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St^'i ^^ "V^.
32 Beaumarchais (M. de). La Folle
Journée, ou le Mariage de Figaro, Comédie
en cinq actes, eh prose, par M. de Beau-
marchais. Représentée pour la première
fois, par les Comédiens français ordinaires
du Roi, le mardi 27 avril, 1784 ; first
édition, Çvo., original wrapper, £4 15s.
f^ir^ Paris: chez Ruait, 1785
The original édition, in absolutely uncut state,
and in remarkable préservation, containing the
flve plates by St. Quentin, engraved by Ç. N,
Malapeau. The' plate to the fifth act shows
Rosine with her breasts uncovered: this.is very
anusual. This copjr also contalns the rare leaf
of errata.
\l^. ?^1L 3. \5^f
LA FOLLE JOURNÉE,
ou
LE MARIAGE DE FIGARO.
Cet Ouvrage fe trouve ^
A VerfailltSy chez Blaizot, Libraire du RoL
A Bordeaux^ chez les frères LABOTTiEREé
A' Lille y chez J. J. Jacquez.
A Grenoble , chez B R E T T E.
A Bayonnej chez Fauvet Dû HarD«
A Bruxelles J chez Du JARDIN.
A Nantes J chez DeIspilly.
A Rennes J chez RoBiQUET l'aîné.
A Nîmes J chez G A U D £ & Compagnie.
A Montpellier , chez RiGAUD , PoNS & Compagnie.
A Châlons-fur-Saône y chez DE LiVANj.
A Ahgers , chei Pavie, Lib. iWi^. 4ù flot.
Et chez les principaux Libraires des autres Villes
du Royaume.
AV I S DE ifÈ D IT EU R.
1 ▲ R un abus puniflkble, on a envoyé \ Amfterdam , un précenJa
Manufcrit de cette Pièce , tiré de mémoire & défiguré ^ plein de
lacunes, de contre-fens & d*abfurdités. On l'a imprimé & vendu
en y mettant le nom de M. de Beaumarchais. Des Comédiens de
Province fe font permis de donner & repréfenter cette produdion
comme l'ouvrage de l'Auteur : il n*a manqué à tous ces gens de bien
que d'être loués dans quelques Feuilles Périodiques.
LA FOLLE JOURNÉE.
o tr
LE MARIAGE DE FIGARO,
Comédie encuq ASes, enProfe,
Fak m. de Beadmakchais.
Repr^entée pour la premîère fois par les Corrt/£ens
Franfais ordinaires du Roi, le Mardi tyAviil 1784.
AU PÂLAIS-ROYAL,
Chez RUAULT, Libraire, près le Théâtre,
N° 216.
M. DCC. LXXXV.
P RÉ F A CE.
M*
il N écrivant cette Préface , mon but n'eft pas
de rechercher oifeufement fi j'ai mis au Théâtre
une Pièce bonne ou mauvaife; il n'eft plus
tems pour moi : mais, d'examiner fcrupuleufe-
ment , & je le dois toujours , fi j ai fait une
œuvre blâmable.
Perfonne n'étant tenu de faire une comédie
qui reffemble aux autres'; fi je me fuis écarté
d'un chemin trop battu j pour des raifons qui
m'ont paru folides ; ira-t-on"me juger , comme
l'ont fait MM. tels, fur dés règles qui ne font pas
les miennes ? imprinier puérilement que je re-
porte l'art à fon enfance , parce que j'entre-
prens de frayer un nouveau fentier à cet art
dont la loi première , & peut-être la feule , eft
d'amufer en inftruifant ? Mais ce n'eft pas de cela
qu'il s'agit.
Il y a fouvent très-loin du mal que l'on dit
d'un ouvrage à celui qu'on en penfe. Le trait
qui nous pourfuit , le mot qui importime refte
enfeveli dans le cœur, pendant que 1^ bouche
fe venge en blâmant prefque tout le refte. De
forte qu'on peut regarder comme un point
* a
1 •
ij . PRÉFACE,
établi au Théâtre , qu'en fait de reproche à
TAuteur , ce qui nous afFede le plus eft ce dont
on parie le moins.
Il eft peut-être utile de dévoiler aux yeux
de tous , ce double afpeû des comédies , & j'au-
rai fait encor un bon ufage de la mienne , fi je
parviens en la fcrutant ,à fixer l'opinion publique
fiir ce qu'on doit entendre par ces mots : (^u'eft-cè
que LA DÉCENCE THEATRALE ?
A force de nous montrer délicats , fins connaif-
feurs , & d'afFeûer , comme j'ai dit autre part ,
rhypocrifie de la décence auprès du relâchement
des mœurs , nous devenons des êtres nuls , in-
capables de s'amufer & de juger de ce qui leur
convient : faut-il le dire enfin ? des bégueules
raflafiées qui ne fa vent plus ce qu^elIes veulent,:
ni ce qu'elles doivent aimer ou rejetter. Déjà
ces mots fi rebattus , bon ton j bonne compagnie ,
toujours ajuftés au niveau dé chaque infipide
cotterie , & dont la latitude eft fi grande qu'on
ne fait où ils commencent &finiflent, ont détruit
la franche & vraie gaité qui diftinguait de tout,
autre , le comique de notre nation.
Ajoutez-y le pédantefque abus de ces autres
grands mots décence & bonnes mœurs ^ qui don-
nent un air fi important, fi fupérieur, que nos
jugeurs de comédies feraient défolés de n'avoit
pas à les prononcer fur toutes les pièces de.
• ••
PRÉFACE, 11,
Théâtre , & vous connaîtriez à-peu-près ce qui
garote le génie, intimide tous les Auteurs , &
porte un coup mortel à la vigueur de l'intrigue ,
fans laquelle il n'y a pourtant que du bel efprit
à la glace , & des comédies de quatre jours.
• Enfin , pour dernier mal , tous les états de la
fociété font parvenus à fe fouflaire à la cenfure
draniatique : on ne pourrait mettre au Théâtre
les Plaideurs de Racine , fans entendre aujour-
d'hui les Dandins & les Brid'oifons ^ même des
gens plus éclairés , s'écrier qu'il n'y a plus ni
mœurs , ni relpeft pour les Magiftrats.
On ne ferait point le Turcaret , fans avoir à
Tinftant fur les bras , Fermes , Sous - fermes ,
Traites & Gabelles, Droits-ré unis, Tailles,
Taillons, le Trop-plein, le Trop-bu, tous les Im-
pofiteurs royaux. Il eft vrai qu'aujourd'hui Tur-
caret n'a plus de modèles. On l'offrirait fous d'au-
tres traits , l'obftacle refterait le même.
On ne jouerait point les Fâcheux , les Marquis^ ,
les Emprunteurs de Molière , fans révolter à la
fois la haute , la moyenne , la moderne & l'an-
tîque NoblefTe. Ses Femmes f ayantes irriteraient
nos féminins bureaux d'efprit ; mais quel calcu-
lateur peut évaluer la force & la longueur du
levier qu'il faudrait , de nos jours , pour élever
jufqu'au Théâtre l'œuvre fublime du Tartuffe}
Auffi l'Auteur qui fe compromet avec le Public
a 2
1
\
îv PRÉFACE,
pour Vamufcr , ou pour l*injlruire , au lieu d'Intri-
guer à fon choix fon ouvrage , eft-il obligé de
tourniller dans des incidens impolSibles , de per-
fifler au lieu de rire , & de prendre fes modèles
hors de la fociété , crainte de fe trouver mille
ennemis , dont il ne connaiiTait aucun en
compofant fon trifte Drame.
J'ai donc réfléchi que fi quelque homme cou-
rageux ne fecouait pas toute cette pouffière ,
bientôt l'ennui des Pièces françaifes porterait la
nation au frivole opéra-comique , & plus loin
encor , aux Boulevards , à ce ramas infeâ de
tréteaux élevés à notre honte , oii la décente
liberté bannie du Théâtre français , fe change
en une licence effrénée ; où la jeunefTe va fe
nourrir de grofîîères inepties, & perdre, avec (es
mœurs, le goût de la décence & des chefs-d'œuvre
de nos maîtres. J'ai tenté d'être cet homme , &
fi )e n'ai pas mis plus de talent à mes ouvrages ,
au moins mon intention s'efl-elle manifeflée dans
tous.
J'ai penfé , je penfe encor , qu'on n'obtient
ni grand pathétique , ni profonde moralité , ni
bon & vrai comique au Théâtre , fans des fitua-
tions fortes, & qui naifTent toujours d'une difcon-
venance fociale , dans le fujet qu'on veut traiter.
L'Auteur tragique , hardi dans fes moyens,
ofe admettre le crime atroce ; les confpirations ,
PRÉFACE. Y
rufiirpation du trône , le meurtre , rempoifonne-
ment , Tincefte dans Œdipe & Phèdre ; le fratricide
dans F'endômc 'flepavrici^e dans Mahomet ;lcTégï-
cide dans Machbet^ &c. &c. La comédie, moins
aiidacieufe , n'excède pas les difconvenances ,
parce que fes tableaux font tirés de nos mœurs ,
fes fujets,dela fociété. Mais comment frapper fur
Tavarice , à moins de mettre en fcène un mépri-
fable avare ? démafquer l'hypocrifie , fans mon-
trer , comme Orgon dans le Tartuffe^ un abomi-
nable hypocrite, époufant fa fille & convoitant fa
femme ? un homme à bonnes fortunes, fans le faire
parcourir un cercle entier de femmes galantes;
un joueur effréné , fans l'envelopper de fripons ,
s'il ne l'eft pas déjà lui-même ?
Tous ces gens -là font loin d'être vertueux;
TAuteur ne les donne pas pour tels : il n'eft le
patron d aucun d'eux ; il eft le peintre de leurs
vices. Et parce que le lion eft féroce , le loup
vorace & glouton , le renard rufé, cauteleux , la
feble eft-elle fans moralité ? quand l'Auteur la
dirige contre un fot que la louange enivre , il
jfeit choir du bec du corbeau le fromage dans la
gueule du renard , fa moralité eft remplie : s'il la
tournait contre le bas flatteur, il finirait fon apo-
logue ainfi : U renard s'enfaifit , le dévore ; mais
le fromage était empoifonné. La fable eft une
comédie légère , & toute comédie n'eft/ qu'un
a }
vj PRÉFACE,
long apologue : leur différence efl: , qiie dans la
fable les animaux ont de l'esprit ; & que dans
notre comédie les hommes font fouvent des bê-
tes , & qui pis eft , des bêtes méchantes.
Ainfi , lorfque Molière , qui fut fi tourmenté
par les fots , donne à VJvare un fils prodigue &
vicieux qui lui vole fa caffette , & Tinjurie en
face ; eft-ce des vertus ou des vices qu'il tiré fa
moralité ? Que lui importent (es fantômes ? c'eft
vous qu'il entend corriger. Il eft vrai que les
afficheurs & balayeurs littéraires de fon tems ,
ne manquèrent pas d'apprendre au bon Public
combien tout cela était horrible ! H eâ auffi
prouvé que des envieux très-importans , ou des
importàns très-envieux fe déchaînèrent contre
lui. Voyez le févère Boileau dans fon épître au
grand Racine , venger fon ami qui n'eft plus ,
en rappellant ainfi les faits :
L*Ignorance & TErrcur à fe$ naifTantes Pièces «
£n habits de Marquis, en robes de ComtefTes ^
Venaient pour diffamer foiTchef-d'œuvre nouveau.
Et fecouaicnt la tête à Tendroit le plus beau.
Le Commandeur voulait la fcène plus exaAe 5
Le Vicomte indigné , fortait au fécond adc;
L*un, défenfeur zélé des dévots. mis en jeu ,
Pour prix de Tes bons mots , le condamnait au feu ;
L'autre , fougueux Marquis , lui déclarant la guerre.
Voulait venger la Cour immolée au Parterre.
PREFACE. vîj
On voit même dans un placet de Molière à
Louis XIV qui fut fi grand en protégeant les
Arts, & fans le goût éclairé duquel notre Théâtre
n'aurait pas un feul chef-d'œuvre de Molière ; on
voit cephilofophe Auteur fe plaindre amèrement
au Roi , que pour avoir démafqiié les hypocri-
tes , ils imprimaient par-tout qu il était un libertin j
un impie , un athée j un démon vêtu de chair j ha-
bille en homme ; & cela s'imprimait avec APPRO-
BATION ET Privilège de ce Roi qui le proté-
jgeait : rien là-deffus n'eft empiré.
Mais, parce que les perfonnages d'une Pièce s'y
montrent fous des mœurs vicieufes , faut -il les
bannir de la Scène? Que pourfuivrait-on au Théâ-
tre ? les travers & les ridicules ? cela vaut bien
la peine d'écrire ! ils font chez nous comme les
modes ; on ne s'en corrige pbint , on en change. .
Leç vices , les abus , voilà ce qui ne change
point , mais fe déguife en mille formes fous le
mafque des mœurs dominantes : leur arracher
ce mafque & les montrer à découvert , telle eft
la noble tâche de l'homme qui fe voue au Théâ-
tre. Soit qu'il moralife en riant , foit qu'il pleure
en moralifant : Heraclite ou Démocrite , il n'a
pas un autre devoir ; malheur à lui , s'il s'en
écarte. On ne peut corriger les hommes qu'en
les fefant voir tëb qu'ils font. La comédie utile
« 4
vUj PRÉFACE,
& véridique , n'eft point un éloge menteur , un
vain difcours d'Académie.
Mais gardons-nous bien de confondre cette
critique générale , un des plus nobles buts de
l'art , avec la fatyre odieufe & perfonnelle : l'a-
vantage de la première eft de corriger fans bief-
fer. Faites prononcer au Théâtre par l'homme
jufte , aigri de l'horrible abus des bienfaits ,
tous les hommes font des ingrats*, quoique cha-
cun foit bien près de penfer comme lui , perfonne
ne s'ofFenfera. Ne pouvant y avoir un ingrat y
fans qu'il exifte un bienfaiteur ; ce reproche même
établit une balance égale entre les bons & mau-
vais cœurs ; on le fent, & cela confole. Que fi l'hu-
morifte répond quun bienfaiteur fait cent ingrats ;
on répliquera juftement , cpH il n'y a peut-être pas
un ingrat qui nait été plujîeurs fois bienfaiteur :
cela confole encor. Et c'eft ainfi qu'en géné-
ralifant, la critique la plus amère porte du fruit,
fans nous bleffer ; quand la fatyre perfonnelle ,
auffi ftérile que funefte , bleffe toujours & ne
produit jamais. Je hais par-tout cette dernière ,
& je la crois un fi puniflable abus , que j'ai plu-
fieurs fois d'office invoqué la vigilance du Magis-
trat pour empêcher que le Théâtre ne devint
une arène de gladiateurs , où le Puiflant fe crût
en droit de faire exercer fes vengeances par les
* .
PREFACE. îx
plumes vénales , & malheureufement trop com-
munes , qui mettent leur baffeffe à Tenchère.
N'ont-ils donc pas affez, ces Grands, des mille
& un feuilliftes, fefeurs de Bulletins, Afficheurs,
pour y trier les plus mauvais, en choifir un bien
lâche, & dénigrer qui les offufque ? On tolère un
fi léger mal , parce qu'il eft fans conféquence ,
& que la vermine éphé9ière démange un inftant
& périt ; mais le Théâtre eft un géant qui bleffe
à mort tout ce qu'il frappe. On doit réferver
fes grands coups pour les abus & pour les maux
publics.
Ce n'eft donc ni le vice ni les incidens qu'il
amené, qui font l'indécence théâtrale; mais le dé-
faut de leçons & de moralité. Si l'Auteur, ou fai-
ble ou timide, n'ofe en tirer de fonfujet, voilà
ce qui rend fa Pièce équivoque ou vicieufe.
Lorfque je mis Eugénie au Théâtre (& il faut
bien que je me cite , puifque c'eft toujours moi
qu'on attaque) lorfi|ue je mis Eugénie au Théâtre,
tous nos Jurés-Cri eurs à la décence , jettaient
des flammes dans les foyers fur ce que j'avais
ofé montrer im Seigneur libertin , habillant fes
Valets en Prêtres , & feignant d'époufer une
jeune perfonne qui paraît enceinte au Théâtre ,
fans avoir été mariée.
Malgré leurs cris , la Pièce a été jugée , finon
le meilleur , au moins le plus moral des Drames,
X PRÉFACE,
conftamment jouée fur tous les Théâtres ^ &
traduite dans toutes les langues. Les bons efprits
ont vu que la moralité , que l'intérêt y naif-
faient entièrement de l'abus qu^un homme puif-
fant & vicieux fait de fon nom , de fon crédit ,
pour tourmenter une faible fille , fans appui ,
trompée , vertueufe, & délaiffée. Ainfi tout ce
que l'ouvrage a d'utile & de bon , naît du cou-
rage qu'eut l'Auteur d'ofer porter la difconve-
nance fociale au plus haut point de liberté.
Depuis , j'ai ùît les Deux Amis , Pièce dans
laquelle un père avoue à fa prétendue nièce
qu'elle eft fa fille illégitime : ce Drame eftauffi
très-?moral ; parce qu'à travers les facrifices de
la plus parfaite amitié , l'Auteur s'attache à y
montrer les devoirs qu'impofe la nature fur lés
fruits d'un ancien amour , que la rigoureufe du-
reté des convenances fociales, ou plutôt leur
abus , laiffe trop fouvent fans appui.
Entr'autres critiques de la Pièce , j'entendis
dans une loge , auprès de celle que j'occupais ,
un jeune Important de la Cour, qui difait gai-
ment à des dames : « l'Auteur , fans doute , eft un
» garçon Fripier , qui ne voit rien de plus élevé
» que des Commis des fermes , & des Marchands
» d'étoffes ; & c'eft au fond d'un magafin qu'il va
» chercher les nobles amis, qu'il traduit à la Scène
» françaife » I Hélas ! Monfieur , lui dis-je en
PRÉFACE, xi
m'avançant , il a fallu du moins les prendre où il
n'eft pas impoffible de les fuppofer. Vous ririez
bien plus de l'Auteur, s'il eût tiré deux vrais amis
de rCEil de bœuf , ou des CarrofTes ? U faut un
peu de vraifemblance , même dans les aâes
vertueux.
Me livrant à mon gai caraâère , j'ai depuis
tenté , dans le Barbier de Séville , de ratnener
au Théâtre l'ancienne & franche gaité , en l'al-
liant avec le ton léger de notre plaifanterie ac-
tuelle ; mais comme cela même était une efpece
de nouveauté, la Pièce fiit vivement pourfuivie,
U femblait que j euffe ébranlé l'État ; l'excès
des précautions qu'on prit & des cris qu'on fit
contre moi , décelait fur-tout la frayeur que
certains vicieux de ce tems avaient de s'y voir
démafqués. La Pièce fut cehfurée quatre fois ,
cartonnée trois fois fur l'afl&che , à l'inflant d'être
)ouée , dénoncée même au Parlement d'alors ;
Sfc moi , frappé de ce tumulte , je periiûais à
demander que le Public refiât le juge de ce que
j'avais defliné à l'amufement du Public.
Je l'obtins au bout de trois ans. Après les
clameurs y les éloges ; & chacun me difait tout
bas : faites-nous donc des Pièces de ce genre ,
puifqu'il n'y a plus que vous qui ofiez rire
en face.
Un Auteur défolé par la cabale & les criards.
xij PRÉFACE,
maïs qui voit fa Pièce marcher, reprend courage
& c'eft ce que j'ai fait. Feu M. le Prince de Conti ,
de patriotique mémoire (car en frappant Tair
de fon nom , Ton fent vibrer le vieux mot
Patrie) feu M. le Prince de Conti ^ donc, me
porta le défi public de mettre au Théâtre ma
Préface du Barbier^ plus gaie, difait-il , que
la Pièce , & d y montrer la famille de Figaro ,
que j'indiquais dans cette Préface. Monfeigneur^
lui répondis-je , fi je mettais une féconde fois ce
caraftère fur la Scène, comme je le montrerais
plus âgé, qu'il en faurait quelque peu davan-
tage , ce ferait bien un autre bruit , & qui fait
s'il verrait le joiïr ! Cependant, par refpeâ, j'ac-
ceptai le défi ; je compofai cette Folle Journée^
* qui caufe aujourd'hui la rumeur. Il daigna la
voir le premier. C'était un homme d'un grand
caraftère , un Prince augufte , un efprit noble &
fier : le dirai-je ? il en fut content.
Mais quel piège j hélas ! j'ai tendu au juge-
ment de nos Critiques en appellant ma Comédie
du vain nom de Folle Journée ! mon objet était
bien de lui pter quelqu'importance ; mais je ne
favais pas encor à quel point un' changement
d'annonce, peut égarer tous les efpri ts. En lui
laiffant fon véritable titre , on eût lu l'Epoux
fuborneur. C'était pour eux une autre pifte ; on
me courait différemment. Mais ce nom de Folle
PRÉFACE. xîîj
Journée , les a mis à cent lieues de moi : ils n'ont
plus rien vu dans Touvrage , que ce qui n'y
fera jamais; & cette remarque un peu févère fur
la facilité de prendre le change , a plus d'étendue
qu'on ne croit. Au lieu du nom de Georges Dan--
din , fi Molière eût appelle fon Drame la Sotife
des alliances , il eût porté bien, plus de fruit : fi
Regnard eût nommé fon Légataire ^ la Punition du
célibat , la Pièce nous eût fait firémir. Ce à quoi
il ne fongea pas ; je l'ai fait avec réflexion. Mais ,
qu'on ferait un beau chapitre fur tous les juge-
mens des hommes, & la morale du Théâtre, &
qu'on pourrait intituler : de C influence de l^ Affiche !
Quoi qu'il en foit, la Folle Journée refta cinq
ans au porte - feuille ; les Comédiens ont fu
que je l'avais , ils me l'ont enfin arrachée. S'ils
ont bien ou mal fait pour eux , c'eft ce qu'on a
pu voir depuis. Soit que la difficulté de la rendre
excitât leur émulation ; foit qu'ils fentiflent avec
le Public , que pour lui plaire en comédie , il
fallait de nouveaux efforts; jamais Pièce aufli
difficile n'a été jouée avec autant d'enfemble ;
& fi l'Auteur ( comme on le dit ) eft refté au def-
fous de lui-même; il n'y a pas un feiil Afteur,
dont cet Ouvrage n'ait établi, augmenté ou
confirmé la réputation. Mais revenons à fa lec-
ture , à l'adoption des Comédiens.
Sur réloge outré qu'ils en firent , toutes les
- /
3d7 P R ÊV A CE.
Sociétés voulurent le connaître, & dès-lors il
falut me faire des querelles de toute eipece , ou
céder aux inilances univerfelles. Dès-loirs auffi
les grands ennemis de TAuteur, ne manquèrent
pas de répandre à la Cour qu'il bleflait dans cet
ouvrage , d'ailleurs un tijfu de bétifesy la Reli-
gion , le Gouvernement , tous les états de la
Société , les bonnes mœurs , & qu'enfin la vertu
y étviit opprimée , & le vice triomphant , comme
de raifort ^ ajoutait-on. Si les graves Meffieurs
qui l'ont tant répété, me font Tfaonneur de
lire cette Préface , ils y verront au moins que
j'ai cité bien jufte ; & la bourgeoife intégrité
que je mets à mes citations^ n'en fera que mieux
reffortir la noble infidélité des leurs.
Ainfi dans le Barbier de Séville je n'avais
qu'ébranlé l'Erat ; dans ce nouvel eflai , plus
infâme & plus féditieux, je le renverfais de
fond en comble. U n'y avait plus rien de facré
fi l'on permettait cet ouvrage. On abufait lau-^
torité par les plus infidieux rapports ; on caba--
lait auprès des Corps puifians ; on aliarmait les
Dames timorées ; on me fefait des ennemis fur
le prie - Dieu des oratoires : & moi , félon les
hommes & les lieux , je repoufiais la bafie in-
trigue , par mon exceflîve patience , par la roi?-
deur de mon refpeû, Tob^ination de ma doci-*
lité y par la raifon^ quand on voulait l'entendre»
^
F RÈ FACE. XV
Ce combat a duré quatre ans. Ajoutez-le^
aux cinq du porte-feuille; que refte-t-il des
allufions qu on s'efforce à voir dans Touvrage ?
Hélas ! quand il fut compofé , tout ce qui fleurit
aujourd'hui , n'avait pas même encor germé.
C'était tout un autre Univers.
Pendant ces quatre ans de débat je ne deman-
dais qu'un Cenfeur ; on m'en accorda cinq ou
fix. Que virent-ils dans l'ouvrage , objet d'un
tel déchaînement? la plus badine des intrigues.
\Jn grand Seigneur efpagnol, amoureux d'une
jeune fille qu'il veut féduire , & les efforts que
cette fiancée, celui qu'elle doit époufer, & la
femme duSeigneiu:, réuniffent pour faire échouer
dans fon deffein un maître abfolu , que fon rang ,
h fortune & fa prodigalité rendent tout puif-
fant pour l'accomplir. Voilà tout , rien de plus.
La Pièce eft fous vos yeux.
D'où naiffaient donc ces cris perçans? De
ce qu'^u-lieu de pourfuivre un feul caraâère
vicieux, comme le Joueur, l'Ambitieux, l'Avare
ou l'Hypocrite, ce qui ne lui eût mis fur les
bras qu'une feute cUffe d'ennemis; l'Auteur a
profité d'une compofition légère, ou plutôt a
formé fon plan de façon à y faire entrer hi
critique d'une foule d'abus qui défolent la So-
ciété. Mais comme ce n'efl pas là ce qui gâte
un ouvrage aux yeux du Cenfeur éclairé ; tous^
€ïi l'approuvant , l'ont réclamé pour le Théâtre.
xvj PRÉFACE.
Il a donc fallu Vy fouffrir : alors les Grands du
monde ont vu jouer avec fcandale ,
Cette Pièce od Ton peint un infolent valet *
Difputant fans pudeur fon époufè à Ton maître.
M» Gudin.
Oh ! que j'ai de regret de n'avoir pas feit de
ce fujet moral, une Tragédie bien fanguinaire !
Mettant un poignard à la main de Fépoux ou-
tragé, que je n'aurais pas nommé Figaro; dans
fa jaloufe fureur je lui aurais fait noblement
poignarder le Puiffant vicieux; & comme il
aurait vengé fon honneur dans des vers quarrés ,
bien ronflans , & que mon jaloux , tout au moins
Général d'armée , aurait eu pour rival quelque
tyran bien horrible & régnant au plus mal fur
un peuple défolé; tout cela très -loin de nos
mœurs, n'aurait je crois bleffé perfonne ; on eut
crié bravo ; ' ouvrage bien moral. Nous étions
fauves , moi & mon Figaro fauvage.
Mais ne voulant qu amufer nos Français &
non faire ruiffeler les larmes de leurs époufes;
de mon coupable Amant j'ai fait un jeune Sei-
gneur de ce temps-là, prodigue, affez galant,
même un peu libertin , à-peu-près comme les
autres Seigneurs de ce temps-là. Mais qu'oferait-
on dire au Théâtre d'un Seigneur , fans les of-
fenfer tous, finon de lui reprocher fon trop de
galanterie! N'efl-ce pas là le défaut le moins
contefté
^^^m
PRE FA CE. xvij
Gontefté par eux-mêmes ? Ten vois beaucoup ^
d'ici , rougir modeftement (& c*eft un noble ef«
fort) en convenant que j'ai raifon.
Voulant donc faire le mien coupable , j'ai eu
le re(peâ généreux de ne lui prêter aucun des
vices du peuple. Direz-vous que je ne le pouvais
pas, que c'eût été blefler toutes les vraifem-
blances ? Concluez donc en faveur de ma Pièce ,
puifqu'enfînje ne Tai pas fait. ^
Le déiàxit même dont je Taccfufe n'aurait pro-^
duit aucun mouvement comique, fi je ne lui
avais gaiment oppofé l'homme le plus dégourdi
de fa nation , le véritable Figaro , qui tout en
défendant Suzanne , fa propriété , fe moque des
^ projets de fon maître , & s'indigne très-plaifam-
ment qu'il ofe jouter de rufe avec lui ^ maître
paiTé dans ce genre d'efcrime.
Ainfi , d'ime lutte afTez vive entre l'abus de
la puifTance , l'oubli des principes , la prodiga-
lité , l'occafion , tout ce que la fédudion a de
plus entraînant; & le feu, l'efpfit, les refTources
que l'infériorité piquée au jeu , peut oppofer à
cette attaque ; 'A naît dans ma Pièce un jeu plai-
lant d'intrigue ,^ii V époux fuborneur j contrarié ,
laffé , harrafTé , toujours arrêté dans fes vues ;
efl obligé trois fois dans cette journ>ée de tom-
ber aux pieds de fa fcmiine, qui bonne, indulgente
b*
xvii) PREFACE.
& feniible finit par lui pardonner ;c'*efl: ce qu'elles
font toujours. Qu'a donc cette moralité de
blâmable, Meilleurs?
La trouvez-vous un peu badine pour le ton
grave que je prens ? accueillex-en une plus fé*
vère qui blefle vos yeux dans l'ouvrage , quoi-
que vous ne Vy cherchiez pas : cVft qu'un Sjei*
gneur alTez vicieux pour vouloir pfoftituer à
{es caprices tout ce qui lui eft fubox^onné , pour
{e jouer dans Tes domaines , de la pudicité de
toutes fet jeunes vaiTales , doit finir comme
Celui-ci ,* par être la rifèe de fes valets. Et c'eft
ce que l'Auteur a très-fortement prononcé, lorf-
qu'en fureur au cinquième Afte , Almaviva ,
croyant confondre une femme infidèle , montre
à fon jaAlinier un cabinet, en lui criant : Entres-y
toi j Antonio ; conduis devant fon juge^ l'infâme qui
tfCa deshonoré ; & que celui-ci lui répond : //
y tf, parguenne^une bonne Providence! Vous en ave:^
tant fait dans le pays j quil faut bien aujffï qu'à
votre tour / . . : .
Cette profonde moralité fe fait fentir dans
tout l'ouvrage ; & s^il conven^ à l'Auteur de
démontrer aux adverfâires qu'à travers fa forte
leçon il a porté la confidération pour la dignité .
du coupable, plus loin qu'on ne devait l'attençfre
de la fermeté de fon pinceau; je leur ferais
remâr{|iier que , croifé dans tous fes projets, le
Comte Almaviva fe voit toujours humilié, fans
être jamais avili.
En effet, ii la Comtefle ufkit de fuie pour
aveugler fa jaloufie dans le deflein de le trahir }
devenue coupable elle-même, elle ne pourrait
mettre à ies pieds fon époux , fans le dégrader
â nos yeux. La vîcieufe intention de Tépoufe ,
brifant un lien tefpedé ; Ton reprocherait juf*
tement à TAuteur d'avoir tracé des mœurs blâ^*
jnables : car nos jugemens fur les mœurs fe rap-
portent toujours aux femmes; on nVilime pas
aflez les hommes poiu: tant exiger d'eux fur ce
point délicat. Mais, loin qu'elle ait ce vil projet^
ce qu'il y a de mieux établi dans roiivi:age , efl
que nul ne veut faire une tromperie an Comte ^
mais feulement l'empêcher d'e^ faire k tout le
monde. Ceft la purefé des motifs qui fauve ici
les moyens, du reproche; & de cela feul, que
la Gomteife ne yeut que ramener fon mari;
toutes les confufions qu'il éprouve font certain
nement très-morales ; aucune n'eft aviliiTante^
Pour que cette vérité vous frappe davantage,
l'Auteur oppofe à ce mari peu délicat, la pltis
vertueufe des femmes par goût & par prin-
cipes.
Abandonnée d'un époux trop aimé ; quand
l^expofe-t-on à vos regards ? dans le moment
b %
»*
XX PREFACE.
C'.îtique oii fa bienveillance pour un aimable
enfant , fon filleul , peut devenir un goût dan-
gereux, fi elle permet au reffentiment qui
Tapuie , de prendre trop d'empire fur elle. Ceft
pour faire mieux fortir l'amour vrai du devoir,
que l'Auteur la met un moment aux prifes avec
un goût naifiant qui le combat. Oh ! combien on
s eft étayé de ce léger mouvement dramatique,
pour nous acçufer dlndécence ! On accorde à
la tragédie , que toutes les Reines , les Prin-
cefFes ay en t des paillons bien allumées qu'elles
combattent plus ou moins; & l'on ne foufFre
pas que , dans la comédie , ime femme ordinaire
puiffe lutter contre la moindre faibleffe! O grande
influence de l* Affiche ! jugement^sûr & conféquent !
avec la différence du ^enre , on blâme ici , ce
qu'on approuvait là. Et cependant en ces deux
cas c'èfl toujours le même principe ; point de
vertu fans facrifice.
J'ofe en appeller à vous , jeunes infortunées i
que votre malheur attache à des Almaviva ! Dif-
tingueriéz-vous toujours votre vertu de vos cha-
grins, fi quelqu'intérêt importun tendant trop
à les diifiper , ne vous avertirait enfin qu'il eft
tems de combattre, pour elle ? Le chagrin de per-
dre un mari, n'eft pas ici ce qui nous touche;
un regret auflî perfonnel eft trop loin d'être une
vertu ! Ce qui nous plaît dans la Comteffe , c'eft
PREFACE. x.vj
de la voir lutter franchement contre un goiit
naiffant qu'elle blâme , & des reffentlmens légi-
times. Les efforts qu'elle fait alors pour ramener
fbn infidèle époux, mettant dans le plus heureux
Jour les deux facrifices pénibles de fon goût & de
la colère , on n'a nul befoin d'y penfer pour ap-
plaudir à fon triomphe; elle eft un modèle de ver-
tu ; l'exemple de fon fexe & l'amour du nôtre.
Si cette métaphyfigue de l'honnêteté des Scè-
nes ;fi ce principe avoué, de toute décence théâ-
trale , n'a point frappé nos juges à la repréfenta-
tion; c'eft vainement que j'en étendrais ici le
développement , les conféquences ; un tribunal
d'iniquité n'écoute point les défenfes de l'accufé
qu'il eft chargé de perdre ; & ma Comteffe n'eft
point traduite au Parlement de la nation : c'eft
une CommifSon qui la juge.
On a vu la légère efquiffe de fon aimable ca-
raûère , dans la charmante Pièce âH Heure ufement.
Le goût naiftant que la jeune femme éprouve
pour fon petit coufin rOfficier,n'y parut blâmable
à perfohne ; quoique la tournure des Scènes pût
laiffer à penfer que la foirée eût fini d'autre
manière , fi l'époux ne fût pas rentré , comme dit
l'Auteur , heureufement. Heureufement auflî l'on
n'avait pas le projet de calomnier cet Auteur: cha-
cun fe livra de bonne-foi à ce doux intérêt quinf
pire une jeune femme honnête & fenfible 9 qui
b 3
xx\) PREFACE.
réprimç fes premiers goûts , & notez, que dan»
cette Pièce , l'époux ne paraît qu un peu fot ;
dans la mienne , il eft infidèle ; ma Comteffe a
plus de mérite.
Auffi , dans Touvrage que je défens , le pluîs
véritable intérêt fe porte-t*il fur la Comteffe ! L«
refte eft dans le même elprit.
Pourquoi Suianne la camarifte , fpirituelle ,
adroite & rieufe , a-t-^lle auflî le droit de nous
intéreffer ? C'eft qu'attaquée par un féduâeur
puiffant , avec plus d'avantage qu'il n'en faudrait
pour vaincre une fille de fon état , elle nliéfite
pas à confier les intentions du Comte, aux deux
perfônnes les plus intéreffées à bien furveillerfa
conduite; fa maîtreffe & fon fiancé. C'eft que ,
dans tout fon rôle , prefque le plus long de la
Pièce , il n'y a pas une phrafe , un mot , qui ne
refpire la fageffe & l'attachement à {es devoirs :
la feule rufe qu'elle fe permette, eft en faveur de
fa maîtreffe , à qui fon dévoûment eft cher ,
& dont tous tes vœux font honnêtes.
Pourquoi , dans fes libertés fur fon maître ,
Figaro m'amufe-t-il , au lieu de m'indigner? C'eft
que y l'opppfé des valets , il n'eft pas , & vous le
faveîs 9 Iç malhpnnête homme de la Pièce : en le
voyant forcé par fon état , de reppuffer l'infulte
avec adreffe ; on lui pardonne tout , dès qu'on
iait qu il ne rufe avec ibn Seigneur, que pow
PREFACE. xxilj
i;arantir ce qu'il aime , & fauver fa propriété.
Donc, hors le Comte & Tes agens, chacun
fait dans \sL Pièce à-pcu-près ce qu'il doit. Si vous
les croyez malhonnêtes , parce qu'ils difent du
mal les uns des autres ; c'efl une règle trè$-fau^
ti ve. Voyez nos honnêtes gens du fiecle ; on paffe
la vie à ne faire autre chofe ! Il eft même telle-
ment reçu de déchirer fans pitié les abfens, que
moi , qui les défens toujours , j'entens murmurer
très-fouvent : quel diable d'homme , & qu'il eft
contrariant J il dit du bien de tout le monde !
Eft-ce mon Page , enfin , qui vous fcandalife ,
& l'immoralité qu'on reproche au fond de l'ou-
vrage , ferait-elle dans l'acceffoire ? O cenfeurs
délicats ! beaux efprits ûins fatigue ! inquisiteurs
poiu: la morale , qui condamnez en un clin-d'œil
les réflexibns de cinq années ; foyez jujftes une
fois , fans tirer à conféquence. Un enfant de treize
ans , aux premiers battemens du cœur; cherchant
tout , fans rien démêler ; idolâtre , ainfi qu'on
Teftà cet âge heureux, d'un objet célefte pour
lui , dont le hafard fit fa maraine , eft^il un fujçt
de fcandale ? Aimé de tout le monde au château;
vif, efpiégle & brûlant, comme tous les enfans
fpiritu^ls ; par fon agitation e^çtrême , il dérange
dix fois , fans le vouloir , les coupables projets
du Comte. Jeune adepte de la nature ! tout ce
qu'il voit a droiç de l'agiter : peut-être il n'eft
i>4
xxîv PREFACE. ^
plus un enfant ; maïs il n'efl pas encor un homme;
& c'eft le moment que j'ai choifi , pour qu'il ob-
tint de rintérêt^fam forcer perfonne à rougir. Ce
qu'il éprouve innocemment , il Tinfpire par-tout
de même. Direz-vous qu'on l'aime d'amour? Cen-
feurs! ce n'eftpaslà le mot: vous êtes trop éclairés
j)Our ignorer que l'amour , même le plus pur , a
un motif intéreffé : on ne l'aime donc pas encor ;
on (ent qu'un jour on l'aimera. Et c'eft ce que
l'Auteur a mis avec gaité dans la bouche de
Suzanne , quand elle dit à cet enfant : Ok ! dans
trois ou quatre ans^ je prédis que vous fer e\ le* plus
grand petit vaurien /.•••• ^.
Pour lui imprimer plus fortement le carac*
tère de l'enfance , nous le fefons exprès tufôyer
par Figaro. Suppofez-lui deux ans de plus , quel
valet dans le château prendrait ces libertés ?
Voyez-le à la fin de fon rôle ; a peine a-t-il un
habit d'Officier , qu'il porte la main à l'épée aux
premières railleries du Comte, fur le quiproquo
d'un, foufflet. Il fera fier , notre étourdi ! mais c'eft
un enfant, rien de plus.N'ai-je pas vu nos dames
dans les loges aimer mon Page à la folie ? Que
lui voulaient-elles ? hélas ! rien : c'était de l'inté-
Têt aufli ; mais, comme celiii de la Comtefle:^
un pur & naïf intérêt : un intérêt •.••.. fans
intérêt.
Mais eft-ce la perfonnç du Page ou la confcience
PREFACE, XXV
du Seigneur qui fait le tourment du dernier ,
toutes les fois que l'Auteur les condamne à fe
rencontrer dans la Pièce ? Fixez ce léger apperçu^
il peut vous mettre fur fa voie ; ou plutôt appre-
nez de lui , que cet enfant n'eft amené que pour
ajouter à la moralité de Fou vrage , en vous mon^
trant que Thomme le plus abfolu chez lui , dès
qu'il fuit un projet coupable , peut être mis au
dé&fpoir par Têtre le moins important , paf ce-
lui qui redoute le plus de fè rencontrer fur ù.
route.
Quand mon Page aura dix-huit ans, avec le
caraâère vif & bouillant que je lui ai donné , je
ierai coupable à mon tour , fi je le montre fur
la Scène* Mais à treize ans qù'infpirc- t-il ? quelr
que chofe de fenfible & doux , qui n'eft amitié
ni amour , & qui tient un ^u de tous deux. ,
J'aurais de la peine à faire croire à l'innocence
de ces impreffions , fi nous vivions dans un fiecle
moins chafie , dans un de ces fiécles de calcul y
cil , voulant tout prématuré , comme les fruits
de leurs ferres chaudes , les Grands mariaient
leurs enfans à douze ans , & fefaient plier la
nature , la décence & le goût aux plus fordides
convenances, en fe hâtant fur-tout d'arrachqi:
de ces êtres non formés , des enfens encor moins
formables , dont le bonheur n'occupait perfonne,
& qui n'étaient que le prétexte d'un certain
xxvj PREFACE.
trafic d'avantages, qui n'avait nul rapporta euit,
mais uniquement à leur nom. Heureufementnous
en fommes bien loin : & le caraûère de mon
Page y fans conféquence pour lui-même , en a
tane relative au Comte , que le moralifte apper-
çoit, mais qui n'a pas encore frappé le grand
commun de nos jugeurs.
Ainfi , dans cet ouvrage , chaque rôle impor-
tant a quelque but moral. Le feul qui femble y
déroger , eft le rôle de Marceline.
Coupable d'un ancien égarement , dont fbn
figaro fut le fruit , elle devrait, dit-on , fe voir
au moins puqie par la confuiion de fa faute ,
lorfqu'elle reconnaît fon fils. L'Auteur eût pu
même en Tirer une moralité plus profonde : dans
les mœurs qu'il veut corriger, la faute d'une
jeune fille féduite , aft celle des hommes , & non
la fienne. Pourquoi donc ne Ta-t-il pas fiiit ?
n l'a fait , Cenfeurs raifonnables ! étudiez la
Scène fuivante , qui fefait le nerf du troifieme
Aûe , & que les Comédiens m'ont prié de re-
trancher, craignant qu\m morceau fi févère
n'obfcurcit la gaité de l'aâion.
Quand Moliire 9 bien humilié la Coquette ,
ou Coquine du Mifantropc , par la leôure pu-
blique de fes lettres à tous fes amans, il la
laifTe avilie fous les coups qu'il lui a portés ; il
a raifon l qu'en ferait-il ? vicieufe par goût &
PREFACE. xxvîî
par choix ; veuve aguérle ; femme de Cour ; fans
aucune excufe d'erreur ^ & fléau d'un âart bon-*
nête homme;. il Tabandonne à nos mépris , iSc
telle eft fa moralité. Quant i moi , faififlant
Tayeu naïf de Marceline au moment de la re«
coimaiflance, je montrais cette femme humiliée ,
& Banholo qui la refufe, & Figaro leur fils com-
mun dirigeant Tattention publique fur les vrais
fauteurs du défordre où l'on entraine fans pitié
toutes les jeunes filles du peuple y douées d'une
Jolie figure.
Telle eft la marche de la Scène.
Brid'oison.
{Parlant de Figaro qui yient de recorinaître fa merc
€n Marceline).
CeA dair : i <* il ne Tépoufera pas»
Bartholo.
Ni moi non plus.
Marceline.
Ni vous ! & votre fils ? Vous m'aviez juré. H «
«
B A R T H O L O.
rétais fou* Si pareils fouvenirs engageaient ^
on ferait tenu d'époufer tout le monde.
xxviij P R E F A C I.
Brid'oison.
E - Et fi Ton y regardait de fi près ,
pè - ei^fonne n'épouferait perfonne.
Bartholo.
Des fautes fi connues ! une jeunefie déplo
rable!
Marceline, s^ échauffant par degrés.
Oui 9 déplorable, & plus qu^on ne croit! Je
n'entens pas nier mes fautes; ce jour les a trop
bien prouvées ! mais qu'il efi dur de les expier
après trente ans d'une vie modefte ! Tétais née ,
moi , pour être fage , & )e la fiiis devenue fitôt
qu'on m'a permis d'ufer de ma raifon. Mais dans
l'âge des illufions, de l'inexpérience & dès
befoins^où les féduâeurs nousaffiégent, pendant
que la misère nous poignarde ; que peut oppofer
une enfant, à tant d'ennemis rafTemblés? Tel
nous juge ici févèrement, qui peut-être en fa
vie a perdu dix infortunées.
Figaro. ,
<»
Les plus coupables font les moins généreux ;
C'eft la règle.
Marceline vivement.
Hommes plus qu'ingrats , qui flétrîffez par le
mépris, les jouets de vos paffions , vos viûunes !
PREFACE. xxix
c'^efl vous qu'il. faut punir des erreurs de notre
jeimefle: vous, & vos Magiftrats fi vains du
droit de nous juger , & qi|i nous laifient enle-
vef , par leur coupable négligence , tout honnête
moyen de fubfiûer. Eft-il un feul état pour les
jnalheureufes filles ? elles avaient un droit natu-
rel à toute la parure des femmes ; on y laifTe
former mille ouvriers de Tautre fexe.
Figaro.
Ils font broder jufqu'aux foldats î
^ Marceline exaltée.
t Dans les rangs , même plus élevés , les fem-
mes Il obtiennent de vous qu^ne confidération
dérifoire. Leurées de re^eâs apparens , dans
une fervitude réelle y traitées en mineures pour
nos biens , pimies en majeures pour nos fautes j
ah ! fous tous les afpeôs , Votre conduite avec
nous 9 fait horreur ou pitié.
Figaro.
Elle a raifon.
Le Comte â pan:
Que trop raifon,
Brid'oison.
Elle a , mon « on Dieu ! raifon.
MX P RÊ F A C Ei
Marceline.
Mais que nous font , mon fils , les refus d*uft
homme injufte ? ne regarde pas d*oii tu viens ^
Vois où tu vas ; cela ieul importe à chacun. Dans
quelques mois ta fiancée ne dépendra plus que
d*elle*même ; elle t'acceptera, j'en répons':
vis entre une époufe, une mère tendres , qui
te chériront à qui mieux mieux. Sois indul-
gent pour elles ^ heureux pour toi , mon fils ;
gai , libre & bon poiu: tout le monde » il ne man«
quera rien à ta mère. ,
Figaro.
Tu parles d'or , mamah , & je me dens à toti
«vis. Qu'on èft fot en effet ! il y ^ des mille
mille ans que le monde roule , & dans cet océan
de durée ^ où, j'ai par hafard attrapé quelques
chétift trente ans qulne reviendront plus , j'i«*
Mis mé tourmenter pout favoîr à qui )e lei
dois ! tant pis pour qui s'en inquiète. Pafler ainfi
la vie à chamailler , c'eft peier fur le collier
Ikns relâche , comme les malheureux chevaux
de la remonte des fleuves , qui ne repofent pas,
même quand ils s'arr^ent^ft qui tirent tou-
jours , quoiqu'ils ceffent de marcher.. Nous at-^
tendrons.
éàkHÉNi4MtriiHii«MMiMi«aM
r
J^ lûen regretté ce 8i9i;Maui 9c nauteaant
PRÉFACE. XXX]
^àe la Pièce efl connue, fi les Comédiens avaient
le courage de le reftituer à ma prière, je penfe
que le Public leur en faurait beaucoup de gré.
Us n auraient plus même à répondre, comme je
fus forcé de le faire à certains cenfeiirs du beau
inonde , qui me reprochaient à la leâure , de
les ihtéreffer pour une femme de mauvaifes
mœurs. — - Non , Meffieurs , je n'en parle pas
pour excufer {es mœurs, mais poijr vous feire
rougir des vôtres fur le point le pluf defiruôeur
de toute honnêteté publique ; la corruption des
jeunes perfonnes ; & j'avais raifon de le dirt
que vous trouvez ma Pièce trop gaie, parce
qu^elle eft fouvent trop févère. Il n'y a que feçon
de s'entendre.
-— Mais votre Figaro eft un foleil tournant ,
qui brûle , en jailliffant , les manchettes de tout
le monde. — Tout le monde eft exagéré. Qu'on
«e fâche gré du moins s'il ne brûle pas auffi les
doigts de cent qui croient s'y reconnaître : au
tems qui court on a beau jeu fur cette matière
au Tlîéâtre. M'eft-il permis de compofer en Au-
teur qui fort du collège , de toujours faire rire
des e^^fkns , fans jamais rien dire à des hommes?
Et ne devei-voiîs pas me pafler un peu de mo-
rale , en faveur de ma gaité ; comme on palSTe
aux Français tm peu 4e folie , en laveur de leur
raifon.
ixxîj PREFACE.
Si je n*ai verfé fur nos fotifes qu'un peu de
critique badine , ce n'eft pas que je ne fâche en
former de plus févèrés '.quiconque a dit tout ce
qiiïl fait 9 dans fon ouvrage , y a mis plus que
moi dans le mien. Mais je jgarde une foule dl-
dées qui me présent , pour un des fujets les plus
moraux du Théâtre , aujourd'hui fur mon chan-
tier : la Mire Coupable ; & fi le dégoût dont on
m'abreuve me permet jamais de Tachever ; mon
projet étan'f d'y faire verfer des larmes à toutes
fies femmes fenfibles , j^éleverai mon langage à
la hauteur de mes fituations; j'y prodiguerai les
traits de la plus auftère morale, & je tonnerai'
fortement fur les vices que j'ai trop ménagés.
Apprêtez-vous donc bien , Meilleurs , à me tour-
iiienter de nouveau ; ma poitrine a déjà grondé;
j'ai noirci beaucoup de papier au fervice de
votre colère.
Et vous honnêtes indifférens, qui jouiflez de
tout fans prendre parti fur rien : jeunes per-
fonnes modeftes & timides, qui vous plaifez
à ma Folle Journée , ( & je n'entreprens fa dé-
fcnfe que pour juftifier votre goût :) lorfque vous
verrez dans le monde , un de ces hommes tran-
chans , critiquer vaguement la Pièce , tout blâ^
mer fans rien défigner , fur-tout la trouver in-
décente ; examinez bien cet homme là ; fâchez
fon rang, fon état, fon caraftèrej & vous con-
naîtrez
/
PREFACE. xxxiij
naîtrez fur le champ le mot qui Ta blefTé dans
Touvrage.
On fent bien que je ne parle pas de ces Ecu-
meurs littéraires, qui vendent leurs bulletins ou
leurs affiches à tant de liards le paragraphe»
Ceux-là, comme l'urfW/ Jîtf:[i/^ , peuvent calom-
nier ; ils médiraient qu'on ne les croirait fâs.
Je parle moins encor de ces libelliftes hon-
teux qui n'ont trouvé d'autre moyen de fatis-
faire leur rage , Taffaffinat étant trop dangereux,
que de tancer du cintre de nos Salles, des
vers infâmes contre l'Auteur , pendant que Ton
jouait fa Pièce» Us favent que je les connais : fi
j'avais eu defTein de les nommer , c'aurait été
au miniflère public j leur fupplice eft de Favoir
craint, il fuffit à mon refTentiment. Mais on
n'imaginera jamais jufqu'oii ils ont ofé élever
les foupçons du Public fur une aulfi lâche épi-
gramme! femblables à ces vil^ charlatans du
Pont-Neuf y qui , pour accréditer leurs drogues ,
farciflent d'ordres , de cordons , le tableau qui
leur fert d'enfeigne.
Non, je cite nos importans^ qui blefTés, on
ne fait pourquoi, des critiques femées dans
l'ouvrage , fe chargent d'en dire du mal , fana
cefTer de venir aux noces.
C'efl un plaifîr afTez piquant de les voir
d'en bas au Speâaclç, dans le très-plaifant em-
* c
y
xxxiv PREFACE,
i
barras de n^ofer montrer ni fatisfaâîon ni co-^
1ère; s'avançant fur le bord des loges, prêts à
fe moquer de l'Auteur , & fe retirant auffitôt
pour celer un peu de grimace ; emportés par
un mot de la fcène, & foudainement rembru^
nis par le pinceau du moralifle : au plus léger
trait de gaité , jouer triftement les étonnés ,
prendre un air gauche en fefant les pudiques ^
& regardant les femmes dans les yeux , comme
pour leur reprocher de foutenir un tel fcandale j
puis , aux grands applaudiffemens , lancer fur le
Public un regard méprifant, dont il eft écraféj
toujours prêts à lui dire, comme ce courtifaa
dont parle Molière , lequel outré du fuccès de
y Ecole des Femmes criait des balcons au Public ,
ris done^ Public^ ris donc! En vérité c'eft un
plaifir , & j'en ai joui bien des fois.
Celui-là m'en rappelle un autre. Le premier
jour de la Folle Journée j on s'échauj&it dans
le foyer ( même d'honnêtes Plébéyens ) fur ce
qu'ils nommaient fpirituellement , mon audace.
Un petit veillard fec & brufque , impatienté de
tous ces cris , frappe le plancher de fa canne, &
dit en seti allant : Nos Français font comme les
enfans qui braillent quand on les éberne» Il avait
du/ens, ce vieillard. Peut-être on pouvait'
mieux parler : mais pour mieux penfer, j'en
défie.
PREFACE. XXXV
Avec cette intention de tout blâmer, on con-
çoit que les traits les plus fenfés ont été pris
en mauyaife part. N'ai-je pas entendu vingt fois
un murmure defcendre des loges à cette réponfe
de Figaro i^
Le Comte,
Une réputation détéjlable !
Figaro.
Et fi je vaux mieux quelle ; y a-t'-il beaucoup
de Seigneurs qui puijjent en dire autant ?
Je dis moi, qu'il tCy en a point ; qu'il ne faurait y
en avoir , à moins d'une exception bien rare. Vn
homme obfcur ou peu connu peut valoir mieux
que fa réputation , qui n'eft que Topinion d'au-
ttui. Mais de même qu'un fot en place , en pa-
raît une fois plus fot , parce qu'il ne peut plus
lien cacher; de même un grand Seigneur, l'homme
élevé en dignités, que la fortune & fanailTance
ont placé fur le grand théâtre , & qui , en en-
trant dans le monde , eût toutes les préventions
pour lui , vaut prefque toujours moins que fa
réputation s'il parvient à la rendre mauvaife.
Une affertion fi fimple & fi loin du farcafme ,
devait-elle exciter le murmure ? fi fon applica-
tion parait facheufe aux Grands peu foigneux de
leur gloire ; en quel fens feit - elle épigramme
for ceux qui méritent nos refpeûs , & quelle
Ç X
xxxv) IP R K F A C Em
maxime plus jufte au Théâtre, peut fervir^de
frein aux Puiflans , & tenir lieu de leçon à x:eux
qui n'en reçoivent point d'autres?
Non qu à feille oublier ( a dit un Ecrivain
févère; & je me plais à le citer, parce que je
fuis de fon avis.) « Non quil faille oublier,
n dit-il., ce qu'on doit aux rangs élevés; il eft
» jufte au contraire que l'avantage de Ja naif-
>> fance foit le moins contefté de tous ; parce ^
>f;que ce bienfait gratuit de l'hérédité, relatif
.#i aux exploits, vertus, ou qualités des aïeux
^ (Je qui le reçut , ne peut aucunement blef-
^ fer l'amour-propre de ceux auxquels il fut
H refiifé : parce que dans une monarchie fi l'oji:
» ôtait le^ rangs intermédiaires , il y aurait
» trop loin du m.onarque aux fujets ; bien-tôt.
>» on n'y verrait qu'un defpote fit des efclaves :.
» le maintien d'une échelle graduée du labou-,
H reur au potentat, intéreife également les
M hommes .de tous les rangs , fie peut-être e^ft
» le plus ferme appui de la conftitution mor
» narchique ». ^
Mais quel Auteur parlait ainfi ? qui fefait
cette profeffion de foi fur la nobleffe, dont on
jne fuppofe fi. loin ? C'était PïERRE-Augustin
Caron de Beaumarchais plaidant par écti%
au Parlement d'Aix en 1778 , une grande Se
févère queilion , qui décida bien-tôt derhonnei^
PRÉFACÉ. xxxvîj
(d*uii Noble & du fien. Dans Touvrage que je
défens on n'attaque point les états, mais les
abus de chaque état : les gens feuls qui s'en
rendent coupables ont intérêt à le trouver mau-
vais ; voilà les rumeurs expliquées : mais quoi
donc 9 les abus font-ils devenus fi facrés, qu'on
n'en puifle attaquer aucun fans lui trouver vingt
défenfeurs ?
Un avocat célèbre , un magiftrat refpeûable,'
iront-ils donc s'approprier le plaidoyer d'un Bar-
iholo y le jugement d'un BricToi/bn ? Ce mot de
Figaro fiir l'indigne abus des plaidoiries de nos
jours ( c'efi dégrader le plus noble injlitut ) a bieii
' montré le cas que je fais du noble métier d'avor
cat; & mon refpeâ pour la magiftrature ne fera
pas plus fufpeûé , quand on faura dans quelle
école j'en ai recherché la leçon, quand on lira
le morceau fuivant , auffi tiré d'un moralifte y
lequel parlant des Magiftrats, s'exprime en ces
termes formels :
^ Quel homme aifé voudrait , pour le plus
n modique honoraire , faire le métier cruel de
^ fe lever à quatre heures , pour aller au Palais
H tous les jours s'occuper fous des formes pref-
^ crites , d'intérêts qui ne font jamais les fiens ;
>> d'éprouver fans cèffe Tennui de Timportunité ,
H le dégoût des foUicitations , le bavardage des
*# -Plaideurs, la monotonie des Audiences, la
(
xxxvîij PRE FA C Ê,
H fatigue des délibérations ^ & la contention
^ d'efprit néceflairç aux prononcés des Arrêts,
9» s'il ne fe croyait pas payé de cette vie labo-
yf rieufe & pénible, par Feftime & la confidé-
^ ration publique ? & cette eftime eft*elle aufre
ff chofe qu'un jugement , qui n'efl -même au^
H flatteur pour les bons Magiftrats , qu'en rai-*
yf {on de fa rigueur exceflive contre les mau^
» vais? »
Mais quel Ecrivain m'infiruifait ainfi par
fes leçons? Vous allez croire encor que c'eft
Pierre -Augustin; vous l'avez dit, c'eft
lui, en 1773, dans fon quatrième Mémoire en
défendant jufqu'à la mort, fa trifte exiftence
attaquée par un foi-difant magiftrat. Je refpeéèe
donc hautement ce que chacim doit honorer ; Se
je blâme ce qui peut nuire.
— Mais dans cette Folle Journée , au lieu de -^
fapper les abus , vous vous donnez des liberté^
très-répréhenfibles au Théâtre : votre monologua
fur-tout , contient , fur les gens difgraciés ^ des
traits qui paflent la licence !— Eh ! croyez-vous,
Meffieurs , que j'eufle un talifman pour tromper,
féduire , enchaîner la cenfure & Tautorité, quand
îe leiu" foumis mon ouvrage? que je n'aye pas
dû juftifier ce que j'avais ofé écrire? Que fais-)e
dire à Figaro , parlant à Thomme déplacé ? Que
les fotifes imprimées n 'ont d'importance qu'aux
F R E FA C E. xxxîx
lieux oh Von en gêne le cours. Eft-ce donc là une
vérité d'une conféquence dangereufe î Au lieu
de ces inquiiitions puériles & fatiguantes & qui
feuks donnent de Timportance à ce qui n'en
aurait jamais ; fi , comme en Angleterre y on
était affez fage ici pour traiter les fotifes avec
ce mépris qui les tue ; loin de fortir di> vil fu-
mier qui les enfante , elles y pouriraient en
germant, & ne fè propageraient point. Ce qui
multiplie les libelles , efi: la faibleiTe de les
craindre : ce qui fait vendre les fotifes , efl la
fotife de les défendre.
Et comment conclut Figaro? Que fans la
liberté de blâmer^ il n*ejl point d*étogc fiateur ;
& qu'd n'y a que les petits-hommes j qui redoutent
les petits écrits, Sont-ce là des hardieffes cou-
pables , ou bien des aiguillons de gloire } des
moralités infidieu(ès , ou des maximes réfléchies,
auffi juftes qu'encourageantes?
Suppofez-ks le fruit des fouvenîrs. Lorfque
(ktisfait du préfent, TAuteur veille pour Tave-
nir, dans la critique du paffé; qui peut avoir
droit de s'en plaindre ? & fi^ ne défignant ni
tems, ni lieu, .ni perfonnes, il: quvre la voie au
Théâtre , à des réformes defirablcs ; n'efl:*-ce pas
aller à fèin but?
La Folk Journée explique donc comment dians
un temps profpère ^ fous im Roi jufte , & des
^4
xl T RE FA C E.
Mimftres modérés , rEcnvain peut tonner dit
les opprefTeurs , fans craindre de blefTer par*
fonne. Ceft pendant le règne d'un bon Prince
qu'on écrit fans danger Thiftoire des méchans
Rois; & plus le Gouvernement eft fage, efl;
éclairé , moins la liberté de dire eft en prefle :
chacun y fefant fon devoir, on n'y craint pas
le^ allufions : nul homme en place ne redoutant
ce qu'il eft forcé .d'eftimer , on n'aiFeâe point
alors d'opprimer chez nous cette même Littéra-
ture , qui fait notre gloire au dehors , & nous
y donne une forte de primauté que nous ne
pouvons tirer d'ailleurs.
En effet, à quel titre y prétendrions-nous?
Chaque Peuple tient à fon culte , & chérit fon
Gouvernement. Nous ne fommes pas reftés plus
braves, que ceux qui nous ont battus à leur
tour. Nos mœurs plus douces , mais non meil-
leures , n'ont rien qui nous élève au-defTus d'eux.
Notre Littérature feule , eftimée de toures lei
nations , étend l'empire de la langue frahçaife &
nous obtient de l'Europe entière une prédilec-^*
tion avouée qui juftifie en l'honorant , la pro-
teâion que le Gouvernement lui accbixle.
Et comme chacun cherche toujours le feul
avantage qui lui manque ; c'eft alors qu'on peut
voir dans nos Académies l'honmie de la Cour
fiéger avec les gens de lettres; les talenspcr*
PREFACE. xlj
fonneIS)& la confidération héritée, fe difputer
ce noble objet , & les archives académiques fe I
remplir prefque également de papiers & de par-
chemins.
Revenons à la Folle Journée»
Un Moniieur de beaucoup d'efprit , mais qui I
réconomife un pieu trop , me difait un foir au j
Speâacle : expliquez- moi donc, je vous prie,
pourquoi , dans votre Pièce , fin trouve autant |
de phrafes négligées qui ne font pas de votre i
ftyleî — De mon ftyle, Monfieur ? Si par mal-
heur j'en avais un , je m'efforcerais de l'oublier
quand je fais une comédie : ne connaiflant
rien d'infipide au Théâtre comme ces fa^es ca-
maïeux où tout eft bleu , où tout eft rofe , où
tout eft l'Auteur , quel qu'il foit.
Lorfque mon fujet me faifit, j'évoque tous
mesperfonnages &les mets en fituation : — fonge
à toi Figaro , ton maître va te deviner. — Sauvez-
vous vite Chérubin ; c'eft le Comte que vous
touchez. — Ah ! Comteffe quelle imprudence
avec un époux fi violent ? — Ce qu'ils diront ,
je n'en fais rien ; c'eft: ce qu'ils feront qui m'oc-
cupe. Puis , quand ils font bien animés , j'é-
cris fous leur diûée rapide , sûr qu'ils ne me
tromperont pas , que je reconnaîtrai Ba:(de ,
lequel n'a pas l'efprit de Figaro , qui n'a pas
le ton noble du Comte /qui n'a pas la fenfibi-
xUj PREFACE;
lité de la Comtefle , qui n^a pas la gaîté de «Su-
:fû/2/»d j qui n'a pas refpieglerie du Page , &
fur - tout aucun d'eux , la fublimité de JBriiT-
oifon : chacun y parle fon langage : eh ! que le
Dieu du naturel les préferve d'en parler d'autre !
Ne nous attachons donc qu'à Texamen de îeurs
idées, & non à rechercher fi j'ai dû leur prêter
mon ftyle.
Quelques mahreillans ont voulu jetter de la
défaveur fur cette phrafe de Figaro : fommes-
nous d€s foldats qui tuent & fe font tutr pour des
intérêts qu*ïls ignorent f Je veux/avoir^ moi ^ pour*
quoi je me fâche I A travers le nuage d'une con»-
ception indigeile ils ont feint d'appercevoir :
que je répands une lumière décourageante fur l'état
pénible du Soldat ; & il, y a des chofes qu'il ne
faut jamais dire^ Voilà dans toute fa force l'ar-
gument de la méchanceté ; refte à en prouver
la bêtife.
Si , comparant la dureté du fervice à la mo»
dicité de la paye , ou difcutant tel autre incon-
vénient de la guerre , & comptant la gloire pour
rien, je verfàis de la défaveur iiir ce plus noble
des affireux métiers ; on me demanderait jufte-
ment compte d'un mot indifcrètement échappé*
Mais, du Soldat au Colonel, au Général exclu-
fivement , quel imbécille homme de guerre a
Jamais eu la prétention qu'il dût pénétrer les
P REFACE. M
fecrets du cabinet , pour lefquels il fait la cam-
pagne ? C eft de cela feul qu'il s agit dans la
phrafe de Figaro. Que ce fou là fe montre , s'il
exifte ; nous l'enverrons étudier fous le Philo-
fophe Babouc y lequel éclaircit difertement pe
point de difcipline militaire.
En raifonnant fur Tufage que l'homme fait
de fa liberté dans les occaiions difficiles , Figaro
pouvait également oppofer à fa fituation tout
état qui exige une obéiiTance implicite; & le
cénobite zélé , dont le devoir eft de tout croire
fans jamais rien examiner; comme le guerrier
valeureux , dont la gloire * eft de tout affronter
fur des ordreis non motivés , de tuer & fe faire
tuer pour des intérêts qu'il ignore. Le mot de Figaro
ne dit donc rien , finon qu'un homme libre de
ïts aûions , doit agir fur d'autres principes que
ceux dont le devoir eft d'obéir aveuglément.
Qu'aurai t-ce été ^ bon Dieu ! fi j'avais fait
ufage d'un mot qu'on attribue au Grand - Condé ^
& que j'entens louer à outrance , par ces
mêmes logiciens qui déraifonnent fur ma
phrafe. A les croire , le Grand-Condé montra la
plus noble préfence d'efprit , lorfqu'arrêtant
Xouis XI r prêt à pouffer fon cheval dans le
Rhin , il dit à ce monarque : Sire j ave\'Vous
befoin du bâton de Maréchal ?
. Heureufement on ne prouve nulle part que
xUv P R E PAC Ei
ce grand homme ait dit cette grande fotîie;
C'eût été dire au Roi devant toute fon Armée:
vous moquezrvous donc. Sire, de vous expofer
dans un fleuve? Pour courir de pareils dan-
gers , il faut avoir befoin d'avancement ou de
fortune!
Ainfi Thomme le plus vaillant, le plus grand
Général du fiecle aurait compté pour rien Thon*»
neur , le patriotifme & la gloire ! un miférable
calcul d'intérêt eût été , félon lui , le feul prin-*
cipe de la bravoure! il eut dit là un af&eux
mot ! & fi j'en avais pris le fens pour l'enfermer
dans quelque trait , je mériterais le reproche
qu'on fait gratuitement au mien/
LaifTons donc les cerveaux fumeux louer ou
blâmer au hazard , fans fe rendre compte de
rien ; s'extâfier fur une fotife , qui n'a pu jamais
être dite , & profcrire un mot jufte & fimple^
qui ne montre que du bon fens.
Un autre reproche àfTez fort, mais dont je
n'ai pu me laver , eft d'avoir affigné pour re-
traite à la ComtefTe un certain couvent d'î/r*-
fulines. Vrfulines ! a dit un feigneur joignant les
mains avec éclat. Urfulincs ! a dit une dame en fe
renverfant de furprife fur un jeune Anglais de
fa loge. Urfulincs l ah Mylord ! fi vous enten-
diez le français! . • . • Je fens , je fens beaucoup^
Madame , dit le jeune homme en rougiflant.
PRE FACE; jclv
fc« C'eft quV>n n*a jamais mis au Théâtre aucune
femme aux Urfulincs ! Abbé , parlez-nous donc !
L'Abbé , ( toujours appuyée fur l'Anglais ) com-
ment trouvez - vous UrfuUnes ? Fort indécent ,
répond l'Abbé , fans ceffer de lorgner Suzanne ;
& tout le beaii monde a répété , Urfulincs eji
fort indécent. Pauvre Auteur ! on te croit jugé ,
quand chacun fonge à fon aiFaire. En vain j*ef-
fayais d'établir que , dans l'événement de la
Scène, moins laComteffe a deffein de fe cloîtrer,
plus elle doit le feindre & faire croire à fon
époux que fa retraite eft bien choifie : ils ont
profcrit mes Urfulinesl
Dans le plus fort de la rumeur, moi bon-
homme! j'avais été jufqu'à prier une des Ac-
trices , qui font le charme de ma Pièce , de
demander aux mécontens , à quel autre cou-
vent de filles ils eftimaient qu'il fut décent que
l'on fît entrer la ComtefTe î A moi , cela m'était
égal; je l'aurais mife où l'on aurait vouïu; aux
Augujlines ^ aux Célejlines , aux Clairettes ,
aux Fifitandines , même aux Petites Corde-
Hères , tant je tiens peu aux UrfuUnes ! Mais on
agit û durement!
Enfin, le bruit croiflant toujours; pour ar-
ranger l'afiaire avec douceur, j'ai laiflé le mot
Urfulines à la place où je l'avais mis : chacun
alors content de foi, dé tout l'efprit qu'il avait
xh] PREFACE;
montré, s'eft appaifé fur Urfulihes^ & ron a*
parlé d autire choie.
Je ne fuis points comme Ton voit, Tennemî
de mes ennemis. En difant bien du mal de moi
ils n'en ont point i&it à ma Pièce ; & s'ils fen-»
taient feulement autant de )oie i la déchirer^
que l'eus de plaifir à la faire y il n'y aurait
perfonne d'affligé. Le malheur eft qu'ils ne
rient point ; & ils ne rient point à ma Pièce ,
parce qu'on ne rit point à la leur. Je connais
plufieurs amateurs, qui font même beaucoup
maigris depuis le fuccès du Mariage : excufons
donc TefFet de leur colère.
A des moralités d'enfemble & de détail , ré-
pandues dans les flots d'une inaltérable gaité ; à
un dialogue aflez vif ^ dont k facilité nous ca«
che le travail , fi TAuteur a joint une intrigue
aifément filée , où l'art fe dérobe fous l'art , qui
fe noue & fe dénoue fans cefle , à travers une
foule de fituations comiques , de tableaux
piquans & variés qui foutiennent , fan^ la
fatiguer , l'attention du Public pendant les
trois heures & demie que dure le même fpeâa-
cle ; ( eflai que nul homme de lettres n'avait en-
cor ofé tenter ! ) que refiait-il à fiiire à de pau-
vres méchans , que tout cela irrite ? attaquer ,
pourfuivre l'Auteur par des injures verbales ,
manufcrites^ imprimées ; c'eft ce qu'on a fait
PRE FACE. xlvîj
fens relâche. Ils ont même épuifé jufqu'à la ca-
lomnie , ppur tâcher de me perdre dans l'écrit
de tout ce qui influe en France fur le repos
d'un citoyen. Heureufement que mon ouvrage
eft fous les yeux de la nation , qui depuis dix
grands mois , le voit , le juge & l'apprécie. Le
kiûer jouer tant qu'il fera plaifir , eft la feule
vengeance que je me fois permife. Je n'écris point
-ceci pour les leâeurs aâuels ; le récit d'un mal
trop connu , touche peu ; mais dans quatre-vingt
ans il portera fon fruit. Les Auteurs de ce tems-là ,
compareront leur ibrt au nôtre ; & nos enfans
lâuront à quel prix on pouvait amufer leurs
pères.
Allons au fait ; ce n'eft* pas tout cela qui
blefTcLe vrai motif qui fe cache, & qui dans
les replis du cœur produit tous les autres re-
proches 9 eft renfermé dans ce quatrain.
Pourquoi ce Figaro qu'on va tant écouter ^
£ft-il avec fureur iécliiré par les fots^
Recevoir, prendre & demander s
Voilà le fecret en trois mots.
En effet , Figaro parlant du métier de cour-
tifan , le définit dans ces termes févères. Je ne
puis le nier , je l'ai dit. Mais reviendrai-je fur
ce point? Si c'eft un mal , le remède ferait
pire : il faudrait pofer méthodiquement ce que
je n'ai fait qu'indiquer j revenir à montrer qu'il
r^
xlvîij PREFACE.
n'y a poifat de fynonyme en français, entre
r homme de la Cour^ l* homme de Cour^ & le Courtifan
par métier.
Il faudmt répéter qvChomme de la Cour peint
feulement un noble état : qu'il s'entend de
rhomme de qualité , vivant avec la noblefle
& réclat que fon rang lui impofe : que fi cet
homme de la Cour aime lé bien par goût , fans
intérêt ; fi , loin de jamais nuire à perfonne , il fe
fait eftimer de fes maîtres y aimer de fes égaux ,
& refpeder des autres ; alors cette acception
reçoit un nouveau luftre , & j'en connais plus
d'un que je nommerais avec plaifir , s'il en était
queftion.
Il feudrait montrer (^' homme de Cour , en bon
français, eft moins 1 énoncé d'un état, que le
réfumé d'un caraâère adroit , liant , mais ré-
fervé ; preflant la itiain . de tout le monde en
gliffant chemin à travers ; menant finement fon
intrigue avec Tair de toujours fervir ; ne fe fe-
fant point d'ennen^is , mais donnant près d un
foffé, dans Foccafion, de l'épaule au meilleur
ami , pour affurer fa chute & le remplacer fur la
crête; laiflant à part tout préjugé qui pourrait
ralentir fa marche; fouriant à ce qui lui déplaît ,
& critiquant ce qu'il approuve, félon les hommes
qui l'écoutent : dans les liaifons utiles de fa
feoune ,
PREFyiCE» xYix
femme > ou de fa maîtrefle , ne voyaht que ce
qu'il doit voir : enfin . . • .
Prenant tout , pour le faire court »
£a véritable homme de Cour*
La Fontaznk*
Cette acception n'eft pas auffi défavorable que
celle du Courtifan par métier , & c'eft Thomme
iont parle Figaro.
Mais. quand j'étendrais la dé^nitîon de ce
dernier ; quand , parcourant tous les poffibles «
je le montrerais avec fon maintien équivoque ,
haut & bas à la fois ^ rampant avec orgueil ;
ayant toutes les prétentions fans en juftifier
une ; fe donnant l^air du protégement pour fe
foire chef de parti j dénigrant tous les concur-
rens qui balanceraient fon crédit; fefant un mé-
tier lucratif de ce qui ne devrait qu'honorer ;
vendant (es maîtrefles à fon maître , lui fefant
payer fes plaifirs , &c. &c. & quatre pages d'&c*
il faudrait toujours revenir au diftique de Figaro.
Recevoir y prendre & demander ; voilà lefecret en
trois mots.
Pour ceux-ci , je n^en connais point ; il ytn
eut , dit-on, fous Henri III ^ fous d'autres Rois
encor, mais c'eft l'affaire deThiftorîen ; & quant
à moi 9 je fuis d'avis que les vicieux du fîecle en
font comme les Saints ; qu*il faut cent ans pour
les canonifen Mais puifquej*ai promis la critique
de ma Pièce ^ il faut enfin que je la donne.
d ^
1 PREFACE.
En général fon grand défaut eft que je ne Vai
point faite. en obfervant le monde ; quelle ne peint
rien de ce qui exifle , & ne rappelle jamais t image
de la fociéuoîi Von vit ; que f es moeurs hajfes & cor--
rompues , n'ont pas même le mérite dêtre vraies»
Et c'eft ce qu on llfait dernièrement dans lui
beau difcours imprimé , compofé par un homme
de bien , auquel il n'a manqué qu'un peu d'ef»
prit pour être un écrivain médiocre. Mais , mé-
diocre ou non , moi qui ne fis jamais ufage de
cette allure oblique & torfe avec laquelle utt
Sbire , qui n'a pas l'air de vous regarder', vou«
donne du ftilet au flanc , je fuis de l'avis de
celui-ci» Je conviens qu'à la vérité la génération
paflée reffemblait beaucoup à ma Pièce; que la
génération future lui refTemblera beaucoup aujflî;
mais que pour la génération préfente , elle ne
lui reffemble aucunement ; que je n'ai jamais
rencontré ni mari fuborneur , ni feigneur li-
bertin , ni courtlfan avide , ni juge ignorant ou
paflîonné ^ ni avocat injuriant , ni gens médio-
cres avancés , ni traducteur baffement jaloux.
Et que fi des âmes pures , qui ne s'y reconnaif-
fent point du tout , s'irritent contre ma Pièce
8l la déchirent fans relâche , c'eft uniquement
par refpeft pour leurs grands-pères , & fenfibi-
lité pour leurs petits-enfans. J'efpère, après cette
déclaration , qu'on me laiflora bien tranquille ;
KT j'ai FINI.
D
mmmmmmmmmmmm ■ p-
CARACTERES ET HABILLEMENS
DE LA PIECE.
JLjs CoMTt AtM A viVA doit ctrc jouc très-
noblement , mais avec grâce & liberté. La corrup-
tion du cœur ne doit rien ôter au bon ton de Tes ma-
nières. Dans les mœurs de ce tems-là les Grands trai-
taient en badinant toute entreprifc fur les femmes.
Ce rôle eft d'autant plus pénible à bien rendre que
le perfonnage eft toujours facrifié. Mais joué par uri
comédien excellent (M. Mole) y 'A a fait reflbrtir tou5
les rôles , 8c aifuré le fuccès de la Pièce.
Son vêtement du premier & fécond Adcs eft un
habit de chaffe avec des bottines à mi-jambe^ de
l'ancien coftume e(pagnol. Du troifieme Aâ:e jluf-
qu'à la fin , un habit fuperbe de ce coftume.
La C o mt esse agitée de deux fentiracns con-
traires » ne doit montrer qu'une fenfibilité réprimée,
ou une colère très-modérée ; rien fur-tout qui dé-
grade aux yeux du fpeâateur^ fon caradère aimable
& vertueux. Ce rôle , un des plus difficiles de la
Pièce , a fait infiniment d'honneur au grand talent
de Mlle Saint-Fal , cadette.
Son vêtement du premier j fécond & quatrième
Adles, eft une lévite commode, & nul ornement fur
h tctc : elle eft chez çUe &: cenfée incommodée. Au
di
Kj CARACTERES
cinquième Aâe elle a rhablUement Sc k haute
cocffure de Siqanne,
Figaro. L'on ne peut trop recommander à
TAdleur qui jouera ce rôle , de bien fe pénétrer de
fon efprit , comme l'a fait M. Da^iruourt. S'il y
voyait autre chofe que delaraifon afTaifoxinée de
gaité 8c de faillies , fur-tout s'il y mettait la moindre
charge , il avilirait un rôle que le premier Comique
du Théâtre , M, PréviUc , a jugé devoir honorer le
talent de tout comédien qui faurait en faifîr les
nuances multipliées , & pourrait s'élever à (on
entière conception. ,
Son vêtement comme dans le Barbier de Scyille.
Suzanne. Jeune perfonne adroite , fpirîtuelle
ôc rieufe , mais non de cette gaité prcfqu'eflTrontcc
de nos foubrettcs corruptrices î fon joli caradlcrc
cft deflîné dans la Préface , & c'eft-là que TAdricc,
qui n*a point vu Mlle Contai , doit l'étudier pour
le bien rendre.
Son vêtement des quatre premiers Aâcs, efi: un
lufte blanc à bafquincs, très-élcgant , la jupe de
même, avec une toque, appcllée depuis par nos
marchandes yà la Siqanne. Dans la fête du qua^
tricme Aâe , le Comte lui pofe fur la tête une
toque à long voile, à hautes plumes, & à rubans
blancs. Elle porte au cinquième AStc la lévite de
fa maîtreflc , & nul ornement fur la tête.
Marciiini eft une fetmne d'efprit , néeoa
1
ET HABILLEMENS. li^
(>cu vive j mais dont les fautes te l'expérience ont
réformé le caraâère. Si TAÛrice qui le joue s'clcvc
,avcc une fierté bien placée , à la hauteur très -mo-
rale .qui fuit la reconnaiiTance du troifieme Ade }
elle ajoutera beaucoup à l'intérêt de l'ouvrage.
:• Son vêtement eft celui des duègnes efpagnoleSj
d'une couleur modefle ^ un bonnet noir fur la
tctc.
Antonio ne doit montrer qu'une demi-ivreflc,
qui fe di(Gpe par degrés *, de forte qu'au cinquième
Aâe on n'en apperçoive prefque plus.
Son vêtement eft celui d'un payfan espagnol,
où les manches pendent par derrière > un chapeau
ic de$ fouliers blwcs«
Fanchette eft une enfant de douze ans ^
très-naïve. Son petit habit eft un jufte brun avec
des gançes & des boutons d'argent , la jupe de cou-
leur tranchante , & une toque noire à plumes fur
la tête. Il fera celui des autres payfannes de h
Jiôcc. .
C H ER u B I N. Ce rôle ne pçut être joue, comme
il l'a été , que par une jeune & très- jolie femme »
nous n'avons point à nos Théâtres de très -jeune
homme affez formé , pour en bien fentir Icsfineffes.
Timide à l'excès devant la Comtefle , ailleurs un
charmant poliffon ; un defir inquiet & vague eft^
le fond de fon caraâ;cre, U s'élance à la puberté ^
hr CARACTERES
mais Tans projet, fans connaifTances ^ & tout entier
à chaque événement > enfin il eft ce que toute
mère, au fond du cœur voudrait peut-être que fût
fon fils j quoiqu'elle dût beaucoup en fouffrir.
Son riche vêtement au premier & fécond AAes,
cft celui d'un Page de Cour cfpagnol y blanc &
brodé d'argent y le léger manteau bleu fur l'épaule »
& un chapeau chargé de plumes. Au quatrième
Ade il a le corfet, la jupe & la toque des jeunes
paysannes qui l'amènent. Au cinquième Ad:e , un
habit uniforme d'Officier , une cocarde ôc une
épce.
BARTHOto. Le c^raftèrc & l'habit comme
dans le Barbier de Séyille y il n'eft ici qu'un rôle
fecondaire.
B A z I L E. Caradtèrc & vêtement comme danf
le Barbier ds Séville. Il n'eu: auffl qu'un rôle fc-^
condaire.
Bfiis'oisoN doit avoir cette bonne & fran^
che afTurance des Bêtes j qui n'ont plus leur timi-
dité. Son bégaiement n'éft qu'une grâce de plus^
qui doit être à peine fcntie , & TAdleur fe trom-
perait lourdement ôc jouerait à contre -fens, s'il y
cherchait le plaifant de fon rôle. Il eft tout entier
dans l'oppofition de la gravité de fon état au ri-
dicule du caraâèrc i Se moins PAi^eur le chargera,
plus il montrera de vrai talent.
ET HABILLEMENS. !▼
Son habit eft une robe de juge cfpagnol , moins
toiple que celle de nos Procureurs , prcfquc une
(uutanne> une groife perruque ^ une gonille, ou
rabat efpagnol ait col j & une longue baguette
blanche à la main*
D o u B L E*M A I K. Vétu commc le juge : mail
k baguette blanche plus cource.
U Huissier ou Alguazil. Habit , manteau ,
cpée de Crifpin , mais portée à fon côté fans cein-
ture de cuir. Point de bottines , une chauflure
noire 3 une perruque blanche naiâante &c longue
à mille boucles » une courte baguette blanche.
Gri PE-SoLïiL. Habit de payfan, les man-
ches pendantes^ vefte de couleur tranchée ^ chapeau
blanc.
Une jeune Bergère. Son vêtement comme
celui dcFanckeue.
Pe OR IL LE. En vefte , gilet, ceinture , fouet St
bottes de pofte , une réçilie fur la têce > chapeau
de Courier.
Personnages muets ^ les uns en habits
de juges , d'autres en habits de payfans , les autres
en habits de livrée.
Placement des Acteurs.
Pour faciliter les jeux du Théâtre , on a eu Tat-
V / , »
*■ \
H CARACTERES ET HABILLE MENS.
tcntion d'écrire au commencement de chaque
Scène , le nom des perfonnages dans l'ordre où le
(pcdateur les voit. S'ils font quelque mouvement
grave dans la Scène , il eft défigné par un nou^
vel ordre de noms ^ écrit en . marge à l'inftanc
qu'il arrive. Il eft important de confervcr les bonnes
}^ofîtions théâtrales > le relâchement dans la tradition
donnée par les premiers Aâêurs, en produit bientôt
un total dans le jeu des Pièces ^ qui finit par affimiler
les troupes négligentes aux plus faibles comédiens
de Société.
Lu & approuve le i^ Janvier 1785.
B R E T,
Vu P Approbation , permis d^imprimer^ ce ji'
Janvier 1785.
LENOIR*
LE
LE MARIAGE
DE FIGARO.
PERSONNAGES.
LE COMTE ALMAVIVA» (;wCamf^*4^r
iAndaloupt^ ♦..••...•..• M. Molc.
LA COMTESSE, yiyjnwif... MUc. Saînt-Val.
j^IGARO» Vëkt-di^luanbre du Cvmte & concierge
Ju château M. d'Azincourt.
SUZANNE» première camarijie de la Comuffe , &
fiancée de Figaro. • Mlle» Contât.
MARCELINE > Femme de charge , Mâd BelIecQurr.
8c cnfuite Mlle, la Chaflaigne.
ANTONIOj Jardinier du château y oncle de Suzanne
& père de Fanchette. ••••• •• M. Beltnonr.
F A N CH E T T E , Ji/& d'Jntonio. MUc. Laurent.
CHÉRUBIN, premier page du Comte. Mlk. Olivier.
BARTHOLO, Médecin de Séville. M. Defeffarts.
BAZILE ^Maître de clavecin delà Comtejfe. M. Vanhove.
DON GUSMAN BRID'OISON, Iim^«^«r
du Siège ; M^Prévillc.
ôc enfuite M. Dugazon.
DOUBLEMAIN» Greffier . fecrétaire de Don
Gujman* .•«•••• ••••.••*•• M. Marty.
UN HUISSIER -AUDIENCIER. M. la RocheUe.
GRIPPE-SOLEIL > jeune patoureau. M. Champvillc.
UNE JEUNE BERGERE, MUe. Danricr.
PEDRILLE, P^Knerdld Cçmnu. M. Florence.
TROUPE DE VALETS.
TROUPE DE PAYSANNES.
TROUPE DE PAYSANS.
La Seine efi au Château i' AguaS'Fr<fias m
à trois Iieu4s ds SfyilU.
/
tUUMIUliaMaiMM
■••••■•a ■ Mi ■••■•«■IMai
LA FOLLE JOURNÉE,
O V
. t
LE MARIAGE DE FIGARO.
ACTE PREMIER.
«
ïiC Théâtre repréfente une chambre à demi--
démeublée i un grand fauteuil de malade
ejl au milieu. F i g a k o ^ avec une toife
mefure U plancher. Suzanne attache
•à Ja tête^ devant une glace ^ le petit
bouquet de fleur d^ orange ^ appelle Cha-
peau de la Mariée:
aa
SCÈNE P R É M I E R I.
F I G A R O, S U^ A N N E.
Figaro*
jL/ix*KSUT pieds fur vingt-fix.. r
Suzanne.
>
Tiens» Fî^b/ voilà mon petit Chapeau ^ le
trcaves-tu mieux aiufi?
Al
4 LE MARIAGE DE FIGARO,
Figaro lui prend les mains.
Sans comparaifofr , ma charmante, O ! que ce
joli boitqttet vîiginaf, élevé (at h tète d une belle
fille, eft doux , le matia des noces , à rœil amou-
reux d'un époux! • • • .
SûzAkiriyi retire.
Que mefure-m donc là , mon fils ?
Figaro.
Je regardé, ma petite Suzanne, fi ce beau lit
que Monfeigneur nous donne, aura bonne grâce ici.
Suzanne,
Dans cette chambre ?
f I G A k o*
» •>
Il nous la cède.
S U Z A K N I.
Et moi je n'en veux point.
F I G A IV o.
pourquoi?
S Ù î A N N B,
Je n'en veux point.
Figaro.
Mais encor ?
Su z ji iy n s.
Elle me déplaît.
ACTE 9 DEMIES.. j
]F I G A R O»
On dit aûe xgifyn»
3 y z A n N I»
Si je j^'^ yxm jpsis 4ke ?
Figaro.
• « , • «
P l <pmi ^^ font (ures de noos!
Suzanne.
PoQuver que j ai raifoti , ferait accorder que je
puis jj^oir xoa. £s-4u mon ferviteur , ou non ?
F I G /. R o.
Tu prens de Thiimeur contjre jl^ cj^^mbce du
cfaate^u h pli^s cQmmoae ^ ^ qyâ tient jle xniliei^
des deux apparteme^s. J^a nuit , & Madame eft
încommodce elle fonnera de fon côté; zefte, en
deux pas , tu es chez dile. Moiifeigneur veut-il
quelque chofe? il n'a qua.tint^ du Lu&n j crac> en
crois iauts xs^p voilà rendu.
9
S U Z A N H JE.
Fort bien! mais, quand il a^ira fi/wt/ le matin ,
pour te donner quelque bonne & longue commit
(ion y zefte , en deux pas il eft à ma porte, & crac,
en trois iauts
«
Figaro.
♦
Qu'entendez-vous par ces paroles?
Suzanne.
Il faudrait m'écouter tranquillement.
A 5
t LEMARIAGE DE FIGARO,
Figaro.
Eh qu*eft-ce qu'il y a? Bon dieu !
Suzanne.
U y a» mon ami, que» las de courafêr les
beautés des enviions, Monfieur le Comte Âlmaviva
veut rentrer au château , mais non pas chez fa
femme \ c'eft fur la tienne , entens-m , qu'il a
jette fes vues, auxquelles il espère que ce loee-
ment ne nuira pas. Et c'eft ce que le loyal Baziie ,
honnête agent de fes plaifirs , &: mon noble mattre
â chanter , me répète chaque jour , en me donnant
leçon,
Figaro.
Baziie ! ô mon mignon ! Ci jamais volé« de bois
vert , appliquée fur une échine , a duement redrelle
la mocle épinière i quelqu'un. ....
Suzanne.^
Tu croyais , bon garçon ! que cette dot qu'on mt
donne était pour les beaux yeux de ton mérite ?
F I G À n o.
J'avais alTez fait pour l'elpérer.
S u z A N N E.
Que les gens d'eiprit font bètes!
Figaro,
On le dit. -
Suzanne.
Mais c'eft qu'on ne veut pas le croire.
i
ACTE PREMIER, 7
Figaro.
On a tort.
S U Z A K N E.
Apprens qu'il la deftine i obtenir de moi ^
iècretemeac y cenain quart-d*heure, feul à feule,
S* m ancien droit du Seigneur. • . . ^ . Tu fais s'il
c trifte!
Figaro.
Je le fais tellement que > fi Monfieur le G)mte
en fe mariant » n'eut pas aboli ce droit honteux »
jamais je ne t'eu(Iè époufce dans fes domaines.
S u z A M N B.
Hebien! s'il Ta décniit» il s^en repenr; 8c c'eft
de ta fiancée qu'il veut le racheter en fecret au-
jourd'hui.
Figaro fc frottant la tête^
Ma t^e s^amoUit de furprife \ Se mon Iront
fenittfé •
S y z A K K B«
Ne le frotte donc pas î
Figaro^
Quel danger?
Suzanne riant.
S'il y venait un petit bouton j des gens fuperf-
titieux
Figaro.
Tu ris friponne ! Ah ! s'il y avait moyen d'at^
ttapper ce grand trompeur , de le faire donner dans
un bon piége » de d'empocher fon or !
A4
g XE MARIAGE DE FIGARO,
S U Z A N N £•
De l'intrigue , Se de l'argent^ te voiU dans u
fphàre.
F I ^ A n o.
Ce n^eft pas la home qui me tcdecx.
Suzanne.
La crainte ?
F I G A K o.
Ce n*eft rien d'entreprendre une chofe ' dange-
reafè; mais d'échapper au péril en h menant i
bien : <:ar , d^entrer che« quelqu'un la nuit , de im
fouffler fa femme. & d'y recevoir cent couds fie
r intérieur. )
Suzanne.
Voilà Madame éteîUée ; elle m*a bien recom-
mandé d'èçre la première à lui parl^ le matin ile^
mes noces,
Figaro.
Y a-t-il encor quelque chofe U-deflbus?
Suzanne.
Le berger dit que cela porte bonheur aux époufes
délaiffées. Adieu , mon périt fi , fi , Figaro , rêve
à notre affaire.
Figaro.
Pour m'ouvrir l'efprit , donne un petit baifer*.
Suzanne.
A mon amant aujourd'hui ? Je t'en fouhaite ! Et
qacn dirait demain mon mari ?
Figaro Vembrajfe.
ACTE PREMIER. ^
S U Z ▲ ff N !•
Hé bien! hé bien !
F I tS A R O.
Ceft que tu n*as pas d'Idée de mon amouK
Suzanne/^ iéfrippanu
Quand ccflerez-vous, importun, de m*en parler
du matin au foir ?
F I a A & Q myftéricufemeru.
Quand Je pourrai te le prouver, du foir jufqu'aa
Inatin. ( on Jbnne une féconde fois. )
Suzanne i& Icin^ les itAgts mus fur fa kouche.
Voilà wtre bàifer, Monlîeur \ je n'ai plus rien
si vous.
Figaro court Après elle.
O ! mais ce n'eft pas ainfî que vous Tavez reçtu
" ' r M I n , I II 11 ji»! y,i..T,.;. .r... îiinr'.f;",::.
5 C È N E II.
Figaro fèuL
J-JA charmante fille ! toujoars riante, verdiflante»
pleine de gaité, d'efprit , d'amour & de délices!
mais fage î (il marche vivement en fe frot^
tant les mains. ) Àh , Monièigneur ! Mon clier
Monfeigneur! voras voulez m'en donner
àgarder ? Je cherchais a;uffi pourquoi m'ayant nommé
concierge , il m emmené i fon ambailade », Se*
lo LE MARIAGE DE FIGARO,
m'établit Courier de dépêches. Tentens, Monfîeur
le Comte : trois promotions â la fois ; voils , com-
pagnon Miniflxe j moi, CafTecou politique. Se Suzon,
£)ame du Ueu , T Ambaflàdrice de poche , 6c puis
fouette Courier! pendant que je galoperais d'un
coté , vous feriez faire de Tautre a ma belle un
joli chemin ! me crottant , m'échinant pour la gloire
de votre famille; vous , daignant concourir à Tac-
croillèment de la mienne! quelle douce réciprocité!
Mais, Monfeigneur, il y a de Tabus. Faire à Londres,
en mème*tems , les af&ires de votre Maître , &
celles de votre Valet ! repréfenter , i la fois , le
Roi & moi , dans une Cour étrangère , c'eft trop
de moirié , c'eft trop. — Pour toi , Bazile ! fripon
mon cader! Je veux réapprendre à clocher devant
les boiteux \ je veux non , di/Kmulons avec
eux , pour les enferrer Tun par lautre. Attention
fur la journée , Monfîeur Figaro ! d'abord avancer
l'heure de votre perite fète, pour époufer plus
Purement; écarter une Marcelme, ^ de vous
eft friande en diable \ empocher l'or & les pré-
fens; donner le change aux pentes paflîons de
Monfîeur le Comte \ étriller rondement Monfîeur
du Bazile &.....
SCENE I I L
MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO,
Figaro f interrompt.
.... rl^ÉBÉ , voilà le gros Dodeur , la fète fera
complette. Hé, bon jour , cher Dodeur de mon cœur»
ACTE PREMIER. ii
Eft-<e ma noce avec Suzon qui vous attire au
château?
»
Baktbolo avec dédain.
Ah 5 mon cher Monfîeur, point du tout.
F I G A K o.
Cela ferait bien généreux!
Bartholo.
Certainement, & par trop fot^
Figaro.
Moi qui eus le malheur de troubler la vôtre !
Bartholo.
Avez-vous autre chofe à nous dire ?
Figaro.
On n'aura pas pris foin de votre mule!
Bartholo en colère.
Bavard enragé! laiffez-nous.
Figaro.
Vous vous âchez » Doâein:? les gens de votre
état font bien durs ! pas plus de pitié des pauvres
animaux • ... en vérité .... que fi c'était des hommes !
Adieu, Marceline: avez-vous toujours envie deplaidec
contre moi?
Pour n* aimer pas j faut-il qu'on fi haïjje ?
Je m'en rappone au Doâeur.
Bartholo.
Queftce que c'eft ?
IX LE MARIAGE DE FIGARO,
Figaro.
Elle vous U cpfltera .de |:0fte. ( Il /on. )
* ■- ^ J.JJ.^.OJt ■|i.lliIIUJ<..IU ..IL ■■ >■
SCÈNE IV.
MARCEX.INE, BAUTHOLO.
Baktho9o le regarde aller.
\^ E drôle eft to^'onES Jf mlmel & i nioûiç qu on
ne 1 ecoiche vif, je prédis qu'il i^^ourra dans la
peau du plus fier infolent «...
Marceline/^ retournée
Enfin vous voilà dçoc, €i;iernel Dodeur ? toujours
fi grave & compaflc, qu'on pourrait mourir en
attendant vosfecours, comm€ on sf'eft marié jadis ,
malgré vos précautions.
Bartholo.
Toujours ^nière te provoquante! Hé tien, qui
rend donc ma pré&nce au château (\ aéce^aire?
Monfîeu^ le Comte a-c41 eu 4|u6l<|ae accident?
Marcelin E«
Non, Doâeur.
Bartholo.
La Rofine, fa trompeufe Comtefle, eft-elle in-
commodée, dieu-merci?
ACTE PREMIER. 13
Elle lailguic.
B A R T H O I. O.
Et de quoi ?
Marcelin s.
Son mari k néglige.
Bartholo ayec joie»
Ah y le digne époux qui me venge !
Marceline.
On ne fait €6mm;êiit définir le Comte j il eft
jaloux, ^ libertin.
Barthoio.
Libertin par ennui y jaloux par rànité ; cela Ta
uns dire.
Marceline.
Aujourd'hui, par exemple, il marie notre Su-
zanne à fon tigaro qu'il comble en faveur de
cette union
B À R V k o L O;
/■
Qiie Ibh Excefldncé a fendue ùécèiniîte!
Ma«.cèline.
Pas ^€«t i, fait; txïés àènt fon Excellence voudra
égayer en fecret révéncment avec Tépoufée
14 LE MARIAGE DE FIGARO,
Ba&tkolo.
De Monfîeur Figaro ? c'eft un marché qu on peut
conclure avec lui.
Makcblinb.
Bazile afliire que non.
Ba&tholo.
Cet autre marauc loge ici ? C*eft une cavemel
Hé qu y fidr-a ?
Marceline.
Tout le mal dont il eft capable. Mais le pis que
|*y trouve, eft cette ennuyeiuè paffion qu'il a pour
moi , depuis fi long-tems.
Bâktholo.
Je me ferais débarrafle vingt fois de ù. pourfoite.
M^A R C £ L X N E.
De quelle manière?
Bartholq.
En Tcpoufant.
Marcelin I.
Railleur fade & cmeU que ne vous débarralTez*
vous de la mienne i ce prix ? ne le devez-vous
pas? où eft le fouvenir de vos engagemens? qu'eft
Revenu celui de notre petit Emanuel, ce fruit
%*un amour oublié, qui devait nous conjure ai des
noces?
ACTE PREMIER. 15
Barthouo âtant /on chapeau.
Efk-Ke pour écouter ces {omettes , que rous m V
vez fait venir de Scviile ? & cet accès d'hymen
qui vous reprend iî vif.
Marceline.
Eh bien ! n'en parlons plu& Mais fi rien n'a pu
vous poner i la juftice de m'époufer ^ aidez-moi
donc du moins à en époufer un autre.
B A R T H o
t o.
Âh ! volontiers : parlons. Mais quel mortel aban^
donné du ciel Se des femmes ?. • . •
Marceline.
Eh ! qui pourrait-ce être » Doâeur , finon lé
beau, le gai» Taimable Figaro?
B A R T H o L o.
Ce fripon-là?
Marceline.
Januus fâché *, toujours en belle humeur ; don*
nant le préfent à la joie » 6c s*inquiétant de l'ave-
nir tout auflî peu que du palTé y femiliant» géné-
reux ! généreux
B A R T H-O L •«
Comme un voleur.
Marceline.
Comme un Seigneur. Charmant enfin \ mm
€*cft le plus gtand menftre !
,16 LE MARIAGE DE FIGARO,
Bartholo.
Et (a Sttzânne ?
Ma rceline.
Elle ne l'aurait pas la mfée » û vous voulieE
in'aider , mon petit Doâeur , â faire valoir un
engagement que j'ai de loi.
B A R T H o L o.
Le jour de fbn mariage ?
Marge lins.
On en rompt de plus avancés ? & (i je ne
craignais d'éventer un petit fecret des femmes !•••
Bartholo»
En ont- elles pour le médeda du corps?
Marceline.
Ah» vous (avez que je n'en ai pas pour vous !
Mon fexe eft ardent , mais timide ; un certain
charme a belu nous attirer vers le plaifir y la
femme la plus avanturée fènc en elle une voix
qui hà dit : fois belle fi m peux » iàge fi tu
veux ; mais ibis confidérée, il le Êiut. Or ^ puiiqu'il
faut être au moins confidérée ; que toute £emma
en fent l'importance ^ effrayons d'abord la Suzanne
iiir la. divulgation à^s offres qu'oA lui fait.
Barthoio.
Où cela menerart41?
Marceline.
Qtit la honte la prœoM «u 4j^ii&t, eMe contî^
ACTE PREMIER. 17
nuera de refufer le Comte , lequel pour fe venger,
appuiera roppodcion que j'ai faite à fon mariage y
alors le mien devient certain.
Barthûlo.
Elle a raifon. Parbleu, c'eft un bon tour que
défaire époufer ma vieille gouvernante ^ au coquin
^ui fit enlever ma jeune xnaîtrefTe.
Makceline, vite.
Et qui croit ajouter à fes plaijfirs , en crompanc
tocs elpérances»
Barthoio, Vite.
Et qui m'a volé dans le tems ^ cent écus qut
j'ai fur le cœur.
Maucelini»
Âh quelle volupté ! . . . .
B A R T H O L O.
De punir un fcélérat. , . . .
Marceline,
De répoufer, Doâieur, de lepouftr! «
^
B
i8 LE MARIAGE DE FIGARO,
SCENE V.
MARCELINE, BARTHOLO, SUZANNE.
Suzanne, un bonnet de femme avec un
large ruban dans la main, une robe de femme
fur le bras.
ij 'Épouser! l'cpoufer ! qui donc ? mon Figaro ?
Marceline, aigrement.
Pourquoi non? Vous lepoufez bien!
Bartholo, riant.
fc Le bon argument de femme en colère ! noii^
parlions, belle Suzon, du bonheur qu'il aura de
vous polleder.
Marceline.
Sans compter Monfeîgneur dont on ne parle
pas.
Suzanne, une révérence.
Votre fervante. Madame; il y a toujours quelque
cliofe d'amer dans vos propos.
Marceline, une révérence.
Bien la vôtre , Madame ; où donc eft l'amer-
tume ? n'eft-il pas jufte qu'un libéral Seigneur
partage un peu la pie qu'il procure â fes gen« }
ACTE PREMIER. 19
S Û Z A K K £•
Quil procure?
Marcëliki.
Oui^ Madame.
S U Z A N K 2.
Heureufement k jaloufie de Madame eft âUfb
•onnue, que fes droits fur Figaro font légers.
Marcelin E«
On eût pu les rendre plus fores y en les cimentant
à la façon de Madame*
S « z A K N Eé
Oh cette façon ^ Madame , eft celle des Dames
iàvantes.
Maucslxke.
Et Tenfant ne l'eft pas du tout! Innocente,
•omme un vieux juge !
BARTtiOLO, attirant Marceline^
Adieu, jolie fiancée de notre Figaro.
Marcbiike, une ràvéremt.
L'accordée fecrète de Monièigneur.
Suzanne, une révérence.
Qui vous eftime beaucoup , Madame.
Marceline, une révérence.
Me fera-t-elle auffi l'honneur de me chérir ui|
peu» Madaiiieî
lo LE MARIAGE DE FIGARO,
SuzANNB, une révérence.
A cet égard. Madame n'a rien à defîrer.
Marceline, une révérence.
C'eft une fi jolie perfonne que Madame!
Suzanne, une révérence.
Eh mais alTez pour défbler Madame.
Marceline, une révérence.
Sur-tout bien refpeâable ! '
Suzanne, V une révérence.
C'eft aux duègnes à l'ctrè.
Marceline, outrée.
Aux duègnes ! aux duègnes !
Bartholo l'arrêtant.
Marceline !
Marceline.
Allons , Doâeur j car je n'y tiendrais pas.
Bon jour. Madame. ( une révérence).
SCÈNE VI.
Suzanne, feule.
J\ L L E z , Madame J allez , Pédante ! Je crains
audî peu vos efforts, que je méprife yos outrages. -«
j
ACTE PREMIER. n
Voyez cette vieille Sibylle ! parce qu'elle a fait
quelques études & tourmenté la jeunefle de
Madame , elle veut tout dominer au château !
( elle jette la robe qu'elle tient y fur une chaife.) Je ne
fais plus ce que je venais prendre.
sa
SCENE VIL
SUZANNE, CHÉRUBIN.
Chérubin, accourant.
J\^i Suzon! depuis deux heures j'épie le moment
<3e te trouver feule. Hélas ! tu te maries , & moi
je vais partir.
Suzanne.
Comment mon mariage éloigne-t41 du château
le premier page de Monieigneur ?
Cheruain, piteufement.
Suzanne , il me renvoie.
Suzanne le contrefait*
Chérubin , quelque fottife l
Chérubin..
Il m*a trouvé hier au foir chez ta confine
Fanchette , à qui je fefais répéter fon petit rôle
d'innocente , pour la fête de ce foir : il s'eft mis
dans une fureur, en me voyant! ^-^forte^y m'a-t-il
dit , petit Je n ofe pas prononcer devanç
luae femme le gros mot qu'il a dit : forte:^ ; &
J
éi LE MARIAGE DE FIGARO,
demain vous ne couchere^ pas au château» Si
Madame, (î ma belle maraine ne parvient pas â
l'appaifer; c*eft fait, Suzon, je fuis à jamais privé
du îxjnheur de te voir.
Suzanne.
••
De me voir ! moi ? c eft mon tour ! ce n'eft
donc 'plus pour ma maîtrefle que* vous foupirez en
fecret ?
Chérubin.
Ah , Suzon , qu'elle eft noble Se belle ! mais
qu'elle eft impofante !
Suzanne.
C'eft-à-dire que je ne le fuis pas , & qu'on peut
ofer avec moi
Chérubin.
Tu fais trop bien, méchante, que je n'ofe pas oièr.
Mais que tu es heurcufe ! à tous momens la voir ,
lui parler, l'habiller le matin & la déshabiller le
foir, épingle à épingle ah, Suzon! je don-
nerais qu'eft-ce que tu tiens donc U ?
Suzanne, raillant».
Hélas, l'heureux bonnçt, & le fortune mba*
qui renferment la nuit les cheveux de cette belle
maraine
Chérubin, vivement p
Son ruban de nuit ! donne-le-moi , mon cœur.
»
Suzanne, /e retirant.
Eh que non pa? : — Son cœur ! Comme il eft
ACTE PREMIER. ij
&mllier donc ! fi ce n'était pas un morveux fans
confcquence. ( Chérubin arrache le ruban j) ah , le
mban !
Chérubin tourne autour du grand fauteuil.
Tu diras qu'il eft égaré , gâté j qu'il eft perdu.
Tu diras tout ce que tu voudras.
Suzanne tourne après lui.
O ! dans trois ou quatre ans , je prédis que vous
ferez le plus grand petit vaurien ! . . . . Rendez-
vous le ruban ? ( elle veut le reprendre).
Chérubin tire une romance de fa poche.
Laifle, ah , laifle-Ie moi , Suzon ; je te donne-
rai ma romance , & pendant que le fouvenir de
ta belle maîtreffe attriftera tous mes momens , le
tien y verfera le feul rayon de joie , qui puiffe
encor amufer mon cœur.
Suzanne arrache la romance.
Amufer votre coeur , petit fcélérat ! vous croyez
parler à votre Fanchette \ on vous furprend chez
elle ; & vous fbupîrez pour Madame \ & vous
m'en contez à moi , par-deflus le marché \
Chérubin exalté.
Cela eft vrai , d'honneur ! je ne fais plus ce que
je fuis ; mais depuis quelque tems je fens ma poi-
trine agitée ; mon coeur palpite au feul alpeft
dWe femme \ les mots amour & volupté le font
treflaillir & le troublent. Enfin le befoin de dire-
i quelqu un je vous aime , eft devenu pour moi fi
preflant , que je le dis tout feul , en courant dans
B4
i+ LE MARIAGE DE FIGARO,
le parc , i ta maîcrefTe , à coi , aux arbres , aux nua**
ges, au vent qui les emporte avec mes paroles
perdues. — Hier je rencontrai Marceline, • « •
Suzanne, riante
Ah, ah, ah, ah!
Chérubin.
Pourquoi non ? elle eft femme ! elle eft fille !
une fille ! une femme ! ah que ces noms font doux !
qu'ils font intéretlans !
Suzanne.
U devient fou !
Chérubin.
Fanchette eft douce ', elle m écoute au moins j
tu ne l'es pas , toi !
Suzanne.
C'eft bien dommage j écoutez donc Monfieur ! ,
( Elle veut arracher le ruban* )
Chérubin tourne enfuyante
Ah ! ouiche ! on ne l'aura , vois-tu , qu'avec ma
vie. Mais , fi tu n'es pas contente du prix , j'y join*
drai mille baifers.
( // lui donne chajfe à fon tour. )
Suzanne tourne en fuyant.
Mille foufflets , fi vous approchez. Je vais m'en
plaindre à ma maîtrefie ^ & , loin de fupplier pour
vous , je dirai moi-mcme à Monfeigneur : c'eft
bienfait^Monfeigneur, cbai{èz*nous ce petit voleur j
j
ACTE PREMIER. ly
renvoyez à fes parens un petit mauvais fujet qui
fe donne les airs d'aimer Madame , & qui veut
toujours m'embraffer par contre-coup.
Ch é rubin voit le Comte entrer i il fi
jette derrière le fauteuil avec effroi*
J^ fuis perdu.
Suzanne.
Quelle frayeur?
SCÈNE VIII.
S\3Z.AKNE, LE COMTE, CHÉRUBIN caché.
Suzanne apper^oit le Comte.
•*^ H ! ( Elle s* approche du fauteuil pour
mafquer Chérubin.)
Le Comte s*avance.
Tu es émue, Suzon !. tu parlais feule , & ton
petit cœur paraît dans une agitation bien
pardonnable, au relie, un jour comme celui-ci,
Suzanne, troublée.
Monfeigneur , que me voulez-vous ? Si l'on
vous trouvait avec moi
Le Comte.
Je ferais défolé qu'on m'y furprît; mais tu
fais tout l'intérêt que je prens à toi. Bazile ne t'a
pas laiflfé ignorer mon amour. Je n'ai qu'un inftant
pour t'expliquer mes vues j écoute. ( Il s*ajjied
dans le fauteuil }.
i< LE MARIAGE DE FIGARO,
Suzanne, vivement.
Je n'écoute rien.
Le Comte lui prend la main*
Un feul mot. Tu fais qa^ le Roi m'a nommé
fbn ambafïadeur à Londres. J'emmène avec moi
Figaro : je lui donne un excellent pofte j & comme
le devoir d'une femme e(t de fuivre fon mari...*».
S u z A N N £•
Ah , fi j'ofais parler !
Le C o m t e /tf rapproche de lui.
Parle , parle , ma chère \ ufe aujourd'hui d'u«
droit que m prens fur moi pour la vie.
Suzanne, égayée.
Je n'en veux point , Monfelgneiu: , je n'en veux
point. Quittez-moi , je vous prie.
Le Comte.
Mais dis auparavant.
Su zANNE,e/2 colère»
Je ne fais plus ce que je difais.
L E C O M T E.
Sur le devoir des femmes.
Suzanne.
Eh bien ! lorfque Monfeigneur enleva la fienne
de chez le Doûeur , & qu'il l'épôufa par amour;
Icrfqu'il abolit pour elle un certain a&eux droit
du Seigneur. • * • •
>
ACTEPREMIER. xf
Lb Comth, gaiment.
Qiii fe&it bien de la peine aux fiHes ! ah
Suzette ! ce droit charmant ! Si m venais en jafer
fur la brane au jardin , je mettrais un tel prix i
cette légère faveur. . . .
B A z I L £ parle en dehors.
Il n'eft pas chez lui , Monfe^eur.
Le CoMTsyS teye.
Quelle eft cette voix ?
S U ' z A N N 1.
Que je fuis malheureufe !
L 1 C O M T !•
Sors , pour qu'on n*entre pas,
Suzanne, troublée.
Que je vous laifle ici ?
B A z I L £ crie en dehors^
Monfeigneur était chez Madame ,.il en eft forns
je vais voir.
Le Comte.
Et pas un lieu pour (e cacher ! ah ! derrière ce
fauteuil..... aflfez mal ; mais renvoie -le bien vite*
Suzanne, lui barre le chemin^ il la poujfe
doucement j çlle recule ^ & fe met ainfi entre lui
& le petit Page; mais pendant que le Comte
s'abaijffe & prend fa place j Chérubin tourne & fe
jette effrayé fur le fauteuil à genoux ^ & s'y
ilottit. Sur^anne prend la robe quelle apportait^
en couvre le Page ^ & fe met dcvaàt le fauteuil.
18 LE MARIAGE DE FIGARO,
SCENE IX.
LE COMTE & CHÉRUBIN cachés,
SUZANNE, BAZILE.
B A Z I L £•
^J 'auriez -VOUS pas vu Monfeigneur, Ma*
demoifelle ?
Suzanne, brufquenienu
Hc pourquoi laurais-je vu ? Laiflèz-meu
B A z I L £ s^approche.
Si vous ^tiez plus raiibnnablq , il n'y aurait rien
d cconnant à ma queftion. C'eft Figaro qui le cherche^
Suzanne.
II cherche donc l'homme qui lui veut le plus do
mal après vous ?
Le Comte, à pan.
Voyons un peu comme il me fert.
B A • z I L E.
Defîrer du bien à une femme, eft-ce vouloir du
mal à fbn mari ?
Suzanne.
Non, dans vos affireux principes , agent de
corruption.
ACTE PREMIER» i^
B A Z I L !•
Que vous demande -t- on ici que vous n'allies
prodiguer à un autre ? grâce â la douce cérémonie,
ce qu on vous défendait hier , on vous le prefcrin
demain.
S xr z A N N £•
Indigne !
B A Z I t E«
De toutes les chofes férieufes , le mariage étant
la plus boufonne , j'avais penfé
Suzanne outrée.
Des horreurs. Qui vous permet d'entrer ici ?
B A Z Z L £•
La , la 5 mauvaife ! Dieu vous appaife ! il n*ent
fera que ce que vous voulez : mais ne croyez pas
non plus que }e regarde Monfieur Figaro comme
lobfecle qui nuit à Monfeigneur ; & fans le petit
P^e
Suzanne, timidement.
Don Chérubin ?
B A z I L £ Az contrefait.
Cherubino di amore j qui tourne autour de vous
fans ceflfe, & qui ce matin encor, rôdait ici pour
j entrer , quand je vous ai quittée j dites que
cela n'eftpas vrai?
Suzanne.
Quelle impgfture! allez-vous-en , méchant homme !
chérubin
dans le
fàutciuU
Le Comte*
Suzanne*
BttiU.
%f> LE MARIAGE OE FIGARO,
B A Z I L !•
On efl: un méchant homme, patce qu'on f
voit clair. N'eft-ce pas pour vous auifi cette romance
dont il fait myilère?
Suzanne^ M colirt^
Ah! oui, pour moi ! • • • •
B A Z I 1 £•
A moins qu'il ne Tait compofée pour Madame !
en effet , quand il fett à table on dit qu'il la regarde
avec des yeux!. .. • mais peûe, qu'il ne s'y joue pas ;
Monfeigneur eft brutal fur rarticle.
Su ZAKKE, outne.
Et vous bien fcclérat , d'aller femant de pareils
bruits pour perdre un malheureux enfant tombé
dans la diigrace de fon maître*
B A z
ILS.
L*aî-je inventé? Je le dis, parce que tout le
monde en parle*
Le C o u t z fe lève*
Comment tout le monde en parle !
Suzanne*
Ah ciel !
Ha, ha!
B A z I L 1*
L E C 6 M T E*
Courez Ba;Eile > & qu'on le chaflê.
\
ACTE PREMIER. $i
B A Z I L £.
Ah , que je fuis fâché d'être entré !
Su ZANNE, troublée.
Mon dieu ! Mon dieu !
Le Comte, <î Ba:[ile.
Elle eft faille. Afïeyons-Ia dans ce fauteuiL
SuzANNi/tf repoujfe vivement.
Je ne veux pas m'afTeoir, Entrer ainfî librement ,
c eft indigne !
L É C G M T E.
Nous ibmmes deux avec toi , ma chère. Il n y
t plus le moindre danger !
B A z I L E. lo, —;
Moi je fuis défolé de m'ctre égayé fiu: le Page , "^ "
puifque vous l'entendiez^ je n'en ufais ainfî, que
poar pénétrer fes fentimens ; car au fond
Le Comte.
Cinquante piftoles , un cheval , & qu'on le rea^
voie à les parens.
B A z I L £.
Monfeigneur , pour un badinage 2
Le Comte.
Un petit libertin que j'ai furpris encor hji$x
ayec la fille du jardinier.
Suzanne.
Chérubin
dans U
fauteuil*
Le Comte»
Bazile»
)i LE MARIAGE DE FIGARO,
Bazile,
Avec Fanchette?
Le C o m t I»
£t dans fa chambre.
Su zANN E5 outrée.
Où Monfeigneur avait fans douce affaire au(G !
Le C o X£ t ^ygàUncnt.
J'en aiime aflez la remarque.
B A Z I L ^«
Elle eft d'un bon augure.
Le C g m t E) gaîmènu
Mais non ; j'allais chercher ton oncle Antonio »
inon ivrogne de jardinier , pour lui donner des
ordres. Je frappe , on eft long^tems à m'ouvrir y
ta confine a l'air empêtré , je prens un foupçbn ,
je lui parle, &, tout en caufant, j'examine. Il y
avait derrière la porte une efpece de rideau , de
porte -manteau , de je ne fais' pas quoi , qui cou-
vrait des hardes j fans faire femblant de rien , je
vais doucement, doucement lever ce rideau, (pour
imiter le gejle il levé la robe du fauteuil^ ) Et je
vois. ... // apperfoit le Page. Ah ... .
Bazile.
Ha ) ha !
Le Comte.
Ce tour - ci vaut l'autre.
Bazile.
ACTE PREMIER. jj
B A Z X I S.
lEncor miçux.
Le Cokti)^ Sitianïièé
A merveilles , Mademoifelle : à peine fiancéa
Vous faites de ces aprccs ? C'était pour recevoir raqn
Page que vous defiriez d'être feule ? Et vous ,
MonfieuîTi, qui ne changez point de conduite ; il
vous pnanquait de vous adreflfer fans refped: pour
votre maraine , à fa première camarifte , a la
femme de votre ami ! mais je ne fouSftVirai pas qUa
Figaro ^ qu'un homme que j'eftime, & que j'aime,
foit viâime d'une pareille tromperiç: était -i^aveC
Vous , Bazile ?
S n i A N N É outrée^
Il n'y a troriiperie , ni vKÏime J il était là lorfqu©
vous me parliez^
IL E C 6 M T B emportée
Puifle-tù mentir en lé difant! fon plus çïttçl
ennemi n'oferait lui fouhaiter c$ Inàlheut^
S U 2 À N k Éé
II mç priait 4*fengager Kladamè à vous de-
mander fa grâce/ Vbtre arrivée l'a fi fott ttoublé |
qu'il s'eft mafqué de ce fauteuil*
L ^ C 6 ù T % tn tolètâi
tCufe d'enfer! je m*y fuis afiis en entr^Ci
H^la8>Monfeîgnéur, j'étaijttemblant derrle».
J4 LE MARIAGE DE HtSARÔ,
V L B C O M T E.
Autre fourberie ! je viens de m y placer mùi*
même.
Chérubin.
Pardon , mais c'eft alors que je me fuis bloctî
dedans.
*L E Comte plus outré.
C'eft donc une couleuvre , que ce petit. • . • •
ferpent U ! il nous écoutait !
Chérubin.
Au contraire , Monfeigneuf , j'ai fait ce que j'ai
pu pour ne rien entendre*
Le Comte.
O perfidie ! (à Suzanne.) Tu n cpôuferas pâi
Figaro.
B A Z I L £.
Contenez-vous > on vient.
Le Comte, tirant Chérubin du fauttusi
& le mettant fur fis pieds ^
H rcfterait-là devant toute la terre!
n
. ,'ACT"E PltÉMIER. ,)
SCÈNE X.
CHÉRtîBlN, SUZANNE, FIGARO,
LA COMTESSiE» LE tOMTE,
ÏANCHETTE» BA21LE.
Beaucoup de Valets v Payfannés ^ Pa;^^ vlnn
de blancfc
F I G A !i ô ) tenant une toque de femme » garnie dt
plumes blanches & de tuions blancs f parle à
là ComteJfe%
It n'y à que vous, Kladàme» (^ui puUHet nou;
cbtenit cette faveur.
La CoMttssx%
Voû$ les veyé2 » Monfîeut le Comte » îk m«
fn^^fent un crédit que }e n'ai point t mais commf
leur demande n'efl: pas déraiibnnable ... *
L t C o M T s embatrajfé.
Il faudrait qu elle le fôt beaucoup.
IF 1 o A R 05 bas à Sm^anne.
Soutiens bien mes efforts»
Su2AKi9£ bas à FigarOé
Qui ne mèneront si rien»
F t c A R o foc*
Va touioocs»
» è « • •
!^6 LE MARIAGE DE FIGARO^
Li C o u T M, i Figaro. ^
Que voulez-vous?
'Figaro»
Monfeigneur , vos vaflaux touchés de 1 aboUnon
(d'un ceifain droh fâcheux , que votre amour pour
Madame • • • •
L' B Comte.
Hc bien , ce droit n'exifte plus > que veux-tu dire?
Figaro malignement.
Qu^ïl eft bien tems que la vertu d'un Ci hotï
maître cclattej elle m'eft d'un tel avantage au-
jourd'hui y que je deiîre être le premier à la celé*
l?rer à mes noces.
L B C o M T B, plus embarrajfé*
Tu te moques , ami ! l'abolition d'un droit hon*
l$ux > n'eft que l'acquit d'une dette envers l'hon-*
çèteté.UnEipagnol peut vouloir conquérir la beauté
par des foins ^ mais en exiger le premier, le plus
doux emploi , comme une fervile redevance ; ah'
c'eft la tyrannie d'un Vandale j &non le droit avoué
d'un npble Caftillan.
Figaro tenant Siqanne par ta main»
Pei
votre
main publiquement , la toque virginale , ^
plumes & de rubans blancs, fymbole de lapuireté
de vos intentions : : — adoptez-en la cérémonie pour
tous les mariages, &qu^un quatrain chante en chœoTji
rappelle à jamais le fpuvenir • • • • ^
À C T E P R É M I E R. 37
L 1 C o M T B embarrajjé.
Si je ne favais pas gu'amoureux» pocce & muC-^
cien ioni trois titres aindulgence pour toutes le»
folies • . • • .
Figaro.
Joignez-vous i moi , mes amis.
Tous tnfcmhU.
Monfeigneur! Monfeigneur!
S u z A N N i.^ au Comte.'
Pourquoi fuir un éloge que Vous méritez fi bien?
Li CoMTiâ part.
La perfide!
Figaro.
Regardez-la donc, Monfeigneur^ jamais plus
jolie fiancée ne montrera mieux fa grandeur de votrt
£icrifice.
Suzanne
LaifTe-U ma Bgure , & ne vantons que fa vertu*
L B C o M T E, 4 part.
C'efl un jeu que tout ceci.
La Comtbssb.
Je me joins â eux, Monfîeur le Comte; ic cette
cérémonie me fera toujours chère , puifqu'elle doit
(on motif à l'amour charmant que vous aviez pour moi»
C3
|8 LE MARIAGE DE FIGARO,
L 1 Comte.
Que j*ai toujpurs» Madame y Se c'eft à ce mro
ijue je me lenàs,
Touf enfembUm
Vivat.
Le C o u t ty^ à pan^
Je fuis pris \ ( haut)* Pour que la cérémonie eue
un peu plus d'éclat, je voudrais feulements qu'on
la remît à tantôt, ( à fart. ) FefoQS vitç cherchée
Figaro» 4 Chérubin^
£H bien EijHègle! voua n applaudirez pas? .
S U ?: A N M E.
Il eft au dcfefpoir \ Monfeigneur le renvois»
La Comtesse.
Ah ! Monfieur, |e demande fa grâce»
L s C o X T Et
Il pe la mérite point
La Comtesse.
Hélas I il eft fi jeune !
Le Comte.
Pas tant quç vous le croyez.
Chérubin tremblante
Pardonner généreufement, n*eft pas le droit du
Seigneur auquel vous avez renoncé en épouiknE
Madame.
ACTE PREMIER. 59
La Comtbsse.
II n a renoncé qu a celui qui vous' affligeait tous»
S T7 Z A N N £•
Si Monfeigneur avait cédé le droit de pardonner,
ce ferait sûrement le prenii^r qu'il voudrait racheter
en fecret.
Le C g m t I embarrajfé.
Sans doute.
La C o m .t e s s £.
Eh pourquoi le racheter?
Chérubin, âi;^ Comte.
Je fus léger dans ma conduite, il eft vrai , Mon-
feigneur ; mais jamais la moindre indifcrétion dans
mes paroles • • • •
Le Comte cmbarrajfc.
Eh bien, c'eft adèz .... ^
F I G A K o.
Qu*entend-il?
Le Comte vivement.
C'eft aflez, ceft aflez, tout le monde exige fon
pardon, je l'accorde , & j'irai plus loin. Je lui donne
pne comp^çie dans pia légion.
Tous enfimble.
Vivat.
Le Comte.
Mais c'eft à con4îpî<^.n qu'il panira fur le champ ^
pour joindre en Catalogne*
C4
•4e LE MARIAGE DE ÏÏGAROi
Figaro.
Ah! Monfeigneor, demain.
Le Comte injifte^
Jç le vQuxi.
CHikÛBJtK^
J'obcist
L 1 Comte.
Saluez votre maraine, & deiçandez faproteâîotK
Ch^Hubih, met un genou en terre >
devant la Cofnteffe y & ne peut parlepi.
L. A CoMTBSs. E émue%
Puifqtfon ne peut voiM gardet feuktoent au-
jo&xd'hmy partez^ feune homme. Un nouvel .état
vous appelle ; allez le remplir dignement. Honorea
votre bienfaiteur. Souvenez-vous, de cette maifbn y
où votre jeuneflTe a trouvé tant d*indulgence. Soyez
fournis y honnête & brave; nous prendrons pait i
}tQ^ikcccs»{Qicr^iinJe relève^ & retourne à fa place. ^
Le C o m t £«
Vous êtes bien émue^ Madame {
La C û m t s s s Et
Je ne m*en dépens pas. Qui fait le fort d^m enfàntf
jette dans une carrière auffi dangereufe ! il eft allié
de mes parens; Sç de plus > il eft mon filleul.
Le Cômte^^ pan.
Je vois que Bazile avait raifoA. ( haut. ) Jeune
h^mme^ embr^ifez. Suaçanne • • . « pour la demi^rç
fois,
ACTE PREMIER. 4»'
Figaro.
Pourquoi cela, Monfèîgneur ? il viendra pafïef fes
hivers. Baife-moi donc aullî Capitaine! fi/ l^embraffc)
Adieu, mon petit Chérubin. Tu vas rtiener un train
de vie bien différent , mon enfant : dame ! ta ne
rôderas plus tout le jour au quartier des femmes :
plus d*échaudés, de goûtés à la crème; plus de main
diaude , ou de cplin-maillard. De bons foldars ,
morbleu ! bazanés , mal vêms ; un grand fufil bien
lourd \ tourne à droite, toi^ne à gauche, en avant,
marche à la gloire \ &c nt va pas broncher en
chemin j^ â moins qu!un bon coup de feu«..^
• SUZANNS*
Fi donc, Thorreur!
La C q'm t s s s I4
Quel pronoftic?
L E C O M T ï.
.OÙ donc eft Marceline? il fft bien fingulîer qu'elle
ne fpit pas des vôtres J
Fanchette. .
Monfeigneur, elle a pris le chpmin du Booi^ «
par le petit fentier dé fa Ferme.
Le C b m t b^
Et elle en reviendra ?
B A Z I L E.
Quand il plaira à Dieu.
•- • •
/
4* LE MARIAGE DE FIGARO,
Figaro.
S'il lui fi^i&it qu'il ne lui plût jamais .
Fanchette.
Monfieur le DoAeur lui donnait le bras.
L s C o M T B vivement.
Le Doâeur eft ici ?
B A Z I L E*
Elle s*m eft d'abord emparé , • • • •
Le C o ut ij jà part.
U ne pouvait venir plus à propos.
Fahchette.
Elle avait l'air bien échauffê, elle parlait tout haut
en marchant > puis elle s'arrêtait , & fefait comme
çâ^ de grands bras... & Monfieur le Doâeur luifefaic
comme çâ, de la main, en l'appaifant : elle paraiflait
fi courroucée ! elle nommait mon couiin Figaro.
Le Comte lui prend U menton.
Coufin .... futur.
Fakchette montrant Chérubin.
Monièigneur, nous avez^'vous pardonné d'hier?. •
Le Comte interrompt^
Bon jour, bon jour, ip^tke.
ACTE P R E M I E R, 41
F t G A R O.
Ccft fon chien d'amour qui la berce j elle am
ïait trouble notre fètei
Lb^ Comte, à paru
Elle la troublera )e t'en répons* {haut.) kWom ^
Madame, entrons, Bazile* vous paflèrez chez xnou
Sir'zAMKE^ à Figaro.
Tu me rejoindras, mon fils ?
Figaro bas à Siqawte*
Eft-il bien enfila ?
S u z A K H s ias^
Charmant garçon»
(Ilsfomnt tous^)
^
9
44 LE MARIAGE DE FIGARO,
SCENE XI.
CHÉRUBIN, FIGARO, BAZILE.
P4mdamt^u*on fort ^ Figcato les arrête tous deux jg
les ramené.
Figaro.^
j\ H çà. Vous autres ! la cérémonie adoptée, ma
fète de ce foir en eft la fuite; il faut bravement
nous recorder : ne fefons point comme ces Aâeurs ,
^pii ne Jouent jamais (i mal que le jour où la criti-
3ae eft le plus éveillée. Nous n avons point de len-
enuûi qui nous excofe , nous. Sachons bien nos
tôles aujourd'hui.
B A z I L £ malignement.
Le mien eft plus difficile que tu ne crois.
F I A R o> fefant , fans qu*il le voie , le
gejle de le roffen
Tu es loin auffi de favoir tout le fuccès qu'il tC|
taudra.
Chérubin.
Mon ami , tu oublies que je pars.
Figaro.
Et toi ^ (u voudrais bien refter!
ACTE PREMIER. 43
C H 4 A U 1 I K.
Àh! fi je le voudrais!
Figaro.
Il faut nifen Point de murmure si ton départ*
Le manteau de voyage à l'épaule \ arrange ouver-
tement ta troufTe , St qu'on voie ton cheval à la
grille^ un tems de galop Jufau'à la Ferme; revient
A pied par les derrières \ Monleigneur te croira parti;
tiens-toi feulement hors de fa vue; je me charge
de Tappaifer après la fète*
CniRUBiK.
Mais Fanchette qui ne fait pas fon rôle!
Basile*
Que diable lui apprenez-vous donc , depuis hiut
fours y que vous ne la quittez pas?
Figaro.
Tu n*as rien si faire aujourd'hui » donne-lui par
grâce une leçon.
B A Z I I. È.
Prenez garde, jeune homme, prenez garde! le
père n'eft pas fatisfait j la fille a çté foùfflettée; elle
n'étudie pas avec vous : Chémbin ! Chérubin ! vous
lui cauferez des chagrins ! tant va la cruche à ttau i . . «
Figaro.
Ah! voiU notre imbécile » avec fes vieux pre«
^ LE MARIAGE DE flGARO,
Verbes ! He bien , pédam ! que dit la Êigefle det
Aadons? tcait va la cruche à tcau^ qu*à4a fiiié^m
B A Z I L E*
Elle s'emplit.
F I G A K o en s*tn allante
Pu ù bète^ pourtant^ pas fi bete!
Fin du premier AcU*
.r^ /.■ t.ifrat, ,.- (e h.er.u . Tuei-V clou.- ^
J
îl C T E SECOND. 47
axuau Mxnistiixzzuazi
h
ACTE SECOND, >
Z€ théâtre repréfente une chamhre à coucher
faperbe , un grand lit en alcôve , une
ejlrade au-tlevant. La porte pour entrer
s'ouvre &fe ferme à la troijième couliffk
a droite ^ celle dtun cabinet^ à la pre^-
miere coulijfe abouche. Utie porte dans
' le fond j va che:^ les femmes^ Une fenêtre
s'ouvre de Vautre côté.
ji ... ■
SCÈNE PREMIER E.
SUZANNE, LA COMTESSE entrent
• jpar îa porte à droite.
LaComtessb/^ jette dans une bçrgcre*
• • • X ** ■
F B R M £ la porte » Suzanne , 6c cohte-moi coût , daoi
le plus grand décaiL * - ^
•S A; 2 A N N' B*.
Je Yiû rien caché i Madame# ^ v
La C o m t b s s b«
Quoi 9 Suaeon, U roulait te féduitt? ^
4t LE MARIAGE DÉ FÏGAKÔ^
S Û Z À N K I.'
Oh que non. Monfeigneur n'y met pas tatit <I<i^
façoh avec fa fervance : il voulait m'acneter.
La Comtesse»
Et le petit Page était prélent ?
S U 21 A N N E.
C eft-à-dire y caché derrière le grand faiiteuUi;
II venait me prier de vous demanaer ù, grâce.
La Comtesse.
Hé pourquoi ne pas s'adrelTer à moi-^mcme j eft-
cè que je lauraiis reTufé, Suzon^
w
s Ù z A K i* Éi
C'eft ce que j ai dit: mais fes regrets de partît,
& fur-tout de quitter Madame! Ah SîC(on ^qu'elle
cfi nàhle & betU ! mais quelle eft impofanu\
La Comtesse»
E(l-<:e que f ai cet air-là , Suzon ? moi qui l'ai
toujours protégé.
Suzanne.
Puis il a vu votre ruban de nuit que je tenais i
il s*eft jette deflfus.. ,
La Comtesse fourimU
Mon rub^? * .,. . quelle enfance?
Suzanne*
jTaî voulu le lui qter j Madam,e, c'était un lion;
fes
ACTE SECOND. 49
îés yeuK brillaient * • ... tu ne l'auras qu'avec ma
vie , difait-il ^ en forçant fa petite voix douce Se
grêle.
La Comtssse rêvant.
Eh bien, Suzon? »
S U Z A N N £.
Eh bien , Madame , eft-ce qu on peut faire finit
ce petit démon là ? ma mariaine par-ci j je voudrais
bien par l'autre ; & parce qu'il n'oferait feulement
baifer la robe de Madame , il voudrait toujours
m'embraflfer moi.
La Comtesse rêvant.
Laillbns laiflbns ces folies .... Enfin , ma
pauvre Suzanne , mon époux a fini par te dire ?
Suzanne.
Que fi je ne voulais pas l'entendre, il allait pro-
icger Marceline.
La CoMTESSEyi lève &fe promené^ enfefer"
vont fortement de réventaïL
Il n« m'aime plus du tout.
Suzanne*
Pourquoi tant de jaloufie ? •
La Comtesse.
Comme tous les maris , ma chère ! uniquement
par orgueil. Ah je l'ai trop aimé ! je l'ai lafle de
mes tendreflfes , & fatigué de mon amour j voilà
mon feul tort av«c lui : mais je ^'encens
50 LE MARIAGE DE FIGARO,
pas que cet honnête aveu te nuife , & ta cpou-
feras Figaro. Lui feul peut nous y aider : viendra-
t-il?
Suzanne.
Dès qu'il verra partir la chafle.
La Comtesse fefirvant de V éventail.
Ouvre un peu la croifée fur le jardin. Il fait une
chaleur ici ! • • • •
Suzanne.
C'eft que Madame parle & marche avec a£tion.
(Elle va ouvrir la croifée du fond),
La Comtesse rêvant long- tems.
Sans cette confiance à me fuir • • • • les hommes
font bien coupables!
Suzanne crie de la fenêtre.
Ah ! voilà Monfeigneur qui traverfe à cheval le
grand potager, fuivi de Pédrille , avec deux, trois >
quatre lévriers.
La Comtesse.
Nous avons du tems devant nous. ( £//e j*a//?^</. )
On frappe , Suzon ?
^ Suzanne court ouvrir en chantant.
Ah, c'eft mon Figaro! ah, c'eft mon Figaro !
ACTE SECOND. 51
vr
Ul^
S C E N E I L
RO , SUZANNE, LA COMTESSE ajfîfi.
Suzanne.
ON cher ami! viens donc. Madame eft dans
impatience ! . . . .
Figaro.
j :*=^^t toi, ma petite Suzanne? — Madame n'en
,> ^"^r prendre aucune. Au fait , de quoi s agit-il ?
^ ^■"•^ ^•^^^e riiifère. Monfieur le Comte trouve notre jeune
^ .^^^^>- xne aimable , il voudrait en faire fa maîtrelTe j
" ^cir'eft bien naturel.
Suzanne.
^^^aturel?
Figaro.
çj^ X\iis il m'a nommé courier de dépêches, &
^^^on confeiller d'ambaflade. Il n y a pas là
^ ^tourderie.
Suzanne.
TTu finiras ?
Figaro.
Et parce que Suzanne ma fiancée n'accepte
P^s le diplôme , il va favorifer les vues de Mar-
^^linej quoi de plus fimple encor? fe venger de
Ceux qui nuifent anos projets enrenverfant les leurs ;
c'^ft ce que chacun fait \ ce que nous allons fairo
ïious mêmes. Hé bien , voilà tout pourtant.
D z
51 LE MARIAGE DE FIGARO,
La Comtesse.
Pguvez-vous, Figaro, traiter fi Icgcremeat un
deilèin qui nous coûte i tous le bonheur ?
Figaro*
Qui dit cela , Madame ?
Suzanne.
Au lieu de t affliger de nos chagrins
Figaro. ^
N*cft-ce pas aflez que je m'en qccupe? Or,
pour agir auflî méthodiquement que lui , tempérons
d'abord, fon ardeur de nos pofleffions, en l'inquiétant
fur les fiennes.
La Comtesse.
^ C'eft bien dit j mais comment ?
Figaro.
C'eft déjà fait , Madame y un faux avis detutc
ilir yods. ....
La.Comtesse.
a
Sur moi! la tète vous tourne!
Figaro.
O ! c'eft i lui qu'elle doit tourner.
La Comtesse.
Un homme aufli jaloux!....
Figaro.
Tant mieux : pour tirer parti des gens de ce
r
ACTE SECOND. 55
caradcre , il ne faut qu'un peu leur fouetter le fang ;
c'eft ce que les femmes entendent fî bien ! Puis
les tient-on fâchés tout rouge j avec un brin d'in-
trigue on les mené où Ton veut , par le nez «
I dans le Guadalquivir. Je vous ai fait rendre à
Bazile un billet inconnu, lequel avertit Monfeî-
gneur , qu'un galant doit chercher à vous voir
> aujourd'hui pendant le bal.
La Comtesse*
Er vous vous jouez ainfî de la vérité fur le
compte d'une femme d'honneur., •*•..
Figaro»
Il y en a peu. Madame, avec qui je Teufïb
©fé , crainte de rencontrer jufte.
La Comtesse*
n faudra que je l'en remercie ! ^
Figaro.
Mais dites -moi s'il n'eft pas charmant de lui
"^oir taillé fes morceaux de k journée , de façon
qu'il pafTe à rôder , à jurer après fa Dame , le
tems qu'il deftinait à fe complaire avec la nôtre !
il eft déjà tout dérouté: galopera- t-il celle-ci?
furveillera-t-il celle-là ? dans fon trouble d'efprir ,
tenez , tenez , le voilà qui court la plaine , & force
un lièvre qui n'en peut mais. L'heure du mariage
arrive en pofte ; il n'aura paslpris de parti contre j
& jamais il n'ofera s'y oppofer devant Madame.
Suzanne.
Non; mais Maifeëlinei le bel efprit^ ofera le
Êdie. ette.
54 LE MARIAGE DE FIGARO>
Figaro.
Brrrr. Cela m*inquiète bien > ma foi ! Tu feras
dire à Monfeigneur^ que tu te rendras fur la
brune au jardin.
Suzanne.
Tu comptes fur celui-là ?
Figaro.
O Dame ! écouter donc ; les gens qui ne veulent
rien faire de rien, n'avancent rien, & ne font
bons à rien. Voilà mon mot.
V
Suzanne.
Il eft joli !
La Comtesse.
Comme fon idée : vous confentiriez qu'elle s'y
rendît ?
Figaro.
Point du tout. Je fais endolïèr un habit de
Suzanne à quelqu'un : fiirpris par. nous au rendez-
vous , le Comte pourra-t-iî s'en dédire ?
Suzanne.
A qui mes habits ?
Figaro.
Chérubin.
La Comtesse
- Il eftpard.
Figaro.
Non pas pour moi : veut-on me laiiler faire ?
A C T E s E G O N D. 55
S U- Z A N N £•
On peut s'en fier a lui pour mener une intrigue.
Figaro.
Deux 5 trois , quatre à la fois ; bien embrouillées,
qui fe croifent. J étais né pour être courtifan.
Suzanne.
On dit que c'eft un métier fî difficile !
Figaro.
Recevoir, prendre , & demander ; voilà le
fecret en trois mots.
La Comtesse.
Il a tant d'afTurance , qu'il finit par m*en infpirer.
Figaro.
C'eft mon deffein.
S U Z A N N £.«
Tu difais donc?
Figaro.
Que pendant l'abfence de Monfeigneur , je vais
vous envoyer le Chémbin : cocfFez-le , habillez-le ;
ie le renferme & Tendoéhrine j ôc puis danfez ,
Monfeigneur. (Il fort).
D4
5if LE MARIAGE DE FIGARO,
SCENE III.
SUZANNE, LA COMTESSE affifc
La Comtesse, tenant fa boetc à mouches.
JVl ON cfieu, Suzon, comme je fuis faite!.. •• ce
jeune homme qui va venir! •••
Suzanne.
Madame ne veut donc pas qu'il en réchappe ?
La Comtesse rêve devant fa petite glace.
Moi } .... tu verras comme je vais le gronder.
Suzanne.
Fefons - lui chanter fa romance. ( EUc la met
fur la Comtejfe. )
La Comtesse.
Mais, c'eft qu'en vérité , mes cheveux font dans
un défbrdre
.Su z A N N E riant.
Je n'ai qu'à reprendre ces deux boucles. Madame
le grondera bien mieux. "
La Comtesse revenant à elle.
Qu*eft-cc que vous dîtes donc, Madcmoifellc?
ACTE SECOND. 57
SCENE IV.
C H É R U B I N , /'^ir honteux^ SUZANNE,
LA COMTESSE t^ffife.
Suzanne.
rir NT RE z , Monficur rOfficier \ on eft vîfible.
.Chérubin avance en tremblant.
Ah, que ce nom m'afflige. Madame ! il m*appren<i
qu'il faut quitter des lieux une maraine fi . . .
bonne!....
Suzanne.
Et fi belle l
Chérwbin, avec un foupin
Ak ! oui.
Suzanne le contrefait.
Ah! oui. Le bon jeune homme ! avec fes longues
paupières hypocrites. Allons, bel oifeau bleu, chantez
la romance a Madame.
La Comtesse /a déplie.
De qui .... dît-on qu'elle eft ?
Suzanne.
Voyez la rougeur du coupable : en a-t-il un pied
fur les joues ?
chérubin.
la Comreflè.
Suzacne.
58 LE MARIAGE DE FIGARO,
Chérubin.
Eft-ce qu'il eft défendu... de chérir
S u 2 A N N E /tti met le poing fous le ne:(.
Je dirai tout , vaurien !
La Comtesse.
Là chante-t-il ?
Chérubin.
O ! Madame , je fuis fi tremblant !. . . .
Suzanne en riant.
Et gnian, gnian, gnian, gniàn, gnian, gnian,
gnian ; dès que Madame le veut , modefte auteur ! je
vais l'accompagner.
La Comtesse.
Prens ma guittare. ( La ComteJJe ajfife , tient le
papier pour fuivre. Sw^anne eft derrière fon fauteuil^
& prélude en regardant la mujique par-dejjus fa mai-
treffe. Le petit Page eft devant elle j les yeux baijjes.
Ce tableau eftjufte la belle eftampe d'après Vanloo^
appellée LA Conversation Espagnole.
ROMANCE.
Air : Marlbroug s'en vat-en guerre.
Premier Couplet.
Mon courfîer hors d'haleine»
( Que mon cœur , mon cœur a de peine I )
J'errais de plaine en plaine ^
Au gré du deftrier.
ACTE SECOND. $9
IL COWPLST.
Au gré da dcftrîerj
Sans Varict , n'Écuycr ;
* Là près d'une fontaine , ,
(Que mon cœur, mon cœur a de peine!)
Songeant à ma Maraine ^
Sentais mes pleurs couler.
III. Couplet.
Sentais mes pleurs couler.
Prêt à me défoler ;
Je gravais fur un frcnc ,
f Que mon cœur, mon cœur ade peine l )
Sa lettre fans la mienne j
Le Roi vint à pafler.
IV. Couplet.
Le Roi vint à paffer;
Ses Barons , fon Clergier.
Beau Page , dit la Reine ,
( Que mon cœur , mon cœur a de peine l)
Qui vous met à la gêne?
Qui vous fait tant plorer 1
V. C o u P L ï T.
Qui vous fait tant plorer ?
Nous faut le déclarer.
Madame & Souveraine ,
(Que mon cœur , mon cœur a de pçînc \)
J'avais une Maraine ,
Que toujours adorai. * *
♦Au Spcdaclc on a commencé la romance â ce vers, en difaott
Auprès d'une Fontaine»
»* Ici U Comtcfle arrête le Page en fermant le papier. Le xcftf »• «
chante pas au théâtre.
6o LE^MARIAGE DE FIGARO,
VI. COUPLlT.
Que toujours adorai ;
Je fcns que j'en mourraî.
Beau Page, dit U Reine,
( Que mon cœur, mon cœur a de peine })
N'eft-il qu'une Maraîne ?
Je vous en fçrvirai.
VII. Couplet.
Je TOUS en fervîraî j
Mon Page vous ferai j
Puis à ma jeune Hélène ,
( Que mon cœur , mon cœur a de peine ! >
Fille d'un Capitaine,
Un jour vous marierai.
V. I I I, C O U* P L B T.
Un jour vous marierai. ^-
Ncnni n'en faut parler ;
Je veux , traînant ma chaîne ,
( Q«e mon cœur , mon cœur a de peine ! >
Mourir de cette peine ;
Mais non m'en confolcr.
L A' Comtesse.
M y a de la naïveté.... du fentunent même.
Suzanne vapoferlaguitarcfurmfautcuiL
chérubui. O! pour du fentlment, c'eft un jeune homme
iXt'cflc T ^^ S^' ^^^^^"^ ^'Officier, vous a-t^n
• dit que pour égayer la foirée, nous voulons favoir
d avance fi un de mes habits vous ira palTablement?
La CoMTissi.
J'ai peur que non.
ACTE SECOND. g,
Suzanne/* mefurc avec lui.
La Comtesse.
Et fi quelqu'un entrait ?
Suzanne.
Eft-ce que nous fefons du mal donc ? je vais fer-
La Comtessï.
tn^f"" 'f "^",^ ' ""* baigneufe â moi. (Sur^vu
SCENE V.
CHÉRUBIN, LA COMTESSE,^^.
L A C O M T B S S E.
JixsQu^A rinftant du bal, le Comte ignorent
que vous foyez au château. Nous lui dirons après ,
que le tems d'expédier votre brevet , nous a fait
'laitre Tidée.
C H i R u B I N /e /tti montre.
Hélas, Madame, levoidj Bazile me larensà
«e la part.
6x LE MARIAGE DE FIGARO,
La Comtesse.
Déjà ? Ion a craint d'y perdre une minière.
( Elle lit. ) Ils fe font tant preflcs , qu'ils ont oublié
d y mettre fon cachet.
(Elle le lui rend.)
m
SCENE VI.
CHÉRUBIN , LA COMTESSE, SUZANNE.
«
Suzanne entre avec un grand bonnet*
Xjb cachet» à quoi?
La Comtesse.
A fon brevet.
Suzanne,
Déjà?
La Comtesse.
Ceft ce que je difais. Eft-ce là ma baîgneufe ?
cïhérubîn. S u z A N N E s^ajfied près de la ComteJJe.
La Co^tcfTc E^ ^^ P^^^ ^^^^ ^^ toutes. ( Elle chante avec
des épingles dans fa bouche j )
Toume:['Vous donc envers ici ,
Jean de Lyra , mon bel amu
Chérabin fe met à genoux j (Elle le coeffe.) Ma-
dame , il eft charmant !
La Comtesse.
Arrange fon collet, d'un air un peu plus féminin.
ACTE SECOND. 6j
Suzanne l^arrange.
Là ... . mais voyez donc ce morveux , comme il
eft joli en fille ! j'en fuis jaloufe , moi! {Elle lui
prend le menton. ) Voulez-vous bien n'erre pas joli
comme çà?
La Comtesse.
Qu'elle eft folle ! Il faut relever la manche ,
afin que l'amadis prenne mieux.... (Elle le re-
troujfe.) Qu'eft-ce qu'il a donc au bras ? un ruban!
Suzanne.
Et un ruban à vous. Je fuis bien aife que Madame
l'ait vu. Je lui avais dit que je le dirais , déjà ! O î
(î Monfeigneur n'était pas venu , j'aurais bien
repris le ruban y car je fuis prefque auffi forte que
lui.
La Comtesse.
Il y a du fang ! ( Elle détache le ruban. )
Chérubin honteux.
Ce matin , comptant partir , j'arrangeais , la
gourmette de mon cheval ; il a donné de la tcte y
àc la boffette m'a effleuré le bras. ^
La Comtesse.
On n'a jamais mis un ruban. . . •
Suzanne.
Et fur-tout un ruban volé. — Voyons donc ce
que la boflette , . . . . la courbette ! . . . la cornette du
chéVal! .... Je n'entens rien à tous ces noms-
là. — Ah qu'il a le bras blanc ! c'eft comme une
femme ! plus blanc que le mien ! regardez donc ,
Madame ?.C£//^ les compare).
tf4 LE MARIAGE DE FIGARO,
La Comtesse d*un ton glace*.
Occupez-vous" plutôt de m'avoîr du taffetas gom-
mé , dans ma toilette.
Su:[annc luipoujfe latête y en riant '^ il tombe fur
les deux mains. ( Elle entre dans le cabinet au bord du
théâtre. )
SCENE V I L
CHÉRUBIN à genoux^ LA COMTESSE ajfffe.
La Comtesse rejle un moment /ans parler ^ les yeux
furfon ruban. Chérubin la dévore de fes regards.
Jtour mon raban, Monfieun.... comme c*eft
celui dont la couleur m'agrce le plus. . . . j'étais fort
en colère de l'avoir perdu.
■ -■ I
I I ' M l. *
SCENE VII L
CHÉRUBIN à genoux, LA COMTESSE ajjtfe,
SUZANNE.
Suzanne revenant.
JlL T la ligatute à fon bras ? (Elle remet à la Comtejfe
du taffetas gommé & des dfeaux. )
La Comtesse.
En allant lui chercher tes hardes , prens le
ruban d un autre bonnet.
(Suzanne fort par la porte du fondj en empor-
tant le manteau du Page).
SCENE
Acte second.
«5
*' I I h
SCENE IX.
CHÉRDBIN à genoux , LA COMTESSE nfftfe.
C H É k u B ï H Us yeux baijfés.
v^ E L u I qui m eft ôté ^ m'aurait guéri en moûiâ
de rien.
La CoMTESSEé
Par quelle vert^ ? ( lui montrant le taffetas , ') ceci
tant mieux^
Che rubïn héfitant^
Quand un ruban. a ferré la tète. .... ou
touché la peau d une per&nne. ..v..
La Comtesse coupant la phrafe.
. . . • ! Étrangère , il devient bon pour les bleflures >
J'ignorais cette propriété. Pour l'éprouver , je gardd
celui-ci qui vous a ferre le bras, A la première
égratignure de mes femmes , j'en ferai l'eflai»
Chb rubin pénétré.
Vous le gardez , & moi je pars.
La Comtesse*
Non pour toujours.
CHÉRÛBlîi.
Je fuifi fi malheureux !
€6 LE MARIAGE DE FIGARO,
La Comtesse émue.
Il pleure à préfent! c'eft ce vilain Figaro avec
Ion pronoftic \
Chérubin exalté.
Ah ! Je voudrais toucher au terme qu'il m'a pré-
dit ! sûr d« mourir à Tinflant , peut-être ma bouche
oferait
La C0MTESS15 l'interrompt j & lui ejfuie les
yeux avec fon mouchoir,
Taifez-v«is , taifez-vous , Enfant. Il n'y a pas
an brin de raifon dans tout ce que vous ^tres.
(on frappe à la porte y elle élevé la voix.) Qui frappç
ainû chez moi ?
SCENE X.
CHÉRUBIN , LA COMTESSE , LE COMTE
en dehors.
L » Comte en dehors^
ir^ouRQtyoi donc enfermée?
La Comtesse troublée fe lève.
C'eft mon époux ! grands Dieux \....( à Chérubin
qui s'eft levé aujji) vous fans manteau, le col &Ies
bras nuds! feul avec moi! cet air de défordre,un
billet reçu , fa jaloufie ! . . . .
Le Comte e/2 dehors.
Vous n'ouvrez pas?
/ ACTE SECOND.
La Comtesse*
Ceft que .... je fuis^ feule*
Le Comte tf/z dehors.
Seule ! avec qui pârlez^vous donc ? #•
La Comtesse cherchant.
• • . . . Avec vous fans doute*
CtiÉRUBXN à part^
Après les fcènes d'hier, & de ce matin; il me
tuerait fut la place! [Il court au cabinet de tçUette ,
y entre j & tire la porte fur lui» )
I ■ t..» . I ■ ■ I I I» 1 1^ ,——^ ^ 11 I I mi m — »g^^.
SCENE XI.
La Co M T ç s s E feulcy en ôtela çlé&CQurt ouvrir
' au Comte.
J\ H quelle faute ! quelle faute ! /J^V-OyS"
I I I I II I . m I ■ m I ■■ I I I. Il) I — — iW>— W ■ *''
SCENE X I L ti2n3
LE COMTE, LA COMTESSE.
Le Comtes/;? peu/evère^
Vous n'êtes pas dans Tufage de vous enfermeir !
La Comtesse troublée.
Je ... . jechifibnnais ... . , oui je chiffonnais, avec
Suzanne j elle eft palfée un moment chez elle.
.-*f
éi LE MARIAGE DE FIGARO,
Le C o a^ t e l'examine.
Vous avez l'air & le ton bien altérés!
La Comtesse.
Celan'eft pas étonnant ... pas étonnant du tout..;
je vous aflTure .... nous parlions de vous .... eUe
eft paiTée , comme je vous dis.
Le Comte.
Vous parliez de moi!.,.. Je fuis ramené par Tin-
quiétude y en montant â cheval, un billet qu'on m'a
remis , mais auquel je n'ajoute aucune foi , m'a ....
pourtant agité.
La Comtesse.
Comment, Monfieur? .... quel billet?
Le Comte.
Il faut avouer. Madame, que vous ou moîj
fbmmes entourés d'êtres .... bien méchans ! On me
donne avis que, dans la joiurnée, quelqu'un que
je crois abfent, doit chercher à vous entretenir.
La Comtesse.
Quel que foit cet audacieux, il faudra qu'il pénètre
ici*, car mon projet eft de ne pas quitter ma chambre
de tout le jour.
Le Comte.
Ce foir, pour la noce de Suzanne?
La Comtesse.
Pour rien au monde y je fuis très-încommodée*
ACTE SECOND. 69
Le Comte.
Heureùfement Je Dodeur eft icL
(Le Page fait tomber une chaife dans le cabinet. )
Quel bruit encens-je ?
Là Comtesse plus troublée.
Du bruit?
L E C M T E.
On a fait- tomber un meuble,
La Comtesse.
Je • • • • je n'ai rien entendu , pour moi.
Le Comte.
II faut que vous Ibyez furieufement préoccupée l
La Comtesse.
Préoccupée! de quoi?
Le Comte.
Il y a quelqu'un dans ce cabinef , Madame.
La Comtesse,
Hé ... • qui voulez-vous qu'il y air, Monfieur?
Le Comte.
C'eft moi qui vous le demande j j'arrive.
La Comtesse.
Hé. mais . . • Suzanne apparemment qui range.
Le Comte.
Vous avez dit qu elle était pafTce chez elle !
E3
70 LE MARIAGE DE FIGARO,
La Comtesse.
t^a^ée ou entrée-là ; je ne fais lequel.
Le Comte*
Si c'efl Suzanne » d'où vient le trouble où Je
tous vois ?
La Comtesse.
Du trouble pour ma camarifte?
L 1 C o M t E. ■
Pour Votre camarifte , je ne fais j mais pour
du trouble, zStntémenu
La Comtesse*
Aflurcment, Monfieur , cette fille vous trouble ,
Se vous occupe beaucoup plus que moi.
Le Comte ^/ï colère.
Elle m^occupe à tel pomt , Madame, que je veoit
la voir à TinAant.
La CoMtÉssEé
Je crois en effet , que vous le voulez fouvent ;
mais voilà bien les foupçons les moins fondés* r • •
O
ACTE SECOND. yi
SCENE XIII.
LE COMTE , LA COMTESSE , SUZANNE
entre avec des hafdes & pouffe la porte du fond.
Le Comte.
1 L s eh feront plus alfcs à détruire. // parle au
cabinet, — Sortez , Suzon j je vous l'ordonne.
( Su-;^anne s^ arrête auprès de Valcoye dans U
fond, )
La Comtesse.
Elle eft prefque nue , Monfieur : vient-on trou-
bler ainfi des femmes dans leur retraite ? Elle
eflayait des hardes que je lui donne en la mariant j
elle s eft enfuie, quand elle vous a entendu.
Le Comte.
Si elle craint tant de fe montrer, au moins éJU
peut parler, {^life tourne vers la porte du cabinet.^
Répondez-moi, Suzanne \ êtes-vous dans ce cabinet?
i^SuT^anney refiée au fond ^ fe jette dans V al-
côve & sy cache^r)
La Comtesse vivement , parlant au cabinet,
Suzon , je vous défens de répondre. {Au Comte^
On n'a jamais pouifé (i loin la tyrannie l
E4
À
7> LE MARIAGE DE FIGARO,
I^ E Comte s^avcnce an cabinet»
Oh bien , puifqii'elle ne parle pas , vcme ou non,
|e la verrai,
La Comtesse fe met au-devant.
Par-tout ailleurs je ne puis Tempèchcrj maïs
)*efpère auffi que chez moi. ...
Le Comte.
Et moi j'efpère favoir dans un moment quelle
eft cette Suzanne mjftérieufe. Vous demaiiderlaclé,
ferait. Je le vois, inutile ! mais il eft un moyen
sûr de jetter çn dedans cette légère porte. Holà
quelqu*un ?
La Comtesse.
Attirer vos gens , & feire un fcandale public
d'un foupçonqui nous rendrait la fable du çhâcçw?
Le Comte.
Fort bien, Madame; en effet j'y fufSraî; |e vai$ à
l'inftant prendre chez moi ce qu'il faut . . . // mar*
chepourfortir & revient. Mais pour que tout rette au
fnème état j voudrez vous bien m'acccmpagner fans
fç^indale & fans brait, puifqu'il vous déplaît tant?,.,
une chofe auffi fimple, apparçmmeqt, ne mefer^
pas refiiïce !
"^ La CoM-i^EssE traubUe.
fh\ Monfieur, qui fonge à vous contrarier?
L » Comte.
Ah ! j'oubliais la porte qui va chez vos femmes ;
il faur que je la ferinç aufÏÏ 9 pour que vous fov^
ACTE SECOND, 73
pleinement juftifiée, ( // va fermer la porte du
fond ^ & en ote la clé^ )
La Comtesse à part.
O ! ciel ! ctourderie funefte !
Le Comte revenant à elle.
Maintenant que cette chambre eftcîofe, acceptez
mon bras , je vous prie^ [il éUve la voix) Se quant
à la Suzanne du cabinet , il fasclra qu'elle ait la
bonté de m'attendre, & le moindre mal quipuifle
lui arriver a mon retour . . * .
La Comtesse,
Eii vérité, Monfieur, voilà bien la plus odieulè
avanture . ... {Le Comte l'emmène & ferme la porte
â 1(1 de.)
^m
m^mmm^mm^mtmÊ^^t^mm^^mmmt
SCENE XIV,
SUZANNE, CHÉRUBIN.
Suzanne fort de V alcôve^ accourt au cabiuct
ù parle à la ferrure.
\J u V R E z , Chérubin, ouvrez vite , c'cft Suzan-
ne j ouvrez & fortez.
Chérubin fort. , chéniblfli
An i Suzon , quelle horrible fcène !
74 LE MARIAGE DE FIGARO,
Suzanne,.
Sortez, vous n'avez pas une minute.
Chérubin effrayé.
Eh par où fbrtir ?
Suzanne.
Je n*en fais rien , mais fortez.
Chérubin.
SU n'y a pas d'ifliie ?
Suzanne,
Après la rencontre de tantôt, il vous écraferait!
& nous ferions perdues. — Courez conter à Figaro. . .
Chérubin.
La fenêtre du jardin, n'eft peut-être pas bien
haute. ( // court y regarder. )
Suzanne avec effroi.
Un grand étage ! impoffible ! ah ma pauvre maîr
treflfe ! & mon mariage , ô ciel !
Chérubin revient.
Elle donne fur la m'elonière ; quitte à gâter une
couche ou deux.
Suzanne le retient & s* écrie:
II va fe tuer !
Chérubin exalté.
Dans un goufre allunié, Suzon! oui je m'y jette-
ACTE SEC ON D. 75
fais , plutôt que de lui nuire . . • . Et ce baifer va
îne porter bonheur. [Il lUmbraJfe & court fauter par
la jenêtre. )
SCENE XV.
Suzanne feule , un cri de frayeur.
A H ! .... ( Elle tombe ajjife un moment. Elle va
péniblement regarder à la fenêtre & revient. ) II eft dcja
bien loin. O le petit garnement ! auflilefte que joli! fi
celui-là manque de femmes .... Prenons fa place
àu plutôt. {En entrant dans le cabinet. ) Vous pouvez
à prcferit , Monfieur le Comte, rompre la cîoifon,
fi cela vous amufe j au diantre qui repond un mot.
( Elle sy enferme^ )
SCENE X V I.
LE COMTE, LA COMTESSE rr/irr^/ir
dans la chambre*
Li Comte, une pince à la main y qu'il jette fif
le fauteuil.
1 OUT eft bien comme je l'ai laifle. Madame^
en m'expofant à brifer cette porte , réflcchiffez aux
fuites : encor une fois voulez-vous 1 ouvrir?
^6 LE MARIAGE DE FIGARO,
La Comtesse.
Eh, Monfieur, quelle horrible humeur peur
altérer ainfi les égards entre deux époux? Si l'amour
vous dominait au point de vous infpirer ces fureurs j
malgré Jeur dérailon, je les excuferais; j'oublierais,
peut-être, en faveur du motif, ce qu'elles ont d'of-
fenfant pour moi. Mais la feule vanité peut-elle
jetter dans cet excès un galant homme ?
Le Comte.
Amour ou vanité, vous ouvrirez la porte j oq
|e vais a Tinftant • . • •
La C o m t e s s e tf/^ devant.
Arrêtez, Monfieur, je vous prie. Me croyez-vous
capable de manquer à ce que je me dois?
Le Comte.
Tout ce qu'il- vous plaira. Madame; mais Je
vertai qui eft dans ce cabinet.
LaComtesse effrayée.
Hé bien, Monfieur, vous le verrez. Ecoutez moi .«
tranquillement.
Le Comte.
Ce n'efï donc pas Suzanne?
La Comtesse, timidement.
<
Au moins n'eft-ce pas non plus une perfonne
dont vous deviez rien redouter .... nous difpofions
une plaifanterie... .bien innocente en vérité, pour
cefoir....&je vous jure*...
ACTE SECOND. 77
Le C o m t !•
Et vous me jurez ?
La CoMTBssi.
Que nous n'avions pas plus de deflein de vous
offenfer , l'un que l'autre.
Le Comte, yiu*
L'un que l'autre ? c'eft un homme.
La CbMTissi,
Un enfant, Monfieur.
Le Comte.
Hé qui donc ?
La Comtesse,
A peine ofai-je le nommer!
Le Comte furieux..
Je le tuerai.
La Comtesse.
Grands Dieux!
Le Comte.
Parlez donc.
La Comtesse.
Ce jeune .... Chérubin
Le Comte.
Chdrubin ! l'infolent! voilà mes foupçons , & le
billet expliqués.
78 LE MARIAGE DE FIGARO,
La Comtesse, joignant lesmainsm
Ah! Monfîeur, gardez de penfer
Le Comte, frappant du pied.
( A part). Je trouverai par-tout ce maudit Page !
( haut ). Allons , Madame , ouvrez j je fais tout main-
tenant. Vous n'auriez pas été (î émue , en le congé-
diant ce matin j il ferait parti quand je l'ai or-
donné 'y VOUS n'auriez pas mis tant de fauflTeté dans
votre conte de Suzanne ; il ne fe ferait pas fi foigneu»
fement caché , s'il n'y avait rien de crimirieU
La Comtesse.
Il a craint de vous irriter en fe montrant.
Le Comte, hors de lui , crie au cabinet.
Sors donc , petit malheureux !
La Comtesse le prend à iras le corps ^
en P éloignant./
Ah ! Monfîeur , Monfîeur , votre colère me fait
trembler pour lui. N'en croyez pas un injufle foup'-
çon, de gtace j & que le défoixlre, où vous l'aller
trouver ....
Le Comte»
Du défcrdre!
La Comtesse,
Hélas oui ; prêt à s'habiller en femme , one
cocffiire à moi fur la tète , en vefte & fans man*
teau , le col ouvert, les bras nuds j il allait efïâyer . • .
L E C o m T E,
Et vous vouliez garder votre chambre 1 Indigne
j
ACTE SECOND 79
cpoufe! ah , vous la garderez. . .. long-tems; mais
il faut avant, que j'en chaflè un infolent, de ma-
nière à ne plus le rencontrer nulle part.
La Comtesse y Je jette à genoux y les bras élevés.
Monfieur le Comte , épargnez un enfant j je ne
me confolerais pas d'avoir caufé • • . •
Le Comte.
Vos frayeurs aggravent fon crime.
La Comtesse,
Il n'eft pas coupable , il partait : c'eft moi qui
l'ai fait appeller.
Le Comte furieux.
Levez-vous. Otez-vous. ... Tu es bien auda-
cieufe d'ofer me parler pour un autre?
La Comtesse.
Eh bien! je m'ôterai , Monfieur, je me lèverai ;
je vous remetrrai même la clé du cabinet : mais ,
au nom de votre amour ....
Le Comte.
De mon amour ! Perfide !
La Comtesse fe lève & lui préfente la clé.
Promettez-moi que vous laifferez aller cet enfant,
ians lui faire aucun mal ; & puilTe après , tout votre
courroux tomber fur-moi , h je ne vous convainc
pas
«o LE MARIAGE DE FIGARO,
Le Comte prenant la clc^
Je n^ccoute plus rien.
La Comtesse fc jette fur une bergère ^ m
mouchoir fur les yeux.
O ^ ciel ! il va périr.
Le Comte ouvre la porte j & recuU.
C'eft Suzanne l
«m
SCENE X V I L
LA COMTESSE , LE COMTE , SUZANNE.
Suzanne fort en riant*
J iLle tuerai^ je le tuerai. Tuei-le donc , ce ttic-
chant Page ! ' '
Le Comte à part.
Ah quelle école ! ( regardant la Gomtejfè tfïà ejt
refiée fiupéfaite. ) Et vous auffi , vous jouez 1 étoti-
nement ? . . . Mais peut^tre elle n'y eft pas feule.
( // entre ).
^
SCENE
ACTE SE.C O N D. u
SCENE XVIII.
LA COMTESSE affife, SUZANNE.
Suzanne accourt à fa Maîtrejfci
Jlv E M B T T £ z-vous> Madame , il eft bien loin ^f
il a fait un faut. •. •
La Comtes. s s*
Ah^ Suzoh y je fuis morte.
SCENE XIX.
LA COMTESSE tf#yê, SUZANNE, LE COMTE,
Le Comte fort du cabinet d*un air confus. ,
Après un court filcncc*
1 1. n y a perfonne i & pour le coup j'ai tort. — *
Madame ? . . . • Vous jouez fort bien la comédie*
Suzanne gaiment.
Et moi, Monfeîgneur?
La Comtesse, fon mouchoir fur fa bouche
pour fe remettre^ ne parle pas.
Suzanne.
Le Comte s'approche. i^ comtcfTe
Quoi, Macfeme , vous pUHmkz ? , ^
8i LE MARIAGE DE FIGARO,
La Comtesss Je remettant un peu.
Eh pourquoi non , Monfîeur?
L B Comte.
Quel af&eux badinage ! & par quel motif, je
vous prie? . • • •
La Comtesse.
Vos folies mcticenr-elles île la pitié.?
Le Comte.
Nommer fofies ce qui touche à l'honneur!
La Comtess* affurant fon ton par degrés.
Me fuis-je unie à vous pour être éternellement
dévouée à l'abandon & à la jaloufîe, que vous feul
ofez concilier?
Le Comte.
Ah! Madame , c'ed: fans ménagement.
S U «Z A N N E.
Madame n'avait qu a vous laiïlèr appeller les gens.
Le Comte.
Tu as raifon, & c eft à moi de m'humilier • • • •
Pardon , je fuis d'une confiifion! ....
S U Z A N I^ E.
Avouez, Monfeigneur, que vous la méritez un
peuî
Le Comte.
Pourquoi donc ne (brtais-tu pas , Jôr(que je t ap»
peIlais?Mauvaiie!
!
ACTE SECOND. &j
Suzanne.
Je me r'habillaîs de mon mieux , ï grand renfort
d'épingles & Madame qui me le défendait, avait
bien fes raifons pour le faire.
Le Comte»
Au lieu de rappeller mes torts, aides-moi plu*
tôt à Tappaifer.
La Comtesse.
Nori^ Monfieur; un pareil outrage ne fe couvre
point. Je vais me retirer aux Urfulines , & je vois
trop qu'il en eft tems.
Le Comte.
Le pourriez-vous fans quelques regrets ?
Suzanne.
Je fuis fïire moi , que le jour du départ ferait
la veille des larmes.
La Comtesse.
Eh! quand cela ferait, Suzon^ j'aime mieux le
regretter , que d'avoir la bairefle de lui pardonner j
il m'a trop offenfée.
Le Comte.
Rofme !
La Comtesse.
Je ne la fuis plus , cette Rofine que vous avfz
tant pourfuivie! je fuis la pauvre Comteffe Alma-
Viva j la trifte femme délaiifée , que vous n'aimez
plu*.
F 2,
«4 LE MARIAGE DE FIGARO,
Suzanne.
Madame.
Le Comte fuppliant.
Par pidé.
LaComtesse.
Vous n'en avieï aucune pour moi.
Le Comte.
. Mais auifi ce billet. .... Il m'a tourné le fang!
La Comtesse.
Je n'avais pas confenti qu'on 1 écrivît".
Le Comte.
Vous k faviez?
La Comtesse.
C'eft cet étourdi de Figaro ....
L E C O M T £.
U en était ?
La Comtesse.
• • . . Qui Ta remis à^ Bazile.
Le Comte.
Qui m'a dit le tenir d'un payfan. O perfide
thanteur ! lame à deux cranchans ! c'efl: toi qui
' paieras pour tout le monde.
•La Comtesse.
you$ dëipandez pour vous un pardon que vou^
ACTE SECOND. 8f
tefuTez aux autres : voilà bien les hommes ! Ah !
fi jamais je confentais à pardomier en faveur de
l'erreur où vous a jette ce billet , j'exigerais que
l'amniftie fut générale.
Le C o m t I.
Hé bien , de tout mon cœur , Comtefïe. Maîs^
comment réparer une faute auflî humiliante ?
La Comtesse yj Uvc^
Elle Tétait pour tous deux.
Le Comte..
Ah ! dites pour moi feuL -^- Mais je fm$
cncor à concevoir comment les femmes prennent fî
vîte & fi jufte , l'air ôc le ton des circonftances.
Vous rougifiîez, vous pleuriez , votre vifage était
défait .... D'honneur il Teft encor.
La Comtesse s* e^rçant de fourire^ .
Je rougiflais . . ^ . . du reflentiment de vos foupçons»
Mais les hommes font-ils aflfez délicats pour dis-
tinguer l'indignation d'une ame honnête outragée ^
d'avec laconmfion qui iiaît d'une accufation méritée?.
Le Comte fouriant.
Et ce Page en défordre ^ en vefte & pre(quet
nud...*
La Comtesse montrant Swfanne.
Vous le voyez devant vous. N'aimez -vous pas
mieux l'avoir trouvé que l'autre? en général , vous
ne haïffez pas de rencontrer celui-ci.
tS LE MARIAGE DE FIGARO,
Le Comte riant plus fort.
Et ces prières, ces larmes feintes . .« • •
La Comtesse.
Vous me faites rire , Se j*en ai peu d*envie*
Le Comte.
Nous croyons valoir quelque chofe en politique »
& nous ne fommes que des enfans. C'eft vous>
c'eft vous , Madame , que le Roi devrait envoyer
en ambaflade à Londres ! Il faut que votre fexe ait
fait une émde bien réfléchie de l'art de fe compofer
pour réuflîr â ce point !
La Comtesse.
C^eft toujours vous qui nous y forcez.
S U Z A K N £•
4
LaifTez-nous prifonnlers fur parole , Se vous
verrez (i nous fommes gens d'honneur.
La Comtesse.
, Brifons-là, Monfieur le Comte. J'ai peut-être été
trop loin ; mais mon indulgence en un cas aui&
grave, doit au moins m'obtenirla vôtre.
.Le Comte.
Mais vous répéterez que vous me pardonnez.
La Comtesse.
Eft-ce que je l'ai dit , Suzon ?
Suzanne*.
Je ne l'ai pas entendu. Madame.
f
ACTE SECOND.
Le Comte»
Eh bien , que ce mot vous échappe.
La Comtesse.
Le mcritez-vou5 donc, ingrat?
Le Comte.
Oui, par mon repentir.
Suzanne.
Soupçonner un homme dans le cabinet de Ma-
dame!
Le Comte.
Elle m'en a fî fcvérement puni!
S U 2 A ,N N B.
Ne pas s'en fier à elle , quand elle dit que c'eft
Ùl camarifte !
Le Comte.
Rofine, ctes-vous donc implacable?
La Comtesse.
Ah! Suzon r que je fuis faible! quel exemple je
te donne! (tendant la main au Comte ).Onnc croira
plus à la colère des femmes.
Suzanne.
Bon! Madame, avec eux, ne faut-il pas toujours
en venir là?
Le Comte iai/e ardemment la main di
fa femme.
^4
J» LE MARIAGE DE FIGARO,
vite
SCENE XX.
SUZANNE, FIGARO, LA COMTESSE,
LE COMTE
Figaro arrivant tout ejfouflé.
KJ-^ difàit Madame incommodée. Je fuis
ftccouni. • . . |e vois avec joie qu'il n'en eft rien.
Le Comte féchement»
Vous êtes fort attentif !
Figaro.
Et c'eft mon devoir. Mais puifqu'il n'en eft rien,
Monfeigneur } tous vos jeunes vaflaux des deux
fexes font en bas avec les violons & les cornemufes,
attendant pour m'accompagner , Tinflant où you$
permettrez que je mené ma fiancée
Le Comte.
Et qui furveillera la Comteflè au château ?
Figaro.
La ailler ! elle n'eft pas malade.
Le Comte.
Non ^ mais cet homme abfent qui doit rentre*
tenir ?
Figaro.
Quel homme abfejit ?
I
1
ACTE SECOND. 8j>
L E C O M T E.
L'homme du billet que vous avez remis à Basile*
Figaro.
Qui dit cela?
L s C o M T I.
Quand je ne le fautais pas d'ailleurs , fripon ! tat
phyfionomie qui t accufe , me prouverait déjà que
m mens.
Figaro.
S'il eft ainfi , ce n'eft pas moi qui mens » c'eft
ma phyfionomie.
Suzanne.
Va, mon pauvre Figaro! n ufes pas ton éloquence
en défaites j nous avons tout dit.
Figaro.
Et quoi dit? vous me traitez comme un Bazile !
S U Z A N N B.
Que m avais écrit le billet de tantô.t pour faire
accroire â Monfeigneur , quand il entrerait, que le
petit Page était dans ce cabinet , où je me fuis en-
fermée.
L B C o M T B.
Qu'as-m à répondre?
La Comtessb.
U n'y a plus rien à cacher, Figaro j le badinage
' ék confbmmé.
90 LE MARIAGE DE FIGARO,
Figaro cherchant à deviner.
Le badinage • • • • eft confommé ?
L E C O M T £•
Oiû> confommé. Quedis-mU-deflus?
Figaro.
Moi ! je dis. • . . que je voudrais bien qu*on en
put dire autant de mon mariage ; & fi vous l'or-
donnez
Le Comte.
Tu conviens donc enfin du billet ?
Figaro.
Puifque Madame le veut , que Suzanne le veut >
que vous le voulez vous-même , il faut bien que
je le veuille aufii : mais à votre place , en vérité ,
Monfeigneur, je ne croirais pas un mot de tout ce
que nous vous difons.
Le Comte.
Toujours mentir contre l'évidence ! à la fin , cela
m'irrite.
La Comtesse en rianu
Eh , ce pauvre garçon ! pourquoi voulez -vous,
Monfieur, qu'il <Sfe une fois la vérité?
Figaro, iiïji Suzanne.
Je l'averds de fon danger j c'eft tout ce qu'un
honnête homme peut faire.
ACTE SECOND. 91
SuzAKNE) bas.
As-tu vu le petit Page ?
F I G A R o 9 bas.
Encor tout firoiiTé.
Suzanne, bas.
Ah^Pécaïre!
La Comtesse.
Allons, Monfîeur le Comte, ils brûlent des*unir:
leur impatience eft naturelle ! entrons pour la céré-
monie.
Le Comte ^ part.
Et Marceline, Marceline.... (A^wr) je voudrais
être. • • • au moins vêtu.
La Comtesse.
Pour nos gens ! eft-ce que je le fuis ?
»i«^
91 LE MARIAGE DE FIGARO,
s
SCÈNE XXL
nCÀRO , SUZANNE , LA COMTESSE >
LE COMTE , ANTONIO.
Antonio, demi-grisj tenant un pot de girqflc^s
ecrafées. '
IVIgnseigneur! Monfeigneur!
Le Comte.
Que me veux- m , Antonio ?
Antonio.
Faites donc une fois griller les croifées qui don-
nent fur mes couches. On jette toutes fortes de
chofes par ces fenêtres ; Se tout à l'heure encor on
vient d'en jetter un homme.
Le Comte.
Par ces fenêtres ?
Antonio.
Regardez comme on arrange mes giroflées !
S u z A N N E, ^^ ^ Figaro.
Alerte , Figaro ! alerte.
Figaro. /
Monfeigneur, il cft gris àh le maduu
ACTE SECOND, 95
Antonio,
Vous n'y êtes pas. C'eft un petit refte d'hier.
Voilà comme on ùk des jugemens. . • • ténébreux.
Le Comte avec feu.
Cet homme ! cet homme! où eft-il ?
Antonio.
Oùileft?
L I Comte.
Oui.
Antonio.
C'eft ce que je dis. Il faut me le trouver déjà. Je
fuis votre domeftique ; il n'y a que moi qui prens
foin de votre jardin ; il y tombe un homme, &
vous ièntez. • • . que ma réputation en eft ef&eurée.
Suzanne, bas à Figaro.
Détourne, détourne.
Figaro.
Tu boiras donc toujours ?
Antonio.
Et fi je ne buvais pas , je deviendrais enragé.
La Comtesse.
, Mais en prendre ainfî fans befoin
Antonio.
Boire fans ibif & faire l'amour en tout tems ,
Madame y il n'y a que çâ qui nous diftingue des
autres b&tes.
94 LE MARIAGE DE FIGARO,
Le Comte vivement.
Répons-moi donc, ou je vais te chaflèr.
f Antonio.
Eft-ce que je !ni*en irais ?
Le Comte.
Comment donc ?
Antonio^^ touchant le front.
Si vous n*avez pas aflez de çâ pour garder im
bon domeflique ^ je ne fuis pas afièz bête , moi ,
pour renvoyer un fi bon Maître.
Le Comte /^ fecoue avec colère.
On a, dis-tu, jette un homme par cette fenêtre?
Antonio.
Oui , mon Excellence ; tout-à-l'heure , en vefte
blanche , & qui s eft enfiii , jarni , courant
Le Comte impatienté.
Après ?
Antonio.
J'ai bien voulu courir après ; mais je me fuis
donné contre la grille une fi fiere gourde à la main,
2ue je ne peux plus remuer ni pied ni patte de ce
oigt-li. (Levant le doigt).
Le Comte.
Au moins tu reconnaîtrais l'homme ?
• t
ACTE SECOND. 95
Antonio.
Oh! que ouî-dà ! ... fi je l'avais vu , pourtant !
S ,u z A N N E bas à Figaro,
Il ne l'a pas vu.
Figaro.
Voilà bien du train pour un pot de fleurs !
combien te faut-il , pleurard ! avec ta giroflée ? Il
eft inutile de chercher, Monfeigneur, c'eft moi
qui ai fauté.
Le Comte.
Comment c'eft vous !
Antonio.
Combien te faut 'il , pleUrard ? Votre corps
a donc bien grandi depuis ce tems-là ? car je vous
ai trouvé beaucoup plus moindre , & plus fluet !
Figaro.
Certainement j quand on faute, on fe pelotone...
Antonio.
M*efl: avis que c'était plutôt. .... qui dirait , le
gringalet de Page.
L £ C o k T £.
Chérubin, tu veux dire?
Figaro.
Ouï , revenu tout exprès avec fon cheval , de la
pone de Séville, où peut-être il eft déjà.
î)(? LE MARIAGE DE FIGARO,
' Antonio.
O! non , Je ne dis pas çà » je ne dis pas çâ ; je
n'ai pas vu fauter de cheval > car je le dirais de
même.
Le Comte.
Quelle patience !
Figaro.
J'étais dans la chambre des femmes en vefte
blanche : il fait un chaud ! . . . . J'attendais là ma Su-
zanette , quand j'ai ouï tout â coup la voix de
Monfeigneur , Se le grand bruit qui fe fefair : je
ne fais quelle crainte m'a faiii à l'occaCon de ce
billet j ôc s'il faut avouer ma bétife , j'ai fauté fans
réflexion fur les couches , où je me fuis même un
peu foulé le pied dfoit. (Jl frotte fon pied).
Antonio.
Puifque c'eft vous , il eft jufte de vous rendre
ce brinborion de papier qui a coulé . de votre vefte
en tombant.
Le Comte fc jette dtffus.
Domie-le moi. ( Il ouvre le papier & le referme).
Figaro (à part.)
Je fuis pris.
Le Comte a Figaro.
La frayeur ne vous aura pas fait oublier ce que
contient ce papier, ni comment il fe trouvait dans
votre poche ?
Figaro.
ACTE SECOND.
91
Figaro tmbarrajfé^ fouille dans fes poches
& en tire des papiers.
Nonsûrement...t Mais c'eft que j'en ai tant. II faut
répondre â tout... {il regarde un des papiers) Ceci? ah !
c'eft une lettre de Marceline , en quatre pages , elle
eft belle ! .... Ne ferait-ce pas la^ requête de ce pauvre
braconnier en prifon ? . . non j la voici. . .J'avais l'état
des meubles du petit château > dans lautre poche....
Le C o m t b réouvre le papier qu'il tient.
La Comtesse, bas à Suzanne.
Ah dieux ! Suzon. C'eft le brevet d'Officier.
S u z A K N E, ^^i à Figaro.
Tout eft perdu , c'eft le brevet.
Le Comte replie le papier.
^ Eh bien ! l'homme aux expédiens , vous ne de-
vinez pas ?
Antonio, s* approchant de Figaro*
Monfeigneur dit , fi vous ne devinez pas?
Figaro le repoujfe.
Fi donc ! vilain qui me parle dans le nez !
L E C O M T £.
Vous ne vous rappeliez pas ce que ce peut être ?
•Figaro.
A , a , a, ah ! Povero ! ce fera le brevet de ce mal-
heureux enfant-, qu'il m'avait remis j & que j'ai
Antonio.
Figaro.
Suzanne.
La ComcelTe.
te Comte.j
!
I
I
1
f» LE MARIAGE DE FIGARO,
oublié de lui rendre* O, o, o» (À! étourdi que je fuis!
que fera-r-*il (zm fon brevet ? il faut courir. ....
L s C O M T s.
Pourquoi vous Taurait-il remis?
F I G A R O5 emharraffé.
1K«.» de(iraic qu'on y fît quelque diofe.
L 1 Comte regarde fon fapUr.
U n'f manque rien.
La Comtesse, bas à Su:(anne,
Le cachet.
Suzanne, bas à Figaro.
Le cachet manque.
Le Comte, à Figaro.
Vous ne répondez pas ?
F I G a 11 o.
Ç'eft . . . . qu'en effet , il y inanque peu de chofe.
Il dit que c'eft Tufage.
Le Comte.
L'ufage ! Tufage ! Tufàge de quoi ?
Figaro.
D'y appofer le iceau de vos armes^ Peu{;-être
aufli que cela ne valait pas la peine.
. ACTE S E C O N a 59
Le Comte réouvre le papier & le chiffonne de colère.
Allons , il eft écrit que |e ne faurai rien. ( à part)
C'eft ce Figaro qui les mené, & je ne m'en
rengerais pas! (// veut Jortir avec dépit).
F I G A K 05 farrêtant.
Vous forcez y fans ordonner mon mariage?
SCENE X X I L
BAZILE, BARTHOLO, MARCELINE,
FIGARO, LECOMTE, GRIPE-
SOLEIL, LA COMTESSE, SUZANNE,
. ANTONIO, Fakts du Come^fes F^ffaux.
Marceline, au Comte.
IN E l'ordonnez pas, Monfeigneur; avant de lui
faire grâce, vous nous devez juftice. II a des «n-
gagemens avec moi.
^L E Comte {jkpart.)
VoiU ma vengeance arrivée.
Figaro.
Dés engagemens ? de quelle nature ? expliquez-
vous.
Ma r,celine.
«
Oui, je m'expliquerai, malhonnête!
' La Comtesse s*ajjied fur une bergère.
Suzahni ejl derrière elle.
»eo LE MARIAGE DE FIGARO,
Le Comte.
De quoi s'agit-il » Marceline?
MARCEtlNE*
D'une obligation de maiiage.
F I G A K o.
Un billet » voiU tout ^ pour de Targent prêté.
Marceline^ âif Comte.
, Sous condition de m'époufer. Vous êtes un grand
Seigneur » le premier Juge de la Province
Le Comte.
Préfentez-vous au Tribunal j j'y rendrai juftice
i tout le monde.
B A z I L £> montrant Marceline.
En ce cas , votre Grandeur permet que je faÛe
auffi valoir mes droits fur Marceline?
Le Comte [à part.)
Ab! voiU mon fripon du billet.
Figaro.
Autre fou de là même efpece!
Le Comte en colère , à Basile.
Vos droits ! vos droits ! il vous convient bieft
de parier devant moi^ maître foc!
\
ACTE SECOND. toi
A K T o N I o frappant dans /a main. .
^ II ne Ta ma foi pas manqué du premier coup :
c'eft fon nom.
Le Comte.
Marceline, on fufpendra tout jufqua lexameii
de vos titres , qui fe fera publiquement dans la grande
falle d audience. Honnête Bazile! agent fidèle ôc
sûr ! allez au Bourg chercher les gens du Siège.
Bazile»
Pouf fon af&ire?
L E C o M T E.
Et vous m'amènerez le Payfan du billet»
Bazile.
Eft-ce que je le connais ?
Le Comte.
Vous réfiftez!
Bazile.
Je ne fuis pas entré au château , poar en faite
les commiilions.
Le. Comte.
Quoi donc?
Bazile..
Homme à talent fiir l'orgue du Village, Jfc
montre le clavecin à Madame , à chanter à tes
Femmes , la mandoline aux Pages j & mon em-
ploi , fur-tout , eft d'amufer votre compagnie avec
ma guittare, quand il vous plaît me lordoimer.
t#i LE MARIAGE DE FIGARO»
Gaipe-Solsil s*êvcmcc.
Jixai ittea» Monfi^aw, fi cela vous plajot?
Le Comte.
Quel eft ton nom» 6c ton etn^«i?
Gripe-Solsil.
*
Je fuis Grîpe^Soleîlt «non faon ^neu; ie petit
Patoutiau des chèvres » oomtiaiMlé pour le £eu d'ac^
âfice. C eft fète aujourd'hui dans le troupiau ; &
je fais ous-ce-qu'eft toute l'enragée boutique à procès
du pays.
Le Comte.
Ton zèle me plaît; vas-y : mais > vous ; {h BofiU)
accompagnez Monsieur en jouant de la gtdttare»
& chantant pour ramuièren chemin*. Il eft de ma
compagnie.
G R I F E-S O L £ I L) joyeux.
Oh» moi y je fuis de la ... .
S t7 z A N N £ Vappaïfi de la main y en lui
montrant la Comtejfe.
B A z I L E » fur pris.
Que j'accompagne Gripe^Ieil en jouant ? . . .
Le Comte.
C'eft votre emploi: partez, où je vous chaiïe.
(Il fort).
A C TE SECOND. io|
SCENE XXII I.
Les Aàcurs précédents excepté le Cor/tte.
B A z I L B {à lui-même. )
A H ! je n'irai pas lutter contre le pot de fer^
moi qui ne fuis • • . •
F I G A K 0%
Qu'une cruche.
B A z I i. B ( ^ part. )
Au lieu d'aider à leur mariage , je m'en
vais afTurer le mien avec Marceline. {A Figaro).
Ne conclus rien> crois- moi > que je ne fois de
retour. (// yaprendrelagtdttarefurlefauteuildufond.)
Figaro le fuit.
Conclure! oh va» ne crains rien ; quand même
tu ne reviendrais jamais .... m n'as pas l'air en
train de chanter^ veux tu que je commence ?.*•
allons gai ! haut la-mi-fa , pour ma fiancée. {Ilfe met
en marche à reculons , danje en chantant laféguedilU
fuiyante j Basile accompagne y & tout le monde le fuit).
#
Séguedille x air noté.
Je préfère à richcfle ,
La fagefle
G4
fio4 LE MAR.IAGE DE FIGARO»
De ma Suzon $
Zon , xon , zon ,
Zon » zon» zon «
2k>njZon, zon,
Zon , zon , zon*
AofC fa gendllefle
cft maitrcflc
De ma raifon ;
Zon , zon , zon,
Zon , zon, zon ,
Zon, zon, zon,
Zon , zon , zon.
( Le tndt s'éloigne, on n'entend pds le refte. )
SCENE XXIV.
SUZANNE, LA COMTESSE.
La. Comtesse dans /a. Bergère*
Vous voyez , Suzanne, la jolie Ifccne que votre
étourdi ma valu avec fon billet.
Suzanne.
Ah , Madame , quand je fuis rentrée du cabinet,
fi vous aviez vu votre vifage! il s'eft terni tout à
coup : mais ce n'a été qu'un nuage; & par degrés >
vous êtes devenue, rouge, rouge, rouge!
La Comtesse.
U a donc fauté par la fenêtre ?
ACTE SECOND. io$
S V Z A N N S.
Sans héficer , le charmant enfant ! léger • • f. •
comme une abeille.
La Comtesse.
Ah ce fatal jardinier ! Tout cela m*a remuée au
point. . .. que je ne pouvais rafTembler deux idées.
S U Z A K
N E.
Ah! Madame 3 au contraire^ & c'eft Isi que j'ai
▼u combien l'ufage du grand monde donne d*ai«
iànce aux Dames comme il faut ^ pour mentir (ans
qu'U y paraiffe.
La Comtesse.
Crois-m que le Comte en foit la dupe ? & s*îl
trouvait q&l enfant au château !
Suzanne.
Je vais recommander de le cacher iî bien • . • •
La Comtesse.
Il faut qu*il parte. Après ce qui vient d'arriver ,
vous croyez bien que je ne luis pas tentée de
l'envoyer au jardin à votre place.
Suzanne.
U eft certain que je n'irai pas non plus. Voilà
donc mon mariage encor une fois
La CoMTESSEyê lève.
Attends ... Au lieu d'un autre » ou de toi, fi j'y
allais moi-iuème.
iq6 le mariage de FIGARO^
Suzanne,
Vous» Maxlaaxe?
La Comtbssi.
Il n y aurait per(bnne d*expofé ... Je Comte
alors ne pourrait nier .... Avoir puni fa jaloufie »
& lui prouver fon infidélité^! cela ferait • . . • Allons :
le bonheur d'un premier hazard m'enhardit a
tenter le fécond, rais-lui favoir promtement que
tu te rendras au jardii). Mais fur-tout que per-
fonne
Suzanne.
Ah! Figaro.
La Comtesse.
Non» non. Il voudrait mettre ici du ûeru •...
Mon mafque de velours» & ma canne; que j'aille
y rèvçr fur la terrafle. ( Suzanne entre dans le cabinet
de^ toilette. )
j
A <î T E SECOND. loy
S C E N E X X V.
La Comtbssz feule.
V
«■
1 X. eft aflèz ef&onté mon petit projet ! ( Elle fe re^
tourne )• Ah le ruban ! mon joli ruban! je t^oubliais !
( elle le prend fur fa bergère & le roule) Tu ne me
quitteras plus • • • • tu me rappelleras la icène où ce
malheureux enfant. ... ah! Monfîeur leComteiqu'a-
Tez-vous fait ? • • .& moi! quefais-je en ce moment ?
SCENE XXVI.
LA COMTESSE, SUZANNE
La Comtesse met furtivement le ruban
dans fon fein.
Suzanne.
V o I CI la canne & votre loup.
La Comtesse.
Souviens-toi que je t'ai défendu d'en dire un
mot à Figaro.
Suzanne, avec joie.
Madame, il eft charmant votre projet. Je viens
loS LE MARIAGE DE PiGARaw
d'y réfléchir. Il rapproche tout , termine tout > em-
brafle tout ; Se quelque chofe qui arrive > mon ma-^
rÎAge eft maintenant certain. ( Elle baife la maùt
de fa ma&rejfe. )
( Elles Jortent. )
Pin du fécond A^c^
Pendant lentrafte , des valets arrangent la faite
d* audience : on apporte les deux banquettes à dojjicr
des Avocats , que l'on place aux deux côtés du théâ"
tredefafon que le pajfage foit libre par derrière. On
fofe une ejlrade à deux marches dans le milien du
théâtre vers le fond y fur laquelle on place le fau^
teuil du Comte* On met la table du Greffier & fbn
tabouret de côté fur le devant ^ & des feges pour
Brid'oifon & d'autres Juges , des deux côtes de l'ef
trade du Comte.
.«— *.
7
\ ^v
A-C.T E ' T R O S:I E M E. ' lo*
3SSESS3
ACTE' TROISIEME.
Lé Théâtre repréfcnte une folle du Château ,
appellée falle du: Trône & fervant défaite
d audience j ayant fur le côté une impériale,
en dais y & dejfous , le portrait du Roi.
V,..
I
SCENE PREMIERE.
*
LE COMTE,. PEDRILLE en vefie & boni
tenant^ un paquet cacheté.
L.B Comte vitCi
JV1'as-xu biien entendu ? .
•- • • • ' • * . ' ^
PlDRlLLE.
• • • ' • t • •
ISxcéïencey .oai. (n fin).
I
MHIM
SCENE IL-
L S C O M T.mjiuljcriant.
Jr£DRII.L£?
. \
A
iio LE MARIAGE DE FIGAR O,
"S
SCENE III.
LE COMTE, PEDRILLE rcv'une^
il«ZCBLI.ENCE?
L B Comte.
On ne t'a pas vu ?
p. B D K I L L B.
Ame qui vive.
L B Comte.
Prenez le cheval barbe.
Pedrilie.
U eft à 1^ grille du potager » tout fellé.
Le Comte.
Ferme, d*un trait, jufqu'à Séville.
Pedrxlle.
Il n 7 a que trois lieues , elles font bonnes.
L B Comte.
En defcendant ^ fâchez fi le Page eft arrivé.
P B P K I L L £•
Dans rhôtel?
ACTE TROISIEME, m
Le Comte.
Oui 'y fur-tout depuis quel tems ?
Pëdrille.
5'entens.
L E C O M T E.
Remecs-hii fon brevet » Se reviens vite.
PlDRILLE.
Et s'il n y était pas ?
Le Comte.
Revenez plus vite, 6c m'en rendez compte : allez.
SCENE IV.
Le C o m t b fiulj marche en rivant.
J'ai fait une gaucherie en éloignant Bazile!....
la colère n eft bonne à rien. — Ce billet remis par
lui , qui m'avertit d'une entreprife fur la Comtefle.
La camarifte enfermée quand j'arrive. La msutreflè
affedkée d'une terreur falifle ou vraie. Un homme
qui faute par la fenêtre , 8c l'autre après qui avoue....
ou qui prétend que c'eft lui.... Le fil m'échappe.
U y a là dedans une obfcurité Des libertés chez
mes Vaiiraux , qu'importe i gens de cette étoffe ?
mais la Comtefle ! fi quelque infolent attentait
où m'égarai-je ? En vérité quand la tète fe monte ,
l'imagination la mieux réglée devient folle comme
un rcve ! -r- Elle s'amufait ) ces ris écoufles » cette
m LE MARIAGE DE FIGARO,
joie mal éteinte! — Elle fe refpeâe ; 8c mon honneur*.,
où diable on la placé! De l'autre pan où fuis- je?
cette friponne de Suzanne a-t-elle trahi mon fecret ?
comme il n'eft pas encore le fîen! Qui donc
m'enchaineâcettefkntaifîe? j'ai voulu vingt fois y
renoncer Etrange eâèt de Tirréfolution! fi je la
voulais fans débat , fe la défirerais mille fois mcnns.
-— • Ce Figaro fe fait bien attendre! il faut le fonder
adroitement , ( Figaro parait dans le fond: ils* arrête.)
& tacher , dans la converfktion que je V2Ûs avoir
avec lui, de démêler d'une manière détournée »
s'il efl inftruit ou non de mon amour pour Suzanne.
i.
^
SCENE V.
LE COMTE, FIGARO.
Figaro (àpart.)
W 00$ y voilà.
Le Comte.
S'il en fait par elle un feul mot. ..••
Figaro {à pan.)
Je m'en fuis douté.
Le Comte.
•• • • Je lui Êds époufer la vieille.
F I G A R Oi
ACTE TROISIEME 113
Figaro [à part.)
Les amcmrs de Monfieur Bazile ?
Le Comte.
»
«^ « « Et voyons ce que nous ferons de li jeune^
F I <& A R o [-à part.)
Ah! ma femme, s'il vous plaît.
Le CoMTByè retourne.
. Hein? quoi? qu^eft-ceque c'eft?
F I a A R o s*avance.
Moi, qui me rends 4 vos ordres.
Le Comte.
Et poœquoi ces mots ?
Figaro.
«
Je n'ai rien dit.
Le Comte répkc.
Ma femme ^ s'il vous plaît?
Figaro.
Ceft. ... la fin d'une réponfe que je fefaîs :
ii//q[ le dire à ma femme ^ s*il vous plaît.
Le CoMTByj promené.
Sa femme / . . . . Je voudrais bien favoir quelle
affaire peut arrêter Moniicux > quand je le fais ap«u
pelkr ?
H*
114 LE MARIAGE DE FIGARO,^
Figaro, feignant d^affurer fon habillements
Je m'étais fali fur ces couches en combanc \ je
me changeais.
Le C o' m t e.
. Faut - il une heure ?
Figaro.
Il faut le tems.
♦ —
L E C o M T E.
Les domeftiques ici. . . . font plus longs àsTubUIer
que les maîtres !
F I o A R p. i
C'eft qu'ils n'ont point de valets poux les y aider.
J^ E Ç p M ï E.
.... Je n'ai pas trop compris ce qui vous avait
forcé tantôt de courir un danger inutile , eh vous
jettanj.
>■ . • •
Figaro.
Un danger! on dirait que |e me fiiis engoufxé
tout vivant....
Le C o w t e.
x
X
Eflayez de me donner le change en feignant
de le prendre , infidieux valet ! vous entendez
fort bien que ce n'eft pas le danger qui m'inquiette,
mais le motif.
Figaro.
Sur un faux avis , vous arrivez furieux , renveriânt
ibut , comme le torrent de la Morena ; vous cher-
chez im homme^ il yous le faut y ou vous allez
ACTE TROISIEME. 115
brifer les portes , enfoncer les cloifons ! je me trouve
U par ha2ard, qui fait dans votre emportement; fi.,..
Le C o m t £) interrompant.
Vous pouviez fuir par Tefcalier.
Figaro.
Et vous, me prendre au corridor*
Le Comte e/z colère*
Au corridor! (^ part.) je m'emporte, & nuls 2
te que je veux favoir*
Figaro (â part.)
iVoyons-le venir, & jouons ferré.
Le Comte radoucU
Ce n*eft pas ce que je voulais dire , laifïbns cela*
î*avais.,*. oui, j'avais quelqu'envie de t'emmeiier
à Londres , courier de dépêches. . . . mais toutes ré-
flexions faites. ....
Figaro. ^
Monfeigneur a changé d'avis ?
Le C ô m t e» ^
t^remief ement , tu ne fais pas l'anglais»
Figaro.
Je fais God'dam. *•
Le Comte.
Je n'^c^m pas.
H*
\iit LE MARIAGE DE FIGARO,
Figaro.
Je dis que je fais God-dam.
Le C o m t I.
Hé bien ?
Figaro.
Diable ! c'eft une belle langue que l'anglais j il
en faut peu pour aller loin. Avec God-dam en
Angleterre , on ne manque de rien nulle part. —
Voulez-voiis tâter d'un bon poulet gras ? entrez dans
une taverne» & faites feulement ce gefte au garçon.
XII tourne la broche^) God-darnî on vous apporte
un pied de boeuf falé fans pain. C'eft admirable !
Aimez-vous à boire un coup d'excellentBourgogne ou
de Clairet? rien que celui-ci, (Il débouche une hou--
teille j)God'dam! on vousfertun pot debierre, en bel
étain , la mouffe aux bords. Quelle fatisfadtion !
Rencontrez - vous une de. ces jolies perfonnes , qui
vont trottant menu , les yeux baiffcs , coudes en
arrière , & tortillant un peu des hanches ? mettez
mignardenient tous les doigts unis fur la. bouche.
Ah! God-dam ! elle vous fangle un foufflet de cro-
cheteur. Preuve qa'elle entend. Les Anglais , à la
vérité, ajoutent par-ci, par-là quelques autres mots
en converfànt; mais il eft'bien aifé de voir que
God'dam eft le fond de la langue ; & fi Monfeigneuc
n'a pas d'autre motif de me lailTer en Efpagne
Le Comte (<î part^
Il veut venir à Londres j elle n'a pas parlé.
Figaro [à part.)
Il croit que je ne fais rien j travaillons-le un peo^
dans fon genre.
ACTE TROISIEME. 117
* Le Comte.
Quel motif avait la Comtefle, pour me Jouer
un pareil tour?
Figaro.
Ma foi, Monfeigneur , vous le fâvez mieux que
moi.
Le Comte*
Je la préviens fur tout, & la comble de prcfens.
Figaro.
Vous lui donnez , mais vous ctes infidèle. Sait-
on gré du fuperflu , â qui nous prive du néceflaire ?
Le Comte.
.... Autrefois m me difaîi tour*
F I G A R O.
Et maintenant je ne vous cache rien.
Le Comte.
Combien la Comtefle t*a-t-elle donné pour cette
belle aflbciadon?
Figaro.
Combien me donnâtes-vous , pour la tirer des
mains du Dofteur ! tenez Monfeigneur ; n'humi-
lions pas Thomme qui nous fert bien , crainte d*ent
Eure un mauvais valet.
Le Comte.
Pourquoi faut-il qu'il y ait toujours du louche
en ce que tu fais^ ?
rii8 LE MARIAGE DE FIGARO,
Fi G A R o.
C'eft qu'on en voie par*coat quand on checclie
des torts.
Le Comte.
Une réputation dcteftable!
Figaro.
Et fi je vaux mieux qu'elle"? y a-til beaucoup
de Seigneurs qui puiilènt en dire autant ?
L E C o M T E.
Cent fois je.t'ai vu marcher â la fortune > Se ja-
mais aller droit.
Figaro.
Comment voulez-vous ? la foule eft là : chacun
veut courir, on fe prefïe, on poufïe , on coudoie,
on renverfe , arrive qui peut j le refte eft écrafé.
Auflî c'eft fait j pour moi j'y renonce.
Le Comte.
A la fortune ? (à pan). Voici du neu£
Figaro.
( à part ) A mon tour maintenant. ( haut ) Votre
Excellence m'a gratifie de la conciergerie du châ-
teau ; c'eft un fort joli fort : à la vérité je ne ferai
pas le Courier étrenné des nouvelles intérefïàntes :
mais en revanche, heureux avec ma femme aa
fond de l'Andaloufie. ..^
Le Comte.
Qui ç'empêcheraît de l'emmener à Londres ?
ACTE TROISIEME, tiv,
r I G A R o.
II faudrait la quitter fi fouvent , que j'aurais
bientôt du mariage par-deflTus la tête.
Le Comte.
Avec du caraftère & de lefprit , tu pourrais
un jour t'avancer dans les bureaux.
Figaro.
Dé refprit pour s'avancer ? Monfeignear fe rît
du mien. Médiocre & rampant ; & l'on arrive à
tout.
Le Comte.
.... Il ne faudrait qu'étudier un peu fous moi la
politique.
F î G A R o.
Je la fais.
-.Le Comte.
Comme l'anglais , le fond de la langue !
Figaro.
Oui s'il y avait ici de quoi fe vanter. Mais , fein-
dre d'ignorer ce qu'on fait , de favoir tout ce qu'on
ignore ^ d'entendre ce qu'on ne comprend pas , de
ne point ouir ce qu'on entend ; fur-tout de pouvoir
au-delà de fes forces : avoir fouvent pour grand fe-
cret, de cacher qu'il -n'y en a point} s'enfermer
pbuf tailler des plumes, & paraître profond, quand
on n'eft , comme on dit, que vuide & creux : jouer
bien ou mal un perfonnage ; répandre des efpions
ÔC penfionner des triutres ; amolir des cachets y in-
tercepter dies lettres ; & tâcher d'ennoblu: la pauvreté
H4
:iic LE MARIAGE DE FIGARO,
êbs moyens, par Fimportance des objets» Voill
toute la Politique, ou je meure!
L H C O M T E^
Eh ! c'eft l'intrigue que m définis !
Figaro.
La politique , Tintrigue y volontiers 9 maïs >
comme je les crois un peu germaines, en failè^
qui voudra. J'aime mieux ma mie au gué^ comme
dit la chanfon du bon Roi.
L B C o u T £ (à part*)
Il veut refter. J entens. . ... Suzanne m'a tcahî*
Figaro [àpart.)
Je l'enfile & le paye en fa monnaie.
Le Comte.
Ainfi tu efpères gagner ton procès contre Mar-
celine ?
Figaro.
Me feriez-vous un crime de refufer une vieille
fille, quand votre Excellence fe permet de nous
IbufHer toutes les jeunes ?
Le Comte, raillant.
Au tribunal , le Magiftrat s'oublie , & ne voit
plus que l'ordonnance.
Figaro.
Indulgente aux grands , dure aux petits...
•»»
ACTE T R O I S I E M E: lit
Le Comte.
Crois-tu donc que je piaifante ?
F I G A K O.
Eh ! qui le fait , Monfeigneur ? Tempo t galan^
iuomo j dit lltalicn ; il dit toujours la vérité : c'eft
lui qui m'apprendra qui me veut du mal, ou du bien.
Lb Comte (^ patt^
Je vois qu'on lui a tout dit j il époufera la
duègne.
) F-i G A K o (à. part. )
Il a joué au fin avec moi \ qu'a-t-il appris ?
> ■■ ■ 1 ■— — I % Il [■■■■■■i M . ■■ m il I !■
SCENE VI.
LE COMTE, UN LAQUAIS, FIGARO.
Li Laquais annonçant*
JL/OM Gufman Brid'oifon^
L B Comte.
Brid oifon ?
F I G A R o.
' Eh ! fans doute. C'eft le juge ordinaire} le Lieu-
tenant du Siège j votre Prud'homme.
L £ C o M t B.
Qu'il attende. (Le laquais fort )•
»xï LE MARIAGE DE FIÛARO,
SCENE VII.
LE COMTE:, FIGARO.
Figaro rcfic un moment à regarder le Comte
qui rêve.
# • . . IJi s T-cE là ce que Monfeigneur voulait ?
Le Comte, revenant à luu
Moi ? ... je difais d arranger ce falon pour Tau*
dience publique.
Figaro.
Hé, qu*efl:-ce qu'il manque ? le grand fauteuil
fjour vous , de bonnes chaifes aux Prud'hommes ,
e tabouret du Greffier ,* deux banquettes aux Avocats,
le plancher pour le beau monde , & la canaille der-
rière. Je vais renvoyer les frotteurs.
, {Il fort.)
SCENE VIII.
Le Comte feuL ^^
JLiE maraut m'embarrafTait! endifputant, il prend
fon avantage , il vous ferre , vous enveloppe Ah
friponne & fripon! vous vous entendez pour me
jouer? foyez amis, foyez amans , foyez ce qu'il vous
plaira, j'y confens j mais, parbleu, pour époux.
• • •
I
ACTE TROISIEME. ii|
SCENE IX.
t
SUZANNE, LE COMTE.
Suzanne ejfouflée»
JVloNSEiGNEUR. ..pardon , Monfeigneur,
Le Comte, avec humcurm
Qu'eft-<:e qu'il y a , Mademoifelle ?
S U .2 A N N 1.
Vous êtes en colère!
Le Comte.
Vous voulez quelque, chofe apparemment ?
Suzanne, timidement.
C'eft que ma maîtrefle a i^% vapeurs. J'accou-
rais vous prier de nous prêter votre flacon d'éther. Je
l'aurais rapporté dans Tiriftant.
Le C o m t e /e //zi donne.
Non, non, gardez-Ie pour vous-même. Il ne
tardera pas à vous être utile.
Suzanne.
Eft-ce que les femmes de mon ctat ont des
vapeurs , donc ? c'eff un mal de condition , qu'on
ne prend que dans les boudoirs.
124 LE MARIAGE DE FIGARO,
Le Comte.
Une fiancée bien éptife. Se qui perd fon futur. • ^
Suzanne.
En payant Marceline » avec la dot que vous
m'avez promife. • . . •
L E C O M T £.
Que je vous ai promife , moi ?
Suzanne, baîjfant les yeux •
Monfeigneur, j'avais cm l'entendre.
Le Comte.
Oui, fi vous confentiez à m'entendre vous-même.
Suzanne, les yeux balffes*
Et n'eft-ce pas mon devoir d'écouter fonExcellence?
Le Comte.
Pourquoi donc, cruelle fille! ne me l'avoir pas
dit plutôt?
c
SUZANNE.
£ft-il jamais trop tard pour dire la vérité ^
Le Comte.
Tu te tendrais fur la brune au jardin ^
Suzanne.
Eft-ce que je ne m'y promené pas tous les foîrs ?
Le Comte-
Tu m'as traité ce matin fi durement !
\
I
ACTE TROISIEME. 115
S U Z A N N £.
Ce matin ?^ — & le Page derrière le fauteuil ?
Le Comte,
Elle a raifoi>i Je l'oubliais. Mais pourquoi ce
refus obftiné^ quand Bazile, de ma part?...
Suzanne.
Quelle néceflité qu'un Bazile? ...
Le Comte.
Elle a toujours raifon. Cependant il y a un
certain Figaro à qui je crains bien que vous n'ayez
tout dit !
Suzanne.
Dame ! oui , je loi dis tout — hors ce qu'il faut
lui taire.
Le Comte, ^/z riant.
Ah charmante! Et , tu me le promets ? fi tu man-
quais à ta parole j entendons-nous , mon cœur : çoint
de rendez-vous ; point de dot j point de ni^iage.
Su z a N N E , fefant là révérence.
Mais auflî , point de mariage j point de droit
du Seigneur, Monfeigneur.
Le Comte.
Où prend-elle ce qu'elle dit ? d'honneur j'en
rafoUerai! mais ta maîtreffe attend le flacon . . . .
Suzanne, riant & rendant le flacon.
Aurais-je pu vous parler fans un prétexte?
ij^ LE MARIAGE DE FIGARO^
Le Comte veut VembraJJer.
Dclicîeufe créature 1
S u z A N K E s^échappe.
Voilà du monde.
Li Comte, (i part. )
Elle eft à moL (Il s'enfuit).
Suzanne.
Allons vite rendre compte à Madame.
SCENE X.
SUZANN E, FI GARO.
Figaro.
OuzANNE, Suzanne! où cours-tu donc il vice
en quittant Monfeigneur?
Suzanne.
Plaide à préfent, fî tu le veux j tu viens de gagner
ton procès. ( Elle s'enfuit. )
Figaro lafuk^
Ahj mais, dis dgnc • • • • •
ACTE TROISIEME 1x7;
SCENE XI.
Le Comte rentre feul.
_£ V viens de gagner ton procès ! — |e donnaîs-
là dans un bon piège ! O mes chers infolens ! je vous
punirai de façon .... Un bon arrêt , bien jufte . . . •
mais s'il allait payer là duègne. . . . avec quoi?...
s'il .payait.... Eeeeh! n'ai-je pas le fier Antonio,
dont le noble orgueil dédaigne, en Figaro, un
inconnu pour fa nièce? En careflànt cette manie ....
pourquoi non ? dans le vafte champ de l'intrigue ,
il faut favoir tout cultiver, jufqu'à la vanité d'un
fot. (Il appelle) Anto . . . ( i/ voit entrer Marceline , àc).
{ïlfort).
SCENE XII.
BARTHOLO, MARCELINE, BRID^OISON.
Maxceline, àBritCoifon.
JVloKsifEUR, écoutez mon affaire.
B'RiD*oisoN, en robe^ & bégayant unpeu%
' Eh bien ! pa-arlons-en verbalement. .
Bartholo.
C'eft une promeiTe de majclage.
1x9 LE MARIAGE DE FIGARO;
Marcelin I.
Accompagnée d un prêt d'argent*
Brid^ûisôk*
J*en-enteHS, &cœtera, le refte.
Marceline.
Non, Monfîeur , point dUt cotera.
Brid'oison.
J'en- entends : vous avez la fomme ? .
Marceline.
Non , Monfieur , c'eft moi qui Taî prctccw -
Brid*oison.
J*en -entens bien, vou - ous redemandez l'argent?
Marceline.
Non, Monfîeur j je demande 'qu'iji m'cpoufc.
Brid'oison.
Eh, mais, j'en -encens fort bien j & lai»veu-eat^
U vous cpoufer ?
Marceline.
Non, Monfîetu:; voilà tout le procès!
Brid'oison.
Croycz-vou3 que je ne l'en- entende pas, le
procès?
Marcelini.
j
ACTE TROISIEME. 129
Marceline.
Non , Monfieur: (û Bartholo) où fommes-nous !
( à Brid'oifon) Quoi , c'eft vous qui nous jugerez?
Brid'oison,
Eft-ce que j'ai a -acheté mâchai^ pour autre chofe?
/
Marceline, en Jbupirant.
C'eft un grand abus que de les vendre!
Bri d'oison.
Oui, Ton- on ferait mieux de nous les donner
pour rien. Contre qui plai- aidez-vous?
SCENE XIII.
BARTHOLO , MARCELINE , BRID'OISON,
FIGARO rentre en fe frottant les mains.
Marceline, montrant Figaro.
JVl onsieur, contre ce malhonnête-homme.
Figaro, très-gaiment j à Marceline.
Je vous gêne peut-être. — Monfeigneur revient
dans Tinftant, Monfieur le Confeiller,
Brid'oison.
J ai vu ce ga-arçon U quelque part ?
i/o le mariage de FIGAROi
Figaro.
Chez Madame votre femme, à 3^ville> pour la
fervir, Monfieur le Confeiller.
Brid'oison.
Dan - ans quel tems ?
Figaro.
Un peu moins d'un an avant la naîfïàncc de
Monfieur votre fils le cadet, qui eft un bien joli
enfant, je m'en vante.
B R I ù'o I s lO
N.
Ouï , c'efl: le plus jo - oli de tous. On dît que
tu- u fais ici des tiennes?
F I G A R O.
«
Monfieur eft bien bon. Ce n'eft-là qu'une misère.
Brid'oisoi^.
Une promeffe de mariage ! A- ah le pauvre benctj
Figaro.
Monfieur.
Brid'oison.
A-t-il vu mon - on Secrétaire , ce bon garçon 3!
Figaro.
N*eft-ce pas Double -main , le Greffier ?
Brid'oison.
Oui, c'a «eft qu'il mange à deux rateliersw
ACTE TROISIEME, iju
F I G A R» O.
Manger ! je fuis garant qu'il dcvore. Oh que ouï f
|e l'ai vu, pour l'oçctrait > & poat le fupplémenC
d extrait j comme cela fe pratique, au refte*
BklD'ôlSON«
On -oh doit remplir lés formes*
Figaro»
Aflurément , Monfîeur : (î le fonds des procès
appartient aux Plaideurs 5 on fait bien que la formé
eft le patrimoine des Tribunaux.
Brid'ôisoK,
Ce garçon là h'è-,eftpas (î niais que je l'avais
cru d'abord. Hé bien , l'ami, puifque tu en fais-
tantj nou-^ous aurons foiil de ton afiàire.
F i G À A o*
Monfîeur j je m'en rapporte à votre équité, quoi-"
que vous foyez de notre Juftiee.
BaiD^olsOî^i
Hein?. . . Oui , je fuis da là - à Jiiftice. Mais fî ttt
dois , Se que tu - u ne paye pas ?.. .
F I G A R 0<
Alors Morifieur voit bien que c'eft (k>mmer u
jtJ ne devais pas*
Êrîd'ôisojï-
Saii-àris doute. —-Hé mais queft-cé cîoiif: qu'il
11
tix LE MARIAGE DE FIGARO,
•M
SCENEXIV.
BARTHOLO, MARCELINE, LE COMTE,
BRID'OISON , FIGARO, UN HUISSIER.
i' Huissier, précédant le Comte ^ crie.
JVlONSBiGNEUR, Meflicurs.
Le Comte.
En robe ici. Seigneur Brid'oiibn! ce n*eft qu'une
af&ire domeftique. L'habit de ville était trop bon.
Brid'oison.
C'è-eft vous qui Ictes, Monfiéur le Comte.
Mais je ne vais jamais fan - ans elle ^ parce que la
forme, voyez-vous; la forme! Tel rit d'un Juge en
habit court , qui - i tremble au feul aipeâ d'un
Procureur en robe. La forme > la -a forme!
Le Comte, ^ l'HuiJfier.
Faites entrer l'audience.
l' H u I s s I £ R va ouvrir en glapiffant.
L'audience.
m
ACTE TROISIEME. 133^
S CE NE XV.
Les Acteurs précédens , Antonio, les Valets
DU Château , les Paysans et Paysannes en
habits de fête ; le Comte s*ajjied fur le grand
fauteuil j Brid'oison fur une chaife à côté ; le
Greffier fur le tabouret derrière fa table ; les
Juges, les Avocats fur les banquettes ; Mak-
CELINE à côté de Bartholo ; Figaro fur l^ autre
banquette ; les Paysans et Valets debout
derrière.
Brid'oison, ^ Double -main.
J3 ouBLE-MAiN, a- appeliez les caufes.
D o u B l E - M A i N lit un papier.
Noble , très-noble , infiniment noble , Dom
Pedro George y Hidalgo j Baron de Los altos ^ y
montes fieros y y otros montes: contre Alon\o Ca.1-
deron , jeune Auteur dramatique. Il eft queftion
dune comédie mor-née , que chacun délavoue,
& rejette fur l'autre.
Le Comte.
Ils ont raifon tous deux. Hors de Cour. S'ils
font enfelTible un juitre ouvrage, pour qu'il mar-
que un peu dans le grand monde , ordonné que
le noble y mettra fon nom , le poëte fon talent»
15
•»54 LE MARIAGE DE FIGARO,
P o o B t E-M^«A I N /if an autre papier. ,
Jndré Pétrutchioy\.7hovittvii\ contre le Receveur
4c U Province. H s'agit à\xxï lorcen^ent arbitraircu
Le Comte.
L'affaire n'eft pas çîe mon refïbrt. Je ferviraî
mieux mes vafïauxj en les protégeant près du Ror.
Paflfez:.
J3ouBLE-MAiN cfi prend un troi/ltmc*
Bartholo & Figaro fe lèvent.
Barbe ^ Agar , Baah , Magdelaine ^ Nicole^ Mar-^
celine de Verte-aHure , fille fnajeure \ ( Marceline fh
lève & féttue) contre i^^a;ï).•. nom de batcme &\
blanc?
F I a À ^ Qt
Anonyme,
A - ^onyme ! Que - el patron eft-ce la ?
FIGARO,
C'cft le mîen.
DOU BLE-MAIN éctk^
Contre anonj^me Figaro. Qualités?
Figaro,
Gentilhomme.
L E C O M T E.
Vous êtes gentilhomme? [Le Greffier écrii^
F X G A R o.
Si h cid Teqt voulu j je ferais fils d w Piinc^
ACTE TROISIEME, ijs
Ls CoMTB^ au Greffier.
Allez.
l'HuissisR) glapijjant.
Silence, Meffieurs.
D O U B L E-M AIN Ht.
•...Pourcaufed oppofition faite au mariage dudlt
Figaro , par ladite de Veru allure. Le Dofteur
Bartholo plaidant pour la demanderefle, & ledit
Figaro pour lui-même ; (î la Cour le permet , contre
le vœu de Tufage , & la jurifprudence du Siège.
Figaro.
al>us
là caufe, que
criant à tue tête , & connaiffant tout» hors le fait,
s*embarraj(ïent nuflî peu de ruiner le plaideur, que
d'ennuyer l'auditoire, &* d'endormir Meffieurs: plus
bourfouflés après , que s'ils enflent compofé Vorado
pro Murena j moi je dirai le fait en peu de mots.
Meffieurs ....
D o u B L E-M A I N.
En voilà beaucoup d'inutiles , car vous n*êtespas
demandeur , ik n'avez que la dcfênfe: avancez^
Dofteur, & lifez la promefle.,
Figaro.
Oui , promefle !
Bartholo, mettant fes lunettes^
Elle eft prccife.
B R I d' o X s o K*
I -Il faut la voir.
ijtf LE MARIAGE DE FIGARO^
Double-main.
Silence donc, Meflîeurs.
l'Huissier> glapijfant.
Silence.
B A R T H O 1 o lie.
Je foujfigné reconnais avoir refu de DamoiJilU^
&c.... Marceline de Verte-allure ^ dans le château
d^Aguas-Frefcas j lafommc de deux mille piajlres
fortes cordonnées; laquelle fomme je lui rendrai à fa
réquifaion j dans ce château ; & je Vépouferax ^ par
forme de reeonnaijfance ^ &c. Signé Figaro^ tout
court. Mes concluions font au paiement du billet ,
& à Texécution de la promefle, avec dépens. {Il plaide)
Meflîeurs... jamais caufe plusintéreflante ne rat fou-
mife au jugement de la Cour! & depuis Alexandre
le Grand , quipromit mariage à la belle Thaleftris... ;
Le Comte, interrompant.
Avant d'aller plus loin , Avocat j convient-on de
la validité du titre ?
Brid*oison, à Figaro.
»
Quopo...qu'opo-ofez-vous i cette ledure?
Figaro.
Qu'il y a, Meflîeurs , malice , erreur, ou difliac-
tion dans la manière dont on a lu la pièce; car il
h'eft pas dit dans l'écrit ; laquelle fomme je lui ren-
drai ET je Vépouferai ; mais ^ laquelle fomme je
lui rendrai j OU je Vépouferaii ce qui efl: bien dif^
férent.
ACTE TROISIEME, ij;;..
L E C O M T E.
Y a-t-il ET, dans l'aftej ou bien OU ?
Bartholo.
Il y a ET.
Figaro.
Il V a OU.
Brid'oison.
Dou - ouble - main , lifez vous-même >
DoxjBLE-MAïKj prenant le papier.
, Et c'eft le plus sûrj car fouvent les Parties dc-
guifent en lifant, {Il lit). E. e. e. Damoifelle e.e.e.
de Verte-allure e. e, e. Ha! la quelle fomme je lui ren-*
drai à fa réquijition^ dans ce château, ..ET.*. OU...
BT. . . O t/. . . Le mot eft fî mal écrit,., il y a un pâté.
Brid'oison.
Un pâ - âté ? je fais ce que c'eft.
BartholOj plaidant.
Je foutîens, moi, que c'eft la conjonârion copu-
lative ET qui lie les membres co-relatlfs de la phia-
fe; je paierai la demoifelle, ET je Tépouferai.
Figaro, plaidant.
Je foutiens,, moi , que c'eft la conjondfcîon alter-
native OU , qui fépare lefdits membres j je paierai
la donzelle, OU je i épouferai : à pédant, pédant &
demi; qu'il s'avife de parler latin, j'y fuis grec j je
l'extermine.
If^t LE MARIAGE DE FIGARO,
Le Comte.
Çonunem juger pareille queftion?
BARTHOtO.
Ponr la trancher , Meilleurs & ne plus dûcaner
Ibi un mot» nous paiibns qu'il y ait OU«
Figaro»
J'en demande aAe.
B A R T a o t o.
«
Et nous y adhérons. Un fi mauvais refuge ,ne
fauvera pas le coupable : examinons le titre en ce
fcns. {Il tu) Laquelle fomme je lui rendrai dans
ce château oh je l'épouferai ; c eft ainfi qu'on dirait ,
Mef&eurs : vous vous ferê:[ J^ig^r dans ce lit où
vous reftere^^i chaudement j c*eft dans lequel. Il pren-
dra deux gros de rhubarbe où vous mêlerer un peu
de tamarin : dans lefquels on mêlera. Amfi châ-^
teau où je l'épouferai y Meflîeurs, c'eji château dans
lequel. • • •
Figaro.
Point. du tout: laphrafe eft dans le fens de celle-
ci; ou ^ maladie vous tuera ^ ou ce fera le Médecin;
ou bien le Médecin ; c'eft inconteftable. Autre
exemple : ou vous nécrirerj^ rien qui plaifcj on les
fats vous dénigreront; ou bien les fois \ le ^tr& eft
clair; car» audit cas, fois ou méchants ^ font le
iîibftantif qui gouverne. Maître Bartholo croit-il
donc que j aye oublié ma fyntaxe? ainfi, je la paierai
dans ce château, virgule \ ou je répoufetai«..«»«
Bartholo, vm%
Sans virgule.
*.CTE TROISIEME, ijf
Figaro, vue.
Elle y eft. C'eft , virgule, Meffieurs , ou bien je
Fépouferai.
Bartholo, regardant le papier : vit€*
Sans virgule, Meffieurs.
F I 6 A R o 5 vite.
Elle 7 était, Meffieurs. D'ailleurs , rhomme qui
ISpoufe eft-il tenu de rembourfer?
3artholo, vite.
OuLy nous nous marions féparés de biens.
Figaro, vite.
Et nous de corps , dès que mariage n'eft pas
quittance. {Les Juges fe lèvent 6 opinent tout bas ).
Bartholo.
Plaiiànt acquittement!.
D o y B L E-M AIN.
Silence, Meffieurs.
jl'Huissibr, glapijjant.
Silence.
B A r T H o t o.
îJn pareil fripon appelle cela payer ks dettes!
Figaro.
tft-ce votre caufe. Avocat, que vous plaidez?
140 LE MARIAGE DE FIGARO^
Bartholo.
Je défens cette Demoifelle.
Figaro.
Continuez à décaifonner^ mais ceflfêz d'injurien.
Lorfque, craignant l'emportement des plaideurs, les
Tribunaux ont toléré qu'on appellât des tiers ; ils
n'ont pas entendu que ces défenfeurs modérés >
deviendraient impunément des infolens privilégies.
Ceft dégrader le plus noble inftitut.
(Les Juges continuent d'opiner tas.)
Antonio, à Marceline , montrant les Juges»
Qu'ont-ils tant à balbucifier ?
Marceline.
On a corrompu le grand Juge> il corrompt raiitre>
Se je perds mon procès.
Bartholo, bas ^ d'un ton fombre^
J'en ai peur.
Figaro, gaiment.
Courage , Marceline ?
D ou B L E-M A I N yê lève\ à Marceline*
Ah, c'eft trop fort! je vous dénonce, & pour
l'honneur du Tribunal, je demande qu'avant faire
droit (iir l'autre afïàire, il foit prononcé fur celle-ci.
Le Comte s'affied.
Non , Greffier , je ne prononcerai point fur mon
injure perfonelle : un Juge efpagnol n'aura poiot 1
ACTE TROISIEME, i+i
rpùgii d'un excès digne au plus des tribunaux
afîâtiques : c'eft aflez des autres abus ! J'en vais
corriger un fécond en vous motivant thon arrêt :
tout Juge qui s'y refiife , eft un grand ennemi des
lois ! Que peut requérir la demanderefTe ? mariage
à défaut de paiement y les deux enfemble implique-
raient.
D O U B L E-M AIN.
Silence, Meflieurs.
l'Huis s IEK> glapiffant.
Silence,
Le Comte.
Que nous répond le défendeur ? qu'il veutgardet
(a perfonne ; a lui permis.
F I G A a o > avec joie.
J'ai gagné.
Le Comte.
Mais comme le texte dit : laquelle fomme je
paierai à la première réquifition^ ou bien j*épouferai ^
&c. La Cour condamne le défendeur à payer deux
mille piaftres fortes , à la demanderefle j ou bien
à l'époufer dans le jour. {Il fe lève).
Figaro fiupéfait.
J'ai perdu.
Antonio, avec joie.
Superbe arrêt.
Figaro.
En quoi fuperbe ?
141 LE MARIAGE DE FIGARO/
Antonio.
En ce que m n'es phis mon neveu. Grand merc)
Monfeigneur*
L'HuissiER5 gtapijfanti
Paflez , Meflîeurs. ( Le peuple fort. )
Antonio.
Je m*en vas tout conter à ma nièce. {Il/bn)4
x
m <••■- ! . ■ • . I n 11 I I ■
S C E N :e XVI.
LE COMTE, allant de côté & d^autre^
MARCELINE , BARTH0LO , FIGARO ,
BRID'OISON.
MAaCBtiNi s^ajfied,
A h ! je refpire.
Figaro*
Et moi , j'ctouffe.
Le Comté (à part.)
Au moins je fuis vengé , cela foulage.
Figaro {à part.)
Et ce Bazile qui devait s oppofer au maxîagôf
de Marceline ; voyez comme il reviçnt ! — {au
Comte qui fort) Monfeigneur vou« nous quîcrea?
ACTE TROISIEME. i4|
L s C o :|i< T s.
Tout eft jugé.
FzGARo^^ SricToi/on^
C*eft ce gps enSé de Confeiller. • . ...^
Bat D*o z s o K.
Moi, gro-os enfle!
Figaro.
- Sans doute. Et je ne l'cpouferai pas : je fuis Gentil^
homme une fois. (Le Comte s'arrête. )
Bartholo.
Vous Icpouferez.
Figaro.
Sans l'aveu de mes nobles parens ?
Bartholo.
Nommez - les , montrez - les.
Figaro.
Qu'on me donne lin peu de tems : je fuis bîeni
près de les revoir^ il y a quinze ans que je le$(
cherche.
Bartholo.
Le fat ! c'eft quelqu'enfant trouvé !
Figaro.
Eufant perdu, Doûeurj ou plutôt enfant volé.
;i44 LE MARIAGE DE FIGARO»
Le Comte revient.
t
VbUy perdu > la preuve? il crierait qu on lui
fait injure!
Figaro.
Monfeîgneiu: , quand les langes à dentelles ,
tapis brodés & joyaux d'or trouvés îm moi pat
les brigans, n'indiqueraient pas ma haute naiiTance;
la précaution qu'on avait prile de me faire des mar^
ques diftin6tives> témoignerait aflez combien j'c-
lais un fils précieux : & cet hiéroglyphe à mon bras.,.
'(// veut fc dépouiller k bras droit).
Ma rcei;.ine, fe levant vivement.
Une fpamle à ton bras droit ?
F I 6 A R 0^
D'où favez-vous que je dois l'avoir?
Marceline.
Dieux! c'eft luil
Figaro,
Oui , c'eft moi,
Bartholo,^ Marceline.
Et qui ? lui !
Marceline, vivement.
Oeft Emmanuel.
Bartbolo, à Figaro.
r
Tu fos enlevé par des Bohémiens ?
FiG A R. O,
ACTE TROISIEME- 145
. F 1 û A R o , exalté.
Tout près d'un château. Bon Dodleur , fi vous
me rendez à ma noble famille , mettez un prix à
xe fervice ; des monceaux d or n'arrêteront pas mes
illuftres parens.
Barthoio, montrant Marceline.
Voilà ta mère.
Figaro.
^ . . • Nourrice ?
BarthoTo.
Ta propre mère,
Le Comte*
Sa mère l
Figaro*
Expliquez- vous.
Marceline, montrant Bartholo.
Voilà ton père.
Figaro, dé foie.
O o oh! aye de moi.
Marceline»
Eft-ce que la nature ne te l'a pas dit mille fois ?
Figaro.
Jamais. ,1
* K
/
J4tf LE MARIAGE DE FIGARCT:^
Le Comte {à part.)
Sat mère 1
Brid'oisôn.
Ceft clair, i-il ne l'époufera pas.
({3* Barthol©-
Ni moi non plus.
M A R C E L I K E.
Ni vous l & votre fils ? vous m'aviez juré. . ^
«
Bartholo.
J'étais fou. Si pareils fouvenirs engageaient,
en ferait tenu d'époufer tout le monde.
Brid'oison.
E - et fî 1 on y regardait de fi près , per - er-
*ib»ne n épouferait perfonne.
B a R t H o t o.
Des fautes fi connues ! une jeunefle déplorable l
■■MMlb-l^
«ç^^p Ce qui fuit , enfermé entre ces deux index , a été retrancké
f«r Us CoJBédieas Fr«ii^ aux repréftntkcio&s de Ptris.
ACTE T R O I S I E M E. 147;
Makcilzkb, s^échaufanx par dégrcs^
Ouï» déplorable , & plus qu'on ne croit ! |e n en-»
cens pas nier mes fautes , ce jour les a trop bien
prouvées! mais qu'il eft dur de les expier après
irente ans d'une vie modefte! j'étais née, moi,
cour ctre fage , & je la fuis devenue fitét qu'on
m'a permis d'ufer de ma raifon. Mais dans l'âge
des illu/îons , de l'inexp-rience & des befoins , où
les féduâeurs nous affiegent , pendant que la mi-
ïere nous poignarde , qu« peut oppofer une enfant ii
tant d'ennemis ralTemblés ? tel nous juge ici févè-
rement, qui, peut-être, ea fa vie a perdu dix in-
fonunces l
F ï G A R O,
Les plus coupables *font les moins, gcncireux ;
cVft la règle.
Marceline, yivtmcnu
Hommes plus qu'ingrats , qui flétrifTez par le mc-
|)ris les jouets de vos paffions, vos viétimes! c'eft
vous qu'il faut punir des erreurs de notre jeuneflè j
vous 8c vos magiftrats, fi vains du droit de nous
Juger, Se qui nous laiflent enlever, par leur cou-
pable négligence , tout honnête moyen de fubfifter.
Eft-il un feul état pour les malheureufes filles ? Elles
avaient un droit naturel à toute la parure des fem-
mes : on y laiflfe former mille ouvriers èe l'autre
fexe.
FiGARO;,^A2 colcre^
Us font broder jufqu'aux foidats !
Kl
14» tE MARIAGE DE FIGARO^
Marceline txakéc.
Dans les rangs mêmes plus élevés ^ les femmes
n'obtiennent de vous qu'une confîdération dcri- .
foire; leurées de reipeébs apparens, dans une fêr-
yitude réelle ', traitées en mineures pour nos biens ,
£ unies en majeures pour nos fautes ! ah, fous tous
^s afpeâs , votre conduite avec nous fait horreur ,
ou pitié !
F 1 G A R o«
Elle a raifonl
Le C o . m t e (ti part.)
Que trop raifon !
B R I d'o I s o n«
Elle a, mon - on dieu , raifon.
Marceline.
Mais que nous font, mon fils, les refus d un
homme irijufte ? ne regarde pas d'où tu viens ,
vois où m vas y cela feul importe à chacun. Dans
quelques mois ta fiancée ne dépendra plus que
d'elle-même ; elle t'acceptera , j'en répons : vis
entre une époufe, une mère tendres qui te ché-
riront à qui mieux-mieux. Sois indulgent pour elles ,
heureux pour toi, mon fils; gai, libre ic bon pour
tout le monde : il ne manquera rien â ta mère.
F I o A R o.
Ta parles d'or, maman, & je me tiens â ton avis.
Qu'on eft fot en effet! il y a des mille mille ans que le
monde roule, & dans cette océan de durée où |'ai pai
ACTE TROISIÈME. i45> '
hazard attrapé quelques chctifs trente ans qui ne
reviendront plus, j'irais me tourmenter pour favoir
a qui je les dois-l tant pis pour qui s'en inquiète»
Paner ainfi la vie à chamailler , c'eft pefcr fur le
collier fans relâche comme les malheureux chevaux
de la remonte des fleuves , qui ne repofent pas ,
même quand ils s'arrêtent , & qui tirent toujours
quoiqu'ils ceffent de marcher. Nous attendrons. ,|^
Le Comte.
Sot événetnent qui me dérange !
Brid'oison, à Figaro-.
Et la nobleflè & le château? vous împo-ofçz
\ la juftice?
Figaro;
Elle allait me faire faire une belle fotife, fa
Juftice ! après que j'ai manqué , pour ces maudits
cent écus, d'aflbmmer vingt fois Monfieur, qui
fe trouve aujourd'hui mon père l mais , puifque
le ciel a fauve ma vertu de ces dangers 5 mom p^e>
agréez mes excufes. . . Et vous, ma mère, embraf-
{îbz-moi....Ie plus maternellement que vous pourrezii
(Marceline lui faute au cou)^
•^,
I
1
K?
IX50 lE MARIAGE DE FIGARO,
S C E N E X V I L
BARTHOLO , FIGARO ^ MARCELINE ,
BRID'OISON, SUZANNE, ANTONIO,
LE COMIE^
Su2ANNi> accourant , une hourfe à ta main.
jVloNSEiGNEUR , arrètcz j qu'oa ne les mario
pas : je viens payer Madame avec la dot que mat
maîtrefle me donne.
L B Comte [à part.)
Au diable la maîtreffè ! Il femWe que tout coiifc
pire.... {Il fort).
SCENE XVIII.
3ARTHOLO, ANTONIO, SUZANNE,
FIGARO , MARCELINE , BRID^OISON.
Antonio voyant Figaro jembrajftr fa mère^
dit à Suf^anm.
JK H , ouï payer ! Tiens , tiens.
Su zANNiyi retourne.
J'en vois afTez : fortons , mon oncle.
ACTE TROISIEME. 151
Figaro, Varritanu
Non , s'il vous plaît. Que vois-tu donc ?
S U Z A N N il.
Ma bctife & ta lâcheté.
Figaro.
Pas plus de Tune que de l'autre.
Suzanne en colère.
Et que tu répoufes à gré puifque tu k careflès.
Figaro, gamcnt.
Je la carefle ; mais je ,ne Tépoufe pas.
[Sw(anne veut fortity Figaro la retient).
S u z A N N E /«i donne un fouffiet.
Vous êtes bien infolent d'ofer me retenir!
Figaro, ^/^ compagnie.
C'eft-il .çà de lamour ? Avant de nous quitter ,
Je t'en fupplie, envifage bien cette chère femme-là.
S z A N N ,E.
Je la regarde.
Figaro.
Et tu la trouves ?
Suzanne.
Aflreufe.
K4
iji LE MARIAGE DE FIGARO,
Figaro.
. Et vive la jaloufie ! elle ne vous marchande pas.
Marcei,inEj/«j bras ouverts.
Embrafle ta mère , ma jolie Suzanette, Le mé-
chant qui te tourmente eft mon fils.
S u z A N K E court à elle.
Vous fa mère ! ( elles refient dans les bras l^um
de l'autre.)
Antonio.
C'eft donc de tout à l'heure ?
Figaro.
> • « • Que je le fais.
Marceline exaltée.
Non , mon cœur entraîné vers lui, ne fe trompait
que de motif j c'était le fang^ qui me parlait.
F L G A R o.
Et moi, le bon fens , ma mère , qui me fervait
d'inftinâ: quand je vous refufais , car j'étais loin
de vous haïr ; témoin l'argent...
Marceline lui remet un papier».
Il eft à toi : reprens ton billet , c'eft ta dot.
Suzanne lui jette la bourfe.
Prens encor celle-ci.
Figaro,
Grand^merci.
A C T E T R O I s I E M E. 15;'
I
Marceline exaltée.
Fille aflez malheurcufe , j allais devenir la plus
miférable des femmes , & je fuis la plus fortunée
des mères ! Embraflez-moi , mes deux enfans \ j'unis
dans vous toutes mes tendreffes, Heureufe autant
que je puis l'être , ah > mes enfans , combien je vais -
aimer !
Figaro attendri : avec vivacité.
Arrête donc , chère mère ! arrête donc î voudrais-
;tu voir fe fondre en eau mes yeux noyés des pre-
mières larmes que je connaifle ? elles font de joie,
au moins. Mais quelle ftupidité ! j'ai manqué d'en
être honteux: je les fentais couler entre mes doigts,
regarde j ( // montre fes doigts écartés ) ic je les
retenais bêtement ! vas te promener la honte \
^e veux rire & pleurer en même-tems ; on ne ferit
pas deux fois ce que j'éprouve. (// erhbrajfe fa
mère d*un côté ^ Sm^anne de l* autre ).
M A R c E X i N 1. «^^*«'^
Âmonio. '
O mon ami ! suiaone.
Figaro.
S U Z A N N 2» Marceline.
Mon cher ami ! BridWon,
Brid'oisok s^ejfuyant les yeux d^un mouchoir.
Eh bien ! moi! je fuis donc bê - ête aùflî !
F i G A R o exalté.
Chagrin, c'eft maintenant que je puis te défier : at-
teins-moi, fi tu l'ofes, entre Ces de«;c femmes chéries.
154 LE MARIAGE DE FIGARO;
Ant-okio, à Figaro^
Pas tant de cajoleries, s*il vous plaît. En fait de
mariage dans les familles , celui des parens va
devant , iâvez. Les vôtres fe baillent*ils la main ?
Bartrolo.
Ma main! puifTe-t-elle fe deflecher & tomber ^
. 6 jamais je la donne à la mère d'un tel drôle !
Antonio,^ Bartholo.
Vous n'êtes donc qu'un père marâtre ? {à Figarc!^
En ce cas , nor galant , plus de parole.
Suzanne.
Ah, mon oncle
Antonio.
Irai-je donner l'enfant de not'fccur i fti qui
n'eft l'enfant de perfonne ?
BrId' OISON.
Eft<e que cela - a fe peut , imbccille ? on - on
eft toujours l'enfant de quelqu'un.
Antonio.
Tarare !.. il ne l'aura jamais; [Il fort ^
ACTE TROISIEME. 4
55
SCENE XIX.
BARTHOLO, SUZANNE, FIGARO,
MARCELINE, BRID'OISON.
Bartholo, ^ Figaro.
rL T cherche à préfent qui t adopte. (// vcutfonu).
Marceline courant prendre Bartholo
à bras le corps y le ramené.
Arrêtez , Dofteur , ne fortez pas,
Figaro [àpart) .
Non , tous les fots dAndaloufie , font, }e croîs,
déchaînés contre mon pauvre mariage !
Suzanne, à Bartholo,
Bon petit papa , ç'eft votre fils.
Marceline,^ Bartholo.
De Tefprit , des talens , de la figure.
Figaro, à Barthoh.
Et qui ne vous a pas coûté une obole.
BAkTHOLO.
Et les cent écus qu'il m'a pris ?
Marceline, le careffant.
Nous aurons tant de foin de vous > Papa !
Suzanne*
Bartholo.
Marceline*
Figaro*
Brid'oifoiit
t^e LE MARIAGE DE FIGARO»
SvzANKS^/^ carejfant.
Nous vous aimerons tant y petit Papa l
Bartholo, attendri.
Papa! bon papa! petit papa! voilà que Je fuis
plus bcte encor que Monfieur , moL {Montrant
BriiToifon). Je me laifTe aller comme un enfant.
( Marceline & Suzanne l*embrajfent ). Oh l non , je
n'ai pas dit oui. {ïlfe retourne).()}idi donc devanu
Monfeigneur ?
F I G il R O.
' Coqrons le foindre ; anrachons-lui fon demies
mot. S'il machinait quelqu autre intrigue , il fau-
lirait tout recommencer.
Tous enfemble.
Courons , courons.
{Ib entraînent Bartkolo dehors}^
SCENE XX.
Bri d'oison feuL
XL u s bê - cte encor que Monfieur ! on peut
fe dire à foi-même ces -es fortes dechofes-U>
niais I- ils ne font pas polis du tout dan- ans
cet endroit-ci. {Il fort.)
Fin du troijieme A^e.
À
ACTE QUATRI E M E. 15^
J-^- i
•éâtlammtm
ACTE QUATRIEME.
fjç théâtre, rep refente une galerie ornée de
: \eandelabres y delujires allumés y de fleur s ^
de guirlandes , en un mot préparée pour dohr
ner une, fête. Sur le devant à droite ejl une
r table avec une ercitoirey un fauteuil derrière^
'^
{ s C É N E P R E M I E li E.
4 . . . » • H
FIGARO, SUZANNE.
^F I G A R o, la tenant a bras' le corps^
Jri i; bien ! amour , es-tu contente ? elle a.convera
Ton Ddftëur \ cette fine langue dorée dé ma mèrél
inalgré fa répugnance, il i'époufe, & ton bourû
.d oncle eftbritléj'il n'y a que Monfeigrieur .quî^
-rage , taf enfin notre Hymen va devenir leprix' da '
leur. Ris donc un peu de ce bon réfultat*
Suzanne.
fAs-tu rien vu de plus étrange?
Figaro;
"VOu plutôt d'auflî gai. Nous ne voulions qu'une
dot arrachée à l'Excellence ;' en voilà deux dàÈis
.nos mains, qui ne fprtentpas des * fiennes. ' Une -
S5S LE MARIAGE DE FIGARO,
rivale acharnée. ce pourfuivaitj j*écais tourmencc
par une furie ! tout cela s'eft changé y pour nous ^
dans la plus tonne des mères. Hier j'étais comme
feul au monde ; & voilà que j'ai cous mes parens ;
pas fi magnifiques , il eft vrai y que je me les
étais galonés ; mais aflez bien pour nous ^ qui n'a*
yons pas la vanité des riches.
Suzanne.
Aucune des chofes que tu avais diipofées , que
nous attendipns , mon ami , n'eft pourtant arrivée !
Figaro.
Le hazard a mieux fait que nous tous, ma petite:
ainfî va le monde ; on travaille , on projetre , on
arrange d'un côté ; la formne accompht de l'autre :
& depuis l'afïamé conquérant qui voudrait avaler la
Terre , jufqu'au paifîbfe aveugle qui fe laifle mener
par fon chien , tous font le jouet de fes capflrices ;
encor l'aveugle au chien , eft-il fouvent mieux
conduit , moms trompé dans fês vues , que l'autre
$iveugle avec fon entourage. — Pour cet aimable
îiveugle, qu'on nomme Amour. ^••. (// la reprend
tendrement à bras le corps. )
4
Suzanne.
Ah ! c'eft le feul qui m'intérefle !
Figaro.
Permets donc que, prenant l'emploi de la folie ,je
ibis ic bon chien qui le mène à ta jolie mignone
porte \ ôc nous voilà logés pour la vie.
ACTE QUATRIEME. ijj
SuzAMNi) riant.
L'Amour & coi ?
Figaro.
Moi 8c r Amour.
S U Z A V K s.
t
Et vous ne chercherez pas d'autre gîte?
Figaro.
Si m m'y prens , je veux bien que mille millions
4t galans
S XJ Z A N H 1.
Tu vas exagérer : dis ta bonne vérité*
F t G A R O.
Ma vérité la plus vraie !
Suzanne.
Fi donc , vilain ! en a-t-on plufieurs ?
Figaro.
Oh! que oui. Depuis quon a remarqué qu'avec
le tems vieilles folies deviennent fagelTe , 6c qu'an-
ciens petits menfonges afTez mal plantés ont produit
degroiles, groflfes vérités ; on en a de mille eipeces.
Et celles qu'on fait , fans ofer les divulguer \ car
toute vérité n^eft pas bonne à dire : 8c celles qu'on
vante , fans y ajouter foi j car toute vérité n'eft pas
bonne à croire: 8c les fermens pailionnés, les mena^
ces des mères , les proteftations des buveurs , les
promeflès des gens en place, le dernier mot de nos
marchands ^ cela ne finit pas. Il n'y a que mon aïoour
{K3ur Suzoa qui foif une vérité de bon alow
^6o LE MARIAGE DE FIGARO^
S U Z A N N JE.
J'aime ta joie , parce qu elle eft folle ; elle an-
nonce que tu es heureux. Parlons du rendez-vous du
Comte.
Figaro.
Ou plutôt n'en parlons jamais j il a failli mé
coûter Suzanne.
Suzanne.
Tu ne veux donc plus qu'il ait lieu?
Figaro.
Si vous m'aimez , Suzon j votre parole d'honneui
fur ce point : qu'il s'y morfonde j &c'eftfa punition.
Suzanne.
Il m'en a plus conté de l'accorder, que je n'ai
de peine à le rompre : il nçn fera plus* queftion.
Figaro.
Ta bonne vérité !
S y z A N N E.
Je ne fuis pas comme vous autres favans ^ moi ^
|e n'en ai qu'une.
F l 6 A R o«
Et tu m'aimeras un peu?
Suzanne;
Beaucoup.
F l G A R Ot
Çen^eft guère.
S u ZA NN Ei
ACTE QUATRIEME. itt
Suzanne.
Et comment?
F I o A n o.
En fait d'amour > vois-tu , trop n^eft pas même
cdTez.
S U 2 A il N fi.
Je n'entens pas toutes ces âneÛes ; mais je n'ai*^
merai que mon mari.
Figaro.
Tiens parole , & m feras une belle exception à
Tufage. (// veut lUmbrajfery
■ ..
■ ■
SCENE IL
HGARO, SUZANNE, LA COMTESSE.
La Comtesse.
jr\ H y j'avais raifon de le dire ; en quelque endroit
qu'ils foient , croyez qu'ils font enfemble. Allons
donc, Figaro, c'eft voler l'avenir, le mariage &
vous-même , que d'ufurper un tête à tête. On vous
attend , on s'impatiente.
Figaro.
Il eft vrai. Madame, je m'oublie. Je vais leur
montrer mon excufe.
(Il veut emmener Su:[anne).
La Comtesse iz retient.
Elle vous fuit.
Ùi LE MARIAGE DE FIGARO,
SCENE in.
SUZANNE, LA COMTESSE-
La CoMTESSJB.
J\ s-TU ce qu'il nous faut pour troquet de vc-
tement ?
Suzanne.
Il ne faut rien. Madame^ le rendez-yous ne
tiendra pas.
La Comtesse.
Ah ! vous changez d'avis ?
Suzanne.
C'eft Figaro.
La Comtesse.
Vous me trompez.
Suzanne.
Bonté divine !
Xa Comtesse*
Figaro n'eft pas homme à laifTer échapper ime,
dot.
Suzanne*
Madame! eh que croy ez«> vous donc ?
ACTE QUATRIEME. U}
Qu'enfin , d'accord avec le Comte, i| vous fichd
k préfent de m'avoir confié fes projets. Je vous fai|
par coeur. LaifTez^-moi,
( Elle veut Jortlr.)
Suzanne fe jette À genoux.
Au nom du Ciel e(poir de tous ! vous ne fave^
pa5 , Madame , le mal que vous faites à Suitanne \
«nxès vos hontes coneinueiks 9c h dot qu# ViO^s mt
La Comtesse la rethe.
Hé mais.... je ne fais ce que je dis! en mt
cédant ta place au jardin , eu n'y va« p^/ mon
ccnir ; tu tiens parole i ton mari } tu m'aide$ I
ramener le mien.
S V z A N K £•
Comme vous m'avez affligée !
La Comtesse.
Ceft que je ne fiiis qu'une écourdie { elle la, baifi
4m front y) où çft ton rendez-vous ?
SUZANNE lui iaifi la main*
X^ mojc iç jardiD m^ i^ul frappé^»
La Co m t i? s ; £ » montrant la tabU%
Pr^ns cette plume , Se fixons w endroitt
S y z A N )r i«
Lui éçmc \
U
1^4 LE MARIAGE DE FIGARO,.
La Comtesss*
Il le faut.
S U Z A K N !•
Madame ! au moins , c'eft vous. . • «
La Comtesse.
Je mets tout fur mon compte. ( Suzanne s^ajfîed^
la Comtejje diSe).
Chanfon nouvelle ^ fur Voir : Qu^il fera heau^
ce foir^ fous les grands Maronniers ;..•.• Qu^U
fera beau cefoir.....
Suzanne écrit.
■
Sous les grands Maronniers. , • • après ?
La Comtesse.
Crains-tu qull ne t entende pas ?
Suzanne relit.
C*eft |uft^. ( Elle plie le billet). Avec quoi
cacheter ?
L A C o M T £ s s E.
Une épingle , dépêche : elle fervira de répon(e«
Écris fur le revers : renvoyez-moi le cachet.
Su z a n n s écrit en riant.
Ah! le cachet !.. celui-ci » Madame > eft plus gai
que celui du brevet.
La Comtesse» avec unfouyemr douloureux^
Ah!
ACTE QtJATRIEME. 16$
Suzanne cherche fur elle.
Je n ai pas d'épingle â ptéfent !
La Comtissi détache fa lévite*
Prens celle-cL [Le ruban du Page tombe de fan fem
k terré). Ah mon ruban !
Suzanne le ramajfe.
Ceft celui du petit voleur! vous avez eu la
cruauté?.., •
La Comtesse.
Falw-il le laiflèr â fon bras ? c'eût été joli ! donnez
donc ?
Suzanne.
Madame ne le portera plus , taché du fang de ce
jeune homme.
La Comtesse le reprend.
Excellent pour Fanchette. • • • le premier bouquet
qu elle m'apportera.
S$2
u
ii€ LE MARIAGE DE FIGARO,
•te*i
SCENE IV,
FaKchettï 6^ beaucoup de jeunes filles habit*
Ues comme elle j & tenant des bouquets.
LA COMTESSE, SUZANNE*
Fakchetti*
JVi ADAMÈ ^ ce font les filles du botitg <]ui vieii*
tient vous préienter des (leurs.
La Comtesse, fefrant vîtefon ruian»
Elles font charmantes: je mereproche) mes belles
betites » de ne pas vous connaître toutes. ( momnmt
Chérubin )• Quelle eft cette aimable enfant qui %
Taira ttiodefte?
tlNÊ Berôbre*
CWl une coufine à moi , Madame , qui n eft id
que pour la noce»
La CoxcTissE*
Elle eft jolie» Ne pouvant porter vingt bouquets 9
fefons honneur â l'étrangère. (Elle prend le bouquet
de Chérubin & le baife au front). Elle en rougit! {à
S tisonne j) ne trouves-^m pas^ Su2on,.«.» qu'elle
feiumble à quelqu'un }
ACTE QUATRIEME. iSi
Suzanne.
A s'y méprendre , en vérité.
Chérubin à part y les mains fur fin ccutr.
Ah ! Ce baifer-^là ma été bien loin !
SCENE V.
Lbs jeunes FitLES , CHERUBIN au miTuu d'elles j
FANCHETTE, ANTONIO, LE COMTE,
LA COMTESSE, SUZANNE.
Antonio.
jV^ o I je vous dis , Monfeigneur , qu'il y eft ;
elles l'ont habillé chez ma fille j toutes fes nardes
y font encor , & voilà fon chapeau d'ordonnance
que j'ai retiré du paquet. {Il s^ avance j & regardant
toutes lesjilles il reconnaît Chérubin ^ lui enlève fin
bonnet de femme j ce qui fait retomber fes longs
cheveux en cadenette. Il lui met fur la tête le chapeau
d^ ordonnance ^ 6» dit : ) Eh parguenne , v'ia notre
officier.
La Comtbsse recule.
Ah ciel !
S u z A >r N 1.
Ce friponneau !
Antonio.
..u
Quand je dilàis ti haut que c'était lui !
L4
itfS LE MARIAGE DE FIGARO,
Le Comte en colère*
Hé bien. Madame?
La Comtesse.
Hé bien , Monfîeur ! vous me voyez plus foipnfe
que vous , & , pour le moins ^ aufli fachéOf
L B C O M T E. ,
Oui ; mais tantôt > ce matin?
La Comtesse,
Je ferais coupable en effet, fî je diffimulai^ en-
cor. Il était defcendu chez moi. Nous entamions
le badinage que ces enfans viennent d^achever;
vous nous avez furprifes rhabillant : votre premier
mouvement eft fi vif î il s'çft fauve , je mit fuis trou-
blée , lef&oi général a fait le refte, ,
L B Comte avec dépit à Ckéruiin.
Pourquoi n'êtes-^vous pas parti ?
Cbsribbin^ or^z/z^y^/t chapeau brufjuemcnu
Monfcignçur, , . . ^ ^
Le Comte,
Je punirai ta défobéifïànce.
<
Fançh^TTE, étourdimeni.
Ah » Monfeigneur, entendez-rmoi. Toutes les fois
que vous venez m'embrafler , vous favez bien quo
vous dites toujours \ Jî tu veux ni aimer j petite
Fanchette^ je te donnerai ce que m wndras^
ACTE. QUATRIEME. 1^9
LeComtBj rougijfant.
Moi! j'ai die cela?
Fanchettb.
Oui , Monfeigneiir. Au lieu de punir Chérubin ,
donnez-le moi en mariage » & je vous aimerai i
la folie.
Le Comte (à part*)
Être enforcelé par un Page !
La Comtesse.
Hé bien! Monfieur, â votre tour^ l'aveu dtt
cette enfant , aufli naïf que le mien , attefte enfin
deux vérités ; que c'eft toujours fans le vouloir »
fi je vous caufe des inquiétudes j pendant que
vous épuifez tout , pour augmenter & juftifier les
miennes.
Antonio.
Vous àuflî, Monfeigneur? Dame! je vous la
redreiferai comme feue fa mère , qui eft morte.....
Ce n'eft pas pour la conféquence; mais c'eft que
Madame fait bien que les petites filles, quand elles
font grandes......
Le Comte déconcerté^ [à part.)
Il y a un mauvais génie ^ qui tourne tout ki
contre moi!
Q
17© LE MARIAGE DE FIGARO,
SCENE VI.
Les jsunrs Fiicbs, CHÉRUBIN*
ANTONIO, FIGARO, LE COMTE,
LA COMTESSE, SUZANNE.
F I « A R O.
JS/i ONSEtGNEURyfi VOUS jretenez nos filles > on ne
pourra commencer ni la fêce , ni la danfe.'
L 1 Comte.
Vous y danfer ! vous, n'y penfez pas. Après votre
chute de ce matin, qui vous a foulé le pied droit!
Figaro remuant la jambe.
Je fbufre encor un peu \ ce n'eft rien, {auxjtunes
fUîcs.) Allons mes belles, allons»
Le Comti/^ retourne.
Vous avez été fort heureux que ces couches ne
fulTent que du terreau bien doux!
Figaro*
Très^heureux , fans doute , autrement • • . •
Antonio/^ retourne.
Puis il s'eft pelotonné en tombant jufqu'en bas.
Figaro.
Un plus adroit, n'eft-ce pas , ferait refté en 1 aîr!
{aux jeunes filles,) Venez-vous, Mefdemoifelles ?
ACTE QUATRIEME. 171
Antonio le retourne.
Et pendant ce tems^ le Petit page galopait fur
îxyn cheval â Séville?
F t 6 A II 0.
Galppait > oa murchait au pis !••••
Le CoMTB/e retourne.
Et vous avieap fon brever dans la poche ?
F I G A n o un peu étonne*
Adurément» mais quelle enquête ? {aux jeuûes
filles.) Allons donc > jeunes filles !
Antonio» attirant Chérubin par le bras.
En ^oicr une qui prétend que mon neveu futur
n*eft qu*un menteur.
F i ô A n ô futpris^
Oiérubin! ^ .{à part) pefte du petit fat 1
Antonio»
Y cs*m maintenant ?
F I G A R O» eherchant.
Tf uns... j*y fuis» ... Hé qu'eft-ce qu'il chantei^
L B Comte fèchement.
Il ne chante pas 3 il dit que c'eft lui qui a fauté fur
l«s giroflées.
Figaro, rêvant.
Ah s'il le dit . . . cela fe peut ! je ne difputc pas
Àt ce que j'ignote»
172 LE MARIAGE DE FIGARO,
L |E Comte.
Ainfî vous ôc lui?. ...
«
F I G A R O.
Pourquoi non ? la rage de fauter peut gagner :
voyez les moutons de Panùrge j Se quand vous
ctes en colère, il ny aperfonne qui naime mieux
rifquer.. . •
L I C o M T 1.
Comment, deux à la fois ! . • .
Figaro.
On aurait fauté deux douzaines ; & qu'eft-ce
que cela fait , Monfeigneur ; dès qu il n*y a oer-
, fonne de blefle ? {aux jeunes filles. ) Ahça, voulez-
vous venir , ou non ?
Le Comte outré.
Jouons-nous une Comédie? {on entend unfrl^
lude de fanfare).
Figaro.
Voilà le fignal de la marche. A vos poftes , les
belles, â vos poftes. Allons, Suzanne, donne-moi le
bras. ( Tous s'enfuient ^ Chérubin refiejkul la tête
iaijfée ).
♦
•
V
ACTE QUATRIEME. 175
SCENE VIL
;
CHÉRUBIN, LE COMTE, LA COMTESSE.
Le Comte, regardant aller Figaro.
E K voît-on de plus audacieux ? ( au Page. ) Pour
Yous, Monfieur le foumois , qui faites le honteux ;
allez vous r'habiller bien vite ; & que je ne vous
rencontre nulle part de la foirée.
La Comtesse.
Il va bien s'ennuyer,
CniRU^BiN étourdiment.
M*ennuyer! j'emporte à mon front du bonheur
pour plus de cent années de prifon. (// met foa
chapeau & s'enfuit ).
174 LE MARIAGE DE FIGARO.
p " ". • .. * , • ' I I ■ ■ »
■ I ■ Il i l I _ ,
SCENE VII L
LE COMTE, LA COMTESSE.
La Comtessb s'éverue fortement /cu^ parlcrm
Le C o m t !•
l^vU^T-ii au front de fi hisureux?
LaComtissEs avec embarras»
Son.»., premier chapeau d'officier, fans doute}
anx enfans tout fert de hochet.
( Elle veut foriif é
Le Comte.
Vous ne nous reftez pas , Cotme^Te ?
La Comtesse*
Vous favez que je ne me porte pas bîem
Le C o m^ t e.
Un inftant pour votre protégée, ou je vous croiraîi
en colère.
La C o m t e s s £.«
Voici les deux noces, afleyons-nous donc pour
les recevoir.
Le Comte {àpare.)
La noce! il faut fouf&ir ce qu'on ne peut em»
p&cher.
Le Comte & la Comtejfe s'ajfeoieru vers un dc4
eôtéf de la galerie.
ACTE QUATRIEME. 17}
iriÉM
SCENE IX
LE COMTE , LA COMTESSE, affls , Fcn joue
les folies d^Efpagnc d'un mouvement de marche^
( Simphonie notée. )
Marche.
Les Gardes-Chassb , fujilfur tépcade.
L'Alguazil. Les Prud'hommes , Brid'oisok. .
Les Paysans it Paysannes en habits de fite.
Deux jeunes Filles ponant la toque virff,"
nale à plumes^blanches.
Deux autres, le voile blanc*
Deux autres, les gants & le bouquet de cité.
m
Antonio donne la main à Suzanne^ comme
étant celui qui la marie à Figaro.
X D'autres jeunes Filles portent une autre
toque j un autre voile j un autre bouquet blanc ,
femUables aux premiers , pour Marceline;
Figaro donne la main à Marceline,
comme celui qui doit la remettre ^tt DacTsuR,
lequel ferme la marche , un gros bouquet au côté.
Les jeunes filleSy en paffant devant le Comte^ remet'
tent à/es valets tous les ajuftemens deftinés à
Suzanne & à Marceline,
Les Paysans et Pay s avises s'étant rangés
fur deux colonnes à chaque côté du falon ^ on
danfe une reprife du fendango ( Air noté ) avec des
cafiagnettes : puis on joue la ritournelle du Duo ,
pendant laquelle Ajfromo conduit SvzAVVii au
Comte } elle Je mçt à genoux dev4int lui.
;i7tf LE MARIAGE DE FIGARO,
Pendant que le Comte lui pofe la toque ^ U
voile & lui donne le bouquet^ deux jeunes filles
chantent le Duofuivant. ( Air noté.)
Jeûne Epoafe, cha&tez les bienfaits & h gloire
D*ttn Maître qui renonce aux droits qu'il eut fur 7009 1
Préférant au plaifir , la plus noble Tiâoire ,
U vous rend chafte Si pure aux mains de votre époux*
Suzanne eft à genoux^ & ^pendant les derniers vers du
, DuOj elle tire le Comte parfon manteau & lui mon-
tre le billet qu'elle tient: puis elle porte la main qu^cl^
le a du côté des SpeSateurs jà fa tête j ou le Comte
a fair d'ajufierfa toque j eUe lui donne le billet.
Le Comte le met furtivement dans fonfein; on
achevé de chanter le Duo ; la Fiancée fi relève ^
& lui fait une grande révérence^ '
Figaro vient la recevoir des main^ du Comte & fi retire
avec elle y à l'autre côté du falon^ près de Marceline.
( On danfi une autre reprifi du fendango y pendant
ce tems,)
Le Comte prejfé de lire cequ'ila reeu^ s*avance
au bord du théâtre & tire le papier ae fin fiin ;
mais en le firtant il fait le gejle d'un homme qui
s' eft cruellement piqué le doigt; il le ficoue j le
prejfe j le fuce j &j regardant le papier cacheté
d*une épingle ^U dit :
Le Comte*
(pendant qu'il parle j mnji que Figato , Vorcheftrt
jéue piani0mo. )
jL/i ANTRE foit des femmes } qui foorent des
épingles par-tout! {il la jette â terre , puis U lit te
billet & le baifi).
Figaro
%.
ACTE QUATRIEME. 177
Figaro qui a tout vu^ dit à fa mère & à
Sw^annc :
C'eft un billet doux , qu'une fillette aura gliflc
^ans fa main en paflant. Il était cacheté d'une épin^
gle, qui l'a outrageufement piqué.
La danfe reprend : le Comte qui a lu le billet le re-
tourne ^il y voit V invitation de renvoyer le cachet
pourréponfe. Il cherche à terre y & retrouve en--
fin t épingle quil attache à fa manche.
Figaro,^ Suzanne & Marceline,
D'un objet aimé tout eft cher. Le voilà qiâ
ramafle l'épingle. Ah , c'eft une drôle de tète !
Pendant ce tems , Suzanne a des Jignes d* intelli-
gence avec la Comtejfe, La danfe finit ^ la ritour-
nelle du duo recommence.
Figaro conduit Marceline au Comte , ainfi
qu'on a conduit Suzanne ; à ' Hnfiant oà le
Comte prend la toque j & oà Von va chanter le
duo , on efl interrompu par les crisfuivans :
l'Huissier, criant à la porte.
Arrêtez donc, Meffieurs, vous ne pouvez en-
trer tous ... Ici lt% gardes , les gardes. ( Les gardes
vont vite à cette porte. )
Le. Comte, yJ Uyant.
Qu'eft-ce qu'il y a ? v
l' Huissier.
Monfeigneur, c'eft Monfîeur Bazile entouré d'im
village entier , parce qu'il chante en marchant.
M*
i7« LE MARIAGE DE FIGARO^
L B G O U T B»
Qa il entre feul.
La COMTHSS24
Ordonnez-moi de me retirer,
L 1 Comte.
Je n oublie pas votre complaifancev
La CoMTEssi,
Suzanne? • . . elle reviendra, (à part à Suzanne).
Allons changer d'habits. (Elle fore avec Suzanne),
Marcsline.
Il n'arrive jamais que pour nuire.
Figaro.
Ah! je m'en vais vous le faire déchanter î
SCENE X.
Tous LES Acteurs ^RicéoENS, excepté
la Comtejfe & Swçanne ; BAZILE tenant
fa guïttarej G R 1 P E-S O LE I L.
B A z I L E enere en chantant fur tair du fdit-
deville de la fin. ( Air noté. )
9« Cœurs fcnfiblcs , coeurs fidèles ,
»> Qui blâmez Tamour léger ;
93 Ceflcz vos plaintes cruelles ,
•• Eft-ce un crime de changer I
ACTE QUATRIEME. 179
»3 Si Tamour pone des ailes j
» N*cft-cc pas pour voltiger ?
M N*cft-cc pas pour voltiger ?
■• hTtft-ct pas pour Voltiger 1
F I G A K o s'avance â tui.
Ouï i c'eft pour cela juftement qu*il a des iules
ftu dos ; notre ami y qu'entendez-vous par cette
mufique ?
fi A z I L £ , montrant Cripe-Soléil.
Qu'après avoir prouvé mon obéiiïance à Mon--
feigneur, en amufant Monfieur, qui eft de fa com-
pagnie;^ je pourrai à mon tour , réclaiher fa joftice.
GjÈlIPE-SolEII.
Bah ! Monfigneu ! il ne n^'a pas amufé du tout :
avec leux guenilles d ariettes • • • * •
L 1 C O M T E.
Enfin qùademandez-vous , Bazile?
B A Z I L £«
Ce qui m'appartient, Monfeigneur, la main de
Marceline } & je viens m'oppofer . . . •
F X G A II o s'approchcé
Y a-t-il long-tems que Monfieur n'a vu k fi-
gure d'un fou ?
B A z I L E.
Monfieur , en ce moment même,
Figaro.
Puifque mes yeux vous fervent fi bieii de miroîr>
M 1
i8c LE MARIAGE DE FIGARO,
étudiez-y TefFet de ma prédiftion. Si vous faîtes
mine feulement d'approximer Madame. • • •
Bartholo, en riant.
Eh pourquoi ? laifTe le parler.
Brid' OISON s'avance entré deux.
Fau *- aut-il que deux amis?. ...
Figaro.
Nous amis!
B A Z I L £*
Quelle erreur!
F I G A R o. Vite.
Parce qu'il fait de plats airs de chamelle?
B A 2 t L £ , vite*
Et lui, des vers comAie un Journal ?
Figaro, vîte^
Un muficien de guinguette !
B A z I L £, yîte^
Un poftiUon de gazette !
Figaro, vite.
Cttiftre d'oratorio !
B A Z I L E, v/r<*
Jockey diplomatique !
Le Comt£, ajjis,
Infolens tous les deux l
ACTE QtJATRIEME. iH
B A Z Z L E.
Il me manque en toute occafion.
Figaro.
C'eft bien dit, fi cela fe pouvait!
B A z I L E.
Difant par-tout que je ne fuis qu'un fot»
F I G A H O.
Vous me prenez donc pour un écho ?
B A z I L fi.
Tandis qu'il n'eft pas un chanteur que mon talent
n'ait fait briller,
Figaro.
Brailler.
B A z z L !•
II le répète !
Figaro.
Et pourquoi non ; fi cela eft vrai ? es-m un Prince
pour qu'on te flagorne? foufïre la vérité , Coquin l
puifque m n'a pas de quoi gratifier un menteur :
ou fi m la crains de notre part, pourquoi viens-m
troubler nos noces?
m
Bazil e, à Marceline.
M'avez-vous promis, ojui ou non, fi dans quatre
ans , vous n'étiez pas pourvue > de me donner la
préférence ?
Marceline.
A quelle condition rai-Je promis?
Mj
i8i LE MARIAGE DE FIGARO,
B A Z 1 L s.
Que fi vous retrouviez un certain fils perdu, je
l'adopterais par complaifance.
Tous cnJtmhU^
Il eft trouve.
B A Z I L B«
Qu'à cek ne tienne ?
Tous enfembU y montrant Figaro^
Et le voici.
B A z I L E 9 reculant de frayeutm
J'ai vu le diable i
Brid'oison,.^ Bcnçile.
Et vou ^ ous renoncez à fa ckere mère \
B A Z I L E«
Qu'y aurait-il de plus fâcheux que d'être cru
le père d'un garnement \
Figaro.
D'en ctre cra le filsj m te moques de moil
B A z X L £ , montrant Figaro^
Dès que Monfieur eft de quelque chofe ici; fe
déclare moi , que je n'y fiiis plus de rien.
illfort).
ACTE QUATRIEME. 1S3
^■— ^
SCENE XL
LES ACTEURS PRÉCÉDENS, excepté Ba^de.
Bauthoio, riant,
/\h! ah! ah! ah!
Figaro, fautant de joie.
Donc a la fin j'aurai ma femme!
L B Comte {à part*)
Moi , ma onaîtreflè. (Il fe Uve. )
m
Brid'oison, à Marceline.
Et tou - out le monde efl; fatisfaic.
L I C O M T I.
Qu on drefle les deux contrats, j j'y figneraî^
Tous enfemble.,
Vivat. (Ilsfortent.)
L s C O M T B.
J'ai befoin d'une heure de retraite,
( Il veut fortir avec les autres.)
M4
i84 LE MARIAGE DE FIGARO,
iM.^
SCÈNE XII.
GRIPE-SOLEIL , FIGARO , MARCELINE ,
LE COMTE.
Gripe-Soizil, i Figaro..
JlLi t moi je vas aider à ranger le feu d'artifice
fous Iqs grands maronmers^ comme on l'a die.
Le Comte revient en couraau
Quel fot a donne un tel ordre ?
F I G A R 0«
Oùeftle mal?
Le Comte> vivemcfit.
Ec la Comteflfe qui eft incommodée ^ d'où le
vcna-t-elle Tartifice? c'eftfurla terrafle qu illefaut >
vis-à-vis fon appartement.
F I G A KO.
Tu Tentens > Gripe-foleil ? la terrafle.
Le Comte.
Sous les grands maronnjers! belle idée ! {Ens^en
allant » à part). Us allaient incendier mon rendez*
Vous!
ACTE QUATRIEME. 1S5
SCENE XII L
FIGARO, MARCELINE,
F I G A R O.
\JvML excès d'attention, pour fa femmel
(Il veut fortir).
Marceline t arrête.
Deux mots , mon fils. Je veux m*acquîtter avec
toi : un fentiment mal dirigé , m'avait rendu in-
jufte envers ta charmante femme : je la fuppofais
d'accord avec le Comte, quoique j'eufle appris de
Bazile,. qu'elle l'avait toujours rebuté.
Figaro.
Vous connaiffiez mal votre fils, de le croire
ébranlé par ces impulfions féminines. Je puis dé-
fier la plus rufée de m'en faire accroire.
Marceline.
Il eft toujours heureux de le penfer , mon fils j
la jaloufîe .....
Figaro.
•
.... N*eft qu*un fot enfant de 1 orgueil , on
c'eft la maladie d'un fou^ Oh ! j'ai là-delTus , ma
mère , une philofophie .... imperturbable j & fî
Suzanne doit me tromper un jour , je le lui par-
donne d'avance; elle aura long-tems travaillé
C Ilfe retourne & apper^oit Faachettc qui cherche dt
coté ô d'autre ).
utt LE MARIAGE DE f IGARO^
SCENE XIV.
nCARO, FANCHETTE, MARCELINE.
F I G A 31 O.
JcL K 2 H > • • • ma petite coufine qai noos écoute!
Fanchette.
Oh ! pour ça non : on dît que c'eft malhonncte*
Figaro.
U eft vrai; mais comme cela eft utile > on Éâfi
^ler fouvent Ton pour l'autre.
Fanchette.
Je regardais fi quelqu'un était là.
F 1 G A R €>«
Déjà dîf&mulées friponne ! vous farez bien qu'il
n y peut être.
Fakchitte.
Et qui donc?
Figaro.
Chérubin. ^
Fanchette.
Ce n'eft pas lui que je cherche , car je fais fort
bien où il efl: j c'eft ma coufine Suzanne»
Figaro.
£t que lui veut ma petite confine ?
'ACTE QUATRIEME. iSjj
F'A N C H I T T E.
A VOUS, petit coufin, je le dirait— C'cft,*. ce
ti'eft qu'une épingle (jite je veux lui remettre.
Figaro, yîvtmcnu
Une épingle ! une épingle ! • . • Sr de quelle
part , coquine ? à votre âge vous faites déjà un met « •
(Il fi reprend^ & dit d'un ton doux). Vous faites
déjà très-bien tout ce que vous entreprenez , Fan-
chétte^ & ma jolie coufine eft fi obligeante . • • «
Fanchette.
A qui donc en a-t-il de fe fâcher? je m*en vais,
«
Figaro, r arrêtant.
Non non , je badine ; tiens , ta petite épingle eft
celle que Monfeigneur t'a dit de remettre â Suzanne,
Se qui fervait àcachetter un petit papier, qu'il tenait;
m vois que je fuis au fait,
Fanchettb.
Pourquoi donc le demander , quand vous le favec
fi bien ?
Figaro, cherchant.
C'eft qu'il eft aflez gai de favoir comment Mon^
feigneur s'y eft pris pour {tn donner la commiflîon.
Fanchette, naïvement.
Pas autrement que vous le dites i tiens petite
Fancheue , rens cette épingle à ta belle coujîne ,
& dis lui fiulement que c*eft le cachet des grands
maronniers.
Figaro.
Des grands? ••••
i88 LE MARIAGE DE FIGARO,
F A N C M E T T !..
Marônniers. Il eft vrai qu'il a ajouté : prens
garde que performc ne te voye.
Figaro.
Il faut obéir , ma confine : heureufement per^
ibnne ne vous a vue. Faites donc joliment votre
commiifion; Se n'en dites pas plus à Suzanne > que
Monfeigneur n'a ordonné.
Fanchette.
Et pourquoi lui en dirais-je ? il me prend pour
on enfant, mon coufin. (Elle fort en Joutant).
■«■
SCENE XV.
FIGAR O, MARCELINE-
Figaro,
Jrl i BIEN, ma mère?
Marceline. ,
Hé bien, mon fils.
Figaro, comme étouffé.
Pour celui-ci! .... il y a réellement des chofès k«
Marceline.
Il y a des chofes ! hé qu'eft-ce qu'il y a?
ACTE QUATRlEMft 189
Figaro, les mains Jur la poitrine.
Ce que je viens d'entendre , ma mère , je l'ai
là comme un plomb/
MAUCEttNE» fiant.
Ce cœur plein d'aflTurance, n'était donc qu'un
ballon gonâé ? une épingle a tout fait partir !
Figaro furieux.
Mais cette épingle > ma mère , eft celle qu'il
a ramaffée!. • • •
Marceline, rapellant cequ'iladit.
La^jaloufîe ! oh j'ai là-defliis y ma mère, une
philofbphie •••.. imperturbable ; & (î Suzanne
m^ttrape un jour ». je le lui pardonne • • . •
F I G A R o » vivement.
Oh , ma mère ! on parle comme on fent : mettez
le plus glacé des Juges à plaider dans fa propre
caufe , & voyez-le expliquer la loi ! — Je ne m'étonne
plus s'il avait tant d'humeur fur ce feu ! — Pour la
mignonne aux fines épingles , elle n'en eft pas
où elle le croit, ma mère, avec fes maronniers!
fi mon mariage eft aflez fait pour légitimer ma
colère j en revanche, il ne l'eftpas allez pour que
jc n'en puiffe époufer une autre. Se l'abanoonner . . .
Marceline.
Bien conclu ! abîmons tout fur un foupçon*
Qui t'a prouvé, dis-moi, que c'eft toi qu'elle joue,
& non fe Comte ? B^as-tu cmdiée de nouveau , pour
la condamner fans appel? fais-m fi elle fe rendra
fous les arbres , à quelle intention elle y va ^ ce
190 LE MARÎAGÊ DE FIGARO,
cni'elle y dita> ce qa'elk y fera? je te croyais pleur
tore en jugement!
Figaro, lui hcàfant la main avec rcfpcSè
Elle a raifbn , ma mère , elle a raifon y raifbn ,
toujours raifon! mais accordons, maman, quelque
chofe à la nature; on en vaut mieux après. Exa4
xninohs en efïèt avant d accufer èc d'agir. Je fais
où eft le rendez-vous. Adieu , ma mère.
{Il fort).
SCpNEXVL
. Marceline fcuk^
/Vdieu: & moi auflî, je le fais. Après lavoir
anèté ^ veillons fur les voies de Suzanne ; ou plar
tôt avertiflbns-la \ elle eftfî jolie créature ! Ah quanc^
rintérêt perfonnel ne nous arme pas les unes cost:
tre les autres , nous fommes toutes portées a fou-
tenir notre pauvre fexe opprimé , contre ce fier ,
ce terrible .... {en riant) & pourtant un peu m-
gaud de fexe mafculin. (Elle fort.)
Fin du quatrième A3Cé
/ •'^
*?
'\
» « 1 •
' * . ■
' t
ACTE CINQUIEME. ift
T. I > : i l : ir f
ACTE CINQUIEME.
. r
Le théâtre repréfinte une faite de matohnîers^
dans un parc; deux pavillons ^ kiofqUes , ou
temples de jardins^ font à droite & à gauche;
le fond ejl une clarière ornée ^ un fiegè de
ga'j^nfur le devant. Le théâtre ejl obfcur.
=z
s C E N E P R E MI ERE. ^
FANCHETTE fcule^ tenant d^une maïk
deux bifcidts & nne orange; & de V autre une lan^
terne de papier ^ allumée^ -
X^ANS le pavillon à gauche, a-t-il dit. Ç'eft celuî-
ci. — S'il allait ne pas venir à préfeiic; mon petit
rôle.... Q*^% vilaines gens, de Toffice qui ne vou-
laient pas feulement medonner une orange & deux
bifcuits ! — Pour qui', Mademoifelle ? —' Ëh bien ,
Monfieur, c'eft pour quelqu'un.,— ^Oh nous favons— •
& quand ça ferait: parce que Monfeigneur ne veut
pas le voir , faut-il qu'il meure de faim ? -^ Tout çà
pourtant m'a coûté un fier baifer , fur la joue j . ...
que fait-on? il me. le rendra peut-être ! (Elle voit
Figaro qui vient l'examiner ; elle fait un cri.) Ah!
... (Elle s'enfuit^ & elle entre dans le pavillon à
fa gauche). .. , ' ^ „^ ; ,.^ .,
«91 LE MARIAGE DE FIGARO,
'"II " ' ' " I i— ^
SCENE IL
FIGARO, un grand manteau fur Us /pauUs^
un large chapeau rabattu. BAZILE, ANTONIO,
BARTHOLO, BRID'OISON, GRIP&SOLEIL,
Troupe di Valets & de Travailleurs.
Figaro, d'abord ftuU
v^*B ST Fanchette ! {Il parcourt des yeux ks
autres à mefure qu'ils arrivent j & dit d'un ton
farouche): bon jour, Meifîeursj bon foir: êtes-
vous tou^ici ?
B A z X L s»
Ceux que tu as prefTé d y venir*
F I 6 A R O.
Quelle heure eft-il bien â peu-près ?
Antonio regarde en l'air,
lusL lune devrait être levée.
Bartholo.
Eh quels noirs apprêts fais-tu donc ? Il ^ l'air
d'un confpirateur !
Figaro', s' agitant.
N'eft-ce pas pour une noce , |e vous prie , qu©
vous êtes rafïèmblés au château ?
Brid'oison
ACTE CINQUIEME. 191
Brxd*oison.
. Cè-ercainement.
ANTONIO.
Nous allions U bas > dans le parc , attendre un
lignai pour ta fète.
F Z G A K O.
Vous n'irez pas plus loin, ^effieurs; c'efticî,
fous ces maronniers , que nous devons tous - cé-
lébrer rhonnète fiancée que j'époufe \ Se le loyal
Seigneur qui fe Teft deftinée.
Bazile,/^ rappcllant la journée.
Ah! vraiment je fais ce que c'eft. Retirons-nous»
fi vous /m'en croyez: il eft queftion d'un rendez-
vous : je vous conterai cela près d'ici.
Brid'oison» à Figaro.
Nou - ous; reviendrons.
Figaro.
Quand vous m'entendrez appeller , ne manquez
pas d'accourir tous , & dites du mal de Figaro ^
s'il ne vous fait voir une belle çhofe.
Bartholo.
Souviens-toi qu'un hompe fage > ne fe fait point
d'ai&ire avec les grands.
F I G A R Q.
Je m'en fouvieas.
♦ N
I94 Lfe MARIAGE t>£ FIGARO»
BARTHOtO.
Qu'ils ont quinze &: bifque fut nous y par leuf
^tai.
Figaro.
Sans leuf indufttie , que vous oubliez. Mais fou-
v€tnez-vous auffi que Thomme qu'on fait timide »
eft dans la dépendance de tous les fripons.
B A R T H O L O.
Fort bien.
F ! G A K O.
'Et<pù)^novadeF'crte'<dlure y du chef honoré
de ma mère.
Bartholo»
Il a le diable au corps*
fiRin'oisoïl.
I-iira.
B A z I t E (^ pan.)
Le Comte & fa Suzanne fe font arrangés fans moi?
Je ne fuis pas fôché de l'algarade.
F I G A R o> aux Valets.
Pour vous autres » coquins 3 4 qui j'ai donné
Tordre; illuminez-moi ces entours ; ou > par la more
que Je voudrais tenir aux dents > fi j'en faifîs un
par le bras. . . . ( llfccouc le bras dé GripeSoleil).
G R I p E-S o L £ I L s*en va en criant & pleurante
Aa a> 0| oh ! Damné brutal I
I
ACTE CINQUIEME. rjj;
Baziie, en s* en allant.
Le ciel vous tienne en joie y MonHeur du marié !
{Ils fartent.)
T
^—i fci^»**l— — — ■!! ■ ■ — 1— — *M^— — ^— —11^1— — f^— ^
■ 111 III 11 ■ ' . I 1 n
SCENE III.
Figaro /eulj fe promenant dans Vobfcuritl^
dit du ton le plus /ombre.
v-/ Femme! fenune ! femme ! créature faible &
décevante !••• • nul animal créé ne peut manquer
à fon inftind; le tien eft-il donc de tromper?..,.
Après m avoir obftinément refiifé quand je l'en
prelïàis devant fa maîtrefle; àlmftant qu'elle me
donne fa parole ; au milieu même de lacérémonie...»
11 riait en lifant , le perfide ! & moi comme un
benct ! . . • • non , Monueur le Comte , vous ne l'au-
rez pas.... vous ne l'aurez pas. P^ce que vous
êtes un grand Seigneur , vous vous croyez un grand
génie ! . . . • nobleiïe , fortune , un rang , des places ;
tout cela rend fi fier ! qu'avez-vous fait pour tant
de biens? vous vous êtes donné la peine de naître,
& rien de plus : du refte homme affez ordinaire !
tandis que moi, morbieu! perdu dans la foule
obfcure , il m'a fallu déployer plus de fcience & de
calculs pour fubfifter feulement, qu'on n'en a mis
depuis cent ans à gouverner toutes les Efpagnes ^
Se vous voulez jouter On vient .... c'eft elle. . . .
ce n'eft perfonne — La nuit eft iipire en diable ,
& me voiU fefant le fot métier de mari , quoique
|e ne le fois qu'à moitié ! (// s*ajp,edfur un banc)
N X
/
Î95 LE MAR.IAGE DE FIGARO,
£ft-il rien de plus bizare que ma deltinëe ! fils de Je
ne fais pa^ qui y volé par des bandits ! élevé dans
leurs mqpurs, je m'en dégoûte & veux courir une
carrière honncte ; & par-tout je fuis repoulTé ! J ap*
prens la Chimie , la Pharmacie , la Chirurgie j &
rçut le crédit d'un grand Seigneur peut a peine
me mettre à la main une lancette vétérinaire ! — •
Las d'attrifter des bêtes malades , 8c pour faire un
métier contraire > je me jette à corps perdu dans
le Théâtre j me fiifle-je mis une pierre au cou !
Je broche une comédie dans les mœurs du férail ;
Auteur «fpagnol , je crois pouvoir y fronder Mar
homet, fans fcrupule : a Tinftant , un Envoyé.....
de je ne fais où , fe plaint que j'ofïènfe dans mes
vers , la fublime Porte , la Perfe , une partie de
la Prefqulfle de l'Inde , toute l'Egypte , les Royau^
mes de Barca, de Tripoly, de Tunis, d'Algef
& de Maroc : & voilà ma comédie flambée , pour
1 * T\ * f / 1
plaire — ^" " ^^^ ~
crois
en nous difant : chiens de Chrétiens! — Ne pouvant
avilir l'efprit , on fe venge en le maltraitant. -7-
Mes joues creufaient; mon terme était échu: je
voyais de loin arriver l'affreux record , la plume
fichée dans fa perruque j en frémiflfant je m*évertue.'
Il s'élève une queftion fur la namre des richeflès j
& comme il n'eft pas néceflfaire de tenir les chofes,*
{)our en raifonner ; n'ayant pas un fol , j'écris fur
a valeur de l'argent , & fur ion produit net ; fi-tôt
je vois , du fond d'un fiacre , baifler pour moi le
font d'un Château fort , à l'entrée duquel je laiflai
efpérance & la liberté. {Il fe levé.) Que je vou-
drais bien tenir un de ces PuifTans de quatre jours ;
fi légers fur le mal qu'ils ordonnent j qwuid unç
ACTE CINQUIEME. 197
bonne dii^race a cuvé fon otgueîl ! je lui dirais. . . •
que les lottifes imprimées n'ont d'importance ,
qu aux lieux où Ion en gène le cours y que fans
la liberté de blâmer , il n'eft point d éloge flatteur ^
& qu'il n'y a que le^ petits hommes , qui redoutent
les petits écrits — - {Il fe rajjied. ) Las de nourir
|in obfcur penfionnaire , on me met un Jour dans
Ja rue j, & comme il faut dîner , quoiqu'on ne
{bit plus en prifon ; je taille encor ma plume y
& demande â chacun de quoi il efl: queftion : on
me dit que pendant ma retraite économique ,. il
s'eft établi dans Madrid un fyftème de liberté fur
Ja vente des productions , qui s'étend même à celles
de la prefTe j & que , pourvu que je ne patle en
mes écrits , ni de l'autorité , ni du culte , ni de
la politique , ni de la morale , ni des gens en place ,
ni des corps en crédit , ni de l'Opéra , ni des au-
tres fpedacles , ni de perfonne qui tienne à quelque
thofe j je puis tout imprimer librement; , fous l'inf-
peâion de deux ou trois Cenfeurs. Pour profiter de
cette douce liberté, j'annonce un écrit périodique >
& croyant n'aller fur les brifées d'aucun autre, je
le nomme Journal inutile. Pou-ou ! je vois s'élever
contre moi , mille paiivres diables à la feuille \ on
me fupprimej &me voilà de rechef fans emploi ! —
Le deiefpoij^'allait laifir •, on penfe à moi pour
une place , mais par malheur j'y étais propre : il
fallait un calculateur, ce fut un danfeur qui l'ob-
tint. Il ne me reliait plus qu'à voler; Je me fais
Banquier de Pharaon: alors, bonnes gens l je foupe en
ville, & les perfonnes dites, comme ilfaut^ m'ouvrent
poliment leur maifon , en retenant pour elles les
trois quarts du profita J'aurais bien pu me remonter j
|e commençais même â comprendre que pouv
N j
198 LE MARIAGE DE FIGARO,^
gagner du bien , le favoir-faire vaut mieux que
le favoir. Mais comme chacun pillait autour de
moi , en exigeant que je fuile honnête ; il fallut
bien périr encor. Pour le coup |e quittais le monde ;
& vingt brafïès d'eau m'en allaient féparer : Iprf-
^u'un Dieu bienfaifant m'appelle à mon premier
tat. Je reprens ma troufTe & mon cuir anglais ;
puis laifTant la fumée aux fots qui s'en nourrirent,
& la honte au milieu du chemin y comme trop
lourde â un piéton, je vais razant de ville en ville,
& je vis enfin fans fouci. Un grand Seigneur paflè
à Séville j il me reconnaît , je le mîrie j & pour
prix d'avoir eu par mes foins fon époufe , il veut
intercepter la mienne ! intrigue , orage à ce fiijet.
Prêt à tomber dans un abîme , au moment d'é^
poufer ma mère , mes parens m'arrivent à la file.
(Il Ji lève en s'échauffknt. ) On fe débat ; c'eft
vous, c'eft lui , c'eft moi, c'eft toi \ non ce n'eft
pas nous j eh mais qiii donc ? ( Il retombe affis. )
O bizare fuite d'évenemens ! Comment cela m'eft*
il arrivé! Pourquoi ces chofes &non pas d*autres?
Qui les a fixées fur ma tête ? Forcé de parcourir la
route où je fuis entré fans le favoir, comme jcn
fortirai fans le vouloir , |d l'ai jonchée d'autant
de fleurs que ma gaité me l'a permis j encor je
dis ma gaité, fans favoir fi elle eft àmj^i plus que le
refte , ni même quel eft ce Moi dont je m'occupe :
un aflemblage informe de parties inconnues j puis
un chédf être imbécile ; un petit animal folâtre ;
un jeune homme ardent au plaifir j ayant tous
ceiCté j mais pareflèux, .. avec délices! orateur félon
ACTE CINQUIEME- 19^
le danger; poëce par délafTement ; muiicien pac
occafion ; amoureux par folles bouffées ; j'ai
tout vu, tout fait, tout ufé. Puis Tillufion s'eft
détruite , & trop défabufé Défabufé !••.••
Suzon , Suzon , Suzon ! que tu me donnes de tour-*
mens!— J entens marchën... on vient. Voici lïnftanc
de la crife. ^
( Il fi retire f tes de la première couUJfeàJa droite.)
SCENE IV.
FIGARO, LA COMTESSE avec
les habits de Siqorij SUZANNE àuee ceux
de laComteJfe.MAKCEhlNE.
SvzAJ9v:E^baSyàla Comtejfe.
KJv I , Marceline ma dit que Figaro y ferait*
Marçsline.
Il y eft auffî ; baifle la voix.
Suzanne.
AinH l'un nous écoute , & l'autre va venir ms
chercher; commençons.
Marceiik
£•
Pour n'en pas perdre un mot , je vais me cacher
dans le pavillon. ( Elle entre dans le pavillon oà
ejl entrée Fanchctte.
4oo LEMARlAèE DE FIGARO,
^r
«
S C E N E V.
HGARO , LÀ COMTESSE , SUZANNE.
SuzANNi, haut.
JVl AD A ME tremble! eft-ce qu elle aurait froid ?
La Comtesse, haut.
. La fbirée eft humide, je vais me retirer.
Suzanne, haut.
Si Madame n'avait pas befoin de moi , je preii-
drais lair un moment , fous ces arbres.
La Comtesse, haut.
C*^ le ferein que m prendras.
Suzanne, haut.
J y fuis toute faîte.
Figaro {à pan.)^
Ah oui , te ferein!
(Suzanne fc retire près de la coulïjfe j du côté
oppofé à Figaro).
"^
' ACtE CINQUIEME. aoi'
#ifc— . • I , . II. ■ ■il. ;
SCENE VI.
•
FIGARO, CHÉRUBIN, LE COMTE^
LA COMTESSE, SUZANNE.
Figaro & Su:[anne retirés de chaque coté fur le devant.
Chérubin en habit d^ Officier arrive en
chantant gaiment la reprife 4c. fair de la romance.
JLàA y la, la, icc.
J'avais une maràine.
Que toujours adorai.
La Comtbsse [à part.)
Le petit Page!
Chérubin s'arrête.
On fe promené ici j gagnons vîte mon afyle , où
la petite Fanchette,... C*efl: une femme!
La CoMTKssi écoute.
Ah grands Dieux !
CHBRUBiNye haijje en regardant de loin.
Me trompai-je ? â cette coëffiure en plumes qui
fe defline au loin dans le crépufcule, il me femble
que c'eft Suzon.
LaComtxssb {à part.)
V Si le Comte arrivait!....
L B Comte parait dans le fond.
xoi LE MARIAGE DE ÏIGARO;
Chérubin s'approche & prend la maift
de la Comtejffij qui fe défeni.
Oui , c'eft la charmante fille qu^on nomme Su-^
zanne : eh pourrais-je mj méprendre â la douceur
de cette main; à ce petit tremblement qui la faifîe;
fur-tout au battement de mon cœur ! ( Il veut y ap^
puyer le dos de la main de la Comtejfe j elle la retire.^
La Comtbssb» bas*
Allez -vous -en.
CHiUÙBIK.
Si
endr<
i la compaffion t'avait conduite exprès dans ce(
roit du parc > où je fuis caché depuis tantôt ?
La Comtbssb.
Figaro va venir.
Le Comte s* avançant^ dit à part.
N'eft-ce pas Suzanne que j'apperçois ?
Chérubin à la Comte^e*
Je ne crains point du tout Figaro > car ce n*eft
pas lui que m attens.
La Comtesse.
Qui donc !
Le Comte, [à part)
Elle eft avec quelqu'un.
Chérubin.
C'eft Monfeigneur , friponne > qui t'a demande
ACTE CINQUIEME. loj
ce rendez-vous, ce matin, quand j'étais derrière
le fauteuil.
Le CoMtb {à pan avec fureur. )
C'eft encor le Page infernal !
Figaro {à pan.)
On dit qull ne faut pas écouter!
Suzanne (i part.)
Petit bavard !
La Comtesse, ûtt P^g^^
Obligez-moi de vous retirer.
Chérubin.
Ce ne fera pas au moins fans avoir reçu le prix
de mon obéiflance.
La Comtesse effi-ayee.
Vous prétendez?....
Chérubin, avec feu.
D'abord vingt baifers , pour ton compte y éc puis
cent pour ta belle maîtreflè.
«
L a\C O M T B s s E.
Vous oferiez?
Chérubin.
Oh que oui , j oferai 5 tu prens fa place auprès
de Monfeigneur , moi celle du Comte auprès de
toi : le plus attrapé , c'eft Figaro.
I
\
104 LE MARIAGE DE FIGARO,
FigAro(^ part.)
Ce brigandeau !
S u z A N N E (<î part.)
Hardi comme un Page.
Cherubih veut cmbrajferla Comtcffc.
Le CoMTsyi met entre deux & reçoit le
baifer.
La CoMTESSEjyi retirant.
Ah ciel !
Figaro à partj entendant le baifer.
J'époufais une jolie mignone!
{Il écoute.)
Chérubin tâtant les habits du Comte.
[A part. ) Ceft Monfeigneur. (// s'enfuit dans Iç
pavillon- oà font entrées Fanchette & Marceline.)
SCENE VII.
FIGARO , LE COMTE , LA COMTESSE ^
SUZANNE.
Figaro s* approche.
T
tl £ vais....
Le C o m t e j croyant parler au Page.
Puifque vous ne redoublez-pas le baifer. . . •
( Il croit lui donner un foufiet).
ACTE CINQUIÈME. ioj
Figaro qui efi à portée j te reçoit.
Ah!
• L B C O M T £•
^ . , . • Voilà toujours le premier payé.
Figaro à part^ s* éloigne en fe frottant la joue:
Tout n'eft pas gain non plus en écoutant.
Suzanne riant tout haut j de Vautre côté.
Ahj ah, ah, ah!
Le Comte, à la Comtejfequ^il prend pour Suranné.
Enten-t-on quelque chofe à ce Page ! il reçoit
le plus rude fouflet , & s'enfuit en - éclatant de
rire.
F I G A R o (à part.)
S'il s'affligeait de celui-ci!....
Le Comte.
Comment! je ne pourrai faire un pas.....
[à la Comtejffej) mais laillbns cette bizarerie ; elle
empoifonnerait le plaifir que j'ai de te trouver dans
cette falle,
La CoMTESsij irritant le parler de Sws^anne*
. L'efpcriez-vous ?
L B C O M T E.
Après ton ingénieux billet ! (// lui prend la main. )
Tu trembles ?
lotf LE MARIAGE DE FIGARO,
La Comtesse.
J'ai eu peur.
L B C O M T E.
Ce n'eft pas pour te priver du baifer, que je
Tai pris. (// la baife au front.)
La Comtesse.
Des libertés !
Figaro (à part.)
Coquine !
Suzanne [à part.)
Charmante !
Le Comte prend la main defafemmc^
Mais quelle peau fine Se douce , & qu'il squ
. faut que la Comtefle ait la main auilî belle !
•
L^ Comtesse(^ part. )
Oh 1 la prévention !
Le Comte.
A-t-elle ce bras fermé & rondelet ? CQS Jolis
doigts pleins de grâce Se d'efpiéglerie ?
La Comtesse, de la voixdeSu;^anne^
Ainfi l'amour?....
Le Comte.
L*amour .... n'eft que le roman du cœur : c'eft le
plâifir qui en eft l'hiftoire j il m'amène à tes ge-
noux.
ACtÊ CINQUIEME. 107
La CoMTEssi.
Vous ne Taimez plus ?
L E C O M T E.
Je Taîme beaucoup ; mais crois atis d'union ,
tendent Thimen fi refpeâiable !
La Comtesse.
Que vouliez-vous en elle?
Le Comte, la careffant.
Ce que je trouve en toi , ma Beauté, • • •
La Comtesse.
Mais dites donc.
Le Comte.
..... Je ne làîs : moins d'uniformité peut-être;
plus de piquant dans les manières ; un je ne fais
quoi > qui fait le charme; quelquefois un refus »
que fais-je ? Nos femmes croyent tout accomplir
en nous aimant : cela dit une fois , elles nous ai-
ment, nous aiment! ( quand elles nous aiment)
Et font fi complaifantes , & fi conftamment obli-
geantes, & toujours, & fans relâche, qu'on eft
tout furpris un beau foir , de trouver la iatiété , où
l'on recherchait le bonheur.
LaCom. TBSSS (à part.)
Ah! quelle leçon!
L B C O M T E.
£n' vérité ^ Suzon , j'ai penfé mille fois que j(i
ao8 LE MARIAGE PE FIGARO,
nous pourfuivons ailleurs ce plaifir qui nous fuît
chez elles j c'eft qu'elles n'étudient pas affèz Tart
de foutenir notre goût , de fe renouveller à 1 amour ,
de Tanimer , pour aind dire , le charme de leur
pofleilîon , par celui de la variété.
La Comtesse piquée»
Donc elles doivent tout ? . . . .
"1 •
Le C0MTS9 rianu
Et l'homme rien ? changerons-nous la marche
de la nature ? notre tache à nous , fut de les obte-
nir : la leur... ••
LaComtessx.
La leur?
Le Comte.
Eft de nous retenir : on l'oubUe trop.
LaComtesse.
Ce ne fera pas moi.
Le Comte.
Ni moi.
Figaro [àpart^
Ni moi.
Suzanne {à part.)
Ni moi.
Le Comte prend la main de fa femmCm
Il y a de l'écho ici j parlons plus bas. Tu n*as nul
befoin d'y fonger, toi que l'amour a faite, & fi vive
. & fl jolie! avec un grain de caprice tu feras la plus aga-
^ çante maîtrefle ! ( // labaife au front. ) Ma Suzanne ,
un
ACTE CINQUIEME* lo^
Uri Caftillan n a que Ta parole. Voici tout l'or promis
J>our le rachat du droit que je n ai plus fur le déli-
cieux moment que tu m'accordes» Mais comme
la grâce que tu daignes y mettre , eft fans prix ;
l'y joindrai ce (brillant, que tu porteras pour l'a-
Ifiout de moi%
La CoMtESSE, Une révérence^
Suzanne accepte tout^
Figaro (^ part. )
On n eft pas plus coquine que cela^
S u z A 1^ N E {àpart.)
Voilà du bon bien qui nous arrive*
Lé Comté [à pare. ) ^
Elle eft intérefïce j tant mieux*
La Comtesse regarde au fônd%
je vois des Sambeauï»
Le C o m t e*
Ce font le$ apprêts de ta noce : entrons -noui
un moment dans l'un de ces pavillons > pour leâ
ïaiflcr palTer ?
La Comtesse»
Sans lumière?
Le Comte l^ entraîne doucement,
A quoi bon ? nous n'avons rien à lire»
F i G A k o {à pan.)
Elle y Va> ma foi! je m'en doutais» .
( // y avance, )
iio LE MARÏAGE DE FIGARO,
T* 1 C o M T I groffitfa voix en fi màumânt.
Qui paflè ici ?
T I G A R o» €/z colèri^
^zStï ! on vient exprès. ^
Lé ComtS) bas àla Cofnteffc.
Ceft Figaro!... {IlsUnfuit.)
La Comtesse.
Je vous fuis.
{Elle entre dans le pavillon à fa droite ^ pendant
que le Comte fe perd dans le bois^ au fond.)
h nH
SCENE Vlît
FltïARO, SUZANNE, dans l'oh/oirite,
Figaro cherche à voir oh vont le Comte & la
Comtejfe ^ qu'il prend pour Suzanne.
«I S n^entens plus rien ^ ils font entrés j m^ Voilà.
( D*un ton altéré). Vous auores époUx ïnai-à-droits ,
qui tenez des efpions 4 g^g^s , & tournez des mois
entiers autour d'un foupçon, fans Tafleoir^ que n«
tn'imitez-vous? dès le premier jour je fuis ma femme,
& je l'écoute ; en un tour de main on eft au fait :
c'eft charmant, plus de doutes; on ikit â quoi
s'en tenir. (Marchant vivement. )Kexiiexi£tïtitnt que
je ne m'en foucie guère , Se que fa trahifon ne
me fait plus rien du tout. Je les tiens donc enfin.
ACTE CINQUIEME. m
V S u z A N K £ , qui s'cjl avancée doucement dans
tobfcurité.
(A part) la Vas payer tes beaux foupçons. ( Du
ton de VOIX de la Comtejfe. ) Qui va U ?
Figaro» extravagant.
Qui va là ? Celui qui voudrait de bon cœur
que Ja. pefte eût étoufre en naifTant
Suzanne, du ton de la Comtejfe,
Eh ! mais y c'eft Figaro !
Figaro regarde ^ & dit vivement^
Madame la ComtefTe !
Suzanne.
Parlez bas.
Figaro, vite»
Ah! Madame, que le ciel vous amené à pro-
pos ! où croyez-vous qu'eft Monfeigneùr ?
Suzanne.
Que m'impone un ingrat? Dis moi. ...
Figaro, v/us vite.
Et Suzanne nion cpoufée , où croyez-vous q»4'elie
foit?
Suzanne.
Mais parlez bas.
Figaro, très-vite. .
Cette Suzon quon croyait fi vertucufe, qui
fefait de la réfervée ! Ils font enfermés li-dedans.
j€ vais appeller. /
o%
lU LE MARIAGE DE FIGARO ^
S u 2 A .N N E, /tti fermant la bouche avec fa main 4
oublie de déguiferfa voix.
N'appeliez pas.
FiGARo(^ part)
Eh c'eft Suzon ! God-dam !
Su z AN K E , du ton delà Comte£c.
Vous paraiflèz inquiet.
Figaro [à part.)
TraîtrefTe ! qui veut me furprendre !
Suzanne.
Il faut nous venger, Figaro.
F I G ,A R O.
En fentez-vous le vif defir?
Suzanne.
Je ne ferais donc pas de mon fexe ! Maïs les
hommes en 'ont cent moyens.
Figaro, confidemment.
Madame, il n'y a perfonne ici de trop. Ce-^
lui des^ femmes .... les vaut tous.
Suzanne {à part.)
Comme je le foufletterais !
Figaro [à part. )
Il ferait bien gai .qu'avant la noce !
. ACTE CINQUIEMli. tij
Su Z Â N N 1.
Maïs qu'eft-ce qu'une telle vengeance , qu'un
peu d'amour n'aflaifonne pas ?
Figaro.
Par-tout où vous n'en voyez point , croyez que
le refpedt diUîmule.
Suzanne, piquée.
Je ne fais fî vous le penfez de bonne foi , mais
vous ne le dites pas de bonne grâce,
F I G AU o 5 avec une chaleur comique j à genoux.
Ah ! Madame , je vous adore. Examinez
le tems , le lieu , les circonftances , & que le dé-
pit fupplée en vous , aux grâces qui manquent à
ma prière.
Suzanne [à part. )
La main me brûle.
Figaro {à part.)
Le cœur me bat«
Suzanne.
Mais y Monfieur ^ avez-vous fongc ? • • • •
Figaro.
Gui, Madame , oui, j'ai fongc,
Suzanne.
'.'•.• Que pour la colère & l'amour ...i
114 LE MARIAGE DE FIGARO,
F X G A R O.
• • . • Tout ce qui ïe diffère eft perdu. Votre mâin^
Madame?
SuzANKE de fa voix naturelle^ & lui donnant
unfoufict»
La voiU.
Figaro.
Ah Demonîa! quel fbuâet!
Suzanne lai en donne un féconde
Quel fouitet ! & celui-o ?
Figaro.
Et qveS'C^quo \ de par le diable \ eft-ce ici la
Journée des tapes?
Suzanne te bat à chaque phrafe.
Ah ! queS'à-quo? Suzanne : & voilà pour tes fbup-
çons; voilà pour tes vengeances & pour tes tra-
hifons , tes expédiens , tes injures & tes projets.
C'eft'il çà de l'amour ? dis donc comme ce matin ?
Figaro rit en fi relevant.
Santa harbara ! oui c'eft de l'amour. Oh bon-
heur ! oh délices ! ô cent fois heureux Figaro ! frappe
ma bien aimée, fans te lafTen Mais quand tu m'auras
diapré tout le corps de meurtrifliires , regarde avec
bonté , Suzon , l'homme le plus fotiune ^ qui fiic
jamais battu par une femme.
ACTE CINQUIEME. 21$
Suzanne*
'/ 1 • ^
Le plus fortuné ! bon fripon , vous n'en fcduî-
(îez pas moins la Comtefle , avec un fi trompeur-
babil , que m'oubliant moi-même , en vérité , c'était
pour elle que je cédais,
Figaro.
Aî-je pu me méprendre, au fon de ta jolie voix ?
Suzanne, en riant.
Tu^n^as reconnue ?Ah comme je m'en vengerai!
F I G A K o.
Bien rofïer & garder rancune , eft au/G par trop
féminin ! Mais dis-moi donc par quel bonheur je
te vois là , quand je te croyais avec lui ; & com-
ment cet habit > qpi m'abufait , te montre enfin
innocente
Suzanne.
Eh c'eft toi qui es un innocent , de venir te
prendre au piège apprêté pour un autre! Eft-ce notre
faute à nous, fi voulant muz^ler un renard, nous
en attrapons deux ^
Figaro.
Qui donc prend l'autre ?
Suzanne.
Sa femme.
Figaro.
Sa femme?
Suzanne.
Sa femme.
04
%if LE MARIAGE DE FIGARO^
F I G A R o j^ fotlement.
Ah Figaro , pends-toi ; m n'a pas devine ceîuj»
là ! - Sa femme ? O douze ou quinze mille fois fpiri*
welles femelles ! — Ainfî \ts baifers de cette faUq ?
S u Z A N N E«
Ont été donnés â Madamei,
Figaro.
Et celui du Page?
SuzANHEs riante
A Monfieur,
Figaro*
Et tantôt , derrière le fauteuil ?
S U Z A N H £«
A pçrfonne.
Figaro^
En êtes-Yous sûre?
SuzANi^É» riante
Il pleut de fbuflets , Figaro.
Figaro lui baife la maîn^
Ce font des bijoux que les tiens. Mais celui èfi
Comte > était de bonne guerre.
S u z A N N Sa
Allons, Superbe l humilie-tQi%
ACTE CINQUIEME. 217
F I G A 1^ o fait tout ce qu'il annonce.
Cela eft jufte } à genoux , bien courbe , prot
terne , ventre à terre,
S V z A N K J5, en riant.
Ah ce pauvre Coiftte! quelle peine il s eft
4omié. . , • •
Figaro fe releye fur fés genoux^
Pour faire la conquête de fa femme !
^ » •
-^— »■ I ..Il I I il. Il ,, ■ I ■■ I I ■■■■ ■ ^
» III I ■ I 1 1 I ■ ■ Il ■ ■
s C E N E I X.
t E COMTE ehire par le fond du théâtre 3 &
va droit au pavillon â fa droite. FIGARO
SUZANNE.
Lb CoMTS^â lui-même.
J £ la cherche en vain dans lo boi3 y elle eft peut*
être entrée ici^
Suzanne, à Figaro , parlant bas^
C'eft lui.
Li C0MT8, ouvrant le Pavillon
Suzon , es - tu là - dedans ?
Figaro, ias^
II la cherche, & moi je croyais., ••♦
iiS LE MARIAGE DE FIGARO,
S u z A N N 1 , has.
Il ne Ta pas reconnue* /
Figaro.
Achevons -le» veux -tu? ( // lui baxfe la nuwi.^
L 1 Comte fc retourne.
Un homme aux pieds de la Comteflè ! • .. • Ah !
je fuis fans armes. (// s* avance.^
F I G A R o y^ relève tout h fait en déguifantfa voix.
Pardon > Madame » fi je n'ai pas réfléchi que ce
rendez-vous ordinaire » était deftiné pour la noce.
Le C o u t ^ (à part»)
Ceft rbon^me du cabinet de ce matm. {Il fi.
frappe le front. )
' F j G A R o continue.
V
Mais il ne fera pas dit qu'un obftacle aufli ibt ,
aura retardé nos plaifirs.
Le Comte {à part.)
Maflacre, mort> enfer!
V 1 G A K Oy la condui/ant au cabinet.
(Bas^) Il jure. (Haut.) Prefïbns-ttôus donc.
Madame , Se réparons le tort qu'on nous a^ fait
tantôt > quand j'ai fauté par la fenêtre.
LeComtx {à part. )
Ah! tout fe découvre eufuii
ACTE CINQUIEME. 119
Suzanne» près du pavillon à fa gauche.
Avant d'encrer» voyez fi perfonne n a fuivi. (// la
iaifc au front*)
L 1 /C o M T B s'êcrie»
Vengeance.
Suzanne s^enfiiit dans te pavillon où font entrù
Fanchette^ Marceline & Chérubin.
SCENE X.
LE COMTE, FIGARO.
.Le Comte fedjk le bras de Figaro.
F I G A KO, jouant la frayeur excejjive.
v-<*EST mon maître.
Le Comte le reconnaît.
Ah fcélcrar, c'eft toi! Holà quelqu'un» quelqu'un?
«n
SCENE XI.
I^ÉDRILLE, LE COMTE» FIGARO.
P i X> R X L r E bottée
JVlONSEiGNEUR» je voiu tTouve enfin.
Le Comte.
Bon y c'eft Pé4riUe.Es*m tout feui?
\-
iio LE MARIAGE DE FIGARO^
PÉDRILLE.
Arrivant de Scville , i étripe cheval.
Le C o m t I.
Approche-toi de moi , & crie bien fort.
PÉDRiLLE» criant à tue tête.
Pas plus de Page que fur ma main. Voilà le pa-
quet.
Le Comte /^ repoujfe.
£h l'animal !
PÉDRILLE.
Monfeigneur me dit de crier.
Le Comte» tenant toujours Figaro.
Poiir appeller. — Holà quelqu'un j fi 1 on m'en-
tend > accourez tous ?
PÉDRItLE.
Hgaro& moi» nous voilà deux^ que peut-il donc
Vqus arriver?
**#*«'
ACTE CINQUIEME^ m
SCENE XII.
Lis Acteurs précédens, BRID'OISON,
BARTHOLO, BAZILE, ANTONIO,
G R I PE - S O L £ I L 9 toute la noce accourt
avec des flambeaux.
Bartholo,!^ Figaro.,
JL V vois qu'à ton premier fignaL • . • .
Le Comte, montrant le pavillon à fa gauche.
Pcdrille , empare-toi de cette porte.
(Pédrille y va.)
Bazile^ bas â Figaro.
Tu Tas furpris avec Suzanne ?
Le Comte, montrant Figaro.
Et vous, tous mes vafTaux, entourez -moi cet
homme , & m'en répondez fur la vie.
B A Z I L B.
Ha! ha!
L*E Comté furieux.
Taifez-vous donc. {4 Figaro d'un ton glace.}
Mon Cavalier , répondez-vous à mes queftions ?
Figaro, froidement.
Eh! qui pourrait m'en exempter, Monfeigneur?
Vous commandez à tout ici , hors a vpus-même.
«I
111 LE MARIAGE DE FIGARO,
Lb Comte, y? contenant.
Hon â moi-même !
Antonio»
C eft çâ parler.
Le C o m t.e reprend fa colère.
Non, fi quelque chofe pouvait augtnenter ma
&reur! ce ferait l'air calme qu'il a&âe.
F Z G A R. o.
Sommes-nous des foldats qui ment 6c fè font
tuer, pour des intérêts qu'ils ignorent ! Je reux
favoir, moi, pourquoi je me radie.
Le Comte hors de lui.
O rage! ( fe contenant. ) Homme de bien qui
feignez d'ignorer! Nous ferez vous au moins la
faveur ^ç nous^dire, quelle eft la dame aâuelle-
ment par vous amenée dans ce pavillon?
Figaro, montrant P autre avec malice^
Dans celui-là?
Le Comte, yîte^
Dans celui-ci. *
F z G A Jt o, froidement.
C'eft différent. Une jeune perfonne qui m'ho-
nore de fes bontés particulières.
B A z I L E itonne.
Ha, hai ^
ACTE CINQUIEME. 225
L JB C o M T £^ vite. .
Vous l'entendez » Meflîeurs.
Bartholo étonné.
Nous l'entendons?
Ljb CokTE,^ Figaro.
Et cette jeune perfonne a-t-elle un autre enga-
gement que vous fâchiez ?
F I G A R O) freidèmint.
Je ^ais qu'un grand Seigneur s'en eft occupe
quelque tems : mais ^ foit qu'il l'ait négligée , ou
que je lui plaife mieux qu'un plus * aimable y elle
me Qonne aujourd'hui la préférence.
Le CoMTi, vivement.
ta préf. .... (fe contenant. ) Au moins il eft naïf!
car ce qu'il avoue , Meflieuf s , Je l'ai oui , je vous
jure » de la bouche même de fa complice.
B R I d'o I s o n ftupéfait.
Sa - a complice !
L 1 Comte avec fureur.
Or quand le déshonneur eft public , il faut que
la vengeance le foit aufli.
(// entre dans le pavillon.)
1X4 LE MARIAGE DE FIGARO^-
SCENE XII L
TousxES AcTEtjRs précéoens , hor$ LE COMTE»
A N T O H I 0«
I
Qui - i donc a pris la femme de laucre ?
Aucun n a eu cette joie là.
^
^
SCENE XIV-
Les AcTEVRs PuiciDENS LE COMTE,
CHÉRUBIN.
Le Comté parlant dans le pavillon & attirant
quelquun qu*on ne voit pas cncor»
X o u s vos efforts font inutiles ; vous êtes per-
due y Madame j & votre heure eft bi^n arrivée !
( il fort fans regarder ) Quel bonheur qu'aucun gage
d'une union auifi detçftçç • « . •
Figaro
ACtÈ CINQUIÈME. ii<
F t G A R ô s'écrit.
Chérubin !
L t G O M T In
Mon Page?
B A Z I t Bii
Ha 5 ha!
'Le Co3^tb> AorJ rf^ /wi. {à part)
Éc toujoui^s le Page endiablé! (A Cherubim)
Que fefiez-vous dans ce fallon ?
CHéRUBiN^ ttmidement.
Je me cachais ^ comme vous lavez ordonné»
PÉBRILLEi
Bien la peine de crever un cheval 1
Lé Comté*
Entres^y toi , Antonio ^ conduis devant fotti
|uge , l'inÊme qui ni'a déshonoré.
BaiD'otâOï^.
C*eft Madame que voua y - y cherches^ ?
A N t o i^ I Ôi
L*y a parguenne^ Une bonne Ptovidencej voM
en avez tant fait dans le pays ^ . . «
L 1 Comté furieux,
Entre donc. ( Antonio €ntr<é)
P <*
iiff LE MARIAGE DE FIGARO^,
iAmMH
SCENE K V.
Lfts Acteurs precedens , excepte J^TOT^K^.
L B C O M T £•
Vous allez voir, Meflîfeûrs , que te Page n'y
était pas feuL
ChérU'ïïv, tîmidefnerït.
Mon fort eût été ttop cmel , fi qaelqù^ame fen-
fîhie n'en eût adouci lamertorme.
ti< ■ r 9, n i* lém tu
r I n
n à **i
«.. ^ — m. . ^^ ^.■. -> ■>.
S G E N E X V ï.
Les Acteurs PRâciDENS, ANTONIO,
MANCHETTE.
Antonio attirant par k iras^uelqu*un qu'on ne
voit pas encer*
J\ L L o N s ) Madame, il ne êiut pas vous faîi
prier pour en fortir, puifqu on fait que vous 7 êt<
faire
f êtes
vcntrce.
F I G A ïl o 4lV(£*W»
La petite coufine!
B.À 2 I l 2.
Ha^ ha!
ACTE CINQUIEME. 117
L B C O M T £«
Fanchette !
AwTONio ft rttoume & 3* écrie.
Ah palfèmbleii ! Monfeîgneur , il eft gaillard de
me choifir, pour montrer â la compagnie <jue
c*eft ma fille qui caufe tout ce train-4à !
Le Comte, outré.
Qui la favait U-dedans?
( // veut rentrer. )
BarthoiO) au-devant.
Permettez Monfieur le Comte , ceci , n'eft pa$
plus clair. Je fuis de fang firoid , moi.-
( // entre.*)
BrID^ OISON.
Voilà une affaire au - aufli trop embrouillée.
■pana**
SCENE XVII.
«
Les Acteurs PRécioEKs y MARCELINE.
BA.RTHOLO, parlant en dedans^ & fartant.
JN B craignez rien , Madame , il ne vous fera
fait aucun maL J'en répons, {Il/e retourne &
s'écrie. ) Marceline ! . » • .
Pi
' /
128 LE MARIAGE DE FIGARO^
B A 2 t L I«
Ha, ha!
Figaro, riant»
Hc quelle folie ! ma mère en eft ?
Antonio.
A qui pis fera.
Le Comte, outré.
Que m'importe à moi ? La Comtefle. . . . j
a ^ ■?
SCENE XVI I I.
Les Acteurs precédens, SUZANNE^
SuzANNEj fort éventail fur le vifage^
L E C o M T E»
. .i . . /i H ! la voici qui fort; (// la prend violem^
ment par le bras, ) Que croyez-vous , Meilleurs ^
<^e mérite une odieufe. . . .
Suzanne fe jette à genoux la tête baijfe'e.
Le Comte.
Non, non.
F I G a r o yJ jette à genoux de l'autre côté*.
LeComte, plus fort.
Non, non.
MARCELiNïyJ jette à genoux devant lui^
ACTE CINQUIEME. azj
Le Comte, plus fort.
Non, non.
Tojjs fe mettent à genoux , excepté Brid'oijbn^
Le Comte, hors de lui*
Y fuffiez-vous un cent l
SCENE XIX & dernière.
TOUS LES ACTEURS PRÉCÉDENS.
LA COMTESSE fort de l'autre pavillon.
La CoMTEssEyi jette à genoux.
J\ V moins je ferai nombre.
LeComte, regardant la Comtejfe & Sw^annc^
Ah> qii'ieft-ce que je vois !
B R I d' o I s o N,. riant.^
Eh pardi ce -- eft Madame.
Le Comte veut relever la Comtejfe.
Quoi c'était vous , ComtefTe? {d*un tonfuppliant)\
U ny a qu'un pardon bien généreux ....
La Cqmtbsse, ^/2 riant. -
Vous diriez , non j non , à ma place ; & moi pour
la troifième fois d'aujourd'hui, je l'accorde fans
condition. {Elle fe relève.)
130 LE MARIAGE DE FIGARO,
Suzanne fc relève.
Moi aufli.
*
Marceline fe relève.
Moi auffî.
F I G A R o yJ relève.
Moi auffi ; il y a de Tccho ici l
Tous fe relèvent.
Le Comte.
De récho ! — J'ai voulu rufer avec eux \ Vts
m'ont traité comme un enfant !
La Comtesse, </i rtant^
Ne le regrettez pas , Monfieur le Comte.
Figaro, sUJjuycmt les genoux avecjpn chapeau.
Une petite journée comme celle-ci , forme bien
un AmbafTadeur!
Le Comte, à Suzanne.
Ce billet fermé d'une épingle ? . . • .
S U Z A K N E.
C'eft Madame qui l'avait diÛé.
Le Comte.
La réponfe lui en eft bien due.
(// ba\fe la main de la Comtejfe. )
ACTE CINQUIEME. ijr
«
La Comtesse.
Chacun âura ce qni lui appartient.
( Elit donne lu bourje à Figaro & k diamant 4
Siqfznnc. )
Suzanne,^ Figaro.
Encor une dot.
Figaro, frappant la hourfc dans fa main.
Et de trois. Celle-ci fut rude à arracher !
Suzanne.
4
Comme notre mariage.
Gripe-Soleil.
Et la jarretière de la mariée, Taurons-je?
La Comtesse arrache h ruban quelle a tant
gardé dansfonfein^ & le jette à terre.
La jarretière ? Elle était avec fes habits ; la voilà
Les Garçons de la noce y^eulent la ramaffer.
Chérubin, plus alerte , court la prendre & dit:
Que celui qui la yeut^ vienne n>e la difputer.
Li Comte e/2 riant , au Page.
Pour un Monfieur fi chatouilleux, qu'avez -vous
trouvé de gai à cenain fouflet de tantôt ?
Chérubin recule en tirant à moitié fon épée.
A moi, mon Colonel?
P4
4,1 LE MARIAGE DE FIGARO,
F j 6 A R o y avec une colère comiques
C'eft fur ma joue qu'il Ta reçu : voilà comm<(
\çs grands font juftice!
Le Go.i^Ti, riant,
• «
C'eft fur fa joue ? Ah , ah , ah > qu'en difes-voust
donc , ma chère Comtefle ?
La Comtesse abforbée revient à elle ^ €h
dit avec fenfibilité.
Ah! oui 5 cher Comte , & pour la vie, fans dîf-
traârion , je vous le jure.
Le Comte, frappant fur P épaule du Juge.
Et vou$ Don-Brid oifon , votre avis maintenance
Brid'pisqk*
Su-ur tout ce que je vois , Monlîeur le Colite ? . ^
Ma- a foi , pour moi je - e ne fais que vous dire 3
voilà ma façon de penfer.
Tous «N91MBX.£^
Piçti jugé,
Figaro.
J*étais pauvre , on me méprîfaît. J'ai montré
quelque efprit , la haine eft- accourue. Une jolie
temme & de la fortune, . • . •
T^AKTuo'LO^en riante
Les ccBurs vont te revenir en foulç*
9
F I Q A ÏC G^
Eft-il poflîble > '
ACTE CINQUIEME. tjjg
Bartholo.
Je les connais.
Figaro, faluant les Spectateurs.
Ma femme ic mon bien mis â part ^ tous md
feront honneur & plaifîr.
On j eue la ritournelle du Vaudeville. (Air noté.)
VAUDEVILLE.
B A Z I L B.
PrEMIEB. COUPLIT.
Triple dot , femme fuperbe ;
Que de biens pour un époux !
D'un Seigneur, d*un Page imberbe 5
Quelque fot ferait jaloux.
Du ladn d*un vieux proverbe ,
L'homme adroit fait fon parti.
Figaro*
Je le fais
( Il chante ) Gaudeant hitie nari*
B A Z I L I.
Non
( Il chante ) Gaudcat bene nanti#
Suzanne.
II. Couple T4
Qu*un mari fa foi trahîffe ,
Il s*en vante , & chacun rît ;
Que fa femme ait un caprice 9
$*U Taccufc on la punit.
ji)4 LE MARIAGE DE FIGAIVO»
De cette abfurde injiiftice «
Faut-il dire le pourquoi ?
Les plus forts ont fait la loi. • * • • » Bîs^
F I Q A K Q.
I I I. C O U F L E T.
Tean Teatmot jaloux rifîble »
Veut unir femme & repos ;
Il acheté un chien terrible ,
Et le-^cho en fon enctos.
La nuit, quel vacarme horrible !
Le chien court , tout eft mordu ;
Hors l'amant qui l'a vendu » • . » • Bîsm
La Comtbsse*
i v. c o u p l 1 t.
Telle eft fière & répond d'elle^
Qui n'aime plus fon mari \
Telle autre prefque iidfidèle »
Jure de n'aimer que lui.
La moins folie « hélas l eft celle
Qui fe veille en fon lien »...
Sans ofer jurer de rien ..«•••. Bîs.
Le Comte.
V. C O U P L E T^
D\me femme de province l
A qui fes devoirs font chers »
Le fuccès eft aifez mince \
Vive la femme aux bons airs!
Semblable à Técu du Prince ,
Sous le coin d^uja (eul époux.
Elle fert au bien de tous BU%,
1
w
ACTE CINQUIEME. ajj
Marceline.
yi. couplit.
Chacun fait la tendre mcre^
Dont-il a reçu le jour ;
Tout le rcftc cft uji myftèrej
C*e(l le fecret de Tamour.
Figaro continue Vtàu
CcTccrct met en lumière
Comment le fils d*un butor.
Vaut fouyent fon pefant d'or . . . . J5£r
VII. Coupi
1 T.
Par le fortde la naîflancc i
L'un eflRoi, Tautre eft Berger j
Le hazard fit leur diftance^
L'efprit fcul peut tout changer.
De vingt Rois que Ton encenfc ,
Le trépas brife Tautel 5 ,
Et Voltaire eft immortel Bis.
CniRUBiN.
VIII. Couplit/
Sexe aimé ^ fcxe^volage ,
Qui tourmentez nos beaux jours |
Si devons chacun dit rage.
Chacun vofls revient toujours.
Le parterre eft votre image 5
Tel parait le dédaigner ,
Qui fait tout pour le gagner . • • • . Bis.
fc3^ LÉ MARIAGE DE FIGARO^
S U Z A N N Ej}
I X. C o u p L E r, •
Si ce gai j ce fol ouvrage ,
Reafcrmait quelque leçon ^
En faveur du basdînage ^
Faites grâce à la raifon»
Ainfi la nature fagc
Nous conduit , dans nos defirs,
A fon but y par les plaifîrs. . • • « • Bisd
B R I D*0 I S O N<
X« É o 0\p t iS^Xé
Or Meilleurs la Co- omëdie »
Que Ton juge en ce -et influant;
Sauf erreur , nous pein - eint la ym
Du bon peuple qui l'entend.
Qu'on Topprime il pcfte , il crie 5
Il s*agite en cent fa-açons ;
Tout fini-it par des chanfons • « • • Bis^
Bali<it central.
Fin du cinquième & dernier Aâe^
S'adrejfer four la Mujique de V ouvrage y à. M* BAUDROiig
Chef d'OrcheJlre du Théâtre Français^
mBÊÊÊmÊmKmÊ ÊmÊÊmmÊmmmmmmmmmmmmmmÊm ÊmÊmKÊmÊÊmam
APPROBATIONS.
J *Ai la par ordre de Monficur le Lieutenant de Police , la
pièce intitulée : la Folie Journée , ou le Mariage de Figaro y
& je n*y ai rien trouvé qui m*ait paru devoir en empêcher
l'imprefllon & la repréfcntation. A Paris , ce vingt-huit
Février mil fept cent quatre-vingt-quatre.
Signé Co(^U£L£Y D£ Chaussejpierrz.
j
'ai lu par ordre de Monfleur le Lieutenant Général de
Police , la Pièce intitulée: la Folle Journée y ou le Mariage de
Figaro y & je n'y ai rien trouvé qui m'ait paru devoir en em-
pêcher la repréfcntation & rimpreflion. A Paris ^ ce vingt-Uil.
Mars mil fept cent quatre-vingt-quatre.
Signé Bret*;
V u les Approbations 5 Permis d'imprimer & rcpréfentefï
!à Paris , ce vingt-neuf Mars mil fept cent quatre-vingt-quatre*
Signé LENOIR.
'Achevé â^ imprimer pour Ut {réméré fois , le %2 Février.
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A P A R I s,
DE lImprimerie de Ph.-D. Pierres;
Imprimeur Ordinaire du Roi , &c«
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