  émaner.  —  Cette  cavité 
disparaît  à  son  tour  et  la  thyroïde  médiane  demeure  seule.  Il  faut  observer 
que  sur  cet  embryon,  comme  d'ailleurs  sur  les  précédents,  les  bourgeons 
qui  sont  insérés  dans  la  paroi  de  la  vésicule  thyroïdienne  latérale  forment 
sur  nombre  de  coupes  une  zone  concentrique  située  en  dedans  d'une  autre 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  l6l 

zone  constituée  par  des  lobules  appartenant  indubitablement  à  la  thyroïde 
médiane. 

Chez  un  embryon  de  45  mm.,  nous  notons,  outre  le  développement 
considérable  du  corps  thyroïde  tout  entier,  l'orientation  très  nette  des 
lobules  qui  le  constituent  autour  de  la  masse  thyroïdienne  latérale  et  de  la 
cavité  dont  elle  est  creusée,  et  même  la  continuité  des  lobules  avec  cette 
masse.  Dans  celle-ci  se  forment  çà  et  là  des  groupes  cellulaires  condensés, 
des  nodules,  qui  sont  peut-être  le  point  de  départ  de  lobules  thyroïdiens. 
La  masse  thyroïdienne  latérale  et  sa  cavité  ont  d'ailleurs  conservé  leur  forme 
et  leur  situation  caractéristiques.  Ajoutons  que  le  centre  du  corps  th3^roïde 
est  occupé,  sur  les  coupes  proximales,  par  un  réseau  de  cordons,  qui  diffèrent 
des  travées  du  reste  de  la  glande  par  leur  coloration  plus  grande  et  par  leur 
étroitesse,  qui  est  telle  qu'ils  peuvent  être  réduits  à  une  seule  rangée  de 
cellules.  Ce  sont  là  des  faits  qui  parlent  évidemment  en  faveur  de  la  parti- 
cipation de  l'ébauche  thyroïdienne  latérale  à  la  constitution  du  parenchyme 
lobulaire  et  plus  tard  vésiculaire  de  la  glande  thyroïde. 

L'extrémité  inférieure  de  la  glandule  est  située  chez  un  embryon  de 
60  mm.  sur  un  plan  horizontal  un  peu  supérieure  celui  qui  raserait  le  bord 
supérieur  de  l'isthme  du  corps  thyroïde.  La  glandule  ne  correspond  donc 
plus  à  l'extrémité  supérieure  du  lobe  de  l'organe.   Le  tissu  thyroïdien  pro- 
prement dit  s'est,  en  effet,  accru  du  côté  proximal  en  une  pointe  ou  corne, 
jusqu'à  dépasser  de  beaucoup  le  lieu  où  est  située  la  glandule.   Celle-ci  est 
comprise  dans  une  enveloppe  conjonctive  qui    lui  est  commune  avec  la 
glande  thyroïde  elle-même  ;  l'une  et  l'autre  sont  aussi  entourées  par  une 
sorte  de  sinus  sanguin  annulaire,  dans  lequel  on  voit  déboucher  un  grand 
nombre  de  capillaires  thyroïdiens.  Sur  les  coupes  qui  passent  par  l'extrémité 
inférieure  de  la  glandule,  l'axe  du  corps  thyroïde  est  occupé  par  un  tout 
petit  canal  à  paroi  épithéliale,  autour  duquel  irradient  et  les  vaisseaux  san- 
guins et  les  travées  épithéliales  de  la  thyroïde.  Il  en  résulte  un  aspect  très 
comparable  à  celui  que  fournit  la  coupe  du  lobule  hépatique.   Des  coupes 
proximales  montrent  que  le  canal  central  s'est  élargi  considérablement;  sa 
forme  est  irrégulièrement  elliptique,  à  grand  axe  dorso-ventral.  Sa  paroi  est 
formée  de  2 — 3  couches  de  cellules  ;  les  celkdes  les  plus  externes  sont  pris- 
matiques et  sont  disposées  sur  une  ou  deux  rangées  régulières  ;  les  plus 
internes  sont  polyédriques  et  distribuées  irrégulièrement  ;  ces  dernières  font 
une  saillie  plus  ou  moins  forte  dans  la  cavité,  où  quelques-unes  d'entre  elles 
sont  tombées;  les  cellules  internes  sont  claires  et  ont  éprouvé  une  tiansior- 


162  A.    PRENANT 

mation  semblable  à  celle  qui  frappe  les  cellules  superficielles  de  l'épithélium 
œsophagien.  —  Sur  des  coupes  plus,  rapprochées  encore  de  la  tête,  on  voit 
la  lumière  du  canal  central  devenir  anfractueuse  ;  il  se  forme  des  diverticules 
profonds,  tapissés  par  un  prolongement  de  la  paroi  épithéliale  du  canal, 
Pl.  IV,  FiG.  40.  Dans  ces  diverticules  viennent  s'aboucher,  autant  que  j'en 
puis  juger  par  des  coupes  malheureusement  un  peu  épaisses,  les  cordons 
cellulaires  de  la  glande  thyroïde.  Cette  description  s'applique  plus  particu- 
lièrement à  la  paroi  ventrale  et  externe  du  canal.  La  paroi  dorsale  et  interne 
offre  une  constitution  un  peu  différente.  On  n'y  trouve  pas  de  couches  régu- 
lières à  cellules  prismatiques;  mais  les  cellules,  de  forme  générale  plutôt 
polyédrique,  constituent  une  couche  épaisse,  qui  se  continue  dans  l'épais- 
seur de  la  thyroïde  et  du  côté  dorsal  avec  un  tissu  de  même  nature,  dans 
lequel  la  délimitation  des  cordons  th3^roïdiens  est  peu  nette,  et  qui  par 
contre  est  extrêmement  riche  en  vaisseaux  plus  gros  que  partout  ailleurs. 

—  Des  coupes  plus  proximales  montrent  que  ce  tissu  remplit  le  hile  de  la 
thyroïde  et  qu'il  se  prolonge  du  côté  dorsal  jusque  dans  la  région  des  vais- 
seaux sanguins  principaux;  elles  font  voir  encore  que  le  canal  central,  de 
plus  en  plus  spacieux,  devient  aussi  de  plus  en  plus  anfractueux.  Sur  les 
coupes  les  plus  proximales,  ce  canal  a  disparu.  —  La  comparaison  de  ce 
stade  avec  le  précédent  nous  permet  d'affirmer  que  le  canal  central  de  la 
thyroïde  n'est  autre  que  la  thyroïde  latérale.  Le  tissu  qui  prolonge  sa  paroi 
du  côté  dorsal  est  la  masse  cellulaire  caractéristique  de  la  thyroïde  latérale 
aux  stades  précédents. 

La  FIG.  37  reproduit  la  succession  des  dispositions  anatomo-microsco- 
piques  que  l'on  trouve  chez  un  embryon  de  70  mm.  On  voit  d'abord  la 
thyroïde  seule,  dont  les  cordons  sont  orientés  autour  d'un  hile  dorsal.  — 
Dans  ce  hile  parait  bientôt  la  glandule,  fig.  37,  1.  Puis  sur  la  coupe  2,  le 
hile,  devenant  de  plus  en  plus  évident,  se  prolonge  dans  l'intérieur  de  l'organe 
par  un  espace  plus  clair,  qui  est  en  partie  rempli  par  une  masse  de  tissu 
d'aspect  et  de  constitution  autres  que  pour  le  restant  du  tissu  thyroïdien, 
adhérente  à  l'extrémité  ventrale  de  la  glandule.  —  En  suivant  la  série  des 
coupes,  on  voit  apparaître  une  cavité  anfractueuse  que  les  grossissements 
suffisants  montrent  tapissée  d'une  pai^oi  épithéliale  et  à  laquelle  est  appen- 
due  du  côté  dorsal  la  masse  cellulaire  dont  il  vient  d'être  question.  Cette 
cavité  grandit  ;  la  masse  cellulaire  annexée  à  sa  paroi  se  prolonge  dans 
son  intérieur  en  formant  une  saillie  très  irrégulière,  de  forme  bizarre,  3. 

—  Cette  saillie  s'allonge  et  se  pédiculise  de  plus  en  plus  ;  elle  finit  par 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  163 

former,  pour  sa  plus  grande  part,  un  îlot  dans  la  cavité  centrale,  tandis 
quune  petite  partie  demeure  adhérente  à  la  paroi,  4.  —  Plus  loin,  cette 
masse  a  disparu,  la  cavité  persiste  seule,  5.  —  Enfin,  elle  n'est  plus  visible 
à  son  tour,  et  sa  place  est  occupée  par  un  noyau  central  de  tissu  thyroïdien, 
séparé  du  reste  par  un  espace  annulaire  clair,  vasculo-conjonctif. 

L'examen  histologique  de  cette  thyroïde  donne  des  faits  qui  sont  d'un 
grand  intérêt.  On  voit,  en  effet,  fig.  38,  que  le  tissu  thyroïdien  a  subi  des 
modifications  importantes,  telles  que  l'aspect  définitif  lui  est  acquis  partiel- 
lement. C'est  que  dans  l'épaisseur  des  cordons  cellulaires  pleins  qui  le  con- 
stituaient jusqu'alors  se  sont  formées  des  vésicules,  ve,  dont  quelques-unes 
(vésicules  géantes)  atteignent  de  très  grandes  dimensions.  Ces  vésicules, 
sauf  les  plus  grandes,  sont  encore  mal  creusées;  leurs  cellules  de  bordure 
épithéliale  n'ont  pas  encore  la  forme  régulièrement  cubique,  caractéristique 
des  éléments  de  la  thyro'ïde  adulte;  leur  cavité  est  encore  encombrée  par 
les  cellules  centrales  du  nodule  dont  la  vésicule  dérive.  D'ailleurs,  dans 
beaucoup  d'endroits,  l'état  trabéculaire  primitif  a  persisté  complètement,  tr. 
Il  peut  arriver  même  en  quelques  points,  qu'une  portion  du  réseau  thyroï- 
dien, isolée  sous  forme  d'un  anneau,  en  impose  pour  une  vésicule  ;  le  crité- 
rium distinctif  d'avec  une  vésicule  est  alors  dans  ce  cas  la  présence  au 
centre  de  l'anneau  d'un  capillaire  sanguin,  coupé  en  travers,  occupant  la 
maille  circonscrite  par  le  réseau. —  La  cavité  centrale,  fig.  39,  est  tapissée 
par  un  épithélium  formé  d'une  seule  couche  de  cellules  cubiques;  à  cette 
couche,  on  peut  voir  s'ajouter  çà  et  là  du  côté  interne  quelques  cellules 
polyédriques  claires  (compar.  avec  l'état  de  l'épithélium  au  stade  précédent). 
Le  tissu,  qui  est  annexé  à  cette  paroi  et  qui  proémine  dans  la  cavité,  diffère 
entièrement  du  tissu  thyroïdien;  il  n'est  ni  trabéculaire,  ni  vésiculaire;  mais 
il  est  constitué  par  un  parenchyme  cellulaire  serré,  assez  pauvre  en  vais- 
seaux sanguins.  Les  cellules  de  ce  parenchyme  ont  du  reste  le  même  aspect 
que  celles  qui  forment  les  travées  et  qui  bordent  les  vésicules  du  tissu  thy- 
ro'ïdien,  si  bien  que  ce  parenchyme  paraît  dû  à  ce  que  ces  travées  sont 
devenues  confluentes,  ou  bien  à  ce  que  la  transformation  trabéculaire  et 
réticulaire  ne  s'y  est  pas  faite.  Sur  une  même  coupe  transversale,  on  trouve 
dans  cette  masse  parenchymateuse  un  certain  nombre  de  nodules  arrondis, 
11,  composés  d'un  amas  de  cellules  semblables  à  celles  du  reste  de  la  masse; 
ces  amas  paraissent  logés  dans  l'intérieur  d'un  vaisseau  sanguin;  car,  autour 
d'eux,  on  voit  un  espace  annulaire  clair,  limité  par  l'endothélium  caractéris- 
tique. Du  reste,  ce  n'est  là  qu'une  apparence,  car  certaines  coupes  montrent 


164  ^-    PRENANT 

que  le  nodule  se  relie  en  réalité  au  reste  du  tissu  par  une  sorte  de  pédicule 
et  que  le  vaisseau  sanguin  ne  l'entoure  pas  complètement,  mais  manque  au 
niveau  de  l'insertion  du  pédicule,  ;?'.  Il  en  résulte  une  disposition  très  sem- 
blable, avec  des  rapports  inverses  entre  vaisseau  et  organe  épithélial,  à 
celle  qu'offrent  les  glomérules  du  rein.  J'ai  même  vu  deux  et  trois  contours 
endothéliaux  concentriques  autour  du  nodule,  //',  représentés  chacun  par 
une  ligne  circulaire  et  par  des  noyaux  aplatis  placés  sur  cette  ligne. 

L'examen  d'un  embryon  de  77  mm.  nous  a  fourni,  relativement  à  la 
situation  de  la  glandule,  des  résultats  analogues. 

On  retrouve  chez  un  embryon  de  to  cm.  le  canal  central  de  la  thyro'ïde 
avec  ses  caractères  habituels.  Mais,  contrairement  aux  observations  que 
nous  venons  de  faire  chez  un  embryon  de  70  mm.,  on  ne  trouve  plus  ici  de 
grandes  vésicules  thyroïdiennes  complètement  formées  et  absolument 
creuses.  Au  contraire,  les  vésicules  paraissent  être  seulement  en  voie  de 
formation;  on  aperçoit,  en  effet,  de  petits  nodules,  riches  du  reste  en 
mitoses,  qui  sont  creusés  d'une  minime  lumière. 

La  glandule  est  située  chez  un  embryon  de  1 14  mm.  sur  la  face  dor- 
sale et  interne  de  la  glande  th3a-oïde.  Elle  répond  toujours  au  bord  du  hile 
conjonctivo-vasculaire  de  l'organe.  Elle  est  superficielle  et  recouverte  seule- 
ment sur  une  faible  étendue  par  une  très  mince  couche  de  tissu  thyroïdien 
qui  passe  comme  un  pont  de  l'un  des  bords  du  hile  à  l'autre.  Les  travées 
dont  la  glandule  se  compose  se  confondent  avec  le  tissu  thyroïdien,  de 
sorte  que  la  glandule  fait  partie  intégrante  du  corps  thyroïde(i).  La  cavité 
épithéliale  centrale  de  la  thyro'ïde  est  plus  réduite  que  précédemment;  elle 
est  anfractueuse  et  pousse  au  loin  et  jusque  dans  le  hile  des  diverticules 
profonds  et  étroits. 

Au-delà  de  ce  stade,  je  n'ai  pu  étudier  que  des  embryons  beaucoup 
plus  développés  (de  30  à  40  cm.).  Je  n'y  ai  plus  retrouvé,  sur  des  coupes 
sériées,  le  canal  central  de  la  thyroïde,  reste  de  la  thyroïde  latérale.  Toute 
trace  de  cette  dernière  formation  ayant  disparu,  l'étude  de  ces  embryons  ne 
présentait  plus  pour  moi  d'intérêt,  puisque  le  but  de  ce  travail  est  exclusi- 
vement le  développement  de  l'ébauche  latérale  de  la  glande  thyroïde.  Néan- 
moins, je  relèverai  sur  la  structure  de  la  glande  thyro'ïdale  chez  ces  embryons 
âgés  deux  faits  relatifs  à  des  dispositions  histologiques  dont  l'existence  est 
encore  aujourd'hui  controversée. 


(i)     Je   fais   des    réserves    cependant   sur    la   réalité   de   cette   coutinuité,     parce    qu'il    s'agit    ici    d'une 
pièce   durcie  dans   le   bichromate  de   potasse   et    dont   par   conséquent   la    fixation   a   laissé   à  désirer. 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  l65 

Il  s'agit  d'abord  de  la  différenciation  de  deux  zones  sur  la  coupe  trans- 
versale du  corps  thyroïde.  La  zone  externe  se  distingue  par  la  petitesse  de 
ses  vésicules,  bien  que  çà  et  là  on  y  puisse  trouver  aussi  des  vésicules  de 
grande  taille  ;  en  certains  endroits  même,  la  structure  trabéculaire  primitive 
peut  persister.  La  zone  externe,  qui  est  d'ailleurs  assez  mince  et  ne  repré- 
sente guère  que  le  quart  du  rayon  de  la  coupe  d'un  lobe  thyroïdien,  a  donc 
les  caractères  d'une  couche  jeune,  vraisemblablement  la  dernière  formée. 
Cette  observation  confirme  donc  la  donnée  déjà  ancienne  de  Wôlfler  (92), 
récemment  rejetée  par  Lustig  (4.6).  Je  ne  veux  pas  prétendre  cependant 
que  la  zone  externe  soit  le  seul  lieu  de  formation  de  nouvelles  vésicules,  et 
j'accorde  volontiers  à  Lustig  qu'il  peut  s'en  produire  dans  les  parties  cen- 
trales de  l'organe. 

Le  second  fait,  sur  lequel  j'attire  l'attention,  est  l'existence  d'amas  de 
cellules  l'ymphoïdes  dans  l'intérieur  de  l'organe  entre  les  vésicules.  Ces 
amas  ont  généralement  une  forme  quadrangulaire,  correspondant  à  celle  de 
l'intervalle  laissé  par  plusieurs  vésicules  voisines;  les  angles  du  quadrilatère 
se  prolongent  au-delà  sous  forme  de  cordons  courts,  qui  se  perdent  bientôt. 
La  présence  de  cellules  lymphoïdes  dans  la  glande  thyroïde,  leur  accumula- 
tion en  masses  compactes,  sont  des  faits  connus  depuis  longtemps.  Décou- 
verts par  ViRCHOw,  niés  ensuite  par  Wôlfler  (92),  ces  amas  ont  été  con- 
sidérés par  Lupo  (44)  comme  de  véritables  glandes  lymphatiques,  surtout 
bien  développées  chez  .les  animaux  et  chez  l'enfant,  présentant  un  type  par- 
ticulier, distinct  de  celui  des  follicules  qui  entrent  dans  la  constitution  des 
ganglions  et  des  autres  organes  lymphatiques.  Lupo  a  été  jusqu'à  admettre 
que  la  glande  thyroïde  se  composait  de  deux  parties,  l'une  épithéliale,  l'autre 
lymphoïde.  C'est  peut-être  accorder  trop  d'importance  à  une  formation  qui 
quantitativement  n'intervient  que  pour  une  part  très  faible  dans  la  consti- 
tution de  l'organe.  On  sait  que  Lustig,  qui  a  retrouvé  les  éléments  lym- 
phoïdes du  corps  thyroïde,  ne  les  a  vus  qu'épars  et  nullement  organisés  en 
nodules. 

Les  conclusions  que  nous  croyons  pouvoir  tirer  de  nos  observations 
sur  le  développement  de  la  glande  thyroïdale  et  spécialement  de  l'ébauche 
latérale  de  cet  organe  sont  les  suivantes  : 

La  quatrième  poche  branchiale  entodermique  est  formée  de  deux  bran- 
ches, une  externe  et  une  interne;  celle-ci,  qui  est  en  quelque  sorte  un  diverticule 
de  la  poche  proprement  dite,  se  prolonge  et  se  dilate  en  une  vésicule  pirif orme, 
qui  est  l'ébauche  thyroïdienne  latérale.  Dans  l'angle  des  deux  branches  se 

81 


166  A.  PRENANT 

forme,  par  épaississement  de  la  paroi  épithéliale  de  la  poche,  un  corps  qu'on 
peut  nommer  glande  thyroïdienne.  Par  sa  texture  trabéculaire  et  réticulée, 
par  la  nature  histologique  de  ses  éléments  épithéliaux,  à  cause  aussi  de  sa 
grande  et  précoce  vascularisation,  enfin  et  surtout  par  son  jtiode  défor- 
mation, ce  corps  est  comparable  à  la  glande  carotidienne.  Il  n'a  rien  de 
commun  avec  le  thymus.  Dans  la  suite  du  développement,  l'ébauche  thyroï- 
dienne latérale,  longtemps  reconnaissable  par  sa  paroi  épithéliale  au  sein  de 
la  thyroïde  déjà  volumineuse,  se  transforme  en  une  cavité  anfractueuse, 
prolongée  en  tous  sens  par  de  profonds  diverticules  (canal  central  de  la 
thyroïde).  La  paroi  de  cette  cavité  est  formée  par  un  épithélium  d'abord  stra- 
tifié, puis  simple,  les  cellules  superficielles  ayant  disparu  après  avoir  éprouvé 
une  transformation  semblable  à  celle  qui  frappe  les  assises  internes  de  l'épi- 
thélium  œsophagien .  Cette  paroi  produit  autour  d'elle  un  tissu  dense  d'aspect 
cellulaire  et  réticulé,  qui  plus  tard  disparait.  Il  m'est  impossible  de  trancher 
la  question  de  savoir  si  le  rudiment  latéral  bourgeonne  pour  donner  des 
cordons  ou  lobules  qui  se  mêlent  ou  s'anastomosent  avec  ceux  de  la  thyroïde 
médiane  et  se  transformeront  ultérieurement  en  vésicules  thyroïdiennes,  ou 
bien  si  les  lobules  de  l'ébauche  médiane  ne  font  que  se  souder  au  tissu  de  la 
thyroïde  latérale.  La  thyroïde  latérale  et  ses  vestiges  occupent  le  hïle  vasculo- 
conjonctif  de  l'organe;  la  glandule  est  située  au  bord  externe  de  ce  hïle. 


III.     CONSIDERATIONS  GENERALES. 

C'est  avec  raison  que  l'on  considère  comme  homologues  ou  mieux 
comme  homodynames  les  fentes  branchiales  successives.  Cette  homody- 
namie  cependant  n'est  admise  que  pour  les  premiers  temps  du  développe- 
ment, n'est  valable  que  pour  la  période  d'état  des  fentes  branchiales. 

Il  nous  semble,  au  contraire,  résulter  de  ce  travail,  que  l'équivalence 
évolutive  des  fentes  branchiales,  particulièrement  de  la  troisième  et  de  la 
quatrième,  se  poursuit  chez  les  mammifères,  puisque  les  produits  dérivés 
de  ces  deux  fentes  sont  équivalents,  et  même  au  début  sont  semblables. 

Voici  ce  que  nous  apprend,  en  effet,  l'histoire  embryologique  de  ces 
deux  formations. 

La  troisième  poche  branchiale  entodermique  est  composée,  comme  la 
quatrième,  de  deux  branches  ;  l'étude  des  coupes  sériées  montre  que  la 
forme  est  identique  dans  l'une  et  l'autre  poche.    Leurs  produits  sont  égale- 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  167 

ment  semblables,  au  début  tout  au  moins.  Toutes  deux  donnent,  en  effet, 
naissance  à  un  puissant  diverticule  ventral,  creux;  en  outre,  dans  l'angle 
de  leurs  deux  branches  se  forme,  par  épaississement  de  leur  paroi,  un  or- 
gane arrondi,  plein,  de  texture  semblable,  de  structure  cellulaire  identique, 
ayant  des  rapports  analogues.  Le  diverticule  parti  de  la  troisième  poche 
est  le  thymus.  Celui  qui  prolonge  la  quatrième  poche  est  l'ébaache  thyro- 
ïdienne latérale.  L'organe  annexé  à  la  troisième  poche  est  la  glandule 
thymique  (glande  carotidienne).  Celui  qui  est  appendu  à  la  quatrième  poche 
est  la  glandule  thyroïdienne. 

A  ce  stade,  les  dérivés  respectifs  des  deux  fentes  branchiales  sont  encore 
parfaitement  homodynames,  et  le  sont  non  seulement  par  leur  origine,  mais 
encore  par  leur  constitution  ;  ils  sont  donc  de  plus  homotypiques.  Plus 
tard,  l'homotypie  se  conservera  parfaite  entre  la  glande  carotidienne  et  la 
glandule  thyroïdienne;  non  seulement  leur  constitution,  mais  leurs  rapports 
mêmes  continueront  d'être  analogues,  puisque  nous  savons  que,  de  même 
que  la  glande  thyroïdienne  demeure  en  connexion  avec  l'ébauche  de  la  thy- 
roïde latérale  issue  de  la  quatrième  poche,  la  glande  carotidienne  est  incor- 
porée à  la  tête  du  thymus  dérivée  de  la  troisième  poche  branchiale. 

Il  est  vrai  que  plus  tard  l'ébauche  thyroïdienne  latérale  subira  une 
évolution  très  différente  de  celle  du  thymus.  Il  n'y  a  pas  cependant  entre 
les  deux  organes  que  des  différences;  il  existe  aussi  entre  eux  des  ressem- 
blances. Elles  se  manifestent,  à  la  vérité,  non  pas  dans  le  développement 
organogénique  des  deux  ébauches,  qui  est  tout  autre,  à  cause  des  relations 
que  de  bonne  heure  la  thyroïde  latérale  contracte  avec  la  thyroïde  médiane. 
Elles  résident  surtout  dans  leurs  aptitudes  histogénétiques  ;  dans  la  thyroïde 
latérale,  on  voit  se  former  un  tissu  qui,  s'il  ne  ressemble  pas  à  celui  du 
thymus  et  s'il  ne  subit  pas  comme  ce  dernier  la  transformation  lymphoïde, 
diffère  néanmoins  totalement  du  tissu  thyroïdien,  où  il  est  plongé.  Il  ne 
faudrait  pas  du  reste,  pour  éloigner  la  thyroïde  latérale  du  thymus,  la  rap- 
procher trop  de  la  thyroïde  médiane;  car  il  n'est  rien  moins  que  prouvé  que 
la  thyroïde  latérale  se  comporte  comme  la  thyroïde  médiane  et  fournisse 
comme  elle  des  bourgeons  plus  tard  creusés  en  vésicules. 

Il  y  a  ainsi  chez  l'embryon  de  mouton  et  sans  doute  aussi  chez  celui 
des  autres  maminifères,  peut-être  même  chez  la  larve  d'autres  vertébrés, 
au  moins  deux  séries  bilatérales  d'organes  dérivés  des  poches  entodermiques 
branchiales,  chaque  poche  donnant  naissance  à  l'un  des  termes  de  chaque 
série.  Chez  les  mammifères,  chaque  série  n'a  que  deux  termes,  correspon- 


168  A.    PRENANT 

dant  respectivement  à  la  troisième  et  à  la  quatrième  poche  branchiale. 
L'une  des  séries  est  formée  par  le  diverticule  central  issu  de  chacune  des 
poches  et  aussi  par  la  poche  elle-même.  L'autre  est  représentée  par  un  or- 
gane glandulaire  annexe  de  chaque  poche.  La  série  des  diverticules  bran- 
chiaux comprend  :  le  diverticule  thymique  et  le  diverticule  thyroïdien.  La 
série  des  organes  glandulaires  renferme  :  la  glande  carotidienne  ou  glandule 
thymique  annexée  au  diverticule  thymique,  et  la  glandule  thyroïdienne, 
appendue  au  diverticule  thyroïdien. 

On  peut  établir  une  formule  branchiale,  dans  laquelle  on  mettra  en 
numérateur  les  épaississements  dorsaux  ou  nodules  épithéliaux,  n,  des 
fentes  branchiales  et  en  dénominateur, /J,  ces  fentes  elles-mêmes  ainsi  que 
les  diverticules  qui  en  partent.  Pour  préciser  la  qualité  anatomique  ou  his- 
tologique  de  ;/  oxxfd,  on  pourra  leur  ajouter  des  lettres,  th,  gc,  etc.,  leur 
servant  de  qualificatif.  Un  chiffre  placé  comme  exposant  indiquera  le  numéro 
de  la  fente  branchiale.  La  formule  générale  des  dérivés  branchiaux  sera 

donc  :  -;r-,.  La  formule  spéciale  aux  mammifères  s'écrira  : 


Elle  se  traduit  par 


fdWi'^fiFiôl 
troisième  nodule  branchial  (glande  carotidienne) 


troisième  fente  et  troisième  diverticule  (thymus) 
quatrième  nodule  branchial  (glandule  thyroïdienne) 


quatrième  fente  et  quatrième  diverticule  (thyroïde  latérale) 

La  systématisation  que  nous  venons  de  donner  des  dérivés  branchiaux 
s'applique  aux  mammifères.  Mais  la  comparaison  des  mammifères  avec 
d'autres  vertébrés,  loin  d'infirmer  le  principe  du  système  précédent,  le  for- 
tifie au  contraire,  en  montrant  qu'il  est  valable  aussi  pour  d'autres  groupes 
que  les  mammifères. 

J'avais  essayé,  par  une  représentation  diagrammatique  en  couleurs  des 
dérivés  branchiaux  connus  dans  les  différents  groupes  de  vertébrés  par  les 
recherches  de  divers  auteurs,  de  serrer  de  près  cette  comparaison. 
Mais  j'ai  dû  y  renoncer,  la  question  n'étant  pas  mûre  pour  une  comparaison 
détaillée.  Des  homologies  générales  peuvent  au  contraire  être  établies,  en 
se  fondant  tant  sur  les  travaux  anatomiques  anciens  que  sur  les  recherches 
embryologiques  récentes,  par  exemple  de  de  Meuron  (51)  (toutes  les  classes 
de  vertébrés),  de  Maurer  (49  et  50)  (téléostéens  et  amphibiens),  de'VAN  Bem- 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  I69 

MELEN  (7)  (oiseaux,  tous  les  ordres  de  reptiles),  etc.  Les  mémoires  de  ces 
deux  derniers  auteurs  méritent  surtout  de  fixer  l'attention  à  ce  point  de  vue. 
L'examen  de  ces  travaux  et,  grâce  à  eux,  le  coup  d'œil  jeté  sur  l'ensemble 
des  dérivés  branchiaux  dans  les  différentes  classes  de  vertébrés  nous  appren- 
nent les  faits  généraux  suivants. 

a)  En  premier  lieu,  chez  tous  les  vertébrés,  une  ou  plusieurs  poches 
entodermiques  branchiales  donnent  naissance  à  autant  de  diverticules  épi- 
théliaux,  plus  ou  moins  complètement  fusionnés  plus  tard,  pour  produire 
un  organe,  le  thymus,  que  caractérisera  sa  transformation  lymphoïde  ulté- 
rieure. 

b]  Partout  aussi  [sauf  chez  le  poulet  (Fischelis)  (20),  chez  les  tortues 
et  le  crocodile  (Van  Bemmelenj],  aux  dépens  de  la  dernière  poche  bran- 
chiale existant  chez  l'animal  considéré,  ou  même  d'une  évagination  issue  de 
la  partie  du  pharynx  située  immédiatement  en  arrière  de  cette  poche  et 
représentant,  suivant  l'hypothèse  deDEMEURONacceptéeparMAURER,  la  der- 
nière poche  branchiale  vraie  qui  aurait  dû  se  former,  se  forme  une  vésicule, 
qui  est  le  »  corps  suprapéricardique  «  des  sélaciens  (Van  Bemmelen),  le 
«  corps  postbranchial  ^  des  amphibiens  (Maurer),    la   «  glande    thyroïde 
latérale  «  des  autres  groupes(i).  Ces  diverses  formations  ne  sont  pas  homo- 
logues, dérivant  de  fentes  branchiales  différentes  chez  les  différents  verté- 
brés; mais  elles  sont  homodynames,  et  comme  telles  méritent  d'être  con- 
fondues (de  Meuron)  sous  la  dénomination  commune  de  thyro'ïdes  latérales. 
La  poche  branchiale  qui  fournit  la  thyroïde  latérale  échappe  à  la  destinée 
qui  entraîne  les  autres  poches  dans  la  formation  thymique,  pour  en  suivre 
une  autre.  Elle  ne  subit  pas  de  transformation  lymphoïde,  mais  elle  forme 
une  vésicule  lobée  et  prolongée  en  diverticules  acineux,  qui  se  réunit  ou 
non,  suivant  les  cas,  à  la  thyro'ïde  médiane.  L'union  n'a  lieu  que  chez  les 
mammifères,  exception  à  la  règle  qui  a  déjà  attiré  l'attention  de  Piersol 
(57,  p.  183).  La  fusion  n'est  peut-être  chez  eux,  ainsi  que  de  Meuron   l'a 
supposé,  l'effet  d'une  cause  mécanique.  Chez  les  mammifères,  en  effet,  la 
thyro'ïde  latérale,  qui,  grâce  à  la  diminution  riumérique  des  fentes  brachiales 
et  au  raccourcissement  de  la  région  branchiale,  prend  naissance  sur  la  qua- 
trième poche  entodermique,  s'est  trouvée  reportée  très  en  avant,  au  voisinage 
de  la  thyroïde  médiane.  En  elle,  la  thyroïde  des  mammifères  a  ainsi  trouvé 


(i)  Les  observations  contraires  de  Fischelis  et  de  Van  Bemmelen  ont  peu  d'importance.  Celle 
de  FiscnELis  a  contre  elle  les  constatations  de  Van  Bemmelen  et  de  de  Meuron.  Dautre  part,  VaN 
Bemmelen   n'a   pu    étudier   que  quelques   exemplaires   de   chéloniens  et  un  seul  embryon  de  crocodilien. 


170  A.    PRENANT 

secondairement  un  canal  excréteur  pharyngien  latéral,  pair,  d'origine  bran- 
chiale. Ce  canal  ne  fonctionne  d'ailleurs  pas  plus  que  le  canal  excréteur 
médian,  impair,  plus  ancien  que  lui,  et  méritant  le  nom  de  conduit  primaire. 
Son  orifice  pharyngien  s'est,  en  effet,  oblitéré  à  l'époque  où  les  lobules  de  la 
thyroïde  médiane  pourraient  s'ouvrir  dans  la  lumière  du  canal  ou  de  ses 
diverticules.  Une  fois  de  plus,  la  thyroïde  a  été  réduite  à  l'état  de  glande 
close;  son  canal  excréteur,  prématurément  essayé,  puis  inutilisé,  s'atrophie. 
L'état  histologique  de  la  thyroïde  latérale,  qui,  en  quelque  groupe  de  ver- 
tébrés que  nous  la  considérions,  et  spécialement  chez  les  mammifères,  est 
une  vésicule  ramifiée,  incapable  d'une  production  colloïde  comparable  à 
celle  qui  caractérise  chez  tous  les  gnathostomes  la  glande  thyroïde,  vient  à 
l'appui  de  l'interprétation  phylogénétique  de  la  thyroïde  latérale  comme 
canal  excréteur  de  la  thyroïde  médiane.  Du  reste,  l'accolement  d'un  canal 
épithélial  à  une  glande  n'a  pas  d'autre  explication  plausible.  . 

Il  existe  entre  les  diverticules  thymiques  des  fentes  branchiales  et  le 
diverticule  thyroïdien  latéral  une  homodynamie  parfaite.  Il  est  digne  de 
remarque  à  cet  égard  :  d'abord,  qu'il  n'y  a  de  chaque  côté  qu'une  seule 
thyroïde  latérale,  tandis  que  l'ébauche  thymique  est  le  plus  souvent  multiple; 
en  second  lieu,  que  la  thyroïde  latérale  est  toujours  placée  derrière  le  thymus 
le  plus  reculé.  Dans  la  suite  de  l'évolution,  les  deux  organes  se  comportent 
très  différemment  :  le  diverticule  thymique  devient  une  glande  (glande 
lymphoïde),  dont  le  canal  excréteur  disparaît  avant  le  fonctionnement  de  la 
glande;  le  diverticule  thyroïdien  latéral  devient  un  canal  excréteur,  privé 
de  glande  et  par  conséquent  sans  emploi,  qui  chez  les  mammifères  paraît  se 
mettre  au  service  d'une  autre  formation  glandulaire.  En  troisième  lieu, 
d'autres  dérivés  branchiaux  se  présentent  sous  la  forme  d'épaississements 
pleins  des  parois  des  fentes  branchiales  ou  des  points  divers  de  la  cavité 
branchiale  :  de  la  quatrième  fente  (lézard,  poulet,  mammifères,  d'après 
DE  Meuron);  -  de  la  troisième  (mammifères,  d'après  be  Meuron,  Kast- 
SCHENKO  et  nous  ;  poulet,  tortue,  selon  Van  Bemmelen)  ;  —  de  plusieurs 
fentes  branchiales  ou  de  plusieurs  points  de  la  paroi  pharyngienne  (amphi- 
biens  d'après  Maurer,  reptiles  selon  Van  Bemmelen;,  etc.  Certains  auteurs 
ont  fait  intervenir  de  pareils  épaississements  dans  la  constitution  du  thymus, 
sans  prendre  garde  à  la  différence  de  structure  qui  les  en  distingue  dès  le 
début  et  qui  a  fixé  cependant  l'attention  de  Van  Bemmelen  et  de  Maurer 
particulièrement.  D'autres  observateurs  ont  fait  de  certains  de  ces  épaissis- 
sements des  thyroïdes  accessoires,  confondant  leur  structure  avec  celle  de 


DEVELOPPEMENT   DU    THYMUS  I7I 

la  thyroïde  proprement  dite.  Rien  ne  permet  cependant  de  rapprocher  ces 
corps  du  thymus  non  plus  que  de  la  glande  thyroïde,  sinon  les  relations 
qu'ils  peuvent  contracter  secondairement  avec  l'un  ou  l'autre  de  ces  organes. 
Toutes  les  fois,  en  effet,  que  mention  a  été  faite  de  leur  constitution  histolo- 
gique,  on  les  trouve  déciits  comme  étant  au  début  des  nodules  épithéliaux 
d'un  aspect  qui  leur  est  propre.  Il  en  est  ainsi  des  ^  restes  épithéliaux  " 
de  Maurer  (amphibiens),  des  r,  corpuscules  épithéliaux  ^  du  même  auteur 
(amphibiensj,  des  nombreux  corps  trouvés  en  différents  endroits  par  Van 
Bemmelen  chez  des  types  de  reptiles  appartenant  à  tous  les  ordres,  de  la 
"  glande  carotidienne  «  des  reptiles  (Van  Bemmelen;,  des  amphibiens 
(Maurer),  des  mammifères  (Rabl,  de  Meuron,  nous),  de  la  «  glandule  thy- 
roïdienne -  du  mouton  (nousj.  Tous  ces  corps,  dont  le  plus  connu  et  le  plus 
constant  est  la  glande  carotidienne,  forment  une  série  autonome  de  dérivés 
branchiaux,  développés  sur  les  poches  branchiales  elles-mêmes  et  ayant 
("Van  Bemmelen,  Maurerj  des  rapports  remarquables  avec  les  arcs  aortiques. 


APPENDICE. 

Il  me  reste  à  signaler  plusieurs  organes  constitués  différemment  les 
uns  des  autres,  que  j'ai  trouvés  adhérents  au  corps  du  thymus.  Je  n'ai  pas 
voulu  les  mentionner  dans  le  cours  de  la  description,  parce  que  je  ne  suis 
pas  certain  de  l'autonomie  de  certains  d'entre  eux,  et  que  la  nature  des 
autres  m'échappe. 

L'un  de  ces  organes,  que  j'appellerai  organe  a,  était  à  moitié  enfoui 
dans  le  corps  du  thymus,  à  la  face  interne  ou  profonde  de  ce  dernier.  Je 
l'ai  observé  chez  un  foetus  à  terme  et  chez  un  embryon  de  30  cm.  de  long. 
Il  se  présentait  sous  la  forme  d'un  corps  rougeâtre,  ayant  la  même  colora- 
tion que  la  glande  thyro'ide,  de  forme  arrondie,  du  diamètre  de  2  mm. 
environ;  sa  structure  était  identique  à  celle  du  corps  thyroïde.  J'ai  coupé 
en  série  le  corps  du  thymus  d'autres  embryons,  sans  pouvoir  y  retrouver 
l'organe  thyroïdien  en  question.  Il  s'agit  ici  sans  doute  d'une  glande  acces- 
soire thyroïdienne. 

L'organe  b  se  présentait,  à  la  dissection  du  corps  du  thymus  d'un 
embryon  de  9  cm.,  comme  un  très  petit  corps  piriforme,  situé  sur  la  face 
profonde  du  corps  de  l'organe,  et  se  continuant  en  haut  (en  avant)  par  un 
filament.  Bien  que  la  pièce  ait  été  fixée  par  le  bichromate  de  potasse  et 


172  A.    PRENANT 

que  par  conséquent  la  conservation  des  éléments  laisse  un  peu  à  désirer, 
la  structure  de  cet  organe  a  des  caractères  évidents;  j'insiste  particuliè- 
rement sur  les  suivants  :  constitution  de  l'organe  par  des  cellules  polyé- 
driques assez  grosses;  arrangement  de  ces  cellules  en  travées  épaisses  et 
irrégulières,  anastomosées  en  un  réseau,  riche  vascularisation.  La  structure 
de  ce  corps  l'éloigné  et  du  thymus  et  d'un  ganglion  lymphatique.  Il  ne 
ressemble  pas  non  plus  à  la  glande  thyroïde  embryonnaire.  Il  est  plutôt 
constitué  comme  la  glande  carotidienne  ou  la  glandule  thyroïdienne.  J'ai 
cru  d'abord  avoir  à  faire  à  cette  dernière,  entraînée  mécaniquement  avec 
le  thymus  et  séparée  du  corps  thyroïde.  Mais  la  glandule  est  située  non 
pas  sur  la  face  externe  et  ventrale  du  corps  thyroïde,  sur  celle  qui  est  en 
rapport  avec  le  thymus,  mais  sur  sa  face  dorsale  et  interne.  En  outre,  la 
forme  de  l'organe  ne  correspond  pas  à  celle  de  la  glandule.  En  effet,  l'or- 
gane b  se  continue  supérieurement  par  un  filament  qui,  comme  le  montre 
les  coupes,  va  s'amincissant  de  plus  en  plus,  tout  en  conservant  la  structure 
du  corps  principal.  Je  n'ai  pas  eu,  du  reste,  la  série  complète  des  coupes 
intéressant  cet  organe.  Dans  les  coupes  les  plus  proximales,  on  remarque 
une  disposition  très  évidente  des  cellules  en  acinis  ou  vésicules.  Sur  toute 
sa  longueur,  cet  organe  est  entouré  par  du  tissu  conjonctif,  façonné  en 
enveloppe,  grâce  à  une  orientation  concentrique  des  faisceaux  de  fibres. 
J'ai  cherché  en  vain  cet  organe  chez  un  embryon  d'un  âge  voisin  (8  cm.), 
débitant  en  une  série  de  coupes  la  totalité  du  corps  du  thymus.  La  signi- 
fication de  cet  organe  est  demeurée  pour  moi  complètement  inconnue. 

L'organe  c  et  l'organe  d  paraissent  n'être  que  des  ganglions  lympha- 
tiques, malgré  certaines  particularités  de  structure  qui  les  en  éloigneraient. 
C'étaient  de  petits  corps  rouges,  ovo'ïdes,  situés  l'un  dans  la  partie  profonde 
du  corps  du  thymus,  l'autre  dans  la  portion  la  plus  élevée  du  thymus  thora- 
cique  chez  un  foetus  à  terme.  Ellenberger.  et  Baum  (17;  ont  cru,  comme 
moi,  trouver  dans  la  région  cervicale  du  chien  des  organes  spéciaux,  qui  à 
l'examen  histologique  n'étaient  que  de  petites  glandes  lymphatiques. 


INDEX     BIBLIOGRAPHIQUE. 


1  Afanassieiv  :  Ueber  die  concentrischen  KôTper  der  Thymus;  Arch.fib'  mikr. 

Anat.,    Bd.    XIV,    1877. 

2  Id.         :  Weitere  Untersuchungen  ûber  den  Bau  und  die  Entwickelung 

der  Thymus  iind  der  Winterschlafdrûse  der  Saugethiere;  Ibid. 

3  Arnold  :  Ueber  die  Theilungsvorgânge   an  den  Wanderzellen,    ihre  pio- 

gressiven    und   regressiven   Metamorphosen;    Arch.  fur   mikr. 
Anat.,   Bd.   XXV,  1887. 

4  '  Id.      :  Ueber   die    Structur    des    Ganglion  intercaroticum  ;    Virchow's 

Arch.,   Bd.   XXXIII,    i865. 

5  Baumgarten  :  Ueber   die  Herkunft  der  in    Entziindungsheerden  auftretenden 

lymplikôrperartigen  Elemente   (Lymphocyten)  ;    Centr.  f.  allg. 
Path.   und  path.   Anat.,  Bd.    I,    1890,   n°   24. 

6  Born  :  Ueber    die    Derivaten    der    embryonalen    Schlundbogen    und 
■-     ■  Sclilundspalten    bei    Sâugethieren ;    Arch.  fi'ir    mikr.    Anat., 

Bd.    XXII,    i883. 

7  Van  Bemmelen  :  Over    de    ontwiklceling    en    de    métamorphose    der    kieuw     of 

visceraalspalten,  etc.;  Akad.  van  Wetensch.,  Afd.  Natuurk., 
1886,  Amsterdam.  —  Over  de  ontwikkeling  en  vervorming 
der  kieuwspleten  bij  de  embryonen  der  vogels  ;  Tijdschr. 
d.  Nederl.  Dierk.  Vereen,  i885.  —  Die  Visceraltaschen  und 
Aortenbogen  bei  Reptihen  und  Vôgehi;  Zool.  An^eiger,  nos  23i 
et  232,  1886.  —  Die  Halsgegcnd  der  Reptihen;  Ibid.,  n°  244, 
1887. 

8  Capobianco  :  Coritribuzioni    alla    morfologia   del   timo;    Giorn.    dellass.    dei 

naturalisti  e  medici  di  Napoli,  i8gi,  II,  et  Arch.  de  biologie 
ital.,   t.    XVII,    1892. 

9  Ca^in  :  Contribution   à  l'étude  des  dégénérescences  cellulaires;  Journ. 

de  l'Anat.  et  de  la  Phys.,  XXVI.  —  Sur  un  mode  de 
dégénérescence  hyaline  des  cellules  du  tissu  conjonctif;  Bull, 
de   la   Soc.    anat.    de  Paris,    1891. 

10  Cornil  et  Alvare^  :  Mémoire  pour  servir  à    l'histoire  du  rhinosclérome;  Arch.   de 

Phys.,  i885,  t.  VI,  3=  série. 

11  Cristiani  :  Remarques   sur   l'anatomie    et    la    physiologie   des    glandes   et 

glandules  thyroïdiennes  chez  le  rat;  Arch.  de  Physiologie, 
t.    IV,    5'=   série,  'n"    i,    1893. 

22 


174 


A.    PRENANT 


12 

Cristiani 

i3 

Ciiénot 

H 

D  alun  s 

i5 

V.   Davidoff 

i6 


Dittrich 


17  Ellenberger  et Baum 

18  Eberth 

19  Firket 


20 


21 


22 


23 


24 


25 


Fischelis 


Flemming 


Id. 


Flesch 


Froriep 


Garbini 


26 

Gley 

26  bis 

Id. 

27      G/e^' 

et  Phisalix 

27  bis 

Goette 

28 

Griinberg 

29 

Gulland 

:  Nouvelles  recherches  sur  les  organes  thyroïdiens  des  rongeurs; 

Soc.  de  biologie,  n"  i,   i8g3. 
:  Étude   sur   le    sang    et    les    glandes    lymphatiques;    Arch.    de 

Zoo!,   expér.,    2'^   série,    t.    VII,    1889. 
:  Étude   sur   le  thymus.    Paris.    Diss.    inaug.,    1877. 
:  Untersuchungen   ûber  die  Beziehungen  des  Darmepithels  zum 

lymphoïden  Gewebe;    5//{.    d.    Ges.  f.    Morph.  u.    Pliys.,   in 

Mïmchen,  t.  II,    1886.    —  Arch.  f.  mikr.   Anat.,  Bd.  XXIX, 

1887. 
:  Zur  /Etiologie  des  Rhinoscleroms;   Cent,  f  tir  Bakteriologie  iind 

Parasitenkunde,   t.    V,    i88g. 
:  Anatomie  des  Hundes;   Berlin,   Parey,   1891. 
:  Stricker's   Handbuch,   1871. 
:  Note   sur   les   corps    colorables    de    Flemming    observés    dans 

les  tissus  pathologiques;  Bull,  de  l'Acad.  royale  de  Belgique, 

1891. 
:  Beitrâge  zur  Kenntniss  der  Entwickelung  der  Glandula  thyroïdea 

und  Glandula  Thymus;  Arch.fiir  mikr.  Anat.,  Bd.  XXV,  i885. 
:  Studien  ùber  Régénération  der  Gewebe.  I.  Die  Zellvermehrung 

in  den  Lymphdrûsen  und  verwandten  Organen,  und  ihre  Ein- 

fîuss  auf  deren  Bau;  Arch.fiir  mikr.  Anat.,  Bd.  XXIV,  i885. 
:  Studien   ûber   Régénération   der   Gewebe.   VII.    Schlussbemer- 

kungen  ûber  die  Zellvermehrung  in   den   lymphoïden  Drûsen; 

Ibid. 
:  Ueber  Beziehungen  zwischen  LymphfoUikeln  und  secernirenden 

Drûsen  im  Œsophagus;  Anat.  An^eiger,   1888,  n^  10. 
:  Ueber   Anlagen   von   Sinnesorganen   am    Facialis,    Glossopha- 

ryngeus  und  Vagus,   etc.;  Arch.  fiir  Anat.  und  Phys.,  Anat. 

Abth.,    i885. 
:  Note  istologiche  sopra  alcune  parti  dell'  apparecchio  digerente 

nella  Cavia  e  nel  Gatto  ;  Ace.  di  agricoltura,  arti  e  commercio 

di  Verona,   Vol.    LXIII. 
:  Glande   et  glandules   thyroïdes  du  chien;    Société  de  Biologie, 

t.  V,    no   8,    1893. 
:  Effets  de  la  thjaoïdectomie  chez  le  lapin;  Arch.  de  physiologie, 

i8gi,  n"  I. 
:  Sur   la   nature  des  glandules  thyroïdiennes   du   chien;  Ibidem. 
:  Beitrâge  zur  Entwicklungsgeschichte  des  Darmkanals  des  Hûhn- 

chens.  Tûbingen,    1867. 
:  Experimentelle  Untersuchungen  ûber  die  Régénération  der  Blut- 

kôrperchen  in  den  Lymphdrûsen.  In.  Diss.  Dorpat,  1891. 
:  The   Development   of  Adenoid   Tissue,  with   spécial  référence 

to   the   Tonsil  and  Thymus;  Laboratory  reports  issued  by  the 
Royal  Collège  of  Physicians,  Vol.  III;  Edinburgh,  1891. 


DEVELOPPEMENT   DU   THYMUS 


175 


3o 

Gidland 

3i 

Id. 

32 

Hansemann 

33 

Heidenhain 

34 

Heppner 

35 

W.   His 

36 

H.   Hoyer 

37 

Kastschenko 

38 

'  Klaatsch 

39 

Kôlliker 

40 

Luwit 

Id. 


42 

Id. 

43  , 

Liikjanow 

44 

Lupo 

45 

Luschka 

45 

Lustig 

47 

Marchand 

48 

Martinotti 

49 

Maurer 

5o 

Id. 

:  On  the  function  of  the   tonsils;  Edmbiirgh  med.  journ.,  1891. 

:  The    Nature    and    Varieties    of    Leucocytes;    Reports    of  the 

Labor.  of  royal  Collège  Physicians,  Edinburgh,  Vol.  III,  1891. 

:  Ein  Beitrag  zur  Entstehung  und  Vermehrung  der  Leukocyten; 

Verh.   d.    anat.    Ges.    in  Mïmchen,    1891. 
:  Beitriige  zur  Histologie  und  Physiologie  der  Diinndarmschleim- 

haut;  Pfliiger's   Arch.,   Bd.    XLIII,  Suppl.,   1888. 
:  Ueber    den    feineren   Bau   der    Glandula   Carotica;    Virchoius 

Arch.,   Bd.  XLVI,    1869. 
:  Anatomie   menschlicher   Embryonen.  III.    Zur  Geschichte  der 

Organen.    Leipzig,    i885. 
:  Beitrag    zur    Kenntniss   der   Lymphdrusen;  Arch.  fur   mikr. 

Anat.,    Bd.    XXXIV,    1889. 
:  Das  Schicksal  der  embryonalen  Schlundspalten  bei  Sâugethieren; 

Arch.  f.  mikr.   Anat.,  Bd.  XXX,   1887. 
:  Ueber   die   Beteiligung   von   Drûsenbildungen    am  Aufbau  der 

Peyer'schen   Plaques;    Morph.  Jahrbuch,    Bd.    XIX,    1892. 
:  Embryologie  de  l'homme  et  des  animaux  supérieurs.  Paris,  1882. 
:  Ueber  Neubildung  und  Zerfall  weisser  Blutkôrperchen;  Sit^,  d. 

k.  Ak.    d.    Wiss.,  Wien,    XCII. 
:  Die   Anordnung   von  Leukoblasten  und  Erythroblasten  in  den 

Blutzellenbildenden    Organen;    An.    An^eiger,    1891,    n»    12; 

Arch.  fur  mikr.   Anat.,   Bd.  XXXVIII,    1891. 
;  Ueber   Neubildung   und   Beschaffenheit    der   weissen    Blutkor- 

pçrchen;    Beitrdge   :{.  path.    Anat.,    Bd.    X,    1891. 
;  Beitrage  zur  Morphologie  der  Zelle;  Arch.fiir  Anat.  u.  Phys., 

Phys.   Abth.,    iS?>-j. 

Contribuzione  ail'    istologia    délia    tiroide,  etc.;    Progr.    med. 

Napoli,    1888. 
:  Ueber  die  drûsenartige  Natur  der  sogenannten  Ganglion  inter- 

caroticum;  Arch.  f.  Anat.  und  Phys.,  Anat.  Abth.,  1862. 
;  Contribution   à   la   connaissance   de   l'histogenèse  de  la  glande 

thyroïde;  Lo  Sperimentale,  XLV;   et  Arch.  ital.  de  Biologie, 

t.  XV,  1891. 
:  Beitrage  zur  Kenntniss  der  normalen  und  pathologischen  Ana- 
tomie  der   Glandula   carotica   und    der    Nebennieren;   Intern. 

Beitrdge    ^ur    wiss.    Medicin.    Festschrift  ^iir    R.    Virchotu, 

Berlin,    i8gi. 

Sul    «  corpi    tingibili  »    del    Flemming;    Ga^.    délie    cliniche, 

iS85,    n"   8. 

Schilddrûse  und   Thymus   der   Teleostier  ;   Morph.    Jahrbuch, 

Bd.   XI,    i885. 
;  Schilddriise,  Thymus  und  Kiemenreste  der  Amphibien;  Morph. 

Jahrbuch,    Bd.    XIII,    1888. 


J76 

5o  bis 

Maurer  : 

5i 

de 

Meiiron  : 

52 

M'ôbius  : 

53 

Mongindi  : 

54 

W 

.   Millier  : 

55 

Nicolas  : 

56 

Pfôrtner  : 

57 

Piersol  : 

5S 

Pilliet  : 

59 

Prenant  : 

60 

Rabl  : 

61 

Remak 

62 

Réitérer 

63 

64 
65 
66 
67 

68 


W. 


7i. 


Id. 


Id. 


Id. 


Ribbert 


A.    PRENANT 

Die    erste  Anlage   der  Milz  und  das  erste   Auftreten   von  lym-    ■ 
phatischen  Zellen  bei  Amphibien;  Morph.  Jahrbuch,  Bd.  XVI, 
I,   i8go. 

Recherches   sur   le   développement  du  th}anus  et  de  la  glande 
thyrqïde;    Rec.    Zool.    Suisse,    t.    III,    1886. 
Studien  ûber   Régénération   der    Gewebe.  IV.  Zellvermehrung 
in    der    Milz    beim    Erwachsenen;    Arcli.   fi'ir   mikr.    Anal., 
Bd.    XXIV,    i885. 
Sulla  glandula  timo.    Parma,    i885. 

Ueber    die    Entwickelung    der    Schilddriise;    Jenaische    Zeits. 
Bd.    VI,    1871. 

Recherches  sur  l'épithélium  de  l'intestin  grêle;  lutern.  Monats- 
schrift  fur  Anal,   und  Plvys.,   t.   VIII,    1891. 
Untersuchungen    ûber    das    Ganglion   intercaroticum   und   die 
Nebenniere;  Zeits chrift  f.  ration.  Medicin,   Bd.  XXXIV,   i86g. 
Ueber  die  Entwickelung  der  embrj^onalen  Schlundspalten  und 
ihre  Derivate  bei  Saugethieren;  Zeitschrift  f.  luiss.  Zool.,  Bd. 
XLVII,    1888. 
;  Note    sur    la    distribution    du    tissu    adénoïde    dans    le    tube 
digestif  des  poissons  cartilagineux;  Soc.  de  Biologie,  1890,  n»  32. 
Annotations  sur   le   développement   du  tube   digestif   chez    les 
mammifères;   Journal  de  l'Anat.   et  de  la  Phys.,    1892. 
:  Zur   Bildungsgeschichte    des    Halses;    Prager   med.    Wochen- 

schrift,    n»   52,    1886. 
:  Untersuchungen  ûber   Entwickelung  der  Wirbelthiere.  Berlin, 

i855. 
:  Contribution  à  l'étude  du  cloaque  et  de  la  bourse  de  Fabricius 
chez    les    Oiseaux;    Comptes  rendus  Ac.    Se.   et  Journal  de 
l'Anat.    et  de  la  Phys.,    i885. 
:  Origine  et  évolution  des  amygdales;   Comptes  rendus  de  l'Ac. 
des  Se.   et   Comptes  rendus    de    la  Soc.    de  Biologie,    i885- 
85,  passim;   et  Journal  de  l'Anat.   et  de  la  Phys.,   t.  XXIV, 
1888. 
:  Origine  et  développement  des  plaques   de  Peyer  chez  le  lapin 

et  le   cobaye;    Soc.    de  Biologie,    n°  38,    1891. 
:  Origine    et    développement    des    plaques    de    Peyer    chez   les 
ruminants    et   les   solipèdes;    Soc.    de  Biologie,    n°    12,    1892. 
:  Du   tissu  angiothélial  des  amygdales  et  des  plaques  de  Peyer; 

Mém.   Soc.   Biologie,    1892. 
:  Sur    la    part    que    prend    l'épithélium    à    la   formation   de   la 
bourse   de  Fabricius,  des  amygdales  et  des  plaques  de  Peyer; 
Journal  de  FAnat.   et  de  la   Phys.,   XXIX,   n°   i. 
Ueber  Régénération  und  Entzûndung  der  Lymphdrûsen;  Bei- 
tràge  f.  path.   Anat.   u.   allgem.   Pathol.,   Bd.  VI,  H.  3. 


DÉVELOPPEMENT   DU    THYMUS  177 

69  Riibeli  :  Ueber  den  Œsophagus  des  Menschen  und  verschiedener  Haus- 

thiere.    Diss.  Berii,   i88g;    et  Arch.  f.  iuiss.  u.  prakt.    Thier- 
heilk.,  Bd.  XVI. 

70  Riidinger  :  Ueber    die    Umbildung    der    Lieberkûhn'schen   Driisen   duich 

die   Follikel   im  Wurmfortsatze  des  Menschen;    Ver  h.  d.  anat. 
Ges.  in   Mimchen,    1891. 

71  Ritssel  :  Note  sur  les  corpuscules  à  fuchsine  (fuchsine  bodies)  du  cancer; 

Semaine  médicale   (anah'se),    1890. 

72  Sandstrbm  :   Upsala  làkarefiirenings  forhandlingar ,   1880,    t.  XV,  anal,  in 

Schmidt's   Jahrb.,    1880. 

73  Schaffer  :  Ueber  das  Vorkommen  eosinophiler  Zellen  in  der  menschlichen 

Thymus;   Centr.  f.    d.    med.    Wiss.,    n°s   22    et   23,    1891. 

73  bis  Schaper  :  Beitrage   zur  Histologie  der  Glandula  carotica;  Arch.  f.   mikr. 

Anat.,  Bd.  XL,   1892. 

74  Schedel  :  Studien   ùber  Régénération    der    Gewebe.    Zellvermerhung   in 

der   Thymusdrûse;    Arch.  f.    mikr.  Anat.,    Bd.  XXIV,   i885. 
7.5  Schwabach  :  Zur   Entwickelung   der    Rachentonsille;    Sit^.    d.   bay.   Akad. 

et  Arch.  f.   mikr.   Anat.,   Bd.   XXXII,    1888. 

76  Seessel  :  Zur  Entwicklungsgeschichte  des   Vorderdarms;  Arch.  f.   Anat. 

und  Phys.,   Anat.   Abth.,  1877. 

77  Sertoli  :  Ueber   die   Structur  der   Steissdrûse  des  Menschen;    Virchow's 

Arch.,   Bd.   XLII,    1868. 

78  /.    Simon  :  A   physiological    Essay   on   Thymus   gland.    London,    1845. 

78  bis  Steinhaus  :  Les   métamorphoses    et    la    gemmation    indirecte    des    noyaux 

dans  l'épi thélium  intestinal  de  la  Salamandra  maculosa;  Arch. 
de  Physiologie,    1888. 

79  Stieda  :  Untersuchungen  ûber  die  Entwickelung  der  Glandula  Thymus, 

Glandula  thyroïdea  und  Glandula  carotica.  Leipzig,   1881. 

80  Stilling  :  Du  ganglion  intercarotidien;   Rec.   inaug.  de  l'Univ.  de  Lau- 

sanne,   1892. 

81  St'ôhr  :  Ueber    die    Lymphknôtchen    des    Darmes  ;     Arch.    f.    mikr. 

Anat.,   Bd.   XXIII. 

82  Id.     :  Die   Entwickelung   des   adenoïden   Gewebes,    der  Zungenbalge 

und  der   Mandeln   des   Menschen  ;    Festschrift  f.  Ndgeli  und 

Kôlliker,    1891. 

Ueber   die  Mandeln  und  deren    Entwickelung;   Corresp.-Blatt 
f.   Schivei^er  Aer^te,    1890. 

Ueber  die  Mandeln  und  deren  Entwicklung.  Die  Entwicklung 

des   adenoïden   Gewebes,    der  Zungenbalge   und  der  Mandeln 

des    Menschen;    Anat.    An^eiger,    n°    19,    i8gi. 
:  Verh.   d.   anat.   Gesells.   in   Miinchen,    1891. 
:  Division   mitosique    des    érythroblastes    et    des   leucoblastes   à 

l'intérieur  du  foie  embryonnaire  des  mammifères;  Anat.  An^^eiger, 

no  21,  1891. 


83 

.    Id. 

84 

Id. 

85 

Id. 

86 

V.   d.    Stricht 

l-jS  A.  PRENANT 

87  V.   d.    Stricht  :  Nouvelles   recherches    sur    la    genèse    des    globules   rouges   et 

des  globules  blancs  du  sang;  Archives  de  Biologie,  t.  XII,  1892. 

88  Tomarkin  :  Lieberkûhn'sche  Krypton  und  ihre  Beziehungen  zu  den  FoUikeln 

beim   Meerschweinchen;  Anat.  An\eiger,  \\°^  6-7,   iSgS. 

89  Tourneux  et  H errmann  :  KïiicXe  Thyravis;  Dict.  encjrcl.  d.  sc.méd.,   1887,  et  5oc.  de 

Biologie,    1887. 

90  Waldeyer  :  Ver  h.   d.   anat.    Ges.   in   Miinchen,    1891. 

91  Watney  :  The   minute  Anatomy    of  the   Thymus;    Phil.    Trans.,    1882. 

92  Wolfler  :  Ueber   die   Entwicklung   und    den   Bau  der  Schilddiiise.  Ber- 

lin,   1880. 

93  Zawarjrkin  :  Ueber  das  Epithel  der  Tonsillen;  Anat.  An^eiger,  1889,  n»  i5. 


EXPLICATION  DES  PLANCHES. 


PLANCHE   I. 

FIG.  1.  Troisième  poche  branchiale;  épaississement  de  sa  paroi,  ébauche  de 
la  glande  carotidienne.  Embryon  de  i5  mm.  —  Liquide  de  Flemming.  Safranine 
et  induline.  Zeiss,  oc.  6,  obj.  i6,o  mm.  en,  poche  entodermique ;  ec,  poche  ecto- 
dermique;  gc,    glande   carotidienne. 

FIG.  2.  Autre  coupe  appartenant  au  même  objet  et  vue  à  un  fort  grossisse- 
ment, pour  montrer  les  détails  structuraux  d'une  partie  de  l'ébauche  carotidienne  et 
la  continuité  de  cette  ébauche  avec  l'épithélium  branchial.  —  Zeiss,  oc.  4,  Leitz, 
imm.  hom.  1/12.  en,  cavité  de  la  poche  entodermique;  v,v,  vaisseaux  dans  l'ébauche 
carotidienne. 

FIG.  3.  Glande  carotidienne.  Embryon  de  28  mm.  —  Liquide  fixateur  et 
coloration  de  Flemming.  Zeiss,  oc.  6,  obj.  4,0  mm.  a,  pseudo-acini  de  la  glande; 
V,    vaisseaux   sanguins. 

FIG.  4.  Glande  carotidienne.  Embryon  de  40  mm.  —  Liquide  et  colorant  de 
Flemming.    Zeiss,    oc.    6,   obj.    4,0   mm. 

FIG.  5.  Glande  carotidienne.  Embiyon  de  70  mm.  Constitution  trabéculaire 
et  réticulée.  —  Liquide  de  Kleinenberg.  Carmin  boracique  à  l'alcool.  Zeiss,  oc.  6, 
obj.    16,0  mm. 

FIG.  .6.  Glande  carotidienne.  Embryon  de  40  cm.  —  Trabécules  formées 
d'une  seule   rangée   de   cellules.    Noyaux   contractés,    n,    dégénérés  (?).    —   Liquide    de 

r 

Flemming.    Safranine,    induline.    Zeiss,    oc.    4,    Leitz,    imm.    hom.    1/12. 

FIG.  7.  Huit  coupes  sériées  à  travers  la  troisième  poche  branchiale,  la  glande 
carotidienne,  les  ganglions  du  vague  et  du  sympathique  et  la  carotide  primitive. 
Rapport  de  ces  différents  organes;  forme  de  la  poche  branchiale.  Embryon  de  20  mm. 
Les  coupes  dessinées  sont  prises  de  deux  en  deux.  A  est  la  coupe  proximale,  H  la 
coupe  distale.  En  A,  le  pharynx  et  le  larynx  ont  été  figurés  pour  faciliter  l'orien- 
tation. En  H,  les  deux  côtés  ont  été  représentés  pour  la  même  raison.  —  Gross. 
10  D.  br,  troisième  poche  branchiale;  v,  ganglion  plexiforme  du  nerf  vague;  s,  gan- 
glion cervical  supérieur  du  sympathique  ;  gc,  glande  carotidienne  ;  c,  carotide  primi- 
tive; d,  diverticule  de  la  troisième  poche  branchiale;  th,  corps  ou  queue  du  thymus; 
to,    thjTOÏde   médiane. 

FIG.  8.  Glande  carotidienne,  reste  de  la  troisième  poche  branchiale,  diver- 
ticule  de   cette   poche   ou    vésicule    thymique,    ganglion    du   vague    chez    un    embryon 


l8o  A.  PRENANT 

de  25  mm.  —  c,  carotide;  gc,  glande  carotidienne ;  br,  troisième  poche  branchiale; 
d,  diverticule  de  cette  poche;  v,  ganglion  du  vague;  _;',  veine  jugulaire.  —  Liquide 
et  colorant   de   Flemming.    Zeiss,    oc.    4,    obj.    16,0   mm. 

FIG.  9.  Mêmes  organes,  même  objet.  Les  lettres  comme  précédemment.  Traite- 
ment  identique.    —  Zeiss,    oc.    4,    obj.    4,0   mm. 

FIG.  10.  Mêmes  organes  d'un  embryon  de  26  mm.  Mêmes  lettres.  Le  diver- 
ticule ou  vésicule  thymique  a  perdu  ses  relations  avec  le  ganglion  du  vague.  Le 
reste  de  la  poche  branchiale  est  en  voie  de  devenir  la  tête  du  thymus  par  bour- 
geonnement de  son  épithélium.  —  Liquide  de  Flemming,  coloration  de  Flemming. 
Zeiss,    oc.    6,    obj.    16,0   mm. 

FIG.  11.  Cordon  intermédiaire  du  thymus  chez  un  embr3'on  de  26  mm. 
cith,  ce  cordon  ;  v,  nerf  vague.  —  Liquide  et  colorant  de  Flemming.  Zeiss,  oc.  4, 
obj.    4,0   mm. 

FIG.    12.     Cordons   cervico-thoraciques   du   thymus   chez  un  embryon  de  25  mm. 

—  en,  enveloppe  conjonctive  du  thymus.  —  Liquide  de  Flemming.  Safranine,  in- 
duline.    Zeiss,    oc.    4,   obj.    4,0   mm. 

PLANCHE  II. 

FIG.  13.  Embryon  de  no  mm.  Tête  du  th3-mus  nettement  formée  de  deux 
portions  :  une  externe,  dont  la  glande  carotidienne,  gc,  paraît  un  des  lobes,  est 
grossièrement  lobée;  l'autre,  interne,  lobulée,  est  en  rapport  avec  la  carotide  et  le 
nerf  vague   et   se   continue   inférieurement   avec  le  cordon  intermédiaire.  Gross.   10  û. 

FIG.  14.  Glande  carotidienne.  Fœtus  à  terme.  Noyaux  rétractés  (dégénérés?), 
;;,-  v,v,  vaisseaux  sanguins  remplis  de  globules  déformés  par  pression  réciproque.  On 
voit  aussi  un  noyau  dont  l'enchylème  est  très  coloré.  —  Liquide  de  Flemming.  Sa- 
franine,   orange.    Zeiss,    oc.    6,    Leitz,    obj.    imm.    hom.    1/12. 

FIG.  15.  Rapports  de  la  glande  carotidienne  avec  la  tête  du  thymus  chez 
un  embryon  de  26  mm.  ;  adhérence  de  l'une  à  l'autre.  —  gc,  trabécule  de  la 
glande  carotidienne;  tth,  tête  du  thymus.  —  Liquide  de  Flemming;  coloration  par 
la    méthode   de   Flemming.    Zeiss,    oc.    4,    Leitz,    obj.    imm.    hom.    1/12. 

FIG.    16.     Corps   du  thymus.    Embryon  de  26  mm.  Cavité  en  voie  de  formation. 

—  a,  une  cellule  centrale  devenue  vésiculeuse  et  renfermant  des  globules  chroma- 
tiques ;  autour  de  cette  cellule  plusieurs  éléments  disposés  concentriquement  d'une 
façon  irrégulière.  —  Liquide  et  colorant  de  Flemming.  Zeiss,  oc.  4,  Leitz,  imm. 
hom.    1/12. 

FIG.  17.  Une  cavité  du  thymus  renfermant  des  globules  chromatiques  et  des 
débris  épithéliaux.  Cellules  vésiculeuses,  ve;  cellules  avec  vacuoles,  va.  En  a,  cel- 
lule vésiculeuse  dont  la  cavité  paraît  continuer  la  cavité  th3-mique.  En  r  a  été 
représentée  une  partie  de  la  deuxième  rangée  de  cellules  épithéliales  qui  entoure  la 
cavité.  Embryon  de  26  mm.  —  Liquide  et  colorant  de  Flemming.  Zeiss,  oc.  4, 
Leitz,    imm.    hom.    1/12. 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  l8l 

FIG.  18.  Dissection  de  la  partie  supérieure  du  cou  chez  un  fœtus  à  terme. 
Grand,  nat.  tth,  tête  du  tliymus  recouverte  en  partie  par  la  glande  sous-maxillaire  à  la 
quelle  elle  adhère  intimement;  gm,  glande  sous-maxillaire;  gl,  ganglions  lymphatiques; 
to,  corps  thyroïde;  cith,  cordon  intermédiaire  du  thj'mus  ;  c,  carotide  primitive; 
j,  veine  jugulaire  interne;  m,  muscle  sterno-sous-occipital  (?)  ;  m',  muscle  crico-thy- 
roïdien;    m",   muscle   thyro-hyoïdien. 

FIG.  19.  Cordons  reliant  la  portion  thoracique  à  la  partie  cervicale  du  thymus 
et  correspondant  aux  appendices  thoraciques  de  l'organe  plus  jeune,  i,  2,  cordons 
droit  et  gauche;  e,  enveloppe  conjonctive;  v,  paroi  de  la  veine-cave  supérieure  à 
laquelle  l'enveloppe  du  thymus  est  soudée.  Embryon  de  3o  mm.  —  Liquide  de 
Kleinenberg.    Carmin   boracique   alcoolique.    Zeiss,    oc.    4,    obj.    4,0  mm. 

FIG.  20.  Tète  du  thymus.  Embryon  de  40  mm.  Noyaux  géminés,  i,  2,  3, 
4,  quatre  couples  de  noyaux,  l'un  clair  et  l'autre  foncé.  — ■  Fixation  et  coloration 
de   Flemming.  Zeiss,    oc.    6,    Leitz,    imm.    hom.    1/12. 

FIG.  21.  Figures  de  division  directe  (?)  chez  un  embrj-on  de  28  mm.  Dans 
la  partie  supérieure  de  la  figure,  les  cellules  sont  représentées  dans  leurs  rapports 
respectifs,  n,  noyaux  petits  à  côté  des  noyaux  plus  grands;  b,  bourgeon  émis  par 
une  cellule  en  voie  de  sténose.  —  Dans  la  partie  inférieure  de  la  figure,  les  noyaux 
sont  représentés  seuls,  sans  corps  cellulaire,  et  isolés  les  uns  des  autres,  les  lettres 
ayant  la  même  signification  que  ci-dessus.  Tout  à  fait  en  bas  de  la  figure,  a  et  a!  ap- 
partiennent à  un  embryon  de  26  mm.  ;  a  est  un  noyau  bilobé;  a'  un  noyau  quadrilobé. 

FIG.  22.  "  Éléments  de  la  substance  corticale  du  thymus.  Embryon  de  3o  cent. 
—  Liquide  de  Flemming.  Safranine,  thionine.  —  Zeiss,  oc.  2,  Leitz,  obj.  imm. 
hom.  1/12.  —  es,  cellules  à  grand  noyau  ou  cellules  de  soutien  (cellules  épithéliales?); 
/,  lymphoblastes  ;  /',  lymphocytes.  Cette  figure  est  destinée  moins  à  donner  les  ca- 
ractères intimes  de  structure  des  cellules  constitutives  du  th}^mus  que  la  proportion 
des   diverses   variétés   cellulaires   dans   une   certaine   surface   de   la   coupe. 

FIG.  23.  Éléments  de  la  substance  médullaire  de  la  tête  du  thymus.  Embryon 
de  3o  cent.  —  Liquide  de  Flemming,  coloration  de  Flemming.  Zeiss,  oc.  6,  Leitz, 
obj.  imm.  hom.  1/12.  —  Mêmes  lettres  que  ci-dessus;  de  plus,  v,  P,  vaisseaux  sanguins. 
Les  noyaux  désignés  par  les  lettres  es  n'appartiennent  pas  d'une  façon  certaine  à 
des  cellules  de  soutien.  Par  contre,  l'élément  isolé  représenté  en  a  est  une  cellule 
de  charpente  typique.  Eir  b  est  figurée  une  autre  cellule  de  charpente,  prise  sur 
un  embryon  de  40  cm.,  dont  le  protoplasme  renferme  de  gros  grains  gentianophiles. 
En  c,  cellule  de  charpente  chez  un  agneau  nouveau-né.  En  d  sont  représentés  à  un 
plus  fort  grossissement,  le  tube  de  l'oculaire  étaint  tiré,  trois  lymphocytes  (à  gauche) 
et   deux   lymphoblastes   (à   droite). 

FIG.  24.  Texture  de  la  tête  du  thymus.  Embryon  de  85  cm.  —  ee,  enve- 
loppe conjonctive  ;  jj/i,  zone  périphérique;  :[cf,  zone  corticale  ou  substance  folliculeuse; 
sm,  substance  médullaire.  —  Liquide  de  Flemming.  Safranine,  orange.  Zeiss,  oc. 
4,    obj.    i5,o   mm. 

FIG.  25.  Série  de  coupes  à  travers  la  région  inférieure  du  cou  et  l'extrémité 
supérieure   du   thorax   d'un   embryon   de   3o   mm.    A    est   la   coupe  la  plus  proximale; 

23 


l82  A.    PRENANT      . 

ihc,  partie  inférieure  du  thymus  cervical;  cctli,  cordon  cervico-thoracique ;  tht,  tlij-mus 
thoracique;  mp,  muscles  prévertébraux;  gs,  ganglions  du  sympathique;  es,  cordon 
du  sympathique;  tr,  trachée-artère;  oe;  œsophage;  i',  nerf  vague;  ca,  carotide  pri- 
mitive ;  cac,  tronc  commun  des  carotides  primitives  ;  l'j,  veine  jugulaire  ;  se,  veine 
sous-clavière  ;  vbc,  troncs  veineux  brachio-céphaliques  réunis;  vc,  veine-cave  supérieure; 
a^,  veine  azygos  ;  pe,  cavité  du  péricarde;  pi,  cavité  de  la  plèvre;  p,  poumon;  c,c, 
cœur  ;  ec,  cartilages  costaux.  —  Liquide  de  Kleinenberg.   Carmin  alcoolique  boracique. 

—  Gross.  lo  D.  Les  coupes  ne  sont  représentées  que  dans  la  proportion  d'une  sur 
vingt   en   moyenne. 

PLANCHE   III. 

FIG.  26.  Ébauche  thyroïdienne  latérale  et  glandule  thyroïdienne  chez  un  em- 
bryon de  i5  mm.  —  toi,  ébauche  thyroïdienne  latérale;  glto,  glandule  thyroïdienne; 
ih,  th3'mus.  —  Zeiss,  oc.  6,  obj.  i6,o  mm.  —  Liquide  de  Flemming.  Safranine,  induline. 

FIG.  27.  Même  objet,  vu  à  un  fort  grossissement.  Connexion  de  la  glandule 
thj'roïdienne  avec  la  paroi  épithéliale  de  l'ébauche  thyroïdienne  latérale.  —  toi,  ca- 
vité de  la  thyroïde,  latérale;  glto,  portion  de  la  glandule  thyroïdienne  ;  a,  endroit 
où  la  paroi  de  la  thyroïde  latérale  et  le  tissu  de  la  glandule  sont  en  continuité. 
Zeiss,    oc.    4,    Leitz,    obj.    imm.   hom.    1/12. 

FIG.  28.  Embryon  de  20  mm.  Coupe  d'ensemble  de  toute  la  formation  thy- 
ro'ïdienne.  —  œ^  œsophage;  tr,  trachée;  tom,  thyroïde  médiane;  toi,  thyroïde 
latérale;  glto,  glandule  thyroïdienne;  th,  thymus;  ca,  carotide  primitive;  r,  nerf 
récurrent.  —  Zeiss,  oc.  4,  obj.  i5,o  mm.  —  Liquide  de  Kleinenberg.  Carmin 
alcoolique   boracique. 

FIG.    29.     Embryon  de  26  mm.  Vue  d'ensemble  des  deux  ébauches  thyroïdiennes. 

—  tom,  thyroïde  médiane;  toi,  thyroïde  latérale;  oe,  œsophage;  tr,  trachée;  th, 
thymus;  ea,  carotide  primitive;  vj,  veine  jugulaire;  pn,  nerf  pneumo-gastrique  ;  r, 
nerf  récurrent,  —  Liquide  de  Flemming.  Coloration  de  Flemming.  —  Zeiss,  oc.  4, 
obj.    16,0   mm. 

FIG.  30.  Embryon  de  26  mm.  Rapports  de  l'ébauche  thyroïdienne  latérale' 
et  de  la  thyroïde  médiane.  Constitution  de  la  thyroïde  latérale.  —  toi,  cavité  de 
la  thyroïde  latérale  ;  b,  bourgeons  de  la  thyroïde  médiane  ;  r,  réticulum  cellulaire 
qui  constitue  la  thyroïde  latérale;  e,  enveloppe  conjonctive  partielle  qui  sépare  les 
deux  ébauches  thyroïdiennes.  —  Liquide  et  colorant  de  Flemming.  —  Zeiss,  oc.  4, 
obj.  4,0  mm. 

FIG.  31.  Même  embryon.  Autre  coupe.  Rapports  de  la  thyroïde  médiane,  de 
la  thyroïde  latérale  et  de  la  glandule  thyroïdienne.  —  toi,  cavité  de  la  thyroïde 
latérale  ;  ep,  paroi  épithéliale  de  cette  cavité  ;  r,  tissu  cellulaire  réticulé  qui  constitue 
la  majeure  partie  de  la  thyroïde  latérale  ;  b,  b,  bourgeons  de  la  thyroïde  médiane; 
glto,  glandule  thyroïdienne;  ses  connexions  avec  l'épithélium  de  la  thyroïde  latérale; 
te,  tissu  conjonctif  ambiant.  —  Liquide  et  colorant  de  Flemming.  —  Zeiss,  oc.  4, 
obj.    4,0   mm. 


DÉVELOPPEMENT    DU    THYMUS  I83 

FIG.  32.  Glandule  thyroïdienne.  Embryon  de  26  mm.  Dans  un  espace  vas- 
culaire  sanguin,  une  hématie  en  division.  La  figure  est  prise  à  la  périphérie  de 
l'organe.  —  Liquide  et  coloration  de  Flemming.  —  Zeiss,  oc.  4,  Leitz,  obj. 
imm.    hom.    1/12. 

FIG.  33.  Glandule  thyroïdienne.  Embryon  de  28  mm.  —  Lumière  d'un  acinus 
glandulaire;  v,  capillaire  sanguin.  —  Liquide  de  Flemming.  Safranine,  induline.  — 
Zeiss,    oc.    6,    obj.    4,0  mm. 

FIG.  34.  Embryon  de  85  mm.  Vue  dorsale  du  corps  thyroïde  et  de  la  trachée 
pour  montrer  la  glandule  thjTOÏdienne.  Celle-ci  n'est  visible  que  du  côté  droit,  grâce 
à  ce  que  le  lobe  droit  de  la  glande  thyroïde  a  été  récliné  en  dehors  et  éloigné 
de  la  trachée,  de  façon  à  découvrir  sa  face  interne  qui  loge  la  glandule  .—  Gross.  10  diam. 

PLANCHE   IV. 

FIG.  35.  Embryon  de  26  mm.  Rapports  de  la  thyroïde  latérale  et  de  la 
thyroïde  médiane.  Abouchement  des  bourgeons  de  la  thyroïde  médiane,  b,  avec  le 
tissu  cellulaire  réticulé,  r,  de  la  thyroïde  latérale.  Cette  figure  pourrait  aussi  être 
interprétée  comme  montrant  un  bourgeonnement  de  la  thj'roïde  latérale.  —  Liquide 
de   Flemming,    coloration   de    Flemming.    — ■   Zeiss,    oc.    4,    obj.    4,0  mm. 

FIG.  36.  Embiyon  de  28  mm.  Rapports  de  la  thyroïde  latérale  avec  la  thy- 
roïde médiane.  —  toi,  cavité  de  la  thyroïde  latérale;  b,  bourgeon  épithélial  poussé 
par  la  thyroïde  latérale  ou  venu  de  la  thyroïde  médiane  et  branché  sur  la  paroi 
épithéliale  de  l'ébauche  latérale  ;  c,  cellules  devenues  vésiculeuses,  tombées  dans  la 
cavité.    — •   Mêmes  traitement   et   grossissement   que  précédemment. 

FIG.  37.  Embryon  de  7  centimètres.  Série  de  coupes  à  travers  un  lobe  de 
la  glande  thyroïde.  —  i  est  la  coupe  la  plus  pvoximale  ;  gl,  glandule;  toi,  thy- 
roïde  latérale   et   sa   cavité;    h,    hile   de   la   glande.    —   Gross.    10   diam. 

FIG.  38.  Même  embryon.  Coupe  transversale  d'un  lobe  entier  du  corps  thy- 
roïde. —  gl,  glandule  thyroïdienne;  toi,  diverticule  de  la  cavité  de  la  thj-roïde 
latérale;  i',  v,  vaisseaux  sanguins  et  tissu  conjonctif;  ve,  grandes  vésicules  thyroï- 
diennes; tr,  tr,  régions  où  l'état  trabéculaire  du  tissu  thjTOïdien  existe  encore.  — 
Liquide  de  Kleinenberg.  Carmin  alcoolique  boracique.  —  Zeiss,  oc.  4,  obj.  16,0  mm. 

FIG.  39.  Même  embryon.  Portion  de  la  coupe  4  de  la  figure  vue  à  un  plus 
fort  grossissement.  Tissu  et  cavité  de  la  thyroïde  latérale;  masse  cellulaire  faisant 
saillie  dans  la  cavité,  avec  nodules  caractéristiques,  n,  n',  dont  un  pédicuhsé;  épi- 
thélium  de  la  paroi,  simple,  sauf  en  certains  endroits  où  des  cellules  polyédriques 
claires    le   renforcent.   —   Même   traitement.    Zeiss,    oc.    6,    obj.    16,0    mm. 

FIG.  40.  Embiyon  de  6  centimètres.  Cavité  de  la  thyroïde  latérale;  ses  diver- 
ticules  ;  sa  paroi  épithéliale.  Abouchement  des  travées  cellulaires  du  tissu  thyroïdien 
avec  les  diverticules  ;  capillaires  sanguins  très  dilatés  et  bourrés  de  globules.  En 
haut  et  à  gauche,  la  paroi  épithéliale  de  la  thyroïde  latérale  se  continue  avec  un 
tissu  différent  du  parenchyme  thyroïdien.  —  Liquide  de  Kleinenberg.  Carmin  al- 
coohque  boracique.    Zeiss,    oc.    4,    obj.    4,0   mm. 


l84  A.  PRENANT 

FIG.  41.  Coupe  de  l'ébauche  thyroïdienne  latérale  d'un  embryon  de  20  mm. 
montrant,  outre  cette  ébauche,  toi,  la  partie  externe  de  la  thyroïde  médiane,  tom; 
c,  végétation  conjonctive  paraissant  partir  de  la  paroi  interne  de  la  thyroïde  latérale. 
(Figure  demi-schématique.)  —  Zeiss,  oc.  4,  obj.  16,0  mm.  Liquide  de  Kleinenberg. 
Carmin   alcoolique   boracique.' 

FIG.  42.  Coupe  de  l'ébauche  thyroïdienne  latérale,  toi,  et  de  la  glandule  thy- 
roïdienne, glto,  chez  un  embryon  de  14  mm.  —  Liquide  de  Flemming.  Safranine. 
Zeiss,    oc.    6,    obj.    16,0   mm. 


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Planche  IV 


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I 


ÉTUDE 

sur    les    propriétés    du    poison    du 

CHOLÉRA  ASIATIQUE 


PAR 


Charles     SLUYTS 

DOCTEUR    EN    MEDECINE,    ASSISTANT    AU    LABORATOIRE. 


{Mémoire   dépose   le   30  juin    1893.) 


(Travail   du    laboratoire   d'anatomie  pathologique  et  de  pathologie 

EXPÉRIMENTALE    DE     l'uNIVERSITÉ    DE     LoUVAIN.) 


23 


I 


Étude   sur   les   propriétés   du   poison 

DU 

CHOLÉRA     ASIATIQUE 


HISTORIQUE. 

Au  fur  et  à  mesure  que  la  science  bactériologique  s'est  développée, 
l'attention  s'est  fixée  de  plus  en  plus  sur  les  poisons  formés  par  les  mi- 
crobes. C'est,  en  effet,  à  l'action  de  ces  substances  qu'on  doit  attribuer  les 
troubles  causés  par  les  inicroorganismes,  et  alors  même  que  leur  nature 
intime  se  dérobe  encore  aux  investigations,  la  connaissance  de  leurs  pro- 
priétés les  plus  générales,  telles  que  leur  solubilité,  leur  résistance  à  la 
chaleur  et  à  l'oxygène,  etc.,  'présente  une  importance  très  grande.  La 
nécessité  de  ces  recherches  n"a  fait  que  croître  quand  on  a  reconnu  que 
l'on  peut  conférer  l'immunité  au  moyen  de  cultures  mortes  et  même  de 
cultures  filtrées. 

Malgré  les  recherches  multipliées  qui  ont  porté  sur  le  poison  du 
choléra  asiatique,  de  nombreuses  contradictions  régnent  encore  sur  sa 
nature  et  sur  les  conditions  dans  lesquelles  il  se  produit. 

Le  présent  travail  a  pour  but  d'apporter  de  nouveaux  éléments  à  la 
solution  de  ce  problème,  dont  l'intérêt  n'a  fait  qu'augmenter  depuis  que 
l'on  tend  à  chercher  dans  les  produits  solubles  du  bacille  vii-gule  un  moyen 
de  vaccination  contre  la  maladie. 

Les  premiers  savants  .qui  s'occupèrent  du  vibrion  du  choléra  purent 
déjà  constater  que  ses  milieux  de  culture  étaient  toxiques.  Nicati  et 
RiETSCH  tuèrent  des  cobayes  avec  des  bouillons  stérilisés.  Koch,  Van 
Ermengem,  Ferran,  Cattani,  Klebs  et  Hueppe  produisirent  les  mêmes 
effets,  Van  Ermengem (i),  entre  autres,  en  injectant  dans  le  péritoine  ou 
le  duodénum  des  cultures  stérilisées  par  la  filtration  ou  le  chauffage  à  60°. 


(1)     Bulletin  de  racadémie  de  Belgique,  1884. 


l88  Ch.   SLUYTS 

Mais  à  cette  époque  on  ne  s'occupait  guère  encore  de  la  nature  du 
poison.  Les  recherches  à  ce  sujet  sont  venues  plus  tard  et  on  peut  les 
classer  en  deux  grandes  catégories'. 

Dans  la  première,  nous  mettons  tous  les  travaux  qui  ont  pour  objet 
la  recherche  d'un  ou  de  plusieurs  alcaloïdes,  auxquels  on  aurait  pu  attribuer 
les  différents  symptômes  de  la  maladie.  Nous  rencontrons  ici  les  travaux 
de  PoucHET(i),  de  Villiers(2),  de  Nicati  et  Rietsch(3),  de  Klebs(4),  et 
enfin  de  Brieger(5).  Quelles  qu'aient  été  les  tendances  de  ces  différents 
auteurs,  leurs  analyses  ont  eu  pour  résultat  de  démontrer  que,  si  la  for- 
mation de  ptomaïnes  dans  les  cultures  du  bacille-virgule  ne  peut  être  mise 
en  doute,  le  rôle  joué  par  ces  produits  n'a  pas  d'importance,  soit  parce 
qu'ils  sont  dépourvus  de  toxicité,  soit  parce  que  ceux  qui  sont  toxiques 
ne  se  forment  pas  en  quantité  suffisante.  Aussi,  l'hypothèse  de  la  nature 
alcaloïdique  du  poison  du  choléra  a  été  abandonnée  par  tout  le  monde. 

Dans  la  deuxième  catégorie,  nous  pouvons  grouper  tous  les  travaux 
qui  attribuent  au  poison  du  choléra  la  nature  d'une  substance  albuminoïde  : 
globuline,  peptone,  nucléo-albumine,  nucléine,  etc. 

Nous  rencontrons  ici,  en  premier  lieu,  de  Simone(6),  qui  trouve  que 
les  bouillons  renferment  un  poison  inactif  pour  les  cobayes,  mais  actif 
pour  les  chiens. 

Brieger  et  Fr^nkel(7)  considèrent  ce  poison  comme  une  substance 
albuminoïde,  une  globuline,  insoluble  dans  l'eau  et  l'alcool,  inoffensive 
pour  le  lapin,  mais  mortelle  pour  le  cobaye. 

D'après  Pétri (8),  qui  a  étudié  les  échanges  chimiques  que  le  vibrion 
cholérique  produit  dans  les  milieux  contenant  de  la  peptone,  cet  organisme 
engendre  un  poison  qui  présente  presque  toutes  les  réactions  de  la  peptone 
et  qu'il  considère  par  conséquent  comme  une  toxo-peptone.   La  substance, 


(  i)     PotJCHET  :  Sur  la  présence  des  sels  biliaires  dans  le  sang  des  cholériques  ei  l'existence  d'un  alcaloïde 
dans  leurs  déjections;  C.  R.  Ac.  des  se  ,  t.  C. 

(2)  ViLLiERs  :  Sur  la  formation  des  ptomaïnes  du  choléra  ;  C.  R.  Ac  des  se  ,  t.  C,  p.  9. 

(3)  Nicati  et  Rietsch  :  C.  R.  Ae.  des  se.,  24  nov.  1884. 

(4)  Klebs  :   Ueber  Choleraptomaïn  ;  Central,  der  schivei^er  Aer-te,  n"  i3,  i885. 

(5)  Brieger   -.   Zur    Kenntniss    der    Stoffwechselproducten    des    CholerabaciUus;    Berl.    kl.    Woch., 
n"  44,   1887. 

(6)  DE  Simone  :  Altre  ricerche  sul  choiera;  Giornale  inteni.  délie  science  médicale,   1886,  cité  d'après 
le  Jahresbericht  de  Baumgarten. 

(7)  Brieger  et  Fr.enkel  :  Untersuchungen  ùber  Bacteriengifte  ;    Berl.  klin.    Woch.,   iSgo,  n"»  11-12. 
Jahresbericlit,  tome  II. 

(8)  Pétri  :  D'après  les  comptes  rendus  du  Jahresbericht  de  Baumgarten,  Tome  VI,  18(10. 


ÉTUDE  SUR  LES  PRORIÉTÉS  DU  POISON  DU  CHOLÉRA  ASIATIQUE  189 

qu'il  obtient  par  précipitation  alcoolique,  tue  les  cochons  d'Inde;  ceux-ci 
présentent  du  tremblement,  de  l'abattement,  de  la  faiblesse,  de  la  paralysie 
des  membres  postérieurs,  etc.;  et  à  l'autopsie,  on  trouve  des  lésions  in- 
testinales, rougeur  de  la  muqueuse,  petites  ecchymoses  sous  le  péritoine. 
Le  poison  qui  est  en  somme  peu  toxique,  puisqu'il  faut,  pour  produire 
cet  empoisonnement,  administrer  jusqu'à  i  gr.,  résiste  à  la  température 
de  100". 

Scholl(0,  dans  ses  recherches  sur  ce  sujet,  part  d'un  point  de  vue 
spécial  :  il  estime  que  les  insuccès  de  beaucoup  d'auteurs  dans  la  re- 
cherche du  poison  cholérique  sont  dus  à  ce  que  leurs  cultures  se  développent 
au  contact  de  l'air;  et  il  pense  que,  en  obligeant  le  vibrion  à  vivre  d'une  vie 
anaérobie,  il  réalisera  les  conditions  nécessaires  pour  obtenir  le  poison. 
Dans  ce  but,  il  fait  la  culture  dans  des  œufs  après  avoir  perforé  la  coquille 
avec  une  aiguille  stérilisée.  L'ouverture  est  refermée  avec  du  collodion. 
Après  un  certain  nombre  de  jours,  il  parvient  à  isoler  de  l'albumine  de 
l'œuf,  deux  poisons  :  un  premier  qui  se  laisse  précipiter  par  le  sel  de 
cuisine  et  qu'il  considère  comme  une  globuline  :  ce  poison  tue  les  cochons 
d'Inde  après  des  convulsions  intenses  et  n'a  pas  d'action  sur  l'intestin;  le 
second  poisgn,  qui  n'est  pas  précipité  par  le  sulfate  d'ammoniaque  ni  par 
le  sulfate  de  magnésie,  serait  une  peptone  et  tue  les  cochons  d'Inde  avec 
des  symptômes  de  paralysie  et  des  convulsions  ;  à  l'autopsie,  on  trouve 
l'intestin  congestionné.,  Ce  second  poison  est  très  peu  résistant  à  la  chaleur. 
Un  chauffage  d'une  demi-heure  à  75°  le  détruit,  et  même  une  température 
de  400-45°  a  le  même  effet  quand  elle  dure  24  heures. 

Hùeppe(2)  confirme  en  général  les  données  de  Scholl,  sans  admettre 
pourtant  que  le  poison  soit  complètement  détruit  par  le  chauffage  au-delà 
de  70°;  ce  chauffage  ne  ferait  qu'affaiblir  le  poison. 

Nous  arrivons  maintenant  à  un  travail  important  de  Gamaléia(3).  Cet 
auteur  applique  au  poison  du  choléra  sa  théorie  générale  sur  la  nature  des 
poisons  microbiens,  qui  seraient  des  nucléo-albumines  se  transformant  très 
facilement  en  d'autres  poisons  :  les  nucléines.  Il  distingue  pour  le  vibrion 
de  KocH  deux  substances  toxiques. 


(1)  Scholl  :  D'après  les  comptes  rendus  du  Jahresbericht  de  Baumgarten,  Tome  VI,  1890. 

(2)  HuEPPE    :     Ueber   die   /Etiologie   und    Toxicologie   der    Choiera    asiatica  ;    licut.    mcd.     Woch., 
n"  53,  1891. 

(3)  Gamaléia  :  Recherches  expérimentales  sur  les  poisons  du  choléra;  Arck  de  niéd.  exp..  Tome  IV, 
1892,   n»   2. 


190  Ch.  SLUYTS 

Une  première  qui  serait  la  nucléo-albumine  de  cet  organisme  et  qui 
produirait  les  symptômes  et  les  lésions  caractéristiques  du  choléra  :  vo- 
missement, diarrhée,  hyperhémie  et  transsudation  intestinale.  Ce  poison 
oppose  peu  de  résistance  ,à  la  chaleur  et  se  détruit  par  le  chauffage  au-delà 
de   60°. 

La  seconde  substance,  qui  correspondrait  à  la  nucléine  du  vibrion  de 
KocH,  dériverait  delà  première  par  décomposition.  Ce  poison  n'a  pas  d'action 
sur  l'intestin  et  résiste  très  bien  à  une  température  prolongée  de  120°. 

D'après  Gamaléia,  le  vrai  poison  du  choléra,  la  nucléo-albumine,  se 
trouverait  surtout  dans  les  cultures  anciennes. 

Pfeiffer  (1),  dans  ses  études  sur  le  même  sujet,  s'adressa  à  des 
cultures  jeunes,  se  développant  au  contact  de  l'air.  Il  distingue,  lui  aussi, 
deux  poisons  :  un  premier  qui  ne  résiste  pas  à  l'ébullition,  et  un  second 
dérivant  du  premier,  mais  beaucoup  moins  toxique.  En  somme,  l'auteur, 
en  admettant  deux  poisons,  l'un  dérivant  de  l'autre,  se  rapproche  des  idées 
de  Gamaléia. 

Enfin,  nous  devons  encore  citer  un  travail  de  Ouchinsky(2),  paru  il  y 
a  un  mois  à  peine.  Cet  auteur  a  obtenu  des  cultures  virulentes  et  toxiques 
dans  des  milieux  artificiels  absolument  dépourvus  de  substances  albumi- 
noïdes.  D'après  lui,  le  poison  n'est  pas  une  nucléo-albumine,  mais  un  corps 
albuminoïde  à  composition  peu  complexe. 

Si  nous  résumons  cet  exposé  de  l'état  de  la  question,  nous  trouvons 
que  les  auteurs  sont  actuellement  d'accord  pour  reconnaître  la  nature 
albuminoïde  du  poison  cholérique;  mais  les  ^divergences  sont  aussi  pronon- 
cées que  possible  non  seulement  sur  le  groupe  des  substances  albuminoïdes 
dans  lequel  il  faudrait  le  ranger,  mais  aussi  sur  ses  propriétés  générales. 

Ainsi,  pour  Brieger  et  Fr/ENKEL,  le  poison  est  une  g-lobit lin è; 

Pour  Pétri,  une  peptone; 

Pour  ScHOLL  et  Hueppe,  également  une  peptone; 

Gamaléia  y  voit  une  nucléo-albumine; 

Et  OucHiNSKY,  un  corps  albuminoïde  de  composition  peu  complexe. 


(4)  Pfeiffer  :  Uniersuchungen  liber  das  Choleragift;  Zeiisch.f.Hyg.,  Baiid  XI,  n»  3. 

(5)  OucHiNSKY  :  Étude  sur  le  poison  du  choléra;  Arch.  de  méd.  exp.,  iSgS. 


I.     TECHNIQUE  DU  TRAVAIL. 

Disons  d'abord  quelques  mots  sur  divers  milieux  de  culture  que  nous 
avons  employés. 

1°  Les  bouillons.  Nous  avons  employé  fréquemment  un  bouillon  de 
composition  ordinaire,  renfermant  :  i  o/o  de  peptones,  1/2  0/0  d'extrait  de 
viande  et  1  0/0  de  sel  de  cuisine;  alcalinisation  légère  par  le  carbonate 
de  sodium. 

Gaivtaléia  vante  beaucoup,  pour  la  culture  du  choléra,  un  bouillon 
qu'il  prépare  comme  il  suit  :  des  pieds  de  veau  hachés  sont  additionnés  de 
3  fois  leur  poids  d'eau  et  chauffés  à  1 20°  pendant  2  heures  ;  on  dilue  la  masse 
avec  un  volume  d'eau,  on  ajoute  1  0/0  de  peptones,  i  1/2  0/0  de  sel  de 
cuisine,  et  on  passe  à  travers  un  linge.  On  neutralise  avec  le  carbonate  de 
potassium  ;  on  met  en  ballon  de  300  centimètres  cubes  qu'on  remplit  à  moitié 
et  on  stérilise  définitivement.  Nous  avons  fréquemment  employé  ce  bouillon 
en  suivant  les  indications  de  Gamaléia,  et  nous  devons  reconnaître  qu'il 
permet  un  développement  plus  abondant  que  le  bouillon  ordinaire.  Soup- 
çonnant qu'il  devait  ses  qualités  à  la  gélatine  qu'il  renfermait,  nous  avons 
préparé  des  bouillons  à  la  gélatine,  en  ajoutant  simplement  3  0/0  dé  ce 
produit  au  bouillon  ordinaire,  dont  nous  avons  donné  la  composition  plus 
haut.  Il  nous  a  semblé  que  ce  bouillon,  ainsi  modifié,  rendait  le  même 
service  que  celui  des  pieds  de  veau,  tout  en  ayant  sur  ce  dernier  l'avantage 
d'une  préparation  commode  et  rapide. 

2°  Les  pommes  de  terre.  Nous  tenions  beaucoup  à  avoir  des  cultures 
sur  pommes  de  terre,  parce  que  ce  milieu  fournit  une  masse  microbienne, 
exempte  de  peptones,  de  gélatine,  d'extrait  de  viande,  et  que  l'on  peut  con- 
sidérer comrne  pure.  En  outre,  la  masse  des  bacilles  se  laisse  facilement 
peser  et  par  conséquent  doser  exactement.  Malheureusement,  il  est  de 
notoriété  que  le  bacille  du  choléra  se  développe  peu  abondamment  sur  la 
pomme  de  terre.  Nous  nous  sommes  demandé  si,  en  faisant  subir  aux 
tubercules  une  préparation  spéciale,  nous  ne  les  améliorerions  pas  avanta- 
geusement. Dans  ce  but,    nous    les   avons  mis  à  tremper  dans  plusieurs 


192 


Ch.  SLUYTS 


solutions,  et  nous  avons  trouvé  que  plusieurs  d'entre  elles  favorisent  d'une 
façon  indéniable  le  développement  du  vibrion  de  Koch. 

Parmi  elles,  nous  rangeons  les  solutions  à  i  o/o  de  carbonate  sodique 
ou  potassique,  de  potasse  et  de  soude  caustiques,  de  carbonate  d'ammo- 
niaque et  de  peptones. 

Tous  ces  principes  conférant  aux  pommes  de  terre  des  qualités  nu- 
tritives excellentes,  nous  les  avons  combinés  dans  un  mélange  composé 
comme  il  suit  : 

Carbonate  de  sodium  .         1/2  0/0. 

Sel  de  cuisine    ...  1  0/0. 

Peptone     ....  1  0/0. 

En  général,  nous  opérions  de  la  manière  suivante. 

Après  une  première  stérilisation  à  120°,  les  pommes  de  terre  sont  cou- 
pées en  tranches  de  1  centimètre  d'épaisseur,  et  mises  à  tremper  dans  le 
bain  dont  nous  donnons  la  composition  plus  haut  ;  le  séjour  dans  le  bain 
dure  de  2-6  heures  et  peut  être  prolongé  plus  longtemps  sans  inconvénient. 
Les  morceaux  sont  retirés,  mis  à  égoutter  et  introduits  dans  de  larges  tubes 
fermés  par  un  tampon  d'ouate  ;  ils  sont  stérilisés  alors  une  seconde  fois 
à  1 20°.  Ensuite,  ils  sont  inoculés  avec  une  culture  de  choléra  dans  du 
bouillon  et  portés  à  la  couveuse.  Pour  éviter  la  dessiccation,  qui  nous  sem- 
blait nuisible,  nous  placions  les  tubes  dans  des  bocaux  fermés  et  renfermant 
un  doigt  d'eau. 

Si  nous  donnons  tous  ces  détails,  c'est  parce  que  les  auteurs  nous  sem- 
blent souvent  embarrassés  pour  obtenir  un  bon  développement  du  choléra 
sur  les  pommes  de  terre.  Entre  les  pommes  de  terre  employées  telles  quelles 
et  les  pommes  de  terre  préparées  comme  nous  venons  de  le  décrire,  nous 
avons  toujours  trouvé,  au  point  de  vue  du  développement,  une  différence 
considérable.  Sur  les  premières,  quelle  que  fut  leur  origine  ou  leur  âge, 
nous  avons  à  peine  obtenu  un  mince  enduit  ;  les  secondes,  au  contraire, 
présentaient,  après  deux  ou  trois  jours  de  couveuse,  un  enduit  assez  épais, 
dont  la  coloration  variait  du  blanc  au  brun. 

Pendant  le  cours  de  notre  travail,  nous  avons  reçu  un  travail  de  Voges(i) 
qui  préconise  la  macération  dans  une  solution  de  sel  de  cuisine  à  la  con- 
centration de  2  à  5  0/0.  Nous  avons  essayé  ce  procédé,  il  donne  également 


I 


(i)     VOGES  :   Ueber  das   Wachstum   de.r   Cholerabacillcn   au/  Karloffeln  ;    Centralblatt  fur  Bacferiol. 
24   avril    1893. 


ÉTUDE  SUR  LES  PROPRIÉTÉS  DU    POISON  DU   CHOLÉRA  ASIATIQUE  193 

de  bons  résultats,  mais  ceux-ci  ne  sont  nullement  supérieurs  à  ceux  que  nous 
avons  obtenus  par  la  macération  dans  des  bains  de  carbonate,  de  phos- 
phate OU  de  peptone. 

Quand  nous  jugions  nos  cultures  assez  développées,  c'est-à-dire,  après 
3-4-5  jours  de  couveuse,  nous  enlevions  la  couche  de  microbes  avec  un 
couteau  mousse,  de  façon  à  entamer  la  pomme  de  terre  aussi  peu  que  pos- 
sible; la  masse  était  ensuite  pesée  et  délayée  dans  l'eau  salée  physiologique, 
de  façon  à  constituer  une  émulsion  au  dixième  (eau  :  90  gr.,  bacilles  10  gr.); 
dans  les  cas  où  nous  ne  nous  servions  pas  immédiatement  de  notre  suspen- 
sion, nous  ajoutions  un  peu  de  chloroforme  afin  d'éviter  la  putréfaction. 

Nos  autres  milieux  de  culture,  agar-peptone,  gélatine-peptone,  ne 
méritent  pas  de  mention  spéciale. 

Enfin,  notons  qu'avant  de  nous  servir  d'une  culture,  nous  avons  établi 
sa  pureté- par  l'examen  microscopique  et  au  besoin  par  des  cultures. 

Quant  aux  espèces  animales  sur  lesquelles  nous  avons  opéré,  citons  les 
souris  blanches,  les  cobayes,  les  lapins  et  les  chiens.  Le  nombre  d'animaux 
sacrifiés  a  été  d'environ  deux  cents. 

IL     VIRULENCE  DE   NOTRE   MICROBE. 

Un  point  capital  dans  les  recherches  microbiennes  en  général  est  la 
qualité  du  virus  employé.  On  a,  en  effet,  plusieurs  exemples  d'organismes 
qui,  très  toxiques  à  l'état  virulent,  ne  sécrètent  plus  de  poisons  ou  n'en 
sécrètent  que  peu  à  l'état  atténué. 

Le  vibrion  que  nous  avons  employé  nous  a  été  fourni  très  obligeamment 
par  Monsieur  Metchnikoff;  il  provient  de  Calcutta  et  possédait,  au 
moment  où  nous  l'avons  reçu,  une  virulence  marquée.  Néanmoins,  avant  de 
l'employer,  nous  avons  tenu  à  pousser  cette  virulence  à  ses  dernières  limites, 
et  dans  ce  but  nous  avons  soumis  notre  vibrion  à  une  série  de  passages  à 
travers  le  lapin.  Les  inoculations  étaient  faites  dans  la  plèvre.  Quand  le 
lapin  succombait,  nous  faisions  une  culture  dans  le  bouillon,  soit  avec  le 
sang,  soit  avec  le  contenu  pleural  ;  nous  la  portions  à  la  couveuse  et  le  len- 
demain nous  l'injections  de  nouveau  dans  la  plèvre  d'un  ou  de  plusieurs 
lapins. 

Lors  des  derniers  passages,  nous  nous  sommes  parfois  passé  de  tout 
intermédiaire  et  nous  avons  injecté  directement  d'animal  à  animal  l' exsudât, 
riche  en  organismes,  de  la  plèvre. 


24 


194 


Ch.  SLUYTS 


Le  tableau  suivant  résume  ces  passages  à  travers  les  lapins. 


TABLEAU    L 


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S  o  "> 

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^  2 


en 

O  f) 

ai  w  Z 

•w  w  E 

s  Q   < 


QUALITE 

DU     LIQUIDE 

INJECTÉ 


RESULTATS     DE     L  INJECTION 


I 

II 
III 

IV 
V 

VI 
VII 

VIII 

IX 

X 

XI 

XII 

XIII 
XIV 

XV 

XVI 
XVII 
XVIII 


Lap.  I 

»  2 

»  3 

).  4 

»  5 

»  6 

I)  7 

»  8 

»  9 

»  lO 

»  II 

)>  12 

»  i3 

»  14 

»  i5 

))  16 

»  17 

»  18 

»  19 

))  20 

»  21 

))  22 

))  23 

1)  24 

I)  25 

))  26 

»  27 

»  28 


Bouillon 

5 
5 

1 
ce. 

» 

6 

» 

» 

6 

1) 

2 

» 

» 

I 

)) 

)) 

2 

» 

» 

2 

)) 

I 

» 

» 

I 

» 

1/2 

» 

Épanchement 

I 

1) 

pleurétique 

Bouillon 

I 

» 

1/4 

» 

Liquide  pleur. 

1/2 

» 

» 

1/2 

» 

1) 

2/5 

» 

» 

1/2 

» 

■     » 

1/2 

» 

2/10 

)) 

» 

3/10 

» 

» 

4/10 

» 

i/io 

» 

)) 

i/io 

» 

i/io 

» 

{) 

i/io 

>) 

Bouillon 

i/io 

» 

2/10 

n 

tués. 


Meurt   après    10   heures. 

Malade   après     10    heures   et  tué. 

Meurt    après   g    heures. 

Meurt   après    9   heures. 

Pas    mort   après    11    heures     ) 

Pas   mort   après    11    heures     \ 

Meurt   après    10   heures. 

Vit  encore  le  lendemain,  mais  meurt  à  midi. 

Meurt   le   lendemain   à    11    heures. 

Meurt   le   lendemain    matin. 

Trouvé   mort   à    11    heures   du    matin. 

Meurt  après   4   heures. 

Meurt   après  10  heures. 

Meurt   après  12  heures. 

Meurt   après  10  heures. 

Meurt   après  10  heures. 

Meurt   après  12  heures. 
Malade   et   tué   après   9   heures. 

Meurt   après  10  heures. 

Meurt   après  12  heures. 

Meurt  après  10  heures. 

Meurt   après  S  heures. 

Meurt   après  10  heures. 

Meurt   après  10  heures. 

Meurt   après  10  heures. 

Meurt   après  10  heures. 
Survit. 
Meurt  le   lendemain. 


Ainsi,  dès  le  huitième  passage,  nous  étions  en  possession  d'un 
organisme  bien  virulent,  puisqu'il  tuait  le  lapin  à  la  dose  de  1/4  ce.  de 
bouillon. 


ÉTUDE  SUR  LES  PROPRIÉTÉS  DU  POISON  DU  CHOLÉRA  ASIATIQUE  195 

A  partir  du  seizième  passage,  la  virulence  de  notre  microbe  ne  parais- 
sait plus  augmenter  et  semblait  avoir  atteint  sa  limite  extrême  :  il  tuait  à 
la  dose  de  i/io  ce.  de  liquide  pleural  et  de  2/10  ce.  de  bouillon.  C'est  avec 
le  microbe  de  notre  dernier  passage  que  nous  avons  institué  nos  cultures. 
Les  résultats  que  nous  avons  obtenus  sont  donc  à  l'abri  du  reproche  suivant  : 
l-'organisme  employé  n'était  pas  virulent  ou  il  ne  l'était  que  très  peu,  par 
conséquent,  il  était  peut-être  dépourvu  de  sa  toxicité  spécifique. 

III.     LE  POISON  CHOLÉRIQUE  PRÉEXISTE  EN  ABONDANCE 

DANS   LES   DIFFÉRENTS   MILIEUX  DE  CULTURES 

DU   VIBRION   ASIATIQUE. 

Avant  de  commencer  l'étude  d'un  poison  microbien,  il  faut  être  bien 
sûr  que  ce  poison  se  trouve  dans  les  cultures  sur  lesquelles  on  expérimente. 
Or,  on  ne  peut  acquérir  cette  certitude  que  si  l'on  produit,  en  injectant  aux 
animaux  les  cultures  stérilisées,  les  mêmes  symptômes  qu'en  déterminant 
chez  eux  une  infection  par  le  microbe  vivant. 

Le  premier  point  sur  lequel  notre  attention  devait  porter  était  donc  la 
comparaison  entre  les  animaux  qui  mouraient  d'intoxication  et  ceux  qui 
mouraient  d'infection.  Commençons  par  ce  que  nous  avons  observé  chez 
le  lapin. 

La  série  des  symptômes  que  produit  chez  lui  l'inoculation  dans  la 
plèvre  est  la  suivante  :  après  un  stade  d'incubation  qui  peut  durer  plusieurs 
heures,  les  animaux  deviennent  tranquilles  et  apathiques;  ils  ne  mangent 
plus;  quelquefois,  ils  ont  des  selles  molles;  puis  se  manifeste  une  faiblesse 
générale  intense  qui  se  transforme  peu  à  peu  en  paralysie.  Ils  présentent 
de  la  dyspnée  et  succombent  sans  convulsions  ou  après  avoir  eu  quelques 
convulsions  finales. 

A  l'autopsie,  on  trouve  le  ventre  ballonné,  l'intestin  grêle  rempli  d'un 
liquide  abondant.  Tout  le  tube  intestinal  est  plus  ou  moins  congestionné, 
aussi  bien  à  l'extérieur  qu'à  l'intérieur.  La  congestion  est  plus  marquée  au 
niveau  des  plaques  de  Peyer  et  de  l'appendice  vermiculaire.  Très  souvent, 
elle  y  a  déterminé  de  petites  extravasations  de  sang,  qu'on  remarque  assez 
communément  dans  d'autres  parties  de  l'intestin.  Le  rectum  était  tantôt  vidé, 
tantôt  renfermait  encore  de  petites  boules  de  matières  dures. 

Tels  sont  les  symptômes  que  nous  avons  observés  chez  nos  nombreux 
lapins  ayant  succombé  à  l'infection,  soit  par  la  plèvre,  soit  par  la  voie 
sanguine. 


196  Ch.   SLUYTS 

Les  lapins  auxquels  nous  injections  des  cultures  tuées,  soit  par  le 
chloroforme,  soit  par  le  chauffage  à  60°,  nous  ont  donné  les  même  symp- 
tômes fonctionnels  et  les  mêmes  lésions  anatomiques.  Chez  eux  aussi, 
on  pouvait  noter  l'apathie,  l'abattement,  le  refus  de  nourriture,  la  para- 
lysie, et  enfin  la  mort,  avec  ou  sans  convulsions.  Quelquefois,  ils  avaient  un 
peu  de  diarrhée,  mais  c'était  l'exception.  A  l'autopsie,  on  trouvait  absolument 
les  mêmes  lésions. 

Nous  pouvons  conclure  sans  crainte  de  cette  identité  d'action  à  l'identité 
des  sécrétions  toxiques.  Nos  cultures  mortes,  stérilisées  avec  ménagement, 
renferment  sans  aucun  doute  les  mêmes  poisons  que  ceux  que  les  bacilles 
vivants  élaborent  au  sein  de  l'organisme. 

Nous  devons  néanmoins  reconnaître  que  le  lapin  est  loin  de  fournir  le 
tableau  des  symptômes  de  l'infection  cholérique  tel  qu'il  se  présente  chez 
l'homme.  Il  accuse  les  symptômes  généraux,  l'intestin  offre  des  altéra- 
tions manifestes,  mais  la  diarrhée  est  peu  marquée  ou  fait  complètement 
défaut.  Faut-il  en  déduire  que  chez  l'homme  le  vibrion  du  choléra  fabrique 
un  poison  spécial  qu'il  n'élabore  pas  chez  le  lapin  et  qui  ne  se  trouve  pas 
dans  nos  cultures? 

Nous  ne  le  croyons  pas;  au  contraire  nous  pensons  que  la  différence 
des  symptômes  tient  uniquement  à  la  nature,  nous  pourrions  dire  à 
l'idiosyncrasie  du  lapin.  Un  autre  poison,  celui  du  coli-bacille,  qui  exerce 
chez  l'homme  une  action  marquée  sur  l'intestin  et  qui  y  produit  les  trou- 
bles les  plus  graves  (choléra  nostras),  ne  provoque  habituellement  pas  de 
diarrhée  chez  le  lapin,  quoiqu'il  détermine  dans  son  intestin  des  lésions 
accusées.  Du  reste,  personne  ne  tire  de  l'absence  du  vomissement  chez 
le  lapin  un  argument  contre  la  présence  du  poison  cholérique  dans  les 
cultures. 

Pourquoi  n'admettrait-on  pas  également  que  l'intestin  du  lapin  ne 
réagit  pas  vis-à-vis  du  poison  de  la  même  façon  que  celui  de  l'homme? 

Les  mêmes  remarques  s'appliquent  au  cobaye;  lui  non  plus  ne  réagit 
pas  par  de  la  diarrhée,  soit  qu'on  dépose  dans  ses  tissus  des  microbes 
vivants,  soit  qu'on  injecte  des  cultures  mortes.  Néanmoins,  cet  animal  a 
été  beaucoup  employé  dans  les  recherches  sur  les  poisons  du  choléra  ;  et 
nous  croyons  que  c'est  ce  choix  qui  a  fait  considérer  la  question  de  cette 
toxine  comme  difficile  par  beaucoup  de  savants.  Nous  avons  également 
fait  quelques  inoculations  de  cultures  virulentes  au  cobaye  soit  dans  la 
plèvre,  soit  dans  le  péritoine,  soit  dans  le  tissu  cellulaire,  et  nous  avons 


ÉTUDE  SUR  LES  PROPRIÉTÉS  DU  POISON  DU  CHOLÉRA  ASIATIQUE  197 

trouvé,  comme  les  auteurs,  que  cet  animal  ne  présente  pas  de  diarrhée, 
quoique  son  intestin  soit  le  siège  de  lésions  manifestes  semblables  à  celles 
du  lapin. 

Le  chien  est  un  animal  beaucoup  plus  favorable  pour  cette  étude.  En 
effet,  comme  nous  le  verrons  plus  bas,  il  présente  le  tableau  presque  com- 
plet du  choléra  tel  qu'il  existe  chez  l'homme;  et  dans  nos  expérience,  nous 
avons  trouvé  une  concordance  parfaite  entre  le  mode  d'action  des  cultures 
vivantes,  c'est-à-dire  de  l'infection,  et  celui  des  cultures  stérilisées  avec 
ménagement,  c'est-à-dire  de  l'intoxication.  Dans  les  deux  cas,  on  observe 
les  symptômes  suivants. 

x\u  bout  d'un  temps  variable,  suivant  qu'il  s'agit  d'intoxication  ou  d'in- 
fection, les  animaux  perdent  leur  vivacité,  ils  sont  abattus  et  présentent  des 
vomissements  ;  ceux-ci  sont  d'abord  alimentaires,  puis  formés  par  du  mucus 
spumeux,  plus  tard  encore  les  efforts  de  vomissements  n'amènent  plus 
rien.  En  même  temps,  il  se  déclare  une  diarrhée  plus  ou  moins  abondante; 
les  selles  sont  molles,  composées  des  restes  d'aliments,  plus  tard  formées 
de  mucus,  colorées  quelquefois  en  rouge  par  du  sang.  Dans  l'intervalle  d-es 
défécations,  l'animal  fait  souvent  de  nombreux  efforts  pour  expulser  une  selle; 
mais  il  ne-parvient  à  ramener  à  l'extérieur  que  quelques  gouttes  de  liquide. 
L'abattement  devient  de  plus  en  plus  considérable;  le  chien  reste  couché 
en  poussant  des  cris  plaintifs,  qui  deviennent  plus  aigus  dès  qu'on  com- 
prime le  ventre.  Il  meurt  dans  une  prostration  complète,  en  présentant 
de  l'hypothermie. 

A  l'autopsie,  on  trouve,  d'une  façon  constante,  des  lésions  du  tube 
digestif.  Dans  l'intestin  grêle,  c'est  une  rougeur  plus  ou  moins  prononcée, 
généralement  plus  accusée  dans  les  parties  supérieures.  Quand  elle  est  bien 
marquée,  on  peut  la  voir  à  travers  les  parois  intestinales.  Quelquefois,  elle 
colore  toute  la  muqueuse  d'une  teinte  rouge,  violacée,  foncée;  alors,  on 
ne  manque  jamais  de  trouver  l'épithélium  desquamé.  Dans  le  rectum  la 
rougeur  n'a  pas  le  caractère  diffus  qu'elle  présente  dans  l'intestin  grêle;  elle 
existe  surtout  au  sommet  des  plis,  qui  présentent  souvent  des  érosions. 
Quand  les  lésions  sont  très  prononcées,  on  observe  de  la  rougeur  de  l'esto- 
mac. Il  est  à  peine  besoin  de  dire  que  le  tube  digestif  est  vide  d'aliments. 

Nous  répétons  que  tous  ces  troubles  et  que  toutes  ces  lésions  existent 
au  même  degré  chez  l'animal  qui  meurt  d'infection  et  chez  celui  qui  meurt 
d'intoxication.  En  voici  quelques  exemples. 


198  Ch.  SLUYTS 

Expérience  I. 

A  un  jeune  chien  du  poids  de  iioo  gr.,  nous  injectons  dans  la  plèvre  i  ce. 
d'une  émulsion  vivante  de  vibrions  venus  sur  pommes  de  terre  (i  gr.  de  culture  pour 
9  d'eau  salée  physiologique).  L'injection  a  lieu  à  2  1/2  h.  de  l'après-midi.  Le  soir 
il  était  malade  ;  il  avait  eu  4  vomissements  et  3  selles.  Nous  le  tuons.  A  l'autopsie, 
nous  trouvons  une  congestion  peu  marquée  de  l'intestin  grêle  et  des  stries  rouges 
dans   le    rectum.    Dans   la   plèvre,    choléra   pur   et  vivant. 

A  un  second  chien  dit  poids  de  ii5o  gr.,  nous  injectons,  à  la  même  heure, 
2   ce.    de   la   même   émulsion;   l'animal    meurt   le  lendemain   à    11    h.,    après   avoir  eu 

4  vomissements  et  4  selles.  A  l'autopsie,  lésions  habituelles  très  marquées.  Dans  la 
plèvre,    choléra  pur. 

A  un  troisième  chien  pesant  1200  gr.,  nous  injectons  4  ce.  de  la  même  émulsion, 
mais  après  avoir  tué  les  vibrions  par  le  chloroforme.  Tous  les  sjmiptômes  du  choléra 
se   développent    chez   lui    plus   rapidement    que    chez    les    2   chiens   précédents  ;    il    a 

5  vomissements  et  4  selles.  A  7  1/2  h.  du  soir,  sa  température  n'est  plus  que  de  34°, 3  et 
il  est  trouvé  mort  à  g  h.  du  soir.  A  l'autopsie,  nous  trouvons  des  lésions  prononcées, 
à   tel    point   qu'on    aperçoit    la    rougeur    de    la    muqueuse   par   transparence   à    travers 

les  parois  de  l'intestin.  Les  plis  de  la  muqueuse  rectale  offrent  des  sufl'usions  sanguines. 

« 

En  résumé,  dans  cette  expérience,  nous  observons  le  même  ordre  de 
phénomènes,  aussi  bien  chez  les  chiens  qui  ont  eu  les  cultures  vivantes 
que  chez  celui  qui  a  reçu  les  cultures  mortes.  Comme  ces  phénomènes  pré- 
sentent au  plus  haut  degré  les  caractères  cholériformes,  il  faut  bien  admettre 
que  le  vrai  poison  du  choléra  préexistait  dans  nos  cultures  sur  pommes 
de  terre. 

En  opérant  sur  des  chiens,  on  peut  se  convaincre  que  le  même  poison 
préexiste  dans  les  cultures  faites  au  moyen  de  bouillons.  Nous  en  donnons 
également  quelques  exemples. 

Expe'rience  II. 

Injections  de  cultures  dans  le  bouillon  de  Gamaléïa,  stérilisées  par  le  chloroforme 

ou    par   le    chauffage    à  60". 

CHIEN  \.  Poids  1000  gr.  A  11  h.,  nous  lui  injectons  dans  la  plèvre  5  ce. 
de  bouillon  de  Gamaléïa,  âgé  de  5  jours  et  stérilisé  par  le  chloroforme.  L'anesthé- 
sique  a  été  au  préalable  chassé,  comme  toujours,  par  une  douce  chaleur  (45°). 
L'animal  présente  bientôt  les  mêmes  symptômes  qui  suivent  l'inoculation  de  vibrions 
vivants.  Il  a  4  vomissements  et  6  selles,  dont  quelques-unes  ont  un  caractère  rizi- 
forme  bien  prononcé,  c'est-à-dire  qu'elles  sont  formées  d'un  liquide  dans  lequel  nagent 
des  flocons  de  mucus  L^animal  succombe  peiîdant  la  nuit.  Lésions  caractéristiques 
du   gros   intestin. 


ÉTUDE  SUR  LES  PROPRIÉTÉS  DU   POISON  DU  CHOLÉRA  ASIATIQUE  199 

CHIEN  II.  Poids  gSo  gr.  A  ii  h.,  nous  lui  injectons  dans  la  plèvre  8  ce.  du 
bouillon  précédent,  mais  chauffé  2  heures  à  60°.  Il  a  2  vomissements  et  2  selles  qui 
lui  souillent  l'anus.  A  2  1/2  h.,  T°  340,9;  il  meurt  le  soir  à  5  heures.  Lésions  très 
prononcées  de  l'intestin  :  la  muqueuse,  à  partir  du  pylore  jusque  vers  le  milieu 
de   l'intestin   grêle,    présente   une   rougeur  diffuse   intense. 

Le  poison  préexiste  non  seulement  dans  le  bouillon  de  Gamalêïa,  mais 
encore  dans  le  bouillon  ordinaire  additionné  de  3  o/o  de  gélatine. 
En  voici  la  preuve  : 

Expérience  III. 

Injection    de  culture  dans  du  bouillon  ordinaire  additionné  de  3  o'o  de  gélatine 

et    stérilisé   à    60°. 

L'exemple  que  nous  choisissons  se  rapporte  à  un  chien  adulte  qui  s'est  rétabli 
complètement  de  son  injection.  Chien  de  4980  gr.  injecté  à  midi  avec  10  ce.  de 
bouillon  dans  la  plèvre.  Il  présente  en  tout  5  vomissements  et  7  selles,  dont  les 
dernières   sont   diarrhéiques.    Le    lendemain,  il  est   rétabli. 

L'action  du  poison  à  première  -vue  peut  paraître  plus  faible  ;  mais  remarquons 
qu'il  s'agit  d'un  chien  de  près  de  5  kilos  et  que  la  dose  injectée  n'a  été  que  de  10  ce. 

Le  bouillon  sans  gélatine  produit  chez  le  chien  les  mêmes  symptômes 
que  le  bouillon  de  Gamaléia  et  le  bouillon  avec  gélatine. 

Nous  avons  ainsi  prouvé  que  les  cultures  sur  pommes  de  terre  et  les 
cultures  dans  les  différents  bouillons  renferment  un  poison  qui  reproduit 
clie{  le  chien  les  symptômes  essentiels  du  choléra  :  vomissements,  diarrhée, 
prostration,  hypothermie.  Si  certains  de  ces  symptômes,  comme  la  diarrhée, 
sont  peu  prononcés  chez  le  lapin  et  le  cobaye,  ce  n'est  pas  parce  que  le 
poison  ne  préexiste  pas  dans  les  cultures,  mais  uniquement  parce  que  ces 
animaux  réagissent  autrement  que  le  chien  et  l'homme.  N'oublions  pas  du 
reste  que  si,  pendant  la  vie,  les  symptômes  intestinaux  sont  peu  accusés 
ou  même  font  défaut  chez  les  rongeurs,  ces  animaux  présentent  néanmoins 
à  l'autopsie  des  lésions  incontestables. 

Nous  pourrions  du  l'este  continuer  le  parallèle  entre  la  symptomato- 
logie  présentée  par  le  chien  et  celle  présentée  par  l'homme.  Ce  dernier 
succombe  quelquefois  au  choléra  sans  présenter  ni  vomissement,  ni 
diarrhée  :  c'est  le  choléra  sec.  Cette  forme  est  considérée  comme  un 
choléra  à  intoxication  extrêmement  rapide.  Chez  nos  chiens  qui  succom- 
baient en  peu  de  temps,   nous  avons  observé  un  état,  si  pas  tout  à  fait 


200  Ch.  SLUYTS 

identique,  du  moins  très  analogue  :  les  vomissements  ou  les  selles  man- 
quaient complètement  ou  ne  se  produisaient  qu'une  fois;  mais  malgré 
cette  absence  apparente  de  sensibilité  de  l'intestin  à  l'intoxication,  on 
trouvait  à  l'autopsie  les  lésions  les  plus  pi^ofondes,  comme  l'expérience 
qui  suit  le  démontre. 

Expérience  IV. 

Injection    de   cultures    dans   du    bouillon   gélatinisé   et   stérilisé   à   60". 

A  un  chien  de  2  kilogr.,  nous  injectons  à  2  1/2  heures  dans  la  veine  jugulaire 
externe  une  culture  âgée  de  3  jours  ;  l'injection  était  de  20  ce.  de  bouillon  stérilisé 
2  heures  à  60°.  Une  demi-heure  après,  il  présentait  un  petit  vomissement  ;  puis  après 
survinrent  rapidement  de  l'abattement,  de  la  paralysie,  de  l'hypothermie,  et  le  chien 
mourut  2  1/2  h.  après  l'injection.  A  l'autopsie,  l'intestin  grêle  était  fortement  conges- 
tionné, surtout  près  de  l'estomac;  le  rectum  présentait  des  traînées  hémorrhagiques 
sur   les    plis    longitudinaux. 

IV.     ACTION  DE  LA  CHALEUR. 

Nous  avons  vu  en  faisant  l'exposé  historique  de  la  question,  qu'il 
règne  des  divergences  sur  la  nature  du  poison  du  choléra.  D'après  Pétri, 
le  poison  supporte  bien  la  température  de  l'ébullition;  d'après  Scholl, 
HuEPPE,  Gamaléia  et  Pfeiffer,  il  est  détruit  bien  en  dessous  de  cette  tem- 
pérature. D'après  Gamaléia,  il  se  décomposerait  déjà  à  une  température 
de  70°;  d'après  Scholl,  un  chauffage  de  40°-450  pendant  24  heures  aurait 
le  même  effet. 

Voyons  les  résultats  auxquels  nous  sommes  arrivé  de  notre  côté.  Nos 
expériences  se  laissent  grouper  en  deux  catégories  : 

1°     Celles  faites  avec  les  cultures  chauffées  à  100". 

2°     Celles  faites  avec  les  cultures  chauffées  à  120". 

Remarquons  qu'elles  ont  été  faites  avec  les  mêmes  produits  que  les 
précédentes,  et  que  nous  n'avons  jamais  négligé  de  faire,  à  côté  de  nos 
expériences  avec  les  cultures  chauffées  à  haute  température,  des  contrôles 
avec  les  cultures  stérilisées  à  60°. 


ÉTUDE  SUR  LES   PROPRIÉTÉS  DU   POISON  DU   CHOLÉRA  ASIATIQUE  201 

A.     Recherches  avec  les  cultures  chauffées  à  loo". 
Expérience  V. 

Une  émulsion  de  vibrions  venus  sur  pommes  de  terre  est  divisée  en  deux  parties  : 
l'une  est  chauffée  à  60  degrés  pendant  10  minutes,  l'autre  à  loo"  pendant  le  même  temps. 

Nous  injectons  deux  lapins  dans  la  plèvre  avec  2  ce.  et  4  ce.  de  chaque  émulsion  ;  les 
lapins  ont  la  même  taille  ;  les  résultats  se  trouvent  consignés  dans  le  tableau  suivant  : 

TABLEAU     IL 


ANIMAUX 

NATURE 

ET     LEURS     POIDS 

DU     LIQUIDE 
INJECTÉ 

DOSE 

EPOQUE     DE     LA     MORT 

I. 

Lapin 

de    1600 

gi- 

\    Émulsion   des 
pommes  de  terre 
i         chauffée 
/    10  min.  à  60°. 

4  ce. 

L'animal  meurt  après  6  heures. 

II. 

Lapin 

de    1400 

gr- 

2     » 

1)               ))           1)    36        1) 

III. 

Lapin 

de    1600 

gr- 

jMême   émulsion 
>         chauffée 

4     » 

1)               ))           »      4        » 

IV. 

Lapin 

de    1400 

gi- 

)  10  min.  à  100". 

2     » 

))                ))           1)    28        1) 

Dans  cette  expérience,  les  deux  émulsions  produisent  sensiblement  le 
même  effet.  Si  l'on  voulait  s'en  tenir  strictement  à  la  durée  de  survie,  il 
faudrait  même  admettre  que  la  portion  chauffée  à  100°  est  plus  active  que 
celle  qui  a  été  chauffée  à  60°;  mais  nous  croyons  que  cet  accroissement 
de  puissance  n'est  pas  réel  et  que  la  mort  un  peu  plus  rapide  doit  s'expli- 
quer par  les  conditions  individuelles  dans  lesquelles  se  trouvent  les  lapins. 
Nous  avons  eu,  en  effet,  fréquemment  l'occasion  de  remarquer  que  les 
différents  animaux,  tout  en  appartenant  à  la  même  espèce  et  en  ayant  le 
même  âge,  opposaient  à  l'intoxication  une  résistance  variable.  Nous  avons 
même  vu,  quand  nous  donnions  aux  mêmes  animaux  des  doses  doubles 
l'une  de  l'autre,  survivre  celui  qui  avait  eu  la  plus  forte  dose,  et  mourir 
celui  qui  avait  reçu  la  plus  faible.  Dans  l'étude  du  poison  cholérique, 
comme  dans  les  recherches  bactériologiques  en  général,  il  est  indispensable 
de  tenir  compte  non  de  faits  isolés,  mais  de  l'ensemble  des  expériences. 

Nous  pouvons  ajouter  que  les  symptômes  présentés  par  nos  quatre 
lapins  concordaient  entre  eux,  et  ne  différaient  pas  de  ceux  qu'offraient  les 


25 


202  Ch.  SLUYTS 

lapins  inoculés  avec  des  cultures  vivantes.  Le  lapin  III,  qui  avait  reçu  4  ce. 
de  l'émulsion  chauffée  à  100",  présenta  un  léger  écoulement  de  sang  par 
l'anus.  A  l'autopsie  des  quatre  animaux,  nous  trouvâmes  une  forte  con- 
gestion de  tout  l'intestin  grêle,  avec  une  foule  de  points  hémorrhagiques, 
surtout  dans  les  plaques  de  Peyer  et  l'appendice  vermiculaire. 

Dans  ces  expériences,  la  diarrhée  fait  défaut,  mais  nous  la  retrouvons 
chez  un  chien  qui  reçut  4  ce.  d'une  émulsion  semblable,  chauffée  également 
à  100°  pendant  10  minutes. 

Expérience  VI. 

Jeune  chien  d'un  kilogramme;  injection  dans  la  plèvre  de  4  ce.  d'émulsion  chauffée 
pendant  10  minutes  à  loo». 

L'animal  devient  rapidement  malade. 

1/4  d'heure  après  l'injection,  il  a  un  vomissement  et  une  selle. 

1/4  d'heure  plus  tard,  deux  selles  très  molles,  constituées  presque  uniquement  d'eau  et 
de  mucus.  Fort  ténesme  et  efforts  pour  aller  à  selle. 

1/4  d'heure  après,  il  a  encore  deux  vomissements  et  une  selle  riziforme.  Le  ténesme 
persiste. 

Dans  la  suite,  il  présente  encore  trois  vomissements  et  fait  continuellement  des  efforts 
pour  aller  à  selle,  mais  sans  expulser  autre  chose  que  quelques  gouttes  de  liquide  ;  vers  le 
soir,  il  a  une  selle'mélangée  d'un  peu  de  sang.  Les  efforts  pour  aller  à  selle  sont  constants. 
L'animal  est  tué  le  soir  ;  l'intestin  renferme  un  liquide  noir  (sang  altéré)  ;  au  niveau  du  gros 
intestin,  congestion  des  plis  longitudinaux. 

Malgré  la  haute  température  à  laquelle  l'émulsion  a  été  soumise,  ce 
petit  chien  nous  présente  un  tableau  complet  et  intense  de  l'intoxication 
cholérique.  Concurremment  avec  cette  expérience,  nous  en  avons  fait  une 
autre  sur  un  chien  de  même  taille,  avec  les  mêmes  doses  de  cultures  non 
chauffées,  mais  stérilisées  par  le  chloroforme.  Ce  petit  chien  fut  affecté 
comme  le  précédent,  mais  avec  une  intensité  sensiblement  égale. 

Nous  concluons  de  ces  deux  expériences  sur  les  lapins  et  les  chiens 
qu'un  chauffage  à  100°  pendant  10  minutes  n'affaiblit  pas  sensiblement 
[énergie  du  poison  cholérique.  Cette  conclusion  est  absolument  contraire 
aux  résultats  obtenus  par  Scholl,  Hueppe,  Gamalêïa  et  Pfeiffer. 

B.     Recherches   avec   les   cultures   chauffées   à  la  température   de   120°. 

Les  premières  expériences  que  nous  allons  rapporter  ont  été  faites  en 
même  temps  que  les  expériences  avec  les  cultures  sur  pommes  de  terre 
chauffées  à  100°,  sur  des  animaux  de  mêmes  poids  et  dans  les  mêmes 
conditions. 


ÉTUDE  SUR  LES  PROPRIÉTÉS  DU   POISON  DU  CHOLÉRA  ASIATIQUE  2o3 


Nous  commençons  par  les  expériences  sur  les  lapins. 

TABLEAU    III. 


ANIMAUX 
ET   LEURS    POIDS 


NATURE 

DU     LIQUIDE 

INJECTÉ 


DATE     DE     LA     MORT 


Lapin    de    1600   gr. 


Lapin   de    i5oo   gr. 


Émulsion   des 

(pommes  de  terre 

chauffée 

10  min.  à  120°. 


4    ce. 


Meurt   après    22    heures. 


52 


Malgré  un  chauffage  à  120°  pendant  10  minutes,  notre  poison  est  resté 
actif;  à  en  juger  par  cette  seule  expérience,  il  aurait  pourtant  perdu  un  peu 
de  son  énergie  ;  mais  nous  ne  trouvons  plus  cet  affaiblissement  dans  les  expé- 
riences suivantes.  Aussi  croyons-nous  que  la  plus  grande  durée  de  survie 
est  un  simple  effet  du  hasard.  Du  reste,  les  animaux  présentaient  les  mêmes 
symptômes  que  les  témoins.  A  l'autopsie,  celui  qui  reçut  la  forte  dose 
montra  une  forte  congestion  avec  des  taches  hémorrhagiques. 

En  même  temps  que  nous  avons  injecté  au  petit  chien  de  l'expérience 
VI  (pag.  202)  la  culture  sur  pomme  de  terre  chauffée  à  100°  pendant  10  mi- 
nutes, nous  avons  injecté  à  un  chien  de  même  taille  la  même  culture 
chauffée  à  120°  pendant  10  minutes  également.  Nous  trouvons  dans  notre 
cahier  d'observations  les  notes  suivantes  : 

A  midi.  Injection  de  4  ce.  dans  la  plèvre. 

A  midi  20.  Un  vomissement  et  i  selle;  l'animal  est  abattu. 

A  midi  35.  2^  vomissement. 

A  I  h.  2  nouveaux  vomissements  et  i  selle  molle. 

A  2  h.  5"=  vomissement. 

A  6,1 5  h.  Région  anale  souillée  de  matières  fécales,  ténesme  continuel  ;  l'animal 

gémit  sans  cesse. 

A  9  h.  Prostration  profonde. 

Le  lendemain.  Le  chien  est  trouvé  mort  au  matin.  A  l'autopsie,  les  intestins  sont 
extérieurement  rouges;  à  leur  ouverture,  nous  trouvons  une  congestion 
excessivement  marquée  ;  l'intestin  grêle  est  rouge  foncé  dans  toute  sa 
longueur,  le  rectum  présente  des  érosions  hémorrhagiques. 

Nous  pouvons  dire  que  ce  chien  présente  des  troubles   fonctionnels 
et  des  lésions  au  moins  aussi  intenses,  que  les    deux  petits  chiens  précé- 


204  Ch.  SLUYTS 

dents,  dont  l'un  avait  reçu  la  culture  tuée  par  le  chloroforme,  et  l'autre 
la  culture  chauffée  pendant  lo  minutes  à  100°.  Un  chauffage  à  120°  pen- 
dant 10  minutes  est  par  conséqueiit  sans  action  sensible  sur  la  toxicité'  des 
cultures  sur  pommes  de  terre. 

Ce  ne  sont  pas  seuleïnent  les  cultures  sur  pommes  de  terre  qui  sup- 
portent cette  haute  température;  les  bouillons  se  comportent  absolument 
de  la  même  façon.  Voici  une  expérience  faite  avec  le  bouillon  de  Gamaléïa, 
chauffé  non  plus  pendant  10  minutes,  mais  pendant  une  demi-heure  à  120°. 

Expérience   VII. 

Jeune  chien  de  i  kilogr. 

Nous  injectons  à  1 1  h.  dans  la  plèvre  8  ce.  de  bouillon. 

II  1/2    h.,    l'animal   a    déjà  eu  2  vomissements  dont  un  très  abondant;  faiblesse  et 
prostration  considérables. 
I  h.         selle  molasse,  couverte  de  mucosités. 
Nous  le  tuons  le  lendemain  dans  l'après-midi;  dans  le  gros  intestin,   nous  trouvons  les 
lésions  ordinaires,  mais  peu  accentuées. 

Le  lendemain,  nous  soumettons  l'émulsion,  qui  avait  été  chauffée  pen- 
dant 1/2  h.  à  120°,  à  un  nouveau  chauffage  à  la  même  température,  mais 
cette  fois-ci  pendant  une  heure,  de  sorte  que  nous  avons  une  émulsion 
soumise  à  cette  température  pendant  1  1/2  h.  Malgré  ce  chauffage  prolongé, 
nous  obtenons  encore  les  mêmes  effets  cholériformes,  comme  le  prouvent 
les  deux  chiens  de  l'expérience  suivante  : 

Expérience   VIII. 

CHIEN  I  du  poids  de  1600  gr. 

A  3,3o  h.      injection  de  i3  ce.  dans  la  plèvre.  Presque  immédiatement  une  selle. 

A  4  h.  l'animal  gémit  presque  continuellement;    il  a  du  ténesme  qui  détermine 

l'expulsion  de  quelques  gouttes  de  liquide. 
A  5  h.  2  vomissements  très  abondants. 

A  7  h.  2  nouveaux  vomissements  ;  les  efforts  de  défécation  et  de  ténesme  persistent; 

mais  ils  ont  uniquement  pour  effets  la  sortie  de  quelques  gouttes  de  liquide; 
l'animal    meurt  pendant  la  nuit.    A   l'autopsie,   congestion   très    marquée 
de  l'intestin  grêle,  qui  renferme  un  liquide  hémorrhagique  dans  toute  sa 
longueur.  Par  contre  les  lésions  dans  le  rectum  sont  peu  prononcées. 
CHIEN  II  du  poids  de  1000  gr. 

A  3,40  h.     Injection  de  14  ce.  de  l'émulsion  dans  la  plèvre. 

A  3,45  h.     2  selles  liquides,  l'animal  commence  à  gémir  et  à  présenter  de  l'abattement, 
A  4  1/2  h.     troisième  selle  liquide,  expulsée  en  jet. 


ÉTUDE  SUR  LES  PROPRIETES  DU   POISON  DU  CHOLERA  ASIATIQUE  205 

A  7,1 5  h.  un  vomissement  et  2  selles  liquides;  pendant  que  le  thermomètre  est  intro- 
duit dans  l'anus,  de  nouvelles  matières  liquides  s'écoulent  le  long  de 
l'instrument. 

A  7  1/2  h.     nouvelle  selle  liquide. 
Le  lendemain  matin,  l'animal  est  encore  en  vie,  mais  il  meurt  vers  midi.  A  l'autopsie,  con- 
gestion très  marquée  dans  plusieurs  segments  de  l'intestin  grêle,  nulle  dans 
d'autres.  Une  invagination.  Lésions  très  prononcées  de  la  muqueuse  rectale. 

Les  effets  que  nous  avons  obtenus  avec  les  bouillons  chauffés  à  1 20° 
ne  sont  pas  un  effet  du  hasard;  nous  disposons  d'autres  expériences  de  ce 
genre,  et  la  question  nous  semble  assez  importante  pour  rapporter  briève- 
ment les  deux  suivantes. 

Elles  se  distinguent  des  précédentes  en  ce  que  l'injection  a  été  poussée 
non  plus  dans  la  plèvre,  mais  directement  dans  la  veine  jugulaire  externe. 

Expérience  IX. 

CHIEN    I,    de    2    kilogrammes. 

Injection  de  10  ce.  de  bouillon  ordinaire  gélatinisé  dans  la  jugulaire  ex- 
terne. Le  bouillon  a  été  stérilisé  pendant  \  h.  à  120". 
injection  du  liquide, 
un  premier  vomissement. 

6  nouveaux  vomissements  alimentaires  ou  muqueux  et   2  selles  molles. 
2  autres  vomissements  de  mucosités  verdàtres  et  2  autres  selles  muqueu- 
ses; prostration  profonde, 
température  rectale,  36o,5. 

le  chien  meurt.  A  l'autopsie,  congestion  extraordinairement  forte  depuis 
le  pylore  jusqu'au  rectum  ;  suffusions  sanguines  de  la  muqueuse  dans 
toute  son  étendue  ;  lésions  habituelles  de  la  muqueuse  rectale.  L'estomac 
lui-même  participe  à  la  congestion  et  présente  des  points  hémorrhagiques 
et  des  suffusions  sanguines. 

CHIEN    II,    poids  2  kilogrammes. 

A  12, 3o  h.       injection  dans  la  jugulaire  externe  de  20  ce.  du  même  bouillon  gélatinisé, 
chauffé  à  110°  pendant  1  heure. 

A  12,33  h.       3  vomissements  et  2  selles  molles. 

A  12,40  h.       nouvelle  selle. 

A    2, GO  h.       6  vomissements  nouveaux  et  3  selles. 

A    3,00  h.       un   nouveau   vomissement   suivi    d'une    selle    et   d'un   vomissement   de 
liquide  spumeux.  Prostration  profonde. 

A    7,00  h.       l'abattement  diminue. 
Le  lendemain,  l'amélioration  continue. 

(matin)  Le  chien  se  remet  complètement  de  son  injection.    Deux  jours  après, 

nous  le  tuons  et  nous  lui  ouvrons  l'intestin.  Pas  de  congestion,  pas 
d'hémorrhagies. 


A 

12,43  h. 

A 

12,48  h. 

A 

2,00  h. 

A 

3,i5  h. 

A 

6,00  h. 

A 

6,3o  h. 

2o6  Ch.  SLUYTS 

Si  nous  faisons  le  bilan  de  cette  dernière  expérience,  nous  y  rencontrons 
l'histoire  de  deux  chiens  injectés  dans  le  sang  avec  un  bouillon  chauffé  à 
120°  pendant  une  heure. 

Le  premier  présente  neuf  vomissements  et  quatre  selles  en  l'espace  de  ^l 

trois  heures.  '  ^] 

Le  second  a  onze  vomissements  et  sept  selles  dans  le  même  espace  de  'l 

temps.  - 

Les  premières  déjections  sont  constituées  par  les  aliments,  les  dernières 
par  des  masses  liquides  ou  muqueuses  ;  les  deux  animaux  présentent  une 
prostration  profonde.  Ils  poussent  des  cris  perçants  au  moindre  attouche- 
ment du  ventre;  le  premier  meurt  avec  une  hypothermie  marquée  et  il  pré- 
sente à  l'autopsie  une  localisation  intestinale  des  plus  intenses.  N'est-ce 
pas  là  un  tableau  frappant  du  choléra  et  une  reproduction  de  la  maladie 
aussi  parfaite  qu'on  pourrait  le  souhaiter  chez  l'animal  ? 

Au  moyen  de  bouillon  pur  injecté  dans  les  vaisseaux,  nous  nous 
sommes  assuré  que  les  S3fmptômes  décrits  doivent  être  attribués  au  vibrion 
du  choléra  et  nullement  aux  substances  qui  entrent  dans  la  composition 
du  bouillon. 

Nous  concluons  que  la  substance  qui  produit  les  symptômes  cholérifor- 
7nes  résiste,  non-  seulement  à  une  température  de  ioo°,  mais  à  celle  de  120° 
prolongée  pendant  1  heure  et  même  1  1/2  heure,  sans  que  ses  effets  soient 
atténués  d'une  façon  sensible.  Mais  pour  bien  mettre  ceux-ci  en  évidence,  il 
est  nécessaire  de  recourir  à  des  animaux  appropriés,  tels  que  le  chien,  et 
non  aux  lapins. 

V.     ACTION  DE  LA  LUMIÈRE  ET  DE  L'OXYGÈNE. 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  savoir  quelle  est  l'action  de  la  lumière  et  de 
l'oxygène  sur  les  poisons  microbiens,  car  comme  ceux-ci  s'introduisent  de 
plus  en  plus  dans  les  expériences  du  laboratoire  comme  dans  les  vaccina- 
tions sur  l'homme,  il  importe  d'être  fixé  sur  l'influence  qu'exercent  sur  eux 
ces  deux  agents,  au  contact  desquels  ils  peuvent  être  continuellement  ex- 
posés. Cette  connaissance  est  surtout  nécessaire  quand  on  voit  certains  I 
poisons,  comme  ceux  de  la  diphtérie  et  du  tétanos,  être  d'une  sensibilité  , 
extrême  vis-à-vis  de  ces  facteurs. 

Pour  étudier  Faction  de  la  lumière,  nous  avons  versé  une  émulsion  de 
vibrions  cultivés  sur  pommes  de  terre,  stérilisée  par  le  chloroforme,  dans  4 

un  matras  à  large  fond,  de  façon  à  ce  que  la  couche  n'ait  qu'un  millimètre 


ÉTUDE  SUR  LES  PROPRIÉTÉS  DU   POISON  DU  CHOLÉRA  ASIATIQUE  207 


d'épaisseur  et  que  les  rayons  solaires  puissent  l'impressionner  dans  toute  sa 
masse.  La  durée  d'insolation  de  notre  matras  fut  de  24  heures.  Le  matras 
était  fermé  hermétiquement  au  moyen  d'un  bouchon  en  caoutchouc. 

Nous  injectâmes  cette  émulsion  à  deux  lapins  à  des  doses  que  la 
pratique  nous  permettait  de  considérer  comme  suffisantes  pour  produire  la 
mort.  En  effet,  il  fallait  éviter  de  donner  des  doses  plusieurs  fois  mortelles, 
sinon  un  affaiblissement  peu  notable  du  poison  aurait  passé  inaperçu.  Or, 
une  expérience  préliminaire,  qui  avait  porté  sur  cinq  lapins  et  avait  été  faite 
dans  le  but  de  fixer  la  toxicité  de  notre  émulsion,  avait  donné  les  résultats 
suivants  : 


Injections  de  o,25  ce. 
»  o,5o  ce. 

»  1,00  ce. 

»  2,00  ce. 

»  4,00  ce, 


L'animal  suivit. 

Idem. 
Mort  après  4  jours. 
Trouvé  mort  le  lendemain. 
Meurt  après  6  heures. 


Nous  avons  donc  choisi,  pour  étudier  l'action  de  la  lumière,  des  doses 
d'émulsion  de  2  et  4  ce. 

Comme  contrôle,  nous  avons  injecté  à  deux  lapins  les  mêmes  doses, 
mais  d'une  émulsion  mise  dans  un  matras  conservé  dans  l'obscurité. 

TABLEAU    IV. 


NATURE 

POIDS     DES     ANIMAUX 

DU     LIQUIDE 

DOSE 

DATE     DE     LA     MORT 

INJECTÉ 

1400 

1     Non   exposé 

4    ce. 

Meurt    après    19    heures. 

i3oo 

\        au   soleil. 

2     1) 

»               II          1) 

1470 

Exposé  pendant 

4     » 

))               II          1) 

1400 

24  h.  au  soleil. 

2     » 

))              14         » 

L'expérience  nous  a  paru  suffisamment  décisive  pour  que  nous  ayons 
jugé  inutile  de  la  recommencer,  d'autant  plus  que  les  lapins  présentaient  la 
localisation  intestinale  habituelle,  telle  que  :  congestion,  points  hémorrha- 
giques,  gonflement  des  plaques  de  Peyer. 

Nous  pouvons  conclure  que  le  poison  cholérique  est  résistant  vis-à-vis 
de  la  lumière.  Il  se  distingue,  à  ce  point  de  vue,  d'autres  poisons  microbiens, 
tels  que  ceux  de  la  diphtérie  et  du  tétanos,  qui  présentent  une  instabilité 
aussi  marquée  vis-à-vis  de  cet  agent  que  vis-à-vis  des  températures  dé- 
passant 60°. 


2o8  Ch.   SLUYTS 

Comment  notre  poison  se  comporte-t-il  vis-à-vis  de  l'oxygène?  La 
question  est  d'autant  plus  intéressante  que,  d'après  Scholl(i)  et  Hueppe('2), 
ce  produit  ne  se  formerait  dans  lés  cultures  qu'à  l'abri  de  l'oxygène.  C'est 
même  pour  ce  motif  que  ces  auteurs  ont  fait  leurs  ensemencements  à  l'in- 
térieur d'œufs. 

D'après  nos  diverses  expériences,  nous  devons  considérer  cette  crainte 
comme  exagérée.  Dans  le  but  de  nous  fixer  aussi  bien  sur  la  virulence  que 
sur  la  toxicité  du  vibrion  cholérique  cultivé  à  l'abri  de  l'oxygène,  nous  avons 
fait  des  ensemencements  dans  des  bouillons,  les  uns  sucrés,  les  autres  non 
sucrés,  et  soustraits  à  l'action  de  l'oxygène  de  l'air  par  une  couche  d'huile 
d'olive. 

Dans  les  derniers,  nous  n'avons  obtenu  qu'un  développement  extrême- 
ment faible  et  après  stérilisation  à  6o',  ils  ne  montrèrent  qu'une  toxicité 
bien  inférieure  à  celle  des  bouillons  aérobies.  Dans  les  bouillons  sucrés 
et  maintenus  à  l'abri  de  l'air,  le  développement  microbien  et  la  toxicité 
n'étaient  pas  plus  marqués. 

Nous  pouvons  ajouter  à  ce  propos  que  les -vibrions,  qui  se  sont  déve- 
loppés dans  ces  conditions,  ne  sont  pas  plus  virulents  ;  car,  les  ayant  en- 
semencés pendant  cinq  générations  successives  dans  des  bouillons  couverts 
d'huile,  et  les  ayant  injectés  vivants  à  des  lapins,  nous  ne  les  trouvâmes  pas 
plus  meurtriers  que  des  vibrions  venus  au  contact  de  l'air. 

Les  expériences  de  Gamaléia  et  d'autres  permettent,  du  reste,  de  con- 
jecturer que  le  bacille  virgule  fabrique  très  bien  son  poison  en  présence  de 
l'air.  En  effet,  cet  auteur  emploie  surtout  pour  ses  expériences  les  mem- 
branes qui  se  forment  à  la  surface  du  bouillon,  et  Pfeiffer  se  sert  de 
cultures  bien  aérées.  Mais  la  meilleure  façon  de  résoudre  la  question  reste 
celle  qui  consiste  à  soumettre  à  un  courant  d'air  continu  une  solution  de 
toxine  cholérique. 

Voici  comment  nous  avons  procédé. 

En  possesion  d'un  bouillon  de  Gamaléia  qui  tuait  un  lapin  en  moins 
de  24  heures,  à  raison  de  10  ce.  injectés  dans  la  plèvre,  et  un  autre  après 
5  jours  à  raison  de  5  ce,  nous  avons  fait  passer  à  travers  ce  bouillon  un 
courant  continu  d'air  pendant  16  heures.  L'opération  s'est  faite  à  la  tempé- 
rature du  corps,  la  réaction  étant  alcaline.  Nous  avons  injecté  : 

1°     Un  lapin  avec  10  ce.  dans  la  plèvre;  il  est  mort  18  heures   plus  tard  présentant  à 

l'autopsie  une  congestion  marquée  de  l'intestin  grêle. 
2°     Un  autre  lapin  avec  5  ce;  ce  lapin  devint  malade,  mais  il  se  rétablit. 

I  et  2    :    Op.  oit. 


ÉTUDE  SUR  LES  PROPRIETES  DU   POISON  DU   CHOLÉRA  ASIATIQUE  209 

Conclusion.  Malgré  l aération  prolongée,  le  poison  ne  s'est  pas  sensi- 
blement affaibli;  les  conditions  pour  cette  atténuation  étaient  pourtant  favo- 
rables, car  le  passage  de  l'air  s'opérait  à  la  température  du  corps  et  dans  un 
milieu  à  réaction  alcaline.  Il  est  vrai  que  le  lapin  qui  a  eu  la  dose  faible  du 
bouillon  aéré  a  survécu,  tandis  que  le  lapin  qui  a  reçu  la  dose  faible  -du 
bouillon  non  aéré  est  mort,  mais  après  une  survie  telle  (5  jours)  que  la 
différence  est  négligeable. 

Du  reste,  nous  avons  conservé  des  émulsions  et  des  bouillons  stérilisés 
au  contact  de  l' air  pendant  longtemps,  sans  leur  voir  perdre  de  leur  toxicité. 

VI.     ACTION  DES  SUCS  DIGESTIFS  : 
SUC    GASTRIQUE   ET   SUC    PANCRÉATIQUE. 

L'étude  de  l'action  des  sucs  digestifs  sur  le  poison  du  choléra  nous  a 
paru  intéressante  à  deux  points  de  vue  : 

1='  A  un  point  de  vue  théorique.  Gam.aléia  prétend  d'un  côté  que  ce 
poison  est  une  nucléo-albumine;  d'un  autre,  il  concède  que  les  nucléoalbu- 
mines,  même  celles  des  microbes,  sont  décomposées  par  les  sucs  digestifs, 
particulièrement  par  le  suc  pancréatique.  Si  son  hypothèse  sur  la  nature  des 
toxines  microbiennes  est  exacte,  la  digestion  doit  leur  imprimer  des  modi- 
fications profondes. 

2°  A  un  point  de  vue  plus  pratique  :  l'organisme  possède-t-il,  dans  ses 
sucs  digestifs,  une  arme  pour  se  défendre  contre  l'intoxication  cholérique? 

Nous  allons  d'abord  nous  occuper  de  la  digestion  gastrique. 

A.     Action    du    suc   gastrique    sur   le   poison    du   choléra. 

Avant  tout,  nous  avons  voulu  nous  assurer  si  l'acide  chlorhydrique, 
nécessaire  à  ces  digestions,  exerçait  quelque  influence  sur  le  poison  cholé- 
rique. Dans  ce  but,  nous  avons  soumis  le  poison,  soit  sous  forme  d'émulsion 
de  pommes  de  terre,  soit  sous  forme  de  bouillon,  à  l'acide  chlorhydrique 
à  2  0/00.  Le  mélange  était  maintenu  à  la  température  de  la  couveuse. 

Expérience  X. 

LAPIN  I.     Poids  1200  gr. 

Injection  dans  la  plèvre  de  3  ce.  de  lemulsion  à  10  0/0  de  culture  sur  pommes  de  terre, 
renfermant  2  0/00  d'acide  chlorhydrique,  restée  5  heures  à  la  couveuse. 

Meurt  le  lendemain  après  14  heures.  A  l'autopsie,  pas  de  congestion  ;  dans  la  partie 

supérieure,  près  de  l'estomac,  quelques  points  hémorrhagiques. 

Le  témoin  succombe  pendant  la  nuit  (10  heures). 

26 


2  10  Ch.  SLUYTS 

LAPIN  II.     Poids  :  700  gr. 

Injection  de  7  ce.  de  bouillon  Gamaléïa.  Meurt  le  lendemain. 

CHIEN  I.     Poids  :  iioogr. 

Injection  dans  la  plèvre  de  10  ce.  de  bouillon  gélatinisé  âgé  de  2  jours,  c'est-à-dire  d'une 
culture  jeune.  L'animal  devient  rapidement  malade;  il  a  deux  vomissements;  la  région 
anale  est  souillée  de  matières  fécales,  et  le  ventre  est  très  douloureux  à  la  pression  ;  il  est 
encore  très  malade  le  lendemain  et  meurt  le  surlendemain.  Congestion  peu  marquée  dans 
l'intestin  grêle,  manifeste  dans  le  rectum. 

Le  bouillon  injecté,  quoique  aj'ant  séjourné  12  heures  à  la  couveuse  après  acidifi- 
cation à  2  0,00,  a  développé  encore  une  action  manifeste. 

Nous  pouvons  conclure  de  ces  quelques  expériences  que  le  poison  du 
choléra  supporte  pendant  quelques  heures  au  moins,  c'est-à-dire  pendant 
un  temps  amplement  suffisant  pour  une  digestion,  la  présence  de  F  acide 
chlorhydrique  à  2  0/00. 

Arrivons  maintenant  à  nos  expériences  de  digestion  proprement  dite. 

Nous  avons  employé  un  extrait  aqueux  d'estomac  de  porc;  2  ce.  de  cet 
extrait  additionnés  à  8  ce.  d'acide  chlorhydrique  à  2  0/00  dissolvent  un  mor- 
ceau de  fibrine  au  bout  de  10  minutes  à  la  température  du  laboratoire  (par 
un  temps  chaud).  Le  suc  est  donc  extrêmement  actif.  Nous  l'ajoutons  à 
notre  produit  microbien  dans  la  proportion  de  1  pour  5. 

Avant  d'injecter  le  liquide,  nous  le  neutralisons  par  le  carbonate  de 
sodium  et  nous  le  portons  à  100°  pour  détruire  la  pepsine. 

Expérience  XI. 

LAPIN  I.  Poids  :  800  gr.  Durée  de  la  digestion  :  ^  li. 

Injection  de  10  ce.  dans  la  plèvre.  Mort  le  lendemain  au  commencement  de  l'après- 
midi.  A  l'autopsie,  congestion  intestinale,  plaques  de  Peyer  saillantes. 

Le  témoin  meurt  le  même  jour. 

LAPIN  II.  Poids  :  i3oo  gr.  Durée  de  la  digestion  :  4  h. 

Injection  à  5  12  h.  du  soir  de  3  ce.  d'une  émulsion  de  pommes  de  terre  vieille  de 
plusieurs  jours;  nous  recueillons  la  partie  superficielle  de  cette  émulsion,  qui  ne  renferme 
pas  de  cadavres  bactériens,  mais  uniquement  les  produits  dissous.  Le  suc  gastrique  a 
donc  toute  facilité  d'agir  sur  le  poison. 

L'animal  succombe  le  lendemain  matin  (avant  7  heures,  après  14  h.). 

Le  témoin  meurt  pendant  la  nuit  (après  10  h.). 

Ces  deux  lapins,  pas  plus  que  tous  ceux  qui  précèdent,  ne  présentent  de  symptômes 
cholériformes,  mais  nous  les  retrouvons  chez  le  chien  suivant. 

CHIEN  I.     Poids  :  1900  gram. 

Injection  dans  le  sang  (veine  jugulaire  externe)  de  i3  ce.  de  bouillon  gélatinisé  soumis 
à  la  digestion  pendant  16  heures. 


ETUDE  SUR  LES  PROPRIETES  DU  POISON  DU  CHOLERA  ASIATIQUE  21  i 

L'animal  présente  rapidement  le  tableau  des  symptômes  cholériques  ordinaires  chez 
le  chien. 

Il  a  4  vomissements  et  3  selles  ;  les  efforts  de  vomissement  sont  continuels.  Il  suc- 
combe en  moins  de  4  heures. 

A  l'autopsie,  nous  trouvons  les  lésions  habituelles  de  l'intestin  bien  marquées. 

Conclusion  :  Ces  différentes  expériences,  mais  surtout  la  dernière, 
digestion  de  16  heures,  nous  permettent  de  voir  dans  le  poison  cholérique 
une  substance  réfractaire  à  la  digestion  gastrique. 

B.     Action   du   suc   pancréatique   sur  le   poison   du   choléra. 

Dans  l'étude  de  ce  point,  nous  avons  procédé  exactement  comme  pour 
le  suc  gastrique,  c'est-à-dire  que  nous  avons  étudié  à  part  l'action  du  car- 
bonate de  sodium,  que  nous  ajoutions  à  nos  digestions,  pour  permettre  au 
suc  pancréatique  de  déployer  toute  sa  puissance. 

Pour  ne  pas  nous  répéter  toujours,  disons  que  les  injections  faites  aux 
lapins  et  aux  chiens  avec  le  poison  qui  avait  subi  pendant  plusieurs  heures, 
à  la  température  du  corps,  le  contact  du  carbonate  de  sodium  à  1  0/0,  démon- 
trèrent que  ce  contact  est  sans  action  sur  le  poison. 

Ce  fait  établi,  nous  avons  répété  les  injections,  en  nous  servant,  pour 
nos  digestions,  d'un  extrait  de  pancréas  de  porc  qui,  dilué  au  cinquième, 
dissolvait,  en  présence  du  carbonate  de  sodium  à  i  0/0,  un  fragment  de 
fibrine  en  une  demi-heiire.  C'est  à  cette  concentration  que  nous  nous  en 
sommes  servi. 

Nous  passons  sous  silence  nos  expériences  sur  plusieurs  lapins,  toutes 
en  faveur  de  la  conservation  du  poison  cholérique  dans  les  milieux  soumis 
à  la  digestion  pancréatique. 

Les  chiens  nous  ont  donné  les  mêmes  résultats.   Ils  méritent  d'être 


signalés. 


Expérience  XII. 


CHIEN  I.     Poids  :  900  gram.  Durée  de  la  digestion  :  10  lieitres. 

Injection  dans  la  plèvre  de  10  centim.  cubes  de  bouillon,  âgé,  digéré,  après  une  courte 
ébullition  pour  détruire  les  ferments  pancréatiques. 

Tableau  cholériforme  aussi  prononcé  que  chez  le  témoin.  Mort  pendant  la  nuit. 

Lésions  intestinales  très  prononcées. 

CHIEN  II.     Poids  :  2800  gr.  Durée  de  la  digestion  :  20  heures. 

Injection  dans  la  veine  jugulaire  externe  de  18  ce.  de  bouillon,  après  une  courte  ébul- 
lition. Vomissements  nombi-eux,  d'abord  alimentaires,  ensuite  muqueux;  plusieurs  selles, 
les  dernières  liquides. 


212  Ch.  SLUYTS 

Le  chien  se  rétablit,  probablement  parce  que  notre  bouillon  qui  n'était  âgé  que  de 
2  jours  n'était  pas  encore  saturé  de  poison.  Un  des  deux  témoins  est  du  reste  aussi  resté 
en   vie. 

Avant  d'aller  plus  loin,    les  résultats    que   fournissent    les  digestions 
méritent  de  fixer  notre  attention  pendant  un  instant. 

Rappelons  que  nous  avons  fait  ces  digestions  dans  les  meilleures  condi- 
tions possibles.  Nos  bouillons  avaient  été,  au  préalable,  chauffés  à  60° 
pendant  2  heures,  afin  d'extraire  le  poison  des  cadavres  bactériens  et  de  le 
fournir,  sous  forme  moléculaire,  aux  sucs  digestifs.  Quand  nous  nous 
sommes  servi  de  nos  émulsions  de  vibrions  venus  sur  pommes  de  terre, 
nous  avons  eu  soin  de  prendre  la  partie  superficielle  claire  et  limpide;  d'un 
autre  côté,  nous  avons  fait  usage  de  sucs  digestifs  actifs,  surtout  le  suc 
gastrique;  nous  les  avons  fait  agir  à  la  température  du  corps,  dans  des 
milieux  aussi  favorables  que  possible  à  leur  action  ;  le  contact  a  été  prolongé 
pendant  une  période  qui  dépasse  de  plusieurs  fois  la  durée  de  la  digestion 
dans  le  tube  intestinal  ;  et,  malgré  tout  cela,  le  poison  s'est  conservé  avec 
sa  puissance  originelle. 

Le  fait  est  d'autant  plus  curieux  que  pendant  toute  la  durée  de  la 
digestion  les  ferments  jouissaient  de  toute  leur  activité.  C'est  ainsi  que  dans 
une  de  nos  expériences  (chien  II  de  l'expér.  XII)  nous  avons  constaté,  à  la 
fin  de  la  digestion,  que  le  mélange  dissolvait  un  fragment  de  fibrine  aussi 
rapidement  qu'au  début.  On  ne  peut  donc  pas  nous  objecter  que  le  liquide 
avait  perdu  de  sa  puissance  digestive. 

-Ces  faits  nous  paraissent  incompatibles  avec  l'hypothèse  de  Gamaléia 
sur  la  nature  de  la  substance  qui  produit  les  symptômes  cholériformes.  Du 
reste,  cette  substance  serait  détruite  dans  la  digestion  pour  laisser  la  place 
libre  à  un  poison  cachectisant,  qu'on  ne  serait  pas  encore  en  droit  de  con- 
clure que  ce  dernier  dérive  du  premier.  En  effet,. on  peut  très  bien  supposer 
que  l'existence  de  ce  second  poison,  à  action  lente,  est  masquée  par  l'action 
du  poison  qui  produirait  les  symptômes  intestinaux. 

Enfin,  ces  faits  nous  apprennent  que  nos  glandes  digestives  ne  peuvent 
nous  venir  en  aide  dans  la  lutte  contre  l'intoxication  cholérique,  comme  on 
aurait  pu  le  supposer,  si  l'hypothèse  de  Gamaléia  était  vraie. 

VII.     NATURE   DU    POISON    CHOLÉRIQUE. 

Il  n'entre  pas  du  tout  dans  nos  intentions  de  préciser  la  nature  intime 
du  poison.  Nous  pensons,  avec  Duclaux  et  d'autres  chimistes,  que  cette 
question  est  insoluble  à  l'heure  actuelle.    En  effet,    grâce  à  la  propriété 


ETUDE  SUR  LES  PROPRIETES  DU   POISON  DU  CHOLERA  ASIATIQUE  2  13 

qu'ont  les  poisons  microbiens  de  se  laisser  entraîner  par  toute  espèce  de 
précipités,  il  est  impossible  de  les  obtenir  à  l'état  de  pureté  et  même  de 
savoir  approximativement  dans  quelle  proportion  ils  sont  mêlés  aux  sub- 
stances étrangères. 

Il  va  sans  dire  que  nous  ne  pouvons  être  de  l'avis  de  Gamaléia  qui 
veut  faire  des  poisons  microbiens  des  nucléo  albumines  et  des  nucléines. 
Cette  manière  de  voir  nous  paraît  inconciliable  avec  les  faits  suivants. 

1°  Le  poison  cholérique  oppose  une  résistance  considérable  à  la 
chaleur. 

2°  Il  est  réfractaire  aux  digestions  gastrique  et  pancréatique.  Ajoutons 
que  toutes  les  réactions  invoquées  par  Gamaléia  nous  semblent  beaucoup 
trop  vagues  et  qu'aucun  chimiste  ne  saurait  les  considérer  comme  étant 
aptes  à  justifier  les  conclusions  qu'il  en  tire. 

S'il 'est  impossible  de  spécifier  exactement  dans  quel  groupe  de  sub- 
stances il  faut  ranger  le  poison  cholérique,  nous  devons  pourtant  reconnaître 
qu'il  possède  une  nature  albuminoïde.  En  effet,  comme  nous  avons  pu  nous 
en  assurer  par  quelques  expériences,  les  vibrions  cholériques  ne  cèdent  des 
substances  toxiques,  ni  à  l'alcool  pur,  ni  à  l'alcool  aiguisé  par  un  peu  d'acide 
chlorhydrique.  Et  quand  ils  ont  séjourné  dans  ces]  liquides,  ils  développent 
leur  toxicité  propre,  dès  qu'on  les  suspend  de  nouveau  dans  l'eau  (2  expé- 
riences). L'insolubilité  du  poison  dans  l'alcool  a  du  reste  été  reconnue  par 
plusieurs  auteurs.  C'est  même  sur  cette  propriété  qu'ils  se  sont  fondés  pour 
obtenir  le  poison  plus  ou  moins  pur. 

RÉSUMÉ 

des   diverses   propriétés  du  poison    cholérique  et  explication   des    contradictions 

qui    régnent   entre   nos   recherches    et   celles    des   auteurs 

Les  recherches  exécutées  jusqu'à  présent  sur  les  poisons  microbiens 
nous  permettent  d'entrevoir  deux  classes  de  toxines. 

Les  unes,  très  instables,  se  décomposent  facilement  par  la  chaleur,  la 
lumière  solaire,  les  ferments  digestifs.  Ce  sont  par  exemple  les  toxines  du 
tétanos  et  de"  la  diphtérie. 

Les  autres,  au  contraire,  jouissent  d'une  grande  stabilité.  Elles  peuvent 
subir  pendant  longtemps  l'action  de  ces  divers  agents,  sans  faiblir  dans  leur 
énergie.  Comme  type,  nous  pouvons  citer  la  toxine  du  coli-bacille  (J.  Denys 
et  E.  Brion)  (1). 


(0     J.    Denys  et  E.    Bkion  :  Étude  sur  le  poison  du  Bacillus  lactis  aerogenes;  La  Cellule,  1892. 


214  Ch.  SLUYTS 

La  toxine  du  vibrion  asiatique  se  rattache  évidemment  à  ce  dernier 
groupe,  c'est-à-dire  aux  toxines  stables. 

Est-il  possible  d'expliquer,  du  moins  jusqu'à  un  certain  point,  les  con- 
tradictions qui  régnent  entre  nos  recherches  et  celles  de  nos  prédécesseurs, 
ainsi  que  celles  qui  régnent  entre  ces  derniers? 

Nous  pensons  que  oui. 

D'après  nous,  les  hésitations  et  les  tergiversations  de  beaucoup  d'auteurs 
proviennent  du  choix  de  leurs  animaux.  Ils  se  sont  obstinés  à  opérer  sur 
des  rongeurs,  et  particulièrement  sur  des  cobayes. 

Or,  comme  nous  l'avons  vu  en  toute  suffisance,  les  produits  qui  déve- 
loppent chez  le  chien  l'état  cholériforme  le  plus  accentué  donnent  à  peine 
chez  le  lapin  un  peu  de  diarrhée  et  encore  cette  dernière  fait-elle  ordinairement 
défaut.  Chez  lecobaye,  son  apparition  est  une  rare  exception.  Ne  pouvant  pas 
produire  chez  les  animaux  les  symptômes  qu'ils  considéraient  comme  essen- 
tiels au  choléra,  les  auteurs  arrivaient  à  méconnaître  l'existence  de  ce  poison, 
même  dans  les  milieux  où  il  était  très  abondant.  S'ils  avaient  employé  le 
chien,  nous  ne  doutons  pas  qu'ils  auraient  vite  reconnu  sa  présence. 

Une  autre  cause  de  contradiction  réside  peut-être  dans  ce  fait,  que  la 
plupart  d'entre  eux  ont  voulu,  par  des  manipulations  chimiques  diverses, 
isoler  le  poison  dans  un  état  de  pureté  plus  ou  moins  parfait.  Il  n'est  pas 
improbable  que  leurs  opérations  aient  attiré  le  poison,  ou  bien  que  ce  der- 
nier ait  présenté  des  réactions  de  solubilité,  variant  d'après  le  milieu  dans 
lequel  on  voulait  le  dissoudre  ou  le  précipiter.  Ici  de  nouveau,  les  intéres- 
santes expériences  de  Duclaux  (i)  montrent  combien  tous  ces  phénomènes 
doivent  être  jugés  avec  circonspection. 

Une  simple  réflexion  nous  fait  du  reste  comprendre  que  le  poison  du 
choléra  doit  exister  dans  tous  les  milieux  de  culture.  En  effet,  l'opinion 
d'après  laquelle  les  poisons  microbiens  dérivent  de  la  substance  même  du 
microbe  trouve  tous  les  jours  de  nouvelles  confirmations.  Là  où  il  y  a 
développement  du  microbe  virulent,  il  y  a  par  conséquent  production  du 
poison.  Citons  à  ce  propos  les  observations  de  Guinochet  (2)  sur  la  toxicité 
des  cultures  du  bacille  de  la  diphtérie  dans  l'urine. 

Cet  auteur  a  trouvé  que  cet  organisme  produisait  aussi  bien  son  poison 
spécifique  dans  ce  liquide  que  dans  les  milieux  renfermant  des  peptones. 
Mais   pourquoi    invoquer   le  bacille    de   la   diphtérie,  quand  nous  voyons 


(0     Duclaux    ;    Annales   de   l'Institut   Pasteur,    i8i)2. 

(2)     Guinochet  :  Contribution  à  rétucle   de   la   toxine   du    bacille  de  la  diphtérie;    Comptes  rendus 
de  la   Société  de   Biologie,    1892. 


ETUDE  SUR  LES  PROPRIETES  DU    POISON   DU    CHOLÉRA  ASIATIQUE  2l5 

OucHiNSKY  (i)  démontrer  pour  le  vibrion  du  choléra  lui-même,  qu'il  fournit 
des  cultures  très  toxiques  dans  des  milieux  artificiels  absolument  dépourvus 
de  matières  albuminoïdes?  Pourquoi  n'en  produirait-il  pas  dans  les  différents 
milieux  qui  renferment  des  substances  azotées  très  complexes. 

VIII.     PARALLÈLE   ENTRE   LA   TOXINE    DU    BACILLE 
DE   L'INTESTIN    ET  LA   TOXINE   DU    VIBRION  ASIATIQUE. 

Tout  le  monde  sait  que  les  symptômes  du  choléra  nostras,  qui  est  pro- 
duit par  le  bacille  commun  de  l'intestin,  ressemblent  avec  une  telle  perfec- 
tion aux  symptômes  du  choléra  asiatique  que,  sans  l'examen  microscopique 
et  la  notion  de  la  contagiosité,  il  est  impossible  de  faire  un  diagnostic  entre 
ces  deux  maladies.  Il  est  inutile  d'insister  sur  ce  point. 

La  même  analogie  s'observe  entre  les  différents  animaux  en  usage  dans 
les  laboratoires. 

1°  Chez  les  chiens,  l'action  est  tellement  identique  que  l'observateur 
le  plus  expérimenté  en  ce  genre  de  recherches  est  tout  à  fait  incapable  de 
distinguer  si  l'intoxication  est  produite  par  le  vibrion  asiatique  ou  par  le  coli- 
bacille. Vis-à-vis  des  deux  organismes  vivants  ou  vis-à-vis  de  leurs  poisons, 
le  chien  réa~git  absolument  de  la  même  façon.  Il  présente  un  malaise  géné- 
ral, de  l'abattement  et  de  la  prostration  ;  les  vomissements  sont  nombreux, 
amenant  d'abord  les  aliments,  puis  du  liquide  spumeux  coloré  souvent  par 
de  la  bile.  Quoique  l'estomac  soit  vidé,  il  n'est  pas  rare  de  voir  des  efforts 
de  vomissement  se  déclarer  à  tout  instant.  La  diarrhée  est  constante,  les 
déjections  ressemblent  d'abord  aux  déjections  normales,  puis  elles  devien- 
nent fluides.  Après  l'expulsion  des  résidus  alimentaires,  elles  sont  exclusi- 
vement muqueuses;  le  mucus  est  souvent  coloré  par  du  sang  et,  examiné  au 
microscope,  il  montre  parfois  des  lambeaux  de  cellules  épithéliales  desqua- 
mées.  Dans  l'intervalle  des  selles,  les  animaux  sont  souvent  pris  d'efforts  de 
défécation,  mais  ils  n'expulsent  que  quelques  gouttes  de  liquide. 

Du  côté  de  l'appareil  de  la  calorification,  on  observe  les  mêmes  modi- 
fications :  les  doses  faibles  produisent  de  l'hyperthermie,  les  doses  mortelles, 
de  l'hypothermie,  précédée  ou  non  d'hyperthermie. 

A  l'autopsie,  les  lésions  sont  absolument  les  mêmes,  et  ici  non  plus 
l'œil  le  plus  exercé  ne  saurait  dire  si  les  lésions  sont  produites  par  le 
vibrion  asiatique  ou  par  le  colibacille,  l'un  et  fautive  produisent,  quand 


(l)      OUCHIN'SKY    :     Op     citât. 


2i6  Ch.    SLUYTS 

les  lésions  de  la  muqueuse  sont  intenses,  une  desquamation  de  l'épithélium 
des  villosités  et  souvent  aussi  de  la  muqueuse  rectale.  Cette  exfoliation 
s'observe  sur  des  intestins  enlevés  chez  des  animaux  mourants  et  fixés 
immédiatement  dans  l'alcool  fort.  La  chute  de  l'épithélium  ne  peut  donc 
être  attribuée  à  une  altération  cadavérique. 

2°  Chez  le  lapin,  nous  avons  également  identité  d'action.  Le  fait  est 
d'autant  plus  curieux  à  constater  que  le  bacille  commun,  comme  le  vibrion 
cholérique,  tout  en  déterminant  des  lésions  intestinales  manifestes  et  con- 
stantes, est  loin  de  produire  toujours  des  symptômes  de  diarrhée.  Si  nous 
résumons  les  symptômes  présentés  par  ces  animaux,  nous  trouvons  qu'ils 
consistent  en  apathie,  perte  d'appétit,  prostration,  dyspnée,  paralysie  géné- 
rale avec  ou  sans  tendance  à  la  diarrhée.  Nous  devons  pourtant  faire  remar- 
quer que  le  stade  de  convulsions,  qui  précède  souvent  la  mort  dans  l'empoi- 
sonnement ou  l'infection  par  le  coli-bacille,  est  plus  prononcé  que  dans  les 
cas  d'empoisonnement  ou  d'infection  par  le  bacille-virgule. 

Les  lésions  sont  absolument  les  mêmes  :  distension  et  congestion  de 
l'intestin,  taches  hémorrhagiques  plus  ou  moins  nombreuses  siégeant  surtout 
au  niveau  du  tissu  adénoïde,  gonflement  des  plaques  de  Peyer. 

Les  deux  organismes,  injectés  à  petites  doses,  produisent  la  cachexie. 

3°  Chez  les  cobayes,  l'identité  d'action  est  parfaite.  Malgré  la  congestion 
intestinale  qu'on  trouve  à  la  mort,  la  diarrhée  fait  presque  toujours  défaut. 

Voilà  pour  ce  qui  regarde  les  symptômes  et  les  lésions  déterminées 
chez  les  animaux. 

Si  nous  examinons  à  présent  les  propriétés  des  deux  poisons,  nous 
trouvons  une  ressemblance  des  plus  complètes. 

Tous  les  deux  opposent  une  grande  résistance  à  la  chaleur  ;  ils  sup- 
portent tous  les  deux  un  chauffage  prolongé  à  120°. 

Tous  les  deux  se  conservent  à  la  lumière  solaire. 

Tous  les  deux  se  maintiennent  en  présence  de  l'oxygène. 

Tous  les  deux  résistent  à  la  digestion  gastrique,  comme  à  la  digestion 
pancréatique. 

Enfin,  ils  ne  cèdent  de  principes  toxiques  ni  à  l'alcool  simple,  ni  à 
l'alcool  acidulé. 

On  peut  supposer  que  des  nouveaux  points  de  ressemblance  surgiront 
à  mesure  que  nos  connaissances  sur  les  propriétés  de  ces  poisons  devien- 
dront plus  complètes. 

Tous  ces  multiples  points  de  ressemblance  nous  font  ranger  les  deux 
toxines  dans  une  même  classe  que  l'on  pourrait  définir  celle  des  poisons 


ETUDE  SUR  LES  PROPRIETES   DU   POISON   DU   CHOLERA  ASIATIQUE  217 

intestinaux  par  opposition  au  poison  pyogène  proprement  dit  (staphylocoque 
pyogène,  streptocoque  pyogène). 

Le  bacille  commun  de  l'intestin  et  le  bacille  virgule  présentent  des 
liens  intimes  non  seulement  à  cause  de  l'identité  de  leurs  propriétés,  mais 
aussi  à  cause  de  la  similitude  de  leur  action. 

Il  n'est  pas  douteux,  en  effet,  pour  nous  que  l'intoxication  par  le  coli- 
bacille complique  fréquemment,  si  pas  toujours,  l'intoxication  par  le  vibrion 
cholérique. 

C'est  également  l'avis  de  Lesage  et  Macaigne(i)  qui  ont  examiné,  au 
point  de  vue  bactériologique,  les  matières  fécales  d'un  grand  nombre  de 
cholériques.  Ils  n'ont  jamais  observé  le  bacille  virgule  pur,  mais  ils  l'y  ont 
fréquemmen  trouvé  mélangé  au  bacille  coli,  et  dans  quelques  cas  ils  ont  même 
rencontré  celui-ci  à  l'exclusion  du  bacille  virgule.  Fait  important  au  point  de 
vue  de  la  thèse  que  nous  défendons,  ils  ont  constaté  qu'il  n'existe  aucun 
rapport  entre  le  nombre  des  bacilles  virgules  et  la  gravité  de  la  maladie. 
Pettenkofer,  Emmerich  et  Guttman  étaient  arrivés  aux  même  conclusions. 
D'après  Lesage  et  Macaigne,  l'explication  de  ces  faits  sera  fournie  probable- 
ment par  l'étude  de  la  virulence  du  bacille  virgule.  Nous  croyons  qu'ils 
peuvent  parfaitement  s'expliquer  par  la  présence  constante  dans  l'intestin 
d'un  bacille  qui  a  absolument  les  mêmes  propriétés  pathogènes  que  le 
vibrion  de  Koch.  A  l'état  normal,  comme  J.  Denys  et  CVan  den  Bergh  (2) 
l'ont  démontré,  la  toxine  du  coli-bacille  qui  se  trouve  en  quantité  considé- 
rable dans  tout  intestin  n'est  pas  absorbée  grâce  à  l'intégrité  de  la  couche 
épithéliale.  Or,  nous  avons  vu  que  le  poison  cholérique  détermine  la  chute 
de  cette  couche.  L'épithélium  étant  tombé,  la  toxine  du  coli-bacille  est  sou- 
mise è  l'absorption,  et  même  après  la  disparition  complète  des  bacilles  vir 
gules,  on  comprend  que  la  s3a"nptomatologie  du  choléra  puisse  persister 
dans  ses  moindres  détails. 

Nous  nous  sommes  assuré  plusieurs  fois  par  des  cultures  avec  du  sang 
des  chiens,  que  les  lésions  intestinales  qu'ils  présentaient  dans  l'empoison- 
nement par  le  poison  du  choléra  asiatique  n'étaient  pas  dues  à  une  invasion 
secondaire  du  bacille  de  l'intestin.  En  effet,  quand  nous  faisions  ces  cultures 
immédiatement  après  la  mort,  nous  n'obtenions  aucun  développement. 


(I  Lesage  et  Macaigne  :  Étude  bactériologique  du  choléra  observé  à  l'hôpital  Saint  Antoine  en 
1892;   Ann.   de  rinstit.   Pasteur,    1893. 

(2)  J.  Denys  et  Ch.  Van  den  Bergh  :  Sur  le  mécanisme  ilcs  symptômes  gastro-intestinaux  dans 
le  choléra-nostras;   Bull,   de  l'Acad.    royale  de   méd.    de  Belg.,    1893. 

27 


2l8  Ch.  SLUYTS 

Voici  à  quelles  conclusions  nos  expériences  nous  ont  conduit. 

CONCLUSIONS. 

1"  Il  est  inutile  de  recourir  à  des  milieux  de  culture  particuliers  pour 
obtenir  le  poison.  Il  se  produit  en  quantité  abondante  aussi  bien  sur  les 
pommes  de  terre,  dans  le  bouillon  ordinaire,  dans  le  bouillon  gélatinisé, 
que  dans  le  bouillon  de  Gamaléia. 

2°  Les  lapins  et  les  cobayes  ne  sont  pas  favorables  pour  l'étude  de  ce 
poison;  il  faut  recourir  au  chien. 

3°  En  opérant  sur  ce  dernier  animal,  on  peut  établir,  contrairement  à 
Gamaléia,  que  le  poison  du  choléra  résiste  très  bien  à  la  température  pro- 
longée de  120°. 

4°  Le  poison  n'est  pas  affaibli  par  une  exposition  prolongée  aux  rayons 
solaires,  ni  par  le  passage  prolongé  d'un  courant  d'air. 

5°     Il  est  réfractaire  aux  digestions  gastrique  et  pancréatique. 

6°  On  doit  le  classer  parmi  les  substances  albuminoïdes  complexes, 
sans  que  l'on  soit  à  même  de  préciser  davantage  sa  nature. 

7°  Rien  ne  nous  autorise  à  admettre  avec  Gamaléia  que  le  vrai  poison 
du  choléra  serait  constitué  par  une  nucléo-albumine,  qui  se  transformerait 
en  une  nucléine  qui  serait  sans  action  sur  l'intestin;  au  contraire,  plusieurs 
faits  s'élèvent  contre  cette  manière  de  voir. 

8°  Le  poison  du  coli-bacille  et  celui  du  choléra  ont  les  mêmes  actions 
pathogènes  sur  l'homme  et  sur  les  animaux.  Pour  autant  qu'on  peut  en  juger, 
ils  présentent  la  plus  grande  affinité  au  point  de  vue  de  leurs  propriétés 
chimiques.  Enfin,  il  n'est  pas  douteux  que  le  poison  du  coli-bacille  ne  joue 
un  rôle  considérable  dans  le  choléra  indien,  soit  en  ajoutant  son  action  à 
celle  du  vibrion  de  Koch,  soit  en  continuant  l'action  de  ce  dernier,  quand 
les  bacilles  virgules  sont  devenus  rares  ou  qu'ils  ont  disparu. 

Dans  nos  recherches,  nous  avons  été  dirigé  et  aidé  par  les  conseils  de 
Monsieur  le  Professeur  Denys;  qu'il  nous  soit  permis  de  lui  présenter  ici 
l'expression  de  notre  profonde  reconnaissance. 


DU    RAPPORT 


ENTRE    LE 


Pouvoir  Bactéricide  an  Sang  de  Chien 


ET     SA 


RICHESSE   EN   LEUCOCYTES 


PAR 

J.    HAVET 

DOCTEUR     EN     MEDECINE. 


(Mémoire   déposé  le   30  Juin    1893.) 


(Travail   du    laboratoire   d'anatomie  pathologique  et  de  pathologie 

EXPÉRIMENTALE     DE     l'uNIVERSITÉ     DE     LOUVAIN.) 


ts 


Ë  Wm]  [IIR[  L[  Piyïi  BICliCIDE  DU  SiG  0[ 


RICHESSE   EN    LEUCOCYTES 


PREMIÈRE   PARTIE, 

HISTORIQUE     ET    TECHNIQUE. 

Depuis  plusieurs  années  déjà,  une  vive  discussion  règne  sur  la  question 
de  savoir  si  la  résistance  des  animaux  supérieurs  aux  microbes  doit  être 
attribuée  à  une  propriété  inhérente  à  leurs  cellules,  particulièrement  aux 
leucocytes,  ou  à  une  propriété  inhérente  à  leurs  humeurs  :  sang  et  lymphe. 
Ce  problème  difficile  a, divisé  les  savants  en  deux  camps  :  les  partisans 
de  la  phagocytose  et  les  partisans  du  pouvoir  bactéricide  des  humeurs. 
Nombreux  sont  les  arguments  qui  ont  été  invoqués  de  part  et  d'autre, 
mais  on  peut  dire  que  chacun  d'eux  a  été  attaqué  et  infirmé  par  la  partie 
adverse.  A  ceux  qui  voulaient  expliquer  par  l'influence  des  humeurs 
la  diminution  subie  par  les  organismes  ensemencés  dans  le  sang,  les 
défenseurs  de  la  phagocytose  faisaient  remarquer  avec  raison  que  cette 
diminution  pouvait  s'expliquer  par  le  changement  brusque  du  milieu,  et 
ils  faisaient  ressortir  le  manque  de  relation  entre  le  pouvoir  bactéricide 
des  humeurs  et  l'immunité  naturelle  ou  acquise,  relation  qui  aurait  dû 
exister,  si  le  mécanisme  de  l'immunité  résidait  réellement  dans  les  humeurs. 
Mais  les  arguments  des  partisans  de  la  phagocytose  ne  prêtaient  pas  moins 
le  flanc  à  la  critique  que  ceux  de  leurs  adversaires.  Ils  s'appuyaient  surtout 
sur  le  phénomène  assez  général  dans  les  infections  se  terminant  par  la 
défaite  des  microbes  :  l'englobement  de  ceux-ci  par  les  leucocytes.  Mais  on 
leur  objecta  que  cet  englobement  n'atteignait  que  les  microbes  morts  et  ne 
servait  par  conséquent  pas  à  préserver  l'organisme  contre  l'envahissement 


222  J-    HAVET 

Et  en  faveur  de  cette  explication,  on  apportait  des  arguments  séduisants  : 
la  dégénérescence  du  microbe  dans  le  sérum  ou  la  lymphe,  en  dehors  de 
tout  clément  cellulaire. 

Dès  lors,  les  efforts  des  partisans  de  la  phagocytose  tendirent  à  prouver 
que  les  leucocytes  sont  "aptes  à  s'emparer  des  organismes  vivants;  et  ils 
réussirent,  en  effet,  en  poursuivant  au  microscope  le  sort  des  microbes  à 
l'intérieur  des  globules  blancs,  à  prouver  qu'ils  s'y  multipliaient  et  que  par 
conséquent  ils  vivaient  au  moment  de  leur  absorption.  Mais  si  la  démon- 
stration était  péremptoire  au  point  de  vue  de  l'état  du  microbe,  elle  était 
sans  portée  au  point  de  vue  de  la  doctrine  phagocytaire,  ou  plutôt  elle  lui 
était  contraire,  les  observations  faites  établissant  la  suprématie  du  microbe 
sur  le  leucocyte,  plutôt  que  la  suprématie  du  leucocyte  sur  le  microbe. 

Les  partisans  de  la  phagocytose  invoquèrent  un  autre  argument  pour 
démontrer  l'état  de  vitalité  des  microbes  englobés  :  leurs  mouvements  dans 
le  phagocyte;  mais  cet  argument  n'est  pas  plus  heureux;  car,  en  premier 
lieu,  il  est  difficile  de  décider  si  ces  mouvements  sont  spontanés  ou  impri- 
més au  microbe  par  les  contractions  du  protoplasme;  et  en  second  lieu,  en 
admettant  que  les  mouvements  soient  spontanés,  ils  indiquent  que  le  leu- 
cocyte est  mort,  car  la  constitution  visqueuse  de  son  protoplasme  doit  op- 
poser un  obstacle  insurmontable  à  la  motilité  microbienne. 

Dans  un  précédent  travail,  nous  avons  rapporté.  M''  Denys  et  moi  (i), 
des  faits  qui  nous  paraissent  établir  péremptoirement  que  la  prépondérance 
du  pouvoir  bactéricide  du  sang  de  chien  revient  aux  leucocytes.  Les  expé- 
riences sur  lesquelles  nous  nous  sommes  appuyés  pour  attribuer  ce  rôle 
important  aux  globules  blancs  sont  des  plus  simples  ;  on  peut  les  résumer 
dans  les  propositions  suivantes. 

A.  Expériences  faites  arec  le  sang:  i°  Le  sang  de  chien  complet, 
c'est-à-dire  composé  de  son  sérum,  de  ses  globules  rouges  et  de  ses  glo- 
bules blancs,  possède  un  pouvoir  bactéricide  considérable.  Par  contre,  le 
sérum  obtenu  soit  par  dépôt  après  défibrination,  soit  par  expression  du 
caillot  après  la  coagulation,  ne  possède  qu'un  pouvoir  faible. 

2°  Si  l'on  filtre  le  sang  complet,  tel  que  nous  venons  de  le  définir,  à 
travers  du  papier  buvard,  celui-ci  laisse  passer  le  sérum,  les  globules  rouges 


(I)    J.  Denys  et  J.  Havet  :  De  la  part  des  globules   blancs  dans   le  pouvoir  bactéricide   du  sang 
de  chien;    La  Cellule,  t,   X,   1894. 


POUVOIR    BACTÉRICIDE    DU    SANG   DE    CHIEN  223 

et  les  leucocytes  à  noyau  rond,  mais  il  retient  tous  les  leucocytes  à  noyau 
polymorphe,  c'est-à-dire  ceux  qui  sont  vraiment  doués  des  propriétés 
amiboïdes.  Or,  le  sang  ainsi  filtré  a  perdu  presque  tout  son  pouvoir.  Comme 
il  ne  diffère  du  sang  primitif  que  par  l'absence  de  certains  leucocytes,  on 
doit  considérer  ces  derniers  comme  les  agents  de  l'influence  microbicide. 

3°  L'action  bactéricide  peut  être  constatée  directement  au  microscope. 
Pour  la  mettre  en  évidence,  on  ensemence  avec  un  organisme  quelconque 
le  sang  filtré,  et  on  met  celui-ci  à  la  couveuse.  Par  la  confection  des  plaques, 
aussi  bien  que  par  l'examen  microscopique,  on  constate  dans  les  premières 
heures  une  pullulation  microbienne.  Si,  à  ce  moment,  on  ajoute  à  la  culture 
sanguine  du  sang  complet,  c'est-à-dire  pourvu  de  ses  globules  blancs,  on 
voit  qu'après  un  temps  souvent  très  court  (dix  à  vingt  minutes)  les  leucocytes 
englobent  les  microbes  et  les  détruisent  à  leur  intérieur  en  les  faisant  passer 
par  divers  stades  de  dégénérescence.  Aucune  dégénérescence  n'atteint  les 
organismes  libres.  Les  plaques  faites  à  partir  du  moment  où  s'accomplit 
cette  digestion  intracellulaire  fournissent  un  nombre  de  colonies  de  plus 
en  plus  faible. 

B.  Expériences  faites  avec  les  exsiidats.  Les  exsudats  renfermant 
des  leucocyies  ou  globules  de  pus  se  comportent  comme  le  sang.  Filtrés 
ou  centrifugés,  ils  perdent  une  partie  considérable  de  leur  puissance  bacté- 
ricide ;  mais  on  leur  restitue  ce  pouvoir  en  leur  rendant  leurs  leucocytes. 

De  même,  par  l'addition  du  dépôt  leucocytaire  qu'ils  ont  abandonné, 
on  enraye  le  développement  commencé  dans  l'exsudat  ou  le  sang  filtré. 

Par  ces  diverses  expériences,  on  parvient  à  démontrer  d'une  façon  aussi 
simple  que  décisive  que  les  globules  blancs  jouent  chez  le  chien  le  rôle  le 
plus  puissant  dans  la  destruction  des  microbes,  et  on  peut  asseoir  la 
théorie  phagocytaire  de  Metchnikoff  sur  des  faits  qui  ne  supportent 
d'autre  interprétation  que  celle  de  l'intervention  prépondérante  de  l'élé- 
ment leucocytaire. 

Le  présent  travail  a  pour  but  d'apporter  une  nouvelle  contribution  à 
l'appui  de  cette  même  doctrine.  Si  elle  est  vraie,  il  doit  exister  une  relation 
entre  la  richesse  du  sang  en  leucocytes  et  son  pouvoir  bactéricide.  Con- 
stater cette  relation,  tel  est  le  but  que  nous  nous  sommes  proposé  dans 
les  expériences  suivantes. 

Il  y  a  différents  moyens  de  faire  varier  le  nombre  des  globules  blancs 
en  circulation  ;  ceux  que  nous  avons  mis  en  œuvre  sont  au  nombre  de  deux. 
Ce  sont  : 


224  J-  HAVET 

1°     L'injection  de  microbes  vivants  ou  morts  dans  le  sang. 

2°  L'injection  des  mêmes  mici-obes  dans  les  tissus  :  tissu  cellulaire 
sous-cutané,  plèvre,  péritoine,  etc. 

Ces  deux  modes  au  fond  se  réduisent  à  un  seul  :  la  pénétration  de 
poisons  microbiens  dans  le  torrent  circulatoire.  Nous  les  avons  choisis,  en 
premier  lieu  parce  qu'ils  constituent  un  moyen  puissant  pour  modifier  le 
nombre  des  leucocytes,  et  en  second  lieu  parce  qu'ils  permettent  d'appli- 
quer les  résultats  obtenus  au  phénomène  de  l'infection  naturelle. 

Nous  donnerons  successivement  les  résultats  fournis  par  ces  deux 
procédés;  mais  avant  tout,  nous  devons  dire  quelques  mots  de  la  technique 
que  nous  avons  suivie. 

Comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  nos  expériences  ont  porté  sur  le 
chien,  animal  dont  le  sang  est  doué  de  propriétés  bactéricides  éminentes. 
Comme  microbe  d'épreuve,  nous  avons  employé  le  plus  souvent  le  bacille 
commun  de  l'intestin,  quelquefois  un  microbe  que  nous  avons  rencontré 
par  hasard  dans  une  culture  de  sang  et  que  nous  n'avons  pas  cherché  à 
identifier.  Le  bacille  commun  nous  paraît  bien  indiqué  pour  notre  genre 
de  recherches  :  d'un  côté,  il  appartient  à  la  classe  des  organismes  patho- 
gènes, et  la  fréquence  des  conflits,  qui  doivent  résulter  de  l'intimité  dans 
laquelle  il  vit  avec  nos  tissus ,  le  désigne  tout  naturellement  comme  objet 
d'expériences;  d'autre  part,  tout  en  possédant  des  propriétés  infectieuses 
bien  marquées,  il  n'appartient  pas  à  ce  groupe  d'organismes  hautement 
virulents  qui  tuent  à  dose  infime  et  contre  lesquels  les  organismes  supé- 
rieurs se  trouvent  presque  désarmés.  En  un  mot,  il  est  doué  d'un  pouvoir 
pathogène  moyen,  qui  en  fait  un  excellent  objet  d'étude. 

Point  important,  pour  éviter  toute  objection  touchant  le  changement 
brusque  de  milieu,  nous  n'avons  employé  pour  nos  ensemencements  que 
des  cultures  dans  le  sang  de  chien.  f 

Pour  étudier  le  sort  des  organismes  introduits  dans  le  sang,  nous  avons 
eu  recours  à  la  confection  des  plaques  et  au  microscope. 


1.     La  confection  des  plaques. 

La  description  détaillée  du  procédé  est  superflue  ;  contentons-nous  de 
dire  que  la  matière  employée  fut  l'agar-peptone,  et  que  pour  chaque  plaque 
nous  avons  prélevé  deux  anses  de  sang.  La  valeur  de  notre  anse  est  d'en- 
viron 0,007  gr.  de  sang. 


% 


POUVOIR    BACTERICIDE    DU    SANG    DE    CHIEN  225 

2.     Le  microscope. 

Si  les  plaques  nous  donnent  des  données  précises  sur  le  nombre  d'or- 
ganismes vivants  dans  un  milieu  donné,  elles  ne  nous  renseignent  nullement 
sur  la  nature  intime  de  la  destruction  microbienne.  Pour  étudier  cette 
dernière,  il  est  absolument  nécessaire  de  recourir  au  microscope.  Afin 
d'avoir  des  préparations  comparables,  nous  prélevions  au  moyen  de  l'anse 
du  fil  de  platine  une  quantité  déterminée  de  sang  que  nous  étalions  en 
couche  mince  et  aussi  uniforme  que  possible  sur  le  couvre-objets.  Après 
dessiccation  et  caléfaction,  ce  dernier  était  coloré  au  bleu  de  méthylène  et 
examiné  dans  l'essence  de  thérébenthine  ou  le  baume  de  Canada.  Ce 
procédé  permet  de  suivre  l'englobement  et  la  dégénérescence  des  microbes 
à  l'intérieur  des  leucocytes.  En  outre,  il  constitue  un  mode  de  contrôle 
précieux  .pour  la  progression  et  la  régression  du  nombre  des  microbes  ;  et, 
par  la  forme  et  l'agrégation  des  microbes,  il  permet  de  juger,  sans  devoir 
attendre  le  résultat  des  plaques,  si  la  culture  progresse  ou  recule. 

En  effet,  le  bacille  de  l'intestin,  provenant  d'une  culture  mûre  dans 
le  sang  de  chien,  transporté  dans  du  sang  frais  et  mis  à  la  température  du 
corps,  parcourt  toute  une  série  de  transformations. 

1°  Perrdant  la  première  demi-heure,  il  grossit  et  s'allonge  un  peu,  en 
même  temps  qu'il  se  colore  plus  intensément. 

2.  Vers  la  fin  de  la  première  heure,  il  se  divise  et  on  voit  alors  appa- 
raître des  diplobacilles. 

3°     Après  deux  heures,  il  a  formé  des  chaînettes  de  4.  à  8  individus. 

4°  Pendant  les  heures  suivantes,  les  chaînettes  augmentent  en  nom- 
bre et  en  longueur. 

5°  Les  chaînettes  se  désagrègent  en  chaînettes  courtes,  en  bacilles  et 
diplobacilles.  On  aperçoit  également  des  amas  de  bâtonnets  plus  ou  moins 
volumineux  et  nombreux. 

Telle  est  la  marche  générale  suivie  par  le  bacille  de  l'intestin  lors  de 
son  développement  dans  le  sang  ;  elle  est  assez  uniforme  pour  qu'avec  un 
peu  d'habitude  on  arrive,  sans  avoir  besoin  de  plaques,  à  se  faire  une  idée 
approximative  du  sort  des  microbes  ensemencés. 

Nous  avons  toujours  combiné  la  méthode  des  plaques  avec  celle  des 
préparations  microscopiques  ;  et  dans  plusieurs  des  expériences  suivantes, 
nous  donnons  à  la  fois  les  résultats  fournis  par  l'une  et  l'autre  méthode. 


DEUXIEME   PARTIE, 

INJECTIONS   DE   CULTURES   DANS   LE  SANG. 

Nous  nous  sommes  servi  d'une  émulsion  de  staphylocoques  dorés  dans 
l'eau  salée  Ces  organismes  avaient  été  ensemencés  sur  de  l'agar  en  tubes 
inclinés  et  laissés  un  ou  deux  jours  à  la  couveuse.  Afin  de  simplifier  le  pro- 
blème, nous  avons  exclusivement  injecté  des  cultures  tuées  par  un  chauffage 
de  lo  à  15  minutes  à  la  température  de  60"  à  65°.  L'émulsion  était  injectée 
lentement  par  une  des  veines  jugulaires  externes  et  le  sang  recueilli  par 
une  carotide  et  défibriné  avec  les  précautions  antiseptiques  nécessaires. 

Les  premières  expériences  qui  furent  instituées  pour  étudier  le  conflit 
entre  le  sang  et  les  microbes  furent  faites  dans  le  laboratoire  de  pLiiCGE 
par  WissGKOWiTSCH  (ij.  Cet  auteur  injecta  dans  les  vaisseaux  de  divers 
animaux  des  rnicrobes  vivants,  et  put  s'assurer  qu'ils  disparaissaient  com- 
plètement dans  ce  liquide.  Wissokowitsch  suppose  que  le  foie,  la  rate  et 
la  moelle  des  os  jouent  le  rôle  d'un  filtre,  où,  grâce  à  un  ralentissement 
considérable  du  courant  sanguin,  les  bactéries  se  déposent  mécaniquement 
et  sont  ensuite  englobées  par  les  cellules  phagocytaires,  qui  sont  les  cellules 
endothéliales  et  les  cellules  fixes  des  viscères  sus-nommés.  Cette  disparition 
rapide  fut  confirmée  par  F.  Nissen  (2).  D'après  "Wérigo  (3),  qui  travailla 
dans  le  laboratoire  de  Metchnikoff,  le  mécanisme  de  la  disparition  des 
microbes  n'est  pas  aussi  simple  que  tendraient  à  le  faire  croire  les  recher- 
ches des  deux  auteurs  précédents.  La  disparition  rapide  des  microbes  est 
réelle,  ainsi  que  leur  accumulation  dans  les  organes,  surtout  le  foie,  la  rate; 
mais,  cette  élimination  n'est  pas  simplement  le  résultat  d'une  réaction  entre 
les  microbes  et  certaines  cellules  endothéliales;  elle  se  fait  par  l'intermé- 
diaire d'un  facteur  :  les  globules  blancs  du  sang.  Ceux-ci  s'emparent  des 


(i)    Wissokowitsch   :     Vcbcr  die  Schkksale  der   iii's  Blut  iiijicirten   Mikioorganismen   im    Koipcr 
der    V/annblûter;   Zeitschr.   f.    Hyg.,    I,    1886. 

(2)  F.  Nissen  :   Zur   Kemttmss   der   bacterienvernichtenden  Eigenschaften   des  Blutes;   Zeitschr.  f. 
Hyg.,   VI,    ,889. 

(3)  WÉRiGO  :   Les  globules  blancs  comme  protecteurs  du  sang;   Annales  de  l'Institut  Pasteur,    1891. 


POUVOIR  BACTERICIDE  DU    SANG   DE  CHIEN  227 

microbes  dès  leur  arrivée  dans  le  sang,  les  englobent  et  s'accumulent  dans 
les  viscères  sas-nommés,  où  ils  les  cèdent  aux  cellules  fixes.  Ce  sont  surtout 
les  leucocytes  à  noyau  polymorphe  qui  sont  chargés  de  ce  transport  ;  l'opé- 
ration terminée,  les  leucocytes  retournent  dans  le  sang. 

La  rétention  des  globules  blancs  dans  certains  viscères  a  pour  résultat 
une  forte  diminution  de  ces  éléments  dans  le  sang.  Mais  cette  diminution 
est  passagère;  non  seulement  le  sang  reconquiert  ses  leucocytes,  mais  il 
présente  dans  la  suite  pendant  plusieurs  heures  une  hyperleucocytose 
marquée. 

Aucun  des  auteurs  précédents  n'a  cherché  à  fixer  le  pouvoir  bactéricide 
d'un  sang  ainsi  dépouillé  partiellement  de  ses  leucocytes;  aussi,  nous  ne 
savons  pas  dans  quelle  mesure  ce  pouvoir  se  trouve  modifié;  néanmoins 
les  recherches  de  Nissen  dans  le  laboratoire  de  Flugge  et  surtout  celles 
de  Bastjn  dans  le  laboratoire  de  pathologie  expérimentale  de  Louvain 
permettent  de  conjecturer  qu'il  se  trouve  considérablement  altéré. 

Nissen  est  le  premier  qui  constata  qu'une  injection  de  microbes  vivants 
dans  les  vaisseaux  abolit  le  pouvoir  bactéricide;  mais  il  conteste  cette 
propriété  aux  microbes  morts  et  prétend  que,  si  le  pouvoir  est  aboli  pour 
une  espèce,  il  ne  l'est  pas  pour  d'autres. 

Bastin(i)  s'est  proposé  d'étudier  les  oscillations  que  subissait  la  pro- 
priété bactéricide  du  sang  sous  l'influence  des  microbes.  Dans  ce  but,  il 
recourt  au  procédé  opératoire  employé  par  Wyssokowitsch,  c'est-à-dire  qu'il 
introduit  dans  les  vaisseaux  une  certaine  suspension  d'organismes.  Puis,  il 
recueille  du  sang  à  des  intervalles  variables  et  compare  sa  puissance  bacté- 
ricide à  celle  qu'il  possédait  antérieurement  à  toute  injection.  Il  arrive  ainsi 
aux  conclusions  suivantes,  dont  les  unes  sont  conformes  à  celles  de  Nissen, 
d'autres  sont  contraires,  et  d'autres  encore  sont  complètement  neuves. 

1°  L'injection  dans  le  sang  d'une  certaine  quantité  de  microbes  abolit 
ou  diminue  considérablement  son  pouvoir  bactéricide. 

20  Le  pouvoir  bactéricide  est  aboli  aussi  bien  par  l'injection  de  cul- 
tures stérilisées  que  par  celle  de  cultures  vivantes. 

3°  Il  existe  un  rapport  de  proportionnalité  entre  la  dose  injectée  et  le 
degré  de  diminution  du  pouvoir  bactéricide. 

4°  Cette  diminution  se  produit  avec  une  grande  rapidité,  une  quasi- 
instantanéité. 


(i)     A.   Bastin     :    Contribution  à  l'étude  du  pouvoir  bactéricide  du  san^^   La  Cellule,  t.   VIII,    1892. 


29 


228  J.   HAVET 

5°  Le  pouvoir  bactéricide  se  reproduit  avec  une  grande  rapidité;  cette 
régénération  s'annonce  déjà  après  une  demi-heure;  au  bout  de  5  à  6  heures, 
le  pouvoir  bactéricide  est  en  grande  partie  récupéré. 

6°  Le  pouvoir  bactéricide  aboli  pour  une  espèce  microbienne  l'est 
aussi  pour  d'autres  espèces. 

7°  Dans  les  infections  graves  produites  chez  les  animaux  par  l'injection 
de  microbes  vivants  dans  les  tissus,  le  sang  présente  une  diminution  du 
pouvoir  bactéricide,  et  le  degré  de  cette  diminution  paraît  être  en  rapport 
avec  l'intensité  de  l'infection. 

8"  Dans  les  infections  légères,  du  moins  chez  Ihomme,  le  pouvoir 
bactéricide  du  sang  paraît  augmenter. 

Les  expériences  de  Bastin  ont  fixé  ainsi  bien  nettement  les  modifica- 
tions qui  atteignent  le  pouvoir  bactéricide;  elles  en  ont  établi  l'intensité, 
la  rapidité,  le  retour  graduel;  elles  ont  montré  que,  aboli  pour  un  microbe, 
il  l'est  pour  les  autres;  mais  l'attention  de  l'auteur  ne  s'est  pas  portée  sur 
les  leucocytes.  Or,  nous  savons  par  les  expériences  de  Wérigo  que,  sous 
l'action  des  injections  intravasculaires  de  microbes,  le  nombre  des  leuco- 
cytes subit  des  oscillations  analogues  à  celles  de  la  puissance  bactéricide; 
ils  diminuent  dans  une  première  période  pour  reparaître  dans  une  seconde. 
Ces  périodes  coïncident-elles  avec  les  fluctuations  analogues  que  subit  le 
pouvoir  bactéricide? 

C'est  dans  le  but  d'éclairer  cette  question  que  nous  rapportons  les  ex- 
périences suivantes. 

En  premier  lieu,  nous  étudierons  la  période  de  disparition  du  pouvoir 
bactéricide;  en  second  lieu,  celle  de  son  retour. 

A.     Période   de    disparition   du   pouvoir  bactéricide. 
Expérience  I. 

CHIEN  de  32oo  gr. 
A  10, 5o  heures.  Première  prise  de  sang  et  injection  de  i  ce.  d'une  émulsion  de 
staphylocoques  dans  l'eau  salée.  Les  staphylocoques  ont  été  tués 
par  une  température  de  60°  maintenue  pendant  quinze  minutes. 
,4  1 1  heures.  Deuxième  prise  de  sang.  Les  leucocytes  à  noyau  poly  morphe  ont 
complètement  disparu  ;  il  ne  reste  plus  que  des  leucocytes  à  noyau 
rond    et   à    corps    protoplasmatique   peu    développé. 

Ces  deux  portions  de  sang  sont  divisées  en  deux  moitiés,  et  chacune 
d'elles  est  inoculée  avec  une  culture  de  bacille  commun  de  l'intestin  dans 
du  .sang  de  chien.  Le  tableau  suivant  donne  les  résultats. 


POUVOIR    BACTERICIDE    DU    SANG    DE    CHIEN 


TABLEAU  I. 


(i'''^   portion. 
Une    anse    de 
bacilles  communs, 
pris    avant  < 
rmjection.   i         ^me   portion. 

f    5  anses  de  bacilles 
\  communs. 


Sang  pris 
lo  minutes 

après       '\ 
l'injection.  ' 


3'^^   portion. 

Une    anse    de 

bacilles  communs. 

4™«   portion. 

5  anses  de  bacilles 

communs. 


IMMÉD.  APRÈS 

APRÈS  I  H. 

APRÈS  2  H-î 

APRÈS  4  H. 

23lOO 

9 

0 

G 

54400 

546 

62 

52 

8240 

11440 

16660 

22080 

49125 

89640 

58400 

Innombrables 

L'expérience  est  concluante  :  les  deux  premières  portions  accusent  une 
puissance  bactéricide  intense;  les  deux  dernières,  une  perte  complète  de 
ce  pouvoir.    - 

Expérience  II. 

Dans  l'expérience  précédente,  nous  avons  ensemencé  largement  les 
portions  de  sang.  Dans  l'expérience  suivante,  l'ensemencement  a  été  parci- 
monieux, afin  de  faire  ressortir  d'autant  mieux  l'impuissance  du  sang  dé- 
pouillé de  ses  leucocytes.  En  outre,  nous  avons  fait  la  numération  des 
globules  blancs  en  comptant  le  nombre  de  ces  éléments  compris  dans 
plusieurs  champs  du  microscope  et  en  établissant  la  moyenne.  Nous  avons 
eu  soin  de  faire  cette  opération  sur  des  préparations  où  une  anse  de  sang 
avait  été  étalée  autant  que  possible  en  couche  uniforme  et  d'épaisseur  égale. 

CHIEN   de   3780   gr.     . 
A    7,1 5    heures      Première  prise  de  sang  et  injection  de  4  cent,  cubes  de  staphylocoques 

tués.  Dans  le  sang  recueilli,  nous  trouvons  82  leucocytes  par  champ, 

presque   tous    à    noyau    polj'morphe. 
A    7,3o    heures.     Deuxième   prise    de   sang.    Les    globules   blancs  à  noyau  polymorphe 

sont   extrêmement  rares.    Dans  9  champs  réunis,  nous  n'en  comptons 

qu'un,    à   côté   de   24   leucocytes   à   noyau   rond. 


230 


J      HAVET 


TABLEAU    II. 


IMMÉD. 
APRÈS 

I  H.  APRÈS 

2  H.  APRÈS 

4  H.  APRÈS 

6  H.  APRÈS 

j    Enseniencemenl 

23o 

5 

0 

0 

0 

l          avec   une 

irc  prise  de  '  anse  bac     comm. 

sang.        j 

/    Ensemencement 

2220 

ii6 

I 

2 

3 

\      avec    8    anses. 

2""=  prise  de  l    Ensemencement 

i59 

195 

494 

35i 

582 

sang.        (      avec  une  anse. 

Dans  cette  expérience,  nous  éliminons  les  leucocytes  par  une  injection 
unique;  mais,  si  au  lieu  de  procéder  d'un  seul  coup,  nous  injectons  des 
doses  faibles  de  façon  à  éliminer  les  globules  blancs  par  étapes  successives, 
pouvons-nous  constater  une  extinction  graduelle  et  partielle  du  pouvoir 
bactéricide? 


< 


Expérience   III. 

Nous  faisons  quatre  injections  successives,  dont  chacune  prise  à  part 
est  trop  faible  pour  éliminer  les  leucocytes;  5  à  10  minutes  après  chaque 
injection  fémulsion  de  staphylocoques  tués  par  la  chaleur),  nous  prélevons 
un  peu  de  sang,  lequel,  après  ensemencement  avec  du  bacille  commun 
de  l'intestin,  sert  à  faire  des  plaques.  Par  l'examen  microscopique,  nous 
pouvons  nous  assurer  que  le  nombre  des  leucocytes  a  diminué  après  chaque 
injection,  et  qu'après  la  quatrième,  les  leucocytes  à  noyau  polymorphe 
sont  éliminés  complètement. 

CHIEN    de    3940    gr. 
A    7,25    heures.    Première   prise   de   sang   et   injection   d'une   demi-seringue  de  staphy- 
locoques  tués. 

)i         Deuxième  prise  de  sang.   Les  globules  blancs  ont  diminué,   mais  sont 
encore  nombreux.   Nouvelle  injection  de  1/2  ce.  de  staphylocoques. 

))         Troisième   prise  de  sang.    Les   globules  blancs  n'ont  pas  encore  com- 
plètement  disparu.    Nouvelle    injection    de    i    ce.    de    staphylocoques. 

))         Quatrième   prise   de    sang   et    injection    de    i    ce.    de    staphylocoques. 

1)  Cinquième   prise    de   sang.     Élimination    complète    des    leucocytes    à 

noyau   polymorphe. 


')    7.40 


I)    8,22 
»    8,34 


POUVOIR  BACTERICIDE  DU  SANG  DE  CHIEN 


231 


TABLEAU  III. 


IMMÉD.    APRÈS 
ENSEMENCEMENT 

2    H.    APRÈS 

4    H.    APRÈS 

6    H.    APRÈS 

333oo 

4020 

588 

473 

60480 

18720 

28250 

74340 

47040 

14430 

37800 

Innombrables 

34320 

22490 

48920 

Innombrables 

56940 

26i3o 

i3g2oo 

Innombrables 

!'■<=  prise. 
2"«  prise. 
3™<=  prise. 
4100  prise. 
5 me   prise. 

On  peut  voir  dans  ce  tableau  que  le  pouvoir  bactéricide  diminue  gra- 
duellement au  fur  et  à  mesure  que  les  leucocytes  disparaissent.  Dans  la 
portion,  1,  recueillie  avant  toute  injection,  la  diminution  est  progressive  et 
ininterrompue  :  33300  à  473.  Dans  les  portions  suivantes,  la  diminution 
existe  seulement  à  la  deuxième  heure;  à  la  quatrième  heure,  la  pullulation 
est  prononcée  partout  et  d'autant  plus  accusée  que  l'on  descend  la  série 
des  prises. 

L'examen  microscopique  des  préparations  faites  en  même  temps  que 
les  plaques  donne  des  résultats  complètement  confirmatifs  de  ceux  fournis 
par  les  plaques.  Le  développement  se  montre  d'autant  plus  rapide  et 
d'autant  plus  abondant  que  le  nombre  des  leucocytes  est  plus  faible. 

TABLEAU    IV. 


!'■'=   portion. 


2"«   portion. 


3""^  portion. 


4""^  portion. 


5™«  portion. 


2™^     HEURE 

4""=     HEURE 

Rares  chaînettes  de  4  ;  un  peu 

Pas  d'organismes  libres  ;  après  de 

de   phagocytose. 

longues  recherches,  un  amas  de 

leucocytes  avec  quelq.  bacilles. 

Id    comme  pour  la   i"  portion. 

Plusieurs    bacilles    et   chaînettes 

courtes  par  champ  microscop. 

Phagocytose  bien  marquée. 

Plusieurs    chaînettes   de   4    par 

Beaucoup  d'amas  et  de  chaînettes 

champ. 

par  champ.  Phagocytose. 

Les  chaînettes  sont  plus  longues 

Id. 

que  précédemment. 

Chaînettes  plus  longues  que  dans 

Culture  ;  pas  de  phagocytose. 

la  portion  précédente. 

232  J-    HAVET 

/■ 

Nous  pouvons  conclure  de  ces  trois  expériences  que  m  perte  du  pouvoir 
bactéricide  et  la  disparition  des  leucocytes  marchent  de  pair. 

B.     Période,  de   retour   du   pouvoir  bactéricide. 

A.  Bastin  et  Wérigo  ont  constaté  que  les  modifications  imprimées  au 
sang  par  les  injections  n'étaient  que  de  courte  durée.  Après  un  certain 
nombre  d'heures ,  le  pouvoir  bactéricide  et  la  richesse  leucocytaire  se 
reconstituent.  Il  importe  à  nous,  qui  avons  pour  but  d'étudier  les  rela- 
tions qui  existent  entre  la  propriété  microbicide  et  l'élément  leucocytaire, 
d'examiner  si  le  retour  de  la  première  coïncide  avec  le  retour  du  second. 

Dans  ce  but,  nous  avons  laissé  en  vie  les  chiens  qui  nous  ont  fourni 
les  résultats  exposés  plus  haut,  et  nous  nous  sommes  renseigné,  par  de 
petites  incisions  faites  de  temps  en  temps  à  l'oreille,  sur  le  moment  où  le 
sang  rentrait  en  possession  de  ses  globules  blancs.  Quand  nous  jugions 
le  moment  opportun,  nous  recueillions  un  peu  de  sang  par  la  carotide  et 
fixions  son  pouvoir  bactéricide.  Sur  certains  chiens,  nous  avons  renouvelé 
cette  opération  plusieurs  fois,  de  façon  à  avoir  l'occasion  d'étudier  l'inten- 
sité du  pouvoir  bactéricide  à  différentes  étapes  de  la  reconstitution  du 
sang. 

Nous  reprenons  donc  l'histoire  de  nos  trois  chiens,  chez  lesquels  nous 
avons,  par  une  injection  de  staphylocoques,  aboli  le  pouvoir  bactéricide,  en 
même  temps  que  nous  éliminions  les  leucocytes  de  la  circulation. 

Pour  permettre  au  lecteur  de  juger  plus  facilement  du  réveil  du  pou- 
voir bactéricide,  nous  reprenons  dans  chaque  tableau  l'état  du  pouvoir 
tel  qu'il  était  après  l'élimination  leucocytaire. 

Expérience  IV. 

(Continuation  de  l'expérience  I.) 

CHIEN    I. 
A    II, oo  heures.    Injection    de    staphylocoques    et   disparition    des    leucocytes. 
»      5,3o        ))  Retour   abondant   des   leucocytes.    T.    R.    Sgf.ô.    Prise   de    sang. 


POUVOIR    BACTERICIDE    DU    SANG    DE    CHIEN 


233 


TABLEAU   V. 


Sang 
privé  de  ses 
leucocytes. 


Sang 
pendant  le 
retour  des 
leucocytes. 


!'■'=   portion. 
Une   anse   bac. 


2""=  portion. 
5   anses    bac. 


ir^   portion. 
Une   anse   bac. 


2me   portion. 

5    anses     bac. 

comm. 


IMMÉD.  APRÈS 

APRÈS  I  H. 

APRÈS  2  H. 

APRÈS  4  H. 

8240 

II 400 

16660 

22080 

49125 

89640 

58400 

Innombrables 

I414O 

540 

36 

31700 

4o5o 

728 

Expérience    V. 

(Continuation    de   l'expérience  II.) 

A      7,20  heures.    Injection    de    microbes    et    disparition    des    leucocytes.    Moyenne    des 

leucocytes   à   noyau   polj-morphe    :    i    sur   g  champs  microscopiques. 

1)    10, 3o        ))  Globules  blancs  assez  nombreux.  Moyenne  par  champ  :   23.  S™*:  prise 

de  sang. 
»      2,45         »  Globules  blancs  nombreux.  Moyenne  par  champ  :  56.  4""^  prise  de  sang. 

Pour  bien  juger  des  résultats,  n'oublions  pas  que  la  moyenne  des  glo- 
bules blancs  antérieurement  à  toute  injection  était  de  82. 

TABLEAU   VL 


Pouvoir 
du  sang  après 

élimination 
des  leucocytes 

3""=   prise. 

23  leucocj'tes 

par  champ. 


Poi'tion 

avec  i  anse  bac. 

comm. 

i'''^   portion 

avec  I  anse  bac. 

comm. 

2"«    portion 
avec   8   anses. 

/       !'■<:   portion 
4™|=   prise,     l  avec  i  anse  bac. 
56  leucocytes  |  comm. 

par  champ.    /      2""^  portion 
\    avec   8   anses. 


DE  SUITE 
APRÈS 

APRÈS  I  H. 

APRÈS  2  H. 

APRÈS  4  H. 

APRÈS  6  H. 

i59 

195 

494 

35l 

682 

289 

108 

24 

4 

5 

1287 

353 

169 

84 

83 

67 

3 

I 

2 

I 

444 

65 

46 

i3 

3 

!34 


J.    HAVET 


Expérience  VI. 
(Continuation    de   l'expérience   III.) 


A      8,34  heures.    Élimination    complète    des   leucocytes   par   les    microbes    injectés. 
,,10,40         )>  Les   globules  '  reparaissent   en   petite  quantité.  Sixième  prise  de  sang. 

,)      4,3o         I) 


Les    globules    sont   revenus    nombreux.    Septième    prise   de   sang. 


TABLEAU   VIL 


IMMÉD.  APRÈS 

APRÈS  I  H. 

APRÈS  2  H. 

APRÈS  4  H. 

56940 

25i3o 

139200 

Innombrables 

34730 

19570 

i855o 

66820 

2223o 

83 

0 

5™^   prise    de    sang. 

Élimination    complète   des 

leucocytes. 

6™<:   prise. 
Petit   nombre   de   leucocytes. 

7™e   prise. 
Leucocytes    nombreux. 


La  signification  de  ces  expériences  est  bien  nette  et  se  passe  de  tout 
commentaire  :  le  retour  des  leucocytes  coïncide  avec  le  retour  du  pouvoir 
bactéricide.  La  coïncidence  est  surtout  intéressante  à  poursuivre  dans  les 
expériences  V  et  VI,  où  nous  avons  pu  recueillir,  pendant  la  réintégration 
graduelle  des  leucocytes,  du  sang  à  deux  reprises  difîférentes  :  le  premier 
pauvre  en  leucocytes,  le  second  plus  riche  mais  inférieur  néanmoins  au 
sang  primitif.  La  doctrine  exige  que  le  pouvoir  du  premier  fut  inférieur  au 
second,  et  celui  du  second  inférieur  au  pouvoir  du  sang  primitif,  et  de  fait, 
c'est  le  résultat  fourni  par  les  plaques. 

Enfin,  pour  établir  encore  plus  nettement  le  lien  intime  qui  existe 
entre  le  pouvoir  bactéricide  et  les  leucocytes,  nous  avons,  chez  les  chiens 
II  et  III,  après  le  retour  des  leucocytes,  pratiqué  une  nouvelle  injection 
microbienne,  afin  d'éliminer  une  seconde  fois  les  leucocytes;  le  résultat 
fut  absolument  le  même  qu'après  la  première  injection  :  diminution 
ou  disparition  des  leucocytes,  diminution  ou  abolition  du  pouvoir  bac- 
téricide. 

Voici  les  chiffres  de  l'une  de  ces  expériences  : 


POUVOIR    BACTERICIDE    DU    SANG    DE    CHIEN 


235 


Expérience    VII. 
(Continuation   des   expériences   II  et    V.) 

A  3  heures.  Après  le  retour  partiel  des  leucocytes,  nouvelle  injection  de  staphylo- 
coques dans  la  jugulaire  et  5'"'^  prise  de  sang.  Nous  comptons  3  leucocytes 
contre    56    immédiatement   avant   et   82    au   début   de   l'expérience. 

TABLEAU    VIII. 


Sang  avant 

la    2""=    injection. 

56  leucoc3tes. 

Sang  après 

la    2™'-'   injection. 

3    leucocvtes. 


i^e   portion. 
Une  anse  bac.  comm 

2ine  portion.  8  anses. 

1'''^  portion. 
Une  anse  bac.  comm. 

2™'ï  portion.  8  anses. 


DE  SUITE   1 
APRÈS 

I  HEURE 

2  HEURES 

67 

3 

I 

444 

65 

46 

38 

19 

76 

468 

2054 

1288 

Des  expériences  précédentes,  nous  nous  croyons  autorisé  à  tirer  les 
conclusions  suivantes  : 

1°  la  disparition  des  leucocytes  et  la  perte  du  pouvoir  bactéricide 
qui  suivent  Finjection  de  produits  microbiens  dans  le  sang  sont  deux 
phénomènes  intimement  liés  l'un  à  l'autre.  Si  la  dose  injectée  est  suffisante 
pour  éliminer  d'un  coup  les  leucocytes,  le  pouvoir  est  aboli  complètement; 
si  la  dose  est  insuffisante,  la  diminution  de  ce  pouvoir  est  proportionnelle 
au  nombre  des  globules  blancs  éliminés. 

2°  Le  retour  du  pouvoir  bactéricide  coïncide  avec  la  réapparition  des 
leucocytes. 

3°  Ce  pouvoir  croit  au  fur  et  à  mesure  que  le  nombre  des  globules 
blancs  augmente. 


30 


TROISIÈME     PARTIE, 


INJECTION  DE  MICROBES  VIVANTS  DANS  LES  SÉREUSES. 

Nous  venons  de  voir  qu'après  l'injection  de  cultures  tuées  dans  le 
sang,  les  variations  du  pouvoir  bactéricide  du  sang  marchent  de  pair 
avec  la  richesse  en  leucocytes.  La  façon  dont  nous  avons  exécuté  nos 
expériences  —  injection  intravasculaire  d'une  culture  morte  —  réalise  en 
un  acte  l'envahissement  lent,  mais  ininterrompu,  du  sang  par  des  produits 
bactériens  dérivant  d'un  foyer  infectieux  occupant  les  tissus.  Dans  l'un  et 
dans  l'autre  cas,  si  la  porte  d'entrée  est  différente,  l'effet  est  le  même  et 
nous  pouvons  nous  attendre  à  des  résultats  identiques. 

Nous  avons  vu  plus  haut  que  Bastin,  étudiant  chez  le  chien  et  chez 
l'homme  le  pouvoir  bactéricide  du  sang  dans  le  cas  d'infection  expérimen- 
tale ou  naturelle,  était  arrivé  à  la  conclusion  que,  dans  les  infections  graves 
conduisant  à  la  mort,  le  pouvoir  bactéricide  du  sang  baisse  et  devient  même 
nul,  tandis  que,  dans  les  infections  légères,  il  y  a  recrudescence  de  ce  pou- 
voir. Mais  ici  encore,  cet  auteur  ne  nous  renseigne  pas  sur  les  variations  de 
nombre  des  globules  blancs.  Des  recherches  de  cette  nature  ont  été  faites 
dernièrement  par  M^^^^  Everard,  M""^  Demoor  et  Massart(i).  Ces  auteurs 
ont  étudié  le  sort  des  leucocytes  du  sang  après  une  injection  de  cultures 
vivantes,  stérilisées  ou  filtrées,  dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané,  et  ils 
formulent  le  résultat  de  leurs  recherches  dans  les  propositions  suivantes  : 

s  L'injection  de  cultures  microbiennes  vivantes  ou  mortes  détermine 
n  en  premier  lieu  l'abaissement  du  nombre  des  leucocytes  circulants,  et 
»  surtout  des  leucocytes  à  noyau  polymorphe  compact  et  à  protoplasma 
y  granuleux. 

"  Lorsque  l'animal  résiste  à  l'infection,  la  période  d'hypoleucocytose 
"  est  suivie  d'une  phase  pendant  laquelle  les  leucocytes,  principalement  les 
»  leucocytes  à  noyau  polymorphe,  sont  très  abondants  ;  puis  le  sang  reprend 
r>  des  caractères  normaux. 


(i)     Cl.  Everard,  J.  Demoor,   J.  Massart  ;  Sur  les  modifications  des  leucocytes  dans  l'infection  et 
dans   l'immunisation;   Annales  de   Tlnstitut   Pasteur,    iSgS. 


POUVOIR  BACTERICIDE  DU  SANG  DE  CHIEN  237 

»  La  phase  typique  d'hyperleucocytose  fait  défaut  chez  les  individus 

V  qui  succombent  à  l'infection  ;  tantôt,  elle  manque  complètement  (lorsque 
«  la  mort  survient  rapidement)  ;  tantôt,  elle  est  remplacée  par  une  série 

V  d'oscillations  (quand  la  maladie  infectieuse  se  prolonge  plus  longtemps).  " 

Ces  résultats,  mis  en  regard  de  ceux  obtenus  par  Bastin,  permettent 
de  conjecturer  que  les  fluctuations  du  pouvoir  bactéricide  observées  par 
cet  auteur  sont  sous  la  dépendance  des  variations  leucocytaires  décrites  par 
les  trois  auteurs  belges.  Pour  trancher  la  question,  nous  avons  injecté  à  trois 
chiens  des  cultures  vivantes  de  staphylocoques  venues  sur  agar  incliné,  et 
cela,  de  la  façon  suivante  :  un  premier  chien  reçoit,  dans  la  plèvre,  le  produit 
de  deux  tubes  dilué  dans  2  ce.  d'eau  stérilisée  ;  un  second  chien  est  injecté, 
dans  la  plèvre  également,  avec  un  demi-tube  dilué  dans  2  ce.  d'eau  +  2  ce. 
de  bile;  à  un  troisième,  une  injection  est  pratiquée  dans  le  péritoine  avec 
un  demi-tube  dilué  dans  2  ce.  d'eau  +  2  ce.  de  bile. 

L'addition  de  bile  dans  les  deux  dernières  expériences  a  pour  but  de  fa- 
voriser l'infection,  de  la  stimuler,  d'assurer,  si  possible,  la  mort  des  animaux. 
Les  résultats  obtenus  par  Laruelle  et  De  Marbaix  avec  ce  produit  permettent, 
en  effet,  de  le  considérer  comme  une  substance  adjuvante  de  première  qualité. 

Nos  expériences  démontrent  encore  une  fois  l'efficacité  de  cette  humeur. 
En  effet,  le  premier  chien,  qui  ne  reçoit  pas  de  bile,  se  rétablit  complètement; 
les  deux  autres  succombent,  quoique  la  dose  de  microbes  injectée  fut  de 
beaucoup  inférieure  à  celle  du  chien  L 

Nous  commençons  par  l'exposé  de  notre  expérience  avec  le  premier  de 
ces  chiens. 

Expérience    VIII. 

CHIEN    de   3820   gr. 
A   10, 3o  heures.    Prise  de  sang  à  la  carotide.  En  mo}renne,  120  globules  blancs  par  champ. 
Injection  dans  la  plèvre  de  staphylocoques  vivants  (valeur  de  2  tubes 
dilués  dans  2  ce.  d'eau  stérilisée). 
»     2,3o        »         T.    R,    400,3.    Deuxième    prise   de   sang.    En   moyenne  ,  17   globules 

blancs    par   champ. 
Le  lendemain  matin,  8  heures.  T.  R.  39°, 4.  Troisième  prise  de  sang.  Les  globules  blancs 
sont  revenus  en  nombre  très  considérable.  En  moyenne,  180  par  champ. 

Les  deux  premières  prises  fournissent  chacune  deux  portions  de  5  ce, 
dont  l'une  est  ensemencée  avec  deux  anses,  l'autre  avec  une  goutte  de 
culture  de  bacille  commun  de  l'intestin  dans  le  sang  de  chien. 

La  troisième  prise  fournit  trois  portions,  également  de  5  ce,  qui  sont 
ensemencées  respectivement  avec  deux  anses,  une  goutte  et  deux  gouttes. 


238 


J.  HAVET 


Comme  on  le  voit,  nous  avons  ensemencé  certains  de  nos  tubes  avec  des 
quantités  relativement  considérables  :  une  goutte  de  culture  ancienne  pour 
5  ce.  ou  loo  gouttes  de  sang  frais.  En  agissant  ainsi,  nous  avons  eu  en  vue 
de  mettre  le  sang  dans  les  conditions  voulues  pour  qu'il  put  manifester 
la   totalité    de   sa    puissance    bactéricide.    En   effet,    si    l'on    se    contente 
d'ajouter  des  quantités  minimes  de  microbes,  ces  quantités  disparaissent 
presqu'aussi  rapidement  dans  un  sang  très  bactéricide  que  dans  un  sang  de 
puissance  moyenne.   La  raison  en  est  simple;  la  destruction  des  microbes 
étant  fonction  des  leucocytes,  on  aura  dans  un  sang  de  richesse  moyenne  ou 
même  faible  assez  de  ces  éléments  pour  accaparer  le  petit  nombre  d'orga- 
nismes ajoutés.  Les  deux  sangs  sembleront  posséder  le  même  pouvoir,  quoi- 
qu'en  réalité  l'un  surpasse  l'autre  de  beaucoup.  La  supériorité  de  l'un  d'eux 
échappera,  simplement  parce  qu'on  ne  l'aura  pas  sollicité  à  donner  tout  ce 
qu'il  pouvait.  Si  l'on  veut  faire  des  études  comparatives  sur  le  pouvoir  bac- 
téricide de  plusieurs  échantillons  de  sang,  il  est  donc  indispensable  de  le 
faire  agir  sur  des  quantités  suffisantes,  par  exemple  une  goutte  de  culture 
pour  5  ce.  de  sang.  C'est  ce  que  nous  avons  fait. 

Les  plaques  nous  ont  fourni  les  chiffres  suivants. 


TABLEAU    IX. 


Prise  A. 
Sang   recueilli 

avant 
toute  injection. 
I20  leucoc3'tes  | 
par  champ. 

Prise  B. 

Sang   recueilli 
à   la   disparition 
des  glob.  blancs. 

17  leucocytes 
par   champ. 


APRÈS   U  H.  APRÈS  I  2  H.  APRÈS  4  H.  APRÈS  OH.  APRÈS 


i"''^  portion. 

2  anses  bac. 

çomm. 

2""^  portion. 
Une  goutte. 

3'"'=  portion 
2  anses. 

^me  portion. 
Une  goutte. 

/    5™<^  portion. 


i  le\ 


Prise  C 

Sang  recueill 

lendemain 

180  leucocytes 

par  champ. 


2  anses. 

gmc  portion. 
Une  goutte. 

^mc  portion. 
2  gouttes. 


ôoooo 


i55ooo 


60000 


i65ooo 


ôoooo 


i55ooo 


360000 


3  8000 

42000 

78760 

9025 

18040 

40725 


106 


32l52 


490 


756 


3ooo 


10 


1224      444 


8040     58o8 


55632 


280 


140 


16800 


Innombr. 


72 


POUVOIR    BACTERICIDE    DU    SANG    DE    CHIEN 


239 


L'expérience  est  aussi  intéressante  que  décisive. 

D'un  côté,  par  les  oscillations  du  pouvoir  bactéricide,  elle  s'harmonise 
avec  les  expéziences  de  Bastin,  de  l'autre,  par  les  oscillations  de  la  richesse 
leucocytaire,  avec  les  observations  des  auteurs  belges,  et  elle  nous  permet 
de  conclure  que,  dans  les  infections  se  terminant  par  la  guérison,  le  stade 
d'hypoleucocytose  s'accompagne  d'une  diminution  du  pouvoir  bactéricide , 
le  stade  d'hyperleucocytose,  d'une  augmentation  de  ce  pouvoir.  En  un  mot, 
les  conclusions  obtenues  répondent  complètement  aux  exigences  de  la 
doctrine  phagocytaire.  La  prise  C,  la  plus  riche  en  globules  (180),  tue  les 
organismes  en  plus  grand  nombre  et  le  plus  rapidement.  Puis  vient  la 
portion  A  (richesse  en  leucocytes  :  128),  et  enfin  la  portion  B  (richesse  en 
leucocytes  :  17)- 

La.  comparaison  entre  la  prise  C  et  la  prise  A  eut  été  plus  intéressante 
encore,  si  nous  avions  ensemencé  un  échantillon  de  A  avec  deux  gouttes 
de  culture.  La  différence  entre  A  et  C  n'en  eut  été  que  plus  frappante,  car 
l'habitude  que  nous  avons  de  ce  genre  de  recherches  nous  permet  d'affirmer 
que  la  portion  A  ne  serait  pas  parvenue  à  maîtriser  les  deux  gouttes. 

Cette  expérience  confirme  en  outre  un  fait  déjà  soupçonné  à  la  suite 
des  expériences  de  Bastin  sur  l'homme  pour  le  staphylocoque  et  établi  en 
toute  évidence  par  J.  Denys  et  Kaisin  (1)  chez  le  chien  et  le  lapin  pour  le 
charbon  :  à  savoir  que,  dans  l'organisme  infecté,  il  se  produit  une  réaction 
consistant  en  un  accroissement  du  pouvoir  bactéricide. 

Nous  pouvons  facilement  prouver  que  cet  accroissement  chez  le  chien 
est  dû  uniquement  à  une  augmentation  des  leucocytes.  En  effet,  filtrons  la 
portion  C  prise  au  stade  de  réaction,  et  ensemençons  la  avec  deux  anses  de 
la  même  culture  que  précédemment.  Nous  obtenons  les  chiffres  suivants  : 

TABLEAU   X. 


!   IMMÉD.               1 

APRÈS     APRÈS  I  H.  APRÈS  2  H. 

APRÈS  4  H. 

APRÈS  6  H. 

55ooo 

4-2670 

61000 

129000 

Innombr. 

Portion    C 

filtrée  et  ensemencée  avec 

2  anses  bac.  comm. 

Ce  dernier  résultat  nous  permet  d'entrer  encore  plus  avant  dans  le 
problème  de  la  défense  du  chien  contre  les  microorganismes,  car  il  nous 
permet  de  conclure  que  l'accroissement  du  pouvoir  constaté  dans  les  infec- 


(1)    J.    Denys  et  a.   Kaisin   :  Recherches   à  propos  des  objections  récemment  élevée   contre   le  pou- 
voir bactéricide  du  sang;    La   Cellule,  t.  IX,  2,   i8g3. 


240 


J.    HAVET 


lions  est  dû,  non  pas  à  l'acquisition  par  le  sérum  de  propriétés  spéciales, 
mais  simplement  au  nombre  des  leucocytes. 

Examinons  maintenant  les  chiens  qui  ont  succombé  à  l'injection  des 
staphylocoques  unis  à  la  bile. 

Expérience   IX. 

CHIEN    de    3520   gr. 

A    II, 3o  heures.    Première  prise   de   sang.   Moyenne   des   leucocytes    :    gS    par   champ. 
Injection  de  staphylocoques  vivants  dans  la  plèvre.   Culture  impure  de 
la    valeur   d'un   demi-tube   dilué    dans    2    ce.    de   bile. 
»      2,3o        I)         T.    R.    400,2.     Deuxième   prise   de   sang.    Moyenne   des   leucocytes    : 

16    par   champ. 
1)      5  »  Le  chien. meurt.  Troisième  prise  de  sang  au  cœur.  7  globules   blancs 

en    moyenne. 

Nous  avons  donc  chez  ce  chien  une  diminution  progi'essive  des  leuco- 
cytes. Les  portions  de  sang  sont  également  de  5  ce,  et  elles  sont  ense- 
mencées avec  la  même  culture. 

TABLEAU   XL 


DE  SUITE 


APRÈS     ^   ^"  AP'^ÈS  2  H.  APRÈS  4  H.  APRÈS 


6  H.  APRÈS 


Sang  pris 
avant   toute 
injection.  g8 
leucocytes. 


Sang  pris 
à  2,3o  heures. 
16  leuco- 
cytes. 


Sang  pris 
à  5  heures. 
7    leuco- 
cytes. 


ire  portion.  ôoooo 

2    anses    bac . 
comm. 

omc  portion. 

1  goutte  bac. 

comm. 

V^  portion. 

2  anses   bac. 

comm. 

2™«  portion. 

1  goutte  bac. 

comm. 

i'''^  portion. 

2  anses   bac. 

comm . 

2°"^  portion,     j     i55ooo 
i  goutte. 


i65ooo 


60000 


i65ooo 


60000 


23140 


33280 


51604 


81640 


43730 


Légère 
diminution 


i332 


5i6o 


24000 


18180 


17710 


30400 


igo 


2535 


4i3o 


44200 


34720 


Innombr 


175 


28800 


10044 


Innombr. 


Innombr. 


Innombr. 


POUVOIR  BACTÉRICIDE  DU   SANG  DE  CHIEN  24 1 

Le  résultat  est  net  ;  la  diminution  du  pouvoir  bactéricide  va  baissant 
avec  le  nombre  des  leucocytes. 

Expérience   X, 

CHIEN    de   4200   gr. 
A   10, 3o  heures.    Première  prise  de  sang.   Moyenne  des  globules  blancs  :   56.   Injection 
dans  le  péritoine  de  deux  seringues  de  staphylocoques  additionnées  de 
leur   volume   de   bile. 
))      3,3o        ))         T.   R.  40°.  Deuxième  prise  de  sang.  En  moyenne  :  20  globules  blancs. 
))    10  »         Le   lendemain,     l'animal    meurt.    Troisième    prise    de   sang   au    cœur. 

Moyenne   des   globules  blancs    :    64. 

Avec  chaque  prise  de  sang,  nous  faisons  trois  portions  de  5  ce.  Le  pouvoir 
bactéricide  des  portions  appartenant  à  la  troisième  prise  ne  peut  naturel- 
lement être  fixé  qu'un  jour  après  celui  des  deux  premières  prises;  mais 
l'ensemencement  de  toutes  a  lieu  avec  la  même  culture  mûre  de  coli-bacille 
dans  le  sang  de  chien.  Il  n'y  a  qu'une  différence  :  les  portions  appartenant 
aux  prises  I  et  II  sont  ensemencées  respectivement  avec  1/2  goutte,  1 
goutte  et  2  gouttes;  celles  qui  appartiennent  à  la  prise  III  le  sont  avec  des 
doses  moitié  moindres,  1/4,  1/2  et  1  goutte. 


J.  HAVET 


TABLEAU  XII. 


DE  SUITE 
APRÈS 


I  H.  APRÈS  2  H.  APRÈS  4  H.  APRÈS  6  H.  APRÈS 


Sang    pris 

avant  toute 

injection. 

56   gl.    blancs 

par  champ 


I      ire   portion.' 
1/2   goutte   bac. 
comm. 


/ 


es  i 

I 

\ 


Sang  pris 

à    3   1/2    h. 

20  gl    blancs. 


Sang  recueilli  I 
le  lendemain  \ 
imméd.  après  ; 
la  mort.  j 
64  gl.  blancs.  1 


2""=    portion. 
I    goutte. 

3"'=    portion. 
2    gouttes. 

4me    portion. 
1/2    goutte. 

5mc    portion. 
I    goutte. 

5tnc    portion. 
2    gouttes. 

yf""^    portion. 
1/4    goutte. 

S""^   portion. 
I  2    goutte. 

g"<=   portion. 
I    Efoutte. 


72800 


i55ooo 


2 I 8400 


5og6o 


io5ooo 


Innombr 


3  5  000 


62004 


129772 


8750 


28340 


45895 


7410 


2525o 


32234 


ii3io 


28063 


38280 


756 


85o5 


61200 


960 


5040 


21484 


3990 


10488 


45000 


i3i6 


12180 


28800 


200 


7368 


Innombr. 


25o 


Innombr. 


Innombr. 


3399 


SiSgo 


Innombr. 


Cette  expérience  mérite  notre  attention  à  deux  titres  : 
1°  Tandis  que,  dans  l'expérience  précédente,  la  décroissance  globu- 
laire va  progressant  jusqu'à  la  mort,  il  y  a  dans  celle-ci  un  relèvement;  bien 
plus,  le  nombre  des  leucocytes,  au  moment  où  l'animal  succombe,  est  légè- 
rement supérieur  à  celui  que  nous  lui  avons  trouvé  avant  l'infection.  Ce 
fait  nous  apprend  que  la  gravité  de  l'empoisonnement  et  l'abaissement  du 
nombre  des  leucocytes  ne  marchent  pas  nécessairement  de  pair.  La  défaite 
de  l'organisme  peut  s'accomplir  alors  que  les  leucocytes  sont  encore  nom- 
breux ;  elle  se  produit  alors  par  l'intoxication  graduelle  du  système  nerveux, 
à  laquelle  l'action  leucocytaire  ne  peut  remédier  directement.  N'oublions 
pas,  en  effet,  que  les  leucocytes  ont  pour  mission  de  détruire  les  microbes, 
mais  qu'ils  paraissent  complètement  impuissants  contre  les  poisons  déversés 


POUVOIR   BACTERICIDE   DU    SANG   DE    CHIEN  243 

par  ces  derniers  dans  le  système  circulatoire.  On  conçoit  qu'à  un  moment 
donné  de  la  lutte,  surtout  lorsqu'elle  est  longue,  le  système  nerveux  soit 
intoxiqué  et  paralysé,  alors  que  les  globules  blancs  n'ont  pas  épuisé  toutes 
leurs  ressources.  On  conçoit  même  que,  dans  ces  conditions,  la  mort  puisse 
survenir  à  la  période  d'hyperleucocytose,  qui  constitue  un  effort  réactionnel 
de  la  part  des  phagocytes  pour  maîtriser  les  agents  infectants. 

2°  Si  l'on  compare  attentivement  les  chiffres  fournis  par  les  prises 
I  et  III,  en  tenant  compte  que  les  ensemencements  sont  de  moitié  plus 
faibles  dans  les  portions  7,  S  et  9,  on  constate  avec  étonnement  que  la 
portion  III,  malgré  son  effectif  supérieur  en  leucocytes,  exerce  une  action 
bactéricide  inférieure  à  la  portion  I.  Ce  fait  est-il  de  nature  à  infirmer  la 
corrélation  constante  que  nous  avons  trouvée  jusqu'à  présent  entre  la  ri- 
chesse leucocytaire  et  le  pouvoir  bactéricide? 

Nullement,  mais  il  nous  fait  entrevoir  que  d'autres  facteurs  peuvent 
intervenir  pour  modifier  légèrement  ce  rapport  et  lui  enlever  sa  rigueur 
absolue.  Quels  sont  ces  facteurs  ? 

En  premier  lieu,  on  peut  admettre  une  sorte  d'épuisement,  une  espèce 
de  fatigue  du  leucocyte  qui,  ayant  détruit  un  certain  nombre  d'organismes, 
a  perdu  du-même  coup. une  partie  de  son  énergie. 

En  second  lieu,  il  est  légitime  de  supposer  que  les  poisons  microbiens 
agissent  à  leur  tour  sur  les  leucocytes  et,  dans  certaines  conditions,  para- 
lysent, jusqu'à  un  degré  plus  ou  moins  fort,  leur  fonction  phagocytaire. 

Nous  ne  savons  s  il  faut  attribuer  un  rôle  au  premier  facteur  :  l'épui- 
sement; mais  nous  pouvons  facilement  établir  par  l'expérimentation  que 
les  poisons  microbiens  ralentissent  l'activité  des  phagocytes.  En  voici  une 
preuve. 

Expérience  XI. 

Nous  avons  cinq  portions  de  sang  de  5  ce.  chacune  :  la  première  est  em- 
ployée comme  telle;  aux  quatre  autres,  nous  ajoutons  la  partie  claire  d'une 
ancienne  suspension  de  bacilles  de  l'intestin  dans  l'eau.  Les  bacilles  sont 
venus  sur  pomme  de  terre  et  délayés  dans  l'eau  salée  physiologique,  chlo- 
roformée, dans  la  proportion  i  pour  g.  Il  va  sans  dire  que  le  chloroforme 
a  été  expulsé  complètement,  avant  l'usage,  par  une  douce  chaleur. 

Le  2"'2  tube  reçoit  0,025  ce.  du  poison,  c'est-à-dire  1/4  0/00. 

Le  3™=     -  -      0,05    ce.  -  "  1/2  0/00. 

Le  4™^     -  -       0,25    ce.  -  «  1/4  0/0. 

Le  5™     •.  -       0,5      ce.  -  "  1/2  0/0. 

31 


244 


J.    HAVET 


Les  cinq  tubes  sont  ensemencés  avec  le  coli-bacille  et  fournissent  les 
chiffres  suivants  : 

TABLEAU    XIIL 


DE  suite' 
APRÈS 

APRÈS  I  H. 

APRÈS  2  H. 

8384 

APRÈS  4  H. 

APRÈS  6  H. 

lOOOOO 

23807 

476 

340 

lOOOOO 

28861 

14720 

1079 

5148 

lOOOOO 

31720 

23349 

1680 

12420 

lOOOOO 

3  2  200 

1 

11970 

2000 

6600 

lOOOOO 

1 

28188 

20440 

II 200 

49400 

Tube    I. 

Tube    II. 

1/4  0/00. 

Tube    III. 
1/2  0/00. 

Tube    IV. 
1/4  0/0. 

Tube   V. 

1/2  0/0. 

Le  sang  le  plus  puissant  est  celui  du  premier  tube,  c'est-à-dire  celui 
qui  n'a  pas  reçu  de  poison  ;  la  diminution  va  en  progressant  jusqu'à  la 
dernière  heure! 

Dans  les  tubes  suivants,  le  minimum  est  partout  supérieur  au  mini- 
mum du  premier  tube;  en  outre,  dès  la  sixième  heure,  nous  avons  une 
repullulation  accentuée,  surtout  dans  le  dernier  tube  qui  reçut  la  dose  la 
plus  forte. 

Cette  expérience  prouve  que  les  poisons  bactériens  exercent  une  in- 
fluence paralysante  sur  les  globules  blancs.  Cette  influence  se  fait  déjà  sentir 
avec  des  doses  extrêmement  faibles  :  0,025  0/0.  Si  l'on  songe  que  l'émulsion 
microbienne  qui  a  fourni  le  poison  est  elle-même  au  dixième,  les  microbes 
exercent  leur  effet  paralysant  à  la  dose  de  0,0025  0/0  ;  et  si  l'on  tient  compte 
que  les  microorganismes  contiennent  80  0/0  d'eau,  l'action  paralysante 
s'obtient  avec  0,0005  0/0  de  microbes  desséchés.  Encore,  admettons-nous, 
ce  qui  est  évidemment  faux,  que  toute  la  substance  microbienne  est  formée 
de  ce  poison. 

En  même  temps  que  nous  avons  fait  les  plaques,  nous  avons  confec- 
tionné des  préparations  microscopiques  avec  les  cinq  sortes  de  sang,  de  quart 
d'heure  en  quart  d'heure  d'abord,  de  1/2  heure  en  1/2  heure  ensuite. 

Nous  avons  pu  constater  le  phénomène  de  la  phagocytose  chez  toutes; 
mais  tandis  que,  dans  les  dernières  préparations  du  tube  I,  ce  phénomène 


POUVOIR    BACTERICIDE    DU    SANG    DE    CHIEN 


245 


avait  presque  disparu,  les  microbes  libres  faisant  défaut,  les  préparations 
correspondantes  des  autres  tubes  montraient  au  contraire  de  nombreux 
leucocytes  avec  des  organismes  intacts  ou  détériorés  et  de  nombreux  bâton- 
nets libres.  Cet  examen  confirme  donc  entièrement  les  résultats  fournis  par 
les  plaques. 

Pour  terminer,  donnons  encore  une  expérience  du  même  genre;  elle  est 
intéressante  parce  que  l'ensemencement  a  été  fait  avec  du  sang  de  chien  con- 
tenant, à  côté  du  bacille  de  l'intestin,  un  autre  organisme,  un  microcoque. 

Expérience  XII. 

Nous  avons  également  ici  cinq  portions  de  sang  de  5  ce.  ;  les  quatre 
dernières  sont  additionnées  de  poison  dans  les  mêmes  proportions  que 
l'expérience  précédente. 

\^oici  les  chiffres  obtenus.  Ils  comprennent  à  la  fois  les  colonies  de 
bacilles  et  celles  des  microcoques. 

TABLEAU   XIV. 


-- 

DE     SUITE 
APRÈS 

APRÈS    2    H. 

APRÈS    4    H. 

APRÈS    6    H. 

Tube  I. 

298900 

70980 

317520 

Innombrables 

Tube  II. 

Poison  1/4  o'oo. 

l52320 

162700 

980750 

» 

Tube  III. 

Poison  1/2  0/00. 

172900 

i8i3oo 

I I 28400 

» 

Tube  IV. 

Poison  1/4  0/0. 

23 1000 

397040 

Innombrables 

)) 

Tube  V. 

Poison  1/2  0/0. 

145530 

635040 

» 

» 

En  résumé,  le  premier  tube  seul,  qui  ne  reçoit  pas  de  poison,  présente 
une  forte  diminution  après  la  deuxième  heure.  Tous  les  autres  fournissent 
une  augmentation  immédiate,  d'autant  plus  rapide  que  la  quantité  de  poison 
en  présence  est  plus  considérable.  La  comparaison  est  surtout  intéressante 
entre  les  tubesTI  et  V.  Ces  deux  expériences  nous  permettent  de  conclure 
que  les  microbes  sécrètent  des  substances  qui  contrecarrent  le  poui>oir 
phagocytaire.  Pour  juger  de  l'énergie  de  celui-ci,  il  ne  suffit  pas  de  con- 
sidérer le  nombre  des  leucocytes,  mais  il  faut  tenir  compte  également, 
dans  une  certaine  proportion,  des  conditions  dans  lesquelles  ce  pouvoir 
est  amené  à  agir. 


31. 


■246  J-    HAVET 

Nous  ne  serions  pas  étonné  que  des  doses  plus  fortes  de  poison  para- 
lysent complètement  les  leucocytes  et  les  fassent  périr.  Nous  croyons 
pouvoir  admettre  que  cette  victoire  des  microbes  se  présente  souvent  soit 
sur  une  large  échelle,  soit  seulement  sur  un  petit  nombre  de  leucocytes. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  notre  dernière  expérience  présentait  un 
intérêt  spécial.  En  effet,  ayant  exécuté  pendant  sa  marche  des  prépara- 
tions microscopiques,  nous  n'avons  pas  été  peu  étonné  en  constatant  que 
les  leucocytes  du  tube  I  englobaient  indifféremment  les  bacilles  et  les 
microcoques,  tandis  que  ceux  des  tubes  renfermant  les  plus  fortes  doses 
de  poison  refusaient  les  microcoques  et  ne  prenaient  que  les  bacilles. 

Le  phénomène  présentait  une  telle  netteté  qu'il  ne  pouvait  être  nié. 
Déjà,  en  faisant  la  numération  des  colonies  sur  les  plaques,  nous  avons 
été  frappé  de  ce  fait  que  l'augmentation  portait,  non  pas  sur  les  colonies 
du  bacille  intestinal,  mais  sur  celles  des  microcoques.  Le  microscope  nous 
donna  la  clef  de  ce  phénomène  étrange. 

Cette  expérience  nous  montre  qu'un  microbe  peut,  dans  certaines 
conditions,  être  délaisse'  par  les  leucocytes.  Elle  nous  fait  poir  également 
qu'un  même  leucocyte,  se  trouvant  en  présence  de  deux  espèces  microbiennes, 
peut  accaparer  soit  les  deux,  soit  lune  des  deux  seulement,  suivant  le  milieu 
dans  lequel  il  agit. 

L'étude  de  l'action  des  globules  blancs  sur  plusieurs  sortes  de  microbes 
à  la  fois,  avec  ou  sans  addition  de  poison,  fournira  peut-être  des  données 
très  intéressantes  sur  l'infection  et  sur  l'immunité.  C'est  une  voie  qui,  on 
peut  l'espérer,  sera  féconde  en  résultats. 

CONCLUSIONS. 

1 .  Chez  le  chien,  la  disparition  partielle  ou  totale  des  globules  blancs, 
qui  succède  à  une  injection  de  produits  microbiens  dans  le  sang,  entraîne  la 
disparition  partielle  ou  totale  du  pouvoir  bactéricide. 

2.  Le  retour  de  ce  pouvoir  coïncide  avec  la  rentrée  des  globules 
blancs  dans  le  sang,  et  ces  deux  phénomènes  suivent  une  marche  parallèle. 

3.  Dans  les  infections  succédant  aux  injections  de  cultures  vivantes 
dans  les  tissus,  le  stade  d'hypoleucocytose  est  accompagné  d'une  diminution 
du  pouvoir  bactéricide;  et  le  stade  d'hyperleucocytose  d'une  augmentation 
de  ce  pouvoir.  Cette  augmentation  est  due  à  l'accroissement  du  nombre 
des  leucocytes  et  nullement  à  une  qualité  nouvelle  acquise  par  le  sérum. 


POUVOIR  BACTERICIDE  DU   SANG  DE  CHIEN  247 

4.  On  ne  peut  pourtant  pas  établir  de  rapport  absolument  fixe  et  con- 
stant entre  l'énergie  de  la  propriété  bactéricide  et  la  richesse  en  leucocytes, 
ces  derniers  pouvant  être  affaiblis  soit  par  une  première  digestion  micro- 
bienne, soit  par  le  poison  sécrété  par  ces  derniers. 

5.  Les  leucocytes  mis  en  présence  de  deux  sortes  d'organismes  peuvent 
englober  les  deux  sortes,  ou  en  délaisser  une,  suivant  le  milieu  dans  lequel 
ils  sont  appelés  à  agir. 

Qu'il  me  soit  permis,  en  terminant  ce  travail,  d'exprimer  toute  ma 
reconnaissance  à  M.  le  professeur  Denys,  pour  l'obligeance  avec  laquelle  il 
a  mis  à  ma  disposition  les  ressources  précieuses  de  ses  conseils  et  de  sa 
grande  expérience. 


_.b 


LA    CELLULE 


LA  CELLULE 

RECUEIL 

DE    CYTOLOGIE    ET     D'HISTOLOGIE     GÉNÉRALE 


PUBLIE    PAR 

J.     i3.     CAKNUY,     PROFESSEUR   DE  BIOLOGIE  CELLULAIRE, 
(j.    CjlLoON,      PROFESSEUR   DE    ZOOLOGIE   ET   n' EMBRYOLOGIE,       J.      DENïS,    PROFESSEUR    d'aNATOMIE  PATHOLOGIQUE, 

A     l' Université     catholique     de     Louvain 
AVEC     LA     COLLABORATION     DE     LEURS     ÉLÈVES     ET     DES     SAVANTS    ÉTRANGERS 


TOME    X 
2»   FASCICULE. 

I.     Contribution  à  l'étude  du  système   nerveux  des  téléostéens   (Communication 
préliminaire),    par    A.    VAN    GEHUCHTEN. 

II.     Les    glandes   filières   de  VOn'enia  fusifonnis    Délie    Chiaje    [Ammochares 
Ottonis    Griibe),    par   Gustave    GILSON. 

III.     Le    sphincter   de   la   néphridie    des   gnathobdellides, 
par    H.    BOLSIUS. 

IV.     Étude    sur   l'action    sporicide    des   humeurs, 
par   J.    LECLEF. 

V.     Rapport  entre  le  pouvoir  pathogène  des  microbes  et  leur  résistance  au  sérum, 

par  J.  LECLEF. 

VI,     Etude  sur  le   mécanisme   de  la  virulence    du    staphylocoque   pyogène, 
par   le    D'    Honoré   VAN    DE    VELDE. 

VII.     A  propos  d'une  critique  dirigée  contre  le  pouvoir  bactéricide  des  humeurs, 

par   J.    DENYS. 


LIERRE  LOUVAIN 

Typ.  de  JOSEPH   VAN    IN  &  O»,  A.    UYSTPRUYST,    Libraire, 
rue    Droite,    48.  rue  de  Namur,   ii. 

1894 


CONTRIBUTION 


A     L ETUDE     DU 


SYSTEME  NERVEUX  DES  TÉLÉOSTÉENS 


COMMUNICATION   PRÉLIMINAIRE 


PAR 

A.   VAN    GEHUCHTEN 

PROFESSEUR  d'aNATOMIE  A  l'uNIVERSITÉ  DE  LOUVAIN. 


(Mémoire   déposé  le    i^i-  Décembre    1893.) 


32 


CONTRIBUTION 


A    L  ETUDE    DO 


SYSTEME  NERVEUX  DES  TÉLÉOSTÉENS 


Nous  avons  entrepris,  pendant  les  mois  de  février,  mars  et  avril  de 
cette  année,  des  recherches  étendues  sur  la  structure  interne  des  différentes 
parties  constitutives  du  système  nerveux  des  poissons  osseux,  en  ayant 
recours  à  la  méthode  au  chromate  d'argent  de  Golgi.  Nous  avons  eu  la 
bonne  fortune  de  pouvoir  nous  procurer,  en  quantité  considérable,  de  jeunes 
truites  à  tous  les  stades  du  développement  et  nous  avons  pensé  que,  si  nous 
parvenions  à" élucider  dans  tous  ses  détails,  chez  un  vertébré  inférieur,  le 
problème  si  complexe  de  la  structure  et  des  connexions  des  différentes  par- 
ties de  l'axe  nerveux,  nous  pourrions  nous  orienter  plus  facilement  peut-être 
dans  l'organisation  presque  inextricable  que  nous  présente  le  système  nerveux 
des  mammifères  et  de  l'homme. 

Nos  efforts  ont  été  couronnés  de  succès.  La  méthode  au  chromate  d'ar- 
gent nous  a  révélé  bien  des  détails  importants.  Nous  avons  dû  suspendre 
malheureusement  nos  recherches  vers  le  milieu  du  mois  d'avril,  la  publica- 
tion de  nos  "  Leçons  sur  le  système  nerveux  de  l'homme  „  (i),  que  nous  avions 
en  préparation  depuis  quelque  temps  déjà,  ayant  absorbé  tous  nos  loisirs. 

Nous  nous  réservons  de  reprendre  nos  recherches  au  mois  de  février 
prochain;  nous  achèverons  alors  les  nombreuses  observations  incomplètes 
encore  que  nous  avons  faites  sur  divers  points  du  système  nerveux  de  la 
truite  et  nous  vérifierons  une  seconde  fois  certaines  dispositions  importantes 
que  nos  préparations  actuelles  ne  nous  montrent  pas  avec  une  netteté 
suffisante.  Les  résultats  de  ces  recherches  seront  consignés  dans  une  mono- 


(I)    Van   Gehuchten  :  Le  système  nerveux  de  l'homme.   Van  In  à  Lierre  et  Uystpruyst  ii  Louvain, 
iSgS. 


2  56  A.  VAN  GEHUCHTEN 

graphie  du  système  nerveux  central  de  la  truite,  à  laquelle  nous  travail- 
lons pour  le  moment. 

Par  la  communication  préliminaire  que  nous    publions    aujourd'hui, 
nous  nous  proposons  uniquement  de  prendre  date.  Nous  vivons  à  une  épo- 
que où,  grâce  aux  méthodes  nouvelles,  l'étude  du  système  nerveux  central 
est  à  l'ordre  du  jour  dans  presque  tous  les  laboratoires;  il  s'ensuit  que  les 
mêmes  recherches  se  poursuivent  quelquefois  simultanément  dans  plusieurs 
centres  universitaires.  Or,  quelque  vive  que  puisse  être  la  satisfaction  que 
l'on  éprouve  chaque  fois  que  des  recherches  nouvelles  viennent  augmenter 
la  somme  de  nos  connaissances  et  enrichir  le  patrimoine  de  la  science,  il 
n'en  est  pas  moins  vrai  qu'il  est  toujours  quelque  peu  désagréable  de  con- 
stater que  des  faits  nouveaux,  que,  pour  un  motif  ou  l'autre,  on  a  tardé  à 
faire  connaître,  ont  été  trouvés  en  même  temps  et  publiés  aussitôt  par  des 
collègues  plus  empressés. 


Le  système  nerveux  des  poissons  osseux  a  été,  depuis  longtemps  déjà, 
un  objet  d'étude  favori  pour  des  recherches  d'anatomie  comparée.  Stieda, 
Fritsch,  Sanders,  Bellonci,  Mayser,  RABL-RiiCKHARDT,  Edinger,  Herrick 
et  beaucoup  d'autres  auteurs  ont  publié  des  travaux  plus  ou  moins  étendus 
sur  les  différentes  parties  constitutives  de  cet  axe  nerveux.  Les  principales 
de  ces  recherches  avaient  cependant  pour  objet  plus  spécial  de  détermi- 
ner quelles  parties  du  système  nerveux  des  poissons  osseux  devaient  être 
considérées  comme  homologues  des  différentes  parties  de  l'axe  nerveux  des 
mammifères  et  de  l'homme.  Nous  reviendrons  en  détail  sur  ces  travaux 
quand  nous  publierons  nos  observations  ///  extenso. 

La  méthode  de  Golgi  a  été  appliquée  pour  la  première  fois  en  1887 
par  Fusari  (1)  à  l'étude  de  la  fine  anatomie  de  l'encéphale  des  téléostéens. 
P.  Ramon  (2)  l'employa  en  1890  pour  l'étude  de  la  structure  interne  du  cer- 
velet chez  quelques  poissons  du  même  groupe.  Tout  récemment,  Schaper  (3) 
s'en  est  servi  dans  le  même  but.  Ramon  y  Cajal  signale,  dans  plusieurs  de 


(1)  Fusari  ;  Intorno  alla  Jina  anatomia  deW  cncefalo  dci  teleostci;  Reale  accademia  dei  Lincei, 
18S7.  Voir  aussi  :  Untersuchungcn  ûber  die  fcincre  Anatomie  des  Gehirnes  der  Teleosticr:  Interna- 
tionale   Monatschrift,    1887. 

(2)  P.  Ramon  :  Notas  preventivas  sobre  la  estnictiira  de  los  centras  nerviosos  III.  Estructiira 
dcl  ccrebelo   de   los  peces;    Gaceta   sanitaria   de    Barcelona,    n"    1,    i8i|0,    pp.    16 — 18. 

(3i  Schaper  :  Zur  feineren  Anatomie  des  Kleinhirns  der  Teleostier;  Anatom.  Anzeiger,  i8o3 
pp.   705—720. 


LE   SYSTÈME   NERVEUX   DES    TÉLÉOSTÉENS  257 

ses  publications,  un  travail  de  son  frère  P.  Ramon  (i)  :  une  étude  comparée 
des  centres  optiques  chez  les  vertébrés  présentée  en  1890  comme  thèse  du 
doctorat.  A  l'époque  où  nous  avons  rédigé  notre  mémoire  sur  les  lobes  op- 
tiques du  poulet,  en  janvier  1892,  nous  avons  écrit  au  professeur  de  Madrid 
pour  lui  demander  où  avait  été  publié  ce  travail  de  son  frère.  Ramon  y  Cajal 
nous  a  répondu  alors  que  cette  thèse  n'avait  pas  encore  été  publiée.  Nous 
ignorons  si  elle  l'a  été  depuis.  Si  nous  mentionnons  encore  les  recherches 
de  Nansen  et  de  Retzius  sur  le  système  nerveux  du  Petromyion,  celles 
de  V.  Lenhossek  (2)  sur  la  moelle  épinière  et  les  ganglions  spinaux 
d'embryons  de  Pristiiirus  et  celles  plus  récentes  de  Retzius  (3)  sur  les 
éléments  nerveux  de  la  moelle  épinière  des  poissons  osseux,  nous  croyons 
avoir  dressé  la  liste  complète  des  travaux  qui  renferment  les  résultats 
fournis  par  la  méthode  de  Golgi  sur  la  structure  interne  du  système 
nerveux  des  poissons  en  général. 

Les  différents  points  que  nous  nous  proposons  de  traiter  dans  cette 
communication  préliminaire  sont  les  suivants  : 
I.     La  structure  des  lobes  antérieurs. 

II.     L'origine  des  fibres  du  pédoncule  cérébral  ou  faisceau  basai  du 
cerveau  antérieur  de  Edinger. 

III.  L'origine  et  la  terminaison  des  fibres  du  faisceau  de  Meynert  ou 
faisceau  rétroréflexe. 

IV.  Quelques  éléments  constitutifs  des  lobes  optiques. 
V.     L'origine  et  la  terminaison  des  filets  olfactifs, 

VI.     L'origine  du  nerf  oculomoteur  commun. 
Vil.     L'origine  du  nerf  facial. 

VIII.  L'origine  et  la  terminaison  périphérique  et  centrale  des  fibres 
du  nerf  acoustique. 
IXetX.  Les  éléments  constitutifs  du  ganglion  de  Gasser  du  nerf  triju- 
meau et  du  ganglion  volumineux  qui  existe  sur  le  trajet  du  nerf 
pneumo-gastrique,  ainsi  que  la  façon  dont  les  fibres  sensitives  de 
ces  deux  nerfs  se  comportent  à  leur  entrée  dans  le  tronc  cérébral. 


(i)  p.  Ramon  :  Investigaciones  de  histologia  comparada  sobre  los  centras  opiicos  de  los  verte- 
brados.    Thèse   de   doctorat,    iSgo. 

(2)  V,  Lenhossek  :  Beobachtungen  an  den  Spinalganglien  und  dent  Rûckenmark  von  Pristiurus- 
embryonen;    Anat.    Anz.,    1892,    pp.    5ig  — âSg, 

(3)  Retzius  :  Studien  ûber  Ependym  und  Xeuroglia  bei  Knochenfischen.  pp.  18-20.  Die  nervoscn 
Elemcnte  im  Rûckenmarke  der  Knochenfische,  pp.  27-31.  Biologische  Untersuchungen,  Neue  Folge, 
V,    i8g3. 


258  A.  VAN    GEHUCHTEN 

Si  nous  ne  parlons  pas.  dans  ce  travail,  des  éléments  constitutifs  de  la 
moelle  épinière  de  la  truite,  c'est  que  ces  recherches  ont  été  faites  dans  notre 
laboratoire  par  un  de  nos  élèves.  Vers  la  fin  du  mois  de  mars  dernier,  c'est- 
à-dire  plusieurs  semaines  avant  l'apparition  du  travail  de  Retzius  dont  nous 
avons  reçu  un  exemplaire  au  commencement  du  mois  de  mai,  I.  Martin 
était  en  possession  d'un  grand  nombre  de  coupes  de  la  moelle  épinière  de  Jj 

truites  âgées  de  un  à  quinze  jours  montrant,  admirablement  réduits  par  le 
chromate  d'argent,  plusieurs  éléments  constitutifs  de  la  moelle.  Les  figures 
qu'il  nous  a  soumises  à  cette  époque  représentaient  : 

a)  Des  cellules  épendymaires  avec  leur  aspect  spécial  et  leur  disposi- 
tion caractéristique  telles  que  Retzius  les  a  décrites  et  figurées  dans  son 
travail 

t>)  Des  cellules  radiculaires  antérieures  dont  les  prolongements  cylin- 
draxils  pouvaient  être  poursuivis  jusque  dans  la  racine  antérieure. 

c)  Des  cellules  des  cordons  appartenant  aux  deux  groupes  établis  par 
Ramon  y  Cajal  :  des  cellules  des  cordons  proprement  dits  ou  cellules  des 
cordons  tautomères  ("Van  Gehuchten)  et  des  cellules  commissurales  ou  cel- 
lules des  cordons  hétéromères  (Van  Gehuchten). 

d)  Des  coupés  longitudinales  avec  les  fibres  de  la  substance  blanche 
émettant  de  nombreuses  branches  collatérales. 

e)  Des  coupes  longitudinales  montrant  l'entrée  des  fibres  de  la  racine 
postérieure  et  la  bifurcation  régulière  de  chacune  d'elles  en  une  branche 
ascendante  et  une  branche  descendante  telle  que  cela  est  connu  pour  les 
mammifères,  les  oiseaux,  les  reptiles  et  les  batraciens,  d'après  les  recher- 
ches de  Nansen,  Ramon  y  Cajal,  Kôlliker,  "Van  Gehuchten,  Retzius, 
V.  Lenhossek,  Cl.  Sala  et  beaucoup  d'autres. 

I.     LE   CERVEAU  ANTÉRIEUR. 

Le  cerveau  antérieur  des  poissons  osseux  est  formé  de  deux  masses 
solides  connues  sous  le  nom  de  lobes  antérieurs  et  séparées  l'une  de  l'autre 
par  un  espace  linéaire,  fig.  2.  On  a  longtemps  discuté  pour  savoir 
à  quelle  partie  du  système  nerveux  des  mammifères  correspondaient  ces 
masses  nerveuses.  Fritsch  les  considérait  comme  représentant  uniquement 
les  lobes  frontaux  du  cerveau  des  vertébrés  supérieurs,  tandis  que  pour 
Stieda,  Sanders,  Bellonci,  Mayser  et  d'autres,  elles  étaient  les  homolo- 
gues de  tout  le  cerveau  antérieur  des  mammifères.  La  découverte  importante 
de  Rabl-Ruckhardt  a  levé  tous  les  doutes.  Ce  savant  a  montré  par  ses 


I 
I 


LE  SYSTÈME    NERVEUX  DES    TÉLÉOSTÉENS  259 

recherches  embryologiques  que  les  lobes  antérieurs  des  poissons  osseux 
représentent  uniquement  les  ganglions  de  la  base  (noyau  caudé  et  noyau 
lenticulaire)  du  cerveau  antérieur  des  mammifères.  La  substance  blanche  et 
l'écorce  grise  périphérique  qui  constituent,  chez  ces  derniers,  la  partie  la 
plus  importante  et  la  plus  développée  des  hémisphères  cérébraux  ne  se 
trouvent  représentées,  chez  les  poissons  osseux,  que  par  une  mince  couche 
de  cellules  épithéliales  partant  des  faces  latérales  et  de  l'extrémité  antérieure 
des  lobes  et  recouvrant,  en  forme  de  voûte,  la  partie  antérieure  de  la  cavité 
encéphalique  ou  le  ventricule  antérieur.  Ce  ventricule  médian  situé,  en 
partie,  entre  les  faces  internes  des  deux  lobes  antérieurs  et,  en  partie,  au- 
dessus  de  ces  lobes  correspond  aux  deux  ventricules  latéraux  du  cerveau 
des  mammifères. 

Les  lobes  antérieurs  sont  reliés  l'un  à  l'autre  par  une  commissure 
transvers'ale  ap-pelée  coinmissiire  inter  lob  aire.  Cette  commissure  est  double, 
ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin.  Elle  apparaît  le  plus  nettement  sur  une 
coupe  transversale  analogue  à  celle  de  la  fig.  6  ou  7;  on  juge  encore  mieux 
de  la  position  exacte  de  cette  commissure  sur  une  coupe  antéro-postérieure 
passant  par  un  des  lobes,  analogue  à  celle  que  nous  avons  représentée  dans 
la  FIG.  14.  Certains  auteurs  la  considèrent  comme  l'homologue  de  la  com- 
missure antérieure  du  cerveau  des  vertébrés  supérieurs. 

A  chaque  lobe  antérieur  aboutissent,  en  avant,  les  fibres  du  nerf  olfactif. 

Les  travaux  qui  traitent  de  la  structure  interne  des  lobes  antérieurs  des 
poissons  osseux  ne  sont  pas  très  nombreux.  Aussi  nos  connaissances  concernant 
l'organisation  interne  de  cette  partie  de  l'axe  nerveux  des  poissons  sont-elles 
très  incomplètes.  Nous  n'avons  nullement  l'intention  de  donner  ici  un  aperçu 
complet  des  travaux  qui  ont  été  publiés  sur  la  structure  interne  du  système 
nerveux  des  poissons.  Nos  recherches  bibliographiques  sont  loin  d'être 
achevées.  Nous  tiendrons  compte  de  ces  publications  dans  notre  travail 
in  extenso.  Nous  ne  signalerons  pour  le  moment  que  les  quelques  mémoires 
dont  nous  avons  pu  prendre  connaissance. 

Stieda(i),  le  premier,  a  signalé  l'existence,  sur  la  face  interne  de  chacun 
de  ces  lobes,  d'-une  couche  continue  de  cellules  épithéliales  analogues  à  celles 
qui  tapissent  les  cavités  encéphaliques  chez  tous  les  vertébrés.  Aussi  a-t-il 
été  le  premier  à  considérer  la  fente  médiane  comprise  entre  les  lobes  anté- 
rieurs comm.e  appartenant  au  ventricule  antérieur. 


(i)    Stieda     :     Studien   ûber   das   centrale    Nervensystem   der   Knochenfische;     Zeitschr.    fur    wiss. 
Zoologie,    Bd.    i8. 


26o  A.  VAN    GEHUCHTEN 

Les  recherches  que  nous  avons  faites  avec  la  méthode  de  Golgi  nous 
ont  prouvé  que  ces  cellules  épithéliales  sont  de  véritables  cellules  épendy- 
maires  se  comportant,  dans  le  cerveau  antérieur  de  la  truite,  comme  les 
cellules  épendymaires  des  cavités  médullaires  et  encéphaliques  des  oiseaux 
et  des  mammifères.  Ce  ne  sont  donc  pas  de  simples  cellules  cuboïdes  ou 
cylindriques  délimitant  la  cavité  du  ventricule,  mais  des  cellules  longues  et 
volumineuses  occupant  toute  l'épaisseur  du  lobe.  Chacune  dé  ces  cellules 
présente  une  partie  renflée  occupée  par  le  noyau  dans  le  voisinage  immédiat 
de  la  cavité  ventriculaire  et  un  prolongement  périphérique  épais  et  in^égulier 
qui  se  termine  par  un  épaississement  conique,  soit  comme  tel,  soit  après 
bifurcation,  à  la  surface  externe  du  cerveau.  Ce  prolongement  périphérique 
des  cellules  épendymaires  présente  quelquefois  des  contours  lisses  et  régu- 
liers tel  qu'il  a  été  représenté  par  Retzius  dans  les  figures  4, a  et  4,^  de  la 
PI.  VIII  de  son  dernier  travail  (1);  le  plus  souvent  cependant  ce  prolonge- 
ment périphérique  est  couvert  de  petites  aspérités  excessivement  nombreuses 
qui  lui  donnent  un  aspect  tout  à  fait  caractéristique.  Nous  avons  reproduit 
dans  la  fig.  1  quelques-unes  de  ces  cellules  spéciales. 

Les  cellules  constitutives  des  lobes  antérieurs  des  poissons  osseux  ont 
été  étudiées  d'une  façon  spéciale  par  Bellonci  (2).  Ce  savant  distingue  dans 
chaque  lobe  antérieur  deux  espèces  de  cellules  :  des  cellules  petites,  réduites 
presque  exclusivement  au  seul  noyau,  situées  principalement  à  la  périphérie 
du  lobe,  et  des  cellules  multipolaires,  petites  et  grandes,  formant  les  éléments 
constitutifs  delà  masse  centrale.  Le  prolongement  cylindraxil  de  ces  cellules  - 
multipolaires  peut  se  comporter  de  deux  façons  bien  distinctes.  Celui  des 
petites  cellules  se  divise  et  se  subdivise  dans  le  lobe  antérieur  lui-même  en 
prenant  part  à  la  constitution  d'un  réseau  nerveux,  tandis  que  le  prolonge- 
ment cylindraxil  de  chacune  des  grandes  cellules  se  continue  directement 
avec  une  fibre  centrale. 

D'après  les  recherches  de  Edinger  (3),  on  peut  distinguer  dans  chaque 
lobe  une  partie  ventrale  et  une  partie  dorsale.  La  partie  ventrale,  pauvre 
en  cellules  nerveuses,  est  occupée  principalement  par  un  faisceau  de  fibres 
nerveuses  à  direction  antéro-postérieure  :  le  pédoncule  cérébral  Tpedunculus 
cerebri)  des  auteurs  ou  faisceau  basai  du  cerveau  antérieur  fbasale  Vorder- 


« 


(i)     Retzius  :   Loc.  cit..  , 

(2)  Cité   d'après  Edinger. 

(3)  Edinger   :    Untersuchungen  ûber  die  vergleicliende  Anaiomie  des  Gehirns.   I.    Das   Vorder hirn; 
Abhand.    von   Jer   Senckenbergisclien    Naturforschenden   Gesellschaft,    Bd.    i5,    1888. 


LE  SYSTÈME    NERVEUX  DES    TÉLÉOSTÉENS  201 

hirnbtindel;  de  Edinger.  La  partie  dorsale  de  chacun  des  lobes  est,  au  con- 
traire, excessivement  riche  en  cellules  nerveuses.  Celles-ci  seraient,  d'après 
ce  savant,  les  cellules  d'origine  des  fibres  constitutives  du  faisceau  basai. 

Les  recherches  que  nous  avons  faites  avec  la  méthode  au  chromate 
d'argent  de  Golgi,  quelque  incomplètes  qu'elles  soient  encore,  nous  ont 
conduit  à  des  résultats  modifiant  et  complétant  considérablement  ceux 
qui  ont  été  obtenus  par  les  quelques  auteurs  dont  nous  venons  d'analyser 
les  travaux. 

Pour  fixer  les  idées,  examinons  d'abord  une  coupe  frontale  du  cerveau 
antérieur  d'une  truite  de  dix  jours  fixé  dans  une  solution  saturée  de 
sublimé  corrosif  dans  l'eau  et  colorée  par  le  paracarmin  de  Mayer.  La 
coupe  que  nous  avons  dessinée  dans  la  fig.  2  passe  au-devant  de  la  com- 
missure interlobaire.  Elle  nous  montre  que  le  cerveau  antérieur  est  formé 
de  deux  moitiés  symétriques  qui  constituent  les  lobes  antérieurs  des  auteurs. 
Chacun  de  ces  lobes  présente,  sur  une  section  transversale,  une  forme  trian- 
gulaire :  la  face  interne  est  plane,  elle  est  séparée  de  la  face  interne  du 
lobe  opposé  par  une  fente  médiane  qui  va  en  se  rétrécissant  de  haut  en  bas; 
la  face  externe,  la  plus  longue,  est  légèrement  convexe  en  dehors  ;  la  face 
supérieure  est  la  plus  courte,  elle  est  également  convexe;  elle  se  continue 
avec  la  face  interne,  puis  se  dirige  obliquement  en  haut  et  en  dehors  en 
décrivant  une  courbure  à  convexité  interne.  Au  point  de  rencontre  de  la 
face  supérieure  avec  la  face  externe,  chaque  lobe  se  prolonge  en  un  petit 
crochet  qui  monte  en  haut,  diminue  insensiblement  d'épaisseur  et  se  réduit 
bientôt  à  une  seule  rangée  de  cellules  épithéliales  qui  s'étend  transversale- 
ment d'un  lobe  antérieur  à  l'autre.  Cette  couche  épithéliale  forme  la  voûte 
d'une  cavité  encéphalique  qui  représente  le  ventricule  du  cerveau  antérieur 
des  poissons  osseux  et  qui  correspond  aux  ventricules  latéraux  du  cerveau 
des  mammifères. 

Comme  la  fig.  2  le  montre,  cette  cavité  encéphalique  a,  sur  une  coupe 
transversale,  la  forme  d'un  entonnoir,  dont  la  partie  rétrécie  est  comprise 
entre  les  faces  internes  des  lobes  antérieurs,'  tandis  que  la  partie  évasée 
s'étend  entre  les  faces  supérieures  de  ces  lobes  et  la  voûte  épithéliale. 

Dans  chacun  des  lobes  antérieurs,  on  distingue  aisément  deux  parties  : 
une  partie  interne,  correspondant  environ  aux  deux  tiers  de  l'épaisseur  du 
lobe,  fortement  colorée  par  le  réactif,  et  une  partie  externe  beaucoup  plus 
pâle.  La  partie  interne  est  formée  presque  exclusivement  de  noyaux  telle- 
ment serrés  qu'on  ne  distingue  guère  les  limites  des  cellules  auxquelles  ils 

33 


262  A.  VAN    GEHUCHTEN 

appartiennent;  dans  le  tiers  externe  de  chaque  lobe,  on  ne  trouve,  au 
contraire,  que  quelques  noyaux  éparpillés  au  sein  d'une  masse  incolore,  en 
apparence  homogène. 

Si,  à  cette  coupe  typique  de  la  moitié  proximale  du  cerveau  antérieur, 
nous  comparons  maintenant  des  coupes  provenant  de  la  partie  correspon- 
dante du  cerveau  de  truites  du  même  âge  traité  par  la  méthode  de  Golgi, 
FIG.  3,  nous  trouvons  que  les  noyaux  qui  limitent  la  cavité  ventriculaire 
appartiennent  aux  cellules  épendymaires,  tandis  que  tous  les  autres  noyaux 
des  lobes  antérieurs,  aussi  bien  ceux  des  deux  tiers  internes  que  ceux  du 
tiers  externe,  appartiennent  à  des  cellules  nerveuses  multipolaires.  Entre 
les  cellules  nerveuses  du  tiers  externe  de  chaque  lobe  apparaît  la  section 
transversale  d'un  faisceau  de  fibres  nerveuses  à  direction  antéro-postérieure  : 
le  pédoncule  cérébral  des  auteurs,  le  faisceau  basai  du  cerveau  antérieur 
de  Edinger. 

Au  lieu  de  distinguer,  avec  Edinger,  dans  chaque  lobe  une  partie  ven- 
trale, pauvre  en  cellules  nerveuses,  occupée  par  les  fibres  du  pédoncule 
cérébral,  et  une  partie  dorsale  formée  presque  exclusivement  par  les  cellules 
d'origine  des  fibres  de  ce  pédoncule,  nos  observations  nous  obligent  à  dis- 
tinguer une  partie  interne,  voisine  de  la  cavité  ventriculaire,  formée  exclu- 
sivement par  les  corps  des  cellules  épendymaires  et  par  les  corps  des 
cellules  nerveuses,  et  une  partie  externe  constituée  par  quelques  cellules 
éparses  entre  les  fibres  du  pédoncule  cérébral. 

Les  cellules  nerveuses  constitutives  des  lobes  antérieurs  du  cerveau 
de  la  truite  sont  toutes  multipolaires.  Elles  sont  abondamment  pourvues 
de  prolongements  protoplasmatiques.  Pour  les  cellules  du  tiers  externe  de 
chaque  lobe,  ces  prolongements  protoplasmatiques  se  détachent  indifférem- 
ment de  points  variables  de  la  surface  du  corps  cellulaire  ;  ils  se  divisent, 
se  subdivisent  et  se  terminent  librement  à  une  distance  variable  de  la  cellule 
d'origine.  Les  prolongements  protoplasmatiques  des  cellules  nerveuses  de 
la  partie  interne  de  chaque  lobe  affectent  une  disposition  quelque  peu  spé- 
ciale. Ils  se  détachent  toujours  de  la  moitié  externe  du  corps  cellulaire, 
de  telle  sorte  que  la  partie  du  pourtour  cellulaire  qui  est  tournée  vers  la 
cavité  ventriculaire  est  le  plus  souvent  nettement  arrondie  et  dépourvue 
complètement  de  prolongements  protoplasmatiques;  quelquefois  cependant 
on  voit  partir  de  cette  partie  interne  un  prolongement  unique  gros  et  irré- 
gulier qui  s'engage  entre  les  corps  des  cellules  épendymaires  et  va  se  terminer 
par  un  épaississement  conique  sur  la  surface  ventriculaire.  C'est  là  une  dis- 


LE  SYSTÈME    NERVEUX  DES   TÉLÉOSTÉENS  263 

position  assez  importante  que  nous  ne  faisons  que  signaler  dans  cette  com- 
munication préliminaire.  Nous  y  reviendrons  dans  notre  travail  in  extenso; 
elle  nous  servira  à  prouver,  en  nous  basant  sur  des  figures  plus  démonstra- 
tives, que  les  cellules  nerveuses  ne  sont,  ontologiquement,  que  des  cel- 
lules épithéliales  modifiées,  cellules  qui  ont  perdu  toute  connexion  avec  la 
cavité  ventriculaire  par  suite  de  la  disparition  fpar  atrophie  ou  par  résorp- 
tion) de  leur  prolongement  interne. 

Chaque  cellule  nerveuse  des  lobes  antérieurs  de  la  truite  est  pourvue 
d'un  prolongement  cylindraxil.  Celui-ci,  né  du  corps  cellulaire  ou  d'un  des 
prolongements  protoplasmatiques,  se  dirige  toujours  vers  la  partie  externe 
du  lobe  occupée  par  le  faisceau  basai  et  là  se  recourbe  pour  devenir  une 
fibre  constitutive  de  ce  faisceau. 

Nous  n'avons  jamais  rencontré  les  cellules  nerveuses  à  cylindre-axe 
court  ou 'cellules  de  GoLGi  signalées  par  Bellonci,  de  mémeque  nous  n'avons 
trouvé  rien  qui  corresponde  aux  petites  cellules  réduites  exclusivement 
au  noyau  que  Bellonci  a  décrites  en  se  basant  sur  des  préparations  trai- 
tées par  l'acide  osmique.  Toutes  les  cellules  nerveuses  qui  se  sont  réduites 
dans  nos  préparations  étaient  des  cellules  multipolaires,  dont  le  prolon- 
gement cylindraxil  a  toujours  pu  se  poursuivre  jusque  dans  le  faisceau 
basai.  Nous  ne  voulons  nullement  tirer  de  nos  observations  la  conclusion 
que  des  cellules  de  Golgi  n'existent  pas  dans  les  lobes  antérieurs  de  la  truite. 
Quoique  nous  ayons  étudié  les  coupes  d'une  quarantaine  de  lobes  traités 
par  la  méthode  de  Golgi,  dont  chacune  nous  montrait  en  moyenne  trois  ou 
quatre  cellules  colorées  en  noir  par  le  chromate  d'argent,  il  est  possible 
cependant  que  les  cellules  de  Golgi,  si  elles  existent  réellement,  ont 
échappé  à  la  coloration  par  le  sel  d'argent. 

Entre  ces  nombreuses  cellules  multipolaires  qui  forment  l'élément  con- 
stitutif principal  de  chaque  lobe  antérieur,  on  observe  encore,  sur  les  pré- 
parations quelque  peu  réussies,  un  entrelacement  très  serré  de  fines  fibrilles 
nerveuses.  Ces  fibrilles  entrelacées  correspondent,  sans  aucun  doute,  au 
réseau  nerveux  que  Bellonci  semble  avoir  observé  avec  la  méthode  à  l'acide 
osmique  et  qui,  d'après  lui,  serait  formé  par  les  anastomoses  des  prolonge- 
ments cylindraxils  des  petites  cellules  nerveuses  multipolaires. 

Dans  nos  préparations,  ces  fibrilles  nerveuses  ne  proviennent  nullement 
de  cellules  multipolaires,  mais  toutes  indistinctement  sortent  du  faisceau 
basai.  Chaque  coupe  transversale  du  cerveau  antérieur  de  la  truite,  où  la 
réduction  a  quelque  peu  réussi,  montre  de  nombreuses  fibrilles  nerveuses 


264  A.  VAN    GEHUCHTEN 

sortant  du  faisceau  basai  et  pénétrant  dans  la  région  interne  et  surtout  dans    ■ 
la  région  supéro-interne  du  lobe  pour  s'y  diviser,  s'y  subdiviser  et  se  terminer 
finalement  par  des  bouts  libres.  Nous  avons  représenté  dans  la  moitié  droite 
de  la  FiG.  3  quelques-unes  de  ces  ramifications  terminales  des  fibres  consti- 
tutives du  faisceau  basai.' 

D'après  les  observations  de  Edinger,  les  lobes  antérieurs  des  poissons 
osseux  ne  seraient  que  des  ganglions  servant  d'origine  aux  fibres  constitu- 
tives du  faisceau  basai.  "  Das  basale  Vorderhirnganglion  der  Knochenfische, 
dit-il,  ist  nur  Ursprungsort  von  Nervenfasern  und  nicht,  wie  es  von  Corpus 
striatum  der  Saugethiere  behauptet  wird,  in  die  Nervenfaserbahn  einge- 
schaltet.  »  Aussi  considère-t-il  le  faisceau  basai  comme  formé  exclusivement 
de  fibres  nerveuses  ayant  leurs  cellules  d'origine  dans  le  lobe  antérieur,  ^  das 
dort  (basale  'Vorderhirnganglion)  entspriugende  basale  Vorderhirnbundel...«, 
dit-il,  en  parlant  de  son  faisceau  basai. 

D'après  nos  recherches,  au  contraire,  le  faisceau  basai  de  Edinger  est 
formé  essentiellement  de  deux  espèces  de  fibres  nerveuses.  Nous  y  trouvons, 
en  effet,  des  fibres  nerveuses  qui  ont  leurs  cellules  d'origine  dans  les  lobes 
antérieurs  du  cerveau  pour  aller  se   terminer  dans  une  région  inférieure 
de  l'axe  cérébro-spinal  ;  mais  nous  y  observons  aussi  de  nombreuses  fibres 
nerveuses  qui  se  terminent  dans  les  lobes  antérieurs  et  qui  doivent  avoir 
leurs  cellules  d'origine  dans  des  centres  nerveux  inférieurs.  Tout  nous  porte 
à   croire   que  les  fibres  qui  proviennent  des  cellules  nerveuses  des  lobes 
antérieurs,  fibres  descendantes    à  conduction  centrifuge,  doivent  être  re- 
gardées comme  des  fibres  motrices,  tandis  que  les  fibres  qui  viennent  se 
terminer  dans  les  mêmes  lobes,  fibres  ascendantes  à  conduction  centripète, 
doivent  représenter  des  fibres  sensitives. 

Le  faisceau  basai  du  cerveau  antérieur  serait  donc  formé  à  la  fois  de 
fibres  motrices  et  de  fibres  sensitives  et  correspondrait  aux  fibres  de  la  voie 
pyramidale  et  aux  fibres  de  la  voie  sensitive  centrale  des  vertébrés  supérieurs. 

Les  lobes  antérieurs  de  la  truite  présentent  la  même  structure  dans 
toute  leur  étendue.  Quelque  soit  le  niveau  où  l'on  pratique,  dans  ces  lobes, 
une  coupe  transversale,  on  y  retrouve  toujours  : 

a)  Le  faisceau  basai,  d'autant  plus  volumineux  qu'on  l'examine  plus 
près  de  la  base  du  lobe  antérieur; 

b)  Des  fibres  nerveuses  qui  quittent  ce  faisceau  pour  se  terminer,  par 
des  ramifications  libres,  entre  les  cellules  nerveuses  voisines; 


LE  SYSTÈME    NERVEUX  DES    TÉLÉOSTÉENS  205 

c)  Des  cellules  nerveuses  dont  les  prolongements  C3'lindraxils  vont 
devenir  des  fibres  constitutives  du  faisceau  basai  ; 

d)  Des  cellules  épendymaires  ayant  la  disposition  typique  que  nous 
avons  reproduite  dans  la  fig.  i. 

Nous  avons  représenté,  dans  la  fig.  4,  une  coupe  transversale  du  cer- 
veau antérieur  d'une  truite  âgée  de  lo  jours,  pratiquée  immédiatement  en 
arrière  de  la  commissure  interlobaire  sur  un  cerveau  durci  au  sublim.é 
corrosif  et  coloré  par  le  paracarmin  de  Mayer.  Il  suffit  de  comparer  cette 
coupe  à  celle  qui  est  reproduite  dans  la  fig.  2  pour  voir  que  la  structure 
interne  des  lobes  antérieurs  est  la  même  au-devant  et  en  arrière  de  la 
commissure  interlobaire.  Il  n'y  a  entre  ces  deux  coupes  qu'une  seule 
différence  :  le  faisceau  basai  est  devenu  beaucoup  plus  volumineux,  ainsi 
que  cela  apparait  plus  clairement  encore  dans  la  fig.  5. 

Au' niveau  de  la  commissure  interlobaire,  la  structure  du  cerveau  anté- 
rieur présente  cependant  quelques  détails  nouveaux.  Nous  avons  représenté 
dans  la  fig.  6  une  coupe  transversale  du  cerveau  antérieur  d'une  truite  de 
dix  jours,  passant  par  la  commissure  interlobaire.  Dans  chaque  lobe,  on  dis- 
tingue encore,  comme  clans  les  fig.  2  et  4,  une  partie  interne  limitant  toute 
l'étendue  de  la  paroi  ventriculaire  excessivement  riche  en  noyaux  et  une 
partie  externe  incolore  parsemée  de  quelques  rares  noyaux  et  correspondant 
à  la  coupe  du  faisceau  basai. 

La  fente  médiane  interlobaire  est  beaucoup  moins  profonde  que  sur 
les  deux  coupes  précédentes  :  les  deux  lobes,  au  lieu  d'être  réunis  par  une 
simple  rangée  de  cellules  épithéliales,  sont  reliés  l'un  à  l'autre  par  un  fais- 
ceau épais  de  fibres  transversales  constituant  la  commissure.  Sur  des  prépa- 
rations traitées  par  la  méthode  de  Golgi,  fig.  7,  on  voit  que  cette  commissure 
interlobaire  est  double  :  elle  est  formée  d'une  partie  superficielle  longeant  le 
bord  libre  du  cerveau  et  d'une  partie  profonde  passant  au-devant  de  la  fente 
médiane.  Le  faisceau  basai  de  chaque  lobe  est  double  également  :  on  trouve 
un  faisceau  assez  épais  occupant  la  périphérie  du  lobe  et  un  faisceau  plus 
grêle  situé  plus  profondément.  Les  fibres  du  faisceau  périphérique  se  ren- 
dent principalement  dans  la  partie  dorsalle  du  lobe  antérieur,  soit  pour  y 
trouver  leurs  cellules  d'origine,  soit  pour  s'y  terminer  par  des  ramifications 
libres.  Les  fibres  du  faisceau  profond  sont  plus  immédiatement  en  rapport 
avec  les  cellules  nerveuses  voisines  de  la  paroi  ventriculaire  limitant  la  fente 
médiane.  La  commissure  superficielle  est  en  rapport  avec  le  faisceau  lon- 
gitudinal périphérique,  tandis  que  la  commissure  profonde  relie  les  deux 
faisceaux  profonds. 


266  A.  VAN    GEHUCHTEN 

Nos  connaissances  concernant  la  structure  interne  de  cette  commis- 
sure interlobaire  sont  encore  très  incomplètes.  Fritsch  prétend  avoir  vu 
pénétrer  dans  cette  commissure  des- fibres  appartenant  aux  racines  olfactives. 
Bellonci  la  considère  comme  constituant  une  commissure  transversale  pour 
les  lobes  antérieurs  du  cerVeau  et  un  chiasma  pour  les  nerfs  olfactifs. 

Edinger  n'a  pu  recueillir  que  peu  de  données  sur  la  constitution  de 
cette  commissure  antérieure  des  poissons  osseux.  Il  croit  cependant  qu'une 
partie  de  ses  fibres  relient  entre  eux  les  deux  lobes  antérieurs,  qu'une  autre 
partie  proviennent  des  fibres  olfactives  et  qu'on  3^  rencontre  en  outre  des 
fibres  entrecroisée.s  destinées  au  cerveau  intermédiaire. 

Dans  celles  de  nos  préparations  où  les  éléments  constitutifs  de  la  com- 
missure interlobaire  étaient  bien  réduits  par  le  chromate  d'argent,  nous 
n'avons  jamais  pu  poursuivre  de  fibres  olfactives  jusque  dans  la  commissure. 
Il  nous  a  toujours  semblé  que  les  filets  du  nerf  olfactif  se  terminaient  dans  la 
partie  antérieure  des  lobes.  Nous  ne  voulons  cependant  pas  nous  prononcer 
sur  ce  point  d'une  manière  définitive,  parce  que  nos  recherches  sur  les 
terminaisons  des  fibres  olfactives  sont  encore  très  incomplètes. 

Ce  qui  nous  parait  certain,  c'est  qu'il  n'existe  pas  dans  la  commissure 
antérieure  des  poissons  osseux  de  véritables  fibres  commissurales  analogues 
à  celles  qui  constituent  le  corps  calleux  et  la  commissure  antérieure  du 
cerveau  des  mammifères,  c'est-à-dire  des  fibres  nerveuses  qui  ont  leurs  cel- 
lules d'origine  dans  un  lobe  et  se  terminent  dans  l'autre. 

Ce  qui  nous  paraît  établi  encore  par  nos  préparations,  c'est  que  les 
prolongements  cylindraxils  des  cellules  nerveuses  des  lobes  antérieurs  ne 
passent  pas  non  plus  par  cette  commissure.  Celle-ci  n'appartient  donc  pas 
à  la  voie  motrice. 

Les  seuls  éléments  constitutifs  de  la  commissure  antérieure  qui  se  sont 
réduits  dans  nos  préparations  sont  des  fibres  nerveuses  qui  sortaient  du 
faisceau  basai  d'un  lobe  pour  traverser  la  commissure  et  se  terminer,  par 
des  ramifications  libres,  entre  les  cellules  nerveuses  constitutives  du  lobe 
du  côté  opposé. 

Les  fibres  de  la  commissure  superficielle  sortent  exclusivement  du  fais- 
ceau longitudinal  périphérique  d'un  lobe  pour  aller  se  terminer  entre  les 
cellules  de  la  région  dorso-médiane  du  lobe  opposé,  tandis  que  les  fibres  de 
la  commissure  profonde  proviennent  du  faisceau  longitudinal  profond  d'un 
lobe  et  se  terminent  entre  les  cellules  nerveuses  de  la  région  interne  ou 
médiane  du  lobe  du  côté  opposé. . 


LE    SYSTÈIME    NERVEUX    DES    TÉLÉOSTÉENS  267 

S'il  se  confirme  que  les  fibres  ascendantes  qui  entrent  dans  la  constitu- 
tion du  faisceau  basai  sont  des  fibres  sensitives  (et  il  serait  difficile  de  leur 
attribuer  une  autre  fonction),  on  devra  donc  considérer  la  commissure  inter- 
lobaire  du  cerveau  antérieur  des  poissons  osseux  comme  produite  par  l'entre- 
croisement d'une  grande  partie  des  fibres  sensitives  centrales.  Ces  fibres 
subiraient  donc  un  entrecroisement  partiel  analogue  à  celui  que  l'on  observe 
chez  les  mammifères  et  chez  l'homme. 

II.     LE   PÉDONCULE   CÉRÉBRAL   OU    FAISCEAU   BASAL 
DU    CERVEAU    ANTÉRIEUR   DE   Edinger. 

Tous  les  auteurs  admettent  l'existence,  dans  le  système  nerveux  central 
des  poissons  osseux,  d'un  faisceau  de  fibres  nerveuses  provenant  du  cerveau 
antérieur,  et  pouvant  être  poursuivi  à  travers  le  cerveau  intermédiaire  et  le 
cerveau  moyen,  bien  qu'ils  n'aient  pu  établir  exactement  l'endroit  de  termi- 
naison de  ses  fibres  constitutives.  C'est  le  pédoncule  cérébral  de  la  plupart 
des  auteurs  qui  ont  décrit  le  système  nerveux  des  poissons  osseux,  le 
faisceau  basai  du  cerveau  antérieur  àc  Edinger. 

D'api'ès  les  recherches  de  ce  dernier  auteur,  le  faisceau  basai  naîtrait, 
dans  chaque"  lobe  antérieur,  au  moyen  de  trois  racines  :  deux  de  celles-ci 
proviendraient  d'un  groupe  de  cellules  nerveuses  situées  dans  la  partie 
dorso-latérale  du  lobe,  tandis  que  les  fibres  de  la  troisième  racine  auraient 
leur  origine  dans  un  amas  spécial  de  cellules  nerveuses  situées  près  de 
la  ligne  médiane  vers  le  milieu  de  chaque  lobe.  Les  fibres  de  ces  trois  racines 
se  réunissent,  près  de  la  base  du  lobe,  en  un  faisceau  compact.  Celui-ci  se 
dirige  en  arrière  et  pénètre  dans  le  cerveau  intermédiaire.  Edinger  n'a  pu 
établir  sa  destination  ultérieure.  En  se  basant  sur  les  observations  qu'il  a 
faites  chez  les  autres  vertébrés,  il  pense  que  les  fibres  de  ce  faisceau  se  ter- 
minent, en  partie,  dans  la  couche  optique  et,  en  partie,  dans  des  régions 
plus  éloignées  encore  des  lobes  dont  elles  proviennent. 

Tous  les  auteurs  semblent  d'accord  pour  admettre  que  les  fibres  con- 
stitutives de  ce  faisceau  ont  leur  origine  dans  le  lobe  antérieur. 

Les  recherches  que  nous  avons  faites  avec  la  méthode  de  Golgi  prou- 
vent que  ce  faisceau  basai  renferme  deux  espèces  de  fibres  nerveuses  :  des 
fibres  descendantes  ou  motrices  et  des  fibres  ascendantes  ou  sensitives, 
FiG.  14.  Les  fibres  motrices  ont  leurs  cellules  d'origine  dans  le  lobe  antérieur. 
Ces  cellules  forment  l'élément  constitutif  principal  de  ce  lobe.  On  les  trouve . 


268  A.  VAN  GEHUCHTEN 

dans  toute  l'étendue  des  lobes  antérieurs,  elles  sont  cependant  le  plus 
abondantes  dans  la  région  voisine  de  la  paroi  ventriculaire,  et  là,  elles 
forment,  au  moins  au  niveau  de  la  commissure  interlobaire,  un  groupe 
dorsal  et  un  groupe  médian.  A  ce  niveau,  on  pourrait  donc  distinguer, 
avec  Edinger,  deux  racines  :  une  racine  externe  formée  par  les  prolonge- 
ments cylindraxils  provenant  des  cellules  nerveuses  du  groupe  dorsal  et 
une  racine  interne  conduisant  les  prolongements  cylindraxils  des  cellules 
du  groupe  médian.  Nous  avons  vu  qu'à  ce  niveau  on  trouve  également  un 
double  faisceau  basai.  Mais  cette  distinction  en  deux  groupes  s'efface  com- 
plètement au-devant  de  la  commissure  interlobaire,  c'est-à-dire  dans  la  plus 
grande  étendue  du  cerveau  antérieur.  Là,  nous  n'avons  qu'un  seul  faisceau 
basai,  dont  les  fibres  motrices  proviennent  en  rayonnant  de  toutes  les  cel- 
lules nerveuses  constitutives  du  lobe. 

Une  fois  entrées  dans  le  faisceau  basai,  ces  fibres  motrices  se  dirigent 
en  arrière,  traversent  le  cerveau  intermédiaire  pour  se  terminer,  en  partie 
au  moins,  dans  l'infundibulum  qui,  chez  les  poissons  osseux,  a  pris  un  déve- 
loppement considérable.  Nous  n'avons  pas  encore  pu  établir  où  se  termi- 
naient les  autres  fibres  descendantes  de  ce  faisceau  basai. 

Les  fibres  sensitives  du  pédoncule  cérébral  pénètrent  dans  le  lobe  an- 
térieur pour  s'y  terminer,  par  des  ramifications  libres,  entre  les  cellules 
motrices.  Nous  avons  vu  qu'une  partie  de  ces  fibres  se  terminent  dans 
le  lobe  correspondant,  tandis  qu'une  autre  partie  passent  par  la  commissure 
interlobaire  pour  s'épanouir  entre  les  cellules  motrices  du  lobe  du  côté 
opposé. 

Nous  n'avons  pas  encore  pu  établir,  d'une  façon  précise,  les  différentes 
régions  du  système  nerveux  central  où  ces  fibres  sensitives  ont  leurs  cellules 
d'origine.  Tout  ce  que  nous  pouvons  affirmer  pour  le  moment,  c'est  qu'un 
grand  nombre  d'entre  elles  représentent  les  prolongements  cylindraxils  de 
cellules  nerveuses  situées  dans  la  partie  ventrale  de  l'infundibulum,  FiG.  14.  Ces 
cellules  d'origine  ont  conservé,  tout  comme  les  cellules  épendymaires,  leur 
rapport  avec  la  cavité  centrale.  Ce  sont  des  cellules  bipolaires  dont  un  des 
prolongements,  court  et  irrégulier,  se  termine  à  la  surface  libre  de  la  cavité 
ventriculaire,  tandis  que  l'autre  prolongement,  après  avoir  émis  quelques 
branches  collatérales  se  terminant  dans  le  voisinage  de  la  cellule,  se  continue 
directement  avec  le  prolongement  cylindraxil,  fig.  Sa  et  8^.  Celui-ci  pénètre 
dans  le  faisceau  basai  pour  aller  se  terminer  entre  les  cellules  constitutives  . 
des    lobes  antérieurs  du  cerveau. 


LE  SYSTÈME    NERVEUX  DES    TÉLÉOSTÉENS  209 

Avant  de  terminer  l'étude  incomplète  de  ce  faisceau  basai,  nous  tenons 
encore  à  appeler  l'attention  sur  une  disposition  de  la  plus  haute  impor- 
tance :  les  fibres  ascendantes  ou  sensitives  du  faisceau  basai  viennent  se 
terminer  dans  le  voisinage  immédiat  des  cellules  motrices  des  lobes  anté- 
rieurs, de  telle  sorte  qu'entre  les  branches  terminales  des  fibres  sensitives 
et  les  cellules  d'origine  des  fibres  motrices  le  contact  est  immédiat  sans 
interposition  d'un  troisième  élément  nerveux.  Cette  disposition  est  absolu- 
ment identique  à  celle  que  l'on  observe  chez  les  mammifères  et  chez  l'homme, 
au  moins  dans  certaines  régions  de  l'axe  nerveux  :  telle  la  substance  grise 
de  la  moelle,  où  les  collatérales  sensitivo-motrices  des  fibres  du  cordon  posté- 
rieur viennent  en  contact  avec  les  cellules  radiculaires;  telles  les  éminences 
antérieures  des  tubercules  quadrijumeaux,  où  les  fibres  optiques  et  les  libres 
acoustiques  se  terminent  dans  le  voisinage  des  cellules  d'origine  du  faisceau 
réflexe  de  H.  Held  ;  telle  encore  la  couche  corticale  grise  de  la  zone  motrice 
où,  d'après  Flechsig  et  Hôsel,  les  fibres  sensitives  viennent  se  mettre  en 
contact  avec  les  cellules  d'origine  des  fibres  de  la  voie  pyramidale  (i). 

III.     LE    FAISCEAU    DE    Meynert. 

Meyneet,  le  premier,  a  décrit  dans  le  cerveau  de  l'homme  un  faisceau 
de  fibres  nerveuses  partant  d'un  amas  de  petites  cellules  situé  sur  la  partie 
postérieure  de  la  face  interne  de  chaque  couche  optique  et  appelé  par  lui 
ganglion  de  l habenuk-i.  Les  fibres  nerveuses  qui  sont  en  connexion  avec  ce 
ganglion  se  dirigent  directement  en  arrière,  réunies  en  un  petit  faisceau  assez 
compact;  elles  longent  la  face  interne  du  noyau  rouge,  s'entrecroisent  sur 
la  ligne  médiane  avec  les  fibres  du  faisceau  opposé  et  se  terminent,  d'après 
Forel  et  v.  GuDDEN,  dans  le  ganglion  interpédonculaire  situé  entre  les 
pédoncules  cérébraux,  sur  la  face  antérieure  du  cerveau  moyen.  Ce  faisceau 
est  connu  généralement  sous  le  nom  de  faisceau  de  Meynert  (Forel)  ou  de 
faisceau  rétroréflexe  (Meynert). 

On  ne  connaît  pas  la  fonction  physiologique  des  fibres  nerveuses  qui 
constituent  ce  faisceau.  On  ignore  encore  s'il  est  formé  de  fibres  ascendantes, 
centripètes  ou  sensitives,  ayant  leurs  cellules  d'origine  dans  le  ganglion  inter- 
pédonculaire et  se  terminant  dans  le  ganglion  de  l'habenula,  ou  bien  s'il  est 
constitué  par  des  fibres  descendantes,  centrifuges  ou  motrices,  provenant  des 


(i)     Voir  A.   Van  Gehuchten    :   Le  système   nerveux   de  l'homme.   Van  In  à  Lierre  et   Uystpruyst 
à  Louvain,    i8q3. 

34 


270 


A.  VAN  GEHUCHTEN 


cellules  nerveuses  du  ganglion  de  l'habenula  pour  se  terminer  dans  le  ganglion 
interpédonculaire.  Cette  dernière  hypothèse  semble  cependant  être  la  seule 
vraie,  puisque,  d'après  les  recherchés  de  v.  Gudden,  les  fibres  du  faisceau 
de  Meynert  dégénèrent  après  la  destruction  du  ganglion  de  l'habenula, 
preuve  que  cette  destruction  a  séparé  ces  fibres  nerveuses  de  leurs  cellules 
d'origine.  . 

Le  faisceau  rétroréflexe  ou  faisceau  de  Meynert  semble  constituer 
un  élément  important  dans  l'organisation  interne  du  système  nerveux  cen- 
tral, puisqu'on  le  trouve,  avec  le  même  degré  de  développement,  non  seu- 
lement chez  les  mammifères  et  les  oiseaux,  mais  aussi  dans  les  cerveaux  à 
structure  moins  complexe  des  reptiles,  des  batraciens  et  des  poissons. 

Pour  se  faire  une  idée  exacte  de  la  position  de  ce  faisceau  dans  l'encé- 
phale de  la  truite,  il  convient  d'abord  de  s'orienter  sur  la  place  qu'y  occu- 
pent les  masses  nerveuses  qui  correspondent  aux  ganglions  de  l'habenula 
du  cerveau  de  l'homme. 

Nous  avons  vu  que,  d'après  les  recherches  de  Rabl-Ruckhardt,  on  admet 
généralement  que  le  manteau  du  cerveau  antérieur  des  vertébrés  supérieurs, 
c'est-à-dire  la  substance  blanche  et  la  couche  corticale  grise,  n'est  représenté 
chez  les  poissons  osseux  que  par  une  simple  couche  de  cellules  épithéliales 
passant  au-dessus  des  lobes  antérieurs  et  formant  la  voûte  des  ventricules 
latéraux.  x\rrivée  au  cerveau  intermédiaire,  cette  voûte  épithéliale  forme  un 
repli  dans  l'intérieur  de  la  cavité  ventriculaire,  fig.  24:,  pi,  repli  que  les 
auteurs  considèrent  généralement  comme  l'homologue  de  la  toile  choroï- 
dienne  du  troisième  ventricule  du  cerveau  des  mammifères. 

Derrière  ce  repli,  on  trouve,  sur  la  ligne  médiane,  deux  diverticulums 
de  la  voûte  épithéliale  placés  l'un  derrière  l'autre,  fig.  24.  Le  premier  a, 
sur  une  section  médiane,  une  forme  triangulaire  à  base  inférieure;  c'est  le 
coussinet  de  la  glande  pinéale  (Polster  des  Zirbels)  des  auteurs  allemands, 
FIG.  24,  c.  Le  second  se  présente  comme  un  tube  rétréci  et  allongé,  renflé  à 
son  extrémité  supérieure;  il  se  dirige  en  haut  et  en  avant  en  déprimant 
quelque  peu  la  paroi  postérieure  du  diverticulum  qui  le  précède  :  c'est  la 
glande  pinéale  elle-même,  gl.  pin. 

Ces  deux  diverticulums  communiquent  largement  avec  la  cavité  ventri- 
culaire sous-jacente  ou  troisième  ventricule.  Ils  forment,  sur  la  ligne  médiane, 
le  toit  de  ce  ventricule. 

Si  l'on  examine  une  série  de  coupes  verticales  antéro-postérieures  faites 
dans  l'encéphale  d'une  truite  de  dix  jours  et  que  l'on  passe  successivement 


I 


LE  SYSTÈME    NERVEUX  DES    TÉLÉOSTÉENS  27I 

du  plan  médian  représenté  dans  la  fig.  24  jusqu'au  plan  le  plus  externe, 
on  voit  d'abord  disparaître  la  glande  pinéale;  à  cet  endroit,  le  cul-de-sac 
antérieur  du  toit  du  ventricule  médian  ou  coussmet  de  la  glande  pinéale 
change  de  forme  :  sa  paroi  postérieure,  n'étant  plus  déprimée  par  la  glande, 
se  relève  et  la  section  de  ce  diverticulum  est  triangulaire  à  base  supérieure, 
FIG.  25,  c. 

Sur  des  coupes  plus  latérales  encore,  fig.  26,  gg.  hab.,  la  couche  épi- 
théliale  qui  forme  la  voûte  de  ce  diverticulum  s'épaissit  insensiblement  et  se 
transforme  bientôt,  derrière  et  un  peu  au-dessus  de  chaque  lobe  antérieur, 
en  une  masse  solide  de  tissu  nerveux  :  ce  sont  les  tubercules  intermédiaires 
(tubercula  intermedia)  de  Gottsche,  les  couches  optiques  (thalami  optici)  de 
Balfour  et  de  Ehlers,  \es  ganglions  de  l'habenula  des  auteurs  modernes. 

Sur  des  coupes  transversales  de  l'encéphale  de  la  truite  passant  par 
ces  ganglions,  fig.  6,  on  voit  que  ces  derniers  sont  séparés  des  lobes 
antérieurs  du  cerveau  par  une  partie  du  repli  de  la  voûte  épithéliale  que 
nous  avons  décrite  plus  haut  entre  le  cerveau  antérieur  et  le  coussinet  de 
la  glande  pinéale. 

De  chacun  de  ces  ganglions  de  l'habenula  part  un  faisceau  volumineux 
de  fibres  nerveuses  qui  se  dirige  en  arrière  en  décrivant  une  légère  courbure 
à  convexité  supérieure,  fig.  14.  Ce  faisceau  se  rapproche  insensiblement  de 
la  ligne  médiane  en  traversant  toute  l'étendue  du  cerveau  intermédiaire.  Il 
pénètre  ensuite  dans  le, cerveau  moyen,  où  il  se  trouve  situé  dans  le  voisinage 
immédiat  de  la  face  ventrale.  Sur  des  coupes  transversales  du  cerveau  moyen 
passant  par  les  fibres  d'origine  des  nerfs  oculo-moteurs  communs,  fig.  32,  ce 
faisceau  occupe  l'espace  triangulaire  limité  en  dedans  par  le  fuseau  médian 
de  cellules  épendymaires,  en  dehors  par  les  fibres  radiculaires  du  nerf  oculo- 
moteur  commun,  et  en  avant  par  les  fibres  transversales  de  la  commissure 
ansiforme  (commissura  ansulata)  de  Fritsch.  Arrivées  en  dessous  des  fibres 
du  nerf  de  la  troisième  paire,  les  fibres  de  chaque  faisceau  de  Meynert  se 
mettent  en  connexion  avec  un  amas  de  substance  nerveuse  connue  sous  le 
nom  de  cône  postcommissural  de  Fritsch,  de  ganglion  interpédonculaire 
de  Meynert,  .de  corps  interpédonculaire  de  Edinger. 

On  ignore  encore  comment  les  fibres  de  ce  faisceau  se  comportent  dans 
le  corps  interpédonculaire.  D'après  Mayser  (i),  une  petite  partie  de  ces 
fibres  s'entrecroisent  à  ce  niveau  avec  celles  du  côté  opposé  pour  se  perdre 


(i)     MaVser   :    Vergleichend    anatomische   Studicn   ûb.er   das    Gehirn    der   Knochenfische    mit  heson- 
derer   Berùcksichtigiiiig  der   Cypriiwiden;   Zeitschr.    f.    wiss.    Zool.,    Bd.    36,    pp.    25n — 364,    1882. 


27^ 


A.  VAN    GEHUCHTEN 


dans  la  partie  antérieure  du  ganglion  interpédonculaire  riche  en  petites  cel- 
lules nerveuses.  Le  plus  grand  nombre  des  fibres  de  ce  faisceau  passeraient 
derrière  le  cône  postcommissural  pour  s'y  entrecroiser  également  avec  les 
fibres  de  l'autre  faisceau,  -  Dièse  Kreuzung  sieht  so  aus,  dit-il,  wie  wenn 
rnan  die  Finger  beider  halb  hohl  gemachten  Handen  zwischen  einander 
steckt.  Dabeilegensich  die  Fibrillen  dicht  an  einander,  sodass  man  gar  keine 
einzelnen  Fasern  mehr  erkennt,  vielmehr  das  Ganze  ein  granulirtes  proto- 
plasmaartiges  Aussehen  gew^innt  (i).  « 

Mayser  ne  se  prononce  cependant  pas  sur  le  point  de  savoir  comment  se 
terminent  les  fibres  du  faisceau  de  Meynert  dans  le  corps  interpédonculaire, 
5)  Wenn  man  auch  annehmen  darf,  dit-il,  dass  sich  die  medialen  Fibrillen 
mit  den  Zellen  des  Ganglion  interpedonculare  verbinden,  was  wird  dann 
aus  den  zahlreicheren  lateralen?  Gehen  sie  von  beiden  Seiten  in  einander 
ûber,  oder  enden  sie  gekreuzt  in  Zellen,  die  sich  in  diesen  dichten  und 
stark  gefarbten  Gewebe  dem  Auge  entziéhen,  oder  steigen  sie  endlich  nach 
der  Kreuzung  zu  jenem  kleinen  kôrnerartigen  Elementen  in  die  Hôhe, 
welche  in  den  nachsten  Frontalebenen  hinter  dem  Ganglion  interpedoncu- 
lare dicht  gedrangt  zu  beiden  Seiten  der  Raphe  liegen?  Das  letzten  is  jeden- 
falls  sehr  unwahrscheinlich  (i).  « 

Dans  son  intéressant  mémoire  sur  le  cerveau  intermédiaire  des  sélaciens, 
Edinger  (2)  décrit  la  terminaison  du  faisceau  rétroréflexe  dans  le  corps 
interpédonculaire  dans  les  termes  suivants  :  »  Die  Hauptmasse  (du  corps 
interpédonculaire)  wird  von  dem  im  Corpus  quer  dahin  ziehenden  und  sich 
unter  einander  verpflechtenden  Fasern  der  Fasciculi  retroreflexi  ausgemacht. 
Die  einzelnen  Endauslaufer  dieser  Blindel  verschranken  sich  von  rechts  und 
von  links  her  kommend  so  unter  einander,  dass  es  wahrscheinlich  ist,  dass 
sie  sich  unter  einander  verbinden.  Wenn  man  beide  Arme  ausstreckt  und 
die  Finger  der  Hande  dann  in  einander  faltet,  dann  hat  man  das  Bild  des 
hier  geschilderten  Systèmes...  Zwischen  den  Fasern  liegen  zahlreiche 
rundliche  Kôrner  und  eine  kriimelich  feinkôrnige  Substanz  (3).  ^^ 

Edinger  donne  à  cette  masse  nerveuse  le  nom  de  coi-ps  interpédoncu- 
laire, parce  qu'il  ne  peut  pas  affirmer  en  toute  certitude  qu'il  s'agit  là  d'un 
véritable  ganglion. 


(1)  Mayser   :    Log.   cit.,   p.    358. 

(2)  Edinger    .-    Untersitckungen    ûber   die   vergleichende    Analomie    des  Gehinis     2.    Das   Zwischen- 
hini;   Abhandl.   der   Senckenb.   naturf.    Gesellschaft,    Francfort   s/ M,    1892. 

(3)  Edinger   :   Loc,    cit.,   p.    i3. 


LE    SYSTEME    NERVEUX    DES    TÉLÉOSTÉENS  2  73 

Dans  les  recherches  que  nous  avons  faites  avec  la  méthode  de  Golgi 
sur  la  structure  interne  du  système  nen'eux  de  la  truite,  nous  avons  eu  la 
bonne  fortune  d'obtenir  réduits,  dans  un  grand  nombre  de  nos  préparations, 
les  éléments  constitutifs  du  faisceau  rétroréflexe.  Nous  avons  pu  nous  con- 
vaincre, de  la  façon  la  plus  évidente,  que  toutes  les  fibres  nerveuses  de  ce 
faisceau  ont  leurs  cellules  d'origine  dans  le  ganglion  de  Thabenula  et  qu'elles 
se  terminent  dans  le  corps  interpédonculaire.  Le  faisceau  de  Meynert  est 
donc  formé  de  fibres  descendantes  ou  centrifuges  et,  par  conséquent,  nous 
devons  le  considérer  comme  un  faisceau  moteur. 

La  FiG.  14  représente  une  coupe  sagittale  de  l'encéphale  d'une  truite 
âgée  de  dix  jours  passant  par  un  des  ganglions  de  l'habenula.  On  y  voit  le 
faisceau  rétroréflexe  se  former  dans  le  ganglion  de  l'habenula  par  la  réunion 
d'un  grand  nombre  de  fines  fibres  nerveuses  qui  rayonnent  en  éventail  de 
la  circonférence  vers  la  partie  inférieure  ou  le  sommet  du  ganglion.  Là,  le 
faisceau  se  coude  brusquement  en  arrière;  il  traverse  toute  l'étendue  du 
cerveau  intermédiaire  et  peut  être  poursuivi  dans  le  cerveau  mo3'en  jusque 
un  peu  en  dessous  de  la  commissure  ansiforme. 

Sur  des  coupes  obliques  faites  dans  l'encéphale  d'une  truite  de  dix 
jours  suivant  le  plan  indiqué  par  la  ligne  pointillée  de  la  fig.  14,  plan  pa- 
rallèle à  la  direction  du  faisceau  rétroréflexe,  nous  avons  pu  poursuivre  à  la 
fois  les  deux  faisceaux  depuis  les  ganglions  de  l'habenula  jusque  dans  le 
corps  interpédonculaire.  Nous  avons  représenté,  dans  les  fig.  15,  16  et  17, 
à  un  grossissement  très  faible,  les  trois  coupes  parallèles  qui  comprennent 
toute  l'étendue  de  ces  faisceaux  et  nous  avons  réuni  ensuite  ces  trois  coupes 
dans  le  dessin  unique  de  la  fig.  18. 

Comme  ces  figures  le  montrent,  chaque  faisceau  rétroréflexe  commence 
dans  le  ganglion  de  l'habenula  par  un  grand  nombre  de  fines  fibres  ner- 
veuses rayonnant  de  la  périphérie  vers  le  centre.  A  la  base  du  ganglion, 
toutes  ces  fibres  se  réunissent  en  un  petit  faisceau  compact.  Celui-ci  se 
coude  brusquement  en  arrière.  Il  traverse  le  cerveau  intermédiaire  en  incli- 
nant légèrement  en  dedans,  de  façon  à  se  rapprocher  insensiblement  de  la 
ligne  médiane,  et  peut  être  poursuivi  jusque  dans  le  cerveau  moyen  un  peu 
en  dessous  des  fibres  radiculaires  du  nerf  oculo-moteur  commun.  Là,  les 
fibres  de  chaque  faisceau  se  coudent  transversalement  en  dedans  et  semblent 
s'entrelacer  d'une  façon  inextricable  avec  les  fibres  provenant  du  faisceau  du 
côté  opposé. 


274 


A.  VAN    GEHUCHTEN 


Cette  description,  basée  sur  des  préparations  traitées  par  la  méthode 
de  GoLGi,  confirme  à  la  lettre  celle  donnée  par  Mayser  en  s'appuyant  sur 
des  préparations  fixées  au  bichromate  de  potassium  et  colorées  au  carmin,  et 
concorde  complètement  avec  la  description  que  Edinger  a  faite  du  faisceau 
de  Meynert  en  se  basant  sur  des  préparations  traitées  par  la  méthode  de 
Weigert. 

Les  points  nouveaux  que  la  perfection  de  la  méthode  nous  a  permis  de 
découvrir  sont  les  suivants  : 

1°  L'origine  des  fibres  du  faisceau  rétroréflexe  dans  les  cellules  ner- 
veuses du  ganglion  de  l'habenula. 

2°  La  façon  dont  ces  fibres  se  comportent  dans  le  corps  interpédon- 
culaire. 

Pour  élucider  ces  deux  points,  il  nous  suffira  d'examiner,  à  un  grossis- 
sement plus  considérable,  les  deux  extrémités  du  faisceau  rétroréflexe, 
c'est-à-dire  le  ganglion  de  l'habenula  dans  la  moitié  gauche  de  la  fig.  15  ou 
dans  la  moitié  droite  de  la  fig.  16  et  le  corps  interpédonculaire  de  la  fig.  17. 

Nos  connaissances  concernant  la  structure  interne  des  tubercules  in- 
termédiaires de  GoTTSCHE  chez  les  poissons  osseux  sont  encore  très 
incomplètes.  D'après  Mayser,  ces  ganglions  sont  formés  d'une  substance 
fondamentale  assez  compacte  et  de  nombreuses  cellules  granuleuses  pré- 
sentant un  groupement  particulier  produit,  selon  toute  probabilité,  par  le 
mode  de  distribution  des  fibres  nerveuses. 

Edinger  distingue,  dans  les  ganglions  de  l'habenula  des  sélaciens,  une 
partie  frontale  et  une  partie  caudale.  La  partie  frontale  est  formée  exclusi- 
vement de  cellules  nerveuses  sphériques,  auxquelles  on  peut  reconnaître  par 
ci  par  là  un  prolongement  dirigé  en  arrière.  Ces  cellules  sont  englobées  dans 
un  réseau  très  délicat. 

Dans  les  ganglions  de  l'habenula  de  la  truite,  le  chromate  d'argent  a  mis 
en  évidence  des  cellules  nerveuses  assez  volumineuses  occupant  toute  la 
couche  périphérique  du  ganglion.  Ces  cellules  sont  unipolaires,  fig.  19 et  20. 
Du  corps  cellulaire  pyriforme  tourné  vers  la  périphérie  du  ganglion  part  un 
prolongement  unique  épais  et  irrégulier.  Celui-ci  se  dirige  vers  le  centre.  A 
quelque  distance  de  la  cellule  d'origine,  ce  prolongement  unique  se  bifurque 
d'ordinaire  en  deux  branches  assez  épaisses  qui  peuvent  se  subdiviser  encore 
à  leur  tour  ou  bien  émettre  des  branches  collatérales.  Toutes  ces  branches 
de  division  sont  épaisses,  présentent  des  contours  très  irréguliers  et  se  ter- 
minent par  un  épaississement  conique  dont  la  base  est  encore  pourvue  de 


I 


LE  SYSTÈME    NERVEUX  DES    TÉLÉOSTÉENS  275 

de  deux  ou  trois  petits  prolongements  filiformes.  Ces  épaississements  co- 
niques qui  terminent  les  prolongements  protoplasmatiques  de  ces  cellules 
nerveuses  ressemblent  assez  bien,  par  leurs  caractères  extérieurs,  aux  cônes 
de  croissance  que  Ramon  y  Cajal  a  décrits  à  l'extrémité  libre  du  prolon- 
gement cylindraxil  des  jeunes  neuroblastes. 

Outre  ces  prolongements  gros  et  irréguliers  qui  se  terminent  dans  le 
voisinage  immédiat  du  corps  cellulaire  dont  ils  proviennent  et  qui  repré- 
sentent les  prolongements  protoplasmatiques  ou  prolongements  à  conduction 
cellulipète,  chaque  cellule  nerveuse  possède  encore  un  prolongement  cylin- 
draxil ou  prolongement  à  conduction  cellulifuge.  Celui-ci  ne  part  jamais 
directement  du  corps  de  la  cellule,  mais  il  provient  toujours  de  l'un  ou  l'autre 
des  prolongements  protoplasmatiques,  soit  qu'il  se  détache  de  ce  prolongement 
à  un  point  quelconque  de  sou  trajet,  soit  qu'il  ne  commence  qu'au  bout  libre 
de  ce  prolongement  lui-même.  Le  prolongement  cylindraxil  de  chacune  de 
ces  cellules  nerveuses  est  toujours  excessivement  mince  et  grêle.  Il  présente 
sur  son  trajet  quelques  petites  nodosités  irrégulières  et  il  peut  souvent  être 
poursuivi  sans  trop  de  difficultés  depuis  sa  cellule  d'origine  dans  le  ganglion 
de  l'habenula  jusque  dans  le  corps  interpédonculaire.  Il  s'est  montré,  dans 
toutes  nos  préparations,  dépourvu  de  branches  collatérales,  détail  important 
qui  semble  exclure  toute  connexion  de  ce  faisceau  avec  les  éléments  consti- 
tutifs du  cerveau  intermédiaire. 

Examiné  à  un  grossissement  d'environ  400  diamètres,  le  corps  interpé- 
donculaire se  trouve  constitué  d'un  entrelacement  inextricable  de  fines  fi- 
brilles nerveuses.  Plusieurs  de  nos  préparations  ne  montraient  réduits  par 
le  chromate  d'argent  que  les  fibres  du  faisceau  rétroréflexe,  de  sorte  que 
nous  avons  pu  étudier  assez  facilement  la  façon  dont  ces  fibres  se  comportent 
dans  cet  organe  énigmatique  appelé  ganglion  ou  cor/75  interpédonculaire. 

Arrivée  à  ce  niveau,  chaque  fibre  du  faisceau  de  Meynert  se  coude 
horizontalement  en  dedans  ;  elle  se  divise  et  se  subdivise  un  grand  nombre 
de  fois  pour  s'entrelacer  avec  les  branches  de  division  des  fibres  voisines 
et  avec  celles  qui  proviennent  des  fibres  du  côté  opposé.  Dans  cet  entrela- 
cement complexe  de  fines  fibrilles  nerveuses,  il  n'est  cependant  pas  difficile 
de  poursuivre  de  temps  en  temps  les  différentes  branches  qui  résultent  des 
divisions  d'une  fibre  unique  et  de  constater,  en  toute  évidence,  qu'elles  se 
terminent  par  des  bouts  libres  légèrement  épaissis.  Tel  était  le  cas  pour 
quelques-unes  des  fibres  constitutives  du  corps  interpédonculaire,  sectionné 
suivant  sa  longueur,  que  nous    avons    représenté  dans  la  fig.  21,  et  pour 


î76 


A.  VAN    GEHUCHTEN 


celui  de  la  fig.  23  qui  appartient  à  une  coupe  transversale  du  cerveau 
moyen  d'une  truite,  où  le  chromate  d'argent  n'avait  réduit  que  les  éléments 
constitutifs   des   faisceaux  rétroréflexes. 

La  structure  interne  du  corps  interpédonculaire  est  rendue  plus 
complexe  : 

1°  Par  les  prolongements  périphériques  de  nombreuses  cellules  épen- 
dymaires  étendues  entre  la  cavité  ventriculaire  et  la  surface  antérieure  du 
cerveau  moyen  ; 

2''  Par  les  prolongements  protoplasmatiques  d'un  grand  nombre  de 
cellules  nerveuses  qui  viennent  se  mettre  en  contact,  dans  ce  corps  pédon- 
culaire,  avec  les  ramifications  terminales  des  fibres  des  faisceaux  rétroré- 
flexes. Nous  n'avons  pas  encore  pu  établir  pour  le  moment  la  destinée  du 
prolongement  cylindraxil  de  ces  derniers  éléments  nerveux. 

Conclusion.  Le  faisceau  rétroréflexe  ou  faisceau  de  Meynert  est  donc 
formé,  chez  la  truite,  de  fibres  nerveuses  qui  ont  leurs  cellules  d'origine 
dans  les  ganglions  de  l'habenula  et  qui  se  terminent  dans  le  corps  inter- 
pédonculaire. Ces  fibres  nerveuses  ayant  la  conduction  centrifuge  doivent 
être  regardées  cornme  des  fibres  motrices. 

Pour  pouvoir  nous  faire  une  idée  de  la  valeur  physiologique  des  élé- 
ments constitutifs  de  ce  faisceau,  nous  aurions  dû  pouvoir  établir  d'une  part 
les  éléments  qui  se  terminent  dans  les  ganglions  de  l'habenula,  et  d'autre 
part  les  éléments  qui  naissent  dans  le  corps  interpédonculaire.  Nous 
sommes  persuadé  que  nos  recherches  ultérieures  nous  permettront  bientôt 
de  résoudre  ces  deux  questions  importantes. 

Une  chose  qui  nous  parait  certaine,  c'est  que  ce  faisceau  rétroréflexe 
doit  représenter  un  des  chaînons  d'un  arc  nerveux   réflexe  assez  complexe. 

IV.     QUELQUES    ÉLÉMENTS    NERVEUX   CONSTITUTIFS 
DES    LOBES    OPTIQUES. 

La  structure  interne  du  toit  optique  des  poissons  osseux  est  très  com- 
plexe; aussi,  les  auteurs  sont-ils  loin  d'être  d'accord  non  seulement  sur  la 
forme  et  la  disposition  des  différents  éléments  nerveux  qui  entrent  dans  sa 
constitution,  mais  même  sur  le  nombre  de  couches  que,  pour  la  facilité  de 
la  description,  il  convient  de  distinguer  dans  les  lobes  optiques.  Tandis  que 
Stieda  et  Fritsch  admettent  huit  couches  superposées  dans  le  toit  optique 
des  poissons  osseux,  Mayser  n'en  mentionne  que  six,  Bellonci  en  décrit 
quatorze  et  Fusari  en  compte  sept. 


LE    SYSTÈME    NERVEUX    DES    TÉLÉOSTÉENS  277 

Nos  recherches  sur  la  structure  interne  des  lobes  optiques  de  la  truite 
ne  sont  pas  encore  assez  complètes  pour  que  nous  puissions  prendre  position 
dans  ce  débat  en  nous  appuyant  sur  les  caractères  particuliers  des  éléments 
constitutifs  de  ces  différentes  couches.  Sur  des  préparations  provenant  de 
l'encéphale  de  truites  fixées  par  le  sublimé  corrosif  et  colorées  par  le  para- 
carmin  de  Mayer,  fig.  9,  le  toit  optique  se  montre  assez  nettement  formé  de 
trois  couches  distinctes  : 

1"  Une  couche  profonde,  très  mince,  constituée  presque  uniquement 
par  les  corps  des  cellules  épendymaires. 

2°  Une  couche  moyenne  excessivement  épaisse,  tellement  riche  en 
noyaux  qu'on  ne  distingue  pas  les  limites  des  corps  cellulaires  auxquels  ils 
appartiennent.  Ces  noj-aux  semblent  placés  en  séries  régulières  les  uns  au- 
dessus  des  autres  ;  ils  donnent  à  cette  couche  un  aspect  granuleux  caracté- 
ristique.'On  pourrait  l'appeler  couche  graiiitleuse. 

?"  Une  couche  externe  pâle,  dans  laquelle  le  paracarmin  ne  colore  que 
quelques  noyaux  disséminés  au  sein  d'une  substance  finement  granuleuse. 
Dans  le  voisinage  immédiat  de  la  couche  granuleuse,  aussi  bien  que  près  de 
la  surface  libre  du  toit  optique,  ces  no3^aux,  placés  les  uns  à  côté  des  autres, 
constituent  cependant  deux  rangées  assez  régulières.  Nous  appellerons  cette 
couche,  pour  ne  rien  préjuger  de  sa  nature,  la  couche  moléculaire. 

Les  lobes  optiques  des  poissons  osseux  ont  été  étudiés  par  Fusari  et 
par  P.  Ramon  au  moyen  de  la  méthode  au  chromate  d'argent. 

Fusari  a  employé  la  méthode  de  Golgi  connue  sous  le  nom  de  mé- 
thode lente.  Les  résultats  qu'il  a  obtenus  diffèrent  assez  bien  de  ceux  aux- 
quels la  méthode  rapide  de  Golgi  nous  a  conduit.  Nous  y  reviendrons  plus 
loin.  P.  Ramon  semble  avoir  employé  la  même  méthode  que  nous;  malheu- 
reusement nous  n'avons  pas  pu  prendre  connaissance  de  son  travail,  igno- 
rant totalement  si  la  thèse  de  doctorat  dont  il  parle  dans  quelques-unes  de 
ses  publications  a  déjà  été  publiée. 

Nous  ne  nous  proposons  pas,  dans  cette  communication  préliminaire, 
de  faire  une  étude  complète  de  la  structure  interne  des  lobes  optiques,  les 
résultats  que. nous  a  fournis  la  méthode  de  Golgi  étant  encore  trop  incom- 
plets pour  que  nous  puissions  entreprendre  ce  travail.  Nous  nous  proposons 
d'y  revenir  dans  notre  mémoire  in  extenso.  Nous  voulons  simplement  décrire 
quelques-uns  des  éléments  constitutifs  les  plus  communs  du  toit  optique, 
éléments  que  le  chromate  d'argent  colore  avec  la  plus  grande  facilité  et  que 
nous  avons  obtenus  réduits  dans  presque  toutes    nos    préparations.    Ces 

35 


278  A.  VAN    GEHUCHTEN 

éléments  semblent  avoir  échappé  à  l'attention  de  Fusari,  puisque  nous  ne 
les  trouvons  pas  reproduits  dans  la  section  transversale  du  toit  optique  de 
la  tanche  que  ce  savant  a  représentée  dans  la  Pl.  III  de  son  travail. 

Un  des  éléments  nerveux  du  toit  optique  de  la  truite  qui  se  réduit  avec 
la  plus  grande  facilité,  c'est  celui  que  l'on  trouve  à  la  base  de  la  couche 
moléculaire,  dans  le  voisinage  immédiat  de  la  couche  granuleuse.  Il  forme 
à  ce  niveau  une  zone  assez  régulière,  comparable  en  plusieurs  points  à 
la  rangée  des  cellules  de  Purkinje,  qui  sépare  la  couche  granuleuse  de 
la  couche  moléculaire  du  cervelet  dans  toute  la  série  des  vertébrés.  Ces 
éléments  ne  sont  pourtant  pas  alignés  d'une  façon  aussi  régulière  que  les 
cellules  volumineuses  du  cervelet,  ainsi  que  cela  ressort  d'ailleurs  en  toute 
évidence  de  la  position  i-espective  des  noyaux  de  ces  cellules  dans  les  par- 
ties profondes  de  la  couche  granuleuse  de  la  fig.  9. 

D'un  corps  cellulaire  irrégulièrement  triangulaire  part  un  prolongement 
périphérique  gros  et  à  contours  irréguliers  montant  directement  dans  la 
couche  moléculaire,  où  il  peut  être  poursuivi  jusque  près  de  la  surface  libre 
du  toit  optique.  En  traversant  l'épaisseur  de  la  couche  moléculaire,  ce 
prolongement  périphérique  émet  de  nombreuses  branches  collatérales  à 
direction  horizontale  :  les  unes  se  terminent  comme  telles,  les  autres  se 
divisent  et  se  subdivisent  rapidement  de  manière  à  produire  une  touffe  de 
quatre  ou  cinq  branches  plus  grêles  se  terminant  librement  à  une  distance 
variable  du  prolongement  principal.  Ce  prolongement  périphérique  et  les 
branches  qui  en  naissent  représentent  les  prolongements  protoplasmatiques 
ou  prolongements  à  conduction  cellulipète.  Quelques  prolongements  courts 
et  grêles  partent  aussi  directement  du  corps  cellulaire  pour  se  terminer 
librement  dans  la  partie  voisine  de  la  couche  granuleuse,  fig.  ii,  a. 

Chacune  de  ces  cellules  possède  un  prolongement  cylindraxil  ou  pro- 
longement à  conduction  cellulifuge.  Il  naît  quelquefois  directement  du  corps 
cellulaire.  Le  plus  souvent  cependant,  il  provient  du  prolongement  proto- 
plasmatique  périphérique,  soit  dans  le  voisinage  immédiat  du  corps  cellu- 
laire, soit  à  une  distance  parfois  très  considérable  de  ce  dernier.  Dans  le 
premier  cas,  il  se  dirige  transversalement  en  dehors,  devenant  une  fibre 
constitutive  de  la  mince  zone  fibrillaire  qui  sépare  la  couche  granuleuse 
de  la  couche  moléculaire.  Dans  le  cas  où  le  prolongement  C3dindraxil  naît 
assez  loin  du  corps  cellulaire,  il  se  coude  brusquement  en  bas,  gagne  la 
limite  de  séparation  des  deux  couches  pour  y  devenir  également  une  fibre 
horizontale. 


LE  SYSTEME    NERVEUX  DES    TELEOSTEENS  2  79 

En  parcourant  cette  zone  fibrillaire,  les  prolongements  cylindraxils  de 
ces  cellules  nerveuses  émettent  quelques  fines  branches  collatérales,  dont 
les  unes  se  terminent  dans  la  couche  moléculaire,  tandis  que  les  auti"es  se 
ramifient  entre  les  éléments  constitutifs  de  la  couche  granuleuse. 

Nous  ignorons  encore  où  se  rendent  les  prolongements  cylindraxils  de 
ces  cellules  nerveuses.  Un  détail  important  à  noter,  c'est  que  ces  prolonge- 
ments ne  peuvent  être  poursuivis  que  sur  des  coupes  transversales  ou  fron- 
tales, parce  qu'ils  se  dirigent  toujours  de  dedans  en  dehors  vers  les  parties 
latérales  des  lobes  optiques  pour  pénétrer  par  là  dans  la  partie  ventrale  du 
cerveau  moyen. 

Ces  éléments  nerveux  semblent  ne  pas  avoir  été  réduits  dans  les 
préparations  de  Fusari.  Aucune  des  nombreuses  cellules  que  ce  savant  a 
reproduites  dans  la  coupe  transversale  du  toit  optique  de  la  tanche  ne 
présenté  les  caractères  particuliers  des  éléments  nerveux  que  nous  venons 
de  décrire.  Dans  toutes  les  cellules  figurées  par  Fusari,  le  prolongement 
cylindraxil  se  détache  toujours  du  pôle  opposé  à  celui  d'où  naît  le  prolon- 
gement périphérique.  Or,  dans  les  éléments  nerveux  dont  il  s'agit,  ce 
prolongement  part  le  plus  souvent  du  prolongement  protoplasmatique 
périphérique,  rarement  il  se  détache  de  la  face  latérale  du  corps  cellulaire 
lui-même;  jamais  nous  ne  l'avons  vu  naître  de  l'extrémité  inférieure  et 
pénétrer  directement  dans  la  couche  granuleuse. 

Un  autre  élément  constitutif  du  toit  optique  de  la  truite  apparaît  le 
plus  nettement  sur  des  coupes  verticales  antéro-postérieures,  fig.  10.  Ce 
sont  le  plus  souvent  des  cellules  unipolaires  dont  le  corps  cellulaire  occupe 
l'épaisseur  même  de  la  couche  granuleuse.  Le  prolongement  unique  de  ces 
cellules  se  dirige  vers  la  périphérie  du  toit  optique  en  traversant  la  partie 
voisine  de  la  couche  granuleuse  et  toute  l'étendue  de  la  couche  moléculaire. 

Pendant  ce  ti^ajet  ascendant,  ce  prolongement  émet  de  nombreuses 
branches  collatérales  à  direction  horizontale  se  terminant  à  des  distances 
quelquefois  considérables  de  la  tige  principale.  Le  prolongement  unique  et 
les  branches  collatérales  qui  en  naissent  sont  de  nature  protoplasmatique. 
Chaque  cellule  possède  encore  un  prolongement  cylindraxil.  Celui-ci  ne 
naît  jamais  du  corps  cellulaire,  mais  provient  toujours  du  prolongement 
protoplasmatique.  Quelquefois,  il  s'en  détache  à  la  limite  de  la  couche  gra- 
nuleuse; le  plus  souvent,  il  naît  du  prolongement  protoplasmatique  près  de 
la  surface  libre  du  toit  optique;  il  redescend  alors  à  travers  la  couche  molé- 
culaire pour  devenir  horizontale  à  la  limite  interne  de  cette  dernière. 


28o  A.  VAN  GEHUCHTEN 

Les  prolongements  cylindraxils  de  cette  seconde  espèce  de  cellules 
nerveuses  deviennent  donc  aussi  des  fibres  constitutives  de  la  zone  fi- 
brillaire  séparant  la  couche  moléculaire  de  la  couche  granuleuse  ;  mais  ils 
prennent  une  direction  perpendiculaire  à  celle  des  prolongements  cylin- 
draxils des  premiers  éléments  que  nous  avons  décrits.  Nous  ignorons 
encore  pour  le  moment  la  destinée  de  ces  fibres  nerveuses  à  direction 
antéro-postérieure. 

Un  troisième  élément  constitutif  de  la  couche  granuleuse  du  toit  op- 
tique de  la  truite  se  trouve  représenté  dans  la  fig.  11,  b. 

D'un  corps  cellulaire  petit,  sphérique  ou  légèrement  ovalaire  part  un 
prolongement  unique.  Celui-ci  traverse  toute  l'épaisseur  de  la  couche  gra- 
nuleuse présentant  un  trajet  légèrement  ondulé  pour  s'insinuer  entre  les 
grains  juxtaposés;  il  pénètre  ensuite  dans  la  couche  moléculaire  dans  laquelle 
il  se  termine  par  une  arborisation  assez  complexe. 

Ces  éléments  particuliers  de  la  couche  granuleuse  sont  excessivement 
nombreux  ;  la  plus  grande  partie  des  noyaux  de  cette  couche  semblent  ap- 
partenir à  ces  éléments  énigmatiques. 

Nous  pensons  que  le  prolongement  unique  dont  ces  éléments  sont 
pourvus  représente  un  véritable  prolongement  cylindraxil  ou  prolongement 
à  conduction  cellulifuge.  Ces  grains  du  toit  optique  de  la  truite  seraient 
donc  comparables  aux  grains  de  la  couche  granuleuse  du  cervelet  avec  cette 
double  diff"érence.  : 

1°  Que  les  grains  des  lobes  optiques  sont  dépourvus  de  prolongements 
protoplasmatiques,  tandis  que  ceux  du  cervelet  présentent,  dans  toute  la 
série  des  vertébrés,  chez  la  truite  aussi  bien  que  chez  les  autres  vertébrés, 
quatre  ou  cinq  prolongements  se  terminant  par  des  ramifications  libres; 

2°  Que  le  prolongement  cylindraxil  des  grains  des  lobes  optiques  se 
termine,  dans  la  couche  moléculaire,  par  une  arborisation  assez  complexe, 
tandis  que  le  prolongement  cylindraxil  des  grains  du  cervelet  se  bifurque 
dans  la  couche  moléculaire  en  deux  fibres  horizontales  se  terminant  libre- 
ment à  des  distances  considérables  l'une  de  l'autre.  Ces  éléments  delà  couche 
granuleuse  ne  se  trouvent  pas  signalés  non  plus  dans  le  travail  de  Fusari. 
La  couche  moléculaire  du  toit  optique  de  la  truite  présente  donc  comme 
éléments  constitutifs  : 

1"  Les  ramifications  collatérales  et  terminales  des  prolongements  pro- 
toplasmatiques des  éléments  nerveux  qui  occupent  la  partie  profonde  de  la 
couche  moléculaire,  fig.  ^^,  a; 


I 


LE  SYSTEME    NERVEUX  DES    TELEOSTEENS  28 1 

2"  Les  ramifications  collatérales  et  terminales  des  prolongements 
protoplasmatiques  de  certains  éléments  nerveux  de  la  couche  granuleuse, 
FIG.    11,    b. 

3°  Les  arborisations  terminales  des  prolongements  cylindraxils  des 
grains  de  la  couche  granuleuse,  fig.  11,  b; 

4°  Les  ramifications  collatérales  des  fibres  nerveuses  transversales  et 
antéro-postérieures  qui  forment  la  mince  zone  fibrillaire  qui  sépare  la  couche 
granuleuse  de  la  couche  moléculaire  ; 

5°  La  structure  interne  de  cette  couche  périphérique  est  rendue  plus 
complexe  encore  : 

a)  Par  les  ramifications  terminales  de  certaines  fibres  des  nerfs  op- 
tiques qui  se  terminent  dans  cette  couche  périphérique  des  lobes  optiques, 
ainsi  que  nous  le  montrerons  dans  notre  mémoire  in  extenso. 

b)  Par  des  cellules  nerveuses  horizontales  pourvues  de  prolongements 
protoplasmatiques  très  volumineux  et  très  longs,  se  terminant  dans  la  couche 
moléculaire,  et  d'un  prolongement  cylindraxil  que  nous  n'avons  pas  encore 
pu  poursuivre  sur  une  longueur  suffisante  pour  pouvoir  établir  l'endroit  où 
il  se  termine,  fig.  10. 

V.     ORIGINE  ET  TERMINAISON  DES  FIBRES 
OLFACTIVES. 

Les  fibres  du  nerf  olfactif  de  la  truite  ont  leurs  cellules  d'origine  dans  la 
muqueuse  olfactive.  Entre  les  cellules  épithéliales  de  cette  muqueuse,  on 
trouve  des  cellules  bipolaires  analogues  à  celles  qui  ont  été  décrites  par  Ehr- 
LicH,  Arnstein,  Grassi  et  Castronqvo,  Ramon  y  Cajal,  Van  Gehuchten  et 
Martin,  v.  Brunn,  Retzius  et  v.  Lenhossek  dans  la  muqueuse  olfactive 
chez  les  mammifères  et  chez  l'homme.  Le  prolongement  périphérique  de 
ces  cellules  bipolaires  arrive  jusqu'à  la  surface  libre  de  la  muqueuse  olfac- 
tive, tandis  que  le  prolongement  interne  devient  le  cylindre-axe  d'une  fibre 
nerveuse  olfactive  et  a  pu  être  poursuivi  par  nous  jusque  dans  l'extrémité 
proximale  de  chaque  lobe  antérieur.  Là,  un  grand  nombre  de  ces  fibres 
nerveuses  se  terminent  par  un  bouquet  de  ramilles  indépendantes,  fig.  13, 
ainsi  que  cela  a  été  décrit  par  Ramon  y  Cajal,  P.  Ramon,  nous-méme, 
Kôlliker,  Retzius  et  tout  récemment  encore  par  Calleja  f  i  )  pour  les  fibres 
olfactives  des  oiseaux  et  des  mammifères. 


(  i)     Calleja  :  La  région  ol/actoria  del  cerebro  ;  Actas  de  la  Sociétés  espanolas  de  Historia  natural,  1893. 


282  A.  VAN    GEHUCHTEN 

Les  fibres  du  nerf  olfactif  de  la  truite  ont  donc  leurs  cellules  d'origine 
dans  la  muqueuse  olfactive  et  se  terminent,  par  des  ramifications  libres, 
dans  la  partie  antérieure  des  lobes  antérieurs  de  l'encéphale. 

VI.     ORIGINE   du'  nerf   OCULO-MOTEUR   COMMUN. 

Chaque  nerf  oculo-moteur  commun  de  la  truite  a  son  origine  réelle  dans 
un  amas  de  substance  grise  situé  dans  le  cerveau  moyen,  de  chaque  côté  du 
raphé,  dans  le  voisinage  immédiat  de  l'aqueduc  de  Sylvius.  Les  fibres  radi- 
culaires  qui  proviennent  de  ces  cellules  d'origine  se  dirigent  obliquement 
en  avant  et  en  dehors,  pour  sortir  de  l'axe  nerveux  entre  le  cerveau  moyen 
et  la  partie  postérieure  de  l'infundibulum.  Ces  nerfs  oculo-moteurs  communs 
sont  excessivement  développés.  Leurs  fibres  constitutives  proviennent,  en 
majeure  partie,  des  cellules  nerveuses  qui  forment  le  noyau  d'origine  dans 
la  moitié  correspondante  de  l'axe  nerveux;  un  certain  nombre  de  ces  fibres 
passent  cependant  la  ligne  médiane  pour  trouver  leurs  cellules  d'origine 
dans  le  noyau  du  côté  opposé,  fig.  32. 

Les  fibres  radiculaires  du  nerf  de  la  troisième  paire  subissent  donc 
un  entrecroisement  partiel.  Cet  entrecroisement  est  comparable  à  celui  que 
nous  avons  décrit  pour  les  fibres  radiculaires  du  même  nerf  chez  un  em- 
bryon de  canard  (i).  L'entrecroisement  partiel  des  fibres  radiculaires  du 
nerf  oculo-moteur  commun  a  été  établi,  chez  les  mammifères  et  les  oiseaux, 
par  les  recherches  de  v.  Gudden,  Edinger,  Perlia,  Siemerling,  Kolliker, 
Van  Gehuchten  et  Bregmann.  Il  a  été  décrit  pour  la  première  fois  chez 
les  poissons  par  Fritsch  et  confirmé  par  les  observations  de  Mayser  et 
par  les  nôtres. 

VIL     ORIGINE  DU  NERF  FACIAL. 

Les  fibres  du  nerf  facial  ont  leurs  cellules  d'origine  dans  le  tronc  céré- 
bral. Elles  suivent  un  trajet  assez  complexe  pour  se  rendre  de  leur  noyau 
d'origine  réelle  à  leur  origine  apparente,  c'est-à-dire  au  point  où  elles 
émergent  à  la  surface  de  l'axe  nerveux.  Ce  trajet  apparaît  clairement  sur 
des  coupes  frontales  légèrement  obliques  en  bas  et  en  arrière.  La  fig.  38  a 
été  empruntée  à  une  pareille  coupe  comprenant  dans  son  épaisseur  toute 
l'étendue  du  trajet  central  des  fibres  radiculaires.  Les  cellules  nerveuses 
qui  forment  le  noyau  d'origine  réelle  du  nerf  de  la  septième  paire  sont  des 


(i)     Van  GehWCHTen  :  De  Toriginc  du  nerf  oculo-moteur  commun;  La  Cellule,  t    \  111,  pp  4U1  43o,  iSi|2. 


LE  SYSTÈME    NERVEUX  DES    TÉLÉOSTÉENS  283 

cellules  volumineuses;  chacune  d'elles  est  pourvue  de  nombreux  prolonge- 
ments protoplasmatiques  abondamment  ramifiés  et  d'un  prolongement  cy- 
lindraxil  grêle  et  délicat.  Les  prolongements  cylindraxils  de  toutes  ces  cel- 
lules nerveuses  se  dirigent  d'abord  en  dedans  ;  arrivés  près  du  raphé  médian, 
ils  se  coudent  brusquement  en  haut;  après  un  certain  trajet  ascendant,  toutes 
ces  fibres  nerveuses  se  recourbent  une  seconde  fois  à  angle  droit  sur  elles- 
mêmes  pour  devenir  transversales  et  pour  gagner  ainsi  le  point  de  la  surface 
externe  de  l'axe  nerveux  où  elles  ont  leur  origine  apparente.  Ce  trajet  central 
des  fibres  radiculaires  peut  donc  se  décomposer  en  trois  parties  : 

1°  Une  partie  horizontale  étendue  entre  les  cellules  radiculaires  et  le 
point  où  ces  fibres  subissent  leur  première  courbure;  on  pourrait  appeler 
cette  partie  du  trajet  central  des  fibres  du  facial  la  branche  radiculaire 
interne. 

2°  Une  partie  verticale  ascendante  située  de  chaque  côté  du  raphé  et 
constituant  la  branche  radiculaire  ascendante. 

3°  Enfin,  une  partie  horizontale  s'étendant  depuis  l'endroit  où  la 
branche  ascendante  se  recourbe  en  dehors  jusqu'au  point  où  les  fibres  sortent 
de  l'axe  nerveux  ;  c'est  la  branche  radiculaire  externe. 

Les  fibres  radiculaires  du  facial  décrivent  donc,  dans  le  tronc  cérébral 
de  la  truite,  un  trajet  comparable  en  plusieurs  points  à  celui  que  parcourent 
les  fibres  radiculaires  du  même  nerf  dans  le  cerveau  postérieur  de  l'homme.  Il 
n'y  a  qu'une  seule  différence,  c'est  que  chez  l'homme  la  branche  radiculaire 
externe,  au  lieu  de  se  diriger  directement  en  dehors  comme  dans  l'axe  ner- 
veux de  la  truite,  se  compose  elle-même  de  deux  parties  :  une  partie  interne 
nettement  transversale  appelée  le  genou  du  facial  et  une  partie  externe 
obliquement  dirigée  en  avant  et  en  dehors  et  connue  sous  le  nom  de  branche 
radiculaire  externe. 

La  même  disposition  des  fibres  radiculaires  du  nerf  facial  se  trouve 
encore  représentée  dans  la  partie  inférieure  de  la  fig.  30. 

Pour  étudier  en  détail  la  disposition  des  cellules  d'origine  et  des  fibres 
radiculaires  du  nerf  de  la  septième  paire,  il  est  nécessaire  d'avoir  recours  à 
des  coupes  transversales. 

Nous  avons  reproduit  dans  les  fig.  35  et  37  deux  coupes  de  l'axe  ner- 
veux de  la  truite  passant  par  le  noyau  d'origine  du  nerf  facial  et  montrant 
réduites  par  le  chromate  d'argent  quelques-unes  de  ses  cellules  constitutives. 
Comme  ces  figures  le  montrent,  les  cellules  radiculaires  du  nerf  delà  septième 
paire  sont  volumineuses  et  pourvues  d'un  grand  nombre  de  prolongements 


284  A    VAN    GEHUCHTEN 

protoplasmatiques  abondamment  ramifiés,  s'étendant  par  leur  ramifications 
terminales  jusque  près  de  la  surface  libre  du  tronc  nerveux. 

Quelques-unes  des  cellules  radiculaires  reproduites  dans  la  fig.  37 
méritent  de  fixer  plus  spécialement  notre  attention.  Au  lieu  de  se  ramifier 
dans  les  parties  ventrales  'de  l'axe  nerveux  comme  les  prolongements  des 
cellules  radiculaires  de  la  fig.  35,  les  prolongements  protoplasmatiques  de 
ces  cellules  nerveuses  se  recourbent  en  arrière  pour  s'épanouir  entre  les 
fibres  constitutives  d'un  faisceau  nerveux  qui  représente  la  racine  descen- 
dante du  nerf  trijumeau,  rac.  desc,  V,  fig.  37.  Or,  les  fibres  de  ce  faisceau 
émettent  à  ce  niveau  de  courtes  et  fines  branches  collatérales.  Il  s'établit 
donc  là  des  contacts  multiples  entre  les  ramifications  collatérales  et  ter- 
minales des  fibres  sensitives  du  nerf  trijumeau  et  les  prolongements  proto- 
plasmatiques des  cellules  radiculaires  du  nerf  facial.  Ces  contacts  forment 
des  arcs  nerveux  réflexes  entre  les  éléments  sensitifs  périphériques  du  nerf 
trijumeau  et  les  éléments  moteurs  du  nerf  facial.  Tout  ébranlement  recueilli 
par  la  terminaison  périphérique  d'une  fibre  sensitive  du  nerf  trijumeau  peut 
donc  être  transmis  directement  à  une  ou  plusieurs  cellules  radiculaires  du 
facial.  Il  s'en  suit  qu'à  la  moindre  excitation  périphérique  produite  dans  le 
domaine  innervé  par  le  nerf  trijumeau  l'organisme  pourra  répondre,  par  voie 
réflexe,  par  la  contraction  d'un  ou  de  plusieurs  des  muscles  innervés  par  le 
nerf  facial. 

La  relation  anatomique  que  nous  venons  de  signaler  entre  les  éléments 
sensitifs  du  nerf  trijumeau  et  les  éléments  moteurs  du  nerf  facial  chez  la 
truite  a,  à  nos  yeux,  une  valeur  plus  considérable  encore.  Elle  prouve,  en 
effet,  une  fois  de  plus  que  le  contact  entre  les  différents  éléments  nerveux 
ne  s'établit  pas  tant  entre  les  ramifications  cylindraxiles  d'un  élément  et  le 
corps  cellulaire  de  l'autre,  mais  la  transmission  de  l'ébranlement  nerveux 
se  fait  surtout  entre  les  ramifications  cylindraxiles  d'une  part  et  les 
ramifications  protoplasmatiques  d'autre  part.  Nous  avons  insisté  lon- 
guement sur  ce  point  dans  un  autre  travail  (i).  Si  nous  y  revenons  dans 
cette  communication  préliminaire,  c'est  que  Kôlliker,  dans  le  second 
volume  de  son  «  Handbuch  der  Gewebelehre  des  Menschen  "  1893,  semble 
n'attribuer  aux  prolongements  protoplasmatiques  des  cellules  nerveuses 
qu'une  importance  tout  à  fait  secondaire,  à  tel  point,  dit-il  (2)  ^  dass  die 
physiologischen  Verhaltnisse  des  Riickenmarkes  vollkommen  geniigend  sich 


(i)    Van   Gehl'chten    :   Le  système  nerveux   de   l'homme;   pp.    147—161. 

(2)     Kôlliker   ;   Handbuch   der  Gewebelehre  des   Menschen;   Bd.    Il,   Heft   l,   p.    127,    1893. 


LE    SYSTÈME    NERVEUX    DES    TÉLÉOSTÉENS  285 

erklaren,  auch  wenn  man  die  Dendriten  der  Zellen  der  grauen  Substanz 
nicht  als  leitende  nervôse  Apparate  auffasst...  -  L'argument  de  prédilec- 
tion que  le  savant  anatomiste  de  Wurzbourg  a  opposé  et  oppose  encore 
à  la  conductibilité  nerveuse  des  prolongements  protoplasmatiques,  c'est 
que,  de  l'avis  de  tous  les  auteurs  qui  ont  appliqué  la  méthode  de  Golgi 
à  l'étude  de  la  structure  interne  de  la  moelle  épinière,  un  grand  nombre 
de  cellules  nerveuses  de  la  substance  grise  envoient  leurs  prolongements 
protoplasmatiques  jusque  très  a^'ant  dans  la  substance  blanche,  c'est-à- 
dire  dans  des  régions  où,  d'après  Kôlliker,  ^  von  Einwirkungen  von 
nervôsen  Elementen  auf  dieselben  keine  Rede  sein  kann  i^.  Il  est  bien  vrai 
que  Ramon  y  Cajal  et  Sala  ont  prouvé  que,  chez  les  batraciens,  un  grand 
nombre  de  ramifications  collatérales  des  fibres  de  la  substance  blanche,  au 
lieu  de  sp  terminer  dans  la  substance  grise,  s'épanouissent  dans  les  couches 
périphériques  de  la  moelle  où  elles  viennent  en  contact  avec  les  prolonge- 
ments protoplasmatiques  des  cellules  nerveuses.  Mais  ce  fait,  dit  Kôlliker, 
ne  prouve  rien  pour  la  moelle,  des  mammifères  et  de  l'homme.  Depuis  lors, 
nous  avons  signalé  nous-même  (i)  l'existence,  dans  la  moelle  d'embryons 
de  poulet,  des  collatérales  des  fibres  des  cordons  postérieurs,  qui  ont  pu  être 
poursuivies  "jusque  très  loin  entre  les  fibres  nerveuses  du  cordon  antéro- 
latéral,  collatérales  qui  ont  été  retrouvées  depuis,  par  un  de  nos  élèves, 
I.  Martin,  dans  un  grand  nombre  de  préparations. 

Nous  sommes  convaincu  que  des  recherches  spéciales  faites  dans  ce  but 
sur  des  moelles  d'embryons  de  mammifères  conduiraient  au  même  résultat. 

Des  ramifications  cylindraxiles  viennent  donc  s'épanouir  jusque  dans 
les  couches  périphériques  de  la  substance  blanche  de  la  moelle  et  par 
conséquent  la  présence  dans  ces  mêmes  couches  de  prolongements  proto- 
plasmatiques des  cellules  de  la  substance  grise  se  comprend  facilement. 

Il  est  bien  vrai,  comme  le  remarque  Kôlliker,  que  «  les  relations 
physiologiques  de  la  moelle  s'expliquent  avec  une  clarté  et  une  netteté 
suffisantes,  alors  même  que  l'on  refuse  la  fonction  de  conductibilité  aux 
nombreux  prolongements  protoplasmatiques  des  cellules  de  la  substance 
grise  ^.  Nous  ajouterons  volontiers  que  la  structure  de  la  moelle  serait,  à 
nos  yeux,  beaucoup  plus  simple  encore  et  plus  facile  à  comprendre  si  l'on 
pouvait  faire  abstraction  non  seulement  des  prolongements  protoplasma- 
tiques des  cellules,  mais  aussi  et  surtout  de  ces  nombreuses  collatérales 


(i)    Van   Gehuchten    :   Le  système   nerveux   de  l'hummc;   pp.   222  et   223. 

36 


286  A.    VAN    GEHUCHTEN 

dont  sont  si  richement  pourvues  toutes  les  fibres  de  la  substance  blanche. 
Mais  comme  les  collatérales  existent  et  comme,  dans  l'état  actuel  de  la 
science,  il  nous  paraît  indiscutable  que  les  prolongements  protoplasmatiques 
des  cellules  nerveuses  jouissent  de  la  conductibilité  nerveuse,  nous  sommes 
bien  obligés  d'en  tenir  compte,  quelle  que  soit  la  complexité  de  structure 
qui  puisse  en  résulter. 

Du  moment  que  l'on  admet  et  que  l'on  doit  admettre  la  conductibilité 
nerveuse  pour  les  prolongements  protoplasmatiques  des  cellules  mitrales 
du  bulbe  olfactif,  des  cellules  de  Purkinje  du  cervelet,  des  cellules  des  lobes 
optiques  des  oiseaux,  des  cellules  ganglionnaires  de  la  rétine,  des  cellules 
pyramidales  de  l'écorce  cérébrale,  nous  nous  demandons  sur  quels  argu- 
ments décisifs  on  s'appuierait  pour  dénier  cette  même  fonction  de  conducti- 
bilité aux  prolongements  protoplasmatiques  des  cellules  de  la  moelle. 

Les  prolongements  cylindraxils  des  cellules  radiculaires  du  nerf  facial 
se  dirigent  en  dedans  et  un  peu  en  arrière  jusque  dans  le  voisinage  du  raphé 
médian.  Là,  ils  se  recourbent  en  haut  et  se  placent  régulièrement  les  uns 
à  côté  des  autres,  de  telle  sorte  que,  vue  en  coupe  transversale,  la  section  de 
toutes  ces  fibres  radiculaires  produit,  de  chaque  côté  du  raphé,  une  série  de 
points  placés  sur  une  même  ligne  antéro-postérieure.  Ces  prolongements 
cylindraxils  conservent  la  même  disposition  régulière  sur  toute  l'étendue  de 
la  branche  radiculaire  ascendante  ;  puis  ils  se  recourbent  une  seconde  fois  à 
angle  droit  sur  eux-mêmes  pour  prendre  une  direction  transversale  et  gagner 
ainsi  la  face  externe  de  l'axe  nerveux.  Dans  la  moitié  interne  de  ce  trajet,  ils 
restent  juxtaposés  les  uns  à  côté  des  autres;  ils  quittent  ensuite  cette  position 
régulière  pour  s'entremêler  les  uns  avec  les  autres,  de  façon  à  produire  un 
petit  faisceau  à  section  arrondie  au  moment  où  ils  arrivent  à  leur  origine 
apparente,  fig.  36.  Cette  disposition  spéciale  des  fibres  radiculaires  dans 
toute  l'étendue  de  leur  trajet  ascendant  et  dans  la  partie  interne  de  leur 
branche  radiculaire  externe  permet  de  se  rendre  compte  assez  facilement 
du  nombre  de  fibres  nerveuses  qui  entrent  dans  la  constitution  du  nerf  facial 
et  par  suite  du  nombre  des  cellules  nerveuses  qui  forment  le  noyau  d'origine. 
Nos  observations  n'ont  pas  été  assez  nombreuses  pour  avoir  pu  déterminer 
si  ce  nombre  de  fibres  radiculaires  est  constant. 

Dans  les  quelques  numérations  que  nous  avons  faites,  il  a  toujours 
oscillé  légèrement  autour  de  20. 


LE  SYSTÈME    NERVEUX  DES   TÉLÉOSTÉENS  28? 

Pendant  ce  trajet  assez  étendu  que  parcourent  ces  fibres  radiculaires, 
nous  avons  pu  constater  que,  sur  le  parcours  de  la  branche  radiculaire 
externe,  quelques-unes  de  ces  fibres  émettaient  une  ou  deux  petites  branches 
collatérales. 

Avant  de  terminer  l'étude  de  l'origine  des  fibres  du  nerf  facial  chez  la 
truite,  il  nous  reste  encore  à  rechercher  un  point  important,  celui  de  savoir 
s'il  existe  un  entrecroisement  partiel  entre  les  fibres  radiculaires  du  nerf  de 
la  septième  paire.  Nous  avons  déjà  signalé  que  cet  entrecroisement  partiel 
existe  plus  que  probablement  pour  quelques  fibres  radiculaires  du  nerf  facial 
chez  l'embryon  de  poulet  (ij.  Pour  résoudre  la  question  pour  le  nerf  facial 
de  la  truite,  il  nous  suffit  d'étudier  la  disposition  des  cellules  radiculaires 
dans  les  coupes  que  nous  avons  reproduites  dans  les  fig.  35  et  37. 

Entre  les  noyaux  d'origine  des  deux  nerfs,  il  existe  manifestement  une 
commissure  protoplasmatique  analogue  à  celle  qui  a  été  décrite  par  Ramon 
Y  Cajal  et  par  nous  dans  la  moelle  épinière  des  mammifères  et  qui  été  re- 
trouvée par  Cl.  Sala  entre  les  cellules  radiculaires  de  la  moelle  des  batra- 
ciens. Cette  commissure  est  surtout  évidente  dans  la  fig.  37.  Si  les  prolon- 
gements protoplasmatiques  des  cellules  nerveuses  ne  jouissent  pas  de  la 
conductibilité  nerveuse,  comme  certains  auteurs  semblent  devoir  l'admettre, 
cette  disposition  spéciale  n'a  guère  d'importance  et  mérite  à  peine  d'être 
signalée.  Si,  au  contraire,  comme  Ramon  y  Cajal  et  nous-méme  nous  croyons 
l'avoir  démontré,  les-  prolongements  protoplasmatiques  des  cellules  nerveu- 
ses ont,  au  point  de  vue  de  la  transmission  des  ébranlements  nerveux,  la 
même  importance  que  le  corps  cellulaire  lui-même  et  que  le  prolongement 
C5dindraxil.  Si,  de  plus,  ces  prolongements  jouissent  de  la  conductibilité 
cellulipète  et  ont  pour  fonction  de  recueillir  les  ébranlements  de  toutes  les 
ramifications  cylindraxiles  avec  lesquelles  ils  arrivent  en  contact,  l'existence 
d'une  commissure  protoplasmatique  équivaut  à  un  entrecroisement.  Dans  ces 
conditions,  en  effet,  les  prolongements  protoplasmatiques  ne  servent  qu'à 
augmenter  considérablement  la  surface  de  perception  de  la  cellule  nerveuse. 

Mais  il  n'existe  pas  seulement  un  entrecroisement  entre  les  noyaux  d'ori- 
gine des  deu-x  nerfs  au  moyen  des  prolongements  protoplasmatiques;  on 
peut  aussi  observer  un  entrecroisement  au  moyen  des  prolongements  cylin- 
draxils  :  témoin  les  deux  éléments  nerveux  a  de  la  fig.  35,  dont  les  prolon- 
gements protoplasmatiques  et  le  corps  cellulaire  occupent  la  moitié  gauche 


(i)    Van   Gehdchten   :  Le  système  nerveux  de  l'homme  ;   pp.   385-386. 

36. 


288  A.  VAN    GEHUCHTEN 

de  la  coupe,  tandis  que  les  prolongements  cylindraxils  vont  se  rendre  dans 
le  faisceau  radiculaire  du  nerf  facial  du  côté  droit. 

Les  fibres  radiculaires  du  nerf  facial  de  la  truite  subissent  donc  un 
entrecroisement  partiel. 

VIII.     LE  NERF  ACOUSTIQUE. 

Les  fibres  du  nerf  acoustique  ont  leurs  cellules  d'origine  en  dehors  de 
l'axe  cérébro-spinal,  dans  des  ganglions  situés  sur  le  trajet  périphérique  du 
nerf  de  la  huitième  paire  ainsi  que  nous  croyons  l'avoir  établi  avec  Retzius 
pour  les  fibres  du  nerf  acoustique  chez  la  souris  blanche.  Ces  observations 
concordantes  de  Retzius  et  de  nous,  faites  presque  en  même  temps  et 
d'une  façon  indépendante  les  unes  des  autres,  ont  été  confirmées  par 
Ramon  y  CAjALfi)  et  tout  récemment  encore  par  v.  Lenhossek  (2). 

Dans  un  grand  nombre  de  coupes  transversales  de  l'encéphale  de  la 
truite,  nous  avons  obtenu  réduites  les  cellules  constitutives  du  ganglion 
acoustique  et  nous  avons  pu  poursuivre,  sur  tout  leur  trajet,  quelques-unes 
des  branches  périphériques  et  centrales. 

Le  ganglion  acoustique  de  truites  âgées  de  dix  jours  est  formé  de  cel- 
lules nerveuses  à  la  fois  bipolaires  et  opposito-polaires.  Le  prolongement 
périphérique  de  ces  cellules  nerveuses,  qui  nous  a  toujours  paru  manifeste- 
ment plus  épais  que  le  prolongement  central,  s'étend  jusque  dans  l'épithé- 
lium  acoustique,  où  il  se  termine  par  une  touffe  de  ramifications  se  terminant 
librement  entre  les  cellules  épithéliales,  fig.  27  et  28. 

Le  prolongement  interne  de  chacune  des  cellules  bipolaires  qui  con- 
stituent le  ganglion  pénètre  dans  le  tronc  cérébral,  immédiatement  en  arrière 
de  l'origine  apparente  du  nerf  facial.  Près  de  la  surface  de  l'axe  nerveux,  ce 
prolongement  se  recourbe  en  bas  pour  devenir  une  fibre  constitutive  de  la 
racine  descendante,  fig.  31,  r.  d.    VIII. 

Dans  leur  trajet  descendant,  toutes  les  fibres  de  cette  racine  émettent 
de  fines  branches  collatérales  se  terminant  librement  dans  la  substance  grise 
voisine. 


(1)  Ramon   y  Cajal   :   Nuevo  concepto  de  la  Histologia  de  los  Centras  uerviosos  ;  Barcelone,   iSg?. 

(2)  V.  Lenhossek  :  Die  Nervenendigungen  in  den  Maculx  und  Cristce  acusticce ;  Anatomische  Hefte, 
1893,  pp.  pp.  23i-265, 


LE    SYSTÈME    NERVEUX    DES   TÉLÉOSTÉENS  28q 

IX.     LES  FIBRES  SENSITIVES  DU  NERF  TRIJUMEAU. 

On  admet  généralement  aujourd'hui  que  les  fibres  sensitives  du  nerf 
trijumeau  ont  leurs  cellules  d'origine  en  dehors  de  l'axe  cérébro-spinal,  dans 
le  ganglion  semi-lunaire  ou  ganglion  de  Gasser  que  l'on  rencontre  sur  le 
trajet  périphérique  de  ce  nerf  (His  et  Van  Gehuchten).  Sous  ce  rapport,  les 
fibres  sensitives  du  nerf  de  la  cinquième  paire  se  comportent  comme  les 
fibres  sensitives  de  tous  les  autres  nerfs  cérébro-spinaux. 

Les  cellules  nerveuses  des  ganglions  cérébro-spinaux  de  tous  les  verté- 
brés présentent,  à  un  moment  donné  de  leur  développement,  la  forme  bi- 
polaire. Mais,  tandis  que  chez  les  mammifères,  les  oiseaux,  les  reptiles  et 
les  batraciens,  cette  forme  bipolaire  n'est  que  transitoire,  parce  que  les  cel- 
lules bipolaires  se  transforment  rapidement  en  cellules  unipolaires  par  le 
rapprochement  et  la  fusion  intime,  sur  une  longueur  variable,  des  deux 
prolongements  primitivement  indépendants,  les  cellules  bipolaires  des 
embryons  de  poissons  semblent,  de  l'avis  unanime  des  auteurs,  conserver 
définitivement  chez  l'adulte  leur  forme  primitive. 

Les  ganglions  spinaux  de  Petromyion  (Freud),  de  Myxine  (Retzius) 
et  de  Pristiurus  (von  Lenhossek)  font  cependant  exception  à  cette  disposi- 
tion générale.  Depuis  longtemps  déjà,  Freud  (i)  a  décrit,  dans  les  ganglions 
spinaux  de  Petromyion  traités  par  la  méthode  au  chlorure  d'or,  non  seule- 
ment des  cellules  bipolaires,  mais  aussi  des  cellules  unipolaires  identiques 
aux  cellules  constitutives  des  ganglions  spinaux  des  vertébrés  supérieurs. 

Outre  ces  cellules  nettement  bipolaires  et  unipolaires,  il  a  décrit  encore 
toute  une  série  de  formes  intermédiaires. 

Retzius  (2)  a  signalé  les  mêmes  dispositions  pour  les  cellules  des  gan- 
glions spinaux  de  Myxine,  en  se  servant  de  la  coloration  au  bleu  de  méthy- 
lène. Enfin  tout  récemment,  v.  Lenhossek (3)  a  retrouvé  les  mêmes  formes 
cellulaires  dans  les  ganglions  spinaux  d'embryons  de  Pristiurus  traités  par 
la  méthode  au  chromate  d'argent  de  Golgi. 

Dans  un  grand  nombre  de  nos  préparations  du  système  nerveux  de  la 
truite,  nous  avons  obtenu  réduites  par  le  chromate  d'argent  les  cellules  con- 


(1)  Freud   :    Ueber  SpinalgangUon    und   Rilckenmark  des   Pctromy^ons  ;   Sitzungsber.    de    Vienne 
Bd.   78,   Abth.   3,    1878. 

(2)  Retzids  :   Ueber  die  Ganglien^cUen  der  ceretrospinal  Ganglien  und   ûber  siibciitane  Ganglien-, 
^ellen   bei  Myxine  gluiinosa;   Biolog.   Unters.,    Neue  Folge,   I,    1890. 

(3)  V.    Lenhossek    :   Beobachtungen    an   den   Spinalganglien   und    dem    Rûckenmark    von    Pristiu- 
rusembryonen  ;   Anatom.   Anz.,    1892,   pp.   5ig-53g. 


290  A.  VAN    GEHUCHTEN 

stitutives  du  ganglion  semi-lunaire  du  nerf  trijumeau.  Nous  y  avons  retrouvé 
les  mêmes  formes  cellulaires  que  celles  que  nous  avons  décrites  dans  le 
ganglion  de  Gasser  des  oiseaux  et' des  mammifères  (i). 

Sur  des  truites  âgées  de  un  à  cinq  jours,  les  cellules  constitutives  du 
ganglion  de   Gasser   ont   toutes   la   forme   nettement   opposito-bipolaire, 
FiG.  29.  Si  l'on  examine,  au  contraire,  des  coupes  passant  par  le  ganglion 
semi-lunaire  de  truites  âgées  de  dix  ou  de  quinze  jours,  on  retrouve  encore, 
il  est  vrai,  des  cellules  bipolaires  identiques  à  celles  de  la  fig.  29  ;  mais  à 
côté  de  celles-là,  on  en  voit  d'autres  qui  ont  modifié  leur  forme  extérieure  : 
les  unes  se  sont  transformées  en  cellules  gemmi-pnlaires  par  le  rapproche- 
ment plus  ou  moins  accentué  de  leurs  deux  pôles;  les  autres  ne  sont  plus 
pourvues  que  d'un  seul  prolongement  présentant,  à  une  distance  variable 
de  la  cellule  d'origine,  la  bifurcation  en  T  ou  en  Y  des  cellules  des  ganglions 
cérébro-spinaux  des  autres  vertébrés,  fig.  34.  Les  cellules  du  ganglion  de 
Gasser  de  la  truite  se  comportent  donc  comme  les  cellules  correspondantes 
des  oiseaux  et  des  mammifères  :  primitivement  bipolaires,  elles  se  transfor- 
ment, dans  le  coursdu  développement,  en  cellules  unipolaires  parle  rap- 
prochement et  la  fusion  intime  des  deux  prolongements  primitifs. 

Un  fait  dont  on  peut  se  convaincre  avec  la  plus  grande  facilité  dans  le 
ganglion  de  Gasser  de  la  truite,  c'est  que  des  deux  prolongements  qui  partent 
de  ses  cellules  constitutives,  le  prolongement  interne  ou  central  est  toujours 
beaucoup  plus  grêle  et  beaucoup  plus  délicat  que  le  prolongement  périphé- 
rique. Celui-ci  est  épais,  présente  des  contours  irréguliers  et  est  souvent 
chargé  de  nodosités  irrégulières  et  volumineuses.  Cette  disposition,  observée 
pour  la  première  fois  par  von  Lenhossek  chez  la  grenouille,  a  été  retrouvée 
par  Ramon  y  Cajal  et  par  nous  pour  les  cellules  des  ganglions  cérébro-spi- 
naux des  oiseaux  et  des  mammifères. 

Les  prolongements  internes  des  cellules  du  ganglion  de  Gasser  de  la 
truite  deviennent  les  cylindre-axes  des  fibres  nerveuses  de  la  racine  sensitive. 
Nous  savons,  par  les  recherches  récentes  (Kôlliker,  Held  et  Van 
Gehuchten),  qu'à  leur  entrée  dans  la  protubérance  annulaire  les  fibres  sen- 
sitives  du  nerf  trijumeau  des  mammifères  se  bifurquent  en  branches  ascen- 
dantes et  en  branches  descendantes.  Les  branches  ascendantes  peuvent  être 
poursuivies,  chez  l'homme,  jusque  dans  le  cerveau  moyen;  elles  forment  un 
faisceau  assez  épais  connu  sous  le  nom  de  racine  ascendante. 


(i)  Van  Gehuchten  :  Contributions  à  l'étude  des  ganglions  cérébro-spinaux;  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de 
Belgique,  t.  24,  pp.  117-154,  1892.  —  Nouvelles  recherches  sur  les  ganglions  cérébro  spinaux;  La 
Cellule,   t.   VIII,   pp.   233-253,    1892. 


LE  SYSTEME   NERVEUX  DES   TELEOSTEENS  29 1 

Les  branches  descendantes  arrivent  jusqu'à  la  partie  inférieure  de  la 
moelle  allongée  :  elles  constituent  la  racine  descendante. 

Nous  avons  fait  remarquer  ,dans  un  autre  travail  (i),  que  la  racine  des- 
cendante du  nerf  trijumeau  de  l'homne  est  beaucoup  plus  volumineuse  que 
la  racine  ascendante,  fait  qui  tend  à  prouver  qu'à  leur  entrée  dans  le  tronc 
cérébral  toutes  les  fibres  du  nerf  trijumeau  ne  se  comportent  pas  d'une 
façon  identique.  D'ailleurs,  sur  des  préparations  provenant  du  cerveau 
postérieur  d'embryons  de  poulet,  nous  avons  constaté  qu'au  lieu  de  se 
bifurquer  en  branches  ascendantes  et  en  branches  descendantes,  beaucoup 
de  fibres  sensitives  du  nerf  de  la  cinquième  paire  se  recourbaient  directe- 
ment en  bas  pour  pénétrer  dans  la  racine  descendante (2 j. 

Chez  la  truite,  la  racine  ascendante  du  nerf  trijumeau  semble  complè- 
tement faire  défaut.  Dans  toutes  nos  préparations,  nous  avons  toujours  vu 
les  fibres  du  trijumeau  pénétrer  dans  le  tronc  cérébral  et  se  recourber  en 
bas  pour  devenir  fibres  constitutives  de  la  racine  descendante,  ainsi  que  nous 
l'avons  représenté  dans  les  fig.  30  et  31.  Dans  leur  trajet  descendant, 
ces  fibres  émettent  un  grand  nombre  de  fines  branches  collatérales  se 
terminant,  par  des  ramifications  libres,  dans  la  substance  grise  voisine. 

X.   LES  FIBRES  SENSITIVES  DU  NERF  PNEUMO-GASTRIQUE. 

Le  nerf  pneumo-gastrique  de  la  truite  présente  sur  son  trajet  périphé- 
rique, non  loin  de  sa  sortie  de  l'axe  nerveux,  un  ganglion  volumineux  cor- 
respondant aux  différents  ganglions  que  l'on  trouve  sur  le  trajet  du  nerf 
glosso-pharyngien  et  du  nerf  pneumo-gastrique  des  vertébrés  supérieurs. 
Nous  avons  prouvé,  dans  un  autre  travail,  que,  chez  les  mammifères  et 
chez  l'homme,  les  cellules  constitutives  de  ces  ganglions  sont  des  cellules 
unipolaires  identiques  aux  cellules  des  ganglions  spinaux. 

Sur  des  truites  âgées  de  cinq  jours,  le  ganglion  plexiforme  se  montre 
constitué  de  cellules  bipolaires  pourvues  d'un  prolongement  périphérique 
épais  et  irrégulier  et  d'un  prolongement  central  grêle  présentant  des  contours 
nettement  découpés,  fig.  33.  A  leur  entrée  dans  le  tronc  cérébral,  les  pro- 
longements internes  des  cellules  bipolaires  se  recourbent  directement  en 
bas  pour  constituer  la  racine  descendante  de  la  neuvième  et  de  la  dixième 


(1)  Van  Gehcchten    :   Le  système  nerveux  de  l'homme,  p.  404. 

(2)  Van    Gehuchten    :    Nouvelles    recherches    sur    les   ganglions    cérébro-spinaux;     La    Cellule, 
t.   VIII,   p.    244,    1892. 


292  A.  VAN  GEHUCHTEN 

paire  des  nerfs  crâniens.  Dans  leur  trajet  descendant,  ces  fibres  émettent 
de  fines  branches  collatérales  se  terminant  dans  la  substance  grise  voisine. 
Nous  avons  représenté,  dans  la  fig.  13,  la  coupe  transversale  du  tronc 
cérébral  d'une  truite  âgée  de  dix  jours  et  passant  par  l'origine  de  la  partie 
sensitive  du  nerf  pneumogastrique. 

On  y  voit  les  prolongements  internes  de  quelques  cellules  du  ganglion 
entrer  dans  le  tronc  cérébral  et  s'y  recourber  pour  devenir  des  fibres  con- 
stitutives d'un  faisceau  nerveux  représentant  la  racine  descendante  du  nerf. 
Au  moment  où  ces  fibres  se  recourbent,  elles  émettent  quelques  fines  bran- 
ches collatérales  se  terminant  dans  la  région  voisine.  Sur  cette  coupe,  ces 
ramifications  collatérales  se  terminent  dans  le  voisinage  de  cellules  nerveu- 
ses assez  volumineuses  représentant  probablement  les  éléments  nerveux 
sensitifs  des  centres,  c'est-à-dire  les  cellules  constitutives  du  noyau  sensitif 
terminal  du  nerf  périphérique. 

Les  prolongements  cylindraxils  qui  provieîment  de  ces  cellules  se  diri- 
gent transversalement  en  dedans,  s'entrecroisent  dans  le  raphé  avec  les 
prolongements  venus  des  cellules  du  côté  opposé,  puis  se  poursuivent  presque 
dans  le  faisceau  blanc  périphérique,  où  ils  se  recourbent  en  haut  soit  comme 
tels,  soit  après  s'être  divisés  de  façon  à  donner  naissance  à  deux  fibres 
distinctes. 

Les  éléments  nerveux  sensitifs  périphériques  du  nerf  pneumogastrique 
de  la  truite  ont  donc  leurs  cellules  d'origine  en  dehors  de  l'axe  cérébro-spinal, 
dans  le  ganglion  volumineux  que  l'on  découvre  sur  le  trajet  périphérique  de 
ce  nerf.  Ces  éléments  périphériques  se  terminent  dans  l'axe  nerveux  par  des 
ramifications  libres  qui  viennent  en  contact  avec  d'autres  cellules  nerveuses 
appartenant  probablement  aux  éléments  nerveux  de  la  voie  sensitive 
centrale. 


I 


EXPLICATiON    DES    FIGURES. 


PLANCHE   I. 

FIG.  1.  Coupe  transversale  d'un  lobe  antérieur  d'une  truite  âgée  de  lo  jours 
et  montrant   la   disposition   de  quelques   cellules   épendymaires  (méthode    de    Golgi). 

FIG.  2.  Coupe  transversale  du  cerveau  antérieur  d'une  truite  de  lo  jours  pas- 
sant  par   les   deux   lobes   antérieurs   au    devant    de   la   commissure   interlobaire  : 

fb.  faisceau  basai  de  Edinger  ;  ep,  voûte  épithéliale  formant  le  toit  du  ventri- 
cule  antérieur;    (sublimé -(- paracarmin   de  Mayer). 

FIG.  3.  Coupe  analogue  à  la  précédente  (méthode  de  Golgi)  :  fb,  faisceau  basai. 
Dans  le  lobe  droit  nous  n'avons  reproduit  que  les  ramifications  collatérales  et  ter- 
minales provenant  des  fibres  du  faisceau  basai.  Dans  le  lobe  gauche  se  trouvent 
représentées  quelques  cellules  nerveuses  multipolaires  dont  les  prolongements  cylin- 
draxils  deviennent  des  fibres  descendantes   du   faisceau   basai. 

FIG.  4.  Coupe  transversale  du  cerveau  antérieur  d'une  truite  de  lo  jours  passant 
par  la  commissure  interlobaire  (sublimé  -\-  paracarmin  de  Mayer)  :  Jb,  faisceau  basai  ; 
com.  int.,  commissure  interlobaire;  pi,  repli  de  la  voûte  épithéliale  séparant  le  cerveau 
antérieur  du  cerveau  interrnédiaire  ;  gg.  hab.,  ganglions  de  l'habenula;  gl.  pin.,  glande 
pinéale. 

FIG.  5.  Coupe  analogue  à  la  précédente  mais  ne  représentant  que  les  deux 
lobes  antérieures  (méthode  de  Golgi)  :  fb.  siip  ,  faisceau  basai  superficiel  ; /i!'.  ^rq/"., 
faisceau  basai  profond;  com.  sup.,  commissure  superficielle;  com.  prof.,  commissure 
profonde;  a,  cellules  nerveuses  dont  les  prolongements  cylindraxils  se  rendent  dans 
le  faisceau  basai  superficiel  ;  b,  cellules  nerveuses  dont  les  prolongement  cylindraxils 
se  rendent  dans  le  faisceau  basai  profond;  c,  branches  collatérales  et  terminales  des 
fibres    ascendantes   du    faisceau    basai. 

FIG.  6.  Coupe  transversale  du  cerveau  antérieur  d'une  truite  de  lo  jours  faite 
en    arrière    de    la   commissure   interlobaire   (sublimé  -f-  paracarmin)  :  fb,  faisceau  basai. 

FIG.  7.  Coupe  transversale  d'un  lobe  antérieur  d'une  truite  de  lo  jours  faite 
en  arrière  de  la  commissure  (méthode  de  Golgi);  Jb,  faisceau  basai;  a,  deux  cellules 
nerveuses  dont  les  prolongements  cylindraxils  se  recourbent  dans  le  faisceau  basai  ; 
b,   cellules   épendymaires. 

FIG.  8.  A.  Coupe  longitudinale  de  la  partie  inférieure  de  l'infundibulum 
montrant  les  cellules  bipolaires  dont  les  prolongements  cylindraxils  deviennent  des 
fibres   ascendantes   du    faisceau    basai. 


294 


A.  VAN    GEHUCHTEN 


FIG.  8.  B.  Coupe  transversale  de  la  partie  inférieure  de  l'infundibulum  mon- 
trant  les   mêmes   cellules   bipolaires. 

FIG.  9.  Partie  d'une  coupe  transversale  du  toit  optique  d'une  truite  de  lo  jours 
(sublimé -|- paracarmin)  :  i,  couche  des  cellules  épendymaires ;  2,  couche  granuleuse; 
3,    couche    moléculaire. 

FIG.  10.  Coupe  longitudinale  du  toit  optique  d'une  truite  de  lo  jours  montrant 
la  forme  et  la  disposition  de  quelques  cellules  de  la  couche  granuleuse  et  quelques 
cellules   horizontales   de   la   zone   périphérique   de  la   couche  moléculaire. 

FIG.  11.  Coupe  transversale  du  toit  optique  d'une  truite  de  lo  jours  montrant 
la  forme  et  la  disposition  des  cellules  nerveuses  de  la  zone  la  plus  profonde  de  la 
couche    moléculaire,   a,    et    de    quelques   grains   de   la   couche   granuleuse,    b. 

FIG.    12.     Terminaison    centrale   de    quelques   fibrilles   olfactives. 

FIG.  13.  Coupe  transversale  de  l'axe  nerveux  d'une  truite  de  lo  jours  passant 
par  les  fibres  sensitives  du  nerf  pneumogastrique  :  gg,  ganglion  plexiforme;  r.  desc, 
racine  descendante. 

PLANCHE    II. 

FIG.  14.  Coupe  longitudinale  de  l'encéphale  d'une  truite  de  lo  jours  :  /.  ant., 
lobe  antérieur;  gg.  hab.,  ganglion  habenulce;  /.  opt.,  lobe  optique;  cei'i'.,  cervelet; 
c.  int.,  commissure  interlobaire  ;  ch,  chiasma  des  nerfs  optiques;  c.  G.,  commissure 
de  GuDDEN  ;  yï>,  ■  faisceau  basai;  /.  A/.,  faisceau  rétroréflexe  ou  faisceau  de  Meynert; 
c.    ans.,    commissure   ansiforme. 

FIG.  15,  16  et  17.  Trois  coupes  obliques  faites  suivant  le  plan  indiqué  par 
la  ligne  pointillée  de  la  fig  14  et  montrant  l'origine  et  la  terminaison  des  fibres 
du  faisceau  rétroréflexe  :  gg.  hab.,  ganglion  de  l'habenula;  c.  interp.,  corps  inter- 
pédonculaire. 

FIG.  18.  Schéma  montrant  l'origine,  le  trajet  et  la  terminaison  des  fibres  du 
faisceau  rétroréflexe  :  gg.  hab,  ganglions  de  l'habenula;  c.  int.,  corps  interpédon- 
culaire. 

FIG.  19.  Les  cellules  du  ganglion  de  l'habenula  de  la  fig.  15,  dessinées  à 
un   fort   grossissement   (Zeiss   D,    II). 

FIG.    20.     Cellule   du   ganglion   de   l'habenula. 

FIG.  21.  Le  corps  interpédonculaire  de  la  fig.  17  dessiné  à  un  fort  gros- 
sissement. 

FIG.  22.  Coupe  transversale  du  cerveau  moyen  d'une  truite  de  cinq  jours 
passant   par   le   corps   interpédonculaire. 

FIG.  23.  Le  corps  interpédonculaire  de  la  figure  précédente  dessiné  à  un  fort 
grossissement   (Zeiss   D,    II). 

FIG.  24.  Coupe  longitudinale  et  médiane  de  l'encéphale  d'une  truite  de  lo  jours 
(sublimé -f- paracarmin)  :  I,  cerveau  antérieur;  II,  cerveau  intermédiaire;  III,  cerveau 
moyen;    W,    cerveau    postérieur;    V,    arrière-cerveau;  pi,    repli    de  la  voûte  épithéliale 


LE   SYSTEME   NERVEUX    DES   TELEOSTEENS  295 

séparant  le  cerveau  antérieur  du  cerveau  intermédiaire;  c,  coussinet  de  la  glande 
pinéale;  gl.  pin.,  glande  pinéale;  c.  interl.,  commissure  interlobaire;  n.  opt  ,  nerf 
optique;  c.    G.,    commissure   de    Gudden. 

FIG.  25  et  26.  Deux  coupes  longitudinales  prises  en  dehors  de  la  coupe 
précédente;  dans  la  fig.  25  la  glande  pinéale  a  disparu  et  le  coussinet  de  cette 
glande  a  pris  une  forme  triangulaire  à  base  supérieure.  Dans  la  fig.  26,  ce  coussinet 
est   remplacé   par   le   ganglion   de   l'habénula. 

FIG.  27  et  28.  Terminaison  du  prolongement  périphérique  des  cellules  bipolaires 
du    nerf   de    la   huitième   paire   dans   l'épithélium    acoustique. 


PLANCHE    III. 

FIG.  29.  Ganglion  de  Gasser  d'une  truite  de  cinq  jours  :  c,  prolongements 
internes;  ,pér.,    prolongements   périphériques. 

FIG.  30  et  31.  Coupes  longitudinales  de  l'encéphale  d'une  truite  de  cinq  jours  : 
gg.  G.,  ganglion  de  G.\sser;  r.  d.  V,  racine  descendante  du  nerf  trijumeau; 
"VU,  a,  cellules  radiculaires  du  nerf  facial;  VII,  b,  branche  radiculaire  ascendante; 
VII,  c,  branche  radiculaire  externe  ;   r.  d.  VIII,  racine  descendante  du  nerf  acoustique. 

FIG.  32.  Coupe  transversale  du  cerveau  moyen  d'une  truite  de  lo  jours  pas- 
sant par  les  noyaux  d'origine  des  nerfs  oculo-moteurs  communs  :  f.  Al.,  faisceau  de 
Meynert  ;    comm.    ansif.,   commissure  ansiforme. 

FIG.  33.  Cellules  constitutives  du  ganglion  plexiforme  d'une  truite  de  5  jours  : 
c,    prolongements   internes;  pér,    prolongements    externes. 

FIG.  34.  Quelques  cellules  du  ganglion  de  Gasser  d'une  truite  de  lo  jours  : 
c,  prolongement   central  ;   pér,    prolongement   périphérique. 

FIG.  35  et  37.  Coupes  transversales  passant  par  le  noyau  d'origine  du  nerf 
facial  :  r.  d.  V,  racine  descendante  du  nerf  trijumeau  ;  a,  cellules  radiculaires  dont 
les  prolongements  cylindraxils  se  rendent  dans  la  branche  radiculaire  ascendante 
du    côté    opposé. 

FIG.  36.  Coupe  transversale  passant  par  la  branche  radiculaire  externe  du  nerf 
facial  :  c,  collatérale. 

FIG  38.  Coupe  frontale  légèrement  oblique  en  bas  et  en  arrière  comprenant 
toute  l'étendue  des  fibres  radiculaires  du  nerf  facial  :  VII,  a,  noyau  d'origine; 
VII,  b,  branche  radiculaire  ascendante;  VII,  c,  branche  radiculaire  externe;  b,  cellule 
nerveuse  à  cylindre-axe   ascendant. 


Planche  Z 


j4  V'a.-^ij'th.tzcn^r-i  acL  nat  aM. 


QCcIb'.  s<y. 


Planche  JT 


;f. 


hanche  m 


"^-  '.nG-ehuchtcn  aci  nai.  a.e> 


G.Ua 


I 


Reclierçlies  sur  les  Cellules  sécrétantes. 


II 


LES    GLANDES    FILIÈRES 


DE 


L'OWENIÂ    FUSIFORMIS    delle  chiaje 

fAMMOCHARES  OTTONIS  Grube) 


PAR 

Gustave  GILSON 

professeur  a  l'université  de  Louvain. 


(Mémoire  déposé  le  3o  décembre  iSgS.) 


37 


I 

f 


Recherches   sur    les    Cellules    sécrétantes. 


II 

LES   GLANDES   FILIÈRES   DE   L'OWENIA   FUSIFORMIS 


UOxvenia  fusiformis  est  un  annélide  tubicole  dont  l'organisation  pré- 
sente des  particularités  remarquables.  Il  nous  a  été  donné,  pendant  un  séjour 
à  la  station  zoologique  de  Naples,  d'acquérir  à  son  sujet  des  données  qui 
complètent  quelque  peu  les  travaux  de  nos  devanciers. 

Nous  publions  aujourd'hui  une  description  détaillée  des  glandes  fili- 
formes, dont  le  produit  sert  à  la  construction  du  tube  sableux  dont  s'en- 
toure le  ver. 

A  défaut  d'autre  dénomination,  nous  conserverons  à  ces  organes  le  nom 
de  glandes  filières  queleur  donne  Claparède  et  que  justifient  jusqu'à  un  cer- 
tain point  la  ressemblance  que  l'on  constate  entre  leur  produit  de  sécrétion 
et  la  soie  des  insectes,  et  surtout  la  similitude  que  présente  leur  mécanisme 
sécrétoire  avec  celui  des  glandes  séricigènes  des  lépidoptères  et  des  trichop- 
tères.  Remarquons  toutefois  que  l'absence  d'un  véritable  appareil  fileur 
semblable  à  celui  des  insectes  fait  désirer  qu'on  leur  trouve  une  autre  déno- 
mination, dès  que  leurs  homologies  seront  nettement  fixées. 

Des  organes  aussi  insolites  parmi  les  annélides  ne  pouvaient  manquer 
d'attirer  l'attention  des  naturalistes.  Ils  ont  été  signalés  par  presque  tous 
les  auteurs  qui  traitent  de  VOivenia  au  point  de  vue  anatomique.  Néan- 
moins, la  description  des  glandes  filières  n'occupe  dans  leurs  ouvrages 
qu'une  place  secondaire. 

Delle  Chiaje(i),  qui  découvrit  et  dénomma  le  genre,  les  a  notées  et 
représentées  dans  ses  planches. 


(i)     Delle   Chiaje   :   Dcscrijioiie  e  notomia  degli  animait   sen^a   vertèbre.   Nous  n'avons  point  vu 
cet  ouvrage  que  nous  citons  d'après  Claparède. 


300 


Gustave   GILSON 


Kôlliker(i),  dans  une  courte  notice  sur  divers  animaux  publiée  sous 
la  forme  d'une  lettre  adressée  à  Allen  Thompson,  signale  pour  la  première 
fois  ces  glandes  que  Delle  Chiaje  avait  simplement  figurées  sans  attirer 
l'attention  sur  elles.  ^  In  jedem  Gliede,  dit  Kolliker,  finden  sich  zwei 
^  lange  schlauchformige  Driisen,  die  in  der  Nahe  der  Hackenborsten  aus- 
-  miinden,  mit  einer  hellen  Gallerte  gefullt  sind  und,  ohne  Zweifel,  das 
"  Gehâuse  ausscheiden,  in  welchem  dièse  Annelide  lebt.  « 

L'auteur  en  attribue  donc  une  paire  à  chaque  segment,  sans  distinguer 
entre  la  partie  antérieure  et  la  partie  postérieure  du  corps. 

Claparède  (2)  fixe  le  nombre  des  glandes  à  quatre  paires,  décrit  rapi- 
dement leur  structure  et  en  donne  quelques  dessins.  Il  est  le  premier  auteur 
qui  ait  remarqué  l'aspect  tout  particulier  de  leur  contenu.  -  Le  calibre  des 
«  tubes,  dit-il  (1.  c),  est  occupé  par  une  substance  filamenteuse  l'essem- 
^  blant  à  s'y  méprendre  à  des  faisceaux  de  zoospermes.  Toutefois,  à  la  rup- 
-  ture  de  la  glande,  on  reconnaît  qu'il  s'agit  d'un  liquide  fort  dense,  coulant 
"  avec  difficulté,  dans  lequel  des  stries  sont  produites  sans  doute  par  des 
«  différences  de  densité  dans  les  différentes  couches  du  liquide  sécrété,  n 

VON  Drasche(3)  corrige  Claparède  et  Kolliker  au  sujet  du  nombre  des 
glandes.  Pour  sa- part,  il  en  distingue  six  paires  :  les  deux  premiers  anneaux 
du  thorax  et  les  quatre  premiers  anneaux  de  l'abdomen  en  possèdent;  le 
dernier  des  trois  anneaux  fusionnés  du  thorax  en  serait  dépourvu.  Il  en 
trouve  le  même  nombre  dans  une  Owenia  du  Japon.  Claparède,  dit-il,  n'a 
donc  pas  vu  les  glandes  qui  débouchent  au  troisième  et  au  quatrième  tore. 
Et  quant  à  Kolliker  qui  en  assigne  une  paire  à  chaque  segment  dans  une 
espèce  écossaise,  on  peut  se  demander  s'il  a  bien  examiné  les  segments 
postérieurs. 

Faisons  remarquer  ici  que  Claparède  n'admet  pas  même  l'existence 
du  troisième  anneau  que  von  Drasche  attribue  au  thorax  et  regarde  comme 
dépourvu  de  glandes.  Nous  reviendrons  sur  ce  point. 


(i)  Kolliker  :  Kur:^er  Hericlit  ûber  einige  im  Herbst  1864  an  der  M'estkiiste  von  Scliottland 
•  angestellte  vergleichend-anatomische  Untersuchungcn  ;  Separat-Abdruck  aus  der  naturwissensch.  Zeit- 
schrift,   Bd.   V,   Wiirzburg,    1864,   p.    11. 

(2)  Claparède  :  Les  annélides  chétopodes  du  golfe  de  Naplcs;  Mémoires  de  la  Société  de  phy- 
sique  et   d'hist.    nat.    de   Genève,    T.    XX   avec   supplément,    1870. 

Id.   Recherches  sur   les  annélides  sédentaires;    Ibid.,   T.   XXII,    1873. 

(3;  D'  Richard  von  Drasche  ?  Beitrâge  ^ur  feinercn  Anatomie  der  Polychxten.  Zweites  Heft. 
Anatomic   von   Owenia  Jiliformis.    Wien.    C.    Gerold's  Sohn.    i885. 


LES    GLANDES    FILIERES    DE    L  OWENIA    FUSIFORMIS  301 

VON  Drasche  décrit  rapidement  la  paroi  des  tubes  glandulaires  et  la 
figure  en  coupe  transversale.   Il  y  découvre  une  tunique  de  fibres  muscu-  ' 
laires  longitudinales  que  Claparède  n'avait  pas  signalée  et  un  épithélium 
formé  de  cellules  cubiques.  Près  de  l'embouchure,  il  s'y  ajoute  une  couche 
de  fibres  musculaires  circulaires. 

Le  contenu  de  la  glande  est  un  liquide  filant  que  le  vert  de  méthyle 
colore  intensément.  Claparède,  d'après  lui,  en  a  bien  représenté  l'aspect. 

EisiG  (i),  dans  sa  magistrale  description  des  capitellides,  traite  acces- 
soirement des  glandes  de  ÏOipenia  et  d'autres  productions  analogues.  Il  cite 
Claparède  et  von  Drasche  et  fait  remarquer  que  la  substance  sécrétée 
renferme  des  filaments  parfaitement  distincts,  fait  que  ces  deux  observateurs 
n'avaient  point  reconnu. 

MÉTHODE. 

La  dissection  d'objets  frais  ou  fixés  nous  a  servi  dans  l'étude  de  la 
forme,  de  la  situation  et  des  rapports  des  organes.  Mais  la  méthode  des 
coupes  pouvait  seule  compléter  les  notions  ainsi  acquises  et  leur  donner  la 
précision  désirée. 

Les  fixateurs  dont  nous  avons  fait  le  plus  usage  sont  la  solution  mer- 
curique  acide  dont  nous  avons  donné  ailleurs  la  formule  (2),  ainsi  que  la 
solution  de  Flemmi.ng  et  celle  de  Merkel.  Celle-ci  donne  aux  pièces  une 
consistance  excellente,  mais  fixe  moins  bien  que  le  bichlorure  de  mercure, 
La  liqueur  de  Flemming  fixe  très  bien,  mais  elle  a,  pour  notre  objet,  une 
tendance  à  rendre  les  pièces  cassantes,  surtout  si  on  est  obligé  de  les  con- 
server longtemps  dans  l'alcool  avant  de  les  sectionner. 

Comme  colorant,  l'acide  carminique  sous  la  forme  de  carmin  aluné  ou 
de  paracarmin  de  Mayer  nous  a  rendu  les  plus  grands  services.  Le  bleu 
carmin  introduit  dans  la  technique  par  Janssens  (3)  est  celui  de  tous  les 
colorants  protoplasmatiques  qui  nous  a  été  le  plus  utile.  La  paraffine  et  la 
celloïdine  nous  ont  servi  à  l'enrobage;  la  dernière  donne  le  plus  souvent  de 
meilleurs  résultats  dans  la  partie  cytologique  des  recherches. 

Enfin,  nous  avons  aussi,  à  l'aide  d'un  procédé  spécial,  pratiqué  des 
sections  dans  le  tube  à  demi  membraneux  et  à  demi  pierreux  qui  constitue 
la  demeure  de  \Owenia. 


(i),  D''   h.   Eisig   :   Die    Capitelliden  ;    Fauna   und'  Flora  des   Golfes   von   Neapel,    XVI,    1887. 

(2)  BOLLEs    Lee    :    The   microtomist's    Vade-Mccum.    London,    Churchill,    i8g3,    p.    472. 

(3)  Fr.    Janssens   :    Les   branchies   des   acéphales;    La   Cellule,    t.    IX,    i,    i8g3. 


302  Gustave   GILSON 

APERÇU    ANATOMIQUE. 

a)     Nombre  et  topographie. 

Sous  le  rapport  du  nombre  des  glandes,  nous  ne  sommes  d'accord  avec 
aucun  de  nos  devanciers,  excepté,  peut-être,  Kôlliker,  pour  ce  qui  regarde 
la  partie  antérieure  du  corps. 

Claparède  a  tort  de  n'en  admettre  que  quatre  paires.  Quant  à  von 
Drasche,  tout  en  étant  plus  près  de  la  vérité,  il  n'est  pas  encore  tout  à 
fait  correct  en  fixant  leur  nombre  à  six  paires. 

En  efifet,  nous  devons  à  la  méthode  des  coupes  en  série  d'en  avoir  con- 
staté sept;  mais  l'une  d'elles  est  rudimentaire. 

Notre  FiG.  1  est  un  simple  croquis  topographique  présentant  à  l'œil  la 
face  interne  de  la  paroi  du  corps  incisée  le  long  de  la  ligne  médiane  ventrale. 
La  ligne  qui  divise  symétriquement  la  figure  représente  le  lieu  d'insertion  du 
mésentère  dorsal,  qui  a  été  coupé  et  enlevé  avec  le  tube  digestif  tout  entier. 

La  ligne  transversale  d^^  représente  le  deuxième  dissépiment  du  corps, 
qui  sépare  un  tronçon  antérieur,  conventionnellement  appelé  thorax,  d'une 
série  de  tronçons  postérieurs  ou  abdominaux  (i). 

Les  lettres  G\  à  G,  indiquent  les  glandes  filières.  On  voit  que,  d'accord 
avec  VON  Drasche,  nous  en  plaçons  une  paire  dans  chacun  des  quatre  pre- 
miers anneaux  abdominaux,  mais  que,  contrairement  à  cet  auteur,  nous  en 
comptons,  non  pas  deux,  mais  trois  dans  le  thorax. 

Faisons  remarquer  ici  que  Grube  et  Claparède  n'admettaient  que  deux 
segments  thoraciques.  Ce  dernier  critique  même  à  ce  sujet  une  observation 
faite  par  Kôlliker  sur  une  Oxveiiia  de  la  côte  ouest  d'Ecosse.  «  Kôlliker, 
'•  dit  Claparède,  remarque....  qu'il  y  a  encore  une  autre  paire  de  soies  ca- 
«  pillaires  avant  le  bourrelet  et  qu'il  faut  par  conséquent  compter  un  segment 
«  de  plus.  La  même  apparence  s'observe  chez  l'espèce  napolitaine,  toute- 
«  fois  le  faisceau  en  question  est  le  faisceau  dorsal  correspondant  à  la  pre- 
^  mière  paire  des  tores  ventraux.  " 

VON  Drasche,  au  contraire,  établit  que  la  dite  paire  de  soies  est  bien 
autonome  et  atteste  l'existence  d'un  troisième  segment  thoracique.  Il  con- 
firme ainsi  l'observation  détaillée  de  Kôlliker  qui  avait  compris  exactement 
la  structure  de  la  portion  thoracique,  comme  le  prouve  cette  phrase  : 
«  Ferner  steht  vor  dem  ersten  Wulste  von  Hackenborsten  noch  ein  kleiner 


(i)     L'individu   représenté  est   une   femelle.   Chez   les   mâles   les   muscles  de   la   paroi   ilu  corps  sont 
plus  développés  et  la  dissection   présente   un   aspect   quelque   peu   différent. 


LES     GLANDES     FILIERES     DE     LOWENIA     FUSIFORMIS  303 

•^  Pinsel  von  Haarborsten,  sodass  wohl  3  Glieder  ohne  Hackenborsten 
«  anzunehmen  sindfi)  ".  Claparède  n'est  donc  pas  heureux  dans  ses  cri- 
tiques des  observations  du  savant  allemand.  Pour  notre  part,  nous  nous 
rallions  d'autant  plus  volontiers  à  l'opinion  de  Kôlliker  et  de  von  Drasche, 
que  nous  avons  non  seulement  constaté  l'autonomie  des  petits  faisceaux  de 
soies  en  question,  mais  encore  découvert  à  la  base  de  ces  mêmes  faisceaux 
une  glande  filière,  rudimentaire,  il  est  vrai,  mais  évidemment  homologue 
à  celles  des  autres  segments. 

Il  est  donc  certain  que  le  thorax  est  composé  de  trois  segments  fusion- 
nés possédant  chacun  leurs  faisceaux  de  soies  et  leurs  glandes  filières. 
Seulement,  le  troisième  segment  très  court,  presque  atrophié,  ne  possède 
que  des  faisceaux  de  soies  très  peu  développés  et  des  glandes  filières  rudi- 
mentaires. 

Les  glandes  filières  sont  donc  des  organes  répartis  segmentairement 
dans  les  sept  premiers  anneaux  du  tronc.  En  avant,  le  segment  céphalique 
seul  en  est  dépourvu.  Nous  n'en  trouvons  pas  dans  les  segments  postérieurs 
au  quatrième  segment  abdominal. 

Au  sujet  de  cette  dernière  partie  du  corps,  il  existe  donc  un  désaccord 
au  moins  implicite  entre  les  observations  de  Kôlliker  et  les  nôtres. 

Quant  à  la  région  thoracique,  il  y  a  lieu  de  se  demander  si  notre  savant 
devancier  a  bien  constaté  l'existence  des  glandes  dans  le  troisième  segment 
en  particulier.  Dans  Y 0^pen^afus^fonn^s  du  golfe  de  Naples,  ces  glandes 
sont  généralement  trop  petites  pour  être  discernables  à  la  loupe  et  le  savant 
de  Wurzbourg  paraît  ne  pas  les  avoir  recherchées  à  l'aide  de  coupes.  Tou- 
tefois, il  se  pourrait  que  l'atrophie  de  ces  organes  soit  moins  marquée  dans 
les  individus  vivant  sous  un  climat  si  différent  et  dans  des  conditions  si 
diverses  sur  les  côtes  d'Ecosse.  Mais  il  n'est  pas  même  certain  que  l'espèce 
étudiée  par  Kôlliker  soit  la  nôtre.  Au  contraire  von  Drasche,  se  basant  sur 
le  petit  nombre  de  crochets  attribué  à  chaque  tore,  estime  que  ce  doit  être 
VOwenia  assimilis,  Sars.  Rien  ne  prouve  que  la  troisième  paire  de  glandes 
n'est  pas  bien  développée  chez  cette  dernière  espèce  et  que  l'observation 
de  Kôlliker-  n'est  pas  exacte  en  ce  qui  la  concerne.  Nous  regrettons  de 
n'avoir  pu  jusqu'ici  nous  procurer  des  individus  de  cette  provenance,  afin 
de  les  examiner  à  ce  point  de  vue. 

La  situation  exacte  des  glandes  filières  est  fixée  par  les  faisceaux  de 
soies  et  les  tores  uncinigères.  L'examen  des  coupes  transversales  démontre 
que  leur  embouchure  est  toujours  ventrale  par  rapport  au  faisceau  de  soies 


Kôlliker   :   Loc.   cit.,    p.    lo. 


304 


Gustave   GILSON 


du  segment.  Elle  est  au  contraire  dorsale  par  rapport  aux  tores  uncinigères 
dans  les  segments  où  ceux-ci  existent.  C'est  ce  que  démontre  la  fig.  2,  où 
l'on  voit  en  Id  la  ligne  médiane  dorsale,  en/les  faisceaux  de  soies  du  premier 
segment  thoracique,  en  /  l'esquisse  du  premier  tore  et  en  og  l'embouchure 
de  la  quatrième  paire  de  gllandes. 

La  position  des  embouchures  étant  fixée  par  rapport  aux  soies  et  aux 
tores,  faisons  remarquer  qu'examinée  d'une  façon  absolue  elle  varie  nota- 
blement dans  les  divers  segments  et  de  la  même  façon  du  reste  que  celle 
des  faisceaux  de  soies  eux-mêmes.  Les  orifices  de  la  première  paire  appar- 
tiennent donc  aux  bords  de  la  face  ventrale  ;  les  suivants  se  placent  sur  les 
faces  latérales,  et  à  partir  du  premier  tore,  c'est-à-dire  de  la  quatrième  paire, 
ils  deviennent  tout  à  fait  dorsaux. 

b)     Forme  et  dimension. 

Toutes  les  glandes  normales  sont  des  filaments  allongés,  fusiformes, 
FIG.  1  et  3,  à  section  toujours  régulièrement  circulaire.  Vers  l'arrière,  elles 
s'amincissent  insensiblement;  en  avant,  au  contraire,  on  voit  leur  calibre 
diminuer  brusquement  :  elles  s'y  transforment  en  un  tube  à  lumière  très 
réduite,  que  nous  appellerons  le  canal  terminal,  fig.  3,  et.  Cette  dernière 
partie  de  l'organe  n'est  jamais  rectiligne;  elle  fait  toujours  avec  la  ligne 
axiale  du  reste  de  la  glande  un  angle  assez  brusque,  au  moment  où  elle 
pénètre  dans  la  tunique  musculaire  du  corps.  De  plus,  elle  s'incurve  plus 
ou  moins  en  S  en  cheminant  à  travers  cette  tunique,  dans  laquelle  la  portion 
glandulaire  ne  s'enfonce  pas  ou  seulement  très  peu. 

Les  trois  dernières  glandes  présentent  une  particularité  :  leur  portion 
postérieure  ou  principale  est  elle-même  divisée  en  deux  tronçons  successifs, 
dont  l'antérieur  occupant  à  peu  près  le  quart  de  la  longueur  de  l'organe  se 
différencie  du  suivant  par  une  opacité  plus  grande.  Ces  deux  régions  se 
délimitent  nettement  et  très  brusquement  l'une  de  l'autre,  souvent  même  il 
existe  entre  elles  un  léger  sillon  d'étranglement,  fig.  3. 

Quant  à  la  dimension  des  glandes,  nous  sommes  d'accord  avec  von 
Drasche  et  Claparède  pour  les  deux  paires  antérieures  :  la  première  est 
plus  longue  que  la  seconde. 

La  troisième  atrophiée  présente  une  forme  très  variable.  Les  fig.  5  et  6 
en  font  voir  deux  variétés  que  nous  avons  rencontrées  dans  le  même  in- 
dividu :  la  première,  presque  fusiforme,  est  à  peine  renflée  au  bout;  la 
seconde,  beaucoup  moins  allongée  et  moins  volumineuse,  est  une  sorte 
d'utricule  piriforme. 


LES     GLANDES     FILIÈRES     DE     l'oWENIA     FUSIFORMIS  305 

Enfin,  des  quatre  glandes  de  la  région  abdominale,  on  peut  dire  que  les 
deux  premières  sont  toujours  beaucoup  plus  longues  que  les  deux  dernières; 
le  plus  souvent,  la  première  est  la  plus  développée  de  toutes. 

Remarquons  que  toutes  ces  glandes  varient  notablement  en  dimension 
d'une  façon  absolue,  c'est-à-dire  considérées  dans  divers  individus  de  gran- 
deur différente,  et  abstraction  faite  de  celle-ci.  Quant  aux  glandes  de  la 
troisième  paire,  leur  degré  de  développement  ou  d'atrophie  est  encore  plus 
variable,  bien  qu'elles  restent  toujours  si  réduites  en  dimension  qu'il  n'est 
presque  jamais  possible  de  les  discerner  à  l'œil  nu  ou  même  à  la  loupe.  Leur 
réduction  est  poussée  plus  loin  chez  les  mâles  que  chez  les  femelles.  Nous 
avons  en  outre  observé,  même  chez  des  femelles,  leur  atrophie  complète, 
soit  d'un  seul  côté,  soit  des  deux  côtés  à  la  fois.  Dans  ces  cas,  le  nombre 
six,  indiqué  par  von  Drasche,  était  réellement  exact. 

c)     Signification  morphologique. 

On  trouve  dans  la  monographie  des  capitellides  de  Eisig  de  riches 
matériaux  pour  la  recherche  des  homologies  de  toutes  les  glandes  cutanées 
des  invertébrés  ;  le  chapitre  comparé  de  l'étude  de  la  peau  est  un  véritable 
monument  d'érudition.  Néanmoins,  pour  ce  qui  regarde  le  cas  particulier 
de  l'Owenia,  nous  n'avons  pu  jusqu'ici  nous  faire  une  opinion  sur  la  signi- 
fication comparative  des  glandes  filières. 

Disons  seulement  que  si  l'on  voulait  rapprocher  les  glandes  filières  des 
néphridies  en  se  basant  sur  le  fait  que  ces  derniers  organes  n'existent  pas 
comme  tels,  nous  ferions  remarquer  que  nous  avons  découvert  dans  le 
deuxième  segment  abdominal  un  oviducte  en  entonnoir  qui  a  la  valeur  d'une 
néphridie.  Or,  ce  segment  possède  une  paire  de  glandes  filières,  fig.  1, 
eg—G^.  On  nous  dira  peut-être  que  cette  coexistence  ne  prouve  rien, 
puisque  l'on  sait  par  les  recherches  de  Ray- Lan  rester,  de  Beddard,  de 
Eisig  et  d'autres  qu'il  peut  y  avoir  plusieurs  paires  de  néphridies  par 
segment.  Mais  remarquons  que,  si  nous  ne  nous  abusons,  l'on  n'a  pas 
signalé  jusqu'ici  cette  multiplicité  chez  les  tubicoles.  Abstraction  faite  de 
beaucoup  d'autres  considérations,  la  coexistence  de  néphridies  avec  les 
glandes  rend  donc  pour  le  moins  improbable  l'homologie  entre  ces  deux 
espèces  d'organes. 

Quant  aux  autres  organes  des  annélides  auxquels  on  peut  songer  à 
comparer  ces  glandes,  ce  n'est  pas  sans  avoir  repris  à  ce  point  de  vue  spé- 
cial, contrôlé  et  complété  bien  des  observations  publiées  que  l'on  arrivera 
à  une  conclusion  bien  assise.  Notons  que  l'on  manque  totalement  de  don- 
nées sur  le  développement  des  glandes  de  YOivenia. 

38 


306  Gustave   GILSON 

Dans  ces  conditions,  nous  préférons  nous  abstenir,  pour  le  moment,  de 
rapprocher  ces  organes  d'aucune  production  analogue  décrite  par  nos  savants 
devanciers. 

STRUCTURE  DE   LA   GLANDE. 

A.     Glande  proprement  dite. 

La  paroi  du  tube  glandulaire  possède  la  même  structure  depuis  le  canal 
terminal  jusqu'à  l'extrémité  postérieure.  On  y  distingue  aisément  une  couche 
épithéliale  et  une  tunique  musculaire.  Il  faut  y  ajouter  une  propria  d'une 
extrême  ténuité,  dont  l'existence  n'est  point  facile  à  démontrer.  Notons  les 
caractères  principaux  de  chacune  de  ces  parties. 

Épithéliiim. 

Cette  couche  est  formée  d'une  seule  assise  de  cellules  que  Claparède 
et  VON  Drasche  ont  figurées,  sous  un  faible  grossissement,  a.vec  assez 
d'exactitude.  Examinées  de  face,  ces  cellules  présentent  souvent  un  contour 
hexagonal,  fig.  17,  au  moins'dans  la  partie  moyenne  de  l'organe. 

Leur  hauteur,  et  par  suite  l'épaisseur  totale  de  la  partie  du  tube,  varie 
notablement.  Nous  l'avons  trouvée  diverse  dans  la  même  glande  examinée 
chez  des  individus  différents,  et  nous  l'avons  vu  varier  dans  les  diverses 
régions  d'un  même  organe.  Les  fig.  12,  13,  14  et  15,  dessinées  sous  le  même 
grossissement,  donnent  une  idée  de  cette  variabilité.  La  fig.  15  indique  que 
les  cellules  peuvent  devenir  très  aplaties  :  dans  ce  cas  les  noyaux  eux-mêmes 
s'aplatissent  et  la  masse  du  protoplasme  se  réduit  parfois  à  fort  peu  de  chose. 

Leur  cytoplasme  est  en  général  assez  granuleux,  mais  toujours  on  y 
distingue  nettement  les  trabécules  plastiniennes,  et  dans  beaucoup  de  cas  la 
disposition  réticulaire  de  celles-ci  est  extrêmement  apparente,  pourvu  qu'on 
l'étudié  à  l'aide  d'un  objectif  puissant  et  sur  des  coupes  minces  et  fortement 
colorées. 

Ce  cytoplasme  se  présente  sous  deux  états  différents  :  il  peut  être 
dépourvu  d'enclaves  ou  en  être  farci.  Les  fig.  10,  12,  13  et  14  sont  la 
démonstration  de  ce  fait.  Ces  enclaves,  souvent  très  volumineuses,  sont  de 
nature  albumino'ide,  très  brillantes  et  très  avides  de  certaines  matières  colo- 
rantes. Les  colorants  nucléaires  ne  les  teignent  pas  ou  faiblement;  le  bleu 
carmin  et  d'autres  colorants  du  cytoplasme  sont  au  contraire  puissamment 
fixés  par  elles.  Le  premier  en  solution  acide  les  colore  en  vert. 


LES    GLANDES    FILIERES    DE    L  OWENIA    FUSIFORMIS  307 

Ces  caractères  sont  importants;  nous  y  reviendrons  plus  loin. 
On  constate  aussi,  mais  très  rarement,  dans  le  cytoplasme  l'existence 
d'enclaves  qui  sont  d'une  tout  autre  nature  et  qui  se  distinguent  nettement 
des  premières  par  leur  défaut  d'affinité  pour  les  colorants  protoplasmatiques, 
FiG.  10,  eb.  Elles  restent  parfaitement  incolores  dans  les  préparations, 
même  où  les  premières  ont  repris  par  le  bleu  carmin  une  teinte  vert- 
émeraude  très  foncée. 

Du  reste,  même  en  l'absence  de  toute  matière  colorante,  elles  s'en  dis- 
tinguent par  une  réfringence  particulière,  un  éclat  spécial  et  aussi  par  leur 
teinte  parfaitement  blanche;  les  enclaves  ordinaires,  plus  transparentes, 
moins  réfringentes,  présentent  au  contraire  une  très  légère  teinte  jaunâtre, 
même  quand  on  n'a  fait  agir  sur  elles  que  le  bichlorure  de  mercure  et 
l'alcool.  ]Les  colorants  nucléaires,  tels  que  le  paracarmin  de  Mayer,  teignent 
assez  bien  ces  enclaves  anomales. 

Il  n'existe  point  d'enclaves  dans  les  parties  des  glandes  où  la  paroi  est 
mince  et  le  cytoplasme  peu  abondant.  D'ailleurs,  elles  manquent  souvent 
non  seulement  dans  toutes  les  parties  d'une  glande,  mais  même  dans  toutes 
les  glandes  d'un  individu  donné. 

C'est  ici  le  lieu  d'indiquer  la  différence  de  structure  interne  qui  dans  les 
trois  dernières  glandes  est  cause  de  l'aspect  variable  présenté  par  les  deux 
régions  qu'on  y  remarque.  Un  regard  sur  la  fig.  4  fournit  l'explication  de 
la  différence  de  coloration  ou  plutôt  de  ton  qui  distingue  ces  deux  régions 
si  nettement  l'une  de  l'autre  :  c'est  tout  simplement  une  différence  d'épais- 
seur de  la  couche  épithéliale.  Les  cellules  sont  plus  hautes  dans  la  région 
antérieure  que  dans  la  partie  postérieure.  Cependant,  elles  ne  sont  pas  tou- 
jours réduites  dans  cette  dernière  à  l'état  d'aplatissement  et  de  réduction 
extrêmes  dont  nous  avons  parlé  plus  haut  et  elles  peuvent  encore  posséder 
quelques  enclaves. 

Le  noyau  des  cellules  épithéliales  ne  possède  pas  de  caractères  bien 
particuliers.  On  y  distingue  en  général  des. fragments  nucléiniens  assez 
nets  et  un  nucléole  de  forme  irrégulière.  Mais  lui  aussi  se  présente  dans  des 
états  divers.  Dans  les  cellules  dépourvues  d'enclaves,  il  donne  souvent  des 
réactions  pures  avec  le  vert  de  méthyle  ou  les  carmins  :  on  peut  arriver 
à  localiser  ces  colorants  sur  les  corpuscules  nucléiniens  seuls,  le  caryo- 
plasme  restant  incolore  ou  prenant  les  colorants  plasmatiques,  bleu  carmin, 
orange,  etc.,  que  l'on  peut  faire  agir  en  même  temps,  fig.  14.  D'autres  fois, 
le  noyau  tout  entier  présente  une  forte  affinité  pour  ces  colorants  et  l'on 


3o8  Gustave    GILSON 

ne  distingue  alors  que  faiblement  les  corpuscules  nucléiniens  au  milieu 
d'un  caryoplasme  coloré,  fig.  lO,  J3  et  17.  Ceci  est  très  souvent  le  cas  des 
cellules  riches  en  enclaves,  fig.  10.  Mais  dans  ces  dernières,  l'altération 
du  noyau  peut  être  poussée  beaucoup  plus  loin  :  on  y  voit  souvent  cet  élé- 
ment tout  déformé,  bosselé  et  comme  écrasé  par  les  enclaves  voisines  dont 
on  reconnaît  l'empreinte  sur  sa  surface,  fig.  10  et  16.  Dans  ces  conditions, 
le  carmin  lui  communique  toujours  une  teinte  foncée  et  uniforme  et  c'est 
souvent  à  grande  peine  qu'on  distingue  dans  son  intérieur  les  corps  solides 
qu'il  peut  renfermer. 

La  membrane  cellulaire  est  délicate  et  mince;  aussi  n'est-il  pas  tou- 
jours facile  de  distinguer,  sur  les  coupes,  la  limite  des  éléments  épithéliaux. 
Il  n'est  pas  impossible  que  la  couche  limitante  soit  réellement  résorbée  en 
tout  ou  en  partie  sur  les  faces  latérales  de  certaines  cellules  à  enclaves  ;  il 
semblait  même  qu'il  en  fut  ainsi  dans  les  portions  de  coupes  représentées 
fig.  10  et  13.  Néanmoins,  nous  conservons,  même  pour  ces  exemples, 
certains  doutes  sur  la  disparition  réelle  de  ces  membranes,  car  il  nous  est 
arrivé  trop  souvent  de  constater  qu'une  membrane  même  épaisse  ne  présente 
à  l'œil  aucune  image  distincte  au  sein  du  protoplasme  pour  peu  qu'elle  soit 
coupée  dans  un  sens  oblique  par  rapport  à  sa  surface. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  cas  particuliers,  la  membrane  existe  et  elle  est 
fort  nette  dans  les  cas  habituels,  même  sur  les  faces  latérales  des  cellules. 
On  la  distingue  toujours  très  bien  sur  des  glandes  examinées  par  leur 
surface  externe,  qu'elles  soient  montées  tout  entières,  ou  bien,  et  mieux 
encore,  coupées  tangentiellement. 

Mais  il  est  une  partie  de  l'enveloppe  de  la  cellule  qui  nous  intéresse 
davantage  :  c'est  celle  qui  forme  la  face  interne  de  chaque  élément  et  limite 
ainsi  la  lumière  du  tube  glandulaire. 

Cette  membrane  très  mince  aussi  est  pourtant  fort  nette  et  bien  con- 
stituée. Elle  présente  une  structure  analogue  à  celle  qu'à  diverses  reprises 
nous  avons  signalée  dans  les  organes  séricigènes  des  insectes.  En  coupe, 
elle  a  cet  aspect  ponctué  qu'il  est  si  difficile  de  rendre  d'une  manière  satis- 
faisante par  le  dessin  ou  la  gravure,  surtout  quand  la  membrane  est  d'une 
grande  ténuité,  comme  c'est  le  cas  ici.  En  fait,  cette  membrane  possède 
une  structure  réticulée.  Les  points  épaissis  et  brillants  qu'on  distingue  sur 
une  coupe  optique  correspondent  aux  points  nodaux  où  aboutissent  les 
trabécules  du  réticulum  cytoplasmique.  Ces  points  ne  paraissent  pas,  dans 
les  sections  optiques,  nettement  réunis  entre  eux  ni  entièrement  séparés  non 


LES     GLANDES     FILIÈRES     DE     LOWENIA     FUSIFORMIS  309 

plus.  Celas'explique  par  le  fait  que  quelque  parfait  que  soit  l'objectif  employé 
il  ne  peut  donner  une  couche  distincte  assez  mince  pour  éviter  que  les 
trabécules  qui  réunissent  obliquement  les  points  nodaux  ne  soient  visibles 
aussi  dans  un  plan  légèrement  inférieur.  La  ligne  moniliforme  que  nous 
dessinons,  fig.  10,  12  et  13,  conserve  donc  un  caractère  un  peu  conven- 
tionnel ;  elle  laisse  supposer  que  nous  avons  vu  nettement  une  membranule 
excessivement  fine  entre  les  points  nodaux,  laquelle  fermerait  les  mailles. 
Or,  pas  plus  ici  que  chez  les  insectes  ou  plutôt  moins  encore,  nous  n'enten- 
dons trancher  cette  question  qui  est  extrêmement  délicate  et  intéressante 
au  point  de  vue  du  mécanisme  intime  de  la  sécrétion  par  suintement  op- 
posé à  celui  du  déversement  direct.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  la  face 
interne  des  cellules  est  fermée  par  une  mince  membrane  structurée.  Elle 
porte  u'n  dessin  réticulé  d'une  grande  ténuité  que  nous  avons  tenté  de 
représenter  fig.  18.  Il  est  fort  difficile  à  voir,  mais  on  y  arrive  en  étudiant 
des  lambeaux  minces  de  coupes  longitudinales  à  l'aide  de  puissants  objectifs 
et  en  faisant  varier  l'intensité  et  la  direction  de  l'éclairage. 

Tunique  musculaire. 

Elle  est  formée  de  fibres  extrêmement  délicates  et  fort  longues,  dis- 
posées côte  à  côte  dans  le  sens  de  la  longueur  de  l'organe  avec  une  régularité 
remarquable,  fig.  3,  10  et  13.  Ces  fibres  sont  fort  étroites  et  parfois  légè- 
rement aplaties.  Ce  sont  elles  qui  donnent  aux  coupes  transversales  de 
l'organe  un  contour  crénelé,  fig.  10,  13  et  16.  On  les  dissocie  difficilement 
par  dilacération.  Les  fig.  19  et  20  montrent  qu'elles  ont  la  forme  de 
fuseaux  très  "amincis  à  leurs  extrémités.  Elles  possèdent  un  noyau  qui, 
entouré  d'une  petite  masse  de  protoplasme,  fait  une  légère  saillie  à  la  sur- 
face de  la  fibre  examinée  de  profil.  C'est  surtout  dans  la  partie  supérieure 
de  la  glande  que  ces  noyaux  se  rencontrent  ;  mais  nulle  part  leur  mise  en 
évidence  n'est  aisée,  fig.  13  et  19. 

On  ne  distingue  dans  leur  substance  qu-e  çà  et  là  quelques  tronçons  de 
stries  longitudinales  excessivement  minces. 

Propria. 

Ce  n'est  point  sans  peine  que  nous  sommes  parvenu  à  mettre  en  évi- 
dence l'existence  d'une  mince  membrane  conjonctive  enserrant  tout  l'organe. 
L'usage  de  l'acide  acétique  appliqué  sur  le  frais  nous  a  rendu  peu  de  ser- 
vices dans  cette  recherche.  C'est  en  dilacérant  des  glandes  fixées  au  sublimé 


310  Gustave   GILSON 

acide  et  conservées  longtemps  dans  ralcool  que  nous  avons  pu  nous  con- 
vaincre de  son  existence.  On  y  observe,  comme  dans  toutes  les  membranes 
analogues,  des  noyaux  extrêmement  aplatis.  Nous  en  représentons  deux 
spécimens  dans  la  fig.  14,  ne.  Cette  figure  met  en  relief  une  autre  parti- 
cularité qui  n'est  pas  dépourvue  d'intérêt  :  c'est  l'existence  de  fins  cordons 
conjonctifs  (?)  se  détachant  de  la  propria  et  reliant  l'organe' à  des  parties 
voisines  que  nous  n'avons  pu  déterminer,  mais  il  est  probable  que  c'est  à  la 
paroi  du  corps,  fig.  14,  fc.  Ces  cordons  constituent  peut  être  des  moyens 
de  fixation  analogues  à  ceux  qui  soutiennent  les  glandes  filières  et  les  autres 
organes  qui  chez  les  larves  d'insectes  flottent  dans  le  cœlome. 

C'est  à  la  propria  qu'est  due  la  difficulté  que  l'on  éprouve  à  dissocier 
la  tunique  musculaire  et  c'est  elle  aussi  qui  seule  peut  donner  à  cette  der- 
nière la  cohésion  et  la  solidité  nécessaires. 

B.     Canal  terminal. 

Nous  avons  parlé  de  sa  forme  et  de  sa  position.  Sa  structure  ne  nous 
arrêtera  pas  longtemps.  Il  comprend  comme  la  partie  glandulaire  une 
couche  épithéliale  et  une  tunique  musculaire. 

Les  cellules  épithéliales  y  sont  très  petites,  à  cytoplasme  clair  et  peu 
abondant.  Elles  présentent  dans  la  portion  interne  voisine  de  la  glande  une 
forme  allongée,  fig.  7.  Cette  forme  apparaît  déjà  dans  les  derniers  éléments 
de  la  portion  glandulaire,  de  sorte  que  le  passage  d'une  région  à  l'autre  est 
graduel  et  peu  marqué. 

La  tunique  musculaire  de  ce  canal  n'est  que  la  continuation  delà  couche 
correspondante  de  la  portion  précédente.  Elle  est  donc  composée  d'éléments 
longitudinaux.  On  peut  voir  les  longues  fibres  de  la  glande  se  continuer  sur 
elle  tout  en  s'amincissant  et  s'enrouler  plus  ou  moins  autour  des  anses  que 
décrit  le  canal  lui-même,  fig.  9,  passant  ainsi  de  leur  position  réellement 
longitudinale  à  une  position  oblique  par  rapport  à  l'axe 

Nous  avons  dit  que  von  Drasche  signale  dans  cette  partie  de  l'organe 
une  couche  de  fibres  musculaires  circulaires  :  «  Dort  wo  die  Driise  durch 
«  das  Hypoderm  nach  aussen  mtindet,  ^  dit  il,  ^  wird  sie  von  einer  feinen 
-  Ringmuskulatur  bedekt  (i)  ».  C'est  en  vain  que  nous  avons  recherché  ces 
éléments  circulaires.  Cependant  nous  avons  eu  sous  les  yeux  des  images 

(i)    VON    Drasche   :    L.    c,    p.    19. 


LES     GLANDES     FILIERES     DE    LOWENIA     FUSIFORMIS  311 

assez  délusoires  sous  ce  rapport  et  de  nature  à  faire  croire  à  l'existence 
de  ces  fibres.  Mais  chaque  fois  nous  avons  fini  par  nous  convaincre  de 
leur  absence. 

Deux  causes  produisent  cette  illusion.  Tantôt,  c'est  simplement  la  po- 
sition enroulée  des  fibres  longitudinales  autours  du  canal  incurvé;  d'autres 
fois,  c'est  évidemment  la  forme  allongée  des  cellules  épithéliales  jointe  à 
l'existence  de  fortes  travées  plastiniennes  dans  le  cytoplasme  de  celles-ci, 
FiG.  7.  Mais  on  peut  toujours  s'assurer  en  mettant  au  point  la  coupe  optique 
de  l'organe,  qu'il  n'existe  aucun  élément  musculaire  circulaire,  ni  en  dehors 
des  fibres  longitudinales,  ni  entre  celles-ci  et  l'épithélium. 

Ajoutons  que  dans  la  partie  tout  à  fait  terminale  du  canal  il  n'existe 
plus  même  de  fibres  longitudinales. 

C.     Embouchure. 

La  dernière  partie  du  canal  terminal  s'amincit  extrêmement  et  rampe 
contre  la  face  interne  de  l'épaisse  membrane  basale  sur  laquelle  repose 
l'épithélium  cutané,  fig.  8,  mb.  Puis,  elle  perce  cette  membrane  et  traverse 
l'épiderme,  ou  plutôt  se  fusionne  avec  lui;  car,  ainsi  que  l'indique  la  fig.  8, 
on  peut  voir  son  épithélium  passer  insensiblement  aux  cellules  du  revête- 
ment externe. 

Le  plus  souvent,  on  n'aperçoit  dans  l'épithélium  dermique  aucune  ou- 
verture; cette  couche' semble  alors  passer  au-devant  du  canal  terminal 
d'une  façon  ininterrompue  et  présente  à  peine  un  léger  enfoncement  à  son 
niveau.  Mais  d'autres  fois,  on  surprend  la  glande  au  moment  où  elle  ex- 
pulse une  partie  de  son  contenu;  l'orifice  épithélial  est  alors  ouvert  et  par- 
faitement distinct,  fig.  8. 

Nous  n'avons  découvert  aucune  disposition  pouvant  constituer  un 
appareil  obturateur  spécial  de  cet  orifice.  Sans  doute,  la  tonicité  de  la  paroi 
musculaire  du  corps  et  l'élasticité  de  toutes  les  parties  voisines  en  assurent 
l'occlusion.  Mais  du  moins  semble-t-il  qu'il  doive  exister  quelque  mécanisme 
destiné  à  en  produire  périodiquement  l'ouverture?  Nous  ne  l'avons  point 
découvert  :  seules  quelques  fibres  détachées  du  faisceau  moteur  des  soies 
et  affectant  une  direction  transversale  par  rapport  au  dernier  tronçon  de 
l'organe  pourraient  intervenir  dans  ce  sens.  Il  se  peut  donc  que  le  contenu 
de  la  glande  lui-même,  actionné  par  la  tunique  musculaire,  soit  l'unique 
lacteur  de  la  dilatation  de  l'orifice  dermique. 


312  Gustave   GILSON 

Les  glandes  atrophiées  de  la  troisième  paire. 

Elles  présentent,  avons-nous  dit,  de  notables  variations  de  forme  et  de 
dimension,  fig.  5  et  6,  G,.  Leur  structure  n'est  pas  moins  sujette  à  varier. 
Nous  avons  vu  sa  paroi  constituée,  comme  celle  des  glandes  normales,  d'une 
couche  épithéliale  et  dune  tunique  musculaire,  mais  l'épithélium  était  peu 
développé  et  les  fibres  éparses  et  peu  nombreuses.  Le  plus  souvent  ces  der- 
nières manquent  totalement.  Ces  glandes  sont  généralement  vides  ou  ne 
contiennent  que  des  granules.  Cependant,  nous  avons  vu  aussi  leur  lumière 
remplie  d'une  substance  semblable  à  celle  que  produisent  les  glandes  nor- 
males ;  dans  un  cas  de  ce  genre,  l'organe  était  fortement  dilaté  par  le  con- 
tenu et  l'épithélium  était  excessivement  aplati  et  réduit  à  une  membrane 
fort  mince  entourant  un  globule  de  substance  sécrétée. 

Enfin,  nous  avons  trouvé  l'organe  réduit  à  une  simple  membrane  chif- 
fonnée, assez  épaisse,  d'aspect  cuticulaire,  contenant  quelques  débris  de 
cellules  épithéliales  dégénérées. 

Très  souvent,  l'organe  atrophié  se  perd  dans  la  couche  musculaire. 
D'autres  fois,  sa  portion  terminale  atteint  la  membrane  basale,  fig.  5.  Mais 
jamais  nous  ne  l'avons  vu  perforer  cette  dernière.  Chez  un  mâle,  toutefois, 
l'épithélium  présentait  à  son  niveau  une  légère  modification  dans  la  forme 
et  la  disposition  de  ses  cellules. 

Cause  de  leur  atrophie. 

Outre  le  peu  de  développement  du  segment  même  auquel  ces  glandes 
appartiennent  et  dont  Claparède  niait  jusqu'à  l'existence,  nous  croyons 
pouvoir  assigner  à  leur  état  d'extrême  régression  une  autre  cause.  C'est  la 
présence  de  deux  poches  latérales  ou  diverticules  que  la  cavité  du  premier 
segment  abdominal  envoie  dans  le  tronçon  œsophagien  ou  thoracique.  Ce 
sont  deux  poches  ou  soulèvements  du  deuxième  dissépiment,  plus  marquées 
chez  les  mâles  que  chez  les  femelles.  Elles  restreignent  encore  l'espace  laissé 
aux  glandes  du  troisième  segment  et  peuvent  même  les  comprimer  contre 
la  partie  interne  saillante  des  faisceaux  de  soies  segmentaires.  On  pourrait 
rechercher  sur  d'autres  espèces  s'il  existe  réellement  un  rapport  entre  le 
développement  de  ces  poches  et  l'atrophie  de  la  troisième  paire  de  glandes. 

CONTENU    DE   LA   GLANDE. 

Les  tubes  glandulaires  renferment  un  produit  de  sécrétion  tout  parti- 
culier :  c'est  une  substance  visqueuse,  très  épaisse,  charriant  des  écheveaux 
de  filaments  très  minces.  Claparède  dit  expressément  que  ces  filaments 


LES     GLANDES     FILIÈRES     DE     l'oWENIA     FUSIFORMIS  313 

qu'on  croit  y  apercevoir  n'existent  pas  et  qu'il  n'y  a  là  qu'un  effet  d'optique, 
une  illusion  produite  par  l'existence  dans  la  masse  sécrétée  de  couches 
concentriques  de  densités  diverses,  von  Drasche  se  borne  à  dire  que  la 
glande  est  remplie  d'un  liquide  hyalin  et  filant  que  Claparède,  d'après  lui, 
représente  exactement.  Il  n'admet  donc  pas  l'existence  de  filaments  séparés. 
EisiG,  au  contraire,  dont  l'attention  avait  été  fixée  par  d'autres  productions 
filamenteuses  élaborées  par  la  peau  des  annélides,  a  parfaitement  reconnu 
des  filaments  bien  distincts  au  sein  de  la  masse  emmagasinée  dans  les 
tubes  glandulaires. 

L'existence  de  ces  filaments  n'est  pas  douteuse.  On  arrive  à  les  mettre 
en  évidence  sur  le  frais  en  dissociant  un  peu  le  contenu  filant  sur  le  porte- 
objets  légèrement  humecté  de  vert  de  méthyle  dilué.  La  dilacération  du 
produit  durci  par  l'alcool  permet  de  les  isoler  mieux  encore. 

Ces  filaments  se  colorent  bien  par  le  vert  de  méthyle,  la  safranine, 
l'éosine  et  les  carmins.  Le  bleu  carmin,  l'orange,  la  fuchsine  acide  les  laissent, 
au  contraire,  parfaitement  incolores. 

Il  est  à  peine  besoin  de  dire  que  l'existence  d'un  liquide  visqueux  char- 
riant ces  filaments  n'est  pas  douteuse;  on  le  distingue  seul,  débarrassé  de 
filaments,  en  certains  points  des  glandes,  ainsi  que  dans  les  masses  de  sub- 
stances exprimées  de  l'organe,  étalées  sur  un  porte-objets  et  écrasées  sous 
la  lamelle. 

Il  existe  ainsi  une  analogie  marquée  entre  le  pi-oduit  des  glandes 
filières  des  insectes  et  celui  des  glandes  de  YOjpenia  :  l'un  et  l'autre 
contiennent  une  partie  liquide  et  une  partie  solide  ou  solidifiable.  Mais,  au 
lieu  du  cylindre  unique  de  fibro'ïne  entouré  de  gras,  on  trouve  chez  notre 
annélide  des  milliers  de  petits  cylindres  ou  filaments  distincts. 

L'étude  chimique  de  ce  liquide  et  de  ces  filaments  promet  des  résultats 
intéressants  ;  nous  espérons  en  traiter  ailleurs  sans  tarder. 

Recherches   sur   le   mode  de  sécrétion    du   liquide  filifère. 

Nous  connaissons,  tant  par  nos  recherches  personnelles  que  par  la  lec- 
ture du  chapitre  comparé  de  la  monographie  déjà  citée  de  Eisig,  des  filaments 
soyeux  émis  par  la  peau  de  certains  annélides,  tels  que  les  Typhloscolex,  les 
Phyllodoce,  les  Spio,  les  Eulalia  et  d'autres.  Ces  filaments  se  forment  chez 
ces  vers  à  l'intérieur  même  de  certaines  cellules  glandulaires  et  doivent  en 
être  expulsés  par  un  mécanisme  assez  brutal,  analogue  à  celui  de  l'évacua- 
tion de  la  masse  muqueuse  des  cellules  caliciformes  ou  de  l'expulsion  des 
nématocystes  ou  des  rhabdites. 


3M 


Gustave   GILSON 


Imbu  de  l'idée  que  les  filaments  de  YOivenia  sont  analogues  à  ceux  des 
annélides  que  nous  venons  de  citer,  nous  étions  naturellement  porté,  en 
commençant  ces  recherches,  à  considérer  les  glandes  de  ce  ver  comme  des 
agrégations  tubuleuses  de  cellules  bacillipares  et  nous  fûmes  assez  surpris  de 
constater  qu'il  en  est  tout  autrement.  Rien  dans  le  protoplasme  des  cellules 
cpithéliales  des  glandes  filières  ne  rappelle  les  bâtonnets  des  Phyllodoce 
ou  des  Spio;  nos  dessins  le  prouvent.  Néanmoins,  nous  avons  tenu  à 
rechercher  dans  l'intérieur  des  cellules  épithéliales  quelques  indices  de  la 
genèse,  supposée  intraprotoplasmique  de  ces  filaments. 

Tout  d'abord,  nous  nous  sommes  demandé  si  les  enclaves  que  l'on  voit 
parfois  si  nombreuses  dans  le  cytoplasme,  fig.  10,  ne  constituaient  pas 
chacune  l'ébauche  de  l'un  des  filaments.  En  effet,  on  pourrait  théorique- 
ment admettre  que  ces  sphérules  fabriquées  par  le  cytoplasme  en  sont 
expulsées  à  un  moment  donné,  puis  s'allongent  et  s'étirent  en  filaments 
dans  la  lumière  du  tube.  Mais  l'étude  prolongée  et  attentive  de  l'épithélium 
exclut  cette  hypothèse.  En  effet  : 

1°  On  ne  trouve  jamais,  —  ou  seulement  dans  des  cas  extrêmement 
rares  et  qui  paraissent  accidentels,  —  les  enclaves  en  question  dans  la  lu- 
mière du  tube  ;  il  est  certain  pour  nous  que  leur  sortie  de  la  masse  proto- 
plasmique  n'est  pas  un  acte  normal  et  essentiel  de  ce  mode  de  sécrétion. 

2°  Ces  enclaves  ne  présentent  pas  les  mêmes  caractères  que  la  sub- 
stance qui  remplit  la  lumière  du  tube.  Nous  avons  déjà  dit  qu'elles  n'ont 
que  peu  d'affinité  pour  les  colorants  nucléaires  et  une  grande  affinité  pour 
le  bleu  carmin  et  d'autres  colorants  du  même  genre.  Elles  possèdent  donc 
sous  ce  rapport  des  propriétés  opposées  à  celles  de  la  substance  excrétée 
par  l'organe. 

Nous  en  concluons  que  chacune  de  ces  enclaves  ne  représente  pas 
l'ébauche  d'un  filament.  Elles  constituent,  sans  doute,  une  réserve  de  maté- 
riaux destinés  à  la  sécrétion,  mais  qui  doivent  subir  encore  des  trans- 
formations avant  de  passer  à  la  substance  particulière  qui  constitue  ces 
filaments  eux-mêmes  et  le  liquide  visqueux. qui  les  charrie. 

On  voit  cependant  parfois  la  substance  sécrétée  apparaître  réellement 
sous  la  forme  d'enclave  dans  le  cytoplasme.  Ce  sont  ces  enclaves  blanches 
que  nous  avons  rencontrées  dans  des  préparations  au  bleu  carmin  et  repré- 
sentées dans  les  fig.  10  et  16,  eb.  Il  n'est  pas  douteux,  en  effet,  que  ces 
dernières  ne  soient  de  même  nature  que  le  contenu  du  tube.  Leur  apparition 
est,  sans  doute,  la  conséquence  d'un  excès  de  sa  production  par  le  cytoplasme 


LES    GLANDES    FILIERES    DE    L  OWENIA    FUSIFORMIS  315 

sur  son  élimination  par  la  face  sécrétante  de  la  cellule.  Mais  la  grande 
rareté  de  ces  enclaves  démontre  qu'elles  ne  jouent  aucun  rôle  essentiel  dans 
le  processus  de  la  sécrétion. 

Ainsi,  les  enclaves  normales,  avides  de  bleu  carmin,  ne  doivent 
pas  être  regardées  comme  les  ébauches  des  filaments  qui  remplissent  la 
lumière  des  glandes,  i°  parce  qu'elles  ne  sont  pas  de  mémo  nature  que 
ces  filaments  et  2°  parce  qu'elles  ne  sortent  pas  normalement  des  cellules 
pour  passer  dans  cette  lumière.  On  ne  peut  pas  davantage  admettre  que 
le  mécanisme  normal  de  l'excrétion  du  produit  fabriqué  dans  les  cellules 
consiste  dans  l'expulsion  mécanique  des  autres  enclaves,  c'est-à-dire  de 
celles  qui  sont  dépourvues  d'affinité  pour  le  bleu  carmin,  à  cause  de  la 
grande  rareté  de  ces  dernières. 

Il  faut  chercher  ailleui's  l'origine  des  filaments  qui  nous  occupent. 

Dans  le  but  d'obtenir  des  données  positives  à  ce  sujet,  nous  avons 
institué  sur  les  Owenia  quelques  expériences  tendant  à  provoquer  dans  les 
organes  fileurs  un  surcroit  d'activité.  Ces  organes  semblent  sécréter  d'une 
façon  lente  mais  continue  le  produit  dont  l'animal  se  sert  pour  accroître 
sans  cesse  son  tube,  car  la  longueur  de  celui-ci  dépasse  toujours  de  beau- 
coup celle  du  corps.  Il  était  donc  à  supposer  que,  si  l'on  parvenait  à  aug- 
menter d'une  façon  soudaine  la  dépense  du  produit,  en  d'autres  termes 
l'évacuation  du  contenu  glandulaire,  les  cellules  qui  le  fabriquent  se  met- 
traient à  sécréter  plus  activement  et  permettraient  peut-être  de  surprendre 
quelque  phase  de  leur  mécanisme  excrétoire. 

L'enlèvement  du  tube  devait,  semblait-il,  provoquer  chez  l'animal  des 
efforts  tendant  à  refaire  le  plus  vite  possible  une  enveloppe  protectrice 
et,  par  suite,  à  produire  un  surcroît  d'activité  de  ses  glandes. 

Une  série  d'individus  furent  donc  extraits  de  leur  tube  et  placés  dans 
un  aquarium  où  l'eau  de  mer  se  renouvelait  rapidement. 

Ils  y  furent  déposés  sur  un  fond  de  sable  grossier  contenant  tous  les 
éléments  qui  se  trouvent  dans  les  gaines  normales.  Des  pierres  couvertes 
d'algues  d'espèces  diverses  y  furent  aussi  déposées  clans  le  but  de  réaliser  des 
conditions  aussi  voisines  que  possible  des  conditions  habituelles  de  la  vie 
du  ver.  L'aquarium  était  placé  dans  un  endroit  très  faiblement  éclairé  et 
constamment  à  l'abri  de  la  lumière  directe  du  soleil. 

Disons  en  passant  que  l'extraction  du  ver  n'est  pas  chose  facile. 
Claparède  avait  déjà  noté  ce  fait  et  il  l'explique  par  l'action  des  crochets 
portés  par  les  tores,  et  dont  il  évalue  le  nombre  à   150000.  Nous  avons 


3i6  Gustave   GILSON 

réussi  en  découpant  d'abord  avec  un  scalpel  quelques  tronçons  de  la  partie 
antérieure  du  tube  sans  blesser  l'animal.  A  un  moment  donné,  cette  opéra- 
tion devenait  impossible  :  le  ver  irrité  se  gonflait  et  faisait,  sans  doute,  agir 
ses  crochets.  Nous  introduisions  alors  dans  la  partie  postérieure  du  tube 
une  canule  de  verre  et  nous  attendions  patiemment  que  l'habitant  s'étendit. 
Alors,  une  insufflation  brusque  nous  permettait  parfois  de  le  projeter  vio- 
lemment hors  de  sa  demeure. 

Douze  On>enia  dénudées  et  placées  dans  les  conditions  ci-dessus  indi- 
quées vécurent  pendant  cinq  semaines.   Les  vers  se  tenaient  couchés  à  la 
surface  du  sable  et  se  mouvaient  très  peu.  Pas  un  seul  ne  refit  son  tube. 
Dans  une  autre  expérience,  nous  laissâmes  aux  vers,  autour  de  leur  ex- 
trémité caudale,  un  tronçon  de  tube  long  d'un  centimàtre.  Dès  le  lendemain,  • 
tous  s'en  étaient  débarrassés.  Leur  sort  fut  semblable  à  celui  des  premiers. 
Dans  des  essais  ultérieurs,  nous  leur  avons  laissé  un  tronçon  équivalent 
à  un  peu  moins  de  la  moitié  de  la  longueur  du  corps.  Tous  se  refirent  un 
tube.   Trois  jours  après  la  dénudation,   la  plupart  des  individus  avaient 
allongé  leur  tronçon  d'environ  un  demi-centimètre,  et  se  tenaient  repliés  en 
deux  dans  cette  gaine  encore  trop  courte,  de  telle  façon  que  leur  corps  se 
trouvait  déjà  presque  entièrement  protégé.   L'extrémité   antérieure  de  ce 
tube  nouveau  était  encore  nue  et  dans  la  suite  il   y    resta   toujours  une 
portion  nue  dont  la  longueur  variait  de  un  millimètre   à    un    centimètre. 
Il  résulte  de  ces  expériences  que  la  gaine  interne  s'établit  d'abord  et  ne  se 
recouvre  de  pierrettes  que  graduellement  et  seulement  un  certain  temps 
après  son  édification.   Les  tubes  que  l'on  trouve  dépourvus  de  tronçon  nu 
en  avant  sont  donc,  selon  toute  apparence,  dans  un   état  temporaire  de 
non-croissance. 

Les  particules  solides,  disons-nous,  ne  paraissent  adhérer  à  la  gaîne 
qu'après  un  certain  temps.  Ce  fait  est  assez  étrange,  surtout  si  l'on  songe 
que  la  substance  émise  par  les  glandes  filières  se  durcit  rapidement  sous 
l'eau  comme  la  soie  des  trichoptères  et  des  argyronètes  (i). 

-On  peut  supposer  par  là  que  des  portions  de  substance  déversées  ulté- 
rieurement sur  la  face  externe  des  premières  couches  établies  servent  à  fixer 
ces  particules  au  tube.  Peut-être  le  produit  de  certaines  cellules  sécrétantes 
de  l'épiderme  sert-il  aussi  de  ciment.  L'observation  des  Oivenia  vivant 
dans  leur  milieu  naturel  ne  manquerait  pas  de  fournir  des  éclaircissements 
à  ce  sujet. 


(i)    G.  GiLSON  :  La  soie  et  les  appareils  séricigenes.   Trichoptères;  La  Cellule,  t.  X,   i^  fasc,   1894. 


LES     GLANDES     FILIERES     DE    L  OWENIA     FUSIFORMIS  31? 

Ces  phénomènes  extérieurs  constatés,  nous  fixâmes  les  glandes  de  quel- 
ques individus  ayant  refait  un  tronçon  de  tube  depuis  3,  4  et  5  jours.  Aucun 
changement  visible  n'était  survenu  dans  l'état  de  leur  épithélium.  Comme 
chez  les  individus  fraîchement  péchés,  les  cellules  épithéliales  se  présent 
talent  dans  des  états  divers  :  tantôt  remplies  d'enclaves,  tantôt  dépourvues 
de  celles-ci.  Le  contenu  des  glandes  était  pourtant  notablement  moins  abon- 
dant; le  cylindre  de  substance  filifère  ne  remplissait  plus  toute  la  lumière. 

Nous  attendîmes  alors  jusqu'au  quatorzième  jour  après  l'enlèvement 
partiel  du  tube.  A  partir  de  ce  moment,  nous  rencontrâmes  des  glandes 
présentant  un  aspect  particulier.  C'étaient  des  glandes  à  enclaves;  mais 
celles-ci  étaient  plus  petites  et  moins  nombreuses  que  d'habitude.  En  outre, 
beaucoup  de  cellules  présentaient  dans  la  partie  de  leur  cytoplasme  avoisinant 
la  lumière  une  modification  bien  nette,  fig.  12.  Cette  partie  était  entière- 
ment dépourvue  d'enclaves  ;  elle  se  distinguait  de  la  partie  externe  de  la 
cellulç  par  une  opacité  frappante  et  un  aspect  richement  granuleux.  Aucune 
partie  des  glandes  non  mises  en  expérience  ne  nous  avait  jusque  là  présenté 
cet  aspect.  Parmi  ces  cellules  modifiées,  il  s'en  trouvait  d'autres  dont  le 
cytoplasme  avait  gardé  l'aspect  lâche  et  réticulé,  habituel  aux  éléments  à 
enclaves,  fig.  12,  co. 

Nous  croyons  que  ces  deux  modifications  concomitantes  :  la  dimi- 
nution des  enclaves  et  l'apparition,  dans  la  zone  voisine  de  la  lumière, 
d'une  substance  granulée  très  dense  s'expliquent  naturellement.  Les 
enclaves  qui  constituent  des  matériaux  de  réserve  accumulés  se  dissolvent 
à  un  moment  donné,  et  à  leurs  dépens  il  s'organise  d'autres  substances 
qui  se  déposent  sous  forme  de  granules  vers  l'extrémité  interne  ou  sécré- 
tante de  la  cellule. 

Ajoutons  à  cette  observation  que,  pas  plus  dans  les  glandes  provenant 
d'individus  soumis  à  la  dénudation  que  dans  celles  des  animaux  fraîchement 
dragués,  nous  n'avons  rencontré  d'enclaves  tombées  dans  la  lumière  du  tube 
glandulaire;  jamais  non  plus,  les  cellules  épithéliales  ne  s'ouvrent  pour 
déverser  directement  des  substances  contenues  dans  leur  protoplasme. 

L'ensemble  de  ces  remarques  nous  oblige  à  admettre  que  la  substance 
remplissant  les  tubes  glandulaires  de  VOn'euia  y  est  déversée  par  les  cellu- 
les épithéliales  de  la  même  façon  que  la  soie  ou  la  substance  séricigène  est 
déversée,  chez  les  lépidoptères  et  les  trichoptères,  par  les  cellules  des  glandes 
filières,  c'est-à-dire  par  un  phénomène  de  suintement  régulier  à  travers  la 
membrane  cellulaire. 


3i8  Gustave   GILSON 

En  augmentant  expérimentalement  la  dépense  de  la  substance  filière, 
on  provoque,  après  un  certain  temps,  une  recrudescence  d'activité  dans 
les  glandes.  Mais  on  ne  cause  ainsi  ni  le  passage  direct  des  enclaves  dans 
la  lumière,  ni  l'ouverture  des  cellules,  ni  rien  qui  ressemble  au  mode  de 
sécrétion  par  déversement  direct,  dont  les  cellules  caliciformes  offrent  le 
type.  On  provoque,  au  contraire,  par  ce  moyen,  la  dissolution  des  enclaves 
qui  paraissent  constituer  de  simple  matériaux  de  réserve  et,  sans  doute, 
ultérieurement  une  recrudescence  dans  le  phénomène  du  suintement  ou 
de  l'excrétion  du  produit  spécial  de  la  sécrétion. 

Le  mécanisme  de  la  sécrétion,  ou  plutôt  de  l'excrétion  cellulaire,  est 
donc  le  même  dans  les  glandes  filières  de  VOivenia  que  dans  celles  des 
lépidoptères  et  des  trichoptères.  Dès  lors,  il  est  certain  que  les  filaments 
charriés  par  la  masse  visqueuse  produite  par  ces  glandes  n'ont  pas  la  même 
signification  que  les  bâtonnets  qui,  chez  les  Phyllodoce  et  d'autres  vers, 
se  forment  dans  le  cytoplasme  des  cellules  glandulaires,  ou  que  les  rhabdites 
des  turbellariés  et  les  nématocystes  des  cnidaires. 

Les  filaments  de  VOivenia  se  forment  de  toutes  pièces  dans  la  lumière 
du  tube,  aux  dépens  du  liquide  épais  qui  suinte  à  travers  la  membrane 
cellulaire.  Ce  phénomène  remarquable  n'est  pourtant  pas  unique  de  son 
espèce;  il  existe  d'autres  exemples  de  formation  spontanée  de  productions 
solides  au  sein  de  liquides  sécrétés.  Tels  sont,  par  exemple,  les  globules 
charriés  par  le  plasma  des  vésicules  séminales  de  certains  animaux.  Mais 
il  convient  surtout  de  les  rapprocher  des  fils  solides  de  soie  proprement  dite 
élaborés  par  les  larves  des  lépidoptères  et  des  trichoptères.  Ceci  demande 
un  mot  d'explication. 

Rappelons  d'abord  les  conclusions  auxquelles  nous  ont  mené  de  précé- 
dentes recherches  sur  ces  deux  groupes  d'insectes  (i).  Chez  les  chenilles, 
comme  chez  les  phryganes,  l'épithélium  des  glandes  déverse  un  liquide 
visqueux  par  suintement  au  travers  d'une  membrane  intacte.  Au  sein  de  ce 
liquide,  il  apparaît  un  cylindre  occupant  l'axe  du  tube  glandulaire  et  formé 
d'une  substance  plus  réfractaire  et  plus  brillante  que  la  partie  périphérique 
de  ce  contenu.  Cette  substance  centrale  devient  le  fil  de  soie.  C'est  elle  que 
la  larve  étire  en  un  filament,  dont  elle  peut  faire  varier  l'épaisseur  grâce  à 
un  appareil  tout  spécial  situé  dans  la  partie  antérieure  du  système  fileur. 
Elle  s'épaissit  déjà  dans  la  glande,  à  mesure  qu'elle  s'approche  de  la  partie 


(Il     E.    GiLSON    :   La  soie  et  les  appareils  scridgciies.    Lépidoptères  et   Trichoptères;   La  Ceixule, 
t.    VI,    i"-  fasc.    et  t.   X,    i"^    fasc. 


LES     GLANDES     FILIÈRES     DE     L  OWENIA     FUSIFORMIS  319 

supérieure,  et  devient  complètement  solide  immédiatement  après  sa  sortie 
de  la  canule  fileuse,  soit  qu'elle  se  trouve  alors  exposée  à  l'air  comme  chez 
les  chenilles,  ou  qu'elle  soit  plongée  dans  l'eau  comme  chez  les  phryganes 
et  VArgjToueta.  La  couche  périphérique  est  entraînée  avec  la  substance 
centrale  et  son  épaisseur  est  réglée  plus  ou  moins  par  la  presse  fileuse.  Elle 
constitue  le  grès  du  fil  de  cocon.  On  ne  peut  faire  que  des  hypothèses  au 
sujet  de  la  genèse  de  ce  fil  central.  Nous  sommes  porté  à  admettre  que  la 
couche  périphérique  ou  grès  n'est  autre  chose  que  le  liquide  excrété  lui-même, 
comme  tel  ou  additionné  peut-être  des  produits  de  déchets  du  travail  qui 
a  pour  résultat  la  formation  de  la  substance  centrale  ou  fibroïne.  Quant  à  la 
cause  de  ce  dernier  phénomène,  elle  nous  échappe  aussi  bien  que  celle  qui 
empêche  le  durcissement  de  la  soie  dans  la  glande  ;  Krukenberg  appelle 
celle-ci  "  ein  mysteriôser  Einfluss.  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  phénomènes  visibles  de  la  sécrétion  des  glandes 
de  l'Oweuia  comprennent  deux  phases  semblables  :  1°  le  suintement 
d'un  liquide  visqueux  au  travers  d'une  membrane  intacte;  2°  l'apparition 
pour  ainsi  dire  spontanée  de  parties  solides  au  sein  de  ce  liquide  visqueux. 
Seulement,  au  lieu  du  cylindre  unique  et  homogène  de  substance  axiale 
ou  de  fibroïne  des  insectes,  il  apparaît  ici  un  grand  nombre  de  filaments 
très  fins.  Le  liquide  qui  charrie  les  fils  serait  donc  analogue,  —  nous  ne 
disons  pas  identique,  —  au  grès  de  la  soie,  et  les  écheveaux  de  filaments 
correspondraient  à  la  soie  elle-même. 

Une  observation  faite  au  cours  de  ces  recherches  nous  éloigna  pendant 
quelque  temps  de  cette  m.anière  de  voir,  mais  nous  y  revînmes  bientôt. 
Ayant  débité  une  glande  en  coupes  longitudinales,  nous  remarquâmes  qu'il 
existait  sur  une  certaine  longueur  une  couche  de  substance  apparemment 
dépourvue  de  filaments.  Ce  fait  rendait  plus  naturel  encore  le  rapproche- 
ment entre  les  chenilles  et  VOivenia.  Mais  dans  le  but  de  reconnaître  si  les 
filaments  étaient  réellement  absents  dans  cette  zone,  ou  simplement  cachés, 
nous  traitâmes  la  coupe  par  la  soude  caustique  pendant  une  douzaine 
d'heures.  Nous  l'examinâmes  après  neutralisation,  lavage  et  coloration  par 
le  bleu-carmin.  Chose  assez  remarquable,  la  substance  qui,  dans  son  état 
naturel,  refuse  absolument  le  bleu  carmin,  le  fixait  alors  intensément.  Une 
partie  du  contenu  avait  entièrement  disparu  et  l'on  constatait  dans  le  tube  de 
nombreux  espaces  vides.  Cependant,  en  quelques  endroits,  de  fortes  traînées 
rattachaient  encore  la  masse  centrale,  riche  en  filaments,  à  l'épithélium  et, 
dans  ces  parties,  on  apercevait  de  nombreux  filaments  grêles,  un  peu  granu- 


320 


Gustave   GILSON 


leux  et  assez  mal  définis,  fig.  11.  Beaucoup  d'entre  eux  se  poursuivaient 
jusqu'à  l'épithélium  et  se  rattachaient  à  la  membrane  cellulaire  elle-même. 
Devant  cette  apparence,  il  y  avait  lieu  de  se  demander  si  ces  filaments 
grêles,  courant  obliquement  vers  l'orifice  de  l'organe,  c'est-à-dire  dans  le 
sens  de  l'excrétion,  ne  sortaient  pas  directement  du  protoplasme  et  si  la 
membrane  cellulaire  ne  jouait  pas,  dans  leur  formation,  le  rôle  d'un  crible 
dans  lequel  on  comprimerait  une  substance  pâteuse.  Leur  genèse  s'expli- 
querait alors  par  un  phénomène  mécanique. 

Mais  nous  avons  remarqué  bientôt  que,  tout  minces  qu'ils  étaient,  ces 
filaments  en  formation  sont  encore  plus  gros  que  les  mailles  si  fines  de 
la  membrane.  Ils  sont  aussi  infiniment  moins  nombreux.  En  outre,  la 
substance  qui  les  constitue  n'est  pas  décelable  comme  telle  de  l'autre  côté 
de  la  membrane  ;  celle-ci  était  restée  intacte.  Ces  remarques  nous  éloignent 
déjà  de  cette  interprétation  et  nous  portent  à  chercher  l'explication  du 
phénomène  ailleurs  que  dans  un  processus  qui  paraît  bien  grossier,  si  on 
songe  à  l'extrême  délicatesse  de  la  membrane  filtrante. 

En  outre,  une  observation  positive  que  nous  fîmes  vers  la  même  époque 
vint  à  la  fois  nous  faire  abandonner  complètement  cette  hypothèse,  et  lever 
nos  doutes  au  sujet  de  l'autre  interprétation  de  la  genèse  des  filaments. 

En  étudiant  les'  enclaves  blanches,  celles  qui  refusent  le  bleu-carmin, 
comme  la  soie,  et  dont  nous  avons  signalé  la  rencontre  accidentelle,  nous 
remarquâmes  que  l'une  d'entre  elles,  très  volumineuse,  présentait  exacte- 
ment le  même  aspect  que  le  contenu  du  tube  :  on  y  distinguait  une  foule  de 
filaments  enroulés,  identiques  à  ceux  que  baigne  le  liquide  excrété  par  les 
cellules  ou,  peut-être,  un  peu  plus  ténus.  Cette  observation  importante  dé- 
montre deux  choses  :  i°  que  les  enclaves  blanches  sont  bien  des  masses  du 
produit  spécial  de  la  sécrétion  et  que,  par  suite,  les  enclaves  colorées  en 
vert  par  le  bleu-carmin  n'en  sont  pas;  2°  que  les  fils  se  forment  pour  ainsi 
dire  spontanément  dans  la  substance  sécrétée  et  non  par  l'action  de  la 
membrane  qui  agirait  comme  un  crible.  Nous  avons  revu  l'aspect  filamenteux 
dans  une  autre  enclave  plus  petite,  qui  est  précisément  celle  qui  est  repré- 
sentée dans  la  fig  10,  et  dans  d'autres  plus  grosses. 

L'aspect  de  la  coupe  représentée  fig.  11  ne  peut  donc  indiquer  qu'une 
seule  chose  :  c'est  que  les  filaments  se  forment  très  tôt  dans  la  substance 
excrétée  par  les  cellules  épithéliales.  Et  c'est  peut-être  en  cela  que  gît 
la  cause  de  la  différence  entre  VOwenia  et  les  chenilles.  Chez  ces  dernières, 
la  formation  et  le  triage  des  molécules  qui  vont  constituer  la  soie  étant  des 


LES     GLANDES     FILIERES     DE     L  OWENIA     FUSIFORMIS  32  1 

phénomènes  moins  hâtifs,  plus  lents,  plus  réguliers,  aboutissent  à  la  for- 
ination  d'une  seule  masse  homogène,  le  cylindre  central.  Chez  VOtvenia,  ils 
se  produisent  immédiatement  et  de  façon  à  former,  non  pas  un  seul  amas 
central,  mais  une  foule  de  petits  amas  filamenteux.  De  même,  une  sub- 
stance peut  cristalliser  suivant  les  conditions  en  s'ordonnant  autour  d'un 
grand  nombre  de  centres  d'attraction,  ou  bien  en  ne  formant,  au  contraire, 
qu'un  petit  nombre  de  gros  cristaux. 

Le  liquide  qui  charrie  les  filaments  de  YOipenia  peut  être  considéré 
comme  l'analogue,  —  non  pas  exactement  au  point  de  vue  chimique,  mais 
bien  au  point  de  vue  physiologique,  —  du  grès  des  lépidoptères.  C'est 
dans  lui  que  sont  nés  ces  filaments  ;  il  représente  les  eaux-mères  d'une 
cristallisation.  Mais  il  se  transforme  lui-m.ême,  par  une  coagulation  spéciale, 
en  une  substance  solide,  après  l'édification  du  tube;  et  dans  cet  état,  il 
paraît  différer  moins  de  la  substance  des  filaments  que  le  grès  ne  diffère 
de  la  soie. 

Evacuation    de    la   substance  sécrétée. 

Contrairement  aux  glandes  filières  des  insectes,  les  glandes  de  VOivenia 
sont  munies  d'une  tunique  de  fibres  musculaires  longitudinales,  et  il  n'est 
pas  douteux  que  la  contraction  de  celles-ci  ne  soit  l'agent  du  phénomène  de 
l'évacuation  de  leur  contenu.  En  somme,  l'absence  d'éléments  contractiles 
dans  les  glandes  des  larves  fileuses  est  un  fait  plus  singulier  que  leur 
présence  chez  YOwenia.  Cette  absence  est  en  rapport  avec  le  mode  tout 
particulier  d'excrétion  du  produit  visqueux  de  leurs  glandes,  à  savoir  : 
l'étirement,  l'extraction  purement  mécanique  de  cette  substance.  Ici, 
la  contraction  musculaire,  aidée  peut-être  par  la  pression  interne  du 
corps,  peut  seule  causer  l'évacuation;  l'étirement,  s'il  se  produit,  doit 
être  accidentel. 

L'obturation  de  la  glande,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  n'est  assurée 
que  par  la  rétraction  tonique  ou  élastique  des  parties  avoisinant  l'orifice^ 
Aucun  appareil  dilatateur  ne  s'est  révélé  à  nous.  Il  semble  donc  que  les 
fibres  musculaires,  pour  effectuer  l'expulsion,  doivent  vaincre  une  certaine 
résistance  résultant  de  ce  mode  grossier  d'obturation.  Rien  ne  représente 
ici  l'appareil  que  nous  avons  décrit  sous  le  nom  de  presse  chez  les  che- 
nilles et  les  larves  de  phryganes  et  qui  font  des  organes  séricigènes  de  ces 
êtres  un  instrument  si  précis  et  capable  de  rendre  à  leur  possesseur  des 
services  si  variés. 

40 


322  Gustave   GILSON 

Usage   de   la    substance   sécrétée. 

Le  produit  des  glandes,  quelle  que  soit  sa  nature  chimique,  sert  à  la 
confection  du  tube  dans  lequel  VOxpenia  passe  son  existence.  C'est  ce  que 
démontre  l'étude  de  ce  tube  lui-même,  ainsi  que  nous  le  verrons.  L'animal 
s'en  sert  pour  se  faire  d'abprd  une  gaîne  transparente  et  régulière  sur 
laquelle  il  fixe  bientôt  des  particules  étrangères  pour  la  consolider,  la 
protéger  et  la  cacher. 

STRUCTURE    DU    TUBE    DE    L'OWENIA. 

Le  tube  de  VO)venia  est  d'ordinaire  beaucoup  plus  long  que  le  corps 
de  l'animal,  il  atteint  jusqu'à  30  centimètres  de  long.  Extérieurement,  il 
paraît  formé  d'une  agrégation  de  particules  minérales  dont  les  dimensions 
variables  n'excèdent  guère  un  millimètre.  Elles  consistent  en  débris  de 
coquilles  de  mollusques,  de  tubes  calcaires  d'annélides,  de  grains  de  quartz 
et  d'autres  fragments  de  roches.  On  y  trouve  aussi  des  débris  de  tissus 
végétaux. 

Tout  cet  amas  pierreux  ne  constitue  que  le  revêtement  extérieur  du 
tube  proprement  dit.  Celui-ci  est  formé  d'une  substance  blanche,  souple 
élastique  et  résistante.  Il  est  visible  à  nu  à  son  extrémité  postérieure  où  il 
fait  une  saillie  plus'  ou  moins  longue  hors  de  la  gaîne  minérale.  Cette  partie 
postérieure  est  de  forme  conique  et  se  termine  en  pointe.  Il  existe  à  son 
exti'émité  un  orifice  étroit  qui  sert  probablement  à  la  sortie  des  excréments, 
FiG.  22.  Cette  portion  représente  sans  doute  la  partie  la  plus  ancienne  du 
tube,  la  première  que  l'animal  ait  sécrétée  au  début  de  son  existence. 

On  remarquera  dans  la  fig.  22  que  les  couches  les  plus  externes  de  la 
paroi  ne  s'avancent  pas  jusqu'à  l'extrémité  du  cône  postérieur;  elles  s'arrêtent 
à  une  certaine  distance  en  formant  souvent  un  léger  bourrelet.  Ce  détail 
n'est  pas  sans  importance.  Il  indique  que  l'épaississement  de  cette  paroi 
doit  se  faire  par  l'apposition  de  couches  nouvelles  sur  la  face  extérieure 
des  couches  précédemment  formées. 

Très  souvent,  l'extrémité  antérieure  du  tube  proprement  dit  est  égale- 
ment nue.  Elle  est  toujours  cylindrique  et  présente  un  orifice  assez  large 
pour  laisser  passer  le  corps  du  ver,  tout  en  l'enserrant  étroitement  ;  son 
bord  est  souvent  replié  à  l'intérieur  en  forme  d'ourlet.  Les  expériences  que 
nous  avons  relatées  plus  haut  ont  démontré  que  cette  partie  antérieure, 
la  dernière  construite,  ne  se  recouvre  que  graduellement  de  particules 
étrangères. 


LES    GLANDES     FILIÈRES     DE     LOWENIA     FUSIFORMIS  323 

Les  deux  extrémités  étant  nues  peuvent  être  enlevées  et  examinées 
comme  telles  avec  la  plus  grande  facilité.  Mais  il  est  aisé  aussi  de  dégager 
la  gaine  de  son  revêtement  minéral  en  raclant  le  tube  à  l'aide  d'un  scalpel 
sous  un  filet  d'eau  ;  on  arrive  ainsi  avec  un  peu  d'adresse  à  la  dégager  sur 
toute  sa  longueur  sans  l'inciser  ni  la  déchirer.  Si  alors  on  introduit  dans 
l'extrémité  antérieure  un  tube  de  verre  effilé,  on  peut  l'insuffler,  la  gonfler 
et  constater  qu'elle  est  absolument  imperforée,  sauf  à  ses  deux  extrémités. 
La  surface  de  la  portion  débarrassée  des  grains  de  sable  est  couverte  d'em- 
preintes laissées  après  l'enlèvement  de  ces  particules. 

Des  coupes  transversales  des  deux  portions  naturellement  nues  mon- 
trent que  la  paroi  de  la  gaine  est  épaisse  et  formée  d'un  grand  nombre  de 
couches  concentriques,  fig.  21.  Parfois,  on  distingue  une  zone  extérieure 
présentant  par  endroits  de  fortes  stries  radiales.  Celles-ci  paraissent  trop 
grossières  pour  être  des  stries  de  structure  analogues  à  celles  des  cuticules 
véritablps,  elles  se  présentent  plutôt  comme  des  effets  de  plissement 
intérieur. 

Des  coupes  tangentielles  montrent  dans  cette  paroi  un  système  assez 
peu  régulier  de  stries  circulaires  grossières;  et  l'application  d'un  système 
grossissant  assez  fort  y  fait  apparaître  une  multitude  de  stries  longitudinales 
très  fines,  mais  assez  irrégulières.  Ces  dernières,  à  en  juger  par  leur  gros- 
seur, ne  soîit  autre  chose  que  les  filaments  produits  par  les  glandes. 

Telles  sont  les  données  que  nous  ont  fournies  des  coupes  obtenues  par 
les  procédés  ordinaires  d'enrobage  à  la  paraffine.  Mais  un  autre  procédé, 
que  nous  ne  décrivons  pas  ici  parce  qu'il  exige  encore  des  perfectionnements, 
nous  a  permis  de  pratiquer  des  sections  dans  le  tube  complet,  non  débar- 
rassé de  son  revêtement  minéral.  Celles-ci  se  sont  montrées  bien  plus 
intéi'essantes  que  les  premières,  pour  le  double  motif  qu'elle  établissaient 
avec  précision  les  rapports  de  la  gaîne  organique  avec  le  revêtement  minéral 
et  que  la  texture  de  la  première  y  était  beaucoup  plus  distincte. 

L'une  de  ces  sections  est  représentée,  fig.  23,  sous  un  faible  grossisse-_ 
ment.  On  y  notera  d'abord  que  la  gaîne  comprend  deux  parties  :  une  zone 
interne,  d'épaisseur  à  peu  près  égale  et  parcourue  de  couches  concentriques 
assez  régulières,  et  une  zone  externe  irrégulière.  Cette  dernière  envoie  des 
prolongements  entre  les  particules  étrangères  et  paraît  formée  de  lambeaux 
jetés  sur  la  première  et  chargés  de  relier  à  celle-ci  les  éléments  divers  du 
revêtement  minéral. 


40. 


324  Gustave    GILSON 

La  zone  interne  représente  la  portion  la  première  établie,  celle-là  même 
qui  souvent  se  présente  seule  et  nue  à  l'extrémité  antérieure  du  tube, 
FiG.  21.  La  seconde,  au  contraire,  est  formée  des  masses  de  substance 
déposées  secondairement  à  l'extérieur  des  premières.  Elle  correspond,  en 
partie,  aux  couches  surajoutées  qui  se  superposent  par  étages  à  l'extrémité 
postérieure,  fig.  22.  On-  en  voit  des  prolongements  s'insinuer  entre  les 
premières  pierres  du  revêtement  et  s'accoler  à  des  particules  plus  exté- 
rieures appartenant  à  une  deuxième  assise  minérale  irrégulière.  Certains 
grains  sont  presque  entièrement  enveloppés  par  eux. 

Cette  zone  contient,  comme  l'interne,  des  couches  distinctes;  mais 
la  stratification  de  celles  ci  est  loin  de  concorder  avec  celle  des  couches 
sous-jacentes.  Elle  est  souvent  oblique  et  parfois  même  perpendiculaire  à 
cette  dernière. 

La  substance  des  deux  zones  examinée  dans  ces  coupes  présente,  outre 
les  couches  stratifiées,  d'innombrables  points  brillants  disposés  en  lignes, 
à  peu  près  comme  ces  couches.  Ces  points  sont  parfois  ronds;  mais  d'autres 
fois  ils  s'allongent  et  affectent  la  forme  de  bâtonnets  ou  même  de  véritables 
tronçons  de  filaments.  L'emploi  d'un  bon  objectif  à  immersion  fait  recon- 
naître en  eux  d'une  façon  indubitable  les  filaments  qui  préexistent  à  la  for- 
mation de  la  gaîne  et  sont  charriés  par  le  liquide  qui  remplit  les  glandes. 
Ces  filaments  s'ont  souvent  disposés  en  petits  groupes  de  trois  ou  quatre; 
ailleurs  ils  sont  en  rangées  simples.  Ils  ont  certainement  une  tendance  à 
s'orienter  dans  le  sens  de  la  longueur  du  tube. 

CONFECTION    DU    TUBE. 

On  peut  se  représenter  de  la  manière  suivante  les  divers  actes  de  l'édi- 
fication ou,  plus  exactement,  de  l'accroissement  du  tube,  car  la  larve  de 
VOxi'enia  n'étant  pas  connue,  on  n'a  pu  l'observer  jetant  les  bases  de  l'édifice. 

La  substance  élaborée  par  les  glandes  est  expulsée  de  celles-ci  par  la 
contraction  de  leurs  fibres  musculaires.  Elle  tombe  alors  dans  l'espace  qui 
existe  entre  le  corps  de  l'animal  et  la  gaîne  déjà  formée.  Se  mêle-t-elle  là 
avec  le  produit  de  certaines  cellules  glandulaires  dont  il  existe  un  nombre 
immense  et  des  variétés  diverses  dans  l'épiderme?  Nous  l'ignorons.  Notons 
qu'étant  elle-même  insoluble  dans  l'eau,  elle  est  peu  apte  à  se  mêler  aux 
substances  muqueuses,  c'est-à-dire  extraordinairement  riches  en  eau,  qui 
sont  déversées  par  le  plus  grand  nombre  de  ces  cellules  caliciformes.  La 


LES     GLANDES     FILIERES     DE    LOWENIA     FUSIFORMIS  325 

présence  de  ces  derniers  éléments  n'a,  comme  on  sait,  rien  de  spécial  à 
YOjvenia.  Ils  existent  chez  tous  les  annélides  en  plus  ou  moins  grande 
quantité  et  leur  produit  visqueux  joue  chez  tous  un  rôle  de  protection.  Chez 
les  tubicoles,  il  sert  en  outre  à  faciliter  le  glissement  du  ver  dans  son  tube. 
Mais  parmi  les  cellules  glandulaires  épidermiques  de  YOjvenia,  il  en 
est  dont  le  contenu  granuleux  particulier  ressemble  à  celui  des  éléments 
qui,  chez  beaucoup  d'autres  tubicoles,  servent  seuls  à  la  fabrication  du 
tube.  La  masse  filifère  déversée  par  les  glandes  filières  se  mêle-t-elle  au 
produit  spécial  de  ces  dernières?  C'est  possible,  mais  pas  démontré.  Rien 
dans  l'aspect  de  la  paroi  du  tube  ni  dans  ses  réactions  ne  nous  a,  jusqu'ici, 
révélé  ce  fait. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  liquide  filifère  doit  sortir  de  cet  espace;  car  de 
l'examen  de  nos  coupes  longitudinales  et  transversales,  il  ressort  qu'il  ne 
s'applique  pas  à  la  face  interne  de  la  gaine.  Il  doit  donc  gagner  les  bords 
de  l'orifice  antérieur.  Or,  pour  ce  qui  concerne  la  sixième  et  la  septième 
paire,  l'espace  qui  l'en  sépare  est  considérable;  il  peut  atteindre  plus  de 
deux  centimètres.  Il  est  probable  que  le  corps  de  l'animal,  par  des  mou- 
vements successifs  d'allongement  et  de  rétraction,  entraîne  les  corps  gisant 
dans  la  cavité  de  la  gaine.  On  peut  concevoir  que  ces  mouvements,  en  se 
réglant  et  s'ordonnant  d'une  certaine  façon,  dirigent  les  petits  amas  de 
substance  plutôt  vers  l'avant  que  vers  l'arrière.  Une  part  importante  dans 
ce  phénomène  revient  sans  doute  aux  crochets  aigus  des  tores  ainsi  qu'aux 
cils  vibratiles  qui  recouvrent  certaines  régions  du  corps. 

Arrivées  à  l'orifice  antérieur,  les  masses  visqueuses  peuvent  ou  bien 
s'ajouter  au  bord  lui-même  et  contribuer  ainsi  à  l'allongement  de  la  gaine, 
ou  bien  être  rejetées  au-dehors  et  appliquées  à  la  surface  externe  pour  y 
faire  adhérer  les  particules  solides  qui  se  mettent  en  contact  avec  elle.  Il  est 
probable  que  l'observation  attentive  et  soutenue  de  l'animal  dans  son  état 
naturel  fournirait  des  données  plus  complètes  sur  ces  phénomènes.  Elle 
permettrait  peut-être  de  découvrir  si  les  tentacules  branchiaux  et  les  faisceaux 
de  soies  y  jouent  un  rôle  et  de  reconnaître  si  l'accroissement  du  tube  et 
l'application  des  particules  minérales  sont  le  résultat  d'actes  volontaires, 
intentionnels  pu  simplement  la  conséquence  de  mouvements  pour  ainsi  dire 
automatiques  et  sans  but  déterminé.  Nous  regrettons  de  n'avoir  pu  prolonger 
suffisamment  notre  séjour  à  Naples  pour  observer  des  colonies  à'Ojvenia 
bien  acclimatées  à  la  vie  d'aquarium. 


BIBLIOGRAPHIE 


Délie   Cfiiaje 

Kiilliker 


Descrizione  e  notomia  degli  animali  senza  vertèbre.  Napoli. 
Kurzer  Bericht  ûber  einige  im  Herbst  1864  an  der  Westkûste  von 
Schottland  angestellte  vergleichend-anatomische  Untersuchungen  ; 
Separat-abdruck  aus  der  naturw.  Zeitschrift,  Bd.  V,  Wûrzburg,  1864. 
Claparède  :  Les  annélides  chétopodes  du  golfe  de  Naples  ;  Mém.  de  la  Soc. 
de  Phys.  et  d'Hist.  nat  de  Genève,  t.  XX  avec  suppl. 
I)  Recherches  sur  les   Annélides   sédentaires;    Ibid.,    t.  XXII,   1873. 

Beitrage  zur  feineren  Anatomie  der  Polychaeten.  Zweites  Heft.  Ana- 
tomie   von    Owenia  filiformis.    Wien,    C.    Gerold's   Sohn,    i885. 
Die   Capitelliden  ;    Fauna   und    Flora   des  Golfes  von    Neapel,  XVI, 
1887. 

Les    branchies    des   acéphales;    La    Cellule,    t.    IX,    i''    fasc,    iSgS. 
La    soie    et    les    appareils    séricigènes.     Lépidoptères;    La    Cellule, 
t.    VI,    ir   fasc,   1890. 
I)  Lépidoptères  (suite].  Trichoptères  ;  Ibid.,   t.  X,    !■■   fasc,   1894. 

Krukenberg    :   Vergleichend-physiologische    Vortrâge.    Heidelberg,    1886. 


von  Drasche 


H.    Eisig 


Fr.   Jdnjsens 
G.    Gilsvn 


i 


EXPLICATION  DE   LA  PLANCHE 


FIG.  1.  Croquis  topographique.  Oivenia  fusiformis  femelle  ouverte  par  une  inci- 
sion ventrale  longitudinale  :  bi\  branchies  fortement  contractées  par  l'alcool;  G'  à  G', 
glandes  filières  ;  G'  est  la  glande  rudimentaire  du  troisième  segment  thoracique  ; 
D-,  dissépiment  séparant  la  région  thoracique  de  la  région  abdominale  ;  eg,  entonnoir 
génital,  ;    Imd,    ligne   d'insertion    du    mésentère   dorsal   excisé. 

FIG.  2.  A  y^  1.  Croquis  topographique  indiquant  la  position  de  l'orifice  de  la 
quatrièine  paire  de  glandes  filières  :  og,  orifice  de  la  glande;  f,  faisceau  de  soies 
segmentaires  ;    t,    esquisse    du    premier   tore   uncinigère. 

FIG.  3.  A  y^  i.  Glande  de  la  sixième  paire  montrant  la  partie  glandulaire 
divisée  en  une  région  antérieure  sombre  et  une  région  postérieure  claire  :  et,  canal 
terminal. 

FIG.  4.  D  "^  I.  Coupe  longitudinale  à  la  limite  des  deux  régions  de  la  partie 
glandulaire  :  sixième  paire. 

FIG.  5.  Z)  X  2.  G-,  glande  rudimentaire  de  la  troisième  paire  :  m,  couche 
musculaire  de  la  paroi  du  corps;  mb,  membrane  basale;  ép,  épiderme  (hypoderme) 
avec   cellules   glandulaires. 

FIG.  6.  ^4  X  4- '  Gj,  glande  rudimentaire  de  la  troisième  paire;  _/,  faisceau 
de   soies    du   troisième   segment   thoracique;    ép,    épiderme. 

FIG.  7.  1/12X4-  Canal  terminal  :  c,  cellules  épithéliales  allongées,  vues  de 
face;    ce,    mêmes    cellules   en   section    optique;    /m,    fibres    musculaires   longitudinales. 

FIG.  8.  1/12  X  4-  Coupe  longitudinale  passant  par  l'embouchure  d'une  glande 
filière    :    sf,    substance   filifère    évacuée  ;    tiib,    membrane    basale. 

FIG.  9.  1/12  X  2.  Tronçon  de  canal  terminal  contourné  :  fm,  fibres  muscu- 
laires   longitudinales    contournant   obliquement   le   canal. 

FIG.  10.  1/12  X  4-  Portion  d'une  coupe  transversale  de  la  quatrième  glande  : 
11,  noyau  bosselé  et  uniformément  coloré;  fm,  fibres  musculaires  coupées  transver- 
salement; eb,  enclaves  blanches  contenant  des  filaments;  ef,  enclaves  de  réserve, 
teintées  en  -vert  par  le  bleu  carmin  ;  s/l,  substance  filifère.  On  y  distingue  des  fila- 
ments  diversement  orientés. 

FIG.  11.  i'i2  X  4-  Fragment  d'une  coupe  longitudinale  d'une  des  glandes, 
traitée  par  la  soude  caustique  :  //,  filaments  s'ébauchant  dans  la  substance  sécrétée 
aussitôt   après    le    suintement    de    celle-ci  :   fm  -\-  pr,    couche    musculaire    et  propria. 


330 


Gustave    GILSON 


FIG.  12.  1/12  X  4-  Fragment  d'une  coupe  longitudinale  d'une  glande  apparte- 
nant à  un  individu  extrait  de  son  tube  depuis  4  jours  ;  ce  tube  était  en  partie  refait  : 
eu,  enclaves  vertes  peu  volumineuses;  sg,  substance  granuleuse;  co,  cellule  ayant 
conservé   dans    toute    son    étendue    l'aspect   réticulé    ordinaire. 

FIG.  13.  1/12  X  4-  Fragment  de  coupe  transversale.  Épithélium  sans  enclaves  : 
nfm,    noyaux   des    fibres   musculaires. 

FIG.  14.  1/12  X  I-  Coupe  longitudinale.  Aspect  réticulé  du  cytoplasme.  Pas 
d'enclaves  ni  de  substance  granuleuse  ;  ne,  noyaux  de  la  propria  conjonctive  ;  fc,  fibre 
conjonctive   (ou    nerveuse?)   se   fixant   à    la   propria;  fin,    tunique   musculaire. 

FIG.  15.  1/12  X  4-  Coupe  longitudinale.  Épithélium  très  plat.  Noyaux  aplatis  : 
fm  -f-  P>'>    tunique   musculaire   et   propria. 

FIG.  16.  1/12  X  !•  Coupe  transversale  dans  la  partie  postérieure  d'une  glande 
à  enclaves  vertes  :  eb,  enclave  blanche  et  filaments  à  l'intérieur;  eu,  enclaves  vertes; 
n,    noj'au   bosselé. 

FIG.  17.  1/12  X  4-  Épithélium  vu  de  face.  Quatrième  glande.  Individu  dé- 
pouillé  partiellement    de    son    tube   depuis   cinq  jours. 

FIG.  18.  1/12  X  4-  Portion  de  la  face  interne  ou  sécrétante  d'une  cellule  épi- 
théliale    de   la    glande  filière. 

FIG.    19.      1/12  X  4-     Tronçons    moj'ens    des   fibres    musculaires    :    11,    noj'aux. 

FIG.    20.      1/12  X  4-     Extrémités    de    quelques    fibres   semblables. 

FIG.  21.  ^  X  4  réduit.  Section  transversale  de  la  portion  antérieure  nue  d'un 
tube   d'Oifenia.    Individu   fraîchement   pèche. 

FIG.  22  A  y,  1.  Extrémité  postérieure  d'un  tube.  On  y  remarque  l'orifice  o 
et  les  couches  externes  surajoutées  de  la  paroi.  Des  infusoires  se  voient  entre  la 
gaine   et   la    masse   excrémentitielle. 

FIG.  23.  ^4  X  !•  Section  transversale  du  tube,  un  peu  en  avant  de  la  moitié 
de  sa  longueur.  On  y  distingue  les  deux  zones  de  la  gaine  et  le  revêtement  minéral. 
Une  partie  de  celui-ci  avait  été  enlevée  avant  la  confection  de  la  coupe  ;  cm,  coa- 
gulums    muqueux. 


TABLE   DES  MATIÈRES 


Introduction   et    aperçu   historique 
Méthode    . 


299 
3oi 


APERÇU    ANATOMIQUE 


a)  Nombre   et   topographie  . 

b)  Forme  et  dimension 

c)  Signification   morphologique 


3o2 
304 


STRUCTURE  DE  L\  GLANDE. 


A.  Glande   proprement   dite 

EpilhcUum  . 
Tunique   nuisctilairc 
Propria 

B.  Canal   terminal. 

C.  Embouchure 

Les  glandes   atrophiées   de   la    troisième  paire 
Cause  de   leur   atrophie 


3oG 
3o6 
lïoc) 
309 
3 10 
3ii 
3 12 

3l2 


CONTENU    DE    LA    GLANDE. 

Recherches   sur   le   mode  de  sécrétion  du  liquide  filifére 
Evacuation   de   la   substance  sécrétée . 
Usage    de  la  substance  sécrétée 


:'i3 

321 
322 


STRUCTURE    DU    TUBE  DE    L  '  O  W  E  N  I  A     FUSIFORMIS. 
CONFECTION    DU    TUBE. 


Bibliographie 

Explication    de    la   planche 


32  ^ 
327 

320' 


Gust.Oilson .  aoL.  ruxl.  dei 


i''Gisl&  se. 


LE  SPHINCTER  DE  LA  NÉPHRIDIE 


DES 


GNATHOBDELLIDES 


PAR 


H.     BOLSIUS 

PROFESSEUR   AU    COLLÈGE    DE    OuDENBOSCH    (PaYS-Bas) 


(Mémoire  déposé  le  25  février  1894). 


41 


LE  SPHINCTER  DE  LA  NÉPHRIDIE  DES  GNATHOBDELLIDES 


Dans  notre  premier  mémoire  sur  les  organes  segmentaires  des  hirudi- 
nées  (La  Cellule,  t  V,fasc.  2j,  nous  avons  signalé  l'existence  d'un  sphincter 
à  la  base  de  la  vésicule  urinaire.  Toutefois,  nous  n'avons  guère  insisté 
alors  sur  cette  formation  :  à  deux  endroits  (p.  387  et  p.  414),  nous  la  men- 
tionnons comme  en  passant,  et  la  fig.  11  de  la  Pl.  I  la  représente  d'une 
façon  assez  élémentaire.  Mais  dans  un  deuxième  mémoire  sur  le  même 
sujet  (1),  nous  lui  avons  accordé  plus  d'attention,  et  nous  en  avons  fait  une 
étude  assez  complète,  accompagnée  de  trois  nouvelles  figures.  La  première 
de  ces  figures,  fig.  49,  est  une  vue  d'ensemble  de  toute  la  vésicule,  y  com- 
pris le  sphincter  ;  la  seconde,  fig.  50,  représente  sous  un  plus  fort  grossis- 
sement le  sphincter  seul;  la  troisième,  fig.  51,  reproduit  une  coupe  trans- 
versale du  même  organe. 

La  découverte  dé  ce  sphincter  n'a  pas  passé  inaperçue  :  le  D""  Arn. 
Graf,  dans  un  article  intitulé  r,  Zur  Kenntniss  der  Excretionsorgane  von 
Nephelis  vulgaris  (2),  -  en  parle  incidemment  en  ces  termes  :  ^  Bei  Flirudo 
hat  die  Blase  selbst  keine  Muskulatur,  sondern  es  ist  am  Ausfuhrunsgang 
ein  Sphincter  vorhanden.  Diesen  Sphincter  hat  Bolsius  zuerst  entdeckt, 
giebt  aber  eine  so  schematische  Figur  dafiir,  dass  ich  denselben  hier  auf 
Taf.  VIII,  Fig.  8,  nach  meinen  Praeparaten  abbilde....'^  (Voyez  notre  Pl.  I, 
FIG.  4,  cette  figure  réduite  aux  2/3.) 

L'auteur  ne  paraît  pas  avoir  pris  connaissance  du  passage  de  notre 
deuxième  mémoire,  —  cité  dans  sa  liste  bibliographique,  — -  qui  contient 
la  description  du  sphincter.  Il  décrit  donc  et  interprète  à  sa  manière  des 
dispositions  que  nous  avions  déjà  fait  connaître  et  interprétées  autrement. 


(1;    La   Cellule,   t.    VII,    fasc.    i,    iSg*. 

12)    Arn.    Graf   :   Jenaiscke  Zeitsclirift  fur  Njtunvisscnschaft,    N.    F.,  Bd.   XXl,    p.    ibo,   ss. 


336  H.    BOLSIUS 

Nous  ne  mettons  nullement  en  question  la  bonne  foi  de  Graf.  Néanmoins, 
étant  donné  l'intérêt  particulier  qui  s'attache  à  ce  sphincter,  nous  croyons 
juste  et  désirable  d'abord  que  nos  droits  de  priorité  soient  établis  et  ensuite 
que  la  structure  réelle  de  l'organe  soit  décrite  exactement. 

D'autre  part,  nous  avons  retrouvé  le  sphincter  dans  un  grand  nombre 
d'hirudinées  et  entre  auti^es,  dans  beaucoup  d'espèces  exotiques  qui  nous 
ont  été  communiquées  par  M.  Raph.  Blanchard  de  Paris.  Nous  joindrons 
à  quelques  remarques  sur  les  descriptions  de  Graf  un  exposé  succinct  de 
ces  nouvelles  observations.  Cette  communication  n'est  donc  pas  un  simple 
article  de  polémique. 

Enfin,  qu'il  nous  soit  permis  de  déclarer  que,  si  nous  ne  traitons  ici 
que  du  sphincter,  cela  n'implique  nullement  que  nous  sommes  d'accord 
avec  l'auteur  sur  tous  les  autres  points  de  son  mémoire,  fort  intéressant 
d'ailleurs.  Nous  comptons  revenir  plus  tard  sur  ses  observations  au  sujet 
d'autres  détails  de  l'organe  néphridien  des  hirudinées. 

§  1.     Hirudo  medicinalis. 

C'est  au  sujet  de  cette  espèce  que  le  désaccord  existe  entre  nos  des- 
criptions et  celles  de  Graf. 

Nous  comprenons  l'appareil  obturateur  du  conduit  vésiculaire  comme  il 
suit.  C'est  un  anneau  musculaire  unique  qui  entoure  le  conduit  efférent  de 
la  vésicule  urinaire  à  quelque  distance  de  la  face  ventrale  de  l'animal, 
comme  on  le  voit  dans  la  fig.  49  de  notre  deuxième  mémoire,  publié  dans 
le  tome  VII,  fasc.  i ,  de  ce  recueil.  Il  n'y  a  pas  d'interruption  dans  la  couche 
de  cellules  musculaires,  fig.  50.  En  outre,  les  fibres  du  sphincter  sont 
généralement  beaucoup  plus  étroites  que  celles  de  la  musculature  du  corps, 
et  par  suite,  faciles  à  distinguer  de  ces  dernières,  ainsi  que  le  montrent  les 
fig,  49  et  51  (1). 

Graf,  au  contraire,  croit  trouver  trois  parties  distinctes  dans  la  mus- 
culature du  conduit  excréteur. 

D'abord,  il  y  aurait  un  sphincter,  rm^,  fig.  4  (fig.  8  de  Graf),  composé 
de  plusieurs  assises  de  cellules  musculaires,  dont  les  diamètres  varient 
énormément  dans  la  figure  de  l'auteur.  Ce  serait  là  le  sphincter  découvert 


(i)  Remarquons  que  ces  figures  sont  tirées  de  préparations  d'un  Hœmopis  vorax,  variété  Atilas- 
tomiim  gulo,  d'après  les  renseignements  fournis  par  R/vph.  Blanchard.  Le  type  de  Torgane  est  le 
même  que   celui   de   VHirudo. 


LE    SPHINCTER   DE    LA    NÉPHRIDIE    DES    GNATHOBDELLIDES  337 

par  nous  et  décrit  dans  notre  premier  mémoire.  Puis,  tout  le  long  du  con- 
duit, SpB,  FiG.  4,  il  y  aurait  des  cellules  musculaires  semblables,  rm^, 
disposées  en  une  assise  unique.  Cette  musculature  serait  distincte  de  la 
précédente.  Enfin,  au  bas  du  conduit,  tout  près  de  la  surface  du  corps,  (qui 
dans  la  figure  de  Graf  est  en  haut,  l'animal  étant  couché  sur  le  dos),  il  se 
trouverait  un  autre  sphincter,  rm^,  fig.  4,  le  plus  puissant  de  tous. 

Depuis  la  publication  du  mémoire  de  Graf,  nous  avons  revu  nos  pré- 
parations et  nous  en  avons  fait  d'autres  dans  un  but  de  contrôle.  Ces  nou- 
velles observations  n'ont  fait  que  nous  confirmer  dans  notre  opinion  première. 

Nous  nous  expliquons  fort  bien  aujourd'hui  la  manière  de  voir  de  Graf, 
mais  nous  pensons  que  s'il  avait  pris  en  considération  nos  trois  figures  citées 
plus  haut,  il  serait  arrivé  à  d'autres  conclusions.  S'il  avait  noté  que  depuis 
longtemps  déjà  nous  avions  indiqué  les  cellules  de  rnz,  comme  appartenant 
au  sphincter  unique,  il  n'aurait  pas  été  porté  à  en  faire  un  anneau  à  part, 
distinct  du  premier,  rm^.  Voici  comment  il  s'exprime  au  sujet  de  sa  fig.  8 
que  nous  reproduisons  un  peu  réduite  dans  notre  fig.  4  : 

n  Eb  est  une  portion  de  la  vésicule  dessinée  ici  en  partie  seulement; 

-  ep  est  l'épithélium  pavimenteux  de  la  vésicule  de  VHiriido  ;  Ci  sont  les 

-  cils,  Epid  est  l'épiderme.   Nous  voyons  ainsi,  entre  l'épiderme  et  la  vési- 

-  cule  terminale,  le  conduit  excréteur  se  dilater  en  une  petite  vésicule,  la 
«  vésicule  sphinctériale  (SpB,  Sphincterblase).  Cette  dernière  communique 

-  avec  la  vésicule  terminale  par  le  conduit  excréteur,  très  étroit  en  cet  en- 
«  droit,  et  autour  duquel  se  développe  un  puissant  sphincter  (Ringmuskel- 
«  schicht,  r/77,).  L'autre  portion  du  conduit  excréteur,  au  moyen  duquel  la 

-  vésicule  sphinctériale  communique  avec  l'extérieur,  est  pareillement  en- 

-  tourée  d'un  puissant  sphincter,  rni^.  De  plus,  la  vésicule  sphinctériale 
«  elle-même  est  ornée  de  muscles  circulaires  séparés,  r/n,.  Ainsi,  nous  avons 

-  ici  un  double  sphincter.  «  (i) 

Tout  d'abord,  nous  ne  voyons  pas  de  quel  droit  Graf  sépare  la  muscu- 
lature ;•;/;,  de  la  musculature  nn,.  ~ 


(i)  Arn.  Graf,  /.  c,  p.  i66  et  seq.  M''  le  D''  Graf^  répoudant  à  une  lettre  dans  laquelle  nous 
lui  signalions  les  quelques  divergences  qui  existent  entre  ses  observations  et  les  nôtres,  nous  dit  entre 
autres  choses  :"  «  Vous  ne  semblez  pas  bien  avoir  compris  ce  que  je  voulais  dire  par  rinj,  riHj,  rm^. 
u  C'étaient  pour  moi  trois  différentes  parties  d'un  seul  sphincter  RM  ou  Sp.  »  Nous  sommes  heureux 
de  rapporter  ici  cette  manière  de  voir  nettement  exprimée  par  l'auteur  dans  sa  lettre  du  26  mars, 
—  postérieure  au  dépôt  de  ce  mémoire  —  mais  qui  ne  nous  paraît  pas  ressortir  du  texte  que  nous 
citons  en  le  traduisant.  La  présente  communication  servira  à  dissiper  toute  équivoque,  en  même  temps 
qu'à  compléter  et  à  rendre  plus  précises  nos  connaissances  au  sujet  de  l'appareil  obturateur  de  la 
vésicule  néphridiale. 


338  H.    BOLSIUS 

Des  FiG.  49  et  50  de  notre  deuxième  mémoire,  il  ressort  que  l'ensemble 
des  fibres  musculaires  constitue  unegaine  contractile  indivise,  ininterrompue. 

Mais  à  ces  données  anciennes,  ajoutons  quelques  observations  nouvelles 
faites  sur  d'autres  préparations  de  V-Hirudo. 

Les  FIG.  1,  2  et  3  sont  les  dessins  de  coupes  successives  pratiquées 
longitudinalement  dans  l'arrimai. 

La  première,  fig.  l,  reproduit  l'extrémité  du  conduit  de  la  vésicule, 
F,  fig.  2,  3  et  5,  avec  le  porejt'  s'ouvrant  sur  le  côté  d'un  anneau  externe,  ae. 
Près  du  conduit,  il  y  a  une  quantité  de  fibres  musculaires,  cm,  pour  la 
plupart  transversales.  On  n'y  voit  point  de  cellules  contournant  le  conduit. 

La  fig.  2  représente  une  coupe  effleurant  en  trois  endroits  la  paroi  du 
conduit,  en  x,  y,  :[.  x\u-dessus  de  ^,  on  aperçoit  de  nouveau  l'épithélium,  ep, 
coupé  à  plat,  vu  de  profil.  Il  n'y  a  que  du  tissu  conjonctif,  te,  autour  du 
conduit,  comme  dans  la  fig.  l.  Le  sphincter  commence  en  ^  par  des 
cellules  musculaires  très  étroites,  dirigées  un  peu  obliquement.  En  y, 
comme  en  ^,  nous  rasons  la  paroi;  c'est  pourquoi  les  cellules  du  sphincter 
peuvent  y  être  vues,  suivant  la  mise  au  'point,  en  coupe  sur  les  bords  du 
conduit,  ou  bien  en  long  sur  le  plein  de  l'organe.  Entre  y  et  x,  les  muscles 
sont  fi'anchement  sectionnés;  en  x  enfin,  même  aspect  qu'en  j' avec  cette 
diff'érence  que  les  cellules  musculaires  sont  placées  sur  plusieurs  assises. 

La  fig.  3  reproduit  la  coupe  succédant  à  celle  que  représente  la  fig.  2. 
Les  cellules  du  sphincter  sont  sectionnées  nettement  en  x  et  y;  en  i,  on  en 
voit,  au  bout  du  conduit,  quelques-unes  qui  passent  d'un  côté  à  l'autre. 

La  superposition  de  ces  trois  figures  fournit  donc  la  reconstitution  d'un 
organe  tubuleux  muni  d'une  couche  ininterrompue  de  fibres  musculaires 
circulaires,  ainsi  que  le  montre  la  fig.  5,  construite  à  l'aide  des  fig.  1,  2  et  3. 
Notons  que  l'organe  y  est  supposé  redressé,  rendu  rectiligne,  et  sectionné 
suivant  son  axe.  En  fait,  ces  conditions  de  section  ne  doivent  se  trouver 
réalisées  que  fort  rarement  ou  même  jamais  dans  les  individus  de  grande 
taille;  aussi  conçoit-on  qu'en  se  bornant  à  l'examen  d'un  petit  nombre  de 
coupes  et  sans  tenir  compte  de  cette  donnée,  on  arrive  à  considérer  la 
couche  musculaire  comme  formée  de  deux  ou  de  trois  muscles  distincts. 

Mais  de  ces  fig.  l,  2  et  3  ressort  une  autre  inexactitude  des  observa- 
tions de  Graf.  D'après  sa  figure  8,  on  trouverait  des  muscles  circulaires 
jusqu'au  bord  de  l'organe;  son  troisième  sphincter,  rm^,  est  en  effet  placé 
à  ti'ès  peu  de  distance  de  l'épiderme.  C'est  ce  que  nos  préparations  ne  nous 
permettent  pas  d'admettre.  Ces  fibres   n'existent  pas,    ou  du  moins  elles 


I 


LE   SPHINCTER   DE    LA   NÉPHRIDIE    DES    GNATHOBDELLIDES  339 

ne  sont  pas  placées  à  l'endroit  indiqué  dans  cette  figure,  c'est-à-dire  aussi 
bas,  aussi  près  de  la  surface  du  corps  et  du  pore  néphridien.  L'auteur  a 
été  le  jouet  d'une  apparence  délusive  consignée  dans  sa  figure  8,  qui  est 
dessinée  d'une  façon  très  consciencieuse.  Cette  section  ne  passe  pas  par 
tout  le  conduit  excréteur,  précisément  parce  que  celui-ci  n'est  pas  rectiligne. 
Il  est  clair  que  ce  conduit  n'atteignait  l'épiderme,  dans  cet  objet,  qu'à  une 
distance  notable  du  point  rm^,  et  seulement  après  s'être  engagé  encore 
assez  bien  dans  la  profondeur. 

Il  n'y  a,  dans  le  texte  de  l'auteur,  aucune  indication  sur  la  direction 
de  la  coupe  par  rapport  au  corps  de  VHinido  :  nous  croyons  y  voir  une 
coupe  transversale  et  non  longitudinale,  comme  le  sont  les  nôtres. 

Si  le  D""  Graf  avait  fait  des  sections  hori{ontales  de  l'hirudinée,  il 
aurait  pu  constater  que  ce  prétendu  sphincter  puissant  rm,  n'a  pas  de  rela- 
tion définie  avec  le  conduit  excréteur  et  que  les  fibres  qu'il  figure  sont  des 
cellules  musculaires  probablement  transversales  appartenant  au  système 
contractile  général  de  l'animal.  C'est  en  faisant  des  coupes  horizontales 
que  nous  avons  pu  nous  convaincre  que  les  muscles  circulaires  du  conduit 
excréteur  ne  commencent  qu'à  une  certaine  distance  de  la  surface  somatique. 
En  comptant  en  microns  l'épaisseur  des  coupes  enlevées  avant  d'arriver  à 
des  cellules  circulaires,  nous  avons  trouvé  exactement  la  même  distance  que 
celle  qui,  dans  les  coupes  dorso-ventrales,  sépare  la  surface  d'un  anneau,,  ae, 
du  point  {  où  commence  le  sphincter. 

Faisons  aussi  remarquer  que  la  figure  8  de  Graf,  —  fig.  4,  —  ne  montre 
pas  suffisamment  que  le  sphincter  est  formé  de  plusieurs  assises  de  fibres 
au  contact  de  la  vésicule,  tandis  qu'il  n'en  possède  plus  qu'une  seule  un 
peu  plus  bas  ;  elle  n'indique  pas  davantage  la  réduction  de  volume  que 
subissent  ces  fibres  en  s'éloignant  du  réservoir,  autant  de  détails  que 
l'étude  attentive  de  nos  coupes  nous  a  permis  de  mettre  en  lumière  dans 
nos  FIG.  1,  2,  3  et  5. 

Disons  encore  un  mot  d'un  autre  détail  de  la  structure  des  néphridies 
de  VHirudo, 

Graf  signale  l'existence  d'une  vésicule  supplémentaire  qu'il  appelle  la 
vésicule  sphinctériale  (Sphincterblase),  fig.  4. 

Nous  avons  vu  et  figuré  dans  notre  deuxième  mémoire,  fig.  49  et  50, 
la  légère  dilatation  de  la  région  sphinctérienne  à  laquelle  l'auteur  assigne  le 
nom  de  "  Sphincterblase  «.  Mais  nous  n'y  avons  pas  fait  grande  attention, 
et   il  nous  semble  encore  aujourd'hui  qu'elle  n'a  guère  d'importance.  Ce 


340  H.    BOLSIUS 

n'est  qu'un  renflement,  parfois  excessivement  peu  marqué,  de  la'  région 
sphinctérienne  ;  on  la  trouve  à  des  degrés  divers  de  dilatation.  Même  chez 
VHirudo,  il  est  fort  probable  qu'elle  ne  fonctionne  pas  comme  un  deuxième 
et  très  petit  réservoir;  elle  ne  paraît  répondre  à  aucune  fonction  physiolo- 
gique. Chez  les  autres  espèces  que  nous  avons  examinées,  ce  renflement 
existe  parfois  et  fait  défaut  d'autres  fois,  fig.  7  à  13.  Quoi  qu'il  en  soit, 
nous  ne  voyons  aucun  inconvénient  à  conserver  la  dénomination  de  Gkaf 
pour  désigner  ce  renflement  là  où  il  s'observe  ;  mais  nous  ne  saurions  le 
regarder  comme  un  organe  spécial  et  bien  défini. 

§   2.     Attires  espèces. 

Notre  planche  contient  des  figures  tirées  de  huit  autres  espèces.  Ex- 
cepté la  FIG.  6,  qui  provient  d'un  Aulastomtttn  giilo  de  8  à  lo  mm.  de  long, 
toutes  les  autres  appartiennent  à  des  espèces  étrangères  fi). 

Un  simple  coup  d'œil  sur  cette  planche  permet  de  constater  que  la 
disposition  des  fibres  est  sensiblement  la  même  dans  toutes  ces  espèces. 

La  FIG.  8,  Mesobdella  gemmata,  la  fig.  9,  Limnatis  a/ricana,  la  fig. 
10,  Hirudo  qiieretanea,  et  la  fig.  12,  Hirudo  Graudidieri,  rappellent  à  tel 
point  la  fig.  5,  que  nous  n'avons  rien  à  y  ajouter. 

Il  n'y  a  qu'unepetite  remarque  à  faire  pour  les  trois  autres  figures.  La 
fig.  7  de  YHirttdo  mysomelas,  dont  le  dessin  est  fait  à  un  grossissement 
double  des  autres,  nous  montre  un  sphincter  de  peu  d'étendue. 

L'état  de  contraction  des  fibres  est  le  plus  prononcé  dans  la  fig.  il 
de  la  Xerobdella  Lecomtei,  et  le  sphincter  se  réduit  dans  cette  espèce 
à  quelques  cellules  musculaires  placées  près  de  la  vésicule  T\  Tout  le 
reste  du  conduit  excréteur,  très  long  et  sinueux,  est  dépourvu  de  muscles 
obturateurs  circulaires. 

Une  disposition  inverse  est  visible  dans  la  fig.  13  de  la  Macrobdella 
Jloridana.  La  partie  du  sphincter  à  assises  multiples  est  la  plus  grande  et 
dépasse  en  longueur  tout  ce  que  nous  avons  observé  dans  les  autres  espèces 
citées.  Aussi,  le  rétrécissement  du  conduit,  qui  ailleurs  se  manifeste  prin- 
cipalement au  sortir  de  la  vésicule,  se  continue  ici  sur  un  trajet  bien  plus 
long;  il  s'étend  sur  toute  la  longueur  de  la  partie  à  plusieurs  couches. 

Toutes  ces  données  confirment  nos  observations  au  sujet  de  VHirudo. 


(ï)  Remarquons,  pour  prévenir  des  erreurs,  que  la  vésicule  V  dans  toutes  ces  figures  est  repré- 
sentée telle  qu'elle  se  montrait  dans  la  coupe  microtomique  qui  a  servi  à  chaque  figure.  Par  consé- 
quent,  la   capacité    relative   des  vésicules  de  ces  espèces  n'est  nullement  indiquée  par  les  contours  ilessinés. 


LE    SPHINCTER    DE    LA    NEPHRIDIE    DES    GNATHOBDELLIDES  34 1 

CONCLUSIONS. 

Nous  pouvons  donc  résumer  comme  il  suit  l'état  actuel  de  nos  con- 
naissances au  sujet  du  sphincter  de  la  néphridie  : 

I.  Les  hirudinides  possèdent  une  vésicule  néphridialc  plus  ou  moins 
spacieuse  et  munie  d'un  conduit  excréteur.  Cette  constatation  a  été  faite 
sur  les  espèces  suivantes  : 

1.  Hirudo  niediciiialis. 

2.  Aulastomuin  giilo. 

3.  Hiriido  mysomelas. 

4.  Mesobdella  gemmata. 

5.  Lhnnatis  africaiia. 

6.  Hirudo  queretanea. 

7.  Xerobdella  Lecomtei. 

8.  Hirudo  Grandidieri. 

9-     Macrobdella  floridana. 

IL  Ce  conduit,  généralement  assez  long,  possède  toujours,  près  de 
son  point  d'union  avec  la  vésicule,  une  musculature  propre  sous  la  forme 
d'un  sphincter. 

m.  Ce  sphincter  est  d'ordinaire  assez  puissant  près  de  la  vésicule  : 
souvent  il  s'étend  assez  loin  sur  la  portion  inférieure  du  conduit. 

IV.  Généralement  les  cellules  du  sphincter  sont  le  plus  serrées  près 
de  la  vésicule  urinaire  ;  elles  sont  plus  espacées  dans  la  portion  descendant 
vers  la  face  ventrale. 

\'.  Les  cellules  du  sphincter  sont  d'un  diamètre  bien  plus  faible  que 
les  cellules  musculaires  ordinaires  du  corps,  fig.  2  et  3. 

VI.  La  portion  extrême  du  conduit  excréteur,  près  de  la  surface  du 
corps,  ne  possède  aucune  musculature  propice. 

VIL  Puisque  les  cellules  du  sphincter,  quoique  assez  espacées  les 
unes  des  autres,  ne  présentent  aucune  discontinuité  notable  dans  leur 
disposition,  il  n'}-  a  pas  lieu  d'y  distinguer  plusieurs  portions;  il  faut 
admettre,  au  contraire,  un  sphincter  unique  comprenant  toutes  les  cellules 
musculaires  entourant  le  conduit  excréteur. 


•)2 


342  H.    BOLSIUS 

Nous  possédons  un  grand  nombre  d'autres  Gnathobdellides,  que  nous 
n'avons  pas  encore  pu  examiner  en  détail  et  entres  autres  les  suivantes  : 
Hintdo  granulosa,  Limnatis  nilotica,  Hirudo  mtdtistriata,  deux  nouvelles 
espèces  non  déterminées  encore,  l'Une  des  Antilles,  l'autre  de  l'île  de  la 
Réunion.  Toutes  celles-ci  ont  le  pore  néphridial  ventral. 

Nous  en  avons  d'autres,  chez  lesquelles  ce  pore  est  latéral,  par  ex., 
Hœmadipsa  fallax,  Hœin.  niorsitaus,  Hœm.  sili'csiris,  Hœrn.  :{eflanica, 
Phythobdella  Meyeri,  Planobdella  Quoyi. 

Nous  examinerons  plus  tard  le  sphincter  de  toutes  ces  espèces. 


BIBLïOGÎ\APHIE 


1 .  H.  Bolsiiis    :  Recherches  sur  la  structure  des  organes  segmentaires  des  hirudinces  ; 

La    Cellule,    t.    V,    fasc.    2,    1889. 

2.  —  Nouvelles   recherches  sur  la   structure,    etc.;    Ibid.,    t.  VII,    fasc.    i, 

1891. 

3.  —  Anatomie     des    organes    segmentaires    des    hirudinées    d'eau  douce  ; 

Annales  de  la  Société  scientifique  de  Bruxelles,    t.  XVI,    a^"  partie, 
1892. 

4.  Arn.   Graf  :  Beitrâge  zur  Kenntniss  der  Exkretionsorgane  von   Nephelis  l'ulgaris  ; 

Jenaisclie   Zeitschrift  fiir   Naturwissenschaft,   Bd.  XXVIII,    N.  F., 
Bd.  XXI,    i8g3. 


EXPLICATION  DES  FIGURES. 

FIG.     1,    2,    3,    4,    5.     Hirudo    medicinalis. 
FIG.    1,    2,    3.    Gross.    :    C    X    oc.    ord.    2   (+ i5o). 

FIG.    1.       ae.    Anneaux    externes. 

en.    Cuticule,    cessant   à    l'entrée   du   conduit    excréteur. 
p.    Pore   du   conduit   excréteur. 
ep.    Epithélium   du    même   conduit. 
cm.    Cellules   musculaires    du   corps. 
te.    Tissu    conjonctif. 
FIG.    2.      ae,   cm,    te,    ep,    ut   supra. 

V.    Vésicule   terminale   de   l'organe   segmentaire. 
sph.    Sphincter,    vu   de   champ   en   x,  y   et   ^. 
FIG.  3.     Section   suivant   immédiatement   la   précédente. 

FIG.  4.  Reproduction  aux  2/3  de  la  figure  8  de  la  planche  qui  accompagne 
le  travail  du  D''  A.  Graf,  1.  c.  Grossissement  de  l'original  =  450,  id.  de  la  repro- 
duction =  3oo.  Traduction  de  l'explication,  1.  c,  p.  194  :  «  Conduit  excréteur  de 
la  vésicule  terminale  de  V Hirudo.  rm^,  Sphincter  intérieur;  rm^,  muscles  circu- 
laires séparés  de  la  vésicule  sphinctériale  ;  rm^,  sphincter  extérieur;  M,  musculature 
du   corps. 

FIG.    5.     Figure     synthétique    faite    à     l'aide    des    fig.    1  ,    2    et   3.    Vue   d'en- 
semble  du   conduit   excréteur   avec   son   sphincter. 
Lettres   comme   dans    les    figures   précédentes. 
FIG.    6  (i).     Coupe   axiale    du   conduit   excréteur    et   du   sphincter    dans     VAulas- 

tomum  gulo.  Gross.  :  apochr.  à  sec  — --^   X    oc.    comp.    2    (+  160  lin.). 

-   FIG.    7.     Idem   de   VHiriido   mysomelas .    Gross.    :    apochr.    X    oc.    4   (+  33o). 

FIG.    8.     Idem   de   la   Mesobdella  gemmata.    Gross.    comme   pour   la   fig.    6. 

FIG.    9.     Idem   de   la   Limnatis   africana.    Gross.    comme   pour  la    fig.    6. 

FIG.    10.     Idem   de   VHiriido   queretanea.      «  ii  »  »       » 

FIG.  11.  Coupe  effleurant  le  sphincter  de  la  Xerobdella  Lecomtei.  Le  conduit 
excréteur  n'atteint  pas  la  surface  du  corps  dans  cette  figure.  Gross.  comme  pour 
la   FIG.    6. 

FIG.  12.  Coupe  axiale,  comme  la  fig.  6,  de  VHiriido  Grandidieri.  Gross. 
comme   pour   la    fig.    6. 

FIG.   13.     Idem  de  la  Macrobdella  Jloridana.    Gross.  comme  pour  la  précédente. 


(1)  Dans  toutes  les  figures  suivantes,  les  mêmes  lettres  indiquent  les  mêmes  objets  que  dans  les  fig.  1 
et  2.  Les  fig.  6 — 13  ne  sont  pas  des  croquis  synthétiques,  mais  sont  faites  à  la  chambre  claire 
sur  des  préparations  qui  toults  contenaient  la  section  axiale  de  tout  le  conduit  excréteur  avec  son 
sphincter. 

43 


'■'  ae 


ÉTUDE 


SUR 


l'Action  sporicicle  des  Humeurs 


PAR 

J.    LECLEF 

DOCTEUR     EN     MÉDECINE. 


{Mémoire  déposé  le  30  juin   1894.) 


Travail  du  Laboratoire  d'Anatomie  pathologique  et  de   Pathologie 

EXPÉRIMENTALE    DE    l' UNIVERSITÉ    DE    LOUVAIN. 


I 


44 


ÉTUDE  SUR  L'ACTION  SPORICIDE  DES  HUMEURS. 


CHAPITRE    I.   —    Historique. 


Il  est  une  opinion  qui  a  généralement  cours  parmi  les  bactériologistes, 
c'est  que  les  humeurs  naturelles  (sérum,  lymphe,  liquide  de  la  chambre 
antérieure  de  l'œil)  n'exercent  pas  d'action  destructive  sur  les  spores.  On 
rencontre  cette  opinion  même  chez  ceux  qui  attribuent  aux  humeurs  un 
rôle  important  dans  la  pi-éservation  de  l'organisme  contre  les  microbes. 

Ainsi,  H.  Buchner,  qui  a  tant  contribué  à  étendre  nos  connaissances 
sur  ce  point,  pense  que  les  spores  ne  sont  pas  détruites  par  le  sérum,  et 
cette  conviction  est  si  profonde  chez  lui,  qu'il  avoue  lui-même  n'avoir  pas 
fait  des  expériences  à  ce  sujet,  tellement  l'issue  lui  en  paraissait  probléma- 
tique. 

Cette  soi-disant  invulnérabilité  des  spores  aux  atteintes  des  humeurs 
est  souvent  invoquée  par  les  anti-humoralistes  pour  combattre  la  doctrine 
du  pouvoir  préservatif  des  humeurs.  D'après  eux,  la  diminution  que  les 
formes  végétatives  subissent  au  contact  de  certains  liquides  naturels  est  due 
à  un  simple  changement  de  milieu.  La  preuve,  disent-ils,  réside  dans  ce 
fait,  que  si,  au  lieu  de  formes  végétantes,  on- ensemence  dans  les  humeurs 
des  formes  dormantes,  c'est-à-dire  les  spores,  la  diminution  fait  défaut,  et 
celle-ci  manque  précisément  parce  que  la  spore,  dès  le  moment  où  elle 
germe,  s'adapte  au  milieu  dans  lequel  elle  est  plongée.  On  doit  reconnaître 
que  si  le  fait  est  vrai,  il  constitue  une  difficulté  sérieuse  pour  les  partisans 
du  pouvoir  bactéricide  des  humeurs. 


35" 


J.    LECLEF 


Si    l'on    recherche    dans    la   littérature  les  expériences  sur  lestiuelles 
on  se  fonde  pour  rejeter  l'action  sporicide  des  humeurs,  on  voit  qu'elles 
ne  sont   guère    nombreuses.    Elles    ont    surtout    porté    sur   les  spores  du 
Bacillus  anthracis.   Introduits  dans  le  sérum,  les  bacilles  du  charbon  su- 
bissent une  diminution  considérable,    comme  beaucoup  d'auteurs  ont  pu 
le  constater;  mais  quand;  au  lieu  des  bacilles,  on  ensemence  les  spores, 
on  n'observe  plus  de  destruction,  de  sorte  que    celle-ci    parait    bien    être 
la  conséquence  d'un   changement   de    milieu    (Metchnikoff,   Lubarsch). 
Ce  dernier  fait  a  néanmoins  été  contesté  par   Pekelharing  (i).  Contrai- 
rement aux  auteurs  précédents,  le  savant  hollandais  a  constaté  une  des- 
truction   notable    des    spores    charbonneuses  introduites  dans  le  sang,  et 
comme  elle  s'opère  aussi  bien  à  une  température  voisine  de  o°  qu'aux  tem- 
pératures de  45°,  46°  et  47°,  c'est-à-dire  à  des  températures  auxquelles  la 
germination  ne  peut  plus  se  faire,  il  conclut  que  la  spore  est  attaquée  et 
tuée  comme  telle  sans  germination  préalable.   En   1891,  Trapeznikoff  (2) 
a  fait  paraître  un  mémoire  étendu  sur  le  sort  des  spores  dans  l'organisme 
animal.  Son  but  est  de  rechercher  si  ces  éléments  sont  détruits  par  l'acti- 
vité des  phagocytes,  ou  par  l'action  des  humeurs,  ou  par  ces  deux  facteurs 
réunis.  Ses  expériences    portent   surtout  sur   le  bacille  du   charbon   qu'il 
inocule  à  l'état  sporulé  aux  grenouilles,  aux  poules,  aux  pigeons,  aux  rats 
et  aux  lapins.   Il  fait  en  outre  un  certain  nombre  d'expériences  avec  les 
spores  du  Bacillus  subtilh  et  du  Bacillus  incgatcrinin.   Il  conclut  que  les 
spores,  soit  pathogènes,  soit  saprophytes,  deviennent  la  proie  des  leucocy- 
tes, qui  les  saisissent  et  tantôt  les  détruisent,  tantôt  empêchent  seulement 
leur  développement.  Quant  aux  humeurs,  elles  ne  prennent  aucune  part  à 
cette  opération. 

D'après  nous,  la  plupart  des  faits  sur  lesquels  se  base  l'innocuité  des 
humeurs  pour  les  spores  sont  passibles  d'une  critique  sévère.  En  effet,  ils 
se  rapportent  presque  tous  à  un  bacille  des  plus  pathogènes,  le  bacille  du 
charbon,  sur  lequel  les  humeurs  doivent  avoir  peu  d'influence. 

Si  l'on  veut  rechercher  si  le  pouvoir  sporicide  existe,  il  faut  s'adresser 
non  pas  à  une  espèce  d'une  haute  virulence,  mais  à  des  espèces  saprophytes. 
C'est  le  moyen  de  mettre  en  évidence  l'existence  de  ce  pouvoir. 
C'est  ce  que  nous  avons  fait  dans  le  présent  travail. 


Cl)     C.   A.   Pekelharing    :    Ueber   Zersioruiig  voit  Mil^brandvirtt^    Un    Unterhautbindegewehc    des 

Kaiiinchen  ;   Beitràge  zur  pathologischen   Analoraie,    BJ.  Vlll,    1890. 

'2)  Trapeznikoff  :  Du  sort  des  spores  de  microbes  dans  l'organisme  animai;  Annales  de  Tinstilut 
Pasjeur,    1891,   p.    362. 


l'action  sporicide  des   humeurs  351 

CHAPITRE  II.  —  Technique. 

Nous  avons  choisi  pour  faire  nos  recherches  deux  sortes  de  spores  : 

1°     Celles  du  bacille  du  foin  (Bacillus  subtilis). 
2°     Celles  du  bacille  de  la  pomme  de  terre. 

De  ces  deux  organismes,  celui  du  foin  convient  le  mieux;  aussi  est-ce 
à  lui  que  nous  nous  sommes  adressé  de  préférence.  Nous  commençons 
par  donner  les  résultats  qu'il  nous  a  fournis. 

Pour  le  genre  d'études  que  nous  poursuivons,  le  bacille  du  foin  pré- 
sente de  grands  avantages  : 

1°  On  peut  le  considérer  comme  un  organisme  saprophyte  par  excel- 
lence; par  conséquent,  dans  le  cas  où  les  humeurs  exercent  sur  les  spores 
une  action  destructrice,  il  doit  subir  cette  influence  à  un  haut  degré. 

2°  C'est  un  organisme  dont  les  besoins  nutritifs  sont  des  plus  mo- 
destes. La  rapidité  et  l'abondance  avec  lesquelles  il  se  développe  dans 
un  simple  infusé  d'herbes  en  sont  déjà  une  preuve;  mais  ce  milieu  n'est 
pas  à  beaucoup  près  le  seul  dans  lequel  il  se  plait.  Tous  les  bactériolo- 
gistes savent  avec  quelle  facilité  il  végète  dans  les  différents  milieux  de 
cultures  et  nous-méme  nous  l'avons  plus  d'une  fois  rencontré  comme  im- 
pureté dans  des  tubes  de  sang  ou  de  sérum,  ce  qui  prouve  combien  ces 
milieux  naturels  conviennent  à  son  développement. 

Nous  attachons  une  grande  importance  à  cette  aptitude  qu'il  présente 
à  vivre  dans  le  sang  et  dans  le  sérum;  car  nous  croyons  que  pour  bien 
mettre  en  évidence  les  propriétés  bactéricides  d'une  humeur,  il  est  néces- 
saire d'expérimenter  avec  un  organisme  capable  de  rencontrer  dans  les 
humeurs  tous  les  éléments  nécessaires  à  sa  pullulation. 

3°  Outre  les  deux  avantages  précités,  le  Bacillus  subtilis  nous  en  pré 
sente  une  série  d'autres  tirés  de  ses  caractères  morphologiques. 

C'est  un  des  bacilles  les  plus  grands  qlie  nous  connaissons  ;  il  est  donc 
facile  à  observer  et  à  retrouver.  De  plus,  il  est  animé  de  mouvements  qui 
disparaissent  quand  le  bacille  est  en  souffrance  ou  qu'il  meurt. 

Ses  spores  sont  globuleuses  et  germent  rapidement  ;  on  peut  dire  qu'au 
bout  de  1  à  2  heures  elles  se  sont  toutes  transformées  en  bâtonnets.  Cette 


352  J     LECLEF 

rapidité  de  la  germination  comparée  à  celles  d'autres  espèces  saprophytes, 
dont  les  spores  mettent  5  à  6  heures  à  prendre  la  forme  végétante,  est 
encore  un  précieux  avantage. 

Notre  bacille  fut  recueilli  sur  une  plaque  d'agar  où  il  était  tombé  par 
hasard.  Grâce  à  ses  caractères  morphologiques,  grâce  à  son  mode  de  déve- 
loppement sur  les  divers  •milieux,  et  grâce  surtout  aux  soins  que  nous 
prîmes  de  le  comparer  à  un  bacille  obtenu  par  un  infusé  de  foin,  nous 
avons  pu  nous  assurer  de  la  façon  la  plus  satisfaisante  de  son  identité. 

Pour  l'obtenir  à  l'état  sporulé,  nous  l'avons  cultivé  sur  du  bouillon 
composé  comme  il  suit  : 

sucre.  .  .  .  0,5  0/0 
peptone  ...  1  0/0 
extrait  de  viande  0,5  0/0 

Ce  bouillon  ensemencé  et  porté  à  la  couveuse  se  trouble  rapidement  et, 
après  24.  ou  48  heures,  il  offre  à  sa  surface  une  membrane  mince  se  désagré- 
geant facilement  par  l'agitation.  Les  bâtonnets  sporulés  se  rencontrent  sur- 
tout dans  cette  membrane,  de  sorte  qu'on  serait  porté  à  croire  que  la  sporu- 
lation ne  se  fait  bien  qu'au  contact  de  l'oxygène.  Pour  obtenir  dès  lors  des 
spores  isolées,  il  suffit  de  recueillir  ces  menibranes  et  de  les  écraser  entre 
deux  lames  de  verre  stériles,  ou  plus  simplement  encore  de  les  secouer  for- 
tement dans  un  liquide  quelconque. 

Pour  détruire  les  formes  végétantes  qui  pourraient  s'y  rencontrer  encore, 
on  chauff"e  pendant  10  minutes  â  une  température  de  70". 

.Ce  chauffage  est  suffisant  pour  tuer  tout  ce  qui  n'est  pas  spore,  comme 
nous  nous  en  sommes  assuré  en  traitant  à  cette  température  des  cultures 
jeunes  et  dans  lesquelles  le  microscope  ne  permettait  de  déceler  la  moindre 
trace  de  sporulation. 

Les  spores  au  contraire,  comme  on  le  sait  d'ailleurs,  résistent  â  des 
températures  bien  supérieures.  D'après  nos  recherches,  c'est  seulement 
entre  90°  et  100"  qu'elles  commencent  à  périr.  Une  température  de  70"  ne 
peut  donc  aucunement  leur  nuire. 

Quand  on  examine  au  microscope  une  émulsion  de  spores  ainsi  chauf- 
fée, on  y  aperçoit  deux  espèces  d'éléments  : 

1°  les  spores  assez  grosses,  ovo'ïdes,  réfringentes,  libres  ou  encore 
renfermées  dans  les  bâtonnets; 

2°  des  bâtonnets  renfermant  quelquefois  encore  des  spores.  Ces  bâton- 
nets se  distinguent  nettement  et  â  première  vue  des  organismes  vivants  et 


l'action  sporicide  des  humeurs  ,  353 

non  chauffés.  Tandis  que  ces  derniers  ont  une  réfringence  propre,  bien  que 
faible,  et  offrent  un  aspect  homogène,  les  bâtonnets  des  cultures  chauffées  et 
sporulées  sont  pâles,  souvent  même  à  peine  visibles,  de  sorte  qu'on  pourrait 
à  juste  titre  les  comparer  à  l'ombre  des  bâtonnets  vivants.  Au  lieu  de 
l'aspect  homogène,  ils  présentent  souvent  des  granulations.  Ces  bâtonnets 
offrent  encore  un  autre  caractère  qui  les  distingue  des  bâtonnets  vivants. 
Tandis  que  ces  derniers  se  colorent  d'une  façon  homogène  et  intense  par 
le  bleu  de  méthylène,  les  bâtonnets  chauffés  prennent  â  peine  un  peu  de 
matière  colorante. 

Si  nous  insistons  sur  ces  différences,  c'est  qu'elles  nous  fournissent  en 
dehors  des  mouvements,  le  moyen  de  reconnaître  avec  certitude  et  sans 
crainte  d'erreur  les  bâtonnets  nouveaux  issus  des  spores,  des  bâtonnets 
qui  ont  fourni  ces  spores. 

Comme  humeur  bactéricide,  nous  avons  choisi  le  sérum  du  lapin,  ob- 
tenu par  rétraction  du  caillot.  Inutile  de  dire  que  le  sang  était  recueilli  par 
l'artère  carotide  avec  toutes  les  précautions  antiseptiques  nécessaires. 

A  l'examen  microscopique,  notre  sérum  se  montrait  complètement 
dépourvu  de  globules  blancs,  de  façon  que  dans  l'interprétation  de  nos 
expériences  nous  n'avions  en  aucune  façon  à  nous  occuper  de  la  question 
phagocytaire. 

Le  sérum  ainsi  recueilli  était  ensuite  ensemencé  avec  une  quantité 
variable  de  notre  émulsion  de  spores  et  conservé  à  la  température  du  corps. 

CHAPITRE  III.  —  Expériences  faites  avec  les  spores  du  Bacillus  subtilis. 

Dans  nos  premières  expériences,  nous  nous  sommes  contenté  de  pour- 
suivre au  microscope  les  modifications  qui  se  produisaient    : 

1°     Dans  un  tube  de  sérum  non  chauffé; 

2°  Dans  un  tube  de  sérum  chauffé  pendant  1  heure  à  60°,  où  le 
pouvoir  bactéricide  était  donc  aboli  ; 

3°  Dans  un  bouillon,  afin  de  pouvoir  comparer  le  développement 
qui  se  fait  dans  le  sérum  au  développement  qui  se  produit  dans  un  milieu 
artificiel  possédant  les  qualités  nutritives  à  leur  plus  grande  intensité. 

Disons  tout  de  suite  que  les  phénomènes  que  l'on  observe  dans  le 
sérum  non  chauffé  sont  tout  différents  de  ceux  que  l'on  constate  dans  le 
sérum  chauffé  et  le  bouillon.  Dans  le  premier  milieu,  c'est-à-dire  dans  le 
sérum  naturel,  on  ne  voit  pas  apparaître  un  seul  bâtonnet.  Le  plus  souvent, 


354 


J.    LECLEF 


12  heures  et  même  24  heures  après  l'ensemencement,  on  ne  peut  y  retrouver 
le  moindre  indice  de  prolifération  ;  en  fait  de  formes  végétantes,  le  micros- 
cope n'y  fait  voir  que  les  cadavres  pâles  et  granuleux  des  bâtonnets  importés 
avec  la  semence. 

Au  contraire,  le  sérum  chauffé  et  le  bouillon  renferment  une  heure  après 
l'ensemencement  des  bâtonnets  tout  à  fait  différents  des  bâtonnets  anciens. 
Ils  sont  réfringents,  hom.ogènes  et  dès  la  deuxième  heure  ils  commencent 
à  être  animés  de  mouvements,  signe  manifeste  de  leur  vitalité. 

Après  quelques  heures,  ils  troublent  le  liquide,  tellement  ils  sont  nom- 
breux. La  coloration  par  le  bleu  de  méth3dène  ne  fait  apparaître  dans  le 
sérum  naturel  aucun  bâtonnet  bien  coloré,  tandis  qu'elle  en  montre  des 
milliers  dans  le  sérum  chauffé  et  le  bouillon. 

En  un  mot,  dans  le  premier  milieu  ou  sérum  non  chauffé,  nous 
observons  l' immobilité  complète,  le  manque  absolu  de  végétation;  dans 
les  deux  autres,  sérum  chauffé  et  bouillon,  une  multiplication  rapide  et 
abondante. 

Citons  un  exemple  : 

TABLEAU    L 

Portions  de  3  ce.  Ensemencement  abondant  avec  les  spores  d'une  cul- 
ture dans  le  bouillon. 


APRÈS    5    HEURES 

APRÈS    g    HEURES 

APRÈS    20    HEURES 

SÉRUM  NON  CHAUFFÉ 

Aucun  indice  de 
multiplication 

Pas  de  changement 

Aucun   changement 
Sérum  transparent 

SÉRUM  CHAUFFÉ 

Plusieurs  bâtonnets 
par  champ  microsc. 

Culture  de   bacilles 
excessivement  vifs 

Forte  culture 
Sérum  trouble 

BOUILLON 

Beauc.  de  bâtonnets 
mobiles  par  champ 

Culture  de   bacilles 
excessivement  vifs 

Forte  culture 

en  partie  sporulée 

Bouillon  trouble 

L'examen  microscopique  pratiqué  dès  le  moment  où  l'on  fait  le  mélange 
permet  de  reconnaître  que  les  spores  ne  restent  pas  inertes  dans  le  sérum 
non  chauffé.  Elles  y  germent  aussi  rapidement  que  dans  le  sérum  chauffé; 
les  modifications  qui  accompagnent  cet  acte  sont  absolument  les  mêmes  que 
dans  les  milieux  artificiels.  Quand  on  observe  la  spore  du  Bacilliis  sitbiilis 


L  ACTION  SPORICIDE  DES  HUMEURS  355 

en  voie  de  germination  dans  le  bouillon  ou  dans  l'agar,  on  la  voit  après 
quelques  minutes  pâlir  d'une  façon  presque  brusque.  De  corps  réfringent,  à 
contour  noir,  elle  devient  un  corps  pâle  à  peine  visible.  Or,  si  l'on  examine 
avec  soin  le  sérum  naturel  ensemencé  avec  des  spores,  on  trouve  après  une 
demi-heure  ou  une  heure  de  nombreux  corpuscules  ayant  l'aspect  de  spores 
germées,  en  même  temps  que  l'on  note  la  diminution  ou  la  disparition  des 
spores  ensemencées.  Cette  transformation  se  trouve  représentée  dans  la 
FiG.  2,  donnant  l'état  d'une  culture  dans  le  sérum  naturel  ensemencé  depuis 
une  heure.  Les  corpuscules  noirs  se  rapportent  à  des  spores  encore  inertes, 
les  corpuscules  pâles,  aux  spores  entrées  en  germination.  Les  fig.  3  et  4 
nous  représentent  l'état  correspondant  dans  le  bouillon  et  le  sérum  chauffé. 
Le  bleu  de  méthylène,  dissous  dans  l'eau,  permet  de  reconnaître  également 
bien  les  spores  germées.  Ce  bain  ne  colore  pas  les  spores  du  Bacillus  subtilis 
qui  sont  à  l'état  de  vie  latente,  mais  bien  celles  qui  commencent  à  pousser. 
Aussi,  peu  de  temps  après  l'ensemencement,  il  fait  découvrir  dans  le  sérum 
non  chauffé,  comme  dans  le  sérum  chauffé  et  le  bouillon,  de  nombreux  cor- 
puscules ovoïdes  colorés  intensément  et  qui  ne  sont  autres  que  des  spores. 
Plus  tard  ces  éléments  disparaissent  sans  s'être  allongés  en  bâtonnets. 

Tout  cela  prouve  que  le  grand  nombre  au  moins  des  spores  subit  un 
commencement  de  développement  dans  le  sérum  naturel.  Elles  ne  sont 
tuées  qu'après  avoir  commencé  à  végéter.  Il  est  probable  du  reste  que  toutes 
disparaissent  de  cette  façon,  vu  la  résistance  qu'à  l'état  de  repos  elles  op- 
posent à  l'introduction  des  substances  les  plus  diverses. 

Dans  les  fig.  2  à  10,  nous  représentons  les  différents  stades  du  dévelop- 
pement dans  les  trois  milieux  habituellement  employés  par  nous  :  le  sérum 
naturel,  le  sérum  chauffé  et  le  bouillon. 

Une  figure  seulement,  la  fig.  2,  se  rapporte  au  sérum  frais  :  à 
partir  de  la  germination  il  ne  se  produit  en  effet  d'autre  changement 
que  la  disparition  des  éléments  ensemencés.  Les  autres  figures  donnent 
de  deux  heures  en  deux  heures  l'état  des  cultures  dans  le  bouillon  et  dans 
le  sérum  chauffé;  les  fig.  5,  7  et  9,  avec  des  bacilles  dispersés,  repré- 
sentent les  progrès  de  la  culture  dans  le  bouillon;  les  fig.  6,  8  et  10, 
avec  les  bacilles  agglomérés,  les  progrès- de  la  culture  dans  le  sérum.  On 
remarquera  que  les  bacilles  vont  en  augmentant  d'une  façon  continue,  et 
que  dans  les  bouillons  et  les  sérums  correspondants,  ils  sont  sensiblement 
en  nombre  égal. 


46 


356  J.    LECLEF 

Nous  pourrions  multiplier  les  exemples,  mais  la  chose  nous  semble 
inutile  ;  les  phénomènes  se  passent  régulièrement  de  la  même  façon  :  végé- 
tation nulle  ou  extrêmement  tardive  (après  24  heures  par  exemple)  dans  le 
sérum  non  chauffé,  multiplication  immédiate  et  abondante  dans  le  séi'um 
chauffé.  Nous  devons  même  déclarer  que,  si  nous  tenons  compte  de  l'ensem- 
ble de  nos  expériences,  la_pullulation  se  fait  aussi  rapidement  et  aussi  vi- 
goureusement dans  le  sérum  chauffé  que  dans  le  bouillon.  De  ce  fait,  nous 
pouvons  conclure  que  le  chauffage  transforme  le  sérum  en  un  milieu 
nutritif  aussi  favorable  au  développement  que  le  bouillon. 

Le  procédé  de  l'examen  microscopique  ne  permet  guère  de  suivre  le 
développement  que  dans  ses  grandes  lignes,  de  constater  s'il  y  a  multi- 
plication ou  non,  mais  il  ne  peut  nous  donner  de  renseignements  précis. 
En  effet,  le  nombre  de  microbes  que  l'on  voit  dans  un  champ  microscopique 
dépend  en  grande  partie  de  l'épaisseur  de  la  préparation,  et  de  ce  chef  est 
soumis  à  des  fluctuations  considérables. 


Pour  avoir  une  idée  exacte  du  nombre  des  microbes  contenus  dans  nos 
cultures,  nous  nous  sommes  adressé  à  la  méthode  des  plaques. 

Pour  faire  ces  plaques,  nous  nous  sommes  servi  de  l'agar-peptone,  dans 
lequel  au  bout  dei  2  heures  déjà  le  Bacillus  sublilis  forme  des  cultures  faciles 
à  reconnaître  à  l'œil  nu  et  au  besoin  à  l'aide  du  microscope.  Chaque  plaque 
a  été  faite  avec  deux  anses,  chaque  anse  étant  de  0,007  gr. 

Ce  chiffre  est  peut-être  utile  à  connaître,  afin  de  donner  au  lecteur  une 
idée  plus  exacte  de  la  richesse  de  nos  ensemencements. 

Nous  faisons  suivre  ici  un  certain  nombre  d'expériences  faites  toutes 
sur  le  même  type  : 

1°     un  tube  de  sérum  non  chauffé, 
2"     un  tube  de  sérum  chauffé, 
auxquels  parfois  nous  ajoutons  un  tube  de  bouillon  témoin. 

En  dessous  de  la  plupart  des  chiffres  se  trouve  renseigné  l'état  de  la 
culture  examiné  au  microscope,  soit  à  l'état  frais,  soit  après  coloration. 

Rien  qu'en  jetant  un  rapide  coup  d'œil  sur  ces  tableaux,  le  lecteur  sera 
convaincu  que  les  résultats,  qui  nous  avaient  été  donnés  par  le  simple 
examen  microscopique,  trouvent  leur  confirmation  dans  ceux  fournis  par  les 
plaques. 


L  ACTION  SPORICIDE  DES  HUMEURS 


357 


TABLEAU    II. 

Portions  de  3  ce.  Ensemencement  abondant  avec  les  spores  d'une  cul- 
ture dans  le  bouillon. 


DE  SUITE 
APRÈS 


I    HEURE 
APRÈS 


3    HEURES 
APRÈS 


12   HEURES 
APRÈS 


SÉRUM 
NON  CHAUFFÉ 

6384 

912 

o 

Pas  de  bacilles 
bien  colorés 

0 

Comme 
précédemment 

SÉRUM    CHAUFFÉ 

i53o 

3l2 

990 
Beaucoup  de  ba- 
cilles bien  colorés 
et  en  mouvement 

10920 
Culture 

TABLEAU   III. 


DE   SUITE 
APRÈS 

2    HEURES 
APRÈS 

8    HEURES 
APRÈS 

LE    LENDEMAIN 

SÉRUM 
NON  CHAUFFÉ 

IOI28 

288 

Aucun  indice  de 
multiplication 

0 

0 

Aucun  signe  de 
multiplication 

SÉRUM    CHAUFFÉ 

9690 

4140 

Beauc.  de  bac. 

mob.  libres  et  en 

amas,  bien  color. 

81840 

Culture,  amas 

Culture 
avec  membrane 

BOUILLON 

9324 

48575 
Bac. tous  libreset 

mob., pas  d'amas 

107520 
Culture 

Culture 

avec 

grosse  membr. 

TABLEAU    IV 


DE  SUITE 
APRÈS 


I   HEURE 
APRÈS 


4    HEURES 
APRÈS 


6    HEURES 
APRÈS 


SÉRUM 

NON    CHAUFFÉ 

7644 

4104 

594 

.Pas  de  signe  de 
multiplication 

65i5 

Petits  amas  et 

bac.  mob.  libres 

Colonies  fusion. 

Culture  de  bac. 

tous  mobiles 

5o6 

Comme 

précédemment 

SÉRUM  CHAUFFÉ 

6912 

4508 

9460 

Comme 

précédemment 

BOUILLON 

7242 

III18 

Fusion 

Culture  de  bac. 

tous  mobiles 

358  J.    LECLEF 

Toutes  ces  expériences  montrent  un  premier  fait  digne  de  remarque  : 
c'est  la  diminution  rapide  et  énorme  que  subissent  les  individus  introduits 
dans  le  sérum  non  chauffé.  Déjà  après  une  heure,  nous  tombons  de  chiffres 
élevés  à  des  chiffres  très  bas. 

Ainsi  dans  le  tableau  II  de    6384  à      o 
»        'jî  r       III        10128  o 

^  n  IV  7644        506 

Le  second  fait  qui    doit  attirer  notre  attention    est    l'augmentation, 
souvent  énorme,  du  nombre  d'organismes  dans  le  sérum  chauffé. 
Ainsi  dans  le  tableau  II  de  1530  à  10920 
"S  ^        III       9690  à  00 

r>         n  n        IV        6gi2  à  9460 

D'après  nous,  il  est  impossible,  en  présence  de  ces  résultats,  de  nier 
aux  hinneurs  la  propriété  sporicide.  En  effet,  on  ne  peut  plus  invoquer  ici 
le  changement  de  milieu,  puisque  du  moment  où  la  spore  commence  à  ger- 
mer, elle  se  trouve  dans  le  milieu  où  devra  se  faire  la  suite  de  son  évolution. 
On  ne  saurait  pas  davantage  incriminer  les  mauvaises  qualités  nutritives 
de  l'humeur,  puisque  nous  voyons  la  spore  y  pulluler  d'une  façon  au  moins 
aussi  rapide  que  dans  le  bouillon.  Il  ne  reste  donc  qu'à  admettre  que  la 
mort  est  la  conséquence  d'une  action  bactéricide,  c'est-à-dire  est  produite 
par  l'existence,  dans  le  sérum,  d'un  agent  agissant  à  la  façon  d'un  poison, 
d'un  antiseptique. 

Cependant,  en  parcourant  ces  tableaux,  nous  ne  pouvons  méconnaître 
une  particularité  qui,  à  première  vue,  paraît  difficilement  conciliable  avec 
l'interprétation  donnée.  Nous  croyons,  en  effet,  que  le  sérum  renferme 
une  substance  toxique  qui  tue  le  bacille  du  foin  dans  un  milieu  qui,  à 
tous  les  autres  points  de  vue,  constitue  pour  lui  un  excellent  milieu  de 
culture.  Nous  admettons,  en  outre,  que  cette  substance  est  détruite  par 
un  chauffage  d'une  heure  à  60".  Cette  substance  étant  décomposée,  les 
bacilles  que  nous  ensemençons  dans  le  sérum  chauffé  devraient,  à  partir 
du  moment  de  leur  introduction,  présenter  une  progression  continue; 
or,  que  voyons-nous?  Si  nous  examinons  attentivement  les  chiffres,  nous 
remarquons,  à  partir  de  l'ensemencement,  une  diminution  évidente,  qui, 
bien  que  passagère,  n'en  est  pas  moins  incontestable. 

Ainsi  dans  le  tableau  II  de  1530  à    312 
»         »>  T.       -m       9690  à  4140 

«         «  y>        IV       6912  à  4508 


l'action  sporicide  des   humeurs  359 

La  raison  de  cette  diminution  si  difficilement  compatible  avec  la 
théorie  du  pouvoir  bactéricide,  alors  qu'il  s'agit  d'un  microbe  aussi  peu 
exigeant  pour  sa  nourriture,  a  été  longtemps  une  énigme  pour  nous. 
Mais  la  solution  de  ce  problème  nous  a  été  fournie  grâce  à  l'habitude  que  • 
nous  avions  prise  de  contrôler  constamment  le  résultat  de  nos  plaques  par 
des  préparations  microscopiques  et  de  faire  ces  dernières  avec  des  soins 
tels  qu'elles  devenaient  parfaitement  comparables  les  unes  aux  autres.  Ainsi 
quand  nous  faisions  un  examen  à  frais,  nous  avions  soin  de  prendre  un 
même  nombre  d'anses,  et  quand  nous  voulions  nous  servir  de  préparations 
colorées,  nous  prélevions  une  seule  anse  que  nous  étalions  en  couche 
uniforme. 

Or,  si  l'on  compare  entre  eux  les  résultats  fournis  par  les  plaques  et 
par  l'examen  microscopique,  on  trouve  que,  jusqu'à  un  certain  point  au 
moins,  il  y  a  contradiction  flagrante  entre  les  deux.  Tandis  que  les  prépa- 
rations renseignent  d'une  façon  indéniable  une  augmentation  continue  dans 
le  nombre  des  organismes  à  partir  de  l'ensemencement,  les  plaques  nous 
donnent  une  diminution. 

Ainsi  dans  le  tableau  II,  où  nous  trouvons  une  assez  forte  diminution 
après  3  heures,  le  microscope  nous  donne  beaucoup  de  bacilles  mobiles  et 
tous  bien  colorés.  Depuis  l'ensemencement,  il  y  avait  certainement  pullu- 
lation.  De  même  dans  les  expériences  suivantes  (tableaux  III  et  IV),  il 
suffisait  de  jeter  un  coup  d'œil  au  microscope  pour  se  convaincre  qu'après 
les  première,  deuxième  et  quatrième  heures,  le  nombre  d'organismes  était 
plus  considérable  qu'au  début. 

Comment  expliquer  cette  contradiction? 

On  pourrait  admettre  que,  dans  les  premiers  temps  qui  suivent  la  spo- 
rulation, les  bacilles  deviennent  incapables  de  continuer  leur  végétation 
quand  ils  se  trouvent  transportés  brusquement  dans  l'agar.  Mais  nous  avons 
dû  abandonner  cette  manière  de  voir.  En  effet,  tout  bacille,  quel  que  soit 
son  âge,  mis  dans  l'agar,  donne  naissance  à  une  colonie.  On  s'en  assure 
facilement  en  faisant  sur  le  porte-objets  des  petites  plaques,  que  nous  appel- 
lerons plaques  microscopiques. 

On  obtient  ces  plaques  en  ajoutant  sur  un  porte-objets  à  une  goutte 
d'agar  une  trace  de  culture  dans  le  sérum  chauffé  âgée  de  1  ou  2  heures 
par  exemple.  Pour  empêcher  la  dessiccation,  on  recouvre  ce  mélange  d'une 
lamelle  de  verre  et  on  lute  à  la  paraffine. 


36o  J.    LECLEF 

En  examinant  la  petite  plaque  à  un  grossissement  de  400  diamètres,  on 
y  retrouve  facilement  les  bacilles  grâce  à  leur  volume.  On  fixe  le  porte- 
objets  à  la  table  du  microscope,  et  on  porte  le  tout  à  la  couveuse,  après  avoir 
au  préalable  relevé  soigneusement  sur  une  feuille  de  papier  la  place  occupée 
par  chaque  bacille.  On  peut  ainsi  suivre  leur  évolution  pas  à  pas  et  con- 
stater qu'ils  donnent  tous  naissance  à  une  colonie.  La  diminution  constatée 
dans  les  tableaux  ne  peut  donc  être  due  à  un  manque  d'aptitude  du  bacille 
à  végéter  dans  l'agar.  Il  faut  dès  lors  trouver  au  phénomène  une  autre 
raison,  et  cette  raison,  assez  singulière,  est  la  suivante. 

Dans  le  sérum  chauffé,  quand  les  bâtonnets  issus  des  spores  commen- 
cent à  se  mouvoir,  ils  s'accrochent  les  uns  aux  autres  de  façon  à  former  des 
amas.  Cette  agrégation  est  très  bien  rendue  dans  les  fig.  6,  8  et  10,  et 
les  amas  qui  en  résultent  présentent  une  telle  cohésion  qu'ils  ne  se  laissent 
l^lus  désagréger  par  l'agitation,  comme  on  peut  du  reste  facilement  s'en 
assurer  par  l'examen  microscopique  d'une  culture  fortement  secouée.  Au 
contraire,  dans  le  bouillon,  les  bacilles  restent  indépendants,  fig.  5,  7  et  9. 
Dès  lors,  la  diminution  est  très  facile  à  comprendre  :  plusieurs  individus  qui, 
s'ils  étaient  restés  libres,  auraient  donné  naissance  chacun  à  une  colonie, 
n'en  fournissent  qu'une  seule;  et  au  commencement  de  la  pullulation,  quand 
la  multiplication  n'a  pas  encore  compensé  cette  agrégation,  cette  dernière 
entraine  une  diminution  du    nombre  des  colonies. 

Cette  confluence  n'est  pas  une  simple  hypothèse;  elle  se  laisse  dé- 
montrer avec  toute  la  clarté  désirable  : 

1°  Comme  les  auteurs  l'ont  décrit,  et  comme  nous  avons  pu  nous  en 
convaincre  en  poursuivant  le  développement  du  Bacilliis  siibtilis,  cet  orga- 
nisme se  divise  environ  toutes  les  20  minutes.  De  sorte  qu'en  admettant, 
ce  qui  est  exagéré,  que  la  spore  fournisse  un  bacille  après  20  minutes,  on 
pourrait  tout  au  plus  trouver  des  bâtonnets  doubles  après  40  minutes  ;  des 
amas  de  4,  après  60  minutes;  de  8,  après  80  minutes;  de  16,  après  100  mi- 
nutes; et  de  32,  après  2  heures.  Or,  après  2  heures,  souvent  même  après 
1  heure,  on  trouve  des  amas  de  50  à  200  individus.  Ce  phénomène  ne  peut 
donc  s'expliquer  que  par  une  agrégation. 

2°  Quand  on  examine  au  microscope  une  culture  jeune,  on  voit  avec 
la  plus  grande  facilité  qu'au  moment  où  les  bacilles  libres  rencontrent  des 
amas  dans  leurs  pérégrinations,  ils  s'embarrassent  dans  ceux-ci  et  finissent 
par  en  faire  partie  intégrante.  Cet  enchevêtrement  se  produit  avec  une 
facilité  toute   particulière   entre   amas  et  filaments.    Cette   fusion  s'opère 


LACTION    SPORICIDE   DES    HUMEURS 


361 


quelquefois  dans  des  conditions  qui  la  rendent  particulièrement  facile  à 
reconnaître  :  ainsi  par  exemple,  quand  un  bacille  isolé  rencontre  une  longue 
chainette  vers  le  milieu  de  la  longueur  de  celle-ci,  s'il  s'y  accroche,  il  est 
emporté  avec  la  chaînette,  et  décrit  des  cercles  chaque  fois  que  celle-ci 
tourne  sur  elle-même. 

3°  On  peut  produire  à  volonté  cette  agrégation  et  la  voir  évoluer  en- 
tièrement sous  ses  yeux,  grâce  à  la  petite  expérience  suivante  : 

Dans  le  bouillon,  ces  amas  ne  se  produisent  jamais,  les  bacilles  de- 
meurent isolés  et  sont  répartis  d'une  façon  uniforme  dans  le  champ  du  mi- 
croscope. Or,  si  l'on  mélange  un  peu  d'une  culture  de  bouillon  à  du  sérum 
chauffé,  on  constate  qu'après  quelques  minutes  la  répartition  bacillaire  a 
changé  complètement;  les  organismes  ne  sont  plus  répartis  uniformément 
dans  le  champ  du  microscope;  la  plupart  se  sont  concrètes  en  amas  qui 
roulent  et  tournent  lentement  sur  eux-mêmes.  Ce  phénomène  est  représenté 
dans  les  fig.  Il,  12  et  13.  La  fig.  11  reproduit  une  culture  de  bouillon 
jeune,  à  individus  tous  vivants,  tous  mobiles.  Dans  cette  culture,  on  verse 
,  du  sérum  chauffé  et  on  fait  immédiatement  une  nouvelle  préparation,  fig.  12. 
L'agrégation  a  déjà  commencé.  Enfin  cinq  minutes  plus  tard,  on  fait  une 
seconde  préparation,  et  on  obtient  l'aspect  de  la  fig.  13.  Il  ne  peut  évidem- 
ment pas  être  question  ici  d'agrégation  résultant  d'une  multiplication. 

4°  Une  dernière  considération  permet  de  reconnaître  l'exactitude  de 
cette  interprétation.  Pour  des  raisons  dont  nous  n'avons  pu  saisir  le  méca- 
nisme, nous  avons  vu  quelquefois  dans  le  sérum  chauffé  que  les  bacilles, 
au  lieu  de  s'agréger,  conservaient  leur  indépendance,  exactement  comme 
cela  se  passe  d'une  façon  constante  dans  le  bouillon.  La  diminution 
passagère  fait  alors  complètement  défaut,  comme  le   fait  bien  ressortir  le 

tableau  suivant  : 

TABLEAU   V. 

Développement  dans  le  sérum  chauffé  sans  agrégation  des  bacilles. 


DE  SUITE  APRÈS 

2    HEURES 
APRÈS 

6    HEURES 
APRÈS 

9    HEURES 
APRÈS 

SÉRUM 
NON  CHAUFFE 

go  2 

0 

0 

0 

SÉRUM 
NON  CHAUFFÉ 

IOI2 

0 

0 

0 

SÉRUM  CHAUFFÉ 

952 

13842 

Cuit,  en  mouve- 
ment, pas  d'amas 

26112 

Colonies 
fusionnées 

SÉRUM  CHAUFFÉ 

378 

2952 

Pas   d'amas 

Bacilles  mobiles 

23328 

Colonies 
fusionnées 

362  J.    LECLEP 

Comment  se  fait  cette  agrégation?  Il  n'y  a  pas  de  doute,  c'est  par  les 
cils.  Lœffler{i),  qui  a  coloré  les  cils  du  bacille  du  foin,  nous  a  appris  que 
ces  appendices  étaient  longs  et  ondulés.  Ces  cils  s'enchevêtrent  sans  doute 
les  uns  dans  les  autres  et  la  viscosité  naturelle  du  sérum  doit  contribuer  à 
rendre  stable  l'agglomération  qui  en  résulte. 

Ainsi  se  trouve  élucidée  la  contradiction  entre  les  plaques  et  les  prépa- 
rations microscopiques.  Ce  sont  ces  dernières  qui  méritent  créance.  Les 
plaques  nous  renseignent  trop  peu  d'organismes.  Nous  devons  admettre 
que  la  diminution  passagère  qu'elles  indiquent  au  début  de  l'expérience 
est  trompeuse.  Dès  leur  entrée  dans  le  sérum  chauffé,  les  bacilles  com- 
mencent à  pulluler.  Ce  fait  montre  une  fois  de  plus  à  quelles  erreurs  peut 
conduire  l'emploi  d'une  méthode  unique. 

La  question  de  la  destruction  des  spores  dans  le  sérum  nous  paraît 
avoir  une  impoi'tance  telle,  qu'elle  mérite  d'être  constatée,  non  seulement 
par  le  microscope  et  par  les  plaques,  mais  par  les  autres  moyens  que  nous 
avons  à  notre  disposition  pour  nous  renseigner  sur  l'état  de  vie  ou  de 
mort  des  microbes.  C'est  pour  ce  motif  que  nous  avons  voulu  contrôler 
les  résultats  obtenus  par  une  méthode  de  numération  déjà  ancienne  et 
actuellement  peu  employée,  celle  des  dilutions. 

Voici  comment  nous  avons  procédé  :  nous  prenons  deux  tubes,  le  pre- 
mier avec  du  bouillon,  le  second  avec  du  sérum  non  chauffé  et  tous  deux 
ensemencés  abondamment  avec  des  spores  du  Bacilliis  subtilis.  Dans  ces 
cultures,  nous  prélevons  0,2  ctm.  cube  que  nous  introduisons  dans  10  ctm. 
cube  de  bouillon.  Après  agitation,  nous  prélevons  encore  0,2  ctm.  c.  du 
deuxième  tube  et  nous  les  introduisons  dans  un  troisième,  opération  que;  nous 
répétons  encore  sept  fois.  Nous  nous  trouvons  ainsi  en  possession  d'un 
certain  nombre  de  dilutions  de  moins  en  moins  riches  en  microbes.  A  partir 
delà  septième  dilution,  nous  faisons  avecchaquedilution  desensemencements 
dans  cinq  tubes  en  prélevant  pour  chaque  ensemencement  0,1  ctm.  c.  Cette 
opération  est  répétée  à  plusieurs  intervalles,  de  façon  à  enregistrer  les 
fluctuations  subies  dans  le  nombre  des  microbes.  Le  tableau  suivant  montre 
mieux  que  toutes  les  explications  qu'on  pourrait  donner,  combien  cette  expé- 
rience vient  confirmer  les  résultats  acquis  par  les  méthodes  plus  modernes. 


I 


(i)     F.  Lœffler  :   Eiite  neue   Méthode    ^um   Fàrben   dcr   Mikroorganismcn,   etc.;    Centr.   f.  Bakt., 
t.   VI,    18S9. 


L  ACTION  SPORICIDE  DES  HUMEURS 


363 


TABLEAU   VI. 


DEGRE    DE    DILUTION 


I25o 

I 

625oo 

I 

3i25ooo 

I 
i5625oooo 


I25o 

I 

625oo 

I 

3i25ooo. 

I 
i5525oooo 


i25o 

I 
62500 

I 
3i25ooo 


I 56250000 


DE      SUITE 

APRÈS 

SÉRUM 

es  infectés    tubes  s 

tériles 

tubes  in 

BOUILLON 

:ectés     tubes  stériles 

5 

0 

5 

0 

5 

0 

5 

0 

5 

0 

5 

0 

5 

0 

5 

0 

2       HEURES      APRÈS 
SÉRUM 

tubes  infectés     tubes  stériles 


BOUILLON 

tubes  infectés     tubes  stériles 
5  G 


0 

5 

5 

0 

0 

5 

4 

I 

0 

5 

4 

I 

8       HEURES 

AP  R 

ÈS 

SÉRUM 

iibes  infectés     tubes  stériles 

tubes 

BOUILLON 

infectés     tubes  stériles 

0 

5 

5 

0 

0 

5 

5 

0 

0 

5 

5 

0 

0 

5 

5 

0 

La  méthode  par  dilution,  qui  transporte  les  bacilles  non  plus  dans  un 
milieu  solide,  mais  dans  un  milieu  liquide,  nous  démontre  ainsi  le  même 
fait  que  la  méthode  des  plaques  :  la  destruction  des  spores  dans  le  sérum 
naturel  et  leur  conservation,  si  pas  leur  pullulation,  dans  le  bouillon. 


46 


364 


J.    LECLEF 


CHAPITRE    IV.    --    Identité    du  pouvoir   sporicide   avec  le  pouvoir   bactéricide. 

Dans  le  paragraphe  précédent,  nous  avons  établi  que  des  spores  intro- 
duites dans  du  sérum  non  chauffé  meurent  rapidement.  Les  travaux  de 
BucHNER  et  d'autres  ont  établi  le  même  fait  pour  beaucoup  de  formes 
végétantes  de  microbes.  'Le  pouvoir  sporicide  est-il  identique  au  pouvoir 
bactéricide?  C'est  ce  que  nous  allons  examiner. 

H.  BucHNER  et  ses  élèves  nous  ont  fait  connaître  plusieurs  propriétés 
de  la  substance  bactéricide  : 

1°     Cette  substance  est  détruite  par  un  chauffage  à  60"; 

20     Elle  ne  développe  ses  effets  qu'en  présence  de  certains  sels; 

3°  Elle  tolère  la  présence  d'une  certaine  quantité  d'aliments  pour  les 
microbes;  mais  quand  les  aliments  sont  trop  abondants,  son  action  se  trouve 
diminuée. 

Le  facteur  qui  est  la  cause  de  la  destruction  des  spores  se  trouve-t-il 
influencé  de  la  même  façon? 

I.     Action   de  la   température. 

Nos  expériences  précédentes  établissent  déjà  que  l'action  sporicide 
du  sérum  est  abolie  par  un  chauffage  à  60"  pendant  une  heure,  mais  elles 
ne  nous  apprennent  pas  la  température  exacte  à  laquelle  se  fait  cette  des- 
truction, ni  la  durée  précise  pendant  laquelle  il  faut  laisser  cette  tempéra- 
ture exercer  son  action.  Les  expériences  suivantes  comblent  cette  lacune. 


TABLEAU  VIL 

Nous  avons  4  portions  de  sérum,  chauffées  respectivement  à  56°,  58°, 
60°  et  62°  pendant  une  heure  et  ensemencées  avec  des  spores  provenant 
d'un  bouillon. 


DE  SUITE  APRÈS 

2    HEURES 
APRÈS 

6    HEURES 
APRÈS 

9    HEURES 
APRÈS 

SÉRUM 
CHAUFFÉ    I  H.    A    Sô» 

902 

0 

0 

0  . 

SÉRUM 
CHAUFFÉ    I  H.    A    58° 

I0I2 

0 

0 

0 

SÉRUM 
CHAUFFÉ    I   H.    A    Gqo 

952 

13824 

Pas   d'amas 
2952 

26112 

Colonies 
fusionnées 

SÉRUM 
CHAUFFÉ    I  H.    A   620 

378 

23328 

Colonies 
fusionnées 

L  ACTION  SPORICIDE  DES  HUMEURS 


365 


Dans  les  deux  tableaux  suivants,  nous  rencontrons  3  milieux,  un  sérum 
non  chauffé,  un  sérum  chauffé  pendant  1  heure  à  58°  et  un  bouillon. 


TABLEAU   VIII. 


DE    SUITE 
APRÈS 

3  HEURES 
APRÈS 

6  HEURES 
APRÈS 

9  HEURES 
APRÈS 

l5  HEURES 
APRÈS 

SÉRUM 
NON  CHAUFFÉ 

23760 

14896 

58 

0 

0 

SÉRUM  CHAUFFÉ 
I     H.    A    58° 

31964 

7344 

228 

0 

0 

BOUILLON 

21600 

34720 

60944 

69844 

00 

TABLEAU    IX. 


DE    SUITE 
APRÈS 

3  HEURES 
APRÈS 

6  HEURES 
APRÈS 

9  HEURES 
APRÈS 

12  HEURES 
APRÈS 

SÉRUM 
NON  CHAUFFÉ 

2976 

0 

0 

0 

0 

SÉRUM  CHAUFFÉ 

I  H.   A  58»- 

8568 

442 

3o 

i5 

0 

BOUILLON 

3744 

6960 

5oi6q 

Augmen- 
tation 

Augmen- 
tation 

Ces  tableaux  montrent  à  toute  évidence  que  le  pouvoir  sporicide 
peut  être  considéré  comme  non  modifié  par  un  chauffage  à  58"  pendant  une 
heure.  Dans  les  portions  chauffées,  la  destruction  est,  il  est  vrai,  un  peu 
plus  lente,  mais  ce  fait  s'explique  très  nettement  par  l'ensemencement  un 
peu  plus  abondant. 

Ces  expériences  nous  apprennent  que  la  modification  qui  survient  dans 
le  sang  quand  il  perd  son  action  sporicide  est  liée  à  une  température  bien 
précise.  On  peut  admettre  que  toutes  les  températures  inférieures  à  58° 
sont  sans  action  sur  le  pouvoir,  du  moins  quand  elles  n'agissent  qu'une 
heure;  mais  il.  suffit  que  la  température  monte  un  peu  pour  qu'elle  modifie 
immédiatement  la  façon  dont  se  comportent  les  humeurs  vis-à-vis  des  spores. 

Nous  savons  que  l'action  destructive  du  sérum  sur  les  formes  végétantes 
est  influencée  de  la  même  façon  par  la  chaleur.  C'est  donc  un  premier  point 
de  ressemblance  entre  ces  deux  actions. 


366 


J.    LECLEF 


Il  est  peut-être  intéressant  de  connaître  le  temps  pendant  lequel  la 
température  de  60°  doit  agir  sur  le  sérum,  pour  le  dépouiller  de  sa  pro- 
priété sporicide. 

L'expérience  suivante  nous  fournit  ce  renseignement.  Elle  comprend 
plusieurs  portions  de  sérum  :  une  première  de  sérum  non  chauffé  et  les 
autres  chauffées  à  60°  pendant  des  laps  de  temps  variables. 

TABLEAU    X. 


DE  SUITE  APRÈS 

2    HEURES 
APRÈS 

4    HEURES 
APRÈS 

6    HEURES 
APRÈS 

SÉRUM 
NON  CHAUFFÉ 

12920 

5940 

837 
Immobilité 

i56o 

sérum  chauffé 
1/4  d'heure  a  60° 

gSoo 

7128 

2184 
Pasdebac.mob. 

5184 
Amas 

5814 

SÉRUM    CHAUFFÉ 
1/2  H.    A    60° 

11742 

9384 

Amas 

4794 

sérum  chauffé 
3/4  d'heure  a  60° 

9709 

9072 
Amas 

4704 
Amas 

6840 

SÉRUM    CHAUFFÉ 
I   H.    A  60" 

6gi2 

6120 

Amas 

4508 
Amas 

6460 

Ce  tableau  nous  apprend  que  le  chauffage  pendant  1/4  d'heure  exerce 
déjà  une  action  sensible;  après  3/4  d'heure,  l'action  neutralisante  de  la 
chaleur  peut  être  considérée  comme  accomplie. 

2.     Nécessité   de  l'intervention   de  certains   sels. 

BucHNER  a  établi  ce  fait  curieux  que  la  substance  bactéricide  se  trouve 
paralysée  complètement  quand  on  soustrait  à  l'humeur  les  sels  qu'elle  ren- 
ferme. Il  l'a  fait  en  soumettant  le  sérum  à  la  dialyse  :  ce  dernier  perd  alors 
toute  son  action  sur  les  microbes.  Il  récupère  au  contraire  cette  action,  dès 
qu'on  y  ajoute  des  sels  en  proportions  convenables,  ainsi  par  ex.  le  chlorure 
de  sodium  à  6  ou  7  0/00. 

Le  même  auteur  a  démontré  que  l'on  peut  mettre  cette  particularité 
en  évidence  d'une  manière  beaucoup  plus  simple  que  par  l'osmose.  Il  suffit 
'  de  prendre  deux  portions  de  sérum,  de  diluer  l'une  par  de  l'eau  salée  phy- 
siologique, l'autre  par  de  l'eau  distillée  et  de  les  ensemencer  toutes  les  deux 
avec  le  même  microbe.  La  première  portion  manifeste  une  action  bactéri- 
cide intense,  tandis  que  la  seconde  devient  immédiatement  le  siège  d'un 


l'action  sporicide  des  humeurs 


367 


développement  microbien  abondant.  En  procédant  d'une  façon  analogue 
avec  du  sérum  que  l'on  fait  agir  sur  les  spores  du  Bacillus  subtilis,  nous 
arrivons  exactement  au  même  résultat. 

L'expérience  suivante  comporte  trois  sortes  de  sérum  : 

1°     Un  sérum  pur; 

2°     Un  groupe  de  trois  tubes  de  sérum  dilué  en  proportion  de  plus  en 

plus  forte  avec  de  l'eau  salée. 

Cette  dilution  est  sans  effet  sur  le  pouvoir  bactéricide  ; 

3°  Un  troisième  groupe  du  même  sérum,  mais  dilué  avec  de  l'eau 
pure.  Dans  ce  groupe,  nous  avons  une  pullulation  d'autant  plus  rapide  que 
la  quantité  d'eau  est  plus  forte. 

TABLEAU  XL 


APRÈS    3    HEURES 


SÉRUM  FRAIS 

Beauc.  de  bâtonnets 
mal  colorés 

Sérum  transparent 

Rien  à  voir 

2  ce.  SÉRUM  FRAIS 
-\-  2  ce.  EAU  SALÉE 

Sérum  transparent 
Pas  de  bac.  bien  color. 

Comme 
précédemment 

Idem 

I  ce.  SÉRUM  FRAIS 
-|-  3  ce.  EAU  SALÉE 

Sérum  transparent 
Pas  de  bac.  bien  color. 

Comme 
précédemment 

Idem 

1/2  ce.  SÉRUM  FRAIS 
-f-  3   1/2  ce.  EAU  SALÉE 

Sérum  transparent 
Pas  de  bacilles  colorés 

Comme 

précédemment 

Idem 

2  ce.  SÉRUM  FRAIS 
-|-   2  ce.   EAU  SIMPLE 

Sérum  transparent 
Pas  de  bac.  bien  color. 

Sérum  transparent 

Beauc.bac.mob.  ,amas 
qui  roulent.  Bien  color 

I  ce.  SÉRUM  FRAIS 
-\-  3  ce.  EAU    SIMPLE 

Quelq.  bac.  réfringents 
Rares  bac.  bien  color. 

Sérum  trouble 
Petite  culture 

Culture 

1/2  ce.  SÉRUM  FRAIS 
-j-  1/2  ce.  EAU  SIMPLE 

Assez  bien  de  bac.  ho- 
mog.  mob.,  bien  color. 

Sérum  trouble 
Culture 

Idem 

Le  rôle  des  sels  est  tellement  évident  dans  le  tableau  qui  précède  qu'il 
se  passe  de  tout  commentaire.  C'est  un  second  point  de  ressemblance  entre 
le  pouvoir- microbicide  et  le  pouvoir  sporicide. 


3.     Addition  de  substances  alimentaires. 

L'addition  d'une  certaine  quantité  de  substances  alimentaires  n'empêche 
pas  le  sérum  d'exercer  son  influence  destructive  sur  les  spores  du  Bacillus 
subtilis.  Non  seulement  le  sérum  tolère  de  petites  quantités  de  bouillon 


368 


J.    LECLEF 


nutritif,  mais  on  peut  le  noyer  dans  des  flots  de  ce  liquide,  sans  que  son 
pouvoir  destructif  s'en  trouve  considérablement  amoindri. 


TABLEAU   XII. 


DE    SUITE     ■ 
APRÈS 

2  HEURES 
APRÈS 

4  HEURES 
APRÈS 

7  HEURES 
APRÈS 

LENDEMAIN 

4  ce.  SÉRUM  FRAIS 

58i4 

392 

252 

3l2 

65o 

3  ce.  SÉRUM  FRAIS 
-j*  I  ce.  BOUILLON 

3294 

35i 

217 

207 

4o5 

2  ce.  SÉRUM  FRAIS 
-(-2CC.  BOUILLON 

5928 

377 

286 

288 

788 

I  ce.  SÉRUM  FRAIS 
-|-3  ce.  BOUILLON 

4788 

798 

475 

336 

i33oo 

4  ce.    BOUILLON 

5244 

6264 

Colonies 
.  fusionnées 

Colonies 
fusionnées 

00 

Ainsi,  on  peut  ajouter  impunément  à  un  volume  de  sérum  trois  fois  son 
volume  de  bouillon  sans  voir,  le  jour  du  mélange,  le  pouvoir  bactéricide 
paralysé  d'une  façon  sensible  (v.  4'^  tube)  ;  7  heures  après  le  mélange,  le 
nombre  des  microbes  survivants  diffère  à  peine  de  celui  que  l'on  trouve  dans 
le  tube  de  sérum  pur  et  le  microscope  ne  décèle  pas  plus  de  développement 
dans  l'un  que  dans  l'autre.  Ce  n'est  que  le  lendemain  que  le  tube  additionné 
si  largement  de  bouillon  présente  une  pullulation  franche.  A  cette  époque, 
les  tubes  plus  faiblement  dilués  se  comportent  à  peu  près  comme  le  tube 
de  sérum  pur. 

L'addition  de  sérum  frais  ne  transforme  pas  seulement  le  bouillon  en 
un  milieu  impropre  au  développement  de  la  spore,  il  empoisonne  également 
un  autre  milieu,  très  favorable,  le  sérum  chauffé.  L'expérience  suivante, 
faite  sur  le  même  plan  que  la  précédente,  avec  la  seule  différence  que  le 
bouillon  est  remplacé  par  du  sérum  chauffé,  le  démontre  clairement.  De 
même  que  1  partie  de  sérum  frais  ajoutée  à  3  parties  de  bouillon  suffisait 
pour  enrayer  le  développement,  de  même  un  mélange  dans  la  même  pro- 
portion de  sérum  frais  et  de  sérum  chauffé  se  montre  impropre  à  tout 
développement  microbien. 


L  ACTION    SPORICIDE   DES    HUMEURS 


369 


TABLEAU   XIII. 


DE    SUITE 
APRÈS 

I   HEURES 
APRÈS 

2  HEURES 
APRÈS 

3  HEURES 
APRÈS 

12  HEURES 
APRÈS 

4  ce.  SÉRUM  FRAIS 

6384 

912 

Pas  de  bac.  se 
colorant  bien 

1824 
Pas  de  signe 
de  végétation 

56i6 
Rares  bac.  se 
colorant  bien 

2420 
Assez  bien  de 
b  àt.  bien  col 

0 

Idem 

0 

Idem 

0 

Idem 

3  ce.  SÉRUM  FRAIS 

+    ICC. 
SÉRUM  CHAUFFÉ 

10608 
9044 

480 
Idem 

0 

Idem 

0 
Idem 

2  ce.  SÉRUM  FRAIS 

-\-  2  ce. 
SÉRUM  CHAUFFÉ 

3oo 

Pas  de  bâton. 

bien  colorés 

0 

Pas  signe  de 
vie 

0 

Idem 

0 
Idem 

I  ce.  SÉRUM  FRAIS 

+  3  ce. 

SÉRUM  CHAUFFÉ 

6912 

0 

Idem 

0 

Idem 

4  ce', 

SÉRUM  CHAUFFÉ 

i53o 

3l2 

Amas,  bac. 
mob.,   colorés 

990 
Idem 

io32 
Idem 

10920 
Idem 

Dans  cette  expérience,  on  peut  noter  un  fait  intéressant,  c'est  un  com- 
mencement manifeste  de  vie  dans  les  tubes  3  et  4.  Une  heure  après  l'ense- 
mencement, le  microscope  y  décèle  des  bâtonnets  bien  colorables,  surtout 
dans  le  tube  4;  mais  une  heure  plus  tard  ils  ont  disparu.  Ce  phénomène 
ne  s'observe  jamais  dans  le  sérum  pur.  Dans  nos  tubes  3  et  4,  on  dirait  que 
l'empoisonnement  s'est  fait  lentement.  Un  certain  nombre  de  spores  sont 
parvenues  à  se  transformer  en  bâtonnets  complets,  adultes,  mais  ceux-ci 
ont  tous  néanmoins  fini  par  succomber. 

Ces  dernières  expériences  (tableaux  XII  et  XIII),  dans  lesquelles  nous 
voyons  une  dose  faible  de  sérum  frais  transformer  un  milieu  nutritif  en  un 
milieu  toxique,  ne  sont  pas  un  simple  objet  de  curiosité  ;  elles  ont  une  portée 
considérable.  En  effet,  devant  la  façon  toute  différente  dont  se  comportent 
le  sérum  frais  et  le  sérum  chauffé,  on  pourrait  se  demander  si  la  chaleur 
n'intervient  pas  en  imprimant  à  l'humeur  des  modifications  qui  la  rendent 
facilement  assimilable  aux  microbes?  Dans  cette  hypothèse,  le  sérum  frais 
constituerait  un  obstacle  au  développement  de  la  spore,  non  pas  parce  qu'il 
empoisonne  cette  dernière,  mais  uniquement  parce  qu'il  ne  contient  pas 
certains  principes  nécessaires  à  cet  organisme,  principes  qui  y  prendraient 
naissance  sous  l'action  du  chauffage  ;  en  d'autres  termes,  le  sérum  frais  serait 
un  aliment  incomplet  pour  le  microbe  et  ne  deviendrait  aliment  complet 
que  sous  l'action  de  la  chaleur,  par  exemple  grâce  à  un  dédoublement. 


o^o  J-    LECLEr 

Cette  hypothèse  se  trouve  complètement  renversée  par  notre  dernière 
expérience  ;  en  effet,  l'addition  de  bouillon  a  pour  effet  d'introduire  dans  le 
sérum  les  substances  azotées  et  ternaires  sous  leurs  formes  les  plus  assimi- 
lables, les  peptones  et  les  glucoses,  en  même  temps  qu'elle  y  apporte  des 
sels  et  des  produits  de  désassimilation  les  plus  variés  (extrait  de  viande). 
C'est  ainsi  que  le  tube  4  -du  tableau  XII  est  beaucoup  plus  bouillon  que 
sérum  :  dilué  tel  qu'il  est,  il  renferme  encore  0,75  0/0  de  peptone,  0,37  0/0 
de  glucose  et  autant  d'extrait.  Or  cette  pi'oportion  d'aliments  si  facilement 
assimilables  dépasse  de  loin  les  besoins  de  notre  organisme.  C'est  ainsi 
que  nous  l'avons  vu  se  développer  parfaitement  dans  du  bouillon  dilué  au 
cinquième,  au  dixième  et  même  dans  une  simple  solution  d'extrait  de 
viande  à  0,5  0/0.  Or  qu'est-ce  qui  l'empêcherait  de  se  développer  dans  un 
milieu  beaucoup  plus  riche,  si  non  une  cause  tout  à  fait  indépendante  d'un 
défaut  d'aliments? 

CHAPITRE    V.    --   Expériences   avec    le    bacille    de    la   pomme   de   terre. 

Désireux  d'étendre  nos  recherches  à  d'autres  organismes  saprophytes 
sporulés,  nous  avons  essayé  d'expérimenter  avec  différentes  autres  espèces, 
mais  nous  n'en  avons  pas  trouvé  d'aussi  convenables  pour  cette  étude  que 
le  bacille  du  foin.  Le  plus  propice  que  nous  ayons  trouvé  est  le  bacille  de 
la  pomme  de  terre,  cet  organisme  qu'on  rencontre  si  souvent  sur  les  pommes 
de  terre  incomplètement  stérilisées  et  qui  y  forme  une  couche  ridée  d'un 
gris  sale.  Cet  organisme  est  loin  de  se  prêter  à  ces  recherches  avec  la  même 
facilité  que  le  bacille  du  foin,  et  cela  pour  plusieurs  raisons. 

1°  Les  spores  sont  plus  petites  et  plus  difficiles  à  retrouver  au 
microscope  ;  mais  ce  n'est  là  qu'un  inconvénient  relativement  léger. 

2°  La  germination  de  la  spore  se  fait  avec  une  lenteur  considérable. 
Si  l'on  peut  admettre  que  les  spores  du  foin  germent  toutes  en  une  ou  deux 
heures,  les  bacilles  de  la  pomme  de  terre  ne  commencent  à  montrer  de 
changement  qu'après  6  heures  et  parfois  davantage. 

3°  Mais  l'inconvénient  le  plus  grave  est  le  suivant  :  malgré  tous  nos 
efforts  nous  n'avons  pu  obtenir  le  développement  de  ce  microbe  sur  nos 
plaques.  Ce  moyen  de  numération  nous  a  donc  fait  défaut,  et  nous  avons 
dû  nous  contenter  de  l'examen  microscopique. 

Nos  expériences  avec  cet  organisme  sont  donc  moins  complètes,  que 
celles  faites  avec  le  Bacilliis  siiblilis,  mais  les  résultats  qui  nous  ont  été 


LACTION    SPORICIDE    DES     HUMEURS 


371 


I 
I 


fournis  par  l'étude  de  ce  dernier  nous  permettent  d'affirmer  que  le  sérum 
exerce  sur  les  spores  du  bacille  de  la  pomme  de  terre  la  même  action 
sporicide. 

Dans  l'expérience  suivante,  nous  avons  trois  portions,  la  première  de 
sérum  frais,  la  deuxième  de  sérum  chauffé,  la  troisième  de  bouillon,  large- 
ment ensemencées  avec  des  spores  du  bacille  de  la  pomme  de  terre. 

TABLEAU    XIV. 


APRÈS    6    HEURES 

APRÈS    g    HEURES 

LENDEMAIN 

SÉRUM  FRAIS 

Pas  signe 
de  développement 

Assez  bien  de  bacilles 
mobiles  par  champ 

Idem 

Idem 

SÉRUM  CHAUFFÉ 

Culture  de  bacilles 
excessivement  vifs 

Culture 
Sérum  trouble- 

BOUILLON 

Assez  bien  de  bacilles 
iiiobiles  par  champ 

Assez  bien  de  bacilles 
mobiles 

Culture 
Bouillon    trouble 

TABLEAU    XV. 

Expérience  semblable  à  la  précédente. 


APRÈS    3    HEURES 

APRÈS    6    HEURES                 APRÈS    9    HEURES 

SÉRUM  FRAIS 

Pas  signe 
de  développement 

Pas  signe 
de  développement 

Pas  signe 
de  développement 

Idem 

Rares  bacilles 
mobiles  par  champ 

Idem 

SÉRUM  CHAUFFÉ 

Petite  culture 

BOUILLON 

Plusieurs  bacilles 
mobiles  par  champ 

Culture 

On  sera  peut-être  étonné  de  voir  qu'après  3  heures  il  n'y  a  aucune 
trace  de  vie  dans  notre  sérum  chauffé,  ni  dans  notre  bouillon  ;  mais  qu'on 
veuille  bien  se  rappeler  que  les  spores  du  bacille  de  la  pomme  de  terre  ne 
germent  en  général  qu'après  5 — 6  heures.- 

Enfin,  dans  l'expérience  suivante,  nous  avons  joint  la  coloration  des 
préparations  à  l'examen  à  frais.  Comme  on  pourra  facilement  s'en  convain- 
cre en  jetant  un  coup  d'œil  sur  notre  tableau,  elle  vient  en  tous  points  con- 
firmer les  expériences  précédentes. 


47 


37^ 


J.    LECLEF 


TABLEAU    XVI. 


APRÈS    8    HEURES 

APRÈS    12    HEURES 

SÉRUM    FRAIS 

On  n'aperçoit  aucun  bacille 
bien  coloré 

Idem 

SÉRUM    CHAUFFÉ 

Rares  bacilles 
mobiles,  bien  colorables 

Bacilles  mobiles  et  bien 
colorables 

BOUILLON 

Plusieurs  bacilles  bien 

colorables.  Quelques-uns  sont 

assez  mobiles 

Petite  culture  de  bacilles 
mobiles,  tous  bien  colorables 

Ces  quelques  expériences,  forcément  sommaires,  prouvent  donc  l'exis- 
tence dans  le  sérum  d'un  agent  capable  de  détruire  les  spores  du  bacille  de 
la  pomme  de  terre  et  viennent  confirmer  les  résultats  que  nous  avait  donnés 
le  Bacillus  siibtilis. 

CONCLUSIONS     GÉNÉRALES. 

Nous  serons  bref. 

Les  adversaires  du  pouvoir  bactéricide  des  humeurs  prétendent  que  les 
spores  ne  sont  pas  enveloppées  dans  la  même  destruction  que  les  formes 
végétantes,  et  ils  partent  de  cette  assertion  pour  nier  le  pouvoir  des  humeurs 
et  expliquer  la  mort  des  organismes  par  le  changement  du  milieu.  Nos 
recherches  démontrent  combien  cette  façon  de  raisonner  est  dénuée  de  fon- 
dement, car  elles  établissent  d'une  façon  péremptoire  l'existence  d'un  pouvoir 
sporicide  entendu  dans  le  sens  d'une  destruction  active. 

En  effet,  trois  facteurs  seuls  peuvent  être  invoqués  pour  expliquer  la 
destruction  de  microorganismes  introduits  dans  un  milieu  de  culture  : 

1"  Le  changement  de  milieu.  Nos  expériences  étant  faites  exclusive- 
ment avec  des  spores,  ce  facteur  ne  peut  entrer  en  ligne  de  compte. 

2°  L'absence  d'une  ou  de  plusieurs  substances  alimentaires.  Ce  motif 
ne  peut  être  invoqué  pour  expliquer  la  destruction.  En  effet,  la  présence 
d'aliments  en  quantité  surabondante  ne  sauve  pas  de  la  mort  des  organismes 
aussi  peu  exigeants  que  ceux  employés  par  nous. 

3°  Il  ne  reste  plus  qu'à  admettre  l'existence  d'une  substance  bactéricide 
agissant  à  l'instar  d'un  antiseptique  même  dans  les  milieux  les  mieux  com- 
posés pour  une  pullulation  microbienne. 

II  est  vrai  que  nos  conclusions  ne  concordent  pas  avec  celles  de 
Trapeznikoff,  dont  nous  citions  le  mémoire  au  commencement  de  notre 
travail,  mais  nous  croyons  que  ces  dernièi^es  ne  découlent  nullement  des 
expériences  instituées. 


l'action  sporicide  des  humeurs  373 

En  effet,  si  nous  analysons  les  expériences  de  Trapeznikoff  sur  le 
lapin,  les  seules  qui  soient  comparables  aux  nôtres,  nous  trouvons  qu'il  a 
opéré  sur  cet  animal  avec  les  trois  organismes  suivants  : 

le  Bacillus  anthracis, 

—  subtilis, 

—  megaterium. 

Nous  admettons  volontiers  que  le  bacille  du  charbon  germe  et  pullule 
dans  les  humeurs  du  lapin,  ce  i-fticrobe  étant  un  organisme  pathogène  par 
excellence  et  tuant  à  dose  infinitésimale.  Il  est  naturel,  la  théorie  du  pouvoir 
m-icrobicide  des  humeurs  l'exige  même,  qu'il  oppose  une  résistance  parti- 
culière au  sang  ou  à  la  lymphe.  Aussi  ne  peut-il  servir  à  mettre  en  évidence 
la  propriété  bactéricide. 

Quant  aux  expériences  que  Trapeznikoff  a  faites  avec  les  spores  du 
Bacillus  subtilis  et  du  Bacillus  megaterium,  nous  trouvons  que,  loin  de 
servir  sa  cause,  elles  plaident  plutôt  en  faveur  de  la  nôtre.  L'auteur  intro- 
duit ces  spores  dans  la  chambre  antérieure  de  l'œil  chez  le  lapin  et  les  retire 
à  des  intervalles  variables.  Voici  comment  il  s'exprime  à  ce  sujet  : 

-  Sur  les  préparations  faites  avec  le  liquide  de  l'œil  à  divers  intervalles, 
après  l'introduction  des  spores  des  deux  espèces,  et  colorées  à  la  fuchsine 
et  au  bleu  de  méthylène,  on  trouvait  soit  des  spores  colorées  en  rouge 
(c'est-à-dire-xles  spores  qui  n'ont  pas  encore  subi  la  germination),  soit  une 
absence  complète  de  spores  ;  en  tout  cas  on  ne  trouvait  pas  de  spores  ger- 
mées.  On  trouvait  bien  des  leucocytes  renfermant  des  spores;  mais  on  ne 
voyait  pas  de  bacilles  ni  de  filaments.  « 

ÎDe  l'aveu  de  l'auteur  même,  tout  signe  de  germination  dans  l'humeur 
aqueuse  faisait  donc  défaut  ;  fait  singulier,  si  l'on  songe  que  les  spores  du 
foin  mettent  peu  de  temps  à  germer  et  que  l'humeur  aqueuse  est  un  milieu 
dans  lequel  elles  se  développent.  Aussi,  comme  nous  le  disions,  ces  expé- 
riences nous  semblent  devoir  être  interprétées  plutôt  en  faveur  de  l'existence 
d'une  action  délétère  des  liquides  de  l'organisme  sur  les  spores  des  espèces 
non  pathogènes.  L'auteur  russe  a  du  reste  compris  parfaitement  l'interpré- 
tation défavorable  à  son  point  de  vue  que  l'on  pouvait  faire  de  ses  expé- 
riences et  il  tâche  d'en  atténuer  la  portée  en  expliquant  l'absence  de  germi- 
nation par  le  défaut  d'oxygénation. 

D'après  lui,  la  chambre  antérieure  de  l'œil  ne  renferme  pas  assez 
d'oxygène  pour  permettre  aux  spores  des  Bacillus  subtilis  et  megaterium  de 
germer.  Outre  que  cette  hypothèse  est  peu  plausible  et  purement  gratuite, 
elle  nous  paraît  en  contradiction  formelle  avec  la  germination  dans  la 
chambre  antérieure  de  l'œil  des  spores  du  Bacillus  anthracis,  auxquelles 
l'oxygène  est  au  moins  aussi  nécessaire  qu'aux  bacilles  sus-nommés. 


374  J-    LECLEF 

En  réalité,  l'auteur,  qui  a  fait  de  nombreuses  expériences  avec  le  Bacillus 
anthracis,  n'en  a  fait  aucune  utilisable  avec  les  spores  des  saprophytes, 
puisque  de  son  aveu  même,  les  seules  qu'il  a  instituées  avec  ces  dernières 
sont  entachées  d'un  vice  rédhibitoire.  Il  a  déposé  les  spores  dans  un  milieu 
où,  d'après  lui,  elles  ne  pouvaient  se  développer  à  cause  du  manque  d'oxy- 
gène ;  ce  n'est  pas  dans  un  milieu  pareil  qu'il  est  possible  d'arriver  à  un 
résultat.  La  première  condition  nécessaire  à  ces  expériences,  c'est  de 
fournir  à  la  spore  tout  ce  dont  elle  a  besoin,  et  de  montrer  que  malgré  cela 
elle  se  trouve  anéantie. 

Quant  à  nous,  nous  sommes  tenté  d'interpréter  tout  autrement  les 
expériences  de  Trapeznikoff  avec  les  spores  des  saprophytes.  Elles  n'ont 
pas  pullulé  par  manque  d'oxygène,  mais  parce  qu'elles  ont  été  détruites  par 
le  même  agent  meurtrier  qui  est  contenu  dans  le  sérum. 

RÉSUMÉ. 

Notre  travail  se  résume  dans  les  propositions  suivantes  : 

1"  Le  sérum  du  lapin  exerce,  du  moins  après  sa  sortie  du  corps,  une 
action  destructive  intense  et  rapide  sur  la  spore  du  bacille  du  foin. 

2°  Cette  action  disparaît  quand  on  chauffe  le  sérum  à  6o°  pendant 
une  heure. 

3°     Elle  ne  s'exerce  qu'avec  le  concours  de  certains  sels. 

4"  La  présence  d'aliments  en  quantité  surabondante  ne  la  gène  pas 
dans  sa  manifestation.  Ce  dernier  fait  prouve  que  la  destruction  ne  peut 
pas  s'interpréter  par  la  disette,  mais  qu'elle  est  bien  réellement  due  à  un 
poison  exerçant  son  action  délétère  même  dans  les  milieux  présentant  une 
composition  des  plus  favorables. 

5°  La  spore  du  bacille  de  la  pomme  de  terre  semble  se  comporter 
comme  celle  du  bacille  du  foin. 

6"  De  tous  ces  faits,  nous  tirons  la  conclusion  finale  que  l'on  ne 
peut  invoquer  la  prétendue  germination  directe,  sans  destruction,  des  spores 
dans  le  sérum,  comme  argument  pour  combattre  la  doctrine  du  pouvoir 
bactéricide  des  humeurs.  Au  contraire,  la  façon  dont  les  spores  se  comportent 
dans  ce  milieu  est  tout  à  fait  favorable  à  cette  doctrine. 

En  terminant  ce  travail,  nous  sommes  heureux  de  saisir  l'occasion  de 
présenter  à  Monsieur  le  Professeur  Denys  nos  rernercîments  les  plus  sincè- 
res pour  les  précieux  conseils  qu'il  a  bien  voulu  nous  donner  au  cours  de 
nos  expériences. 


EXPLICATION  DE  LA  PLANCHE. 


FIG.  1.  Culture  spoiulée  du  bacille  du  foin  dans  le  bouillon.  La  plupart 
des  spores  sont  libres,  quelques-unes  sont  encore  renfermées  dans  les  bâtonnets. 
Ceux-ci,  soit  qu'ils  renferment  encore  des  spores,  soit  qu'ils  les  ont  perdues,  sont 
pâles  et  granulés.  Pour  simplifier  les  dessins  suivants,  ces  bâtonnets  dégénérés  n'ont 
plus    été    représentés. 

FIG.  2.  Commencement  de  la  germination  des  spores  dans  le  bouillon.  Les 
spores   pâles   indiquent   la   première   étape   de   cet   acte. 

FIG.    3.     Idem   dans    le    sérum   chauffé. 

FIG.    4.     Idem    dans   le   sérum    frais. 

FIG.  5  et  6.  État  des  cultures  trois  heures  après  l'ensemencement,  fig.  5,  dans 
le  bouillon,  fig.  6,  dans  le  sérum  chauffé.  On  remarquera  que  dans  le  bouillon 
les    bacilles   sont   indépendants  ;    dans    le   sérum    chauffé,    ils   sont   agrégés. 

FIG.  7  et  8.  Mêmes  cultures  après  cinq  heures.  FIG.  7,  Bouillon,  FIG.  8, 
Sérum    clïâuffé. 

FIG.  9  et  10.  Mêmes  cultures  sept  heures  après  l'ensemencement,  FIG.  9, 
Bouillon. 

FIG.    10.     Sérum    chauffé.    Mêmes   remarques. 

FIG.  11,  12  et  13.  Elles  sont  destinées  à  montrer  l'agrégation  rapide  des 
bâtonnets   dans   le   sérum    chauffé. 

FIG.    11.     Culture    de    bouillon    avant    le    mélange   au   sérum    chauffé. 

FIG.  12.  Etat  de  la  même  culture  immédiatement  après  l'addition  de  sérum 
chauffé.    La   plupart   des   bacilles   ont    formé  de   petits   groupes. 

FIG.  13.  Même  culture  cinq  minutes  après  l'addition  de  sérum  chauffé.  Con- 
densation   des   bacilles   en    groupes    formés    de   nombreux    individus. 


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II 


I 


RAPPORT 


ENTRE    LE 


POUVOIR  PATHOGENE  DES  MICROBES 


ET 


LEUR   RÉSISTANCE  AU   SÉRUM 


PAR 

J.     L  E  C  L  E  F 

DOCTEUR    EN    MÉDECINE    ET   ASSISTANT   AU    LABORATOIRE. 


(Mémoire  déposé  le  30  juin   1894.) 


(Travail  du  laboratoire  d'anatomie  pathologique 

ET    DE    pathologie    EXPÉRIMENTALE    DE    l'uNIVERSITÉ    DE    LOUVAIN.) 


48 


RAPPORT 


entre  le  pouvoir  pathogène  des  microbes  et  leur  résistance 

au  sérum. 


En  parcourant  les  travaux  parus  en  ces  derniers  temps  sur  l'immunité 
naturelle  des  animaux  vis-à-vis  de  certaines  espèces  microbiennes  et  leur 
grande  réceptivité  à  l'égard  d'autres  orga,nismes,  nous  nous  sommes  de- 
mandé s'il  n'existe  pas  de  rapport  entre  le  pouvoir  bactéricide  des  humeurs 
d'une  espèce  animale  et  le  pouvoir  pathogène  des  microbes  à  l'égard  de 
ces  mèmes'animaux. 

La  question  n'est  pas  neuve;  les  partisans  de  la  théorie  du  pouvoir 
bactéricide  des  humeurs,  et  Nissen  en  particulier,  ont  fait  des  expé- 
riences dans  ce  sens,  sans  être  arrivés  toutefois  à  établir  d'une  manière 
manifeste  l'existence  de  ce  rapport.  Il  nous  semble  oiseux  de  faire  ici  une 
analyse  détaillée  de  tous  les  travaux  traitant  d'une  question  qui,  vu  son 
actualité  et  l'intérêt  tout  particulier  qu'elle  oftre  au  point  de  vue  de  la 
résistance  de  nos  tissus  aux  infiniment  petits,  est. connue  d'un  chacun.  Cette 
analyse  nous  paraît  d'autant  plus  inutile  que  les  données,  sur  lesquelles  on 
s'appuie  pour  nier  la  connexité  entre  le  pouvoir  pathogène  et  la  résistance^ 
aux  humeurs,  ne  constituent  que  des  faits  isolés  et  ne  découlent  pas  d'une 
étude  systématique.  Aussi  abordons-nous  directement  notre  sujet. 

Nous  nous  sommes  proposé  dans  les  expériences  qui  suivent  d'établir 
l'existence  de  ce  parallélisme  entre  la  résistance  des  microbes  aux  humeurs 
et  leur  action  pathogène  vis-à-vis  des  animaux  et  à  expliquer  jusqu'à  un 
certain  point  les  résultats  contradictoires  obtenus  jusqu'à  ce  jour  par  les 
différents  auteurs. 


380  J-    LECLEF 

Comme  humeur,  nous  avons  choisi  le  sérum  du  lapin,  qui  est  doué  de 
propriétés  bactéricides  éminentes.  Cet  animal  est,  en  outre,  sujet  à  de  nom- 
breuses infections;  ce  qui  nous  permet  d'étudier  un  bon  nombre  d'organis- 
mes pathogènes. 

Le  nombre  des  microbes  expérimentés  par  nous  est  de  dix  :  cinq 
pathogènes  et  cinq  non  pathogènes  ou  saprophytes. 

Les  microbes  pathogènes  sont  les  suivants  : 

1"     le  bacille  de  la  septicémie  des  lapins  (choléra  des  poules;; 

2°     le  proteus  ; 

3"     le  staphylocoque  pyogène  ; 

4°     le  bacille  pyocyanique; 

5°     le  coli-bacille. 

Les  organismes  non  pathogènes  sont  : 

1"     un  microcoque  rose; 

2"     un  microcoque  isolé  d'une  viande  en  putréfaction  ; 

3"  un  microcoque  jaune  canari  trouvé  comme  impureté  sur  une 
pla(|uc  d'agar; 

4"  un  bacille  rencontré  aussi  comme  impureté  et  formant  sur  l'agar 
des  colonies  petites,  blanches  et  bien  délimitées  ; 

5"     le  Bacillus.siit'hlis  ou  bacille  du  foin. 

Remarque  importante.  Tous  ces  organismes,  pathogènes  ou  non, 
ensemencés  dans  le  sérum  chauffé,  y  pullulent  directement,  comme  nous 
nous  en  sommes  assuré  fréquemment.  Leur  destruction  ne  peut  donc  être 
attribuée  à  l'absence  d'aliments  convenables. 


Quand  on  veut  démontrer  le  pouvoir  bactéricide  d'une  humeur  sur  un 
microbe  donné,  il  est  nécessaire  de  s'assurer  avant  tout  que  le  changement 
de  milieu  n'est  pas  la  cause  de  la  destruction  qui  pourrait  se  produire.  En 
effet,  pour  ce  genre  d'expériences,  on  emprunte  ordinairement  la  semence 
à  une  culture  dans  le  bouillon,  bien  plus  facile  à  préparer  qu'une  cultui'e 
dans  le  sérum,  et  l'on  s'expose  à  interpréter  comme  effet  du  pouvoir  bacté- 
ricide des  diminutions  dues  simplement  à  des  actions  physico-chimiques 
grossières.  Il  faut  donc,  si  l'on  veut  recourir  pour  l'ensemencement  aux 
cultures  dans  le  bouillon,  établir  par  des  expériences  préliminaires  que  l'on 
ne  peut  pas  mettre  la  diminution  observée, sur  le  compte  du  changement 
du  milieu.  C'est  ce  que  nous  avons  fait  pour  nos  différents  microbes.  Dans 


LE    POUVOIR    PATHOGENE    DES    MICROBES 


381 


une  série  d'expériences,  consistant  à  ensemencer  conjoinctenient  le  sérum 
frais,  c'est-à-dire  non  chauffé,  avec  une  culture  dans  le  sérum  chauffé  âgée 
de  12  à  24  heures  et  une  culture  dans  le  bouillon  du  même  âge,  nous  avons 
pu  constater  que  la  destruction  s'observait,  quelle  que  fut  la  provenance  de 
la  semence.  Nous  devons  pourtant  convenir  qu'elle  s'exerce  quelquefois  avec 
plus  d'intensité  sur  la  semence  provenant  du  bouillon  que  sur  celle  prove- 
nant du  sérum;  mais  le  fait  n'est  pas  constant;  et  bien  qu'il  se  présente 
réellement  dans  quelques  cas,  dans  d'autres  il  n'est  qu'apparent  et  s'explique 
par  la  différence  du  nombre  d'organismes  ensemencés. 

Nous  donnons  ici  comme  exemples  quelques-unes  de  ces  expériences 
comparatives  avec  semence  de  deux  origines  différentes. 

EXPÉRIENCE. 

Nous  avons  différentes  portions  de  sérum  frais  et  de  sérum  chauffé, 
ensemencées  avec  des  organismes  cultivés  tantôt  dans  le  bouillon,  tantôt 
dans  le  sérum  chauffé. 

Proteus. 


- 

DE     SUITE 
APRÈS 

I     HEURE 
APRÈS 

2    HEURES 
APRÈS 

4    HEURES 
APRÈS 

8    HEURES 
APRÈS 

SÉRUM  FRAIS 
SEMENCE     PROVE- 
NANT DU  SÉRUM 

igo8 

II  20 

2210 

2520 

00 

SÉRUM  FRAIS 

SEMENCE    PROV. 

DU    BOUILLON 

iiSS 

700 

240 

- 

loooo 

00 

Staphylocoque. 


DE    SUITE 
APRÈS 

APR.     I     H. 

APR.     2    H. 

APR.    4    H. 

APR.    7    H. 

APR.    10  H. 

SÉRUM    FRAIS 
SEMENCE    DE  SÉRUM 

2295 

I97I 

1709 

1200 
80 

520OO 

co 

SERUM    FRAIS 

SEMENCE 
DE    BOUILLON 

; 

;      595 

1 

100 

100 

21840 

00 

3^'-i 


J.    LECLEF 
Coli-bacille. 


DE  SUITE 
APRÈS 

APR.  I  H. 

.  APR.  2  II. 

APR.  4  H. 

APR.  7  H. 

APR.  10  H. 

SÉRUM  FRAIS 
SEMENCE  DE  SÉRUM 

13536 

6880 

2960 

58 

837 

1200 

SÉRUM  FRAIS 

SEMENCE 
DE  BOUILLON 

1240 

i3o 

70 

0 

0 

20 

DE  SUITE 
APRÈS 

APR.  I  H. 

APR.  2  H. 

APR.  4  H. 

APR.  8  H. 

SÉRUM  FRAIS 

SEMENCE  DE 

SÉRUM 

4480 

280 

5o 

23 

644 

SÉRUM  FRAIS 

SEMENCE  DE 

BOUILLON 

25200 

9360 

200 

20 

575 

Coques  de  la  putréfaction. 


DE  SUITE 

APRÈS 

APR.  I  H. 

APR.  2  H. 

APR.  4  H. 

APR.  8  H. 

SÉRUM  FRAIS 

SEMENCE 

33600 

40 

23 

4 

io5oo 

DE  SERUM 

SÉRUM  FRAIS 

SEMENCE 

588o 

60 

60 

22 

60 

DE  BOUILLON 

Bacille  indetevm iné. 


DE  SUITE 

APRÈS 

APR.  I  H. 

APR.  2  H. 

APR.  4  H. 

APR.  8  H. 

SÉRUM  FRAIS 

SEMENCE 

8100 

60 

16 

60 

875 

DE  SERUM 

— 

SÉRUM  FRAIS 

SEMENCE 

798 

170 

9 

20 

70 

DE  BOUILLON 

LE    POUVOIR    PATHOGENE    DES    MICROBES 


383 


Bacillus  subtilis. 


DE    SUITE 
APRÈS 

APR.    I    H.       APR.    2    H. 

APR.    4    H. 

APR.    7    H. 

APR.    10  H. 

SÉRUM    FRAIS 

SEMENCE 

DE     SÉRUM 

1896 

33 

9 

I 

28160 

122000 

SÉRUM    FRAIS 

SEMENCE 
DE    BOUILLON 

65 

7 

0 

G 

0 

G 

DE    SUITE 
APRÈS 

APR.     I    H. 

APR      2    H. 

APR.    4    H. 

APR.     8    H. 

SÉRUM    FRAIS 

SEMENCE 
DANS     SÉRUM 

19840 

100 

H 

i5oo 

00 

SÉRUM    FRAIS 

SEMENCE 
DANS    BOUILLON 

600 

226 

5o 

i3o 

00 

Dans  tous  ces  tableaux,  nous  voyons  l'ensemencement  suivi  de  des- 
truction, quelle  que  soit  la  culture,  sérum  ou  bouillon,  qui  a  fourni  les 
organismes.  Aussi  nous  croyons-nous  autorisé,  par  ces  expériences  et  par 
d'autres  analogues,  à  employer  les  cultures  dans  le  bouillon  comme 
plus  faciles  à  faire  et  donnant  les  mêmes  résultats  que  les  cultures  dans 
le  sérum. 


Le  plan  général  de  nos  différentes  expériences  est  le  suivant.  Le  soir, 
avant  de  fixer  le  pouvoir  bactéricide,  nous  ensemençons  des  bouillons  avec 
des  cultures  pures  dans  la  gélatine.  Les  bouillons  passent  la  nuit  dans 
la  couveuse. 

D'un  autre  côté,  nous  recueillons  aseptiquement  le  sang  d'un  lapin,  et 
le  lendemain  nous  prélevons  le  sérum  exprimé  par  le  caillot.  Ce  sérum, 
pur  de  leucocytes,  est  réparti  en  plusieurs  tubes,  que  nous  ensemençons 
chacun  avec  une  espèce  différente  de  microbes.  L'un  jour  nous  prenons 
telle  série  d'o-rganismes,  le  lendemain  telle  autre  série;  mais  notre  choix 
est  constamment  dirigé  de  telle  façon  que  toujours,  à  côté  des  microbes 
pathogènes,  se  trouvent  des  représentants  des  saprophytes.  De  cette  façon, 
nous  pouvons  comparer  constamment  l'action  du  sérum  sur  nos  deux  grou- 
pes d'organismes  et  chacune  de  nos  expériences  met  en  regard  les  pertes 
subies  par  les  deux  groupes  sous  l'influence  d'un  seul  et  même  sérum. 


384  ■  J-    LECLEF 

Nous  ne  comptons  pas  donner  ici  la  série  de  ces  expériences  dans 
l'ordre  où  elles  ont  été  faites;  la  plupart  sont  reproduites  à  la  fin  de  ce 
travail  où  le  lecteur  pourra  les  consulter,  s'il  en  a  le  loisir.  Il  nous  a  paru 
plus  intéressant  de  les  grouper  non  pas  dans  leur  ordre  chronologique, 
mais  en  disposant  dans  un  mém-e  tableau  les  résultats  obtenus  dans  chaque 
expérience  pour  un  microbe  donné.  De  cette  façon,  on  pourra  d'un  seul 
coup  d'œil  se  faire  une  idée  de  la  destruction  subie  par  un  seul  et  même 
microbe  dans  les  différentes  expériences. 

Pour  juger  du  pouvoir  bactéricide  qu'une  humeur  exerce  sur  les  mi- 
crobes, il  faut  tenir  compte  de  deux  facteurs  : 

1°  De  la  quantité  d'organismes  détruits  comparativement  au  nombre 
inoculé  ; 

2°  Du  moment  où  commence  la  pullulation.  Car  il  est  un  fait  d'ob- 
servation que  plus  le  pouvoir  bactéricide  est  intense,  plus  cette  dernière 
est   retardée. 

Nous  commençons  par  les  résultats  que  nous  a  fournis  le  groupe 
des  organismes  pathogènes,  et  dans  ce  groupe,  le  bacille  de  la  septicémie 
du  lapin. 

Les  tableaux  qui  suivent,  où  se  trouvent  condensés  les  résultats 
obtenus,  renferment  cinq  colonnes.  La  première  renseigne  sur  le  nombre 
des  microbes  ensemencés;  la  seconde  sur  le  chiffre  le  plus  bas  observé 
au  cours  de  l'expérience;  la  troisième  sur  le  rapport  en  o/o  de  ce  dernier 
chiffre  avec  le  premier.  La  quatrième  colonne  nous  fournit  les  moyennes 
de  destruction  pour  un  groupe  déterminé  d'expériences.  Ainsi,  on  aura  une 
moyenne  pour  les  ensemencements  de  looooo  microbes  et  plus,  une  autre 
pour  les  ensemencements  allant  de  looooo  à  loooo;  une  troisième  pour 
les  ensemencements  allant  de  loooo  à  looo;  enfin  une  quatrième,  s'il  y  a 
lieu,  pour  les  expériences  où  le  chiffre  primitif  ne  dépasse  pas  lOOo. 
Dans  la  cinquième  colonne  enfin,  nous  trouvons  le  nombre  d'heures  après 
lequel  la  repuUulation  s'est  manifestée. 

Nous  n'avons  guère  la  prétention  d'attribuer  à  cette  dernière  colonne 
une  valeur  absolument  précise;  toutefois,  comme  nos  plaques  ont  été  faites 
en  règle  générale  toutes  les  deux  heures,  les  chiffres  y  renseignés  ne  doivent 
pas  s'écarter  de  la  moyenne  d'une  façon  bien  notable. 

Nous  rangeons  nos  tableaux  en  commençant  par  les  microbes  qui  ont 
subi  la  moindre  destruction  et  nous  passons  graduellement  à  ceux  qui 
souffrent  davantage  du  contact  des  humeurs  naturelles. 


LE    POUVOIR    PATHOGÈNE    DES    MICROBES 


385 


Bûcille  pyocyaniquc. 


CHIFFRE  INITIAL 


CHIFFRE 
LE    PLUS    BAS 


0,0    DE    SURVIE 


MOYENNE    DE 
SURVIE 


EPOQUE 
DE     PULLULATION 


37604 
6180 


54482 
12000 


100 
100 


100  00 


I  heure 
I    )) 


Bacille  de  la  septicémie  des  lapins. 


CHIFFRE   INITIAL 


CHIFFRE 
LE    PLUS    BAS 


PO    DE    SURVIE 


MOYENNE    DE 
SURVIE 


EPOQUE 
DE     PULLULATIO-N 


23l552 
34240 
22800 
II 400 

3420 


116736 

19584 

20160 

4928 

3192 


50,24 

52,5g 
88,42 
42,23 

93,35 


50,24  0,0 
61,08  0,0 

93,36  o'o 


Staphylocoque  pyogène. 


2  heures 

2  » 
2  )) 
2       » 


CHIFFRE  INITIAL 

CHIFFRE 
LE    PLUS    BAS 

0  0    DE    SURVIE 

MOYENNE    DE 
SURVIE 

ÉPOQUE 
DE    PUULULATION 

33920 

20440 

60,22 

4    heures 

33600 

i5o8o 

44,88 

(           56,92    0/0 

9          » 

2l320 

14000 

65,66 

' 

4  1/2   » 

2295 
1750 

1200 

ioo5 

52,27 
60 

'        56,1 3  00 

7  » 

8  » 

980    . 

120 

12,24 

. 

2          » 

750 

0 

0 

[        12,35  0/0 

8          1) 

595 

80 

13,45 

) 

7          » 

49 


386 


J.    LECLEF 


Proteiis. 


CHIFFRE  INITIAL 

CHIFFRE 
LE    PLUS    BAS 

0/0    DE    survie] 

MOYENNE    DE 
SURVIE 

ÉPOQUE 
DE     PULLULATION 

96600 

63440 

65,67 

\ 

4    heures 

66640 

27000 

40,51 

4          « 

6o320 

•   7040 

11,67 

g          » 

59360 

3g520 

66,57 

f 

4  1/2  » 

45360 

22640 

49.91 

|>          53,37    0/0 

2         » 

43520 

21060 

48,39 

4  1/2  » 

35400 

29680 

83,84 

4         » 

23040 

736 

3,19 

pas  apr.  10  h. 

19710 

22080 

100 

■ 

4    heures 

iSgoo 

12096 

64 

4          » 

gi20 

0 

0 

\ 

pas  apr.  10  h. 

igSo 

1254 

64,30 

i 

4    heures 

1908 

1120 

58,70 

)           48,60    0/0 

4         " 

i836 

2001 

100 

^ 

2         » 

1188 

"    240 

20 

; 

4         » 

Bacille  commun  de  l'intestin. 


CHIFFRE  INITIAL 

CHIFFRE 
LE    PLUS    BAS 

0/0    DE    SURVIE 

MOYENNE    DE 
SURVIE 

ÉPOQUE 
DE     PULLULATION 

58240 

0 

0 

\ 

pas  apr.  10  h. 

32480 

17420 

53,64 

2    heures 

29400 
27360 

18600 
0 

63,26 
0 

1 

\         17,49   0/0 

4         » 
pas  apr.  10  h. 

25200 

20 

0,08 

\ 

8    heures 

.    i58oo 

912 

5,07 

1 

8         1) 

13536 

58 

0,42 

i 

/ 

7         » 

4480 

23 

o,5i 

, 

7         » 

3240 
2048 

I 
0 

o,o3 
0 

s         0,1 3  00 

g         » 
pas  apr.  10  h. 

1240 

0 

0 

) 

pas  apr.  10  h. 

î 


LE  POUVOIR  PATHOGENE  DES  MICROBES 


387 


Microcoqiie  rose. 


CHIFFRE   INITIAL 

CHIFFRE 
LE    PLUS    BAS 

0/0    DE    SURVIE 

MOYENNE    DE 
SURVIE 

ÉPOQUE 
DE    PULLULATION 

216384 
158968 

61600 
41760 

28,46 
26,39 

27,42    0/0 

2    heures 
pas  apr.  10  h. 

62640 

462 

0,74 

0,74  0/0 

9   heures 

7280 

0 

0 

, 

pas  apr.  10  h. 

7000 
5700 

0 

1890 

0 
33, i5 

> 

8,28    0/0 

pas  apr.  10  h. 

8    heures 

2090 

0 

0 

' 

pas  apr.  10  h. 

980 

0 

0 

\ 

pas  apr.  10  h. 

680 

0 

0 

0    0/0 

pas  apr.  10  h. 

?7o 

0 

0 

pas  apr.  10  h. 

Microcoque  de  la  putréfaction . 


CHIFFRE  INITIAL 


CHIFFRE 
LE    PLUS    TAS 


0,0    DE    SURVIE 


MOYENNE    DE 
SURVIE 


EPOQUE 
DE     PULLULATION 


33600  " 
24080 

4 
0 

0,012 
0 

1        o,oo5  0/0 

8    heures 
pas  apr.  10  h. 

588o 

22 

0,37 

\ 

8    heures 

53  20 

280 

5,26 

/ 

9         » 

2800 

0 

0 

>          1,14  0,0 

pas  apr.  10  h. 

2720 

0 

0 

pas  apr.  10  h. 

2000 

0 

0 

j 

pas  apr.  10  h. 

75o 
3o 

0 
0 

0 
0 

0  0/0 

pas  apr.  10  h. 
pas  apr.  10  h. 

Microcoque  jaune  canari. 


CHIFFRE 

MOYENNE    DE 

ÉPOQUE 

CHIFFRE  INITIAL 

LE    PLUS    BAS 

0;0    DE    SURVIE 

SURVIE 

DE     PULLULATION 

568o 
56oo 

i5o 

5480 

2,64 
97,85 

5o  0/0 

pas  apr.  10  h. 
2    heures 

5o 

0 

0 

0  0/0 

pasajir.  10  h. 

388 


J.    LECLEF 


Bacille  indéterminé. 


CHIFFRE  INITIAL 

CHIFFRE 
LE    PLUS    BAS 

0/0    DE    SURVIE 

MOYENNE    DE 
SURVIE 

ÉPOQUE 
DE    PULLULATION 

54080 

7280 

13,46 

11,46    0/0 

2  1/2  heures 

23680 

2240 

9,46 

2  1/2           » 

8100 

16 

0,19 

1 

8              >) 

l520 

5o 

3,28 

3,5i  0,0 

pas  apr.  10  h. 

1200 

85 

7,08 

1 

g    heures 

798 

9 

1,12 

\ 

8          » 

266 

0 

0 

\          0,37  0/0 

pas  apr.  10  h. 

126 

0 

G 

) 

pas  apr.  10  h. 

i 


Bacillus  subtilis. 


CHIFFRE 

MOYENNE    DE 

ÉPOQUE 

CHIFFRE  INITIAL 

LE    PLUS    BAS 

0,0    DE    SURVIE 

SURVIE 

1 

DE     PULLULATION 

19840 

H 

0,07 

8,01    0/0 

5    heures 

i3ooo 

2076 

15,96 

pas  apr.  10  h. 

1896 

I 

o,o5 

o,o5  o'o 

7    heures 

600 

5o 

8,33 

8          » 

100 

0 

0 

9         " 

100 

0 

0 

1,55  0/0 

pas  apr.  10  h. 

65 

0 

0 

pas  apr,  10  h. 

60 

0 

0 

pas  apr.  10  h. 

Après  avoir  parcouru  ces  différents  tableaux,  il  n'est  pas  possible  de 
nier  qu'il  existe  un  rapport  manifeste  entre  le  pouvoir  pathogène  et  la  résis- 
tance au  sérum.  Prise  dans  son  ensemble,  cette  résistance  diminue  graduel- 
lement des  premiers  tableaux  aux  derniers,  c'est-à-dire  au  fur  et  à  mesure 
qu' 071  passe  des  microbes  les  plus  pathogènes  aux  moins  pathogènes. 

Comme  puissance  pathogène,  nous  pouvons  classer  les  microbes  en 
trois  groupes  : 

1"  Ceux  qui  tuent  les  lapins  par  une  simple  inoculation  sous  la  peau, 
à  l'aide  du  fil  de  platine  par  exemple.  Comme  type  de  ce  groupe,  on  peut 
citer  le  bacille  du  charbon. 


I 


LE    POUVOIR    PATHOGENE    DES    MICROBES 


3«9 


2°  Ceux  qui  ne  taent  plus  les  lapins  après  une  simple  inoculation 
sous  la  peau,  mais  qui  les  tuent  par  l'injection  d'une  petite  quantité  de 
bouillon,  par  exemple  i  centimètre  cube.  Exemple  :  le  staphylocoque 
pyogène,   le  coli-bacille,   le  proteus; 

3"  Ceux  qui  ne  tuent  les  lapins  qu'à  fortes  doses  :  plusieurs  centi- 
mètres cubes  de  culture. 

Parmi  les  organismes  que  nous  avons  employés,  on  doit  ranger  dans 
le  1""  groupe  :   Le  bacille  de  la  septicémie  du  lapin. 
2™=       «  Le  bacille  pyocyanique. 

Le  staphylocoque  pyogène. 
Le  proteus. 
Le  coli-bacille. 
3^2       »  Le  bacille  du  foin. 

Le  coque  rose. 
Le  coque  de  la  putréfaction. 
Le  coque  jaune  canari. 
Le  bacille  indéterminé. 
Il  est  à  peine  besoin,  croyons-nous,  de  légitimer  notre  classification. 
Le  bacille  de  la  septicémie  appartient  bien  à  ce  groupe  d'organismes 
qui  tuentjes  lapins  à  dose  minime.  Notre  échantillon  virulent,  comme  nous 
le  verrons  plus  bas,  les  faisait  périr  à  la  dose  de  i/ioo  de  centimètre  cube. 
Dans  le  second  groupe,  nous  rencontrons  des  organismes  pathogènes 
non  seulement  pour  les  lapins,  mais  pour  d'autres  animaux  et  pour  l'homme  : 
le  bacille  pyocyanique,  le  staphylocoque  pyogène,  le  proteus,  le  coli-bacille. 
Tous  ces  organismes  sont  franchement  pathogènes.    Le  proteus,   d'après 
Watson-Cheyne,  tue  les  lapins  à  la  dose  de  i/io  de  ce.  Il  est  inutile  de  faire 
ressortir  par  des  exemples  la  virulence  des  trois  autres  organismes. 

Enfin,  dans  le  troisième  groupe,  nous  avons  tous  organismesinconnus 
dans  la  pathologie  et  qui  ne  sont  mortels  pour  les  lapins  qu'à  doses 
extraordinaires. 

Les  trois  petits  tableaux  suivants  indiquent  suffisamment  la  faiblesse 
de  leur  action  pathogène.  Ils  se  rapportent  à  des  lapins  inoculés  dans  la 
plèvre  avec  des  bouillons  du  microcoque  rose,  du  microcoque  canari  et  du 

bacille  indéterminé. 

Microcoque  rose. 


NUMÉRO     DU 
LAPIN 

POIDS 

DOSE    INJECTÉE 

RÉSULTATS 

I 

88o  gr. 

10    ctm.    C. 

Meurt   après    60   heures 

II 

looo  gr. 

6    ctm.    c. 

Survit 

III 

920  gr. 

2    ctm.    c. 

Survit 

390 


J.    LECLEF 


Coque  jaune  canari. 

NUMÉRO     DU 

POIDS 
LAPIN 

■ 

DOSE    INJECTÉE                                      RÉSULTATS 

I 
II 

900  gr. 
920  gr. 

6    ctm.    C. 
I    ctm.    c. 

Meurt   après   60   heures 

Survit 

Bacille  indéterminé. 


NUMÉRO 
LAPIN 

DU 

POIDS 

DOSE    INJECTÉE 

RÉSULTATS 

I 
II 

1240  gr. 
i3oo  gr. 

2    ctm.    C. 
1/2    ctm.    e. 

Survit 
Survit 

Notre  classification,  au  point  de  vue  de  la  puissance  pathogène,  se 
trouve  ainsi  parfaitement  justifiée. 

Or,  si  nous  rangeons  à  présent  les  microbes  non  plus  suivant  leur  viru- 
lence, mais  suivant  la  résistance  qu'ils  ont  opposée  au  sérum,  nous  obtenons 
un  ordre  à  peu  près  identique.  Le  seul  point  important  sur  lequel  il  y  a 
divergence  est  la- place  occupée  par  le  bacille  pyocyanique.  Ce  microbe,  que 
sa  virulence  range,  pour  autant  que  nous  sachions,  dans  le  second  groupe, 
prend  latête  de  la  liste  pour  la  façon  dont  il  résiste  au  sérum.  Voici  cet  ordre  : 

Bacille  pyocyanique. 

Bacille  de  la  septicémie  du  lapin. 

Le  staphylocoque  pyogène. 

Le  proteus. 

Le  coli-bacille. 

Le  bacille  du  foin. 

Le  coque  rose. 

Le  coque  de  la  putréfaction. 

Le  coque  canari. 

Le  bacille  indéterminé. 
C'est  la  même  liste  que  la  précédente  avec  la  différence  que  le  bacille 
pyocyanique  a  pris  la  place  du  bacille  de  la  septicémie  et  vice-versa. 

Si  à  présent  nous  entrons  davantage  dans  les  détails,  nous  pouvons 
constater  que  le  rapport  entre  le  pouvoir  pathogène  et  la  résistance  des 
humeurs  est  des  plus  étroits.  Pour  cela,  à  côté  de  chaque  microbe,  plaçons 


LE    POUVOIR   PATHOGENE   DES    MICROBES 


391 


la  moyenne  de  survie,  pour  les  différents  écarts  choisis  :  100,000  et  au-delà, 
:  00,000  à  10,000,  10,000  à  1000  et  1000  à  o.  Nous  obtenons  les  proportions 
intéressantes  suivantes  : 


100000     ET    AU-DELA. 

I"    Groupe    :    Bacille    de    la    septicémie 
2""^         I)  :    Coque    rose 

100000  A  10000. 


50,24  0,0. 
27,42     )) 


/•  Bacille  p3-oc3'anique 

100 

\  Septicémie. 

61,08 

ler  et  2™«  Groupes 

'  Staphylocoque 

56,92 

1  Proteus       .... 

53,35 

l  Coli-bacille. 

17,49 

f  Bacille    du    foin     . 

S, 01 

3™2  Groupe 

\  Bacille  indéterminé 
j  Coque  rose 

11,46 
0,74 

l  Coque  de  la  putréfaction. 

o,oo5 

10000    A    1000. 

I"  Groupe    :  Septicémie 

i  Staphylocoque 
Proteus 
Coli-bacille 
/  Bacille  du  foin 
i   Bacille  indéterminé 
S™-;  Groupe    <   Coque  rose 

/  Coque  de  la  putréfaction 
\  Coque  canari 


93,36 

0/0 

56, i3 

)) 

48,60 

)) 

o,i3 

)) 

o,o5 

» 

3,5i 

» 

8,28 

» 

1,14 

» 

5o 

» 

1000    ET    AU-DESSOUS. 

2me  Groupe   :  S  taph3-locoque 
/  Bacille  du  foin 

Bacille  indéterminé 
3™«  Groupe    <   Coque  rose 

Coque  de  la  putréfaction 

Coque  canari 


2,55 

» 

1,35 

)) 

0,37 

» 

0 

» 

0 

]) 

0 

1) 

Parmi  tous  ces  chiffres  exprimant  en  pour  cent  la  survie  des  microbes, 
il  en  est  à  peine  deux  cjui  ne  traduisent  pas  exactement  le  pouvoir  pathogène 
de  l'organisme  qu'ils  représentent. 


392  ]•    LECLEF 

C'est  d'abord,  pour  l'écart  de  100,000  à  1 0,000,  le  chiffre  de  100  0/0  du 
bacille  pyocyanique;  ensemencé  avec  abondance,  cet  organisme  n'a  pas  subi 
de  destruction,  tandis  que  le  bacille  de  la  septicémie,  bien  plus  virulent,  a 
diminué  dans  une  proportion  notable  (6i  0/0  de  survie).  Nous  ne  savons  à 
quoi  attribuer  la  manière  dont  s'est  comporté  notre  bacille  pyocyanique; 
peut-être  jouissait-il  d'une'  virulence  spéciale,  extraordinaire,  mais  nous 
n'avons  pas  eu  l'occasion  de  la  fixer  par  des  injections  aux  animaux.  La 
résistance  de  notre  échantillon  au  sérum  est  du  reste  absolurhent  insolite, 
si  on  la  compare  aux  résultats  obtenus  par  d'autres  auteurs  et  à  ceux  obtenus 
antérieurement  au  laboratoire  de  Louvain  par  des  échantillons  différents. 
D'après  l'ensemble  de  ces  résultats,  le  bacille  pyocyanique  opposerait  non 
pas  une  résistance  absolue,  mais  une  résistance  moyenne  propre  aux  orga- 
nismes de  notre  second  groupe. 

Le  second  chiffre  singulier  se  rapporte,  dans  l'écart  de  10,000  à  1000, 
au  coque  canari  qui  accuse  une  survie  de  50  0/0,  par  conséquent  plus  forte 
que  celle  du  proteus  (48  0/0)  et  presque  aussi  forte  que  celle  du  staphylo- 
coque (56  0/0).  Mais  si  nous  consultons  la  page  3S7,  nous  voyons  que,  des 
deux  expériences  qui  ont  fourni  cette  moyenne  et  qui  ont  pour  point  de 
départ  des  chiffres  sensiblement  égaux  (5680  et  5600),  l'une  ne  donne  que 
2,64  0/0  de  survie,  l'autre  par  contre  97,85  0/0.  C'est  ce  dernier  chiffre, 
extraordinairement  élevé,  qui  est  la  cause  de  la  moyenne  de  500/0.  Tous 
ceux,  qui  ont  la  pratique  personnelle  de  la  question  bactéricide,  savent 
qu'on  rencontre  quelquefois  de  ces  résultats  insolites,  qui  influencent  con- 
sidérablement les  moyennes  si  le  nombre  d'expériences  est  restreint.  Pour 
notre  part,  nous  croyons  que  le  chiffre  de  50  0/0  n'exprime  pas  l'état  réel 
des  choses  et  qu'il  est  dû  à  une  cause  fortuite. 

Malgré  de  rares  exceptions  dues  à  des  causes  fortuites,  toutes  ces  expé- 
riences nous  permettent  de  conclure  qu'il  existe  un  rapport  étroit  entre  le 
pouvoir  pathogène  des  microbes  et  leur  résistance  au  sérum. 

Mais  ce  rapport  n'existe  pas  seulement  quand  on  compare  entre  eux 
différents  organismes,  il  est  également  apparent  quand  on  étudie  diverses 
variétés  d'un  même  organisme,  mais  se  distinguant  les  unes  des  autres  par 
leur  degré  de  virulence.  La  variété  la  plus  pathogène  est  le  plus  difficile- 
ment détruite.  H.  Van  de  Velde  a  démontré  ce  fait  de  la  façon  la  plus 
lumineuse  pour  le  staphylocoque  pyogène.  Dans  le  cours  de  nos  expériences, 
nous  pûmes  confirmer  son  observation  sur  deux  échantillons  du  bacille  de 
la   septicémie  des  lapins,    qui  opposaient  manifestement   une    résistance 


LE    POUVOIR    PATHOGÈNE    DES    MICROBES 


393 


inégale  au  sérum.  L'un  de  ces  échantillons,  notre  plus  virulent,  celui  dont 
il  a  été  question  jusqu'à  présent,  provenait  d'un  cadavre  en  putréfaction, 
dont  les  sucs  inoculés  à  des  souris  nous  l'avaient  donné  à  l'état  de  pureté.. 
Le  second,  moins  virulent,  provenait  de  M'  Kral,  de  Prague.  Ces  deux 
échantillons,  ensemencés  dans  un  même  sérum,  présentaient  une  sensibilité 
inégale  à  la  destruction,  comme  le  montre  entre  autres  l'expérience  suivante  : 


DE    SUITE 
APRÈS 


APR.    I   H. 


APR.   2  H.    I    APR.  4  H. 


APR.   9  H. 


1         SÉRUM    FRAIS 
SEPTICÉMIE       j 

3420 

3240 

3192 

26400 

537600 

VIRULENTE         1 

!    SÉRUM    CHAUFFÉ 

\ 

142272 

277440 

iii36oo 

00 

00 

SEPTICEMIE 
ATTI- 


SERUM    FRAIS 


ÏNUÉE        / 


SERUM    CHAUFFE 


5iio 


178416 


3210 


349240 


2970 

io83 

6336o 

647520 

co 

CO 

Dans  cette  expérience,  l'échantillon  virulent  est  à  peine  détruit  et 
la  repulluFation  commence  après  4  heures;  l'échantillon  atténué  subit, 
au  contraire,  une  diminution  des  4/5  environ  et  la  puUulation  se  fait  après 
9  heures. 

Or,  en  injectant  dans  la  plèvre  des  lapins  les  mêmes  bouillons  qui 
avaient  servi  à  ensemencer  les  sérum  du  tableau  précédent,  nous  obtenons 
des  effets  parfaitement  en  harmonie  avec  les  chiffres  du  pouvoir  bactéricide. 

Expérience. 


NUMÉRO 

d'ordre 

POIDS 

DOSE 

INJECTEE 

RESULTATS 

DU  LAPIN 

1 

I 

680  gr. 

I 

ctm. 

c. 

Trouvé   mort   après 

7    heures 

SEPTICÉMIE       ' 

II 

800  gr. 

1/2 

ctm. 

c. 

" 

7         » 

VIRULENTE        J 

■        III 

800  gr. 

i/io 

ctm. 

c. 

Meurt   après    24 

heures 

f 

IV 

820  gr. 

i/io 

ctm. 

c. 

Trouvé    mort   après 

3o   heures 

"v 

V 

740  ffi-- 

i/ioo 

ctm. 

c. 

» 

48         1) 

SEPTICÉMIE       1 

I 

800  gr. 

1/2 

ctm. 

c. 

Meurt    après    27 

heures 

ATTÉNUÉE        1 

II 

Soo  gr. 

I    10 

ctm. 

c. 

Pas    même    malade 

50 


394  J-    LECLEF 

Nous  pouvons  donc  conclure  que  la  relation  entre  la  virulence  des  microbes 
et  leur  résistance  à  l'action  bactéricide  se  manifeste  non  seulement  quand  on 
compare  entre  eux  différents  organismes,  mais  quelle  s'observe  également 
sur  plusieurs  échantillons  d'une  même  espèce,  mais  de  virulence  inégale. 

Cette  conclusion  n'est  pas  en  harmonie  avec  l'opinion  qui  semble  pré- 
valoir jusqu'à  présent.  Généralement,  on  admet  qu'il  n'y  a  pas.de  rapport 
entre  l'action  pathogène  d'un  microbe  et  le  pouvoir  bactéricide  des  humeurs. 
Nous  croyons  inutile  d'entamer  ici  une  longue  critique  des  faits  sur  lesquels 
est  basée  cette  manière  de  voir. 

Contentons-nous  de  faire  remarquer  que  beaucoup  de  ces  faits  sont 
sans  valeur  pour  les  motifs  suivants  : 

1°  Les  expériences  sont  trop  peu  nombreuses.  Bien  souvent,  il  n'y 
en  a  qu'une,  et  sur  le  terrain  qui  nous  occupe  il  est  absolument  nécessaire 
de  les  multiplier  et  de  les  faire  dans  des  conditions  identiques. 

2°  Les  auteurs  n'ont  pas  toujours  tenu  compte  de  la  virulence  du 
microbe  employé. 

3°  Ils  n'ont  pas  songé  au  trouble  que  pouvait  introduire  dans  les 
résultats  le  changement  du  milieu.  Cette  remarque  s'applique  spécialement 
au  bacille  du  charbon,  qui  est  très  sensible  au  changement  du  milieu 
(Denys  et  Kaisin). 

CONCLUSIONS. 

1°  Il  existe,  du  moins  in  vitro,  un  rapport  étroit  entre  le  pou- 
voir pathogène  des  microbes  et  leur  résistance  à  l'action  destructive 
des   humeurs, 

2°  Les  antihumoralistes  n'ont  aucun  droit  d'invoquer  comme  preuve 
contre  la  doctrine  du  pouvoir  bactéricide  le  manque  de  relation  entre 
ces  deux  facteurs. 


Qu'il  nous  soit  permis  de  remercier  ici  M.  le  Pi'ofesseur  Denys, 
de  la  bienveillante  attention  qu'il  a  bien  voulu  prêter  à  nos  travaux 
et   des   conseils    précieux   qu'il   n'a   cessé   de  nous   donner. 


LE    POUVOIR    PATHOGENE    DES    MICROBES 


395 


APP  EN  D  I  C  E^. 

Ainsi   que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  nous  faisons  suivre  ici  toute 
une    série    de   tableaux,    montrant  à    ceux   qui    pourraient    y  prendre  in-' 
térét   les   expériences   telles   que   nous   les   faisions   au  jour   le  jour. 

TABLEAU    I. 


DE    SUITE 
APRÈS 


APR.     2     H.      I      APR.     4     H.      [      APR.     8     H. 


SÉRUM    FRAIS 
SEPTICÉMIE    ATTÉNUÉE 

46720 

40230 

6916 

26904 

SÉRUM    FRAIS 
SEPTICÉMIE    ATTÉNUÉE 

15456 

12880 

l5l2 

78792 

SÉRUM    FRAIS 
SEPTICÉMIE    ATTÉNUÉE 

17640 

4536 

336 

19780 

SÉRUM    CHAUFFÉ 
SEPTICÉMIE   'ATTÉNUÉE 

i63i7 

21600 

291840 

00 

TABLEAU    IL 


DE    SUITE 
APRÈS 

APR.      I     H.           APR.     2     H. 

APR.     4    H.            APR.     8     H. 

SÉRUM    FRAIS 
COQUES    ROSES 

370 

0 

0 

0 

4788 

SÉRUM    CHAUFFÉ 
COQUES    ROSES 

1620 

1680 

2100 

23940 

00 

SÉRUM    FRAIS 
SEPTICÉMIE    VIRU- 
LENTE 

34240 

19584 

95200 

co 

00 

SÉRUM    CHAUFFÉ 
SEPTICÉMIE    VIRU- 
LENTE 

38304 

54096 

65664 

CO 

00 

SÉRUM    FRAIS 
SEPTICÉMIE    VIRU- 
LENTE 

23i552 

I16736 

144229 

00 

00 

SÉRUM    CHAUFFÉ 
SEPTICÉMIE    VIRU- 
LENTE 

126616 

216720 

00 

00 

00 

SÉRUM    FRAIS 
SEPTICÉMIE    VIRU- 
LENTE 

II 400 

4928 

15435 

67488 

00 

SÉRUM    FRAIS 
SEPTICÉMIE    VIRU- 
LENTE 

46512 

20976 

34272 

268800 

00 

396 


J.    LECLEF 


TABLEAU    III. 


DE    SUITE 
APRÈS 

APR.     I     H. 

APR.    2    H. 

1 

APR.    5    H. 

APR.    8    H. 

LENDEMAIN 

SÉRUM    FRAIS 
COQUES    ROSES 

158968 

41760 

57120 

47376 

49392 

tube  trans- 
parent 

SÉRUM    CHAUFFÉ 
COQUES    ROSES 

2Sgg2o 

256256 

312816 

00 

00 

trouble 

BOUILLON 
COQUES    ROSES 

200816 

I91520 

231264 

65oi68 

00 

trouble 

SÉRUM    FRAIS 
COQUES    ROSES 

216384 

61600 

IO2816 

165984 

171072 

SÉRUM    CHAUFFÉ 
COQUES    ROSES 

341040 

332704 

417088 

co 

00 

BOUILLON 
COQUES    ROSES 

3o8ii2 

283200 

3i65i2 

912000 

co 
00 

SÉRUM    FRAIS 
COLI-BACILLE 

695751 

328320 

551040 

660919 
289312 

SÉRUM    FRAIS 
COLI-DACILLE 

169920 

111888 

177600 

5i52oo 

SÉRUM    FRAIS 
COLI-BACILLE 

24192 

i568o 

8232 

+ 

on 

- 

SÉRUM    CHAUFFÉ 
COLI-BACILLE 

34400 

346S6 

76720 

698000 

ca 

TABLEAU    IV. 


DE    SUITE        i 

APRÈS            !       AP«-     '    ■'• 

APR.    2    H. 

APR.    4    H. 

APR.      10    H. 

SÉRUM    FRAIS 
PYOCYANIQUE 

37604 

55296 

54432 

79488 

00 

SÉRUM    FRAIS 
PYOCYANIQUE 

6480 

12096 

12000 

26712 

3I7IO 

SÉRUM    CHAUFFÉ 
PYOCYANIQUE 

6080 

19872 
0 

26448 

94176 

00 

SÉRUM    FRAIS 
BAC.    INDÉTERMINÉ 

266 

0 

0 

0 

SÉRUM    FRAIS 
BAC.    INDÉTERMINÉ 

126 

0 

0 

0 

0 

SÉRUM    CHAUFFÉ 
BAC.    INDÉTERMINÉ 

36o 

626 

7S0 

812 

1680 

LE   POUVOIR    PATHOGENE    DES    MICROBES 


397 


TABLEAU   V. 


DE  SUITE 
APRÈS 

APR.  I  H. 

APR.  2  H. 

APR.  5  H. 

APR.  10  H. 

SÉRUM  FRAIS 
PROTEUS 

igSo 

1800 

1254 

3900 

17760 

SÉRUM  FRAIS 
COQUES  ROSES 

7280 

gSo 

go 

00 

0 

SÉRUM  FRAIS 

COQUES 

DE  LA  PUTRÉFACTION 

5720 

3i25' 

1960 

00 

0 

SÉRUM  FRAIS 
COLI-BACILLE 

2098 

608 

252 

00 

0 

TABLEAU    VL 


DE  SUITE 
APRÈS 

APR.  I  H 

APR.  2  H. 

APR.  4  H. 

APR.  10  H. 

SÉRUM  FRAIS 
COLI-BACILLE 

) 
1 

3240 

112 

3o 

I 

20880 

SÉRUM  FRAIS 

COQUES  JAUNE 

CANARI 

5o 

0 

0 

0 

0 

SÉRUM  FRAIS 
COQUES  ROSES 

62640 

12800 

714 

462 

00 

SÉRUM  FRAIS 

BACILLE 
INDÉTERMINÉ 

1200 

870 

85 

416 

00 

SÉRUM  FRAIS 
BACILLUS  SUBTILIS 

100 

20 

0 

0 

0 

sérum  frais 

staphylocoques 

(virulents) 

33g20 

26700 

20440 

53760 

00 

SÉRUM  FRAIS 

COQUES 

DE  LA  PUTRÉFACTION 

5320 

2100 

280 

326 

235288 

SÉRUM  FRAIS 
PROTEUS 

66640 

32240 

27000 

69680 

00 

398 


J.    LECLEF 


TABLEAU   VII. 


DE     SUITE 
APRÈS 


APR.     I    H. 


APR.    2    H. 


APR.    5    H. 


APR.     10    H. 


SÉRUM    FRAIS 

PROTEUS 

g65oo 

77520 

63440 

7o56o 

00 

SÉRUM    FRAIS 

COQUES 

24080 

170 

0 

0 

0 

PUTREFACTION 

SÉRUM    FRAIS 

COQUES    ROSES 

680 

56o 

160 

0 

3  20 

SÉRUM    FRAIS 

COQUES     JAUNE 

568o 

1190 

980 

600 

i5o 

CANARI 

SÉRUM    FRAIS 

BACILLE 

23680 

2240 

12480 

16660 

36960 

INDÉTERMINÉ 

TABLEAU   VIII. 


DE     SUITE 
APRÈS 

APR.     I    H. 

APR.    2    H. 

APR.    4    H. 

APR.    8    H. 

SÉRUM    FRAIS 
BACILLE    DU    FOIN 

rares 

0 

0 

0 

0 

SÉRUM    FRAIS 
PROTEUS 

23040 

10240 

3g20 

1020 

736 

SÉRUM    FRAIS 
BACILLE 

INDÉTERMINÉ 

l520 

90 

5o 

60 

60 

SÉRUM    FRAIS 
COQUES    ROSES 

7000 

192 

3o 

0 

0 

SÉRUM    FRAIS 

COQUES 
PUTRÉFACTION 

23o 

20 

0 

0 

0 

LE    POUVOIR    PATHOGENE   DES    MICROBES 


399 


TABLEAU    IX. 


DE  SUITE 
APRÈS 

APR.  I  H. 

APR.  2  H. 

APR.  4  H. 

APR.  10  H. 

SÉRUM  FRAIS 
COLI-BACILLE 

32489 

17420 

26560 

74880 

00 

SÉRUM  FRAIS 
BACILLUS  SUBTIUS 

60 

0 

0 

'O 

0 

SÉRUM  FRAIS 
PROTEUS 

6o32o 

53 120 

26000 

7040 

138240 

SÉRUM  FRAIS 
STAPHYLOCOQUES 

12220 

5200 

896 

720 

283 

TABLEAU    X. 


DE  SUITE 
APRÈS 

APR.  I  H. 

APR.  2  H. 

APR.  4  H. 

APR.  10  H. 

SÉRUM  FRAIS 
COLI-BACILLE 

29400 

18600 

19440 

II 5200 

CO 

SÉRUM  FRAIS 
BACILLUS  SUBTILIS 

100 

3o 

0 

0 

0 

SÉRUM  FRAIS 
PROTEUS 

45360 

4o56o 

48160 

22640 

00 

SÉRUM  FRAIS 
STAPHYLOCOQUES 

19680 

18200 

i5ooo 

7200 

212800 

ÉTUDE 


SUR  LE 


MECANISME  DE  LA  VIRULENCE 


DU 


STAPHYLOCOQUE    PYOGÈNE 


PAR   LE 


D^  Honoré  VAN  DE  VELDE 

ASSISTANT  A  LA  CLINIQUE  MÉDICALE  DE  l'uNIVERSITÉ  DE  LOUVAIN. 


(Mémoire  déposé  le  ■^o  juin   1894J 


TRAVAIL  DU  LABORATOIRE  d'aNATOMIE  PATHOLOGIQUE 
ET  DE  PATHOLOGIE     EXPÉRIMENTALE  DE  L  UNIVERSITÉ  DE  LOUVAIN. 


51 


i 


ETUDE 

sur  le  mécanisme  de  la  virulence  du  staphylocoque  pyogène. 


Dans  le  présent  travail,  nous  nous  proposons  d'étudier  comparativement 
sur  l'organisme  du  lapin  et  du  chien  l'action  d'une  variété  atténuée  et  d'une 
variété  vifulente  d'une  même  espèce  microbienne  :  le  Staphylococcus  pyo- 
gènes  aureiis.  Nous  avons  entrepris  cette  étude  avec  le  désir  d'obtenir  de 
nouvelles  lumières  sur  la  question  encore  si  discutée  de  la  virulence. 

A  notre  connaissance,  aucun  travail  systématique  de  ce  genre  n'a  encore 
été  exécuté  avec  cet  organisme.  Nous  pouvons  donc  nous  dispenser  de  faire 
l'historique  de  la  question.  Mais  avant  d'entrer  en  matière,  indiquons  en 
quelques  mots  l'ordre  que  nous  allons  suivre. 

Dans  les  préliminaires,  nous  établissons  la  filiation  et  la  virulence  rela- 
tive de  nos  deux  variétés  de  staphylocoques. 

Notre  travail  se  divise  ensuite  en  deux  parties. 

La  première  partie  se  rapporte  au  lapin.  Elle  comporte  les  chapitres 
suivants  : 
Chapitre  I.        Effets   de    l'injection  dans  la  plèvre   des   deux  variétés    de 

staphylocoques. 
Chapitre  il.       Du  rôle  protecteur  des  humeurs. 
Chapitre  III.     Du  rôle  protecteur  des  leucocytes. 

Chapitre  IV.      D'un  poison  qui  neutralise  le  rôle  protecteur  des  leucocytes. 
Chapitre  V.        D'un  poison  qui  neutralise  le  rôle  protecteur  des  humeurs. 
Chapitre  VI.      Considérations  générales  et  conclusions. 
Chapitre  VII.    Question  spéciale.  Parallèle  entre  le  pouvoir  bactéricide  du 

sérum  et  celui  de  la  partie  liquide  de  l'exsudat. 


404  Dr  Honoré    VAN  DE  VELDE 

La  deuxième  partie  a  trait  au  chien  et  étudie  la  manière  dont  cet 
animal  se  comporte  vis-à-vis  des  deux  variétés  de  staphylocoques. 


Préliminaires. 

Choix   du   microbe.  —   5^   virulence. 

Comme  nous  venons  de  le  dire,  nos  expériences  ont  été  faites  avec  une 
variété  atténuée  et  une  variété  virulente  de  Staphylococcus  pyogenes.  Afin 
de  donner  de  l'unité  à  nos  recherches,  nous  ne  nous  sommes  pas  servi  de 
microbes  puisés  à  deux  sources  différentes;  mais  partant  d'un  organisme 
peu  pathogène,  nous  l'avons  transformé  en  une  variété  aussi  virulente  que 
possible. 

Notre  staphylocoque  provient  d'une  fistule  cutanée  en  communication 
avec  une  carie  tuberculeuse  :  un  peu  de  la  sécrétion  purulente,  recueilli 
avec  un  fil  de  platine,  fut  étendu  dans  un  tube  d'agar  incliné  et  donna  en 
quelques  jours  des  colonies  caractéristiques  de  staphylocoque.  D'une  seule 
colonie  bien  isolée  de  ses  voisines,  nous  avons  prélevé  un  peu  de  semence, 
avec  laquelle  nous  avons  infecté  des  bouillons.  Après  24  heures  de  couveuse, 
ces  bouillons  furent  injectés  dans  la  plèvre  de  trois  lapins  dans  les  propor- 
tions suivantes  : 

4  ce.  au   i*^""   (Poids   1300). 

2    ce.    au    2me    (P.     I250;. 

1   ce.  au  3"!'^  (P.    1250). 

Ces  trois  lapins  succombèrent  avec  une  pleurésie  :  le  i'^'  après 
8  heures,  —  le  2™  après  5  jours,   —  le  3""^  après  1 1  jours. 

Nous  e'tions  ainsi  en  possession  d  un  staphylocoque  à  virulence  moyenne, 
dont  il  fallait  exalter  le  pouvoir  pathogène  au  plus  haut  degré  possible. 

A  cet  effet,  nous  fîmes  passer  le  microbe  par  la  plèvre  de  toute  une 
série  de  lapins  du  poids  moyen  de  1200  à  i350gr.  L'exsudat  de  chaque  lapin 
était  employé  à  inoculer  des  bouillons  qui,  après  24  heures  de  couveuse, 
étaient  injectés  à  doses  de  plus  en  plus  faibles.  Le  passage  à  travers  cette 
longue  série  de  lapins  devait  avoir  pour  résultat  non  seulement  d'augmen- 
ter le  pouvoir  pathogène,  mais  aussi  de  le  rendre  fixe. 


LE    MECANISME   DE    LA   VIRULENCE 


405 


NUMEROS 
DES    PASSAGES 


QUANTITE 

DE     BOUILLON 

INJECTÉE 


SUITES     DE     L  INJECTION 


X 

XI 

XII 

XIII 

XIV 

XV 

XVI 

XVII 

XVIII 


Meurt   après   8   heures. 
»  24         » 

Trouvé   mort   et   déjà   froid   après   10  heures. 

Trouvé  mort  après   6   heures. 

Trouvé  mort  et  encore  chaud  après  7  heures. 

Meurt   après    7    heures. 


I  4   ce. 

II  I    ce. 

III  2    ce. 

IV  2    ce. 

V  2    ce. 

VI  I    ce. 

VII  1/2   ce. 

VIII  1/4   ce. 

IX  i,'4    ce. 
1/5    ce. 

i/io  ce. 
1,5  ce. 
i/io  ce. 
1/20  ce. 
1/40  ce. 
i;io  ce. 
i/io  ce. 
1/40  ce. 
1/80  ce. 
1/160   ce. 

Comme  on  le  voit,  cette  longue  série  de  passages  nous  mit  entre  les 
mains  un  staphylocoque  tuant  un  lapin  à  la  dose  de  1/160  ce. 

A  ce  moment,  nous  avons  jugé  utile  de  fixer  de  nouveau  la  virulence 
du  bouillon,  avec  lequel  nous  avions  injecté  nos  trois  premiers  lapins.  Afin 
d'éliminer  le  facteur  ancienneté,  nous  avons  rajeuni  ce  bouillon  en  l'inoculant 
dans  un  nouveau  tube,  et  c'est  ce  dernier  bouillon  de  24  heures  que  nous 
injectons  comparativement  avec  un  bouillon  de  24  heures  du  dix-huitième 
passage. 


» 

12 

» 

» 

i3 

)) 

» 

10 

)) 

1) 

25 

» 

)) 

19 

» 

H 

22 

1) 

» 

10 

}) 

)) 

23 

» 

)) 

25 

)) 

» 

12 

» 

» 

18 

)) 

» 

12 

}) 

»■ 

20 

l> 

» 

40 

)1 

Staphylocoque    primitif 


Staphjdocoque    exalté 


I 


L. 

I. 

I25o 

4    ce. 

L. 

II. 

1200 

2    ce. 

L. 

III. 

i3oo 

:     I     ce. 

L. 

I. 

I  i5q 

1/20    ce. 

L. 

II. 

i325 

1/40    ce. 

L. 

III. 

1200 

i/So   ce. 

meurt    en    38    heures. 

vit   encore   après    20    jours. 

»  20         J) 

:    meurt    en    18  1/2    heures. 


» 


» 


3o 
36 


Les  résultats  de  cette  expérience  comparative  sont  des  plus  satisfaisants: 
ils  nous  apprennent  non  seulement  que  les  passages  à  travers  les  lapins 
ont  exalté  considérablement  le  pouvoir  pathogène  de  notre  staphylocoque, 
mais  que  notre  culture  primitive  avait  perdu  une  partie  de  la  virulence 
qu'elle  avait  montrée  tout  au  début  de  nos  expériences.  En  effet,  2  et  i  ce. 
tuaient  les  lapins  respectivement  en  5  et  en  1 1  jours,  tandis  que  maintenant 
les  mêmes  doses  les  laissent  en  vie  après  20  jours. 


4o6  Dr  Honoré    VAN  DE  VELDE 

Nous  nous  trouvons  donc  en  possession  de  deux  microbes  d'origine  iden- 
tique, dérivant  Ions  les  deux  d'un  seul  et  même  coque  et  se  distinguant  l'un 
de  l'autre  par  une  différence  considérable  de  virulence.  Comme  nous  avons 
eu  soin  de  ne  nous  servir  que  de  cultures  tout  à  fait  comparables  par  la 
composition  du  bouillon,  par  la  durée  du  séjour  à  la  couveuse  (24  h.)  et  par 
l'abondance  du  développemeiit,  nous  sommes  à  même  d'énoncer  en  chiffres 
cette  différence.  Pour  faire  ce  calcul,  il  suffit  de  comparer  entre  elles  les 
doses  de  staphylocoque  atténué  et  de  staphylocoque  virulent  qui  tuent 
après  le  même  laps  de  temps. 

Des  expériences  reproduites  dans  le  tableau  précédent  et  de  multiples 
autres  dont  il  sera  question  dans  le  cours  de  ce  travail,  il  résulte  que 
1/160  ce.  de  V  {\)  tue  un  lapin  après  8  jours  en  moyenne,  tandis  que  notre 
microbe  primitif,  le  staphylocoque  A,  à  son  minimum  de  virulence  doit 
être  donné  à  la  dose  de  5  —6  ce.  et  plus  pour  déterminer  le  même  effet.  On 
produit  alors  la  mort  après  une  huitaine  de  jours  avec  des  lésions  iden- 
tiques à  celles  des  lapins  qui  ont  succombé  aux  staphyl.  V.  Si  nous  établis- 
sons la  proportion  entre  nos  deux  variétés  de  microbes,  en  nous  basant  sur  les 
doses  qui  produisent  des  effets  identiques,  nous  constatons  que  leur  viru- 
lence se  trouve  dans  le  rapport  de  1/160  ce.  à  5  ce,  c'est-à-dire  de  1  à  800. 
En  d'autres  termes,  un  seul  de  nos  staphylocoques  virulents  développe  le 
pouvoir  pathogène  de  huit  cents  de  nos  staphylocoques  atténués.  C'est  pré- 
cisément à  cette  différence  prodigieuse  que  nous  attribuons  en  bonne  partie 
les  résultats  que  nous  avons  obtenus. 

Pour  conserver  à  notre  variété  virulente  la  plénitude  de  son  action 
pathogène,  nous  la  soumettions  continuellement  à  des  passages  répétés  à 
travers  les  lapins  :  au  commencement  tous  les  trois  jours;  plus  tard,  nous 
étant  assuré  que  cette  propriété  se  conserve  assez  longtemps  dans  les  cultu- 
res, nous  nous  contentions  de  répéter  ces  injections  tous  les  dix  jours,  en 
ayant  soin  toutefois  d'employer  toujours  des  doses  rapidement  mortelles. 

Nos  recherches  ont  porté  sur  les  lapins  et  les  chiens,  et  comme  ces 
animaux  se  sont  comportés  d'une  façon  différente,  nous  exposerons  isolé- 
ment les  expériences  entreprises  sur  chaque  espèce. 


(1)     Pour  plus  de  facilité,   nous  désignerons  dans   la  suite  de  notre  travail  par  A   ou  staph.  A  notre 
microbe   nt'énué,   peu   virulent;  et  par    V  ou  staph.   V  le   même  microbe  dont  la  virulence  a  été  exaltée. 


PREMIÈRE   PARTIE. 


Expériences    sur    les     Lapins. 

CHAPITRE  I.  —  Effets  de  l'injection  dans  la  plèvre  des  deux  variétés 

de  staphylocoques. 

La  première  tâche,  qui  s'imposait  tout  naturellement,  était  d'étudier 
dans  leurs  détails  les  effets  de  l'injection  de  nos  deux  espèces  de  microbes 
aux  lapins. 

Nous  avons  fait  à  ce  sujet  un  grand  nombre  d'expériences  :  tantôt  nous 
injections  des  doses  égales  de  ces  microbes,  tantôt  des  doses  faibles  de 
virulents  et  des  doses  considérables  d'atténués,  afin  de  pouvoir  mieux  fixer 
le  sort  de  ces  derniers. 

Voici  comment  nous  opérions  :  à  un  lot  de  lapins  de  poids  égal,  nous 
introduisions  dans  la  plèvre  soit  des  staph.  A,  soit  des  staph.  F.  Toutes 
les  heures,  toutes  les  deux  heures  ou  toutes  les  quatre  heures  suivant 
les  expériences,  nous  sacrifions  un  lapin  et  nous  pouvions  assister  ainsi 
à  toutes  les  phases  du  processus.  Chez  les  lapins  injectés  avec  le  staph.  A, 
les  organismes  deviennent  de  plus  en  plus  rares;  au  contraire,  chez  les 
lapins  qui  reçoivent  des  microbes  V,  ceux-ci  deviennent  de  plus  en  plus 
nombreux  et,  au  bout  d'un  petit  nombre  d'heures,  leur  nombre  devient  réel- 
lement prodigieux. 

La  diminution  des  A  et  la  pullulation  des  F  s'apprécient  facilement 
par  un  simple  examen  microscopique. 

Expérience. 

Nous  prenons  deux  lots  de  quatre  lapins  :  à  chacun  des  lapins  du  premier 
lot,  nous  injectons  i  ce.  d'un  bouillon  de  staph.  A;  à  ceux  du  second  lot, 
1/2  ce.  d'un  bouillon  de  staph.  V. 

Toutes  les  deux  heures,  nous  sacrifions  un  lapin  de  chaque  lot  et  nous 
faisons  une  préparation  colorée  avec  les  exsudats. 


4o8 


Dr  Honoré    VAN   DE  VELDE 


Le  tableau  suivant   nous    donne   en    résumé   les   résultats   de   cette 
expérience. 


QUANTITÉ 

HEURES 

DE     BOUILLON 
INJECTÉE 

DE 

SURVIE 

EXAMEN     DES     PRÉP.     MICR.     COLORÉES 

2 

Beaucoup  de  microbes  par  champ  :  coques,  diploco- 
ques   et   quelques   tout   petits   amas. 

St.   ^    :    I    ce.   < 

4 

Peu   de   microbes. 

6 

Rares   microbes. 

8 

Microbes  (?) 

/ 

2 

Peu  de  microbes  par  champ  :  moins  que  les  A 
correspondants. 

St.    V  :   1/2  ce.  ,; 

4 

Assez   bien   de   microbes. 

6 

Culture   de   microbes   avec   des   amas   très   grands. 

8 

Culture;  dans  chaque  champ  de  gros  amas  et  parmi 
ceux-ci   de   très   grands. 

Nous  ne  nous  sommes  pas  contenté  dans  la  suite  d'un  simple  examen 
microscopique,  mais  nous  avons  fixé  le  nombre  d'organismes  au  moyen  de 
plaques  ensemencées  avec  des  quantités  égales  d' exsudât. 

Nous  avons  fait  ainsi  un  grand  nombre  d'expériences  résumées  dans 
les  tableaux  suivants  :  la  première  colonne  indique  la  dose  injectée, 
la  deuxième  le  temps  après  lequel  l'animal  fut  tué,  la  troisième  donne  le 
nombre  des  colonies  comptées  sur  les  plaques  ensemencées  chacune  avec 
deux  anses  de  l'exsudat. 

Mais  comme  les  chiffres  fournis  par  les  plaques  ne  donnent  pas  le 
nombre  absolu  des  microbes,  mais  seulement  le  nombre  des  individus 
contenus  dans  deux  anses,  il  est  nécessaire,  pour  avoir  la  proportion  réelle, 
de  tenir  compte  de  la  quantité  d'exsudat.  Pour  obtenir  des  chiffres  vraiment 
comparables,  nous  avons  multiplié  les  nombres  fournis  par  les  plaques  par 
les  nombres  de  centimètres  cubes  de  l'exsudat.  Ces  chiffres  sont  consignés 
dans  la  dernière  colonne.  Ils  sont  l'expression  véritable  de  la  pullulation  ou 
de  la  régression  microbienne. 


LE    MECANISME     DE    LA    VIRULENCE 


409 


QUANTITE 

DE 
BOUILLON 
INJECTÉE 


HEURES 
DE  SURVIE 


nombre  de 

microbes  trouvé 

dans  2  anses  de 

l'exsudat 


quantite 
d'essudat 


NOMBRE  DE  MICROBES 

CONTENU     DANS 

LA  QUANTITÉ  TOTALE 

DE    l'exsudat 


Lot 


2^    Lot   :    V 


\  2    ce.      \ 

\  \ 
I 

•J  1/2    ce.     J 


(I) 

42,240 

31,620 
8,700 

700 

2,940 

19,430 

4,340 

121,000 


2 

ce. 

4 

ce. 

4 

ce. 

1/2   ce 

I 

ce. 

6 

ce. 

3 

ce. 

7 

ce. 

2 

ce. 

168,960 

126,480 

21,750 

700 
17,000 

49.290 

3o,38o 
242,000 


Si,  dans  le  lot  des  virulents,  on  fait  abstraction  du  quatrième  chiffre, 
la  progression  est  continue  et  extrêmement  rapide.  A  ce  dernier  point  de 
vue,  les  chiffres  sont  très  intéressants  :  de  49,000  et  de  30,000  à  la  troisième 
et  la  quatrième  heure,  on  arrive  à  242,000  une  heure  plus  tard. 

A  un  examen  rapide,  on  pourrait  ti"ouver  singuliers  les  premiers  chiffres 
des  virulents  comparés  à  ceux  des  atténués;  mais  n'oublions  pas  que  la  dose 
des  T'est  4  fois  plus  faible  que  celle  des  A.  Cette  différence  de  dose  fait  encore 
mieux  ressortir  la  façon  différente  dont  se  comportent  les  deux  variétés. 

Voici  d'autres  expériences  encore  :  si  l'on  n'y  observe  pas  chez  les  la- 
pins inoculés  avec  les  microbes  .-l  la  diminution  rigoureuse  et  progressive 
que  nous  avons  rencontrée  dans  l'expérience  précédente,  cette  diminution 
ressort  néanmoins  de  l'ensemble  des  chiffres. 


QUANTITE 

DE 
BOUILLON 
INJECTÉE 


HEURES 
DE  SURVIE 


nombre  de 

microbes  trouvé 

dans  2  anses 

d'exsudat 


quantite 
d'exsudat 


nombre  de  microbes 

contenu  dans 
la  q.uantité  totale 

DE    l'exsudat 


( 

\ 

I 

86,864 

2    ce. 

173,000 

V  Lot  :  st.  ^  <^ 

2   ce. 

) 

2 

176,960 

3    ce. 

53o,ooo 

) 

1 

3 

40,500 

6    ce. 

243,000 

1 

( 

4 

2,280 

4   ce. 

9,120 

1 

S 

\ 

2 

8,25o 

2    ce. 

i6,5oo 

2<i  Lot  :  st.  V  \ 

2    ce. 

3 

80,960 

4   ce. 

323,000 

( 

4 

41,536 

3   ce. 

134,600 

(i)     Cette  plaque   manque,    mais  à   Texamen   microscopique   nous   avons  constaté   beaucoup   plus   de 
microbes  que  chez   le  lapin  suivant. 


32 


410 


Dr  Honoré    VAN  DE  VELDE 


QUANTITÉ 

DE 
BOUILLON 
INJECTÉE 

HEURES 
DE  SURVIE 

nombre  de 

microbes  trouvé 

dans  2  anses 

d'exsudat 

QUANTITÉ 

d'exsudat 

NOMBRE  DE  MICROBES 

CONTENU    DANS 

LA  QUANTITÉ  TOTALE 

DE  l'eXSUDAT 

i''  Lot  :  st.  A 


I 
3 

4  i/2 
6 

I 
3 

4  12 
5 


I,20O 
1,720 

6oo 

200 

45o 
161,280 
873,600 
428,100 


2 

ce. 

2 

ce. 

4 

ce. 

0 

ce. 

3 

ce. 

3 

ce. 

5 

ce. 

4 

ce. 

2,240 

3,440 
2,400 
2,000 

i,35o 

483,840 

4,368,000 

1,712,508 


Une  quatrième  expérience  mérite  une  mention  spéciale  à  cause  de  la 
disproportion  entre  les  doses  injectées  :  d'un  côté  trois  lapins  reçoivent 
chacun  1  ce.  de  A,  tandis  que  trois  autres  lapins  reçoivent  chacun  une  dose 
20  fois  moindre  de  bouillon  V,  soit  1/20  ce.  Nous  voyons  après  8  heures  le 
nombre  des  microbes  V  dépasser  celui  des  microbes  A  et  à  la  1 2™=  heure 
ces  derniers  ont  totalement  disparu,  alors  que  les  Font  atteint  un  chiffre 
élevé. 


QUANTITÉ 
DE 

HEURES 

NOMBRE    DE 
MICROBES   TROUVÉ 

QUANTITÉ 

NOMBRE  DE  MICROBES 
CONTENU    DANS 

BOUILLON 

DE    SURVIE 

DANS    2    ANSES 

d'exsudat 

LA  QUANTITÉ  TOTALE 

INJECTEE 

d'exsudat 

DE  l'EXSUD.\T 

■  —r 

\             ^ 

2,040 

II  ce. 

22,440 

V  Lot 

:  st.  ^  ^ 
1 

I    ce.       <         8 

3,600 

4  ce. 

4,400 

'       12 

0 

4  ce. 

0 

s..r> 

1,20  ce.    ■         8 

170 

2  ce. 

340 

2^  Lot 

89,600 

2  ce. 

179,200 

( 

( 

12 

84,560 

4  ce. 

338,240 

Outre  les  chiffres  précédents  se  rapportant  à  des  lots  de  lapins,  nous 
en  possédons  un  grand  nombre  d'autres  qui  ont  été  recueillis  isolément 
à  l'occasion  d'autres  expériences.  Nous  avons  réuni  dans  un  même  tableau 
ceux  qui  se  rapportent  à  des  lapins  tués  après  6 — 7  heures  d'injection. 


LE    MECANISME     DE    LA    VIRULENCE 


411 


QUANTITE 

DE 
BOUILLON 
INJECTÉE 


HEURES 


DE    SURVIE 


nombre  de 

microbes  trouvé 

dans  2  anses 

d'exsudat 


quantite 
d'exsudat 


NOMBRE  DE  MICROBES 

CONTENU  DANS 

LA  QUANTITÉ  TOTALE 

DE  l'eXSUDAT 


St.    A 


<         2    ce.         (  6-7 


St.   F 


i/io   ce.   {        6-7 


3,5oo 

3,680 

780 

535 

504 

825 

4,450 

ii,56o 

21,420 
6,320 
7,840 

92.o36 


4 

ce. 

3 

ce. 

6 

ce. 

8 

ce. 

5 

ec. 

6 

ce. 

2 

ce. 

5 

ce. 

3 

ce. 

5 

ce. 

5 

ce. 

2 

ce. 

14,000 
10,040 

4,680 
4,288 
3,024 

4,950 

8.980 

57,800 

64,260 

3 1,600 

39,200 

184,072 


Toutes  les  expériences  précédentes,  se  rapportant  aux  premières  heures 
qui  suivent  rinjection,  reçoivent  une  confirmation  des  plus  intéressantes, 
lorsque  nous  laissons  nos  lapins  à  staph.  A  vivre  plus  longtemps  ou  que  nous 
laissons  mourir  ceux  qui  ont  reçu  des  staph.  V. 

Le  tableau  suivant  en  donne  le  résumé. 


QUANTITÉ  " 

HEURES 

NOMBRE  DE  COLONIES 

QUANTITÉ 

NOMBRE     DANS 

DANS    2    ANSES 

BOUILLON 
INJECTÉE 

DE    SURVIE 

d'exsudat 

d'exsudat 

l'EXSUDAT   TOTAL 

St.  A         < 

.ce.      1 

l5 
26 

(i)    85 

(1)640 

i5   ce. 
I    ce. 

1275 
640 

i 

4   ce.       1 

i8 

(2)  36o 

10  ce. 

35oo 

1 

40 

80,640 

12   ce. 

967,680 

St.   V 

i/io  ce.     j 
1/80  ce.     1 

moi'tspont. 

29 
mortspont. 

(3)     . 

(1)  Pas   vu   de   microbes  sur   la   préparation   colorée  de  l'exsudat. 

(2)  Sur   la  préparation   colorée  de  l'exsudat,   nous  avons  trouvé   de  rares   staphylocoques  après  avoir 
cherché  longtemps. 

(3)  La   plaque  n'a   pas   été   faite,   mais   une  préparation   colorée   donne  des   amas   de   microbes  qui 
recouvrent   plusieurs   champs   du    microscope. 


412  D'    Honoré    VAN  DE  VELDE 

Nous  pouvons  conclure  qu'à  partir  de  l'injection  les  A  vont  rapidement 
en  diminuant  de  nombre,  les  V  au  contraire  deviennent  de  plus  en  plus 
nombreux,  au  point  d'atteindre,  après  quelques  heures,  des  chiffres  très  forts. 

Outre  la  marche  en  sens  inverse  de  leur  nombre,  les  microbes  A  et  Y 
présentent  encore  d'autres  différences  :  les  premiers  sont  notamment  le 
siège  de  deux  altérations  bien  caractéristiques  qu'on  n'observe  guère  sur 
les  seconds. 

1°  Ils  se  gonflent  de  façon  à  acquérir  un  volume  2  à  3  fois  plus  grand 
qu'au  moment  de  l'injection; 

2°  ils  perdent  leur  affinité  pour  les  matières  colorantes  :  au  lieu  de  se 
colorer  fortement,  ils  se  teignent  à  peine,  fig.  5. 

Les  virulents,  au  contraire,  restent  petits  et  continuent  à  se  colorer 
avec  une  grande  intensité,  fig.  6. 

Si  l'on  veut  bien  observer  les  altérations  que  les  microbes  subissent, 
nous  conseillons  de  chercher  ceux-ci  sur  la  plèvre  et  non  dans  l'exsudat, 
parce  qu'à  l'époque  où  ces  altérations  sont  fort  prononcées,  les  microbes 
sont  déjà  extrêmement  rares.  Quand  ils  ont  pour  ainsi  dire  complètement 
disparu  de  l'exsudat,  il  y  a  encore  un  endroit  de  la  plèvre  où  l'on  est  sûr  de 
les  rencontrer  en  nombre  quelquefois  considérable,  c'est  la  plèvre  qui  recou- 
vre le  sternum,  les  cartilages  voisins  et  la  partie  antérieure  du  diaphragme. 
Quand  on  passe  le  tranchant  d'un  scalpel  sur  ces  régions  et  qu'on  fait  une 
préparation  colorée  avec  ce  raclage  étendu  sur  un  couvre-objets,  on  obtient 
souvent  des  quantités  considérables  d'organismes  qui  présentent  tous  les 
degrés  d'altération.  Les  autres  parties  de  la  plèvre  ne  présentent  que  peu 
d'organismes.  Cette  accumulation  s'explique  par  le  fait  que  la  culture  injec- 
tée d'abord  et  l'exsudat  ensuite  gagnent  les  parties  déclives,  représentées 
par  les  régions  que  nous  avons  indiquées  chez  l'animal  se  trouvant  dans  sa 
position  normale. 

Les  altérations  des  microbes  se  trouvent  représentées  dans  la  fig.  5. 
Peu  de  temps  après  l'injection,  il  se  produit  un  autre  phénomène  digne 
d'attirer  notre  attention,  c'est  l'arrivée  des  globules  blancs  ;  i  ou  2  heures 
après  l'injection,  on  note  la  présence  de  ceux-ci  dans  l'exsudat.  Ces  éléments 
augmentent  en  nombre  pendant  les  premières  heures  et  cette  diapédèse 
nous  a  semblé  aussi  accusée  après  l'injection  de  staph.  F  que  de  staph.  A. 
Seulement,  à  partir  de  la  2%  a',  6=  ou  8=  heure,  d'après  l'individu  ou  d'après 
la  dose  administrée,  une  difi'érence  radicale  se  manifeste  suivant  l'espèce 
de  microbes  injectes, 


LE   MECANISME    DE    LA   VIRULENCE  4I3 

Dans  les  lapins  qui  ont  reçu  les  staph.  A,  les  globules  blancs  deviennent 
de  plus  en  plus  nombreux,  au  point  de  se  compter  par  centaines  dans  un 
champ  du  microscope;  de  plus,  ces  globules  blancs  ont  gardé  tous  les  carac- 
tères de  globules  bien  conservés  (noyau  invisible,  protoplasme  finement  ' 
granuleux);  examinés  à  la  chambre  chauffée  de  Zeiss,  ils  accusent  des  dé- 
formations aussi  étendues  et  aussi  rapides  que  les  globules  blancs  du  sang  ; 
plusieurs  même  poussent  leurs  pseudopodes  à  la  température  ordinaire. 

Il  en  est  tout  autrement  pour  les  lapins  injectés  avec  la  variété  viru- 
lente :  la  diapédèse,  qui  avait  été  aussi  accentuée  aux  premiers  temps  que 
pour  les  A,  se  ralentit  bientôt  et,  phénomène  curieux,  les  leucocytes  sont 
frappés  de  mort  :  leur  noyau  est  visible,  leur  protoplasme  s"est  dissous  et  le 
corps  de  la  cellule  n'est  plus  représenté  que  par  une  membrane  mince,  contre 
laquelle  est  blotti  le  noyau,  fig.  4.  Examinés  à  la  chambre  chaude,  les 
globules  sont  totalement  dépourvus  de  mouvements  :  en  un  mot,  ils  ont 
tous  été  frappés  de  mort. 

Nous  avons  donc  ici  une  différence  radicale  entre  les  lapins  injectés 
avec  les  staph.  A  et  ceux  qui  ont  été  injectés  avec  les  staph.  V  :  che^  les  pre- 
7niers,  les  leucocytes  arrivés  dans  i exsudât  restent  vivants;  che^  les  seconds, 
ils  meurent  en  présentant  une  dégénérescence  profonde. 

Nous  devons  ajouter  encore  que  l'on  observe  dans  les  deux  sortes  d' ex- 
sudât une  phagocytose  plus  ou  moins  forte,  mais  elle  s  arrête  chei  les  lapins 
qui  ont  reçu  les  V,  dés  que  leurs  leucocytes  dégénèrent.  La  fig.  5  représente 
cette  phagocytose  chez  un  lapin  inoculé  avec  les  A. 

Si  nous  résumons  les  différences  constatées  jusqu'ici,  nous  pouvons 
dresser  le  tableau  comparatif  suivant  : 


Staphylocoque   ^4 . 

1.  Diminution    graduelle   des    coques. 

2.  Apparition  chez  les  coques  d'altérations 
consistant  en  gonflement  et  perte  d'affi- 
nité pour  les  matières  colorantes. 

3.  Diapédèse  ininterrompue  de  leucocytes 
conservant  leur  vitalité. 


Staphylocoque    V. 

Tout  au  plus  diminution  faible  et  passagère; 

en  tous  cas  repullulation  rapide. 
Signes  de  dégénérescence  faisant  défaut  ou 

étant  extrêmement  rares. 

Diapédèse  bientôt  interrompue  de  leucocytes 
qui  perdent  leur  vitalité. 


Ces  différentes  constatations  sont  des  plus  importantes  et  nous  permet- 
tent d'espérer  de  pénétrer  plus  avant  dans  l'intimité  de  ce  qui  constitue  la 
virulence;  elles  nous  indiquent  dans  quelle  direction  nous  devons  pratiquer 
nos  recherches.  D'un  côté,  la  destruction  et  la  dégénérescence  dans  l'exsudat 
des  microcoques  atténués,  alors  que  les  globules  blancs  sont  encore  rares, 
semblent  indiquer  que  les  humeurs  jouent  un  rôle  considérable  dans  ce 


414 


Dr  Honoré    VAN  DE  VELDE 


processus.  D'un  autre  côté,  la  conservation  des  globules  blancs  chez  les  A 
et  leur  destruction  chez  les  T  nous  indiquent  que  les  humeurs  ne  consti- 
tuent pas  le  seul  élément  dont  nous  devons  nous  occuper,  mais  que  le 
leucocyte  et  la  phagocytose  doivent  attirer  également  notre  attention. 
Suivant  toutes  les  apparences,  ces  deux  facteurs  entrent  en  ligne  de  compte  : 
c'est  leur  rôle  que  nous  allons  tâcher  de  définir. 

CHAPITRE  II.   —   Du  rôle  protecteur  des  humeurs 
du  lapin  vis-à-vis  des  staphylocoques  atténués  et  des  staphylocoques  virulents. 

Si  réellement  les  microbes  A  sont  plus  sensibles  aux  humeurs  de  l'or- 
ganisme que  les  F,  cette  sensibilité  doit  se  constater  quand  on  ajoute  ces 
microbes  au  sang  et  au  sérum  et  quand  on  y  étudie  leur  sort  ultérieur.  C'est 
ce  que  nous  avons  entrepris  de  démontrer  dans  le  chapitre  actuel. 

A  des  quantités  égales  de  diverses  humeurs,  nous  ajoutons  des  doses 
égales  de  A  et  de  F  et,  par  des  plaques  faites  de  temps  en  temps,  nous  nous 
assurons  du  sort  des  organismes  ;  en  outre,  par  des  préparations  micros- 
copiques fréquentes,  colorées  au  bleu  de  méthylène,  nous  nous  rendons 
directement  compte  de  l'état  de  la  culture.  Aussi  longtemps  que  celle-ci  ne 
prospère  pas,  le  nombre  d'organismes  colorables  reste  constant  ou  même 
diminue;  mais  dès  que  la  pullulatiôn  commence,  on  y  remarque  des  amas 
de  quatre,  six,  huit  coques,  qui  deviennent  de  plus  en  plus  nombreux  et 
volumineux.  En  même  temps,  le  nombre  de  coques  et  de  diplocoques  libres 
augmente.  Dans  beaucoup  de  tableaux,  nous  signalons  les  résultats  fournis 
par  le  microscope  à  côté  de  chiffres  donnés  par  les  plaques. 

Lorsqu'il  s'agit  du  sang,  nous  avons  un  second  moyen  de  contrôle 
pour  nos  plaques.  Les  microbes,  dès  qu'ils  commencent  à  se  multiplier, 
consomment  de  l'oxygène,  et  le  sang,  d'artériel  qu'il  était,  devient  de  plus 
en  plus  veineux  en  passant  par  toutes  les  nuances  de  rouge  sombre,  rouge 
noir,  noir-rouge,  noir.  Finalement,  les  globules  rouges  se  dissolvent.  Ces 
modifications  sont  en  raison  directe  du  développement  de  la  culture  et 
constituent  un  moyen  extrêmement  simple  pour  contrôler  les  progrès  de 
la  multiplication. 

Le  sérum  ne  se  prête  naturellement  pas  à  ce  mode  de  contrôle,  mais 
on  peut  néanmoins  par  la  simple  inspection  se  faire  une  idée  du  développe- 
ment, par  le  trouble  plus  ou  moins  prononcé  qu'y  détermine  la  végétation 
microbienne. 

Toutes  les  expériences  suivantes  démontrent  que  bien  réellement  la 
variété  atténuée  périt  en  plus  grand  nombre  et  pullule  plus  tardivement  que 


LE    MECANISME    DE    LA   VIRULENCE 


415 


les  F.  Ces  expériences  sont  nombreuses,  mais  nous  tenons  à  faire  ressortir 
que  les  différences  entre  les  deux  variétés  nesontpas  l'effet  du  hasard.  Chaque 
tableau  est  fait  avec  les  humeurs  d'un  lapin  différent. 

Nous  donnerons  successivement  les  expériences  faites  avec  le  sang  (§  I)," 
avec  le  sérum  (§  II),  et  avec  la  partie  liquide  d'un  exsudât  pleural  (§  III). 

§  I.  —  Expériences  faites  avec  le  sang. 


s  z 

S -S 

Q 

S  « 

s  a. 

2  0. 

"  < 


w 

(- 

« 

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w 

*  w  w 

^ 

0 

"  "  s 

■A 

0 
«       0 

^ 

eu 

APRÈS     2     HEURES 


DE    COUVEUSE 


W 
in 
D 

w  w 
o  > 

O 

«       u 

eu 

< 


APRÈS     6     HEURES     DE 


COUVEUSE 


{ 

A 

4.940 

2,88q 

2,75o 

Préparât, 
microsc. 

31,280 

817, l52 

k 

Peu  de  mi- 
crobes. 

0  / 

V 

3,672 

2,520 

4,140 

Assez  bien 

147,840 

3,446,000 

cd     1 

1 

i 

de  micr. 

par  champ. 

Assez  gr. 

- 

amas. 

de  microb. 

en 
petits  amas. 

Petite 
culture. 
Grands 

amas. 


Colorât . 

du  sang: 

rouge 

sombre. 

Rouge 


c 

'E, 


b/3 
G 


in 


MENCE 

DE 
UILLON 

W    -A 

h 
Z 

a 

D 

tfi 

p 

Q 
5  -a 

w 
0 

SS 

w 
p 

M         0 

w 

ci 

0 

^   a. 

:^ 

-'   < 

APRÈS  2  HEURES 


DE  COUVEUSE 


4,880 


6,960 


3,goo 


4,800 


4,320    '    Peu   de    '172,000 
microbes. 


3,36o    I  Beauc.  de    384, 
(i)        micr.,  mais 
en  grands 
amas. 


.000 


APRÈS    6    HEURES    DE 


COUVEUSE 


2,918,400 

Prép,  micr. 

Colorât. 

Une 

du  sang: 

culture. 

rouge 
noir. 

Innom- 

Une 

Noir 

brables. 

culture. 

rouge. 

Ci)  Dans  cette  expérience,  si  l'on  tenait  uniquetnent  compte  des  chiffres  4,320  et  3,36o,  on  serait  tenté 
de  considérer  la  destruction  comme  atteignant  plus  fortement  les  V  que  les  A  ;  mais  l'examen  microscopique 
nous  donne  la  clef  de  cetie  contradiction  apparente.  Les  V,  au  lieu  de  se  séparer  après  la  multiplication 
comme  ils  le  font  habituellement,  en  individus  isolés  ou  en  petits  groupes,  sont  restés  agglomérés  en  grands 
amas,  qui  sur  la  plaque  ne  fournissent  qu'une  colonie,  exactement  comme  un  coque  isolé. 


4i6 


D-^  Honoré    VAN   DE  VELDE 


SEMENCE    DE 
BOUILLON 

IMMÉDIATEMENT 
APRÈS  l'ensemen- 
cement 

APR.    3    HEURES 

APR.  5  heures 

APR.    7    HEURES 

Sang 
de   lapin. 

A 
V 

14,580 
17,360 

3,304 
24,880 

41,216 
1,564,000 

456,820 

Innombrables 

SEMENCE 

PLAQ.      IMMÉD. 

APRÈS 

DE 
BOUILLON 

APRÈS 

l'ensemenc. 

I     HEURE 

APR.     2    H. 

APR.     3    H. 

APR.     5    H. 

APR.    6    H. 

de   lapin 

A 

4,200 
22,360 

5,200 

i5,3oo 

3,640 
8,960 

2,75o 

2,860 

2,680 
12,320 

10,260 
410,400 

^ 

V 

i5,36o 

9,240 

5,040 

5,100 

24,080 

33l,200 

^     \ 

19,440 

14,400 

13,720 

i5,g6o 

148,720 

1,760,000 

SEMENCE 

IMMÉD. 

APR.    24  H. 

DE 

APR.  l'en- 

APR. I  H. 

APR.  2  H, 

APR.  3  H. 

APR.   5h. 

APR.  6  H. 

APR.    12  H. 

COI.OR.    DES 

BOUILLON 

semenc. 

TUBES 

'  3o,ooo 

14,080 

8,700 

4,480 

3,080 

2,790 

121,600 

Noir 

c 

A        , 

56, 800 

37,576 

14,970 

8,736 

4,950 

11,600 

5o6,88o 

presq.  diss. 
Noir 

k 

non  diss. 

M    1 

( 

27,800 

16,000 

9,384 

12,496 

230,400 

535,040 

Innombr. 

Noir 

1 

part.  diss. 

\ 

67,760 

40,880 

35,100 

19,296 

544,320 

1,488,000 

Innombr. 

Noir 
dissous. 

semence 

IMMÉD. 

de 

APR.    l'en- 

APR. I  H. 

APRÈS    2 

HEURES 

APRÈS    4    HEURES 

BOUILLON 

semenc. 

'a  i 

A 

34,500 

21,000 

3,120 

Pas  de 

2,730 

Rares 

Rouge 

pullulât. 

petits  amas. 

artériel. 

V 

21,888 

18,720 

26,880 

Pullulât., 

1,1 60, 000 

Petite 

Rouge 

Lég. 

rares  petits 

culture. 

sombre. 

(/3 

\ 

assombri. 

amas. 

LE    MECANISME     DE    LA    VIRULENCE 


417 


SEMENCE 

IMMÉD. 

DE 

APR.   L'ENSE- 

APR.    I    H. 

APR.    2   H. 

APR.    3    H. 

APR.    5   H. 

APR.   6  H, 

BOUILLON 

MENCtMENT 

1 

. 

7,875 

5,040 

4,600 

2,420 

i,56o 

2,520 

i 

Rouge. 

'■ 

2G,5io 

l5,200 

6,000 

5,060 

2,240 

36, 800 

^  ' 

Rouge. 

■ë  ^ 

\ 

!         8,640 

5,100 

7,600 

10,120 

i2,5oo 

442,800 

c 

! 

i 

Rouge 

'       V 

! 

sombre. 

\ 

1  22,880 

V 

16,200 

16,240 

18,200 

48,000 

A  peine 
assombri. 

i,o56,ooo 
Rouge  noir. 

Faisons  encore  remarquer  que  les  diminutions  que  nous  observons  ne 
sont  nullement  dues  à  un  changement  de  milieu,  au  transport  d'une  semence 
du  bouillon  dans  le  sang  :  pour  le  prouver,  nous  avons  contrôlé  les  expé- 
riences précédentes  à  l'aide  de  semences  provenant  de  sérum  chauffé. 


IMMED. 
APRÈS 

l'ensem. 


APRES    2    HEURES 


APRÈS    6    HEURES 


APRES    4    HEURES 


/  / 

1 
1 

1 
1 

\ 

67,320 

31,800 

25,080 

307.200 

Coloration 
du  sang  : 

1,958.400 

Sang  noir, 
partiellement 

\ 

ivr 

) 

Rouge  somb 

dissous. 

A 

100,280 

48,000 

49,800 

Assez  bien 

445-440 

Beauc.  de 

Un  peu 

1,555,200 

Noir, 

A 

de 

microbes. 

plus  sombre 

presq.  compl. 

3 

, 

microbes. 

que   I. 

dissous. 

s/ 

/ 

29,120 

19,240 

2o,8So 

1,16)4,800 

Rouge 

2,688, 000 

Noir, dissous. 

\^A 

( 

sombre  entre 

e    lapin. 
Culture 

V 

\ 

log,  120 

54,080 

82,840 

Beaucoup  de 
microbes. 

1,553,760 

Culture. 

I  et  2. 
Noir  rouge. 

3,057,600 

Noir, dissous. 

' 

1 

Beaucoup 

a 

l 
1 

f 

sous  forme  de 

CO 

V 

grands  amas. 

^' 

( 

39440 

25,040 

5.760 

2 1 ,600 

Rouge. 

465, g20 

Noir  rouge. 

Si 

xv 

\ 

98,640 

78,952 

3,000 

Peu 

259,840 

Quelques 

Rouge 

1,614,080 

Noir, 

A 

l 

• 

de   microbes. 

amas  par 

très  sombre. 

presq.  compl. 

V 

champ. 

dissous. 

1) 

f 

3i,3Go 

19,840 

9,180 

634,880 

Comme   1. 

3,455,000 

Noir, 

•3 

V 

part,  dissous. 

^•1 

7.. 780 

53,280 

48,000 

Assez  bien 

884.800 

Petite 

Rouge  noir. 

3,840,000 

Noir.dissous. 

\^\ 

1 

\ 

de  microbes. 

culture. 

' 

1 

4i8 


Dr  Honoré    VAN  DE  VELDE 


//  résulte  de  ces  diverses  expériences  que  les  staph.  Y  et  A  se  com- 
portent d'une  façon  toute  différente  vis-à-vis  du  sang  :  tandis  que  les 
premiers  ne  subissent  quune  diminution  faible  ou  même  nulle,  les  staphy- 
locoques atténués  subissent  une  diminution  forte  et  prolongée  et,  si  la 
repullation  se  déclare,  elle  est  très  tardive. 

On  pourrait  peut-éti'e  nous  objecter  que  les  expériences  que  nous 
présentons  ne  sont  pas  absolument  décisives  et  cela  pour  deux  motifs. 

1°  Le  sang  n'est  pas  une  humeur  pure,  il  renferme  des  globules  blancs. 
Nous  ferons  observer  que  les  leucocytes  ne  jouent  qu'un  rôle  secondaire 
dans  l'action  bactéricide  du  sang  de  lapin.  Ce  fait  a  été  démontré  par  Denys 
et  Havet.  Ces  auteurs  ont,  en  effet,  comparé  l'action  du  sang  filtré  à  celle 
du  sang  non  filtré  et  n'ont  pas  trouvé  de  différence  appréciable, 

2°  Quand  on  injecte  les  microbes  dans  la  plèvre,  la  lutte  entre 
ceux-ci  et  l'organisme  n'a  pas  lieu  dans  le  sang,  mais  bien  dans  l'exsudat, 
qui  est  un  liquide  dépouillé  de  globules  rouges  ou  qui  n'en  renferme  que 
très  peu.  Nous  ne  croyons  pas  que  les  hématies  soient  de  nature  à  altérer 
le  pouvoir  bactéricide  du  sang  pour  les  microbes;  car,  si  au  lieu  de  sang, 
on  recourt  au  sérum,  on  obtient  les  mêmes  résultats. 

§  II.  —  Expériences  faites  avec  le  sérum. 


a  <  " 

S  Q  g 

M  O 

in  n 


s  (S  s 

^  û-  « 


APRES 
1    H. 


APRES  2  HEURES 


APRES    4    HtURES 


APKÉS    6    HEURES 


APRES  24  MEURES 


J5 

u  ; 

■O   < 
S 


42,240 


87,200 


18,400 


■.  1 ,  200 


0 

0 

0 

Transpar 

0 

Pas  de 
microbes. 

Légèrem. 
troublé. 

774,400 

3,080 

58o 

Très  rares 

coques  et 

dipl.  Pas 

d'amas. 

435 

Très  rares 
coques  et 
dipl.  Pas 
d'amas. 

Troublé  ? 

i35 

Pas  de 

microbes 

Troublé. 

2,136,400 

1,800 

420 

0 

Transpar. 

0 
rien  vu 

Rencontré 
2  petits 
amas. 

Troublé. 

1,366,400 

8,25o 

1,360 

Peu  de 

8,640 

Peu  de 

Légèrem. 

341,140 

Petite 

Très 

1,593,600 

micr.  Pas 

micr.  Il  y 

troublé. 

culture 

troublé. 

d'amas. 

a  de  petits 
amas. 

Petite 
culture. 
Grands 

amas. 


Très 
grands 
amas. 

Très 
grands 
amas. 


Cette  expérience  est  d'autant  plus  remarquable  dans  ses  résultats  que 
du  côté  des  microbes  A  nous  commençons  par  un  chiffre  à  peu  près  double 
de  celui  des  V. 


LE    MECANISME    DE    LA    VIRULENCE 


419 


Une  deuxième  et  une  troisième  expérience  nous  fournissent  l'occasion 
de  constater  pour  le  sérum  une  augmentation  directe  des  F. 


SEM. 
BOUILL. 


IMMEDIAT. 
APRÈS 


I 


APR.     I    H.   I  APR.    2    H. 


APR.    4    H. 


APR.     6    I  '2    H. 


Sérum  \ 

obtenu  par  action  ; 

centrifuge. 


28,720 


25,344 


25,220 

Pas  de 
prolifér. 

34,648 


2,400 


i,5g6 


40,480  120  400 


SEM. 
BOUILL. 


IMMED. 
APRÈS 


APR.    I    H. 


APR.    2    H. 


APR.    4    H. 


76,360 

Assez  bien  de 

petits  amas. 

147,840 

Beaucoup 

d'amas 

volumineux. 


APR      6   I'2    H. 


Sérum  l        ^ 

obtenu  par  action  <,        y 

centrifuge. 


19,360  7,920     '      38oo 

44,160  5i,520  59,040 


720  i3oo 

i38,88o  202,400 

Grands  amas. 


Dans  l'expérience  suivante,  nous  employons  à  la  fois  comme  semence 
3  culture  dans  le  bouillon  et  une  culture  dans  le  sérum.  Cette  expérience 
démontre  de  nouveau  que  la  différence  d'action  ne  peut  nullement  s'expliquer 
par  un  changement  de  milieu. 


SEMENCES 

IMMÉD. 

APR.    l'en- 

SEMENC. 

APRÈS 
1    H. 

APR.    2    H. 

APRÈS 
4    H. 

APRÈS 
6    H. 

APR.    S    H. 

APR.    10  H. 

/     / 

NV 

6,200 

230 

0 

Rien. 

0 

0 

4000 

Peu 

i5g.36o 

Beaucoup 

G    1 

de  microbes. 

de  microbes, 

pas  d'amas. 

V 

5,040 

1,540 

Rares 

Rien. 

2.200 

4800 

5,940 

Assez  bien 

17,600 

Assez  bien  de 

SX  l'-    i 

col. 

de   microbes. 

microbes. 

.  1 

•0  \ 

grands  amas  ; 

H 

cfr.  chiffres. 

u 

NV 

4,140 

3io 

Rares 

Rien 

I  col. 

23o 

9,460 

Assez  bien 

191,600 

Beaucoup 

col. 

sur 

dernier.,  surt. 

de  microbes. 

64  ch. 

en  amas. 

V 

8,600 

1,120 

Rien 

Rien. 

i,56o 

1 3,440 

128,000 

Beaucoup 

604,800 

Petite 

\  l 

de   microbes. 

culture. 

(1)     La  prolifération   est  confirmée   par  la   présence  de  petits  amas  de  4  à  S  qui  n'c.Nister.t  pas  dans 
les   préparations   faites    immédiatement   après  l'ensemencement. 


420  •  D'   Honoré    VAN   DE  VELDE 

Si  nous  résumons  toutes  ces  nombreuses  expériences,  nous  arrivons  à 
un  résultat  constant  :  le  microbe  A  est  plus  sensible  que  le  microbe  V  aussi 
bien  à  l'action  du  sérum  qu'à  l'action  du  sang  et  cette  sensibilité  spéciale  se 
fait  remarquer  de  deux  façons  : 

1°     il  est  détruit  en  plus  grande  quantité  ; 

2°    sa  pullulation,  si  elle  se  produit,  et  beaucoup  plus  tardive. 

La  variété  F  est  beaucoup  moins  impressionnable;  la  diminution  qu'elle 
subit  est  plus  faible,  moins  durable  et  même  quelquefois,  le  phénomène 
s'est  présenté  dans  trois  de  nos  expériences,  il  n'y  a  pas  de  diminution; 
la  pullulation  commence  dès  l'ensemencement.  Ce  fait  s'observe  surtout 
quand  la  dose  ajoutée  est  considérable. 

Ces  différentes  constatations  ont  été  obtenues  par  trois  moyens  d'inves- 
tigation qui  se  contrôlent  les  uns  par  les  autres  : 
1°     la  numération  des  colonies; 
2"     l'examen  des  préparations  microscopiques; 
3°     les  changements  extérieurs  du  sang  ou  du  sérum. 
De  tout  ce  qui  précède,  nous  pouvons,  croyons-nous,  conclure  à  bon 
droit  qu'une  des  raisons  pour  lesquelles  la  variété  virulente  tue  à  moindre 
dose  que  la  variété  atténuée  réside  dans  le  fait  qu'elle  est  plus  difficilement 
détruite  par  le  sérum. 

Du  reste,  ce  qui  le  démontre  bien,  c'est  que  les  expériences  avec  le 
sérum  donnent  les  mêmes  résultats  qu'avec  le  sang. 

Le  sérum,  tout  en  exerçant  un  pouvoir  bactéricide  considérable  sur 
les  staphylocoques  atténués,  n'a  que  peu  ou  pas  de  prise  sur  la  forme  exaltée. 

§  IIL  —  Expériences  faites  avec  la  partie  liquide  d'un 
exsudât  pleural. 

Ces  expériences  nous  semblent  avoir  encore  plus  d'importance  que 
les  précédentes  :  en  effet,  c'est  dans  ce  milieu,  et  non  pas  dans  le  sérum 
du  sang,  que  se  passe  la  lutte  entre  le  microbe  et  l'organisme. 

Notre  sérosité  (1)  a  été  obtenue  au  moyen  de  l'appareil  centrifuge  et  ne 
présentait  plus  aucun  élément  histologique  à  l'examen  microscopique. 


(i)     Disons  une  fois  pour  toutes  que  par  sérosité  nous  entendons  la  partie  liquide  de  l'cxsudat. 


LE   MECANISME    DE    LA   VIRULENCE 


421 


Dans  une  première  série  d'expériences,  nous  produisons  l' exsudât  par 
l'injection  de  1  ou  2  ce.  de  bouillon  A  à  des  lapins  que  nous  sacrifions  après 
7—  S  heures.  Cet  exsudât  renferme  toujours  un  certain  nombre  de  staphylo- 
coques vivants,  comme  on  peut  s'en  assurer  en  faisant  une  plaque. 

Dans  une  seconde  série,  nous  provoquons  l'épanchement  par  des  sta- 
phylocoques tués  à  1200  et  provenant  tantôt  de  cultures  V,  tantôt  de 
cultures  A.  Nous  n'avons  jamais  remarqué  sous  le  rapport  de  la  provenance 
de  différence  appréciable  dans  l'intensité  de  l'exsudation. 

A.  Nous  donnons  d'abord  quelques  tableaux  appartenant  à  la  pre- 
mière série,  c'est-à-dire  celle  où  l'épanchement  a  été  produit  par  des 
staphylocoques  A  vivants. 


i/>    z 

0  2 
S  g 

IMMEDIAT. 
APRÈS 

APR.    2    H. 

APR.    4    H, 

APR.     12    H. 

APR.    35    H. 

■  \ 

A 

14,840 

9,570 

8,o5o 

14,000 

Aucune 

1,167,280 

Sérosité.     < 

puUul.,  gonfl. 

V 

13,770 

12,672 

32,640 

'       649,600 
Petite  cuit. 

1,612,800 

■/: 

z 

U 

0 

g 

J 

i-. 

h-1 

M 

■? 

bl 

Uî 

IMMEDIAT. 
APRÈS 


APR.    2    H 


APR.    5    H. 


APR.     14    H. 


APR.    36    H. 


Sérosité. 


A     '       38,640        j        12,180        I         4,225 
I  '  Gonflés.       I 

V     I         30,240  !  9,880  I  5,700 


22,400 


4,200 


i,o3o,40O 


SEMENCES 
BOUILLON 

IMMÉDIAT. 
APRÈS 

APR.    I     H. 

APR.    3   I   2   H. 

APR.    5     H. 

APR.     14    H. 

APR.    36    H. 

1 
A 

37,960 

12,420 

10,800 

gi2 

0 

2,090 

Coques 

Idem. 

Pas 

Rares 

1 

etdiplocoques 

de  microbes. 

microbes. 

i 

en  partie 

-<Ù 

] 

gonflés. 

'tn 

n 

'     V 

4.0,020 

23,660 

10,200 

.    i5,5io 

43,600 

416,000 

•S 

m 

Pas  de  dégé- 

Assez  nombr. 

Coques  et 

Petite  culture 

néresc. 

petits  groupes 

diplocoques, 

et  grands 

Commenc    de 

de  5,  10,  i5, 

grand  amas. 

amas. 

form.  de  tout 

pas  de 

organismes 

1 

petits  amas 

dégénéresc. 

petits. 

\ 

de  3,  4. 

422 


Dr  Honoré    VAN  DE  VELDE 


Cette  différence  s'observe  encore,  quand  on  donne  des  doses  très  fortes, 
comme  on  peut  le  voir  dans  les  expériences  suivantes  : 


tn     Z 

1    u    S 

IMMEDIAT. 

APR. 

s   o 

APRÈS 

APR.     I     H. 

APR.    2    H. 

APR.    4    H. 

5  1/2   H. 

APR.  14  H. 

APR.  36  H. 

A 

248,000 

ii5,36o 

80,960 

91,728 

52,080 

15,876 

776,160 

• 

très  gonflés 

-6 

2 

•V 

V 

543,360 

591,840 

277,184 

212,480 

pas  pullul 

220,400 

Beauc. 

d'org. petits 

gr.  amas. 

552,000 

1,728,000 

SEMENCES 
BOUILLON 

0 

APR.  I  H. 

APR.  2  H. 

APR.  4  H. 

APR.  6  H. 

APR.   II  H. 

APR.  22  H. 

APR.  40  H. 

"■B 

A 

267,424 

96,120 

65,520 

13,440 

5,504 

39,200 

23,496 

691,680 

m 

0    \ 
■0)     1 

^     (293,440 

103,240 

128,040 

58,58o 

114,840 

524,160 

880,000 

1,361,920 

488,800 

168,960 

133,760 

27,360 

127,680 

648,000 

710,400 

1.657,600 

B.  Dans  une  deuxième  série  d'expériences,  au  lieu  de  produire  l'épan- 
chement  par  des  microbes  A  vivants,  nous  l'avons  provoqué  par  l'injection 
de  produits  microbiens. 

On  remarquera  que  nous  obtenons  ainsi  un  liquide  à  pouvoir  bactéri- 
cide plus  considérable  que  précédemment  :  nous  attirons  dès  à  présent 
l'attention  sur  ce  fait.  Il  suffit  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  les  trois  expé- 
riences suivantes  et  de  noter  la  fréquence  des  zéros  pour  s'en  convaincre 
immédiatement  :  le  pouvoir  microbicide  est  tellement  fort  qu'il  atteint 
non  seulement  la  totalité  des  microbes  A,  mais  aussi  tous  les  microbes  V, 
avec  cette  différence  pourtant  que  les  A  ont  succombé  après  deux  heures  de 
contact,  tandis  que  les  F  n'ont  succombé  que  plus  tard.  Ici  encore  donc 
nous  retrouvons  la  résistance  inégale  sur  laquelle  nous  avons  déjà  souvent 
insisté. 


LE    MECANISME    DE    LA   VIRULENCE 


423 


tfi 

Z 

Cd 

0 

0 

a 

J 

3 

U 

0 

(fi 

ca 

IMMEDIAT. 
APRÈS 


APR 


APR.     22    H. 


Sérosité. 

( 

A 
V 

9,200 
14,592 

0 
io,oSo 

0 
600 

0 
0 

0 
0 

Sérosité.  ' 
( 

A 

V 

10,752 
11,860 

0 

5,23o 

0 
0 

0 
0 

0 
0 

Sérosité.  ' 

A 

20,020 

0 

0 

0 

0 

( 

V 

26,680 

1,708 

0 

0 

0 

Comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  un  phénomène  qui  frappe  immé- 
diatement, c'est  l'intensité  du  jiouvoir  bactéricide  de  la  sérosité  quand  on 
l'obtient  par  injection  de  cultures  mortes.  Nous  nous  expliquons  cette  exal- 
tation de  l'influence  bactéricide  par  ce  motif  que  l'épanchement  ne  rencontre 
que  des  organismes  détruits  et  incapables  de  pulluler.  Dans  ce  conflit,  la 
sérosité  ne  perd  rien  ou  ne  perd  que  fort  peu  de  sa  force,  tandis  que, 
quand  elle  s'accumule  au  contact  d'organismes  vivants,  elle  épuise  une 
partie  de  son  action. 

Non  seulement  cette  diff"érence  du  pouvoir  bactéricide  entre  les  épan- 
chements  produits  par  les  cultures  vivantes  et  ceux  produits  par  les  cultures 
mortes  se  traduit  le  jour  même  de  l'expérience  par  le  nombre  de  microbes 
tues  et  par  la  rapidité  avec  laquelle  ils  sont  détruits,  mais  elle  est  encore 
plus  manifeste  le  lendemain.  Ainsi  les  sérosités  de  l'épanchement  obtenu 
par  les  microbes  vivants  sont  constamment  troublées  le  lendemain  de  l'ex- 
périence et  elles  forment  une  véritable  culture,  comme  on  peut  le  voir  au 
microscope.  Au  contraire,  les  sérosités  obtenues  par  des  toxines  conservent, 
même  après  24  heures,  leur  limpidité  primitive  et  quand  on  les  ensemence 
de  nouveau,  elles  manifestent  encore  un  pouvoir  bactéricide  intense.  C'est 
ce  que  nous  avons  constaté  avec  les  tubes  des  trois  expériences  précédentes; 
comme  on  peut  le  voir,  leur  action  meurtrière  n'a  nullement  été  épuisée 
par  l'inoculation  de  la  veille. 

Réinoculation  après  24  heures  avec  semences  A  et  V  dans  le  sérum. 


IMMÉD.  APRÈS 
RÉINOCULATION 


APR.    6'  H. 


APR.     10    H. 


APR.    22    H. 


5.940 

0 

0 

0 

10  col.  en  tout 

i3,5oo 

2,800 

270 

Rares. 

21,280 

10,880 

0 

0 

0 

126,560 

8,840 

3,276 

800 

34,720 

638,400 

i8,5oo 

274 

0 

1200 

360,000 

11,020 

6,600 

14,190 

48,000 

403,200 

424 


Dr  Honoré    VAN   DE  VELDE 


Dans  la  première  de  ces  expériences,  nous  pouvons  constater  que  le 
pouvoir  bactéricide  vis-à-vis  des  A  s"est  conservé  dans  toute  sa  force  : 
2  2  heures  après  le  second  ensemencement  et  46  heures  après  le  premier, 
toute  puliulation  se  trouve  encore  enrayée. 

Dans  la  deuxième,  la  repuUulation  est  retardée  jusqu'au  lendemain; 
le  pouvoir  bactéricide,  quoique  affaibli,  était  donc  encore  bien  conservé. 

Dans  la  troisième,  au  contraire,  le  pouvoir  bactéricide  a  subi  une 
diminution  marquée,  qui  s'explique  sans  doute  par  l'abondance  du  pre- 
mier ensemencement. 

Chose  curieuse,  les  staph.  V,  qui  ont  tous  succombé  le  premier  jour, 
persistent  en  notable  proportion  après  le  réensemencement  :  ce  fait  met  de 
nouveau  en  évidence  la  résistance  inégale  de  nos  deux  variétés. 

Ici  encore  comme  précédemment,  nous  avons  institué  notre  expérience 
de  manière  à  parer  à  l'objection  que  le  changement  de  milieu  aurait  pu 
exercer  son  influence  ;  en  effet,  au  lieu  d'une  semence  dans  du  bouillon, 
nous  avons  utilisé  des  cultures  A  et  F  dans  de  la  sérosité  chauffée. 

Les  résultats,  comme  on  va  le  voir,  sont  en  parfait  accord  avec  tous 
les  résultats  précédents. 


IMMÉD. 

APR. 

SEME 
BOUIL 

APR. 

APR.  2  H. 

APR.  4H. 

APR.  6  H. 

APR.  9  H. 

APR.  12  H. 

APR.  24  H. 

48   H. 

[ 

^     (42,588 

gio 

(?) 

0 

0 

0 

1270 

5,000 

A     .| 

61,180 

625 

660 

0 

0 

0 

75o 

6,25o 

i 

"1 

29,640 

840 

910 

480 

28,768 

325,600 

Innombr. 

5i,36o 

1,920 

1,040 

1,920 

73,968 

673,430 

Innombr. 

Nous  avons  ainsi  exécuté  la  première  partie  de  notre  programme.  On 
se  souvient  que  l'examen  de  nos  anim-aux  tués  à  court  intervalle  après 
l'injection  de  l'une  ou  de  l'autre  de  nos  deux  variétés  de  staphylocoques 
nous  avait  fait  émettre  l'hypothèse  que  les  hiunews  jouaient  un  grand  rôle 
dans  le  sort  des  microbes  injectés.  En  effet,  nous  avons  vu  les  staphyloco- 
ques A  diminuer  progressivement  de  nombre  en  présentant  souvent  des 
phénomènes  de  dégénérescence  :  gonflement  et  diminution  d'affinité  pour 
les  matières  colorantes.  Au  contraire,  les  staphylocoques  /'  présentaient 
une  puliulation  ininterrompue.  Nos  expériences  sur  la  façon  dont  nos  deux 
espèces  de  microbes  sont  influencées  par  le   sang,  par  le  sérum  et  par  la 


LE   MÉCANISME    DE    LA    VIRULENCE  425 

partie  liquide  de  l'épancliement  viennent  légitimer  complètement  notre 
manière  de  voir;  aussi,  à  moins  d'admettre  que  la  puissance  bactéricide 
ne  soit  une  acquisition  faite  par  les  humeurs  après  leur  sortie  du  corps, 
doit-on  attribuer  à  ces  dernières  une  part  considérable  dans  la  résistance 
du  lapin  aux  staphylocoques.  Par  leur  influence  bactéricide  considérable 
sur  la  variété  ^,  elles  mettent  rapidement  hors  de  combat  le  plus  grand 
nombre  des  envahisseurs  et  contribuent  puissamment  à  préserver  l'orga- 
nisme. Par  contre,  elles  ont  peu  d'action  sur  les  microbes  V  et  ceux-ci  ont 
rapidement  transformé  l'exsudat  en  une  culture  microbienne. 

Dans  la  sérosité,  les  A  présentent  une  dégénérescence  manifeste,  égale 
à  celle  qu'ils  offrent  lorsqu'ils  sont  injectés  dans  la  plèvre  :  ils  se  gonflent, 
prennent  de  moins  en  moins  la  matière  colorante  et  finissent  par  disparaitrc. 
Dans  la  planche  qui  accompagne  ce  travail,  on  trouvera  les  différents 
stades  de  cette  transformation  et,  à  côté,  les  mêmes  stades  observés  dans 
une  sérosité  ensemencée  avec  les  V,  fig.  7  à  12. 

CHAPITRE  m.  —  Rôle  protecteur  des  leucocytes. 

Jusqu'ici,  nous  ne  nous  sommes  occupé  que  de  l'action  préservatrice  des 
humeurs;  mais  dans  la  plèvre  de  nos  lapins  sacrifiés  nous  avons  constaté 
un  phénomène  qui  nous  oblige  à  rechercher  et  à  préciser  l'intervention  de  la 
phagocytose.  ^  Ce  phénomène,  c'est  l'incorporation  des  microbes  dans  les 
globules  blancs. 

Dans  ce  chapitre,  nous  allons  donc  nous  occuper  successivement  des 
trois  questions  suivantes. 

§.  I.  La  phagocytose  joue-t-elle  un  rôle  dans  la  destruction  des 
staphylocoques? 

§  IL  Cette  fonction  s'exerce-telle  avec  la  même  intensité  sur  les 
staph.  f'et  ^  ? 

§  III.  Cette  fonction  contribue-t-elle  pour  une  part  plus  grande  à 
préserver  le  lapin  que  l'action  des  humeurs? 

^  I.  —  Première  question. 

La  phagocytose  joue-t-elle  un  rôle  important  dans  la  destruction  des 
staphylocoques  soit  atténués,  soit  virulentsl 

Ce  serait  faire  œuvre  bien  légère  que  de  conclure  de  l'existence  de  mi- 
crobes dans  les  leucocytes  à  l'existence  de  la  phagocytose  chez  le  lapin.  En 


54 


426  D'"  Honoré    VAN  DE  VELDE 

effet,  ces  staphylocoques,  tout  dégénérés  qu'ils  sont,  peuvent  avoir  été 
recueillis  dans  cet  état  par  les  globules  blancs.  Nous  n'avons  même  aucune 
crainte  d'affirmer  que  tel  doit  être  souvent  le  cas.  En  effet,  dans  les  prépa- 
rations faites  avec  l'exsudat  ou  le  grattage  des  parois  pleurales,  on  trouve 
souvent  entre  les  leucocytes  un  grand  nombre  de  microbes  présentant  les 
mêmes  caractères  de  dégénérescence  que  les  organismes  inclus  dans  les 
gloljules  blancs,  caractères  que  nous  avons  du  reste  vu  se  produire  en  mgsse 
dans  la  sérosité  privée  de  tout  élément  organisé. 

Pour  prouver  que  les  staphylocoques  sont  tués  après  leur  incorporation 
dans  les  leucocytes  et  non  avant,  il  ne  suffit  pas  de  retrouver  leurs  débris 
à  l'intérieur  de  ceux-ci,  mais  il  faut  établir  qu'ils  ont  été  saisis  en  pleine 
vitalité. 

La  démonstration  la  plus  simple  paraît  consister  dans  les  opérations 
suivantes  :  centrifuger  un  exsudât  obtenu  par  l'injection  d'une  culture  sté- 
rilisée, chauffer  la  partie  liquide  à  60°  pour  détruire  son  pouvoir  bactéricide, 
y  réintroduire  les  globules  blancs,  ajouter  des  microbes  et  fixer  le  sort  de 
ces  derniers  par  les  plaques  et  l'examen  microscopique  . 

Les  expériences  que  nous  avons  faites  sur  ce  plan  nous  ont  peu 
satisfait.  Les  leucocytes,  remis  dans  la  sérosité  chauffée,  meurent  très  rapi- 
dement et  l'action  bactéricide  est  peu  marquée  :  on  dirait  que  l'humeur 
ainsi  traitée  est  devenue  un  vrai  poison  pour  les  leucocytes.  Le  sérum  se 
comporte  de  même.  En  présence  de  cet  insuccès,  nous  avons  eu  recours 
au  bouillon,  auquel  certainement  personne  n'attribuera  un  pouvoir  bactéri- 
cide. L'exsudat  est  donc  centrifugé  et  les  globules  blancs  sont  mis  en 
suspension  dans  ce  nouveau  milieu  :  ils  y  conservent  leur  vitalité  pendant 
des  heures  et,  examinés  à  la  température  du  corps,  ils  poussent  des  pseudo- 
podes exactement  comme  dans  leur  milieu  naturel.  Voici  deux  expériences 
de  ce  genre.  Chacune  comprend  deux  portions  :  la  première  composée  de 
bouillon  additionné  de  globules  blancs,  la  deuxième  de  bouillon  additionné 
d'une  goutte  de  la  sérosité  de  l'exsudat  :  cette  dernière  a  pour  but  d'exclure 
de  l'expérience  toute  intervention  de  la  partie  liquide  de  l'exsudat  ;  en  effet, 
une  certaine  quantité  de  sérosité  devait  rester  accollée  aux  globules  blancs, 
malgré  le  tassement  énergique  que  leur  avait  imprimé  la  force  centrifuge 
au  fond  du  tube,  et  aurait  pu  être  la  cause  d'une  certaine  destruction.  Or, 
l'addition  à  un  bouillon  témoin  d'une  quantité  de  sérosité,  certainement 
plus  considérable  que  celle  qui  pouvait  être  restée  dans  les  interstices  de  la 
masse  compacte  des  leucocytes,  devait  nous  mettre  à  l'abri  de  cette  erreur. 


LE    MECANISME    DE    LA    VIRULENCE 


427 


Dans  chacune  de  nos  deux  expériences,  il  nous  semble  que  l'action 
phagocytaire  des  globules  blancs  est  manifeste.  Dans  le  bouillon  avec  des 
leucocytes,  nous  constatons  une  diminution  considérable  des  microbes,  (la 
deuxième  expérience  est  sous  ce  rapport  bien  positive),  tandis  que  dans  les 
tubes  témoins  additionnés  d'une  goutte  de  sérosité  nous  avons  une  augmen- 
tation rapide.  L'opposition  entre  les  deux  tubes  est  encore  plus  manifeste, 
si  l'on  veut  bien  remarquer  que  dans  le  bouillon  additionné  de  globules 
blancs,  les  chiffres  initiaux  sont  environ  dix  fois  plus  forts  que  dans 
les  témoins. 


SEMENCE 

DANS 
BOUILLON 


IMMEDIAT. 

APR.   l'ense- 
mencement 


APR.    I    1/2    H. 


Globules  dans  du  bouillon. 


Bouillon 
-\-  goutte   de   sérosité 


érosité.     V 


Globules  -j-  bouillon. 


Bouillon  témoin 


-|-   goutte    de   sérosité 


.   ) 


128,760 
17,920 

638,400 
56,320 


8,320 
36,720 

300,048 
553,280 


APR.    4    H. 


1,400 

Innombr. 

109,440 
Innombr. 


L'intervention  des  phagocytes  est  démontrée  non  seulement  en  intro- 
duisant ces  éléments  dans  un  milieu  inerte  où  ils  continuent  à  vivre,  mais 
en  leur  permettant  d'agir  dans  leur  milieu  naturel,  c'est-à-dire  la  séro- 
sité de  l'exsudat.  Cette  démonstration,  en  quelque  sorte  indirecte,  se  fait 
en  comparant  le  pouvoir  bactéricide  de  l'exsudat  complet  à  la  sérosité  ob- 
tenue par  action  centrifuge  ;  si  le  premier  milieu  se  montre  plus  bactéricide 
que  le  second,  il  est  évident  que  cette  différence  doit  être  rapportée  aux 
globules  blancs.  Or,  c'est  précisément  ce  que  l'on  constate  :  l'exsudat  com- 
plet possède  un  pouvoir  bactéricide  manifestement  supérieur  au  pouvoir 
bactéricide  déjà  si  intense  de  la  sérosité. 

Voici  une  expérience  dans  laquelle  nous  employons  comme  semence 
un  staph.  A.  On  remarquera  qu'au  début  nous  avons  environ  deux  fois 
plus  de  microbes  dans  l'exsudat  complet  que  dans  la  sérosité.  Ce  dés- 
avantage n'empêche  pas  que,  déjà  après  une  heure,  le  chiffre  dans  l'exsudat 
complet  est  descendu  bien  loin  au-dessous  de  celui  de  la  sérosité. 


428 


Dr  Honoré    VAN   DE  VELDE 


IMMEDIAT. 
APRÈS 


APR.     I    H. 


APR.    2    H. 


APR.   4  H. 


APR.  9  H. 


O  g     ^Exsudât  complet 


o  o 


Sérosité  seule. 


22,440 
12,400 


2,040 
6,440 


200 
3,600 


Dans  l'expérience  suivante,  nous  avons  comme  semence  du  staphylo- 
coque virulent. 


SEMENCE 

DANS 
BOUILLON 


IMMÉDIAT. 
•APRÈS 


APR.     I    H. 


APR.     2    H. 


APR.    4    H. 


Exsudât  complet. 
Sérosité. 


35,840 
33,800 


3,680 
13,524 


1,920 
7,936 


2,800 


Il  y  a  encore  une  autre    façon  d'établir   l'intervention    des   globules 
blancs  :  c'est  d'ajouter  à  du  sang  défibriné  des  globules  retirés  d'un  épan- 
chement  par  action  centrifuge.    Ce    sang,    tout   en  étant  doué  d'un  pou- 
voir bactéricide  manifeste,  ne  possède  cette  propriété  qu'à  un  degré  bien 
inférieur  à  la  sérosité  et  de  cette  façon  l'intervention  des  leucocytes  devient 
apparente.  Nous  allons  rencontrer  de  suite  une  expérience  de  ce  genre. 
Elle  comprend  quatre  portions  :  d'abord  deux  portions  de  sang  comme  tel, 
qui  nous  montrent  de  nouveau  la  sensibilité  spéciale  des  staphylocoques 
atténués  pour  ce  liquide;  ensuite  deux  portions  du  même  sang  additionné 
de  globules  provenant  de  l'exsudat  déterminé  chez  le  même  lapin  et  isolés 
par  l'action  centrifuge.  On  remarquera  que  ce  milieu  est  bien  plus  microbi- 
cide  que  le  premier  :  la  différence  est  surtout  manifeste  pour  les  staphylo- 
coques virulents. 


■  J 

IMMÉDIAT. 
APRÈS 

I     H. 

2    H. 

3    H. 

5    H. 

7    H. 

10    H. 

22    H. 

3  JOURS 

Sang.      ^^ 

24,000 
25,700 

i5,ooo 

20,700 

4,800 

ii,3oo 

725 
12,768 

3  00 

112,320 

Rares 
col. 

1,792,000 

1950 
Innom. 

352,000 

Innom. 

Innom. 

Sang  +      A 

20,700 

2,720 

36o 

3oo 

342 

345 

2g  col. 

2884 

glob.  bl.  de 

l'exsudat  ( 

du  même 

lapin. 

V 

17,000 

2,120 

840 

840 

1450 

i,oi5 

1680 

10,320 

LE    MECANISME    DE    LA   VIRULENCE 


429 


Non  moins  intéressante  que  l'addition  de  globules  à  des  portions  de 
sang  est  leur  addition  à  du  sérum  frais  obtenu  en  centrifugeant  du  sang 
frais  défibriné.  On  compare  ici  le  sérum  comme  tel  et  le  sérum  additionné 
de  globules;  de  plus,  nous  employons  ici  une  semence  de  sérum  Les  résul- 
tats sont  toujours  positifs. 


SEM. 
SÉRUM 

IMMÉDIAT. 
APRÈS 

APR.    I    H. 

APR.    2    H. 

APR.    4    H. 

APR.    14  H. 

APR.  40  H. 

Sérum   frais 

A 

11,320 

10,080 

73,600 

288,000 

742,160 

Innombr. 

du  sang. 

V 

22,960 

i3,i6o 

34,560 

499,200 

1,868,888 

Innombr. 

Même    sérum  1 
-|^  gl.    blancs 
d'un  exsudât.  ' 

A 

23,780 

4,410 

3,36o 

1,540 

48,160 

371,200 

V 

14,160 

3,5oo 

2,618 

840 

138,760 

976,000 

Dans  les  expériences  suivantes,  nous  comparons  la  sérosité  à  l'exsudat 
complet. 


nj    ce! 
1/1 

IMMÉDIAT. 
APRÈS 

APR.     I    H. 

APR.    2    H. 

APR.    4    H. 

APR.    14    H. 

APR.   40   H. 

Sérositéo-- 

A 

V 

14,840 
13,740 

7,660 
3,640 

9,570 
12,672 

8,o5o 
32,640 

14,000 
649,600 

1,169,280 
220,480 

Exsudat  com- 

A 

20,580 

4,960 

2,400 

870 

2,170 

6,75o 

plet 

V 

103,740 

34,000 

2,880 

i,35o 

Rares  col. 

644,800 

.  S 

IMMÉDIAT. 
APRÈS 

APR.     I    H. 

APR.    2    H. 

APR.    4    H. 

APR.    6    H. 

APR.    9    H. 

• 

^ 

267,400 

96,120 

65,52o 

13,440 

5,504 

39,200 

Sérosité. 

y 

,     293,440 

103,240 

128,040 

58,58o 

1 14,840 

524,160 

. 

\     488,800 

168,960 

133,760 

27,360 

127,680 

648,000 

Exsudât  com- 
plet. 

A 
V 

290,832 
395,520 

59,160 
34,320 

3o8 
9.204 

5,520 
4,116 

12,480 
8,160 

26,840 
32,760 

\    589,63o 

61,440 

26,208 

4,700 

6,384 

i6,5oo 

Concluons  :  ainsi  se  Iroiipe  résolue,  croyons-nous,  la  question  posée 
au  commencement  de  ce  paragraphe  :  les  leucocytes  jouent-ils  un  rôle  dans 
la  destruction  des  staphylocoques,  aussi  bien  des  V  que  des  A?  A  la  suite 
de  nos  nombreuses  expériences,  nous  devons  y  répondre  par  l affirmative . 


430 


Dr  Honoré    VAN  DE  VELDE 


§  2.  —  Deuxième  question. 

Abordons  à  présent  le  second  point  :  la  phagocytose  sexerce-t-elle  avec 
la  même  intensité  sur  les  staph.  A  et'Wl 

Nous  n'avons  pas  fait  beaucoup  d'expériences  à  ce  sujet;  mais  d'après 
nos  quelques  recherches,  nous  pensons  devoir  admettre  une  action  spéciale 
des  globules  blancs  sur  la  forme  la  moins  pathogène. 

Pour  résoudre  ce  problème,  il  est  de  nouveau  nécessaire  de  faire  agir 
les  globules  blancs  dans  un  milieu  inerte.  Dans  l'expérience  suivante,  ce 
milieu  est  du  bouillon  ;  elle  comprend  quatre  portions  de  bouillon  :  à  deux 
portions,  nous  ajoutons  des  globules  blancs  obtenus  par  action  centrifuge  ; 
à  deux  autres,  une  goutte  de  sérosité  à  l'effet  de  compenser  l'action  de  la 
sérosité  adhérente  aux  globules  blancs.  Tandis  que  les  microbes  atténués 
subissent  une  diminution  considérable  au  point  qu'après  24  heures  ils  ont 
presque  tous  péri,  les  V,  après  avoir  présenté  une  période  presque  station- 
naire  de  2  heures,  fournissent  au  bout  d'un  jour  une  vraie  culture.  Nous 
admettons  volontiers  un  certain  désavantage  du  côté  des  globules  blancs 
vis-à-vis  des  Vk  cause  du  large  ensemencement  de  ceux-ci  ;  mais  l'expérience 
que  nous  avons  de  ce  sujet  nous  permet  d'affirmer  que  la  différence  dans 
les  chiffres  de  début  n'est  pas  de  nature  à  modifier  essentiellement  le 
résultat.  Les  portions  3  et  4,  dans  lesquelles  nous  avons  une  augmentation 
directe,  sont  là  pour  témoigner  que  l'effet  bactéricide  constaté  dans  les 
portions  i  et  2  n'est  pas  imputable  aux  traces  de  sérosité  qui  pourraient 
adhérer  aux  globules  blancs. 


SEM. 
BOUILL. 

IMMÉDIAT. 
APRÈS 

APR.     2    H. 

APR.    8    H. 

APR.   II  H. 

APR.    24    H. 

Globules 

A 

60,564 

3g,36o 

2,25o 

1,690 

Rares    col. 

dans   du    bouillon. 

V 

119,840 

120,320 

III, 36o 

784,000 

Innombr. 

Bouillon  -j- 

A 

42,240 

101,520 

1,060,800 

une  goutte  de  sérosité. 

V 

114,400 

188,160 

1,000,000 

Si  nous  poupons  tirer  une  conclusion  de  cette  expérience,  nous 
devons  admettre  que  les  A  sont  détruits  plus  facilement  par  les  leucocytes 
que  les  V. 


LE   MÉCANISME    DE   LA   VIRULENCE 


431 


§  3.  —  Troisième  question. 

Quelle  est  l'importance  du  râle  de  la  phagocytose  comparé  à  celui  de 
la  propriété  bactéricide  des  humeursl  Les  expériences  qui  précèdent  nous 
montre  qu'à  côté  de  la  •  pu  issance  bactéricide  des  humeurs  intervient 
un  second  facteur  :  les  globules  blancs  en  tant  qu'agents  phagocytaires. 
Est-il  possible  de  définir  l'importance  réciproque  de  ces  deux  facteurs?  Si 
l'on  compare  entre  elles  les  expériences  où  nous  avons  fixé  le  pouvoir  bac- 
téricide de  l'exsudat  complet  et  de  la  sérosité,  il  nous  semble  qu'on  ne  peut 
pas  méconnaître  que  le  rôle  principal  revient  aux  humeurs.  A  notre  avis,  la 
meilleure  façon  de  le  prouver  est  la  suivante  :  d'un  côté,  on  fait  agir  la  séro- 
sité débarrassée  de  tout  leucoc}'te,  et  de  l'autre,  les  leucocytes  extraits  de 
cette  sérosité  et  mis  en  suspension  dans  du  sérum  qui,  nous  le  savons,  a 
un  pouvoir  bactéricide  inférieur  à  celui  de  la  sérosité.  Or,  si  nous  trouvons 
que  la  sérosité  à  elle  seule  est  plus  bactéricide  que  les  globules  blancs  et  le 
sérum  sanguin  réunis,  il  est  évident  que  le  rôle  principal  doit  être  attribué 
à  la  partie  liquide  de  l'exsudat,  comme  il  découle  des  expériences  suivantes. 


a  p 
ui  o 

ta 

IMMÉD. 
APR. 

APR.  I  H. 

APR.  2  H. 

APR.  3  12  H. 

APR. 5  H. 

APR.    14  H. 
^ 

APR.  38  H. 

--I 

A 

38,640 

23,760  1 

12,180 

15,040 

Beauc. 

4,225 

0 

4,200 

Sérosité.     ( 

gonflés  et 
dégénérés. 

V 

30,240 

11,200 

9,880 

15,840 
Pas gonfl. 

5,700 

22,400 

i,o3o,4oo 

Globules 

A 

19,040 

18,460 

5,320 

7,200 

6,820 

800,000 

Innombr. 

dans  sérum 
non  chauffé. 

V 

56,400 
37,960 

13,340 
12,420 

10,880 
19,980 

16,000 
10,800 

10,200 
912 

4,928,000 
0 

Innoinbr. 
2,090 

Coq.  et 

Très  rares 

diploc.  en 

dipl.,vuun 

partie 

tout  petite 

gonflés. 

amas. 

Sérosité. 

40,020 

23,660 

34,160 

10,200 

Pas  gonflés 

comm.  de 

format,  de 

petits 

i5,5io 

43,600 

416,000 
Petite  cuit. 

et 
grands  amas. 

Globules 
dans  sérum 

56,840 

14,500 

8,960 

amas  (3,4). 
4,800 

4,940 

663,520 

Innombr. 

non  chauffé. 

32,940 

21,600 

7,290 

10,800 

i     9.570 

2,235,200 

Innombr. 

Si  le  pouvoir  bactéricide  des  humeurs  n'est  pas  une  propriété  post 
mortem,  il  joue  dans  la  résistance  du  lapin  au  staphylocoque  un  rôle  plus 
con  sidérable  que  la  phagocytose. 


432  Dr  Honoré    VAN  DE  VELDE 


CHAPITRE  IV.  —  D'un  poison  qui  neutralise  le  rôle  protecteur  des  leucocytes. 

Ce  chapitre  se  divise  en  deux  paragraphes. 
§  i.     Existence  d'un  poison  de  cette  nature. 
§  2.     Sa  sécrétion  par  les  deux  staphylocoques. 

§  1 .   —   Existence  d'un  poison  qui  neutralise  le  vole  protecteur 

des  leucocytes. 

Chez  le  lapin,  inoculé  même  avec  de  toutes  petites  doses  de  staph.  V, 
les  globules  attirés  dans  l'épanchement  meurent  bientôt  :  4,  6,  8  heures 
après  l'injection,  ils  perdent  leur  aspect  normal,  montrent  leur  noyau  et 
sont  incapables  de  manifester  des  mouvements  amiboïdes.  A  la  mort  de 
l'animal,  on  trouve  généralement  tous  les  globules  de  l' exsudât  dans  cet  état 
de  dégénérescence.  Cette  destruction  contribue-t-elle  à  diminuer  la  résistance 
du  lapin? 

La  réponse  se  trouve  contenue  dans  les  expériences  précédentes. 

Dès  qu'il  est  démontré  que  les  globules  blancs  sont  capables  de  détruire 
un  certain  nombre  de  microbes,  il  s'ensuit  que  leur  destruction  doit  favoriser 
les  entreprises  de'  l'agresseur.  Ce  résultat  est  un  corolaire  forcé  de  tout 
ce  qui  précède.  Aussi  noua  parait-il  inutile  d'insister  davantage  sur  ce  point. 
Mais  le  mécanisme  intime  du  phénomène  nous  semble  digne  de  nous  occu- 
per pendant  quelque  temps. 

Comment  se  fait  cette  destruction?  La  première  hypothèse  qui  se  pré- 
sente est  celle  de  la  fabrication  par  le  microbe  d'un  poison  qui  détruit  le 
leucocyte. 

Si  cette  hypothèse  est  la  véritable,  les  globules  sains,  vigoureux,  que 
nous  ajoutons  à  un  épanchement  obtenu  par  injection  de  staph.  f,  devront 
y  périr.  C'est  ce  qui  se  présente  effectivement. 

L'expérience  se  fait  le  mieux  de  la  façon  suivante  :  on  centrifuge  un 
exsudât  provoqué  par  l'injection  de  staph.  F,  de  façon  à  obtenir  un  liquide 
débarrassé  de  tout  leucocyte  ;  on  dépose  une  gouttelette  de  ce  liquide  sur  un 
porte-objets,  on  y  ajoute  des  globules  blancs  vivants  provenant  d'un  exsudât 
obtenu  par  l'injection  de  staphylocoques  morts  à  un  autre  lapin,  on  couvre 
rapidement  d'un  couvre-objets  et  on  examine  la  préparation  à  la  température 
du  corps.  Dans  les  premiers  moments,  on  voit  les  globules  blancs  pousser 
des  pseudopodes,  mais  ces  manifestations  de  vie  s'arrêtent  rapidement  : 


LE    MECANISME    DE    LA    VIRULENCE  433 

déjà  après  une  minute,  le  leucocyte  a  repris  la  forme  ronde  et  présente 
aussitôt  des  altérations  :  il  pâlit  considérablement,  on  dirait  que  le  proto- 
plasme se  dissout  dans  le  liquide  ambiant,  et  le  noyau,  jusqu'alors  invisible, 
devient  nettement  apparent.  En  un  mot,  ces  globules  blancs  vivants 
prennent  l'aspect  des  globules  qui  se  trouvaient  dans  l'exsudat  obtenu  par 
les  staph.  F  avant  d'avoir  été  centrifugés.  Ces  phénomènes  se  succèdent 
rapidement  et  s'accomplissent  dans  le  court  espace  de  2  à  3  minutes. 

Pour  obtenir  cet  effet,  il  n'est  nullement  nécessaire  d'employer  l'exsudat 
comme  tel  ;  on  peut  le  diluer  dans  de  fortes  proportions  et  alors  on  constate 
encore  la  destruction  des  leucocytes.  Comme  liquide  de  dilution,  l'eau  salée 
physiologique  convient  très  bien;  par  elle-rnême,  elle  est  inoffensive  et  des 
globules  blancs  mis  dans  cette  solution  et  portés  à  la  chambre  chauffée  y 
conservent  leurs  mouvements  pendant  plusieurs  heures. 

Expérience. 

Un  exsudât  centrifugé,  provenant  d'un  lapin  mort  par  suite  de  l'injec- 
tion de  staph.  F,  est  dilué  avec  de  l'eau  salée  dans  diverses  proportions  : 
1°     1  partie  d'exsudat  pour  2  parties  d'eau  salée. 

2°     1        -  -  3         -         ^         " 

_      30         1  .  _  5  u  ;.  « 

40         1  -  «  10  -  _  ii 

A  ces  différentes  dilutions  déposées  en  gouttelettes  sur  des  porte-objets, 
comme  il  a  été  dit  plus  haut,  nous  ajoutons  des  globules  blancs  bien  vivants 
et  nous  constatons  qu'ils  parcourent  le  cycle  de  leurs  altérations  :  pour  les 
2  premières  dilutions  (1/2,  i/3)  en  2  minutes  ;  pour  la  3"'»^  (1/5)  en  5  minutes  ; 
pour  la  4"^'  (1/10)  en  7  minutes. 

Les  mêmes  globules  blancs  vivants  examinés  dans  l'eau  salée  pure  con- 
servent leurs  mouvements  pendant  des  heures. 

Nous  avons  répété  ces  expériences  un  grand  nombre  de  fois  et  elles 
nous  ont  appris  : 

\°  que  sous  l'influence  de  l'exsudat  virulent,  concentré  ou  peu  dilué, 
cette  altération  se  produit  avec  une  grande  rapidité,  même  avec  une  quasi 
instantanéité-; 

2°  que  l'exsudat  peut  être  dilué  fortement  avec  un  liquide  indifférent 
sans  qu'il  perde  son  action;  cette  dernière  est  seulement  ralentie. 

De  quelle  nature  peut  bien  être  ce  poison?  Nous  nous  sommes  demandé 
s'il  n'appartenait  pas  au  groupe  des  ferments,  c'est-à-dire  de  ces  substances 

55 


434  Dr  Honoré    VAN  DE  VELDE 

de  nature  albuminoïde  encore  peu  déterminée  et  dont  l'action  est  suspendue 
ou  détruite  par  un  chauffage  à  ôo».  Pour  décider  cette  question,  nous  avons 
porté  six  portions  d'exsudat  F  pendant  dix  minutes  à  diverses  températures  : 
50°,  56",   57°,   58»,   60°. 

En  introduisant  dans  ces  diverses  portions,  après  refroidissement,  des 
globules  blancs  vivants,  nous  avons  obtenu  les  résultats  suivants  : 

à  50°,  dégénérescence  rapide, 

à  55°  «  «     . 

à  57°  « 

à  58°,  les  globules  ne  dégénèrent  plus,  mais  conservent  leur  aspect 
normal  et  leur  motilité. 

à  60°,  idem. 

Cette  expérience,  que  nous  avons  souvent  contrôlée  avec  des  exsudats 
provenant  de  divers  lapins  morts  après  injection  de  staph.  V,  nous  apprend 
que  le  poison  qui  tue  les  globules  blancs  est  détruit  vers  50"  et  nous  permet 
de  le  considérer  comme  une  substance  albuminoïde  très  instable. 

Ce  poison  qui  joue,  suivant  toutes  les  probabilités,  un  rôle  considérable 
dans  l'infection,  puisqu'il  s'attaque  à  un  des  facteurs  de  résistance  du  lapin, 
n'a  été  signalé  à  notre  connaissance  par  personne.  Pour  éviter  les  péri- 
phrases, nous  proposons  de  lui  donner  le  nom  de  substance  leucocide  ou 
leucocidinc,  par  analogie  avec  la  substance  bactéricide  des  humeurs.  Nous 
avions  pensé  un  instant  à  l'appeler  substance  globulicide,  mais  ce  nom  a  déjà 
été  donné  par  Buchner  à  des  substances  de  nature  albuminoïde  dissoutes 
dans  le  sérum  et  qui  exercent  une  action  destructive  sur  les  globules  rouges 
et  les  globules  blancs  d'espèces  animales  différentes  de  celles  qui  ont  fourni 
le  sérum. 

§  2.  —  Sécrétion  de  la  leucocidine  par  les  deux  variétés 
de  staphylocoques. 

Les  expériences  précédentes  nous  ont  permis  de  découvrir  une  sub- 
stance spéciale,  produite  par  les  microbes  et  qui,  par  son  action  sur  les 
globules  blancs,  parait  jouer  un  grand  rôle  dans  la  réceptivité. 

Chez  nos  lapins,  nous  n'avons  réussi  à  la  mettre  en  évidence  qu'après 
l'injection  de  staphylocoques  virulents.  Dès  lors,  nous  devions  nous 
demander  si  la  production  de  ce  poison  n'était  pas  une  propriété  spéciale 
du  microbe  V,  qui  l'aidait  à  prendre  le  dessus  sur  l'organisme.  Dans 
l'affirmative,  nous  aurions  pu  attribuer  la  virulence,  du  moins  en  partie, 


LE    MECANISME    DE   LA   VIRULENCE 


435 


à  une  propriété  nouvelle  acquise  par  les  staph.  A  dans  leurs  passages  à 
travers  les  animaux.  Toujours  dans  cette  hypothèse,  le  staphylocoque  A 
serait  dépourvu  de  cette  propriété  ou  du  moins  ne  la  posséderait  qu'à  un 
degré  tellement  faible  qu'elle  ne  pourrait  lui  être  d'aucune  utilité  dans  son 
agression  contre  les  lapins. 

Le  seul  moyen  de  trancher  la  questioa,  c'est  de  rechercher  le  poison 
dans  les  cultures  in  vitro  de  nos  deux  variétés  de  staphylocoques.  Si  la 
fabrication  de  cette  substance  est  propre  au  staph.  F,  elle  devra  faire  défaut 
dans  les  cultures  de  staph.  ^.  Comme  milieux,  nous  avons  choisi  le  bouillon, 
le  sérum  et  le  sang  de  lapin.  Ces  différents  milieux  étaient  ensemencés 
avec  des  staphylocoques  A  et  V,  laissés  à  la  couveuse  pendant  un  ou 
deux  jours  et  essayés  ensuite  sur  des  globules  blancs  bien  vivants.  En  opé- 
rant de  cette  façon,  nous  avons  pu  facilement  constater  la  présence  du 
poison  dans  les  trois  milieux  de  culture,  aussi  bien  dans  le  milieu  artificiel 
que  dans'  les  milieux  naturels.  Cependant,  ce  poison  se  forme  avec  plus 
d'abondance  dans  le  sang  et  le  sérum  que  dans  le  bouillon.  Ajoutons  de  suite 
que  nous  n'avons  pas  pu  nous  convaincre  qu'il  était  fabriqué  en  plus  grande 
quantité  par  le  staph.  F  que  par  le  staph.  A.  S'il  y  a  des  différences,  elles 
sont  si  faibles  et  si  inconstantes  que  nous  ne  pouvons  pas  leur  reconnaître 
d'importance  dans  l'étude  de  la  nature  intime  de  la  virulence. 
Voici  quelques-unes  de  ces  expériences. 


Première  expérience.  —  Culture  dans  du  sérum  chauffé. 


Après   2   minutes 
Après   5    minutes 


Après   6   minutes 


Culture  A. 


Culture    V. 


mouvements  comme  dans  ^ . 
comme  A. 


les  leucocytes  sont  mobiles 

la   plupart   montrent  leur 
noyau 

tous   les   globules   sont  comme  A. 

immobiles,  tous  vésiculeux 

et   montrent  leur   noyau 

Dans  le  même  sérum  non  ensemencé,  les  mouvements  sont  bien  con- 
servés (observation  de  15  minutes).  Dans  les  mêmes  cultures,  mais  portées 
au  préalable  à  60°  pendant  10  minutes,  les  globules  ajoutés  ne  dégénèrent 
plus  et  conservent  leurs  mouvements. 

Deuxième  expérience.  —  Nous  comparons  ici  la  production  de  la  leu- 
cocidine  dans  le  sang,  le  sérum  et  le  bouillon. 

Les  cultures  des  staph.  A  et  V  dans  ces  trois  milieux  sont  âgées  de 
deux  jours. 


436  Dr  Honoré    VAN  DE  VELDE 

Une  gouttelette  de  chacune  mise  sur  un  porte-objets  est  additionnée 
comme  toujours  de  globules  blancs  provenant  d'un  épanchement  obtenu  par 
des  staphylocoques  tués. 


Sang 

Sérum 

Bouillon 


A    :  leucocytes   détruits   presque   aussitôt. 

V  » 

A    :  globules   détruits  presque  aussi  rapidemerit   que  dans   le  sang. 

A    :  leucocytes   dégénèrent   seulement   après    1/4    d'heure. 

V  » 


Il  résulte  de  l'examen  de  ce  tableau  que  les  globules  sont  détruits  avec 
une  rapidité  inégale  dans  ces  trois  espèces  de  culture.  De  nouveau,  comme 
dans  l'expérience  précédente,  il  suffit  de  chauffer  ces  cultures  pendant 
10  minutes  à  60°  pour  voir  de  nouveaux  globules  y  développer  leurs  ex- 
pansions avec  la  même  intensité  que  dans  ces  trois  mêmes  milieux  non 
ensemencés  (tubes  témoins  de  sang,  de  sérum  et  de  bouillon). 

Cette  constatation  nous  permet  d'attribuer  la  destruction  des  globules 
dans  nos  cultures  in  vitro  au  même  agent  qui  opère  dans  les  exsudats. 

Les  cultures  ne  doivent  pas  toujours  être  si  âgées  pour  contenir  la  leu- 
cocidine.  En  voici  qui  sont  actives  après  24  heures  de  couveuse. 

Troisième  expérience.  —  Nous  opérons  toujours  sur  des  quantités 
égales  et  de  la  même  façon. 

Culture  dans  du.  {  A   :  globules  détruits  après  5  minutes, 
sang.  (   V  » 

Culture  dans  du  \  A  :  globules  détruits  après  7  minutes  (une  autre  fois  après  3  min.), 
sérum  chauffé.    (    V  » 

Culture  dans  du  l  /l   :  globules  détruits  après  i5  minutes, 
bouillon.  (   V  » 

Ces  mêmes  cultures  chauffées  pendant  10  minutes  à  60°  laissent  les 
globules  blancs  intacts  ;  nous  y  avons  suivi  leur  sort  pendant  2  heures  et 
pendant  tout  ce  temps  ils  ont  manifesté  des  mouvements  tout  aussi  nets 
que  dans  ces  mêmes  milieux  non  ensemencés. 

Dans  les  cultures  déjà  âgées  d'un  ou  de  deux  jours,  on  ne  trouve  pas 
plus  de  leucocidine  pour  les  Fque  pour  les  A.  Au  bout  d'un  certain  temps, 
elles  ont  donc  fabrique  la  même  quantité  de   poison,  mais  le  fabriquent- 
elles  avec  la  même  rapidité?  C'est  ce  que  les  expériences  précédentes  ne 
nous  apprennent  pas. 


LE   MECANISME    DE   LA   VIRULENCE 


437 


Il  n'y  a  qu'un  moyen  de  trancher  la  question  :  c'est  d'examiner  des 
cultures  de  même  âge,  non  plus  un  ou  plusieurs  jours  après  l'ensemen- 
cement, mais  déjà  peu  d'heures  après,  afin  de  surprendre  le  poison  dès  son 
apparition. 


Quatrième  expérience  : 

Cultures   A   &i    V  dans  le  sérum 
après   9  h.   de   couveuse. 

Mêmes  cultures 
après    21    h.    de   couveuse. 


Après  I  h.  de  contact,    les   globules  ne  présentent 

rien   de   spécial. 

Après    I  1/4   h.    de   contact,    les  mouvements  sont 

conservés. 

Après   3  1/4   h.,    aucune   dégénérescence. 


D'après  les  résultats  des  autopsies,  on  aurait  pu  penser  que  les  F  fa- 
briquaient peut-être  plus  rapidement  la  leucocidine  que  les  ^,  mais  cette 
expérience  n'est  pas  favorable  à  cette  manière  de  voir. 

Dans  une  cinquième  expérience,  nous  recherchons  l'apparition  du 
poison  dans  des  cultures  faites  dans  du  sang,  du  sérum  non  chauffé  et  du 
bouillon;  on  prélève  un  peu  des  cultures  à  différents  intervalles  et  on  y 
ajoute  des  globules  blancs  vivants. 


GLOBULES  AJOUTÉS    A    DIVERS 
INTERVALLES    ET    EXAMINÉS 

CULTURES  DANS  DU 
SANG 

CULTURES  DANS  DU 
SÉRUM    CHAUFFÉ 

CULTURES  DANS  DU 
BOUILLON 

CHAQUE    FOIS    PENDANT 
1/2    HEURE 

A 

V 

A 

V 

A 

V 

3  h.  après  l'inoculation 

mouvements 
conservés  comme 
dans  les  témoins. 

idem 

idem 

6  h. .      »                  » 

idem 

idem 

idem 

12  h.       »                  1) 

mouvements  actifs 
partout. 

idem 

idem 

25  h.        »                  )) 

idem 

idem 

idem 

48  h.        1)                  )) 

globules   détruits 

idem 

globules  détruits 

presque 

aussitôt. 

après  i5 

minutes. 

Il  n'existe  donc  pas  trace  de  poison  dans  les  cultures  F  et  ^  de  3  heures 
à  25  heures  inclusivement,  mais  il  y  existe  en  quantité  après  48  heures. 

Dans  'les  diverses  expériences  rapportées  précédemment,  nous  n'avons 
pas  pu  découvrir  de  différence  sensible  ni  dans  la  quantité  de  poison  élaboré 
par  nos  deux  variétés,  ni  dans  l'époque  de  son  apparition.  Nous  devons 
pourtant  reconnaître  qu'une  fois  nous  avons  constaté  une  légère  différence. 
C'est  dans  l'expérience  VI  ;  il  s'agit  de  cultures  dans  du  sérum  chauffé  :  à 


438 


Dr  Honoré    VAN  DE  VELDE 


un  moment  donné,  la  culture  F  se  montre  un  peu  plus  active  que  la  cul- 
ture atténuée,  mais  quelques  heures  après,  la  différence  avait  disparu. 

Sixième  expérience.  —  Lesglobulesajoutés  se  comportent  comme  ilsuit  : 


Culture   A. 

Culture   V. 

Après    10   minutes. 

mouvements   actifs 

mouvements   moindres. 

»        1 5          11 

idem 

un  petit  nombre  de  globules 

sont  ronds  et  montrent  des 

signes  manifestes  de 

dégénérescence. 

»        3o          » 

diminution  des  mouvements 

comme   précédemment. 

Quelques  heures  plus  tard,  les  mêmes  tubes  nous  montrent  les  phé- 
nomènes suivants  pour  une  nouvelle  addition  de  globules  blancs  : 


Après   5   minutes. 

1)         10  » 

1)      3o  » 


Culture   A . 

mouvements   peu   étendus 

aspect  granuleux  de  Tintérieur, 

mouvements  plus   rares 

dégénérescence   avancée 

presque   générale 


Culture    V. 

comme   A . 
comme   A . 

dégénérescence  un   peu    plus 
forte   que   A . 


Dans  le  sérum  non  ensemencé  pris  comme  témoin,  les  mouvements  se 
conservent  bien. 

En  présence  des  résultats  constants  obtenus  dans  les  autres  expériences, 
nous  sommes  disposé  à  attribuer  la  cause  de  cette  différence  à  un  facteur 
accidentel,  tel  que  l'inégalité  d'ensemencement,  l'inégalité  dans  la  rapidité 
de  développement,  etc.,  etc. 

Afin  d'éviter  des  erreurs  au  sujet  de  ce  genre  de  recherches,  nous  devons 
pourtant  faire  remarquer  que  la  leucocidine  apparaît  quelquefois  plus  vite 
dans  le  sérum  ensemencé  avec  des  mierobes  F.  C'est  quand  on  opère  avec 
du  sérum  non  chauffé  :  celui-ci  détruisant  beaucoup  plus  abondamment  les 
microbes  A  que  les  microbes  F,  ces  derniers  prennent  une  avance  considé- 
rable et  il  est  naturel  que  le  poison  soit  plus  rapidement  décelable  dans 
leur  culture  que  dans  celle  des  A. 

Une  remarque  pour  finir.  De  l'existence  en  quantité  sensiblement 
égale  de  leucocidine  dans  les  cultures  A  et  F,  nous  avons  conclu  que  les 
deux  variétés  de  microbes  produisaient  ce  poison  en  quantité  égale.  Cette 
supposition  n'est  vraie  que  si  le  nombre  de  microbes  est  le  même  des  deux 
côtés.  Par  des  plaques  faites  fréquemment  dans  le  cours  de  ces  expériences, 
nous  nous  sommes  convaincu  qu'il  en  est  réellement  ainsi,  de  sorte  que 
nous  pouvons  admettre  comme  un  fait  établi  la  production  en  quantité 
égale  de  leucocidine  par  les  deux  sortes  de  microbes. 


LE   MECANISME    DE   LA   VIRULENCE  439 

Résumons  brièvement  ce  chapitre  sur  la  substance  leucocidique. 

Dans  les  exsudats  de  lapins  injectés  avec  des  microbes  F  existe  un  poi- 
son spécial  qui  n'a  pas  encore  été  signalé  jusqu'ici;  il  est  très  instable  vis-à- 
vis  de  la  chaleur  :  il  est  détruit  à  58°  environ.  Mis  en  contact  avec  des  glo-" 
bules  blancs  vivants,  il  les  tue  avec  une  grande  rapidité.  Ce  poison  se 
forme  non  seulement  dans  le  corps  du  lapin,  mais  également  in  vitro,  dans 
les  cultures  faites  avec  le  sang,  le  sérum  et  le  bouillon.  Tout  en  étant  produit 
également  vite  et  en  quantité  sensiblement  égale  par  les  staph.  A  comme 
par  les  Fdans  chacun  de  ces  milieux  in  vitro,  il  s'y  laisse  pourtant  moins 
vite  déceler  que  dans  l'épanchement,  où  il  apparaît  quelquefois  déjà  après 
4  heures.  Il  est  du  reste  plus  abondant  dans  les  milieux  naturels  (sang, 
sérum;  que  dans  les  milieux  artificiels  (bouillon). 

CHAPITRE  V,  —  D'un  poison  qui  neutralise  le  rôle  protecteur  des  humeurs. 

Ce  chapitre  comporte  la  même  division  que  le  précédent  : 
§  1 .     Existence  d'un  poison  de  cette  nature. 
§  2.     Sa  sécrétion  par  les  deux  staphylocoques. 

§  1.   —  Existence  du  poison. 

Dans  les  pages  qui  précèdent,  nous  avons  vu  que  le  développement 
du  staph.  V  dans  l'organisme  engendrait  un  poison  délétère  pour  les 
leucocytes.  On  peut  se  demander  si  la  leucocidine  est  le  seul  principe, 
favorisant  l'infection,  formé  par  le  staph.  F.  Ici,  nous  visons  spécialement 
les  substances  qui  détruiraient  non  pas  les  phagocytes,  mais  les  substances 
bactéricides  dissoutes  dans  les  humeurs. 

On  sait  depuis  longtemps  que  les  produits  de  sécrétion  des  microbes 
favorisent  les  infections  :  ils  sont  même  souvent  employés  dans  les  labora- 
toires pour  permettre  à  un  microbe  peu  virulent  de  prendre  pied  dans  le 
corps  d'un  animal.  C'est  à  ces  substances  que  Kruse  a  donné  le  nom  de 
j>  lysines  «.  Il  est  certainement  intéressant  de  rechercher  si  ces  produits 
sont  formés  également  par  les  staphylocoques  et  si  la  forme  Fies  produit  en 
plus  grande-  abondance  que  la  forme  A. 

Commençons  par  rechercher  si  des  lysines  sont  produites  par  les 
staphylocoques  et,  pour  augmenter  nos  chances  de  les  trouver,  employons 
une  culture  de  staph.  F.  Pour  bien  mettre  en  évidence  l'existence  de  ces 
corps  favorisants,  nous  avons  disposé  notre  expérience  comme  il  suit  : 


440 


Dr  Honoré    VAN  DE  VELDE 


Comme  milieu  bactéricide,  nous  choisissons  la  sérosité  d'un  exsudât 
sans  microbes  et  à  cette  sérosité  nous  ajoutons  notre  culture  dans  le  bouillon 
débarrassée  des  microbes  au  moyen  d'une  filtration  à  travers  une  couche 
serrée  et  épaisse  d'amiante.  La  filtration  se  fait  au  moyen  d'une  trompe 
déterminant  un  vide  presque  complet  :  sous  la  pression  de  l'air,  le  bouillon 
sort  absolument  limpide  et  transparent  et  des  ensemencements  abondants 
faits  sur  gélatine  démontrent  qu'il  renferme  à  peine  des  microbes. 

Notre  expérience  comprend  cinq  portions. 

Les  deux  premières  sont  formées  de  sérosité  additionnée  de  bouillon 
ordinaire,  qui  n'a  pas  été  ensemencé  :  ce  sont  des  tubes-témoins. 

Dans  les  deux  portions  suivantes,  le  bouillon  pur  est  remplacé  par  le 
bouillon  débarrassé  de  ses  staphylocoques  par  la  filtration. 

Une  cinquième  portion  est  constituée  par  ce  même  bouillon  pur. 

Les  cinq  tubes  sont  ensemencés  avec  des  microbes  A. 

Première  expérience. 


ENSEMENCÉS 
AVEC    BOUILLON    A 

IMMÉDJAT. 
APR.     l'ense- 
mencement 

APR.    I    H. 

APR.    2    H. 

APR. 
4  1/2    H. 

APR. 

6  1/2  H. 

I. 

i  Sérosité    i  1/2  ce. 
j  Bouillon  ordin.  1/2  ce. 

1        6,072 

75o 

0 

0 

0 

2. 

j  Sérosité    i    ce. 

j  Bouillon  ordin.  i  ce. 

5,880 

2,240 

5l0 

0 

0 

3. 

l  Sérosité    i  1/2   ce. 
j  Bouillon  filtré   1/2  ce. 

4,736 

2,772 

6,200 

8,540 

14,720 

4- 

l  Sérosité    i    ce. 

1  Bouillon  filtré  i  ce. 

3,740 

4.290 

4,960 

26,880 

279,920 

5. 

Bouillon  filtré  2  ce. 

2,128 

2,464 

4,928 

40,320 

221,760 

La  conclusion  qui  découle  de  cette  expérience  est  des  plus  évidentes  : 
les  sérosités  1  et  2,  bien  qu'additionnées  de  bouillon  dans  des  proportions 
considérables,  détruisent  rapidement  les  organismes. 

Dans  les  portions  3  et  4,  où  le  bouillon  filtré  remplace  le  bouillon  pur, 
nous  avons  un  résultat  opposé.  Dans  le  tube  3,  on  observe  une  diminution 
passagère  suivie  de  pullulation;  dans  le  tube  4,  l'augmentation  est  directe. 

Cette  différence  entre  les  tubes  1  et  2  d'un  côté  et  3  et  4  de  l'autre- côté 
ne  nous  semble  comporter  d'autre  interprétation  que  celle  de  l'existence  de 
substances  favorisantes,  de  produits  qui  annihilent  l'effet  bactéricide  des 
humeurs.  En  effet,  deux  hypothèses  seules  nous  paraissent  possibles  pour 
expliquer  la  multiplication  directe  dans  les  tubes  3  et  4. 


LE    MÉCANISME   DE    LA   VIRULENCE 


441 


1°  L'addition  à  la  sérosité  d'aliments  non  décomposés  par  une  première 
génération  de  staphylocoques  (peptones,  sucres,  sels,  etc.)  a  fait  de  cette 
humeur  un  excellent  milieu  de  culture.  Mais  les  tubes  i  et  2  sont  précisé- 
ment là  pour  nous  apprendre  que  la  présence  d'aliments  ne  nuit  pas  à 
l'action  bactéricide. 

2°  Du  moment  que  l'hypothèse  précédente  tombe  à  faux,  il  faut  bien 
admettre  la  seconde  :  il  existe  dans  les  cultures  des  staphylocoques  certains 
produits  microbiens,  les  substances  favorisantes  de  plusieurs  auteurs,  la 
lysine  de  Kruse,  qui  neutralisent  l'action  bactéricide  des  humeurs. 

Ces  produits  se  forment  non  seulement  en  dehors  du  corps,  dans  les 
milieux  artificiels,  mais  également  dans  les  humeurs,  à  l'intérieur  des  ani- 
maux infectés. 

Voici  deux  expériences  qui  le  prouvent.  Elles  sont  faites  sur  le  plan 
de  la  précédente;  la  différence  essentielle,  c'est  que  le  bouillon  est  remplacé 
par  un  exsudât  produit  par  les  staph.  V,  recueilli  immédiatement  après 
la  mort  et  filtré  également  sur  l'amiante.  La  sérosité  de  la  première  de  ces 
expériences  est  la  même  que  celle  du  tableau  précédent  ;  les  tubes  1  et  2 
renfermant  de  la  sérosité  pure  remplissent  le  rôle  de  témoins;  les  tubes  3  et  4 
sont  composés  de  sérosité  et  d'exsudat  filtré;  enfin  le  tube  5  contient  de 
l'exsudat  filtré  pur.  Tous  ces  cinq  tubes  sont  ensemencés  avec  des  staph,  A. 

Deuxième  expérience. 


ENSEMENCÉS 

IMMÉDIAT. 

APR. 

APR. 

AVEC     BOUILLON     A 

APR.     l'ense- 
mencement 

APR      I     H. 

APR.    2    H. 

4  l:'2   H. 

6  1/2  H. 

I. 

Sérosité  i  i'2  ce. 
Bouillon  ordin   1/2  ce. 

6,072 

75o 

0 

0 

0 

2. 

l  Sérosité  I  ce. 

1  Bouillon  ordin.  i  ce. 

5,880 

2,240 

5x0 

0 

0 

3. 

i  Sérosité  i  1/2  ce. 

(  Exsudât  Ffiltréi/2cc. 

5,712 

3,120 

2,940 

2,352 

870 

4- 

l'  Sérosité  ice. 

j  Exsudât    r  filtré  i  ce. 

4,092 

i,33o 

2,800 

1,800 

1,740 

5. 

Exsudât   V  filtré  2  ce. 

4,140 

3,840 

1,920 

1,400 

1      6,160 

Dans  cette  expérience,  l'influence  des  lysines  est  évidente;  mais  elle  est 
bien  plus  accusée  encore  dans  la  suivante.  L'ensemencement  est  fait  égale- 
ment avec  des  staphylocoques  A. 


56 


442 


D''  Honoré    VAN  DE    VELDE 


Troisième  expérience. 


ENSEMENCÉS 
AVEC     BOUILLON     A 

IMMÉDIAT. 
APR.    l'ense- 
mencement 

APR.     I    H. 

APR.    2    H. 

APR. 
4  1/2    H. 

j    Sérosité    I  1/2    ce. 
\    Eau    salée    1/2    ce. 

41,328 

17,430 

15,760 

3.710 

(    Sérosité    1/2    ce. 
2     1 

1    Eau   salée    i  1/2    ce. 

13.920 

6,480 

4,224 

4,3i2 

1    Sérosité    i    ce. 
■  (    Exsudât    V   filtré    i    ce. 

35,900 

33,000 

34,544 

33,260 

j    Sérosité    i    ce. 
^'  \    Exsudât    V   filtré    3/4  ce. 

47-424 

41,968 

56, 160 

41,328 

5.       Exsudât   filtré    2    ce. 

i5,6oo 

45,900 

99,680 

806,400 

Les  tubes  1  et  2,  témoins,  nous  donnent  une  diminution  continuellement 
progressive  ;  dans  les  tubes  3  et  4,  sérosité  et  exsudât  filtré  à  parties  égales 
ou  sensiblement  égales,  la  destruction  est  négligeable  et  tombe  dans  les 
limites  d'erreur  possible. 

Ces  recherches  nous  apprennent  que  les  microbes  Y  élaborent  dans  leurs 
milieux  de  culture,  aussi  bien  en  dehors  qu'en  dedans  du  corps,  des  substan- 
ces qui  favorisent  le  développement  microbien,  non  pas  par  l'apport  de  sub- 
stances simplement  nutritives,  puisque  le  bouillon  pur  n'a  pas  cet  effet,  mais 
par  des  produits  de  désassimilation  qui  paralysent  l'action  bactéricide. 


§  2.  —  Sécrétion  de  la  lysine  par  les  deux  staphylocoques. 

La  question  que  nous  devons  aborder  à  présent  est  celle  de  savoir 
si  ces  produits  favorisants  sont  fabriqués  avec  la  même  abondance  par  les 
staph.  A  et  les  staph.  V. 

Pour  la  trancher,  il  faut  comparer  l'influence  qu'exercent  sur  une 
humeur  bactéricide,  telle  que  la  sérosité,  les  cultures  filtrées  des  deux 
variétés  de  microbes.  C'est  ce  que  nous  faisons  dans  l'expérience  suivante. 

Elle  comprend  divers  tubes  :  sérosité  pure,  cultures  filtrées  pures  et 
mélanges  de  sérosité  et  de  cultures.  Ces  cultures  sont  âgées  de  24  heures. 
Les  témoins  formés  de  sérosité  et  de  bouillon  non  ensemencés  ont  été 
négligés,  nos  expériences  précédentes  ayant  établi  que  le  bouillon  ajouté 
à  volume  égal  à  la  sérosité  ne  trouble  pas  la  fonction  bactéricide  de 
cette  dernière. 


LE    MECANISME     DE    LA   VIRULENCE 


443 


Quatrième  expérience. 


ENSEMENCÉS 

IMMÉDIAT. 

APR. 

APR. 

AVEC    BOUILLON    A 

APRÈS 

APR.    I    H. 

APR.     2    H. 

4  1/2  H. 

6  1/2   H  . 

I.      Sérosité    pure    2    ce. 

1000 

400 

Rares  col. 

0 

G 

1  Sérosité    i  1/2    ce. 
'1  Lysine    A    1/2    ce. 

i3oo 

660 

460 

0 

0 

T       Sérosité    i    ce. 
Lysine   A    i    ce. 

1720 

i53o 

450 

96,000 

1,075,900 

4- 

Lysine   A    pure    2    ce. 

400 

480 

600 

11,000 

292,500 

2       Sérosité    i  1/2    ce. 
(  Lysine    V    1/2    ce. 

■  435 

160 

0 

0 

0 

g       Sérosité    i    ce. 
Lysine    V    i    ce. 

3oo 

400 

100 

34,580 

720,000 

7- 

Lysine    V  pure    2    ce. 

3oo 

1400 

28,800 

43,000 

277,200 

Conclusion  :  Ces  cultures  filtrées,  additionnées  à  la  sérosité  dans  la 
proportion  de  i  à  3,  n'empêchent  pas  la  destruction  des  microbes  dans  ce 
dernier  milieu  ;  à  parties  égales,  elles  exercent  une  action  favorisante  consi- 
dérable, mais  également  prononcée  pour  les  staph.  A  et  les  staph.  V. 

Si  de-cette  expérience  unique,  qu'il  sera  nécessaire  de  répéter,  nous 
pouvons  tirer  une  conclusion,  nous  devons  dire  que  les  lysines  sont  fabri- 
quées en  quantité  égale  par  les  deux  variétés  de  microbes;  ce  fait  concorde 
avec  la  fabrication  de  la  leucocidine,  qui  est  aussi  élaborée  en  proportion 
égale  par  les  deux  variétés. 


Appendice.  Du  reste,  les  staph.  A  et  V  paraissent  se  comporter  de 
la  même  façon  pour  tous  les  poisons  qu'ils  élaborent.  Nous  nous  sommes 
formé  cette  opinion  en  étudiant  comparativement  les  effets  des  cultures 
filtrées  et  des  cultures  stérilisées  à  61°  de  nos  deux  variétés.  Nous  avons 
fait  ces  études  sur  les  lapins  et  les  chiens.    • 

Aux  lapins,  nous  avons  injecté  des  cultures  stérilisées  à  61°,  âgées  de 
2  jours,  7  jours,  15  jours,  3  semaines  de  couveuse.  Les  animaux  qui 
reçurent  ces  poisons  jusqu'à  1  ce.  par  100  grammes  de  poids  se  montrèrent 
très  peu  affectés,  et,  fait  précieux  à  noter  ici,  ils  ne  parurent  pas  plus  sen- 
sibles aux  cultures  virulentes  qu'aux  cultures  atténuées. 


AU 


D'  Honoré    VAN   DE  VELDE 


Si,  au  lieu  de  tuer  ces  cultures  par  le  chauffage,  on  les  tue  par  le 
chloroforme  qu'on  chasse  ensuite  (procédé  qui  a  l'avantage  d'éviter  des 
températures  nuisibles  à  beaucoup  de  substances),  on  n'obtient  pas  de 
résultats  différents. 

Enfin,  nous  avons  injecté  dans  le  péritoine  de  lapins  lo  ce.  de  cultures 
A  et  F  dans  du  bouillon,  dont  les  microbes  avaient  été  séparés  par  filtration 
à  travers  l'amiante.  Ici  encore  rien  de  prédominant  du  côté  des  virulents. 

Chez  le  chien,  on  peut  mettre  à  profit  les  variations  de  la  température 
pour  étudier  certains  côtés  toxiques  de  l'injection  de  ces  cultures  stérilisées; 
les  staphylocoques  fabriquent,  en  effet,  des  substances  pyrétogènes  ;  mais 
ici  encore  la  variété  A  en  élabore  autant  que  la  variété  virulente.  Dans  le 
tableau  suivant  se  trouvent  les  courbes  thermométriques  fournies  par  deux 
chiens,  auxquels  nous  avons  injecté  deux  doses  différentes  de  bouillons  de 
staph.  A  stérilisés  par  un  chauffage  d'une  demi-heure  à  61°  C.  et  celles 
fournies  par  deux  autres  chiens  qui  ont  reçu  des  doses  comparables  de 
bouillons  de  staph.  V  stérilisés  de  la  même  façon.  » 


STAPH.     A 

STÉRILISÉS 

STAPH.      V 

STÉRILISÉS 

CHIEN    I 

CHIEN    II 

CHIEN    III 

CHIEN    IV 

Poids 

1000   gr. 

1400   gr. 

iioo   gr. 

900   gr. 

Quantités   de   cultures   reçues 

2    ce. 

11,2     ce. 

2,2    ce. 

9    ce. 

Température   avant   l'injection 

3707 

3802 

3803 

3707 

•Après    21/2    heures 

40° 

40°  I 

39"7 

3901 

»        5              » 

38û5 

3906 

3904 

3904 

))         7  I'2          » 

3801 

390 

3901 

3804 

1)        10            » 

38° 

3903 

3906 

390 

))        20            1) 

38°8 

390 

3806 

3802 

Conclusion  :  Le  bouillon  A  a  élevé  les  températures  des  chiens  à 
40°  et  40-1,  températures  fébriles;  le  bouillon  Va.  porté  chez  l'un  des  chiens 
la  température  à  39°?,  c'est-à-dire  à  0,2  au-dessus  de  la  température  39°5, 
qu'on  peut  considérer  comme  température  normale  extrême.  Chez  l'autre 
chien,  la  température  est  restée  dans  les  limites  de  la  température  normale. 

Si  nous  voulions  tirer  une  conclusion  de  ces  quatre  injections,  nous 
devrions  dire  que  le  staph.  A  sécrète  plus  de  substances  pyrétogènes  que  le 
staph.  V,  mais  nous  préférons  voir  dans  ces  différences  un  simple  effet  du 
hasard  :  les  chiens  opposent  à  ces  injections  une  résistance  individuelle 


LE    MÉCANISME    DE    LA   VIRULENCE  445 

variable.  Certains  seraient  peut-être  tentés  de  voir  dans  l'absence  d'ascen- 
sion thermique  chez  le  chien  IV  le  résultat  d'une  intoxication  plus  forte 
déterminant  une  hypothermie,  mais  l'état  général  qui  n'était  pas  plus  affecté 
chez  cet  animal  que  chez  les  trois  autres  ne  nous  permet  pas  d'adopter- 
cette  interprétation. 

CHAPITRE  VI.   —   Considérations  générales  et  Conclusions. 

Au  commencement  de  notre  travail,  nous  nous  sommes  imposé  comme 
tâche  de  rechercher  le  mécanisme  intime  de  la  virulence  du  staphylocoque 
pyogène.  Grâce  aux  expériences  qui  précèdent,  nous  croyons  avoir  éclairci 
ce  sujet  et  nous  pouvons  nous  poser  la  question  de  la  façon  suivante  :  pour- 
quoi un  staphylocoque  virulent  parvient-il  à  se  développer  dans  le  corps, 
même  quand  il  est  injecté  à  des  doses  minimes,  alors  que  le  staphylocoque 
atténué,  à  des  doses  plusieurs  certaines  de  fois  plus  fortes,  ne  parvient  pas 
à  prendre  pied  dans  l'organisme? 

Plusieurs  hypothèses  peuvent  être  formulées. 

I.  En  se  basant  sur  le  rôle  que  jouent  les  globules  blancs  comme 
agents  phagocytaires,  on  pourrait  croire  que  la  virulence  d'un  staphylocoque 
consiste  dans  la  propriété  qu'il  possède  de  sécréter  un  poison  qui  met  les 
leucocytes  hors  de  combat.  Quand  nous  eûmes  découvert  l'existence  de  la 
leucocidine,  ce  mode  d'explication  s'est  présenté  immédiatement  à  notre 
esprit.  Nous  avons  cru  un  moment  pouvoir  définir  le  staphyl.  F  un  staphyl. 
sécrétant  un  poison  qui  détruit  les  leucocytes.  Mais  après  avoir  reconnu 
que  ce  poison  est  sécrété  en  quantité  sensiblement  égale  par  les  deux  variétés 
de  staphylocoques,  nous  avons  dû  abandonner  cette  hypothèse  et  nous 
devons  voir  dans  ce  poison  leucocidique,  non  plus  la  cause  première  de 
la  virulence,  mais  une  cause  secondaire  intervenant  au  cours  de  la  pullula- 
tion  des  staph.  pour  assurer  encore  davantage  la  défaite  de  l'organisme. 

II.  Une  seconde  hypothèse  est  la  suivante.  Quand  on  injecte  dans 
la  plèvre  des  lapins  des  staph.  F,  on  introduit  en  même  temps  des  substances 
favorisantes,  les  lysines,  qui  neutralisent  le  pouvoir  bactéricide  des  humeurs. 
Cette  hypothèse  découle  naturellement.de  nos  expériences  faites  avec  les 
cultures  filtrées.  Mais  nous  ferons  remarquer  que  ces  lysines  sont  fabriquées 
en  quantité  égale  par  nos  deux  variétés  de  staphylocoques.  Si  réellement 
elles  jouaient  un  rôle  capital  dans  l'infection,  ce  seraient  bien  nos  staphyl. 
atténués  qui  devraient  se  développer,  vu  la  forte  dose  que  nous  injectons, 

et  ce  seraient  les  virulents  qui  devraient  périr. 


446  Dr  Honoré    VAN  DE  VELDE 

Pourtant  l'élaboration  de  cette  lysine  ne  doit  pas  être  considérée  comme 
un  phénomène  négligeable  dans  l'infection  :  si  elle  n'intervient  pas  comme 
cause  primordiale  et  déterminante  de  la  pullulation  microbienne,  une  fois 
que  celle-ci  a  atteint  un  certain  degré,  elle  doit  favoriser  la  pullulation 
ultérieure  et  concourir  à  assurer  la  suprématie  des  microbes  sur  l'animal. 

III.  Examinons  une  troisième  hypothèse  basée,  non  plus  sur  l'élabo- 
ration de  certains  poisons,  mais  sur  une  vitalité  inégale  des  deux  variétés. 

D'après  cette  supposition,  le  staphylocoque  f^est  un  microbe  vigoureux, 
tandis  que  le  staphylocoque  A  représente  un  individu  débilité.  Le  premier 
se  développe  rapidement  et  la  destruction  qu'il  subit  de  la  part  de  l'orga- 
nisme est  compensée  par  sa  pullulation  rapide  et,  malgré  les  pertes  subies, 
il  devient  de  plus  en  plus  nombreux.  Le  représentant  chétif,  au  contraire, 
qui  est  le  staph.  A,  ne  parvient  pas  à  compenser  les  pertes  qu'il  éprouve, 
et  au  lieu  d'augmenter,  il  devient  de  plus  en  plus  rare  :  en  un  mot,  la 
virulence  siégerait  dans  une  vigueur  plus  ou  moins  forte. 

Il  nous  semble  que  le  meilleur  moyen  de  trancher  cette  question  est 
d'ensemencer  les  deux  formes  de  staphylocoques  sur  divers  milieux  et  d'ob- 
server la  rapidité  avec  laquelle  elles  se  développent. 

Nous  devons  exposer  à  ce  sujet  les  faits  observés  au  commencement 
de  nos  expériences. et  ceux  que  nous  avons  recueillis  dans  la  suite.  Tout 
au  début,  nous  avons  ensemencé  avec  les  deux  variétés  : 

a)  une  série  de  tubes  de  gélatine, 

b)  y       "  y      d'agar, 

c)  «       "  n      de  bouillon, 

d)  y       m  V      d'urine, 

e)  une  série  de  tubes  avec  des  pommes  de  terre. 
Une  partie  de  ces  tubes  a  été  mise  à  la  couveuse,  une  autre  a  été 

maintenue  à  la  température  de  la  chambre;  par  des  examens  répétés  une 
ou  plusieurs  fois  par  jours,  nous  avons  noté  le  degré  de  développement,  mais 
nous  n'avons  pu  trouver  aucune  différence  concernant  l'abondance  et  la  rapi- 
dité du  développement  sur  gélatine,  agar,  pommes  de  terre,  urine;  seul  le 
bouillon  ensemencé  avec  des  staph.  F  s'est  troublé  un  peu  plus  rapidement 
que  celui  qui  avait  été  ensemencé  avec  des  staph.  A. 

Mais  comme  dans  des  expériences  plus  récentes  nous  n'avons  pu  con- 
firmer ce  retard,  nous  ne  pouvons  plus  lui  accorder  de  valeur  absolue. 
Cette  différence  d'écart  doit  donc  être  plutôt  considérée  comme  un  phéno- 
mène accidentel  et  sans  relation  directe  avec  la  virulence. 


LE    MECANISME    DE    LA   VIRULENCE  447 

Dans  ces  différentes  expériences,  nous  avons  jugé  la  vigueur  du  déve- 
loppement par  l'aspect  macroscopique;  mais  entre  le  moment  d'inoculation 
et  celui  où  la  culture  commence  à  apparaître  à  l'œil  nu,  il  s'écoule  un  inter- 
valle assez  long  de  6  ou  8  heures  au  moins,  pendant  lequel  la  rapidité  de 
développement  nous  échappe.  Il  n'y  avait  qu'un  moyen  d'apprécier  cette 
dernière  :  c'était  d'ensemencer  les  deux  formes  de  microbes  dans  un  milieu 
liquide  et  de  faire  des  plaques  à  différents  intervalles.  C'est  ce  que  nous 
avons  fait  avec  des  A  et  des  f  ensemencés  dans  du  bouillen.  Les  uns  et  les 
autres  donnèrent  le  même  nombre  de  colonies,  de  sorte  que  l'on  doit  ad- 
mettre qu'ils -avaient  la  même  puissance  de  multiplication.  Tels  étaient  les 
résultats  que  nous  obtenions  au  début  de  nos  expériences. 

Nous  devons  pourtant  reconnaître  que  dans  la  suite  notre  microbe  A 
a  revêtu  peu  à  peu  une  allure  différente  ;  ainsi  ses  cultures  sur  agar  étaient 
manifestement  moins  épaisses  et  moins  vigoureuses  que  celles  de  la  forme 
virulente;  phénomène  singulier,  au  fur  et  à  mesure  qu'elles  devenaient  plus 
chétives,  elles  perdaient  leur  pouvoir  de  pigmentation  et  dans  ces  derniers 
temps  leurs  colonies  ne  prenaient  plus  la  coloration  jaune  :  elles  restaient 
absolument  blanches.  Mais  nous  le  répétons,  ces  signes  de  moindre  vitalité 
n'ont  apparu  que  tout  à  fait  dans  ces  derniers  temps  et  n'existaient  pas, 
ou  du  moins  n'étaient  pas  constants  au  début  de  nos  expériences,  alors 
que  la  différence  entre  leur  pouvoir  pathogène  était  aussi  prononcé  qu'à  la 
fin.  En  présence  de  ces  faits,  il  nous  est  impossible  d'expliquer  la  virulence 
par  le  développement  plus  rapide  du  staphylocoque  V  relativement  au 
staphylocoque  A. 

lY.  Quatrième  hypothèse  :  la  virulence  réside  dans  une  résistance 
plus  grande  des  staphylocoques  F  à  l'action  phagocytaire  des  globules  blancs. 
Cette  hypothèse  tombe  immédiatement,  si  l'on  songe  que  la  plus  grande 
partie  des  microbes  A  introduits  dans  la  plèvre  Succombent  avant  que  les 
globules  blancs  n'apparaissent  en  nombre  efficace  sur  le  théâtre  de  l'infec- 
tion. Nous  ne  voulons  pas  nier  que  les  staph3docoques  A  ne  soient  plus 
facilement  pris  et  tués  par  les  leucocytes,  mais  de  nouveau  ici  il  ne  s'agit  pas 
de  la  cause  primordiale  de  la  résistance  du  lapin. 

V.  Cinquième  hypothèse  :  la  virulence  réside  dans  une  résistance 
plus  grande  "du  staphylocoque  virulent  au  pouvoir  bactéricide  des  humeurs. 

Nous  avons  vu  au  commencement  de  notre  travail  que  l'on  peut  injecter 
les  staphylocoques  atténués  à  des  doses  considérables  sans  produire  l'infec- 
tion :  les  microbes  diminuent  dans  une  proportion  extrêmement  forte  sans 


448  Df  Honoré    VAN  DE  VELDE 

que  l'on  puisse  rapporter  la  destruction  au  travail  des  globules  blancs,  ceux- 
ci  ne  survenant  que  lorsque  la  destruction  a  déjà  atteint  des  proportions 
fort  considérables.  Au  contraire,  si  l'on  injecte  des  doses  extrêmement  faibles 
de  staph)'locoques  virulents,  la  destruction  est  tout  au  plus  faible,  de  courte 
durée,  et  fait  bientôt  place  à  une  puUulation  ininterrompue.  Ces  phénomènes 
trahissent  à  n'en  pas  douter  une  résistance  différente  aux  humeurs. 

Mais  comment  ces  dernières  agissent-elles?  Le  staphylocoque  A  dépé- 
rit-il tout  simplement  parce  que  ce  milieu  composé  surtout  d'eâu,  de  sérum 
et  de  sels  lui  est  défavorable,  tandis  qu'il  est  propice  au  staphylocoque  F? 
Nous  ne  pouvons  l'admettre,  car  si  nous  ensemençons  les  deux  variétés  dans 
le  sérum  ou  la  sérosité  chauffés  à  60^,  nous  trouvons  que  les  deux  variétés 
s'y  développent  avec  la  même  facilité  :  ce  n'est  donc  pas  la  composition 
globale,  grossière,  qui  détermine  la  mort  du  staphylocoque  A.  C'est  plutôt  un 
état  particulier  de  ces  humeurs,  état  modifié  par  l'action  d'une  température 
peu  élevée  et  qui  n'est  autre  que  l'état  bactéricide.  Le  staphylocoque  A  est 
un  staphylocoque  vivement  impressionné  par  le  pouvoir  microbicide  des 
humeurs  et  c'est  pour  cela  qu'il  disparaît  rapidement  dans  le  corps,  même 
quand  on  l'injecte  à  doses  considérables.  Au  contraire,  le  staphylocoque 
virulent  ne  se  ressent  pas  ou  ne  se  ressent  que  peu  de  l'action  délétère  des 
humeurs  et  il  parvient  à  se  multiplier  victorieusement  au  sein  de  ces  der- 
nières; en  un  mot  l' atténuation  ou  la  non  virulence  réside  dans  une  sensi- 
bilité spéciale  vis-à-vis  des  substances  bactéricides,  tandis  que  la  virulence 
réside  dans  une  résistance  particulière  à  la  même  influence. 

En  tenant  compte  de  tous  ces  faits,  voyons  comment  nous  pouvons 
décrire  la  succession  des  phénomènes  qui  suivent  l'injection  de  nos  deux 
variétés  de  microbes.  Quand  on  introduit  dans  la  plèvre  des  staphylocoques 
atténués,  l'irritation  causée  par  ces  organismes  sur  la  séreuse  produit  d'abord 
une  dilatation  vasculaire  et  une  transudation  abondante  de  sérosité.  Cette 
dernière  véhicule  une  forte  proportion  de  substances  bactéricides,  propor- 
tion plus  forte  que  celle  qui  se  trouve  normalement  dans  le  sérum.  Sous 
l'influence  de  cette  substance  bactéricide,  les  microbes  succombent  rapide- 
ment et  en  grand  nombre.  Dans  les  premières  heures  de  l'infection,  la 
sérosité  doit  être  considérée  comme  étant  le  seul  élément  avec  lequel  les 
microbes  entrent  en  conflit.  Mais  dès  la  4%  6'=  ou  8"=  heure,  les  globules  blancs 
attirés  par  diapédèse  deviennent  nombreux  et,  en  absorbant  les  microbes 
encore  vivants,  ils  assistent,  et  peut-être  achèvent  l'œuvre  des  humeurs.  La 


LE    MECANISME    DE    LA    VIRULENCE  44g 

défaite  des  microbes  est  d'autant  mieux  assurée,  que  ceux-ci,  rapidement 
décimés,  n'ont  guère  le  temps  de  sécréter  en  quantité  suffisante  des  substances 
antagonistes  flysines)  de  la  substance  bactéricide.  Il  est  vrai  que  l'injection 
dans  la  plèvre  d'une  grande  quantité  de  bouillon  introduit  une  dose  notable 
de  lysine,  mais  celle-ci  n'étant  presque  plus  élaborée  à  cause  de  la  mort  des 
microbes  disparaît  par  résorption.  Ce  facteur  propice  à  l'infection  se  trouve 
ainsi  neutralisé. 

Qu'advient-il  par  contre  quand  on  injecte  des  staphylocoques  virulents, 
même  à  dose  minime?  A  cette  injection,  la  plèvre  répond  comme  pour  les 
microbes  atténués  par  la  congestion  vasculaire  et  la  transudation  de  la  séro- 
sité. Mais  les  microbes  peu  sensibles  à  la  substance  bactéricide  ne' périssent 
qu'en  petite  quantité;  ceux  qui  meurent  sont  sans  doute  des  individus  moins 
virulents  et  présentant  pour  le  poison  microbien  une  sensibilité  particulière. 
Les  autres  échappent  à  l'action  du  poison  et  entrent  en  division  ;  ils  devien- 
nent peu  à  peu  plus  nombreux  et  bientôt  leur  envahissement  est  puis- 
samment favorisé  par  leurs  propres  produits  de  sécrétion  :  d'un  côté,  par 
les  lysines,  ils  neutralisent  la  substance  bactéricide  que  la  transudation  in- 
flammatoire amène  dans  la  plèvre;  de  l'autre  côté,  par  la  substance  leucocide, 
ils  mettent  hors  de  combat  les  globules  blancs;  dès  lors,  leur  pullulation  ne 
connaît  plus  d'obstacles  et,  au  bout  de  quelques  heures,  ils  ont  transformé 
l'exsudat  eh  une  vraie  culture. 

Pourtant  une  objection  se  présente  à  l'esprit.  Dans  les  expériences 
relatées  plus  haut,  nous  avons  vu  que  la  sérosité  exerçait  une  action 
bactéi^icide  très  intense,  même  sur  les  microbes  virulents.  Dans  ce  cas, 
comment  expliquer  qu'une  petite  dose  de  microbes  virulents  parvient  à  se 
développer  au  sein  d'un  exsudât?  La  réponse  est  facile  :  au  début  de  l'in- 
flammation, le  pouvoir  bactéricide  de  la  sérosité  n'est  guère  plus  fort  que 
celui  du  sérum,  qui  exerce  si  peu  d'action  sur  les  staphylocoques  virulents. 
C'est  seulement  dans  la  suite  et  peu  à  peu  que  ce  pouvoir  s'accroît  et  atteint 
un  degré  élevé,  bien  supérieur  à  celui  du  sérum.  Nous  nous  sommes 
assuré  de  ce  fait  en  comparant  le  pouvoir  bactéricide  de  l'exsudat  recueilli 
à  divers  intervalles  après  l'injection.  Ainsi,  par  exemple,  l'exsudat  recueilli 
après  I,  2,  4  et  même  6  heures  d'injection  possède  un  pouvoir  bactéricide 
relativement  faible  ;  or,  c'est  avec  cette  sérosité  à  faible  pouvoir  bactéricide 
que  les  microbes  virulents  entrent  en  conflit  au  début.  Par  les  lysines  qu'ils 
sécrètent,  ils  empêchent  le  pouvoir  bactéricide  d'ac-quérir  toute  son  intensité 
et  ainsi  ils  assurent  leur  triomphe. 

57 


450 


Dr  Honoré    VAN   DE  VELDE 


Le  tableau  suivant  donne  le  pouvoir  bactéricide  des  exsudats  de  quatre 
lapins  tués  respectivement  i,  2,  3  et  4  heures  après  l'injection  de  staphylo- 
coques atténués.  Pour  faire  les  plaques,  nous  avons  employé  l' exsudât 
comi  le  tel,  sans  ajouter  de  nouveaux- microbes. 


LAPINS 
TUÉS    APRtS 


PLAQUES 

FAITES   IMMÉD. 

APRÈS 

LA    MORT 


APRES 
I     HEURE 


APRÈS 
2     HEURES 


APRÈS 
4  1/2  HEURES 


APRÈS 
8     HEURES 


I    Heure 

86,864 

59,536 

63,248 

348,000 

255, 36o 

2    Heures 

176,960 

Il3,I20 

80,200 

48,216 

15,960 

3         » 

40,5oo 

26,166 

27,360 

9,120 

1,200 

4         » 

2,280 

1,200 

882 

0 

0 

On  remarquera  que  l'exsudat  du  premier  lapin,  recueilli  après  1  heure, 
ne  donne  qu'une  diminution  légère;  la  diminution  est  plus  forte  et  con- 
tinue pour  le  second  ;  pour  le  troisième,  bien  que  ne  débutant  pas  par  un 
chiffre  aussi  élevé  que  le  deuxième,  la  diminution  est  plus  rapide  :  après 
8  heures,  le  chiffre  est  réduit  au  quarantième  de  ce  qu'il  était  au  début, 
tandis  que  pour  le  second,  le  nombre  du  début  n'a  été  réduit,  après  le 
même  nombre  d'heures,  qu'au  dixième.  L'augmentation  indiquée  pour  le 
troisième  après  2  heures  doit  évidemment  être  considérée  comme  l'effet  du 
hasard.  Enfin,  pour  le  quatrième,  en  tenant  même  compte  du  faible 
chiffre  initial,  la  destruction  est  plus  forte  que  pour  les  autres. 

Le  tableau  suivant,  qui  résume  une  expérience  pareille  à  la  précédente, 
confirme  l'idée  émise  ci^dessus  d'une  façon  encore  plus  nette. 


LAPINS 
TUÉS    APRÈS 


PLAQUES     IMM. 

APRÈS 

LA    MORT 


APRÈS 
I     HEURE 


APRÈS 
2     HEURES 


APRÈS 
4     HEURES 


APRÈS 
7  1/2  HEURES 


I    Heure 
3    Heures 


4  1/2 


1,120 

441 

5oo 

520 

36o 

5,376 

58o 

0 

0 

0 

600 

Rares  colon. 

Rares  colon. 

0 

0 

200 

0 

0 

0 

0 

Nous  avons  cru  intéressant  de  donner  à  ce  sujet  encore  un  petit 
tableau,  où  les  chiffres  initiaux  sont  à  l'abri  de  toute  objection  :  le  second 
notamment  est  plus  élevé  que  le  premier  et  malgré  cela  la  destruction  y 
est  plus  rapide. 


LE   MÉCANISME    DE    LA   VIRULENCE 


451 


LAPINS 
TUÉS    APRÈS 

PLAQUES     IMM. 

APRÈS 

LA    MORT 

APRÈS 
I     HEURE 

APRÈS 
2     HEURES 

APRÈS 
4     HEURES 

4  Heures 

5  Heures 

2,5oo 
3,5oo 

600 

25o 

240 
0 

0 
0 

On  pourrait  nous  objecter  que  la  destruction  plus  forte  que  l'on  observe 
dans  les  exsudats  d'un  certain  âge  est  due  non  pas  à  un  état  particulier  de 
la  sérosité,  mais  à  un  affaiblissement,  un  état  maladif  des  coques.  Nous  ne 
croyons  pas  cette  objection  sérieuse,  car  ayant  eu  souvent  l'occasion  de 
travailler  avec  la  sérosité  d'exsudats  d'âge  divers,  obtenus  par  l'injection  de 
cultures  stérilisées,  nous  avons  pu  nous  convaincre  qu"il  y  a  une  grande 
différence  entre  la  sérosité  provenant  d'un  exsudât  de  six  heures  et  celle 
provenant  d'un  exsudât  de  12  heures.  L'avantage  était  du  côté  de  ce  dernier. 

Il  découle  de  tout  ceci  que  les  microbes  virulents  ne  rencontrent  tout 
d'abord  qu'un  faible  antagonisme  de  la  part  des  humeurs  qu'ils  attirent  dans 
la  plèvre  et  qu'ainsi,  malgré  leur  petit  nombre,  ils  parviennent  à  prendre 
pied  dans  l'organisme. 


CHAPITRE  Vil.  —  Parallèle  entre  le  pouvoir  bactéricide  de  la  sérosité  de  l'exsudat 

et  celui  du  sérum. 

Dans  les  pages  précédentes,  il  a  été  souvent  question  de  la  supériorité 
de  la  sérosité  de  l'exsudat  sur  le  sérum  du  sang  et  sur  le  sang  lui-même.  Ce 
fait  curieux  mérite  de  fixer  notre  attention  pendant  quelques  instants. 

Nous  allons  examiner  i°  si  ce  fait  est  constant  et  2°  à  quoi  il  est  dû. 

§  1.  —  Constance  de  la  supériorité  de  la  sérosité. 
Dans  toutes  les  expériences  que  nous  avons  faites  à  ce  sujet,  nous 
avons  trouvé  constamment  que  Ja  sérosité  l'emportait  de  beaucoup  sur  le 
sang  ou  le  sérum  provenant  du  même  animal.  Voici  un  certain  nombre  de 
ces  expériences. 


0  g  3      IMMÉD. 

APRÈS 

APRÈS 

APRÈS 

'après 

APRÈS 

APRÈS 

APRÈS 

APRÈS 

«  S  ^ 

2  0  P       APRÈS 

w      2 

I    H. 

2    H. 

3    H. 

5    H. 

7    H. 

9    H. 

22    H. 

3    JOURS 

'»< 

ca 

Sang      < 

V 

24,080 

25,704 

i5,ooo 

20,720 

4,860 
11,340 

725 

12,768 

3oo 

112,320 

R.  col. 
1,792,000 

ig5o 
Innombr. 

352,000 

Innombr. 

Innombr. 
Innombr. 

-aï  1 

g  1 

Sérosité   j 

(obtenue   par, 
microbes  A 
vivants.)    [ 

A 
V 

14,560 
5,670 

882 

i,o8o 

0 
0 

0 
0 

0 
0 

0 
0 

0 
0 

0 
0 

0 
0 

57. 


452 


D'  Honoré   VAN  DE  VELDE 


IMMED. 
APRÈS 


APRÈS 
I    H. 


APRÈS 
2    H. 


APRÈS 
4    H. 


APRÈS 
7    H. 


10  couv. 


Sérum 


Sans: 


Sérosité 


S   A 

î    '' 
1    A 


A 
V 


28,720 
25,340 

37,960 
40,800 

35,5oo 
29,000 


25,220' 

34,648 
38,948 
37,760 


i3,S33 
26,553 


4,400 
40,480 

34,080 
94,500 

3,100 
17,220 


1,596 
120,200 

1,459,200 

Rouge-noir 

1,356,400 


1,368 
1 5,600 


76,360 
147,840 

Innombr. 

dissous. 

1,728,000 

Noir. 

864 
12,720 


2,160 
2,002 


SEMENCES 

DANS 
BOUILLON 

IMMÉD. 
APRÈS 

APRÈS 
I    H. 

APRÈS 
2    H. 

APRÈS 
4    H. 

APRÈS 
12    H. 

APRÈS 
36    H. 

Sérum     l 

•a 

es 

obtenu  en    1      j 
centrifugeant  \ 
le  sang.     1 

II,320 

10,080 

73,600 

288,000 

742,160 

Innombr. 

0 
s 

0 

Sérosité    [ 

s 

obtenue  par 
injection  de 
cuit,  stéril. 

r 

14,840 

7,5oo 

9,570 

8,o5o 

14,0,00 

1,169,000 

§  2.  —  Cause  de  cette  supériorité. 


Quelle  est  la  cause  de  cet  accroissement  du  pouvoir  bactéricide?  On 
peut  formuler  plusieurs  hypothèses. 

I.  Dans  la  première,  il  s'agirait  d'une  sécrétion  par  le  sang  de  la  sub- 
stance bactéricide.  Cette  dernière  se  concentrerait  ainsi  peu  à  peu  dans  la 
plèvre  et  communiquerait  à  l'exsudat  son  pouvoir  intense.  Cette  interpré- 
tation nous  semble  peu  plausible,  car  si  nous  comprenons  facilement  que 
la  congestion  vasculaire  et  la  transudation  augmentent  l'apport  de  cette 
substance,  nous  ne  voyons  pas  bien  pourquoi  celle-ci  s'accumulerait  dans  la 
séreuse.  Il  nous  semble  que  si  elle  est  apportée  avec  la  transudation,  elle 
doit  être  aussi  constamment  entraînée  avec  cette  dernière  dans  le  système 
lymphatique  et  le  système  veineux. 

II.  Une  autre  hypothèse  est  celle  de  la  sécrétion  par  les  cellules  en- 
dothéliales  de  la  plèvre.  Si  nous  ne  voyons  pas  de  raisons  pour  la  rejeter, 
nous  ne  pouvons  pas  non  plus  apporter  de  faits  pour  l'étayer. 


LE    MECANISME    DE    LA   VIRULENCE  '  453 

III.  Mais  nous  inclinons  plutôt  à  placer  la  cause  de  l'exaltation  du 
pouvoir  bactéricide  dans  une  troisième  hypothèse  :  la  sécrétion  d'une  sub- 
stance microbicide  par  les  globules  blancs.  N'oublions  pas,  en  effet,  que  le 
maximum  de  pouvoir  est  atteint  quand  les  leucocytes  sont  arrivés  en  grande 
quantité  dans  l'exsudat.  En  outre,  nous  croyons  pouvoir  démontrer  la  réalité 
de  cette  sécrétion  par  des  expériences  encore  inachevées  et  que  nous  espé- 
rons publier  plus  tard. 

Quelle  que  soit  la  cause  de  cette  singulière  exaltation  d'une  transuda- 
tion  inflammatoire,  nous  devons  voir  eii  elle  un  moyen  que  l'organisme  met 
en  jeu  pour  assurer  sa  victoire  dans  les  régions  menacées.  Grâce  à  elle,  il 
parvient  à  renforcer  dans  des  proportions  considérables  les  moyens  défensifs 
dont  il  dispose.  Des  recherches  ultérieures  devront  nous  apprendre  si  ce 
phénomène  se  produit  ailleurs  que  dans  la  plèvre  et  pour  d'autres  microbes 
que  le  staphylocoque  pyogène. 

A  notre  avis,  ce  renforcement  local  de  la  résistance,  qui  joue  peut-être 
un  rôle  important  dans  la  pathologie,  n'a  pas  encore  été  signalé.  Il  est  à 
rapprocher  de  la  réaction  générale  observée  par  Denys  et  Kaisin  (i)  dans 
l'infection  charbonneuse. 


(1)    J.  Denys  et  A.  Kaisin  :  Recherches  à  propos  des  objections  élevées  récemment  contre  le  pouvoir 
bactéricide  des  humeurs;  La  Cellule,  t.  IX,  iSg3. 


DEUXIÈME   PARTIE. 

Expériences  sur  les   Chiens. 

Si  nous  tenons  à  rendre  compte  ici  des  recherches  que  nous  avons  faites 
sur  les  chiens,,  c'est  parce  que  nous  y  avons  rencontré  une  confirmation 
inattendue  et  curieuse  du  mécanisme  de  l'infection  du  staphylocoque  chez 
le  lapin,  tel  que  nous  l'avons  exposé  plus  haut. 


§  1.  —  Action  bactéricide  du  sang  de  chien  sur  les  staphylocoques  virulents 

et  non  virulents. 

Au  début  de  nos  travaux,  dès  que  nous  avons  été  en  possession  de  notre 
variété^  et  Fde  staphylocoques,  nous  nous  sommes  empressé  de  les  soumet- 
tre à  l'action  bactéricide  du  sang,  et  précisément  le  hasard  a  voulu  que  nous 
avons  commencé  par  le  sang  de  chien.  Nous  nous  attendions  à  voir  la  forme 
F  résister  plus  que  la  forme  A;  mais  quel  ne  fut  pas  notre  étonnement 
quand  nous  vîmes  nos  deux  formes  se  comporter  de  la  même  façon  :  nous 
eûmes  beau  répéter  l'expérience,  les  résultats  restaient  constants  :  les  viru- 
lents succombaient  dans  la  même  proportion  que  les  atténués.  S'il  fallait 
admettre  une  différence,  elle  était  plutôt  en  faveur  des  virulents,  en  ce  sens 
que  ceux-ci  se  montrèrent  quelquefois  plus  sensibles  que  les  staph.  atténués. 


o  m  9 

z  z  4 

IMMÉD. 

APRÈS 

APRÈS 

APRÈS 

APRÈS 

APRÈS 

APRÈS    9    H. 

SEME 

DA 

BOUII 

APRÈS 

I  H. 

2  H. 

4  H. 

5  H. 

9  H. 

COLORATION 

^  /     / 

1,648 

io5o 

800 

i5o 

Coloration 

756 

Comme 

ai   1 

comme  le  tube 

le    témoin. 

i    ^ 

témoin. 

1 

^    13  doses 

8,38o 

7020 

4200 

5270 

Id. 

i3,520 

Id. 

1         f 

35,600 

21,680 

8990 

14,720 

Légèrement 

Innombra- 

Noir-rouge. 

assombri. 

bles. 

13    1 

1,820 

io65 

520 

320 

Coloré  comme 

1,240 

Comme 

^f     V 

) 

le  témoin. 

le   témoin. 

^     3  doses 

9,5oo 

33oo 

4,060 

1,080 

Id. 

5,100 

Id. 

\ 

28.900 

12,400 

4,680 

4,950 

Id. 

7,000 

Id. 

LE    MECANISME   DE    LA   VIRULENCE 


455 


Nous  avons  répété  cette  expérience  en  inoculant  de  fortes  doses  de 
cultures  F  et  A  et  les  résultats  obtenus  confirment  les  précédents. 


SEMENCES 

IMMÉDIATEMENT 

DANS 
BOUILLON 

APRÈS 

APR.     I    H. 

APR.    2    H. 

APR.    4    H. 

chien 
1. 

^              i 

170,240 

17,280 

8,400 

2,53o 

388,960 

109, 85o 

25,600 

36,920 

T3    n     \ 

^     o 

bo    S 

c 

C/2 

V        > 

59,400 

4,080 

1,125 

1,760 

1 

339,880 

i5,3oo 

9,720 

11,610 

lA 

7. 

(a 

O 

{■> 

w 

" 

Q 

^ 

u 

0 

yi 

ta 

IMMEDIAT. 
APRÈS 


APR.  I  H. 


H.   APR.  6  H.  1  APR.  8  H.  '  APR.  lO  H. 


•T3 


■ao 


.4 


4.5oo 
24,600 

4,800 
22,700 


i3oo 
4,340 

1,600 
5,600 


63o 

i,5oo 

280 
1,960 


980 
900 

240 
i5oo 


216 
1088 

170 
1600 


19^0 
680 

2,100 
1,920 


Voici  -une  autre  expérience  faite  avec  le  sang  du  même  chien,  mais 
après  addition  de  globules  blancs  de  l'exsudat  produit  dans  sa  plèvre. 


1       *"               -T- 

IMMEDIAT. 

§  ?  ri 

s  D  0 
w       0 

APRÈS 

APR.     I     H. 

APR.    2    H. 

APR.    6    H. 

APR.    8    H. 

APR.   10  H. 

c 

n! 

<L). 
VU 

12, 960 

1,080 

160 

i5o 

40 

26 

m 

S 

28,800 

1,485 

120 

35o 

0 

72 

0) 

m       1 

H 

■3      / 

-§      [       ^ 

6,900 

1,280 

140 

200 

100 

35 

ci 

M      V 

24,320 

1,216 

160 

82 

76 

17 

Outre  l'augmentation  considérable  du  pouvoir  bactéricide  produite  par 
l'addition  des  globules  blancs,  fait  qui  ne  nous  intéresse  pas  pour  le  moment, 
nous  constatons  ici  une  fois  de  plus  qu'il  n'y  a  pas  de  différence  notable  entre 
les  staphylocoques  virulents  et  les  staphylocoques  atténués  :  tous  les  deux 
sont  également  sensibles  à  la  cause  destructrice. 

Voici  d'autres  expériences  exécutées  avec  le  sang  comme  tel. 


456 


Dr  Honoré    VAN  DE  VELDE 


SEMENCES 

DANS 
BOUILLON 


IMMEDIATEM. 
APRÈS 


APR.   I  H. 


APR.   2  1/2  H.    1       APR.   5  H. 


APR.   10  H. 


O 
tuo  3 
fi 

o 


1 2  Doses.  I 
2  Doses.  ( 


6,720 
29,120 

5,320 

i8,85o 


1,326 
io,5oo 

780 
6,960 


220 
4,200 

208 
1,536 


120 
4,060 

96 
2,139 


1,710 

56,000 
Assombri. 

488 
9,900 
Assombri. 


SEMENCES 

IMMEDIATEM. 

DANS 
BOUILLON 

APRÈS 

APR.   I  H. 

APR.   2  1/2  H. 

APR.   5  H. 

APR.    10  H. 

3              , 

hie 
on. 

A       \ 

9,120 

i,75o 

200 

i5o 

594 

M  ' 

2  Doses. 

37,440 

8,960 

i,S3o 

2,407 

4,480 

^   c    f 

"  i 

7,280 

1,175 

160 

110 

75o 

2  Doses.  ( 

23,680 

7,020 

800 

870 

2,800 

Nous  avons  tenu  à  fournir  ces  nombreux  exemples  sur  la  façon  iden- 
tique dont  se  comportent  les  formes  ..4-  et  F  dans  le  sang  de  chien  pour 
montrer  que  ce  fait  paradoxal  n'est  pas  le  résultat  du  hasard,  mais  qu'il  est 
constant.  Nous  avons  même  pu  compléter  ce  sujet  en  poursuivant  le  sort  des 
microbes  au  moyen,  non  pas  des  plaques,  mais  de  l'examen  microscopique. 
Pour  rendre  les  recherches  plus  faciles,  nous  avons  pris  le  sang  de  chien, 
dont  nous  avons  augmenté  le  pouvoir  bactéricide  par  l'addition  d'exsudat 
contenant  des  globules  blancs  en  nombre  considérable.  A  ce  mélange,  nous 
avons  ajouté  un  nombre  prodigieux  de  microbes,  0,5  ce.  de  culture  pour  5  ce. 
de  sang,  et  par  des  examens  microscopiques  répétés,  nous  avons  pu  constater 
l'absorption  des  microcoques  par  les  globules  blancs.  D'un  examen  compare' 
minutieux,  nous  avons  pu  tirer  la  conclusion  que  la  phagocytose  s'exerçait 
avec  autant  d'intensité  sur  les  microbes  V  que  sur  les  microbes  A. 

Ceux  qui  s'intéressent  à  la  destruction  microbienne  résultant  de  cette 
action  phagocytaire  la  trouveront  formulée  en  chiffres  exacts  dans  le  petit 
tableau  suivant. 


SEMENCES 

DANS 
BOUILLON 

IMMÉDIAT. 
APRÈS 

APR.    I    H. 

APR.    3    H. 

APR.    16    H. 

i 

Sang  de  chien                   | 

additionné  de  globules  blancs     < 

de  son  exsudât.                  | 

A 

688,000 
601,120 

139,200 
54,400 

56,400 
19,200 

Culture 
noir   dissous. 

Culture 
noir   dissous. 

LE   MECANISME    DE   LA  VIRULENCE  457 

Nous  pourrions  encore  ajouter  que  si,  au  lieu  de  sang  de  chien,  on  prend 
le  sérum,  qui,  comme  on  le  sait,  est  faiblement  bactéricide,  les  virulents  se 
comportent  comme  les  atténués. 

Ces  constatations,  que  nous  avons  faites  au  début  de  nos  travaux  avant  ' 
d'essa}'er  les  humeurs  du  lapin,  nous  firent  paraître  l'immunité  enveloppée 
d'obscurités  telles  que  nous  désespérions  de  les  dissiper  même  partiellement. 
Ce  n'est  que  lorsque  nous  eûmes  soumis  nos  deux  formes  de  staphylocoques 
aux  humeurs  du  lapin  que  nous  eûmes  la  clef  du  problème  :  pour  le  chien, 
il  n'y  a  ni  staphylocoques  atténués,  ni  staphylocoques  virulents. 

§  2.  Nous  avons  pu  vérifier  la  vérité  de  cette  assertion  non  pas  une 
fois,  mais  cinquante  fois,  en  injectant  aux  animaux  des  doses  comparables 
de  nos  deux  variétés.  Peu  après  l'injection,  ils  deviennent  malades,  ne 
bougent  plus  de  place,  poussent  des  cris  déchirants  comme  s'ils  éprou- 
vaient des  points  de  côté  intenses,  mais  les  phénomènes  ne  sont  pas  plus 
marqués  chez  les  chiens  qui  ont  reçu  l'une  variété  que  chez  ceux  qui  ont 
reçu  l'autre.  A  l'autopsie,  on  découvre  les  mêmes  lésions  :  rougeur  et  injection 
des  plèvres,  présence  d'un  exsudât  plus  ou  moins  abondant,  plus  ou  moins 
riche  en  leucocytes,  tous  bien  vivants,  et  quand  avec  cet  exsudât  on  fait 
des  plaques  pour  fixer  le  nombre  d'organismes,  on  trouve  que  les  staphylo- 
coques A  ne  disparaissent  pas  plus  rapidement  que  les  staphylocoques  F. 

§  3.  En  présence  de  ces  résultats,  nous  avons  essayé  de  réaliser  chez  les 
chiens,  par  des  passages  successifs,  ce  que  nous  avons  obtenu  chez  les  lapins. 

Nous  avons  opéré  treize  passages  de  la  variété  A  à  travers  le  chien, 
mais  sans  obtenir  à  la  fin  de  l'expérience  un  organisme  plus  virulent  pour 
cet  animal  que  celui  du  début. 

§  4.  Devant  cet  insuccès,  nous  avons  entrepris  des  passages  avec  la 
forme  V,  mais  après  le  dixième  passage  il  fallait  pour  produire  la  mort  autant 
de  culture  qu'au  début;  bien  plus,  par  des  inoculations  aux  lapins  après  le  2", 
le  T  et  le  10=  de  ces  passages,  nous  pûmes  constater  que  notre  microbe 
virulent  perdait  de  plus  en  plus  de  son  action  pathogène,  puisqu'il  fallait 
des  doses  de  plus  en  plus  fortes  pour  tuer  des  lapins  :  en  d'autres  termes, 
notre  microbe  virulent  semblait  s'être  atténué  par  les  passages  à  travers 
les  chiens. 

Cette  égalité  d'action  du  microbe  virulent  et  du  microbe  atténué  injectés 
dans  la  plèvre  du  chien  s'accorde  merveilleusement  avec  la  façon  identique 
dont  ils  subissent  l'action  de  son  sang  in  vitro. 

Nous  trouvons  dans  ces  faits  une  confirmation  éclatante  du  rôle  impor- 
tant que  nous  avons  fait  jouer  aux  humeurs  chez  le  lapin. 


458  D''  Honoré    VAN  DE  VELDE 

Cet  animal  présente  à  nos  deux  variétés  de  microbes  une  résistance 
bien  différente,  et  ce  phénomène  trouve  son  écho  dans  la  façon  dont  ses 
humeurs  se  comportent  in  vitro.  Le  chien,  au  contraire,  qui  réagit  aux  in- 
jections d'une  façon  identique  quelle  que  soit  la  forme  injectée,  possède 
des  humeurs  qui  agissent  de  la  même  manière.  Nous  avons  donc  bien  raison 
de  dire  que  la  virulence  d'im  staphylocoque  pour  le  lapin  consiste  fondamen- 
talement dans  la  résistance  qu'il  oppose  à  l'action  bactéricide  du  sérum. 

CONCLUSIONS. 

A.     Chei  les  lapins. 

L  On  transforme  facilement  un  staphylocoque  peu  virulent  pour  le 
lapin  en  un  staphylocoque  doué  d'un  haut  pouvoir  pathogène  par  des  pas- 
sages répétés  à  travers  cet  animal. 

IL  Dans  les  injections  de  ces  deux  variétés  de  staphylocoques  dans 
la  plèvre  du  lapin,  on  constate  que  les  atténués  diminuent  constamment 
en  nombre  à  partir  de  l'injection,  tandis  que  les  virulents  augmentent; 
les  premiers  sont  en  outre  le  siège  de  phénomènes  de  dégénérescence 
consistant  en  gonflement  et  perte  d'affinité  pour  les  matières  colorantes. 

III.  Pendant  les  premières  heures  qui  suivent  les  injections  des  mi- 
crobes, il  se  produit  un  exsudât  dans  lequel  on  trouve  des  globules  blancs 
vivants;  ces  premières  heures  passées,  les  leucocytes  deviennent  de  plus 
en  plus  nombreux  et  restent  en  vie  chez  les  lapins  injectés  avec  des  microbes 
atténués  ;  au  contraire,  chez  les  lapins  injectés  avec  des  microbes  virulents, 
la  diapédèse  des  globules  blancs  s'arrête  et  ceux-ci  meurent  en  perdant  leurs 
mouvements  amiboïdes  et  en  laissant  paraître  leur  noyau. 

IV.  Le  sang,  le  sérum  et  la  partie  liquide  de  l'exsudat  exercent  sur 
la  forme  atténuée  une  action  destructive  bien  plus  forte  que  sur  la  forme 
virulente. 

V.  Parmi  ces  trois  humeurs,  sang,  sérum  et  sérosité,  cette  dernière 
se  montre  de  loin  la  plus  active.  —  On  peut  voir  dans  cette  suractivité  un 
moyen  nouveau  que  l'organisme  met  en  œuvre  pour  arrêter  la  pullulation 
microbienne. 

VI.  Les  leucocytes,  en  s'emparant  des  microbes  qui  échappent  à  l'ac- 
tion destructrice  des  humeurs,  contribuent  également  à  la  défense  de  l'orga- 


LE    MECANISME     DE    LA    VIRULENCE  459 

nisme  ;  mais  l'action  phagocytaire  intervient  d'une  façon  beaucoup  moins 
active  que  l'action  humorale,  toujours  dans  l'hypothèse  que  le  pouvoir 
bactéricide  appartient  aux  humeurs  circulant  dans  le  corps.  —  Les  microbes 
virulents  paraissent  détruits  plus  difficilement  par  les  leucocytes  que  les' 
microbes  atténués.. 

VIL  Quelques  heures  après  leur  injection  dans  la  plèvre,  les  staphy- 
locoques virulents  sécrètent  une  substance  spéciale  non  signalée  jusqu'ici 
et  qui  est  la  cause  de  la  mort  des  leucocytes  :  nous  avons  donné  à  cette 
substance  le  nom  de  substance  leiicocide  ou  leucocidine.  Elle  est  détruite 
par  un  chauffage  de  lo  minutes  à  58^. 

VI IL  Cette  substance  est  élaborée  aussi  bien  dans  les  milieux  artifi- 
ciels (bouillon)  que  dans  les  milieux  naturels  (sang,  sérum),  aussi  bien  à 
l'intérieur  du  corps  qu'à  l'extérieur,  et  en  quantité  égale  par  les  coques 
virulents  et  les  coques  atténués.  Si  elle  ne  se  produit  pas  chez  les  lapins  in- 
jectés avec  les  microbes  atténués,  c'est  parce  que  ces  derniers  ne  parviennent 
'pas  à  se  développer  suffisamment  dans  la  plèvre. 

IX.  Outre  la  substance  leucocide  qui  s'attaque  aux  globules  blancs, 
les  microbes  atténués  et  virulents  sécrètent  des  principes  qui  neutralisent 
la  substance  bactéricide  des  humeurs  :  ce  sont  les  lysines. 

X.  Ces  poisons,  leucocidine  et  lysine,  ne  peuvent  pas  être  considérés 
comme  un  attribut  spécial  de  la  variété  virulente;  ce  ne  sont  pas  eux  qui  font 
qu'un  microbe  est  victorieux  ou  non;  mais,  à  un  moment  donné,  ils  sont 
des  adjuvants  de  l'infection. 

XL  La  nature  de  la  virulence  réside  dans  une  tolérance  plus  ou 
moins  forte  du  coque  vis-à-vis  de  la  substance  bactéricide  des  humeurs  : 
un  staphylocoque  peu  virulent  est  un  microbe  facilement  détruit  par  cette 
substance;  au  contraire,  un  staphylocoque  très  pathogène  est  un  microbe 
qui  lui  résiste. 

XII.  L'accroissement  du  pouvoir  bactéricide  de  la  partie  liquide  de 
l'exsudat  dépend  probablement  de  l'arrivée  des  globules  blancs  dans  cet 
exsudât. 

B.     Chei  les  chiens. 

XIII.  Le  staphylocoque  virulent  est  détruit  par  le  sang  et  le  sérum 
du  chien  dans  les  mêmes  proportions  que  le  staphylocoque  atténué. 

XIV.  Cet  animal  réagit  aux  injections  des  deux  variétés  de  microbes 
avec  la  même  intensité. 


46o  D-^  Honoré    VAN   DE  VELDE 

XV.  On  ne  réussit  pas  à  rendre  virulente  par  des  passages  à  travers 
les  chiens  la  variété  non  virulente  pour  le  lapin  ;  de  même  qu'on  ne  parvient 
pas  par  le  même  procédé  à  augmenter  la  virulence  de  la  variété  patho- 
gène pour  le  lapin. 

XVI.  A  rencontre  de  ce  que  l'on  observe  pour  le  lapin,  il  n'y  a  pour 
le  chien  ni  staphylocoque  atténué  ni  staphylocoque  virulent.  Ce  fait  confirme 
d'une  façon  inattendue  l'explication  de  la  virulence  que  nous  avons  fournie 
chez  le  lapin. 


Ce  travail  a  été  entrepris  au  laboratoire  d'anatomie  pathologique  et  de 
pathologie  expérimentale  de  l'université  de  Louvain.  Nous  avons  pu  le 
mener  à  bonne  fin  grâce  aux  conseils  savants  et  désintéressés  de  Monsieur 
le  Professeur  J.  Denys.  Qu'il  veuille  bien  accepter  ici  l'hommage  public  de 
notre  profonde  gratitude. 


EXPLICATION  DE  LA  PLANCHE. 


FIG.  1.  Exsudât  de  4  heures  produit  dans  la  plèvre  d'un  lapin  par  l'injection 
de  staphj'locoques  aiUntiés  et  examiné  dans  la  chambre  chauffante  de  Zeiss.  Tous 
les   leucocytes    se   montrent   animés    de    mouvements.    Noyau    invisible. 

FIG.  2.  Exsudât  de  même  âge  produit  par  l'injection  de  staphylocoques  virulents. 
Aspect   microscopique   comme   dans   la   fig.    1. 

FIG.  3.  Exsudât  de  8  heures  produit  par  une  injection  de  staphylocoques 
atténués.  Les  leucocytes,  tous  mobiles,  sans  no3'au  apparent,  sont  devenus  plus  iK)mbreux. 

FIG.  4.  Exsudât  de  8  heures  produit  par  une  injection  de  staphylocoques 
virulents.    Les    leucocytes   sont   morts,    sans   mouvements,  et  montrent   leur   noyau. 

FiG.  5.  A  gauche,  le  produit  de  raclage  de  la  plèvre,  douze  heures  après 
une  injection  de  staphylocoques  atténués.  Ce  produit,  coloré  au  bleu  de  méthylène, 
présente  des  microbes  à  divers  stades  de  dégénérescence,  libres  ou  enfermés  dans 
les  leucocj'tes. 

A  droite,  quelques  leucocytes  sans  microbes,  mais  avec  leurs  granulations  am- 
phophiles. 

FIG.  6.  Exsudât  de  12  heures,  produit  par  des  staphylocoques  virulents,  et 
examiné  à  frais.  Les  leucocytes  sont  morts  et  montrent  leur  noyau  ;  les  coques  sont 
très   abondants   et   ne   présentent   pas    de    dégénérescence. 

FIG.  7  à  12.  Sort  des  staphylocoques  atténués  et  virulents  ajoutés  à  une  sérosité, 
très   bactéricide   pour   les   atténués   et    très   peu   pour   les   virulents. 

FIG.  7.  Etat  des  staph}'locoques  atténués  dans  la  sérosité,  quatre  heures  après 
leur   ensemencement.    Beaucoup    sont   gonflés   et   se   colorent   mal. 

FiG.  8.  État  des  staphylocoques  virulents  dans  la  sérosité  après  le  même  temps. 
Pas   de    dégénérescence,    mais    commencement   de   pullulation. 

FIG.  9.  État  des  staphylocoqties  atténués  dans  la  sérosité,  huit  heures  après 
leur   ensemencement.    Leur    dégénérescence   est   plus   marquée   que   dans   la    fig.    7. 

FIG.  10.  État  des  staphylocoques  virulents  dans  la  sérosité,  huit  heures  après 
leur  ensemencement.    Pas   de   dégénérescence,    mais   multiplication    active. 

FIG.  11.  Etat  des  staph3'locoques  atténués  dans  la  sérosité,  douze  heures  après 
l'ensemencement.    Dégénérescence   complète. 

FIG.  12-.  État  des  staphylocoques  virulents  dans  la  sérosité,  douze  heures  après 
l'ensemencement.    Culture,    pas   de   dégénérescence. 


58 


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A  PROPOS  D'UNE  CRITIQUE 


DIRIGEE    CONTRE    LE 


POUVOIR  BACTÉRICIDE  DES  HUMEURS 


PAR 

J.    DENYS 

PROFESSEUR  d'aNATOMIE  PATHOLOGIQUE  A  l'uNIVERSITÉ  DE  LOUVAIN 


{Mémoire  déposé  le  i''^,  juillet  1S94.) 


59 


A     PROPOS     D'UNE     CRITIQUE 


DIRIGEE  CONTRE  LE 


POUVOIR   BACTÉRICIDE   DES   HUMEURS 


Une  des  questions  les  plus  intéressantes  de  la  pathologie  est  assuré- 
ment celle  de  l'immunité.  Malgré  toute  l'importance  qu'elle  présente,  il 
n'est  pas  nécessaire  de  reculer  de  nombreuses  années,  pour  arriver  à 
l'époque  où  tout  ce  que  l'on  savait  sur  ce  sujet  se  réduisait  à  la  simple 
constatation  d'un  certain  nombre  de  faits.  L'observation  vulgaire  avait 
appris  que  telle  maladie  atteignait  telle  espèce  animale,  mais  épargnait  telle 
autre,  que  lelle  affection  ne  frappait  qu'une  fois  l'individu,  mais  que  telle 
autre  pouvait  récidiver  un  grand  nombre  de  fois.  C'était  des  faits  bruts  de 
cette  nature  qui  constituaient  tout  le  bagage  scientifique  de  l'immunité; 
l'essence,  la  nature  intime,  le  pourquoi  restaient  enveloppés  d'un  voile  que 
l'on  ne  parvenait  pas  à  soulever. 

Seule  la  découverte  des  agents  pathogènes,  des  microbes,  permit  d'abor- 
der ce  thème  avec  des  chances  de  succès.  Grâce  aux  nombreux  travaux  qui 
se  sont  succédé  dans  ces  derniers  temps,  l'obscurité  qui  enveloppait  ce 
problème,  inabordable  autrefois,  s'est  dissipée  en  partie,  et  notre  connais- 
sance de  l'immunité  s'est  enrichie  de  découvertes  précieuses  et  définitives 

Deux  points  surtout  ont  stimulé  l'activité  des  chercheurs  : 

1^     le  pouvoir  phagocytaire,  représenté  surtout  par  les  globules  blancs; 

2°  le  pouvoir  bactéricide  des  humeurs,  représenté  surtout  par  le  sérum 
et  la  lymphe; 

C'est  à  Metchnikoff  que  revient  incontestablement  le  mérite  d'avoir 
découvert  la  propriété  phagocytaire  et  de  l'avoir  fait  valoir  tant  par  ses  tra- 
vaux multiples  que  par  ceux  de  ses  nombreux  élèves.  Mais,  emporté  sans 
doute  par  sa  découverte,  il  a.  fait  à  la  propriété  bactéricide  des  humeurs 
une  guerre  sans  merci.  Les  arguments  qu'il  a  dirigés  contre  l'existence  et 


466  J-    DENYS 

Tutilité  de  cette  propriété  pour  la  défense  des  organismes  supérieurs  contre 
les  microbes  se  trouvent  condensés  dans  un  article  publié  dans  la  Semaine 
médicale  (i).  Si  les  faits  sur  lesquels  il  base  son  argumentation  étaient  à 
l'abri  de  toute  contestation,  il  resterait  peu  de  choses  à  invoquer  en  faveur 
des  humeurs;  mais  il  nous  a  semblé,  dans  le  cours  de  nos  travaux  sur  l'im- 
munité, que  ces  faits  mêmes  ne  présentaient  pas  toute  la  garantie  suffisante 
et  qu'il  était  souhaitable  de  les  soumettre  à  un  nouveau  contrôle.  Un  de 
nos  élèves,  M.  J.  Leclef,  a  bien  voulu  se  charger  dans  deux  publicationsf2) 
de  la  partie  la  plus  importante  de  cette  besogne.  Nous  réservons  les  pages 
qui  suivent  pour  faire  quelques  remarques  complémentaires  sur  l'article  de 
M.  Metchnikoff,  dont  la  compétence  dans  la  question  de  l'immunité  est 
universellement  reconnue.  Mais  avant  d'aborder  cette  tâche,  il  convient  de 
définir  nettement  la  position  que  nous  prenons. 

Nous  ne  sommes  aucunement  adversaire  du  rôle  des  phagocytes  en 
tant  qu'agents  destructeurs  des  micro-organismes.  Nous  sommes  même 
si  peu  tenté  de  contester  l'importance  de  ce  rôle  que  nous  croyons  avoir 
fourni,  en  collaboration  avec  M.  Havez  (3),  la  démonstration  la  plus  claire, 
la  plus  simple  et  la  plus  frappante  de  son  existence 

Cette  démonstration  consiste  à  mettre  à  profit  ce  fait  que  les  humeurs 
du  chien  sont  peu  bactéricides.  Le  pouvoir  bactéricide  de  cet  animal  siège 
presque  exclusivement  dans  les  leucocytes  et  il  suffit  d'éliminer  ces  derniers 
pour  enlever  aux  humeurs  presque  toute  leur  action  sur  les  microbes. 
Quand  on  veut  expérimenter  sur  le  sang,  on  y  parvient  en  filtrant  celui-ci 
à  travers  du  papier  Joseph,  qui  retient  les  leucocytes.  Le  sang,  ainsi  traité, 
a  perdu  presque  tout  son  pouvoir  microbicide. 

Cette  expérience  a  été  critiquée  par  'BvcîîNBB.(Fortschnlte  der  Medicin, 
1894),  qui  a  voulu  expliquer  la  perte  du  pouvoir  bactéricide,  non  pas  par 
l'élimination  des  leucocytes,  mais  par  une  altération  du  sang  produite  par 
la  filtration.  Il  se  fonde,  pour  légitimer  sa  manière  de  voir,  sur  cette  circon- 
stance signalée  par  nous,  que  le  sang  filtré,  conservé  à  la  température  du 
corps,  devient  quelquefois  plus  rapidement  veineux  que  le  sang  non  filtré. 


(1)  Metchnikoff   :   L'immunité  dans   les  maladies   infectieuses;   La  Semaine   médicale,    1892. 

(2)  J.    Leclef   :   Rapport   entre  le  pouvoir  pathogène   des   microbes    et  leur   résistance   au   sérum; 
La  Cellule,    t.   X,    1894.    Etude  sur   le  pouvoir  sporicide   du    sérum:    ibid. 

(3)  J.   Denys  et  J.    Havez   :    De   la  part   des    leucocytes   dans   le  pouvoir  bactéricide   du  sang  de 
chien;    La   Cellule,    t.    IX,    iScjS. 


LE   POUVOIR    BACTÉRICIDE    DES    HUMEURS  46? 

Nous  ferons  remarquer,  en  premier  lieu,  que  cette  modification  n'est 
pas  constante,  tandis  que  le  pouvoir  bactéricide  ne  manque  jamais  de 
disparaître  et,  en  second  lieu,  qu'elle  n'a  été  que  rarement  constatée  dans  les 
expériences  faites  postérieurement  à  la  publication  de  nos  premières  obser- 
vations. Presque  toujours  le  sang  filtré  avait  la  même  nuance  que  le  sang 
non  filtré  et  il  la  conservait  aussi  longtemps  que  ce  dernier.  Buchner 
semble  dans  sa  critique  faire  allusion  à  une  dissolution  de  l'hémoglobine 
produite  par  la  filtration  et  à  laquelle  il  attribue  une  action  neutralisante  sur 
le  pouvoir  bactéricide  du  sérum.  Cette  remarque  nous  a  amené  à  examiner 
la  couleur  du  sérum  avant  et  après  la  filtration,  ce  que  nous  faisions  en  lais- 
sant le  sang  se  déposer;  or,  dans  aucun  cas  nous  n'avons  vu  la  couche  de 
sérum,  qui  s'était  formée  à  la  partie  supérieure  du  sang  filtré,  plus  fortement 
colorée  par  l'hémoglobine  que  celle  qui  existait  à  la  partie  supérieure  du 
sang  non  filtré.  La  dissolution  des  globules  rouges  ne  peut  donc  expliquer 
la  perte  du  pouvoir  bactéricide. 

Du  reste,  si  l'on  admet  que  la  perte  de  la  propriété  microbicide  est  due 
à  une  altération  du  sang,  comment  expliquer  que  l'addition  au  sang  filtré 
de  globules  blancs  fait  reparaître  cette  propriété  dans  une  mesure  propor- 
tionnelle au  nombre  de  leucocytes  ajoutés  ? 

En  faisant  la  critique  du  rôle  que  nous  attribuons  aux  leucocytes  du 
chien,  Buchner  semble  avoir  oublié  que  nos  conclusions  ne  se  basent  pas 
uniquement  sur  les  résultats  obtenus  par  le  sang  filtré,  mais  également  sur 
d'autres  expériences,  où  n'interviennent  ni  sang,  ni  papier  à  filtrer.  Ces  expé- 
riences consistent  à  centrifuger  un  exsudât  fortement  bactéricide.  Par  cette, 
opération,  la  partie  liquide  perd  toute  son  action  destructrice,  mais  elle  la 
récupère  dès  qu'on  lui  restitue  ses  leucocytes.  Ici,  certainement,  on  ne  peut 
recourir  à  une  altération  des  globules  rouges  par  la  filtration. 

Pour  prouver  que  les  altérations  des  hématies  pendant  la  filtration  ne 
sont  pour  rien  dans  la  perte  du  pouvoir  bactéricide,  rappelons  encore  que 
M.  Havez(i)  a  montré,  sans  recourir  à  cette  opération,  que  le  pouvoir  bac- 
téricide du  sang  de  chien  est  proportionnel  à  sa  richesse  en  leucocytes. 

Enfin,  nous  sommes  d'autant  moins  ennemi  de  l'action  des  phagocytes 
qu'un  de  nos  élèves,  M.  H.  Van  de  Velde  (2),  a  prouvé  que  l'infection  du 
lapin  par  le  staphylocoque  est  favorisée  par  un  poison  sécrété  par  ce 
microbe,  la  leucocidine,  et  qui  se  caractérise  précisément  par  son  action 
destructrice  sur  les  leucocytes. 


(i)     J.    Havez    :    Du    rapport    entre    le    pouvoir    bactéricide    du   saiifr  de   chien   et   sa    richesse   en 
leucocytes;  La  Cellule,  t.  X,   1894. 

(2)    H.   Van   de   Velde   :   Sur  le   mécanisme   de   la  virulence  du  staphylocoque  pyogene ;   ibid. 


468  J.    DENYS 

Il  résulte  donc  de  nos  propres  expériences  et  de  celles  de  nos  élèves 
que  nous  ne  méconnaissons  nullement  le  rôle  important  des  leucocytes 
dans  la  destruction  des  microbes  vivants.  Mais,  au  point  où  en  sont  arri- 
vées nos  connaissances,  peut-on  affirmer  que  les  humeurs  soient  privées 
de  la  propriété  bactéricide? 

Comme  nous  le  disions  plus  haut,  les  éléments  dont  on  dispose  actuel- 
lement ne  nous  autorisent  nullement  à  répondre  à  cette  question  par  la 
négative. 

En  effet,  passons  en  revue  les  objections  formulées  par  Metchnikoff 
contre  l'existence  du  pouvoir  bactéricide  des  humeurs. 

Un  premier  argument  invoqué  par  cet  auteur  repose  sur  l'action  du 
changement  de  milieu.  «Transportées,  écrit-il,  dans  le  sang  ou  dans  d'autres 
humeurs  animales,  les  bactéries  (si  souvent  cultivées  dans  le  bouillon  ou 
sur  d'autres  milieux  artificiels)  subissent  l'action  d'un  changement  brusque 
de  milieu,  de  sorte  qu'un  grand  nombre  périt  au  bout  d'un  temps  plus  ou 
moins  court.  Il  reste  cependant  des  cellules  bactériennes  plus  vigoureuses 
qui  résistent  à  l'influence  nuisible  du  changement  survenu,  s'adaptent  à  ces 
nouvelles  conditions  et  produisent  une  série  de  générations  aptes  à  vivre 
dans  les  humeurs  prétendues  bactéricides,  « 

Dans  l'idée  de  Metchnikoff,  la  destruction  est  la  conséquence  de  phé- 
nomènes physico-chimiques  grossiers,  tels  que  la  plasmolyse.  On  ne  peut 
certainement  pas  nier  que,  lors  du  changement  de  milieu,  certaines  espèces 
microbiennes  périssent.  Mais  à  conclure  de  là  que  toute  destruction  dans  le 
sérum  est  due  à  ce  facteur,  il  y  a  loin.  Si  on  évite  le  changement  de  milieu 
en  ensemençant  dans  le  sang  des  microbes  venus  dans  le  sang  et  dans  le 
sérum  des  microbes  venus  dans  le  sérum,  on  observe  encore  dans  la  plupart 
des  cas  une  destruction  considérable.  La  chose  a  été  prouvée  par  Havez  et 
nous  pour  le  bacille  commun  de  l'intestin  (i;,  par  "Van  de  Velde  pour  le 


(i)     J.   Denys   et    Havez    :    Loc   cit. 

Qu'il  nous  soit  permis  de  rappeler  ici  que  le  rôle  pathogène  du  Bacillus  coli  commtinis  fut 
établi  pour  la  première  fois  par  L.  Laruelle  dans  une  étude  sur  les  péritonites  par  perforation  [La 
Cellule,  t.  V),  qui  renferme  déjà  la  démoDslration,  refaite  dans  ces  derniers  temps  par  M.  Tavel, 
du  rôle  adjuvant  joué  par  le  contenu  non  vivant  de  l'intestin  dans  la  production  de  l'inflammation 
péritonéale.  Dans  un  autre  domaine  de  l'action  pathogène  du  coli-bacille,  celui  des  infections  urinaires, 
le  travail  de  M.  Morelle  (Lu  Cellule,  t.  VII)  a  devancé  ceux  des  auteurs  qui  ont  travaillé  le  même 
sujet,  comme  d'ailleurs   Al.    Krogius   en   convient   lui-mOme. 


LE    POUVOIR    BACTÉRICIDE    DES    HUMEURS  469 

staphylocoque  pyogène  (i),  par  J.  Leclef  pour  un  grand  nombre  de  mi- 
crobes pathogènes  ou  saprophytes  (2). 

Mais  la  démonstration  la  plus  irréprochable  a  été  fournie  par 
J.  Leclef  (3j,  quand  il  a  établi  que  les  spores  du  bacille  du  foin  et  du  ba- 
cille de  la  pomme  de  terre  succombent  dans  le  sérum  frais  du  lapin,  tandis 
qu'elles  pullulent  dans  le  sérum  chauffé  à  60°.  Ici,  pas  moyen  d'en  appeler 
à  un  changement  de  milieu,  puisque  la  spore  se  trouve  immergée  dans  le 
sérum  à  l'état  inerte  et  avant  d'avoir  manifesté  le  moindre  indice  de  vitalité. 

Il  découle  de  toutes  ces  expériences  que  le  changement  du  milieu  ne 
peut  pas  tout  expliquer,  et  qu'à  côté  de  lui  il  existe  un  facteur  puissant, 
dont  le  pouvoir  se  trouve  annihilé  par  l'action  encore  mystérieuse  d'une 
température  de  60". 

Un  deuxième  argument,  invoqué  par  Metchnikoff,  est  tiré  de  ce 
fait  qucy  pour  empêcher  le  développement  d'une  bactérie,  il  faudrait  plus 
de  substance  antiseptique  que  pour  la  tuer.  A  ce  propos,  il  s'exprime  comme 
il  suit  :  y>  Dans  ses  recherches  sur  l'action  qu'exercent  sur  le  bacille  char- 
bonneux des  acides  et  des  alcalis  ajoutés  au  sérum,  M.  de  Lingelsheim  a 
démontré  que,  pour  tuer  toutes  les  bactéries  introduites,  il  faut  une  quantité 
de  l'agent  chimique  double  de  celle  qui  est  nécessaire  pour  empêcher  le  dé- 
veloppement des  mêmes  microbes.  Si  l'action  bactéricide  des  humeurs  réside 
dans  une  propriété  antiseptique  analogue,  il  est  tout  naturel  que  le  sérum 
empêche  le  développement  de  la  bactéridie  encore  plus  facilement  qu'il  ne 
la  tue.  Or,  les  faits  prouvent  juste  le  contraire.  Il  a  été  souvent  observé,  et 
M.  BucHNER  lui-même  peut  être  cité  comme  témoin,  que  le  même  sérum 
qui  exerce  vis-à-vis  de  la  bactéridie  une  propriété  bactéricide  très  accentuée 
n'empêche  nullement  la  germination  des  spores  et  le  développement  abon- 
dant des  bactéridies.  ^ 

Comme  on  le  voit,  le  raisonnement  est  basé  sur  des  propriétés  diffé- 
rentes du  bacille  du  charbon  et  de  sa  spore.  Le  développement  de  cette 
dernière  ne  serait  nullement  entravé  par.  le  sérum,  tandis  que  la  forme 
végétante  serait  détruite  en  grand  nombre.    • 

L'exemple  de  cet  organisme  nous  parait  fort  mal  choisi.  A  notre 
avis,  le  bacille  du  charbon  est  en  grande  partie  la  cause  de  la  confusion 


(1)  H.   Van   de  Veldè   :    Loc.   cit. 

(2)  J.    Leclef   :   Étude  sur   le   rapport  entre  le  pouvoir    pathogène  des   microbes,   etc.;   loc.    cit. 

(3)  J.    Leclef   :    Étude   sur   le  pouvoir  sporicide:  loc.  cit. 


470  J.   DENYS 

qui  règne  sur  la  question  du  pouvoir  bactéricide.  Ce  microbe  a  la  réputa- 
tion d'être  détruit  énergiquement  par  certains  sérums.  Mais,  quand  avec 
M.  Kaisin  (i)  nous  avons  refait  les  expériences  sur  ce  sujet  en  employant 
comme  semence,  non  pas  une  culture  sur  milieu  hétérogène,  mais  une  cul- 
ture dans  le  sang  et  le  sérum  mêmes,  nous  avons  trouvé  que  ces  milieux 
étaient  sans  action  sur  lui.-  Sa  destruction  dans  le  sérum  n'est  donc  pas  un 
effet  du  pouvoir  bactéricide  et  ne  peut  être  opposée  à  la  conservation  et  au 
développement  de  ses  spores  dans  le  même  milieu. 

On  doit  du  reste  être  très  prudent  dans  le  maniement  de  cet  organisme, 
qui  se  refuse  quelquefois  à  pousser  sur  les  plaques,  alors  même  qu'il  est  en 
pleine  végétation,  comme  nous  en  avons  donné,  avec  M.  Kaisin,  un 
exemple  très  net. 

Aussi,  avant  de  faire  intervenir  le  bacille  charbonneux  dans  la  discus- 
sion, croyons-nous  qu'il  sera  nécessaire  de  contrôler  les  expériences  qui 
ont  été  faites  avec  lui,  en  se  mettant  bien  en  garde  d'abord  contre  l'influence 
du  changement  de  milieu  et  ensuite  contre  les  conditions  qui  l'empêchent 
de  fournir  régulièrement  des  colonies  sur  les  plaques. 

Les  travaux  de  J.  Leclef  sur  les  spores  sont  du  reste  une  réponse 
directe  à  l'objection  formulée  plus  haut,  que  pour  empêcher  le  développe- 
ment d'une  bactérie  il  faut  plus  de  substance  antiseptique  que  pour  la  tuer. 
En  effet,  le  sérum  enraye  le  développement  des  bacilles  du  foin  aussi  bien 
que  celui  de  ses  spores.  Leclef  aurait  pu  ajouter  qu'il  y  a  non  seulement 
diminution,  mais  destruction  complète  des  spores  ajoutées  au  sérum. 
En  effet,  quand  au  lieu  de  percevoir  deux  anses  de  sérum  pour  con- 
fectionner les  plaques,  il  ajoutait  à  un  seul  tube  d'agar  la  totalité  du 
sérum  ensemencé,  c'est-à-dire  plusieurs  centimètres  cubes,  il  constatait 
que  toutes  les  spores  avaient  péri.  Elles  sont  donc  aussi  sensibles  aux 
humeurs  que  les  formes  végétantes. 

Le  troisième  argument  invoqué  par  Metchnikoff  est  le  suivant  :  le 
sérum  est  très  bactéricide  pour  le  bacille  du  charbon  sous  la  forme  de 
bâtonnet,  mais  il  est  incapable  d'empêcher  la  germination  de  la  spore  et  le 
développement  du  bacille  charbonneux  issu  de  ce  germe.  ^  Si  l'immunité 
contre  le  charbon  est  réellement  due  à  l'état  bactéricide  des  humeurs,  il  est 
évident  que  cette  immunité  doit  être  tout  à  fait  différente  vis-à-vis  des  bâ- 
tonnets et  des  spores.  « 


(i)    J.    Denys  et   A.    Kaisin    ;    Hcc/ierclws   à  propos    des    objections    récemment    élevées    contre    le 
pouvoir  bactéricide   du   sang;    La  Cellule,   t.   IX,    1893. 


LE    POUVOIR    BACTERICIDE    DES    HUMEURS  471 

Comme  ]\'Ietchnikoff  le  fait  observer,  ce  postulat  de  la  théorie  n'est 
jamais  réalisé  dans  la  nature.  Nous  en  convenons  volontiers,  mais  la  con- 
clusion ne  nous  paraît  pas  légitime.  La  contradiction  dans  les  prémisses 
n'est  qu'apparente  et  repose  sur  la  prétendue  intervention  du  pouvoir  bac- 
téricide dans  la  diminution  que  subissent  les  bacilles  charbonneux  importés 
du  bouillon  ou  de  l'agar  dans  le  sérum.  Nous  avons  vu  plus  haut  ce  qu'il 
faut  penser  de  cette  destruction.  Ce  que  nous  avons  dit  à  ce  propos  ren- 
ferme la  solution  de  cette  difficulté. 

Un  quatrième  argument  est  plus  important,  il  est  tiré  de  ce  fait  qu'il 
n'existe  pas  de  corrélation  entre  la  propriété  bactéricide  des  humeurs  et 
l'immunité.  Tel  animal,  qui  est  réceptif  pour  un  microbe  donné,  possède 
un  sérum  très  bactéricide  pour  ce  même  microbe;  tel  autre,  qui  est  réfrac- 
taire,  est  sans  action  sur  lui. 

Une  discussion  détaillée  sur  ce  sujet  nous  entraînerait  trop  loin.  Les 
observations  qui  précèdent  et  surtout  les  expériences  de  M.  Leclef  renfer- 
ment la  réponse  à  la  difficulté  soulevée. 

Les  observations  de  cet  auteur  sur  le  rapport  qui  existe  entre  _le  pou- 
voir pathogène  des  microbes  et  leur  résistance  au  sérum  nous  paraissent 
absolument  concluantes,  nous  dirons  même  qu'elles  ont  dépassé  nos  prévi- 
sions et  que  nous  ne  nous  attendions  nullement  à  rencontrer  un  parallélisme 
aussi  rigoureux  entre  l'action  pathogène  et  la  résistance  des  microbes  aux 
humeurs.  Nous  pensions,  en  effet,  rencontrer  des  exceptions  qu'il  aurait  fallu 
expliquer  par  une  intervention  plus  énergique  des  phagocytes  ou  d'autres 
facteurs,  mais  elles  ne  se  sont  pas  présentées.  Aux  organismes  étudiés  par 
Leclef,  nous  pouvons  ajouter,  d'après  les  expériences  de  M.  Kaisin,  le 
bacille  du  charbon,  et,  d'après  d'autres  faites  avec  H.  De  Marbaix,  le 
streptocoque  pyogène,  deux  organismes  c]ui  à  un  degré  suffisant  de  virulence 
tuent  le  lapin  à  doses  minimes  et  qui  ne  sont  pas  détruits  ou  ne  le  sont  que 
très  peu  par  le  sérum.  La  corrélation  entre  la  propriété  bactéricide  des 
humeurs  et  l'immunité  se  trouve  ainsi  vérifiée  pour  un  grand  nombre  d'or- 
ganismes. 

Toutes  ces  considérations,  toutes  ces  expériences  nous  permettent  de 
déclarer  que  le  dernier  mot  sur  le  pouvoir  bactéricide  des  humeurs  n'est  pas 
dit.  Dès  à  présent,  nous  pouvons  affirmer  que  le  sérum  de  certains  animaux, 
du  moins  après  sa  sortie  du  corps,  est  doué  d'un  pouvoir  bactéricide  dans 

60 


472  J-  DENYS 

le  sens  indiqué  par  Nissen  et  Buchner,  c'est-à-dire  qu'il  renferme  une  sub- 
stance toxique,  agissant  sur  les  microbes  à  l'instar  d'un  antiseptique  et  les 
faisant  périr  alors  que  tous  les  éléments  nécessaires  à  leur  développement 
se  trc  uvent  réunis.  ^ 

Une  auti'e  question  est  celle  de  savoir  si  cette  propriété  appartient 
également  au  sang  en  circulation.  Beaucoup  de  faits  parlent  en  faveur  de 
cette  thèse;  contentons-nous  de  signaler  le  parallélisme  indiqué  par  Leclef 
entre  le  pouvoir  pathogène  et  la  résistance  aux  humeurs  et  cette  singulière 
exaltation  du  pouvoir  bactéricide  de  l'exsudat  du  lapin  signalée  par 
Van  de  Velde  (i)  et  qui  serait  sans  but  si  l'on  niait  l'intervention  bacté- 
ricide du  sérum.  Ce  renforcement  local  de  la  résistance  doit  être  rapproché 
du  renforcement  général  que  nous  avons  signalé  avec  M,  Kaisin  (2)  dans  la 
maladie  charbonneuse. 

Il  n'y  a  évidemment  que  l'expérience  pour  répondre  à  cette  question. 
^Mais  s'il  était  démontré  que  le  sérum  en  circulation  ne  possède  pas  de  pou- 
voir bactéricide,  il  n'en  faudrait  pas  moins  examiner  si  ce  pouvoir  n'entre 
pas  en  jeu  dans  certains  cas  d'infection  et  ne  concourt  pas  à  déterminer 
l'issue  favorable.  Dans  cette  hypothèse,  vu  la  facilité  avec  laquelle  il  prend 
naissance  en  dehors  du.  corps,  on  croirait  difficilement  qu'il  reste  perpé- 
tuellement enchaîné,  au-dedans,  d'autant  plus  que  dans  beaucoup  de  proces- 
sus pathologiques,  tels  que  l'exsudation,  nous  voyons  le  sérum  subir  les 
mêmes  altérations  que  le  sang  extravasé  (coagulation^.  Enfin,  alors  même 
que  le  sérum  se  conduirait  toujours  comme  un  liquide  inerte,  il  y  a  lieu  de 
se  demander  jusqu'à  quel  point,  sorti  du  corps  et  doué  de  pouvoir  antisep- 
tique, il  serait  apte  à  jouer  un  rôle  dans  la  thérapeutique. 

Ce  n'est  pas  avant  d'avoir  élucidé  ces  différents  points  qu'on  pourra 
considérer  l'étude  du  pouvoir  bactéricide  des  humeurs  comme  stérile  et 
oiseuse. 


(I)     Van    de   Velde  :   Op.    cit. 

Ces   expériences  ont   été  commencées   au   mois  de  février  et  sont  par  conséquent  antérieures  à  celles 
publiées   par   Buchner   dans   la   'Deutsche   medicinische    Woclicnschrifl. 
(2)     Denys  et    Kaisin    :    Op.    cit. 


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