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LA CELLULE
LA CELLULE
RECUEIL
DE CYTOLOGIE ET D'HISTOLOGIE GÉNÉRALE
PUBLIE PAR
J. Jj. OAlvNOY, PROFESSEl'R DK lllOf-OGIR rFLLULAIRE,
KJ t Cj1J-»o(JN, PROFKSSniR DK ZOOLOGIE El D'EMBR^'OLOr.IE, J. Jj£l#N lO, PROFl-SSKL'R d'aNATOMIE PATlIOr.OnigL'I-:,
A l' Université catholique de Louvain
AVEC LA COLLABORATION DE LEURS ÉLÈVES ET DES SAVANTS ÉTRANGERS
TOME X
i-- FASCICULE.
I. Sur la part des leucocytes dans le pouvoir bactéricide du sang de chien,
par J. DENYS & J. HAVET.
II. La soie et les appareils séricigènes (II. Trichoptères),
par Gustave GILSON.
III. Du mécanisme des symptômes gastro-intestinaux dans le choléra asiatique,
par J. DENYS & CH. SLUYTS.
IV. Contribution à l'étude du développement organique et histologique
du thymus, de la glande thyroïde et de la glande carotidienne,
par A PRENANT.
V. Etude sur les propriétés du poison du choléra asiatique,
par Charles SLUYTS.
VI. Du rapport entre le pouvoir bactéricide du sang de chien
et sa richesse en leucocytes,
par J. HAVET.
LIERRE LOUVAIN
Typ. de JOSEPH VAN IN & OS A. UYSTPRUYST, Libraire,
rue Droite, 4(S. , rue de Namur, 1 1 .
. 1894
Ip
TABLE DES MATIERES DU TOME X.
I. Sur la part des leucocytes dans le pouvoir bactéricide du sang de
chien, par J. Denys et J. Havet ..... 5
II. La soie et les appareils séricigènes il. Lépidoptères, suite. — II. Tri-
choptères), par Gustave Gilson ..... 37
III. Du mécanisme des symptômes gastro-intestinaux dans le choléra
asiatique, par J. Denys et Ch. Sluyts .... 65
IV. Contribution à l'étude du développement organique et histologique
du thymus, de la glande thyroïde et de la glande carotidienne,
par A. Prenant ....... 85
V. Étude sur les propriétés du poison du choléra asiatique, par
Charles Sluyts . . . . . . . . i85
Yl. Du~ rapport entre le pouvoir bactéricide du sang de chien et sa
richesse en leucoc3'tes, par J. Havet. .... 21g
\'II. Contribution à l'étude du système nerveux des téléostéens (Communi-
cation préliminaire), par A. Van Gehuchten . . . 253
VIII. Les glandes filières de YOiuenia fusiformis Délie Chiage (Ammochares
Ottonis Griibe), par Gustave Gilson ..... 297
IX. Le sphincter de la. néphridie des gnafhobdellides, par H. Bolsius . 333
X. Étude sur l'action sporicide des humeurs, par J. Leclef . . 347
XI. Rapport entre le pouvoir pathogène des microbes et leur résistance
au sérum, par J. Leclef ...... 377
XII. Étude sur le mécanisme de la virulence du staphj-locoque pyogène,
par le D'' Honoré Van de Velde . . . . .401
XIII. A propos d'une critique dirigée contre le pouvoir bactéricide des
humeurs, par J. Denys ...... 463
SUR LA PART DES LEUCOCYTES
DANS LE
PAR
J. DENYS &
PROFESSEUR d'aNATOMIE PATHOLOGIQUE.
J. HAVET
DOCTEUR EN MÉDECINE.
(Mémoire déposé le 3 juillet 1S93.;
(Travail du laboratoire d'anatomie pathologique et de pathologie
■EXPÉRIMENTALE DE l'uNIVERSITÉ DE LoUVAIN.j
SUR LA PART DES LEUCOCYTES
DANS LE
POUVOIR BACTERICIDE DU SANG DE CHIEN
Il y a quelque temps, l'un de nous fit paraître, en collaboration avec
M. Kaisin (i), un travail clans lequel il examinait la valeur des différentes
objections faites à la théorie du pouvoir bactéricide des humeurs, telle
qu'elle avait été formulée par Buchner.
La coriclusion de ce travail fut qu'aucune des objections formulées ne
pouvait aboutir à renverser cette théorie, que ce pouvoir jouait un rôle
considérable dans l'immunité et la guérison spontanée des maladies, que
l'intervention des phagocytes ne se basait sur aucune expérience décisive
et que son rôle restait à définir.
Nous disions que le rôle des leucocytes et autres cellules absorbantes
n'était établi sur aucune expérience décisive ; en effet, nous considérions
toutes celles, qui ont été invoquées, comme susceptibles d'une interpré-
tation différente de celles données au phénomène par Metchnikoff et ses
adhérents.
Prouvons notre affirmation en reproduisant brièvement les arguments— -
des partisans de la phagocytose.
1° -Dans les infections se terminant par la guérison, il se fait, dans la
région envahie par les microbes, une diapédèse énergique et l'on trouve les
leucocytes remplis de microbes ou de leurs débris. Au contraire, dans les
infections mortelles, cette diapédèse est nulle ou insignifiante, et l'englo-
bement des microbes fait défaut ou n'a pas d'importance.
(i) J. Denys et A. Kaisin : Recherches à propos des objections clei'ées récemment contre le pouvoir
bactéricide du san^; La Cellule, t. IX, iSgS.
,S J. DENYS & J. HAVET
D'après les défenseurs de la phagocytose, ces faits doivent s'interpréter
comme il suit. Quand les globules blancs sont à même de s'emparer des
organismes' envahisseurs, l'infection est enrayée, mais quand ils n'appa-
raissent pas sur le point rfienacé, les agresseurs se développent à l'aise et
tuent leur hôte.
Les travaux dans lesquels on a combattu cette manière de voir sont
nombreux et l'on y a fait remarquer avec raison que les faits invoqués ne
rendaient pas du tout nécessaire la conclusion qu'on voulait en tirer.
Les partisans du pouvoir des humeurs conviennent volontiers que l'ap-
parition des leucocytes dans la région envahie et l'englobement des microbes
est un fait incontestable, dans le cas où le conflit se termine par la défaite
du microbe; mais, d'après eux, l'apparition des phagocytes est un phéno-
mène secondaire, ayant pour but d'emporter, d'enterrer, pour nous servir
d'une expression employée, les cadavres des organismes tués par l'in-
fluence microbicide des humeurs. Les partisans de la phagocytose posaient,
suivant eux, simplement un raisonnement illogique : cuin hoc, ergo
propter hoc.
METCHNiKOFF-et SCS élèves Ont cssayé de répondre à cette objection
en prouvant d'abord que les leucocytes absorbent des microbes vivants.
Ils firent remarquer que, dans certains cas, les organismes situés à l'inté-
rieur des globules blancs présentent des mouvements. Mais cet argument
ne nous semble guère péremptoire, car :
\" Si ces mouvements sont lents, nous ne voyons pas bien comment
on les distinguerait de ceux imprimés au microbe par le protoplasme du
globule blanc.
2° S'ils sont vifs, ils nous paraissent indiquer sûrement que le leuco-
cyte est mort, car nous ne les comprenons pas dans un milieu visqueux
comme le protoplasme vivant.
Cet argument n'est donc pas décisif.
Leur second argument ne l'est pas davantage. Il est basé sur ce fait que
si l'on retire du corps vivant des leucocytes renfermant des organismes, et
si on les met dans des circonstances favorables au développement de ces
derniers, on voit ceux-ci augmenter de nombre. Ils deviennent même telle-
ment nombreux qu'ils remplissent tout le leucocyte et le font crever.
Cette expérience, nous le reconnaissons, prouve d'une façon définitive
que le leucocyte englobe des microbes vivants, mais prouve-t-ellc cju'il s'en
rend maître? Nullement; au contraire, puisque le vaincu c'est lui.
LEUCOCYTES ET POUVOIR BACTERICIDE 9
La doctrine phagocytaire, à notre avis, manquait donc de base sûre,
et comme les objections faites à la doctrine du pouvoir bactéricide des
humeurs étaient tombées devant l'examen, l'un de nous avait conclu, dans
le travail précité, que le pouvoir bactéricide intense du sang de chien devait
être attribué au sérum.
Nous reconnaissons volontiers, qu'en formulant avec M. Kaisin une
thèse aussi absolue, nous avons été trop loin. La source de notre erreur
se trouve dans l'affirmation de certains auteurs, d'après laquelle le sérum
aurait le même pouvoir bactéricide que le sang, ou à peu près. Nous nous
étions fondés sur cette assertion pour nous dispenser d'expérimenter avec
le sang dépouillé de ses globules, c'est-à-dire avec le sérum pur. Mais à
l'occasion d'une expérience faite dans la suite, et qui avait pour but de
comparer la puissance bactéricide du sang de chien avec celle de son
sérum, nous avons constaté une différence considérable entre les deux
liquides, différence tout en faveur du sang. Cette observation devint le
point de départ des expériences que nous consignons dans ce travail et
qui constituent, nous l'espérons, la preuve irrécusable de l'intervention des
leucocytes dans la destruction des microbes. Elles ne peuvent en effet,
d'après nous, contrairement aux observations antérieures, donner lieu à
aucune autre interprétation.
Comme nous venons de le dire, le pouvoir bactéricide du sang de chien
est de loin supérieur' à celui de son sérum.
Donnons-en quelques preuves.
TABLEAU L
Inoculation avec une culture de bacille commun de l'intestin dans le
sang et le sérum du même chien.
IMMEDIATE-
MENT
APRÈS I 2 H.
APRÈS I
H.
APRÈS
2
H.
APRÈS 4 H.
Sang
Sérum
i3566
17500
l5l
14280
7
III72
3
2201
0
728
On remarquera, dans cette expérience, non seulement la différence entre
les chiffres terminaux, o et 7^B, mais surtout l'inégalité dans la rapidité de
la destruction.
lO
J. DENYS & J. HAVET
Les expériences suivantes ontporté sur les spores du bacille du foin, pro-
venant d'une culture sur agar et émulsionnées dans l'eau salée physiologique.
Pour éliminer sûrement les formes végétatives, nous avons porté l'émulsion
à l'ébullition. Il s'agit toujours de sang et de sérum de chien.
TABLEAU IL
IMMEDIATE-
APRÈS 2 H. I APRÈS 5 H.
Sang
Sérum
3542
4692
79
713
7
24S0
TABLEAU III.
Sang
Sérum
IMMEDIATE-
MENT
APRÈS 2 H. j APRÈS 4 H.
9280
io53o
210
8010
64
8o32
APRÈS 6 H.
18
22960
TABLEAU IV.
Ensemencement avec des quantités différentes de spores.
IMMÉDIATE-
MENT
APRÈS 1/2 H.
APRÈS I H.
APRÈS 2 H.
APRÈS 4 H.
!
1
3335
l35
112
52
72
Sang
6916
667
725
270
55
15450
i652
io5o
112
,
55oo
4000
i656
588
9750
Sérum
1
II 288
5628
3io5
4805
44080
(
26752
15295
2o5o
4950
3g3oo
Ces trois expériences avec les spores du bacille du loin fournissent le
même résultat que celle qui a été faite avec le coli-bacille. Elles proiii'ciit
que le sérum du chien possède un poui'oir bactéricide beaucoup inférieur au
sani( du niéinc animal.
LEUCOCYTES ET POUVOIR BACTERICIDE 11
A quoi tient la différence?
Il fallait naturellement songer aux globules blancs, et le premier pas
à faire était tout indiqué : c'était de comparer l'action d'un sang complet
avec un sang dépouillé de ses globules blancs.
Nous sommes parvenus à obtenir un sang privé de leucocytes par un
moyen bien simple et incapable de produire un changement autre que l'éli-'
mination des leucocytes. Ce moyen est la filtration.
Voici comment nous procédons. Nous préparons un filtre double de papier
Joseph, que nous plaçons dans un entonnoir, qui vient lui-même s'adapter
sur un récipient quelconque. Le tout est arrosé abondamment d'abord
d'acide phénique à 5 0/0 et ensuite d'eau salée ph3rsiologique, afin d'entraîner
les dernières traces de l'antiseptique. L'entonnoir avec son filtre et le réci-
pient sont ensuite placés dans un bocal revêtu intérieurement de papier
humide, et fermé par une plaque de verre. C'est dans l'atmosphère humide
de ce bocal que se fera la filtration. Le tout est porté à la couveuse, et
quand l'entonnoir a pris la température du corps, nous y versons le sang
préalablement chauffé à 38°. Le bocal est fermé avec la plaque, afin d'em-
pêcher l'évaporation du sang. Les premières gouttes de sang qui passent ne
renferment déjà presque plus de leucocytes à noyau polymorphe ; ceux-ci
disparaissent ensuite rapidement, et après la filtration de quelques centi-
mètres cubes, le sang est complètement dépouillé de ses globules blancs à
noyau polymorphe. Il conserve une partie de ses globules blancs à noyau
rond et à protoplasme rudimentaire; mais comme ces derniers ne possèdent
que peu de mouvements amboïdes et que même, d'après certains auteurs,
ils en sont complètement dépourvus, nous n'en avons pas tenu compte dans
nos expériences. L'essentiel est l'élimination des leucocytes actifs, des vrais
phagocytes, et cette élimination réussit au-delà de tout espoir. Il est possi-
ble que le papier soit imprégné de quelque substance chimiotactique
positive, qui retient le globule blanc.
Voici quelques expériences faites avec le sang filtré et le sang non
filtré, ou sang complet. Ordinairement, nous avons opéré en même temps
sur le sérum du même animal, obtenu soit par dépôt, soit par expression
du caillot. Dans toutes ces expériences, l'avantage revient au sang com-
plet; le sang filtré ne se montre pas plus actif que le sérum; bien plus,
chose curieuse, il lui est généralement inférieur.
12
J. DENYS & J, HAVET
TABLEAU V.
Ensemencement avec une culture de bacille de l'intestin dans le sang
de chien.
IMMÉDIATE- I APRÈS
MENT ! 1/4 d'heure
APRÈS l'2 H.
APRÈS I H.
Sang complet
Sang filtré
Sérum
6720
10425
i5Si2
924
7630
13338
o
3562
21420
o
8384
6000
TABLEAU VI.
Même ensemencement.
IMMEDIA-
TEMENT
APRÈS
1/2 HEURE
APRÈS I H.
APRÈS
I 1/2 HEURE
APRÈS 2 H. I APRÈS 4 H.
Sang complet
Sang filtré
32620
40600
8432
43892
i960
47040
1197
84000
834
Innombr.
3020
Innombr.
Dans cette expérience, il n'y a aucune diminution dans le sang filtré.
TABLEAU VIL
Même ensemencement.
IMMEDIA-
TEMENT
APRES
1/2 HEURE
APRÈS
I 1/2 HEURE
APRÈS 3 H.
APRÈS 5 H.
APRÈS 7 H.
Sang complet
Sang filtré
19430
2 5 200
1800 j 32
g36o ! 25go
o
702
o
4060
o
52O0O
Pour terminer, voici une expérience avec le staphylocoque pyogène, et
une autre avec les spores du bacille du foin.
TABLEAU VIII.
Ensemencement avec le staphylocoque pyogène.
IMMEDIATE-
MENT
APRÈS 1/2 H.
APRÈS I H.
APRES 2 H.
APRÈS 2 1/2 H.
Sang complet
.Sang filtré
2684
4188
930
4956
273'
5907
372
2568o
75
Innombrables
LEUCOCYTES ET POUVOIR BACTÉRICIDE
13
TABLEAU IX.
Ensemencement avec les spores du bacille du foin.
IMMEDIATE-
APRÈS 1/2 H.
APRÈS I H. APRÈS 2 H
Sang complet
Sang filtré
Séium
3776
6112
5912
o
3583
4890
o
35o3
4620
o
17280
4830
La proposition que nous énoncions plus haut, à savoir qu'il y a une
différence énorme entre le pouvoir bactéricide du sang possesseur de ses
leucocytes et celui du sang qui en est dépouillé, se vérifie pour trois or-
ganismes différents : le bacille commun de l'intestin, le staphylocoque
pyogène et le bacille du foin sous forme de spores.
Comme fait accessoire, mais pourtant digne de remarque, observons
que le développement dans le sérum est moins abondant que dans le sang
filtré ; nous reviendrons plus tard sur cette particularité.
Les expériences précédentes établissent très nettement le lien qui existe
entre les leucocytes et le pouvoir bactéricide, mais elles sont pourtant
passibles de l'objection, suivante. Le parallèle entre le sang filtré et le sang
non filtré ne démontre pas que les leucocytes sont la cause directe de la
destruction des microbes, et qu'ils tuent ceux-ci après les avoir englobés à
l'état vivant. A la rigueur, on peut supposer que les globules blancs ont
expulsé, sous l'action des organismes, une substance bactéricide, laquelle
atteint ces derniers dans le plasma. Dans cette hypothèse, les leucocytes
demeurent à la vérité les agents destructifs, mais ils exercent cette fonction
d'une façon indirecte, et n'englobent les organismes qu'après leur mort.
Malgré le peu de probabilité de cette hy^pothèse, elle méritait cepen-
dant d'entrer en ligne de compte. Nous avons essayé de la résoudre en
nous fondant sur les considérations suivantes.
Si l'hypothèse proposée est vraie, le plasma doit se charger, sous
l'action des microbes ou plutôt de leurs sécrétions, de substance bactéricide.
Si, après la dissolution de cette dernière, nous filtrons le sang afin de rete-
nir les leucocytes, nous devons constater que le filtrat possède des propriétés
microbicides notables.
H
J. DENYS & J. HAVET
Nous avons réalisé cette expérience de la façon suivante. Nous ense-
mençons comme d'habitude une portion du sang, et nous l'abandonnons
à elle-même à la température du corps pendant une demi-heure, afin de
laisser aux microbes le temps d'agir sur les leucocytes et de les déterminer
à sécréter leur poison. Nous filtrons afin d'éliminer les globules blancs, et
nous examinons, par les plaques, le pouvoir bactéricide du sang filtré. Dans
ce but, nous divisons ce dernier en deux portions : l'une est employée
comme telle, l'autre est de nouveau ensemencée avec des organismes vivants.
Enfin, une troisième portion, constituée par du sang complet, sert à fixer
le pouvoir bactéricide absolu.
Voici les deux expériences que nous avons faites. La seconde est en
quelque sorte double, car elle comprend une quatrième portion de sang, à
laquelle nous avons ajouté, pour solliciter l'expulsion du produit bactéricide,
non pas des organismes vivants mais leur poison dissous, obtenu au moyen
d'une culture des mêmes bacilles sur pommes de terre, et délayés dans
l'eau salée physiologique (i p. de microbes pour 20 d'eau). Après filtration
de cette portion, nous y avons ajouté des bacilles vivants.
TABLEAU X.
Ensemencement avec une culture de bacille de l'intestin dans le sérum
de chien. Une plaque faite avec la portion destinée à être filtrée donne
57988 colonies.
IMMÉDIATE-
MENT
APRÈS I H.
APRÈS 2 H.
APRÈS 8 H.
Sang complet
16900
71
6
0
Sans filtré sans nouvelle
420
812
5280
Innombrables
addition de microbes
Sang filtré ensemencé une
25740
365oo
34190
Innombrables
seconde fois
Dans cette expérience, au moment du filtrage, chaque anse de sang,
c'est-à-dire environ 7 milligr. de ce liquide, renfermait encore 420 bacilles.
Tous les globules blancs à noyau polymorphe étant restés sur le filtre, on
doit admettre que les organismes se trouvaient en liberté dans le sérum.
Or celui-ci n'a exercé sur eux aucune action bactéricide, puisque après une
heure ils avaient doublé, après deux heures avaient décuplé, après huit
huit heures ils étaient devenus innombrables.
LEUCOCYTES ET POUVOIR BACTERICIDE
15
Les chiffres fournis par la troisième portion permettent de tirer la
même conclusion.
TABLEAU XL
Expérience conduite comme la précédente, avec en plus une portion
de sang soumise avant le filtrage à l'action du poison dissous, dans les
conditions indiquées ci-dessus. Une plaque faite avec la portion additionnée
de bacilles vivants et destinée à être filtrée fournit 1 10200 colonies.
IMMÉDIATEMENT
APRÈS 4 H.
APRÈS 6 H.
Sang complet
3ogoo
3l2
210
Sang filtré sans nouvelle addition
i5oo
Innombrables
Innombrables
de microbes
Sang filtré ensemencé une
5 1600
Innombrables
Innombrables
seconde fois
Sang additionné de poison, filtré
637000
Innombrables
Innombrables
et ensemencé
Cette expérience confirme la précédente. Dans la 2'"^ portion, les mi-
crobes restés libres sont devenus innombrables au bout de quatre heures.
Ceux des portions 3 et 4 échappent également à la numération.
A notre avis, ces deux expériences démontrent qu'on ne peut pas
admettre que les bacilles périssent dans le sérum par l'effet d'un poison
expulsé par les leucocytes sous l'action des sécrétions microbiennes, ou tout
au moins que l'action bactéricide énergique du sang de chien n'est pas due
à un mécanisme de cette nature. Dans le cas, où cette hypothèse eut été
vraie, l'action de la substance microbicide aurait continué ses effets dans
le sang filtré, et cette action se serait manifestée par une diminution
considérable d'organismes et par un retard marqué àe la repullulation. Or
ces deux phénomènes font défaut. Nous concluons que la part principale,
prédominante, du pouvoir bactéricide du san-g de chien doit être attribuée
aux leucocytes fonctionnant comme éléments phagocytaires.
Faisons remarquer pour éviter tout malentendu, que nous ne nions
nullement que, sous l'influence des microbes, les globules blancs ne puissent
céder au sérum une certaine quantité de substance bactéricide, mais cet
abandon doit être relativement faible, et chez le chien, le leucocyte reste
certainement dépositaire de la plus grande partie de l'énergie microbicide.
Le rôle phagocytaire des leucocytes ne se laisse pas seulement établir
par les plaques; mais, par un examen microscopique répété à de courts in-
i6
J. DENYS & J. HAVET
tervalles, on peut assister à toutes les phases de l'englobement et de la
digestion, de même que l'on peut juger des progrès de la pullulation.
Dans le sang filtré du chien, le développement du bacille commun
provenant d'une culture dans le sang débute par un allongement et un
épaississement de cet organisme, il devient plus long et plus gros ; en
même temps, il se colore beaucoup plus intensément. Après une demi-heure,
beaucoup de bacilles se sont divisés, et l'on voit dans le champ du micros-
cope un certain nombre de diplobacilles. Après une heure, ils forment des
chaînettes de quatre individus, plus tard de huit, vingt, cinquante unités,
de sorte qu'après quatre à six heures de culture, le sang est rempli de
chainettes. Plus tard encore, ces chaînettes se défont et, quand la culture
est mûre, elle est composée de bacilles, de diplobacilles et d'amas irré-
guliers de bâtonnets.
Telle est en général la marche de la culture, et sa connaissance per-
mettra de bien se rendre compte des phénomènes qui vont être décrits de
suite. Ajoutons encore que dans un sang ou un sérum, où il y a eu d'abord
destruction intense, , le premier signe de l'épuisement de la phagocytose
consiste dans l'apparition d'organismes libres entre les cellules.
Nous donnons une expérience où la phagocytose a été poursuivie au
microscope. En même temps, nous avons fait des plaques pour contrôler
les résultats.
Une portion de sang de chien est employée comme telle et ensemencée
avec le bacille de l'intestin ; c'est la portion A.
Une autre portion est filtrée et ensemencée de même; c'est la portion B.
Avec toutes les deux, nous faisons des plaques à divers intervalles, les
premiers très rapprochés ; de plus nous faisons des préparations avec une
anse de sang étalé sur un couvre-objets et coloré au bleu de méthylène.
Donnons d'abord la marche du nombre des microbes dans les deux
portions.
TABLEAU XII.
Ensemencement avec une culture de bacille de l'intestin dans
le sang.
IMMÉDIA-
TEMENT
APRÈS 1/2 H.
APRÈS I H.
APRÈS 2 H.
APRÈS 3 H.
APRÈS
4 1/2 H.
Sang complet
(Portion A)
Sang filtré
(Portion B)
49735
38836
i683
3oio5
77
25334
7
3go6o
Augmen-
tation
Innombra-
bles
LEUCOCYTES ET POUVOIR BACTERICIDE 1?
Le sang filtré nous donne donc une faible diminution.
Avec les deux portions, nous faisons, à partir de l'ensemencement, des
préparations toutes les dix minutes, puis à de plus longs intervalles.
Dans la première préparation faite avec le sang A, nous trouvons de
rares bacilles libres; vingt minutes plus tard, ils ont disparu.
Le sang B nous fournit les étapes suivantes :
Immédiatement.
Après 20 minutes.
Après 40 minutes.
Après I heure.
Après 2 heures
Après -\.i 2 heures.
Rares bacilles libres.
Pas de diminution du nombre des bacilles ; quelques diploba-
cilles. Les bâtonnets se colorent mieux.
Le nombre des diplobacilles augmente.
Beaucoup de chaînettes de quatre individus.
Dans chaque champ, plusieurs chaînettes d'une vingtaine d'individus.
"VTaie culture de chaînettes.
Le microscope nous présente donc dans ce sang un développement
continu. Après deux heures, c"est-à-dire au moment où les préparations
montrent dans chaque champ plusieurs chaînettes d'une vingtaine d'indivi-
dus, nous divisons le sang en deux portions et nous ajoutons à l'une d'elles,
qui devient la portion C, son volume de sang non filtré. Les plaques faites
avec le mélange nous donnent les chiffres suivants :
TABLEAU XI IL
IMMEDI.\TE-
APRÈS 1/2 H.
APRÈS I H.
APRÈS 2 H.
APRÈS 3 H.
Portion C
90000
338o
1716
1472
2408
L'addition du sang non filtré a eu pour résultat immédiat, non seule-
ment d'enrayer le développement, mais de faire tomber le nombre des,
microbes à un taux très bas. Par les préparations microscopiques, on con-
state que la diminution est due non pas à- une action extracellulaire, mais
à une absorption des microbes par les leucocytes et à leur dégénérescence
à l'intérieur de ces derniers.
Voici, en effet, ce que nous révèle le microscope.
Immédiatement
Après 10 minutes.
Beaucoup de bacilles et de chaînettes libres.
Les organismes libres diminuent. Beaucoup de leucocj^tes, isolés
ou réunis en petits groupes de 3 à 5, sont remplis de bâton-
nets bien colorés. On note également des chaînettes en partie
libres, en parties repliées dans les leucocytes.
l8
J. DENYS & J. HAVET
Apres 20 minutes.
Après 3o minutes.
Après 5o minutes.
Après 2 12 heures.
Après 7 heures.
Les organismes libres diminuent encore. Un certain nombre des
bacilles renfermés dans les leucoc^-tes se colorent mal. Les leu-
cocj'tes forment des amas plus gros de 10, 20 individus.
Les organismes libres sont extrêmement rares. Beaucoup de
bacilles dans les globules sont mal colorés ou morcelés. Leur
nombre diminue.
La dégénérescence des microbes dans les leucocytes progresse.
Pas de bacilles libres. Dans les leucocj'tes, peu de bacilles bien
colorés.
Pas de bacilles libres. Les amas de leucocytes qui renferment
des bacilles sont rares.
Nous observons, dans cette série de préparations, toutes les étapes
de la phagocytose : englobement, dégénérescence, disparition des bâton-
nets, et le phénomène est d'autant plus facile à poursuivre qu'il porte sur
des organismes qui se coloraient bien. Tandis que dans la portion B (sang
filtré) nous avons, quatre heures après l'ensemencement, une vraie culture de
chaînettes, la portion C, faite avec un mélange à parties égales de B et de
sang non filtré, ne montre, après sept heures, aucun bacille libre et seulement
de rares bacilles dans les leucocytes.
Deux heures -après avoir fait la portion C, nous divisons celle-ci égale-
ment en deux et à l'une d'elles nous ajoutons deux volumes de sang filtré :
portion D.
Nous obtenons d'après les plaques les chiffres suivants :
TABLEAU XIV.
IMMEDIATE-
MENT
APRÈS I H.
APRÈS 2 H.
Sang C -|- 2 vol. de sang non filtré (Portion D)
3 go
83
180
Le résultat est le même : l'introduction de sang non filtré dans la por-
tion C (mélange de sang filtré et de sang non filtré) a de nouveau pour
conséquence un abaissement du nombre des microbes.
Le microscope nous révèle les faits suivants :
Après 1 3 minutes. On constate que les nouveaux leucocytes se sont presque tous
réunis aux amas anciens, et que le nombre de bâtonnets ren-
fermés dans ceux-ci a considérablement diminué.
Après 3o minutes. Les bacilles sont devenus extrêmement rares. Pas de bacilles libres.
Après 2 heures. Pas de bacilles visibles, ni dans les amas leucocj-taires, ni en
dehors.
LEUCOCYTES ET POUVOIR BACTERICIDE 19
L'examen microscopique non seulement nous montre d'une façon sai-
sissante le sort des microbes dans un sang possesseur de ses leucocytes,
mais il nous permet d'apprécier à leur exacte valeur les chififres fournis par
les plaques.
Si nous ne considérons que ces derniers, nous serions tentés d'admettre
que la plus grande partie des organismes a succombé en moins d'une demi-
heure (voir le tableau XII). D'un autre côté, nous serions portés à croire
que la deuxième addition de sang a eu très peu d'effet (voir le tableau XIV;.
L'examen microscopique nous permet de corriger cette manière de voir.
La diminution énorme subie en une demi-heure par la portion C (de goooo
à 33S0) ne correspond pas au chiffre réel de l'anéantissement microbien,
mais elle doit s'expliquer, en partie du moins, par la phagocytose. Un
seul et même leucocyte accapare plusieurs bâtonnets indépendants ou
plusieurs chaînettes indépendantes ; ces chaînettes et ces bâtonnets auraient
donné, dans le cas où ils fussent restés libres, plusieurs colonies; mais
englobés dans un même leucocyte, ils n'en fournissent plus qu'une. Ajoutons
encore que le nombre de colonies est inférieur au nombre d'organismes
libres pour une autre raison : l'agglomération, l'agglutination des leucocytes
entre eux.
C'est pour ces deux raisons que le nombre des colonies diminue
rapidement de la première à la deuxième plaque et reste sensiblement
stationnaire, tandis qu'en réalité la destruction microbienne est plus lente
et plus graduelle.
C'est encore pour ce motif que la deuxième addition, portion D, tableau
XIV, paraît avoir peu d'effet; le chiffre microbien descend seulement de
390 à 83. Comme l'examen microscopique le démontrait, l'aggrégation
leucocytaire avait atteint dans la portion C un degré très prononcé; les
amas de vingt-cinq et de cinquante globules blancs n'y étaient pas rares;
tous ces amas renfermaient un certain nombre de microbes, et pour réduire
le nombre de colonies d'une unité, il était nécessaire de détruire dans ces
accumulations les microbes jusqu'au dernier.
Les chiffres fournis par les plaques doivent donc être corrigés dans une
certaine mesure; ils font paraître la destruction plus rapide qu'elle n'est en
réalité, mais le résultat final est, en somme, le même.
Nous venons de voir qu'en enlevant au sang ses globules blancs, on le
prive du coup de la plus grande partie de son pouvoir bactéricide, et nous
20 J- DENYS & J. HAVET
avons conclu que c'est le leucocyte, agissant par voie active et par englobe-
ment, qui est la cause de cette perte de pouvoir. Notre thèse exige que, si
nous restituons au sang les globules blancs, le pouvoir reparaisse. C'est ce
que nous établissons dans lés expériences suivantes.
Nous avons dû renoncer à ajouter au sang les globules blancs que nous
lui avions enlevés, pour le motif que nous n'avons pas pu trouver de procédé
pour retirer ces éléments du filtre. Mais nous avons employé des cellules
analogues : les globules de pus des exsudats qui, comme on le sait, ne sont
autres que des leucocytes émigrés et auxquels tout le monde concède les
mêmes propriétés qu'aux cellules amiboïdes intravasculaires.
Pour obtenir des globules de pus, nous avons injecté, dans la plèvre ou
dans le tissu cellulaire des chiens, des cultures mortes de staphylocoque
pyogène ou de choléra asiatique. Quand nous jugions le moment opportun,
nous avons saigné les animaux, conservé une partie de leur sang comme
tel et filtré une autre partie; une troisième a été réservée pour son sérum ;
enfin nous avons utilisé l' exsudât, soit complet, soit déposé, soit centrifugé.
Tantôt nous avons ajouté au sang les globules de pus du même animal,
tantôt ceux d'un autre, mais avec le même résultat.
Les expériences ont répondu parfaitement à notre attente.
En voici quelques-unes.
Expérience. Un chien reçoit deux centimètres cubes de staphylocoques
pyogènestués dans la plèvre droite. Le lendemain matin, le chien, qui pré-
sente une température de 39°, 8 et qui ne paraît plus affecté de l'injection,
est tué par hémorrhagie. Dans la plèvre droite aucun exsudât, mais en
regardant attentivement, on remai'que à la surface de la séreuse une couche
crémeuse mince, d'un blanc un peu jaune et qui, au microscope, se montre
composée de globules blancs, la plupart non dégénérés et animés de mou-
vements amiboïdes. Nous versons dans la plèvre un centimètre cube de
sérum provenant du même chien par rétraction d'un caillot, nous grattons
la séreuse et nous obtenons un liquide opaque tenant les globules en sus- j
pension. Ce sont ces globules que nous ajoutons au sérum après qu'ils se |
sont déposés.
LEUCOCYTES ET POUVOIR BACTERICIDE
21
TABLEAU XV.
Ensemencement avec une culture de bacille de l'intestin dans le sang
de chien.
jlMMÉDIA-l APRÈS | APRÈS
ItementIi heureIz heur,
APRÈS I APRÈS
4 HEUR. 5 HEUR.
A. Sang complet
B. Sérum pur
C. Sérum -|- globules blancs de la plèvre
5940
7
5
0
7560
255o
85i4
i365o
696
36o
175
o
39150
145
L'effet de l'addition des globules blancs est des plus évidents : d'un
côté, nous avons comme chiffre terminal, dans le sérum pur, 39150 colonies;
de l'autre, dans le sérum additionné d'un certain nombre de leucocytes,
145 colonies seulement; l'intervention des globules blancs apparaît plus
nette encore quand on tient compte des chiffres primordiaux : 7560 dans
la portion B; i3650, c'est-à-dire environ le double, dans la portion C.
Expérience. Un chien reçoit dans la plèvre droite une culture morte
de choléra asiatique. Après quelques jours, nous le tuons et nous trouvons
300 ce. d'exsudat. Au microscope, on constate dans celui-ci une absence
complète d'organismes, mais beaucoup de leucocytes. Les uns, c'est le
plus grand nombre, sont granuleux (dégénérescence graisseuse) et ne
présentent pas de pseudopodes ou n'en présentent que de très paresseux.
Les autres, plus rares, mais pourtant assez abondants, ne présentent
pas de granulations graisseuses, et maintenus à la température du corps,
ils sont sans cesse le siège de déformations amibo'ïdes. Après une heure
et demie d'examen au microscope, ces mouvements n'ont pas diminué
d'activité.
Ce chien nous fournit :
1° Une portion de sang complet.
2° Une portion de sang filtré.
3° Une portion de sang filtré, additionné d'exsudat centrifugé.
4° Une portion de sang filtré, additionné de globules de pus de l' exsu-
dât déposés.
Les quatre portions sont ensemencées avec une culture de bacille de
l'intestin dans le sang de chien.
22
J. DENYS & J. HAVET
TABLEAU XVI.
•
IMMÉDIATE-
MENT
APRÈS 3 H.
APRÈS 5 HEURES
A. Sang complet
78720
35oo
Pas de microbes au micr.
B. Sang filtré
77480
22080
Forte augmentation
C. Sang filtré -j- exsudât centrifugé
SgSoo
3 1680
Beauc. micr. au microsc.
D. Sang filtré -j- dépôt de l'exsudat
78000
53o
612
Ce tableau mérite notre attention à plusieurs points de vue.
1° Le pouvoir bactéricide du sang complet est dépassé par 'celui du
sang filtré auquel, par l'addition du dépôt, nous avons restitué des globules
sortis de son sein.
2° Sans connaître nos expériences précédentes, on pourrait supposer
que la restitution du pouvoir à la portion D n'est pas due aux globules de
l'exsudat, mais à des produits chimiques dérivant des leucocytes vivants
ou dégénérés et dissous dans le plasma ; mais cette supposition ne s'accorde
pas avec les chiffres fournis par la portion C, où nous avons précisément
l'association du' sang filtré et des principes dissous de l'exsudat. Loin
d'exercer une influence plus nocive que le sang filtré pur, la portion C se
montre inférieure dans son action à la portion B. Cette observation con-
firme nos expériences précédentes, d'après lesquelles le pouvoir bactéricide
du chien réside surtout dans les leucocytes et non dans une substance dis-
soute dans le plasma.
Chez le même chien, nous avons comparé l'exsudat complet et l'exsudat
débarrassé de ses globules. Voici les résultats.
TABLEAU XVIL
Ensemencement avec le bacille de l'intestin (culture dans le sang de
chienj.
IMMEDIATE-
MENT
APRÈS I H.
APRÈS 2 H.
APRÈS 7 HEURES
A. Exsudât complet
B. Exsudât sans globules
40000
29295
45
i3og
29
37800
Au microscope, rares
diplocoq. (impuretés).
Au micr., une culture.
LEUCOCYTES ET POUVOIR BACTERICIDE 23
Ces trois expériences nous permettent de conclure que les leucocytes
duii exsudai, additionnés au sang filtré, au sérum ou à l'exsudat centrifugé,
leur communiquent un pouvoir bactéricide considérable.
Les différentes phases de la phagocytose se laissent poursuivre dans
les leucocytes d'un exsudât avec la même facilité que dans ceux du sang.
Nous donnons deux exemples.
1° Culture jeune de coli-bacille dans un sang filtré. Les bacilles s'y
rencontrent sous la forme de diplobacilles, de courtes chaînettes, mais sur-
tout sous forme de grands amas compacts, composés de plusieurs centaines
d'individus. A cette culture, nous ajoutons des leucocytes obtenus par dépôt
d'un exsudât.
Après lo minutes. Les amas de bacilles sont envahis, nous dirons dissociés, par
les leucocytes, qui ont pénétré jusqu'à leur centre. Beaucoup
d'organismes sont intracellulaires.
Après 20 minutes. A chaque amas ancien de microbes correspond un amoncelle-
ment de leucocytes, qui ont englobé les organismes. Ceux-ci
ont diminué.
Après 3o minutes. Les organismes sont devenus assez rares. La plupart ont disparu.
2° Culture jeune de coli-bacille dans du sérum de chien chauffé une
heure à 55°. Addition de leucocytes de l'exsudat produit par le bacille
virgule mort de l'expérience de la page 20. Rappelons que la plupart des
leucocytes étaient sans mouvements amiboïdes ou n'avaient que des mou-
vements très paresseux.
Après 10 minutes. La plupart des chaînettes sont englobées par les leucocytes.
Après 20 minutes. Les chaînettes libres sont rares. Un petit nombre de leucocytes
seulement participe à la phagocytose ; ce sont, sans aucun doute.
les leucocytes vivants.
Après 40 minutes. Plus d'organismes libres.
Apres 5o minutes. Les organismes englobés ont en grande partie disparu.
Après 3 ]l2 heures. Plusieurs bacilles libres par champ.
A ce moment, nous ajoutons de nouveau des globules, et nous consta-
tons une heure plus tard que les bâtonnets libres ont disparu et que le
nombre de ceux qui sont emprisonnés a diminué.
Concurremment avec ces' examens microscopiques, nous faisons des
plaques qui nous donnent les chiffres suivants :
J. DENYS & J. HAVET
A est la culture jeune.
B, la culture additionnée du dépôt de l'exsudat.
C, une partie de B, additionnée d'une nouvelle portion du dépôt.
TABLEAU XVIII.
IMMEDIATE-
MENT
APRÈS I H.
APRÈS 3 H.
APRÈS 4 H.
A
B
C
ii25oo
2IOOOO
22000
256oo
9760
5oooo
3240
Chaque introduction de leucocytes entraîne donc une diminution dans le
nombre des colonies. Le tableau confirme ainsi complètement les données
fournies par le microscope et comme nous avons démontré plus haut que
la part prépondérante du pouvoir bactéricide de l'exsudat complet revient
aux éléments figurés et non aux substances dissoutes, il ne peut rester aucun
doute touchant l'interprétation du recul microbien.
Nous avons ainsi démontré :
1° QiCon rend an sang filtré un pouvoir bactéricide intense en y intro-
duisant des leucocytes d'exsudat ;
2° Que les exsudais eux-mêmes détiennent la part principale de leur
pouvoir bactéricide des leucocytes qu'ils renferment.
Les expériences précédentes établissent à coup sûr l'importance de la
phagocytose pour la défense du chien contre les microbes, mais faut-il en
conclure qu'il faut jeter pardessus bord la théorie bactéricide des humeurs?
Nous n'oserions pas soutenir cette thèse; nous croyons plutôt que la com-
position du milieu liquide joue également un rôle et que ce rôle chez cer-
taines espèces est très important.
Nos travaux sur ce point ne sont pas achevés, mais nous avons déjà
constaté des faits curieux, qui méritent d'être mis dès à présent en regard
de ceux fournis par le chien.
Expériences avec le sang de l'homme
Chez un homme d'une quarantaine d'années, se plaignant d'état con-
gestif à la tête, mais autrement pas malade, nous pratiquons une saignée.
Une partie du sang est employée comme telle, l'autre après une filtration
LEUCOCYTES ET POUVOIR BACTERICIDE 25
qui retient tous les globules à noyau polymorphe et u-ne partie de ceux à
noyau rond. Chaque portion fournit deux tubes, que nous inoculons respec-
tivement avec une et deux anses de culture de bacille commun de l'intestin
dans le sang de chien.
TABLEAU XIX.
IMMÉDIA-
APRÈS I H.
APRÈS 2 H.
APRÈS 4 H.
APRÈS 6 H.
TEMENT
I
anse
80000
10206
69
2.5
6
Sang
complet
2
anses
120000
26o3o
75o
207
70
I
anse
80000
26866
69
20
5
Sane
filtré'
^^"^ to
2
anses
120000
525oo
648
io5
. 180
Ainsi la destruction est sensiblement aussi rapide dans le sang filtré
que dans le sang complet. Ce résultat ne nous a pas peu étonnés, mais il
ne pouvait laisser place au doute, car il était confirmé complètement par
les préparations microscopiques. En effet, celles qui avaient été faites après
la première heure, montraient de nombreux organismes, bacilles et diplo-
bacilles bien colorés, volumineux, et qui indiquaient par conséquent un
certain état de prospérité de la semence. Or, dans les préparations exécutées
après la deuxième heure, les organismes avaient disparu; il en était de
même dans les suivantes. Il fallait donc bien admettre leur destruction.
Il serait pourtant inexact de mettre le sang filtré et le sang non filtré sur
le même pied; celui-ci a une action plus puissante et qui est surtout évidente
quand on a laissé les tubes une nuit à la couveuse. Le lendemain, le sang
complet a conservé la teinte artérielle; le sang filtré, au contraire, est noir
et ses globules sont souvent dissous.
Voici une seconde expérience avec le sang humain. Elle est instructive
à de nouveaux points de vue. En premier lieu, elle comprend une portion de
sérum chauffé une heure à 55°; en second lieu, une portion traitée de
même, mais soumise après le chauffage, pendant sept minutes à un fort
courant d'anhydride carbonique. Ce passage a été effectué dans le but de
contrôler, si réellement, comme quelques auteurs le prétendent, l'abolition
du pouvoir bactéricide est dû simplement au dégagement de ce gaz.
26
J. DENYS & J. HAVET
TABLEAU XX.
Sang d'un homme alcoolique et épileptique. A part des troubles ner-
veux, pas d'altération de la santé.
IMMÉDIATE-
MENT
APRÈS I H.
APRÈS 2 H.
APRÈS 6 H.
LE LENDEMAIN
Sang
45530
8700
2666
20
Sérum
24000
22920
2145
10
Sérum clair;
aucun bâtonnet au
microscope
Sérum chauffé
29160
34749
75000
Innombr.
Sérum trouble
Sérum chauffé -(- CO2
2l320
i8i35
22470
Innombr.
Sérum trouble
Expériences avec la poule.
Si de 1 homme nous passons à un vertébré d'un autre classe, à la poule,
nous faisons les mêmes constatations.
TABLEAU XXL
Sang complet, sang filtré et sérum de poule inoculés avec une culture
de bacille commun de l'intestin dans le sang de chien.
IMMÉDIATE- APRÈS [
APRÈS I '2 H. , I APRÈS 3 H.
MENT j ' |I 1/2 HEURE,
APRÈS 5 H.
APRÈS 7 H.
Sang complet
Sang filtré
Sérum
47450
33280
858o
2184
658o
325
70
2
6
3
o
0
10
o
o
io56
G
Ce tableau nous permet d'assimiler le sang de la poule au sang de
l'homme.
1° Comme ce dernier, le sang filtré est encore doué de propriétés
bactéricides intenses, quoique affaiblies. (Comparer les chiffres de la
deuxième et de la dernière colonne.)
2° Comme le sérum du chien également, le sérum de la poule est très
meurtrier pour le bacille de l'intestin.
Et qu'on ne prétende pas que l'anéantissement doive être imputé au
transport de la culture du sang de chien clans le sérum de poule ! Cette sup-
position se trouve formellement contredite par l'expérience suivante.
LEUCOCYTES ET POUVOIR BACTÉRICIDE
27
TABLEAU XXII.
Deux portions du même sérum de l'expérience précédente sont in-
oculées : A, avec la même culture du sang de chien ; B, avec le sérum
de l'expérience précédente, c'est-à-dire avec une culture du bacille, non
seulement dans un animal de même espèce, mais dans celui du mêmeanimal.
IMMEDIATE-
MENT
APRÈS 2 H. APRÈS 4 H. i APRÈS 6 H.
A. Sérum inoc. avec cuit.
de chien
B. Sérum inoc. avec cuit,
dans sérum de poule
46020
24310
1769
3i8o
25o
35
79
19
La destruction dans le sérum s'opère aussi bien quand le matériel
d'ensemencement provient d'une culture dans un sérum de même espèce,
que lorsqu'il provient du sang d'une autre espèce.
L'action bactéricide du sérum de poule n'est pas un phénomène ex-
ceptionnel ; nous l'avons rencontrée constamment. Les expériences sui-
vantes en sont la preuve; tout en étant la répétition de la précédente,
elles la complètent à différents points de vue.
TABLEAU XXIII.
Sang de poule, sérum obtenu par expression du caillot, et sérum ob-
tenu par dépôt du sang défibriné. Inoculation avec une culture de bacille
de l'intestin dans le sang de chien.
IMMEDIATE-
MENT
APRÈS I H.
APRES 2 H.
APRÈS 4 H.
Sang
Sérum obtenu par expr.
Sérum obtenu par dépôt
II 900
7580
7960
386i
2337
765
61
24
7
48
2
3
TABLEAU XXIV.
Inoculation avec une culture de bacille de l'intestin dans le sang de poule.
IMMEDIATE-
MENT
APRÈS I H.
APRÈS 3 H. APRÈS 7 H
Sang
Sérum obtenu par expr.
Sérum obtenu par dépôt
3552
8160
4224
1480
855
1344
43
o
I
46
2
28
J. DENYS & J. HAVET
TABLEAU XXV.
Dans cette expérience, nous comparons le sang de poule, le sérum
déposé et centrifugé, et le même sérum chauffé une heure à 55". Inoculation
avec une culture du même bacille dans le sérum de poule.
IMMEDIATE-
MENT
APRÈS I H. APRÈS 2 H.
APRÈS 3 H.
APRÈS 4 H.
APRÈS 5 H.
Sang
Sérum
Sérum chauffé
IIIOO
18720
8173
4945
1495
9685
408
I
19400
12S
o
75600
116
3
I 96000
i59
o
Innombr.
De ces quatres expériences nous pouvons conclure que le sérum de la
poule est bactéricide au plus haut degré. Bien plus, dans trois expériences
sur quatre, il se montre plus nuisible au bacille que le sang. Cette action
plus intense est indiquée à la fois par la destruction plus rapide et par la
destruction plus complète. Le sérum chauffé une heure à 55° a perdu tout
pouvoir bactéricide.
Expériences avec le pigeon.
Le sérum du pigeon nous a donné les mêmes résultats que celui de la
poule. Contentons-nous d'un exemple. Il complète les expériences précé-
dentes, en ce qu'il répond à l'objection que la perte du pouvoir bactéricide
est due au départ de l'anhydride carbonique. Une portion de sérum, après
avoir été chauffée une heure à 55°, fut divisée en deux, et à travers l'une,
nous faisons passer une courant d'anhj'dride caz-bonique pendant douze
minutes.
TABLEAU XXVI.
Ensemencement avec une culture de bacille de l'intestin dans le sérum
de pigeon.
IMMEDIATE-
MENT
APRÈS I H.
APRÈS 2 H.
APRÈS 4 H.
APRÈS 8 H.
Sang
1200
121
73
67
100
Sérum
1067
8
4
0
0
Sérum chauffé
1296
638
99000
Innombrables
érum chauffé -|- CO9
1344
1482
2640
Soooo
Innombrables
LEUCOCYTES ET POUVOIR BACTERICIDE 29
Le sang et le sérum de pigeon se comportent donc comme celui de la
poule. Un courant d'anhydride carbonique ne restitue pas au sérum chauffé
son pouvoir bactéricide.
Que deviennent les bacilles introduits dans le sérum de l'homme, de
la poule et du pigeon ?
Leur sort est assez curieux. Presque toujours quelques-uns commencent
par se maintenir et se multiplier, et ce n'est qu'après des signes évidents de
vitalité qu'ils succombent.
Ainsi, dans le sang filtré et le sérum de l'homme, le maximum de la
destruction a lieu pendant les deux premières heures. Dans la première
heure, on peut s'assurer, par des examens microscopiques répétés tous
les quarts d'heure, qu'un certain nombre de bacilles augmentent de volume,
sont plus longs et plus gros et prennent mieux la matière colorante; puis ils
disparaissent en un court espace de temps sans laisser de trace.
L'expérience suivante peut servir d'exemple. Elle a été faite en même
temps que les plaques du tableau XX.
SÉRUM NON CHAUFFÉ SÉRUM CHAUFFÉ
Après I heure. Plusieurs bâtonnets par champ Plusieurs bâtonnets et diploba-
microscopique. cilles par champ.
„ j j5 „ ■ ' Id. Augmentation des microbes. A
côté des diplocoques, il y a des
chaînettes de quatre individus.
„ i^3o )i Les bâtonnets diminuent de Comme précédemment.
nombre.
)) 1,45 )) Les bâtonnets diminuent en- Les chaînettes sont plus nom-
core. breuses et comprennent 4 à 8 in-
dividus.
)) 2 » Bâtonnets très rares. Comme précédemment.
Ainsi, l'examen microscopique confirme parfaitement les résultats
fournis par les plaques ; dans les trois expériences que nous avons faites,
nous avons toujours vu cette disparition coïncider avec la deuxième heure.
Chez la poule, la destruction est beaucoup plus intéressante à pour-
suivre au microscope que chez l'homme. Dans le sérum de cet animal, un
certain nombre de bâtonnets commencent par se multiplier et former de
petites chaînettes. Tout d'abord, ces chaînettes sont composées d'individus
égaux en longueur et en largeur, et se colorent intensément; puis, à partir de
la troisième heure, une certaine irrégularité se manifeste dans la chaînette.
30 J. DENYS & J. HAVET
Certains individus se fragmentent et sont remplacés par des granulations
qui se colorent bien par le bleu de méthylène. D'autres se gonflent en entier
et se transforment en boules. Plus tard, ces résidus disparaissent et à la place
d'une chaînette de bacilles bien imprégnée de matière colorajite, on n'aper-
çoit plus qu'une gaine, deux à trois fois aussi large que la chaîne. Cette
gaine renferme quelques points colorés, mais sa substance elle-même se
colore peu ; enfin, ces points disparaissent eux-mêmes, et il ne reste plus que
la gaine, presque incolore, qui aurait échappé certainement à l'examen, si,
par la série des préparations, l'attention n'avait été fixée sur elle et n'avait
surpris la dégradation progressive de la chaînette.
Voici un exemple pris chez la poule du tableau XXV.
SÉRUM NON CHAUFFÉ SÉRUM CHAUFFÉ
Après I heure. Quelques diplobacilles par champ. Quelques diplobacilles par
champ.
» 2 1) En moj'enne 234 chaînettes de 10 à 40 diplobacilles ou chaî-
4 individus et plus par champ nettes courtes par champ.
microscopique.
» 3 » ■ Pas d'augmentation de chaînet- Augmentation.
tes. Les bacilles commencent à se
fragmenter.
» 4 » Diminution des chaînettes. La Encore augmentation.
dégénérescence progresse.
» 5 » Rares chaînettes toutes dégé- Culture de bacilles et de diplo-
nérées. bacilles.
Chez le chien, le phénomène de la dégénérescence se laisse également
observé avec la plus grande facilité; là aussi, un certain nombre de bacilles
fournissent des chaînettes, qui traversent également leur stade critique
environ deux heures après ensemencement.
Nous répétons que cette dégénérescence survient en l'absence de tout
élément figuré dans la préparation.
Ce phénomène nous paraît très important à enregistrer. La méthode des
plaques en somme, toute précieuse qu'elle soit, ne nous renseigne que sur
l'état de vie ou de mort des organismes. L'examen microscopique nous fait
assister à leur dégénérescence, nous dirons à leur maladie. Il nous révèle
en outre ce fait curieux que certains bacilles se multiplient, qu'ils donnent
naissance avant de succomber à huit individus et plus. On dirait donc que
certains d'entre eux commencent par triompher des conditions nuisibles
dans lesquelles ils se trouvent; mais ils produisent sans doute, dans ce milieu
LEUCOCYTES ET POUVOIR BACTÉRICIDE 31
meurtrier des rejetons chétifs, qui finissent par périr. Cette dégénérescence
tardive nous semble impossible à expliquer par le changement brusque du
milieu; car l'effet de ce dernier doit être immédiat et ne doit pas porter
sur la troisième ou la quatrième génération, lesquelles doivent être accli-
matées aux exigences nouvelles.
Quelles conclusions pouvons-nous tirer de nos expériences?
La première, c'est qu'il n'est pas juste de vouloir expliquer la résistance
que les organismes supérieurs présentent aux microbes soit uniquement
par la propriété bactéricide des humeurs, soit uniquement par les facultés
digestives des phagocytes. Les adversaires absolus du pouvoir bactéricide
des liquides ont tort, tout aussi bien que les partisans exclusifs du rôle des
globules blancs. Les moyens de défense de l'organisme sont multiples : ce
sont d'abord les cellules elles-mêmes, ensuite les liquides qui les baignent.
Quel est celui de ces deux éléments qui joue le rôle principal?
Chez le chien, c'est incontestablement le globule blanc; il en est de
même chez l'homme, quoique chez ce dernier la prépondérance du leucocyte
est beaucoup moins accusée; elle se manifeste néanmoins encore d'une
façon incontestable, soit par la rapidité avec laquelle la destruction micro-
bienne s'opère, soit par la lenteur avec laquelle se fait la répuUulation.
Comme exemple, nous pouvons citer l'expérience de la page 25. Après une
heure, le sang complet a détruit 70000 organismes, tandis que le sang filtré
n'en a détruit que 55000; le lendemain, le premier a conservé son aspect
artériel normal, signe que la puUulation fait défaut ou est peu active, tandis
que le second est devenu noir et transparent, preuve qu'il a donné lieu à
une culture de bacille de l'intestin. En outre, d'après quelques expériences,
peu nombreuses à la vérité, nous croyons que l'action du leucocyte est beau-
coup plus générale et qu'il est apte à détruire énergiquement beaucoup plus
d'espèces microbiennes que le sérum, qui paraît plus électif.
La part principale dans la préservation des animaux supérieurs contre
le parasitisme microbien revient donc aux leucocytes, mais ce serait une
grave erreur que de vouloir méconnaître l'intervention du sérum. Chez
l'homme, le pigeon et la poule, le pouvoir bactéricide de cette humeur est
considérable et ne se laisse pas expliquer dans nos expériences par un
changement de milieu, puisque nous nous sommes adressés pour l'ensemen-
cement à des cultures dans le sang ou dans le sérum. Du reste, l'influence
J. DENYS & J. HAVET
du changement brusque du milieu a été considérablement exagérée. Le
bacille commun, transporté dans le sang filtré, après avoir végété dans des
milieux très différents, s'accommode rapidement aux nouvelles conditions
dans lesquelles il est obligé de vivre.
TABLEAU XXVIL
Sang de chien filtré, ensemencé avec du coli-bacille de 4 sources :
sérum, bouillon, agar et pomme de terre.
IMMEDIATEMENT
APRÈS I H.
APRÈS 2 H.
APRÈS 4 H.
1. Bac. de sérum
2. Bac. de bouillon
3. Bac. d'agar
4. Bac. de pomme
de terre
28250
39860
20280
i3568o
14840
37356
925o
73630
63800
Innombrables
19845
Augmentation
Innombrables
Id.
Id.
Id.
Dans les portions 1 , 3 et 4, la diminution est sensiblement la même,
quelle que soit l'origine de la semence; elle est d'environ 50 0/0 et une
heure plus tard, il y a progression partout. Dans la portion 2, la perte con-
statée tombe dans les limites d'erreur possibles.
Nous pouvons donc bien hardiment écarter pour le bacille de l'intestin
l'interprétation d'une déchéance transitoire due aux conditions nouvelles de
l'existence , et considérer la destruction microbienne comme ayant sa source,
non pas dans un état de dégénérescence des organismes, mais dans un état
spécial du sérum. Cet état, comme l'a montré Buchner, est assez instable
et il suffit de chauffer le sérum pendant une heure à 55°, pour que ce liquide
se prête immédiatement à une pullulation rapide et progressive.
Connaissant le pouvoir bactéricide du sérum, la congestion et la trans-
sudation inflammatoires peuvent être considérées comme des moyens mis en
œuvre par les organismes supérieurs pour lutter contre l'envahissement des
microbes. D'après Metchnikoff, dans son livre si original sur la Patholo-
gie comparée de r inflammation^ la transsudation inflammatoire ne serait
d'aucune utilité. « On peut se demander, écrit-il, si cette transsudation de
r> liquides représente un phénomène réactionnel de la part de l'organisme,
j> et, si elle en est un, quel avantage peut retirer de cette réaction l'orga-
r> nisme envahi. «
LEUCOCYTES ET POUVOIR BACTERICIDE 33
" En examinant cette question, il faut penser d'abord à une influence
- microbicide du liquide transsudé, qui débarrasserait l'organisme de ses
- agresseurs. Or, bien au contraire, l'œdème inflammatoire fournit un li-
•^ quide très favorable à la vie de toutes sortes de bactéries. «
Et après avoir passé en revue un certain nombre de faits qu'il croit
favorables à sa manière de voir, le savant russe continue : -^ Cette analyse
- des faits connus ne nous autorise point à admettre que l'inflammation
- séreuse soit un moyen employé par l'organisme pour détruire les microbes
- pathogènes. Les résultats obtenus au sujet de la propriété bactéricide des
- humeurs en général ne font que confirmer cette conclusion. Malgré tout
- ce qui a été entrepris pour démontrer le rôle actif de cette propriété dans
- la destruction des microbes et la production de l'immunité, il faut recon-
- naître que ce facteur ne présente aucune importance à ce point de vue. -
Et plus loin, Metchnikoff ajoute : -^ L'ensemble des faits analysés nous
- prouve donc que l'exsudation d'un liquide séreux inflammatoire ne peut
n être nullement considérée comme un moyen naturel servant à détruire
y^ les microbes pathogènes. -
Comme on peut le voir par ces diverses citations, le père de la doctrine
phagocytaire récuse tout rôle définitif à la transsudation séreuse dans l'in-
flammation, et il s'appuie, pour porter son jugement, sur l'absence de pou-
voir bactéricide des humeurs. Nous croyons avoir prouvé le contraire d'une
façon absolument péremptoire, et nous pensons que la transsudation séreuse
en submergeant le territoire envahi dans un flot de liquide bactéricide, flot
qui, sous la poussée de la circulation, se renouvelle incessamment, contribue
puissamment à enrayer la marche triomphante du microbe agresseur.
L'importance de ce rôle varie sans doute suivant les espèces, il varie aussi
suivant la nature de l'envahisseur; mais il n'est à négliger nulle part.
Une remarque pour finir. Existe-t-il un lien entre le pouvoir bactéricide
du sérum et celui des leucocytes?
On ne peut pas mettre en doute un instant qu'en fin de compte, l'action
microbicide du leucocyte se réduise à une action chimique. En effet, on ne
peut pas admettre qu'il agisse sur le microbe d'une manière physique, par
exemple, par trituration; son action nocive s'exerce à coup sûr par une
substance qu'il élabore et dont-il possède une certaine provision. Or, il nous
semble que le pouvoir bactéricide du sérum peut très bien se rattacher à
une fonction du leucocyte, sans que l'on doive recourir à l'existence dans le
sérum d'une substance microbicide spéciale. En effet, les lois générales de
34 J- DENYS & J. HAVET
la biologie nous font admettre qu'il existe des échanges continuels entre
les cellules et les milieux dans lesquelles elles sont plongées ; le leucocyte
n'échappe sans doute pas à cette loi, et il doit abandonner sans cesse au
sérum une quantité plus bu moins considérable de cette substance qu'il
élabore. Notre supposition s'appuie encore sur le fait que les globules blancs
sont soumis à une destruction continue, en vertu de laquelle leur substance
se dissout dans les humeurs. Au moment de leur anéantissement, ces élé-
ments leur abandonnent leur produit bactéricide. Enfin, élargissant le cercle
de nos suppositions, nous pouvons admettre que les leucocytes, attirés sur
le théâtre d'une invasion microbienne, concourent à arrêter celle-ci, non
pas uniquement par une lutte corps à corps avec l'agresseur, mais en satu-
rant le foyer de substance bactéricide qu'ils expulsent pendant leur vie, ou
même après leur mort. Ainsi, on comprendrait le rôle de beaucoup de glo-
bules de pus, qui, tout en étant attirés dans la région menacée, et étant
entourés d'organismes, n'englobent pas ces derniers. Un savant anglais,
Hankin, admet cette sécrétion de produits bactéricides par les leucocytes.
D'après lui, ces produits constitueraient les granulations éosinophiles de
certains globules blancs. Nous avons déjà dit ailleurs que nous ne considé-
rons pas ses observations comme décisives. Du reste, la plupart des leuco-
cytes ne possèdent pas ces granulations, quoiqu'ils possèdent le pouvoir
d'englober et de digérer les microbes au degré le plus élevé.
CONCLUSIONS.
1" Le sang de chien filtré perd presque complètement son pouvoir
bactéricide. Comme la filtration a pour conséquence de retenir les leuco-
cytes tout en laissant passer les autres éléments du sang, il faut admettre
que la part principale de ce pouvoir revient, che^ le chien, aux globules
blancs.
2" La destruction énergique exercée sur les microbes par le sang com-
plet est le résultat d'un englobement par les leucocytes. Elle s'opère à l'in-
térieur de ceux-ci, et non pas sous l'influence d'un produit bactéricide que
les leucocytes ont sécrété dans le sérum sous l'action des microbes.
3° On peut restituer au sang filtré son pouvoir bactéricide en y ajou-
tant des globules de pus vivants.
4° L'examen microscopique permet d'assister à toutes les phases de
la phagocytose.
LEUCOCYTES ET POUVOIR BACTÉRICIDE 35
5° Une certaine partie du pouvoir bactéricide du sang de chien, mais
la plus petite, revient au sérum.
6° Le sang filtré et le sérum de l'homme sont presque aussi bactéricides
pour le bacille commun de l'intestin que le sang non filtré.
7° Les sangs du pigeon et de la poule se comportent comme celui de
r homme.
8° Dans les sérums, la destruction du bacille de l'intestin est précé-
dée d'un stade de prospérité. Les bacilles y présentent à leur mort des
signes très nets de dégénérescence.
9° Le pouvoir bactéricide des sérums ne se laisse pas expliquer par
la présence de l'acide carbonique.
10° Conclusion générale : ni la théorie phagocylaire, ni la théorie des
humeurs, prises séparément, ne peuvent expliquer l'immunité. Les phago-
cytes et les humeurs concourent ensemble, dans une mesure variable d'après
les espèces, et aussi sans doute d'après la nature de l'agresseur, à préserver
les organismes supérieurs contre l'envahissement des microbes.
1
f
Recherches sur les Cellules sécrétantes.
LA SOIE & LES APPAREILS SÉRICIGÈNES
I. LÉPIDOPTÈRES (suite). — II. TRICHOPTÈRES
PAR
Gustave GILSON
PROFESSEUR A l'uNIVERSITÉ DE LoUVAIN.
(Mémoire déposé le 3o mai iSgS.)
I
La Soie et les Appareils séricigènes.
I. Glandes séricigènes des Lépidoptères.
(appendice.)
Aux recherches consignées dans la première partie de ce travail (i),
dont nous avons été contraint d'interrompre la publication, nous ajouterons
les quelques remarques qui suivent.
1^ Nous avons omis, dans notre aperçu historique, une note succinte
du professeur Engelmann, dans laquelle il expose les résultats des recher-
ches poursuivies par lui sur les glandes filières du ver-à-soie, en collabora-
tion avec Van Lidth deJeude(2). Réparons cette omission involontaire
en résumant ici ce que cette note contient d'essentiel. Elle a trait unique-
ment à la portion de l'appareil que nous appelons tubes glandulaires.
Les auteurs distinguent dans le tube glandulaire trois parties, dont ils
étudient la structure et le contenu.
Dans ces trois parties, la paroi comprend une mince tiiiiica propria et
une couche épithéliale. Il s'y ajoute, sur la face interne du canal excréteur,
ou partie antérieure, et sur celle du commencement de la partie moyenne,
une solide intima ciiticiilaire.
La propr-ia est percée par des branches trachéennes qui se ramifient
entre les cellules et y pénètrent parfois. Ils considèrent comme certain qu'il
n'existe pas de nerfs glandulaires. .
(1) G. GiLSON : La soie et les appareils séricigènes; La Cellule, tome VI, i'' fascicule.
(2) Engelmann et Van Lidth de Jeude : Ziir Analomic iiiul Physiologie der Spinndrûsen dcr
Seidenraupe; Zool. Anzeiger, I. Jahrg.. n. 5.
40 Gustave GILSON
La structure des cellules les occupe ensuite.
Dans la région antérieure ils' signalent des fibrilles radiales dans la
masse protoplasmatique. U intima, tout en s' amincissant, pénètre jusque
dans un bout de la partie "moyenne, mais plus loin elle disparaît.
Le protoplasme de la région moyenne est plus granuleux et n'est pas
anisotrope comme dans la région antérieure.
Dans la portion postérieure il est granuleux et comme composé de
fragments prismatiques irréguliers.
La portion postérieure de la glande contient plus de fer que la moyenne.
L'action de l'électricité appliquée sous le microscope pendant la vie,
produit dans le protoplasme certaines modifications.
La soie est déversée exclusivement par la portion moyenne de la
glande. Ce qui conduit les auteurs à cette manière de voir, c'est une ana-
lyse, — un peu sommaire, il est vrai — des portions moyennes et anté-
rieures. La région antérieure soumise à l'ébullition dans l'eau pendant trois
heures donne un mucilage présentant les réactions de la soie. La partie
postérieure traitée de la même façon, n'en donne pas de trace.
La matière colorante jaune est déversée surtout par la partie postérieure
de la région moyenne.
Des pesages du cocon et de la substance glandulaire durcie démontrent
que la sécrétion se poursuit encore pendant le filage du cocon.
Les auteurs ont reconnu aussi que les modifications de réfringence et
de solidité que la soie subit après sa sortie, ne sont pas dues à la dessication
à l'air; en effet, elle subit ces modifications même quand elle est filée sous
l'eau.
Nous avons fait la même remarque chez les aranéides à propos de
Y Argyronète.
Cette note préliminaire est malheureusement trop succincte pour que
l'on puisse se rendre un compte exact des observations des auteurs. On
regrette beaucoup, en les lisant, l'absence de figures explicatives ou des-
criptives. Nous pourrions donc difficilement en faire la critique.
Quoi qu'il en soit, les expériences entreprises sur les glandes paraissent
être la partie la plus intéressante de ces recherches; et il est à désirer, bien
que quinze ans se soient écoulée, que le professeur Engelmann les pour-
suive avec l'ingéniosité et la précision qui caractérisent toutes ses investi-
gations.
LA SOIE ET LES APPAREILS SERICIGENES 4I
2° Nous avons simplement signalé dans notre première partie ,
l'état rudimentaire de la glande de Filippi chez le Cossus (i), ainsi que
l'absence de canal excréteur de ces organes dans cette espèce. La fig. l,
de la présente communication montre à la fois la position reculée de ce
rudiment et ses faibles dimensions. La fig. 2, qui n'est qu'un tronçon du
même objet, fait voir au niveau de la glandule, une protubérance de la
paroi du tube chitineux qui constitue le seul vestige du canal excréteur de
cet organe. Une strie de structure un peu forte, qui existe souvent en ce
point de la paroi chitineuse, nous avait fait croire qu'il existe là un mince
pertuis servant au passage du liquide produit par le rudiment de glande.
Mais un examen plus attentif et des objets mieux préparés nous ont permis
de constater qu'il n'en est rien; ce n'est qu'une apparence. Le produit
sécrété ne peut passer dans la lumière du tube glandulaire qu'en traversant
la paroi chitineuse elle-même. Les cellules de la glande de Filippi rudi-
mentaire se trouvent donc, par rapport à ce canal, dans la même situation
que les cellules épithéliales propres de ce dernier : si elles sécrètent, leur
produit doit ou bien traverser la paroi chitineuse, ou bien descendre en
passant d'une cellule à l'autre, si cette paroi est imperméable; ce qui est
peu probable étant donnée sa structure à claire voie, fermée seulement
du côté interne par une très mince membrane hyaline.
En tout cas, la glande de Filippi du Cossus est dépourvue d'appareil
excréteur ; elle est dans un état de réduction très prononcée et on peut la
regarder comme un simple reliquat ancestral.
3" Nous avons admis que la couche corticale du cylindre de soie fait
défaut parfois, surtout dans la partie postérieure du tube glandulaire. Mais
de nouvelles observations sur ce point nous permettent aujourd'hui de pen-
ser qu'elle ne fait jamais défaut. Elle peut devenir excessivement mince,
mais on parvient toujours à en constater l'existence, en examinant le fil de-
soie extrait du tube épithélial et sectionné en long ou en travers. L'action
du réactif de Schweizer, grâce au gonflement qu'elle produit dans toute la
masse du fil, même après fixation ou dessication, peut servir à la mettre en
évidence. Il est bon d'y chauffer la pièce, mais avec précaution ; car la soie
tout entière s'y dissout quand la température se surélève.
Nous avons retrouvé la couche corticale mince jusqu'à l'extrémité pos-
térieure du fil, au fond de la glande; mais en ce point sa minceur est
extrême.
(i) Loc. cit., p. i38.
42 Gustave GILSON
Cette remarque n'est pas sans importance pour l'hypothèse que nous
avons formulée au sujet du mécanisme de la sécrétion de la soie et de la
signification du grès.
M. Louis Blanc, de Lyon, touche à cette difficile question dans un
important mémoire, publié peu après le nôtre, mais dans lequel il se place
à un point de vue tout différent (i).
Il considère le grès comme le produit d'une sécrétion spéciale de la
paroi dans la région antérieure et dilatée, ou réservoir. « La fibroïne sécré-
" tée dans la première partie de l'appareil séricigène, se déverse sans cesse
„ dans le réservoir et, dès son arrivée, elle y est entourée par une matière
„ nouvelle, fabriquée dans cette région. Cette substance est le grès y>
Nous avons dit que nous ne regardons pas le grès comme une sécrétion
spéciale; nous considérons sa production comme simultanée de celle de la
soie ou de la fibroïne, et comme résultant probablement d'un travail de
triage s' effectuant au sein des matériaux déversés dans le tube par toutes
les cellules épithéliales qui en constituent la paroi. Le fait de l'existence
d'une couche de substance corticale, si mince qu'elle soit, jusqu'au fond de
la glande fournit un. nouvel appui à cette manière de voir.
fi) Louis Blanc : Etude sur la sécrétion de la soie, etc. ; Lyon, Pitral, i88q.
II. Glandes séricigènes des Trichoptères.
Rein arques prelim in aires.
Les rapports étroits de parenté qui unissent les trichoptères aux lépi-
doptères ressortent des nombreux caractères communs à l'imago et à la larve
de ces deux groupes d'insectes. Aussi, la théorie de l'évolution les fait-elle
dériver d'une souche commune.
Il n'entre pas dans nos vues de discuter ici ces affinités qui ont été
mises en lumière par divers auteurs. Mais l'intérêt particulier que donnent
ces rapports intimes à toute étude anatomique portant sur l'un ou sur
l'autre de ces groupes, nous engage à décrire assez en détail l'appareil séri-
cigène de quelques larves de trichoptères. Cet appareil présente avec celui
des larves des lépidoptères, décrit par nous dans le premier chapitre de ce
travail fi), une ressemblance telle que, n'était la considération d'ordre mor-
phologique que nous venons d'indiquer, nous eussions pu nous borner à
signaler les diflférences qui les séparent.
Tout entomologiste sait que le tube des larves de phrygane est formé
de matériaux étrangers de nature fort variable, reliés entre eux par des fils
de soie et tapissés à T intérieur d'une couche régulière feutrée de cette sub-
stance. L'existence de glandes filières chez les larves des phryganes est donc
un fait bien connu.
Néanmoins il n'existe, à notre connaissance, aucune description détail-
lée de ces organes. Pictet (2) est le seul auteur qui en donne une représen-
tation; elle est assez élémentaire et sommairement décrite. Il n'est pas
impossible, toutefois, qu'il en existe quelque autre figure perdue dans un
travail dont le titre ne le fait point prévoir.
Il ne nous est pas possible de déterminer avec une certitude absolue
toutes les espèces que nous avons étudiées, les larves ne présentant pas tou-
jours des caractères spécifiques bien nets. Nous avons envoyé les tubes des
individus auxquels se rapportent nos figures à M. Mac Lachlan, de Londres,
qui a eu l'extrême obligeance de nous en faire la détermination.
(1) G. GiLsON : La soie et les appareils séricigènes — /. Lépidoptères; La Cellule, tome VI,
I fascicule.
(2) Pictet : Recherches pour servir à l'histoire et l'anatomie des phryganides ; Genève, 1834.
44 Gustave GILSON
Ce sont : YAnabdia nervosa, Cart. (Phryganea fusca. Pict);
les Limnophilus rhombiciis et flavicornis;
et la Molanna angustata, Cart.
Cinq ou six autres espèces ont également fait l'objet de nos recherches
mais nous n'y avons distingué aucune différence notable dans la structure
des glandes filières.
Aperçu anatomique.
L'appareil séricigène des phryganes comprend, comme celui des che-
nilles, deux longs tubes pelotonnés qui s'étendent fort loin vers l'arrière,
sur les côtés et en dessous du tube digestif, fig. 3. Ces deux tubes s'unissent
dans la tête de la larve, beaucoup plus en avant que chez les chenilles, à
la base même de la canule saillante que porte la lèvre inférieure. Le tube
résultant de leur fusion n'est point tout d'abord un mince canal à structure
simple, comme chez le Bombyx mort; il prend immédiatement la disposi-
tion que nous avons décrite chez ces derniers sous le nom de presse.
A la presse fait suite un tronçon mince qui débouche, sans présenter
d'autres particularités, au sommet de la canule fileuse.
Les glandes de Filippi n'existent dans aucune des huit ou neuf espèces
que nous avons examinées ; mais la paroi des tubes séricigènes y subit en
un point une modification, que nous signalerons plus loin et qui représente
peut-être ces glandes annexes.
A. Tubes glandulaires.
Chacune des deux glandes tubulaires se divise en deux régions : une
région antérieure mince, droite et assez courte : la portion siiuplevient
conductrice; et une région postérieure volumineuse et pelotonnée en
plusieurs anses : la portion productrice de la soie.
La limite entre ces deux régions est nettement indiquée par les ca-
ractères différents de leur épithélium et de leur cuticule interne, ainsi que
par un étranglement brusque qui les sépare, fig. 3.
1° Portion postérieure ou productrice.
Cette portion est très longue. Son calibre est plus fort dans sa région
moyenne et antérieure, bien que là même elle soit loin de présenter cette
LA SOIE ET LES APPAREILS SÉRICIGÈNES 45
forte dilatation qui, chez les chenilles et surtout chez les Bombyx exploités
dans l'industrie, a reçu le nom de réservoir. Tout en avant elle s'amincit
aussi avant de s'unir à la portion conductrice; mais au moment de se
terminer elle se renfle, fig. 3 et 12, et se trouve coupée brusquement par
l'étranglement dont nous venons de parler. Nous appellerons bulbe ter-
minal cette portion renflée.
Les deux glandes reçoivent des trachées. Une forte branche aboutit au
bulbe terminal et se ramifie sur lui ; cette portion est plus riche en tubes
aériens que toutes les autres régions. Nous n'avons pas cherché à vérifier ici
les observations que Wistinghausen (i; a faites sur les chenilles. Mais il est
incontestable que certains troncs pénétrent profondément dans les cellules
épithéliales et passent à travers leur protoplasme, aussi bien que chez les
les larves des lépidoptères, ainsi que nous l'avons signalé chez ces derniers
dans notre première partie. Engelmann et Van Lidth de Jeude avaient
déjà fait cette remarque en 1S78.
Les cellules qui constituent la paroi sont aplaties, polygonales et éton-
namment semblables à celles des chenilles. Elles possèdent un noyau ramifié
identique à ceux dont Helm ^2) a décrit les formes variées et que nous
avons étudié_s nous-mêmes chez le Bombyx mori et d'autres espèces.
Noyau.
Les noyaux de cette région sont, avons-nous dit, semblables à ceux
des lépidoptères. Ils sont ramifiés et leur forme est souvent très compliquée.
Gomme chez les Bombyx, ils se fragmentent totalement dans certaines cel-
lules de la partie large du tube. On y remarque souvent des tronçons de
bras en voie de séparation réunis encore par un cordon mince, achroma-
tique, résultant de l'étirement de la membrane nucléaire, fig. 6. Celle-ci
est très nette.
Le contenu semble, à première vue, constitué d'un grand nombre de
granulations chromatiques. Mais un examen plus attentif à l'aide de bons
objectifs à immersion, y révèle des cordons ou chaînettes extrêmement tor-
tillées. Ici, comme dans bien d'autres organes, on reconnaît que l'aspect
granuleux est dû à la section optique de filaments contournés formant des
anses extrêmement courtes. En choisissant les branches nucléaires les
(1) Wistinghausen : Ueber Tracheenoidigungen der Sericteren der Raupe; Zeit. f. Wiss. Zool.
t ^9. p. 565.
(2) Helm : Ueber die Spinndrûscn der Lcpidoptcren; Zeit. f. wiss. Zool , B. 26, 1876.
46 Gustave GILSON
plus claires, les plus pauvres en nucléine, on rencontre, ça et là, sur une
certaine longueur, des tronçons de filaments moins contournés et bien
nets, FiG. 9.
Nous avons examiné les cellules épithéliales des glandes filières intra
vitam, en vue surtout de rencontrer une fois de plus cette vieille objection
que l'on fait parfois encore aux cytologistes : ce sont les réactifs qui font
apparaître les productions solides de la cellule, le réticulum plastinien, la
membrane, les corpuscules ou filaments du noyau, ou, du moins, qui trans-
forment profondément ces parties.
A cet effet nous avons extirpé la glande le plus rapidement possible,
et nous l'avons placée dans une goutte du sang de l'animal lui-même. Les
corpuscules nucléiniens présentaient exactement le même aspect que dans
les sections obtenues par diverses méthodes de fixation et d'enrobage et colo-
rées au vert de méthyle ou à l'acide carminique aluné de Paul Mayer,
FIG. 7.
Désirant éviter tout empiétement sur des recherches spéciales qui se
poursuivent en ce moment, nous n'entrerons pas davantage dans les détails
de la structure intime du noyau. Disons seulement qu'il existe au sein de
l'amas de tronçons nucléiniens, des corps arrondis, chromatiques, des nu-
cléoles particuliers qui souvent laissent voir dans leur intérieur des cordons
nucléiniens, semblables à ceux qui constituent la grande masse du contenu
nucléaire. Beaucoup d'entre eux sont semblables à certaines productions
que nous avons signalées il y a longtemps dans les métrocytes primaires
des crustacés décapodes, et sur lesquels l'action des acides forts, spéciale-
ment celle de l'acide fluorhydrique, nous ont donné des résultats inté-
ressants (1).
Cytoplasme.
La description que nous en avons donnée chez le Bombyx mori, nous
exempte de nous y arrêter. Sa structure est très semblable chez les phry-
ganes, tout en présentant un peu plus de finesse.
Le cytoplasme des phryganes présente, à frais, la même consistance
filante et collante que nous avons regardée comme due, chez les chenilles,
à la présence de la fibroïne, ou plutôt, pour ne préjuger de rien, de la sub-
stance séricigène disséminée dans l'enchylème.
(i) G. GiLSON : Étude comparée de la spermatogénese c/iej les arthropodes ; La Cellule, t. II,
i'^ fascicule, p. 12S et suivantes
LA SOIE ET LES APPAREILS SERICIGENES 47
Nous n'y avons point remarqué ces productions bacillaires qui sont si
distinctes, du moins après fixation, chez le ver-à-soie à la fin de la période
larvaire, et qui doivent être regardées comme des traînées de fibroïne accu-
mulée en certains parages du cytoplasme et destinées à être excrétées pen-
dant le filage du cocon.
Sur le vivant ce cytoplasme est translucide et d'aspect vitré; on y dis-
tingue de petits granules brillants et parfois des vacuoles. Ces dernières
se retrouvent souvent assez déformées dans les coupes d'objets fixés,
FIG. 9.
Du réticulum, si bien organisé pourtant, de ce cytoplasme on n'aper-
çoit, dans ces conditions, que ça et là quelques filaments. La grande réfrin-
gence de l'enchylème si particulier de ces cellules en fait un objet peu
favorable- à l'observation de la partie plastinienne sur le vivant. Cette
recherche de contrôle demande le choix d'objets particulièrement favorables
et accessibles; ce n'est pas ici le lieu de les signaler.
Membrane.
Sur les faces externes et latérales, elle ne présente rien de spécial ;
elle 3^ est très mince et délicate. Du côté extérieure elle est renforcée par
la mince mais résistante tunica propria, à noyaux aplatis, qui entoure le
tube, FIG. 9.
La membrane cellulaire est très distincte sur le vivant, tant sur les
cellules examinées à plat, fig. 7, que dans la section optique du tube,
FIG. 8. Mais elle s'altère rapidement sous l'influence de la compression
produite par le couvre-objets; on la voit bientôt s'affaiblir et devenir in-
visible, FIG. 7.
Les sections optiques de la paroi du tube permettent de constater que
les cellules chevauchent souvent l'une sur l'autre et sont unies par des sur-
faces obliques, où la membrane est bien visible, même sur les objets vivants,
FIG. 8.
La membrane qui ferme la face interne des cellules est plus épaisse et
plus résistante. En section optique elle présente un aspect ponctué,
FIG. 9. De face elle est très finement réticulée. Sa texture est beaucoup
plus fine que chez les lépidoptères, plus difficile à observer, mais identique.
48 Gustave GILSON
Remarques sur les particularités du tronçon antérieur.
L'épithéliuin de la portion productrice se modifie un peu dans le tron-
çon antérieur aminci. Tout d'abord les cellules y changent de forme; elles
se raccourcissent beaucoup dans le sens du grand axe de l'organe et
deviennent ainsi plus larges que longues, fig. 12. Vers le haut du bulbe
terminal, où elles présentent cette forme, on les voit, en outre, affecter une
direction oblique tantôt vers le haut, tantôt, chez d'autres individus, vers
le bas, FIG. 12. Leurs noyaux, vers le haut, prennent une forme de moins
en moins ramifiée. A un point donné ils passent à l'état de simples barres
courbes, parfois assez trapues; celle-ci s'épaississent et se raccourcissent
encore dans le bulbe, fig. 12 et 13.
Si l'on examine le tronçon antérieur aminci monté en entier, c'est-à-
dire dans le sens longitudinal, on y voit généralement les noyaux disposés
en deux séries latérales, l'une à droite et l'autre à gauche, disposition qui
est celle des cellules elles-mêmes.
La membrane interne présente aussi quelques détails nouveaux dans
ce tronçon. Elle y est un peu plus épaisse que dans les parties larges de la
glande. En outre, elle est tapissée elle-même par une couche membrani-
forme assez épaisse et striée, fig. 12 et 13. Cette couche est visiblement
formée par les extrémités des filaments radiés du cytoplasme, qui ne sont
eux-mêmes que des parties régularisées du réticulum général. Elle ressemble
beaucoup à un plateau strié ; mais elle en diffère par le manque de netteté
de ses limites du côté intei'ne où ses fils se continuent avec les fils radiés
également, mais moins réguliers, du cytoplasme, et souvent aussi par son
peu de réfringence. En beaucoup d'endroits elle n'est guère plus réfringente
que le cytoplasme lui-même, tandis que les plateaux striés le sont d'ordi-
naire davantage. Cette zone correspond plutôt à la deuxième couche striée
qui tapisse souvent les plateaux vrais des cellules épithéliales, dans les
organes digestifs, par exemple. Cependant nous l'avons trouvée, dans une
espèce indéterminée, plus brillante et plus semblable à une cuticule
striée; ses trabécules droites et rigides étaient évidemment chitinisées.
On pouvait s'en convaincre aisément grâce à certaines sections brisées où
ces trabécules se voyaient nettement cassées, comme le sont souvent celles
de la cuticule de la portion conductrice.
La membrane interne de la région productrice présente, tout en avant,
à la limite de la région suivante, un pli circulaire saillant dans le cyto-
\
LA SOIE ET LES APPAREILS SÉRICIGÈNES 49
plasme, fig. 12. C'est vers le fond de ce repli qu'elle se continue avec la
cuticule striée de la portion conductrice.
Si l'on suit la zone striée jusque dans la région conductrice, on la voit
se continuer avec la cuticule chitineuse qui est de règle dans cette région ;
elle en est évidemment l'homologue.
Signalons ici une particularité de cette zone que nous avons observée
chez une larve que nous pensons être le Lininophilus rhombiciis. Nous
l'avons représentée, fig. 15, en section transversale. C'est un petit bec
ou bourrelet d'épaississement existant d'un seul côté, tout près de l'extré-
mité de la région productrice, non loin du sillon ou pli circulaire. Une
légère dépression existe à la surface interne du tube au niveau de cet épais-
sissement. Ce n'est donc pas un simple détail de structure de la zone striée
sous-membraneuse; c'est, en outre, une très légère évagination de la paroi
du tube interne tout entière. Cette particularité qui ne paraît pas exister
chez tous les individus, du moins avec des caractères aussi tranchés,
présente par elle-même assez peu d'intérêt. Mais elle devient plus digne
d'observation si on la compare à ce léger bec du tube cuticulaire qui, chez
le Cossus, représente seul le canal excréteur des glandes de Filippi rudi-
mentaires. S'il se révélait que cette saillie de la couche interne du bulbe
terminal se retrouve souvent chez certaines espèces de phryganides, il y
aurait lieu de la regarder comme l'homologue du canal excréteur de ces
glandes qui y font défaut. Dans ce cas, le bulbe lui-même devrait être
regardé comme l'homologue des glandes de Filippi, qui seraient donc, ici,
dans un état de réduction plus profonde encore que chez le Cossus.
Nos observations sont trop incomplètes pour nous permettre d'affirmer
cette homologie. Mais la question que nous soulevons n'est pas sans
importance au point de vue morphologique. Elle s'éluciderait aisément
par l'examen suivi d'une série d'espèces.
2° Poi'tion antérieure ou conductrice.
Elle commence au sillon circulaire qui termine la région productrice,
FIG. 12. Sa partie postérieure est renflée comme la partie antérieure de
cette dernière, et s'amincit ensuite. Le sillon circulaire sépare donc deux
renflements bulbaires unis par leur base.
L'antérieur, base de la portion conductrice, se distingue d'une façon
nette et frappante, d'avec la portion postérieure ou productrice, par sa
50 Gustave GILSON
teinte plus claire, par la petitesse de ses cellules et de ses noyaux, et par
la moindre affinité de toutes ses parties pour les matières colorantes. Les
cellules qui le constituent sont évidemment d'une nature tout autre que
celles de la région postérieure; la différence qui sépare les éléments con-
stitutifs de ces deux régions est beaucoup plus profonde et plus tranchée
que chez les lépidoptères.
La membrane de ces cellules ne présente rien de remarquable sur leurs
faces latérales et externe.
Il est souvent difficile de distinguer sur les coupes la section des mem-
branes latérales d'avec les fortes trabécules radiales de leur cytoplasme. Au
contraire, en dissociant ces cellules, par l'alcool au 1/3 ou autrement, on
reconnaît aisément que chacune d'elles est entourée d'une membrane sur
toutes ses faces.
Quant à la portion de cette membrane qui ferme leur face interne, elle
est fusionnée par ses bords, comme dans la région postérieure du reste,
avec la membrane correspondante des cellules voisines et fait partie du
tube chitineux général; celui-ci est donc une cuticule véritable, dans le sens
cytologique du mot. Cette cuticule, au niveau du bulbe, s'épaissit beaucoup
et prend une importance nouvelle et une structure spéciale qu'elle conserve
jusqu'au tube fileur.
En coupe longitudinale, elle se montre fortement striée et paraît formée
de bâtonnets chitineux gros et brillants ; l'image est très semblable à la figure
qu'en donne Meckel (1) chez le Cossus. Ces bâtonnets sont très nettement
séparés les uns des autres par des espaces clairs et vides, fig. 12. Ces
espaces sont évidemment les Porenkanàlen de Leydig (2). Mais ici, comme
à propos des lépidoptères, nous sommes obligés d'interpréter autrement la
structure de cette membrane. Tout d'abord les prétendus bâtonnets de la
section optique s'unissent par leur bout interne à une mince membranule
qui paraît continue et semble donc fermer les espaces qui les séparent.
Nous laissons pourtant subsister sur ce dernier point quelque incertitude;
cette membranule si mince est d'une observation si difficile, que l'usage
même des meilleurs instruments d'optique ne permet pas de décider si
elle n'est pas elle-même réticulée de façon à laisser, par ses mailles, une
libre communication entre la lumière et les espaces internes de la cuticule.
Mais en outre, ces espaces ne sont point des pores; ce sont des fentes
assez longues. En effet, les prétendus bâtonnets ne sont que la section
(1) Meckel ; Mikrographie einiger Drùsenapparate der niederen Thicrc; Mùll. Arch., 1846.
(2) Leydig : Traité dhistologie.
LA SOIE ET LES APPAREILS SÉRICIGÈNE3 51
optique de lames allongées dans le sens transversal ou plutôt circulaire.
C'est ce que démontre l'examen successif du tube entier par sa surface, et
celui des coupes transversales de la région.
Examiné à plat, le tube chitineux présente l'aspect reproduit dans la
FiG. 18. Si, après avoir mis au point la surface supérieure ou inférieure de
ce cylindre légèrement aplati par la pression du couvre-objets, on monte ou
on descend l'objectif de manière à en obtenir, sur les bords, la section optique,
on constate que chacun des côtés de la surface passe sur les côtés à un des bâ-
tonnets de cette section optique. Il faut noter que dans cette figure la surface
seule est mise au point et nullement la section, même sur les bords. La sur-
face du tube chitineux présente donc un aspect assez semblable à celui d'une
trachée, avec moins de régularité toutefois que celle des trachées spiralées
ordinaires. En effet, les diverses bandes chitineuses circulaires ou à peu près
sont unies entre elles par des travées obliques, assez distantes cependant,
FiG. 18, et les bandes principales elles-mêmes ont souvent un trajet sinueux
et irrégulier. Néanmoins l'ensemble des travées principales semble ap-
partenir à un système spiraloïde. Nous sommes parvenu à les dérouler
comme un ressort en exerçant sur le tube des tractions longitudinales. Ce
résultat implique évidemment la rupture de toutes les trabécules obliques
unissant les tours de la spire. Remarquons qu'il existe des trachées d'in-
sectes dans lesquelles les tours de spires sont réunis par de courtes travées
secondaires.
En section transversale le tube chitineux a l'aspect d'une bande bril-
lante dont la largeur est mesurée par la hauteur des bâtonnets de la coupe
longitudinale. Cette bande ne présente généralement, comme détails de
structure interne, du moins dans le bulbe, que des stries circulaires extrê-
mement fines et difficiles à voir. Les trabécules radiées du cytoplasme
viennent buter contre elle, mais on ne les voit pas pénétrer dans sa sub-
stance, FIG. 17. Or, telle ne 'serait pas la structure des sections transverses
de ce tube si les prétendus bâtonnets existaient réellement comme tels; on
devrait les y retrouver avec un aspect semblable, et la bande brillante devrait
avoir une structure radiée assez grossière. Il n'y a donc dans cette région
ni bâtonnets, ni Poreukandleu; il n'y a que des bandes chitineuses anasto-
mosées en un réseau à mailles assez lâches. Mais hâtons nous de dire que
cette structure se modifie dans la partie antérieure de la portion conductrice.
Suit-on le tube chitineux au delà du bulbe, on le voit s'amincir un peu.
En coupe optique longitudinale il conserve sa striation. De face, il garde
52
Gustave GILSON
un aspect réticulé, mais les mailles y deviennent de plus en plus petites
et serrées.
De plus, si l'on examine les coupes transversales à ce niveau, on con-
state la disparition des couches concentriques et l'apparition de stries
radiales semblables à celles de la coupe optique longitudinale de la même
partie. Ces stries correspondent donc ici à de véritables bâtonnets. On
reconnaît aisément alors que les trabécules radiées du cytoplasme, plus
nombreuses et plus fortes que plus bas, sont en continuité avec un véritable
bâtonnet chitineux de la couche cuticulaire.
Telle est donc la structure de cette cuticule que Leydig appelle intima.
Son étude est difficile et exige l'emploi des meilleurs objectifs. Aussi n'est-il
pas étonnant que le savant de Leipzig, à l'époque déjà éloignée où il l'étu-
diait, n'ait point reconnu toutes les particularités que nous venons d'y sig-
naler, d'une façon encore bien incomplète sans doute, et qu'il l'ait considérée
comme une couche brillante simplement perforée de canalicules ou Poren-
kandlen.
Ce tube chitineux constitue un objet très remarquable pour l'étude de
la genèse et de la signification de la membrane cellulaire. On sait que si la
plupart des cytologistes, et surtout l'École de Louvain, à la suite de
Carnoy, considèrent la membrane comme une différentiation périphérique
du protoplasme, il est pourtant des auteurs qui n'ont pas encore adopté
cette manière de voir (i). Il est encore assez fréquent d'entendre les histo-
logistes dire que la membrane cellulaire est un simple produit de sécrétion,
déversé au dehors par le protoplasme et solidifiée.
Or, si l'on suit la série des coupes transversales du tube séricigène des
phryganides, dans la région que nous venons d'examiner, on se trouve dans
l'impossibilité de considérer la membrane comme une production extérieure
au cytoplasme. L'examen de trois coupes semblables aux fig. 14, 13 et 17,
par exemple, démontre qu'elle contient et emprisonne les extrémités des
longues trabécules radiales du cytoplasme, si distinctes dans cet objet.
On trouve aisément dans le bout du tube des endroits, fig. 14, où
ces trabécules viennent buter contre une membranule interne très mince.
Au voisinage de celle-ci ces trabécules sont un peu épaissies, légèrement
régularisées et comme enrobées dane un dépôt très faible encore d'une
()) Nous pailons uniquement ici àc la membrane cellulaire véritable, qu'elle soit libre autour de
chaque cellule ou fusionnée entre éléments voisins pour former une cuticule; mais nous n'entendons
rien préjuger sur la nature d'autres productions analogues, telles que la paroi de certains spermatophores,
celle des oothèques et d'autres productions, qui doivent encore être étudiées à ce point de vue.
LA SOIE ET LES APPAREILS SERICIGENES 53
substance brillante assez avide de carmin, — comme la cuticule tout entière
— et formant une couche encore irrégulière, épineuse du côté du cyto-
plasme. Plus bas on trouve des coupes où cette couche interne se régularise,
s'épaissit, s'imprègne davantage de la substance brillante, tout en laissant
encore voir très nettement les portions terminales régularisées des trabé-
cules cytoplasmatiques, fig. 13. Enfin, plus bas, dans le bulbe lui-même,
la couche est devenue plus solide encore; elle s'est si fortement imprégnée
de la substance brillante que les trabécules qui y sont enclavées cessent
d'être visibles, fig. 17. Une structure nouvelle s'indique alors dans cette
couche compacte : une striation concentrique très fine s'y montre. Les tra-
vées radiales du cytoplasme paraissent dès lors venir buter non plus contre
une mince membranule limitant la face interne du tube, mais contre la
face externe de l'épaisse cuticule.
Si l'on ne connaissait que cette dernière apparence, on pourrait accor-
der à ceux qui décrivent la membrane comme une sécrétion, que leur hypo-
thèse, quoique purement gratuite, n'est pas une impossibilité. Mais les
autres aspects que nous venons de signaler, et certaines étapes intermé-
diaires, de même que l'étude attentive de bien d'autres objets, contraignent
l'observateur à rejeter cette hypothèse comme directement contraire aux
faits.
B. Tube fileur.
Presse.
Nous avons vu que, contrairement à ce qui s'observe chez les larves
des lépidoptères, les deux tubes séricigènes s'unissent très en avant, dans la
tête. Il en résulte que le canal commun ou tube fileur est beaucoup plus
court. On n'y distingue que deux régions au lieu de trois. C'est la posté-
rieure qui fait défaut; la presse suit immédiatement le point de réunion des
deux tubes glandulaires, fig. 3.
La structure de cette presse est très semblable à celle que nous avons
décrite chez les chenilles. La fig. 19, qui "est une coupe transversale du
mamelon saillant ou canule fileuse de la lèvre inférieure, donne une idée
exacte de sa disposition, surtout si l'on tient compte en même temps de la
fig. 4 qui représente cet appareil suivant son profil longitudinal, d'après
une dissection.
La pièce P de la fig. 19 n'est autre chose que le tube fileur sectionné.
La couche épithéliale lu, ou matrice du tube cuticulaire, n'est elle-même
autre chose que la continuation de l'épithéhum des glandes, et la partie chiti-
8
54 Gustave GILSON
tineuse j7 correspond au tube interne des portions situées en arrière. Seule-
ment, ici le tube chitineux, très épaissi, est déprimé longitudinalement. Sa
face supérieure porte une profonde gouttière, un pli d'invagination dont la
saillie rétrécit la lumière du canal et la réduit à une fente qui présente,. en
section transversale, la forme d'un croissant. Dans cette fente gisent deux
fils de soie /places l'un près de l'autre et emprisonnés entre le plancher du
tube et le fond de la gouttière supérieure qui en forme le plafond.
Des fibres musculaires s'insèrent les unes au fond de la gouttière, les
autres sur la crête des deux plis latéraux que laisse sur ses bords le sillon
médian, fig. 19, vil. Toutes se fixent par leur extrémité externe à la cuti-
cule dermique de la canule.
Le fonctionnement de cet appareil est évidemment le même que chez
les lépidoptères. C'est une presse dans laquelle les fils de soie venus des
deux glandes se trouvent comprimés. L'agent compresseur c'est l'élasticité
des parois chitineuses. Lorsqu'elle agit librement, la crête interne qui cor-
respond au sillon médian externe comprime fortement la soie. Les muscles
agissent contrairement à cette force. Leur direction et leur mode d'insertion
indiquent avec la plus grande évidence que leur contraction doit avoir pour
effet de relever la crête saillante, d'élargir ainsi la lumière du canal et, par
suite, de diminuer la compression que subit la soie. Son mécanisme est donc
exactement le même que chez les chenilles. La seule différence que nous
ayons à signaler dans sa structure, est l'existence d'une seule paire de muscles
latéraux au lieu de deux : les muscles inférieurs insérés sur les crêtes laté-
rales. Les muscles latéraux-supérieurs des chenilles, qui sont dilatateurs
comme les inférieurs, font défaut chez les phryganes. De plus, tous les
muscles sont ici bien moins puissants que chez les chenilles fileuses. Ils
sont remarquables par la masse volumineuse de protoplasme qui entoure
leur noyau et s'étend sur une grande partie de la portion différentiée.
Les fibres supérieures sont disposées l'une derrière l'autre, en deux
séries longitudinales.
La dernière paire, plus volumineuse, est séparée de la série par un
espace vide, fig. 4; elle s'insère sur un prolongement saillant et coloré en
brun qui' est une dépendance de la paroi supérieure du canal chitineux et
qui termine en arrière le sillon longitudinal. Il nous semble que l'action de
ces fibres ne peut consister qu'à relever l'appareil dans son ensemble, peut-
être aussi à le tirer en avant ou en arrière, si son point d'insertion supé-
rieure le comporte. Nous manquons de données précises à ce sujet; la
FIG. 4 ayant été faite, non d'après une section longitudinale, mais d'après
une dissection, les insertions supérieures étaient rompues.
LA SOIE ET LES APPAREILS SERICIGÈNES 55
Tronçon antérieur.
La portion antérieure à la presse n'est qu'un simple tube chitineux à
section ovalaire, tapissée d'une matrice de cellules plates.
Nous n'avons pas examiné l'orifice de la canule. Fr. Klapalek, qui
donne une courte description de l'appareil, sans toutefois signaler la presse,
dit qu'il est cruciforme fi).
Remarques sur la soie et sa production.
Les phryganes sont, sans contredit, moins bonnes fileuses que beau-
coup de lépidoptères. Néanmoins leur appareil séricigène et filcur, d'après
la description que nous venons d'en faire, n'est guère moins parfait que
celui des chenilles. Sans doute les glandes de Filippi leur font défaut,
du moins dans les espèces que nous avons examinées. Mais il n'est pas dé-
montré que ce soit là un caractère d'infériorité. Cette différence est peut-
être en rapport avec le régime aquatique, si différent, de ces larves.
La réduction des muscles de leur presse est, au contraire, un indice de
faiblesse relative.
Le fil de soie complet et sorti de la filière, ou, pour employer
un terme usité dans l'industrie, la bave, ressemble étonnamment au fil
des lépidoptères. Il est constitué de deux fils aplatis exactement accolés
l'un à l'autre par leur bord, fig. 20 et 21. Nous l'avons examiné dans
plusieurs espèces et nous n'y avons remarqué que très peu de différences.
C'est surtout l'épaisseur des deux fils qui varie, et seulement dans de
faibles limites.
Très souvent les deux fils portent une striation longitudinale assez
régulière, fig. 20 et 21, qui n'est que superficielle.
Comme chez les lépidoptères, le fil est recouvert d'une couche de grèsT
Mais elle est ici encore plus mince et, sur la bave filée, très difficile à voir.
Dans l'intérieur des tubes glandulaires on la distingue plus aisément, sur-
tout dans les parties antérieures, bien qu'elle demeure remarquablement
plus faible que chez les chenilles.
Les cellules séricigènes des trichoptères sont loin d'offrir un objet
favorable à l'étude de la sécrétion de la soie. Sous ce rapport celles des
(i) Fr. Klapalek : Uiitersuchiingen iiber die Fauna der Gewàsser Bohmens; Archiv fur natur-
wissenschaftl. Landesdurchforsihung von Bôhmen, V. Band, n. 5, 1888, Prag., bei F. Rivnac.
8.
56 Gustave GILSON
bombycides leur sont préférables. Nous n'avons rien à modifier de ce que
nous avons dit sur ce sujet dans notre première partie. La soie produite
dans le cytoplasme passe dans la lumière en traversant la mince mais solide
membrane réticulée qui eh tapisse la face interne.
Dans la lumière du tube l'on perçoit aisément deux substances dis-
tinctes : une substance centrale et une substance corticale ou, si l'on veut,
la soie et le grès. Comme nous venons de le dire, c'est surtout dans la partie
antérieure, mais avant la presse, que la couche corticale est bien dévelop-
pée. Néanmoins, on peut déceler la présence d'une mince couche corticale
sur toute la longueur du cylindre de soie jusqu'au fond de la glande, fig. Il,
aussi bien que chez les chenilles.
Nous continuons donc à considérer le grès comme le produit d'un
travail de séparation, de triage, se passant au sein de la substance déversée
par les cellules, ou du moins à la périphérie du cylindre de soie, et non
comme un produit de sécrétion spécial, déversé seulement par les portions
antérieures du tube.
Signalons ici une particularité de la zone externe du cylindre de soie
que nous avons rencontrée à mainte reprise sans pouvoir nous l'expliquer.
Il arrive que dette zone est remplie de vacuoles claires, à membrane
épaisse, parfois très volumineuse, fig. 10. Ces vacuoles paraissent conte-
nues dans la couche de grès elle-même. Elles la désorganisent parfois pro-
fondément. C'est ainsi que dans la fig. 9 il ne reste plus de la zone ordi-
nairement homogène de cette substance que deux légers amas latéraux qui
sont respectés par les vacuoles.
La signification de ces vacuoles nous échappe, aussi bien que les con-
ditions dans lesquelles elles se produisent. Apparaissent-elles quand la larve
a beaucoup filé et cesse de le faire? C'est possible, car nous ne les avons
observées que sur des fibres beaucoup plus minces que la lumière du tube,
comme c'est le cas dans les fig. 9 et 10.
Souvent dans la région moyenne et la région postérieure, le fil remplit
toute la lumière du tube sans laisser le moindre espace entre lui et la paroi,
du moins sur les objets fixés dans la vapeur de chloroforme et l'acide sulfu-
reux sous pression. Dans ce cas, il est plus difficile encore de saisir la mince
couche de substance corticale que lorsque le tube est partiellement vidé et
où le cylindre de soie y flotte à son aise. Quand il était bien rempli, nous
n'avons jamais vu de vacuoles dans la couche périphérique.
LA SOIE ET LES APPAREILS SERICIGENES 57
RÉSUMÉ.
L'appareil séricigène des larves des phryganides est très semblable à
celui des larves des lépidoptères. Il comprend deux tubes séricigènes pelo-
tonnés que PicTET avait déjà représentés, et un tube fileur formé par leur
réunion.
Ce tube fileur présente un appareil spécial homologue et très semblable
à la presse des chenilles. Pictet, tout en figurant le tube fileur, n'avait pas
signalé cette presse.
Les glandes de Filippi manquent dans les Liinnophilus roinbicus, et
flai'icomis, la Molanua angustata, Y Anabdia nervosa et cinq ou six autres
espèces que nous n'avons pu déterminer. C'est là, probablement, un carac-
tère général du groupe. Une tubérosité qui s'observe parfois sur la mem-
brane interne, au niveau du bulbe lui-même, représente peut-être les glandes
de Filippi dans un état de grande réduction; cette question demande de
nouvelles recherches. ,
La soie se forme exactement comme chez les chenilles; le fil possède
une couche de grès moins développée que chez ces dernières.
La zone corticale du cylindre de soie existe jusqu'au fond de la
glande.
Le tube chitineux des portions antérieures du tube glandulaire consti-
tue un intéressant objet pour l'étude de la genèse et de la signification de
la membrane cellulaire. L'origine et la nature cytoplasmiques de cette par-
tie de la cellule y sont évidentes. Il est dès lors impossible de considérer
la membrane cellulaire comme un produit excrété par le protoplasme et
solidifié : elle constitue réellement une différentiation périphérique de ce
dernier, emprisonnant certaines parties du système réticulé général.
EXPLICATION DE LA PLANCHE IV.
Grossissements : fig. 1 : obj. A, oc. i Zeiss, réduit de moitié. Fig. 3 : trois
fois grossi. Fig. 4 : obj. A, oc. i. Fig. 2, 5 à 10. Fig. 12 à 21 : obj. 1/12,
imm. homogène, oc. 2. Fig 11 : obj. D, oc. i.
FIG. 1. Cossus ligniperda. Partie antérieure de l'appareil séricigène. P, presse;
rF, rudiment de la glande de Filippi ; tF, tubercule de la cuticule représentant le
canal excréteur de la glande rudimentaire de Filippi.
FIG. 2. Id. Tube cuticulaire avec le rudiment du canal e.xcréteur de la glande
de Filippi, tF.
FIG. 3. Limnophiliis rhombicus ou Jlavicornis. Représentation élémentaire de
l'appareil séricigène dans son ensemble. P, presse.
FIG. 4. Anabdia nervosa. Partie antérieure de l'appareil séricigène, vue de
profil. P, presse; fm, fibres musculaires; tg, tubes glandulaires s'unissant tout près
de la presse.
FIG. 5.. Id. Une cellule de la région moyenne de la portion productrice du
tube glandulaire, traitée par le vert de méthyle additionné d'un peu d'acide acétique;
n, noyau ramifié.
FIG. 6. Molanna angustata. Partie d'une cellule de la portion postérieure de
la région productrice. Le noyau s'est segmenté en tronçons souvent étirés en un
filament, et se colorant d'une façon presque homogène. Vert de méthyle acétique.
FIG. 7. Limnophilus rhombicus ou flavicornis. Portion de la paroi de la
glande examinée sur le vivant dans une goutte de sang de l'individu lui-même et
sans addition d'aucun réactif, m, membrane cellulaire s'altérant et disparaissant par
endroits sous l'action du couvre-objets qui comprimait la pièce.
FIG. 8. Section optique de la paroi de la même glande, observée dans les
mêmes conditions. La membrane qui sépare les deux cellules est bien visible et
présente une direction oblique.
FIG. 9. Anabdia nervosa. Coupe transversale de la région productrice, portion
moyenne, m, section de la membrane réticulée • qui tapisse la face interne du tube;
i", cylindre de soie ; gr, amas latéraux de ' substance corticale ou grès. Solution
mercurique, acide carminique aluné de Mayer.
FIG. 10. Id. Même traitement, v, vacuoles semblables à celles qui entourent
le cylindre de soie, 5 dans la fig 9. La substance corticale gr forme ici une
couche complète ; n, noyau.
FIG. 11. Espèce indéterminée. Partie terminale postérieure du tube glandulaire.
s, C3dindre de soie; gr, couche de substance corticale ou grès.
FIG. 12. Limnophilus rhombicus ou Jlavicornis. Limites des régions conductrice
et productrice; brc, bulbe ou renflement basai de la région conductrice; brp, bulbe
6o Gustave GILSON
ou renflement terminial de la région productrice; csf, couche striée du cytoplasme
tapissant la face interne de la membraiTe mince du tube ; elle correspond à la cuti-
cule c de la région conductrice; e, étranglement séparant nettement les deux régions.
Le cj'lindre de soie présente une mince couche corticale épaissie par endroits.
FIG. 13. Anabdia nervosa. Coupe transversale de la région terminale antérieure
ou bulbe de la région productrice. La lumière du tube est entourée d'une zone
radiée qui n'est autre que la couche est de la fig. 12. Ses trabécules sont en con-
tinuité avec des travées radiées du cytoplasme.
FIG. 14. Id. Portion d'une coupe semblable à la précédente, mais plus voisine
de la portion conductrice. La zone striée est peu épaisse et paraît constituée d'un
simple dépôt d'une substance d'aspect homogène entre les extrémités des trabécules
radiées du cytoplasme.
FIG. 15. Id. Coupe passant près de la limite des deux régions ; la partie
externe appartient à la région conductrice ; l'interne à la région productrice. La
couche striée présente en est une protubérance accompagnée d'un léger enfoncement
de la face interne du tube, qui représente peut-être, comme le tubercule du Cossus, le
canal excréteur de la glande de Filippi ? tr, trachées ; prp, cellules à protoplasme opaque
de la région productrice; prc, cellules à protoplasme clair de la région conductrice.
FIG. 16. Espèce indéterminée, fixée simplement par l'alcool. Coupe de la
portion antérieure de la région conductrice, sous le bulbe; m, membrane interne
réticulée, détachée du cytoplasme ; des tronçons des trabécules radiées de ce dernier
demeurent fixés sur elle.
FIG. 17. Anabdia ner\osa Coupe du bulbe basai de la région conductrice.
A la zone striée de la région productrice s'est substituée une couche chitineuse ne
présentant en section transversale d'autres détails de structure que des couches
concentriques. Les travées radiales semblent s'arrêter contre cette couche; mais l'examen
d'une série de coupes prises plus haut démontre que leur partie intérieure y est
enclavée aussi bien que dans la zone striée du bulbe de la région productrice.
FIG. .18. Id. Tronçon du tube chitineux de la région conductrice, bulbe. On
y reconnaît un réseau à mailles très allongées et très obliques; les travées de ce
réseau sont autant de lames aussi larges que la couche chitineuse de la coupe
précédente; mais le tube étant vu de face et chaque lame se présentant à l'œil par
son bord, on ne peut mesurer cette largeur.
FIG. 19. Limnophilus ou Anabdia — incertain. Coupe transversale de la canule
fileuse. P, presse; /, fil de soie engagée dans la lumière / de la presse; mt, matrice
cuticulaire, prolongement en avant de la paroi épithéliale des tubes glandulaires;
ml, fibres musculaires dont la contraction a pour effet de relever le fond de la
gouttière qui déprime la cavité du tube chitineux et par suite de dilater la lumière
et de diminuer la pression que cette gouttière fait subir aux fils en vertu de la seule
élasticité des parois ; pr, amas de protoplasme non différentié de la cellule musculaire.
FIG. 20. Soie d'un Limnophilus indéterminé; fils assez épais, mince couche de grès.
FIG. 21. Fil de soie extrait de la gaîne d'un Limnophilus rhombicus.
BIBLIOGRAPHIE
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: Phr3'ganea grandis und striata. Linnae entomol;
Bd. 5. i85i. •
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: Zur naturgeschichte der Phr3'ganae grandis, etc;
Entomol. Nachrichten, 14. Jahrgang, n. 5.
: A revised list of British Trichoptera, etc. Trans.
entom. Soc. London, 1882; et nombreuses publi_
cations dans l'Entom. Monthly. Mag. et dans Soc.
belge d'entomologie.
: Neuroptera Belgica et Soc. belge d'entomologie.
1
TABLE DES MATIÈRES
I. La Soie et les Appareils séricigènes.
■ I. GLANDES SÉRICIGÈNES DES LÉPIDOPTÈRES
(appendice.)
Première remarque .
Deuxième remarque.
Troisième remarque.
PAG.
39
41
du tronçon antérieur
II GL.A.NDES SERICIGENES DES TR I C H OPT E R KS
Remarques préliminaires ...
Aperçu anatomique .
A. Tubes glandulaires
I" Portion postérieure ou productrice
Noyau
Cytoplasme .
Membrane
Remarques sur les particularités
2° Portion antérieure ou conductrice
B. Tube fileur
Presse
Tronçon antérieur
Remarques sur la soie et sa production
Résumé ....
Explication des planches .
Bibliographie ....
4-^
44
44
44
45
4(>
47
48
49
53
55
55
56
59
6i
i
i
I
(M
PhnchelT'
F^Giei&.&culp-
DU MÉCANISME
DES
SYMPTÔMES GASTRO-INTESTINAUX
DANS LE
CHOLÉRA ASIATIQUE
PAR
J. DENYS & CH. SLUYTS
PROFESSEUR d'aNATOMIE PATHOLOGIQUE ASSISTANT AU LABORATOIRE
(Mémoire déposé /e 27 juillet iSgS.J
DU MECANISME
PTÔII[8 GnTfiC-IIÏÏSTIiiyi OIIUECM ISIfflE
Dans un travail paru il y a quelques mois et fait en collaboration avec
M'' Ch. Van den Bergh(i), l'un de nous étudia le mécanisme des symptômes
gastro-intestinaux dans le choléra produit par le Bacillus coli communis.
Nous étions arrivés aux conclusions suivantes :
1^ Introduite directement dans les tissus, par exemple dans la plèvre,
la toxine de cet organisme produit chez le chien un véritable état choléri-
forme, extrêmement violent. A l'autopsie, on trouve une congestion intense
de tout le tractus digestif, des hémorrhagies interstitielles de la muqueuse
et une desquammation épithéliale importante. Celle-ci s'opère pendant la
vie même, comme on peut le constater par l'examen des selles.
2° Si, au lieu d'introduire le poison dans les tissus, on l'injecte dans
l'estomac ou dans l'intestin, on n'obtient ni les symptômes gastriques, ni
l'intoxication générale, ni les lésions de l'intestin, alors même que l'on em-
ploie des doses plusieurs fois mortelles quand elles sont introduites dans les
tissus. Bien plus, on peut, par des ligatures, emprisonner la toxine dans
une anse intestinale, et la laisser en présence de la muqueuse pendant des
heures, sans q.ue celle-ci soit affectée.
3° L'absence d'intoxication quand le poison est déposé dans le tube
digestif ne trouve pas sa raison d'être dans une neutralisation des produits
toxiques par le foie, au fur et à mesure que ces derniers lui sont amenés
par la veine-porte.
(i) J Denys et Ch- Van den Bergh : Sur le mécanisme des symptômes gastro-intestinaux dans
le choléra nostras; Bull, de l'Acad. de méd. de Belg., i8g3.
68 J DENYS & CH. SLUYTS.
4° Il faut admettre que les cellules épithéliales de l'intestin empêchent
la pénétration du poison dans l'organisme. D'une sensibilité extrême au
poison quand celui-ci leur est apporté par le sang, elles le supportent
parfaitement bien quand il se présente à elles par leur pôle intestinal.
Nous avions conclu de ces faits expérimentaux qu'on ne pouvait pas
considérer le choléra nostras comme dû à une simple résorption intestinale,
mais qu'il fallait admettre dans son développement deux actes successifs ;
un premier, pendant lequel une certaine quantité de poison, par suite de
circonstances encore obscures, passait dans le sang, et un second, commen-
çant au moment où ce poison absorbé déterminait la chute des cellules
épithéliales, et ouvrait les portes toutes larges au poison répandu déjà à
l'état normal en grande quantité tout le long du tractus intestinal.
On pouvait prévoir dès lors que des recherches portant sur le vibrion
du choléra asiatique conduiraient à faire admettre dans cette maladie un
processus analogue. Comme on va le voir par la suite, l'expérimentation
a confirmé complètement cette conjecture.
METHODE SUIVIE.
La marche, que nous avons adoptée dans nos expériences, ne diffère
pas sensiblement de celle qui a été suivie pour étudier le mécanisme du
choléra nostras. Au fond, il n'y a de changé que le microbe.
Le bacille-virgule que nous avons employé est le même que celui qui
a servi aux recherches de l'un de nous sur les propriétés du poison du cho-
léra asiatique (i). Un essai de virulence, fait avant l'ensemencement de nos
milieux de culture, avait démontré que ce vibrion avait conservé sa puis-
sance pathogène, puisqu'un centimètre cube de culture dans le bouillon
tuait un lapin adulte et vigoureux en dix heures de temps.
Comme milieu de culture nous avons choisi le bouillon. Nous aurions
préféré, comme dans nos études sur le choléra nostras, employer des cultu-
res sur pomme de terre, mais celles-ci sont laborieuses à exécuter et four-
nissent peu de matériaux, tandis qu'avec du bouillon on peut se procurer
le poison facilement et en quantité aussi abondante qu'on le désire (2).
(1) Ch. Sluyts : Sur les propriétés du poison du choléra asiatique; La Cellule, t. X, i8g3.
(2) Ch. Sluyts t Op. cit .
CHOLÉRA ASIATIQUE 69
L'addition de gélatine favorisant manifestement le développement du
bacille-virgule, nous avons adopté pour notre bouillon la composition
suivante :
Peptone . . . . lo gr.
Sel de cuisine ... 5 "
Extrait de viande . . 5 "
Gélatine . . . . 25 »
Eau 1000 y
Ce bouillon répond au fond à la formule donnée par Gamaleia (1), sauf
que les pieds de veau sont remplacés par la gélatine. Cette substitution
simplifie beaucoup la préparation du bouillon. Ce dernier, suivant les
conseils de Gamaleia, a été versé dans des ballons de façon à former une
couche de 3-4 centimètres d'épaisseur, et a été inoculé avec une culture
de vibrion asiatique sur la pureté de laquelle il ne pouvait y avoir le
moindre doute.
Les ballons sont restés quinze jours à la couveuse. Pendant les dix
premiers jours, il se forma continuellement à leur surface des membranes,
que nous fîmes tomber au fond, par agitation, une ou deux fois par jour.
A partir du dixième jour, les membranes cessèrent de se former, et le
liquide séclaircit dans sa partie supérieure. Après que nous nous fûmes
assurés, par un examen microscopique, de la pureté de nos cultures, nous
les chauffâmes pendant deux heures, au bain-marie, à 58°-6o°. C'est Gama-
leia encore qui donne ce conseil pour obtenir des bouillons bien toxiques.
D'après cet auteur, le chauffage fait sortir le poison des cadavres microbiens
et augmente la toxicité des bouillons. Il défend de chauffer à une température
supérieure à 60°, dans la crainte de détruire le poison. L'un de nous (2) a
démontré que cette crainte n'est nullement fondée, puisque une température
de 120° prolongée pendant plus d'une heure est sans action sensible sur la
toxine qui est la cause des symptômes cholériques. Néanmoins, nous avons
suivi les indications de Gamaleia, si pas dans la crainte de nuire au poison,
du moins pour facihter, si possible, sa sortie du corps des vibrions. Nous
avons du reste eu constamment la précaution d'agiter le bouillon immédia-
tement avant de l'employer, afin d'avoir en mains, pour nos injections, un
liquide absolument identique.
(1) Gamaleia : Arch. de méd, expérim., 1892.
(2) Ch. Sluyts : Op. cit.
70 J. DENYS & CH. SLUYTS.
Comme sujet d'expérimentation, nous avons choisi le chien. Le lapin
et le cobaye, qui succombent soit au vibrion vivant, soit au vibrion tué, ne
présentent pas le tableau cholériforme ; ils n'ont jamais de vomissements.
Le premier de ces animaux présente à la vérité de la diarrhée, mais elle est
inconstante et en général pas profuse comme dans le choléra humain ; quant
au cobaye, la diarrhée fait presque toujours défaut. Contrairement à ces
deux animaux, le chien réagit par des symptômes gastro-intestinaux bien
marqués, et se trouve par conséquent désigné tout naturellement pour ce
genre de recherches.
Nous avons expérimenté sur une quarantaine de chiens, la plupart tout
jeunes. Toutes nos expériences ont été faites avec le même bouillon, et nous
avons eu soin d'exécuter le même jour des expériences de diverses sortes,
afin de pouvoir mieux comparer l'influence du lieu d'introduction.
Introduction du poison dans les tissus (plèvre, péritoine)
On peut distinguer chez le chien trois degrés de l'intoxication par la
toxine du bacille-virgule. Il importe de les bien connaître pour juger plus tard
sainement les suites de l'introduction du poison par le tube digestif.
Ces divers degrés dépendent avant tout de la dose employée; mais les
dispositions individuelles ont aussi leur mot à dire.
1*^'' DEGRÉ. Intoxication légère, dose moyenne i à 2 ce. de bouillon.
Deux à trois heures après l'injection, la température monte au-delà de 40°;
l'animal est abattu; il a quelquefois un ou deux vomissements alimentaires
et autant de selles, solides ou molles, mais les symptômes gastro-intestinaux
occupent l'arrière-plan. Le lendemain, tout est rentré dans l'ordre, et l'autop-
sie ne fournit que des résultats négatifs.
Voici quelques exemples (1) :
CHIEN I, jeune, pesant 1,6 k.
3,42 heures. T.R. 38», i. Injection dans la plèvre de i ce. de bouillon.
3,56 » Une selle moulée.
4,5o I) T.R. 38«,8. Abattement.
6,10 » T.R. 40°, 7. Une seconde selle moulée et une mélangée à
du mucus.
8,3o » T.R. 40».
Le lendemain, T.R. 380,7. L'animal touche à peine au lait qu'on lui pré-
sente. Dans la journée, il rentre dans son état normal.
(i) Inutile de dire que toutes nos opérations ont été faites avec l'asepsie nécessaire.
CHOLERA ASIATIQUE 71
CHIEN II, adulte, pesant 3,5 k.
II, 3o heures. T.R. 380,2. Injection dans la plèvre de 2 ce. de bouillon.
12, 3o » T.R. 390,6.
2,3q II T.R. 410,3. Abattement, une selle moulée et une demi-liquide.
4,3o I) T.R. 390,8. Encore une selle liquide.
Le lendemain. T.R. 39", 3. Se porte bien.
Une opération grave, telle que la laparotomie, à laquelle nous serons
souvent obligés de recourir plus tard, n'empêche nullement le mouvement
fébrile. En voici la preuve.
CHIEN III, jeune, pesant 2,4 k.
Nous extrayons du ventre une anse de l'intestin, sur laquelle
nous jetons une double ligature. L'anse étant replacée et le
ventre fermé, nous injectons dans la plèvre 2 ce. de bouillon.
11,45 heures. L'injection est terminée. T.R. 370,8.
12,45 I) T.R. -380,6.
2,00 1) T.R. 400,7.
3,00 I) T.R. 410,1.
7,00 » T.R. 390,6.
Ces différentes expériences, que nous pourrions multiplier, nous font
voir qu'un à deux centimètres cubes de bouillon suffisent pour produire
dans l'organisme une perturbation assez marquée pour être sensible aussi
bien au thermomètre qu'à la simple vue.
2i"e DEGRÉ. Intoxicutiou moyenne, dose 5 à 20 ce. de bouillon. La
marche de la température ne présente rien de constant; tantôt elle est nor-
male, tantôt elle monte, tantôt elle descend. L'abattement est intense, c'est
une véritable prostration; l'animal se plaint continuellement, et la pression
sur le ventre rend les gémissements plus aigus, ou les provoque. Les selles
et les vomissements sont constants et nombreux, alimentaires d'abord, mu-
queux ou aqueux dans la suite. Les selles sont quelquefois striées de sang.
Après plusieurs jours, l'animal se remet, ou il succombe, après que les
symptômes cholériques se sont amendés. A l'autopsie, on ne trouve géné-
ralement pas de lésions notables de l'intestin.
72 J DENYS & CH. SLUYTS.
Voici deux exemples de ce degré d'intoxication :
CHIEN IV, adulte, pesant 3,5 k.
II, 20 heuies. Injections de 10 ce. dans la plèvre droite. T.R. 37°, 6 (i).
12,1 5 » L'animal a eu deux vomissements alimentaires.
12, 3o 11 T.R. 38°, I. Une selle liquide. Prostration.
2,3o I) T.R. 38°, 3. Une deuxième selle. Pendant que le ther-
momètre est dans le rectum, une troisième selle liquide
est propulsée sous la forme d'un jet. Ténesme intense; la
muqueuse rectale visible est fortement injectée.
4,3o » T.R. 390,6. Selle abondante,- liquide, avec des flocons blancs.
Mucus renfermant beaucoup de cellules. Prostration. L'ani-
mal est tué. Pas de lésions intestinales, sauf une petite
érosion au commencement du duodénum.
CHIEN V, jeune, pesant 1,9 k. 1
3,3o heures. T.R. 38», 2. Injections dans la plèvre de i5 ce. de bouillon.
3,35 1) Un vomissement et une selle en partie moulée, en partie molle.
3,44 » Une deuxième selle, liquide. Prostration ; l'animal, couché de
son long, se plaint sans cesse.
3,58 I) Troisième selle molle, avec fort ténesme, suivie d'une qua-
trième avec jet.
T.R. 380,8.
Un deuxième vomissement, alimentaire, très abondant, suivi
d'un troisième, aqueux.
Cinquième selle, aqueuse, en jet, avec des flocons blancs.
T.R. 390. Toujours la même prostration.
Sixième selle, d'eau claire, avec quelques rares flocons
blancs.
8,3o )) T.R. 380,6. Septième selle.
Le lendemain, les symptômes gastro-intestinaux ont disparu,
mais l'animal est très abattu; il crie quand on appuie sur
son ventre. T.R. 38o,3.
Il est tué dans l'après-midi ; pas de lésions, sauf quelques
plis de la muqueuse du rectum congestionnés.
3"^^ DEGRÉ. Intoxication mortelle, dose 20 ce. de bouillon et plus;
quelquefois moins chez les animaux très sensibles. Au début, la marche de
la température varie; plus tard, elle baisse progressivement falgidité). Les
phénomènes gastro-intestinaux sont généralement très intenses. Les selles
4,35
))
4,42
)>
4.44
))
6,00
))
6,3o
»
(1) Le chien a été chloroformé, afin d'établir, comme on devait s'y attendre du reste, que la
chloroformisation, employée souvent dans nos expériences, n'influe pas sur la marche de linloxi-
cation.
3,44
»
4,20
»
4.27
»
6,5
1)
8,3o
»
CHOLERA ASIATIQUE 73
deviennent sanguinolentes et renferment souvent des lambeaux épithéliaux.
Quelquefois cependant on n'observe ni selles, ni vomisserhents (choléra sec).
Dans tous les cas, qu'il y ait des manifestations gastro-intestinales ou qu'elles
fassent défaut, 1" estomac et l'intestin sont le siège de lésions profondes : con-
gestion intense, hémorrhagies interstitielles de la muqueuse, érosions, des-
quammation épithéliale. La mort est l'issue de ce degré.
Comme exemples, nous produisons une injection dans la plèvre, et une
autre dans le péritoine.
CHIEN VI, jeune, pesant 1,2 k.
3,42 heures. T.R. 38", 4. Injection de 5 ce. dans la plèvre.
Une selle moulée.
Une selle presque muqueuse.
Un vomissement.
T.R. 3g", 3. La prostration est profonde.
T.R. 380,2. Une troisième selle, en partie muqueuse.
Le lendemain, l'animal est trouvé mort et présente des
lésions intenses du tractus digestif.
CHIEN VII, jeune, pesant 1,1 k.
4,10 heures. T.R. 3g°. Injection de 10 ce. de bouillon dans le péritoine.
Un vomissement.
Un second vomissement.
Un troisième vomissement.
Première selle, moulée.
Deuxième selle, mollasse, abondante; peu après, une troi-
sième selle. Prostration profonde.
Quatrième selle, aqueuse, s'écoulant par l'anus relâché.
T.R. 37°; un liquide clair s'écoule de temps en temps,
en petite quantité, par l'anus.
8,i5 » T.R. 36",2.
L'animal est tué et présente des lésions intestinales, sur-
tout marquées dans la partie supérieure de l'intestin grêle
et dans le rectum.
Cette dernière expérience nous fournit un exemple typique d'un état
cholériforme grave. Il n'est pas douteux pour nous, que l'animal aurait suc-
combé pendant la nuit; c'est pour ce motif que nous l'avons tué. L'intensité
des symptômes et la marche de la température justifiaient amplement notre
pronostic.
Si nous résumons cette partie de notre travail, nous trouvons qu'on peut
produire che~ le chien, en déposant le poison dans une cavité séreuse, tous
les symptômes de l'intoxication, depuis les plus légers jusqu' aux plus graves.
10
4,21
»
4,40
))
4.55
»
5,00
»
5,10
»
5,i5
»
6,00
))
74 J DENYS & CH. SLUYTS.
Introduction du poison dans l'estomac ou dans l'intestin.
1° Introduction du poison dans l'estomac.
Nous procédons comme il suit : l'animal est chloroformé; nous introdui-
sons une sonde molle par l'œsophage jusque dans l'estomac et, au moyen
d'une seringue, nous injectons le bouillon.
Nous avons administré des doses considérables :
Le CHIEN VIII (P. 0,6 K.) reçoit i5 ce. de bouillon.
» IX (P. 1,4 K.) » 3o ce, »
» X (P. 1,3 K.) » 60 ce. »
» XI (P. 2,1 K.) )) 90 ce. 1)
1) XII (P. 2,5 K.) 1) 100 ce. I)
Aucun de ces animaux ne montra le moindre signe d'intoxication. Re-
venus de leur court sommeil chloroformique, ils se montraient gais et
animés comme avant l'opération. Chez aucun, la température, prise sou-
vent, ne monta au-delà de 39%5. Généralement, elle oscillait autour de 38°, 5.
Aucun chien ne fut pris de vomissement, et la défécation ne présenta rien
d'anormal.
2° Introduction du poison directement dans l'intestin.
Cette opération nécessite une laparotomie, exécutée sur la ligne médiane
avec les soins antiseptiques nécessaires. Une petite anse est tirée hors de
l'abdomen et au moyen d'une aiguille de Pravaz, nous injectons le bouillon
aussi bien vers le bout supérieur que vers le bout inférieur.
Le CHIEN XIII (P. 1,9 K.) reçoit 45 ce. de bouillon.
)) XIV (P. 1,4 K.) » 5o ce. ))
Revenus de leur sommeil chloroformique, ces animaux ne montrèrent
aucun symptôme rappelant le choléra; ils n'eurent ni accroissement fébrile
de la température, ni vomissements. La défécation n'offrit rien de spécial.
Ils ne présentaient pas leur vivacité antérieure, mais leur tranquillité
s'expliquait naturellement par la plaie qu'ils portaient au ventre. Tout en
se tenant tranquilles, ils avaient l'intelligence libre, suivaient de l'œil et de
la tète ce qui se passait autour d'eux, ne poussaient pas de gémissements,
et ne présentaient pas, dans leurs différentes poses, l'attitude prostrée,
passive, paralysée, des animaux injectés dans une séreuse.
Nous tuâmes six heures après l'injection quelques-uns des chiens qui
avaient reçu le poison dans l'estomac ou dans l'intestin. Leur tractus digestif
CHOLÉRA ASIATIQUE "75
était pâle, et le rectum était rempli de matières fécales, normales pour l'as,
pect et la consistance.
Nous obtenons ainsi des résultats tout différents, suivant que le poison
est introduit directement dans les tissus ou déposé simplement à la surface de
la muqueuse digestive.
Dans le premier cas, on reproduit tout le tableau de l'intoxication cho-
lérique. Même avec des doses faibles, 5 ce. (Chien VI), on détermine quelque-
fois la mort avec les lésions intestinales caractéristiques.
Dans le second cas, une dose vingt fois plus forte non seulement ne tue
pas l'animal, mais ne provoque pas la moindre altération de la santé.
. Introduction du poison dans une anse intestinale liée.
Dans le paragraphe précédent, nous introduisons le poison dans le tube
digestif, et il lui est loisible de se répandre dans toute l'étendue de celui-ci.
Il doit par conséquent s'y diluer. Est-ce peut-être pour ce motif qu'il est sans
action sur la muqueuse? On peut à priori dire que non, car, quand la toxine
est introduite dans la plèvre ou dans le péritoine, elle arrive à la muqueuse
intestinale à un degré de dilution certainement plus élevé encore.
Néanmoins, nousavons voulu résoudrele problème pari' expérimentation
et dans ce but nous avons emprisonné le bouillon dans une anse intestinale.
Après incision de la paroi abdominale, nous tirons une anse de l'intestin au-
dehors, nous plaçons sur elle, à la distance de 15 à 20 centimètres, deux fils
forts, et dans le segment ainsi isolé nous injectons le poison. L'anse est
ensuite replacée, l'animal est tenu en observation, et sa température est prise
à des intervalles rapprochés.
"Voici nos expériences :
Le CHIEN XV (P. 1,8
)) XVI (P. 1,1
» XVII (P. 1,9
» XVIII (P. 2,0
Aucun de ces chiens ne présenta d'ascension fébrile de la température.
Leur état général ne rappelait pas celui des animaux intoxiqués; ils ne
furent pas affectés de diarrhée. Deux présentèrent des vomissements, mais
ceux-ci s'expliquent très bien par la constriction exercée par les ligatures
sur les nerfs de la tunique intestinale.
10.
K.)
reçoit
10
ce.
de
bouillon
K.)
))
10
ce.
»
K.)
1)
i5
ce.
))
K.)
1)
i5
ce.
»
^6 J- DENYS cS: CH SLUYTS.
Les quatre animaux furent tués six heures après l'injection. L'anse liée
était plus ou moins distendue par un liquide transparent, mais elle ne pré-
sentait ni congestion, ni érosions, ni hémorrhagie. Elle était pâle, comme
le reste de l'intestin. Les* villosités avaient conservé leur épithélium. La
muqueuse avait gardé tous ses caractères normaux, après avoir subi, pen-
dant six heures, le contact d'un bouillon e'ininemment toxique et capable,
après injection dans une séreuse, de provoquer aux mêmes doses l'intoxication
mortelle, avec des lésions intenses de tout le trac tus digestif. Le contraste
devient encore plus frappant, quand on songe que l'anse liée ne représentait
pas la dixième partie de la longueur totale de l'intestin. Jamais les conditions
naturelles ne pourront placer le poison du choléra dans des circonstances
plus favorables pour agir sur la muqueuse, que son emprisonnement dans
une anse intestinale. Malgré cela, il se montre d'une impuissance aussi
radicale que le poison du Bacillus coli communis.
On pourrait peut-être nous objecter que la toxine est détruite par les
ferments digestifs : suc gastrique et suc pancréatique. Mais l'un de nous (i)
a démontré qu'elle résiste victorieusement à ces deux digestions, même pro-
longées pendant vingt-quatre heures.
L'absence d'intoxication ne peut pas s'expliquer par une
rétention dans le foie.
Le foie est placé sur le parcours de toute matière qui vient de l'estomac
ou de l'intestin et on lui a attribué le pouvoir de retenir certains poisons et
d'en débarrasser l'organisme (Heger, Charrin). L'absence des différents
symptômes d'intoxication, tels que l'ascension fébrile passagère, ne pourrait-
elle être due à une neutralisation exercée par ce viscère sur la toxine du
choléra asiatique? Dans cette hypothèse, une certaine quantité de toxine
pourrait être résorbée, mais serait incapable de produire ses effets, parce
qu'elle ne dépasserait pas l'organe hépatique.
Nous ferons remarquer que dans ce cas on devrait trouver au moins
les lésions de la muqueuse intestinale, surtout de celle qui tapisse les anses
liées, mais l'expérimentation n'est de nouveau pas d'accord avec cette
hypothèse.
Le poison déposé dans le territoire de la veine-porte, et obligé par con-
séquent de passer par le foie avant d'entrer dans la circulation générale,
(l) Ch. SlUYTS : Op. cit.
CHOLERA ASIATIQUE 77
n'agit pas avec moins d'intensité que celui que l'on injecte dans la plèvre.
Au contraire, nous lui avons trouvé une puissance tout à fait extraordinaire,
de façon que nous avons vu se produire les intoxications les plus graves avec
des doses, qui, introduites dans la cavité pleurale, auraient donné lieu tout
au plus à une pyrexie de courte durée, et peut-être à quelques légères ma-
nifestations du côté du tube digestif.
Comme endroit d'introduction, nous avons choisi la rate; celle-ci était
tirée au-dehors, et l'injection faite dans sa substance même au moyen d'une
seringue de Pravaz. Le liquide injecté reste sur place pendant un certain
temps, comme on peut le constater par la persistance des taches jaunes qu'il
produit sous la capsule. Il ne peut donc être question d'un départ brusque
et immédiat du poison, qui mettrait le foie devant une tâche à laquelle il
ne pourrait suffire. Au contraire, ce départ a lieu lentement et graduellement.
Voici nos expériences :
CHIEN XIX, jeune, pesant i,8 K. T.R. 38", i. Injection dans la rate de 2 ce.
de bouillon.
12, oS heures. Injection terminée.
2,00 I) T.R. 33°, 5. Couché en long dans une prostration pro-
fonde. Ne sait plus se tenir sur les pattes.
3,00 1) Trouvé mort. N'a eu ni selles ni vomissements (choléra
sec). Lésions marquées et caractéristiques de l'estomac, de
la partie supérieure de l'intestin grêle et du gros intestin.
CHIEN XX, jeune, pesant 2 K. T.R. 38°.
12,25 heures. Injection de i ce. Après l'opération, T.R. 37°.
1,45 I) T.R. 34°, 5. Prostration complète, masses molles à l'anus.
3,00 I) Trouvé mort. Lésions comme le précédent.
CHIEN XXI, jeune, pesant 1,2 K. T.R. 38°, i.
11,45 heures. Injection de o,5 ce. Après l'opération, la température est
descendue à 360,7.
12,00 » Un vomissement.
2,3o 1) T.R. 3go,5. Deux nouveaux vomissements.
3,3o I) Nausées. Fort abattement.
4,3o I) Une selle.
5,3o )) T.R. 38°, 4. Le chien est tué. Lésions caractéristiques du
gros intestin.
CHIEN XXII, jeune, pesant 1,7 K. T.R. 38°,i.
12,00 heures. Injection de o,25 ce. Après l'opération, la température est
descendue à 37°.
12, ig » Un vomissement alimentaire et une selle liquide. Abattement.
12,35 I) Nausées.
78 J DENYS & CH. SLUYTS.
12,40 heures. L'état nauséeux persiste.
12,45 i> Un deuxièrrie vomissement, aqueux, coloré en vert. Abat-
tement extrême.
2,3o » Trouvé mort. Lésions intestinales intenses dans la partie
supérieure de l'intestin grêle, moindres dans la partie in-
férieure, . bien accusées dans le gros intestin.
Si nous récapitulons ces dernières expériences, nous voyons :
une dose de 2 ce. tuer en moins de 3 heures,
» r> 1 ce. n y, 2 1 /2 »
» r, C,25 ce. n r, 1 1/2 »
Rappelons que ces doses déposées dans la plèvre produisent une indis-
position légère, et que des doses lo fois, 20 fois, 40 fois plus fortes, ne dé-
terminent généralement qu'une intoxication moyenne, dont l'animal se
remet. Nous voulons bien admettre que la résorption dans la rate est peut-
être plus rapide que dans la plèvre; mais nous croyons aussi que l'on doit
admettre que le foie n'exerce, comme organe emmagasinant la toxine du
choléra, aucune action appréciable. Si ce viscère était chargé de ce rôle, il
aurait dû, nous semble-t-il, retenir facilement le poison contenu dans 0,25 ce.
de bouillon, ou tout au moins lui enlever son action réellement foudroyante.
Nous concluons : la rétention de la toxine du choléra asiatique dans le
foie ne peut pas expliquer l'innocuité des hautes doses de bouillon introduites
dans le tractus digestif.
Ajoutons que chez deux chiens nous avons injecté dans la rate 0,5 et
1 ce. d'eau salée physiologique, sans voir cette opération suivie d'aucun
effet particulier.
CONCLUSIONS.
Nous ne pouvons que répéter ce que nous avons dit plus haut, à savoir
que la toxine du vibrion asiatique se comporte dans l'intestin comme celle
du coli-bacille. La muqueuse saine se refuse à l'absorber, et supporte son
contact sans se laisser entamer, bien entendu si le poison se présente du
côté de la lumière du tractus digestif. Quand il peut aborder la muqueuse
par sa face profonde, il y exerce au contraire les ravages les plus profonds :
congestion, hémorrhagie, desquammation épithéliale.
I^a conséquence qui se dégage de ces faits, c'est qu'il n'est pas permis
de se représenter l'intoxication cholérique comme la résultante d'un acte
CHOLERA ASIATIQUE 79
unique, d'une simple absorption par la muqueuse digestive d'un poison qui
s'est formé accidentellement dans le tube digestif, par suite de la pénétration
d'un microbe spécial. Le tractus digestif supporte, chez le chien, des doses
plusieurs fois mortelles de poison, sans en laisser pénétrer assez dans le corps
pour produire la moindre réaction appréciable. Nous ne pouvons pas douter
qu'il en soit de même chez l'homme, car les lois de l'absorption sont des
lois générales. Du reste, nous savons que la muqueuse se refuse, à l'état
normal, à absorber une toxine pour ainsi dire identique à celle du choléra
asiatique, la toxine du Bacilhis coli coniniunis, qui est l'hôte constant du
tube digestif et qui y élabore sans cesse son poison.
La manière dont se comporte la muqueuse digestive est loin d'éclaircir
la pathogénie du choléra, elle est plutôt faite pour jeter plus d'obscurité
encore sur ce processus. Non seulement l'homme peut avaler impunément,
la plupart du temps du moins, comme l'ont démontré des expériences ré-
centes et nombreuses, les bacilles-virgules vivants, mais on doit admettre
que son intestin tolère des quantités considérables de toxine, sans que son
fonctionnement ou celui de l'économie entière en soit troublé.
Au début de la notion microbienne du choléra, on pouvait se représenter
l'explosion de la maladie d'une façon très simple. Le sujet avalait le microbe;
celui-ci, arrivé dans l'intestin, y pullulait, y élaborait sa toxine et celle-ci
passait dans le sang,, absorbée comme le sont la peptone ou le glucose.
Depuis quelque temps déjà, on a dû abandonner une partie de cette concep-
tion facile, et il a été établi, par des faits nombreux, que le vibrion asiatique
peut traverser le tube digestif sans donner lieu à l'explosion de la maladie.
Mais voici plus : l'autre partie de la conception, celle de la simple absorp-
tion, ne résiste pas davantage à l'expérimentation, et il ne suffît nullement
que l'intestin renferme le poison, pour que l'intoxication s'en suive; il faut
admettre, au contraire, que ce dernier peut en supporter impunément des
quantités extraordinaires. Mais comment se figurer alors la genèse du
choléra?
Nous nous permettrons de formuler une hypothèse, qui d'un côté a
l'avantage de se concilier avec les résultats de l'expérimentation et de l'autre,
n'est pas en contradition avec les faits cliniques. Les expériences sur le
chien ne permettent pas d'admettre la résorption du poison par la muqueuse
intacte. En outre, rien ne nous autorise à admettre que le vibrion sécrète une
substance qui altérerait la muqueuse et lui enlèverait ses qualités protectrices.
Car pourquoi ne trouverions-nous pas cette substance dans le bouillon? Il
80 J DENYS & CH. SLUYTS.
est donc nécessaire que le microbe parvienne à se développer préalablement
sur une surface ou dans un organe qui laisse passer le poison. Où pouvons-
nous trouver cette surface ou cet organe? Ne serait-ce pas parmi les glandes
annexées au tube digestif : le foie, le pancréas, qui communiquent direc-
tement avec la cavité intestinale. Dans cette hypothèse, le vibrion serait
à même de développer son action pathogène du moment qu'il pourrait
pénétrer dans les canaux excréteurs de ces glandes, s'y développer, et y
élaborer son poison. Celui-ci serait résorbé, passerait dans le sang; de là,
il agirait a tergo sur les cellules épithéliales, les ferait tomber, et, dès lors,
les voies d'absorption les plus puissantes de toute l'économie étant ouvertes,
le poison ferait irruption par toute la muqueuse digestive et produirait
l'intoxication si profonde, si rapide, du choléra asiatique. Il est entendu que
l'absorption porterait également sur la toxine du coli-bacille et que celle-ci
continuerait, au besoin, l'action du bacille-virgule. Ainsi s'expliquerait la
persistance de l'état cholériforme, alors que les bacilles-virgules sont devenus
très rares, et que la flore du tube digestif est presque uniquement réduite
au Bacillus coli commitnis.
En lin mot, Hntoxication par le vibrion asiatique, comme celle du
choléra nostras, comprendrait deux actes, dont le premier se jouerait dans
un organe laissant filtrer le poison, et le second, dans l'intestin.
Nous le répétons, notre but est de présenter une hypothèse qui tient
compte desdonnéesde l'expérimentation. Il faudra évidemment de nouvelles
recherches pour établir si elle est vraie ou fausse, ou si elle doit être mo-
difiée. Mais elle aura peut-être l'avantage de contribuer à éclaircir le mys-
tère de l'intoxication cholérique.
Tout récemment, Emmerich et Tsuboi fi) ont attribué l'action toxique
du vibrion du choléra asiatique aux nitrites que ce microbe produit par réduc-
tion des nitrates. Ces auteurs font remarquer d'abord que cet organisme,
mieux que tout autre, possède la propriété d'opérer cette transformation
(Pétri); en outre, l'alimentation introduit dans le tube digestif, surtout par
certains légumes, des quantités de nitrates relativement considérables et
amplement suffisantes pour déterminer, après leur réduction, un empoison-
(i) R. Emmerich et ]. Tsuboi • Tiic Choiera asiatica, einc Jiircli Cliolerabacillcn verursac/ite
Nitritvcfgiftuiig ; d'après le Centr, f. Bakt , B. XIV, N" 4/5, i8y3.
CHOLÉRA ASIATIQUE 8l
nement mortel. Opérant sur des lapins, des cobayes et des chiens, ils ont
provoqué avec le nitrite de sodium un état cholériforme identique à celui
déterminé par le vibrion lui-même : vomissements, diarrhée, cyanose,
chute de la température, convulsions. L'intestin du chien fut trouvé quel-
quefois injecté par places et ecchymose; dans ce cas, le contenu intestinal
était légèrement sanguinolent.
Les résultats que nous avons obtenus semblaient peu se concilier avec
l'opinion d'EiviMERiCH et de Tsuboi.
Nous ferons remarquer d'abord que nous obtenons des effets très pro-
noncés, la mort même, avec des doses qui paraissent complètement incom-
patibles avec un empoisonnement par des nitrites. Ainsi les chiens VI
(poids 1 ,2 k.) et VII (poids i,i k.) succombent à l'administration intra-pleu-
rale de 5 ce. et de 10 ce. de bouillon. Soyons larges et admettons que notre
bouillon renferme 2 0/00 de nitrite ; cela fait pour le premier chien i centi-
gramme et pour le second 2 centigrammes du sel. Peut-on admettre que
cette quantité ait été suffisante pour produire l'état cholériforme et la mort,
alors que les savants de Munich fixent eux-mêmes la plus petite dose cholé-
rigène à o,3 gr. ? La supposition devient encore plus improbable, quand on
examine l'effet de l'injection du bouillon dans la rate (chiens XIX, XX
et XXI II. Nous obtenons dans ce cas le tableau cholériforme et la mort
avec 2 ce, i ce. et 0,25 ce. En admettant toujours la proportion de 2 0/00
de nitrite dans notre bouillon, nous aurions produit le choléra avec
4 milligr., 2 mill.et un demi-milligramme de nitrite. Tout cela nous paraît
invraisemblable et trahit l'action d'une toxalbumine plutôt que celle d'un
"composé salin inorganique.
Autre considération : le chien, si sensible au poison cholérigène quand
il est déposé dans ses tissus, en supporte des quantités considérables, sans
le moindre trouble de la santé, quand le poison est introduit dans le tube
digestif. Les nitrites étant des cristallo'ïdes, c'est-à-dire des corps doués de
la propriété de diffuser à travers les membranes, comment expliquerait-on
la tolérance pour les fortes doses déposées dans l'estomac et dans l'intestin?
Cette tolérance singulière n'indique-t-elle pas plutôt une substance non dia-
lysable, telle qu'une toxalbumine ?
Enfin, nous avons fait nous-mêmes quelques empoisonnements avec le
nitrite de potassium, sans obtenir cette ressemblance complète avec le cho-
léra, signalée par Emmerich et Tsuboi.
82
J DENYS & CH. SLUYTS,
A trois chiens de 4 k. environ, nous injectons dans l'estomac :
10 ce. d'une solution à 1 0/0.
3o ce. »
40 ce. «
L'injection a lieu vers 2 h. de l'après midi; pendant tout le reste du
jour, les animaux sont blottis dans un coin, ils sont abattus et ne prennent
pas de nourriture. Ils n'ont ni vomissements, ni diarrhée. Ainsi, ils se
comportent tout autrement que les chiens qui reçoivent dans l'estomac le
bouillon du choléra asiatique. Revenus de leur sommeil chloroformique,
ces derniers se comportent absolument comme des chiens normaux : ils
mangent, ils jouent, ils courent à droite et à gauche.
Les chiens précédents ne présentent rien de comparable au choléra.
Chez les suivants, de même poids, nous notons un symptôme cholériforme :
le vomissement ou du moins les nausées.
CHIEN XXVI.
11,40
II, 5o
12,7
Ï2,25
CHIEN XXVII.
11,48
12
12,5
CHIEN XXVIII.
11,56
11,58
12,5
12,12
12, l5
11,40 heures. Injection dans Yestomac de 5o ce. d'une solution de
nitrite à 2 0/0.
I) Un vomissement.
» Un second vomissement. Abattement.
1) Meurt sans crampes.
I) Injection dans le péritoine de 5 ce. de la même
solution.
I) Nausées avec salivation. Abattement.
» Meurt sans crampes.
i) Injection dans le péritoine de 5o ce. de la même
solution.
)) Une selle moulée.
» Trois vomissements alimentaires consécutifs.
» Nausées violentes, ata.xie des mouvements. .
» Meurt sans crampes.
Ces chiens nous présentent des nausées et des vomissements, mais la
diarrhée fait défaut chez tous. En outre, à l'autopsie, nous n'avons dans
aucun cas trouvé les lésions qui ne font jamais défaut dans l'intoxication
cholérique mortelle chez le chien et qui se produisent si rapidement : la
congestion intense, les hémorrhagies, la desquammation épithéliale. Chez
tous les animaux, la muqueuse était pâle. Nous nous trouvons donc loin de
l'identité proclamée par Emmerich et Tsuboi.
Enfin, disons encore que dans une anse liée nous avons injecté 5 ce.
CHOLÉRA ASIATIQUE 83
de la solution à 2 o/o, sans obtenir les altérations de la muqueuse, et à un
autre animal i ce. de la solution à i o/o dans l'épaisseur de la rate, sans
produire aucun signe d'empoisonnement, ce qui diffère des eflfets fou-
droyants obtenus à cette dose avec la culture de vibrion.
L'hypothèse d'EMMERicH et de Tsuboi est donc loin de s'harmoniser
avec les faits. Du reste alors même que ces auteurs auraient prouvé l'iden-
tité des symptômes, nous estimons qu'ils n'auraient pas encore établi que la
nocivité du vibrion cholérique réside dans les nitrites, car un appareil peut
réagir de même façon vis-à-vis de substances très différentes. Contentons-
nous de rappeler le choléra dû au tartre stibié et à l'arsenic. Personne ne
s'avisera de chercher le principe actif du vibrion cholérique dans l'antimoine
ou l'arsenic. Gardons-nous donc de conclure que les nitrites sont l'agent
toxique du bacille-virgule, parce que leur action se rapproche ou même
serait identique à celle de cet organisme.
CONTRIBUTION
A L ETUDE DU
Développement Organique et Histologique
DU THYMUS,
DE LA GLANDE THYROÏDE ET DE LA GLANDE CAROTIDIENNE
PAR
A. PRENANT
AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE NaNCY
{Mémoire déposé le lo juin 1893.)
u
CONTRIBUTION
A l'Étude du
DÉVELOPPEMENT ORGANIQUE ET HISTOLOGIQUE
DU THYMUS, DE LA GLANDE THYROJDE ET DE LA GLANDE GAROTIDIENNE
BUT, MATÉRIAUX DÉTUDE ET MÉTHODES.
Le présent travail fait suite à une étude publiée récemment sur l'origine
du thymus et de la thyroïde latérale(i). Nous y avions examiné les premiers
développements de ces deux organes. Mais nous avions négligé l'examen de
leur évolution ultérieure. D'autre part, nous étions entièrement demeuré
sur le terrain anatomique, et faute de matériaux traités par des réactifs
convenables pour une étude histologique, nous avions dû complètement
laisser de côté l'histogenèse des ébauches du thymus et de la thyroïde laté-
rale pour nous limiter â leur organogénèse. Ce n'était pas sans regretter ne
pouvoir nous livrer à ces recherches histogénétiques, dont nous faisions res-
sortir l'intérêt en disant : " L'histologie de ces ébauches a toujours été négli-
gée, et ce ne sont nf les dessins de Kastschenko, ni ceux de de Meuron,
ni ceux même de Piersol qui peuvent être considérés comme suffisants au
point de vue histologique. La question demeure donc entière. Outre qu'elle
serait intéressante à traiter au point de vue spécial de la genèse du thymus
et de la glande thyroïde latérale, pour lesquels les données histogénétiques
nous paraissent inséparables des faits orgahogénétiques, elle éclairerait sin-
gulièrement l'histoire de l'origine des tissus conjonctifs, du tissu lymphoïde
en particulier, et permettrait peut-être d'apporter des faits probants à l'appui
de la doctrine des tissus apothéliaux, telle que C. Rabl l'a récemment for-
mulée. :» {Loc. cit., p. 220, note i.j
(il A. Prenant : Annotjtions sur le développement du tube digestif des mammifères; Journal
de Tanatomie et de la physiologie. 1892.
88 A. PRENANT
D'après ce qui précède, le présent travail a été entrepris dans le but de
satisfaire à un triple desideratum. 11 nous fallait en premier lieu poursuivre
le développement organique des formations dont nous ne connaissions que
la première apparition. En outre, nous désirions apporter une nouvelle con-
tribution à l'histogenèse des organes dérivés des fentes branchiales, qui
n'avait été jusqu'alors l'objet d'aucun travail spécial. Enfin, nous nous pro-
posions de faire servir cette étude histogénétique à la connaissance de la
genèse des tissus lymphoïdes, actuellement si controversée.
La question d'organogénèse et celle d'histogenèse spéciale se sont élar-
gies, relativement à ce qu'elles auraient dû renfermer, si elles avaient été
simplement la suite des recherches consignées dans notre précédent travail,
parce qu'il nous a fallu y comprendre deux organes autres que le thymus
et la thyroïde latérale, savoir la glande carotidienne et la thyroïde médiane,
à cause des relations étroites qui unissent primitivement ces diverses forma-
tions, ou qui s'établissent de bonne heure entre elles.
Par contre, si notre sujet s'élargissait de la sorte, nous avons restreint
les matériaux de notre travail, en ce sens que nous avons préféré étudier un
seul type aussi complètement que possible, plutôt que de disséminer nos
observations sur plusieurs. Nos recherches ont, en effet, porté uniquement
sur des embryons de mouton, dont nous avons examiné les stades suivants(i) :
E. de 8 mm. — 9 mm. — lo mm. — deux E. de 14 mm. — E. de 15 mm.
— 16 mm. — 17 mm. — 18 mm. — 20 mm. — 22 mm. — 24 mm. — quatre
E. de 25 mm, — E. de 26 mm. — trois E. de 28 mm. — E. de 30 mm. —
37 mm. — 40 mm. — 55 mm. — 60 mm. — 70 mm. — 77 mm. — 80 mm.
— 85 mm. — 90 mm. — 100 mm. — 105 mm. — 110 mm. — 1 14 mm. • —
Fœtus de 30 cm. — Fœtus de 40 cm. Fœtus presque à terme. — Fœtus
à terme.
Parmi ces embryons, les uns ont été traités par le liquide de'KLEiNEN-
BERG, quelques-uns par le bichromate de potasse à 1 0/0 ou par l'alcool; le
plus grand nombre ont été fixés par le liquide de Flemming, soit in toto
1) Comme le lapin est un des animaux sur lesquels la thyroïdectomie est le plus souvent
pratiquée, et comme les données embryologiques peuvent être d'un utile secours dans l'appréciation
des résultats de la physiologie expérimentale, nous nous proposons de rechercher plus tard si, chez
le lopin, le développement du thymus, de la glande carotidienne et de la thyroïde s'opère de la
même façon que chez la brebis.
Nous compléterons encore ces recherches, si nous en avons le loisir, par l'examen d'embryons de
porc, afin de vérifier les observations des auteurs qui nous ont précédé sur cet objet déjà plusieurs
fois étudié.
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 89
pour les plus petits embryons, soit le tronc ayant été séparé de la tète pour
les embryons plus volumineux, soit enfin après dissection préalable des
organes à étudier pour les stades âgés. Les pièces traitées par le liquide
chromo-acéto-osmique ont seules été utilisées pour l'étude des dispositions
histologiques fines, tandis que les autres ont été réservées à l'examen des
relations anatomiques.
Les objets destinés à être examinés au point de vue anatomique, à de
faibles grossissements, ont été généralement colorés en totalité par le carmin
boracique de Grenacher. Ceux qui avaient été fixés par la liqueur de
Flemming et sur lesquels devaient porter les examens histologiques à
l'aide d'objectifs forts, ont été colorés sur plaque par différentes méthodes,
telle que safranine-orange, safranine-bleu d'aniline, induline-safranine,
safranine-vert d'aniline, et le plus souvent par le procédé de triple colora-
tion dû à Flemming(0.
(i) Flemming : Neue Bdtràge ^ur Kenntniss der Zelle, II. Th. ; Arch. fûr mikr. Anat., Bd. XXXVII,
H. 4, et Ueber Tlieilung iind Keniformen bei Leukocyten und ûber deren Altractionssphàren; Ibid.
Thymus et Glande Carotidienne.
Il est aujourd'hui reconnu que le thymus a pour ébauche la troisième
poche entodermique branchiale; que la plus grande partie, le corps, de cet
organe est fournie par un prolongement coudé de la poche branchiale; que
celle-ci même est employée à former la portion proximale ou tète du thymus;
qu'enfin la troisième ppche branchiale donne encore naissance à une forma-
tion spéciale, que plusieurs auteurs ont considérée comine l'ébauche de la
glande carotidienne.
Nous examinerons d'abord l'organogénèse et l'histogenèse, encore très
controversées, de la glande carotidienne. Viendront ensuite quelques parti-
cularités relatives au développement de la tête du thymus. Les premiers
développements du corps du thymus, n'ayant plus guère de secrets à livrer,
ne nous occuperont que peu. Nous terminerons par l'histogenèse du thymus.
1" Glande carotidienne (organogé}iie et histogénie).
L'organe, formé par la troisième poche branchiale, qui, aux yeux de
quelques auteurs et d'après notre opinion, représente l'ébauche de la glande
carotidienne, a été découvert par Stieda (79) chez les embryons de porc et de
brebis. C'est un ^ corps triangulaire " placé sur le trajet de la fente branchiale,
à l'endroit où de celle-ci part le diverticule qui donne naissance au thymus.
Ce corps, Stieda l'a parfaitement vu s'isoler de l'épithélium branchial, se
placer entre le thymus et la cavité du pharynx, et constituer un organe
arrondi, c[u'il suppose être la glande carotidienne [loc. cit., p. 19), bien qu'il
ne l'ait pas suivi dans son évolution ultérieure. La fig. 5 de la Pl. II montre
le rudiment de la glande carotidienne chez un embryon de brebis de 1 1 mm.
Stieda représente ensuite l'ébauche carotidienne, Pl. II, fig. 8 et 10, chez
des embryons de brebis de 15 et de 18 mm., comme attachée à la glande
thyro'idienne latérale, laquelle, on le sait depuis Stieda même, dérive de la
quatrième poche branchiale. Les figures 8 et 10 ne peuvent donc se rapporter
g2 A. PRENANT
au même objet que celui que montre la fig. 5, puisque ce dernier est en
rapport avec le thymus (dérivé de la troisième poche branchiale), tandis que
l'organe des fig. 8 et 10 est en relation avec l'ébauche thyro'idienne latérale.
Stieda, en réalité, a fait une confusion entre deux fentes branchiales succes-
sives, ce qui lui a fait confondre en outre deux organes d'aspect identique,
produits par l'une et l'autre fente d'une façon indépendante. Ce qu'il nomme
et figure tour à tour comme glande carotidienne, c'est d'abord l'organe
dérivé de la troisième poche branchiale, Pl. II, fig. 5; puis, un épaississe-
ment de la quatrième poche entodermique, annexe à l'ébauche thyro'idienne
latérale ou accessoire qui dérive de cette poche, Pl. II, fig. 8 et 10(i).
Ce même organe de la troisième poche branchiale a été retrouvé par
C. Rabl (50) et par Fischelis (20j, qui l'ont désigné comme le rudiment de
la glande carotidienne. — Il a été observé aussi par Kastschenko (37) et par
Piersol(57), qui l'ont fait entrer dans la constitution de la tète du thymus.
Kastschenko l'a nommé « nodule thymiquer et l'a décrit, précisant sa struc-
ture et sa situation, comme une masse d'épithélium, envahie par du tissu
conjonctif, située au sommet de la courbe décrite par la troisième fente
épithéliale, au voisinage de cette partie du sinus praecervical que représente
la troisième poche épidermique. — de Meuron (5 0 et nous-mème (Sg) dans
notre précédent travail avons aussi constaté son existence. C'est à de Meu-
ron que revient réellement le mérite d'avoir découvert que cet organe est
un épaississement de l'épithélium de la poche branchiale; mais, pour n'avoir
pas suivi l'évolution ultérieure de cette formation sur des embryons d'un âge
suffisamment avancé, il n'a pu que supposer en elle la glande carotidienne.
Nous avions dû précédemment être plus réservé encore, nous borner à con-
stater l'origine de ce corps telle que de Meuron l'avait reconnue, sa consti-
tution toute spéciale, ses rapports étroits avec la tête du thymus. Nous
croyons pouvoir affirmer aujourd'hui qu'il n'est autre que la future glande
carotidienne.
A côté des auteurs qui soutiennent la participation de l'épithélium
branchial soit de la troisième poche entodermique (Stieda, Rabl, de Meu-
ron, nous), soit de la quatrième poche (Stieda), à la constitution de la glande
carotidienne, se placent des auteurs qui nient cette participation, ou bien
qui admettent pour la glande une genèse toute différente.
(i) Cette confusion de Stieda a passé en général inaperçue. Ainsi de Meuron, dans son travail
d'ensemble sur les dérivés branchiaux, attribue à Stieda cette opinion exclusive, que la glande carotide
dérive de la portion épaissie de l'épithélium de la quatrième fente branchiale (Rec. zool suisse, t. III,
p. 583 et 622 )
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 93
BoRN, par exemple, dit à ce sujet {loc. cit., p. 309) : „Je n'ai pu trouver
d'ébauche épithéliale de la glande carotidienne, telle que la figure et la
décrit Stieda. A l'extrémité dorsale des ébauches paires de la thyroïde, j'ai
trouvé... souvent un prolongement épithélial recourbé (comp. fig. 13 et 14),
qui correspond exactement à l'ébauche carotidienne de Stieda, mais je n'ai
pu en observer le développement ultérieur; je suis plutôt disposé, au cas
où ce prolongement s'isolerait parfois et s'accroîtrait, à en faire provenir les
glandes thyro'ïdiennes accessoires dorsales. " Ajoutons immédiatement qu'on
cherche en vain dans les figures 13 et 14 de l'auteur quelque chose qui
corresponde exactement à ce que Stieda a représenté dans sa figure 10.
Dans la description très brève qu'il donne de l'épaississementde la quatrième
poche entodermique, dont Stieda a fait l'ébauche de la glande carotidienne,
BoKN dit ' seulement ceci : " Le collet étroit (de la quatrième poche) pousse
en arrière un bourgeon cellulaire plein, coudé (embryon de porc de 16 mm.) »
(BORN, p. 302).
Ce ne sont là, relativement à l'origine de la glande carotidienne, que
des faits négatifs. Kastschenko (37), Marchand (47J, pour nous limiter à
ceux qui ont appuyé leur manière de comprendre la glande carotidienne sur
des données embryologiques, apportent au contraire des faits positifs à l'appui
d'une opinion toute différente de celles qui précèdent; pour eux, en effet, la
genèse de la glande se, fait indépendamment de l'épit hélium branchial, et
de la façon suivante.
Kastschenko (37) a décrit un nodule thymique, qui n'est autre que la
prétendue glande carotidienne de Stieda. Stieda, dit-il, a décrit exactement
la structure de ce nodule épithélial, qui, d'après lui, doit plus tard se séparer
de l'ébauche thymique et rester en contact avec la carotide. Selon Kast-
schenko, cela n'est pas exact. Il n'a jamais vu, en effet, ce nodule séparé de
l'ébauche du thymus. Avec le temps, le nodule est enfoncé dans la tête du
thymus, et la distance entre ce corps et la carotide devient par conséquent
toujours plus grande. La véritable glande carotidienne, Kastschenko l'a
rencontrée pour la première fois chez des embryons de porc de 14-15 mm.,
sous forme d'un nodule elliptique, qui entoure la carotide interne au niveau
de la bifurcation de la carotide primitive. Ce nodule se développe comme
un épaississement annulaire de l'adventice artérielle, fig. 9, gdc {\). Il est
(1) Disons tout de suite que nous n'avons jamais rien vu qui resstimble au dessin donné par
Kastschenko (fig. q). Ce dessin d'ailleurs nous paraît consacrer une impossibilité matérielle absolue-
la glande carotidienne y est, en effet, figurée occupant toute l'épaisseur de la paroi artérielle; il ne
reste plus rien pour cette dernière, qui cependant, en quelque point de la carotide qu'on l'observe,
est fort puissante.
12
94 A. PRENANT
intimement uni au ganglion plexiforme du nerf vague et au premier ganglion
sympathique, et il se montre traversé par un grand nombre de filets nerveux.
Chez des embryons de porc de 30 mm., le nodule s'est déplacé latérale-
ment, et plus tard d'avanta'ge encore, vers l'angle de bifurcation de la carotide
primitive, fig. 4 et 9. Il n'entoure plus alors la carotide interne régulière-
ment, mais il est épaissi du côté de la bifurcation carotidienne et aminci de
l'autre côté. En dehors du nodule en^question, l'auteur avoue n'avoir trouvé
dans la région de la division de la carotide commune aucune formation qui
pût rappeler la glande carotidienne. C'est donc en quelquesorte faute d'autre
chose qu'il considère comme telle le nodule annulaire périartériel.
Marchand ("47) a étudié des stades âgés d'embryons humains (le plus
jeune ayant quatre mois). Aussi avoue-t-il : ^ Ich selbst war nicht in der
Lage, mir durch systematische Untersuchung friiher Entwickelungsstadien
ein eigenes Urtheil tiber die Frage der ersten Entstehung der Glandula
carotica zu bilden. » Ses études histologiques de la glande carotidienne déjà
complètement formée lui permettent cependant de soutenir une opinion
analogue à celle de Kastschenko quant à l'origine et par conséquent à la
nature de cet organe.
Le travail de Schaper (73bis) conclut à l'existence dans la glande caroti-
dienne de nodules épithéliaux abondamment vascularisés, sans que cepen-
dant les vaisseaux y forment des réseaux admirables ; les vaisseaux ont une
paroi propre, mais les cellules épithéliales ont avec la paroi vasculaire des
rapports très intimes. Relevons dans ce travail un fait que nous avons eu
aussi l'occasion de constater : c'est la difficulté qu'il y a à conserver les
éléments de la glande carotidienne en bon état de fixation; difficulté que
l'auteur attribue à la richesse très grande de ces éléments en hyaloplasme.
Nous terminerons cet aperçu bibliographique en mentionnant un récent
travail de H. Stilling (80), L'auteur examine la structure du «prétendu
ganglion intercarotidien" des anciens auteurs chez plusieurs mammifères
et chez l'homme, et de son examen il conclut que cette formation, « quelle
que soit son origine embryonnaire, n'est ni un simple lacis vasculaire, ni
un organe rudimentaire, mais une glande vasculaire sanguine, d'une struc-
ture analogue à celle des capsules surrénales » (p. 3). Sans doute cette con-
clusion ressort bien des faits constatés par Stilling. Mais elle découlerait
cependant bien plus nettement et plus directement encore d'une étude
embryologique, l'origine d'un organe pouvant nous renseigner mieux que
quoi que ce soit, mieux que les rapports anatomiques et la structure de cet
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 95
organe, sur sa véritable nature. Certaines dispositions histologiques, en effet,
comme par exemple celle qui consiste dans la relation étroite des cordons
cellulaires de la glande et des vaisseaux sanguins, peuvent être interprétées
de deux manières, avec un succès presque égal.
Chez l'embryon de la brebis, l'organe carotidien apparaît, ainsi que l'a
montré de Meuron (pi. XXVI, fig. 22) et comme nous l'avons vérifié nous-
méme après lui (59, pi. XIII, fig. 2, Ij, sous forme d'un épaississement de la
paroi de la troisième poche branchiale avec laquelle il fait corps. De Meuron
précise le lieu d'apparition, en disant que c'est la paroi dorsale de la fente
qui s'épaissit pour le constituer. Cet épaississement nous paraît, au contraire,
situé sur la paroi ventrale de la fente branchiale, c'est-à-dire sur celle qui
est tournée du même côté que la cavité laryngienne, sur celle en d'autres
termes de laquelle émane la paroi du diverticule, auquel la plus grande par-
tie du thymus doit sur origine. Il dépend particulièrement, et c'est là la
situation que Kastschenko avait reconnue à son nodule thymique, de cette
portion de la troisième poche entodermique, qui est adossée à la poche
ectodermique correspondante.
L'organe se compose, chez des embryons de brebis de 14 et de 15 mm.,
de travées cellulaires dont le trajet est assez capricieux, mais qui offrent
cependant une direction principale longitudinale, c'est-à-dire perpendiculaire
au grand axe de la poche branchiale, Pl. I, fig. 1 et 2. En beaucoup d'en-
droits, la structure trabéculaire de l'organe est beaucoup plus accentuée
même que dans la coupe qui a servi à dessiner les fig. 1 et 2. Les travées
principales sont anastomosées ensemble par des travées transversales sem-
blables à elles-mêmes ; ou bien elles confluent çà et là pour former des
masses plus larges qui se présentent sous forme de nodosités. Les travées
sont séparées les unes des autres par des espaces conjonctivo-vasculaires,
plus ou moins larges et plus ou moins nets, suivant l'abondance variable
des globules sanguins qui s'y trouvent contenus; outre les globules sanguins,
ces espaces renferment encore des éléments cellulaires à noyau allongé, qui
représentent tantôt des cellules connectives, tantôt des éléments endothé-
liaux de la paroi des vaisseaux. Les cellules qui composent les travées sont
de forme polyédrique, bien que souvent mal limitées ; elles sont intimement
juxtaposées dans une travée ou une nodosité, si bien qu'elles présentent un
arrangement épithélial. Outre ce caractère, elles se distinguent par la con-
stitution très dense de leur protoplasme, de telle sorte que l'ensemble de
l'organe se reconnaît à un faible grossissement par son aspect plus sombre
96 A. PRENANT
et plus coloré. Par comparaison avec un objet dont l'aspect nous est familier,
nous dirions volontiers que les travées cellulaires de notre organe ressemblent
par la nature de leur protoplasme, par leur disposition épithéliale, par leurs
rapports intimes avec des vaisseaux, aux cordons ou aux îlots sexuels de la
glande génitale.
Les rapports des travées avec les tissus ambiants sont les suivants.
A la base de l'organe, implantée sur la paroi branchiale, l'extrémité des tra-
vées se continue avec cette paroi et se confond avec elle ; chaque travée
paraît ainsi un bourgeon de l'épithélium de la fente ; par suite, l'ensemble de
l'organe apparaît comme un épaississement de cet épithélium. Les travées
cellulaires qui composent l'ébauche de l'organe ont donc, à en juger par ces
relations intimes avec la paroi branchiale, une origine épithéliale. Contre
l'idée de cette origine, on ne pourrait opposer que ce fait : l'organe n'est pas
délimité nettement partout d'avec le tissu mésenchymateux ambiant, de
façon que l'on peut penser que les cellules mésenchymateuses, en prenant
des cai-actères spéciaux, s'unissent en travées qui envahissent l'épithélium.
On peut, il est vrai, tout aussi bien penser que les végétations épithéliales
ou travées cellulaires poussent d'une manière diffuse et peu à peu dans le
mésenchyme, d'où résulte que l'organe ne peut être limité du côté de ce
dernier. La plupart de ces détails ont été reconnus déjà par Stieda, à la
description duquel les auteurs qui ont suivi n'ont rien ajouté d'important.
Dans son remarquable mémoire, Stieda, parlant du corps triangulaire (rudi-
ment de la glande carotidienne) chez des embryons de porc de 12-16 mm.,
s'exprime ainsi : ^ Les cellules qui constituent ce corps sont rondes ou angu-
leuses, avec protoplasme délicat et noyau arrondi très bien limité. Les
cellules sont très serrées les unes contre les autres, prennent vivement le
carmin, ce qui fait que le corps triangulaire paraît plus fortement coloré
que le cordon épithélial. Il n'est pas douteux que ce corps soit, comme le
cordon, de nature épithéliale; les cellules du cordon et celles du corps
triangulaire se continuent partout les unes avec les autres au moyen de
formes intermédiaires; il n'y a pas entre les unes et les autres de limites
nettes.» (Loc. cit., p. 14.)
La structure réticulée de l'organe va en s'accentuant avec l'âge ; elle est
par exemple beaucoup plus marquée chez des embryons de 25 et de 28 mm.,
FiG. 3. Du reste, elle dépend toujours dans une certaine mesure de l'état
des vaisseaux et de leur plus ou moins grande distension par le sang. Ainsi
chez un embryon, plus âgé, il est vrai, que les précédents (40 mm. de long).
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 97
OÙ les capillaires de l'organe carotidien étaient bourrés de globules, la texture
trabéculaire et réticulée était des plus manifestes, fig. 4. Enfin, cette texture
me paraît être facteur de la nature du réactif employé pour la fixation et le
durcissement de la pièce. J'ai, en effet, toujours trouvé, chez des embryons
plus développés à la vérité que ceux dont il vient d'être question (de 70, 77
et 1 14 mm.), que le traitement soit par le bichromate de potasse, soit par le
liquide de Kleinenberg, exagérait considérablement la constitution réticu-
lée, FIG. 5, tandis qu'à la suite de l'action du liquide de Flemming cette
constitution était moins évidente.
La texture trabéculaire et réticulée paraît quelquefois remplacée par
une texture lobulaire ou même acineuse. En effet, on peut voir les cellules
disposées par îlots ou lobules, séparés les uns des autres par des tractus
conjonctifs et des vaisseaux. Je crois que cet aspect lobulaire est dû à ce
que les travées s'appliquent les unes contre les autres ou se replient sur
elles-mêmes, lorsque les vaisseaux sont vides de sang ou à peu près, et sans
doute dans d'autres conditions encore et pour d'autres raisons que celle de
la vacuité vasculaire. Il en résulte d'abord que l'organe prend une texture
beaucoup jplus compacte, et en outre que cette texture, qui continue en
réalité d'être trabéculaire, peut en imposer pour une constitution acineuse
comparable à celle d'une glande en grappe. A un fort grossissement, l'ana-
logie est çà et là plus frappante encore, fig. 3, a, parce que çà et là l'on
peut voir au centre d'un îlot cellulaire une petite cavité arrondie ou ovalaire
qui simule le lumen d'un acinus. Je crois cependant que, même dans ce cas,
la structure acineuse n'est qu'une apparence, et que les prétendues lumières
ne sont autres que des espaces conjonctivo-vasculaires ; ceux-ci sont très
étroits, parce qu'ils sont englobés, enserrés par le boyau cellulaire qui s'est
replié sur lui-même. Ce bo3^au enferme alors un capillaire sanguin, à peu
près comme la partie initiale du tube urinifère est reployée autour d'uo--
peloton vasculaire pour former la capsule de Bowmann.
La structure de l'organe carotidien, chez des embryons âgés (de 30 et
de 40 cm.\- chez des fœtus à terme ou presque à terme et chez l'animal
adulte, est franchement réticulée.
Stieda a très bien observé la constitution réticulée de l'organe chez
de jeunes embryons. Chez un embryon de brebis de 35 mm., la glande
carotidienne est formée, dit-il, par un réseau de cordons cellulaires, qui est
traversé par des vaisseaux sanguins; les vaisseaux sanguins et les cordons
cellulaires sont à peu près d'égale importance {loc. cil., p. 23). Dans les
98 A. PRENANT
conclusions relatives à la glande carotidienne, il dit que la masse cellulaire,
dont cet organe est primitivement formée, est pénétrée dans le cours du
développement par des vaisseaux sanguins, si bien qu'à une certaine phase
la glande carotidienne consiste en un système de cordons cellulaires pleins,
ramifiés et de vaisseaux sanguins interposés, pl. I, fig. 16. n Je ne sais,
ajoute-t-il, si plus tard les cordons s'étranglent et s'il se fait ainsi une
foi-mation de vésicules ou d'acinis. D'après les faits trouvés par Luschka
et d'autres, cela est presque à supposer; des recherches ultérieures seront
ici très désirables « (loc. cit., p. 34).
Le réseau formé par les trabécules épithéliales m'est apparu avec des
caractères un peu différents suivant les cas. Ou bien il était très régulier,
constitué de cordons d'épaisseur à peu près partout égale, contenant chacun
deux rangées de cellules polyédriques. Chez d'autres embryons, il présen-
tait un aspect plus irrégulier; certains cordons étaient réduits à une file de
cellules, tandis que çà et là les travées cellulaires s'épaississaient pour for-
mer de véritables plaques, quelquefois larges de 10-12 cellules. Enti'e les
deux rangées d'éléments d'un cordon cellulaire ou dans l'épaisseur d'une
plaque, il ne m'a jamais été possible de déceler une fente ou une cavité
arrondie qui pût représenter une lumière glandulaire.
Les mailles du réseau épithélial sont occupées par autant de vaisseaux
sanguins, tapissés par une membrane endothéliale. Ces vaisseaux, qui sont
par conséquent extrêmement nombreux, communiquent à l'organe, lors-
qu'ils sont gorgés de sang, une couleur rouge très foncée. Il m'a semblé que
les vaisseaux étaient plus spacieux à la périphérie de l'organe que dans les
régions centrales.
Les relations intimes qui existent entre les trabécules épithéliales et
les vaisseaux et aussi l'absence de toute lumière dans l'intérieur des travées
cellulaires sont deux conditions anatomiques qui font comprendre comment
on a pu [Arnold (4), Pfôrtner (56), Marchand (47)] considérer ces travées
comme n'étant pas autre chose que des cellules périvasculaires ou périthé-
liales, de forme épithélioïde, mais non de nature épithéliale, disposées
autour de la paroi des vaisseaux, dont elles sont un simple épaississement; la
glande carotidienne serait alors réductible, comme l'ont soutenu Sertoli(77)
et Eberth (18) pour la glande coccygienne, à un lacis vasculaire. Mais
l'étude des premières phases du développement de la glande carotidienne,
en montrant que celle-ci a son origine dans l'épithélium branchial, permet
de rejeter la précédente manière de voir et de se rallier à l'opinion que
DEVELOPPEMENT DU THYMUS 99
LuscHKA (45), Heppner (34) et Stilling (8o) ont défendue, d'après laquelle
il s'agit bien ici d'un organe glandulaire épithélial (i).
Il me reste à signaler un fait qui ne manque pas d'importance; car il
est peut-être cause qu'ARNOLD et Marchand ont réduit la structure de la
glande carotidienne à celle d'un simple « glomérule artérieux intercaroti-
dien « (Arnold), ou d'un - nodule carotidien « essentiellement formé de
vaisseaux (Marchand). Le fait histologique auquel il est fait ici allusion
consiste dans la présence de formes dégénératives de l'épithélium carotidien
chez des embryons âgés de brebis (embr. de 30-40 mmj. Cela donne à
supposer, et cette supposition a été faite déjà par Stieda (79, p. 34), que les
éléments épithéliaux pourront complètement disparaître et que la constitu-
tion de la glande se réduira ainsi au schéma adopté par Arnold, Pfôrtner
et Marchand. On voit en effet que, par endroits, les noyaux des cellules
épithéliales offrent une coloration beaucoup plus vive par la safranine,
FiG. 6 et 14, 11; leur diamètre est en général devenu moindre; leur forme
s'est modifiée, d'elliptique qu'elle était, elle est à présent très irrégulière
et souvent bizarre; leur structure a cessé d'être distincte. Finalement, le
noyau est transformé en une masse très colorée, sans structure évidente et
de forme très variable, fig. 6 et 14. En même temps, le protoplasme des
cellules, dont le noyau est ainsi modifié, est devenu en général beaucoup
plus dense et par conséquent plus foncé.
Cette transformation frappe indistinctement les éléments cellulaires
qui appartiennent à la périphérie de l'organe et ceux qui occupent les régions
centrales. Elle peut atteindre d'une façon isolée quelques noyaux seulement
d'un corps cellulaire ; ou bien tous les noyaux d'un même cordon l'éprouvent
à la fois. Dans ce dernier cas, les noyaux sont habituellement changés en
bâtonnets placés transversalement par rapport à l'axe du cordon. La profonde
modification que présentent les noyaux en question est peut-être préparée
par certains changements qui réalisent des formes de passage entre les corps
nucléaires déformés et les noyaux ordinaires. .On trouve, en effet, fréquem-
ment des noyaux, la figure 14 de la planche II en offre un, dans lesquels
le suc nucléaire s'est vivement coloré par la safranine. Un degré de plus
dans la transformation nucléaire est représenté peut-être par des noyaux
qui sont remplis à moitié ou aux trois quarts par une sorte de poussière
(1) Voir Heppner pour la critique des métliodes employées par Arnold et par Sertoli et pour
Vinterprétation de leurs résultats.
loo A. PRENANT
chromatique, qui leur communique une coloration intense, tandis que le
reste du noyau est demeuré beaucoup plus pâle. Le noyau se rétractant
ou se contractant ensuite devient semblable au corps n des figures 6 et 14.
Il nous semble bien qu'il s'agit là d'un processus de dégénérescence,
dont les conséquences pourront être la raréfaction du tissu épithélial et la
réduction de l'organe à sa partie vasculaire. Nous nous sommes assuré, en
tout cas, qu'il ne peut être question de déformations dues à l'action du
réactif. En effet, les parties centrales, tout aussi bien que les portions péri-
phériques de l'organe présentent ces aspects ; de plus, tout à côté des noyaux
modifiés, s'en trouvent d'autres offrant les caractères habituels, bien qu'ils
aient été soumis aux mêmes influences. Si, par conséquent, l'on ne veut pas
admettre que le réactif ne nous traduit pas fidèlement, tel qu'il est en réalité,
l'état de tous les noyaux, et qu'il déforme un certain nombre de ceux-ci,
il faut reconnaître tout au moins une susceptibilité spéciale des noyaux
modifiés vis-à-vis du liquide de Flemming, par laquelle se trahit encore une
différence de constitution entre ces noyaux et les autres. D'autre part, nous
sommes convaincu qu'il ne s'agit pas d'avantage de figures de division d'une
nouvelle sorte; car on trouve dans la glande carotidienne des mitoses
typiques. Elles y sont toutefois extrêmement rares.
Enfin, la glande carotidienne contient en assez grande abondance, chez
des embryons âgés, des cellules pigmentaires. Les éléments chargés de granu-
lations pigmentaires sont le plus souvent des cellules connectives ou vascu-
laires et ont alors des formes allongées ou ramifiées. Mais le pigment peut
se déposer aussi dans les cellules du parenchyme épithélial.
Il reste maintenant à examiner les changements anatomiques que subit
l'organe carotidien.
Chez des embryons de bi^ebis de 14 et de 15 mm., l'organe est placé
tout naturellement en dehors et au côté dorsal de la carotide, puisqu'il est
appendu à la troisième poche branchiale, laquelle n'est pas tournée directe-
ment en dehors, mais regarde du côté externe et ventral (voir dans notre
précédent travail, loc. cit., les coupes/ et Hàe la figure 3 de la planche III).
Il est situé contre la carotide, mais en est cependant séparé par du tissu
conjonctif distinct de celui de la paroi artérielle.
Plus tard, chez des embryons de 18, de 20 et de 22 mm., l'ébauche
carotidienne tend à s'isoler, en dedans surtout, de la paroi branchiale. Elle
constitue maintenant un organe arrondi sur la coupe transversale, mais
légèrement échancré ou tout au moins aplati au niveau de la carotide, à
DEVELOPPEMENT DU THYMUS lOl
laquelle sa forme est ainsi adaptée; cet organe a une longueur de 0,25 mm.;
il a une longueur de 1 ,27 mm. chez l'embryon de 20 mm., de 2,1 mm. chez
celui de 22 mm (la longueur étant calculée d'après l'épaisseur connue des
coupes et le nombre de coupes qui l'intéressent). La poche branchiale s'est
pendant ce temps considérablement transformée; elle s'est réduite, de telle
façon qu'à présent elle parait une annexe de la glande carotidienne, tandis
que primitivement celle-ci était son appendice, fig. 8. Nous reviendrons
tout à l'heure sur ces transformations. Par le fait de la réduction de la poche
branchiale, il arrive que la glande carotidienne entre en rapport plus intime
avec un organe, le ganglion du vague, dont elle était tout à l'heure très
écartée ; elle paraît à présent entre la carotide et ce ganglion ; le côté ventral
du ganglion offre, sur les coupes transversales, une concavité moulée sur la
convexité du côté dorsal de la glande; celle-ci à son tour présente une conca-
vité en rapport avec la convexité de la carotide. Examinées dans le sens de
la longueur, les relations de la glande avec la carotide sont telles que la plus
grande partie de l'organe répond à la carotide primitive, et que la glande
n'atteint l'endroit de la bifurcation artérielle que par son pôle supérieur (1).
Lorsque plus tard la poche branchiale se développe en bourgeonnant
de tous les côtés pour donner naissance à la tête du thymus, la glande
carotidienne ne perd pas avec ce dernier organe les relations qu'elle avait
auparavant avec la poche branchiale. Elle demeure adhérente à la tête du
thymus, dont elle coiffe en partie l'extrémité supérieure, Pl. II, fig. 15.
Chez un embryon de 45 mm., la glande est située dans l'angle formé
par la carotide primitive et le renflement ganglionnaire du pneumogastrique,
contre le cordon du sympathique, entre ce dernier et la paroi du pharynx.
Elle paraît ainsi s'être déplacée en dedans. Elle semble aussi s'être élevée
quelque peu ; car elle est visible au-dessus de la division de la carotide sur
un plus grand nombre de coupes qu'auparavant.
La glande carotidienne d'un embryon de 77 mm. est portée plus haut
encore, son plus grand diamètre étant un peu au-dessous de la division
carotidienne; elle est en même temps devenue franchement interne par
rapport à la carotide. Elle reçoit de nombreuses branches artérielles qui lui
viennent des vasa vasoriini de la carotide.
(i) Il s'agît ici non pas d'une bifurcation de la c;»rotîJe priniiti\"e en carotides ex;erne et interne,
comparable à celle qu'offre l'anatomie humaine, mais d'une division de l'artère principale du cou en
une artère faciale antérieure ou carotide externe qui prolonge le tronc carotidien et en une artère
faciale postérieure ou occipitale. Auparavant déjà, la carotide a fourni une artère thyro'idienne et une
artère laryngée.
13
102 A. PRENANT
Je trouve par contre, sans pouvoir me rendre compte de la raison de
ce nouveau déplacement, la glande carotidienne reportée chez un embryon
de 1 14 mm. en dehors de la carotide; c'est un organe long de 2,70 mm. et
large de 0,50 mm. En même temps, la glande contracte avec la tète du
thymus des rapports très intimes, qui vont amener des changements impor-
tants dans sa situation. On voit, en effet, la tète du thymus, qui jusqu'alors
était demeurée en dedans de la carotide, s'avancer au-devant d'elle, c'est-à-
dire sur sa face ventrale, passer à son côté externe et même se réfléchir sur
sa face postérieure ou dorsale, en l'entourant aux trois quarts. La glande
carotidienne, qui repose sur la face externe de l'artère, est en même temps
englobée; de la sorte, elle n'est plus à nu, visible à l'extérieur, que du côté
de la carotide et ne peut être aperçue que si l'on examine la tête du thymus
par sa facepostéro-interne, celle-là même qui loge l'artère, Pl. II, fig. 13, gc.
Dans la suite du développement, la glande carotidienne, chez des
embryons de 30-40 cm. et chez le fœtus à terme, perd de plus en plus ses
rapports avec l'artère, tandis qu'elle en contracte de plus intimes avec la tête
du thymus. Il arrive alors qu'elle devient adhérente à ce dernier organe,
avec lequel on l'enlève, quand on prépare les organes du cou chez un em-
biyon âgé. Dés ce moment, elle ne mérite certainement plus le nom de
glande carotidienne que lui valaient auparavant ses relations étroites avec
la carotide, tandis que ses connexions avec la tête du thymus pourraient lui
faire attribuer la dénomination de "■ glande annexe de la tête du thymus «,
ou brièvement celle de « glandule thymique ». Remarquons que cette
deuxième désignation rend bien mieux compte que celle qui est adoptée
habituellement de la communauté d'origine entre la tête du thymus et la
glande carotidienne. Ces étroites relations de la glande carotidienne avec
la tête du thymus ont été entrevues chez le porc par Stieda, qui dit à ce
sujet [loc. cit., p. 19) : « Les parties supérieures du thymus embryonnaire
s'étendent jusqu'au larynx et jusqu'à un corps rond (sphérique) situé latéra-
lement à cet endroit. Ce dernier dérive du corps triangulaire ». Plus
loin, se demandant quelle est la signification de ce corps, il le considère
hypothétiquement comme étant la glande carotidienne.
En résumé donc : la glande carotidienne est une glande vasculaire
sanguine, c'est-à-dire un organe épithe'lial pénétré par les vaisseaux, qui
prend naissance comme la tête du thymus aux dépens de la troisième poche
entodermique branchiale, qui, appendu d'abord à la carotide primitive (glande
carotidienne), est ensuite réuni à la tête du thymus (glandule thymique).
DEVELOPPEMENT DU THYMUS 103
2° Troisième poche branchiale et tête du thymus.
A révolution de la glande carotidienne se lie nécessairement de la façon
la plus intime celle de la troisième poche branchiale qui lui a donné nais-
sance. La plupart des transformations dont cette dernière est le siège ont
été décrites par les auteurs qui nous ont précédé, en particulier par de
Meuron ; nous n^ insisterons donc que pour relever certains détails mé-
connus par ces auteurs.
Déjà chez des embryons de 15 mra., et plus nettement encore chez des
embryons d'un âge plus avancé, on voit que la troisième poche entodermi-
que qui s'est d'ailleurs complètement séparée du pharynx, se compose de
deux branches qui forment entre elles un angle droit ou presque droit,
ouvert en dehors et du côté ventral. La branche interne donne naissance
à la queue du thymus. La branche externe, qui s'adosse au fond de la poche
ectodermique (fiindiis prœcervicalis de Kastschenko), supporte l'organe
carotidien. Celui-ci, examiné chez des embryons de 14 et de 15 mm., aune
forme générale arrondie et repose par une large base sur la paroi branchiale.
Comme le montrent des coupes frontales pratiquées chez un embryon de
16 mm., il présente sa plus grande largeur au niveau de la pointe externe
de la poche branchiale et va en s'amincissant du côté interne.
La série des coupes offre chez des embiyons plus âgés (de 18, 20, 22
et 25 mm.) la disposition suivante. La poche branchiale, transversalement
dirigée, fig. 7, est connexe avec la glande carotidienne; ce reste de la poche
représente la branche externe seule des stades précédents ; elle est située
entre le ganglion du vague et l'organe carotidien, et elle émet du côté dorsal
un diverticule dont il sera question tout à l'heure. Une coupe pratiquée à un
niveau plus inférieur montre que la cavité branchiale a la forme d'une
équerre et se compose de deux branches comprenant entre elles l'extrémité
inférieure de la glande carotidienne. Plus bas, les deux branches se confon-
dent en une lumière assez spacieuse, de forme triangulaire, qui, plus bas
encore, se rétrécit, tandis que sa paroi bourgeonne pour donner lieu à la
queue du thymus.
En outre, on peut voir, tant sur des coupes frontales d'un embryon de
16 mm. que sur des coupes transversales d'embryons de 18, 20, 22, 25 et
26 mm., que la poche branchiale donne encore naissance à un autre diver-
ticule, qui se distingue par sa forme, sa situation et ses relations, ainsi que
par sa constitution.
104 ^- PRENANT
Ce diverticule paraît, chez un embryon de 16 mm., comme une émana-
tion de la portion tout à fait externe de la poche branchiale entodermique.
Je le crois identique à la " vésicule thymique « de Kastschenko. Sa situation
latérale explique pourquoi cet auteur a pensé que la vésicule thymique a une
origine ectodermique et dérive Au fitndus prœcervicalis. Il me semble au
contraire que le fond de la troisième et de la quatrième poche ectodermique
dis parait sans laisser de traces (i).
Voici les faits essentiels que Kastschenko (37) décrit quant à la vésicule
thymique. Elle est formée par la pointe interne du sinus prsecervical. Elle
est confondue dans les tout premiers stades, d'une façon très intime, avec le
ganglion du nerf vague. Mais déjà chez des embryons de 15 mm., cette
vésicule est séparée du ganglion par la couche de fibres nerveuses qui main-
tenant se développe sur la face antérieure du ganglion. Chez des embryons
plus âgés, la vésicule thymique, et par conséquent la tète tout entière du
thymus, paraît déjà complètement séparée du ganglion du vague, mais au
contraire soudée très intimement avec le nodule thymique (notice glande
carotidienne). La vésicule thymique conserve longtemps sa lumière et prend
l'aspect d'une ampoule reliée à la tête du thymus par un pédicule relative-
ment grêle, FiG. 7 et 15, Vtm (d'après une reconstruction de coupes sériées).
Plus tard sa lumière disparaît ; le matériel cellulaire se fusionne avec la
tête du thymus et on ne peut plus rien distinguer de la vésicule {loc. cit.,
p. 15 et 19).
PiERSOL (57) a retrouvé la vésicule thymique de Kastschenko;
comme lui, il la fait dériver de la troisième poche épidermique et l'identifie
même, en raison de ses connexions avec le ganglion du vague, à l'organe
de Froriep. Il diffère de Kastschenko en ce qu'il n'attribue aucun rôle à
cette vésicule dans la formation de la tête du thymus. Le thymus, en effet,
selon lui, est une formation exclusivement entodermique, et cette raison lui
suffit pour exclure la vésicule thymique à cause de son origine ectodermique.
(i) Toutefois je n'ose nier absolument Torigine ectodermique, épidermoïdale, du diverticule ,
c'est-à-dire de la vésicule thymique de Kastschenko. C'e^t qu'en effet, si le plus souvent j'ai pu
Constater une continuité directe entre l.i paroi ectodermique de la cavité branchiale et le diverticule,
il m'a été impossible d'autres fois de faire cette constatation. C'est ainsi que, chez un embryon
de 20 mm , la vésicule était isolée du côté gauche, et réunie du côté droit seulement à la cavité
entodermique branchiale. II est peu probable que la vésicule fût déjà séparée de la paroi branchiale
parce que chez des embrj-ons plus âges on la trouvait encore continue avec elle. Il est par contre
possible que cette vésicule, ayant pris naissance dans la poche ectodermique de la branchie, soit
demeurée naturellement privée de tous rapports immédiats avec la portio.i entodermique. C'est donc
là un fait favorable à la manière de voir de Kastschenko.
DEVELOPPEMENT DU THYMUS 105
Voici maintenant nos observations relatives au diverticule branchial
que nous croyons identique à la vésicule thymique de Kastschenko et de
PiERSOL. Elles coïncident en partie avec les données de ces auteurs, que
nous avons du reste complétées et précisées sar plusieurs points.
Outre le caractère qu'il emprunte à sa situation, le diverticule en
question est encore caractérisé par sa forme; il est, en effet, pédiculisé au
niveau de l'extrémité implantée sur la paroi branchiale et se dilate par son
autre extrémité.
Il offre encore cette remarquable particularité topographique de s'en-
foncer dans le ganglion plexiforme du nerf vague ; il y est à demi-enfoui
chez des embryons de 17, 20, 22 et 25 mm., fig. 8 et 9; tandis que plus
tard (e. de 26 mm.), je l'ai trouvé isolé, séparé de ce ganglion, fig. 10.
Non moins remarquable enfin est sa constitution. Tandis qu'en effet,
à côté de lui, chez des embryons de 20-26 mm., les restes de la cavité bran-
chiale et de ses dépendances ne présentent plus qu'une lumière très minime
et bourgeonnent pour donner lieu à la tète du thymus, au contraire ce diver-
ticule s'agrandit beaucoup, acquiert une cavité très spacieuse, tapissée par
un épithélium conformé d'une manière spéciale. Celui-ci, en effet, se montre
constamment formé de cellules hautes du côté de la tète du thymus,
c'est-à-dire du côté qui est libre de connexions avec le ganglion du pneumo-
gastrique ; au contraire, la portion de sa paroi qui s'enfonce dans ce ganglion
est constituée par des cellules extrêmement basses, çà et là absolument
plates. J'ai vu en outix que la paroi peut être en certains points formée de
deux assises cellulaires d'aspect différent, fig. 9. Lorsque le diverticule est
éloigné du ganglion du vague (embryon de 26 m'm), la paroi qui était
englobée dans ce ganglion redevient haute, tandis que dans la portion de
paroi opposée qui est accolée à la tête du thymus les cellules s'aplatissent,
FIG. 10. _
Par sa cavité considérable, notre diverticule mérite bien le nom de
vésicule thymique que lui a donné Kastschenko et que nous conserverons.
Il mérite aussi l'épithète de thymique que Kastschenko a accolée au nom
de vésicule ; car nous croyons, bien que nous n'ayons pu constater directe-
ment le fait, qu'il intervient et même joue le plus grand rôle dans la consti-
tution de la tête du thymus. Voici sur quoi nous fondons notre opinion.
Chez des embryons de 20 à 25 mm., alors que la vésicule thymique présente
les caractères que nous venons de voir, la tête du thymus est constituée par
plusieurs îlots cellulaires pourvus de lumières plus ou moins grandes, entre
lo6 A. PRENANT
lesquelles se distingue la vaste cavité de la vésicule thymique. Celle-ci est
ainsi contiguë à la tète du thymus, et cette proximité dispose déjà à penser
qu'elle en fera plus tard partie. Une autre preuve plus convaincante consiste
dans la constatation de proéminences de la paroi, saillantes à l'extérieur,
qui font l'effet de bourgeons cellulaires en voie de développement, bourgeons
devant prendre part à la formation de la tête du thymus (embryon de 26 mm,,
FiG. 10). Enfin, chez un embryon un peu plus âgé (28 mm.), nous retrouvons,
exactement à l'endroit qu'occupait la vésicule thymique, une cavité très vaste
dont la forme est non pas arrondie, mais irrégulière, et dont la paroi très
épaisse est garnie sur tout son pourtour de bourgeons cellulaires abon-
dants, desquels dérivera la tête du thymus. Bien que nous manquions de
stade intermédiaire entre l'embryon de 26 et celui de 28 mm., et que nous
ne puissions passer directement de la vésicule arrondie à paroi mince et
non bourgeonnante à la cavité anfractueuse dont la paroi épaissie bourgeonne
de tous côtés, cependant l'identité de situation nous fait penser que nous
avons dans cette dernière la vésicule thyniiquedes stades précédents; celle-ci
par conséquent jouerait dans la constitution de la tête du thymus un rôle
important sinon prépondérant.
La vésicule thymique nous semble un organe épithélial de réserve,
temporairement inactif, dont la prolifération tardive produira la majeure
partie de la tête du thymus. Pour cette raison, la tête du thymus se forme,
dans sa plus grande masse du moins, plus tard que le reste de l'organe,
contrairement à la plupart des auteurs qui veulent que son développement
soit le plus précoce.
La tête du thymus, encore minime chez des embryons de 20 à 25 mm.,
se développe puissamment chez les embryons à partir du stade de 40 mm.
Elle est située à un niveau plus inférieur que la glande carotidienne. Elle ré-
pond au côté externe de la carotide primitive, et sa face interne offre une con-
cavité destinée à loger en partie l'artère. La coupe transversale de la tête du
thymus a un contour général arrondi (embryons de 70 et 75 mm.), sauf
l'échancrure interne qui est en relation avec la carotide. Elle est formée
d'un certain nombre de lobes qui irradient autour d'un centre, et qui sont
montés chacun sur un pédicule, formé d'une substance plus claire que celle
du lobe lui-même, les différents pédicules se confondant en une masse cen-
trale. Déjà chez l'embryon de 40 mm., ces lobes sont en voie de transfor-
mation lympho'ide, transformation dont il sera question plus tard.
Chez des embryons de 40 mm., et mieux encore chez des animaux plus
DEVELOPPEMENT DU THYMUS I07
âgés, la tête du thymus non seulement recouvre la carotide du côté
externe et l'enferme aux trois quarts en poussant ses lobes en avant et en
arrière d'elle; mais encore elle tend à la recouvrir du côté interne, en englo-
bant en même temps, ainsi qu'il a été dit plus haut, la glande carotidienne.
Elle est alors aussi contiguë par sa face externe à la glande sous-ma-
xillaire, dont elle se distingue par le volume de ses lobes, qui ne sont pas
décomposés en lobules et en acinis comme dans la glande salivaire. Plus
tard, elle tend à être recouverte extérieurement par cette glande et contracte
avec elle des rapports tellement intimes qu'il devient difficile de l'en séparer.
Chez le fœtus à terme, la tête du thymus est un organe considérable,
complètement adhérent à la glande sous-maxillaire, dont elle se délimite par
une différence assez notable dans la constitution macroscopique et dans la
couleur,- Pl. II, fig. 18.
Ajoutons que, chez des embryons déjà âgés (de 9, lo et 1 1 cm.), la tête
du thymus paraît se composer de deux parties assez distinctes, Pl. II,
FIG. 13. L'une, externe, est formée d'une demi-douzaine de lobes volumi-
neux; c'est à cette portion qu'est appendue la glande carotidienne, qui
semble être l'un de ces lobes dont elle se distingue cependant par sa
forme régulièrement arrondie et par sa couleur foncée. L'autre portion,
plus interne, est composée d'un nombre plus considérable de lobes beau-
coup plus petits; c'est elle qui loge dans la concavité de sa face interne
l'artère carotide et le nerf pneumogastrique; c'est elle aussi qui se continue
inférieurement (ou postérieurement) avec le reste du th)'mus. Les coupes
transversales ne montrent cependant pas de différence essentielle dans la
texture de ces deux portions. Les gros lobes de la partie externe se montrent
formés des deux substances, corticale et médullaire, la première irradiant
autour de la seconde. Les petits lobes de la portion interne formés de sub-
stance corticale, peuvent être réunis entre eux par des cordons constitués
par cette même substance; ils rayonnent irrégulièrement autour d'une sub-
stance médullaire qui se prolonge jusqu'à eux sous forme de pédicules. Ces
différences permettent-elles de dire que chacun des gros lobes de la partie
externe, formés des deux substances, correspond à la partie interne tout
entière et représente un thymus réduit? C'est ce que nous ne pouvons
affirmer.
En résume, la tête du thymus se développe aux dépens de la troisième
poche entodermique branchiale elle-même et d'un diverticule de cette poche;
celui-ci, qui est sans doute identique à la vésicule thymique de Kastschenko ,
lo8 A. PRENANT
s'enfonce dans le ganglion du vague. La tête du thymus se développe asse^
tardivement d'une manière puissante, englobe la carotide primitive et la
glande carotidienne, qui dès lors adhère à sa face interne; on peut y distin-
guer deux parties d'aspect passablement différent.
3° Corps du thymus.
La tête du thymus est rattachée au reste de l'organe par un cordon
situé d'abord en dehors et en avant de la carotide primitive, et qui plus bas
se place directement en avant, pour se continuer avec le corps principal de
l'organe qui répond à la face ventrale de la trachée. Ce ^ cordon intermé-
diaire " représente la plus grande étendue de la portion cervicale du thymus.
Il est au début extrêmement mince, réduit en certains endroits au point de
n'être formé, sur la coupe transversale, que par quelques cellules, Pl. I,
FiG. 11, cith, et Pl. III, fig. 29, th; ailleurs il est plus volumineux; sa
forme est donc celle d'un cylindre bosselé. Chez des embryons de 30 à 40 mm.,
on le voit, coupé en travers, pourvu d'une lumière et irrégulièrement bour-
geonnant. Son développement est assez précoce, puis il s'arrête, si bien que
chez un embryon de 70 mm. et jusqu'au stade de 150 mm., il constitue un
filament grêle, moniliforme. Sans doute, le cordon intermédiaire, obligé de
suivre l'allongement rapide et considérable du cou, s'étire aux dépens de sa
largeur. Plus tard, le cordon se développe beaucoup et se présente, chez le
fœtus à terme, sous forme d'un ruban épais, bosselé, de presque 1 cmt. de
large. Ce cordon a subi une transformation lympho'ïde complète chez un
embryon de 77 mm.
Nous avions cru tout d'abord, en nous fondant uniquement sur les résul-
tats fournis par les dissections, que le corps du thymus était au début entiè-
rement cervical chez le mouton, et que ce n'était que tardivement, chez des
embryons de 70 mm., par exemple, que l'extrémité inférieure du thymus
cervical descendait dans le thorax. La dissection nous avait, en effet, montré
que le corps cervical se prolongeait inférieurement par deux appendices
très grêles, juxtaposés, situés au-devant des deux carotides primitives, qui à
ce niveau se sont rapprochées sur la ligne médiane pour se fusionner un
peu plus bas en un tronc commun. Nous avons cru primitivement que ces
appendices, que nous nous proposions de nommer thoraciques, donnaient,
en effet, naissance par un bourgeonnement secondaire puissant à toute la
partie thoracique de l'organe. (1)
(1) Cette opinion est encore conservée dans la note que nous avons publiée sur le développement
du thymus dans les comptes rendus de la Société de Biologie, 27 mai 1893.
DEVELOPPEMENT DU THYMUS IO9
L'examen de coupes sériées portant sur des embryons de 25 à 30 mm.
nous a montré que déjà à cette époque le corps thoracique du thymus est
présent, et que les prétendus appendices thoraciques ne terminent pas le
thymus, mais sont des cordons d'union entre les portions cervicale et thora-
cique de l'organe (cordons cervico-thoraciques). Ces cordons offrent une
constitution primitive très simple, réduits qu'ils sont à un conduit limité
par une paroi épithéliale mince ou à un cordon plein paucicellulaire, Pl. I,
FiG. 12, et Pl. II, FiG. 19. Les deux cordons sont juxtaposés à l'intérieur
d'une enveloppe conjonctive commune.
Quand on suit d'avant en arrière la série des coupes des embryons
de 30 mm., on voit la partie inférieure du corps cervical du thymus se
former impaire et se placer sur la ligne médiane, grâce à la coalescence
des corps pairs du thymus. Cette portion cervicale inférieure s'engage alors
entre les deux carotides primitives, puis plus bas entre les deux veines
jugulaires, plus bas encore entre les deux troncs veineux brachio-cépha-
liques très courts qui sont le confluent des jugulaires et des sous-clavières.
Grâce à ce déplacement, l'extrémité inférieure du thymus arrive à être située
sur un plan plus antérieur (plus ventral) que ces deux grosses veines, Pl. VI,
FIG. 25, A, thc; de telle sorte que, quand les deux veines se réuniront un
peu plus bas pour former la veine cave supérieure, le thymus sera placé au
devant de cette dernière. C'est ce qui est arrivé en B. Mais à ce niveau, le
thymus n'est plus représenté que par les deux cordons cervico-thoraciques
extrêmement grêles, ccth, accolés à la paroi antérieure de la veine cave. Ils
se retrouvent en C dans la même situation, quoique avec une très légère
déviation du côté gauche de la ligne médiane. Vient ensuite, de Z) à H, le
thymus thoracique qui est déjeté franchement â gauche, et qui prend succes-
sivement les rapports qui sont donnés par la figure.
Des dissections pratiquées chez des embryons plus âgés, de 70 à 114
mm., m'ont permis de faire les mêmes constatations.
Tandis que chez des embryons de 30 à 40 mm. le thymus est déjà, dans
tout le reste de son étendue, en voie de transformation lympho'ide, le cordon
cervico-thoracique conserve encore une constitution épithéliale. Plus tard,
par exemple chez un embryon de 105 mm., le cordon, macroscopiquement
reconnaissable et anatomiquement isolable, ne se distingue plus au micros-
cope par sa constitution histologique; il a perdu, en effet, la structure épithé-
liale primitive et s'est transformé en un cordon lymphoïde. Plus tard encore,
ce cordon s'épaissit considérablement et prend un développement presque
semblable à celui du reste de l'organe.
14
110 A. PRENANT
Le cordon cervico-thoracique se présente, à la dissection d'embryons
âgés (30 — 40 cm.) et de fœtus à terme, sous l'aspect suivant. Il est impair
et résulte de la fusion des deux cordons primitifs entourés par une gaîne
conjonctive commune. Il part de l'extrémité inférieure des deux corps cer-
vicaux du thymus, qui, tout à fait en bas, sont aussi confondus ensemble.
II a la forme d'une bande blanche, d'environ 4—5 mm. de large chez le fœtus
à terme, mince, qui passe au-devant des troncs veineux brachio-céphaliques
et de la veine cave supérieure qui les continue; il adhère intimement à leur
paroi. L'aspect de cette bande est différent de celui de la portion cervicale
et aussi de la partie thoracique du thymus ; sa surface, au lieu d'être bosselée
et lobée comme celle du reste de l'organe, est à peu près lisse. J'avais cru
d'abord qu'à cette différence d'aspect correspondait une texture dissemblable;
mais l'examen microscopique n'a pas justifié cette prévision. Cette bande
se prolonge par un épais cordon, la partie thoracique du thymus, qui offre
de nombreuses bosselures irrégulières, se déjette entièrement à gauche,
décrit une courbure très accentuée, et remonte dans la partie supérieure du
thorax et du côté gauche, où il se termine plus ou moins loin suivant
l'âge de l'animal.
En résumé : il existe chei l'embryon de mouton deux parties dit
thymus, qui par l'accroissement en volume et le dépeloppement histologique
sont en retard sur les autres portions. Ce sont d abord le cordon intermé-
diaire cervical, qui unit la tête du thymus au corps cervical de l'organe;
puis le cordon cervico-thoracique, qui relie la partie cervicale à la partie
thoracique.
4° Histogenèse du thymus. Transformation lympho'ide de l'ébauche
épithéliale.
On sait que de bonne heure le thymus, qui primitivement offrait une
structure épithéliale, perd cette constitution pour se transformer en tissu
lymphoïde.
Comment s'effectue cette transformation? La question a reçu deux so-
lutions différentes.
His, Stieda, Maurer, Gulland ont admis que l'ébauche épithéliale
est pénétrée par le tissu conjonctif ambiant et par les vaisseaux, envahie
particulièrement par les lymphocytes; ceux-ci se substituent aux éléments
épithéliaux, qui disparaissent étouffés par les éléments lymphatiques. Il y
a substitution des seconds aux premiers. Le processus général peut être
DEVELOPPEMENT DU THYMUS 1 1 1
considéré comme une sorte de pseudomorphose lymphoïde d'un organe
épithélial.
Stieda (79), après avoir décrit le thymus épithélial chez un embryon
de brebis de 22 mm., suit cet organe dans son développement. Chez un
embryon de 35 mm., le thymus épithélial est plongé dans un tissu d'aspect
spécial, différent de celui des parties ambiantes et circonscrit par une enve-
loppe conjonctive condensée. Le tissu inclus fait l'effet de substance adénoï-
de (substance glandulaire conglobée) : c'est une charpente ou un réseau
cellulaire, parcourue par des vaisseaux, dans les mailles de laquelle sont si-
tués des cellules et des noyaux. Dans ce tissu se trouve le thymus épithélial.
A ce dernier s'est donc ajouté, pour constituer le thymus, un tissu adénoïde
vasculaire. Au-delà de ce stade, l'auteur n'a pu suivre d'une façon sûre les
éléments épithéliaux du thymus embryonnaire. Chez des embryons de
50 — 60 mm., la coupe du thymus offre déjà l'image de l'organe développé,
tel qu'il se présente chez le mouton nouveau-né. La coupe transversale des-
sine une masse plusieurs fois lobée, composée de petites cellules rondes très
serrées; les vaisseaux y sont rares. Que sont devenues les cellules épithé-
liales? D'où proviennent les masses à petites cellules qui occupent l'inté-
rieur du thymus? On est disposé à croire, répond Stieda, que les masses
cellulaires du thymus d'un embryon de 60 mm. sont les descendants des
cellules épithéliales. Mais, outre que cela n'est pas démontré, les faits
observés sur le thymus développé sont encore contraires. Ce que deviennent
enfin les cellules épithéliales, elles se retrouvent, pense Stieda, dans les
éléments constituants des corps concentriques du thymus (p. 23- 25). Plus
loin (p. 30), il ne trouve rien à objecter à la manière de voir de Kolliker,
fondée sur la comparaison des stades successifs du développement. Mais,
pour avoir constaté, comme Kolliker, au lieu de l'ébauche épithéliale pri-
mitive, la glande complètement transformée des stades âgés, il ne veut pas
en conclure à une origine directe des petites cellules du thymus définitif
aux dépens des cellules épithéliales de l'ébauche embryonnaire. Il exprime
au contraire cette hypothèse, qu'il ne peut appuyer sur des faits, que les
cellules épithéliales ne sont représentées à l'état définitif que par les corps
concentriques et que par conséquent les cellules lymphoïdes viennent d'ail-
leurs, par exemple du tissu conjonctif environnant.
Maurer (50), dans un important travail sur le développement du thy-
mus des amphibiens anoures et urodèles, se posant la question de savoir si
les petites cellules du thymus proviennent de la division des cellules épi-
112 A. PRENANT
théliales primitives, ou si elles sont d'origine mésodermique étant immigrées
en même temps que les vaisseaux, incline vers cette deuxième réponse,
« parce que, dit-il, il ne m'a jamais été possible de découvrir à côté des
petites cellules rondes et des cellules épithéliales de l'écorce éparses entre
les précédentes des figures de division ou des formes de passage quelcon-
ques - (p. 344).
GuLLAND (29 — 30) compare le phénomène de la transformation lym-
pho'ïde à ce qui a été découvert par Kowalewsky dans le développement
embryonnaire des muscidés, où des organes larvaires inutilisés pour la
constitution de l'imago sont détruits par les leucocytes (1).
Voici du reste comment Gulland décrit ce processus. Le thymus,
dit-il, est un vaste conduit épithélial, autour duquel le tissu conjonctif
s'épaissit, repoussé et condensé par la progression incessante de l'épithé-
lium. Bientôt, dans ce tissu conjonctif paraissent d'abondants vaisseaux; les
leucocytes s'y montrent en même temps en grand nombre, tout d'abord
dans les parties du tissu conjonctif voisines de l'épithélium, fig. 9. Puis
ils émigrent dans cet épithélium, qui, longtemps auparavant déjà, s'est
transformé en une masse pleine, dendritiquement ramifiée; l'immigration
dure encore longtemps après que dans chaque lobule thymique il n'y a plus
que des restes d'épithélium, fig. 10.
D'autres auteurs, au contraire, (Kôlliker, Maurer, Tourneux et
Herrmann) ont soutenu que les lymphocytes qui constituent la plus grande
masse du thymus définitif ne viennent pas du dehors, ne sont pas des élé-
ments immigrés dans l'ébauche épithéliale, mais qu'ils sont formés sur
place et dérivent de l'activité proliférative des cellules épithéliales mêmes;
il y a transformation lymphoïde de l'organe épithélial (2).
Kôlliker (39) s'est borné à constater que, dans les lobes du thymus,
on trouve d'abord, dans un premier stade, de grandes cellules à noyaux
volumineux, puis, dans les périodes suivantes, des éléments de taille bien
(1) On pourrait aussi, adoptant les vues de Gulland, rapprocher ce phénomène du fait étudié
par His, Giacomini, Chiarugi, qui consiste en ce qu'aux éléments qui composent les organes de
l'embryon humain se substituent des éléments semblables à des leucocytes, avec conservation des formes
extérieures des organes.
(2) Dans le travail de Dahms (14) cité cependant par Tourneux et Herrmann comme renfer-
mant une opinion analogue et des faits à l'appui, nous ne trouvons aucune donnée précise relative
à cette question d'histogenèse. L'auteur, d'après l'examen d'un foetus de dauphin de i3 cm. de long,
dit seulement que de par l'aspect des éléments des follicules du thymus, ces follicules lui parais-
sent provenir du feuillet interne.
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 113
moindre, pourvus de noyaux petits, ces éléments étant d'autant plus abondants
que le développement est plus avancé. ^ C'est entre le 2o"i« et le 23™'^ jour
(chez le lapin), que se fait la transformation principale dans l'organe : les
cellules deviennent toujours plus petites et plus insignifiantes; leurs limites,
qui auparavant n'étaient pas bien nettes, s'effacent complètement, et elles
apparaissent alors comme un amas de petits noyaux arrondis avec peu de
substance intermédiaire. La structure de l'organe perd ainsi son caractère
épithélial pour prendre celui du thymus adulte. En même temps se produit
une autre modification d'importance fondamentale, je veux parler de la pro-
lifération de vaisseaux et de tissu conjonctif dans les parois épaisses de la
glande. Ces phénomènes se passent en même temps que se transforment
les cellules de la paroi. En premier lieu, de minces bourgeons vasculaires
s'insinuent entre les vésicules glandulaires. Ils partent d'une enveloppe ex-
térieure vasculaire, mais non délimitée exactement d'avec le tissu environ-
nant. On ne peut déterminer exactement de quelle manière ces bourgeons
entrent dans la substance glandulaire, mais là où auparavant on ne voyait
rien en fait de vaisseaux, on en trouve un grand nombre à un certain mo-
ment; on peut donc admettre que, venus du dehors, ils ont envahi la paroi
épithéliale transformée. Dans des glandes à cet état, on distingue dès lors
une couche corticale plus dense, se colorant mieux par le carmin, et une
masse interne plus cla,ire, sans aucune cavité dans son centre; ces différences
entre la couche corticale et le centre proviennent de ce que le nombre des
noyaux (cellules?) et peut-être des vaisseaux n'est pas le même dans les
deux parties '• (p. 916).
Bien que la constatation essentielle de Kôlliker, consistant à voir le
thymus formé d'abord de grandes cellules épithéliales, constitué ensuite de
petits éléments et à ne voir que cela, paraisse prudente à l'excès, tant le
résultat semble mince au premier abord, elle est au contraire d'une grande
portée, émanant d'une personne histologique telle que Kôlliker, qui, s'il
n'a pas tout vu complètement à cause de l'imperfection des méthodes qu'il
a eues autrefois à sa disposition, a vu la plupart des choses exactement. Le
fait d'ailleurs a plus de conséquence qu'on ne lui en attribuerait à première
vue. Car si, à l'exemple de Kôlliker, on voit paraître à un certain moment,
dans les lobes thymiques limités nettement par une enveloppe conjonctive,
de petites cellules qui deviennent ensuite innombrables, et si l'on ne con-
state rien autre que ce fait, on n'est autorisé qu'à une seule conclusion, c'est
que les petites cellules, qui sont les éléments lymphatiques, dérivent des
114 A. PRENANT
cellules plus volumineuses préexistantes, qui étaient les éléments épithéliaux.
Dès à présent, nous pouvons déclarer que, sur des préparations peut-être
plus démonstratives que celles dont s'est servi Kolliker alors qu'il étudiait
cette question, nous ne sortîmes cependant arrivé à rien ajouter d'essentiel
à son observation, que nous ne ferons donc que confirmer. Cette observa-
tion, renforcée par la nôtre, appuyée de celles des auteurs dont les recherches
sont analysées ci-dessous, nous suffira, nous pouvons dès à présent l'annon-
cer, à supposer l'origine épithéliale des lymphocytes du thymus.
Le thymus des téléostéens a fourni à Maurer (49) des conclusions en
partie semblables à celles de Kolliker. Les cellules épithéliales de la pre-
mière ébauche du thymus prennent, selon lui, un aspect lyrnphoïde; à la
limite de l'organe, elles se continuent toutefois directement avec l'épithélium
de la cavité branchiale, tandis qu'elles sont séparées comme ce dernier du
tissu conjonctif sous-jacent par une membrane propre. Du substratum par-
tent des cellules conjonctives, peu nombreuses d'abord, qui, accompagnées
de vaisseaux, perforent la membrane propre et pénètrent l'organe. La masse
principale de celui-ci est toujours formée par les cellules à aspect lymphoïde
de l'ébauche épithéliale. Ce n'est qu'au bout de plusieurs mois que ces
cellules en reviennent à leur caractère épithélial, leurs facultés de proliféra-
tion étant alors épuisées. En même temps, le long des vaisseaux et des
tractus conjonctifs font irruption dans le thymus une grande quantité de
cellules lymphoïdes venues du tissu conjonctif ambiant, qui se fixent dans
une zone intermédiaire, où elles forment les follicules lymphatiques.
Les restes de l'ébauche épithéliale (corps concentriques) persistent d'une
part dans la profondeur, d'autre part en formant le revêtement qui ferme
le thymus du côté de la cavité branchiale.
Chez un embryon de mouton de 32 mm.,TouRNEux et Herrmann (89)
ont vu la glande composée " de petites masses épithéliales arrondies, abso-
lument dépourvues de vaisseaux, formées uniquement de cellules polyédri-
ques granuleuses, mesui-ant de 6 à iijj., à noyau sphérique relativement
volumineux. Çà et là, on aperçoit des sortes de lacunes, au pourtour des-
quelles les éléments épithéliaux, irrégulièrement prismatiques, atteignent
jusqu'à 151-1 de diamètre; le corps de ces grosses cellules est homogène et
transparent... y Chez un embryon de 38 mm., les éléments constituant des
bourgeons thymiques paraissent rapetisses, en ce sens que ceux de faible
dimension (6 à 8|a) sont de beaucoup les plus nombreux. Dans la plupart
DEVELOPPEMENT DU THYMUS 115
des bourgeons existent des vacuoles bordées de grandes cellules claires et in-
colores. Ces éléments mesurent jusqu'à 16 et 171-1 et forment aussi çà et là,
au sein du parenchyme, des groupes arrondis ou des traînées sans aucune
trace de cavité. Il semble que les vacuoles résultent de la disparition par
résorption de quelques-unes des grandes cellules. Ces dernières offrent
beaucoup d'analogie par leur aspect avec celles qui forment à ce moment la
couche superficielle du revêtement œsophagien ou de celui de la peau.
On constate, en outre, la pénétration dans l'intérieur des bourgeons épi-
théliaux de quelques prolongements de la charpente lamineuse, prolonge-
ments dont chacun contient une anse capillaire. — Au stade de 50 mm.,
outre des changements dans la forme générale des lobes, on constate,
quant à la structure, que les petits éléments tendent à prédominer de plus
en plus, tandis que le nombre des vacuoles et des traînées de grandes cel-
lules claires est bien moindre qu'au stade précédent. — Au stade suivant
(embryon de 130 mm.), il devient évident à première vue que c'est bien le
thymus définitif que l'on a sous les yeux. Le parenchyme est constitué
uniformément par de petits éléments polyédriques dont le diamètre varie
de 5 à 8p.. Les lacunes et les cellules claires ont disparu. — Enfin, sur un
embryon de i65 mm., les lobules primitifs montrent nettement une zone
périphérique de substance corticale et une portion centrale de substance
médullaire; celle-ci est de texture plus lâche.
TouRNEUx et Herrmann retrouvent les mêmes faits chez des embryons
de plusieurs autres mammifères et chez l'embryon humain. '• Les faits qui
précèdent nous amènent, concluent-ils, à nous rallier entièrement à l'opinion
de KôLLiKER. " Malgré cette conclusion, il semble que les auteurs ne se soient
pas entièrement dégagés de l'idée de la participation possible du tissu con-
jonctif ambiant à la constitution du parenchyme même de la glande défini-
tive, lorsque, quelques lignes plus bas, ils se posent cette question : '^ Mais
dans quelle mesure les deux tissus épithélial et conjonctif participent-ils à
la composition du thymus arrivé à sa période de plein développement ? "
" Ne pourrait-on admettre, se demandent-ils même, une substitution lente
et graduelle des éléments mésodermiques immigrés aux cellules épithéliales
de la glande embryonnaire ? ^^ Il est vrai que, pour certaines raisons, ils
regardent cette hypothèse comme peu probable. Il n'est pas possible, en
définitive, d'après eux, d'affirmer actuellement que tous les éléments propres
du thymus chez le nouveau-né soient des descendants directs de l'épithélium
Il6 A. PRENANT
branchial. La provenance exacte des cellules ramifiées constituant le réticu-
lum des follicules reste en particulier à déterminer (i).
Ainsi que nous l'avons indiqué au début de ce mémoire, la question de
l'histogenèse du thymus, de la métamorphose lymphoïde de son ébauche
épithéliale, n'est qu'un cas particulier du problème d'histogenèse générale
qui consiste dans la recherche de l'origine des tissus de substance con-
jonctive et particulièrement du tissu lymphoïde.
Les objets, à propos desquels le problème a été posé, sont indépendam-
ment du thymus (His, Stieda, Gulland, Kôlliker, Maurer, Tourneux
et Herrmann) : les amygdales palatine et pharyngienne [Stôhr (82, 83),
Retterer (63, 66, 67), Zawarykin (93), Schwabach (75), Gulland (29, 30)],
la bourse de Fabricius des oiseaux [Retterer (62)], les follicules clos et les
plaques de Peyer [Garbini (25), v. Davidoff (15), Stôhr f8i, 85), Pilliet
(58), RuDiNGER (70), Retterer (64, 65, 66, 67), Gulland (29), Klaatsch (38),
Tomarkin(88)], les amas lympho'ïdes ou les follicules parfaits des muqueuses
œsophagienne et trachéale [Flesch (23), Rubeli (69), "Waldeyer (90)], le
mésentère des batraciens [Maurer (sobis)].
L'analyse succincte de ces divers travaux ne nous paraît pas superflue.
Aussi la faisons-nous dans les lignes qui suivent.
Les conclusions de Stôhr (81 — 84), déjà formulées dans son premier
travail et reproduites dans ses mémoires ultérieurs, sont les suivantes. Les
follicules clos des divers organes étudiés par lui (follicules clos de la base
de la langue, amygdales, follicules clos et plaques de Peyer de l'intestin)
sont formés de leucocytes. Ceux-ci sortent des vaisseaux par diapédèse;
quelques-uns peuvent être surpris en train de traverser la paroi vasculaire.
Les leucocytes s'accumulent ensuite entre les travées du tissu conjonctif,
distendent les mailles de ce tissu, se divisent par caryocinèse à l'intérieur
de ces mailles. Le tissu conjonctif, transformé en un réseau dont les mailles
sont occupées par des leucocj'tes, est devenu tissu adéno'ïde. Les leucocytes,
en traversant l'épithélium, modifient celui-ci, et peuvent ensuite tomber
dans la cavité intestinale. |
Retterer résume de la façon qui suit (66) la série de ses travaux sur
l'amygdale linguale chez de nombreux mammifères, et sur la plaque de
Peyer du côlon (amygdale colique) chez le cobaye et chez le lapin.
(I) On peut aussi compter de Medron (Sj) parmi les auteurs qui sont favorables à la seconde
manière de voir. Il pense, en effet, que chez les sélaciens on ne doit pas conclure à l'immigration
dans le thymus d'éléments mésodermiques, de ce que l'on voit dans cet organe deux sortes de cel-
lules. K On doit penser plutôt qu'il y a ici les cellules épithéliales primitives et les produits de leur
prolifération » (p 53i).
DEVELOPPEMENT DU THYMUS 117
» Dès 1885, j'ai essayé de montrer que les éléments arrondis qui con-
stituent le tissu des ainygdales proviennent de la division des cellules
épithéliales. L'épithélium de la surface du canal alimentaire pousse des
bourgeons, qui pénètrent dans le tissu mésodermique, comme lorsqu'il s'agit
de la formation des glandes en général. Ils produisent des amas de cellules
arrondies, à faible corps cellulaire {cellules basilaires). Ces amas sont entou-
rés par le tissu mésodermique, qui les sépare complètement de l'épithélium
originel.
« Avant cette séparation, la limite (paroi propre ou membrane basilaire)
a disparu entre les cellules basilaires et le tissu conjonctif ; les prolonge-
ments de ce dernier ont déjà pénétré entre les cellules basilaires.
n Tandis que la portion périphérique de cette formation est alors con-
stituée par un tissu dont le réseau est conjonctif et dont les mailles sont
remplies par les cellules épithéliales, sa portion centrale est purement
épithéliale à ce stade.
?• Avec le progrès du développement, le réseau conjonctif s'étend de
plus en plus vers le centre, en s'insinuant entre les cellules épithéliales qui
se divisent et se transforment en cellules basilaires. C'est ainsi que se forme
le tissu nouveau du follicule clos, à charpente conjonctive et à éléments
propres, qui sont d'origine épithéliale. Les vaisseaux sanguins et lymphati-
ques accompagnent le réseau conjonctif.
« Ce tissu nouveau est donc formé de cellules épithéliales incluses
dans une trame conjonctive et il est parcouru de vaisseaux sanguins et lym-
phatiques ; pour rappeler cette origine épithéliale des cellules glandulaires
et la présence de vaisseaux sanguins et lymphatiques dans le tissu complè-
tement développé, je l'ai appelé angiothélial. «
L'examen de la plaque de Peyer du cobaye à la naissance a fourni à
l'auteur des résultats analogues.
1° rî Les bourgeons épithéliaux traversent la miiscularis miicosœ ef~
leur fond arrive au contact de la musculeuse. Ils se ramifient en bourgeons
secondaires, multiples, qui occupent le centre du tissu angiothélial déjà
formé à cette époque. Les cellules épithéliales sont le siège de nombreuses
divisions par voie karyokinétique et elles forment ainsi des cellules arron-
dies à faible corps cellulaire (basilaires).
2° y> Bien limités sur les parties les plus voisines de la surface intesti-
nale, ces bourgeons sont comme égrenés du côté de la musculeuse. Sur de
nombreux points, on peut voir le tissu conjonctif pénétrer dans l'intervalle
des cellules basilaires.
16
118 A. PRENANT
« Il en résulte un tissu à éléments serrés : le réticulum est formé par
le tissu conjonctif, et les mailles sont remplies par les cellules basilaires,
d'origine épithéliale «.
Dans une nouvelle note (65), se rapportant aux plaques de Peyer des
ruminants et des solipèdes, il arrive aux mêmes conclusions.
ZAWfARYKiN (93) voit daus l'épithélium de l'amygdale du chien de nom-
breuses cavités en forme de bouteille, qui lui paraissent être l'œuvre des
leucocytes; ceux-ci sortent par ces cavités, en traversant l'épithélium (con-
formément à Stohr).
ScHWABACH (75j, étudiant l'amygdale pharyngienne, constate, autour
des invaginations de l'épithélium pharyngien, la présence de globules blancs,
qui ont une origine vasculaire (comme pour Stohr) ; la formation des folli-
cules, observe-t-il, débute autour des invaginations épithéliales.
Garbini(25), examinant les follicules lymphatiques ducœcum du cobaye,
était arrivé en 1887 aux résultats suivants. Entre les cellules constituantes
de l'épithélium stratifié qui revêt l'infundibulum et les parois de la cavité
folliculaire, on trouve des éléments épars, de forme sphérique, qu'il appelle
cellules folliculeuses. Dans les points où existent les petites cavités follicu-
laires et juste au-dessous de l'épithélium stratifié qui en tapisse le fond, se
trouvent mêlées aux cellules lymphoïdes beaucoup de cellules folliculaires,
qui forment ensemble le substratum de l'épithélium. De par l'existence des
cellules folliculaires en ces points, l'auteur croit que les cellules de même
forme, qui se trouvent entre les éléments épithéliaux, sont ces mêmes élé-
ments qui émigrent à travers l'épithélium, pour gagner la cavité folliculaire
et tomber dans l'intestin (analyse d'après une note du Jahresbericht
d'HoFFMANN et Schwalbe).
v. Davidoff (15) a étudié les rapports de l'épithélium intestinal avec le
tissu lymphoïde chez le cobaye et l'homme. Il admet sans réserve des rap-
ports génétiques étroits entre les leucocytes et l'épithélium. Les cellules
épithéliales, en effet, ont des prolongements nucléés (noyaux secondaires de
l'auteurj, qui s'isolent par étranglement du reste de la cellule, et qui donnent
naissance aux leucocytes. C'est ce qu'a vu v. Davidoff dans l'intestin hu-
main. — Les observations que lui a fournies l'appendice vermiftn'me du
cobaye sont encore plus intéressantes à notre point de vue. L'épithélium s'y
comporte absolument comme dans l'intestin de l'homme. Si l'on suit parti-
culièrement cet épithélium vers le fond des cryptes, on voit qu'il devient
plus irrégulier, tant par la forme que par l'état variable des noyaux. Au-
f
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 119
dessous de l'épithélium du fond de la crypte, la membrane basale fait défaut;
elle est remplacée par une ^ zone intermédiaire «, qui n'est qu'un réseau
de prolongements poussés par les cellules épithéliales et qui établit une
transition insensible entre l'épithélium et le tissu lymphoïde sous-jacent.
Les cellules de ce tissu sont considérées par v. Davidoff comme dérivant,
par la zone intermédiaire, des éléments épithéliaux. Les follicules lympha-
tiques sont pour lui des endroits, où la formation des cellules lymphoïdes
aux dépens de l'épithélium intestinal se fait avec une énergie spéciale.
De la note de Pilliet (58) relevons seulement la constatation du tissu
lymphoïde sous forme d'infiltration diffuse autour des glandes de Lieberkïjhn
chez les poissons cartilagineux.
RiiDiNGER{70), sur des suppliciés, a vu que les glandes de Lieberkuhn
de l'appendice vermiculaire sont envahies par les follicules, lorsque ceux-ci
se rapprochent de la muqueuse. Les cellules cylindriques de la glande chan-
gent alors de forme, deviennent plates ; puis elles se rompent, et les leuco-
cytes tombent alors dans l'intestin. L'envahissement de la glande par les
leucocytes se fait comme il suit. Ces éléments investissent les extrémités
des glandes de Lieberkuhn ; là où ils abordent la membrane propre de la
glande, les cellules cylindriques deviennent plus lâches et se disposent irré-
gulièrement en s'écartant les unes des autres. Finalement et pour abréger,
toute trace de la glande disparaît, absorbée par le follicule; les noyaux des
cellules cylindriques sont conservés cependant. Tels sont les faits, dont
l'interprétation paraît à Rudinger grosse de difficultés. ^ Il demeure à éta-
blir, dit-il, si les cellules de LiEBERKtiHN, en cédant une partie de leur
protoplasme, se transforment en leucocytes, ou bien si les cellules cylin-
driques se désagrègent par suite de l'action des groupes de leucocytes et si
les leucocytes détruisent le matériel cellulaire et l'utilisent pour leur rapide
multiplication i^. Cependant, ce qu'il a vu jusqu'alors permet à l'auteur de
conclure que vraisemblablement -^ les cellules des glandes de Lieberkuhn
se transforment et mêlent leurs noyaux à ceux des leucocytes ; opinion,
ajoute-t-il, qui cependant ne répond pas à. la théorie classique. ^
Les résultats de Gulland relatifs au thymus nous sont connus. Dans
un travail d'ensemble sur le développement du tissu adéno'ïde (29) et dans
une note propre à l'amygdale (30;, l'auteur déclare inadmissibles les idées
de Retterer. Le point de départ de la formation amygdalienne est une
invagination épithéliale et un tissu conjonctif ambiant très vascularisé. Les
leucocytes émigrent en grand nombre des capillaires dans le tissu conjonctif;
120 A. PRENANT
ils sont le plus abondants là où le tissu conjonctif est le plus serré, empêchés
qu'ils sont par cette densité du tissu d'aller plus loin ; par conséquent, ils
s'amasseront autour des extrémités des cryptes épithéliales, dont la pénétra-
tion dans le tissu conjonctif a irrité et par suite épaissi ce dernier. Les leu-
cocytes traversent ensuite l'épithélium, auquel ils se substituent.
Dans les plaques de Peyer de l'échidné, Klaatsch (38) constate un
rapport très intime entre les glandes de Lieberkuhn et les follicules; il n'y
a pas de limites nettes entre l'épithélium des unes et les éléments lympha-
tiques des autres ; ces derniers se trouvent dans l'épithélium même. Ces
rapports intimes glandulo-folliculaires, la constitution en partie épithéliale
des follicules de Peyer et les faits de Maurer, de Retterer, de v. Davidoff
disposent l'auteur à admettre l'origine épithéliale des cellules lymphoïdes.
ToMARKiN (88), étudiant les relations des glandes de Lieberkuhn et des
follicules chez le cobaye, arrive à une conclusion opposée, favorable à l'opi-
nion de Stohr. On peut voir, dit-il, les amas de leucocytes qui constituent
les follicules s'unir à l'épithélium de la surface intestinale, ou bien grimper
le long de la paroi des glandes de Lieberkuhn. Celles-ci cependant ne per-
dent jamais rien de leur limitation vis-à-vis du tissu ambiant (contrairement
à Retterer).
Flesch('2 3) observe dans l'œsophage de l'homme et du porc une curieuse
pénétration des follicules par les conduits excréteurs des glandes acineuses,
et même un mélange des éléments qui constituent les deux organes, mélange
qui pour lui a une signification physiologique.
RuBELi (69), sur le même objet, trouve aussi, entre les glandes d'une
part, les nodules lymphoïdes circonscrits ou Tinfiltration diffuse de la
muqueuse d'autre part, des rapports intimes. Le travail se termine
par diverses considérations, dont certaines relatives à notre question et que
nous ignorons malheureusement, ne connaissant le mémoire que par une
analyse.
Waldeyer (90) se borne à la constatation de relations analogues entre
les glandes trachéales et les amas cellulaires lymphoïdes de la muqueuse.
Maurer (49), enfin, soutient cjuc les amas de globules blancs qui for-
ment les glandes mésentériques et la rate ont leur source première, chez les
amphibiens tout au moins, dans les cellules de l'entoderme intestinal; il
est ainsi partisan de l'origine épithéliale des leucocytes.
En résumé, dans tous les cas précités, les formations en présence,
dont on cherche à établir les relations génétiques, sont, d'une part un tissu
DEVELOPPEMENT DU THYMUS 121
épithélial (cordon épithélial du thymus, invaginations épithéliales de la
muqueuse pharyngienne, épithélium de la bourse de Fabricius, glandes de
LiEBERKUHN OU Icurs représentants et l'épithélium de revêtement de la
surface intestinale même, glandes œsophagiennes et glandes trachéales,
entoderme du tube digestif); — d'autre part un amas de leucocytes infiltrant
le tissu conjonctif.
Dans certains cas et d'après l'observation de certains auteurs, ces deux
formations sont eu présence, juxtaposées, avant de se pénétrer, avant que
l'on voie la disparition dès épithéliums et leur remplacement par les leuco-
cytes. D'autres fois et pour quelques auteurs, cette scène de l'acte histogé-
nétique a fait défaut, et l'on s'est borné à constater d'abord la présence des
épithéliums, puis à leur place l'existence des lymphocytes.
Les auteurs, à qui il a été donné de voir les deux formations en pré-
sence, et qui sont le plus nombreux, sont aussi ceux en général qui soutien-
nent l'opinion d'après laquelle les lymphocytes viennent du dehors, des
vaisseaux en particulier, pénètrent l'épithélium et se substituent à lui
(théorie de la substitution ou de la pseudomorphose lymphoïde) (His, Stieda,
GuLLAND, Stohr, Zawarykin, Schwabach, Garbini, Tomarkin).
Les autres, qui n'ont pu le plus souvent que constater la succession
chronologique des deux formations, ou qui, comme quelques-uns, ont réussi
à déceler leur continuité parfaite, admettent que l'épithélium disparaît en
fournissant les lymphocytes, qui sont produits sur place (théorie de la trans-
formation ou de la métamorphose lymphoïde) (Kolliker, Maurer, Tour-
NEUx et Herrmann, V. Davidoff, Rûdinger, Klaatsch).
Plusieurs auteurs, bien qu'ayant surpris les deux formations épithéliale
et lymphoïde au voisinage l'une de l'autre, ne se prononcent cependant pas
pour l'une quelconque des opinions précédentes et se bornent à enregistrer
le fait anatomique : tels Pilliet, Flesch, Waldeyer.
Retterer, et peut-être aussi Flesch, occupe une place à part. Pour
lui, les deux tissus, épithélial et vasculo-conjonctif, se pénètrent réciproque-
ment de la façon la plus étroite; l'épithélium ne produit pas les leucocytes;
les leucocytes ne détruisent pas l'épithélium; les deux tissus se conservent
intimement mélangés, quoique dans des proportions inégales avec prédomi-
nance toujours croissante des leucocytes ; il résulte de ce mélange un tissu
nouveau, le tissu angiothélial (théorie du mélange).
Après avoir esquissé la question dans ses grandes lignes, en joignant à
cet exposé la bibliographie afférente à la question, nous décrirons les faits
que nous avons observés.
122 A. PRENANT
Nous avons examiné tour à tour le corps du thymus, la tête et le cor-
don intermédiaire. Les l'ésultats que nous avons obtenus sur ces trois por-
tions de l'organe sont d'ailleurs identiques; le tissu lymphoïde s'y développe
donc de la même façon. Ce serait par conséquent nous exposera des redites
fastidieusement inutiles que de répéter successivement une description à peu
près pareille de faits essentiellement les mêmes, à propos des trois portions
du thymus. D'autre part, il est aussi superflu que nous reproduisions ici
tous les détails de la constitution histologique du thymus embryonnaire; ■
cette constitution a été, en effet, très bien décrite chez l'embryon de brebis
même par Tourneux et Herrmann. Nous ne voulons consigner dans les
lignes qui suivent que les détails importants au point de vue de la question
spéciale qui nous occupe. Sauf indication contraire, notre description est
faite d'après l'examen du corps du thymus.
Embryon de 25 mm. — Les lobes du corps du thymus sont peu déve-
loppés, constitués par des cellules épithéliales à forme polyédrique bien
nette, dont les noyaux sont tous semblables. Çà et là, on observe quelques
divisions indirectes.
Sur la tête duthymus, qui se compose de deux cavités à paroi épithé-
liale stratifiée, renflée en bourgeons qui font saillie à l'extérieur, nous avons
noté quelques faits. Les mitoses sont peu nombreuses (1 — 2 sur chaque
coupe). On peut trouver au milieu de l'épithélium, soit un élément ayant
le noyau très coloré d'un globule rouge, soit un globule rouge sans noyau,
reconnaissable par la coloration jaune que lui a donnée l'orange (procédé
de coloration de Flemming). Nous avons aussi fait une observation qui,
d'après ce qui se passera plus tard, a son importance; il s'agit d'un noyau
arrondi, de petites dimensions, renfermant 3 — 4 fragments chromatiques,
qui était situé dans le même corps cellulaire qu'un noyau ordinaire, et qui
touchait directement à la cavité de l'organe.
Embryon de 26 mm. — Les lobes du corps du thymus sont de consti-
tution épithéliale. Les mitoses sont nombreuses; il 3^ en a en moyenne une
dizaine sur la coupe de chaque corps du thymus, ce qui donne un coefficient
d'environ 1/50, la coupe de l'organe comprenant à peu près 500 cellules. Sur
cet embryon, j'ai observé certains faits a3^ant trait à la formation des cavités
ou vacuoles que présentent les lobes du thymus et qui ont été signalées par
Tourneux et Herrmann ; ces faits seront mentionnés plus loin, à propos
de l'embryon de 28 mm.
A côté de noyaux dont le contour est régulièrement arrondi ou ellip-
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 123
tique, je dois en signaler d'autres qui sont irrégulièrement lobés, quadrilobés
par exemple, un tronçon de chromatine volumineux s'engageant dans l'un
des lobes, Pl. II, fig. 21, a et b. On observe aussi de petits noyaux jux-
taposés, comme chez l'embryon précédent, à des noyaux plus volumineux.
Embryon de 28 mm. — Les lobes sont plus volumineux, subdivisés
déjà en lobules. Ils ont encore une constitution complètement épithéliale.
Mais, parmi les cellules qui les constituent, il en est quelques-unes dont
les noyaux se font remarquer par leur petitesse et par leur coloration foncée.
Beaucoup de noyaux sont en division mitotique.
La coupe transversale offre de nombreuses lumières qui représentent
le canal principal du thymus et ses diverticules. En outre, il existe quelques
grandes cavités, qui, n'étant pas limitées par des cellules plus ou moins
nettement arrangées en un épithélium prismatique, n'appartiennent pas à
la catégorie précédente d'espaces, et qui, n'étant pas tapissées par un endo-
thélium., ne sont pas non plus des vaisseaux sanguins; dans ces lacunes sont
tombés des éléments pareils aux cellules épithéliales qui forment la masse
du thymus. Tourneux et Herrmann ont fait chez l'embryon de 38 mm.
une observation qui paraît analogue : « dans la plupart des bourgeons exis-
tent des vacuoles bordées de grandes cellules claires et incolores... Il semble
que les vacuoles résultent de la disparition par résorption de quelques-unes
des grandes cellules <^. Chez l'embryon qui précède (26 mm.), j'ai vu que
réellement il se fait bien une résorption parmi les éléments qui circonscri-
vent certaines cavités du thymus. Les éléments se creusent de vacuoles
souvent très considérables, fig. 17, va; la pression déterminée par l'exten-
sion de ces vacuoles déforme et rapetisse le noyau, ve. Les cellules de-
viennent alors claires et vésiculeuses. Ces transformations ont été comparées
très justement par Tourneux et Herrmann, quant à l'aspect qu'elles pro-
duisent, à ce qui se passe, à ce même moment, pour les cellules superficielles
du revêtement épithélial du pharynx et de l'œsophage. Une cellule ainsi
distendue par sa vacuole peut éclater, la paroi qui la séparait de la cavité
du thymus étant devenue très mince; la cavité cellulaire s'ouvre alors dans
la cavité thymique, qui est agrandie d'autant, fig. 17, a. On pourrait com-
parer l'aspect alors observé à celui que présente le canal médullaire d'un os
long en voie d'agrandissement par résorption localisée de la substance os-
seuse qui l'entoure. En outre, chez ce même embryon, j'ai constaté, dans
une cavité thymique toute petite et sans doute récemment formée, un fin
réticulum bleu et une masse chromatique rouge semblable à celle d'une
124 ^- PRENANT
cellule en division cinétique; la cavité ne donnait pas l'impression d'un
simple vide, mais plutôt, à cause d'une certaine réfringence, celle d'un
espace cellulaire très distendu. Je suppose en conséquence qu'il s'agit ici
d'une formation vacuolaire par une sorte d'hydropisie d'un élément cellu-
laire peut-être en voie de division, ou bien encore d'un élément cellulaire
en voie de dégénérescence. On peut même assister au mode de formation
d'une semblable vacuole par dégénération d'un élément central, fig. 16, a,
aplatissement et dégénération des cellules qui l'entourent immédiatement,
formation enfin d'une cavité que bordent des éléments irrégulièrement cu-
biques ou prismatiques atteints à leur tour par la vacuolisation. L'aspect
d'une vacuole en voie de formation est comparable à celui d'un corps con-
centrique; aussi puis-je hasarder l'hypothèse que la production de ces corps
n' est peut-être autre chose que la continuation, avec certaines modifications,
du phénomène de la formation de vacuoles dans l'épaisseur du thymus. Ce
qui vient encore à l'appui de l'idée que le mécanisme auquel sont dues les
cavités du thymus consiste souvent et peut-être toujours dans une dégéné-
rescence suivie de fonte cellulaire, c'est que dans ces cavités on rencontre
constamment des blocs de substance chromatique rouge, traces évidentes
de la présence d'un élément cellulaire, dont la chromatine seule, plus résis-
tante, aurait persisté. Ajoutons que les vacuoles thymiques ne s'observent
que là où les lobes du thymus sont déjà très épais, comme dans le corps
de l'organe, et non dans les endroits (le cordon intermédiaire par exemple)
où leur diamètre est beaucoup moindre; ce qui tient peut-être à ce que, en
raison de l'épaisseur de la masse épithéliale, les parties centrales de celle-ci
sont moins bien nourries dans le premier cas que dans le second (à rappro-
cher des causes probables de la transformation vésiculeuse des cellules les
plus internes dans l'épithélium œsophagien).
La tête du thymus de ce même embryon, dont la paroi irrégulièrement
épaisse bourgeonne déjà très loin, a une structure encore épithéliale; les
cellules sont polyédriques, mais de forme très irrégulière. Quelques-unes
renferment de petits noyaux plus colorés. Il faut noter aussi quelques formes
cellulaires sans doute dégénératives, ayant un protoplasme dense, un noyau
réduit à quelques gros blocs chromatiques compactes et vivement teintés
en rouge. Les divisions indirectes sont abondantes (une douzaine par coupe).
Ce que l'examen nous a révélé de plus intéressant, c'est une série de figures
que l'on ne peut interpréter que comme des stades successifs de la division
directe, fig. 21; ces figures, nous les avions observées aussi dans le corps
DEVELOPPEMENT DU THYMUS 125
du thymus ; mais elles se présentaient dans la tête de cet organe avec une
abondance et une variété beaucoup plus grandes. Outre des formes banales
(noyaux en bissac par exemple), nous avons constaté d'abord la présence de
deux noyaux très inégalement gros, le plus petit en général plus coloré {«),
situés soit dans un même corps cellulaire, soit le plus souvent dans deux
corps cellulaires séparés par une ligne limitante plus ou moins évidente.
De plus, on pouvait voir un grand nombre de noyaux émettant un petit
bourgeon arrondi d'un diamètre 5 —6 fois moindre que celui du corps même
du noyau [b); ce bourgeon se détachait quelquefois d'une incisure du noyau.
Plusieurs fois aussi, nous avons trouvé, à côté d'un noyau et parfaitement
distinct de lui, un petit corps nucléaire arrondi, semblable aux bourgeons
émis par d'autres noyaux {n dans les cellules isolées de la figure] ; parfois, il
existe deux petits corps nucléaires semblables placés à côté l'un de l'autre.
Telles sont les formes que nous avons le plus souvent aperçues, et qui seules,
à cause de leur fréquence et de l'aspect constamment analogue qu'elles pré-
sentent, méritent de fixer l'attention. Elles ressemblent beaucoup aux
formations que Steinhaus (ySbis) a décrites dans l'épithélium intestinal de
la salamandre sous le nom de "noyaux secondaires «. Le mode de forma-
tion admis par l'auteur et qualifié par lui de "gemmation indirecte» est très
analogue à celui que nous avons constaté ici. Enfin, comme Steinhaus,
nous supposons que les corps nucléaires, que nous avons vus se former à
côté d'un noyau principal et à ses dépens, sont destinés à remplacer les
noyaux anciens. La série des figures très démonstratives que donne Stein-
haus à l'appui de son opinion est très comparable aux dessins que nous
avons reproduits dans la fig. 21.
Embryon de 36 mm. — Quelques lobes du corps du thymus offrent
encore une cavité épithéliale. Dans certaines cellules épithéliales,on retrouve,
comme au stade précédent, des noyaux petits et foncés. On observe même
quelques noyaux, rares il est vrai, qui représentent une masse colorée ("au
procédé de Flemming) en violet foncé, plus ou moins rouge ou plus ou moins
bleue, sur laquelle se détachent, avec une netteté variable, trois ou quatre
corpuscules chromatiques rouges. Disons tout de suite que ces noyaux for-
meront dans le thymus définitif l'immense majorité. Çà et là, on observe dans
un même corps cellulaire deux corps nucléaires très colorés, plan-convexes,
se regardant par leurs faces planes et très voisins l'un de l'autre; il ne paraît
pas s'agir d'un des stades habituels de l'anaphase. Les mitoses sont du
reste nombreuses.
16
126 A. PRENANT
Embryon de 40 mm. — Les lobes du thymus, qui sont volumineux,
paraissent, à un faible grossissement, avoir subi en grande partie la trans-
formation lymphoïde. En étudiant avec les objectifs forts les caractères
nucléaires de leurs cellules constitutives, on observe toutes les transitions
entre le noyau épithélial des stades précédents, grand, pâle, elliptique, à
structure réticulée manifeste, et d'autre part un noyau très petit, très coloré,
arrondi en partie, dont le suc nucléaire fortement teinté masque en partie
la constitution intime. Le second, par comparaison avec les noyaux des
globules blancs qui se trouvent dans les vaisseaux, appartient bien certaine-
ment à un lymphocyte. La transformation lymphoïde du thymus achevée,
l'immense majorité des noyaux auront cette constitution. Les divisions mi-
totiques sont peu nombreuses.
La tête du thymus du même embryon permet de faire une distinction
dans chaque lobe entre une zone corticale presque entièrement épithéliale
et une zone centrale riche en cellules à petits noyaux ou cellules lymphoïdes.
Çà et là, on observe quelques formes dégénératives probables, semblables à
celles dont il a été question déjà chez l'embryon de 2,8 mm. De même, nous
avons retrouvé ici les éléments à corps nucléaires jumeaux très colorés, si-
gnalés chez l'embryon précédent. Plusieurs fois, nous avons pu faire l'obser-
vation suivante. En étudiant attentivement les caractères des noyaux d'un
lobe de thymus et les rapports que ces noyaux ont entre eux, on constate
qu'ils appartiennent à deux types principaux, les uns plus grands et plus
clairs, les autres plus petits et de coloration plus foncée ; on s'aperçoit en-
suite que ces deux types nucléaires sont en maint endroit accouplés d'une
manière assez évidente ; chaque couple comprend un noyau clair et un noyau
sombre fPL. II, fig. 20, 1, 2, 3, 4). Il est possible qu'il y ait entre ces deux
formes nucléaires une relation génétique, tout comme c'était le cas pour les
grands noyaux et les petits corps nucléaires ;z de la fig. 21.
Embryon de 55 mm. — Les résultats de l'observation sont les mêmes
que chez l'embryon de 40 mm. Les mitoses sont assez fréquentes.
Embryon de 85 mm. — Pour la première fois paraît dans la masse du
thymus la distinction déjà faite par plusieurs auteurs (Kôlliker, Dahms,
TouRNEUx et Herrmann) entre une substance centrale (substance médullaire
de TouRNEUx et Herrmann) et une substance corticale ou péiùphérique. La
substance centrale, plus claire, se prolonge extérieurement en formant autant
de pédicules aux lobes constitués exclusivement par la substance corticale
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 127
plus foncée. L'existence de ces pédicules est connue depuis J. Simon (78).
La couche corticale paraît correspondre à la masse thymique tout entière
des stades précédents. La substance corticale contient en abondance les élé-
ments à petit noyau arrondi et foncé, que nous avons déjà comparés, assi-
milés même aux lymphocytes. Quant aux grands noyaux pâles, ils sont en
nombre beaucoup moindre que les autres, la proportion étant de 1/30 au plus;
ils ont pris des caractères spéciaux que nous retrouverons plus tard ; ils pa-
raissent appartenir à des cellules de soutien, auxquelles les petits éléments
seraient annexés, disposés par îlots ou par rangées. De nombreuses formes
mitotiques sont visibles. De plus, dans cette substance on rencontre certaines
formes nucléaires qui peuvent passer pour des figures de division directe :
ainsi des noyaux en bissac ou des noyaux étranglés annulairement, l'étran-
glement pouvant être parcouru par un pont de substance chromatique qui
réunit les deux fragments nucléaires ; en outre, de grands noyaux auxquels
est accolé un petit noyau qui semble en être une portion détachée. La sub-
stance médullaire (pédicules des lobes et masse centrale en laquelle con-
fluent ces pédicules) a une structure beaucoup plus lâche que la précédente ;
les éléments _qui la constituent ont des noyaux de grandeur variable, les uns
grands et clairs, les autres petits et très colorés ; l'importance numérique de
ces deux sortes de cellules est à peu près égale ; les éléments à petit noyau
sont donc bien moins nombreux que dans la substance corticale. Les cel-
lules sont disposées par îlots, séparés par des tractus conjonctifs et par des
vaisseaux souvent considérables. Les mitoses y sont plus rares que dans la
substance corticale.
La tête du thymus offre une différenciation analogue en deux substances
corticale et médullaire. Les mitoses sont abondantes dans la substance cor-
ticale qui constitue les lobes; sur la totalité de la coupe transversale de la
tète, comprenant une vingtaine de lobes, on peut évaluer à une centaine le
nombre de ces mitoses. Cette proportion n'est cependant pas supérieure à
celle des stades précédents, puisqu'il ne faut pas oublier que le diamètre
de l'organe a plus que décuplé, comparé à ce qu'il était par exemple chez
un embryon de 28 mm. ; elle serait bien plutôt inférieure. Les figures de
division sont du reste bien différentes de ce qu'elles étaient dans les stades
jeunes, alors que l'organe avait encore une structure complètement et mani-
festement épithéliale. Tandis que dans ce dernier cas, les mitoses, qui ap-
partenaient à des cellules épithéliales, offraient de longs chromosomes bien
isolés les uns des autres, ici au contraire les éléments chromatiques se
128 A. PRENANT
montrent agglomérés en une masse bosselée ; en d'autres termes, au lieu
du type cinétique que l'on pourrait, eu égard à l'état des chromosomes, ca-
ractériser comme « type distinct et disséminé, „ nous avons ici " un type
confus et compact. » Quant à dire si les cinèses, qui sont d'ailleurs de
taille variable, appartiennent aux grands ou aux petits noyaux, c'est chose
impossible; la variation de grandeur ferait supposer que les deux sortes de
noyaux sont en cause. Toutefois les mitoses de petite taille sont en nombre
beaucoup plus considérable.
Embryon de 1 1 cent. — Déjà chez l'embryon précédent, on pouvait
constater, mais mieux encore chez celui-ci l'on peut voir que la substance
corticale qui constitue les lobes se montre elle-même décomposée en une
zone extérieure plus pâle, quoique plus compacte, et une masse intérieure,
intermédiaire à la précédente et au pédicule, et qui est très foncée. Autre-
ment dit, chaque lobe a différencié à sa périphérie une couche spéciale ; le
reste correspond au lobe tout entier du stade précédent. On peut donc dis-
tinguer une substance périphérique (zone extérieure des lobes), une substance
moyenne (masse principale des lobesj, une substance centrale (pédicules et
axe central). Les substances périphérique et centrale sont claires, la seconde
surtout. La substance centrale doit sa coloration faible à sa texture très
lâche ; la substance périphérique, bien que dense, est peu colorée, parce
qu'elle ne renferme pour ainsi dire aucun des éléments de la substance
moyenne, qui valent â cette dernière son aspect foncé. Cette substance
moyenne renferme en effet une quantité de petits éléments à noyau très
coloré (cellules lymphatiques) ; elle offre en outre quelques grands noyaux,
qui, par rapport aux petits, sont dans la proportion indiquée pour l'embryon
précédent. Les substances périphérique et centrale, peu riches en éléments
cellulaires, sont surtout pauvres en cellules micronucléées ; dans les cellules
à grand noyau, celui-ci offre une ou plusieurs incisures parfois très profon-
des. Ces deux substances sont à peu près exclusivement le substratum des
figures de division indirecte.
Embryons de 30 et de 40 cent. Fœtus presque à terme et à terme. —
Dans ces stades, le thymus a acquis sa constitution définitive; il a donc
pris complètement, examiné du moins à un faible grossissement, l'aspect
d'un organe lymphoïde. Une étude complète des stades avancés du thymus
ne rentre pas dans le cadre de ce travail. Nous avons surtout l'intention
de donner ici les faits qui permettent la comparaison du thymus parvenu
à cette période avec l'organe des stades précédents.
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 129
On peut retrouver dans le corps du thymus les mêmes zones, périphé-
rique, moyenne et centrale, qu'antérieurement, fig. 24, Pl. II. La zone
périphérique, parfois très distincte, forme autour de l'organe une bande
bien limitée, très compacte, plus claire, semblable à un épithélium stratifié,
ip. La substance médullaire, riche en vaisseaux, est formée de travées
étroites, anastomosées irrégulièrement en un réseau à larges mailles, sm.
Le passage de la substance médullaire à la masse corticale se fait par
l'élargissement des travées en cordons plus considérables, épais de plusieurs
cellules, lesquels à leur tour dans la substance corticale foUiculeuse, {cf,
s'élargissent en îlots. En somme, dans la substance médullaire, la structure
de l'organe est franchement réticulée, tandis que cette réticulation nous a
paru indistincte dans la substance corticale. Aussi bien la méthode de fixa-
tion que' nous avons employée (liquide de Flemming) n'est-elle pas favorable
sans doute à ce genre de recherches.
Les éléments cellulaires constitutifs du parenchyme sont variés et
forment des catégories bien tranchées. Ces catégories sont pour la plupart
comparables à celles qu'ont établies Flemming (21, 22), Heidenhain (33)
et H. HoYER (56;, pour d'autres organes lymphoïdes.
On trouve d'abord, particulièrement abondants dans la substance mé-
dullaire centrale, de grands éléments à corps protoplasmique assez volumi-
neux, de forme irrégulière et parfois ramifiée, finement granuleux. Le
noyau de ces éléments est caractéristique; il est de deux à trois fois plus
volumineux que celui des autres cellules, de forme elliptique ou arrondie,
souvent échancré en un ou deux endroits, parcouru par un réticulum délicat,
mais net: il contient de un à trois corpuscules chromatiques principaux ou
pseudo-nucléoles, vivement teintés par la safranine; les autres corpuscules
colorables qu'il renferme ne sont pas visibles à première vue et n'atteignent
pas à la dignité de pseudo-nucléoles. Je suppose que ces éléments, qui cor--
respondent, sans doute, à une partie des cellules géantes de Watney (9 0,
sont des cellules appartenant à la charpente' de l'organe. La comparaison
de ces éléments avec les cellules que représente H. Hoyer, f36, Pl. XI,
FIG. 4), appliquées sur le réticulum des ganglions lymphatiques et dont il
fait des éléments conjonctifs ou endothéliaux, me fortifie dans l'idée que les
cellules que je signale dans le thymus font partie de la charpente du paren-
chyme. Cette comparaison pèche cependant çur deux points : d'abord, en
ce que je n'ai pas pu voir les cellules du thymus dans la situation qu'assigne
Hoyer à ses éléments endothéliaux conjonctifs; en second lieu, parce que
Hoyer ne décrit pas ces éléments, et ne donne pas les caractères de leur
130 A. PRENANT
noyau. En tout cas, l'aspect du noyau des cellules de charpente du thymus
rappelle celui du noyau des cellules pédieuses ou cellules de soutien du
testicule, sans que j'aie pu cependant déceler dans ce noyau les détails de
structure que Hermann a découverts dans celui de la cellule pédieuse.
A côté de ces éléments de grande taille, il en est d'autres, volumineux
aussi, qui se présentent avec les caractères de cellules géantes, bien que je
n'aie pu leur trouver plus de deux noyaux ; elles ont une forme arrondie, un
protoplasme sombre, quoique criblé de petites vacuoles ; les noyaux sont
gros, vivement colorés. Ces éléments, qui correspondent sans doute à une
autre partie des cellules géantes de Watney, sont peut-être identiques à
ceux qu'a signalés Schedel (74;, et aussi à ce que Cuénot décrit (i3) comme
de petites plaques protoplasmiques à un ou deux noyaux.
En beaucoup d'endroits, on trouve des formations qui répondent à la
description des corps concentriques ; car elles présentent autour d'une masse
centrale semée de petits grumeaux chromatiques rouges plusieurs noyaux
aplatis très colorés. Il peut arriver que deux corps semblables soient appli-
qués l'un contre l'autre, adossés par leurs faces planes, ce qui est évidem-
ment un passage à la formation de corps concentriques composés. Je rap-
proche volontiers ces productions de celles que j'ai signalées dans le thymus
d'animaux beaucoup plus jeunes et qui aboutissaient à la création de vacuoles.
Les corps concentriques, d'après ces recherches, devraient peut-être leur ori-
gine à des dégénérescences et à des fontes de cellules épithéliales; ce seraient
donc des productions de l'épithélium. Capobianco (8) a fait récemment en-
core intervenir ici la métamorphose régressive des éléments épithéliaux
primitifs; il attribue toutefois une double origine aux corps concentriques,
qui seraient formés de cellules lympho'ides au centre et d'éléments épithé-
liaux à la périphérie. Ne voulant pas traiter la question de la genèse des
corps concentriques, je ne prétends pas que ces formations ne puissent être
d'une autre nature. Les observations d'ApANASSiEwr ( 1 et 2), qui les a fait
dériver de vaisseaux sanguins obturés par leur endothélium, sont très pro-
bantes. Il me semble en tout cas que l'on a dû confondre souvent avec les
corps concentriques certaines coupes de vaisseaux sanguins. Monguidi (53)
a du reste été conduit à distinguer entre les vrais et les faux corps concen-
triques, ces derniers n'étant que des sections vasculaires.
Les préparations colorées par la méthode de Flemming montrent une
assez grande quantité de cellules que distingue leur contenu protoplasmique,
FiG. 23, b. Leur protoplasme est, en effet, constellé de grains volumineux,
colorés en bleu par le violet de gentiane et dits « grains gentianophiles. r,
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 131
Ces éléments rentrent dans la catégorie des " cellules granuleuses ^ d'HEi-
DENHAiN et de H. Hoyer, bien que, par la constitution habituelle de leur
noyau, ils diffèrent des cellules granuleuses figurées par exemple par Hoyer,
Pl. XII, FiG. 3. Une partie des cellules grenues décrites par Watney cor-
respond sans doute à nos éléments gentianophiles. Il est possible aussi que
ce soient ces cellules à grains gentianophiles que Cuénot (13) a vues dans
le thymus du surmulot et qui renfermaient '- quelques gros granules
clairs qui ne ressemblent point au ferment albuminogène. ^ Dans les gan-
glions lymphatiques, Flemming a vu des éléments semblables {loc. cit.,
FIG. 1 1, J?", h). Comme Flemming, je trouve ces éléments dispersés partout,
aussi bien dans la substance médullaire que dans la substance corticale et
jusque sous l'enveloppe fibreuse du thymus; c'est même à la périphérie
d'un lobé de l'organe que je les ai observés en plus grande abondance.
Flemming a constaté un grand nombre de fois que ces cellules sont situées
au voisinage des vaisseaux sanguins, sans qu'il ait osé en conclure cependant
que ce sont des cellules migratrices sorties des vaisseaux; la nature de ces
cellules lui est d'ailleurs restée inconnue. J'ai vu pour mon compte de tels
éléments loin des vaisseaux et loin des trabécules conjonctives. Du reste,
les cellules dont le protoplasme est farci de grains gentianophiles ne sont
pas toujours de même aspect ni de même nature. Presque constamment
toutefois, les cellules qui sont le substratum de ces grains sont ces éléments
de charpente, dont nous venons tout à l'heure de caractériser le noyau;
Flemming également a trouvé que les grains avaient souvent pour support
des cellules fixes ramifiées et étalées, fig. u, h. Quant à la nature des
grains, elle m'échappe absolument. Hoyer n'a pas pu davantage se pronon-
cer catégoriquement à ce sujet. Dans quelle mesure, par exemple, les grains
éosinophiles, dont Schaffer (73) a fait connaître l'existence dans le thymus
d'animaux de différents âges, sont-ils identiques aux granules gentianophiles,
c'est ce qui reste à établir. N'ayant pas d'observations personnelles qui
permettent de comparer les uns aux autres, nous nous bornerons à rappeler
que les grains éosinophiles des leucoblastes se sont montrés également
gentianophiles entre les mains de v. der Stricht (87, p. 91). On sait toute-
fois qu'il existe, d'après les données histochimiques d'EHRLiCH,une différence
fondamentale entre les granules éosinophiles, qui sont acidophiles (granules
a d'EHRLiCH), et les grains gentianophiles, qui sont basophiles (granules y et 5
d'EHRLicH); cette différence histochimique paraît exclure toute identité.
Les cellules à grains pigmentaires, que Flemming trouve en abondance
dans les ganglions lymphatiques, ont fait défaut dans le thymus. Elles ne
132
A. PRENANT
manquent pas cependant dans la glande carotidienne d'embryons du même
âge, où les grains sont colorés en brun olivâtre à la suite de l'action du
liquide et du colorant de Flemming.
Mes recherches ont été infructueuses aussi à l'égard de ces formations
que l'on rencontre, d'après Flemming (21) et ses élèves, d'après Mobius par
exemple (52), en nombre variable à côté du noyau dans les cellules des
ganglions lymphatiques et des corpuscules malpighiens de la rate, ainsi que
de l'amygdale et de certains autres organes; Schedel (74) a retrouvé ces
formations aussi dans les éléments du thymus. Il s'agit des - corps colo-
rables « (tingible Kôrper) de Flemming. Je n'ai pu observer ni dans le
thymus d'embryons âgés et d'animaux à terme, ni dans celui d'un agneau
de quatre mois, des corps colorables identiques et concordant exactement
avec ceux de Flemming, c'est-à-dire offrant les formes, la coloration et
toutes les qualités regardées par Flemming comme distinctives et présentant
de plus le caractère d'être bien certainement enfouis dans le protoplasme
d'un élément cellulaire. Mes observations ont été plus heureuses sur des
ganglions lymphatiques de ce même agneau, que j'avais mis en coupes pour
faire sur ce point et sur quelques autres la comparaison avec le thymus.
J'ai pu y voir, en effet, des productions que je rapproche des corps colorables;
ce sont de petits corps arrondis, de 5 à 10 fois plus petits que les noyaux à
côté desquels ils sont situés, colorés en bleu par le procédé de Flemming,
homogènes ou plus clairs au centre et offrant à leur périphérie quelques
masses chromatiques sombres.
Quel rapport y a-t-il entre les '^ corps tingibles ^ de Flemming et les
« noyaux secondaires ^ de Steinhaus (78bis), dont il a été question plus haut
et dont nous avons rapproché les petits noyaux que nous avons vus se for-
mer dans le thymus jeune? Steinhaus assimile ces noyaux secondaires aux
corps colorables de Flemming, ainsi qu'à d'autres formations décrites par
divers auteurs. Nous devrions, ayant identifié nos petits noyaux aux no3'-aux
secondaires de Steinhaus, en faire aussi des corps colorables. Cette identi-
fication nous paraît cependant ne pas être contenue dans nos observations,
et nous préférons provisoirement distinguer entre les uns et les autres. On
sait que des corps identiques ou analogues aux corps colorables de Flemming
ont été trouvés par plusieurs auteurs et dans différentes conditions. Rap-
pelons entre autres les observations de Martinotti (48), de Firket (19), et
même celles de Cazin (9), de Russel (71), qui ont décrit dans les tissus
pathologiques des formations ^« lobes hyalins - de Cazin) comparables aux
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 133
corps colorables. — - On peut encore leur rattacher les « boules hyalines ^
que l'on a trouvées (Dittrich (i6), Cornil et Alvarez (lo), et d'autres) dans
les éléments constitutifs du rhinosclérome. — Lowit (43), dans le proto-
plasma des leucocytes de l'écrevisse, a observé des « corps pyrénogènes ",
qu'il considère comme provenant du noyau des leucocytes et qu'il regarde
comme voisins des corps colorables de Flemming. — Gulland (31), qui a vu
lui aussi des formations ressemblant aux corps colorables, les interprète tout
autrement. Ce sont pour lui des fragments de leucocytes ou de noyaux de
leucocytes absorbés par des cellules macrophages ou phagocytes. » I hâve
no doubt that Flemming, in describing the ^tingible Kôrper « in and among
the cells of his lymph glands, had under his eyes thèse fragments of dege-
nerate nuclei " (p. 128). Ces corps, Gulland les trouve dans les organes
lymphatiques et particulièrement dans le sinus lymphatique et dans la
portion médullaire, moins fréquemment dans les centres germinatifs (contre
Flemming;. — Si l'on admet l'identité des fragments leucocytaires intracel-
lulaires de Gulland et des corps colorables de Flemming, il faut faire de
même pour les formations décrites par Heidenhain (33) avant Gulland
et interprétées aussi par lui comme détritus cellulaires soumis à la phago-
cytose. — Il faut en faire autant pour les » boules " considérées par Nicolas
(55) comme semblables aux débris cellulaires de Heidenhain, mais ayant
selon lui une origine toute différente, et formant le produit de l'élaboration
des cellules où on les trouve. — On est ainsi amené encore à rapprocher
des corps colorables certaines d'entre les formations décrites par Lukjanow
(44), telles que les ■" sphères mucinoïdes - ou les r. plasmosomes « de cet
auteur. On va jusqu'à songer à un rapprochement vers les ^ corps « ou
« noyaux accessoires « {Nebenkôrper, Nebenkern) et vers les « noyaux
secondaires « de Steinhaus, dont il a été question plus haut.
On le voit, cette question est difficile et complexe. Aussi ne disposant
que d'observations incomplètes, ai-je voulu la soulever seulement, mais non
la traiter. D'après ce que j'ai vu ou plutôt entrevu dans le thymus et dans
les ganglions-lymphatiques, il y existe nombre de formations variées, encore
énigmatiques, qui offrent au cytologiste un vaste champ de recherches,
insuffisamment exploré.
Il me faut encore indiquer dans le thymus l'existence de cellules situées
dans la zone périphérique de la substance corticale et renfermant des en-
claves de forme ovale, plus ou moins vivement teintées par l'orange. On
pourra leur comparer les cellules figurées par H. Hoyer, Pl. XII, fig. 5,
a et b.
17
134
A. PRENANT
Toutes les formes cellulaires, dont il vient d'être question, ne sont en
somme qu'exceptionnelles dans le thymus. L'immense majorité des cellules
constitutives de cet organe est formée par des éléments de taille variable,
généralement petite, dont' les caractères sont ceux qu'on a coutume d'attri-
buer aux cellules lymphatiques. Ces cellules, très clairsemées dans la sub-
stance médullaire, sont au contraire très serrées dans la substance corticale
des lobes. Leur corps cellulaire est très peu abondant, de forme polyédrique
et souvent ne peut être reconnu qu'avec une grande difficulté. Le noyau,
généralement petit, offre des caractères variables. On en voit en effet de
toutes tailles. Il offre toutes les constitutions, étant tantôt clair et nettement
réticulé, et dans ce cas plus volumineux, tantôt au contraire de structure
indistincte, à cause de la coloration foncée que lui communiquent les
réactifs. Les noyaux de la zone périphérique de la masse corticale se
distinguent par leur état clair, d'où l'aspect général de cette zone. Si dans
ces noyaux petits et fortement colorés, la chromatine, rassemblée en 3-4
fragments volumineux, est constamment colorée en rouge ou en rouge vio-
lacé à la suite de l'application du procédé de Flemming, l'enchylème, qui
remplit le noyau, est très diversement coloré (bleu, violet, gris, rose, rouge,
orangé); de là, un mélange de couleurs qui est loin d'être désagréable à
l'œil. H. HoYER, dans les ganglions lymphatiques traités aussi par une
méthode de coloration (la méthode d'EHRLicH-BiONDi), a trouvé pareillement
les noyaux nuancés dans tous les tons depuis le violet " mat ?> (clair?) jusqu'au
bleu verdâtre. Il parait donc exister, entre les diverses cellules des ganglions
lymphatiques, des différences de constitution nucléaire, traduites par des
variations de couleur, analogues à celles qui distinguent les éléments lym-
phoïdes du thymus. On peut être certain que, dans le procédé de Flemming,
en raison de la durée d'immersion dans les différents colorants, de la colo-
ration et de la décoloration à fond, les différentes parties d'une coupe histo-
logique n'ont pas été colorées au hasard par la substance tinctoriale qui les
a rencontrées, mais que leur coloration est l'expression fidèle de leur con-
stitution et en est caractéristique.
Ces cellules sont juxtaposées les unes aux autres dans les cordons de
la substance médullaire, séparées par une ligne limitante intercellulaire
souvent bien nette; elles forment en certains endroits ces cordons à elles
seules, les grandes cellules ou éléments de charpente paraissant alors situées
librement dans les mailles du réseau de cordons; ailleurs, ces dernières
cellules sont mélangées aux éléments lympho'ïdes et participent à la consti-
DEVELOPPEMENT DU THYMUS 135
tution de la trabécule. Dans la substance corticale, il m'est impossible de
reconnaître un arrangement quelconque des éléments cellulaires.
Les différences de taille et de structure nucléaires permettraient d'établir
deux catégories au moins parmi les cellules lymphoïdes, les deux types
nucléaires étant reliés du reste par des formes intermédiaires nombreuses.
Ces deux catégories correspondent peut-être à celle des lymphoblastes et à
celle des lymphocytes, ou au type leucoblaste de Lowit et au leucocyte
parfait (comp. fig. 22 et 23, / et /'/. Les éléments à noyau /', qui sont de
beaucoup les plus nombreux, et que je considère comme les cellules défini-
tives, ont un noyau arrondi, petit; l'enchylème est en général coloré, mais
d'une couleur variable; deux, trois ou quatre gros blocs chromatiques sont
plongés dans cet enchylème, reliés à la membrane par des fils très fins,
FIG. 2. Les éléments pourvus du noyau /, plus rares, que je suis disposé à
regarder comme des cellules jeunes, ont un noyau elliptique, volumineux;
l'enchylème est coloré par l'orange d'une façon banale; leur réticulum est
net et supporte un certain nombre de grumeaux chromatiques de grosseur
et de forme très variables. Je n'irai pas plus en avant dans la description
des caractèiies structuraux intimes de ces éléments, non plus que dans
l'établissement de leur filiation, ces questions étant à côté de l'objet de ce
travail.
Quant aux figures de division, il sera question plus loin des cinèses
que l'on trouve dans cette période du développement du thymus. Bornons-
nous à dire ici que les figures cinétiques sont petites, du type confus, de
forme ramassée et ne paraissent jamais appartenir aux cellules dites de
charpente. Ces figures siègent presque exclusivement dans les substances
périphérique et centrale et paraissent manquer (cela avec une presque en-
tière certitude) dans la masse corticale intermédiaire aux deux substances
précédentes. Outre les cinèses, nous avons trouvé quelques figures de
sténose. Mais, de même que l'affirme Flemming pour les ganglions lympha-
tiques, ces figures sont ici très rares et ne présentent certainement pas le
mode habituel de multiplication cellulaire. Il est possible que ces figures
résident dans les lymphocytes; en tout cas, nous avons vu une fois une
forme nucléaire en biscuit étiré, avec chromatine condensée, semblable à
celles figurées par Flemming (2 1, fig. 9, /) et par Arnold (3, fig. 18, c), et
qui appartenait à une cellule endothéliale ou peut-être à un leucocyte
migrateur.
136 A. PRENANT
J'ai examiné le thymus d'un jeune agneau. Mais je me contenterai de
dire, relativement à cet objet, que j'y ai retrouvé essentiellement les mêmes
formes cellulaires que chez des animaux plus jeunes, savoir, des éléments
lymphatiques comparables aux cellules / et /' de la fig. 23, et des cellules
de charpente typiques.
Les observations qui précèdent ne seraient pas complètes, si nous n'a-
joutions quelques mots relativement à l'état du tissu conjonctif dans lequel le
thymus est situé. Si l'on examine chez déjeunes embryons, longs de 25 à
85 mm., c'est-à-dire pendant la période où les lobes épithéliaux du thymus,
subissant la transformation lymphoïde et se remplissant de lymphocytes,
deviennent les follicules ou nodules lymphatiques de l'organe définitif, quelle
est la constitution du tissu conjonctif capsulaire et intracapsulaire du thymus,
on n'y découvre dans la plupart des cas rien de particulier. Dans tout le
champ conjonctif qui entoure les lobes du corps du thymus (tissu intracap-
sulairej, dans la bande annulaire qui circonscrit ce champ et qui est formée
d'une trame plus serrée (tissu de la capsule), l'examen le plus attentif ne
peut rien révéler en fait de leucocytes immigrés en masse dans cet espace,
ou en fait de. leucocytes sortant des vaisseaux sanguins. Je ne trouve ni
vaisseaux abondants dans le tissu conjonctif qui enveloppe immédiatement
le thymus épithélial, ni amas de leucocytes dans les parties de ce tissu
voisines de l'épithélium, contraiz'ement à Gulland, fig. 9, et semblablement
à TouRNEUx et Herrmann. Le tissu conjonctif s'est toujours montré (sauf
dans un cas) (1), très lâchement constitué, renfermant parfois quelques
leucocytes semés çà et là, mais nulle part un amas de pareils éléments.
L'aspect clair, désert, du tissu conjonctif contrastait le plus souvent d'une
manière très frappante avec l'état foncé, dense, des lobes du thymus, à la
période d'accumulation lympho'ïde maxima, par exemple chez un embryon
de 55 mm.
A propos de la texture du thymus et de sa décomposition en plusieurs
zones d'aspect différent et différemment constituées, je ne manquerai pas de
faire observer combien les faits que j'ai constatés sur le thymus sont sem-
blables à ceux que l'on connaît depuis longtemps pour les ganglions lym-
phatiques et en général les organes lympho'ïdes, et que Flemming a con-
sciencieusement et méthodiquement décrits (21).
(1) Dans la tête d'un embryon de 40 mm., j'ai trouvé les lobes épithéliaux déhiscents en dedans
du côté de l'axe de l'organe, comme s'ils étaient pénétrés par le tissu conjonctif ambiant. Celui-ci,
tout aussi bien dans ses parties interfolliculaires que dans sa région centrale, renfermait beaucoup
d'éléments lymphoïdes.
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 137
Flemming a retrouvé dans la plupart des formations lymphoïdes qui
ont un certain volume les régions centrales plus claires décrites par His
sous le nom de " vacuoles " ; il les nomme « nodules secondaires ^ ; ou
bien encore, pour rappeler leur propriété physiologique essentielle, il les
désigne sous la dénomination, introduite par BrUcke dans la science, de
« centres germinatifs b. L'expression de nodules secondaires signifie que
ce sont des nodules de second ordre, structurés d'une manière qui leur est
propre et situés dans les nodules principaux. Celle de centres germinatifs
doit marquer que ces régions sont, comme dit Flemming, l'expression ana-
tomique de l'accumulation locale des divisions cellulaires; autrement dit,
c'est là que l'on trouve à peu près exclusivement les mitoses dans les
organes lymphoïdes.
Les auteurs qui ont étudié la texture du thymus, comme Simon (78),
comme Watney(91j, comme Schedel (74), élève de Flemming, et bien
d'autres, ont été à même de constater la différenciation de la substance de
cet organe en deux parties, centrale et périphérique, médullaire et corticale.
Mais ils n'ont pas été au-delà. Nous avons vu, au contraire, que la sub-
stance périphérique ou corticale du thymus se différencie à son tour, à
partir d'un certain stade, en une bande étroite de parenchyme plus claire
qui est extérieure, et un massif intérieur dense et foncé. Une disposition
analogue a été figurée cependant par Schedel (loc.cit., fig.21) sans qu'elle
ait attiré l'attention de l'auteur. Flemming, au contraire, a attribué à divers
organes lymphatiques, aux ganglions mésentériques entre autres, une con-
stitution semblable à celle que nous avons décrite pour le thymus. Dans
ces organes, en effet, il distingue d'abord le centre germinatif ou nodule
secondaire formant substance médullaire plus claire ; autour de lui se trouve
une écorce composée elle-même de deux couches, l'une interne, mince, très
sombre, ou zone intermédiaire, l'autre extérieure, claire, plus large, ou zone
périphérique. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'insister sur la ressem-
blance du thymus avec le ganglion lymphatique; la seule différence que
l'on puisse signaler entre les deux organes réside dans la puissance de la
zone intermédiaire pour le premier, son faible développement par contre
pour le second.
Au point de vue morphologique et au point de vue physiologique, la
désignation de la substance médullaire centrale par les noms de nodule
secondaire et de centre germinatif me paraît applicable au thymus.
Morphologiquement, en effet, cette substance est bien un nodule secon-
138 A. PRENANT
daire. Il y a à cela une raison embryologique qui manquait à Flemming :
cette substance apparaît secondairement dans le thymus, dont la constitu-
tion, avant la période où la substance médullaire se forme, était celle de la
substance corticale.
Physiologiquement, elle représente un centre germinatif, contrairement
à ScHEDEL et conformément à la thèse générale défendue par Flemming.
Elle est, en effet, comme la substance centrale des autres organes étudiés
par Flemming, le siège de nombreuses figures mitotiques. Ces figures,
ScHEDEL, au contraire, ne les trouve que dans la substance corticale (i; et
les refuse à la substance médullaire. De là, Flemming, dans une note com-
plémentaire de son travail (22), conclut nécessairement que la régénération
cellulaire a dans le tissu thymique une autre distribution topographique
que celle qu'elle offre dans les autres organes. Je suis d'avis que la formule
générale peut être conservée : la substance centrale est un centre germinatif
riche en mitoses. Mais cette formule a besoin, pour le thymus, de deux cor-
rectifs. Chronologiquement, la substance centrale n'est pas le premier foyer
germinatif du thymus, déjà parce qu'elle fait défaut dans les premières
périodes du développement de l'organe, puis, parce qu'alors qu'elle est déjà
différenciée, cç n'est pas tout d'abord en elle, mais dans la substance corti-
cale qu'on trouve les mitoses les plus abondantes. De plus, dans le thymus
développé, elle n'est pas le seul lieu de multiplication; car, ainsi que l'a
constaté du reste Flemming pour les ganglions lymphatiques, ce n'est que
dans les zones sombres et à cellules serrées, que les mitoses font complète-
ment défaut ou sont tout au moins très rares ; on en trouve au contraire
presque sur chaque coupe dans la zone périphérique de la substance corti-
cale. Les centres germinatifs ne sont d'ailleurs pas, comme je les ai trouvés
pour le thymus, étant une fois de plus d'accord avec Flemming sur ce point,
des formations nécessaires dans un organe lymphoïde. C'est ainsi que le
cordon cervical du thymus, intermédiaire à la tête et au corps, manque de
substance médullaire; celle-ci fait également défaut dans le cordon qui relie
le corps cervical à la pai'tie thoracique. Mes observations ne me permettent
pas d'ailleurs de dire avec Flemming que ces formations sont en voie de
lente fluctuation, c'est-à-dire sujettes à disparition et à réapparition (21,
p. 71; 22, p. 361).
(1) L'un des deux dessins, fig. 21, qui accompagnent le travail de Schedel, est d'ailleurs ab-
solument schématique. Dans un organe de structure aussi compacte que l'est le thymus, il me paraît
difiBcile de voir aussi nettement, au milieu des myriades d'éléments qui encombrent la préparation,
les figures mitotiques à un faible grossissement.
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 139
Les résultats précédents relatifs à la distribution topographique des
mitoses paraîtront peut-être un peu vagues; on aimerait, dans une question
de ce genre, trouver une numération exacte des mitoses observées, puis une
moyenne des chiffres notés dans les diverses coupes examinées. Une telle
précision est malheureusement impossible à atteindre, à cause de la forme
même des figures mitotiques, qui est telle, dans les stades âgés, qu'il est
quelquefois très difficile de dire si c'est bien une telle figure que l'on a sous
les yeux. Un observateur rompu comme Flemming à la reconnaissance des
figures de division a cru devoir se tenir sur la réserve à cet égard en plu-
sieurs endroits de son travail précité, et particulièrement quand il dit de la
zone intermédiaire que les mitoses y manquent totalement ou y sont du
moins très rares : correctif sans doute nécessité par la signification problé-
matique de certaines formes cellulaii-es.
Le thymus se compose donc anatomiquement d'un certain nombre de
« nodules lymphatiques ^ différenciés ou non en substances médullaire et
corticale. Ces nodules ou bien sont isolés, comme dans la partie externe de
la tête du thymus, ou bien confluent par leur substance médullaire, comme
dans tout le reste de l'organe, en formant une masse lobée et même dendri-
tiquement ramifiée. On pourrait croire, à première vue, et en bornant son
examen aux stades avancés, que dans le nodule lymphatique la substance
médullaire est réellement centrale et intérieure. Ce serait là cependant une
façon erronée de se représenter la constitution d'un nodule thymique et du
thymus tout entier. En réalité, la substance médullaire est marginale, soit
pour un nodule élémentaire, soit pour l'ensemble des nodules que présente
la coupe transversale du thymus; c'est ce que montre l'examen d'un em-
bryon de brebis suffisamment jeune (7 cent., par exemple). Seulement cette
substance occupera, par rapport à un certain organe, tel que la carotide,
une situation plus interne que la substance corticale. Dans la suite du
développement, elle tendra à être entourée de plus en plus par la substance
corticale, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un ou plusieurs hiles ménagés
entre les nodules élémentaires, par où les vaisseaux et le tissu conjonctif
peuvent venir des parties environnantes, spécialement de la carotide, pour
pénétrer dans l'intérieur de l'organe. On remettra les parties en leur situa-
tion respective véritable et primitive, en déroulant le nodule ou l'ensemble
nodulaire et en l'étalant autour de la carotide.
Nous venons d'employer l'expression de « nodules lymphatiques „ à la
place de celle, plus usitée en France, de " follicules lymphatiques «, que
,4o A. PRENANT
Flemming et la plupart des auteurs allemands, à la suite de Henle, pro-
posent d'abandonner. Le terme de follicules n'est cependant pas aussi con-
damnable qu'il le paraît au premier abord. Ne doivent être nommées folli-
cules, selon Henle et Flemming, que les formes d'organes lymphoïdes,
telles que l'amygdale, les "nodules lymphatiques de la bouche et du pharynx,
qui sont pénétrés par de véritables invaginations de la muqueuse. Les
autres organes lymphatiques qui ne satisfont pas à cette condition anato-
mique ne méritent pas le nom de follicules. Il est bon d'observer à cet
égard, que le nombre des organes lymphoïdes qui, dépourvus d'invagina-
tions épithéliales, doivent être rayés de la liste des follicules, va diminuant
de jour en jour. Déjà, le thymus remplit les conditions exigées, puisqu'il
loge, au moins au début, des diverticules de l'épithélium branchial; les
glandes de Peyer et bon nombre de ganglions de la trachée et de l'œso-
phage sont dans le même cas, étant pénétrés par des culs-de-sac de l'épithé-
lium digestif ou respiratoire.
Pour terminer, nous ajouterons quelques remarques sur les figures de
division que nous avons observées. Il est hors de doute que les élégantes
cinèsés que l'on trouve dans les premiers temps du développement du thy-
mus appartiennent à des cellules épithéliales, puisque la structure de l'or-
gane est encore à cette époque complètement épithéliale. Dès les premiers
indices de la transformation lymphoïde, et lorsque plus tard cette transfor-
mation est centrale, surgit une difficulté. Que sont les divisions cinétiques
que l'on a sous les yeux et dont les caractères sont du reste autres que ceux
des cinèses observées précédemment? Doit-on les attribuer exclusivement
à des lymphocytes?
La question revient à se demander quel est le mode de multiplication
des lymphocytes. L'accord ne s'est pas encore fait quant aux aptitudes
mitotiques des lymphocytes. Flemming (21) pense que les lymphocytes se
développent dans les glandes lymphatiques aux dépens d'éléments plus
jeunes ou lymphoblastes et qu'ils continuent ensuite à se multiplier par
mitose. Grawitz (1), Hansemann (32) sont d'un avis analogue. Selon
LôwiT, au contraire (40, 41), selon Ribbert (68) et Baumgarten (5), les
figures cinétiques que l'on trouve dans les ganglions lymphatiques n'appar-
tiennent ni aux lymphocytes, ni à leurs ancêtres cellulaires, les lymphoblas-
tes. La division des leucoblastes de Lowit (précurseurs des leucocytes et
(i) Je ne sais dans quel travail Grawitz, qui est ici cité d'après Hansemann, a soutenu cette
opinion.
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS I4I
identiques aux lymphoblastes qui forment les lymphocytes) ne se fait pas
d'après lui par mitose, tandis que ce mode de division est celui des
érythroblastes (précurseurs des érythrocytes ou globules rouges). RiBBERTet
Baumgarten soutiennent d'autre part que les figures mitotiques appartien-
nent aux cellules fixes des glandes lymphatiques : savoir, soit aux cellules
du réticulum (Baumgarten), soit aux cellules de l'endothélium lymphatique
(Ribbert). Grunberg (28) a adopté une opinion mixte : les globules blancs
se forment d'après lui dans les ganglions lymphatiques par la division tant
des cellules lymphatiques libres dans le réticulum que des cellules endothé-
liales de ce réticulum.
Pour les auteurs qui admettent la division mitotique des lymphocytes,
il s'agissait alors de distinguer les figures de division de ces lymphocytes
de celles qui appartiennent aux cellules fixes. Flemming et Grawitz, pour
faire la distinction, se sont fondés uniquement sur la grandeur des figures :
les plus petites sont celles des cellules lymphatiques. Hansemann a fait
plus; il a donné pour les ganglions lymphatiques de l'homme les caractères
différentiels des mitoses des cellules du réticulum, de celles des cellules de
l'endothélium lymphatique, de celles des lymphoblastes enfin. Selon lui,
les différences entre les cellules endothéliales et les lymphoblastes sont les
suivantes : dans les lymphoblastes, le cytoplasme est très transparent pen-
dant la division, réduit souvent à un simple réticulum ; l'auréole claire qui
entoure la figure mitotique n'est que peu ou point visible; la division du
corps cellulaire est souvent déjà terminée alors que le noyau est encore en
état de dispirème; les chromosomes sont courts, épais, souvent très tortueux,
tendant à s'agglutiner; le fuseau est très petit et aplati, si bien qu'il peut
être complètement recouvert par les chromosomes lors de l'expansion du
monaster; les corpuscules centraux ne sont pas visibles. Les mitoses des
cellules endothéliales ont des caractères opposés. Les figures de division
des cellules endothéliales et des cellules de réticulum peuvent aussi être_
distinguées entre elles. Se fondant sur ces observations, Hansemann dit
que ni les cellules du réticulum ni celles de l'.endothélium ne fournissent les
lymphocytes^ mais que ceux-ci dérivent de lymphoblastes spéciaux ayant
des mitoses caractéristiques.
Plusieurs des caractères reconnus par Hansemann aux lymphoblastes,
nous les trouvons aussi dans les éléments en division indirecte que présente
le thymus déjà transformé lymphatiquement ; ce sont en somme des carac-
tères négatifs : ainsi, l'absence de l'auréole claire, la brièveté, l'épaisseur
18
142 A. PRENANT
des chromosomes et leur agglomération en une masse compacte à détails
le plus souvent indistincts, l'absence de fuseau. Les mitoses des cellules
épithéliales dans le thymus plus jeune avaient des caractères inverses : pré-
sence d'un fuseau, le plus souvent court, mais net; chromosomes distincts,
fréquemment tortueux et alors coupés en plusieurs tronçons; auréole claire;
corpuscules centraux et corpuscules polaires, les premiers représentés par
deux ou même trois grains juxtaposés (ces corpuscules n'étant pas visibles
dans les mitoses du thymus lymphoïde). Nous ajouterons à ces faits con-
cernant la division des cellules épithéliales les détails suivants : la couronne
équatoriale est souvent incomplète, en fer à cheval (i); le dyaster et le
dispirème sont rares, le m.onaster est la forme la plus fréquente; les pro-
phases présentent les caractères habituels.
En somme, ce qui permet d'opposer les divisions des cellules épithé-
liales à celles qu'on rencontre dans le thymus devenu 13'mphoïdc, c'est la
présence chez les premières des particularités de structure qu'on a coutume
de constater dans les éléments cinétiques et leur absence chez les autres,
conformément à Schedel (74) qui a trouvé indistinctes dans leurs détails les
mitoses du thymus. A ce propos, le thymus différait considérablement des
autres organes lymphoïdes, puisque dans ces derniers, dans les ganglions
lymphatiques en particulier, Flemming a réussi non seulement à trouver les
mitoses (ce qui est tout ce qu'il m'a été possible de faire dans le thymus
définitif), mais encore à suivre leurs étapes et à déceler leurs caractères.
On conçoit maintenant comment, l'opposition que nous établissons entre
les cellules épithéliales et les lymphoblastes en division indirecte étant la
même que celle qu'a faite Hansemann entre les cellules du réticulum et les
lymphoblastes en état mitotique, il s'en suit tout naturellement un rappro-
chement entre les cellules épithéliales de l'ébauche et les cellules du réticu-
lum de l'organe définitif. C'est une preuve de plus en faveur de l'idée que
nous soutenons, à savoir que les cellules de charpente représentent ce qui
reste des éléments de l'épithélium primitif. Par suite, si les cellules de
réticulum se divisaient dans le thymus définitif, on devrait leur trouver
vraisemblablement les mêmes caractères qu'aux cellules de l'ébauche épi-
théliale. Et comme on n'observe pas de figures offrant ces caractères, il en
résulte que probablement toutes les formes cinétiques que l'on aperçoit
sont des divisions de lymphoblastes. L'absence de division dans les cellules
(1) Flemming, qui a eu de semblables images sous les yeux, fig. 14, c. les considère (p. 78)
comme des figures déformées par une mauvaise fixation.
DEVELOPPEMENT DU THYMUS 143
dites de charpente n'a rien de singulier. L'état quiescent absolu caractérise
les cellules de soutien d'un autre organe, j'ai nommé le testicule. Ici aussi,
les cellules de soutien, qui sont, comme les cellules de charpente du thymus,
le résidu de l'ébauche épithéliale primitive, ne se divisent plus une fois
différenciées. Dans les éléments propres à la glande, les cellules séminales,
que l'on peut mettre sur le même rang que les lymphocytes propres au thy-
mus, les divisions se succèdent au contraire très activement.
Des observations qui précèdent se dégagent les principaux faits suivants,
qui confirment essentiellement les données de Kôlliker et de ToUrneux
et Herrmann pour l'histogenèse du thymus, celles de Flemming pour l'ar-
rangement anatomo-microscopique du parenchyme thymique, celles de
Hansemann pour la cytogénèse des éléments du thymus.
Dans la période de transformation lymphoïde du thymus (embryons
de 25 à 85 mm.), on j> oit paraître dans les lobes, à côté des cellules épithé-
liales primitives et peut-être formés à leurs dépens, des éléments à noyau de
plus en plus petit et de plus en plus coloré, semblables à des lymphocytes.
C'est che{ des embryons de 28 à 40 mm. de long; c'est-à-dire au fort de
l'accroissement des lobes thymiques et au début de la transformation lym-
phoïde, que les divisions mitotiques s'observent le plus abondamment. Plus
tard {embryons de 85 mm. et au-delà), le thymus se différencie en une masse
extérieure ou corticale et une substance centrale ou médullaire, celle-ci plus
claire, plus lâchement texturée, beaucoup plus pauvre en éléments lympha-
tiques. Dans la substance corticale à son tour se différencie une lone péri-
phérique moins foncée, qui est sans doute une {one prolifératrice, car elle
offre des figures de division mitotique qui manquent par contre dans le reste
de la substance corticale. Rien dans F entourage conjonctif des lobes du
thymus n'autorise à dire que c'est de ce tissu conjonctif et de ses vaisseaux
que proviennent les lymphocytes qui remplissent l'organe. Il est probable que
les cellules cpithéliales, après s être multipliées activement par cinèse, donnent
naissance à des lymphoblastes soit par cinèse, soit par sténose nucléaire, car
on trouve les deux modes de division Dans la sténose, on voit se faire de
petits bourgeons nucléaires; on constate d'autre part l'existence de petits
noyaux voisins de noyaux plus grands ou placés dans le même corps cellu-
laire; les deux figures sont vraisemblablement les deux stades successifs d'un
même processus. Les cinèses des cellules épithéliales d'autre part se distin-
guent par plusieurs caractères de celles que présenteront plus tard les lym-
phoblastes à leur tour. Ceux-ci, en effet, che^ les embryons plus âgés, se
144
A. PRENANT
dhnsent cinctiqitenicnt pour donner lieu aux lymphocytes ou cellules lym- '
phdides définilires. Il est vraisemblable qu'un certain nombre de cellules
épithéliales persistent dans lorgané complètement développé sous forme de
cellules de charpente. On pourrait comparer ces cellules tant par leur destinée
que pour leur forme et pour la constitution de leur noyau aux cellules de
soutien du testicule, tandis que les couvées de lymphocytes seraient compa-
rables aux grappes d'éléments séminaux.
IL
Glande thyroïde.
L'historique des découvertes relatives à l'organogénie de la glande
thyroïde peut se résumer ainsi, particulièrement pour les mammifères.
W. MtiLLER (54) et KôLLiKER (3g) trouvent que la thyroïde prend naissance
par une ébauche médiane issue delà paroi ventrale du pharynx. Wôlfler(92)
et Stieda (7g) soutiennent au contraire qu'elle doit son origine à deux ébau-
ches latérales parties des fentes branchiales. Born (6) concilie les deux
opinions en montrant que les ébauches latérales concourent avec le rudiment
médian à constituer la glande thyroïde : manièi-e de voir confirmée depuis
par tous les auteurs [Froriep (24), Fischelis (20), His (35J, de Meuron (51),
Kastschenko (37), Piersol(57), nous (56)] que cette question a occupés.
Les ébauches latérales de la thyroïde avaient été vues avant 'Wôlfler
et Stieda, ailleurs que chez les mammifères, par Remak fôi), dont l'attention
fut attirée par la présence chez le poulet de vésicules épithéliales provenant
de la quatrième poche branchiale, et qui les considéra déjà comme des
thyroïdes accessoires; chez le même animal, ces vésicules furent retrouvées
par GoETTE(2 7bis), Seessel(76), Kôlliker(39); elles furent convenablement
décrites entre autres par Remak et par Seessel.
Les résultats de Stieda (79) marquèrent d'emblée un grand perfection-
nement dans l'état de nos connaissances sur cette question. Il suffit pour
s'en convaincre de jeter un coup d'œil sur les figures S, lo, 11, qui sont
d'une fidélité remarquable. Il fit dériver la glande thyroïde de deux ébauches
qu'il vit se former aux dépens des deux dernières fentes branchiales
(4"" fentes); mais il ne sut pas montrer de quelle façon les ébauches en
question fournissent la glande th3'roïdc, et c'est faute d'avoir trouvé une
autre source de matériel cellulaire, pour le développement de cet organe,
I
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 145
qu'il fit intervenir celle-là. Quant au développement ultérieur de la glande,
ses recherches l'ont conduit à confirmer en grande partie les faits découverts
soit par W. Muller, soit par Kôlliker, savoir : le bourgeonnement de la
glande, la formation de cordons épithéliaux, l'anastomose de ces cordons,
l'apparition d'une fente, d'une lumière dans l'intérieur du cordon, la trans-
formation de ces lumières çà et là en cavités arrondies, et du même coup
la formation des vésicules thyroïdiennes, l'immigration des vaisseaux dans la
thyroïde et, comme conséquence, 1 egrènement des cordons épithéliaux en
îlots creux ou vésicules, découpés par les vaisseaux. Les figures 7, 8, 10 de
Stieda représentent chez le mouton une formation connexe avec l'ébauche
thyroïdienne latérale (seul rudiment de la thyroïde d'après l'auteur); il la
considère comme la glande carotidienne (p. 22), après avoir (p. 21) nommé
glande carotidienne une autre ébauche. Nous avons déjà laissé entendre
(voir p. 92) que Stieda avait en réalité confondu deux organes différents,
l'un en connexion avec la troisième poche branchiale, l'autre dépendant de
la quatrième poche. Nous avons déjà étudié le premier comme glande caro-
tidienne. Nous retrouverons le second tout à l'heure.
BoRN (6), après avoir constaté chez un embryon de porc de 1 1 mm. des
diverticules pharjmgiens correspondant à la quatrième paire de poches
entodermiques, nomme ces diverticules ébauches thyroïdiennes latérales.
Chez un embryon plus âgé (13 mm.), ces évaginations se sont allongées et
à présent incurvées de façon à offrir une concavité interne; -elles montrent
une lumière nette et quelquefois à leur extrémité aveugle certaines proémi-
nences, — comme pour la formation d'acinis r< (p. 2951.
Après avoir décrit les déplacements des ébauches latérales, Born fait
connaître le fait important de leur fusion avec la glande thyro'ide médiane
(embryon de plus de 2 cm.) et continue : ^ ces formations paires qui, après
leur fusion, se laissent encore reconnaître par leur structure histologique
distincte, se transforment en un réseau trabéculaire épithélial de même
aspect que celui de 1 ébauche impaire r. Il les nomme donc ^ thyroïdes laté-
rales " en raison du lieu de leur origine, ou ^ postérieures " à cause de leur
situation dans l'organe total et par rapport à l'ébauche médiane (p. 300).
« Le collet, par lequel l'ébauche thyroïdienne latérale tubuleuse est ratta-
chée au pharjaix, parait à présent très aminci ; cependant on peut y recon-
naître le plus souvent une lumière encore nette. Ce collet mince pousse en
arrière un bourgeon cellulaire plein, coudé. L'extrémité ventrale renflée en
massue a épaissi ses parois, mais ne parait pas modifiée pour le reste t^
146 A. PRENANT
(embr. de 18 mm.) (p. 302). Chez des embryons de 19 à 20 mm., le réseau
formé parla thyroïde médiane s'est rapproché du fond des tubes, qui repré-
sentent les thyroïdes latérales, jusqu'à entrer en contact avec ces tubes.
Ceux-ci sont séparés du pharynx ; leur paroi s'est très épaissie. Leur extré-
mité ventrale plus épaisse paraît çà etlà bosselée. Il se fait chez des embryons
de 21 mm. une union complète des deux formations qui deviennent entière-
ment continues. Toutefois les portions dorsale et externe de la thyroïde
latérale sont encore libres; elles ont une lumière nette, qui n'existe plus
dans les parties internes, celles qui subissent la fusion ; celles-ci ne présen-
tent plus que quelques espaces irréguliers dans leur masse formée de noyaux
serrés. C'est alors que la surface de l'extrémité ventrale de l'organe se couvre
de saillies et de dépressions dans lesquelles pénètrent des capillaires; c'est
là l'indice de la transformation trabéculaire et réticulaire de la thyroïde
latérale. Plus tard, on peut encore, malgré la similitude d'aspect, distinguer
le réseau de la thyroïde latérale de celui de la thyroïde médiane par sa plus
grande coloration. Chez un embryon de 26 mm., alors que la glande forme
un organe unique, on reconnaît la provenance des parties latérales du réseau
à leurs mailles étroites et à leurs travées épaisses. Chez un embryon de
37 mm., la distinction des portions latérales et médiane ne peut plus
être faite.
De Meuron (51), suivant l'évolution de la quatrième poche branchiale,
prétend que celle-ci fournit un diverticule plus ou moins aplati qui l'accom-
pagne du côté ventral et un peu en dedans, puis dépasse le fond même de
cette poche. C'est évidemment ce diverticule, bientôt transformé en une
vésicule, qui, dit-il, a été décrit comme origine latérale de la thyroïde par
BoRN et que Stieda considérait comme l'ébauche unique de cet organe.
Quant à l'extrémité de la poche branchiale qui se trouve placée du côté
dorsal de ce diverticule, l'épithélium qui en tapisse le fond est légèrement
épaissi et présente en cet endroit les mêmes caractères que dans le prolon-
gement dorsal de la troisième fente (embryon de mouton de 11,5 mm.).
C'est, ajoute De Meuron, cet épaississement terminal qui a été décrit et
figuré par Stieda comme l'origine de la glande carotidienne (p. 5S3) (1). En
résumé (p. 584), la quatrième poche branchiale donne naissance à deux
parties distinctes : un diverticule ventral arrondi, qui se détache plus tard
pour se joindre à l'ébauche de la thyroïde primitive; -- un épaississement
(1) Nous savons (v p. 02) que Stieda a aussi nommé glande carotidienne autre chose
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 147
dorsal et latéral du fond de la poche. Poursuivant l'évolution de l'une et
de l'autre formation, de Meuron montre comment le prolongement ventral
de la quatrième poche devient une ébauche thyroïdienne latérale et accessoi-
re, en s'unissant à l'ébauche médiane et principale; il ne faudrait cependant
pas croire que les lobes latéraux de la thyroïde définitive proviennent ex-
clusivement des thyroïdes latérales. Le phénomène de la réunion des rudi-
ments latéraux et médian est ensuite décrit un peu autrement par de
Meuron que par Born; l'objet d'étude de ces auteurs est différent d'ailleurs,
l'un ayant examiné le mouton, l'autre le porc. La thyroïde accessoire ou
latérale, après avoir perdu sa communication avec le fond de la quatrième
poche, et après que celle-ci à son tour s'est séparée du phar3'nx, est isolée
de toutes parts; mais elle ne tarde pas à être enveloppée par les bo3'aux
cellulaires, auxquels entre temps la thyroïde médiane a donné naissance.
Elle-même subit d'importants changements. Ses cellules prolifèrent rapide-
ment, de sorte que sa lumière ne tarde pas à disparaître ou devient tout à
fait irrégulière. En même temps, on voit partir de sa surface des boyaux
cellulaires qui s'étendent de plus en plus, sont entourés par le tissu con-
jonctif et qui donneront naissance à des follicules pareils à ceux de la thy-
roïde primitive (p. 588 et 589). La fig. 23 représente très fidèlement les
dispositions réalisées actuellement. Les boyaux issus de la thyroïde latérale
se mêlent à ceux partis de la thyroïde médiane sans s'anastomoser avec eux,
contrairement à Born et conformément à l'observation de Fischelis.
r> Quant à l'épaississement du fond de la poche, il constitue une masse
solide arrondie, placée en arrière du lobe latéral de la thyro'ïde et comme
incrustée dans sa surface postérieure. Les boyaux cellulaires du corps thy-
roïde l'entourent de tous cotés sauf en arrière Il est alors constitué par
de petite scellules arrondies, d'aspect plus ou moinsl ymphatique et groupées
en masses secondaires séparées par des trabécules de substance conjonctive.
Sa structure est donc la même que celle de la partie supérieure du thymus
formé par épaississement de l'épithélium dorsal de la troisième fente bran-
chiale '• (p. 589). Chez des embryons humains.de 16 et de 28 mm., l'auteur
a trouvé les mêmes dispositions. Des embryons plus avancés (de 26 et
18 mm.) lui ont montré l'organe dorsal (épaississement du fond de la qua-
trième poche) structuré comme le thymus.
Dans ses conclusions (p. 619 et 620), l'auteur homologue chez les
mammifères aux ébauches du thymus du poulet la partie qu'il a désignée
comme portion supérieure du thymus (mais qu'il suppose être ailleurs la
148
A. PRENANT
glande carotidienne), ainsi que l'organe qui provient du fond de la quatrième
poche branchiale et qui reste dans le voisinage de la glande thyroïde et par-
ticulièrement de la thyroïde latérale; la nature histologique de ces organes
correspond d'ailleurs, prétend-il, à celle du thymus. L'auteur n'est pas em-
barrassé pour expliquer que l'organe dorsal de la quatrième poche, bien
que partie intégrante véritable du thymus, demeure en connexion avec la
thyroïde; il explique même par ce rapport, de cause purement mécanique,
que quelques observateurs, ignorant sa véritable signification, l'aient pris
pour une glande thyroïde accessoire.
Kastschenko (37, p. 22) s'exprime comme il suit à propos de ce dernier
organe. « Pour ce qui concerne la ^ portion dorsale du thymus » décrite
par DE Meuron, qui doit phylogénétiquement appartenir au thymus, mais
dériver de la quatrième poche épithéliale et se séparer plus tard de l'ébauche
latérale de la thyroïde, je n'ai pu en trouver trace. La petite évagination
de l'ébauche latérale de la thyroïde, que j'ai considérée hypothétiquement
comme la pointe de la quatrième poche épithéliale proprement dite, partage
le sort du tube tout entier ^. Pour Kastschenko, les ébauches latérales de
la thyroïde ne se placent ni au côté dorsal, ni au côté externe, mais sur la
face interne de, l'ébauche médiane ; celle-ci, avant de se fusionner avec les
ébauches latérales, entoure en effet ces dernières du côté externe. Comme
DE Meuron, l'auteur soutient, contre His, que les ébauches latérales ne
fournissent pas exclusivement les lobes latéraux de la thyroïde définitive;
elles ne jouent même qu'un faible rôle dans l'édification de la masse totale
de la glande, au moins chez le porc. Avec les progrès du développement, la
cavité de l'ébauche latérale diminue de longueur, tandis que sa paroi s'épais-
sit, en poussant de nombreux bourgeons pleins, qui se transforment peu à
peu en un conglomérat de cordons épithéliaux avec tissu conjonctif interposé
très vasculaire. C'est alors que les parties latérales de l'ébauche médiane
s'accroissent fortement en arrière et entourent les deux conglomérats symé-
triques en avant et en dehors. Puis se fait la fusion des deux ébauches, dont
la structure devient identique à tel point qu'elles ne peuvent plus être
distinguées.
PiERSOL (57) décrit chez le lapin l'ébauche thyro'ïdienne latérale comme
se formant aux dépens de la quatrième poche entodermique branchiale;
mais il ne donne aucun fait nouveau relativement à l'évolution ultérieure de
cette formation.
Quant à Fischelis (20), son travail renferme, ainsi que déjà nous le
faisions observer dans notre mémoire antérieur, des résultats contradictoires
DEVELOPPEMENT DU THYMUS 149
relativement au lieu d'origine de la thyroïde latérale; tour à tour en effet,
il fait dériver celle-ci de la quatrième (p. 435) et de la troisième poche (p. 438).
Dans notre travail antérieur (59), nous avons assigné la quatrième poche
entodermique branchiale comme point de départ de la thyroïde latérale;
mais nous n'en avons pas suivi le développement ultérieur. Nous avons
observé aussi l'épaississement de sa paroi, dont nous avons dit (p. 216) :
" Quant à l'épaississement dorsal et latéral de la quatrième poche branchiale,
décrit par de Meuron et considéré par cet auteur comme prenant part à la
constitution du thymus, il est vraisemblablement représenté par l'amas cellu-
laire lymphoïde qui renforce la paroi externe de l'ébauche thyroïde latérale;
nous n'avons pas vu cependant cet amas se séparer de cette ébauche et deve-
nir indépendant. »
Chez un embryon de 10 mm., la quatrième poche branchiale se com-
porte delà façon suivante. Elle arrive dans le pharynx au niveau de l'endroit
où celui-ci se prolonge de chaque côté de la fente laryngée par les deux
gouttières dites fiuidiis braiichialis; c'est ce f un dus branchialis même qui
lui sert de pédicule. La portion de cette poche, qui prolongée irait rejoin-
dre la dépression correspondant à la quatrième poche cpidermique, fait
avec le reste de la poche un angle presque aigu, de sorte que l'ensemble de
la quatrième cavité branchiale entodermique est représenté par deux con-
duits branchés l'un sur l'autre, de manière à laisser entre eux une masse
triangulaire de tissu. Si maintenant on suit la série des coupes, on voit
que cette masse de tissu disparaît de plus en plus complètement, laissant à
sa place une cavité spacieuse, en laquelle confluent les deux branches dont
il vient d'être question. Cette cavité, que nous appellerons désormais, avec
sa paroi, ébauche thyroïdienne latérale, présente, sur ces coupes, deux pro-
longements dorsaux : l'un, interne, dont la lumière très étroite communique
avec la cavité du pharynx; l'autre, externe, qui n'est que l'extrémité externe
de la quatrième poche. Plus bas, les coupes ne montrent plus rien de la
communication de l'ébauche thyroïdienne latérale avec le pharynx. Cette
ébauche se montre alors comme une cavité piriforme, à grosse extrémité
ventrale et interne tournée vers la fente laryngée, et dont la petite extrémité
ou queue forme un prolongement dirigé en dehors et du côté dorsal.
Il y a de plus quelques dispositions anatom.o-microscopiques et histo-
logiques intéressantes à signaler. L'extrémité externe et ventrale de la
dilatation piriforme, qui représente l'ébauche thyroïdienne latérale, présente
un renflement volumineux de sa paroi épithéliale fortement saillant au-
19
150 A. PRENANT
dehors; cette paroi, qui partout ailleurs a la structure d'un épithélium
stratifié à plusieurs assises de cellules prismatiques, perd ici sa structure
épithéliale régulière et se montre composée d'une accumulation dense de
cellules irrégulièrement agencées. Les divisions indirectes sont nombreuses
dans la paroi épithéliale, notamment dans le renflement de cette paroi ; à
signaler aussi des cellules à noyau grand et clair, semblables à des ovules
primordiaux. Au niveau du renflement en question, la menibraiia prima,
limite de Tépithélium et du tissu connectif ambiant, a disparu. En d'autres
points, sur d'autres coupes de la th5'roïde latérale, on observe que çà et là,
particulièrement du côté externe et ventral, la paroi épithéliale s'épaissit
localement, de façon à former de petits prolongements en pointe ; la mem-
brana prima est soulevée par ces prolongements et a même pu disparaître
à leur sommet; la j^aroi épithéliale se confond alors avec le tissu conjonctif
embryonnaire. Celui-ci, qui d'une manière générale est épaissi et condensé
autour de la thyroïde latérale, notamment sur la face externe de cette der-
nière, présente de nombreux noyaux en division, qui m'ont paru particuliè-
rement abondants dans les points où Tépithélium est confondu avec le tissu
conjonctif; le tissu est vasculaire, surtout sur la face externe de la thyroïde
latérale.
Les dispositions que présente un embryon de 14 mm. diffèrent déjà
beaucoup de celles offertes par l'embryon précédent. La poche branchiale
n'est plus rattachée au pharynx par un canal, mais seulement par un cordon
assez étroit. Les deux branches dont se composait cette poche se retrouvent
encore, laissant entre elles un angle qui de haut en bas devient de plus en
plus aigu; le sinus de cet angle ne regarde plus en dehors et du côté ventral,
mais au contraire un peu du côté dorsal et toujours en dehors; les deux
branches, sans perdre leur rapport réciproque, ont donc effectué un mouve- .
ment de rotation de moins de 90°. La principale modification consiste en ce
que l'angle qu'elles laissent entre elles est à présent rempli par un corps vo-
lumineux, de section oblongue, qui adhère intimement à la paroi épithéliale
et qui en paraît être un c'paississement externe; nous appellerons désormais
ce corps, en raison de sa destinée, la. glandule thyroïdienne; il se comportera
plus tard, en effet, comme un corps annexe de la glande thyroïde et particu-
lièrement de l'ébauche thyroïdienne latérale, à laquelle nous le voyons
rattaché dès son origine. Nous reviendrons du reste plus loin sur les carac-
tères structuraux et sur les connexions exactes de cette glandule. La poche
branchiale se continue, comme chez l'embryon précédent, par une vésicule
I
DEVELOPPEMENT DU THYMUS I5I
spacieuse, de coupe ovale, qui dirige du côté ventral et vers la ligne
médiane sa grosse extrémité.
Chez un embryon de 15 mm., les dispositions ne sont que peu modi-
fiées. La branche externe de la poche branchiale a beaucoup diminué. Elle
forme à présent avec la branche interne une sorte de T. La glandule thy-
roïdienne est toujours à la place qu'elle occupait auparavant, c'est-à-dire au
côté dorsal et externe de la poche branchiale, fig. 26.
Quelle est la structure, quelles sont les connexions intimes de l'organe
nouveau que nous venons de voir se produire?
La glandule thyroïdienne est un corps arrondi, formé par un ensemble
de trabécules irrégulièrement épaisses, anastomosées en réseau, les mailles
du réseau étant occupées, dès l'apparition de la glande, par des capillaires
sanguins, semblablement unis en un réseau. Les cellules qui constituent
ces trabécules sont de nature épithéliale, de forme polygonale sur la coupe.
Ces cellules se distinguent par la densité et par suite l'aspect sombre de
leur corps protoplasmique, ce qui fait que la glandule attire immédiatement
les regards par sa coloration foncée, aussi bien que par sa forme arrondie
bien délimitée.
La limite de la glandule est, en effet, partout nette, excepté du côté
interne; là, sur une étendue assez restreinte, la glande se confond avec la
paroi épithéliale de la quatrième poche branchiale, ou, si l'on veut, de
l'ébauche thyroïdienne- latérale. Nous avons cherché à nous rendre compte
exactement des rapports qu'à ce niveau les deux organes présentent entre
eux, et, dans ce but, nous avons dessiné la fig, 27. On y reconnaît que les
cellules épithéliales de l'ébauche thyroïdienne latérale, glto, présentent à
l'endroit de l'insertion de la glandule une disposition irrégulière; que des
cellules, qui font partie du tractus épithélial, sont déjà douées de la colora-
tion foncée qui est le caractère des éléments de la glandule; qu'en certains
points, en a par exemple, les trabécules de cette glandule se continuent
directement avec l'épithélium ; que les vaisseaux de la glandule, enfin,
pénètrent jusque sous l'épithélium même. Il "est cei"tain, par conséquent,
que les deux formations sont unies de la façon la plus intime, et comme,
chronologiquement, l'ébauche latérale de la thyroïde précède la glandule,
il est très vraisemblable que celle-ci dérive de la première par une modifi-
cation profonde, mais graduelle, et par un arrangement particulier des élé.
ments épithéliaux.
Du reste, la provenance épithéliale de la glandule thyroïdienne nous
152 A. PRENANT
est prouvée par l'examen d'un stade plus jeune d'une façon plus péremptoire.
Nous avons examiné à cet effet l'embrj^on de lo mm. ; mais l'épaississement
que nous avons signalé au côté externe et ventral de la paroi épithéliale de
l'ébauche latérale de la thyroïde, bien que très analogue par sa forme à
celui que constituera plus tard la glandule thyroïdienne, ne nous paraît pas
d'autre part correspondre à cette glandule par sa situation, qui est trop
ventrale; ce n'est donc que d'une manière hypothétique que nous pouvons
voir dans cet épaississement le premier rudiment de la glandule. Chez
l'embryon de 14 mm., il en est tout autrement; nous trouvons là un renfle-
ment de la paroi, formé de cellules épithéliales qui sont groupées par îlots,
tandis que des tractus vasculo-conjonctifs ont pénétré dans son épaisseur et
séparent les îlots les uns des autres, Pl. IV, fig. 41. De chaque côté, c'est-
à-dire à l'extrémité dorsale et à l'extrémité ventrale de cet épaississement,
l'épithélium branchial se reconstitue avec sa forme habituelle. En ces points,
l'épithélium s'amincit de plus en plus, jusqu'à se perdre en tant que couche
distincte au niveau du renflement lui-même; en même temps ses cellules con-
stitutives s'inclinent vers le renflement. Il en résulte l'impression d'un double
fait : c'est que d'abord l'épithélium aminci, puis disparu même à l'endroit de
l'épaississement nodulaire, forme celui-ci aux dépens de sa substance; c'est
qu'ensuite le nodule, une fois constitué et à mesure qu'il se développe,
refoule l'épithélium latéralement. Comme maintenant, en suivant la série
des coupes qui intéressent le nodule glandulaire, on le voit sur les premières
comme sur les dernières sous la forme d'un Ilot séparé de l'épithélium par
du tissu conjonctif et des vaisseaux, il faut en conclure que l'organe a la
forme d'une sorte de champignon implanté sur l'épithélium branchial.
Tels sont les premiers moments du développement de la glandule thy-
ro'idienne. Cette glandule est vraisemblablement connue depuis longtemps;
il est possible, en effet, que quelques-uns des corps signalés par Remak (61)
et par Kôlliker {3^) et demeurés pour eux énigmatiques correspondent à
cet organe (voir Kôlliker, p. 919). En tout cas, elle a été réellement décou-
verte par Stieda, quoique confondue par lui avec une autre formation;
depuis, son existence a été soupçonnée par Born, confirmée par de Meuron
et par nous (59, p. 216—219, Pl. II, fig. 3). (1)
(i) CRfSTiAsi indique dans une note (12) que chez les rongeurs « les organes connus sous le
nom de glandules ne sont autre chose que les bourgeons latéraux » de la glande thyroïde. Il est
possible qu'il en foit ainsi cliez les rongeurs; mais le fait serait contraire à tout ce que l'on connaît
du développement de la glande thyroïde d'autres types de mammifères, où les bourgeons latéraux
donnent non seulement les glandules qui n'exislent pas seules, mais encore les thyroïdes latérales ,
qui sont autre chose que les glandules.
r
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 153
Tout dans l'histoire de la glandule thyroïdienne, l'origine analogue, le
mode de formation et l'aspect de l'ébauche en ses premiers débuts, les con-
nexions avec l'épithélium dune poche entodermique branchiale, la structure
trabéculaire épithéliale et la vascularisation précoce, rappelle la glande
carotidienne. Nous reviendrons plus loin sur le rapprochement que l'on
peut faire entre les deux organes.
Les changements subis par la glande thyroïde latérale et par la glan-
dule qui lui est annexée consistent dans un embryon de ly mm., en ce
que les deux organes tendent à se séparer l'un de l'autre ; la séparation
procède de bas en haut, c'est-à-dire du côté ventral à la face dorsale.
L'examen d'un embryon de 18 mm. offre des modifications très im-
portantes. La glandule occupe toujours le côté dorsal et externe de l'ébauche
thyroïdienne latérale. Elle est située d'autre part juste en dehors d'un petit
trcnc nerveux, placé dans l'angle de l'œsophage et de la trachée, qui est
vraisemblablement le nerf récurrent. De toute la formation thyro'ïdienne,
elle est l'organe qui a la situation le plus proximale. — Des coupes passant
un peu plus bas montrent au côté ventral et interne de la glandule une
vésicule, dont la cavité a une forme irrégulièrement triangulaire et à la-
quelle elle est intimement unie; cette vésicule représente l'ébauche thyroï-
dienne latérale. — Plus bas, la glandule a diminué de diamètre. La cavité
de la thyroïde latérale est devenue plus irrégulière; sa face ventrale est
occupée par les bourgeons cellulaires dépendant de la thyroïde médiane,
qui s'élèvent sur la face externe de la thyroïde latérale et tendent à l'en-
glober. — Puis, suivant toujours la série des coupes, on voit à la lumière
principale de la thyro'ïde latérale s'adjoindre un autre lumen, situé au côté
externe de la précédente et indépendant d'elle, pourvu d'une paroi nette-
ment épithéliale; les deux lumières se confondent plus bas. — Ensuite, sur
des coupes plus distales, la thyroïde latérale a augmenté d'importance, sa
lumière s'étant par contre réduite; elle forme à présent un gros corps de
coupe triangulaire, dont l'angle dorsal est presque contigu au nerf récur-
rent. ~ La lumière de la thyroïde latérale redevient ensuite spacieuse ,
irrégulièrement triangulaire, avec un angle dorsal et externe aigu, effilé
en pointe; elle affecte la forme de l'osselet marteau, dont le manche cor-
respondrait à cet angle dorsal et externe. — Plus bas, la cavité étant de-
venue de nouveau de plus en plus considérable, la thyroïde latérale est
entourée par les bourgeons de la thyroïde médiane , non seulement en
dehors, mais encore du côté dorsal; la thyi-oïde médiane figure alors une
154
A. PRENANT
bande en fer à cheval lobée autour de la thyroïde latérale, dont elle est
séparée par un interstice conjonctif minime. - Enfin, la cavité de la thyroïde
latérale elle-même est devenue beaucoup moindre, tandis que la thyroïde
médiane puissamment développée se montre dans toute son étendue, avec
son isthme et avec ses lobes latéraux qui enveloppent les restes de la thy-
roïde latérale presque complètement.
Sur une série de coupes d'un embryon de 20 mm., les images sont
essentiellement les mémes(i), Pl. III, fig. 28. Nous trouvons d'abord
quelques bourgeons de la thyroïde médiane ; puis parait la thyroïde latérale
avec une cavité linéaire, curviligne, inclinée en bas et en dedans, — Plus
bas, la courbe de cette cavité se prononce davantage ; dans la cavité de la
courbe se trouve un vaisseau dont la lumière a une courbure analogue. —
De l'extrémité dorsale de la cavité de la thyroïde latérale nait un diverti-
cule, qui se détache de la cavité principale à angle aigu, de manière à
laisser entre elle et lui un éperon de tissu, de forme triangulaire. — La
glandule apparaît alors coiffant l'extrémité borgne de ce diverticule. Nous
croyons retrouver par conséquent, chez cet embryon, les deux branches,
externe et interne, de l'ébauche thyroïdienne latérale des stades précédents,
représentées l'une par la fente principale, l'autre par le diverticule de cette
fente, avec la glandule qui lui est appendue. — Le diverticule ayant disparu
plus bas, l'extrémité dorsale de la lumière de la thyroïde latérale se bifur-
que encore une fois, puis la languette triangulaire de tissu, placée entre les
deux branches de bifurcation, s'isole en une presqu'île presque complète. —
Sur des coupes passant à un niveau plus inférieur, la glandule s'est complè-
tement séparée de la thyroïde latérale, pour disparaître un peu plus loin,
La protubérance arrondie, qui formait jusqu'alors la paroi concave de la
lumière arquée de la thyro'ide latérale, s'isole en un îlot, qui disparaît en-
suite, laissant à sa place une cavité arrondie très spacieuse. — Finalement,
la lumière de la thyroïde latérale n'est plus visible ; cette thyroïde cesse à
son tour d'exister, et la glande médiane persiste seule. Les rapports de la
thyroïde médiane avec l'ébauche latérale sont d'ailleurs les mêmes que
dans le cas précédent. Nous avons essayé, sur cet embryon fixé au liquide
de Kleinenberg, d'étudier de plus près l'état histologique de la glande
thyroïde latérale. Mais les résultats de cette étude, soit à cause de la fixa-
tion, soit pour toute autre raison, ne sont pas absolument certains. Ce qui
est évident, c'est que la paroi épithéliale de lébauche latérale est formée
I
(1) Il est certain qu'une part des légères différences que l'on peut noter entre des embryons
d'âge voisin tiennent en partie à une orientation différente des coupes.
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 155
d'un épithélium stratifié, à cellules cylindriques, et quelle est inégalement
épaisse suivant les endroits. En certains points, nous avons cru voir. que,
la limite profonde de l'épithélium cessant d'être nette, cet épithélium deve-
nait ainsi continu avec une bande cellulaire épaisse, qui double sur une
grande étendue la face externe de la paroi épithéliale et qui l'élargit
d'autant. Il nous a semblé même que de deux points correspondant res-
pectivement aux extrémités dorsale et ventrale de l'ébauche partaient des
fusées cellulaires, qui d'une part faisaient le tour de la paroi externe et
convexe de la thyro'ide, et qui d'autre part se confondaient dans la paroi
interne et concave, pour constituer la proéminence arrondie qui soulève
cette paroi, Pl. IX, fig. 42. Il s'en suivrait qu'un tissu mésenchymateux
et vasculaire prendrait ici naissance aux dépens de l'épithélium; nous
n'osons toutefois garantir ni le fait, ni la conclusion qui en découle. En
tout cas, -l'aspect produit est semblable à celui que nous avons décrit plus
haut pour la formation de la glandule (v. p. 152). On pourrait, plus exacte-
ment encore à tous les points de vue, le comparer à celui que donne la
formation du noyau protovertébral et des fusées mésenchymateuses qui
constituent le sclérotome.
Les dispositions que nous a offertes l'embryon de 22 mm. sont trop
semblables à celles de l'embryon précédent pour qu'il soit nécessaire de
les décrire en détail. Disons seulement que, dans son ensemble, la forma-
tion thyro'idienne s'est accrue ; l'accroissement a porté surtout sur la thyro'ide
médiane.
Chez un embryon de 25 mm., l'ébauche latérale est complètement en-
tourée par la glande médiane, aussi bien en dedans qu'en dehors et du côté
dorsal que du côté ventral. Elle l'est en bas également, comme cela résulte
de l'examen des embr3'ons précédents, où la glande médiane était encore
visible sur les coupes distales, après le départ de la th3'ro'ïde latérale. Nous
voyons ici qu'elle est aussi enveloppée en haut par la thyro'ide médiane,
qui se montre sur les coupes les plus proximales à l'endroit où paraît plus
loin seulement la thyro'ide latérale. Celle-ci egt donc complètement enchâs-
sée dans la thyroïde médiane. La cavité de l'ébauche latérale a beaucoup
diminué.
Chez un autre embryon de 25 mm., fixé non plus comme les précédents
par le liquide de Kleinenberg, mais par le bichromate de potasse, on con-
state sur les coupes proximales les bourgeons de la thyro'ide médiane, dont
l'ensemble forme une masse arrondie. — Puis, à cette masse s'adjoint la
glandule qui est contiguë à la carotide primitive. — - Ensuite, au centre de
l56 A. PRENANT
la masse formé par la th3a-oïde médiane paraît un noj'au plus clair, parais-
sant formé de cellules unies par leurs prolongements en un réseau. —
Cette masse d'apparence réticulée se montre plus loin creusée de deux
cavités à paroi épithéliale bientôt réunies en une seule. Celle-ci est la cavité
de la thyroïde latérale des stades précédents, plus réduite. Elle a conservé
sa forme incurvée; une protubérance arrondie forme toujours sa paroi
interne. -- Plus bas, la cavité s'amoindrit; plus bas encore apparaît une
masse d'aspect réticulé; puis la thyroïde médiane persiste seule. Il vient à
l'esprit que le tissu central n'est autre que la paroi épithéliale de la thyroïde
latérale, et que l'illusion d'un réseau est due à la coupe tangentielle de la
paroi épithéliale. Cette idée a cependant contre elle l'observation de l'em-
bryon suivant. — Sur les dernières coupes intéressant la thyroïde médiane
seule, on voit nettement que chacun des lobes de celle-ci est déhiscent du côté
dorsal et en dedans, et qu'il existe là une fente conduisant dans un espace
central vasculoconjonctif et parcouru par des vaisseaux; cet espace central
réside à l'emplacement occupé plus haut par la thyroïde latérale; la fente
est située sur le prolongement distal du trajet suivi par la thyroïde latérale.
Cette fente représente le hile du lobe du corps thyroïde ; le hile loge la
thyroïde latérale,. et plus bas du tissu conjonctif et des vaisseaux; la glan-
dule occupe la' lèvre externe du hile.
L'examen d'un embryon de 26 mm. montre les dispositions dont il
vient d'être question déjà chez l'embryon précédent, fig. 29. On voit sur
cette figure la masse centrale de tissu constituée par la thyro'ïde latérale,
toi, la cavité de cette dernière, les bourgeons de la thyroïde médiane, tom.
Cette figure est la condamnation de la supposition formulée ci-dessus,
d'après laquelle la masse centrale réticulée ne serait que la coupe tangen-
tielle de la paroi épithéliale de l'ébauche thyroïdienne latérale. Ici en effet,
cette masse est très étendue ; ce qui, pour l'interprétation précédente, est
une difficulté. Elle borde une cavité considérable, et on peut la voir par
conséquent en un endroit correspondant à la partie moyenne, la plus déve-
loppée, de la glande latérale; ce qui tend à infirmer encore l'interprétation
en question. Enfin, comme nous le verrons tout à l'heure, l'hypothèse se
trouve définitivement condamnée par l'examen des stades plus avancés. En
somme, je suis porté à croire que ce tissu dérive de la transformation de
l'épithélium primitif.
Les relations exactes de la thyroïde médiane et de la thyro'ïde latérale
sont importantes à préciser, pour décider si les deux ébauches se fusionnent
réellement, et de quelle façon dans ce cas se fait le fusionnement; si en
DEVELOPPEMENT DU THYMUS 157
outre la thyroïde latérale est susceptible, comme la thyroïde médiane, ainsi
que l'ont dit Born, de Meuron, Kastschenko, de pousser des bourgeons,
desquels dériveront en fin de compte les vésicules thyroïdiennes; si enfin,
comme on l'a dit aussi, le mélange des deux ébauches est tellement intime
que les bourgeons de l'une s'anastomosent avec ceux de l'autre.
La thyroïde latérale est nettement séparée de la thyroïde médiane du
côté interne, où une bande de tissu conjonctif lamelleux s'insinue entre les
deux organes, fig. 30, c.
Du côté externe, on peut avoir, suivant les endroits que l'on considère,
deux aspects différents. Ou bien la cavité épithéliale de la thyroïde latérale
n'est limitée que par une mince couche de cellules épithéliales irrégulière-
ment disposées sur 2 — 4 assises; encore l'arrangement épithélial de ces
cellules est-il loin d'être évident, et ces assises paraissent-elles plutôt conti-
nuer la masse de tissu cellulaire réticulé qui renforce la paroi interne (voir
FIG. 29 à gauche). Ou bien cette couche donne insertion à plusieurs bour-
geons de tous points semblables à ceux qui constituent à cette époque la
thyro'ïde médiane. C'est ainsi que l'on peut voir, fig. 35, un bourgeon ou
lobule, t, de la thyroïde médiane implanté par une base pédiculisée sur la
masse centrale réticulée appartenant à la thyroïde latérale; on constate
même que dans le pédicule les noyaux des cellules sont disposés suivant
deux rangées de part et d'autrede l'axe dece pédicule, qui d'ailleurs est plein.
Sur un autre embryon de 26 mm., nous retrouvons la couche cellulaire
réticulée; elle entoure la paroi épithéliale de la thyroïde latérale, fig. 31.
Cette couche, qui a une épaisseur variable, tantôt est nettement distincte
de la paroi épithéliale, tantôt se confond insensiblement avec elle. Elle est
formée de cellules serrées, dont les noyaux sont plus petits en général que
ceux de l'épithélium de la thyro'ïde latérale et que ceux aussi des lobules de
la thyroïde médiane. La fig. 31 montre encore les relations de la glandule
thyroïdienne, gito, avec la thyroïde latérale; elles sont très intimes, la paroi
de celle-ci se continuant insensiblement avec les cordons cellulaires de
celle-là ; ces relations sont sans doute le vestige des connexions génétiques
primitives.
Nous avons dessiné, fig. 36, chez un embryon de 28 mm., une partie
de la glande thyro'idienne latérale, afin de faire voir une disposition compa-
rable à celle de la fig. 35 et qui peut recevoir la même interprétation. La
paroi de la cavité thyro'idienne est formée par un tissu cellulaire réticulé et
en certains endroits seulement prend une constitution épithéliale. A cette
20
158 A. PRENANT
paroi sont appendus, notamment du côté ventral et en dehors, plusieurs
bourgeons ou lobules. Le gros bourgeon qui est dessiné dans la figure paraît
se continuer absolument avec le tissu de la thyroïde latérale ; son axe est
en effet formé par une ma§se cellulaire qui se confond avec le tissu réticulé
de l'ébauche thyroïdienne latérale ; à sa périphérie, les éléments cellulaires
prennent une disposition épithéliale et sont plus serrés, leurs noyaux ayant
une coloration plus foncée; sa limite externe est sur le prolongement de la
membrana prima qui borne extérieurement la thyroïde latérale. Sur l'em-
bryon suivant (30 mm.), nous avons pu faire une constatation analogue. —
La FiG. 36 montre encore un fait qui est assez fréquent, c'est-à-dire la pré-
sence dans la lumière de la thyroïde latérale de plusieurs cellules à noyau
déformé, à corps cellulaire clair et comme vésiculeux; ces cellules ressem-
blent beaucoup à celles que nous avons signalées dans les cavités dont se
creuse le thymus embryonnaire, ou encore aux cellules qui forment les
couches internes de la lumière œsophagienne.
Comment convient-il d'interpréter les connexions, fig. 35 et 36, qui
existent entre les bourgeons plus ou moins semblables à ceux de la thyroïde
médiane et le réticulum cellulaire de l'ébauche latérale? Deux explications
peuvent en être données. Celle qui a été soutenue par les auteurs, c'est que
le tissu de la thyroïde latérale bourgeonne pour donner naissance à des
lobules identiques à ceux fournis par le rudiment médian. La continuité
parfaite de ce tissu avec les bourgeons est favorable à cette première
manière de voir. La deuxième explication consiste à dire que les bourgeons
de la thyroïde médiane, en enveloppant la masse intérieure constituée par
la thyroïde latérale, s'abouchent avec celle-ci par leur extrémité centrale,
rétrécie en un pédicule. En faveur de cette opinion, on peut faire valoir
deux faits : d'abord, c'est que les divisions cinétiques sont rares dans
la thyroïde latérale, alors qu'elles sont fréquentes dans les lobules de la
thyroïde médiane, ce qui ne dispose pas à croire au bourgeonnement de
la première; ensuite, c'est la ressemblance le plus souvent complète entre
les lobules adhérents à la thyroïde latérale et par conséquent d'origine dou-
teuse, et ceux qui en sont éloignés et qui font partie évidemment de la
thyroïde médiane. En présence de l'incertitude où nous laissent les faits
étudiés de près, incertitude que ne ferait pas disparaître, croyons-nous,
l'examen le plus attentif, il nous semble qu'il faut s'en rapporter à l'impres-
sion produite par l'observation à un faible grossissement. Cette impression,
que pourra procurer la vue de la fig. 29, est favorable à l'idée de l'abou-
I
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 159
chement des lobules de la glande médiane sur l'axe central formé par la
thyroïde latérale.
A cette époque déjà, la glandule thyroïdienne a pris des caractères
structuraux qu'elle conservera jusque dans une période assez avancée de
l'évolution embryonnaire. Nous ne pouvons malheureusement dire si ce
sont encore ceux du nouveau-né et de l'adulte ; car le stade le plus avancé
qu'il nous ait été donné d'examiner est celui d'un embryon de 114 mm.
La glandule, examinée chez un embryon de 26 mm., est formée de
travées cellulaires plus ou moins épaisses et comprenant de 1 à 5 rangées
de cellules, Pl. III, fig. 32. Les travées cellulaires sont anastomosées en
un réseau. La constitution trabéculaire et réticulée de la glande est sur-
tout évidente à un faible grossissement et dans des stades un peu plus
avancés (embryon de 70 mm. p. ex.), fig. 38, gl. Les cellules qui consti-
tuent ces travées sont polyédriques; leurs noyaux ne présentent rien de
pailiculier, sinon que quelques-uns sont colorés d'une façon un peu plus
intense; le protoplasme, au contraire, se fait remarquer par sa densité et
son aspect sombre, fig. 32. Entre les travées épithéliales serpente un ré-
seau de capillaires sanguins, limités par une paroi endothéliale. Les travées
m'ont paru toujours pleines, sauf dans un cas où j'ai pu apercevoir dans
l'intérieur d'une trabécule une lumière entourée par des cellules.
D'après ces faits, il est inutile d'insister sur la très grande similitude
ou même l'identité structurale de la glandule thyro'idienne et de la glande
carotidienne. Une très légère différence entre les deux organes consiste
peut-être, au point de vue de la texture, en ce que les travées de la glandule
paraissent plus tortueuses et plus larges, ce dont on se rend bien compte
sur des coupes un peu épaisses d'objets fixés par le liquide de Kleinen-
BERG ou par le bichromate de potasse. Au point de vue de la structure
proprement dite, il resterait à voir (ce que je n'ai pas pu faire, faute d'objets
convenablement traités), si la glandule présente chez des embryons un peu
âgés les mêmes transformations, les mêmes dégénérescences que celles
qu'offrait la glande carotidienne.
La constitution histologique de la glandule thyroïdienne est donc
semblable à celle de la glande carotidienne. La structure de l'une et de
l'autre est absolument spéciale et diffère complètement et de celle du
thymus et de celle de la glande thyro'ïde. Aussi ai-je peine à comprendre
comment de Meuron, qui a d'ailleurs remarqué la ressemblance histolo-
gique de l'épaississement dorsal de la troisième fente et de l'épaississement
l6o A. PRENANT
correspondant de la quatrième, a trouvé ce dernier formé ^ de petites cel-
lules arrondies d'asj^ect plus ou moins lymphatique -, l'a rapproché par
conséquent du thymus au point de vue histologique et même l'a rattaché
anatomiquement à ce dernier organe. Il est tout aussi difficile de concevoir
comment plusieurs auteurs, Sandstrôm (72), Gley (26 bis), Gley et
Phisalix (27), Cristiani (1 1 et 12), ont attribué à la glandule thyroïdienne
la constitution de la thyroïde embryonnaire. Sa structure, disent par ex-
emple Gley et Phisalix, est "analogue à celle de la glande thyroïde fœtale^;
elle est formée, ajoutent-ils, d'amas qui » sont constitués par des cellules
embryonnaires, serrées les unes contre les autres". Sans doute, la glandule
thyroïdienne et la glande thyroïde ont en commun ce caractère d'être com-
posées de travées anastomosées en un réseau laissant entre ses mailles un
réseau capillaire sanguin. Mais bien d'autres organes, que l'on n'a jamais
songé à identifier histologiquement à la thyroïde, le foie par exemple,
sont dans ce cas. Les cellules de la glandule sont nettement délimitées les
unes des autres; leurs noyaux sont relativement petits. Les cellules de la
thyroïde ont des caractères opposés. La glandule présente une texture
trabéculaire et réticulée, alors que cette constitution n'est pas acquise
encore à la glande thyroïde. Il suffit, en un mot, d'avoir sous les yeux les
deux organes, dans leurs rapports naturels, pour être frappé non de leur
similitude, mais tout au contraire de leur dissemblance histologique. Mes
recherches toutefois ayant porté sur la glandule embryonnaire du mouton,
et celles des auteurs précités ayant eu pour objet la glandule annexée à la
thyroïde adulte chez l'homme, le cheval, le bœuf, le lapin, le rat, la souris,
le campagnol, on comprend la réserve que je dois apporter à ma critique.
L'étude d'un embryon de 30 mm. ne nous a pas offert de changements
notables dans l'anatomie de la formation thjaoïdienne. Sur les coupes
proximales, chaque lobe de la glande est largement ouvert par en
haut; le hile dorsal ainsi réalisé est occupé par la glandule, par un pro-
longement connectif et vasculaire et par une vésicule épithéliale qui appar-
tient à la thyroïde latérale. — Puis, la vésicule disparaît, remplacée par la
masse cellulaire caractéristique de la thyroïde latérale. — Plus loin paraît
la cavité principale de cette glande, avec une paroi épithéliale et des bour-
geons appendus à cette paroi, dont ils semblent émaner. — Cette cavité
disparaît à son tour et la thyroïde médiane demeure seule. Il faut observer
que sur cet embryon, comme d'ailleurs sur les précédents, les bourgeons
qui sont insérés dans la paroi de la vésicule thyroïdienne latérale forment
sur nombre de coupes une zone concentrique située en dedans d'une autre
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS l6l
zone constituée par des lobules appartenant indubitablement à la thyroïde
médiane.
Chez un embryon de 45 mm., nous notons, outre le développement
considérable du corps thyroïde tout entier, l'orientation très nette des
lobules qui le constituent autour de la masse thyroïdienne latérale et de la
cavité dont elle est creusée, et même la continuité des lobules avec cette
masse. Dans celle-ci se forment çà et là des groupes cellulaires condensés,
des nodules, qui sont peut-être le point de départ de lobules thyroïdiens.
La masse thyroïdienne latérale et sa cavité ont d'ailleurs conservé leur forme
et leur situation caractéristiques. Ajoutons que le centre du corps th3^roïde
est occupé, sur les coupes proximales, par un réseau de cordons, qui diffèrent
des travées du reste de la glande par leur coloration plus grande et par leur
étroitesse, qui est telle qu'ils peuvent être réduits à une seule rangée de
cellules. Ce sont là des faits qui parlent évidemment en faveur de la parti-
cipation de l'ébauche thyroïdienne latérale à la constitution du parenchyme
lobulaire et plus tard vésiculaire de la glande thyroïde.
L'extrémité inférieure de la glandule est située chez un embryon de
60 mm. sur un plan horizontal un peu supérieure celui qui raserait le bord
supérieur de l'isthme du corps thyroïde. La glandule ne correspond donc
plus à l'extrémité supérieure du lobe de l'organe. Le tissu thyroïdien pro-
prement dit s'est, en effet, accru du côté proximal en une pointe ou corne,
jusqu'à dépasser de beaucoup le lieu où est située la glandule. Celle-ci est
comprise dans une enveloppe conjonctive qui lui est commune avec la
glande thyroïde elle-même ; l'une et l'autre sont aussi entourées par une
sorte de sinus sanguin annulaire, dans lequel on voit déboucher un grand
nombre de capillaires thyroïdiens. Sur les coupes qui passent par l'extrémité
inférieure de la glandule, l'axe du corps thyroïde est occupé par un tout
petit canal à paroi épithéliale, autour duquel irradient et les vaisseaux san-
guins et les travées épithéliales de la thyroïde. Il en résulte un aspect très
comparable à celui que fournit la coupe du lobule hépatique. Des coupes
proximales montrent que le canal central s'est élargi considérablement; sa
forme est irrégulièrement elliptique, à grand axe dorso-ventral. Sa paroi est
formée de 2 — 3 couches de cellules ; les celkdes les plus externes sont pris-
matiques et sont disposées sur une ou deux rangées régulières ; les plus
internes sont polyédriques et distribuées irrégulièrement ; ces dernières font
une saillie plus ou moins forte dans la cavité, où quelques-unes d'entre elles
sont tombées; les cellules internes sont claires et ont éprouvé une tiansior-
162 A. PRENANT
mation semblable à celle qui frappe les cellules superficielles de l'épithélium
œsophagien. — Sur des coupes plus, rapprochées encore de la tête, on voit
la lumière du canal central devenir anfractueuse ; il se forme des diverticules
profonds, tapissés par un prolongement de la paroi épithéliale du canal,
Pl. IV, FiG. 40. Dans ces diverticules viennent s'aboucher, autant que j'en
puis juger par des coupes malheureusement un peu épaisses, les cordons
cellulaires de la glande thyroïde. Cette description s'applique plus particu-
lièrement à la paroi ventrale et externe du canal. La paroi dorsale et interne
offre une constitution un peu différente. On n'y trouve pas de couches régu-
lières à cellules prismatiques; mais les cellules, de forme générale plutôt
polyédrique, constituent une couche épaisse, qui se continue dans l'épais-
seur de la thyroïde et du côté dorsal avec un tissu de même nature, dans
lequel la délimitation des cordons th3^roïdiens est peu nette, et qui par
contre est extrêmement riche en vaisseaux plus gros que partout ailleurs.
— Des coupes plus proximales montrent que ce tissu remplit le hile de la
thyroïde et qu'il se prolonge du côté dorsal jusque dans la région des vais-
seaux sanguins principaux; elles font voir encore que le canal central, de
plus en plus spacieux, devient aussi de plus en plus anfractueux. Sur les
coupes les plus proximales, ce canal a disparu. — La comparaison de ce
stade avec le précédent nous permet d'affirmer que le canal central de la
thyroïde n'est autre que la thyroïde latérale. Le tissu qui prolonge sa paroi
du côté dorsal est la masse cellulaire caractéristique de la thyroïde latérale
aux stades précédents.
La FIG. 37 reproduit la succession des dispositions anatomo-microsco-
piques que l'on trouve chez un embryon de 70 mm. On voit d'abord la
thyroïde seule, dont les cordons sont orientés autour d'un hile dorsal. —
Dans ce hile parait bientôt la glandule, fig. 37, 1. Puis sur la coupe 2, le
hile, devenant de plus en plus évident, se prolonge dans l'intérieur de l'organe
par un espace plus clair, qui est en partie rempli par une masse de tissu
d'aspect et de constitution autres que pour le restant du tissu thyroïdien,
adhérente à l'extrémité ventrale de la glandule. — En suivant la série des
coupes, on voit apparaître une cavité anfractueuse que les grossissements
suffisants montrent tapissée d'une pai^oi épithéliale et à laquelle est appen-
due du côté dorsal la masse cellulaire dont il vient d'être question. Cette
cavité grandit ; la masse cellulaire annexée à sa paroi se prolonge dans
son intérieur en formant une saillie très irrégulière, de forme bizarre, 3.
— Cette saillie s'allonge et se pédiculise de plus en plus ; elle finit par
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 163
former, pour sa plus grande part, un îlot dans la cavité centrale, tandis
quune petite partie demeure adhérente à la paroi, 4. — Plus loin, cette
masse a disparu, la cavité persiste seule, 5. — Enfin, elle n'est plus visible
à son tour, et sa place est occupée par un noyau central de tissu thyroïdien,
séparé du reste par un espace annulaire clair, vasculo-conjonctif.
L'examen histologique de cette thyroïde donne des faits qui sont d'un
grand intérêt. On voit, en effet, fig. 38, que le tissu thyroïdien a subi des
modifications importantes, telles que l'aspect définitif lui est acquis partiel-
lement. C'est que dans l'épaisseur des cordons cellulaires pleins qui le con-
stituaient jusqu'alors se sont formées des vésicules, ve, dont quelques-unes
(vésicules géantes) atteignent de très grandes dimensions. Ces vésicules,
sauf les plus grandes, sont encore mal creusées; leurs cellules de bordure
épithéliale n'ont pas encore la forme régulièrement cubique, caractéristique
des éléments de la thyro'ïde adulte; leur cavité est encore encombrée par
les cellules centrales du nodule dont la vésicule dérive. D'ailleurs, dans
beaucoup d'endroits, l'état trabéculaire primitif a persisté complètement, tr.
Il peut arriver même en quelques points, qu'une portion du réseau thyroï-
dien, isolée sous forme d'un anneau, en impose pour une vésicule ; le crité-
rium distinctif d'avec une vésicule est alors dans ce cas la présence au
centre de l'anneau d'un capillaire sanguin, coupé en travers, occupant la
maille circonscrite par le réseau. — La cavité centrale, fig. 39, est tapissée
par un épithélium formé d'une seule couche de cellules cubiques; à cette
couche, on peut voir s'ajouter çà et là du côté interne quelques cellules
polyédriques claires (compar. avec l'état de l'épithélium au stade précédent).
Le tissu, qui est annexé à cette paroi et qui proémine dans la cavité, diffère
entièrement du tissu thyroïdien; il n'est ni trabéculaire, ni vésiculaire; mais
il est constitué par un parenchyme cellulaire serré, assez pauvre en vais-
seaux sanguins. Les cellules de ce parenchyme ont du reste le même aspect
que celles qui forment les travées et qui bordent les vésicules du tissu thy-
ro'ïdien, si bien que ce parenchyme paraît dû à ce que ces travées sont
devenues confluentes, ou bien à ce que la transformation trabéculaire et
réticulaire ne s'y est pas faite. Sur une même coupe transversale, on trouve
dans cette masse parenchymateuse un certain nombre de nodules arrondis,
11, composés d'un amas de cellules semblables à celles du reste de la masse;
ces amas paraissent logés dans l'intérieur d'un vaisseau sanguin; car, autour
d'eux, on voit un espace annulaire clair, limité par l'endothélium caractéris-
tique. Du reste, ce n'est là qu'une apparence, car certaines coupes montrent
164 ^- PRENANT
que le nodule se relie en réalité au reste du tissu par une sorte de pédicule
et que le vaisseau sanguin ne l'entoure pas complètement, mais manque au
niveau de l'insertion du pédicule, ;?'. Il en résulte une disposition très sem-
blable, avec des rapports inverses entre vaisseau et organe épithélial, à
celle qu'offrent les glomérules du rein. J'ai même vu deux et trois contours
endothéliaux concentriques autour du nodule, //', représentés chacun par
une ligne circulaire et par des noyaux aplatis placés sur cette ligne.
L'examen d'un embryon de 77 mm. nous a fourni, relativement à la
situation de la glandule, des résultats analogues.
On retrouve chez un embryon de to cm. le canal central de la thyro'ïde
avec ses caractères habituels. Mais, contrairement aux observations que
nous venons de faire chez un embryon de 70 mm., on ne trouve plus ici de
grandes vésicules thyroïdiennes complètement formées et absolument
creuses. Au contraire, les vésicules paraissent être seulement en voie de
formation; on aperçoit, en effet, de petits nodules, riches du reste en
mitoses, qui sont creusés d'une minime lumière.
La glandule est située chez un embryon de 1 14 mm. sur la face dor-
sale et interne de la glande th3a-oïde. Elle répond toujours au bord du hile
conjonctivo-vasculaire de l'organe. Elle est superficielle et recouverte seule-
ment sur une faible étendue par une très mince couche de tissu thyroïdien
qui passe comme un pont de l'un des bords du hile à l'autre. Les travées
dont la glandule se compose se confondent avec le tissu thyroïdien, de
sorte que la glandule fait partie intégrante du corps thyroïde(i). La cavité
épithéliale centrale de la thyro'ïde est plus réduite que précédemment; elle
est anfractueuse et pousse au loin et jusque dans le hile des diverticules
profonds et étroits.
Au-delà de ce stade, je n'ai pu étudier que des embryons beaucoup
plus développés (de 30 à 40 cm.). Je n'y ai plus retrouvé, sur des coupes
sériées, le canal central de la thyroïde, reste de la thyroïde latérale. Toute
trace de cette dernière formation ayant disparu, l'étude de ces embryons ne
présentait plus pour moi d'intérêt, puisque le but de ce travail est exclusi-
vement le développement de l'ébauche latérale de la glande thyroïde. Néan-
moins, je relèverai sur la structure de la glande thyro'ïdale chez ces embryons
âgés deux faits relatifs à des dispositions histologiques dont l'existence est
encore aujourd'hui controversée.
(i) Je fais des réserves cependant sur la réalité de cette coutinuité, parce qu'il s'agit ici d'une
pièce durcie dans le bichromate de potasse et dont par conséquent la fixation a laissé à désirer.
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS l65
Il s'agit d'abord de la différenciation de deux zones sur la coupe trans-
versale du corps thyroïde. La zone externe se distingue par la petitesse de
ses vésicules, bien que çà et là on y puisse trouver aussi des vésicules de
grande taille ; en certains endroits même, la structure trabéculaire primitive
peut persister. La zone externe, qui est d'ailleurs assez mince et ne repré-
sente guère que le quart du rayon de la coupe d'un lobe thyroïdien, a donc
les caractères d'une couche jeune, vraisemblablement la dernière formée.
Cette observation confirme donc la donnée déjà ancienne de Wôlfler (92),
récemment rejetée par Lustig (4.6). Je ne veux pas prétendre cependant
que la zone externe soit le seul lieu de formation de nouvelles vésicules, et
j'accorde volontiers à Lustig qu'il peut s'en produire dans les parties cen-
trales de l'organe.
Le second fait, sur lequel j'attire l'attention, est l'existence d'amas de
cellules l'ymphoïdes dans l'intérieur de l'organe entre les vésicules. Ces
amas ont généralement une forme quadrangulaire, correspondant à celle de
l'intervalle laissé par plusieurs vésicules voisines; les angles du quadrilatère
se prolongent au-delà sous forme de cordons courts, qui se perdent bientôt.
La présence de cellules lymphoïdes dans la glande thyroïde, leur accumula-
tion en masses compactes, sont des faits connus depuis longtemps. Décou-
verts par ViRCHOw, niés ensuite par Wôlfler (92), ces amas ont été con-
sidérés par Lupo (44) comme de véritables glandes lymphatiques, surtout
bien développées chez .les animaux et chez l'enfant, présentant un type par-
ticulier, distinct de celui des follicules qui entrent dans la constitution des
ganglions et des autres organes lymphatiques. Lupo a été jusqu'à admettre
que la glande thyroïde se composait de deux parties, l'une épithéliale, l'autre
lymphoïde. C'est peut-être accorder trop d'importance à une formation qui
quantitativement n'intervient que pour une part très faible dans la consti-
tution de l'organe. On sait que Lustig, qui a retrouvé les éléments lym-
phoïdes du corps thyroïde, ne les a vus qu'épars et nullement organisés en
nodules.
Les conclusions que nous croyons pouvoir tirer de nos observations
sur le développement de la glande thyroïdale et spécialement de l'ébauche
latérale de cet organe sont les suivantes :
La quatrième poche branchiale entodermique est formée de deux bran-
ches, une externe et une interne; celle-ci, qui est en quelque sorte un diverticule
de la poche proprement dite, se prolonge et se dilate en une vésicule pirif orme,
qui est l'ébauche thyroïdienne latérale. Dans l'angle des deux branches se
81
166 A. PRENANT
forme, par épaississement de la paroi épithéliale de la poche, un corps qu'on
peut nommer glande thyroïdienne. Par sa texture trabéculaire et réticulée,
par la nature histologique de ses éléments épithéliaux, à cause aussi de sa
grande et précoce vascularisation, enfin et surtout par son jtiode défor-
mation, ce corps est comparable à la glande carotidienne. Il n'a rien de
commun avec le thymus. Dans la suite du développement, l'ébauche thyroï-
dienne latérale, longtemps reconnaissable par sa paroi épithéliale au sein de
la thyroïde déjà volumineuse, se transforme en une cavité anfractueuse,
prolongée en tous sens par de profonds diverticules (canal central de la
thyroïde). La paroi de cette cavité est formée par un épithélium d'abord stra-
tifié, puis simple, les cellules superficielles ayant disparu après avoir éprouvé
une transformation semblable à celle qui frappe les assises internes de l'épi-
thélium œsophagien . Cette paroi produit autour d'elle un tissu dense d'aspect
cellulaire et réticulé, qui plus tard disparait. Il m'est impossible de trancher
la question de savoir si le rudiment latéral bourgeonne pour donner des
cordons ou lobules qui se mêlent ou s'anastomosent avec ceux de la thyroïde
médiane et se transformeront ultérieurement en vésicules thyroïdiennes, ou
bien si les lobules de l'ébauche médiane ne font que se souder au tissu de la
thyroïde latérale. La thyroïde latérale et ses vestiges occupent le hïle vasculo-
conjonctif de l'organe; la glandule est située au bord externe de ce hïle.
III. CONSIDERATIONS GENERALES.
C'est avec raison que l'on considère comme homologues ou mieux
comme homodynames les fentes branchiales successives. Cette homody-
namie cependant n'est admise que pour les premiers temps du développe-
ment, n'est valable que pour la période d'état des fentes branchiales.
Il nous semble, au contraire, résulter de ce travail, que l'équivalence
évolutive des fentes branchiales, particulièrement de la troisième et de la
quatrième, se poursuit chez les mammifères, puisque les produits dérivés
de ces deux fentes sont équivalents, et même au début sont semblables.
Voici ce que nous apprend, en effet, l'histoire embryologique de ces
deux formations.
La troisième poche branchiale entodermique est composée, comme la
quatrième, de deux branches ; l'étude des coupes sériées montre que la
forme est identique dans l'une et l'autre poche. Leurs produits sont égale-
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS 167
ment semblables, au début tout au moins. Toutes deux donnent, en effet,
naissance à un puissant diverticule ventral, creux; en outre, dans l'angle
de leurs deux branches se forme, par épaississement de leur paroi, un or-
gane arrondi, plein, de texture semblable, de structure cellulaire identique,
ayant des rapports analogues. Le diverticule parti de la troisième poche
est le thymus. Celui qui prolonge la quatrième poche est l'ébaache thyro-
ïdienne latérale. L'organe annexé à la troisième poche est la glandule
thymique (glande carotidienne). Celui qui est appendu à la quatrième poche
est la glandule thyroïdienne.
A ce stade, les dérivés respectifs des deux fentes branchiales sont encore
parfaitement homodynames, et le sont non seulement par leur origine, mais
encore par leur constitution ; ils sont donc de plus homotypiques. Plus
tard, l'homotypie se conservera parfaite entre la glande carotidienne et la
glandule thyroïdienne; non seulement leur constitution, mais leurs rapports
mêmes continueront d'être analogues, puisque nous savons que, de même
que la glande thyroïdienne demeure en connexion avec l'ébauche de la thy-
roïde latérale issue de la quatrième poche, la glande carotidienne est incor-
porée à la tête du thymus dérivée de la troisième poche branchiale.
Il est vrai que plus tard l'ébauche thyroïdienne latérale subira une
évolution très différente de celle du thymus. Il n'y a pas cependant entre
les deux organes que des différences; il existe aussi entre eux des ressem-
blances. Elles se manifestent, à la vérité, non pas dans le développement
organogénique des deux ébauches, qui est tout autre, à cause des relations
que de bonne heure la thyroïde latérale contracte avec la thyroïde médiane.
Elles résident surtout dans leurs aptitudes histogénétiques ; dans la thyroïde
latérale, on voit se former un tissu qui, s'il ne ressemble pas à celui du
thymus et s'il ne subit pas comme ce dernier la transformation lymphoïde,
diffère néanmoins totalement du tissu thyroïdien, où il est plongé. Il ne
faudrait pas du reste, pour éloigner la thyroïde latérale du thymus, la rap-
procher trop de la thyroïde médiane; car il n'est rien moins que prouvé que
la thyroïde latérale se comporte comme la thyroïde médiane et fournisse
comme elle des bourgeons plus tard creusés en vésicules.
Il y a ainsi chez l'embryon de mouton et sans doute aussi chez celui
des autres maminifères, peut-être même chez la larve d'autres vertébrés,
au moins deux séries bilatérales d'organes dérivés des poches entodermiques
branchiales, chaque poche donnant naissance à l'un des termes de chaque
série. Chez les mammifères, chaque série n'a que deux termes, correspon-
168 A. PRENANT
dant respectivement à la troisième et à la quatrième poche branchiale.
L'une des séries est formée par le diverticule central issu de chacune des
poches et aussi par la poche elle-même. L'autre est représentée par un or-
gane glandulaire annexe de chaque poche. La série des diverticules bran-
chiaux comprend : le diverticule thymique et le diverticule thyroïdien. La
série des organes glandulaires renferme : la glande carotidienne ou glandule
thymique annexée au diverticule thymique, et la glandule thyroïdienne,
appendue au diverticule thyroïdien.
On peut établir une formule branchiale, dans laquelle on mettra en
numérateur les épaississements dorsaux ou nodules épithéliaux, n, des
fentes branchiales et en dénominateur, /J, ces fentes elles-mêmes ainsi que
les diverticules qui en partent. Pour préciser la qualité anatomique ou his-
tologique de ;/ oxxfd, on pourra leur ajouter des lettres, th, gc, etc., leur
servant de qualificatif. Un chiffre placé comme exposant indiquera le numéro
de la fente branchiale. La formule générale des dérivés branchiaux sera
donc : -;r-,. La formule spéciale aux mammifères s'écrira :
Elle se traduit par
fdWi'^fiFiôl
troisième nodule branchial (glande carotidienne)
troisième fente et troisième diverticule (thymus)
quatrième nodule branchial (glandule thyroïdienne)
quatrième fente et quatrième diverticule (thyroïde latérale)
La systématisation que nous venons de donner des dérivés branchiaux
s'applique aux mammifères. Mais la comparaison des mammifères avec
d'autres vertébrés, loin d'infirmer le principe du système précédent, le for-
tifie au contraire, en montrant qu'il est valable aussi pour d'autres groupes
que les mammifères.
J'avais essayé, par une représentation diagrammatique en couleurs des
dérivés branchiaux connus dans les différents groupes de vertébrés par les
recherches de divers auteurs, de serrer de près cette comparaison.
Mais j'ai dû y renoncer, la question n'étant pas mûre pour une comparaison
détaillée. Des homologies générales peuvent au contraire être établies, en
se fondant tant sur les travaux anatomiques anciens que sur les recherches
embryologiques récentes, par exemple de de Meuron (51) (toutes les classes
de vertébrés), de Maurer (49 et 50) (téléostéens et amphibiens), de'VAN Bem-
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS I69
MELEN (7) (oiseaux, tous les ordres de reptiles), etc. Les mémoires de ces
deux derniers auteurs méritent surtout de fixer l'attention à ce point de vue.
L'examen de ces travaux et, grâce à eux, le coup d'œil jeté sur l'ensemble
des dérivés branchiaux dans les différentes classes de vertébrés nous appren-
nent les faits généraux suivants.
a) En premier lieu, chez tous les vertébrés, une ou plusieurs poches
entodermiques branchiales donnent naissance à autant de diverticules épi-
théliaux, plus ou moins complètement fusionnés plus tard, pour produire
un organe, le thymus, que caractérisera sa transformation lymphoïde ulté-
rieure.
b] Partout aussi [sauf chez le poulet (Fischelis) (20), chez les tortues
et le crocodile (Van Bemmelenj], aux dépens de la dernière poche bran-
chiale existant chez l'animal considéré, ou même d'une évagination issue de
la partie du pharynx située immédiatement en arrière de cette poche et
représentant, suivant l'hypothèse deDEMEURONacceptéeparMAURER, la der-
nière poche branchiale vraie qui aurait dû se former, se forme une vésicule,
qui est le » corps suprapéricardique « des sélaciens (Van Bemmelen), le
« corps postbranchial ^ des amphibiens (Maurer), la « glande thyroïde
latérale « des autres groupes(i). Ces diverses formations ne sont pas homo-
logues, dérivant de fentes branchiales différentes chez les différents verté-
brés; mais elles sont homodynames, et comme telles méritent d'être con-
fondues (de Meuron) sous la dénomination commune de thyro'ïdes latérales.
La poche branchiale qui fournit la thyroïde latérale échappe à la destinée
qui entraîne les autres poches dans la formation thymique, pour en suivre
une autre. Elle ne subit pas de transformation lymphoïde, mais elle forme
une vésicule lobée et prolongée en diverticules acineux, qui se réunit ou
non, suivant les cas, à la thyro'ïde médiane. L'union n'a lieu que chez les
mammifères, exception à la règle qui a déjà attiré l'attention de Piersol
(57, p. 183). La fusion n'est peut-être chez eux, ainsi que de Meuron l'a
supposé, l'effet d'une cause mécanique. Chez les mammifères, en effet, la
thyro'ïde latérale, qui, grâce à la diminution riumérique des fentes brachiales
et au raccourcissement de la région branchiale, prend naissance sur la qua-
trième poche entodermique, s'est trouvée reportée très en avant, au voisinage
de la thyroïde médiane. En elle, la thyroïde des mammifères a ainsi trouvé
(i) Les observations contraires de Fischelis et de Van Bemmelen ont peu d'importance. Celle
de FiscnELis a contre elle les constatations de Van Bemmelen et de de Meuron. Dautre part, VaN
Bemmelen n'a pu étudier que quelques exemplaires de chéloniens et un seul embryon de crocodilien.
170 A. PRENANT
secondairement un canal excréteur pharyngien latéral, pair, d'origine bran-
chiale. Ce canal ne fonctionne d'ailleurs pas plus que le canal excréteur
médian, impair, plus ancien que lui, et méritant le nom de conduit primaire.
Son orifice pharyngien s'est, en effet, oblitéré à l'époque où les lobules de la
thyroïde médiane pourraient s'ouvrir dans la lumière du canal ou de ses
diverticules. Une fois de plus, la thyroïde a été réduite à l'état de glande
close; son canal excréteur, prématurément essayé, puis inutilisé, s'atrophie.
L'état histologique de la thyroïde latérale, qui, en quelque groupe de ver-
tébrés que nous la considérions, et spécialement chez les mammifères, est
une vésicule ramifiée, incapable d'une production colloïde comparable à
celle qui caractérise chez tous les gnathostomes la glande thyroïde, vient à
l'appui de l'interprétation phylogénétique de la thyroïde latérale comme
canal excréteur de la thyroïde médiane. Du reste, l'accolement d'un canal
épithélial à une glande n'a pas d'autre explication plausible. .
Il existe entre les diverticules thymiques des fentes branchiales et le
diverticule thyroïdien latéral une homodynamie parfaite. Il est digne de
remarque à cet égard : d'abord, qu'il n'y a de chaque côté qu'une seule
thyroïde latérale, tandis que l'ébauche thymique est le plus souvent multiple;
en second lieu, que la thyroïde latérale est toujours placée derrière le thymus
le plus reculé. Dans la suite de l'évolution, les deux organes se comportent
très différemment : le diverticule thymique devient une glande (glande
lymphoïde), dont le canal excréteur disparaît avant le fonctionnement de la
glande; le diverticule thyroïdien latéral devient un canal excréteur, privé
de glande et par conséquent sans emploi, qui chez les mammifères paraît se
mettre au service d'une autre formation glandulaire. En troisième lieu,
d'autres dérivés branchiaux se présentent sous la forme d'épaississements
pleins des parois des fentes branchiales ou des points divers de la cavité
branchiale : de la quatrième fente (lézard, poulet, mammifères, d'après
DE Meuron); - de la troisième (mammifères, d'après be Meuron, Kast-
SCHENKO et nous ; poulet, tortue, selon Van Bemmelen) ; — de plusieurs
fentes branchiales ou de plusieurs points de la paroi pharyngienne (amphi-
biens d'après Maurer, reptiles selon Van Bemmelen;, etc. Certains auteurs
ont fait intervenir de pareils épaississements dans la constitution du thymus,
sans prendre garde à la différence de structure qui les en distingue dès le
début et qui a fixé cependant l'attention de Van Bemmelen et de Maurer
particulièrement. D'autres observateurs ont fait de certains de ces épaissis-
sements des thyroïdes accessoires, confondant leur structure avec celle de
DEVELOPPEMENT DU THYMUS I7I
la thyroïde proprement dite. Rien ne permet cependant de rapprocher ces
corps du thymus non plus que de la glande thyroïde, sinon les relations
qu'ils peuvent contracter secondairement avec l'un ou l'autre de ces organes.
Toutes les fois, en effet, que mention a été faite de leur constitution histolo-
gique, on les trouve déciits comme étant au début des nodules épithéliaux
d'un aspect qui leur est propre. Il en est ainsi des ^ restes épithéliaux "
de Maurer (amphibiens), des r, corpuscules épithéliaux ^ du même auteur
(amphibiensj, des nombreux corps trouvés en différents endroits par Van
Bemmelen chez des types de reptiles appartenant à tous les ordres, de la
" glande carotidienne « des reptiles (Van Bemmelen;, des amphibiens
(Maurer), des mammifères (Rabl, de Meuron, nous), de la « glandule thy-
roïdienne - du mouton (nousj. Tous ces corps, dont le plus connu et le plus
constant est la glande carotidienne, forment une série autonome de dérivés
branchiaux, développés sur les poches branchiales elles-mêmes et ayant
("Van Bemmelen, Maurerj des rapports remarquables avec les arcs aortiques.
APPENDICE.
Il me reste à signaler plusieurs organes constitués différemment les
uns des autres, que j'ai trouvés adhérents au corps du thymus. Je n'ai pas
voulu les mentionner dans le cours de la description, parce que je ne suis
pas certain de l'autonomie de certains d'entre eux, et que la nature des
autres m'échappe.
L'un de ces organes, que j'appellerai organe a, était à moitié enfoui
dans le corps du thymus, à la face interne ou profonde de ce dernier. Je
l'ai observé chez un foetus à terme et chez un embryon de 30 cm. de long.
Il se présentait sous la forme d'un corps rougeâtre, ayant la même colora-
tion que la glande thyro'ide, de forme arrondie, du diamètre de 2 mm.
environ; sa structure était identique à celle du corps thyroïde. J'ai coupé
en série le corps du thymus d'autres embryons, sans pouvoir y retrouver
l'organe thyroïdien en question. Il s'agit ici sans doute d'une glande acces-
soire thyroïdienne.
L'organe b se présentait, à la dissection du corps du thymus d'un
embryon de 9 cm., comme un très petit corps piriforme, situé sur la face
profonde du corps de l'organe, et se continuant en haut (en avant) par un
filament. Bien que la pièce ait été fixée par le bichromate de potasse et
172 A. PRENANT
que par conséquent la conservation des éléments laisse un peu à désirer,
la structure de cet organe a des caractères évidents; j'insiste particuliè-
rement sur les suivants : constitution de l'organe par des cellules polyé-
driques assez grosses; arrangement de ces cellules en travées épaisses et
irrégulières, anastomosées en un réseau, riche vascularisation. La structure
de ce corps l'éloigné et du thymus et d'un ganglion lymphatique. Il ne
ressemble pas non plus à la glande thyroïde embryonnaire. Il est plutôt
constitué comme la glande carotidienne ou la glandule thyroïdienne. J'ai
cru d'abord avoir à faire à cette dernière, entraînée mécaniquement avec
le thymus et séparée du corps thyroïde. Mais la glandule est située non
pas sur la face externe et ventrale du corps thyroïde, sur celle qui est en
rapport avec le thymus, mais sur sa face dorsale et interne. En outre, la
forme de l'organe ne correspond pas à celle de la glandule. En effet, l'or-
gane b se continue supérieurement par un filament qui, comme le montre
les coupes, va s'amincissant de plus en plus, tout en conservant la structure
du corps principal. Je n'ai pas eu, du reste, la série complète des coupes
intéressant cet organe. Dans les coupes les plus proximales, on remarque
une disposition très évidente des cellules en acinis ou vésicules. Sur toute
sa longueur, cet organe est entouré par du tissu conjonctif, façonné en
enveloppe, grâce à une orientation concentrique des faisceaux de fibres.
J'ai cherché en vain cet organe chez un embryon d'un âge voisin (8 cm.),
débitant en une série de coupes la totalité du corps du thymus. La signi-
fication de cet organe est demeurée pour moi complètement inconnue.
L'organe c et l'organe d paraissent n'être que des ganglions lympha-
tiques, malgré certaines particularités de structure qui les en éloigneraient.
C'étaient de petits corps rouges, ovo'ïdes, situés l'un dans la partie profonde
du corps du thymus, l'autre dans la portion la plus élevée du thymus thora-
cique chez un foetus à terme. Ellenberger. et Baum (17; ont cru, comme
moi, trouver dans la région cervicale du chien des organes spéciaux, qui à
l'examen histologique n'étaient que de petites glandes lymphatiques.
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22
174
A. PRENANT
12
Cristiani
i3
Ciiénot
H
D alun s
i5
V. Davidoff
i6
Dittrich
17 Ellenberger et Baum
18 Eberth
19 Firket
20
21
22
23
24
25
Fischelis
Flemming
Id.
Flesch
Froriep
Garbini
26
Gley
26 bis
Id.
27 G/e^'
et Phisalix
27 bis
Goette
28
Griinberg
29
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DEVELOPPEMENT DU THYMUS
175
3o
Gidland
3i
Id.
32
Hansemann
33
Heidenhain
34
Heppner
35
W. His
36
H. Hoyer
37
Kastschenko
38
' Klaatsch
39
Kôlliker
40
Luwit
Id.
42
Id.
43 ,
Liikjanow
44
Lupo
45
Luschka
45
Lustig
47
Marchand
48
Martinotti
49
Maurer
5o
Id.
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J76
5o bis
Maurer :
5i
de
Meiiron :
52
M'ôbius :
53
Mongindi :
54
W
. Millier :
55
Nicolas :
56
Pfôrtner :
57
Piersol :
5S
Pilliet :
59
Prenant :
60
Rabl :
61
Remak
62
Réitérer
63
64
65
66
67
68
W.
7i.
Id.
Id.
Id.
Ribbert
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des adenoïden Gewebes, der Zungenbalge und der Mandeln
des Menschen; Anat. An^eiger, n° 19, i8gi.
: Verh. d. anat. Gesells. in Miinchen, 1891.
: Division mitosique des érythroblastes et des leucoblastes à
l'intérieur du foie embryonnaire des mammifères; Anat. An^^eiger,
no 21, 1891.
83
. Id.
84
Id.
85
Id.
86
V. d. Stricht
l-jS A. PRENANT
87 V. d. Stricht : Nouvelles recherches sur la genèse des globules rouges et
des globules blancs du sang; Archives de Biologie, t. XII, 1892.
88 Tomarkin : Lieberkûhn'sche Krypton und ihre Beziehungen zu den FoUikeln
beim Meerschweinchen; Anat. An\eiger, \\°^ 6-7, iSgS.
89 Tourneux et H errmann : KïiicXe Thyravis; Dict. encjrcl. d. sc.méd., 1887, et 5oc. de
Biologie, 1887.
90 Waldeyer : Ver h. d. anat. Ges. in Miinchen, 1891.
91 Watney : The minute Anatomy of the Thymus; Phil. Trans., 1882.
92 Wolfler : Ueber die Entwicklung und den Bau der Schilddiiise. Ber-
lin, 1880.
93 Zawarjrkin : Ueber das Epithel der Tonsillen; Anat. An^eiger, 1889, n» i5.
EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE I.
FIG. 1. Troisième poche branchiale; épaississement de sa paroi, ébauche de
la glande carotidienne. Embryon de i5 mm. — Liquide de Flemming. Safranine
et induline. Zeiss, oc. 6, obj. i6,o mm. en, poche entodermique ; ec, poche ecto-
dermique; gc, glande carotidienne.
FIG. 2. Autre coupe appartenant au même objet et vue à un fort grossisse-
ment, pour montrer les détails structuraux d'une partie de l'ébauche carotidienne et
la continuité de cette ébauche avec l'épithélium branchial. — Zeiss, oc. 4, Leitz,
imm. hom. 1/12. en, cavité de la poche entodermique; v,v, vaisseaux dans l'ébauche
carotidienne.
FIG. 3. Glande carotidienne. Embryon de 28 mm. — Liquide fixateur et
coloration de Flemming. Zeiss, oc. 6, obj. 4,0 mm. a, pseudo-acini de la glande;
V, vaisseaux sanguins.
FIG. 4. Glande carotidienne. Embryon de 40 mm. — Liquide et colorant de
Flemming. Zeiss, oc. 6, obj. 4,0 mm.
FIG. 5. Glande carotidienne. Embiyon de 70 mm. Constitution trabéculaire
et réticulée. — Liquide de Kleinenberg. Carmin boracique à l'alcool. Zeiss, oc. 6,
obj. 16,0 mm.
FIG. .6. Glande carotidienne. Embryon de 40 cm. — Trabécules formées
d'une seule rangée de cellules. Noyaux contractés, n, dégénérés (?). — Liquide de
r
Flemming. Safranine, induline. Zeiss, oc. 4, Leitz, imm. hom. 1/12.
FIG. 7. Huit coupes sériées à travers la troisième poche branchiale, la glande
carotidienne, les ganglions du vague et du sympathique et la carotide primitive.
Rapport de ces différents organes; forme de la poche branchiale. Embryon de 20 mm.
Les coupes dessinées sont prises de deux en deux. A est la coupe proximale, H la
coupe distale. En A, le pharynx et le larynx ont été figurés pour faciliter l'orien-
tation. En H, les deux côtés ont été représentés pour la même raison. — Gross.
10 D. br, troisième poche branchiale; v, ganglion plexiforme du nerf vague; s, gan-
glion cervical supérieur du sympathique ; gc, glande carotidienne ; c, carotide primi-
tive; d, diverticule de la troisième poche branchiale; th, corps ou queue du thymus;
to, thjTOÏde médiane.
FIG. 8. Glande carotidienne, reste de la troisième poche branchiale, diver-
ticule de cette poche ou vésicule thymique, ganglion du vague chez un embryon
l8o A. PRENANT
de 25 mm. — c, carotide; gc, glande carotidienne ; br, troisième poche branchiale;
d, diverticule de cette poche; v, ganglion du vague; _;', veine jugulaire. — Liquide
et colorant de Flemming. Zeiss, oc. 4, obj. 16,0 mm.
FIG. 9. Mêmes organes, même objet. Les lettres comme précédemment. Traite-
ment identique. — Zeiss, oc. 4, obj. 4,0 mm.
FIG. 10. Mêmes organes d'un embryon de 26 mm. Mêmes lettres. Le diver-
ticule ou vésicule thymique a perdu ses relations avec le ganglion du vague. Le
reste de la poche branchiale est en voie de devenir la tête du thymus par bour-
geonnement de son épithélium. — Liquide de Flemming, coloration de Flemming.
Zeiss, oc. 6, obj. 16,0 mm.
FIG. 11. Cordon intermédiaire du thymus chez un embr3'on de 26 mm.
cith, ce cordon ; v, nerf vague. — Liquide et colorant de Flemming. Zeiss, oc. 4,
obj. 4,0 mm.
FIG. 12. Cordons cervico-thoraciques du thymus chez un embryon de 25 mm.
— en, enveloppe conjonctive du thymus. — Liquide de Flemming. Safranine, in-
duline. Zeiss, oc. 4, obj. 4,0 mm.
PLANCHE II.
FIG. 13. Embryon de no mm. Tête du th3-mus nettement formée de deux
portions : une externe, dont la glande carotidienne, gc, paraît un des lobes, est
grossièrement lobée; l'autre, interne, lobulée, est en rapport avec la carotide et le
nerf vague et se continue inférieurement avec le cordon intermédiaire. Gross. 10 û.
FIG. 14. Glande carotidienne. Fœtus à terme. Noyaux rétractés (dégénérés?),
;;,- v,v, vaisseaux sanguins remplis de globules déformés par pression réciproque. On
voit aussi un noyau dont l'enchylème est très coloré. — Liquide de Flemming. Sa-
franine, orange. Zeiss, oc. 6, Leitz, obj. imm. hom. 1/12.
FIG. 15. Rapports de la glande carotidienne avec la tête du thymus chez
un embryon de 26 mm. ; adhérence de l'une à l'autre. — gc, trabécule de la
glande carotidienne; tth, tête du thymus. — Liquide de Flemming; coloration par
la méthode de Flemming. Zeiss, oc. 4, Leitz, obj. imm. hom. 1/12.
FIG. 16. Corps du thymus. Embryon de 26 mm. Cavité en voie de formation.
— a, une cellule centrale devenue vésiculeuse et renfermant des globules chroma-
tiques ; autour de cette cellule plusieurs éléments disposés concentriquement d'une
façon irrégulière. — Liquide et colorant de Flemming. Zeiss, oc. 4, Leitz, imm.
hom. 1/12.
FIG. 17. Une cavité du thymus renfermant des globules chromatiques et des
débris épithéliaux. Cellules vésiculeuses, ve; cellules avec vacuoles, va. En a, cel-
lule vésiculeuse dont la cavité paraît continuer la cavité th3-mique. En r a été
représentée une partie de la deuxième rangée de cellules épithéliales qui entoure la
cavité. Embryon de 26 mm. — Liquide et colorant de Flemming. Zeiss, oc. 4,
Leitz, imm. hom. 1/12.
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS l8l
FIG. 18. Dissection de la partie supérieure du cou chez un fœtus à terme.
Grand, nat. tth, tête du tliymus recouverte en partie par la glande sous-maxillaire à la
quelle elle adhère intimement; gm, glande sous-maxillaire; gl, ganglions lymphatiques;
to, corps thyroïde; cith, cordon intermédiaire du thj'mus ; c, carotide primitive;
j, veine jugulaire interne; m, muscle sterno-sous-occipital (?) ; m', muscle crico-thy-
roïdien; m", muscle thyro-hyoïdien.
FIG. 19. Cordons reliant la portion thoracique à la partie cervicale du thymus
et correspondant aux appendices thoraciques de l'organe plus jeune, i, 2, cordons
droit et gauche; e, enveloppe conjonctive; v, paroi de la veine-cave supérieure à
laquelle l'enveloppe du thymus est soudée. Embryon de 3o mm. — Liquide de
Kleinenberg. Carmin boracique alcoolique. Zeiss, oc. 4, obj. 4,0 mm.
FIG. 20. Tète du thymus. Embryon de 40 mm. Noyaux géminés, i, 2, 3,
4, quatre couples de noyaux, l'un clair et l'autre foncé. — ■ Fixation et coloration
de Flemming. Zeiss, oc. 6, Leitz, imm. hom. 1/12.
FIG. 21. Figures de division directe (?) chez un embrj-on de 28 mm. Dans
la partie supérieure de la figure, les cellules sont représentées dans leurs rapports
respectifs, n, noyaux petits à côté des noyaux plus grands; b, bourgeon émis par
une cellule en voie de sténose. — Dans la partie inférieure de la figure, les noyaux
sont représentés seuls, sans corps cellulaire, et isolés les uns des autres, les lettres
ayant la même signification que ci-dessus. Tout à fait en bas de la figure, a et a! ap-
partiennent à un embryon de 26 mm. ; a est un noyau bilobé; a' un noyau quadrilobé.
FIG. 22. " Éléments de la substance corticale du thymus. Embryon de 3o cent.
— Liquide de Flemming. Safranine, thionine. — Zeiss, oc. 2, Leitz, obj. imm.
hom. 1/12. — es, cellules à grand noyau ou cellules de soutien (cellules épithéliales?);
/, lymphoblastes ; /', lymphocytes. Cette figure est destinée moins à donner les ca-
ractères intimes de structure des cellules constitutives du th}^mus que la proportion
des diverses variétés cellulaires dans une certaine surface de la coupe.
FIG. 23. Éléments de la substance médullaire de la tête du thymus. Embryon
de 3o cent. — Liquide de Flemming, coloration de Flemming. Zeiss, oc. 6, Leitz,
obj. imm. hom. 1/12. — Mêmes lettres que ci-dessus; de plus, v, P, vaisseaux sanguins.
Les noyaux désignés par les lettres es n'appartiennent pas d'une façon certaine à
des cellules de soutien. Par contre, l'élément isolé représenté en a est une cellule
de charpente typique. Eir b est figurée une autre cellule de charpente, prise sur
un embryon de 40 cm., dont le protoplasme renferme de gros grains gentianophiles.
En c, cellule de charpente chez un agneau nouveau-né. En d sont représentés à un
plus fort grossissement, le tube de l'oculaire étaint tiré, trois lymphocytes (à gauche)
et deux lymphoblastes (à droite).
FIG. 24. Texture de la tête du thymus. Embryon de 85 cm. — ee, enve-
loppe conjonctive ; jj/i, zone périphérique; :[cf, zone corticale ou substance folliculeuse;
sm, substance médullaire. — Liquide de Flemming. Safranine, orange. Zeiss, oc.
4, obj. i5,o mm.
FIG. 25. Série de coupes à travers la région inférieure du cou et l'extrémité
supérieure du thorax d'un embryon de 3o mm. A est la coupe la plus proximale;
23
l82 A. PRENANT .
ihc, partie inférieure du thymus cervical; cctli, cordon cervico-thoracique ; tht, tlij-mus
thoracique; mp, muscles prévertébraux; gs, ganglions du sympathique; es, cordon
du sympathique; tr, trachée-artère; oe; œsophage; i', nerf vague; ca, carotide pri-
mitive ; cac, tronc commun des carotides primitives ; l'j, veine jugulaire ; se, veine
sous-clavière ; vbc, troncs veineux brachio-céphaliques réunis; vc, veine-cave supérieure;
a^, veine azygos ; pe, cavité du péricarde; pi, cavité de la plèvre; p, poumon; c,c,
cœur ; ec, cartilages costaux. — Liquide de Kleinenberg. Carmin alcoolique boracique.
— Gross. lo D. Les coupes ne sont représentées que dans la proportion d'une sur
vingt en moyenne.
PLANCHE III.
FIG. 26. Ébauche thyroïdienne latérale et glandule thyroïdienne chez un em-
bryon de i5 mm. — toi, ébauche thyroïdienne latérale; glto, glandule thyroïdienne;
ih, th3'mus. — Zeiss, oc. 6, obj. i6,o mm. — Liquide de Flemming. Safranine, induline.
FIG. 27. Même objet, vu à un fort grossissement. Connexion de la glandule
thj'roïdienne avec la paroi épithéliale de l'ébauche thyroïdienne latérale. — toi, ca-
vité de la thyroïde, latérale; glto, portion de la glandule thyroïdienne ; a, endroit
où la paroi de la thyroïde latérale et le tissu de la glandule sont en continuité.
Zeiss, oc. 4, Leitz, obj. imm. hom. 1/12.
FIG. 28. Embryon de 20 mm. Coupe d'ensemble de toute la formation thy-
ro'ïdienne. — œ^ œsophage; tr, trachée; tom, thyroïde médiane; toi, thyroïde
latérale; glto, glandule thyroïdienne; th, thymus; ca, carotide primitive; r, nerf
récurrent. — Zeiss, oc. 4, obj. i5,o mm. — Liquide de Kleinenberg. Carmin
alcoolique boracique.
FIG. 29. Embryon de 26 mm. Vue d'ensemble des deux ébauches thyroïdiennes.
— tom, thyroïde médiane; toi, thyroïde latérale; oe, œsophage; tr, trachée; th,
thymus; ea, carotide primitive; vj, veine jugulaire; pn, nerf pneumo-gastrique ; r,
nerf récurrent, — Liquide de Flemming. Coloration de Flemming. — Zeiss, oc. 4,
obj. 16,0 mm.
FIG. 30. Embryon de 26 mm. Rapports de l'ébauche thyroïdienne latérale'
et de la thyroïde médiane. Constitution de la thyroïde latérale. — toi, cavité de
la thyroïde latérale ; b, bourgeons de la thyroïde médiane ; r, réticulum cellulaire
qui constitue la thyroïde latérale; e, enveloppe conjonctive partielle qui sépare les
deux ébauches thyroïdiennes. — Liquide et colorant de Flemming. — Zeiss, oc. 4,
obj. 4,0 mm.
FIG. 31. Même embryon. Autre coupe. Rapports de la thyroïde médiane, de
la thyroïde latérale et de la glandule thyroïdienne. — toi, cavité de la thyroïde
latérale ; ep, paroi épithéliale de cette cavité ; r, tissu cellulaire réticulé qui constitue
la majeure partie de la thyroïde latérale ; b, b, bourgeons de la thyroïde médiane;
glto, glandule thyroïdienne; ses connexions avec l'épithélium de la thyroïde latérale;
te, tissu conjonctif ambiant. — Liquide et colorant de Flemming. — Zeiss, oc. 4,
obj. 4,0 mm.
DÉVELOPPEMENT DU THYMUS I83
FIG. 32. Glandule thyroïdienne. Embryon de 26 mm. Dans un espace vas-
culaire sanguin, une hématie en division. La figure est prise à la périphérie de
l'organe. — Liquide et coloration de Flemming. — Zeiss, oc. 4, Leitz, obj.
imm. hom. 1/12.
FIG. 33. Glandule thyroïdienne. Embryon de 28 mm. — Lumière d'un acinus
glandulaire; v, capillaire sanguin. — Liquide de Flemming. Safranine, induline. —
Zeiss, oc. 6, obj. 4,0 mm.
FIG. 34. Embryon de 85 mm. Vue dorsale du corps thyroïde et de la trachée
pour montrer la glandule thjTOÏdienne. Celle-ci n'est visible que du côté droit, grâce
à ce que le lobe droit de la glande thyroïde a été récliné en dehors et éloigné
de la trachée, de façon à découvrir sa face interne qui loge la glandule .— Gross. 10 diam.
PLANCHE IV.
FIG. 35. Embryon de 26 mm. Rapports de la thyroïde latérale et de la
thyroïde médiane. Abouchement des bourgeons de la thyroïde médiane, b, avec le
tissu cellulaire réticulé, r, de la thyroïde latérale. Cette figure pourrait aussi être
interprétée comme montrant un bourgeonnement de la thj'roïde latérale. — Liquide
de Flemming, coloration de Flemming. — ■ Zeiss, oc. 4, obj. 4,0 mm.
FIG. 36. Embiyon de 28 mm. Rapports de la thyroïde latérale avec la thy-
roïde médiane. — toi, cavité de la thyroïde latérale; b, bourgeon épithélial poussé
par la thyroïde latérale ou venu de la thyroïde médiane et branché sur la paroi
épithéliale de l'ébauche latérale ; c, cellules devenues vésiculeuses, tombées dans la
cavité. — • Mêmes traitement et grossissement que précédemment.
FIG. 37. Embryon de 7 centimètres. Série de coupes à travers un lobe de
la glande thyroïde. — i est la coupe la plus pvoximale ; gl, glandule; toi, thy-
roïde latérale et sa cavité; h, hile de la glande. — Gross. 10 diam.
FIG. 38. Même embryon. Coupe transversale d'un lobe entier du corps thy-
roïde. — gl, glandule thyroïdienne; toi, diverticule de la cavité de la thj-roïde
latérale; i', v, vaisseaux sanguins et tissu conjonctif; ve, grandes vésicules thyroï-
diennes; tr, tr, régions où l'état trabéculaire du tissu thjTOïdien existe encore. —
Liquide de Kleinenberg. Carmin alcoolique boracique. — Zeiss, oc. 4, obj. 16,0 mm.
FIG. 39. Même embryon. Portion de la coupe 4 de la figure vue à un plus
fort grossissement. Tissu et cavité de la thyroïde latérale; masse cellulaire faisant
saillie dans la cavité, avec nodules caractéristiques, n, n', dont un pédicuhsé; épi-
thélium de la paroi, simple, sauf en certains endroits où des cellules polyédriques
claires le renforcent. — Même traitement. Zeiss, oc. 6, obj. 16,0 mm.
FIG. 40. Embiyon de 6 centimètres. Cavité de la thyroïde latérale; ses diver-
ticules ; sa paroi épithéliale. Abouchement des travées cellulaires du tissu thyroïdien
avec les diverticules ; capillaires sanguins très dilatés et bourrés de globules. En
haut et à gauche, la paroi épithéliale de la thyroïde latérale se continue avec un
tissu différent du parenchyme thyroïdien. — Liquide de Kleinenberg. Carmin al-
coohque boracique. Zeiss, oc. 4, obj. 4,0 mm.
l84 A. PRENANT
FIG. 41. Coupe de l'ébauche thyroïdienne latérale d'un embryon de 20 mm.
montrant, outre cette ébauche, toi, la partie externe de la thyroïde médiane, tom;
c, végétation conjonctive paraissant partir de la paroi interne de la thyroïde latérale.
(Figure demi-schématique.) — Zeiss, oc. 4, obj. 16,0 mm. Liquide de Kleinenberg.
Carmin alcoolique boracique.'
FIG. 42. Coupe de l'ébauche thyroïdienne latérale, toi, et de la glandule thy-
roïdienne, glto, chez un embryon de 14 mm. — Liquide de Flemming. Safranine.
Zeiss, oc. 6, obj. 16,0 mm.
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Planche IV
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I
ÉTUDE
sur les propriétés du poison du
CHOLÉRA ASIATIQUE
PAR
Charles SLUYTS
DOCTEUR EN MEDECINE, ASSISTANT AU LABORATOIRE.
{Mémoire dépose le 30 juin 1893.)
(Travail du laboratoire d'anatomie pathologique et de pathologie
EXPÉRIMENTALE DE l'uNIVERSITÉ DE LoUVAIN.)
23
I
Étude sur les propriétés du poison
DU
CHOLÉRA ASIATIQUE
HISTORIQUE.
Au fur et à mesure que la science bactériologique s'est développée,
l'attention s'est fixée de plus en plus sur les poisons formés par les mi-
crobes. C'est, en effet, à l'action de ces substances qu'on doit attribuer les
troubles causés par les inicroorganismes, et alors même que leur nature
intime se dérobe encore aux investigations, la connaissance de leurs pro-
priétés les plus générales, telles que leur solubilité, leur résistance à la
chaleur et à l'oxygène, etc., 'présente une importance très grande. La
nécessité de ces recherches n"a fait que croître quand on a reconnu que
l'on peut conférer l'immunité au moyen de cultures mortes et même de
cultures filtrées.
Malgré les recherches multipliées qui ont porté sur le poison du
choléra asiatique, de nombreuses contradictions régnent encore sur sa
nature et sur les conditions dans lesquelles il se produit.
Le présent travail a pour but d'apporter de nouveaux éléments à la
solution de ce problème, dont l'intérêt n'a fait qu'augmenter depuis que
l'on tend à chercher dans les produits solubles du bacille vii-gule un moyen
de vaccination contre la maladie.
Les premiers savants .qui s'occupèrent du vibrion du choléra purent
déjà constater que ses milieux de culture étaient toxiques. Nicati et
RiETSCH tuèrent des cobayes avec des bouillons stérilisés. Koch, Van
Ermengem, Ferran, Cattani, Klebs et Hueppe produisirent les mêmes
effets, Van Ermengem (i), entre autres, en injectant dans le péritoine ou
le duodénum des cultures stérilisées par la filtration ou le chauffage à 60°.
(1) Bulletin de racadémie de Belgique, 1884.
l88 Ch. SLUYTS
Mais à cette époque on ne s'occupait guère encore de la nature du
poison. Les recherches à ce sujet sont venues plus tard et on peut les
classer en deux grandes catégories'.
Dans la première, nous mettons tous les travaux qui ont pour objet
la recherche d'un ou de plusieurs alcaloïdes, auxquels on aurait pu attribuer
les différents symptômes de la maladie. Nous rencontrons ici les travaux
de PoucHET(i), de Villiers(2), de Nicati et Rietsch(3), de Klebs(4), et
enfin de Brieger(5). Quelles qu'aient été les tendances de ces différents
auteurs, leurs analyses ont eu pour résultat de démontrer que, si la for-
mation de ptomaïnes dans les cultures du bacille-virgule ne peut être mise
en doute, le rôle joué par ces produits n'a pas d'importance, soit parce
qu'ils sont dépourvus de toxicité, soit parce que ceux qui sont toxiques
ne se forment pas en quantité suffisante. Aussi, l'hypothèse de la nature
alcaloïdique du poison du choléra a été abandonnée par tout le monde.
Dans la deuxième catégorie, nous pouvons grouper tous les travaux
qui attribuent au poison du choléra la nature d'une substance albuminoïde :
globuline, peptone, nucléo-albumine, nucléine, etc.
Nous rencontrons ici, en premier lieu, de Simone(6), qui trouve que
les bouillons renferment un poison inactif pour les cobayes, mais actif
pour les chiens.
Brieger et Fr^nkel(7) considèrent ce poison comme une substance
albuminoïde, une globuline, insoluble dans l'eau et l'alcool, inoffensive
pour le lapin, mais mortelle pour le cobaye.
D'après Pétri (8), qui a étudié les échanges chimiques que le vibrion
cholérique produit dans les milieux contenant de la peptone, cet organisme
engendre un poison qui présente presque toutes les réactions de la peptone
et qu'il considère par conséquent comme une toxo-peptone. La substance,
( i) PotJCHET : Sur la présence des sels biliaires dans le sang des cholériques ei l'existence d'un alcaloïde
dans leurs déjections; C. R. Ac. des se , t. C.
(2) ViLLiERs : Sur la formation des ptomaïnes du choléra ; C. R. Ac des se , t. C, p. 9.
(3) Nicati et Rietsch : C. R. Ae. des se., 24 nov. 1884.
(4) Klebs : Ueber Choleraptomaïn ; Central, der schivei^er Aer-te, n" i3, i885.
(5) Brieger -. Zur Kenntniss der Stoffwechselproducten des CholerabaciUus; Berl. kl. Woch.,
n" 44, 1887.
(6) DE Simone : Altre ricerche sul choiera; Giornale inteni. délie science médicale, 1886, cité d'après
le Jahresbericht de Baumgarten.
(7) Brieger et Fr.enkel : Untersuchungen ùber Bacteriengifte ; Berl. klin. Woch., iSgo, n"» 11-12.
Jahresbericlit, tome II.
(8) Pétri : D'après les comptes rendus du Jahresbericht de Baumgarten, Tome VI, 18(10.
ÉTUDE SUR LES PRORIÉTÉS DU POISON DU CHOLÉRA ASIATIQUE 189
qu'il obtient par précipitation alcoolique, tue les cochons d'Inde; ceux-ci
présentent du tremblement, de l'abattement, de la faiblesse, de la paralysie
des membres postérieurs, etc.; et à l'autopsie, on trouve des lésions in-
testinales, rougeur de la muqueuse, petites ecchymoses sous le péritoine.
Le poison qui est en somme peu toxique, puisqu'il faut, pour produire
cet empoisonnement, administrer jusqu'à i gr., résiste à la température
de 100".
Scholl(0, dans ses recherches sur ce sujet, part d'un point de vue
spécial : il estime que les insuccès de beaucoup d'auteurs dans la re-
cherche du poison cholérique sont dus à ce que leurs cultures se développent
au contact de l'air; et il pense que, en obligeant le vibrion à vivre d'une vie
anaérobie, il réalisera les conditions nécessaires pour obtenir le poison.
Dans ce but, il fait la culture dans des œufs après avoir perforé la coquille
avec une aiguille stérilisée. L'ouverture est refermée avec du collodion.
Après un certain nombre de jours, il parvient à isoler de l'albumine de
l'œuf, deux poisons : un premier qui se laisse précipiter par le sel de
cuisine et qu'il considère comme une globuline : ce poison tue les cochons
d'Inde après des convulsions intenses et n'a pas d'action sur l'intestin; le
second poisgn, qui n'est pas précipité par le sulfate d'ammoniaque ni par
le sulfate de magnésie, serait une peptone et tue les cochons d'Inde avec
des symptômes de paralysie et des convulsions ; à l'autopsie, on trouve
l'intestin congestionné., Ce second poison est très peu résistant à la chaleur.
Un chauffage d'une demi-heure à 75° le détruit, et même une température
de 400-45° a le même effet quand elle dure 24 heures.
Hùeppe(2) confirme en général les données de Scholl, sans admettre
pourtant que le poison soit complètement détruit par le chauffage au-delà
de 70°; ce chauffage ne ferait qu'affaiblir le poison.
Nous arrivons maintenant à un travail important de Gamaléia(3). Cet
auteur applique au poison du choléra sa théorie générale sur la nature des
poisons microbiens, qui seraient des nucléo-albumines se transformant très
facilement en d'autres poisons : les nucléines. Il distingue pour le vibrion
de KocH deux substances toxiques.
(1) Scholl : D'après les comptes rendus du Jahresbericht de Baumgarten, Tome VI, 1890.
(2) HuEPPE : Ueber die /Etiologie und Toxicologie der Choiera asiatica ; licut. mcd. Woch.,
n" 53, 1891.
(3) Gamaléia : Recherches expérimentales sur les poisons du choléra; Arck de niéd. exp.. Tome IV,
1892, n» 2.
190 Ch. SLUYTS
Une première qui serait la nucléo-albumine de cet organisme et qui
produirait les symptômes et les lésions caractéristiques du choléra : vo-
missement, diarrhée, hyperhémie et transsudation intestinale. Ce poison
oppose peu de résistance ,à la chaleur et se détruit par le chauffage au-delà
de 60°.
La seconde substance, qui correspondrait à la nucléine du vibrion de
KocH, dériverait delà première par décomposition. Ce poison n'a pas d'action
sur l'intestin et résiste très bien à une température prolongée de 120°.
D'après Gamaléia, le vrai poison du choléra, la nucléo-albumine, se
trouverait surtout dans les cultures anciennes.
Pfeiffer (1), dans ses études sur le même sujet, s'adressa à des
cultures jeunes, se développant au contact de l'air. Il distingue, lui aussi,
deux poisons : un premier qui ne résiste pas à l'ébullition, et un second
dérivant du premier, mais beaucoup moins toxique. En somme, l'auteur,
en admettant deux poisons, l'un dérivant de l'autre, se rapproche des idées
de Gamaléia.
Enfin, nous devons encore citer un travail de Ouchinsky(2), paru il y
a un mois à peine. Cet auteur a obtenu des cultures virulentes et toxiques
dans des milieux artificiels absolument dépourvus de substances albumi-
noïdes. D'après lui, le poison n'est pas une nucléo-albumine, mais un corps
albuminoïde à composition peu complexe.
Si nous résumons cet exposé de l'état de la question, nous trouvons
que les auteurs sont actuellement d'accord pour reconnaître la nature
albuminoïde du poison cholérique; mais les ^divergences sont aussi pronon-
cées que possible non seulement sur le groupe des substances albuminoïdes
dans lequel il faudrait le ranger, mais aussi sur ses propriétés générales.
Ainsi, pour Brieger et Fr/ENKEL, le poison est une g-lobit lin è;
Pour Pétri, une peptone;
Pour ScHOLL et Hueppe, également une peptone;
Gamaléia y voit une nucléo-albumine;
Et OucHiNSKY, un corps albuminoïde de composition peu complexe.
(4) Pfeiffer : Uniersuchungen liber das Choleragift; Zeiisch.f.Hyg., Baiid XI, n» 3.
(5) OucHiNSKY : Étude sur le poison du choléra; Arch. de méd. exp., iSgS.
I. TECHNIQUE DU TRAVAIL.
Disons d'abord quelques mots sur divers milieux de culture que nous
avons employés.
1° Les bouillons. Nous avons employé fréquemment un bouillon de
composition ordinaire, renfermant : i o/o de peptones, 1/2 0/0 d'extrait de
viande et 1 0/0 de sel de cuisine; alcalinisation légère par le carbonate
de sodium.
Gaivtaléia vante beaucoup, pour la culture du choléra, un bouillon
qu'il prépare comme il suit : des pieds de veau hachés sont additionnés de
3 fois leur poids d'eau et chauffés à 1 20° pendant 2 heures ; on dilue la masse
avec un volume d'eau, on ajoute 1 0/0 de peptones, i 1/2 0/0 de sel de
cuisine, et on passe à travers un linge. On neutralise avec le carbonate de
potassium ; on met en ballon de 300 centimètres cubes qu'on remplit à moitié
et on stérilise définitivement. Nous avons fréquemment employé ce bouillon
en suivant les indications de Gamaléia, et nous devons reconnaître qu'il
permet un développement plus abondant que le bouillon ordinaire. Soup-
çonnant qu'il devait ses qualités à la gélatine qu'il renfermait, nous avons
préparé des bouillons à la gélatine, en ajoutant simplement 3 0/0 dé ce
produit au bouillon ordinaire, dont nous avons donné la composition plus
haut. Il nous a semblé que ce bouillon, ainsi modifié, rendait le même
service que celui des pieds de veau, tout en ayant sur ce dernier l'avantage
d'une préparation commode et rapide.
2° Les pommes de terre. Nous tenions beaucoup à avoir des cultures
sur pommes de terre, parce que ce milieu fournit une masse microbienne,
exempte de peptones, de gélatine, d'extrait de viande, et que l'on peut con-
sidérer comrne pure. En outre, la masse des bacilles se laisse facilement
peser et par conséquent doser exactement. Malheureusement, il est de
notoriété que le bacille du choléra se développe peu abondamment sur la
pomme de terre. Nous nous sommes demandé si, en faisant subir aux
tubercules une préparation spéciale, nous ne les améliorerions pas avanta-
geusement. Dans ce but, nous les avons mis à tremper dans plusieurs
192
Ch. SLUYTS
solutions, et nous avons trouvé que plusieurs d'entre elles favorisent d'une
façon indéniable le développement du vibrion de Koch.
Parmi elles, nous rangeons les solutions à i o/o de carbonate sodique
ou potassique, de potasse et de soude caustiques, de carbonate d'ammo-
niaque et de peptones.
Tous ces principes conférant aux pommes de terre des qualités nu-
tritives excellentes, nous les avons combinés dans un mélange composé
comme il suit :
Carbonate de sodium . 1/2 0/0.
Sel de cuisine ... 1 0/0.
Peptone .... 1 0/0.
En général, nous opérions de la manière suivante.
Après une première stérilisation à 120°, les pommes de terre sont cou-
pées en tranches de 1 centimètre d'épaisseur, et mises à tremper dans le
bain dont nous donnons la composition plus haut ; le séjour dans le bain
dure de 2-6 heures et peut être prolongé plus longtemps sans inconvénient.
Les morceaux sont retirés, mis à égoutter et introduits dans de larges tubes
fermés par un tampon d'ouate ; ils sont stérilisés alors une seconde fois
à 1 20°. Ensuite, ils sont inoculés avec une culture de choléra dans du
bouillon et portés à la couveuse. Pour éviter la dessiccation, qui nous sem-
blait nuisible, nous placions les tubes dans des bocaux fermés et renfermant
un doigt d'eau.
Si nous donnons tous ces détails, c'est parce que les auteurs nous sem-
blent souvent embarrassés pour obtenir un bon développement du choléra
sur les pommes de terre. Entre les pommes de terre employées telles quelles
et les pommes de terre préparées comme nous venons de le décrire, nous
avons toujours trouvé, au point de vue du développement, une différence
considérable. Sur les premières, quelle que fut leur origine ou leur âge,
nous avons à peine obtenu un mince enduit ; les secondes, au contraire,
présentaient, après deux ou trois jours de couveuse, un enduit assez épais,
dont la coloration variait du blanc au brun.
Pendant le cours de notre travail, nous avons reçu un travail de Voges(i)
qui préconise la macération dans une solution de sel de cuisine à la con-
centration de 2 à 5 0/0. Nous avons essayé ce procédé, il donne également
I
(i) VOGES : Ueber das Wachstum de.r Cholerabacillcn au/ Karloffeln ; Centralblatt fur Bacferiol.
24 avril 1893.
ÉTUDE SUR LES PROPRIÉTÉS DU POISON DU CHOLÉRA ASIATIQUE 193
de bons résultats, mais ceux-ci ne sont nullement supérieurs à ceux que nous
avons obtenus par la macération dans des bains de carbonate, de phos-
phate OU de peptone.
Quand nous jugions nos cultures assez développées, c'est-à-dire, après
3-4-5 jours de couveuse, nous enlevions la couche de microbes avec un
couteau mousse, de façon à entamer la pomme de terre aussi peu que pos-
sible; la masse était ensuite pesée et délayée dans l'eau salée physiologique,
de façon à constituer une émulsion au dixième (eau : 90 gr., bacilles 10 gr.);
dans les cas où nous ne nous servions pas immédiatement de notre suspen-
sion, nous ajoutions un peu de chloroforme afin d'éviter la putréfaction.
Nos autres milieux de culture, agar-peptone, gélatine-peptone, ne
méritent pas de mention spéciale.
Enfin, notons qu'avant de nous servir d'une culture, nous avons établi
sa pureté- par l'examen microscopique et au besoin par des cultures.
Quant aux espèces animales sur lesquelles nous avons opéré, citons les
souris blanches, les cobayes, les lapins et les chiens. Le nombre d'animaux
sacrifiés a été d'environ deux cents.
IL VIRULENCE DE NOTRE MICROBE.
Un point capital dans les recherches microbiennes en général est la
qualité du virus employé. On a, en effet, plusieurs exemples d'organismes
qui, très toxiques à l'état virulent, ne sécrètent plus de poisons ou n'en
sécrètent que peu à l'état atténué.
Le vibrion que nous avons employé nous a été fourni très obligeamment
par Monsieur Metchnikoff; il provient de Calcutta et possédait, au
moment où nous l'avons reçu, une virulence marquée. Néanmoins, avant de
l'employer, nous avons tenu à pousser cette virulence à ses dernières limites,
et dans ce but nous avons soumis notre vibrion à une série de passages à
travers le lapin. Les inoculations étaient faites dans la plèvre. Quand le
lapin succombait, nous faisions une culture dans le bouillon, soit avec le
sang, soit avec le contenu pleural ; nous la portions à la couveuse et le len-
demain nous l'injections de nouveau dans la plèvre d'un ou de plusieurs
lapins.
Lors des derniers passages, nous nous sommes parfois passé de tout
intermédiaire et nous avons injecté directement d'animal à animal l' exsudât,
riche en organismes, de la plèvre.
24
194
Ch. SLUYTS
Le tableau suivant résume ces passages à travers les lapins.
TABLEAU L
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en
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QUALITE
DU LIQUIDE
INJECTÉ
RESULTATS DE L INJECTION
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
Lap. I
» 2
» 3
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» 19
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» 27
» 28
Bouillon
5
5
1
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»
6
»
»
6
1)
2
»
»
I
))
))
2
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»
2
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I
»
»
I
»
1/2
»
Épanchement
I
1)
pleurétique
Bouillon
I
»
1/4
»
Liquide pleur.
1/2
»
»
1/2
»
1)
2/5
»
»
1/2
»
■ »
1/2
»
2/10
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»
3/10
»
»
4/10
»
i/io
»
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i/io
»
i/io
»
{)
i/io
>)
Bouillon
i/io
»
2/10
n
tués.
Meurt après 10 heures.
Malade après 10 heures et tué.
Meurt après g heures.
Meurt après 9 heures.
Pas mort après 11 heures )
Pas mort après 11 heures \
Meurt après 10 heures.
Vit encore le lendemain, mais meurt à midi.
Meurt le lendemain à 11 heures.
Meurt le lendemain matin.
Trouvé mort à 11 heures du matin.
Meurt après 4 heures.
Meurt après 10 heures.
Meurt après 12 heures.
Meurt après 10 heures.
Meurt après 10 heures.
Meurt après 12 heures.
Malade et tué après 9 heures.
Meurt après 10 heures.
Meurt après 12 heures.
Meurt après 10 heures.
Meurt après S heures.
Meurt après 10 heures.
Meurt après 10 heures.
Meurt après 10 heures.
Meurt après 10 heures.
Survit.
Meurt le lendemain.
Ainsi, dès le huitième passage, nous étions en possession d'un
organisme bien virulent, puisqu'il tuait le lapin à la dose de 1/4 ce. de
bouillon.
ÉTUDE SUR LES PROPRIÉTÉS DU POISON DU CHOLÉRA ASIATIQUE 195
A partir du seizième passage, la virulence de notre microbe ne parais-
sait plus augmenter et semblait avoir atteint sa limite extrême : il tuait à
la dose de i/io ce. de liquide pleural et de 2/10 ce. de bouillon. C'est avec
le microbe de notre dernier passage que nous avons institué nos cultures.
Les résultats que nous avons obtenus sont donc à l'abri du reproche suivant :
l-'organisme employé n'était pas virulent ou il ne l'était que très peu, par
conséquent, il était peut-être dépourvu de sa toxicité spécifique.
III. LE POISON CHOLÉRIQUE PRÉEXISTE EN ABONDANCE
DANS LES DIFFÉRENTS MILIEUX DE CULTURES
DU VIBRION ASIATIQUE.
Avant de commencer l'étude d'un poison microbien, il faut être bien
sûr que ce poison se trouve dans les cultures sur lesquelles on expérimente.
Or, on ne peut acquérir cette certitude que si l'on produit, en injectant aux
animaux les cultures stérilisées, les mêmes symptômes qu'en déterminant
chez eux une infection par le microbe vivant.
Le premier point sur lequel notre attention devait porter était donc la
comparaison entre les animaux qui mouraient d'intoxication et ceux qui
mouraient d'infection. Commençons par ce que nous avons observé chez
le lapin.
La série des symptômes que produit chez lui l'inoculation dans la
plèvre est la suivante : après un stade d'incubation qui peut durer plusieurs
heures, les animaux deviennent tranquilles et apathiques; ils ne mangent
plus; quelquefois, ils ont des selles molles; puis se manifeste une faiblesse
générale intense qui se transforme peu à peu en paralysie. Ils présentent
de la dyspnée et succombent sans convulsions ou après avoir eu quelques
convulsions finales.
A l'autopsie, on trouve le ventre ballonné, l'intestin grêle rempli d'un
liquide abondant. Tout le tube intestinal est plus ou moins congestionné,
aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur. La congestion est plus marquée au
niveau des plaques de Peyer et de l'appendice vermiculaire. Très souvent,
elle y a déterminé de petites extravasations de sang, qu'on remarque assez
communément dans d'autres parties de l'intestin. Le rectum était tantôt vidé,
tantôt renfermait encore de petites boules de matières dures.
Tels sont les symptômes que nous avons observés chez nos nombreux
lapins ayant succombé à l'infection, soit par la plèvre, soit par la voie
sanguine.
196 Ch. SLUYTS
Les lapins auxquels nous injections des cultures tuées, soit par le
chloroforme, soit par le chauffage à 60°, nous ont donné les même symp-
tômes fonctionnels et les mêmes lésions anatomiques. Chez eux aussi,
on pouvait noter l'apathie, l'abattement, le refus de nourriture, la para-
lysie, et enfin la mort, avec ou sans convulsions. Quelquefois, ils avaient un
peu de diarrhée, mais c'était l'exception. A l'autopsie, on trouvait absolument
les mêmes lésions.
Nous pouvons conclure sans crainte de cette identité d'action à l'identité
des sécrétions toxiques. Nos cultures mortes, stérilisées avec ménagement,
renferment sans aucun doute les mêmes poisons que ceux que les bacilles
vivants élaborent au sein de l'organisme.
Nous devons néanmoins reconnaître que le lapin est loin de fournir le
tableau des symptômes de l'infection cholérique tel qu'il se présente chez
l'homme. Il accuse les symptômes généraux, l'intestin offre des altéra-
tions manifestes, mais la diarrhée est peu marquée ou fait complètement
défaut. Faut-il en déduire que chez l'homme le vibrion du choléra fabrique
un poison spécial qu'il n'élabore pas chez le lapin et qui ne se trouve pas
dans nos cultures?
Nous ne le croyons pas; au contraire nous pensons que la différence
des symptômes tient uniquement à la nature, nous pourrions dire à
l'idiosyncrasie du lapin. Un autre poison, celui du coli-bacille, qui exerce
chez l'homme une action marquée sur l'intestin et qui y produit les trou-
bles les plus graves (choléra nostras), ne provoque habituellement pas de
diarrhée chez le lapin, quoiqu'il détermine dans son intestin des lésions
accusées. Du reste, personne ne tire de l'absence du vomissement chez
le lapin un argument contre la présence du poison cholérique dans les
cultures.
Pourquoi n'admettrait-on pas également que l'intestin du lapin ne
réagit pas vis-à-vis du poison de la même façon que celui de l'homme?
Les mêmes remarques s'appliquent au cobaye; lui non plus ne réagit
pas par de la diarrhée, soit qu'on dépose dans ses tissus des microbes
vivants, soit qu'on injecte des cultures mortes. Néanmoins, cet animal a
été beaucoup employé dans les recherches sur les poisons du choléra ; et
nous croyons que c'est ce choix qui a fait considérer la question de cette
toxine comme difficile par beaucoup de savants. Nous avons également
fait quelques inoculations de cultures virulentes au cobaye soit dans la
plèvre, soit dans le péritoine, soit dans le tissu cellulaire, et nous avons
ÉTUDE SUR LES PROPRIÉTÉS DU POISON DU CHOLÉRA ASIATIQUE 197
trouvé, comme les auteurs, que cet animal ne présente pas de diarrhée,
quoique son intestin soit le siège de lésions manifestes semblables à celles
du lapin.
Le chien est un animal beaucoup plus favorable pour cette étude. En
effet, comme nous le verrons plus bas, il présente le tableau presque com-
plet du choléra tel qu'il existe chez l'homme; et dans nos expérience, nous
avons trouvé une concordance parfaite entre le mode d'action des cultures
vivantes, c'est-à-dire de l'infection, et celui des cultures stérilisées avec
ménagement, c'est-à-dire de l'intoxication. Dans les deux cas, on observe
les symptômes suivants.
x\u bout d'un temps variable, suivant qu'il s'agit d'intoxication ou d'in-
fection, les animaux perdent leur vivacité, ils sont abattus et présentent des
vomissements ; ceux-ci sont d'abord alimentaires, puis formés par du mucus
spumeux, plus tard encore les efforts de vomissements n'amènent plus
rien. En même temps, il se déclare une diarrhée plus ou moins abondante;
les selles sont molles, composées des restes d'aliments, plus tard formées
de mucus, colorées quelquefois en rouge par du sang. Dans l'intervalle d-es
défécations, l'animal fait souvent de nombreux efforts pour expulser une selle;
mais il ne-parvient à ramener à l'extérieur que quelques gouttes de liquide.
L'abattement devient de plus en plus considérable; le chien reste couché
en poussant des cris plaintifs, qui deviennent plus aigus dès qu'on com-
prime le ventre. Il meurt dans une prostration complète, en présentant
de l'hypothermie.
A l'autopsie, on trouve, d'une façon constante, des lésions du tube
digestif. Dans l'intestin grêle, c'est une rougeur plus ou moins prononcée,
généralement plus accusée dans les parties supérieures. Quand elle est bien
marquée, on peut la voir à travers les parois intestinales. Quelquefois, elle
colore toute la muqueuse d'une teinte rouge, violacée, foncée; alors, on
ne manque jamais de trouver l'épithélium desquamé. Dans le rectum la
rougeur n'a pas le caractère diffus qu'elle présente dans l'intestin grêle; elle
existe surtout au sommet des plis, qui présentent souvent des érosions.
Quand les lésions sont très prononcées, on observe de la rougeur de l'esto-
mac. Il est à peine besoin de dire que le tube digestif est vide d'aliments.
Nous répétons que tous ces troubles et que toutes ces lésions existent
au même degré chez l'animal qui meurt d'infection et chez celui qui meurt
d'intoxication. En voici quelques exemples.
198 Ch. SLUYTS
Expérience I.
A un jeune chien du poids de iioo gr., nous injectons dans la plèvre i ce.
d'une émulsion vivante de vibrions venus sur pommes de terre (i gr. de culture pour
9 d'eau salée physiologique). L'injection a lieu à 2 1/2 h. de l'après-midi. Le soir
il était malade ; il avait eu 4 vomissements et 3 selles. Nous le tuons. A l'autopsie,
nous trouvons une congestion peu marquée de l'intestin grêle et des stries rouges
dans le rectum. Dans la plèvre, choléra pur et vivant.
A un second chien dit poids de ii5o gr., nous injectons, à la même heure,
2 ce. de la même émulsion; l'animal meurt le lendemain à 11 h., après avoir eu
4 vomissements et 4 selles. A l'autopsie, lésions habituelles très marquées. Dans la
plèvre, choléra pur.
A un troisième chien pesant 1200 gr., nous injectons 4 ce. de la même émulsion,
mais après avoir tué les vibrions par le chloroforme. Tous les sjmiptômes du choléra
se développent chez lui plus rapidement que chez les 2 chiens précédents ; il a
5 vomissements et 4 selles. A 7 1/2 h. du soir, sa température n'est plus que de 34°, 3 et
il est trouvé mort à g h. du soir. A l'autopsie, nous trouvons des lésions prononcées,
à tel point qu'on aperçoit la rougeur de la muqueuse par transparence à travers
les parois de l'intestin. Les plis de la muqueuse rectale offrent des sufl'usions sanguines.
«
En résumé, dans cette expérience, nous observons le même ordre de
phénomènes, aussi bien chez les chiens qui ont eu les cultures vivantes
que chez celui qui a reçu les cultures mortes. Comme ces phénomènes pré-
sentent au plus haut degré les caractères cholériformes, il faut bien admettre
que le vrai poison du choléra préexistait dans nos cultures sur pommes
de terre.
En opérant sur des chiens, on peut se convaincre que le même poison
préexiste dans les cultures faites au moyen de bouillons. Nous en donnons
également quelques exemples.
Expe'rience II.
Injections de cultures dans le bouillon de Gamaléïa, stérilisées par le chloroforme
ou par le chauffage à 60".
CHIEN \. Poids 1000 gr. A 11 h., nous lui injectons dans la plèvre 5 ce.
de bouillon de Gamaléïa, âgé de 5 jours et stérilisé par le chloroforme. L'anesthé-
sique a été au préalable chassé, comme toujours, par une douce chaleur (45°).
L'animal présente bientôt les mêmes symptômes qui suivent l'inoculation de vibrions
vivants. Il a 4 vomissements et 6 selles, dont quelques-unes ont un caractère rizi-
forme bien prononcé, c'est-à-dire qu'elles sont formées d'un liquide dans lequel nagent
des flocons de mucus L^animal succombe peiîdant la nuit. Lésions caractéristiques
du gros intestin.
ÉTUDE SUR LES PROPRIÉTÉS DU POISON DU CHOLÉRA ASIATIQUE 199
CHIEN II. Poids gSo gr. A ii h., nous lui injectons dans la plèvre 8 ce. du
bouillon précédent, mais chauffé 2 heures à 60°. Il a 2 vomissements et 2 selles qui
lui souillent l'anus. A 2 1/2 h., T° 340,9; il meurt le soir à 5 heures. Lésions très
prononcées de l'intestin : la muqueuse, à partir du pylore jusque vers le milieu
de l'intestin grêle, présente une rougeur diffuse intense.
Le poison préexiste non seulement dans le bouillon de Gamalêïa, mais
encore dans le bouillon ordinaire additionné de 3 o/o de gélatine.
En voici la preuve :
Expérience III.
Injection de culture dans du bouillon ordinaire additionné de 3 o'o de gélatine
et stérilisé à 60°.
L'exemple que nous choisissons se rapporte à un chien adulte qui s'est rétabli
complètement de son injection. Chien de 4980 gr. injecté à midi avec 10 ce. de
bouillon dans la plèvre. Il présente en tout 5 vomissements et 7 selles, dont les
dernières sont diarrhéiques. Le lendemain, il est rétabli.
L'action du poison à première -vue peut paraître plus faible ; mais remarquons
qu'il s'agit d'un chien de près de 5 kilos et que la dose injectée n'a été que de 10 ce.
Le bouillon sans gélatine produit chez le chien les mêmes symptômes
que le bouillon de Gamaléia et le bouillon avec gélatine.
Nous avons ainsi prouvé que les cultures sur pommes de terre et les
cultures dans les différents bouillons renferment un poison qui reproduit
clie{ le chien les symptômes essentiels du choléra : vomissements, diarrhée,
prostration, hypothermie. Si certains de ces symptômes, comme la diarrhée,
sont peu prononcés chez le lapin et le cobaye, ce n'est pas parce que le
poison ne préexiste pas dans les cultures, mais uniquement parce que ces
animaux réagissent autrement que le chien et l'homme. N'oublions pas du
reste que si, pendant la vie, les symptômes intestinaux sont peu accusés
ou même font défaut chez les rongeurs, ces animaux présentent néanmoins
à l'autopsie des lésions incontestables.
Nous pourrions du l'este continuer le parallèle entre la symptomato-
logie présentée par le chien et celle présentée par l'homme. Ce dernier
succombe quelquefois au choléra sans présenter ni vomissement, ni
diarrhée : c'est le choléra sec. Cette forme est considérée comme un
choléra à intoxication extrêmement rapide. Chez nos chiens qui succom-
baient en peu de temps, nous avons observé un état, si pas tout à fait
200 Ch. SLUYTS
identique, du moins très analogue : les vomissements ou les selles man-
quaient complètement ou ne se produisaient qu'une fois; mais malgré
cette absence apparente de sensibilité de l'intestin à l'intoxication, on
trouvait à l'autopsie les lésions les plus pi^ofondes, comme l'expérience
qui suit le démontre.
Expérience IV.
Injection de cultures dans du bouillon gélatinisé et stérilisé à 60".
A un chien de 2 kilogr., nous injectons à 2 1/2 heures dans la veine jugulaire
externe une culture âgée de 3 jours ; l'injection était de 20 ce. de bouillon stérilisé
2 heures à 60°. Une demi-heure après, il présentait un petit vomissement ; puis après
survinrent rapidement de l'abattement, de la paralysie, de l'hypothermie, et le chien
mourut 2 1/2 h. après l'injection. A l'autopsie, l'intestin grêle était fortement conges-
tionné, surtout près de l'estomac; le rectum présentait des traînées hémorrhagiques
sur les plis longitudinaux.
IV. ACTION DE LA CHALEUR.
Nous avons vu en faisant l'exposé historique de la question, qu'il
règne des divergences sur la nature du poison du choléra. D'après Pétri,
le poison supporte bien la température de l'ébullition; d'après Scholl,
HuEPPE, Gamaléia et Pfeiffer, il est détruit bien en dessous de cette tem-
pérature. D'après Gamaléia, il se décomposerait déjà à une température
de 70°; d'après Scholl, un chauffage de 40°-450 pendant 24 heures aurait
le même effet.
Voyons les résultats auxquels nous sommes arrivé de notre côté. Nos
expériences se laissent grouper en deux catégories :
1° Celles faites avec les cultures chauffées à 100".
2° Celles faites avec les cultures chauffées à 120".
Remarquons qu'elles ont été faites avec les mêmes produits que les
précédentes, et que nous n'avons jamais négligé de faire, à côté de nos
expériences avec les cultures chauffées à haute température, des contrôles
avec les cultures stérilisées à 60°.
ÉTUDE SUR LES PROPRIÉTÉS DU POISON DU CHOLÉRA ASIATIQUE 201
A. Recherches avec les cultures chauffées à loo".
Expérience V.
Une émulsion de vibrions venus sur pommes de terre est divisée en deux parties :
l'une est chauffée à 60 degrés pendant 10 minutes, l'autre à loo" pendant le même temps.
Nous injectons deux lapins dans la plèvre avec 2 ce. et 4 ce. de chaque émulsion ; les
lapins ont la même taille ; les résultats se trouvent consignés dans le tableau suivant :
TABLEAU IL
ANIMAUX
NATURE
ET LEURS POIDS
DU LIQUIDE
INJECTÉ
DOSE
EPOQUE DE LA MORT
I.
Lapin
de 1600
gi-
\ Émulsion des
pommes de terre
i chauffée
/ 10 min. à 60°.
4 ce.
L'animal meurt après 6 heures.
II.
Lapin
de 1400
gr-
2 »
1) )) 1) 36 1)
III.
Lapin
de 1600
gr-
jMême émulsion
> chauffée
4 »
1) )) » 4 »
IV.
Lapin
de 1400
gi-
) 10 min. à 100".
2 »
)) )) 1) 28 1)
Dans cette expérience, les deux émulsions produisent sensiblement le
même effet. Si l'on voulait s'en tenir strictement à la durée de survie, il
faudrait même admettre que la portion chauffée à 100° est plus active que
celle qui a été chauffée à 60°; mais nous croyons que cet accroissement
de puissance n'est pas réel et que la mort un peu plus rapide doit s'expli-
quer par les conditions individuelles dans lesquelles se trouvent les lapins.
Nous avons eu, en effet, fréquemment l'occasion de remarquer que les
différents animaux, tout en appartenant à la même espèce et en ayant le
même âge, opposaient à l'intoxication une résistance variable. Nous avons
même vu, quand nous donnions aux mêmes animaux des doses doubles
l'une de l'autre, survivre celui qui avait eu la plus forte dose, et mourir
celui qui avait reçu la plus faible. Dans l'étude du poison cholérique,
comme dans les recherches bactériologiques en général, il est indispensable
de tenir compte non de faits isolés, mais de l'ensemble des expériences.
Nous pouvons ajouter que les symptômes présentés par nos quatre
lapins concordaient entre eux, et ne différaient pas de ceux qu'offraient les
25
202 Ch. SLUYTS
lapins inoculés avec des cultures vivantes. Le lapin III, qui avait reçu 4 ce.
de l'émulsion chauffée à 100", présenta un léger écoulement de sang par
l'anus. A l'autopsie des quatre animaux, nous trouvâmes une forte con-
gestion de tout l'intestin grêle, avec une foule de points hémorrhagiques,
surtout dans les plaques de Peyer et l'appendice vermiculaire.
Dans ces expériences, la diarrhée fait défaut, mais nous la retrouvons
chez un chien qui reçut 4 ce. d'une émulsion semblable, chauffée également
à 100° pendant 10 minutes.
Expérience VI.
Jeune chien d'un kilogramme; injection dans la plèvre de 4 ce. d'émulsion chauffée
pendant 10 minutes à loo».
L'animal devient rapidement malade.
1/4 d'heure après l'injection, il a un vomissement et une selle.
1/4 d'heure plus tard, deux selles très molles, constituées presque uniquement d'eau et
de mucus. Fort ténesme et efforts pour aller à selle.
1/4 d'heure après, il a encore deux vomissements et une selle riziforme. Le ténesme
persiste.
Dans la suite, il présente encore trois vomissements et fait continuellement des efforts
pour aller à selle, mais sans expulser autre chose que quelques gouttes de liquide ; vers le
soir, il a une selle'mélangée d'un peu de sang. Les efforts pour aller à selle sont constants.
L'animal est tué le soir ; l'intestin renferme un liquide noir (sang altéré) ; au niveau du gros
intestin, congestion des plis longitudinaux.
Malgré la haute température à laquelle l'émulsion a été soumise, ce
petit chien nous présente un tableau complet et intense de l'intoxication
cholérique. Concurremment avec cette expérience, nous en avons fait une
autre sur un chien de même taille, avec les mêmes doses de cultures non
chauffées, mais stérilisées par le chloroforme. Ce petit chien fut affecté
comme le précédent, mais avec une intensité sensiblement égale.
Nous concluons de ces deux expériences sur les lapins et les chiens
qu'un chauffage à 100° pendant 10 minutes n'affaiblit pas sensiblement
[énergie du poison cholérique. Cette conclusion est absolument contraire
aux résultats obtenus par Scholl, Hueppe, Gamalêïa et Pfeiffer.
B. Recherches avec les cultures chauffées à la température de 120°.
Les premières expériences que nous allons rapporter ont été faites en
même temps que les expériences avec les cultures sur pommes de terre
chauffées à 100°, sur des animaux de mêmes poids et dans les mêmes
conditions.
ÉTUDE SUR LES PROPRIÉTÉS DU POISON DU CHOLÉRA ASIATIQUE 2o3
Nous commençons par les expériences sur les lapins.
TABLEAU III.
ANIMAUX
ET LEURS POIDS
NATURE
DU LIQUIDE
INJECTÉ
DATE DE LA MORT
Lapin de 1600 gr.
Lapin de i5oo gr.
Émulsion des
(pommes de terre
chauffée
10 min. à 120°.
4 ce.
Meurt après 22 heures.
52
Malgré un chauffage à 120° pendant 10 minutes, notre poison est resté
actif; à en juger par cette seule expérience, il aurait pourtant perdu un peu
de son énergie ; mais nous ne trouvons plus cet affaiblissement dans les expé-
riences suivantes. Aussi croyons-nous que la plus grande durée de survie
est un simple effet du hasard. Du reste, les animaux présentaient les mêmes
symptômes que les témoins. A l'autopsie, celui qui reçut la forte dose
montra une forte congestion avec des taches hémorrhagiques.
En même temps que nous avons injecté au petit chien de l'expérience
VI (pag. 202) la culture sur pomme de terre chauffée à 100° pendant 10 mi-
nutes, nous avons injecté à un chien de même taille la même culture
chauffée à 120° pendant 10 minutes également. Nous trouvons dans notre
cahier d'observations les notes suivantes :
A midi. Injection de 4 ce. dans la plèvre.
A midi 20. Un vomissement et i selle; l'animal est abattu.
A midi 35. 2^ vomissement.
A I h. 2 nouveaux vomissements et i selle molle.
A 2 h. 5"= vomissement.
A 6,1 5 h. Région anale souillée de matières fécales, ténesme continuel ; l'animal
gémit sans cesse.
A 9 h. Prostration profonde.
Le lendemain. Le chien est trouvé mort au matin. A l'autopsie, les intestins sont
extérieurement rouges; à leur ouverture, nous trouvons une congestion
excessivement marquée ; l'intestin grêle est rouge foncé dans toute sa
longueur, le rectum présente des érosions hémorrhagiques.
Nous pouvons dire que ce chien présente des troubles fonctionnels
et des lésions au moins aussi intenses, que les deux petits chiens précé-
204 Ch. SLUYTS
dents, dont l'un avait reçu la culture tuée par le chloroforme, et l'autre
la culture chauffée pendant lo minutes à 100°. Un chauffage à 120° pen-
dant 10 minutes est par conséqueiit sans action sensible sur la toxicité' des
cultures sur pommes de terre.
Ce ne sont pas seuleïnent les cultures sur pommes de terre qui sup-
portent cette haute température; les bouillons se comportent absolument
de la même façon. Voici une expérience faite avec le bouillon de Gamaléïa,
chauffé non plus pendant 10 minutes, mais pendant une demi-heure à 120°.
Expérience VII.
Jeune chien de i kilogr.
Nous injectons à 1 1 h. dans la plèvre 8 ce. de bouillon.
II 1/2 h., l'animal a déjà eu 2 vomissements dont un très abondant; faiblesse et
prostration considérables.
I h. selle molasse, couverte de mucosités.
Nous le tuons le lendemain dans l'après-midi; dans le gros intestin, nous trouvons les
lésions ordinaires, mais peu accentuées.
Le lendemain, nous soumettons l'émulsion, qui avait été chauffée pen-
dant 1/2 h. à 120°, à un nouveau chauffage à la même température, mais
cette fois-ci pendant une heure, de sorte que nous avons une émulsion
soumise à cette température pendant 1 1/2 h. Malgré ce chauffage prolongé,
nous obtenons encore les mêmes effets cholériformes, comme le prouvent
les deux chiens de l'expérience suivante :
Expérience VIII.
CHIEN I du poids de 1600 gr.
A 3,3o h. injection de i3 ce. dans la plèvre. Presque immédiatement une selle.
A 4 h. l'animal gémit presque continuellement; il a du ténesme qui détermine
l'expulsion de quelques gouttes de liquide.
A 5 h. 2 vomissements très abondants.
A 7 h. 2 nouveaux vomissements ; les efforts de défécation et de ténesme persistent;
mais ils ont uniquement pour effets la sortie de quelques gouttes de liquide;
l'animal meurt pendant la nuit. A l'autopsie, congestion très marquée
de l'intestin grêle, qui renferme un liquide hémorrhagique dans toute sa
longueur. Par contre les lésions dans le rectum sont peu prononcées.
CHIEN II du poids de 1000 gr.
A 3,40 h. Injection de 14 ce. de l'émulsion dans la plèvre.
A 3,45 h. 2 selles liquides, l'animal commence à gémir et à présenter de l'abattement,
A 4 1/2 h. troisième selle liquide, expulsée en jet.
ÉTUDE SUR LES PROPRIETES DU POISON DU CHOLERA ASIATIQUE 205
A 7,1 5 h. un vomissement et 2 selles liquides; pendant que le thermomètre est intro-
duit dans l'anus, de nouvelles matières liquides s'écoulent le long de
l'instrument.
A 7 1/2 h. nouvelle selle liquide.
Le lendemain matin, l'animal est encore en vie, mais il meurt vers midi. A l'autopsie, con-
gestion très marquée dans plusieurs segments de l'intestin grêle, nulle dans
d'autres. Une invagination. Lésions très prononcées de la muqueuse rectale.
Les effets que nous avons obtenus avec les bouillons chauffés à 1 20°
ne sont pas un effet du hasard; nous disposons d'autres expériences de ce
genre, et la question nous semble assez importante pour rapporter briève-
ment les deux suivantes.
Elles se distinguent des précédentes en ce que l'injection a été poussée
non plus dans la plèvre, mais directement dans la veine jugulaire externe.
Expérience IX.
CHIEN I, de 2 kilogrammes.
Injection de 10 ce. de bouillon ordinaire gélatinisé dans la jugulaire ex-
terne. Le bouillon a été stérilisé pendant \ h. à 120".
injection du liquide,
un premier vomissement.
6 nouveaux vomissements alimentaires ou muqueux et 2 selles molles.
2 autres vomissements de mucosités verdàtres et 2 autres selles muqueu-
ses; prostration profonde,
température rectale, 36o,5.
le chien meurt. A l'autopsie, congestion extraordinairement forte depuis
le pylore jusqu'au rectum ; suffusions sanguines de la muqueuse dans
toute son étendue ; lésions habituelles de la muqueuse rectale. L'estomac
lui-même participe à la congestion et présente des points hémorrhagiques
et des suffusions sanguines.
CHIEN II, poids 2 kilogrammes.
A 12, 3o h. injection dans la jugulaire externe de 20 ce. du même bouillon gélatinisé,
chauffé à 110° pendant 1 heure.
A 12,33 h. 3 vomissements et 2 selles molles.
A 12,40 h. nouvelle selle.
A 2, GO h. 6 vomissements nouveaux et 3 selles.
A 3,00 h. un nouveau vomissement suivi d'une selle et d'un vomissement de
liquide spumeux. Prostration profonde.
A 7,00 h. l'abattement diminue.
Le lendemain, l'amélioration continue.
(matin) Le chien se remet complètement de son injection. Deux jours après,
nous le tuons et nous lui ouvrons l'intestin. Pas de congestion, pas
d'hémorrhagies.
A
12,43 h.
A
12,48 h.
A
2,00 h.
A
3,i5 h.
A
6,00 h.
A
6,3o h.
2o6 Ch. SLUYTS
Si nous faisons le bilan de cette dernière expérience, nous y rencontrons
l'histoire de deux chiens injectés dans le sang avec un bouillon chauffé à
120° pendant une heure.
Le premier présente neuf vomissements et quatre selles en l'espace de ^l
trois heures. ' ^]
Le second a onze vomissements et sept selles dans le même espace de 'l
temps. -
Les premières déjections sont constituées par les aliments, les dernières
par des masses liquides ou muqueuses ; les deux animaux présentent une
prostration profonde. Ils poussent des cris perçants au moindre attouche-
ment du ventre; le premier meurt avec une hypothermie marquée et il pré-
sente à l'autopsie une localisation intestinale des plus intenses. N'est-ce
pas là un tableau frappant du choléra et une reproduction de la maladie
aussi parfaite qu'on pourrait le souhaiter chez l'animal ?
Au moyen de bouillon pur injecté dans les vaisseaux, nous nous
sommes assuré que les S3fmptômes décrits doivent être attribués au vibrion
du choléra et nullement aux substances qui entrent dans la composition
du bouillon.
Nous concluons que la substance qui produit les symptômes cholérifor-
7nes résiste, non- seulement à une température de ioo°, mais à celle de 120°
prolongée pendant 1 heure et même 1 1/2 heure, sans que ses effets soient
atténués d'une façon sensible. Mais pour bien mettre ceux-ci en évidence, il
est nécessaire de recourir à des animaux appropriés, tels que le chien, et
non aux lapins.
V. ACTION DE LA LUMIÈRE ET DE L'OXYGÈNE.
Il n'est pas sans intérêt de savoir quelle est l'action de la lumière et de
l'oxygène sur les poisons microbiens, car comme ceux-ci s'introduisent de
plus en plus dans les expériences du laboratoire comme dans les vaccina-
tions sur l'homme, il importe d'être fixé sur l'influence qu'exercent sur eux
ces deux agents, au contact desquels ils peuvent être continuellement ex-
posés. Cette connaissance est surtout nécessaire quand on voit certains I
poisons, comme ceux de la diphtérie et du tétanos, être d'une sensibilité ,
extrême vis-à-vis de ces facteurs.
Pour étudier Faction de la lumière, nous avons versé une émulsion de
vibrions cultivés sur pommes de terre, stérilisée par le chloroforme, dans 4
un matras à large fond, de façon à ce que la couche n'ait qu'un millimètre
ÉTUDE SUR LES PROPRIÉTÉS DU POISON DU CHOLÉRA ASIATIQUE 207
d'épaisseur et que les rayons solaires puissent l'impressionner dans toute sa
masse. La durée d'insolation de notre matras fut de 24 heures. Le matras
était fermé hermétiquement au moyen d'un bouchon en caoutchouc.
Nous injectâmes cette émulsion à deux lapins à des doses que la
pratique nous permettait de considérer comme suffisantes pour produire la
mort. En effet, il fallait éviter de donner des doses plusieurs fois mortelles,
sinon un affaiblissement peu notable du poison aurait passé inaperçu. Or,
une expérience préliminaire, qui avait porté sur cinq lapins et avait été faite
dans le but de fixer la toxicité de notre émulsion, avait donné les résultats
suivants :
Injections de o,25 ce.
» o,5o ce.
» 1,00 ce.
» 2,00 ce.
» 4,00 ce,
L'animal suivit.
Idem.
Mort après 4 jours.
Trouvé mort le lendemain.
Meurt après 6 heures.
Nous avons donc choisi, pour étudier l'action de la lumière, des doses
d'émulsion de 2 et 4 ce.
Comme contrôle, nous avons injecté à deux lapins les mêmes doses,
mais d'une émulsion mise dans un matras conservé dans l'obscurité.
TABLEAU IV.
NATURE
POIDS DES ANIMAUX
DU LIQUIDE
DOSE
DATE DE LA MORT
INJECTÉ
1400
1 Non exposé
4 ce.
Meurt après 19 heures.
i3oo
\ au soleil.
2 1)
» II 1)
1470
Exposé pendant
4 »
)) II 1)
1400
24 h. au soleil.
2 »
)) 14 »
L'expérience nous a paru suffisamment décisive pour que nous ayons
jugé inutile de la recommencer, d'autant plus que les lapins présentaient la
localisation intestinale habituelle, telle que : congestion, points hémorrha-
giques, gonflement des plaques de Peyer.
Nous pouvons conclure que le poison cholérique est résistant vis-à-vis
de la lumière. Il se distingue, à ce point de vue, d'autres poisons microbiens,
tels que ceux de la diphtérie et du tétanos, qui présentent une instabilité
aussi marquée vis-à-vis de cet agent que vis-à-vis des températures dé-
passant 60°.
2o8 Ch. SLUYTS
Comment notre poison se comporte-t-il vis-à-vis de l'oxygène? La
question est d'autant plus intéressante que, d'après Scholl(i) et Hueppe('2),
ce produit ne se formerait dans lés cultures qu'à l'abri de l'oxygène. C'est
même pour ce motif que ces auteurs ont fait leurs ensemencements à l'in-
térieur d'œufs.
D'après nos diverses expériences, nous devons considérer cette crainte
comme exagérée. Dans le but de nous fixer aussi bien sur la virulence que
sur la toxicité du vibrion cholérique cultivé à l'abri de l'oxygène, nous avons
fait des ensemencements dans des bouillons, les uns sucrés, les autres non
sucrés, et soustraits à l'action de l'oxygène de l'air par une couche d'huile
d'olive.
Dans les derniers, nous n'avons obtenu qu'un développement extrême-
ment faible et après stérilisation à 6o', ils ne montrèrent qu'une toxicité
bien inférieure à celle des bouillons aérobies. Dans les bouillons sucrés
et maintenus à l'abri de l'air, le développement microbien et la toxicité
n'étaient pas plus marqués.
Nous pouvons ajouter à ce propos que les -vibrions, qui se sont déve-
loppés dans ces conditions, ne sont pas plus virulents ; car, les ayant en-
semencés pendant cinq générations successives dans des bouillons couverts
d'huile, et les ayant injectés vivants à des lapins, nous ne les trouvâmes pas
plus meurtriers que des vibrions venus au contact de l'air.
Les expériences de Gamaléia et d'autres permettent, du reste, de con-
jecturer que le bacille virgule fabrique très bien son poison en présence de
l'air. En effet, cet auteur emploie surtout pour ses expériences les mem-
branes qui se forment à la surface du bouillon, et Pfeiffer se sert de
cultures bien aérées. Mais la meilleure façon de résoudre la question reste
celle qui consiste à soumettre à un courant d'air continu une solution de
toxine cholérique.
Voici comment nous avons procédé.
En possesion d'un bouillon de Gamaléia qui tuait un lapin en moins
de 24 heures, à raison de 10 ce. injectés dans la plèvre, et un autre après
5 jours à raison de 5 ce, nous avons fait passer à travers ce bouillon un
courant continu d'air pendant 16 heures. L'opération s'est faite à la tempé-
rature du corps, la réaction étant alcaline. Nous avons injecté :
1° Un lapin avec 10 ce. dans la plèvre; il est mort 18 heures plus tard présentant à
l'autopsie une congestion marquée de l'intestin grêle.
2° Un autre lapin avec 5 ce; ce lapin devint malade, mais il se rétablit.
I et 2 : Op. oit.
ÉTUDE SUR LES PROPRIETES DU POISON DU CHOLÉRA ASIATIQUE 209
Conclusion. Malgré l aération prolongée, le poison ne s'est pas sensi-
blement affaibli; les conditions pour cette atténuation étaient pourtant favo-
rables, car le passage de l'air s'opérait à la température du corps et dans un
milieu à réaction alcaline. Il est vrai que le lapin qui a eu la dose faible du
bouillon aéré a survécu, tandis que le lapin qui a reçu la dose faible -du
bouillon non aéré est mort, mais après une survie telle (5 jours) que la
différence est négligeable.
Du reste, nous avons conservé des émulsions et des bouillons stérilisés
au contact de l' air pendant longtemps, sans leur voir perdre de leur toxicité.
VI. ACTION DES SUCS DIGESTIFS :
SUC GASTRIQUE ET SUC PANCRÉATIQUE.
L'étude de l'action des sucs digestifs sur le poison du choléra nous a
paru intéressante à deux points de vue :
1=' A un point de vue théorique. Gam.aléia prétend d'un côté que ce
poison est une nucléo-albumine; d'un autre, il concède que les nucléoalbu-
mines, même celles des microbes, sont décomposées par les sucs digestifs,
particulièrement par le suc pancréatique. Si son hypothèse sur la nature des
toxines microbiennes est exacte, la digestion doit leur imprimer des modi-
fications profondes.
2° A un point de vue plus pratique : l'organisme possède-t-il, dans ses
sucs digestifs, une arme pour se défendre contre l'intoxication cholérique?
Nous allons d'abord nous occuper de la digestion gastrique.
A. Action du suc gastrique sur le poison du choléra.
Avant tout, nous avons voulu nous assurer si l'acide chlorhydrique,
nécessaire à ces digestions, exerçait quelque influence sur le poison cholé-
rique. Dans ce but, nous avons soumis le poison, soit sous forme d'émulsion
de pommes de terre, soit sous forme de bouillon, à l'acide chlorhydrique
à 2 0/00. Le mélange était maintenu à la température de la couveuse.
Expérience X.
LAPIN I. Poids 1200 gr.
Injection dans la plèvre de 3 ce. de lemulsion à 10 0/0 de culture sur pommes de terre,
renfermant 2 0/00 d'acide chlorhydrique, restée 5 heures à la couveuse.
Meurt le lendemain après 14 heures. A l'autopsie, pas de congestion ; dans la partie
supérieure, près de l'estomac, quelques points hémorrhagiques.
Le témoin succombe pendant la nuit (10 heures).
26
2 10 Ch. SLUYTS
LAPIN II. Poids : 700 gr.
Injection de 7 ce. de bouillon Gamaléïa. Meurt le lendemain.
CHIEN I. Poids : iioogr.
Injection dans la plèvre de 10 ce. de bouillon gélatinisé âgé de 2 jours, c'est-à-dire d'une
culture jeune. L'animal devient rapidement malade; il a deux vomissements; la région
anale est souillée de matières fécales, et le ventre est très douloureux à la pression ; il est
encore très malade le lendemain et meurt le surlendemain. Congestion peu marquée dans
l'intestin grêle, manifeste dans le rectum.
Le bouillon injecté, quoique aj'ant séjourné 12 heures à la couveuse après acidifi-
cation à 2 0,00, a développé encore une action manifeste.
Nous pouvons conclure de ces quelques expériences que le poison du
choléra supporte pendant quelques heures au moins, c'est-à-dire pendant
un temps amplement suffisant pour une digestion, la présence de F acide
chlorhydrique à 2 0/00.
Arrivons maintenant à nos expériences de digestion proprement dite.
Nous avons employé un extrait aqueux d'estomac de porc; 2 ce. de cet
extrait additionnés à 8 ce. d'acide chlorhydrique à 2 0/00 dissolvent un mor-
ceau de fibrine au bout de 10 minutes à la température du laboratoire (par
un temps chaud). Le suc est donc extrêmement actif. Nous l'ajoutons à
notre produit microbien dans la proportion de 1 pour 5.
Avant d'injecter le liquide, nous le neutralisons par le carbonate de
sodium et nous le portons à 100° pour détruire la pepsine.
Expérience XI.
LAPIN I. Poids : 800 gr. Durée de la digestion : ^ li.
Injection de 10 ce. dans la plèvre. Mort le lendemain au commencement de l'après-
midi. A l'autopsie, congestion intestinale, plaques de Peyer saillantes.
Le témoin meurt le même jour.
LAPIN II. Poids : i3oo gr. Durée de la digestion : 4 h.
Injection à 5 12 h. du soir de 3 ce. d'une émulsion de pommes de terre vieille de
plusieurs jours; nous recueillons la partie superficielle de cette émulsion, qui ne renferme
pas de cadavres bactériens, mais uniquement les produits dissous. Le suc gastrique a
donc toute facilité d'agir sur le poison.
L'animal succombe le lendemain matin (avant 7 heures, après 14 h.).
Le témoin meurt pendant la nuit (après 10 h.).
Ces deux lapins, pas plus que tous ceux qui précèdent, ne présentent de symptômes
cholériformes, mais nous les retrouvons chez le chien suivant.
CHIEN I. Poids : 1900 gram.
Injection dans le sang (veine jugulaire externe) de i3 ce. de bouillon gélatinisé soumis
à la digestion pendant 16 heures.
ETUDE SUR LES PROPRIETES DU POISON DU CHOLERA ASIATIQUE 21 i
L'animal présente rapidement le tableau des symptômes cholériques ordinaires chez
le chien.
Il a 4 vomissements et 3 selles ; les efforts de vomissement sont continuels. Il suc-
combe en moins de 4 heures.
A l'autopsie, nous trouvons les lésions habituelles de l'intestin bien marquées.
Conclusion : Ces différentes expériences, mais surtout la dernière,
digestion de 16 heures, nous permettent de voir dans le poison cholérique
une substance réfractaire à la digestion gastrique.
B. Action du suc pancréatique sur le poison du choléra.
Dans l'étude de ce point, nous avons procédé exactement comme pour
le suc gastrique, c'est-à-dire que nous avons étudié à part l'action du car-
bonate de sodium, que nous ajoutions à nos digestions, pour permettre au
suc pancréatique de déployer toute sa puissance.
Pour ne pas nous répéter toujours, disons que les injections faites aux
lapins et aux chiens avec le poison qui avait subi pendant plusieurs heures,
à la température du corps, le contact du carbonate de sodium à 1 0/0, démon-
trèrent que ce contact est sans action sur le poison.
Ce fait établi, nous avons répété les injections, en nous servant, pour
nos digestions, d'un extrait de pancréas de porc qui, dilué au cinquième,
dissolvait, en présence du carbonate de sodium à i 0/0, un fragment de
fibrine en une demi-heiire. C'est à cette concentration que nous nous en
sommes servi.
Nous passons sous silence nos expériences sur plusieurs lapins, toutes
en faveur de la conservation du poison cholérique dans les milieux soumis
à la digestion pancréatique.
Les chiens nous ont donné les mêmes résultats. Ils méritent d'être
signalés.
Expérience XII.
CHIEN I. Poids : 900 gram. Durée de la digestion : 10 lieitres.
Injection dans la plèvre de 10 centim. cubes de bouillon, âgé, digéré, après une courte
ébullition pour détruire les ferments pancréatiques.
Tableau cholériforme aussi prononcé que chez le témoin. Mort pendant la nuit.
Lésions intestinales très prononcées.
CHIEN II. Poids : 2800 gr. Durée de la digestion : 20 heures.
Injection dans la veine jugulaire externe de 18 ce. de bouillon, après une courte ébul-
lition. Vomissements nombi-eux, d'abord alimentaires, ensuite muqueux; plusieurs selles,
les dernières liquides.
212 Ch. SLUYTS
Le chien se rétablit, probablement parce que notre bouillon qui n'était âgé que de
2 jours n'était pas encore saturé de poison. Un des deux témoins est du reste aussi resté
en vie.
Avant d'aller plus loin, les résultats que fournissent les digestions
méritent de fixer notre attention pendant un instant.
Rappelons que nous avons fait ces digestions dans les meilleures condi-
tions possibles. Nos bouillons avaient été, au préalable, chauffés à 60°
pendant 2 heures, afin d'extraire le poison des cadavres bactériens et de le
fournir, sous forme moléculaire, aux sucs digestifs. Quand nous nous
sommes servi de nos émulsions de vibrions venus sur pommes de terre,
nous avons eu soin de prendre la partie superficielle claire et limpide; d'un
autre côté, nous avons fait usage de sucs digestifs actifs, surtout le suc
gastrique; nous les avons fait agir à la température du corps, dans des
milieux aussi favorables que possible à leur action ; le contact a été prolongé
pendant une période qui dépasse de plusieurs fois la durée de la digestion
dans le tube intestinal ; et, malgré tout cela, le poison s'est conservé avec
sa puissance originelle.
Le fait est d'autant plus curieux que pendant toute la durée de la
digestion les ferments jouissaient de toute leur activité. C'est ainsi que dans
une de nos expériences (chien II de l'expér. XII) nous avons constaté, à la
fin de la digestion, que le mélange dissolvait un fragment de fibrine aussi
rapidement qu'au début. On ne peut donc pas nous objecter que le liquide
avait perdu de sa puissance digestive.
-Ces faits nous paraissent incompatibles avec l'hypothèse de Gamaléia
sur la nature de la substance qui produit les symptômes cholériformes. Du
reste, cette substance serait détruite dans la digestion pour laisser la place
libre à un poison cachectisant, qu'on ne serait pas encore en droit de con-
clure que ce dernier dérive du premier. En effet,. on peut très bien supposer
que l'existence de ce second poison, à action lente, est masquée par l'action
du poison qui produirait les symptômes intestinaux.
Enfin, ces faits nous apprennent que nos glandes digestives ne peuvent
nous venir en aide dans la lutte contre l'intoxication cholérique, comme on
aurait pu le supposer, si l'hypothèse de Gamaléia était vraie.
VII. NATURE DU POISON CHOLÉRIQUE.
Il n'entre pas du tout dans nos intentions de préciser la nature intime
du poison. Nous pensons, avec Duclaux et d'autres chimistes, que cette
question est insoluble à l'heure actuelle. En effet, grâce à la propriété
ETUDE SUR LES PROPRIETES DU POISON DU CHOLERA ASIATIQUE 2 13
qu'ont les poisons microbiens de se laisser entraîner par toute espèce de
précipités, il est impossible de les obtenir à l'état de pureté et même de
savoir approximativement dans quelle proportion ils sont mêlés aux sub-
stances étrangères.
Il va sans dire que nous ne pouvons être de l'avis de Gamaléia qui
veut faire des poisons microbiens des nucléo albumines et des nucléines.
Cette manière de voir nous paraît inconciliable avec les faits suivants.
1° Le poison cholérique oppose une résistance considérable à la
chaleur.
2° Il est réfractaire aux digestions gastrique et pancréatique. Ajoutons
que toutes les réactions invoquées par Gamaléia nous semblent beaucoup
trop vagues et qu'aucun chimiste ne saurait les considérer comme étant
aptes à justifier les conclusions qu'il en tire.
S'il 'est impossible de spécifier exactement dans quel groupe de sub-
stances il faut ranger le poison cholérique, nous devons pourtant reconnaître
qu'il possède une nature albuminoïde. En effet, comme nous avons pu nous
en assurer par quelques expériences, les vibrions cholériques ne cèdent des
substances toxiques, ni à l'alcool pur, ni à l'alcool aiguisé par un peu d'acide
chlorhydrique. Et quand ils ont séjourné dans ces] liquides, ils développent
leur toxicité propre, dès qu'on les suspend de nouveau dans l'eau (2 expé-
riences). L'insolubilité du poison dans l'alcool a du reste été reconnue par
plusieurs auteurs. C'est même sur cette propriété qu'ils se sont fondés pour
obtenir le poison plus ou moins pur.
RÉSUMÉ
des diverses propriétés du poison cholérique et explication des contradictions
qui régnent entre nos recherches et celles des auteurs
Les recherches exécutées jusqu'à présent sur les poisons microbiens
nous permettent d'entrevoir deux classes de toxines.
Les unes, très instables, se décomposent facilement par la chaleur, la
lumière solaire, les ferments digestifs. Ce sont par exemple les toxines du
tétanos et de" la diphtérie.
Les autres, au contraire, jouissent d'une grande stabilité. Elles peuvent
subir pendant longtemps l'action de ces divers agents, sans faiblir dans leur
énergie. Comme type, nous pouvons citer la toxine du coli-bacille (J. Denys
et E. Brion) (1).
(0 J. Denys et E. Bkion : Étude sur le poison du Bacillus lactis aerogenes; La Cellule, 1892.
214 Ch. SLUYTS
La toxine du vibrion asiatique se rattache évidemment à ce dernier
groupe, c'est-à-dire aux toxines stables.
Est-il possible d'expliquer, du moins jusqu'à un certain point, les con-
tradictions qui régnent entre nos recherches et celles de nos prédécesseurs,
ainsi que celles qui régnent entre ces derniers?
Nous pensons que oui.
D'après nous, les hésitations et les tergiversations de beaucoup d'auteurs
proviennent du choix de leurs animaux. Ils se sont obstinés à opérer sur
des rongeurs, et particulièrement sur des cobayes.
Or, comme nous l'avons vu en toute suffisance, les produits qui déve-
loppent chez le chien l'état cholériforme le plus accentué donnent à peine
chez le lapin un peu de diarrhée et encore cette dernière fait-elle ordinairement
défaut. Chez lecobaye, son apparition est une rare exception. Ne pouvant pas
produire chez les animaux les symptômes qu'ils considéraient comme essen-
tiels au choléra, les auteurs arrivaient à méconnaître l'existence de ce poison,
même dans les milieux où il était très abondant. S'ils avaient employé le
chien, nous ne doutons pas qu'ils auraient vite reconnu sa présence.
Une autre cause de contradiction réside peut-être dans ce fait, que la
plupart d'entre eux ont voulu, par des manipulations chimiques diverses,
isoler le poison dans un état de pureté plus ou moins parfait. Il n'est pas
improbable que leurs opérations aient attiré le poison, ou bien que ce der-
nier ait présenté des réactions de solubilité, variant d'après le milieu dans
lequel on voulait le dissoudre ou le précipiter. Ici de nouveau, les intéres-
santes expériences de Duclaux (i) montrent combien tous ces phénomènes
doivent être jugés avec circonspection.
Une simple réflexion nous fait du reste comprendre que le poison du
choléra doit exister dans tous les milieux de culture. En effet, l'opinion
d'après laquelle les poisons microbiens dérivent de la substance même du
microbe trouve tous les jours de nouvelles confirmations. Là où il y a
développement du microbe virulent, il y a par conséquent production du
poison. Citons à ce propos les observations de Guinochet (2) sur la toxicité
des cultures du bacille de la diphtérie dans l'urine.
Cet auteur a trouvé que cet organisme produisait aussi bien son poison
spécifique dans ce liquide que dans les milieux renfermant des peptones.
Mais pourquoi invoquer le bacille de la diphtérie, quand nous voyons
(0 Duclaux ; Annales de l'Institut Pasteur, i8i)2.
(2) Guinochet : Contribution à rétucle de la toxine du bacille de la diphtérie; Comptes rendus
de la Société de Biologie, 1892.
ETUDE SUR LES PROPRIETES DU POISON DU CHOLÉRA ASIATIQUE 2l5
OucHiNSKY (i) démontrer pour le vibrion du choléra lui-même, qu'il fournit
des cultures très toxiques dans des milieux artificiels absolument dépourvus
de matières albuminoïdes? Pourquoi n'en produirait-il pas dans les différents
milieux qui renferment des substances azotées très complexes.
VIII. PARALLÈLE ENTRE LA TOXINE DU BACILLE
DE L'INTESTIN ET LA TOXINE DU VIBRION ASIATIQUE.
Tout le monde sait que les symptômes du choléra nostras, qui est pro-
duit par le bacille commun de l'intestin, ressemblent avec une telle perfec-
tion aux symptômes du choléra asiatique que, sans l'examen microscopique
et la notion de la contagiosité, il est impossible de faire un diagnostic entre
ces deux maladies. Il est inutile d'insister sur ce point.
La même analogie s'observe entre les différents animaux en usage dans
les laboratoires.
1° Chez les chiens, l'action est tellement identique que l'observateur
le plus expérimenté en ce genre de recherches est tout à fait incapable de
distinguer si l'intoxication est produite par le vibrion asiatique ou par le coli-
bacille. Vis-à-vis des deux organismes vivants ou vis-à-vis de leurs poisons,
le chien réa~git absolument de la même façon. Il présente un malaise géné-
ral, de l'abattement et de la prostration ; les vomissements sont nombreux,
amenant d'abord les aliments, puis du liquide spumeux coloré souvent par
de la bile. Quoique l'estomac soit vidé, il n'est pas rare de voir des efforts
de vomissement se déclarer à tout instant. La diarrhée est constante, les
déjections ressemblent d'abord aux déjections normales, puis elles devien-
nent fluides. Après l'expulsion des résidus alimentaires, elles sont exclusi-
vement muqueuses; le mucus est souvent coloré par du sang et, examiné au
microscope, il montre parfois des lambeaux de cellules épithéliales desqua-
mées. Dans l'intervalle des selles, les animaux sont souvent pris d'efforts de
défécation, mais ils n'expulsent que quelques gouttes de liquide.
Du côté de l'appareil de la calorification, on observe les mêmes modi-
fications : les doses faibles produisent de l'hyperthermie, les doses mortelles,
de l'hypothermie, précédée ou non d'hyperthermie.
A l'autopsie, les lésions sont absolument les mêmes, et ici non plus
l'œil le plus exercé ne saurait dire si les lésions sont produites par le
vibrion asiatique ou par le colibacille, l'un et fautive produisent, quand
(l) OUCHIN'SKY : Op citât.
2i6 Ch. SLUYTS
les lésions de la muqueuse sont intenses, une desquamation de l'épithélium
des villosités et souvent aussi de la muqueuse rectale. Cette exfoliation
s'observe sur des intestins enlevés chez des animaux mourants et fixés
immédiatement dans l'alcool fort. La chute de l'épithélium ne peut donc
être attribuée à une altération cadavérique.
2° Chez le lapin, nous avons également identité d'action. Le fait est
d'autant plus curieux à constater que le bacille commun, comme le vibrion
cholérique, tout en déterminant des lésions intestinales manifestes et con-
stantes, est loin de produire toujours des symptômes de diarrhée. Si nous
résumons les symptômes présentés par ces animaux, nous trouvons qu'ils
consistent en apathie, perte d'appétit, prostration, dyspnée, paralysie géné-
rale avec ou sans tendance à la diarrhée. Nous devons pourtant faire remar-
quer que le stade de convulsions, qui précède souvent la mort dans l'empoi-
sonnement ou l'infection par le coli-bacille, est plus prononcé que dans les
cas d'empoisonnement ou d'infection par le bacille-virgule.
Les lésions sont absolument les mêmes : distension et congestion de
l'intestin, taches hémorrhagiques plus ou moins nombreuses siégeant surtout
au niveau du tissu adénoïde, gonflement des plaques de Peyer.
Les deux organismes, injectés à petites doses, produisent la cachexie.
3° Chez les cobayes, l'identité d'action est parfaite. Malgré la congestion
intestinale qu'on trouve à la mort, la diarrhée fait presque toujours défaut.
Voilà pour ce qui regarde les symptômes et les lésions déterminées
chez les animaux.
Si nous examinons à présent les propriétés des deux poisons, nous
trouvons une ressemblance des plus complètes.
Tous les deux opposent une grande résistance à la chaleur ; ils sup-
portent tous les deux un chauffage prolongé à 120°.
Tous les deux se conservent à la lumière solaire.
Tous les deux se maintiennent en présence de l'oxygène.
Tous les deux résistent à la digestion gastrique, comme à la digestion
pancréatique.
Enfin, ils ne cèdent de principes toxiques ni à l'alcool simple, ni à
l'alcool acidulé.
On peut supposer que des nouveaux points de ressemblance surgiront
à mesure que nos connaissances sur les propriétés de ces poisons devien-
dront plus complètes.
Tous ces multiples points de ressemblance nous font ranger les deux
toxines dans une même classe que l'on pourrait définir celle des poisons
ETUDE SUR LES PROPRIETES DU POISON DU CHOLERA ASIATIQUE 217
intestinaux par opposition au poison pyogène proprement dit (staphylocoque
pyogène, streptocoque pyogène).
Le bacille commun de l'intestin et le bacille virgule présentent des
liens intimes non seulement à cause de l'identité de leurs propriétés, mais
aussi à cause de la similitude de leur action.
Il n'est pas douteux, en effet, pour nous que l'intoxication par le coli-
bacille complique fréquemment, si pas toujours, l'intoxication par le vibrion
cholérique.
C'est également l'avis de Lesage et Macaigne(i) qui ont examiné, au
point de vue bactériologique, les matières fécales d'un grand nombre de
cholériques. Ils n'ont jamais observé le bacille virgule pur, mais ils l'y ont
fréquemmen trouvé mélangé au bacille coli, et dans quelques cas ils ont même
rencontré celui-ci à l'exclusion du bacille virgule. Fait important au point de
vue de la thèse que nous défendons, ils ont constaté qu'il n'existe aucun
rapport entre le nombre des bacilles virgules et la gravité de la maladie.
Pettenkofer, Emmerich et Guttman étaient arrivés aux même conclusions.
D'après Lesage et Macaigne, l'explication de ces faits sera fournie probable-
ment par l'étude de la virulence du bacille virgule. Nous croyons qu'ils
peuvent parfaitement s'expliquer par la présence constante dans l'intestin
d'un bacille qui a absolument les mêmes propriétés pathogènes que le
vibrion de Koch. A l'état normal, comme J. Denys et CVan den Bergh (2)
l'ont démontré, la toxine du coli-bacille qui se trouve en quantité considé-
rable dans tout intestin n'est pas absorbée grâce à l'intégrité de la couche
épithéliale. Or, nous avons vu que le poison cholérique détermine la chute
de cette couche. L'épithélium étant tombé, la toxine du coli-bacille est sou-
mise è l'absorption, et même après la disparition complète des bacilles vir
gules, on comprend que la s3a"nptomatologie du choléra puisse persister
dans ses moindres détails.
Nous nous sommes assuré plusieurs fois par des cultures avec du sang
des chiens, que les lésions intestinales qu'ils présentaient dans l'empoison-
nement par le poison du choléra asiatique n'étaient pas dues à une invasion
secondaire du bacille de l'intestin. En effet, quand nous faisions ces cultures
immédiatement après la mort, nous n'obtenions aucun développement.
(I Lesage et Macaigne : Étude bactériologique du choléra observé à l'hôpital Saint Antoine en
1892; Ann. de rinstit. Pasteur, 1893.
(2) J. Denys et Ch. Van den Bergh : Sur le mécanisme ilcs symptômes gastro-intestinaux dans
le choléra-nostras; Bull, de l'Acad. royale de méd. de Belg., 1893.
27
2l8 Ch. SLUYTS
Voici à quelles conclusions nos expériences nous ont conduit.
CONCLUSIONS.
1" Il est inutile de recourir à des milieux de culture particuliers pour
obtenir le poison. Il se produit en quantité abondante aussi bien sur les
pommes de terre, dans le bouillon ordinaire, dans le bouillon gélatinisé,
que dans le bouillon de Gamaléia.
2° Les lapins et les cobayes ne sont pas favorables pour l'étude de ce
poison; il faut recourir au chien.
3° En opérant sur ce dernier animal, on peut établir, contrairement à
Gamaléia, que le poison du choléra résiste très bien à la température pro-
longée de 120°.
4° Le poison n'est pas affaibli par une exposition prolongée aux rayons
solaires, ni par le passage prolongé d'un courant d'air.
5° Il est réfractaire aux digestions gastrique et pancréatique.
6° On doit le classer parmi les substances albuminoïdes complexes,
sans que l'on soit à même de préciser davantage sa nature.
7° Rien ne nous autorise à admettre avec Gamaléia que le vrai poison
du choléra serait constitué par une nucléo-albumine, qui se transformerait
en une nucléine qui serait sans action sur l'intestin; au contraire, plusieurs
faits s'élèvent contre cette manière de voir.
8° Le poison du coli-bacille et celui du choléra ont les mêmes actions
pathogènes sur l'homme et sur les animaux. Pour autant qu'on peut en juger,
ils présentent la plus grande affinité au point de vue de leurs propriétés
chimiques. Enfin, il n'est pas douteux que le poison du coli-bacille ne joue
un rôle considérable dans le choléra indien, soit en ajoutant son action à
celle du vibrion de Koch, soit en continuant l'action de ce dernier, quand
les bacilles virgules sont devenus rares ou qu'ils ont disparu.
Dans nos recherches, nous avons été dirigé et aidé par les conseils de
Monsieur le Professeur Denys; qu'il nous soit permis de lui présenter ici
l'expression de notre profonde reconnaissance.
DU RAPPORT
ENTRE LE
Pouvoir Bactéricide an Sang de Chien
ET SA
RICHESSE EN LEUCOCYTES
PAR
J. HAVET
DOCTEUR EN MEDECINE.
(Mémoire déposé le 30 Juin 1893.)
(Travail du laboratoire d'anatomie pathologique et de pathologie
EXPÉRIMENTALE DE l'uNIVERSITÉ DE LOUVAIN.)
ts
Ë Wm] [IIR[ L[ Piyïi BICliCIDE DU SiG 0[
RICHESSE EN LEUCOCYTES
PREMIÈRE PARTIE,
HISTORIQUE ET TECHNIQUE.
Depuis plusieurs années déjà, une vive discussion règne sur la question
de savoir si la résistance des animaux supérieurs aux microbes doit être
attribuée à une propriété inhérente à leurs cellules, particulièrement aux
leucocytes, ou à une propriété inhérente à leurs humeurs : sang et lymphe.
Ce problème difficile a, divisé les savants en deux camps : les partisans
de la phagocytose et les partisans du pouvoir bactéricide des humeurs.
Nombreux sont les arguments qui ont été invoqués de part et d'autre,
mais on peut dire que chacun d'eux a été attaqué et infirmé par la partie
adverse. A ceux qui voulaient expliquer par l'influence des humeurs
la diminution subie par les organismes ensemencés dans le sang, les
défenseurs de la phagocytose faisaient remarquer avec raison que cette
diminution pouvait s'expliquer par le changement brusque du milieu, et
ils faisaient ressortir le manque de relation entre le pouvoir bactéricide
des humeurs et l'immunité naturelle ou acquise, relation qui aurait dû
exister, si le mécanisme de l'immunité résidait réellement dans les humeurs.
Mais les arguments des partisans de la phagocytose ne prêtaient pas moins
le flanc à la critique que ceux de leurs adversaires. Ils s'appuyaient surtout
sur le phénomène assez général dans les infections se terminant par la
défaite des microbes : l'englobement de ceux-ci par les leucocytes. Mais on
leur objecta que cet englobement n'atteignait que les microbes morts et ne
servait par conséquent pas à préserver l'organisme contre l'envahissement
222 J- HAVET
Et en faveur de cette explication, on apportait des arguments séduisants :
la dégénérescence du microbe dans le sérum ou la lymphe, en dehors de
tout clément cellulaire.
Dès lors, les efforts des partisans de la phagocytose tendirent à prouver
que les leucocytes sont "aptes à s'emparer des organismes vivants; et ils
réussirent, en effet, en poursuivant au microscope le sort des microbes à
l'intérieur des globules blancs, à prouver qu'ils s'y multipliaient et que par
conséquent ils vivaient au moment de leur absorption. Mais si la démon-
stration était péremptoire au point de vue de l'état du microbe, elle était
sans portée au point de vue de la doctrine phagocytaire, ou plutôt elle lui
était contraire, les observations faites établissant la suprématie du microbe
sur le leucocyte, plutôt que la suprématie du leucocyte sur le microbe.
Les partisans de la phagocytose invoquèrent un autre argument pour
démontrer l'état de vitalité des microbes englobés : leurs mouvements dans
le phagocyte; mais cet argument n'est pas plus heureux; car, en premier
lieu, il est difficile de décider si ces mouvements sont spontanés ou impri-
més au microbe par les contractions du protoplasme; et en second lieu, en
admettant que les mouvements soient spontanés, ils indiquent que le leu-
cocyte est mort, car la constitution visqueuse de son protoplasme doit op-
poser un obstacle insurmontable à la motilité microbienne.
Dans un précédent travail, nous avons rapporté. M'' Denys et moi (i),
des faits qui nous paraissent établir péremptoirement que la prépondérance
du pouvoir bactéricide du sang de chien revient aux leucocytes. Les expé-
riences sur lesquelles nous nous sommes appuyés pour attribuer ce rôle
important aux globules blancs sont des plus simples ; on peut les résumer
dans les propositions suivantes.
A. Expériences faites arec le sang: i° Le sang de chien complet,
c'est-à-dire composé de son sérum, de ses globules rouges et de ses glo-
bules blancs, possède un pouvoir bactéricide considérable. Par contre, le
sérum obtenu soit par dépôt après défibrination, soit par expression du
caillot après la coagulation, ne possède qu'un pouvoir faible.
2° Si l'on filtre le sang complet, tel que nous venons de le définir, à
travers du papier buvard, celui-ci laisse passer le sérum, les globules rouges
(I) J. Denys et J. Havet : De la part des globules blancs dans le pouvoir bactéricide du sang
de chien; La Cellule, t, X, 1894.
POUVOIR BACTÉRICIDE DU SANG DE CHIEN 223
et les leucocytes à noyau rond, mais il retient tous les leucocytes à noyau
polymorphe, c'est-à-dire ceux qui sont vraiment doués des propriétés
amiboïdes. Or, le sang ainsi filtré a perdu presque tout son pouvoir. Comme
il ne diffère du sang primitif que par l'absence de certains leucocytes, on
doit considérer ces derniers comme les agents de l'influence microbicide.
3° L'action bactéricide peut être constatée directement au microscope.
Pour la mettre en évidence, on ensemence avec un organisme quelconque
le sang filtré, et on met celui-ci à la couveuse. Par la confection des plaques,
aussi bien que par l'examen microscopique, on constate dans les premières
heures une pullulation microbienne. Si, à ce moment, on ajoute à la culture
sanguine du sang complet, c'est-à-dire pourvu de ses globules blancs, on
voit qu'après un temps souvent très court (dix à vingt minutes) les leucocytes
englobent les microbes et les détruisent à leur intérieur en les faisant passer
par divers stades de dégénérescence. Aucune dégénérescence n'atteint les
organismes libres. Les plaques faites à partir du moment où s'accomplit
cette digestion intracellulaire fournissent un nombre de colonies de plus
en plus faible.
B. Expériences faites avec les exsiidats. Les exsudats renfermant
des leucocyies ou globules de pus se comportent comme le sang. Filtrés
ou centrifugés, ils perdent une partie considérable de leur puissance bacté-
ricide ; mais on leur restitue ce pouvoir en leur rendant leurs leucocytes.
De même, par l'addition du dépôt leucocytaire qu'ils ont abandonné,
on enraye le développement commencé dans l'exsudat ou le sang filtré.
Par ces diverses expériences, on parvient à démontrer d'une façon aussi
simple que décisive que les globules blancs jouent chez le chien le rôle le
plus puissant dans la destruction des microbes, et on peut asseoir la
théorie phagocytaire de Metchnikoff sur des faits qui ne supportent
d'autre interprétation que celle de l'intervention prépondérante de l'élé-
ment leucocytaire.
Le présent travail a pour but d'apporter une nouvelle contribution à
l'appui de cette même doctrine. Si elle est vraie, il doit exister une relation
entre la richesse du sang en leucocytes et son pouvoir bactéricide. Con-
stater cette relation, tel est le but que nous nous sommes proposé dans
les expériences suivantes.
Il y a différents moyens de faire varier le nombre des globules blancs
en circulation ; ceux que nous avons mis en œuvre sont au nombre de deux.
Ce sont :
224 J- HAVET
1° L'injection de microbes vivants ou morts dans le sang.
2° L'injection des mêmes mici-obes dans les tissus : tissu cellulaire
sous-cutané, plèvre, péritoine, etc.
Ces deux modes au fond se réduisent à un seul : la pénétration de
poisons microbiens dans le torrent circulatoire. Nous les avons choisis, en
premier lieu parce qu'ils constituent un moyen puissant pour modifier le
nombre des leucocytes, et en second lieu parce qu'ils permettent d'appli-
quer les résultats obtenus au phénomène de l'infection naturelle.
Nous donnerons successivement les résultats fournis par ces deux
procédés; mais avant tout, nous devons dire quelques mots de la technique
que nous avons suivie.
Comme nous l'avons dit plus haut, nos expériences ont porté sur le
chien, animal dont le sang est doué de propriétés bactéricides éminentes.
Comme microbe d'épreuve, nous avons employé le plus souvent le bacille
commun de l'intestin, quelquefois un microbe que nous avons rencontré
par hasard dans une culture de sang et que nous n'avons pas cherché à
identifier. Le bacille commun nous paraît bien indiqué pour notre genre
de recherches : d'un côté, il appartient à la classe des organismes patho-
gènes, et la fréquence des conflits, qui doivent résulter de l'intimité dans
laquelle il vit avec nos tissus , le désigne tout naturellement comme objet
d'expériences; d'autre part, tout en possédant des propriétés infectieuses
bien marquées, il n'appartient pas à ce groupe d'organismes hautement
virulents qui tuent à dose infime et contre lesquels les organismes supé-
rieurs se trouvent presque désarmés. En un mot, il est doué d'un pouvoir
pathogène moyen, qui en fait un excellent objet d'étude.
Point important, pour éviter toute objection touchant le changement
brusque de milieu, nous n'avons employé pour nos ensemencements que
des cultures dans le sang de chien. f
Pour étudier le sort des organismes introduits dans le sang, nous avons
eu recours à la confection des plaques et au microscope.
1. La confection des plaques.
La description détaillée du procédé est superflue ; contentons-nous de
dire que la matière employée fut l'agar-peptone, et que pour chaque plaque
nous avons prélevé deux anses de sang. La valeur de notre anse est d'en-
viron 0,007 gr. de sang.
%
POUVOIR BACTERICIDE DU SANG DE CHIEN 225
2. Le microscope.
Si les plaques nous donnent des données précises sur le nombre d'or-
ganismes vivants dans un milieu donné, elles ne nous renseignent nullement
sur la nature intime de la destruction microbienne. Pour étudier cette
dernière, il est absolument nécessaire de recourir au microscope. Afin
d'avoir des préparations comparables, nous prélevions au moyen de l'anse
du fil de platine une quantité déterminée de sang que nous étalions en
couche mince et aussi uniforme que possible sur le couvre-objets. Après
dessiccation et caléfaction, ce dernier était coloré au bleu de méthylène et
examiné dans l'essence de thérébenthine ou le baume de Canada. Ce
procédé permet de suivre l'englobement et la dégénérescence des microbes
à l'intérieur des leucocytes. En outre, il constitue un mode de contrôle
précieux .pour la progression et la régression du nombre des microbes ; et,
par la forme et l'agrégation des microbes, il permet de juger, sans devoir
attendre le résultat des plaques, si la culture progresse ou recule.
En effet, le bacille de l'intestin, provenant d'une culture mûre dans
le sang de chien, transporté dans du sang frais et mis à la température du
corps, parcourt toute une série de transformations.
1° Perrdant la première demi-heure, il grossit et s'allonge un peu, en
même temps qu'il se colore plus intensément.
2. Vers la fin de la première heure, il se divise et on voit alors appa-
raître des diplobacilles.
3° Après deux heures, il a formé des chaînettes de 4. à 8 individus.
4° Pendant les heures suivantes, les chaînettes augmentent en nom-
bre et en longueur.
5° Les chaînettes se désagrègent en chaînettes courtes, en bacilles et
diplobacilles. On aperçoit également des amas de bâtonnets plus ou moins
volumineux et nombreux.
Telle est la marche générale suivie par le bacille de l'intestin lors de
son développement dans le sang ; elle est assez uniforme pour qu'avec un
peu d'habitude on arrive, sans avoir besoin de plaques, à se faire une idée
approximative du sort des microbes ensemencés.
Nous avons toujours combiné la méthode des plaques avec celle des
préparations microscopiques ; et dans plusieurs des expériences suivantes,
nous donnons à la fois les résultats fournis par l'une et l'autre méthode.
DEUXIEME PARTIE,
INJECTIONS DE CULTURES DANS LE SANG.
Nous nous sommes servi d'une émulsion de staphylocoques dorés dans
l'eau salée Ces organismes avaient été ensemencés sur de l'agar en tubes
inclinés et laissés un ou deux jours à la couveuse. Afin de simplifier le pro-
blème, nous avons exclusivement injecté des cultures tuées par un chauffage
de lo à 15 minutes à la température de 60" à 65°. L'émulsion était injectée
lentement par une des veines jugulaires externes et le sang recueilli par
une carotide et défibriné avec les précautions antiseptiques nécessaires.
Les premières expériences qui furent instituées pour étudier le conflit
entre le sang et les microbes furent faites dans le laboratoire de pLiiCGE
par WissGKOWiTSCH (ij. Cet auteur injecta dans les vaisseaux de divers
animaux des rnicrobes vivants, et put s'assurer qu'ils disparaissaient com-
plètement dans ce liquide. Wissokowitsch suppose que le foie, la rate et
la moelle des os jouent le rôle d'un filtre, où, grâce à un ralentissement
considérable du courant sanguin, les bactéries se déposent mécaniquement
et sont ensuite englobées par les cellules phagocytaires, qui sont les cellules
endothéliales et les cellules fixes des viscères sus-nommés. Cette disparition
rapide fut confirmée par F. Nissen (2). D'après "Wérigo (3), qui travailla
dans le laboratoire de Metchnikoff, le mécanisme de la disparition des
microbes n'est pas aussi simple que tendraient à le faire croire les recher-
ches des deux auteurs précédents. La disparition rapide des microbes est
réelle, ainsi que leur accumulation dans les organes, surtout le foie, la rate;
mais, cette élimination n'est pas simplement le résultat d'une réaction entre
les microbes et certaines cellules endothéliales; elle se fait par l'intermé-
diaire d'un facteur : les globules blancs du sang. Ceux-ci s'emparent des
(i) Wissokowitsch : Vcbcr die Schkksale der iii's Blut iiijicirten Mikioorganismen im Koipcr
der V/annblûter; Zeitschr. f. Hyg., I, 1886.
(2) F. Nissen : Zur Kemttmss der bacterienvernichtenden Eigenschaften des Blutes; Zeitschr. f.
Hyg., VI, ,889.
(3) WÉRiGO : Les globules blancs comme protecteurs du sang; Annales de l'Institut Pasteur, 1891.
POUVOIR BACTERICIDE DU SANG DE CHIEN 227
microbes dès leur arrivée dans le sang, les englobent et s'accumulent dans
les viscères sas-nommés, où ils les cèdent aux cellules fixes. Ce sont surtout
les leucocytes à noyau polymorphe qui sont chargés de ce transport ; l'opé-
ration terminée, les leucocytes retournent dans le sang.
La rétention des globules blancs dans certains viscères a pour résultat
une forte diminution de ces éléments dans le sang. Mais cette diminution
est passagère; non seulement le sang reconquiert ses leucocytes, mais il
présente dans la suite pendant plusieurs heures une hyperleucocytose
marquée.
Aucun des auteurs précédents n'a cherché à fixer le pouvoir bactéricide
d'un sang ainsi dépouillé partiellement de ses leucocytes; aussi, nous ne
savons pas dans quelle mesure ce pouvoir se trouve modifié; néanmoins
les recherches de Nissen dans le laboratoire de Flugge et surtout celles
de Bastjn dans le laboratoire de pathologie expérimentale de Louvain
permettent de conjecturer qu'il se trouve considérablement altéré.
Nissen est le premier qui constata qu'une injection de microbes vivants
dans les vaisseaux abolit le pouvoir bactéricide; mais il conteste cette
propriété aux microbes morts et prétend que, si le pouvoir est aboli pour
une espèce, il ne l'est pas pour d'autres.
Bastin(i) s'est proposé d'étudier les oscillations que subissait la pro-
priété bactéricide du sang sous l'influence des microbes. Dans ce but, il
recourt au procédé opératoire employé par Wyssokowitsch, c'est-à-dire qu'il
introduit dans les vaisseaux une certaine suspension d'organismes. Puis, il
recueille du sang à des intervalles variables et compare sa puissance bacté-
ricide à celle qu'il possédait antérieurement à toute injection. Il arrive ainsi
aux conclusions suivantes, dont les unes sont conformes à celles de Nissen,
d'autres sont contraires, et d'autres encore sont complètement neuves.
1° L'injection dans le sang d'une certaine quantité de microbes abolit
ou diminue considérablement son pouvoir bactéricide.
20 Le pouvoir bactéricide est aboli aussi bien par l'injection de cul-
tures stérilisées que par celle de cultures vivantes.
3° Il existe un rapport de proportionnalité entre la dose injectée et le
degré de diminution du pouvoir bactéricide.
4° Cette diminution se produit avec une grande rapidité, une quasi-
instantanéité.
(i) A. Bastin : Contribution à l'étude du pouvoir bactéricide du san^^ La Cellule, t. VIII, 1892.
29
228 J. HAVET
5° Le pouvoir bactéricide se reproduit avec une grande rapidité; cette
régénération s'annonce déjà après une demi-heure; au bout de 5 à 6 heures,
le pouvoir bactéricide est en grande partie récupéré.
6° Le pouvoir bactéricide aboli pour une espèce microbienne l'est
aussi pour d'autres espèces.
7° Dans les infections graves produites chez les animaux par l'injection
de microbes vivants dans les tissus, le sang présente une diminution du
pouvoir bactéricide, et le degré de cette diminution paraît être en rapport
avec l'intensité de l'infection.
8" Dans les infections légères, du moins chez Ihomme, le pouvoir
bactéricide du sang paraît augmenter.
Les expériences de Bastin ont fixé ainsi bien nettement les modifica-
tions qui atteignent le pouvoir bactéricide; elles en ont établi l'intensité,
la rapidité, le retour graduel; elles ont montré que, aboli pour un microbe,
il l'est pour les autres; mais l'attention de l'auteur ne s'est pas portée sur
les leucocytes. Or, nous savons par les expériences de Wérigo que, sous
l'action des injections intravasculaires de microbes, le nombre des leuco-
cytes subit des oscillations analogues à celles de la puissance bactéricide;
ils diminuent dans une première période pour reparaître dans une seconde.
Ces périodes coïncident-elles avec les fluctuations analogues que subit le
pouvoir bactéricide?
C'est dans le but d'éclairer cette question que nous rapportons les ex-
périences suivantes.
En premier lieu, nous étudierons la période de disparition du pouvoir
bactéricide; en second lieu, celle de son retour.
A. Période de disparition du pouvoir bactéricide.
Expérience I.
CHIEN de 32oo gr.
A 10, 5o heures. Première prise de sang et injection de i ce. d'une émulsion de
staphylocoques dans l'eau salée. Les staphylocoques ont été tués
par une température de 60° maintenue pendant quinze minutes.
,4 1 1 heures. Deuxième prise de sang. Les leucocytes à noyau poly morphe ont
complètement disparu ; il ne reste plus que des leucocytes à noyau
rond et à corps protoplasmatique peu développé.
Ces deux portions de sang sont divisées en deux moitiés, et chacune
d'elles est inoculée avec une culture de bacille commun de l'intestin dans
du .sang de chien. Le tableau suivant donne les résultats.
POUVOIR BACTERICIDE DU SANG DE CHIEN
TABLEAU I.
(i'''^ portion.
Une anse de
bacilles communs,
pris avant <
rmjection. i ^me portion.
f 5 anses de bacilles
\ communs.
Sang pris
lo minutes
après '\
l'injection. '
3'^^ portion.
Une anse de
bacilles communs.
4™« portion.
5 anses de bacilles
communs.
IMMÉD. APRÈS
APRÈS I H.
APRÈS 2 H-î
APRÈS 4 H.
23lOO
9
0
G
54400
546
62
52
8240
11440
16660
22080
49125
89640
58400
Innombrables
L'expérience est concluante : les deux premières portions accusent une
puissance bactéricide intense; les deux dernières, une perte complète de
ce pouvoir. -
Expérience II.
Dans l'expérience précédente, nous avons ensemencé largement les
portions de sang. Dans l'expérience suivante, l'ensemencement a été parci-
monieux, afin de faire ressortir d'autant mieux l'impuissance du sang dé-
pouillé de ses leucocytes. En outre, nous avons fait la numération des
globules blancs en comptant le nombre de ces éléments compris dans
plusieurs champs du microscope et en établissant la moyenne. Nous avons
eu soin de faire cette opération sur des préparations où une anse de sang
avait été étalée autant que possible en couche uniforme et d'épaisseur égale.
CHIEN de 3780 gr. .
A 7,1 5 heures Première prise de sang et injection de 4 cent, cubes de staphylocoques
tués. Dans le sang recueilli, nous trouvons 82 leucocytes par champ,
presque tous à noyau polj'morphe.
A 7,3o heures. Deuxième prise de sang. Les globules blancs à noyau polymorphe
sont extrêmement rares. Dans 9 champs réunis, nous n'en comptons
qu'un, à côté de 24 leucocytes à noyau rond.
230
J HAVET
TABLEAU II.
IMMÉD.
APRÈS
I H. APRÈS
2 H. APRÈS
4 H. APRÈS
6 H. APRÈS
j Enseniencemenl
23o
5
0
0
0
l avec une
irc prise de ' anse bac comm.
sang. j
/ Ensemencement
2220
ii6
I
2
3
\ avec 8 anses.
2""= prise de l Ensemencement
i59
195
494
35i
582
sang. ( avec une anse.
Dans cette expérience, nous éliminons les leucocytes par une injection
unique; mais, si au lieu de procéder d'un seul coup, nous injectons des
doses faibles de façon à éliminer les globules blancs par étapes successives,
pouvons-nous constater une extinction graduelle et partielle du pouvoir
bactéricide?
<
Expérience III.
Nous faisons quatre injections successives, dont chacune prise à part
est trop faible pour éliminer les leucocytes; 5 à 10 minutes après chaque
injection fémulsion de staphylocoques tués par la chaleur), nous prélevons
un peu de sang, lequel, après ensemencement avec du bacille commun
de l'intestin, sert à faire des plaques. Par l'examen microscopique, nous
pouvons nous assurer que le nombre des leucocytes a diminué après chaque
injection, et qu'après la quatrième, les leucocytes à noyau polymorphe
sont éliminés complètement.
CHIEN de 3940 gr.
A 7,25 heures. Première prise de sang et injection d'une demi-seringue de staphy-
locoques tués.
)i Deuxième prise de sang. Les globules blancs ont diminué, mais sont
encore nombreux. Nouvelle injection de 1/2 ce. de staphylocoques.
)) Troisième prise de sang. Les globules blancs n'ont pas encore com-
plètement disparu. Nouvelle injection de i ce. de staphylocoques.
)) Quatrième prise de sang et injection de i ce. de staphylocoques.
1) Cinquième prise de sang. Élimination complète des leucocytes à
noyau polymorphe.
') 7.40
I) 8,22
» 8,34
POUVOIR BACTERICIDE DU SANG DE CHIEN
231
TABLEAU III.
IMMÉD. APRÈS
ENSEMENCEMENT
2 H. APRÈS
4 H. APRÈS
6 H. APRÈS
333oo
4020
588
473
60480
18720
28250
74340
47040
14430
37800
Innombrables
34320
22490
48920
Innombrables
56940
26i3o
i3g2oo
Innombrables
!'■<= prise.
2"« prise.
3™<= prise.
4100 prise.
5 me prise.
On peut voir dans ce tableau que le pouvoir bactéricide diminue gra-
duellement au fur et à mesure que les leucocytes disparaissent. Dans la
portion, 1, recueillie avant toute injection, la diminution est progressive et
ininterrompue : 33300 à 473. Dans les portions suivantes, la diminution
existe seulement à la deuxième heure; à la quatrième heure, la pullulation
est prononcée partout et d'autant plus accusée que l'on descend la série
des prises.
L'examen microscopique des préparations faites en même temps que
les plaques donne des résultats complètement confirmatifs de ceux fournis
par les plaques. Le développement se montre d'autant plus rapide et
d'autant plus abondant que le nombre des leucocytes est plus faible.
TABLEAU IV.
!'■'= portion.
2"« portion.
3""^ portion.
4""^ portion.
5™« portion.
2™^ HEURE
4""= HEURE
Rares chaînettes de 4 ; un peu
Pas d'organismes libres ; après de
de phagocytose.
longues recherches, un amas de
leucocytes avec quelq. bacilles.
Id comme pour la i" portion.
Plusieurs bacilles et chaînettes
courtes par champ microscop.
Phagocytose bien marquée.
Plusieurs chaînettes de 4 par
Beaucoup d'amas et de chaînettes
champ.
par champ. Phagocytose.
Les chaînettes sont plus longues
Id.
que précédemment.
Chaînettes plus longues que dans
Culture ; pas de phagocytose.
la portion précédente.
232 J- HAVET
/■
Nous pouvons conclure de ces trois expériences que m perte du pouvoir
bactéricide et la disparition des leucocytes marchent de pair.
B. Période, de retour du pouvoir bactéricide.
A. Bastin et Wérigo ont constaté que les modifications imprimées au
sang par les injections n'étaient que de courte durée. Après un certain
nombre d'heures , le pouvoir bactéricide et la richesse leucocytaire se
reconstituent. Il importe à nous, qui avons pour but d'étudier les rela-
tions qui existent entre la propriété microbicide et l'élément leucocytaire,
d'examiner si le retour de la première coïncide avec le retour du second.
Dans ce but, nous avons laissé en vie les chiens qui nous ont fourni
les résultats exposés plus haut, et nous nous sommes renseigné, par de
petites incisions faites de temps en temps à l'oreille, sur le moment où le
sang rentrait en possession de ses globules blancs. Quand nous jugions
le moment opportun, nous recueillions un peu de sang par la carotide et
fixions son pouvoir bactéricide. Sur certains chiens, nous avons renouvelé
cette opération plusieurs fois, de façon à avoir l'occasion d'étudier l'inten-
sité du pouvoir bactéricide à différentes étapes de la reconstitution du
sang.
Nous reprenons donc l'histoire de nos trois chiens, chez lesquels nous
avons, par une injection de staphylocoques, aboli le pouvoir bactéricide, en
même temps que nous éliminions les leucocytes de la circulation.
Pour permettre au lecteur de juger plus facilement du réveil du pou-
voir bactéricide, nous reprenons dans chaque tableau l'état du pouvoir
tel qu'il était après l'élimination leucocytaire.
Expérience IV.
(Continuation de l'expérience I.)
CHIEN I.
A II, oo heures. Injection de staphylocoques et disparition des leucocytes.
» 5,3o )) Retour abondant des leucocytes. T. R. Sgf.ô. Prise de sang.
POUVOIR BACTERICIDE DU SANG DE CHIEN
233
TABLEAU V.
Sang
privé de ses
leucocytes.
Sang
pendant le
retour des
leucocytes.
!'■'= portion.
Une anse bac.
2""= portion.
5 anses bac.
ir^ portion.
Une anse bac.
2me portion.
5 anses bac.
comm.
IMMÉD. APRÈS
APRÈS I H.
APRÈS 2 H.
APRÈS 4 H.
8240
II 400
16660
22080
49125
89640
58400
Innombrables
I414O
540
36
31700
4o5o
728
Expérience V.
(Continuation de l'expérience II.)
A 7,20 heures. Injection de microbes et disparition des leucocytes. Moyenne des
leucocytes à noyau polj-morphe : i sur g champs microscopiques.
1) 10, 3o )) Globules blancs assez nombreux. Moyenne par champ : 23. S™*: prise
de sang.
» 2,45 » Globules blancs nombreux. Moyenne par champ : 56. 4""^ prise de sang.
Pour bien juger des résultats, n'oublions pas que la moyenne des glo-
bules blancs antérieurement à toute injection était de 82.
TABLEAU VL
Pouvoir
du sang après
élimination
des leucocytes
3""= prise.
23 leucocj'tes
par champ.
Poi'tion
avec i anse bac.
comm.
i'''^ portion
avec I anse bac.
comm.
2"« portion
avec 8 anses.
/ !'■<: portion
4™|= prise, l avec i anse bac.
56 leucocytes | comm.
par champ. / 2""^ portion
\ avec 8 anses.
DE SUITE
APRÈS
APRÈS I H.
APRÈS 2 H.
APRÈS 4 H.
APRÈS 6 H.
i59
195
494
35l
682
289
108
24
4
5
1287
353
169
84
83
67
3
I
2
I
444
65
46
i3
3
!34
J. HAVET
Expérience VI.
(Continuation de l'expérience III.)
A 8,34 heures. Élimination complète des leucocytes par les microbes injectés.
,,10,40 )> Les globules ' reparaissent en petite quantité. Sixième prise de sang.
,) 4,3o I)
Les globules sont revenus nombreux. Septième prise de sang.
TABLEAU VIL
IMMÉD. APRÈS
APRÈS I H.
APRÈS 2 H.
APRÈS 4 H.
56940
25i3o
139200
Innombrables
34730
19570
i855o
66820
2223o
83
0
5™^ prise de sang.
Élimination complète des
leucocytes.
6™<: prise.
Petit nombre de leucocytes.
7™e prise.
Leucocytes nombreux.
La signification de ces expériences est bien nette et se passe de tout
commentaire : le retour des leucocytes coïncide avec le retour du pouvoir
bactéricide. La coïncidence est surtout intéressante à poursuivre dans les
expériences V et VI, où nous avons pu recueillir, pendant la réintégration
graduelle des leucocytes, du sang à deux reprises difîférentes : le premier
pauvre en leucocytes, le second plus riche mais inférieur néanmoins au
sang primitif. La doctrine exige que le pouvoir du premier fut inférieur au
second, et celui du second inférieur au pouvoir du sang primitif, et de fait,
c'est le résultat fourni par les plaques.
Enfin, pour établir encore plus nettement le lien intime qui existe
entre le pouvoir bactéricide et les leucocytes, nous avons, chez les chiens
II et III, après le retour des leucocytes, pratiqué une nouvelle injection
microbienne, afin d'éliminer une seconde fois les leucocytes; le résultat
fut absolument le même qu'après la première injection : diminution
ou disparition des leucocytes, diminution ou abolition du pouvoir bac-
téricide.
Voici les chiffres de l'une de ces expériences :
POUVOIR BACTERICIDE DU SANG DE CHIEN
235
Expérience VII.
(Continuation des expériences II et V.)
A 3 heures. Après le retour partiel des leucocytes, nouvelle injection de staphylo-
coques dans la jugulaire et 5'"'^ prise de sang. Nous comptons 3 leucocytes
contre 56 immédiatement avant et 82 au début de l'expérience.
TABLEAU VIII.
Sang avant
la 2""= injection.
56 leucoc3tes.
Sang après
la 2™'-' injection.
3 leucocvtes.
i^e portion.
Une anse bac. comm
2ine portion. 8 anses.
1'''^ portion.
Une anse bac. comm.
2™'ï portion. 8 anses.
DE SUITE 1
APRÈS
I HEURE
2 HEURES
67
3
I
444
65
46
38
19
76
468
2054
1288
Des expériences précédentes, nous nous croyons autorisé à tirer les
conclusions suivantes :
1° la disparition des leucocytes et la perte du pouvoir bactéricide
qui suivent Finjection de produits microbiens dans le sang sont deux
phénomènes intimement liés l'un à l'autre. Si la dose injectée est suffisante
pour éliminer d'un coup les leucocytes, le pouvoir est aboli complètement;
si la dose est insuffisante, la diminution de ce pouvoir est proportionnelle
au nombre des globules blancs éliminés.
2° Le retour du pouvoir bactéricide coïncide avec la réapparition des
leucocytes.
3° Ce pouvoir croit au fur et à mesure que le nombre des globules
blancs augmente.
30
TROISIÈME PARTIE,
INJECTION DE MICROBES VIVANTS DANS LES SÉREUSES.
Nous venons de voir qu'après l'injection de cultures tuées dans le
sang, les variations du pouvoir bactéricide du sang marchent de pair
avec la richesse en leucocytes. La façon dont nous avons exécuté nos
expériences — injection intravasculaire d'une culture morte — réalise en
un acte l'envahissement lent, mais ininterrompu, du sang par des produits
bactériens dérivant d'un foyer infectieux occupant les tissus. Dans l'un et
dans l'autre cas, si la porte d'entrée est différente, l'effet est le même et
nous pouvons nous attendre à des résultats identiques.
Nous avons vu plus haut que Bastin, étudiant chez le chien et chez
l'homme le pouvoir bactéricide du sang dans le cas d'infection expérimen-
tale ou naturelle, était arrivé à la conclusion que, dans les infections graves
conduisant à la mort, le pouvoir bactéricide du sang baisse et devient même
nul, tandis que, dans les infections légères, il y a recrudescence de ce pou-
voir. Mais ici encore, cet auteur ne nous renseigne pas sur les variations de
nombre des globules blancs. Des recherches de cette nature ont été faites
dernièrement par M^^^^ Everard, M""^ Demoor et Massart(i). Ces auteurs
ont étudié le sort des leucocytes du sang après une injection de cultures
vivantes, stérilisées ou filtrées, dans le tissu cellulaire sous-cutané, et ils
formulent le résultat de leurs recherches dans les propositions suivantes :
s L'injection de cultures microbiennes vivantes ou mortes détermine
n en premier lieu l'abaissement du nombre des leucocytes circulants, et
» surtout des leucocytes à noyau polymorphe compact et à protoplasma
y granuleux.
" Lorsque l'animal résiste à l'infection, la période d'hypoleucocytose
" est suivie d'une phase pendant laquelle les leucocytes, principalement les
» leucocytes à noyau polymorphe, sont très abondants ; puis le sang reprend
r> des caractères normaux.
(i) Cl. Everard, J. Demoor, J. Massart ; Sur les modifications des leucocytes dans l'infection et
dans l'immunisation; Annales de Tlnstitut Pasteur, iSgS.
POUVOIR BACTERICIDE DU SANG DE CHIEN 237
» La phase typique d'hyperleucocytose fait défaut chez les individus
V qui succombent à l'infection ; tantôt, elle manque complètement (lorsque
« la mort survient rapidement) ; tantôt, elle est remplacée par une série
V d'oscillations (quand la maladie infectieuse se prolonge plus longtemps). "
Ces résultats, mis en regard de ceux obtenus par Bastin, permettent
de conjecturer que les fluctuations du pouvoir bactéricide observées par
cet auteur sont sous la dépendance des variations leucocytaires décrites par
les trois auteurs belges. Pour trancher la question, nous avons injecté à trois
chiens des cultures vivantes de staphylocoques venues sur agar incliné, et
cela, de la façon suivante : un premier chien reçoit, dans la plèvre, le produit
de deux tubes dilué dans 2 ce. d'eau stérilisée ; un second chien est injecté,
dans la plèvre également, avec un demi-tube dilué dans 2 ce. d'eau + 2 ce.
de bile; à un troisième, une injection est pratiquée dans le péritoine avec
un demi-tube dilué dans 2 ce. d'eau + 2 ce. de bile.
L'addition de bile dans les deux dernières expériences a pour but de fa-
voriser l'infection, de la stimuler, d'assurer, si possible, la mort des animaux.
Les résultats obtenus par Laruelle et De Marbaix avec ce produit permettent,
en effet, de le considérer comme une substance adjuvante de première qualité.
Nos expériences démontrent encore une fois l'efficacité de cette humeur.
En effet, le premier chien, qui ne reçoit pas de bile, se rétablit complètement;
les deux autres succombent, quoique la dose de microbes injectée fut de
beaucoup inférieure à celle du chien L
Nous commençons par l'exposé de notre expérience avec le premier de
ces chiens.
Expérience VIII.
CHIEN de 3820 gr.
A 10, 3o heures. Prise de sang à la carotide. En mo}renne, 120 globules blancs par champ.
Injection dans la plèvre de staphylocoques vivants (valeur de 2 tubes
dilués dans 2 ce. d'eau stérilisée).
» 2,3o » T. R, 400,3. Deuxième prise de sang. En moyenne , 17 globules
blancs par champ.
Le lendemain matin, 8 heures. T. R. 39°, 4. Troisième prise de sang. Les globules blancs
sont revenus en nombre très considérable. En moyenne, 180 par champ.
Les deux premières prises fournissent chacune deux portions de 5 ce,
dont l'une est ensemencée avec deux anses, l'autre avec une goutte de
culture de bacille commun de l'intestin dans le sang de chien.
La troisième prise fournit trois portions, également de 5 ce, qui sont
ensemencées respectivement avec deux anses, une goutte et deux gouttes.
238
J. HAVET
Comme on le voit, nous avons ensemencé certains de nos tubes avec des
quantités relativement considérables : une goutte de culture ancienne pour
5 ce. ou loo gouttes de sang frais. En agissant ainsi, nous avons eu en vue
de mettre le sang dans les conditions voulues pour qu'il put manifester
la totalité de sa puissance bactéricide. En effet, si l'on se contente
d'ajouter des quantités minimes de microbes, ces quantités disparaissent
presqu'aussi rapidement dans un sang très bactéricide que dans un sang de
puissance moyenne. La raison en est simple; la destruction des microbes
étant fonction des leucocytes, on aura dans un sang de richesse moyenne ou
même faible assez de ces éléments pour accaparer le petit nombre d'orga-
nismes ajoutés. Les deux sangs sembleront posséder le même pouvoir, quoi-
qu'en réalité l'un surpasse l'autre de beaucoup. La supériorité de l'un d'eux
échappera, simplement parce qu'on ne l'aura pas sollicité à donner tout ce
qu'il pouvait. Si l'on veut faire des études comparatives sur le pouvoir bac-
téricide de plusieurs échantillons de sang, il est donc indispensable de le
faire agir sur des quantités suffisantes, par exemple une goutte de culture
pour 5 ce. de sang. C'est ce que nous avons fait.
Les plaques nous ont fourni les chiffres suivants.
TABLEAU IX.
Prise A.
Sang recueilli
avant
toute injection.
I20 leucoc3'tes |
par champ.
Prise B.
Sang recueilli
à la disparition
des glob. blancs.
17 leucocytes
par champ.
APRÈS U H. APRÈS I 2 H. APRÈS 4 H. APRÈS OH. APRÈS
i"''^ portion.
2 anses bac.
çomm.
2""^ portion.
Une goutte.
3'"'= portion
2 anses.
^me portion.
Une goutte.
/ 5™<^ portion.
i le\
Prise C
Sang recueill
lendemain
180 leucocytes
par champ.
2 anses.
gmc portion.
Une goutte.
^mc portion.
2 gouttes.
ôoooo
i55ooo
60000
i65ooo
ôoooo
i55ooo
360000
3 8000
42000
78760
9025
18040
40725
106
32l52
490
756
3ooo
10
1224 444
8040 58o8
55632
280
140
16800
Innombr.
72
POUVOIR BACTERICIDE DU SANG DE CHIEN
239
L'expérience est aussi intéressante que décisive.
D'un côté, par les oscillations du pouvoir bactéricide, elle s'harmonise
avec les expéziences de Bastin, de l'autre, par les oscillations de la richesse
leucocytaire, avec les observations des auteurs belges, et elle nous permet
de conclure que, dans les infections se terminant par la guérison, le stade
d'hypoleucocytose s'accompagne d'une diminution du pouvoir bactéricide ,
le stade d'hyperleucocytose, d'une augmentation de ce pouvoir. En un mot,
les conclusions obtenues répondent complètement aux exigences de la
doctrine phagocytaire. La prise C, la plus riche en globules (180), tue les
organismes en plus grand nombre et le plus rapidement. Puis vient la
portion A (richesse en leucocytes : 128), et enfin la portion B (richesse en
leucocytes : 17)-
La. comparaison entre la prise C et la prise A eut été plus intéressante
encore, si nous avions ensemencé un échantillon de A avec deux gouttes
de culture. La différence entre A et C n'en eut été que plus frappante, car
l'habitude que nous avons de ce genre de recherches nous permet d'affirmer
que la portion A ne serait pas parvenue à maîtriser les deux gouttes.
Cette expérience confirme en outre un fait déjà soupçonné à la suite
des expériences de Bastin sur l'homme pour le staphylocoque et établi en
toute évidence par J. Denys et Kaisin (1) chez le chien et le lapin pour le
charbon : à savoir que, dans l'organisme infecté, il se produit une réaction
consistant en un accroissement du pouvoir bactéricide.
Nous pouvons facilement prouver que cet accroissement chez le chien
est dû uniquement à une augmentation des leucocytes. En effet, filtrons la
portion C prise au stade de réaction, et ensemençons la avec deux anses de
la même culture que précédemment. Nous obtenons les chiffres suivants :
TABLEAU X.
! IMMÉD. 1
APRÈS APRÈS I H. APRÈS 2 H.
APRÈS 4 H.
APRÈS 6 H.
55ooo
4-2670
61000
129000
Innombr.
Portion C
filtrée et ensemencée avec
2 anses bac. comm.
Ce dernier résultat nous permet d'entrer encore plus avant dans le
problème de la défense du chien contre les microorganismes, car il nous
permet de conclure que l'accroissement du pouvoir constaté dans les infec-
(1) J. Denys et a. Kaisin : Recherches à propos des objections récemment élevée contre le pou-
voir bactéricide du sang; La Cellule, t. IX, 2, i8g3.
240
J. HAVET
lions est dû, non pas à l'acquisition par le sérum de propriétés spéciales,
mais simplement au nombre des leucocytes.
Examinons maintenant les chiens qui ont succombé à l'injection des
staphylocoques unis à la bile.
Expérience IX.
CHIEN de 3520 gr.
A II, 3o heures. Première prise de sang. Moyenne des leucocytes : gS par champ.
Injection de staphylocoques vivants dans la plèvre. Culture impure de
la valeur d'un demi-tube dilué dans 2 ce. de bile.
» 2,3o I) T. R. 400,2. Deuxième prise de sang. Moyenne des leucocytes :
16 par champ.
1) 5 » Le chien. meurt. Troisième prise de sang au cœur. 7 globules blancs
en moyenne.
Nous avons donc chez ce chien une diminution progi'essive des leuco-
cytes. Les portions de sang sont également de 5 ce, et elles sont ense-
mencées avec la même culture.
TABLEAU XL
DE SUITE
APRÈS ^ ^" AP'^ÈS 2 H. APRÈS 4 H. APRÈS
6 H. APRÈS
Sang pris
avant toute
injection. g8
leucocytes.
Sang pris
à 2,3o heures.
16 leuco-
cytes.
Sang pris
à 5 heures.
7 leuco-
cytes.
ire portion. ôoooo
2 anses bac .
comm.
omc portion.
1 goutte bac.
comm.
V^ portion.
2 anses bac.
comm.
2™« portion.
1 goutte bac.
comm.
i'''^ portion.
2 anses bac.
comm .
2°"^ portion, j i55ooo
i goutte.
i65ooo
60000
i65ooo
60000
23140
33280
51604
81640
43730
Légère
diminution
i332
5i6o
24000
18180
17710
30400
igo
2535
4i3o
44200
34720
Innombr
175
28800
10044
Innombr.
Innombr.
Innombr.
POUVOIR BACTÉRICIDE DU SANG DE CHIEN 24 1
Le résultat est net ; la diminution du pouvoir bactéricide va baissant
avec le nombre des leucocytes.
Expérience X,
CHIEN de 4200 gr.
A 10, 3o heures. Première prise de sang. Moyenne des globules blancs : 56. Injection
dans le péritoine de deux seringues de staphylocoques additionnées de
leur volume de bile.
)) 3,3o )) T. R. 40°. Deuxième prise de sang. En moyenne : 20 globules blancs.
)) 10 » Le lendemain, l'animal meurt. Troisième prise de sang au cœur.
Moyenne des globules blancs : 64.
Avec chaque prise de sang, nous faisons trois portions de 5 ce. Le pouvoir
bactéricide des portions appartenant à la troisième prise ne peut naturel-
lement être fixé qu'un jour après celui des deux premières prises; mais
l'ensemencement de toutes a lieu avec la même culture mûre de coli-bacille
dans le sang de chien. Il n'y a qu'une différence : les portions appartenant
aux prises I et II sont ensemencées respectivement avec 1/2 goutte, 1
goutte et 2 gouttes; celles qui appartiennent à la prise III le sont avec des
doses moitié moindres, 1/4, 1/2 et 1 goutte.
J. HAVET
TABLEAU XII.
DE SUITE
APRÈS
I H. APRÈS 2 H. APRÈS 4 H. APRÈS 6 H. APRÈS
Sang pris
avant toute
injection.
56 gl. blancs
par champ
I ire portion.'
1/2 goutte bac.
comm.
/
es i
I
\
Sang pris
à 3 1/2 h.
20 gl blancs.
Sang recueilli I
le lendemain \
imméd. après ;
la mort. j
64 gl. blancs. 1
2""= portion.
I goutte.
3"'= portion.
2 gouttes.
4me portion.
1/2 goutte.
5mc portion.
I goutte.
5tnc portion.
2 gouttes.
yf""^ portion.
1/4 goutte.
S""^ portion.
I 2 goutte.
g"<= portion.
I Efoutte.
72800
i55ooo
2 I 8400
5og6o
io5ooo
Innombr
3 5 000
62004
129772
8750
28340
45895
7410
2525o
32234
ii3io
28063
38280
756
85o5
61200
960
5040
21484
3990
10488
45000
i3i6
12180
28800
200
7368
Innombr.
25o
Innombr.
Innombr.
3399
SiSgo
Innombr.
Cette expérience mérite notre attention à deux titres :
1° Tandis que, dans l'expérience précédente, la décroissance globu-
laire va progressant jusqu'à la mort, il y a dans celle-ci un relèvement; bien
plus, le nombre des leucocytes, au moment où l'animal succombe, est légè-
rement supérieur à celui que nous lui avons trouvé avant l'infection. Ce
fait nous apprend que la gravité de l'empoisonnement et l'abaissement du
nombre des leucocytes ne marchent pas nécessairement de pair. La défaite
de l'organisme peut s'accomplir alors que les leucocytes sont encore nom-
breux ; elle se produit alors par l'intoxication graduelle du système nerveux,
à laquelle l'action leucocytaire ne peut remédier directement. N'oublions
pas, en effet, que les leucocytes ont pour mission de détruire les microbes,
mais qu'ils paraissent complètement impuissants contre les poisons déversés
POUVOIR BACTERICIDE DU SANG DE CHIEN 243
par ces derniers dans le système circulatoire. On conçoit qu'à un moment
donné de la lutte, surtout lorsqu'elle est longue, le système nerveux soit
intoxiqué et paralysé, alors que les globules blancs n'ont pas épuisé toutes
leurs ressources. On conçoit même que, dans ces conditions, la mort puisse
survenir à la période d'hyperleucocytose, qui constitue un effort réactionnel
de la part des phagocytes pour maîtriser les agents infectants.
2° Si l'on compare attentivement les chiffres fournis par les prises
I et III, en tenant compte que les ensemencements sont de moitié plus
faibles dans les portions 7, S et 9, on constate avec étonnement que la
portion III, malgré son effectif supérieur en leucocytes, exerce une action
bactéricide inférieure à la portion I. Ce fait est-il de nature à infirmer la
corrélation constante que nous avons trouvée jusqu'à présent entre la ri-
chesse leucocytaire et le pouvoir bactéricide?
Nullement, mais il nous fait entrevoir que d'autres facteurs peuvent
intervenir pour modifier légèrement ce rapport et lui enlever sa rigueur
absolue. Quels sont ces facteurs ?
En premier lieu, on peut admettre une sorte d'épuisement, une espèce
de fatigue du leucocyte qui, ayant détruit un certain nombre d'organismes,
a perdu du-même coup. une partie de son énergie.
En second lieu, il est légitime de supposer que les poisons microbiens
agissent à leur tour sur les leucocytes et, dans certaines conditions, para-
lysent, jusqu'à un degré plus ou moins fort, leur fonction phagocytaire.
Nous ne savons s il faut attribuer un rôle au premier facteur : l'épui-
sement; mais nous pouvons facilement établir par l'expérimentation que
les poisons microbiens ralentissent l'activité des phagocytes. En voici une
preuve.
Expérience XI.
Nous avons cinq portions de sang de 5 ce. chacune : la première est em-
ployée comme telle; aux quatre autres, nous ajoutons la partie claire d'une
ancienne suspension de bacilles de l'intestin dans l'eau. Les bacilles sont
venus sur pomme de terre et délayés dans l'eau salée physiologique, chlo-
roformée, dans la proportion i pour g. Il va sans dire que le chloroforme
a été expulsé complètement, avant l'usage, par une douce chaleur.
Le 2"'2 tube reçoit 0,025 ce. du poison, c'est-à-dire 1/4 0/00.
Le 3™= - - 0,05 ce. - " 1/2 0/00.
Le 4™^ - - 0,25 ce. - « 1/4 0/0.
Le 5™ •. - 0,5 ce. - " 1/2 0/0.
31
244
J. HAVET
Les cinq tubes sont ensemencés avec le coli-bacille et fournissent les
chiffres suivants :
TABLEAU XIIL
DE suite'
APRÈS
APRÈS I H.
APRÈS 2 H.
8384
APRÈS 4 H.
APRÈS 6 H.
lOOOOO
23807
476
340
lOOOOO
28861
14720
1079
5148
lOOOOO
31720
23349
1680
12420
lOOOOO
3 2 200
1
11970
2000
6600
lOOOOO
1
28188
20440
II 200
49400
Tube I.
Tube II.
1/4 0/00.
Tube III.
1/2 0/00.
Tube IV.
1/4 0/0.
Tube V.
1/2 0/0.
Le sang le plus puissant est celui du premier tube, c'est-à-dire celui
qui n'a pas reçu de poison ; la diminution va en progressant jusqu'à la
dernière heure!
Dans les tubes suivants, le minimum est partout supérieur au mini-
mum du premier tube; en outre, dès la sixième heure, nous avons une
repullulation accentuée, surtout dans le dernier tube qui reçut la dose la
plus forte.
Cette expérience prouve que les poisons bactériens exercent une in-
fluence paralysante sur les globules blancs. Cette influence se fait déjà sentir
avec des doses extrêmement faibles : 0,025 0/0. Si l'on songe que l'émulsion
microbienne qui a fourni le poison est elle-même au dixième, les microbes
exercent leur effet paralysant à la dose de 0,0025 0/0 ; et si l'on tient compte
que les microorganismes contiennent 80 0/0 d'eau, l'action paralysante
s'obtient avec 0,0005 0/0 de microbes desséchés. Encore, admettons-nous,
ce qui est évidemment faux, que toute la substance microbienne est formée
de ce poison.
En même temps que nous avons fait les plaques, nous avons confec-
tionné des préparations microscopiques avec les cinq sortes de sang, de quart
d'heure en quart d'heure d'abord, de 1/2 heure en 1/2 heure ensuite.
Nous avons pu constater le phénomène de la phagocytose chez toutes;
mais tandis que, dans les dernières préparations du tube I, ce phénomène
POUVOIR BACTERICIDE DU SANG DE CHIEN
245
avait presque disparu, les microbes libres faisant défaut, les préparations
correspondantes des autres tubes montraient au contraire de nombreux
leucocytes avec des organismes intacts ou détériorés et de nombreux bâton-
nets libres. Cet examen confirme donc entièrement les résultats fournis par
les plaques.
Pour terminer, donnons encore une expérience du même genre; elle est
intéressante parce que l'ensemencement a été fait avec du sang de chien con-
tenant, à côté du bacille de l'intestin, un autre organisme, un microcoque.
Expérience XII.
Nous avons également ici cinq portions de sang de 5 ce. ; les quatre
dernières sont additionnées de poison dans les mêmes proportions que
l'expérience précédente.
\^oici les chiffres obtenus. Ils comprennent à la fois les colonies de
bacilles et celles des microcoques.
TABLEAU XIV.
--
DE SUITE
APRÈS
APRÈS 2 H.
APRÈS 4 H.
APRÈS 6 H.
Tube I.
298900
70980
317520
Innombrables
Tube II.
Poison 1/4 o'oo.
l52320
162700
980750
»
Tube III.
Poison 1/2 0/00.
172900
i8i3oo
I I 28400
»
Tube IV.
Poison 1/4 0/0.
23 1000
397040
Innombrables
))
Tube V.
Poison 1/2 0/0.
145530
635040
»
»
En résumé, le premier tube seul, qui ne reçoit pas de poison, présente
une forte diminution après la deuxième heure. Tous les autres fournissent
une augmentation immédiate, d'autant plus rapide que la quantité de poison
en présence est plus considérable. La comparaison est surtout intéressante
entre les tubesTI et V. Ces deux expériences nous permettent de conclure
que les microbes sécrètent des substances qui contrecarrent le poui>oir
phagocytaire. Pour juger de l'énergie de celui-ci, il ne suffit pas de con-
sidérer le nombre des leucocytes, mais il faut tenir compte également,
dans une certaine proportion, des conditions dans lesquelles ce pouvoir
est amené à agir.
31.
■246 J- HAVET
Nous ne serions pas étonné que des doses plus fortes de poison para-
lysent complètement les leucocytes et les fassent périr. Nous croyons
pouvoir admettre que cette victoire des microbes se présente souvent soit
sur une large échelle, soit seulement sur un petit nombre de leucocytes.
Nous avons dit plus haut que notre dernière expérience présentait un
intérêt spécial. En effet, ayant exécuté pendant sa marche des prépara-
tions microscopiques, nous n'avons pas été peu étonné en constatant que
les leucocytes du tube I englobaient indifféremment les bacilles et les
microcoques, tandis que ceux des tubes renfermant les plus fortes doses
de poison refusaient les microcoques et ne prenaient que les bacilles.
Le phénomène présentait une telle netteté qu'il ne pouvait être nié.
Déjà, en faisant la numération des colonies sur les plaques, nous avons
été frappé de ce fait que l'augmentation portait, non pas sur les colonies
du bacille intestinal, mais sur celles des microcoques. Le microscope nous
donna la clef de ce phénomène étrange.
Cette expérience nous montre qu'un microbe peut, dans certaines
conditions, être délaisse' par les leucocytes. Elle nous fait poir également
qu'un même leucocyte, se trouvant en présence de deux espèces microbiennes,
peut accaparer soit les deux, soit lune des deux seulement, suivant le milieu
dans lequel il agit.
L'étude de l'action des globules blancs sur plusieurs sortes de microbes
à la fois, avec ou sans addition de poison, fournira peut-être des données
très intéressantes sur l'infection et sur l'immunité. C'est une voie qui, on
peut l'espérer, sera féconde en résultats.
CONCLUSIONS.
1 . Chez le chien, la disparition partielle ou totale des globules blancs,
qui succède à une injection de produits microbiens dans le sang, entraîne la
disparition partielle ou totale du pouvoir bactéricide.
2. Le retour de ce pouvoir coïncide avec la rentrée des globules
blancs dans le sang, et ces deux phénomènes suivent une marche parallèle.
3. Dans les infections succédant aux injections de cultures vivantes
dans les tissus, le stade d'hypoleucocytose est accompagné d'une diminution
du pouvoir bactéricide; et le stade d'hyperleucocytose d'une augmentation
de ce pouvoir. Cette augmentation est due à l'accroissement du nombre
des leucocytes et nullement à une qualité nouvelle acquise par le sérum.
POUVOIR BACTERICIDE DU SANG DE CHIEN 247
4. On ne peut pourtant pas établir de rapport absolument fixe et con-
stant entre l'énergie de la propriété bactéricide et la richesse en leucocytes,
ces derniers pouvant être affaiblis soit par une première digestion micro-
bienne, soit par le poison sécrété par ces derniers.
5. Les leucocytes mis en présence de deux sortes d'organismes peuvent
englober les deux sortes, ou en délaisser une, suivant le milieu dans lequel
ils sont appelés à agir.
Qu'il me soit permis, en terminant ce travail, d'exprimer toute ma
reconnaissance à M. le professeur Denys, pour l'obligeance avec laquelle il
a mis à ma disposition les ressources précieuses de ses conseils et de sa
grande expérience.
_.b
LA CELLULE
LA CELLULE
RECUEIL
DE CYTOLOGIE ET D'HISTOLOGIE GÉNÉRALE
PUBLIE PAR
J. i3. CAKNUY, PROFESSEUR DE BIOLOGIE CELLULAIRE,
(j. CjlLoON, PROFESSEUR DE ZOOLOGIE ET n' EMBRYOLOGIE, J. DENïS, PROFESSEUR d'aNATOMIE PATHOLOGIQUE,
A l' Université catholique de Louvain
AVEC LA COLLABORATION DE LEURS ÉLÈVES ET DES SAVANTS ÉTRANGERS
TOME X
2» FASCICULE.
I. Contribution à l'étude du système nerveux des téléostéens (Communication
préliminaire), par A. VAN GEHUCHTEN.
II. Les glandes filières de VOn'enia fusifonnis Délie Chiaje [Ammochares
Ottonis Griibe), par Gustave GILSON.
III. Le sphincter de la néphridie des gnathobdellides,
par H. BOLSIUS.
IV. Étude sur l'action sporicide des humeurs,
par J. LECLEF.
V. Rapport entre le pouvoir pathogène des microbes et leur résistance au sérum,
par J. LECLEF.
VI, Etude sur le mécanisme de la virulence du staphylocoque pyogène,
par le D' Honoré VAN DE VELDE.
VII. A propos d'une critique dirigée contre le pouvoir bactéricide des humeurs,
par J. DENYS.
LIERRE LOUVAIN
Typ. de JOSEPH VAN IN & O», A. UYSTPRUYST, Libraire,
rue Droite, 48. rue de Namur, ii.
1894
CONTRIBUTION
A L ETUDE DU
SYSTEME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS
COMMUNICATION PRÉLIMINAIRE
PAR
A. VAN GEHUCHTEN
PROFESSEUR d'aNATOMIE A l'uNIVERSITÉ DE LOUVAIN.
(Mémoire déposé le i^i- Décembre 1893.)
32
CONTRIBUTION
A L ETUDE DO
SYSTEME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS
Nous avons entrepris, pendant les mois de février, mars et avril de
cette année, des recherches étendues sur la structure interne des différentes
parties constitutives du système nerveux des poissons osseux, en ayant
recours à la méthode au chromate d'argent de Golgi. Nous avons eu la
bonne fortune de pouvoir nous procurer, en quantité considérable, de jeunes
truites à tous les stades du développement et nous avons pensé que, si nous
parvenions à" élucider dans tous ses détails, chez un vertébré inférieur, le
problème si complexe de la structure et des connexions des différentes par-
ties de l'axe nerveux, nous pourrions nous orienter plus facilement peut-être
dans l'organisation presque inextricable que nous présente le système nerveux
des mammifères et de l'homme.
Nos efforts ont été couronnés de succès. La méthode au chromate d'ar-
gent nous a révélé bien des détails importants. Nous avons dû suspendre
malheureusement nos recherches vers le milieu du mois d'avril, la publica-
tion de nos " Leçons sur le système nerveux de l'homme „ (i), que nous avions
en préparation depuis quelque temps déjà, ayant absorbé tous nos loisirs.
Nous nous réservons de reprendre nos recherches au mois de février
prochain; nous achèverons alors les nombreuses observations incomplètes
encore que nous avons faites sur divers points du système nerveux de la
truite et nous vérifierons une seconde fois certaines dispositions importantes
que nos préparations actuelles ne nous montrent pas avec une netteté
suffisante. Les résultats de ces recherches seront consignés dans une mono-
(I) Van Gehuchten : Le système nerveux de l'homme. Van In à Lierre et Uystpruyst ii Louvain,
iSgS.
2 56 A. VAN GEHUCHTEN
graphie du système nerveux central de la truite, à laquelle nous travail-
lons pour le moment.
Par la communication préliminaire que nous publions aujourd'hui,
nous nous proposons uniquement de prendre date. Nous vivons à une épo-
que où, grâce aux méthodes nouvelles, l'étude du système nerveux central
est à l'ordre du jour dans presque tous les laboratoires; il s'ensuit que les
mêmes recherches se poursuivent quelquefois simultanément dans plusieurs
centres universitaires. Or, quelque vive que puisse être la satisfaction que
l'on éprouve chaque fois que des recherches nouvelles viennent augmenter
la somme de nos connaissances et enrichir le patrimoine de la science, il
n'en est pas moins vrai qu'il est toujours quelque peu désagréable de con-
stater que des faits nouveaux, que, pour un motif ou l'autre, on a tardé à
faire connaître, ont été trouvés en même temps et publiés aussitôt par des
collègues plus empressés.
Le système nerveux des poissons osseux a été, depuis longtemps déjà,
un objet d'étude favori pour des recherches d'anatomie comparée. Stieda,
Fritsch, Sanders, Bellonci, Mayser, RABL-RiiCKHARDT, Edinger, Herrick
et beaucoup d'autres auteurs ont publié des travaux plus ou moins étendus
sur les différentes parties constitutives de cet axe nerveux. Les principales
de ces recherches avaient cependant pour objet plus spécial de détermi-
ner quelles parties du système nerveux des poissons osseux devaient être
considérées comme homologues des différentes parties de l'axe nerveux des
mammifères et de l'homme. Nous reviendrons en détail sur ces travaux
quand nous publierons nos observations /// extenso.
La méthode de Golgi a été appliquée pour la première fois en 1887
par Fusari (1) à l'étude de la fine anatomie de l'encéphale des téléostéens.
P. Ramon (2) l'employa en 1890 pour l'étude de la structure interne du cer-
velet chez quelques poissons du même groupe. Tout récemment, Schaper (3)
s'en est servi dans le même but. Ramon y Cajal signale, dans plusieurs de
(1) Fusari ; Intorno alla Jina anatomia deW cncefalo dci teleostci; Reale accademia dei Lincei,
18S7. Voir aussi : Untersuchungcn ûber die fcincre Anatomie des Gehirnes der Teleosticr: Interna-
tionale Monatschrift, 1887.
(2) P. Ramon : Notas preventivas sobre la estnictiira de los centras nerviosos III. Estructiira
dcl ccrebelo de los peces; Gaceta sanitaria de Barcelona, n" 1, i8i|0, pp. 16 — 18.
(3i Schaper : Zur feineren Anatomie des Kleinhirns der Teleostier; Anatom. Anzeiger, i8o3
pp. 705—720.
LE SYSTÈME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS 257
ses publications, un travail de son frère P. Ramon (i) : une étude comparée
des centres optiques chez les vertébrés présentée en 1890 comme thèse du
doctorat. A l'époque où nous avons rédigé notre mémoire sur les lobes op-
tiques du poulet, en janvier 1892, nous avons écrit au professeur de Madrid
pour lui demander où avait été publié ce travail de son frère. Ramon y Cajal
nous a répondu alors que cette thèse n'avait pas encore été publiée. Nous
ignorons si elle l'a été depuis. Si nous mentionnons encore les recherches
de Nansen et de Retzius sur le système nerveux du Petromyion, celles
de V. Lenhossek (2) sur la moelle épinière et les ganglions spinaux
d'embryons de Pristiiirus et celles plus récentes de Retzius (3) sur les
éléments nerveux de la moelle épinière des poissons osseux, nous croyons
avoir dressé la liste complète des travaux qui renferment les résultats
fournis par la méthode de Golgi sur la structure interne du système
nerveux des poissons en général.
Les différents points que nous nous proposons de traiter dans cette
communication préliminaire sont les suivants :
I. La structure des lobes antérieurs.
II. L'origine des fibres du pédoncule cérébral ou faisceau basai du
cerveau antérieur de Edinger.
III. L'origine et la terminaison des fibres du faisceau de Meynert ou
faisceau rétroréflexe.
IV. Quelques éléments constitutifs des lobes optiques.
V. L'origine et la terminaison des filets olfactifs,
VI. L'origine du nerf oculomoteur commun.
Vil. L'origine du nerf facial.
VIII. L'origine et la terminaison périphérique et centrale des fibres
du nerf acoustique.
IXetX. Les éléments constitutifs du ganglion de Gasser du nerf triju-
meau et du ganglion volumineux qui existe sur le trajet du nerf
pneumo-gastrique, ainsi que la façon dont les fibres sensitives de
ces deux nerfs se comportent à leur entrée dans le tronc cérébral.
(i) p. Ramon : Investigaciones de histologia comparada sobre los centras opiicos de los verte-
brados. Thèse de doctorat, iSgo.
(2) V, Lenhossek : Beobachtungen an den Spinalganglien und dent Rûckenmark von Pristiurus-
embryonen; Anat. Anz., 1892, pp. 5ig — âSg,
(3) Retzius : Studien ûber Ependym und Xeuroglia bei Knochenfischen. pp. 18-20. Die nervoscn
Elemcnte im Rûckenmarke der Knochenfische, pp. 27-31. Biologische Untersuchungen, Neue Folge,
V, i8g3.
258 A. VAN GEHUCHTEN
Si nous ne parlons pas. dans ce travail, des éléments constitutifs de la
moelle épinière de la truite, c'est que ces recherches ont été faites dans notre
laboratoire par un de nos élèves. Vers la fin du mois de mars dernier, c'est-
à-dire plusieurs semaines avant l'apparition du travail de Retzius dont nous
avons reçu un exemplaire au commencement du mois de mai, I. Martin
était en possession d'un grand nombre de coupes de la moelle épinière de Jj
truites âgées de un à quinze jours montrant, admirablement réduits par le
chromate d'argent, plusieurs éléments constitutifs de la moelle. Les figures
qu'il nous a soumises à cette époque représentaient :
a) Des cellules épendymaires avec leur aspect spécial et leur disposi-
tion caractéristique telles que Retzius les a décrites et figurées dans son
travail
t>) Des cellules radiculaires antérieures dont les prolongements cylin-
draxils pouvaient être poursuivis jusque dans la racine antérieure.
c) Des cellules des cordons appartenant aux deux groupes établis par
Ramon y Cajal : des cellules des cordons proprement dits ou cellules des
cordons tautomères ("Van Gehuchten) et des cellules commissurales ou cel-
lules des cordons hétéromères (Van Gehuchten).
d) Des coupés longitudinales avec les fibres de la substance blanche
émettant de nombreuses branches collatérales.
e) Des coupes longitudinales montrant l'entrée des fibres de la racine
postérieure et la bifurcation régulière de chacune d'elles en une branche
ascendante et une branche descendante telle que cela est connu pour les
mammifères, les oiseaux, les reptiles et les batraciens, d'après les recher-
ches de Nansen, Ramon y Cajal, Kôlliker, "Van Gehuchten, Retzius,
V. Lenhossek, Cl. Sala et beaucoup d'autres.
I. LE CERVEAU ANTÉRIEUR.
Le cerveau antérieur des poissons osseux est formé de deux masses
solides connues sous le nom de lobes antérieurs et séparées l'une de l'autre
par un espace linéaire, fig. 2. On a longtemps discuté pour savoir
à quelle partie du système nerveux des mammifères correspondaient ces
masses nerveuses. Fritsch les considérait comme représentant uniquement
les lobes frontaux du cerveau des vertébrés supérieurs, tandis que pour
Stieda, Sanders, Bellonci, Mayser et d'autres, elles étaient les homolo-
gues de tout le cerveau antérieur des mammifères. La découverte importante
de Rabl-Ruckhardt a levé tous les doutes. Ce savant a montré par ses
I
I
LE SYSTÈME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS 259
recherches embryologiques que les lobes antérieurs des poissons osseux
représentent uniquement les ganglions de la base (noyau caudé et noyau
lenticulaire) du cerveau antérieur des mammifères. La substance blanche et
l'écorce grise périphérique qui constituent, chez ces derniers, la partie la
plus importante et la plus développée des hémisphères cérébraux ne se
trouvent représentées, chez les poissons osseux, que par une mince couche
de cellules épithéliales partant des faces latérales et de l'extrémité antérieure
des lobes et recouvrant, en forme de voûte, la partie antérieure de la cavité
encéphalique ou le ventricule antérieur. Ce ventricule médian situé, en
partie, entre les faces internes des deux lobes antérieurs et, en partie, au-
dessus de ces lobes correspond aux deux ventricules latéraux du cerveau
des mammifères.
Les lobes antérieurs sont reliés l'un à l'autre par une commissure
transvers'ale ap-pelée coinmissiire inter lob aire. Cette commissure est double,
ainsi que nous le verrons plus loin. Elle apparaît le plus nettement sur une
coupe transversale analogue à celle de la fig. 6 ou 7; on juge encore mieux
de la position exacte de cette commissure sur une coupe antéro-postérieure
passant par un des lobes, analogue à celle que nous avons représentée dans
la FIG. 14. Certains auteurs la considèrent comme l'homologue de la com-
missure antérieure du cerveau des vertébrés supérieurs.
A chaque lobe antérieur aboutissent, en avant, les fibres du nerf olfactif.
Les travaux qui traitent de la structure interne des lobes antérieurs des
poissons osseux ne sont pas très nombreux. Aussi nos connaissances concernant
l'organisation interne de cette partie de l'axe nerveux des poissons sont-elles
très incomplètes. Nous n'avons nullement l'intention de donner ici un aperçu
complet des travaux qui ont été publiés sur la structure interne du système
nerveux des poissons. Nos recherches bibliographiques sont loin d'être
achevées. Nous tiendrons compte de ces publications dans notre travail
in extenso. Nous ne signalerons pour le moment que les quelques mémoires
dont nous avons pu prendre connaissance.
Stieda(i), le premier, a signalé l'existence, sur la face interne de chacun
de ces lobes, d'-une couche continue de cellules épithéliales analogues à celles
qui tapissent les cavités encéphaliques chez tous les vertébrés. Aussi a-t-il
été le premier à considérer la fente médiane comprise entre les lobes anté-
rieurs comm.e appartenant au ventricule antérieur.
(i) Stieda : Studien ûber das centrale Nervensystem der Knochenfische; Zeitschr. fur wiss.
Zoologie, Bd. i8.
26o A. VAN GEHUCHTEN
Les recherches que nous avons faites avec la méthode de Golgi nous
ont prouvé que ces cellules épithéliales sont de véritables cellules épendy-
maires se comportant, dans le cerveau antérieur de la truite, comme les
cellules épendymaires des cavités médullaires et encéphaliques des oiseaux
et des mammifères. Ce ne sont donc pas de simples cellules cuboïdes ou
cylindriques délimitant la cavité du ventricule, mais des cellules longues et
volumineuses occupant toute l'épaisseur du lobe. Chacune dé ces cellules
présente une partie renflée occupée par le noyau dans le voisinage immédiat
de la cavité ventriculaire et un prolongement périphérique épais et in^égulier
qui se termine par un épaississement conique, soit comme tel, soit après
bifurcation, à la surface externe du cerveau. Ce prolongement périphérique
des cellules épendymaires présente quelquefois des contours lisses et régu-
liers tel qu'il a été représenté par Retzius dans les figures 4, a et 4,^ de la
PI. VIII de son dernier travail (1); le plus souvent cependant ce prolonge-
ment périphérique est couvert de petites aspérités excessivement nombreuses
qui lui donnent un aspect tout à fait caractéristique. Nous avons reproduit
dans la fig. 1 quelques-unes de ces cellules spéciales.
Les cellules constitutives des lobes antérieurs des poissons osseux ont
été étudiées d'une façon spéciale par Bellonci (2). Ce savant distingue dans
chaque lobe antérieur deux espèces de cellules : des cellules petites, réduites
presque exclusivement au seul noyau, situées principalement à la périphérie
du lobe, et des cellules multipolaires, petites et grandes, formant les éléments
constitutifs delà masse centrale. Le prolongement cylindraxil de ces cellules -
multipolaires peut se comporter de deux façons bien distinctes. Celui des
petites cellules se divise et se subdivise dans le lobe antérieur lui-même en
prenant part à la constitution d'un réseau nerveux, tandis que le prolonge-
ment cylindraxil de chacune des grandes cellules se continue directement
avec une fibre centrale.
D'après les recherches de Edinger (3), on peut distinguer dans chaque
lobe une partie ventrale et une partie dorsale. La partie ventrale, pauvre
en cellules nerveuses, est occupée principalement par un faisceau de fibres
nerveuses à direction antéro-postérieure : le pédoncule cérébral Tpedunculus
cerebri) des auteurs ou faisceau basai du cerveau antérieur fbasale Vorder-
«
(i) Retzius : Loc. cit.. ,
(2) Cité d'après Edinger.
(3) Edinger : Untersuchungen ûber die vergleicliende Anaiomie des Gehirns. I. Das Vorder hirn;
Abhand. von Jer Senckenbergisclien Naturforschenden Gesellschaft, Bd. i5, 1888.
LE SYSTÈME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS 201
hirnbtindel; de Edinger. La partie dorsale de chacun des lobes est, au con-
traire, excessivement riche en cellules nerveuses. Celles-ci seraient, d'après
ce savant, les cellules d'origine des fibres constitutives du faisceau basai.
Les recherches que nous avons faites avec la méthode au chromate
d'argent de Golgi, quelque incomplètes qu'elles soient encore, nous ont
conduit à des résultats modifiant et complétant considérablement ceux
qui ont été obtenus par les quelques auteurs dont nous venons d'analyser
les travaux.
Pour fixer les idées, examinons d'abord une coupe frontale du cerveau
antérieur d'une truite de dix jours fixé dans une solution saturée de
sublimé corrosif dans l'eau et colorée par le paracarmin de Mayer. La
coupe que nous avons dessinée dans la fig. 2 passe au-devant de la com-
missure interlobaire. Elle nous montre que le cerveau antérieur est formé
de deux moitiés symétriques qui constituent les lobes antérieurs des auteurs.
Chacun de ces lobes présente, sur une section transversale, une forme trian-
gulaire : la face interne est plane, elle est séparée de la face interne du
lobe opposé par une fente médiane qui va en se rétrécissant de haut en bas;
la face externe, la plus longue, est légèrement convexe en dehors ; la face
supérieure est la plus courte, elle est également convexe; elle se continue
avec la face interne, puis se dirige obliquement en haut et en dehors en
décrivant une courbure à convexité interne. Au point de rencontre de la
face supérieure avec la face externe, chaque lobe se prolonge en un petit
crochet qui monte en haut, diminue insensiblement d'épaisseur et se réduit
bientôt à une seule rangée de cellules épithéliales qui s'étend transversale-
ment d'un lobe antérieur à l'autre. Cette couche épithéliale forme la voûte
d'une cavité encéphalique qui représente le ventricule du cerveau antérieur
des poissons osseux et qui correspond aux ventricules latéraux du cerveau
des mammifères.
Comme la fig. 2 le montre, cette cavité encéphalique a, sur une coupe
transversale, la forme d'un entonnoir, dont la partie rétrécie est comprise
entre les faces internes des lobes antérieurs,' tandis que la partie évasée
s'étend entre les faces supérieures de ces lobes et la voûte épithéliale.
Dans chacun des lobes antérieurs, on distingue aisément deux parties :
une partie interne, correspondant environ aux deux tiers de l'épaisseur du
lobe, fortement colorée par le réactif, et une partie externe beaucoup plus
pâle. La partie interne est formée presque exclusivement de noyaux telle-
ment serrés qu'on ne distingue guère les limites des cellules auxquelles ils
33
262 A. VAN GEHUCHTEN
appartiennent; dans le tiers externe de chaque lobe, on ne trouve, au
contraire, que quelques noyaux éparpillés au sein d'une masse incolore, en
apparence homogène.
Si, à cette coupe typique de la moitié proximale du cerveau antérieur,
nous comparons maintenant des coupes provenant de la partie correspon-
dante du cerveau de truites du même âge traité par la méthode de Golgi,
FIG. 3, nous trouvons que les noyaux qui limitent la cavité ventriculaire
appartiennent aux cellules épendymaires, tandis que tous les autres noyaux
des lobes antérieurs, aussi bien ceux des deux tiers internes que ceux du
tiers externe, appartiennent à des cellules nerveuses multipolaires. Entre
les cellules nerveuses du tiers externe de chaque lobe apparaît la section
transversale d'un faisceau de fibres nerveuses à direction antéro-postérieure :
le pédoncule cérébral des auteurs, le faisceau basai du cerveau antérieur
de Edinger.
Au lieu de distinguer, avec Edinger, dans chaque lobe une partie ven-
trale, pauvre en cellules nerveuses, occupée par les fibres du pédoncule
cérébral, et une partie dorsale formée presque exclusivement par les cellules
d'origine des fibres de ce pédoncule, nos observations nous obligent à dis-
tinguer une partie interne, voisine de la cavité ventriculaire, formée exclu-
sivement par les corps des cellules épendymaires et par les corps des
cellules nerveuses, et une partie externe constituée par quelques cellules
éparses entre les fibres du pédoncule cérébral.
Les cellules nerveuses constitutives des lobes antérieurs du cerveau
de la truite sont toutes multipolaires. Elles sont abondamment pourvues
de prolongements protoplasmatiques. Pour les cellules du tiers externe de
chaque lobe, ces prolongements protoplasmatiques se détachent indifférem-
ment de points variables de la surface du corps cellulaire ; ils se divisent,
se subdivisent et se terminent librement à une distance variable de la cellule
d'origine. Les prolongements protoplasmatiques des cellules nerveuses de
la partie interne de chaque lobe affectent une disposition quelque peu spé-
ciale. Ils se détachent toujours de la moitié externe du corps cellulaire,
de telle sorte que la partie du pourtour cellulaire qui est tournée vers la
cavité ventriculaire est le plus souvent nettement arrondie et dépourvue
complètement de prolongements protoplasmatiques; quelquefois cependant
on voit partir de cette partie interne un prolongement unique gros et irré-
gulier qui s'engage entre les corps des cellules épendymaires et va se terminer
par un épaississement conique sur la surface ventriculaire. C'est là une dis-
LE SYSTÈME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS 263
position assez importante que nous ne faisons que signaler dans cette com-
munication préliminaire. Nous y reviendrons dans notre travail in extenso;
elle nous servira à prouver, en nous basant sur des figures plus démonstra-
tives, que les cellules nerveuses ne sont, ontologiquement, que des cel-
lules épithéliales modifiées, cellules qui ont perdu toute connexion avec la
cavité ventriculaire par suite de la disparition fpar atrophie ou par résorp-
tion) de leur prolongement interne.
Chaque cellule nerveuse des lobes antérieurs de la truite est pourvue
d'un prolongement cylindraxil. Celui-ci, né du corps cellulaire ou d'un des
prolongements protoplasmatiques, se dirige toujours vers la partie externe
du lobe occupée par le faisceau basai et là se recourbe pour devenir une
fibre constitutive de ce faisceau.
Nous n'avons jamais rencontré les cellules nerveuses à cylindre-axe
court ou 'cellules de GoLGi signalées par Bellonci, de mémeque nous n'avons
trouvé rien qui corresponde aux petites cellules réduites exclusivement
au noyau que Bellonci a décrites en se basant sur des préparations trai-
tées par l'acide osmique. Toutes les cellules nerveuses qui se sont réduites
dans nos préparations étaient des cellules multipolaires, dont le prolon-
gement cylindraxil a toujours pu se poursuivre jusque dans le faisceau
basai. Nous ne voulons nullement tirer de nos observations la conclusion
que des cellules de Golgi n'existent pas dans les lobes antérieurs de la truite.
Quoique nous ayons étudié les coupes d'une quarantaine de lobes traités
par la méthode de Golgi, dont chacune nous montrait en moyenne trois ou
quatre cellules colorées en noir par le chromate d'argent, il est possible
cependant que les cellules de Golgi, si elles existent réellement, ont
échappé à la coloration par le sel d'argent.
Entre ces nombreuses cellules multipolaires qui forment l'élément con-
stitutif principal de chaque lobe antérieur, on observe encore, sur les pré-
parations quelque peu réussies, un entrelacement très serré de fines fibrilles
nerveuses. Ces fibrilles entrelacées correspondent, sans aucun doute, au
réseau nerveux que Bellonci semble avoir observé avec la méthode à l'acide
osmique et qui, d'après lui, serait formé par les anastomoses des prolonge-
ments cylindraxils des petites cellules nerveuses multipolaires.
Dans nos préparations, ces fibrilles nerveuses ne proviennent nullement
de cellules multipolaires, mais toutes indistinctement sortent du faisceau
basai. Chaque coupe transversale du cerveau antérieur de la truite, où la
réduction a quelque peu réussi, montre de nombreuses fibrilles nerveuses
264 A. VAN GEHUCHTEN
sortant du faisceau basai et pénétrant dans la région interne et surtout dans ■
la région supéro-interne du lobe pour s'y diviser, s'y subdiviser et se terminer
finalement par des bouts libres. Nous avons représenté dans la moitié droite
de la FiG. 3 quelques-unes de ces ramifications terminales des fibres consti-
tutives du faisceau basai.'
D'après les observations de Edinger, les lobes antérieurs des poissons
osseux ne seraient que des ganglions servant d'origine aux fibres constitu-
tives du faisceau basai. " Das basale Vorderhirnganglion der Knochenfische,
dit-il, ist nur Ursprungsort von Nervenfasern und nicht, wie es von Corpus
striatum der Saugethiere behauptet wird, in die Nervenfaserbahn einge-
schaltet. » Aussi considère-t-il le faisceau basai comme formé exclusivement
de fibres nerveuses ayant leurs cellules d'origine dans le lobe antérieur, ^ das
dort (basale 'Vorderhirnganglion) entspriugende basale Vorderhirnbundel...«,
dit-il, en parlant de son faisceau basai.
D'après nos recherches, au contraire, le faisceau basai de Edinger est
formé essentiellement de deux espèces de fibres nerveuses. Nous y trouvons,
en effet, des fibres nerveuses qui ont leurs cellules d'origine dans les lobes
antérieurs du cerveau pour aller se terminer dans une région inférieure
de l'axe cérébro-spinal ; mais nous y observons aussi de nombreuses fibres
nerveuses qui se terminent dans les lobes antérieurs et qui doivent avoir
leurs cellules d'origine dans des centres nerveux inférieurs. Tout nous porte
à croire que les fibres qui proviennent des cellules nerveuses des lobes
antérieurs, fibres descendantes à conduction centrifuge, doivent être re-
gardées comme des fibres motrices, tandis que les fibres qui viennent se
terminer dans les mêmes lobes, fibres ascendantes à conduction centripète,
doivent représenter des fibres sensitives.
Le faisceau basai du cerveau antérieur serait donc formé à la fois de
fibres motrices et de fibres sensitives et correspondrait aux fibres de la voie
pyramidale et aux fibres de la voie sensitive centrale des vertébrés supérieurs.
Les lobes antérieurs de la truite présentent la même structure dans
toute leur étendue. Quelque soit le niveau où l'on pratique, dans ces lobes,
une coupe transversale, on y retrouve toujours :
a) Le faisceau basai, d'autant plus volumineux qu'on l'examine plus
près de la base du lobe antérieur;
b) Des fibres nerveuses qui quittent ce faisceau pour se terminer, par
des ramifications libres, entre les cellules nerveuses voisines;
LE SYSTÈME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS 205
c) Des cellules nerveuses dont les prolongements C3'lindraxils vont
devenir des fibres constitutives du faisceau basai ;
d) Des cellules épendymaires ayant la disposition typique que nous
avons reproduite dans la fig. i.
Nous avons représenté, dans la fig. 4, une coupe transversale du cer-
veau antérieur d'une truite âgée de lo jours, pratiquée immédiatement en
arrière de la commissure interlobaire sur un cerveau durci au sublim.é
corrosif et coloré par le paracarmin de Mayer. Il suffit de comparer cette
coupe à celle qui est reproduite dans la fig. 2 pour voir que la structure
interne des lobes antérieurs est la même au-devant et en arrière de la
commissure interlobaire. Il n'y a entre ces deux coupes qu'une seule
différence : le faisceau basai est devenu beaucoup plus volumineux, ainsi
que cela apparait plus clairement encore dans la fig. 5.
Au' niveau de la commissure interlobaire, la structure du cerveau anté-
rieur présente cependant quelques détails nouveaux. Nous avons représenté
dans la fig. 6 une coupe transversale du cerveau antérieur d'une truite de
dix jours, passant par la commissure interlobaire. Dans chaque lobe, on dis-
tingue encore, comme clans les fig. 2 et 4, une partie interne limitant toute
l'étendue de la paroi ventriculaire excessivement riche en noyaux et une
partie externe incolore parsemée de quelques rares noyaux et correspondant
à la coupe du faisceau basai.
La fente médiane interlobaire est beaucoup moins profonde que sur
les deux coupes précédentes : les deux lobes, au lieu d'être réunis par une
simple rangée de cellules épithéliales, sont reliés l'un à l'autre par un fais-
ceau épais de fibres transversales constituant la commissure. Sur des prépa-
rations traitées par la méthode de Golgi, fig. 7, on voit que cette commissure
interlobaire est double : elle est formée d'une partie superficielle longeant le
bord libre du cerveau et d'une partie profonde passant au-devant de la fente
médiane. Le faisceau basai de chaque lobe est double également : on trouve
un faisceau assez épais occupant la périphérie du lobe et un faisceau plus
grêle situé plus profondément. Les fibres du faisceau périphérique se ren-
dent principalement dans la partie dorsalle du lobe antérieur, soit pour y
trouver leurs cellules d'origine, soit pour s'y terminer par des ramifications
libres. Les fibres du faisceau profond sont plus immédiatement en rapport
avec les cellules nerveuses voisines de la paroi ventriculaire limitant la fente
médiane. La commissure superficielle est en rapport avec le faisceau lon-
gitudinal périphérique, tandis que la commissure profonde relie les deux
faisceaux profonds.
266 A. VAN GEHUCHTEN
Nos connaissances concernant la structure interne de cette commis-
sure interlobaire sont encore très incomplètes. Fritsch prétend avoir vu
pénétrer dans cette commissure des- fibres appartenant aux racines olfactives.
Bellonci la considère comme constituant une commissure transversale pour
les lobes antérieurs du cerVeau et un chiasma pour les nerfs olfactifs.
Edinger n'a pu recueillir que peu de données sur la constitution de
cette commissure antérieure des poissons osseux. Il croit cependant qu'une
partie de ses fibres relient entre eux les deux lobes antérieurs, qu'une autre
partie proviennent des fibres olfactives et qu'on 3^ rencontre en outre des
fibres entrecroisée.s destinées au cerveau intermédiaire.
Dans celles de nos préparations où les éléments constitutifs de la com-
missure interlobaire étaient bien réduits par le chromate d'argent, nous
n'avons jamais pu poursuivre de fibres olfactives jusque dans la commissure.
Il nous a toujours semblé que les filets du nerf olfactif se terminaient dans la
partie antérieure des lobes. Nous ne voulons cependant pas nous prononcer
sur ce point d'une manière définitive, parce que nos recherches sur les
terminaisons des fibres olfactives sont encore très incomplètes.
Ce qui nous parait certain, c'est qu'il n'existe pas dans la commissure
antérieure des poissons osseux de véritables fibres commissurales analogues
à celles qui constituent le corps calleux et la commissure antérieure du
cerveau des mammifères, c'est-à-dire des fibres nerveuses qui ont leurs cel-
lules d'origine dans un lobe et se terminent dans l'autre.
Ce qui nous paraît établi encore par nos préparations, c'est que les
prolongements cylindraxils des cellules nerveuses des lobes antérieurs ne
passent pas non plus par cette commissure. Celle-ci n'appartient donc pas
à la voie motrice.
Les seuls éléments constitutifs de la commissure antérieure qui se sont
réduits dans nos préparations sont des fibres nerveuses qui sortaient du
faisceau basai d'un lobe pour traverser la commissure et se terminer, par
des ramifications libres, entre les cellules nerveuses constitutives du lobe
du côté opposé.
Les fibres de la commissure superficielle sortent exclusivement du fais-
ceau longitudinal périphérique d'un lobe pour aller se terminer entre les
cellules de la région dorso-médiane du lobe opposé, tandis que les fibres de
la commissure profonde proviennent du faisceau longitudinal profond d'un
lobe et se terminent entre les cellules nerveuses de la région interne ou
médiane du lobe du côté opposé. .
LE SYSTÈIME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS 267
S'il se confirme que les fibres ascendantes qui entrent dans la constitu-
tion du faisceau basai sont des fibres sensitives (et il serait difficile de leur
attribuer une autre fonction), on devra donc considérer la commissure inter-
lobaire du cerveau antérieur des poissons osseux comme produite par l'entre-
croisement d'une grande partie des fibres sensitives centrales. Ces fibres
subiraient donc un entrecroisement partiel analogue à celui que l'on observe
chez les mammifères et chez l'homme.
II. LE PÉDONCULE CÉRÉBRAL OU FAISCEAU BASAL
DU CERVEAU ANTÉRIEUR DE Edinger.
Tous les auteurs admettent l'existence, dans le système nerveux central
des poissons osseux, d'un faisceau de fibres nerveuses provenant du cerveau
antérieur, et pouvant être poursuivi à travers le cerveau intermédiaire et le
cerveau moyen, bien qu'ils n'aient pu établir exactement l'endroit de termi-
naison de ses fibres constitutives. C'est le pédoncule cérébral de la plupart
des auteurs qui ont décrit le système nerveux des poissons osseux, le
faisceau basai du cerveau antérieur àc Edinger.
D'api'ès les recherches de ce dernier auteur, le faisceau basai naîtrait,
dans chaque" lobe antérieur, au moyen de trois racines : deux de celles-ci
proviendraient d'un groupe de cellules nerveuses situées dans la partie
dorso-latérale du lobe, tandis que les fibres de la troisième racine auraient
leur origine dans un amas spécial de cellules nerveuses situées près de
la ligne médiane vers le milieu de chaque lobe. Les fibres de ces trois racines
se réunissent, près de la base du lobe, en un faisceau compact. Celui-ci se
dirige en arrière et pénètre dans le cerveau intermédiaire. Edinger n'a pu
établir sa destination ultérieure. En se basant sur les observations qu'il a
faites chez les autres vertébrés, il pense que les fibres de ce faisceau se ter-
minent, en partie, dans la couche optique et, en partie, dans des régions
plus éloignées encore des lobes dont elles proviennent.
Tous les auteurs semblent d'accord pour admettre que les fibres con-
stitutives de ce faisceau ont leur origine dans le lobe antérieur.
Les recherches que nous avons faites avec la méthode de Golgi prou-
vent que ce faisceau basai renferme deux espèces de fibres nerveuses : des
fibres descendantes ou motrices et des fibres ascendantes ou sensitives,
FiG. 14. Les fibres motrices ont leurs cellules d'origine dans le lobe antérieur.
Ces cellules forment l'élément constitutif principal de ce lobe. On les trouve .
268 A. VAN GEHUCHTEN
dans toute l'étendue des lobes antérieurs, elles sont cependant le plus
abondantes dans la région voisine de la paroi ventriculaire, et là, elles
forment, au moins au niveau de la commissure interlobaire, un groupe
dorsal et un groupe médian. A ce niveau, on pourrait donc distinguer,
avec Edinger, deux racines : une racine externe formée par les prolonge-
ments cylindraxils provenant des cellules nerveuses du groupe dorsal et
une racine interne conduisant les prolongements cylindraxils des cellules
du groupe médian. Nous avons vu qu'à ce niveau on trouve également un
double faisceau basai. Mais cette distinction en deux groupes s'efface com-
plètement au-devant de la commissure interlobaire, c'est-à-dire dans la plus
grande étendue du cerveau antérieur. Là, nous n'avons qu'un seul faisceau
basai, dont les fibres motrices proviennent en rayonnant de toutes les cel-
lules nerveuses constitutives du lobe.
Une fois entrées dans le faisceau basai, ces fibres motrices se dirigent
en arrière, traversent le cerveau intermédiaire pour se terminer, en partie
au moins, dans l'infundibulum qui, chez les poissons osseux, a pris un déve-
loppement considérable. Nous n'avons pas encore pu établir où se termi-
naient les autres fibres descendantes de ce faisceau basai.
Les fibres sensitives du pédoncule cérébral pénètrent dans le lobe an-
térieur pour s'y terminer, par des ramifications libres, entre les cellules
motrices. Nous avons vu qu'une partie de ces fibres se terminent dans
le lobe correspondant, tandis qu'une autre partie passent par la commissure
interlobaire pour s'épanouir entre les cellules motrices du lobe du côté
opposé.
Nous n'avons pas encore pu établir, d'une façon précise, les différentes
régions du système nerveux central où ces fibres sensitives ont leurs cellules
d'origine. Tout ce que nous pouvons affirmer pour le moment, c'est qu'un
grand nombre d'entre elles représentent les prolongements cylindraxils de
cellules nerveuses situées dans la partie ventrale de l'infundibulum, FiG. 14. Ces
cellules d'origine ont conservé, tout comme les cellules épendymaires, leur
rapport avec la cavité centrale. Ce sont des cellules bipolaires dont un des
prolongements, court et irrégulier, se termine à la surface libre de la cavité
ventriculaire, tandis que l'autre prolongement, après avoir émis quelques
branches collatérales se terminant dans le voisinage de la cellule, se continue
directement avec le prolongement cylindraxil, fig. Sa et 8^. Celui-ci pénètre
dans le faisceau basai pour aller se terminer entre les cellules constitutives .
des lobes antérieurs du cerveau.
LE SYSTÈME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS 209
Avant de terminer l'étude incomplète de ce faisceau basai, nous tenons
encore à appeler l'attention sur une disposition de la plus haute impor-
tance : les fibres ascendantes ou sensitives du faisceau basai viennent se
terminer dans le voisinage immédiat des cellules motrices des lobes anté-
rieurs, de telle sorte qu'entre les branches terminales des fibres sensitives
et les cellules d'origine des fibres motrices le contact est immédiat sans
interposition d'un troisième élément nerveux. Cette disposition est absolu-
ment identique à celle que l'on observe chez les mammifères et chez l'homme,
au moins dans certaines régions de l'axe nerveux : telle la substance grise
de la moelle, où les collatérales sensitivo-motrices des fibres du cordon posté-
rieur viennent en contact avec les cellules radiculaires; telles les éminences
antérieures des tubercules quadrijumeaux, où les fibres optiques et les libres
acoustiques se terminent dans le voisinage des cellules d'origine du faisceau
réflexe de H. Held ; telle encore la couche corticale grise de la zone motrice
où, d'après Flechsig et Hôsel, les fibres sensitives viennent se mettre en
contact avec les cellules d'origine des fibres de la voie pyramidale (i).
III. LE FAISCEAU DE Meynert.
Meyneet, le premier, a décrit dans le cerveau de l'homme un faisceau
de fibres nerveuses partant d'un amas de petites cellules situé sur la partie
postérieure de la face interne de chaque couche optique et appelé par lui
ganglion de l habenuk-i. Les fibres nerveuses qui sont en connexion avec ce
ganglion se dirigent directement en arrière, réunies en un petit faisceau assez
compact; elles longent la face interne du noyau rouge, s'entrecroisent sur
la ligne médiane avec les fibres du faisceau opposé et se terminent, d'après
Forel et v. GuDDEN, dans le ganglion interpédonculaire situé entre les
pédoncules cérébraux, sur la face antérieure du cerveau moyen. Ce faisceau
est connu généralement sous le nom de faisceau de Meynert (Forel) ou de
faisceau rétroréflexe (Meynert).
On ne connaît pas la fonction physiologique des fibres nerveuses qui
constituent ce faisceau. On ignore encore s'il est formé de fibres ascendantes,
centripètes ou sensitives, ayant leurs cellules d'origine dans le ganglion inter-
pédonculaire et se terminant dans le ganglion de l'habenula, ou bien s'il est
constitué par des fibres descendantes, centrifuges ou motrices, provenant des
(i) Voir A. Van Gehuchten : Le système nerveux de l'homme. Van In à Lierre et Uystpruyst
à Louvain, i8q3.
34
270
A. VAN GEHUCHTEN
cellules nerveuses du ganglion de l'habenula pour se terminer dans le ganglion
interpédonculaire. Cette dernière hypothèse semble cependant être la seule
vraie, puisque, d'après les recherchés de v. Gudden, les fibres du faisceau
de Meynert dégénèrent après la destruction du ganglion de l'habenula,
preuve que cette destruction a séparé ces fibres nerveuses de leurs cellules
d'origine. .
Le faisceau rétroréflexe ou faisceau de Meynert semble constituer
un élément important dans l'organisation interne du système nerveux cen-
tral, puisqu'on le trouve, avec le même degré de développement, non seu-
lement chez les mammifères et les oiseaux, mais aussi dans les cerveaux à
structure moins complexe des reptiles, des batraciens et des poissons.
Pour se faire une idée exacte de la position de ce faisceau dans l'encé-
phale de la truite, il convient d'abord de s'orienter sur la place qu'y occu-
pent les masses nerveuses qui correspondent aux ganglions de l'habenula
du cerveau de l'homme.
Nous avons vu que, d'après les recherches de Rabl-Ruckhardt, on admet
généralement que le manteau du cerveau antérieur des vertébrés supérieurs,
c'est-à-dire la substance blanche et la couche corticale grise, n'est représenté
chez les poissons osseux que par une simple couche de cellules épithéliales
passant au-dessus des lobes antérieurs et formant la voûte des ventricules
latéraux. x\rrivée au cerveau intermédiaire, cette voûte épithéliale forme un
repli dans l'intérieur de la cavité ventriculaire, fig. 24:, pi, repli que les
auteurs considèrent généralement comme l'homologue de la toile choroï-
dienne du troisième ventricule du cerveau des mammifères.
Derrière ce repli, on trouve, sur la ligne médiane, deux diverticulums
de la voûte épithéliale placés l'un derrière l'autre, fig. 24. Le premier a,
sur une section médiane, une forme triangulaire à base inférieure; c'est le
coussinet de la glande pinéale (Polster des Zirbels) des auteurs allemands,
FIG. 24, c. Le second se présente comme un tube rétréci et allongé, renflé à
son extrémité supérieure; il se dirige en haut et en avant en déprimant
quelque peu la paroi postérieure du diverticulum qui le précède : c'est la
glande pinéale elle-même, gl. pin.
Ces deux diverticulums communiquent largement avec la cavité ventri-
culaire sous-jacente ou troisième ventricule. Ils forment, sur la ligne médiane,
le toit de ce ventricule.
Si l'on examine une série de coupes verticales antéro-postérieures faites
dans l'encéphale d'une truite de dix jours et que l'on passe successivement
I
LE SYSTÈME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS 27I
du plan médian représenté dans la fig. 24 jusqu'au plan le plus externe,
on voit d'abord disparaître la glande pinéale; à cet endroit, le cul-de-sac
antérieur du toit du ventricule médian ou coussmet de la glande pinéale
change de forme : sa paroi postérieure, n'étant plus déprimée par la glande,
se relève et la section de ce diverticulum est triangulaire à base supérieure,
FIG. 25, c.
Sur des coupes plus latérales encore, fig. 26, gg. hab., la couche épi-
théliale qui forme la voûte de ce diverticulum s'épaissit insensiblement et se
transforme bientôt, derrière et un peu au-dessus de chaque lobe antérieur,
en une masse solide de tissu nerveux : ce sont les tubercules intermédiaires
(tubercula intermedia) de Gottsche, les couches optiques (thalami optici) de
Balfour et de Ehlers, \es ganglions de l'habenula des auteurs modernes.
Sur des coupes transversales de l'encéphale de la truite passant par
ces ganglions, fig. 6, on voit que ces derniers sont séparés des lobes
antérieurs du cerveau par une partie du repli de la voûte épithéliale que
nous avons décrite plus haut entre le cerveau antérieur et le coussinet de
la glande pinéale.
De chacun de ces ganglions de l'habenula part un faisceau volumineux
de fibres nerveuses qui se dirige en arrière en décrivant une légère courbure
à convexité supérieure, fig. 14. Ce faisceau se rapproche insensiblement de
la ligne médiane en traversant toute l'étendue du cerveau intermédiaire. Il
pénètre ensuite dans le, cerveau moyen, où il se trouve situé dans le voisinage
immédiat de la face ventrale. Sur des coupes transversales du cerveau moyen
passant par les fibres d'origine des nerfs oculo-moteurs communs, fig. 32, ce
faisceau occupe l'espace triangulaire limité en dedans par le fuseau médian
de cellules épendymaires, en dehors par les fibres radiculaires du nerf oculo-
moteur commun, et en avant par les fibres transversales de la commissure
ansiforme (commissura ansulata) de Fritsch. Arrivées en dessous des fibres
du nerf de la troisième paire, les fibres de chaque faisceau de Meynert se
mettent en connexion avec un amas de substance nerveuse connue sous le
nom de cône postcommissural de Fritsch, de ganglion interpédonculaire
de Meynert, .de corps interpédonculaire de Edinger.
On ignore encore comment les fibres de ce faisceau se comportent dans
le corps interpédonculaire. D'après Mayser (i), une petite partie de ces
fibres s'entrecroisent à ce niveau avec celles du côté opposé pour se perdre
(i) MaVser : Vergleichend anatomische Studicn ûb.er das Gehirn der Knochenfische mit heson-
derer Berùcksichtigiiiig der Cypriiwiden; Zeitschr. f. wiss. Zool., Bd. 36, pp. 25n — 364, 1882.
27^
A. VAN GEHUCHTEN
dans la partie antérieure du ganglion interpédonculaire riche en petites cel-
lules nerveuses. Le plus grand nombre des fibres de ce faisceau passeraient
derrière le cône postcommissural pour s'y entrecroiser également avec les
fibres de l'autre faisceau, - Dièse Kreuzung sieht so aus, dit-il, wie wenn
rnan die Finger beider halb hohl gemachten Handen zwischen einander
steckt. Dabeilegensich die Fibrillen dicht an einander, sodass man gar keine
einzelnen Fasern mehr erkennt, vielmehr das Ganze ein granulirtes proto-
plasmaartiges Aussehen gew^innt (i). «
Mayser ne se prononce cependant pas sur le point de savoir comment se
terminent les fibres du faisceau de Meynert dans le corps interpédonculaire,
5) Wenn man auch annehmen darf, dit-il, dass sich die medialen Fibrillen
mit den Zellen des Ganglion interpedonculare verbinden, was wird dann
aus den zahlreicheren lateralen? Gehen sie von beiden Seiten in einander
ûber, oder enden sie gekreuzt in Zellen, die sich in diesen dichten und
stark gefarbten Gewebe dem Auge entziéhen, oder steigen sie endlich nach
der Kreuzung zu jenem kleinen kôrnerartigen Elementen in die Hôhe,
welche in den nachsten Frontalebenen hinter dem Ganglion interpedoncu-
lare dicht gedrangt zu beiden Seiten der Raphe liegen? Das letzten is jeden-
falls sehr unwahrscheinlich (i). «
Dans son intéressant mémoire sur le cerveau intermédiaire des sélaciens,
Edinger (2) décrit la terminaison du faisceau rétroréflexe dans le corps
interpédonculaire dans les termes suivants : » Die Hauptmasse (du corps
interpédonculaire) wird von dem im Corpus quer dahin ziehenden und sich
unter einander verpflechtenden Fasern der Fasciculi retroreflexi ausgemacht.
Die einzelnen Endauslaufer dieser Blindel verschranken sich von rechts und
von links her kommend so unter einander, dass es wahrscheinlich ist, dass
sie sich unter einander verbinden. Wenn man beide Arme ausstreckt und
die Finger der Hande dann in einander faltet, dann hat man das Bild des
hier geschilderten Systèmes... Zwischen den Fasern liegen zahlreiche
rundliche Kôrner und eine kriimelich feinkôrnige Substanz (3). ^^
Edinger donne à cette masse nerveuse le nom de coi-ps interpédoncu-
laire, parce qu'il ne peut pas affirmer en toute certitude qu'il s'agit là d'un
véritable ganglion.
(1) Mayser : Log. cit., p. 358.
(2) Edinger .- Untersitckungen ûber die vergleichende Analomie des Gehinis 2. Das Zwischen-
hini; Abhandl. der Senckenb. naturf. Gesellschaft, Francfort s/ M, 1892.
(3) Edinger : Loc, cit., p. i3.
LE SYSTEME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS 2 73
Dans les recherches que nous avons faites avec la méthode de Golgi
sur la structure interne du système nen'eux de la truite, nous avons eu la
bonne fortune d'obtenir réduits, dans un grand nombre de nos préparations,
les éléments constitutifs du faisceau rétroréflexe. Nous avons pu nous con-
vaincre, de la façon la plus évidente, que toutes les fibres nerveuses de ce
faisceau ont leurs cellules d'origine dans le ganglion de Thabenula et qu'elles
se terminent dans le corps interpédonculaire. Le faisceau de Meynert est
donc formé de fibres descendantes ou centrifuges et, par conséquent, nous
devons le considérer comme un faisceau moteur.
La FiG. 14 représente une coupe sagittale de l'encéphale d'une truite
âgée de dix jours passant par un des ganglions de l'habenula. On y voit le
faisceau rétroréflexe se former dans le ganglion de l'habenula par la réunion
d'un grand nombre de fines fibres nerveuses qui rayonnent en éventail de
la circonférence vers la partie inférieure ou le sommet du ganglion. Là, le
faisceau se coude brusquement en arrière; il traverse toute l'étendue du
cerveau intermédiaire et peut être poursuivi dans le cerveau mo3'en jusque
un peu en dessous de la commissure ansiforme.
Sur des coupes obliques faites dans l'encéphale d'une truite de dix
jours suivant le plan indiqué par la ligne pointillée de la fig. 14, plan pa-
rallèle à la direction du faisceau rétroréflexe, nous avons pu poursuivre à la
fois les deux faisceaux depuis les ganglions de l'habenula jusque dans le
corps interpédonculaire. Nous avons représenté, dans les fig. 15, 16 et 17,
à un grossissement très faible, les trois coupes parallèles qui comprennent
toute l'étendue de ces faisceaux et nous avons réuni ensuite ces trois coupes
dans le dessin unique de la fig. 18.
Comme ces figures le montrent, chaque faisceau rétroréflexe commence
dans le ganglion de l'habenula par un grand nombre de fines fibres ner-
veuses rayonnant de la périphérie vers le centre. A la base du ganglion,
toutes ces fibres se réunissent en un petit faisceau compact. Celui-ci se
coude brusquement en arrière. Il traverse le cerveau intermédiaire en incli-
nant légèrement en dedans, de façon à se rapprocher insensiblement de la
ligne médiane, et peut être poursuivi jusque dans le cerveau moyen un peu
en dessous des fibres radiculaires du nerf oculo-moteur commun. Là, les
fibres de chaque faisceau se coudent transversalement en dedans et semblent
s'entrelacer d'une façon inextricable avec les fibres provenant du faisceau du
côté opposé.
274
A. VAN GEHUCHTEN
Cette description, basée sur des préparations traitées par la méthode
de GoLGi, confirme à la lettre celle donnée par Mayser en s'appuyant sur
des préparations fixées au bichromate de potassium et colorées au carmin, et
concorde complètement avec la description que Edinger a faite du faisceau
de Meynert en se basant sur des préparations traitées par la méthode de
Weigert.
Les points nouveaux que la perfection de la méthode nous a permis de
découvrir sont les suivants :
1° L'origine des fibres du faisceau rétroréflexe dans les cellules ner-
veuses du ganglion de l'habenula.
2° La façon dont ces fibres se comportent dans le corps interpédon-
culaire.
Pour élucider ces deux points, il nous suffira d'examiner, à un grossis-
sement plus considérable, les deux extrémités du faisceau rétroréflexe,
c'est-à-dire le ganglion de l'habenula dans la moitié gauche de la fig. 15 ou
dans la moitié droite de la fig. 16 et le corps interpédonculaire de la fig. 17.
Nos connaissances concernant la structure interne des tubercules in-
termédiaires de GoTTSCHE chez les poissons osseux sont encore très
incomplètes. D'après Mayser, ces ganglions sont formés d'une substance
fondamentale assez compacte et de nombreuses cellules granuleuses pré-
sentant un groupement particulier produit, selon toute probabilité, par le
mode de distribution des fibres nerveuses.
Edinger distingue, dans les ganglions de l'habenula des sélaciens, une
partie frontale et une partie caudale. La partie frontale est formée exclusi-
vement de cellules nerveuses sphériques, auxquelles on peut reconnaître par
ci par là un prolongement dirigé en arrière. Ces cellules sont englobées dans
un réseau très délicat.
Dans les ganglions de l'habenula de la truite, le chromate d'argent a mis
en évidence des cellules nerveuses assez volumineuses occupant toute la
couche périphérique du ganglion. Ces cellules sont unipolaires, fig. 19 et 20.
Du corps cellulaire pyriforme tourné vers la périphérie du ganglion part un
prolongement unique épais et irrégulier. Celui-ci se dirige vers le centre. A
quelque distance de la cellule d'origine, ce prolongement unique se bifurque
d'ordinaire en deux branches assez épaisses qui peuvent se subdiviser encore
à leur tour ou bien émettre des branches collatérales. Toutes ces branches
de division sont épaisses, présentent des contours très irréguliers et se ter-
minent par un épaississement conique dont la base est encore pourvue de
I
LE SYSTÈME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS 275
de deux ou trois petits prolongements filiformes. Ces épaississements co-
niques qui terminent les prolongements protoplasmatiques de ces cellules
nerveuses ressemblent assez bien, par leurs caractères extérieurs, aux cônes
de croissance que Ramon y Cajal a décrits à l'extrémité libre du prolon-
gement cylindraxil des jeunes neuroblastes.
Outre ces prolongements gros et irréguliers qui se terminent dans le
voisinage immédiat du corps cellulaire dont ils proviennent et qui repré-
sentent les prolongements protoplasmatiques ou prolongements à conduction
cellulipète, chaque cellule nerveuse possède encore un prolongement cylin-
draxil ou prolongement à conduction cellulifuge. Celui-ci ne part jamais
directement du corps de la cellule, mais il provient toujours de l'un ou l'autre
des prolongements protoplasmatiques, soit qu'il se détache de ce prolongement
à un point quelconque de sou trajet, soit qu'il ne commence qu'au bout libre
de ce prolongement lui-même. Le prolongement cylindraxil de chacune de
ces cellules nerveuses est toujours excessivement mince et grêle. Il présente
sur son trajet quelques petites nodosités irrégulières et il peut souvent être
poursuivi sans trop de difficultés depuis sa cellule d'origine dans le ganglion
de l'habenula jusque dans le corps interpédonculaire. Il s'est montré, dans
toutes nos préparations, dépourvu de branches collatérales, détail important
qui semble exclure toute connexion de ce faisceau avec les éléments consti-
tutifs du cerveau intermédiaire.
Examiné à un grossissement d'environ 400 diamètres, le corps interpé-
donculaire se trouve constitué d'un entrelacement inextricable de fines fi-
brilles nerveuses. Plusieurs de nos préparations ne montraient réduits par
le chromate d'argent que les fibres du faisceau rétroréflexe, de sorte que
nous avons pu étudier assez facilement la façon dont ces fibres se comportent
dans cet organe énigmatique appelé ganglion ou cor/75 interpédonculaire.
Arrivée à ce niveau, chaque fibre du faisceau de Meynert se coude
horizontalement en dedans ; elle se divise et se subdivise un grand nombre
de fois pour s'entrelacer avec les branches de division des fibres voisines
et avec celles qui proviennent des fibres du côté opposé. Dans cet entrela-
cement complexe de fines fibrilles nerveuses, il n'est cependant pas difficile
de poursuivre de temps en temps les différentes branches qui résultent des
divisions d'une fibre unique et de constater, en toute évidence, qu'elles se
terminent par des bouts libres légèrement épaissis. Tel était le cas pour
quelques-unes des fibres constitutives du corps interpédonculaire, sectionné
suivant sa longueur, que nous avons représenté dans la fig. 21, et pour
î76
A. VAN GEHUCHTEN
celui de la fig. 23 qui appartient à une coupe transversale du cerveau
moyen d'une truite, où le chromate d'argent n'avait réduit que les éléments
constitutifs des faisceaux rétroréflexes.
La structure interne du corps interpédonculaire est rendue plus
complexe :
1° Par les prolongements périphériques de nombreuses cellules épen-
dymaires étendues entre la cavité ventriculaire et la surface antérieure du
cerveau moyen ;
2'' Par les prolongements protoplasmatiques d'un grand nombre de
cellules nerveuses qui viennent se mettre en contact, dans ce corps pédon-
culaire, avec les ramifications terminales des fibres des faisceaux rétroré-
flexes. Nous n'avons pas encore pu établir pour le moment la destinée du
prolongement cylindraxil de ces derniers éléments nerveux.
Conclusion. Le faisceau rétroréflexe ou faisceau de Meynert est donc
formé, chez la truite, de fibres nerveuses qui ont leurs cellules d'origine
dans les ganglions de l'habenula et qui se terminent dans le corps inter-
pédonculaire. Ces fibres nerveuses ayant la conduction centrifuge doivent
être regardées cornme des fibres motrices.
Pour pouvoir nous faire une idée de la valeur physiologique des élé-
ments constitutifs de ce faisceau, nous aurions dû pouvoir établir d'une part
les éléments qui se terminent dans les ganglions de l'habenula, et d'autre
part les éléments qui naissent dans le corps interpédonculaire. Nous
sommes persuadé que nos recherches ultérieures nous permettront bientôt
de résoudre ces deux questions importantes.
Une chose qui nous parait certaine, c'est que ce faisceau rétroréflexe
doit représenter un des chaînons d'un arc nerveux réflexe assez complexe.
IV. QUELQUES ÉLÉMENTS NERVEUX CONSTITUTIFS
DES LOBES OPTIQUES.
La structure interne du toit optique des poissons osseux est très com-
plexe; aussi, les auteurs sont-ils loin d'être d'accord non seulement sur la
forme et la disposition des différents éléments nerveux qui entrent dans sa
constitution, mais même sur le nombre de couches que, pour la facilité de
la description, il convient de distinguer dans les lobes optiques. Tandis que
Stieda et Fritsch admettent huit couches superposées dans le toit optique
des poissons osseux, Mayser n'en mentionne que six, Bellonci en décrit
quatorze et Fusari en compte sept.
LE SYSTÈME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS 277
Nos recherches sur la structure interne des lobes optiques de la truite
ne sont pas encore assez complètes pour que nous puissions prendre position
dans ce débat en nous appuyant sur les caractères particuliers des éléments
constitutifs de ces différentes couches. Sur des préparations provenant de
l'encéphale de truites fixées par le sublimé corrosif et colorées par le para-
carmin de Mayer, fig. 9, le toit optique se montre assez nettement formé de
trois couches distinctes :
1" Une couche profonde, très mince, constituée presque uniquement
par les corps des cellules épendymaires.
2° Une couche moyenne excessivement épaisse, tellement riche en
noyaux qu'on ne distingue pas les limites des corps cellulaires auxquels ils
appartiennent. Ces noj-aux semblent placés en séries régulières les uns au-
dessus des autres ; ils donnent à cette couche un aspect granuleux caracté-
ristique.'On pourrait l'appeler couche graiiitleuse.
?" Une couche externe pâle, dans laquelle le paracarmin ne colore que
quelques noyaux disséminés au sein d'une substance finement granuleuse.
Dans le voisinage immédiat de la couche granuleuse, aussi bien que près de
la surface libre du toit optique, ces no3^aux, placés les uns à côté des autres,
constituent cependant deux rangées assez régulières. Nous appellerons cette
couche, pour ne rien préjuger de sa nature, la couche moléculaire.
Les lobes optiques des poissons osseux ont été étudiés par Fusari et
par P. Ramon au moyen de la méthode au chromate d'argent.
Fusari a employé la méthode de Golgi connue sous le nom de mé-
thode lente. Les résultats qu'il a obtenus diffèrent assez bien de ceux aux-
quels la méthode rapide de Golgi nous a conduit. Nous y reviendrons plus
loin. P. Ramon semble avoir employé la même méthode que nous; malheu-
reusement nous n'avons pas pu prendre connaissance de son travail, igno-
rant totalement si la thèse de doctorat dont il parle dans quelques-unes de
ses publications a déjà été publiée.
Nous ne nous proposons pas, dans cette communication préliminaire,
de faire une étude complète de la structure interne des lobes optiques, les
résultats que. nous a fournis la méthode de Golgi étant encore trop incom-
plets pour que nous puissions entreprendre ce travail. Nous nous proposons
d'y revenir dans notre mémoire in extenso. Nous voulons simplement décrire
quelques-uns des éléments constitutifs les plus communs du toit optique,
éléments que le chromate d'argent colore avec la plus grande facilité et que
nous avons obtenus réduits dans presque toutes nos préparations. Ces
35
278 A. VAN GEHUCHTEN
éléments semblent avoir échappé à l'attention de Fusari, puisque nous ne
les trouvons pas reproduits dans la section transversale du toit optique de
la tanche que ce savant a représentée dans la Pl. III de son travail.
Un des éléments nerveux du toit optique de la truite qui se réduit avec
la plus grande facilité, c'est celui que l'on trouve à la base de la couche
moléculaire, dans le voisinage immédiat de la couche granuleuse. Il forme
à ce niveau une zone assez régulière, comparable en plusieurs points à
la rangée des cellules de Purkinje, qui sépare la couche granuleuse de
la couche moléculaire du cervelet dans toute la série des vertébrés. Ces
éléments ne sont pourtant pas alignés d'une façon aussi régulière que les
cellules volumineuses du cervelet, ainsi que cela ressort d'ailleurs en toute
évidence de la position i-espective des noyaux de ces cellules dans les par-
ties profondes de la couche granuleuse de la fig. 9.
D'un corps cellulaire irrégulièrement triangulaire part un prolongement
périphérique gros et à contours irréguliers montant directement dans la
couche moléculaire, où il peut être poursuivi jusque près de la surface libre
du toit optique. En traversant l'épaisseur de la couche moléculaire, ce
prolongement périphérique émet de nombreuses branches collatérales à
direction horizontale : les unes se terminent comme telles, les autres se
divisent et se subdivisent rapidement de manière à produire une touffe de
quatre ou cinq branches plus grêles se terminant librement à une distance
variable du prolongement principal. Ce prolongement périphérique et les
branches qui en naissent représentent les prolongements protoplasmatiques
ou prolongements à conduction cellulipète. Quelques prolongements courts
et grêles partent aussi directement du corps cellulaire pour se terminer
librement dans la partie voisine de la couche granuleuse, fig. ii, a.
Chacune de ces cellules possède un prolongement cylindraxil ou pro-
longement à conduction cellulifuge. Il naît quelquefois directement du corps
cellulaire. Le plus souvent cependant, il provient du prolongement proto-
plasmatique périphérique, soit dans le voisinage immédiat du corps cellu-
laire, soit à une distance parfois très considérable de ce dernier. Dans le
premier cas, il se dirige transversalement en dehors, devenant une fibre
constitutive de la mince zone fibrillaire qui sépare la couche granuleuse
de la couche moléculaire. Dans le cas où le prolongement C3dindraxil naît
assez loin du corps cellulaire, il se coude brusquement en bas, gagne la
limite de séparation des deux couches pour y devenir également une fibre
horizontale.
LE SYSTEME NERVEUX DES TELEOSTEENS 2 79
En parcourant cette zone fibrillaire, les prolongements cylindraxils de
ces cellules nerveuses émettent quelques fines branches collatérales, dont
les unes se terminent dans la couche moléculaire, tandis que les auti"es se
ramifient entre les éléments constitutifs de la couche granuleuse.
Nous ignorons encore où se rendent les prolongements cylindraxils de
ces cellules nerveuses. Un détail important à noter, c'est que ces prolonge-
ments ne peuvent être poursuivis que sur des coupes transversales ou fron-
tales, parce qu'ils se dirigent toujours de dedans en dehors vers les parties
latérales des lobes optiques pour pénétrer par là dans la partie ventrale du
cerveau moyen.
Ces éléments nerveux semblent ne pas avoir été réduits dans les
préparations de Fusari. Aucune des nombreuses cellules que ce savant a
reproduites dans la coupe transversale du toit optique de la tanche ne
présenté les caractères particuliers des éléments nerveux que nous venons
de décrire. Dans toutes les cellules figurées par Fusari, le prolongement
cylindraxil se détache toujours du pôle opposé à celui d'où naît le prolon-
gement périphérique. Or, dans les éléments nerveux dont il s'agit, ce
prolongement part le plus souvent du prolongement protoplasmatique
périphérique, rarement il se détache de la face latérale du corps cellulaire
lui-même; jamais nous ne l'avons vu naître de l'extrémité inférieure et
pénétrer directement dans la couche granuleuse.
Un autre élément constitutif du toit optique de la truite apparaît le
plus nettement sur des coupes verticales antéro-postérieures, fig. 10. Ce
sont le plus souvent des cellules unipolaires dont le corps cellulaire occupe
l'épaisseur même de la couche granuleuse. Le prolongement unique de ces
cellules se dirige vers la périphérie du toit optique en traversant la partie
voisine de la couche granuleuse et toute l'étendue de la couche moléculaire.
Pendant ce ti^ajet ascendant, ce prolongement émet de nombreuses
branches collatérales à direction horizontale se terminant à des distances
quelquefois considérables de la tige principale. Le prolongement unique et
les branches collatérales qui en naissent sont de nature protoplasmatique.
Chaque cellule possède encore un prolongement cylindraxil. Celui-ci ne
naît jamais du corps cellulaire, mais provient toujours du prolongement
protoplasmatique. Quelquefois, il s'en détache à la limite de la couche gra-
nuleuse; le plus souvent, il naît du prolongement protoplasmatique près de
la surface libre du toit optique; il redescend alors à travers la couche molé-
culaire pour devenir horizontale à la limite interne de cette dernière.
28o A. VAN GEHUCHTEN
Les prolongements cylindraxils de cette seconde espèce de cellules
nerveuses deviennent donc aussi des fibres constitutives de la zone fi-
brillaire séparant la couche moléculaire de la couche granuleuse ; mais ils
prennent une direction perpendiculaire à celle des prolongements cylin-
draxils des premiers éléments que nous avons décrits. Nous ignorons
encore pour le moment la destinée de ces fibres nerveuses à direction
antéro-postérieure.
Un troisième élément constitutif de la couche granuleuse du toit op-
tique de la truite se trouve représenté dans la fig. 11, b.
D'un corps cellulaire petit, sphérique ou légèrement ovalaire part un
prolongement unique. Celui-ci traverse toute l'épaisseur de la couche gra-
nuleuse présentant un trajet légèrement ondulé pour s'insinuer entre les
grains juxtaposés; il pénètre ensuite dans la couche moléculaire dans laquelle
il se termine par une arborisation assez complexe.
Ces éléments particuliers de la couche granuleuse sont excessivement
nombreux ; la plus grande partie des noyaux de cette couche semblent ap-
partenir à ces éléments énigmatiques.
Nous pensons que le prolongement unique dont ces éléments sont
pourvus représente un véritable prolongement cylindraxil ou prolongement
à conduction cellulifuge. Ces grains du toit optique de la truite seraient
donc comparables aux grains de la couche granuleuse du cervelet avec cette
double diff"érence. :
1° Que les grains des lobes optiques sont dépourvus de prolongements
protoplasmatiques, tandis que ceux du cervelet présentent, dans toute la
série des vertébrés, chez la truite aussi bien que chez les autres vertébrés,
quatre ou cinq prolongements se terminant par des ramifications libres;
2° Que le prolongement cylindraxil des grains des lobes optiques se
termine, dans la couche moléculaire, par une arborisation assez complexe,
tandis que le prolongement cylindraxil des grains du cervelet se bifurque
dans la couche moléculaire en deux fibres horizontales se terminant libre-
ment à des distances considérables l'une de l'autre. Ces éléments delà couche
granuleuse ne se trouvent pas signalés non plus dans le travail de Fusari.
La couche moléculaire du toit optique de la truite présente donc comme
éléments constitutifs :
1" Les ramifications collatérales et terminales des prolongements pro-
toplasmatiques des éléments nerveux qui occupent la partie profonde de la
couche moléculaire, fig. ^^, a;
I
LE SYSTEME NERVEUX DES TELEOSTEENS 28 1
2" Les ramifications collatérales et terminales des prolongements
protoplasmatiques de certains éléments nerveux de la couche granuleuse,
FIG. 11, b.
3° Les arborisations terminales des prolongements cylindraxils des
grains de la couche granuleuse, fig. 11, b;
4° Les ramifications collatérales des fibres nerveuses transversales et
antéro-postérieures qui forment la mince zone fibrillaire qui sépare la couche
granuleuse de la couche moléculaire ;
5° La structure interne de cette couche périphérique est rendue plus
complexe encore :
a) Par les ramifications terminales de certaines fibres des nerfs op-
tiques qui se terminent dans cette couche périphérique des lobes optiques,
ainsi que nous le montrerons dans notre mémoire in extenso.
b) Par des cellules nerveuses horizontales pourvues de prolongements
protoplasmatiques très volumineux et très longs, se terminant dans la couche
moléculaire, et d'un prolongement cylindraxil que nous n'avons pas encore
pu poursuivre sur une longueur suffisante pour pouvoir établir l'endroit où
il se termine, fig. 10.
V. ORIGINE ET TERMINAISON DES FIBRES
OLFACTIVES.
Les fibres du nerf olfactif de la truite ont leurs cellules d'origine dans la
muqueuse olfactive. Entre les cellules épithéliales de cette muqueuse, on
trouve des cellules bipolaires analogues à celles qui ont été décrites par Ehr-
LicH, Arnstein, Grassi et Castronqvo, Ramon y Cajal, Van Gehuchten et
Martin, v. Brunn, Retzius et v. Lenhossek dans la muqueuse olfactive
chez les mammifères et chez l'homme. Le prolongement périphérique de
ces cellules bipolaires arrive jusqu'à la surface libre de la muqueuse olfac-
tive, tandis que le prolongement interne devient le cylindre-axe d'une fibre
nerveuse olfactive et a pu être poursuivi par nous jusque dans l'extrémité
proximale de chaque lobe antérieur. Là, un grand nombre de ces fibres
nerveuses se terminent par un bouquet de ramilles indépendantes, fig. 13,
ainsi que cela a été décrit par Ramon y Cajal, P. Ramon, nous-méme,
Kôlliker, Retzius et tout récemment encore par Calleja f i ) pour les fibres
olfactives des oiseaux et des mammifères.
( i) Calleja : La région ol/actoria del cerebro ; Actas de la Sociétés espanolas de Historia natural, 1893.
282 A. VAN GEHUCHTEN
Les fibres du nerf olfactif de la truite ont donc leurs cellules d'origine
dans la muqueuse olfactive et se terminent, par des ramifications libres,
dans la partie antérieure des lobes antérieurs de l'encéphale.
VI. ORIGINE du' nerf OCULO-MOTEUR COMMUN.
Chaque nerf oculo-moteur commun de la truite a son origine réelle dans
un amas de substance grise situé dans le cerveau moyen, de chaque côté du
raphé, dans le voisinage immédiat de l'aqueduc de Sylvius. Les fibres radi-
culaires qui proviennent de ces cellules d'origine se dirigent obliquement
en avant et en dehors, pour sortir de l'axe nerveux entre le cerveau moyen
et la partie postérieure de l'infundibulum. Ces nerfs oculo-moteurs communs
sont excessivement développés. Leurs fibres constitutives proviennent, en
majeure partie, des cellules nerveuses qui forment le noyau d'origine dans
la moitié correspondante de l'axe nerveux; un certain nombre de ces fibres
passent cependant la ligne médiane pour trouver leurs cellules d'origine
dans le noyau du côté opposé, fig. 32.
Les fibres radiculaires du nerf de la troisième paire subissent donc
un entrecroisement partiel. Cet entrecroisement est comparable à celui que
nous avons décrit pour les fibres radiculaires du même nerf chez un em-
bryon de canard (i). L'entrecroisement partiel des fibres radiculaires du
nerf oculo-moteur commun a été établi, chez les mammifères et les oiseaux,
par les recherches de v. Gudden, Edinger, Perlia, Siemerling, Kolliker,
Van Gehuchten et Bregmann. Il a été décrit pour la première fois chez
les poissons par Fritsch et confirmé par les observations de Mayser et
par les nôtres.
VIL ORIGINE DU NERF FACIAL.
Les fibres du nerf facial ont leurs cellules d'origine dans le tronc céré-
bral. Elles suivent un trajet assez complexe pour se rendre de leur noyau
d'origine réelle à leur origine apparente, c'est-à-dire au point où elles
émergent à la surface de l'axe nerveux. Ce trajet apparaît clairement sur
des coupes frontales légèrement obliques en bas et en arrière. La fig. 38 a
été empruntée à une pareille coupe comprenant dans son épaisseur toute
l'étendue du trajet central des fibres radiculaires. Les cellules nerveuses
qui forment le noyau d'origine réelle du nerf de la septième paire sont des
(i) Van GehWCHTen : De Toriginc du nerf oculo-moteur commun; La Cellule, t \ 111, pp 4U1 43o, iSi|2.
LE SYSTÈME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS 283
cellules volumineuses; chacune d'elles est pourvue de nombreux prolonge-
ments protoplasmatiques abondamment ramifiés et d'un prolongement cy-
lindraxil grêle et délicat. Les prolongements cylindraxils de toutes ces cel-
lules nerveuses se dirigent d'abord en dedans ; arrivés près du raphé médian,
ils se coudent brusquement en haut; après un certain trajet ascendant, toutes
ces fibres nerveuses se recourbent une seconde fois à angle droit sur elles-
mêmes pour devenir transversales et pour gagner ainsi le point de la surface
externe de l'axe nerveux où elles ont leur origine apparente. Ce trajet central
des fibres radiculaires peut donc se décomposer en trois parties :
1° Une partie horizontale étendue entre les cellules radiculaires et le
point où ces fibres subissent leur première courbure; on pourrait appeler
cette partie du trajet central des fibres du facial la branche radiculaire
interne.
2° Une partie verticale ascendante située de chaque côté du raphé et
constituant la branche radiculaire ascendante.
3° Enfin, une partie horizontale s'étendant depuis l'endroit où la
branche ascendante se recourbe en dehors jusqu'au point où les fibres sortent
de l'axe nerveux ; c'est la branche radiculaire externe.
Les fibres radiculaires du facial décrivent donc, dans le tronc cérébral
de la truite, un trajet comparable en plusieurs points à celui que parcourent
les fibres radiculaires du même nerf dans le cerveau postérieur de l'homme. Il
n'y a qu'une seule différence, c'est que chez l'homme la branche radiculaire
externe, au lieu de se diriger directement en dehors comme dans l'axe ner-
veux de la truite, se compose elle-même de deux parties : une partie interne
nettement transversale appelée le genou du facial et une partie externe
obliquement dirigée en avant et en dehors et connue sous le nom de branche
radiculaire externe.
La même disposition des fibres radiculaires du nerf facial se trouve
encore représentée dans la partie inférieure de la fig. 30.
Pour étudier en détail la disposition des cellules d'origine et des fibres
radiculaires du nerf de la septième paire, il est nécessaire d'avoir recours à
des coupes transversales.
Nous avons reproduit dans les fig. 35 et 37 deux coupes de l'axe ner-
veux de la truite passant par le noyau d'origine du nerf facial et montrant
réduites par le chromate d'argent quelques-unes de ses cellules constitutives.
Comme ces figures le montrent, les cellules radiculaires du nerf delà septième
paire sont volumineuses et pourvues d'un grand nombre de prolongements
284 A VAN GEHUCHTEN
protoplasmatiques abondamment ramifiés, s'étendant par leur ramifications
terminales jusque près de la surface libre du tronc nerveux.
Quelques-unes des cellules radiculaires reproduites dans la fig. 37
méritent de fixer plus spécialement notre attention. Au lieu de se ramifier
dans les parties ventrales 'de l'axe nerveux comme les prolongements des
cellules radiculaires de la fig. 35, les prolongements protoplasmatiques de
ces cellules nerveuses se recourbent en arrière pour s'épanouir entre les
fibres constitutives d'un faisceau nerveux qui représente la racine descen-
dante du nerf trijumeau, rac. desc, V, fig. 37. Or, les fibres de ce faisceau
émettent à ce niveau de courtes et fines branches collatérales. Il s'établit
donc là des contacts multiples entre les ramifications collatérales et ter-
minales des fibres sensitives du nerf trijumeau et les prolongements proto-
plasmatiques des cellules radiculaires du nerf facial. Ces contacts forment
des arcs nerveux réflexes entre les éléments sensitifs périphériques du nerf
trijumeau et les éléments moteurs du nerf facial. Tout ébranlement recueilli
par la terminaison périphérique d'une fibre sensitive du nerf trijumeau peut
donc être transmis directement à une ou plusieurs cellules radiculaires du
facial. Il s'en suit qu'à la moindre excitation périphérique produite dans le
domaine innervé par le nerf trijumeau l'organisme pourra répondre, par voie
réflexe, par la contraction d'un ou de plusieurs des muscles innervés par le
nerf facial.
La relation anatomique que nous venons de signaler entre les éléments
sensitifs du nerf trijumeau et les éléments moteurs du nerf facial chez la
truite a, à nos yeux, une valeur plus considérable encore. Elle prouve, en
effet, une fois de plus que le contact entre les différents éléments nerveux
ne s'établit pas tant entre les ramifications cylindraxiles d'un élément et le
corps cellulaire de l'autre, mais la transmission de l'ébranlement nerveux
se fait surtout entre les ramifications cylindraxiles d'une part et les
ramifications protoplasmatiques d'autre part. Nous avons insisté lon-
guement sur ce point dans un autre travail (i). Si nous y revenons dans
cette communication préliminaire, c'est que Kôlliker, dans le second
volume de son « Handbuch der Gewebelehre des Menschen " 1893, semble
n'attribuer aux prolongements protoplasmatiques des cellules nerveuses
qu'une importance tout à fait secondaire, à tel point, dit-il (2) ^ dass die
physiologischen Verhaltnisse des Riickenmarkes vollkommen geniigend sich
(i) Van Gehl'chten : Le système nerveux de l'homme; pp. 147—161.
(2) Kôlliker ; Handbuch der Gewebelehre des Menschen; Bd. Il, Heft l, p. 127, 1893.
LE SYSTÈME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS 285
erklaren, auch wenn man die Dendriten der Zellen der grauen Substanz
nicht als leitende nervôse Apparate auffasst... - L'argument de prédilec-
tion que le savant anatomiste de Wurzbourg a opposé et oppose encore
à la conductibilité nerveuse des prolongements protoplasmatiques, c'est
que, de l'avis de tous les auteurs qui ont appliqué la méthode de Golgi
à l'étude de la structure interne de la moelle épinière, un grand nombre
de cellules nerveuses de la substance grise envoient leurs prolongements
protoplasmatiques jusque très a^'ant dans la substance blanche, c'est-à-
dire dans des régions où, d'après Kôlliker, ^ von Einwirkungen von
nervôsen Elementen auf dieselben keine Rede sein kann i^. Il est bien vrai
que Ramon y Cajal et Sala ont prouvé que, chez les batraciens, un grand
nombre de ramifications collatérales des fibres de la substance blanche, au
lieu de sp terminer dans la substance grise, s'épanouissent dans les couches
périphériques de la moelle où elles viennent en contact avec les prolonge-
ments protoplasmatiques des cellules nerveuses. Mais ce fait, dit Kôlliker,
ne prouve rien pour la moelle, des mammifères et de l'homme. Depuis lors,
nous avons signalé nous-même (i) l'existence, dans la moelle d'embryons
de poulet, des collatérales des fibres des cordons postérieurs, qui ont pu être
poursuivies "jusque très loin entre les fibres nerveuses du cordon antéro-
latéral, collatérales qui ont été retrouvées depuis, par un de nos élèves,
I. Martin, dans un grand nombre de préparations.
Nous sommes convaincu que des recherches spéciales faites dans ce but
sur des moelles d'embryons de mammifères conduiraient au même résultat.
Des ramifications cylindraxiles viennent donc s'épanouir jusque dans
les couches périphériques de la substance blanche de la moelle et par
conséquent la présence dans ces mêmes couches de prolongements proto-
plasmatiques des cellules de la substance grise se comprend facilement.
Il est bien vrai, comme le remarque Kôlliker, que « les relations
physiologiques de la moelle s'expliquent avec une clarté et une netteté
suffisantes, alors même que l'on refuse la fonction de conductibilité aux
nombreux prolongements protoplasmatiques des cellules de la substance
grise ^. Nous ajouterons volontiers que la structure de la moelle serait, à
nos yeux, beaucoup plus simple encore et plus facile à comprendre si l'on
pouvait faire abstraction non seulement des prolongements protoplasma-
tiques des cellules, mais aussi et surtout de ces nombreuses collatérales
(i) Van Gehuchten : Le système nerveux de l'hummc; pp. 222 et 223.
36
286 A. VAN GEHUCHTEN
dont sont si richement pourvues toutes les fibres de la substance blanche.
Mais comme les collatérales existent et comme, dans l'état actuel de la
science, il nous paraît indiscutable que les prolongements protoplasmatiques
des cellules nerveuses jouissent de la conductibilité nerveuse, nous sommes
bien obligés d'en tenir compte, quelle que soit la complexité de structure
qui puisse en résulter.
Du moment que l'on admet et que l'on doit admettre la conductibilité
nerveuse pour les prolongements protoplasmatiques des cellules mitrales
du bulbe olfactif, des cellules de Purkinje du cervelet, des cellules des lobes
optiques des oiseaux, des cellules ganglionnaires de la rétine, des cellules
pyramidales de l'écorce cérébrale, nous nous demandons sur quels argu-
ments décisifs on s'appuierait pour dénier cette même fonction de conducti-
bilité aux prolongements protoplasmatiques des cellules de la moelle.
Les prolongements cylindraxils des cellules radiculaires du nerf facial
se dirigent en dedans et un peu en arrière jusque dans le voisinage du raphé
médian. Là, ils se recourbent en haut et se placent régulièrement les uns
à côté des autres, de telle sorte que, vue en coupe transversale, la section de
toutes ces fibres radiculaires produit, de chaque côté du raphé, une série de
points placés sur une même ligne antéro-postérieure. Ces prolongements
cylindraxils conservent la même disposition régulière sur toute l'étendue de
la branche radiculaire ascendante ; puis ils se recourbent une seconde fois à
angle droit sur eux-mêmes pour prendre une direction transversale et gagner
ainsi la face externe de l'axe nerveux. Dans la moitié interne de ce trajet, ils
restent juxtaposés les uns à côté des autres; ils quittent ensuite cette position
régulière pour s'entremêler les uns avec les autres, de façon à produire un
petit faisceau à section arrondie au moment où ils arrivent à leur origine
apparente, fig. 36. Cette disposition spéciale des fibres radiculaires dans
toute l'étendue de leur trajet ascendant et dans la partie interne de leur
branche radiculaire externe permet de se rendre compte assez facilement
du nombre de fibres nerveuses qui entrent dans la constitution du nerf facial
et par suite du nombre des cellules nerveuses qui forment le noyau d'origine.
Nos observations n'ont pas été assez nombreuses pour avoir pu déterminer
si ce nombre de fibres radiculaires est constant.
Dans les quelques numérations que nous avons faites, il a toujours
oscillé légèrement autour de 20.
LE SYSTÈME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS 28?
Pendant ce trajet assez étendu que parcourent ces fibres radiculaires,
nous avons pu constater que, sur le parcours de la branche radiculaire
externe, quelques-unes de ces fibres émettaient une ou deux petites branches
collatérales.
Avant de terminer l'étude de l'origine des fibres du nerf facial chez la
truite, il nous reste encore à rechercher un point important, celui de savoir
s'il existe un entrecroisement partiel entre les fibres radiculaires du nerf de
la septième paire. Nous avons déjà signalé que cet entrecroisement partiel
existe plus que probablement pour quelques fibres radiculaires du nerf facial
chez l'embryon de poulet (ij. Pour résoudre la question pour le nerf facial
de la truite, il nous suffit d'étudier la disposition des cellules radiculaires
dans les coupes que nous avons reproduites dans les fig. 35 et 37.
Entre les noyaux d'origine des deux nerfs, il existe manifestement une
commissure protoplasmatique analogue à celle qui a été décrite par Ramon
Y Cajal et par nous dans la moelle épinière des mammifères et qui été re-
trouvée par Cl. Sala entre les cellules radiculaires de la moelle des batra-
ciens. Cette commissure est surtout évidente dans la fig. 37. Si les prolon-
gements protoplasmatiques des cellules nerveuses ne jouissent pas de la
conductibilité nerveuse, comme certains auteurs semblent devoir l'admettre,
cette disposition spéciale n'a guère d'importance et mérite à peine d'être
signalée. Si, au contraire, comme Ramon y Cajal et nous-méme nous croyons
l'avoir démontré, les- prolongements protoplasmatiques des cellules nerveu-
ses ont, au point de vue de la transmission des ébranlements nerveux, la
même importance que le corps cellulaire lui-même et que le prolongement
C5dindraxil. Si, de plus, ces prolongements jouissent de la conductibilité
cellulipète et ont pour fonction de recueillir les ébranlements de toutes les
ramifications cylindraxiles avec lesquelles ils arrivent en contact, l'existence
d'une commissure protoplasmatique équivaut à un entrecroisement. Dans ces
conditions, en effet, les prolongements protoplasmatiques ne servent qu'à
augmenter considérablement la surface de perception de la cellule nerveuse.
Mais il n'existe pas seulement un entrecroisement entre les noyaux d'ori-
gine des deu-x nerfs au moyen des prolongements protoplasmatiques; on
peut aussi observer un entrecroisement au moyen des prolongements cylin-
draxils : témoin les deux éléments nerveux a de la fig. 35, dont les prolon-
gements protoplasmatiques et le corps cellulaire occupent la moitié gauche
(i) Van Gehdchten : Le système nerveux de l'homme ; pp. 385-386.
36.
288 A. VAN GEHUCHTEN
de la coupe, tandis que les prolongements cylindraxils vont se rendre dans
le faisceau radiculaire du nerf facial du côté droit.
Les fibres radiculaires du nerf facial de la truite subissent donc un
entrecroisement partiel.
VIII. LE NERF ACOUSTIQUE.
Les fibres du nerf acoustique ont leurs cellules d'origine en dehors de
l'axe cérébro-spinal, dans des ganglions situés sur le trajet périphérique du
nerf de la huitième paire ainsi que nous croyons l'avoir établi avec Retzius
pour les fibres du nerf acoustique chez la souris blanche. Ces observations
concordantes de Retzius et de nous, faites presque en même temps et
d'une façon indépendante les unes des autres, ont été confirmées par
Ramon y CAjALfi) et tout récemment encore par v. Lenhossek (2).
Dans un grand nombre de coupes transversales de l'encéphale de la
truite, nous avons obtenu réduites les cellules constitutives du ganglion
acoustique et nous avons pu poursuivre, sur tout leur trajet, quelques-unes
des branches périphériques et centrales.
Le ganglion acoustique de truites âgées de dix jours est formé de cel-
lules nerveuses à la fois bipolaires et opposito-polaires. Le prolongement
périphérique de ces cellules nerveuses, qui nous a toujours paru manifeste-
ment plus épais que le prolongement central, s'étend jusque dans l'épithé-
lium acoustique, où il se termine par une touffe de ramifications se terminant
librement entre les cellules épithéliales, fig. 27 et 28.
Le prolongement interne de chacune des cellules bipolaires qui con-
stituent le ganglion pénètre dans le tronc cérébral, immédiatement en arrière
de l'origine apparente du nerf facial. Près de la surface de l'axe nerveux, ce
prolongement se recourbe en bas pour devenir une fibre constitutive de la
racine descendante, fig. 31, r. d. VIII.
Dans leur trajet descendant, toutes les fibres de cette racine émettent
de fines branches collatérales se terminant librement dans la substance grise
voisine.
(1) Ramon y Cajal : Nuevo concepto de la Histologia de los Centras uerviosos ; Barcelone, iSg?.
(2) V. Lenhossek : Die Nervenendigungen in den Maculx und Cristce acusticce ; Anatomische Hefte,
1893, pp. pp. 23i-265,
LE SYSTÈME NERVEUX DES TÉLÉOSTÉENS 28q
IX. LES FIBRES SENSITIVES DU NERF TRIJUMEAU.
On admet généralement aujourd'hui que les fibres sensitives du nerf
trijumeau ont leurs cellules d'origine en dehors de l'axe cérébro-spinal, dans
le ganglion semi-lunaire ou ganglion de Gasser que l'on rencontre sur le
trajet périphérique de ce nerf (His et Van Gehuchten). Sous ce rapport, les
fibres sensitives du nerf de la cinquième paire se comportent comme les
fibres sensitives de tous les autres nerfs cérébro-spinaux.
Les cellules nerveuses des ganglions cérébro-spinaux de tous les verté-
brés présentent, à un moment donné de leur développement, la forme bi-
polaire. Mais, tandis que chez les mammifères, les oiseaux, les reptiles et
les batraciens, cette forme bipolaire n'est que transitoire, parce que les cel-
lules bipolaires se transforment rapidement en cellules unipolaires par le
rapprochement et la fusion intime, sur une longueur variable, des deux
prolongements primitivement indépendants, les cellules bipolaires des
embryons de poissons semblent, de l'avis unanime des auteurs, conserver
définitivement chez l'adulte leur forme primitive.
Les ganglions spinaux de Petromyion (Freud), de Myxine (Retzius)
et de Pristiurus (von Lenhossek) font cependant exception à cette disposi-
tion générale. Depuis longtemps déjà, Freud (i) a décrit, dans les ganglions
spinaux de Petromyion traités par la méthode au chlorure d'or, non seule-
ment des cellules bipolaires, mais aussi des cellules unipolaires identiques
aux cellules constitutives des ganglions spinaux des vertébrés supérieurs.
Outre ces cellules nettement bipolaires et unipolaires, il a décrit encore
toute une série de formes intermédiaires.
Retzius (2) a signalé les mêmes dispositions pour les cellules des gan-
glions spinaux de Myxine, en se servant de la coloration au bleu de méthy-
lène. Enfin tout récemment, v. Lenhossek (3) a retrouvé les mêmes formes
cellulaires dans les ganglions spinaux d'embryons de Pristiurus traités par
la méthode au chromate d'argent de Golgi.
Dans un grand nombre de nos préparations du système nerveux de la
truite, nous avons obtenu réduites par le chromate d'argent les cellules con-
(1) Freud : Ueber SpinalgangUon und Rilckenmark des Pctromy^ons ; Sitzungsber. de Vienne
Bd. 78, Abth. 3, 1878.
(2) Retzids : Ueber die Ganglien^cUen der ceretrospinal Ganglien und ûber siibciitane Ganglien-,
^ellen bei Myxine gluiinosa; Biolog. Unters., Neue Folge, I, 1890.
(3) V. Lenhossek : Beobachtungen an den Spinalganglien und dem Rûckenmark von Pristiu-
rusembryonen ; Anatom. Anz., 1892, pp. 5ig-53g.
290 A. VAN GEHUCHTEN
stitutives du ganglion semi-lunaire du nerf trijumeau. Nous y avons retrouvé
les mêmes formes cellulaires que celles que nous avons décrites dans le
ganglion de Gasser des oiseaux et' des mammifères (i).
Sur des truites âgées de un à cinq jours, les cellules constitutives du
ganglion de Gasser ont toutes la forme nettement opposito-bipolaire,
FiG. 29. Si l'on examine, au contraire, des coupes passant par le ganglion
semi-lunaire de truites âgées de dix ou de quinze jours, on retrouve encore,
il est vrai, des cellules bipolaires identiques à celles de la fig. 29 ; mais à
côté de celles-là, on en voit d'autres qui ont modifié leur forme extérieure :
les unes se sont transformées en cellules gemmi-pnlaires par le rapproche-
ment plus ou moins accentué de leurs deux pôles; les autres ne sont plus
pourvues que d'un seul prolongement présentant, à une distance variable
de la cellule d'origine, la bifurcation en T ou en Y des cellules des ganglions
cérébro-spinaux des autres vertébrés, fig. 34. Les cellules du ganglion de
Gasser de la truite se comportent donc comme les cellules correspondantes
des oiseaux et des mammifères : primitivement bipolaires, elles se transfor-
ment, dans le coursdu développement, en cellules unipolaires parle rap-
prochement et la fusion intime des deux prolongements primitifs.
Un fait dont on peut se convaincre avec la plus grande facilité dans le
ganglion de Gasser de la truite, c'est que des deux prolongements qui partent
de ses cellules constitutives, le prolongement interne ou central est toujours
beaucoup plus grêle et beaucoup plus délicat que le prolongement périphé-
rique. Celui-ci est épais, présente des contours irréguliers et est souvent
chargé de nodosités irrégulières et volumineuses. Cette disposition, observée
pour la première fois par von Lenhossek chez la grenouille, a été retrouvée
par Ramon y Cajal et par nous pour les cellules des ganglions cérébro-spi-
naux des oiseaux et des mammifères.
Les prolongements internes des cellules du ganglion de Gasser de la
truite deviennent les cylindre-axes des fibres nerveuses de la racine sensitive.
Nous savons, par les recherches récentes (Kôlliker, Held et Van
Gehuchten), qu'à leur entrée dans la protubérance annulaire les fibres sen-
sitives du nerf trijumeau des mammifères se bifurquent en branches ascen-
dantes et en branches descendantes. Les branches ascendantes peuvent être
poursuivies, chez l'homme, jusque dans le cerveau moyen; elles forment un
faisceau assez épais connu sous le nom de racine ascendante.
(i) Van Gehuchten : Contributions à l'étude des ganglions cérébro-spinaux; Bull, de l'Acad. roy. de
Belgique, t. 24, pp. 117-154, 1892. — Nouvelles recherches sur les ganglions cérébro spinaux; La
Cellule, t. VIII, pp. 233-253, 1892.
LE SYSTEME NERVEUX DES TELEOSTEENS 29 1
Les branches descendantes arrivent jusqu'à la partie inférieure de la
moelle allongée : elles constituent la racine descendante.
Nous avons fait remarquer ,dans un autre travail (i), que la racine des-
cendante du nerf trijumeau de l'homne est beaucoup plus volumineuse que
la racine ascendante, fait qui tend à prouver qu'à leur entrée dans le tronc
cérébral toutes les fibres du nerf trijumeau ne se comportent pas d'une
façon identique. D'ailleurs, sur des préparations provenant du cerveau
postérieur d'embryons de poulet, nous avons constaté qu'au lieu de se
bifurquer en branches ascendantes et en branches descendantes, beaucoup
de fibres sensitives du nerf de la cinquième paire se recourbaient directe-
ment en bas pour pénétrer dans la racine descendante (2 j.
Chez la truite, la racine ascendante du nerf trijumeau semble complè-
tement faire défaut. Dans toutes nos préparations, nous avons toujours vu
les fibres du trijumeau pénétrer dans le tronc cérébral et se recourber en
bas pour devenir fibres constitutives de la racine descendante, ainsi que nous
l'avons représenté dans les fig. 30 et 31. Dans leur trajet descendant,
ces fibres émettent un grand nombre de fines branches collatérales se
terminant, par des ramifications libres, dans la substance grise voisine.
X. LES FIBRES SENSITIVES DU NERF PNEUMO-GASTRIQUE.
Le nerf pneumo-gastrique de la truite présente sur son trajet périphé-
rique, non loin de sa sortie de l'axe nerveux, un ganglion volumineux cor-
respondant aux différents ganglions que l'on trouve sur le trajet du nerf
glosso-pharyngien et du nerf pneumo-gastrique des vertébrés supérieurs.
Nous avons prouvé, dans un autre travail, que, chez les mammifères et
chez l'homme, les cellules constitutives de ces ganglions sont des cellules
unipolaires identiques aux cellules des ganglions spinaux.
Sur des truites âgées de cinq jours, le ganglion plexiforme se montre
constitué de cellules bipolaires pourvues d'un prolongement périphérique
épais et irrégulier et d'un prolongement central grêle présentant des contours
nettement découpés, fig. 33. A leur entrée dans le tronc cérébral, les pro-
longements internes des cellules bipolaires se recourbent directement en
bas pour constituer la racine descendante de la neuvième et de la dixième
(1) Van Gehcchten : Le système nerveux de l'homme, p. 404.
(2) Van Gehuchten : Nouvelles recherches sur les ganglions cérébro-spinaux; La Cellule,
t. VIII, p. 244, 1892.
292 A. VAN GEHUCHTEN
paire des nerfs crâniens. Dans leur trajet descendant, ces fibres émettent
de fines branches collatérales se terminant dans la substance grise voisine.
Nous avons représenté, dans la fig. 13, la coupe transversale du tronc
cérébral d'une truite âgée de dix jours et passant par l'origine de la partie
sensitive du nerf pneumogastrique.
On y voit les prolongements internes de quelques cellules du ganglion
entrer dans le tronc cérébral et s'y recourber pour devenir des fibres con-
stitutives d'un faisceau nerveux représentant la racine descendante du nerf.
Au moment où ces fibres se recourbent, elles émettent quelques fines bran-
ches collatérales se terminant dans la région voisine. Sur cette coupe, ces
ramifications collatérales se terminent dans le voisinage de cellules nerveu-
ses assez volumineuses représentant probablement les éléments nerveux
sensitifs des centres, c'est-à-dire les cellules constitutives du noyau sensitif
terminal du nerf périphérique.
Les prolongements cylindraxils qui provieîment de ces cellules se diri-
gent transversalement en dedans, s'entrecroisent dans le raphé avec les
prolongements venus des cellules du côté opposé, puis se poursuivent presque
dans le faisceau blanc périphérique, où ils se recourbent en haut soit comme
tels, soit après s'être divisés de façon à donner naissance à deux fibres
distinctes.
Les éléments nerveux sensitifs périphériques du nerf pneumogastrique
de la truite ont donc leurs cellules d'origine en dehors de l'axe cérébro-spinal,
dans le ganglion volumineux que l'on découvre sur le trajet périphérique de
ce nerf. Ces éléments périphériques se terminent dans l'axe nerveux par des
ramifications libres qui viennent en contact avec d'autres cellules nerveuses
appartenant probablement aux éléments nerveux de la voie sensitive
centrale.
I
EXPLICATiON DES FIGURES.
PLANCHE I.
FIG. 1. Coupe transversale d'un lobe antérieur d'une truite âgée de lo jours
et montrant la disposition de quelques cellules épendymaires (méthode de Golgi).
FIG. 2. Coupe transversale du cerveau antérieur d'une truite de lo jours pas-
sant par les deux lobes antérieurs au devant de la commissure interlobaire :
fb. faisceau basai de Edinger ; ep, voûte épithéliale formant le toit du ventri-
cule antérieur; (sublimé -(- paracarmin de Mayer).
FIG. 3. Coupe analogue à la précédente (méthode de Golgi) : fb, faisceau basai.
Dans le lobe droit nous n'avons reproduit que les ramifications collatérales et ter-
minales provenant des fibres du faisceau basai. Dans le lobe gauche se trouvent
représentées quelques cellules nerveuses multipolaires dont les prolongements cylin-
draxils deviennent des fibres descendantes du faisceau basai.
FIG. 4. Coupe transversale du cerveau antérieur d'une truite de lo jours passant
par la commissure interlobaire (sublimé -\- paracarmin de Mayer) : Jb, faisceau basai ;
com. int., commissure interlobaire; pi, repli de la voûte épithéliale séparant le cerveau
antérieur du cerveau interrnédiaire ; gg. hab., ganglions de l'habenula; gl. pin., glande
pinéale.
FIG. 5. Coupe analogue à la précédente mais ne représentant que les deux
lobes antérieures (méthode de Golgi) : fb. siip , faisceau basai superficiel ; /i!'. ^rq/".,
faisceau basai profond; com. sup., commissure superficielle; com. prof., commissure
profonde; a, cellules nerveuses dont les prolongements cylindraxils se rendent dans
le faisceau basai superficiel ; b, cellules nerveuses dont les prolongement cylindraxils
se rendent dans le faisceau basai profond; c, branches collatérales et terminales des
fibres ascendantes du faisceau basai.
FIG. 6. Coupe transversale du cerveau antérieur d'une truite de lo jours faite
en arrière de la commissure interlobaire (sublimé -f- paracarmin) : fb, faisceau basai.
FIG. 7. Coupe transversale d'un lobe antérieur d'une truite de lo jours faite
en arrière de la commissure (méthode de Golgi); Jb, faisceau basai; a, deux cellules
nerveuses dont les prolongements cylindraxils se recourbent dans le faisceau basai ;
b, cellules épendymaires.
FIG. 8. A. Coupe longitudinale de la partie inférieure de l'infundibulum
montrant les cellules bipolaires dont les prolongements cylindraxils deviennent des
fibres ascendantes du faisceau basai.
294
A. VAN GEHUCHTEN
FIG. 8. B. Coupe transversale de la partie inférieure de l'infundibulum mon-
trant les mêmes cellules bipolaires.
FIG. 9. Partie d'une coupe transversale du toit optique d'une truite de lo jours
(sublimé -|- paracarmin) : i, couche des cellules épendymaires ; 2, couche granuleuse;
3, couche moléculaire.
FIG. 10. Coupe longitudinale du toit optique d'une truite de lo jours montrant
la forme et la disposition de quelques cellules de la couche granuleuse et quelques
cellules horizontales de la zone périphérique de la couche moléculaire.
FIG. 11. Coupe transversale du toit optique d'une truite de lo jours montrant
la forme et la disposition des cellules nerveuses de la zone la plus profonde de la
couche moléculaire, a, et de quelques grains de la couche granuleuse, b.
FIG. 12. Terminaison centrale de quelques fibrilles olfactives.
FIG. 13. Coupe transversale de l'axe nerveux d'une truite de lo jours passant
par les fibres sensitives du nerf pneumogastrique : gg, ganglion plexiforme; r. desc,
racine descendante.
PLANCHE II.
FIG. 14. Coupe longitudinale de l'encéphale d'une truite de lo jours : /. ant.,
lobe antérieur; gg. hab., ganglion habenulce; /. opt., lobe optique; cei'i'., cervelet;
c. int., commissure interlobaire ; ch, chiasma des nerfs optiques; c. G., commissure
de GuDDEN ; yï>, ■ faisceau basai; /. A/., faisceau rétroréflexe ou faisceau de Meynert;
c. ans., commissure ansiforme.
FIG. 15, 16 et 17. Trois coupes obliques faites suivant le plan indiqué par
la ligne pointillée de la fig 14 et montrant l'origine et la terminaison des fibres
du faisceau rétroréflexe : gg. hab., ganglion de l'habenula; c. interp., corps inter-
pédonculaire.
FIG. 18. Schéma montrant l'origine, le trajet et la terminaison des fibres du
faisceau rétroréflexe : gg. hab, ganglions de l'habenula; c. int., corps interpédon-
culaire.
FIG. 19. Les cellules du ganglion de l'habenula de la fig. 15, dessinées à
un fort grossissement (Zeiss D, II).
FIG. 20. Cellule du ganglion de l'habenula.
FIG. 21. Le corps interpédonculaire de la fig. 17 dessiné à un fort gros-
sissement.
FIG. 22. Coupe transversale du cerveau moyen d'une truite de cinq jours
passant par le corps interpédonculaire.
FIG. 23. Le corps interpédonculaire de la figure précédente dessiné à un fort
grossissement (Zeiss D, II).
FIG. 24. Coupe longitudinale et médiane de l'encéphale d'une truite de lo jours
(sublimé -f- paracarmin) : I, cerveau antérieur; II, cerveau intermédiaire; III, cerveau
moyen; W, cerveau postérieur; V, arrière-cerveau; pi, repli de la voûte épithéliale
LE SYSTEME NERVEUX DES TELEOSTEENS 295
séparant le cerveau antérieur du cerveau intermédiaire; c, coussinet de la glande
pinéale; gl. pin., glande pinéale; c. interl., commissure interlobaire; n. opt , nerf
optique; c. G., commissure de Gudden.
FIG. 25 et 26. Deux coupes longitudinales prises en dehors de la coupe
précédente; dans la fig. 25 la glande pinéale a disparu et le coussinet de cette
glande a pris une forme triangulaire à base supérieure. Dans la fig. 26, ce coussinet
est remplacé par le ganglion de l'habénula.
FIG. 27 et 28. Terminaison du prolongement périphérique des cellules bipolaires
du nerf de la huitième paire dans l'épithélium acoustique.
PLANCHE III.
FIG. 29. Ganglion de Gasser d'une truite de cinq jours : c, prolongements
internes; ,pér., prolongements périphériques.
FIG. 30 et 31. Coupes longitudinales de l'encéphale d'une truite de cinq jours :
gg. G., ganglion de G.\sser; r. d. V, racine descendante du nerf trijumeau;
"VU, a, cellules radiculaires du nerf facial; VII, b, branche radiculaire ascendante;
VII, c, branche radiculaire externe ; r. d. VIII, racine descendante du nerf acoustique.
FIG. 32. Coupe transversale du cerveau moyen d'une truite de lo jours pas-
sant par les noyaux d'origine des nerfs oculo-moteurs communs : f. Al., faisceau de
Meynert ; comm. ansif., commissure ansiforme.
FIG. 33. Cellules constitutives du ganglion plexiforme d'une truite de 5 jours :
c, prolongements internes; pér, prolongements externes.
FIG. 34. Quelques cellules du ganglion de Gasser d'une truite de lo jours :
c, prolongement central ; pér, prolongement périphérique.
FIG. 35 et 37. Coupes transversales passant par le noyau d'origine du nerf
facial : r. d. V, racine descendante du nerf trijumeau ; a, cellules radiculaires dont
les prolongements cylindraxils se rendent dans la branche radiculaire ascendante
du côté opposé.
FIG. 36. Coupe transversale passant par la branche radiculaire externe du nerf
facial : c, collatérale.
FIG 38. Coupe frontale légèrement oblique en bas et en arrière comprenant
toute l'étendue des fibres radiculaires du nerf facial : VII, a, noyau d'origine;
VII, b, branche radiculaire ascendante; VII, c, branche radiculaire externe; b, cellule
nerveuse à cylindre-axe ascendant.
Planche Z
j4 V'a.-^ij'th.tzcn^r-i acL nat aM.
QCcIb'. s<y.
Planche JT
;f.
hanche m
"^- '.nG-ehuchtcn aci nai. a.e>
G.Ua
I
Reclierçlies sur les Cellules sécrétantes.
II
LES GLANDES FILIÈRES
DE
L'OWENIÂ FUSIFORMIS delle chiaje
fAMMOCHARES OTTONIS Grube)
PAR
Gustave GILSON
professeur a l'université de Louvain.
(Mémoire déposé le 3o décembre iSgS.)
37
I
f
Recherches sur les Cellules sécrétantes.
II
LES GLANDES FILIÈRES DE L'OWENIA FUSIFORMIS
UOxvenia fusiformis est un annélide tubicole dont l'organisation pré-
sente des particularités remarquables. Il nous a été donné, pendant un séjour
à la station zoologique de Naples, d'acquérir à son sujet des données qui
complètent quelque peu les travaux de nos devanciers.
Nous publions aujourd'hui une description détaillée des glandes fili-
formes, dont le produit sert à la construction du tube sableux dont s'en-
toure le ver.
A défaut d'autre dénomination, nous conserverons à ces organes le nom
de glandes filières queleur donne Claparède et que justifient jusqu'à un cer-
tain point la ressemblance que l'on constate entre leur produit de sécrétion
et la soie des insectes, et surtout la similitude que présente leur mécanisme
sécrétoire avec celui des glandes séricigènes des lépidoptères et des trichop-
tères. Remarquons toutefois que l'absence d'un véritable appareil fileur
semblable à celui des insectes fait désirer qu'on leur trouve une autre déno-
mination, dès que leurs homologies seront nettement fixées.
Des organes aussi insolites parmi les annélides ne pouvaient manquer
d'attirer l'attention des naturalistes. Ils ont été signalés par presque tous
les auteurs qui traitent de VOivenia au point de vue anatomique. Néan-
moins, la description des glandes filières n'occupe dans leurs ouvrages
qu'une place secondaire.
Delle Chiaje(i), qui découvrit et dénomma le genre, les a notées et
représentées dans ses planches.
(i) Delle Chiaje : Dcscrijioiie e notomia degli animait sen^a vertèbre. Nous n'avons point vu
cet ouvrage que nous citons d'après Claparède.
300
Gustave GILSON
Kôlliker(i), dans une courte notice sur divers animaux publiée sous
la forme d'une lettre adressée à Allen Thompson, signale pour la première
fois ces glandes que Delle Chiaje avait simplement figurées sans attirer
l'attention sur elles. ^ In jedem Gliede, dit Kolliker, finden sich zwei
^ lange schlauchformige Driisen, die in der Nahe der Hackenborsten aus-
- miinden, mit einer hellen Gallerte gefullt sind und, ohne Zweifel, das
" Gehâuse ausscheiden, in welchem dièse Annelide lebt. «
L'auteur en attribue donc une paire à chaque segment, sans distinguer
entre la partie antérieure et la partie postérieure du corps.
Claparède (2) fixe le nombre des glandes à quatre paires, décrit rapi-
dement leur structure et en donne quelques dessins. Il est le premier auteur
qui ait remarqué l'aspect tout particulier de leur contenu. - Le calibre des
« tubes, dit-il (1. c), est occupé par une substance filamenteuse l'essem-
^ blant à s'y méprendre à des faisceaux de zoospermes. Toutefois, à la rup-
- ture de la glande, on reconnaît qu'il s'agit d'un liquide fort dense, coulant
" avec difficulté, dans lequel des stries sont produites sans doute par des
« différences de densité dans les différentes couches du liquide sécrété, n
VON Drasche(3) corrige Claparède et Kolliker au sujet du nombre des
glandes. Pour sa- part, il en distingue six paires : les deux premiers anneaux
du thorax et les quatre premiers anneaux de l'abdomen en possèdent; le
dernier des trois anneaux fusionnés du thorax en serait dépourvu. Il en
trouve le même nombre dans une Owenia du Japon. Claparède, dit-il, n'a
donc pas vu les glandes qui débouchent au troisième et au quatrième tore.
Et quant à Kolliker qui en assigne une paire à chaque segment dans une
espèce écossaise, on peut se demander s'il a bien examiné les segments
postérieurs.
Faisons remarquer ici que Claparède n'admet pas même l'existence
du troisième anneau que von Drasche attribue au thorax et regarde comme
dépourvu de glandes. Nous reviendrons sur ce point.
(i) Kolliker : Kur:^er Hericlit ûber einige im Herbst 1864 an der M'estkiiste von Scliottland
• angestellte vergleichend-anatomische Untersuchungcn ; Separat-Abdruck aus der naturwissensch. Zeit-
schrift, Bd. V, Wiirzburg, 1864, p. 11.
(2) Claparède : Les annélides chétopodes du golfe de Naplcs; Mémoires de la Société de phy-
sique et d'hist. nat. de Genève, T. XX avec supplément, 1870.
Id. Recherches sur les annélides sédentaires; Ibid., T. XXII, 1873.
(3; D' Richard von Drasche ? Beitrâge ^ur feinercn Anatomie der Polychxten. Zweites Heft.
Anatomic von Owenia Jiliformis. Wien. C. Gerold's Sohn. i885.
LES GLANDES FILIERES DE L OWENIA FUSIFORMIS 301
VON Drasche décrit rapidement la paroi des tubes glandulaires et la
figure en coupe transversale. Il y découvre une tunique de fibres muscu- '
laires longitudinales que Claparède n'avait pas signalée et un épithélium
formé de cellules cubiques. Près de l'embouchure, il s'y ajoute une couche
de fibres musculaires circulaires.
Le contenu de la glande est un liquide filant que le vert de méthyle
colore intensément. Claparède, d'après lui, en a bien représenté l'aspect.
EisiG (i), dans sa magistrale description des capitellides, traite acces-
soirement des glandes de ÏOipenia et d'autres productions analogues. Il cite
Claparède et von Drasche et fait remarquer que la substance sécrétée
renferme des filaments parfaitement distincts, fait que ces deux observateurs
n'avaient point reconnu.
MÉTHODE.
La dissection d'objets frais ou fixés nous a servi dans l'étude de la
forme, de la situation et des rapports des organes. Mais la méthode des
coupes pouvait seule compléter les notions ainsi acquises et leur donner la
précision désirée.
Les fixateurs dont nous avons fait le plus usage sont la solution mer-
curique acide dont nous avons donné ailleurs la formule (2), ainsi que la
solution de Flemmi.ng et celle de Merkel. Celle-ci donne aux pièces une
consistance excellente, mais fixe moins bien que le bichlorure de mercure,
La liqueur de Flemming fixe très bien, mais elle a, pour notre objet, une
tendance à rendre les pièces cassantes, surtout si on est obligé de les con-
server longtemps dans l'alcool avant de les sectionner.
Comme colorant, l'acide carminique sous la forme de carmin aluné ou
de paracarmin de Mayer nous a rendu les plus grands services. Le bleu
carmin introduit dans la technique par Janssens (3) est celui de tous les
colorants protoplasmatiques qui nous a été le plus utile. La paraffine et la
celloïdine nous ont servi à l'enrobage; la dernière donne le plus souvent de
meilleurs résultats dans la partie cytologique des recherches.
Enfin, nous avons aussi, à l'aide d'un procédé spécial, pratiqué des
sections dans le tube à demi membraneux et à demi pierreux qui constitue
la demeure de \Owenia.
(i), D'' h. Eisig : Die Capitelliden ; Fauna und' Flora des Golfes von Neapel, XVI, 1887.
(2) BOLLEs Lee : The microtomist's Vade-Mccum. London, Churchill, i8g3, p. 472.
(3) Fr. Janssens : Les branchies des acéphales; La Cellule, t. IX, i, i8g3.
302 Gustave GILSON
APERÇU ANATOMIQUE.
a) Nombre et topographie.
Sous le rapport du nombre des glandes, nous ne sommes d'accord avec
aucun de nos devanciers, excepté, peut-être, Kôlliker, pour ce qui regarde
la partie antérieure du corps.
Claparède a tort de n'en admettre que quatre paires. Quant à von
Drasche, tout en étant plus près de la vérité, il n'est pas encore tout à
fait correct en fixant leur nombre à six paires.
En efifet, nous devons à la méthode des coupes en série d'en avoir con-
staté sept; mais l'une d'elles est rudimentaire.
Notre FiG. 1 est un simple croquis topographique présentant à l'œil la
face interne de la paroi du corps incisée le long de la ligne médiane ventrale.
La ligne qui divise symétriquement la figure représente le lieu d'insertion du
mésentère dorsal, qui a été coupé et enlevé avec le tube digestif tout entier.
La ligne transversale d^^ représente le deuxième dissépiment du corps,
qui sépare un tronçon antérieur, conventionnellement appelé thorax, d'une
série de tronçons postérieurs ou abdominaux (i).
Les lettres G\ à G, indiquent les glandes filières. On voit que, d'accord
avec VON Drasche, nous en plaçons une paire dans chacun des quatre pre-
miers anneaux abdominaux, mais que, contrairement à cet auteur, nous en
comptons, non pas deux, mais trois dans le thorax.
Faisons remarquer ici que Grube et Claparède n'admettaient que deux
segments thoraciques. Ce dernier critique même à ce sujet une observation
faite par Kôlliker sur une Oxveiiia de la côte ouest d'Ecosse. « Kôlliker,
'• dit Claparède, remarque.... qu'il y a encore une autre paire de soies ca-
« pillaires avant le bourrelet et qu'il faut par conséquent compter un segment
« de plus. La même apparence s'observe chez l'espèce napolitaine, toute-
« fois le faisceau en question est le faisceau dorsal correspondant à la pre-
^ mière paire des tores ventraux. "
VON Drasche, au contraire, établit que la dite paire de soies est bien
autonome et atteste l'existence d'un troisième segment thoracique. Il con-
firme ainsi l'observation détaillée de Kôlliker qui avait compris exactement
la structure de la portion thoracique, comme le prouve cette phrase :
« Ferner steht vor dem ersten Wulste von Hackenborsten noch ein kleiner
(i) L'individu représenté est une femelle. Chez les mâles les muscles de la paroi ilu corps sont
plus développés et la dissection présente un aspect quelque peu différent.
LES GLANDES FILIERES DE LOWENIA FUSIFORMIS 303
•^ Pinsel von Haarborsten, sodass wohl 3 Glieder ohne Hackenborsten
« anzunehmen sindfi) ". Claparède n'est donc pas heureux dans ses cri-
tiques des observations du savant allemand. Pour notre part, nous nous
rallions d'autant plus volontiers à l'opinion de Kôlliker et de von Drasche,
que nous avons non seulement constaté l'autonomie des petits faisceaux de
soies en question, mais encore découvert à la base de ces mêmes faisceaux
une glande filière, rudimentaire, il est vrai, mais évidemment homologue
à celles des autres segments.
Il est donc certain que le thorax est composé de trois segments fusion-
nés possédant chacun leurs faisceaux de soies et leurs glandes filières.
Seulement, le troisième segment très court, presque atrophié, ne possède
que des faisceaux de soies très peu développés et des glandes filières rudi-
mentaires.
Les glandes filières sont donc des organes répartis segmentairement
dans les sept premiers anneaux du tronc. En avant, le segment céphalique
seul en est dépourvu. Nous n'en trouvons pas dans les segments postérieurs
au quatrième segment abdominal.
Au sujet de cette dernière partie du corps, il existe donc un désaccord
au moins implicite entre les observations de Kôlliker et les nôtres.
Quant à la région thoracique, il y a lieu de se demander si notre savant
devancier a bien constaté l'existence des glandes dans le troisième segment
en particulier. Dans Y 0^pen^afus^fonn^s du golfe de Naples, ces glandes
sont généralement trop petites pour être discernables à la loupe et le savant
de Wurzbourg paraît ne pas les avoir recherchées à l'aide de coupes. Tou-
tefois, il se pourrait que l'atrophie de ces organes soit moins marquée dans
les individus vivant sous un climat si différent et dans des conditions si
diverses sur les côtes d'Ecosse. Mais il n'est pas même certain que l'espèce
étudiée par Kôlliker soit la nôtre. Au contraire von Drasche, se basant sur
le petit nombre de crochets attribué à chaque tore, estime que ce doit être
VOwenia assimilis, Sars. Rien ne prouve que la troisième paire de glandes
n'est pas bien développée chez cette dernière espèce et que l'observation
de Kôlliker- n'est pas exacte en ce qui la concerne. Nous regrettons de
n'avoir pu jusqu'ici nous procurer des individus de cette provenance, afin
de les examiner à ce point de vue.
La situation exacte des glandes filières est fixée par les faisceaux de
soies et les tores uncinigères. L'examen des coupes transversales démontre
que leur embouchure est toujours ventrale par rapport au faisceau de soies
Kôlliker : Loc. cit., p. lo.
304
Gustave GILSON
du segment. Elle est au contraire dorsale par rapport aux tores uncinigères
dans les segments où ceux-ci existent. C'est ce que démontre la fig. 2, où
l'on voit en Id la ligne médiane dorsale, en/les faisceaux de soies du premier
segment thoracique, en / l'esquisse du premier tore et en og l'embouchure
de la quatrième paire de gllandes.
La position des embouchures étant fixée par rapport aux soies et aux
tores, faisons remarquer qu'examinée d'une façon absolue elle varie nota-
blement dans les divers segments et de la même façon du reste que celle
des faisceaux de soies eux-mêmes. Les orifices de la première paire appar-
tiennent donc aux bords de la face ventrale ; les suivants se placent sur les
faces latérales, et à partir du premier tore, c'est-à-dire de la quatrième paire,
ils deviennent tout à fait dorsaux.
b) Forme et dimension.
Toutes les glandes normales sont des filaments allongés, fusiformes,
FIG. 1 et 3, à section toujours régulièrement circulaire. Vers l'arrière, elles
s'amincissent insensiblement; en avant, au contraire, on voit leur calibre
diminuer brusquement : elles s'y transforment en un tube à lumière très
réduite, que nous appellerons le canal terminal, fig. 3, et. Cette dernière
partie de l'organe n'est jamais rectiligne; elle fait toujours avec la ligne
axiale du reste de la glande un angle assez brusque, au moment où elle
pénètre dans la tunique musculaire du corps. De plus, elle s'incurve plus
ou moins en S en cheminant à travers cette tunique, dans laquelle la portion
glandulaire ne s'enfonce pas ou seulement très peu.
Les trois dernières glandes présentent une particularité : leur portion
postérieure ou principale est elle-même divisée en deux tronçons successifs,
dont l'antérieur occupant à peu près le quart de la longueur de l'organe se
différencie du suivant par une opacité plus grande. Ces deux régions se
délimitent nettement et très brusquement l'une de l'autre, souvent même il
existe entre elles un léger sillon d'étranglement, fig. 3.
Quant à la dimension des glandes, nous sommes d'accord avec von
Drasche et Claparède pour les deux paires antérieures : la première est
plus longue que la seconde.
La troisième atrophiée présente une forme très variable. Les fig. 5 et 6
en font voir deux variétés que nous avons rencontrées dans le même in-
dividu : la première, presque fusiforme, est à peine renflée au bout; la
seconde, beaucoup moins allongée et moins volumineuse, est une sorte
d'utricule piriforme.
LES GLANDES FILIÈRES DE l'oWENIA FUSIFORMIS 305
Enfin, des quatre glandes de la région abdominale, on peut dire que les
deux premières sont toujours beaucoup plus longues que les deux dernières;
le plus souvent, la première est la plus développée de toutes.
Remarquons que toutes ces glandes varient notablement en dimension
d'une façon absolue, c'est-à-dire considérées dans divers individus de gran-
deur différente, et abstraction faite de celle-ci. Quant aux glandes de la
troisième paire, leur degré de développement ou d'atrophie est encore plus
variable, bien qu'elles restent toujours si réduites en dimension qu'il n'est
presque jamais possible de les discerner à l'œil nu ou même à la loupe. Leur
réduction est poussée plus loin chez les mâles que chez les femelles. Nous
avons en outre observé, même chez des femelles, leur atrophie complète,
soit d'un seul côté, soit des deux côtés à la fois. Dans ces cas, le nombre
six, indiqué par von Drasche, était réellement exact.
c) Signification morphologique.
On trouve dans la monographie des capitellides de Eisig de riches
matériaux pour la recherche des homologies de toutes les glandes cutanées
des invertébrés ; le chapitre comparé de l'étude de la peau est un véritable
monument d'érudition. Néanmoins, pour ce qui regarde le cas particulier
de l'Owenia, nous n'avons pu jusqu'ici nous faire une opinion sur la signi-
fication comparative des glandes filières.
Disons seulement que si l'on voulait rapprocher les glandes filières des
néphridies en se basant sur le fait que ces derniers organes n'existent pas
comme tels, nous ferions remarquer que nous avons découvert dans le
deuxième segment abdominal un oviducte en entonnoir qui a la valeur d'une
néphridie. Or, ce segment possède une paire de glandes filières, fig. 1,
eg—G^. On nous dira peut-être que cette coexistence ne prouve rien,
puisque l'on sait par les recherches de Ray- Lan rester, de Beddard, de
Eisig et d'autres qu'il peut y avoir plusieurs paires de néphridies par
segment. Mais remarquons que, si nous ne nous abusons, l'on n'a pas
signalé jusqu'ici cette multiplicité chez les tubicoles. Abstraction faite de
beaucoup d'autres considérations, la coexistence de néphridies avec les
glandes rend donc pour le moins improbable l'homologie entre ces deux
espèces d'organes.
Quant aux autres organes des annélides auxquels on peut songer à
comparer ces glandes, ce n'est pas sans avoir repris à ce point de vue spé-
cial, contrôlé et complété bien des observations publiées que l'on arrivera
à une conclusion bien assise. Notons que l'on manque totalement de don-
nées sur le développement des glandes de YOivenia.
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306 Gustave GILSON
Dans ces conditions, nous préférons nous abstenir, pour le moment, de
rapprocher ces organes d'aucune production analogue décrite par nos savants
devanciers.
STRUCTURE DE LA GLANDE.
A. Glande proprement dite.
La paroi du tube glandulaire possède la même structure depuis le canal
terminal jusqu'à l'extrémité postérieure. On y distingue aisément une couche
épithéliale et une tunique musculaire. Il faut y ajouter une propria d'une
extrême ténuité, dont l'existence n'est point facile à démontrer. Notons les
caractères principaux de chacune de ces parties.
Épithéliiim.
Cette couche est formée d'une seule assise de cellules que Claparède
et VON Drasche ont figurées, sous un faible grossissement, a.vec assez
d'exactitude. Examinées de face, ces cellules présentent souvent un contour
hexagonal, fig. 17, au moins'dans la partie moyenne de l'organe.
Leur hauteur, et par suite l'épaisseur totale de la partie du tube, varie
notablement. Nous l'avons trouvée diverse dans la même glande examinée
chez des individus différents, et nous l'avons vu varier dans les diverses
régions d'un même organe. Les fig. 12, 13, 14 et 15, dessinées sous le même
grossissement, donnent une idée de cette variabilité. La fig. 15 indique que
les cellules peuvent devenir très aplaties : dans ce cas les noyaux eux-mêmes
s'aplatissent et la masse du protoplasme se réduit parfois à fort peu de chose.
Leur cytoplasme est en général assez granuleux, mais toujours on y
distingue nettement les trabécules plastiniennes, et dans beaucoup de cas la
disposition réticulaire de celles-ci est extrêmement apparente, pourvu qu'on
l'étudié à l'aide d'un objectif puissant et sur des coupes minces et fortement
colorées.
Ce cytoplasme se présente sous deux états différents : il peut être
dépourvu d'enclaves ou en être farci. Les fig. 10, 12, 13 et 14 sont la
démonstration de ce fait. Ces enclaves, souvent très volumineuses, sont de
nature albumino'ide, très brillantes et très avides de certaines matières colo-
rantes. Les colorants nucléaires ne les teignent pas ou faiblement; le bleu
carmin et d'autres colorants du cytoplasme sont au contraire puissamment
fixés par elles. Le premier en solution acide les colore en vert.
LES GLANDES FILIERES DE L OWENIA FUSIFORMIS 307
Ces caractères sont importants; nous y reviendrons plus loin.
On constate aussi, mais très rarement, dans le cytoplasme l'existence
d'enclaves qui sont d'une tout autre nature et qui se distinguent nettement
des premières par leur défaut d'affinité pour les colorants protoplasmatiques,
FiG. 10, eb. Elles restent parfaitement incolores dans les préparations,
même où les premières ont repris par le bleu carmin une teinte vert-
émeraude très foncée.
Du reste, même en l'absence de toute matière colorante, elles s'en dis-
tinguent par une réfringence particulière, un éclat spécial et aussi par leur
teinte parfaitement blanche; les enclaves ordinaires, plus transparentes,
moins réfringentes, présentent au contraire une très légère teinte jaunâtre,
même quand on n'a fait agir sur elles que le bichlorure de mercure et
l'alcool. ]Les colorants nucléaires, tels que le paracarmin de Mayer, teignent
assez bien ces enclaves anomales.
Il n'existe point d'enclaves dans les parties des glandes où la paroi est
mince et le cytoplasme peu abondant. D'ailleurs, elles manquent souvent
non seulement dans toutes les parties d'une glande, mais même dans toutes
les glandes d'un individu donné.
C'est ici le lieu d'indiquer la différence de structure interne qui dans les
trois dernières glandes est cause de l'aspect variable présenté par les deux
régions qu'on y remarque. Un regard sur la fig. 4 fournit l'explication de
la différence de coloration ou plutôt de ton qui distingue ces deux régions
si nettement l'une de l'autre : c'est tout simplement une différence d'épais-
seur de la couche épithéliale. Les cellules sont plus hautes dans la région
antérieure que dans la partie postérieure. Cependant, elles ne sont pas tou-
jours réduites dans cette dernière à l'état d'aplatissement et de réduction
extrêmes dont nous avons parlé plus haut et elles peuvent encore posséder
quelques enclaves.
Le noyau des cellules épithéliales ne possède pas de caractères bien
particuliers. On y distingue en général des. fragments nucléiniens assez
nets et un nucléole de forme irrégulière. Mais lui aussi se présente dans des
états divers. Dans les cellules dépourvues d'enclaves, il donne souvent des
réactions pures avec le vert de méthyle ou les carmins : on peut arriver
à localiser ces colorants sur les corpuscules nucléiniens seuls, le caryo-
plasme restant incolore ou prenant les colorants plasmatiques, bleu carmin,
orange, etc., que l'on peut faire agir en même temps, fig. 14. D'autres fois,
le noyau tout entier présente une forte affinité pour ces colorants et l'on
3o8 Gustave GILSON
ne distingue alors que faiblement les corpuscules nucléiniens au milieu
d'un caryoplasme coloré, fig. lO, J3 et 17. Ceci est très souvent le cas des
cellules riches en enclaves, fig. 10. Mais dans ces dernières, l'altération
du noyau peut être poussée beaucoup plus loin : on y voit souvent cet élé-
ment tout déformé, bosselé et comme écrasé par les enclaves voisines dont
on reconnaît l'empreinte sur sa surface, fig. 10 et 16. Dans ces conditions,
le carmin lui communique toujours une teinte foncée et uniforme et c'est
souvent à grande peine qu'on distingue dans son intérieur les corps solides
qu'il peut renfermer.
La membrane cellulaire est délicate et mince; aussi n'est-il pas tou-
jours facile de distinguer, sur les coupes, la limite des éléments épithéliaux.
Il n'est pas impossible que la couche limitante soit réellement résorbée en
tout ou en partie sur les faces latérales de certaines cellules à enclaves ; il
semblait même qu'il en fut ainsi dans les portions de coupes représentées
fig. 10 et 13. Néanmoins, nous conservons, même pour ces exemples,
certains doutes sur la disparition réelle de ces membranes, car il nous est
arrivé trop souvent de constater qu'une membrane même épaisse ne présente
à l'œil aucune image distincte au sein du protoplasme pour peu qu'elle soit
coupée dans un sens oblique par rapport à sa surface.
Quoi qu'il en soit de ces cas particuliers, la membrane existe et elle est
fort nette dans les cas habituels, même sur les faces latérales des cellules.
On la distingue toujours très bien sur des glandes examinées par leur
surface externe, qu'elles soient montées tout entières, ou bien, et mieux
encore, coupées tangentiellement.
Mais il est une partie de l'enveloppe de la cellule qui nous intéresse
davantage : c'est celle qui forme la face interne de chaque élément et limite
ainsi la lumière du tube glandulaire.
Cette membrane très mince aussi est pourtant fort nette et bien con-
stituée. Elle présente une structure analogue à celle qu'à diverses reprises
nous avons signalée dans les organes séricigènes des insectes. En coupe,
elle a cet aspect ponctué qu'il est si difficile de rendre d'une manière satis-
faisante par le dessin ou la gravure, surtout quand la membrane est d'une
grande ténuité, comme c'est le cas ici. En fait, cette membrane possède
une structure réticulée. Les points épaissis et brillants qu'on distingue sur
une coupe optique correspondent aux points nodaux où aboutissent les
trabécules du réticulum cytoplasmique. Ces points ne paraissent pas, dans
les sections optiques, nettement réunis entre eux ni entièrement séparés non
LES GLANDES FILIÈRES DE LOWENIA FUSIFORMIS 309
plus. Celas'explique par le fait que quelque parfait que soit l'objectif employé
il ne peut donner une couche distincte assez mince pour éviter que les
trabécules qui réunissent obliquement les points nodaux ne soient visibles
aussi dans un plan légèrement inférieur. La ligne moniliforme que nous
dessinons, fig. 10, 12 et 13, conserve donc un caractère un peu conven-
tionnel ; elle laisse supposer que nous avons vu nettement une membranule
excessivement fine entre les points nodaux, laquelle fermerait les mailles.
Or, pas plus ici que chez les insectes ou plutôt moins encore, nous n'enten-
dons trancher cette question qui est extrêmement délicate et intéressante
au point de vue du mécanisme intime de la sécrétion par suintement op-
posé à celui du déversement direct. Ce qui est certain, c'est que la face
interne des cellules est fermée par une mince membrane structurée. Elle
porte u'n dessin réticulé d'une grande ténuité que nous avons tenté de
représenter fig. 18. Il est fort difficile à voir, mais on y arrive en étudiant
des lambeaux minces de coupes longitudinales à l'aide de puissants objectifs
et en faisant varier l'intensité et la direction de l'éclairage.
Tunique musculaire.
Elle est formée de fibres extrêmement délicates et fort longues, dis-
posées côte à côte dans le sens de la longueur de l'organe avec une régularité
remarquable, fig. 3, 10 et 13. Ces fibres sont fort étroites et parfois légè-
rement aplaties. Ce sont elles qui donnent aux coupes transversales de
l'organe un contour crénelé, fig. 10, 13 et 16. On les dissocie difficilement
par dilacération. Les fig. 19 et 20 montrent qu'elles ont la forme de
fuseaux très "amincis à leurs extrémités. Elles possèdent un noyau qui,
entouré d'une petite masse de protoplasme, fait une légère saillie à la sur-
face de la fibre examinée de profil. C'est surtout dans la partie supérieure
de la glande que ces noyaux se rencontrent ; mais nulle part leur mise en
évidence n'est aisée, fig. 13 et 19.
On ne distingue dans leur substance qu-e çà et là quelques tronçons de
stries longitudinales excessivement minces.
Propria.
Ce n'est point sans peine que nous sommes parvenu à mettre en évi-
dence l'existence d'une mince membrane conjonctive enserrant tout l'organe.
L'usage de l'acide acétique appliqué sur le frais nous a rendu peu de ser-
vices dans cette recherche. C'est en dilacérant des glandes fixées au sublimé
310 Gustave GILSON
acide et conservées longtemps dans ralcool que nous avons pu nous con-
vaincre de son existence. On y observe, comme dans toutes les membranes
analogues, des noyaux extrêmement aplatis. Nous en représentons deux
spécimens dans la fig. 14, ne. Cette figure met en relief une autre parti-
cularité qui n'est pas dépourvue d'intérêt : c'est l'existence de fins cordons
conjonctifs (?) se détachant de la propria et reliant l'organe' à des parties
voisines que nous n'avons pu déterminer, mais il est probable que c'est à la
paroi du corps, fig. 14, fc. Ces cordons constituent peut être des moyens
de fixation analogues à ceux qui soutiennent les glandes filières et les autres
organes qui chez les larves d'insectes flottent dans le cœlome.
C'est à la propria qu'est due la difficulté que l'on éprouve à dissocier
la tunique musculaire et c'est elle aussi qui seule peut donner à cette der-
nière la cohésion et la solidité nécessaires.
B. Canal terminal.
Nous avons parlé de sa forme et de sa position. Sa structure ne nous
arrêtera pas longtemps. Il comprend comme la partie glandulaire une
couche épithéliale et une tunique musculaire.
Les cellules épithéliales y sont très petites, à cytoplasme clair et peu
abondant. Elles présentent dans la portion interne voisine de la glande une
forme allongée, fig. 7. Cette forme apparaît déjà dans les derniers éléments
de la portion glandulaire, de sorte que le passage d'une région à l'autre est
graduel et peu marqué.
La tunique musculaire de ce canal n'est que la continuation delà couche
correspondante de la portion précédente. Elle est donc composée d'éléments
longitudinaux. On peut voir les longues fibres de la glande se continuer sur
elle tout en s'amincissant et s'enrouler plus ou moins autour des anses que
décrit le canal lui-même, fig. 9, passant ainsi de leur position réellement
longitudinale à une position oblique par rapport à l'axe
Nous avons dit que von Drasche signale dans cette partie de l'organe
une couche de fibres musculaires circulaires : « Dort wo die Driise durch
« das Hypoderm nach aussen mtindet, ^ dit il, ^ wird sie von einer feinen
- Ringmuskulatur bedekt (i) ». C'est en vain que nous avons recherché ces
éléments circulaires. Cependant nous avons eu sous les yeux des images
(i) VON Drasche : L. c, p. 19.
LES GLANDES FILIERES DE LOWENIA FUSIFORMIS 311
assez délusoires sous ce rapport et de nature à faire croire à l'existence
de ces fibres. Mais chaque fois nous avons fini par nous convaincre de
leur absence.
Deux causes produisent cette illusion. Tantôt, c'est simplement la po-
sition enroulée des fibres longitudinales autours du canal incurvé; d'autres
fois, c'est évidemment la forme allongée des cellules épithéliales jointe à
l'existence de fortes travées plastiniennes dans le cytoplasme de celles-ci,
FiG. 7. Mais on peut toujours s'assurer en mettant au point la coupe optique
de l'organe, qu'il n'existe aucun élément musculaire circulaire, ni en dehors
des fibres longitudinales, ni entre celles-ci et l'épithélium.
Ajoutons que dans la partie tout à fait terminale du canal il n'existe
plus même de fibres longitudinales.
C. Embouchure.
La dernière partie du canal terminal s'amincit extrêmement et rampe
contre la face interne de l'épaisse membrane basale sur laquelle repose
l'épithélium cutané, fig. 8, mb. Puis, elle perce cette membrane et traverse
l'épiderme, ou plutôt se fusionne avec lui; car, ainsi que l'indique la fig. 8,
on peut voir son épithélium passer insensiblement aux cellules du revête-
ment externe.
Le plus souvent, on n'aperçoit dans l'épithélium dermique aucune ou-
verture; cette couche' semble alors passer au-devant du canal terminal
d'une façon ininterrompue et présente à peine un léger enfoncement à son
niveau. Mais d'autres fois, on surprend la glande au moment où elle ex-
pulse une partie de son contenu; l'orifice épithélial est alors ouvert et par-
faitement distinct, fig. 8.
Nous n'avons découvert aucune disposition pouvant constituer un
appareil obturateur spécial de cet orifice. Sans doute, la tonicité de la paroi
musculaire du corps et l'élasticité de toutes les parties voisines en assurent
l'occlusion. Mais du moins semble-t-il qu'il doive exister quelque mécanisme
destiné à en produire périodiquement l'ouverture? Nous ne l'avons point
découvert : seules quelques fibres détachées du faisceau moteur des soies
et affectant une direction transversale par rapport au dernier tronçon de
l'organe pourraient intervenir dans ce sens. Il se peut donc que le contenu
de la glande lui-même, actionné par la tunique musculaire, soit l'unique
lacteur de la dilatation de l'orifice dermique.
312 Gustave GILSON
Les glandes atrophiées de la troisième paire.
Elles présentent, avons-nous dit, de notables variations de forme et de
dimension, fig. 5 et 6, G,. Leur structure n'est pas moins sujette à varier.
Nous avons vu sa paroi constituée, comme celle des glandes normales, d'une
couche épithéliale et dune tunique musculaire, mais l'épithélium était peu
développé et les fibres éparses et peu nombreuses. Le plus souvent ces der-
nières manquent totalement. Ces glandes sont généralement vides ou ne
contiennent que des granules. Cependant, nous avons vu aussi leur lumière
remplie d'une substance semblable à celle que produisent les glandes nor-
males ; dans un cas de ce genre, l'organe était fortement dilaté par le con-
tenu et l'épithélium était excessivement aplati et réduit à une membrane
fort mince entourant un globule de substance sécrétée.
Enfin, nous avons trouvé l'organe réduit à une simple membrane chif-
fonnée, assez épaisse, d'aspect cuticulaire, contenant quelques débris de
cellules épithéliales dégénérées.
Très souvent, l'organe atrophié se perd dans la couche musculaire.
D'autres fois, sa portion terminale atteint la membrane basale, fig. 5. Mais
jamais nous ne l'avons vu perforer cette dernière. Chez un mâle, toutefois,
l'épithélium présentait à son niveau une légère modification dans la forme
et la disposition de ses cellules.
Cause de leur atrophie.
Outre le peu de développement du segment même auquel ces glandes
appartiennent et dont Claparède niait jusqu'à l'existence, nous croyons
pouvoir assigner à leur état d'extrême régression une autre cause. C'est la
présence de deux poches latérales ou diverticules que la cavité du premier
segment abdominal envoie dans le tronçon œsophagien ou thoracique. Ce
sont deux poches ou soulèvements du deuxième dissépiment, plus marquées
chez les mâles que chez les femelles. Elles restreignent encore l'espace laissé
aux glandes du troisième segment et peuvent même les comprimer contre
la partie interne saillante des faisceaux de soies segmentaires. On pourrait
rechercher sur d'autres espèces s'il existe réellement un rapport entre le
développement de ces poches et l'atrophie de la troisième paire de glandes.
CONTENU DE LA GLANDE.
Les tubes glandulaires renferment un produit de sécrétion tout parti-
culier : c'est une substance visqueuse, très épaisse, charriant des écheveaux
de filaments très minces. Claparède dit expressément que ces filaments
LES GLANDES FILIÈRES DE l'oWENIA FUSIFORMIS 313
qu'on croit y apercevoir n'existent pas et qu'il n'y a là qu'un effet d'optique,
une illusion produite par l'existence dans la masse sécrétée de couches
concentriques de densités diverses, von Drasche se borne à dire que la
glande est remplie d'un liquide hyalin et filant que Claparède, d'après lui,
représente exactement. Il n'admet donc pas l'existence de filaments séparés.
EisiG, au contraire, dont l'attention avait été fixée par d'autres productions
filamenteuses élaborées par la peau des annélides, a parfaitement reconnu
des filaments bien distincts au sein de la masse emmagasinée dans les
tubes glandulaires.
L'existence de ces filaments n'est pas douteuse. On arrive à les mettre
en évidence sur le frais en dissociant un peu le contenu filant sur le porte-
objets légèrement humecté de vert de méthyle dilué. La dilacération du
produit durci par l'alcool permet de les isoler mieux encore.
Ces filaments se colorent bien par le vert de méthyle, la safranine,
l'éosine et les carmins. Le bleu carmin, l'orange, la fuchsine acide les laissent,
au contraire, parfaitement incolores.
Il est à peine besoin de dire que l'existence d'un liquide visqueux char-
riant ces filaments n'est pas douteuse; on le distingue seul, débarrassé de
filaments, en certains points des glandes, ainsi que dans les masses de sub-
stances exprimées de l'organe, étalées sur un porte-objets et écrasées sous
la lamelle.
Il existe ainsi une analogie marquée entre le pi-oduit des glandes
filières des insectes et celui des glandes de YOjpenia : l'un et l'autre
contiennent une partie liquide et une partie solide ou solidifiable. Mais, au
lieu du cylindre unique de fibro'ïne entouré de gras, on trouve chez notre
annélide des milliers de petits cylindres ou filaments distincts.
L'étude chimique de ce liquide et de ces filaments promet des résultats
intéressants ; nous espérons en traiter ailleurs sans tarder.
Recherches sur le mode de sécrétion du liquide filifère.
Nous connaissons, tant par nos recherches personnelles que par la lec-
ture du chapitre comparé de la monographie déjà citée de Eisig, des filaments
soyeux émis par la peau de certains annélides, tels que les Typhloscolex, les
Phyllodoce, les Spio, les Eulalia et d'autres. Ces filaments se forment chez
ces vers à l'intérieur même de certaines cellules glandulaires et doivent en
être expulsés par un mécanisme assez brutal, analogue à celui de l'évacua-
tion de la masse muqueuse des cellules caliciformes ou de l'expulsion des
nématocystes ou des rhabdites.
3M
Gustave GILSON
Imbu de l'idée que les filaments de YOivenia sont analogues à ceux des
annélides que nous venons de citer, nous étions naturellement porté, en
commençant ces recherches, à considérer les glandes de ce ver comme des
agrégations tubuleuses de cellules bacillipares et nous fûmes assez surpris de
constater qu'il en est tout autrement. Rien dans le protoplasme des cellules
cpithéliales des glandes filières ne rappelle les bâtonnets des Phyllodoce
ou des Spio; nos dessins le prouvent. Néanmoins, nous avons tenu à
rechercher dans l'intérieur des cellules épithéliales quelques indices de la
genèse, supposée intraprotoplasmique de ces filaments.
Tout d'abord, nous nous sommes demandé si les enclaves que l'on voit
parfois si nombreuses dans le cytoplasme, fig. 10, ne constituaient pas
chacune l'ébauche de l'un des filaments. En effet, on pourrait théorique-
ment admettre que ces sphérules fabriquées par le cytoplasme en sont
expulsées à un moment donné, puis s'allongent et s'étirent en filaments
dans la lumière du tube. Mais l'étude prolongée et attentive de l'épithélium
exclut cette hypothèse. En effet :
1° On ne trouve jamais, — ou seulement dans des cas extrêmement
rares et qui paraissent accidentels, — les enclaves en question dans la lu-
mière du tube ; il est certain pour nous que leur sortie de la masse proto-
plasmique n'est pas un acte normal et essentiel de ce mode de sécrétion.
2° Ces enclaves ne présentent pas les mêmes caractères que la sub-
stance qui remplit la lumière du tube. Nous avons déjà dit qu'elles n'ont
que peu d'affinité pour les colorants nucléaires et une grande affinité pour
le bleu carmin et d'autres colorants du même genre. Elles possèdent donc
sous ce rapport des propriétés opposées à celles de la substance excrétée
par l'organe.
Nous en concluons que chacune de ces enclaves ne représente pas
l'ébauche d'un filament. Elles constituent, sans doute, une réserve de maté-
riaux destinés à la sécrétion, mais qui doivent subir encore des trans-
formations avant de passer à la substance particulière qui constitue ces
filaments eux-mêmes et le liquide visqueux. qui les charrie.
On voit cependant parfois la substance sécrétée apparaître réellement
sous la forme d'enclave dans le cytoplasme. Ce sont ces enclaves blanches
que nous avons rencontrées dans des préparations au bleu carmin et repré-
sentées dans les fig. 10 et 16, eb. Il n'est pas douteux, en effet, que ces
dernières ne soient de même nature que le contenu du tube. Leur apparition
est, sans doute, la conséquence d'un excès de sa production par le cytoplasme
LES GLANDES FILIERES DE L OWENIA FUSIFORMIS 315
sur son élimination par la face sécrétante de la cellule. Mais la grande
rareté de ces enclaves démontre qu'elles ne jouent aucun rôle essentiel dans
le processus de la sécrétion.
Ainsi, les enclaves normales, avides de bleu carmin, ne doivent
pas être regardées comme les ébauches des filaments qui remplissent la
lumière des glandes, i° parce qu'elles ne sont pas de mémo nature que
ces filaments et 2° parce qu'elles ne sortent pas normalement des cellules
pour passer dans cette lumière. On ne peut pas davantage admettre que
le mécanisme normal de l'excrétion du produit fabriqué dans les cellules
consiste dans l'expulsion mécanique des autres enclaves, c'est-à-dire de
celles qui sont dépourvues d'affinité pour le bleu carmin, à cause de la
grande rareté de ces dernières.
Il faut chercher ailleui's l'origine des filaments qui nous occupent.
Dans le but d'obtenir des données positives à ce sujet, nous avons
institué sur les Owenia quelques expériences tendant à provoquer dans les
organes fileurs un surcroit d'activité. Ces organes semblent sécréter d'une
façon lente mais continue le produit dont l'animal se sert pour accroître
sans cesse son tube, car la longueur de celui-ci dépasse toujours de beau-
coup celle du corps. Il était donc à supposer que, si l'on parvenait à aug-
menter d'une façon soudaine la dépense du produit, en d'autres termes
l'évacuation du contenu glandulaire, les cellules qui le fabriquent se met-
traient à sécréter plus activement et permettraient peut-être de surprendre
quelque phase de leur mécanisme excrétoire.
L'enlèvement du tube devait, semblait-il, provoquer chez l'animal des
efforts tendant à refaire le plus vite possible une enveloppe protectrice
et, par suite, à produire un surcroît d'activité de ses glandes.
Une série d'individus furent donc extraits de leur tube et placés dans
un aquarium où l'eau de mer se renouvelait rapidement.
Ils y furent déposés sur un fond de sable grossier contenant tous les
éléments qui se trouvent dans les gaines normales. Des pierres couvertes
d'algues d'espèces diverses y furent aussi déposées clans le but de réaliser des
conditions aussi voisines que possible des conditions habituelles de la vie
du ver. L'aquarium était placé dans un endroit très faiblement éclairé et
constamment à l'abri de la lumière directe du soleil.
Disons en passant que l'extraction du ver n'est pas chose facile.
Claparède avait déjà noté ce fait et il l'explique par l'action des crochets
portés par les tores, et dont il évalue le nombre à 150000. Nous avons
3i6 Gustave GILSON
réussi en découpant d'abord avec un scalpel quelques tronçons de la partie
antérieure du tube sans blesser l'animal. A un moment donné, cette opéra-
tion devenait impossible : le ver irrité se gonflait et faisait, sans doute, agir
ses crochets. Nous introduisions alors dans la partie postérieure du tube
une canule de verre et nous attendions patiemment que l'habitant s'étendit.
Alors, une insufflation brusque nous permettait parfois de le projeter vio-
lemment hors de sa demeure.
Douze On>enia dénudées et placées dans les conditions ci-dessus indi-
quées vécurent pendant cinq semaines. Les vers se tenaient couchés à la
surface du sable et se mouvaient très peu. Pas un seul ne refit son tube.
Dans une autre expérience, nous laissâmes aux vers, autour de leur ex-
trémité caudale, un tronçon de tube long d'un centimàtre. Dès le lendemain, •
tous s'en étaient débarrassés. Leur sort fut semblable à celui des premiers.
Dans des essais ultérieurs, nous leur avons laissé un tronçon équivalent
à un peu moins de la moitié de la longueur du corps. Tous se refirent un
tube. Trois jours après la dénudation, la plupart des individus avaient
allongé leur tronçon d'environ un demi-centimètre, et se tenaient repliés en
deux dans cette gaine encore trop courte, de telle façon que leur corps se
trouvait déjà presque entièrement protégé. L'extrémité antérieure de ce
tube nouveau était encore nue et dans la suite il y resta toujours une
portion nue dont la longueur variait de un millimètre à un centimètre.
Il résulte de ces expériences que la gaine interne s'établit d'abord et ne se
recouvre de pierrettes que graduellement et seulement un certain temps
après son édification. Les tubes que l'on trouve dépourvus de tronçon nu
en avant sont donc, selon toute apparence, dans un état temporaire de
non-croissance.
Les particules solides, disons-nous, ne paraissent adhérer à la gaîne
qu'après un certain temps. Ce fait est assez étrange, surtout si l'on songe
que la substance émise par les glandes filières se durcit rapidement sous
l'eau comme la soie des trichoptères et des argyronètes (i).
-On peut supposer par là que des portions de substance déversées ulté-
rieurement sur la face externe des premières couches établies servent à fixer
ces particules au tube. Peut-être le produit de certaines cellules sécrétantes
de l'épiderme sert-il aussi de ciment. L'observation des Oivenia vivant
dans leur milieu naturel ne manquerait pas de fournir des éclaircissements
à ce sujet.
(i) G. GiLSON : La soie et les appareils séricigenes. Trichoptères; La Cellule, t. X, i^ fasc, 1894.
LES GLANDES FILIERES DE L OWENIA FUSIFORMIS 31?
Ces phénomènes extérieurs constatés, nous fixâmes les glandes de quel-
ques individus ayant refait un tronçon de tube depuis 3, 4 et 5 jours. Aucun
changement visible n'était survenu dans l'état de leur épithélium. Comme
chez les individus fraîchement péchés, les cellules épithéliales se présent
talent dans des états divers : tantôt remplies d'enclaves, tantôt dépourvues
de celles-ci. Le contenu des glandes était pourtant notablement moins abon-
dant; le cylindre de substance filifère ne remplissait plus toute la lumière.
Nous attendîmes alors jusqu'au quatorzième jour après l'enlèvement
partiel du tube. A partir de ce moment, nous rencontrâmes des glandes
présentant un aspect particulier. C'étaient des glandes à enclaves; mais
celles-ci étaient plus petites et moins nombreuses que d'habitude. En outre,
beaucoup de cellules présentaient dans la partie de leur cytoplasme avoisinant
la lumière une modification bien nette, fig. 12. Cette partie était entière-
ment dépourvue d'enclaves ; elle se distinguait de la partie externe de la
cellulç par une opacité frappante et un aspect richement granuleux. Aucune
partie des glandes non mises en expérience ne nous avait jusque là présenté
cet aspect. Parmi ces cellules modifiées, il s'en trouvait d'autres dont le
cytoplasme avait gardé l'aspect lâche et réticulé, habituel aux éléments à
enclaves, fig. 12, co.
Nous croyons que ces deux modifications concomitantes : la dimi-
nution des enclaves et l'apparition, dans la zone voisine de la lumière,
d'une substance granulée très dense s'expliquent naturellement. Les
enclaves qui constituent des matériaux de réserve accumulés se dissolvent
à un moment donné, et à leurs dépens il s'organise d'autres substances
qui se déposent sous forme de granules vers l'extrémité interne ou sécré-
tante de la cellule.
Ajoutons à cette observation que, pas plus dans les glandes provenant
d'individus soumis à la dénudation que dans celles des animaux fraîchement
dragués, nous n'avons rencontré d'enclaves tombées dans la lumière du tube
glandulaire; jamais non plus, les cellules épithéliales ne s'ouvrent pour
déverser directement des substances contenues dans leur protoplasme.
L'ensemble de ces remarques nous oblige à admettre que la substance
remplissant les tubes glandulaires de VOn'euia y est déversée par les cellu-
les épithéliales de la même façon que la soie ou la substance séricigène est
déversée, chez les lépidoptères et les trichoptères, par les cellules des glandes
filières, c'est-à-dire par un phénomène de suintement régulier à travers la
membrane cellulaire.
3i8 Gustave GILSON
En augmentant expérimentalement la dépense de la substance filière,
on provoque, après un certain temps, une recrudescence d'activité dans
les glandes. Mais on ne cause ainsi ni le passage direct des enclaves dans
la lumière, ni l'ouverture des cellules, ni rien qui ressemble au mode de
sécrétion par déversement direct, dont les cellules caliciformes offrent le
type. On provoque, au contraire, par ce moyen, la dissolution des enclaves
qui paraissent constituer de simple matériaux de réserve et, sans doute,
ultérieurement une recrudescence dans le phénomène du suintement ou
de l'excrétion du produit spécial de la sécrétion.
Le mécanisme de la sécrétion, ou plutôt de l'excrétion cellulaire, est
donc le même dans les glandes filières de VOivenia que dans celles des
lépidoptères et des trichoptères. Dès lors, il est certain que les filaments
charriés par la masse visqueuse produite par ces glandes n'ont pas la même
signification que les bâtonnets qui, chez les Phyllodoce et d'autres vers,
se forment dans le cytoplasme des cellules glandulaires, ou que les rhabdites
des turbellariés et les nématocystes des cnidaires.
Les filaments de VOivenia se forment de toutes pièces dans la lumière
du tube, aux dépens du liquide épais qui suinte à travers la membrane
cellulaire. Ce phénomène remarquable n'est pourtant pas unique de son
espèce; il existe d'autres exemples de formation spontanée de productions
solides au sein de liquides sécrétés. Tels sont, par exemple, les globules
charriés par le plasma des vésicules séminales de certains animaux. Mais
il convient surtout de les rapprocher des fils solides de soie proprement dite
élaborés par les larves des lépidoptères et des trichoptères. Ceci demande
un mot d'explication.
Rappelons d'abord les conclusions auxquelles nous ont mené de précé-
dentes recherches sur ces deux groupes d'insectes (i). Chez les chenilles,
comme chez les phryganes, l'épithélium des glandes déverse un liquide
visqueux par suintement au travers d'une membrane intacte. Au sein de ce
liquide, il apparaît un cylindre occupant l'axe du tube glandulaire et formé
d'une substance plus réfractaire et plus brillante que la partie périphérique
de ce contenu. Cette substance centrale devient le fil de soie. C'est elle que
la larve étire en un filament, dont elle peut faire varier l'épaisseur grâce à
un appareil tout spécial situé dans la partie antérieure du système fileur.
Elle s'épaissit déjà dans la glande, à mesure qu'elle s'approche de la partie
(Il E. GiLSON : La soie et les appareils scridgciies. Lépidoptères et Trichoptères; La Ceixule,
t. VI, i"- fasc. et t. X, i"^ fasc.
LES GLANDES FILIÈRES DE L OWENIA FUSIFORMIS 319
supérieure, et devient complètement solide immédiatement après sa sortie
de la canule fileuse, soit qu'elle se trouve alors exposée à l'air comme chez
les chenilles, ou qu'elle soit plongée dans l'eau comme chez les phryganes
et VArgjToueta. La couche périphérique est entraînée avec la substance
centrale et son épaisseur est réglée plus ou moins par la presse fileuse. Elle
constitue le grès du fil de cocon. On ne peut faire que des hypothèses au
sujet de la genèse de ce fil central. Nous sommes porté à admettre que la
couche périphérique ou grès n'est autre chose que le liquide excrété lui-même,
comme tel ou additionné peut-être des produits de déchets du travail qui
a pour résultat la formation de la substance centrale ou fibroïne. Quant à la
cause de ce dernier phénomène, elle nous échappe aussi bien que celle qui
empêche le durcissement de la soie dans la glande ; Krukenberg appelle
celle-ci " ein mysteriôser Einfluss. »
Quoi qu'il en soit, les phénomènes visibles de la sécrétion des glandes
de l'Oweuia comprennent deux phases semblables : 1° le suintement
d'un liquide visqueux au travers d'une membrane intacte; 2° l'apparition
pour ainsi dire spontanée de parties solides au sein de ce liquide visqueux.
Seulement, au lieu du cylindre unique et homogène de substance axiale
ou de fibroïne des insectes, il apparaît ici un grand nombre de filaments
très fins. Le liquide qui charrie les fils serait donc analogue, — nous ne
disons pas identique, — au grès de la soie, et les écheveaux de filaments
correspondraient à la soie elle-même.
Une observation faite au cours de ces recherches nous éloigna pendant
quelque temps de cette m.anière de voir, mais nous y revînmes bientôt.
Ayant débité une glande en coupes longitudinales, nous remarquâmes qu'il
existait sur une certaine longueur une couche de substance apparemment
dépourvue de filaments. Ce fait rendait plus naturel encore le rapproche-
ment entre les chenilles et VOivenia. Mais dans le but de reconnaître si les
filaments étaient réellement absents dans cette zone, ou simplement cachés,
nous traitâmes la coupe par la soude caustique pendant une douzaine
d'heures. Nous l'examinâmes après neutralisation, lavage et coloration par
le bleu-carmin. Chose assez remarquable, la substance qui, dans son état
naturel, refuse absolument le bleu carmin, le fixait alors intensément. Une
partie du contenu avait entièrement disparu et l'on constatait dans le tube de
nombreux espaces vides. Cependant, en quelques endroits, de fortes traînées
rattachaient encore la masse centrale, riche en filaments, à l'épithélium et,
dans ces parties, on apercevait de nombreux filaments grêles, un peu granu-
320
Gustave GILSON
leux et assez mal définis, fig. 11. Beaucoup d'entre eux se poursuivaient
jusqu'à l'épithélium et se rattachaient à la membrane cellulaire elle-même.
Devant cette apparence, il y avait lieu de se demander si ces filaments
grêles, courant obliquement vers l'orifice de l'organe, c'est-à-dire dans le
sens de l'excrétion, ne sortaient pas directement du protoplasme et si la
membrane cellulaire ne jouait pas, dans leur formation, le rôle d'un crible
dans lequel on comprimerait une substance pâteuse. Leur genèse s'expli-
querait alors par un phénomène mécanique.
Mais nous avons remarqué bientôt que, tout minces qu'ils étaient, ces
filaments en formation sont encore plus gros que les mailles si fines de
la membrane. Ils sont aussi infiniment moins nombreux. En outre, la
substance qui les constitue n'est pas décelable comme telle de l'autre côté
de la membrane ; celle-ci était restée intacte. Ces remarques nous éloignent
déjà de cette interprétation et nous portent à chercher l'explication du
phénomène ailleurs que dans un processus qui paraît bien grossier, si on
songe à l'extrême délicatesse de la membrane filtrante.
En outre, une observation positive que nous fîmes vers la même époque
vint à la fois nous faire abandonner complètement cette hypothèse, et lever
nos doutes au sujet de l'autre interprétation de la genèse des filaments.
En étudiant les' enclaves blanches, celles qui refusent le bleu-carmin,
comme la soie, et dont nous avons signalé la rencontre accidentelle, nous
remarquâmes que l'une d'entre elles, très volumineuse, présentait exacte-
ment le même aspect que le contenu du tube : on y distinguait une foule de
filaments enroulés, identiques à ceux que baigne le liquide excrété par les
cellules ou, peut-être, un peu plus ténus. Cette observation importante dé-
montre deux choses : i° que les enclaves blanches sont bien des masses du
produit spécial de la sécrétion et que, par suite, les enclaves colorées en
vert par le bleu-carmin n'en sont pas; 2° que les fils se forment pour ainsi
dire spontanément dans la substance sécrétée et non par l'action de la
membrane qui agirait comme un crible. Nous avons revu l'aspect filamenteux
dans une autre enclave plus petite, qui est précisément celle qui est repré-
sentée dans la fig 10, et dans d'autres plus grosses.
L'aspect de la coupe représentée fig. 11 ne peut donc indiquer qu'une
seule chose : c'est que les filaments se forment très tôt dans la substance
excrétée par les cellules épithéliales. Et c'est peut-être en cela que gît
la cause de la différence entre VOwenia et les chenilles. Chez ces dernières,
la formation et le triage des molécules qui vont constituer la soie étant des
LES GLANDES FILIERES DE L OWENIA FUSIFORMIS 32 1
phénomènes moins hâtifs, plus lents, plus réguliers, aboutissent à la for-
ination d'une seule masse homogène, le cylindre central. Chez VOtvenia, ils
se produisent immédiatement et de façon à former, non pas un seul amas
central, mais une foule de petits amas filamenteux. De même, une sub-
stance peut cristalliser suivant les conditions en s'ordonnant autour d'un
grand nombre de centres d'attraction, ou bien en ne formant, au contraire,
qu'un petit nombre de gros cristaux.
Le liquide qui charrie les filaments de YOipenia peut être considéré
comme l'analogue, — non pas exactement au point de vue chimique, mais
bien au point de vue physiologique, — du grès des lépidoptères. C'est
dans lui que sont nés ces filaments ; il représente les eaux-mères d'une
cristallisation. Mais il se transforme lui-m.ême, par une coagulation spéciale,
en une substance solide, après l'édification du tube; et dans cet état, il
paraît différer moins de la substance des filaments que le grès ne diffère
de la soie.
Evacuation de la substance sécrétée.
Contrairement aux glandes filières des insectes, les glandes de VOivenia
sont munies d'une tunique de fibres musculaires longitudinales, et il n'est
pas douteux que la contraction de celles-ci ne soit l'agent du phénomène de
l'évacuation de leur contenu. En somme, l'absence d'éléments contractiles
dans les glandes des larves fileuses est un fait plus singulier que leur
présence chez YOwenia. Cette absence est en rapport avec le mode tout
particulier d'excrétion du produit visqueux de leurs glandes, à savoir :
l'étirement, l'extraction purement mécanique de cette substance. Ici,
la contraction musculaire, aidée peut-être par la pression interne du
corps, peut seule causer l'évacuation; l'étirement, s'il se produit, doit
être accidentel.
L'obturation de la glande, ainsi que nous l'avons dit, n'est assurée
que par la rétraction tonique ou élastique des parties avoisinant l'orifice^
Aucun appareil dilatateur ne s'est révélé à nous. Il semble donc que les
fibres musculaires, pour effectuer l'expulsion, doivent vaincre une certaine
résistance résultant de ce mode grossier d'obturation. Rien ne représente
ici l'appareil que nous avons décrit sous le nom de presse chez les che-
nilles et les larves de phryganes et qui font des organes séricigènes de ces
êtres un instrument si précis et capable de rendre à leur possesseur des
services si variés.
40
322 Gustave GILSON
Usage de la substance sécrétée.
Le produit des glandes, quelle que soit sa nature chimique, sert à la
confection du tube dans lequel VOxpenia passe son existence. C'est ce que
démontre l'étude de ce tube lui-même, ainsi que nous le verrons. L'animal
s'en sert pour se faire d'abprd une gaîne transparente et régulière sur
laquelle il fixe bientôt des particules étrangères pour la consolider, la
protéger et la cacher.
STRUCTURE DU TUBE DE L'OWENIA.
Le tube de VO)venia est d'ordinaire beaucoup plus long que le corps
de l'animal, il atteint jusqu'à 30 centimètres de long. Extérieurement, il
paraît formé d'une agrégation de particules minérales dont les dimensions
variables n'excèdent guère un millimètre. Elles consistent en débris de
coquilles de mollusques, de tubes calcaires d'annélides, de grains de quartz
et d'autres fragments de roches. On y trouve aussi des débris de tissus
végétaux.
Tout cet amas pierreux ne constitue que le revêtement extérieur du
tube proprement dit. Celui-ci est formé d'une substance blanche, souple
élastique et résistante. Il est visible à nu à son extrémité postérieure où il
fait une saillie plus' ou moins longue hors de la gaîne minérale. Cette partie
postérieure est de forme conique et se termine en pointe. Il existe à son
exti'émité un orifice étroit qui sert probablement à la sortie des excréments,
FiG. 22. Cette portion représente sans doute la partie la plus ancienne du
tube, la première que l'animal ait sécrétée au début de son existence.
On remarquera dans la fig. 22 que les couches les plus externes de la
paroi ne s'avancent pas jusqu'à l'extrémité du cône postérieur; elles s'arrêtent
à une certaine distance en formant souvent un léger bourrelet. Ce détail
n'est pas sans importance. Il indique que l'épaississement de cette paroi
doit se faire par l'apposition de couches nouvelles sur la face extérieure
des couches précédemment formées.
Très souvent, l'extrémité antérieure du tube proprement dit est égale-
ment nue. Elle est toujours cylindrique et présente un orifice assez large
pour laisser passer le corps du ver, tout en l'enserrant étroitement ; son
bord est souvent replié à l'intérieur en forme d'ourlet. Les expériences que
nous avons relatées plus haut ont démontré que cette partie antérieure,
la dernière construite, ne se recouvre que graduellement de particules
étrangères.
LES GLANDES FILIÈRES DE LOWENIA FUSIFORMIS 323
Les deux extrémités étant nues peuvent être enlevées et examinées
comme telles avec la plus grande facilité. Mais il est aisé aussi de dégager
la gaine de son revêtement minéral en raclant le tube à l'aide d'un scalpel
sous un filet d'eau ; on arrive ainsi avec un peu d'adresse à la dégager sur
toute sa longueur sans l'inciser ni la déchirer. Si alors on introduit dans
l'extrémité antérieure un tube de verre effilé, on peut l'insuffler, la gonfler
et constater qu'elle est absolument imperforée, sauf à ses deux extrémités.
La surface de la portion débarrassée des grains de sable est couverte d'em-
preintes laissées après l'enlèvement de ces particules.
Des coupes transversales des deux portions naturellement nues mon-
trent que la paroi de la gaine est épaisse et formée d'un grand nombre de
couches concentriques, fig. 21. Parfois, on distingue une zone extérieure
présentant par endroits de fortes stries radiales. Celles-ci paraissent trop
grossières pour être des stries de structure analogues à celles des cuticules
véritablps, elles se présentent plutôt comme des effets de plissement
intérieur.
Des coupes tangentielles montrent dans cette paroi un système assez
peu régulier de stries circulaires grossières; et l'application d'un système
grossissant assez fort y fait apparaître une multitude de stries longitudinales
très fines, mais assez irrégulières. Ces dernières, à en juger par leur gros-
seur, ne soîit autre chose que les filaments produits par les glandes.
Telles sont les données que nous ont fournies des coupes obtenues par
les procédés ordinaires d'enrobage à la paraffine. Mais un autre procédé,
que nous ne décrivons pas ici parce qu'il exige encore des perfectionnements,
nous a permis de pratiquer des sections dans le tube complet, non débar-
rassé de son revêtement minéral. Celles-ci se sont montrées bien plus
intéi'essantes que les premières, pour le double motif qu'elle établissaient
avec précision les rapports de la gaîne organique avec le revêtement minéral
et que la texture de la première y était beaucoup plus distincte.
L'une de ces sections est représentée, fig. 23, sous un faible grossisse-_
ment. On y notera d'abord que la gaîne comprend deux parties : une zone
interne, d'épaisseur à peu près égale et parcourue de couches concentriques
assez régulières, et une zone externe irrégulière. Cette dernière envoie des
prolongements entre les particules étrangères et paraît formée de lambeaux
jetés sur la première et chargés de relier à celle-ci les éléments divers du
revêtement minéral.
40.
324 Gustave GILSON
La zone interne représente la portion la première établie, celle-là même
qui souvent se présente seule et nue à l'extrémité antérieure du tube,
FiG. 21. La seconde, au contraire, est formée des masses de substance
déposées secondairement à l'extérieur des premières. Elle correspond, en
partie, aux couches surajoutées qui se superposent par étages à l'extrémité
postérieure, fig. 22. On- en voit des prolongements s'insinuer entre les
premières pierres du revêtement et s'accoler à des particules plus exté-
rieures appartenant à une deuxième assise minérale irrégulière. Certains
grains sont presque entièrement enveloppés par eux.
Cette zone contient, comme l'interne, des couches distinctes; mais
la stratification de celles ci est loin de concorder avec celle des couches
sous-jacentes. Elle est souvent oblique et parfois même perpendiculaire à
cette dernière.
La substance des deux zones examinée dans ces coupes présente, outre
les couches stratifiées, d'innombrables points brillants disposés en lignes,
à peu près comme ces couches. Ces points sont parfois ronds; mais d'autres
fois ils s'allongent et affectent la forme de bâtonnets ou même de véritables
tronçons de filaments. L'emploi d'un bon objectif à immersion fait recon-
naître en eux d'une façon indubitable les filaments qui préexistent à la for-
mation de la gaîne et sont charriés par le liquide qui remplit les glandes.
Ces filaments s'ont souvent disposés en petits groupes de trois ou quatre;
ailleurs ils sont en rangées simples. Ils ont certainement une tendance à
s'orienter dans le sens de la longueur du tube.
CONFECTION DU TUBE.
On peut se représenter de la manière suivante les divers actes de l'édi-
fication ou, plus exactement, de l'accroissement du tube, car la larve de
VOxi'enia n'étant pas connue, on n'a pu l'observer jetant les bases de l'édifice.
La substance élaborée par les glandes est expulsée de celles-ci par la
contraction de leurs fibres musculaires. Elle tombe alors dans l'espace qui
existe entre le corps de l'animal et la gaîne déjà formée. Se mêle-t-elle là
avec le produit de certaines cellules glandulaires dont il existe un nombre
immense et des variétés diverses dans l'épiderme? Nous l'ignorons. Notons
qu'étant elle-même insoluble dans l'eau, elle est peu apte à se mêler aux
substances muqueuses, c'est-à-dire extraordinairement riches en eau, qui
sont déversées par le plus grand nombre de ces cellules caliciformes. La
LES GLANDES FILIERES DE LOWENIA FUSIFORMIS 325
présence de ces derniers éléments n'a, comme on sait, rien de spécial à
YOjvenia. Ils existent chez tous les annélides en plus ou moins grande
quantité et leur produit visqueux joue chez tous un rôle de protection. Chez
les tubicoles, il sert en outre à faciliter le glissement du ver dans son tube.
Mais parmi les cellules glandulaires épidermiques de YOjvenia, il en
est dont le contenu granuleux particulier ressemble à celui des éléments
qui, chez beaucoup d'autres tubicoles, servent seuls à la fabrication du
tube. La masse filifère déversée par les glandes filières se mêle-t-elle au
produit spécial de ces dernières? C'est possible, mais pas démontré. Rien
dans l'aspect de la paroi du tube ni dans ses réactions ne nous a, jusqu'ici,
révélé ce fait.
Quoi qu'il en soit, le liquide filifère doit sortir de cet espace; car de
l'examen de nos coupes longitudinales et transversales, il ressort qu'il ne
s'applique pas à la face interne de la gaine. Il doit donc gagner les bords
de l'orifice antérieur. Or, pour ce qui concerne la sixième et la septième
paire, l'espace qui l'en sépare est considérable; il peut atteindre plus de
deux centimètres. Il est probable que le corps de l'animal, par des mou-
vements successifs d'allongement et de rétraction, entraîne les corps gisant
dans la cavité de la gaine. On peut concevoir que ces mouvements, en se
réglant et s'ordonnant d'une certaine façon, dirigent les petits amas de
substance plutôt vers l'avant que vers l'arrière. Une part importante dans
ce phénomène revient sans doute aux crochets aigus des tores ainsi qu'aux
cils vibratiles qui recouvrent certaines régions du corps.
Arrivées à l'orifice antérieur, les masses visqueuses peuvent ou bien
s'ajouter au bord lui-même et contribuer ainsi à l'allongement de la gaine,
ou bien être rejetées au-dehors et appliquées à la surface externe pour y
faire adhérer les particules solides qui se mettent en contact avec elle. Il est
probable que l'observation attentive et soutenue de l'animal dans son état
naturel fournirait des données plus complètes sur ces phénomènes. Elle
permettrait peut-être de découvrir si les tentacules branchiaux et les faisceaux
de soies y jouent un rôle et de reconnaître si l'accroissement du tube et
l'application des particules minérales sont le résultat d'actes volontaires,
intentionnels pu simplement la conséquence de mouvements pour ainsi dire
automatiques et sans but déterminé. Nous regrettons de n'avoir pu prolonger
suffisamment notre séjour à Naples pour observer des colonies à'Ojvenia
bien acclimatées à la vie d'aquarium.
BIBLIOGRAPHIE
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Kiilliker
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von Drasche
H. Eisig
Fr. Jdnjsens
G. Gilsvn
i
EXPLICATION DE LA PLANCHE
FIG. 1. Croquis topographique. Oivenia fusiformis femelle ouverte par une inci-
sion ventrale longitudinale : bi\ branchies fortement contractées par l'alcool; G' à G',
glandes filières ; G' est la glande rudimentaire du troisième segment thoracique ;
D-, dissépiment séparant la région thoracique de la région abdominale ; eg, entonnoir
génital, ; Imd, ligne d'insertion du mésentère dorsal excisé.
FIG. 2. A y^ 1. Croquis topographique indiquant la position de l'orifice de la
quatrièine paire de glandes filières : og, orifice de la glande; f, faisceau de soies
segmentaires ; t, esquisse du premier tore uncinigère.
FIG. 3. A y^ i. Glande de la sixième paire montrant la partie glandulaire
divisée en une région antérieure sombre et une région postérieure claire : et, canal
terminal.
FIG. 4. D "^ I. Coupe longitudinale à la limite des deux régions de la partie
glandulaire : sixième paire.
FIG. 5. Z) X 2. G-, glande rudimentaire de la troisième paire : m, couche
musculaire de la paroi du corps; mb, membrane basale; ép, épiderme (hypoderme)
avec cellules glandulaires.
FIG. 6. ^4 X 4- ' Gj, glande rudimentaire de la troisième paire; _/, faisceau
de soies du troisième segment thoracique; ép, épiderme.
FIG. 7. 1/12X4- Canal terminal : c, cellules épithéliales allongées, vues de
face; ce, mêmes cellules en section optique; /m, fibres musculaires longitudinales.
FIG. 8. 1/12 X 4- Coupe longitudinale passant par l'embouchure d'une glande
filière : sf, substance filifère évacuée ; tiib, membrane basale.
FIG. 9. 1/12 X 2. Tronçon de canal terminal contourné : fm, fibres muscu-
laires longitudinales contournant obliquement le canal.
FIG. 10. 1/12 X 4- Portion d'une coupe transversale de la quatrième glande :
11, noyau bosselé et uniformément coloré; fm, fibres musculaires coupées transver-
salement; eb, enclaves blanches contenant des filaments; ef, enclaves de réserve,
teintées en -vert par le bleu carmin ; s/l, substance filifère. On y distingue des fila-
ments diversement orientés.
FIG. 11. i'i2 X 4- Fragment d'une coupe longitudinale d'une des glandes,
traitée par la soude caustique : //, filaments s'ébauchant dans la substance sécrétée
aussitôt après le suintement de celle-ci : fm -\- pr, couche musculaire et propria.
330
Gustave GILSON
FIG. 12. 1/12 X 4- Fragment d'une coupe longitudinale d'une glande apparte-
nant à un individu extrait de son tube depuis 4 jours ; ce tube était en partie refait :
eu, enclaves vertes peu volumineuses; sg, substance granuleuse; co, cellule ayant
conservé dans toute son étendue l'aspect réticulé ordinaire.
FIG. 13. 1/12 X 4- Fragment de coupe transversale. Épithélium sans enclaves :
nfm, noyaux des fibres musculaires.
FIG. 14. 1/12 X I- Coupe longitudinale. Aspect réticulé du cytoplasme. Pas
d'enclaves ni de substance granuleuse ; ne, noyaux de la propria conjonctive ; fc, fibre
conjonctive (ou nerveuse?) se fixant à la propria; fin, tunique musculaire.
FIG. 15. 1/12 X 4- Coupe longitudinale. Épithélium très plat. Noyaux aplatis :
fm -f- P>'> tunique musculaire et propria.
FIG. 16. 1/12 X !• Coupe transversale dans la partie postérieure d'une glande
à enclaves vertes : eb, enclave blanche et filaments à l'intérieur; eu, enclaves vertes;
n, noj'au bosselé.
FIG. 17. 1/12 X 4- Épithélium vu de face. Quatrième glande. Individu dé-
pouillé partiellement de son tube depuis cinq jours.
FIG. 18. 1/12 X 4- Portion de la face interne ou sécrétante d'une cellule épi-
théliale de la glande filière.
FIG. 19. 1/12 X 4- Tronçons moj'ens des fibres musculaires : 11, noj'aux.
FIG. 20. 1/12 X 4- Extrémités de quelques fibres semblables.
FIG. 21. ^ X 4 réduit. Section transversale de la portion antérieure nue d'un
tube d'Oifenia. Individu fraîchement pèche.
FIG. 22 A y, 1. Extrémité postérieure d'un tube. On y remarque l'orifice o
et les couches externes surajoutées de la paroi. Des infusoires se voient entre la
gaine et la masse excrémentitielle.
FIG. 23. ^4 X !• Section transversale du tube, un peu en avant de la moitié
de sa longueur. On y distingue les deux zones de la gaine et le revêtement minéral.
Une partie de celui-ci avait été enlevée avant la confection de la coupe ; cm, coa-
gulums muqueux.
TABLE DES MATIÈRES
Introduction et aperçu historique
Méthode .
299
3oi
APERÇU ANATOMIQUE
a) Nombre et topographie .
b) Forme et dimension
c) Signification morphologique
3o2
304
STRUCTURE DE L\ GLANDE.
A. Glande proprement dite
EpilhcUum .
Tunique nuisctilairc
Propria
B. Canal terminal.
C. Embouchure
Les glandes atrophiées de la troisième paire
Cause de leur atrophie
3oG
3o6
lïoc)
309
3 10
3ii
3 12
3l2
CONTENU DE LA GLANDE.
Recherches sur le mode de sécrétion du liquide filifére
Evacuation de la substance sécrétée .
Usage de la substance sécrétée
:'i3
321
322
STRUCTURE DU TUBE DE L ' O W E N I A FUSIFORMIS.
CONFECTION DU TUBE.
Bibliographie
Explication de la planche
32 ^
327
320'
Gust.Oilson . aoL. ruxl. dei
i''Gisl& se.
LE SPHINCTER DE LA NÉPHRIDIE
DES
GNATHOBDELLIDES
PAR
H. BOLSIUS
PROFESSEUR AU COLLÈGE DE OuDENBOSCH (PaYS-Bas)
(Mémoire déposé le 25 février 1894).
41
LE SPHINCTER DE LA NÉPHRIDIE DES GNATHOBDELLIDES
Dans notre premier mémoire sur les organes segmentaires des hirudi-
nées (La Cellule, t V,fasc. 2j, nous avons signalé l'existence d'un sphincter
à la base de la vésicule urinaire. Toutefois, nous n'avons guère insisté
alors sur cette formation : à deux endroits (p. 387 et p. 414), nous la men-
tionnons comme en passant, et la fig. 11 de la Pl. I la représente d'une
façon assez élémentaire. Mais dans un deuxième mémoire sur le même
sujet (1), nous lui avons accordé plus d'attention, et nous en avons fait une
étude assez complète, accompagnée de trois nouvelles figures. La première
de ces figures, fig. 49, est une vue d'ensemble de toute la vésicule, y com-
pris le sphincter ; la seconde, fig. 50, représente sous un plus fort grossis-
sement le sphincter seul; la troisième, fig. 51, reproduit une coupe trans-
versale du même organe.
La découverte dé ce sphincter n'a pas passé inaperçue : le D"" Arn.
Graf, dans un article intitulé r, Zur Kenntniss der Excretionsorgane von
Nephelis vulgaris (2), - en parle incidemment en ces termes : ^ Bei Flirudo
hat die Blase selbst keine Muskulatur, sondern es ist am Ausfuhrunsgang
ein Sphincter vorhanden. Diesen Sphincter hat Bolsius zuerst entdeckt,
giebt aber eine so schematische Figur dafiir, dass ich denselben hier auf
Taf. VIII, Fig. 8, nach meinen Praeparaten abbilde....'^ (Voyez notre Pl. I,
FIG. 4, cette figure réduite aux 2/3.)
L'auteur ne paraît pas avoir pris connaissance du passage de notre
deuxième mémoire, — cité dans sa liste bibliographique, — - qui contient
la description du sphincter. Il décrit donc et interprète à sa manière des
dispositions que nous avions déjà fait connaître et interprétées autrement.
(1; La Cellule, t. VII, fasc. i, iSg*.
12) Arn. Graf : Jenaiscke Zeitsclirift fur Njtunvisscnschaft, N. F., Bd. XXl, p. ibo, ss.
336 H. BOLSIUS
Nous ne mettons nullement en question la bonne foi de Graf. Néanmoins,
étant donné l'intérêt particulier qui s'attache à ce sphincter, nous croyons
juste et désirable d'abord que nos droits de priorité soient établis et ensuite
que la structure réelle de l'organe soit décrite exactement.
D'autre part, nous avons retrouvé le sphincter dans un grand nombre
d'hirudinées et entre auti^es, dans beaucoup d'espèces exotiques qui nous
ont été communiquées par M. Raph. Blanchard de Paris. Nous joindrons
à quelques remarques sur les descriptions de Graf un exposé succinct de
ces nouvelles observations. Cette communication n'est donc pas un simple
article de polémique.
Enfin, qu'il nous soit permis de déclarer que, si nous ne traitons ici
que du sphincter, cela n'implique nullement que nous sommes d'accord
avec l'auteur sur tous les autres points de son mémoire, fort intéressant
d'ailleurs. Nous comptons revenir plus tard sur ses observations au sujet
d'autres détails de l'organe néphridien des hirudinées.
§ 1. Hirudo medicinalis.
C'est au sujet de cette espèce que le désaccord existe entre nos des-
criptions et celles de Graf.
Nous comprenons l'appareil obturateur du conduit vésiculaire comme il
suit. C'est un anneau musculaire unique qui entoure le conduit efférent de
la vésicule urinaire à quelque distance de la face ventrale de l'animal,
comme on le voit dans la fig. 49 de notre deuxième mémoire, publié dans
le tome VII, fasc. i , de ce recueil. Il n'y a pas d'interruption dans la couche
de cellules musculaires, fig. 50. En outre, les fibres du sphincter sont
généralement beaucoup plus étroites que celles de la musculature du corps,
et par suite, faciles à distinguer de ces dernières, ainsi que le montrent les
fig, 49 et 51 (1).
Graf, au contraire, croit trouver trois parties distinctes dans la mus-
culature du conduit excréteur.
D'abord, il y aurait un sphincter, rm^, fig. 4 (fig. 8 de Graf), composé
de plusieurs assises de cellules musculaires, dont les diamètres varient
énormément dans la figure de l'auteur. Ce serait là le sphincter découvert
(i) Remarquons que ces figures sont tirées de préparations d'un Hœmopis vorax, variété Atilas-
tomiim gulo, d'après les renseignements fournis par R/vph. Blanchard. Le type de Torgane est le
même que celui de VHirudo.
LE SPHINCTER DE LA NÉPHRIDIE DES GNATHOBDELLIDES 337
par nous et décrit dans notre premier mémoire. Puis, tout le long du con-
duit, SpB, FiG. 4, il y aurait des cellules musculaires semblables, rm^,
disposées en une assise unique. Cette musculature serait distincte de la
précédente. Enfin, au bas du conduit, tout près de la surface du corps, (qui
dans la figure de Graf est en haut, l'animal étant couché sur le dos), il se
trouverait un autre sphincter, rm^, fig. 4, le plus puissant de tous.
Depuis la publication du mémoire de Graf, nous avons revu nos pré-
parations et nous en avons fait d'autres dans un but de contrôle. Ces nou-
velles observations n'ont fait que nous confirmer dans notre opinion première.
Nous nous expliquons fort bien aujourd'hui la manière de voir de Graf,
mais nous pensons que s'il avait pris en considération nos trois figures citées
plus haut, il serait arrivé à d'autres conclusions. S'il avait noté que depuis
longtemps déjà nous avions indiqué les cellules de rnz, comme appartenant
au sphincter unique, il n'aurait pas été porté à en faire un anneau à part,
distinct du premier, rm^. Voici comment il s'exprime au sujet de sa fig. 8
que nous reproduisons un peu réduite dans notre fig. 4 :
n Eb est une portion de la vésicule dessinée ici en partie seulement;
- ep est l'épithélium pavimenteux de la vésicule de VHiriido ; Ci sont les
- cils, Epid est l'épiderme. Nous voyons ainsi, entre l'épiderme et la vési-
- cule terminale, le conduit excréteur se dilater en une petite vésicule, la
« vésicule sphinctériale (SpB, Sphincterblase). Cette dernière communique
- avec la vésicule terminale par le conduit excréteur, très étroit en cet en-
« droit, et autour duquel se développe un puissant sphincter (Ringmuskel-
« schicht, r/77,). L'autre portion du conduit excréteur, au moyen duquel la
- vésicule sphinctériale communique avec l'extérieur, est pareillement en-
- tourée d'un puissant sphincter, rni^. De plus, la vésicule sphinctériale
« elle-même est ornée de muscles circulaires séparés, r/n,. Ainsi, nous avons
- ici un double sphincter. « (i)
Tout d'abord, nous ne voyons pas de quel droit Graf sépare la muscu-
lature ;•;/;, de la musculature nn,. ~
(i) Arn. Graf, /. c, p. i66 et seq. M'' le D'' Graf^ répoudant à une lettre dans laquelle nous
lui signalions les quelques divergences qui existent entre ses observations et les nôtres, nous dit entre
autres choses :" « Vous ne semblez pas bien avoir compris ce que je voulais dire par rinj, riHj, rm^.
u C'étaient pour moi trois différentes parties d'un seul sphincter RM ou Sp. » Nous sommes heureux
de rapporter ici cette manière de voir nettement exprimée par l'auteur dans sa lettre du 26 mars,
— postérieure au dépôt de ce mémoire — mais qui ne nous paraît pas ressortir du texte que nous
citons en le traduisant. La présente communication servira à dissiper toute équivoque, en même temps
qu'à compléter et à rendre plus précises nos connaissances au sujet de l'appareil obturateur de la
vésicule néphridiale.
338 H. BOLSIUS
Des FiG. 49 et 50 de notre deuxième mémoire, il ressort que l'ensemble
des fibres musculaires constitue unegaine contractile indivise, ininterrompue.
Mais à ces données anciennes, ajoutons quelques observations nouvelles
faites sur d'autres préparations de V-Hirudo.
Les FIG. 1, 2 et 3 sont les dessins de coupes successives pratiquées
longitudinalement dans l'arrimai.
La première, fig. l, reproduit l'extrémité du conduit de la vésicule,
F, fig. 2, 3 et 5, avec le porejt' s'ouvrant sur le côté d'un anneau externe, ae.
Près du conduit, il y a une quantité de fibres musculaires, cm, pour la
plupart transversales. On n'y voit point de cellules contournant le conduit.
La fig. 2 représente une coupe effleurant en trois endroits la paroi du
conduit, en x, y, :[. x\u-dessus de ^, on aperçoit de nouveau l'épithélium, ep,
coupé à plat, vu de profil. Il n'y a que du tissu conjonctif, te, autour du
conduit, comme dans la fig. l. Le sphincter commence en ^ par des
cellules musculaires très étroites, dirigées un peu obliquement. En y,
comme en ^, nous rasons la paroi; c'est pourquoi les cellules du sphincter
peuvent y être vues, suivant la mise au 'point, en coupe sur les bords du
conduit, ou bien en long sur le plein de l'organe. Entre y et x, les muscles
sont fi'anchement sectionnés; en x enfin, même aspect qu'en j' avec cette
diff'érence que les cellules musculaires sont placées sur plusieurs assises.
La fig. 3 reproduit la coupe succédant à celle que représente la fig. 2.
Les cellules du sphincter sont sectionnées nettement en x et y; en i, on en
voit, au bout du conduit, quelques-unes qui passent d'un côté à l'autre.
La superposition de ces trois figures fournit donc la reconstitution d'un
organe tubuleux muni d'une couche ininterrompue de fibres musculaires
circulaires, ainsi que le montre la fig. 5, construite à l'aide des fig. 1, 2 et 3.
Notons que l'organe y est supposé redressé, rendu rectiligne, et sectionné
suivant son axe. En fait, ces conditions de section ne doivent se trouver
réalisées que fort rarement ou même jamais dans les individus de grande
taille; aussi conçoit-on qu'en se bornant à l'examen d'un petit nombre de
coupes et sans tenir compte de cette donnée, on arrive à considérer la
couche musculaire comme formée de deux ou de trois muscles distincts.
Mais de ces fig. l, 2 et 3 ressort une autre inexactitude des observa-
tions de Graf. D'après sa figure 8, on trouverait des muscles circulaires
jusqu'au bord de l'organe; son troisième sphincter, rm^, est en effet placé
à ti'ès peu de distance de l'épiderme. C'est ce que nos préparations ne nous
permettent pas d'admettre. Ces fibres n'existent pas, ou du moins elles
I
LE SPHINCTER DE LA NÉPHRIDIE DES GNATHOBDELLIDES 339
ne sont pas placées à l'endroit indiqué dans cette figure, c'est-à-dire aussi
bas, aussi près de la surface du corps et du pore néphridien. L'auteur a
été le jouet d'une apparence délusive consignée dans sa figure 8, qui est
dessinée d'une façon très consciencieuse. Cette section ne passe pas par
tout le conduit excréteur, précisément parce que celui-ci n'est pas rectiligne.
Il est clair que ce conduit n'atteignait l'épiderme, dans cet objet, qu'à une
distance notable du point rm^, et seulement après s'être engagé encore
assez bien dans la profondeur.
Il n'y a, dans le texte de l'auteur, aucune indication sur la direction
de la coupe par rapport au corps de VHinido : nous croyons y voir une
coupe transversale et non longitudinale, comme le sont les nôtres.
Si le D"" Graf avait fait des sections hori{ontales de l'hirudinée, il
aurait pu constater que ce prétendu sphincter puissant rm, n'a pas de rela-
tion définie avec le conduit excréteur et que les fibres qu'il figure sont des
cellules musculaires probablement transversales appartenant au système
contractile général de l'animal. C'est en faisant des coupes horizontales
que nous avons pu nous convaincre que les muscles circulaires du conduit
excréteur ne commencent qu'à une certaine distance de la surface somatique.
En comptant en microns l'épaisseur des coupes enlevées avant d'arriver à
des cellules circulaires, nous avons trouvé exactement la même distance que
celle qui, dans les coupes dorso-ventrales, sépare la surface d'un anneau,, ae,
du point { où commence le sphincter.
Faisons aussi remarquer que la figure 8 de Graf, — fig. 4, — ne montre
pas suffisamment que le sphincter est formé de plusieurs assises de fibres
au contact de la vésicule, tandis qu'il n'en possède plus qu'une seule un
peu plus bas ; elle n'indique pas davantage la réduction de volume que
subissent ces fibres en s'éloignant du réservoir, autant de détails que
l'étude attentive de nos coupes nous a permis de mettre en lumière dans
nos FIG. 1, 2, 3 et 5.
Disons encore un mot d'un autre détail de la structure des néphridies
de VHirudo,
Graf signale l'existence d'une vésicule supplémentaire qu'il appelle la
vésicule sphinctériale (Sphincterblase), fig. 4.
Nous avons vu et figuré dans notre deuxième mémoire, fig. 49 et 50,
la légère dilatation de la région sphinctérienne à laquelle l'auteur assigne le
nom de " Sphincterblase «. Mais nous n'y avons pas fait grande attention,
et il nous semble encore aujourd'hui qu'elle n'a guère d'importance. Ce
340 H. BOLSIUS
n'est qu'un renflement, parfois excessivement peu marqué, de la' région
sphinctérienne ; on la trouve à des degrés divers de dilatation. Même chez
VHirudo, il est fort probable qu'elle ne fonctionne pas comme un deuxième
et très petit réservoir; elle ne paraît répondre à aucune fonction physiolo-
gique. Chez les autres espèces que nous avons examinées, ce renflement
existe parfois et fait défaut d'autres fois, fig. 7 à 13. Quoi qu'il en soit,
nous ne voyons aucun inconvénient à conserver la dénomination de Gkaf
pour désigner ce renflement là où il s'observe ; mais nous ne saurions le
regarder comme un organe spécial et bien défini.
§ 2. Attires espèces.
Notre planche contient des figures tirées de huit autres espèces. Ex-
cepté la FIG. 6, qui provient d'un Aulastomtttn giilo de 8 à lo mm. de long,
toutes les autres appartiennent à des espèces étrangères fi).
Un simple coup d'œil sur cette planche permet de constater que la
disposition des fibres est sensiblement la même dans toutes ces espèces.
La FIG. 8, Mesobdella gemmata, la fig. 9, Limnatis a/ricana, la fig.
10, Hirudo qiieretanea, et la fig. 12, Hirudo Graudidieri, rappellent à tel
point la fig. 5, que nous n'avons rien à y ajouter.
Il n'y a qu'unepetite remarque à faire pour les trois autres figures. La
fig. 7 de YHirttdo mysomelas, dont le dessin est fait à un grossissement
double des autres, nous montre un sphincter de peu d'étendue.
L'état de contraction des fibres est le plus prononcé dans la fig. il
de la Xerobdella Lecomtei, et le sphincter se réduit dans cette espèce
à quelques cellules musculaires placées près de la vésicule T\ Tout le
reste du conduit excréteur, très long et sinueux, est dépourvu de muscles
obturateurs circulaires.
Une disposition inverse est visible dans la fig. 13 de la Macrobdella
Jloridana. La partie du sphincter à assises multiples est la plus grande et
dépasse en longueur tout ce que nous avons observé dans les autres espèces
citées. Aussi, le rétrécissement du conduit, qui ailleurs se manifeste prin-
cipalement au sortir de la vésicule, se continue ici sur un trajet bien plus
long; il s'étend sur toute la longueur de la partie à plusieurs couches.
Toutes ces données confirment nos observations au sujet de VHirudo.
(ï) Remarquons, pour prévenir des erreurs, que la vésicule V dans toutes ces figures est repré-
sentée telle qu'elle se montrait dans la coupe microtomique qui a servi à chaque figure. Par consé-
quent, la capacité relative des vésicules de ces espèces n'est nullement indiquée par les contours ilessinés.
LE SPHINCTER DE LA NEPHRIDIE DES GNATHOBDELLIDES 34 1
CONCLUSIONS.
Nous pouvons donc résumer comme il suit l'état actuel de nos con-
naissances au sujet du sphincter de la néphridie :
I. Les hirudinides possèdent une vésicule néphridialc plus ou moins
spacieuse et munie d'un conduit excréteur. Cette constatation a été faite
sur les espèces suivantes :
1. Hirudo niediciiialis.
2. Aulastomuin giilo.
3. Hiriido mysomelas.
4. Mesobdella gemmata.
5. Lhnnatis africaiia.
6. Hirudo queretanea.
7. Xerobdella Lecomtei.
8. Hirudo Grandidieri.
9- Macrobdella floridana.
IL Ce conduit, généralement assez long, possède toujours, près de
son point d'union avec la vésicule, une musculature propre sous la forme
d'un sphincter.
m. Ce sphincter est d'ordinaire assez puissant près de la vésicule :
souvent il s'étend assez loin sur la portion inférieure du conduit.
IV. Généralement les cellules du sphincter sont le plus serrées près
de la vésicule urinaire ; elles sont plus espacées dans la portion descendant
vers la face ventrale.
\'. Les cellules du sphincter sont d'un diamètre bien plus faible que
les cellules musculaires ordinaires du corps, fig. 2 et 3.
VI. La portion extrême du conduit excréteur, près de la surface du
corps, ne possède aucune musculature propice.
VIL Puisque les cellules du sphincter, quoique assez espacées les
unes des autres, ne présentent aucune discontinuité notable dans leur
disposition, il n'}- a pas lieu d'y distinguer plusieurs portions; il faut
admettre, au contraire, un sphincter unique comprenant toutes les cellules
musculaires entourant le conduit excréteur.
•)2
342 H. BOLSIUS
Nous possédons un grand nombre d'autres Gnathobdellides, que nous
n'avons pas encore pu examiner en détail et entres autres les suivantes :
Hintdo granulosa, Limnatis nilotica, Hirudo mtdtistriata, deux nouvelles
espèces non déterminées encore, l'Une des Antilles, l'autre de l'île de la
Réunion. Toutes celles-ci ont le pore néphridial ventral.
Nous en avons d'autres, chez lesquelles ce pore est latéral, par ex.,
Hœmadipsa fallax, Hœin. niorsitaus, Hœm. sili'csiris, Hœrn. :{eflanica,
Phythobdella Meyeri, Planobdella Quoyi.
Nous examinerons plus tard le sphincter de toutes ces espèces.
BIBLïOGÎ\APHIE
1 . H. Bolsiiis : Recherches sur la structure des organes segmentaires des hirudinces ;
La Cellule, t. V, fasc. 2, 1889.
2. — Nouvelles recherches sur la structure, etc.; Ibid., t. VII, fasc. i,
1891.
3. — Anatomie des organes segmentaires des hirudinées d'eau douce ;
Annales de la Société scientifique de Bruxelles, t. XVI, a^" partie,
1892.
4. Arn. Graf : Beitrâge zur Kenntniss der Exkretionsorgane von Nephelis l'ulgaris ;
Jenaisclie Zeitschrift fiir Naturwissenschaft, Bd. XXVIII, N. F.,
Bd. XXI, i8g3.
EXPLICATION DES FIGURES.
FIG. 1, 2, 3, 4, 5. Hirudo medicinalis.
FIG. 1, 2, 3. Gross. : C X oc. ord. 2 (+ i5o).
FIG. 1. ae. Anneaux externes.
en. Cuticule, cessant à l'entrée du conduit excréteur.
p. Pore du conduit excréteur.
ep. Epithélium du même conduit.
cm. Cellules musculaires du corps.
te. Tissu conjonctif.
FIG. 2. ae, cm, te, ep, ut supra.
V. Vésicule terminale de l'organe segmentaire.
sph. Sphincter, vu de champ en x, y et ^.
FIG. 3. Section suivant immédiatement la précédente.
FIG. 4. Reproduction aux 2/3 de la figure 8 de la planche qui accompagne
le travail du D'' A. Graf, 1. c. Grossissement de l'original = 450, id. de la repro-
duction = 3oo. Traduction de l'explication, 1. c, p. 194 : « Conduit excréteur de
la vésicule terminale de V Hirudo. rm^, Sphincter intérieur; rm^, muscles circu-
laires séparés de la vésicule sphinctériale ; rm^, sphincter extérieur; M, musculature
du corps.
FIG. 5. Figure synthétique faite à l'aide des fig. 1 , 2 et 3. Vue d'en-
semble du conduit excréteur avec son sphincter.
Lettres comme dans les figures précédentes.
FIG. 6 (i). Coupe axiale du conduit excréteur et du sphincter dans VAulas-
tomum gulo. Gross. : apochr. à sec — --^ X oc. comp. 2 (+ 160 lin.).
- FIG. 7. Idem de VHiriido mysomelas . Gross. : apochr. X oc. 4 (+ 33o).
FIG. 8. Idem de la Mesobdella gemmata. Gross. comme pour la fig. 6.
FIG. 9. Idem de la Limnatis africana. Gross. comme pour la fig. 6.
FIG. 10. Idem de VHiriido queretanea. « ii » » »
FIG. 11. Coupe effleurant le sphincter de la Xerobdella Lecomtei. Le conduit
excréteur n'atteint pas la surface du corps dans cette figure. Gross. comme pour
la FIG. 6.
FIG. 12. Coupe axiale, comme la fig. 6, de VHiriido Grandidieri. Gross.
comme pour la fig. 6.
FIG. 13. Idem de la Macrobdella Jloridana. Gross. comme pour la précédente.
(1) Dans toutes les figures suivantes, les mêmes lettres indiquent les mêmes objets que dans les fig. 1
et 2. Les fig. 6 — 13 ne sont pas des croquis synthétiques, mais sont faites à la chambre claire
sur des préparations qui toults contenaient la section axiale de tout le conduit excréteur avec son
sphincter.
43
'■' ae
ÉTUDE
SUR
l'Action sporicicle des Humeurs
PAR
J. LECLEF
DOCTEUR EN MÉDECINE.
{Mémoire déposé le 30 juin 1894.)
Travail du Laboratoire d'Anatomie pathologique et de Pathologie
EXPÉRIMENTALE DE l' UNIVERSITÉ DE LOUVAIN.
I
44
ÉTUDE SUR L'ACTION SPORICIDE DES HUMEURS.
CHAPITRE I. — Historique.
Il est une opinion qui a généralement cours parmi les bactériologistes,
c'est que les humeurs naturelles (sérum, lymphe, liquide de la chambre
antérieure de l'œil) n'exercent pas d'action destructive sur les spores. On
rencontre cette opinion même chez ceux qui attribuent aux humeurs un
rôle important dans la pi-éservation de l'organisme contre les microbes.
Ainsi, H. Buchner, qui a tant contribué à étendre nos connaissances
sur ce point, pense que les spores ne sont pas détruites par le sérum, et
cette conviction est si profonde chez lui, qu'il avoue lui-même n'avoir pas
fait des expériences à ce sujet, tellement l'issue lui en paraissait probléma-
tique.
Cette soi-disant invulnérabilité des spores aux atteintes des humeurs
est souvent invoquée par les anti-humoralistes pour combattre la doctrine
du pouvoir préservatif des humeurs. D'après eux, la diminution que les
formes végétatives subissent au contact de certains liquides naturels est due
à un simple changement de milieu. La preuve, disent-ils, réside dans ce
fait, que si, au lieu de formes végétantes, on- ensemence dans les humeurs
des formes dormantes, c'est-à-dire les spores, la diminution fait défaut, et
celle-ci manque précisément parce que la spore, dès le moment où elle
germe, s'adapte au milieu dans lequel elle est plongée. On doit reconnaître
que si le fait est vrai, il constitue une difficulté sérieuse pour les partisans
du pouvoir bactéricide des humeurs.
35"
J. LECLEF
Si l'on recherche dans la littérature les expériences sur lestiuelles
on se fonde pour rejeter l'action sporicide des humeurs, on voit qu'elles
ne sont guère nombreuses. Elles ont surtout porté sur les spores du
Bacillus anthracis. Introduits dans le sérum, les bacilles du charbon su-
bissent une diminution considérable, comme beaucoup d'auteurs ont pu
le constater; mais quand; au lieu des bacilles, on ensemence les spores,
on n'observe plus de destruction, de sorte que celle-ci parait bien être
la conséquence d'un changement de milieu (Metchnikoff, Lubarsch).
Ce dernier fait a néanmoins été contesté par Pekelharing (i). Contrai-
rement aux auteurs précédents, le savant hollandais a constaté une des-
truction notable des spores charbonneuses introduites dans le sang, et
comme elle s'opère aussi bien à une température voisine de o° qu'aux tem-
pératures de 45°, 46° et 47°, c'est-à-dire à des températures auxquelles la
germination ne peut plus se faire, il conclut que la spore est attaquée et
tuée comme telle sans germination préalable. En 1891, Trapeznikoff (2)
a fait paraître un mémoire étendu sur le sort des spores dans l'organisme
animal. Son but est de rechercher si ces éléments sont détruits par l'acti-
vité des phagocytes, ou par l'action des humeurs, ou par ces deux facteurs
réunis. Ses expériences portent surtout sur le bacille du charbon qu'il
inocule à l'état sporulé aux grenouilles, aux poules, aux pigeons, aux rats
et aux lapins. Il fait en outre un certain nombre d'expériences avec les
spores du Bacillus subtilh et du Bacillus incgatcrinin. Il conclut que les
spores, soit pathogènes, soit saprophytes, deviennent la proie des leucocy-
tes, qui les saisissent et tantôt les détruisent, tantôt empêchent seulement
leur développement. Quant aux humeurs, elles ne prennent aucune part à
cette opération.
D'après nous, la plupart des faits sur lesquels se base l'innocuité des
humeurs pour les spores sont passibles d'une critique sévère. En effet, ils
se rapportent presque tous à un bacille des plus pathogènes, le bacille du
charbon, sur lequel les humeurs doivent avoir peu d'influence.
Si l'on veut rechercher si le pouvoir sporicide existe, il faut s'adresser
non pas à une espèce d'une haute virulence, mais à des espèces saprophytes.
C'est le moyen de mettre en évidence l'existence de ce pouvoir.
C'est ce que nous avons fait dans le présent travail.
Cl) C. A. Pekelharing : Ueber Zersioruiig voit Mil^brandvirtt^ Un Unterhautbindegewehc des
Kaiiinchen ; Beitràge zur pathologischen Analoraie, BJ. Vlll, 1890.
'2) Trapeznikoff : Du sort des spores de microbes dans l'organisme animai; Annales de Tinstilut
Pasjeur, 1891, p. 362.
l'action sporicide des humeurs 351
CHAPITRE II. — Technique.
Nous avons choisi pour faire nos recherches deux sortes de spores :
1° Celles du bacille du foin (Bacillus subtilis).
2° Celles du bacille de la pomme de terre.
De ces deux organismes, celui du foin convient le mieux; aussi est-ce
à lui que nous nous sommes adressé de préférence. Nous commençons
par donner les résultats qu'il nous a fournis.
Pour le genre d'études que nous poursuivons, le bacille du foin pré-
sente de grands avantages :
1° On peut le considérer comme un organisme saprophyte par excel-
lence; par conséquent, dans le cas où les humeurs exercent sur les spores
une action destructrice, il doit subir cette influence à un haut degré.
2° C'est un organisme dont les besoins nutritifs sont des plus mo-
destes. La rapidité et l'abondance avec lesquelles il se développe dans
un simple infusé d'herbes en sont déjà une preuve; mais ce milieu n'est
pas à beaucoup près le seul dans lequel il se plait. Tous les bactériolo-
gistes savent avec quelle facilité il végète dans les différents milieux de
cultures et nous-méme nous l'avons plus d'une fois rencontré comme im-
pureté dans des tubes de sang ou de sérum, ce qui prouve combien ces
milieux naturels conviennent à son développement.
Nous attachons une grande importance à cette aptitude qu'il présente
à vivre dans le sang et dans le sérum; car nous croyons que pour bien
mettre en évidence les propriétés bactéricides d'une humeur, il est néces-
saire d'expérimenter avec un organisme capable de rencontrer dans les
humeurs tous les éléments nécessaires à sa pullulation.
3° Outre les deux avantages précités, le Bacillus subtilis nous en pré
sente une série d'autres tirés de ses caractères morphologiques.
C'est un des bacilles les plus grands qlie nous connaissons ; il est donc
facile à observer et à retrouver. De plus, il est animé de mouvements qui
disparaissent quand le bacille est en souffrance ou qu'il meurt.
Ses spores sont globuleuses et germent rapidement ; on peut dire qu'au
bout de 1 à 2 heures elles se sont toutes transformées en bâtonnets. Cette
352 J LECLEF
rapidité de la germination comparée à celles d'autres espèces saprophytes,
dont les spores mettent 5 à 6 heures à prendre la forme végétante, est
encore un précieux avantage.
Notre bacille fut recueilli sur une plaque d'agar où il était tombé par
hasard. Grâce à ses caractères morphologiques, grâce à son mode de déve-
loppement sur les divers •milieux, et grâce surtout aux soins que nous
prîmes de le comparer à un bacille obtenu par un infusé de foin, nous
avons pu nous assurer de la façon la plus satisfaisante de son identité.
Pour l'obtenir à l'état sporulé, nous l'avons cultivé sur du bouillon
composé comme il suit :
sucre. . . . 0,5 0/0
peptone ... 1 0/0
extrait de viande 0,5 0/0
Ce bouillon ensemencé et porté à la couveuse se trouble rapidement et,
après 24. ou 48 heures, il offre à sa surface une membrane mince se désagré-
geant facilement par l'agitation. Les bâtonnets sporulés se rencontrent sur-
tout dans cette membrane, de sorte qu'on serait porté à croire que la sporu-
lation ne se fait bien qu'au contact de l'oxygène. Pour obtenir dès lors des
spores isolées, il suffit de recueillir ces menibranes et de les écraser entre
deux lames de verre stériles, ou plus simplement encore de les secouer for-
tement dans un liquide quelconque.
Pour détruire les formes végétantes qui pourraient s'y rencontrer encore,
on chauff"e pendant 10 minutes â une température de 70".
.Ce chauffage est suffisant pour tuer tout ce qui n'est pas spore, comme
nous nous en sommes assuré en traitant à cette température des cultures
jeunes et dans lesquelles le microscope ne permettait de déceler la moindre
trace de sporulation.
Les spores au contraire, comme on le sait d'ailleurs, résistent â des
températures bien supérieures. D'après nos recherches, c'est seulement
entre 90° et 100" qu'elles commencent à périr. Une température de 70" ne
peut donc aucunement leur nuire.
Quand on examine au microscope une émulsion de spores ainsi chauf-
fée, on y aperçoit deux espèces d'éléments :
1° les spores assez grosses, ovo'ïdes, réfringentes, libres ou encore
renfermées dans les bâtonnets;
2° des bâtonnets renfermant quelquefois encore des spores. Ces bâton-
nets se distinguent nettement et â première vue des organismes vivants et
l'action sporicide des humeurs , 353
non chauffés. Tandis que ces derniers ont une réfringence propre, bien que
faible, et offrent un aspect homogène, les bâtonnets des cultures chauffées et
sporulées sont pâles, souvent même à peine visibles, de sorte qu'on pourrait
à juste titre les comparer à l'ombre des bâtonnets vivants. Au lieu de
l'aspect homogène, ils présentent souvent des granulations. Ces bâtonnets
offrent encore un autre caractère qui les distingue des bâtonnets vivants.
Tandis que ces derniers se colorent d'une façon homogène et intense par
le bleu de méthylène, les bâtonnets chauffés prennent â peine un peu de
matière colorante.
Si nous insistons sur ces différences, c'est qu'elles nous fournissent en
dehors des mouvements, le moyen de reconnaître avec certitude et sans
crainte d'erreur les bâtonnets nouveaux issus des spores, des bâtonnets
qui ont fourni ces spores.
Comme humeur bactéricide, nous avons choisi le sérum du lapin, ob-
tenu par rétraction du caillot. Inutile de dire que le sang était recueilli par
l'artère carotide avec toutes les précautions antiseptiques nécessaires.
A l'examen microscopique, notre sérum se montrait complètement
dépourvu de globules blancs, de façon que dans l'interprétation de nos
expériences nous n'avions en aucune façon à nous occuper de la question
phagocytaire.
Le sérum ainsi recueilli était ensuite ensemencé avec une quantité
variable de notre émulsion de spores et conservé à la température du corps.
CHAPITRE III. — Expériences faites avec les spores du Bacillus subtilis.
Dans nos premières expériences, nous nous sommes contenté de pour-
suivre au microscope les modifications qui se produisaient :
1° Dans un tube de sérum non chauffé;
2° Dans un tube de sérum chauffé pendant 1 heure à 60°, où le
pouvoir bactéricide était donc aboli ;
3° Dans un bouillon, afin de pouvoir comparer le développement
qui se fait dans le sérum au développement qui se produit dans un milieu
artificiel possédant les qualités nutritives à leur plus grande intensité.
Disons tout de suite que les phénomènes que l'on observe dans le
sérum non chauffé sont tout différents de ceux que l'on constate dans le
sérum chauffé et le bouillon. Dans le premier milieu, c'est-à-dire dans le
sérum naturel, on ne voit pas apparaître un seul bâtonnet. Le plus souvent,
354
J. LECLEF
12 heures et même 24 heures après l'ensemencement, on ne peut y retrouver
le moindre indice de prolifération ; en fait de formes végétantes, le micros-
cope n'y fait voir que les cadavres pâles et granuleux des bâtonnets importés
avec la semence.
Au contraire, le sérum chauffé et le bouillon renferment une heure après
l'ensemencement des bâtonnets tout à fait différents des bâtonnets anciens.
Ils sont réfringents, hom.ogènes et dès la deuxième heure ils commencent
à être animés de mouvements, signe manifeste de leur vitalité.
Après quelques heures, ils troublent le liquide, tellement ils sont nom-
breux. La coloration par le bleu de méth3dène ne fait apparaître dans le
sérum naturel aucun bâtonnet bien coloré, tandis qu'elle en montre des
milliers dans le sérum chauffé et le bouillon.
En un mot, dans le premier milieu ou sérum non chauffé, nous
observons l' immobilité complète, le manque absolu de végétation; dans
les deux autres, sérum chauffé et bouillon, une multiplication rapide et
abondante.
Citons un exemple :
TABLEAU L
Portions de 3 ce. Ensemencement abondant avec les spores d'une cul-
ture dans le bouillon.
APRÈS 5 HEURES
APRÈS g HEURES
APRÈS 20 HEURES
SÉRUM NON CHAUFFÉ
Aucun indice de
multiplication
Pas de changement
Aucun changement
Sérum transparent
SÉRUM CHAUFFÉ
Plusieurs bâtonnets
par champ microsc.
Culture de bacilles
excessivement vifs
Forte culture
Sérum trouble
BOUILLON
Beauc. de bâtonnets
mobiles par champ
Culture de bacilles
excessivement vifs
Forte culture
en partie sporulée
Bouillon trouble
L'examen microscopique pratiqué dès le moment où l'on fait le mélange
permet de reconnaître que les spores ne restent pas inertes dans le sérum
non chauffé. Elles y germent aussi rapidement que dans le sérum chauffé;
les modifications qui accompagnent cet acte sont absolument les mêmes que
dans les milieux artificiels. Quand on observe la spore du Bacilliis sitbiilis
L ACTION SPORICIDE DES HUMEURS 355
en voie de germination dans le bouillon ou dans l'agar, on la voit après
quelques minutes pâlir d'une façon presque brusque. De corps réfringent, à
contour noir, elle devient un corps pâle à peine visible. Or, si l'on examine
avec soin le sérum naturel ensemencé avec des spores, on trouve après une
demi-heure ou une heure de nombreux corpuscules ayant l'aspect de spores
germées, en même temps que l'on note la diminution ou la disparition des
spores ensemencées. Cette transformation se trouve représentée dans la
FiG. 2, donnant l'état d'une culture dans le sérum naturel ensemencé depuis
une heure. Les corpuscules noirs se rapportent à des spores encore inertes,
les corpuscules pâles, aux spores entrées en germination. Les fig. 3 et 4
nous représentent l'état correspondant dans le bouillon et le sérum chauffé.
Le bleu de méthylène, dissous dans l'eau, permet de reconnaître également
bien les spores germées. Ce bain ne colore pas les spores du Bacillus subtilis
qui sont à l'état de vie latente, mais bien celles qui commencent à pousser.
Aussi, peu de temps après l'ensemencement, il fait découvrir dans le sérum
non chauffé, comme dans le sérum chauffé et le bouillon, de nombreux cor-
puscules ovoïdes colorés intensément et qui ne sont autres que des spores.
Plus tard ces éléments disparaissent sans s'être allongés en bâtonnets.
Tout cela prouve que le grand nombre au moins des spores subit un
commencement de développement dans le sérum naturel. Elles ne sont
tuées qu'après avoir commencé à végéter. Il est probable du reste que toutes
disparaissent de cette façon, vu la résistance qu'à l'état de repos elles op-
posent à l'introduction des substances les plus diverses.
Dans les fig. 2 à 10, nous représentons les différents stades du dévelop-
pement dans les trois milieux habituellement employés par nous : le sérum
naturel, le sérum chauffé et le bouillon.
Une figure seulement, la fig. 2, se rapporte au sérum frais : à
partir de la germination il ne se produit en effet d'autre changement
que la disparition des éléments ensemencés. Les autres figures donnent
de deux heures en deux heures l'état des cultures dans le bouillon et dans
le sérum chauffé; les fig. 5, 7 et 9, avec des bacilles dispersés, repré-
sentent les progrès de la culture dans le bouillon; les fig. 6, 8 et 10,
avec les bacilles agglomérés, les progrès- de la culture dans le sérum. On
remarquera que les bacilles vont en augmentant d'une façon continue, et
que dans les bouillons et les sérums correspondants, ils sont sensiblement
en nombre égal.
46
356 J. LECLEF
Nous pourrions multiplier les exemples, mais la chose nous semble
inutile ; les phénomènes se passent régulièrement de la même façon : végé-
tation nulle ou extrêmement tardive (après 24 heures par exemple) dans le
sérum non chauffé, multiplication immédiate et abondante dans le séi'um
chauffé. Nous devons même déclarer que, si nous tenons compte de l'ensem-
ble de nos expériences, la_pullulation se fait aussi rapidement et aussi vi-
goureusement dans le sérum chauffé que dans le bouillon. De ce fait, nous
pouvons conclure que le chauffage transforme le sérum en un milieu
nutritif aussi favorable au développement que le bouillon.
Le procédé de l'examen microscopique ne permet guère de suivre le
développement que dans ses grandes lignes, de constater s'il y a multi-
plication ou non, mais il ne peut nous donner de renseignements précis.
En effet, le nombre de microbes que l'on voit dans un champ microscopique
dépend en grande partie de l'épaisseur de la préparation, et de ce chef est
soumis à des fluctuations considérables.
Pour avoir une idée exacte du nombre des microbes contenus dans nos
cultures, nous nous sommes adressé à la méthode des plaques.
Pour faire ces plaques, nous nous sommes servi de l'agar-peptone, dans
lequel au bout dei 2 heures déjà le Bacillus sublilis forme des cultures faciles
à reconnaître à l'œil nu et au besoin à l'aide du microscope. Chaque plaque
a été faite avec deux anses, chaque anse étant de 0,007 gr.
Ce chiffre est peut-être utile à connaître, afin de donner au lecteur une
idée plus exacte de la richesse de nos ensemencements.
Nous faisons suivre ici un certain nombre d'expériences faites toutes
sur le même type :
1° un tube de sérum non chauffé,
2" un tube de sérum chauffé,
auxquels parfois nous ajoutons un tube de bouillon témoin.
En dessous de la plupart des chiffres se trouve renseigné l'état de la
culture examiné au microscope, soit à l'état frais, soit après coloration.
Rien qu'en jetant un rapide coup d'œil sur ces tableaux, le lecteur sera
convaincu que les résultats, qui nous avaient été donnés par le simple
examen microscopique, trouvent leur confirmation dans ceux fournis par les
plaques.
L ACTION SPORICIDE DES HUMEURS
357
TABLEAU II.
Portions de 3 ce. Ensemencement abondant avec les spores d'une cul-
ture dans le bouillon.
DE SUITE
APRÈS
I HEURE
APRÈS
3 HEURES
APRÈS
12 HEURES
APRÈS
SÉRUM
NON CHAUFFÉ
6384
912
o
Pas de bacilles
bien colorés
0
Comme
précédemment
SÉRUM CHAUFFÉ
i53o
3l2
990
Beaucoup de ba-
cilles bien colorés
et en mouvement
10920
Culture
TABLEAU III.
DE SUITE
APRÈS
2 HEURES
APRÈS
8 HEURES
APRÈS
LE LENDEMAIN
SÉRUM
NON CHAUFFÉ
IOI28
288
Aucun indice de
multiplication
0
0
Aucun signe de
multiplication
SÉRUM CHAUFFÉ
9690
4140
Beauc. de bac.
mob. libres et en
amas, bien color.
81840
Culture, amas
Culture
avec membrane
BOUILLON
9324
48575
Bac. tous libreset
mob., pas d'amas
107520
Culture
Culture
avec
grosse membr.
TABLEAU IV
DE SUITE
APRÈS
I HEURE
APRÈS
4 HEURES
APRÈS
6 HEURES
APRÈS
SÉRUM
NON CHAUFFÉ
7644
4104
594
.Pas de signe de
multiplication
65i5
Petits amas et
bac. mob. libres
Colonies fusion.
Culture de bac.
tous mobiles
5o6
Comme
précédemment
SÉRUM CHAUFFÉ
6912
4508
9460
Comme
précédemment
BOUILLON
7242
III18
Fusion
Culture de bac.
tous mobiles
358 J. LECLEF
Toutes ces expériences montrent un premier fait digne de remarque :
c'est la diminution rapide et énorme que subissent les individus introduits
dans le sérum non chauffé. Déjà après une heure, nous tombons de chiffres
élevés à des chiffres très bas.
Ainsi dans le tableau II de 6384 à o
» 'jî r III 10128 o
^ n IV 7644 506
Le second fait qui doit attirer notre attention est l'augmentation,
souvent énorme, du nombre d'organismes dans le sérum chauffé.
Ainsi dans le tableau II de 1530 à 10920
"S ^ III 9690 à 00
r> n n IV 6gi2 à 9460
D'après nous, il est impossible, en présence de ces résultats, de nier
aux hinneurs la propriété sporicide. En effet, on ne peut plus invoquer ici
le changement de milieu, puisque du moment où la spore commence à ger-
mer, elle se trouve dans le milieu où devra se faire la suite de son évolution.
On ne saurait pas davantage incriminer les mauvaises qualités nutritives
de l'humeur, puisque nous voyons la spore y pulluler d'une façon au moins
aussi rapide que dans le bouillon. Il ne reste donc qu'à admettre que la
mort est la conséquence d'une action bactéricide, c'est-à-dire est produite
par l'existence, dans le sérum, d'un agent agissant à la façon d'un poison,
d'un antiseptique.
Cependant, en parcourant ces tableaux, nous ne pouvons méconnaître
une particularité qui, à première vue, paraît difficilement conciliable avec
l'interprétation donnée. Nous croyons, en effet, que le sérum renferme
une substance toxique qui tue le bacille du foin dans un milieu qui, à
tous les autres points de vue, constitue pour lui un excellent milieu de
culture. Nous admettons, en outre, que cette substance est détruite par
un chauffage d'une heure à 60". Cette substance étant décomposée, les
bacilles que nous ensemençons dans le sérum chauffé devraient, à partir
du moment de leur introduction, présenter une progression continue;
or, que voyons-nous? Si nous examinons attentivement les chiffres, nous
remarquons, à partir de l'ensemencement, une diminution évidente, qui,
bien que passagère, n'en est pas moins incontestable.
Ainsi dans le tableau II de 1530 à 312
» »> T. -m 9690 à 4140
« « y> IV 6912 à 4508
l'action sporicide des humeurs 359
La raison de cette diminution si difficilement compatible avec la
théorie du pouvoir bactéricide, alors qu'il s'agit d'un microbe aussi peu
exigeant pour sa nourriture, a été longtemps une énigme pour nous.
Mais la solution de ce problème nous a été fournie grâce à l'habitude que •
nous avions prise de contrôler constamment le résultat de nos plaques par
des préparations microscopiques et de faire ces dernières avec des soins
tels qu'elles devenaient parfaitement comparables les unes aux autres. Ainsi
quand nous faisions un examen à frais, nous avions soin de prendre un
même nombre d'anses, et quand nous voulions nous servir de préparations
colorées, nous prélevions une seule anse que nous étalions en couche
uniforme.
Or, si l'on compare entre eux les résultats fournis par les plaques et
par l'examen microscopique, on trouve que, jusqu'à un certain point au
moins, il y a contradiction flagrante entre les deux. Tandis que les prépa-
rations renseignent d'une façon indéniable une augmentation continue dans
le nombre des organismes à partir de l'ensemencement, les plaques nous
donnent une diminution.
Ainsi dans le tableau II, où nous trouvons une assez forte diminution
après 3 heures, le microscope nous donne beaucoup de bacilles mobiles et
tous bien colorés. Depuis l'ensemencement, il y avait certainement pullu-
lation. De même dans les expériences suivantes (tableaux III et IV), il
suffisait de jeter un coup d'œil au microscope pour se convaincre qu'après
les première, deuxième et quatrième heures, le nombre d'organismes était
plus considérable qu'au début.
Comment expliquer cette contradiction?
On pourrait admettre que, dans les premiers temps qui suivent la spo-
rulation, les bacilles deviennent incapables de continuer leur végétation
quand ils se trouvent transportés brusquement dans l'agar. Mais nous avons
dû abandonner cette manière de voir. En effet, tout bacille, quel que soit
son âge, mis dans l'agar, donne naissance à une colonie. On s'en assure
facilement en faisant sur le porte-objets des petites plaques, que nous appel-
lerons plaques microscopiques.
On obtient ces plaques en ajoutant sur un porte-objets à une goutte
d'agar une trace de culture dans le sérum chauffé âgée de 1 ou 2 heures
par exemple. Pour empêcher la dessiccation, on recouvre ce mélange d'une
lamelle de verre et on lute à la paraffine.
36o J. LECLEF
En examinant la petite plaque à un grossissement de 400 diamètres, on
y retrouve facilement les bacilles grâce à leur volume. On fixe le porte-
objets à la table du microscope, et on porte le tout à la couveuse, après avoir
au préalable relevé soigneusement sur une feuille de papier la place occupée
par chaque bacille. On peut ainsi suivre leur évolution pas à pas et con-
stater qu'ils donnent tous naissance à une colonie. La diminution constatée
dans les tableaux ne peut donc être due à un manque d'aptitude du bacille
à végéter dans l'agar. Il faut dès lors trouver au phénomène une autre
raison, et cette raison, assez singulière, est la suivante.
Dans le sérum chauffé, quand les bâtonnets issus des spores commen-
cent à se mouvoir, ils s'accrochent les uns aux autres de façon à former des
amas. Cette agrégation est très bien rendue dans les fig. 6, 8 et 10, et
les amas qui en résultent présentent une telle cohésion qu'ils ne se laissent
l^lus désagréger par l'agitation, comme on peut du reste facilement s'en
assurer par l'examen microscopique d'une culture fortement secouée. Au
contraire, dans le bouillon, les bacilles restent indépendants, fig. 5, 7 et 9.
Dès lors, la diminution est très facile à comprendre : plusieurs individus qui,
s'ils étaient restés libres, auraient donné naissance chacun à une colonie,
n'en fournissent qu'une seule; et au commencement de la pullulation, quand
la multiplication n'a pas encore compensé cette agrégation, cette dernière
entraine une diminution du nombre des colonies.
Cette confluence n'est pas une simple hypothèse; elle se laisse dé-
montrer avec toute la clarté désirable :
1° Comme les auteurs l'ont décrit, et comme nous avons pu nous en
convaincre en poursuivant le développement du Bacilliis siibtilis, cet orga-
nisme se divise environ toutes les 20 minutes. De sorte qu'en admettant,
ce qui est exagéré, que la spore fournisse un bacille après 20 minutes, on
pourrait tout au plus trouver des bâtonnets doubles après 40 minutes ; des
amas de 4, après 60 minutes; de 8, après 80 minutes; de 16, après 100 mi-
nutes; et de 32, après 2 heures. Or, après 2 heures, souvent même après
1 heure, on trouve des amas de 50 à 200 individus. Ce phénomène ne peut
donc s'expliquer que par une agrégation.
2° Quand on examine au microscope une culture jeune, on voit avec
la plus grande facilité qu'au moment où les bacilles libres rencontrent des
amas dans leurs pérégrinations, ils s'embarrassent dans ceux-ci et finissent
par en faire partie intégrante. Cet enchevêtrement se produit avec une
facilité toute particulière entre amas et filaments. Cette fusion s'opère
LACTION SPORICIDE DES HUMEURS
361
quelquefois dans des conditions qui la rendent particulièrement facile à
reconnaître : ainsi par exemple, quand un bacille isolé rencontre une longue
chainette vers le milieu de la longueur de celle-ci, s'il s'y accroche, il est
emporté avec la chaînette, et décrit des cercles chaque fois que celle-ci
tourne sur elle-même.
3° On peut produire à volonté cette agrégation et la voir évoluer en-
tièrement sous ses yeux, grâce à la petite expérience suivante :
Dans le bouillon, ces amas ne se produisent jamais, les bacilles de-
meurent isolés et sont répartis d'une façon uniforme dans le champ du mi-
croscope. Or, si l'on mélange un peu d'une culture de bouillon à du sérum
chauffé, on constate qu'après quelques minutes la répartition bacillaire a
changé complètement; les organismes ne sont plus répartis uniformément
dans le champ du microscope; la plupart se sont concrètes en amas qui
roulent et tournent lentement sur eux-mêmes. Ce phénomène est représenté
dans les fig. Il, 12 et 13. La fig. 11 reproduit une culture de bouillon
jeune, à individus tous vivants, tous mobiles. Dans cette culture, on verse
, du sérum chauffé et on fait immédiatement une nouvelle préparation, fig. 12.
L'agrégation a déjà commencé. Enfin cinq minutes plus tard, on fait une
seconde préparation, et on obtient l'aspect de la fig. 13. Il ne peut évidem-
ment pas être question ici d'agrégation résultant d'une multiplication.
4° Une dernière considération permet de reconnaître l'exactitude de
cette interprétation. Pour des raisons dont nous n'avons pu saisir le méca-
nisme, nous avons vu quelquefois dans le sérum chauffé que les bacilles,
au lieu de s'agréger, conservaient leur indépendance, exactement comme
cela se passe d'une façon constante dans le bouillon. La diminution
passagère fait alors complètement défaut, comme le fait bien ressortir le
tableau suivant :
TABLEAU V.
Développement dans le sérum chauffé sans agrégation des bacilles.
DE SUITE APRÈS
2 HEURES
APRÈS
6 HEURES
APRÈS
9 HEURES
APRÈS
SÉRUM
NON CHAUFFE
go 2
0
0
0
SÉRUM
NON CHAUFFÉ
IOI2
0
0
0
SÉRUM CHAUFFÉ
952
13842
Cuit, en mouve-
ment, pas d'amas
26112
Colonies
fusionnées
SÉRUM CHAUFFÉ
378
2952
Pas d'amas
Bacilles mobiles
23328
Colonies
fusionnées
362 J. LECLEP
Comment se fait cette agrégation? Il n'y a pas de doute, c'est par les
cils. Lœffler{i), qui a coloré les cils du bacille du foin, nous a appris que
ces appendices étaient longs et ondulés. Ces cils s'enchevêtrent sans doute
les uns dans les autres et la viscosité naturelle du sérum doit contribuer à
rendre stable l'agglomération qui en résulte.
Ainsi se trouve élucidée la contradiction entre les plaques et les prépa-
rations microscopiques. Ce sont ces dernières qui méritent créance. Les
plaques nous renseignent trop peu d'organismes. Nous devons admettre
que la diminution passagère qu'elles indiquent au début de l'expérience
est trompeuse. Dès leur entrée dans le sérum chauffé, les bacilles com-
mencent à pulluler. Ce fait montre une fois de plus à quelles erreurs peut
conduire l'emploi d'une méthode unique.
La question de la destruction des spores dans le sérum nous paraît
avoir une impoi'tance telle, qu'elle mérite d'être constatée, non seulement
par le microscope et par les plaques, mais par les autres moyens que nous
avons à notre disposition pour nous renseigner sur l'état de vie ou de
mort des microbes. C'est pour ce motif que nous avons voulu contrôler
les résultats obtenus par une méthode de numération déjà ancienne et
actuellement peu employée, celle des dilutions.
Voici comment nous avons procédé : nous prenons deux tubes, le pre-
mier avec du bouillon, le second avec du sérum non chauffé et tous deux
ensemencés abondamment avec des spores du Bacilliis subtilis. Dans ces
cultures, nous prélevons 0,2 ctm. cube que nous introduisons dans 10 ctm.
cube de bouillon. Après agitation, nous prélevons encore 0,2 ctm. c. du
deuxième tube et nous les introduisons dans un troisième, opération que; nous
répétons encore sept fois. Nous nous trouvons ainsi en possession d'un
certain nombre de dilutions de moins en moins riches en microbes. A partir
delà septième dilution, nous faisons avecchaquedilution desensemencements
dans cinq tubes en prélevant pour chaque ensemencement 0,1 ctm. c. Cette
opération est répétée à plusieurs intervalles, de façon à enregistrer les
fluctuations subies dans le nombre des microbes. Le tableau suivant montre
mieux que toutes les explications qu'on pourrait donner, combien cette expé-
rience vient confirmer les résultats acquis par les méthodes plus modernes.
I
(i) F. Lœffler : Eiite neue Méthode ^um Fàrben dcr Mikroorganismcn, etc.; Centr. f. Bakt.,
t. VI, 18S9.
L ACTION SPORICIDE DES HUMEURS
363
TABLEAU VI.
DEGRE DE DILUTION
I25o
I
625oo
I
3i25ooo
I
i5625oooo
I25o
I
625oo
I
3i25ooo.
I
i5525oooo
i25o
I
62500
I
3i25ooo
I 56250000
DE SUITE
APRÈS
SÉRUM
es infectés tubes s
tériles
tubes in
BOUILLON
:ectés tubes stériles
5
0
5
0
5
0
5
0
5
0
5
0
5
0
5
0
2 HEURES APRÈS
SÉRUM
tubes infectés tubes stériles
BOUILLON
tubes infectés tubes stériles
5 G
0
5
5
0
0
5
4
I
0
5
4
I
8 HEURES
AP R
ÈS
SÉRUM
iibes infectés tubes stériles
tubes
BOUILLON
infectés tubes stériles
0
5
5
0
0
5
5
0
0
5
5
0
0
5
5
0
La méthode par dilution, qui transporte les bacilles non plus dans un
milieu solide, mais dans un milieu liquide, nous démontre ainsi le même
fait que la méthode des plaques : la destruction des spores dans le sérum
naturel et leur conservation, si pas leur pullulation, dans le bouillon.
46
364
J. LECLEF
CHAPITRE IV. -- Identité du pouvoir sporicide avec le pouvoir bactéricide.
Dans le paragraphe précédent, nous avons établi que des spores intro-
duites dans du sérum non chauffé meurent rapidement. Les travaux de
BucHNER et d'autres ont établi le même fait pour beaucoup de formes
végétantes de microbes. 'Le pouvoir sporicide est-il identique au pouvoir
bactéricide? C'est ce que nous allons examiner.
H. BucHNER et ses élèves nous ont fait connaître plusieurs propriétés
de la substance bactéricide :
1° Cette substance est détruite par un chauffage à 60";
20 Elle ne développe ses effets qu'en présence de certains sels;
3° Elle tolère la présence d'une certaine quantité d'aliments pour les
microbes; mais quand les aliments sont trop abondants, son action se trouve
diminuée.
Le facteur qui est la cause de la destruction des spores se trouve-t-il
influencé de la même façon?
I. Action de la température.
Nos expériences précédentes établissent déjà que l'action sporicide
du sérum est abolie par un chauffage à 60" pendant une heure, mais elles
ne nous apprennent pas la température exacte à laquelle se fait cette des-
truction, ni la durée précise pendant laquelle il faut laisser cette tempéra-
ture exercer son action. Les expériences suivantes comblent cette lacune.
TABLEAU VIL
Nous avons 4 portions de sérum, chauffées respectivement à 56°, 58°,
60° et 62° pendant une heure et ensemencées avec des spores provenant
d'un bouillon.
DE SUITE APRÈS
2 HEURES
APRÈS
6 HEURES
APRÈS
9 HEURES
APRÈS
SÉRUM
CHAUFFÉ I H. A Sô»
902
0
0
0 .
SÉRUM
CHAUFFÉ I H. A 58°
I0I2
0
0
0
SÉRUM
CHAUFFÉ I H. A Gqo
952
13824
Pas d'amas
2952
26112
Colonies
fusionnées
SÉRUM
CHAUFFÉ I H. A 620
378
23328
Colonies
fusionnées
L ACTION SPORICIDE DES HUMEURS
365
Dans les deux tableaux suivants, nous rencontrons 3 milieux, un sérum
non chauffé, un sérum chauffé pendant 1 heure à 58° et un bouillon.
TABLEAU VIII.
DE SUITE
APRÈS
3 HEURES
APRÈS
6 HEURES
APRÈS
9 HEURES
APRÈS
l5 HEURES
APRÈS
SÉRUM
NON CHAUFFÉ
23760
14896
58
0
0
SÉRUM CHAUFFÉ
I H. A 58°
31964
7344
228
0
0
BOUILLON
21600
34720
60944
69844
00
TABLEAU IX.
DE SUITE
APRÈS
3 HEURES
APRÈS
6 HEURES
APRÈS
9 HEURES
APRÈS
12 HEURES
APRÈS
SÉRUM
NON CHAUFFÉ
2976
0
0
0
0
SÉRUM CHAUFFÉ
I H. A 58»-
8568
442
3o
i5
0
BOUILLON
3744
6960
5oi6q
Augmen-
tation
Augmen-
tation
Ces tableaux montrent à toute évidence que le pouvoir sporicide
peut être considéré comme non modifié par un chauffage à 58" pendant une
heure. Dans les portions chauffées, la destruction est, il est vrai, un peu
plus lente, mais ce fait s'explique très nettement par l'ensemencement un
peu plus abondant.
Ces expériences nous apprennent que la modification qui survient dans
le sang quand il perd son action sporicide est liée à une température bien
précise. On peut admettre que toutes les températures inférieures à 58°
sont sans action sur le pouvoir, du moins quand elles n'agissent qu'une
heure; mais il. suffit que la température monte un peu pour qu'elle modifie
immédiatement la façon dont se comportent les humeurs vis-à-vis des spores.
Nous savons que l'action destructive du sérum sur les formes végétantes
est influencée de la même façon par la chaleur. C'est donc un premier point
de ressemblance entre ces deux actions.
366
J. LECLEF
Il est peut-être intéressant de connaître le temps pendant lequel la
température de 60° doit agir sur le sérum, pour le dépouiller de sa pro-
priété sporicide.
L'expérience suivante nous fournit ce renseignement. Elle comprend
plusieurs portions de sérum : une première de sérum non chauffé et les
autres chauffées à 60° pendant des laps de temps variables.
TABLEAU X.
DE SUITE APRÈS
2 HEURES
APRÈS
4 HEURES
APRÈS
6 HEURES
APRÈS
SÉRUM
NON CHAUFFÉ
12920
5940
837
Immobilité
i56o
sérum chauffé
1/4 d'heure a 60°
gSoo
7128
2184
Pasdebac.mob.
5184
Amas
5814
SÉRUM CHAUFFÉ
1/2 H. A 60°
11742
9384
Amas
4794
sérum chauffé
3/4 d'heure a 60°
9709
9072
Amas
4704
Amas
6840
SÉRUM CHAUFFÉ
I H. A 60"
6gi2
6120
Amas
4508
Amas
6460
Ce tableau nous apprend que le chauffage pendant 1/4 d'heure exerce
déjà une action sensible; après 3/4 d'heure, l'action neutralisante de la
chaleur peut être considérée comme accomplie.
2. Nécessité de l'intervention de certains sels.
BucHNER a établi ce fait curieux que la substance bactéricide se trouve
paralysée complètement quand on soustrait à l'humeur les sels qu'elle ren-
ferme. Il l'a fait en soumettant le sérum à la dialyse : ce dernier perd alors
toute son action sur les microbes. Il récupère au contraire cette action, dès
qu'on y ajoute des sels en proportions convenables, ainsi par ex. le chlorure
de sodium à 6 ou 7 0/00.
Le même auteur a démontré que l'on peut mettre cette particularité
en évidence d'une manière beaucoup plus simple que par l'osmose. Il suffit
' de prendre deux portions de sérum, de diluer l'une par de l'eau salée phy-
siologique, l'autre par de l'eau distillée et de les ensemencer toutes les deux
avec le même microbe. La première portion manifeste une action bactéri-
cide intense, tandis que la seconde devient immédiatement le siège d'un
l'action sporicide des humeurs
367
développement microbien abondant. En procédant d'une façon analogue
avec du sérum que l'on fait agir sur les spores du Bacillus subtilis, nous
arrivons exactement au même résultat.
L'expérience suivante comporte trois sortes de sérum :
1° Un sérum pur;
2° Un groupe de trois tubes de sérum dilué en proportion de plus en
plus forte avec de l'eau salée.
Cette dilution est sans effet sur le pouvoir bactéricide ;
3° Un troisième groupe du même sérum, mais dilué avec de l'eau
pure. Dans ce groupe, nous avons une pullulation d'autant plus rapide que
la quantité d'eau est plus forte.
TABLEAU XL
APRÈS 3 HEURES
SÉRUM FRAIS
Beauc. de bâtonnets
mal colorés
Sérum transparent
Rien à voir
2 ce. SÉRUM FRAIS
-\- 2 ce. EAU SALÉE
Sérum transparent
Pas de bac. bien color.
Comme
précédemment
Idem
I ce. SÉRUM FRAIS
-|- 3 ce. EAU SALÉE
Sérum transparent
Pas de bac. bien color.
Comme
précédemment
Idem
1/2 ce. SÉRUM FRAIS
-f- 3 1/2 ce. EAU SALÉE
Sérum transparent
Pas de bacilles colorés
Comme
précédemment
Idem
2 ce. SÉRUM FRAIS
-|- 2 ce. EAU SIMPLE
Sérum transparent
Pas de bac. bien color.
Sérum transparent
Beauc.bac.mob. ,amas
qui roulent. Bien color
I ce. SÉRUM FRAIS
-\- 3 ce. EAU SIMPLE
Quelq. bac. réfringents
Rares bac. bien color.
Sérum trouble
Petite culture
Culture
1/2 ce. SÉRUM FRAIS
-j- 1/2 ce. EAU SIMPLE
Assez bien de bac. ho-
mog. mob., bien color.
Sérum trouble
Culture
Idem
Le rôle des sels est tellement évident dans le tableau qui précède qu'il
se passe de tout commentaire. C'est un second point de ressemblance entre
le pouvoir- microbicide et le pouvoir sporicide.
3. Addition de substances alimentaires.
L'addition d'une certaine quantité de substances alimentaires n'empêche
pas le sérum d'exercer son influence destructive sur les spores du Bacillus
subtilis. Non seulement le sérum tolère de petites quantités de bouillon
368
J. LECLEF
nutritif, mais on peut le noyer dans des flots de ce liquide, sans que son
pouvoir destructif s'en trouve considérablement amoindri.
TABLEAU XII.
DE SUITE ■
APRÈS
2 HEURES
APRÈS
4 HEURES
APRÈS
7 HEURES
APRÈS
LENDEMAIN
4 ce. SÉRUM FRAIS
58i4
392
252
3l2
65o
3 ce. SÉRUM FRAIS
-j* I ce. BOUILLON
3294
35i
217
207
4o5
2 ce. SÉRUM FRAIS
-(-2CC. BOUILLON
5928
377
286
288
788
I ce. SÉRUM FRAIS
-|-3 ce. BOUILLON
4788
798
475
336
i33oo
4 ce. BOUILLON
5244
6264
Colonies
. fusionnées
Colonies
fusionnées
00
Ainsi, on peut ajouter impunément à un volume de sérum trois fois son
volume de bouillon sans voir, le jour du mélange, le pouvoir bactéricide
paralysé d'une façon sensible (v. 4'^ tube) ; 7 heures après le mélange, le
nombre des microbes survivants diffère à peine de celui que l'on trouve dans
le tube de sérum pur et le microscope ne décèle pas plus de développement
dans l'un que dans l'autre. Ce n'est que le lendemain que le tube additionné
si largement de bouillon présente une pullulation franche. A cette époque,
les tubes plus faiblement dilués se comportent à peu près comme le tube
de sérum pur.
L'addition de sérum frais ne transforme pas seulement le bouillon en
un milieu impropre au développement de la spore, il empoisonne également
un autre milieu, très favorable, le sérum chauffé. L'expérience suivante,
faite sur le même plan que la précédente, avec la seule différence que le
bouillon est remplacé par du sérum chauffé, le démontre clairement. De
même que 1 partie de sérum frais ajoutée à 3 parties de bouillon suffisait
pour enrayer le développement, de même un mélange dans la même pro-
portion de sérum frais et de sérum chauffé se montre impropre à tout
développement microbien.
L ACTION SPORICIDE DES HUMEURS
369
TABLEAU XIII.
DE SUITE
APRÈS
I HEURES
APRÈS
2 HEURES
APRÈS
3 HEURES
APRÈS
12 HEURES
APRÈS
4 ce. SÉRUM FRAIS
6384
912
Pas de bac. se
colorant bien
1824
Pas de signe
de végétation
56i6
Rares bac. se
colorant bien
2420
Assez bien de
b àt. bien col
0
Idem
0
Idem
0
Idem
3 ce. SÉRUM FRAIS
+ ICC.
SÉRUM CHAUFFÉ
10608
9044
480
Idem
0
Idem
0
Idem
2 ce. SÉRUM FRAIS
-\- 2 ce.
SÉRUM CHAUFFÉ
3oo
Pas de bâton.
bien colorés
0
Pas signe de
vie
0
Idem
0
Idem
I ce. SÉRUM FRAIS
+ 3 ce.
SÉRUM CHAUFFÉ
6912
0
Idem
0
Idem
4 ce',
SÉRUM CHAUFFÉ
i53o
3l2
Amas, bac.
mob., colorés
990
Idem
io32
Idem
10920
Idem
Dans cette expérience, on peut noter un fait intéressant, c'est un com-
mencement manifeste de vie dans les tubes 3 et 4. Une heure après l'ense-
mencement, le microscope y décèle des bâtonnets bien colorables, surtout
dans le tube 4; mais une heure plus tard ils ont disparu. Ce phénomène
ne s'observe jamais dans le sérum pur. Dans nos tubes 3 et 4, on dirait que
l'empoisonnement s'est fait lentement. Un certain nombre de spores sont
parvenues à se transformer en bâtonnets complets, adultes, mais ceux-ci
ont tous néanmoins fini par succomber.
Ces dernières expériences (tableaux XII et XIII), dans lesquelles nous
voyons une dose faible de sérum frais transformer un milieu nutritif en un
milieu toxique, ne sont pas un simple objet de curiosité ; elles ont une portée
considérable. En effet, devant la façon toute différente dont se comportent
le sérum frais et le sérum chauffé, on pourrait se demander si la chaleur
n'intervient pas en imprimant à l'humeur des modifications qui la rendent
facilement assimilable aux microbes? Dans cette hypothèse, le sérum frais
constituerait un obstacle au développement de la spore, non pas parce qu'il
empoisonne cette dernière, mais uniquement parce qu'il ne contient pas
certains principes nécessaires à cet organisme, principes qui y prendraient
naissance sous l'action du chauffage ; en d'autres termes, le sérum frais serait
un aliment incomplet pour le microbe et ne deviendrait aliment complet
que sous l'action de la chaleur, par exemple grâce à un dédoublement.
o^o J- LECLEr
Cette hypothèse se trouve complètement renversée par notre dernière
expérience ; en effet, l'addition de bouillon a pour effet d'introduire dans le
sérum les substances azotées et ternaires sous leurs formes les plus assimi-
lables, les peptones et les glucoses, en même temps qu'elle y apporte des
sels et des produits de désassimilation les plus variés (extrait de viande).
C'est ainsi que le tube 4 -du tableau XII est beaucoup plus bouillon que
sérum : dilué tel qu'il est, il renferme encore 0,75 0/0 de peptone, 0,37 0/0
de glucose et autant d'extrait. Or cette pi'oportion d'aliments si facilement
assimilables dépasse de loin les besoins de notre organisme. C'est ainsi
que nous l'avons vu se développer parfaitement dans du bouillon dilué au
cinquième, au dixième et même dans une simple solution d'extrait de
viande à 0,5 0/0. Or qu'est-ce qui l'empêcherait de se développer dans un
milieu beaucoup plus riche, si non une cause tout à fait indépendante d'un
défaut d'aliments?
CHAPITRE V. -- Expériences avec le bacille de la pomme de terre.
Désireux d'étendre nos recherches à d'autres organismes saprophytes
sporulés, nous avons essayé d'expérimenter avec différentes autres espèces,
mais nous n'en avons pas trouvé d'aussi convenables pour cette étude que
le bacille du foin. Le plus propice que nous ayons trouvé est le bacille de
la pomme de terre, cet organisme qu'on rencontre si souvent sur les pommes
de terre incomplètement stérilisées et qui y forme une couche ridée d'un
gris sale. Cet organisme est loin de se prêter à ces recherches avec la même
facilité que le bacille du foin, et cela pour plusieurs raisons.
1° Les spores sont plus petites et plus difficiles à retrouver au
microscope ; mais ce n'est là qu'un inconvénient relativement léger.
2° La germination de la spore se fait avec une lenteur considérable.
Si l'on peut admettre que les spores du foin germent toutes en une ou deux
heures, les bacilles de la pomme de terre ne commencent à montrer de
changement qu'après 6 heures et parfois davantage.
3° Mais l'inconvénient le plus grave est le suivant : malgré tous nos
efforts nous n'avons pu obtenir le développement de ce microbe sur nos
plaques. Ce moyen de numération nous a donc fait défaut, et nous avons
dû nous contenter de l'examen microscopique.
Nos expériences avec cet organisme sont donc moins complètes, que
celles faites avec le Bacilliis siiblilis, mais les résultats qui nous ont été
LACTION SPORICIDE DES HUMEURS
371
I
I
fournis par l'étude de ce dernier nous permettent d'affirmer que le sérum
exerce sur les spores du bacille de la pomme de terre la même action
sporicide.
Dans l'expérience suivante, nous avons trois portions, la première de
sérum frais, la deuxième de sérum chauffé, la troisième de bouillon, large-
ment ensemencées avec des spores du bacille de la pomme de terre.
TABLEAU XIV.
APRÈS 6 HEURES
APRÈS g HEURES
LENDEMAIN
SÉRUM FRAIS
Pas signe
de développement
Assez bien de bacilles
mobiles par champ
Idem
Idem
SÉRUM CHAUFFÉ
Culture de bacilles
excessivement vifs
Culture
Sérum trouble-
BOUILLON
Assez bien de bacilles
iiiobiles par champ
Assez bien de bacilles
mobiles
Culture
Bouillon trouble
TABLEAU XV.
Expérience semblable à la précédente.
APRÈS 3 HEURES
APRÈS 6 HEURES APRÈS 9 HEURES
SÉRUM FRAIS
Pas signe
de développement
Pas signe
de développement
Pas signe
de développement
Idem
Rares bacilles
mobiles par champ
Idem
SÉRUM CHAUFFÉ
Petite culture
BOUILLON
Plusieurs bacilles
mobiles par champ
Culture
On sera peut-être étonné de voir qu'après 3 heures il n'y a aucune
trace de vie dans notre sérum chauffé, ni dans notre bouillon ; mais qu'on
veuille bien se rappeler que les spores du bacille de la pomme de terre ne
germent en général qu'après 5 — 6 heures.-
Enfin, dans l'expérience suivante, nous avons joint la coloration des
préparations à l'examen à frais. Comme on pourra facilement s'en convain-
cre en jetant un coup d'œil sur notre tableau, elle vient en tous points con-
firmer les expériences précédentes.
47
37^
J. LECLEF
TABLEAU XVI.
APRÈS 8 HEURES
APRÈS 12 HEURES
SÉRUM FRAIS
On n'aperçoit aucun bacille
bien coloré
Idem
SÉRUM CHAUFFÉ
Rares bacilles
mobiles, bien colorables
Bacilles mobiles et bien
colorables
BOUILLON
Plusieurs bacilles bien
colorables. Quelques-uns sont
assez mobiles
Petite culture de bacilles
mobiles, tous bien colorables
Ces quelques expériences, forcément sommaires, prouvent donc l'exis-
tence dans le sérum d'un agent capable de détruire les spores du bacille de
la pomme de terre et viennent confirmer les résultats que nous avait donnés
le Bacillus siibtilis.
CONCLUSIONS GÉNÉRALES.
Nous serons bref.
Les adversaires du pouvoir bactéricide des humeurs prétendent que les
spores ne sont pas enveloppées dans la même destruction que les formes
végétantes, et ils partent de cette assertion pour nier le pouvoir des humeurs
et expliquer la mort des organismes par le changement du milieu. Nos
recherches démontrent combien cette façon de raisonner est dénuée de fon-
dement, car elles établissent d'une façon péremptoire l'existence d'un pouvoir
sporicide entendu dans le sens d'une destruction active.
En effet, trois facteurs seuls peuvent être invoqués pour expliquer la
destruction de microorganismes introduits dans un milieu de culture :
1" Le changement de milieu. Nos expériences étant faites exclusive-
ment avec des spores, ce facteur ne peut entrer en ligne de compte.
2° L'absence d'une ou de plusieurs substances alimentaires. Ce motif
ne peut être invoqué pour expliquer la destruction. En effet, la présence
d'aliments en quantité surabondante ne sauve pas de la mort des organismes
aussi peu exigeants que ceux employés par nous.
3° Il ne reste plus qu'à admettre l'existence d'une substance bactéricide
agissant à l'instar d'un antiseptique même dans les milieux les mieux com-
posés pour une pullulation microbienne.
II est vrai que nos conclusions ne concordent pas avec celles de
Trapeznikoff, dont nous citions le mémoire au commencement de notre
travail, mais nous croyons que ces dernièi^es ne découlent nullement des
expériences instituées.
l'action sporicide des humeurs 373
En effet, si nous analysons les expériences de Trapeznikoff sur le
lapin, les seules qui soient comparables aux nôtres, nous trouvons qu'il a
opéré sur cet animal avec les trois organismes suivants :
le Bacillus anthracis,
— subtilis,
— megaterium.
Nous admettons volontiers que le bacille du charbon germe et pullule
dans les humeurs du lapin, ce i-fticrobe étant un organisme pathogène par
excellence et tuant à dose infinitésimale. Il est naturel, la théorie du pouvoir
m-icrobicide des humeurs l'exige même, qu'il oppose une résistance parti-
culière au sang ou à la lymphe. Aussi ne peut-il servir à mettre en évidence
la propriété bactéricide.
Quant aux expériences que Trapeznikoff a faites avec les spores du
Bacillus subtilis et du Bacillus megaterium, nous trouvons que, loin de
servir sa cause, elles plaident plutôt en faveur de la nôtre. L'auteur intro-
duit ces spores dans la chambre antérieure de l'œil chez le lapin et les retire
à des intervalles variables. Voici comment il s'exprime à ce sujet :
- Sur les préparations faites avec le liquide de l'œil à divers intervalles,
après l'introduction des spores des deux espèces, et colorées à la fuchsine
et au bleu de méthylène, on trouvait soit des spores colorées en rouge
(c'est-à-dire-xles spores qui n'ont pas encore subi la germination), soit une
absence complète de spores ; en tout cas on ne trouvait pas de spores ger-
mées. On trouvait bien des leucocytes renfermant des spores; mais on ne
voyait pas de bacilles ni de filaments. «
ÎDe l'aveu de l'auteur même, tout signe de germination dans l'humeur
aqueuse faisait donc défaut ; fait singulier, si l'on songe que les spores du
foin mettent peu de temps à germer et que l'humeur aqueuse est un milieu
dans lequel elles se développent. Aussi, comme nous le disions, ces expé-
riences nous semblent devoir être interprétées plutôt en faveur de l'existence
d'une action délétère des liquides de l'organisme sur les spores des espèces
non pathogènes. L'auteur russe a du reste compris parfaitement l'interpré-
tation défavorable à son point de vue que l'on pouvait faire de ses expé-
riences et il tâche d'en atténuer la portée en expliquant l'absence de germi-
nation par le défaut d'oxygénation.
D'après lui, la chambre antérieure de l'œil ne renferme pas assez
d'oxygène pour permettre aux spores des Bacillus subtilis et megaterium de
germer. Outre que cette hypothèse est peu plausible et purement gratuite,
elle nous paraît en contradiction formelle avec la germination dans la
chambre antérieure de l'œil des spores du Bacillus anthracis, auxquelles
l'oxygène est au moins aussi nécessaire qu'aux bacilles sus-nommés.
374 J- LECLEF
En réalité, l'auteur, qui a fait de nombreuses expériences avec le Bacillus
anthracis, n'en a fait aucune utilisable avec les spores des saprophytes,
puisque de son aveu même, les seules qu'il a instituées avec ces dernières
sont entachées d'un vice rédhibitoire. Il a déposé les spores dans un milieu
où, d'après lui, elles ne pouvaient se développer à cause du manque d'oxy-
gène ; ce n'est pas dans un milieu pareil qu'il est possible d'arriver à un
résultat. La première condition nécessaire à ces expériences, c'est de
fournir à la spore tout ce dont elle a besoin, et de montrer que malgré cela
elle se trouve anéantie.
Quant à nous, nous sommes tenté d'interpréter tout autrement les
expériences de Trapeznikoff avec les spores des saprophytes. Elles n'ont
pas pullulé par manque d'oxygène, mais parce qu'elles ont été détruites par
le même agent meurtrier qui est contenu dans le sérum.
RÉSUMÉ.
Notre travail se résume dans les propositions suivantes :
1" Le sérum du lapin exerce, du moins après sa sortie du corps, une
action destructive intense et rapide sur la spore du bacille du foin.
2° Cette action disparaît quand on chauffe le sérum à 6o° pendant
une heure.
3° Elle ne s'exerce qu'avec le concours de certains sels.
4" La présence d'aliments en quantité surabondante ne la gène pas
dans sa manifestation. Ce dernier fait prouve que la destruction ne peut
pas s'interpréter par la disette, mais qu'elle est bien réellement due à un
poison exerçant son action délétère même dans les milieux présentant une
composition des plus favorables.
5° La spore du bacille de la pomme de terre semble se comporter
comme celle du bacille du foin.
6" De tous ces faits, nous tirons la conclusion finale que l'on ne
peut invoquer la prétendue germination directe, sans destruction, des spores
dans le sérum, comme argument pour combattre la doctrine du pouvoir
bactéricide des humeurs. Au contraire, la façon dont les spores se comportent
dans ce milieu est tout à fait favorable à cette doctrine.
En terminant ce travail, nous sommes heureux de saisir l'occasion de
présenter à Monsieur le Professeur Denys nos rernercîments les plus sincè-
res pour les précieux conseils qu'il a bien voulu nous donner au cours de
nos expériences.
EXPLICATION DE LA PLANCHE.
FIG. 1. Culture spoiulée du bacille du foin dans le bouillon. La plupart
des spores sont libres, quelques-unes sont encore renfermées dans les bâtonnets.
Ceux-ci, soit qu'ils renferment encore des spores, soit qu'ils les ont perdues, sont
pâles et granulés. Pour simplifier les dessins suivants, ces bâtonnets dégénérés n'ont
plus été représentés.
FIG. 2. Commencement de la germination des spores dans le bouillon. Les
spores pâles indiquent la première étape de cet acte.
FIG. 3. Idem dans le sérum chauffé.
FIG. 4. Idem dans le sérum frais.
FIG. 5 et 6. État des cultures trois heures après l'ensemencement, fig. 5, dans
le bouillon, fig. 6, dans le sérum chauffé. On remarquera que dans le bouillon
les bacilles sont indépendants ; dans le sérum chauffé, ils sont agrégés.
FIG. 7 et 8. Mêmes cultures après cinq heures. FIG. 7, Bouillon, FIG. 8,
Sérum clïâuffé.
FIG. 9 et 10. Mêmes cultures sept heures après l'ensemencement, FIG. 9,
Bouillon.
FIG. 10. Sérum chauffé. Mêmes remarques.
FIG. 11, 12 et 13. Elles sont destinées à montrer l'agrégation rapide des
bâtonnets dans le sérum chauffé.
FIG. 11. Culture de bouillon avant le mélange au sérum chauffé.
FIG. 12. Etat de la même culture immédiatement après l'addition de sérum
chauffé. La plupart des bacilles ont formé de petits groupes.
FIG. 13. Même culture cinq minutes après l'addition de sérum chauffé. Con-
densation des bacilles en groupes formés de nombreux individus.
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I
II
I
RAPPORT
ENTRE LE
POUVOIR PATHOGENE DES MICROBES
ET
LEUR RÉSISTANCE AU SÉRUM
PAR
J. L E C L E F
DOCTEUR EN MÉDECINE ET ASSISTANT AU LABORATOIRE.
(Mémoire déposé le 30 juin 1894.)
(Travail du laboratoire d'anatomie pathologique
ET DE pathologie EXPÉRIMENTALE DE l'uNIVERSITÉ DE LOUVAIN.)
48
RAPPORT
entre le pouvoir pathogène des microbes et leur résistance
au sérum.
En parcourant les travaux parus en ces derniers temps sur l'immunité
naturelle des animaux vis-à-vis de certaines espèces microbiennes et leur
grande réceptivité à l'égard d'autres orga,nismes, nous nous sommes de-
mandé s'il n'existe pas de rapport entre le pouvoir bactéricide des humeurs
d'une espèce animale et le pouvoir pathogène des microbes à l'égard de
ces mèmes'animaux.
La question n'est pas neuve; les partisans de la théorie du pouvoir
bactéricide des humeurs, et Nissen en particulier, ont fait des expé-
riences dans ce sens, sans être arrivés toutefois à établir d'une manière
manifeste l'existence de ce rapport. Il nous semble oiseux de faire ici une
analyse détaillée de tous les travaux traitant d'une question qui, vu son
actualité et l'intérêt tout particulier qu'elle oftre au point de vue de la
résistance de nos tissus aux infiniment petits, est. connue d'un chacun. Cette
analyse nous paraît d'autant plus inutile que les données, sur lesquelles on
s'appuie pour nier la connexité entre le pouvoir pathogène et la résistance^
aux humeurs, ne constituent que des faits isolés et ne découlent pas d'une
étude systématique. Aussi abordons-nous directement notre sujet.
Nous nous sommes proposé dans les expériences qui suivent d'établir
l'existence de ce parallélisme entre la résistance des microbes aux humeurs
et leur action pathogène vis-à-vis des animaux et à expliquer jusqu'à un
certain point les résultats contradictoires obtenus jusqu'à ce jour par les
différents auteurs.
380 J- LECLEF
Comme humeur, nous avons choisi le sérum du lapin, qui est doué de
propriétés bactéricides éminentes. Cet animal est, en outre, sujet à de nom-
breuses infections; ce qui nous permet d'étudier un bon nombre d'organis-
mes pathogènes.
Le nombre des microbes expérimentés par nous est de dix : cinq
pathogènes et cinq non pathogènes ou saprophytes.
Les microbes pathogènes sont les suivants :
1" le bacille de la septicémie des lapins (choléra des poules;;
2° le proteus ;
3" le staphylocoque pyogène ;
4° le bacille pyocyanique;
5° le coli-bacille.
Les organismes non pathogènes sont :
1" un microcoque rose;
2" un microcoque isolé d'une viande en putréfaction ;
3" un microcoque jaune canari trouvé comme impureté sur une
pla(|uc d'agar;
4" un bacille rencontré aussi comme impureté et formant sur l'agar
des colonies petites, blanches et bien délimitées ;
5" le Bacillus.siit'hlis ou bacille du foin.
Remarque importante. Tous ces organismes, pathogènes ou non,
ensemencés dans le sérum chauffé, y pullulent directement, comme nous
nous en sommes assuré fréquemment. Leur destruction ne peut donc être
attribuée à l'absence d'aliments convenables.
Quand on veut démontrer le pouvoir bactéricide d'une humeur sur un
microbe donné, il est nécessaire de s'assurer avant tout que le changement
de milieu n'est pas la cause de la destruction qui pourrait se produire. En
effet, pour ce genre d'expériences, on emprunte ordinairement la semence
à une culture dans le bouillon, bien plus facile à préparer qu'une cultui'e
dans le sérum, et l'on s'expose à interpréter comme effet du pouvoir bacté-
ricide des diminutions dues simplement à des actions physico-chimiques
grossières. Il faut donc, si l'on veut recourir pour l'ensemencement aux
cultures dans le bouillon, établir par des expériences préliminaires que l'on
ne peut pas mettre la diminution observée, sur le compte du changement
du milieu. C'est ce que nous avons fait pour nos différents microbes. Dans
LE POUVOIR PATHOGENE DES MICROBES
381
une série d'expériences, consistant à ensemencer conjoinctenient le sérum
frais, c'est-à-dire non chauffé, avec une culture dans le sérum chauffé âgée
de 12 à 24 heures et une culture dans le bouillon du même âge, nous avons
pu constater que la destruction s'observait, quelle que fut la provenance de
la semence. Nous devons pourtant convenir qu'elle s'exerce quelquefois avec
plus d'intensité sur la semence provenant du bouillon que sur celle prove-
nant du sérum; mais le fait n'est pas constant; et bien qu'il se présente
réellement dans quelques cas, dans d'autres il n'est qu'apparent et s'explique
par la différence du nombre d'organismes ensemencés.
Nous donnons ici comme exemples quelques-unes de ces expériences
comparatives avec semence de deux origines différentes.
EXPÉRIENCE.
Nous avons différentes portions de sérum frais et de sérum chauffé,
ensemencées avec des organismes cultivés tantôt dans le bouillon, tantôt
dans le sérum chauffé.
Proteus.
-
DE SUITE
APRÈS
I HEURE
APRÈS
2 HEURES
APRÈS
4 HEURES
APRÈS
8 HEURES
APRÈS
SÉRUM FRAIS
SEMENCE PROVE-
NANT DU SÉRUM
igo8
II 20
2210
2520
00
SÉRUM FRAIS
SEMENCE PROV.
DU BOUILLON
iiSS
700
240
-
loooo
00
Staphylocoque.
DE SUITE
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 4 H.
APR. 7 H.
APR. 10 H.
SÉRUM FRAIS
SEMENCE DE SÉRUM
2295
I97I
1709
1200
80
520OO
co
SERUM FRAIS
SEMENCE
DE BOUILLON
;
; 595
1
100
100
21840
00
3^'-i
J. LECLEF
Coli-bacille.
DE SUITE
APRÈS
APR. I H.
. APR. 2 II.
APR. 4 H.
APR. 7 H.
APR. 10 H.
SÉRUM FRAIS
SEMENCE DE SÉRUM
13536
6880
2960
58
837
1200
SÉRUM FRAIS
SEMENCE
DE BOUILLON
1240
i3o
70
0
0
20
DE SUITE
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 4 H.
APR. 8 H.
SÉRUM FRAIS
SEMENCE DE
SÉRUM
4480
280
5o
23
644
SÉRUM FRAIS
SEMENCE DE
BOUILLON
25200
9360
200
20
575
Coques de la putréfaction.
DE SUITE
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 4 H.
APR. 8 H.
SÉRUM FRAIS
SEMENCE
33600
40
23
4
io5oo
DE SERUM
SÉRUM FRAIS
SEMENCE
588o
60
60
22
60
DE BOUILLON
Bacille indetevm iné.
DE SUITE
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 4 H.
APR. 8 H.
SÉRUM FRAIS
SEMENCE
8100
60
16
60
875
DE SERUM
—
SÉRUM FRAIS
SEMENCE
798
170
9
20
70
DE BOUILLON
LE POUVOIR PATHOGENE DES MICROBES
383
Bacillus subtilis.
DE SUITE
APRÈS
APR. I H. APR. 2 H.
APR. 4 H.
APR. 7 H.
APR. 10 H.
SÉRUM FRAIS
SEMENCE
DE SÉRUM
1896
33
9
I
28160
122000
SÉRUM FRAIS
SEMENCE
DE BOUILLON
65
7
0
G
0
G
DE SUITE
APRÈS
APR. I H.
APR 2 H.
APR. 4 H.
APR. 8 H.
SÉRUM FRAIS
SEMENCE
DANS SÉRUM
19840
100
H
i5oo
00
SÉRUM FRAIS
SEMENCE
DANS BOUILLON
600
226
5o
i3o
00
Dans tous ces tableaux, nous voyons l'ensemencement suivi de des-
truction, quelle que soit la culture, sérum ou bouillon, qui a fourni les
organismes. Aussi nous croyons-nous autorisé, par ces expériences et par
d'autres analogues, à employer les cultures dans le bouillon comme
plus faciles à faire et donnant les mêmes résultats que les cultures dans
le sérum.
Le plan général de nos différentes expériences est le suivant. Le soir,
avant de fixer le pouvoir bactéricide, nous ensemençons des bouillons avec
des cultures pures dans la gélatine. Les bouillons passent la nuit dans
la couveuse.
D'un autre côté, nous recueillons aseptiquement le sang d'un lapin, et
le lendemain nous prélevons le sérum exprimé par le caillot. Ce sérum,
pur de leucocytes, est réparti en plusieurs tubes, que nous ensemençons
chacun avec une espèce différente de microbes. L'un jour nous prenons
telle série d'o-rganismes, le lendemain telle autre série; mais notre choix
est constamment dirigé de telle façon que toujours, à côté des microbes
pathogènes, se trouvent des représentants des saprophytes. De cette façon,
nous pouvons comparer constamment l'action du sérum sur nos deux grou-
pes d'organismes et chacune de nos expériences met en regard les pertes
subies par les deux groupes sous l'influence d'un seul et même sérum.
384 ■ J- LECLEF
Nous ne comptons pas donner ici la série de ces expériences dans
l'ordre où elles ont été faites; la plupart sont reproduites à la fin de ce
travail où le lecteur pourra les consulter, s'il en a le loisir. Il nous a paru
plus intéressant de les grouper non pas dans leur ordre chronologique,
mais en disposant dans un mém-e tableau les résultats obtenus dans chaque
expérience pour un microbe donné. De cette façon, on pourra d'un seul
coup d'œil se faire une idée de la destruction subie par un seul et même
microbe dans les différentes expériences.
Pour juger du pouvoir bactéricide qu'une humeur exerce sur les mi-
crobes, il faut tenir compte de deux facteurs :
1° De la quantité d'organismes détruits comparativement au nombre
inoculé ;
2° Du moment où commence la pullulation. Car il est un fait d'ob-
servation que plus le pouvoir bactéricide est intense, plus cette dernière
est retardée.
Nous commençons par les résultats que nous a fournis le groupe
des organismes pathogènes, et dans ce groupe, le bacille de la septicémie
du lapin.
Les tableaux qui suivent, où se trouvent condensés les résultats
obtenus, renferment cinq colonnes. La première renseigne sur le nombre
des microbes ensemencés; la seconde sur le chiffre le plus bas observé
au cours de l'expérience; la troisième sur le rapport en o/o de ce dernier
chiffre avec le premier. La quatrième colonne nous fournit les moyennes
de destruction pour un groupe déterminé d'expériences. Ainsi, on aura une
moyenne pour les ensemencements de looooo microbes et plus, une autre
pour les ensemencements allant de looooo à loooo; une troisième pour
les ensemencements allant de loooo à looo; enfin une quatrième, s'il y a
lieu, pour les expériences où le chiffre primitif ne dépasse pas lOOo.
Dans la cinquième colonne enfin, nous trouvons le nombre d'heures après
lequel la repuUulation s'est manifestée.
Nous n'avons guère la prétention d'attribuer à cette dernière colonne
une valeur absolument précise; toutefois, comme nos plaques ont été faites
en règle générale toutes les deux heures, les chiffres y renseignés ne doivent
pas s'écarter de la moyenne d'une façon bien notable.
Nous rangeons nos tableaux en commençant par les microbes qui ont
subi la moindre destruction et nous passons graduellement à ceux qui
souffrent davantage du contact des humeurs naturelles.
LE POUVOIR PATHOGÈNE DES MICROBES
385
Bûcille pyocyaniquc.
CHIFFRE INITIAL
CHIFFRE
LE PLUS BAS
0,0 DE SURVIE
MOYENNE DE
SURVIE
EPOQUE
DE PULLULATION
37604
6180
54482
12000
100
100
100 00
I heure
I ))
Bacille de la septicémie des lapins.
CHIFFRE INITIAL
CHIFFRE
LE PLUS BAS
PO DE SURVIE
MOYENNE DE
SURVIE
EPOQUE
DE PULLULATIO-N
23l552
34240
22800
II 400
3420
116736
19584
20160
4928
3192
50,24
52,5g
88,42
42,23
93,35
50,24 0,0
61,08 0,0
93,36 o'o
Staphylocoque pyogène.
2 heures
2 »
2 ))
2 »
CHIFFRE INITIAL
CHIFFRE
LE PLUS BAS
0 0 DE SURVIE
MOYENNE DE
SURVIE
ÉPOQUE
DE PUULULATION
33920
20440
60,22
4 heures
33600
i5o8o
44,88
( 56,92 0/0
9 »
2l320
14000
65,66
'
4 1/2 »
2295
1750
1200
ioo5
52,27
60
' 56,1 3 00
7 »
8 »
980 .
120
12,24
.
2 »
750
0
0
[ 12,35 0/0
8 1)
595
80
13,45
)
7 »
49
386
J. LECLEF
Proteiis.
CHIFFRE INITIAL
CHIFFRE
LE PLUS BAS
0/0 DE survie]
MOYENNE DE
SURVIE
ÉPOQUE
DE PULLULATION
96600
63440
65,67
\
4 heures
66640
27000
40,51
4 «
6o320
• 7040
11,67
g »
59360
3g520
66,57
f
4 1/2 »
45360
22640
49.91
|> 53,37 0/0
2 »
43520
21060
48,39
4 1/2 »
35400
29680
83,84
4 »
23040
736
3,19
pas apr. 10 h.
19710
22080
100
■
4 heures
iSgoo
12096
64
4 »
gi20
0
0
\
pas apr. 10 h.
igSo
1254
64,30
i
4 heures
1908
1120
58,70
) 48,60 0/0
4 "
i836
2001
100
^
2 »
1188
" 240
20
;
4 »
Bacille commun de l'intestin.
CHIFFRE INITIAL
CHIFFRE
LE PLUS BAS
0/0 DE SURVIE
MOYENNE DE
SURVIE
ÉPOQUE
DE PULLULATION
58240
0
0
\
pas apr. 10 h.
32480
17420
53,64
2 heures
29400
27360
18600
0
63,26
0
1
\ 17,49 0/0
4 »
pas apr. 10 h.
25200
20
0,08
\
8 heures
. i58oo
912
5,07
1
8 1)
13536
58
0,42
i
/
7 »
4480
23
o,5i
,
7 »
3240
2048
I
0
o,o3
0
s 0,1 3 00
g »
pas apr. 10 h.
1240
0
0
)
pas apr. 10 h.
î
LE POUVOIR PATHOGENE DES MICROBES
387
Microcoqiie rose.
CHIFFRE INITIAL
CHIFFRE
LE PLUS BAS
0/0 DE SURVIE
MOYENNE DE
SURVIE
ÉPOQUE
DE PULLULATION
216384
158968
61600
41760
28,46
26,39
27,42 0/0
2 heures
pas apr. 10 h.
62640
462
0,74
0,74 0/0
9 heures
7280
0
0
,
pas apr. 10 h.
7000
5700
0
1890
0
33, i5
>
8,28 0/0
pas apr. 10 h.
8 heures
2090
0
0
'
pas apr. 10 h.
980
0
0
\
pas apr. 10 h.
680
0
0
0 0/0
pas apr. 10 h.
?7o
0
0
pas apr. 10 h.
Microcoque de la putréfaction .
CHIFFRE INITIAL
CHIFFRE
LE PLUS TAS
0,0 DE SURVIE
MOYENNE DE
SURVIE
EPOQUE
DE PULLULATION
33600 "
24080
4
0
0,012
0
1 o,oo5 0/0
8 heures
pas apr. 10 h.
588o
22
0,37
\
8 heures
53 20
280
5,26
/
9 »
2800
0
0
> 1,14 0,0
pas apr. 10 h.
2720
0
0
pas apr. 10 h.
2000
0
0
j
pas apr. 10 h.
75o
3o
0
0
0
0
0 0/0
pas apr. 10 h.
pas apr. 10 h.
Microcoque jaune canari.
CHIFFRE
MOYENNE DE
ÉPOQUE
CHIFFRE INITIAL
LE PLUS BAS
0;0 DE SURVIE
SURVIE
DE PULLULATION
568o
56oo
i5o
5480
2,64
97,85
5o 0/0
pas apr. 10 h.
2 heures
5o
0
0
0 0/0
pasajir. 10 h.
388
J. LECLEF
Bacille indéterminé.
CHIFFRE INITIAL
CHIFFRE
LE PLUS BAS
0/0 DE SURVIE
MOYENNE DE
SURVIE
ÉPOQUE
DE PULLULATION
54080
7280
13,46
11,46 0/0
2 1/2 heures
23680
2240
9,46
2 1/2 »
8100
16
0,19
1
8 >)
l520
5o
3,28
3,5i 0,0
pas apr. 10 h.
1200
85
7,08
1
g heures
798
9
1,12
\
8 »
266
0
0
\ 0,37 0/0
pas apr. 10 h.
126
0
G
)
pas apr. 10 h.
i
Bacillus subtilis.
CHIFFRE
MOYENNE DE
ÉPOQUE
CHIFFRE INITIAL
LE PLUS BAS
0,0 DE SURVIE
SURVIE
1
DE PULLULATION
19840
H
0,07
8,01 0/0
5 heures
i3ooo
2076
15,96
pas apr. 10 h.
1896
I
o,o5
o,o5 o'o
7 heures
600
5o
8,33
8 »
100
0
0
9 "
100
0
0
1,55 0/0
pas apr. 10 h.
65
0
0
pas apr, 10 h.
60
0
0
pas apr. 10 h.
Après avoir parcouru ces différents tableaux, il n'est pas possible de
nier qu'il existe un rapport manifeste entre le pouvoir pathogène et la résis-
tance au sérum. Prise dans son ensemble, cette résistance diminue graduel-
lement des premiers tableaux aux derniers, c'est-à-dire au fur et à mesure
qu' 071 passe des microbes les plus pathogènes aux moins pathogènes.
Comme puissance pathogène, nous pouvons classer les microbes en
trois groupes :
1" Ceux qui tuent les lapins par une simple inoculation sous la peau,
à l'aide du fil de platine par exemple. Comme type de ce groupe, on peut
citer le bacille du charbon.
I
LE POUVOIR PATHOGENE DES MICROBES
3«9
2° Ceux qui ne taent plus les lapins après une simple inoculation
sous la peau, mais qui les tuent par l'injection d'une petite quantité de
bouillon, par exemple i centimètre cube. Exemple : le staphylocoque
pyogène, le coli-bacille, le proteus;
3" Ceux qui ne tuent les lapins qu'à fortes doses : plusieurs centi-
mètres cubes de culture.
Parmi les organismes que nous avons employés, on doit ranger dans
le 1"" groupe : Le bacille de la septicémie du lapin.
2™= « Le bacille pyocyanique.
Le staphylocoque pyogène.
Le proteus.
Le coli-bacille.
3^2 » Le bacille du foin.
Le coque rose.
Le coque de la putréfaction.
Le coque jaune canari.
Le bacille indéterminé.
Il est à peine besoin, croyons-nous, de légitimer notre classification.
Le bacille de la septicémie appartient bien à ce groupe d'organismes
qui tuentjes lapins à dose minime. Notre échantillon virulent, comme nous
le verrons plus bas, les faisait périr à la dose de i/ioo de centimètre cube.
Dans le second groupe, nous rencontrons des organismes pathogènes
non seulement pour les lapins, mais pour d'autres animaux et pour l'homme :
le bacille pyocyanique, le staphylocoque pyogène, le proteus, le coli-bacille.
Tous ces organismes sont franchement pathogènes. Le proteus, d'après
Watson-Cheyne, tue les lapins à la dose de i/io de ce. Il est inutile de faire
ressortir par des exemples la virulence des trois autres organismes.
Enfin, dans le troisième groupe, nous avons tous organismesinconnus
dans la pathologie et qui ne sont mortels pour les lapins qu'à doses
extraordinaires.
Les trois petits tableaux suivants indiquent suffisamment la faiblesse
de leur action pathogène. Ils se rapportent à des lapins inoculés dans la
plèvre avec des bouillons du microcoque rose, du microcoque canari et du
bacille indéterminé.
Microcoque rose.
NUMÉRO DU
LAPIN
POIDS
DOSE INJECTÉE
RÉSULTATS
I
88o gr.
10 ctm. C.
Meurt après 60 heures
II
looo gr.
6 ctm. c.
Survit
III
920 gr.
2 ctm. c.
Survit
390
J. LECLEF
Coque jaune canari.
NUMÉRO DU
POIDS
LAPIN
■
DOSE INJECTÉE RÉSULTATS
I
II
900 gr.
920 gr.
6 ctm. C.
I ctm. c.
Meurt après 60 heures
Survit
Bacille indéterminé.
NUMÉRO
LAPIN
DU
POIDS
DOSE INJECTÉE
RÉSULTATS
I
II
1240 gr.
i3oo gr.
2 ctm. C.
1/2 ctm. e.
Survit
Survit
Notre classification, au point de vue de la puissance pathogène, se
trouve ainsi parfaitement justifiée.
Or, si nous rangeons à présent les microbes non plus suivant leur viru-
lence, mais suivant la résistance qu'ils ont opposée au sérum, nous obtenons
un ordre à peu près identique. Le seul point important sur lequel il y a
divergence est la- place occupée par le bacille pyocyanique. Ce microbe, que
sa virulence range, pour autant que nous sachions, dans le second groupe,
prend latête de la liste pour la façon dont il résiste au sérum. Voici cet ordre :
Bacille pyocyanique.
Bacille de la septicémie du lapin.
Le staphylocoque pyogène.
Le proteus.
Le coli-bacille.
Le bacille du foin.
Le coque rose.
Le coque de la putréfaction.
Le coque canari.
Le bacille indéterminé.
C'est la même liste que la précédente avec la différence que le bacille
pyocyanique a pris la place du bacille de la septicémie et vice-versa.
Si à présent nous entrons davantage dans les détails, nous pouvons
constater que le rapport entre le pouvoir pathogène et la résistance des
humeurs est des plus étroits. Pour cela, à côté de chaque microbe, plaçons
LE POUVOIR PATHOGENE DES MICROBES
391
la moyenne de survie, pour les différents écarts choisis : 100,000 et au-delà,
: 00,000 à 10,000, 10,000 à 1000 et 1000 à o. Nous obtenons les proportions
intéressantes suivantes :
100000 ET AU-DELA.
I" Groupe : Bacille de la septicémie
2""^ I) : Coque rose
100000 A 10000.
50,24 0,0.
27,42 ))
/• Bacille p3-oc3'anique
100
\ Septicémie.
61,08
ler et 2™« Groupes
' Staphylocoque
56,92
1 Proteus ....
53,35
l Coli-bacille.
17,49
f Bacille du foin .
S, 01
3™2 Groupe
\ Bacille indéterminé
j Coque rose
11,46
0,74
l Coque de la putréfaction.
o,oo5
10000 A 1000.
I" Groupe : Septicémie
i Staphylocoque
Proteus
Coli-bacille
/ Bacille du foin
i Bacille indéterminé
S™-; Groupe < Coque rose
/ Coque de la putréfaction
\ Coque canari
93,36
0/0
56, i3
))
48,60
))
o,i3
))
o,o5
»
3,5i
»
8,28
»
1,14
»
5o
»
1000 ET AU-DESSOUS.
2me Groupe : S taph3-locoque
/ Bacille du foin
Bacille indéterminé
3™« Groupe < Coque rose
Coque de la putréfaction
Coque canari
2,55
»
1,35
))
0,37
»
0
»
0
])
0
1)
Parmi tous ces chiffres exprimant en pour cent la survie des microbes,
il en est à peine deux cjui ne traduisent pas exactement le pouvoir pathogène
de l'organisme qu'ils représentent.
392 ]• LECLEF
C'est d'abord, pour l'écart de 100,000 à 1 0,000, le chiffre de 100 0/0 du
bacille pyocyanique; ensemencé avec abondance, cet organisme n'a pas subi
de destruction, tandis que le bacille de la septicémie, bien plus virulent, a
diminué dans une proportion notable (6i 0/0 de survie). Nous ne savons à
quoi attribuer la manière dont s'est comporté notre bacille pyocyanique;
peut-être jouissait-il d'une' virulence spéciale, extraordinaire, mais nous
n'avons pas eu l'occasion de la fixer par des injections aux animaux. La
résistance de notre échantillon au sérum est du reste absolurhent insolite,
si on la compare aux résultats obtenus par d'autres auteurs et à ceux obtenus
antérieurement au laboratoire de Louvain par des échantillons différents.
D'après l'ensemble de ces résultats, le bacille pyocyanique opposerait non
pas une résistance absolue, mais une résistance moyenne propre aux orga-
nismes de notre second groupe.
Le second chiffre singulier se rapporte, dans l'écart de 10,000 à 1000,
au coque canari qui accuse une survie de 50 0/0, par conséquent plus forte
que celle du proteus (48 0/0) et presque aussi forte que celle du staphylo-
coque (56 0/0). Mais si nous consultons la page 3S7, nous voyons que, des
deux expériences qui ont fourni cette moyenne et qui ont pour point de
départ des chiffres sensiblement égaux (5680 et 5600), l'une ne donne que
2,64 0/0 de survie, l'autre par contre 97,85 0/0. C'est ce dernier chiffre,
extraordinairement élevé, qui est la cause de la moyenne de 500/0. Tous
ceux, qui ont la pratique personnelle de la question bactéricide, savent
qu'on rencontre quelquefois de ces résultats insolites, qui influencent con-
sidérablement les moyennes si le nombre d'expériences est restreint. Pour
notre part, nous croyons que le chiffre de 50 0/0 n'exprime pas l'état réel
des choses et qu'il est dû à une cause fortuite.
Malgré de rares exceptions dues à des causes fortuites, toutes ces expé-
riences nous permettent de conclure qu'il existe un rapport étroit entre le
pouvoir pathogène des microbes et leur résistance au sérum.
Mais ce rapport n'existe pas seulement quand on compare entre eux
différents organismes, il est également apparent quand on étudie diverses
variétés d'un même organisme, mais se distinguant les unes des autres par
leur degré de virulence. La variété la plus pathogène est le plus difficile-
ment détruite. H. Van de Velde a démontré ce fait de la façon la plus
lumineuse pour le staphylocoque pyogène. Dans le cours de nos expériences,
nous pûmes confirmer son observation sur deux échantillons du bacille de
la septicémie des lapins, qui opposaient manifestement une résistance
LE POUVOIR PATHOGÈNE DES MICROBES
393
inégale au sérum. L'un de ces échantillons, notre plus virulent, celui dont
il a été question jusqu'à présent, provenait d'un cadavre en putréfaction,
dont les sucs inoculés à des souris nous l'avaient donné à l'état de pureté..
Le second, moins virulent, provenait de M' Kral, de Prague. Ces deux
échantillons, ensemencés dans un même sérum, présentaient une sensibilité
inégale à la destruction, comme le montre entre autres l'expérience suivante :
DE SUITE
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H. I APR. 4 H.
APR. 9 H.
1 SÉRUM FRAIS
SEPTICÉMIE j
3420
3240
3192
26400
537600
VIRULENTE 1
! SÉRUM CHAUFFÉ
\
142272
277440
iii36oo
00
00
SEPTICEMIE
ATTI-
SERUM FRAIS
ÏNUÉE /
SERUM CHAUFFE
5iio
178416
3210
349240
2970
io83
6336o
647520
co
CO
Dans cette expérience, l'échantillon virulent est à peine détruit et
la repulluFation commence après 4 heures; l'échantillon atténué subit,
au contraire, une diminution des 4/5 environ et la puUulation se fait après
9 heures.
Or, en injectant dans la plèvre des lapins les mêmes bouillons qui
avaient servi à ensemencer les sérum du tableau précédent, nous obtenons
des effets parfaitement en harmonie avec les chiffres du pouvoir bactéricide.
Expérience.
NUMÉRO
d'ordre
POIDS
DOSE
INJECTEE
RESULTATS
DU LAPIN
1
I
680 gr.
I
ctm.
c.
Trouvé mort après
7 heures
SEPTICÉMIE '
II
800 gr.
1/2
ctm.
c.
"
7 »
VIRULENTE J
■ III
800 gr.
i/io
ctm.
c.
Meurt après 24
heures
f
IV
820 gr.
i/io
ctm.
c.
Trouvé mort après
3o heures
"v
V
740 ffi--
i/ioo
ctm.
c.
»
48 1)
SEPTICÉMIE 1
I
800 gr.
1/2
ctm.
c.
Meurt après 27
heures
ATTÉNUÉE 1
II
Soo gr.
I 10
ctm.
c.
Pas même malade
50
394 J- LECLEF
Nous pouvons donc conclure que la relation entre la virulence des microbes
et leur résistance à l'action bactéricide se manifeste non seulement quand on
compare entre eux différents organismes, mais quelle s'observe également
sur plusieurs échantillons d'une même espèce, mais de virulence inégale.
Cette conclusion n'est pas en harmonie avec l'opinion qui semble pré-
valoir jusqu'à présent. Généralement, on admet qu'il n'y a pas.de rapport
entre l'action pathogène d'un microbe et le pouvoir bactéricide des humeurs.
Nous croyons inutile d'entamer ici une longue critique des faits sur lesquels
est basée cette manière de voir.
Contentons-nous de faire remarquer que beaucoup de ces faits sont
sans valeur pour les motifs suivants :
1° Les expériences sont trop peu nombreuses. Bien souvent, il n'y
en a qu'une, et sur le terrain qui nous occupe il est absolument nécessaire
de les multiplier et de les faire dans des conditions identiques.
2° Les auteurs n'ont pas toujours tenu compte de la virulence du
microbe employé.
3° Ils n'ont pas songé au trouble que pouvait introduire dans les
résultats le changement du milieu. Cette remarque s'applique spécialement
au bacille du charbon, qui est très sensible au changement du milieu
(Denys et Kaisin).
CONCLUSIONS.
1° Il existe, du moins in vitro, un rapport étroit entre le pou-
voir pathogène des microbes et leur résistance à l'action destructive
des humeurs,
2° Les antihumoralistes n'ont aucun droit d'invoquer comme preuve
contre la doctrine du pouvoir bactéricide le manque de relation entre
ces deux facteurs.
Qu'il nous soit permis de remercier ici M. le Pi'ofesseur Denys,
de la bienveillante attention qu'il a bien voulu prêter à nos travaux
et des conseils précieux qu'il n'a cessé de nous donner.
LE POUVOIR PATHOGENE DES MICROBES
395
APP EN D I C E^.
Ainsi que nous l'avons dit plus haut, nous faisons suivre ici toute
une série de tableaux, montrant à ceux qui pourraient y prendre in-'
térét les expériences telles que nous les faisions au jour le jour.
TABLEAU I.
DE SUITE
APRÈS
APR. 2 H. I APR. 4 H. [ APR. 8 H.
SÉRUM FRAIS
SEPTICÉMIE ATTÉNUÉE
46720
40230
6916
26904
SÉRUM FRAIS
SEPTICÉMIE ATTÉNUÉE
15456
12880
l5l2
78792
SÉRUM FRAIS
SEPTICÉMIE ATTÉNUÉE
17640
4536
336
19780
SÉRUM CHAUFFÉ
SEPTICÉMIE 'ATTÉNUÉE
i63i7
21600
291840
00
TABLEAU IL
DE SUITE
APRÈS
APR. I H. APR. 2 H.
APR. 4 H. APR. 8 H.
SÉRUM FRAIS
COQUES ROSES
370
0
0
0
4788
SÉRUM CHAUFFÉ
COQUES ROSES
1620
1680
2100
23940
00
SÉRUM FRAIS
SEPTICÉMIE VIRU-
LENTE
34240
19584
95200
co
00
SÉRUM CHAUFFÉ
SEPTICÉMIE VIRU-
LENTE
38304
54096
65664
CO
00
SÉRUM FRAIS
SEPTICÉMIE VIRU-
LENTE
23i552
I16736
144229
00
00
SÉRUM CHAUFFÉ
SEPTICÉMIE VIRU-
LENTE
126616
216720
00
00
00
SÉRUM FRAIS
SEPTICÉMIE VIRU-
LENTE
II 400
4928
15435
67488
00
SÉRUM FRAIS
SEPTICÉMIE VIRU-
LENTE
46512
20976
34272
268800
00
396
J. LECLEF
TABLEAU III.
DE SUITE
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
1
APR. 5 H.
APR. 8 H.
LENDEMAIN
SÉRUM FRAIS
COQUES ROSES
158968
41760
57120
47376
49392
tube trans-
parent
SÉRUM CHAUFFÉ
COQUES ROSES
2Sgg2o
256256
312816
00
00
trouble
BOUILLON
COQUES ROSES
200816
I91520
231264
65oi68
00
trouble
SÉRUM FRAIS
COQUES ROSES
216384
61600
IO2816
165984
171072
SÉRUM CHAUFFÉ
COQUES ROSES
341040
332704
417088
co
00
BOUILLON
COQUES ROSES
3o8ii2
283200
3i65i2
912000
co
00
SÉRUM FRAIS
COLI-BACILLE
695751
328320
551040
660919
289312
SÉRUM FRAIS
COLI-DACILLE
169920
111888
177600
5i52oo
SÉRUM FRAIS
COLI-BACILLE
24192
i568o
8232
+
on
-
SÉRUM CHAUFFÉ
COLI-BACILLE
34400
346S6
76720
698000
ca
TABLEAU IV.
DE SUITE i
APRÈS ! AP«- ' ■'•
APR. 2 H.
APR. 4 H.
APR. 10 H.
SÉRUM FRAIS
PYOCYANIQUE
37604
55296
54432
79488
00
SÉRUM FRAIS
PYOCYANIQUE
6480
12096
12000
26712
3I7IO
SÉRUM CHAUFFÉ
PYOCYANIQUE
6080
19872
0
26448
94176
00
SÉRUM FRAIS
BAC. INDÉTERMINÉ
266
0
0
0
SÉRUM FRAIS
BAC. INDÉTERMINÉ
126
0
0
0
0
SÉRUM CHAUFFÉ
BAC. INDÉTERMINÉ
36o
626
7S0
812
1680
LE POUVOIR PATHOGENE DES MICROBES
397
TABLEAU V.
DE SUITE
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 5 H.
APR. 10 H.
SÉRUM FRAIS
PROTEUS
igSo
1800
1254
3900
17760
SÉRUM FRAIS
COQUES ROSES
7280
gSo
go
00
0
SÉRUM FRAIS
COQUES
DE LA PUTRÉFACTION
5720
3i25'
1960
00
0
SÉRUM FRAIS
COLI-BACILLE
2098
608
252
00
0
TABLEAU VL
DE SUITE
APRÈS
APR. I H
APR. 2 H.
APR. 4 H.
APR. 10 H.
SÉRUM FRAIS
COLI-BACILLE
)
1
3240
112
3o
I
20880
SÉRUM FRAIS
COQUES JAUNE
CANARI
5o
0
0
0
0
SÉRUM FRAIS
COQUES ROSES
62640
12800
714
462
00
SÉRUM FRAIS
BACILLE
INDÉTERMINÉ
1200
870
85
416
00
SÉRUM FRAIS
BACILLUS SUBTILIS
100
20
0
0
0
sérum frais
staphylocoques
(virulents)
33g20
26700
20440
53760
00
SÉRUM FRAIS
COQUES
DE LA PUTRÉFACTION
5320
2100
280
326
235288
SÉRUM FRAIS
PROTEUS
66640
32240
27000
69680
00
398
J. LECLEF
TABLEAU VII.
DE SUITE
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 5 H.
APR. 10 H.
SÉRUM FRAIS
PROTEUS
g65oo
77520
63440
7o56o
00
SÉRUM FRAIS
COQUES
24080
170
0
0
0
PUTREFACTION
SÉRUM FRAIS
COQUES ROSES
680
56o
160
0
3 20
SÉRUM FRAIS
COQUES JAUNE
568o
1190
980
600
i5o
CANARI
SÉRUM FRAIS
BACILLE
23680
2240
12480
16660
36960
INDÉTERMINÉ
TABLEAU VIII.
DE SUITE
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 4 H.
APR. 8 H.
SÉRUM FRAIS
BACILLE DU FOIN
rares
0
0
0
0
SÉRUM FRAIS
PROTEUS
23040
10240
3g20
1020
736
SÉRUM FRAIS
BACILLE
INDÉTERMINÉ
l520
90
5o
60
60
SÉRUM FRAIS
COQUES ROSES
7000
192
3o
0
0
SÉRUM FRAIS
COQUES
PUTRÉFACTION
23o
20
0
0
0
LE POUVOIR PATHOGENE DES MICROBES
399
TABLEAU IX.
DE SUITE
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 4 H.
APR. 10 H.
SÉRUM FRAIS
COLI-BACILLE
32489
17420
26560
74880
00
SÉRUM FRAIS
BACILLUS SUBTIUS
60
0
0
'O
0
SÉRUM FRAIS
PROTEUS
6o32o
53 120
26000
7040
138240
SÉRUM FRAIS
STAPHYLOCOQUES
12220
5200
896
720
283
TABLEAU X.
DE SUITE
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 4 H.
APR. 10 H.
SÉRUM FRAIS
COLI-BACILLE
29400
18600
19440
II 5200
CO
SÉRUM FRAIS
BACILLUS SUBTILIS
100
3o
0
0
0
SÉRUM FRAIS
PROTEUS
45360
4o56o
48160
22640
00
SÉRUM FRAIS
STAPHYLOCOQUES
19680
18200
i5ooo
7200
212800
ÉTUDE
SUR LE
MECANISME DE LA VIRULENCE
DU
STAPHYLOCOQUE PYOGÈNE
PAR LE
D^ Honoré VAN DE VELDE
ASSISTANT A LA CLINIQUE MÉDICALE DE l'uNIVERSITÉ DE LOUVAIN.
(Mémoire déposé le ■^o juin 1894J
TRAVAIL DU LABORATOIRE d'aNATOMIE PATHOLOGIQUE
ET DE PATHOLOGIE EXPÉRIMENTALE DE L UNIVERSITÉ DE LOUVAIN.
51
i
ETUDE
sur le mécanisme de la virulence du staphylocoque pyogène.
Dans le présent travail, nous nous proposons d'étudier comparativement
sur l'organisme du lapin et du chien l'action d'une variété atténuée et d'une
variété vifulente d'une même espèce microbienne : le Staphylococcus pyo-
gènes aureiis. Nous avons entrepris cette étude avec le désir d'obtenir de
nouvelles lumières sur la question encore si discutée de la virulence.
A notre connaissance, aucun travail systématique de ce genre n'a encore
été exécuté avec cet organisme. Nous pouvons donc nous dispenser de faire
l'historique de la question. Mais avant d'entrer en matière, indiquons en
quelques mots l'ordre que nous allons suivre.
Dans les préliminaires, nous établissons la filiation et la virulence rela-
tive de nos deux variétés de staphylocoques.
Notre travail se divise ensuite en deux parties.
La première partie se rapporte au lapin. Elle comporte les chapitres
suivants :
Chapitre I. Effets de l'injection dans la plèvre des deux variétés de
staphylocoques.
Chapitre il. Du rôle protecteur des humeurs.
Chapitre III. Du rôle protecteur des leucocytes.
Chapitre IV. D'un poison qui neutralise le rôle protecteur des leucocytes.
Chapitre V. D'un poison qui neutralise le rôle protecteur des humeurs.
Chapitre VI. Considérations générales et conclusions.
Chapitre VII. Question spéciale. Parallèle entre le pouvoir bactéricide du
sérum et celui de la partie liquide de l'exsudat.
404 Dr Honoré VAN DE VELDE
La deuxième partie a trait au chien et étudie la manière dont cet
animal se comporte vis-à-vis des deux variétés de staphylocoques.
Préliminaires.
Choix du microbe. — 5^ virulence.
Comme nous venons de le dire, nos expériences ont été faites avec une
variété atténuée et une variété virulente de Staphylococcus pyogenes. Afin
de donner de l'unité à nos recherches, nous ne nous sommes pas servi de
microbes puisés à deux sources différentes; mais partant d'un organisme
peu pathogène, nous l'avons transformé en une variété aussi virulente que
possible.
Notre staphylocoque provient d'une fistule cutanée en communication
avec une carie tuberculeuse : un peu de la sécrétion purulente, recueilli
avec un fil de platine, fut étendu dans un tube d'agar incliné et donna en
quelques jours des colonies caractéristiques de staphylocoque. D'une seule
colonie bien isolée de ses voisines, nous avons prélevé un peu de semence,
avec laquelle nous avons infecté des bouillons. Après 24 heures de couveuse,
ces bouillons furent injectés dans la plèvre de trois lapins dans les propor-
tions suivantes :
4 ce. au i*^"" (Poids 1300).
2 ce. au 2me (P. I250;.
1 ce. au 3"!'^ (P. 1250).
Ces trois lapins succombèrent avec une pleurésie : le i'^' après
8 heures, — le 2™ après 5 jours, — le 3""^ après 1 1 jours.
Nous e'tions ainsi en possession d un staphylocoque à virulence moyenne,
dont il fallait exalter le pouvoir pathogène au plus haut degré possible.
A cet effet, nous fîmes passer le microbe par la plèvre de toute une
série de lapins du poids moyen de 1200 à i350gr. L'exsudat de chaque lapin
était employé à inoculer des bouillons qui, après 24 heures de couveuse,
étaient injectés à doses de plus en plus faibles. Le passage à travers cette
longue série de lapins devait avoir pour résultat non seulement d'augmen-
ter le pouvoir pathogène, mais aussi de le rendre fixe.
LE MECANISME DE LA VIRULENCE
405
NUMEROS
DES PASSAGES
QUANTITE
DE BOUILLON
INJECTÉE
SUITES DE L INJECTION
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
Meurt après 8 heures.
» 24 »
Trouvé mort et déjà froid après 10 heures.
Trouvé mort après 6 heures.
Trouvé mort et encore chaud après 7 heures.
Meurt après 7 heures.
I 4 ce.
II I ce.
III 2 ce.
IV 2 ce.
V 2 ce.
VI I ce.
VII 1/2 ce.
VIII 1/4 ce.
IX i,'4 ce.
1/5 ce.
i/io ce.
1,5 ce.
i/io ce.
1/20 ce.
1/40 ce.
i;io ce.
i/io ce.
1/40 ce.
1/80 ce.
1/160 ce.
Comme on le voit, cette longue série de passages nous mit entre les
mains un staphylocoque tuant un lapin à la dose de 1/160 ce.
A ce moment, nous avons jugé utile de fixer de nouveau la virulence
du bouillon, avec lequel nous avions injecté nos trois premiers lapins. Afin
d'éliminer le facteur ancienneté, nous avons rajeuni ce bouillon en l'inoculant
dans un nouveau tube, et c'est ce dernier bouillon de 24 heures que nous
injectons comparativement avec un bouillon de 24 heures du dix-huitième
passage.
»
12
»
»
i3
))
»
10
))
1)
25
»
))
19
»
H
22
1)
»
10
})
))
23
»
))
25
))
»
12
»
»
18
))
»
12
})
»■
20
l>
»
40
)1
Staphylocoque primitif
Staphjdocoque exalté
I
L.
I.
I25o
4 ce.
L.
II.
1200
2 ce.
L.
III.
i3oo
: I ce.
L.
I.
I i5q
1/20 ce.
L.
II.
i325
1/40 ce.
L.
III.
1200
i/So ce.
meurt en 38 heures.
vit encore après 20 jours.
» 20 J)
: meurt en 18 1/2 heures.
»
»
3o
36
Les résultats de cette expérience comparative sont des plus satisfaisants:
ils nous apprennent non seulement que les passages à travers les lapins
ont exalté considérablement le pouvoir pathogène de notre staphylocoque,
mais que notre culture primitive avait perdu une partie de la virulence
qu'elle avait montrée tout au début de nos expériences. En effet, 2 et i ce.
tuaient les lapins respectivement en 5 et en 1 1 jours, tandis que maintenant
les mêmes doses les laissent en vie après 20 jours.
4o6 Dr Honoré VAN DE VELDE
Nous nous trouvons donc en possession de deux microbes d'origine iden-
tique, dérivant Ions les deux d'un seul et même coque et se distinguant l'un
de l'autre par une différence considérable de virulence. Comme nous avons
eu soin de ne nous servir que de cultures tout à fait comparables par la
composition du bouillon, par la durée du séjour à la couveuse (24 h.) et par
l'abondance du développemeiit, nous sommes à même d'énoncer en chiffres
cette différence. Pour faire ce calcul, il suffit de comparer entre elles les
doses de staphylocoque atténué et de staphylocoque virulent qui tuent
après le même laps de temps.
Des expériences reproduites dans le tableau précédent et de multiples
autres dont il sera question dans le cours de ce travail, il résulte que
1/160 ce. de V {\) tue un lapin après 8 jours en moyenne, tandis que notre
microbe primitif, le staphylocoque A, à son minimum de virulence doit
être donné à la dose de 5 —6 ce. et plus pour déterminer le même effet. On
produit alors la mort après une huitaine de jours avec des lésions iden-
tiques à celles des lapins qui ont succombé aux staphyl. V. Si nous établis-
sons la proportion entre nos deux variétés de microbes, en nous basant sur les
doses qui produisent des effets identiques, nous constatons que leur viru-
lence se trouve dans le rapport de 1/160 ce. à 5 ce, c'est-à-dire de 1 à 800.
En d'autres termes, un seul de nos staphylocoques virulents développe le
pouvoir pathogène de huit cents de nos staphylocoques atténués. C'est pré-
cisément à cette différence prodigieuse que nous attribuons en bonne partie
les résultats que nous avons obtenus.
Pour conserver à notre variété virulente la plénitude de son action
pathogène, nous la soumettions continuellement à des passages répétés à
travers les lapins : au commencement tous les trois jours; plus tard, nous
étant assuré que cette propriété se conserve assez longtemps dans les cultu-
res, nous nous contentions de répéter ces injections tous les dix jours, en
ayant soin toutefois d'employer toujours des doses rapidement mortelles.
Nos recherches ont porté sur les lapins et les chiens, et comme ces
animaux se sont comportés d'une façon différente, nous exposerons isolé-
ment les expériences entreprises sur chaque espèce.
(1) Pour plus de facilité, nous désignerons dans la suite de notre travail par A ou staph. A notre
microbe nt'énué, peu virulent; et par V ou staph. V le même microbe dont la virulence a été exaltée.
PREMIÈRE PARTIE.
Expériences sur les Lapins.
CHAPITRE I. — Effets de l'injection dans la plèvre des deux variétés
de staphylocoques.
La première tâche, qui s'imposait tout naturellement, était d'étudier
dans leurs détails les effets de l'injection de nos deux espèces de microbes
aux lapins.
Nous avons fait à ce sujet un grand nombre d'expériences : tantôt nous
injections des doses égales de ces microbes, tantôt des doses faibles de
virulents et des doses considérables d'atténués, afin de pouvoir mieux fixer
le sort de ces derniers.
Voici comment nous opérions : à un lot de lapins de poids égal, nous
introduisions dans la plèvre soit des staph. A, soit des staph. F. Toutes
les heures, toutes les deux heures ou toutes les quatre heures suivant
les expériences, nous sacrifions un lapin et nous pouvions assister ainsi
à toutes les phases du processus. Chez les lapins injectés avec le staph. A,
les organismes deviennent de plus en plus rares; au contraire, chez les
lapins qui reçoivent des microbes V, ceux-ci deviennent de plus en plus
nombreux et, au bout d'un petit nombre d'heures, leur nombre devient réel-
lement prodigieux.
La diminution des A et la pullulation des F s'apprécient facilement
par un simple examen microscopique.
Expérience.
Nous prenons deux lots de quatre lapins : à chacun des lapins du premier
lot, nous injectons i ce. d'un bouillon de staph. A; à ceux du second lot,
1/2 ce. d'un bouillon de staph. V.
Toutes les deux heures, nous sacrifions un lapin de chaque lot et nous
faisons une préparation colorée avec les exsudats.
4o8
Dr Honoré VAN DE VELDE
Le tableau suivant nous donne en résumé les résultats de cette
expérience.
QUANTITÉ
HEURES
DE BOUILLON
INJECTÉE
DE
SURVIE
EXAMEN DES PRÉP. MICR. COLORÉES
2
Beaucoup de microbes par champ : coques, diploco-
ques et quelques tout petits amas.
St. ^ : I ce. <
4
Peu de microbes.
6
Rares microbes.
8
Microbes (?)
/
2
Peu de microbes par champ : moins que les A
correspondants.
St. V : 1/2 ce. ,;
4
Assez bien de microbes.
6
Culture de microbes avec des amas très grands.
8
Culture; dans chaque champ de gros amas et parmi
ceux-ci de très grands.
Nous ne nous sommes pas contenté dans la suite d'un simple examen
microscopique, mais nous avons fixé le nombre d'organismes au moyen de
plaques ensemencées avec des quantités égales d' exsudât.
Nous avons fait ainsi un grand nombre d'expériences résumées dans
les tableaux suivants : la première colonne indique la dose injectée,
la deuxième le temps après lequel l'animal fut tué, la troisième donne le
nombre des colonies comptées sur les plaques ensemencées chacune avec
deux anses de l'exsudat.
Mais comme les chiffres fournis par les plaques ne donnent pas le
nombre absolu des microbes, mais seulement le nombre des individus
contenus dans deux anses, il est nécessaire, pour avoir la proportion réelle,
de tenir compte de la quantité d'exsudat. Pour obtenir des chiffres vraiment
comparables, nous avons multiplié les nombres fournis par les plaques par
les nombres de centimètres cubes de l'exsudat. Ces chiffres sont consignés
dans la dernière colonne. Ils sont l'expression véritable de la pullulation ou
de la régression microbienne.
LE MECANISME DE LA VIRULENCE
409
QUANTITE
DE
BOUILLON
INJECTÉE
HEURES
DE SURVIE
nombre de
microbes trouvé
dans 2 anses de
l'exsudat
quantite
d'essudat
NOMBRE DE MICROBES
CONTENU DANS
LA QUANTITÉ TOTALE
DE l'exsudat
Lot
2^ Lot : V
\ 2 ce. \
\ \
I
•J 1/2 ce. J
(I)
42,240
31,620
8,700
700
2,940
19,430
4,340
121,000
2
ce.
4
ce.
4
ce.
1/2 ce
I
ce.
6
ce.
3
ce.
7
ce.
2
ce.
168,960
126,480
21,750
700
17,000
49.290
3o,38o
242,000
Si, dans le lot des virulents, on fait abstraction du quatrième chiffre,
la progression est continue et extrêmement rapide. A ce dernier point de
vue, les chiffres sont très intéressants : de 49,000 et de 30,000 à la troisième
et la quatrième heure, on arrive à 242,000 une heure plus tard.
A un examen rapide, on pourrait ti"ouver singuliers les premiers chiffres
des virulents comparés à ceux des atténués; mais n'oublions pas que la dose
des T'est 4 fois plus faible que celle des A. Cette différence de dose fait encore
mieux ressortir la façon différente dont se comportent les deux variétés.
Voici d'autres expériences encore : si l'on n'y observe pas chez les la-
pins inoculés avec les microbes .-l la diminution rigoureuse et progressive
que nous avons rencontrée dans l'expérience précédente, cette diminution
ressort néanmoins de l'ensemble des chiffres.
QUANTITE
DE
BOUILLON
INJECTÉE
HEURES
DE SURVIE
nombre de
microbes trouvé
dans 2 anses
d'exsudat
quantite
d'exsudat
nombre de microbes
contenu dans
la q.uantité totale
DE l'exsudat
(
\
I
86,864
2 ce.
173,000
V Lot : st. ^ <^
2 ce.
)
2
176,960
3 ce.
53o,ooo
)
1
3
40,500
6 ce.
243,000
1
(
4
2,280
4 ce.
9,120
1
S
\
2
8,25o
2 ce.
i6,5oo
2<i Lot : st. V \
2 ce.
3
80,960
4 ce.
323,000
(
4
41,536
3 ce.
134,600
(i) Cette plaque manque, mais à Texamen microscopique nous avons constaté beaucoup plus de
microbes que chez le lapin suivant.
32
410
Dr Honoré VAN DE VELDE
QUANTITÉ
DE
BOUILLON
INJECTÉE
HEURES
DE SURVIE
nombre de
microbes trouvé
dans 2 anses
d'exsudat
QUANTITÉ
d'exsudat
NOMBRE DE MICROBES
CONTENU DANS
LA QUANTITÉ TOTALE
DE l'eXSUDAT
i'' Lot : st. A
I
3
4 i/2
6
I
3
4 12
5
I,20O
1,720
6oo
200
45o
161,280
873,600
428,100
2
ce.
2
ce.
4
ce.
0
ce.
3
ce.
3
ce.
5
ce.
4
ce.
2,240
3,440
2,400
2,000
i,35o
483,840
4,368,000
1,712,508
Une quatrième expérience mérite une mention spéciale à cause de la
disproportion entre les doses injectées : d'un côté trois lapins reçoivent
chacun 1 ce. de A, tandis que trois autres lapins reçoivent chacun une dose
20 fois moindre de bouillon V, soit 1/20 ce. Nous voyons après 8 heures le
nombre des microbes V dépasser celui des microbes A et à la 1 2™= heure
ces derniers ont totalement disparu, alors que les Font atteint un chiffre
élevé.
QUANTITÉ
DE
HEURES
NOMBRE DE
MICROBES TROUVÉ
QUANTITÉ
NOMBRE DE MICROBES
CONTENU DANS
BOUILLON
DE SURVIE
DANS 2 ANSES
d'exsudat
LA QUANTITÉ TOTALE
INJECTEE
d'exsudat
DE l'EXSUD.\T
■ —r
\ ^
2,040
II ce.
22,440
V Lot
: st. ^ ^
1
I ce. < 8
3,600
4 ce.
4,400
' 12
0
4 ce.
0
s..r>
1,20 ce. ■ 8
170
2 ce.
340
2^ Lot
89,600
2 ce.
179,200
(
(
12
84,560
4 ce.
338,240
Outre les chiffres précédents se rapportant à des lots de lapins, nous
en possédons un grand nombre d'autres qui ont été recueillis isolément
à l'occasion d'autres expériences. Nous avons réuni dans un même tableau
ceux qui se rapportent à des lapins tués après 6 — 7 heures d'injection.
LE MECANISME DE LA VIRULENCE
411
QUANTITE
DE
BOUILLON
INJECTÉE
HEURES
DE SURVIE
nombre de
microbes trouvé
dans 2 anses
d'exsudat
quantite
d'exsudat
NOMBRE DE MICROBES
CONTENU DANS
LA QUANTITÉ TOTALE
DE l'eXSUDAT
St. A
< 2 ce. ( 6-7
St. F
i/io ce. { 6-7
3,5oo
3,680
780
535
504
825
4,450
ii,56o
21,420
6,320
7,840
92.o36
4
ce.
3
ce.
6
ce.
8
ce.
5
ec.
6
ce.
2
ce.
5
ce.
3
ce.
5
ce.
5
ce.
2
ce.
14,000
10,040
4,680
4,288
3,024
4,950
8.980
57,800
64,260
3 1,600
39,200
184,072
Toutes les expériences précédentes, se rapportant aux premières heures
qui suivent rinjection, reçoivent une confirmation des plus intéressantes,
lorsque nous laissons nos lapins à staph. A vivre plus longtemps ou que nous
laissons mourir ceux qui ont reçu des staph. V.
Le tableau suivant en donne le résumé.
QUANTITÉ "
HEURES
NOMBRE DE COLONIES
QUANTITÉ
NOMBRE DANS
DANS 2 ANSES
BOUILLON
INJECTÉE
DE SURVIE
d'exsudat
d'exsudat
l'EXSUDAT TOTAL
St. A <
.ce. 1
l5
26
(i) 85
(1)640
i5 ce.
I ce.
1275
640
i
4 ce. 1
i8
(2) 36o
10 ce.
35oo
1
40
80,640
12 ce.
967,680
St. V
i/io ce. j
1/80 ce. 1
moi'tspont.
29
mortspont.
(3) .
(1) Pas vu de microbes sur la préparation colorée de l'exsudat.
(2) Sur la préparation colorée de l'exsudat, nous avons trouvé de rares staphylocoques après avoir
cherché longtemps.
(3) La plaque n'a pas été faite, mais une préparation colorée donne des amas de microbes qui
recouvrent plusieurs champs du microscope.
412 D' Honoré VAN DE VELDE
Nous pouvons conclure qu'à partir de l'injection les A vont rapidement
en diminuant de nombre, les V au contraire deviennent de plus en plus
nombreux, au point d'atteindre, après quelques heures, des chiffres très forts.
Outre la marche en sens inverse de leur nombre, les microbes A et Y
présentent encore d'autres différences : les premiers sont notamment le
siège de deux altérations bien caractéristiques qu'on n'observe guère sur
les seconds.
1° Ils se gonflent de façon à acquérir un volume 2 à 3 fois plus grand
qu'au moment de l'injection;
2° ils perdent leur affinité pour les matières colorantes : au lieu de se
colorer fortement, ils se teignent à peine, fig. 5.
Les virulents, au contraire, restent petits et continuent à se colorer
avec une grande intensité, fig. 6.
Si l'on veut bien observer les altérations que les microbes subissent,
nous conseillons de chercher ceux-ci sur la plèvre et non dans l'exsudat,
parce qu'à l'époque où ces altérations sont fort prononcées, les microbes
sont déjà extrêmement rares. Quand ils ont pour ainsi dire complètement
disparu de l'exsudat, il y a encore un endroit de la plèvre où l'on est sûr de
les rencontrer en nombre quelquefois considérable, c'est la plèvre qui recou-
vre le sternum, les cartilages voisins et la partie antérieure du diaphragme.
Quand on passe le tranchant d'un scalpel sur ces régions et qu'on fait une
préparation colorée avec ce raclage étendu sur un couvre-objets, on obtient
souvent des quantités considérables d'organismes qui présentent tous les
degrés d'altération. Les autres parties de la plèvre ne présentent que peu
d'organismes. Cette accumulation s'explique par le fait que la culture injec-
tée d'abord et l'exsudat ensuite gagnent les parties déclives, représentées
par les régions que nous avons indiquées chez l'animal se trouvant dans sa
position normale.
Les altérations des microbes se trouvent représentées dans la fig. 5.
Peu de temps après l'injection, il se produit un autre phénomène digne
d'attirer notre attention, c'est l'arrivée des globules blancs ; i ou 2 heures
après l'injection, on note la présence de ceux-ci dans l'exsudat. Ces éléments
augmentent en nombre pendant les premières heures et cette diapédèse
nous a semblé aussi accusée après l'injection de staph. F que de staph. A.
Seulement, à partir de la 2% a', 6= ou 8= heure, d'après l'individu ou d'après
la dose administrée, une difi'érence radicale se manifeste suivant l'espèce
de microbes injectes,
LE MECANISME DE LA VIRULENCE 4I3
Dans les lapins qui ont reçu les staph. A, les globules blancs deviennent
de plus en plus nombreux, au point de se compter par centaines dans un
champ du microscope; de plus, ces globules blancs ont gardé tous les carac-
tères de globules bien conservés (noyau invisible, protoplasme finement '
granuleux); examinés à la chambre chauffée de Zeiss, ils accusent des dé-
formations aussi étendues et aussi rapides que les globules blancs du sang ;
plusieurs même poussent leurs pseudopodes à la température ordinaire.
Il en est tout autrement pour les lapins injectés avec la variété viru-
lente : la diapédèse, qui avait été aussi accentuée aux premiers temps que
pour les A, se ralentit bientôt et, phénomène curieux, les leucocytes sont
frappés de mort : leur noyau est visible, leur protoplasme s"est dissous et le
corps de la cellule n'est plus représenté que par une membrane mince, contre
laquelle est blotti le noyau, fig. 4. Examinés à la chambre chaude, les
globules sont totalement dépourvus de mouvements : en un mot, ils ont
tous été frappés de mort.
Nous avons donc ici une différence radicale entre les lapins injectés
avec les staph. A et ceux qui ont été injectés avec les staph. V : che^ les pre-
7niers, les leucocytes arrivés dans i exsudât restent vivants; che^ les seconds,
ils meurent en présentant une dégénérescence profonde.
Nous devons ajouter encore que l'on observe dans les deux sortes d' ex-
sudât une phagocytose plus ou moins forte, mais elle s arrête chei les lapins
qui ont reçu les V, dés que leurs leucocytes dégénèrent. La fig. 5 représente
cette phagocytose chez un lapin inoculé avec les A.
Si nous résumons les différences constatées jusqu'ici, nous pouvons
dresser le tableau comparatif suivant :
Staphylocoque ^4 .
1. Diminution graduelle des coques.
2. Apparition chez les coques d'altérations
consistant en gonflement et perte d'affi-
nité pour les matières colorantes.
3. Diapédèse ininterrompue de leucocytes
conservant leur vitalité.
Staphylocoque V.
Tout au plus diminution faible et passagère;
en tous cas repullulation rapide.
Signes de dégénérescence faisant défaut ou
étant extrêmement rares.
Diapédèse bientôt interrompue de leucocytes
qui perdent leur vitalité.
Ces différentes constatations sont des plus importantes et nous permet-
tent d'espérer de pénétrer plus avant dans l'intimité de ce qui constitue la
virulence; elles nous indiquent dans quelle direction nous devons pratiquer
nos recherches. D'un côté, la destruction et la dégénérescence dans l'exsudat
des microcoques atténués, alors que les globules blancs sont encore rares,
semblent indiquer que les humeurs jouent un rôle considérable dans ce
414
Dr Honoré VAN DE VELDE
processus. D'un autre côté, la conservation des globules blancs chez les A
et leur destruction chez les T nous indiquent que les humeurs ne consti-
tuent pas le seul élément dont nous devons nous occuper, mais que le
leucocyte et la phagocytose doivent attirer également notre attention.
Suivant toutes les apparences, ces deux facteurs entrent en ligne de compte :
c'est leur rôle que nous allons tâcher de définir.
CHAPITRE II. — Du rôle protecteur des humeurs
du lapin vis-à-vis des staphylocoques atténués et des staphylocoques virulents.
Si réellement les microbes A sont plus sensibles aux humeurs de l'or-
ganisme que les F, cette sensibilité doit se constater quand on ajoute ces
microbes au sang et au sérum et quand on y étudie leur sort ultérieur. C'est
ce que nous avons entrepris de démontrer dans le chapitre actuel.
A des quantités égales de diverses humeurs, nous ajoutons des doses
égales de A et de F et, par des plaques faites de temps en temps, nous nous
assurons du sort des organismes ; en outre, par des préparations micros-
copiques fréquentes, colorées au bleu de méthylène, nous nous rendons
directement compte de l'état de la culture. Aussi longtemps que celle-ci ne
prospère pas, le nombre d'organismes colorables reste constant ou même
diminue; mais dès que la pullulatiôn commence, on y remarque des amas
de quatre, six, huit coques, qui deviennent de plus en plus nombreux et
volumineux. En même temps, le nombre de coques et de diplocoques libres
augmente. Dans beaucoup de tableaux, nous signalons les résultats fournis
par le microscope à côté de chiffres donnés par les plaques.
Lorsqu'il s'agit du sang, nous avons un second moyen de contrôle
pour nos plaques. Les microbes, dès qu'ils commencent à se multiplier,
consomment de l'oxygène, et le sang, d'artériel qu'il était, devient de plus
en plus veineux en passant par toutes les nuances de rouge sombre, rouge
noir, noir-rouge, noir. Finalement, les globules rouges se dissolvent. Ces
modifications sont en raison directe du développement de la culture et
constituent un moyen extrêmement simple pour contrôler les progrès de
la multiplication.
Le sérum ne se prête naturellement pas à ce mode de contrôle, mais
on peut néanmoins par la simple inspection se faire une idée du développe-
ment, par le trouble plus ou moins prononcé qu'y détermine la végétation
microbienne.
Toutes les expériences suivantes démontrent que bien réellement la
variété atténuée périt en plus grand nombre et pullule plus tardivement que
LE MECANISME DE LA VIRULENCE
415
les F. Ces expériences sont nombreuses, mais nous tenons à faire ressortir
que les différences entre les deux variétés nesontpas l'effet du hasard. Chaque
tableau est fait avec les humeurs d'un lapin différent.
Nous donnerons successivement les expériences faites avec le sang (§ I),"
avec le sérum (§ II), et avec la partie liquide d'un exsudât pleural (§ III).
§ I. — Expériences faites avec le sang.
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APRÈS 6 HEURES DE
COUVEUSE
{
A
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microsc.
31,280
817, l52
k
Peu de mi-
crobes.
0 /
V
3,672
2,520
4,140
Assez bien
147,840
3,446,000
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1
i
de micr.
par champ.
Assez gr.
-
amas.
de microb.
en
petits amas.
Petite
culture.
Grands
amas.
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du sang:
rouge
sombre.
Rouge
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APRÈS 2 HEURES
DE COUVEUSE
4,880
6,960
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4,800
4,320 ' Peu de '172,000
microbes.
3,36o I Beauc. de 384,
(i) micr., mais
en grands
amas.
.000
APRÈS 6 HEURES DE
COUVEUSE
2,918,400
Prép, micr.
Colorât.
Une
du sang:
culture.
rouge
noir.
Innom-
Une
Noir
brables.
culture.
rouge.
Ci) Dans cette expérience, si l'on tenait uniquetnent compte des chiffres 4,320 et 3,36o, on serait tenté
de considérer la destruction comme atteignant plus fortement les V que les A ; mais l'examen microscopique
nous donne la clef de cetie contradiction apparente. Les V, au lieu de se séparer après la multiplication
comme ils le font habituellement, en individus isolés ou en petits groupes, sont restés agglomérés en grands
amas, qui sur la plaque ne fournissent qu'une colonie, exactement comme un coque isolé.
4i6
D-^ Honoré VAN DE VELDE
SEMENCE DE
BOUILLON
IMMÉDIATEMENT
APRÈS l'ensemen-
cement
APR. 3 HEURES
APR. 5 heures
APR. 7 HEURES
Sang
de lapin.
A
V
14,580
17,360
3,304
24,880
41,216
1,564,000
456,820
Innombrables
SEMENCE
PLAQ. IMMÉD.
APRÈS
DE
BOUILLON
APRÈS
l'ensemenc.
I HEURE
APR. 2 H.
APR. 3 H.
APR. 5 H.
APR. 6 H.
de lapin
A
4,200
22,360
5,200
i5,3oo
3,640
8,960
2,75o
2,860
2,680
12,320
10,260
410,400
^
V
i5,36o
9,240
5,040
5,100
24,080
33l,200
^ \
19,440
14,400
13,720
i5,g6o
148,720
1,760,000
SEMENCE
IMMÉD.
APR. 24 H.
DE
APR. l'en-
APR. I H.
APR. 2 H,
APR. 3 H.
APR. 5h.
APR. 6 H.
APR. 12 H.
COI.OR. DES
BOUILLON
semenc.
TUBES
' 3o,ooo
14,080
8,700
4,480
3,080
2,790
121,600
Noir
c
A ,
56, 800
37,576
14,970
8,736
4,950
11,600
5o6,88o
presq. diss.
Noir
k
non diss.
M 1
(
27,800
16,000
9,384
12,496
230,400
535,040
Innombr.
Noir
1
part. diss.
\
67,760
40,880
35,100
19,296
544,320
1,488,000
Innombr.
Noir
dissous.
semence
IMMÉD.
de
APR. l'en-
APR. I H.
APRÈS 2
HEURES
APRÈS 4 HEURES
BOUILLON
semenc.
'a i
A
34,500
21,000
3,120
Pas de
2,730
Rares
Rouge
pullulât.
petits amas.
artériel.
V
21,888
18,720
26,880
Pullulât.,
1,1 60, 000
Petite
Rouge
Lég.
rares petits
culture.
sombre.
(/3
\
assombri.
amas.
LE MECANISME DE LA VIRULENCE
417
SEMENCE
IMMÉD.
DE
APR. L'ENSE-
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 3 H.
APR. 5 H.
APR. 6 H,
BOUILLON
MENCtMENT
1
.
7,875
5,040
4,600
2,420
i,56o
2,520
i
Rouge.
'■
2G,5io
l5,200
6,000
5,060
2,240
36, 800
^ '
Rouge.
■ë ^
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! 8,640
5,100
7,600
10,120
i2,5oo
442,800
c
!
i
Rouge
' V
!
sombre.
\
1 22,880
V
16,200
16,240
18,200
48,000
A peine
assombri.
i,o56,ooo
Rouge noir.
Faisons encore remarquer que les diminutions que nous observons ne
sont nullement dues à un changement de milieu, au transport d'une semence
du bouillon dans le sang : pour le prouver, nous avons contrôlé les expé-
riences précédentes à l'aide de semences provenant de sérum chauffé.
IMMED.
APRÈS
l'ensem.
APRES 2 HEURES
APRÈS 6 HEURES
APRES 4 HEURES
/ /
1
1
1
1
\
67,320
31,800
25,080
307.200
Coloration
du sang :
1,958.400
Sang noir,
partiellement
\
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)
Rouge somb
dissous.
A
100,280
48,000
49,800
Assez bien
445-440
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Un peu
1,555,200
Noir,
A
de
microbes.
plus sombre
presq. compl.
3
,
microbes.
que I.
dissous.
s/
/
29,120
19,240
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1,16)4,800
Rouge
2,688, 000
Noir, dissous.
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(
sombre entre
e lapin.
Culture
V
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log, 120
54,080
82,840
Beaucoup de
microbes.
1,553,760
Culture.
I et 2.
Noir rouge.
3,057,600
Noir, dissous.
'
1
Beaucoup
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1
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sous forme de
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V
grands amas.
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39440
25,040
5.760
2 1 ,600
Rouge.
465, g20
Noir rouge.
Si
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98,640
78,952
3,000
Peu
259,840
Quelques
Rouge
1,614,080
Noir,
A
l
•
de microbes.
amas par
très sombre.
presq. compl.
V
champ.
dissous.
1)
f
3i,3Go
19,840
9,180
634,880
Comme 1.
3,455,000
Noir,
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V
part, dissous.
^•1
7.. 780
53,280
48,000
Assez bien
884.800
Petite
Rouge noir.
3,840,000
Noir.dissous.
\^\
1
\
de microbes.
culture.
'
1
4i8
Dr Honoré VAN DE VELDE
// résulte de ces diverses expériences que les staph. Y et A se com-
portent d'une façon toute différente vis-à-vis du sang : tandis que les
premiers ne subissent quune diminution faible ou même nulle, les staphy-
locoques atténués subissent une diminution forte et prolongée et, si la
repullation se déclare, elle est très tardive.
On pourrait peut-éti'e nous objecter que les expériences que nous
présentons ne sont pas absolument décisives et cela pour deux motifs.
1° Le sang n'est pas une humeur pure, il renferme des globules blancs.
Nous ferons observer que les leucocytes ne jouent qu'un rôle secondaire
dans l'action bactéricide du sang de lapin. Ce fait a été démontré par Denys
et Havet. Ces auteurs ont, en effet, comparé l'action du sang filtré à celle
du sang non filtré et n'ont pas trouvé de différence appréciable,
2° Quand on injecte les microbes dans la plèvre, la lutte entre
ceux-ci et l'organisme n'a pas lieu dans le sang, mais bien dans l'exsudat,
qui est un liquide dépouillé de globules rouges ou qui n'en renferme que
très peu. Nous ne croyons pas que les hématies soient de nature à altérer
le pouvoir bactéricide du sang pour les microbes; car, si au lieu de sang,
on recourt au sérum, on obtient les mêmes résultats.
§ II. — Expériences faites avec le sérum.
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S Q g
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APRES
1 H.
APRES 2 HEURES
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APRES 24 MEURES
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42,240
87,200
18,400
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0
Transpar
0
Pas de
microbes.
Légèrem.
troublé.
774,400
3,080
58o
Très rares
coques et
dipl. Pas
d'amas.
435
Très rares
coques et
dipl. Pas
d'amas.
Troublé ?
i35
Pas de
microbes
Troublé.
2,136,400
1,800
420
0
Transpar.
0
rien vu
Rencontré
2 petits
amas.
Troublé.
1,366,400
8,25o
1,360
Peu de
8,640
Peu de
Légèrem.
341,140
Petite
Très
1,593,600
micr. Pas
micr. Il y
troublé.
culture
troublé.
d'amas.
a de petits
amas.
Petite
culture.
Grands
amas.
Très
grands
amas.
Très
grands
amas.
Cette expérience est d'autant plus remarquable dans ses résultats que
du côté des microbes A nous commençons par un chiffre à peu près double
de celui des V.
LE MECANISME DE LA VIRULENCE
419
Une deuxième et une troisième expérience nous fournissent l'occasion
de constater pour le sérum une augmentation directe des F.
SEM.
BOUILL.
IMMEDIAT.
APRÈS
I
APR. I H. I APR. 2 H.
APR. 4 H.
APR. 6 I '2 H.
Sérum \
obtenu par action ;
centrifuge.
28,720
25,344
25,220
Pas de
prolifér.
34,648
2,400
i,5g6
40,480 120 400
SEM.
BOUILL.
IMMED.
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 4 H.
76,360
Assez bien de
petits amas.
147,840
Beaucoup
d'amas
volumineux.
APR 6 I'2 H.
Sérum l ^
obtenu par action <, y
centrifuge.
19,360 7,920 ' 38oo
44,160 5i,520 59,040
720 i3oo
i38,88o 202,400
Grands amas.
Dans l'expérience suivante, nous employons à la fois comme semence
3 culture dans le bouillon et une culture dans le sérum. Cette expérience
démontre de nouveau que la différence d'action ne peut nullement s'expliquer
par un changement de milieu.
SEMENCES
IMMÉD.
APR. l'en-
SEMENC.
APRÈS
1 H.
APR. 2 H.
APRÈS
4 H.
APRÈS
6 H.
APR. S H.
APR. 10 H.
/ /
NV
6,200
230
0
Rien.
0
0
4000
Peu
i5g.36o
Beaucoup
G 1
de microbes.
de microbes,
pas d'amas.
V
5,040
1,540
Rares
Rien.
2.200
4800
5,940
Assez bien
17,600
Assez bien de
SX l'- i
col.
de microbes.
microbes.
. 1
•0 \
grands amas ;
H
cfr. chiffres.
u
NV
4,140
3io
Rares
Rien
I col.
23o
9,460
Assez bien
191,600
Beaucoup
col.
sur
dernier., surt.
de microbes.
64 ch.
en amas.
V
8,600
1,120
Rien
Rien.
i,56o
1 3,440
128,000
Beaucoup
604,800
Petite
\ l
de microbes.
culture.
(1) La prolifération est confirmée par la présence de petits amas de 4 à S qui n'c.Nister.t pas dans
les préparations faites immédiatement après l'ensemencement.
420 • D' Honoré VAN DE VELDE
Si nous résumons toutes ces nombreuses expériences, nous arrivons à
un résultat constant : le microbe A est plus sensible que le microbe V aussi
bien à l'action du sérum qu'à l'action du sang et cette sensibilité spéciale se
fait remarquer de deux façons :
1° il est détruit en plus grande quantité ;
2° sa pullulation, si elle se produit, et beaucoup plus tardive.
La variété F est beaucoup moins impressionnable; la diminution qu'elle
subit est plus faible, moins durable et même quelquefois, le phénomène
s'est présenté dans trois de nos expériences, il n'y a pas de diminution;
la pullulation commence dès l'ensemencement. Ce fait s'observe surtout
quand la dose ajoutée est considérable.
Ces différentes constatations ont été obtenues par trois moyens d'inves-
tigation qui se contrôlent les uns par les autres :
1° la numération des colonies;
2" l'examen des préparations microscopiques;
3° les changements extérieurs du sang ou du sérum.
De tout ce qui précède, nous pouvons, croyons-nous, conclure à bon
droit qu'une des raisons pour lesquelles la variété virulente tue à moindre
dose que la variété atténuée réside dans le fait qu'elle est plus difficilement
détruite par le sérum.
Du reste, ce qui le démontre bien, c'est que les expériences avec le
sérum donnent les mêmes résultats qu'avec le sang.
Le sérum, tout en exerçant un pouvoir bactéricide considérable sur
les staphylocoques atténués, n'a que peu ou pas de prise sur la forme exaltée.
§ IIL — Expériences faites avec la partie liquide d'un
exsudât pleural.
Ces expériences nous semblent avoir encore plus d'importance que
les précédentes : en effet, c'est dans ce milieu, et non pas dans le sérum
du sang, que se passe la lutte entre le microbe et l'organisme.
Notre sérosité (1) a été obtenue au moyen de l'appareil centrifuge et ne
présentait plus aucun élément histologique à l'examen microscopique.
(i) Disons une fois pour toutes que par sérosité nous entendons la partie liquide de l'cxsudat.
LE MECANISME DE LA VIRULENCE
421
Dans une première série d'expériences, nous produisons l' exsudât par
l'injection de 1 ou 2 ce. de bouillon A à des lapins que nous sacrifions après
7— S heures. Cet exsudât renferme toujours un certain nombre de staphylo-
coques vivants, comme on peut s'en assurer en faisant une plaque.
Dans une seconde série, nous provoquons l'épanchement par des sta-
phylocoques tués à 1200 et provenant tantôt de cultures V, tantôt de
cultures A. Nous n'avons jamais remarqué sous le rapport de la provenance
de différence appréciable dans l'intensité de l'exsudation.
A. Nous donnons d'abord quelques tableaux appartenant à la pre-
mière série, c'est-à-dire celle où l'épanchement a été produit par des
staphylocoques A vivants.
i/> z
0 2
S g
IMMEDIAT.
APRÈS
APR. 2 H.
APR. 4 H,
APR. 12 H.
APR. 35 H.
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9,570
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14,000
Aucune
1,167,280
Sérosité. <
puUul., gonfl.
V
13,770
12,672
32,640
' 649,600
Petite cuit.
1,612,800
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IMMEDIAT.
APRÈS
APR. 2 H
APR. 5 H.
APR. 14 H.
APR. 36 H.
Sérosité.
A ' 38,640 j 12,180 I 4,225
I ' Gonflés. I
V I 30,240 ! 9,880 I 5,700
22,400
4,200
i,o3o,40O
SEMENCES
BOUILLON
IMMÉDIAT.
APRÈS
APR. I H.
APR. 3 I 2 H.
APR. 5 H.
APR. 14 H.
APR. 36 H.
1
A
37,960
12,420
10,800
gi2
0
2,090
Coques
Idem.
Pas
Rares
1
etdiplocoques
de microbes.
microbes.
i
en partie
-<Ù
]
gonflés.
'tn
n
' V
4.0,020
23,660
10,200
. i5,5io
43,600
416,000
•S
m
Pas de dégé-
Assez nombr.
Coques et
Petite culture
néresc.
petits groupes
diplocoques,
et grands
Commenc de
de 5, 10, i5,
grand amas.
amas.
form. de tout
pas de
organismes
1
petits amas
dégénéresc.
petits.
\
de 3, 4.
422
Dr Honoré VAN DE VELDE
Cette différence s'observe encore, quand on donne des doses très fortes,
comme on peut le voir dans les expériences suivantes :
tn Z
1 u S
IMMEDIAT.
APR.
s o
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 4 H.
5 1/2 H.
APR. 14 H.
APR. 36 H.
A
248,000
ii5,36o
80,960
91,728
52,080
15,876
776,160
•
très gonflés
-6
2
•V
V
543,360
591,840
277,184
212,480
pas pullul
220,400
Beauc.
d'org. petits
gr. amas.
552,000
1,728,000
SEMENCES
BOUILLON
0
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 4 H.
APR. 6 H.
APR. II H.
APR. 22 H.
APR. 40 H.
"■B
A
267,424
96,120
65,520
13,440
5,504
39,200
23,496
691,680
m
0 \
■0) 1
^ (293,440
103,240
128,040
58,58o
114,840
524,160
880,000
1,361,920
488,800
168,960
133,760
27,360
127,680
648,000
710,400
1.657,600
B. Dans une deuxième série d'expériences, au lieu de produire l'épan-
chement par des microbes A vivants, nous l'avons provoqué par l'injection
de produits microbiens.
On remarquera que nous obtenons ainsi un liquide à pouvoir bactéri-
cide plus considérable que précédemment : nous attirons dès à présent
l'attention sur ce fait. Il suffit de jeter un coup d'œil sur les trois expé-
riences suivantes et de noter la fréquence des zéros pour s'en convaincre
immédiatement : le pouvoir microbicide est tellement fort qu'il atteint
non seulement la totalité des microbes A, mais aussi tous les microbes V,
avec cette différence pourtant que les A ont succombé après deux heures de
contact, tandis que les F n'ont succombé que plus tard. Ici encore donc
nous retrouvons la résistance inégale sur laquelle nous avons déjà souvent
insisté.
LE MECANISME DE LA VIRULENCE
423
tfi
Z
Cd
0
0
a
J
3
U
0
(fi
ca
IMMEDIAT.
APRÈS
APR
APR. 22 H.
Sérosité.
(
A
V
9,200
14,592
0
io,oSo
0
600
0
0
0
0
Sérosité. '
(
A
V
10,752
11,860
0
5,23o
0
0
0
0
0
0
Sérosité. '
A
20,020
0
0
0
0
(
V
26,680
1,708
0
0
0
Comme nous l'avons dit plus haut, un phénomène qui frappe immé-
diatement, c'est l'intensité du jiouvoir bactéricide de la sérosité quand on
l'obtient par injection de cultures mortes. Nous nous expliquons cette exal-
tation de l'influence bactéricide par ce motif que l'épanchement ne rencontre
que des organismes détruits et incapables de pulluler. Dans ce conflit, la
sérosité ne perd rien ou ne perd que fort peu de sa force, tandis que,
quand elle s'accumule au contact d'organismes vivants, elle épuise une
partie de son action.
Non seulement cette diff"érence du pouvoir bactéricide entre les épan-
chements produits par les cultures vivantes et ceux produits par les cultures
mortes se traduit le jour même de l'expérience par le nombre de microbes
tues et par la rapidité avec laquelle ils sont détruits, mais elle est encore
plus manifeste le lendemain. Ainsi les sérosités de l'épanchement obtenu
par les microbes vivants sont constamment troublées le lendemain de l'ex-
périence et elles forment une véritable culture, comme on peut le voir au
microscope. Au contraire, les sérosités obtenues par des toxines conservent,
même après 24 heures, leur limpidité primitive et quand on les ensemence
de nouveau, elles manifestent encore un pouvoir bactéricide intense. C'est
ce que nous avons constaté avec les tubes des trois expériences précédentes;
comme on peut le voir, leur action meurtrière n'a nullement été épuisée
par l'inoculation de la veille.
Réinoculation après 24 heures avec semences A et V dans le sérum.
IMMÉD. APRÈS
RÉINOCULATION
APR. 6' H.
APR. 10 H.
APR. 22 H.
5.940
0
0
0
10 col. en tout
i3,5oo
2,800
270
Rares.
21,280
10,880
0
0
0
126,560
8,840
3,276
800
34,720
638,400
i8,5oo
274
0
1200
360,000
11,020
6,600
14,190
48,000
403,200
424
Dr Honoré VAN DE VELDE
Dans la première de ces expériences, nous pouvons constater que le
pouvoir bactéricide vis-à-vis des A s"est conservé dans toute sa force :
2 2 heures après le second ensemencement et 46 heures après le premier,
toute puliulation se trouve encore enrayée.
Dans la deuxième, la repuUulation est retardée jusqu'au lendemain;
le pouvoir bactéricide, quoique affaibli, était donc encore bien conservé.
Dans la troisième, au contraire, le pouvoir bactéricide a subi une
diminution marquée, qui s'explique sans doute par l'abondance du pre-
mier ensemencement.
Chose curieuse, les staph. V, qui ont tous succombé le premier jour,
persistent en notable proportion après le réensemencement : ce fait met de
nouveau en évidence la résistance inégale de nos deux variétés.
Ici encore comme précédemment, nous avons institué notre expérience
de manière à parer à l'objection que le changement de milieu aurait pu
exercer son influence ; en effet, au lieu d'une semence dans du bouillon,
nous avons utilisé des cultures A et F dans de la sérosité chauffée.
Les résultats, comme on va le voir, sont en parfait accord avec tous
les résultats précédents.
IMMÉD.
APR.
SEME
BOUIL
APR.
APR. 2 H.
APR. 4H.
APR. 6 H.
APR. 9 H.
APR. 12 H.
APR. 24 H.
48 H.
[
^ (42,588
gio
(?)
0
0
0
1270
5,000
A .|
61,180
625
660
0
0
0
75o
6,25o
i
"1
29,640
840
910
480
28,768
325,600
Innombr.
5i,36o
1,920
1,040
1,920
73,968
673,430
Innombr.
Nous avons ainsi exécuté la première partie de notre programme. On
se souvient que l'examen de nos anim-aux tués à court intervalle après
l'injection de l'une ou de l'autre de nos deux variétés de staphylocoques
nous avait fait émettre l'hypothèse que les hiunews jouaient un grand rôle
dans le sort des microbes injectés. En effet, nous avons vu les staphyloco-
ques A diminuer progressivement de nombre en présentant souvent des
phénomènes de dégénérescence : gonflement et diminution d'affinité pour
les matières colorantes. Au contraire, les staphylocoques /' présentaient
une puliulation ininterrompue. Nos expériences sur la façon dont nos deux
espèces de microbes sont influencées par le sang, par le sérum et par la
LE MÉCANISME DE LA VIRULENCE 425
partie liquide de l'épancliement viennent légitimer complètement notre
manière de voir; aussi, à moins d'admettre que la puissance bactéricide
ne soit une acquisition faite par les humeurs après leur sortie du corps,
doit-on attribuer à ces dernières une part considérable dans la résistance
du lapin aux staphylocoques. Par leur influence bactéricide considérable
sur la variété ^, elles mettent rapidement hors de combat le plus grand
nombre des envahisseurs et contribuent puissamment à préserver l'orga-
nisme. Par contre, elles ont peu d'action sur les microbes V et ceux-ci ont
rapidement transformé l'exsudat en une culture microbienne.
Dans la sérosité, les A présentent une dégénérescence manifeste, égale
à celle qu'ils offrent lorsqu'ils sont injectés dans la plèvre : ils se gonflent,
prennent de moins en moins la matière colorante et finissent par disparaitrc.
Dans la planche qui accompagne ce travail, on trouvera les différents
stades de cette transformation et, à côté, les mêmes stades observés dans
une sérosité ensemencée avec les V, fig. 7 à 12.
CHAPITRE m. — Rôle protecteur des leucocytes.
Jusqu'ici, nous ne nous sommes occupé que de l'action préservatrice des
humeurs; mais dans la plèvre de nos lapins sacrifiés nous avons constaté
un phénomène qui nous oblige à rechercher et à préciser l'intervention de la
phagocytose. ^ Ce phénomène, c'est l'incorporation des microbes dans les
globules blancs.
Dans ce chapitre, nous allons donc nous occuper successivement des
trois questions suivantes.
§. I. La phagocytose joue-t-elle un rôle dans la destruction des
staphylocoques?
§ IL Cette fonction s'exerce-telle avec la même intensité sur les
staph. f'et ^ ?
§ III. Cette fonction contribue-t-elle pour une part plus grande à
préserver le lapin que l'action des humeurs?
^ I. — Première question.
La phagocytose joue-t-elle un rôle important dans la destruction des
staphylocoques soit atténués, soit virulentsl
Ce serait faire œuvre bien légère que de conclure de l'existence de mi-
crobes dans les leucocytes à l'existence de la phagocytose chez le lapin. En
54
426 D'" Honoré VAN DE VELDE
effet, ces staphylocoques, tout dégénérés qu'ils sont, peuvent avoir été
recueillis dans cet état par les globules blancs. Nous n'avons même aucune
crainte d'affirmer que tel doit être souvent le cas. En effet, dans les prépa-
rations faites avec l'exsudat ou le grattage des parois pleurales, on trouve
souvent entre les leucocytes un grand nombre de microbes présentant les
mêmes caractères de dégénérescence que les organismes inclus dans les
gloljules blancs, caractères que nous avons du reste vu se produire en mgsse
dans la sérosité privée de tout élément organisé.
Pour prouver que les staphylocoques sont tués après leur incorporation
dans les leucocytes et non avant, il ne suffit pas de retrouver leurs débris
à l'intérieur de ceux-ci, mais il faut établir qu'ils ont été saisis en pleine
vitalité.
La démonstration la plus simple paraît consister dans les opérations
suivantes : centrifuger un exsudât obtenu par l'injection d'une culture sté-
rilisée, chauffer la partie liquide à 60° pour détruire son pouvoir bactéricide,
y réintroduire les globules blancs, ajouter des microbes et fixer le sort de
ces derniers par les plaques et l'examen microscopique .
Les expériences que nous avons faites sur ce plan nous ont peu
satisfait. Les leucocytes, remis dans la sérosité chauffée, meurent très rapi-
dement et l'action bactéricide est peu marquée : on dirait que l'humeur
ainsi traitée est devenue un vrai poison pour les leucocytes. Le sérum se
comporte de même. En présence de cet insuccès, nous avons eu recours
au bouillon, auquel certainement personne n'attribuera un pouvoir bactéri-
cide. L'exsudat est donc centrifugé et les globules blancs sont mis en
suspension dans ce nouveau milieu : ils y conservent leur vitalité pendant
des heures et, examinés à la température du corps, ils poussent des pseudo-
podes exactement comme dans leur milieu naturel. Voici deux expériences
de ce genre. Chacune comprend deux portions : la première composée de
bouillon additionné de globules blancs, la deuxième de bouillon additionné
d'une goutte de la sérosité de l'exsudat : cette dernière a pour but d'exclure
de l'expérience toute intervention de la partie liquide de l'exsudat ; en effet,
une certaine quantité de sérosité devait rester accollée aux globules blancs,
malgré le tassement énergique que leur avait imprimé la force centrifuge
au fond du tube, et aurait pu être la cause d'une certaine destruction. Or,
l'addition à un bouillon témoin d'une quantité de sérosité, certainement
plus considérable que celle qui pouvait être restée dans les interstices de la
masse compacte des leucocytes, devait nous mettre à l'abri de cette erreur.
LE MECANISME DE LA VIRULENCE
427
Dans chacune de nos deux expériences, il nous semble que l'action
phagocytaire des globules blancs est manifeste. Dans le bouillon avec des
leucocytes, nous constatons une diminution considérable des microbes, (la
deuxième expérience est sous ce rapport bien positive), tandis que dans les
tubes témoins additionnés d'une goutte de sérosité nous avons une augmen-
tation rapide. L'opposition entre les deux tubes est encore plus manifeste,
si l'on veut bien remarquer que dans le bouillon additionné de globules
blancs, les chiffres initiaux sont environ dix fois plus forts que dans
les témoins.
SEMENCE
DANS
BOUILLON
IMMEDIAT.
APR. l'ense-
mencement
APR. I 1/2 H.
Globules dans du bouillon.
Bouillon
-\- goutte de sérosité
érosité. V
Globules -j- bouillon.
Bouillon témoin
-|- goutte de sérosité
. )
128,760
17,920
638,400
56,320
8,320
36,720
300,048
553,280
APR. 4 H.
1,400
Innombr.
109,440
Innombr.
L'intervention des phagocytes est démontrée non seulement en intro-
duisant ces éléments dans un milieu inerte où ils continuent à vivre, mais
en leur permettant d'agir dans leur milieu naturel, c'est-à-dire la séro-
sité de l'exsudat. Cette démonstration, en quelque sorte indirecte, se fait
en comparant le pouvoir bactéricide de l'exsudat complet à la sérosité ob-
tenue par action centrifuge ; si le premier milieu se montre plus bactéricide
que le second, il est évident que cette différence doit être rapportée aux
globules blancs. Or, c'est précisément ce que l'on constate : l'exsudat com-
plet possède un pouvoir bactéricide manifestement supérieur au pouvoir
bactéricide déjà si intense de la sérosité.
Voici une expérience dans laquelle nous employons comme semence
un staph. A. On remarquera qu'au début nous avons environ deux fois
plus de microbes dans l'exsudat complet que dans la sérosité. Ce dés-
avantage n'empêche pas que, déjà après une heure, le chiffre dans l'exsudat
complet est descendu bien loin au-dessous de celui de la sérosité.
428
Dr Honoré VAN DE VELDE
IMMEDIAT.
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 4 H.
APR. 9 H.
O g ^Exsudât complet
o o
Sérosité seule.
22,440
12,400
2,040
6,440
200
3,600
Dans l'expérience suivante, nous avons comme semence du staphylo-
coque virulent.
SEMENCE
DANS
BOUILLON
IMMÉDIAT.
•APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 4 H.
Exsudât complet.
Sérosité.
35,840
33,800
3,680
13,524
1,920
7,936
2,800
Il y a encore une autre façon d'établir l'intervention des globules
blancs : c'est d'ajouter à du sang défibriné des globules retirés d'un épan-
chement par action centrifuge. Ce sang, tout en étant doué d'un pou-
voir bactéricide manifeste, ne possède cette propriété qu'à un degré bien
inférieur à la sérosité et de cette façon l'intervention des leucocytes devient
apparente. Nous allons rencontrer de suite une expérience de ce genre.
Elle comprend quatre portions : d'abord deux portions de sang comme tel,
qui nous montrent de nouveau la sensibilité spéciale des staphylocoques
atténués pour ce liquide; ensuite deux portions du même sang additionné
de globules provenant de l'exsudat déterminé chez le même lapin et isolés
par l'action centrifuge. On remarquera que ce milieu est bien plus microbi-
cide que le premier : la différence est surtout manifeste pour les staphylo-
coques virulents.
■ J
IMMÉDIAT.
APRÈS
I H.
2 H.
3 H.
5 H.
7 H.
10 H.
22 H.
3 JOURS
Sang. ^^
24,000
25,700
i5,ooo
20,700
4,800
ii,3oo
725
12,768
3 00
112,320
Rares
col.
1,792,000
1950
Innom.
352,000
Innom.
Innom.
Sang + A
20,700
2,720
36o
3oo
342
345
2g col.
2884
glob. bl. de
l'exsudat (
du même
lapin.
V
17,000
2,120
840
840
1450
i,oi5
1680
10,320
LE MECANISME DE LA VIRULENCE
429
Non moins intéressante que l'addition de globules à des portions de
sang est leur addition à du sérum frais obtenu en centrifugeant du sang
frais défibriné. On compare ici le sérum comme tel et le sérum additionné
de globules; de plus, nous employons ici une semence de sérum Les résul-
tats sont toujours positifs.
SEM.
SÉRUM
IMMÉDIAT.
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 4 H.
APR. 14 H.
APR. 40 H.
Sérum frais
A
11,320
10,080
73,600
288,000
742,160
Innombr.
du sang.
V
22,960
i3,i6o
34,560
499,200
1,868,888
Innombr.
Même sérum 1
-|^ gl. blancs
d'un exsudât. '
A
23,780
4,410
3,36o
1,540
48,160
371,200
V
14,160
3,5oo
2,618
840
138,760
976,000
Dans les expériences suivantes, nous comparons la sérosité à l'exsudat
complet.
nj ce!
1/1
IMMÉDIAT.
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 4 H.
APR. 14 H.
APR. 40 H.
Sérositéo--
A
V
14,840
13,740
7,660
3,640
9,570
12,672
8,o5o
32,640
14,000
649,600
1,169,280
220,480
Exsudat com-
A
20,580
4,960
2,400
870
2,170
6,75o
plet
V
103,740
34,000
2,880
i,35o
Rares col.
644,800
. S
IMMÉDIAT.
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 4 H.
APR. 6 H.
APR. 9 H.
•
^
267,400
96,120
65,52o
13,440
5,504
39,200
Sérosité.
y
, 293,440
103,240
128,040
58,58o
1 14,840
524,160
.
\ 488,800
168,960
133,760
27,360
127,680
648,000
Exsudât com-
plet.
A
V
290,832
395,520
59,160
34,320
3o8
9.204
5,520
4,116
12,480
8,160
26,840
32,760
\ 589,63o
61,440
26,208
4,700
6,384
i6,5oo
Concluons : ainsi se Iroiipe résolue, croyons-nous, la question posée
au commencement de ce paragraphe : les leucocytes jouent-ils un rôle dans
la destruction des staphylocoques, aussi bien des V que des A? A la suite
de nos nombreuses expériences, nous devons y répondre par l affirmative .
430
Dr Honoré VAN DE VELDE
§ 2. — Deuxième question.
Abordons à présent le second point : la phagocytose sexerce-t-elle avec
la même intensité sur les staph. A et'Wl
Nous n'avons pas fait beaucoup d'expériences à ce sujet; mais d'après
nos quelques recherches, nous pensons devoir admettre une action spéciale
des globules blancs sur la forme la moins pathogène.
Pour résoudre ce problème, il est de nouveau nécessaire de faire agir
les globules blancs dans un milieu inerte. Dans l'expérience suivante, ce
milieu est du bouillon ; elle comprend quatre portions de bouillon : à deux
portions, nous ajoutons des globules blancs obtenus par action centrifuge ;
à deux autres, une goutte de sérosité à l'effet de compenser l'action de la
sérosité adhérente aux globules blancs. Tandis que les microbes atténués
subissent une diminution considérable au point qu'après 24 heures ils ont
presque tous péri, les V, après avoir présenté une période presque station-
naire de 2 heures, fournissent au bout d'un jour une vraie culture. Nous
admettons volontiers un certain désavantage du côté des globules blancs
vis-à-vis des Vk cause du large ensemencement de ceux-ci ; mais l'expérience
que nous avons de ce sujet nous permet d'affirmer que la différence dans
les chiffres de début n'est pas de nature à modifier essentiellement le
résultat. Les portions 3 et 4, dans lesquelles nous avons une augmentation
directe, sont là pour témoigner que l'effet bactéricide constaté dans les
portions i et 2 n'est pas imputable aux traces de sérosité qui pourraient
adhérer aux globules blancs.
SEM.
BOUILL.
IMMÉDIAT.
APRÈS
APR. 2 H.
APR. 8 H.
APR. II H.
APR. 24 H.
Globules
A
60,564
3g,36o
2,25o
1,690
Rares col.
dans du bouillon.
V
119,840
120,320
III, 36o
784,000
Innombr.
Bouillon -j-
A
42,240
101,520
1,060,800
une goutte de sérosité.
V
114,400
188,160
1,000,000
Si nous poupons tirer une conclusion de cette expérience, nous
devons admettre que les A sont détruits plus facilement par les leucocytes
que les V.
LE MÉCANISME DE LA VIRULENCE
431
§ 3. — Troisième question.
Quelle est l'importance du râle de la phagocytose comparé à celui de
la propriété bactéricide des humeursl Les expériences qui précèdent nous
montre qu'à côté de la • pu issance bactéricide des humeurs intervient
un second facteur : les globules blancs en tant qu'agents phagocytaires.
Est-il possible de définir l'importance réciproque de ces deux facteurs? Si
l'on compare entre elles les expériences où nous avons fixé le pouvoir bac-
téricide de l'exsudat complet et de la sérosité, il nous semble qu'on ne peut
pas méconnaître que le rôle principal revient aux humeurs. A notre avis, la
meilleure façon de le prouver est la suivante : d'un côté, on fait agir la séro-
sité débarrassée de tout leucoc}'te, et de l'autre, les leucocytes extraits de
cette sérosité et mis en suspension dans du sérum qui, nous le savons, a
un pouvoir bactéricide inférieur à celui de la sérosité. Or, si nous trouvons
que la sérosité à elle seule est plus bactéricide que les globules blancs et le
sérum sanguin réunis, il est évident que le rôle principal doit être attribué
à la partie liquide de l'exsudat, comme il découle des expériences suivantes.
a p
ui o
ta
IMMÉD.
APR.
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 3 12 H.
APR. 5 H.
APR. 14 H.
^
APR. 38 H.
--I
A
38,640
23,760 1
12,180
15,040
Beauc.
4,225
0
4,200
Sérosité. (
gonflés et
dégénérés.
V
30,240
11,200
9,880
15,840
Pas gonfl.
5,700
22,400
i,o3o,4oo
Globules
A
19,040
18,460
5,320
7,200
6,820
800,000
Innombr.
dans sérum
non chauffé.
V
56,400
37,960
13,340
12,420
10,880
19,980
16,000
10,800
10,200
912
4,928,000
0
Innoinbr.
2,090
Coq. et
Très rares
diploc. en
dipl.,vuun
partie
tout petite
gonflés.
amas.
Sérosité.
40,020
23,660
34,160
10,200
Pas gonflés
comm. de
format, de
petits
i5,5io
43,600
416,000
Petite cuit.
et
grands amas.
Globules
dans sérum
56,840
14,500
8,960
amas (3,4).
4,800
4,940
663,520
Innombr.
non chauffé.
32,940
21,600
7,290
10,800
i 9.570
2,235,200
Innombr.
Si le pouvoir bactéricide des humeurs n'est pas une propriété post
mortem, il joue dans la résistance du lapin au staphylocoque un rôle plus
con sidérable que la phagocytose.
432 Dr Honoré VAN DE VELDE
CHAPITRE IV. — D'un poison qui neutralise le rôle protecteur des leucocytes.
Ce chapitre se divise en deux paragraphes.
§ i. Existence d'un poison de cette nature.
§ 2. Sa sécrétion par les deux staphylocoques.
§ 1 . — Existence d'un poison qui neutralise le vole protecteur
des leucocytes.
Chez le lapin, inoculé même avec de toutes petites doses de staph. V,
les globules attirés dans l'épanchement meurent bientôt : 4, 6, 8 heures
après l'injection, ils perdent leur aspect normal, montrent leur noyau et
sont incapables de manifester des mouvements amiboïdes. A la mort de
l'animal, on trouve généralement tous les globules de l' exsudât dans cet état
de dégénérescence. Cette destruction contribue-t-elle à diminuer la résistance
du lapin?
La réponse se trouve contenue dans les expériences précédentes.
Dès qu'il est démontré que les globules blancs sont capables de détruire
un certain nombre de microbes, il s'ensuit que leur destruction doit favoriser
les entreprises de' l'agresseur. Ce résultat est un corolaire forcé de tout
ce qui précède. Aussi noua parait-il inutile d'insister davantage sur ce point.
Mais le mécanisme intime du phénomène nous semble digne de nous occu-
per pendant quelque temps.
Comment se fait cette destruction? La première hypothèse qui se pré-
sente est celle de la fabrication par le microbe d'un poison qui détruit le
leucocyte.
Si cette hypothèse est la véritable, les globules sains, vigoureux, que
nous ajoutons à un épanchement obtenu par injection de staph. f, devront
y périr. C'est ce qui se présente effectivement.
L'expérience se fait le mieux de la façon suivante : on centrifuge un
exsudât provoqué par l'injection de staph. F, de façon à obtenir un liquide
débarrassé de tout leucocyte ; on dépose une gouttelette de ce liquide sur un
porte-objets, on y ajoute des globules blancs vivants provenant d'un exsudât
obtenu par l'injection de staphylocoques morts à un autre lapin, on couvre
rapidement d'un couvre-objets et on examine la préparation à la température
du corps. Dans les premiers moments, on voit les globules blancs pousser
des pseudopodes, mais ces manifestations de vie s'arrêtent rapidement :
LE MECANISME DE LA VIRULENCE 433
déjà après une minute, le leucocyte a repris la forme ronde et présente
aussitôt des altérations : il pâlit considérablement, on dirait que le proto-
plasme se dissout dans le liquide ambiant, et le noyau, jusqu'alors invisible,
devient nettement apparent. En un mot, ces globules blancs vivants
prennent l'aspect des globules qui se trouvaient dans l'exsudat obtenu par
les staph. F avant d'avoir été centrifugés. Ces phénomènes se succèdent
rapidement et s'accomplissent dans le court espace de 2 à 3 minutes.
Pour obtenir cet effet, il n'est nullement nécessaire d'employer l'exsudat
comme tel ; on peut le diluer dans de fortes proportions et alors on constate
encore la destruction des leucocytes. Comme liquide de dilution, l'eau salée
physiologique convient très bien; par elle-rnême, elle est inoffensive et des
globules blancs mis dans cette solution et portés à la chambre chauffée y
conservent leurs mouvements pendant plusieurs heures.
Expérience.
Un exsudât centrifugé, provenant d'un lapin mort par suite de l'injec-
tion de staph. F, est dilué avec de l'eau salée dans diverses proportions :
1° 1 partie d'exsudat pour 2 parties d'eau salée.
2° 1 - - 3 - ^ "
_ 30 1 . _ 5 u ;. «
40 1 - « 10 - _ ii
A ces différentes dilutions déposées en gouttelettes sur des porte-objets,
comme il a été dit plus haut, nous ajoutons des globules blancs bien vivants
et nous constatons qu'ils parcourent le cycle de leurs altérations : pour les
2 premières dilutions (1/2, i/3) en 2 minutes ; pour la 3"'»^ (1/5) en 5 minutes ;
pour la 4"^' (1/10) en 7 minutes.
Les mêmes globules blancs vivants examinés dans l'eau salée pure con-
servent leurs mouvements pendant des heures.
Nous avons répété ces expériences un grand nombre de fois et elles
nous ont appris :
\° que sous l'influence de l'exsudat virulent, concentré ou peu dilué,
cette altération se produit avec une grande rapidité, même avec une quasi
instantanéité-;
2° que l'exsudat peut être dilué fortement avec un liquide indifférent
sans qu'il perde son action; cette dernière est seulement ralentie.
De quelle nature peut bien être ce poison? Nous nous sommes demandé
s'il n'appartenait pas au groupe des ferments, c'est-à-dire de ces substances
55
434 Dr Honoré VAN DE VELDE
de nature albuminoïde encore peu déterminée et dont l'action est suspendue
ou détruite par un chauffage à ôo». Pour décider cette question, nous avons
porté six portions d'exsudat F pendant dix minutes à diverses températures :
50°, 56", 57°, 58», 60°.
En introduisant dans ces diverses portions, après refroidissement, des
globules blancs vivants, nous avons obtenu les résultats suivants :
à 50°, dégénérescence rapide,
à 55° « « .
à 57° «
à 58°, les globules ne dégénèrent plus, mais conservent leur aspect
normal et leur motilité.
à 60°, idem.
Cette expérience, que nous avons souvent contrôlée avec des exsudats
provenant de divers lapins morts après injection de staph. V, nous apprend
que le poison qui tue les globules blancs est détruit vers 50" et nous permet
de le considérer comme une substance albuminoïde très instable.
Ce poison qui joue, suivant toutes les probabilités, un rôle considérable
dans l'infection, puisqu'il s'attaque à un des facteurs de résistance du lapin,
n'a été signalé à notre connaissance par personne. Pour éviter les péri-
phrases, nous proposons de lui donner le nom de substance leucocide ou
leucocidinc, par analogie avec la substance bactéricide des humeurs. Nous
avions pensé un instant à l'appeler substance globulicide, mais ce nom a déjà
été donné par Buchner à des substances de nature albuminoïde dissoutes
dans le sérum et qui exercent une action destructive sur les globules rouges
et les globules blancs d'espèces animales différentes de celles qui ont fourni
le sérum.
§ 2. — Sécrétion de la leucocidine par les deux variétés
de staphylocoques.
Les expériences précédentes nous ont permis de découvrir une sub-
stance spéciale, produite par les microbes et qui, par son action sur les
globules blancs, parait jouer un grand rôle dans la réceptivité.
Chez nos lapins, nous n'avons réussi à la mettre en évidence qu'après
l'injection de staphylocoques virulents. Dès lors, nous devions nous
demander si la production de ce poison n'était pas une propriété spéciale
du microbe V, qui l'aidait à prendre le dessus sur l'organisme. Dans
l'affirmative, nous aurions pu attribuer la virulence, du moins en partie,
LE MECANISME DE LA VIRULENCE
435
à une propriété nouvelle acquise par les staph. A dans leurs passages à
travers les animaux. Toujours dans cette hypothèse, le staphylocoque A
serait dépourvu de cette propriété ou du moins ne la posséderait qu'à un
degré tellement faible qu'elle ne pourrait lui être d'aucune utilité dans son
agression contre les lapins.
Le seul moyen de trancher la questioa, c'est de rechercher le poison
dans les cultures in vitro de nos deux variétés de staphylocoques. Si la
fabrication de cette substance est propre au staph. F, elle devra faire défaut
dans les cultures de staph. ^. Comme milieux, nous avons choisi le bouillon,
le sérum et le sang de lapin. Ces différents milieux étaient ensemencés
avec des staphylocoques A et V, laissés à la couveuse pendant un ou
deux jours et essayés ensuite sur des globules blancs bien vivants. En opé-
rant de cette façon, nous avons pu facilement constater la présence du
poison dans les trois milieux de culture, aussi bien dans le milieu artificiel
que dans' les milieux naturels. Cependant, ce poison se forme avec plus
d'abondance dans le sang et le sérum que dans le bouillon. Ajoutons de suite
que nous n'avons pas pu nous convaincre qu'il était fabriqué en plus grande
quantité par le staph. F que par le staph. A. S'il y a des différences, elles
sont si faibles et si inconstantes que nous ne pouvons pas leur reconnaître
d'importance dans l'étude de la nature intime de la virulence.
Voici quelques-unes de ces expériences.
Première expérience. — Culture dans du sérum chauffé.
Après 2 minutes
Après 5 minutes
Après 6 minutes
Culture A.
Culture V.
mouvements comme dans ^ .
comme A.
les leucocytes sont mobiles
la plupart montrent leur
noyau
tous les globules sont comme A.
immobiles, tous vésiculeux
et montrent leur noyau
Dans le même sérum non ensemencé, les mouvements sont bien con-
servés (observation de 15 minutes). Dans les mêmes cultures, mais portées
au préalable à 60° pendant 10 minutes, les globules ajoutés ne dégénèrent
plus et conservent leurs mouvements.
Deuxième expérience. — Nous comparons ici la production de la leu-
cocidine dans le sang, le sérum et le bouillon.
Les cultures des staph. A et V dans ces trois milieux sont âgées de
deux jours.
436 Dr Honoré VAN DE VELDE
Une gouttelette de chacune mise sur un porte-objets est additionnée
comme toujours de globules blancs provenant d'un épanchement obtenu par
des staphylocoques tués.
Sang
Sérum
Bouillon
A : leucocytes détruits presque aussitôt.
V »
A : globules détruits presque aussi rapidemerit que dans le sang.
A : leucocytes dégénèrent seulement après 1/4 d'heure.
V »
Il résulte de l'examen de ce tableau que les globules sont détruits avec
une rapidité inégale dans ces trois espèces de culture. De nouveau, comme
dans l'expérience précédente, il suffit de chauffer ces cultures pendant
10 minutes à 60° pour voir de nouveaux globules y développer leurs ex-
pansions avec la même intensité que dans ces trois mêmes milieux non
ensemencés (tubes témoins de sang, de sérum et de bouillon).
Cette constatation nous permet d'attribuer la destruction des globules
dans nos cultures in vitro au même agent qui opère dans les exsudats.
Les cultures ne doivent pas toujours être si âgées pour contenir la leu-
cocidine. En voici qui sont actives après 24 heures de couveuse.
Troisième expérience. — Nous opérons toujours sur des quantités
égales et de la même façon.
Culture dans du. { A : globules détruits après 5 minutes,
sang. ( V »
Culture dans du \ A : globules détruits après 7 minutes (une autre fois après 3 min.),
sérum chauffé. ( V »
Culture dans du l /l : globules détruits après i5 minutes,
bouillon. ( V »
Ces mêmes cultures chauffées pendant 10 minutes à 60° laissent les
globules blancs intacts ; nous y avons suivi leur sort pendant 2 heures et
pendant tout ce temps ils ont manifesté des mouvements tout aussi nets
que dans ces mêmes milieux non ensemencés.
Dans les cultures déjà âgées d'un ou de deux jours, on ne trouve pas
plus de leucocidine pour les Fque pour les A. Au bout d'un certain temps,
elles ont donc fabrique la même quantité de poison, mais le fabriquent-
elles avec la même rapidité? C'est ce que les expériences précédentes ne
nous apprennent pas.
LE MECANISME DE LA VIRULENCE
437
Il n'y a qu'un moyen de trancher la question : c'est d'examiner des
cultures de même âge, non plus un ou plusieurs jours après l'ensemen-
cement, mais déjà peu d'heures après, afin de surprendre le poison dès son
apparition.
Quatrième expérience :
Cultures A &i V dans le sérum
après 9 h. de couveuse.
Mêmes cultures
après 21 h. de couveuse.
Après I h. de contact, les globules ne présentent
rien de spécial.
Après I 1/4 h. de contact, les mouvements sont
conservés.
Après 3 1/4 h., aucune dégénérescence.
D'après les résultats des autopsies, on aurait pu penser que les F fa-
briquaient peut-être plus rapidement la leucocidine que les ^, mais cette
expérience n'est pas favorable à cette manière de voir.
Dans une cinquième expérience, nous recherchons l'apparition du
poison dans des cultures faites dans du sang, du sérum non chauffé et du
bouillon; on prélève un peu des cultures à différents intervalles et on y
ajoute des globules blancs vivants.
GLOBULES AJOUTÉS A DIVERS
INTERVALLES ET EXAMINÉS
CULTURES DANS DU
SANG
CULTURES DANS DU
SÉRUM CHAUFFÉ
CULTURES DANS DU
BOUILLON
CHAQUE FOIS PENDANT
1/2 HEURE
A
V
A
V
A
V
3 h. après l'inoculation
mouvements
conservés comme
dans les témoins.
idem
idem
6 h. . » »
idem
idem
idem
12 h. » 1)
mouvements actifs
partout.
idem
idem
25 h. » ))
idem
idem
idem
48 h. 1) ))
globules détruits
idem
globules détruits
presque
aussitôt.
après i5
minutes.
Il n'existe donc pas trace de poison dans les cultures F et ^ de 3 heures
à 25 heures inclusivement, mais il y existe en quantité après 48 heures.
Dans 'les diverses expériences rapportées précédemment, nous n'avons
pas pu découvrir de différence sensible ni dans la quantité de poison élaboré
par nos deux variétés, ni dans l'époque de son apparition. Nous devons
pourtant reconnaître qu'une fois nous avons constaté une légère différence.
C'est dans l'expérience VI ; il s'agit de cultures dans du sérum chauffé : à
438
Dr Honoré VAN DE VELDE
un moment donné, la culture F se montre un peu plus active que la cul-
ture atténuée, mais quelques heures après, la différence avait disparu.
Sixième expérience. — Lesglobulesajoutés se comportent comme ilsuit :
Culture A.
Culture V.
Après 10 minutes.
mouvements actifs
mouvements moindres.
» 1 5 11
idem
un petit nombre de globules
sont ronds et montrent des
signes manifestes de
dégénérescence.
» 3o »
diminution des mouvements
comme précédemment.
Quelques heures plus tard, les mêmes tubes nous montrent les phé-
nomènes suivants pour une nouvelle addition de globules blancs :
Après 5 minutes.
1) 10 »
1) 3o »
Culture A .
mouvements peu étendus
aspect granuleux de Tintérieur,
mouvements plus rares
dégénérescence avancée
presque générale
Culture V.
comme A .
comme A .
dégénérescence un peu plus
forte que A .
Dans le sérum non ensemencé pris comme témoin, les mouvements se
conservent bien.
En présence des résultats constants obtenus dans les autres expériences,
nous sommes disposé à attribuer la cause de cette différence à un facteur
accidentel, tel que l'inégalité d'ensemencement, l'inégalité dans la rapidité
de développement, etc., etc.
Afin d'éviter des erreurs au sujet de ce genre de recherches, nous devons
pourtant faire remarquer que la leucocidine apparaît quelquefois plus vite
dans le sérum ensemencé avec des mierobes F. C'est quand on opère avec
du sérum non chauffé : celui-ci détruisant beaucoup plus abondamment les
microbes A que les microbes F, ces derniers prennent une avance considé-
rable et il est naturel que le poison soit plus rapidement décelable dans
leur culture que dans celle des A.
Une remarque pour finir. De l'existence en quantité sensiblement
égale de leucocidine dans les cultures A et F, nous avons conclu que les
deux variétés de microbes produisaient ce poison en quantité égale. Cette
supposition n'est vraie que si le nombre de microbes est le même des deux
côtés. Par des plaques faites fréquemment dans le cours de ces expériences,
nous nous sommes convaincu qu'il en est réellement ainsi, de sorte que
nous pouvons admettre comme un fait établi la production en quantité
égale de leucocidine par les deux sortes de microbes.
LE MECANISME DE LA VIRULENCE 439
Résumons brièvement ce chapitre sur la substance leucocidique.
Dans les exsudats de lapins injectés avec des microbes F existe un poi-
son spécial qui n'a pas encore été signalé jusqu'ici; il est très instable vis-à-
vis de la chaleur : il est détruit à 58° environ. Mis en contact avec des glo-"
bules blancs vivants, il les tue avec une grande rapidité. Ce poison se
forme non seulement dans le corps du lapin, mais également in vitro, dans
les cultures faites avec le sang, le sérum et le bouillon. Tout en étant produit
également vite et en quantité sensiblement égale par les staph. A comme
par les Fdans chacun de ces milieux in vitro, il s'y laisse pourtant moins
vite déceler que dans l'épanchement, où il apparaît quelquefois déjà après
4 heures. Il est du reste plus abondant dans les milieux naturels (sang,
sérum; que dans les milieux artificiels (bouillon).
CHAPITRE V, — D'un poison qui neutralise le rôle protecteur des humeurs.
Ce chapitre comporte la même division que le précédent :
§ 1 . Existence d'un poison de cette nature.
§ 2. Sa sécrétion par les deux staphylocoques.
§ 1. — Existence du poison.
Dans les pages qui précèdent, nous avons vu que le développement
du staph. V dans l'organisme engendrait un poison délétère pour les
leucocytes. On peut se demander si la leucocidine est le seul principe,
favorisant l'infection, formé par le staph. F. Ici, nous visons spécialement
les substances qui détruiraient non pas les phagocytes, mais les substances
bactéricides dissoutes dans les humeurs.
On sait depuis longtemps que les produits de sécrétion des microbes
favorisent les infections : ils sont même souvent employés dans les labora-
toires pour permettre à un microbe peu virulent de prendre pied dans le
corps d'un animal. C'est à ces substances que Kruse a donné le nom de
j> lysines «. Il est certainement intéressant de rechercher si ces produits
sont formés également par les staphylocoques et si la forme Fies produit en
plus grande- abondance que la forme A.
Commençons par rechercher si des lysines sont produites par les
staphylocoques et, pour augmenter nos chances de les trouver, employons
une culture de staph. F. Pour bien mettre en évidence l'existence de ces
corps favorisants, nous avons disposé notre expérience comme il suit :
440
Dr Honoré VAN DE VELDE
Comme milieu bactéricide, nous choisissons la sérosité d'un exsudât
sans microbes et à cette sérosité nous ajoutons notre culture dans le bouillon
débarrassée des microbes au moyen d'une filtration à travers une couche
serrée et épaisse d'amiante. La filtration se fait au moyen d'une trompe
déterminant un vide presque complet : sous la pression de l'air, le bouillon
sort absolument limpide et transparent et des ensemencements abondants
faits sur gélatine démontrent qu'il renferme à peine des microbes.
Notre expérience comprend cinq portions.
Les deux premières sont formées de sérosité additionnée de bouillon
ordinaire, qui n'a pas été ensemencé : ce sont des tubes-témoins.
Dans les deux portions suivantes, le bouillon pur est remplacé par le
bouillon débarrassé de ses staphylocoques par la filtration.
Une cinquième portion est constituée par ce même bouillon pur.
Les cinq tubes sont ensemencés avec des microbes A.
Première expérience.
ENSEMENCÉS
AVEC BOUILLON A
IMMÉDJAT.
APR. l'ense-
mencement
APR. I H.
APR. 2 H.
APR.
4 1/2 H.
APR.
6 1/2 H.
I.
i Sérosité i 1/2 ce.
j Bouillon ordin. 1/2 ce.
1 6,072
75o
0
0
0
2.
j Sérosité i ce.
j Bouillon ordin. i ce.
5,880
2,240
5l0
0
0
3.
l Sérosité i 1/2 ce.
j Bouillon filtré 1/2 ce.
4,736
2,772
6,200
8,540
14,720
4-
l Sérosité i ce.
1 Bouillon filtré i ce.
3,740
4.290
4,960
26,880
279,920
5.
Bouillon filtré 2 ce.
2,128
2,464
4,928
40,320
221,760
La conclusion qui découle de cette expérience est des plus évidentes :
les sérosités 1 et 2, bien qu'additionnées de bouillon dans des proportions
considérables, détruisent rapidement les organismes.
Dans les portions 3 et 4, où le bouillon filtré remplace le bouillon pur,
nous avons un résultat opposé. Dans le tube 3, on observe une diminution
passagère suivie de pullulation; dans le tube 4, l'augmentation est directe.
Cette différence entre les tubes 1 et 2 d'un côté et 3 et 4 de l'autre- côté
ne nous semble comporter d'autre interprétation que celle de l'existence de
substances favorisantes, de produits qui annihilent l'effet bactéricide des
humeurs. En effet, deux hypothèses seules nous paraissent possibles pour
expliquer la multiplication directe dans les tubes 3 et 4.
LE MÉCANISME DE LA VIRULENCE
441
1° L'addition à la sérosité d'aliments non décomposés par une première
génération de staphylocoques (peptones, sucres, sels, etc.) a fait de cette
humeur un excellent milieu de culture. Mais les tubes i et 2 sont précisé-
ment là pour nous apprendre que la présence d'aliments ne nuit pas à
l'action bactéricide.
2° Du moment que l'hypothèse précédente tombe à faux, il faut bien
admettre la seconde : il existe dans les cultures des staphylocoques certains
produits microbiens, les substances favorisantes de plusieurs auteurs, la
lysine de Kruse, qui neutralisent l'action bactéricide des humeurs.
Ces produits se forment non seulement en dehors du corps, dans les
milieux artificiels, mais également dans les humeurs, à l'intérieur des ani-
maux infectés.
Voici deux expériences qui le prouvent. Elles sont faites sur le plan
de la précédente; la différence essentielle, c'est que le bouillon est remplacé
par un exsudât produit par les staph. V, recueilli immédiatement après
la mort et filtré également sur l'amiante. La sérosité de la première de ces
expériences est la même que celle du tableau précédent ; les tubes 1 et 2
renfermant de la sérosité pure remplissent le rôle de témoins; les tubes 3 et 4
sont composés de sérosité et d'exsudat filtré; enfin le tube 5 contient de
l'exsudat filtré pur. Tous ces cinq tubes sont ensemencés avec des staph, A.
Deuxième expérience.
ENSEMENCÉS
IMMÉDIAT.
APR.
APR.
AVEC BOUILLON A
APR. l'ense-
mencement
APR I H.
APR. 2 H.
4 l:'2 H.
6 1/2 H.
I.
Sérosité i i'2 ce.
Bouillon ordin 1/2 ce.
6,072
75o
0
0
0
2.
l Sérosité I ce.
1 Bouillon ordin. i ce.
5,880
2,240
5x0
0
0
3.
i Sérosité i 1/2 ce.
( Exsudât Ffiltréi/2cc.
5,712
3,120
2,940
2,352
870
4-
l' Sérosité ice.
j Exsudât r filtré i ce.
4,092
i,33o
2,800
1,800
1,740
5.
Exsudât V filtré 2 ce.
4,140
3,840
1,920
1,400
1 6,160
Dans cette expérience, l'influence des lysines est évidente; mais elle est
bien plus accusée encore dans la suivante. L'ensemencement est fait égale-
ment avec des staphylocoques A.
56
442
D'' Honoré VAN DE VELDE
Troisième expérience.
ENSEMENCÉS
AVEC BOUILLON A
IMMÉDIAT.
APR. l'ense-
mencement
APR. I H.
APR. 2 H.
APR.
4 1/2 H.
j Sérosité I 1/2 ce.
\ Eau salée 1/2 ce.
41,328
17,430
15,760
3.710
( Sérosité 1/2 ce.
2 1
1 Eau salée i 1/2 ce.
13.920
6,480
4,224
4,3i2
1 Sérosité i ce.
■ ( Exsudât V filtré i ce.
35,900
33,000
34,544
33,260
j Sérosité i ce.
^' \ Exsudât V filtré 3/4 ce.
47-424
41,968
56, 160
41,328
5. Exsudât filtré 2 ce.
i5,6oo
45,900
99,680
806,400
Les tubes 1 et 2, témoins, nous donnent une diminution continuellement
progressive ; dans les tubes 3 et 4, sérosité et exsudât filtré à parties égales
ou sensiblement égales, la destruction est négligeable et tombe dans les
limites d'erreur possible.
Ces recherches nous apprennent que les microbes Y élaborent dans leurs
milieux de culture, aussi bien en dehors qu'en dedans du corps, des substan-
ces qui favorisent le développement microbien, non pas par l'apport de sub-
stances simplement nutritives, puisque le bouillon pur n'a pas cet effet, mais
par des produits de désassimilation qui paralysent l'action bactéricide.
§ 2. — Sécrétion de la lysine par les deux staphylocoques.
La question que nous devons aborder à présent est celle de savoir
si ces produits favorisants sont fabriqués avec la même abondance par les
staph. A et les staph. V.
Pour la trancher, il faut comparer l'influence qu'exercent sur une
humeur bactéricide, telle que la sérosité, les cultures filtrées des deux
variétés de microbes. C'est ce que nous faisons dans l'expérience suivante.
Elle comprend divers tubes : sérosité pure, cultures filtrées pures et
mélanges de sérosité et de cultures. Ces cultures sont âgées de 24 heures.
Les témoins formés de sérosité et de bouillon non ensemencés ont été
négligés, nos expériences précédentes ayant établi que le bouillon ajouté
à volume égal à la sérosité ne trouble pas la fonction bactéricide de
cette dernière.
LE MECANISME DE LA VIRULENCE
443
Quatrième expérience.
ENSEMENCÉS
IMMÉDIAT.
APR.
APR.
AVEC BOUILLON A
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
4 1/2 H.
6 1/2 H .
I. Sérosité pure 2 ce.
1000
400
Rares col.
0
G
1 Sérosité i 1/2 ce.
'1 Lysine A 1/2 ce.
i3oo
660
460
0
0
T Sérosité i ce.
Lysine A i ce.
1720
i53o
450
96,000
1,075,900
4-
Lysine A pure 2 ce.
400
480
600
11,000
292,500
2 Sérosité i 1/2 ce.
( Lysine V 1/2 ce.
■ 435
160
0
0
0
g Sérosité i ce.
Lysine V i ce.
3oo
400
100
34,580
720,000
7-
Lysine V pure 2 ce.
3oo
1400
28,800
43,000
277,200
Conclusion : Ces cultures filtrées, additionnées à la sérosité dans la
proportion de i à 3, n'empêchent pas la destruction des microbes dans ce
dernier milieu ; à parties égales, elles exercent une action favorisante consi-
dérable, mais également prononcée pour les staph. A et les staph. V.
Si de-cette expérience unique, qu'il sera nécessaire de répéter, nous
pouvons tirer une conclusion, nous devons dire que les lysines sont fabri-
quées en quantité égale par les deux variétés de microbes; ce fait concorde
avec la fabrication de la leucocidine, qui est aussi élaborée en proportion
égale par les deux variétés.
Appendice. Du reste, les staph. A et V paraissent se comporter de
la même façon pour tous les poisons qu'ils élaborent. Nous nous sommes
formé cette opinion en étudiant comparativement les effets des cultures
filtrées et des cultures stérilisées à 61° de nos deux variétés. Nous avons
fait ces études sur les lapins et les chiens. •
Aux lapins, nous avons injecté des cultures stérilisées à 61°, âgées de
2 jours, 7 jours, 15 jours, 3 semaines de couveuse. Les animaux qui
reçurent ces poisons jusqu'à 1 ce. par 100 grammes de poids se montrèrent
très peu affectés, et, fait précieux à noter ici, ils ne parurent pas plus sen-
sibles aux cultures virulentes qu'aux cultures atténuées.
AU
D' Honoré VAN DE VELDE
Si, au lieu de tuer ces cultures par le chauffage, on les tue par le
chloroforme qu'on chasse ensuite (procédé qui a l'avantage d'éviter des
températures nuisibles à beaucoup de substances), on n'obtient pas de
résultats différents.
Enfin, nous avons injecté dans le péritoine de lapins lo ce. de cultures
A et F dans du bouillon, dont les microbes avaient été séparés par filtration
à travers l'amiante. Ici encore rien de prédominant du côté des virulents.
Chez le chien, on peut mettre à profit les variations de la température
pour étudier certains côtés toxiques de l'injection de ces cultures stérilisées;
les staphylocoques fabriquent, en effet, des substances pyrétogènes ; mais
ici encore la variété A en élabore autant que la variété virulente. Dans le
tableau suivant se trouvent les courbes thermométriques fournies par deux
chiens, auxquels nous avons injecté deux doses différentes de bouillons de
staph. A stérilisés par un chauffage d'une demi-heure à 61° C. et celles
fournies par deux autres chiens qui ont reçu des doses comparables de
bouillons de staph. V stérilisés de la même façon. »
STAPH. A
STÉRILISÉS
STAPH. V
STÉRILISÉS
CHIEN I
CHIEN II
CHIEN III
CHIEN IV
Poids
1000 gr.
1400 gr.
iioo gr.
900 gr.
Quantités de cultures reçues
2 ce.
11,2 ce.
2,2 ce.
9 ce.
Température avant l'injection
3707
3802
3803
3707
•Après 21/2 heures
40°
40° I
39"7
3901
» 5 »
38û5
3906
3904
3904
)) 7 I'2 »
3801
390
3901
3804
1) 10 »
38°
3903
3906
390
)) 20 1)
38°8
390
3806
3802
Conclusion : Le bouillon A a élevé les températures des chiens à
40° et 40-1, températures fébriles; le bouillon Va. porté chez l'un des chiens
la température à 39°?, c'est-à-dire à 0,2 au-dessus de la température 39°5,
qu'on peut considérer comme température normale extrême. Chez l'autre
chien, la température est restée dans les limites de la température normale.
Si nous voulions tirer une conclusion de ces quatre injections, nous
devrions dire que le staph. A sécrète plus de substances pyrétogènes que le
staph. V, mais nous préférons voir dans ces différences un simple effet du
hasard : les chiens opposent à ces injections une résistance individuelle
LE MÉCANISME DE LA VIRULENCE 445
variable. Certains seraient peut-être tentés de voir dans l'absence d'ascen-
sion thermique chez le chien IV le résultat d'une intoxication plus forte
déterminant une hypothermie, mais l'état général qui n'était pas plus affecté
chez cet animal que chez les trois autres ne nous permet pas d'adopter-
cette interprétation.
CHAPITRE VI. — Considérations générales et Conclusions.
Au commencement de notre travail, nous nous sommes imposé comme
tâche de rechercher le mécanisme intime de la virulence du staphylocoque
pyogène. Grâce aux expériences qui précèdent, nous croyons avoir éclairci
ce sujet et nous pouvons nous poser la question de la façon suivante : pour-
quoi un staphylocoque virulent parvient-il à se développer dans le corps,
même quand il est injecté à des doses minimes, alors que le staphylocoque
atténué, à des doses plusieurs certaines de fois plus fortes, ne parvient pas
à prendre pied dans l'organisme?
Plusieurs hypothèses peuvent être formulées.
I. En se basant sur le rôle que jouent les globules blancs comme
agents phagocytaires, on pourrait croire que la virulence d'un staphylocoque
consiste dans la propriété qu'il possède de sécréter un poison qui met les
leucocytes hors de combat. Quand nous eûmes découvert l'existence de la
leucocidine, ce mode d'explication s'est présenté immédiatement à notre
esprit. Nous avons cru un moment pouvoir définir le staphyl. F un staphyl.
sécrétant un poison qui détruit les leucocytes. Mais après avoir reconnu
que ce poison est sécrété en quantité sensiblement égale par les deux variétés
de staphylocoques, nous avons dû abandonner cette hypothèse et nous
devons voir dans ce poison leucocidique, non plus la cause première de
la virulence, mais une cause secondaire intervenant au cours de la pullula-
tion des staph. pour assurer encore davantage la défaite de l'organisme.
II. Une seconde hypothèse est la suivante. Quand on injecte dans
la plèvre des lapins des staph. F, on introduit en même temps des substances
favorisantes, les lysines, qui neutralisent le pouvoir bactéricide des humeurs.
Cette hypothèse découle naturellement.de nos expériences faites avec les
cultures filtrées. Mais nous ferons remarquer que ces lysines sont fabriquées
en quantité égale par nos deux variétés de staphylocoques. Si réellement
elles jouaient un rôle capital dans l'infection, ce seraient bien nos staphyl.
atténués qui devraient se développer, vu la forte dose que nous injectons,
et ce seraient les virulents qui devraient périr.
446 Dr Honoré VAN DE VELDE
Pourtant l'élaboration de cette lysine ne doit pas être considérée comme
un phénomène négligeable dans l'infection : si elle n'intervient pas comme
cause primordiale et déterminante de la pullulation microbienne, une fois
que celle-ci a atteint un certain degré, elle doit favoriser la pullulation
ultérieure et concourir à assurer la suprématie des microbes sur l'animal.
III. Examinons une troisième hypothèse basée, non plus sur l'élabo-
ration de certains poisons, mais sur une vitalité inégale des deux variétés.
D'après cette supposition, le staphylocoque f^est un microbe vigoureux,
tandis que le staphylocoque A représente un individu débilité. Le premier
se développe rapidement et la destruction qu'il subit de la part de l'orga-
nisme est compensée par sa pullulation rapide et, malgré les pertes subies,
il devient de plus en plus nombreux. Le représentant chétif, au contraire,
qui est le staph. A, ne parvient pas à compenser les pertes qu'il éprouve,
et au lieu d'augmenter, il devient de plus en plus rare : en un mot, la
virulence siégerait dans une vigueur plus ou moins forte.
Il nous semble que le meilleur moyen de trancher cette question est
d'ensemencer les deux formes de staphylocoques sur divers milieux et d'ob-
server la rapidité avec laquelle elles se développent.
Nous devons exposer à ce sujet les faits observés au commencement
de nos expériences. et ceux que nous avons recueillis dans la suite. Tout
au début, nous avons ensemencé avec les deux variétés :
a) une série de tubes de gélatine,
b) y " y d'agar,
c) « " n de bouillon,
d) y m V d'urine,
e) une série de tubes avec des pommes de terre.
Une partie de ces tubes a été mise à la couveuse, une autre a été
maintenue à la température de la chambre; par des examens répétés une
ou plusieurs fois par jours, nous avons noté le degré de développement, mais
nous n'avons pu trouver aucune différence concernant l'abondance et la rapi-
dité du développement sur gélatine, agar, pommes de terre, urine; seul le
bouillon ensemencé avec des staph. F s'est troublé un peu plus rapidement
que celui qui avait été ensemencé avec des staph. A.
Mais comme dans des expériences plus récentes nous n'avons pu con-
firmer ce retard, nous ne pouvons plus lui accorder de valeur absolue.
Cette différence d'écart doit donc être plutôt considérée comme un phéno-
mène accidentel et sans relation directe avec la virulence.
LE MECANISME DE LA VIRULENCE 447
Dans ces différentes expériences, nous avons jugé la vigueur du déve-
loppement par l'aspect macroscopique; mais entre le moment d'inoculation
et celui où la culture commence à apparaître à l'œil nu, il s'écoule un inter-
valle assez long de 6 ou 8 heures au moins, pendant lequel la rapidité de
développement nous échappe. Il n'y avait qu'un moyen d'apprécier cette
dernière : c'était d'ensemencer les deux formes de microbes dans un milieu
liquide et de faire des plaques à différents intervalles. C'est ce que nous
avons fait avec des A et des f ensemencés dans du bouillen. Les uns et les
autres donnèrent le même nombre de colonies, de sorte que l'on doit ad-
mettre qu'ils -avaient la même puissance de multiplication. Tels étaient les
résultats que nous obtenions au début de nos expériences.
Nous devons pourtant reconnaître que dans la suite notre microbe A
a revêtu peu à peu une allure différente ; ainsi ses cultures sur agar étaient
manifestement moins épaisses et moins vigoureuses que celles de la forme
virulente; phénomène singulier, au fur et à mesure qu'elles devenaient plus
chétives, elles perdaient leur pouvoir de pigmentation et dans ces derniers
temps leurs colonies ne prenaient plus la coloration jaune : elles restaient
absolument blanches. Mais nous le répétons, ces signes de moindre vitalité
n'ont apparu que tout à fait dans ces derniers temps et n'existaient pas,
ou du moins n'étaient pas constants au début de nos expériences, alors
que la différence entre leur pouvoir pathogène était aussi prononcé qu'à la
fin. En présence de ces faits, il nous est impossible d'expliquer la virulence
par le développement plus rapide du staphylocoque V relativement au
staphylocoque A.
lY. Quatrième hypothèse : la virulence réside dans une résistance
plus grande des staphylocoques F à l'action phagocytaire des globules blancs.
Cette hypothèse tombe immédiatement, si l'on songe que la plus grande
partie des microbes A introduits dans la plèvre Succombent avant que les
globules blancs n'apparaissent en nombre efficace sur le théâtre de l'infec-
tion. Nous ne voulons pas nier que les staph3docoques A ne soient plus
facilement pris et tués par les leucocytes, mais de nouveau ici il ne s'agit pas
de la cause primordiale de la résistance du lapin.
V. Cinquième hypothèse : la virulence réside dans une résistance
plus grande "du staphylocoque virulent au pouvoir bactéricide des humeurs.
Nous avons vu au commencement de notre travail que l'on peut injecter
les staphylocoques atténués à des doses considérables sans produire l'infec-
tion : les microbes diminuent dans une proportion extrêmement forte sans
448 Df Honoré VAN DE VELDE
que l'on puisse rapporter la destruction au travail des globules blancs, ceux-
ci ne survenant que lorsque la destruction a déjà atteint des proportions
fort considérables. Au contraire, si l'on injecte des doses extrêmement faibles
de staph)'locoques virulents, la destruction est tout au plus faible, de courte
durée, et fait bientôt place à une puUulation ininterrompue. Ces phénomènes
trahissent à n'en pas douter une résistance différente aux humeurs.
Mais comment ces dernières agissent-elles? Le staphylocoque A dépé-
rit-il tout simplement parce que ce milieu composé surtout d'eâu, de sérum
et de sels lui est défavorable, tandis qu'il est propice au staphylocoque F?
Nous ne pouvons l'admettre, car si nous ensemençons les deux variétés dans
le sérum ou la sérosité chauffés à 60^, nous trouvons que les deux variétés
s'y développent avec la même facilité : ce n'est donc pas la composition
globale, grossière, qui détermine la mort du staphylocoque A. C'est plutôt un
état particulier de ces humeurs, état modifié par l'action d'une température
peu élevée et qui n'est autre que l'état bactéricide. Le staphylocoque A est
un staphylocoque vivement impressionné par le pouvoir microbicide des
humeurs et c'est pour cela qu'il disparaît rapidement dans le corps, même
quand on l'injecte à doses considérables. Au contraire, le staphylocoque
virulent ne se ressent pas ou ne se ressent que peu de l'action délétère des
humeurs et il parvient à se multiplier victorieusement au sein de ces der-
nières; en un mot l' atténuation ou la non virulence réside dans une sensi-
bilité spéciale vis-à-vis des substances bactéricides, tandis que la virulence
réside dans une résistance particulière à la même influence.
En tenant compte de tous ces faits, voyons comment nous pouvons
décrire la succession des phénomènes qui suivent l'injection de nos deux
variétés de microbes. Quand on introduit dans la plèvre des staphylocoques
atténués, l'irritation causée par ces organismes sur la séreuse produit d'abord
une dilatation vasculaire et une transudation abondante de sérosité. Cette
dernière véhicule une forte proportion de substances bactéricides, propor-
tion plus forte que celle qui se trouve normalement dans le sérum. Sous
l'influence de cette substance bactéricide, les microbes succombent rapide-
ment et en grand nombre. Dans les premières heures de l'infection, la
sérosité doit être considérée comme étant le seul élément avec lequel les
microbes entrent en conflit. Mais dès la 4% 6'= ou 8"= heure, les globules blancs
attirés par diapédèse deviennent nombreux et, en absorbant les microbes
encore vivants, ils assistent, et peut-être achèvent l'œuvre des humeurs. La
LE MECANISME DE LA VIRULENCE 44g
défaite des microbes est d'autant mieux assurée, que ceux-ci, rapidement
décimés, n'ont guère le temps de sécréter en quantité suffisante des substances
antagonistes flysines) de la substance bactéricide. Il est vrai que l'injection
dans la plèvre d'une grande quantité de bouillon introduit une dose notable
de lysine, mais celle-ci n'étant presque plus élaborée à cause de la mort des
microbes disparaît par résorption. Ce facteur propice à l'infection se trouve
ainsi neutralisé.
Qu'advient-il par contre quand on injecte des staphylocoques virulents,
même à dose minime? A cette injection, la plèvre répond comme pour les
microbes atténués par la congestion vasculaire et la transudation de la séro-
sité. Mais les microbes peu sensibles à la substance bactéricide ne' périssent
qu'en petite quantité; ceux qui meurent sont sans doute des individus moins
virulents et présentant pour le poison microbien une sensibilité particulière.
Les autres échappent à l'action du poison et entrent en division ; ils devien-
nent peu à peu plus nombreux et bientôt leur envahissement est puis-
samment favorisé par leurs propres produits de sécrétion : d'un côté, par
les lysines, ils neutralisent la substance bactéricide que la transudation in-
flammatoire amène dans la plèvre; de l'autre côté, par la substance leucocide,
ils mettent hors de combat les globules blancs; dès lors, leur pullulation ne
connaît plus d'obstacles et, au bout de quelques heures, ils ont transformé
l'exsudat eh une vraie culture.
Pourtant une objection se présente à l'esprit. Dans les expériences
relatées plus haut, nous avons vu que la sérosité exerçait une action
bactéi^icide très intense, même sur les microbes virulents. Dans ce cas,
comment expliquer qu'une petite dose de microbes virulents parvient à se
développer au sein d'un exsudât? La réponse est facile : au début de l'in-
flammation, le pouvoir bactéricide de la sérosité n'est guère plus fort que
celui du sérum, qui exerce si peu d'action sur les staphylocoques virulents.
C'est seulement dans la suite et peu à peu que ce pouvoir s'accroît et atteint
un degré élevé, bien supérieur à celui du sérum. Nous nous sommes
assuré de ce fait en comparant le pouvoir bactéricide de l'exsudat recueilli
à divers intervalles après l'injection. Ainsi, par exemple, l'exsudat recueilli
après I, 2, 4 et même 6 heures d'injection possède un pouvoir bactéricide
relativement faible ; or, c'est avec cette sérosité à faible pouvoir bactéricide
que les microbes virulents entrent en conflit au début. Par les lysines qu'ils
sécrètent, ils empêchent le pouvoir bactéricide d'ac-quérir toute son intensité
et ainsi ils assurent leur triomphe.
57
450
Dr Honoré VAN DE VELDE
Le tableau suivant donne le pouvoir bactéricide des exsudats de quatre
lapins tués respectivement i, 2, 3 et 4 heures après l'injection de staphylo-
coques atténués. Pour faire les plaques, nous avons employé l' exsudât
comi le tel, sans ajouter de nouveaux- microbes.
LAPINS
TUÉS APRtS
PLAQUES
FAITES IMMÉD.
APRÈS
LA MORT
APRES
I HEURE
APRÈS
2 HEURES
APRÈS
4 1/2 HEURES
APRÈS
8 HEURES
I Heure
86,864
59,536
63,248
348,000
255, 36o
2 Heures
176,960
Il3,I20
80,200
48,216
15,960
3 »
40,5oo
26,166
27,360
9,120
1,200
4 »
2,280
1,200
882
0
0
On remarquera que l'exsudat du premier lapin, recueilli après 1 heure,
ne donne qu'une diminution légère; la diminution est plus forte et con-
tinue pour le second ; pour le troisième, bien que ne débutant pas par un
chiffre aussi élevé que le deuxième, la diminution est plus rapide : après
8 heures, le chiffre est réduit au quarantième de ce qu'il était au début,
tandis que pour le second, le nombre du début n'a été réduit, après le
même nombre d'heures, qu'au dixième. L'augmentation indiquée pour le
troisième après 2 heures doit évidemment être considérée comme l'effet du
hasard. Enfin, pour le quatrième, en tenant même compte du faible
chiffre initial, la destruction est plus forte que pour les autres.
Le tableau suivant, qui résume une expérience pareille à la précédente,
confirme l'idée émise ci^dessus d'une façon encore plus nette.
LAPINS
TUÉS APRÈS
PLAQUES IMM.
APRÈS
LA MORT
APRÈS
I HEURE
APRÈS
2 HEURES
APRÈS
4 HEURES
APRÈS
7 1/2 HEURES
I Heure
3 Heures
4 1/2
1,120
441
5oo
520
36o
5,376
58o
0
0
0
600
Rares colon.
Rares colon.
0
0
200
0
0
0
0
Nous avons cru intéressant de donner à ce sujet encore un petit
tableau, où les chiffres initiaux sont à l'abri de toute objection : le second
notamment est plus élevé que le premier et malgré cela la destruction y
est plus rapide.
LE MÉCANISME DE LA VIRULENCE
451
LAPINS
TUÉS APRÈS
PLAQUES IMM.
APRÈS
LA MORT
APRÈS
I HEURE
APRÈS
2 HEURES
APRÈS
4 HEURES
4 Heures
5 Heures
2,5oo
3,5oo
600
25o
240
0
0
0
On pourrait nous objecter que la destruction plus forte que l'on observe
dans les exsudats d'un certain âge est due non pas à un état particulier de
la sérosité, mais à un affaiblissement, un état maladif des coques. Nous ne
croyons pas cette objection sérieuse, car ayant eu souvent l'occasion de
travailler avec la sérosité d'exsudats d'âge divers, obtenus par l'injection de
cultures stérilisées, nous avons pu nous convaincre qu"il y a une grande
différence entre la sérosité provenant d'un exsudât de six heures et celle
provenant d'un exsudât de 12 heures. L'avantage était du côté de ce dernier.
Il découle de tout ceci que les microbes virulents ne rencontrent tout
d'abord qu'un faible antagonisme de la part des humeurs qu'ils attirent dans
la plèvre et qu'ainsi, malgré leur petit nombre, ils parviennent à prendre
pied dans l'organisme.
CHAPITRE Vil. — Parallèle entre le pouvoir bactéricide de la sérosité de l'exsudat
et celui du sérum.
Dans les pages précédentes, il a été souvent question de la supériorité
de la sérosité de l'exsudat sur le sérum du sang et sur le sang lui-même. Ce
fait curieux mérite de fixer notre attention pendant quelques instants.
Nous allons examiner i° si ce fait est constant et 2° à quoi il est dû.
§ 1. — Constance de la supériorité de la sérosité.
Dans toutes les expériences que nous avons faites à ce sujet, nous
avons trouvé constamment que Ja sérosité l'emportait de beaucoup sur le
sang ou le sérum provenant du même animal. Voici un certain nombre de
ces expériences.
0 g 3 IMMÉD.
APRÈS
APRÈS
APRÈS
'après
APRÈS
APRÈS
APRÈS
APRÈS
« S ^
2 0 P APRÈS
w 2
I H.
2 H.
3 H.
5 H.
7 H.
9 H.
22 H.
3 JOURS
'»<
ca
Sang <
V
24,080
25,704
i5,ooo
20,720
4,860
11,340
725
12,768
3oo
112,320
R. col.
1,792,000
ig5o
Innombr.
352,000
Innombr.
Innombr.
Innombr.
-aï 1
g 1
Sérosité j
(obtenue par,
microbes A
vivants.) [
A
V
14,560
5,670
882
i,o8o
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
57.
452
D' Honoré VAN DE VELDE
IMMED.
APRÈS
APRÈS
I H.
APRÈS
2 H.
APRÈS
4 H.
APRÈS
7 H.
10 couv.
Sérum
Sans:
Sérosité
S A
î ''
1 A
A
V
28,720
25,340
37,960
40,800
35,5oo
29,000
25,220'
34,648
38,948
37,760
i3,S33
26,553
4,400
40,480
34,080
94,500
3,100
17,220
1,596
120,200
1,459,200
Rouge-noir
1,356,400
1,368
1 5,600
76,360
147,840
Innombr.
dissous.
1,728,000
Noir.
864
12,720
2,160
2,002
SEMENCES
DANS
BOUILLON
IMMÉD.
APRÈS
APRÈS
I H.
APRÈS
2 H.
APRÈS
4 H.
APRÈS
12 H.
APRÈS
36 H.
Sérum l
•a
es
obtenu en 1 j
centrifugeant \
le sang. 1
II,320
10,080
73,600
288,000
742,160
Innombr.
0
s
0
Sérosité [
s
obtenue par
injection de
cuit, stéril.
r
14,840
7,5oo
9,570
8,o5o
14,0,00
1,169,000
§ 2. — Cause de cette supériorité.
Quelle est la cause de cet accroissement du pouvoir bactéricide? On
peut formuler plusieurs hypothèses.
I. Dans la première, il s'agirait d'une sécrétion par le sang de la sub-
stance bactéricide. Cette dernière se concentrerait ainsi peu à peu dans la
plèvre et communiquerait à l'exsudat son pouvoir intense. Cette interpré-
tation nous semble peu plausible, car si nous comprenons facilement que
la congestion vasculaire et la transudation augmentent l'apport de cette
substance, nous ne voyons pas bien pourquoi celle-ci s'accumulerait dans la
séreuse. Il nous semble que si elle est apportée avec la transudation, elle
doit être aussi constamment entraînée avec cette dernière dans le système
lymphatique et le système veineux.
II. Une autre hypothèse est celle de la sécrétion par les cellules en-
dothéliales de la plèvre. Si nous ne voyons pas de raisons pour la rejeter,
nous ne pouvons pas non plus apporter de faits pour l'étayer.
LE MECANISME DE LA VIRULENCE ' 453
III. Mais nous inclinons plutôt à placer la cause de l'exaltation du
pouvoir bactéricide dans une troisième hypothèse : la sécrétion d'une sub-
stance microbicide par les globules blancs. N'oublions pas, en effet, que le
maximum de pouvoir est atteint quand les leucocytes sont arrivés en grande
quantité dans l'exsudat. En outre, nous croyons pouvoir démontrer la réalité
de cette sécrétion par des expériences encore inachevées et que nous espé-
rons publier plus tard.
Quelle que soit la cause de cette singulière exaltation d'une transuda-
tion inflammatoire, nous devons voir eii elle un moyen que l'organisme met
en jeu pour assurer sa victoire dans les régions menacées. Grâce à elle, il
parvient à renforcer dans des proportions considérables les moyens défensifs
dont il dispose. Des recherches ultérieures devront nous apprendre si ce
phénomène se produit ailleurs que dans la plèvre et pour d'autres microbes
que le staphylocoque pyogène.
A notre avis, ce renforcement local de la résistance, qui joue peut-être
un rôle important dans la pathologie, n'a pas encore été signalé. Il est à
rapprocher de la réaction générale observée par Denys et Kaisin (i) dans
l'infection charbonneuse.
(1) J. Denys et A. Kaisin : Recherches à propos des objections élevées récemment contre le pouvoir
bactéricide des humeurs; La Cellule, t. IX, iSg3.
DEUXIÈME PARTIE.
Expériences sur les Chiens.
Si nous tenons à rendre compte ici des recherches que nous avons faites
sur les chiens,, c'est parce que nous y avons rencontré une confirmation
inattendue et curieuse du mécanisme de l'infection du staphylocoque chez
le lapin, tel que nous l'avons exposé plus haut.
§ 1. — Action bactéricide du sang de chien sur les staphylocoques virulents
et non virulents.
Au début de nos travaux, dès que nous avons été en possession de notre
variété^ et Fde staphylocoques, nous nous sommes empressé de les soumet-
tre à l'action bactéricide du sang, et précisément le hasard a voulu que nous
avons commencé par le sang de chien. Nous nous attendions à voir la forme
F résister plus que la forme A; mais quel ne fut pas notre étonnement
quand nous vîmes nos deux formes se comporter de la même façon : nous
eûmes beau répéter l'expérience, les résultats restaient constants : les viru-
lents succombaient dans la même proportion que les atténués. S'il fallait
admettre une différence, elle était plutôt en faveur des virulents, en ce sens
que ceux-ci se montrèrent quelquefois plus sensibles que les staph. atténués.
o m 9
z z 4
IMMÉD.
APRÈS
APRÈS
APRÈS
APRÈS
APRÈS
APRÈS 9 H.
SEME
DA
BOUII
APRÈS
I H.
2 H.
4 H.
5 H.
9 H.
COLORATION
^ / /
1,648
io5o
800
i5o
Coloration
756
Comme
ai 1
comme le tube
le témoin.
i ^
témoin.
1
^ 13 doses
8,38o
7020
4200
5270
Id.
i3,520
Id.
1 f
35,600
21,680
8990
14,720
Légèrement
Innombra-
Noir-rouge.
assombri.
bles.
13 1
1,820
io65
520
320
Coloré comme
1,240
Comme
^f V
)
le témoin.
le témoin.
^ 3 doses
9,5oo
33oo
4,060
1,080
Id.
5,100
Id.
\
28.900
12,400
4,680
4,950
Id.
7,000
Id.
LE MECANISME DE LA VIRULENCE
455
Nous avons répété cette expérience en inoculant de fortes doses de
cultures F et A et les résultats obtenus confirment les précédents.
SEMENCES
IMMÉDIATEMENT
DANS
BOUILLON
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 4 H.
chien
1.
^ i
170,240
17,280
8,400
2,53o
388,960
109, 85o
25,600
36,920
T3 n \
^ o
bo S
c
C/2
V >
59,400
4,080
1,125
1,760
1
339,880
i5,3oo
9,720
11,610
lA
7.
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^
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0
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IMMEDIAT.
APRÈS
APR. I H.
H. APR. 6 H. 1 APR. 8 H. ' APR. lO H.
•T3
■ao
.4
4.5oo
24,600
4,800
22,700
i3oo
4,340
1,600
5,600
63o
i,5oo
280
1,960
980
900
240
i5oo
216
1088
170
1600
19^0
680
2,100
1,920
Voici -une autre expérience faite avec le sang du même chien, mais
après addition de globules blancs de l'exsudat produit dans sa plèvre.
1 *" -T-
IMMEDIAT.
§ ? ri
s D 0
w 0
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 H.
APR. 6 H.
APR. 8 H.
APR. 10 H.
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VU
12, 960
1,080
160
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40
26
m
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28,800
1,485
120
35o
0
72
0)
m 1
H
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-§ [ ^
6,900
1,280
140
200
100
35
ci
M V
24,320
1,216
160
82
76
17
Outre l'augmentation considérable du pouvoir bactéricide produite par
l'addition des globules blancs, fait qui ne nous intéresse pas pour le moment,
nous constatons ici une fois de plus qu'il n'y a pas de différence notable entre
les staphylocoques virulents et les staphylocoques atténués : tous les deux
sont également sensibles à la cause destructrice.
Voici d'autres expériences exécutées avec le sang comme tel.
456
Dr Honoré VAN DE VELDE
SEMENCES
DANS
BOUILLON
IMMEDIATEM.
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 1/2 H. 1 APR. 5 H.
APR. 10 H.
O
tuo 3
fi
o
1 2 Doses. I
2 Doses. (
6,720
29,120
5,320
i8,85o
1,326
io,5oo
780
6,960
220
4,200
208
1,536
120
4,060
96
2,139
1,710
56,000
Assombri.
488
9,900
Assombri.
SEMENCES
IMMEDIATEM.
DANS
BOUILLON
APRÈS
APR. I H.
APR. 2 1/2 H.
APR. 5 H.
APR. 10 H.
3 ,
hie
on.
A \
9,120
i,75o
200
i5o
594
M '
2 Doses.
37,440
8,960
i,S3o
2,407
4,480
^ c f
" i
7,280
1,175
160
110
75o
2 Doses. (
23,680
7,020
800
870
2,800
Nous avons tenu à fournir ces nombreux exemples sur la façon iden-
tique dont se comportent les formes ..4- et F dans le sang de chien pour
montrer que ce fait paradoxal n'est pas le résultat du hasard, mais qu'il est
constant. Nous avons même pu compléter ce sujet en poursuivant le sort des
microbes au moyen, non pas des plaques, mais de l'examen microscopique.
Pour rendre les recherches plus faciles, nous avons pris le sang de chien,
dont nous avons augmenté le pouvoir bactéricide par l'addition d'exsudat
contenant des globules blancs en nombre considérable. A ce mélange, nous
avons ajouté un nombre prodigieux de microbes, 0,5 ce. de culture pour 5 ce.
de sang, et par des examens microscopiques répétés, nous avons pu constater
l'absorption des microcoques par les globules blancs. D'un examen compare'
minutieux, nous avons pu tirer la conclusion que la phagocytose s'exerçait
avec autant d'intensité sur les microbes V que sur les microbes A.
Ceux qui s'intéressent à la destruction microbienne résultant de cette
action phagocytaire la trouveront formulée en chiffres exacts dans le petit
tableau suivant.
SEMENCES
DANS
BOUILLON
IMMÉDIAT.
APRÈS
APR. I H.
APR. 3 H.
APR. 16 H.
i
Sang de chien |
additionné de globules blancs <
de son exsudât. |
A
688,000
601,120
139,200
54,400
56,400
19,200
Culture
noir dissous.
Culture
noir dissous.
LE MECANISME DE LA VIRULENCE 457
Nous pourrions encore ajouter que si, au lieu de sang de chien, on prend
le sérum, qui, comme on le sait, est faiblement bactéricide, les virulents se
comportent comme les atténués.
Ces constatations, que nous avons faites au début de nos travaux avant '
d'essa}'er les humeurs du lapin, nous firent paraître l'immunité enveloppée
d'obscurités telles que nous désespérions de les dissiper même partiellement.
Ce n'est que lorsque nous eûmes soumis nos deux formes de staphylocoques
aux humeurs du lapin que nous eûmes la clef du problème : pour le chien,
il n'y a ni staphylocoques atténués, ni staphylocoques virulents.
§ 2. Nous avons pu vérifier la vérité de cette assertion non pas une
fois, mais cinquante fois, en injectant aux animaux des doses comparables
de nos deux variétés. Peu après l'injection, ils deviennent malades, ne
bougent plus de place, poussent des cris déchirants comme s'ils éprou-
vaient des points de côté intenses, mais les phénomènes ne sont pas plus
marqués chez les chiens qui ont reçu l'une variété que chez ceux qui ont
reçu l'autre. A l'autopsie, on découvre les mêmes lésions : rougeur et injection
des plèvres, présence d'un exsudât plus ou moins abondant, plus ou moins
riche en leucocytes, tous bien vivants, et quand avec cet exsudât on fait
des plaques pour fixer le nombre d'organismes, on trouve que les staphylo-
coques A ne disparaissent pas plus rapidement que les staphylocoques F.
§ 3. En présence de ces résultats, nous avons essayé de réaliser chez les
chiens, par des passages successifs, ce que nous avons obtenu chez les lapins.
Nous avons opéré treize passages de la variété A à travers le chien,
mais sans obtenir à la fin de l'expérience un organisme plus virulent pour
cet animal que celui du début.
§ 4. Devant cet insuccès, nous avons entrepris des passages avec la
forme V, mais après le dixième passage il fallait pour produire la mort autant
de culture qu'au début; bien plus, par des inoculations aux lapins après le 2",
le T et le 10= de ces passages, nous pûmes constater que notre microbe
virulent perdait de plus en plus de son action pathogène, puisqu'il fallait
des doses de plus en plus fortes pour tuer des lapins : en d'autres termes,
notre microbe virulent semblait s'être atténué par les passages à travers
les chiens.
Cette égalité d'action du microbe virulent et du microbe atténué injectés
dans la plèvre du chien s'accorde merveilleusement avec la façon identique
dont ils subissent l'action de son sang in vitro.
Nous trouvons dans ces faits une confirmation éclatante du rôle impor-
tant que nous avons fait jouer aux humeurs chez le lapin.
458 D'' Honoré VAN DE VELDE
Cet animal présente à nos deux variétés de microbes une résistance
bien différente, et ce phénomène trouve son écho dans la façon dont ses
humeurs se comportent in vitro. Le chien, au contraire, qui réagit aux in-
jections d'une façon identique quelle que soit la forme injectée, possède
des humeurs qui agissent de la même manière. Nous avons donc bien raison
de dire que la virulence d'im staphylocoque pour le lapin consiste fondamen-
talement dans la résistance qu'il oppose à l'action bactéricide du sérum.
CONCLUSIONS.
A. Chei les lapins.
L On transforme facilement un staphylocoque peu virulent pour le
lapin en un staphylocoque doué d'un haut pouvoir pathogène par des pas-
sages répétés à travers cet animal.
IL Dans les injections de ces deux variétés de staphylocoques dans
la plèvre du lapin, on constate que les atténués diminuent constamment
en nombre à partir de l'injection, tandis que les virulents augmentent;
les premiers sont en outre le siège de phénomènes de dégénérescence
consistant en gonflement et perte d'affinité pour les matières colorantes.
III. Pendant les premières heures qui suivent les injections des mi-
crobes, il se produit un exsudât dans lequel on trouve des globules blancs
vivants; ces premières heures passées, les leucocytes deviennent de plus
en plus nombreux et restent en vie chez les lapins injectés avec des microbes
atténués ; au contraire, chez les lapins injectés avec des microbes virulents,
la diapédèse des globules blancs s'arrête et ceux-ci meurent en perdant leurs
mouvements amiboïdes et en laissant paraître leur noyau.
IV. Le sang, le sérum et la partie liquide de l'exsudat exercent sur
la forme atténuée une action destructive bien plus forte que sur la forme
virulente.
V. Parmi ces trois humeurs, sang, sérum et sérosité, cette dernière
se montre de loin la plus active. — On peut voir dans cette suractivité un
moyen nouveau que l'organisme met en œuvre pour arrêter la pullulation
microbienne.
VI. Les leucocytes, en s'emparant des microbes qui échappent à l'ac-
tion destructrice des humeurs, contribuent également à la défense de l'orga-
LE MECANISME DE LA VIRULENCE 459
nisme ; mais l'action phagocytaire intervient d'une façon beaucoup moins
active que l'action humorale, toujours dans l'hypothèse que le pouvoir
bactéricide appartient aux humeurs circulant dans le corps. — Les microbes
virulents paraissent détruits plus difficilement par les leucocytes que les'
microbes atténués..
VIL Quelques heures après leur injection dans la plèvre, les staphy-
locoques virulents sécrètent une substance spéciale non signalée jusqu'ici
et qui est la cause de la mort des leucocytes : nous avons donné à cette
substance le nom de substance leiicocide ou leucocidine. Elle est détruite
par un chauffage de lo minutes à 58^.
VI IL Cette substance est élaborée aussi bien dans les milieux artifi-
ciels (bouillon) que dans les milieux naturels (sang, sérum), aussi bien à
l'intérieur du corps qu'à l'extérieur, et en quantité égale par les coques
virulents et les coques atténués. Si elle ne se produit pas chez les lapins in-
jectés avec les microbes atténués, c'est parce que ces derniers ne parviennent
'pas à se développer suffisamment dans la plèvre.
IX. Outre la substance leucocide qui s'attaque aux globules blancs,
les microbes atténués et virulents sécrètent des principes qui neutralisent
la substance bactéricide des humeurs : ce sont les lysines.
X. Ces poisons, leucocidine et lysine, ne peuvent pas être considérés
comme un attribut spécial de la variété virulente; ce ne sont pas eux qui font
qu'un microbe est victorieux ou non; mais, à un moment donné, ils sont
des adjuvants de l'infection.
XL La nature de la virulence réside dans une tolérance plus ou
moins forte du coque vis-à-vis de la substance bactéricide des humeurs :
un staphylocoque peu virulent est un microbe facilement détruit par cette
substance; au contraire, un staphylocoque très pathogène est un microbe
qui lui résiste.
XII. L'accroissement du pouvoir bactéricide de la partie liquide de
l'exsudat dépend probablement de l'arrivée des globules blancs dans cet
exsudât.
B. Chei les chiens.
XIII. Le staphylocoque virulent est détruit par le sang et le sérum
du chien dans les mêmes proportions que le staphylocoque atténué.
XIV. Cet animal réagit aux injections des deux variétés de microbes
avec la même intensité.
46o D-^ Honoré VAN DE VELDE
XV. On ne réussit pas à rendre virulente par des passages à travers
les chiens la variété non virulente pour le lapin ; de même qu'on ne parvient
pas par le même procédé à augmenter la virulence de la variété patho-
gène pour le lapin.
XVI. A rencontre de ce que l'on observe pour le lapin, il n'y a pour
le chien ni staphylocoque atténué ni staphylocoque virulent. Ce fait confirme
d'une façon inattendue l'explication de la virulence que nous avons fournie
chez le lapin.
Ce travail a été entrepris au laboratoire d'anatomie pathologique et de
pathologie expérimentale de l'université de Louvain. Nous avons pu le
mener à bonne fin grâce aux conseils savants et désintéressés de Monsieur
le Professeur J. Denys. Qu'il veuille bien accepter ici l'hommage public de
notre profonde gratitude.
EXPLICATION DE LA PLANCHE.
FIG. 1. Exsudât de 4 heures produit dans la plèvre d'un lapin par l'injection
de staphj'locoques aiUntiés et examiné dans la chambre chauffante de Zeiss. Tous
les leucocytes se montrent animés de mouvements. Noyau invisible.
FIG. 2. Exsudât de même âge produit par l'injection de staphylocoques virulents.
Aspect microscopique comme dans la fig. 1.
FIG. 3. Exsudât de 8 heures produit par une injection de staphylocoques
atténués. Les leucocytes, tous mobiles, sans no3'au apparent, sont devenus plus iK)mbreux.
FIG. 4. Exsudât de 8 heures produit par une injection de staphylocoques
virulents. Les leucocytes sont morts, sans mouvements, et montrent leur noyau.
FiG. 5. A gauche, le produit de raclage de la plèvre, douze heures après
une injection de staphylocoques atténués. Ce produit, coloré au bleu de méthylène,
présente des microbes à divers stades de dégénérescence, libres ou enfermés dans
les leucocj'tes.
A droite, quelques leucocytes sans microbes, mais avec leurs granulations am-
phophiles.
FIG. 6. Exsudât de 12 heures, produit par des staphylocoques virulents, et
examiné à frais. Les leucocytes sont morts et montrent leur noyau ; les coques sont
très abondants et ne présentent pas de dégénérescence.
FIG. 7 à 12. Sort des staphylocoques atténués et virulents ajoutés à une sérosité,
très bactéricide pour les atténués et très peu pour les virulents.
FIG. 7. Etat des staph}'locoques atténués dans la sérosité, quatre heures après
leur ensemencement. Beaucoup sont gonflés et se colorent mal.
FiG. 8. État des staphylocoques virulents dans la sérosité après le même temps.
Pas de dégénérescence, mais commencement de pullulation.
FIG. 9. État des staphylocoqties atténués dans la sérosité, huit heures après
leur ensemencement. Leur dégénérescence est plus marquée que dans la fig. 7.
FIG. 10. État des staphylocoques virulents dans la sérosité, huit heures après
leur ensemencement. Pas de dégénérescence, mais multiplication active.
FIG. 11. Etat des staph3'locoques atténués dans la sérosité, douze heures après
l'ensemencement. Dégénérescence complète.
FIG. 12-. État des staphylocoques virulents dans la sérosité, douze heures après
l'ensemencement. Culture, pas de dégénérescence.
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A PROPOS D'UNE CRITIQUE
DIRIGEE CONTRE LE
POUVOIR BACTÉRICIDE DES HUMEURS
PAR
J. DENYS
PROFESSEUR d'aNATOMIE PATHOLOGIQUE A l'uNIVERSITÉ DE LOUVAIN
{Mémoire déposé le i''^, juillet 1S94.)
59
A PROPOS D'UNE CRITIQUE
DIRIGEE CONTRE LE
POUVOIR BACTÉRICIDE DES HUMEURS
Une des questions les plus intéressantes de la pathologie est assuré-
ment celle de l'immunité. Malgré toute l'importance qu'elle présente, il
n'est pas nécessaire de reculer de nombreuses années, pour arriver à
l'époque où tout ce que l'on savait sur ce sujet se réduisait à la simple
constatation d'un certain nombre de faits. L'observation vulgaire avait
appris que telle maladie atteignait telle espèce animale, mais épargnait telle
autre, que lelle affection ne frappait qu'une fois l'individu, mais que telle
autre pouvait récidiver un grand nombre de fois. C'était des faits bruts de
cette nature qui constituaient tout le bagage scientifique de l'immunité;
l'essence, la nature intime, le pourquoi restaient enveloppés d'un voile que
l'on ne parvenait pas à soulever.
Seule la découverte des agents pathogènes, des microbes, permit d'abor-
der ce thème avec des chances de succès. Grâce aux nombreux travaux qui
se sont succédé dans ces derniers temps, l'obscurité qui enveloppait ce
problème, inabordable autrefois, s'est dissipée en partie, et notre connais-
sance de l'immunité s'est enrichie de découvertes précieuses et définitives
Deux points surtout ont stimulé l'activité des chercheurs :
1^ le pouvoir phagocytaire, représenté surtout par les globules blancs;
2° le pouvoir bactéricide des humeurs, représenté surtout par le sérum
et la lymphe;
C'est à Metchnikoff que revient incontestablement le mérite d'avoir
découvert la propriété phagocytaire et de l'avoir fait valoir tant par ses tra-
vaux multiples que par ceux de ses nombreux élèves. Mais, emporté sans
doute par sa découverte, il a. fait à la propriété bactéricide des humeurs
une guerre sans merci. Les arguments qu'il a dirigés contre l'existence et
466 J- DENYS
Tutilité de cette propriété pour la défense des organismes supérieurs contre
les microbes se trouvent condensés dans un article publié dans la Semaine
médicale (i). Si les faits sur lesquels il base son argumentation étaient à
l'abri de toute contestation, il resterait peu de choses à invoquer en faveur
des humeurs; mais il nous a semblé, dans le cours de nos travaux sur l'im-
munité, que ces faits mêmes ne présentaient pas toute la garantie suffisante
et qu'il était souhaitable de les soumettre à un nouveau contrôle. Un de
nos élèves, M. J. Leclef, a bien voulu se charger dans deux publicationsf2)
de la partie la plus importante de cette besogne. Nous réservons les pages
qui suivent pour faire quelques remarques complémentaires sur l'article de
M. Metchnikoff, dont la compétence dans la question de l'immunité est
universellement reconnue. Mais avant d'aborder cette tâche, il convient de
définir nettement la position que nous prenons.
Nous ne sommes aucunement adversaire du rôle des phagocytes en
tant qu'agents destructeurs des micro-organismes. Nous sommes même
si peu tenté de contester l'importance de ce rôle que nous croyons avoir
fourni, en collaboration avec M. Havez (3), la démonstration la plus claire,
la plus simple et la plus frappante de son existence
Cette démonstration consiste à mettre à profit ce fait que les humeurs
du chien sont peu bactéricides. Le pouvoir bactéricide de cet animal siège
presque exclusivement dans les leucocytes et il suffit d'éliminer ces derniers
pour enlever aux humeurs presque toute leur action sur les microbes.
Quand on veut expérimenter sur le sang, on y parvient en filtrant celui-ci
à travers du papier Joseph, qui retient les leucocytes. Le sang, ainsi traité,
a perdu presque tout son pouvoir microbicide.
Cette expérience a été critiquée par 'BvcîîNBB.(Fortschnlte der Medicin,
1894), qui a voulu expliquer la perte du pouvoir bactéricide, non pas par
l'élimination des leucocytes, mais par une altération du sang produite par
la filtration. Il se fonde, pour légitimer sa manière de voir, sur cette circon-
stance signalée par nous, que le sang filtré, conservé à la température du
corps, devient quelquefois plus rapidement veineux que le sang non filtré.
(1) Metchnikoff : L'immunité dans les maladies infectieuses; La Semaine médicale, 1892.
(2) J. Leclef : Rapport entre le pouvoir pathogène des microbes et leur résistance au sérum;
La Cellule, t. X, 1894. Etude sur le pouvoir sporicide du sérum: ibid.
(3) J. Denys et J. Havez : De la part des leucocytes dans le pouvoir bactéricide du sang de
chien; La Cellule, t. IX, iScjS.
LE POUVOIR BACTÉRICIDE DES HUMEURS 46?
Nous ferons remarquer, en premier lieu, que cette modification n'est
pas constante, tandis que le pouvoir bactéricide ne manque jamais de
disparaître et, en second lieu, qu'elle n'a été que rarement constatée dans les
expériences faites postérieurement à la publication de nos premières obser-
vations. Presque toujours le sang filtré avait la même nuance que le sang
non filtré et il la conservait aussi longtemps que ce dernier. Buchner
semble dans sa critique faire allusion à une dissolution de l'hémoglobine
produite par la filtration et à laquelle il attribue une action neutralisante sur
le pouvoir bactéricide du sérum. Cette remarque nous a amené à examiner
la couleur du sérum avant et après la filtration, ce que nous faisions en lais-
sant le sang se déposer; or, dans aucun cas nous n'avons vu la couche de
sérum, qui s'était formée à la partie supérieure du sang filtré, plus fortement
colorée par l'hémoglobine que celle qui existait à la partie supérieure du
sang non filtré. La dissolution des globules rouges ne peut donc expliquer
la perte du pouvoir bactéricide.
Du reste, si l'on admet que la perte de la propriété microbicide est due
à une altération du sang, comment expliquer que l'addition au sang filtré
de globules blancs fait reparaître cette propriété dans une mesure propor-
tionnelle au nombre de leucocytes ajoutés ?
En faisant la critique du rôle que nous attribuons aux leucocytes du
chien, Buchner semble avoir oublié que nos conclusions ne se basent pas
uniquement sur les résultats obtenus par le sang filtré, mais également sur
d'autres expériences, où n'interviennent ni sang, ni papier à filtrer. Ces expé-
riences consistent à centrifuger un exsudât fortement bactéricide. Par cette,
opération, la partie liquide perd toute son action destructrice, mais elle la
récupère dès qu'on lui restitue ses leucocytes. Ici, certainement, on ne peut
recourir à une altération des globules rouges par la filtration.
Pour prouver que les altérations des hématies pendant la filtration ne
sont pour rien dans la perte du pouvoir bactéricide, rappelons encore que
M. Havez(i) a montré, sans recourir à cette opération, que le pouvoir bac-
téricide du sang de chien est proportionnel à sa richesse en leucocytes.
Enfin, nous sommes d'autant moins ennemi de l'action des phagocytes
qu'un de nos élèves, M. H. Van de Velde (2), a prouvé que l'infection du
lapin par le staphylocoque est favorisée par un poison sécrété par ce
microbe, la leucocidine, et qui se caractérise précisément par son action
destructrice sur les leucocytes.
(i) J. Havez : Du rapport entre le pouvoir bactéricide du saiifr de chien et sa richesse en
leucocytes; La Cellule, t. X, 1894.
(2) H. Van de Velde : Sur le mécanisme de la virulence du staphylocoque pyogene ; ibid.
468 J. DENYS
Il résulte donc de nos propres expériences et de celles de nos élèves
que nous ne méconnaissons nullement le rôle important des leucocytes
dans la destruction des microbes vivants. Mais, au point où en sont arri-
vées nos connaissances, peut-on affirmer que les humeurs soient privées
de la propriété bactéricide?
Comme nous le disions plus haut, les éléments dont on dispose actuel-
lement ne nous autorisent nullement à répondre à cette question par la
négative.
En effet, passons en revue les objections formulées par Metchnikoff
contre l'existence du pouvoir bactéricide des humeurs.
Un premier argument invoqué par cet auteur repose sur l'action du
changement de milieu. «Transportées, écrit-il, dans le sang ou dans d'autres
humeurs animales, les bactéries (si souvent cultivées dans le bouillon ou
sur d'autres milieux artificiels) subissent l'action d'un changement brusque
de milieu, de sorte qu'un grand nombre périt au bout d'un temps plus ou
moins court. Il reste cependant des cellules bactériennes plus vigoureuses
qui résistent à l'influence nuisible du changement survenu, s'adaptent à ces
nouvelles conditions et produisent une série de générations aptes à vivre
dans les humeurs prétendues bactéricides, «
Dans l'idée de Metchnikoff, la destruction est la conséquence de phé-
nomènes physico-chimiques grossiers, tels que la plasmolyse. On ne peut
certainement pas nier que, lors du changement de milieu, certaines espèces
microbiennes périssent. Mais à conclure de là que toute destruction dans le
sérum est due à ce facteur, il y a loin. Si on évite le changement de milieu
en ensemençant dans le sang des microbes venus dans le sang et dans le
sérum des microbes venus dans le sérum, on observe encore dans la plupart
des cas une destruction considérable. La chose a été prouvée par Havez et
nous pour le bacille commun de l'intestin (i;, par "Van de Velde pour le
(i) J. Denys et Havez : Loc cit.
Qu'il nous soit permis de rappeler ici que le rôle pathogène du Bacillus coli commtinis fut
établi pour la première fois par L. Laruelle dans une étude sur les péritonites par perforation [La
Cellule, t. V), qui renferme déjà la démoDslration, refaite dans ces derniers temps par M. Tavel,
du rôle adjuvant joué par le contenu non vivant de l'intestin dans la production de l'inflammation
péritonéale. Dans un autre domaine de l'action pathogène du coli-bacille, celui des infections urinaires,
le travail de M. Morelle (Lu Cellule, t. VII) a devancé ceux des auteurs qui ont travaillé le même
sujet, comme d'ailleurs Al. Krogius en convient lui-mOme.
LE POUVOIR BACTÉRICIDE DES HUMEURS 469
staphylocoque pyogène (i), par J. Leclef pour un grand nombre de mi-
crobes pathogènes ou saprophytes (2).
Mais la démonstration la plus irréprochable a été fournie par
J. Leclef (3j, quand il a établi que les spores du bacille du foin et du ba-
cille de la pomme de terre succombent dans le sérum frais du lapin, tandis
qu'elles pullulent dans le sérum chauffé à 60°. Ici, pas moyen d'en appeler
à un changement de milieu, puisque la spore se trouve immergée dans le
sérum à l'état inerte et avant d'avoir manifesté le moindre indice de vitalité.
Il découle de toutes ces expériences que le changement du milieu ne
peut pas tout expliquer, et qu'à côté de lui il existe un facteur puissant,
dont le pouvoir se trouve annihilé par l'action encore mystérieuse d'une
température de 60".
Un deuxième argument, invoqué par Metchnikoff, est tiré de ce
fait qucy pour empêcher le développement d'une bactérie, il faudrait plus
de substance antiseptique que pour la tuer. A ce propos, il s'exprime comme
il suit : y> Dans ses recherches sur l'action qu'exercent sur le bacille char-
bonneux des acides et des alcalis ajoutés au sérum, M. de Lingelsheim a
démontré que, pour tuer toutes les bactéries introduites, il faut une quantité
de l'agent chimique double de celle qui est nécessaire pour empêcher le dé-
veloppement des mêmes microbes. Si l'action bactéricide des humeurs réside
dans une propriété antiseptique analogue, il est tout naturel que le sérum
empêche le développement de la bactéridie encore plus facilement qu'il ne
la tue. Or, les faits prouvent juste le contraire. Il a été souvent observé, et
M. BucHNER lui-même peut être cité comme témoin, que le même sérum
qui exerce vis-à-vis de la bactéridie une propriété bactéricide très accentuée
n'empêche nullement la germination des spores et le développement abon-
dant des bactéridies. ^
Comme on le voit, le raisonnement est basé sur des propriétés diffé-
rentes du bacille du charbon et de sa spore. Le développement de cette
dernière ne serait nullement entravé par. le sérum, tandis que la forme
végétante serait détruite en grand nombre. •
L'exemple de cet organisme nous parait fort mal choisi. A notre
avis, le bacille du charbon est en grande partie la cause de la confusion
(1) H. Van de Veldè : Loc. cit.
(2) J. Leclef : Étude sur le rapport entre le pouvoir pathogène des microbes, etc.; loc. cit.
(3) J. Leclef : Étude sur le pouvoir sporicide: loc. cit.
470 J. DENYS
qui règne sur la question du pouvoir bactéricide. Ce microbe a la réputa-
tion d'être détruit énergiquement par certains sérums. Mais, quand avec
M. Kaisin (i) nous avons refait les expériences sur ce sujet en employant
comme semence, non pas une culture sur milieu hétérogène, mais une cul-
ture dans le sang et le sérum mêmes, nous avons trouvé que ces milieux
étaient sans action sur lui.- Sa destruction dans le sérum n'est donc pas un
effet du pouvoir bactéricide et ne peut être opposée à la conservation et au
développement de ses spores dans le même milieu.
On doit du reste être très prudent dans le maniement de cet organisme,
qui se refuse quelquefois à pousser sur les plaques, alors même qu'il est en
pleine végétation, comme nous en avons donné, avec M. Kaisin, un
exemple très net.
Aussi, avant de faire intervenir le bacille charbonneux dans la discus-
sion, croyons-nous qu'il sera nécessaire de contrôler les expériences qui
ont été faites avec lui, en se mettant bien en garde d'abord contre l'influence
du changement de milieu et ensuite contre les conditions qui l'empêchent
de fournir régulièrement des colonies sur les plaques.
Les travaux de J. Leclef sur les spores sont du reste une réponse
directe à l'objection formulée plus haut, que pour empêcher le développe-
ment d'une bactérie il faut plus de substance antiseptique que pour la tuer.
En effet, le sérum enraye le développement des bacilles du foin aussi bien
que celui de ses spores. Leclef aurait pu ajouter qu'il y a non seulement
diminution, mais destruction complète des spores ajoutées au sérum.
En effet, quand au lieu de percevoir deux anses de sérum pour con-
fectionner les plaques, il ajoutait à un seul tube d'agar la totalité du
sérum ensemencé, c'est-à-dire plusieurs centimètres cubes, il constatait
que toutes les spores avaient péri. Elles sont donc aussi sensibles aux
humeurs que les formes végétantes.
Le troisième argument invoqué par Metchnikoff est le suivant : le
sérum est très bactéricide pour le bacille du charbon sous la forme de
bâtonnet, mais il est incapable d'empêcher la germination de la spore et le
développement du bacille charbonneux issu de ce germe. ^ Si l'immunité
contre le charbon est réellement due à l'état bactéricide des humeurs, il est
évident que cette immunité doit être tout à fait différente vis-à-vis des bâ-
tonnets et des spores. «
(i) J. Denys et A. Kaisin ; Hcc/ierclws à propos des objections récemment élevées contre le
pouvoir bactéricide du sang; La Cellule, t. IX, 1893.
LE POUVOIR BACTERICIDE DES HUMEURS 471
Comme ]\'Ietchnikoff le fait observer, ce postulat de la théorie n'est
jamais réalisé dans la nature. Nous en convenons volontiers, mais la con-
clusion ne nous paraît pas légitime. La contradiction dans les prémisses
n'est qu'apparente et repose sur la prétendue intervention du pouvoir bac-
téricide dans la diminution que subissent les bacilles charbonneux importés
du bouillon ou de l'agar dans le sérum. Nous avons vu plus haut ce qu'il
faut penser de cette destruction. Ce que nous avons dit à ce propos ren-
ferme la solution de cette difficulté.
Un quatrième argument est plus important, il est tiré de ce fait qu'il
n'existe pas de corrélation entre la propriété bactéricide des humeurs et
l'immunité. Tel animal, qui est réceptif pour un microbe donné, possède
un sérum très bactéricide pour ce même microbe; tel autre, qui est réfrac-
taire, est sans action sur lui.
Une discussion détaillée sur ce sujet nous entraînerait trop loin. Les
observations qui précèdent et surtout les expériences de M. Leclef renfer-
ment la réponse à la difficulté soulevée.
Les observations de cet auteur sur le rapport qui existe entre _le pou-
voir pathogène des microbes et leur résistance au sérum nous paraissent
absolument concluantes, nous dirons même qu'elles ont dépassé nos prévi-
sions et que nous ne nous attendions nullement à rencontrer un parallélisme
aussi rigoureux entre l'action pathogène et la résistance des microbes aux
humeurs. Nous pensions, en effet, rencontrer des exceptions qu'il aurait fallu
expliquer par une intervention plus énergique des phagocytes ou d'autres
facteurs, mais elles ne se sont pas présentées. Aux organismes étudiés par
Leclef, nous pouvons ajouter, d'après les expériences de M. Kaisin, le
bacille du charbon, et, d'après d'autres faites avec H. De Marbaix, le
streptocoque pyogène, deux organismes c]ui à un degré suffisant de virulence
tuent le lapin à doses minimes et qui ne sont pas détruits ou ne le sont que
très peu par le sérum. La corrélation entre la propriété bactéricide des
humeurs et l'immunité se trouve ainsi vérifiée pour un grand nombre d'or-
ganismes.
Toutes ces considérations, toutes ces expériences nous permettent de
déclarer que le dernier mot sur le pouvoir bactéricide des humeurs n'est pas
dit. Dès à présent, nous pouvons affirmer que le sérum de certains animaux,
du moins après sa sortie du corps, est doué d'un pouvoir bactéricide dans
60
472 J- DENYS
le sens indiqué par Nissen et Buchner, c'est-à-dire qu'il renferme une sub-
stance toxique, agissant sur les microbes à l'instar d'un antiseptique et les
faisant périr alors que tous les éléments nécessaires à leur développement
se trc uvent réunis. ^
Une auti'e question est celle de savoir si cette propriété appartient
également au sang en circulation. Beaucoup de faits parlent en faveur de
cette thèse; contentons-nous de signaler le parallélisme indiqué par Leclef
entre le pouvoir pathogène et la résistance aux humeurs et cette singulière
exaltation du pouvoir bactéricide de l'exsudat du lapin signalée par
Van de Velde (i) et qui serait sans but si l'on niait l'intervention bacté-
ricide du sérum. Ce renforcement local de la résistance doit être rapproché
du renforcement général que nous avons signalé avec M, Kaisin (2) dans la
maladie charbonneuse.
Il n'y a évidemment que l'expérience pour répondre à cette question.
^Mais s'il était démontré que le sérum en circulation ne possède pas de pou-
voir bactéricide, il n'en faudrait pas moins examiner si ce pouvoir n'entre
pas en jeu dans certains cas d'infection et ne concourt pas à déterminer
l'issue favorable. Dans cette hypothèse, vu la facilité avec laquelle il prend
naissance en dehors du. corps, on croirait difficilement qu'il reste perpé-
tuellement enchaîné, au-dedans, d'autant plus que dans beaucoup de proces-
sus pathologiques, tels que l'exsudation, nous voyons le sérum subir les
mêmes altérations que le sang extravasé (coagulation^. Enfin, alors même
que le sérum se conduirait toujours comme un liquide inerte, il y a lieu de
se demander jusqu'à quel point, sorti du corps et doué de pouvoir antisep-
tique, il serait apte à jouer un rôle dans la thérapeutique.
Ce n'est pas avant d'avoir élucidé ces différents points qu'on pourra
considérer l'étude du pouvoir bactéricide des humeurs comme stérile et
oiseuse.
(I) Van de Velde : Op. cit.
Ces expériences ont été commencées au mois de février et sont par conséquent antérieures à celles
publiées par Buchner dans la 'Deutsche medicinische Woclicnschrifl.
(2) Denys et Kaisin : Op. cit.
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