Skip to main content

Full text of "Lamartine: discours prononcé a la réunion publique du 2 mai 1869 au profit de la souscription ..."

See other formats


Google 



This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project 

to make the world's bocks discoverablc online. 

It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject 

to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books 

are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover. 

Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the 

publisher to a library and finally to you. 

Usage guidelines 

Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the 
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to 
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying. 
We also ask that you: 

+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for 
Personal, non-commercial purposes. 

+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine 
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the 
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help. 

+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find 
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it. 

+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just 
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other 
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of 
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner 
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe. 

About Google Book Search 

Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders 
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web 

at |http: //books. google .com/l 



Google 



A propos de ce livre 

Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec 

précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en 

ligne. 

Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression 

"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à 

expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont 

autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont 

trop souvent difficilement accessibles au public. 

Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir 

du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains. 

Consignes d'utilisation 

Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre 
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine. 
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les 
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des 
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées. 
Nous vous demandons également de: 

+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers. 
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un 
quelconque but commercial. 

+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez 
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer 
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des 
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile. 

+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet 
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en 
aucun cas. 

+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de 
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans 
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier 
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google 
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous 
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère. 

A propos du service Google Recherche de Livres 

En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite 
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet 
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer 
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse fhttp: //book s .google . coïrïl 



I 



\J^.f^ -^ 



ft -^313 



V 5^ 



1 



^^•F^-l^î^..,o 




LAMARTINE 



PARIS. — IMP. SIMON RAÇOX ET COMP., RCE d'ERFORTII, I 



LAMARTINE 



■ DISCOURS 

PROHOHCÉ A U RÉUKION PUBilOUE 
AD PROni DB U SOCOiPTION POUK LA STATUE DD POÊtH 



VICTOR DE LAPRADE 

m l'icidéhik riuEgAijE 



PARIS 

DIDIER ET C'S LlBRAiRES-ÉUITEURS 
1869 



/^ UNIVÊRSITY %y 

3 1 JUL mi 

'^'-' OXFORD 



\ 



i: (V 



LAMARTINE 



DISCOURS 

PRONONCÉ A LA RÉUNION PUBLIQUE TENDE LE 2 MAI, AU PROFIT 
DE LA SOUSCRIPTION POUR LA STATUE DU POËTE 



Messieurs, 

Nous sommes assemblés ici pour honorer un 
grand poète, un grand citoyen, osons le dire, 
un véritable grand homme. Lamartine fut un 
de ces nobles génies qui font mieux que nous 
charmer, qui nous élèvent au-dessus de nous- 



LAMARTINE. 

mêmes, qui nous emportent jusqu'aux plus 
hautes régions de l'esprit. 

S'il a des égaux dans ce vaste monde des 
lettres, il n'a pas de maître. Il a fait son do- 
maine non point d'une des formes de l'art, 
mais de tous les sentiments qui sont l'essence 
même de la poésie. Ces nobles émotions, ces 
hautes idées, Lamartine les exprime en des vers 
d'une telle harmonie, que jamais la langue 
française, jamais la langue de Fénelon et de 
Racine n'a chanté aussi mélodieusement que 
sur ses lèvres. Son style est fait tout entier de 
musique, comme toute sa pensée est faite de 
poésie. 

De toutes les idées dont il s'est rendu T in- 
terprète, il a su choisir la fleur immortelle. 
Sur tous les modes qu'il emploie il fait parler 
toujours la portion divine du cœur humain. 

Écoutez le langage de l'amour dans les Mé- 
dilations j dans Jocelyn^ dans les Harmonies I 
Toutes les voix les plus douces du paysage, tous 



LAMARTINE. 7 

les soupirs les plus purs, tous les murmures 
les plus éthérés qui sortent des choses accom- 
pagnent la voix du poète. Mais sommes-nous 
bien dans un paysage et sur notre globe ? au 
bord d'un lac et sous les sapins des Alpes? sur 
la plage sonore de la mer de Sorrente? ne som- 
mes-nous pas dans une région plus haute en- 
core et plus sereine que les admirables sites tra- 
versés par Elvire, par Laurence et par Gra- 
ziella? n'est-ce pas entre terre et ciel, pour 
ainsi dire, que le poète a placé la scène de ses 
amours? Les âmes enchanteresses qui dialo- 
guent dans ces divines solitudes sont-elles de 
notre temps, sont-elles de notre race, sont-elles 
revêtues de notre grossière enveloppe? Elles 
sont vraies, pourtant, elles ont vécu ; chacun 
de nous les a entrevues à l'heure la meilleure 
de sa jeunesse; et, néanmoins, elles semblent 
appartenir à une famille d'êtres immatériels 
qui n'ont de commun avec nous que les larmes 
et les sourires, et qui se balancent sur des ailes 



8 LAMARTINE. 

tandis que nos pieds nous enchaînent sur 
le sol. 

Non moins célesles que Béatrice, elles ont 
plus de réalité. Les larmes du poëte attestent 
qu'elles ont aimé, qu'elles ont souffert. Elles 
ont passé avec leur amant sur les bruyères des 
hautes cimes et sur les sentiers jonchés de feuil* 
les flétries. Mais, tout à coup, dans un vol ra- 
pide, elles entraînent le poëLe qu'elles avaient 
suivi ; elles l'enlèvent de terre ; elles empor- 
tent son âme vers des sphères aussi merveil- 
leuses que les sphères visitées par l'Alighieri. 

Toute la poésie de Lamartine est un essor 
perpétuel \e;cs un monde supérieur ; la réalité 
n'est pour lui qu'un marchepied vers l'idéal. 
De tous les sujets qu'il touche, de toutes les 
passions qui l'agitent, il s'élance au milieu des 
divins problèmes, au milieu des sublimes in- 
quiétudes qui agrandissent l'âme humaine et 
qui lui révèlent ses immortelles destinées. 

Le sentiment de la nature, la contemplation 



LAMARTINE. 9 

de Tunivers, qu'il a compris, qu'il a senti 
comme pas un de nos poètes, prennent chez 
lui la même voie que l'amour et les agitations 
du cœur ; ils l'aident à s'envoler au-dessus du 
monde visible; ils le conduisent, à travers ces 
milliers de mondes qui peuplent l'immensité, 
jusqu'au principe de tous les mondes, jusqu'à 
celte source de tous les êtres que le religieux 
poète n'a pas craint de nommer et d'adorer par 
son nom. 

Nul ne l'a dépassé, nul ne l'a égalé dans 
cette contemplation sereine, dans cette pro- 
fonde pénétration du grand spectacle de la na- 
ture. Jean- Jacques Rousseau, Bernardin de 
Saint-Pierre, Chateaubriand lui-même s'étaient 
arrêtés sur le seuil de cet infini. Lamartine 
s'y précipite à plein vol; il a l'œil plus perçant 
et de plus larges ailes ; et, pour raconter les 
splendeurs qu'il découvre, il possède, comme 
nul autre avant lui, cette langue des vers, cette 

langue mélodieuse et sonore, la seule qui sem- 

1. 



10 LAMARTINE. 

ble faite pour interpréter dignement les gran- 
des harmonies de la nature. 

A tous les sentiments exprimés par d'autres 
poêles, sa voix incomparable ajoute une vibra- 
tion plus profonde et plus douce, quelque chose 
•de plus élevé et de plus pur, de plus humain à 
la fois et de plus divin. Ne semblait-il pas im- 
possible, après Racine, d^ajouter une seule note 
au langage de la tendresse passionnée et de Ta- 
mour délicat? Écoutez l'hymne qui s'exhale de 
la bouche de Lamartine avec les noms de Lau- 
rence et d'Elvire, et dites si le poète du dix- 
neuvième siècle n'a pas trouvé une nouvelle 
corde dans ce sentiment éternel ? 

La Muse française après Corneille n'avait- 
elle pas tout dit sur le patriotisme, la haute 
morale, les grands devoirs de l'homme vîs-à-vis 
de l'humanité? Relisez l'Ode sur les révolutions, 
la Réponse à Némésis, la Marseillaise de la paix. 
Écoutez parler cette ardente charité sociale, 
et vous nous direz si l'âme humaine n'apparaît 



LAMARTINE. H 

pas plus grande et plus véritablement héroïque 
dans ces sentiments de pardon et de fraternité 
universelle, que dans le farouche patriotisme 
des Horaces et d'Emilie? 

Cette élévation sereine, cet esprit paciGque, 
cette générosité qui respirent dans les vers de 
Lamartine, on les retrouve dans toutes ses 
œuvres, dans toute sa vie. Chez lui, c'est Tâme 
du poète qui a fait le cœur du citoyen : sa po- 
litique, c'est sa poésie en action. Yoilà sa fai- 
blesse, disent les ambitieux et les faux sages ; 
et nous, en face de la postérité qui commence, 
nous oserons dire : Voilà sa grandeur ! 

Àh ! sans doute, il aurait mieux valu pour 
son repos, pour la douceur d'une existence 
comblée de tous les dons, qu'il s'enfermât 
dans le paisible domaine des lettres, dans la 
sphère des poétiques rêveries. Certes, ces con- 
seils d'égoïsme et dé voluptueuse indifférence 
ne lui ont pas manqué : c< Restez sous les om- 
brages de vos parcs, devant les chenets de vos 



12 ÎAMARTINE. 

manoirs ; voyagez au bord des lacs de Suisse ou 
des mers d'Italie ; agencez vos strophes et po- 
lissez vos rimes. Jouissez sans autres soucis de 
votre opulence et de votre gloire. Charmez de 
loin vos contemporains ; ne vous mêlez pas aux 
agitations et au travail de votre siècle! Que 
venez-vous faire au sein de nos discordes et 
parmi les hommes de combat? » Voilà ce qu'on 
-n'a cessé de lui dire de toutes parts. Et ce n'é- 
taient pas seulement des ennemis et des en- 
vieux qui lui prêchaient ainsi la désertion des 
devoirs civiques ; c'étaient aussi des amis, bien 
sincères peut-être, mais trop pusillanimes. Il 
n'a pas consenti à cette gloire sans périls, à ce 
bonheur sans devoirs qui lui étaient offerts. Il 
a voulu, comme s'il n'avait point de gloire 
acquise et point de fortune faite, il a voulu des- 
cendre dans l'arène commune, s'exposer à 
toutes les injures des événements et des hom- 
mes. Il était l'enchanteur de son siècle; il a 
voulu être un serviteur, un soldat de l'huma- 




LAMARTINE. 15 

nité. Il a livré sa bataille politique et il a bien 
fait ! Oui, malgré la défaite, malgré la ruine, 
malgré les douleurs et l'abandon de ses der- 
nières années, il a bien fait pour lui-même et 
pour son pays ! 

Si grand que soit Técrivain, si vives que 
soient nos admirations pour ses pages immor- 
telles, la France ne serait pas fière de Lamar- 
tine comme elle en est fière, si le poëte avait 
étouffé en lui le citoyen. Nous-mêmes, nous 
ressentirions, à cette heure, une émotion moins 
profonde; et peut-être nous ne serions pas 
réunis pour rendre hommage à sa généreuse 
mémoire. 

Aux yeux de ceux qui mesurent la justice 
d'une cause et la vérité d'une idée par le suc- 
cès d'un homme, Lamartine ne fut qu'un rê- 
veur, un vain adorateur de l'impossible; sa 
chute fut profonde du haut de ses nuages sur 
nos dures réalités. Les uns l'accusent d'être 
l'instigateur d'une révolution, et de l'avoir 



«A 



U LAMARTINE. 

laissé périr. Les autres lui contestent l'hon- 
neur, que toute la France lui attribue, d'avoir 
conjuré une révolution plus terrible. L'impar- 
tiale histoire l'absoudra du reproche d'avoir 
rien détruit; disons hardiment qu'il a fait plus 
que de conserver : il a créé tout un monde de 
nobles aspirations sociales ; il a suscité les plus 
saintes espérances de concorde et de liberté. 

Je sais qu'il ne reste rien en apparence de la 
forme politique à laquelle son nom est atta- 
ché, que son passage au pouvoir n'a rien fondé 
dans le pays, et n'a commencé pour lui-même 
que la ruine et la calomnie. Je sais que les 
hommes d'Ëtat comme lui ne laissent pas de 
dynastie ou de fortune princière, et qu'ils n'ont 
d'autre couronne à ceindre que la couronne 
d'épines! Je sais tout cela, messieurs, et j'ose 
affirmer devant vous, que pas un des politi- 
ques de nos jours n'a plus de droit à l'affec- 
tion des amis de la liberté, aux sympathies dé 
^avenir, à la reconnaissance du peuple, que ce 



LAMARTINE. i5 

poète, ce rêveur, ce vaincu qui s'appelle La- 
martine ! 

Je n'ai pas besoin pour le glorifier de rap- 
peler le souvenir qui fait sa gloire unique aux 
yeux de plusieurs; je n^insisterai pas sur le 
titre qu^on lui disputé le moins, sur cette im- 
mortelle journée où, dans une lutte surhu- 
maine, son courage et son éloquence domptè- 
rent des passions ftirieuses, et conservèrent à 
la France le drapeau qui la rassurait, La mis* 
sion d'un pareil homme était moins de contenir 
les erreurs et les impatiences que d'exalter les 
jiobles désirs. Si j'étais l'artiste chargé de le 
représenter sur le monument auquel nous ap- 
portons. notre humble pierre, je ne le poserais 
pas dans l'attitude de la résistance, comme un 
homme qui repousse un assaut, comme un 
,dieu qui refoule une tempête ; je le montrerais 
le bras levé et la main tendue vers le ciel et 
vers l'avenir, comme un voyant qui indique à 
^n peuple le ehemin du progrès pacifique, de 



16 LAMARTINE. 

la justice et de la liberté. Il n'était pas sans 
doute de ces pilotes inflexibles faits pour tenir 
le gouvernail pendant la tourmente; il avait 
reçu la mission non moins belle d'inspirer aux 
matelots le courage, l'union fraternelle et l'es- 
pérance, la mission de lire dans les Aoiles la 
route du glorieux navire qui porte les destins 
de l'humanité. 

Dans son court passage aux affaires publiques, 
cause première, cause sacrée du désastre de ses 
affaires privées, il a bien mérité de tous les par- 
tis. La France le lui disait alors avecacclamation ; 
elle n'a pas le droit de l'oublier aujourd'hui. 
Mais la bannière qu'il a surtout. servie en l'il- 
lustrant, c'est la bannière du gouvernement 
libre et populaire. Je ne veux rien dire ici qui 
diminue l'importance et l'honneur des citoyens 
qu ileut pour collègues dans celte magistrature, 
investie par les événements de la charge d'inau- 
gurer parmi nous la seconde république. J'ose 
du moins affirmer quç le nom de Lamartine» 



LAMARTINE. IT 

placé en tête de tous ce& noms, fut le prestige 
qui écarta les terreurs de la France conservatrice 
et libérale, et qui détermina l'adhésion du plus 
grand nombre au gouvernement nouveau. 

De ce gouvernement, éphémère, mais sans 
tache, Lamiartine fut la parure aux yeux de 
l'Europe, la force dans l'opinion du pays. Sa 
présence était un gage certain contre le retour 
de la guerre et des mesures violentes. L'incom- 
parable manifeste par lequel il annonçait au 
monde les intentions pacifiques de la France 
nouvelle restera dans l'histoire comme un des 
plus beaux monuments de l'éloquence, de la 
droiture et de la clairvoyance politiques. 

L'homme de cet acte, l'homme dont la mer- 
veilleuse parole ne s'éleva jamais, dans ces jours 
difficiles, que pour prêcher le respect de tous 
les intérêts et l'union de tous les cœurs, pour 
proscrire la guerre et la peine de mort ; lepoëte 
qui a fait servir sa gloire et son génie à l'hon- 
neur d'une révolution sans excès,^'jest pas un 



18 LAMARTINE. 

fondateur sans doute, mais l'avenir l'honorera 
comme un précurseur. A la place de ces noms 
sanglants qu'on accole depuis le dernier siècle 
au nom de la liberté comme un signe de terreur, 
son nom pur, souriant et pacifique brillera sur 
la nouvelle ère de la démocratie comme un 
gage de modération, de justice et de con- 
corde. 

Il n'a pas mêlé à sa politique des calculs per- 
sonnels, des ressentiments ou des convoitises ; 
il y a mis, comme dans sa poésie si haute et si 
pure, il y a mis son âme tout entière, une des 
plus belles âmes qui soient sorties des mains de 
Dieu, une âme qui a traversé la vie sans une 
heure de haine, qui n'a sacrifié aux nobles am- 
bitions de l'homme public que les intérêts de 
l'homme privé. . 

Tel il s'est montré dans sa carrière de citoyen, 
tel il éts^it dans ses relations avec ^es amis, avec 
tous ceux qui l'ont connu. I^a bienveillance était 
pour lui un besoin ; il étaii contraint à la sym- 



LAMARTINE. 19 

pàthie envers tous par rélévation de son génie 
et par la générosité de son cœur. 

Le plus grand reproche qu'on ail adressé à 
son court ministère, c'est de n'avoir pas violem- 
ment rompu avec certain de ses collègues, c'est 
de n'être entré en guerre avec personne; le 

s' 

plus grand vice des histoires qu'il a écrites, c'est 
l'indulgence de ses jugements. En un mot, son 
défaut suprême c'est de n'avoir jamais pu haïr, 
D'un crime pareil nous ne chercherons pas à le 
défendre. - 

Il n'était pas né pour le gouvernement, je le 
reconnais ; car il n'a jamais su fermer son cœur 
à aucun homme, son esprit à aucune grande 
idée. Son âme restait ouverte à tous, comme 
ses mains généreuses; il a laissé couler par 
terre, sans rien retenir, son pouvoir, sa popu- 
larité, sa fortune. 

Nous, les témoins de sa vie, nous savons ce 
qu'elle est devenue, cette fortiyie ! sans essayer 
de dénombrer combien de ^mains reconnais- 



20 LAMARTINE. 

santés ou ingrates elle est allée remplir goutte à 
goutte. 

Oui, certes, il a mérite les reproches et les 
railleries de nos hommes d'État et de nos hom- 
mes d'affaires : il était né riche, il a travaillé 
jusqu'à l'extrême vieillesse... et il est mort 
pauvre! 

Le labeur acharné, les efforts surhumains 
de ses dernières années n'ont pu lui faire res- 
saisir la sécurité... pas plus qu'ils n'ont pu faire 
taire les calomnies. 

Sa fortune s'est écroulée sans retour. Mais 
vous êtes là, messieurs, pour témoigner que sa 
popularité se réveille plus éclatante que jamais ! 

Quant à son pouvoir, il est immortel ! Il sur- 
vit tout entier dans sa poésie, dans ses incom- 
comparables discours, dans les souvenirs de sa 
bonté et de son courage ; il durera autant que 
notre langue, autant que notre histoire. 

Ce que Lamartine aura le moins obtenu, c'est 
ce que mérite le plus humble des travailleurs, 



LAMARTINE. . 21 

le plus obscur des honnêtes gens, un peu de 
repos dans la vieillesse. Voilà pour ses amis le 
sujet d'un regret éternel, et, peut-être, d'un 
éternel reproche pour son temps et pour son 
pays. 

Mais ce qui a manqué à son bonheur, sa 
gloire le retrouvera ; cette gloire est, dès au- 
jourd'hui, plus sympathique et plus touchante. 
Les labeurs des dernières années, les attaques 
et les désastres subis, donneront à la figure de 
Lamartine cette beauté plus achevée, que le 
malheur ajoute à la mémoire des grands 
hommes. 

Après les succès éclatants d'une carrière et 
d'une nature privilégiées, il fallait qu'il connût, 
lui aussi, les amertumes et qu'il souffrît des in- 
justices. La destinée lui réservait le pire de tous 
les exils, un exil dans le dénigrement et dans 
l'oubli ; afln de mieux assortir son histoire avec 
celle d'un autre grand poëte, son frère d'ar- 
mes et son ami, afin que dans les annales de la 



22 LAMARTINE. 

poésie et dans celles de la liberté deux noms 
restassent inséparables : Lamartine ! Victor 
Hugo ! 

Et maintenant toutes ces tristesses sont con- 
sommées ; les amis du poëte et du citoyen n'ont 
plus rien à tenter pour son bonheur. Ce n*est 
pas même de sa renommée qu'il s'agit : quoi 
qu'il arrive, cette renommée est irrévocable, 
elle est immortelle. Le monument auquel nous 
travaillons importe moins à la gloire de Lamar- 
tine qu'à l'honneur de notre pays. Il s'agit 
d'absoudre la France de tout reproche d'ingra- 
titude. 

Vous l'avez compris, messieurs, en vous as- 
sociant à la pensée qui préside à cette réunion, 
vous êtes venu ici pour remplir un patriotique 
devoir, non moins que pour chercher un plaisir 
délicat. Vous aurez les jouissances de l'esprit 
avec la satisfaction du cœur. Vous allez entendre 
des vers admirables, interprétés par une grande 
artiste qui a déjà rendu tant de services à la 



LAMARTINE. 25 

poésie et qui vient faire ici le plus digne office 
de son noble talent. 

La poésie de Lamartine va se présenter à vous 
vivante, animée, parée de tous les charmes 
d'une diction harmonieuse. C'est l'œuvre de l'il- 
lustre écrivain qui vous a conviés à cette réunion ; 
c'est elle qui en fera tout le prix. Yous avez ap- 
porté votre offrande pour le bronze de la statue; 
mais le grand homme lui-même en demeure le 
véritable ouvrier. Ainsi que dans la fable anti- 
que, c'est la lyre du poëte qui aura bâti son 
/monument. Mais c'est vous qui en goûterez la 
joie et l'orgueil ; car vous aurez prouvé que la 
France du dix-neuvième siècle était digne de 
toutes ses gloires et qu'elle a partagé tous les 
généreux sentiments. 



FUNÉRAILLES DE LAMARTINE 



Lamartine est mort. La France a perdu son 
plus grand poëte, le plus beau génie qui ait 
fait la splendeur de ce siècle avec le génie de 
Chateaubriand. Prenons le deuil et prions. Ce 
n'est pas l'heure de juger, d'expliquer cette 
âme ou de la défendre. L'admiration et la cri- 
tique doivent laisser la place à la douleur na* 
tionalc et à l'émotion chrétienne. De tout ce 
que fut Lamartine^ une seule chose sufQt à 
nous remplir le cœur en ce moment. Il a été 
par ei^cellence, non-seulement de nos jours, 



26 LAMARTINE. 

mais dans toute la durée des lettres françaises, 
lepoëte religieux. Pas une lyre humaine, de- 
puis celle du roi-prophète, n'a parlé plus ma- 
gnifiquement que la sienne^ de Dieu, de l'im- 
mortalité, de l'infini. C'est par là surtout que 
cette voix incomparable nous a conquis et 
nous a dominés. Pendant le funèbre cortège, 
toutes ces hymnes remplies d'adoration et de 
larmes se déployaient dans notre souvenir et 
murmuraient sur nos lèvres comme une prière 
digne de lui. 

Un jour, dans tout l'éclat de sa gloire, dans 
toute la vigueur de son génie, il avait prononcé 
ces solennelles paroles : 

Dieu de mon berceau, sois le Dieu de ma tombe! 

Ce Dieu a entendu son serment; il a exaucé 
son vœu ; il était présent à son lit de mort. Les 
amis du poète savent qu'il avait appelé le 
Christ à son aide longtemps avant l'heure du 



LAMARTINE. 27 

dernier combat. Il est mort, il a été enseveli 
dans le Christ. Cette grâce suprême était due 
à l'homme qui a rétabli dans la poésie fran- 
çaise le nom du Christ, le sentiment de la Pro- 
vidence et la contemplation de l'infini. Quelle 
poésie nous a montré plus clairement que celle 
de Lamartine Fidée de Dieu à travers les splen- 
deurs de la création? laquelle a suscité plus 
haut dans les cœurs la certitude de l'immorta- 
lité? 

Sitôt que la voix de Lamartine s'est élevée, 
la frivole ironie a cessé de maîtriser les esprits ; 
par lui, le lendemain du dix-huitième siècle, 
l'art des vers s'est mis au service de la prière. 
Celte foule suspendue à ses lèvres, enivrée de 
ses sublimes harmonies, le poète l'a conduite 
jusqu'au seuil du temple qu'elle avait délaissé. 
Il y est entré devant elle et s'est prosterné dans 
le sanctuaire aux yeux de tous. 

Tout ce qui est au pouvoir d'un homme pour 
transformer les sentiments humains après une 



28 LAMARTINE. 

crise mortelle et les ricanements de Voltaire, 
Lamartine l'a opéré dans les âmes par les Mé- 
ditatiom et les Harmonies. Il ne fut pas seule- 
ment un poëte^ il fut la poésie elle-même re- 
parue et reprenant son éternelle mission, la 
mission d'enseigner et de guérir, la mission de 
nous consoler du réel en nous dévoilant l'idéal. 

Qu'il soit béni au nom de ces milliers d'âmes 
emportées sur ses ailes loin des tristesses de 
la vie présente, au nom de tous ceux qui 
ont goûté par avance, en l'écoutant, les extases 
de l'immortalité et le spectacle de l'infini ! 

Le silence qu'il avait demandé a été religieu- 
sement observé sur sa tombe. La prière chré- 
tienne s'est faite seule entendre pendant ses 
funérailles. Le plus éloquent de nos prêtres, le 
P. Hyacinthe, avait fait la levée du corps au 
chalet de Passy. C'est à Mâcon, dans la ville 
natale du poëte, que les véritables obsèques ont 
commencé. Le cercueil avait traversé Paris 
sans autre suite qu'une douzaine d'amis et de 



LAMARTINE. 29 

parents. Trente personnes au plus Fattendaient 
à la gare. L'incognito de l'illustre mort était 
respecté. La veille au soir, on était venu offrir 
à la famille des funérailles faites par l'État ; elle 
avait refusé. 

C'est à Saint-Point directement que le corps 
devait être conduit. Mais, si Ton avait pu dé- 
rober ce cercueil aux hommages politiques, il 
n'y avait pas moyen de le soustraire à ceux de 
l'affection personnelle et du patriotisme local. 
La ville de Mâcon s'était levée tout entière pour 
demander qu'une première cérémonie funèbre 
eût lieu chez elle. Au sortir de la gare, Iç jeudi 
4 mars, le corps fut transporté à l'église Saint- 
Vincent : l'église était trop petite ; la foule en- 
combrait la place et les rues voisines. Cette im- 
mense multitude a escorté le convoi jusqu'au 
delà des barrières de la ville. À la suite du cer- 
cueil, on avait vu entrer dans l'église M. Emile 
Âugier, directeur, et M. Jules Sandeau, chan- 
celier de l'Académie française. Leur costume est 



50 LAMARTINE. 

le seul officiel qui ait paru à la cérémonie avec 
les uniformes militaires. Les autorités suivaient 
le deuil, mêlées à la population. L'Académie ' 

française a honoré le poëte et s'est honorée 
elle-même, dans cette circonstance, par une 
éclatante dérogation à ses usages. Jamais les 
membres du bureau ne s'étaient transportés à 
une si grande distance de Paris . Par respect pour P 
les volontés de l'illustre mort, le directeur de \ 
l'Académie a renoncé à son droit d'être entendu 
sur cette tombe. Le silence était dès lors imposé 
à tous. 

C'est au sortir de la ville que les funérailles 
ont pris leur caractère le plus touchant et que 
des hommages passionnés ont été rendus à 
l'homme par une foule qui n'avait pas connu de 
lui son génie, mais sa bonté. Toutes les popu- 
lations rurales, à une grande distance, étaient 
accourues sur la route. La campagne était cou- 
verte de neige, mais éclairée d'i^n soleil splen- 
dide. Chaque commune, son curé en tête, es- 



LAMARTINE. 3t 

cortait le char jusqu'aux limites de son terri- 
toire. En passant devant Monceaux, Milly et sur 
quelques autres points, les habitants se faisaient 
ouvrir le corbillard pour jeter de l'eau bénite 
sur le cercueil, et les femmes l 'embrassaient 
en sanglotant. « Qu'allons-nous devenir, nous 
avons perdu notre bon monsieur ! » Ces sim- 
ples paroles, dites par des milliers de bou- 
ches qui n'ont jamais récité un seul vers des 
Méditations ou de Jocelyn, valent bien des 
oraisons funèbres, et peignent mieux que tous 
les discours le vrai Lamartine; Sous le grand 
poète il y avait un homme de cœur ardemment 
attaché à ces populations et à ce sol. 

Retardé par la marche de la foule, le convoi 
a mis près de cinq heures pour franchir les 
25 kilomètres qui séparent Mâcon de Saint- 
Point. Tous les villages des environs jusqu'au 
delà de Cluny étaient accourus ; le parc du châ- 
teau était rempli d'hommes, de femmes, même 
d'enfants. 



32 LAMARTINE. 

A deux heures, Lamartine était couché dans 
le sépulcre élevé par lui, entre sa mère, sa 
femme et sa fille. 

Et maintenant la postérité commence pour le 
poète, pour Torateur, pour le citoyen. Les amis 
fidèles et las disciples de Lamartine ne crai- 
gnent pas pour lui le jugement de Tavenir. Plus 
les ombres se dissiperont autour de cette noble 
figure, et plus- elle grandira. L'histoire triom- 
phera d'une foule de légendes ridicules et enve- 
nimées qui circulèrent autour de son nom. Cette 
œuvre se fera peu à peu et par bien des ouvriers 
involontaires, sans parler des cœurs dévoués à 
cette chère mémoire. Aujourd'hui nous n'avons 
pas d'autre dSbit, d'autre devoir que celui de 
pleurer le maître et l'ami. La France fera comme 
nous. Jamais elle n'a mené un plus grand 
deuil. 

< 1627454 

PARIS. — IMP. SIMON RAÇON ET COUP., RUE D'ERFCRTn, 1. 



Ks 




LAMARTINE 



VICTOU DE L 4 P R \ D K - — (P) 



PARIS 

DIDIKIl ET C", l,lI)KAlllES-ÉniTF,IJ]lS 






'4l 



y — 4J 



OUVRAGES DU MÊME AUTEUR 



i_. 



LIBRAIRIE ACADÉMIQUE DIDIER ET C'^ 



Le SentloDient de la nature a^aot le christianisme et 

ehez les modernes. 2« édition. 2 vol. in- 12 7 h 

Questions d*art et de morale. 1 vol. in-12 3 50 

JL*Éducaiion homicide, plaidoyer pour l'enfance. 2o édition. 
1 vol. in-12 1 5tf 

lie Baeealauréat et les études classiques, pour faire 
suite À rÉdufsatlon homicide. 1 vol. in-12. . . . 1 25 

Perneite. Poëme. 3° édition. 1 vol. in-12 3 50 



LIBRAIRIE DENTU 
lies ¥oix du silence. 1 vol. in-12. 5 » 



LIBRAIRIE MICHEL LÉVY 

Psyché. Odes et poèmes. 3*^ édition. 1 vol. in-12. .•. . . 3 » 

Pc»ënies éYangréllqnes. 3 *" édition. 1 vol. in-12 3 » 

Le» Symphonies. Idylles héroïques. 2o édit. 1 vol. in-12. 3. » 



l'AfllS. lui'. NlM(» HACON ET COMI',, OL'i: DKUFimTII, I 



r-E 



«■■■IHV