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Full text of "La folle journée; ou, Le mariage de Figaro"

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LA 

FOLLE JOURNÉE, 

O U L E 

MARIAGE 

DE FIGARO, 

COMÉDIE EN CINQ AC^EtS 

ET EN PROSE. 

Par Mr. CÀRON i>fi BEAUMARCHAIS. 

JS^eprifcntée , pourlajtremierejoU ,* àPans par ht 
ConUdUns QjtUiùUns du Roi , le xy Ayril 1784^ 




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' II. DCC LXXXV. 



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Noms desAAears 
PERSONNAGES. & Aftrices. 

.. Le CoimeALM AVIVA Mr. Moli. 

La COMTESSE Mlle. Sainval. 

SUZANNE, femme' de-nrfaam* 

bre de la Comtefïè Mlle Contât. 

FIGA^C^lec du Comte. . . Mr. Da^incourt. 
BAZILE , maître à cbiancer. • . Mn Vanhovc. 
Le Dcfteur BARTHOLO , 

Médecin ; Mr. DcfeJJart. 

<^ AlARCELIKB , - gouveiwiante - - 

c^^ÇodcHr^ .^. ..... . Modela Chajpugn^ 

*' CHÉftUÔIN ', Page du Comte^Mfle. ' Olivier. 
DomGVSMAH3:RlDE^Mrs. Préville ou 

OISON, juge du lieu. . . . (Dugaron. 
DOUBLË^ÀÏN , Greffieî Al. *. ^ 

fîége. • . , Mr. Marçi. 

" ANTON jO/pHlMCT du CoAte^ ' - 

• . -& *oncfe nJe Sitztthttr. -r . v r vtf/'. Belmont. 
FANCHETTE, fille d^Antonio, 

Coufine de de Suzanne. . . . Mlle. Laurent. 
PÊ DRILLE , coFfier, . Vî* • ^r. Florence. 
GRIPPE - SOLEIt , berger , 

chargé du feu d'açtÎjSî^e. • . Mr. La Rive , ou 

• - . ' • Champville. 

Un HUISSIER-Aôelièncîér;. • • Mr. la Rochelle. 
Trois Perfonnages muets. . . • 
GARDES. 
Troupe de Pav&nç & clfPay fansies des environs dtt 

châteai) d'^sbas-lrelcas . à^rois lieues d&Séviille. 



VP.tlSïTY 




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^v« 



F R $ F A CE, 



JLjn écrivant cette Préface , mon but n'eft p^s 
de rechercher oifeufement fi j'ai mis au théâtre 
une pièce bonne ou mauvaife ; il n'eft plu5 
f ems pour moi : mais d'examiner fcrupuleufe- 
ment , & je le dois toujours , fi j'ai fait unç 
œuvre l)lâmable. 

Perfonne n'étant teou de faire une comédie 
qui refTemble aux autres ; fi je me fuis écarté 
d'un chemin trop battu , pour des raifons qui 
m'ont paru folides; ira-t-on me juger, comme 
Vont fait MM* tels , fur des régies qui ne font 
pas les miennes ? Imprimer puérilement que je 
reporte l'art à fon enfance , parce que j'entre- 
prends de frayer un nouveau fentier à cet art 
dont la loi première, & peut-être la feule , eft 
d'amufer en inftruifant ? Mais ce n eil pas de 
cela qu'il s'agit. 

Il y a fouvent très-loin du mal que l'on dît 
d'un onvrage à celui qu'pn en penfe. Le tr^i|: 
qui nouspourfuit , le mot qui importune rejflç 
enfeveli dans le cœur , pendant que la bouche 
fe venge en blâmant prefque tout le refte. De 
forte qu'on peut regarder comme un point 



/ 



ij ^ PRÉFACÉ. 

établi au théâtre , qu'en fait de reproche à l*au- 

teur , ce qui nous affefte le plus eil ce dont on 
parle le moins. 

Il eft peut-être utile de dévoiler aux yeux 
de tous ce double afpeft des comédies , & j'au- 
rai fait encore un bon ufage de la mienne , fi je 
parviens , en la fcrutant , à fixer Topinion publi- 
que ftir ce qu'on doit entendre par ces mots : 
Qu'eft-ce que ia décence théatîiale ? 
A force de nous montrer délicats, fins connoif- 
feurs , & d affefter , comme j'ai dit autre part , 
rhypocrifie de la décence auprès du relâchement 
d* moeurs , nous devenons des êtres nuls , in- 
capables de s'amufer & de juger de ce qui leur 
convient : faut-il le dire enfin ? Des bégueules 
raflfàfiées qui ne fa vent plus ce qu'elles veulent , 
ni ce qu'elles doivent aimer ou rejetter. Déjà 
ces mots fi rebattus , bon ton , bonm compagnie , 
toujours ajuftés au niveau de chaque infipide 
cotterie , & dont la latitude eft fi grande qu'on 
ne fait où ils commencent & finiflent,ont détruit 
la franche & vraie gaieté qui diftinguoitdetout 
autre , le comique de notre nation. 

Ajoûtez-y le pédantefque abus de ces autres 
grands mots décence Se bonnes mœurs , qui don- 
nent un air fi important, fi fupérieur, que nos 
jugeursde comédies feroient défolés de n'avoir 
pas à les prononcer fur toutes les pièces de 



Préfacé. ^ n\ 

ikéâtre , & vous connoîtrez à- peu- près ce qui 
garote le génie ^ intimide tous les auteurs ^ & 
porte un coup mortel à là vigueur de Tintrigue^ 
fens laquelle il h'y a pourtant que du bel efprit à 
la glace, & des comédies de quatre jours. 

Enfin, pour dernier mal , tous les états de la 
lociété font parvenus à fe fouftraire à la cenfure 
dramatique ; on ne pourroit mettre au théâtre 
les Plaideurs de Racine , fans entendre aujour* 
d'hui les Dandins & les Bride^^OiJons , même 
des gens plus éclairés, s*é(?rier qu'il n'y a plus ni 
mœurs , nî refpeô pour les magiflrats. 

On ne feroit point It-Turcaret , fans avoir à 
l'inftant fur les bras / fermes , fous-fermes | trai- 
tes & gabelles , droits-réunis, tailles , taillons, 
le trop^plein ^ le trop-bu , tous les impofiteurs 
royaux. Il eft vrai qu'aujourd'hui Turcaret n'a 
plus de modèles. On l'offriroit fous d'autres 
traits ) l'obftacle refteroît le même. 
On ne jduefoit point les Fâcheux^ lesMarquisi 
tes Emprunteurs àt Molière ^ fans révolter à la 
ibis la haute, la moyenne^ la moderne & l'an- 
tique nbbleffe. Se^ Femmes /hvantçs irriterolent 
nos féminins bureaux d'efprit ; mais quel calcu- 
lateur peut évaluer la force & la longueur da 
levier qu'il faudroit , de nos jours , pour élevée 
j^ufqu'au théâtre la fublime œuvre du Tartufe f 
AuiS l'auteur qui fe compromet avec le publxi; 

a z 



V PRÉFACE. 

pourFamufer, oupourTinflruirt , au lieu d'in- 
triguer à fon choix Ton ouvrage , eft-il obligé de 
tournilier dans des incidens impoiTibles , de per«> 
£fBer au lieu de rire , & de prendre fes modèles 
bors de la Tociécé ^ crainte de (b trouver mille 
ennemis , donc il ne connoiflbit aucun en 
. çompofant fon tri (te Drame* 

J'ai donc réfléchi que fi quelque homme cou-^ 
rageux ne fecouoit pas toute cette pouiHere , 
bien- tôt Tennùi des pièces françoifes porterok 
la nation au frivolô opéra- comique , 5c plus loin ' 
encore , au boulevards , i ce ramas infed de 
tréteaux élevée à notre honte , où la décente 
liberté bannie du théâtre François y fe change 
en une licence effirénée ; où la jeuneflè va fe 
nourrir de grofïîeres inepties , & perdre, avec fes 
mœurs , le goût de la décence & deschefs-d'ce^K; 
vresdenos maîtres. J'ai tenté d'être cet homme, 
& fi je n'ai pas mis plus de talent à mes ouvra- 
ges , au moins mon ^intention s'cft-elle manî- 
Jfeftée dans tous. 

J'ai penfé , je penfe encore , qu'on obtient 
m grand pathétique , ni profonde moralité , ni 
bon & vrai comique au théâtre , fans des iitua*' 

r 

^ofns fortes,& qtii naiflent toujours d'une difeon- 
Venante Ibciale^dans le fu jet qu'on veut traiter. 
L^auteuT tragique , hardi dans fes iRoyeoj^» 
eie adtaettre !e ctlme atroce; les c(mf|>iratiws, 



PRÉFACE. V 

rufurpatîon du trône, le meurtre, Tempoifonne^ 

xnent,rincefte dans Œdipe'ôcPAêdreiU fratricidç 
âàns Vendôme; le parricide dans Mahomety le ré* 
giçide dans Machbet , &ç. &c. La comédie^' 
moin^ au daciettfe, n'excède pas lesdifconvenan- 
cesparce que fes tableaux font tirésde nos mœurç^ 
fe3 fujets,de la fociété. Mais comment frapper fur 
Tavarioe \ à moins de mettre en fcene un mépri- 
fable avare ? DéxsxaSqvL^t l'hypocrifie^fans mon* 
trcr , comme Orgon.ddins le Tartufe, un abomi- 
nable hypocTiûeJpou/ânt/a fille Gf convoitant 
fa femme f Un homme à bonnes fortunes,fensJe 
fàiie parcourir Jtn isej^ck entier de femmes galan- 
tes ; un jou€kur effréné, fans l'envelopper de frip- 
ions , s'il ne l'eft pas déjà lui-même ? 

Tous ces gens-là font loin d'être vertueux ; 
l'auteur ne les donne pas {)our tels : il n'eft le pa- 
tron d'aucun d'eux; il eftle peintre de leurs vicçs; 
Et parce que le lion eft féroce , le loup vorace 
& glouton^ le renard rufé, cauteleux , la fable 
efl-elle fans moralité F Quand l'auteur la dirige 
centre un fot que la louange enivre ^ il Ait 
choir du bec du corbeau le fron:vage dans'la^eule 
du renard , fa moralité eft remplie : s'il la tour- 
noit contre le bas flatteur, il finiroit fon apolo-; 
gue îûafi :Ie renard s' en/a^t , k dévore j niais 
lefromOiffs, étoit empoifonné. X-a fable eft une 
coméd^ légère ,& tome comédie n'eft qu'on 

^3 



Vj. PRÉFACE. 

long apologue : leur différence eft, que dans la 

fable les animaux ont de l'efprit ; & que dans 

notre comédie les hommes font fouvent de$ 

|)êtes , & qui pis eft , des bêtes méchantes. 

Ainfi , lorfque Molière , qui fut fi tourmenté 

par les fôts , donne à V Avare un fils prodigue & 

vicieux qui lui vole fa caflette , & l'injurie en 

face ; eft- ce des vertus ou des vices qu'il tire fa 

moralité? Que lui importent fes fantômes? c'eft 

vous qu'il entend corriger. Il eft vrai que les 

afBcheurs & balayeurs littéraire? de fon tems, 

ne manquèrent pas d'apprendre au bon public 

combien tout cela étoit horrible ! Il eft auffi 

prouvé que des envieux très-importans, ou des 

impbrtans très -envieux fe déchaînèrent contre 

A, lui. Voyez le févere Boileau dans fon épîtrè au 

grand Racine , venger -fon ami qui n'eft plus , 

çn rappellant ^infi les faits : 

L^lgnorance & Terreur a Tts najffantes pièces , 
En habits de Marquis , en robes 'de Comceiïe , 
Venoient pour difikmer fon chef-d'œuvce nouveaii , 
Et fecouoienc la tête à l'endroit le plus beau. 
^ Le Commandeur rouloit U fcene plus exa<fle ; 
Le Vicomte indigné , fortoit au fécond aâe. 
L*un y défenfeur zél4 des dévots mis en jeu , 
' ' Pour prix de fes bons mots , le condamnoit au feu • 
L'autre ^fougueux Marquis^ lui déclarant la guerre 
/ 9uloi( venger U C^ur immoléo a\i partQrr^ 



PRÉFACE. vij 

On voit même dans un placée de Molière à 

Zouis XIV j qui fut fi grand en protégeant les 
arts , & fans le goût éclairé duquel notre théâtre 
n'auroit pas un feul chef-d'œuvre de Molière ; 
on voie ce philofophe auteur fe plaindre amère- 
ment au Roi , que pour avoir démafqué les 
hypocrites, ils imprimoient par-tout qu'il étoit 
un libertin , un impie , un athée , un démon 
vêtu de .chair , habillé en homme ; & cela 

ç'imprimoit avec Approbation et Privi- 
lège Dy>-Ror , qui le protégeoit : rien là-» 
deffiis n'ell empiré* 

Maïs , parce que les perfonnages d'une pièce 
s*y montrent fous des mœurs vicieufes , faut^il 
les bannir de la fcene ? Que pourfuivpoit-on au 
théâtre ? les travers & les ridicules f Cela vaut 
bien la peine'd'écrire ! Ils font chez nous comme 
les modes ; on ne s'en corrige point , on en 
change. 

. Les vices , les abus , voilà ce qui ne change 
point , mais fe déguife en mille formes fous le 
mafque des mœurs dominantes : leur arracher 
ce niafque & les montrer à découvert , telle eft la 
noble tâche de l'homme qui^e voue au théâtre* 
Soit qu'il moralife en riant , foit qu'il pleure 
en moralifant : Heraclite ou Démocrite ^ ii n*a 
pas un autre devoir ; malheur à lui ^ s^il s'en 

m 

éçartç. Oo ne peut corriger les hQnunes qu'en 

a 4: 




vliî P R È PAC S. 

les faifaftt voir teh qu'ils font. La comédie utile 

& véridique , n'eft point un éloge menteur , 
un vain difcours d'acadéhiie. 

Mais gardons - noUs bien de confondire cietté 
critique générale > un des plus nobles buts de 
l'art , avec la fatyre odieufe & pêrfonnelle s 
l'avantage de la première eft de torriger fari^ 
blefler. Faites pronocer au tfaiéâtTe par rhortiiHe 
jufte , aigri de rhôrrîblè abus des bienfaits , touÉ 
les hommes font dtsingratstc^ùio^Q chacun foît 
bien préside penfer çomn^é lui , perfonné ne 
s'oflTenfera. Ne pouvant y avoir un iitgrat , Êin^ 
qu'il exifte un bienfaitéUîr ; c^ reproche même 
établit unebalance égale Bntt^ lesboAs & mauvais 
c«eurs', on le fènt & <relà tôAfoIe. Que fi Thuriio- 
rifte répond qu^un hithfkïtewrfàk cent ingrats ; 
on répliquera juftemeht ^ qu'///2'y a peutârepas 
un ingrat qui n'ait été plujieurs fois biertfaiftar i 
cela confole er.core ; & c'eft ainfî qu'en généra-o- 
lifant , la critique la plus amere porte du fruit 
fans nous •blefler ; quand la fatyre perfonifelte ^ 
au-ffi ftér lie que funeftè ,t*effe toujours & W pro- 
duit jamais. Je hais par-toftt cette demiete , & 
je la croîs un fi puniflabteabus^ que faîi plu- 
fieurs fois d'office invoqué la vigWance du m*- 
giflrat , pour empêcher que le théâtre ne devînt 
Une arène de gladiateurs , où le puiflarft fb'crfit 
«El 4toit 4e &ire «iercw fts v^i^^incte par 4tt 



4 



PRÉFACE. ht 

plumes vénales , & nialheureufement trop corn"* 

munes j qui mettent leur baflèile à Tenchere. 

N'ont-ik donc pas affez, ces grands , A^i mille 
& un journaux y faifeurs de bulletins , afficheuiri^ 
pour y trier les plus mauvais , en choifir unbi^R 
lâche , & dénigrer qui les ofFulque ? Ou tokM 
un fi léger mal, parce qu'il eft fans conféquettt?^^ 
& que la vermine éphémère démange un inftâlit 
& périt ; maiï te théâtre eft un géant qui bl^ei^ 
à mort tout ce qu'ail frappe. On dgit réfervet 
(es grands coups pour les abus & pour les mtiux 
publics. 

Ce n*eft dùnc ni le vice , ni les incidefis qnlH 
amené, qui font rindécence théâtrale ; fi^i$lè 
défaut de leçons & de moralité. Si l'auteur , ék 
foible ou tîmidje, ti'ofe en tirer de fon fujet, vbift 
ce qui rend fa pièce équivoque ou vicieufe. 

Lorfque je mis Eugénie- au théâtre ( & il fttft 
bien que je me cite, puifque c*eft toujours fhei 
5qu*on attaque ) , lotfque je mis Eugénie au 
théâtre , tous nos jur^-crieurs , à la déc^i» ^ 
jettoient des flammes dans les foyers fur ce quto 
j'^avois dCé montrer un feigneur libertin , habiK 
lant fes valets en prêtfes , & faîgnant d'^pouf* 
une jeune peifonne qui paroît enceinte au théâ> 
tre , fans avoir été mariée. 

Malgré leurs cris , la pieCe a été jugea, finon 
le meiHeur , au moins le plus moral des ckames ^ 



X PRÉFACE. 

conilamment jouée fur tous les théâtres, & tra- 
duite dans toutes les langues. Les bons efprits 
ont vu que la moralité, que l'intérêt y naiffeienc 
entièrement de l'abus qu'un homme puiflTant & 
vicieux fait de fon nom , de fon crédit , pour 
tourmenter une foible fille , fans appui , trom- 
pée , vertueufe & délailfée. Ainfi , tout ce que 
l'ouvrage a d'utile & de bon , naît du courage 
qu'eut l'auteur d'ofer porter la difconvenance 
fociale au plus haut point de. liberté. 

Depuis , j'ai fait les Deux Amis , pièce dans 
laquelle un père avoue à fa prétendue nièce 
qu'elle eft fa fille illégitime : ce drame eft aufll 
très-moral ; parce qu'à travers les facrifices de 
la plus parfaite amitié , l'auteur s'atrache à y 
montrer les devoirs qu'impofe la nature fur les 
fruits d'un ancien amour , que la rigoureufs 
dureté des convenances fociales , ou plutôt leur 
abus, laiflfe trop fouvent fon appui. 

Entr'autres critiques de la pièce , j'entendis 
dans une loge , auprès de celle que j'occupois , un 
jeune imponant de la cour , qui difoit gaiement 
à des dames : « l'auteur, fans doute, eft un gar- 
9> çonfrippier , qui ne voit rien de plus élevé que 
y> des commis des fermes & des marchands d'é- 
» toffes ; & c'eft au fond d'un magafin qu'il va 
y> chercher les nobles amis qu'il traduit à la fcene 
99 fi:ançaife i » Hélas ! Monfieur ^ lui dis - je en 



PRÉFACE. X 

m'avançant , il a fallu dû moins les prendre où 

il n'eft pas impoffible de les fuppofer. Vous ri- 
riez bien plus de l'auteur , s'il eût tiré deux 
vrais amis de l'œil de bœuf ou des carrofles ? Il 
faut un peu de vraifemblance , même dans les 
aftes vertueux. 

Me livrant à mon gai caradere , j'ai depuis 
tenté , dans le Barbier de Sivilh , de ramener 
au théâtre l'ancienne & franche gaieté, en l'al^ 
liant avec le ton léger de notre plaifanterie 
aâuelle ; mais comme cela même étoit une ef- 
pece de nouveauté, la pièce fut vivement pour- 
fuivie. Il fembloit que j'euflè ébranlé l'État : 
l'excès des précautions qu'on prit , & des cris 
iqu'on fit contre moi , déceloit fur-tout la frayeur 
que certains vicieux de ce tems avoient de s'y 
voir démafqués. La pièce fut cenfurée quatre 
fois, cartonnée trois fois fur Taificbe, à l'inflanc 
d'être jouée , dénoncée même au parlement d'à* 
lors; & moi, frappé de ce tumulte, je perfifiois 
à demander que le public reftâtle juge de ce que 
J'avois deftiné à l'amufement du publie. 

Je l'obtins au bout de trois ans , après les 
clameurs , les éloges ; & chacun me difoit tout 
has : faites-nous donc des pièces de ce genre , 
puifqu'il n'y a plus que vous qui ofiez rire en 
&ce. 
Un auteur défolé par la cabale & les criards ^ 



V 



3tTÎ ^ P R È r AC B. 

mais qui voîtfe pièce marcher^reprend courage^ 

& c'eft ce qufe l'ai fait. Feu M. le Prince de Contî^ 

dp patriotique tnémoire , ( car en frappant l'ait 

de fon nom , Toai fent vibrer le vieuxmot patrie)» 

Feu M. b Pr«çe ^e Conti , donc ^ me porta 

le défi public de mettre au théâtre ma Préface 

idu Bariner^ phisgare,difoit-il , que la pièce , 

& d'f montrer la famille de Figaro , que j'in-ï- 

4liquois dans cette Préface. ftJonfeignenT , lui 

fré:p€»idis-}e , fi je mettois une féconde fois ce 

•caraâere Air ia feene , comme je le montrcro» 

plus âgé , qu'il en fauroît quelque peu davan^- 

Mge y ce ferait bien vn autre bruit ^ & qui (ait 

:$*il verroit le jour ! Cependant, par refpe&,j'ac- 

treptai le défi , je compofai cette Foiie Journée^ 

x]Uf eaufe aufairrd'hm ia rumeur. U daigna Ut 

Toîr fe premier. C'étoît un homme d^nn grand 

Taraâere , nh Prince Augufte , un efprit noble 

A fier : le d^ai-je ? Il en fut coment. 

Mais qtiel ':piége , iiélas! j'ai ttendu au joge* 

menthe fîos critiques en appelant msL comédie 

du vain nom de Folie Journée i tooïi objet ^oit 

4)ien de iui ânsfr quelqu'inrportance ; mais je ne 

iavois pas «encore à quel point un changement 

d'annonce peut égarer tous les eiprits. 'En Im 

•iaiffant fon véritable titre, on eut Jâ iTEpour 

Juhomeun Cétoit pour eux une autre piftepoh 

mecouccât diâërenxment. Mais ce nomade 2^o//^ 



PRÉFACE.^ ru] 

fournée , les a mis à cent lieues de paoi : ils n'ont 

plus rien yu dans l'ouvrage ^ que ce qui n'y fera 
jamais ; & cette remarque un p€U féver^ fur h 
facilité de prendre le change y a plus d'étenduft 
qu'on ne croie. Au lieu du nom de Georges Dan^ 
din y (1 Molière eût appelle faa Drame la Sottift 
des alliances , U eût porté bteo plus de fruit : fi 
Renarde&t nomtné fon Léggêaireja Punition Su 
€élihat f la pièce nous eût fait frémir. Ce à quoi 
il ne fongea pas ; je l'ai fait avec réfle3(ion.Mais ^ 
qu'onferoit un beau chapitre for tousles jugemens 
des hommes , & la morale du théâtre \ & qu'oa 
pourroit intituler : de tinfluemede F Affiche. 

Quoiqu'il en foit , la Polie Journée refiacinq 
ans au porte -feuille ; le» comédiens ont (a 
que je l'avois / il me l'ont 6n6n arrachée. S'ils 
9nt bien ou mal fait pour eux , c'eA ce qu^>n a 
pu voir depuis. Soit que la difficulté delà rendre 
excitât leur émulation ; fpttqik^ils ii^Rtiflènt avec 
le puUic y que pour lui .pbire en comédie , it 
falloir de nouveaux efibrta ; j^mak pièce auffi 
difficile n'a été jouée avec domu d'enfemblè ; 
Se (1 l'auteur ( oocuoe onleiiit ^ft iseâé au def* 
foifô de lui-même ; il n'y a pas «ft fiml a^eur, 
dont cet ouvr^ n'ait ét^Ut ^ Mgmenté ou 
confirmé fat réputation. ICfm irevmo^ à fa lec- 
ture, à l'addption des cocoiâdiefls* 

SmV^ùsi^iMiséqfi'jàMmAftfït^ toutes les 



xiV . PRÉFACÉ. 

fociétcs voulurent le connoître , & dès-Iôrs il 
fallut me faire des querelles de toute efpece , oU 
céder aux inftances uniyerfelles. Dès- lors auflî 
les grands ennemis de Tauteur , ne manquerenc 
pas de répandre à lacoUr qu'il bleffbit dans cet 
ouvrage , d'ailleurs un tiflu de bée ifes , la reli* 
gion , le gouvernement , tous les états de la fo- 
ciété , les bonnes moeurs , & qu'enfin la vertu y 
étoit opprimée , & le vice triomphant , comme 
de raifon ^ ajoûtoit-on. Si les graves Meffieurs 
qui l'ont tant répété , me font rhonneur de lire 
cette Préfîice , ils y verront au moins que j'ai 
cité bien jufte, & la bourgeoife intégrité que je 
mets à mes citations y n'en fera que mieux reflbr* 
tir la noble infidélité des leurs. 

Ainfi , dans le Barbier de Siville , je n'avoîs 
qu'ébranlé TEtat ; dans ce tiouvel effai , plus 
infâme & plus féditieux , je le f enverfois dcf 
fond en comble. Il n'y avoît plus rien de facré 
fi l'on permettoit cet ouvrage. On abufoît Tau* 
torité par les plus infidieux rapports ; on caba-- 
loit auprès des corps puiffans ; on allarmoit les 
Dames timorées ; on me faifoit des ennemis fut 
le prie-Dieu des oratoires t & moi , félon les 
hommes 5c les lieux , je repouffai la baffè in^ 
trigue , par mon exceflive patience , par la roi- 
deur de mon refpeâ^ l'obftinatiôn de ma doci- 
lité ; pat la raifon, quand on vouloit l'entendre. 



PRÉFACE. xt 

Ce combat a duré quatre ans. Ajoutez - les 

aux cinq du porte - feuille ; que refte-i! des 
allufîons qu'on s'efforce avoir dans l'ouvrage? 
Hélas ! quand il fut compofé, tout ce qui fleurit 
aujourd'hui , n'avoic pas même encore germé. 
C'ccoit un tout autre univers. 

Pendant ces quatre ans de débat, je ne deman- 
dois qu'un cenfeur ; on m'en accorda cinq ou 
fîx»* Que virent-ils dans l'ouvrage , objet d'ua 
tel déchaînement ? La plus badine des intrigues. 
Un grand feigneur Efpagnol, amoureux d'iine 
jeune fille qu'il veut féduire , & les efforts que 
cette fiancée , celui qu'elle doit époufer , & la 
femme du feigneur,réuniflrent pour faire échouer 
dans fon deffèin un maître abfolu^ que fon rang, 
ia fortune & fa prodigalité rendent tout puif*- 
fant pour l'accomplir. Voilà tout, rien de plus* 
La pîece efl fous vos yeux. 

D'où naiffoient donc cts crîs perçans ? De 
ce qu'au lieu de pourfuivre un feul caraftere 
vicieux, comme le Joueur, rAmbitieux,l'A vare, 
ou l'Hypocrite , ce qui ne lui eût mis fur les 
bras qu'une feule claflfe d'ennemis ; l'auteur a 
profité d'une compofition légère , ou plutôt a 
formé fon plan de façon à y faire entrer la 
critique d'une foule d'abus qui défolent la fo- 
ciété. Mais comme ce n'eft pas là ce qui gâte 
un ouvrage aux yeux du cenfeur éclairé ; tous, 
en l'approuvant , l'ont réclamé pour le théâtre. 



\ 



»vj PRÉFACE. 

Il a donc fallu Vy fouffrir : alors les Grands du 

monde ont vu jouer avec fcandale , 

Cette Pièce où l'on peint un infolent valet ' 
Difputant fans pudeur fon époufe à fon maître. 

ikf. Cudin. 

Oh ! que j'ai de regret de n'avoir pas fait de 
ccfujet moral, une Tragédie bien fanguinairc! 
Mettant un poignard à la main de Tépoux ou- 
tragé , que je n'aurois pas nomméF/gan); dans 
fa jaloufc fureur je lui aurois fait rioblement 
poignarder le puiflant vicieux ; & comme il 
auroit vengé fon honneur dans des vers quarrés , 
bien ron flans, & que mon jaloux, tout au moins 
général d'armées , auroit eu pour rival quelque 
f yran bien horrible , & régnant au plus mal fur 
un peuple défolé ; tout cela très - bien de nos 
moeurs , a'auroit je crois bleffé perfonne ; on eue 
crié bravo ; ouvrage bien moral. Nous étions 
ikuvés , moi & mon Figaro fauvage. 

Mais ne voulant qu'amufer nos François , & 
non faire ruiflèler les larmes de leurs époufes ; 
de mon^ coupable amant j'ai fait un jeune fei« 
gneur de ce rems- là , prodigue , aflfez galant, 
même un peu libertin , à-peu-près comme les 
autres feigneurs de ce tems4à. Mais qu'ofèroit-p 
on dire au théâtre d'un feigneur , iàns les of-t 
fenfer tous , finon de lui reprocher fon trop de 
galanterie ! N'eft-ce pas là le défauç le moins 

conteilé 



P R È F A C E. xvîj 

conteïlé par eux-mêmes r J'en vois beaucoup , 

d'ici , rougir modeflement ( & c'eft un noble 
effort ) en convenant que j'ai raifon. 

Voulant donc faire le mien coupable , j'ai eu 
le refpeâ généreux de ne lui prêter aucun des 
vices du peuple. Direz-vous que je ne le pou- 
vois pas , que c'eût été blefler toutes les vrai- 
femblances ? Concluez donc en faveur de ma 
pièce y puifqu'énfin je ne l'ai pas fait. 

Le défaut même dont jell'actufe n'auroit pro^- 
duit aucun mouvement comique , fi je ne lui 
avois gaiement oppofé l'homme le plus dégourdi 
de fa nation , le véritable Figaro , qui tout en 
défendant Su^j^anne , (à propriété , fe moque des 
projets de fon maître, & s'indigne le plus plai- 
famment du monde qu'il ofe jouter de rufe avec 
lui , maître palTé dans ce genre d'efcrime. 

Ainû , d'une lutte affez vive entre l'abus de 
la puiflance , l'oubli des principes , la prodiga- 
lité,. l'oçcafton, tout ce que la féduftion a de 
plus entraînant ; & le feu , l'efprit , les refïburces 
que, l'infériorité piquée au jeu , peut oppofér à 
çfettçh attaqué ;j1 naît dans ma pièce un jeu plai- 
fant :d^ntrigue, où t époux fuborneur ^conttzxiél 
laflTé / harraffé , toujours arrêté' dans fes vues ; 
cft oblige trois fois dans cette journée de toih^ 
ber auxipiedsde fafemme qui^bonne,indulgente 

b 



acvlî) PRÉFACE. 

& fenCble , finit par lui pardonner : c'eft ce 

qu'elles font toujours . Qu*a donc cette moralité 

de blâmable , MefÇçurs ? 

Latrouvez-vQUs un peu badine pour le ton 
grave queje prends ?AçcueiUez-cn une plus fé- 
vere qui blefle yo3 y wx dans l'ouvrage. , quoi- 
jgue vguis ne Vy cherchiez pas : c'ell qu'on fei- 
£njeur aflez vicieux pour vouloir proûituer à 
fes caprices tout ce qr^Utii eu fubordionpé, pour 
ils jouer d^s fps domaines , de la pudicité de 
toutes (es jeufî^S; y^aks ^ doit finir comme 
celui-ci , par çtce U rifire de fes valets. Et c'eft 
ce que l'e^Uteur a très- fortement prononcé, lorf- 
qu'en fureiîr [au. cinquiemp aâ« , Almavivn, 
croyant confondre une fiîçime infidèle , montre 
à fon jardinier \ia çabinet,en luicriant : Entris^y 
toi , jintQ^io y conduis devant Jbn Juge , rin-* 
fUme qui ni.ck déshonoré ; & que celui-ci lui ïé-- 
fond: Il y a, ^parguenne , une konne pfmî-^ 
dtnct ! Vous, en avei tant fait dans le pays y 
^u' il faut bien aujji qu'à votre tour! . . • ^ 

Cette profonde moralité fe fait fentît* dans 
tout l'ouvri^ge ; & s'il convenoit à l'auteur de 
jléi»ontter ajax adverfair^es- qu'à traviers. ià fôrtd 
JeçQjtvila porté la. confidér^ion, pour lû^digiiité 
di^jCQUpable^plu^ loin qu'on ne devaic Pattendre 
(}e la fermeté V de fon pinceau:; je ieprfdrois 



P R È -F^-A CE: yi^ 

Comte AlmMiya fe vbittcfçjoùfs humilie , fehi 

. En lifltc 4 fi rla CoftireiTê trfbk <fe i^ufé poui^^ 
aveegleria- jàloofe dan^te^lfettéîii-dè'té trahiV } 

devenue c<ï)upablô elle-iâSêittfev ^I^ J^* f)6ûrni/îè 
mettre à fes^ pv^s foAépôtrx, fens' le''dcgra5deif 
à nos yeax.'Iiavid«ttfe'1rftre^eiôiif def rêpàuife'^- 

portent» «^drfrfîoiix i&mMè^^f'oH'rfëteiAë • ^iri^ 
aâlTezitebomHRîfipOO^tainf i^^ d^eâ^ Tutr'^é'^ 
j^oirtt dëf Idiwri Miih»,cl©4^uAg»^^ ié t îJf prô'jtty 
ce cf£\\ yi«iite3fffctrÀée#îi -^dàii^V4^^ , ' efl 
<pie çttla«^|ifc *lHruttê4tr 
mais foqteïiéîitârdfi9pè^*r§f;d'e^ ftfirë ài-tcCt'ïé' 

les moyens , dû réprdêKè ;• « <te' cé!S féiri , àttèl 
U Cfl^SJfTa" ftefi+Hsiii ^^iS^^ feMfewafl^ôrt mari ; 
tditts les «œïiifiwi» ^e'iP ëf>tèti^'fift?;eéftàr- ' 

lîkotiaiMpop^ti^î'àciîèi «»«•« |»étt'' dflicâit y la {^s" 
v<ttttettfe.dB$feftAès?paf g^Ûféè']^ I^fîndfiéS. ' 
iAfclBwicwWïfeiiJ^rf l^'oW trop •akAé î quaiîcf 
riexyofe-ti-iHl â ^oé f égards ! Dans le moment 



, .11» 



XX P R^È F A C E. 

critique pu fa bienveiUliiice pour un âitnable 

fnj^nc^ fonfilleuly peut devenir un goûc dan«-> 
/gereux , fi elle permet au reflèntiment qui 
rappuye,de prendre trop d'empire fur elle. Oeâ 
pQjUtfaire mieux fbrtir Tamour vrai du devoir ^ 
querauteur la mçt un moment aux prifes avec 
i^ngpûtnaiifctiniD.^ui^lç combat. Oh! combien oa 
s'efjk.é^ayé d^ ce léger tnôuvement dramatique^ 
pour ï\ofx$ acc4ifer d^indjécence-J On accorde à 
1^ tragédie y que. touties.le3 reioos ^]es jpkinc^Ses 
ayeçt des pa(S9ns;bi4n^,allumé€^''qii'cUes corn- 
bauent plu^ou. mo^;^ roa.oi^iibfiflrrc pat 
qi^e.^ dans la, comédie. :, une-^ifesidfneoQiaiinftîre 
puiFe hit ter cancre la m^mdïÉfoMéSc !!0 
grande infiueriçe dé T Affiche .\ Jiigeinem: fur . ôc 
cQiiiequçnt ! avec- la jdifférwc^ jingeiufe, on 
Wâipe icice qu'on approuvait: ^rEt:t?epc»dânt 
en ces deuxçfs c'eft toujoûrsie péme priaéipe $ 
poii^t de verctû/ans fàcrifice. ^ - 

J'ofe eo appellera v<3tu« ,,jeune6 infortunées , 
que votre malheur attache i des Almayiva ! Ditfr 
tingueriez-^yous touj ours votre? veim àtxo% cha- - 
grins^ fi quelqu'imérêc importun tendant c^op 
à les.diffiper ^ pe vous avertififo/t én£n. .qu'il eil 
tems de çonibattre pourelle ? tecfeggbîu de per-. 
dre un mari , n'eft pas ici ce qui nou^ tXMiclie ; 
ujî regret auflî perfoninel eft tro.p Ip^n d'être une 
vertu ! Ce qui nous plaîc dans la Comteflè| ç'eft 



PRÉFACE. XX 

de la voir lutter franchement contre un goût 

najflànc qu'elle blâme , & des reflentimens légi- 
times. Les efforts qu'elle fait alors pour ramener 
fon infidèle époux , mettant dans le plus heureux 
jour les deux facrifices pénibles de fon goût & de 
fa colère, on n'a nul befoin d'y penfer pour applau- 
dir à fon triomphe ; elle eft un modèle de vertu ^ 
l'exemple de fon fexe & l'amour du nôtre. 

Si cette métaphyfique de l'honnêteté des 
fcenes , fi ce principe avoué de toute décence 
théâtrale n'a point frappé nos juges à la repré- 
fentation , c'eft vainement que j'en éteindroîs 
ici le développement, les conféquences ; un tri- 
bunal d'iniquité n'écoute point les défenfes de 
l'âcçufé qu'il eft chargé de perdre ; & ma Coni- 
teflè n'eft point traduite, au Parlement de 2a 
nation , c'eft une Commiffion cjui la juge. 

On à vu la légère efquifle de fon aimable ca- 
raâere dans la charmante pièce d*Heureu/emcnr. 
Le goût naiifant que la jeune femme éprouve 
pour fon petit coufin l'officier n'y parut blâmable 
à perfonne , quoique la tournure des fcenes pûc 
laiilêr à penfer que la foirée eût fini d'autre ma- 
nière , fi répoux ne fût pas rentré , comme die 
VantevLT ^ heureiifemeru. Heureufement auffi To» 
n'avoit pas le projet de calomnier cet auteur ; cha- 
cun fe livra de bonne foi à ce doux intérêt qu'inf- 
pire une jeune femme honnête & feafible ^^ qui 

b iij 



içpwme tes prein^iers goûts ;. & notez qce dans 
Çet^è pièce , T^poux ne paroît qu'un peu fot ^ 
dans la rpienne il çft infidèle , ma Cointefic a 
flU5.de pjérite. 

Auffi i, dans Touvrag^ q»e je défends , le plus 
yeritable imérêt fe pprte-t-il fur la Comtefîë * 
Le rçfte eft d^ns le n^ême efprit. 

Pourquoi 4$//ftf/2;!î^ Ucamarifte^ fpimuelle^ 
^droite & rieufe ^ a-t-elle auffi le droit de nous 
întéreflfer ? CelJ qu^artaquée par un fédudeur 
p^iflant, avpG plu? d'avantage qu il n'en faudroit 
fo^T vaincre une fille de fon état , elie n'béfite 
pas. à confier les intentions du Comte aux d^ux 
perfpnnes les plus, intéreffées à bien furveiUer fk 
conduire, {ktpaîtreffe & fon fiancé. Ceft que , 
^ans çoi^t fon rôle , prefque le plus long de la 
pieee , il n'y a pas une phrafe , un mot , qui ne 
î;efpire la %el& & l'attachement à fes devoirs ; 
la feule rufe qu'elle fe permette , eft en faveu* 
de fa mai trèfle k qui fon dévouement efl: cfier^ 
& dont tous les vœux font honnêtes. 

Pourquoi , dan$ fes libertés fur fon maître, 
Figaro m'amu fe- t-il, au lieu de m'xndigner.C'eft 
que. , l'oppolé des .valets , il n'eft pas, & vous le 
favez. , le malhonnête homme de la pièce ; en le 
voyaqt forcé par fon état de repoufler Tinfulte 
avec adreflTe , on lui pardonne tout , dès qu'on 
im qii'U ae rufe^vec Ibn. feigne w: , que pour. 



P R È F A CE. 

garantir ce qu*il aime , & fauver fa propriété. 

Donc , hors le Comte & fei agens , chaciiA 
fait dans la pièce à-peu-pfès ce cju'ildoit. Si vous * 
les croyez malhonnêtes, patcè qvCili difent dix 
mai les uns des autres ; c'eft Une règle très-fàu- 
tîve. Voyez nos honnêtes gens du flécle; on pâlTe 
la vie à ne faire autre chofé / Il eft même telle- 
ment reçu de déchirer fani pitié lés abfens , que 
mol^qui les défends tou}ôtfri, j*énténdi fnurmtïrèr ' 
très-fodvént : quel diable d'hofhtné , Se qu'il éft ' 
coAtteriaiït ! Il dit du bien ée tout le monde. 

£ft-cemon page, enfiii, qui vous (candalife, 
& Timmortalité qu'on repf oèhé au fondde l'ou- - 
vrage, feroit-elle danii l'âtcéAToiré ? O cenfeùrs 
délicats ! beauit efprits fans fatigue ! inquifiteurs 
poui* la morale, qui condathnez en yn clin-d^oèK 
les réfierions de cin^ années ; foyez juftes uni 
feis,fans tirer àcotiféquertce. Un enfant de treize 
ans, zux premiers battçmeilâdu cœur ; cherchahc 
tout , fans rien démêler ; idolâtre , airifi qif oh 
l'efl à cet âge heureux ^ d'un dbjet célefté pour 
lui, dont le hafard fltfà niâtràiné ; efl-il un fujèt 
de fcandale ? Aimé de toUt le miônde aii caradérer 
vif, efpiegle & brûlant , conime tous les ehParil^ 
fpirituch; par fon agitatiori extrênie, il dérange 
dix fois y fans le vouloir , Tes coupables projets^ 
du Comte. Jéuhé adepte de la nature ! Tout cet 
qu'il voit a droit cte l'agiter ; peut-être il tfeft 



»ïv PRÉFACE. 

plus un enfant ; mais il n'efl pas encore un hom- 
me , & c'efl le moment que j'ai choifi pour qu*îl 
obtint de l'intérêt, fans forcer perfonne à rougir* 
Ce qu'il éprouve innocemment , il Tinfpire par- 
tout de même. Direz-vous qu'on l'aime d'amour? 
Cenfeurs ! ce n'eft pas là le mot ; vous êtes trop 
éclairé pour ignorer que l'amour , même le plus 
pur^ a un motif intéreflTé : on ne l'aime donc pas 
encore ; on fent qu'un jour on l'aimera. Et c'eft 
ce que l'auteur a mis avec gaieté dans la bouche 
de Suzanne , quand elle dit à cet enfant : Oh t 
dans trois ou quatre ans ^ je prédis que vous 

ferei le plus grand petit vaurien ! 

Pour lui imprimer plus fortement le carac- 
tère de l'enfance , nous le faifons exprès tutoyer 
-pdLT Figaro. Suppofez-lui deux ans de plus, 
quel valet dans le château prendroit ces liber- 
tés ? Voyez-le à la fin de fon rôle ; à peine a- 
t-il un habit d'officier , qu'U porte la main à 
répée aux premières railleries du Comte , fur 
le qui - proquo d'un foufflet. Il fera fier , notre 
étourdi ! mais c'eft un enfant , rien de plus. 
]^'ai-je pas vu nos dames dans les loges aimer 
mon page à la folie? Que lui vouloient-elles f 
hélas ! rien : c'étoit dç l'intérêt auffi ; mais , 
comme celui de la Comtefle , un pur & naïf 
î;itérét : un intérêt uns intérêt. 

Mw eû-celaperfonae du page ^ou lacoufcience 



'S' 



I 

« 

4»" 

PRÉFACE. XXV 

du feîgneur , qui fait le tourment du dernier , 

toutes les fois que l'auteur les condamne à fe 
rencontrer dans la pièce ? Fixez ce léger apperçu, 
il peut vous mettre fur fa voie; ou plutôt appre- 
nez de lui que cet enfant n eft amené que pour 
ajouter à la moralité de l'ouvrage , en vous 
montrant que l'homme le plus abfolu chez lui , 
dès qu'il fuit un projet coupable, peut être mis 
au défefpoir par l'être le moins important, par 
celui qui redoute le plus de fe rencontrer fur fa 
route. 

Quand mon page aura dix-huit ans , avec le 
caraftere vif & bouillant que je lui ai donné , je 
ferai coupable à mon tour , fi je le montre fur 
fa fcene. Mais à treize ans qu'infpire-t-il? Quel- 
que chofe de fenfible & doux , qui n'eft amitié 
ni amour , & qui tient un peu de tous deux. 

J'auroisde la peine à faire croire à l'innocence 
de ces impreffions , fi nous vivions dans un fiécle 
moins chafte , dans un de ces fiecles de calcul , 
où , voulant tout prématurcr , comme les fruits 
de leurs ferres chaudes , les grands marioient 
leurs enfans à douze ans , & faifoîent plier la 
nature , la décence & le goût aux plus fordides 
convenances , en fe hâtant fur- tout d'arracher 
de ces êtres non formés , des enfans encore moins 
for mables, dont le bonheur n'occupoit perfonne, 
& qui n'étoient que le prétexte d'un certain 






^ 



Mvî PRÉFACE. 

trafic d'avantages qui n'avoient nul rapport a 
eux , mais uniquement à leur nom.. Heureufe- - 
mène nous en fommes bien loin ; & le caradere 
de mon page, fans conféquerice pour lui-même^ 
en a une relative au Comte , que le moralifle 
apperçoit -, mais qui n'a pas encore frappé le 
grand commun de nos jugeurs. 

Ainfi , dans cet ouvrage , chaque rôle impor- 
tant a quelque but moral. Le feul qui fcmble y 
déroger , eft le rôle de Maceline. 

Coupable d'un ancien égarement , dont fon 
Figaro fut le fruit , elle devrait , dit-on , fe voir 
au moins punie jfar la confufion de fa faute,lorf- 
qu'elle reconnoît fon fils. L'auteur eût pu même 
en tirer une moralité plus profonde : dans les 
mœurs qu'il veut corriger , la faute d'une jeune 
fille féduite eft celle des hommes & non la: 
fienne. Pourquoi donc ne l'a-t-il pas fait ? 

Il l'a fait , cenfeurs raifonnables ! étudiez la 
fcene fuivante , qui faifoit le nerf du troifieme 
ade , & que les comédiens m*ont prié .de re- 
trancher , craignant qu'un morceau fi févere 
n'obfcurcit la gaieté de l'aftion. 

Quand Molière a bien humilié la coquette 
ou coquine du Mifantrope , par la ledurc pu- 
blique de fes lettres à tous fes amans, il la laifle 
avilie fous les coups qu'il lui a portés : il a 
raifon ; qu'en feroit-ii ? vicieufe par goût &. 



P R È F 4 C E, »vîi 

par choix , veuve aguérie , femme de Cour , 

fans aucune excufe d'erreur , & fléau d'un fort 
Jionnête homme ; il l'abandonne à nos mépris , 
& telle e(l fa moralité. Qiianc à moi y faififlànt 
Taveu naïf de Marceline au moment de là re- 
connoiflance , je montrois cette femme humî- 
liée , & Bartholo qui la refufe , Figaro leur fils 
commun dirigeant l'attention publique fur les 
vrais fauteurs du défordre où l'on entraîne fans 
pitié toutes les jeunes fiUe$ du peuple ^ douées 
d'une jolie figure. 
Telle eil la marche de la feenç. 

Bridb-Oi^on. 

( Farlam de Figaro qui vient de reconnoître 
fa mère en Marceline ]• 

Ceft clair :!.... il ne répouCbra pas. 

Bartholo. 

/' 

Ni moi non plus. ^ 

M A R c E I I îf K, 

Ni vous ! & votre fils? Vous m'aviez juré,... 

i 

B A K T H a L G. 3 

J'étois fou. Si pareils fouvenirs engageoient ,' 
on fcroit tenu d'epoufer tout le monde. 



^ 



xxvîï) PRÉFACE. 

Bride-Oison'. 

E Et fi Ton y regardoit de fi près ^ 

pe erfonnne n*épouferoit perfonne. 

B A R T H O L O. 

Dçs fautes fi connues ! une jeuneflè déplo- 
rable ! 

Marceline , s^ échauffant j^ar degrés. 

Oui , déplorable , & plus qu'on ne croit ! Je 

n'entends pas nier mes fautes ; ce jour les a trop 

I bien prouvées ! mais qu'il eft dur de les expier 

I après trente ans ^'une vie modèfte ! J'étois née , 

moi , pour être fage , & je la fuis devenue fitôt 

qu'on m'a permis d'ufer de ma raifon. Mais dans 

l'âge des illufions ^ de l'inexpérience. & des be* 

I foins où les féduâeurs nous afliégent ^ pendant 

que la mifere nous poignarde j que peut oppo- 
fer une enfant à tant d'ennemis raiTemblés ? Tel 
nous mge ici féverement , qui , peut-être , en là 
vie ^erdu dix infortunées. 

Figaro. 

Les plus coupables font les moins géaé- 
r , reux ; c'efl la règle. 

^^ MAHCEXiiNEy vivement. 

\ V Hommes plus qu'ingrats , qui flétriflèz par le 

mépris ^ les jouets de vos paSions ^ vos victimes l 






Préface. kîx 

c^ell vous qu*il faut punir des erreurs de notre 
jeuneflfe : vous ^ & vos magiftrats (î vains du 
droit de nous juger , & qui nous laiffent enle- 
ver , parleur coupable négligence, tout honnête 
moyen de fubfifkr. Eft-il un feul état pour les 
malheureufes filles ? Elles avoient un droit natu-* 
rel à toute la parure des femmes ; on y laiflè 
former mille ouvriers de l'autre fexe. 

Figaro. 

Ils font broder jufqu'aux fbldats ! 

Ma r Çr.E L- 1 Ni Zlexahde. 

Dans lés Tangs , même plus élevés , les fem- 
mes n'obtiennent de vous qu'une confidération ' 
dérifoire. Leurée's de refpefts apparens , dans 
une fervitude réelle ; traitées en mineures pour 
nos biens , punies en majeures pour nos fautes ; ' 
ah ! fous tous les afpeâs , votre conduite avec ' 

nous , fait horreur ou pitié. -« 

• . ■ . < • " . 

F I G A K O. . 

' ' . * * : . 

Elle a raifon. 

L » tG o M T B, à pan. 
Que trop raîfon. 

Bribe-Oison. 

EUea , won^4 .. . çn Dieu ! raifon. 



Marceline. 
Mais que nous font , mon fits , lés refus d'ua 
Éoirimè injufle ? î^e Regardes pas d'où tu viens , • 
vois où tu vas ; celafeul importe à chacun. Dans 
quelques mois ta fîàncce ne dépendra plus que 
d'elle-mêriie ; elle t'acceptera , j'en réponds : 
VIS entre une époufe ,, une meré tendres , qui 
te chériront' à' qïïf "mieux niieuiV "Sois îndùl-' 
gent pour elles , Ja^Ufeux pour joi , mon fils , 
gai , libre & bqn pour tout le monde ,^il.ne 
manquera rien à fâ irfeïef. * 



^ F I> G A' R OV 



. Tq pailpî d'eK , xA2afB9at\jk.yermt tiens à ton 
a^is. Qii'ot© eu foi: en etfet / ! il y . a . dd mille' 
mille ans çj^ le m^r^reiukf, & dansicer océan 
dp dorer iijowrj'^pa^ B^fard* aietrrapë qireb|uei^ 
chétifs- trente- msi q»i:n« revîenekxïiiir^ pioj ^ j.'fcn 
it>isj tnc • iJiwxmeowr pour ^fevcalr à qui yà les ^ 
dois / tant pis pour.qiii s'en inqiriéte,. Fzffwi 
ainfi la vie à chamailler , c'eft pefer fur le col- 
lier fans relâche , comme les malheureux che- 
vaux delà remonte des fleuves , qQPiié 'répcfifnt 
pas,mcnjf.^g^nd^sVarxê^r3, % ^ui tirent 
toujours , quoiqu'ils ceffent de iparcher. Nwis 
attendrons. * -^ 
."OUI î7i ■ A ff . 1 ff i i 

J'ai bienjre^i«fltc^Hà(ji^0au-;«56ittSitïténa5t 



P^R È F A C é: x»^ 

que la pièce efl connue . fi les comédiens avoienc 

le couragede le reftituerà ma prière , je penfe 
que le public leur en fauroit beaucoup de gré* 
Ils n'auroient plus même à répondre , comme je 
fus forcé de le faire à certains cenfeurs dai beaa 
monde , qui m6 reprochoient à la teâure , de 
les intérefler pour une femme de mauvai^&s 
moeurs. — Non , Meffieurs , je n'en pai le pas 
,pour excufer fes moeurs , mais pour vous, faire 
rougir des vôtres fur le point le plus deftruc*- 
teur de toute honnêteté publique ; la cormp^ 
tion des jeun€3 ptrfonnesy & j'avois raifondele 
fdire que vous trouvez ma pièce trop gaiie , 
Karce qu'elle eft fouvent trop févere.Ii n'y a que 
ûçofl de s'entendre. . . ; : . 

•^- Mais votre Fkgam eft un foleil tournant,' 
qfii^ brûle, en: ^illiiîànt, les manche îte$ de tout 

le monde. Tout le monde eft exagéré.Qa'ori 

9t^ iàche gré4u pioias s'il ne brûle* ^^s- aufli les 
d9§gt$de!;Cçux quicmyent s'y reeottnoît^e : ail 
l^tn^ qui cornu op ^ beau jeu fur cette' mat<ier& 
afK^béâtre» M'eft-il permis de compofer dn^ au^ 
^^f /qui forx du, €o)Uge, de toujours &ire vire^ 
d^rf nfans ^ iiàrts^gnijds riep' dire àides'homiQes ^ 
3^t;qQdcye5|-vpU*pi»inepafferun. psu.de ^mo^ 
iis^ç ^ en f?v«9r-:dotxm; gaieté ;' comme on paflift 
«^ François un peu de folie , en fayoïr de leur * 



♦ * \ 



axi) PRÉFACE. 

Si je n'ai verfé fur nos fottifes qu'un peu de 

critique badine^ ce n'eft pas que je ne fâche en 
former de plus fëveres : quiconque a dit tout ce 
qu'il fait , dans fori ouvrage , y a mis plus que 
moi dans le mien Mais je garde une foule d'i- 
dées qui me preflent , pour uti des fujets les plus 
moraux du théâtre , aujourd'hui fur mon chan- 
tier : la Mtrt Coupable ; & fi le dégoût dont on 
m'abreuve me permet jamais de l'achever ; mon 
projet étant d'y faire verfer des larmes à toutes 
les femmes fenfibles j j'élèverai mon langage à 
la hauteur de mes fituations ; j'y prodiguerai les 
traits de la plus auftere morale , & je tonnerai 
fortement fur les vices que j'ai trop ménagésw 
Apprêtez-vous donc bien , Meflieurs , à me 
tourmenter de nouveau ; ma poitrine a~ déjà 
grondé ; j'ai noirci beaucoup de papier au fer^ 
vice de votre colère. 

Et vous honnêtes indifféreosT^ qui jouillez dé ' 
tout fans prendre parti fur rien : jeunes per- 
Ibnftes modei}es:& timides , qui vous plaifeï 
à. ma Folk Joumét ^ ( & je n'entreprends fa dé- 
ferife que pour juftifier votre goût:) lorfque vôiis 
verrez: dans lé monde, un de ces hommes tran- 
chan5> critiquer vaguemeiit la pièce , tout blâ-^ 
mer fans rien défigner , fuï^'totJt la trouver in- 
décente ; examinez bien cet bomme-là : ikchez 
fon rang , fon état , fon caraftere,- & vous con- 

noîtrez 



P AÈ ^ A C É. «xîîj 

ïiôîerez fur-le-champ le mot qui l'a blefTé daiis 

l'ouvrage . 

On fent bîeii que je ne patle pas de ces éca- 
meurs littéraires > qui vendent leurs bulletins ou 
leurs affiches à tant de liards le paragraphe. 
Ceux-là,cômme r-4W/5^{/7^, peuvent calom- 
tiîer ; ils médiroient qu*on ne les ctoiroit pas. 

Je parle moins encore de ces libellifies hon-^ 
teux qui n'ont trouvé d'autre moyen de fatis* 
faire leur rage, l'aflaffinat étant trop dangereux, 
que de lancer du cintre de nos falles , des vers 
infîmes contre l'auteur , pendant que l'on jouoic 
fa pièce. Ils fàvent que je les connois : fi j'avois 
eu defTein de les nommer , ç'auroit été au mi- 
niflere public ; leur fupplice efl de l'avoir 
craint y il fufEt à mon reflentiment. Mais on 
n'imaginera jamais jufqu'oîi ils ont ofé élever 
les foupçons du public fur une aufli lâche épi- 
gramme ! Semblables à ces vils charlatans dii 
Pont- Neuf 5f qui , pour accréditer leurs dro- 
gues y farciflènt d'ordres , de cordons , le tableau 
qui leur fert d'enfeigne. 

Non, je cite nos importans , qui bleflTés ^ on 
ne fait pourquoi y des critiques feméës dans 
l'ouvrage , fe chargent d'en dire d u mal , fans 
ceffer de venir aux noces. 

C'eft un plaifir aflez piquant de les voir 
d'en^bas au fpeâacle , dans le très-plaifunt eo^^, 

c 



xnW PRÉFACÉ. 

barras deh'ofer montrer ni fatisfadioil ni colère? 

s'avançant fur le bord des loges , prêti à fe 
moquer dé l'auteur , & fe retirant auffi-tôt pour 
céler un peu de grimace ; emportés par un 
mot de la fcene , & foudaineiïient rembrunis 
par le pinceau du moralifle:au plus léger trait 
de gaieté , jouer triilement les étonnés > pren- 
dre un air gauche en failant les pudiques , & 
regardant les femmes dans les yeux ^ comme 
pour leur reprocher de foutenir un tel fcandale ; 
puis y aux grands applaudiflèmetis ^ lancer fur le 
public un regard joiéprifant , dont il eft écrafé > 
to|i jours prêts ta lui dire > comme ce coùrtifan 
dont parlé Molière , lequel outré du fuccès de 
V Ecole des femmes y crioit des balcons au pu- 
blic : ris donc , public , ris donc ! En vérité c'cfl 
un plaifir y & j'en ai joui bien des fois. 

Celui-là m'en rappelle un autre. Le premier 
jour de la Folle Journée ^ on s'échaufibit dans 
le foyer ( même d'honnêtes Plébéiens ) fur ce 
qu'ils nonmioient fpirituellement y mon audace. 
Un petit vieillard fec & brufque ^ impatienté de 
tous ces cris y frappe le plancher de & canne y Se 
dit en s*en allant : Nos Français /ont comme les 
enfans qui Braillent quand on les ibeme. Il 
avoît du fens ce vieillard. Peut-être on pou- 
voit mieux parler ; mais pour mieux penfer ^ 
l'ea défie. . 



P kÈ ^ A C E. Tax 

Avec cette intention de tout blâmer , on 

tponçdit que les traits les plus fenfés ont été pris 
to mauvaife part. N*ai-je pas entendu vingt fois 
wn murmure descendre des loges à cette réponfe 
de Figaro f 

L s C o H T È. 

Vne riputation dttefiàblt i 

1? I G A R O. 

Etjije vaux mieui qiCeUe \y a-t^il beaucoup 
defeigncurs qui puijfent en dire autant ? 

Je dis moi qu'il n'y en a point; qu'ilne fkuroity 
te avoir , à moii^s d'une exception bien rare. Un 
homme obfcur ou peu connu peut valoir mieux 
que^fa réputation, qui n'eft que l'opinion d'au- 
trui. Mais de mènfie qu'un fot en place , en pa- 
Toît une fois plus foc, parce qu'il ne peut plus 
rîeû cacher; de même nti grand feigneur^'homme 
élevé en dignités , que la fortune & fa uaiffance 
ont placé fur le grand théâtre , & qtiî , en en- 
trant dans le monde , eût toutes les préventions 
pour lui ^ vaut prefque toujours moins que fa 
réputation s'il parvient à la rendre mauvaife. 
Une aflèrtion fi ftmplé & fi loin du larcafine ^ 
devoit-elle exciter le murmure ? Si fon applica- 
tion paroît fâcheufe aux grands peu folgneux de 
leur gloire ; en quel fens fait-elle épîgramme 
fur ceux qui toéritent nos refpeds , & quelle 



xKvj PRÉFACÉ. 

maxime plus jufté au théâtre , peut fcrvir Ac 

frein aux puîflans , & tenir lieu de leçon à ceux 

qui n'en reçoivent point d'autres ? 

Non qu'il faille oublier ( a dit un écrivain 
févere ; & je me plais à le citer , parce que je 
fuis de fon avis. ) « Non qu'il faille oublier , 
D> dit- il , ce qu'on doit aux rangs élevés ; ilefl: 
D> jufle au coiitraire que l'avantage de la naît- 
3> fance foît le moins contefté de tous ; parce 
33 que ce bienfait gratuit de l'hérédité, relatif 
yy aux exploits , vertus , ou qualités des ayeux 
» ^de qui le reçut > ne peut aucunement blef- 
9» fer l'amour-propre de ceux auxquels il fut 
D> refufé : parce que dans une monarchie fi l'on 
» ôtoit les rangs intermédiaires , il y auroîc 
>î trop loin du monarque aux fujéts ; bien-tôt 
» Cl n'y verroit qu'un defpote & des efclaves : 
a» le maintien d'une échelle graduée du labou- 
D> reur au potentat , intérefle également les 
» hommes de tous les rangs , & peut-être eft 
» le plus ferme appui de la conftitution mo- 
» narchîque »• 

. Mais quel auteur parloir ainfi ? Qui faifoit. 
cette profeffion de foi fur la nobleffe , dont on 
me fuppofe fi loin fCétoit Pierre-Augustin 
Caron DEBEAUMARCHAisplaidant par écrit 
au parlement d'Aix en 1778 , une grande & 
févere iqueflion^qui décida bien* tôt de l'honneur 



PRÉFACE. xxxvîj 

d'un noble & du fien. Dans l'ouvrage que je 
défends , on n'attaque point les états , mais les 
abus de chaque état : les gens feuls qui s'en 
rendent coupables ont intérêt à le trouver mau- 
vais ; voilà les rumeurs expliquées : mais quoi 
donc , les abus font-ils devenus fi facrés , qu'on 
n'en puifle attaquer aucun fans lui trouver vingt 
défenfettrs? 

Un avocat célèbre, un magiftrat refpeâable, 
iront -ils donc s'approprier le plaidoyer d'un 
Bartholo , te jugement d'un Bride-Oifon f Ce 
mot de Figaro fur l'indigne abus des plaidoiries 
de nos jours ( c'efi dégrader le plus noble infiitut) 
a bien montré le cas que )e fais du noble niétier 
d'avocat ; & mon refpeft pour la magiftrature 
ne fera pas plus fufpedé , quand on faura dans 
quelle école j'en ai recherché la leçon , quand 
on lira le morceau fuiv^nt , auflS tiré d'un mo- 
ralifte, lequel parlant des magiftrâts , s'exprime 
en ces termes formels. 

^c Quel homme aîfé voudroit , pour le plus 
^ modique honoraire , faire le métier cruel de 
» fe lever à quatre heures , pour aller au palais 
» tous les jours s'occuper fous des formes pref- 
» crites d'intérêts qui ne font jamais les fiens ; 
^ d'éprouver fans cefle l'ennui del'importunité, 
» le dégoût dès foUicitations j le bavardage des 
9> plaideurs y la monotonie des audiences ^ la 

^3 



xxxvîij P R t FA C E. 

^ fatigue des délibéxations , & la contenticfii» 

» d'efprit néceilalre aux prononcés des arrêts ^ 
f» s'il ne fç croyok pa^ payé de cette vie labo-» 
» rifeufe & pénible , par Teftime & la confidé-- 
» ration publique? Et cetteeûli^eeft-elleautr^ 
» chofe qu'un jugement , qui n'ell même aufii 
» fl^itteur pour lestions magidrats^ qu'en rai^ 
» fon de fa rigueur exceffive contre fes mau^r 
» vais ? »> 

Mais quel écrivain in'inftruifoit ainfi. par 
fçs leçons f Vous aile? croire encore que c'efl 
JPiERKS- Augustin ; vous l'ave? dit , c'eft 
lui, en 1773 y dans fon quatrien^e p^émoire en 
défendant jufqu'à la mort , là trifle exiûence 
attaquée par un foi-difantmagiilrat. Je refpeftp 
donc hautement ce que chacun doit honorer ; 
& je blâme ce qui peut nuire. 

«•^— Mais dans cette Folk Journée , au lieu dp 
iàpper les abus , vous vous donnez des libertés» 
crès-repréhenfibles au théâtre; votre mot|ologU9 
fur-tout ^ contient ^ fur le%gens difgraciés , des 
traits qui paflfent la licence ! — *« Eh ! croyez-vous;^ 
Meflieurs^ que j'euiTeun talifman pour tromper, 
feduire^ enchaîner la cenfure & l'autoritéj^quand 
je leur fournis mon ouvrage f Que je n'aye pas 
dû juilifier ce que j'avois ofé écrire P Que &isr 
je dire à Figuro , parlant à Thommç déplacé ï 
Ic^fottifiismpnmi^sn'çntSinifçrtam 



F R È F A C E. xxxîi 

/i€ux où ton en gêne le cours. Eft-ce donc là 

une vérité d'une coniëquence dangereufe ? Au 
lieu de ces inquiGtions puçriles & fatiguantes ^ 
6ç qui feules donnent de Timportance à ce qui 
n'en auroit jamais ; fi , comme en Angleterre , 
on étoit aflièz fage ici pour traiter les fott^fes 
avec ce mépris qui les tue , loin de fortir du vil 
fumier qui les enfante , elles y pourriroient en 
gf rmant ^ jf ne f^ propageroi^t point. Ce qui 
multiplient les libelles , eft 1^ foibleflè de les . 
craindre : ce qui fait vendre les fbctifes ^cft la 
fottif^ de les défendre. 

Et comment conclut Figaro ? Que fans la 
liberté de blâmer , // n'efi point déloga J!^/- 
tiur; Çr qu'il n'y a que les petits hommes qui rje^ 
doutent les petits écrits. Sonc-ce là des bardieflês 
coupables , ou bien des aiguillons de gloire ? Aes 
moralités odieulès ^ ou des maximes réfléchies ^ 
auffi juftes qu'encourageantes f 

Suppofez-les le fruit des fouvenirs. Lorfque 
f^tisf^ic du préfent , Tauteur veille pour l'avenir 
clans la critique du pafle ^ qui peut avoir drçit 
de s'en plaindre ? Et fi , ne défignant ni rems , 
ni lieu ^ ni perfonnes ^ il ouvre la voie au théâ- 
tre à des réformes defirables ; n'eft*ce pas 
aller à fon but ? 

La Folle Journée explique donc comment 
dans un texns profpfre , fous un RqI jufte ^ &; des 



xl P R È FA C E\ 

minîftres modérés , l'écrivain peut tonner fiir 

les opprefleurs , fans craindre de blefler péri- 
fonne. C'eft pendant le règne d'un bon prince 
qu*on écrit fans danger l'hiftoire des méchans 
iRois ; & plus le gouvernement eft fage & 
éclairé, moins la liberté de dire eft en prefle : 
chacun y faîfant fon devoir , on n'y craint pas 
les alîufîons : nul homme en place ne redoutant 
ce qu'il eft forcé d'eftimer , on n'aflfeâe point 
alors d'opprimer chez nous cette même littéra-» 
tùre , qui fait notre gloire au-dehors , & nous y 
donne une forte de primauté que nous ne pou-^ 
vons tirer d'ailleurs. 

'Eh efïèt , à quel titre y prétendrions-nous ? 
Chaque peuple tient à fon culte , & chérit fon 
gouvernement. Nous ne fommes pas reftés plus 
braves que ceux qui nous ont battus à leur tour. 
Nos mœurs plus douces , mais non meilleures , 
n'ont rien qui nous élevé au-deflus d'eux. Notre 
littérature feule , eftimée de toutes les nations , 
étend l'empire de la langue françoife , & nous 
obtient de l'Europe entière une prédileélîon 
avouée , qui juftifie en l'honorant la proteélion 
que le gouvernement lui accorde. 

Et comme chacun cherche toujours le feul 
avantage qui lui manque ; c'eft alors qu'on peut 
voir dans nos académies l'homme de la cour 
iiéger avec les gens de lettres ; les talens pe^. 



PRÈFA CE. xl) 

fonnels , 6c h confidération héritée , fe difpu- 

ter ce noble objet , & les archives académiques 

fe remplir prefqu'également de papiers & de 

parchemins. 

Revenons à la Folle Journée. 

Un Monfieur de beaucoup d*efprit , mais qui 
réconomife un peu trop , me difoît un foir au 
fpeâacle : Expliquez-moi donc , je vous prie , 
pourquoi , dans votre pièce ,'on trouve autant 
de phrafes négligées qui ne font pas de votre 
ilyle ? — De mon ftyle , Monfieur ? Si par 
malheur j'en avois un , je m'efforcerai de l'ou- 
blier quand je fais une comédie ; ne connoiflàne 
rien d'infipide au théâtre comme ces fades ca- 
mayeux où tout eft bleu , oh tout eft rofe , oui 
tout eft l'auteur , quel qu'il foit. 

Lorfque mon fujet me faifit , j'évoque tous 
mes perfonnages& les mets en fituation : — fonge 
à toi Figaro , ton maître va te deviner.— Sauvez- 
vous vite , Chérubin , c'eft le Comte que vous 
touchez — Ah ! Comteffe, quelle imprudence 
avec un époux fi violent ? — Ce qu'ils diront , 
je n'en fais rien , c'eft ce qu'ils feront qui m'oc- 
cupe. Puis , quand ils font bien animés , j'écris 
fous leur diftée rapide , sur qu'ils ne me trom- 
peront pas , que je reconnoîtrai Baiile , le-* 
quel n'a pas l'efprit de Figaro , qui n'a pas le 
ron noble du Comte , qui n'a pas la fenfibl- 



aaij PRÉFACE. 

lité de la Comtetiè , qui n*a pas la gaieté de 

Suzanne , qui n'a pas l'cfpiéglerie du page , & 

i& fur-tout aucun d'eux , la fublimité de Bride-' 

Oifon ? chacun y parle fon langage. Eh ! que 

le Dieu du naturel les préferve d'en parler 

d'autre ! Ne nous attachons donc qu'à Texameii 

<ie leurs idées , & non à rechercher fi j'ai du 

leur prêter mon flyle. 

Quelques malveiUans ont voulu jetter de la 
défaveur fur cette phrafe de Figaro : Sommes-' 
nous des foldats qui tuent Çf fe font tuer pour 
des intérêts qu'ils ignorent i Je veux favoir ^ 
moi , pourquoi Je me fâche t A travers le nuage 
d'une conception indigefte ! ils ont feint d'ap» 
percevoir : que Je rip(tnds un^ lumière ddcou-^ 
rageante fur Vitàt pénible du foldat ; Ç^ il y a 
4es €hof€s qiùil ne fc^ut jamais dire. Voilà dans 
toute fa force l'argument de la méchanceté , 
refle à en éprouver la bêtife. 

Si y comparant la dureté du (èrvice à la mo-* 
dicité de la paye , ou difcutant tel autxe incon- 
vénient de la guerre^ & comptant la gloire pour 
rien , je verfois de la défaveur fur ce plus noble 
des affreux métiers ;. on me dcmanderoit juile-" 
ment compte d'un mot indifcretement échappé. 
Mais y du foldac au colonel ^ au général exclue 
ilvement , quel imbécille homme de guerre a 
jamais eu la préreption qu'il dut pénétrer les 



PRÉFACE. adiH 

fecrets da cabinet , pour lefqueU il tèk la cam^*- 

pagae ? Ceft de cela feul qu'il s'agit dans 1« 
pbrafe de Figaro. Que ce foa4à Te montre , s'il 
exlAe , nous Teoyerrons étudier fous le philo4« 
fophe Babouc ^ lequel éclaircit diflertement ce 
point de difcipline militaire. 

£n raifonnant fur l'ufage que Tkomme fai| 
de fa liberté dans les occafions difficiles , Figaro 
jpouvolt également oppofer à fa ficuatÎQn tour 
itat qui exige une abéiflânce implicite ; & le cér 
nobite zélé^ dont la gloire eft de tout croire bxm 
jamais lien examiner ; comme le guerrier valeu* 
feux, dont Ia|[lQire eft. de tout afirOocer fur des 
ordres motivés ^ de twr & fi fain tuer pour 
4es imirit$: V^il igwr€^ Le mot de Figaro ne 
5lit donc riee p fioon qu'un homme libre de firt 
allions , dalc agit fur d^aucres principes que ceuir 
dpnt. le demr eil d'obéir aveuglément* 

Qtt'auroit-ce éioé , bon Dieu ! fi j'avois fait 
i^e d'un mot qu'on attribue au Grani-Condi^ 
& que j'entends louer à outrance par ces mêmes 
logicien^qui décaifinnent fur ^na pbrafe* A les 
cipire» le Gmnd-^ComU moatra la plus noble 
firéfence d'efprit , iQrfqu'arrétant £024^5 JTI^» 
prêc à poul&r fpn cbeval dans le Rhin , il dit k 
ce monarque. : Sir^. ^ ayc{-yous hefoin du hdton 
4c markhal f 
. Héureufement on ne. prouvet nulle part que 



ihV PRÉFACE. 

ce grand homme ait dit cette grande fottiCeH 

C'eût été dire au Roi devant toute fon armée : 
vous moqueSr-vous donc , Sire , de vous expo- 
■fer dc^ns un fleuve ? Pour courir de pareils dan- 
gers , il faut avoir befoih d'avancement ou de 
fortune ! 

* Aihfi , rhomme le plus vaillant , le plus grand 
général du fiecle auroit compté pour rien Thon^ 
neur , le patriottftae & la gloire ! un miférable 
calcul d'intérêt eût été , félon lui , le feul prin*- 
cipe de la bravoure ! il eut dit là un aflTreux mot ! 
& fi j'eli avois pris le fens pour l'enfermer dans 
quelque trait , jemériterois le reproche qu'on 
fait gratuitemuntau mien. 

LaiiTons donc les cerveaux fumeux louer oh 
blâmer an hafard , fe fans rendre compte de 
rien ; s'extafier fur une fottife qui n'a pu }a* 
mais être dite, & profcrire un mot jufte & 
fiinple , qui ne montre que du bon fens. 
. Un autre reproché aflez fort , mais dont }t 
n'ai pu me laver , eft d'avoir affigné pour re- 
traite à la Comteffe un certain couvent d* Ur/u' 
Unes. UrfuUrus! a dit un feigneur, joignant les 
mains avec éclat. Urfulines I adit une dame en fe 
renverfant de furprife fur un jeune Ânglois de 
fa loge. Urfulines ! ah , Mylord !: fi vous enten- 
diez le françois ! • . . • Je fens , je fens beaucoup^ 
Madame i dit le jeune homme en rougiffant. 



F R È F A C E. xlv 

— Ceft qu'on n'a jamais mis au théâtrç aucune, 
femme aux Urfulines ! Abbé , parlez-nous donc/ 
L'abbé, ( toujours appuyée fur l'Anglois) com- 
ûient trouvez-vous Urfulines ? Fort indécent , 
répond l'abbé , fans ceffçr de lorgner Siqanne ; 
& tout le beau monde a répété , Urfulines eft> 
fort indécent. Pauvre auteur ! on te croit jugé »> 
ijuand chacun fonge à fon affeire. En vain j'ef- 
fayois d'établir que , dans l'événement de la 
fcene , moins la Comteffe a deflein de fe cloî-- * 
trer , plus elle doit le feindre & faire croire à 
fon époux que fa retraite efl bien choifie : ils* 
ont profcrit mes Urfulines ! 

Dans le plus fort de la rumeur , moi bon- 
homme ! j'avois été jufqu'à prier une des ac-; 
trices , qui font le charme de ma pièce ,. de 
demander aux mécontens , à quel autre cou* • 
vent de filles ils eftimpient qu'il fut décent que 
l'ont fît entrer laComteflTe? A moi , cela m'étoic 
égal ; je l'auroismife où l'on auroit voulu; aux 
Auguftines , aux CéleJIines , aux Clairettes , 
aux Vijîtandines ^ même aux Petites Corde ^ 
lieres , tant je tiens peu aux Urfulines ! Mais 
on agit fi durement ! 

' Enfin , le bruit croiflànt toujours , pour ar-« 
ranger l'aâàire avec douceur , j'ai laifle le mot 
Urfiilines à la place où je Tavois mis : chacun 
alors content de foi, de tout l'efprit qu'il avoit 



lîvî P k È F A C s. V ^ 

montré ^ s'efl appaifé fur Ur/ulines , 8c tùh â. 

parlé d'autre cbofe* 

Je ne fuis point , comme Ton voit , reniiefliî 
de mes ennemis. En di(ânt bien da mal de moi 
ils n'en ont point fait à ma pkce ; & s'ils fen- 
roient feulement autant de }oie à la déchirer f 
que j'eus de plaifir à la faite ^ il n'y auroit per'- 
fonne d'afBigé* Le malheur e qu'ils nerieiî^ 
point * Se ils ne rient point à ma pièce , parce 
qu'on ne rit point à la leur, Jeconnois plulktirs 
amateitrs , qui foiït même beaucoup maigris 
depuis le fuccès du Mariage : excufoos doo<^ 
l'effet de leur colère* 

A des moralités d'enfembte & de détaH ^ té* 
pandues dans des fiots#utie iftaltépablegaieté;à 
un dialogue aflèz^ vif ^ donc la facilité nousca-^ 
che le travail , fi Tauteur a foint une intrigue 
aifément filée , où Fart fe dérobe fous Fart, qui 
fe noue & fe dénotée fans cefle y à travers une 
foule de fituations comiqiiies , de tableaux 
piquans & variés qui foutiennent , fans la 
fatiguer y l'attention du public pendant les 
trois heures & demie que dure te même fpeâa* 
cle ; (efïai que nul homme de lettres n'avoiten« 
core ofi tenter ! ) Que te&ck-ïL à feire à de pau- 
vresméchans, que tout cela irrite p Attaquer ^ 
pourfuivre l'auteur par des injures verbales, 
manufctites ^ imprimées ; c'eft ce qu'on a fait 



P A ÈP A C E. xlvîî 

ÙLTis relâche. Ils ont même épuifé îufqu'à la ca- 
lomnie , pour tâcher de me perdre dtns refprit 
de tout ce qui influe en France fur le repos 
d'un citoyen. Heureufement que mon ouvrage 
cfl fous les yeux de la nation > qui depuis neuf 
grands mois , le voit , le juge & l'apprécie. Le 
laiflèr jouer tant qu'il fera plaidr , eft la feule 
vengeance que je me fois permife. Je n'écris 
point ceci pour les leâeurs aâuels ; le récit d'un 
mal trop connu , touche peu ; mais dans quatre*^ 
vingt ans il portera fon fruit. Les auteurs de ce 
tems-là compareront leur fort au nôtre ; ôc nos 
enfans fauront à quel prix on pouvoir amufer 
leurs pères. 

Allons au fait ; ce n'efl pas tout cela qui 
bleffe. Le vrai motif qui (e cache ^& qui dans 
les replis du cœur produit tous les autres re- 
proches , eft renfermé dans ce quatrain. 

Pourquoi ce Figaro qu*on va tant écouter ^ 
Ëft-il avec fureur déchiré par les fots > 
Recevoir , prendre G* demander i 
Voilà tefecreten trois mots. 

En eflfèt » Figaro parlant du métier de conr- 
tifan^ le définit dans ces termes féveres. Je ne 
puis le nier , je l'ai dit. Mais réviendrai-je fur 
ce point ? Si c'eft un mal , le remède feroît 
pire : il faudroit pofer méthodiquement ce que 
je n'ai fait qu'indiquer ; revenir à montrer qu'il 










<.■! 



{ 



Xlviij PRÉFACE. 

n'y a point de fynonymé en François , enti'e 

Fhomme%e la cour, r homme de cour & le coût' 

tifan par métier. 

Il faudroit répéter c^' homme de ta coi/rpeint 
feulement un noble état : qu'il s'entend de 
l'homme de qualité , vivant avec la nobleilê 
& l'éclat que fon rang lui impofe : que fi cet* 
homme de la cour aime le bien par goût ^ fans 
intérêt ; fi loin de jamais nuire à perfonne, ilfê 
fait eftimer de fes maîtres , aimer de fes égaux ^ 
& refpeâer des autres ; alors cette acception 
reçoit un nouveau luflre , & j'en connois plus 
d^un que je nommerois avec plaifir ^ s'il en étolc 
queflion. 

Il faudroit montrer g^' homme de cour,en bon 
franco is, eft moins l'énoncé d'un état , que le 
réfumé d'un caraâere adroit , liant , mais ré- 
ferve ; prefiant la main de tout le monde en 
gliflànt chemin à travers ; menant finement fon 
intrigueavecl'air de toujours fervir ; ne fc faî- 
fant point d'ennemis ^ mais donnant près d'un 
fofle dans l'occafion , de l'épaule au meilleur 
amî , pour aifurer fa chute & le remplacer fur la 
crête ; laiifant à part tout préjugé qui pourroit 
ralentir là marche ; fouriant à ce qui lui déplaît^ 
& critiquant ce qu'il approuve,fdon les hommes 
qui recourent : dans les liaifons utiles de fa 

femme , 



y 



p n è e 4 ^ s. xibc 

/emjtûe , ou 4e (k ma^tr^fl^b, W ypjrwt ^HP ce 
gu'jl 4o^ voir ; ei^^ » ^ » 

Prçfiaxjt jQUf , pour \t f^î^ç CpwU ^ 
£a véritable hommes de cour. 

La Fontaine. 

Cette acception n'eft pas auffi défavorable ^que 
celle àa Courtifan parmùiet^ & c'eft l'homme 
doQC parle Figafo. 

Mais quand ;'eni:eiKlrois la définition de ce 
dernier ; quand , parcourant tous les poffible^ p 
)e lemontrerois avec fon maintien équivoque p 
liattt& bas à la fois ^ rampant avec orgueil ; 
ayant toutes les prétentions fans en justifier 
une ; fe 4oûtiant Pair du prott'gement pour & 
fajre <^ef <le paintl ; dénigrant tous les concur^^ 
rens qui b^anceroient ion crédit ;iaifant lin 
ttiétier lucratif de ce qui ne dévroit qu'honorer ; 
veoidanit: fes maitr^fes à ^n maître ^ lui faifaiit 
payer iés f^aifirs, &c. &c. &; quatre pages d'ace, 
il faudroit toujours revenir au diftique de jF/- 
girro. Recevoir , prendre & demande f\ voilà le 
furet en trotf mots. 

Pourceux-d , je n'en connois pc^nt ; îl y en 

♦ 

jékt^ dit-on p fous Henri ïfj , fous d'autres Rois 

-encore; mais c'eifirafTairede rhiftorien;& quatic 

à nioi , je fuis d'avis quelles vicieux du fiécle en 

font comme les faints ; qu'il faut cent ans pour 

ies canotiifer.Mais puifque j'ai promisla critique 

^ e ma pièce ^ fl faut enfin que fe la donne. 

d 



1 PRÉFACE.^ 

En général fon grand défaut eft quefe ne F ai 

point faite en obfervnnt le monde ; qu'elle ne 
peint rien de ce qui exijîe , & ne rappelle jamais 
t image de lafociétioùton vit; que ces mceurs 
hajfes & corrompues ri ont pas même le mérite 
d!etre vraies. Et c'eft ce qu'on lifoit dernière^ 
ment dans un beau difcours imprimé > compofé 
par un homme de bien , auquel il n'a manqué 
qu'un peu d'efprit pour être un écrivain oiédii»- 
cre. Mais , médiocre ou non , moi qui ne fis; ja« 
mais ufage de cette allure obliqua ^ toffe avcic 
laquelle un Sbire , qui n'a pas l'aii: de vous ret- 
garder , vous donne du Ailet au flanc ^ jç fuis 4e 
l'avis de celui-ci. Je conviens qu'à la vérité la gé- 
nération paflee reiTeinbloit beaucoup à ma pièce; 
que la génération future lui reïïemblera beau*, 
coupauffi; mais que pour la génération piéfente^ 
elle ne lui reflemble aucunement ; que je n!ai ja- 
mais rencontré ni mari fuborneur » ni feigneurli- 
bertln, ni courtifan avide, ni juge ignorant ou 
paflionné, ni avocat injuriant, ni gens médiocres 
avancés , ni tradudeur baflfement jaloux. Et que 
fi des âmes pures, qui ne s'y reconnoiflent pomc 
du tout y s'irritent contre ma pièce & la déclii- 
rent fans relâche , c'ell uniquement par rçfpeft 
pour leurs grands-peres, &fenfibilité pour leurs 
petits- enfans. J'efpere , après çett^ déçlar^tioii 
qu'onmelaiflèrabiencranquilleîEx j'ai rim> 



Ij 



CARACTERES ET HABILLEMENS 

DE LA FIE CE. 

JUe Comte Almaviva doit être joué très- 
noblement y mais avec grâce & liberté. La cor* 
mption du cœur ne doit rien ôter au bon ton de 
fes manières. Dans les mœurs de ce tems-là les 
Grand traitoient en badinant toute entreprife fur 
les femmes. Ce rôle eft d'autant plus pénible à 
bien rendre^queleperfonnage eft toujoursfacrifié. 
Mais joué par un comédien excellent [M.Moli)^ 
Jl a fait refTortir tous les rôles^& afluré le fuccès de 
la pièce. 

Son vêtement dupremier & fécond aftes , eft 
un habit de chaflfe avec des bottines à mi-jambe , 
de l'ancien coftume efpagnol. Du troifîemc afte 
jufqu'à la fin , un habit fuperbe de ce collun^- 

La Comtesse , agitée de deux fentimens 
contraires , ne doit montrer qu'une fenfîbilité 
réprimée y ou une colère très -modérée ; rien fur- 
tout qui dégrade aux yeux du fpeâateur fonça- 
raftere aimable & vertueux. Ce rôle , un des plus 
difficiles de la pièce ^ a fait infiniment d'honneur 
au grand talent de Mlle Saint-Val , cadette. .. 

Son vêtement du premier , fécond Se qua«- 
tirieme aâes'^ eft une lévite cotnmoie , & nul 

d X 



/ 



H\ CARACTERES 

Oïnertïènt ftr la têré ; elle efl chez cUè & eêftlé* 

incommodée. Au cinquième aâe , elle a Tha- 

billêiftenc & la haute coëffure de Su{ànne. 

Figaro, L'on ne peut trop recommander à 
raâeUir qui jouëfa c^ rÔlé , dé bîèh fe pénétrer 
de foh efprit , coriithe Ta fait M. Dâ{ihcùiift. 
S'il y vdyoïÉ alitre thofe qiiè de là ràifoh aflai^ 
fonnée de gaieté & dé fôlUiè^, fûr-toût s'il y 
niièttoif là moindre fchârgè , il avilifoii un tôle 
^ue le pfefhier Colique dd théâtre , M, Pfi^ 
viiîe , a jugé devôii' honotér lé talent de tout 
cdmédiéri qui fauroit eii faifir lés tiiiancéi tiiuK 
tipliées ^ & {)éurrOit s'élever à fôb etitiëre cou*- 
ception. 

Sdli vêtêthéht comfilë dans lé Bârhitt de 
SiVÎIU. 

ÉzANNB. jeune ferfonne adroite , fpirî- 
? & rieufe , mais hon de cette gaieté pref- 
qu'effrontée de bos foubrettes corruptrices; 
foh joli caraâere eft defliné dans la pré&ce | 
& (t'eft-là que l'aârite ^ qui n'a point vu Mlle 
Contai , doit l'étudier pour le bien tendre.^ 

Son vêtement dés quatre premiers aâes , eft 
un |ufte blanc à bafquines ^ très-élégant ^ là }Up« 
de même , a^ec une tôqué » apt>eUéé dépuis pat 
nos marchandes ^â la Su^anhe. Dans la fête du 

^trletne aâe^* leKSoAce luipcfe (Ur la tête 



f ET S4BILISMBHS. tuf 
une toqua à long voile , à haute» pluitîes ^ & à 

rubans blancs. EUe porte su 6iiK|uieme aâe la 

lé vice de fa maâtteS^pSc hnl ornement fur la câce« 

Marceline , e(t une femme d'efprît , née 
un peu vive ; maïs dont les fautes & Texpé* 
rience ont réformé le caradere. Si l'adlrîce qui 
le jotie s'élève avec une fierté bien placée , à la 
hauteur très- morale qui fait la reconnoiflànce 
du troifieme aflié, elle ajoutera beaucoup à l'in- 
térêt de l'ouvrage. 

S jn vêtement e/l celui des duègnes espagno- 
les , d^une couleur modelle , un bonnet noir fur 
la tête. 

A N T o K î D ne doit montrer qu'une demî- 
itrefle , qui fe diiSpe par degrés ; de forte qu'Att 
cinquième aûe, on n'en appcrçoive préfque plu*^ 

Soh vêtement eft celui d'uti payfan efpâgnol ^ 
où les manches pendent parderrierô 5 un cha- 
peau & des fouliers blancs. 

FAKihÈttE eft Une enfàttt de douze ans^ 
très-naïve. Son petit habit efl; un jufle brun ^ 
avec des |$ances & des boutons d'argent , la 
jupe de couleur tranchante ^ le une toque noire 
à plumes fur la tête. Il fera celai des «ucrei 
payfannes de la noce. 

ChIavjBih^ enrôle fae|)«at2trejaii5 ' 



lîr /-C'AKAùtERES 

«Jomme il l'a été- y que par une jeune & Crè^* 

jolie femme ; noii^ fi"àvôns point à nos théâtres 
de très-jeune homme aflez .formé pour en bien 
fentir les.finefles. Timide? à l'excès devant la 
ComteflTe , ailleurs un charmant poliffbn ; un 
deftr inquiet & vague eft le fond de fon ca- 
raftere. Il s'élance à la puberté , mais fans pro- 
jet , fans connoiffancçs & tout entier à chaque 
événement ; enfin il eft ce que toute mere^ 
au fond du cofur^ voudroit peut-être que fût 
fon fils, quoiqu'elle dût beaucoup en fouffrir. 

Son riche vêtement , au premier & fécond 
aftes , eft celui d'un page de cour Efpagnol , 
blanc & brodé d'argent ; le léger manteau bleu 
fur l'épaule , & un cbapbau chargé de plumes. 
Au quatrième aâe , il a le corfet ^ la jupe de 
la toque des jeuûes payfannes qui l'amènent» 
Au cinquième aâe ^ un habir uniforme d'ofE* 
cier y une cocarde & une épée. 

Bartholo. Le caraâere & l'habit comme 
dans le Barbier de Siville ; il n*eft ici qu'un 
rôle fecondaire. 

Bâz^iie. Caraûere & vêtement comme 
dans le Barbier de Séville ; il n'eft aufli qu'un 
rôle fecondaire. 

Bridb * Oison , doit avoir cette bonne & 
franche affurMce des bêtes , qui n'ont plus leur 



•w^i'mmm^'^^m 



\ 



BT HASILLEMENS. ly 
timidité. Son bégaiement n'eft qu'une gracç de 

plus , qui; doit é.cre à peine fehtie ; & i'aâeifif 

fe tromperoît lourdement , .& joueroit à contrer 

fens , s'il y cherchoit le plaifant de fon rôle, Il 

eft tout entier dans loppolîtion de la graviçe 

de fori état au ridicule du caractère i & moins 

Taâeur le chargera , plus il montrera devrai 

talent. 

Son habit eft une robe de juge efpagnol , 

moins ample que celle de nos procureurs , preif 

que une foutanne^ une grofle perruque^ une 

gonille ou rabat efpagnol au col ^ & une lon-^ 

gue baguette blanche à la main. 

Double-Main. Vêtu comme le juge *; 
mais la baguette blanche plus courte. ] 

L'Huissier ou ÂLGUAzii.. Habit , man-r 
ceau , épée de Crifpin, mais portée à fon côtç 
fans ceinture de cuir. Point de bottines , unç 
chauflfure noire , une perruque blanche naiâfantf 
Se longue à mille boucles p une courte baguettp 
l>lanche. 

Grippb-Soieil. Habit de pay fan, les man^ 
ches pendantes^ yefte de couleur tranchée, ch^ 
peau blanc. 

Une jeune Bergère. Son vêtemenc 



I 



I 



f 



PipRiXL £. En veâe , gil«t , ceinture \ 
^oet & bottes de pofle , une réçille fur la tête ^ 
chapeau de courier. 

Pbrsoniïages muet$. Les uns en habits 
de juges » d*autres en habits de payfitns^ |es au- 
tres et» habits de liyrçe. 

Placement des Acleurs. 

Peur faciliter les jeux du théâtre ^ or a eu Pat- 
tention d'écrire au commencement de chaque 
Icene^ le nom des perfonnages dans l'ordre oîi le 
fpeftateur les voit. S'ils font quelque ihouveîi- 
ment grave dans la fcene , il eil déligné par va 
/ipuvel ordre 4e mw ^ iprjt en vx^i^t \ TJnf- 
tant qu'il arxi^Ke. Jl eu ijDpprtaAt de i:.opferyfir 
les bonnes portions théâtrales ; le relâchement 
dans la tradition donnée par les premiers ac- 
teurs , en produit bien- tôt un total dam lé jeli 
ëes pièces \ qui finit par affimîler les troupes 
négligentes aux plus fbibles comédiens de fo^ 
€iété« 




"e^j^ 



LA 



LA 

FOLLE JOURNÉE, 

P U L E 

MARIA Ç E 

DE FIOARQ. 

ACTE PREMIER. 

Za Scène rep réfente un fatloa ^daHs^ h^i on viif i 
à droite , une . porte de communication dans la 
ckamitx.de ia Ca/htrJpt&wKdanegflié^d^ttMte, 

-, , ' ,''..,.,,.',. \n.n.m\mmi , 

s G EN E P R JS M ÎS.'K'È;^" 
f ,Ii G A » Chi: SV a AN 5tfi. - 

F r o A s. * , mejhrane is fi^Bort avtcrt^ tbiji, ] 



D. 



Tiens , Figaro , làoa peiJfeelapèattjïe Bé iiaW jt ^rf 
■ueuz ainG f 

A» 



4 L£ MARIAGE 

F I G A K O. y 

Sans comparaifon , ma charmante. Ah ! que 
joli bouquet virginal élevé fur la tête d'une jolie 
fiancée y eft doux le matin des noces, à Tœil amou-* 
reux d'un époux. 

Suzanne. 

Que mefurois-tu donc-là ^ Figaro ? 

F I G A K o. 

Je voyois fi le charmant lit que Monfeigneur doit 
nous donner , aura bonne giace dans cette chambre. 

Suzanne. 
Dans cette chambre ! Je ne veux pas. 

F I G A K o. 

Pourquoi cela P 

Suzanne/ 
Je ae veux pas. 

•^ * Figaro. 

fâflis encore î . .. On dit des raifons» 

Suzanne. 
. Si )e n'en veux pas dire. 

Figaro. 
. Qk ! quand elles font fures de nous. • • • • 

Suzanne. 
- Frouver que j*aî raifon^c'eil accorder que je puis 
;ivoir tort i dens ^ Figaro , es-tu mon (erviteur î 

Figaro. 
Âffûrétaieoit ; linais pourquoi cette fantaifîe contre la 
chfunbre du château la plus commode ^ & qui tient 
lé milieu entre les deux appartemens ? La nuit , 
Madame fe trouve-t-elle incommodée , elte n'a 
qu'à fonner : zeft ! en deux pas , te voilà chez elte : ~ 
lUonfieur a-t-il befoinde' moi^ Crac ^ eu crois iaixts^ 

Je 1m dnu la chanhre. 



DEFTGARO. 

Suzanne. 
Ou! : mais lorfque Monfîeur le Comte aura bien 
tinté le matin pour te donner quelque bonne & lon- 
gue commidîon : zeft y en deux pas il eftà maporte^ 
& crac , en trois fauts. . • • 

Figaro. 
Qu'entendez *vous par ces paroles / 

Suzanne. 
Ah! c'eA qu'il faudroitm'écoucer tranquillement. 

Figaro. 
Eh ! qu'y a-t-il , bon Dieu î 

Suzanne. 
Il y a que Monfieur le Comte Almavîva , las de 
cOurtiièr les belles du canton , veut rentrer le foir au 
château ; mais ce n'eft pas chez fa femme ; c'eilchez 
la tienne : entends-tu , qu'il à jette ces vues , aux- 
quelles il efpere que ce logement ne nuira pas f Et 
c^eft ce que Bazile , l'honnête agent de fes plaifîrs , 
& mon noble maître à chanter , me répète chaque 
jour en me donnant leçon, 

Figaro. 
BaziIe ! oh , mon mignon / fi jamais volée de bols 
vert, appliquée fur Téchine d'un pédant, a duemenc 

redrefTe la moelle éplniere de quelqu'un 

Suzanne. 
Pauvre garçon ! & cette dot au*on me donne ; 
crois-tu donc que c'étolt pour les oeaux yeux de ton 
mérite f 

Figaro* 
J'avois allez fait pour le croire. 

Suzanne. 
Mon Dieu ^ que les gens d'efprit font betes ! 

F K G A & a. 

On le dit. 

^1 



s 



y 



6 LE M AR J AG S 

Suzanne. 
Mais c^eft qu'on ne veut pas le croire* 

F I G A & o. 

On a tort. 

S u z A N N s. 
Il Ta deftiné à obtenir de moi certain moment ^ 
certain quart-d'heure, feul à feul^ qu^tm ancien droic 
du feigneur. ... Tu fais s'il étoit trifte / 

Figaro. 
Je le fais fi bien que fans l'abolition de ce droit 
honteux 9 je ne t'euflè jamais époule dans fes domai* 
res. 

Suzanne. 
Eh bien ! il fe répent de l'avoir aboli , & c'eft fur 
ta fiancée qu'il prétend le rachetcer aujourd'hui. 

Figaro. 
Itfa tête s'amollit de fiirprife , & mon front fertilifé. .« 
( Il fe frotte le front. ) 

S u z A N K E , A/i étant la main. 
Ne le frottes donc ' pas. 
. . F I o A B. o. 

Quel danger? 

Suzanne. 
S'il y venoit quelques petits boutons l Des geosf 
fupeflijcieux. • • • 

Figaro. 
Tu ris , fripponne f Ah I s'A y avoît moyen d'at- 
trapper de grand trompeur en lefaifant tomber dani^ 
un bon piège , & d*empoc^ér fon.or ? . • 

Suzanne. 
De l'intrigue Sf. de Va,(^ent : Figaro ! te .voilà dins 
tafphere. 

P t g A R o. 
Ce n'ejt sas la honte qui me retient. 



. DÉ FIGARO. 7 

S U Z A N N E. 

Quoi ! La xrakite ?. 

Figaro. 

Ce n'eft pas cela' t? on plus ^ entrer la nûît chez 
quelqu'un , lui fouffler fa femme , & recevoir cent 
cdups de bâtons , ce ft'feft pas difficile : mille fots co- 
quins Tont (kittç mais conduire Tintrigue à bien , & ' 
fatïver fes oreiHds« .*•..( X^ Comte jpt fort. ) 

S xr z A N H s» 

Madame ia Comtefle fonne : elle m'a bien recom- 
mandé d'être la première à lui parler le matin de 
mes noces : le berger dit que cela porte bonheur aux 
femmes èêXzÀSies. 

F I G A À o. 

il y a encore quelque dhofe tà-d($iS>tts. Tu ne ^e ' 
donne rien ^ mignonne , avant de t*èii aller P Un ' 
petit baifer ? 

S XJ- z A N H K. 

Un baifer à mon amant d'aujourd'hui P Ah ! )e * 
t'en foultôite. Et* ^e diiok demain- ttion mari i 
( Figaro femhraffe malgré elle. ) Ah , frippon , 
quand ceiftras-^tu -de me parkr de • ton amour du 
matin jufqu'au ftxir ? 

F I G A ït o. • 

Quand je pourrai te le prouver du foir }uiqu'att 
matin» 

SvtJLiifU^Êfiâifam/eBdôigifsrùifitsfurfièou^ 
^he j & les déployant enfuite /kr Flgaro% 
Aile£ ^ Monfieilr , yé n'ai j^Us tien à v<s»tts. 

F* I o A K o. 
Ah! lâais, ce n'Àdit pii aio^ qtftfjeiÉ fwûU 
àanaé. {Êufûftne Jbrt.} 



\ 



t lEMARÎAGM 

S C E N E I I. 

Figaro, feul* 

V^HARMANTK fille ! toujours riante , toujotifs 
\erdiflancé ; plaine de gaieté , d'amour , de délices! 
mais fage , fage. Ah » Monieigneur , mon cherMon- 
feigneur ! vous voulez m'en donner à garder ! Je 
m'étpnnois aufl? que m'ayant donné la place de con- 
cierge , vous m'euffiez nommé courier de débêches. 
J'entends , Monfeigneur : trois promotions à la fois; 
vous y compagnon-miniftre : moi , cafle-cou poli* 
tique : Suzanne , D^me du lieu ; & puis fouette 
Courier. Petidant que je courrai d'un côté, vous fe- 
rez Élire de l'autre un joli chemin à ma belle. Moi , 
jne crottant , m'échinant pour la gloire de votre fa- 
mille, vous daigneriez concourir àragrandiflèment 
de la mîçnne: quelle douce réciprocité ! Mais , Mon- 
feigneur , il y a de l'abus» Faire à la fois deux per- 
fonnages , celui. de votre maître & celui de votre ^ 
valet ; repréfenter en même tems , dans une Cour 

étrangère , le Roi Su moi , c'eft trop de moitié 

& toi , Bazile ^ frippon nK>n cadet ^ je veux t'ap- 

poeodre à ctoch^t devant les bpiteux. Je veux 

mais non , difïïmulons avec eux ^ & tâchons de 
les inférer Tan. pot l'autre. Attention fur la jour- 
née y monfîeur Figaro , attention. Donner le change 
aux petites paffions du Comte ; rompre fes def* 
feins» & travailler à l'exécution des miens ; empo- ' 
cher les préfens , & écarter une Marceline lAé- 
chante en diable : étriller rondement monfieur Dtt 
Bazile 






DE FIGARO. 




S C E N E I I I. 

FIGAJIO , LE DOCTEUR , BARTHOLO , 

MARCELINE. 

F I G A K a , yi tournant & voyant le Do3eur. 

J P^ h ! voilà le cher Dofteur ! 

Lk Docteur. 
Et bien ! Après ? 

Figaro. 
Sont-ce mes noees avec Suzon qui vous amènent 
au château , Doâeur f 

Le Doctevrv 
Non , mon cher Monfieur. 

Figaro. 
Ce feroît trop généreux. 

Le Docteur. 
Erp ar trop for. 

Figaro. 
£h ! bon jour ddnc , cher Doâeur de mon cœur» 

Le Docteur. 
Bavard infernal , laiflez-nous. 

Figaro. 
Vous vous fâchez , Dodeur ! Seroît*îl arrivé quel- 
que chofe à votre mule ? Les gens de votre état font 
fi durs ; ils n*otit pas plus de pitié des pauvres bêtes , 

que fi c'étoit en vérité des hommes. Eh bien ! 

Marceline , avez -vous toujours envie de plaider 
contre moi ? Pour ne s'aimer pas , faut-il qu'on fe 
haifle? 






io LEMARIAGE 

Le Docteur. 
Qu'efl-ce que c'eft ? 

Figaro. 
Elle vous contera cela. ( £n s en allant , // dorme \ 
une tappe furie ventre du DoSeur.) Adieu \ Dodeur, 



■ 1^ 



S C E N E I V. 

LE DOCTEUR, MARCELINE. 

Lb Docteur. 

^ J B dxôle eft toujours lé même. 

Marceline. 
Vous voilà donc enfin , éternel Dodcur , toujours 
n grave & fi compafle , qu'on auroit le tems de mou*- 
rir vingt fois en attendant vos fecours ! 

Le Docteur. 
Toujours amere , & provoquante : Eh bien ! qui 
m'amène ici ? beroit-il arrivé au Comte quelqu!acci- 
dent ? Et la Rofine j. fa perfide Comteffe , feroit- 
dle malade , Dieu merci ? 

Marcelin £• 
Le Comte la néglige. 

Le Docteur. 
O ! digne époux qui me vehge ! 

Marceline. 
Au moins c'ed ce que m'a dit BazUe. 

Le Docteur, 
Cejt autre frippon loge ici ! c'eft une caverne ! St 
qu'y fait-il? 

Marceline. 
Tout le mal dont il ell capable. Eh bien ! Dofteur , 



-t 

DE FIGARO. IC 

VOUS fouvenez-vous du petit Emmanuel i tetire 
fruit de notre amour p.Vous fouv«net-vous de vos 
promefles ? Vous rappellez-vous vos fermens ? .*r...> 

Le Docteur. 
Eft-ce pour écouter toutes ces fornettes-là » qie 
vous m*avez , tout exprès , fait venir 'de Sévillc ? 

M A <R C B L I N £. 

Eh bien ! n'en parlons plus : mais puifque rhorii? 
neur ne vous porte pas à la juftice de m'époufer ^ 
aidez- moi donc à en époufer un autre. 

LeDoctbur. 
Ah ! volontiers^ volontiers y parions ...Makipxel 
cil le mortel abandonné du ciel & des fenmxes ï ••.* 

Marcexine» 
Eh ! qui pourroit-ce être , Dodeur , finon le gai ^ 
le beau , Taimable Figaro ? 

LeDoctbur. 
Ce frippon-là ? 

M' A R C E X I N E» 

Toujours gai , jamais fâché ; généraux ^ ^éié« 

xeux ') 

LeDoctbur. 
Comme un voleur. ^ . . • 

M A R C B X. I N r. 

Comme un feigneur. 

Le Docteur. 
£t la Suzanne ? -y 

Marceline. 
Elle ne l'aura pas, latrufée, fi vous vouliez m'aîder 
à faire valoir la promeflè de mariage qu'il m'a ^"'"^ 

Le Docteur. 
Maïs fon mariage eft trop avancé. 

Marceline. 
On en rompt par fols de plus avancé. 



M LE MA R 1 A G E 

Le Docteur» 
Mais le moyen ? 

Marge xine. 
J'aurois bien un fecret ; mais 

Le Docteur. 
Les femmes en ont-elles pour le médecin du corps f 

Marceline. 
Vous (avez bien que je n*en ai pas pour vous. 
Toute Ifemme eft galante , mais timide. Elle eût 

Î>lus avanturé fans une voix intérieure qui lui dit : 
bis belle ^ fi tu peux , fage , fi tu veux ; mais fur- 
tout, foisconfidérée^ille faut.... Puifqu'il faut donc 
que Ton foie au moins confidérée ; que touce femme 
en fent l'importance y il ne fera pas difficile défaire 
adopter ces principes à Suzanne ; & lorfque Monfieur 
le Comte voudra la faire entrer dans les vues qu'il a 
fur die , elle refufera, & le Comte faifira avec em- 
preflèment Toccafion que je lui donnerai de s'en* 
venger 9 en me faifant époufer Figaro. 

Le Docteur. 
Elle a raifon , parbleu ! le tour feroit bon de faire 
époufer ma vieille gouvernante au coquin qui me fit 
enlever ma jeune maîtrefle. 

M A R C/B £ I N E. 

Et qui croit ajouter à fës plaifirs 

Le Docteur. 
Et qu! m'a volé cent écus^que j'ai toujours fur le 
cœur. Il feroit délicieux de me venger ainfî d'un 
fcélérat. 

Marceline. 
De répoufer , Doâeur ! 



D£ FIGARO. 31 



SCENE V, 

» 

SUZANNE y apportant un ruban & une rohe de 
taffetas blanc , ie DOCTEUR , MARCELINE. 



L 



Suzanne. 



I'e p ou « E R irépoufer ! époufer, qui ? mon Figaro? 
Marceline. 
Pourquoi pas ? Vous l'époufez bien. 

Le Docteur. 
Flaifanc argument de femme en colère. 

Marceline. 
Sans compter Monfeigneur dont on ne parle pas» 

Suzanne. 
Votre fer van te , Madame : il y a toujours quelque 
ciiofe d'amer dans vos propos. 

Marceline. 
Bien la vôtre , Madame : où efl donc l'amertume? 
Il eft bien jufte qu'un loyal feigneur partage un peu 
la joie qu'il procure à fes gens. 

S U Z A N N E. 

Qu'il procure ! Heureufement que la ja-^ 

louue de Madame eil auffi connue que fes droits fur 
f igaro font légers. 

Marceline. 
On eut pu les rendre plus forts^ en les cimentant à 
la façon de Madame. 

Suzanne. 
Ah ! cette façon ,* Madame , efl celle des femmes 
lavantes. 



14 LE MARIAGE 

\ . 

LiE Docteur , voulant emmener Marceline. 

Adieu , la charmançe fiancée de notre Figaro. 

Marceline. 

Je faluerhumbJe fçjrvc^ote-desplaifirsde Monfeî- 
neur. 

, S XJ Z A N N E. 

Et qui vous eftime beaucoup , Madame. * 

Mavkceliïîe. 
Madame me fera-t-elle auffi l'honneur de me 
chérir un peu .<? 

Suzanne. 
. . A cet égard ^ Madame n'a rien- à defirer. 

Marcbxine. 
Cefl une fi jolie perfonne , que Madame; 

Suzanne. 
Eh ! mais ! affez pour défoler Madame. 

Marcexine. 
. Et fur-tout bien refpeAablé. . . • 

Suzanne. 
•. jRfais c*efl aux. duègnes à Têtre. 

March iFNE, ifurîeirfe. \ 
Aux duegncs. !" aux dueghes ! 

L E D O C T E V R* 

Allons , Marceline , allons : (It/d prend par tç 
iras , & remmené, ) ' -- . . 

Marc E; 1 I ïî, E. 

* Adieu , Madame. , . • ' ' , 

S" U Z a N N E. 

Adieu, Madame. ( Lorfque Marceline efi à ta 
jfortt^ , Suiunne continite. ] AHez , pédante : je crains 
aufli peu voB-effojfts^, que je niéprife vos outrages. 



DE FIGARO. 15 



mm 



SCENE VI. 

S V z A N M E y feule. 

\ oYKS un peuceue vieille rybille, parce qu'elle 
a fait quelqu'étude , & qu'elle a tourmenté la }eu- 
neflfe d^ Madame>eUe veut tout dominerau château.. 
Mais , je ne fais pliis ce qne je venois faire. 



■i^-i^A— — ^ii^i^ mn II ^Êmm^i^m^nJm 



SCENE VI I. 
C H É R U B- 1 N , SUZANNE. 

n 

•-' / •^- • Chérubin, 

,Jl\ u ! que je fuis content de te trouv-er feule « Su- 
zamië :îi y a deux heures que je te cherche. 

$ u, Z A N N E. ' . \ 

'Pourquoi cela ? 
^ • •• ; ' ' C K :é R ir B I N'v 
• ' Tù te marie , & moi je pars. / 

Suzanne, 
Cortxnient, tu pars, 

C H i R u B, I N. • • 

■ -"Mbnleîgneur rf\é 'renvoyé. ' '\. 

••"• * • S'U Z'A'N N B./ Y " ^ 

Vous avez fait: quelque thofe , dhérubîn : com- 
ment fe peut-il'que le premier Page de Monfeigheur 
foiç topipé (Jans fa dîferace ? 

C H 4 11 u B I N. ' .; 

J'étctîs •hîôi' chei ta coufîne Fanchette^ a lui faire 
régpter fon petit rôle xf înrtocente. .... 



* « 



\ 



a6 le mariage 

Suzanne , d*un air ironique • 
Son petit rôle d'innocente ! 

Chérubin. 
Lorfque Monfeif^neur eft eiicré , il s'e/l mis dans une 
colère. . Sortez , dit-il , petit.... (Oh ! je n'ofe parré-. 
péter devant une femme le gros mot qu'il a dit. ) Sor- 
tez; & que demain vous ne couchiez pas au château. 
Si ma belle marraine ne l'appaife pas , je fuis perdu. 

Suzanne. 
Et pourquoi ne t'adrelles-tu pas t«i-méme à elle f 

Cheru bin, foupirant. 
Ah ! Suzanne ! Quelle eft noble & belle ; mais 
quelle eflimpofàn te ! 

Suzanne. 
Ah ! c'éft-à-dire que je ne le fuis pas , & qu'on 
peut tout ofer avec moi. 

Chérubin. 
Tu (aïs bîen,fripponnç, que je n'ofe pasofef.Que 
tu es heureufe, Suzanne » de voir tous les jours ma 
belle marraine , de lui parler à chaque infiant^, de 
l'habiller le matin y delà déshabiller le foir^ épingle à 
épingle ! ( Voyant un ruban que Suzanne tient â Im 
main. ) Qu'eft-ce que tu tiens donc-là ? 

Suzann t , contrefaifant le tonpajponni de 

Chérubin. 
C'eil le ruban , le fortuné ruban , qui , pendit la 
nuit , ferre les cheveux de cette belle marraine. 

Chérubin. ' 

Ah ! donnes-le moi ^ mon cœur $ 

Suzanne. . , ,. 

Son coeur! Mais voyez donc comme il efl familier, 
( Chérubin lui arrache le ruban & sUnfuit. ) \ 
Suzanne, courant après lui. 
Voulez-vbUs bien me le rendre , petit voleur f 



D E F I G A R O. 17 

Chérubin.' 
On m'arracheroit plutôt la vie. Suzanne , tîen<^ , 
tu diras que tu l'as perdu ; tu diras, . . . tout ce que 
tu voudras ; mais je ne le rendrai jamais. 

S U Z A N N^ B. ' 

Je prédis que , dans trois ou quatre ans ^ vous ferez 
le plus grand petit vaurien. . . . 

Chérubin. 

Ah ! laiiTes-le moi p Suzon : je te donnerai ma ro- 
mance : tu la chanteras à ma belle marraine ; & quand 
je n'y ferai plus , elle fervira à te faire penfer quel- 
que fois à moi. 

S U Z A N N B. 

Taîfez- vous, petit voleur, & rendez- moi mon 
ruban. 

Chérubin. 
Tu ne m'écoutes pas ^ Suzanne. Ta coudne Fan- 
chette m'écoute bien , mais toi. ... 

Suzanne. 
, C'eft bien dommage..- Ecoutez donc , Monfîeur. 

Chérubin. 
Tiens , Suzanne : depuis quelque tems j'éprouve , 
à la vue d'une femme , un fentiment. . . . Tout mon 
fein fe fouleve , mon vifage eft en feu , le befoin que 
j*ai de.dire à quelqu'un , je vous aime , eft fi preffknt^ 
que je le dis à chaque inftant à ta maitrefle , à toi ; 
je le dis tout feul , en me pronienant ^ aux arbres ^ 
aux nuages , aux vents qui les emportent avec mes 
paroles ; hier je rencontrai Marceline. ... 

Suzanne ^ffdfant unjtftc de furprife. 

Marceline 

C H É r u B I i;r. 
Pourquoi non .? N'eft-elle pas femme S N'eft-elle 
pas fille F Une fille ! Une femme ! Que ces noms font 
doux , qu'ils font intéreffans î B 



"i8 LJS MARIAGE, 

S U Z A ^ N Eé 

Allons , il devient fou..- Ah çà ! ttie rendez-votï* 
mon ruban? [Elle cherche à le lui arracher\ maii 
elle manque fon coup. ] 

Chérubin. 

Ah ! Ouitche. [1/ serfuit derrière lefauteuiL ] 

Suzanne, tourne autour du fauteuil , & court 

après. Chérubin ^i s" arrête enfin. 

Je le dirai à Monfeigneur : je lui dirai : renvoyez- 
le à .fes parens : renvoyez ce petit vaurien : c'eit un 
petit voleur qui fe donne ies airs d^aimer Madame ^ 
qui embrafle Fanchette , & qui veut m'en conter 
pardeflfus le marché. 

Ch eru bin^ ypyant venir le Comte. 

Ah ! Suzanne, je fuis perdu. [ Ufe cache derrière 
lefauteuiL ] 

S tr « ^ jï flir 5. 

Quelle frayeur? [ Voyant venir k Comte , elle ca- 
che de fon corps ie page qui €fl derrière le fauteuil ^ 
tn criant. ] Ah ! 



wmm^mmmm'mmmm^^'^^m^^mmm^t^^^»''^^»»^ ■■ ; ■■ * 



S C E N E V I I I. 

LE COMTE , SUZANNE , CHÉRU&IN , 

derrière le fauteuil. 



J 



Le Comte, yîr foumétnt versia couUJJe. 



E rentre à Tinftant. [ A Suzanne.] Qu-eû-ce que 
tu-as , Suzanne ? Ton petit cœur paroît bien imu f 
Au refte , c'eftbienpardoiftnâbtelejour d'une noce. 

S U Z A n N ^E. 

Monfeigneur,allez-Tous-en : fi on tous trouvait ici* 



D Ê FîC AR O. ,19 

, h Z C O VS^ T St 

J'étl ferois au défefpoir , ma, chère ; mais je n ai 
qu'un mot à te dire. [ Il s'aj/ied dans îe fauteuil. ] 
Le Roi m'a nommé fon ambafladeur à Londres ^ 
& je donne un excellent pofte à Figaro. Je l'emmer 
lierai avec moi ^ & je le fais cipUder d'ambaffade. 
Tu fuivras ton mari , fans doute ? 

Suzanne* 

Le devoir d'une femme*.*;. Ah ! Ci j^ofbk parler t. 

L B C O M T E. 

Eh bien ! parle , ma cheré , parle : ufê d'un droit 
^Ue tu prends aujourd'hui pour la vie^ 

Suzanne. 

Je n'en veux pas , Monfeîgnelir ; je n'en veux 
pas,... je ne fais plus ce qye je voulois dire. 

L E C o M T E. 

Tu en étois* • . • fur le devoir des femmes. Qu^eil 

•Us- tu ? 

Suzanne. 

Lorfque Monfeigneur enleva la fîenne de chez I0 
t)Q(3:ctur ^ jefi rehonçaut , par amour pour elle , au 
droit du feignièur , ce droit honteux que vous avez 

aboli 

L ^ Comte, 

Oui, iç qui faifoit bien de la peiiie aut filles^ 
û^eft .de pas , Suzon? Ce droit charmant, lî tu vou- 
lois en jafer ce foir au jardin avec moi fur la brUne ^ 
je mettroisttjp tel pxi^à cette légère ÎFaveur ! ♦ . . * 



.À 



H&ç^^ 



« » 



fijt 



io X.E MARIAGE 



SCENE IX. 

LE COMTE, SUZANNE, BAZILE, 

CHÉRUBIN. 



M 



B A z I L E 9 dans la coulijffe. 



oNSEiGNEUR n'cft pas chez lui, vous dis-je. 
Le Comte. 
Ciel ! d'où vient cette vpix / 

B A Z I X E» 

Il ell chez Madame» 

SUZAKKE. 

Ciel ! c'eft Bazile. Ah ! Monfeigneur , s'il vous 
trouvoit ici. 

Le Com t e , cherchant un endroit paur fe cacher. 
^ J'en ferois au défelpoir. Q^uoi ! pas un endroit pour 
fe cacher! Ah ! derrière ce fauteuil. ( Il s^ avance vers 
le feuteuiL Suzanne fe fnet entre lui ^ & le Page ^ 
cache ce dernier , qui , â mefureque le Comte avance, 
& que Suzanne recule^ tourne du côté cppofé â celui 
par eu le Ccmte avance y &fe cache tout entier dans 
le fauteuil y pendant que le Comte fe cache derrière, * 
Suianne les couvre tous^deux avec la lévite blanche 
qu'elle avoit apportée à la f cène cinquième.) 
Bazile, entrant fur le théâtre. 
Je croyois trouver Monfeigneur ici , Mademoîfelle. 

Suzanne. 
Qui vous l'a dit ? . 

B A z I I B. 

Si vous étiez plus raifonnable, il n'y auroît j-îen d'é- 
tonnant àjna queftion. C'eft Figaro qui le cherche. 



DE FIGARO. Il 

Suzanne. 
II cherche donc Thomme , qui , après vous , lui 
veut le plus de mal. 

Le Comte, à part ^derrière le fauteuiU 
Voyons un peu comme il me fert. 

B A z I le'. 
Dire du bien d'uae femme , eft-ce vouloir du mal 
à fon mari ? ^^ , 

Suzanne. 
Non y dans vos aflreuz principes , agent de cor-* 

Tuption '1 

B A. z I L B. t 

Déroutes les- chofesférieufes, le. n\ariage étant 
k plus bouffonne , j'avois penfé, . • • • 

Suzanne. 
Des horreurs. ...... 

. . L' B A Z IX E. . "^ 

Que votis 4emande-e-on^que vous n'alliei prodiguer 
à un autre? grâce à la douce cérémonie, ce qu'on vous 
défendaujourd'hui , on vous le prefcrira demain., 

Suzanne. 
Mais , allez-vou$7$n , vU agent de corruption. 

B A z I .1. E.> 

Là, là, méchainte.! Dièi;& vpusappâife..... Figaro 
n'eA pas le feul obft^^çlequi Quife au deflèin de Moo- 
feigneui: ; car le page. .... / ,. , 

S U' z A.; N N 'k. " ' \\'. ' ' 

Chérubin ? . ... 

r:: ,.,B ,A^Z l'^L H. 
Oui : Chérubin , di àmor. .... car ïorfque le 
vousaî quuté tançpt^,.il rodoit autour, d-ici. Dite» 
que cela n'efl; pa^ yrai. * . , . 

Suzanne.- 
Mais I ailez-vod^en , idéchant homme. 

B3 : 



xi LÉ MA Ri A G È 

On eft un méchant homme , parce qu'on j vôi t 
clair ; & la romance qu'il a faiw , & dont il fair 

jnyftere?, ,• 

I Su Z A K I* 15, 

Eft pour moi/ 

B A é X X B.- 

Oui : à moins qu'il ne Tait compofée" pour Ma- 
dame. En effet , quand 11 b fért à table, on dit qu'il 
là regarde avec des yeiix. .-. v mais-, pefte ! qu^il ne 
c'y joue pas ; Monfeigneur eft brutal fur raxticliB. : 

S u i À lî N ' e'# 

Et vous , bien ihdigné d'ihventeriftille calomnies 
pour perdte un malheuréUt tt(^nt déjà tombé-dani 
la difgrace de fon fniltrë. - . 

B A Z I X 'B; ' -'- 

Eft-ce gije je Pinventfe ? Èe que J'en dis , moi , 
c*eft qtie tout le mclhdé èH |5àrle. - 
I,Ë CôkTE ^JvrtantfarieuiJt de âtfrîtn UfmuidU 

eoTnni?nrdonc? Coitittièrit ? ïbut te mondç^ert 
parle ?; .4 .< / . u c. 

B A zi'i'^'i fi; ' • '^' ■'• . .-^■' 
Ah iMonfeJgneur , qrie 'je fuîk f&thé ! 

' ' ' ' \ ' • L *È' G é* ïÀ T? 'È. • ' ' • 

CdUre^yBazile , & ^ù'ôh lëifbâifi,^ ' : - : ^ . •' 

S u z A N N ^ fprêtcâs'éWféQiiiriich^l^Htt. 

Ah! ah! ah! mdhDieU! ' • ^ 

Le Comte. 

Elle fe trouve mal i âfleycbsi-là dans ce fauteuil, ' 

: -i ' . . . • . , " ) : j- ■ -* 

• ■ t 



! . 



DE FIGARO. X 



n 



S u z A N N E y effrayée , & reprenant toutes fes 
forces f s'échappe de leurs mains , s^écrie. 
Je ne veux pas malTeoir entrer comme cela, 

quand je luis feule. . . . c'efl. . . . kidigne. 

Le Comte. 
Qu'as-tu à craindre , Suzanne ? ne fommes-nous 

pas deux ? 

B A Z I L £. ^ 

Ah J que je fuis fâché de m'êrxe égayée fur le comp- » 
te du petit page , puifque vous l'entendiez. Au fond, 
Monfeigoeur , ce que j'endifois , ce n'étoit que pour 
fonder les difpofitions de Suzanne. 

Le Comte. 
Cinquante piftoles '& un cheyal; & (ju'on'le 
renvoyé à fes parens. 

B A z I X E. 
Ah ! Monfeigneur , pour un pur badînage !.... 

L E C O M T £• 

Hier , encore , je Tai furpcis chez la fille de mon 
jardinier. 

B A z I L E. 

Avec Fanchette ? 

L E C o M T E.* 
Dans fa chambre. 

S U z. A N N E/ ^• 

Où Monfeigneur avoir fans doute'aflfkire aufli. 

Le Comte, à part. 
J'aime aflez fa reparpie. 

TJ .1-- - J. V % 

B A Z I Z. E. 

Elle eft d'un bon augure. ' • j > ' , 

L B Comte ^haj^t: 
. J'alloîs pour donner quelques ordres à ton oncle- -^ 
Antonio, mon ivrogne de jardinier. Je fr appe^l'on 
me fait long-tems attendre ^«nûnron ouvre : ta cou- 



Z4 LE MARIAGE 

fine a Taîr empêtrée; je prends quelque foupçon ^ 
je regarde , j'apperçois derrière la porte un manteau , 
un rideau , je ne fais pas trop quoi , qui fervoit à cou- 
vrir les bardes ; j'approche ; ( toat en difant cela; le- 
Comte approche vers le fauteuil , & fève la lévite qui 
Jervoit à couvrir le page. ) Je le levé, & j'apper- 

jois ( appercevantle page ) Ah ! . . . . [ils rej^ 

tent dans des, attitudes qui marquent T indignation ^ 
& lajurprije dû^Cotniï , Tétonnementjtupide de Ba^ 
lilt ^& Id frayeur de Suzanne ; enfin le Comte rom-^ 
pant h filence. ) Ce tour-ci vaut Tautrc 

B Â Z I £ E. 

Çncore mieux. 

*L^E Comte, tf Sui^anne. 

Fort bien, Mademoifelle î A peine fiancée, vous ftî- • 
tes de pareils apprêts ! ainfî, iorfque vous vouliez 
me renvoyer , c'étoit pour entretenir mon page. ( à 
Chirubin- ) Et vous, Monfieur , qui ne changez pas 
de conduire , il ne vous manquoit plus que de vous 
adrefTer , fans refpeâ pour votre marraine , à fa pre- 
mière clarifie, à la fevrrre de votre ami... Mais 
je ne fouffrirai pas que Figaro , qu'un homme que 
ï'eftimc , que j'aîme , foit vidime d'une pareille 
tromperie. Etoit il entré avec vous ^ Bazile? 

Suzanne. 

Il n*y a îcî ni vîdime , ni tromperie , Monfei* 
gneur. Il étoitlà [ montrant le fauteuil. ] quand 
vous êtes entré. 

L B ' C O M T E. 

Dans ce fauteuil! PuiflTe-ru mentir en le difant. 
Son plus cruel ennemi n'oferoit lui fouhaiter ce mal..* 
Mais c'eft une autre fourberie : je m'y fuis affis en 
çntran»-. ' * 

Chérubin; toujours dans le fauteuil. 

Hélas , Monfeigneur ! j 'et ois tremblant derrière* 



•Vif 

•• t/ 



D E F I G A R O. 1$ 

Le Comte. 
Rufe d'enfer ! je viens dit m'y placer moi- même. 

Chérubin. 
Pardon ; mais c'efl alors que je me fuis blotti 
dedans. 

L E C o M T E. 
Mais c'eft une couleuvre que ce pérît ferpent*là. , . 
£h bien ! il a tout entendu. 

Chérubin. 
Monfeigneur , au contraire : j'ai fait tout ce que 
)'ai pu pour ne rien entendre. [ La porte du fond 
s'enti^ouvrc. ] 

B A Z I X L B. 

On vient , Monfeigneur. 
Le Comte, arrachant le page de dedans le fauteuiL 

Il refteroit ià devant tout l'univers. ^ 

«1 ' 



SCENE X. 

LE COMTE, BAZILLE , CHÉRUBIN, 
SUZANNE, LA COMTESSE, FIGARO, 
FANCHETTE , Tmupe de Payfans & de 
Payfanaes qui portent le chapeau de la Fiancée. 

La Comtesse. 

V ous leyoyez. Monfieur le Comte ; il me fuppofe 
un crédit que je n'ai pas. [ Montrant Figaro, ] Il ve- 
noie me prier de preffer auprès de vous fon mariage 
avec Suzanne. Leur empreffement eft natutel , & 
j'efpere que vous leur accorderez cette grâce , en fa- 
veur de l'amour ^ue vous aviez autrefois pour moi. 



x(, LE MA RTA G E 

L B G O M T E. 

Et que )'ai toujours , Madame , • . • • & c'efl à ce 
feul titre que je l'accorde. 

F I G A H o. 

En ce cas , Monfeigneur ^ permettez que je vous 
préfente ce chape.aa virginal orné de fleurs , de plu- 
mes blanches , fymbole de la pureté de vos inten-^ 
tions. Daignez le placer vous-même fur la tête de 
cette jeune créature , dont votre fagefl'e a préfervé la 
vertu f & que je fois le premier à célébrer l'abolition 
du droit du Seigneur , auquel votre amour pour 
Madame vous a fait renoncer. 

Suzanne. 

Monfeigneur , ne refufez pas le jufle tribut d'é- 
loges qui vous eft dû. 

Le. Comtb^iz part. 

Oh ! la traîtreflfe ! 

Figaro. 

Maïs , regafdez-là donc , Monfeigneur ; & voyez 
fi jamais audi jolie fiancée montra la grandeur de 
votre facrifice. 

S U Z a N. N E. 

Ne parlons pas de ma figure » mon ami ; parlons 
plutôt de fa vertu. 

Le Comte,/! part. 

Ma vertu Elle fe moque de moi. [Haut.'] L'a- 
bolition d'un droit honteux n'eft pas un facrifice , mais 
l'acquit d'une dette envers l'honnêteté. Un Seigneur 
EfpagQol peut bien chercher à vaincre la beauté par 
les foins ; mais en exiger les prémices comme une 
fervile redevance ; ah ! c'eft la tyrannie d'un Vandale, 
.^ non le droit avoué d'un noble Caflillan. 

F I G A K o , À Chérubin. 
* Eh bien , efpiegle ! vous n'applaudillez pas f 



\ 



D É F I GAJR. O. ir 

S tr z À .n; N fi. 
Manfeîgneur le réhvoye. 

F I G A R O. 

Ah / Monfeîgnettr, 

La Comtesss. 
Monfieur le Comte , je demande fa grace^ 

L « C o M T E. 

Madame, il n'en mérita pas. 

La Comtesse. 
' Il eft 11 jeune, 

L £ C O M T E. 

Pas tant que vous le croyez, 

G H é R u B r w- 
Pardonner généfeufemefit , n'eft jias le dtàït dti 
Sèîgheur auquel vous avez Renoncé, 
la k Comtesse, e/2 montrant les pajr/àns^ 
Il h*a' renoncé c^iti'à .celui qui le^ afBigeoit tous. 

S Ù 2; A *^ fî fe. 

Si Monfeigfiéur aVoît aboli ce di^oit , de fetoît le 
premier qu'il Voudroîrrétâblîir. 

F i G A A 6. 
' Mes a.nils , unifies^ -Vous à rtior, 

"■'''"' *t 6 V )i fe k s È ML B X 15. 

Monfeigneûf . . 

C H É k't; fe I N. 
Si j'ai pu être légèfr dans ma conduite, jamais te 
moiadraindilcréiticfh dans lïies pâi*ole$. . . , 
' ' * F I ô A fe to , (Tan ait injUiet. 
Qii'ell-ce qu'il dit? 

'*' Le e o » t fe. 

Ceft aflez ; je lui pardonne. 

Tous ËNSEABX.E. 

Vivatf 






xt LE MARIAGE 

i 

L E C O M T E. 

J'irai plus loin : je lui donne une compagnie dans 
ma légion. 

Tous ENSEMBLE. 

Vivat! 

L E C o M T E 

Mais à condition qu'il partira fur-le-champ pour 
rejoindre en Catalogne. 

Figaro. 

Comment ^ Monfeigneur ^ il n'afliftera pas à ma 
noce f 

Le Comte. 

Je le veux. . . .Allons , Monfieiir , remerciez vo- 
tre marraine , & demandez- lui (a protedion. ( 5^£z- 
^anne amené Chérubin qui met un genou en terre 
devant la Comte Jfe. . '. ! .^ 

La Cqmtesse, (Tune voix qui s^àlte re pa r degrés. 

Puifqu'on ne peut vous garder feulement julqu'à 
demain, partez, jeune homme :. une nouvelle carrîtsre 
vous attend; parcourez-làayec honneur.Sbyez brave> 
honnête , foumis ; n'oubliez jamais les bontés de vo- 
tre bienfaiteur ; fouvefiez-vous de cette maifon où 
votre jeuneflTe a été élevée ; conduifez-vous bien , & 
nous prendrons toujours part a vos fuccçs. 

L E C o .M -T Ea 

Madame., vous êtes bien éihue !.. , - > 

L A C o M T E s;s E. 
Je ne m^ea défends pas , Monfieur : il eil allié de 
ma famille , & dé plus un fiïlcuL Je ne puis voir fs^ns 
crainte cet enfant fi jeune lancé dans une carrière 
auiTi dangereufe . y j 

Le c o m t e , /z Chérubin. 
EmbrafTez Suzanne pour la dernière fojs^ 



\ 



/' 



D E F I G A R O. ^9 

Figaro^ yj mettant entre Suzanne & Chérubin , 
qui s'approche pour FembraJJer. 

Pourquoi donc, Monfeigneur ? Il viendra ici paf- 
fer fes quartiers d'hiver. E mb rafles- moi "i Capitaine. 
[ Il embraffe Chérubin.] Allons , mon petit Chéru- 
'bin, tu vas mener un train de vie bien différent : mo^ 
enfant , tu ne roderas plus toute la journée au quartier 
des fethmes ; plus d'échaudées , plus de goûtés à la 
crème , plus de mains chaudes , plus de colin-mail- 
Jard. Bon foldat , morbleu ! teint bazané , mal vêtu , 
mal nourri , un bon fufil bien lourd ; tourne à droite, 
tourne à gauche ; en avant ; marche à^ la gloire, & 
ne vas pas broncher en chemin , à moins qu'un bon 

coup de feu..... 

Suzanne. 
Fi donc , rhorreur ! 

L A C o M T E s 5 E. 

Qael vilain pronoftic ! 

Figaro. 
Allons , Monfeigneur ; tour eft prêt pour la céré* 
monie : elle ne dépend plus que de vous. 
Le Comte, à part. 
Je fuis pris. [ Haut. ] J'y confens ; mais j'ai befoîfi 
^'un peu de repos ; & pour que la fêce ait plus d'é- 
clat , je voudrois qtfelle^fût remife à tantôt.... A pro- 
pos, où eft donc Marceline ? Eft-ce qu'elle n'eft pas 
des vôtres ? [A part.] Elle ne vient pas. 

Figaro. 
Je [ne fais pas , Monfeigneur : elle en fera fî elle 
veut ; mais cela ne fera rien à mes npces ; elles li'ea 
feront pas moins gaies. 

Le Comte, /i part. 
Elle lertroublera , je t'en réponds. 

F A N C H E T T E. 

Vous demandez Marceline , Monfeigneur ? Je Tai 



^p lêmarîagë 

rencoiitrée dans le parc fur le x^eniin qui jcandult à 
la ferme : Moofieur le Doâeur lui donnoic le bras« 

Le Comte* 
Le Do£leur eft ici ? 

Fa nch^ttb. 
Oh! elle avoît l'air en colère ; elle faîfoit de grandi 

Seftes ^ elle faifoic comme ç^.,. ^lyec de grands bras i 
londeur le Dodeur lui fâif(i>ic,cpmme.çà de la mai|i 
|)ouf Tappaifer , ellenommoi; ^lon coufin Figaro..«« 

L E C O Ml t E« 

Coufîn.,*. coufin futur ; & •quan4 revien(îrîj*t- elle ? 

B A Z X L E. 

Elle reviendra quand il plaira à Dieu^ 

Figaro. 
S'il lui plaifoit qu'il ne Ivi plot jji^mais. 
Fanchbtte, montrant ChémhfH* 
Monfeîgneur , noijs ave^i-vous pardonné de tantôt ? 
Le Comte , lai prenant h menton , dit ^à demfe-^ 
voix , comme pour lui 4ire , ne dis rien. 
Bon ]om , bon jour , penite. . . . • Allons : à <an«** 
tôt ; j'ai befoin de repos* Je me retire pour un mo- 
ment. {A Basile. ) Bazile^ vous paflercz chez moi* 
l Basile fait une r(véren,cç, ) 

Le Comte donne la main à Ifi Comjtejfc : /ous/brteHf 
excepte Chérubin & Basile q^ Fig^tq retient» 



Cë7 



DBFIGAP^O. 0f 



■ H^ N é 



SCENE XI. 
BAZÏLE, FIGAao , CHÉRUBIN. 

F I ç A R P* 

^/\H-çâ, vous autrçsjja.çécéiïionie adoptée, mon 
mariage en eft la fuite. Prenons bko g^rde à t^us : 
ne reflemblons pas .à ce^ .a£leu.rs ,qjij[ n^ jpii^ent janjais 
fi mal que quand la cricicjue eft U fAns é\^eillée,. Sa- 
chons bien nos rôles : rictus n'jLvoiisf as de lendemain 
qui nous excufe , nous. 

Mon rqje eft plus difficile çj^ tu pe pfnfes^ 
Figaro , tournant le bras comme qiielqu* un qui 
donnerait des coups de bâton. 
Au{n,tues loin de favoir tout le fuccès qu'il te 
vaudra. 

Chérubin. 
Mon ami , tu oublies que je pars. 

Figaro. 
Bon ! vas , n'aîs pas l'air d'avoir .de l'humetir en 
partant , & que Ton te voie à cheval. Prends gaie- 
ment le manteau de vayage , un tems de galop juf- 
qu'àla grille; reviens à-pj.ed par les derrières : ne te 
monfres pas à Monfeigoeur^oc je me charge de Tap- 
paifer après la fête. 

Chérubin- 
Et Fanchette qui ne fait pas fon rôle ! 

B A Z I L E. 

Eh ! que diable lui apprenez-vous donc , depuis 
huit: jours que vous ne la quittjez pas ? 



32 I E MA R I A G E. 

'Figaro. 
Donne-lui la journée d'aujourd'ui : tu n'as rien à 
faire. 

B A Z I X E. 

Jeune homme , prenez garde : elle n'étudie pas 
avec vous : le père n'eft pas fatisfaic ; la fille a été 
fouffletée* Chérubin , Chérubin ^ vous lui cauferez 

des chagrins. Tant va la cruche à l'eau 

Figaro, 
Voilà mon imbécile avec fes vieux proverbes ! Eh 
bien , pédant ! que dit la fagelTe des nations ï Tant 

va la cruche à l'eau , qu'à la fin 

B a z 1 L E. 

Elle s'emplît? .... ' 

Figaro. 
Pas fi bête ! pas fi bête ! [ Ils /orient. ] 



Fin du premier ASc. 






ACTE II: 



•'fc 



X) E F 1 G A R O. 35 




ACTE SECOND. 

La Scène rep ré fente ta chambre à coucher de la 
" Comtejfc , dans laquelle donne , à droite , la porte 
de la chambre de Suzanne , & au fond du théâtre 
eft le lit de la ComteJJe. A la droite du lit , efl une 
fenêtre qui donne fur le potager , au bas de la^ 
quelle efl un fojfé de vingt-deux pieds de profon^ 
deur : à gauche du lit , efl la porte qui commu^ 
nique dans V appartement des ftmmes de la Corfi^ 
tejfe. Sur la gauche du théâtre , vis-à-vis le cabi^ 
net qui fin à Suzanne de chambre à coucher ^ efl 
la porte d^ entrée de la chambre de la Comtejfe. On 
voit fur la droite un fauteuil &* un tabouret jjur 
lequel ejî une guitare. Vis^à-vis , à la gauche du 
théâtre , efl un autre faiiteuil ; il y a une chaife à 
côté de la fenêtre qui donne fur le pota^r^ & un 
banc le long de la fenêtre. 



SCENE PREMIERE. 

LA COMTESSE, SUZANNE. 
LaComtessb* 

JT ERMB la porte , Suzon. ( Elle ferme la porte^ 
€* la Comtejfe s'affiei. ) Suzanne , conces-moi.touc 
dans le plus grand. détail. Le Comte youloic donc 
te réduire ? 

Suzanne. 
Non j Madame \ Monleigneur n*y met pas tant de 

, C 






;4 LE MARIAGE 

f çon avec fa Tervance: il vouioic m'acbeter à beaux 
deniers comptans. 

La C o m t e s s b. 
Et le petit page étoic préfent ? ' 

S U -Z A- N N E. 

*Non , Madame; il éccic caché derrière le fauteuil : 
il'écoit venu médire de vous priçr d'intercéder pour 
lui auprès de Monfieur le Comte qui le renvoyoit. 

La Comtesse. 
Maïs que ne s'eft-il d'âbôrd adrefle à moi ! Eft- 
ceqiie je Taurois refuié ? 

Suzanne. 
C'eft ce qtfp je lui ai dit : favez-vous ce qu'il m*a 
répondu ? Ah ! Suzanne , qVelle efl noble 6ç belle ! 
» mais qu'elle eft impofance ! «c 

La Comtesse» 
Eft-ce que j'ai cet air-là , Suzbn ? 

Suzanne. 
Et puis , il m'a pris votre ruban. . . 

La Comtesse, riant forcément. 
Mon rubiin ! Ah ! quelle enfance ! 

S u z A n n E« 
Il s'efl: jette defliis avec une rapidité! ....j'ai eu beau 
courir après lui, le menaçait de Monfieur le Comte 
& de vous ; c'étoit un lion , c*écoit un.... non : vous 
ne .l'aurez plus qu'avec ma vie , difoit-il , en forçant 
fa petite voix grêle ; &; parc^ que- ce petit morveux- 
là n'oferoit feulement baifer le b^^s de votre rcbe , il 
veut toujours m-embraflfer par contre-coup. " - 
La Comtesse, yi levant. 
LaifTons , h'iSbns ces foli^»4à*..; ouvrez là fe- 
nêtre f Suzon f il fait une chaleur 

SuzoN , ouvre la fenêfre^qui donne Jur le potager. 
C'eil que Ma^an^e parle , & marche avec feu. 



rc 



«. < 



X 



J5 J? T t G A R O: 35 

La CoMTfiSSE. 

Figaro fe fait bien attendre, 

Suzanne. 

Il viendra fi-tôt qu'on fera parti pour la chafle. 
[Regardant parla fenêtre.] Tenez, tenez , madame : 
voilà Monfe gneur qui traverfe le potager , & puis 
un , deux , trois , quatre écuyefs. 

L A G o M T E s s K. 

Tant mieux > nous auront du tems pour tout. 
[ On frappe à la- porte i Suzanne court ouvrir en 
chantant, j * 
i : .-Suzanne. 

Ah ! c'efl: mon Figaro , Sac. j 

. . ' ■ . i 

' 'éÊtLmàmÊmÊÈmÀmÊÊÊÊmatÊààÊÊÊmmÊmaÉÊÊÈÊÊÊÈmiÊÊÊÊÊÊÊÊÊÈmÊmÊÊÊÊÊimm 

S C E N É I I. 
FIGARO , SUZANNE , LA COMTESSE. 

S t; Z A N N B. 



M 



A D A ME s'impatiente , mon amî. 

Figaro. 
Et toi aufiî. Au fait , de quoi s*agît-îl ^ d*une mî- 
fere ! 

^ La CoMttissB. 

" Ehiiieii , Figaro !coiiçoîs-^ir Monfieur le Comte f 

Figaro. 

' Comment ,fî je le conçois? Il trou\^e.ufle jolre 
fiancée , il veut en faire ik maîtreâfe ; qu'y a-t-iï là; 
d'extraordinaire ? 

La C o m t s s s s; 
' Ttt ris ; Figaroé 

C i, 



i6 LE MA RI AG E. 

Figaro. 
Et pour pavenir à fes fins , il m*a nommé coarier 
de dépêches , & Suzon confeiliere d'ambalTade. Il 
n'y a pas là d'écourderie. 

Suzanne. 
Finiras- tu ce badinage f 

Figaro. 
Et parée que Suzanne ne veut pas accepter le di- 
plôme 9 il veut s'en venger en me faifant époufec 
Marceline ; rien de plus naturel. 

La Comtesse. 
Comment traiter fi légèrement un defleio qui 
nous coûte à tous le bonheur 

Figaro. 
Tout cela ne m*inquléte guère. Je veux le faire 
tomber dans fon propre piège ; & pour agir auffi 
méthodiquement que lui , tempérons d'abord Tar- 
deur de MonHeur le Comte fur nos poflTeffions , eo 
l'inquiétant fur les fiennes. 

La Comtesse. 
C'eft bien dit ; mais comment ? 

F I G A R o. 

Ceft déjà fait p Madame. Un faux avis donné fur 

vous 

La Comtesse. 

Y penfez-vous , Figaro ? 

Figaro. 

Ouï , Madame : tenez , pour tempérer Tardeur 
des gens du caraâere de Monfieur le Comte , il faut 
leur fouetter le fang , & c*ell ce que les femmes en- 
tendent fi bien. Après cela on les mené où Ton veut 
par le nez. ..... dans le guadalquivir. 

La; C -o m t b s s e. 

Maïs , Figaro , avez-vous perdu la tête de jetici 
ainfi des fqup^ons fur ma conduite ? 



D E F I G A R O. 37 

Fi g a r o. 

Madame , il y a très - peu de femmes avec qui je 
l'euffe ofé , de peur de rencontrer jufte. 
La Comtesse. 
Vous verrez qu'il faudra encore que je le remercie. 

Figaro. 
Mais n'efl-il pas charmant de lui tailler ainfi tous 
fes morceaux pour la journée , & de lui faire paflfer , 
à furveiller (à femme , le tems qu'il de/linoit à pafler 
avec la mienne ? [ Regardant par la fenêtre.] Ab ! 
Voyez , voyez , voilà Monfieur le Comte qui force 
un lièvre qui n'en peut-mais. 

La Comtesse,^ Suzanne. 
La têce lui tourne. 

Figaro. 
C'eft à lui qu'elle doit tourner. Courra-t-il après 1 
celui-ci? Surveillerait- 11 celui-là? * 

LaComtesse. 
£h bien ! où tout cela menera^t-il 2 

Figaro. 
Xa voici : [ A Suzanne. ] Tu Ihî donneras un 
rendez-vous pour ce (oir. 

Suzanne. 
Moi ! un rendez-vous l 

Figaro. 
Oh ! dame , quand on n'eft bonne à rien ^ 8c que 
Ton n'ofe rien ^ on n'avance rien. Voilà mon njm 
à moi. 

Suzanne. 
Eh bien ! après ? 

Figaro. 
Alors tu enveras Chérubin à ta place» 

Suzanne. 
Mais il elt parti. 

G3 



J 



F I G A p. o , aycc, ciialeiir. 
Non pas pour moi. Ah çà ! me Jailierii-t-on faire ? 

1 Suzanne. 

Ah! iMadame , op peut s'en fier à lui pour con- 
duire une iiurkue. 

F I G A R. o. 

.Une , deux, irois.iutrigue \ la fois , bien em- 
brouillées, qui fe croifenc. . . J'étois né pour être 
courcilan. 

Suzanne» 

On 4ic que c'eft fi difficile./ 

F I G A H o. 

Elifficile ! Savoir prendre, recevoir & demander, 
voilà le feciéc (n trois mots. Allons, pour ne pas 
perdre de tems , je fors & je vous envoyé Chérubin 
poui rhabiller, lecoëfFer,& puis, faute Mbnfeigneur. 




SCENE III. 

SUZANNE, xA COMTESSE. 

La Comtesse, yc regardant dans un miroir, de 

poche. 



s 



Suzanne , comme je fuis faite ! Ce jeune homme, 
qui va veni r. 

. . S UZA NN E.. 

Madame ne veut pas qu'il en réchappe. 

. X A Comtesse. 
Mais c*eft qu'çn vérité çies cheveux font dans un 
défordre ! • 

Suzanne , nîtvctnt une boucle de la Comte£i. 
Tenez • i^ladame , avec cette boucle ,' vous 'le 



"-•^^^••^ 



D E f I G A R O. 39 

gronderez bien mieux, Faifons-lui chanter fa ro- 
mance. 






s C E N E I V. 

LA COMTESSE, SOZANNE, CHÉRUBIN. 

Suzanne, allant au- devant de Chérubin qui 

entre. 

JLjntrkz , MonGeur Tofficier. 

C H É R u B i N. 

Que ce nom m'afflige , Madame ! Il m'apprencf 
qu'il faut quitter des lieux fi chéris , & une marraine 

il bonne 

S u z A -K N B. 
Et fi belle. 
Chérubin, avec un long gimijfe^nent. 

Ah ! oui 

Suzanne,/^ contrefaifant* 
Ah ! oui Mais voyez- le donc avec fes lon- 
gues paupières hypocrites ! . . « . Madame, il faut lai 
faire chanter fa romance: [ Elle la lui donne. ] Apw 
prochez , bel oifeau bleu, 

La Comtesse. 
Dit-on de qui elle eflp 

S U Z A N N E. 

Voyez la rougeur du coupable; en a-t-il Hn pied' 
fur les joues ? . . . • 

Chi^rubiî^. 
Madame , je fuis fi tremblan;. 

*S u z a'n N E. , 

Golan I gnian ^ gnian ^ gdan : approchez i 



4® LE MARIAGE 

deile auteur , puifqu'on vous l'ordonne. Madame , 

je vais raccompagner. . . - 

La CoMTEssEy/z Suzanne 

Prends ma guitare* 

Suzanne et Chérubin. 
Fendant la romance , la Comte ffe fait une fcene 

muette en la lifant , fi* jettant de tems en tems les: 

yeux fur Chérubin , qui tantôt ta regarde , tantôt 
' chante les yeux baijfés; Suzanne les regarde tous 

deux , & chante en riant de tems en tems. 

R o M A N c B : Sur Pair de Malborough* 

Auprès d'une fontaine , 
Que mon coemr , que mon cœur a de peine S 
Penfanc à ma marraine , 
Sentis mes pleur» conler. 

Sentis mes pleurs couler, biS: 

Je gravai fur un chêne , 
Que mon cceur , que mon cœur a de peine ! 
Sa lettre dans la mienne ; 
Le Roi vient à pafler. 

Le Roi vient à pailèr. 
Ses barons , fon clergé : 
Beau page , dit la Reine , 
Que mon. coeur > que jnon cœur a de peine ! 
Beau page ^ dtt la Reine , 
Qu'avcz*vous à pleurer ? 

Qu'avez-vous à pleurer ? bis * 

J'avois une marfainie , 
Qvie mo^ cçeiir , que mon cœur a de peioe ! 
J'avois une marraine , 
Que toujours j'adorai. 

La Comtesse, ployant la chanfon. 
^ Ceft afle« i elle cil biçn faite ; il y ^ du fençimcojt^ 



'mm m> - j ■ ■ " -jy»— — — »^— ip^H^w 



D E F I G A R O. 41 

SuzANN E t en perjifflant. 
Ah * pour du fencimenc , c'eft un jçune homme.... 




pour égayer la journée , il s'agit de voir fi une de mes 
robes vous ira bien. 

La Comtesse. 
y penfes-cu Suzanne? 
Suzanne, s* approche de Chérubin , & fe. me^ 

fure avec lui. 
Il eft de ma taille : commençons par ôcer le man'- 
teau. [ Elle Vote. ] 

LaComtesse. 
Mais fi on nous furprenoit ^ 

S U Z A; N N B 

Eh bien ! e(l ce que nous faifons du mal , donc ?. ..; 
Ah ! mais , je vais fermer la porte.... [ Elle ferme 
la porte. ] G'eft la coëfFure que je veux voir. 

La Comtesse. 

Dans mon cabinet , fur ma toilette , prends ma 
baigneufe à moi. [ Sw^anne fort pour aller chercher 
le bonnet ; elle revient , s'affied fur le tabouret , & 
fait mettre Chérubin à genoux. Elle le coèffe en 
femme. ] 

S t; Z A N N E« 

Mais voyez donc comme il eft joU en fille ! je 
fuis jaloufe , moi. Voulez-vous bien n'être pas joli 
comihe çà. 

La Comtesse. 

Dégage un peu fon collet ; qu'il ait l'air un peu 
plus féminin. [ Suiarme lui dégage fon collet pour 
li(i découvrir le cou.] Relevons un peu fes manches , 

j»fin <yxç le$ am^dîs prenoeoç nûeus [ En rclcr. 



é^z LE MARIAGE 

vant les manches de la vejle , elle ap perçoit fon ru-- 
ban roulé autour du poignet de Chérubin.^ Qa'cft-ce 
que )e vois donc là f Mon ruban ! 

S u Z A N N B* 

Ah ! je fuis bien aife que Madame s'en apperçnîve: 
aafli-bien je lui avotsdicquejevous le Jiroi»; j.lui 
aurois bien repris , H ?«Ionfeigneur n'éioit pas \enu , 
car je fuis prQfqu'aufT] force que lui. 

La Comtesse, déroulant le ruban» 

Il y a du faog ! 

Chérubin. 
. Ce matin comptant partir , jarrangois la gour- 
mette de mon cheval ; il a donné de Id cece ^ & Ja 
boflètce m'a affleuré le bras. 

La Comtesse. 

On n*a jamais vu mettre un ruban autour de fon 
faras dans une pareille occafion. 

Suzanne. 

Et fur-tout un ruban volé.... Voyons donc un pe» 

« que la gourmette , la courbette , la corvette 

Je n'enteuds rien à tous ces termes-là. [ Elle lui re^ 
g9rd^ k hpds. ] Comme il a le bras blanc ! c'eft 
comn^e une femme : tene^ ^ Madame ^ il eft plus 
bUnç que le mien. 

La Comtesse. 

Occupez- vous plutôt à m'avoir du raffetas gom- 
mé ! [Sujanne fort en pouffant Chérubin par les 
ipauleSf &enUfaifant tomber Jur les mains. Ché-- 
rubin & la Comtejfe rejlent long-tems à fe regarder 
tun après t autre fans fe rien dire. La Comtejfe rom-^ 
pant enfin leJiUnce. ] Enfin voilà où vous ont mis 
vos étourderies. Nereparoiflez pas deila journée aux 
yeux de Monfieur le Comte. Nous lui dirons que le 
cams 4'eicpédier votre bre-yer. # • .. 



It B FJG^RO. 



éJ»- 



Ç H ¥ H U 5 I N. 

Cela efl: déjà fait. Madame ; le voilà : Bazile me 
l'a remis. [ Il tin fan bnyet de fa poche , & le lui 
dçnne. ] 

La Comtes5b. 
Déjà ! On craint d y perdre un moment. [ Elle 
Fouvre. ] Us fç Ibnt tant preffés , qu'ils ont oublié d'y 
faire n?çttçe le cachet. 

S u z A N N E 9 rentrant avec du taffetas gommé* 
Le cachet ! à quoi ? 

LaCqmtessx* 
A fon brevet. 

Suzanne. 
Déjà ! 

La Comtesse. 
C'eft ce que je difoîs. 

S V Z A N N B. 

]Çj: la ligature ? 

LaCo^tesse* 
En allant chercher des hacdes , prends le ruban 
d'un de tes bonnets. / 



s C E N ^ V. 

LA COMTESSE, CfiÉBU?IN. 

L A ' C O M T E S S E. 

C. . . . ' 
oMMi^ ce ruban étoît celui ^ont la couleur m'a- 

g! .^oic 1- plus , ie vous avoue que j'étois fore en co- 
lère que.voiif Teuffiez pris. 

'Chérubin. 
Celui là m'eût guéfi bien plus plutôt. ' 



/ 

44 LE M A R I A G B 

La Comtesse. 

Par quelle vertu ? 

Chérubin. 
Quand un ruban a ferré la cête , couché la peau 

d'une perfonne 

La Comtesse. 
Etrangère , il a la vertu de guérir les blelTures : 
j'ignorois cette propriété là. J'en veux faire TelTai , 

& à la première blefliire d'une de mes 

femmes 

Chs kubin. 
Et moi , je pars. 

La Comtesse. 
Non pour toujours. ( Chérubin pleure. ) Allons : 
le voilà qui pleure à préfenc ! c'eft ce Figaro avec 
ion pronoflic. 

Chérubin. 
Je voudroîs coucher au terme qu'il m'a prédit. 
[ On entend frapper à la porte.'] 

La Comtesse. 
Qui frappe ainfi chez moi ? 

Le CoMTE^e/z dehors. 
Ouvrez ? 

La Comtesse. 
Ciel ! c'eft mon époux. Où vous cacher ? 
Le CoMTEy^/z dehors* 
Mais , Madame , ouvrez donc. 

La Comtesse. 
? C^eft que je fuis feule. 

\ LeComte^€/2 dehors. 

Mais vous parlez avec quelqu'un. 

LaComtesse. 
Mais avec vous, apparemment. [A Chérubin.] 
Cachez* vous vite daos ce cabinet» 



DE FIGARO. 45 

Chérubin. 
Après l*aventilre de ce matînf , il me rueroît s'il 
me trouvoit ici. ( Il coure dans le cabinet à droite 
qui fert de chambre à Suzanne ; la Comtejfe ten^ 
ferme ^ prend la clef ^ & va omuir au Comte. ) 



SCENE V r. 

LE COMTE, LA COMTESSE. 

1 

L E C O M T s. 

y o u s iv*êtes pas dans l'ufage de vous enfermer ^ 
Madame. 

La Comtesse. 

Je chifTonnois avec Suzanne : elle eft paflTée m 

{^Montrant la chambre des femmes.) 

Le Comte. 
Vous paroiflTez bien émue , Madame ? 

La. Comtesse. 
Non, Monfieur, point du tout, je vous en aftlire. 
Nous parlions de vous ; elle efl paflfée comme |e vous 
le dilbis. 

Le Comte. 
• Je fuîs: ramené par l'inquiéiude : il faut avouer p 
Madame , que vous , ou moi , fommes etftourés de 
gens bien méchans. En montant à cheval , l'on m'a 
remis un billet , par lequel on m'apprend qu'un par- 
ticulier , que je crois bien loin , doit vous entretenir 
ce foir. 

La Comtesse. 
Quelque foit cet audacieux , il faudra qu'il pénètre 
ici ; car mon delTein efl de ne pas quitter la chambre 



j-wf --»«'»» r 1» ^i^r-m'^rm -wr- -- — i ^ t^w- 



/ 



de la journée. [ Onentend-qiielfue àhofe tomber dans 
ie cabinet oà efi Lhérubin.j 

L B C o M t E. 
Madame y on vient de lâiiTer tomber uh meuble. 

La Comtesse. 
Je n'ai rien entendu , JVlonfieur. 

L É C O M T E. 

Il faut que vous foyez furieufemènt préoccupée... 
Mais il y a quelqu'un dans ce cabinet. 

La Comtesse. 
. Qui voulez-vous , MQîïfieur , qu'il y ait ? 

Le Comte. 
Madame , c'çit moi qui vous lé demande. J'ar- 
rive. 
^ .. La Ç O'îvt TE $ s t. 

C'eft Suzanne apparemment qui range. .• 
Le Comte, montrant F appartement des femmes. 
,. .Mais 9 Madame, vous m'aviez dit qu'elle éloic 
pauée là-dedans. 

La Comtesse. 
Là , ou là ; je ne Ûis^ .. 

.Le C o m t Ek 
,. Eh bien ! Madame ,• il faut que jtr.lâ vo;fé. 5orWz , 
Suzanne. 

La Comtesse. 
Maïs , Monfieur ^ elle cft à moitié nue : elle eflaye 
(^es habi^ que. je lui donne pour fes nijces.' [ Pif/2- 
dint, €A tems^là Su^aiiae qui ïtoit dans la, chithhtè 
4^s.femmqs[pQur prendre un ruban ^ appzrceyint le 
Cxxnte yécoïite un rfioment* ] 

•j::*'^; w . .Lfc. E , 'G b 'M. T> B»' 

yêtue ou non , jç la verrai. 



A r*' 

t 



«^Wl 



DE FIGARO. . h 

La Comtesse. 
Par-tout ailleurs je ne peux rempécher ; mais chez 

xnof. • • • • 

L » Comte. 

Madame , vous direz tout ce que vous voudrez » 
mais je veux la voir. 

La Comtesse. 

Je crois en effet, Monfieur , que vous aimez beau- 
coup à la voir ; mai^ 

Le Comte. 

Eh bien , Madame , fi elle ne peut pas fortîr , aÛ 
moins peut-elle parler. [ Se tournant du côté du ca- 
binet. J Suzanne , êtes-vous dans ce cabinet ? Ké- 
pondez , je vous l'ordonne. 

L A C O M T E s s B. 

Ne répondez pas , Suzanne , je vous le défends. 
Mais , Monfieur ^ on n'a jamais vu une pareille ty- 
rannie. En vérité, voilà bien les . foupçon^ les plus 

ma!" fondés ( Suzanne* s* enfuit , & fe cache 

derrière le lit de la Comtcffe fans être vue ni di£,\ 
Cotftte , ni de la Comtejfe.) 

LeComte. .*v 

Ils en fo"f'pl"s aifés à, détruire. Vous demander W 

clef , ce feroit , je le. vois. > chofe inutile ; mais,ily S: 

moyen de jèttcr en dedans cette légère porte* Hol^t! i 

quelqu'un. ,. , . , 

La Comtesse. ) 

Mais , Monfieur le Comte, fur un pareil foupçon, 
vous allez vous rendre Ja fable du château; -. ^ 

Le- Comte.. 
Vous avez raifon , i& j'y fiiflîrai bien moi-même>.« 
je vais chercher un înrtrument. j 

La C ^o k t e^ s s e. 
Encore h c'étoit l'amour qui vous infpirât cette 



N 



4» LE MA RI A G E 

jaloufie, je vous le pardonnerois en faveur du motif; 
mais à la feule vanité. 

Le Comte. 

Amour , ou vanité , Madame , je fauraî qui éft 

Jans ce cabinet mais aHn que tout relie dans le 

même état, & que vous foyez pleinement juftifiée , 
permettez jqiîe je ferme la porte de l'appartement 
qui conduit chez vos femmes. Vous , Madame, vous 
aurez la bonté de me %îvre (ans murmure, & fans 

bruit ( Il lui donne la main & remmené.) Quant 

à la Suzanne du cabiret , elle aura la bonté de m'at- 
tendre ; & le. moins qui puiiïê lui arriver 

La Comtesse ^fortant avec le Comte,] 

Mais , Monficur , en vérité 






SCENE VIL 

SUZANNE, CHÉRUBIN- 

Suzanne ,/brtantde derrière le Ut de la Comtejfe, 

court au- cabinet. 

V^HÉRUBiN, ouvrez vite, c'eft Suzanne. [ Ché- 
rubin ouvre & fort du cabinet. J Sauvez- vous : vous 
n'avez pas un momept à perdre. 

Chérubin. 
Oh me fauver ? 

Suzanne. 
Je n'en fais rien ; ma's fauvez-vous toujoHfs. 
Ch ÉRUEi N , courant à la fenêtre , & revenant. 
■ Ctrre fencrre n'eft pas bien haute. 

Suzanne, effrayée , le retenant. 
Il va fe tuer. 

Chérubin. 



DE FIGARO. 49 

Chérubin. 

Suzon,pIutôt que d'expofer Madame la Comteflè, 
je fauterois dans an abyme. ( Il embrajj'c Su^on^ 
court à la fenitre , & faute dans le potager. ) 

Suzanne. 

Ah !.•..[ elle tombe évanouie dans un fauteuil : 
enfuite reprenant fes fens peu-à peu , elle fe levé , 
& voyant Chérubin courir dans le potager f elle re^ 
yient^rtfpirantàpeinejjurleb.rddelafcene. J 11 

eil déjà bien loin le pecic garnement efl auffi 

lefte que joli. • . fi celui-là manquçde femmes. . . . 
[ Elle court au cabinet. ] A préfent , Monfieur le 
Comte , frappez tant qu'il vous plaira ; bfiiez les 
portes ; au diantre qui vous répondra, [ Elle entre 
dans le cabinet , & ferme la porte fur. elle, ] 



SCENEVIII- 
LE COMTE, L'A COMTESSE. 

« 

Le Comte, mettant fur un fauteuil une hacht 
qu'il avoit apportée pour enfoncer la porte. 



M 



AD A M E , réfléchiflez-y bien,avantde m'expo- 
fer à brifer cette porte. 

La Coi^TCssE. 
Ah ! Monfieur , de grâce; 
Le Comte ^ fe met en devoir de fo fie er la porte. 
Je n'entends rien, 

L A Co M T E s s E , fejettant à fe$ genoux. 
Eh bien! j'ouvrirai , je vous donnerai h clef. 

D 



jo LEMARIAGB 

Le Comte. 

Ce n'e/l donc pas Suzanne qui eft dans ce cabinet ? 

•'. La CoMTESSEr 

Du moins, ce n*eft perfonne qui puifle vous don* 
ner de l'ombrage. 

Le Comte. 

C'cft un homme ! je le tuerai indigne époufe ! 

vous vouliez garder la chambre ; vous la garderez 
long-tems , je vous aflure. Voilà donc les billets ex- 
pliqués & mes foupçons éclaircis ! 

LàComtesse. 
Daigneï m'écouterun moment. 

L E C O M T B. 

Qui donc eft dans ce cabinet ? 

, -L A . C a. M ^ B .s s B. 
Votre page. 

L E C o M T B. 

Chérubin , ce petit fcélérat ? . . . qu'il ne paroifle 
pas à mes yeiix. Je ne m'étonne plus fi vous étiez fi 



émue tantôt. 



La Comtesse. 
Nous difpofions une plaifanterie bien Innocente , 



«n vérité. 



Le C o m t e , &// arrache la cUf^ & va au cabi- 
net : la Comte ffe fe jette àfes pieds. 
La Comtesse. 
De grâce, Monfieur , épargnez cet enfant, & que 
le défordre où vous l'allez trouver. .... 

L E C o M T E. 

Comment ! Madame , que voulez - vous dire ? 
<2[uel défordre ? 

La Comtesse. 

Ouï , Monfieur, prêt à changer d'habit , tout dé- 
colté , les bras nuds. • • • • 



DE FIGARO. $t 

L fi C o M TE, court au cabinet , & la ComteJJe/e ' 
laijje aller dans unfauteuil en dé tournant la tite. 
Sortez donc ^ pçtit ipalheure|ix. 



S e E N E I X. 

LE <:OMTË, LA COMTESSE^ 

SUZANNE. 

Le Coj&TZfVoyantJhrtirSuiânnedUcûhineté 



E 



N 



iH ! ••.c*eft Suz^nne.( jipart, )Ah! quelle école ! 
Suzanne. 
Je le tuerai ^ je le tuerai..,. Eh bien / tuez donc ce 
méchant Page, 

Le Comte , ^ /4 CQmtj^Jfe , qui , ftppercevant Su^ 
^annfi , refie dans la plus grande Jarp ri fe. * 
Et vous aufli , JVJadaipe , vous jouez rétonaement. 

L A C o K T E s s B. 

Eh l pourquoi non , Moniieur ? 

L B Ç o M T Sr 

Mais , pe\it-être p'eft-ellc pa$ feule dans ce cabi- 
net î vpyons. ( Il entre dans le cahinet. ) 

Suzanne, cçfir^nt à la Comtejfe. 
Madame , il ed bien loin , il e(l fauté par cette 
fenêtre , au(îi légi&r que les vents. 

La CoiiTBSjsfi. 
Çvjcan^ie , je fuis morte. 

Le CoM T E , [ à part , ) vtru^rtf dif. çahinet- , 
Il tf y a perfonnç , & pour le coflp f ai tort. [ A la ' 
Ço^tejpe.) Madame^voùs jouez fort bien la comédie. 

Suzanne. 
£t moi donc , Monfieur. 

D % 



I 
t 



62 LE MARIAGE 

Le Comte. 

Et vous auflî , MademoifeJle 

La Comtesse. 
N'aimez- vous pas mieux l'avoir trouvé que Ché- 
rubin? En général vous aimez aflèz à la rencontrer. 

/Suzanne. 
Madame n'avoit qu'à vous laiflfer brifer les portes; 

appeller les gens \ 

Le Comte. 
Oui , tu as raifon ; c'efl à moi de m'humilîer. En 
vérité, je fuis d'une confufion ! mais pourquoi ne 
,répondois- tu pas , craelle fille , lorfque je t'appellois? 

Suzanne» 
Je m'iiabillois de mon mieux à grand renfort d'é- 
' pîngles , & Madame , qui me le défendoit , avoit 
bien fes raifons. 

L E C o M T E. 
Au lieu de chercher à aggraver mes torts , aides- 
moi plutôt à obtenir mon pardon. 

L'A Comtesse. 
Suis-je donc unie à vous pour être éternellement 
dévouée à. la jaloufie & à l'abandon que vous feui 
favez concilier ! .;.. Je vais me retirer aux Urfulines, 

Le C o m t e. 

Mais , Rofine; 

La Comtesse, 
Je ne le fuFs plus cette Rofine que vous avez tant 
aîmée : je fuis la pauvre ComteflTe Almaviva, époufe 
délàiflee du plus jaloux époux. 

L E Ç o M t V. 
Mais , en vérité , cet homme , cette lettre m**- 
voient tourné le fang. ' 



DE FIGARO. 53 

L A C O M T E s s E. 

Je n'y avois pas confenti. 

Le Comte. 
Quoi ! Madame , vous faviez ? .. .. 

LaComtesse. 
Et c'eft cet étourdi de Figaro , qui , fans ma par^ 

ticipation 

Le Comte. 

Il en étoît & Bazile qui m'a dit la tenir d'un 

payfan. Perfide chanteur ! c'eft toi qui payeras p-^ur 
tout le monde. 

LaComtes.se. 
Vous demandez pour vous un pardon que vous n'ac- 
cordez pas aux autres R je Taccordoîs ce ne fe- 

roît qu'à condition que Tamniftie feroit générale. 

Le Comte. 

Eh bien, Madame, àla bonne heure, j'y confens,. 

mais je fuis encore à concevoir comment votre fe: 3 

fait prendre fi vite & fi jufté l'air & le ton des cii- 

conftances : vous étiez fi troublée. Eh bien , tentz p 

Madame , en vérité vous l'êtes encore 

La Comtesse. 
Les hommes font-ils aflèz délicats pour diftinguer 
l'indignation d'une ame honnête , injuftement foup** 
çonnee , de la confufion du crime. 

Le Comte. 
Nous autres hommes , nous croyons valoir quel- 
que chofe en politique , nous ne fommes que des er. • 
fans ; c'eft vous , c'eft vous , Madame , que le roi 
devoit nommer ambailadeur à Londres.... oubliez , 
Madame, oubliez cette avanture relie eft fi hum^-* 
liante pour moi. 

L a C 6 M T c s s E. 
'j^ Elle 1 -eft pour nous deux i Monfieur. 

' J> } '-;: 



•'. . -^ * 



f4 LE MA RI A G E 

' L E C O M T E. 

Daignez donc répéter que vous me pardonnez. 

La Comtesse. 
£ll-ce que je le lui ai dit , Siizon ? 

S u z o N. 
Je ne m'en reflbuviens pas. 

Le Comte. 
, Eh bien , que ce mot vous échappe. 
La Comtesse* 
Le méritez-vous , ingrat ? 

Le Comte, 
Oui , Madame , en vérité , par mon repentir. 

La Comtesse , lui donnant la main. 
Que je fuisfoible ! quel exemple je te donne , Su- 
zanne ! on ne croira plus à la colère des femmes. 

Suzanne. 
Laiflèz-nous prifonnierês fuj parole , & vous ver- 
rez fî nous iommes gens d'honneur. 



SCENE X. 

LE COMTE, LA COMTESSE, 

SUZANNE, FIGARO. 

E I G À K o. 

V-/îf m*a dit'que Madame étor* incommodée. 

Le C o m t e« 

Ah / quelle attention ! 

Figaro. 
Et c'eft mon devoir. Ah çà , Moafeigaeuivpoiir 

quelle teurq; çrdoimea*vbu$ la fête ? ' 



- ^ 



DEFI GAR O. 5î 

Le Comte. 
Et qui furveillera la Comteffe au château ? 

Figaro. 
Elle n'efl pas malade. . ' 

L E C O M T E. 

Mais l'homme du billet qui doit venir. 

Figaro. 
Quel homme , & quel billet ? 

Suzanne. 
Tu épuîfe en vain ton imagination. Il n'efl plus 
cems de diffimuler. 

F I G A R o. 

Il n'efl: plus tems de diffimuler ! 

Suzanne-* « 

Non : nous avons tout dit. 

Figaro.^ 
Vous avez tout dit ! dit quoi ? Ah çà^on me traite 

ici comme un Bazile. 

La Comtesse. 
Figaro, lebadînage eftconfommé, 

Figaro 

Lebadinage efl;.... confommé ? 

L E C o M T E. . 

Eh ! oui , oui , oui coi>fomjné. Eh bien , qu*en disr 

tu? 

Figaro. 

Je dis je dis que je voudrois biea qu'on ea 

put dire autant de mon mariage. ^ 

L B C o M T E. 

Quand on ne merauroit pas dit , ta phyfionomie 

me dit aifez que tu ments. 

Figaro.^ 
S'il eft ainfi , ce tf cû pas moi qui ments , c'efl; ma 

pliyfîonomie. ^ : . 

D 4 



^6 ZE M A R I A G E. 

Le C o m t Ei. 

Eh bien , l*avaueras-tu enfin ? 

Figaro. 
Puifque Madame le veut, que Suzanne le veut ,^que 
vous le voulez , il faut bien que je le veuille auffi ;.^ 
mais en vérfté , Monfeigneur , à votre place , je ne 
croirois pas un mot de tout ee que nous vous difons. 

Le C o m ,t e. 
Toujours nientir contre Tcvidenee ! à la fin cela 
m'irrite. 

Figaro, has à Suianm. 
Je Tavfertis de fon danger ; c'eft tout ce qu'un hont- 
nête homme peut faire. 

Suzanne, has à Figaro. 
As- tu vu Chérubin ? 

Figaro. 
Eiïcore tout froiffé. 

Suzanne ;ham. 
Oh ! pécayere ! 

L E C o M T B* 
Allons, Comteffe, fortons. 



S C E N E X L 

LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE, 
FIGARO ET ANTONIO. 

A^ro^io f portant fous le Bras un pot de girqfflée 
dont les fleurs font écrafées. 

Vçi A , Monfeigneur , fuîtes donc gritter les fenêtre 
qiT donnent fur mes couches ; on y jette toutes for ter 
de chofcs : encore tout-à-rheuie, il rïtni d'y tombe 
un hoauQC^ 



V E F 1 G A R O. 



57 



\ 



Le Comte. 

Un homme Et quel eft-il ? 

Antonio. 
Cefl tout ce que je dis : il faut me le trouver d'abord. 
S u z A N s B, bas à Figaro. 
Aller te , Figaro , allerte. 

Antonio. 
Je fuis votre domeftique ; c'efl: moi qui fuîschargé 
du foin de votre jardin , il y tombe un homme , & 
vous fentez bien que ma réputation en eft effleurée. 
Voyez comme mes girofflées font arrangées* 

Fi g a r o. 
Monfeigneur^ il eft gris dès le matin. 

A N T. o n I o. 
Vous vous trompez : c'eft un petit refte d^hier au 
foir. Comme on fait des jugemens.. .. ténébreux ! 

Figaro. 
Tu boiras donc toujours ? 

Antonio. 
Si je ne buvois pas , je deviendroîs enrageais. 

Le Comte, ^ Antonio.] 
Me répondras-tu , ou je te chafle ? 
• Antonio, mettant le doigt fur /on front. 
Eft-ce que je m'en irai donc f Si vous n'avez pas 
affez de çk*f montrant fa tête ). . . . pour garder un 
bon domeflique , je ne fuis pas aflèz béte , moi y 
pour renvoyer un fi bon maître. 

Le Comte. 
Mais le reconnoîtrois-tu cet homme? 

Antonio. 
Oui. ... fi je Tavois vu pourtant. 

Su z ANNE, bas à Figaro. 
U ne l'a pas vu* 



LEMARIAGE _ 

Figaro, /j part. 
Bon. 

L E C O M T E. 

^ Eh bien ! après ? 

Antonio. 
J'ai bien voulu courir après ; mais je me fuis baillé 
contre la grille une fi Sere gourde à la main , que je 
ne peux plus remuais ni pieds ni pattes de ce 
doigt-là. 

Figaro. 
Eh bien ! combien te faut-il, plerard,avec tes gé- 
roffiécs r Monfeigneur , il ne faut pas chercher plus 
loin : c'eft moi qui luis fauté. 

Le Comte. 
- Comment ! c'eft vous ? 

Figaro. 
Oui, Monfeigneur : j'étois dans l'appartement de^ 
femmes , en vefte blanche ; il fait un chaud ! .... 
J'attendoiSiitia Suzanne , lorfque je vous ai entendu. 
La peur ma prife au fujet du billet de tantôt , & îe 
fuis fauté fur fes couches, où je me fuis même un 
peu foulé le pied droit. ( Il porte la main à f on pied 
droit , comme s^ilfouffroit. ) 

Antonio. ^ 

Combien te faut-il , pleurard ? , . . Vous êtes donc 
bien grand depuis ce tems-la; car vous étiez bien 
plus moindre & plus fluet. 

Figaro. 
Ah ! c'eft quand on tombe , on fe pelotonne. 

An t o n 1 o. 
M'eft avis que ce feroit plutôt ce gringalet de 
page. 

Le Comte* 
Chérubin. 



« 



DEFIOÀRO. jjf 

F I G A B O. 

Oui : revenu tout exprès de Séville , où il efl peut^ 
être avec foin cheval. 

•'Antonio. 

Non, non , )e ne dis pas çà , je ne dis pas çà ; je 
n'ai pas vu fauter le cheval , moi. 

F I G A K Oi 

L'imbécille ! 

Antonio. ^ 

Pis- que c'eft vous qui êtei faute , il eft juftf'qùe 
je vous donne un brinborin de papier qui eft tombé 
de votre poche. 

Le g o m t e j prenant lepapien 

Un papier ! donne. ( A Figaro. ) Puifque ce pa-. 
pier vous appartient , nôUs ferez-vous la grâce de 
n.ous dire ce que c'eft r Là peur ne vous Tàurolt pas 
fait oublier peut-être? 

F i G ARC. 

Non , certainement ; mais j'en ai tant ! Il faut ré- 
pondre à tout. (Il fouille dans toutes fes pocftes ^ 
& tire plùfieurs papiers, ) Ceci eft la lettre de Mar- 
celine en quatre pages : elle eft belle Ceci eft; 

l'état des meubles du petit château. .... Ne feroiç-ce 
pas la requête de ce pauvre braconnier en ptifon ? . 
ii\\ ! la voilà. ( Il déploie plùfieurs papiers^ f 

Le C o m t e. 

Eh bien î l'homme aux expédicns ^ vous ne devi- 
nez pas ? 

Antonio, s'approcht vers Figaro , & lui dit à 

Toreilte fort haut. 

Monfeigneur dit , fi vous ne devinez pas? 

Figaro,/^ renouffant pour F éloigner. 
Fi donc le vilain qui parle dans le ne2. Ah! 



6q le mariage 

( Le Comte ouvre le papier pour voir ce que c^ejl , ^ 
^ la Comte ffe s^apperçoit en le regardant , fans 
que le Comte la voie , que c'ejl le brevet de Ché-^ 
ruhin. ) • 

La Comtesse, bas à Su:[anne. 
C'efl le brevet. 

Suzanne, bas à Figaro. 

C'efl le brevet du petit page 

F I G A R o , feignant de fe rappeller. 
Atfi le pauvre petit ) que je fuis fâché ! mais 
qu'eft-ce qu'il va faire ? C'efl: le brevet de ce pauvre 
Chérubin que je lui avois donné , qu'il m'a remis , 
& que j'ai oublié de lui rendre. Allons , vite , il faut 
partir. 

L E C O M T E. 

Mais pourquoi vous l'avoit-il remis ? 

Figaro. 
C'eit qu'il y manquoit quelque chofe. 

L E C OM T E. 

Et qu'eft-ce qui y manque ? 

La Comtesse, bas àSu^anne^ 
. Le cachet manque. 

Suzanne, bas à Figaro. 
Le cachet manque. 

Figaro. 
C'éft qu'à la vérité il y manque quelque chofe. 

Le Comte. 
Mais quoi , encore P 

Figaro. 
Peut-être n'efl-ce pas néceflaire ; mais il dit que 
c'efl l'ufâge. 

L E C o M T E. 

L'ulage, Tufàge ! de quoi ? 



D E F I G A R O. 61 

Figaro. 
D'y appofer le fceau de vos armes. 

Le Comte, avec dépit. 
Allons : il fera écrit que je ne faurai rien. . . . J 
[ A part. ] Ceft Figaro qui les mené , & je ne m'eft 
vengerois pas... (I/vfl pourfortir avec la Comtejfe.) 



SCENE XII. 

LE COMTE, LA COMTESSE, FIGARO, 
SUZANNE , ANTONIO , BAZILE , LE 
DOCTEUR, MARCELINE, GRIPPE-SO- 
^ LEIL , troupe de payfans & de payfannes. 



M 



I G A R O. 



ON SEIGNEUR , VOUS fortcz fans ordonnât 
mon mariage ? 

Marceline. 
Sufpendez - le , Monfeigneur , ou plutôt ne l'or- 
donnez jamais. 

Le Comte, à part. 
Ah! voilà ma vengeance arrivée enfin. Eh bien ! 
Marceline y de quoi s'agît- il ? 

Marceline. 
Je viens vous demander juftice. 

L E C o M T E. 
Je vous la tendrai. On fufpendra tout jufqu.auxan- 
nonces de vos titres qui fe feront dans la grande CJle 
d'audietice. '' ^ 

B A Z I L B. 

En ce cas , Monfeigneur , permettez aufS que je 
iaflè valoir mes droits fur Marceline* 



\ 



Mu LE MARIAGE 

F I C A R O» 

Autre fou de U mèm^ efpece ! 

Le Comte* 
Vos droits, va$ drpûs : il vous lied bien de par- 
ler, maître foc. 

Antonio. 
Il ne l'a ma foi pas manquai du premier coup : 
c'eftfonnom. 

Le Comte. 
Honnête Bazile , agent fidèle & fiir , allez , allez- 
vous-en au bourg chercher les gens du fiége. 

Bazile. 
Pour fon affaire / 

Le Comte* 
Oui. • . . vous m'amènerez Vhomme du billet de 
tantôt. 

B A z I r E« 
^ £{l-ce que je Je counpis ? 

L E C O M T Eé 

Vous réfiftez. 

B A Z I I. E^ 

Je ne fuis pas entré au château pour faîxe ks .çpw- 
mîflîons. Homme à talent, orgaiiifte de village, mon 
.emploi eft d'enfeîgner le clavi?cin à Madanxej à chan- 
ter à fes femthes , de la jEnandoIine aux pa^es , Se 
furtout d'amufer la compjagnie de Monfeigneur, 
quand il lui plaît de l'ordontii?/. 

Le Comte. 

Ah J ma compagnie,. 

G E J P P J5 - S o L E î i^ 
J'Irai , mon bon Seigneur , s'il vouis pliiltu 

Le; Comte. 
Qui es-tu ? ' , , ^ 



D s FIGARO. 



«3 



Gr ïp p e-So l bi i. 
Je fuis Grippe-Soleil , mon bon Seigneur, le petit 
paturiau des chèvres : c\eft fête aujourd'hui au vil- 
lage, & j'ai été mandé pour le feu d'arti6ce; & 
comme je fais où qu*eft twice l'enragée boutique à 
procès du pays.... 

♦ Le Comte. 
Ton zele me plaît : vas-y. (A Basile.) Et vons, 
amufez Monfieur pendant le chemin , en chantant 
& en pinçant votre guitarre : il eft de ma com- 
pagnie. 

Grippe-Soieh, ,^//i/2/ des gambades. 
Ah ! ah ! je fuis de la compagnie de Monfeigneun 

B A Z I î. B. 

Moi ! amufer Grippe-Soleil 1 

L B C O WL T E. 

Allez , ou je vous chaflè., 

Basile. 
Allons : je n'irai pas lutter contre le pot de fer i 
moi qui ne fuis 

F I G A K O. 

Qu'une ^rucbe^ 

{Le ÇomH fort. ) \ 

Bazile, va prendre trifiement fa guitarre & dit i 

cfipajfantyà Figaro* 
Si j'ai un confeil à te flpnnejr , ne cpnclus rJen^yant 
mon retour. 

Figaro. 
Vas, vas, ne crains rien , f|u,^nd'tu nerevîendrqîs 
janaais. Tu ne m'as pas l'air en train d« chariter au- 
jourd'hui. Mou ami , veux- tu que je comm^ence eu 
la-mi-la : c'eft pour ma fiancée. [ Ilfkan/t. ] 

J*aime la richeffe , la fagefle de ma Suzoji / pion y fjon , 
pion , pion , f Ion , pion , pion , pion , pion , pion. 



«4' LEMARIAGjE 

{ Figaro chantant y marche à reculons', Ba:^ile le 
Juit , raccompagnant de fa guitarre ; Grippe- So^ 
leil le fuit enfaifant des gambades , & tout le 
monde fort j excepté Sujanne & la Comte Jfe. ) 



SCENE X I I r. 

LA COMTESSE, SUZANNE. 
La Comtesse. 

J E viens de faire là une fotte figure , n'eft-ce pas , 
Suzanne P 

Suzanne. 
. Au contraire , Madame: c'eft-là que j'ai vu com- 
bien Tufage du grand monde donne de la facilité à 
' une femnie comme il faut, pour mentir fans qu'il y 
paroiflè. 

L A C o M T B s s E. 
A près ce qui vien^de fe paflTer , tu t'imagines 
bien quje je n'ai pas envie d'envoyer Chérubin à ta 
. place au rendez- vous. 

Suzanne. 
Je n'ai pourtant pas envie d'y aller non plus. 

LaComtesse. 
Il me vient une idée : fî j'allois à ta place ? 

Suzanne. 
.Mais, Madame ne fonge pas que Monficur le 
Comte , allarmé par le billet de ce matin , pourroit 
imaginer , en vous trouvant. . . . 

La Comtesse. 
Vas I vas ; j'ai tout prévu : le bonheur d'un pre- 
mier 



s 
I 



D Ë FI G A R O. 6^ 

mier hafard m'engage à en tenter un fécond. Sur- 
tout n'en parle à perfonne. 

Suzanne» t • 
Ah ! & Figaro ? ' 

La Comtesse. 
Non : il voudroit y mettre du fien. Allons , vas 
me chercher ma canne & mon mafque; je veux aller 
faire un tour fur la terraffe pour y rêver. 



Nifc I. j « ^^ i I 



I 



SCENE XIV. 

La Comtesse ^ feule. 



z eft bien effronté, mon petit projet! {ApperCtvant 
fur un fauteuil fort ruban qu'elle avoir repris 4 Ché- 
rubin.) Ah ! mon cher ruban ! vas , tu ne me quitte- 
ras plus : tu me rappelleras la fcenç oi^ce rï|alheu- 

reux enfant Ah ! Morifieur le Comtfe , qu'avez- 

vous fait ? £ Elle met le nàjan dàn$ fan fçifù ] 



SCENE X yr 

LA COMTE S SE , S V Z-A N N E. 

■ ' - 

S u z ANNE, apportdht à Id Càmtejfe fa canne & 

fohmafque. / - 



I 



1' 



_i eft charmant , Madame, votre projet; Je viens 
d'y réfléchir : il rapproche tout , iPcehcilie tout; & 
quelque chofe qui purflfe arriver , mon mariage eft 
affuré* [Suzanne fort avec la Çomtejfe \'<n lui baifant 
la main. ) . - .-: 

Fin du fécond A3e. 



oS LE MA RIA E 



i-trr^-- 






ACTE TROISIEME. 

La fcene reprifente une falU é[ audience. Le fau- 
^ teuildu Comte e(l au milieu fur une efrade ; des 

fateuils à côté font pour les confeillers ; deux 
Y bancs fur les côtés pour les avocats Au bas de 
i Tejtrddc du Comte font la table & le tabouret du 

greffier. 



SCENE PREMIERE. 

LE COMTE, PÉDRILLE,^;? 

hottes fortes & un fouet à la main. 
Li Co.MTB, donnant à Pédrilk le brevet. 

P 

Jl ÉDRmE,-vole tout d'une haleine à Sévîlle. 

II n'y a que trois lieues ; mais elles font bonnes* 

Le Comte, / 

Informes-toî fi le Page eft arrivé. 

PéDRIXXE. 

A rhôtd , Monfeigneur ? ' 

L E C o H X E. 
Qui ; & remets-lui ce paquet. 

Pedrix.xe« 
Et s'il n^eft pas arrivé ? 

L E C o M T E» 
Revient f>ltts vite m'en inflruire. 



DE ^ I G A R O: 6j 

PÉD|t.II.I.E. 

Je pars. [ I/yor/. ] 



SCENE II. 

Le Comte, ftuL 

J'Aîfaît unegaucberte d'éloîgRer Bazîle: il m*eût 
été uiiJe,.. Je ne eoaçcisrîen eneer* \ ràvemure de 
' tantôt. La Comtefle effrayée à mon arrivée, la c4- 
marifte enfermée , un homme qui faute par la fe- 
tiétfe , Figaro qui prétend que c'eft lui. . . . Ma foi 
le fil m'en échappe... Que mes geîis fe peHnettent 
entre eux quelques privautés, qu'importe à gens de 
cette étoffe ; mais k Cômteflfe . . . Ak / e{le' fe ref- 
peâe , & mon honneur. . . > Oii diable Ta-t-on été 
placer î . . . Figaro ne vient pas : tâchons dé démêler 
adroitement la vérité dans la converfation que j^ 
vais avoir avec lûî. 



mmKBmaamt^^mimmm 



■**mmm*r*m* 



: $Ç E NE I I ?.. . : 

i^ ç . c O ^I T ^, F I G A a p, - 

Le C o ¥i ,t y> ^ft croyant f exil. 



ACHoVsauflîde découvrir ç^îji fait mt% defleînj 
fur Suzanne , & fi çjle a j^ifé* Je lui fais époufer là 
yîeilif, . . Ittàis qijç ferons-npijs .de la ieune ? - 
Figaro ^t. à part. 
Ma femme , s'il vous plaît f 



68 LE MA RI A G B 

Le C q m t e. 

Quî eft là ? [ Voyant Figaro ] Que faîtes- vous- 
là , Monfieur ? 

Figaro. . 
^ Monfeigneiir , je venoîs me rendre à vos ordres. 

î . L, E Ç p m T. F. 

Qu'efl-ce que vous difiez-là ? 

F I G A R O. 

Rien , Monfeigneur. 

L E Ç O M t E. 

Mais pourquoi ces paroles » ma femme , s'il vous 
plaie ?» ,_ 

Figaro. 

Oh , rien ! c'e(lla>iin d'une réponfè que je faifois.» 
Allez le djre ^ ma femme ., s'il vous plaît ». 

: - L E Ç o ' M T E, 

Vous vous êtes bien fait attendre. 

Figaro. 
Cèà que je m'étois Cali en tombant fur ces cou- 
ches; & je me changeois. 

L E C o M T 5E. 

Les domefliques ici font plus longs à s'habiller que 
les maîtres. 

F I g. A R o. 
C'eft qn'ils^n'ont pas de valets pour les aider. 

_ , L s C.o M T E. 
Vou^ fâtei bien hardr tanéo^de^feuter par cette 
fenêtre. 

Figaro. 
Ne fembleroît-il p^ , à vpus entendre , que je mt 
fuis engouffré tout vif. ". : * 

.L E C p M'T E. . . ^ 

N'effayez pas de fnè donner le changé ' , en feî-i 

gnant de le prendre voùs-nietne , infidieux^valet • 






DE FIGARO. 



h 



* 4 

VOUS entendez bien que ce n'efl pas le danger qui 
m'inquiète ; mais le motif. 

Figaro 
J'étoîs dans Tappartement des femmes iorfque 
vous êtes entré. Sousunfoupçoa, vous faifiezun va- 
carme horrible, renverfant tout , comme le torrent 

de la Morena Il vous falloit un homme, il vous 

lefalloit , fans quoi vous alliez brifer les cloifons, 
enfoncer les portas : la peur m'a prife àToccafion du 
billet de tantôt. Que faîs-je , moi , ce qui me feroit 
arrivé , fi vous m'euffiez rencontré dans votre em- 
portement f ■ 

Le Comte, 
Eh bien , vous pouviez defcendrépar Tefcalier. 

Figaro. 
Oui i 8c vous me prendre au corridor. 
Le Comte, avec humeur. 
Au corridor... .V ( A fart. ) Mais je m'écarte. 

Figaro, à part. 
Il veut me fonder; voyonsle venir,& jouonsferré. 

Le Comte.. 
Figaro , je devois t'emmener à Londres. • * ' 

Figaro. 
Monfeîgneur a changé d'idée ? 

Le Comte. 
Plufieurs raifons m'y ont déterminé : première- 
ment tu ne fais* pas l'Anglois. 

F' I ^g A R o. 
Je fais god dem. 

'Le Comte* 
Qu'eft-ce que tu dis ? 

F I g a r o. 
Je h'sgoddem. C'eft une belle langue que l'An- 
glois ;il en faut peu poar aller loin. Avec goddcm f 

Ê3 




70 LE MA KÎAQ E. 

en Angleterre ^ on a tout ce que l'on veut... Voulez- 
vous râc'er d'un bon poulet gras ? Entrez dans une 
taverne , faites feulement ceci , ( il fait le Jîgne de 
qtulquun quitoarne la broche ) & dites goddem , 
on vous apporte un pied de bœuf falé fans pain. V ou-. 
kiC- vous goûter d'une bonne bouteille de Bourgo- 
gne , ou de clairet ? ( Il fait le gefte de quelqu'un 
qui détouche une bouteille. ) Dites god dem , on 
vous fert un pot de bierre en bel état , la mouiTe au 
bord ; c'eft charmant. Voyez-vous , à la promenade, 
une de ces belles qui vont les yeux baiffes , trottant 
menu , les coudes en arrière, & tortillant des han- 
ches ? Mettez mignardemenr les doigts réunis far la 
bouche , dites ; god dem ; elle vous flanque un 
grand foufflet de crocheteur , premve qu'elle entend.. 
On fait bien que les Anglois mettent encore dans le 
difcours quelques mots par- ci , par-là ; mais il n'efl 
pas difficile de voir que god dem t^ le fond de la 
langue. 

Le C o M T E 9 À fart* 

Bon ! il a. envie de venir à Londres. Suzanne n'a 

pasjafc 

F I G A R Oy-à part. 
Aftuellement travaillotis-le Un peu dans ibn^enre. 
Il, B Comte, appelle Figaro du doigt , Figaro 

approcha / & H Cornue liéipaffe amicalemem le 

Iras autour du cou. 

Figaro , dis-moi donc quel.mptîf avoir la Corn- 
tefle pour me traiter comme elle a fait tantôt f 

.Figaro, 

Monfeigneur , vous le laves mieiix que inoi. 

L B C p M ; T E. 

Qu'a- tr elle à me reprocher ? Je vais au - 4evant 

.de tout ce qui lui fait pJaiâr ; je UcQcnble^e(^é&». 



D E F I G A R O. 7ï 

Figaro. 
Oui , mais vous êtes infidèle : fait-on gré du fu- 
perflu à qui nous prive du^éceflaiie ? 

Le C o m te. 
Figaro , autrefois tu nae cjifois tout. 

Figaro. 
Et maintenant , Monfeigneur , je ne vous caclie 
rien. 

L E C o M T E. 

Combien la Comtefle te donne- t-ellç pour cette 
belle aiTociation ^ 

F I G A Jl o. 

Combien me donnâtes - vous poUr la f ifef des 
mains du Dofteur ? Tenez , Monfeigneur , n'avi-^ 
liiTons pas l'homme qui nous fert bien , de peur d'en 
faire un mauvais valet. 

L B C o !( T E. 

Mais pourquoi y a-t-il du louche dans tout ce que 
(u dis & ce que tu fais ? 

F I o A R o. 

C'eft qu'on en trouve toujours quand on cherche 
des torts. 

L E C o 1^ T 6. 

Je t'ai vu vingt foi$ courir à la fortune. 

F i G A K o« 
C'en efl fait , Moafejgneur ; j'y ai rjeagsncé. 

L B C o M T £• 

Ah ! par exemple 9 voilà dujioiiveau. 

Figaro. 
Que voulez-Yous , Moofeigneur ? La foule eft là , 
chacun y court , on fe cQudoye , ie ^rand nombre 
cft écrafé pour y arriver , & fauve qui peut. 

L B C o M X s. 

jTu t'e; im ift plus affirenitf xéputaûpou/ 

E 4 



72 LE MARIAGE 

Figaro. 
Si je vaux mieux qu'elle ? Y a-t-il beaucoup dfr 
feigneurs qui en puiffen%clire autant ? • 

L E C 6 M T E. 

Ainfi tu n'as pas envie de venir à Londres ? 
Figaro, à part* 

A mon tour à préfent. ( Haut. ) Monfeîgneurm'a 
donné la conciergerie du petit château :c'eft un très*- 
joli pofte. Il eft vrai que je ne ferai pas le courier 
étrenné des nouvelles intéreflantes ; mais aufli,tranr 
quiUe avec ma femme au fond de TAndaloufie. ... 

L E C O M T E. 

Qui t'empêche de l'emmener avec toi à Lon- 
dres ? 

Figaro. 
Je feroîs obligé de la quitter fi fouvent. . . . J'auroîs 

bien-toc du iiiariage pardeffus la tête. 

Le ComtEi^ part. 
Je crains bien que Suzanne n'ait jafé- ( Haut. ) 
Avec des talens & de l'efprit , tu pourrois t'avancer 
dans les bureaux. 

Figaro. 
De l'efprit pour s'avancer ? Monfeigneur fe rît dut 
mien. Médiocre 6c rampant , l'on arrive à tout. 

Le c o m 't e. 
D'ailleurs , tu aurois pu apprendre fous moi la 
politique. 

Fi g a r o« 
Je la fais. i 

Le c o m 1* b. 
Oui ; comme TAngloîs , le fond de la langue. 

Figaro. 
Oui; s'il y avoit de quoi fe . vanter ; mais avoir 
l'air de favoJor ce que l'on ne Jfaic pas ^feindre d'ignor 



./■^ 



DE FIGARO. 75 

rer ce qu'on fait , paroîcre entendre ce qu'on ne com- 
prend pas , ne point ouir ce que Ton entend , fur - 
tout voir au delà de fes forces , avoir pour grand fe- 
cret de cacher qu'il n'y en a aucun , s'enfermer pour 
tailler des plumes , quoiqu'on ne foit , comme on 
dit , que vuide & creux, jouer un perfonnage bien 
ou mal, répandre des efpions , penfionner des traî- 
tres, amollir des cachets , intercepter des lettres, 
cacher la pecitefle des moyens par l'importance de 
l'objet ; voilà toute la polique. 

L E C O M T E. 

Mais c'eft Tintrigueque tu définis là, 

Figaro. 
L'intrigue , ou la politique; comme je les croîs un 

peu germaines Au veAQ,/ainie mieux ma mu 

au gué , comme dit la chanfon du bon Roi. 

Le Comte, â part. 
Suzanne a trahi mon fecret : je lui fais cpoufer la 
vieille. 

F I G A R o , /i part. 
Je l'énfile , & le paye en fa monnoye^ Il a youla 
jouer au fin avec moi ; qu'a-til appris ? 

Le Comte. 
Ainfi , tu crois gagner tonr procès. 

Figaro. 
. Puifque Monfeigneul: ne fe fait pas fcrupule de 
nous fouffler toutes les jeunes , pourquoi me feroit-il 
un crime de refufer ufle vieille ? 

Le Comte. 
Au tribunal , le magiftrat s'oublie ; il ne conjioît 
que l'ordonnance. 

F I G a r o. 
Oui : indulgent au2 grands , dur aux petits. 



74 ^'E MA RI A G E 

Le Comte. 
Crois- tu donc que je plaifante ? 

F l G A R O. 

Et qui fait,Monfeigneur f Tcrtpo & galant-homo... 

di ritaliano. C'eft lui qui m'apprendra Eft-ce là 

tout ce que Monfeigneur me vouloic p 

Le Comte. 
Vois s'il ne manque rien dans cette falle ppur 
l'audience. 

Figaro. 
Tout eft prêt; le grand fauteuil pour Monfeigneur ; 
leschaifes pour les prud'hommes, le tabouret pourle 
greffier ; les deux bancs pour les avocats ; le parquet 
pour les honnêtes gens , & la canaille derrière. 



^P^^^-^MPii*»— ^■yi'^'»**'^^'^^*^— — — ^— — ^— J 



c 



SCENE IV. 

Lb ÇoMTfi, feuL 



>E drôIe-là fait tou)ours prendre fes avantages: 
il vous ferre, il vous entortille. .... Ah ! frippon & 
fripponne ^vous vous entendiez pour me tromper ! 
Soyez amante , foyez amants , foyez amis , foyez 
tout ce qu'il vous plaira; mais parbleu pour époux... 



"^é^ 






V 



DE FIGARO. 7% 



S C E N E V. 

LE COMTE .SUZANNE^ 
Suzanne, 

J[Vloî^sErGNKUii,Madameafes vapeurs; je viens 
vous demander fon flacon de fel d'Angleterre : je 
vais vous le rapporter dans un moment. 

Le CojtfXJSi dun air très-froid. 
Mademoifelle. 

S U Z A K N E. 

Monfeîgneur efl en colère f 

Le C o m t is> 9 lui donnant fon flacon. 

Tenez y Mademoifelle^ gardez -le pour vous 
même , vous .en aurez bientôt befoi-n. 

Suzanne. 

Monfeîgneur , efl- ce que les femmes de mon état 
ont des vapeurs / c'eft un mul de condition qui ne 
fe gagne que dans les boudoirs. 

L E C o M T B. 

Une fiancée qui perd fon fiaacé , & qui le voie 
dans les bras d'un autre.. « . 

Suzanne. ^ 
Monfeigneur, en payant Marceline avec la dot 
^ue vous an'avez promlife. ... 

Le Comte* 
Je vous ai promis une dot , moi ? 

S u z 3à N N s. 

J*avois cru revendre. 

L E C o M T E. 

Oui : fi vous vouliez m'entendre à votre tour ? 



76 L E M À RI À G E 

Suzanne. 
Eft-ce que mon devoir n'eft pas d'écouter Mon- 
feigneur ? 

Le C o !d t e. 
Eh ! cruelle fille , que ne me le difois-tu donc ce 
matin ? 

Suzanne. 
Et le page qui étoit derrière le fauteuil. 

L E C O M T e. 

Elle a raifon : mais pourquoi étois-tu fi rebelle 
lorfque Bazile te parloir pour moi ? 

Suzanne. 
Monfeigneur , quelle néceffité qu'un Bazile ! . . . 

L Bi C o M T E. 

Elle a raifon , toujours raifon.... ( A part. ) Avec 
un grain de caprice , j'en rafolerai. ( Haut. ) Ainfi tu 
te rendrois ce foir au jardin ? 

Suzanne. 
Monfeigneur , efl-ce que je ne m'y promené pas 
tous les foirs ? 

Le Comte. 
Entendons- nous , Suzanne : point de rendez- 
vous , point de cfot , point de mariage. 

Suzanne. 
Mais auifi, point de mariage ^ point de droit du. 
Seigneur. 

L E C o M T E. V 

Charmante ! mais où prend-t-elle tout ce qu'elle 
dit r Vas donc , Suzanne ; tu oublie que tamaîtrefle 
t'attend. 

S u z A N N lî. ^ lui rendant le fiacon. 
Eh ! Me nLi^neur, i ouvois-je vous parler fani un 
prétexte ? 



Û B FIGARO. 



77 



Le CoMTE^i part s'en allant. 
Charmante fille ! fi je l'avois eue fans débats, elle 
auroit été mille fois moins piquante. 



Q 



SCENE VI. 
SUZANNE, FIGARO. 

Figaro. 



,u*EST-ce donc que tu faîs-là , mignonne ? 

Suzanne. 
A préfent , Figaro , plaide tant que tu voudras ; 
tu viens de gagner ton procès : viens , viens , je vais 
tè conter cela. [Ils fortent. ] , / ' 




se E N E VI I. 

Le C 6 m t ^^feul^ ayant tnttndu Sujanné. 

î 

>>JL LAIDE tant que tu voudras , tu viens de ga- 
gner ton procès ». Ah ! je. donnois-là dans un beau 
piége^ AhJ mes infolens } mais je faurai m'en ven- 
ger. Un^bon arrêt , là. . . . bien jufte. Oui. . . . mais 
s'il alloit payer ^>. . bon ! payer ; avec quoi ? Et d'aif- 
M^^^Ai^]^\r]^ pas le fier Antooio , dont le noble or- 
gueil doit dédaigner un Figaro , un inconnu pouç 
allié ? Dans le vafte champ de Tintrigue j il faut tout 
cultiver , jufqu'à la v^^té d'un fot» 



1 



^« LE M A Ri A G\E 



*MHBHMM 



' P * ; > * ■ I m ■ Il I m il » ,m g i i i ■ f i i > i^ i i ■■ mi i i ■ ■■ i >» ■ ■ ■ I , >■ 

^ SCENEVIII. 

DOM-GUSMAN, BRIDE-OISON, 
LE DOCTEUR,MAli CELINE, 

• M K |t CE X r N e* 

JVI oNSiEUR,je viens vous conter àion affaire. 

Bride-Oison. 
£b bkn ! IVafoiisfèa verfaalem«iit. 
Le D V'C t e V r. 
C^'eft MM promefle de iiùriage. 

M A R C-E X: 1 N B^ 

Accompagné d'un prêt d'airgçatA , . 

Bride-Oison. 
J*en-entend , vous avez la-a fomme? 

Marceline. 
Non , Monfieur : c*ei| lut ^uf bi^ la doit. 

Br I DE-Ol S O N. 

l'enren'tends biff ; Yi>iiroUf^tq.u|eï qu'il vôu-ow 
paye f 

Marceline. 
iHon, Monfieur. 

Bride -OfVoK; ^ 

Ma*?» fen-entends fort bien. Il ne veut p^s wu^ 
ous payer? ; 

' M a R CE L r N -B. 

< • • • ■ • 

Efi ? non, Monfiew : ç'^ft lui qui' ne yèur paÉ 

m'époufer. - /' 

•B R f D 5 -O l s o N. 

Eft-eft-eft-ce que vou-ous croyez que je ne vol*' 
ous en- entends pas donc f 



> t 



V 



DE FIGARO. 7^ 

Marcs I.IN.E, bas au Docteur. 
Oàfcftnmes-nous ?( Haut à Bride-Oijbn. ) Mon- 
jfieur, eft-cevous qui nous jugerez? 

Bride-Oi$pn> riant. 
Eft-efl-efl'ce que j'ai a-acheté m'a-ackarge pour 
au-autre chofe donc f 

M A R C E I. I N E. 

C'eft un grand abus que de Vendre les charges. 
Bride-Oison. 

Oui : on- on feroit bien-en mieux de nou-ous les 
donner pour-our rien, fi'eft-ce pas ? . . . & con- 
onrre qui plaidcz-vou*otil5 donc? : 



**■! Ml ■ «I « Il I 



SCENE IX. 

LE DOCTEUR, MARCELINE, 
B R I D E-O I S O N, F î G A R O', 



Marce likb; voyant entrer Figaro. 



c 



fONTRE ce malhonnête hotnme-Iâ. 
Brid.e-Oison^ 
Mftis,^ ) ai-ai vu ce garçon que-elque part .? 

Figaro. ^ 

A SévîUe , Monfieur, cfeezJVÎadame votre éptftrfe/ 
pour U fcrvir. 

Bride^Dison. 
D^n-ans quel têms ? 

F I A R o 
Vn peu ifkoitis d'un ans ,, avant la naiflançe de 
Monfieur votre fils cadet , qui cft un joli garçôtt , je 
m'en vante. 



tô L E MARÎ A G E 

Bride-Oisoïîî. 
Ouï : c'eft-eft le plus jo-oli de tous. .... On dît 
4jue tu-u fais de-es tiennes ici ? 

Figaro. 
Ah ! Monfîeur , une mifere. 

Bri d e-Oi s on, riant. 
Ah ! une mi-ifere, une pro-onleffe de ma-arîage. 
A-as- tu vu le greffier , ce bon ga- arçon mon fecré- 

taire? 

Figaro. 

Double-Maîn ? ^ 

B R I D B - O I s o N^ 

' Oui : ah ! c'eft qu- 'il ma-ange à deux râteliers. ] 

Figaro. 
Il mange ! je vous garantis qu'il dévore. 
Bride-Oiso;n. 
, Ehfcfen! l'a-as-tu vu ? 

Figaro. 
Si je l'ai vu ! & pôUr l'extrait & pour le fupplé- 
ment d^éxtrait ; que fais- je moi ? ^ 

Bride -O i s o n. 
Oui : tu a-as rempli, la-a forme. 

F l G A R X). .. 

Si le fond des procès appartient aux plaideurs , on 
fait bien que la forme eft le patrimoine des tribut 

naux.;- , , . . • 

B R .1 D E-O I s o N. 

Ce ga-arçon- là n'eft pa-a5 fi bête que }e l'a-^avoîs 
cru d'a-abord..... Si bien donc, que tu-ucro-oyois 
gagner ton- on procès ? 

f : , - . F l G A R Q. 

.Oui: avec mon bon^ droit , & votre équité; 

quoique vous foyez de notre juftice. 

^ * Bride-Oison. 



^f^r^^^i^ 



DE PÏÙ ARO. 



8 



Bride-Qiso H- 
Oui : Je-e fuis de la ju-aftice ; mais fi tû»ù dois ^ 
èc qtte tu-u ne pay-aye pas ? . . ^ 

Figaro. 
Allons , Mônfîeur voit bien que c'eftxonlme (î jô 
he devois pas. 

BaiDK-ÔlSONé 

Il a-a raifôn. [ Figaro fe met à rire. \ , 




SCENE X. 

Le DOCTÈtJR /MARCÈLtNE^^ 
FIGARO, BRIDE-OISON, 
L'HUISSIER -AUDIENCIER, 
LE G O MT E , TR O I S CONS EILLERS , 
DOUBLE-MAIN. 

L'H UISSIBK-AuBIÉKCtÈRi 

V o\ tTfxMonfeignéUr , Meflîeurs. f Èride- OifoH^ 
ê' les autres s'avancent poui- recevoir le Comte, J 

Le g o m t e. 
En robe, Bride-Oifon ! c'ett une affaire domeftî* 
que ; feis habits de ville étoient aflez bons; 

P R I D E - O I S' o N. 

La-aForme,Mbnfeigneur. Te-éncz tel qui-i fe rie 
jdWunjuge en ha^habit- court ,- trempe à Ta-af-- 
ped d'un prô-ocureur eh'-enrobè. La-a^forme,M0a« 
îeigneur , la-a forme. 

L E Ç 6 M t Èi 

. traites entrer raydieniE($. 






8x Le MARIAGE 

L'H U I s SI E R-Au B I E N C I B R. 

L'audience , Meffieurs^ ( Une foule de pay/ans 
entrent ^&fe rangent derrière les confeillers. ) 



SCENE XI. 

LB COMTE, BRIDE-OISON, 
TROIS CONSEILLERS, DOUBLE- 
MAI N, L'HUISSIER- AUDI EN CI ER, 
LE DOCTEUR, MARCELINE, 
FIGARO. 

Jjt Comte s'affied dans le fauteuil fur tefhade ; les 
Confeillers & Bride-Oifon dans les fauteuils qui 
font au bas de celui du Comte , Double- Main fur 
un tabouret devant une petite table s Figaro au 
bout du banc , les avocats à la gauche du Comte j 
Marceline & le Docteur au bout dubanc adroite. 



D 



Bride-Oisok. 



ou-ouBLE-M MN ^ a-Eppellez les pla-acets. 
L'H^u I s s 1 s r. 
Silence^ Meilleurs. 

Double-Maik, tenant un placée 
Noble , très-noble, infiniment noble , Dom Pedro 
Georges îdalgo , Baron de Laufalto , Petros-mon- 
tes , AUo-montes ; contre Dom Cadérode , auteur 
tragique. Il s'agit d'une tragédie mornée , que cha- 
cun renie , ic rejette fur l'autre. 

L B C o M T E. ' 

Ils ont raifon tous deux. Ordonnons qu'ils en re- 
^mmenceront une enfemble j mais afin que l'ou^ 



/ 
r>EFÎGARO. «3 

Vtage marque dans le grand monde , le noble y 
mettra fon nom , le poète fon talent. 

Double-Main. 
Silence donc ; MeffieUrs 

L'H u I s s I E R. • 
; Silence , Meffieurs. 

Doublk-Main. 
Dom Petrocîo , laboureur , contre le receveur de^ 
tailles. Il s'agit d'un forcement arbitraire, 

L E C O M T E. 

La ferme n'eft pas de mon relTort. Je ferviraî m ieux 
mQS vaflàux, en les protégeant près du Roi : Paflèz. 

D o u B L 1b - M A r N. 
Aga-Raab Judith , Madelaîne-Nicole-Marce- 
line de Verte Allure ; contre. . . Figaro : nom de 
"baptême en blanc. ' 

Figaro. 
Anonime. 

Bride-Oison. 
A-Anonim«- ! qu-el eft ce pa*atron-Ià ? 

Figaro* 
Oeft le mien. 

Doûbie-Maïn. 
• Contre Anonime-Figaro. Qualités ? 

Figaro. 
Gentilhomme. 

L E C o H» T E» 

Vous êtes gentilhomme ? 

Figaro. / 

Si le ciel Teût voulu , je ferois le fils d'un prîncey 
Double-Main. / 

Contre Anoninrc Figaro , gentilhomme. Le Dyoc- 
teur Parcfaote plaidant pour ladite Marceline/ de 

Fz 



84 LE MA R lA Ô E 

Verte Allure, & ledit Figaro pour lui-même ,Ciitk 
Cour le permet , contre le voeu de l'ufage. 

Figaro. 
L'ufage , maître Double-Main , eft fouvent un 
abus* Les parties favent toujours mieux leur caufe 
que certains avocats qui, fuant à froid , crie à tue- 
tête ; fâchant tout ^ hors le fait ; s'embarrafTant auffî 
feu de l'intérêt de leurs clients , que d'ennuyer Tau- 
ditoire & d'endormir ; iVîeffieurs auffi bourfoufflés 
après cela que s'ils euïTent compofé roratio pro mu^ 
rcna. Moi, j'ai fini en deux mots [ Se tournant vers 
le Comte & les Confeiïlers. ] Meffieurs. - . . . 

!Doubie-Main. 
Taifez - vous , taifez - vous : en voilà beaucoup 
trop. Vous n'êtes pas demandeur , & voiis n'aver 
que la défenfe. Approchez , Dodeur , & lifez la 
promefle. 

Lb Docteur, lifant. 
y» Je reconnois avoir reçu dé Nicole Marceline 
» de Verte Allure , la fommede deux mille piaftrei 
35 fortes , que je protnets lui rendre à fa première 
I» réquifition dans le château d'Agoas-Frefcas, & )e 
30 l'épouferai ^<^. Mes conclufions tendent à l'exécu- 
tion de la promeffe & au payement du billet. « . . ; 
Meffieurs , jamais caufe plus incéreflante ne fût fou- 
mife à la décifion de la cour ; & depuis Alexandre 
le Grand qui fit une promeife de mariage à la Reine 
Talellris, . . 

L K C o M T E. 
Codeur , avant d'aller plus loin. , t:onv{ent-on de 
l^a validité du billet ? 

Figaro, 
Il y a, Meffieurs, malice , erreur , ou djftradioa 
dai is la manière dont on a lu le billet ; car il n'y a 



T> E Fï G J ROr «j 

pas » que je promets lui rendre dans le châteaiï 
d'Agoas-Frefcas , &je Fépouferaî ; mais ou je ré- 
pouferaî » ce qui eft bien différent. 

L B Ç O M T B. 

"Comment y a-t-il fiif le biltet ? * 

Lb DOCTBITR. 

Il ydL&. ^ 

F I G A K O. 

Il y Si OU, 

Bride-Oison. 
Dou-ouble-Main , prenez la-a promeffê , & lî- 

fez-Ia vou-ous-même. - * 

D O U s X K - M A I N^ 

' Ouï ; car les parties font fouvent infidèles dans 
leur lefture. ( 5*^ tournant vers les auditeurs. ) Mais, 
Meffi.eurs , un peu de fiiënce , doncr? 

L*HuiSSIEK-AuDI. ENCIER. 

Silence , Meffieurs. 
Doij BLE- Ma IN , Kfant pendant que Bridc" 

Oijon Rendort. 
3» Je reconnoîs. ; . Marceline de Verte Allure.... 
» dans lechâtea d'Agoas-Frefcà»,&.'.;E..T\.O..U.. 
si &... ou... 33 Ceft fi mal écrit , & puis il y a un 
pâté. • 

B R I D 5-Ô I s o N , s'éveillan^. 
Un pâ-âté ! je faisais ce que c'eft. 

LbDocteur. 
Eh bien , Meffieurs , à h bonne heure-; point de 
chicanne : nous voulons bien qu'il y aif ou / & nous 
raccordons. 

Figaro. 
J'en demande aflç. 

L E . D oc •» E TT k» • 
Et nous y adhérons ; mais je foiitiens que , même 

F3 



8« LE MARIAGE. 

en ce cas , le coupable ne peut échapper , Meflieurs. 
En efièc , cette fyilabe eft la copulative , ou , qui 
joint les deux membres de lapbrafe. C'efl ainfî que 
l'on diroit ^^ Meflieurs , vous vous^ ferez faigner dans 
votre lit, où vous vous tiendrez chaudement, ou 
dans lequel vous vous tiendrez chaudemet«t. Vous 
prendrez deux gros de rhubarbe , où vous mêlere2iuii 
gros de tamarins ^ jOu dnns. lequel vous mêlerez un 
gros de tamarins y^, Ainfî , Meflleurs; ,, Que je lui 
,y rendrai dans le château d'Agoas^Freicas , où je 
^ l'épooferai ^. C'eft comme s'il y avoit ^^ Dans le» 
„ quel je répouferai „• 

F I- G.A. R O. 

Cette fyilabe e(t Talternative, ou , qui fëpare les 
deux membres au relatif, & je foutiens que c'eft le 
ièns de la phrafe^^'efiainfi que l'on diroit, MefTieurs^ 
ou la maladie vous tuera , ou la médecine : ou bien , 
ce fera le médecin. Autre excn^ple : ou m'écrivez rien 
de bon , ou lesfots s'élèveront contre vous ; ou bien 
les fots s'élèveront contre vous. Ou les méchans vous 
dénigreront : ou bien les méchans vous dénigreront: 
car y audit cas ^ Jot ou méchant font les fubftantifs 
qui gouvernent. Ainfi , c'eft commç s'il y avoit 
,, que je rendrai à ladite Marceline de Verte AU 
„ lure, dans le château d'Agoas-Frefcas, ou bien ^ 
jj î'épouferai la dohzelle ;,. Rien de phis clair. 
Mahre Bartholo croit-il donc que j'aye oublié ma 
fyntaxe ? Il parle latin; je fuis grec, moi; jeFex- 
termine. 

Lé Docteur. ; 

Ce n'eft pas le fens de la promefle. 

F I G A R o. ' 

MefCeurs | il n'y a qu'avoir la ponâuatlon.^^Quq 



^ w i • w. 



DEFÎGARO. «7 

je lui promets rendre dans le château d'Âgoas-Fxef- 
cas , virgule , ou je Tépouferai ». 

Lb Docteur.* 
Sans virgule. 

Figaro. 
Elle y eft. 

L B D O C T B t7 R. 

Elle n'y eft pas. ■ 

Figaro.- ' 

Elle y étoît : on l'aura gratée. 
Le Comte fe levé , & les juges fe riunijfent pour re- 
cueillir les opinions. 
L E D o c t E u r.' 
Il n'y a que vous ici qui foyez capable d'une pa« 
reille frippennerie. 

Figaro. 
Maître Bartholo , défendez votre caufe ; maïs ceP- 
fez d'injurier. Lorfque les tribunaux confidérerent 
que fouvent les parties perdroîent une bonne caufe 
par l'ignorance aes moyens , ils ont admis des tiers ; 
mais ils n'ont pas entendu qu'ils devinffent des info- 
Jens privilégies : ce feroit dégrader le plus noble 
înftitut. 

Le, Docteur. 
Balle ! bafte ! 

Marceline, /72/ Doâeur. 
On a corrompu le grand juge ; il corrompt les 
autres^ & j'ai perda mon procès. 

Le Docteur. 
J'en ai peur. 

Dou B lb-Main ^ entendant Marceline. 
Ah ! c'eft trop fort. Je vous dénonce ; & pour 
l'Honneur du (iége » je demande qu'avant fiiîre droit 
£ur l'autre aflfaire , Û foit prononcé fur celle-ci* 

F 4 



,L E , Ç o M X n, /affeyant. 
Non , greffier : >e ne pronpnçeràî pas fur mon îa* 
Jure perfônnelle* Un juge Efp^gaql n'aura pas à rou-.^ 

fîr d'un excès pareil^ digne , tout au plus , des tribu- 
un^ux a(iatiques : c'efi ^C(çz des autres abus ; j'ei> 
vais corriger un ; je vais motiver mon arrêt* Toyt 
juge qui ?'Y reftife eft uwgr^nd enneçai des loîx. Silq^ 
^efendçur vçut garder fà perfonne ^ à lui permis^ 

F i Q 4 R a. 
J'ai gagné, 

L s C o n 7 iç. 
Maïs Gomm^r le tex&ç dit : v jfi payerai ladite de* 
^ moifelle/ou je l'épou^ferai». La cour condamna 
]ç ^éfçnd&pt à pf^y^r à kdise demoifelle la iomme 
çle deux milie pfa|lre^ fortes d;^ns {ç jour, ou à Té-? 
fpufer, 

::^ V l G A ^ O^ 

J'ai perdu, 

Z^e Com€ 4^fcind dcfonfiigt , & hs Çonfeillert 

Antonio. 

Supçrhe arrêt 1 

Figaro. 
In quoi A^pçrhç ? 

A N T o N r o, 
In ce q[U^ W i>e (er^s plus mon ncYev, 

-FIGARO. 

D^îlleurs , homnie qui époufc n'eft p|s tepu? df 
liébourfef. . . - . ' 

Le Docteur. 
Nptt5. jT^Qtts mations fép^rés de biiehs, 
, F I G A R ô. 

Çi ipw4 ^e çôrps ; j)uifq[uc içaiy^gç a'eft pas qiiif* 



i' 



irE Fi G AK or. 89 

Me voilà vengé : au moins cela foulage. [ATHuifi 
Jler ) Faites fqritir l'audience. 

Li'H û I 5 s ï B 93.-A y P I 8 N c I E K» 

Sortez , Meffieurs, 

L'HuiJ/îerj les trois çanf allers , <& tous les pay^ 
fans fortent. , . 




s C E N^ 3Ç I r. 

LE C O M T E, B R I D E-0 1 S O N: t E 
DOGTÎEUR/MACËLINJ;. - 

F I G A II , moritranf Bridc-Oifon.^ . 

C' ' • '• 

*E ST çe gros enflé de confeiHer-1^ qui eft cî^ufe ' 
que j'ai perduj^ 

Bride-Oison. 
Moi ! eft-ejft-çe que je fuis un gro-os enflé , moi f 

F I G* A R o. 

Mais ce n'eft pas encore fini ; je ne me marierai 
pas fans le confentement de mei nobles parens. . ., 

L E C o M T E. 

Eh bien ^ ç)ii fonç-ih f Us crJeroit qu'on li)i f^t ^a- 
inilice, '. , 

F I a A » o. ♦ 

Qu'on jne donne le tems ; je fuis bien ^sh et U^' 
retrouver; it y â quinze ans que je lies chercHe, Mon^ 
feigneui;, quand même les. riches écofFes doDft j'étais 
couvert ,• les langes à denteiles, & les bijoux trouvés 
fur moi par les bandits qui m'enfevereiit , né prou- 
vecoient p*s que j'étois né de parens riches , au moins 
Je caractère gravéfijr mp&corps prouve combien j'é- 



90 LE MA R lA G E 

lois an enjfkiK précieux ; Se cet hiéroglyphe à mon 
bras droit. ... 

Marccxine* 
Une efpacule à fon bras droit ! Cefl lui , Doâeur. 

Lb Docteur. 
Eh ! qui ? 

M A R c E I. I M s. 
Ceil Emanuel. 

• Le DocTBUR|i^ Figaro. 
Vous fûtes enlevé, dites-vous, par des Bohémiens? 

F I G A *R o. 

Tout près d'un château. 

LeDocteur. 
Ceft lui. 

Figaro. 

Achevez Ah ! cher Doâeur , rendez-moi à 

tats nobles parens. Des monceaux d'or n'arrêteront 
par la reconnoiflance de mon illuflre famille. 
Le Docteur, montrant Marceline. 
Voilà ta mère. 

« Figaro. 

Nourrice ? 

LeDoctbur. 
Ta propre mère. 

Marceline. 
Et voilà ton père. 
Figaro témoigne tous les regrets d'un homme au 

défefpoir. 
Le Docteur, allant s'ajfeoir fur le hanc des . 

avocats. 
Oh ! haine de moi ! ( Ilfe cache le vifage dans fes 

B R I D B -O I s O N. 

Ceft-ell clair ; i-il ne Tépoufera-a pas ; & ce châ- . 



D £ F I G A R O. 9< 

# 

teau , cette no-ohlefle? vou-ous vous difiez gentil- 
homme : voilà donc comme vous en impofez à la 
ju-uflice F 

Figaro, 

La juftice ! Elle alloit me faire faire une belle 
fottife ; elle alloit me faire époufer ma mère , après 
m'avoir fait vingt fois , pour ces maudits cent écus, 
manquer d'aflfommer Moniteur v qui fe trouve au- 
joucdhui mon père. 

Marceline. 

Embrafles-nioiy mon fils. Vas, lorfque je t'aimois^ 
c'étoit la nature qui agiflbit en moi.^ 

Figaro. 

Et moi y rinflinâ , ma.mere , qui mefaifolc trou« 
ver de la répugnance à vous épotifer. 



S C E N E X I I I. 

L E C Ô M T E , B R i D E-O I S O N/ 
FIGARO, LE DOCTEUR, 
MÀRCELI NE, ANTONIO, 

SUZANNE. , i 



Su z A NNK, amenée par Antonio. 



M 



oNSEiGNEUR , voilà la dot qiié Madame m'a 
donné pour payer Marceline. • 

Le Comte, 17 part. 
Au diable ta mai trèfle \ de quoi fe méle-t-*elle ! 
illfort,) 

Antonio, montrant à Suzanne , Figaro qui 

enibraffoit Marceline. 

Jiensj tienç } ks vois- tu comme ils font d'accord f 



9^ LE MA R IJ G M 

' . ■'- ' 'i 

S V Z A N K E. N 

Ah ! le perfide ! 

Figaro,^ Suzanne. 
Que dis- tu , ma Suzanette.^ 

Suzanne. 
J'en ai aflez vu : ta lâcheté , & ma fottîfè. ( Elle 
ien va.) 

F I G a' R o , Az ramenant. 

Avant de t'en aller, envifage bien cette chère 
femme-là. 

Suzanne , tçifant Marceline du hAM ^nba$. 
£h bien ! je la vois. 

p I G A R O. 

Et tu la trouves ? 

S U Z. A N N B. 

ASreure» 

Figaro. 

Et vive la jaloufie ^ morbleu \ elle ne yous marr 
çBàndepas. ' . 

Marceline. 
Ne crains rien y ma Suzannette ; le méchant qui 
te tourmente efl mon fils. 

Antonio. 
Son fils J c'efl donc de tout-à-l'heure ? 

Fi g a r o. 
'.' Que je leTais;. 

Brid^-Oiso n.. 
C'eft-efl clair : voilà fâ che-ere mère. 

M À R c E L I N E , /2 Su:^anne. 
Embraffez-moi, ma/fille, & oublions que nous 
ayons jamaiséte ennemies. {Elle embrajj^ Suzanne.) 

B R l D E - O I s o N. 

. Que-6 fuis- je donc beie ! je fois fou-out attendri. 



JD Ê FIG d RO. 9) 

Marceline. 
Et toi f Figaro ? 

F I G A K o« 
Quoi ! ma chère mère , vous voudriez voir coulée 
mes yeux comme deux fontaines? Tout-à-l'heure je 
fentois mes larnles couler entre mes doigts fans pou- 
voir les arrêter ; mais vas te promener la*honte ! je 
veut rire & pleurer à la fois : je ne fentirai jainais le 
même plaifîr , en même tems^ eiiere ces deux chères 
femmes- là. 

Suz ANNi^iz Antonio. 
Efa bien ^ mon oncle , aâuellement vous ne râfttr 
ferez plus ? . . . 

A N T O K I O. 

Les parties le baillet-elles les mains ? 

Lb Do.ctEùR,yi levant. . . 

Que ma mainfe defleche, plutôt que de la mettre 
dAns celle d'un tel drol^« 

Antonio. , 

Vous n'êtes donc qu'un père marâtre ? 

Le Docteur. 
Onh . onh . • . . • 

A N-T O N ï O» 

En ce cas , je ne donnerai pas ma nièce à celui 
qui n'eft l'enfaUt de petfonne. 

Bride-Ois o.k. 

Efl-èft--ce que çà fê peut, imbééilè f Oft-tn eâ 
tou-jours retitant de quelqu'un. 

ï^ 1 1; A R o , retenant te Doâêut qui s^èàvà. 

Ah ! mon père ! laiiTez-vous toucfeer. 

S u z A V ^ "E flui pajfant les mains fur les joues. 
Mon petit papa ^ nous vous aicoerans ^ nous vous 
chérirons» 



\ 



94 Z E MA RÎAGË 

Marceline. 
Monfieur le Dofteur , n'entendez-vous pa$ la voit 
de la nature qui crie au fond de votre cœur ? De 

Tefprit , de la figure 

Figaro. 
Qui ne vous ont pas coûté une obole. 

Le Docteur ^ pleurant. 
Ouf! ouf ! ne voilà-t-il pas que je fuis aufli bête 
que Monfieur ? ( Montra^nt Bride- Oifon. ) Embraf- 
fez-moi , mes enfans. F Ils s^embrajfent. ] 

•Marcelin b , /r Figaro. 
- Tiens , mon fils , voilà ta promefle ; & jé te re- 
mets ta dette. 

Suzanne.. 
Tiens y prends aufIS cette dot : elle eft à toi. [ Elle 
lui donne labourfe que lui avait donnée la Comte ffe.\ 

Figaro. 
Grand merci. [ Antonio ^ Suzanne, Fi gdro^JUàr'^ 
teline & le Do3eur fortent. ] 



SCENE XIV. 

Bri de-Oi s on. 

I3I B vlà-t-îi pas que je fuis auffi bête que Mon- 
onfieur ! .... On-on fe dit bien ce-es fortes de cho- 
cfes-là à foi-même ; mais..,, i-ils He font pas po-olis 
du«ûtouc p ces gens4à. 

? • Fin dutroijicmc A3e^ 



A 



< 



DE FIGARO. 9J 



ACTE QUATRIEME. 

La fient reprifinte un grand & long fallon. Onvoit 
fortir du plafond huit lufirts \ fur h hord de la 
fcene deux fauteuils ,& derrière une table à écrire. 
Au fond du fallon eft une porte à deux battans ou^ 
verte , & qui donne dans un autre fallon. 



SCENE l'REMIERE. 

SUZANNE, FIGARO. 

• « 

Figaro. 

Xjjh bien , ma Suzannette , es-tu contente ? tout 
réuflit au gré de nos vœux. MonGeur le Comte s*eft 
pris lui-même dans fes propres filets. Tu avois une 
méchante rivale , j'avois un diable déchaîné contre 
moi f une furie acharnée contre mon maria^is ; tout 
^ela is'eft changé en la meilleure des mères. Hier }'é- 
tois comme feul au monde , & vûilà que j'ai tous 
mes parens aujourd'hui. Ils ne font pas , il eft vrai , 
auffi orillans que je me les étois jalonnés ; mais ne 
font-ils pas fufHfans pour nous qui n'avons pas la va^ 
nité des riches. . 

Suzanne. 
Le tems a amené des chofes que nous avions pré* 
parées , 6c ce que oous attendions o'eft cependant; 
.pas arrivé. 



y6 t È MA Rî A G Ê 

Figaro. 
La fortune > Suzon ^ nous fert ftmrent mieux qtlô 
fious-mêmes : ainfi va le monde : on projette , onxna^ 
chine d'un côte ; la fortmie exécute de i^autre ; & 
depuis Taveugle mené par Ton chien , jufqu'au mo- 
jnarqttequi voudrait envahir la teriS ^ tout va au gré 
de fon caprice ; encore Taveuglfe aj^ chien eft-il fou- 
vent mené plus sûrement que Tautre aveugle avec 
tout fon encourage. Pour cet aiiftâibie aveugle con** 
duit parla folie. . . 

S U Z A k N Ei 

L^amour ? 

Figaro. 
Tu rcux donc bien que ; prenattt la phtce de la fo- 
lie , je fois lefeul qui le conauife à ta jolie mignonne 
porte ? 

Suzanne* 
L'amour , & toi/ 

F I 6 A IL 0. 

Moi i tSc Tamour. 

S V :£ A N N £< 
Ac^miition que vous finirez pas ehereW ol^aûtfê 
gîte. 

F ï G A it d« 
Si jasmais 6ek nl'arrivef ^ que inilk itûUioAs de ga>^ 
lanc^. ••« 

S U Z A N î* Bi 

Ah ! des fermens. ^ . . ,thw , Figaro y dit-* moi 
ieulement ta bonne vérité. 

Figaro*. 
Ma vérité la plus vraie .^ 

S U Z A W îT ?.'. . i 

Eft-ce qfu'on en ai pklîeurs , donc ? « / , 



DE FIGARO. «7 

t 

F I 6 A R O. 

Eh que oui! depuis que l'on a vu que quelquefois 
folie devenoic fageile , & que de petits menfonges 
produifoient de bonnes grofles vérités on en a de 
toute efpece; & celle que Ton fait, fans oferles divul- 
guer ; car toute vérité n'eft pas bonne à dire; & celles 
quel'on vante, fans y ajouter foi; car toute vérité 
n'eft pas bonne à croire ; & les fcrmens paffionnés , 
les menaces des mères, les proteflations des buveurs, 
les promefïes des gens en place , le dernier mot de& 
nos marchands , &. . .,. cela ne finit pas. ^ 

Suzanne 
J'aime tajoîe , parce qu'elle eft gaîe, vraie, qu'elle 
montre la férénié dé ton ame.... parlons un peu de 
notre rendez-vous avec Monfieur le Comte. 

Figaro. 
Plutôt n'en parlons jamais , il a failli me coûter 
Suzanne. 

Suzanne. 
Et s'il m'attend au jardin ? 

Figaro. ♦ 

Qu'il s'y morfonde , & que ce foit fa punition. 

Suzanne. 
Il m'en a plus coûté pour l'accorder, qu'il ne m'en 
coûte pour le révoquer. 

Figaro. 
Ainfi , tu «'iras pas au rendez- vous ? 

Suzanne. 
Je te le promets. . ., ... 

Figaro. * / 
Ta bonne vérité ? 

Suzanne. 
Je ne fuis pas comme vous autres favans; je n'en ai 
qu'une , & je te le promets une fois potir tQOtf s. 

' ••'; G . 



9» f^BMARlA G É. 

Figaro. 
Et tu m'aimeras^un peu ? 

Su Z A N N El 

Ah ! beaucoup. 

Figaro. 
Beaucoup ! ce h'eft giiçres. . 

S u z a N ic E. 
Et comment donc ? 

Figaro. 
Tiens , ma Suzon, en fait d'amour , vois- tu, trop 
n'eft pas même alTez. 

S x; 2S A H N E^ 

Je n'entends rien à toutes vos fineflTes^' mais je 
n'aimerai jamais que mon mari, 

Figaro.. 

Tiens parole ; & tu feras une belle exception à 
Tufage. 



SCENE II. 

SUZANNE ^ FIGARO , LA COMTESSE- 
^ LaCohtssse« 

mâ s quelqu'endf oit que vous les cherchiez, croyez 
qu'ils font onfemble : allons , Figaro , c'eft voler 
l'avenir ; & d'ailleurs Monfieur le Comte t'attend : 
il va te gronder. 

r I G A ^ o , emmenant Suzanne. 
Je vais lui montrer mon excule. 
La Coultbsse ^faif^nt^figne â Figaro de laijfer 

Skiannc avct elle. 

SUcitefuiCit 

{Figaro fort.) 



•a 



i> E P ÎC A k ID. 's^ 



yi •,*Vi'»Y*j 



s CENE III. 

LA COMTESSE, SUZANNE. 

Là Comtèsss» 
# 

Xjls-tu tout préparé pour que nous pùîflîdris chan- 
ger d'habits ? 

Suzanne. 
Madame , il n'en eft pas befoin : le rende2-vou$ 
n'aura pas lieu. 

L A CoMTESSHé 

. Comment , le rendez-vous n'aura pas lieu ? 

Suzanne. 

Figaro ne veut \pas. 

La Comtesse. 

Vous me trompez : Figaro n'efl: pas homme à 
laiflTer échapper une dot. Il vous fâche de nl'avoir 
averti de l'amour du Cpmte , & vous voulez aller 
vous-même au rendez- vous ? Laiflez-moî. 

Suzanne ,/eJettant aux piedi de la Commffe, 

Ah ! Madame , au nom du ciel , efpoir dç tout , 
après toutes les bontés que vous avez eues pour moi 
& la dot que vous me donnez , pouvez- vous croite... 
La Comtesse, nltvant Suranné. 

Mais je n'y penfoîs pas : en allant moi-même à ta 
place.au rendez-vous y perfonne né* feroit cornpro- 
jîiis , & ton mariage , quelque dhofequj arrive, fe- 
rait alTuré, ' 

S U Z AN N E. 

Ah ! Madame , quel mal vous m'avez fait ! 

G X 



loo L E M AR I A G E 

LaComtessh. 
Ceft que je fuis étourdie. ( Elle ernbrajfe Su- 
fanne. ) Où efl ton rendez-vous ? 

Suzanne* 
Le mot de jardin m'a feul frappé. 
La Comtesse. 
Il me vient une idée , il faut ici lui en donner ur. 
Ecris-lui. . • . 

Suzanne. 
Moi * lui éinre , Madame l 

LaComtesse. 
Je prends tout fur moi. 
Suzanne s^ajp,cà devant la table qui ejifur la droite 
du théâtre , prend du papier & une plume , la 
ComteJJe diâe. 

„ Chanfon nouvelle , fur Taîr : il fera beau ce foir 
„ fous les grands maronniers ,,. 
Suzanne, répète à mefure qiCelle écrit. 

,, Il fera beau. ... ce loir. . . • fous les grands 

f, maronniers ,,. 

La Comtesse. 
Crains*-tu qu'il ne l'entende pas ? 

S u z A N N e y rianti 
Ahîc'eftjufte. 

La Comtesse. 
Cachette ce billet , avec une épingle , écris fur 
& le dos du billet: ,, vouJ renverrez le cachet „. 
Suzanne, écrit & cherche enfuite à fan 

corfet. 

Ah / mais je n'ai pas d'épingle à préfent. 

LaComtesse. 
Tiens, en voilà une. ( En tirant cette épingle qui 
tenoit attaché le ruban de Chérubin ^ le ruban tombe 
par terren ) 



D s F 1 G AR O. ïôi 

S u z ANNE, ramajjant le ruban. 
' Mais c'eft votre ruban que vous avez repris tan- 
tôt au petit page. 

La Co^mtessb. 
Oui : rends-le moiv . 

Suzanne. 
Mais il y a du fang : mon ame ne le portera plu$. 

La Comtesse. 
Il e/l allez bon pour Fanchette , quand elle va ve- 
nir m'apporter un bouquet. 



S C E N E I V. 

LA COMTESSE, SUZANNE, 
FANCHETTE, dix ou doufe filles du village 
portant chacune un bouquet, CHÉRUBIN, Atf- 
bille en filles, portant auj^ un bouquet. 



M 



Fanchette. 



adame , ce font les filles du village qui vîen*; 
fient vous apporter des bouquets pour la noce. 
La Comtesse, montrant Chérubin. 
Quelle eft cette jeune étrangère ? 

Fanchettb. 
Madame , c'eft une confine à moi qui efl venue 
pour la fête. 

La Comtesse. 
Elle eft jolie. .. [Elle prend le bouquet de Chérubin,) 
Ne pouvant porter vingt bouquets , faifons honneur 
à l'étrangère. ( Elle tembrajjefur le front. ) 
Chékubin^,^ part* 
Voilà un baifer qui m'a été bien loin. 

G 3 j 



1 



\ 



lai LE MA RI' A G S 

La \ Comtesse,^ Suzanne ^' 
, Elle a rougi ! ne trouves-tu pas , Suzanne > qu*ellç 
reflemble à quelqu'un ? 

S U Z A N N E. 

L4 reflemblance efl frappante. 



lÉfc^fc^a*» r I ti I ^1 ■ 6.fiiJ il 



S 



. SCENE V. 

Les ASeurs p recède ns , LE COMTE, 

ANTONIO. 

An tonio, tenant à la niaih un chapeau 

d'officier. 

rubin , qui étoit Jiir le bord du théâtre , fe cache au 
milieu des autre s filles qui F environnent. ) Les filles 
du village l'ont habillé en fenrnie chez ma fille , & 
je viens de trouver , parmi fes habits , fon chapeau 
dL'officiér qu'elles y a^oientlaifie par mégarde.f II 
tourne tout autour des villageoifes pour reconnoitrc 
Chérjubin , il F ap perçoit, au milieu d! elles ^ & lui 
met le chapeau fur la ttte. ) Tesie^ , Monfeigneur , 
voilà votre ofliiciet. 

L B C M T> E. 

Encore ce maudit page ! Il y a un mauvais génie 
qui tourne tout contre moi.., ( Se tournant vers la 
Comte ffe. ) Eh bien / Madame ? 

L. A Comtesse. 

Vous me voyez plus étonnée que vous , Monfieur 
le Comte ; .& Suzanne n'étoit pas plus InAruite que 
moi. 



S' 



DE F I G A R O: 10} 

L E C O M T E. * 

J'avols tort fans douce ce macin quand )e difois 
qu'il écoit chez, Ypus ? . 

La Comtesse. 

J*aurois tore Otn^.^louff fi je diflhipuipis plus long* 
tems. Oui ; MbnHèur le Comte , il ecoit chez moi 
lorfque vous êtes entré ; nous commencions, ce badi- 
nage que ces énfans viennent d^achever , "vous* êtes 
encré , je me fuis troublée ,\l §'eft «aché ; votre ima- 
gination a fait le reftè. " 

Le Ç o m t :E. • - 

Etre enforcelé par j^n ^age ! rr^^^fs tu me le 

payeras. '"' " " ' • ' ' * : -- 

F A N C H E T T B. T 

Ah ! Monfeignbur ; quand vous Venez m'embraf- 
f($5 , ^ <iue YÔi^s me. dites : «i Tïf ns-^^ petice Fan- 
chette, n tu veux ih'aioaer , je te donnerai tout ce que 
tu voudras >>. •% .•* » - '^ . 
r. L 1 G^o u T « I interdite ♦' 

J>f (lit cela ^inoi P ^ ^ '• ' 

Fanchb tt *r»^ :\ 

Ouiy.Mofi)&igne!n>.>eh b^n'» 8U|)ieîrde'tenvoyer 
C^ér j^în^y, d^ènez^lr Hun en kittiidge ^ 8& jè yoas^ 
aimerai à la folie f . ' 

L A C.'O M/T K is'« B. 

Vous le voveE i-Moniâçur^, T^veu^ dç cet enfant » 

aàfli naïf que le Vnieàf /prouve deux chofes , que fl 

je vous donne de rii;squié çu^e ^ c*e& (ans 4e vouloir ^ 

& quevoiis mettez} tous .vos foins- à augmenter les 
miens. 

•Antonio*, 
Et vous auffi , Monfeigneor , •A.*i!you$ laredreffe- 
rez comme feue fa ihere qui eft i9K)rte : cen'eft pas 
pour la conféquence ; mais Madame la Comteflb faic 



104 LJB, MARIAGE, 

bien que lorfque les jeunes filles om une fols pris 
reflbr 



»-> t .. 



« « 



' V 



se E N E V I. 

Jacs Aâeurs pHcèicns , Fï G. A R 0* 



» » f 



M 



I G A R O. 



A I S ^ Monfeigneur ,' fi vous 'retenez touces 
nos filles % onWc pourra eomihencer ni là fête, ni 
ladanfe. , ^ \ 

• B C .O M T 35. :.:. 



4 ~. . . > 



Vous , tlanf^r.! TOUS n'y penfez pas ^ &; votre pied ' 
foulé ? .^i , • / > L < '^ '• ' ' 

Figaro, portant la main à fon pied. 
Oui y il ni« fait, même eticjoreTub peu mal : mais 
le plaifir le guérira. [ Se tourriant vers les VUta" 
geoifesi ] Alloiv^^ vd^^ belles S 

Li E'",0:à> Î.M ,T»-B i rm^rmnanf* Figaro» * 
, Vous ayez été bit»*heurielIxq1fe^cefim du' t^^ ' 
bien doux. " : *1 I • 

F I G a R 0.0 A / 

AflrurémenV{ Aux Vittagèoîfei.) Ah çàî vojjs, 
autres.. ;.;."•'.'' ^ , , _^ . 

Antonio, ràirienartt^figarci. 
Et vous êtes peloionné en tombant ? 

Figaro. 
Un plus adroit , n*tft - ce pas , ferpîr refté en l/aîr ? 
Limbécile ]....\Âuxt^illâgeoi/cs.] Allons , Mêfde- 
moifeUesf '^ 



»-' ^- 



, ï. « ■ v' • 



D E F I G A R O. , 105 

i 

Antonio, ramenant Figaro. 
Et le petit page galoppoit à Séville fur fon che- 
val ? 

Figaro. 
Galoppoîr , ou màrchoît ou pas , que m'importe ? 
\Aux Villageoifcs. ] Ah çà , hnîrons-nous / 
Le Comte, ramenant Figaro» 
Et vous aviez fon brevet dans la poche ? 

F I G A R O. 

Aflurément Ah ! quelle enquête ! 

Antonio, amenant Chérubin ,&Ie montrant. 
, Tiens, regarde. 
' ^ , ? F-^i o A R o. • , 
.Chérubin! peftefoitdu petit fat. i 

.'A N T o ni o, à Figaro. 
nEhiieq ! yes-tii àpréfent ? 

,F. I G A R o. * 

Si ry fuis!...,., fi )V fiiis,! Eh bien ! qu'eft-ce 

qu'il »chante f ? ^ 

JL E C O M T B. 

Il ne chante pas ; il ^it qve c'eft lyi qui.a Ùlw£» 

F I G A R O. 

.S'il le dit cela fe peut* 

L E C'o 'm t e»~ 

Ainfi , vous ave2& fauté à deux. '^^ c* 

F t d A R o \ 

Mon&igneur , au bruit que vous falfiez | il en au* 
roît fauté une douzaine : d'ailleurs la rage d^e fauter 
peut prendre ; voyez les moutonsjde Panurge. {Auar 
Villageoifes. ) Allons, Mefdemoifelles. ( On entend 
la fymphonie jouer le commencementiPune marche.) 
Vous entendez , Monfeigneur ; voilà les violons & 
lescornemufesquî nous appellent, [-^f/x Villageois]. 
Courez vite , vous autres ? [ JPrenant Suzanne fous 



1 



jq6 le mariage 

h bras & ^enfuyant. ] Courons , ma Suzannette. 

Le Comte. • 
Jouons-nous ici une Comédie ? 




S:C E NE V I I. / T 

• ». > . • *» * ' 

LE COMTE , LA COMTESSE , CHÉRUBIN. 

• - " 

\ •'. L B- C a"M t E. "• "' ''' ■ 



£j 



^ N vic-on jaï^iais de- plus iméudent !...• {ACbi-* 

rubin. ] Et voos ., Monfiéur le libefr in , qui faites le 
honteux , allez vite vous habiller /& que je pe yqus 
revoie pas de la foirée* -* ^^9 ^ 

L A C"0-M'T E $^ s E, 

Le paqvre enfart ! ilvabî^àsVnnuyer. ; 

Chérubin , mettant fan chapeau fur f à tête. • 
M'ennuyer ! je porte à fnoti front du bonheur pour 
pks.îte'JCWt:^fis^de prifon- [ Il fort» ] : >• — - 



« I 4 



: NE . . 



S C E N E' VXI I. 



- L E? fe ŒM T E , ' L A- C O M T E S SE. ' 







' ' %, V. c p ,M T E* • -; 



tj'a^l-il-W^Vont de fr heufeiix'? ' 
La Comtesse. 



r -' •• • 



•Son premier chapeau, d'officier ,. fans dôme:, aux 
eiifatts, tout fort de hochit; " ^ 



D s F I G A R Ô. 107 

L B C O M T E. \ 

Allons , Madame , afley on$-nous en attendant la* 
fête. 

La , Comtesse. 

Non , Monfievlr le Comte , permettez que je xAè 
retire; vous favez que je fuis fort incommodée. 

L E C o M T E. 

Un moment pour votre protégée , ou je vous 
éroirois en colère. 

On entend lafymphonie commencer la marche. ^ 
La Comtesse. 

Allons , je refte ; puifque voilà les apprêts de la. 
noce. 

L B C Q M T E. 

La noce.... la noce.,.. Allons il faut bien fouf&ir 
ce qu'on ne peut empêcher. 



; 



se E N E r X. 

Les A3eurs précédcns. 

Le Comte & la Comte ffe vont s*aJfeoir dans deux 
feuteuils > F un à côté dt F autre. 

La noce entre , & ta marche commence par TKuif- . 
fier-'Audiencier ^ fuivi de quatre gardes portant le 
fitjil fur F épaule ; fuiyént quatre confeillers deux à 
à deux ,. & Br IDE" OjsO'N , /cul derrière. 

Immédiatement après , le premier dan/èur; en-, 
fuite, deux danfeufes , dont F une porte le chapeau de 
la fiancée , F autre , un carreau pour mettre fous les 
genoux de Suianjie ^lorf^u'elle fe meê à genoux de^ 
vont le Comte. • 



jo8 LE MARIAGE 

Suivent après des danjeurs & des danfeufes , deux 
à deux. Suzanne vient enfidte ^ en tête ^ menée 
par fon oncle Antonio. 

Figaro vient après , donnant la main à MaR'* 

CELINB. 

La marche çjl terminée par le Çocteur Bar^ 

THOLO. 

Lorfque toute la marche a défilé devant fe 
Comte & la Comtejfe , qui refient ajfis , Antonio 
amené Suzanne au Comte. 

Figaro , Marceline , le DoSeur & les autres 
repent à gauche du théâtre 

Le Comte , la Comtejfe , Antonio , Suzanne 
& les deux danfeufes qui portent le chapeau &" It 
carreau , font à droite. 

La danfeufe qui porte le carreau , le met aux 
pi^ds du ^Comte. Sufanne fe met à genolix deffus , 
& [autre danfeufe remet au Comte le Chapeau. 

Pendant que le Comte attache le chapeau fur la 
tête de Suianne , elle faifit cette occafion pour lui 
donner le billet qui contient le rtn^ei^vous^ Comme 
elle efi la demiete ^& la plus près du bord de la 
fçèné , que perfonne ne peut Tapperçevoir y Mie 
gliffe , de la main droite , le billet au Comte. Ce 
dçrnier j qui sUn apperçoit , défait , fans qiCon le 
voie , les trois ptemiers boutons en haut de fon 
jufie-aU' corps ^ & faifant femblant Rattacher la 
dernière épingle du côté par lequel Sujanne lui 
donne le billet , // le prend adroitement & le cache 
àuffi'tét dans fa vefie.^ 

Antonio va enfuite remener à Figaro , qui efi 
placé à [autre côté du théâtre , Suzanne qui. a le 
chapçau fur la tite. Figaro vient , à moitié ehe- 



D E F I G A R O. 109 

min , recevoir Suzanne des mains d* Antonio , & va 
la p ré fente r à Marceline fa mère. 

Le Comte emprejfé de lire le billet , le déca- 
chette ; mais n'ayant pas vu V épingle , ilfe pique 
jufqu'au fang. ^ ^ 

Le Comte , à part yfe prejfant le doigt pour 
faire fortir le Jang , ù le fecouant pour le faire 
tomber. 

Pefte foie des femmes .'elles fourenc des épingles 
par-tout. 

Figaro, bas à Marceline ,' à Antonio , au. 
DoSeur & à Suzanne. ^ 

C'eft un billet qu'il aura reçu , en paflànc ^ d'une 
poulette. Ce billet apparemment étoit cacheté d'une 
épingle, qu'il Taura outr^geufemenc piquée 

Le Comte , s'appercevant de ce qui étoit écrit 
derrière le billet de Sufanne , cherche par-tout 
r épingle qu'il avoit jettée de colère , quand il s' étoit 
piqué ^ & t ayant enfin retrouvée , il la ramajfe. 

Figaro. 

D'un objet aimé tout eft cher ; le voilà qui 
cherche le cachet. | Il amené Marceline devant le 
Comte & la Comtejfe. ) 

Pendant que le Comte fe prépare à lui mettre un 
bonnet fur la tête , on entend du bruit à la porte. 

L'HUISSIER-AUDIENCIER. 

A moi , gardes ! lés gardes , les gardes à moi ! içi^ 
à cette porte. 

Le Comte. 
Eh bien ! qu'eft-ce que c'eft ? 

L'HUISSI E R.-AUDIE NCÎER. 

Monfeigneur,c'eft Monfieur Bazile, accompagné 
d*un village entier , parce qu'il marche en chancant. 

L E C O M T s. 

Qu'il encre. • . • Seul» 



îio L£AlARiAÔË 

La Comtesse* 

Monfieur le Comte , permettez que je me retire 
chez moî un infiant. ( Elle fait Jignt à Suzanne de 
la/uivre. ) ( Bas à Siqannne. ) Allons vite changea 
d*habits. [ £lles fortent. ] 



.^«*i 



s C E N E X* 

BA2ILE, GRIPPE-SOLEIL, 

les ASéurs pricidens. 

.B A z I L E ffiiivi de Grippe-Soleil ^ entre en 
chantant , & s" accompagnant fu rfa gui ta re . 

Air du Vaudeville qui ejl àlafiné 

V^CEURS fenfibles , cœurs fidèles , 

Qui blâmez Tamour léger , 

CeiTez vos plathtes cruelles ; 

Eft-ce un crime de changer > 

Si l'amour porte des aîles , ^ 

N'eft-ce pas pour voltiger ? ( ter.) 

F I G A R 0« 

Ouï , notre ami ; c'efl pour cela qu*il a des aîles 
au dos. • • • £h bien ^ que (ignifie cette chanfon ? 

B A z I L E. 

Qu'après avoir prouvé mon obéiHanCeàMonfeî- 
gneur , en amufant Monfieur ,' ( il montre Gripper- 
Soleil , ) qui eft de fa compagnie ^ je viens récia- 
xner fa juftice. 



P JE P I G A R O. lit 

Grippe-Soleii. 
Bah ! Monfeigneur , il ne m'a pas amufédu tout 
fevec fes guenilles d'ariettes. 

Le Comte,^ Baiile* 
Que demandez-vous ? 

B A 2; I L E. 
La maîn de Marceline. 

K I G A R o , ^ Basile. " 
Y a-t-il long-tems que Monfieur n'a vu la figure 
d'un fou ? 

B A Z I L Eé 

Non , puifque je te vois. 

Figaro. 
Puifque mes yeux te fervent fi bien de mîroîr , 
iis-y l'effet de ma prédidion. Si tu fais mine feale-^ 
ment , [ montrant Marceline , ] d'approximer Ma- 
dame. ... 

Le Docteur. 
Ah ! Meffieurs ^ fauc-il que deux anus fe querel- 
lent f 

Figaro, regardant SafiU. 
Moi , ton ami / parce que tu fais de plats airs de 
chapelle. 

B A Z I £ Eé 

Parce que tu fais des vers comme un journaL^ 

F I g A K o. 

Muficien de guinguette. 

B A Z I X K. 

Poflillon de gazette* 

F I G A K O. 

Cuiftre ^om/or/o* 

B A Z I L E. I 

Jockey diplomatique. ' * 



tiz 



LE MA RI A G E 



Le Comte. 
Eh bien , Meffieurs les infolents , cefferez - vous 
bientôt de vous injurier devant moi ? 

B A Z I L E. 

Ceft lui , Monfeigneur . qui me manque en toute 
occafion ^ difant par- tout que je ne fuis qu'un fot. 

Figaro. 
Efl-ce que tu me prends pour un écho f 

B A Z I L E. 

Peut-on traiter ainfi un homme , qui parmi tous 
les chanteurs , brille. . • ^ 

F I G A R O, 

Btiile ! • • . dis donc ^ braille. 

B A Z I L E. 

Vouslevoyez. Monfeigneur; il le répète. 

F I G A R o. 

Et pourquoi non , fi cela ell vrai ? Es-tii un prince 
pour qu'on te flagorne ! Souffre la vérité , coquin , 
puifque tu n'a pas de qitoi gratifier un menteur ; ou 
îi tu la ctains aune autre part ., pourquoi veux-tu 
rompre mon mariage ? 

Bazi£S,/z Marceline. 

Ne m'avez-vous pas promis à Séville que vous 
m'épouferiez dans quatre ans ! 

Marceline. 

Ouï : mais à quelle condition ? , 

B A z I L E. ( 

Que fi vous retrouviez uh certain fils perdu , je 
l'adopterois par complaifance. 

Figaro. 
£h bien , il efl retrouvé ce fils. 

B A z I J. E. 

Oàeft-il? 

liE Docteur. 



D M J?I G À jR 0.. z»3 

Lb Docteur, montrant Figaro» 
J Le voilà : le voyez-vous'f 
' B A z I L E 9 détoiïmânt la titc avec uhccfptct . 

'' (Thorreun 
Ahîj'aivulèdiâke. " .^ 

B R I p E-O I s ON, 

î Vou-ausn'épouferez don-onc fa che-ere meye/ 

, O A Z, I L E« 

' Y'â-t-itrien de pis que d'être cru le peré d'un tel 
rôle? 

Figaro. 
-Otjî , d'être cru ton fils. . -- . 

B A z I X E. 

Je vous déclare que tant que Morlfieur fera quel- 
que ii^hofe ici , je. n'y ferai jpi\\s rien, (, Il fort. ). , 



«. • 



T 



S G E RE X I 

1 









£^^ AScurs pricédew f.€xctpti,^aiilt. 

ït I <i A R O- . 



' * * . 



JL/ ONC , à la fin , j'aiirai ma femme. C 

... .,f L E Çr.or^^.X. E, /Z/7tf/t. .,, 

; Et Hip^m^ mi^^fîçir^w • -^ ■ 

• , ^ j^^,»/^ -^ '^Un/T ^ ^ SON. . , 

. }G R^x,;fî^^ fi rS o L E i^ L. 
MoïV ye vais çreparetle feu d'a^îfice fous les 
grands marronnîeîst .*,,,, • . .: 

L B C O M T E. 

. Sous les grandsmarronnlers Vquel eil le fot qui^c'a 

n 



ïii LE M AHi ÀÙ E 

donnç eet ôf dfè ? Et là Côiriteye qui eft încoîïinBoi 
dée , d'où le verra- t-elte?C^eft fur la terrafle devant 
les fenêtres , qu*il faut le préparer , ènterids-tu ? 

G R I p p É-So. i E I X. 
Oui , Monfeigneur. 

L E C o M t E, 
Sous ié's grands mâfrônnîêré.... là belle idée !' Us 
^lloient incendier itiôn rendez-vous. ( Tout le monde 
Jori , excepté Figaro & Màrxelirie. ) 




., ;S CE KÊ. 3C I I. 
f î G A^O, M A RfcÊ L I N É. 

F r t? Air 0. — 



Q 



u B L excès d'attenrtbnpont fe femme ! je ne le 
I çonnois jplus. 



Mon fils y lorfque je te parlo^ contre Suzanne ^ 
c'étoit pure prévetttionf car fe là crois vertueufe^fc 
l'amour de Monfeigneur ne doit pas. t'inquiéter% '^ 

F I G À''k'b. ' ■ ■ •'"*- ^ 

Ma merC, ne croyez pa^ q\iç les aftions de vQtre 




fus , m^ mère, unephiilolophîfe jfcifeftubàblc^ 
"'m À k c'^^^rï k jr. . '' -- 



Mon fils , il ne faut jurer de rl&û. ' ^ 

, F I G A ït O. / / 

lOii ! jt2 4^fie à la çiyïs ruféb derrftttfa&eàccr oîre; 



A 



^ fi Suzanne doit me tromper un jour , je lui par- 
'cionqç d'avance ; elle aura fore à faire auparavant. 




SCENE X I I I. . 
FIGARO , MARCELINE , FANCHETTE, s 
VAjicHSTTE, /ans voir Marceline ni Hgam. 



Y 



OYONS s'il nV a perfonne ici • ( Elle y à toaê 
près de Figaro fans U voir. ) 

F I <^ A R o , 2î^ Fàmhetté. 
Eà)maiJ ma petitecoufine nou» éeoar^, je crois/ 

Fa h C' « Bi t * b'. 
-Oh i »oti :oa( dh que c^ n*ôft pas boniiête. 

. F I ô A ,R o. 

Non , mais c*eft quelquefois utile ; & Ton péuc 
confondre l'un avec i*ai«rre; .... Qu'eft - ce que tu 
cherches ki ? ^ . • Chérttbin , frîppon^ie. 

FanCHK. TTB 

Non ; cat je £1» bien oâr it ôft ^ e^eft nwi coufine 
Suzanne qoe yt çhetcbd. 

F i G A R O. 

Que lui veux-tu ? 

Fancmettb. 
Ah ! mon petit coufînje te \% ^irai; c'eft pour luî 
remettre une épingle, 

Figaro. 
Une épingle ! une épingle ! Quoi , Mademoifelle, 
fi jeune , vous faites déjà de pareils mcflages ! & de 
quelle part ^ s'il vous plaît ? 



* voie. 



11^ LJSMARIAGM. 

F A N C H B T T E. 

Oh ! je m'en vas , puifque vous êtes en co]ere« 

Figaro. "^ 

Non , refte , refle , petite confine , ce n'efl rien , 
je fais ce que c'eft. Ceft l'épingle qui cachetoit le 
billet qu'elle lui a donné tantôt ^ & que Monfeîgneur 
t'avoit dit de lui remettre : tu vois que je le fais. 

Fanchette. 
* Et pourquoi me le demandez- vous donc, puifque 
vous le favez fi bien p 

Figaro. 
Ceft pour voir la manière dont il s'y eft pris pour 
t'en charger. 

Fanchette. 
Pas autrement que vous me le dites : Tiens , m'a- 
t-il dit , petite Fanchette , vas porter à ta confine 
Suzanne cette épingle; tu lui diras que c'eft le^ca- 
chet des grands marronniers. Il eft vrai qu'il a ajpû* 
té : fur - tout , prends garde que perfoone ne te 



Figaro. 
Allez ^ petite confine , & n'en dites pas plus à 
Suzanne qu'à moi. 

Fanchette, s'en allant. 
Il me prend pour un enfant ^ mon coufin. 



*^** 



DS FIGARO. 117 

SCENEXIV. 
FIGARO, M ARCELINÇ. 

Figaro. 

XZjh bien! ma mère f 

Marcelin c. 
EJi bien ! mon fils ? 

Figaro. 
En vérité ! ma mère , il eft des chofes. . I . 

Marceline. 
Eh bien ! qu'eft-ce que cela veut dire ? Ilefl des 

chofes 

Figaro. 
Tenez , ma mère , ce que Fanchette vient de 
dire, je l'ai là comme un plomb. . .. {Il montre Jiz 
poitrine. ) 

Marceline. 
Et pourquoi cela ? 

F J g a r o. 
Maii , ma mère , cette épingle ? 

Marceline. 
Ah ! de la jalouGe ! ce cœur fi ferme n*eil donc, 
qu'un ballon gonflé qu'une épingle fait partir. Oh ' 
j'ai là-defTus , ma mère , une philofophie imper- 
turbable. 

Figaro. 
Ah ! mettez le magiiftrat le plus glacé à expliquer 
les loixdans fa propre caufe, & vous verrez commj 
il les entendra. 

Marceline. 
Mais pourquoi tant s'alarmer fur un fi léger rap- 

H 3 



II 



lînS n E M Jl JtJI A & JE 

port ? Qui t'a dît que c*étoît toi qu^on vouloit jouer^ 
plutôt que Monfieur le Comte .! Qui fait fi Suzanne 
ira , dans quelle intention elle ira , ce qu'elle y dira ^ 
ce qu'elle y fera ? 

Figaro. 
Elle a raîfon , ma mère , ratfon , toujours raifon ; 
mais , ma mère ^ accordez quelque choft à la na- 
ture ; on en eft meilleur après ? . . . ( I/5 rejlent tous 
deux quelque tems dans le Jilence ; enfin Figaro le 
rompt , en difant d'un airjbmbre. ) Je fais où eft le^ 
rendez- vous Adieu ; ma tnere. ( Il fort. ) 



SCENE XV. 

Marcexink, feule. 



A 



DiKU , tnon iîls. . • . & naoî auflî , )e le faîj ; 

& j'y ferai pour y furveiller Suzanne , ou plutôt 
avertiffbns-là ; elle ^ft fi jolie créature ! Nous autres* 
femmes , lorfqu'une injure perfonnelle ne nous anime 
pas les unes contre les autres ^ nous fommes aiTez 
portées à défendre notre intérêt commun contre 
ce terrible » & pourtant ua peu nigaud ^ deSeaie 
xnafculin. 



Fin du quatrième Aâe. 



DE FIGARO. , u^ 



t^m^mammm^mm0mm 



ACTE CINQUIEME. 

Le thiâtrt npriftme jin jardin ^ au fond duqml 
eft une allie de marronniers ; du fct4 droit 4^ 
jardin ejl un cabinet ; & du côté gauche , un 
^ païkil» La fient fi fafft la mit. \ , 

■mmmmmiÊÊÊÊÊmmmmmtÊÊÊÊaimÊÊÊmÊmÊmuBKmÊBÊÊÊmÊÊmfmk 

SCENE PRJEMIERE. 

Fanchette , fiuîe^ tenant d'une main une lan- 
terne , de Vautre une orange & deux bifiidts. 

\^ EST pax ici tjue Chérubin m'a idit de venir 
pour me fake répéter mon rôle. Il m'a àii; 49^»$ le 
cabinet à droite. Ah ! le voici. . . . Mon Dieu , que 
ces gens de l'ofEç^ font méchans ! j'^r eu bjen de la 

geioe à avoir feulemeat à^yiix bifcpits ôç hqp orange, 
arce que monfieur lé Comte ne veut plus le v^oir , 
Faut-il pour celax|u'il meure de faim ?,.••• ço^v qui, 

MademoifeHe? qu'eil-ce que cela vpps^ait, 

Monfieur P ah / nou5 fayon^ bien pour qui ; c'eft 

pour le petit Page. Eh bien ! quand cela ferait ? 

ah ! ils m'ont coûté un fier baifer toujours 

mab Chérubin me le rendra. ( Ap'perce^am JFÏ- 
^ro gui entre , elle fii^ un- cri) ^ l ( efff s'^i^uit 
dans le cabinet à droite.) ,: 

H4 



• ^ 



lao L B MA RIAGE 



' S CE N E I I. 

FIGARO, BAZILE , ANTONIO, 
LE DOCTEUR, GRIPPE-SOLE IL, 
& autres payfans. 

FiGAKO , couvert d'un chapeau^ d* un manteau rouge j 

ayant un air très -/ombre. 



B 



ON SOIR , mes amis , etes-vous la î 

B A z I I. c. 
Tous ceux que tu as prefles d'y venir. 

Figaro. 
Quelle heure eft-il ? 

Antonio. 
La lune devroit être levée. 

Le Doctbur. 
Quels n^irs apprêts ! il a Tair d'un confpiratéur. 

F l G o R o. 
C'eft ici , Meflîeurs , que vous allez célébrer la 
charte Suzanne , & le loyal Seigneur qui fe l'eft 
réfervée. 

B Azi L E y aux autres tCun air de myffere. 
Ah ! Vraiment , je (ens ce que c'eft ; il s'agit d'un 
rendez-vous ; je vais vous conter tout cela : allons- 
nous-en. 

Figaro. 
Allez ; & au premier fignal , accourez ; & (î je 
ne vous fais voir une belle chofe , dites que Figaro 
çft ÙH fot. ^ 

Le Docteur. 
Mon iXs ^ fouviens-cûj ^ qu'un homme iàge ne 



^ 



DE F I G A R O/ izx 

fe fait pas d'affaire avec les grands. Ils ont quinze 
& bifque fur nous par leur état, 

Figaro. 

Sans leur înduftrie , que vous oubliez : mais fou- 
venez-vous que celui qui marque de la crainte en- 
courage fon adverfairé , & lui donne avantage fur 
lui , & que j'ai nom De verte allure, du chef honoré 
de ma mère. # 

Lb Docteur. 

Il a le diable au corps. 

B R I D E - O I s O N. 

I-îira. 

Figaro, aux payfans* 

Et vous, coquins , illuminez-moi bien ces en- 
tours. Par la mort , que je voudrois tenir aux dents , 

fi j'en prends un ( Il prend Grippc^Soleil parU 

poignet , & lui tort le bras. ) 

Grippe-Soleix. 
Oh ! oh ! oh ! le brutal. 

B A z I L E , s'en allant, 
Monfîeur le Comte & Suzanne fe font arrangés 

fans moi , je ne fuis pas fâché de l'algarade 

Le ciel TOUS tienne en paix , Monfieur du Marié. ^ 



o 



SCENE III. 

F I G A R o , feuL 



Femme ! femme / femme / créature foibîe & 
décevante / nul ajiimal créé «e manque à fon inftindl ; 
le tien eft-^1 donc de tromper ? Elle me réfifloit lorf- 
que je la pireflbis devant Madame la Comteflè , & 
c'étoit pour mieux me jouer / & le perfide rioit en 
lifantce fatal billet/ non, Moniteur le Comte , 



vous ne Paur eiz; pas. Parée que vou$ êtes un grânci 
Seigneur , vous vous crojres touit permis. Ua nom , 
un rang , des grandeurs , des richefles ; tout cela 
lend fier. Qu*avez - vous fait pour tant de biens ? 
vous vous êces donné la peine de nakre , & rien d^ 
pius. D'ailleurs homnie aâèz ordinaire ; tandis <|4ie 
moi , morblea / jette dans la foule obfcure , il m'a. 
fallu déployer plus d'intrigues, plus de calculs,. feule^ 
ment pour fiiWifter , qu'il n'en faut pour gouverner, 
pendant cent ans , les treize royaunies ; & vou$ vou- 
lez jouter ?.!.. on vient.... ( U cherc/ie., il écoute],.^ 

,Ce n'eft perfonne la nuit eft noire en diable ; & 

moi , je fais ici le fot rôle de mari , quoi(^Me je ne le 
isHs encore qu'à moitié.. .. [Il s^ âffUd far luihanc de 

fa(on y & 6tc Jhn manteau , ainjî jjue /on chapeau, 
jiprês avoir paru quelfut ums plon%i dans fa 
réflexions, il rompt Itjtleme )..... Eft-il un fort pluf 

bizarre que Ip^nien ? Fils de je ne fais pas qui ; volé 
par des bandits, élevé dans leurs mœurs., je ïîf en 
dégoûte & yeux courir une carrière plus honnête; 
& par- tout je fuis repoufle. J'apprends la chymie , 
]a pharmacie , la chirurgie ; & tout le crédit d'wt 
grand Seigneur fuiSt , à peine , pour me mettre à 
\^ main jine lancette vétérinaire!...... Las d'attrifter 

des bêtes malades , & pour faire un métier con- 
traire , je me jette à corps^perdu dans le théâtre : 
me fuflai-je mis une pierre au cou ! Je broche une 
comédie dans les mœurs du féraîl. Auteur efpa- 
gnol , je crois pouvoir fronder en liberté Mahomet i 
auffi-tôt un envoyé de..,, je ne fais où , fe plaint que 
j'infiilte dans ma pièce 1» fublime Porte , une parti* 
<le la prefqu' lile des Indes , toute la Perfe , la Chine ^ 
ies royaumes de Tunis , Tripoli , fiarca , JVIatoc & 
Alger ; £ç voilà xzxa o^àédie* flambée , pour {datre 



D E FI G A R O, Ï23 

*ux princes Mahométans , dont pas un , je croîs, 

.ne fait iîrc,& qui nous meurtriflent romoplateen 

• nous difant : chiens de chrétiens ! Ne pouvant avilir 

refprir, on le maltraite. Mes joues fe cr£ufoient;moa 

heure éroit venue ; je voyois venir de loin Taffreux 

records 9 la. plume fichée dans la j^erruque En 

.fremiffant, je m'évertue. 11 s'élève une queftion fur 
:1a nature des richcffes ; & comme iln'eftpasbe- 
fom de tenir les chofes pour en raifonner , n'ayant 
pas un fou , je fais un livre fur la validité de l'ar*- 
gent & fur fon produit net...« Alors , je vois , du 
fond d'un fiacre , baiffer , pour moi , le pont d'un 
château-fort , à la porte duquel je laifiè l'efpérance 
& la liberté- .. ( Il rejk comme enfeyeti dans fes 

-réflexions : il fe levé enfuite avec vivacité) 

:Que je voudrois bien tenir un de ces puiflans de 
quatre jours , fi légers fur le mal qu'ils ordonnent , 
lorfqu'une bonne difgrace a maté leur orgueil /-... 
Je leur diroîs que les fottifes imprimées n'ont d'im- 
portance qu^aux lieux où on en gêne le cours ; que 
iàns la liberté d'écrire , il n'eft pas d'éloge flatteur ; 
& qu'il n'y a que les petits hommes qui redoutent 
les petits écrits . • . • Las de nourrir un penfionnaire 
obfcur f on me met un }our dans k rue ; Se comme 
il faut dînet , quoique n'étant plus en prifon , je 
taille de nouveau ma plume n & demande de quoi 

il s'agiiToit On me dit que pendant ma retraite 

'économique 9 il s'eft établi dans Madrid un fyftémç 
de liberté fur la vente des produâions , qui s'étend 
jufqu'à celle de la preflTe ; .& que , pourvu que je 
De parle ni de l'autorité , ni du culte , ni de la 
politique , ni de la morale , ni des gens en place^» 
fni des corps en crédit , ni de l'opéra , ni des autres 
ipeâacles ^ ni des perfonnes qui tiennent à quelque 



lijl LE MARIAGE 

cbofe, je .puis tout împrîer librement , fous la dî- 
redion néanmoins , de deux ou trois cenfeurs. . . .. 
Pour profiter de cette double liberté , j'écris de 
nouveau , & je fais un ouvrage périodique ; & 
croyant ne marcher fur les brifées de perfonne , }e 

rintitule , Journal inutile pour rrrrr Je vois 

s'élever contre moi mille pauvres diables à la feuille, 
qui fe plaignent que je les réduits à la beface. On 
examine ma feuille ; on la fuppriine , & me voilà 
derechef fans emploi.... Le defefpoir m'alloit faifir : 
on penfe à moi pour une place ; mais malheureufe* 
ment j'y étois propre. Il falloit un calculateur , ce 

fut un danfcur qui l'obtint Tl ne me reftoit 

plus qu'à voler ; je me fis banquier de Pharaon. 
Alors bonnes gens ; je foupois en ville ; les per- 
sonnes , dites comme il faut , me recevoient chez 
elles , en retenant pour elles les deux tiers du profit. 
C'eft alors que je vis que , pour gagner du bien , lé 
favoir faire vaut mieux que le (avoir. J'aurois bien 
pu me remonter ; mais comme chacun pilloit au- 
tour de moi en exigeant que je fuffe honnête , il 
fallut bien périr encore.... rour le coup je quittois 
le monde , & vingt braifes d'eau, m'en alloient fépa- 
rer , lorfgu'un dieu bîenfaifant me rappelle à mon 
premier état. Je reprends ma trôufle & mon cuic 
anglois ; & laiflant la fumée aux fots qui s'en nour- 
rirent , & la honte en cheinin comme trop lourde 
pour un piéton , je vais rafant de ville en ville , & je 
retrouve enfin le bonheur. Un grand feigneur paflTc 
àSéville,me reconnoît ; je le marie ;& pour ré- 
compenfe delui avoir donné fa femme, il veut inter- 
cepter la mienne. Oh .M^izarre fijite dçvénemens ! 
lancé dans une carrière fans le favoir , comme j'en 
ibrtirai fans le vouloir , je l'ai jonchée d'autant de 



D s FIGARO. ï2^ 

fleurs que ma gaieté me Ta pu permettre ; encore je 
dis ma gaieté , fans favoir fi elle eft à moi plus que 
tout le refte. Et qu'eft-ce que ce moi dont je m'oc- 
cupe ? Un compofé de petits atomes-, de molécules 

organîfées ^ un petit être foible ; que fàîs-je ? 

Gouverné par les circonflances , maître ici , valet 
ià , orateur félon le danger , poëte par occafion , 
muficien par délailèment , laborieux par . tiéceiSté , 
mais parelTeux / ...... avec délices ; j'ai tout fait , tout 

vu , tout parcouru , & l'illufion s'eft détruite. A la 
veille de me marier , tous mes parensm'arrivent à la 



JU WA% LTM^ «UA ) k^ VJU& WVftlV i • • • • • X^UtAU y b\/UV « WV^lCLll" 

cit au moment 6îi je crois être défabufé. , ; . défa- 

bufé ! Ah ! Suzon ! Suzon ! que tu me caufes 

du chagrins ! ( Ilfelaijfe aller furie banc , & de-' 
meure enfeveli dans la plus profonde douleur. ) 



s C Ê N E I V. 

FIGARO, LA COMTESSE,/ôai/«xAfl-. 
hits de Su^annf ; SUZANNE , /bus les 
habiudelaComfep,MAKCELlliE. 



M-A'B.^ C E XI N E 



C 



ç s T par ICI. 

Figaro. 
On vient, ( Il remet yùc fin chapeau & fon 
manteau. ) 



L 



1*^ LEHAR ÎA G E, ' 

M A R CE 1 f iff R. 

Je vais entrer i^ns ce cabinet , d'oîi j'eitienclral 
tout. ( Elle entre dans le cabinet à droite oà eji défit' 
Famhetie. ) 

S tr z A K w B , à la Comtejfe^ 
SSarceline fious a dit que Figai ô y feio^kr 

La C o m t ^ 5 s B. 
Âitifi y l'un notis attend ^ & Tamre ya venir* 

S U 2 a N 1^ Cir 

Madame tremble ; eft-ce qu elle aurait froid ? 

La C o m t £ s t; b« 
Oui : je vais me rètir*?. 

• S o K a -UN «. 

- Si Madame n'avoic pas bèfoin de mei ^ je prei^- 
droisT^iir. 

~Cdi le ièfein que tu prendrais- > 

¥ t o A R 6 ^ à part. ' 

Ah ! oui le ferein ; elle y eft toute faîte. 
{Suzanne Je retire tout-è-faitauîout du théâtre , 
fur la droite au bord de lafçene : ^igaro eft tout-^à'^ 
fait fur la gauche ^ & la Comtejfekfi au milieu.) 



s « 



s c E N E V. 

SUZANNE, LA COMTESSE , FIGARO, 

CHÉRIJBLN.:/. 

Chérubin, accourt en chantant. 

J 'a VOIS une marraine ; - :, ^ 

Que mon cœur , que mon,c^\xt ^e, pf ine ! 
J'avoîs.une. marrak^e . ' ,, 
Que ft)aio«rs }*adot»i , ârtr. ^ * ' ** ' * ' 

Eh ! mais. • . eh ! mais» . . voilà une femtax^^ • • r 



VB FIGARO. ^zf 

^ {Jljtgarii a travers îohfciLriti. ) Ceft Suzanne. 

( Il approche , €r prenant par la main la Corn-' 
ttffè qu'il prend pout Suzanne , parce qu!elle a fes 
habits. ) Quand je hc t'auro is pas reconnue au plu- 
mage blanc de ton ch^apeau , qui fe deiSne dans 
robfcurité , je ne pouvois pas te méconnoîcre à la 
«louceur de cette main. 

La CoMTEssBy crue Suzanne. 

Laiflez-moi , laiflez-moi ^ Monfieur ; Figaro va 
venir. . . I 

H i R V B I K» 

Ce n*eft pas Figaro que tu attends , friponne ; 
*^ft Monfeignèur , qui c'a donné ce rendet-vous cd 
iâatin,qttànd j'étois derrière le fauteuil. 

F I G A R o , ir part. 

Et Ton dit qu'il ne faut pas écaurer, ^ 
, ^ . L A Cd M !r E s s B ,xnie Sufanne^. ^ .1 

Allez-vous-en^ . 

Chérubin. 
L ,Qoi ; mabàvam: de m'e!n:aèbr,ic veux te ckmnçr 
vingt baifers pour toi^ &cent pour ma belle macFàiûs;^ 



•t ^ «j^^^i^»— ^ »m^ ^^>»^».« I % |»fcu<^J 



SCENE V'I, 

FIGARO, LA COMTESSE :»^^ SUZANiI^É i 
LE COMTE, CHÉRURIN... 

Le Comte , venant au rendez-vous , & voyant lo 
Pag»eeve€i^i^àfttttjpif qu'il prtrtdpoùrSa^anne. 



c 



' E s T encore te Page infernal» 
{^Chiruhin yetèi emkrajkr d&f&rvt la^ ^omtei^ij -ille 
/h défend, &^i\iftûcht £ entre U^hrâs èeChÎY^inï 

Ihms k iMîmtA \^ilsJifipn€M\ k Gmà il 



izt L E M A m AGE 

met entre deux , & le Page ewhraffe le Cotàte , 

croyant tmbraffer Su{annne. ) 
Ch éru Bi^n^reconnoijfantlt Comté^& temiraffant. 

C'eft, Monfeigneur / (Us^enfuitdansk cabinet à 
droite , oà étoient déjà Fanchette & Marceline ^ ) 




SCENE VIL 

F I G AR O , LA COMTESSE , SUZANNE , 

LE COM TE. 

[Figaro qui avoit entendu toute la converfationdc 
L hérubin fi' de la Comte Jfe , qu'il croit être Su^^ 
fanne , s* approche tout près pour voir fi Su[annt 
je laijfe emhrajfer. . . ; . 

Le Comte, donnant unfouffiet à Figaro , 
croyant le donner à Chérubin. . ' •. 



p 



uisQUE vous nerëdoublez pas le baifer, recevez 

celui-ci.-. 

F I G A R p . à part. , 

Ah / ce n*eu pas tout gain d'écouter. 

L TE C M T IÇ. . 

__ ^ _ . oient/ après la défenfe que je lui ai 
feite tantôt... iVlaislàîflbns ces Bifarreries, ellei$em-i 
poifonner oient le délicieux moment que tu m'ac- 
cordes. ^ : ,\ 
La. C,o m t, b s s E. \ crue $Hianne. 

Ainfi , Tamour. ... * 

LE: C o M T B. '. 

' L'amour n'eft qu^. le roman <iu .çœ^ir ; c'eft le piaf- 
fir qui en eft rhiftoire. • . » ( Im^renant la main. ) 
La Comtefe n*a pas le bras.^uflj potelé , la peau fi 

douce , 



D £ F I G A R O. ia9 

douce , de fi jolis petits doigts pleins de grâces» • . . 
£ Urembrajfe trois ou quatre fois. ] 

FiGARo,yj difcfpéranu 
Oh \ la coquine ! 

La Cometsse, déguifant fa voix^ 
Mais quelle différence trouvez'-vous entre moi & 
la ComteflTè ? 

L B C O M T Ev 

Je ne fais, 

La Comtesse». 
Mais^ dites donc ? 

L E C o M t B • 

Moins d'uniformité peut-être dans les traits, plus 
de piquant dans les manières,... que fais- je moi 't £c 

£uis trois ans d'union rendent le mariage fî refpeâa- 
le i Nos femmes croyent avoir tout fait qae de nous 
cpoufef ; après cela elles nous aiment, nous aiment .. 
quand elles nous aiment, toutefois. Elles font ft 
complâifantes , & fi conftamment obligeantes , & 
toujours , & fans relâche , qu'on eft tout furpriK ^ 
un beau jour , dé ne trouver que la faciété où Ton ne 
cherchoit que le plaifir 

LaComi:esse. 

Le moyen d'y remédier ? 

Le Comte. 
Ceft à nous à vous obtenir ; & nous fàîfons ce 
que nous pouvons pour cela ; mais c'eft à vous à 
nous retenir ; & c'eft ce que vous femblez oublier. 
La Comtesse. 
Ce ne fera pas moi. ^ . 

SuzANNE^'i part. 
Ni moi. 

F I <î A R o, à part. 
Ni moi. 



i}o t £ M A R I A E . 

L s C O « T E. ,• 

'Il y a de l'écho icf.....Un Caftilknn'a que ntpa*^ 
rôle : voilà d'abord mille éçus pour te rachat du droit 
que je n'ai plus. ( Il lui donne une hourfe ) Enfiiite ^ 
comibe la faveur que tu m'accordes eft iàns prix , 
voici una bague que je te prie d*accepcer pour l'a* 
mour de moi. ( Il lui met la bague au doigt, y 

La Comtesse. 
Suzanne accepte tout. 

£ 1 6 A KO, à part* 
On n*e(l pas plus coquine que ça. 

Lb ComtBi^ âpart* 
Elle eft intéreflee , tant mkux t {A la Comtejpe 
qu'il prend toujours pour Suzanne. ) Baitùm^iMis 
un inàant dans C9 caonvet f 

L À C o^M r B $ s s. 
Sans lumière f 

L B C O M T B. 

'Pourquoi faiie ! Noiss n'avon» rien à lir^» (£ét 

. Comte prend la Comtâjfepark bras , &la ment au 

cabinet à gauche. Pendant ce ums Figaro le Jhk , 

& le Comte entendant marcher fuclftHun^crU. } Qui 

paffe-là ? 

F I G A B o. 

On ne paile pas , on vient exprès. 

Le C & m t e. 

Ceft Figaro. ( Le Comte & la Comnfft tt enfuyant 
dans robfcuritifans fayoir oàils vont* La Comtejfc 
entre dans^k cabinet à gaucherie Comte paffe à côté 
du cabinet y & ya plus loin dans le jardin. } 



D s P î A R 0. 131 

se EN E VJII. 

FIGARO, SUZANJNE, crue ia Comte fe. 
F ï G A R ^ ^Ji croyant f cul 

J_jLLE eft entrée !. . . • . Eh bien , voiQ atttfe^S épjpux 
<jùi payez des efpions f <|ur furveill^r vos femmes , & 
qui tourpçi; des mois entiers autour d'un foupçon , 
imitez -moi : dès Ip premier jtjur, jf veille ma femme, 
je la fuis , en un tpur de piain pn eft au fait ; c'efl 
-charmant...... Heurçurement que je ne m'en foucie 

guefes , & qup fo rrahifon nç me fait plus rien du 
tout. ( Pendant que Figaro dit tout cela , Su:[anne 
là r autre bout du théâtre 9 fe tort Us mains d'impa- 
êiertce de battre Figaro pour le punir de fes foup-^ 
çons. Figaro approche ver^ le cabinet à gg^uche f>ii 
la Comte ffe ejl entrée. ) 

S u z A . N N ç y ba^. 

Ah ! tu va payer les foupçons, ( Jl demi^-VQW^ 
& contre faifant la Comte£e. ) Qui va là ? 

F I a A R o. 
Qui va là. • . . quelqu'un qui voudrpit qup la peft(5 
l'eût étouffé en naiflant. 

Suzanne* 

Maïs je croîs quec'eft Figaro ? 
FïG a Ro , croyant reconnoîtrc la mixde la Comtejfe. 

Madame la Comteflb!,.. Ah, Madanue! où croyez- 
vous que foit Monfieur le Cpmt/5 ? \ 

S U 2 A N N é. 

Peu m'importe. ... un itjgrftt. 

Fi g a r o , s\rp,portant. 
Et Suzanne, cette ver tueufs fille qui faifoit tant 



.Uréfervée?Mo î x 



ï 



i3a Z E MARIAGE 

Pendant toute cette fc eue Suzanne frappe fes ieUx 
mains , Vune dans Vautre , brûlant de battre Figaro. 

Suzanne. 
Parlez bas. 

F 1 G A R Oyà part reconnoijfant Suzanne. 
C'efl Suzanne ! god dem ! 

Suzanne. 
Ils font enfèmble. 

FiGAROy^ part. 
Oh ! la traîcreflTe qui veut me furprendre ! 

Suzanne. 
Il faut nous en venger , Figarp. 

Figaro,^ part. 
Oh ! qu'il feroit doux qu'avant la noce; • . . Oh , 
dame ! en fente- vous le vif defir ? ^ 

Suzanne. 
Je ne ferois donc pas de mon iexe ; mais les hom- 
mes en ont mille moyens. 

Figaro. 
Nous ne fommes pas de trop ici , Madame ; celui 
des femmes les vaut tous. 

Suzanne. 
Oui , mais qu'eft-ce qu'une telle vengeance^ qu'ua 
peu d'amour n'aflaifonne pas ? 

Figaro. 
Madame , par-tout où vous n*en voyez pas,croyez 
que le refpeâ diffimule. 

S U z A N M E.' 

Je ne fais fi vous le penfez de bonne foi ; mais vous 
ne le dites pas de bonne grâce. 
F I g A R o , /e Jettant aux pieds de Su{anne^ qu*il 
" fait ftmblant de prendre pour la ComteJJe. 

Ah ! Madame ^ je vous adore. 



V E FI G A R Ok ï33 

Suzanne. 
Y penfez-vous , Figaro ? 

Figaro. 
Oui t Madame ; confidérez le tems , le lieu , les 
circonftances , & que votre maîn. ... 
Suzanne , ne diguifant plus Ja voix , donne un 

fouffiet à Figaro. j 

Tiens, voilà.., & voilà pour tes foupçons... {Elle 
lui donne des coups à mejure. ] Voilà pour ta jalou- ' 
fie... [ Et pendant ce tems Figaro je frappe lui^ 
mime. ] Ceft-il là de l'amour ? 

Figaro, yj relevant. 
Sanda Barbara ! oui , c'en eft. Frappe , continue j 
frappe fans relâche ; mais quand tu m'auras meurtri 
tout le corps de coups, regardes d'un œil de faveur 
le mortelle plus heureux. 

Suzanne. 
Bon frippon , vous n'en féduifiez pas moins la 
Comtefle , avec un (î trompeur babil , que , m'ou- 
bliant moi-même , c'étoit pour elle que je cédois. 

Figaro* 
Aurois-je pu me méprendre à ta jolie petite voix? 

Suzanne. 
Quoi ! tu m'avoîs reconnue ? 

Figaro. 
Oui. i 

Suzanne. 
Ah ! comme je m'en vengerai. 

Figaro. 
A bien battre & garder rancune : c'efl: auflî par 
trop féminin... Mais , dis-moi donc comment tout 
ceci eft arrivé ? 

Suzanne.' 
Eft-ce ma faute à moi , fi voulant mufeler un [re- 
nard , nous en attrapons deux p : 



134 ^ ^ MARIAGE 

Figaro. 
Qui donc a pris l'autre ? 

Suzanne. 
Sa femme. 

Figaro. 
Sa femnle / pends-toi , Figaro : tu n'a pas (tevîné 
celui là: fa femme.... ô douze ou quinze mille fois 
fpir'tuelles femelles,.. Ainfi c'eft avec fa femme qu'il 
cfl entré dans le cabinet ? 

S U Z A K i(r H. 

Oui. 

Figaro. 

Et les baifers de tout-à-l'heure , à qui ont-îls été 
donnés ? 

S Ù 2 A N N E. 

A fa femme. 

• F .1 G À 1k t). 

Et celui du petit Page ? 

S U Z A N N £ 9 ticCllU 

A Monfieûr. i 

Figaro. 
A Monfieûr , oh ! la bonne tête ! & Celai de tantôt 
derrière le fauteuil f 

\ S U Z A N 1^ s. 

A perfonne. 

Figaro. 

En êtes-vous bien fûre ? 
Suzanne, s' apprêtant à lai ionner un foit^eu 

Tiens , Figaro , il pleut desftJuËets. 

Figaro. 

Les tiens font des bijoux ; mars ceux dti Comte 
font debonaloi. 
Suzanne, yè releyaht un peu en aftie re & luifaifant 

Jîgne du doigt de fe rtiettte à genout dcyantcllt^ 

Allons , humilie-toi , fûperbe. 



D E F ÏG A R O. 135 

Figaro , fimeftanjtJ genoux. 
Ceft trop jufte. Allons, a genoux , bien courbé ^ 
( Il fe courbe davantage ^) ventre à xerxe. {îl/c 
pTOjltrn^ tout- à- fait. ) 

S u z A N ïï E , riant. 
' -^^ ! 4^1 ! le -pauyxe gaxçcm î 



SCENE I 3f. 

LE COMTE, FIGARO, SUZANNE. 

Figaro toujours un genouH en terre ^ '& baifàm la 
main de Suzanne Jhuslels hdbits de la Comte Jfe. 

Le Comte bas ^ cherchant la Cornue ffequHl croît être 
Suzanne j&qui doit être entrée daasle cabinet àgauche. 

uzANNE, Suzanne. 

F I G A R o 9 iés è Snianne \ 
VorlàMonfieur le Comte,; ve«x-ttt contîiiuef lé 
badinage P 

S 1T IC A N N 6.' 

Oui. [ Figaro luibaife les mains. avec plus Siardeur." 
Le Comte, fe trournant ^ apperçoit Suzanne 

qu'il prend pour la Comtejfe. 
Un homme aux .pieds de la ComteflTe ! [ allant 
pour tirer fon épie ^ il s' apperçoit qu'il ne Ta jas. ] 
Ctei ! îe fuis fans arsnas ! .. .. 

t^. I G A R o 9 /z Suzanne cohtrefaifant fa voix. 
Madame , Madame, voyez n^onamour^ donnez- 
lui fa récompenfe ; & réparons le tems que' nous . 
avons perdu, lorfque j'ai fauté ce matin par la fenêtre, 

.Le C o j^ jt e- 

. Ceft rhojnme du cabinet; tout fe découvre enfin. 



2)6 LE MARIAGE 

Il court fur Figuro : Suzanne le voyant venir fi 
réfugie dans le cabinet à droite où font les précidens. 
Le Comte met la main fur le colla à Figaro , & 
crie : Vengeance ! hol < , quelqu'un ! 




S C E N £ X. 

LE COMTE, FIGARO, PÉDRILLE, 

Pépkixxe. 



M 



E voilà , Mon(èigneur , arrivant de SéviUe« 
L £ Comte. 
Es- tu feul ? 

Oui , Monfeîgneur. 

Le Comte* 
Approchez & criez bien fort. 

P É j> R I L L E , criant de toutes fe s forces. 
Pas plus de page que fur ma main ; voilà le paquet* 

Le Comte. 

Et l'animal Holà, quelqu'un ! accourez tous , 

fi vous m'entendez. 



SCENE XI. 

BRIDE-OISON,B A ZILE, ANTONIO, 
LE DOCTEUK, des pay/ans dont p/ujieurspor-' 
tent des fiambeauçe. 

Le Comte. 



p 



EDRix LE , gardez bien cette porte; & vous, 
mt% vaflaux , entourez-moi cet homme , & n*en 



DE FIGARO. 137 

répondez. (A Figaro; ) Et vous , l'homme de bien, 
préparez-vous à répondra à mes queftions. 

Figaro. 
Pourquoi ferai-je difficulté , Monfeigneur ? vous 
commandez à tous ici , hors à vous-mêmes. 

Le Comte, 
Si quelque chofe pouvoit m'irriter d'avantage , 
ce ferolt le fang-froid qu'il affefte. 

Figaro. 
Sommes-nous des foldats qui tuent , & fe font 
tuer pour des intérêts qu'ils ignorent ? je veux fa- 
voir pourquoi je me fâche moi. 

Le Comte. 
Nous dîrez-vous d'abord quelle eft la dame que 
vous avez amenée dans ce cabinet ? 
Fi G A RO , montrant le cabinet oà eji la Comtejffe. 
Dans celui-là ? 
Le Comte, montrant le cabinet oà efi Suzanne 
fous les habits de la Comtejfe. 
Dans celui-ci. 

Figaro. 
' Ah! c'eft bien différent. C'eft une jeune per- 
fonne qui m'honore de fes bontés particulières. 

Le Comte, 
Vous l'entendez , Meffieurs. 

Bride*Oison. 
- Nou-ous l'en-en tendons. 

Le Comte. 
Et cette jeune perfonne avoit-elle d'autres enga- 
gemens , que vous fâchiez ? 

Figaro. 
' Oa dît qu'un grand Seigneur s'en eft occupé 
Ique tems; mais foie qu'ill'ait négligée , foie 



que 



% 



1 



lit. LE MARIA G S 

qu^elle m'aimât mieux qu'un plus aimable^ elle 
xn^a donné la préférence. 

Le Comte. 
^ La pré£ .^ • au moins , il eft naïf. .... £h bien ! 
IVIeffieurs ; x:e que vous venez d'entendre , )e l'ai 
ouï f je vous jure , de la bûucbe de fa complice. 

B Jl I D £ * O 1 s O !K. 

De fa complice. 

Le Comte. 

Mais comme Toutrage eft public, il faut que la 
vengeance le fait. { Il eatre dans le cabinet pour 
prendre la Comtejfe qu'il troit y être ] Sortez, 
Madame , votre bdure efl bien arrivée. Quel bon- 
lieure qu'aucun gage d'une 4inion fi déteflée ! . . , 
[ Comme on n'y voit pas dans le cabinet , le Cornu 
amené la première perfonne qu'il y trouve : il tom- 
be fur Chérubin j & jette les yeux fur lui: après 
Ta^oirthréiu âabiaet , il le repouffe avec une Jur- 
prife milie de dépit. ] Et encore le maudit page ! 
qu'eft-ce que vous faifiez-là ? 

C H É R. u B I N. 

Je me cachois ^ Monfeigneur , cosnme vous me 
l'aviez ordonné. 

Le Comte. 
Mais il n'étoit pas feul , (ans doute ? 

C H é K u B I N« 
Il eût été trop dur , Monfeigneur , fi quelqu'ame 
charitable n'étoit venu adoucir mon ennui. 

Pedkilxe, 
C'étoit bien la peine de crever un cheval. 

Le Comte, montrant le cabinet. 
Encres - y toi , Antonio , & conduis devant foR 
juge riofâme qui m'a déshonoré. 



J) B F IG A R O. i^ 

A » T © N T O. 

Gn dÎToit qu'il y a vme providence^.M* Votts co 
avez tant fait auffi , MoofeigaeuT.,^.- 

L E C o M T s. 

Eh y va donc , bui®r. 

B R T ï> « - O I s o w. 
Mats , <^u'eft-«ft-ce donc qui a-a pris la-a femme 

de-de l'autre ? 

Figaro* 
PtrOaitiM n'en a feu l'avantage. 

Sortez , Madame , fortez. Il n eft pas befom de 
vous faifô tant priet , puiFqtre Von fait ^c vWl y 
êtes. ( Il amené fa jUlt Fànt>h€ite. ) 

L E C « K T s. 

EIi ! . . . . • G'«ft Fancbette. 

Cét<>it bien la peirte , Moftfeigneur , dé me faite 
entrer pour faire v^ott à la compagnie qufe c'eft î»à 
fille qui caufe to«t ce truit-là. 

L Ê C o M T s. 
Je ûiifai bie*à la irouv^f . ( M s'avanct ttn U 
cabinet f & va pour y entrer. ) 

Le Docteur. 
Monfeîgneut » cwri ft'eft pas trotp dair. Je fo» de 
fang-froid , moi , je vais y eiitïcr. 

Bride -O i s o n. 
Ct'affàîre-Ià eft aU-^auffitrop cto-ômtoouillée. 
Le Docteur , amené Marceline ,& la voyant: 
Quoi / Marceline ! 

F I ô À R o. 
Tiens , ma mené en eft. 

Le Comte^ parlant à & Comtefft. 
Elle y eft ; je l'ai vu entrer. [ Et comme il s'ap^ 



Ï40 LE MARIAGE. 

Rapproche du cahinet pour y aller chercher ta 
prétendue ComteJJe , Suzanne fort , 6* cache fort 

yifage avec fon .éventail. J Ah ! la voilà que 

croyez- vous , Mcffieurs , que mérite une indigne 
époufe ? [ Voyant Suzanne , tout le mande fe jette 
à fe s genoux comme pour demander la grâce de la 
Comtejfe. ] Non , non , non , non , & fuffiez- vous 
un cent 

La GaMTEssE ^portant du cahinet à gauche 
avec les habits de Suzanne , fe jette à genoux auffi 
au côté droit du Comte , en difant : | 

Au moins , je ferai nombre. 
. Bride-Oisok 9 riant de toutes fes forces. 

Ah ! c'eft Ma-a-a-a-a-a-a-a-a-a dame la Comteflè. 

Le Comte, reconnoijfant la Comtejfe fous 
les habits de Suzanne , tient long-tems la contenance 
la plus emharrajpie. Enfin il dit : 

Quoi ! c*étoit vous , Comteffe ?.•.... ma foi , 

il n'y a qu'un pardon bien généreux 

LaComtesse. 

Si c'étoit vous , vous diriez non , non ; & moi ^ 
pour la troifieme fois d'aujourd^hui , je vous par- 
donne , & fans condition. 

Le Comte*. 
t Je n'oublierai jamais cette générofité. 

Suzanne. 

Ni moi. 

La Comtesse. 

. Ni moi. 

Figaro. 
Ni moi : il y a de l'écho ici. 

L E C o M T E • 

J'ai voulu rufer avec eux ; il* m'ont traité comme 
un enfant. 



De F 1 G A R O. 114 

Suzanne. 
Une petite journée comme celle - là fo'rùie bien 
un ambaflâdeur. 

L A C o M T E s s E« 

Il faut que chacun ait ce qui lui appartient: tiens, 

Suzanne ( Elle lui donne la bague. ) Et coi , 

Figaro , ceci eft à toi. { Elle lui donne les mille 
ccus. ) 

Figaro. 

Et de trois. . • . celle-ci fut dure à arracher. 

G R I P P E-S o L E I L. ? 

Et la jarretière de la mariée , l'aurai- je ? 
La Comtesse j jettant fur la jcenc le ruban 
qvUelle avait pris au bras de Chérulin. 
La voilà. 
Chérubin,/^ ramajfânt^ & voyant plujîeurs 
payfans s* avancer pour la ramajfer.. 
Celui qiii voudra me la difputer n'a qu'a s'avancer 

L E C o M T E. 

Pour un Monfîeur fi chatouilleux, qu'avez- vous 
trouvé de plaifant au foufflet de tantôt ? 
Ch éru bi ^ymettantla main fur la garde de fan épée^ 

Moi ! mon colonel ? 

Figaro. 

Ceft fur ma joue qu'il l'a reçu : voilà comme .les 
grands font juftice. 

L E C o M T E. 

Et vous, Bride-^Oifon , que penfcz-vous die ceci? 

Bride-Oison- 
De-e tout ce que je vois , Monfeigneur ? 

L E C o M T £• 

Oui. 

Bride-Oison. 

Ma-a foi je ne fais que vous ea dire. Voilà-à ma 
&-a'Çoa de pen^-enfei à moi. « 



t^i LE MÀRJJCR DE FIGARO. 

F I G A m ۥ 

3'écois pauvre y on meméprifoit; me v^Uàrici)e..i. 

Le Dqcteub» 
Les cœurs vobc te revenir en foula» 

F X c A R o. 
, Croyez--vous ? 

Le DocTBxrn. 
Je les connois. 

Fin du cinquième & dernier A3e. 




r Air DE riLLB. 

B A Zf I L £• 

^^OEURS fenfîbles , coeurs fideks , 

Qui blâmez Pâmour léger y 

Ceflez vos piaimes cnuelles ; 

Eft-ce un c»me de changer i 

Si ramour porte des aile^ ^ 

j^'cil-ce pas pour voltiger. Us. 

L B C O M T E. 
D'une femme de province , 
A qui les devoirs font chers , 
Le fuccès eilaâèz mÎAcc: 
Vive la femme aux grands airs | 
Semblable à Técu du prince ; 
Sous le coin d'un feul époux , 
£lle fert au bien de tous. bi$^ 

S U Z A if N i?. 
Qu'un mari fa fo> trahMTe ^ 
n s'en vaace , 9c chacun rie ; 
Qu'une fenune ait un caprice 
S'il l'accufe on la punit : 
De cette abfurde injuAice 
Faut-tl dire le pourquoi > 
Les f lus imM ont iaii laio8« 






f w ] 

A N T O N I €K 

Cliacun fait la tendre mete 
Dont il a reçu le jour ; 
Tout le refte eft un royftere ; 
Ç'ell le fecret de l'aroottr ; 
Ce fecret met^n luRitere 
Comment le £1$ d'un butor 
Vaut fouy«nt foa p^aM d'or^ 

B ^ X I h B., 
Jean Jesnnot ^ jaloux rîfible , 
Veut unir femme âc rc^& ; 
Il acheté un chien t)ei:ribl;e. 
Et le lâche en fan enclos^ : 
La nuit , quel vacarme harrible ! 
Le chien court , tout eft mordu ^ 
Hor^i*amant q^ l'a vendu. 

F A 9 C H S T X &« 
Robin me dit çn cacbeite , 
Si Tamoup^ t'éto;t conaa , 
Que ton (tin , jeune Fas^hette » 
De plaifîr i#roft imix.l 
Dans tous les yevx.il.te gu«ne i 
Je l'ai donc vu , cher Robin ^ 
Dani les yeux de Ch^fubip. 

f I « A R 0« 

Quand I« mal n'^ft pas extrême p 
Fermons rœîl à la r^eiur 
Sur les tort» de q«ii nous adme i 
Et difons ^ dim notre cœur ; 
Si chacun rebtre e;i foi- même y 
Nul mortel, de h^tme foi, 
N'efi horoae de bien pour f^j; 

B A. Z I i; Eu 

Triple dot, (effime £uperhc>. 

«ue de biens pous un ^oux! 
^un feigneur , d'uR fiage imbevbtr. 
Quelque foc feroit jaloux» 
Du latin d'un vieu^ provearbe 
L'homme adroit fait to%, prafif , 




• • » 



[ '44 1 

BîlîDK-OlSOK* 
Or , melfiflttrs , la comédie ^ 
Que Ton juge en cec înilant. 
Sauf erreur , nous peint la vie 
Du bon peuple qui l'en tend : 
Qu'on ropprinie , il pefte , il crie , 
Il s'agite en cent façons , 
Tout £nit par des chanfdns. 

Chérubin* 

Sexe aimé , fexe volage > 
Qui tourmentez nos beaux jours ^ 
Si dt vous chacun dit- rage y 
Chacun vous revient coujoui^s* 
^ Le parterre eft votre image : 

Tel par oît le dédaigner^ 'JV 

Qui fait tout pour le gagner. 

La Comtesse* 

Telle eft fierfe & f ëpond d*elle , 
Qui n'aime que Ton mari ^ ^ 

Telle autre prefqu'infîdele , 
Jure de n'avoir que lui. 
La moins folle , hélas ! eft celle 
Qui fe veille en fon lien , %, 

Sans ofér jurer de rien, 

F I G A R O. 
Par le fort de la naiftance , 
L un éft roi , l'autre eft berger : 
Le hazard fit leur diftance , 
L'efprit feu} peut tout changer. 
De vingt rois que l'on encenfe , * *^- 

Le trépas brife l'autel , ' - 

Et Voltaire eft immortel. 

Suzanne.- 

Si ce gai , ce fol ouvrage , 
Renfermoit quelque leçon , 
En faveur du badinage , 
Faites grâce à la râilon : 
Ainfî la nature fage y 
Nous conduit dans nos deiirs ^ 
À fon but.par lesplaidrs. 
Lc/pc3acU ejl Urminé van un diycrtijftmcnt» 






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