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INTRODUCTION
LA FRANCE
DANS L'INDO- CHINE
INTRODUCTION
. Mon unique pensée avait été tout d'abord de li-
miter ce travail à l'examen de notre situation en
Cochinchine vis-à-vis du Cambodge et du royaume
de Siam. Je voulais éviter avec soin de parler du
Toiikin et de l'Anitam, dans la crainte de réveiller des
passions endormies, de provoquer des débats irri-
tants. Mais j'ai réfléchi que l'avenir de notre colonie,
au sud de l'Indo-Chine, depuis que nous sommes si
gravement, si complètement engagés dans leTonkin,
n'était pas sans dépendre désormais du sort de notre
nouvelle colonie limitrophe de la Chine. Pour rài«
sonner sur la première, j'ai dû malgré moi m'oc-
cuper de la seconde. J'apporterai dans cette étude
toute l'impartialité, toute la modération de langage
qu'on doit attendre d'un homme exempt de parti pris
f^
4 U FIU2U1B DANS L*1I«D0-CH»«E
et qui n*a qu*un seul et unique but : accomplir une
tAcho utile, mettre en garde son pays contre des
illusions dangereuses, lui faire entrevoir dos périls
qu*il semble ignorer, lui indiquer enfin les moyens de
les conjurer. Malgrô les enquêtes qui ont été faites,
la question tonkinoise est, pour beaucoup, demeurée
fort obscure. Klle nous a procuré pourtant, \vxr les
débats qu*clle a occasionnés, le douloureux si)ectacle
de rivalités bien fûclieuses.
A côté des aniinosités les plus exagérées elle a sus-
cité les ambitions les plus désordonnées et souvent
les moins justifiées. Les ministres dont elle a causé
la chute continuent h soutenir le bien fondé de
leur conduite; ceux pour lesquels elle a été Tocca-
sion d'arriver au pouvoir ont, par la force des choses,
suivi les errements de leurs prédécesseurs. C'est ainsi
que la situation de la France en Extrême Orient est
restée grave et devient de plus en plus précaire. Elle
est aussi problématique qu'au premier jour.
L'ennemi vaincu la veille reparaît le lendemain plus
nombreux, plus expérimenté, toujours infatigable.
Nous allons de victoire en victoire!... On nous en
promet d'autivs semblables, car les pirates c surpris»
d'un côté reparaissent ailleurs. On les surprendra
encore, la chose n'est pas douteuse. On Ks battra de
nouveau, ici comme là, partout oii on les rencon«
trera. La belle affaire ! Et puis, après? Après? Je me
souviens qu'ainsi nos armes ont été victorieuses
ismoDCcnoN 6
pendant cinq ans du nord au sud du Mexique, ti
bien qu'à force de battre des gyeriUaê nous avons
étô forcés do rembarquer notre corps expédition-
naire & Vcra-Gruz.
Triste, mais futaie perspective que celle-là, qui
résulte habituellement des succès glorieux et san-
glants obtenus dans tout pays qu'on prétend con-
quérir et qui se défond quand même d*£tre occupé.
Nos constants triomphes au Tonkin me remplis-
sent d'eiïroi. Je songe sans cesse, et malgré moi,
au Mexique, où, prenant part aux opérations de
guerre, j*ai assisté à tant de victoires!
J'ai également contribué aux expéditions de Chine
et de Cochinchine. J*ai visité la c6te tonkinoise
en 1858. Le 8 octobre de celte môme année, je suis
entré dans le fleuve Rouge, envoyé en mission spé-
ciale, — avant mon camarade F. Gamier — par
l'embouchure du Cua Bac-Lac-Dong.
J'ai donc suivi les récents événements qui se sont
passés dans ces |)ays de l'Kxtréme Orient avec un
soin particulier.
J*ai pu me rendre un compte exact de tous les
faits qui ont été relatés de diverses manières sur
notre nouvelle colonie.
De là ma résolution de faire connaître mon opi-
nion sur un iiarcil sujet. Pour rendre mon travail
le plus clair possible, j*ai cru plus méthodique de le
diviser en deux parties.
6 u rnAitcE dams l*imdo-€iii?(b
Dans la première, jo ferai Texposé de notre situa«
lion actuelle au Tonkin et dans TAnnam vis^-vis de
la Chine.
Dans la seconde, jo m'occuperai de la Cochinchino,
do notre protectorat au Cunbodgo et enfin do nos
rolationn avec lo ruyaunie do Siani. Je dirai aussi
quelques mots de notre dernier traité avec la Dir-
mnnio.
Avec toute la réserve que mUmpost) la tûche que
je me suis tracée, je terminerai en indiquant la poli-
tique qui me paraîtrait devoir être adoptée par la
France dans ces diverses régions lointaines.
J*espére que mon œuvre méritera au moins d*étre
appréciée comme une œuvre honnête et loyale.
CHAPITRE PREMIER
TOKKXH - AXntAU
CHAPITRE PREMIER
TONKIX — AN.XAM
De loua temps, dans toutes les circonstances, J*ai
manifesté les- sentiuicnis les plus hostiles aux pro-
jets d*une occui)ation du Tonkin, telle qu'elle est
pratiquée aujourd'hui. J'ai toujours considéré cette
conquête comme inutile, estimant que la Gochin*
chine suffisait aux besoins de notre |x>litique colo*
nialc en £.\ti*émc Orient et qu'elle ^lourrait rendre
les serviceâ qu'un croit attendre du Tonkin. J'ai
pensé également qu'une exi)édition si lointaine, en
nous rendant, par la force, les voisins umbjiré lui
d'un peuple de U5Q millions d'habitants, deviendrait
tùt ou taixl |)our nous un danger, dût-elle même
s'accomplir sans trop de sacrifices de notre part et
favoriser les vues immédiates do ceux qui croyaient
devoir la tenter. Et, sur ce dernier ixiint, je m'em-
presse de dii*e «lue je no sus«t)eclo les bomies inten»
tions ni les convictions de persimno*
I.
10 U PlU!fCE DA!IS L*l!IIM>-€RI!fE
Je me suis, on le voit, toujours bien plus préoccupé
de Tavenir que du présent; et combien souvent, au
milieu de mes craintes, j*ai songé h cette fatidique
dépêche du 9 octobre i88i, de M. Ristelliueber :
c Li-IIong*Chang déclare qu'une gueire, quelque
heureuse qu'en fût Tissuc pour la France, aura pour
elTet de fah*e prendre en haine le notn français^
haine qui pourrait devenir funeste à la colonie que
la France veut fonder aux j^rtcs de la Chine, »
Ces craintes, je le n^pC'te, je les ai eues dus Tori-
gino. J'en étais proiVmdénicnt pénôtrô lorsque, les
5 et 7 juin IS8:), je publiais les deux articles qui
ont paru, sous ma sigiiatui*e, dans le journal le Jour^
dont j'étais alors le directeur.
Dans le premier de ces articles, je prévoyais les
difRcultés que rencontrerait forcément notre corps
expéditionnaire et j'indiquais, non sans quelque cou-
rage, au gouvernement les deux solutions entre les-
quelles il a>ait h, choisir.
Je les résumais en ces teimes :
c 1* Ucnoncer — pour le moment du moms — à
toute idée de conquête ou de protectorat du Tonkin
et se borner h maintenir dans le Delta une situation
militaire suflisamment forte; en un mot, ménager
jiotrc iniluence par l'adoption d'un moduê vivendi
librement consenti entre la Chine et nous. En ce
cas, nous nous contenterons de nous faire recon-
naître certains droits de commerce et de navigation.
TOKKW — AHIIAII 11
c 2* Marcher hardiment à la possession du Tonkin
sans se dissimuler les difilcultés de Tentreprise
aussi bien sur terre que sur mer, et demander aa
pays les sacrifices nécessaires en hommes et en
argent pour conquérir une province riche, admira-
blement située, non pas sur son empereur légitime
Tu-Duc, mais sur un gouvernement étranger auquel
porte ombrage Tidée de notre voisinage futur. »
Ce gouvernement étranger que je désignais ainsi
était évidemment celui de Pékin.
Dans le second article, celui du 7 Juin, Je me pro-
nonçais avec toute Ténergic possible pour la pro«
miôre de ces deux politiques. Mon sentiment no
s'est pas modifié à cet égard, même & Tlieure pré-
sente.
Je ne peux donc être soupçonné de m'étre fait un«
opinion après coup ou d'avoir obéi à un mobile
intéressé.
Je dois pourtant dire que j'aurais volontiers
admis, mais comme un maximum^ l'occupation du
• Delta dans les conditions présentées par M. Douré«
à M. Duclerc, ministre des Aflaires étrangères. On
se souvient que notre ministre à Pékin soumit au
quai d'Orsay un projet de convention qui procura
l'occasion à M. Challemel-Lacour de déclarer la
Chine une c quantité négligeable ».
Pourquoi la France ne s'en est-elle pas tenue à
' celte proposition? Et comme il est regrettable qu'un
iâ U FftA.NC8 OA^'IS L^INOO-CIUM
homme d*État de la valeur, de rintelligence incon-
testables de M. Jules Ferry ait préféré & cette solution
agréable & la Chine, due pour aitisi dire à son amitié
pour nous, ce traité de Tien-Tsin, instrument pré«
Caire, au sujet duquel M. Patenôtre, ministre de
France, écrivait déjà -— comme cela se peut voir
dans le Livre Jaune — en date du 17 août 188-1 :
c Le Tsong-U-Yamqn fait savoir aux représen-
tants étrangers que c*cst la France qui a déchiré le
traité de Tien-Tsin, en obligeant le roi d*Ânnam
à rendre U sceau d*investUure conféré par la
Chine. >
J*ai prétendu, à propos du projet de convention
présenté k la France par M. Bourée, que la solution
contenue dans ce projet était pour ainsi dire « due
à raniitié de la Chine elle-même ».
Je dois à cet égard quelques explications particu-
lièrement intéressantes, car les dispositions du gou-
vernement chinois vis-à-vis de la France, h ladite
époque, sont peu connues.
Je suis forcé do remonter au mois d*avril 1880.
M. Dourée, qui venait d'arriver ii Pékin pour y
représenter la France, y trouva une situation fort
tendue entre la Cliine et la Russie. La guerre était
imminente enti*e ces deux vastes empires. L'Alle-
magne avait intérêt à attiser la discorde. Elle s*y
employait activement. Son but était de paralyser les
moyens d'action de la Russie du côté de la Vistule,
TUKKUI — AMTIAX iS
en immobilisant une partie considérable de ses
forces dans TExtrème Orient.
C'est ce que comprirent parfaitement le ministre
de France et son collègue sir Thomas Wade, repré- ,
sentant rÂngleterre auprès de l'empereur de Chine.
Le diplomate anglais prévoyait justement les per*
turbations ruineuses pour le commerce britannique
qui seraient, en £xtr(>me Orient, le résultat d'un
conflit russo-cliinois. Quant & M. Douréc, il ne pou-
vait avoir d'autre but que de laisser la llu.s8ie indé-
pendante et libre d*agir, en Eui-ope, contre les agis-
sements occultes de M. de Disniarck.
Les conseils pacifiques des ministres de France
et d'Angleterre prévalurent heureusement auprès de
la cour de Pékin; et il me laut rendre un hommage
tout particulier et mérité à M. Dourée, qui, en toute
cette alTaire, a joué un rùle pré(K>ndérant. DVilleurs
le gouvernement cliinois ne s'est pas fait faute de le
reconnaître avec elTusion, dès ({ue l'accord a été
sanctionné par le traité qui fut signé à Saint-Péters-
bourg, entre les deux puissances, en l'année 1882.
Mais ces bonnes dispositions de la Chine devaient
bientôt être altérées gravement par les événements
qui survinrent au Tonkin.
On a accusé M. Jules Ferry d'en être le véritable,
presque le seul auteur. Certes le ministre des Aflaires
étrangères, qui, malgré tous les conseils de la plus
stricte prudence, n'a pas craint d'ordonner le mou-
i4 LA FRANCE DANS L^IIVDO-CniKB
vçment sur luing-Son, a assumé uno grande respon-
sabilité. Muis les circonstonccs politiques du mo-
ment, le besoin pour lui do so mouvoir dans un
parlcincntarisino étroit, encombré do nullités gé«
nantes autant quo servilcn, no sont-ib pas cause
qu'il s*08t, à tort bien entendu, laissé cntruinor plus
loin quMl ne Taurait voulu peut-être, et qu'il a été
dès lors empêcbé de se rendre un compte exact
d'une situation singulièrement compliquée et em«
mêlée?
Le temps rendra justice à chacun. Je continue
riiistoriquc simple et rapide de ce qui se passa &
Pékin au moment où les relations entre la France
et la Chine subirent un malaise sérieux, en raison
do notre intervention armée au Tonkin.
M. Ik>urée, surpris, comme le gouvernement chi-
nois, par des actes que nul n'était autorisé h pré-
voir, nMiésita pas & rappeler les services par lui
rendus de 1880 à 1882, et réclama en retour du
Tsong-Li-Yamen une manifestation de sa gratitude
à laquelle il avait d'autant plus de droits qu'il sY*tait
montré absolument désintéressé jusqu'alors.
Il so trouva alors, conimo Tannée précédente, en
présence de Li-llong-Tchang, avec qui, deimis les
alTaires russes, il était resté très lié.
L'entente s'établit facilement entre ces deux di-
plomates.
C'est ainsi que, de leur commun accord, sortit le
T0KEI5 — AH5AX 15
projet de c convention Bourée ». Les propositions
faites à la France étaient doiîc sincèrement amicales
de la part de la Chine. Acceptées par le gouverne*
ment françnis, elles nous eussent évité de nous en*
gnger plus avant dans une guerre dont il est encore
impossible de prévoir les conséquences et qui au«
toriso toutes les inquiétudes.
On a contesté la réalité de cet arrangement ou du
moins son acceptation par la cour de Pékin.
' Ce bruit fut répandu, il est vrai, mais intention*
nellement par le marcjuis de Tseng, qui était Tadver-
saire politique du vice-roi et qui, dans Tespoir de
faire échec à ses vues, cherchait h pousser les
choses au pire et à provoquer un conflit.
• La réalité de Tadhésion du Tsong-Lt-Yamen à ce
projet de traité élaboré parle vice-roi et par M. Dou*
réc n*en est \)as moins, incontestée par les gens
qui savent. Elle a été d'ailleurs constatée |)ar une
dépêche officielle do U-IIong-Tcliang lui-même.
Aller ù rencontre de cette vérité c*est vouloir
nier le soleil. La chose a été tentée cependant en
présence des résultats acquis, plus taitl! Il ne me
convient i>as de rapiHïlcr ici ces irritantes et bien
malheureuses circonstances.
Puisque j*ai parlé de la convention Dourée, Je
dirai également quelques mots aussi de la conven-
tion Fournier et des conditions dans lesquelles elle
a été produite.
16 u rnxscz da.ns l*irdo-ciiifik
M. Fournier est un capitaine de vaisseau de la
marine française» par cons<îquent un de mes anciens
camarades : officier brave, brillant, très intelligent,
très cslim(3, excellent marin, qui a fuit ses débuts
comme diplomate, lo G mai i88i, à Tien-Tsin. On ne
saurait donc lui reprocher la rapidité vertigineuse
qu*il mit à sVntendro avec Li. Kn eilet, le 7 une
entrevue eut lieu entre lo vice-roi et lo diplomate
mnrin, et dt>H lo 8 rniniVnl LoHpès recevait lo projet
do eouvenlion «lu eniniiuuidanl du Voltu, M. Four-
nier n^olauiait eu iui^uio teinprt, par télégraphe, du
ministre de la marine, Tauiiral Peyron, Ica pleins
pouvoii*s pour signer. M. J. Ferry les lui envoyait
sans (pt'il eiU à attendre l'arrivée de son chef, raniiral
Lespés. I^ convention était ainsi signée le 11. M. J.
Ferry félicitait, le i% riicurcux négociateur!
Je me garderai de me montrer sévère pour mon
ancien canutrade, peu apte h la besogne qu*il a
accomplie trap hâtivement, comme je viens de
rindi(pier. En réalité, il n'était pas sufTisammcnt
préparé au rûlo qu'il avait accepté et que le minis-
tère lui confirma trop légèrement par ses approba-
tions l'épétécs.
On se nippelle qu*il fallut introduire d'importantes
modillcations au texte primitif do sa convention.
Mais ce qui Uxi particulièrement funeste dans les
négociations poursuivies fiévreusement & Tien-Tsin,
ce fut la convention addUionnélle par laquelle le
TO!fKUf — AKHAll i7
commandant Fournier crut avoir réglé les condi-
tions de l'évacuation de LAng-Son. Cet officier ne
savait pas le chinois, et il n'avait pas songé & iaire
venir auprès de lui un interprète français, quand
il conclut avec le vice-roi. Il s*cn est suivi qu'entre le
texte français et le texte chinois les divergences de
sens furent profondes. C*est ainsi que les mots
évacuation immédiate furent traduits en chinois
par évacuation aitttëitôt que ponuihîe^ et ainsi du
reste.
Mais ce n*cst pas tout. I/)rs<iu'il s'nglt do préciser
des délais pour le retrait des troupes chinoises, le
vicc'voi ne voulut prendre aucun engagement^ pa$
même celui de propowr ccé dates U la cour de Pékin.
On ne s'explique donc guère par suite de quelle
erreur certainement involontaire, la veille du jour
où l'accord définitif devait s'établir sur ce point
entre le vice-roi et M. Fournier, ce dernier ait pu
se croire autorisé & télégraphier au général Millot
pour lui donner, comme acceptés officiellement, les
délais d'évacuation au sujet desquels il s*était seule-
ment entretenu avec le vice-roi, sans que leur
entente peraonnelle eût encore reçu, même entre
eux, la sanction d'une signature quelconque.
Ce qu'on a appelé depuis le guct-ai)cns do liac-Lô
était fulal dans do pareilles conditions!
Faut-ll, pour expliquer cet événement déHaslrcux,
s'en prendre absolument h l'iuipré voyance, à l'in-
18 U FRANCK DANS L*l!<IDO-CniRB
compétence du n(^goctatciir? Faut-il en rechercher
les causes ailleurs?
Quoi qu*il en soit, tout a été fait h la légère. On
s'est contenté de demi-résultats que Ton a présentés
comme complùtcnicnt acquis, persistant à tenir pour
négligeables la Chine et ses armées.
On a cru pouvoir aller de ravant,et,pour arriver à
le résoudre, on a supposa le problème dêj& résolu !.. ..
De \h Unig-Son après Bac-Lé I...
Quoi qu'il en soit, la déclaration du 17 août 18^i
do M. Patonôtro se faisant Tinterprèto de la cour
de Pékin, ù savoir : que « la France avait déchiré
le traité do Tion-Tsin en obligeant le roi d*Annam h
remh*e lo mrun tVinvestitiive^ conféré pur la Cliino »,
auntit dû sériousenuMit évoillor r»ttontion du gou-
verneur Û*itncaist
Qu*avons-nous fait pour i*emédier ft ce maP?nien.
Nous n'avons, au contraira, reculé devant rien pour
compliquer la situation. I^ général de Courcy l'a
rendue plus difficile que jamais.
Et c'est pour mettre fin à tous ces embarras mul-
tiples que la direction des afTaires, retirée à l'élé-
ment militaire, a été confiée ^ l'élément civil. Des
expériences semblables faites ailleurs avaient cepen-
dant donné lieu déj:\ h des rivalités, h des confiits
regrettables. Au Tonkln, les mêmes rivalités et les
mêmes confiits sont survenus. Nos généraux re-
viennent ou demandent (i revenir. Aucun no se dé^
TOICKIR <— AKNAN 19
cide à aller les remplacer. Que va*t-il résulter de
ees difflcultés nouvelles?
Et pourtant c'est un homme d*une haute capacité,
d*une intelligence supérieure, possédant d*émi-
nentes qualités, qui a été désigné pour occuper le
poste de résident général à Hanoi.
M. Paul Bert est animé des intentions les plus
louables. Il travaille, il se remue, il veut se rendre
compte par lui-môme des besoins de la colonie.
C'est évidemment ainsi qu'il s'est pénétré de ce
sentiment : que la question militaire n'était plus que
secondaire ctqu'uiioadminislnition civile, vigilante,
bienveillante et énergique h la fois, suffi mit au
Hurc^ri do rtiMivro qu'il s'est chargé d'arroinplir.
Mais, liélant 1i*h piUainh sont toujours Iti, dont le
nombre acci*oU sans ccmsc. M. Paul lk4*t lui^mémo
le consluto dans ses dépêches.
Administrer sans avoir préalablement assis la
conquête me parait un problême impossible à ré-
soudre. J*ai eu l'occasion de causer plusieurs heures,
dans mon bureau du ConstHutionnel, avec le rési«
dent général, avant son départ. j*ai été séduit par
sa parole chaude et entraînante. II m'a souvent tenté
de partager ses espérances; je n'ai pu m'empécher
d'en concevoir quolfpics-unes. Mais je n'ai pas pu
ne pas conserver tous mes doutes sur l'opportunité
d'une direction civile chargée do la pacification et de
radiuinintratlon du Tonkin et surtout do l'Aimamt
20 U. FRARCB OA!«S L*lllDO-ClinCB
El lors môme quo M. P. Bert réussirait dans sa mis-
sion, dovrions-nous tant nous en réjouir?
En posant cette question, Je tourne mes regards
vers ce colosse presque ignoré, mal compris, trop
dédaigné; vers ce voisin attentif et patient < dont la
haine, suivant les expressions de Li-Hong-Chang,
pourrait devenir funeste h la colonie que la France
veut fonder aux portes de la Chine » ; vers ce peuple
considéntble par le nombre, rusé, perspicace, qui a
ouvert enfm ses portes & la civilisation européenne;
vers cette fourmilière, travailleuse, économe, sobre,
vivace, naissante, qui s'apprête & grandir.
Un journal a publié dans ces temps derniers une
prétendue convcrsiition qu'un de ses rédacteurs
aurait eue avec le mai*quis de Tseng, habile diplo-
mate, grand palriote chinois, qui connaît bien son
pays, qui Taimc et qui, pendant la récente guerre,
lui a rendu des services qu on n'a pas sutTisamment
appréciés en Europe.
C'est h\ un véritable homme d'État asiatique, qui
a parfaitement compris l'Europe et qui envisage
l'avenir de la Chine avec une saine raison.
D'après son soi-disant interlocuteur, le mar-
quis de Tseng aurait tenu les propos suivants :
« lA;hiU des Chinois est de rcconstiUtei* leurs force»
de terre et de mer^ surtout afin d'être prêts à tout
événement,
c Que ce soit la Finance, V Allemagne^ V Angleterre
OH la RuMêiet la Chine est décidée à faire respeeter^
partout et toujours^ l'intégrité de son territoire^
tout en exécutant toutes les clauses des traités exiO'
tants, »
Le diplomate chinois a démenti et Tentrevue
et le langage qu'on lui avait fait tenir. Il n'a donc
pas prononcé les paroles qu*on lui a attribuées.
Mais ces sentiments qu'on lui a prêtés ne sont-ils
pas, en réalité, les siens ? En le niant, ne risque-
rait-il pas de désavouer toute sa conduite en Europe
pendant le séjour qu'il y a fait, en qualité d'am-
bassadeur de son pays; et son un peu trop osé
interlocuteur n'est-il pas dans l'exacte vérité quand
il déclare :
c Un nouveau parti commence & manifester ses
aspirations patriotiques. Au contact des Européens,
ce parti songe à s'approprier la doctrine do Monroé,
et c'est en jetant un regard haineux et méllant aux
Français et aux représentants des autres nations
qu'il inscrit sur son drapeau : La Chine aux
Chinois! »
< La Chine aux Chinois I > N'oublions pas ces
paroles fatidiques. Disons-nous bien aussi que, dans
ce cas particulier, le mot c Chine » embrasse tous
les pays sur lesquels s'étend la suzeraineté de l'Em-
pereur, Fils du Ciel.
Et d'ailleurs, cette appropriation de la doctrine de
Monroé ne serait pas seulement l'œuvre des Chi-
ââ U FRANCE UAN5 L'l?iOO-aiI»B
nois. Ne la voyons-nous pas gagner Madagascar?
£t elle ne s*arr(>tera pas en si bon chemin^ qu*on en
soitsAr.
Pour le umnicnt, la Chine sup|)orte sagement le
|)oids do ses revers. Nous Tavons surprise à Fou-
Tchéou, nous y avons détruit sa flotte et son arsenal.
Nous lui avons infligé des pertes sérieuses aux Pes-
cadorcs, dans Tlle d*llaïnani ; nous Tavons gravement
atteinte au Tonkin, à Sohtay, h Bac-Ninh. Mais ces
malheurs même lui ont servi de leçon. Elle a beau-
coup appris pendant cette guerre ! Elle nous a vus
fuir une fois devant ses soldats inexpérimentés,
et siy après notre échec, elle a encore consenti Ix
traiter avec nous, ce n*est que pour pouvoir se
mieux recueillir et prendre plus sûrement sa re-
vanche.
Nous nous apercevons déjà que, selon Tliabi-
tude asiatique, elle ne recule pas devant les plus
hypocrites moyens pour éluder les engagements
qu*eile a contractés vis-ù-vis de nous.
Le Tsong-Li-Yamcn a parfaitement dépeint la
situation le jour uii il dit à M. de Somaillé que « la
Cliine peut se laisser contraindre par la force ».
Mais dés qu*ello sera persuadée tiu'elle est en état
de lutter avec avantage contre nous, elle ne nous
maix'handera ni sa c haine » ni sa « mauvaise
volonté ». Puisse-t-il éti'e encore bien éloigné le
jour où elle croira pouvoir nous les témoigner
TORUR — A9NAN 83
toutes deux! Eu attendant» elle s'organiae, elle se
prépare au combat.
On parle do cuirassés chinois qui viendraient
visiter les ports du vieux continent. Les aventuriers
de toutes les nations vont s'offrir & elle ppur ins-
truire ses marins et ses soldats ; les fortifications de
ses villes, de ses ports, de ses arsenaux sont déjà
relevées; on les réédifie à Teuropéenne. Il serait
dangereux de ne pas envisager l'avenir de nos rela-
tions avec le grand Empire du Milieu tel qu'il se
pi-ésente à nous.
L'insolence récente du vice-roi de Canton à
regard de notre consul, qui lui avait réclamé une
indemnité de 1750000 francs, est très significative
et nous donne un avant-goAt de ce que les Clûnois
nous réservent pour plus tard.
Le langage du représentant de l'Empereur est à
lire et h méditer.
c La déclaration de guerre, répondait-il à notre
consul, a arrêté les alfaircs à Fou-Tchéou, Formose,
Ning-Po et ailleurs. Vos soldats ont iounnenté et
piUti les bourgeois, les fermiers, les laboureurs, les
marchands, les marins et les pécheurs de toutes ces
localités. Us ont détruit, dans une très grande me-
sure, la vie, la pix>priété et les navires. Mais cela
touche d'autres provinces : dans la mienne, vous
avez saisi les vapeurs de Canton, bloqué Pakliol,
arrêté le commerce maritime de Swatow et de Kiang«
24 U FRANCE DA!IS L*IFIDO-Cni?IB
ChoUy et causé ainsi une perte de 3 800000 taéls.
D*après la loi internationale» Vagres^eur doit payer
pour les dégûts quMl a causés. Je vou9 demande donc
de me faire savott* comment vo^a entendez régler
cette i^clamation et à quelle époque vou$ avez Vin^
tention de la payer. »
Est-co tout*? Pas encore. LMnsoIcnco du vice-roi
va plus loin. Il suppute ce qu'il lui en a coûté pour
la défense des cétcs contre les Français, c Je cal-
cule, dit-il, que j'ai di\ dépenser environ 4 millions
de tuéls pour l'achat des canons et des navires, et je
n'ai pu encore réunir toute cette somme..., » et il
déclare iroiruiuemcnt au consul de France que,
puisqu'il a le désir d'entretenir de bonnes relations
avec la Chine, < il no saurait mieux faire que de con-
tribuer à couvrir des dépenses que les Français lui
ont occasionnées ».
Le facétieux Chang-Chi-Thang, en traitant de la sorte
notre consul, n'avait-il pas la secrète pensée qu'il
ne courait aucun risque de voir les flottes françaises
mouiller comme autrefois devant Canton pour ap-
puyerles réclamations des représentants de la France?
Aurait-il cu« sans cela, l'impudence de lui nier
mémo le di*oit de s'occuper des chrétiens ? Se se-
rait-il aventuré h lui dire : c Autoriser une pareille
immixtion ce serait autoriser une immixtion directe
dans les alTaires d'un État souverain et de pro-
téger ses propres sujets. »
TOKKIR — A5!IA1I S5
Eh bien ! mais voilà un Chinois qui me semble
vraiment parler fort bien, tout comme parlerait un
fonctionnaire français, anglais, allemand ou russe
si un étranger quelconque prétendait s'immiscer
dans les aflaires do son pays et c protéger ses pro-
pres sujets ». Nous avons appris cela aux Chinois.
Ils profitent do nos exemples, et, le 12 octobre IHâO,
nous en sommes réduits h annoncer, presque avec
ostentation, que c le vice-roi de Canton a bien voulu
accorder enfln, au consul de France, Taudience que
ce dernier lui avait demandée. >
Voilà pourtant oCi nous en sommes arrivés déjà!
Aussi, quand un journal publie la nouvelle sui»
vante :
« La commission de délimitation du Tonkin fonc-
tionne malgré Tabsence de son président, M. Bour-
cier Saint-ChafTray.
< Mais un télégramme du général Jamont annonce
que Tescorte de cette commission a été attaquée en
amont de Laokal, le iO août dernier. Un sous-odicier
d*infanterie de marine, M. Gueit, qui commandait
les tirailleurs tonkinois, a été légèrement blessé.
< Le général Jamont déclare que cette attaque
aurait été préparée par les commissaires chinois.
Ceux-ci désirent quitter au plus vite ce pays do
montagnes, très malsain en cette saison, et ce guet-
apens leur en aurait ser\'i de prétexte. Que penser
d*un pays oix les Chinois eux-mêmes ne se trouvent
2
96 U FRAKCB DAHS l'iIlOO-CHIIIB
pas en sécurité et d*oîi ils ont tant de h&te & sortir
pour no pas succomber & l*action meurtrière du
climat? t il se trouve, en France, des écrivains très
sensés et tri's pmdents, je le conresse, qui décla*
rcnt qu*ii nous faut bien nous gaixier de voir là un
acte de félonie appelant une réparution.
Apivs le système du rien laimer passer, nous
avons adopte celui du tout Utiaser fait*e,„ Et d'ail-
leurs, n*y sonmies-nous pas contraints?
Aussi ne puis-je me défendre d'une involontaire
teri*cur on songeant qu'une é|)oque viendra où,
quand M. Paul llert et d'autres après lui, peut-être,
auront fait du Tonkin une colonie prospère; quand le
comnieive et rindustrie s'y seront largement déve-
loppés sous notre impulsion ; quand les communi-
cations y seront faciles et nombreuses; quand enfln,
notre corps expéditionnaire considérablement ré-
duit, le pays sera, pour ainsi dire, livré aux forces
indigènes, la Chine se dressera en face de nous,
voisine remplie de « haine » et de c mauvaise
volonté », possédant des armées nombreuses, bien
commandées, et des flottes montées par des marins
exercés.
Ce jour-là, la Chine nous cherchera une querelle
d'Anglais ou d'Allemand. Ce sera la guerre I
Serons-nous disposés h l'accepter?
Serons-nous prêts à l'entreprendre ?
Ces hypothèses d'aujourd'hui deviendix>nt sûre-
TOmUN — AURAM 27
ment des réalités un Jour! Il fiiudralt nier l'évidence,
l'histoire des peuples depuis le commencement du
monde, les passions humaines^ l'étemelle logique
pour oser contester l'absolue vraisemblance de ces
sombres prévisions.
En attendant, la Chine nous tiendra en échec el
nous aflaiblira par les prétendus Pavillona-Noir»^
aussi bien dans le Tonkin que dans l'Annam, o(i
nous avons persisté à ne pas laisser c subsister le
tribut annamite ». M. Patenôtre n'a cessé ixiurtant
de nous faire connaître rim|)ortance qu'elle atta*
chait à cette marque de vassalité de l'Annam. Elle
consentait, à ce prix, à nous payer les 80 millions
que nous lui réclamions comme contributions de
guerre!
La dépèche du 3 août 1884 de M. Patenôtre est
formelle à ce sujet.
c La Chine s'engage à payer h la France, écrivait*
il, 80 millions, à titre de contributions; mais elle
demande que la France consente, en échange, à
laisser subsister le tribut annamite, »
Plus tard , revenant sur le désir de la Chine ,
M. Patenôtre écrivait de nouveau :
c Sir Robert Hart me demande que la France
consente au maintien du tribut que , antérieure-
ment aux nouveaux traités conclus avec l'Annam,
la cour de Hué envoyait tous les deux ans à la cour
de Pékin et qui ne pouvait, au dire de sir Robert,
Î8 U FRANCK DANS LY'IDO-CItlKB
6tre considéré quo commo iit^e simple formalité. »
Pour répondre à ces pressantes observations, que
faisions-nous?
Nous nous empressions de supprimer ledit
tribut I
Le gouvernement français, en agissant do la sorte,
avait-il le droit d*arguer d'une erreur involontaire-
ment commise par son représentant en Chine? Il
lui aurait fallu, |K>ur cela, elTacer la très catégorique
déclanition faito 2i Paris, en juin 1883, par le mar«
quis Tseng.
« I^ Chine, disait-elle, consentirait à reconnaître le
traite de 1802, qui enlevait à son souverain — siize-
raiii do TAnnam — trois provinces do la Basse-Co-
chinchinc. De plus, le gouvernement chinois recon*
naîtrait le traité de i87i, qui consacrait lo démem-
brement de trois nouvelles provinces de la même
région. »
Toutefois, avait ajouté le marquis, il serait en-
tendu :
c 1*> Que le droit d*inter\'ention de la France pour
le maintien de Tordre ne devrait s'exercer que sur la
demande de Tempereur d'Annam, et cela d^iilleurs
conformément aux clauses du traité ;
c ^ Quo le traité ne serait pas considéré comme
excluant la suzeraineté de la Chine sur TAnnam. »
M. de Tseng affîmiait enHn que le gouvernement
chinois consentirait ù ouvrir largement TYun-Nan
au commerce francois; mais il pensait que la Cliine
c n'irait pas au delà de ces concessions ».
On a ri, en France, de toutes ces chinoiêerie§; on
a continué à considérer ce pays comme une quan*
tité négligeable, et Tincendie 8*cst propagé d'un bout
à l'autre de l'Annam.
N*cst-ii pas évident que le gouvernement chinois
est l'insligateur des désordres contre lesquels nous
avons ù lutter encore aujourd'hui?
Il faudrait, |K)ur en douter, ne pas connaître cette
race perfide.
Le père IIuc, que j'ai jadis connu & IIong-Kong, a
écrit sur ces peuples de TKxtréme Orient un ouvrage
excellent dont j'extrais ce passage fort intéresnant :
. « \jCA Cliinoi.H, dit-il, et surtout leurs mandarins,
sont forts avec les faibles et faibles avec les forts.
Dominer et écraser ce qui les entoure, voilà leur
but, et, pour y parvenir, ils savent trouver dans la
finesse et l'ôlasticité de leurcaractcre des ressources
inépuisables. Si on a le malheur de leur laisser
prendre une fois le dessus, on est perdu sans res*
sources; on est tout de suite opprimé, et bientôt
victime. Quand, au contraire, on a pu réussir à les
dominer eux-mêmes, on est sûr de les trouver do-
ciles et malléables comme des enfants^ Il est facile
alors de les plier et de les façonner & volonté, mais
on doit bien se garder d'avoir avec eux un seul
moment de faiblesse : il fout les tenir avec une
2.
30 U FRANCK DANS L*l!<IO(H:illMB
main do for. I^s mandarins cliinols ressemblent &
leurs longs liumlK>iis; uno fois qu*ou esl parvenu à
leur saisir la tôto et à les courber, ils restent là;
pour |teu qu*on lAcho prise, ils se redressent à Tins-
tant avec inipiHuosité. »
Qui oserait prétendre quo les c longs bambous > du
pèro lluc ne so sont pas redrcss(5s < avec impétuo*
site t? Le prestige de nos armes a consid(>mblcment
diminué n leurs yeux depuTs Ikic-Lé et Lang-Son. Nos
débats parlementaires, les articles de nos journaux
leur ont fait connaître nos répugnances pour les
expéditions lointaines. Les Chinois ont compris enfm
la possibilité de nous résister, de nous vaincre peut-
ètro , au moins par le nombre. Ils préparent la
revanche avec ardeur; je ne saurais trop le n^péter«
C'est le Tonkin qui recevra le premier choc. Fasse
le ciel que cejour-lA nous soyons prêts ù le recevoir,
surtout h le repousser!
Aussi, combien j'aurais préféré, avant d'en arriver
à ces éventualités dont les conséquence échappent
aux prévisions humaines, combien j'aurais préféré,
dis-je, faire taire « la haine » de la Chine et eiTacer
tout pixHexto à sa < mauvaise volonté ».
Ce qui me semble particulièrement grave, c'est
que les tendances du gouvernement de Pékin ne
visent pas seulement la France. Elles ont pour ob-
jectif aussi bien qu'elle toutes les nations du globe
dont elle pourrait avoir à redouter des attaques.
TOURIN — ARRAX 81
La Ghino veut désormais être fortei sinon h plus
forte.
C'est ce que faisait Judicieusement remarquer le
correspondant du Journal deê Dilbatê dans une do ces
récentes lettres, datée do Shangat, 15 Juillet 1880.
« Le district de Tchouniking, dans la province dô
Sétchouen, écrivait-il, a été, il y a quinze Jours, lo
théâtre d'événements graves dont les conséquences
eussent été il y a une dizaine d'années une demande
d'indemnité ou un bombardement. Les détails vien*
nent d'arriver seulement et ont été publiés hier dans
les journaux ; il n'y a donc pas encore ù s*étonner
qu'aucune réclamation énergique oit été adressée
aux autorités, cependant il y a fort à parier que la
réclamation ne sera faite, si même elle est faite, que
timidement. Veuillez enregistrer cette opinion, en
attendant qu'elle se confirme.
c Cette province du Sétchouen est la Terre promise
des ambitions du commerce anglais. La fertilité du
sol, la richesse de ses habitants et la situation qu'elle
occupe sur la cai1e de l'empire la désignaient depuis
longtemps & l'attention des consultats de Sa Ma-
jesté britannique. L'ouverture de cette province aux
importations anglaises par rétablissement de ports
de commerce sur le fleuve Bleu, en amont de Han*
kéou, dernière station concédée par le gouverne*
ment, est, en eflet, une des questions qui intéressent
le plus vivement l'avenir de l'influence anglaise en
3â U FnA!<CB DAM L'U^OO-ailKB
Chine. Le Sétchouen et le Yunnan sont les deux clefs
do rouost de l*ompiro et les marches extrêmes do
son indi^iiendanco. Ce serait singuliùmneut m<3con-
nalti*o lo caractère cliinois, soit dit h ce piH)|>os, que
do penser que la Cliine aocoptorait Jamais (pie les
Anjilais se tixassent dans ces provinces. I^es évi^ne-
monts qui vionnent de s*y laisser ont donc une im-
p4)r(anco d'une gruvitt) exceptionneUe, et co)is(j((i0)i(
tint* cl<*moi)8fiNf(f()ii ;}o/ifi<;ii'è ih Ut Chine amtr^ le$
ej^lHh\mci^ drti tHnvujûi'i^ (Vest dans ce sens que so
sont di\i;\ exprinii^s tes promioi-s connnoidaires; la
diplomatie chinoise no donnera p;is le change à
Topinion.
« Ce sont elToctivement les étrangers qui ont reçu
le choc : Franç;iis, Anglais, Américains ont éprouvé
les mêmes désastres. Les Anglais cependant ont
plus soutTort, comme vous le verrez plus loin, et ne
pourraient |vis, dans cette occasion, so vanter d'avoir
été traités selon la clause do la nation la plus Tavo*
risée. Je vous avoue franchement «luo ce détail n*a
|xis (KHI i!ontribuéi\ai)aiser les premiers mouvements
d'indignation qui se sont produits dans la conces-
sion. Ce q>i\uvre consul anglais, chassé ;^ coups de
pioin\} et obligé de se réfugier chez le foutali de
Tendroit, api*és avoir vu sa maison mise au pillage
et incendiée! quelle nouveauté en Chine! Les plus
exaltés exigeaient une ré|)aration inunédiate, confor>
niément i\ la coutume; mais le gouvernement an*
touki!! — aunan SS
glais accopto maintenant tous les outrages, pourvu
que la Chine ftimo son opium des Indes, /«e tempe
dc$ menacée et dei colfiveâ e$t pti»$t^, I/) conHul do
S. M. Yictnri», imp(>rntrico et reine, gardera les
coup» do piorre, et Tincident sent cUm, pnrco quo
— Jo vous deuKindo punlon do vous diro la ruinon,
ecpondaut nNmblicz pas quo nous sommes en Chine
— parce que le Dragon d*A7.ur a M irrilO eontro les
ClnuigiT!*, diahloH «le rOivldont. Quo voutox-vous
quo les Auglaist fassent euntro co Dragon d\\7.ur?
Les Anglais, le liiit est acquis, admettent les tlicV]«
ries puîi(i(|ues de la Chine. »
Mais ce langage qui arrive de Chine n*a rien pour
m*étonncr. La Chine sait mieux que nous que c le
temps des menaces et des colères est passif ».
En France, M. H. Frary, un esprit rén<yclii , un
écrivain d*un grand mérite, parle exactement commo
le correspondant des Wbatff & Shangal. En appre^
nant Vaccidcnt — ou si Ion aimo mieux ixiur no pas
déplaire i\ la Chine le uittU*ntn%dt9 — dont a été vic-
time notre commission chargée de la délimitation des
frontières, le ixWlacleur du journal /« Fêtmce s'ex-
prime ainsi :
c Quoi qu*il en soit, la nouvelle do cette surprise
n*a produit chez nous aiiciiiK? ènwtion» On a corn*
pris que le parti le plus sage était de n*)* ikis atta-
cher trop d*importance, de n*y voir qu*un des épi-
sodes innombrables do la conquête d*un pays en
34 U PRANCB DANS L*l!IDO-CniNB
proio ou di^sonlro. Personne n*a Inncd do n^quisi-
toiroconli*o la Cliino, n*a iKirlù do sntisruction (écla-
tante à exiger par le canon; personne no 8*c8t écrié
que ces clioses-là se payent. Nos relations avec la
Chine n*en seront pas troublées et la délimitation
des frontières s'achèvera en dépit de tous les obs-
tacles.
« (Tv»t qite uom avons changé iVhinneiu\ I«o gou-
venienient no se soucie pas do se laii*e dos afTaires.
Les -inu'tisans les plus résolus do la iK)litiquo colo-
niale reconnaisscul que le nionicut serait fort mal
choisi |H>ur lanocr un cri de guerre, et qu*il faut
plutôt cc(èbi*et* ia pacification da Tonkin et la bonne
foi i!e» CUinoiA qne d'inmtcrsnrVandace <lc»s;)iw(M
ou d\urmcr tes niandanns» »
Tout cela est d*une logique qui fait ft*oid dans te
doSy quand on songe à ce que les Chinois peuvent
nous réserver dans l'avenir.
Âh ! que d'enseignements notre expédition du
Tonkin leur a procurés! Kt comme M. le marquis de
Tseng, Tun des hommes qui ont le plus poussé à
rintervention française, avait raison de dira : c TiH)iê
gueires avec une puissance européenne, et la Chine
sera civilisée. »
Si Ton rapproche ce langoge de cMul de I.i-Fong-
Pao disant «^ M. do CourccI, A Ilerlin, dans une do
ses conversations avec notro ambassadeur : « La
Fcance a inspin\ ù h% Chine, roun lUEN Dics ANNÉES
TONKIN — AXNAX 35
A VBNiH, de$ ieHlti)ie)i(ii d'aniMonité >, comment ne
pas 86 sontir cflfrayé do ce qui pourrait survenir
dans notre colonie tonlcinoise pendant « ces annéeê
k venir :kf
Je m*arrète, pour ne pas assombrir davantage un
tablcuu déjà si attristant.
Ce n*est pas sans raison, je le reconnais, que Je
pourrais cMroaccuiM^tlo n'avoirjuMpiVi prùseiit fonnulé
que des critiiiues ot do n*avuir oxprim<) aucun senti-
ment |)crsoiincl, quelquo ciioso cnlin |K>ur indiquer
le moyen de n>paror les fautes selon moi conunises,
c A tout mal il y a un remède, i dit un vieux pro-
verbe. Je suis h me demander si, en la circonstance,
le proverbe ne ment |>as !
Dire |)ourtant i\\x*ï\ n*y a pas de remôde serait une
exagération. 11 s*agit seulement de savoir si, étant
donné qu'il existe, il serait applicable à Tlieure pré-
sente, après les sacrifices accomplis, après les dis-
positions prises en vue d'une occupation déflnitive.
Ce qui était acceptable il y a un an le serait-il
aujourd'hui?
MM. Uourée et niicinart ont (tous les deux écrit
— le Livre Jaune en tait foi — que la êolutioit anna-
mite J(air (f Pékin, Y est-elle encore? Y traiteruit-
uu aussi fucileincnt qu'on l'aurait pu fairu en IHMi
ou uu 1885?
A cette époque, nous pouvions soit Ji^acuor, bien
«tue pou de Franvais, pour des sentiments très ros*
36 U FRAXCB DA!<S L^lNDO-CnUIB
pcctablcs,s*y fussent résignés, soit /tguîcler, ce qui ne
nuisait pas à notre prestige en Orient et augmentait
notre force sur le continent.
Liquider? ai-je dit. Pour cela comment faire?
Un projet de liquidation a été publié dans le Coii-
«citifCîuHKc/ySOusma direction, le l** décembre 1885.
L'auteur en est M. Pène-Siefert, qui a accompagné
M. Paul Bert dans sa missiop.
Voici ce fiu*écrivait à cette époque mon distingué
collaborateur :
c La liquidation honorable de notre situation dans
rAunani poun*:iit, pour n*étrc pas une évacuation
subite et totale, consister dans une aide sérieuse
ap|K>rtôo (\ la constitution d*un gouvernement indi-
gène, autonome, indi^pemlant h la fois do la cour do
Pékin et do la cour do Hué. Les éléments de ce gou-
vernement existent dans les lettrés du pays, qui
ont les symi>athies de la population. Ces lettrés
mandarins auraient une i)olice, sorte de gendarmerie
locale, qui viendrait bien plus enicacement à bout
de la piniterie et des déprédations chinoises que
notre corps d*occupation. Les Européens, en eflet,
ne peuvent se mouvoir ni pendant les grosses cha-
leurs ni pendant les grandes pluies à Tintérieur du
pays, comme les Annamites et les Chinois. Nous ne
pourrions inter>*enir que sur les cours d*eau avec des
chaloupes-canonniéres; les expéditions & terre nous
sont difllciles et nous ont été presque toi^ours funestes.
TO!IKt!l — A5XA1I 97
c Une zono à occuper & titre définitif, en nous dé-
cidant & rester dans le Pacifique, c*est lo littoral
oriental de la province de Quang-Ycn jusqu'à la
frontière de la Chine. Étroite, d*une altitude assez
élevée, délimitée régulièrement par une ramifica-
tion montagneuse, d*un climat sain et égal; iku>
semée de belles baies bien abritées, d*un sous-sol
carbonifère h peu près dans toute son étendue, peu
ou point peuplée & cause de rim|K>ssibililé de Tinv
gation pour des rizières, celte zone commence à
l'ouest, en amont de Halpliong, sur le CuanamTrien,
bras du Thaî-ninh, par lequel on conmiuiiique avec
le fieuvo Rouge, et s*étend h Test juscpie vem la
rivière Ngan-Nan et lo cap Pakiung, liinitOii liiHto-
riquo et géographique do la Chine et du Tonkin.
— Kilo so prête h mcr\*eille à un élahlistseinont com«
moroial qui centriiliscniit h Qwnn^A'on ou A llulong
les produits dVxportution et d*iuq>ortali()n; et à une
station navale, avec arsenal et bassiuM de nuloub à
Tien-Yien en face de Tlle de Kébao. 11 est évident
que ces deux points sont sui^érieurs aux Pencadoir»^
à cause du combustible et des diversc^s facilités de
ravitaillement. D'ailleurs, aujourd'hui, ix>ur avoir
les Pescadores, il faudrait une guerre nouvelle avec
la Chine, qui sera d'autant moins prête iii faire des
concessions amiables qu'elle nous verra décidés &
partir de TAnnam; les frais d'établissement seraient
supérieurs à ceux qui seraient nécessaires à
38 LA FRANCS DA7IS L*lM>0-ailXB
Quang-Yen ou llalong et & Tien*Yen, où Ton est
à proximitié du charbon cl des vivres. Ces deux
ports alTranchiraieiit en outre notre marine militaire
et marcliande du tribut qu'elle paye aux ports anglais
de Hong-Kong et de Singapoore. Leur construction
serait une dt^pense reproductive, peut-iMre même la
première de toutes celles faites en ces dernières
années au Tonkin.
c Notre concentration sur ces deux points du lit-
toral otrrii*ait ensuite un refuge naturel aux indi-
gènes qui ont pris fuit et cause iK)ur nous, dans Tes-
pérance ({ue cette fois nous ne les abandonnerions
pas comme en i873-7i. Ces réfugiés fourniraient
une main-d'œuvre excellente et bon marché pournos
divers travaux d'installation et nous serviraient d'in*
termédiaires pour nos transactions futures avec Tin-
térieur du pays.
« De cette fa^on, on le voit, il n*y aurait pour nous
NI BANQUEROUTE FRAUDULEUSE, NI MÊME FAILLITE
siMi'LE. Ce serait une liquidation honorable dans
toute raocoption et Thonnéteté du mol.
« Un an suflirait à cette liquidation, bien conduite,
sans arrière-pensée, sans tergivei*sation, avec la
pleine conscience de ce que nous entendons et vou-
lons faire. Nos troupes se retireraient à mesure des
pi*ogrès d'une organisation indigène abandonnée
aux soins des lettrés et de la population du Tonkin,
qui sont, on en conviendra, les intéressés directs.
T05KI9I — A!<!UX 89
Avec les scntimenb qu'ils nourrissent contre les
Chinois, avec leur forte organisation communale,
avec leurs habitudes do responsabilité collective, la
pacification du Delta s'opérera sûrement en peu de
temps. Les Tonkinois sont essentiellement un peuple
ordonné, partisan de la paix et du travail : ils feront
des battues contre tous les irréguliers et les vaga-
bonds, et si nous nous y associons avec notre flot-
tille, sur leur demande, afin do les rendre plus
eflcctives encore, ils nous sauront un gré facile &
concevoir de notre présence sur leur littoral. Il
s*agit en elTet, pour faire lù-bas œuvre civilisatrice,
d'apporter aux Tonkinois ce qui leur manque : des
capitaux, un outillage*, des instructeurs et des direc-
teurs de travaux. Quand nous serons leur complé*
ment économique et leurs libérateurs politiques,
nous serons chez eux les bienvenus et les bien vus.
D'autre part, agir sans le concours indigène, c'est
se condamner d'avance à n'avoir que des embarras,
à ne i*encontrcr que des résistances. On aurait pu le
deviner d'avance; mais nous l'avons appris & nos
dépens une fuis de plus : que ce soit la dernière! t
En novembre 1885, M. Andrieux n'était pas nioins
précis que le rédacteur du ComtitutionneL Lui aussi
était partisan de la liquidation, H la plaida avec
autant de talent que de logique.
Il alla même jusqu'à signaler également Quang-
Yen et les baies de Kebao et de Mangay, sur le litto-
40 U FRANCE DA5S L*I?IDO-CUI.NE
rai do la province do Quang-Ycn, comme propices à
rétablissement de iK)rts marchands et d'une station
navale. Cette portion du littoral tonkinois lui pa-
raissait devoir satisfaire la France pour y créer une
colonie qui aurait sufll «'i nos besoins dans ces pa-
rages.
11 s*en exprima d'ailleurs en tenneâ précis h la
tribune de la Chambi*o.
c I/)rsque, dit-il, j*ai vu, après M. Clémcncoau,
riionorablc M. de Kivycinet occuper cet le tribune,
j*ai cru qu'il allait apporter la solution moyenne
entre Tévacuation et Toccupation intégrale... Je Tai
d*autant mieux cru que M. le ministre des ÂfTaires
étran$;ères me semblait n*avoir & remprunter qu'à
son passé le plus récent et ix ses négociations avec
les Ilovas... Au Tonkin, ob nous sommes depuis
moins longtemps engagés, il serait peut-être pos-
sible d'entrer dans la même voie qu*à Madagascar...
Qu'est-ce que le gouvernement nous propose et par
quelle singulière contradiction, après avoir renoncé
à des droits séculaires sur Madagascar, tiendrait-il
absolument h nous engager au Tonkin bien au delà
de ce qui lui parait acceptable et absolument hono-
rable ù Madagascar, sur une terre 0(1 aussi le sang
de nos soldats a coulé? Non seulement le gouver-
nement n'est pas entré, pour le Tonkin et TAnnam,
dans la voie d'une atténuation du protectorat primi-
tivement stipulé, mais il a encore aggravé ce qu'il
nous propose d'approuver aujourd'hui par le vote
des crédits. Cest une aggravation du protectorat et
c'est une aggravation considérable de l'occupa-
tion Cherchant le parti que nous pourrons tirer
des sacriflces déjà consentis et rappelant le traité de
Madagascar, J'indique qu'il serait possible d'établir
un rc^sidcnt général, soit & Hué, soit à Hanoi, qui
ne s'emparerait que de la i)oiitiquo extérieure do ce
royaume, tout comme à Mad;tgascar; qu'en outre,
ainsi qu'à Madagascar, nous pourrions choisir sur
la cote, par exemple, quelques points heureusement
placés, qui pourraient être d'un grpnd profit, soit
au point de vue militaire, soit au point de vue des
avantages commerciaux.
c Ceux qui habiteraient ces points — analogues aux
concessions européennes de Shangai — seraient
soumis, ù tous les points de vue et pour toutes les
conséquences, même fiscales, à l'administration
française. Si ces points sont intelligemment choisis
et bien administrés, vous verrez nécessairement ac-
courir tous les négociants français ou étrangers qui
voudront lairo du commerce avec l'Annam et le
Tonkin.
c C'est là que s'installeront incontestablement un
certain nombre de maisons chinoises ; des familles
nouvelles s'y créeront peu à peu. Vous arriverez ainsi
à un groupement d'intérêts et de population placés
sous votre main, au plus grand profit de votre in-
43 LA FRAIfCE DANS L*I5D0-C1II?(E
flucnce. Enfin par ce fait seul que vous serez sur la
Cote, dans un endroit facilement dOfcndablo, soit
par suite du voisinage de votra flotte, soit par suite
lie Taccès facile ix)ur nos canonnières, vous serez
solidement établis et inexpugnables... i
Hélas! Pourquoi de si sages avis ne furent-ils {kis
écoulés? Pourquoi avons-nous laissé échapper alors
Poecasion d*agir résolument, ifu lieu de continuer h
avoir recours aux demi-mesures, aux atermoie-
ments, aux c petits paquets » énervants et ruineux
à la fois?
Pour répondre d'avance h certaines objections que
pourrait soulever Tidée d'une liquidation de notre
expédition tonkinoise , je vais encore rappeler le
second article qui fut publié à ce sujet dans le CoU'
stWitionnvI^ toujours par M. Pène-Siefert, ce der-
nier en date du Pi janvier 1880.
« Kn voulant procéder, dit-il, par voie de conquête,
ces dernières années, il fallait porter ses coups &
Ilué, en i*aser la citadelle, transférer la famille
royale des Nguyen en plein Tonkin, lui donner et
imposer un entoui*age strictement tonkinois. Ckîla
rétablissait Tautorité annamite sous notre liégé-
nionio et replaçait le centre de gravité annamite ù
sa place séculaire. C'était une solution d'une haute
portée et d'une exécution relativement facile.
« Mais la création successive de deux l'ois qui ont
également reçu notre investiture, l'état instable et
T0KKI5 — A1I2IÀ1I 48
unarchique qui en est résulté, la scissioii du manda-
rinat et des lettrés indigènes, qui ne se réunissent
que contre nous, sont des faits qui forcent à reoou*
rir à une autre solution. Dans cette autre solution^
il y a deux choses : nos futurs rapports avec les
indigènes, qu*il faut établir sur un pied analogue à
celui flxé avec les llovas ; puis Torganisation d'au-
torités indigènes qui soient les intermédiaires odl-
ciels de ces rapports et demeurent responsables
vis-à-vis de nous.
c Le sentiment dynastique est à peu près nul clici
les peuples ôgalilaires et communautaires de civili*
sation cliiiioise; mais les habitudes y sont immua«
blcs, et il est prudent de tenir compte des plis qu'elles
impriment aux cerveaux. Les Annamites du Tonkin
et de la Haute-Ck>chinchinc sont habitués aux Nguyen
comme les Autrichiens aux Habsbourg», bien qu'il
existe entre eux, depuis 1882 seulement, des senti*
mcnts de vainqueurs et de vaincus qui eflTacent en
partie Tidentitu fondamentale de ces deux tronçons
de TAnnam, terme générique qui comprend Tun et
lautre et qu*on restreint à tort à la Ilaute-Cocliin-
chine.
« Le moyen de laire la part de ces habitudes et do
libérer les Tonkinois du joug de llué serait de pro*
clamer le jeune Amnighi, qu'emmena Thuyet dans
les montagnes du I^os, roi du T0NKiN,T0irr APAir
INDÉPENDANT DE CELUI DE liu6. Cette dualité de
ii U FIIA?(CB OAKS L*lNIK)-Clti:«E
pouvoirs ci^etiserait toi a6îme enfi^ la Haute- CochUi'
diine et /e Tonkhi^ au profit DE CE PAYS ET DU
NùTRB. Les deux Nguycn se j:ilouscraient cordiale-
ment et leur inimitié nous permettrait d*élre leur
arbitre et de les tenir en i*espect tous deux. Très in«
tcressés chacun au maintien du bon ordre dans leur
royaume respectif, ils feraient disparaitro la piraterie
à rintérieur, et nolro présence sur le littoral em|M>-
cherait la reconstitution de la piraterie maritime.
« Mais, {)our reconquérir Amnighi, il faudrait des
négociateurs habiles auprès de Tex-régent Thuyet et
du prince llcang-Keviem, qui le détiennent comme
symbole de Tindépcndance nationale, et aux ordres
desquels restent toujours les Pavillons-Noirs de
Lao-Kal et les Pavillons-Jaunes du Tran-Ninh. Si je
ne me trompe, c'est le général Millot qui sanctionna
rintranisation d*Amnighi. Comme il faudra toujours
un général pour présider ù la diminution prudente
de nos elVoctifs, et que M. Millot a certainement
mieux compris que ses prédécesseurs et successeui*s
la lAclie de la France hVbas, je ne vois personne qui
ait plus de chances de succès pour inaugurer en
Indo-Chine la politique nouvelle dont tout le monde
sent le besoin ! »
Je le répète, les solutions hardies, énergiques,
décisives que Ton pouvait conseiller il y a un an,
seraient-elles praticables actuellement'? Serait-il
opportun de les tenter?
Nous {[Usons en ce moment, dit-on, avec M. Paul
Bcrt un essai de colonisation qui est de nature à
rendre la confiance h ceux qui Tavaient perduCi h la
communiquer à ceux qui ne l'ont jamais eue.
Les premiers comme les seconds peuvent avoir
raison, s*ils n'examinent les choses qu'au point de
vue des résultats présents, et encore? Mais tous
ceux qui voudront envisager Tavenir sans illusion;
ceux qui se pénétreront, comme j*cn suis profondé-
ment pénétré moi-même, des inconvénients d*un
voisinage aussi menaçant que celui de la Chine, à
plusieurs milliers de lieues de la France; ceux qui
voudront étudier le mouvement de progK*s, do
civilisation de ce pays qui s'organise, qui euq>loie
toutes ses ressources à devenir puissant et fort;
tous ceux, en un mot, qui voudront juger la situa-
tion sans passion, sans parti pris, seront forcément
entrailles ù se (losor la question suivante :
Ne vaudrait-il pas mieux aplanir, d'accord avec la
Chine, nos difficultés présentes, et prévoir celles que
ravéïiir nous réserve sûrement, tandis qu'elle est
encore laible et par conséquent traitalile, obligée en
un mot de se montrer conciliante, que d'attendre le
moment 0(1, afluiblis nous-mêmes par les sacrifices,
et dés lors très embarrassés, nous serons en pré-
sence d'un peuple en armes, puissant, menaçant,
insolent, intraitable?
Certes, je n'ose pas trop conseiller aujourd*hui
3.
46 U FIU:CE DANS LÏNDO-CIIINK
aux autrcâ co quo jo nMiOsitcrais cependant pas h
faire, moi, |Mrco que Jo siits convaincu que Je ren-
lirais, en agissant ainsi, un granil service & mon pays.
II m*est diflicilo de dire mùmc : Liquidons^ de
crainte do m*attii*cr cette réponse qui flatte notre
dt^ptoi*abIe chauvinisme :
Comment osez-vous tenir un pareil langage au
moment où M. Paul Dort annonce au ministre des
AlTaires ùtrangùres un rendement annuel des impôts
de HUOUUH) qui viendraient luenfaisamment aug-
menter les diriiciles encaisses du Ti*ésor!
llôlas! j*en deniande pai*don ^i M. P. Dért lui-
mùme, très sincère, très convaincu; niais la perspec-
tive de ces brillants résultats n*a pas le pouvoir
dVbninler mes convictions. Aussi ai je pris la sage
résolution de nVwposcr que des faits, des docu-
ments, les appréciations d*autrui, laissant h d'autres
plus habiles et sans doute moins convaincus que moi
le soin de démêler cet écheveau horriblement em-
brouillé ((ui s*appolle la (piestion aimamite!
Personne ne me fei*a l'injure, je Tespcre, de croire
que je ne fais pas tous les vœux les plus sincères
pour que n)es prévisions soient déjouées, pour que
TAnnam devienne terre française, et surtout terre
prospère, nous procurant toutes les ressources, tous
les bienfaits promis et annoncés.
Je n'en déclare (kis moins fermement que si nous
avions fait pour nos possessions en Cochinchine le
TOUKIN — A!(?IAN 47
quart des sacriflces quo nous avons CiUs pour lo
Tonkin, nous posséderions, paisiblement « sans
appréiiensions d'aucune sorte, au sud do Tlndo-
Cliine, l'une des plus belles colonies du monde.
C'est spécialement |)Our arriver à la démonstra-
tion de cette théso que j'ai entrepris le présent
travail.
Comme complément 2à l'exposé qui précède, il m*a
paru indispensable de publier le document suivant :
TbAITÊ entre t\ FSANCE ET LA CuiXB
(tS Janvier 1886)
Art. i*^ — f«a Franco s'cnga^o à rétablir et k iiiaio-
tenir Tordre dans les provinces ùorAnnani qui coiilhient
à IVinpire chinois. A cet eflet, elle prendra les mesures
nécessaires pour disperser ou expulser les bandes de pil-
lards et gens sans aveu qui compromettent la tranquillité
publique et pour empêcher qu'elles ne se reforment.
Toulcfuis les troupes françaises ne pourront dans aucun
cas franchir la frontière qui sépara le Tonkinde la Cliioe,
frontière que la France promet de respecter et de garan*
tir contre toute agression.
De son côté, la Chine sVngage à dispei-ser ou & expul-
ser les bandes qui se réfugieraient dans ses provinces
limitrophes du Tonkin, et à dis|)erscr celles qui cherclie-
raient à se former sur son territoire pour aller porterie
trouble parmi lus populations placées sous la protection
de la France; et, en considération des garanties qui lui
48 U FnA!«CB DAICS L*IMH>-ail.NB
sont donnas quant h la s^untù tie su hx>iUitfre, cUo s*iu*
IciUit |Kireilloincnt dViivoycr «les ti*ou|)Cs au Tonkin.
Los Hautes Parties contractantes fixeront i»ar uno con*
vcntion sp^Male les conUitioiis ilan» lest|ncltos sViïoctuera
rcxtradition des niuKaiteurs cnlro la Chine et l'Annam.
Les Chinois, colons ou aucionA soldats, qui vivent pai-
sildcment en Annain, en se livrant h rn^frioullni-c, h Tin-
dustrie ou au conunerce, et dont la conduite ne donnera
lieu à aucun reproche, jouiront |H)ur leurs personnes et
pour leurs biens do la mùnxc sécurité que les protêgi^s
rran«;ai<.
Akt. 2. — La Chine, décidée à ne rien faire qui puisse
compromettre rouvre de pacitication entreprise par la
France, s'engage à respecter, dans le présent et dans
Tavenir, les traités, conventions et arrangements directe-
ment intervenus ou à intervenir entre la France et
l'Annam. En ce qui concerne les rapports entre la Chine
et TAnnain, il est entendu qu*ils seront de nature à ne
point |H>rter atteinte î\ la dignité do l'empire chinois et à
ue donner lieu à aucune violation du présent traité.
AnT. 3. — Dans un délai de six mois h partir de la
signature du présent Traité, des commissaires désignés
l>ar les Hautes Parties contractantes se rendront sur les
lieux pour reconnaître la frontière entre la Chine et le
Tonkin. lis poseront partout où besoin sera des bornes
destinées à rendre apparente la ligne do démarcation.
Dans le cas où ils ne iK)urraient se mettre d'accord sur
remplacement de ces bornes ou sur les rectifications de
détail qu'il pourrait y avoir lieu d'apporter à la frontière
actuelle du Tonkin dans l'intérêt commun des deux
pays, ils en référeraient à leurs gouveruemeuts res-
pectifs.
Art. 4. — Lorsque la frontièi*e aura été reconnue, les
Français ou protégés français, et les habitants étrangers
du Tonkin qui voudront la franchir pour se rendre en
Chine ne |H)urront le faire qu'après s'être munis préala-
blement de passeports délivrés par les autorités chinoises
TOKKIN «- A9XAX 49
de la frontière, sur la demande des autorllét françaltes.
Pour les sujets chinoiSf il suDlra d*uiie autorisation défi-
vr^o par les autorités iniiivriales de la frouliC^re. ÏJOê
sujets chinois qui voudront se rendre de Chine au Tonkin
par la voie de terre devront ^tre munis de |msse|H>iifl
rt'guliei's dôHvrés par les autorités françaises, sur la
demande des autorités ini|iéi-iales.
Aht. :». — Le commerce d'im|K)rtation et d'exportation
sera permis aux négociants français ou proli^gés fran«;ais
et aux négociants citinois par la fronliére de terre cutro
la Cliinc et le Tonkin. Il devra se faire toutefois i»ar cer-
tains points qui s«>ront déterminés ultéHeurcmvnt et dont
le clioix ainsi que le nombre seront en rapi>ort avec la
direction comme avec Tiniportance du trafic enlrc les
deux pays. 11 sera tenu compte, k cet égard, des rëgle-
nicnts en vigueur dans rintérieur de Tenipire chinois.
En tout état de cause, deux de ces points seront dési-
gnés sur lu fronticie cliiuoisc, Tun au-dessus de Lio-Kaî,
Tautre au delà de l.ang-Son. l.es conimereants français
pourront s'y lixer dans les mêmes conditions et avec les
mêmes avantages que dans les |K>rls ouverts au com-
merce étranger. Le gouvernement de Sa Majesté l'Emiie-
reur de Chine y installera des douanes, et le gouverne-
ment de la Uépubliquc pourra y entretenir des consuls
dont les privilèges et les attributions seront identiques &
ceux des agents <Ie même ordre dans les |H>t'ts ouverts.
De son côté. Sa Majesté TEmpereur de Chine pourra,
d'accord avec le gouvernement fran«;ais, nommer des
consuls dans les principales villes du Tonkin.
.\rt. g. — t'n règlement S|>écial, annexé au présent
Traité, précisera les conditions dans lestiuelles s'efTec-
luera le commerce par terre entre le Tonkin et les pro-
vinces chinoises du Yun-Nan, du Kouang-Si et du Kouang*
Tong. Ce K'glement sera élul>oré par des commissaires
<|ui seront nonmiés [lar les Hautes Parties contractantes,
dans un délai de trois mois après la signature du pré-
sent Traité.
50 u FRARCB DA7IS L*moo*aii:«K
Les marcliautlises faisant Tobjot «le co commerce seront
soumises, à rentK*e et à la sortie, entre le Tonkin et les
provinces du Yun-Nan et du Kouang-Si, à des droits infé-
rieurs h ceux que stipule le tarif actuel du commerce
étranger. Toutefois le tarif ré4luit ne sera pas appliqué
aux marchandises transportées par la frontière terrestre
entre le Tonkin et le Kouang-Tong, et n*aura pas d^eCTet
dans les ports déjli ouverts par les traités.
Le commerce des armes, engins, approvisionnements
et munitions de guerre de toute es|iècc sera soumis aux
lois et règlements édictés par chacun des États contrac-
tants sur son tcvriloire.
L*exportation et Timportation do l'opium seront régies
par des disiH).si lions spéciales qui llgurei'onl dans le règle-
ment coninicixial susmentionné.
Le comnuMvc do mor cnti*o la C.liino et TAnnam sera
«également rohjot d*un règlement partioulior. Provisoii-e*
ment il ne sera innové en rien à la pratique actuelle.
Art. 7. — Kn vue de dévelop|H'r dans les contlitiuns les
plus avantageuses les relations «le commerce et do bon
voisinage ipie lu prissent Traité a pour objet de rétablir
entre la France et la Chine, le gouvernement de la Hépu-
Mi(|ue construira «les roules au Tonkin et y encouragera
la construction de chentins do fer.
l.orsquc, de son cùlé, la Cbine aura décidé «le construire
des voies forrées, il est entendu c|u*elle s'adressera à l'in-
dus! rie française, et le gouvernement de la H«'publique
lui «tonnera toutes les facilités pour se procui*er en
France le personnel dont elle aura besoin. 11 est «'ntendu
aussi que cette clause ne peut être consiiléivc comme
constituant un privilège exclusif en faveur de la France.
.Vht. 8. — Les stipulations commerciales du présent
Traité et les K'glements h intervenir pourront élit; revisés
apivs un intervalle de dix ans révolus à partir du jour
de ré«*hange des ratifications du présent Traité. Mais, au
cas où, six mois avant le terme, ni l'une ni l'aulro «h^s
Hautes Parties conlraclantes n'aurait manif«'slé le désir
TO!IKI!f — A!I!UX 51
«lo proc^er à la rctision, let ttipulationt
resteraient ea rigueur pour un nouveau terme de dix ans,
et ainsi de suite.
Abt. 9. — Dès que le prissent Traité aura été signé, les
Torces françaises recerroot l'ordre de se retirer à Kelung
et de cesser la visite, etc., en haute mer. Dans le délai
«l'un mois api^ès la signature du présent Traité, Tile de
Kormose et les Pescadores seront entièrement évacuées
par les troupes françaises.
Art. 10. — \jos dispositions des anciens traités, accords
et conventions entre la France et la Chine, non niodiliées
|tar le présent Traité, restent en pleine vigueur. Ijc pré«
sent Trail«^ soru ratifié dès à présent par Sa Majesté
rKni|>ereiir de Chin«», et, après (|u*il aura été ratifié |iar
le l'it'siilent de la llôpiildiqu» frant;uiite, l'éfliango des
rnliflcalions se fi*ra k Pékin dunii h* pluM l»ix*f délai |ios-
sihlc.
Fait iiTien-Tsin en quatre exemplaires, l«* 9 juin I8H.1,
correspondant nu vingt* septième jour do la quatrième
lune de lu onzième année Kouang-Sin.
Signé : Patkxùtre.
Si-Tciicx.
Ll-llONO-ClAJIC.
TE.NG-TcnexG-SiBiM?.
Arl! 3.
\jfi Président du Conseil, ministit! des AflTaires élran-
gères, est chargé de Texécution du présent décret.
Fait à Paris, le 25 janvier 188G.
Signé : Jcus Ga£vr.
1^ Président du Conseil, Ministre des affaires étrangèref.
Signé : C. di Farraiir.
CHAPITRE II
OOOHIMOHIirB - OAM BOSOB - tXAU
CHAPITRE II
cocaracHiKB — Cambodge — siam
Si j*ai manifesté des craintes et des défiances h
Tendroit de nos possessions du Tonkin et de TAnnam ;
je suis, au contraire, plein de confiance dans Tave*
nir de la Gochinchinei à condition pourtant que
nous nous en occupions sérieusement et que nous
sachions y faire les faciles sacrifices qu'elle ré-
clame do nous. S*il en est ainsi, nous |x>sRédorons
pix)chaincmont un vaste territoire, qui nous conso-
lera de la perte de nos |)ossossions dans Tlndo nu
sl^lo dornicr... Mytho peut devenir un |)ort do
commerce do premier ordre et Saigon un puissant
arsenal, nous permettant de soutenir au besoin,
dans les mers de TExtrême Orient, une longue et
pénible guerre maritime.
Cette dernière création est d'autant plus essen-
tielle que nous devons prévoir le cas oCi nos troupes
coloniales et nos bâtiments de guerre seraient pri-
i
56 U FRAIICE DA!IS L*»0e-CHI5K
vés de communication avec la métropole, par une
obstruction momentanée du canal de Suez.
Notre colonisation en Cochinchinen*estpas encore
très avancée. Il serait facile do trouver des repro-
ches à adresser h notre administration cochinchi-
noise. Mais à quoi ser\'iraicnt ces critiques?
Ne vaut-il pas mieux prendre la situation telle
qu^elle est, examiner les résultats acquis, indiquer
ceux qu*on pourrait obtenir, proposer enfln les
moyens de les atteindre? Cette besogne est moins
commode h coup sur que la première. Néanmoins
elle m*est plus agréable, et c*est elle qui me tente.
Il est aisé de se rendre compte de ce que nous
pourrions vmisemblablement retirer de la Cochin-
chine quand on saura que son territoire mesure
environ 59io8 kilomètres carrés.
Son étendue égale donc celle de dix de nos dé-
partements. La population y est fort dense. On
Testime au chi(Tre de 1 600 000, soit 27 habitants par
kilomètre' carré. L'Espagne ne compte que 33 habi-
tants sur la même étendue de ten*ain I Le climat y
est tempéré. On y fait jusqu'à deux récoltes par an
et le riz y est abondant. Le Mékong est la grande
artère qui met en communication les grandes villes
situées en général sur son parcours.
Un service maritime : les Messageries flnviales^
subventionnées par TÉtat, fait le service entre Sai-
gon, Mytho, Tay-Ninh et Baria, d'une part; puis de
C0CB1RCHI1CB — CAXBOOCB — SUM 87
Mytho à Soctrang, Chandoc, Denté, Travinb, d*autre
part.
Toutefois la Cochinchino se trouve comme relé-
guée au sud do rindo-Chine et pour ainsi dire ro-
foulée vers la mer.
Le royaume de Cambodge la sépare du vaste
territoire qui forme les pays du bas et du baut Laos
compris entre le Mékong et le Ménam, pays qui
conOnent eux-mêmes h la Birmanie, au Tonkln, à
la Cbine, à TAnnam.
Noti*e colonie ne peut donc communiquer avec le
Nord qu*à la condition de traverser le Cambodge,
royaume mal administré, dont les voies de commu-
nication sont dans un état d*abandon pitoyable et
dont les frontiC^res avec le Siam ne sont pas même
délimitées.
On comprend dès lors que la Cocbincliine ait eu
besoin de se donner de Vair.
Pour cela, on a tout naturellement songé h mettre
la main sur le Cambodge qui l'étoufTe, en y établis-
sant un protectorat français!
Mais le Cambodge étant tributaire de Siam, il a
fallu s'entendre avec la cour de Bangkok. Cest ce
qu'on a fait, dès le début môme de notre occupation
de la Cocliincliine.
£11 18G7, le gouvernement imi^érial a traité avec
le roi de Siam h l'efTet de « régler définitivement,
d*un commun accord, la position faite au royaume
88 LA FRANCE DANS L*1ND0-CHLNB
de Cambodge, par suite du traité conclu à Oudon
entre la France et ce royaume, le 11 août 1863.
Mais un traité de protectorat ne saurait suffire à ce
que la Cochinchine doit réclamer de son protégé.
CTest Torganisalion complète du royaume du Cam-
bodgOy aux points de vue flscal, commercial, mili-
taire, qui peut seule répondre aux besoins de notre
belle colonie cochinchinoise.
C*est ce résultat qu'il nous faut, à tout prx^
atteindre.
Le traité de 18G7 est bon, en tout cas, à connaître*
Kn voici le texte intégral :
TAAITft CONCLU LE 13 JOILLCT 1867 BNTIIB LA FrANCB
RT LK ROYAUME DE SlAM
Art. l*^ — Sa Majesté le roi de Siam reconnaît solen-
nellement le protoclorat do Sa Majesté Tempereur des
Français sur lo Canii>od};c.
Art. 2. — l.o truite conclu, au mois do décembre 1803,
entre les royaumes do Siam et de Cambotigo est déclaré
nul et non avenu, sans qu'il soit possible au gouvenie*
ment do Siam de Tinvoquer & l'avenir en aucune circons«
tance.
Art. 3. — Sa Majesté le roi de Siam renonce pour lui et
ses successeurs à tout tribut, présent ou autre marque
de vassalité de la part du Cambodge.
De son côté, Sa Majesté Fempereur des Français 8*engage
à ne point s*emparer de ce royaume pour l'incorporer à
ses possessions de Cocbinchine.
GOCnUIClll!» — CAMBODGE — 8IAX S9
Ait. 4. — L«s prorinees de Battambang et d*Angkor
(Nakon, Siemrap) resteront au royaume de Siain. Leurs
frontiores ainsi que celles des autres prorinces siamoises
limitrophes du Cambodge, telles qu'elles sont reconnues
de nos Jours de part et d*autre, seront, dans le plus bref
délai, déterminées exactement, à Taide de poteaux ou
auti*cs marques, par une Commission d'officiers siamois el
cambodgiens, en présence et avec le concours d oniciers
français désigJiés par le gouverneur de la Cocbincliine.
La délimitation opérét*, il en sera dressé une carte
exacte par los officiers français.
Art. 3. — Les Siamois s'abstiendront de tout empiéte-
ment sur le territoire du Cambodge et les Canibo«lgiens
s'abslientli*ont également de tout empiétement sur le ter«
ritoirc siamois.
Toutefois les habitants des deux pays auront la liberté'
de circuler, de faire le commerce et de résider |>acilit|ue-
mciit sur le territoire respectif.
Si des sujets siamois se rendent coupables de quelques
délits ou crimes sur le territoire du Cambodge, ils seront
jugés et punis avec justice par le gouvernement du Cam-
bodge et suivant les lois de ce pays; si des sujets caui«
bodgiens se rendent coupables de délits ou crimes sur le
territoire siamois, ils seront également jugés et punis
avec justice par le gouvernement de Siani, suivant les
lois de Siam.
Art. 0. — Les b&timents sous pavillon français pour*
ront navigucrlibrement dans les parties du fleuve Mékong
et de la mer intérieure qui touchent aux |K>sscssiuns sia-
moises.
Le gouvernement de Sa Majesté le roi de Slara mettra
à la disposition des autorités do Saigon le nombre de
passeports qu'elles jugeront nécessaire, pour être déli-
vrés, après avoir été signés et apostilles par lesdites auto-
rités, aux sujets français qui voudront se rendre dans
ces parages. Sur le territoire siamois, ceux-ci devront sa
conformer en tout aux stipulations du traité de iS30
60 LA rRANCB DANS L^liVDO-CniIIB
entre la Franco et le Siam. 1^ passeport ci^desstts men-
tionne* tiendra lieu, en cas de rel&che, de la passe exigée
par rarlicle 7 dudit traité et donnera aux porteurs, en
cas d'urgonce, le droit d'adresser directement leurs ré-
clamations aux autorités siamoises.
Aut. 7. — Le gouvernement s*engage à faire observer
par le Cambodge les stipulations qui précèdent.
(L. S.) Signé : Moustier.
(L. S.) Signé : Puya, Suiuwongs, Waywat.
PORA, KaXA, SkNA.
Que diro de co traité? Comment rintcrpréter?
Par rarticlo 3, le roi do Siam veut attester de ses
bons sentiments à notre égard : il renonce à la suze-
raineté sur le Cambodge. Mais il y met une condi-
dition précise : « La France ne pourra Tincorporer
h la Cochinchine. »
En échange» qu'obtient Thabile négociateur sia-
mois, de notre faiblesse, et surtout de notre igno-
rance? La reconnaissance d*une spoliation par lui
faite; au détriment do qui? du Cambodge, le pays
môme sur lequel nous voulons établir notre protec-
torat! Nous nous faisons ainsi volontairement, et
Ton i)cut dire gratuitement, les complices d'une
iniquité commise ù la fin du xvm* siècle, et contre
laquelle tous les souverains de Pnôm-Penh ont
protesté tour h tour, depuis cette époque.
COCBllICBUIB — > CAXBODCB — tUX IM
En dépit du traité de 1807, le roi Norodom prb»
teste encore! Ainsi s'explique rempressement que
le roi de Siam mit & demander au Gouvernement
Impérial de lui reconnaître comme siennes les pro-
vinces fertiles qu*il avait violemment prises à son
voisin. Et c'est la France elle-même qu'il chargeait
de procéder & une délimitation de frontières que,
depuis un siècle, il n'avait pas pu par\'enir h établir,
d'accord avec le Cambodge.
Et nous avons accepté une pareille clause! Il est
vrai de dire qu'elle n'a jamais été exécutée. Nous n'en
avons pas moins, en y souscrivant, commis une faute
que, coûte que coûte, il nous faut au plus tôt répa*
rer. Nous devons, i)our y parvenir, nous attendre
& rencontrer aujourd'hui des difllcultés qu'on eût
facilement écartées en 18G7. Le roi de Siam semblo
avoir d'ailleurs le pressentiment de ce qui doit lui
arriver, car il a instamment prié M. Ch. Thomson,
notre gouverneur de Cochinchine, Lors de son en-
trevue avec lui le i^' janvier 1885, de vouloir son-
ger à la prompte exécution du traité consenti par le
gouvernement de Napoléon III.
Eh bien I donc, qu'il soit fait selon son désir. Il est
impossible que cette situation vague, indéfinie, dure
plus longtemps.
La fln très prochaine de ce ûcheux état des
choses a d*autant plus de prix pour nous que les
provinces de Battambang et d'Angkor sont les plus
4
6i U PRAlfCB.DAlfS L*llfDO-CniIIB
fertiles de toutes ces contrées et qu'elles renferment
des richesses de toute sorte qui sont encore à
exploiter.
Avant do continuer, qu'il me soit permis de
signaler une étude très soignée, très étendue, scien-
tifique môme, sur tous les pays de TExtrôme Orient.
Elle est l'œuvre de M. de Lancssan, qui a dû, h cet
effet, se livrer aux plus minutieuses recherches.
Rapporteur de la Commission chargée d'examiner
la convention complémentaire de commerce signée
entre la France et la Birmanie, Thonorable député
a fait, à l'occasion de son rapport, un travail abso-
lument remarquable. Je ne saurais trop conseiller
de le lire, à ceux qui voudront apprendre ce qu'est
rindo-Chine.
Toutefois, ce travail do l'éminent rapporteur n'est'
pas aussi complet qu*il aurait pu l'être. M. de La*
nessan s'est un peu trop exclusivement étendu, je
crois, sur le cOté descriptif de la question qu'il a
traitée. 11 a ainsi donné, il est vrai, une leçon de
géugi'aphio des plus complètes h ceux de ses collè-
gues qu'il avait mission d ccluircr avant le vote.
I^a chose est assez, rare, en France, pour qu'on ne
lui marchande pas des félicitations auxquelles il a
droit pour ce fait exceptionnellement méritoire.
Mais, en la ciiHionstance, ce n'est pas à une leçon
de géographie, si précieuse qu'elle pût être, qu'il
aurait dû limiter son rapport. Qu'il veuille me par-
OOCBlNCnUfB — CAMBODGE — ilAM 63
donner cette très légère critique» qui ne lui enlftve
d'ailleurs rien de sa valeur. C'est lui-même, du
reste, qui s'est chargé d'expliquer les lacunes que
je viens de signaler.
Il a expliqué très nettement dans quel esprit il
l'avait conçu. Il a déclaré n'avoir voulu tirer aucune
déduction des notions complètes et laborieuses qui
ont été le fruit de ses laborieuses recherches, II a
pensé, a-t-il dit, que les c déductions politiques de
son œuvre au point de vue français n'échapperaient
& personne >. J'ai beaucoup de raisons de croire que
le savant rapporteur a eu une trop bonne opinion
de la très grande majorité de ses compatriotes, et
j'estime qu'il eût été préférable, pour la parfaite édi-
fication de tous, de le voir dégager lui-même, avec
son esprit distingué et clairvoyant, les déductions
qui découlent des notions par lui recueillies.
Les peuples de Tlndo-Cliine ne forment à propre*
ment parler que des réunions de tribus encore à
peu près sauvages, vivant sur les bords des fleuves
et des cours d'eau au moyen desquels elles commu-
niquent et commercent facilement entre elles.
Elles sont plus ou moins soumises ft des souvcrainii
qui exercent sur elles des droits très irréguliers et
souvent problématiques., c I^ force y primo avant
tout le droit. » C'est, h leurs yeux, le seul argument
qui soit irrésistible. Il est, par conséquent, difllcilc
& qui n'a pas tout spécialement et profondément
64 U FnARCS DARS L*lRDO-Cni!fB
étudié les mœurs tout à £ait étranges de ces pays
presque inconnus de tirer, au point de vue français,
les déductions politiques dont M. de Lanessan parle
avec tant d*aisancel
J*aî cru agir moi-même avec prudence et aussi
d*une Tacon plus terre à terre, en recherchant exclu-
sivement comment on pourrait arriver & établir de
fréquentes et sûres relations d'échange entre la
France et ces tribus nombreuses. Ces relations ne
ne sont-elles pas les seules qui soient de nature à
mériter notre attention?
•
Deux courants commerciaux bien marqués appa-
raissent immédiatement à ceux qui jettent les yeux
sur une carte de Tlndo Chine.
Le premier est tracé» à Test, par le fleuve Mé-
kong, le second, à Touest, par le fleuve Ménam.
Ce dernier, «entièrement siamois, traverse tout le
royaume de Slam, du nord au sud, sur un parcours
de 800 kilomètres dont 000 environ sont navigables.
Le Ménam se jette h la mer à Bangkok, où Tin-
fluence anglaise règne sans conteste. Ce fleuve est
donc une voie commerciale naturellement placée
pour servir exclusivement les intérêts anglais.
Le Mékong au contraire semble destiné l\ favoriser
une concurrence française faite à 1* Angleterre. Son
parcours est de 2000 kilomètres. Il est presque par-
tout navigable. Il Test particulièrement, à toutes les
OOCBWOIIRB — CAMBODGB — - SIAM 08
époques, dans sa partie qui traverse le Cambodge
et la Gochinchine, sur les cOtes sud de laquelle il
se jette à la mer. Cest donc un fleuve qui peut de-
venir aussi français que le Ménam est anglais, car
il met la Cochinchine en communication directe
avec la partie orientale du Siam les États shane,
siamois et birmans et même une portion du Yun-
Nan.
Qui aura suivi attentivement le cours de cette
immense artère commerciale sera bien surpris d*ap-
prendre que les produits des pays qu'elle traverse,
au nord du Cambodge, au lieu d'être dirigés vers
nos ports de Cochinchine qui en sont peu éloignés,
sont presque exclusivement transportés à Bangkok,
c'est-à-dire à une très grande distance de leur point
de départ, à travers des chemins épouvantables et
au prix de diflicultés sans nombre.
A quoi faut-il attribuer cet état de choses si
anormal et en même temps si nuisible à nos inté-
rêts? C*est ce qu'il importe de rechercher, c'est ce
qu'il faut faire cesser. L'avenir de la Cochinchine
en dépend.
Situé presque au centre du Siam, entre les deux
grands fleuves du Mékong et du Ménam, un peu
plus rapproché pourtant de ce dernier, se trouve
uu vrai nid qui sert de refuge à tous les bandits, à
tous les pillards du Laos et même d'ailleurs. On
l'appelle Korat. Il est l'objectif de tout le commerce
4.
66 U PnANCB DAKS L*lNDO-CniNB
du Siam, do la Dirmanio et des peuplés riverains du
MOkong et du Ménam. Do quelque point do cesdites
régions que soient expédiés les produitsdestinésàdes
éclianges, où qu'ils soient dirigés : qu'ils partent de
Bangkok, de Battambang, de la Birmanie méridio-
nale ou de Stung-Treng, Bassac, Oûbone, Kammerat
jusqu'à Xien-Lang, c'est toujours à Korat qu'ils
viennent aboutir.
Cette ville est donc un immense entrepôt.
Sa position géographique au centre de la courbe
quo décrit le Mékong et son voisinage des grands
lacs dont les inondations obligent les habitants des
pays sud du L'xos & faire un détour et à la traverser
pour atteindre le Ménàm, lui donnent une impor-
tance inappréciable. Les négociants qui y résident
sont presque tous Chinois et presque tous aussi les
commanditaires des maisons de Bangkok. On com-
prend dés Ioi*a que tout ce que renfcrine cet entre-
pôt privilégié soit expédié vers la capitale du Siam.
Mais que d'obstacles doivent vaincre voyageurs
et marchandises avant d'arriver h cette situation!
Korat est pour ainsi dire enfermée dans le Long-
Phya-Phaï (forêt du seigneur du feu), très insalubre,
*ar suite très redouté des voyageurs, de telle sorte
que le plus grand nombre de ceux-ci, au lieu d'aller
directement de Korat à Bangkok, font un grand dé-
tour et passent par Battambang.
De \h ils gagnent Bangkok soit par la voie de
COCHWCnilfB — CAMMOGB — - SIAM SI
terre, soit en allant s'embarquer à Chantoboani sur
le golfe de Siam.
Une ligne tcHégrapliique a été Jadis établie par les
soins do M. Harmand, notre ancien cliargé d*af«
(aires à Bangkok, reliant cette capitale h Pnûm-Penh
en passant par Battambang et Pursat. J*ai oui dire
qu'elle avait été détruite sur la première partie de son
trajet. Mais ce qui est fort curieux & connaître, c'est
la façon dont s'opèrent les échanges & Korat. J*ai dit
que les caravanes de tous les points de Tlndo-
Chine, d'une partie de la Birmanie et de Siam s'y
donnent rendez-vous. Aussitôt arrivées, elles y cn«
treposcnt toutes leurs marchandises. Tous les pro-
duits anglais venant de Bangkok y sont apportés;
puis, le moment venu, on procède aux échanges,
sur place. De cette façon chacun s'éiiargne une
bonne partie de la route à faire. Dès que le trafic
est terminé, les caravanes se remettent en marche
vers leur point déi>art, emportant les proiluits échan-
gés. On se rend facilement compte des ressources
que peut retirer l'Angleterre de cet entrepôt vérita-
blement anglais.
J'ai le regret de dire que jamais nous n'avons eu la
pensée d'y installer un agent français ; nous ne som-
mes donc que très imparfaitement renseignés sur ce
qui s'y passe. Ce que nous en savons provient de
sources étrangères. N'en est-il pas de même, hélas!
de tous les points de Tlndo-Chine, sans en excepter
68 U PRAJfCE DANS L*11ID0-CH«B
les pays limitrophes du Cambodg^e sur lesquels
nous aurions tant besoin cependant d'avoir des no-
tions escactes? En revanche, il y a quelques mois à
peine, nous avons décidé qu*un agent consulaire
français serait installé dans le Nord, au sud du
Tonkin, à Louang-Prabang. Et sait-on qui a été
désigné pour occuper ce poste? Un très brave gar-
çon, il est vrai, mais un employé des télégraphes au
Cambodge, M. Pavie. Le vice-consulat de Louang-
Prabang lui a été confié, en récompense du voyage
qu*il a fait récemment h Paris, 0(1 il a accompagné
des jeunes Cambodgiens envoyés pour y faire leur
éducation* GVst ainsi que la téli^graphio peut mener
chez nous h la diplomatie I Ce n'est pus sans peine
d'ailleurs que le gouvernement de Siam nous a ac-
cordé son exequatur.
Ce que Ton s'imaginera difficilement, c'est que
ce diplomate hnprovisé, au lieu de se rendre à Hanoi
et do 1}\ t^ son poste, qui n'en est pas trC's éloigné,
soit depuis plusioui^ mois ^ Ikmgkok, attendant
roccasion de se mettre en ix)ute. Arrivera-t-il Jamais
à destination? C'est ce que nous saurons plus tard.
Devons-nous être étonnés de n'être jamais ren-
seignés et de voir tous nos gouvernements succes-
sifs se lancer dans des expéditions lointaines avec
la meilleure bonne foi du monde, je ne le nie pas,
mais avec la môme ignorance persistante I Et moi-
même, pour faire ce travail, ne me suis-je pas heurté
COCBIlfCRmS — » GAMBODCB — - SIAX
souvent à une absence presque absoluede documents
officiels français. A mesure que je pénétrais plus
avant dans mes recherches, je ne rencontrais que
le vague et l'incertitude. J'en suis arrivé néanmoins,
à force de soins et de travaux, h établir que notre
situation coloniale de Cochinchine est mal définie,
dangereusement compliquée d'un protectorat orga-
nisé dans des conditions anormales. Faut-il attri-
buer la cause principale de ce malaise, comme cer-
tains le prétendent, à la convention de 188i?
Pour que chacun puisse en Juger, je vais publier
ce document, qui est l'œuvre penonnelle de M. Thom«
son, car il Ta accomplie sans avoir jamais reçu des
instructions A cet eiïct?
CO!CVBNTIO.f COXCLCI BXTBB LB ftOI NoftODOX !•' BT M. Cl.
TUOMPSOX, GOUYBRNCCB DB LA GoCBlNCfllNB, ilGNU A P.XO)H
PkMI LB n JCIX i88^ KT A PaRIS PAU LB PRftsiDCCT DB
LA UftpinuQUB rRAMÇAhB, M. JUUKS GIU'YY, lb ax*
YIKR 1880.
(Promolgnée a« /ohtnaI offieiet au Itt Janvier IMOi)
Abt. l•^ -^ Sa Majesté le roi du Cambodge accepte
toutes les réformes administratives, judiciaires, floan-
cières et commerciales auxquelles le gouvernement de la
République française jugera à l'avenir utile de procéder
pour faciliter l'accomplissement de son protectorat.
Art. 2. — Sa Majesté le roi du Cambodge continuera,
comme par le passé, à gouverner ses États et à diriger
70 U FlURCB DANS L*l!«DO-CniRB
leur administration, sauf les restrictions- qui résultent de
la présente convention.
Art. 3. — Los fonctionnaires cambodgiens continue*
ront, sous le contrôle des autorités françaises, à adml-
nistivr les pit>vinces, sauf en ce qui concerne rétablisse-
ment et la perception des impôts, les douanes, les con«
tributions directes, les travaux publics et en général les
services qui exigent une dii\>ction unique ou Vemploi d'in-
génieurs ou d'agents eui*opéens.
Aai 4. — Des résidents ou des résidents adjoints,
nommés piir le gouvernement français et pré^iosés au
maintien de Tordre public et au contrôle des autorités
locales, seront placés dans les chef-lieux de province et
dans tous les points où leur présence sera jugée néces-
saire,
ils seront sous les ordix^s du résident chargé, aux termes
de Tarticle 2 du Traité du 11 août 1863, d*assurer, sous la
haute autorité du gouverneur de la Cochinchine, Texer-
cicc régulier du protectorat, et qui prendra le titre de
résident général.
Art. 3. — Le résident général aura droit d'audience
privée et personnelle auprès de Sa Majesté le roi du Cam*
bodge.
Art. g. — Lej dépenses d'administration du royaume et
du protectorat seront à la charge du Cambodge.
Art. 7. — Un arrangement spécial interviendra, après
rét;iblissement définitif du butlget du royaume, pour fixer
la liste civile du roi et les dotations des princes do la fa-
mille royale.
La liste civile du roi est fixée provisoirement à trois
cent mille piastres; la dotation des princes est provisoi-
rement fixée à vingt-cinq mille piasti*es, dont la réparti-
tion sera arrêtée suivant accord entre Sa Majesté le roi
du Camliodgi^ et le gouverneur de la Cochinchine.
Sa Majesté le roi du Cambodge s'interdit do contracter
aucun emprunt sans l'autorisation du gouvernement de
la Uépublique.
COCHIRCHIIIB — CAMBODGE — 81AX 71
Art« 8. — L'esclavage est aboli sur tout le terriloire du
Cambodge.
Art.O. — La sol (lu royaumo, Jus(|u*à ce Jour proprI<^M
exclusive «lo la courouni», cessera «l'être inaliénahte. Il
scia proctMt^ parités autoiili^s fi'auçjtUcsetcttmlio«if<i4Minefl
à la constitution do la prui>ric*lé au («amlMxlixc
l«es clirtmontcs ot lf*8 pnK0<li*s conserveront on toute
propriété les terrains cpiVIIos occupent acluell««ineiit.
Art. 10. — La ville do Pnoiu-IVnh sera adminislrée
par une coniniissioti municipale comiH>sée du résident
général ou de son délégué, président, de six fonctionnain*s
ou négociants français nommés par le gouverneur de la
Cochiuchine, de trois Cambotigiens, un Annamite, un
Cliinois, un Malais, nommés par Sa Majesté le roi du Cam-
bodge sur une liste présentée par le gouverneur général.
Fait à Pnom-Penh, le 17 juin 188i.
(L. S.) Signé : Coarlu Thomson.
(L. S.) Signé : Noiooom.
Cette convention a été, en France, Tobjct des plus
vives critiques. Elles étaient, & mon avis, très méri-
tées. Dire à un rot qu*il c continuera à régner i en
lui enlevant toutes les prérogatives de la royauté;
le condamner ainsi à toutes les humiliations de la
vassalité la plus honteuse est un acte au moins ma«
ladroit s*il ne se Justifle par des résultats importants
et certains. 11 me semble, en tout cas, indigne d*un
pays comme la France. Mieux eût valu mille fois
déposséder complètement ce souverain, l'expédier
dans rile de Poulo-Condore, l'y détenir et prendre
7S U FRAKCB DA!fS L*l!f00-C1U!«B
oarrément possession du Cambodge, en dédaignant
le traité de 1867, que de sembler craindre la viola-
tion de ce traité inepte, en commettant une action
hypocrite, plus nuisible à notre prestige, à nos inté*
rôts, qu*une manifestation nette et vigoureuse.
Toutefois la convention de 188i a été approuvée
|xir les Chambres, en janvier 1880! Pourquoi donc
son auteur n*a-il pas été maintenu & son poste afln
de. la faire exécuter? Pourquoi a-t-il été rappelé et
remplacé par le préfet de la Loire, un parent et, par
conséquent, une créature de M. Blancsubé, député
de Saigon, dont un procès, qu'on a cherché à rendre
scandaleux^ a démontré tout au moins les tendances
non équivoques, très réfléchies, très calculées, à
favoriser les intérêts de Norodom qu'il considérait
avoir été compromis par M. Thomson.
Sans m'appesantir sur ce point délicat, je dois dire
que renvoi do M. Filippini, comme gouverneur de
la Cochinchiiie, ne pouvait que faire pressentir la
dénonciation prochaine de la convention imaginée
par son prédécesseur. Je ne mets paé néanmoins
en doute, un seul instant, la parfaite bonne foi de ce
haut fonctionnaire.
Il y avait quelques mois & peine que M. Filip-
pini était arrivé h Saïgon, que nous apprenions sa
visite solennelle à Pném-Penh, où il arrivait c muni de
pleins pouvoirs » pour détruire l'œuvre do M. Thom-
son I Je ne crois pas pouvoir mieux agir pour faire
COCBmCRINB — CAMBODGB — 8UX 73
apprécier les résolutions de M. Filippini, que de
reproduire textuellement les principaux passades
d'une lettre, en date du 16 août, adressée de Paôm-
Penh aux Tablettes des Charentes :
c Le nouveau gouverneur de la Cochinehiney
M. Filippiniy est arrivé & Pnôm-Penh^ le jeudi
22 juillet, muni de pleins pouvoirs auprès de Sa
Majesté Norodom. La convention du 17 juin a ôlé
entièrement dénoncée, et une nouvelle entente a
été conclue sur ces bases : c Le gouvernement fraa«
çais rend au roi toute l'administration du royaume»
sauf la régie de l'opium et les douanes; il n'y aura
plus au Cambodge que quatre résidences-frontières.
c Le roi Norodom a lancé une proclamation invi-
tant son peuple à rentrer dans l'ordre, et accordant
une amnistie pleine et entière. Deux princes de la
maison royale, les ministres et plusieurs mandarins
partiront le cinquième jour de la lune (17 août), pour
porter des messages de paix dans le royaume et
engager les chefs des rebelles à se soumettre. Chaque
mission sera accompagnée d'une escorte française,
comprenant 100 fusils Gras et 10000 cartouches.
Le ministre de la justice est parti hier, 15 août, pour
les provinces du Nord, avec 30 jonques remorquées
par la chaloupe-canonnière, la Baïonnette. Si cette
nouvelle démarche ne réussit pas, Norodom fera
des levées et marchera lui-môme à la tète de ses
troupes contre les rebelles.
5
74 LA numcE dans L*iiu)o-cmHS
€ De son cOté, le résident général a informé le
pays que rien ne serait changé dans l'administration
da royaume jusqu'au 1'' janvier 1887. A cette épo-
que, le roi reprendra la direction des alTaires, et le
nombre des résidences françaises sera réduit & qua-
tre : Pursat , Krati(^.h y Çoropong-Thom et Kampot.
Les fonctionnaires cambodgiens seront conservés.
Enfin, les commandants de poste ont reçu Tordre
do ne plus sortir que s^ils sont attaqués, et pour
secourir un poste attaqtté ou protéger un ravitaU»
lement.
c La régie de Topium sera évidemment une source
fructueuse pour la France; mais, à mon sens, elle
sera aussi la cause de bien des conflits, et il eût
mieux valu,^À tous égards, revenir au monopole du
fermage. Toutes les recettes y passeront, avec
Tarmée d'employés qui fonctionne dans la régie,
dont le directeur a 25000 francs et les contrôleurs de
10000 à lâCKX) francs Avec le fermage, on eût prévenu
la contrebande et réalisé bien des économies. Une
économie à faire, ce serait encore de remplacer par
un administrateur de 1" classe à. 20000 francs, le
résident général, qui en touche 75 000. »
^ Un autre correspondant de Pnôm-Penh sous la
date du 18 août, dit le môme journal, nous apprend
que les milices cambodgiennes en formation dans
cette ville refusent de partir pour les résidences
auxquelles on les destinait, et que la plupart déser-
tait, arec armes et bagages, allant sans doota i»
tarcer les rebelles.
c L'émotion est grande, ici, nous écrit-oo, el Ta
se demande si, comme en mai et en aoAt i9S&^ Ion
des deux tentatives de pacification, on va laisser
des armes aux milices en les renvoyant dans leui»
villages. En ce cas, attendez-vous à voir l'insurreo*
tion reprendre de plus belle. >
La Liberté qui est un journal d'opinion très dkh
dérée a jugé sévèrement les décisions prises par
le nouveau gouverneur :
4 On avait parlé, dit celte feuille, il y a quelques
jours de rexcellent eflfet produit par les mesura
dont le nouveau gouverneur civil de la Cochinchine
avait pris Tinitiative avec le roi du Cambodge. Tout»
les diflicultés étaient aplanies. La rébellion étail
vaincue et une paix ot-tavietuie étendait son actioa
bienfaisante sur la colonie. Le représentant du gou
vernement français s'était hâté de vendre la peaa
de l*ours avant de lavoir tué. Les journaux de Sai-
gon, arrivés hier, nous apprennent que les conces-
sions inopportunes faites au roi Norodoin ont été in*
terprétées comme une preuve de faiblesse de notre
part, de sorte que les rebelles sont devenus plus
audacieux que jamais et que le roi lui«méme se
montre très arrogant. On sait que ce prince astu-
cieux, qui paraît connaître Jugurthaet Salluste, avait
êu (l'Oliver dcê appuie dans le Paiement frança'u, i
l U FRA!<CB OANH l/lRDO-Cniï«B
Les partisans de notre nouvelle politique au Cam-
xlge diront que Tune des conséquences de la
>nvcTition de 1881 a éié la réconciliation do Noro*
om et do son fr^ro Si-Votha. Go dernier est devenu
epuis lors, en cflet, le chef do la rébellion; il a son
uartier général à Dahr, près du mont Thy qui lui
srt de temps en temps de refuge. G*cst là que lui
rrivcnt par les arroyos, après avoir passé à la
arbe de notre résident de Compong-Thom, les armes
tics munitions qui lui sont expédiées de Siam, par
lattainbang.
Ils semblent donc logiques quand ils ajoutent :
^lisquo la rébellion do certaines parties du Cam-
N>dgo a eu pour prétexte la convention de M. Ch.
riioinson, il suffira de la dénoncer, et la paix sera
vnduo h ces provinces. Eflacée la cause , détruit
jera reflet.
C*est ainsi qu*a pensé M. Filippini. Il a agi en con-
séquence.
L'écrivain de la Liberté qui a eu à apprécier cette
^açon de penser et de faire me dispense d'exprimer
anon opinion h cet égard.
: Il ne me reste qu'une espérance ; C'est que les Gham*
très qui auront — sans doute? — à sanctionner la
iconduite de M. Filippini se refuseront énergiquement
à approuver la dénonciation d'un traité qu'elles ont
ratifié, il y a neuf mois à peine : je veux parler de
4a convention Thomson.
f)
COChMCniMB — CAXMDCB — SU» 77
Est-ce & dire qu'il (aut consen'er et appliquer
l'œuvre de Tancien gouverneur?
Je me garderais bien de donner ce conseil.
Je no doute pas un seul inntant des scntimcnti
excellents et pcrsonneHcmcnt très dcVIntércssés qui
ont inspiré M. CIi. Thomson, lorsqu'il a conclu la
convention de i88-i.
Il a cruy en conscience, servir les intérêts de son
pays. Mais ii s*est malheureusement trompé. En im-
posant au vieux Norodom l'obligation de signer sa
propre honte et sa dégradation, il ne s'est pas rendu
un compte exact do la situation.
Il a voulu ménager la cour de Dangh'ok; et celle-
ci no lui a certainement su aucun gré de cette
faiblesse — qu'il me pardonne ce mot. II Ta au moins
autant indispo^éo que s*il avait dépensé toute son
énergie h prendre déflnitivement posscHsion du
Cambodge, en s'installant à Pnôm-Penh comme
M. P. Bort est installé à Hanoï.
Jusqu'à ces dernières années, l'Angleterre, déjà
maîtresse d'une partie de la Birmanie et de la pro-
vince malaise, était la puissance redoutée des Sia-
mois. Aussi, h l'origine, a-ton vu sans déplaisir, à
Bangkok, notre occupation do la Cochinchine. En
signant un traité très avantageux pour lui avec la
France, bien qu'il consentit à abandonner à notre
profit sa suzeraineté sur le Cambodge, le roi de
Siam nourissait secrètement l'espoir que notre voi-
tft U FnARCB UAKS L*i:<IDO«ailRB
nnago pourrait lui servir un jour contre les préten*
ions, contro les envahissements britanniques qu'il
sst contraint do subir.
Lo Siam est, on le sait, le seul royaume indépen*
dont de toute Tlndo-Chine. Son roi a lo souci bien
naturel de conscr\'er cette position privilégiée. La
politique anglaise «fu^ont soigneusement secondée
les Allemands a été, en tous temps, de présenter la
France h la cour do fkmgkok, comme une puissance
turbulente, aggivssive, no songeant h rien moins
qu\\ la con(|uéto du Siam.
Ux convention de 1881 a malheureusement semblé
donner raison h nos enneniis.
1/cxpédition du Ttinkin ost venue mettre le comble
aux crainlos du pnitôgé do rAngleterre.
Nous aurions di\ innnédiatcment nous elTorcer de
faire cesser des appréhensions qui n*étalcnt certes
ixis justifiées; Lo gouvernement aurait dû être
avisé par ses. agonis do cet état do choses. Ceux-ci
sont restés muets. Nous ne nous en sommes donc
point préoccupés, et nous nous tix>uvons aujourd'hui
en face d'une politique anglo-siamoise sourdement
hostile, ce qui est la plus dangereuse des politiques.
M. Filippini qui a remplacé M, Thomson, a-t-il
compris cette situation? A-t-il pris les mesures que
les circonstances lui commandaient?
J'estimo qu'il n*a fait qu'aggraver colle, si mau-
vaise, qu'avait créée son prédécesseur I
• cocninaiiNB — cambodoi — sun 79
Les décisions si malheureuses que Je vois prendre
au nouveau gouverneur m'inquiètent h ce point que
Je regrette sincôrement Tadministration précédente,
et j'en suis arrivé à me dire : Qui sait, après tout,
si M. Ch. Thomson n'aurait pas flni par atténuer les
vices.de son irrationnelle convention?
Que lui a-t-il manqué pour cela? Un acte de force
de la métropole et trois mille hommes pour faire
une sérieuse campagne, ce qui lui aurait permis de
placer Norodom entre ces deux alternatives : soit
d'être enfermé lui-même, soit de faire saisir les
agents de Si-Votha qui parcourent le s prov inces
limitro phes, l ance nt dos proclamations, r éveillent
le zèle des sociOtOs secrètes, do nnent des fôtes et
enrôlent des partisans contre la France. Kst-co que
ce n'est pas le roi lui-mémo qui, retiré dans son
palais de Pnôm-Penh, abruti par l'opium, encou-
rage l'insurrection dont son frère est le chef? Ia
perfldie asiatique aurait-elle donc déserté le palais
de Norodom, que M. Fillppini ait pu naïvement
croire aux fallacieuses promesses de celui qui l'ha-
bite?
Qu'il apprenne, s'il l'ignore, un fait caractéris-
tique qui s'est passé en 1885.
A cette époque, le i^apo des bonzes du Camliodge,
soi-disant délégué par le gouverneur de la Gochin-
chine et par Norodom se rendit auprès de Si-Votha.
Il s'agissait d'obtenir la soumission de ce dernier.
U FRAICCB AARS L'IXOO-CHIKB
1^ Le pape des bonzes avait été son précepteur. Il
y avait Heu de compter sur son influence auprès de
lui. Il partit donc, se disant chargé d'ofTrir au ttàte
da roi une pension de iO 000 dollars par an, à la con-
dition qu'il cesserait ses hostilités. §i-Votlia eut le
sentiment qu'aurait eu comme lui tout Asiatique, en
pareille circonstance : On vient h nio Udonc on a peur .
C'est tout dilTércnt quand on le menace et surtout
quand on le maltraite. Donc le chef des rebelles
trouva Toccasion excellente pour étendre son près*
tige. Il fit connaître à tous ses partisans les oflres
magniflques qui lui avaient été faites. 11 se déclara
plus décidé que jamais h combattre. De grandes
fiâtes furent données ù cotte occasion, et c'est le pape
des bonzes lui-mCme qui bénit Veau du seniieiit
versée à tous les compagnons de Si-Votha Jurant
do mo urir pour rindép ondanco de la patrie. L'en-
thousiasme fut tel que le frère du roi osa écrire
au consul anglais ù Uangkok pour lui demander
de l'argent 'et des armes. £t sait-on celui qu'il
chargea de lui faire parvenir sa missive? Son propre
précepteur, le pape des bonzes, le négociateur
envoyé par le roi Norodom et le gouverneur do
SaTgont
N'est-ce pas là un fait inouï! Sous des formes plus
ou moins variées, cette même félonie se retrouve
partout, en Extrême Orient!
Je suis donc autorisé à penser que le roi do Siam,
cocniNcniNB — gaxdodgb — sux 8i
poussé par rAngleterre, est aujourd'hui le complice
de Noroilom.
Lui aussi avait promis h notre cliargé d^alToircs à
Bangkok, de faire cesser la contrebande de guerre.
Il avait même dépôctié, en novembre 1885, un
haut mandarin, en qualité de commissaire extraor-
dinaire, pour que les gouverneurs des provinces
exécutassent ses ordres. Ceux-ci devaient laîre
arrêter Si-Votha, s'il osait se réfugier en terre sia-
moise.
Mais qu'a produit cette manifestation du gouver-
nement de Bangkok? Si-Votha en a-t-il pas moins
continué à s'approvisionner dans le Siam? Et d'ail-
leurs comment l'arrêter? Il se tient sans cesse aux
conflns du Siam et du Cambodge.
Oîi commence la terre siamoise, oti flnit la terre
cambodgienne? Depuis 1807, on n*a pas procédé,
malgré tous les engagements pris, h cette époque, &
la délimitation des frontières des deux pays.
N*est-ce pas là la cause permanente de notre fausse
situation au Cambodge et dans le Siam? M. de
Lannessan le déclare nettement, et Je |)artago son
sentiment.
Aussi suis-je de ceux qui pensent qu'avane îquU
c/iose, avant de dénoncer la convention Thomson, et
mieux, pour arriver à la dénoncer et h la modifler
notablement d'une façon honorable, si Ton veut, pour
Noix>dom, mais ayant tout poiir la France, M. Fili-
5.
82 L\ rnxycR dans l*i!<do-ciii:ib
piiii aurait dû provoquer la nomination de la Com«
mission de délimitation des frontières.
11 eût été d'autant plus écouté que, comme je l'ai
déjà dit, le roi do Siam Ta réclamée de M. Thom-
son, lorsqu'en janvier 1885, il a eu une entrevue
avec le représentant de la France, dans les lies du
Tolfe.
Qu'attendons-nous pour répondre à ce désir si
légitime?
CHAPITRE m
DÉLIMITATION SES FRONTIÈRES
SES ROYAUMES SE SIAM ET SU GAMBODOB
(Battambang, Angkor)
CHAPITRE III
DÉUMITATION DES FRONTIÈRES
DES ROYAUMES DE SIAM ET DU CASIBOOGB
(bATTAMBARO, AMGKOi)
Le gouveraement français, sans plus tarder» doit
donc s'occuper do la délimitation des frontières
du royaume de Siam et du Cambodge. Mais avant
de procéder & la nomination de la Commission qui
serait chargée de cette tâchCy il est absolument néces-
saire qu'il décide préalablement ce qu*il veut faire,
afin de donner des instructions précises à ses agents.
Il faut prévoir, je le réi)ète, des résistances de la
part du Siam si nous sommes fermement résolus, et
nous devons Tôtre, à restituer au Caml)odge ses an-
ciennes provinces. Il ne suflit pas de dire avec M. de
Lanessan : « Le traité de i8G7 n'existe plus depui»
la signature de notre nouveau traité avec le roi du
Cambodge. » Cette déclaration sera platonique tant
que la France ne lui aura pas donné par ses actes une
86 U PttARCB DA5S L*15D0-ail?IE
sanction déflnitive diplomatique, matérielle. Il n*e8t
plus temps de nous payer de mots. Agissons» et
surtout agissons vite et énergiquement.
Si la parole de M. de Lanessan avait la valeur
qu'il a voulu lui donner et que certains lui prêtent,
nous ne saurions trop remercier M. Thomson d*avoir
signô et fait signer par Norodom la convention de
18Hi, tout en regrettant cependant qu'il fût resté
en si bon chemin. Kn revanche, on ne saurait assez
blâmer M. Filippini d'avoir dénoncé une convention
si avantageuse, si précieuse pour nous, et d'avoir,
par son inexplicable conduite, redonné au détesta-
Lie traité de 18G7, sa force et sa valeur d'il y a
vingt ans, détruites par son prédécesseur. La France
ne peut plus supporter la spoliation commise par le
Siam, au détriment du Cambodge. Tout lui com-
mande : ses intérêts, sa dignité même, de mettre
fln a cet état de choses.
L'Angleterre encouragera, dira-t-on, le Siam dans
ses résistances. Elle nous menacera de s'installer
dans toute la presqu'île malaise. Que nous importe!
L'occupation par elle de ce territoire se fera tût ou
tanl. Nous n'avons donc pas & nous préoccuper de
rôpoque où elle s*accompIira : que ce soit aujour-
d'hui ou que ce soit demain. Mais, avant tout, l'An-
gleterre a, pour l'instant, & terminer ses alTaires
passablement emmêlées dans la Birmanie. Elle a des
embarras dans l'Inde, en Egypte, sur le continent,
FnOXTlÊRES DE SIAM ET DU CAMBODGE ff!
un peu partout. Suivant son habitudo, elle oommen*
cera par protester contre nos agissements. Si nous
passons outre, elle se taira.
Quant au Siam, il est notre ennemi, qu*ôn n'en
doute i^as, et il le sera tant qu'il y aura un Anglais h
Bangkok. Kt Je no vois pas que le Jour soit proche
où ce pa)^ sera débarrassé do rinllucneo britan-
nique.
Nous devons songer à notre sécurité. Cette ab-
sence permanente, qui date d'un siècle, do fron*
tières régulièrement établies entre les deux royau-
mes, do Siam et du Cambodge, dont l'un est notra
ennemi et l'autre notre pvoiégé^ nous expose sans
cesse h des contestations, h des périls désonnaiâi
intolérables. Qu'on essaye de transiger avec le Siam,
rien ne s*y oppose. Je le conseille. Mais aussi bien
je ne saurais trop insister pour qu'on n'en tint pas
compte, s'il refusait de négocier. Mieux vaut la
gueiTO avec les Siamois chez eux, que la guerre
dans le Cambodge, & notre porte, avec des rebelles
armés, renouvelés sans cesse par le Siam !
Nul ne me trouvera exagéré, agressif, qui voudra
se donner la peine d'examiner la situation de Dat*
tambang. Cette ville — je {iai'lerai ensuite de la pn>-
vince entière dont elle est la capitale — est la clef du
Cambodge, et le souverain de PnOm-Penh ne sera
jamais chez lui tant que son voisin la gardera en son
pouvoir.
88 LA PRAIfCE DA!«S L*IIfDO-Gni?CB
Je pose donc tout d*abord en principe :
L'existence du Cambodge, partant de la Cochin*
chine, sera toujours précaire, le commerce de tous
les pays de Tlndo-Chine, au nord et à Test des Grands
Lacs, continuera h aflluer 21 Dangkok, tant que le
Cambodge ne possédera pas, comme ligne frontière,
Battambang : à Toucst du Grand Lac, et Stung-
Trong, à Test, sur le Mékong.
Ce sentiment est absolu chez moi; il résulte de
toutes les études que j*ai faites avec le plus grand
soin sur toutes ces contrées.
Cola bien établi, il me reste à expliquer comment,
indécis à lorigine, mal renseigné, mal impressionné,
je pourrais même dire presque sans opinion, je suis
arrivé h en avoir une si ferme et si arrêtée.
Je vais, à cet elTet, parler d*abord de la province
de Battambang, de ses ressources, de ses habitants,
de leurs mœurs, en un mot de sa situation générale.
Je m'eflforcerai de démontrer Timportance de sa
capitale, et par conséquent l'intérêt absolu que nous
avons ù ne pas la laisser plus longtemps aux mains
d'un voisin qui, je le dis encore avec certitude, ne
nous aime pas, et subit l'induence de nos ennemis
les plus acharnés : les Anglais.
« »
La province do Battambang occupo une étendue
d*environ 100 000 kilomètres carrés, compris entre
FROimÉRES DE 8UX ET DU CAMBODGE 89^
12*30 et i3*d0 de latitude N. et i00*20 et 101*30 de
longitude E.
Sa population est très mêlée, comme on peut le '
voir par le tableau ci-dessous :
4
GambQiIffieni inicriU.. 15 000 45 000
ComliodKiens Siamoii. 8 000 15 000
SUmoli inscrits 200 600
Laotiens 1500 4 600
Malais 100 300
Annamites. S 000 000
Cliinois 3 000 3 000
Uirinnns ..•.••• 3 000 j
14 400
104 200
A ce chiflrey il est inutile d'ajouter quelques cen»
taines d'Indiens et de Peongs.
Les mouvements d'émigration et d'immigration
dans ces contrées rendent impossible tout recense-
ment et tout établissement d'état civil. Je ferai
obserx'er que les cbiiTres qui précèdent doivent
être considérés comme des données approximatives.
Néanmoins, il est facile de voir que la population
est, en très grande majorité, cambodgienne.
Il y a foi*t peu de chrétiens dans la provinco. Un
village du nom do Ksach-Pouï, contenant 180 habi-
tants, & iO kilomètres en amont de la ville du Jlat*
tambungOHt tout entier chrétien. Un second, lx>nf{.Sa
villoge annamite sur lo Tu'k-Thio a été récoinincnt
érigé en chrétienté.
90 U FRANCE DA?IS L*II«DO-€ni!IB
La température varie entre d8<' et 25*, ce qui
fait que le climat tient le milieu entre celui de la
Cochinchine et celui du Tonkin.
Ijq total des revenus i»cut présentement être éva-
lué h environ une detnupictstre par habitant, soit au
total 51 000 piastres environ, dont la récapitulation
est indiquée par les clnlTrcs suivants :
Piulret.
Ferme des alcools de riz ....•• 15 000
Fermo da Topium , 74 800
Ferme de l'alMlai^e dcn {tores i 500
Fcrtuo du poisHon dit I^c i 300
Fcnuo de riiiiilo du poi«son. .••••• 1 400
Kocalion de;* arroyos .*......... 1 550
Fermo des rix C 200
Ferme des cardamomos, cornes, |>caux,ctc. 1 330
Ferme des jeux 1 200
Fermo de la loterie des trente-six bùlcs. 150
Fermo de la monnaie 2 000
Ferme» rùu n ies de Pa yrinli 3 000
Quote-part de la capitation des mineurs
de ^ayfinh (environ) 1000
IntértH du 1/10 sur les paddys Mémoire
Revenus. provenant de la Justice Mémoire
Total 51 110
La plus importante de ces fermes, celle des alcools
lie ri/, a été concédée pour une durée de trois ans
et expire en 1887,
I^ province do ]li\ttambang administi>>c comme
oîlo restactucllomcnt, avec toutes les imperfections
(|ue nous avons tous le droit d*iniputcr h son sys-
tv^ino administratif, est, assurent ceux qui Tunt par-
FROXnÊAES DK 8UX ET DU CAMBODGE 91
courue, la plus tranquille et la plus heureuse du
royaume do Siam '.
En sus du gouverneur qui est Cambodgien et qui
réside dans la capitale, il y a cinq mandarins qui
' administrent la province. Ils sont installés h Mong-
Kolborey,Tu*k-Thio et Tcnot, au nord, Mong au sud
et Dontry au sud-est.
Quant à la ville de Battambang, elle est située sur
le Song-Ké qui la traverse. Elle s*étend sur les
deux rives, sur une longueur d'environ lO kilo-
mùtres. Les maisons sont construitcK au milieu des
cocotiers, araquiers, bananiers, manguiers. L*aspcct
en est charmant et furt pittoresque.
Elle possède même un Hôtel des monnaies dont
les machines et Tortillage ont été achetés & Paris et
qui constitue l'un des principaux revenus du Trésor.
Il y a, au centre de la ville, une briqueterie qui
fabrique des briques, des carreaux, des tuiles pour
toitures. A Compong-Ampll, il y a également une
poterie. Mais la briqueterie de Khveng est aussi
importante que celle de llattambang. Toutes les
montagnes de cette région renferment, en général,
des pierres calcaires dont on pouirait faire de la
chaux.
1. Dans une publication qui M fait A Salgoo soui lo titra:
Ercursions et lifcomiaissunces, un écrivain tK*a couMlentricui,
.\l. Urioii, a pulilid sur la province dit DattAnilMnff (Juillet*
AoiU iR8S et Jnuvier*ri^vri«*r IMHii) Icm rcUNulKneiuentit jeu |4iti
coinpIuU qui in'uul élO det pluii utiles dan« nivi rei*lierrliei.
99 U FIIAXCK DAXS L'hNDO-GllMB
Sur la routû do Sisaphon h Payrinh, & Da-Meas,
il y a des mines d*or. Ces mines qui produisaient de
Tor un peu pûle et qui étaient exploitées par les
procédés primitifs, ont été abandonnées, il y a une
dizaine d*années. Toutefois, si on appliquait à l'ex-
traction de ce métal, les procédés nouveaux adoptés
dans nos grands centres miniers européens, ces
mines pourraient acquérir de l'importance. On pré-
tend qu*i\ proximité de Ba-Meas, il y a d'autres
gisements d'or qui seraient, eux, d'une richesse
réelle.
Mais à Payrinh, à mi-chemin de Chantaboun à
Ikiltambang, à trois jours de marche par conséquent
do celto dernière ville, il y a des mines do pier-
reries qui occuponl justiu'îi lUKH) ou lUOO ouvriers.
Les exploitants sont prestpio tous lliriuans et Kou-
llias. Ces mines contiennent des siipliirs, souvent do
qualité infévieure. Mais les rubis qu'un en i*otiro
sont superbes, j'ajoute qu'ils sont rares. 11 est de
mémo pour les topazes blanches et les émoraudes.
Les proix>rtions dans lesquelles on trouve ces
pierres précieuses se calculent ainsi : On compte
cinq fois plus de rubis que de topazes et d'émeraudes
et cinq fois plus de siiphirs que de rubis. Ces
pierres sont presque toutes transportées à Chanta-
boun oii elles font l'objet d'un commerce spécial.
Très peu sont vendues à PnOm-Penh.
M. l'ingénieur Druel a découvert des beaux échan-
PROjmÈlIBS DE SIAN CT DU aSIDODCB 93
tillons de cristal de roche dans les montagnes de
Pnôm-Krevanh. Il y a également des sources ther-
males entre Battambanget Chantaboun.
La chasse est abondante dans la province, et celle
du cerf, au lieu d*étre faite comme chez nous, par
des chiens, est pratiquée par des chevaux d'une
race particulière, h demi sauvages, dressés h cet effet
Monté par son cavalier, dès que le cheval aperçoit
le cerf, il se précipite à sa poursuite avec une vitesse
vertigineuse qui lui permet même de le dépasser.
Dès qu*il l'a atteint, il se jette sur lui, il le mord
avec rage et l'achève à coups de sabot. Comme
récompense, on charge la victime sur son dos et il
rentre ainsi triomphant au village. Kn outre, on
chasse lo tigre do grande race, ainsi que les pan-
thères cl les éli^phants sauvages (jul vivent d'tutli-
nairo sur les bords du lac. On trouve ausxi lo
renard, lo loup, lo lapin, la belette, des fouines cl,
sur les bords du Song-Ké, à Ilassou, des loutres.
Le guano de chauve-souris peut devenir une
source réelle de revenus si l'on veut s'appliquer à
l'extraire des grottes de montagnes ù Pnôm-SAm-
Pôu et à Pnôm-Chûk-Kreem. Dans certaines de ces
cavernes, il existe des couches d'excréments secs
de chauves-souris et de vampires sur une hauteur
de plusieurs mètres. On pourrait très facilement
les en retirer et en faire l'objet de transports très
lucratifs.
94 U rRANCB DX^S L*I«'<U0-CI1INB
Los diâtricts boisés ilo Mong Kolboroy et de Tu*k-
lltio fdurnisssoiU beaucoup ilo miel.
On cultive aussi, dans la pin)vincc« lo rix, le cai*»
dantomo, le inals, les arachides, lo concombre, la
citrouille. Le cafô y est abondant. LMndigo de
Compong est renommé. Le commerce du riz est
réservé aux Chinois. Ils Texpédient à Saîgon et ù
Cholon par les messageries à vapeur cochinchi-
noises qui font les transi>orts des marchandises et
des voyageurs de ces deux points à Pném-Penh.
M. Brien prétend qu*une décortiquerre de nz qui
s*installerait îi Dattambang, envoyant seulement ses
produits à Pnùm-Penh et à Saigon, aurait chance de
procurer promptement une belle fortune a\ son pro-
priétaire, C*est à considéi*er.
Les bois de teintui*e sont communs dans les
forêts de Mong Kolbery et de Tu'k-Thio. On y trouve
toutes sortt^ de variétés de bois de charpente et
charronnagc, d*ébénisterie, et, en général, tous les
riches bois do la Gochinchine, ainsi que do la gomme
laque. Parmi les principales importations qui sont
faites, il faut citer particulièrement le sel dont ou
fait un usago considérable pour les salaisons du Lac.
On remarque aussi les nombreuses cotonnades qui
viennent toutes d*Âllemagne, d'Angleterre et de
Hollande. Ces mômes produits venant do France
sont, hélas! absents. M. Paul Bert cherche fort intel-
ligemment ù remédier au Tonkin à un état de choses
PRONTIÊRBS DB SIAM ST DU aXBODCB
analogue & celui que je viens de signaler, au Cam-
bodge. Ici comme \h se sont les commerces anglais
et allemand qui trouvent des di^bouclit^s que Ton
n*a |)as su créer au commerce français. Est-ce sur-
prenant? Nous n'avons nulle part d*agents pour
nous renseigner, et quand, par hasard, nous en
avons, ils font de la politique. Ils considèrent les
aflaires commerciales indignes de leurs préoccupa-
tions et de leur mission diplomatique, Ijcs soies de
Gliine sont également impoilées dans la province,
ainsi que Thuile de coca — expédiée, elle, presque
exclusivement de Cochinchine — etropium que jadis
fournissait le Cambodge, mais qui maintenant pro-
vient entièi'emcnt de Bangkok, par suite de la sot-
tise des agents de la régie de Pnôm-Penli. Ceux-ci,
ont, en elTet, élevé à 800 piastres le prix de vente
de la caisse do cette denrée.
Mais, pour ne pas fatiguer le lecteur |)ar une
nomenclature trop étendue, j*arrivo sans plus tarder
à Texamcn de Tindustrie considérable de la |)écbe
du Lac. Ce seul examen, entre une foule de consi-
dérations dé toutes sortes, suflira à démontrer com-
bien la possession du Lac tout entier nous est néces-
saire .
Lorsqu*il a eu à parler du Grand Lac et de ses
émissaires connus sous le nom do bm» du Lae^
M. de Lanessan a écrit :
« Cet immense réservoir est un inépuisable vivier
96 U FIUNCB DANS L^lSlDO-CniIfS
de masses énormes de poissons qui, séchés, fumés,
salés, transformés en huiles et en préparations
diverses, alimentent une foule d'industries variées
et donnent lieu & Tun des commerces les plus
étendus do notre possession. Le Grand Lac n*a pas
seulement une importance économique, il olTre
encore une immense valeur politique, La possession
entiérc de cette grande dépression et celle du bassin
qui vient y déverser ses eaux est Tun des desiderata
les plus graves de Tœuvre que nous avons pour-
suivie empiriquement jusqu*ici, mais que nous
pouvons et que nous devons désormais accomplir
de propos délibéré. La partie occidentale du Grand
Lac, notamment, c*est-^-dire celle qu*une diplo-
matie trop ignorante ou trop légère a cédée au
Siam avec les provinces de Battambang et d*Ang-
Kor, un des nœuds vitaux de la presqu*ile, quel que
soit le point *do vue, commercial, politique ou mili-
taire, auquel on veuille se placer.
« On reste confondu quand on i*énéchit à la faute
que nous avons commise, en '|8G7, lorsque nous
avons consacré de nos propres mains la spoliation
de notre nouveau protégé, le roi du Cambodge* lais-
sant ainsi la porte ouverte à Tun des plus grands
dangers qui puissent menacer nos possessions. »
La compétence indiscutable de Thonorable écri-
vain qui a émis des affirmations si nettes et si caté-
goriques donne à ces dernières un tel caractère de
pno:fnÊiiBS de siam et du Cambodge 97
gravité que les hommes d*Êtat qui sont & la tête de
nos affairos no peuvent laisser se prolonger cette
situation.
No serait-ce môme qu'au point de Vue spécial de
la police du Lac, il importerait qu*à tout prix le
Cambodge seul fût libro do Tcxcrcor, & Toxclusion
de tout autre. Un oxcmplo suflira h le faire com-
prendre :
LMiuile de poisson du Lac donne lieu & un com-
merce très productif. Elle se fabrique avec des pois-
sons qu*on fait bouillir dans de grandes marmites.
L'huile qui, produite par cette cuisson, arrive h, la
surface, est recueillie avec des cuillers et versée
dans des touques.
Alors le poisson qui a subi cette première. opéra-
tion est jeté sur le rivage dans des réservoirs
clayonnés et exposé au soleil qui le fait fermenter.
Une nouvelle couche d*liuile se forme qui est éga-
lement recueillie, et les détritus de ces deux opé-
rations successives abandonnés h Tair libre produi-
sent une sorte d'empoisonnement de Tatmosphère
qui devient irrespirable. L'eau est décomposée, elle
n'est plus potable.
Le gouverneur de Dattambang ne pouvant tolérer
de tels procédés de fabrication, décida, en i88 i, d'in-
terdire la fabrication de l'huile de i)oisson. Or des
marchés avaient été passés. Cette interdiction pro-
noncée par le fonctionnaire siamois compromet-
C
98 LA PRANCB DAifS L*UID0-CH1?IB
tait de graves intérêts. Il pouvait en résulter un
anéantissement complet d'une source de richesses
pour le pays.
C'est alors que le gouverneur de la Cochinchine
tut obligé d'inten-enir auprès du gouverneur de
Dultambang. Celui-ci jugea & propos d'en référer &.
Bangkok.
Il fallut de grands efforts et de longs mois pour
arriver à obtenir que la pêche pût être de nou-
veau permise; elle le fut, en effet, à condition :
1* que les détritus de poisson seraient enfouis en
terre — ce qui n'a jamais été pratiqué ; 2" que le
gouverneur de la province percevrait un premier
droit de pêche, sous prétexte de location d'arroyo, et
enfin un second droit de douane sur l'huile exportée.
C'est un Indien de Pnûm-Penh qui obtint aussitôt le
monopole de la douane, à raison de 1 iOO piastres.
En outre, la/aculté lui fut accordée do prélever er^
espèces le dixième de l'huile exportée, ainsi qu'un
droit de pêche iniineux pour les pêcheurs, calculé
sur le nombi^e do mailles de filets employés.
Telles ont été les concessions que la cour de
Ilangkuk dulgna faire à notre gouverneur de la
Cochinchine!
G*est cet état de choses déplorable, humiliant, qu^a
consacré le traité de 1867! Nous ne pouvons, ne
iierait-co que pour la sauvegarde de nos intérêts, le
tolérer davantage. . .
FR0!rnÊRE8 DB SIAM BT DO GAXBODCB M
Bien que je ne me sois pas arrêté & exposer
longuement les motifs qui font que la province
d*Ar gkor, appartenant historiquement au Cambodge
comme celle de Battambang, a les mêmes raisons
qu'elle de revenir h, ce royaume, Je dois dire que
cette contrée égale sa voisine en richesse et en
fertilité, et qu*clle est, elle aussi, sur là routé qui
conduit des pays du Laos h Bangkok.
Ces ressources qui font la prospérité de la pro*
vince de Battambang et d'Angkor, ne sont pas
les seules causes qui commandent à la France de
restituer ces provinces au Cambodge. L*impor-
tance de la ville de Siem-Beap, voisine des su-
perbes ruines d*Angkor, comme celle do Battam-
bang, tant au point de vue commercial qu*au point
de vue politique et militaire, nous en font une loi
expresse, immédiate. J*ai indiqué comment Battam-
bang était, par sa situation géographique, une étape
obligée pour les voyageurs et pour une grande
quantité de convois allant de Korat à Bangkok et
vice vena,
Kn outre, plusieurs routes, si Ton peut op|)clcr
ainsi les sentiers d*élépliants et de chars qui forment
toutes les voies de communication de ces pays pri-
mitifs, relient Battambang & Siem-Ucap, Sisaphoiii
Kabine, Pursat et tous les points importants do ces
contrées. Une route la met également en communi-
cation avec Chantaboun, véritable colonie annamite
LofC.
lOO LA nXSCE DATtS L^INDO-CUKNB
OÙ nous devrions bien installer un vice-consul, ne
fût-ce que pour empocher le transport continuel de
la contrebande de gueiTe qui, de ce point, se dirige
vers le Cambodge.
Les rapiK)rts entre Battambang et Pnôm-Penh
sont irréguliers. Ils n*ont Heu que pendant huit mois
environ, au moyen des bateaux des Messageries &
vapeur de Cochinchine qui, toute l'année, font le
service entre Mylho et Pnôm-Penh,
C'est principalement à cette irrégularité de com-
munications entre Battambang et la capitale du
Cambodge qu*il faut attribuer cette habitude des
Laotiens, si nuisible à notre colonie, d'expédier tous
leurs riches produits ù Bangkok. Il se trouve, en
elTet, que les caravanes et les voyageurs descendant
do Korat, arrivent ^i Battambang précisément pen-
dant la période des quatre mois oU les bateaux des
Messageries' à vapeur cochinchinoises ne peuvent
plus remonter jusqu'à ce dernier point. Il est dès
lors très diflicile de gagner le sud.
Mais qu'on constmise des routes, qu'on organise
des moyens de transport réguliers et rapides entre
Battambang et Pnom-Penh et Ton détournera aussi-
tôt de Ikmgkok, au profit de la Cochinchine, la plus
grande partie des juarcliandises' qui y sont trans-
portées, d autant plus que la barre formée à l'embou-
chure du Ménam rend inaccessible la capitale du
Sium aux navires de fort tonnage.
PR0?IT1È1IE8 DE SIAM BT OU CAMBODGE iA/
Le voyage de Battambang à Mytho ne dure pas
plus de deux jours. Celui de Battambang à Bangkok
en dure douze. La distance qui sépare ces deux
villes est de 3Q0 kilomètres. Jadis les Annamites
avaient construit, assez élevée pour qu'elle fût à
l'abri des inondations, une chaussée reliant Battam-
bang au Grand Lac en passant par Sisaphon. Les
Siamois l'ont laissé tomber en ruines, et cela se
conçoit : tout ce qui peut servir & Mytho nuit à
Bangkok. Or l'intérêt du Siam est de protéger cette
dernière ville au détriment de la première. Cepen-
dant il existe encore, à peu près intactes, des por-
tions assez importantes de cette ancienne route qu'iJ
serait facile de refaire en entier sans trop de frais.
Si l'on se décidait un jour à entreprendre ce travail,
il ne serait pas inutile de procéder alors à des études
sur les améliorations à introduire dans les Lacs. Bien
des choses contradictoires ont été dites sur certains
phénomènes qui s'y produisent : sur leur assèche-
ment possible, par exemple, il serait utile de con-
naître la vérité. 11 n*en existe pas moins un chenal
assez profond pour y permettre la navigation cb
toutes saisons.
Une clause — Tarticle 7 — de la conventioa
Thomson a éveillé ma curiosité. Elle a trait h l'abo-
lition de l'esclavage. J'ai examiné cette question et
j'ai recueilli & ce sujet de fort curieux renseigne^
ments.
6.
J
lOà U FRANCE DANS L*I\D0-CI1INB
Il y a dans ces provinces du Cambodge trois sortes
d esclaves :
Les esclaves pour dettes, les esclaves héréilitaii'es
et enfln les esclaves formant une catégorie spéciale.
Cette dernière so com^iose de sauvages volés autres*
fois dans les régions du LaOs. Mais, ù l'honneur de la
province de Dattambang, je dois dire qu*on n*y ren-
contre que des esclaves pour dettes. Cotte sorte
d*csclavage très curieuse d'ailleurs peut éti*e faci-
lement détruite. Il suffit à un Européen d en con-
naître la provenance pour qu'il iudiijue aussitôt le
moyen do l'anéantir.
I^ tiers de la population dans la province de
Ihttambang appartient à la première catégorie! Il
est vrai de dire que l'esclavage pour dettes est chose
ti*6s supportable. Il est d'usage que le créancier ne
traduise pas son débiteur devant le tribunal. J^
débiteur insolvable se constitue volontairement Tes-
dave du créancier, qui le nourrit, le loge, l'habille
et le fait travailler pour son compte jusqu'à ce qu'il
soit parvenu à se libérer de sa dette. Mais cet es-
clavage est personnel, il n'est pas liéréditaire. Néan-
moins l'enfant d'un esclave né dans la maison du
maître et qui occasionne ainsi des frais d'entretien,
donne lieu à un supplément de rachat.
Ce sont surtout les préU sur récoltes qui sont
causo quo le cultivateur devient esclave. Le maître,
je veux dire le préteur, est généralement Chinois.
Fno?in£nES db sux et du caxbodce i(Xi
Le Chinois est le Juif de TExtrèine Orient. Il en a
tous les instincts, la ruse, la finesse, l'inteiligence,
et surtout la rapacité.
Un Cambodgien, par exemple, qui possède des
rizières, a besoin d*argent ; il s*adrcsHe invariablement
ù un Chinois qui lui fait des avances sur sa récolte
prochaine. Celle-ci est mauvaise, le débiteur ne peut
pas payer : il devient esckive du préteur. Aussi voit-
on ces pays sillonnés par des colporteurs chinois
qui transportent les marchandises les plus diverses
ù Tusage des habitants, et les leur vendent h con-
dition d*étre payés après la récolte.
D'ordinaire un débiteur ne nie pas sa dette. Pou^
tant le créancier ne possède aucun titre qui Tatteste.
Ce sont lu certes des mœurs que certains Européens
doivent bien envier aux peuples de TExtréme Orient!
Mais si des contestations se produisent entre les
parties, la justice est saisie. Le débiteur qui ne
s'acquitte pas est mis aux fers dans Tenccintc
de la citadcll<;^ attendant qu'un acheteur le délivre.
Il devient aussitôt son esclave pour dettes. Ce
système a évidemment de graves inconvénients.
Mais pour détruire ce mal tout d*un coup, sans
apporter le remède qui doit le guérir, suffît-il d'un
simple article inséré dans une convention, suilout
dans un pays oii, je le répète, par suite des circons-
tances que j'ai indiquées, le tiers de la population se
compose d'esclaves pour dettes?
104 U FlUNCK DAMS L*1M)0-CIU:CB
Je no le pense pas. No semble- t-il pas qu'il eût
mieux valu, qu*ii vaudniit mieux encore chercher le
moven de venir en aide aux cultivateurs, en leurfai-
sanl des avances dans des conditions peu onéi*euses
qui leur. oITriraient toutes chances de pouvoir se li-
iR^rer. Kl ces conditions ne leur coAtei*aient pas ccr-
tiinoincnt les sacrilicos que leur imposent on ce
moment les usuriei*s cliinois.
Donc Particle 7 do ki convention Thomson ayant
\x>\xv but do dtitruire lesclavago appelle forcément
la cn^ation d'uno institution de pi*ùts ixmr TagricuN
turo et I*industrio. Ello pourrait fonctionner sous la
surveillance d*un agent désigné par le gouvernement
do Cochincliino et rendrait do trC's grands services
(i ces ()opulations. Quant aux doux premières caté-
gories d'esclaves, elles doivent disparaître pour les
mêmes raisons qui nous ont fait abolir l'esclavage
dans nos colonies.
Je ne crois pas avoir besoin d'insister sur la néces-
sité de fortifier très solidement la ville de Battambang
si elle nous appartenait. Elle occupe une position
stratégique très importante. C'est par Battambang
que les ennemis du Cambodge ont toujours pénétré
sur ce territoire. Nous Tavons bien compris, puis-
qu'on arrière do Battambang que nous no possédons
pas, h Pursat, nous avons élevé des défenses.
Mais celles-ci seraient insuffisantes si elles de-
vaient supporter uno attaque sérieuse des Siamois.
rnosmtes db siam bt du caxboocb i05
En môme temps qu'un entrepôt de premier ordre,
Battambang devrait donc 6tre une position militaire
solide, défendant, à l'ouest des Lacs, les frontières
du Cambodge.
II serait utile qu'elle fût reliée au port de Kompot
par un chemin de fer. Siam-Ilenp devrait aussi ôtre
occu|K^o militairement.
11 me reste maintenant à étudier comment do-
ATaicnt s'établir les frontières du Cambodge, & VaA
des I^cs.
CHAPITRE IV
OOMPONO*80AX - KR&TIBH - STOMC^TlUBirO
CHAPITRE IV
OOMPONO-SOAÎ — UIATIEH — tlCRC-TRCKO
La Fhince n'a pas un moindre intérêt à délimiter
les frontières du Siam et du Cambodge, à Touest du
Grand Lac, qu'elle n'en aurait à le foire à Test.
^ La première province qui conflne, à Touest, ce
c grand vivier » est colle do Coini)ong-Soa1, égalo*
ment ravie en grande partie au Cambodge commo
celles de Battainbang et d'Angkor, et contostéo
comme ces dernières à la cour de Dangkok.
Or cette province limitrophe des provinces de
Chicreng, Stung, Poroung et Proun-Tep, etc., met
I 1q Grand Lac en communication avec le Mékong,
partant avec OubOne, Bassac et Stung-Treng.
Elle est la plus fertile, la plus peuplée de toutes
les provinces de l'ouest de Tlndo-Chine. Elle pos-
sède plus de 450 villages. On peut la traverser,
pendant la saison des hautes eaux, du nord au
sud jusqu'à la frontière de Siam, en suivant le
7
ilO LA FRANCE DAIVS L*1NI>0-CI11NB
Stung-Sen. Celle rivièi*e est le plus grand affluent
du Lac. Elle traverse Coinpong-Thom et, faisant un
détour au nord, elle forme une partie de ce que Ton
considère comme la frontière siamo-cambodgienne.
Le Stung-Sen n*a pas moins de 80 à iOO mètres de
largeur et 8 à 10 mètres de profondeur dans tout son
parcours. Une flottille de canonnières pourrait y être
installée et y rendre de grands services. On n'en
rencontre pas une seule pour faire la police contre
les rebelles!! Suivant sa dénomination (Compong
veut dire passage) ^ la province de Compong-Soal est
robjectif de toutes les routes qui mettent en com-
munication les provinces du nord avec le Cambodge.
C*est par le Compong-Soaf que les caravanes des
Laotiens descendent vers Pnôm-Penh, à Tépoque de
la saison des pluies. Ces caravanes, qui transportent
des produits de toutes sortes à vendre ou à éichanger,
escortent eti même temps des troupeaux considé-
rables. On compte fréquemment, parmi ces derniers,
jusqu'à iOOO à 50U0 bœufs ou buffles et de 1200 à
1500 chevaux. Les Laotiens qui les dirigent voya-
gent en pareille compagnie pendant cinq et six mois.
Mais, avant d!arriver à destination, ces malheureux
sont victimes d'une exploitation désastreuse. Cha-
que fois que, sur leur parcours, ils ont à traverser
un centre oU se trouve installée une autorité quel-
conque, ils sont tenus, pour que cette dernière leur
permette de continuer leur route, h lui abandonner
COMPOHG-SOa! ^ KRATIEB — STOHG-TREIIG 111
une ou plusieurs tètes de leur troupeau : de telle
sorte qu'en arrivant au terme do leur route, pour
ne pas être ruinés, ils rehaussent considérablement
le prix de leurs marchandises.
Le Compong-Soal est, en ce moment, livré com-
plètement aux incursions de Si-Votha et de ses lieu-
tenants.
Voisine de la province de Compong-Soal, celle de
Chicreng est limitée, au sud et à l'ouest, par les Lacs,
au nord, par la ù'ontière de Siam. Elle est traversée
par une petite rivière qui porte son nom. On y
compte 80 villages dont une dizaine assez popu-
leux. On aperçoit dans la partie sud de vastes
plaines 0(1 s*élèvent, de ditttance en distance, de
superbes bouquets d'arbres, au milieu d*immense8
rizières produisant toutes du riz blanc et rouge. Les
indigènes y ont creusé des étangs qui fournissent
de l'eau pendant la saison- sèche. A partir des
villages do Top-Siom et do Gou-Som-Kril Jusqu'au
Siam, on no rencontre ({uo dos forets 6(1 se trouvent
plus do 150 essences différentes d'arbres.
Or, li Suïgon, on lait venir de Singaporc, posses-
sion anglaise (1 t),ces essences qu'on a tout près de
soi, inexploitées, sur les bords des lacs!
La province de Chicreng est traversée par des
routes à peu près praticables, pendant la saison
sèche, pour les voitures à bœu£s ou à buffles, ainsi
que pour les piétons et pour les cavaliers. Les trou-
lis LA FRAIfCB DANS L'iNOO-CHllfB
peaax sont rares dans cette contrée. Mais» aux envi*
rons du Lac, il y a de grandes pêcheries organisées
pour la salaison du poisson. Les produits en sont
achetés par des Chinois et expédiés en Chine.
Au sud de la province de Chicreng, limitrophe
de celle do Compong-SoaY, est la province de Stung,
qui compte, elle aussi, une centaine de villages très
importants. Au sud des villages de Dong et de Ang-
Long-Kranh, d*immenses rizières produisent exclu-
sivement du riz blanc très estimé dans le pays. Cette
contrée est riche en troupeaux. Pendant la saison
Bèchcy vieillards et enfants restent dans les villages,
femmes et hommes valides se transportent sur les
bords du Lac et se livrent à la pêche.
Dans ces régions abondent également de grandes
forêts produisant des bois très recherchés.
La fabrication de la cire est une des sources de
richesse du pays.
Quant aux provinces de Poroung et de Proun Tep,
qui,^ au nord et h Test, s'étendent jusqu'au Mékong,
elles ne possèdent que des villages très éloignés les
uns des autres. Elles sont montagneuses, peu peu-
plées. On y remarque l'absence presque complète
de troupeaux.
Le commerce du bois est la principale ressource
de ces pays. On en extrait de l'huile et de la résine.
Ces bois servent également à la construction des
chars k bufQes et des sampans.
GOSIPOIIG-SOaI — KRATIEH — STUIIC-Tllllia liS
Mais, aux environs de la montagne de Thy, où
Si-Votha installe d'habitude son quartier général, le
minerai de fer est très abondant. Avec des procédés
très insufnsants, les habitants en extraient pourtant
une quantité suflisante pour fabriquer un nombre
considérable de couteaux, de sabres, de lances, de
piques, d*outils, de marmites, etc., etc. Ce minerai
sert également & la fabrication du fer des krouys»
qui est la monnaie de tous ces pays jusqu'à Dassac.
On exploite aussi avec beaucoup de profit le palmier,
dont on extrait un sucre très estimé des Cambod-
giens.
Les femmes se livrent également à la fabrication
des sampots — vêtements coton et soie à l'usage des
hommes et des femmes — qui sont très recherchés.
Je crois utile de revenir sur l'industrie du fer, si
imparfaitement pratiquée dans ces régions. M. de
Lanessan, qui y a constaté la présence de gîtes métal-
lurgiques fournissant un minerai très pur, fait à ce
sujet une observation qui est de nature à éveiller
l'attention de ceux qui s'occupent tout particuliè-
m
rement de l'organisation de nos coV)nies indo^chi*
noises, c II importe de noter, dit le savant député,
qu'il n'existe pas, dans toute l'Asie, une seule
usine européenne pour la métallurgie du fer. Ce-
pendant l'Inde contient des gisements de fer con-
sidérables. Mais les Anglais se sont toujours oppo*
ses à leur exploitation en grand par des capitaux
114 LA PRAIfCB DANS L*I!<DO-CBmB
européens et & leur transformation en acier ou gros
fers, dans le but évident de ne pas priver leur ma-
rine d'un élément de fret aussi important. On sait
que l'on construit, de plus en plus, en fer les bâti-
ments européens de l'Inde et de Tlndo-Chine, de la
Chine et du Japon. L'établissement d'une grande
usine métallurgique au Cambodge pourrait nous
rendre de grands services; les mines de charbon de
la côte d'Annam faciliteraient beaucoup cette exploi-
tation. Du reste le cliarbon de bois sufHrait pen-
dant plusieurs années. »
N*csl-il pas désolant do voir de telles richesses
abandonnées pour le plus grand profit de l'Angle-
terre? Si elles étaient exploitées, elles nous fourni-
raient tous les éléments pour construire à bon mar-
ché, sur place, au moins des flottilles destinées à faire
la police des rivières. Nous pourrions sans grands
frais établir, sur tous les points qui les réclament,
des voies ferrées dont nous aurions tous les maté-
riaux à notre 'portée. Nous pourrions produire, en
Extrême Orient, à des prix modérés tout le fer, tout
l'acier que TAnglcterre y exporte et fait chèrement
payer. Nous pourrions organiser dé grandes fabri-
ques d'ustensiles de toute nature à l'usage des
populations qui n'en |K>ssèdent que de très impar-
faits et chèrement acquis pour l'usage qu'ils en font.
Comment nos gouverneui^s de Cochinchine ne se
sont-ils pas préoccupés do pareilles créations?
COMPOMC-SOA! — KIUTIEB -*- STClfC-TMOlG ilW
L*insta11ntion d*un grand établissement métattnr*
gique de fer & Dahr, près du montThy, devrait faire
l'objet d*études immédiates. Le gouvernement aunît
de nombreux avantages à en favoriser la création.
Un établissement de ce genre appellerait les popul*-
tions autour de lui. Ce serait un moyen bien plus
sûr de pacification que Tenvoi de colonnes expédi-
tionnaires pour en chasser Si-Votha et ses bandes.
Dalir so trouve & quelques kilomètres du Stung-
Scn, qui, comme je Ini fuit observer, est navigable en
tout temps et so jette dans les I^ics. Donc, avec peu t
d'clTorts, ce villngc serait aisément mis en comniu* !
nication constante avec Pnôm-Penh, Mytho et Sai-
gon. On aurait dès lors la facilité d'expédier ses \
produits en Gliinc, partout en Extrême Orient. Nous
y trouverions tout ce ({u'il faut pour fonder ù Saigon
un arsenal militaire et maritime de premier ordre,
se suffisant \\. lui-môme, sans avoir besoin d'aucune
ressource de la métro j>ole.
Combien seraient plus intéressantes des dépenses
afTectées ù une innovation pareille qu*à des voyages
pompeux et inutiles de nos gouverneurs de Cocliin-
chine à Pnùm-Pcnh, et à Tentretien d'un résident
général auprès du roi Norodom f Je ne veux pas
citer ici tant d'autres gaspillages auxquels il serait
bien temps de mettre fin!
Le résumé qui précède démontra suffisamment, je
suppose, que nous devons au plus tét compléter le
116 LA rnANCB DAnS L*lIIDO-€niNB
Cambodge, si Je puis m*expriiner ainsi, par toutes
ces créations diverses.
li me reste enfln à examiner quelle est la partie
du Mékong qui devrait nécessairement appartenir
au royaume de Cambodge.
En toute saison, le sen'ice des Messageries
cochinchinoises remonte régulièrement le cours
du grand fleuve jusqu*à Kratieh, où nous avons un
résident. Jjq lit du Mékong est partout accessible
aux navires de grand tonnage jusqu'à Somboc. Les
rives jus(iuo-lù en sont très peuplées. On rencontre
même sur le fleuve des lies où se récoltent abon-
daiunieiU Tindigo et le colon. Bref, celte portion du
Cumbodgo serait destinée au plus bel avenir, sous
une administration honnête et intelligente.
Tout semblerait, dés lors, indiquer que la fron-
tière cambodgienne, prenant Kratieh pour point
extrême à Test, serait tracée dans les conditions
satisfaisantes pour le souvr Jn du Cambodge. La
possession de' ce poir.t eiunt d'ailleurs uctuellement
acquise à ce dernier, aucune contestation ne pour-
rait se produire de ce chef avec le Siam, et la Com-
mission de délimitation des frontières limitrophes
des deux royaumes trouverait, de ce cOté, sa be«
sogno toute faite. •
J*estimo néanmoins que la frontière ainsi établie
no suffirait pas au Cambodge et no pourrait nous
suflire surtout h nous, au point de vue do nos inté-
COXPOHG-SOaI — KRATIBB — STUHG-TREflG iil
rèU en Gochinchine. Cette frontière devrait, à mon
avis, remonter au moins jusqu'à Stung*Treng et si
c'était possible Jusqu'à Bassac!
Stung-Treng, que je considère devoir au moins
être le point extrême de la frontière du Cambodge, ne
peut pas correspondre avec Kratieh par le Mékong.
A partir de Somboc,en remontant vers le nord, le lit
du fleuve jusqu'à Stung-Treng est rendu inacces-
sible par des rapides qui s'étendent sur une Ion*
gueur de 80 kilomètres et rendent impraticables
toute navigation sur son parcours. Les avis sont
partagés sur la possibilité de détruire la totalité ott
la plus grande partie de ces obstacles.
Une route do terre mot aujourd'hui Stung-Treng
en communication avec Kratieh. I^ pays qu'elle
traverse est sauvage, seulement couvert do forêts.
Il est inhabité à cause des marais qu'y forment les
inondations. La route de Stung-Treng à Kratieh fiiit
même un détour pour éviter ces passages, impra-
ticables pendant une partie de Tannée. Mais il serait
possible — beaucoup de voyageurs qui ont fré-
quenté ces parages l'attestent — de construire un
petit chemin de fer, un peu en élévation afin de le
préserver des inondations, reliant ces deux points
importants.
Ces parages servent de refuge aux bandes rebelles
commandées par Si-Votha. Nous aurions donc une
raison péremptoire pour réclamer du Siam leur an*
7.
as LA rRANCB DA:<$ L*IKDO-€ni:(B
nexion au Cambodge. Ainsi Stung*Treng devien-
*
dralt la limito oxtrôme st^parant le Siam du CSam-
bodgc.
Lasituation géographique exceptionnelle de Stung-
IVcng nous indique d*ailleurs clairement que celte
ville doit faire partie du royaume du Cambodge, à
l'est, sur le Mékong.
Slung-Trengcst un centre commercial de premier
ordre. Il est ea môme temps un point stratégique
que nous ne pouvons laisser aux mains des Siamois.
Le développement que peut prendre cette ville sera
considérable si les conHnunications avec le Cam-
bodge et la Cochinchinc sont assui^ées.
M. do I.anessan s*oxprimo à son sujet de la façon
suivante :
« Stung-Treng est évidemment le i)oint de con-
centration naturel do toute la vallée du Sô-Cong; ce
qui lo prouve d'une façon indéniable, c*est que le
Royaume du Oambodge |)ossédait auti*efois les bords
tic cette rivière, si intéressante & beaucoup de points
de vue et dont la branche orientale, le Sé-Kéman, se
rapproche beaucoup de la province annamite de
Quang-Nam, qui possède des baies excellentes, i
Pourquoi hésiterions-nous à faire faire retour au
Cambodge de ce qu'il c possédait autrefois i? D'autre
{Kirty le voyageur hollandais G, Van Wecsthof, qui a
visité ces pays en IG il , rapporte que vers le commen-
cement du XVII* siècle, c'est-à-dire à l'époque oti
CO)IPO?IC-SOaI — KRATIKIl — KTt'^G-TllCKG ilH
les dîvei*sc8 principautés du Cambodge relevalont
d*un suzerain puissant, Stung-Trcng était une rési*
dence royale. Alors, raconte-t-il,tou8 ces pays étaient
sillonnés d'excellentes routes suppléant à Tinsufll-
sance des cours d*eau.
Le Siam ne pourrait donc s'opposer sérieusement
à la reprise, au profit du Cambodge, de cette région,
qui, par suite des circonstances, lui est devenue
absolument indispensable.
Ces circonstances dont je veux parler sont celles
qui détournent de Kratieh et do nos ports du sud
tous les piXKhiits du Laos méridional et des bonis
du Mékong ainsi que de ses afl1uents,pour les diriger
h gramrpoino ix Ikuigkok.
Kn outre, Stung-Treng est situé sur le Sébong,
qui compte parmi ses nfl1uentsleSé-Cohg,navigiible
pour les banfues indigènes. Celles-ci remontent
jusqu'à Attopcu, traversant des contrées très fer*
tiles qui ronrcrmont des mines d'or et de cuivre.
IjO Sé-Cong permet également de remonter jusqu'à
Sien«Pang,qui communique par terre avec Dassac.
En désignant Stung-Treng comme devant faire
indispensablcment partie du Cambodge, j'ai émis
simplement le vœu que la frontière pût remonter
jusqu'à Bassac, en absorbant cette ville bien en*
tendu.
Si je no mo suis pas montré très catégorique 1
l'endroit de Bassac, c'est parce que je comproodi
itt U FRANCS DANS L*17ID0-GniNB
que là nous pourrions trouver de graves résistances
de la part du Siam.
Toutefois le mandarin, 8*intîtulant vice-roi, qui
réside & Bassac, pourrait bien un Jour, par son
mauvais vouloir, par ses dispositions hostiles au
Cambodge et à la Cochinchine et par sa sollicitude
exagérée pour tout ce qui touche aux intérêts an-
glais concentrés à Bangkok, nous mettre dans la
nécessité de le chasser de sa résidence et de nous y
installer.
Nous ne pourrions, malgré tous nos sentiments
pacifiques, soulTrir que son administration tyran*
nique et arbitraire continuât quand même à nuire
à nos intérêts.
Avant d*en arriver aux mesures extrêmes, je ne
saurais trop conseiller au ministre des AlTuires étran-
gères do désigner au plus tôt un agent qu*il accré-
diterait auprès de ce souverain minuscule. Il lui
confierait la nïission expresse de s*entendre avec lui
pour l'établissement de relations commerciales entre
les pays qui sont soumis à son autorité et Stung-
Trcng, devenue la limite frontière du Cambodge.
De la sorte, Bangkok n'aurait plus le monopole
des produits de toutes ces régions, au grand préju-
dice de nos possessions.
Bassac relié à Stung-Treng, et Stung-Treng rais
en communication avec Kratieh, ce serait le courant
actuel détourné de sa route dans la direction de
coxpoug-soa! — kiutibb — stuiig-tiikig lîi
Bangkok» qu'on n'atteint qu'après un mois et demi de
route, et ce serait un courant nouveau s'établissant
dans la direction de nos ports de Cholon, M)iho et
Saîgon. J'ajoute que Stung-Treng est en relations
fréquentes par des routes nombreuses avec toutes
les provinces de la rive droite du Mékong.
Dès lors, la capitale de Battambang pourrait de
son cété diriger les produits qu'elle recevrait vers
Kampot et rendre ainsi à ce port sa prospérité an-
cienne perdue aujourd'hui.
Je signale tout particulièrement Bassac, car c'est,
actuellement, le centre le plus important du bas
Laos, sur le Mékong. !
Bassac est la capitale d'une principauté & qui elle
a emprunté son nom et qui dépend du Siam. Son
gouverneur s'est atîublé du titre de roi, parce que,
bien qu'il aille do temps à autre à Bangkok boire
€ l'eau du serment » et qu'il paye un tribut déte^
miné au roi de Siam, celui-ci a reconnu son titre
comme héréditaire.
Il a donc incontestablement de la sorte, en verta
de ses droits régaliens, la faculté de nous laire bien
des concessions que nous réclamerions de lui, sans
avoir à nous opposer des objections provenant de
son suzerain de Bangkok !
Tous les produits qui partent du Sé-Mon et des
pays situés sur la rive gauche du Mékong viennent
-se concentrer à Bassac.
123 U PAARCB DAMS L*lNDO-CilinB
Oubône, Kcmmcrat et Korat mémo communiquent
sans cesse avec la capitale de la principauté,
M. Ilarmand prétend que des villages situés dans
le haut de la vallée du Sé-Bang-Hieng payent un
tribut au roi. Il a môme vu fondre en bronze, à
Bassac, une grande statue de Douddha.
Il faut donc, ù tout prix, ou avoir avec soi ce mo«
narque qui tient pour ainsi dire entre ses mains la
prospérité du Cambodge, ou Tabsorbcr.
Un agent vigoureux, intelligent, parlant la langue
du pays, le convaincrait bien vite de Tintérôt qu'il
aurait à établir avec nous des relations de commerce
et d*amitié.
Cela obtenu, nous aurions assuré Tavenir de notre
colonie de Cochinchinc.
Sur la principauté, et faisant partie de cette der-
nière, à Test, se trouve un magnifique territoire : le
plateau dés Dolovens, qui relie Bassac & Âttopeu.
C*est avecMe plus vif intérêt que J*ai lu les ren-
seignements recueillis par M. de Lanessan sur ces
pays peu explorés d ailleurs, et je me plais h les
relater ici textuellement.
c On peut dire, déclare-t-il,que larégion d'Âttopeu
est une des plus isolées de tout le Laos, en dépit
des ricliesses qui s*y trouvent. Cette région est une
de celles qui ne peuvent manquer d'attirer un jour
notre attention. Le magniAque plateau des Bolovens,
qui sépare Bassac d'Attopeu, est à une altitude d'en-
COMPONG-SOaI — * KRATIBH — STUNG-TRERO 123
viron iOOO mètres au-dessus du niveau de la mer et
jouit d*un climat à peu près semblable & celui des
parties méridionales de la France. Ses plaines mame-
lonnées et ses vallons ofTrent la plupart des végé-
taux des régions tempérées : les charmes » les
chênes, les châtaigniers, les conifères, etc. La
terre y est d*une fertilité inouïe; toutes les cultures
de l'Europe y sont possibles ; mais les populations
clairsemées et sauvages ne tirent aucun profit de ce
territoire superbe. On y pourrait établir une colonie
européenne qui pourrait se livrer 2i toutes les exploi-
tations agricoles et industrielles, sous un climat fa-
vorable et dans les meilleures conditions que puis-
sent désirer Tagriculture et Tindustrie.
. c Les quelques personnes qui se préoccupent sé-
rieusement de Tavenir de la France dans l'Indo-
.Chine pensent que le plateau de» Dolovens, facile à
relier au port de Tourane par une route de 150 kilo*
mètres, devrait devenir le centre administratif et
le sanitarium de nos possessions orientales, et qu'il
rivaliserait aisément, h tous les égards, avec tout ce
que la richesse des Lides a pu enfanter à Semia, à
Outa Kamund ou à Buitenzorg. >
Voilà donc une sorte de paradis terrestre h notre
porte, et nous ne songerions pas à Tutiliser, au lieu de
porter nos efTorts sur Cayenno qui n*est pas solubre
ou sur la Nouvelle-Calédonie où nous avons h vaincre
des difficultés inutiles!
i24 U PRAMCB DAMS L*IND<H:RmB
n in*est difllcile de prolonger da\rantage cette par*
lie de mon travail, presque exclusivement descri-
ptive. Je crois être entré dans assez de détails pour
la démonstration que j*ai uniquement voulu entre-
prendre de la nécessité qu*ii y a pour la France
à procéder non pas seulement h la délimitation his*
torique des frontières do Siam et du Camboilgc, mais
encore h une délimitation nouvelle et plus étendue
que nous commandent et le soin de nos intérêts
matériels et le souci même de la défense de notre
colonie cochinchinoise.
Je n*ai plus accidentellement qu*& dire rapidement
quelques mots sur le traité qui lie la France à la
Birmanie.
Une convention spéciale, ayant pour but c de con-
solider et d*accroltre » les relations existant entre la
France et la Birmanie en vertu du traité du 24 jan«
vier 1873, a été signée à Paris entre M. J . Ferry au
nom de la République française et Mingghie, Min,
Mâcha, Raya, Thin, Gian, Myothit, Myozah, Âtivin,
AN'oom, Min au nom de la Birmanie.
Cette convention dernière porte la date du 15 jan-
vier 1885.
Je n*ai pas Tintention d*examiner en détail cet
instrument diplomatique. Je ne ferai que quelques
■observations sur les deux articles 5 et 6.
Akt. 5. — Le gouvernement birman s^inlcrdit de créer
•des monopoles et d'en autoriser directement ou indirec-
COMPORO-MAI ^ KlATHB «— tmiO-tMOIG Itt
lement rétablissement sur les articles de eommeroe antrss
que le thé datiné à être eoMommé à CéUU trait, La eom«
merce de tous les autres articles sera libre.
Art. 0. — En aucun cas, les droits perçus en Birmanie,
tant k rentrée qu*à la sortie, ne pourront excéder S p. 100
ad valorem avant le premier jour de l'année birmane 1257,
correspondant au !•' avril 1805, tauf pour Fopium^ qui
pourra être frappé d*un droit de 30 p. 100.
A respiration de ce terme, le gouvernement birman
pourra, en tenant compte des circonstances et des besoins
du commerce, augmenter lesdits droits de douane, sans
qu'ils puissent dépasser 10 p. 100 de la valeur, sur quel-
que marchandise que ce soit, à l'exception de Topiuin, ainsi
qu'il est dit ci-dessus.
Par Tarticle 5, le gouvernement birman a la
faculté de créer un monopole, et de le créer direc-
tement, ou indirectement, 8ur le thé destiné à être
consommé à Vétat frais.
Je ne m'explique pas bien cette restriction con-
sentie (yar le négociateur f^mçais. Elle ne se trouve
dans aucune des conventions signéesentre la Birma-
nie et les puissances européennes. Elle est absente
de celles qu'ont signées l'Allemagne le 4 avril 1885,
l'Italie le 3 mars 1871, l'Angleterre en 1802 et 1807.
Pour plus de motifs que n*en auraient pu opposer
ces puissances, — l'Allemagne et l'Italie surtout,—
nous aurions dû, ce me semble, ne pas souscrire à
cette prétention du roi de Birmanie. Notre colonie du
126 U riU!ICB DAIIS L*0DO-€Hnil
. Tonkin produit de thé excellent en abondance. Ce
thé pourrait être envoyé en Birmanie. Pourquoi
nous priver gratuitement de cette source de béné-
flces? L'exposé des motifs, disant quec le thé & Fétat
frais est un aliment national qui n*cst Tobjct d'aucun
commerce hors des pays habités par des populations
birmanes », a induit les Chambres en erreur. Elles
n'ont pas évidemment compris le préjudice que
l'adoption do cet article pouvait causer au Tonkin.
Quant au droit do 30 pour iOO qui frappe excep-
tionnellement l'opium, est-il admissible ? Pourquoi
avoir frappé cette denrée que produisent nos colo-
nies de Cochinchine et du Tonkin d'une taxe à
laquelle clic n'est pas soumise lorsqu'elle provient
de source anglaise?
L'Angleterre conser%'e donc ainsi, h notre détri-
ment, le monopole de cet important commerce. Il
est vrai de dire que là encore l'exposé des motifs
a induit lo K^glslateur français en erreur, c Cet ar-
ticlo, dit-il, n'est consommé qu'en faible quantité en
Binnanie. » Or il est avéré que l'opium est la denrée .
la plus piXHluclive de rOncnt,au point de vue fiscal.
On se demande comment les agents français, qui
ont pour mission d'éclairer leur gouvernement sur
les hommes et sur les choses des pays 0(1 ils résident,
n'ont pas mis, en 1885, le ministre des AfTaires étran-
gères en ganie contre les eiTCurs flagrantes conte-
nues dans Y exposé des wotifs et qui sont évidem-
coxporo-soaI — biuthb — iTUNC-TRiKO m
ment la cause de son adhésion à des clauses aussi
manifestement désavantageuses pour la France que
les articles 5 et G du traité franco-birman.
Toute erreur peut se corriger. Nous avons pour
devoir de négocier afin de ne pas rester, vis-à-vis de
la Dirmanic» dans la situation d*une nation excep-
tionnellement défavorisée.
Mais ce que J'ai dit, à propos de la Birmanie, sur
rinsuITlsanco, à l'étranger, de nos agents chargés
d'édiflcr préalablement nos ministres cliargés de
négocier et de signer des traités de commerce, vient
de se justifier à propos de celui, avec la Chine, que
l'on propose aux Chambres de ratifier.
M. de Freycinet a été frappé des inconvénients
qui résulteraient pour nous du maintien de certaines
clauses, et il a demandé à la Commission chargée
d'examiner le traité de suspendre ses travaux.
Ainsi, par exemple, pour ne parler que de l'arti-
cle 9, il y est stipulé que les marchandises ayant
transité par le Toiikin seront, à leur entrée dans
un port ouvert, considérées comme étrangères e
payeront les droits imposés à ces marchandises.
Pour faire comprendre la sottise d'une pareille
clause, je prends un poil ouvert : Shangal, par
exemple. La route la plus courte, la plus économique
pour tous les produits du Yun-Nan, du Kouang-Si,
d'une partie du Kouang-Tong, ù destination de Sliaii-
gal, est évidemment le fleuve Rouge jusqu'à Haï-
128 U PRANCB DAKS L*I!fDO-€BISB
phong, od elles peuvent prendre la haute mer pour se
rendre & leur destination. Mais si l'article 9 du traité
était accepté, cette route leur serait fermée, car,
venant de Hatphong,ces produits arrivant à Shangal
seraient considérés comme c marchandises étran-
gères » et soumis, en conséquence, à de lourdes
taxes. On comprend donc que les expéditeurs des
provinces ci-dessus désignées ont intérêt & leur faire
descendre le Yang-Tsi jusqu'à Ci\nton, terre chinoise.
Do là la perte pour nous du droit de douane, trôs
modéré d'ailleurs, qu'elles eussent subi à notre profit
si elles avaient traversé le Tonkin. C'est ainsi que
nous serions récompensés de tant de sacrifices faits
par nous au Tonkin I Mais pour le sel et l'opium,
je trouve dans le nouveau traité i\ conclure avec
la Chine les erreurs identiques à celles qui ont été
commises dans notre traité avec la Birmanie.
De môme cjuc nous nous sommes interdit l'expor-
tation du thé h l'état frais et de l'opium en Birma-
nie, on noua propose do nous interdire également
l'exportation du sel et Timportation de l'opium par
la frontière tonkinoise. C'est absolument niais, pour
no pas dire davantage.
Le 8cl est une denix^o de première nécessité dans
le Yun-Nan. Le Tonkin y fait do nombreuses expédi-
tions. Mais les mandarins en Chine ayant le mOi*
nopote du sel, il leur faut empêcher les exportations
du Tonkin, et nous nous protons complaisamment
COMPONG-SOA! — KlUTini -— tTUnC-TIIBRG 129
au développement de leur commerce penonnelysans
prendre garde au préjudice que*nou8 nous portons
ainsi à nous-mêmes. Quant à Topium qui se ton*
somme au Tonkin, il vient, en général, du Yun-Naa,
qui en produit do grandes quantités et le vend aux
Tonkinois bien meilleur marché que celui do l'Inde.
€ L*opium, écrivait, le St5 mai 1880, à son gouverne-
ment le ministre do Belgique, représente en Chine
le tiers do la valeur totale importée en Chine. »
Les conditions faites h ces denrées, sel et opium,
par le nouveau traité auraient donc pour consé-
quence inévitable d*oncouragor la contrcbando sur
les frontières limitrophes de la Chine et du Tonkîn.
Les mandarins chinois et le commerce anglais ont
seuls avantage à nous voir accepter des clauses si
désavantageuses. La Chambre le comprendra, elle
ne permettra pas au gouvernement de les ratifier,
N*est-il pas désolant de voir la France si mal
servie à Tétranger?... Il est vrai que le choix de ses
agents est fait avec une légèreté incroyable. J*ai dit
comment un employé des télégraphes du Cambodge
avait été nommé vice-consul à Louang-Prabang...
Je pourrais citer tant d'autres faits semblables. On
veut se débarrasser de quelqu'un, on le nomme
agent à Tétranger. Est- il étonnant que notre i)er-
sonnel soit des lors si inférieur à celui des autres
nations? Ainsi s'expliquent les expéditions du Mexi-
que, de Madagascar, du Tonkin et autres lieuse dé«
130 LA PRAIfCB DANS L'INDO-CHIKB
sastreax de même farine...^ et, après les expédi-
tions, ces traités de commerce du genre de celui
que nous avons lait avec la Birmanie et aussi de.
celui que M. de Cogordan prétend nous faire signer
avec la Chine M...
G*est M. Constans, notre nouvel ambassadeur &
Pékin, qui serait chargé de réparer les erreurs com-
mises par M. de Cogordan. Nul ne contestera les
remarquables aptitudes du député de Toulouse. Mais
sudlront-ellos à M. Constans pour mieux faire que
M. do Cogonlau?
Kii mo posant cette question, Je ne puis mieux
(ixivo pour y i\^ponilrû quW rappeler les rélloxions
que faistiit ces jours dcrnici*s le Temps^ pour expli-
quer les conflits survenus récenunent au Tonkin
entre l'autorité civile et Tautorité militaire.
c On a composé Tadministration, dit-il, en grande
majorité de métropolitains qui n*étaient pas préparés
par leurs antécédents à entrer dans une administra-
tion asiatique et ne se doutaient pas^ huit jours avant
leur nominationfquils iraient servir en Jndo-Ckine.
Ils ne savent rien du pays, rien de la vie coloniale, .
1. Ces lignes étaient écrites quand une note orflcielle a fait
savoir que M. Cogordan n'est pas responsable de l'insertion
des deux clauses que j'ai critiquées plus haut. Ce serait le
commerce de Saigon qui les aurait réclamées ! N'esl-ce pas ce-
rofime commerce, si J'ai bonne mémoire, qui a exercé une
pression cou^idérablo sur la métropole pour la décider &
enircprondre roxpédilion du Tonkin?,,*
CONaUSION
CONCLUSION
Dans le premier chapitre de ce livre. Je me suis
scrupuleusement borné & dire et à expliquer mon
sentiment sur notre situation au Tonkin et dans TAn-
nam. Je voulais, à tout prix, éviter de me prononcer
sur le fond de la question, pour ne pas réveiller do
douloureux souvenirs.
Apprenant quo jo suis à la veille do publier cot
ouvrage, un hommo politique, qui partage mes
craintes sur Tavenir do notre occupation tonkinoise,
m*a pour ainsi dire mis au défi de € dénoncer U ou
le$ responsables de notre expédition dans les pays
de i'Annam »?
c Oserez-vous cela? » m'a-t-il dit, me laissant
un peu trop naïvement deviner sa secrète intention.
Certes, oui, j'oserai, et, pour le prouver, je déclare
sans hésitation :
Les coupables sont tous ceux^ sans exception, qui
ont occupé le pouvoir et dirigé la politique extérieure
de la France depuis 1872 Jusqu'à ce jour.
8
[134 LA PIU!«CB DA!fS L*IND<WCniRB
Est-ce net? Est-ce là ce que voulait savoir mon
curieux interlocuteur? Sommcd-nous sur ce point
<lu môme avis? Je vais m*expUqucr le plus rapide-
ment et le plus clairement possible.
Vers la fin de Tannée 1871, M. Senez, capitaine de
frégate, mon camarade de promotion à l'école, qui
commandait le Bourayne, pénétrait dans le fleuve
Rouge avec son navire et remontait jusqu'à Hanoï.
Avec une faible escorte, il se rendit de là à Bac-Ninh,
oii il eut alTaii-e c à une meute aboyante de 150
à 200 vauriens do l'armée chinoise munis de lances,
fusils et revolvers ». En novembre, il rencontra
dans le Cua-Cam, à llalphong, M. Dupuis, qui, avec
sa fluttille, s'apprêtait à i*emonter le fleuve Rouge
et réclamait l'appui d'uno canonnière. Le comman-
dant du Boumyne ayant rendu compte de son expé-
dition à son ministre, l'amiral Potluiau, cet ofllclcr
généml écrivit au gouverneur do la Gochinchine :
c II peut y avoir des inconvénients à ce que notre
pavillon couvre une ontivprise de ce genre. Le gou-
verneur appréciera donc s'y a lieu de mettre une
canonnière à la disposition de M. Dupuis. » Cette
absence de résolution personnelle du ministre de la
marine de 1872 a été la première des fautes com-
mises, elle est Vorigine de Vcxpédition du TonkinI
S'il avait envoyé des ordres formels, donnés une
fois pour toutes, très carrément, très catégorique-
ment, M. Chappedelaine, écoutant les conseils de
CONCLUSION i35
M" Puginier qui promettait l'appui deOOOO catho*
liques» n'aurait pas 08<S écrire au quai d'Orsay : € SI
avec de faibles ressources il est possible d'assurer
à la France une colonie de 15 millions d'habitants
dont 500 000 chrétiens, ne mériterait-on pas le re-
proche de timidité?... » En même temps que le om-
sul de Canton, le 28 Juillet, ramiral Dupré réclamait
l'autorisation le faire un coup de main. Pour cela, il
ne demandait pas de renforts. Il consentait même
à s'exposer, en cas d*échec, € à un désaveu, à un
rappel, à la perte de son grade ». Et cependant
Tamiral Dompieire dllomoy, ne voulant pas céder
aux suggestions de son camarade, lui avait précé«
demmcnt écrit le 24 mai : c Sous aucun prétexte
n'engagez la France au Tonkin. >
F. Garnier lui-môme, le 8 septembre 1873, faisant
part & son frère des projets de son chef, s'exprimait
en ces termes précis : € L'amiral est en train do
s'engager dans une voie bien dangereuse, celle d'une
expédition année, »
Comment se fait-il donc que, im mois aprèê^ lo
8 octobre, ce môme F. Garnier, dans une nouvelle
lettre adressée à son frère, était autorisé h lui décla-
rer : € J'ai carte blanche. Uamiral s'en rapporte à
moi. En avant donc cette vieille France! »
Le 5 novembre, en efTet, il arrivait & Uano1,et, le 10,
il écrivait à un ami : « Il n'y a qu'un coiij) d^éclat qui
puisse rétablir le j^restige et Vautorité dont je suis
186 LA FRANCK DANS L*I!tDO-CniIfB
entouré. Ce coup d'éclat^ j'y suis décidé. Le 15 no*
vembre, j'attaquerai avec nos 180 hommes la cita*
délie, j'arrêterai le maréchal N'guyen et je l'en*
verrai à Saîgon sur un des bateaux de Dupuis. »
Ne croit-on pas rêver? Le prestige, l'autorité de
M, F. Gamier t rétablir!.. Voil^ le but... Il suffira
d'un coup d'éclat pour cela. C'est le drapeau de la
France, ce sont nos soldats qui seront employés à
cette besogne I Et le gouvernement laisse faire.
Comme il l'avait annoncé, ce bouillant officier,
le 20 novembre au matin, s'empare par surprise de
la citadelle d'Hanoï, et il annonce son triomphe de
cette étrange et laconique façon :
c Pas un blessé. La surprise a été complète. C'est
une opération modèle (sans me vanter). »
Alors commence une véritable invasion du Ton*
kin. Avec des petites troupes de 15 à 20 hommes,
tous les camarades du vainqueur pénètrent dans
les villes, s'emparent des citadelles... Pendant ce
temps, que fait le gouvernement? Il ne dit mot! Son
silence est un encouragement pour les vainqueurs.
Les conquêtes se poursuivent toujours avec le même
bonheur! Mais, hélas! au milieu des bonnes nou*
velles survient, pareille au spectre du Commandeur,
l'annonce de la mort de ce malheureux Francis
Gamier I Le 21 décembre 1873, il avait donné impru-
demment h, Phu-Hoa'i dans une embuscade de Lun-
Vinh-Phuoc, chef des Pavillons-Noirs. Il avait été
ooNausioN 1S7
victime de ton courage et de ton excès de con*
fiance en sa bonne fortune!
Le gouvernement ne pouvait plus dès Ion rester
spectateur! Il fallait venger la perte d'un officier
français!.. On négocia. De là sortit la convention
Philastre, signée le 15 mars 1874, entre la France
et TAnnam. Nous nous installions pacifiquement à
Hanoi. L'invasion recevait une première légalisation
officielle par notre occupation restreinte et bien
déterminée, en vertu de la convention du mois de
mars!
c L'enfantement a été pénible, » écrivait l'amiral
Duperré, successeur de l'amiral Dupré, en parlant
de ce document diplomatique.
Gomment se fait-il que ni ordres, ni instructions,
rien en un mot n'ait pu arrêter l'élan de nos officiers,
de 1872 à 1874? Gela s'explique bien naturellement.
Tous les ministères qui se sont succédé pendant
cette période laissaient faire^ dans l'espoir de re-
cueillir les avantages do succès éventuols et faciles
d'ailleurs. Ils n'approuvaient rien officiellement, c'est
vrai, mais ils ne prenaient aucune mesure pour se
faire obéir. Ils acceptaient successivement tous les
faits accomplis. C'était chose commode : on n'avait
qu'à enregistrer des victoires ! On n'avait nulle préoc-
cupation de l'avenir! Les événements continuèrent
à se dérouler de la sorte jusqu'à l'arrivée du com-
mandant H. Rivière à Hanoi, en 1882. En vertu de
8.
188 U PRARCB DANf L'IIYDO-CHIRB
la convention de 1874, nous occupions militaire»
ment la ville, mais les soldats annamites tenaient
gami»on dans la citadelle. Cette situation anormale
n'était pas sans inquiéter le nouveau commandant.
Dès la prise de possession do son gouvernement,
H. Rivière résolut de mettre fin à cette double occu-
pation insolite. Il avait absolument raison de penser
de la sorte. Mais comment procédcrait-il pour cela?
Userait-il de la force? C'était le seul moyen qui fût &
sa disposition, car la France avait, à Hué, un chargé
d'aflaires ayant seul qualité pour trancher la ques-
tion pacifiquement, je veux dire par la voie diplo'
matique.
Ordre formel fut donné au commandant H. Rivière
c de ne pas agir militairement ».
De son côté, M . Rhcinart, notre représentant auprès
de la cour de Hué, était muni d'instructions pour
traiter avec l'empereur du désarmement de la cita-
delle d'Hanoi. Les négociations étaient entamées;
elles allaient aboutir, lorsque, soudain, arriva dans
la capitale del'Annam et en France la nouvelle du
bombardement et de Tassant de la citadelle : H. Ri-
vière, jaloux des succès de F. Garnier, rompant
brutalement l'action diplomatique, transgressant
tous les ordres reçus, avait, lui aussi, tenté son
coup de main.
Le succès avait couronné son audace, comme il
avait couronné celle de Garnier. L'amour-propre na-
oomiufio!! 1S9
Uonal fût satisfait en France» et le ministère béné*
ficia d*une nouvelle victoire. Nul ne songea certes à
blâmer un chef désobéissant, mais heureux.
Qu'eût-on lait cependant s*il avait été repoussé et
s'il avait désastreusement compromis la vie de ses
soldats» l'honneur du drapeau ?
. Si j'en juge par l'émotion qu'a causée plus tard
l'échec de Bac Lé, je puis bien affirmer que H. Ri-
vière eût été impitoyablement et très |u8tement
traduit devant un conseil de guerre dont tout le
monde eût réclamé les plus extrêmes rigueurs.
Il a donc suffi à H. Rivière de réussir d'abord et
de succomber quelque temps après, à la même
place que F. Garnier, le 19 mai, attiré, lui aussi, par
Lun-Yinh-Phuoc, pour devenir un héros légendaire^
C'est là la consécration absolue de la thèse : c La
fin justifie les moyens. » A la nouvelle de la mort
de ce brave officier, un cri d'indignation, de ven*
geance retentit d'un bout à l'autre de la France*
Nous devions venger nos soldats lâchement assassi-
nés. Les coupables n'étaient pas les envahisseurs^
ceux qui avaient sans raison violé les traités exis-*
tants, mais bien les envahis^ ceux, en un mot, qui
subissaient scrupuleusement la loi du vainqueur,
conformément aux conventions établies! On a peine
à croire pareilles choses!
Le gouvernement essaya-t-il de ramener le publie
à la saine raison? Allons donc! Il aurait risqué d'y
i40 U FRAlfCB DANS L*I2ID0-Cni!tB
perdre sa popularité et d'être renversé. Il se laissa
aller prudemment au courant, sans chercher à lui
résister. Il demanda des fonds au pays; la Chambre
les vota; et on expédia des renforts. La conquête
firanchit une nouvelle étape. Rien ne pouvait plus
désormais nous arrêter. Âpres Hanoi, nous avons eu
Sontay, et Bac-Ninh... Après Bac-Ninh, Bac-Lé...
puis Lang-Son!.. Enfln le traité de Tien-Tsin, dont
c l'enfantement » a été aussi « pénible » que celui
de la convention do 1874.
Et comme résultat final : l'occupation définitive
sous l'administration civile de M. Paul Bert!
Et maintenant, je le demande à quiconque veut
raisonnjiblement chercher & établir les responsable
lités de l'expédition du Tonkin : Est-il un seul gou-
vernement, depuis 1872 jusqu'à ce jour, qui n'en ait
assumé sa part? Celui môme que nous avons actuel-
lement pourratit-il, en cas de malheur, avoir la pré-
tention d'y échapper? Que fait-il autre chose que
celui que l'a précédé ? Et n*a-t-il pas eu déjà, lui
aussi, ses petits déboires? Ah\ si les accidents sur-
venus à la commission de délimitation des frontières
s'étaient produits il y a seulement trois ans, aurait-il
été de force à y résister? Je jure bien que non. Mais,
aujourd'hui, nous sommes condamnés à la tolé-
rance, à l'immobilité, et le gouvernement bénéficie
de cette atonie générale des esprits et des cœurs.
Je souhaite que nous ne soyons pas, malgré tout.
GORGUJSIOII 141
contraints de changer de système! Mais qu'on ne
nous parle plus de tel ou tel plus ou moins respon*
sable! Nous avons mieux à foire qu'à rechercher
celui-là. Je suppose que personne ne m'accusera de
n'avoir pas assez osé. Pourvu qu*on ne m'accuse pas
d'un excès de loyale et honnête franchise I !... Un de
nos hommes politiques les plus éminents me faisait
l'honneur de m'écrire, il y a quelques jours : c Cher-
chons ce qui peut nous rapprocher, au lieu de nous
occuper de ce qui nous sépare. »
Ce langage est la sagesse même. C'est le meilleur
exemple à proposer aux républicains, hélas! bien
divisés, sur toutes sortes de questions et notamment
sur celle de l'expédition tonkinoise.
Que, dans le premier moment, sous le coup d'une
cuisante douleur causée par une blessure, certes
inattendue et faite à notre amour-propre bien plus
qu'à la patrie elle-même; que, sur l'annonce d^
l'échec de Lang-Son, un immense cri irréfléchi de
réprobation, d'indignation impossible à contenir soit
spontanément sorti de toutes les poitrines françai-
ses, comme il en était sorti après la mort de Rivière,
cela s'explique, cela s'excuse, étant donné notre
tempérament national, étant connues notre vanité
et notre sensibilité pour tout ce qui touche à notre
drapeau.
C'est là une de nos chères faiblesses dont nous
aurions garde de rougir; c'est en même temps une
142 U P1URCB OANS lViDO-CRINB
force considérable, puisqu'elle prend sa source dans
un sentiment d'honneur que nous devons entretenir
avec uno constante sollicitude.
Mais» comme tout excès, la prolongation exagérée
d'un tel état mental devient nécessairement nui-
sible; or je le vois subsister avec une dangereuse
ténacité chez certains, dont le nombre, il est vrai,
-diminue chaque jour. Ni le temps, ni la réflexion,
pas môme le souci des intérêts de la République ne
sont par>'enus à les calmer. L'Intolérance est restée
leur moyen, et ils ne cessent de déclarer que la
Liberté est leur but. A quelles erreurs restent-ils
ainsi exposés? S'emparant de cette thèse que c les
paroles languissantes ne persuadent jamais », ils
usent de tout ce que peut loger de petitesses, de
doctrines équivoques, leur esprit, qui s'est fait spé-
cialement hospitalier pour la circonstance. Ils ne
daignent môme plus chercher à persuader. Con-
traindre leur est plus commode. Rapprocher leur
serait nuisiljle. Diviser leur est plus avantageux. Leur
conscience leur crie-t-elle : Faites impartialement
la lumière, aussitôt leui*s mauvaises passions leur
conseillent la violence. Véritables êtres amphibies, ils
mettent leur talent au ser>'ice de leurs basses ran-
cunes et ils n'hésitent pas h étaler toutes leurs pla-
titudes devant les frêles attraits d'une popularité
passagère. Inconsciemment, glissant sur cette pente
malsaine, ils en arrivent un jour (i compromettre
- co!iausiO!i 148
jusqu'à la probité de leur esprit, qui s'est fkit accom-
modant pour pallier, tronquer, dénaturer tout argu-
ment susceptible de contrarier leurs vues. Altérer
les fiiits n'est plus une friponnerie, c'est de l'habi-
leté, c'est un moyen de servir $a cocarde.
Encore si ces procédés stériles avaient pour excuse
une douleur irrésistible causée par une blessure
immédiate, par une plaie béante I Mais comme ils
' sont coupables et, en l'état, peu patriotiques, puis-
que la blessure est ancienne, que le temps a cica-
trisé la plaie et qu'il ne s*agit plus que de guérir une
maladie suivant son cours I
' En ce cas, n'est-il pas préférable de la diagnosti-
quer avec soin, d'en suivre les phases diverses avec
calme pour en combattre les progrès, pour arriver
enfin à la guérison, sans s'attarder à maudire,
à accuser celui ou ceux qui ont engendré le mal.
Ne vaut-il pas mieux abandonner cette peu enviable
besogne à ceux qui ne reculent devant aucune ma-
nœuvre pour détruire la République! N'est-ce pas
la France qui est engagée au Tonkin? N'est-ce pas
la France qui serait atteinte si nous y éprouvions un
désastre?
Je me rappelle Gambetta, dans la salle des Pas-Per-
dus, apprenant de Laurier, son ami, la défaite de
Wœrth. c J'aimerais mieux, s'écria-t-il aussitôt,
dix ans d'Empire que la confirmation de cette nou-
velle. 1 G*était un enfant de la Franco, celui-là , un
144 LA FIIANCB DAMS L^INDO-OURB
des plus grands y celui qui, parmi tous, Faima d*un
amour incomparable 1 Aussi restera-t-il étemelle*
ment comme le type le plus accompli du patriote 1
Pourquoi, suivant son exemple pour le Tonkin,
commo pour toute autre circonstance analogue, les
républicains no foraient^ils pas tairo leurs senti*
monts poraonuolm, ayant toi\]oui*s ot uni(iucmont
pour objectif < rint<iiHît do la Franco », ot |)our
moyens c la Concorde ot la Liberté » .
Et la Liberté put-elle jamais subsister sans la Jus-
tice?
Poursuivi avec racharnementque Ton sait par ses
détracteurs, Mirabeau leur jetait à la face, le 24 octo-
bre 1791, ce court déA inspiré par une Àme hon-
nête :
« Je sais que j*ai tout promis, mais ai-je promis
autre chose que de servir selon mes principes. »
Pour rhoi\neur de mon pays, je veux croire que
tout homme politique qui, depuis l'origine de Tex-
pédition dans TÂnnam, a fait partie du gouverne-
ment, serait en droit de faire hautement de sembla-
bles déclarations!
Ainsi donc, trêve aux récriminations! J*ai été
hostile à l'action militaire de la France dans le
Tonkin. Je regrette Toccupation par nous de ce
pays, telle que nous voulons la pratiquer. Mais je
ne veux plus m'arrêter & nier la bonne foi, la loyauté ,
ni les intentions de qui que ce soit.
O0MCLO8IO!! 145
Ce que J'appelle de toua mes vœux, de toat mon
cœur de FhmçftiSy c*est la discussion calmoy rexa-
mcn approfondi, sans parti pris, d'une situation
déclarée excellente par les uns, Jugée détestable
— je suis de ceux-ci — par les auti*es.
Tant qu'on no s'occupera pas exclusivement dos
ehoHi laissant do otUé los }»0i*iohm0ji, on n'urrivora
pas à fairo la lumièro. Hn un mot, on no parviendra
pas h savoir s'il faut poursuivre l'œuvro commencée
ou en faire le sacrifice soit complot, soit limité.
J*avouo que, moi-même, malgré mes convictions
très arrêtées, mais méjugeant humblement faillible,
j'en suis arrivé à me diro souvent, après avoir hon-
nêtement interrogé ma conscience : qui sait si, les
Français se trouvant réunis dans une pensée com«
mune de concorde et d'amour, en vue des intérêts
do la Patrie, Yaventure tonkinoise, comme disent
les pessimistes, ne tournerait pas à notre avantage?
Mais comment en décider dans l'état de division
que les répubUcains eux-mêmes perpétuent par
leurs polémiques ardentes, par les débordements
de leurs haines réciproques, partant par leur oubli
constant et coupable de la France!
Ne mettrons-nous pas fin à une crise si pleine
de périls et si déshonorante pour ceux qui l'entre-
tiennent?
146 LA FRAIfCB DANS L*INDO-CniKK
•
Pour ce qai regardo la Gochinchine^ si Ton se
dik^ide & agir sans retard et avec énergie, tout peut
se simplifier, à notre plus grande satisfaction.
Il ne dépend que do nous d*en faire une colonie
française admirable, pouvant rivaliser avec les plus
riches colonies anglaises et hollandaises do TÂsie,
Pour ce faire, il no nous (hut qu*obéir & ce que lo
plus simple bon sens nous indique. Quiconquo voudra
redonner la pcincdo rcganlcrlacartcderindo Chine,
et de se rendre compte ainsi do la situation que la
Cocliinchine y occupe, comprendra tout do suite que,
i-soléo du Cambodge, notre colonie n*est à proprement
parler qu'une expression géographique, dont nous
nous serions embarrassés bien mal à propos.
Je soupçonne M. Gh. Thomson, (i cause mémo de
la convention qu'il a conçue en 188i, convention que
j*ai critiquée avec tant d'autres, d'en avoir jugé
ainsi. Ses amis le disent fort intelligent et éner-
gique à la fois. Je n'ai pas l'honneur de le connaître ;
je n'ai donc aucune raison de douter de ce'qui m'a
été afllrmé, h son égard. Et j'ajoute que sa conven-
tion de 188i me donnerait lieu, au contraire, d'en
Otre convaincu. Je m'explique : cet acte n'a pu être
le produit d une simple fantaisie sortie du cerveau
do s^n auteur. Il lui a été inspiré certainement par
CONCLUSION 147
•
un sontimont réfléchi. Quel est oo sontimont? 11
ost vraisemblable que le gouverneur de Saigon, en
1884, a compris que Toccupation par nous de la
Cochinchine seule, à Toxclusion du Cambodge, était
tout à fait insufllsante; qu*clle ne serait ainsi quo
stérile, nous réservant un avenir très limité, partant
fort précaire.
La Cochinchine est, en effet, écrasée par le Cam*
bodgo qui pè90 sur ello de tout son poids, l'acculant
h la mer, la privant pour ainsi diro d*air et do mou-
vement.
Kilo est, de ce fait, tributaire do son voisin. N*est-
oilo pas, en effet, obligée do lui emprunter son
territoire pour pouvoir communiquer avec les pro-
vinces du Nord? Le Cambodge le lui prête aujour*
d*hui, si peu praticable qu*il soit. Mais si, d'accord
avec nos ennemis, soutenu par eux, il le lui fermait
demain, l'abandonnant & ces derniers? C*est \U un
cas que nous devons absolument prévoir, une éven-
tualité contre laquelle nous avons h nous tenir en
garde.
Encore, si nous possédions des frontières assez
solides pour nous mettre à l'abri d*une invasion
éventuelle, aurions«nous le droit de n'être pas si
prévoyants. Mais ces frontières de défense n'existent
même pas. On ne peut les établir qu*à la condition
de remonter jusqu'aux grands lacs, qui, apparto-
nant historiquement au Cambodge, sont devenus.
148 U FRA!<CB DANS L*I1<IIK>-€I1I!(B
par lo fait (Vuno spoliation, à la lin du xvui« siècle,
la propriété du royaumo do Siam.
11 est donc clair quo notra premier soin doit être
de nous entendre avec lo Cambodge et do réclamer
do lui toutes les garanties de sécurité indispensables
contre toutes les éventualités de l'avenir. Or, la
première de ces garanties est sans contredit l'occu-
pation commune de ses frontières historiques, h
lui rétrocédées par le Siam.
C'est bien le sentiment de cette situation de la
Cochinchine vis-ù-vis du Cambodge qui a dû prési-
der ù la conception de Tan^angement de 1884, que
M. Ch. Tliomson a fait signer au roi Norodom. Tout
rengageait, en clTet, à mettre la main sur le Cam-
bodge. Il s'est toutefois senti aiTôté, sans doute, par
des cunsidci*atiuns spéciales : les événements de la
Chine et du Tonkin, les débats parlementaires qui
avaient lieu ;u ce sujet à Paris, la crainte d'engager
la France sans être, lui, soutenu dans ses préten-
tions exagérées, et bien d'autres choses encore, ont
dû éveiller ses craintes, tempérer son ardeur, maî-
triser son énergie. Et pourtant le statu quo lui sem-
blait impossible ! Il a tenté quelque chose. Ce quel-
que chose a été trop ou trop peu.
Ce fut trop, car en obligeant Norodom à consentir
& ses exigences, il l'humiliait inutilement et sans
prolit aucun;
Ce fut trop peu, car le vieux roi, irrité^ gardait.
coNCLUfioif 149
malgré tout, la fiicuUô do so vengor de nous et do
susciter senrèlcmont des rébellions que nous aurions
à combattre. C'est ce qui est arrivé en effet.
M. Gh. Thomson s'est donc trompé, pour no pas
avoir assez osé, ou pIutiH pour ne pas avoir logique-
ment osé ! Son sentiment n*cn fut pas moins excellent.
Le problème à résoudre pour tout gouverneur de
laCochinchine comprenant les intérêts de son pays,
consiste, selon moi, à absorber le Cambodge, sans
8*cn emparer elTectivement, c*est-A-dire en laissant
au roi de ce pays son indépendance et son autorité
dont il doit être fait habilement usage, au profit do
notre colonie du Sud. Cette tAche n*est pas si com-
pliquée qu*ello peut le paraître au premier abord.
Elle ne réclame pas des aptitudes extraonlinaîrcs
de Kl part de celui qui en serait chargé e la confiance
et Tappui de la France lui doivent si^ffirc, sous la
réserve expresse qu*il ne dépassera pas lés limites
exactes qui lui seront rigoureusement tracées par
son mandant. /
Ainsi lo Protectorat do la France* au. Cambodge
trouverait uno application intelligente, large, eflcc-
tive, avantageuse autant pour le Protecteur que pour
le Protégé.
N*est-ce pas là la véritable solution à trouver?
J'ai suffisamment démontré, je Tespére, que la
prospérité de la Cochinchine dépendait en grande
partie do la bonne ou mauvaise administration du
iSO U FRAKCB DANS L'INDO-CBIIVS
du Cambodge. Nous dovons donc nous occuper de
rendre cette administration aussi parfaite que po8«
siblo; nous dovons, en un mot, venir en aido au roi
Korodom et lui organiser son royaume autant au
point de vue fiscal qu*au point do vue militaire. D'ac-
cord avec lui, il nous faut mettre de Tordre dans la
répartition de ses impôts et dans la perception do
CCS derniers. Ce serait d'une part tout bénéfice pour
lui, et d* autre part cela nous permettrait d'achever
dans SCS États notre œuvre civilisatrice. Nous trou-
verions, en elTet, dans le fonctionnement régulier
des institutions financières nouvelles, toutes res-
sources nécessaires pour ouvrir des voies de com-
munication h son commerce et h celui de la Cochin-
chinc, pour équiper et former des milices auxquelles
nous fournirions des instructeurs, pour élever des
défenses sur ses frontières et sur tous les points
stratégiques (Â\ il y aurait lieu d'en placer, pour sa
sécurité et pour la nôtre.
Jo n'invente certes rien, en exposant un pareil
projet. Il en a été conçu déjà un semblable, en 18G4,
lorsqu'il s'est agi de consolider le trône de l'empe-
reur Maximilicn que nous avions installé à Mexico,
malgré les sinistres souvenirs laissés par la mort
violente de l'imprudent Iturbide.
A cette époque, au Mexique, comme aujourd'hui,
au Cambodge, il s*ngissait de fonder un ordre de
choses régulier. Une commission composée de
GOHCLVSIOIf 151
financiers et présidée par un homme do grand
talent, M. Langlois, conseiller d*ÉUit, fbt envoyée &
Mexico. Elle avait pour mission d*inaugurcr tout un
système fiscal approprié au pays que nous occupions
alors, et qui était néanmoins, du nord au sud, infesté
de guérillas,
M. Langlois a été, de son vivant, le véritable mi«
nistre des financesdu Mexique. A côté de lui, M. rin«
tendant général Priant était chargé de tout co qui
concernait la formation, Tarmement et Téquipcroent
d*une armée nationale. Un Jeune capitaine, d'un mé-
rite transcendant, M. Pierron, aujourd'hui général,
naguère professeur à Técole de guerre, était le secré-
taire particulier de Tempereur qui avait placé en lui
toute sa confiance. Plus modestement, en qualité do
sous-secrétaire d*État, J'occupais moi-même le poste
de chef du cabinet militaire du souverain.
G est ce dernier lui-môme, le frère de Temperour
François-Joseph, qui avait sollicité de la Franco Tap-
pui et le concours de ses financiers, do ses ingé-
nieurs, de ses officiers.
Les résultats obtenus furent exceUcnts, malgré
la constante et coupable opposition de Bazaine;
et, si ce triste personnage avant de procéder à
l'évacuation du corps expéditionnaire, n*avait tral«
treusemcnt détruit une œuvre encore incomplète,
mais laborieusement et consciencieusement édifiée,
Tempereur Maximilien, obligé, je le crois, quand
15â IK FRANCE OAKS L'INDO-CHIRB
même, de déposer tôt ou tard sa couronne, aurait pu *
certainement, grûce à Théritage que nous lui aurions
laissé, se sauver de la sinistre mort qui lui a été
inlligôe sur un obscur monticule, aux bords des fos-
sés doQuorctarot
Pourquoi, forts de roxpérienco du passé, no re«
nouvcllcrions-nous |>as àPnûm-Pcnh, dans des con-
ditions normales, auprès de Norodom, une œuvre
qui, celte fois, nous intéresse directement.
Nul ne songe — moi pas plus que quiconque, pour
le moment du moins — à s'emparer eiïectivement du
Cambodge, à le réunir à la Cochinchine pour en faire
une seule et même terre française. Mais ne peut-on
pan'cnirà ra680)*l;er, en Ya$8imilant h notre colonie,
en liant absolument son avenir, ses intérêts à lave-
nir, aux intérêts de notre possession du sud de Tlndo-
Chine?
Je ne vois qu'avantage à opérer de la sorte et pas
un seul inconvénient!
Le roi Norodom pourrait-il en prendre quelque
outrage? M. Ch. Thomson lui a imposé, certes, de
plus dures conditions et il a consenti à y souscrire!
Qui nous arrêterait donc dans Texécution de ce
plan d*ahsovplioni
Ijù désordre règne pailout dans le Cambodge. Ijcs
llnances no sont pas administrées. Le contribuable
est livré h Tarbitraire des mandarins. Les routes
sont absentes ou h peu prés. Les transactions sont on
CO!ICLOS101I i53
ne peut pas plus restreintes. Le pays est envahi par
des bandes qui harcèlent nos postes et épuisent nos
soldats. G*est le frère du roi qui les commande, et
Norodom se déclare impuissant h les détruire!
Mais notre conduite no nous est-elle pas dès lors
toute tracée? Tout est h faire au Gamboclgo. La
Gochinchino sera vouée h un état misérable tant
qu*il en sera ainsi.
Mettons-nous donc & l'œuvre. Organisons, adminis*
trons au profit^de Norodom et au nùtro.
M. Gh. Thomson avait timidement limité son action
h la ville de PnOm-Pcnh. D'après sd convention la
capitale devait être administrée < par une commis-
sion municipale composée du résident général ou de
do son délégué, président; six fonctionnaires ou
négociants français nommés par le gouverneur de
laCochinchine; de trois Gambodgiens, un Annamite,
deux Cliinois, un Indien et un Malais nommés par
Sa Majesté le roi du Cambodge sur une liste pré-
sentée par le gouverneur de la Gochinchino ».
Au lieu de cette commission municipale, véritable
aricquinadc, installons auprès du roi h Pném-Penh
une commission extraordinaire composée do finan-
ciers, d'ingénieurs, d'ollicicrs do toutes armes, do
savants même. Le roi lui adjoindrait un certain
nombre de ses fonctionnaires et lettrés. Ainsi se
trouveraient réunis tous les éléments d'une réorgani-
sation complète du Cambodge, pour la grande gloire
9.
1S4 U PRAUCB dans L*l!a>0-CB1!<B
et la plus désirable satisfaction et du Protecteur et
du Protégé!
Un traité d*alliance ofTensive et défensive entre
les deux compléterait une entreprise si féconde, de
telle sorte que les places fortes du Cambodge, en
dehors do certains postes que nous nous réserve*
rions, seraient occupées par des garnisons ini-fran-
vaises, nii-cambodgionnes.
I^s frais de celte occupation militaire seraient
réglés par la commission cxtraoïxliiuiira résidant
t\ Puuni-Pcnh.
Lo Cambodge deviendrait dés lors, en mémo temps
quo la forteresse avancée de la Cochinchine, un pas-
sage largement et sCircment ouvert pour l'expor*
talion dû nos produits et pour Fimportation des raar*
chandises étrangères,
Mylho serait bientôt un port de commerce de pre*
mier ordre. Kampot ivtrouverait son activité perdue.
Nous pourrions ti^és aisément faire de SaKgon un
arsenal maritime considérable, car nous trouverions
en abondance, dans le pays que nous serions chargés
d'administrer, lefer,la houille, le bois, la pierre, etc.,
nécessaires à celle grande œuvre.
Ce dernier projet ne mérite-t-il pas plus de faveur
que celui de M. Fillippini dont je n*accuse d'ailleurs
que rignorance et rinexpérience !
Avec lui, notre Prateclorat est un dangereux
amoindrissement du prestige de la France ; avec
OORCU7810!! 155
M. C3i. ïhomson, il en était — malheurausemont sans
profit — une tdcheuse exagération. Entre ces deux
systèmes, il doit y avoir place pour une troisième
solution pacifique, civilisatrice, utile pour les parties
engagées! Mon innovation, que dis-je, ma réédition
d'organisation administrative du Mexique — car jo
n'ai rien inventé — ost-cllo do nature h produire un si
précieux résultat?Tout mo Tindiquo; et Jo la propose
avec cotto conviction profondo qu*ello est indispen-
sable & mon pays, ê*il veut comerver la Cachinclnne,
S'il veut eonsei*ver la Cochinchinêt ai-Jo dit? Co
sont là do gros mots, des paroles qui ont une pré-
tention do prophétie qu*il me faut sinon justifier tout
au moins expliquer. G*cst ce que Jo vais m'ciïorcor
do faire.
Quand J*cngage mon pays à s*occui)er du Cam*
bodge au point de vue fiscal et militaire, Je no suis
nullement inspiré par un sentiment platonique. Je
songe à Tavcnir. Aussi bien j'entends lui conseiller
fermement, et pour cause, de prendre des gages
cerlains^ gages qui ne pourraient en aucun cas lui
échapper, pour garantir la Cochinchine contre des
éventualités qu'il est sage de prévoir. Comme Je Foi
fait observer déjà, notre voisin devenu, gnke à nous,
puissant et riche, notre voisin ingrat — certains
de nos voisins do TEurope nous ont sufllsammeiil
prouvé que Tingratitude n*est pas bannie des nations
pour lesquelles nous avons fait d*immenses sacrifices
156 LA FRAnCB DANS L*11*H)0-€B1!(B
— le Cambodgey en un mot, régulièrement admi*
nistré, puissamment armé, pourrait avoir un jour la
velléité de repousser le Protectorat français, d'agir
directement contre la Franco, ou de se lier à nos
ennemis résolus à agir contre elle.
C'est pourquoi j ai réclamé et je ne saurais trop le
réclamer encore, une occupation militaire com-
mune, frontières infranchissables.
Voulons-nous, oui ou non, conserver la Coc/ttn-
chine? Si oui, nous n'y par\'iendrons, h moins de
lourds et coûteux sacrifices, qu'en absorbant le
Cambodge, en nous rattachant, en nous l'assimilant,
on nous y établissant militairement, conjointement
avec lui, dans un but do défense etmununo.
Si non, il nous faut en décréter l'abandon sans
y augmenter davantage nos charges.
Et nous ne pouvons Tabandonner; rien ne nous
oblige. Au contraire, tout nous engage à y rester, à
nous y inst;dlcr solidement.
^lais ce n*est pas tout. Notre expédition au Tonkin
et dans l'Annam a eu son contre-coup dans le sud
tlo rindo-Chino et a créé à notre colonie do Cochin-
chine une situation i)articuIièro tiui exigo une
sérieuse attention do la i)art de la France.
J'y ai songé bien souvent, et je l'ai dit : Elle a
été la cause déterminante do la présente étude.
Jo no reviendrai pas sur les sentiments personnels
que n\*a inspiixVs l'expédition du Tonkin. Mais, pour
ooHonsioii 187
que mon œuvre soit complète, je suis forcé, avant
de la clore, de me placer en face de ces deux hypo-
thèses : ou l'occupation définitive assurée du Tonkin
et de rAnnam par la France, ou l'abandon du
Tonkin et de l'Annam soit par suite d'une retraita
complète, soit par suite d'une retraite partielle, co
que j'ai appelé une liquidation. .
Dans chacun de ces deux cas, qu'advient-il do
la Cochinchine? Si notre occupation définitive est
assurée, ohl alors notre force, notre prestige or
Cochinchine, dans le Cambodge, dans le Siam pren-
nent des proportions considérables. Tout se sim-
plilic.
La route aujourd'hui abandonnée, inoxploi'éo, qui,
parlant do Sulgon, passe luir llaria et aboutit à
Hanoi après avoir tmvcrsé TAnnam dans touto sa
longueur, s'ouvre lorge, bienfaisante et facilite toutes
les communications du nord au sud de nos consi-
dérables possessions! Le Cambodge n'est plus un
Protégé. Il est notre aUer c(/a, c une combinaison
de forces » avec la Cochinchine. Il profite de tous
les avantages résultant pour son Protecteur d'un
état do choses si heureux, si inespéré!
Le Mékong, c cette route qui marche i devient un
véritable fleuve français.
Le port de Tourane se relie h Dassac— dontle roi
a tout intérêt tx devenir notre ami — par uno ligne
ferrée d'une longueur do 150 kilomètres, dont les
158 IK FlUNCB OMIS L'HIDO-CRINB
rails et les traverses sont confectionnés avec le for
et les bois pris sur place.
Cette vaste baie française se trouve par consô-
qucnt en communication directe, rapide et constante,
par voie de terre, avec le haut et le bas Las et la
Birmanie. Ce qu'elle ne panient pas à attirer & elle,
prend la direction do Kampot et de Mytho.
Lo plateau des Bolovcns s'offre & nous, pour y éta«
blir une admirable colonie ft^ançaise.
Bangkok est décapitée et ne devient plus qu'un
centre commercial fort secondaire, avec son port
dont l'entrée reste obstruée par une barre inabor-
dable pour les I>ûtiincnts de fort tonnage.
C'est un boulûversomont complet dans le meuve-
mont général des échanges actuellement en usage
sur tous les points do TExtrémo Orient.
C'est le renversement de l'influence anglaise
remplacée p^r Tinfluenco française.
Le résultat vaut la peine certes qu'on le recherche,
et les partisans de Texpédition du Tonkin ont là une
séduisante excuse pour expliquer leur entreprise.
Mais là, comme partout aillcura, il ne suffit pas de
vouloir, il faut aussi pouvoir. ¥A, pour avoir trop
voulu souvent on s'est exposé h tomber, comme dit
Bossuct, € d'une grande chute ».
Ou comprend quo la Chine au nord, lo Siam et
l'Anglotorro au sud ctM'ouostet aussi rAIlemagne
no |>ourraicnt voir d'un œil favorable une situation
ooNCUJSioii . 159
aussi exceptionnelle pour les intérôts fhmçals, en
Extrême Orient.
Il est inadmissible que toutes ces puissances réu-
nies dans un intérêt commun ne fiissent pas tout
pour Fempôcher.
C'est bien là qu'est le danger pour l'avenir!
Mais que se passcrait-il si nous éprouvions un
grave échec au Tonkin?
Évidemment^ le Cambodge, notre premier voisin,
n'aurait qu'une pensée : se joindre à nos ennemis.
Nous aurions perdu à ses yeux toute force, tout
prestige. Et nos ennemis seraient tous les peuples do
rindo-Chino ameutés contre nous et obéissant aux
influences de la Cliinc, de l'Angleterre et de l'Alle-
magne.
Si le roi de Pném-Pcnh avait alors la faculté do
leur livrer passage pour nous atteindre en Cochin*
cliine et même de nous combattre avec eux, personne
ne peut douter qu'il hésiterait un seul instant h lo
faire. C'est donc cette faculté qu'il faut lui retirer,
et, en la lui retirant, il importe de le rendre solidairo
de notre sort!
Il nous faut envisager les choses telles qu*e]le8
sont, avec leurs chances de succès et d'insuccès, ol
prendre nos mesures pour, en toutes circonstances,
préserver Tuvenir. — Jamais l'occasion d'agir ne sera
meilleure qu'aujourd'hui oti l'Angleterre se trouvo
partout aux prises avec des embarras sans nombre.
160 LA FRANCS DANS L*kND(H:niIIB
MM. Bourôe et Rheinart, je Toi déjà rappelé, ont
écrit tous les deux séparément, avec Tautorité que
leur donne leur profonde connaissance des hommes
et des choses de tous ces pays : « La solution de la
question annamite est à Pékin. »
Quo le gouvernement se pénètre do ces paroles
qui, j*en ai la conviction, sont Texpression d*une
vérité trop longtemps méconnue.
Ici doit se terminer ma tAche. Comme Ta dit saint
Paul : Non phîs oportct sapere quant oportet $apere^
êed sapct*e ad sohrietatem.
Je ne sais Taccueil qui sera fait & ce livre. Les
minutieuses recherches auxquelles il a donné lieu
auront pcut-ùtre été vaincs. J*aui*ai peut-être gas-
pillé bien des hcUrcs pour le faire.
Je me serais appliqué à y mettre toute ma con-
science, toute ma loyauté, toute mon honnêteté pour
ne pas réus!;ir à appeler mémo Tattention de ceux
.sous les yeux desquels il passera.
Je partagerais ce sort, hélas I avec tant d'autres
plus favorisés que moi en intelligence et en science.
Je me répéterais îi moi-même ce que je me suis dit
le jour où j*ai pris la plume pour récrire, emprun-
tant à Corneille le langage du père do Sabine :
Faites votre devoir et laisses faire aux Dicnx.
Il me semble pourtant quo je serais consolé, si,
n'ayant pas réussi i\ convaincre ceux h qui jo mo