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I
\J^.f^ -^
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V 5^
1
^^•F^-l^î^..,o
LAMARTINE
PARIS. — IMP. SIMON RAÇOX ET COMP., RCE d'ERFORTII, I
LAMARTINE
■ DISCOURS
PROHOHCÉ A U RÉUKION PUBilOUE
AD PROni DB U SOCOiPTION POUK LA STATUE DD POÊtH
VICTOR DE LAPRADE
m l'icidéhik riuEgAijE
PARIS
DIDIER ET C'S LlBRAiRES-ÉUITEURS
1869
/^ UNIVÊRSITY %y
3 1 JUL mi
'^'-' OXFORD
\
i: (V
LAMARTINE
DISCOURS
PRONONCÉ A LA RÉUNION PUBLIQUE TENDE LE 2 MAI, AU PROFIT
DE LA SOUSCRIPTION POUR LA STATUE DU POËTE
Messieurs,
Nous sommes assemblés ici pour honorer un
grand poète, un grand citoyen, osons le dire,
un véritable grand homme. Lamartine fut un
de ces nobles génies qui font mieux que nous
charmer, qui nous élèvent au-dessus de nous-
LAMARTINE.
mêmes, qui nous emportent jusqu'aux plus
hautes régions de l'esprit.
S'il a des égaux dans ce vaste monde des
lettres, il n'a pas de maître. Il a fait son do-
maine non point d'une des formes de l'art,
mais de tous les sentiments qui sont l'essence
même de la poésie. Ces nobles émotions, ces
hautes idées, Lamartine les exprime en des vers
d'une telle harmonie, que jamais la langue
française, jamais la langue de Fénelon et de
Racine n'a chanté aussi mélodieusement que
sur ses lèvres. Son style est fait tout entier de
musique, comme toute sa pensée est faite de
poésie.
De toutes les idées dont il s'est rendu T in-
terprète, il a su choisir la fleur immortelle.
Sur tous les modes qu'il emploie il fait parler
toujours la portion divine du cœur humain.
Écoutez le langage de l'amour dans les Mé-
dilations j dans Jocelyn^ dans les Harmonies I
Toutes les voix les plus douces du paysage, tous
LAMARTINE. 7
les soupirs les plus purs, tous les murmures
les plus éthérés qui sortent des choses accom-
pagnent la voix du poète. Mais sommes-nous
bien dans un paysage et sur notre globe ? au
bord d'un lac et sous les sapins des Alpes? sur
la plage sonore de la mer de Sorrente? ne som-
mes-nous pas dans une région plus haute en-
core et plus sereine que les admirables sites tra-
versés par Elvire, par Laurence et par Gra-
ziella? n'est-ce pas entre terre et ciel, pour
ainsi dire, que le poète a placé la scène de ses
amours? Les âmes enchanteresses qui dialo-
guent dans ces divines solitudes sont-elles de
notre temps, sont-elles de notre race, sont-elles
revêtues de notre grossière enveloppe? Elles
sont vraies, pourtant, elles ont vécu ; chacun
de nous les a entrevues à l'heure la meilleure
de sa jeunesse; et, néanmoins, elles semblent
appartenir à une famille d'êtres immatériels
qui n'ont de commun avec nous que les larmes
et les sourires, et qui se balancent sur des ailes
8 LAMARTINE.
tandis que nos pieds nous enchaînent sur
le sol.
Non moins célesles que Béatrice, elles ont
plus de réalité. Les larmes du poëte attestent
qu'elles ont aimé, qu'elles ont souffert. Elles
ont passé avec leur amant sur les bruyères des
hautes cimes et sur les sentiers jonchés de feuil*
les flétries. Mais, tout à coup, dans un vol ra-
pide, elles entraînent le poëLe qu'elles avaient
suivi ; elles l'enlèvent de terre ; elles empor-
tent son âme vers des sphères aussi merveil-
leuses que les sphères visitées par l'Alighieri.
Toute la poésie de Lamartine est un essor
perpétuel \e;cs un monde supérieur ; la réalité
n'est pour lui qu'un marchepied vers l'idéal.
De tous les sujets qu'il touche, de toutes les
passions qui l'agitent, il s'élance au milieu des
divins problèmes, au milieu des sublimes in-
quiétudes qui agrandissent l'âme humaine et
qui lui révèlent ses immortelles destinées.
Le sentiment de la nature, la contemplation
LAMARTINE. 9
de Tunivers, qu'il a compris, qu'il a senti
comme pas un de nos poètes, prennent chez
lui la même voie que l'amour et les agitations
du cœur ; ils l'aident à s'envoler au-dessus du
monde visible; ils le conduisent, à travers ces
milliers de mondes qui peuplent l'immensité,
jusqu'au principe de tous les mondes, jusqu'à
celte source de tous les êtres que le religieux
poète n'a pas craint de nommer et d'adorer par
son nom.
Nul ne l'a dépassé, nul ne l'a égalé dans
cette contemplation sereine, dans cette pro-
fonde pénétration du grand spectacle de la na-
ture. Jean- Jacques Rousseau, Bernardin de
Saint-Pierre, Chateaubriand lui-même s'étaient
arrêtés sur le seuil de cet infini. Lamartine
s'y précipite à plein vol; il a l'œil plus perçant
et de plus larges ailes ; et, pour raconter les
splendeurs qu'il découvre, il possède, comme
nul autre avant lui, cette langue des vers, cette
langue mélodieuse et sonore, la seule qui sem-
1.
10 LAMARTINE.
ble faite pour interpréter dignement les gran-
des harmonies de la nature.
A tous les sentiments exprimés par d'autres
poêles, sa voix incomparable ajoute une vibra-
tion plus profonde et plus douce, quelque chose
•de plus élevé et de plus pur, de plus humain à
la fois et de plus divin. Ne semblait-il pas im-
possible, après Racine, d^ajouter une seule note
au langage de la tendresse passionnée et de Ta-
mour délicat? Écoutez l'hymne qui s'exhale de
la bouche de Lamartine avec les noms de Lau-
rence et d'Elvire, et dites si le poète du dix-
neuvième siècle n'a pas trouvé une nouvelle
corde dans ce sentiment éternel ?
La Muse française après Corneille n'avait-
elle pas tout dit sur le patriotisme, la haute
morale, les grands devoirs de l'homme vîs-à-vis
de l'humanité? Relisez l'Ode sur les révolutions,
la Réponse à Némésis, la Marseillaise de la paix.
Écoutez parler cette ardente charité sociale,
et vous nous direz si l'âme humaine n'apparaît
LAMARTINE. H
pas plus grande et plus véritablement héroïque
dans ces sentiments de pardon et de fraternité
universelle, que dans le farouche patriotisme
des Horaces et d'Emilie?
Cette élévation sereine, cet esprit paciGque,
cette générosité qui respirent dans les vers de
Lamartine, on les retrouve dans toutes ses
œuvres, dans toute sa vie. Chez lui, c'est Tâme
du poète qui a fait le cœur du citoyen : sa po-
litique, c'est sa poésie en action. Yoilà sa fai-
blesse, disent les ambitieux et les faux sages ;
et nous, en face de la postérité qui commence,
nous oserons dire : Voilà sa grandeur !
Àh ! sans doute, il aurait mieux valu pour
son repos, pour la douceur d'une existence
comblée de tous les dons, qu'il s'enfermât
dans le paisible domaine des lettres, dans la
sphère des poétiques rêveries. Certes, ces con-
seils d'égoïsme et dé voluptueuse indifférence
ne lui ont pas manqué : c< Restez sous les om-
brages de vos parcs, devant les chenets de vos
12 ÎAMARTINE.
manoirs ; voyagez au bord des lacs de Suisse ou
des mers d'Italie ; agencez vos strophes et po-
lissez vos rimes. Jouissez sans autres soucis de
votre opulence et de votre gloire. Charmez de
loin vos contemporains ; ne vous mêlez pas aux
agitations et au travail de votre siècle! Que
venez-vous faire au sein de nos discordes et
parmi les hommes de combat? » Voilà ce qu'on
-n'a cessé de lui dire de toutes parts. Et ce n'é-
taient pas seulement des ennemis et des en-
vieux qui lui prêchaient ainsi la désertion des
devoirs civiques ; c'étaient aussi des amis, bien
sincères peut-être, mais trop pusillanimes. Il
n'a pas consenti à cette gloire sans périls, à ce
bonheur sans devoirs qui lui étaient offerts. Il
a voulu, comme s'il n'avait point de gloire
acquise et point de fortune faite, il a voulu des-
cendre dans l'arène commune, s'exposer à
toutes les injures des événements et des hom-
mes. Il était l'enchanteur de son siècle; il a
voulu être un serviteur, un soldat de l'huma-
LAMARTINE. 15
nité. Il a livré sa bataille politique et il a bien
fait ! Oui, malgré la défaite, malgré la ruine,
malgré les douleurs et l'abandon de ses der-
nières années, il a bien fait pour lui-même et
pour son pays !
Si grand que soit Técrivain, si vives que
soient nos admirations pour ses pages immor-
telles, la France ne serait pas fière de Lamar-
tine comme elle en est fière, si le poëte avait
étouffé en lui le citoyen. Nous-mêmes, nous
ressentirions, à cette heure, une émotion moins
profonde; et peut-être nous ne serions pas
réunis pour rendre hommage à sa généreuse
mémoire.
Aux yeux de ceux qui mesurent la justice
d'une cause et la vérité d'une idée par le suc-
cès d'un homme, Lamartine ne fut qu'un rê-
veur, un vain adorateur de l'impossible; sa
chute fut profonde du haut de ses nuages sur
nos dures réalités. Les uns l'accusent d'être
l'instigateur d'une révolution, et de l'avoir
«A
U LAMARTINE.
laissé périr. Les autres lui contestent l'hon-
neur, que toute la France lui attribue, d'avoir
conjuré une révolution plus terrible. L'impar-
tiale histoire l'absoudra du reproche d'avoir
rien détruit; disons hardiment qu'il a fait plus
que de conserver : il a créé tout un monde de
nobles aspirations sociales ; il a suscité les plus
saintes espérances de concorde et de liberté.
Je sais qu'il ne reste rien en apparence de la
forme politique à laquelle son nom est atta-
ché, que son passage au pouvoir n'a rien fondé
dans le pays, et n'a commencé pour lui-même
que la ruine et la calomnie. Je sais que les
hommes d'Ëtat comme lui ne laissent pas de
dynastie ou de fortune princière, et qu'ils n'ont
d'autre couronne à ceindre que la couronne
d'épines! Je sais tout cela, messieurs, et j'ose
affirmer devant vous, que pas un des politi-
ques de nos jours n'a plus de droit à l'affec-
tion des amis de la liberté, aux sympathies dé
^avenir, à la reconnaissance du peuple, que ce
LAMARTINE. i5
poète, ce rêveur, ce vaincu qui s'appelle La-
martine !
Je n'ai pas besoin pour le glorifier de rap-
peler le souvenir qui fait sa gloire unique aux
yeux de plusieurs; je n^insisterai pas sur le
titre qu^on lui disputé le moins, sur cette im-
mortelle journée où, dans une lutte surhu-
maine, son courage et son éloquence domptè-
rent des passions ftirieuses, et conservèrent à
la France le drapeau qui la rassurait, La mis*
sion d'un pareil homme était moins de contenir
les erreurs et les impatiences que d'exalter les
jiobles désirs. Si j'étais l'artiste chargé de le
représenter sur le monument auquel nous ap-
portons. notre humble pierre, je ne le poserais
pas dans l'attitude de la résistance, comme un
homme qui repousse un assaut, comme un
,dieu qui refoule une tempête ; je le montrerais
le bras levé et la main tendue vers le ciel et
vers l'avenir, comme un voyant qui indique à
^n peuple le ehemin du progrès pacifique, de
16 LAMARTINE.
la justice et de la liberté. Il n'était pas sans
doute de ces pilotes inflexibles faits pour tenir
le gouvernail pendant la tourmente; il avait
reçu la mission non moins belle d'inspirer aux
matelots le courage, l'union fraternelle et l'es-
pérance, la mission de lire dans les Aoiles la
route du glorieux navire qui porte les destins
de l'humanité.
Dans son court passage aux affaires publiques,
cause première, cause sacrée du désastre de ses
affaires privées, il a bien mérité de tous les par-
tis. La France le lui disait alors avecacclamation ;
elle n'a pas le droit de l'oublier aujourd'hui.
Mais la bannière qu'il a surtout. servie en l'il-
lustrant, c'est la bannière du gouvernement
libre et populaire. Je ne veux rien dire ici qui
diminue l'importance et l'honneur des citoyens
qu ileut pour collègues dans celte magistrature,
investie par les événements de la charge d'inau-
gurer parmi nous la seconde république. J'ose
du moins affirmer quç le nom de Lamartine»
LAMARTINE. IT
placé en tête de tous ce& noms, fut le prestige
qui écarta les terreurs de la France conservatrice
et libérale, et qui détermina l'adhésion du plus
grand nombre au gouvernement nouveau.
De ce gouvernement, éphémère, mais sans
tache, Lamiartine fut la parure aux yeux de
l'Europe, la force dans l'opinion du pays. Sa
présence était un gage certain contre le retour
de la guerre et des mesures violentes. L'incom-
parable manifeste par lequel il annonçait au
monde les intentions pacifiques de la France
nouvelle restera dans l'histoire comme un des
plus beaux monuments de l'éloquence, de la
droiture et de la clairvoyance politiques.
L'homme de cet acte, l'homme dont la mer-
veilleuse parole ne s'éleva jamais, dans ces jours
difficiles, que pour prêcher le respect de tous
les intérêts et l'union de tous les cœurs, pour
proscrire la guerre et la peine de mort ; lepoëte
qui a fait servir sa gloire et son génie à l'hon-
neur d'une révolution sans excès,^'jest pas un
18 LAMARTINE.
fondateur sans doute, mais l'avenir l'honorera
comme un précurseur. A la place de ces noms
sanglants qu'on accole depuis le dernier siècle
au nom de la liberté comme un signe de terreur,
son nom pur, souriant et pacifique brillera sur
la nouvelle ère de la démocratie comme un
gage de modération, de justice et de con-
corde.
Il n'a pas mêlé à sa politique des calculs per-
sonnels, des ressentiments ou des convoitises ;
il y a mis, comme dans sa poésie si haute et si
pure, il y a mis son âme tout entière, une des
plus belles âmes qui soient sorties des mains de
Dieu, une âme qui a traversé la vie sans une
heure de haine, qui n'a sacrifié aux nobles am-
bitions de l'homme public que les intérêts de
l'homme privé. .
Tel il s'est montré dans sa carrière de citoyen,
tel il éts^it dans ses relations avec ^es amis, avec
tous ceux qui l'ont connu. I^a bienveillance était
pour lui un besoin ; il étaii contraint à la sym-
LAMARTINE. 19
pàthie envers tous par rélévation de son génie
et par la générosité de son cœur.
Le plus grand reproche qu'on ail adressé à
son court ministère, c'est de n'avoir pas violem-
ment rompu avec certain de ses collègues, c'est
de n'être entré en guerre avec personne; le
s'
plus grand vice des histoires qu'il a écrites, c'est
l'indulgence de ses jugements. En un mot, son
défaut suprême c'est de n'avoir jamais pu haïr,
D'un crime pareil nous ne chercherons pas à le
défendre. -
Il n'était pas né pour le gouvernement, je le
reconnais ; car il n'a jamais su fermer son cœur
à aucun homme, son esprit à aucune grande
idée. Son âme restait ouverte à tous, comme
ses mains généreuses; il a laissé couler par
terre, sans rien retenir, son pouvoir, sa popu-
larité, sa fortune.
Nous, les témoins de sa vie, nous savons ce
qu'elle est devenue, cette fortiyie ! sans essayer
de dénombrer combien de ^mains reconnais-
20 LAMARTINE.
santés ou ingrates elle est allée remplir goutte à
goutte.
Oui, certes, il a mérite les reproches et les
railleries de nos hommes d'État et de nos hom-
mes d'affaires : il était né riche, il a travaillé
jusqu'à l'extrême vieillesse... et il est mort
pauvre!
Le labeur acharné, les efforts surhumains
de ses dernières années n'ont pu lui faire res-
saisir la sécurité... pas plus qu'ils n'ont pu faire
taire les calomnies.
Sa fortune s'est écroulée sans retour. Mais
vous êtes là, messieurs, pour témoigner que sa
popularité se réveille plus éclatante que jamais !
Quant à son pouvoir, il est immortel ! Il sur-
vit tout entier dans sa poésie, dans ses incom-
comparables discours, dans les souvenirs de sa
bonté et de son courage ; il durera autant que
notre langue, autant que notre histoire.
Ce que Lamartine aura le moins obtenu, c'est
ce que mérite le plus humble des travailleurs,
LAMARTINE. . 21
le plus obscur des honnêtes gens, un peu de
repos dans la vieillesse. Voilà pour ses amis le
sujet d'un regret éternel, et, peut-être, d'un
éternel reproche pour son temps et pour son
pays.
Mais ce qui a manqué à son bonheur, sa
gloire le retrouvera ; cette gloire est, dès au-
jourd'hui, plus sympathique et plus touchante.
Les labeurs des dernières années, les attaques
et les désastres subis, donneront à la figure de
Lamartine cette beauté plus achevée, que le
malheur ajoute à la mémoire des grands
hommes.
Après les succès éclatants d'une carrière et
d'une nature privilégiées, il fallait qu'il connût,
lui aussi, les amertumes et qu'il souffrît des in-
justices. La destinée lui réservait le pire de tous
les exils, un exil dans le dénigrement et dans
l'oubli ; afln de mieux assortir son histoire avec
celle d'un autre grand poëte, son frère d'ar-
mes et son ami, afin que dans les annales de la
22 LAMARTINE.
poésie et dans celles de la liberté deux noms
restassent inséparables : Lamartine ! Victor
Hugo !
Et maintenant toutes ces tristesses sont con-
sommées ; les amis du poëte et du citoyen n'ont
plus rien à tenter pour son bonheur. Ce n*est
pas même de sa renommée qu'il s'agit : quoi
qu'il arrive, cette renommée est irrévocable,
elle est immortelle. Le monument auquel nous
travaillons importe moins à la gloire de Lamar-
tine qu'à l'honneur de notre pays. Il s'agit
d'absoudre la France de tout reproche d'ingra-
titude.
Vous l'avez compris, messieurs, en vous as-
sociant à la pensée qui préside à cette réunion,
vous êtes venu ici pour remplir un patriotique
devoir, non moins que pour chercher un plaisir
délicat. Vous aurez les jouissances de l'esprit
avec la satisfaction du cœur. Vous allez entendre
des vers admirables, interprétés par une grande
artiste qui a déjà rendu tant de services à la
LAMARTINE. 25
poésie et qui vient faire ici le plus digne office
de son noble talent.
La poésie de Lamartine va se présenter à vous
vivante, animée, parée de tous les charmes
d'une diction harmonieuse. C'est l'œuvre de l'il-
lustre écrivain qui vous a conviés à cette réunion ;
c'est elle qui en fera tout le prix. Yous avez ap-
porté votre offrande pour le bronze de la statue;
mais le grand homme lui-même en demeure le
véritable ouvrier. Ainsi que dans la fable anti-
que, c'est la lyre du poëte qui aura bâti son
/monument. Mais c'est vous qui en goûterez la
joie et l'orgueil ; car vous aurez prouvé que la
France du dix-neuvième siècle était digne de
toutes ses gloires et qu'elle a partagé tous les
généreux sentiments.
FUNÉRAILLES DE LAMARTINE
Lamartine est mort. La France a perdu son
plus grand poëte, le plus beau génie qui ait
fait la splendeur de ce siècle avec le génie de
Chateaubriand. Prenons le deuil et prions. Ce
n'est pas l'heure de juger, d'expliquer cette
âme ou de la défendre. L'admiration et la cri-
tique doivent laisser la place à la douleur na*
tionalc et à l'émotion chrétienne. De tout ce
que fut Lamartine^ une seule chose sufQt à
nous remplir le cœur en ce moment. Il a été
par ei^cellence, non-seulement de nos jours,
26 LAMARTINE.
mais dans toute la durée des lettres françaises,
lepoëte religieux. Pas une lyre humaine, de-
puis celle du roi-prophète, n'a parlé plus ma-
gnifiquement que la sienne^ de Dieu, de l'im-
mortalité, de l'infini. C'est par là surtout que
cette voix incomparable nous a conquis et
nous a dominés. Pendant le funèbre cortège,
toutes ces hymnes remplies d'adoration et de
larmes se déployaient dans notre souvenir et
murmuraient sur nos lèvres comme une prière
digne de lui.
Un jour, dans tout l'éclat de sa gloire, dans
toute la vigueur de son génie, il avait prononcé
ces solennelles paroles :
Dieu de mon berceau, sois le Dieu de ma tombe!
Ce Dieu a entendu son serment; il a exaucé
son vœu ; il était présent à son lit de mort. Les
amis du poète savent qu'il avait appelé le
Christ à son aide longtemps avant l'heure du
LAMARTINE. 27
dernier combat. Il est mort, il a été enseveli
dans le Christ. Cette grâce suprême était due
à l'homme qui a rétabli dans la poésie fran-
çaise le nom du Christ, le sentiment de la Pro-
vidence et la contemplation de l'infini. Quelle
poésie nous a montré plus clairement que celle
de Lamartine Fidée de Dieu à travers les splen-
deurs de la création? laquelle a suscité plus
haut dans les cœurs la certitude de l'immorta-
lité?
Sitôt que la voix de Lamartine s'est élevée,
la frivole ironie a cessé de maîtriser les esprits ;
par lui, le lendemain du dix-huitième siècle,
l'art des vers s'est mis au service de la prière.
Celte foule suspendue à ses lèvres, enivrée de
ses sublimes harmonies, le poète l'a conduite
jusqu'au seuil du temple qu'elle avait délaissé.
Il y est entré devant elle et s'est prosterné dans
le sanctuaire aux yeux de tous.
Tout ce qui est au pouvoir d'un homme pour
transformer les sentiments humains après une
28 LAMARTINE.
crise mortelle et les ricanements de Voltaire,
Lamartine l'a opéré dans les âmes par les Mé-
ditatiom et les Harmonies. Il ne fut pas seule-
ment un poëte^ il fut la poésie elle-même re-
parue et reprenant son éternelle mission, la
mission d'enseigner et de guérir, la mission de
nous consoler du réel en nous dévoilant l'idéal.
Qu'il soit béni au nom de ces milliers d'âmes
emportées sur ses ailes loin des tristesses de
la vie présente, au nom de tous ceux qui
ont goûté par avance, en l'écoutant, les extases
de l'immortalité et le spectacle de l'infini !
Le silence qu'il avait demandé a été religieu-
sement observé sur sa tombe. La prière chré-
tienne s'est faite seule entendre pendant ses
funérailles. Le plus éloquent de nos prêtres, le
P. Hyacinthe, avait fait la levée du corps au
chalet de Passy. C'est à Mâcon, dans la ville
natale du poëte, que les véritables obsèques ont
commencé. Le cercueil avait traversé Paris
sans autre suite qu'une douzaine d'amis et de
LAMARTINE. 29
parents. Trente personnes au plus Fattendaient
à la gare. L'incognito de l'illustre mort était
respecté. La veille au soir, on était venu offrir
à la famille des funérailles faites par l'État ; elle
avait refusé.
C'est à Saint-Point directement que le corps
devait être conduit. Mais, si Ton avait pu dé-
rober ce cercueil aux hommages politiques, il
n'y avait pas moyen de le soustraire à ceux de
l'affection personnelle et du patriotisme local.
La ville de Mâcon s'était levée tout entière pour
demander qu'une première cérémonie funèbre
eût lieu chez elle. Au sortir de la gare, Iç jeudi
4 mars, le corps fut transporté à l'église Saint-
Vincent : l'église était trop petite ; la foule en-
combrait la place et les rues voisines. Cette im-
mense multitude a escorté le convoi jusqu'au
delà des barrières de la ville. À la suite du cer-
cueil, on avait vu entrer dans l'église M. Emile
Âugier, directeur, et M. Jules Sandeau, chan-
celier de l'Académie française. Leur costume est
50 LAMARTINE.
le seul officiel qui ait paru à la cérémonie avec
les uniformes militaires. Les autorités suivaient
le deuil, mêlées à la population. L'Académie '
française a honoré le poëte et s'est honorée
elle-même, dans cette circonstance, par une
éclatante dérogation à ses usages. Jamais les
membres du bureau ne s'étaient transportés à
une si grande distance de Paris . Par respect pour P
les volontés de l'illustre mort, le directeur de \
l'Académie a renoncé à son droit d'être entendu
sur cette tombe. Le silence était dès lors imposé
à tous.
C'est au sortir de la ville que les funérailles
ont pris leur caractère le plus touchant et que
des hommages passionnés ont été rendus à
l'homme par une foule qui n'avait pas connu de
lui son génie, mais sa bonté. Toutes les popu-
lations rurales, à une grande distance, étaient
accourues sur la route. La campagne était cou-
verte de neige, mais éclairée d'i^n soleil splen-
dide. Chaque commune, son curé en tête, es-
LAMARTINE. 3t
cortait le char jusqu'aux limites de son terri-
toire. En passant devant Monceaux, Milly et sur
quelques autres points, les habitants se faisaient
ouvrir le corbillard pour jeter de l'eau bénite
sur le cercueil, et les femmes l 'embrassaient
en sanglotant. « Qu'allons-nous devenir, nous
avons perdu notre bon monsieur ! » Ces sim-
ples paroles, dites par des milliers de bou-
ches qui n'ont jamais récité un seul vers des
Méditations ou de Jocelyn, valent bien des
oraisons funèbres, et peignent mieux que tous
les discours le vrai Lamartine; Sous le grand
poète il y avait un homme de cœur ardemment
attaché à ces populations et à ce sol.
Retardé par la marche de la foule, le convoi
a mis près de cinq heures pour franchir les
25 kilomètres qui séparent Mâcon de Saint-
Point. Tous les villages des environs jusqu'au
delà de Cluny étaient accourus ; le parc du châ-
teau était rempli d'hommes, de femmes, même
d'enfants.
32 LAMARTINE.
A deux heures, Lamartine était couché dans
le sépulcre élevé par lui, entre sa mère, sa
femme et sa fille.
Et maintenant la postérité commence pour le
poète, pour Torateur, pour le citoyen. Les amis
fidèles et las disciples de Lamartine ne crai-
gnent pas pour lui le jugement de Tavenir. Plus
les ombres se dissiperont autour de cette noble
figure, et plus- elle grandira. L'histoire triom-
phera d'une foule de légendes ridicules et enve-
nimées qui circulèrent autour de son nom. Cette
œuvre se fera peu à peu et par bien des ouvriers
involontaires, sans parler des cœurs dévoués à
cette chère mémoire. Aujourd'hui nous n'avons
pas d'autre dSbit, d'autre devoir que celui de
pleurer le maître et l'ami. La France fera comme
nous. Jamais elle n'a mené un plus grand
deuil.
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