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Full text of "La nuit et le moment: Dialogue"

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OXtUKU 

1992 



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LA NUIT 



•E T 



LB MOMENT, 



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Effez; Ccnfeurs figrdea ; r î^ â pttiit 
ici d*amour aiminel. O t x d i« 



i*^h—^»M^ I I ■^ ■- * 






• ^ 



LA NUIT 

LE MOMENT, 

ou 

LES MATINES 

DE CTTHERB. 

DIA L OGUE. 



A LONDRES. 

Et fe uouve 

A AM,S T ER D AM, 

Chez J. H. Schneider, 

Libraùe dans le Nés. 

1 M. DCC. LVI. 






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V >♦. 



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••} 



AVERTISSEMENT 

DU 

LIBRAIRE. 

XE mérite dt P4^ieur df cefé» 
tit Ouvrage anmyme en fait 
reloue. U eftyrai ijue le Nom 
,d^uM tomme ^ fi miverfellenient çoie^ 
nu dans la RéftÀltqu^ des Leitret 
far ta beauté de joH génie ^ la fiè-^ 
reté defonfiyU &Us beureupt fut^ 
iès de fis vroduHi^m , aurait fort 
jdécpri le jrontijpue&aarédrtéla 
i^ièc^'^ mais les, faifùns ,. ^iH A 
êfies de le taire dans, l^J^dition orik 
ginale^ font les mimes qui nous:ànt^ 
empêché de le divulguer dans celle* 
êi , fans prétendrt les approfondir, 
fjous nous fotnmes contHUs de re-» 
dreffer les fautes contenues dans 
VERKATÀ\ ǧ de fume VOttho^ 
graphe de la Copie avec beaucoup 
efejfo&itude^perfuadés ^ue c'*^4à 






:(vr>^ • '- 

AVERT. BV LIBRAIRE. 

hm des moindres égards que /V« 
fSiffè dvçiri^foér, uifi^téUr dTont'Jn 
rejfi^ Aa^làniti 4i9HLlmei:if Ai- 
dant que four dégrojftr^ I( ^itre du 
féxte y 4héna ôte tes mots : La 
fcènà'èil à Iip^HiàipàgneVâans ht 
ynartbà de GïâtlKt i^e^lqtiï impQr-' 
te fèn au ^LèWeulh ,* fourvà qu^oH 
ht prenne kiPéndroh hàleDIA- 
LOOCÉ s'^fajp^ Au refte ,fauf 
n retranchement y où four mieux 
dire j^ à ^ette^ tranjpofttion prèSyrio.. 
iWfétmfreJj^QHèJitoût'àfah coé- 
forme à t^ Edition dr^tnaîe^ &four 
Ummà eMéeutéè a*ùéè autant dt 



^ . V . • •• 



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LÀ 




te 

LA NUIT 

ET 

LE MOMENT, 

OU' 

LES MATINES 

DE CTTHERE. 



DIALOGUE. 



CIDALISE, 

Voyant entrer CUtandrc en robe de 

chambre. 

x\ H 9 bon Dieu ! Clîtàndre , quoi ! 
c'eft vous? ' 

A CLI- ^ 



CLîTANDRE. 

^^Votte -furprîfe , Madame , a dc- 
quoi m'étmmer^ je vous croyois ac- 
coûoimïe 3^ njcvvoir vous faire ma 
cour-i-&-je «t comprends pîrs ce 
que vous trouvez de li extraordi- 
naire dans la vifite que je vous fais. 

CIDALISE. 

M • » .. »... 

^ C'eft que je croyois avoir quel- 
que raifon de perifer que fi vous 
vouliez .bien veiller ^jourd'hui 
avec Quelqu'un , ce ne feroît pas 
avec moi^ & que, dans les idées 
qye j'avois , votre préfence m'a 
étonnée. 

''"'. CLITANDRE. 

Cérémonie à part , ne produit- 
dle. fur vous que cet eflFet ? Ne vous 
«mbafraffé-je pas plus encore que 
je ne vous ^furpïenas ? C'eft qu'à la 
i^euç ^ cela fei:oit poilible au 
moins. 

CID. ALISE. 

Cette idée vous cil nouvelle. We 

per- 



peimtjttrle^ -> som de vomi éc* 

loaad^i ce c^ injos la fitft 4iaîfi^ 

Moft ' intention n'éft pôînt' " tii 
vous en faire myftere: inai§ ypi- 
drez-vous bien me dire aufli pour- 
quoi voiks iiy^Zj^éi fi étonnée de 
me voir'cîiëz vous ce loir, lorfque 
tant d'autres foi? cètft ^«(SiSr a p^ 

ftfiiqpÉB*.* ;;.';..;:.';-.;''= ^ ;• . ' 

Il me le mrpjjQfoit alpr^ que vous 
me donnaliîez vos momens per- 
dus ; mais je fte vcms <stùh ^ ^âu- 
jourd'liui auffi defœuvré ^v^ jç voua 
ai vu fêtré ^elqtiefoîs; 

CLITÀNbRk! > 

J'avoîs fiir ypus 1^ mê®e idée; 
& c'eft cè^ qui fait precii^'ment que 
je ne fuib^ pas fans quelqi^ Ibite 
d'inquiétude qyeyojûs ne trouviez 
ma vifite un "ptxi àéplâde. 

eïDALIÎîE, ' \ 



1 -• 



Un peu déplacée! Padmteetdtit 

A 2 à 



t 4 ) 
irH fois fe ménagement de vos ter^ 
SK»>. & palfezcmoi cfîlui«.x:i,y:reaw 
travagancç._d^ yos idéiés. ,Vpudrez- 
vous bienyatï 'refte', me 'faire la 
gj^ace de me -dire, pourquoi vous 
croyez m ini:;ommoder tant aujpur- 
dTiui? '. !r 

i.j e - GUTANDRE. 

Uij^jJiUl çJl.Ji J-r .■' '.'.71 f ^. .. 

ijiOtfijaiBAUjîl/il qu'à votre :tmirr 
vous vouliez bien m'apprendflejïdtir^ 
quoi ma^pjréfepce^^ci yous caufe 
tant d'étonnement; • ' 

CIDÀLISE. 

.-] .. il'/ ' ■ • ■ f ^ . -'i . .. •. ' : 

.T;youp,fejrejz?^biçntdt fatisfait. -. v : 

Éik'jiâfffe -èàns'jfa gdrd^robt ^ rt-,: 
vient 5 change dc^ chemîfé : on ta 
dichaugt. 

c * CLITANDRE. , 

0' Ahi Pi«l J quelle jambe ! , 

Oh! finiffe^'^ Monlieûr: vos élo- 
ges ne me fbnt pôitit oublier votre 



t-, ' ,. , 



a i A ' C L I- 



(s) 

' ' Jer nefçàiijpfasrfl e^eftïa'piètâSre 
tonique ^e^la loqe;; .fflai^ ce iu^Pv 
a de fur., c'eft que ce oi'eft pas la 
ptemiere que je i'adifaire. 



t r 

r 



CÏD ALISE. 



rt > 



AlkzrvousinettBe là-bas :^oiK for^ 

CLIXANDRÇ. 

Vous me traitez finguliàremept. 
Madame 5 mais j'obéis. • -^ - 

Elle fe couche ^ dit ^ une dtfesfem- 
. Jtir uy.f0uteuil âf^ij^ ^. /;>.. 1 

' ■ 1 I ' ' * 

\ .Quoi î' réeHemeBt , CXmtu^e ; 
vous n'avez dç ren4ç«.vous avec 
peffcnne? .v. . o 

>. Quoi! dans le vrai , je ne vous^ 
empêche pas de voir Erafte9-> i j 

A î CI- 



• <• »~> 



i.i'j 



..Cî'UAL'rSE^) 

f«pfek{ pas, moH'ptUvi'e- Comte. * 
' CLTTAND^E. 

Et je vous jivûjb^Ue Marquîfe , 
que je ne pénfé 'pas plus à aucune 

que vous ne fongez à lui. . f 
eiÈtAÉUS^; ' 

• • 

' QuoîîpasmêmeàAraminte? - 
Cl.I.TAÏ!JDRE. . ' 

'^ ArâmîtkeràHjpafblcit!' Ja plai- 
fanteriedft liéiîdèûferEft-ce parce 
que vous avez, eu Jarfiéebanceté de 
la prier de venir, ici", que vous 
çm^^ ^Mr Ï2m que ^ r^ «oufe ? 



^j \, 



^ CerteSî, k-pur oArfin-f C'eft-à- 
dire que vous voudriez me faire 
fioire nifiS ydw ncfçavez pas pour- 
quoi elle cft idî ^ .^ 



' CLI- 



CLltANpKJL 

Oh r pardonilez-moi ; poùc les 
efperances qu'elle y a . |e les de- 
vine ; &.VOUS le voyez Men au cha- 
grin que j'ai de ce qu'elle y- eft.. Je 
ne vous comprends pas î il faut alïûh 
rément bien craindre . de manq^uer 
de monde, pour fé.'. charger d'une ' 
pareille ejpècef 

CIDALISE. 

En vérrté ^ Clîtandre ^ voili une 
difcrétion bien inutile,, ou un per» 
Jifflage bien ridicule l Vous verrez 
ai^ que c'ell: moi qui vous ai joué 
le mauvais tour de prier Çélixoene, 
&'que c'eft encore ma faute (î Be- 
life , Lulcindc & Julie £e trouvent 
chez moi en même tems» 

CLITANBRE. 

. Ohipour celles-ià^ i fie fe peut 

8 as qu'ayafit diez vous.ClÀm, 
fronte & Valere , vous pealSez 
qu'elles y font pont mcn. 

CIDALISE* 

M^s.)e né jarelois^ pu» que "«ous 

A 4 fus- 



fufliez daiis rhonneur qu'elles me 
font , pour ] aûflî jjeu que vous le 
prétendez^. ' " ' \' 

CLITANDRE. 

Quelle folie ! il y a plus de huit 
jours que je fuis ici : ils y font eux 
d'avant-hier ; elles, y font d'aujour- 
d'hui, & ii ine^païoît à cet arran- 
gement que vous ne pouvez pas 
plus les acçufer d'être venues pour 
moi,. que vous flatter de ne les y 
Voir que pour vous* 

CIDALISE. 

Vous ne me croyez pas non plus 
affez imbécille pour m en flatter. 

CLITANDRE. 

Vous auriez tort au reftedevous 
plaindre de Valere , d'Erafte & de 
Cléon. Ils font arrivés deux jours 
avant les femmes qu'ils y atten- 
doientrils font dans les grandes rè- 
gles 9 & je parierois qu'ils n'en font 
pas autant pour tout le monde. 

CIDALISE. 

Je f<^os toute la politeffe de leur 

jpro- 



procédé-; maisj Clitatidre' , il eft 
donc bien vrai que cen'çll pas vous 
qu'^^tei che;ççUent içiî/. '. . 

CLITÂWBRE. • ^ 

: Vous favez ce qu'elles font. 

CIDALISE. ' 

En fçaîs-Jë plus' ce qu'elles vou- 
droîefttp^&frc'? : - '^ 

^ \'CL1TANT)Re; \ 

► ',>.. . . < • ■ 

- Ah, Madame! ce n'eft pas, per- 
mettez-moi de vous le dire , fur des 
femmes, qui penfent ^auffi-bieu que 
celles-là^ qu'on peut avoir de pareil- 
ks idées* -^ ... * * ^ 

ClDÀLISÈ. 

: En vérité , Clitandre ,. vous de- 
venez bien ridicule! Je, ne vous 
prefferai pas là>deffus, puifque j'ai? 
peu de croire que vous ) n& voulez^ 
pas l'être ; mais je ne pardotinerai 
jamais à Erafte d'être venu me gâ- 
ter un fouper qui devoit êtie fi dé- 
licieux. 

< ■ - * » 



( 10 ) 

CLITANDRrEL 

n lie me. patoh piâs ^ éxt j'abidr- 
naîre que vous* F^ ayez trèïivë âe 
trop : majls; j^ vows 'srtORq gue je ne 
vois pas pourquoi, s^il n'y eût pas 
été, ce* foitpèir aur<^ é€éâ^é'able 
pour vous?, . , . 

,.CIDALISE. ,' 

Quoi ! vous ne fenteï^pâs<3è^<lue 
votre embarras y aunûl^eu èf, quatre 
femmes que vous avez eues , & 
qui 9 faflSr doute , confiedry^Qi enOOre 
des prétentions fur you»^«usfM(t en 
de féjouiïTant pour moii% , 

clitandîr^é. 

Il y auroit à moi dfe^ It fottife à 
vous foutenir quejen^ai eu aucune' 
d'elles.; mais it y aurok affài'ément 
piioa 91e de rmdifcYétion à dire 
que îe les eus to«ites; D*aille*ur9 e^ 
feppDfant qo'ette^ m^ayeflt toute* 
]k>Tu»ré de qutSqtie bomtéi, qu^eft^-eè 
^DS cela kffpane aujourd^ni à eiu 
les, & à moi ? Con^neift voulez-^ 

V0U5 qu'avec ce qu'on a à imé dam" 

le 



le monde, des geos^queleharard^ 
le caprice , des circonilances ont 
unis quelques momens ^ fe ftmvien- 
nent de ce qui les a intéreffés fi 
peu ? Ce que je vous di5, au rdlè , 
cft fi vrai , que foupant il y a quel- 
que temsavec une femme, je ne 
me la rappetlois en aucune façon , & 
npxt je raurois quittée comme m'é- 
tant inconnue, « elle ne m'eût pa$ 
fait fonvenir que nous nous étions 
autrefois fort tenefrement aimés. 

CIDALISE. 

Je m^étofme que ce loit éRe qui 
tous wtfecotimi^L'btt prétend qiie* 
nous oabliJDBS beaucoup plus que- 
ksfaoïmtteé ces fofte^ d'aventures. 

CL1TANI>RE.! 

J[e ^aîs qv^en vous en aecufe; 
mais il m^a paro qo^à cet éoard \é 
manque de mémoiie eft. égal dans 
les deux fexes. 

CIDALISE. 

n efi cependant plus fingulier 
dans une lemme , que dans ui^ 
honune, 
A 6 CLI- 



, (12 ) 

CLITANDRE. 

Je crois , tout préjugé à part , 

Sue cela doit beaucoup dépendre 
u plus ou du moins que vous ave^ 
à facrifier. Si, par le plus grand ha- 
zarddu monde, il fe trouvoit qu^une 
femme n'eût pas plus de facrifices 
à faire que nous-mêmes, je ne voi^. 
pas à propos de quoi Ton voudroit 
qu'elle fe rappellât de certaines cho- 
ies plus que nous. U n'eft cepea- 
dantpasaufli commun qu'on Tima- 
gine peut-être , que deux ijerfonnes, 
qui ont vécu un peu amicalement 
rune avec Tautre, quelque courte-^ 

Su'ait été leur liaifon , quelque pcur 
ç fentiment . même qu'elle s y ayent 
mis , s'en (buviennent fi. peu ; mais 
en mêmetemsjene croîs pas qu'un 
oubli total de ces chofes-là foit tb- 
folument fans exemple. 

CIDALISE. - 

Pour moi, j'aime à penfer que 
cela n'eft pas poffible. Vous vous 
Ibuvenez de Célimene, n^eft-ce 
pas? 

' CLI-' 



(i3> 

CLITANDRE. _ 

Cela .eft fort difFéretiL Notre af- 
faire a été longue , & je l'ai trop 
tendrement aimée pour avoît pu 
l'oublier à ce point. 

CIDALISE. 

^ Si vous dites vrai', elle eft bieii 
heureufeî 

CLITANDRE. 

J'en doute , puifque je ne m'en 
fouviens que pour i^ méprifer au* 
delà de tout ce q;ue je pourrois. dire*. 

CIDALISE. 

Cruel! j'ai pourtant à vous parler 
de fa part.' 

^ CLITANDRE. ^ 

De fa parti à moU Après toutj^ 
rien ne m'étonne d'dle. 

CIDALISE. 

- Elle prétend que vous lui faites 
les injuftices du monde l«s plto 

A 7 crian- 



<I4) 

criantes , & 'que vous vous obilinez 
à la condamner fans l'iemendre. 

CLITAMBRE. 

t * 

Vou& fçavez mon h^ftoire coa- 
me moi-même. Madame, & puiG 
que vous ne me trouvez aucun 
tort , vous voudrez bien que je 
m'inquiète peu de tous ceux dont 
eHe me charge. Je ne pourroi&mê- 
me m'empêcner d'être furprîs que 
fçachant à quel pdnt vous la con- 
noiflez, elle eût ôfé vous prier de 
me parkr pour elle, ftErafte,qiiia 
ai pour vous, & devant moi, les 
plus condamnables; procédés-, ne 
m'avoit pas prié auffîi dcL vous par- 
ler pour loi. 

CIDÀLISE. 

Sérieu&meiit) Clkandrc , il vous 
en a parlé ? 

CLITANDRE." 

• » ■ " 

Ouï, Madame,' & wpc une vi- ; 
vacité dont vous auriez fans doute 
été cofiteou^ fil Y01* t& «riei été 
téiMiB*» 

CI' 



4 



{19 ) 
CIDALiSE^ 

0ht très contente! cela n^efl'jm? 
douteux! Et felott toute apparen- 
ce, il me charge de tous les tocts dç 
notre rupture? 

CLITANDR^E. 

Il eft naturel qu'il vous en donne 
qud^es-oni^ cep^e^^ilt, à ceux 
qu'U'a lui-mèirte. Je le^ trouve aflfei 
modéré fur cet article ; & â votre 
liumcur près , qu^ vous tnafque^, 
dit-il, fous, le ïHym dé délicate^ 
powr pouvoir ¥ôus y Kvrer avec 
sBoins de ferepialé, 3 dît que voui 
êfes âflez Bonne fetfinfe, ft <^ 
i^dtts ne m^Ofqvféz àbiofutâent p^ 
de jïîticipôs/ ' ■ ' , 

Linfolent! Je ne tfîfaî flÎTarieflt 
^s de lui k mênle chpre : noiait 
tfave2:-vous pas été çot^fondu de 
rsit leier dotft il cft venu s'iuWxt 

CLïTANDRB, 

Il-eft vm qpe iw ajPBaiùiM m'% 

' - " un 



( iS ) 
tin peu fuipris. Ce n^eft pourtant 
pas que f aye ,cru qu'il vint ici f^ns' 
ftre fur que vous ne le. trouveriez 
■pas mauvais; c*eft le moindre dps 
égards que l'on doit à u^e fetaîne 
comme vous. 

CIDALISE. 

' ^ ^ . ' l . ' " 
De mon. aveu î pouvczrvous le 
croire? Sept ou huit jour^ avant 
mon. départ, je foupois avec. lui 
chez la petite Comteflfe. Il y fut 
!quellion du féjour que je comptois 
faire ici; il eut Taudace de médire 
qu'il .viendroit m'y faire fa couç* 
Comme ^ je fçais qu'il a dps'.'projets 
fur cette pauvre petite; femme, & 
que jufques à préfent. elle.n'tçtse 

{)as dans Tes yûes, je crus que pour 
a déterminer, irvouloithu donner 
de la jaloufie, ôc q«'il me-faifeit 
fhojmeur de cïpîre que j'ai dequoi 
l'allarmer; mais j'avoî^ reçu (ïffoi-. 
àement fa politeffé , que je vous 
avoue que je me^flâttois qu'il li'ôfe-. 
roit pas venir dans un lieu où il' 
doit être vu avec moins de plai- 
lir que perfonne» &.que rien* ne 
* ' peut 



. ( y ) . . . 

peut égaler U furprife que Vid eue 
en l'y voyant' àrriveT. Auui l'ai-jé 
traité comme vous ayez ^ fait Ara- 
minte ,* à' qui il me femble que 
vous en voulez encore plus qu'à 
Célimene même, 

CLITANDRE. " ' 

Ma foi \ en eas , comme je vous en 
Jfoupçonne, que ce foit pouà: vous 
procurer quelques fcènes àgyéablcs 
^ue vous ayez voulu avoir: cette 
femme , il faut convenir que. vous 
avez bien réufli,,& que le fouper'a 
été d'une gayeté merveilleùfe. 

' ClDÀLISÊJ - ', 

Je ne crois pas.de mes jours en 
avoir fait- un plus embarraffant & 
plus trifte. Vous, entre deux fem- 
mes de qui les prétentions vous 
gênôienti (car vous né pouvez, pap 
difconvenir qu'il n'y en eût au 
moins deyx qui en àvoient fur 
vous.) Moi,. en face d'Erafte, im- 
patientée, plus que je ne puis l'ex- 
primer, de fes prétentions , de fcs 
regards & de fes 'propos^ non t en 
•• •• ■ • ' -^ vé* 



vérité4 j'ai MU que |'«a mauitôii 

,^ On. en meurt à nkrfns foi» les 
jours , & je n'étois pw , je vous jure-, 
plus à mon, aife que vous» , 

^ , " CIDALISE. 

Pour votre féchetQffô ':avéc Célî^ 
mené 9 je n*cn ai pa.*été bien fur- 
prife; m^s à' l'égard d'Araminte 
que vous ivez. . • . 

'^ ' . çLît ANDRE, 

Moi ! j'ai Araminte | voilà bien la 
plus abominable calomnie ? 

CIDALISE. 

Mon Dieu! ne vous fSche z pas tant 
contre moi ! Ell-ce ma faute y&lQ Pu- 
blic vous la donne? 

CLITANDRÊ. 

. Le Public l le Public , avec ia per- 

imf&on. feroit mieux de la gardet^qœ 

de me la donner comme ufait. lleft 

. cpcôre plaïfaflt fe Piiblic ! C I- 



(19) 

-' 'Clitaiidfë !' voiis ' n'fités pas de 
bonne foi! 

CL IT AND RE, 

Luirt^Bafhrfbas. 

lez j( 

beUâ 
iccêt 

CLITANDR^, 

Toujoun fort bas. 

ClÇÀLlSE., , 

Eh bieii \ qiuWvoas fait-éltà ? 
CtlTANDRE. 

; 0Ii'.rieDÎç,dt(e)i^€mflitt4)iejen-4 
^^^tenhiné dé-k mettra fUQs la 
çôii'SaénÙ^jlc we jie ne pui£, taaf 
gû^elle réflerà, dam votre cKambrçj 
m^expliquer librement fur certains 
articles. 

CID ALISE. 
- Jene vois pas pourquoi voWVOtt* 



( 20 ; 

lez Ten banm^ ^f igotiitf jaui : tous 
ces jours derniers elie,*nçj vgus-y a 
p6int j^ai^' ^de- trop; ' * ^ ; \ ,; ^ ;i 

CLITAN.DRE.. 

.1 Cela fe .peut; mais en le fuppofant 
commevous^ jen'avoîs pas l€§ œê- 
ihès chofes à Vous dire. Vpus éiTteTv 
fer ce tjuèvbiis voudrez 5 jdâis jTçael 
femblè Aué fi ^s voiiftîe^ ^bîeri que: 
nous fuÔïôtis fctlis; çek ti'fcîi feroit 
que mieux. 

^CfDA.LISEr ' 

.\ ^ -. •"•^^'^■^ 
Voilà une nnguliète^ûUer JuiSne 
eft unemiejort fûre. 

. CLITAJsfDRE, • [ 

Je n'atta$iejpPÎtîtfkdifcrétîon,& 
je ne doute point que vos fecretspe 
loyentfôrt bien «tfttpies'inairijk;. mais, 
vous ne devez pas' t'^ôfuVët^'éxtraorâi- 
îiaite que je ne vèïijîlle mettrie igV 
miens qu^entre lés vôtres. ' 

CIDALISE. . 

Elle dort, ôcfûrêment elle ne vous 
WXtni pas* t.. • .7 CLI- 



( 21 ) 

^ clitandre! . 

Elle peutle feindre^ m'entendra: 
enfin, Madame, qu'etteibit ou non 
en^or^ùe ^.fa préfence m'inquiète & 
ine gêné. Où pennettez-moi de mç 
taire fur ce que vous me demandez,ou 
confentez.qùe-noils foybns feuls. 

• '- CID ALISE. 



1 • • r- 



Seul^.î/. ► Mais pourquoi ? . . • en 
vérité ! cela eft ridicule l Non , toutes 
réflexions faites, je n'y confentirai 
jamais. ,' ■ 

, ÇLITANDRE. 

Comme,iLybb&plaUâ,aû reile^mais 
je vous ayicjiûe^qijie j'ai peine à com- 
prendre votre répugnance fur une 
chofe fi fimple, <jui me paroît tirer 
fi peu à coniéquence pour vous, & 
qui m'eft à inoi fi néccffaire. 

. 'ClD ALISE, 

'. ' \ ,D''ufi ton pi^ué^ 

Enfin, il' "faut donc faire ce qui 

vous plaît ^mâils iflûrément vous me 

ménagez pemt Jufline , JufiiineJ Voyez 

. .*: I com- 



comme elle ne donnoit-pas ! Juftine • 
vous pouvez vous coucher. 

' A qirtlte heure, Madame Tcut-clle 
gu'pn entre, dtmaîtr? 

C1DALI5E. 

,£mffarraff((e. 



I T • 



Mais voilà une fingulière queftioni 
A l'heure otidinaire ^ appançmTuent ? 

jySTiNE/ 

On attendra que Madame Tonne. 

iClD.AL:I&E. 

Eh bien 1 Monfieûï, Vous venez 
de rentendré! elle vient de tne te- 
nir un joli propos 1 Voilà pourtant 
à quoi vous m'çxpdfez î 

CLltANp|RJE. 

Mais, Madame ; daignez donc 
vous mettre à ma place.,. 

CrjDALJSE. 
JMettee,*ivious youstmêpie à la 

. . miea- 



(23) 

mietmc, Monfieur. Ci^oycz-voos 
de bonne foi qu'elle forte de ma 
dhambre fans k plus fcite perfua-^ 
fion qu'elle" nous y génoit beau- 
coup; que nous femmes arraώs, 
fc'que ceci, -qui n'eft.bien afluré- 
mênt qii'une chofe de hazard à la- 
qnelk nous n'avons penfé ni vous 
iH inoi, ne foit un rendez -^ou» 
très décidé? 

CLITA'NDRE* 

-Elle -a -^onc Tefpiît *hm mal 
fait , votre Juftine ! 

/CIDALISP., . 

J3&UfS l'ifticémme <coos les 'gens de 
foQ >Qipèc$^ ; )îlela ;ne fuffit41i pbs? 

Vous-même^ que penfexiez-vous li 
vous appfeniez demain qu'un des 
homimes , ^qui font ici , a paffé la 
plus grande partie* de la nuit dans 
ma chambre ? .Awez-vous ia.bciîité 
de croire qu'il ne l'auroît employée 
qu'à me itootit^ des biftotres ? 



T*f 



CLtTANDRE* 

\.U^^^ certain que je Vous croîrois 

pour 



(240 

{>our cela quelqjue raifon particu* 
ière; mais Juftme, qui eft votre 
confidente, & qui fçait qu'il n'y a 
rien entre vous & moi, ne doit 
pa^ pènfer là-de;ffus comme je pour- 
]$)is faire. £h ! plût au Ciel qu'elle 

Î)ût me croire l'homme du monde 
e plus heureux, & que je le fufle 
autant qu'elfe me feroit l'honneur 
de lé croire! 

CIDALISE. 

Son abfence vous a rendu bien 
galant ! 

CLITANDRE. 

Non , mais il eft affcz fimple 
qu'elle m'ait rendu plus libre. Si je 
n!dvx)is dû riengagnet àfondéçart, 
que m'auroit fait qir elle fût partie ? 

CIDALISE, 

jyun ton fort firitux 
& tun air un peu allarmi. 

'. Au moins , Monfieur .... 

CLITANDRE. 

Eh! Madame, vous me connoif- 
fez. P'aiileurs que gagnerois-je à 

vous 



( iO 

vous manquer , quand vous neïn'ac- 
corderiez rien de tout ce que je 
pourrois vous demander , ou que 
je vous oflfenferois , fi je voulois ten- 
ter quelque chofe ? 

€IDALISE. 

Au vrai, Glitandre, vous n'ai- 
ttez donc pas Araminte ? 

( CUtandre haujft les épaules. "^ 

Mais pourtant vous l'avez eue. 

CLITANDRE.: 

^ Ah! c'eft autre chofè. . 

CIDALISE. 

En effet, on dît qu'aujourd'imî 
cela fait une différence. 

CLITANDRE. 

Et je crois de plus que ce ;i'efl: 
pas d aujourd'hui que cela en fait 
une. 

CIDALISE. 

Vous m'étohnez. Je cïoyois que 

B c'é* 



€%Qit une obligation que Ton avoit 

à la Fhilafophie moderne. 

CLITANDRE. 

Je croirois bien auffi qii*en cela , 
comme en beaucoup d^autres cho- 
fes , elle à recîlifié nos idées ; mais 
qii^éUe nous a plus appris à con- 
noitre les motifs de nos aââons^ & 
à. ne plus croire que nous agifions 
au hazaid, qu^elIe ne les a déter- 
minées» Avant, par exemple, que 
nous fçuflîons raîfonner fi bien, 
nous faifions (ûrement tout ce que 
nous faifons aujourd'hui; mais nous 
le faifions 9 entraînés par le torrent, 
fans connoifiance de caufe,>& avec 
cette timidité que donnent les pré- 
jugés» Nous n^étions pas plus elli- 
mables qu'aujourd'hui ; mais nous 
voulions le paroître, &ilnefepou- 
voit pas qu^ne prétention fi abfiir- 
de ne gênât beaucoup les ]j)kifirs. 
Enfin , nous avons eu le bonheur 
d'arriver au vrai : eh ! auc n'ô^ ré- 
fiilte-t'il pas pour nous* Jamais les 
femmes n'ont mis moins de gri- 
I^aces dans la fociété ; jamais l'on 
n*a moins afFeôé la vertu. On fe 
plaît , on fe prend. S'ennuye-t'on 

Tun 



( i? ) 

V^n tv^Tàufie?iofi ife quitte wtc 
toot auiB peu de cérmonie que 
lk>n s'eft pns» Revient-on à fe plai- 
re? ou fe reprend avec autant de vi- 
vacité que fi c'étoît h première fois 
qu^on s'engageât enfemble« On fe 
qoitte encore, & famaison ne (e 
brooille. il eft vrai que Famout 
n'eft entf é pour rien dan^ toat cela ; 
mais l^amour , qu^éi oit-il c^'un de- 
fir que Voù fe plaifoît k s'exagérer , 
ufi mouvement des feM, dont il 
avoit plA à la vanité des hommes de 
faire use vertu? On fçait aujour- 
d'hui que le goût feut exifte ; & fi 
Ton fe dit encore qu'on s'aime , c'eft 
bien moins parce qu'on le croit, 
que parce que c'èft une façon plus 
polie de fe demander réciproque- 
ment ce dont on fent qu'on a be- 
foin» Comme on s'eft pns fans s'ai- 
mer^ on fe fépare fans fe haïr, & 
l'oit Ktîre du moins , du foible goût 
que ron s'eft mutuellement infoî- 
ré, l'avantage d'être toujours prêts 
à s'obliger. L'inconfiance imprévue 
d'un Amant accable-t*elle une fem- 
me ? à peine lui laiffe-t'on le tems 
de k fcntir. Des raifons de bien- 

B 2 ' féan- 



(iS) 
fiance ou d'intérêt ne lui permet- * 
tent-dles pas de quitter un Amant : 
ennuyeux^ ou qui a ceffé dé paroî- 
tre aimable? tous fes amis le re- 
layent pour Tétourdir fur le malheur ' 
de fa utuation. Lui prend-t'ilunca- » 
price, dans la minute il eft fatisfait. * 
Sommes-nous dans tous les cas dont '-. 
je viens de faire Ténumeration , 
lious trouvons les mêmes reifources 
dans la reconnoiifance des femmes 
avec qui nous avons un peu intimé- 
ment vécu; & je crois, à tout pren- 
dre , qu'il y a bien de la fagelTe à 
facrifier à tant de plaifirs quelques 
vieux préjugés qui rapportent affez 
peu d'eftime , & beaucoup d'ennui 
à ceux qui en font encore la règle 
de leur conduite. 

CIDALISE. 

Affûrément 9 fi vous croyez tout 
ce que vous venez de me dire , vous 
avez jufques à préfent agi bien peu 
diaprés vos maximes, vous gui n'ê- 
tes pas encore confolé de l'incons- 
tance de Célimene, & qui l'avez li 
tendrement aimée. 

GLI- 



CLITANDRE» 

Je Vai adorée, f en conviens; 
mais peut-être auffi eft-ce moiiïs 
ma façon de penfer que je viens de 
vous peindre , que celle qu'il fem- 
.ble que. quelques perfo'nnes ont 
aujourd'hui \ 

CtDALISE. 

Ah ! quelques chagrins que la vô- 
tre vous ait procurés, n'en changez 
.pas. lleftpoflfible^ croyez-ni'én, 
que vous rencontriez une femme 
plus digne de vos fentimens que 
.ne Ta été Célimene j & vous auriez 
'trop à vous reprocher «Q vous cheï- 
chiez à vous venger, fur une Mai» 
trèfle eftimable, dés affreux procé- 
dés de celle-là. 

CLITANDRE. 

. . Ce n'eft pas non plus mon in- 
tention , & il vous connoifliez celle 
que mon cœur defire , vous ne me 

. foupçonneriez pas d'une idée aufli 
iniufte qu'elle feroit barbare. 

B3. CI 



Cjo) 
CIDALISE. 

Vous n'aimez dose plus da tout 
Célimene ? 

CLITANDRE. 

: Non, je vous te jure; maïs en 
revanche, je ne connoîs perfonnè 
qui m^inipire UQ ù fouverain mé- 
pris. 

CIDALISE. 

Prenez-y garde , CUtandre. Vous 
croyez la haïr , & quand on hait en- 
core ce qu'ion a tendrement aimé ^ 
il s'en faut beaucoup que le cœur 
(bit guéri. 

CLITANDRE. 

Je Tai haïe fans doute , & avec 
une violence qu'il me feroit diffi- 
cile de vous exprimer : mais, il ne 
me refte plus à préfent pour elle 
que ce mépris froid Â: paifible dont 
|)erfonne ne pourroit fe dilpenfer 
de rhonorer, fi tout le mondSe fça- 
voit comme moi combien elle en 
mérite i ce mépris enfin que vous» 

qui 



(31 ) 
'qvà la Tonnoiffez li bien ,tvez pour 

elle. 

CIDALISE. 

Seroit-ce Aramiiite qui Tauroît fii 
abfolument bannie de votre cœur ? 
J'aurois peine à le croire . fie je vous 
avoue que j'en ferois ftcnée. 

CLITANDRE. 

Araminte ! Mais de bonne foi 
cela peut -il fe fuppofer! Penfez 
donc du moins une femme que 
ron puiiTe aimer un peu. 

CIDALISE. 

Mais que vient-elle donc faire ici? 

CLITÀNDRE. 

le crois que je m'^en doute j mai» 
cela ne dit pas que je Tdme. 

CIDALISE* 

Pourquoi auffi ne vous fentant 
point en diipoiition de la traiter 
nûeux, ne Tavez^vous pas laifTée à 
Paris? Car toute plaifanteric à-part, 
c*eft fans que je Taye en aucune fa* 
çon priée, éc même fans qu'elle 

B 4 ni'ait 



tarait preflèntie , qu'elle eft venue 
s'établir chez moi ;& je vous le dis 
naturellement, elle me feroit plai- 
fir de s'qn retourner.. 

CLITANDR E. 

Et à moi auffi , je vous le pro^ 
telte. Je vous affûre déplus, que fi 
elle ne s'en va pas, c'eft que îe 
in*en irai, moi. 

CIDALISE. 

Non, Clitandre, elle reftera, & 
vous ne vous en ire;2 pas. 

CLITANDRE, 

En vérité!. Madame, il eft auffi 
txop fingulier que vous croyiez que 
. Ton puilTe reftèr dans un lieu où 
1 on a le malheur de trouver une 
Araminte , fur-tout quand elle s'a- 
yife d'y être tendre, 

CIDALISE. 

Oh çà! Comte , je fuis votire 
amie , & je croîs que vous ne dou- 
tez pas de m difcréjtioû.. Puifque 



f33> 

Te hazard de la converfation notts z 
portés fur elle, ouvjrez-moi votre 
cœur , & ne me cachez rien de ce 
qui s'eft paffé entre elle & vous. 

(Il rêve.) 
Ah! je vous en prie! aufonds , après 
être convenu avec moi de Tavoii? 
eue , doit^il tant vous en coûter 
pour me dire comment elle s'efl: 
engagée avec vous ? 

CLITANDKE. 

Vous avez raifony& je fens bfei; 
que je ne devrois pas vous refufér 
ce que vous me demandez; mais* 
ce iiont des chofes fur lefquelles , 
foît principe, foît préjugé, je ne 
parle pas volontiers. Ce'n'eft pas 
que je ne fçache qu'elle mérite peu 
de méhagemens, & que mille au- 
tres pourrorent dire d'elle ce qu'el- 
le m'a mis à portée d'en fçavoîr^, 
cependant . • • . 

GIDALIS'Ev 

Le beau fcrupulè! Vous l'avez 
eue, je le fçais; que vous refte-t'îl^ 
^ m'apprendre que. des détails? 

B 5, Çhbr 



( J4 ) 

CLITANDRE. 

C^% cft vw , & c'eft à caufe det 
(^Int préçifément que je n/e conçois 
jws^ votre çuriofité. Ces fortes d'a- 
^rètitiires font fi peu variées -> que: 
qui en Içjait une , en fçait mille. Att 
jefte, puifquae vous te voale.ï^je ae, 
xcm cacherai rieo. 

CIDALISE.. 

Avant tout, ouvrez un peu plus, 
cet lûdeau j je ne vois pas. 

C LIT AND RE. 

J^tois ^lé ^ au commencement dé 
Tité^ à la campagne chez Julie; tt 
y avoit beaucoup de monde , Afa- 
Olfnte entre autres, queperfonne ne 
^Jéfire-, & qui fe. prie par-tout. Je 
Qpmmençois à perdre beaucoup^de 
î^ douleur que rînconftance de Cé- 
Jîmene m'avoit caufée , & de jour 
eU' jour ma liberté me devenoit 
jlu^ à charge. Je brulois de me ren- 
gager , & fi vous me permettez de 
vbu?- te. dire,, mon cœur, qu'à votre 
%més, dans It. mondes vous avie2: 

a^ 



pouf vous fes premiers' penchons f 
tDâis vous aimiez encore Erafte. Je 
me repréfentai fortement Tînotii- 
lité de mes vœux. La certitude de- 
ne pas réuffir, & la crainte de vous^ 
ennuyer & de vous déplaire en^rûus^ 
poarfuivant avec cette opiniâtreté: 
fatigante 9 que nous croyons noul> 
devoir quand une fois nous avon»^ 
expliqué nos defirs,, nL'0bUgei;iuit 
à garder le filence. 

eiD ALISE. 

Vous fîtes fort. bien, fainrois em^ 
effet Eiaftc avec la plus grande vi- 
vacité ; & fûrement vous n'aitria^: 
pas eu à vous loàer du iuccèa.. 

CLITANDHE. 

J^avois auffi quelques raîfôn» <&' 
croire que quand raên^e vous au- 
riez été libre , vous ne m'en auriez 
pas rendu plàas heureux Quoi (ju'iï 
en fmt-, je n'imaginai même pî^ 
4e vous infonner des perfidies qu'ils 
■vous faifoit tous, les jours;. Fétote 
fax que cette: confidence: ne feroic 

; 3 6 ^^' 



<|ue vous tourmenter ; ^&: toute» 
réflexions feites, je crus devoir me 
taire, & fur mes defirs , & fur fes 
infidélités. 

CID ALISE. 

L'ingrat! que je Taîmois! Croî» 
tiez-vous bien que depuis gu'ilm'a 
forcée de rompre avec lui, il n'y 
a que bien peu de tems que je me 
fens. pour lui cette indifférence 
profonde, qu'il n'eft plus poffible 
de furmonter? 

CLITANDRE* 

Eîi ce cas , il eft donc bien fot 
'de n'avoir pas avancé fon voyage ; 
car à ne vous rien cacher de fes 
idées , il n'eft venu ici que pour fe 
raccommoder avec vous , & il en a^ 
i^efpejance. 

eiDALiSE; 

Ce n'eft en lui qu'un ridicule de 
plus ; mais j'avoiie que je voudrois 
qu'il fût devenu fincérement a- 
moureux, de moi. . 



V *< 



etir 



clitandre:. 

Ah l. qu'il entre encore d'amour 
dans ce defir I . 

CIDALISE. 

Je conviens que Ton pourroît le 
Ibupçonner; mais jp vous donne 
ma parole d'honneur qiie c'efl: fans 
aucune idée, que je doive me re- 
procher, que je le forme, 

CLITANDRE. 

A vous parler franchement, j'ai 
tant de peine à croire que vous 
Taimiez, que je croirai bien aifé- 
ment que vous ne Taîmez plus; 
Mais puifque nous en fommes fur 
ce chapitre , dites-moi , je vous 
prie , comment un petit homme fi. 
mauvais plaifant , u peu fait pouf 
plaire, dune fi miférable fanté..... 

CIDALISE, 

Ah !. Clitandre ,, me feriez-vous 
rînjure de croire que j'aye pu faire 
quelque attention à ce diemièr ar- 
ticle ? 

3t ^^h 



CLITANDRR 

^ Non , affûrément l Mais c^elE 
qu'un Amant malade , pour ainfi 
dire ^ de prof eflîon ^ eft , à ce que je 
croU , toujours moins amufant 
qu'un autre. Vous conviendrez du^ 
moins que fi ce tfeft pas une rai- 
fon de rejetter un homme , ce n'en 
eft pas non plus une de le prendre^ 

€ID ALISE. 

Auilî ne fut-ce pas ce qui me 
détermina en fa faveur. Grand 
pieu! que Pàmour eft un fentiment 
bizarre ! Quand je vois aujourd^ui 
ce même objet , qui, il-^n^ a en* 
core que fi peu de tems, avoit fur 
moi tant de pouvoir; lorfque je ju* 
|;e de fang froid cet homme qui a^ 
été fi dangereux pour mon cœur^, 
j*avoûe que j'ai peine à compren*. 
dre qu'il ait pu me tourner fi vio- 
lemment la tête , & que i'en fens 
contre moi-même la. pms torte in^ 
dignation. 



CLI- 




e39) 

CLITANDRE. 

Vous êtes donc bien fûre cpié 
vous nei renouerez pas avec lui? 

CIDALISE 
Quelte idée i Dans fe tems mê-. 
mt que je nrourois de douleur de: 
Vavoir perdu 5 il a tenté Vainement, 
de me ramener à lui , &. les dîfpo- 
fitions,où je me trouve, ne me- 
permettent pas de craindre qu'il 
puiffe à prélcnt. c.^ qu'alors il n^ 
put pas. 

CLITANDRE, 

^vec inquiétude^ 

Efl^îe que vous p^feriez à en; 
prendce un autre? 

CIDi^USE- 

Non, jç vous le jure ; maïs s'il: 
étoît vrai que j'aîmafie , je me flat- 
lfe que je fçaurois triompher dé ^ 
mon amour, & le larffer même ig-- 
norer à celui qui en feroit l'objet. 

clitandreI 

Cïuelle f pouvez-wus former dé. 
pareils projatsl; 



C4o) 

CIDALISEr; 

Eh< que vous importe que •7.7 , 
Mais reprenez votre hiftoire» 

CLITANDKE.. 

• Croyiez-vous que je n'euffe rien 
•de plus intéreffant à vous dire ? • 

• [GIDALISE. 

Je ne fçais y mais vous ne pou* 
vez me dire rien qui me fafife au- 
tant de plaifir. 

clitandre: 

^ €e que vous me dites eflr affez 
peu poli j mais vous ^igez plus 
mon cœur , que vous ne mortifiez 
mon amour-propre. 

IGIDALISE* 

: FinilTez donc ! Attendrai-je éter^ 
nellement? Vous* êtes infupporta.- 
.ble l 

CLITANDRE- 

Eh bien ! Araminte , en me voy- 
ant , me deftina h, petto au glo^ 

rieux- 



(4r) 

rieux emploi de ramufer.Voutf fçÉ^ 
vez avec quelle promptitude elle 
fait connoiuance , vous connoiflez 
fon indécente familiarité , & fes 
agaceries , mille fois plus indécetb- 
tes encore. Nous fommes liber- 
tins : je n'avois rien dans le cœur 
pour me défendre d'elle. Elle ne 
me toucha point, mais elle me tenr 
ta. Je lui parlai fur le ton qui con- 
yenoit égdement à fon caraâère & 
à la forte d'impreffion qu'elle faifoit 
fur moi. Loin de s'en offenfer ,les de* 
firs les moins flatteurs pour elle , & 
Jes moitls tendrement exprimés , lui 
parurent une paflîon violente qu'el^ 
le ne pouvoit recompenfer trop tà^ 
La façon vive ,& allez peu honnête 
dont je lui expofai mes intentions, 
acheva de me concilier fon eftiftie. 
Je lui dis des chofes tyès libres-,. ^ 
le les prit pour des galanteries. Je 
ne voulois pas , comme vous le 
croyez bien , d'affaire en règle avec 
elle i mais je la jugèois bonne pour 
une paffade, & je réfolus de m'ea 
amuftr tant qu'elle refteroit chez 
Julie, En revesant de la- promena- 



(42) 

de, le hazard nous fit pafler par un 
petit bofquet affez oblbur. Tar le 
même hakard , nous uous étions 
infenfiblement féparés de la corn* 
pagnie. Je trouvai » & le lîeu très 
propre à prendre avec elle les plus 
grandes libertés, & elle fi difpofée 
à me les fouffrir , que je ne fçais com- . 
ment elle eut la force de ne m'en 
pas remercier. En me priant le 
plus poliment du monde de finir, 
elle me lailToit continuer avec une 
patience admirable. Cependant une 



.yois réduite. 

« 

CIDALISE. 

Ah I grand Dieu ! comment ! 
^rous!..., 

CLITANDRE. 

Om, Madame, on ne fçauroit 
poufler plus loin le mmique de res- 
feâf j'en fuis encore d*tine honte t 

CIDALISE. 

. Mais j^Clitandre , avec votre per- 

misp 



tniffion, les faits font-ils bien te|9 
que vous me les racontez? 

CLIT ANDRE. 

Ils font fi funples, ^ne je m^é- 
tonne que vous y trouviez de quoi 
-vous faire une Mftoire. Vous me 
connoiifez affez pour fçavoir qu'or- 
dinairement j^ ne ments pas. D'ail- 
leurs tout cela n'eft qu'un coup de 
foudre, & ils font, depuis quelque 
tems, devenus auifi communs que 
Ton prétend qu'ils .étbient rares au- 
trefois. 

CIDALISE. 

Je vous avoue que je fçaîs qu'A- 
taminte a eu quelques affaires, & 
que le Public la croit peu cruelle j 
mais elle efb étourdie^ affez mé- 
ehante. ^a conduite eu légère , fa 
tangue ne Teft pas moins, ^'ai cm 
que la calomnie lui prètoit beau- 
coup de chofes, & qu'elle étoit 
dans le fond plus coquette que ga- 
lante. Vous me confondez i Après? 

ÇLITANDRE. 

Je fuis poli y moi ; & quoiqu'elle 

ne 



Mt me flt pas de reproches, ]e crus 
"■^li'il étoit de la bienféance que je 
lui Me des excufes. Elle les reçut 
comme .une fuite de bous procédés 
de ma part, & en fut tf enchan- 
tée, qu'elle voulut abfolument que 
j'allaffe, quand tout le monde ft- 
jroit couché, les lui réitérer dans fa 
-chambre. Cette aflFaire , comme 
vous le voyez, ne commence pas 
tout-à-fait lur le ton du fentiment, 
& il me femble qu'elle s'étoît mife 
-elle-même dans le cas de ne m'en 
•pas ôfer demander. Je lui rends 
juftice; d'abord elle n'y penfa pas 
plus que moL Le fouper fut fort 
.gai: elle m'y honora de toutes les 
faveurs qu'une femme, qui ne fe 
contraint qu'à un certam point, 
peut accorder à quelqu'un en affez 
nombreufe compagnie. Je les re- 
çus comme je le devbis, ou plutôt- 
comme je ne le devois pas , puifque 
j'y répondis. Cependant, par va- 
^ Hité , je la priai de vouloir bien 
fe contenir un peu. Elle fut tout 
l'après-fouper d^une tendreffe exé- 
crable. Enfin on alla fe coucher, & 



^e ptfftai dans fa chambre le plutôt* 
qu'il me fut poffible, 

CIDALISE. 

Vous y allâtes ! 

clitandre; 

Affûrément! Que vouliez -vous? ' 
donc que je fiffe? Pouvois-je man- 
quer à ma parole ? Elle m'atten- 
dpiti Je la trouvai couchée, & fa- 
voiie que je crus qu'après toutes 
les libertés qu'elle m^avoit laiflé 
prendre, celle de me mettre dans • 
fpn lit n'avoit rien qui dût la cho- 
quer à un certain point. En eflfet, 
la feule chofe qu'elle me demanda , ' 
fut de vouloir bien éteindre les 
bougies , ou de fermer les rideaux. ; 
Gela ne me parut qu'un caprice : 
je ne les aime pas , & je lui refufai 
durement la grâce qu elle me de- * 
mandoit« Quand elle vit que je ne 
me prêtoîs pas à fes intentions, el- 
le eut la complaifance de plier à 
mes volontés. Les bougies reliè- 
rent allumées , & les rideaux ou- 
verts. Nous .commençâmes à en ^-^ 

gir 



^ enfemble familièrement 5 Ac f é* 
tofs fur lè i)oint de lui avou enco- 
re les dernières obligations, lorfr 
Su^ne tendie inquiétude la faifit» 
lie fe rappeUa que je œ lui avois 
pas encore dit que je Taimois, tSc 
me protefta, fi je ne la raffûrois 
pas fur ihon cœur . que quelque ex- 
traordinaire que fût le goût qu'elle 
avoit pour moi, & qudques preO'» 
ves même qu'elle m'eût déjà don-^ 
nées de ia foiUelTe, elle fçauroît 
iodubitabtement la vaincre. Je feo* 
tois bien ^ue li elle m'eût aimé, 
elle n'auroit pas eu lieu d'être con^ 
tente de ce qu'elle ro'in^iioit i 
n^s la bienfiêance y & l'état où j^é* 
tois^ ne me petmectoient (|ue de 
la tromper , & je lui répondis que 
je ne concevois pas qu'avec les 

Sreuves aâuelles que jeluidonnois 
e mes fentimens ^ elle pik s'obfti- 
ner à en douter. Elle avoit jufoues- 
Ik paru ne fe livrer à fa tenareffiB 
qu'avec contrainte ; mais la certi* 
tude d'être aim^e banniifant fes 
fcrupules, elle devint dCune teo- 
dreffe, d'une vivacité^ d'une ar- 
deur inccmpréheiifiUes^ Ah i û 

vous 



(47T 
vous aviez vu , Madame i Non ! c'eft 
que cela étoit d^une beauté! . . « , 

CIDALISE, 

Séchenunt. 

Jfe le crois, Monfieur le Comte ^ 
mais tt^es fbpprimez pas moins 
ces agréables œtails. 

CLITANDRE. 

Enfin , quoique f eufle dans le 
fond plus a me plaindie d'elle 
qu'^à la remercier , yt crus c^ue U 
politefle me condamnoit à lui feîre 
des remercimens ; & fi ce ne fut 
pas du fond du cœur que je lui en 
lis, je mis du moins dans les miens 
tant de galanterie , & elle txrfxxt fi 
contente , qu'elle n'oublia rien 
pour que je lui en fiffe encore. 
Mon Dieu ! quand j^y fonge , que 
c'^eft une digne femme ICepend^it, 
malgré tout ce que je lui devois, 
& fa forte d'égarement où nous 
mettent toujours les premières 
bontés d'une femme ^foit que nous 
devions , où ne devions pas les re- 
cevoir avec tranfport , il m'avoit 

pa- 



C48) 

jpàru que j'aurois été plus heureux 
encore, & que fauiois eu moins à 

{>rendre fur mon îmaj^ination,li eU 
e eût eu autant à le louer de la 
nature , qu'elle fembloit le croire. 
J'ai le malheur d'être fort curieux. 
Mon doute me tourmentoit, je la 
priai donc de le faire ceiT^^r. Rien. 
B'étoit fi fimple , ni même fi ga- 
lant que cette prière. Vous ne 
pourriez cependant gue difficile- 
ment imaginer combien j'eus de 
peine à h lui faire agréer. Cette 

Jjropofition bleffoit mortellement 
a pudeur. 

CIDALISE. 

. Ahl quel conte ! Ce fcrupule 
étoit bien placé! 

CLITANDRE- 

Enfin ^ elle ne vouloit pas ; mais 
je voulois, moi , & quelque réfis- 
tance qu'elle m'oppolat, je voulus 
fi bien , qu'elle fut obligée de ce* 
der. Ah! Madame.... 



eu 



CID ALISE: 
;QaoldoDc? 

CLIT ANDRE. 
Jihl quel mooftre! 

GIDALISE; 

BUe! vous m'étonnez ! Je ne 
comprends pas ce que cette fem- 
me peut avoir de fi horrible. Sa 
gorge n^ft point parfaite ^ mais el«. 
le nreft cas mal non plus. Elle a 
le bras bien tourné ^ la main aiTez 
jolie , le pied aflez bien , & j^ai oui 
dire que tout cela dievoit faire, 
penfer. . . . 

CLITANDRE. 

Eh ! mon Dieu ! Madame ; ft 
vous fçaviez combien peu il faut 
fe fier aux règles . & combien tous 
les jours , foit d^une façon , foit 
d'une autre , nous y fommes at^ 
trapés, vous ne feriez pas fi fur- 
priîe de ce qu*Araminte ne tient 
pas tout ce qu'elle femble promet-, 
tre. 

C pt 



(so): 

CIDALISEi 

Qu^avant Taventuir du bofqnèt , 
vous jugeaffiçz d'elle comme' je 
faifois tout-à-Pheure , cela' me pa- 
roît tout fimfle : mais ce que je 
ne conçois pas ,c eft qu'après wôxxs^ 
ayez été là trouver dans fa cham- 
bre jiv^ autant, d'empreffement 
que fi vous TeufficÈ trouvé char- 
mante, ~^ : 

GLÏTANDRÈ. 

Si j'avois Tboiineur d^ètre un peu 
plus intimement conmi de vous, 
vous ne me feriez pas^ cette ques« 
tion. D'ailleurs , après ce.qirelle 
avoit bien voulu faire pour moi^ 
comment vouliez-vous que je lui 
fefî){«ire' d'aller la trouver? Il ne 
me refloit de parti à prendre que 
de la fatisfaire^ou de m'enfuir. Le 
diemier auroit fans doute été le 
plus fage j mais malbeureufement 
il ne me vint pas dans Tefprit. Au 
fiirplus 9 je m'êtois inflruit dans le 
bosquet moins que* vous ne peu- 
fez« L^infolence n'a Jamais permis 

l'exa- 



l'extmen , & fi je n'en» p» deqùot 
la croioe :parfaite ^ du nmù% ne 
pûjs*}e jpasi iHnr plus laifroavttc âôs*^ 
il détdiaible qu'elle rdl eh. effet. 

ÇIDALISS. 

*• Ce que je ne oofftpresds pas; 
e^eft qu'une femme , telle que vous 
mt dépeignes^ Aramiiice,.ibit Mt& 
gakmto..: L'anour- propre devioit 
«u moins lui tenir Keu ^ de pnvXi^ 
pes ; car en fuppoftnt 4u'eUe fe 
tùt dru ^ en 'entrant dans le monde ^ 
tousks charmes imaginables ^ il 4iei' 
feroit pas poifible que tous le»- 
kommes , qu^elie a eus , fe Aiflent 
«Êcordés pour fervir t^ vanité . oa 
que s'ils onc eu k poUtaiTe de la 
néna^er, ou la fttumté de Ten* 
tivtenir , que le peu de tenis qu'ont 
duré les liaifons qu'elle a voulu 
former, 6c mille autres .tirconftan* 
^•s suffi propres • à- n^uis faire ou- 
vrir les yeux fur nous-mêmes ^ tn^ 
l'eulTent pas defabufée. . 

XLITANDRE. 

Nous fommes fur cet urtide 

Cl auf: 



itffi fâux^ ou auffi polis que vous 
krcioyez, & nous quittons ordi- 
nairement une femme fans cher- 
cher à rhumilier , à moins cepen- 
dant que notre vanitjÉ n,e foit inté- 
reffée à le faire. 11 eft dertain, au 
xefte, que fi j^euffe fçû;combien la no- 
ble confiance , qu'Araminte a en cK 
le-oiême ,. eft mal fondée 9 Se œ 
Faurois pas prife $ mais j'étois à 
c.et< lëgaru; dans le cas du.monde Ic: 
plus icin^eL 11 y a fort peu de ffens. 
^ui ne rayent eue j mais il iry a 
pas un homme d^un certain. 4;enre 
qui ait cru devoir fe vanter de Ta- 
voif poflTedée , & elle eft- peut-être' 
la femttie de France que ron cou-. 
90ît le pla&, & fur laquelle :pour-) 
tant 09 . trouverpit 1q moins de 
renfeignemens. Elle eft enfin de 
ces fortes dépèces dont on ne 
dit rien 9 ou par égard pour foi- 
môme , ou par méchanceté pour 
les autre^t 

s 

CIDALISE. 

Vous ' ne la connoiffièz donc 
point du tout? 

: , . CLI. 



CLITA.NDRE. 

Pardonnez-moi. Je la connoiffbis 
comme nous nous . connoiflbns 
tou& Je Tavois trouvée deux fois 
^ rOpexa dans la loge de Julie ; 
j'avois foupé avec^ elle autant de 
fois-, je crois, chez la même ; je 
Tavois rencontrée à la Cour chez 
les Princefles : mais dans toutes ces 
occafions nous nous étions parlé 
fort peu , & foit que mon attache- 
ment pour Célimene lui impof&t, 
fôit qirelle-même eût à la Cour^ 
contre fa coutume, quelque affai- 
re fuivie^ elle nfavoît regardé avec 
une indifférence que je.voudrois 
bien qu'elle eût eu la bonté de me 
conferven 

CIEKALISE. 

Je n'ar pas à préfent de peine à 
ïf croire. Mais voilà un îniuppor- 
table rideau, de retomber toujours'! 
Arrangez -le donc de façon qu'on 
n'ait pas befoin de l'arranger fans 
ceife. 

» 

Ç i ÇLÎs 



CLITANDBLEi 

Si vous 1« Yûuliez, je pourtdîs 
mieux faite. Vous s'ètes pas pnx^ 
de 9 je ne fuis pointîmpertmeat jje 
vais m'aifeoir fur votre lit» 

CIDALISK 

* Vous- dûtes au moins lui trouver 
des charmes, qui en général vous 
touchent affez? Vous m'entendea^ 
ftns doute? 

. CLITANDRE. 
^ A elle! Elle n'en a point. . 
CIDALISE. 

Ah ! pour cela , Clitaûdre , je ne 
fç^urois vous croire. Après ce qu& 
vous m'avez dit de Tes tianfports^ 
de fa vivacité. • . • 

« 

CLITANDRE. 

Vous vous trompez. Tous ces 
tranfports n'étoient pas plus caufés 



par ce qnè vous penfez, que pat 
ramour même , qui lùrement n'y 
entroit pour rien. C^étoit une ga* 
lanterie qu^elle me faifoit gratuit 
tement^pure générofité de fa part^ 
ou pour parler vias jufte, habi<> 
uide & faufleté. ÊUe if ait que les 
femmes, qu'il nous eft impoffible 
d'intérefler, ne nous plaifent pas^ 
& elle ne feignoit tant d^ardeur^ 
que pour me faire croire qu'elle 
m'aimoit , & pour m'en donner à 
tnoi*m6me. 

CIDALISE. 

Pùîfqu'eile avoît dans le fonds 
fi peu de fenfibilité, quel befoin 
avoit-elle de vous voir u ardent? 

CLITANDRE. 

. £Ue a Timagination fort vive & 
fort déréglée 9 & quoique Tinuti* 
lité tles épreuves 9 qu elle a faites en 
certain genre , eût dû la corriger 
d'en faire, elle ne veut pas fe per- 
fuader . qu'elle foit née plus mal- 
heurcùfe* qu'elle croit que d'au- 
tres ne le font, & elle fe flatte 

C 4. tou«« 



( î6 ) 

toujours qu'il cft réfervé au demicç: 
qu'elle prend , de la rendre aum 
leafibte qu'elle defire de Fétre. Je 
ne doute même pas que cette idée 
nis foit la fource de fes dérégie- 
mens, & de k peine qu?elle prend 
de jouer ce qu'elle ne fent pas. 
Ajoutons aufli que ces fortes dd 
fe.mmes font fort vaines , & que 
fans avoir befoin en aucune maniè^ 
re qu'un homme foit ii fingulier, 
leur amour-propre defire de le voir 
tel 9 comme le nôtre quelquefois 
nous fait faire des efforts qui pyS* 
fent nos forces ou nos defirs. Je dirai 
plus 5 c'eft qu'aujourd'hui il eft prou- 
vé que ce font les femmes à qui les 
plaiiirs de l'amour font le moins 
néceffaîres, qui les recherchent a- 
vec le plus de fureur, & que les 
trois quarts de celtes, qui le font 
perdues , avoîent reçu de la natu- 
re tout ce qu'il leur fnUoit pour 
fie l'être pas« 

CIDALISE; 

C'eft une chofe qtie je fçaîs corn; 



XVI 

me vous,* & que j'ai encore plu* 
de peine que vous à comprendre.. 

CLITANDRE. 

C'eft, je vous favoûe^ un fort 
]glaifant ûécle que celui*ci, & dé- 
licieux à conûdérer un peu-philo^ 
fophiquement, 

cidaltste: 

Faifons dans cet infiant ce qna; 
ce fiécle paroit fsdie toujours ; ne 
reâéchiffon» point. Cette admira- 
ble Aramînte vous trouva -t'elle 
digne de tout ce qu'elle vouloit 
Bien faire pout vous?. 

C LIT ANDRE;. 

n faut que vous me croyez Bîcn^ 
peu vain & bien vrai pour me 
laîre une pareille ^ueftîon. Qu'il ;^' 
a de femmes à qui je mentirois, ti 
elles m'^en faifoient une pareiUe t. 

GIDALISK 

Cdik fetoit aiTez égal avec moî^ 

çs çrnr 



( J« > 

f CLITANDRE. 

* C^eft ce que je penfe, & pour 
vous dire la vérité ^ fi l^lle eut de<- 
quoi ne pas regarder i- comme per- 
'dus, les jtiometti qu'elle voûloit 
bien tne donner , elle n*eut pas liea 
fion plus de les regarder comme 
abfolument bien employéSi^ . Elle , 
ne piquant' pasr à unc^ain point 
ma fantaifie, moi n^étant plus alTez 

Ene> pour que la Ytûité me tint 
ï du goftt qu'dlle ne m'infpiTôit 
-pas 9 voiM pouvez aifiément juger 
que la convef fation languiiToit Quel- 
:q)iefiûis. entre nous. Ne fçachant 
plus que faire de cette groue fem- 
me • là,. connoilTant affcz fes ridi- 
cules pour ne pouvoir plus m'en 
-smufer, ne pouvant avec décence 
.la quitter fi tôt, & craignant Ten- 
-nui, je me devertis à chercher fi 
elle étoît en effet aufli (infl^uliére- 
"ment tendre qu'elle fe croyoTt obli- 
gée de le paroître. Malgré l'art 
avec lequel elle Joûoit ce jiu'elle 
û'étoit pas,je m'étois fort bien ap- 
|ierçu de ce qu'elle eft. Maiâ corn- 
-îû^ fur certaines chofes les fem- 
mes 



lÊÔtÈ fént extrêmement câpTicfet^ 
ît^ i que ce qui ne parottroit pâs à 
Tune , digue de la plus legèf e at- 
tention, eft pour Tautte un objet 
eonfidérftble ^ qu'il y en «.beaucoup . 
qui par une tournure d'efprit partie 
Gulière ptéferent l'illulion à la réa- 
lité ; que chacune enfin a ièa "idées 
& même fes manies , je crus 9J>uif- 
que le-ftrieUx Tavoit intéreflee fi 
peu, ^u'il- falloit Teflayer par les 
minuties. Ce parti non feulement 
étoit le plus raifonnabie, mais en- 
core (ce qui peut-être 70US éton- 
nera ) c'eft qu'il me parut le plus 
convenable. Devineriez- vous bien, 
' Madame , ce que j'eus Thonneur de 
lui dire ? . . : 

CIDALISE* 

Vous ne vous flattez pa» peut- 
être que je répondrai à cette 
queftion? Quel fijt le fuccès de 
^0$ foins ? 

CLITANDRE.- 

De m'ennuyer à périr, & de me- 
lafler comma un chiwiv Enfin ex- 



C 6. 



r 



efo) 

eé^ d'eUe & de ma* fottê eanof 
fité , j^allai gagner mon lit , en me 

Sromettant bien de ne plus faire 
e pareilles épreuves , du moins ar. 
^vec il peu de raifoa de les tenter», 

CIDALISE* 

L'avez-vous eue tong-temsî 

CLITANDRE. 

Plus que je ne devois: cinq ou 
ilx jours , à ce que je crois » plus 
ou moins. 

e IDA lise: 

Quoi l cette femme que vouf 
trouviez fi horrible ? Libertin i 

CLITANDRE. 

» 

torique nous revînmes à Paris ,' 
20OUS en uiimes comme fi c'eût été 
"aux Eâux que nous nous fuifions 
pris. Nous nous rencontrâmes pkis 
d'une fois fans nous parler de rien ^^ 
& même fans qu'elle & moi, en 
puiBons dire la raifon j nous n'a- 
vions run pour l'autre que la plus 

uni* 



ITmple poltteife. Enfin un mois «^ 
près , je la trouvai' à un fouper que 
Vàlere nous donnoit à fa petite 
maifon. Lufcinde , elle , Julie , un6 
petite Provinciale ^parente de Lufi- 
cinde , étoient les femmes. Lej 
hommes étoient Valere, Oronte, 
Philinte, 6c moi. Le fouper fut, on 
ne peut pas plus, fou, Lorfqu'il fut 
fini 9 chacun de nous s'écarta. Nous 
nous partageâmes le jardin. Ara- 
minte 5"qui , pendant le fouper , s'é- 
toit reffouvenue de m'avoir vu quel- 

2ue part,& m'avoit faîtd'aflèzten- 
ires agaceries, me dit, ^uand nous 
fûmes feuls,qu^elle avoit une gran- 
de nouvelle a m'apprendre, qu'il 
lui étoit arrivé un grand bonheur; 
Je dfevinal aifément ce qu'elle vou- 
loit me dire, & mon premier mou- 
vement fut de l'en croire fur fa- 
parole ; mais nous étions feuls : j'a- 
vois foupé j Je me fouvins qu'il n'y 
avoit lien fur quoi elle méritât d'ê- 
tte crue, & je voulus voir fi elle 
me difoit vrai. Croiriez-vous bienr. 
Madame, qu'elle m'avoit menti?' 

Ç7 PI- 



{62) 

CIDALISE. 

Je m'en doutois. Une fi noire 
perfidie ne vous donna pas appa*- 
remment le defir de renouer avec 
eUet 

CLITANDRE. 

De renouer ! Je Tauroîs battue l 
Cependant depuis cette malheu- 
reule nuit , elle a jugé à propos de 
s'acharner fur moi, a décidé que 
dans toutes les règles f étois obligé 
de Taimet, m'a iuivi, tourmente, 
excédé par-tout. Qu'elle y prenne 
garde ! on n'a des complaifances 
pour elle que parxre qu'on la croit 
'^ns conféquence ^ je la perdrai fi. 
e pari e.. 

CID ALISE. 

Mais ^ Clitandre , ne me ftippri- 
mez-vous pas quelques foins, quel- 
ques lettres tendres, quelques fer- 
ment d'aimer toujours, mille cho* 
fes enfin qu'ordinairement leshoni- 
*mes comptent pour rien, & que 
nous avons toujours le malheur 

\ - de 



i 



it compter pour trop? M-il bie» 
vrai que vous n'ayez pas trouvé 
dans fa pofleffion plus de charmes ^ 
& que u conquête ne vous ait pas 
coûté plus de tcms que vous ne 
me Tavez ditP 

CLITANDRE. 

Non, Madame, je vous jure,. Le- 

'fentiment, le goût & lé piaifir ne 

•font entrés pour rien dans notre 

affaire j & ce qu'elle me fait aa- 

• Jburd'hui eft d'une injuftice affreu- 
fe. En arrivant ici, elle m'a figni- 
fié avec hautour qu'elle venoitpour 
me faire* expliquer. Je lui ai ré- 
pondu avec Dûut k refpeâ que, j'ai 
pour fon fexe , & tout le mépris 
que peut infpirer fa peribnne ?» qu'il 
ne fe pouvoit pas que nous eumons- 

- rien à démêler enfemble. Quand et 
le m'a vu fi bien armé contre la diÇr 
nité , elle eft revenue au fenti- 
ment, à m^à demandé en grâce 

* d^aller cette nuit dans fa chambre , 
•ou àû Ift r^cevoir^ dans la mienne , 
& je l'ai bien cor(Ualement alTûrée' 
que je ne ferois ni l'un ni l'autre- 

CI* 



CIDALISE. 

C'étoit en eflFet ce que vous pou-' 
viez faire de mieux : auffi dans le 
fond n'étoit -. ce pas dans cette 
chambre-là' que je vous croypis des 
affaires. 

CLITANDRE. 

. Je n'en avois , comme vous voy- 
ez 9 que dans la. vôtre. Mais à la- 
quelle des femmes , qui font chez 
VOUS) votre imagination m'avoit-eLr 
le donc deftiné ?^ 

CID ALISES 
A Julie 9 au moin& 

CLITANDRE. 

A Julie!. Mais eft-ce que je Tàfc 
i:ue doncR 

CIDALISE. 

Gomment? fi vous Tavez euef 
En vérité! la qyellioa dit admira- 
ble! 



(es) 
CL1TA.NDRE: 

Elle ne me paroît pas.jê le con^ 
fcffe , auiB déplacée ^u'a vous, jé 
trouve Julie fort aimable ^ rnaii^ 
vous m^étonnez de me croire avec 
eue d'auffi intimes liaifons lorfque 
je ne lui al jamais rendu de foins. 

CID ALISE.. 

Je croîs pourtant fçavoîr ce que 
je dis. Mais gu'avez-vous . Clitan- 
dre? vous friffonnez. Eu-ce que 
vous vous fouviendriez d'Aramin* 
te? 

CLITANDRE. - 

Je ne ftroîs pa3 furpris; que foft 
idée produilît fur moi cet effet ;.car 
véritablement ce n'eft jamais fans 
horreur que je me- la rappelle.. 

CIDAtrSE. 

yous paroiflez mourir de froide 
CLITANDRE. 

Cela, n'^eft pas bien extraordinai- 

ie« 



rc. La nuit devient ftatche^ je n^aî 
pour lout vêtement que ma robe- 
§e-chambre«^ & je commence à la 
trouver terriblement légère. ' 

CIDALISE. 

J'en fuis Acbée. Je deftrois d'âp4 
prendre votre hiftoire avec Julie, 
oc ce contre-tems me choque à u» 
point que je ne puis dire* De quoi 
jtuffi vous avifez-vous de n'avoir 
qu'une robe-de-chambre de taffe- 
tas ? La belle idée ! Mais il ne fd 
!)eut pas, du moins je me plais à 
e penfer, que deflbus vous foyie2: 
tout nud 

CLITANDRE. 

Le plus ezaAement du mon- 
de. Ehî pourquoi pas ? Nous ns 
fomnies encore qirau commence*- 
ment de l'automne. 

CIDALISE, 

Fort ficbemtnt. 

. Vous pouvez être dans . votre 
appartement comme il vous plaît î 
. . mais 



<C7^ 

mais vous me petfliAttétf de vous 
repréfenter que pour pafler dans 
le mien, vons voui$ êtes niis dans 
un affez; fingulicr équipage. 

clitandre; 

Vous me faites faire une réflexion 
qui me peine , & je ne fçauroîs 
vous exprimer à quel point je fufe 
honteux de vous faire penfer un ini^ 
tant que f ai pu avoir Tintentioa 
'de vous manquer. 

cidalise; : 

Avec digttitL 

] Je ctoîs ne mettre dans ceci nî 
humeur, nii ce qu'aujourd'hui Ton 
appelle b^tukrie^ & qui pour- 
. roit bien être ce que Ton appelloît 
pudeur autrefois j mais je vous, 
avoîie que je ne comprends pas 
comment vous avez imaginé de pa- 
roître devant moi dans Tétat où 
vous êtes* 

CLt 



clitandre; 

En lui haifant refpté^ 
fueufement la main. 

Ah ! Madame , vojas me perces 
le cœiir. Je n'étois qu'à demi, s'il 
•ftut vous le dire, dans le deffein de 
paffer chez vous. Je le voulois , je 
lie le voulois pas. Jie craignois de 
prendre mal mon tems, & fi vous 
me permettez d'être vrai jufiîiràu- 
"bout, ridée durendez^vous^que je 
Vous ftippofois, met ourmentoit au- 
delà de toute expreffion. Je n'ai^ar- 
mais pu réfliler au defir de fçavoir 
fi en effet vous en aviez donné un. 
'Abfoi^bé dans ma rêverie, je me 
fiiis machinalement laiiTé déshabil- 
ler; je rétoîs enfin quand je mt 
fuis déterminé à entrer chez. vous. 
La. confùfion de mes idées, notrb 
converfation qui a commencé lUr 
lé champ , une forte préoccupation 
ne m'ont pas permis dé fonger à 
l'état où j'étois , où j'ai le malheur 
dî'être encore , & dont je vous de- 
mande autant de pardons queû 



f enfle eSeftivemeiit ea Se dcfltifli 

de vous offenfer. 

ÇÎDAlrlSE, 

; jfvec pJus de doiéfevri 

Je fuis Men-aîfe d'avoirmoins à 
me plaindra de vous ^ue je ne 
penfois , mais vous conviendrez , je 
crois 9 que toute autre à ma place 
auroit trouvé votre procédé a'ufie 
légèreté Inexprimable. 

CLITANDRE. 

Je n'aurois pas été furpris noii 
plus .que «toute autre que vous 
lii'eût fuppofé quelque idée qui 
pouvoit prouver aflez peu d'efti- 
ihej mais vous , Madame, vous 
qui me connoiffez , vous qui fça* 
vez à quel point je vous reipeâ:e> 
Quoique vous ignoriez peut-être 
encore combien il me feroit impof- 
fible non feulement de vous man* 
quer . maïs encore d'en former le 
deûr) comment fe peut-il que 
vous me mettiez dans la nécemté 
de m'en juftifier? 

^ Cl* 



CiDAtlSK. 

Je me fens en eJFet fi peu faite' 
pour itre mipîKéé , qu*il>iie vous 
fera. pas. ^ bien difficile, de me faire 
croJi'e qù^ vous ne me méprifez 
pas* Mais: laiffons cela , parlons 
4'iiutxes cbofes. Eh bien ! Julie ? : 

^ Julte iûrertient ne meurt pas de: 
froid comme * moi à Theuré qu*il^ 
eft, & çdane mHnqoiéte guères, 

CIDALISE. 

. U m'eft affez égai audi (jue vous* 
en mouriez , & dans quelç[ue pofi* 
tion que . vous vous trouviez , . jCs 
veux j ne fût-ce que pour vous pu- 
nir, que vous tue difiez ce que je 
vous demandois lorfque vous mV 
vez forcée de m'înterrompre, 

CLITANDRE- 

Vous defirez donc cette hiftcdre 
bien vivement f 

CI. 



(71) 
CII>AL1SE* 

Ouï, très vivement, je û'^û -fil- 
conviens pas. 

CLITANDRE.. , 

Eh bien ! puîfque c'eft abfolu-' 
ment que vous le vouiez , je fçaîs 
lin moyen qui me mettra en état 
de vous la conter , il vous l'a* 

CIDALISE. 
Et c'eft? 

CLITANDRE. ' , 

• • - ■ • 

Mais c^efi que vous ne voudrez 
peut-être pas? 

CIDALISE. 

Voyons toujours. 

CLITANDRE* 

C'eft ... de me iaiffcr coucheif 
avec vous. 

CI- 



CID ALISE. 

lUenque cela? 

CLITANDRË. 

Pas davantage; 

CIDALISE, 

D^un air mo^ueurl 

*• Vous avez perdu refprit , Cfi- 
tandre, de me prendre pour une 
Araminte. 

CLITANDRË. 

Je n'ai pas une fi lourde méprife 
à me reprocher. C'eft , je vous ju- 
le , en tout bien ai en tout h^ 
neur que je vous propofe...* 

CIDALISE. 

Après tout -ce que je viens de 
vous dire, ce feroit à moi une aflez , 
belle inconféquence de vous accor- I 
der ce que vous, me demandez. 

CLITANDRË. 

£1i ! Cidalife , quand il eft quer- 

tion 



(73 ) 

tîon de fâùver la vie à quelqu'un J 
qu'eft-ce qu'utie kicottftquence ? 

CIDALISE. 

Allez , Clitaudre , vous êtes fou ^ 
mais de ceux qu'on enferme. 

CLITANDRE. 

Mats fe peut-il que vous doutiez 
de mou r^4>^cl pour vous ? 

CIDALISE. 

Non, je veux croire que vous 
me relpeftez beaucoup, & comme 
c^'eft uiie idée qui me flatte, je ne 
tous mettrai affûrément pas à por- 
tée de me .la faite perdre. 

CLITANDRE^ 

3ongez donc à ce que vous mé 
dites. Nqus fommçs feuls. Tous 
vos gens font loin de vous, hors 
Juftine 3t qui ne vous feroit pas 
d'un grand fecours , puifqu'il n'y a 
au monde perfonne de li difficile 
à réveiller. Vous êtes dans un état 
qui vous livreroit,ptefque fans dé- 

D fen- 



(74) 

fenfejà mes emportemens. fi j'ou- 
bliois aflez ce que je vous cfois pour 
ôîer tenter rien qui vous déplût^ 
& pourtant vous voyez que mê- 
nje vous trouvant ' plus aimable 
que quelque femme que ce foit , îe 
ne vous ai feulement pas fait la 
plus légère propofition. Je ne voiç 
pas bien pourquoi je ferois moins 
lage dans votre lit que je ne Tai 
été deffus. Accordez-moi , de grâce , 
ce que je vous demande j rien ne 
tire moins à conféquence. 

CIDALISE, 

En colère* 

Oh! Clitandre,vous m'excédez! 
Je n'y confentirai jamais. 

CLITANDRE. 

Eh bien ! Madame , il faut donc 
vous épargner la douleur d'y con- 
fentir. 

Ici il 6tc fa robe- de-chambre , îa 
jette dam la ruelle , fe précipite 
dans le lit de Cidalife^& la prend 
dans fe$ bras. . 

CI- 



(7y> 

CIDALISE, 

Avtc efffûL 

Clîtandre ! Monfieur ! fi vous ne 
quittez point mon lit ! fi vous ne 
me laiffez pas ! fi vous ne vous en 
allez point , je ne vous reverrai de 
mes jours. 

CLITANDRE, 

VivemenU 

Mais , Madame , y jpenfez-vous ? 
Songez-vous que Ton çeut enten- 
dre vos cris ? Que voudriez- vous, fi 
quelqu'un venoit ici, que Ton ima- 
ginât de la. fituatiçn dans laquelle 
on nous trbuveroit tous deux? 

CID ALISE, 

/ivec emportement. 

Tout ce qu'on voudroît. 11 n'y 
a rien que je ne m'expofe à faire 
penfer, plutôt que deme voir ré- 
ellement viôime de votre téméri- 
té, 

D2 CLI. 



CLITANDRÈ. 

•'*Eh, Madame ! Lucrèce même ne 
pefi&,,p*s:pqmmevaus.: • > 

CI&ALISE, 

jivec fureur. 

Je crois encore que vons^plaî*: 
fantezl ,> .... - 

dLITANDRE. 

Cela feroit affez déplace dans la 
dbière' <3ùl . j^i Icr *8alBôiir de vous 
mettre y & je VOW' lé protefle , 
beaucoup plais innocemment que' 
vous fie; pmlè2(r 

'' ■; ; ;piD^ïito^ . : 

Touiours du même ton. 

Allez, Honfieur , il eft infâme 
à vous, d'abafer, cbtnme vous fai- 
tes, de moa eftime & de.ïBQn ami- 
tié. Laiffez-moi, je vqus abhorre l. 
Laiffez'-moi, vous dîs-ie. 

CLITANI>&E. 

* 

Si je vous retenois, c'étoit beau- 
coup 



coup moîffè • poùf voris? faire vîo- 
Içpçe^ qije. ppur vous. emp$çl)ei^ de 
j>retidre un mauvais parti. Vous 
Voîlk libre !eti bien! que vous;fai^- 
^e ?^Je flirs* pourtant avec voué daiîs 
le niême lit; à maîigeffe, devriez- 

vous le croir-Cî? 

. . • « . . . • . 

G ID ALI SE; 

ïaîfez - vous , je vous détefte ! 
•Que voulez- vous que penfent de- 
main mes gens "quand ils verront 
mon lit? 

CLJTANDRrE. •. - 

• Rien du tout, Màdaihe; car fe 
le referai avant que de m'en aUer. 

• elDALISE. 

. ATiî ! fâns îdoutff : ce îlfera; , je i ctbîs , 
«fi bel ouvragé. : .r " 

' CLITANDRE. 

: Vous verrez. Oh çà! ne m'ab- 
horrez donir plus* tant ; tàpprochez- 
vous un peu de moi , & qu^ la 
'tiramiufllfte^oà Vous- me voyez au- 
pri:SL.de vous, vous raffure*^ * -^ 



<78) 

cidalise; 

Vous pouvez compter ^e fi voui 
ôfez tentçr la moîndre chofe , vous 
ferez à jamais Tobjet de ma plus 
cruelle averfion. 

CLITANDRE. 

Soit. Pùiffiez-vous en effet me 
.haïr autant que je délire que vous 
m'aimiez , fi vous avez à vous 
plaindre de moi ! 

CIDALISE. 

> • » ■» 

Je ne pardonne pas même une 

{)ropofition , quelque modérée qu'el- 
e puifle être. 

CLITANDRE. 

Cela efl: dur^par exemple ! N'im- 
porte, je le veux bien. Point de 
propofition; aufli-bien ne feroit-ce 
pour moi qu^une honte de plus. 

CIDALISE. 

Je voudrais bien que vous le 
crujQiez. 

CLI- 



(79) 
GLITANDRE. 

Je ne fçais pas comment les au- 
tres penfent fur ces fortes de cho- 
ies; mais pour moi, je n'ai jamais 
trouvé plaifant d'être refufé. N'en 
étions-nous pas à Araminte? 

CIDALISE. 

Non, nous l'avions pafTée. Mais 
eft-ce que réellement vous comp- 
tez refter dans mon lit? 

GLITANDRE; 

Eh ! Madame i il me fembloit 
que cela étoit arrangé^ & que nous 
avions fait nos conditions. 

GIDALISE, 

Riant: 

Quoique je fois affûrément très 
fâchée contre vous , il m'eft impof- 
fible de ne pas rire de la fingularité 
de ce qui m'arrive^ 

GLITANDRE. 

Dans le fond je crois qu'il efi 

D ^ plu*' 



plus fagerir VOUS de VoftS")en faire 
un objet de plaifanterie qu'un fu- 
j«rd6 cblêre. 

CIDALISE; 

r 

'Dé quoi vous avérez -vous- aujflj 
de vous opiniâtrer à entrer dans un 
lit où Von ne Vous defire pas du 
tQUt, lorfqu'il y en a tant ici où je 
ftiis fûre que vous^ auriez été reçu 
ambras ouverts ? ^ 

ÇLITANDRE. 

Je. ne puis pas jouter, par exem- 
ple, qu Aratuime ne m'eût* bien 
voulu faire cette grâce ; mais je 
croîs qu'elle eft la feule clie2i- vous 
de qui je puffe Tattendre* 

CIDALISE. 

Et la feule peut -être de qui vous 
ne la voulufliez point recevoir. Si 
Julie , par exemple .... 

ÇLITANDRE. 

Julie actuellement ne me tente 

pas plus qu'Araminte , ou çcjir 

c ... mieux 



mieux dîrè \ \t ire dtffrfppas plus 
l'une qu^ l'autre j maU il çft iwai 
Doi^rtaî^t que fi bien abfolumeiH 
îftUe le voulait, je ne; \}x\ tiecidiai* 
pas i.rigufuir comme à 1-efpèce^ df 
monlîre dont vous me parlez/ EïS 
ce que celà< ne vôKiit paroît pas 
tout fimple? .^ 

' . ■ : eiDA-LlSEi 

C'eft-à-dire que vous avez plus 
trouvé dans Jiui'e 'de cette efpèce 
de fenllbilité qui. vous .amufe tajnt, 
'que l'autre ne vous en a montrée 

: CLITANDRE*. • 

A mérite éff al fiir cet important 
article , n'eft-ll. pa^ vr^ que Julie 
devroit avoir. la préférence? 



CIBAtlSE. 

' Cela: n^eft pab douteux* Mai$ en 
liÉippofant qite ^ pour parler cojnme 
•wms, le mérite- ne fût pas égal, je 
cîois que. l'on aurolt beaia jeu à 
paner coaire la pbis aômatde à» 



(8z) 
CLITANDRE. 

Vous êtes donc bien convaincue 
que cette vertu , quand nous la 
rencontrons chez une femme , nous 
Jient abfolument lieu de tout? 

CIDALISE. 

Non 5 mais je fuis perfuadée qu'el- 
le vous leur fait pardonner beau* 
coup de chofés. 

CLITANDRE. 

Il eft réel qu'elles nous en plaî. 
fent davantage , . en général s'en- 
tend i car tous les hommes ne font 
pas là-defTus du même avis. 

CIDALISE. 

Autant que j'ai pu le remarquer, 
vous n'êtes pas moins injuftes à 
notre égard lur cet article , que 
vous ne l'êtes fur beaucoup d'au- 
tres. Une femme eft-elle comme 
Araminte ? Elle vous ennuyé.. Joue- 
t-elle ce qui lui manque ? Elle vous 
choque? En.a-t-elle y Quelque plai- 
fir qu'il ea réfulte pour vous ^ vous 

la 



(83) 

la craignez. Comment faut-il donc 
qu'elles fuient à cet égard pour 
vous plaire, ou pour ne pas vous 
caufer d'inquiétude ? 

CLITANDRE. 

Comme vous. Madame; qu'el- 
les ayent cette /enfibilité modérée 
que l'Amant lui-même eft obligé 
de chercher , qui n'eft émue que 
par fa préfence , déterminée que 
par fes careffes ^ & ^ue tout autre 
que lui voudroit vainement éveil- 
ler. 

CIDALISE. 

Oferois-je bien vous deniander 
qui vous a donné fur moi de il 
belles connoiffances ? 

CLITANDRE. 

Erafte, fans doute, puifque }$ 
ne vis pas avec Damis. 

CIDALISE. 

• ». - t 

* 

L'indigne ! Quoi 1 il eft donc 

D 6^ vrai 



(84) 

vm que les hommes' fe confient" 
cts chofes-là ? 

C LIT ANDRE. 

Ouï, quand ^ ce qui leur arrive 
fouvent, ils n'en ont pas d'autres 
à-fe' dire, 

CIDALISE. 

; •Quelle horreur! 

CLITANDRE. 

Je n^auraî pas dé peine à conviè- 
nîr que cela n'eft pas bien; mais 
ils n'attaqiieût prefqae tous une 
femme (jue par vanité; ^ la va- 
iSté feroit-elfe fatîsfaite d'un triotn- 
^he qu'on îgnoretoit? 

CIDALISE. 

.Que nous Tommes à plaindre de 
âé iè'pàîs fçavoir!' 

CLITANDRE. 

Je ne ïui aurois lûrement cas 

CI- 



(8yy 

' diDÀLISE. V 

Eh! qui le ffait? 

CL IT ANDRE, 

Quoi! Cîdalife^vous en doutez? 
Ceft quelqu'un;, que vous honorez 
de votre eftime , que vous pouvez^ 
croire capable d'une pareille indig- 
nité! Quelle réparatiotï ne m'en 
devrieZ'Vous pas 1 Vous ne répon- 
dez rien ? 

t. 

GID ALISE. 

^ C^eft que Je ctois. Vous avoir af- 
feî^'péu ofFenié. J*aime mieux, au 
r elle 5 avoir à vous demander par-î 
don d'avoir trop mal penfé de vous , 
que de me mettre dans le cas d'ê- 
tre forcée de vû^ reprocher d'enr a- 
Voir penfé trop bSew. - 

clitanbre: ' 

C'eft-à-diré que vous ne doutez 
ms ' qae vou» ne fufikz^ vi(Sâine 

U7 _ ^ 



(85) 

de la confiance que vous pourriez 
prendre en- moi? 

CIDALISE. 

Je crois qu'il vous eft alTez égal 
qu'à cet égard je penfe de vous 
mal ou bien, & moi-même j pour 
vous dire la vérité , je n'ai pas en- 
' core arrangé tout-à-fait mes idées 
fur votre compte. 

CLITANDRE, 

J^un air piqué. 

Oh ! pour cela , vous n'aviez pas 
befoin de me le dire. D y a long- 
tems que je ne doute pas que jene 
vous lois rhdmme du monde le 
plus indifférent. 

CIDALISE. 

J'aîmeroîs affez que vons m'en 
fiffiez une querelle ^ il y auroit à 
cela bien de la vanité. . 

CLITANDRE^ 

Je cToyois bien que vous y en 
trouveriez plu$ que de fentiment ; 

mais y 



(87) 

mais, avec votxe permiffion, cela 
ne dît pas que vojis rencontraffiez 
'jufte. 

CIDALISE. 

Ah ! ah ! cela eft aflez nouveau ! Eft-; 
ce que vous voudriez me faire croire 
que vous êtes amoureux de. moi? 

CLITANDRE, 

En s" approchant d^eJIc 
d^un air tendre & fournis. 

Mais, de bonne foi, vous-même 
ne le croyez-vous pas ? 

CIDALISE. 

Non, en honneur! 

CLITANDRE, 

En s* approchant (Telk 
un peu plus. 

En honneur ! vous me confond 
dez. Je ne me flattois pas de vous 
trouver reconnoiflante ; . mais je 
vous avoiie que je vous croyois 
plus inilruite, yfSp^v, • ^, 




'(88>) 

Cn>ALISÈ, ^ ■ 

Fort jifkùfhnéni: 

D'un peu plus loin, je vous prie'. 

CLITANDRE, . 

r • Quel Iki^-froidl & qu'il eft ii>* 
fuHantJ ' 

.CIDALISE^ 

.... Sèchement. 

Je ne fçafe s'il vcms dioqae^ 
mais il me femble qu'il ne devjoit 
Tpas vous furprentWè. A ce que je 
vois, vous avez form^ <îe-giianfas 
projets, & conçu dç-tembles cfpe- 
rances ! 

CLITANDTIÊ, 

,- Je ne croyoîs pas me"'conduîre 
dé façon à miériter de pareils i:ç- 
proches. 

CI D alise: 

\ Mow'Dîeù! fe ^aîs qufe voiJs 
^'ën méritez amcun^ & je croîsauf- 
ii ne vous en pas ftîre'v nxm jé 
^" "^ vou- 



(^89 > 

voudroîs Hen • toujonrsrque vous 
vous en aÛaffiez. 

^ CLITANDRE. 

Je vouy obéîrois" fans balancer; 
puifque j^ai le malheur de vous dé- 
plaire ou je fuîsvfi'je ne trôiivbîs 
p*t de danger pour vous à voué 
quitter acluellemetit; Araminte fû- 
fement m'ira chercher ; j'ignorô 
^ûel tetn's.elle prendra pour me 
faire fa vifite. J*ai à craindre, en 
ouvrant votre porte , de la trouver 
à la mienhe , ot cette aventure fe- 
roit d'autant .plus affreufe , qçe > 
comme vçus fçavez , mon apparte-, 
ment eft «en face du vôtre. 

' CIDALISE. 

Ail! pourquoi vous a-t-on légé 
là? 

CLITANDRE- 

Je n'en fçais rien; mais on ne 
m'auroit pas fans doute donné cet 
appartement , fi vous ne me Tavie* 
pas deftiné. - . . - 

CI- 



{90) 
CIDALISE. 

A quelle heure comptez «vous 
donc mt quitter ? 

CLITANDRE: 

Que fçaîs-je, moi? Demain ma- 
tin. On ne fe levé pas ici de bonr«i 
heure. Je m'en irai avant que Ton 
entre chez vous,^ & perfonne ne 
pourra fe douter que j'ai paffé la 
nuit dans vos bras. 

CIDALISEi^ 

Dans mes bras ! . • . 

CLITANDRE. 

Hélas! je me trompe : c'eft vous 
qui êtes dans les miens , & qui ne 
m'en rendez que plus à plaindre. 

CIDALISE. 

Ah ! ne me rappeliez point ce 

3ui fe paffe entre nous ; j'en fuis 
'une honte ! . . . Mais , car il faut 
tout prévoir, fi nous nous endor- 
mons ? U eft vrai que c'eft Juftine 

qui 



• « « a» 



qui entre toujours la première 

Je fçrois cependant bien fâchée 
qu'elle vous trouvât, ici. II feroît 
împoffible qu'elle imaginât qu'a- 
yant fait une chofe auffi fingulière 
que celle de vous lailTer coucher 
avec moi, je n'euffe rien de plus ^ 
me reprocher. 

CLITANDRE. 

Véritablement elle ne le devroît 
.pas, & par votre jolie conduite 
vous n'aurez pas dormi, ' vous vous 
ferez ennuyée , & Juftîne • par- 
deflus le marché , me croira l'hom-; 
me du monde le plus heureux, & 
ne gardera peut-être pas fes con- 
jectures pour elle toute feule, 

CIDALISE. 

Non, toutes réflexions faites ^ 
je ne puis me prêter à cela. 11 
eft au moins. douteux qu'Aramînt^ 
aille chea^vous. D'ailleurs, la nuit 
s'avance : fi fop intention eft de 
vous aller trouver, il y a apparen- 
ce qu'elle l'a déjà fait, & vous ne 

me 



me perfttftderez pa^ qur'elk 'attende 
4ans le condor que vous ayez la 
bonté de lui faire ouvrir. No»^ 
encore une fois, Monfieur, il faut 
fiue vous vous en alliez; je lé 
veux^ & le veux abfolumenu 

^ - CLlf ANÏ)RE. 

Soit, Madame,, puifque vous en 
voulez bien courii: les lifques. 

• ' CID ALISE. 

\ Ah! les ÂfqTjies ,que vous voulez 
me faire envifager, ne font rien, 
exidaiTent - ils , aâ priser 4e ceux 
j|u^en effet vous me feriez courir, fi 
yous reftiez ici. 

* CLITANDRE. 

Ah ! guc craignéz-vous de moi ? 
Ce tt'eft pas avec les fentîmens, 
Ijue vous m'infpirez, que'Ton 6fe 
ie plus. 

CIDALISE, 

ITun air moqueuf. 

Vos fentiB3e«5 i • . • 
i . CLI- 



€93 ) 
.- ' CL IT ANDRE. 1 

• C'eft-à'dire . que vous ae croyez. 
^ gue je vous aime ? 

CIDALISE, 
' Jh>echumeur^ 

i 

Non affûrément, je ne le crois 
pas : mais •demain je potirraî peut- 
être vous, dire- mieux que ce f(Hr, 
ce que Je penfe de votre cœui^ 
Vous me ferez , je vous le répète , 
le i)lus grand plaiiir du monde de 
fortir de mon lit, & je voudrpîs 
bien .Vêtre pïus forcée de vous le 
redire. > 

CLITANDRE, 

^Vivement. 

Pardonnez fi je vous oblige à 
me le dire encore plus d'une fois; 
Ee bonheur de me trouver avec 
vous. Comme j'y fuis en cet inf- 
tiam,^efl: fi doux pour moi, malgré 
les bornes que vous y avez mi- 
fesV.,. Ah! Madame, quelle idée? 
Eft-il concevable que je fois cou- 
ché avec la plus aimable femme du^ 

mon- 



(94) 

monde , fie celle de toutes dont les 
faveurs me âatteroient le plus ! que 

Îe h tienne dans mes bras ! que je 
•y ferre ! qu'il n'y ait entre elle oc 
moi que les obftacles les plus lé- 
gers , & qu'elle ne me permette 
pas de les franchir ! 

CID ALISE. 

C'eft en effet à moi une gran- 
ité cruauté ! 

CLITANDRE. 

Eh quoi! payerez- vous toujours 
tnes jToms de cette affreufe indiffé- 
rence? 

CIDALISE. 

Je n'ai jamais dû croire que vous 
m'en rendiffiez de bien férieux. Je 
fçais , à la vérité , que quelquefois 
je vous infpire des deurs, mais, 
Clitandre, des deUrs ne font pas 
de l'amour , & quoique vous les 
exprimiez, à peu de chofe près, 
comme la pamon même, j'ai trop 
d'ufage du monde pour m'y mé- 

pren- 



(95) 

prendre. Non, vous dis- je, vous 
ne m'aimez pas, & mille femmes 
feroîent fur vous la même imprefc 
fion que moi. 

CLITANDRE. 

Que vous vous plaifez à le croî^' 
xe! Cruelle !..• 

CIDALISE. 

Clitandre , nous fommes amis 
depuis ttop long-tems pour que 
j'ule avec vous de tous les petits 
détours que nous croyons ordinai- 
rement devoir à la décence de no« 
tre fexe, & que dans le fond 
nous ne mettons^ en œuvre que 

Eour fatisfaire notre coquetterie, 
le votre côté, faites-moi grâce de 
ce jargon frivole , & de cette fauf- 
feté avec lefquels vous faites tous 
les jours tant de dupes. Il feroit 
infâme à vous de me carier amour, 
fans en reflentir, & je crois pou^ 
voir vous dire que notre amitié 
même à part, vous me devez d'au- 
tres procédés. Ou vous ne m'aimez 
pas aujourd'hui, ou (ce que j'ai de 

for- 



fàrtts ftlîfofis pour ne pas croire ) 
vous m'aimez depuis bien long- 
tem$. 

CLITA^NDRE. 

■» 

, Ouï , .Madame , je vous aime 
depuis Finftant. que mon bonheur 
vous a offerte à mes yeux. 

CITDALlSÈ. 

Vous conviendrez donc ^ e» ce 
cas, que vous vous êtes pjûà vouià 
chercher des diftraétions. Car ediSn , 
fans compter toutes les fèmâies èe 
Telpèce d'A'raminte avec kjRjuelles 
vous vous êtes anmfé , vous avez 
eu 5 depuis cjue nous nous connoir- 
fons 5 Afpalie & Célimene. Vous 
les avez toutes deux très tendre- 
ment aimées. La. mort de la pre- 
mière a pu feule rompre les nceuds 
qui vous attachoient à elle ; & fi 
rautre ne vou« avoit pas fait la 
plus noire des, perfidies , vous y 
tiendriez encore. Il eft, permettez- 
moi de vous le dire ^ bien ôngulier 
que m^aimant autant que vous me 
le dites, vous ayez pu vous atta? 
- - cher 



(97) 

cher fi fortement à d'autre« , & que 
vous ne m'ayez même jamais parlé 
de vos fentimens. 

CLITANDRE. 

Eh! comment vouliez-vous que 
je fiffe? Lorfque nous nous connû- 
mes 9 vous aimiez éperdûment Da- 
mis. Il vous quitta ^fétois en Italie. 
Quand j'en revins , Ërafte s'étoit 
attaché à vous. Si vous ne l'avie? 
pas encore , il vous plaifoit déjà. 
Quel tems donc pouvois-je prendre 
pour vous parler de ma tendreQe 3 

CIDALISE. 

Vous faifiez bien de vous taire ,^ 
puifque vous me croyiez prife; mais 
vous auriez peut-être mieux fait 3e 
ne le pas croire fi légèrement. Il 
eft encore naturel que je penfe que 
fi vous m'aviez aimée , vous auriez 
tâché de faire diverfion. C'étoit 4^ 
moins ce qu'un autre auroît fait; 
mais chacun a fes maximes. 



E CLt 



(98 y 

CLITANDRE. ^ -, 

; J'ai là - deffus celles de tout' le 
monde , & vous m'auriez trouvé 
pour le moins auffi erapreffé qu'E- 
rafte, fi vous enfliez répondu avec 
îiioîns de froideur à la Lettre que 
je vous avois écrite de Turin fur 

' i'inconftance de Damis , & que 
vous enfliez paru faire un peu d'at- 

' tention à l'offre que je vous y fai- 
fois de mon cœur« 

CID ALISE. 

* En effet ! il eft très fingulier que 
dans le tems -que je mourois de 
douleur des infâmes procédés d'ua 
homme à qur j'étois attachée de- 
puis mon entrée dans le monde, je 
n'aye pas répondu favorablement à 
ides propofitions aifez tendres, il 
eft vrai ; mais que je devois beau- 
coup plus attribuer à la politefle 
qu'à l'amour, 

CLITANDRE- 

Vous les auriez attribuées à leur 
véritable caufe, fi elles euifent eu 

'^ de- 



* -x 



(99) 

dequoî vous plaite. Nob ^ Mada- 
me, mon amour vous auroit im- 
portunée 9 & fans doute U vous 
importuneroit encore. 

CIDALISE. 

Cela fe pourroit ; ma tranquillî- 
té me plait* Les deux épreuves i 

3ue j'ai faites, n'ont pas dû me 
ifpofer à un nouvel engagement,' 
& d'ailleurs je penfe de façon à 
ne pas vouloir paffer perpétuelle- 
ment des bras d'un homme dans 
ceux d'un autre. Fort jeune enco- 
re 9 j'ai eu le malheur d'avoir deux 
affaires; je m'en méprife. Le Pu- 
blic a été indigné de rinconftance 
de Da:mis , que je ne méritois affû- 
rément pas ; mais il m'a blâmée 
d'avoir pris Erafte , & avec un 
cœur tendre & vrai, n'ayant été 
que foîble, peut-être on me croit 
galante , ou du moins née avec de 

fraudes difpofitions à le devenir, 
e dois 9 & je veux me laifTer ou*; 
blien 



E2 CLI- 



CLITANDRE: 

c Ëh ! Madame , quand vous avez 
pris Erafte , eft-ce d'avoir une nou- 
velle paffion que le Public vous a 
blâmée? & penfez-vous que le 
choix de robjetn'y foit entré pour 
rien ? C'éft une tyrannie de fa. 
part peut-être j mais enfin il veut 
que ce qui nous paroît aimable , 
ijii plaife, jSc ne nous pardonne pas 
d'attacher un certain prix à ce 
qu'il ne juge point à propos d'eftî- 
merj,^ vous ne pouvez pas igno- 
res qu'Erafte ne s'eft p^s acquis 
jfon ellime. J'ôferaî même vous di- 
re que fi vous m'aviez choifi , Ton 
jn'en auroit point parlé de même. 
Èrafte peut l'emporter fur moi par 
lies agrémens ; mais j'ôfe dire que 
l'on fait de ma façon de penfer un 
autre cas que de la fienne; & je 
ji'en veux pour preuve que ce qui 
arrive à Céliniene , plus perdue 
peut-être pour m'avoir quitté , 
qu'Araminte ne Tell pour le don- 
ner à tout le monde. Les difpofi- 
tions 5 où vous êtes , ne dureront 
pas toujours. Vous êi;es née ten- 
dre , 



( lui ) 

dre, & fi les malhe^urs ^*. que, you5 
avez éprouvés 5 vous. ont fait crain- 
dre Tamour, ils n'ont point détruit 
en vous le bçfoin d'akn^r. Je crois 
.vous devoir l'égard de ne vous pas 
importuner de mes fentimens ^ mais 
fi jamais votis voulez vaus renga- 
ger, n'oubliez pas, je Vous en con- 
jure ^ que je vous ai deinandé h 
pféference.- 

CIDALXSf;, 

. Nous venons alors. Tout çq qu'à 
yréfeht je puis, &• crois mêise de- 
voir xon^ dire , ç'eft que voîis ê- 
tes de to^s. les hommes du monde 
celui que j'eftime le plus , & que 
je veux bien même ne pas douter 
que je n^euiTe été auffi betireufe 
avec vous qpe je.rai,éxé peu avec 
les deux' indignes mortels à qui je 
jOjg fui;», donnée. 

CLITANDRE, 

En lui baifànt ttnâf^^ 
meht la main. 

Ab l Madame ^ vot»s conablez mes 

£ 3 vœuxt 



( 102 ) 

vœux! Je puis, donc enfin vous 
parler de mon amour. 

CIDALISE. 

On ne peut pas moins , à ce qu'il 

me femble. Vous venez de vous 

.engager tout-à-l'heure à ne m'en 

.parler jamais, & c'eft une parole 

que je vous avertis que je ne vous 

rends pas. 

CLITANDRE. 

r 

At ! pouvez - vous penfer que îe 
.vous l'aye donnée féneufement y & 
. que je puiffe garder le filence fur u- 
"^ne pamon renfermée fi long-tems, 
. lorfque je puis me flatter qu'en le 
rompant, je ne vous déplairai pas? 

CID ALISE. 

••■-'■ 

Je ne crois pas que ce (bit cela 

que je vous ai dit; mais laiflbns,de 

, grâce , cette difculfion. Vous ne 

mourez plus de froid à préfent, & 

vous m'obligeriez de vous fouvenïr 

; que vous me devez l'hifloire de^Ju- 

^he. ,. 

CLI. 



( 103 ) 
CLITANDRE. 

En vérité ! Madame , il eft af- 
freux pour moi que vous vous fou- 
veniez encore qu'elle eft au monde. 
D'ailleurs, fe n'ai rien à dire de Ju-, 
lie, moL / 

CIDALISE. 

' Ah ! des réferves ! J*en fuis bien- 
aife! vous m'en verrez à votre tour. 

CLITANDRE. 

Encore une fois , Madame , je n'ai 
rien à vous dire de Julie. Si vous 
fçaviez de plus à quel point je ra- 
conte mal dans un lit, vous ne vou- 
driez fûrement pas m'y transformer 
en hiftorien. 

ClDALISE; 

Toutes ces excufes font inutiles; 
Ou nous parlerons de Julie, ou nous 
ne parlerons plus de rien. Combien 
y a-t-il que vous l'avez eue ? 

E 4 C\.t 



( ïo* ) , 

CLITANDRE. 

Vous êtes , permettez - moî de 
vous le dire^finguliérement opiniâ- 
tre ! Mais en fuppofant que f eulTe 
eu Julie , & qu'il y eût dans notre 
affaire quelque chofe de fort plai- 
fant 5 & qui la diftinguât de toutes 
les autres de ce genre, ce feroit ac- 
tuellement rhiftoire la plus dépla- 
ciée qu'il y eût au monde. 

CIDALISE, 

Pour vous , peut-être î 

CLITANDRE. 

Et fi déplacée , que fi Ton écrivoît 
notre avanture de cette nuit , & que 
dans la pofition , où nous lommes 
enfemble , on vît arriver cette hif- 
toire-là, il n'y auroit perfonne qui 
ne la palIUt fans héfiter, quelque 
plaifir que l'on pût s'en promettre. 

CIDALISE. 

Ce feroit félon le goût & les î- 
dées du Leéteur. . 

CLt 



clixandre; 

D n'y en a point, je croîs, qu> 
aimât que pour un long narré rom 
vint lui couper le fil d'une fituation 
qui poutroit rintéreffer. 

CIDALISE. 

Je ne vois pas peilr moirée qu'il 
y a de fi intéreffant daçs .celle où 
nous nous trouvons, favoûe qu'el- 
le peïit être extraordààire, & qu'il 
n'eft pas bien commun qu'un homr 
me vienne fe mettre d'autorité dans 
le lit d'une femme , qui H'eft faite , 
4'aucune façon, pour qij'on psen- 
ne avec elle une pareille liberté.' 
On ne trouveroit pas celavraifeni- 
blable, & l'on feroij: bien. Il de- 
vroitle paroître moins encore qu'el- 
le l'eût fouffert ; mais pour de l'ia- 
térêt , & une fituation , Je ne voî^ 
pas* • • • 

CLITANDRR 

Eît bien ! Madame , quand tout 

ce que vous dites feroit vrai , je 

n'en voudroîs pas plus avoir devant 

•^iuoi - même le rid!bule de vous f ai- 



( io6 ) 

re des hîftoires , lorfqûe je ne dois 
vous parler que de ma tendrefle.,& 
tâcher de vous déterminer à y être 
fenfîbk^ 

GIDALISE. 

C'eft donc fort férieufement que 
vous en avez formé le projet?. 

CLITA^NDRE, 

• Ouï, Madame, & ce n'eft en vér 
f ité pas de cette nuit. 

GIDALISE. 

Je c'royols avoir quelques raifons 
de penfer le contraire, & fi la nuit 
étoit moins avancée , je pourrois 
vous les dire j mais je fens le fom- 
'meîl qui m'accable , &Je voudrois 
t>ien que vous me laiflafliez xxv^ 
'quille, 

CLITANDRE. 

■* 

Voyez 9 je vous prie , combien 
youjs ^tei^ inconféquente I 

CI- 



( 107 ) 
CIDALISE. 

C'eft encore une difcuffion dans 
laquelle je ne me foucie pas d'en-' 
trer. Inconféquenteyinjufte même, 
pis encore fi vous le voulez^ je con- 
viendrai de tout 5 pourvu qu'il vou^ 
plaife de quitter mon lit. 

CLITANDRE. 

Si vous fçavîez combien j'auroîs 
d'envie de n'en rien faire ? 

CID-ALISE. 

A la rigueur , cela le pourroît j 
mais je ne crois pas que datis cet- 
te occafion ce foit ni vos defirs , ni 
vos répugnances que je doive con- 
sulter. 

CLITANDRE. 

« 

06 çà ! parlons férieufement^ 
Que voulez-vous me donner pour 
que je .ne dîfe- pas que pai couché: 
avec vous ? 

CIDALISE* 

Voilà une ttès tnauvaUè bouffoiv 



( io8 > 

neiie, Monfieur. Ne badinons pas^ 
je vous prie, fur cet article. Quand 
jèfonge àmafotte compla^nce !« . , 

CLITANDRE. 

Et moi à mon imbécillité! ::2 
Ah! ce qui m'en cofole, c'eft que, 
comme efEeftîvement elle eft incroy- 
able ^perfonne ne la croira; &dans 
Tdne fottife auffl grande que celle 
que je fais , c'eft toujours beaucoup 
que de pouvoir mettre fon honneut 
à couvert. 

CIDALISE; 

Je vous entends !C'eft-à-dire que 
Vous ne vous tairez pas fiir cette a- 
venture,, & que vous ne manque* 
trez pas de vous vanter de l'avoir 
pouffée auffl loin qu'il eft poffible , 
& de ne m'avoir ménagée en aucu.-: 
ne façon. 

CLITANDRE- 

Je ne croyoîs pasf, par txemfiei 
que ce que je viens dedire^pût^s'in- 
tèrprét^ comxQ vous faîtes» Mais» 



à fitopos de ceUpour4:aftt > sll vous 
pfiifoit de m'accorder quelques fa^ 
veurs ? 

CID ALISE. 

Quelques faveurs ! Ah î je n*eit 
accorde pas, ou je les accorde toUf* 
tes* 

CLITANDRB, 

: Toutes! eb bien, foît^ 

Ici H perd ajjfez indécemment le re/^ 
pe8. Elle je défend avec fureur , fi^ 
Jui échappe. 

CIDALISE, 

^vee unt colère froide'i 

Je vois, Monfieur, que quoique 
vous viviez av^ moi âepiu<s ion^ 
t^msj vous ne m'en connoiffez cas 
davantage. Je n'employerai point 
contre vous des cris , gui lie fe»- 
xoient que rendre ma lottife çubli-i 

Sue : mais comme je ne fois m pru^ 
e, ni galante, que les coups db 
tempérament & les éclats de vet* 
fu ne ioiA pas à mou ufiige^ je ne 

E 7 f e^ 



ferai pas de bruît ; maïs vous ne 
m'aurez paint, & s'il eft vrai que 
vous penliez à moi , vous aurez le 
chagrin de me voir rompre avec 
vous pour jamais. C'eft à vous à 
Voir aéluellement le parti que vous 
svez à prendre. 

XLITANDRK 

Ah! Madame, que je Aiis loin 
encore du bonheur que vous aviez 
femblé me promettre! & que , fi 
vous penfiez fur mon compte com- 
me vous me l'avez dit, vous vous 
ofFenferiez peu de tout ce que mon 
jimour pourroit tenter ! Eh ! ne 
vous ai - je pas donné de mon ref- 
peâ: les preuves les plus fortes 
que vous puffiez jamais en exiger? 
Je vous adore l Quand mapaffion 
pour vous feroit moins vive, vous 
êtes belle, je fuis jeune l La.fituar 
tion , où je me trouve avec vous , 
eft peut - être la plus pénible fitua.- 
tion dans laquelle on puifTe jamais 
fe trouver. Je meurs de defirs, & 
\ou6 n'en doutez pas ! Cependani 
- ^ * n'ai- 



(m) 

'tfai-je pas été auffi fage que vous 
m'avez prefcrit de Têtre ? Mes 
mains fe font-elles égarées? Ai-je a^ 
bufé des vôtres ? Et maître de dif- 
pofer, du moins à bien des égards, 
de La pliîs aimable femme du mon- 
de , ne m'avez-vous pas trouvé auf- 
fi retenu qu'aujourd'hui je le ferois 

. avec cette exécrable Araminte qui 

. m'infpire de fi violens dégoûts ? Je 
veux ne point mériter de récom- 
penfe , & que vous ne croyiez pas 
me devoir des faveurs par cette 
feule raifon que je n'ai pas tenté 
de vous en arracher; mais qu'au 

. moins l'eiTort, que je me fuis fait , 
trop cruel pour n'être pas l'ouvra- 
ge de la paffion la plus vive qui 
fut jamais, vous prouve la vérité 
,de mes fentimens! 

CIDALISE. 

3'admire les hommes,, & je coni 
fidére avec effroi tout ce que le 
moment çeut fur eux ! Vous n^étiez 
pas venu ici dans Fîntention de me 
marquer tant de tendreffe,& quoi- 
qu'il fe puifle que ^ous ^yez toc- 
<: . iours; 



< 112) 

^dtijrs eu pour moi une forte (te 
goât, & <iue wèmt je dcâve croire 
que depuis que vous me voyez li- 
bre , il s'eft accru , j'ai plus d'une 
raifon de penfer que je ne vous 
înfpire pas d'amour. Mais vous ê- 
tes defœuvré , feul avec moi la 
imit ; & par une imprudence que je ' 
ne me pardonnerai jamais^ qui n'eft 
prefque pas croyable , & dont moi- 
même je doute encore , j'ai foufffett 
que vous vous mîffiez dans moin 
lit! Quand je ferois riîoins bien à 
vos yeux, je vous inTpirerois des 
^eiîrs 5 & fur-tout celui de triofft- 
plier de moi dans ee moment mê- 
Hâe^pbur avoir une aventuré fin- 
gulîère à raconter. Convenez que 
» je vous prête quelques motifs , je 
dois du moins beaucoup au mo- 
ment, de cette violente paflion que 
vous voudriez que je vous cruiie« 

GLITANDRÉ. 

Ce it'efl: pas d'aujourd'hmi , Ma- 
dame p que je fçais que l'on eftauflî 
iBgénieux à trouver des raifons con- 
trée qui déjpiait^qu'ikai>ik à s'itf*- 

foi-r 



( 113 ) 

foiblir ceUes qui s'oppofent à \m 
goût qui nous eft cher. Vous nMgno** 
rez pas, quand vous voulez paroi- 
tre penfer de moi fi defavantageu*- 
fement, que je n^ai jamais eu le ri* 
dicule d^être homme à bonnes for- 
tunes , ni d'attaquer, pour la feule 
gloire de les vamcre , des femmes 
pour qui je ne fentois rien. Vous 
m'avez autrefois rendu volontaire- 
ment cette juftice; mais les tems 
font changés , & ce feroit «n vain 
qu'aujourd^'hui je l'attendrois de 
voue. Il faudroit^pour robtenir,.qut 
|e vous aimaâe auiB peu qiie vous 
le defireriez. 

£o cet endroit il bti iatfe ktmain^ 
vec tendreffé 6? re/pe& , & continue 
jufqu^à ce qu'elle lui répond. De 
fon cAti elle Ficoute avec une e»* 
tréme attention ^& un atr fart eni* 
barraffï. 

Ehi Madame, pourquoi me chef- 
cher des crimes ? pourquoi avoir la 
cruauté d'ajouter au mépris dont 
i^ous payez ma tendrefie ? Vous ce 

m'atr 



to'aîmez point! Eft-il poflîble que 
vous ne croyiez pas me rendre aflez 
jnalheureux ! Vous me reprochez 
mon filence ! Quoi ! c'eft parce que 
je n'ai jamais ôfé vous dire que je 
vous aime, que vous doutez|de mes 
fentimens ? Hélas !& dans quel tems 
ai-je pu me flatter que cet aveu ne 
vous déplairoit point ? Ai-je jamais 
pu, fans vous oflfenfer , vous dire que 
je vous adorois ? Ignorois-je vos en- 
gagemens , & devois - je imaginer 
que vous me pardonneriez de vous 
croire légère ou perfide ? Te vous 
vois libre enfin , & aflez neureux 
pour l'être moi-même, je pouvois^ 
il eft vrai , vous parler de ma ten» 
dreflejmais trop vivement épris pour 
:ne pas toujours craindre , mes yeux 
ïeuls ont ôfé vous en inftruire. J'ai 
jcru (ju'avant que de vous la décou- 
.vrir, je devois travailler à y difpofer 
votre cœur. Vous m'avez vu conf- 
tamment attaché fur vos pas , vous 
.préférer à tontine chercher que les 
lieux où je me âattois de vous ren- 
contrer, & ne connoître de plaifir 
que celui de palTe; ma yie auprès de 

vous* 



( i^S ) 

vous. Eh bien! Madame, continuez 
donc de me haïr : vous me verrez, 
toujours conflit & fournis, préfé- 
rer toutes les rigueurs, dont vous 
m'accablerez , aux 'faveurs que je 
pourrois attendre d'une autre. Mou 
amour vous déplait,ie confensàne 
vous en jamais parler , pourvu que 
vous me permettiez de vous le tt» 
xnoigner fans celfe. , 

CIDALISE, 

^vec imotiofù 

Ah ! traître! ferois-je en effet aflez 
•malheùrcufe çopr defirer que vou$ 
me difiez vrai? . . 

Ici Ciitandre la ferre dans fes hras^ 
& elh nefe défend que molkmenu 

CLITANDRE. 

Cîdalife î charmante Cidalife î que 
fi vous le vouliez, vous me rendriez 
heureux ! 

CIDALISE. 

Eh ! croiriezrvous long-.tems lil- 
'- ' treî 



,tre? Vous donner mon cœur, & 
tout ce que je ,fçais qu'enfin je 
vous donnerois avec lui, ne ferojt- 
ce pas me remettre volontairement 
dans rhorriblei fituation dont je ne 
fais que de fortîr? Glacée encore 
par le fouvenir de mes peines, îé 
vous avoue que je ne regarde la- 
fliour qu'avec horreur, & que je 
voudrois vous haïr de ce que vou^ 
cherchez à me plaire, & de ce que 
peut-être ce n'eft pas inutilement 
^ue vou$ le cherchez. 

CLITANORE,. • 
En fe rapprochant tPeJf^ 

Daignez, de çrace, ne vous pas 
faire de li trilles idées. Que ce que 
f ai été jufques ici vous raffûre fur 
l'avenir. Tournez les yeux vers 
mpi, & que ,8*11 fe peut, ils ne s'y 
arrêtent plus avec peine \(Elh fou» 
pre.) Ces craintes cruelles ne fe 
diffiperont-elles point , & paroî- 
trez-vous toujours défefperée de 
vous voir dans mes bra3 ? 

Bih fitipir^ :ctt€Qr< , U regarde un- 

àrc: 



drmtnt^ s* approche de lut^ fi? nt^ 
le trouve pas a beaucoup près au^ 
refpeStueux qu'il lui promemit de 
Pitre. 

CiDALISE, 

En fe défendant» 

Ah î . .'. Clitatidre f. . . que faites - 
vous ? . . . Si vous m'aimez !.. ; 
Clitatidre ! • . . laiflez^moi! . . . je 
' vous Tordonne. 

// obéit enfin ; elle pkure , & //• 
loigne de lui avec indignation. 

CLITANDRE,, 

U^un ton piqué. 

Je m'appeiçois trop tard. Ma- 
dame ^qu emporté par mon ardeur, 
me flattant à tort que vous ne la 
defapprouviez pas^ je me fuis ex- 
pofé à vous déplaire. La douleur, 
que vous caufe mon audace , ip'ap- 
prend que je fuis le dernier de? 
hommes à qui vous voudriez ac- 
corder les faveurs que je viens de 
vous ravir , & je ne comprends pas 

en 



C ii8 > 

çq effet comment j'ai pu m'aveu- 
gler fur cela fi long-tems. 

^ Elle nt lui répond rien; ilfe tait 
t^uffi^ en foupirant: enfin voyant 
qifil ne lui parle plus , 

CID ALISE, 

Sans le regarder^ & 
fun ton fort fec. 

Je crois, Monfieur, qu'il feroit 
teras que vous me laiffaffiez tran* 
quille. 

CLITANDRE. 

Ouï , Madame , je le penfe com- 
me vous. Je ferai même plus que 
vous ne femblez exiger, oc je vais 
vous quitter pour jamais. 

jcidalise. 

Allez , Monfieur. Puiffiez - vous 
oublier mon imprudence , & ne 
m'en faire un crime ni ' devant 
vous 9 ni devant perfonne ! 

CLI- 



CLITANDRE. 

' Èh ! Madame , je puis n'être pas 
^gne de votre tendreffe; maia^je 
le ferai toujours de votre eftime^ 
& vos procédés, tout durs qu'ils 
font, nméreront jamais dans mon 
cœui; le profond relpeél que j'ai 
pour vous. 

CJDALISE, 

Ironiquementi 

^ J'aime à vous l'entendre vanter i 
après \^ façon dont vous m'avez 
traitée! 

CLITANDRE. ,. 

Je ne chercherai point à excufef 
une chofe qui vous a déplu, quoi- 

3u'ii ne me fût peut-être pas bien 
ifBcile de la juuifier; mais vous 
• me voulez coupable, & je croirois 
l'être en effet, fi j'entreprenois de 
vous faire remarquer votre înjufti- 
ce. C'eft au tems que je laiffe 1 
vous la faire fentir, & plaife au 
Ciel qu'il ne m'en venge pas ! A» 
dieu , Madame j je vais . . • . 
^ (7/ jtaroù chercher quelque cho/e.y 



CIDALISE, 
Toujours fans k rtgdrder. 

Que cherchez-vous donc, Mon- 
fieur? 

CLITANDRE. 

Madame ,c'eft ma robe-de-cham- 
bre. Dans la fituation,où nousCom- 
mes enfemble, je necroxs mji^^ 
fût bien décent que je parutte del- 
tabillé à vos yeux. 

CIDALISE, ^ 

Toujours frotaemtm. 

Vous vous avifez tard f «Yf^ïf 
les bienféances avec moi. Atten- 
dez, Monfieur, vous l'ay« jrttée 
de mon côté, &. je vais vous la 

donner. 

CLITANDRE, 

& raiprocbant a^eut 

4vec tranfport. 

Cruelle! eft-il bien vrai^que vous 
me perdiez avec fi peu de regret ^ 
& que ce foit l'homme du mond^JJ 



votas aime le plus tendremeiit. que 
yous accabliez de votxe haine? 

CIJDALISE. 

Hélas! Monfieur^vous ne îçavez 
que trop que je ne vous bais pas. 

CLItANDRE. 

Eh bien ! s'il eft pj:)ffible que je 
me fois trompé, que ces yeux chaiw 
ttians , où je viens de lire une fi vi- 
ve indignation, daignent me parler 
un plus doux langage ! (Elle luifoû* 
rit tendrement.) Ouï , Cidalife , j'y 
retrouve quelques traces de cette 
bonté dont vou5 aviez bien voulu 
ine flatter ; mais qu'ils font loin en- 
core de ce fentiment que les miens 
vous expriment, & que je ne puîff 
parvenir .à faire paiïer dans votre 
cœur 1 

CIDALISE, 

^^pris quelques infians defikneéi 

Vous voulez donc abfolument que 
j'aime ? Eh bien l cruel î joiiilTez de 
votre victoire, je vous adore. 



Ahl Madame 1 . '. . ma joie me 
fuffoque , jg S4 Bi^.P«iier. 

"m?m W^r^c -^ 



Les vpjli^ do^ç encore reyenus 
dans mcmccË3r- ces cruels fcn^- 
mehj! qûî onf^jiifques'ici tqut 
U imlfteur de ina vie ! Ahl pour- 
quoi ■ me. les 
rendn 0" plP- 
tStie 1 foïce 
&la 'entr^I- 
lioHi «au- 
rois-r 'euffiez 
jasc _ 

CLITANORE-, 

^« ardeur. 

C'en eft trop! je hé puis plus te- 
nititantde coapues! Vene2,'que 
j^éxpirtjs'il Te'peutjdans vos bras! 

CIDALISf. ■ 
Un niomeut de »»ce, Clitan- 
die. 



( Û3 ) 

étt. Vous ine connoiflfez , & puîP ' 
qu'enfin je confens à voud livrer 
mon cœur, vous ne devez pas dou* 
ter que vùus ne foylez un jour maî- 
tie de ma perfonue ; mais lailfez- 
moi m'accoutumer h ma foiblefle , 
& donnez-moi la confoktion de ne 
pas fuccomber comm^ la Malheu-^^ 
reufe^de qui vous v^ez de me ra^; 
cooter. les horreurs* 

CLIT ANDRE. ' 

Quoi ! vdus pouvez craindre que 
ie vous confonde avec elle ? 

CIDALISE. 

Si f étoîs affez heureufepour que 
vous fuffiez mon premier enga- 
gement , & que vous connuffiez 
mieux ma façon de penfer^vous ne 
me verriez ni les mêmes fcrupules, 
ni les mêmes craintes $ mais je ne 
vous apporte pas un cœur neuf , & 
de quelque pnx ^ue le mien puifle 
vous paroître aujourd'hui , je trem- 
ble que vous ne Teftimiez pas tou- 
jours autant que vous paroiflez le, 
faire • & que le peu , qu'il vous a 

F a cou- 



corné ) ne vous le rende un jour 
bien méprîfable. 

CLITANDRE^ 

Pourriez - vous me foupçonner 
àe penfer mal de vous, & doutez- 
vous de mon eftime ? IJ^ais ouï , Cât 
.vous m'avez dit que je vous pre* 
nois pour une Araminte» Il étoit af- 
furément flatteur pour nloi^ce prot 
pos-là,' ) 

cidalise; 

Je n'ai peut - être rencontré que 
trop bien , & la façon dont je me 
rends. • • • 

^ ' CLITANDRE, 

Eh ! comment vouliez -vous ne 
vous pas rendre ? Vous m'aimez. 
Quoique vous ne me l'ayez dit que 
dr aujourd'hui , ce n'eft cependant 
pas de ce moment-ci que je le fcais. 
Vôtre confiance en moi ; les (acri- 
flces que vous m'avez raits , fans 
c[ue je vous les eufle demandés, ni 
que vous-même peut-être crufliez 
^ m'en 



( uO 

m'en faire ; la farte d'aigreur que ; 
toute douce que vous êtes , vous 
preniez contre les femmes que je 
voyais un peu trop fouvent, ou que 
je loiiois devant vous j la crainte 
çiue vous aviez que je ne vinffe pas 
ici ; Tempreffement avec lequel vous 
m'y avez toujours cherché j la gaieté 
que je vous y ai vue ; Thumeur qui 
vous a faifie à Tarrivée de toutes 
ces femmes ;lès regards inquiets & 
troublés qu'en les voyant , vous a- 
/Vez jettes fur moi ,• tout enfin ne 
mVt-il pasinftruît de votre tendret 
fe? Pouvez-vous croire qu'avec de 
pareilles difpofitions ^ accoutumée 
à moi par l'ancienneté de notre li- 
aifon , moins en garde par confé- 
quent- contre les libertés que je pre- 
nois, fûre d'être aimée, preffée ë- 
gaiement par votre amour & par le 
mien, vous enfliez pu réfifteràmon 
tnrdeur ? & devez- vous comparer ce 
«uî fe paffe entre nous , à ce qui 
is^eft paffé entre Araminte & moi? 

U n*eft peut -'être pas hors de propos 
fP avertir ici h iLeSfeur que fen- 
dant que CUtandre parle , if ao 

F 3 ca 



eaUc Ciâaîtfe tk car effet fort fm- 
dres^ M* elle ne lui rend toiat 
twt^à^ait ; nmis auxquelles âk ne 
s'oppofe pas non flus à un certain 
point. 

CIDALISE, 

Répondant plus à ee 
qu'ail dit qu'à ce qu" il fait. 

A vous parler franchement ^ on 
ne peut pas en avoir moins d'en- 
vie, & la feule chofe,que je puffle 
ftéhiellement avoir quelque pbdûr 
à croire, c'efl: que je ne pouvoîs 
faire que ce que j'ai fait. II faut 
pourtant que je me trompe, car 
vous ne fçauriez concevoir comr 
bien f ai de peine à me k.perfuai- 
der. 

CLITANDRE. 

Vous ne m'en êtes <jue plna che^ 
xe; mais à quelque point Qut faç* 
prouve votre délîçateSe, le feroif 
fâché que vous ne remployaffieaB 
^*à vous tourmenter. 

CI- 



Hélas ! puis-je être auflï trailquil- 
^ïé ^e .vûiisyolidnez que ]e ït fttC' 
fe , quand je fonge qu^an ycm. peut- 
être vous trouverez plus de rai* 
fons pour blâtu^r- ma cofÀluite , que 
vous lie Yçnez de> jn^-ovk dire, pour 
que je puiffe me' F éxcuferf . 

JI ne lui répond qu'en entreprenant i 
elle je tmt aufi^ mais elle rififte. 

. CLIT ANDRE. . 1 

' En vérité { CJd&Më ^ c6 qtrè vo^s 

faites efl de la deijnière d,é^ai(of . 

^Vous ne to'aimëz^'dbftcp8intf (£/ife 

[k ferre fenârpment ddns feï S}'às.) 

Maî$ GOthittcfnt voulez- viou?'.qtïfe je 

Vous ' fefôye .lorlbué\ te vous vois 

écouter pîtïs Vôs^ ttàû'às^ qtfWo- 

tre tendrepîg^ 4éWeîtJî par votre 

^coBdwite ^tïMit.^ « que votre bou- 

cne veut bien me jurer?- A^çqrdaj 

du moins quelque ctiofe à mes dé- 

Vous ne fçaurez fûrement pas 



ira) 

les contenir, & }e n'aurai peut-ê^ 
tre pas la force de les arrêter. 

Ici il lui dtmande qudquç eho/è^ 
mais prefquc ricn^ 

CIDALISE. 

Grand. Dieu! .. . me tîendrer- 
vous parole, &' ref^^efterez- vous 
snes craintes ? 

CLITANDRE. 

' » « • 

Ouï, puifqn^enfin je ne puis \t% 
bannir de votre efpiût;; 

Ici elle confent à ce qu'il M a de-' 
mandé; & comme elle Fa priva y 
& efperS peut-être p, il lui manque 
de parole. Le LeSleur croira fad-. 
Iment qu^elU s^cn "fikb^ 

CIDALISE, 

^ffeç affez de majefti 
fdur Tinflant. 

Ah! Monfieur^i vous fçavez nos 
conventions? 



CLI- 



/ 



CLITANDRE; 

Hors celle de nous aimer tou^ 
jours 9 je ne crois pas que nous en 
ayons fait aucune enfemble \ mais 
quittez ^ de grâce , cet air &^ ce ton 
qui ne tout pas faits pour nous. La 
cérémonie , que vous conferve^ en- 
core avec moi, me fait prefque 
dautér que vous m'avez dit que 
vous m'aimez, & je ne fçaurois 
vous exprimer à quel point i'eni 
fiiis bleue. 

CIDALISE, 

Avtc tranfporU 

• At 1 vous ne devriez pas pouvoir 
-un moment douter de ma tendref- 
fe î & je ferois trop heureufe , fî 
je vous en voyois toujours aufli fa- 
tisfait , que vous aurez toujours 
Ûeu d^en être perfuadé. , 

CLITANDRE. 

Vous me baifez pourtant (an» 
plaifir, & pendant que* mon cœur 
vole fur vos lèvres & s'y pénètre 
de la plus douce des voluptés, je 

F j vous» 



vDus vois vow reftifer au même 
bonheur , ou être incapable de le 
fentir. 

CIDALISE. 

Poturquoi vous plaife; - vous^ à 
faire de mes mouvemens une pein- 
ture fi infidèle? . . ; Convenez donc 
que vous êtes Irien injufte ! 

Z« tranji&rîs de Cidalife autorifant 
en queîqm façon les timerites de 
Clitandre ^ il lui demande des coirn^, 
plaifances. Comme ^ fans être les 
plm fortes que Ton pmjfe exiger 
ftme femmty elles ne laijfent pas 
que d'être Jmguliètees , eïïe les lui 
tefiife. H les demande encore ; nou^ 
veaux refus: il en efl fiqui^^u* 
jfe d^autorité avec une. iiifoUnàe 
que Fon peut dire fans exemple^ ou 

^ qm du moins n^ejipas bien commua 
ney& doit apprendre aux femmes 
à ne pas Usiner mettre auelqu^un 
dans feur lit fi légèrement. 

CIDALISE^ 

B^e^erii. 

K^ft i«r. «îe ae y^a pa»« »^ . vom 



m*offcnfc2;mQT:te]^eîçtOf Eh Bfenî 
Monfieuf '5 vouSjvVoilà ! . . . voilà 
^pouitahtr'ctflàme^îe puis çojaij;}|çr 
fur vous l 

i ' titftnent.& que Iç^Af^afftiiM^!^^^ 
dalijh V qtf'i^ ^if cHtfe m rUU 

tinue'li^ employer la violence.. Elh 

4éiriûm:i'cWq^efefdr.^^léS » 
, qumé^fom/ù'fe0Hirc€sTC^f^ 
1 fol ^eUe nt lût Mfe qtri}. efi m 

i»meftMem"f mais- qaoHd une fiés 

M aprU fttf fii fen iff^è uk- ^ iT 
I fi aurott ajfèx peu de nih^é y ^& 
; .'mbïm^^m(^P%aefireUpeùt4trt'b 
i. wd[er^ (^âffenfkf. It comîiéef^^ofk 
1 î rfSètf/^r de la fup^ioritgdéfeifof- 
\ ' ifis y àotit' indigne^ qu& cela iff^ EH^ 
. - fii^e^if la regarda en foâtian$jy& 

ffun air atqji content qmf^'têt 
^ fait les plus hellûs fhe/k du monde , 

& veur même' lut hàtfer la main. 
. yC^,:n^aura pas d^ fôèna èlctW^ 
\ i^apih ^^ ?^'^ aàhi tepfoééfy 
^ \^càic marque été reconn^ame^tém» 

iérej^ikufc qi^àk^e^.^^,0§t3^ 

ffomtmnt mue. _ ^ 






' >; ./ 



Laiflèz-moi , îe- vous prie. Mon-' 
«eurr je fois indignée contre VQUsri 
5K)s procédés font odieux. 1 

<• >ïaivyoyez donc queijiô effi vo- 
tre injfaftiçe ! Avez-you« pu ponfer, 
je laiffe même l'amour à part, que 
comblé des careOes d'une femme 
telle que vous, k modération, que 
•150^s..mep^çfcriviez^ fût pn ipoiï 
pouvoir? B'aill^ursade quoi vous 
;pIaignez-vous ? Ne leroittcç pas à 
jaoi à m'offenfer de vous voir me 
jefufer les^ complaifances les plus 
ordinaires? Vous êtes, trop finguh 
^ireauffi! ^ ^ 

CIDALISE. • 

Cela n'eft pas. douteux»' Je' voî» 
bien que j'aurai toujours t6rt. Ce 
n eft pas là pouruat cç que vou* 
maviez promis^ 

CLh 



( m > 

CLITANDRE.' 

Ceffe^: donc ;îe VOUS eiï cotijurei 
de. croire qu'à cet égard j'aye^té 
'd'arféz mauvaffe foi j>our voijs 
promettre quelque chx>(e. Songez 
que dans tés termea^ où nous en 
-fomraes . enfemble y îl n'eft p^ùs 
poffible 'què-jé VÔU5 Taffe de» ità^ 
pertinences, &49r(<|ue c'efl vous 
qui offenfèz l'suâôuT^ n'allez pas. 
•croire' que je blefle votre dignités 

CIDALÎSE. 

• Jfe« plus, aoucement^ 

Mais I mon Dieu ! penfcz - vous 
'^e je m'àVéiï^e^U point de' croî^ 
^pé-q^e je' ne ferai pas un jour; pour 
vous 9 plus que vous ne 'Venez 
d'exiger de .moi 1 Vous avez rai- 
fon ! Si înà réfiflfaticé n'étoit fondée^ 
6a rieii^ elbferoit du dexnièr ridi- 
cule; mais enfin que les motl& ea 
foient pitoygWea pu fçprés, vous 
m'avez, quov qife-' wus-^^n dîfiez, 
promis de les r^^fpecler, r& je me 
croî? du. moins' en droit de me 
[ J^ ' F'r ' plaiïx- 



riaindre de ce que vous me mai»- 
quez de parole. . _ ' - > 

CLITANDR'E. ' , 

"Vcm êtes donc "bien fàçhéiC)? 
Ahî revenez dans mes brasj .^p 
meurs d^envie de vous pardonner 
vos m]ufl:ices!Venez1.n^yottsd4^ 
ïobBZ pas à ma déiaeneç)! •. ( q 

ClVjétJS^ '•.■■;' 

Eu vérité ! vour iW finguUére- 
ment ridicule! Ah! CUtandreîje 
Vous fens bien ! . ,_ 

\dppartimeH* tlU ski-iff^ass r^ 
font four bu fOfkf «•««»« «^ 
'. fait. •■ ) c ■'■ , 

' ■■' . clitanï)R:e:;/. .; 

N^Iez-toas pas vous f àcbei «A* 

Dan^ le fond îaùrbis deqjaori; 
Mais îc voisbiexïj'au' train quevoui 

► / * ^ pie» 



îsez, qu^ii faudroit qite y^ né 
ifle que cela, 6c ne fdt-ce que 
pour vous attraper , j'ai quelque 
envie d'être un peu moins cioeUe^ 

CLITANDRK 

Pc«r m'attraper l Où avez - von» 
xdonc pris cela, s'il vous plaît?. 

CIDALISE. 

Eft-il donc vrai que je fbi^ fi 
injnfte? 

JLe LeSeur aura icî la hontS^ pfen^ 
dre ^ c^tfl à lui au" on fait cette 
. quefiion^ Si far , bazar d , &- et 
: qu^on^ a peine à croire^ quelque 
. femme lit cet endroit ^ elle en doit 
apprendre à ne jamais infulter 
perfonne qu'*à bonnes enfeignes j 
c'efi-à-dire^ , qu'il faut qu'elle' fc 
gmrde bien de parler^ dans^ de cer- 
taine occaSonsj. ^apris, de fim*- 
-' flee prcèakilit& ausMueUes ilfe^ 
■ irdit pûffiik qu'elh fû attrt^pée^ 
'- & fiuh n» fpautoft^ pour mon-- 
Uéf du dmim efen/àns' ^ (fre- 



$fvp fUrè phyfiquementqttt iela ne 
peut pa$ tirer a confiqutnce. 

Cl'ttandre prouve àonc à Cidalife^ 
aui ffahorà lui demande pardon , 
& qui enfuite fe fâche tris vive-» 
rnnt^ qu'elle aurait beaucoup 
mieux fait de ne lui avoir pas 
montré de doutes. Vefl en vafn 
qu'elle hti dit qu'une plaifanterte 
Jijmple ne devrait pat avoir det 

" fuHesfi firieujis. Soit atf'tlenfott 
réellement piqué, ou qu tllapreip- 
ne pour prétexte , il eft certain 

' qu'il s'en, venge. Toutes réflextom 
faites pourtant , */ faHoit hten 

'■ ' que de façon ou d^autre cda /!- 
' nit. & qu'elfe eût à feplamdre 

; de lui autant que yraifembmlt- 

; ment elle s'en flattoif. 

JE* cet endroit Clitandre doit, * 

' Cidalife les plus tendres, remerct- 

mens, & les M fait. Comme on 

■ m peutjbppojir qu'sly- att par^ 

- mi nos tueurs quOqifun qutne 

■ht, oit n'ait été dam k car ^en 

faife\ou «f«» recevoir ^ ou df dire 

& d'entendre ces cbcfes fiatttujer 



< 137 ) 

9 pajfionnits que fuggere P amour 
reconnoiffant ^ ou que diSle queU 

Jiuefois fa n£ce]Jit£ (Titre poli^ Pon 
mprimera ce que les deux Amans 
Je dlfent ici^ & Pon âfe croire que 
k LeBeur a d^autant moins à 
s* en plaindre^ que Pon ne le prive 
que de quelques propos interrom' 
pus^ qîiil aura plus de plaifir à 
- Cêmpojer lui-mime d^aprhs fes fhn" 
timensy quUl t^en trouver oit a tes 
lire. 

iZ- eft bien vrai qu'il peuP f lin tf- 
. voir quelquesims^ qui , m j cachant 
pas encore ni comment on remer* 
cie^ ni comment on efi remercii^ 
ne feroient pas fâchis de pouvoir 
ici 5* en inftruire ; mais on ne veut 
pas rendre dans Pun la nature 
àrHficieufe\ & avoir la harbarie 
éPôter à P autre le plaijtr de la 
fikirprife» . 

CLITANDRE, 

Se remettant auprli 
deCidali/eyqui n^ôfe pas le regarder^ 
M ne le regarde qu^avec cmjufion. 



k. «-^ 



♦ > • , 

Eh quoi ! cbarn^te -CidatHfe ; 
voudrez-vous toujours vous repro- 
cher d^avoir fait mon bonheur^ ou 
Slûtôt me punir d'avoir ôfé me reli- 
re heureux? Je fois coupable fans 
doute ; maiis fi vous vouliez vous 
rendre Jufticê^vous trouveriez non 
feulement bien des raifons pour me 
pardonner mon crime ^ mais même 
dequoi vous étQÈner de ce que |e 
se Tai pas commis plutôt. 

Me ft tait , foupire^ & s'oUjiiiie à 
.• ^^ 'f P^^ regarder.' Il epntimêc.w 

îievèà: donc fitf moi vers beatik yeux, 
Qu'As me difent, fi votre Jforucnè ne 
veut pas le prononcer, que voui ne 
me haïffez pas! Je tie puis vivre un 
inftant avec la crainte de vous a- 
voirdé0u.. Voulez-^ vous. àoiic^me 
faire moùrif de doiflaïrt ..' 

// lui baife tendrement leipmkik. 

Toujours fâcha. 






*.a 



Akt traître! 






CLI- 



( X39) 

CLITANDRK 

Eh bien ! accablez-moi de tous les 
; reproches imaginables: il n'y eti a 
pomt flms doute que je ne méri« 
te} mais encore une fois regardez^ 
^moi ! Dites -moi donc, de grâce, 
quelle eft llnquiétude qui vous a- 
gîte? . 

CIDALISBL 

. Hélas tpuift-}e n'être pas tounnieii* 
tée de la crainte de vous perdre ? 

CLITANDïlE.,, 



- 1 



Ah 1 ne vous livrez pas à de if 
în juftes terreurs ! Je vous adore ! 
Rien ne m'a jamais été aufli cher 
que vous j rien ne me le fera jamai^ 
autant* 

CIDALISE, 

£n le regardant ^ 
Vic UM extrême tendrejli. 

Eft -il bien vrai que VOW m*aih 
miez encore? 



( 140 ) 

Çlitanâft ne éberche à bannir ks 
craintes de Cidatife qu*en Vacca^ 
lïant des plus ardentes carejfes. 
Mais comme tout le monde peut n*ar, 
voir pas fa façon de lever les dou^ 
tes ^ ceux de nos LeSieurs ^à quà ef- 
te pourroit ne point parottre com- 

'" mode ^en prendront une autre ^com^ 
me de faire» dire à Clitandre tes 
plus belles chofes du monde ^ & ce 
qu^ils croiront de plus fait pour 
rajfârtr une femme en pareil cm. 

CLITANDRE* 

^ Eh bîen ! ingrate ! êtes^vous nÊ 
Cirée % 

CIDALISE^ 

Ah ! Clitandre , quel dommage 
que je fçache fi bien que le defir 
n^eft pas de Tamour! 

CLITANDRE. 

C'eft-à-dire que vous doutez tx^ 
(pore du mien^ 



. cidalise; 

Enfiupirahif 

Xlt doute feroit moins déplacé que 
vous ne femblez le croire^ mais 
vous répondez aux miens de façon 
à me forcer de les renfermer: pour- 
tant vous ne les détrulfez pas. 

CLITANDRE. 

En croiriez-vous plus à mes fets 
mens? . 

CIDALISE. 

Cette façon de me parler de vo« 
te tendrefle n'amuferoit pas tant 
vos fens, & flatteroit moins votre 
vanité ^ mais f avoiie (|ue toute 
trompeufe qu'elle pourroit être en- 
core , elle calmeroit plus mon cœur 
que les tranfports que vous mettez 
à fa place. 

CLITANDRE, 

TcndremenK 

Ahî comment pouvez-vous un 
kiftant penfer que je ne goûte pas 

un 



tn plaifir exttême à vèus parler 
d\in fiefUimeot qui pénètre mon a- 
me, Çc qu'à la .vivacité^ dont vous 
mè le rendez, je crois éprouver 
pour la première fois de ma vie? 

CID ALISE. 

Non, Je vous ai coûté trop peu^ 
pour que fe fois auûi beureufe que 
vous me le dites. 

CLITANDRE. 

En vérité I vous êtes bien peti 
jraifonnaWe ! . 

CIDALISE. 

En lui baifantta, main 
avec tranfport. 

Vous ne fçav^z combien je vous 
oime ! combien je m'abborre d'avoir 
été à d'autres qu'à vous I combien 
même je vous hais de m'avoir ai- 
mée fi tard! & quand je fonge en 
effet que fi vous aviez voulu, je 
n'aurois ];)as eu le malheur d'avoir 
Erafte,puis-je ne pas vous détefter 
de me I avoir lailTe prendre? 

C JLl- 



•^ <;lïtandre. 

f 9 

Erafte ! oiç commeiiçok-il pas i 
vous plaire quand je zevmsl 

CïDALISE, 

Non, il le eberchpit eniçore, & 
fi vous m'aviez, à votre retour, cop- 
&mé ce qu£ vous m'aviez écrit , il 
Tiânoît cnerché vainem.êQt.' 



cl';ta;npïlï:. 



. ♦» 



•Ah! fi JeTavoîs cru î Maïs com- 
ment pouvois-je vous fiipppfer pour 
mon amouf dans de fi favorables 
di^fitioiis lorfque je vous voyois 
plus froide & jâus r4fervée avec 
moi qu'avec qui que ce fût, & qu'à 
peine même vous me marquiez de 
l'amitié? 

CH)AL1SE. 

Le defir de fuir tout engagement , 
& la crainte que vous me nuififfiez 
plus que perfonne à mes réfolu- 
tîons, furent les premières caufe« 
de la froideur que je vous marquai 
à votre retour j & la douleur de 

vous 



^oâs voir reprendre Célimeoe^lorC 

aue, malgré moi -même 9 je me 
Mois qite vous n'aimeriez que 
moi , m'infpira pour vous une haine 
fi violente 9 que je ne içais encore 
comment elle a pu s'effacer. 

CLITANDRE. 

Je vous avoue que vos fentimens 
lie m'ont pas tout-à-fait échappé^ 
& qu'un jour même, fur un mot 
que vous dites à POpera, & qui 
depuis m'a donné bien à rêver . . • • 

CIDAPISE, 

En h haifant avec fureur. 

Tu l'entendis, ingrat! & tu n'y 
répondis pas! 

CLITANDRE. 

Que voulez-vous ? Erafte , de qui 
vous connoiiTez les rufes, s'apper- 
cevant fans doute de rimpreuion 
que vous faîfiez fur moi, & craig- 
nant qu'enfin je ne vous en par- 
laSb , vmt le lendemain , avec le plus 
grand myftère du monde, m^ap- 

pren- 



(HJ ) 

prendre^ plus d'un mois avant que 
vous le priffiez , qu'il avoit tout 
réglé avec vous, oc ce fut cette 
faufle confidence qui m'empêcha 
de vous entendre & de vous ré- 
pondre , & qui me fit me rengager 
avec Célimene. i 

4 

CIDALISE. 

Ne parlons plus de lui , je vous 
Bn conjure. Vous ne fçauriez con- 
cevoir à quel point ce fouvenîp 
m'afflige , ni combien je me mé-^ 

{)rife (T avoir eu la foiblefle de me 
ivrer au plus perfide de tous les 
hommes, oc à celui de tous peut- 
être que j'étois le moins faite 
pour aimer. 

CLITANDRE. 

« 

C'eft comme moi , qui ne fcan- 
rois comprendre comment j'ai pris 
une Araminte , & dix vilaines bê- 
tes de la même efpèce. 

CIDALISE; 

Belife^ par exemple» 

G CLIf 



(10) 

CLITANDRE, 

Pu moins ^Ùç eft joliic. 

Cl D ALISE. 

- Jpen conviens ; maïs elle cift i 
tout le monde. 

CLITANDRE. 

0)d3^ tm peu, cela icft vriiî.C'eft 
«ti^eïle a , raaincureufctnçnt pour 
içlle jTine farté de npnchalaîicc dans 
le carââè're , qui réxpofe à Titicoti-; 
VAiîent de ne Içavoir pas réfilier ^ 
itxr tUt ff-rôît, ùiné cela, abfola- 
ikent pu à peu p^è$ comme une 
%atre. ' 

CJDALÏSK, , 

Comment vous engageàtes-yous 
ivec ^tteî 

CLITANDRE. 

• • • 
^ ' I ' • • • 

• * • • 

M'engager ! moiî Je la pris , à la 
vérité ; mais ce lut fiins avoir un 
moment riqtention de . la garder. 
CT^toit tout à la fois la femme de 

- ^ Fran- 



( HJ > 

Tvmfx qui \p m4prildM le plut , & 

qui ma ffQ^oit ]§ mmsi, ' ■' 

Vous la gittes peuFtftflt. 
ÇhlTANéJLE. 

• * 

Mais, ouï, il le falloit bien» pat«* 
lois lui faite iufe vi(îté que je lui 
deyois , depuis afle^; long-tems. Je 
né (ç^is eoifimeiit elle étoit diijpo- 
féoii mais elle me fit des agaceries , 
& ae fi vives , que tout le mépris^ 
qu'^n ce inppiept tn^qie eUe m'inl- 
piroit , île m'çmpêcTia pas d'y ré- 

λopAfe< Sçavê^-VQUS bien que dans 
f fi^ cdba 1^ homble? 

Ci-DALtSE. 

« 

Vous crcqçz rire 5 pjaîs je vous 
affûre qu'il n'y a rien oe plus in- 
fâiSe Aôfi dÎ9 & livrer ^conim^ vous 

faites pr^qpiê ^^^x ^ ^^^^^ les 
occafions qui fé prétentent* 

CttTANDRE* 

. ' y cm ne fçauriez imaginer aufiî 

G z corn* 



tfbmbièn nous nous faifons de re* 

{>roches de ces honteufes fragilités , 
orfque nous nous trouvons , com- 
me f avoiie que j'étois alors , avec 
la plus violente paffion du monde 
dans le cœur. & pour une feiûme 
charmante aflurément , puifque c'é- 
tpif pour Afpafie. 

* CIDALISE. 

[ Je fuis bien fûre , malgré cela ; 
que Belife ne vous en crut que 
^our elle. 

CLITANDRE. 

i Elle eft vaine , je fuis ardent ; fl 
étoit naturel que dans ce moment- 
là nous nous trompai&ons tous 
deux* 

r ' CIDALISE. 

; Cependant vous adoriez Afpafie? 

' CLITANDRE. 

Si je Paimois ! A la fureur ! 



- j 



( H9:) 

'. CIDÀLISE. 

'. Mais comment accordiez -vou5 
votre tendrelTe pour elle avec lés 
çomplaifances que vous aviez pour 
Belife ? 

CLITANDRE. 

. Oh! je n'avoîs vis-à-vis de moi- 
même ni la mauvaife foi* de pré- 
fendre les accorder, ni le malheur 
de m'y méprendre. Comblé des fa- 
veurs de Belife , & dans rinftane 
même où elles prenoîent le plus vi- 
vement fur moi, >a)us ne içaurie^ 
imaginer combien çUe étoit loin 
de mon cœur^ & à quel point f y 
fentois Tempire d'Âfpalie, \ 

CIDALISE. 

Je le crois. Vous revîtes pour* 
tant Belife? 

CLITANDRE. 

• * • 

Ouï. Elle n'avoit jamais; à ce 

S qu'elle difoit , foupé en petite mai- 
on, & elle me demanda en grâce 
de lui donner une fête dans la mien • 

G 3 ne* 



(lJo> 

ne«n ne me piÀit pa^ j^dffible , dans 
les termes où nous en étions «n* 
femble , de ne j;i piki mti^fairê fur 
èette fatitàifiè» Je fie VôuS cacheirâï 
liième pas qu'elle ih^attlufii quelque 
tems,& que tous lesreprocbès^qtie 
îe m'en faifois , ne m'emtyêcherenc 
pas de la garder un mois«Il eft vrai 
^'Afpàfie etirpàATa plus dé là nioi* 
tté hors de Pans 7 & qu'ftlotB j'âvôit 
tellement befoin (m*aiie femâiè ^ 
qttis j'aiâiois ^ ne fût paii 11 long-* 
lems abfente. . 

V CIDALISE4 

! ïùSikk Kr. Âh ! îaîlTe^-mbi dgacie 

Pour bicA entendre cette excîamâ^ 
tion^ quifarott venir à fropos dç 

'gt/é vHtandrt iâurhte»te tou/ouri 
Cidatife de façon 6U â^àUtre. 
NouveHti frofotttmt ^^ nouveaux 
refm. Plaintes aè CUtandre ; corn" 
' -pkifahu dtCtdaUjfk. lijfhut éutef- 
• U qu^elk fk pmghê dt Je tfvuvé!^ 
tnp/ènpk^ & de paroffre crdlH* 
in ^ut n» ne fètt peut Clitaâdrk 

une 



* me raffoH it U âifief. A fa confia 
'. t0mu Car fans cela^ que vou-- 
droient dire les propos ^tm t^ 
trouver ci-deffous ? 

CLITANDRE. 

/ Vous avez de fingulières Idées 
d'imaginer due je vous ref^rocherai 
d'être fenfibie , moi qui avois toa- 
tes les peines du monde à pardoivs 
ser à Célimene de ne Têtie pas. 

CIDALISE. 

^ Cela elt plaifantîA la voîrj'e» 
aurois tout différemment jugé. 

CLITANDRE, 

- Il y a jcependant peu de femmef 
plus froides qu!eUc, .& yous ne 
fçauriez » îmagraer combrerf fur cet 
article il 'ia^t.pe}i croise aux ptay- 
fiôndmîes. . , ^ 

CIDALÎSE. ' 

* * 

. &l-}è r«ir d'ttie feofibte , mdl? - 

'' 'y 

Ù A. CLt 



clitandre; '■ 

En la regardant avec 
éitetttion. 

Mais ouîj vous avez dans les 
yeux une. langueur tendre qui pro- 
met paffablement. . 

CIDALISE. 

. Ah ! vous me défefperez. La chcH 
fe du monde 5 que je crains le plus^ 
c'eft de paffer pour être fi tendre." 
Vous ne fçaveiz ce que vous dites. 
Cette langueur, que. vous me trou- 
vez dans lés yeux, peut bienannon^ 
cer un cœur fenûblej mais il mé 
femblc que ce n'eft que les fem- 
mes, qui ont une extrême vivacité, ^ 
que vous accufez d'être .... 

CLITANDRE. 

Non pas les connoifleurs , & 
BOUS laiiïbns aux jeunes gens , qui 
entrent dans le monde, à croire 
que toutfes les femmes» ont beau- 
coup de cette forte de fenfibilité ^ 
& que fur-tout c'eft chez celles , qui 
ont du feu dans les yeux , une gran- 
de 



( ïn. ) 

de vivacité dans leurs aftiôns, te 
de rinconfidération dans leur cour 
duite 5 que l'on en trouve le plus. 
Pour nous, de la langueur, de l'in- 
dolence, ae la modeflie, voilà nos 
affiches. 

CIDALISE. 

Vous deviez bien importuner 
Céllmene ? 

CLITANDRE. 

Beaucoup moins que vous ne 

})enfez. Soit caprice , foit vanité, 
a chofe du monde, qui lui plaît le 
plus , ell d'infpirer des defirs j elle 
jouit du moins des tranfports de 
fon Amant. D'ailleurs, la froideur 
de fes fens n''empêche pas fa tête 
de s'animer , & fi la nature lui a 
refufé ce que l'on appelle hplaifir^ 
elle lui a en échange donné une 
forte de volupté , qui n'exifte , à la 
vérité , que dans fe$ idées ; mais 
qui lui fait peut-être éprouver 
quelque chofe de plus délicat que 
ce qui ne part que des fens. Pour 
vous 9 plus beureufe qu'elle ^ vous 

9 S a. 



9lirtr^ û^t m fte tronij^, nffeai*- 
blélesdieuic. 

GifîÀUâï;: 

' Je te tç!ih pourquoi ; tours il mt 
femble que j'aitnerois mieux \t pira- 
tage de C^li^nene que ^ mien. 

C'eft-à-dire que vous Voudrfei 
être mQ]ll9 tevi'wft d9 |a moitié, 
que vous ne Têtes. Soyez conten- 
té*. A ^i^ôe )K>itit que IM idées 
éb GéliAiebe i»'et)fl»mliidireilt ^ ât. 
^û^ ^U«lquê voiuj^é qu^elle^ lj?u& 
1^ la ploti^t. th àmfâi^'m M 
ftfflïblt pas toujours. QuoWètte 
«ùt lé rtjdheur d'être êWivaïnctït^ 
^ I^s1>ôttiëis,^e k Mt%ir« ki éf 
*ôlfc îtopbïëes , ne pt>u?miein & 
ffAhcWlr^^îe tî'eA defir^it p» 
Itpoinii fcettjè jofltffânce entièw ôùt 
*éti flè ptuvoit lui proctoftï. SdH, 
^m'âginatiôn $*èfnfe^lbit^<eUd ft f<- 
Vôltîoît èotttre U-froîdcUtdefe^ftfti^ 
*t' mettent tout éu uïkge po» U 
%ittcrè; Cette ^3*déufc ëôWt e»e fe 
feuïok tytûlitf ^ et t|ui ft MiMiidcrft 

dans. 



jb^n' touna fes. veiaes^ dfcTeaojfe 

«ofia ua fuppliçe_i)our eÙé^Scje 
l'ai vue plus d'une fois plç4«i«.d'^ 
tre livrée à des defirs^fi violens, &. 
de ne pouvoir ni les âcindre, ni 
ks rWsftiire. ^- 

CtDAUtSE. 

Si fille n'a, pu parvenir' âvécrvou^ 
■au bonheur quelle cherchpit^ïë.nf 
lui confèill? pas «tc.l^cbercbçrgyec 
un autre.. 

CLïTaNDRÉ. 

, Je doute en 

.irouvé datiS le n 

le a fait , puïfi] 

ÎTErafte tmi t 

cœui ; aum de 

fiatté qne futprl 

(buvenir de moi tin ^en tendre» 

ment. " ' '"* 

.- Lâiepiendrez-voiu, Cli£iB(be9'' 
' CLItANÛRE. 

C^u&me vous repiendiez EraAe^ 



< 15:6 ) 

qttî Je doute qu'à quelque égûxâ 
quç ce puilTe être, vous ayez été 
contente. 

CIDALISE, 
D^un air affcz micententi 

Ce qui me parott aflez fmgulier, 
c'eft que vous femblez croire que 
ce que vous imaginez qu'il eft , me 
le rendoit infupportable : c'eft pour- 
tant loi qui ma quittée. 

CLITANDRE. 

Je n'en fuis pas étonné. Ces for- 
tes d'Amans., qui, au refte, ne le 
font jamais que par air, après avoir 
€nnuyé beaucoup une femme , fi- 
niiTent toujours par la quitter, & 
même avec auffi peu d'égards que 
«'ils n'avoient pas befoin de fa dif- 
;crétion. 

CIDALISE. 

11 faut, aux propos que vous te- 
nez, que vous ayez vécu avec des 
femmes bien extraordinaires ! 

< . cil- 



( tsi ) 

CLITANDRE. 

N'allez pas croire cela! Je votirf 
jure que hors Afpafie & vous, il 
n'y a jamais rien eu de fi ordinaire 

Sue les femmes qui m'ont honoré 
e leurs bontés. 

CIDALISE. 

Mais, à ce que je vois, voas en 
avez eu quelques-unes ? 

CLITANDRE. 

< 

Mais , ouï. Comment voulez^ 
vous qu'on faiTe ? On eft dans le 
monde, on s'y ennuyé ^ on voit des 
femmes qui , de leur côté , ne s'y 
amufent guères: on efl jeune) la 
vanité fe joint au defœuvrement. 
Si avoir une femme n'eft pas tou- 
jours un plaifir , du moms c'efl: 
toujours une forte d'occupation; 
L'amour , ou ce qu'on appelle ain- 
il , étant malheureufement pqur les 
femmes ce qui leur plaît le çlus , 
nous ne les trouvons pas toujours 
infenfibles à nos foins. D'ailleurs, 
.les tranfports d'un Amant font la 

G; * preu^ 



t tî« ) 

preuve la- blos ti^U» ^^^illâs ayent 
de ce qu'elles valent. Tai. quelque- 
fois été defœuvré \ j'ai trouvé dçs^ 
iemmes qui n^étôieot peut-ttfe pârf 
encore bien fûires du- pôU>roîJr de- 
leurs charmes 9 & voilà ce qui fâié 
que, comme vous dîtes, J'en ai eiL 
quelques-unesi 

, CID ALISE. 

Quelle pitié l ïl me fetâble-pouTi 
tant que vous m'avee dit çlus d'u- 
ne fois» 8c cette nuit même enco- 
it^qm viDU9iite/ez }alfnaisé(£liomr 
aie à bonties fortuses* . 

iCLlTANDkïr. 

Jfe tie Vu fms du thoîtis été Itrtip 
ttems , & Je cuis vous juter qiié 
J*aî aujourd'hui peine à corriçreiidïfe 
comment 8c pourquoi fii fint un « 
©ënîbk & fi mêpnfebte tnétîer. C^^ 
TOt d^abord m^foé Tfnoh & pat* Ifc. 
funtaîfiÊ de quelque^ fèmtnes ati 
idors donnoîent le ton^ que je de» 
inns i la mode. La r^utatroiî , ^^ 
mes premières âfifkît^s me firent» 
m'en attira. n&ceSGttttmeiA -éhiof^ 
' - - tres^. 



X 4» ) 



fl^l^4c ftûi àvoi^fomé lé ftb^Ht 

d^tvoirioutts les<ifcmm«s, bientôt: 
il «l'y eut pùiXït dkû j Paris de cel- 
les, ^«è leurs vfee«^ ènwre phA 
que leurs «gr émens 9 mettent fur le 
trotoir, tjui ne Te cruflent obligéesi 
•^d^ m^avoit, & qu'à mon tour je 
ne me cruiTe obligé de prendre*. 
.Enfin «que voule2-vous que je vous. 
dife ? La tète me tourna, & û bies^ 
que fans Afpaiié , que j'attaquai, 
comme. idors f àttaqubis toutes les^ 
femmes, mais de qui je fus forcé. 
■ âe refpe<ier les vertus, & à qui je 
ne parvins à claire qu'en tâchant: 
de les imiter, fauroîs peut-être en- 
core tous les travers qui me ren- 
dolent en ce temsrlà ii brillant & 
fi: ridicule^ 

Ci DALI SE. 

Vous vous en croyez donc biep? 
corrigé? 

CLITANDRE. 

Je le ttôîs peut-être à trop bon^ 

marché j mais en cas qni'AlpaFie eût. 

^isM. qaeVque chofe^ à lato ^ jê^uis« 



< i6o ) 

•tntte vos mains, & je ne connob 
. de plus digne de finir fon ouvrage , 
^que la feule perfonne qui , à fa pia* 
ce 9 auroit pu le commencer. 

CIDALISE, 

En le haifanU 

Ah ! Clîtandre ! (// la tourmente.) 
' Finiffçz donc l on ne fçauroit im- 
punément vous remercier de rien. 

CLITANDRE. 

Je fuis donc bien infupportable ! 

Nouveaux tranfports de CUtandrei 
Cidalife s* en fâche d* abord ^ & fi-^ 
vit par les partager. 

CIDALISE, - 

En le voyant foûrire. 

Ah! Clitandre, quand je meurs 
d'amour entre vos bras, ma foi- 
blcfle n'eft-elle pour vous qu'un 
fpeâacle rifible? 

CLITANDRE. 
Je n'aurois jamais cru, je vous 



( i6i) 

l'avoue, que vous euffiez trouvé 
dans mes regards dequoi me faire 
ce reproche? Tout ce que jefçais,N^ 
c'eft que fi je trouvois la même ex- ^ 
preffion daiis les vôtres , je croîrois 
avoir plus à vous en reâdre grâces 
qu'à m'en plaindre. ' 

CIDALISE. 

' .Clitandre ^ ne me trompez pasj 
je vous en conjure! Je ne cherche- 
ïai point à vous faire l'éloge de 
mon cœur ; mais fi ' vous fçavîez 
iiombien je fuis vraie , & avec quel-? 
le vivacité je vous aime, vous rou- 
giriez de ne ip'aimer que médiocre* 
ment. 

CLITANDRE. , 

" Non 5 vous ne m'aimez pas^puif- 
^ue vous pouvez vous faire tat 
tnoi de pareilles inquiétudes. 

CIDALISE, 

En k baifdni aveâ 
êranfport. ' ' ' 

Je ne t'aime pas ! Ah Dieu ! ^ 

CLt 



CLITANDRE,. 

Eft la prêtant da/** 
fit bras* 

CaLmea^-vouA donc , |e wovfi ef> 
conjure à mon tour.; foQgez <^ue 
vos craintes me défe(perent. Jouîf- 
fons tranquillement du bonheur dé 
nous aimer, & que et Ibit la feu- 
le chofe qui nous occupe! Ouït vos 
ibntimens feuls peuvent égaler leS' 
miens .s'il eft vrai cefNenaant que 
ie puîfle jamais voué infolrer au- 
tant d^amour que vous m-^n faîtes, 
ftntîr, 

CmALIftEv 

Ah ! n^ doutez, pas d?vm cœur 
tout à vous 9 d' une femme! qtui fe 
pardotme les erreurs bien moins fa- 
cilement que vou^-mixné w les.Iai 
pardonnes 3 & qui peut-èfapè i^êine 
a'eft pas contenté de vous voir ff 
tranquille fat l^iftgi^^ qu'avant oue 
d'être à vousyid^a/fait de fon 



CLI- 




CLlTANDRfe. 

. Ohoi ! VOUS voudriez quo )\iaify 
fe rinjuftice ? . . . 

CIÛALÎSE. 

• • • • » 

. Ouï 1 je voudrois que Voh ne pût 
prononcer., devant vous le flom 
O^Erafte & de Da&^is , Tans vouj 
faire ch^ger de couleur ; que ft 
j^avols le malheur de les rencon- 
trer , vous ne m*en fiffiez pas uA 
moindre crime que fi j^eufle cher* 
ché à.hr revoir. v5i vous :^avM 
^mfaleàtes f^mâies.que vpuâ fttrer 
àiméea^ouAVec /qui'.feuleîneiit vous. 
àvex Yéicu y mk foht odieufer^ vous 
vous ifipfcôcheriéz firtis doute dene^ 
les pas regarde^ tous deu2( comme: 
li^ors plus mortels enûemU. 

CLltANDkÊ. 

' ïl ferok peut-être encore mi^ns. 
àêraîrôflnable que dangereux âue 
Itè leur voulufle tant de m^l (Tuu 
bonheur gu*ils ne poffédent ^Us. 
Je vous adore ! ne me fouhaîtez bas. 
Jaloux l Si vous ïtâviez îûfques à 

quel 



quel excès cette paffion m^empor- 
teroit, vous ne voudriez pas lans 
d^e m'en trouver fi fufceptible. 

ÇIDALISE. 

Ah! qu'importe? Soyez injufte,' 
foupçonneux , emporté. Comblé 
fans^effe de preuves de mon a- 
jnour i ne vous croyez jamds affe^ 
aimé. A quelque point que vous 
portiez la jaloufie , vous ne me 
- Verrez jamais m'en plaindre, 

ÇUtandre , toujours plus honnite que 
: Ciialife ne voudrait^ croit devoir 
encore la remercier aes preuves de 
paffion qu^elle lui donne 9 mais elle 
• s'^oppofe fi firieufement à cette po» 
V litejje^ qu^il eft forci de renoncer 
à jes projets. Il la boude ; elle le 
haife , le raille fur fa prétention^ 
& 6fe -mime lui foutenir qu*il r^eft 
pas malheureux ^pour fa vanité , 
mi* elle ne s*y prête pas. Ce propos 
le choque , // lui fouticnt que la va- 
nité rya pas autant départ^ qu'utile 
' tepenfe , au defir qu^il auroit^ de lui 
rendre grâces des cbofes obligeantes 

qu'cli 



{ î6f ) 

' qu^elk vient de lui dire ; & commk 
elle s*obftine à ne le pas croire , il 

•croit devoir lui prouver qu* il tfa 

pas de fnenfonge à fe reprocher* 

Enfin , elle lui rend jujlice ; mais 

loin d'en être plus difpofée à le laif^ 

r 'fer lui marquer fa reconnoiffanc^ 
comme il le defireroit^ elle rajfûrô 

' . que tout ce qu*elle peut ' eft de le 
plaindre. Cette platfanterie. ne lui 
platt pas ^ & il fe plaint de la, 
trouver fi peu complaifante. 

CLITANDRE. 

Je ne croyoîs cas , je Tavoûe^ 
que Ton pût badiner mr un mal- 
heur tel que le mien. Cela eft, fi 
vous me permettez de vous le di- 
re , d'une barbarie fans exemple. 

CIDALISE, 

Mauvais plaîfant ! J'auroîs pref- 
que envie , pour confoler Araminte 
du peu de cas que vous avez fait de 
fes charmes, & des rigueurs dont 
vous l'a^c^blez ici, de lui conter 
comme quoi vous avez été cette 
BUit uû.des plus galants Chevaliers 
t. à 



l fifi t'op ait onçflues oéiroyé le 

«ntil dw d'ainourevft merci. Elle 
«rpit^à ce que je ÇXoi»,iim éton- 

CLITANDRE.! 

• N«D» die ne voas eroûolt pis,' 
^ fft vetiité, ep effet, devroit la 
rendre txh$ inocédule mr cet atti- 

Eh! Julie} 4ù;ei-moî, ij'a-t-elle 
pas eu plus à fe louer de vous 
^i»'Ar«Mînfte ? 

CtïTANDRE. 

Ah I «dus revoîçl i Julie k pfé- 

fencf Ceft-à'dire que vou« voufe« 

abfolumeîit,q»ç ]> J'gvf eue? Je ne 

. crois pourtant pas. 



•M 



L'avoir eue, fans doute 9 ' 
CLITANDRE. 

Mftf ^ugçd j»«,y(y| i^rvdqm *>*? 

te 



le lù^defiTu^ , il feroit mieux placl 
^ vou^ ne croyez ; après tout^ 
}e: se Vai jamais eue qu'une aprèsi- 
:dînée. Efl^ce là lians le fond ce 

^e Pon peut appelleriavoii Dite 
iemnae? 

CIDALISS. 

Comment peut-on n'avoir qu'i|iîf 
ajrès-dînée une femme d'une çç> 
,^aine façon? Julie! en vérité! je ne 
raurois jamais cm. 

clita:ndre. 

«1.?* A» W*w«« pw, jTieij 06 Cstoit 
p]a» wjuiîe.. Il et éti infftwe à élr 

vous'js^m^ fixi aonymmez mand 
.vous içms^ d« quell* façon !<»» 

Un de ce^ jww^oè l'oo itoi»lfcit, 
rJ alwj Ja VOIT. Je. la trouva* feiil* 
,4aii» w cabMwrdont toBte» k» («^ 
.J<wfie»^ ^t0ieiit ftiBiée»; de «and* 
TjdeajiX^ïtfémr'defluijy mbm 
f^y^t encore là lumière. Elle étoit 

fur 



( 168 ) 

jTur un fc^ha, fort négligemment 
étendue , vêtue plus négligemment 
encore» Un fimple coriet dont les 
rubans étoient à-demi dénoués , un 
jupon fort court étoient fes feuls 
ajuftemens. Sa tète étoit nue, & 
fes cheveux, ainfi que le refte de 
fa perfonne , étoient dans cette for- 
{e de dérangement , mille fois plus 
piquant pour nous que quelque 
parure que ce foit, quand, com- 
tae chez elle, il eft foutenu par 
tout ce que la propreté la plus re- 
cherchée, la jeuneffe & les grâ- 
ces peuvent avoir de plus enchan- 
teur. Vous fçavez combien elle eft 
jolie. Elle m'avoit fouvent tenté, 
& je le lui avois (quelquefois dit en 
paflant. Il me prit ce îour-là plus 
d^envie que jamais de le lui dire en- 
core. L'attitude, dans laquelle je la 
furprenois ^ étoit charmante , oc je 
confeillerai à toute femme bien faî- 
tç d'en prendre une pareille quand 
elle voudra faire la plus vive des 
impreffions. Son jupon, fur-tout, 
lui couvroit affez peu les jambes. 
Elle ne Tignoroit pas fans doute ; 

mais 



< 169 ) 

maïs comme, après les vôtres. Je 
n'en connois pas au monde de plus 
parfaites, mon arrivée ne lui fit 
rien changer à la pofition où elle é- 
toit. Dans Tinflant que j'allois lui 
dire à quel point j'étoîs frappé de 
fes charmes, elle mit la converfa- 
tion fur l'horrible chaud dont nous 
étions accablés depuis quelques 
jours.Vous fçavez qu'elle a fait de» 
cours chez Pagny, & qu'elle don- 
ne quelquefois à dîner à quelques 
Dluftres de l'Académie des Scien- 
ces, & il ne vous paroîtra pas fans 
doute bien extraordinaire que moy- 
ennant tout cela, elle croyefçavoir 
Ijarfaitement la Phyfique. Je 1 avot» 
li fouvent çlaîfantée mr la fantailie 
qu'elle avoit d'être fçavante , qu'el- 
le crut devoir faifir une fi belle oc- 
cafion de me prouver qu'elle l'étoit 
devenue. Elle entama donc une dif- 
fertation fur les effets de la chaleur, 
& fur la forte d'anéantîffement où 
elle nous plonge lorfqu'elle eft ex- 
trôme^ce qu'autant que je puis m'en 
ibuvenir, elle prétendoitêtre caufé 
par la trop grande diflipatîon des ef- 

H prits 



prits &.pajrl«.yçlâcheînçii^,clj^ fi- 
bres. Jela contredis; çîle s'anw*., 
& fi bieo , qu'elle yîijit enfin Mwe&à 
jne foméhir que ce jour -la ro*^- 
pieht il n'y avblt pointîi'l)9;mm^q,ui 
dans les bras de la femme çon feu- 
lement la plus aimable, mais çhco- 
are la plus aimée,, né fe trouvât- ali- 
^olument éteint., Je donnais ^ns le 
faoment même le plus furieux dé»-, 
jnénti du monde à fon opinion ; ce- 
pendant, quelque 'ayanùge que feuf- 
Je .for .^lle, ie nje contentai, de Im 
4iré modeftement qi^e je craignois 
.qu'elle -ne fè trqwpât.Ma ï^odeltie 

Èla douceur dé mon ton la per; 
adei^înt apparet^ent <yip j[e p avois, 
pour n'être pas de .fon avis, aucu* 
pe bonne raifon, & que le contre- 
tlifois fimplem^ent pour çontrediiev 
Cette idée l'aripànt contre moi d un 
nouveau courage , elle me dit fière- 
ment .qij'elle étoit fûre de ce %^' 
le avançoit, & que les premier^ Phy- 
ficiens du monde- peAfoieni comme 
elle là-deflus. le lui répondis tou- 
kufs avec U même douceur qu U 
n^étoit pas- iaif(ofliWe que Vo« fût 



trompât pourfâijt ftir cette matière'} 
qu'il fe pouvoît que ces. grands hom* 
mes 5 fur • l'wt qrité f dé - qui elle :fe 
fondjok'^ a'«ilffont; décidé que -d'à-» 
î>rè? eaxttnêmês.; &'gue c'étôit 4 
moi que j'ôfois ûppèlkr de leur ju. 

^mmt, ,; ; 

:[. GI^ALISE. r 

: Affûtément ! VWi^ ne pouvîei 
8Uêre« îouer à la Phyfique de tour 
jplus ncfm 






GLITANDRE. 



Je devrdîs, bien , par exemple^ 
Vous remercie^ ^He cela j mais V0us 
île Voi^djie:ç:'^:ple|ut-être pas ? 

CIDALISK 



I • f 



; Cela.efl: à parier: continuez vo- 
tre hiftoîre* • v 



\ r-- 



Eh bien ; Julie ^tenant de plus en 

J>lus à fon idée., & peut-être ' ayant 
ait ià::deffus quelque e;xpérience 
- Hz fc- 



fecxet'te dont elle n'ôfoît pas s*ap^ 
puyier devant moi , mais qui pou- 
voit n'en être pas moins la caufe 
defon opiïiiâtreté , me dit enfin, 
d'un air de vanité qui me choqua , 
jei'avoiiej^es'il y avoit au mon- 
de un homme fur qui le chaud ne 
prît pas autant qu'elle le foutenbît, 
cet hommCr-là étoit un. phénomène. 
Jugez combien moi , dur avoîs de- 
^is plus d'un quart-d'iJieurjB , Thon- 
^eur d*Être qe phcnonièqe,;, & qui 
ne m'èn'croyôis' giieres plus ^are^ 
je fus étonné qu'elle prilât tant u- 
ne chofe dont je. îaîlols^fi peu de 
csy>. Loin toutefois d'en vouloir 
<fcufer contre elle, je 'lui Répondis ^ 
toujours avec la même humilité', 
que je lie croyois pas qu^un hom- 
me, qui auroît en lui-mêiçe dequoi 
n'être pas de fon avis, dût s'eneftî- 
jQQer beaucoup davantage. Là-deflus 
elle me dit, mais d^un.^ir qui mé 
faifoit aifément juger à quel point 
elle me croyoît éloigné d'avoir de 
fi fortes, preuves contr.e fon fyftô- 
'ine , que j'étois comme tous les igr 
•siorans , de qui la fantaifie eil de 

dît 



.* *■ fc 



difguter contre réj^deocemême ; ôç 
îbuvènt même contre leur ftnti-; 
ment intérieur. Jejui repréfentai 
ïur cela qu'il pouvoit y avoir des 
miracles ^ - mais je la vis fi déci- 
dée à n'en pas admettre dan^ ce 
genre ^ qu^enfin je ^ fus obligé de la 
convamçre ^ue les Phyfiçi^ns poua 
S^oient n'avoir pas tQujotçs raifon, 
J^lle fut dupé faite i .j^^ais je n'ai 
yû de Philolophe plus humilié. Ce- 
pendant , foit amour - propre , foit 
f réjugé 5 les reproches fuccéderent 
, ientot à fa confufîon» Sans m'en 
allarmer, je pris la liberté de lui 
repréfenter qu'elle m'avoit . forcé , 
en n'admettant aucune de mes rai-) 
fons, à recourir à une démonftra- 
tion qui pût la réduire au filence ^ 
& lui prouver que quelque généra- 
le que puiflfe être une règle , oq 
doit toujours y fuppoferdes excep^ 
tions. J'ajoutai que pour l'honneur 
de la Phyfique , ou pour achevés 
de fe convaincre qu'elle avoit eu 
tort 5 elle ne pouvoit fe difpenfer 
de pouffer l'expérience jufqu'àu 
bout y que jufques-là je ne prouvois 

H 3 . ' qu'ai 



^'à 'demt ifentr^ fort "fyftêmè^-,. Si 
gli'illui^ftHrpit fepntéëx de iëiènii 
I)ôuF fohj^giïéfe /iorfij^'il d'y ^voît 
encore conâr-e.él.Ié. qùe.des appa- 
rences qui pouyôîent ne -pas fcrutc- 
iiir une épreuve d'ùriè certaine fa- 
fon. La crainte de s'être en effet 
cru trop tôt vaincue j le defir de 
in'humiiier à mon tour ; |a fin^à- 
iité de lachofe-jlemoment^lapreu» 
ve déjà offerte, & que les coiltra- 
fliclions n'afiFoiblîflbient pas ; plue 

tiie tout cela, fans doute, l'envié 
. e s^éclairep^l'emporterent fur les 
içrupulès -vam% (Jùinâ^retenoîent 
ciacorè. - • Un^Totoir àffèi} teridréf i 
cette reugciir <ïùe ledefif &'l'îft 
tente du plàifir font naître ,' fi^flîft 
férente de celle -que l'on- ne tîoît 
qu'à la feule pudeur ; des yeux où 
brilloit l'ardeur - la pïus vive . & 
qui trahifToient- raîf févèife qu^ellè 
àveît. pris i tout enfin m'ànn6Açî 
qù^elle'ne demandoît pas- mieux 
quede s'inftruîre ^^ je ne fçais quel 
tHT îi'onique , qu'au miliefu de tout 
èéia }e lui remarquois , m'apprit en 
toême tems' qtie je ûe^ vicncfeôi^ pàs^ 



aifément à'béirt^dé 4)ti' opiniâtre^ 
té» Po»r-n.'être pas troublé dan* 
nmjoftante leçon que f avoîs à lui 
oonner,' j'allai fermer la-t)ortei & 
revins avec Cfctcfur lui f^puver la 
fauffeté 4e fon opinion. 

• : CIDAtlSK ;^ 

Et vous Ten convàiiïciuîies faîii 
doute? 

. CLITANDRÉ. 

Ouï y mai» ce n^ fut pas faM 
peine. ..Qucjlque entêtée qu'elle fût ^ 
à la &^elte te rendit. Il ^ft vrai qu^ 
}e la[ tourmentai: cruellement^ mais^ 
auffi je la defabufai bien« 

CIDALISE. 

" Oh î je m'en rapporte à vous^» 

CLITANDRE. 

Cela -éft^ encore bien obligeant^ 
par exemple ! 



n^ Cl 



-, CID ALISE. 

Et fans prétention ; c'eft peut- 
être ce que vous ne croirez point. 

CLIT ANDRE. 

C'eft du moins ce que f aurois le 
plus grand defir du monde qui ne 
fût pas. Siparhazard vous vous 
trompiez? 

CIDALISE. ' 

Que Julie fe trompât, en décidant 
affirmativement ce que les circonf- 
tances peuvent rendre les autres; 
cela étou tout fîmple; mais que je 
m'abufe en fentant ce que je fuis^ 
c'eft ce qui ne peut pas être. Au 
refte, & quoi qu'il en foit, je veux 
que vous acheviez votre hiftoire. Je 
1 aip, je crois ^ «alTez bien payée , 
pour que vous ne puîffiez fans la- 
juftice m'en refufer la fin, 

CLITANDRE, 

Comme , fi Julie n'eft pas bonne 
Phyficienne , cela ne l'empêche pas 
d'être une des plus aimables fem- 
mes 



( 177 > 

tâes qii^il y ait au monde ^ j^auroîs 
extrêmement deiiré que le cours, 
que je lui faifois commencer, ne 
ie fût pas borné à ce jour-là, & je 
.la preflai très vivement de s'enga- 
ger avec moi. Pliis reconnoifl'ante 
du foin que j'avois pris de l'éclai- 
yer, qu'elle n'étoil fâchée de ce 
que j avois eu raifon contre elle ^ 
je l'y aurois fans doute déterminée > 
fi l'amour extrême dont alors elle 
>rûloit pour Cléon, & la crainte 
que le commerce fçavant, que je 
youlois lier avec elle, ne lui fut 
fufpeél, ne reuflent obligée de me 
refufer. Perfuadé cependant qu'a* • 
près ce qui venoit de fe paffer, je 
retrouverois fans peine auprès d'el- 
le quelçiue moment favorable , je 
n'inûftai pas jufques à me rendre 
importun, & nous nous^ quittâmes 
les meilleurs amis du monde- J'ai 
cependant en vain cherché depuis 
ces occafions que je croyoîs devoir 
trouver il facilement. Sans avoir 
.avec moi de procédés dont je pufle 
.me plaindre , elle a feulement é vir 
té que je ue la trouvaffe feule, tant 

H s qu'elt 



^u^eDe m'a vu pour elle iihe fot» 
d'empreffement. L'hyvet dernier 
pourtant , malgré toutes fes précau- 
tions, je la rencontrai feule chei 
Lucile',qui n'étoit pas encore teft- 
trée. La folîtude^où bdUâ nous 
trouvions, ranima mes defirs, & 
l'air contraint qu'elle avoit a>?ec 
moi, & (que jHnterprétois mal,^ les 
encouragea. Je lui demàWdaî, eà 
foûriant^ fi par bazard elle n*auroit 

})oint de doutés fur là façon^ dont 
e froid opère fur nous. Elle fou- 
git; je me jettai à fes genoux, & 
fui dis tout ce que l'on peut imagi- 
ner de tendre & d6 preflant: elle. 
fen fut plus embarraffée qu'émue, 
Les droits qu'elle m'avoit donnéi^^ 
&. dont, par les libertés que fôfois 
jbrendre en lui parlant, ]0 île paroif- 
lois que trop me foûvenif , loln^^ 
îcomme je m en flattois, dfe féduite 
fes fens, ne faifoient que Taffligeti 
IM^ôfant , après ce qui s'étôit pàiK 
tntré Tious, -S'armer d'une tïvôritë 
%iul auroit pu me pifbttrt ridicule', 
•6c défefperée de là Iea:éreté dont je 
IktràitDis,, elk fê mit '4- pktim â- 



Cm 7 

mérement. La chofe dutnonde que 

.'îf ai toujours le jdus déteftée , & qui 

eft en effet h plus îudijgp^ ,d'un 

• lidhriête homme , eft de remporter 

• ftir les femmes de ces ttiompHés 
' dui les humilient. Sûr de la vain- 
'cre, mais nVn doutant pas davan- 

• tagé qU'étt ^bufaint Cohtrè- ette dés^ 

• ràlfôTrti (iU*eHe avoit poUr' ne trie 
pis réfifter, je nfe îui -caufaffS î» 

-pfui Vivt douleur, je lui demandât 

-pardbH de' ce que j'avois fart, &. 

renonçai à ce que je voulois faire.. 

Elle fut fl touchée d^urie générofi- 

.té; que mes entreprifes ne lui iaiC- 

foient. pas eJperer^ que je- croîs^ 

qu'elle pi'auroit accordé par recon- 

jiotffance plus encore que je n'^a- 

.vois tenté de lui ravir , fi dans le 

moment même Lucile ne fût pas; 

rentrée. Les bonni^s aéHons au. 

refte ne demeurent jamais fans ré- 

,«ompônfè^ & je fus le foir même 

dédommagé p^r Lufcinde , du fapri- 

fice: qjîte j^aVoîs felt à Julie*, 



Hl dl> C IlL- 



(iSo) 

CIDALISE^ 

jlvec tmprtjfmem^ 

, Ah! Clitandre, je vous en con- 
jure , racontez- moi Thiftoire de 
Lufcinde. C'eft de toutes les fem- 
mes du monde celle que je hais le 
plus, & je ne puis vous exprimer 
la }oie que je refiens quand f ima- 
gine qu'il lui eft arrivé quelque 
çhofe de peu digne de la majefté 
de fentimens dont elle fe pique. 

CLITANDRE^ 

' Je veux bien vous faire ce plaî- 
fîr; mais je ne vous confeille pas 
•de croire que je vous donne pour 
rien une de mes plus belles hiftob- 
res, fur-tout lorfqu'elle excite fi vî- 
veulent votre cunofité. 

CIDALISE, 

TlnârtmtnU 

9 

.Vous êtes un cruel homme.î 

CLITANDRE. 
Je conviens, que fabuft un peu. 



?du defir qiie vous me marquée 
d'entendre cette hiftoire , & que 

-dans le fond cela n'eft pas géné- 
reux; mais }e me fuis arrangé .Vou'S 
ne l'aurez pas à moins que celte 
de Julie , & vous êtes bien heureu- 
fe que je ne puifle pas vous la met- 
tre à plus haut prix. 

CIDALISE. 

Eh bien! fi demain vous voulez 
venir pafler la nuit avec moi , nous 
verrons. 

CLITANDRE. 

Si je le voudrai ! Quoi ! vous en 
doutez? Ouï ! je coucherai fûrej- 
ment demain avec vous, puiR^ue 

.vous voudrez bien me recevoir dans 
vos bras ; mais vous fçavez quelk 

.gêne cruelle va fuccéder à mes 

ftranfports! mes yeux même n'ôfe- 
ront vous^ rien dire ^ d« ce que ie 
fens , ou du moins ils ne le de- . 
vroient pqint. Purs- je vous répon- 
dre cependant que mes defirs ^ plus 
irrités que fatisfaits, ne me trahiront 
pas? Je me fèns, & ne vous ré- 
ponds pas^ de moi, fi je-yous quitte 

A . H 7 danr 



riant It fureur où je fuis: Songer 
Que nôu5 avons à tromper fur ilOs 
éntimeus dés perfoiines fort mé- 
jchantes & foit éckiréés. Ëh ! corn- 
jtnent voukZ'VOus que je puifft dif- 
êmulei: les miens, quand je ne pour- 
-9ai vous, regarder fans la plus viVe 
émotion j que. vos yeux ne fe tour- 
neront pas vers ipoi, fans pénétrer 
juiques à mon aiùe ; que ]e ne vous 
jyerrai pas ouvrir la bouche, fens 
defirer de vous la fei'tner avec tnes 
"^ïèvres ; qu'enfin tout , en vous 
voyant, me rappellera fans ceflê lés 
^ plâifirs dont voils m'aVe^ comblé , 
« me jettera liahs rimpatiehce d'u». 
"ûe joUiflance nouvelle ? Laiffez rég- 
ler dans mon cœur une vôlu^bî 
î)lus tranquille, vous ne m'en vef- 
ïez pas moins atnôùreux* Quoi que 
vous puiffiez accorder à mes dè- 
firs, il ne m'en reliera c^Ué ttô^ 
l^ncore pout mon fùppiice ! 

CI D ALISE. 

* 

Eft bien t fois content 1 - . . jouis-, 
de toute ma tendrefle & des tranf- 
S^tts» lue, t» m!iûfpirç8 1 Tu m'ap^ 



prens, qu'avant toi , je tfaî pas été 
aiûiée^ & je fens avec plus de plai- 
fir. .encore que . jamais je ^ n'ai rien 
aimé comme toi. Tu troubles..! 

tu pénètres tu accables mort 

amei ;.v Maîs^ fons-tu comme je 
t^aîme 1\ ,. Je ne me connois plusy 
}€ meurs de ton amour & du 
niieii. 

^'^on ne met pas ici là rlponfe à& 

CUtandre , quelque *vive qu'^eth 

fui£e être. On n^mnore point que 

tout c^.que fe, difint^ ks Jmans^ 

n*efl pas fait four intérejfer^ & 

'• qhè jàavent les diftours^qui les a* 

mufent le plus ^ font ceux qii" il fi^ 

roit le plus difficile de rendre^ & 

qui valent le moins la peine d*étrù 

• rendusk On fuppHm donc ict\;com^ 

me en quelques autres endroits ^1$^. 

: propos interrompus qu^ils fe tien» 

' nént^ & Pvh n^y. rend les deux In* 

',..t»rlQçt$tfUrfqup, lorsque le LeSteir 

peut ^ fans fe ^Qnnef la tortut:e^enir 

tendre quelque: cbofe à ce qu^ilsfè: 

difenPki -. v \/ ' 



C£- 



CIDALISE, 

Voyant que CUtanSre 
la regarde encore avec des yeux me^ 
vaçans. 

'■ Ah! Clitandre, n*êtes-vous pjtf 
honteux de vous faire craindre en* 
•core ? Ne me regardez pas comme 
vous faites jje vous en conjure, & 
.s'il fe peut, laiflez-moi jouir pai-. 
îîblement de vos fentîmens & des 
miens. 

CLITANDRE. 

. Quel fujet d'inquiétucje vous doh- 
oé-ie donc? 

eiDALISE. 

^ Ne pourroîs-je pas en trouver 
dans l'idée où je vous vois que vous 
me prouvez beaucoup d'amour, & 
que vous me plaifez finguliére- 
ment, lorfque vous ne faites peut- 
être que m'effrayer ? 

CLITÀjSiDRE. 
yous êtes injufte de me prêter 



cette réflexion : je vous protefte 

2ue je ne lia f aifois pas. Je me rends 
mplement à rimpreffion que font 
fur moi vos charmes, & ne penfô 
point du tout que la façon, dont je 
vous l'exprime , foit de toutes cel- 
Jes-^que je pourrois prendre, celle 
dont vous me devez fçavoîr le plu$ 
de gré. Je ne crois pourtant pas 
non plus, à 'vous dire vrai, que ce 
àbîve être pour vous une raiibn de 
douter de ma tendreffe. 

CIDALISE. . 

Vous avez âe nous dans k fonâ 
jine opinion bien fmgulière, & je 
vous avoue que je ne fuis pas fan$ 
crainte d'en être un jour la viéti- 

me. ' ' ' 

CLITANDRE. : 

n eft fi peu vrai que je penfe de 
toutes les femmes de la même 
façon, que -je n^ai point été fu/- 
pris de ne pas recevoir de vous 
des complîinens fur un mérite qui 
a paru à la refpeclable Aramînte 
digne des plus grands éloges^a i 



(tes y 

-'- ' cidAeisk 

: Jf cfejçoi$ étonnée ,eiî effet qtie 
nous louaffions les mêmes chofes* 

: ./. ■ CL.ltANDRÉ. . ; 

•H eft-jujfte aufll dé dire (}ùe ùrii 
feothpteHâ difFérenèe QU^ly'a eui 
tre votre façon de penfer & îi 
fientie , vôûs ] nVvez pas les mêmefs 
befoînss 

CÏDÀLISK 

' « • - 

S le je ferois humiliée s'il vous 
poffiWe de faire Mtfc nous, 
fans lar plus grande injufticô» là plûi. 
légère- cotrigaraifon l 

t. « 

CLltANQRE. *. .. 

Je ne croîs poifit^ par exemple^: 
f^elque aifément que vous conce- 
viez des terreurs^ avoir jamais à 
vous gjiérir de celle-là, 

'CÏDALISK 

L En vérité ! c'cft une odieufe fem* 
me, & faime à croire, poûf l'Iiofl^ 

neur 



neur de itfoti feisce^'quSl y en a pea 
oui Jui reiTemblent» 

^ €L1TANDRE. 

n y en ade fon genre^ je crois» 
plus que vous né penfez, & moinsi 
que Adusr nç,^o»s. ,;. , ; • ; 3 

CIDALISE. . 

V Maïs à propos 9 vous nie deye^ 
rhiftdîrc de Juufclnde.^ 

CLITANDRE* 

^ Noils .tfeut^ fiéflexiotis ■ laites^ 
^lle^vou5 pjaifoit, peujf &f-je vpiif 
ai trompée ;, :4wnâ:^5(.you^'ai dii 

Qu'elle Vous îumiferoit. C'eft una 
hbfe ii Ample, Ji ordinaire:, mi. 
]à. doute qu'elle vaille la .peine cr èf 
tre Goritéfe. Eigurez^vQuj: qud; p'ert 
Une aventure de caroife , de' ces^ 
choies qtffe Tofl voit tous les jouss^ 
%ine milere énfift. 

■ r < • •• • 

CIDALISE. 

N'isaporté, je veux la fçavoir. 

CLI- 



( i88 ) 

•. CLITÀNDRE. 

Convenez que vous cherchez eo-' 
core plus à me diftraire qu'à vous, 
amuferl 

CIDALÏSE. 
, Soit j mais pariez tôujwirs: 

LCLÏTÀNDRE. 

"; Otontçi , qui le foir même que. 
î'avois rencontré Julie chez Luci-* 
le,s'étoit, en fougant,^ brouillé, je 
ne fç^is pourquoi, avec Lufcînde, 
«*en alla fans^Ten . Évert if •' Comme 
elle comptoit qu'il la remeneroît^ 
& qu'en cohféqiience .elle n'avoit 
pas fait revenir fon carofle , elle 
fut auflî piquée de ee procédé Qu'el* 
Je de voit l'être , & me propofa de 
la remettre chez elle. Nous nous 
connoiflions depuis long-tems , & 
même dans une efpèce d'intervalle 
elle avoît paru avoir fur moi quel- 
ques vues. Auffltôt que nous fû- 
mes feuls^ nous inveôivâmes tous 
deux contre Oronte. Elle me parut 
fi humiliée de ce qui veooit de fe 

paf- 



{)ajarer , que je crus qu'étant aulff 
incérement Ion ami tjue je Tétois, 
je ne pouvois me drfpenier ni de 
rexhoner à la vengeance , ni mê^ 
me de m'oftir en cas qu'elle prît 
ce parti-là , qu'au refte je tâchai de 
lui faire envifager comme le feul 
iju'elle pût prendre en honneur, a-' 
près le fanglant affront qu'on lui 
faifoît. Je n'eus cas de peine à lui 
prouver qu'il étoit néccflaire qu'el-» 
le fe vengeât ; mais à quelque point 
que la colère l'animât, je nelaper- 
. {uadai pas d'abord , auffi facilement 
que je m'en étois flatté, qu'il fal- 
loit qu'elle fe vengeât dans le mo- 
ment même. Les propos tendres^ 
dont j'entremêlois mes confeils , 
^ne parurent auffi lui faire aflez 
peu d'impreffion ; cependant le 
tems.preflbit. Je fentois que fli 
je lui laiflbis le tems de la réflex* 
jon , je la perdrois , ou en fuppo- 
fant qu'elle ne pardonnât pas à 
Oronte une brufquerie qui n'avoit , 
félon' toute apparence, que quelque 
jaloufie , ^ou moins encore peut- 
être pour>ftijet,qu?il faudroit , pour 
•.. :. la 



la .^t^rmmeï en jn^ f^ve;ir , des 
fom§ qu^je ne me fouçiois-pas de 
ialmd^e. Je me Ipuvms qu'un jour 
qu'.p étjpit. q^eftioii . 4e ce ,qu ofl 
Ôppeiie des impe^rtininm'^ P")^ ^^ 
^^étôit pa^ '.déclarée contre à uncer^ 
t^n points, si: qu'elle avpit même 
dit":» CH praifaptapp, qu'elle les .^rottr 
YQit moms'Qflfenianties que linditT 
gJ/:eQc§4 Mais quelque, efperance 
<yie l'euffe qu'unje ropettinence de 
m^ part pourroit^ la- bleffer moins 
qjie de 1^ part d'un giutre, ce mpyr 
çn me paroiffoit un peu violent^ 
& tout preffé qu& j'étiois qM^elle & 
déterjçninât , je crus encore devoiï 
,uî remontrer le tort qu'elle fe fair 
bit en ne fc vengeant pa$.'Soit que 
je dcfir me donnât plus d'éloquea- 
çe que de coutume, foit, comme il 
li'arrive que trop fouveskt aux feiDr 
mes danp un mojivement de dépita 
que fes réflexion^ ne fiflbnt qu'a* 
Jouter à fa colère , .& qwé par cette 
raifon il. m^e fallût mômsrpour- là 
perfuader^ je la trouvai bMUCou^ 
plus difpofée à mer^ôroire *iq[u^eUê 
oe rétou dan^ le premier. jQQment 



( ( m^ ) 

[e, jcferphai > la décider pojur çaoi 
J>?f des 'diCcpurs plws^^fimés qup 
ceux flue.je .lui ^yob d^jàt^/yi^^ 
& M preffiai de. ne poipf. pegpçtjjp^ 

3ue je ne repiarîifle q^ le,pju^j l^gef 
, es torts qu'Oronteifiy^it.îiyi^c^î. 
le. Coippe elle pe. raç • jcéfi^pdit 

S oint Je crus Revoir interpréter fogt 
\txict en ma faxeeur, &f j^^s.çç 
ço;nféqu€^ce. Je liU m^irQisrpfé» 

^eur & il n'êft que tropj(»^Bair$) 
q^e J'un rc.raplja^e l'autre , 4&i9êO«ï 
^êw-e beauawp plps Jojn, Èlk.iRô 
4it d'abord que jT^tQÎ.s jiui infoJeîU;^ 
jelefçavois bien ; iqu'elte qrfef oit^ 
çiais die -ce cwit.pa^i jêciquand 
elle auroit eu ^^Qur^ i'i,qii^lqiliÇj 
çhofe de fi indécent, nio»Ç.Qcb,«r, 
à moins que je n'e^flfe crié moi-oièyt 
me. n'auroit pas. arrêté. /Conjme. 
il falloît çepend^t .djre.qwlque,; 
chofe à Lufcinde, jexowiJw aveet 
e^le qu'à la vérité elle t>ouvoii: me. 
trouver un peu trop libre, mais que> 
l'amour , le delir, (excufes éternelles 
de toutes les impertinences ^quî fe 

font 



( i9i ) 

(bnt faites , fe font , & fe feront, ) 
dévoient me juftifier à les yeuxj 
qu'au refte , puifque Tun *& l'autre 
in'avoîent emporté fi loin , & que 
plus je deyenoi s coupable, plus je 
trouvois de raîfons de m'applaudir 
de mon crime, je me rendrois cri- 
minel jufques au bout. Je ne fçais ii 
c'eft qu'un ton ferme vous impofe 
prefque toujours, ou qu'en même 
tems que je trouvois, comme je lui 
ditbis, des raifons pour m'applau^ 
dir de mon crime, elle en trou voit 
pour m'excufer ; mais elle s'adou-* 
cit au point de me dire fimplement 
que cela étoit ridicule. Quand je 
n'aurois pas fenti , par la foioleffe de 
èette expreffion , combien la colère, 
qu'elle avoit contre moi, s'aflFoi- 
bliffoit, mon parti étoit pris, & 
je n'en aurois pas plus ceilé d'être 
coupable. Elle n'en douta, pas ap- 
paremment j mais quelles que fuf- 
lent là-delTus fes idées , ce qu'il y a • 
de fur, c'eft qu'avant que d'aniver 
chez elle , elle étoit vengée. 



CI. 



( Î93 ) 

CIDALISE. 

Mais il n'y si quMne rae de chez 
Julie chez elle?- 

CLITANDRÏ:. 

Cela eft vrai, mais elle eft lon- 
gue ^ & j'ai un Cocher qui a un fi 
prodigieux ufage du monde , que je 
ne remene jamais de femme la nuit, 

Îp'il ne fuppofe que j*ai deschofes 
ort întéreflantes à lui dire ,& qu'il 
ne prenne en conféquence Taliure. 
ou'il croit que je lui commanderois , 
û je le mettois au fait de mes in- 
tentions. Le chemin , par cette at- 
tention de- fa part, devenoît donc 
beaucoup moins court. D'ailleurs, 
elle étoit d'une colère ^ & moi d'un 
emportement qui dévoient néceflai- 
rement la déterminer , la rue eût- 
elle même été beaucoup plus cour* 
te* Soit cependant qu'elle eût fait 
quelques réflexions. fur la prompti- 
tude fingulîère avec laquelle elle 
s'étoit vengée , foit qu'elle craignît 
qu'Oronte, naturellement ombra- 
geia, n'apprît qu'après l'avoir re- 

I me« 



(m) 

menée , j^étoj^ e^^^ic^ f Ue , nous 
ne iûmes |>âs 'pm6t a la porte , 




de fes jours elle nHîoit en cafôue' 
avec moi^&qifellë.oéfaiTa^ÎFoit ja« 
iqais cru . capable d'une infolence 
pareille >veç: une féçiiriè de ,ra for* 
te. Je cqnyins. aiwnient cfifi f atvoÎ3 
«é troo,^rttt.^qUe'i&^^ né Wiïceyoîs 
ftas mOl-mèRie çqWn^ent.f^XQis ôfé 

itoU :^%m %om "feorribte :, d>i{.' 
tant. pïus que :,(îe pkreîUe^ façons 
A^étdietJt guèrés .plt|s à tnon tftge 
qu*â^ flen, :^ que fôfois iuîjiirer. 
qu'elle étoit ta nreunère^avec qui. 
ç me tttflfe :o)jWié |t/de/^oînt-là..' 
je nie dputois qu'une juftiqcation ^ 
àu^ Qbliéeaniment tontâéë, ne hu 

S'iaîroit 5^s , (fc îe fus peu ftirpris 
e la voir me remercier , avec beau- 
coup d'aigreur , de la préférence 
que je lui avois donnée. TL'amouf , 
le tendre amour fut encore i^on 
e;çcure. Pendant qu'elle me querel- 
loit , &. QU'entre autres duretés , el- 
le me difoit que je laprenpis appa- 

"rem- 



femment l^our ime ftk d'Opéra ^ 
iHtin'caK)(fê étôit emrtdâitisficouri 
fçje itfe {)répatois à la conduire rèi^ 
pectueufeiûent chez elle, torl^u'élJ 
le ïne dît' avec emportement qtfel-ï 
fc tt Vôulolt pas ^ue je defcendîC 
fe. Je 4uî repréfentai d^abord avec, 
douceur qu'il Teroît dû <îemîer rî- 
diëule que> je ne lui dônnafie pas la 
Aaîri ;• que' fes gens & les mienî 
tie Içauroient ^u'en peilfer ; qu'elle 
M ^cmvôit même me ttiôtitrerde 14 
colère 5 fans s^expoler à les înftruî* 
jç^ de ce qui étoît arrivé ; qu'elle fe 
perdroît par cette indifcrétion j que 
jé lui étols trop fincéreiôent attaché 
pdùr la kiffér fe livrer à des mour 
veinens qui pbuvoîent avoir de fî 
fâcheufes fuites f que d'ailleurs il 
m'ëtoit impôfSble delà quitter , fansr 
lui avoir mille fois démandé pardoq 
à fes genoux 5 & Tans avoir, par moil 
refoedt, tâche d'obtenir ma grâce. 
Elle ne ine répondît à tout cela 
qu'en voulant; fortiï inipétueufe- 
mènt du' carofle. je la retins, & 
pàroiffant en fureur à mon tour, 
je lui* dis 4ue Je ne fouffriroîs pas 

I z qu'el- 



(196) 

qu*elle fe perdît. Soit qu'elle jouât 
tous ces mouvemens pour fe ré- 
babiliter un çeu dans mon efprit , 
ou, ce que fai plus de peine à croi- 
rejOu'elle fut véritablement fâchée , 
}e tus encore fort long - tems fans 
pouvoir parvenir à lacalmer. Enfin , 
quand elle fut laiTe de feindre de 
la colère , ou d'en avoir, elle me 
dit qu'elle voyoit bien quel étoit 
mon projet ; que le defir de l'outra- 
ger encore avoit beaucoup plus de 
part à l'envie que j'avois de defcen- 
ore avec elle , que le defir de ména- 
ger fa réputation ; maïs qu'elle fçau- 
roit fe dérober à mes infolentes 
entreprifes , & qu'elle ne me parlc- 
roit qu'en préfence de fes femmes» 
Eh bien! Madame, lui répondis- je 
d'un ton ferme, j'aurai doncleplai- 
fir de les avoir pour témoins de tous- 
les tranfports que vous m'infpirez. 
Quoique cette courte réponfe & la 
fermeté de mon tonluiimpofaiTent, 
elle chercha, mais vainement, à me 
dérober la peur que je lui faifois, & 
elle nie répondit courageufement : 
Nous verrons ! Eh bieu] Madame , 

re- 



(197) 

replîquai-je avec un feint emporte- 
ment, vous verrez. Là-deffus nous 
defcendîmes de caroffe , moi Tap- 
pellant Marquife le plus familiè- 
rement du monde , & pour ne lui 
laiflcr aucun doute fur mes inten- 
tions , lui ferrant de toutes mes 
forces la main que je lui tenois. 
Oh! tant qu'il vous plaira , Mon- 
fieur le Comte , me dit - élW tout 
bas ; mais vous n'en partirez pas 
moins, je vous aflïïre. En honneur ! 
lui répondis-je,je ne vous confeil- 
le point de me le propofer, fi vous 
ne voulez pas vous expofer à une 
fcène qui pourroit ne vous être pas 
agréable. Dans le fond, comme je 
vous l'ai dit , je l'eflFrayois » & la 
peur, qu'elle eut qu'en effar je ne 
fifle un éclat, la détermina, mais a- 
vec toute l'humeur imaginable, à 
pâlfer avec moi dans ce petit cabi- 
net que vous connoiffez, & qui 
donne fur le jardin. Elle fe mit d a- 
bord à s'y promener avec une forte 
de fureur. Sûr que cette promena- 
de l'ennuyeroit bientôt , je ne m'y 
oppofai pas, & debout, les yeux 

1 3 bîûf' 



bailTés, dans.w mQFne fitenceyTat^ 
pendis qu'elip. juchât, à propos d^ 
s'alTeoir. Enfin elle tomba dan^ un 
grand fauteuil^ la têt;e appujrée fur 
une de fefhmaîns , & tout-à-fait dan^ 
l'attitude de quel(pi'un qui ïêv^ 
^ouloureufement. Je ne l'y vijî 

fas plutôt, «que je courus ihejett^ 
fes genoux» Elle me repoufla dV 
Jbord «vec aflez de violence ; mais 
^nfin je faiils la inain ei^uellç qui 
pie repouiroit,.^ Taccablai des bai- 
fers les plus ardens. Elle; fit, pour 
}a retirer, quelques efforts ^ dont, 
tout exagérés qu'ils étoient-^je feo- 
tis aifément la moUefle. J^ôfai alors 
la ferrer dans mes bras, maîB plus 
îfvec raffeftueufe tepdrcfle ji© > Ta- 
piour^flu'avec la brufque pétulaii- 
içe du defir. Quoique jeuecruiTepïs 
^voir à la ramener de bie^ loin, ific 
gue ia colère m'e^tpeu .aUarmé,;îe 
pe Qouyois, aprè« le . manc[ue de 
jrefpeâ dpnt elle fe ^laignoit » & 
am, à dire la vérité» avolt été an 
peu, violent <j rie piis parottt^ b 
«roire^aùfli fâchée .quelle -aflfcftrft 
de rêttc,fans lui d&nner .peut-être 



Êonlre moi pluis ât faire&t eficott 
mi^elle nô vouloit en tnotitter. Je ne 
i aitnofs ;pas , mais «lie me pluifoit, 
-Oc quoiqu'elle ne fe fur point op- 
^fée à l'infolence, que Je lui avoiô 
faite, de façon à me faire peufet 
qu'elle la regardât comme une vic^ 
Idnce, elle n'y avoit pas mîâ non 
plus Taménité & les grates iufép^ 
fables du donfentement. Enfin, je 
rignoroîs encore à certains égaras , 
c& je ne vouloîs pas que rien man- 
-quât à raa vîftoire.Un autre peut- 
être n'auroit cherché à excufer foft 
i:rime qu'en en rejettailt fur elle là 
înoltié; mlis quoique je fçufle pu*»- 
iaîtément qu'il n'àvoît tenu qu*à 
ielle que je tte fuffe beaucouç 
4noins cotïj^able, Je'ttife tttut Igéfré^ 
afeufàttêrtt Tift. Ite ^«««ee^de^monlni^ 
ft>i'^Ge.Toftit Ètï^M MTatit'des' pr6^ 
iêâiUt^lif^ dé 'téipbÀ ,c f^éb<ïti$t& ^ 
«liais ^^«fe^^ifttfi ^tftTi Woifi&it 'tt- 
îlûîc^^^an^ààtdetv-âai 5^à tie '-m 
WeMr,infe âëroSôît-d^fiire^z'fceUea 

itt^^^^ai^^'fe ^nV'^BëIs,^&;«|H5l 

' "^ I 4 garda 



( 2CO ) 

gards, Vempêchoit de fc'oppofer à 
mes entreprifes , ou A , toute à fa 
jcolère, elle ne penfoit pas à ce 
que je faifois; mais enfin ce man- 
telet jaloux ne me nuifit pluç. J'a- 
vois affûrément dequoî louer ce 
isui s^oifroit à mes yeux; mais je 



blai. Je crois bien qu'elle avoit pei- 
ne à concilier le profond refpecl ^ 
dont je me vantpis pour eîle, avec 
mes emporteraens, & qu'elle voy- 
pit aifément à quel point j'ctois en 
contradiélion avec moi-même; mais 
elle crut apparemment que je le 
fentois aufli-bien qu'elle, & qu'il 
feroit inutile de me le dire , ou mes 
tranfports 5 auxquels je joignois de 
tems en tems toute la galanterie 
imaginable ,, fatisfaifant fon amour- 

Î)ropre, & peut-être troublant fes 
èns , elle n eut la force ni de les 
arrêter , ni de me faire honte de 
mon inconféquence. £n paroiifant 
toujours me réfifte^, elle commen- 
(Oit à s'abaadonnex.dans mçs bras* 

Tou- 



( 201 ) 

Toutes mes prières cependant nV 
voient pu encore en obtenir un re^ 
gard 9 & quoique je ri'euffe pas be- 
foin de lire dans fes yetix pour 
ni'inftruire de fes (Hfpofitions & 

{)our m'encourager à en profiter, 
e vouloîsjxomme je vous l'ai dit, 
que rien ne manquât ^ mon triom- 

She, & je la preflai tendrement de 
aigner honorer d'un de fes re- 
gards un infortuné qui Tadoroit. 
Enfin j'obtins cette faveur, & 
-comme je m'en étois douté, je 
trouvai dans fes yeux plus de trou- 
ble que de colère. Ce moment de 
bonté de fa part ne fut pas plus 
durable que réclaîr. Je la preflai 
donc encore de me le rendre, & ne 
l'en preflai pas vainement. Ah ! laîf- 
fez-moi , Morifieur, me difoit-elle 
aifez tendrement, oc s'il fe peut, 
ne vous faites pas haïr davantage. 
Avec quelque douceur que ces pa- 
roles fuflent prononcées, je ne pus' 
tranquillement m'entendre dire que 
l'étois haï, & je pris la liberté de 
lui demander fi c'étoit ainfi qu'elle 
j[>ard9niu)it« Un foudre, plus tendre 

I s pc^t* 



. (201 ) 

^^peut-Ctre qu'elle ne le croyoît 
"jelle - même •. fut toute fa réponfe^ 
, & vous u aurez pas de peine k 
'^deviner comment /je remerciai fa 
.potiche de ce foûris. Elle s'attep- 
''i^pit fi peu à uiie familiarité çle ce 
'^ genre^ qu^elïe u^eut pas le tem$ de 
: s'arratjger, de façon ^ que je . nlob- 
..tinlTe que les apparence^ 4^ là fa- 
.yeur que je lui rayiilpis, &'qûe 

)'en ' jo^is ^ufli délî^ieufement que 
'Jx elle me Teût' accordée le plus 
.rvoloptairpment du monde* Ce npu- 
l'veàù bonheur que je ine prbçurois, 
.(car vous penlea^, bien que dans, Je 
^carofle mule chofes ^vc^ent^ été 
j négligées) n'étoit pourtant pas fans 
^ çqntradioion* Si die tèms «n 'teqis 
;fiv6i$ lieu de me loiièr de ïînc^- 
^;içe; de Lufcinde, plus fouvept 

wkxat elle . îçavoit me prouver q^e 
\lQ ne lui^ fîfifoîs que violence ;^. & 
^*qubiqùe je fentiffe que le defir é- 
jtp^t ^n elle plus vrai que* la cplèjce, 
^cette alternative mie ^t^leffoitCepqn- 
t.dant conunent lé liHjdirej. fans Jui 
^.jjep^re uiie liberté ^ont eljg aurojt 

Sé abu£ex contre moi? 0. aii^bit faU 

Jb 



t(fment, *t©it.-de:m'jeii(têtej 4;«»fw» 
IfliUcy &/bi«itt6toUcBe>merftifcpw 
poffible de douter q\»e t Ifc'ttiew? 

pris le mei^çurw4^ A^l^'^^*^ *^^^ 
te lafentw^fcMÂifoénâblequeje 

je .le^firoi^.j'aoheyai.d^ n^;^ 
ftoufflèr dest afajparefflcçs de ;reQ>e<* 
q^e je conferymg. ^q^oférH ÇeûWS 
égàrd&V& je 'vbuTus vdf IdfbfUesoù 

trouS^s^1J8îaffi étendue 
xm jîav^w'cnj Ô9V<»iE(fli';fin/i»ttfcr » 
& fe*s^«fi©ïretq?wlqjiesiMirefp«*- 
4â«s"Jt coi^ttte.'S*.ïéfiP:M»çeflte 
donnant fiMifio plu» A'i^F««»ce 
«le de. plaifir ,. :& vçonywpçi* que 
iavoia porté^ le» ég«ds b»eo .,*tt^ 
là dft«eitiudi9 ôttjJttio» l esgeojt, 
ie me détçrmm», en fcwiptrant , au 
feul coupmètôôté 4«î pût termi; 
aa cette difcuflion,&.m*catr9«v« 



( ao4 ) 

Jarfàîtemetit bien. Il efl: vrai que 
rttfcinde tat fit ftttiir s â-ohùrà 
qu'elle fôtroyoit eiicore ^ôf enfée ^ 
niais fe la vfs etifiii[,plttg-.àce qu^el* 
le étoit qu*4 ce qu'elle vouLatetwi- 
rottre , oublier tout à la fois qu^el* 
le aimoit Oionte , & qu'elle ne 
fii'sdmoit pas, & trouver dans la 
vengeance tous les charmes qufoii 
4ît qu'elle a. ' 



1 . • : CflDÀii^SE. 



. Cptament ,. traître ! vous m'aviez 
dit que cette hîftoire ne .m'amufe- 
Toît pas ? & je la trouve délîcicufe ! 

etITANDRE.' 

Dans.-Iefotad elle n'eftjpas ab**' 
folument mauvaife. Je penfe pour- 
tant que'Lufcinde la trouvcroit dé- 
teftable , & voilà comme: on ne 
plaît pas à tout le-motide'^ mais 
prouvez-moi du moins qua vous 
m'^ avea: qiielque obligation. 

Non: • ' -- X ; . . . . 

CLIf 



V- -. 



( »ej ) 
CLITANDREJ 
Comment ! non» / . ;. - 
CIDALISK 



\ V 



D'aîfleurs , elle ii*e(ï pas finie; 
cette hiftoire, & je n'ai pas oublia 
ijue je vous Fai* payée d'avance 5 
encore pourroîs-je yôif .fi vous ne 
m'en deviez plus rien. 



• " r ■• r* 



CLI TANT! BLE, 

Mais fi je ne veux pas la finira 
moi? 

CIDALISE. 

- ; 3e dout^ que j'y : perdiffe bcatf 
coup, Sc.que vous De m'ayez pas 
faisonté' ce qu'elile : a de plus int6; 
rcflant^ 

CLITÂNDRE* 

V Efr bien }par-^iehg)lè, vous vous 
trompez. Mais quoi qu'il eh :ibit» 
il n'en eft <paS'^oin& certain que 
vous n'aurez' cè qui' engrené qu au 
:ptx% dont vous en ^avç£ payé le 

- I 7 P*^ 



(^) 



^ J 



*«. 



Ne me parlez pas *comitLer eëla; 
car férieufenipnt voiw me faites 
peur. {Il wui là hwrhmter.^ Oh î 

)0u^ cela non-, . vous ;iie loTaMa- 

)erez iplus./ 

^lléfrerid^ contré lui toâtèfkspréêèu^ 

Abl cela eft beau! voilà, d^agté*- 
tles prôdâêsl -''' -- • . .^ 

fenti tftsfls -VoM pbimz-tiîotf|)i|» 
^tte^ de la^Mt ^e^ rfÊ» ^làftiisfii 
d'autres- Au-lieu de me iGéUMM- 
ter comme vous faif es , ^ d'avoir 
les prétentions dû* monde les plus 
ridicules^ qiie.,»e:ffie.fîQiffiezr-vpua 
jcette hiftoire?: ; . .r- vt 

p.. . I( 




- , '♦ 'V' 'f• 






Vou$ croyez pcu^tre que je «e 
■ fuÎ3 fi doux , que parce que cela 
"'ih'èft'pliis commode que dem*obl^ 
""tiner contré. vous? H eftpouirttflt 

xéel.*.» 

CIDALISE. 

.. :Otb! taon Dieu ! je vous retids 
ilà-defius toute la juftice poffible. 

V CLITANDRE. 

^ : Cfeft^^be Je ne voûdfois ^as^quç 
voùscrufBez.*.. 

CIDALISE- 

. -' • ■ •. ' • '.,.-. 

l' JEtk non: t je ne crois ritn^ à votre 
"^ dëfayantage ^ foyex : tranquille. « • 
; En vérité ! ,]e. vous- difpeiifols i^s 
^ preuves. Bh biepi je fins convain- 
cue ; aurai- je enfin le relie de VhUr: 
toire? 

C Lit AND RE. 

; Les toits^fe tîx>uvant>fliz éga^ 
: iement partagés entre Lufcinde Se 
vmcflf pour qu'elle ne pûtjâvec quel- 
• que ^pareuoe da jttftice^ me dire 



( 208 ) 

encore que j'étois un impertinent ; 

elle' ne. fut pas plutôt revenue de 

•Terreur oùje venois de la plonger, 

qu'elle baiua les yeux avec les mar- 

Jues de la plus grande confufion. 
è fentis que dans le crémier mo- 
ment ce' ne feroit point par des 
.tranfports que. je la tirerois d'un é- 
tat li.defa^éa^le^ & je crus ne 
pouvoir mieux lui adoucir les re- 

})roches que je voyois qu'elle fe fai- 
Qit , qu'en lui remettant devant les 
yeux -les torts d'Orônte, & en lui 
repréfent^nt vivement à quel point 
il lui avoit manqué.; J'ajoutai que 
l'on poùvoît pardonner à un hom- 
: me des fcènes particulières j mais 
. que quand il s'oublioit afifeî pour 
. en faire de publiques & pour ne 
•rien rcfpeôer, il étoît impolTible de 
lui pafler des éclats fi fcantlaleux , & 
que j'ôfois alTûrer que , depuis que 
j'étois dans le monde y je n'avois rien 
vu d'auffi déplacé que îafcènedece 
^ foir-là 5 & qu'elle étoit la fenle^qui 
eût pu fi long-tems carder un Amant 
; qui ne fçavoit exprimer fon amour 
que par les jalouûes les plus inju- 

rieu- 



( i09) 

rieufes & les plus violetis proce« 
dés. Ce difcours produifit fur elle 
l'effet que j'en avoig efperé. Elle 
reprit feu^ convint que j'avois rai* 
fon , s'emporta contré lui avec tou- 
te la vivacité que vous lui connoif- 
fcz , & ne fut plus furprife que d'a- 
voir attendu fi tard à le venger d'un 
Amant fi incommode & fi peu reù 
peciueux. A mefiire qu'elle ceifoît 
de fe trouver fi coupaolè, je deve- 
nois , comme de raifon , fort inno- 
cent k fes yeux. Le zèle ardent 
qu'elle me voyoit pour fes inté- 
rêts i je ne fçais quelles comparai^ 
fons elle s'avifa de faire entre Oron* 
te & moi, & qu'en ce moment 
elle tournoit à mon avantage ; une 
forte de goût que peut-être elle prit 
fùbitement pour moi , la forcèrent 
enfin à prendre ce ton tendre & fa- 
milier que je lui avois jufques-là 
vainement defiré. J'y répondis de la 
façon qui pouvoit l'encourager le 
plus . & quoiqu'à dire la véhté , ce 
ne fût point par le féntiment que 
dans cette converfation je brillaiTe 
le plus^ elle trouva que j'étoisrhom- 



^^ m<m':iiécte,^livaîs lelphss 
^ i db^Iicatefife , & mèàit s^anhk 
fprt dô nfe.s'^n être^as^^perçtié 
plutôt Ce qui lui avoit paru ,. avec 
quelque forte de raifon, la plus é- 
lîorme des infoleiK:es,.ne.£ut bî^n^ 
tôt plus qu^uné de ces témfirïtéâ 
4oât TAmant le plus fefpeéhiéux 
ne peut pas. tôujowa fe d^feadre'; 
un de ces inomens malbleureiix, où 
i'oa ^ft emporté margré foi-même, 
& qu'il eftimpoffible qu'une fem^ 
me ne pardonae pas lorsque c^^flb 
par l'amour, & non. pat le défît 
qu'on eft entrainé* Quoique; toiis 
ces. propos m'aiTûraflent itiffi&mi* 
jnent de ma grace^je^ voulus qu'elfe 
m'accordit tout ce. dont l'impéttio- 
iité de. ma paffion m'avo|| forcé ide 
me priver 9 2^ -qûeypotir tsftacerijuil 
qae& ank plus ie^esitittee; derttot 
Impertiniéncè , nous (uiiâffioifè^totQCS- 
«èa. ks pTOgteffiôini^qùefnottéâfltiàè 
tUrohienes^jfi 'nbuy/«u^Iiûif& tm:^ 
ftems 'dèvla «filer,. }&ihii4|ts 4Qiâ^% 

$lus;vmtttiit'da:mô«H&e qite;fé 
adôsoisy^ientite i^vea tlè^pkBtdh- 
-dre lifas >iiifyft id» .l»MJi9l^^:^- 
x nois 



* r 



m>is ife Mre^&rfittTuHfi de tontes 
3«s petites raircnrs qm pouvcaent 
le: côn&mer. Celleë-ià en amené- 
Tent d'autres; elle ne m'opiwrfa dp 
Tëfiftance que ce qu'il «n faut pour 
-ajouter aux plaifirs. L'amour entroit, 
il la vérité, dans tout cela pour aS> 
fez peu de chofe ; mais nous fûmes 
lon^-tems fans nous appercevoir 
tpxW nous manqu&t. Quoiqu'elle ait 
mille cliofes charmantes ; que > peâ 
de femmes en laflêmblent tant^ 
' qu'elle foîtvive,fenfibley& qu'elfe 
%ït pour un Amant, ouTà-peu-pri^ 
tde cela, mille grâces, toutes plus 
piquantes les unes que les autrei^, 
-je ne fçû% pttr âuel caprice dé goût 
îeile 'tne *pan)i»bit plus faite pour 
•àmufer tin homme quelque teins^^ 
tque. pour le fixer* Nous nie noïïs 
.'en appeircôvons peiit-étfe pasîmftis 
•* quéîqae |>6klt 4tte ce qu^nap- 
:$61Ie ffié^rs- 6c - principes foft : dé« 
fiirëâité ^ notts en ^Ulo^s encôté. 
^Je n^avois donc .liulle énvfe de hi 
i|tarder.'à^ ihoins que'(cbmme'j'â^ 
ibrftïttfe' je «*èîtee poftit;. un Bépe)àt 
^as^l^ifits a'6rgâeil)èife ne fe fût 



(212) 

iTrangéè de façon qu'Oronte, on 
même quelaue autre ne m'eût fauve 
auprès d'elle l'embarras de la re- 
préfentation 9 & ne m'eût permis 
ce refter dans la foule. Quoique je 
.ne déférperaiTe pas de l'amener fur 
cet article à un accommodement , 
elle me difoit des chofes fi tendres , 
& prenoit fi férieufement pour l'a- 
venir de fi grandes mefures, que 
je ne fçavois comment lui expofer 
un projet qui prouvoit fi peu de 
fcntiment & même d'eftime. Ce 
n'étoit pas qu'il ne me fût aifé de 
lui promettre plus encore q|u'elle 
n'exigeoit, mais je ne voulois pas 
avoir avec elle le mauvais pro- 
cédé de la faire rompre avec un 
homme qui étoit du moins fort né- 
cefTaire à fa vanité, lorfque je ne 
voulois pas le remplacer. Je ne me 
preiTai cependant point de la tirer 
d'une erreur où dans cet inftant 
J'avois befoin qu'elle reliât, & qui, 
en excufant fon ardeur, la faifoit 
fe livrer à la mienne fans crainte, 
& même fans fcrupule. Quelque 
vive que fût entre nous la conver- 



< "3 ) 

fatiôn, j'étois alTûré qu'elle ne fe 
foutiendroit pas toujours fur le ton 
où nous l'avions commencée ^ & je 
crus 9 pour lui expofer mes mten- 
tions , devoir attendre qu'elle vint 
à languir. Âufli-tôt que ce moment 
que , malgré les plaiiirs que je goû- 
lois 9 j'attendois avec impatience , 
fut arrivé , je me mis à lui parler 
du défefpoir où feroit Oronte de 

}3erdre^ & par fa feule faute, la 
ëule lemme qui pût rendre un 
homme parfaitement heureu3t. Elle 
me demanda fi je croyois qu'il y 
fût fi fenfible , & je lui répondis 
affirmativement que je ne dqutois 
pas qu'il n'en mourût de douleur. 
Ce fera donc par vanité, reprit-elle ; 
car à fa façon de fe conduire , il ut 
fe peut pas que je lui fuppofe un 
autre fentiment. Oh ! pour fort 
amoureux , repliquai-je , il efl: im* 
poffible que voUs ne conveniez pas 
qu'il l'eft. Là-deffus je lui expri- 
mai finement, mais avec autant de 
feu que d'étendue, tout ce qu'O- 
ronte avoit fait pour lui prouver 
qu'il avoit pour elle tout l'amour 

qu'il 



avoiç ,aucun -gi^-ell^ put impdit;» 4; 
iqidifféreuc^i Q«e -de^puis quatre, atis; 
qjv'ij l'adorpit^elte n'avx)it à: lui it^ 
pracher • (^m i^ |àlouûe$^, à la v^* 
rtté fatt dur^ , .fort o&ufantes,^ 
^ ^U^elle: ivQit raifoade vouloir ' 
pumr ,1 ms^is qui . n'étoient ei> luit^ 
uji çùm fimgulia Tqve.pax: Içnr 
eiaponem^tj^ kar continuée/, 

Eiufque tout Ama»t ctx ^ camiar 
k plus Qiu moina^ Dans rinftant, 
ou } avoi9 commeocjé à lui parler 
dfOf onte ^ j'ayôi^ yû fes fourcils ft 
froncw 9 & foh vifage dcvetoit' Ce?- 
vire , comme fi elte eût. voulu îiac- 
U me dire de ne lui point parler 
d'un objet qui lui déplaiioit ; mais 
iQrfque j'eus : commencé à m'éteh- 
dre fur Tamour qu'il ayoit pour 
eUe 9 & fur tout ce qu'il ayoit fait 

{»our lui prouver à qUel point elle 
ui étoit cnere , elle prit infenfible- 
ment, & malgré elle, l'air de l'in- 
térêt , fe mit à rêver profondément , 

& foupirer de même.; :&:^nfin il 
X • * loi 



lui fur ifi^mi&Ue de retienjfi.le$^}àf'>*^ 
> Bie& a^ postraili ? c}u.'eh^ îst ifu^lj^i^JD' 

& &de fesagréiiifiD$,â&dtswiivtif; 
se s'cQ pas cvoîse adcràev^^ " ' 



f •» 



CIDALISE. 



En véntsél vous étesHQnguliére 






«LIÏ'ANDRB. 

# » • 



- r > 



Que vouliez- vous " donc' que je 
fiffcL? Que jeJa ^affé?- . 

cibAUSE. 

Non 5 mais que vous ne la prît 
fiez pas. ^ 

CLITANDRE. 

. J'auroîs mieux fait fans doute; 
îîiais fans compter qu'elle 'eitaflez 
bien pour qu^on puiiTc être tenté 
(Je ravoir ^favois à me venger'd'Ô- 
ronte , qui, pendant que fétôîs aimé 

d'Afj 



(216) 

d^Afpafie 9 avoit indécemment fait 
tout fon poffible pour me fupplan*- 
ter. Je m'étois bien promis de ne 
pas manquer la première occafion 
qui fe préfenterott de lui en mar- 
quer ma reconnoiflance , & je crus 
ne le pouvoir mieux qu'en lui ren- 
dant fa MaitrelTe , après ce que j'en 
avois fait. . 

CIDALISE. 

Rien n^étoit aiTflfément ni pins 
judicieux, ni plus équitable. 

CLITANDRE. 

Mais, ouï: c'étoit, je croîs, le 
feul parti qu'il y eût à prendre. Mes 
difcours cependant embarraiToient 
Lufcinde, d'autant plus qu'en lui 
exagérant les charmes & latendref- 
fe d Oronte , je lui parlois avec feu 
de mes fentlmens. Je voyois avec 
un fecret plaifir qu'il s'en falloit 

{)eu qu'elle ne crût, & l'aimer à la 
blie, & me haïr fort raifohnable- 
ment. Te ne me fus pas plutôt ap* 
perçu de l'un & de l'autre, que je 

me 



Ciî7 5 

lut mis en devoir de reprendre avec 
rile des libertés, qui, par notre de t^ 
nier arrangement, devenoîent entre 
fions tout-à-fait fimples ; mais dont, 
par la nouvelle révolution que fon 
cœur venoit d'éprouver , il étoit 
impoffible qu'elle ne me fît pas un 
crime. Avec quelque adreffe qu'el- 
le cherchât à me dérober fon trou- 
ble , fes remords , fes nouveaux 
vœux , & la répugnance avec laquel- 
le elle fe livroit encore à des tranf- 
ports , qui , quelques inftans au* 
paravant , prenoient tant fur fon 
ame, elle m'inlpiroît trop peu d'a- 
mour, & j'ai trop d'ufage de ces 
fortes de chofes jour qu'elle pût 
me tromper fur les mouvement 
Elle ne répondoît plus, foit à mes 
carefles , loît à mes proteftatîons, 
que par ce foûrîre faux & cette 
complaifance froide & forcée que 
l'on a PouT un Amant qui ne plaît 
plus, oc à qui Ton n'ôfe le dire. 
Muette, les yeux baîffés, fe refu- 
fant même , lorfqu'elle fembloît fe 
prêter, toute entière à ce même ob- 
jet qu'elle venoit d'oublier fi parfaî- 

K te- 



jement^ non, jamais je n'ai vûThur 
meur & le dégoût .fe pej^ndx^javeç 
Jî peu de ménag^Dientr & .îiat. de 
îiaivété. Utt'njoniéut d'orgueÙ. ri^^ 
fit regretter: i%voit voulUîii^pp dpai- 
iier le plallir; fit jfe fus -fur le point 
ti'êtte affez injufte ^pour la gronder 
le plus vivenjent dû monde, de mç 
faire effuyer des^ hupiàliatîôns quç 

gm'étoî^ ■ môï -.liêîinjp .xherchéç.si 
eureuféinenjt.î)ôûr;.'eîljb.- Çc pour 
inoi , ^ce itiôuvement de * fatuité . nç 
ftit pas long ,1 & iQin de. m^ayéu-. 
^er fur la foae de clialèùr qu'il r^n^ 
doit à taès feiis ^ ôcdêle prendre 
ùotir del'kmoijr^ je; Içus ij^éii ren^ 
3re.rç maître; .^ m V^Jit Ç^f qtiq 
fétoiS. N'e.'pôuvint fortir^ftuéj pa^ 
cje'à rftprochèç ; jje rembarras oùjq 
A'étols niis ,' ièies.fis du;m6ii3i&; 
^écens & modérés!, Ô^^j'eui^toùt Te 
Ibin poffible (que rièh.de trop hu-1 
milîant pour* elle ne "les, emjjoî- 
fônnât pas. revois raifçiv , car f^-. 
vois 'aûurémebt plus, dé Ç3rtquel. 
Te , (jui auroît borné ^-oùt ïçn ref-^ 
fentiment contre Orofixt à fè pl^^in^ 
df e de lui avec moi y 6ç tput au 
,* ' plu^ 



C ii9> 



plus à de fimple^ pr(>]«ts de 
geance / f| je n^euffè pas abufé 



ven* 

tre elle' de l'état violêiit-où elle fe . 
trouvoit, & que )e ne lui euflîepas 
arraché des faveurs qu'elle H^^ût 
peut-être jamais fosgé-d'elle-mème 
à m'accorder. Ce fut doac fans fiel 
& fans amertume que je me plaig* 
ma qu'elle s^étolt trompée far fon 
cœur j lorfqu'elk avoit cru que je • 
lui faifois oublier Oronte. Un re- 
gard & un foupir 9 qui m'apprirent^ 
combien en effet elle fe reprochoitî ' 
de l'avoir cru, furent toute fa ré- 

fionfe« ]e lui dis alors tout ce que 
'on peut dire d'bdnnête & de flat- 
teur à une femme par qui l'on eft.' 
quitté, & l'afllU^ que fétois d'au- 
tant moins furpiâs du malheur qui' 
ra'arrivoit avec eliô, qu'au milieu 
même de tout cô qu^elle avoit fait, 
pour moi , elte m'avpit fait fentir 
combien elle tenoit encore à l'hom- * 
me qu^elle femMoit mfe facrifier. 
J?ajoutai qu'il me feroh, s'il fepou- 
VDit pourtant , plus cruel çncore 
de la pofféder malgré ellémtme, 
qu^il ne m'auroitété doux de late-^ 

K 2 nir 



( i20) 

xûr de Ton cœur j que c^uel^ué chofe 
que j'en puffe fouffnr j ]e devois 
cefler de me croire des droits de 
riaftant où elle ne les avoiioit plus, 
& que j'aimois mieux n'avoir au- 
près d^elle que le ftérile nom d'a- 
mi , que de conferver malgré elle 
le titre d'Amant ^lorfqu'il ne pour- 
toit fervir qu'à faire le malheur de 
fa vie« 
. Que quelques femmes font fin- 
gulières ! Il eft certain qu'après ce 
oui venoit de fe paffer entre nous 
deux 9 & dans la utuation où elle fe 
trouvoit 5 il ne pouvoit lui arriver 
rien de plus heureux (}ue la dou* 
ceuravec laquelle je lui permettois 
de ccfl'er de m'aimer, J^aurois na- 
turellement dû en attendre des re« 
mercimens ^ mais elle fentit plus 
le tort que , par cette facilité à me 
dégager , je femblois faire à fes 
charmes , que le facrifice aue je fai- 
fois à fes fentimens , & u elle eut 
la force de ne pas s'en {daindre , 
elle n'eut pas celle de me diffimuler 
le méc-ontentement de fon amour- 
propre. Je ne fçus ^pendant quelque 

tems » 



( 221 ) 

tettts, fi je paroîtrois Tavoir remar- 
qué, ou fi je continuerois à (uivre 
mon objet ^ mais la réflexion ^ quô 
je fis que tout ce que je lui dirois 
lur cela ne feroît qu'allonger cet- 
te fcène, &ç que cru amoureux ou 
indiflférent , elle n'en retourneroit 
pas moins à fon premier goût, me 
détermina pour le'' fécond parti. 
Après quelques tergiverfations, de 
vengeur je devins confident. Ce 
fécond rôle ne flattoit pas autant 
jna vanité que le premier; mais 
.comme il me convenoit davantage , 
ce fut fansr aucun chagrin que je 
vis Lufcinde pafler, vis-à-vis de 
moi, de toutes les fureurs de Ta* 
mour à la plus cruelle froideur. 
Quelle révolution ! 

Mds , 6 cracl AnM^ns ! ce font-li de tes coups! 

Lufcinde enfin pouffa Tindifféren- 
ce fi loin , & prit en même tems 
une fi grande confiance en mon 
amitié, qu'elle ne craignit pas de 
me confulter fur ce qu'elle avoit à 
faire. Je lui répondis avec le même 

K i fing 



ftng froid que d'abord que je vou- 
lois bien me facrifier, rien n'étoit 
moins embarraflant qut fon affaJ* 
;re.^ que Je me flattois qu'elle me 
rendoit aiiez de juftice pour ne pas 
douter de ma diicrétion; mais que 
comme il fe pouvoît nu'Oronte-, 
:jaui véritablement eft d une jalou- 
iie à défefperer ^ apprît que j^avois 
tpafTé la nuit chez elle, oc qu'il ne 
Vcn tourmentât fi Ton paroiiToit 
.vouloir le lui cacher, j'irois ce m*- 
tîn-làmême le gronder fur fes ca- 
lices , & lui dire que j'avois vai- 
nement emplojré la plus grande 
5)artie . de la nuit à: là prier de leâ 
ui pardonner. Elle approuva Tar- 
xangement que je lui propofois, 6c 
me promit une amitié éterûelk. 

CIDALISE. 

Cela eft'afTè^imfQt bien beau de 
part & aautre , Si cette affaire ne 
pouvoit pas plus noblement fe tec^ 
miner. " . 

CLITANDRE. 

Se terminer î Oh! elle ne Teft 
pas encore. C !• 



» ' CiDALtSE. 

i : Quoi ! lui: arriva-t-il «ncore de 
changer • d'avis ? En vérité l je le 
vojudrbis. . . 



CLÏTANDR.E* 



t ) 



Ohi que nonî Ce que j'ai en* 
core à vous dire,, éft d'une bien 
plus grande èeaùté'; niais tout ad* 
niiratle que, cela eft*, je ne veux 
pourtant pas trop vous le faire at^» 
tendre. ; 

y Dsftis rinftant que j'alloîs quittcç 
Luicindp , & que nous ne nous fai*- 
fions plus que 3e. très foîbleSjPfo? 
ieftatîohs d'awtîé,!! me parut plàif 
iant d'en obtenir encore des fai. 
veurs j rialgré ramoùr ardent dont 
alors elle brûloit pqur Orbn)té,, Get,- 
te Héein'e.panjt.à'iriçlTmê^ fm- 
gulîère ) 'i& , fi /.peu/ ^it^ paÙT réù(^ 
fir*^ moi né /Voulant Veinpïoyer m 
menacés '; ni violence-, <me je crus 
ne pouvoir tiop finement la mettre 
en ioéuvrè. Je feignis donc de la re- 
garder avec plus d'ardeur que ja; 
mais." Je pouuaî de profonds fou- 

K 4 pîrs 



(an) 

pîrs, levai au Ciel des yeûX d'un#. 
triflefle à faire pleurer. Comme em- 
porté par la force des mouvemens 
qui m'agitoient, je me précipitai à 
&s genoux , & n'épargnai rien eo- 
lin de tout ce qui pouvoit lui prou- 
- ver que }*étois accablé du facrifice 
quMIe. me forçoit de lui faire ^ & 
ne .craignis infinie pas d'ajouter 
qu'il étoit aflez ^vrailemblable que 
je n'y furvivrois pas/Quand il au* 
roît été poffible que de fi grandes 
plaintes ne Teuffentpas émue, foti 
amour-propre avoit.été troc piqué 
de la tâcilîté^avec laquelle je m'é- 
toîs détaché d'elle?., pour qu'il ne 
fût pas infiniment fenfible à mon 
retour. Elle me pria donc bien fé- 
ricufement de continuer de vivre. 
Je la conjurai à mon tour , s'il étoit 
vrai qu'elle s'intéreflît à ma vie, 
de me recevoir encore une fois 
dans fes bras. Cette propofitîon pa- 
rut l'étonner; mais à fes regards 
je jugeai qu'elle ne la trouvoit pas 
fi abuxrde, & même qu'elle ne 
m'en fçavoît pas abfolument mau- 
vais gré. Jl fe pouvoit aùlB que la 

ne* 



Béceifité de me ménager, & là 
trainte que je ne me vengeaffe de 
fes refus par quelc^ue malhonnête 
indifcrétion, .entraflent pour beau- 
coup dans la douceur avec laquelle 
elle la recevoit. Quoi qu'il en foît^ 
elle me répondit feulement, avec 
toute la bonté que je pouvois at- 
tendre d'une amie fincère y Que 
6ies regrets n'en feroîent que plu^ 
cruels, & que fi j'étois fage,]e der 
vrols bien plus fonger à éteindre 
mon amour qu'à chercher ji le ral- 
lumer. Je convins qu'elle avoit rai- 
ion 4 mais je n'en inliftai pdstûoins, 
& le caprice^ la crainte & la va- 
nité lui tenant lieu de tendreffe , & 
même de compaffion : Au moins , 
Clitandre , me dit-elle en fe prépa- 
rant à me fecourir, fouvenez-vous 
que c'eft vous qui le voulez ^ & il 
ma complaifance pour vous pro- 
duit reffet que j'en crains, ne foy- 
cz pas affez injufte pour m'en ren- 
dre reiponfable. Croyant alors m'a- 
• voir fufitfammentaveni, elle fe li- 
vra d'aflez bonne grâce à mes em^ 

K ; prftf 



( ^^6 ) 

preil^mens. Je vous avouerois bien 
jiné noirceur (jue je lui fis.; mais 
c'èft que je crains q^u^elle ne vous 
paroifle trop forte. Dans le fond 
ce n'eft pourtant qu'une expérien* 
ce , & il n'eil pas défendu d'en faire. 

CIDALISE. 

* Au contraire elles, ne peuvent 
(Qu'être utiles , & d'aîlleUrs c'eft 
le goût d'aujourd'hui. 

CLITANDRE. 

. C'était , aiofi qttfe vous avez pfl 
îe juger pafJ mon récit j non feule- 
Inent f4ns atnour « mais même avec 
d^aflez foâbleâ detif^ '<lue je l'avois 
priée de m'àocoixtef une dernière 
preuve de fort amitié*, tt étolt paf 
toflféqûent 't6ut finïf)!^' flu^ ^é ne 
foffe p^ ' éitlû à ûh certain pbint 
8ou oteuir n'étoit if>as non* j^iri 
dans Une d^rpo/Titioti plus ftvorabld 
que le mien ^ & hous commençâ- 
mes toiis deux cet entretien, fan^ 
apporter à ce que nous difions une' 

at- 



< il? ) 

*tt'eiîtfdn' affez nwârtiuélË pour qôè 
Ibfoils ne puffiofis pas voltiger for 
d'àûttÊs objets. Nbuà reliâmes af- 
fez loflg^ems tous deux dans cet- 
Ife Ibité dMfidifFéreftce. Enfin 11 m6 
parut qu'elle comtoençoit à ne plui 
voir lés chdres ^vec tatit de defin- 
térèflfement.^ Cef li-étoît pas qu'elle 
m'aimât iJluë qu'elle ne me l'avoit 
promis-; mais apparemment elle 
s'àmùfoit davantage.- 11 me prît en* 
■^e de voir s'il eft vrai que la ma- 
chine l'empérte^ M le fentîment 
autant que bien .des. gens, le préten-' 
dent; & pcmr nféclairér fur cela, 
d|»^ l'invant, quc^ . Loifcinde fem- 
Blôit avoir oublié toutte la tiature^ 
ou ne plus exîftèr^que pour moi. 
Ah ! Madame^ m'éeriai-je , pour- 
quoi faut-il que dans des momens 
fl doBxvjQ'U'fefpiiiffe: perdra le fou- 
veiiif Me MnoU' rivil? ou pourquoi 
dtt moins mé, ^is-jé vous le faire^ 
oublier ? "Car jerifin< je ne le voi$' 
que trop', ' Pheureùx Oronte peut 
feul vous oGcaper. Défefperée de 
vous voi^ dans mes bras, vous tfaf-. 
ttrèz : qt^'iKi. bonheur de vou$ re« 

K 6 * tro' 



/ 



( "» ) 

trouver dans les Cens, & ce ferait 
•en vain que je me flatterois 4e le 
bannir un feul inftant de votre cœur, 
. ' Non , Clitandre , me répondit* 
elle Gourageufement , vous ne vous 
^biifez pas , je Tadore. 

Et ce qu'il y a de remarquable, 
c'eft qu'en faifant à Oronte une fi 
tendre déclaration» elle m'accabloit 
des plus ardentes carciTes, & me 
donna môme les plus fortes preu' 
ves de fenfibilité qu'en ce momeiit« 
Ûjepufle attendre d'elle, 

. CID ALISE. 

Et vous avez conclu de cette 
épreuve fi honnête . • . 

r 

CLITANDRE. 

Que les femmes difent plus vrai 
que nous ne croyons , quand elles 
affirment que les plaifirs les plus 
vifs ne font point oublier à une 
femme , qui penfe avec une certai- 
ne délicateffe , l'objet dont elle a le 
cœur rempli , & que quand ce n'eit 
'ïas lui qui les lui procure, il n'cnr 

eft 



( ai9 ) 

eft pas moins celui à qui elle vou*' 
droit toujours les devoir, ah! c'eft 
une chofe bien vraie que celle - là ! 
Mais, pour en être convaincu, jV 
voîs réellement befoin d'une expé-. 
xience comme celle que f ai faite. 

CIDALISE. 

Ah! fcélcratî 

CLITANDRE;. 

Pourquoi donc ? Que peut - on ' 
faire de mieux que de chercher à 
fe guérir de fes préjugés , & fur- 
tout de ceux auxquels les autres 
peuvent perdre ? Au refte jçour cef- 
1er de vou3 parler de Lufcinde , je 
lui tins parole dans tous les points. 
Vous êtes la feule à qui j'aye racon^ 
té cette hiftoire. Je forçai Oronte 
à s'avouer coupable , & renvoyai 
aux pieds de Lufcinde lui deman- 
der pardon de fes Jnjuftices. J'in* 
tercedai même pouf lui , & j'eus la 
gloire de voir mettre dans le traité,^ 
qu'ils conclurent entre eux , que 
c'^toxt à ma feule confidération 

K7 qu'ojr 



qu^on lui açcor^ol^ la paix. Cette 
aventure enfin. m\ dmaé un vrai 
nlaific. Si ]fï n'y di/ âe{Xttis> jamais 
fongé faus rire» t- , . : » • 

pIDALISE., , 

£t moi, je né vous entends pas 
fans trembler. Vous me paroifiez 
avec les femmes d'un libertinage 
& d'une mauvaife foi qui me don- 
nent les plus vives terreui;^ , & qui 
me font 'cruellement repentir de 
n)a foiblefle pour vou^. 

CLITANDRE. 

}e ne vous conterai plus d'biA 
toires. puiCquû k. feul u&ge^fiue 
vous fçacliiezie3l.faîxe^ eft^de vous. 
tourmenter ; & pour jvous foire] 
mettre, des boines.'à vos crâimes,' 
feu n[i£ttrai defijrmais à Éxa.con**- 
fiance. Ce que. je puis pourtant' 
vous jurer , * & '^tc la: vérit&lâ plus- 
exaéte , c'eft qw iè fuis aaUirçllo*'^ 
ment fidèle., !^ que^vcùis 'Qxez^" 
j'ôfê vous le dite ^ étonnée, de ina j 
régularité. . . ^ : 

CI. 



C i3^ ) 
GIDALISE. 

•Hélas l Dieu le • veuille l (Elle 

fait fonner fa penduleC) Déjà fepè 

heures! 



A vi 



CUTANDRE. •. ; 

Pour moi , je né jne ïevè ordî- 
nairement qtfà dix , & je doute, 
que ce foit avec vous <jue fappretl- 
ne à devenir plus matmeux. Vous 
fcntez bien d'ailleurs qu'il ne fe 
peut pas que je: vous quitte fans 
vous avoir bien iaffûrée* . 

Sortant de fon iiu 

Et moî; Je vcfiuLprôtéftè que je 
fonnerai plutôt Juftine que ,4e-jCouf- 
ftîr que vous mè to'urmèiitiô^' .àa*.-/ 
vantage. 

CLITANDRE. 

. - » 

' Ali ! fans doute ! Cela feroit beau.!- 
Grôyez-moî , véioez vpu5 récou- 
cher. 



/ 



C ^3i ) 

CIDALISE. 

Et mon lit? Vous m'avez promie 

âe le refaire. 

CLITANDRE. 

Volontiers. Je puis dire , fans 
trop me vanter, que Juftine, toute 
fameufe qu'elle eft , ne fait pas un 
rit mieux que moL 

Us refont h liL 
CIDALISE. 

Hélas ! tant mieux ! Je n'eus 
jamais plus de befoin d'*tre bien 
couchée. 

CLITANDRE; 

C'eft-à-dîre , qu'on ne pourra 
vous faire fa cour qu'un peu tard! 

CIDALISE. 

Oh ! très Urd , en effet. Et je 
vous défends de plus de parler à 
aucune des femmes qui font ici, à 
Lufcinde fur - tout , que je ne fois 
levée. 

CLI- 



:|e îfe vois pas poufiqHm elle vous 
p^cHt ^u$. àrcràindre qu'une au** 
tre ; mais ce dont Je fois convaincu , . 
c*eft que jp ferpia pour elle moins 
dangereux que perfonne , & que 
depuis notre jiventure elle a penfé 
Air moi . atfoÎQment (çomiûe Julîe^ 
9W)îqùe faye.pUis dtunefois tcn*^ 
tS dela;faire vivre avec uioî &r' 
le ton 'ât liberté qui auroit'Jf la 
fois convenu «ux ; defirs qu'elle 
m'JnjTpiroit ^Ôc.au peu d'amour que 
î'«vdis pour elle. 

' * * * 

~ CIDALÏ^E. 

Il eft . en effet affez- fingulîer 
qu'elle ne fe foit pas prèrëe à des 
:wés fi râifonnables. - 

CLITANDRE. 

Mais" OUI : cela eft peut-être plut 
txtraordrnaîre que vous ne penfez. 
Eh bien! que dîtes-vojjs de votre 
lit? 

et 



<(^34:>, 



ftit;; Je fuis bkst »ifptiiaijâf sfow- 
UOtmr ce talent! ' . ^■),:h::: : , 

CLlTANDB^iB. ';' : 

^ JLtîê Votis paroît ptfufc jtm rien j* 
iftals^fe vous jjifrè que Jùfqués âf uti 
qertâiiî âge^irjretï a,pea<|tif iforew' 
apîB^.ûécèflaîrcs que .ceïur;IàJ " ; - 

Vous avez beau \% vanter! jcf 
vous jure qpe jp ne vous erf ejftimc' 
pas davantager - .- . x ) 

CEITANDKB.-^ 



' ii . 



Je trouve, à.ce.qtW.iiVPiîs ^.Bïf^- 

dîtes là, afjez peu de reconnoiffan- 
ce , & je'ne fçai^- lîipbiAr vous 
p^nir dû votre iqgrat^tiide^ .il ne 
ifie ferôît pas permis' d^Jâtet ùa 
tiuvragë dont on me'fç^t Ç peu tjë 



CI- 



■CIDALISJi.. 

. Jùk\ cela fe;rQÎt horrible, lorfgue, 
'0 V(5tis f àvî.ei: Voulu', fautôi^ ét^, 
'fans^vôus ^oîtlàpliiS Ifegèfre^ obli- 
gation, on ne peut pas mieux 'cou- 
chée* r - - f , ■ 

CtltÀNDRE. 

Vous mi'jiy'W infiilté l ^ \. 

CII>ALISE, 

Eh bien ! je- veux pouflèr, l'iajure 
^ jufc|i!t^au bout ^je ne vous cj^nspap. 



CLiTANDRE. 






o-f 



Je trouve à cela, fi vous ifte^ti'* 
m«jn<2 ^è Wous le dire , plus de 
courage que de prudence ; mais 
ne feroit-cfi[fiS llQûr.^vgir le plai- 
fir d'être vaincue , que vous me 

s 0,1' JiJ .. I 

cil? ALISE. ^ 



• \.. .^.. >... -4. i»i 



Non pas abfolument 5. mais, fe- 
roît-il bien vrai- que ma Rciritéfût 
fi déplacée ? 
" ' CLt 



CLITANDk^; 

Jt tac flattôîs dç ^ous àyôîr Cot- 
jrïgéé de ce^doùte3-tà9 pat elem*. 
' pie. 

En vérité ! . s'il, faut .vous p^Ier 
firieufementf,' Je n'Waîpàsr^ • 

CLÏTA^Î)kE. 

' Cela ne feroît-îl poiùt irn peu» 
• Wbfcur^ "Me Tendez * vous- juftice- , 
me fai»s;yç«%3çifrf^^^! ce don- 
te me tourmente trop pour me le 



m - ■> 



€IDALISE. 

'Ah! Ciitàndrè, je vous^dcinaode 
pardon* 

CLITÀNDRE. 
B eft t)ie^ tems ! 

et 



CI BALISE: 



" '" Eh vérité ÎVoixs êtes bip vaîn!.;. 
Un lit, qui étoît le mieux fait ^dii 
monde../. Vous 6tés:'réellemeat 

4nfupportable 1 . 

CLITANDRE. 
'Trouvez-vous ? . . . 

Lô Le&tur ne doit pas conclure de 

« :• 4^ qùt lui dit Çîdalife \, qùé ï'eH 

férieufement au" elle .le gronde. J[/ 

efi vrai qu'elle a peut-être un peu 

d'humeur. {Ebf qut t?en auroit 

-:,^as à fa^place'i^ Maisjhejl 

: t^HfVy ^ *^^ ^^^ aum vrif 
^. quelle finit par lie lui en pluf 

montrer. 

CIDALISE: 
./ yoos en irez-vous , à prél^nt? 

•\ > CLITANDRE. 

Si vous le voulez abfolument , 11 
le faut bien j . mais je ne fçaurois 

m'em- 



( Î58 ) 



m'empêcher de vous^ Jîtt qu'en pa- 
re^ £^s ^oa. ne m^a jamais, renvoyé 
]At fi fconné tïeuiîe. • ;*' ; 

- CIDALI5E... 

Cela fe peut; mais, de grtce.^ 
allez-vous-en^ 

s ouvre la forte» 
CibÀLISE. . 

^ Ah! Cliundre^biendouoement, 
je vous prie. 

CLITANPRE: 

: Ua autre talent drie î'iî J tf eft 
•0*0117111 une çorte pîRisjSouéjiBîent 
tiue petrontiéj* & tfe^àiarÂfer avec 
une légèreté incompréhehfifele.* ^ 

CIDAtiSi. 

• Hékst V0I15 -fl^â^rqtrc'trôp de 
taleris9& li cela dépendoit de moi , 
}6 donnâlois y4l($ntiârsT!ôeux des 
.vôtres , dont .vous faites,peùt-êtj:e le 
plus dé cas , pour k' certitude qu,e 
vous me-fercz fidèle.^ - 

CLIr 



• 4 



(239:) 
clitandre: 

Oh! (ans doute , vous feriez-U 
un beau marché ! Allez ^ mon An- 
ge,je vous la donnerai à moins 
de fraix, (// lui haife tendremeta 
la main.') Adieu , puifllez - vous , 
s'il fe peut , m'aimer autant que 
vous êtes aimée vous-même 1 

Elle ne lai répond qu'en lui prou- 
vant qu'elle faime. Ils /e Jipa- 
tenu 

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