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UN GEOLOGUE
LE TERRAI
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BIBLIOTHÈQUE
DES ÉCOLES ET DES FAMILLES
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LA PLANETE
QUE NOUS HABITONS
NOTIONS FAMILIÈRES D'ASTRONOMIE PHYSIQUE
STANISLAS MEUNIER
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE er C®
19, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 1)
1881
Drons de propriéls et de traducuon réservés
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D'HISTOIRE NATURELLE
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Géologie
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LA PLANETE
QUE NOUS HABITONS
INTRODUCTION
Supposez qu'un voyageur, organisé d’une manière conve-
nable et venant d’où vous voudrez, pénètre dans l’univers ;
il verra d’abord, de tous côtés, des amas de matière opa-
lescente et comme laiteuse. Ce sont les nébuleuses. TI
pourra en compter des milliers et des centaines de milliers,
el il en verra toujours. Les astronomes essayent d’en faire
des catalogues, mais tous les jours ils en trouvent de nou-
velles.
En s’approchant, notre voyageur s’apercevra que beaucoup
de ces nébuleuses sont formées d'innombrables étoiles tour-
nant les unes autour des autres dans des orbites immenses.
Certaines de ces étoiles sont, en effet, à de telles distances les
unes des autres, que leur lumière, malgré sa vitesse de 77 000
lieues par seconde, met des milliers d'années à franchir la
distance qui les sépare.
6 INTRODUCTION.
Pour étudier la composition intime de ces nébuleuses,
admettez que notre promeneur choisisse justement, sans
doute par hasard, car aucune bonne raison ne peut l'y pous-
ser, admettez qu'il choisisse une des plus petites, celle que
nous appelons la Voie lactée : peut-être remarquera-t-il une
des plus petites étoiles qui la constituent. Or savez-vous quel
est cet astre minuscule? Le Soleil. — Le Soleil, s’il vous plait,
qui produit cependant, grâce à sa proximité relative (33 mil-
lions de lieues seulement!),tant d’effet dans notre ciel et qui
rend si pénible au mois d'août, à midi, la traversée de la
place de la Concorde.
Et si notre observateur est doué d’une vue suffisamment
perçante, il verra tourner, autour de ce grain de poussière
étincelant, de pelites particules sombres et ternes. L'un
des moins remarquables de ces ‘atomes est la Terre, sur la-
quelle l’homme fait tout ce que vous savez, mélangeant le bien
au mal, et poursuivant, avec une ardeur fébrile, souvent sans
l’atteindre, un but grand ou petit.
A cette vue, le voyageur en question, si c’est un homme,
chose invraisemblable, est bien forcé de revenir de l’idée des
anciens, si flatteuse à première vue, que tout a été créé pour
le seul usage de la Terre et de ses habitants; mais nous n’y
perdrons rien, car il vaut mieux cent fois être un pygmée
capable, même au prix de souffrances infinies, de se
rendre compte de ce qui l'entoure, qu’un enfant gâté Jouis-
sant, par privilège gratuit de naissance, de domaines... ima-
ginaires.
Or, nous savons de source certaine que la Terre est un
globe à peu près sphérique de 3000 lieues de diamètre, et
INTRODUCTION. 7
qu’elle pèse 9881 quatrillions de tonneaux de 1000 kilo-
grammes, les physiciens ayant imaginé une véritable balance
qui donne le poids de notre globe comme celle de lépicier
donne le poids d’un fromage de Hollande.
La Terre décrit, en un an, autour du Soleil, une ellipse
dont celui-ci occupe un des foyers ; et l’on sait comment, par
suite de l’inclinaison de l'axe du globe sur le plan de cette
ellipse, les diverses saisons se succèdent avec leurs divers
caractères.
En outre, notre pérégrinateur cosmique pourrait nous dire
que, vue du dehors, notre Terre présente une épaisse couche
gazeuse, transparente, troublée çà et là par des bandes mo-
biles et de couleur grise. Cette couche, c’est l'atmosphère, et
les flocons sont les nuages.
Au-dessous de l’atmosphère, se trouve une autre couche
qui ne s'étend que sur les trois quarts environ de la surface
du globe et qui est liquide : on la connaît sous les noms de mer
et d’océan.
Enfin, plus profondément encore, et formant le fond de la
mer, est une masse solide qui constitue la terre proprement
dite et qui émerge de l’eau sur un quart à peu près de la
surface du globe. Cette portion émergée prend les noms de
continents, d’iles, etc.
La masse solide se prète à divers genres d'étude. On
peut s'occuper de ses particularités de forme et de relief, et
lon fait alors de la géographie physique; on peut rechercher
comment les hommes s’en sont partagé la surface, c’est-à-dire
quelles sont les limites respectives des divers États, et c’est
la géographie politique; enfin on peut chercher à savoir de
8 INTRODUCTION.
quelle matière la terre est bâtie et comment elle s’est formée,
c’est alors de la géologie que l’on fait.
On va voir combien ce dernier point de vue, qui est celui
que nous allons choisir, est riche en horizons variés et com-
ment il nous mettra successivement aux prises avec l’infini-
ment petit et l’infiniment grand.
PREMIÈRE PARTIE
LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE
CHAPITRE PREMIER
NOTRE PLANÈTE
Considérée dans son ensemble, et conformément à ce
qui vient d’être dit, la Terre se compose de la réunion de
trois parlies nettement distinguées entre elles par leur état
physique.
La plus extérieure, gazeuse et transparente, est l'atmosphère.
Elle est composée par l’air, d’où les chimistes retirent les deux
corps simples appelés oxygène etazote et qui y sont,non pas com-
binés entre eux, mais simplement mélangés. On y trouve aussi
de la vapeur d’eau, de l’acide carbonique et quelques autres
substances très peu abondantes. Sous une faible épaisseur, l'air
est absolument invisible; refroidi, il se trouble, la vapeur d’eau
qu'il tient en dissolution se précipitant sous forme de brouillard.
Quand son épaisseur est très considérable, il apparait avec une
nuance bleue que l’on attribue d'ordinaire, au préjudice de la
vérité, aux profondeurs du ciel. En effet, si l’on s’élève en ballon
ou sur le sommet des montagnes, on reconnait que la nuance
bleue du ciel, au lieu d'augmenter, diminue et fait place au noir
de plus en plus parfait. Le ciel, cette source de la lumière, est
plongé dans une obscurité absolue; pour que la lumière de-
vienne sensible à nos yeux, il faut de toute nécessité qu’elle se
brise sur quelque corps solide, — La solitude de l’espace est
le domaine de la nuit. :
On ne connaît pas d’une manière aussi précise la hauteur de
12 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
l'atmosphère terrestre. Certains météores, tels que les au-
rores boréales qui se développent dans les couches les
plus supérieures, montrent par leur altitude que l’atmos-
phère est très épaisse. On sait aussi, grâce au baromètre,
en mesurer la pression, variable à chaque instant. On sait
enfin que l'air, loin d’être immobile, est soumis à une circu-
lation continue que ne peuvent masquer complètement les
vents irréguliers.
La deuxième partie du globe terrestre que nous avons
mentionnée se rapproche de la précédente par son extrême
mobilité; elle s’en distingue d’ailleurs par son état liquide
et constitue l’ensemble des océans, des mers et des grands
lacs. |
Nous avons dit déjà que la mer recouvre les trois quarts
de la surface de la terre. Elle est formée d’eau tenant en
dissolution un très grand nombre de substances, au premier
rang desquelles il faut citer le sel ordinaire, le sel de cui-
sine, qui mérite bien le nom de sel marin qu'il porte sou-
vent. Il est si abondant dans l’eau de mer, qu'il suflit de
mettre une goutte de celle-c1 sur la langue pour en recon-
naître la saveur salée; si une flaque d’eau de mer se dessèche,
elle dépose une sorte de gelée blanche qui est composée de
sel.
La profondeur de la mer est très variable; elle est si grande
en certains points qu’on n’est pas parvenu à la mesurer. Le
fond a parfois été rencontré à 9000 mètres.
Un caractère remarquable de la mer est d’être tellement
remplie d'êtres vivants, animaux et végétaux, qu'on peut
presque la regarder comme vivante elle-même. Outre les
poissons, les coquilles et les autres gros animaux faciles à
élever, outre les fucus et les algues, l’eau contient une in-
nombrable quantité d'organismes visibles seulement au mi-
croscope. C’est à des êtres de ce genre que doit son origine la
= 5 UNE AURORE BORÉALE.
1 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
phosphorescence de la mer, phénomène à la fois si gracieux et
si imposant.
On trouve des animaux et des plantes jusque dans les abimes
les plus profonds des océans, jusque sous la croûte éternelle des
olaces du nord, c’est-à-dire dans une obsecurité à peu près com-
LNENTEELETTEU
RON TEN TROT ENTREE EREEAREEEENE
LA PHOSPHORESCENCE DE LA MER.
plète et dans un froid intense. Chose curieuse! les habitants de
ces retraites glacées et sombres sont parés de couleurs si vives,
qu’elles ne le cèdent pas à celles des fleurs et des oiseaux des
tropiques.
La mer est en mouvement continuelet, lors des tempêtes, son
|
Il
LA CHUTE DU STAUBACH,
16 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
agitation est quelquefois extrême. En outre, ses eaux suivent
un régime de courants réguliers dont nous aurons à dire un mot
un peu plusloin. Sous l’action combinée du Soleil et de la Lune,
les flots obéissent en outre à un balancement régulier qui se
manifeste par le phénomène des marées.
Soumise, par l'effet du Soleil, à une évaporation continue,
la mer diminuerait constamment de volume si ses pertes nese
trouvaient à chaque instant compensées par l’arrivée de
grandes quantités d’eau douce. Celle-ci arrive dans le bassin
des océans soit sous forme de pluie tombant directement
des nuages, soit sous forme de courants (torrents, ruisseaux,
rivières, fleuves) qui ruissellent de toutes parts à la surface
des continents. Une bonne partie de ces eaux proviennent
de la fusion des glaciers, et telle est en particulier l’origine
des célèbres cascades des Alpes, visitées par tous les touristes,
et dont le Staubach, dont vous avez ici la représentation, est
un exemple entre beaucoup.
Sous la forme de glace, l’eau alimente de véritables fleuves
appelés glaciers et qui, pour être solides, n’en sont pas moins en
mouvement lent. Ils chassent, comme les fleuves liquides, des
matériaux solides, limon, sables, galets, et même des quartiers
de roche parfois extrêmement volumineux.
Les glaciers offrent à l'observation une foule de sujets d’é-
tude du plus haut intérêt. Nous nous bornerons ici à men-
tionner les preuves certaines maintenant acquises que la
glace la plus limpide des glaciers résulte des transformations
successives de la neigé tombée dans les régions les plus hautes
des montagnes. Aux plus grandes altitudes en effet on ne ren-
contre jamais des glaciers proprement dits, mais des champs
de neige.
Outre l'atmosphère et l’océan, la Terre présente, comme vous
savez, une portion solide. Celle-ci émerge de la surface aqueuse
et constitue alors les continents et les îles; mais elle se pour-
(UMASSVS HU T0) 41) MOIUN HG dNVHO NA
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NOUS HABITONS.
PLANÈTE QUE
18 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE,
suit sous lies eaux et forme le fond des mers et des lacs.
La masse solide de notre planète est composée de matériaux
très variés appelés roches el qui fournissent une foule de sub-
slances utilisées de manières très diverses. C’est en effet parmi
les roches que nous recueillons les minerais d’où sortent les
métaux, le charbon de terre, source de chaleur et de force, les
pierres de construction, les marbres, les porphyres et les
autres pierres de décoration, la pierre à plâtre, la terre à
brique, le sable et le caillou dont on fait le mortier. C’est aussi
parmi les roches que compte la terre végétale où poussent les
plantes et par conséquent où presque tous les êtres vivants
puisent les éléments de leur existence.
Il suffit de quelques promenades dans des localités bien
choisies pour reconnaitre que les diverses roches ne se présen-
tent pas de la même manière.
Le long des falaises de la Manche, par exemple à Étretat, au-
près du Havre, on voit sous la terre végétale une succession de
100 mètres d’épaisses assises de picrre tendre el blanche ren-
fermant des noyaux très durs de pierre à fusil. La même dis-
position en couches superposées se rencontre dans les car-
rières de pierre à bâtir des environs de Paris ct d’une foule
d’autres localités, et, dans tous les cas de ce genre, on dit que
le sol est formé de terrains stratifiés.
Ces terrains, très simples dans leur constitution générale,
sont composés surtout de quartz sous ses états divers de
sable, de grès, et de meulière; — de calcaire, marbre, craie,
ou pierre à chaux, — et d'argile, dont le type est l'argile plas-
tique outerre à briques exploitée activement pour la fabri-
cation des poteries grossières.
Parmi les caractères les plus généraux des terrains stratiliés,
il faut citer, outre leur disposition en couches superposées dont
nous venons de parler, la présence dans leur masse de cailloux
roulés et de débris ayant appartenu à des êtres vivants, animaux
ou végétaux. C’est ainsi que la chaîne des Vosges est faite en
20 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
partie de couches où les galets sont accumulés comme sur
le rivage de la mer. La pierre à bâtir de Paris est toute
pétrie de coquilles devenues fossiles, suivant l’expression con-
sacrée. Et le charbon de terre ou lahouille n’est pasautre chose
que le produit de la décomposition et de la fermentation sou-
terraines de forêts enfouies tout entières depuis des milliers de
siècles.
FALAISE DE GRAIE AU BORD DE LA MER.
Ces différents caractères concordent pour faire admettre que
les terrains stratifiés se sont déposés successivement au fond de
l’eau, et la nature de leurs fossiles apprend à reconnaitre ceux
qui ont eu la mer pour origine de ceux qui ont pris naissance
au fond des lacs et autres amas d’eau douce.
On voit tout de suite, d’après cette notion, admise d’ailleurs
par tout le monde comme évidente, que les différents terrains
NOSSILES RESTAURÉS.)
(REPTILES
PLÉSIOSAURE.
CHTHYOSAURE
22 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
stratifiés n’ont pas le même âge. Les plus anciens ont servi
de support aux plus récents, et leur ensemble, considéré sur
toute la Terre,peut se comparer à la réunion des couches d’ac-
croissement annuel d'un sapin gigantesque.
En remontant de proche en proche dans la série stratifiée qui
montre une succession de fossiles dont la variété et la richesse
excitent au plus haut point l’admiralion de l'observateur, on ar-
rive à des masses qui constituaient le fond de la mer lors des pre-
miers de ces dépôts. Ces masses, mises à nu dans diverses lo-
calités à la suite d'actions diverses, peuvent être représentées
par une roche qui est bien connue de vous tous : Le granit. On
n’y voit plus cette structure en assises superposées qui vient
d’être signalée et c’est en vain qu’on y chercherait des galets,
à plus forte raison des fossiles. A leurplace se montrent, comme
éléments constituants, des cristaux divers remarquables par
leur état d'association confuse.
Évidemment les roches de ce genre ont eu un mode de forma-
tion bien différent de celui des terrains stratifiés. Pendant bien
longtemps on les a regardées comme les roches primitives, sup-
posant qu’elles datent du moment où il y a eu pour la première
fois des roches solides sur la Terre. Beaucoup de personnes con-
serventmême encore cette opinion. Mais nous verrons, lorsque
les progrès de ce livre nous auront amené à un sujet si élevé,
qu’il n’en est rien et que les roches vraiment primitives sont
essentiellement différentes du granit.
Pour le moment,contentons-nous d'observer la manière d’être
des matériaux dont notre planète est constituée. Et remarquons
qu'il arrive souvent qu’au voisinage du granit les terrains strati-
fiés ont pris des caractères très spéciaux. C’est là par exemple
que le calcaire, au lieu de se présenter sous les formes de pierre
à chaux et de craie, affecte la forme si recherchée de marbre.
(est là aussi que l'argile, devenue impropre à servir aux in-
dustries céramiques, est dure, feuilletée, et sert, sous le nom
d’ardoise, à la couverture des édifices. Les fossiles n’en ont pas
E,
RESTAURÉ
A
FORET
HOUILLERE
24 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
pour cela disparu, ni les galets, mais il n’est pas rare de trouver
avec eux du cristal. On a donc là comme des terrains ambigus
participant à la fois de la nature des terrains stratifiés et de
celle des terrains granitiques. On pense avec beaucoup de vrai-
semblance que ce sont des terrains stratifiés originairement
conformes au type décrit plus haut et c’est ce qu'on a voulu
exprimer en leur attribuant le nom de terrains métamorphiques.
Vous verrez qu'ils nous offriront un intérêt tout spécial.
Mais nous n’avons pas encore épuisé l’énumération des ter-
rains dont notre globe est constitué. En effet il existe un grand
nombre de roches qui se présentent sous la forme d'immenses
TRILOBITE. CRUSTACÉ FOSSILE SUR UNE ARDOISE.
murs souterrains appelés filons ou dykeset qui traversent indis-
tinctement les masses granitiques et les masses stratifiées. Elles
se perdent dans la profondeur et lon a de très fortes raisons de
croire qu’elles sont en relation de situation et d’origine avec des
réservoirs souterrains remplis des mêmes substances. Comme
ces roches ont tous les caractères des laves et des autres masses
vomies par les volcans lors de leur éruption, on les réunit sous
le nom de roches éruptives. C’est parmi elles qu'on rencontre
les porphyres et Les serpentines que vous connaissez tous à cause
des objets d'ornement qu’on en fabrique.
NOTRE PLANÈTE. 25
Souvent, quand les roches éruplives traversent les terrains
stratifiés, on reconnaît que ceux-ci, au voisinage, eussent-ils plus
UNE CARRIÈRE D'ARDOISES AUX ENVIRONS D'ANGERS.
loin les caractères normaux, se sont souvent métamorphosés sur
une plus ou moins grande épaisseur. Ainsi, dans le nord de
96 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
l'Irlande, la craie blanche passe progressivement à l’état de
véritable marbre blane, à mesure qu’on l’examine de plus en plus
près de gros filons de basalte, roche éruptivenoire, qui le tra-
verse. Vous verrez comment ce fait sera plus loin intéressant
à rappeler.
I faut d’ailleurs faire attention de ne pas confondre les roches
éruptives avec d’autres roches qui se présentent sous une forme
généralement analogue, c’est-à-dire en filonstraversant tous les
terrains. Ces filons,au lieu d’être composés d’une nature unique
comme ceux des roches éruptives, ont en général une nature
complexe qui impose l’idée d’une origine toute différente. On a
reconnu qu'ils résultent de l’incrustation de grandes fentes du
sol par des matériaux déposés par des sources chaudes. C’est
dans les filons de ce genre qu’on va chercher, à l’aide de puits
et de galeries de mines, la plupart des substances métalliques
dont l’industrie tire un si grand parti. Le plus grand nombre des
substances métalliques ou concrétionnées est d’ailleurs variable
de l’un à l’autre ; il en estoù aucun ordre n’apparaît nettement,
tandis que chez d’autres on voit une disposition rubanée souvent
fortélégante et symétrique par rapport au plan médian du filon.
Cette manière d’êtretient à ce qu’un filon, loin d’être homogène;
contient diverses substances dont lesunes, propresà l'extraction
des métaux, s'appellent minerais, tandis que les autres, tout à
fait stériles, ont conservé le nom allemand de ganques.
Une forme de filon que nous devons signaler, parce que
plus tard elle se représentera devant nous, est celle que les
mineurs du Harz qualifient de cocardes. Elle est propre aux
filons qui renferment dans leur substance des fragments de
la roche encaissante, incrustée de couches successives de
minerais varié et de gangues. Ces sortes de filons rentrent
dans la catégorie des brèches et supposent, outre les phéno-
mènes chimiques auxquels les filons doivent leur origine, des
actions mécaniques extrèmement énergiques qui ônt concassé
les roches.
BASALTE.
D
DYKES
23 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
La date de consolidation des roches éruptives, comme la
date de concrétion des filons métallifères,est évidemment pos-
térieure à la date de constitution des roches traversées par
ces divers matériaux. Leur existence témoigne en même temps
de l’existence d’un laboratoire récemment actif, dont le siège
est dans les profondeurs infra-granitiques.
FILONS MÉTALLIFÈRES.
Or nous sommes sûrs que ce laboratoire continue de nos
jours à fonctionner.
Les volcans en sont une preuve, auprès de laquelle les
autres sont presque superflues. Ils donnent lieu à un double
phénomène qui explique en effet le gisement des roches qui
viennent de nous occuper.
D'abord, comme nous l'avons déjà dit, l’éruption
des laves qui imitent exactement par leurs diverses formes
les épanchements de porphyre, ensuite le crevassement
NOÔTRE PLANÈTE. 29
du sol qui ouvre des fentes sans fond, toutes semblables
à celles que les filons métallifères ont incrustées.
ÉRUPTION D'UN VOLCAN. LE VÉSUVE,
En traversant les assises calcaires ou argileuses, les laves
volcaniques y développent parfois des modifications métamor-
phiques comparables à celles qui se montrent au voisinage
30 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
des roches éruptives, et c’est par exemple ce qu’on peut ob-
server très bien au Vésuve pour le calcaire, et dans la Haute-
Loire pour lPargile.
Les crevassements du sol, et les tremblements de terre
qui les accompagnent, nous fournissent du reste une autre
notion de première importance. Cest que la prétendue fixité
du « plancher des vaches » opposée si souvent à ’immobilité de
«l'élément perfide » est loin d’être absolue. Certaines régions,
telles que le Pérou, les îles Philippines et l’Asie Mineure, à
Smyrne et aux environs, sont dans une trépidation presque
perpétuelle et à chaque instant funeste aux malheureux habi-
tants. Bien plus, on s'assure avec des appareils convenables
qu'il n’est pas une localité à la surface du globe qui ne subisse
de temps en temps des oscillations parfois très faibles, mais
cependant sensibles. En outre, des observations incontes-
tables, poursuivies maintenant depuis plus d’un siècle, ont
démontré qu'il est des parties de la surface terrestre qui s’é-
lèvent lentement au-dessus de leur niveau primitif, pendant
que d’autres subissent un mouvement inverse d’affaissement.
C’est ainsi que le nord de la Scandinavie s’est élevé d’une
quantité très notable depuis l’époque de Linné et de Celsius
pendant que le sud, la Scanie, s’est affaissé.
Tous ces faits rapprochés les uns des autres concourent à
nous faire considérer la partie solide du globe terrestre comme
formant une espèce d’écorce ou de croûte très peu épaisse
comparée au rayon de la planète, et qui renferme des
régions très chaudes pleines de matériaux fluides. C’est, à la
température près, la constitution d’un ballon de taffetas plein
de gaz, et, bien qu’ils aient pour cause des effets internes et
non pas des pressions venues de l'extérieur, les mouvements
de la croûte rappellent les ondulations de l'enveloppe aérosta-
tique sous l'influence du vent.
Que renferme la croûte terrestre ? Évidemment les éléments
d’où dérivent les roches éruptives et les filons métallifères.
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32 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
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Mais n’y a-t-il là rien autre chose, et comment ces éléments
sont-ils arrangés les uns par rapport aux autres? Je ne vous
surprendrai pas en vous disant que nous n'avons pas à cet
égard de notions directes.
Toutefois, vous verrez par la suite que ce sujet, en appa-
rence si bien à l'abri de nos investigations, a cependant été
abordé avec succès par la méthode scientifique et que les
oéologues sont bien loin d’être, sur ce chapitre, dans
Pignorance profonde où l’on pourrait les croire plongés.
Après cette description très rapide de la planète que nous
habitons, il nous sera plus facile de concevoir des notions
précises sur les autres membres du système solaire.
sl
;
CHAPITRE II
LE SYSTÈME SOLAIRE
On a vu dans l'introduction que notre Terre n’est pas,
comme on pourrait le croire à première vue et comme
on l’a cru bien longtemps, un objet sans analogue dans le
monde. C’est une des plus grandes découvertes des
temps modernes que d’avoir reconnu qu’elle est l'un
des membres d’une grande famille groupée autour du Soleil
comme autour de son chef, et qui comprend des planètes,
sœurs de notre globe, et des satellites, frères de la Lune, On
donne à cette famille le nom de système solaire.
Nous disons que la découverte du système solaire est une
des plus grandes des temps modernes ; il faut ajouter que
c'était une des plus difficiles à faire. En effet, toutes les pre-
mières apparences des choses étaient mensongères et sem-
blaient conspirer pour maintenir les hommes dans l’igno-
rance.
Ne dit-on pas encore communément que le Soleil se lève le
matin et qu’il se couche le soir? Et cette expression ne rend-
elle pas bien exactement le déplacement que le Soleil parait en
effet subir dans la voûte du ciel ?
Aussi n'est-ce que tout petit à pelit que des hommes de
génie, au premier rang desquels il faut citer Galilée, ont re-
connu que nous sommes victimes d’une illusion. Les choses
se passent ici, malgré leur plus grande échelle, comme lors-
PLANÈTE QUE NOUS HABITONS. 3
34 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
que les objets voisins de la voie ferrée semblent fuir en sens
inverse du wagon qui nous emporte. Nous sommes de même
entraînés par la Terre qui tourne de Pouest vers l’est, et le
Soleil, réellement immobile, nous parait s’avancer de Pest vers
l’ouest.
Depuis l’époque où l’on a commencé à avoir des idées
exactes sur la situation du Soleil, la science a fait des progrès
eisantesques. On sait maintenant que le Soleil a 692000
. kilomètres de diamètre; qu'il est à 148 000 000 de kilomètres
de la Terre; qu’il tourne sur lui-même en 30 jours environ.
De plus, grâce à un procédé de recherches digne de toute
notre admiration et que l’on appelle l'analyse spectrale, on
est arrivé à savoir beaucoup de choses de la nature intime de
ce gros astre, source de chaleur, de lumière et de vie.
Il n'entre pas dans notre plan de décrire ici la méthode
dont il s’agit, mais il est indispensable d’en rappeler en peu
de mots le principe et les conséquences.
Vous savez que quand on regarde une flamme au travers
d'un prisme de xerre, elle se déforme tout à fait, s'étale et
s’irise de toutes les nuances de l’arc-en-ciel. Le résultat est ce
que les physiciens nomment le spectre de la flamme. On s’est
assuré que l'étude convenablement conduite du spectre
donné par une flamme indique la nature chimique des ma-
tières tenues en suspension dans cette flamme et même celle
des matières que les rayons lumineux qu’elle émet ont pu
traverser. Ces diverses substances déterminent en effet dans
le spectre la production de raies transversales que le physi-
cien Fraüenhofer avait observées dans le spectre du Soleil,
mais dont il n’avait pas découvert la signification.
Les corps, simples ou composés, donnent des rales caraclé-
ristiques situées à des places parfaitement fixes du spectre, de
facon que la détermination de ces raies est aussi sûre que la
meilleure analyse chimique pour décider de la présence des
corps qui les produisent.
Nr
LE SOLEIL. 35
En outre, ce merveilleux procédé permet de reconnaitre si
le corps dont on à la caractéristique spectrale est porté à
l’ignition, ou si sa vapeur sert de milieu à la transmission de
la lumière. La lumière est-elle émise par un corps cpaque,
solide ou liquide, incandescent, le spectre est continu, c'est-
à-dire qu'il ne présente pas de raies et ne peut par conséquent
rien enseigner quant à la nature chimique de la source lumi-
neuse. Au contraire, le corps lumineux est-il gazeux ou
réduit en vapeur, les raies qu’il donne dans le spectre sont
brillantes. Enfin, la lumière émise par une source quelconque
traverse-t-elle avant d'arriver au prisme une épaisseur plus
ou moins grande de vapeurs sombres, ce gaz ou ces vapeurs, en
vertu de leur composition chimique, absorbent certaines
radiations qui, manquant dès lors dans le spectre, sont rem-
placées par des lignes sombres.
Ce n’est pas tout. L'étude prismatique indique létat plus
ou moins grand de pression du gaz en expérience, par la
largeur des raies ; et mème l’état de mouvement dont ce gaz
peut être animé, par la forme de ces mêmes raies.
Ainsi, composition, température, état physique, pression,
mouvement de substances hors de portée pourvu qu’elles
ne soient pas hors de vue, toutes ces notions sont fournies
par l'examen d’un simple rayon lumineux.
1. LE SOLEIL
Cette admirable méthode, appliquée à l'étude du Soleil par
un grand nombre d’observateurs de premier ordre, a con-
duit à reconnaitre que cet astre est constitué par un noyau
central gazeux et relativement obscur, autour duquel s’est
condensée une sorte de poussière solide ou liquide. Celle-ci
est lumineuse grâce à son pouvoir rayonnant, et la couche
qu'elle forme est appelée photosphère*.
L. De deux mots grecs qui signifient sphere de lumiere.
36 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
La photosphère se déchire de temps en temps par places
sous l’action de courants chauds venant de l’intérieur et qui
la font passer à l’état gazeux non lumineux. Elle laisse voir
alors, par les ouvertures ainsi produites, le noyau gazeux et
obscur, et on donne le nom de taches aux apparences qui en
résultent.
Sur la photosphère est une enveloppe gazeuse très peu
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L'AURÉOLE ET LES PROTUBÉRANCES DU SOLEIL OBSERVÉES PENDANT'
UNE ÉCLIPSE.
dense, appelée chromosphère!, à cause de sa belle couleur
rose très vif, dans laquelle se produisent des phénomènes
srandioses connus sous le nom de protubérances, Ce sont de
gigantesques panaches très mobiles, très variables de forme,
que pendant longtemps on n'apercevait qu'à la faveur des
1. De deux mots grecs qui signifient sphere colorée.
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38 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
éclipses totales, mais qu’on sait à présent observer en tous
temps. Nous allons y revenir dans un moment.
M. Janssen a récemment montré que cette enveloppe pré-
sente une structure très régulière, sensible seulement sur
les photographies, et que l’auteur appelle réseau photogra-
phique. Ce réseau a beaucoup d’analogie avec les figures
que les vibrations produisent à la surface d’une bulle de
savon. On voit que cette analogie tient à l’analogie même
de structure, le Soleil étant, toute proportion gardée, une
gigantesque vessie pleine de gaz.
Il faut ajouter, pour finir la description du Soleil, qu'au-
tour de la chromosphère existe une énorme atmosphère qui
s'étend jusqu'à une immense distance, et qui, comme le
montre la figure ci-jointe, apparaît durant les éclipses sous la
forme bien connue de l’auréole solaire. On a soumis séparé-
ment les diverses parties du Soleil à l'examen spectrosco-
pique. ,
La chromosphère donne un spectre qui, contrairement
au spectre solaire ordinaire, est composé de raies bril-
lantes : ce qui indique, d’après les faits exposés plus haut,
que cette couche est formée d’une matière gazeuse lumi-
neuse. D’après la position des raies, on y a reconnu la pré-
sence prédominante de hydrogène, puis le sodium, le ba-
ryum et le magnésium.
Les protubérances, que leur situation rattache à la chro-
mosphère, sont en réalité de tumultueuses éruptions de
substances violemment expulsées par ies régions profondes de
l’'astre. On dirait une matière gazeuse lancée verticalement
dans un espace rempli par une atmosphère très peu dense,
s’y épanouissant et retombant ensuite lentement en affectant
les formes les plus capricieuses. Le spectroscope permet de
reconnaitre, lors de la formation des protubérances, l'in-
jection de certaines vapeurs, telles que celles du magnésium
et du fer,
LE SOLEIL. 39
Passons à la photosphère, c’est-à-dire à la couche même
d’où émanent la chaleur et la lumière que le Soleil répand à
orands flots dans l’espace. C’est elle qui donne le spectre
solaire proprement dit. Les innombrables raies obscures qui
le sillonnent indiquent dans la source lumineuse lexistence
d’un très grand nombre de corps qui tous, résultat de la
plus haute portée, existent sur la Terre. Les plus nettement
caractérisés sont le sodium, le fer, le magnésium, le cuivre,
le zinc, le baryum, etc.
Étant obscur, le noyau interne ne peut fournir aucun
résultat au spectroscope.
Disons en passant que l’analyse spectrale n’a pas été res-
treinte à l’étude du Soleil. Appliquée aux autres étoiles, elle
a fourni des résultats dont l’importance contraste avec l’ab-
sence de données tirées de l'emploi des télescopes. Tandis
que dans ces appareils, même les plus puissants, les étoiles
restent sans disque, à l’état de simples points brillants, elles
manifestent dans le spectroscope des caractères d’où l’on
peut conclure la notion de leur nature intime.
À première vue, les spectres des étoiles présentent les
analogies les plus étroites avec le spectre solaire. Ils
montrent, comme celui-ci pour le Soleil, que la lumière
qui les produit émane d’une matière solide ou liquide
chauffée au blanc intense et qu’elle traverse une atmosphère
de vapeurs absorbantes. De plus, on y retrouve les raies
caractéristiques de corps simples connus sur la Terre, au
moins pour la plupart.
Cependant les différentes étoiles observées jusqu’à pré-
sent sont loin d’être identiques au point de vue spectros-
copique. Les astronomes ont reconnu que les étoiles se
rapportent pour la plupart à quatre types parfaitement
tranchés. Cependant quelques spectres peu nombreux, au
lieu de se ranger nettement dans ces catégories, semblent
servir d’intermédiaires entre elles.
40 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
2. MERCURE
Il y a peu d'années tout le monde était d'accord pour dire
que la planète la plus voisine du Soleil est Mercure. C’est la
plus petite de celles que les anciens ont connues. Sa densité,
égale à 6,84, près de 7 fois aussi forte que celle de l’eau, est
la plus grande des densités planétaires
Mercure présente des taches très sensibles, surtout auprès
du bord intérieur du croissant où la lumière est le plus faible,
ce qui prouve l'existence d’une atmosphère, laquelle paraît
même plus dense que celle des planètes voisines.
Mercure est difficile à observer,
à cause de la proximité du Soleil
qui en masque l'éclat.
Un progrès récent de l’astrono-
mie a consisté dans cette décou-
verte que le système solaire admet
des corps dont l'orbite est inté-
rieure à celle de Mercure.
Tout d’abord, en 1862, un mé-
decin d'Orgères, M. le D' Lescarbault, vit passer sur le disque du
Soleil un point noir dont l'allure lui parut être celle d’une
planète intramercurielle. Le fait, soumis par Le Verrier à
a critique la plus sévère, sortit victorieux de cet examen et
personne n’aurail douté de sa réalité si, malgré les efforts les
plus répétés, on était jamais parvenu à revoir cette planète si
intéressante,
Toutefois, en calculant la marche de Mercure, Le Ver-
rier était parvenu à cette conclusion qu'il est absolument
nécessaire d'admettre l'existence d’une ou de plusieurs
planètes encore inconnues, très voisines du Soleil; et, en
compulsant d'anciens registres d'observations, on a trouvé
MERCURE D'APRÈS SCHRŒTER.
VÉNUS. {!
des faits qui semblent prouver que les astres en question
ont été réellement observés plusieurs fois. On leur a at-
tribué provisoirement le nom de Vulcain, auquel leur donne
LES PHASES DE VENUS.
bien droit la proximité du foyer solaire, et la question est ac-
tuellement l’objet d’études suivies dans tous les observaloires.
3. VÉNUS
Vénus se trouve dans des conditions très analogues à celles
de la Terre.
42 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
Son volume et sa densité,9,10, sont presque les mêmes que
ceux de la Terre. Son atmosphère est très épaisse, Pintensité
de la radiation solaire y est double de ce qu’elle est sur notre
globe, mais en revanche, l’axe de rotation étant beaucoup
plus incliné sur le plan de l'orbite, Parc diurne est très variable
et par conséquent les climats doivent présenter des extrêmes
bien plus tranchés que chez nous.
Vous savez que cette planète se signale dans notre ciel par
l'éclat dont elle brille et il n’est personne qui n’ait entendu
parler des expéditions que les astronomes organisent jusqu'aux
antipodes pour observer le passage de Vénus sur Le Soleil. L’exa-
men de ce phénomène conduit en effet à apporter une rigueur
de plus en plus grande à la mesure des éléments du système
solaire. Observée au télescope, Vénus dont les-changements
d'éclat s'expliquent par les véritables phases subies par la pla-
nèle,montre comme on le voit surla figure ci-jointe,des taches
sombres correspondant à des océans, et des portions plus bril-
lantes qu'il est légitime de considérer comme des continents.
4. LA TERRE
La densité de la Terre est égale à 9,5. Vu du Soleil, son
diamètre apparent est égal à celui que Vénus nous offre à sa
distance moyenne.
A un spectateur placé en dehors de notre planète, celle-ci
présenterait des taches constantes analogues à celles que
Vénus vient de nous offrir et des zones variables, dues,
les unes aux mers et aux continents, les autres aux nuages.
Il y aurait de part et d'autre de l’équateur des zones sombres
formées par les régions sereines des vents alizés; au delà
se trouveraient des zones brillantes plus ou moins inter-
rompues correspondant aux régions des plaines des tropiques.
Dans le voisinage des pôles, l'aspect serait très variable suivant
les saisons. |
MARS. 4
La Terre a un satellite, la Lune, qui plus loin nous occupera
en détail.
5. MARS
Mars possède une mince atmosphère qui laisse voir les
continents assez distinctement et permet de constater, comme
une des particularités les plus remarquables de cette planète,
le grand nombre de passes longues et étroites et de mers en
goulots de bouteille, pour nous servir de l’expression pitto-
resque d’un astronome anglais.
Cette disposition diffère essentiellement de tout ce que l’on
connaît sur la Terre. Ainsi la passe d'Huggins est un long ca-
nal fourchu beaucoup trop grand pour qu’on puisse le com-
-parer à aucune rivière terrestre. Il s'étend sur 3000 milles
anglais environ et joint la mer d’Ayry à celle de Maraldi. La
passe de Bessel est presque aussi longue. Un autre canal, que
les cartes désignent sous le nom de Nasmyth, est encore plus
remarquable :commençant près de la mer de Tycho, il coule
vers l’est, parallèlement à elle et à celle de Beer, puis se
courbe brusquement vers le sud, et, s’élargissant alors, forme
le fond de la mer de Kaiser. |
Les mers en goulots de bouteille ou lacs constituent un
trait singulier de la planète Mars. Celles que réunit le canal
d'Oudemann forment une paire très remarquable. On en
voit deux autres qui se ressemblent encore bien plus
entre elles : elles sont séparées de l’océan Deiarue par un
isthme courbe et étroit. N’étaient ses vastes dimensions, on
serait tenté de voir dans tout cet ensemble le résultat d'un
travail artificiel. Mais chacune des deux mers a 3000 milles
de longueur et 130 milles de large; un camal qui les réunit
à l'océan Delarue n’a pas une longueur moindre de 250
milles, |
On sait que sur la Terre les océans ont trois fois la surface
Æ Culleur de”
44 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
des continents, et l’on doit noter que l'Europe, l'Asie
et l'Afrique forment ensemble une seule grande île,
tandis qu'une autre île consiste dans la réunion des deux
Amériques. Or, sur Mars, il existe une disposition tout à
fait différente. D'abord, 1l y a une égalité presque complète
entre les surfaces occupées par les continents et par les mers,
et, en second lieu, ceux-ci sont mêlés les uns aux autres
de la manière la plus compliquée. C’est au point qu’un
voyageur pourrait, soit par voie de terre, soit en bateau,
CARTE DE LA PLANÈTE MARS.
visiter presque tous les quartiers de la planète sans avoir à
quitter l'élément sur lequel il aurait commencé son voyage.
La densité de Mars dépasse 4,5. C’est tout récemment qu’on
lui a découvert deux satellites.
6. LES PETITES PLANÈTES
Au delà de l'orbite de Mars se rencontre tout un monde de
petites planètes. C'est en 1801 que la première, appelée Cérès,
fut découverte à Palerme par Piazzi. Aujourd’hui on en con-
naît 219, etilne se passe pas d’année qu’on n’en découvre
plusieurs.
JUPITER. 45
Leur volume est très petit : Pallas, qui est la plus grosse,
a 426 lieues seulement de diamètre. La surface totale de Vesta
n’est que le neuvième de celle de l’Europe. Pour le plus
grand nombre ces astéroïdes sont beaucoup plus petits en-
core.
Ceux d’entre eux qui se prêtent à l’observation télesco-
pique se montrent comme n'étant pas sphériques, présentant
tantôt des pointes, tantôt des surfaces plus larges. C’est ce qui
explique leur extrème variabilité d'éclat et les divergences
qu'on remarque dans la mesure de leurs dimensions. C’est
Pallas Junon
Vesta Céres
DIMENSIONS COMPARÉES DE LA TERRE ET DE QUATRE DES PETITES
PLANÈTES.
ainsi que Cérès aurait 185 lieues de diamètre d’après
Schrœtter, 90 d’après Argelander, et seulement 85 d’après
W.Herschel.
Aucune de ces minuscules planètes n’a d’atmosphère,
Leurs orbites, inclinées très inégalement sur lécliptique,
se croisent de la manière la plus compliquée.
7. JUPITER
Jupiter est la plus grosse des planètes. Sa masse, trois
fois plus considérable que celle de toutes les autres réunies,
représente 334 fois celle de la Terre. Jupiter est escorté de
quatre satellites, dont le plus petit dépasse de beaucoup la
46 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
Lune en grosseur, et dont le plus gros a des dimensions com-
parables à celles de Mars.
Son volume est 1900 fois plus grand que celui de la Terre;
mais sa densité, égale à 1,29, est moindre que celle du Soleil
et à peine plus grande que celle de l’eau. La gravité à sa
surface est deux fois et demie plus considérable qu'ici : il
JUPITER ET SES BANDES,
doit en résulter une très forte pression qui, jointe à la fai-
ble densité de la planète, ne permet pas de la croire à l’état
solide.
8. SATURNE
Saturne est la plus grande des planètes après Jupiter. Sa
masse égale 102 fois celle de la Terre; son volume est propor-
tionnellement très grand, car sa-densité est représentée par
0,73. On peut donc à fortiori lui appliquer ce que nous avons
dit de l’état liquide de Jupiter. On est confirmé dans cette
opinion par les bandes nombreuses que présente la surface
URANUS. 7
de Saturne. Ses pôles ont une couleur approchant du bleu,
tandis que son équateur est d'un blanc éclatant.
Saturne possède Le plus beau cortège de satellites de tout
le système solaire : outre huit lunes, dont la plus grosse est
compärable à la planète Mars, il s’entoure d'un merveilleux
anneau dont on ne voit le pareil nulle part.
J URANUS
La densité d'Uranus est très faible : 0,82, Cette planète
est faiblement lumineuse par elle-mème et se comporte
SATURNE ET SES ANNEAUX.
comme un corps gazeux, aussi comprend-on que lorsqu'il la
vit pour la première fois, le 13 mars 1781, entre dix et onze
heures du soir, l’illustre astronome Herschel n’hésita pas à la
qualifier de comète. C’est sous ce nom qu'il en fut d’abord
question à la Société royale de Londres.
Le volume d'Uranus est égal à 82 fois celui de la Terre.
Autour de la planète circule un cortège de nombreux satel-
lites, de lunes plus ou moins analogues à la nôtre. Herschel
et Lassel ont découvert huit astres secondaires de ce genre,
mais on ne les a pas tous revus.
48 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
10. NEPTUNE
Neptune est le corps planétaire le plus éloigné du Soleil.
IL fut découvert par Le Verrier à l’aide de méthodes dont le
succès a été un vrai triomphe pour le principe de la gravita-
tion.
Son volume est plus grand que celui d’Uranus, mais il est
invisible à l’œil nu à cause de sa distance. Sa densité, qui n’a
pu être déterminée, est très faible. Sa couleur verte analogue
à celle de l’eau de mer montre que Neptune exerce une forte
absorption sur les rayons solaires. Le vif éclat dont il brille
malgré son énorme distance du Soleil pourrait faire croire
qu'il est un peu lumineux par lui-même.
On n'arrive pas à voir son contour nettement terminé, ce
qui conduit à supposer, conformément à la nature de son
spectre, que cetle planète est, comme Uranus, à l’état gazeux.
Neptune possède un satellite. L’astronome Lassel a annoncé
en avoir observé un second, mais on n’a jamais pu le revoir.
11. LES COMÈTES
Les comètes sont des astres qui, comme les planètes, se meu-
vent à travers les constellations et occupent ainsi des positions
très différentes dans le ciel, Ordinairement elles se distinguent
des planètes par l'aspect.
En effet, une comète consiste le plus souvent en un point
plus ou moins brillant environné d’une nébulosité qui s'étend
sous forme de trainée lumineuse, dans une direction parti-
culière, Le point brillant se nomme le noyau de la comète;
la trainée lumineuse qui accompagne le noyau se nomme la
queue, et la partie de la nébulosité qui environne immédiate-
ment le noyau, abstraction faite de la queue, se nomme la
chevelure.
1
| D)
UNE COMÈTE.
PLANÈTE QUE NOUS HABRITONS.
90 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
Cette nébulosité, que l’on est en droit d’assimiler à une
sorte de brouillard analogue à celui qui se produit de temps en
temps dans notre atmosphère, est bien loin d’être aussi peu
transparente. Des étoiles, même très faibles, peuvent être
aperçues à travers la queue ou la chevelure d’une comète,
quoique les rayons lumineux qui viennent de ces étoiles aient
souvent à la traverser dans des parties où elle présente uné
grande épaisseur. La nébulosité d’une comète doit donc être
regardée simplement comme une vapeur très légère qui
accompagne le noyau.
Les changements, souvent très rapides, qui surviennent dans
la forme d’une comète, contribuent encore à nous confirmer
dans cette idée. Nous citerons comme exemple la comète de
Halley, qui fut observée avec beaucoup de soin par Herschel,
au Cap de Bonne-Espérance, à la fin de 1835 et au commen-
cement de 1836.
L'analyse prismatique des comètes prouve que leur sub-
stance est identique à celle des nébuleuses gazeuses. Dès 1864,
M. Donati trouva que le spectre d’une comète apparue cette
année-là était formé de trois raies brillantes, verte, jaune et
rouge, séparées par des lacunes. Depuis, M. Huggins observa
dans une autre comète l’existence simultanée de deux spectres,
dont l’un, très faible et continu, fourni par la chevelure, mon-
tra que celle-ci devait sa visibilité à la lueur réfléchie du so-
leil, et dont l’autre, dû au noyau, lumineux par lui-même,
consistait en une raie brillante. De nombreuses observa-
lions faites par divers savants sur les comètes de Tempel, de
Brorsen, de Winnecke, etc.,ont donné lieu à des découvertes
analogues. Le dernier de ces astres a présenté à Secchi
des raies qui coïncidaient avec celles qui caractérisent le
carbone.
LES ÉTOILES FILANTES. ol
12. LES ÉTOILES FILANTES,.
Les étoiles filantes sont ces points brillants qui, ressemblant
complètement à des étoiles, se meuvent rapidement dans
le ciel, de manière à traverser plusieurs constellations en
quelques instants, et disparaissent ensuite. Il est rare qu’on
n'en aperçoive pas, quand, par une belle nuit sans nuages,
on reste un certain temps dans un lieu d’où l’on découvre
une partie du ciel étoilé.
Chaque nuit, un observateur peut compter environ cinq
étoiles filantes par heure; mais, à certaines époques de
l’année, principalement vers le 10 août et le 13 novembre, le
phénomène acquiert une intensité remarquable. Toutefois
le flux de ces météores est loin de se présenter chaque année
avec le mème éclat, C’est ainsi qu'avant la belle apparition de
novembre 1833, 11 fallait remonter jusqu’au 12 novembre 1799
pour retrouver un phénomène aussi brillant et, à cette époque,
les habitants de Cumana (Amérique) informaient de Humboldt
et Bonpland qu’en 1766 un phénomène analogue avait été
observé. Ces apparitions de 1766, 1799, 1838, frappèrent
l’astronome Olbers, qui, en 1837, annonça que le retour des
grandes averses de novembre s’effectuait tous les trente-trois
ans. La prédiction d’Olbers se réalisa complétement en 1866.
Le nombre des étoiles filantes d'août varie également chaque
année. En 1848, on a observé un maximum (113 étoiles par
heure); à partir de 1848, ce nombre a été constamment en
diminuant jusqu’en 1858; depuis cette dernière époque, on a
observé une série de maxima et de minima qui ont fait varier
de 37 à 67 le nombre des étoiles vues en une heure.
Les étoiles filantes d’août et de novembre semblent, à
chaque apparition, émaner d’un même point du ciel, situé,
pour l’essaim d'août, dans la constellation de Persée, et pour
l’essaim de novembre dans la constellation du Lion.On donne
en conséquence aux météores de novembrelenom de Léonides
52 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
et aux étoiles qui apparaissent vers le 10 août le nom de
Perséides.
Cette direction constante des étoiles filantes, lors de leurs
apparitions en août et en novembre, les distingue nette-
ment des étoiles dites sporadiques qu’on observe durant
toutes les nuits. Cependant, parmi ces dernières, un certain
nombre ont pu être rattachées à des apparitions périodiques
émanant de points fixes situés dans le eiel, et qu'on a appelés
points radiants. M. Heis, de Münster, a déterminé la position
de 56 points radiants dans notre hémisphère; M. Neumayer,
de Melbourne, a fait connaître l'existence de 39 points radiants
dans l'hémisphère austral.
Le phénomène des étoiles filantes présente des variations
annuelle, diurne et azimutale.
Nous ne pouvons entrer dans de longs détails sur cette in-
téressante question; ajoutons seulement que la hauteur à la-
quelle ces météores se produisent serait, d’après Secchi,
de 120 kilomètres; et que leur vitesse, d’après MM. Newton
et Schiapparelli, serait égale à celle de la Terre multipliée par
le nombre 1,41. |
L’essaim de novembre a un mouvement rétrograde; cette
particularité oblige les astronomes à admettre que cel essaim
ne saurait appartenir au même ordre de formation que les
planètes, et qu’il est d’une époque postérieure. En traçant
l'orbite de l’essaim, on remarque qu’elle est rencontrée par
l'orbite d'Uranus. M. Le Verrier s’est demandé si la planète
Uranus n'aurait pas détourné de sa route primitive cet
essaim et, par son attraction, ne l'aurait pas jeté dans l'orbite
oùuil se meut aujourd'hui. Or, au commencement de l’année
196 de notre ère, la planète Uranus était assez voisine de l’es-
saim pour que l'attraction de cette planète pût se manifester.
M. Schiapparelli, avant M. Le Verrier, avait également admis
l'action perturbatrice d’une planète; seulement, d’après l’as-
tronome italien, cette planète serait Jupiter ou Saturne.
LES ÉTOILES FILANTES. 53
Ainsi, l’essaim de novembre est nouvellement entré dans
notre système; la matière dont il est formé s’est désagrégée,
en s'étendant le long de son orbite, et, l’action perturbatrice
de la planète ne cessant d'exister, on peut prévoir que cette
matière s’étendra de plus en pluset finira par embrasser l’an-
neau tout entier. € Le phénomène de novembre, dit Le
Verrier, apparaitra donc dans la nuit des temps pendant un
plus ou moins grand nombre d'années, mais en s’affaiblissant
en intensité. Cette diminution d'éclat provient non seulement
de la répartition de l’ensemble des corpuscules sur un plus
grand arc de l'orbite, mais, en outre, de ce qu'à chaque
apparition la Terre en dévie un très grand nombre de leur
route. » |
La formation de l’anneau d’août est vraisemblablement due
à une cause identique. Les apparitions annuelles ont, dans ce
mois,un éclat presque uniforme; on peut en conclure que la.
matière de l’essaim d’août est presque uniformément répartie
sur cet anneau et que par conséquent sa formation est plus
ancienne.
M. Schiapparelli a montré, d’une part, que l'orbite de l’es-
saim d'août coïncide avec celle d’une grande comète observée
en 1862, et, d’autre part, que l'orbite de l’essaim de novembre
est la même que celle d’une autre comète découverte à
Marseille par M. Tempel au commencement de l’année 1866.
Depuis, on a acquis de fortes raisons de croire qu’un essaim
d'étoiles filantes que l’on observe vers le 10 décembre décrit
dans l’espace la même ellipse que la singulière comète de
Biela, et que la même relation existe entre un essaim paraissant
le 20 avril et la première comète de 1801. Une pareille con-
nexion entre les étoiles filantes et Les comètes est évidemment
de la plus grande importance au point de vue de la constitu-
tion de l'univers.
On a commencé l'étude spectrale des étoiles filantes,et na-
turellement on s’est d’abord occupé des bolides, que leur gros
D4 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
volume rend plus commodes à observer. M. Alexander Her-
schel a fait connaître le spectre de plusieurs de ces météores
et il a signalé divers faits intéressants. Le plus net est la pré-
sence du sodium en vapeur dans la traînée de divers bolides.
13. LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL.
Les méléoriles sont des corps solides, d’origine extra-
terrestre, dont on observe de temps en temps la chute à la sur-
face du sol.On à désigné successivement ces corps sous un
très grand nombre de noms différents, tels que aérolilhes,
pierres de foudre, pierres de tonnerre, céraunies, pierres boli-
diennes,uranolithes, méléorolithes, etc.
Le nom de météorites, plus généralement adopté, présente
Pavantage de ne rien préjuger ni sur l’origine ni sur la nature
des corps auxquels il s'applique.
Avant d'entreprendre l’étude des météorites, il convient de
les bien distinguer de toutesles autres substances qui peuvent
accidentellement tomber à la surface du sol; et, comme on va
voir, cette distinction est facile,
En effet,les circonstances qui accompagnent la chute des
météorites se reproduisent avec une constance des plus re-
marquables et qui contraste avec la variété des phénomènes
qui peuvent faire cortège à la chute des masses non météo-
ritiques. Nous verrons en outre que la nature minéralogique
des pierres tombées du ciel ne permet de les confondre avec
aucune autre substance, et suffit pour indiquer leur origine.
Les corps terrestres qui accidentellement tombent sur le
sol sont de nature quelconque. Ils ont été arrachés à leur
position naturelle, et élevés vers les hautes régions de lat-
mosphère, puis, au bout d’un certain temps, abandonnés à
leur propre poids. Les agents qui produisent le plus souvent
ces transports sont principalement les volcans, les grands
vents (ouragans) et les trombes.
ANTILLES,
OURAGAN AUX
UN
56 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
Ces dernières comptent même parmi les causes les plus
énergiques de transport. On peut se faire une idée de leur
puissance par l'exemple si souvent cité de la trombe qui, le
19 août 1845, causa tant de désastres dans le voisinage de
Rouen, à Monville et à Malaunay. Après avoir détruit trois
grandes filatures, sous les ruines desquelles les ouvriers
furent ensevelis, elle transporta jusque auprès de Dieppe, à
des distances de 2 et 38 kilomètres, des débris de toutes
sortes, tels que vitres, ardoises, planches, pièces de charpente,
voyageant par les airs à une telle hauteur, que ceux qui les
aperçurent crurent voir des feuilles d'arbres. On cite parmi
ces débris une planche de 40 centimètres de long sur 12 de
large et 1 d'épaisseur.
Parmi les transports dus aux grands vents, on mentionne
surtout les pluies de sable observées loin de tout amas de
cette substance et, par exemple, en pleine mer. Pareille chose
arriva entre autres le 7 février 1863 à Ténériffe, dont le pic
se trouva pendant la nuit véritablement saupoudré d’un
sable fauve arraché au désert de Sahara, distant de plus dé
920 kilomètres.
Enfin, chaque éruption volcanique projette dans les airs des
quantités plus ou moins considérables de matériaux pulvé-
rulents, désignés généralement sous le nom de cendres, et
dont la composition n’a rien de fixe. Si l'air est calme, la
cendre retombe sur le cône même de la montagne ou dans
son voisinage, et c’est ainsi qu’en l'an 79 de notre ère eut lieu
la ruine de Pompéi, ensevelie sous une pluie de cendres
vomies par le Vésuve ; mais si l’air est agité, et s’il existe dans
les couches supérieures de l'atmosphère un courant horizon-
tal suffisamment énergique, les cendres sont entrainées latéra-
‘Jement. Quand la vitesse du vent supérieur diminue, la cendre
abandonnée à elle-même tombe sur le sol. Les éruptions
du Vésuve ont quelquefois couvert Constantinople de cendres,
ou même certains points de l'Égypte, et les cendres des vol-
LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 57
cans d'Islande sont allées fréquemment tomber en Norvège.
À ces trois causes principales de transport, il faut ajouter
l'électricité atmosphérique, dont les effets mécaniques ont
été parfois très remarquables, Arago, dans sa Nolice sur le
tonnerre, cite plusieurs exemples d’arbres entiers et de
pierres ainsi transportés ;1l raconte même le cas d’un mur
pesant environ 26000 kilogrammes, et que la foudre porta
tout d’une pièce à près de 3 mètres de distance.
Ces différents agents mécaniques une fois signalés, et les
matériaux qu'ils transportent une fois écartés, il reste les
véritables météorites, dont nous allons nous occuper d’une
manière exclusive.
Les circonstances qui accompagnent la chute des pierres
sont remarquablement uniformes. Le phénomène une fois
décrit d’une manière générale, il n’y a pas de changement
notable à faire à la description, pour qu’elle s'applique à
chaque chute prise en particulier. C’est toujours un globe
de feu qui traverse rapidement l'atmosphère, éclate avec
un grand fracas et laisse tomber sur le sol un nombre plus
ou moins considérable de corps solides.
Le bolide est le globe de feu dont l’arrivée constitue la pre-
mière phase du phénomène.
Dans certains cas, ce météore n’a pas été aperçu, mais on
peut croire que sa présence a été simplement dissimulée,
soit par l’interposition d'une couche de nuages, soit par le
voisinage du Soleil qui en a éteint l'éclat. Dans les conditions
favorables, c’est-à-dire par de belles nuits, l'éclat des globes
de feu est souvent remarquable ; il n’est pas rare que la lu-
mière de la Lune en soit complètement effacée. Leur couleur
est d’ailleurs variable, tantôt rouge, tantôt blanche, et tan-
tôt changeante. Leur, grosseur apparente, très inégale, est
parfois supérieure à la grosseur de la lune, et leur hauteur,
qu'on est arrivé à mesurer dans certains cas, est comparable à
celle qu’on attribue à la couche atmosphérique.
58 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
Les bolides suivent une trajectoire très inclinée et souvent
sensiblement horizontale; leur vitesse est hors de proportion
avec toutes celles que nous observons sur la terre. Les 30 à
60 kilomètres qu’ils parcourent à la seconde suffisent à dé-
montrer que ce sont des corps planétaires. On sait que Mars
franchit 24 kilomètres par seconde, et Mercure 48.
EXPLOSION D'UN BOLIDE ACCOMPAGNANT LA CHUTE DE MÉTÉORITES.
Dans leur marche rapide, les bolides, comme les locomo-
tives, laissent derrière eux une traînée vaporeuse, qui souvent
persiste dans l'atmosphère pendant un temps considérable.
Après avoir parcouru une trajectoire plus ou moins étendue,
le globe fait explosion, on le voit se diviser en éclats, et
l'essaim de corps solides (météorites) dont il se composait
se précipite dans diverses directions.
Il faut souvent, à cause de la hauteur du bolide, plusieurs
LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 59
minutes pour que le bruit parvienne aux spectateurs : ce
bruit est formidable. En général, 11 se fait entendre sur une
très grande étendue de pays. La chute de Laigle (Orne) fut
précédée d’explosions entendues à 120 kilomètres à la ronde,
et celle d’Orgueil (14 mai 186%) fut perçue à plus de 360
kilomètres. D’ailleurs l'explosion est rarement simple : souvent
on entend deux ou trois détonations, et, à leur suite, des
roulements plus ou moins forts qui se prolongent plus ou
moins longtemps.
C’est après tout cet ensemble de phénomènes que des siffle-
ments particuliers annoncent l’arrivée des météorites. Les
Chinois comparent ces sifflements au bruissement d’une étoffe
qu'on déchire, ou encore à celui des ailes des oies sauvages;
le bruit d’un obus qui traverse l’air a également de l’analogie
avec celui dont 1l s’agit.
La température des météorites au moment de leur chute est
d'ordinaire trop élevée pour qu’on puisse les toucher avec la
main. Mais cette température élevée est tout à fait localisée
à leur surface. Leur intérieur est remarquablement froid.
Lors de la chute de Dhursalla dans l'Inde (14 juillet 1860),
une pierre ayant été brisée presque aussitôt après son ar-
rivée à terre, les témoins furent extrèmement surpris du froid
intense de ses parties internes. Ce froid est celui de l’espace
interplanétaire, où la pierre s’en est imprégnée.
Le nombre des météorites d’une même chute ou d'un
même bolide est extrêmement variable; il va d’une seule
pierre à plusieurs milliers. On estime que le bolide de Pul-
tusk, en Pologne (30 janvier 1868), a fourni cent mille
pierres; chacune d’elles est complétement enveloppée d’une
écorce noire, et par conséquent entière, c’est-à-dire telle
qu'au moment où l'explosion a eu lieu dans l'atmosphère.
Quand les pierres sont très nombreuses, il y a intérêt à
voir comment elles se distribuent sur le terrain. M. Daubrée,
60 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
à l’occasion de la chute d’Orgueil (Tarn-et-Garonne), 14 mai
186%, a publié une carte qui montre comment les échantillons
recueillis étaient répartis à la surface du sol. Le bolide se
mouvait sensiblement de l’ouest vers l’est; les pierres recou-
vrirent une sorte d’ellipse dont le grand axe avait la même
orientation. Mais tandis que les fragments les plus volumineux
parvinrent à l'extrémité orientale de lellipse, les petits tom-
bèrent à l’ouest et les moyens prirent des positions intermé-
diaires. De façon que, comme le dit l’auteur, € ce triage a
été évidemment produit par l’inégale résistance que l'air op-
posait à ces projectiles selon leur masse, ce qui s'accorde
avec la supposition qu'ils arrivaient suivant la même direc-
tion et très rapprochés les uns des autres. » |
La description de la chute des météorites ne serait pas
complète si nous ne disions un mot de l'impression profonde
que le phénomène produit sur les spectateurs.
Lors de la chute de Saint-Mesmin (Aube), 30 mai 1866, un
poseur du chemin de fer éprouva une grande frayeur et fut
saisi d’un frisson qui dura quatre minutes et d’un bourdon-
nement dans les oreilles qui persista près d’une heure.
On assure que les animaux eux-mêmes sont très vive-
ment affectés, avant même que l'explosion se soit fait en-
tendre.
Biot en cite plusieurs exemples à propos de l'explosion du
bolide de Laigle; des faits analogues, sinon plus significatifs
encore, ont été observés à Boulogne-sur-Mer lors de la chute
du 20 juin 1866. |
Ainsi, un témoin assure que son chien, quelques minutes
avant le phénomène, était tourmenté; qu'il avait la tête en
l'air à la porte du bureau et qu'il tremblait. C’est en cher-
chant la cause de ces allures inaccoutumées que le maitre
aperçut dans le ciel la trainée lumineuse. D’un autre côté, le
gardien dufanal d’Alpseck assure que peu de temps avant
l'explosion « ses poules, ses canards et ses pigeons étaient
LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 6
rentrés au logis tout aussi précipitamment que s'ils eussent
été poursuivis par un chien. »
D'ailleurs, on est parfaitement en droit de n’accorder à ce
phénomène grandiose qu'une admiration mêlée d’appréhen-
sion, car plus d’une fois il a été la cause de terribles acci-
dents. On lit, dans le catalogue dressé par M. Biot fils des
météorites observés en Chine, qu'une pierre, tombée en
l'an 616 de notre ère, fracassa un chariot et tua dix hommes.
Le capitaine hollandais Willmann rapporte qu’étant en mer
une boule de 4 kilogrammes tua deux hommes en tombant
sur le pont de son navire qui voguait à pleines voiles. Le fait
se passait à la fin du xvrr° siècle. Vers la même époque, un
franciscain fut tué à Milan par une petite pierre. En 1837, un
assez grand nombre de bœufs furent tués ou blessés à Macao,
au Brésil, par une pluie de pierres. Nous pourrions multiplier
ces exemples.
D'un autre côté, d’après divers récits, des météorites au-
raient parfois déterminé des incendies. Ainsi, on trouve dans
les Mémoires de l'Académie de Dijon que, dans la nuit du
11 au 12 octobre 1761, une maison fut incendiée par la chute
d'une météorite à Chamblou, en Bourgogne. Les Comptes
rendus de l’Académie des sciences rapportent de même que,
le 13 novembre 1835, un brillant météore apparut vers neuf
heures du soir par un ciel serein, dans l’arrondissement de
Belley (Ain), éclata près du château de Lauzières et incendia
une grange couverte de chaume: les remises, les écuries, les
récoltes, les bestiaux, tout fut brûlé; on ajoute qu’une météo-
rite fut trouvée sur le théâtre de l’évènement. Cependant il
n’est pas certain que la pierre dont ils’agit ait été la cause
du sinistre; et il semble certain que les météorites, quoique
souvent très chaudes, comme on l’a observé, par exemple, à
Braunau (14 juillet 1847), n’ont pas d'ordinaire une tempéra-
ture suffisante pour déterminer l’inflammation des corps sur
lesquels elles tombent.
62 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
La liste des accidents causés par les bolides ne serait pas
complète si nous n’ajoutions qu’ils ont constitué parfois de
véritables pommes de discorde envoyées du ciel parmi les
mortels. À propos de deux chutes, l’une à la Bécasse (Indre),
l’autre en Vendée, les tribunaux ont été saisis de demandes
en dommages-intérêts, et ont eu à examiner la question de
savoir à qui devait appartenir la météorite tombée dans un
champ. L’ouvrier qui y travaillait au moment de la chute et
le propriétaire du champ se la disputaient. Les tribunaux
ont, dans les deux cas, donné raison au propriétaire du
champ.
Cependant, tout en nous inclinant devant cette décision
avec tout le respect dû à la chose jugée, nous pouvons nous
étonner d’une semblable solution. Qu’auraient dit en effet
ces mêmes propriétaires, si empressés à faire valoir leurs
titres, si des ouvriers salariés par eux eussent été tués sur
le terrain par les pierres objet du litige et si les familles de
ces malheureux avaient réclamé des dommages-intérêts à ceux
pour le compte desquels ils travaillaient? Tout droit implique
des devoirs; si l’on se refuse à accepter des charges même
aléatoires qui découlent de l'exercice d’un droit, ne doit-on
pas renoncer à ce droit même? C’est ce à quoi sans doute on
n’a pas assez songé dans la circonstance.
La chute des météorites est loin d’être rare et date de la
plus haute antiquité. Les populations primitives, frappées de
son imposant cortège d’éclairs et de détonations, n’ont pas
manqué d’en faire entrer la description dans leurs légendes.
Elle joue même dans les traditions un rôle si grand, qu’on
lui a rattaché des phénomènes qui n’ont rien de commun avec
elle : par exemple, la dispersion à la surface de la Crau des in-
nombrables galets qui la recouvrent, et ce fait dont témoigne
le passage suivant du Prométhée délivré :
« Te faire une arme des pierres du chemin, il n’y faut pas
compter; tout le pays n’est que terre molle. Mais, en voyant
*
LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 63
ta perplexité, Zeus te prendra en pitié, et grâce à lui, de la
nuée entr’ouverte, ce sera une grêle de galets à couvrir la
terre. Avec eux, sans peine, tu accableras l’armée des Ligures. »
Certains épisodes des grandes épopées scandinaves (de la
Voluspa et de l'Edda Junior) sont ainsi résumés par M. Mo-
reau de Jonnés :
«Le chemin de la lune gronde sous le char de Thor, le dieu
du tonnerre... Les régions aériennes s’enflamment, le ciel
brûle au-dessus des hommes... Des yeux ronds semblables à
des lunes sont formés par les flammes dans les cieux, la terre
se déchire, les roches se détachent, et le sol est couvert d’une
grêle. »
Et quoique le savant auteur oublie d’en faire la remarque,
il est impossible de ne pas voir dans ce récit une description
de chutes météoritiques.
«Ailleurs, ajoute M. Moreau de Jonnès, les poèmes runiques
comparent la foudre lancée par Thor à une masse de fer brû-
lante. » Et cela achève de compléter la ressemblance,
Non seulement les anciens ont décrit des chutes de météo-
rites, mais les peuples primitifs ont dû souvent utiliser les
produits de ces chutes.
«C'est sans doute donner une interprétation plausible de l’a-
necdote mythologique, qui nous montre le maître des dieux
envoyant un secours de flèches aux combattants qu’il veut fa-
voriser,que d'y voir l'indication de ce fait que des masses mé-
talliques tombées des nues, avec accompagnement d’éclairs et
de tonnerre, ont été employées à faire des flèches. La fable qui
représente les cyclopes forgeant la foudre témoigne égale-
ment de l'emploi primitif du fer météorique ; par cela seul, en
effet, que le métal, si inévitablement identifié avec la foudre,
est considéré comme un produit de la forge, il est évident
qu'on savait qu'il pouvait être forgé. Des forgerons mettant
en œuvre du fer tombé d’en haut auront donné lieu à cette
fable, et l’origine céleste des premiers matériaux de leur in-
64 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
dustrie peut n’ètre pas étrangère au caractère sacré que les
traditions nous montrent avoir appartenu, à l'OHEUES aux ou-
vriers qui travaillent le fer. »
A des époques moins reculées,les historiens grecs, romains
ctautres, ont enregistré avec beaucoup de soin d'innombrables
chutes de météorites : Pindare, Plutarque, Tite-Live, Pline,
Valère-Maxime, Julius Obsequens, César, Ammien Marcellin,
Photius, Mézeray, Avicenne, Sauval, etc., en mentionnent des
exemples.
Mème plusieurs pierres météoriques furent élevées au rang
de divinités. Témoin celle qui était adorée sous le nom d’Éla-
gabale chez les Phéniciens, de Cybèle ou de mère des Dieux
chez les Phrygiens, de Jupiter Ammon dans la Libye, et qui,
10% ans avant notre ère, fut transportée à Rome, où elle devint
l’objet d’un culte particulier.
Une autre pierre, tombée près du temple de Delphes, passait
pour avoir été rejetée par Saturne ; une autre, tombée à Abydos,
en Asie Mineure, était conservée dans le gymnase de cette ville ;
une autre, tombée à Posidée, en Macédoine, étant regardée
comme d’un favorable augure, y avait attiré une puissante
colonie. On dit que la pierre noire de la mosquée de la Mecque
est une météorite. On voyait encoreen 1789, dans l’église même
de la petite ville d’Ensisheim, en Alsace, une grosse pierre
tombée au xv° siècle, devant Maximitien, empereur d’Alle-
magne.
Il n’est d’ailleurs pas besoin de remonter dans le passé pour
sisnaler des croyances de ce genre. Entre mille exemples
qu’on en pourrait citer, nous rapporterons, d'après M. Hart-
mann, que chez les nègres Ashantis les prêtres présentent au
peuple des météorites comme le principalemblème de la divi-
nité. On trouve des traces de superstitions semblables chez des
populations qui n’ont rien de commun avec les nègres. Ainsi
1. Le Ciel géologique, par M. Stanislas Meunier, p. 135.
LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 65
durant l'expédition du Mexique, nos soldats trouvèrent, en-
châssé dans le mur de la petite église de Charcas, un fer
tombé du ciel à une époque inconnue. Ce bloc était l'objet
de dévotions assidues et rapportait de beaux bénéfices à la
fabrique. Les dames mexicaines se distinguaient surtout par
leur empressement à en faire l’objet de leurs offrandes. Ne
s'imaginaient-elles pas que cette masse, dont la forme rappelle
celle des bornes sacrées de l'Inde, possédait le pouvoir de les
soustraire aux horreurs de la stérilité”?
Il n’est pas nécessaire, à la rigueur, de traverser l’Atlan-
tique pour rencontrer des croyances aussi absurdes que celle
qui vient d’être signalée. En France, l’année dernière, des
paysans qualifiant de champ maudit une pièce de terre où
était tombée une météorite, s’en sont écartés avec eflroi pen-
dant plusieurs jours.
Il ne nous vient guère d'échantillons météoritiques que les
amis des sciences ne soient obligés d’user de ruse ou d'adresse
pour en opérer le sauvetage. Tantôt nos paysans sont per-
suadés que les pierres portent malheur, et alors ils veulent
les détruire ; tantôt ils pensent au contraire que leur posses-
sion est un gage de prospérité, et dans ce cas, pour se les
partager, ils les brisent en petits éclats.
Ce qu'il faut leur faire savoir, c’est que ces pierres portent
bonheur, mais en ce sens qu’on les paye fort.cher au Jardin
des Plantes, et qu’on yles paye d'autant plus qu’elles ont subi
moins de détériorations.
Malgré des témoignages innombrables, contre-signés sou-
vent des noms les plus illustres, les savants, jusqu’à la fin du
xvur siècle, rejetèrent ce phénomène sans seulement l’exa-
miner, et ne virent dans tous ces faits qu’une preuve de plus
« de la crédulité du bas peuple ».
Nous n’inventons rien.
Voicicomment,en1768, s'exprimait dans un rapport à l'Aca-
démie l’immortel Lavoisier, au sujet d’une chute observée tout
PLANETE QUE NOUS HABITONS. D
66 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
récemment dans le Maine, avec la plus vive émotion, par la
population de Lucé : «L'opinion qui nous parait la plus pro-
bable, celle qui cadre le mieux avec les principes reçus en
physique, avec les faits rapportés par les témoins, et avec nos
propres expériences, c’est que cette pierre (un échantillon de
météorite), qui peut-être était couverte d’un peu de terre et de
gazon, aura été frappée par la foudre, et qu’elle auraété mise
en évidence. »
La réprobation prononcée par Lavoisier fut acceptée par
tous comme un article de foi. Un exemple prouve tout le cré-
dit dont jouissait au point de vue scientifique l’ancien fer-
micr général. En juillet 1790 Saint-Amans, professeur à l’école
centrale d'Agen, reçut avis qu’à Barbotan (Landes) des pierres
étaient tombées du ciel en grand nombre. On parlait de lap-
parition en même temps, vers dix heures du soir, d’une lu-
mière des plus brillantes avec accompagnement de détona-
tions épouvantables. Quant aux pierres tombées sur le sable
fin de la lande, ajoutait-on, elles n’y seraient pas restées
deux jours sans attirer l'attention si quelqu'un les avait ap-
portées avant le phénomène. Il était impossible d’être plus
précis et plus complet. |
Malsré ce luxe de détails, l’opinion, grâce au rapport de
Lavoisier, était si bien faite que Saint-Amans n’y vit que l’oc-
casion de se livrer à des gorges chaudes avec son ami Ber-
thollon ; et c’est lui-même qui, avec une loyauté dont on doit
lui tenir compte, s’en accusa plus tard. Pour augmenter le di-
vertissement qu'il tirait dece « conte fait à plaisir », ne trouva-
t-il pas plaisant de faire constater une pareille absurdité par
un acte authentique et de demander sur les lieux un procès-
verbal de la chute des pierres et la liste de ceux quien avaient
été témoins?
Le procès-verbal arriva. Contre l'attente du savant on y
avait annexé une note d’où il résultait que trois cents per-
sonnes pouvaient rendre témoignage de l'authenticité du fait.
Dm
LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 67
Berthollon fit insérer le tout dans son Journal des Sciences
utiles publié à Montpellier. I fit d’ailleurs suivre cette rela-
tion des commentaires les plus méprisants au sujet de la
crédulité des paysans.
Mais voici qui paraitra plus fort. En 1802, Pictet, passant à
Paris, présenta à l’Académie des sciences un mémoire dans
lequel il concluait à la réalité du phénomène. Son auditoire
était si mal disposé que, suivant l'expression d’un historien,
il lui fallut un vrai courage pour achever sa lecture. Or il est
à remarquer que Pictet arrivait d'Angleterre où, grâce à la
discussion des témoignages arrivés de Bénarès en 1798, grâce
surtout aux analyses de météorites exécutées par Howard,
l'opinion était désormais fixée.
Le verdict de l’Académie n’empêcha cependant pas les
pierres de tomber, et l’époque parait même avoir été parti-
culièrement fertile en chutes.
Enfin, la chute observée en 1803, dans l'Orne, contraignit
les physiciens à prendre enfin en considération le témoignage
des paysans, et l’on vit un membre de Pfnstitut, Biot, aller
demander aux villageois des environs de Laigle de faire son
éducation et celle de l’Académie sur un des chapitres les plus
importants de la physique du monde.
Si l’on peut s'étonner de la lenteur que mit l'Académie à
s'informer du phénomène, on ne doit pas manquer de rendre
hommage à la méthode essentiellement scientifique suivie par
Biot dans son enquête. Lorsqu'on lit son admirable Relation,
on est frappé de sa précision. Sa plus grande crainte est de
se former trop tôt une opinion qui l'empêche de discerner
la vérité. Et sa conduite en cette affaire est d’un si grand
exemple pour ceux qui ont le goût des sciences, que nous
croyons devoir la montrer avec quelques détails.
Il ne se rendit pas directement à Laigle. Il nous dit
pourquoi :
« Si l’explosion du météore avait réellement été aussi vio-
68 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
lente qu’on nous l’annonçait, on devait en avoir entendu le
bruit à une très grande distance. Il était donc conforme
aux règles de la critique de prendre d’abord des informations
dans des lieux éloignés sur ce bruit extraordinaire, sur le
jour et l'heure auxquels on Pavait entendu, d'en suivre la
direction, et de me laisser conduire par les témoignages jus-
qu’à l'endroit même où le météore avait éclaté. »
Guidé par ces considérations, l’académicien se rendit à
Alençon, qui est situé à 15 lieues au sud-ouest de la ville
de Laigle.
Les renseignements ne tardèrent pas : le courrier de Brest
à Paris lui dit que le mardi 6 floréal (26 avril), à neuf lieues
d'Alençon, il vit dans le ciel un globe de feu qui parut par
un temps serein du côlé de Mortagne, et sembla tomber
vers le nord. Quelques instants après on entendit un grand
bruit semblable à celui du tonnerre. L'heure était celle de
midi trois quarts. Par la marche de ce globe de feu, par
le bruit, et surtout par l'heure, M. Biot jugea que c'était
le commencement du météore de Laigle.
A Alençon, le bruit de la ville n'avait pas permis de per-
cevoir celui du bolide.
A Séez, à Nonant, au Merlerault, tous les habitants ques-
tionnés furent unanimes dans la description du phéno-
mène : globe lumineux et bruit.
Du Merlerault, Biot se rendit à Sainte-Gauburge, Chemin
faisant il interrogea une foule de paysans.
Un petit chaudronnier de dix à douze ans, qui faisait
route avec sa tôle et ses outils sur le dos, écoutait une
femme du pays à qui l’académicien demandait des détails
de l'explosion. « Oh! monsieur, dit l'enfant, on l’a entendue
beaucoup plus loin; on l’a entendue à trois lieues d’A-
vranches. — Vous avez donc oui dire cela ? — Monsieur, Je le
sais mieux que par oui-dire, puis que j'y étais. » Il y a 36
lieues d’Avranches à Laigle.
4
LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 69
Dans le village de Sainte-Gauburge, à quatre lieues ouest-
sud-ouest de Laigle, tout le monde avait entendu l'explosion.
Il n’y était pas Lombé de pierres, mais on avait entendu parler
de celles qui étaient tombées près de Laigle, et plusieurs ha-
bitants en possédaient des échantillons. M. Biot avait em-
porté de Paris une pierre qu’on disait être tombée du ciel à
Barbotan, près Roquefort, en 1790, et la montra à l'un de
ces collectionneurs, qui la reconnut aussitôt pour être tombée
du ciel; celui-ci ayant ensuite exhibé sa pierre qui pesait
environ une livre, elle se trouva en tout semblable à celle
de Barbotan.
Il n’était pas tombé de pierres à Laigle même, mais un ha-
bitant, M. Humphroy, beau-frère de Leblond, membre de PA-
cadémic des sciences, parla à Biot d’une masse pesant 8k,56
qui avait été ramassée à la Vassolerie, village situé à une lieue
de Laigle. M. Humphroy, qui s'était transporté sur les lieux le
jour même de l’évènement, avait vu les paysans encore as-
semblés autour du trou que la pierre avait fait en tombant.
Ce trou, que Biot vit aussi, était profond de 50 centimètres;
la terre avait été lancée à plus de 4*,86 de distance. M. Biot
recueillit les témoignages des enfants qui avaient vu tomber
à vingt pas d'eux, et à leur grande épouvante, la masse
métécritique.
La chute était bien constatée. Il restait à l’académicien à
prendre des renseignements propres à lui faire connaître la
route que le météore avait suivie, et l'étendue du pays sur
lequel il paraissait avoir éclaté.
Nous n’avons pas le loisir de le suivre dans cette seconde
série de recherches; elle ne fut pas moins intéressante que
la première; et Biot rapporta du département de l’Orne un
grand nombre de pierres météoritiques, qui furent déposées
au Muséum d'histoire naturelle, où on peut les voir encore.
Pendant fort longtemps, les météorites ont paru à ceux qui
70 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
s’en occupaient toutes identiques entre elles ou du moins peu
différentes les unes des autres. Cette opinion, pour le dire en
passant, a même été fort utile pour amener les savants à
reconnaître la réalité du phénomène qui nous occupe :de ce
que les pierres étaient toutes semblables, on en concluait plus
aisément que leur origine était commune. Aujourd’hui, au
contraire, il est reconnu qu’il existe autant de variétés entre
les météorites qu’entre les rochesterrestres, et l’on en est même
arrivé à ce point que leurs caractères communs se bornent à
fort peu de chose.
Ce qui frappe tout d’abord quand on regarde les météo-
rites, c’est l’irrégularité de leur forme extérieure.Leursangles,
sans doute vifs à l’origine, sont émoussés comme par l'effet
d’un frottement énergique ou longtemps continué; l’analogie
de leurs formes avec celles des blocs de roches terrestres qui
ont subi des actions analogues se reconnait à première vue.
Un second caractère général des météorites consiste dans
l'existence d’une écorce noire, extrêmement mince. Cetteécorce
n’est pas identique dans toutes les météorites. Ordinairement
d’un noir mat, elle est très luisante chez certaines pierres que
nous citerons tout à l'heure, et même une météorite tombée
en 1843 à Bishopville aux États-Unis offre une croûte luisante
et presque blanche.
A part ces deux caractères, forme fragmentaire et surface
vernissée, les masses qui tombent du ciel n’offrent rien de
général; nous constaterons même entre elles de profondes
différences.
Certaines roches météoritiques à peu près dépourvues d’a-
nalogues parmi les roches terrestressont composées de fer mé-
tallique compact. On les désigne depuis longtemps sous le
nom de fers méléoriques, et par opposition d’autres sont appe-
lées pierres méléoriques. Entre ces deux termes extrêmes, les
fers et les pierres, on trouve des masses qui établissent des
transitions presque insensibles.
LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 71
Le fait de la présence ou de l'absence du fer métallique
paraît être le meilleur caractère pour faire les grandes divisions
parmi les météorites, quoique, en examinant les choses de
près, on reconnaisse que les pierres absolument dépourvues
de fer sont extraordinairement rares. La plupart des météo-
rites contiennent du fer et de la pierre en proportions d’ail-
leurs extrêmement variables. Mais la situation relative de ces
minéraux es! loin d’être toujours la même. Tantôt la pierre est
à l’état de grains englobés dans le fer, tantôt, au contraire,
le métal est en grenailles disséminées dans la pierre.
Les fers météoriques constituent des roches très singulières,
non seulement en comparaison des roches terrestres, mais
même par rapport aux autres météorites.
Is sont formés d’un métal compact tout à fait pareil pour
l'aspect et les principales propriétés physiques à l’acier le
mieux fabriqué.
La chute de ces fers est beaucoup plus rare que celle des
autres météorites. Depuis plus de cent vingt années on n’a
observé dans l’Europe entière que quatre chutes de fers et
même l’une de ces chutes est douteuse. Elles ont eu lieu à
Hraschina, près d’Agram, en Croatie, le 26 mai 1751 ; à Bau-
fremont, dans les Vosges, en 1842 (c’est celle-ci qui est dou-
teuse); à Braunau, en Bohême, le 14 juillet 1847; enfin à
Tabarz, en Thuringe, le 18 octobre 1854.
Cette rareté contraste avec le nombre relativement très
grand des chutes de pierres. Pendant ces mêmes cent vingt
années on a compté en Europe plus de 190 pluies de
pierres dont plusieurs se composaient de milliers de météo-
rites.
On n’en a pas moins trouvé à lasurface du globe un nombre
considérable de blocs métalliques qui sont évidemment d’ori-
gine météoritique. Quoique leur chute n’ait pas eu de témoins,
onles reconnaitcomme météoritiques, avec autant de certitude
que si on les avait vus tomber, à tout un ensemble de carac-
12 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
tères qu'aucune roche terrestre ne présente et que nous allons
faire connaître.
La composition des fers météoriques n’est pas aussi simple
qu'on pourrait le croire, et contraste sous ce rapport avec
celle de l'acier. Il est vrai que l'analyse chimique donne des
résultats en général peu compliqués, mails, comme on va le
voir, ils ne rendent pas compte de la nature spéciale de cha-
que fer. Ainsi, M. Rivot, analysant le célèbre fer de Caille, sur
lequel nous reviendrons dans un moment, y a trouvé :
LS OO none ob toie Dn Dore 93
NICKEL RTS AE GE eee ER Re es PAR 6,2
SihCiumMs: 2027 AAA -ANNrAN SE tete 0,9
Cobalt, Chrome Ce HTC Lecce oies traces
100,4
Ces nombres fournissent des notions évidemment très
utiles, mais très incomplètes. Un coup d'œil suffit en effet
pour montrer que le fer analysé n’est pas un minéral défini,
semblable à lui-même dans toutes ses parties; mais que,
comme la plupart des roches, il consiste dans le mélange
de plusieurs minéraux différents. Outre le fer nickelé qui en
constitue la masse principale, on y voit de gros rognons cy-
lindroïdes d’une matière spéciale appelée troilite, qui est
formée d’un sulfure double de fer et de nickel. Sous l’in-
fluence des agents atmosphériques, ce sulfure très atta-
quable disparaît peu à peu et laisse vide la place qu'il oc-
cupait; c’est pour cela que le gros échantillon de Caille
exposé dans la collection du Muséum et dont voici une repro-
duction est tout lardé de cavités cylindroïdes que pendant
longtemps on a crues forées artificiellement. Autour de la
troïlite on reconnait des couches concentriques de graphile
tout à fait analogue à la mine de plomb et qui pourrait
comme elle servir à la fabrication de crayons. Enfin, dans
certaines régions, on reconnaît des amas d’une matière mé-
tallique appelée schreibersite, qui est formée par la combi-
LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 73
naison du phosphore avec le fer, le nickel et le magnésium.
Ce n’est pas encore tout. Le fer nickelé, que nous considé-
rons comme simple, est lui-même fort complexe. Une expé-
rience très Imgénieuse, imaginée par le physicien Widmans-
tætten, montre qu'il consiste dans l’assemblage de lamelles
formées d’alliages définis, mais différents les uns des autres.
Pour faire l’expérience de Widmanstætten, on produit sur
LE FER MÉTÉORIQUE DE CAILLE EXPOSÉ DANS LA GALERIE
DE GÉOLOGIE DU MUSÉUM.
un fer une surface plane, puis on la polit avec soin et, cela
fait, on la soumet à l’action d’un acide, de l’acide chlorhy-
drique par exemple. Au lieu de s'attaquer uniformément
comme ferait du fer terrestre, le métal céleste laisse appa-
raître un réseau admirablement dessiné, qui doit son origine
à ce que divers alliages, inégalement attaquables, occupent,
les uns vis-à-vis des autres, des situations très régulières.
En poussant l'attaque à un degré convenable, la surface
74 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
primitivement lisse du fer se transforme en un véritable
cliché dont on peut tirer des épreuves comme d’une planche
gravée. Les divers alliages associés dans la figure de Wid-
manstætten sont, comme nous venons de le dire, parfai-
tement définis : on a pu les isoler, les purifier, les analyser,
et c’est alors seulement qu’il a été possible de classer les
fers météoriques. On a vu ainsi, par exemple, les soixante-dix
chutes de fer météorique que possède le Muséum se répartir
entre onze types parfaitement définis, dont.chacun a pu consé-
quemment se présenter à diverses reprises.
Nous insistons sur celte dernière remarque qui reviendra
pour d’autres météorites, et sera fertile en enseignements.
Pour montrer comment des fers de chutes différentes peuvent
être rigoureusement identiques, il suffira de dire que préci-
sément les trois plus gros blocs de notre grande collection
nalionale, qui proviennent, comme on va le voir, de localités
très différentes, appartiennent à un même tvpe.
Le moins volumineux, pesant 104 kilogrammes.et remar-
La
quable par sa forme conique, a été découvert au Chili en
1866. |
Cest don Lisara Fonseca qui la rencontra sur l’un des
sommets des andes chiliennes près de Juncal, dont on a une
représentation sous les veux.
Don Lisara explorait la montagne en quête de gîtes métal-
lifères. Rien n'avait pu l'arrêter ; ni les chaleurs de lété si
redoutables dans ces régions élevées de 3000 mètres au-
dessus du niveau de la mer, ni la sècheresse qui était telle, que
les ongles se brisaient comme du verre et que l’épiderme se
fendillait. La caravane, composée au départ de vingt-cinq
mules etde plusieurs mineurs, avait été décimée par lasoif, par
la fatigue, par la maladie, et il ne restait plus que quatorze
bêtes chancelant de besoin. Si l’on excepte le chef de l’expédi-
tion, tous les hommes semblaient à bout de force et de cou-
rage.
FER MÉTÉORIQUE,
ÉCOUVERT UN
FONSECA A DECO
ENVIRONS DE JUNCAL OU LINARA
LES
16 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
A la vue de l'échantillon minéralogique, l’ardeur renaît et
l’on décide qu’on le descendra, coûte que coûte, dans la plaine,
bien que 104 kilogrammes soient en semblable occurrence de
quelque considération. A force d’héroïsme, on vient à bout de
cette tâche et le bloc arrive enfin à Nantoco.
On s’imaginera peut-être, d’après ce récit, que don Lisara
Fonseca est un minéralogiste déterminé; qu’il porte aux mé-
téorites un grand intérêt, et qu’à ce titre 1l a droit à la recon-
naissance de tous ceux qui cultivént les sciences naturelles.
Hélas ! il faut détruire une opinion siflatteuse pour lexplora-
teur chilien. La vérité est que, si notre homme n'avait pas
vécu dans une bienheureuse ignorance à l'égard des pierres
tombées du ciel, si seulement il avait In un livre tel que celui-
ci, la belle masse qu'on peut admirer au Muséum gésirait
encore dans sa solitude desséchée. Don Lisara Fonseca ne
l'en a tirée, en effectuant un prodige de transport, que parce
qu'à la suite d’un examen très sommaire il avait pris cette
masse de fer pour un bloc d'argent massif, annonçant dans le
voisinage l’existence de précieux filons métalliques.
La seconde masse de fer météorique du Muséum (la seconde
quant au poids) a été découverte en 1828 par Brard à la porte
de l’église du petit village de Caille (alors Var, aujourd’hui
Alpes-Maritimes).On la connaissait dans le pays sous le nom
de la pierre de fer, et l’on racontait qu’elle avait été trouvée,
deux cents ans auparavant, sur la montagne voisine d’Audi-
bert à la suite d’un violent orage. Elle pèse 540 kilogrammes,
et nous venons d'en donner l’image.
Enfin la plus grosse de toutes, du poids de 780kilogrammes,
a été rapportée de Charcas (Mexique) en 1866 par notre armée.
Nous l'avons déjà citée à proposdes superstitions dont elle était
l’objet.
Une seconde division parmi les méléorites concerne des
masses qui consistent en fers renfermant çà el là des grains
pierreux. Certains fers proprement dits, renfermant à l’état
_#
V
LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 17
microscopique des cristaux de nature pierreuse, établissent
entre cette division et la précédente une transition insensible:
tel est le fer trouvé à Tuczon, au Mexique, en 1846, qui con-
tient plus de » pour 100 de petits cristaux de péridot dissé-
minés dans sa masse.
Les échantillons de la seconde division sont beaucoup moins
nombreux que les fers proprement dits. Leur portion métal-
lique se prète à l'expérience de Widmanstætten et l’on reconnait
- souvent alors qu’elle consiste en divers alliages qui encadrent
les grains pierreux. Ce point est très important, comme on
verra plus loin, en ce qui concerne l’origine de ces masses. La
nature des grains pierreux est variable suivant les cas, et leur
étude est très Instructive.
L'une des plus célèbres météorites de cegroupe est celle que
l’on appelle le fer de Pallas. Cest comme une éponge de fer
dont les vacuoles sont remplies de cristaux parfaitement nets
du minéral appelé péridot. Le fer de Pallas fut trouvé en 1776,
par Pillustre naturaliste russe dont il porte le nom, à Krasno-
Jarsk, en Sibérie, où Pavait apporté peu de temps auparavant
un Cosaque forgeron quil’avait découvert sur une haute mon-
tagne de lIénisséi. Son apparence, absolument différente de
celle des roches du pays, avait conduit les habitants à lui
altribuer des vertus et une origine surnaturelles. Cet échan-
üllon pesait 700 kilogrammes, et l’on peut voir au Muséum un
moulage en carton reproduisant sa forme originelle; mais
l'original a été débilé en un nombre immense d'échantillons,
répartis entre les diverses collections du monde.
Parmi les autres masses faisant partie du même groupe,
nous devons en citer deux particulièrement instructives,
comme on verra plus loin, relativement à l’origine des météo-
_riles.
L’une provient du désert d’Atacama, au Chili. A première
vue, elle ressemble beaucoup au fer de Pallas, et sa partie
métallique est mêmeidentique à celle de celui-ci, mais la por-
78 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
tion pierreuse en diffère tout à fait, puisque, au lieu d’être
formée par des cristaux de péridot, elle consiste en fragments
anguleux d’une roche appelée dunite, quise compose de péri-
dot granulaire associé à du fer chromé.
La seconde masse vient aussi du Chili, mais de la Cordillère
de Déesa, près de Santiago. Elle présente des caractères toutà
fait exceptionnels. Sa portion métallique, quoique de même
composition que le fer de Caille, ne donne pas par les acides
les figures de Widmannstætten;sa portion pierreuse consiste
en fragments irréguliers d'une roche noire très dure et de
composition très complexe. Le fer de Déesa joue un très
LE FER DE PALLAS.
grand rôle dans ce que nous appellerons la géologie des
méléoriles.
Les pierres météoriques les plusnombreuses sont caractéri-
sées par l'existence du fer nickelé en grenailles disséminées
au milieu d’une gangue pierreuse.
La proportion relative du fer et de la pierre est extrème-
ment variable. Parmi les masses dans lesquelles le fer est le
plus abondant, il faut citer celles que l’on a recueillies en très
erand nombre dans la sierra de Ghaco, en Bolivie, et qui,
par parenthèse, sont parfaitement identiques à la météorite
tombée devant de nombreux témoins, le 4 juillet 1842, à
Logrono, près de Baréa, en Espagne. La portion pierreuse
LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 19
consiste en cristaux ou en fragments de péridot et de py-
roxène ; les grenailles, parfois très volumineuses, ont sensi-
blement la composition du fer de Caille, et donnent comme
lui, par les acides, de très belles figures de Widmannstætten.
Les grenailles métalliques et les grains pierreux sont d’ail-
leurs cimentés par un très fin réseau métallique.
Mais en général les pierres météoriques ne renferment le
fer qu’en grenailles très petites. Leurs types sont beaucoup
trop nombreux pour que nous songions à les mentionner
tous ; il suffira de citer les principaux.
Certaines de ces météorites se distinguent tout de suite
MÉTÉORITE DE LA SIERRA DE CHACO.
par leur couleur noire. En tête se place la masse tombée le
9 juin 1867, à Tadjéra, près de Sétif, en Algérie, et dont la
trajectoire était, comme nous l'avons dit, tellement inclinée,
qu’en arrivant l'épave céleste creusa sur le sol un sillon de
plus d’un kilomètre de longueur. Cette roche est pour nous
très intéressante, à cause des actions géologiques que son
étude nous révèlera.
On peut faire la même remarque à l’égard de la météorite
tombée le 24 mars 1857 à Stavropol, sur le versant sud du
Caucase. Elle ne diffère de la précédente que par sa structure
oolithique , c’est-à-dire composée de petites boules juxta-
posées.
80 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
Une pierre tombée le 24 mars 1857 à Renazzo, en Italie,
est noire aussi et globulaire; mais sa nature minéralogique
est toute différente, ainsi que son aspect qui est vitreux
et rappelle un peu les obsidiennes des volcans.
Il y a des météorites qui, sans être noires, sont cependant
de couleur foncée. Du nombre sont la pierre tombée le
11 juillet 1868, à Ornans, dans le Doubs, complètement ooli-
thique, et si friable, qu’elle tache les doigts; et les pierres
tombées à Lancé, près Authon (Loir-et-Cher), le 24 juillet
1872.
Les couleurs sombres sous forme de marbrures se re-
trouvent dans certaines météorites dont le type est fourni
par celle de Chantonnay, en Vendée (5 août 1812). Ces
pierres marbrées ont un très grand intérêt au point de vue
oéologique, leur composition est sensiblement celle des
pierres d’un gris clair dont il nous reste à parler.
Celles-ci sont si fréquentes, qu’on les avait réunies sous le
nom, aujourd'hui abandonné, de prerres du type commun.
En les examinant de près, on voit cependant qü'elles sont
loin d’être identiques entre elles. Au point de vue de la struc-
ture, on peut les ranger en trois catégories.
D'abord voici les très nombreuses météorites dont celles
d'Aumale, Algérie (25 août 1859), et de Lucé, Sarthe (13 sep-
tembre 1768), forment les types. Celles-ci sont uniformément
compactes : les premières à la façon de certains calcaires, les
autres comme nos trachytes.
D'ailleurs, pour la composition, elles s’écartent également
de ces deux roches, étant formées surtout de silicates ma-
onésiens.
Une deuxième catégorie comprend les pierres grises dont
la structure est oolthique. Le type qui appartient à la chute
de Montréjeau (Haute-Garonne), 9 décembre 1858, s'est
représenté à maintes reprises. La composition est analogue
à celle des roches précédentes.
LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL, 81
Enfin un dernier groupe est formé de masses sur lesquelles
nous reviendrons longuement et qui sont bréchoïdes, c’est-4-
dire composées de fragments ressoudés les uns avec les autres,
Nous pouvons citer les pierres de Saint-Mesmin, Aube (mai
1866), de Canellas, Espagne (14 mai 1861), de Parnallée,
Indes anglaises (28 février 1857), mais sans en rien dire de
plus pour le moment.
A la suite de ces diverses météorites, il faut citer celles où
le fer estsi peu abondant qu’on n’en décèle la présence qu’au
moven d'expériences spéciales.
Parmi celles-ci, nous mentionnerons une dernière pierre
peu riche en fer et tout à fait exceptionnelle comme nous
l'avons déjà dit par la croûte presque blanche qui l'enveloppe.
C’est la pierre dont on a observé la chute, le 25 mars 1843, à
Bishopville, aux États-Unis. A l’intérieur elle est d’une blan-
cheur de lail et consiste en une variété particulière de
pyroxène.
Les pierres météoriques dépourvues de grenailles métal-
liques diffèrent complètement de toutes les masses qui précè-
dent et offrent avec les roches terrestres beaucoup de ressem-
blance.
Elles sont remarquables avant tout par l'éclat de la croûte
qui les enveloppe. Cette croûte doit son brillant à l'extrême
fusibilité dont jouissaient au moment de leur entrée dans
l'atmosphère les substances qui l’ont formée. Dans certains
cas la matière de la croûte a ruisselé pendant le passage des
pierres dans l’air, et a produit des bourrelets qui permettent
de se représenter la position du projectile à son arrivée sur la
Terre.
Au point de vue minéralogique, plusieurs de ces météorites
se présentent comme identiques à certaines laves terrestres,
par exemple à celles du volean de Thjorzà, en Islande. Parmi
les météorites de cette sorte, deux sont françaises : l’une est
PLANÈTE QUE NOUS HABITONS,. 6
82 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
tombée en 1819 à Jonzac, dans la Charente, et l’autre à Juvi-
nas, dans l'Ardèche, en 1821.
La pierre tombée à Igast, en Livonie, le 17 mai 1855, est
tout à fait exceptionnelle. N’était la présence d’un peu de fer
nickelé, cette météorite serait absolument pareille à certaines
roches caractéristiques de nos volcans terrestres. Sa struc-
ture scoriacée et sa composition minéralogique, qui consiste
LA MÉTÉORITE DE JUVINAS.
dans le mélange du feldspath orthose avec le quartz ou cristal
de roche, en font une véritable pierre ponce.
Nous reviendrons plus loin sur cette pierre, dont l'étude
est très instructive.
La météorite de Chassigny, Haute-Marne (15 janvier 1815),
est à rapprocher des précédentes; elle reproduit également
une roche terrestre, la dunite, déjà citée, et qui nous occupera
plus loin. Cette méléorite, dont la croûte est terne, comme celle
des pierres ordinaires, est formée par l'association du péridot
avec le fer chromé.
Certaines météorites privées de fer sont colorées en noir par
LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 83
une forte proportion de charbon libre, et, à cause de cela, on
les désigne très souvent sous le nom de méléorites charbon-
neuses. Elles renferment en outre des composés hydrocarbonés,
tout à fait comparables à ceux de la chimie organique, et à
ce titre elles sembleraient pouvoir intéresser Les physiologistes
non moins que les minéralogistes et les chimistes. En effet, la
question est de savoir si ces composés ont pu se former sans
l'entremise de la vie; en cas de réponse négative, une preuve
matérielle serait acquise que la vie exerce son empire en dehors
de notre globe. Cette question est encore pendante et demande
de nouveaux efforts. Cependant toutes les probabilités sont
pour queles météorites char-
bonneuses soient analogues,
quant à l’origine, aux sub-
stances bitumineuses vomies
par les volcans et par les
salzes en l'absence de toute
action physiologique.
Les météoriles charbon-
neuses sont très peu fré-
quentes. Jusqu'ici on n’en à
constaté la chute que quatre
fois, savoir : le 15 mars 1806
à Alais, dans le département
du Gard; le 13 octobre 1838 à Cold Bokkeweld, au Cap de
Bonne-Espérance; le 15 avril 1857 à Kaba, en Hongrie; et
enfin le 14 mai 1863, à Orgueil, Tarn-et-Garonne.
Cette dernière, la mieux étudiée, est représentée au Muséum
par de très nombreux échantillons (le plus volumineux, dont
la forme est représentée ici, pèse environ 2 kilogrammes). C’est
une roche uniformément noire, très friable et rappelant, pour
l’aspect, certaines terres végétales ou certains lignites terreux.
Chaque échantillon est complètement enveloppé d’une
croûte vitrifiée qui n’a pas un aspect uniforme sur les diffé-
LA MÉTÉORITE D'URGUEIL-
81 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE.
rentes faces de la pierre. En une partie de son étendue, cette
croûte est excessivement mince, unie et souvent irisée, tandis
qu'en une autre partie elle est notablement plus épaisse, ru-
gueuse et comme chagrinée. L’écorce épaisse se détache sur
l'écorce mince par une sorte de rebord ou de bourrelet; elle
est nécessairement postérieure à celle sur laquelle elle s’est
étendue.
Une propriété très remarquable des pierres charbonneuses
est de se désagréger complétement sous l'influence de l’eau,
pour reprendre d’ailleurs leur cohésion par la dessiccation.
Il résulte de là que si le bolide d’Orgueil, par exemple, au
lieu d'arriver par un ciel serein, avait traversé une atmosphère
chargée d'humidité, ileût pu fournir de la poussière au lieu de
pierres, et peut-être même de la boue, si l'humidité eût été
suffisante. |
Ce cas s’est nécessairement réalisé dans une foule de cir-
constances, et ainsi s'expliquent les chutes de poussière ob-
servées fréquemment à la suite de l’explosion des bolides et
sans doute aussi les chutes de matières pâteuses ou vis-
queuses, rapportées par les anciens auteurs sans qu’on en ait
cependant d'exemple bien éludié.
Oa n’a pas jusqu'ici constaté d’une manière positive la chute
de liquides consécutive à l'explosion de bolides et il en est de
mème de l’arrivée possible de gaz. Mais beaucoup de météorites
pierreuses, étudiées au microscope, montrent de petites va-
cuoles contenant les unes des gaz et les autres des liquides
d’origine évidemment extra-terrestre comme les masses qui
les contiennent.
DEUXIÈME PA RTIE
L . 1
_ COMMENT S'EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE
4
Q
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en. ."
«
--r cr me ge 0
ER L.
CHAPITRE PREMIER
THÉORIE DE LAPLACE
Les quelques détails qui précèdent sur les corps qui gravitent
avec nous autour du Soleil peuvent être résumés de façon à nous
fournir une idée très simple de la famille astronomique dont
la Terre fait partie.
Si nous supposons que nous nous éloignons du Soleil,
centre incandescent du système, nous trouvons d’abord la
série des planètes dites inférieures (Mercure, Vénus, la Terre
et Mars), construites exactement sur le même modèle, l’obser-
vation y montrant autour d’un globe solide (partie conti-
nentale). une couche liquide (partie maritime) et une enveloppe
aériforme (partie atmosphérique).
En faisant abstraction, pour y revenir tout à l’heure, des
planètes télescopiques qui sont également solides, nous
trouvons ensuite les planèles supérieures, et tout d’abord
Jupiter et Saturne, quise comportent à l’observation spectro-
scopique comme des corps essentiellement liquides.
Enfin, arrivent les deux dernières planètes de notre sys-
tème, Uranus et Neptune, qui, encore faiblement lumineuses
par elles-mêmes, se présentent à l’analyse prismatique
comme des masses gazeuses.
88 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE.
Or on est immédiatement frappé de l’analogie de cette
succession régulière avec la succession de couches offerte
par la coupe géologique théorique du globe terrestre consi-
déré à part. Et c’est ce que fontressortir les deux coupes théo-
riques ci-jointes.
Dans cette comparaison, le Soleil répond au noyau encore
à l’état d’ignition que renferme notre planète, Neptune et:
Uranus répondent à son atmosphère, Saturne et Jupiter à la
masse liquide de nos océans; et le reste, c’est-à-dire les as-
téroïdes, Mars, la Terre, Vénus et Mercure, aux roches solides
proprement dites.
Gette analogie imprévue pourra au premier abord paraîlre
fortuite. Mais il sera facile de montrer qu’elle a sa source
dans la nature même des choses, le mode de formation du
système solaire tout entier ayant été au fond exactement le
même que le mode de formation de la Terre.
À. LES TRANSFORMATIONS DES NÉBULEUSES
I faut, pour assister à la formation d’un système solaire,
imaginer, à l'exemple du grand géomètre Laplace, qu'une ré-
gion de l’espace suffisamment éloignée de tousles autres soleils
soit remplie d’une substance d’une ténuité infinie dont les
particules, animées de vitesses inégales, pourraient se disper-
ser à la longue si leurs attractions mutuelles ne les tenaient
agolomérées. Sous l'influence de ces attractions, la matière
cosmique se ramasse dans un espace de plus en plus petit, et
à mesure qu'elle se condense, une partie du mouvement qui
l'anime se convertit en chaleur:la masse entière s’échauffe
donc et même assez pour devenir faiblement lumineuse. La
1
LES TRANSFORMATIONS DES NÉBULEUSES. 89
condensation continuant toujours, devient prépondérante au
centre de la nébuleuse. En même temps il se produit au sein
de la masse des tourbillonnements que l’on peut assimiler à
de véritables trombes intestines. Peu à peu tous ces mouve-
ments giratoires se coordonnent
et la nébuleuse tourbillonne sur 2 ."""#
elle-même avec un ensemble qui
peut amener la masse entière à
prendre un mouvement derotation
comparable à celui d’une toupie
qui dort.
Maintenant, examinons plus
spécialement la nébuleuse d’où DRE
est sorti le système solaire. Au ar.
moment où nous la considérons,
elle est incandescente ; sa forme
est celle d’une sphère aplatie;
son mouvement de rotation est
autour de son plus court dia-
mètre. plier
À chaque instant, elle émet au LE sa
dehors sa chaleur; à chaque ins 1
tant aussi elle se contracte en
obéissant aux forces intérieures 7
qui la sollicitent. Cet incessant
rétrait produit un double effet.
D'une part, le mouvement de ro- couvre THÉORIQUE DU SYSTÈME
tation s'accélère; de l’autre, la Le ds
nébuleuse s’aplalit de plus en plus.
Nous l’avions assimilée à une sphère; il devient plus exacte
de la comparer à une lentille de dimension démesurée. Le
retrait continuant, et la vitesse augmentant, une rupture se
détermine circulairement tout le long de l'équateur, d’où se
détache un vaste anneau de vapeurs ardentes qui peu à peu se
90 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE.
renfle, se ramasse, se pelotonne. Cette pelote qui décritune
orbite embrassant la nébuleuse sera la planète Neptune.
La nébuleuse poursuit son retrait; la rotation s'accélère
encore ; un nouvel anneau se détache qui se rompt comme
le premier et en s’agglomérant donne le rudiment de la planète
Uranus.
De nouveaux retraits, de nouveaux accroissements de vi-
É-
:
Ë =
COUPE THÉORIQUE DE L'ÉCORCE TERRESTRE.
tesse, de nouveaux anneaux, de nouvelles ruptures, donnent
successivement Saturne, Jupiter, l’astre d’où dérivent prô-
bablement, comme nous le dirons, les planètes télesco-
piques, puis Mars, puis la Terre, puis Vénus, enfin Mercure. Il
ne reste plus qu’une masse sphérique qui constitue notre
Soleil.
L'EXPÉRIENCE DE PLATEAU. 91
9. L'EXPÉRIENCE DE PLATEAU
Telle est brièvement résumée la théorie de Laplace, à
laquelle, contre toute attente, un physicien belge, M. Plateau,
a su procurer la confirmation de lexpérience. Voici com-
ment :
On prépare un mélange d'eau et d'alcool ayant rigoureu-
LA NÉBULEUSE MÈRE DU SYSTÈME SOLAIRE,
sement la densité de l'huile d'olive, dont on introduit une
crosse goutte au milieu du mélange où elle prend la forme
d’une sphère parfaite.
Cette sphère est immobile, mais si on fait passer par son
centre un axe vertical doué d’un mouvement de rotation,
elle en prendra peu à peu le mouvement et s’aplatira
progressivement vers les pôles. La force centrifuge aug-
92 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE.
mentera si l’on augmente la vitesse, et on verra la ré-
sion équatoriale se renfler de plus en plus : à un certain
moment un anneau se séparera qui continuera de tourner
autour de la planète centrale, comme on l’observe pour Sa-
turne.
En s’accélérant l'anneau s’agrandira et bientôt se brisera ;
sa matière se réunira en un petit sphéroïde, et cette planète
SÉPARATION SUCCESSIVE DES PLANETES DE LA NEBULEUSE
MÈRE DU SYSTÈME SOLAIRE.
microscopique se mettra à graviter autour de la miniature
de soleil d’où elle est sortie.
Cette belle expérience nous met donc en présence de vé-
ritables systèmes planétaires artificiels. Toutefois elle laisse
de côté une particularité très importante de la nébuleuse.
C’est que cette nébuleuse n’est pas homogène. Des vapeurs
de densités diverses y sont mélangées qui subissent peu à peu
- ds
LES DERNIERS PROGRÈS DE LA THÉORIE. 93
un vérilable triage : il en résulte que les planètes Les plus
extérieures sont formées des particules les plus légères ; elles
sont comme les témoins des couches les plus rares ; et que les
planètes les plus intérieures sont produites aux dépens de
couches de plus en plus lourdes : elles sont les témoins de
ces couches.
Cette remarque s'applique non moins rigoureusement à
la série des phénomènes dont chaque planète, une fois sé-
parée de la masse générale, devient le théâtre. Ces phéno-
mènes, en effet, sont tout à fait les mêmes que ceux qui
viennent d’être décrits, et la formation des satellites, ou pla-
nètes de planètes, prouve que la comparaison est exacte.
De plus, la séparation de couches distinctes de densités
diverses, évidente- dans la nébuleuse originelle, perceptible
dans le résidu actuel de cette nébuleuse, c’est-à-dire dans
le Soleil, donne lieu dans les planètes (au moins dans les pla-
nèles inférieures) à la superposition de l'atmosphère, de
l'océan et de enveloppe solide.
On voit donc bien que analogie de structure du système
solaire et d’une planète convenablement choisie telle que la
Terre, n’est pas un effet du hasard : elle tient à l’essence
mème des choses, et c’est pour cela qu’elle jette du Jour sur
l'origine des mondes.
2. LES DERNIERS PROGRÈS DE LA THÉORIE
I est vrai qu'on a fait à la théorie de Laplace plu-
sieurs objections; mais 1l ne semble pas qu’elles doivent
conduire à autre chose qu'à de légères modifications de
détail.
Laplace croyait que le sens de rotation des planètes et de
94 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE.
leurs satellites est le même pour tous, et la supposition des
anneaux se détachant successivement de la nébuleuse primi-
tive au fur et à mesure de sa contraction semble rendre cette
condition tout à fait nécessaire. Or on sait maintenant que
cette uniformité n'existe pas, les satellites d'Uranus et ceux de
Neptune étant animés de mouvements rétrogades. Il faudrait
aussi dans la théorie de Laplace que les satellites exéculassent
leur révolution en plus de temps que la planète qu’ils accom-
pagnent n’en met à tourner sur elle-même; or les satellites
nouvellement découverts de Mars n’obéissent pas à cette pré-
tendue loi.
C’est pour répondre à ces objections que M. Faye a publié
récemment les résultats de recherches dont il n’est pas possible
de donner ici plus que l’esprit général. Le savant astronome
montre comment des considérations très simples permettent
de rendre compte de ces deux zones concentriques du système
solaire dont la plus externe est caractérisée par des rotations
rétrogrades, tandis que l’autre ne présente que des rotations
directes. Pour cela il part simplement de ce fait, difficile à
réfuter, que dans la nébuleuse originelle la densité allait en
croissant de la périphérie vers le centre. On a la preuve di-
recte de cette condition réalisée dans une foule de nébu-
leuses. Or, ceci posé, le calcul montre que la pesanteur dans
une masse ainsi constituée, croit d’abord à partir de la sur-
face en raison inverse d’une puissance de la distance au
centre. Mais cette progression atteint bientôt un maximum,
après lequel la pesanteur est proportionnelle seulement à la
même distance, de telle sorte qu'au centre même elle est
nulle, Si l’on admet dans une nébuleuse ainsi bâtie la sépa-
ration des anneaux planétaires, on voit que ceux provenant
de la région externe seront tels que la vitesse de la circonfé-
rence la plus grande sera moins considérable que la vitesse
de leur autre circonférence; donc s'ils se réduisent en un
elobe tournant sur lui-même, ce globe se mouvra dans le
LES DERNIERS PROGRÈS DE LA THÉORIE. 95
sens rétrograde. Au contraire, pour des anneaux formés par
la seconde région, les vitesses relatives seront inverses et la
rotation du globe produit sera nécessairement directe, La
particularité fondamentale du système solaire serait donc
ainsi expliquée.
CHAPITRE II
ANALOGIES MUTUELLES DES ASTRES DU SYSTÈME SOLAIRE
Les confirmations fournies par l’astronomie physique et par
la géologie comparée à la déduction tirée des seuls faits astro-
nomiques par le génie de Laplace relativement à l'unité d’ori-
gine de tous les membres du système solaire, ces confirma-
tions sont siéclatantes, que la théorie cosmogonique qui vient
d’être exposée pourrait être présentée aujourd’hui comme une
simple conclusion de faits d'observation.
On en aura la preuve par les paragraphes suivants.
{. L’UNITE DE COMPOSITION CHIMIQUE
Comme nous l'avons déjà dit, le spectroscope a conduit à re-
connaître dans le Soleil, dans les étoiles, dans les comètes et
même dans certaines planètes, la présence du fer, de hydro-
sène, du magnésium, du chrome, du potassium, du sodium,
toutes substances existant sur la Terre.
Il est vrai que ces recherches n’ont montré ni le zine, ni
l'argent, ni lPantimoine, ni le cuivre, ni l’aluminium, ni le
cobalt; mais le fait peut tenir ou à ce que ces corps n’exis-
tent qu'en très faible proportion, ou à ce que la méthode, si
merveilleuse qu'elle soit, n’est pas assez parfaite pour ne
rien laisser échapper. Nicklès a, par exemple, signalé un cas
dans lequel le spectroscope est tout à fait en défaut. Mais rien
LT td
L'UNITÉ DES PHÉNOMÈNES GÉOLOGIQUES. 97
ne laisse soupconner dans les astres qui ont été étudiés une
constitution véritablement différente de celle de notre globe.
On peut donc dire qu'entre les membres du système solaire
existe une unité complète de constitution chimique.
9, L’UNITÉ DES PHÉNOMÈNES GÉOLOGIQUES
Mais l’unité ne s’en tient pas là, et dès maintenant on a pu
reconnaître au double point de vue géologique et météorolo-
gique une conformité qui n’est pas moins parfaite.
Cest ce qu’il nous sera aisé de démontrer.
Le phénomène éruplif se retrouve partout dans le système
solaire; et c’est certainement sur le Soleil lui-mème qu’il a le
plus de développement.
Autour de cet astre se voient constamment, comme nous
l’avons déjà dit, des sortes de flammes roses appelées protu-
bérances, qui ne sont autre chose que des colonnes gazeuses
violemment poussées dans son atmosphère. On observe dans
ces protubérances l'injection de vapeurs très lourdes, comme
celles du fer et du magnésium, qui viennent nécessairement de
la profondeur de l'astre et prouvent que le phénomène tient à
une cause générale.
Sans doute les phénomènes éruptifs s’exercent dans les
planètes, puisque nous y observons des montagnes. On sait, en
elfet, que l'axe des montagnes terrestres est ordinairement
formé par des roches poussées de la profondeur par suite de
pincements de l’écorce, dirigés perpendiculairement à la lon-
gueur de la chaine. A la Lune aussi cette remarque peut
tout particulièrement s'appliquer. Les chaînes de montagnes
y sont extrêmement nombreuses. On retrouve également hors
de la Terre des phénomènes de soulèvement proprement dits
sur Mars, Vénus, Mercure, qui montrent au télescope des
PLANÈTE QUE NOUS HABITONS, 7
98 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE.
chaines de montagnes toutes pareilles aux nôtres et dues évi-
denment à l'exercice des mêmes actions. C’est au point
qu’on à cru retrouver parmi les chaines de Mars et parmi
celles de la Lune certains caractères de symétrie qui, d’après
l'un de nos géologues les plus illustres, Élie de Beaumont,
dominent à la surface de la Terre la distribution générale
des montagnes.
Les météorites présentent souvent des caractères condui-
sant à reconnaitre que, dans leur gisement primitif, se pro-
duisaient des phénomènes de soulèvement analogues à ceux
qui sur la Terre sont liés d’une manière si intime à la for-
mation des chaines de montagnes.
Ces signes sont des failles.
On appelle ainsi,en géologie, d'immenses félures qui dé-
bitent, pour ainsi dire, toute
l'écorce terrestre en une série
de fragments juxtaposés à la ma-
nière des pierres d’une voûte.
En général, on reconnait
les failles aux dénivellations
qu’elles ont déterminées, ou,
en d’autres termes, à ce fait
que les couches du sol, qui ori-
oinellement étaient en conti-
naNenEs A lLA eurracE © NUIIÉ,, ne Se ITÉDONUCNTES
BEÉMPREURE de part et d’autre de la faille
et qu’elles ont même subi des rejels considérables.
Or certaines météorites sont coupées par des surfaces of-
frant la trace manifeste de frictions énergiques, et polies
comme les miroirs des failles terrestres. De plusil arrive que,
de pareillessurfaces se recoupant, ilen est parmi elles quisont
rejelées par d’autres. Leur signification ne saurait alors être
douteuse : ce sont de vraies failles témoignant de l’exercice
PILE
se
£
PRISMES DE BASALTE CONTOURNÉ, EN TRANSYLVANIE.
100 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE.
d'actions mécaniques pareilles à celles qui accompagnent les
soulèvements et les abaissements de l’écorce terrestre.
Les failles sont spécialement abondantes et bien caracté-
risées dans les météorites des types d’Aumale et de Lucé.
Il y a des météorites éruptives, c’est-à-dire des météorites
qui ont conservé des traces non douteuses de phénomènes
éruptfs.
Les roches terrestres éruptives sont celles qui, poussées
des profondeurs, alors qu’elles étaient à l’état pâteux ou
fluide, se sont fait jour au travers des failles pour constituer
les dykes, sortes de murs souterrains souvent très étendus
en longueur. Nos lecteurs ont sous les yeux un pareil dyke
photographié d’après nature en Transylvanie.
Un des accidents les plus caractéristiques de ces dykes
consiste dans les brèches spéciales dont ils sont parfois for-
més, brèches résultant de fragments de la roche encaissante
cimentés par la matière même du dyke. Ainsi, pour reprendre
un exemple déjà cité, dans les filons ou dykes de basalte de
l'Irlande, on trouve par places de véritables brèches formées
de fragments de craie agglutinés par le basalte. De plus, cette
craie, avant subi l’action métamorphisante du basalte, est
passée, comme on l’a dit, à l’état de marbre blanc.
Il est des météorites qui reproduisent toutes ces circon-
stances. L'exemple le plus net est celui du fer bréchoïde dé-
couvert dans la cordillère de Deesa, au Chili.
On se rappelle qu’il consiste en une pâte de fer dans laquelle
sont disséminés des fragments irréguliers d’une roche noire.
Le fer a rigoureusement la composition de celui de Caille,
mais il n’en à pas la structure, puisqu'il ne donne pas par les
acides les figures de Widmannstætten. Or le fer de Caille ne
les donne pas davantage quand il a été fondu, puis abandonné
à un refroidissement même fort lent. D'un autre côté, la
?
pierre du fer bréchoïde de Deesa est de tous points comparable
à la roche météorique de Tadjéra, qui, comme on le verra,
L'UNITÉ DES PHÉNOMÈNE S GÉOLOGIQUES. 101
n’est rien autre chose que la pierre d'Aumale chauflée à
une température analogue à celle où le fer se ramollit.
Le fer de Deesa est donc une véritable brèche de filon
éruptf.
Des considérations du même genre, étayées de comparai-
sons avec la roche terrestre appelée serpentine, dont nous
CRATÈRES VOLCANIQUES A LA SURRACE DE LA LUNE.
païlerons tout à l'heure, conduisent de même à reconnaitre
dans la roche météoritique grise marbrée de noir de Chan-
tonnay un échantillon de filon pierreux.
Pour les phénomènes volcaniques on rencontre la même
analogie entre divers astres. On sait sur quelle échelle énorme
Là
ces phénomènes sont développés à la surface de la Lune, dont
102 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE.
le côté visible nous offre au moins cinquante mille cratères.
Ces cratères présentent les plus grandes ressemblances avec
les cratères terrestres.
M. Secchi a pu comparer la montagne lunaire de Kopernik
aux cratères volcaniques des Champs Phlégréensaux environs
de Pouzzolles. Henri Lecoq, professeur à la Faculté des
CHAMPS PHLEGRÉENS
Cravé chez Erhard. VE
250000
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es ee 3 © © 40%.
CARTE DES ENVIRONS DE POUZZOLES, ANALOGUES AUX RÉGIONS A
CRATÈRES DE LA LUNE.
sciences de Clermont-Ferrand, y voyait l’analogue des mon-
tagnes trachytiques du Puy de Dôme. Certains cirques grani-
tiques de l’Auvergne rivalisent par leurs dimensions avec
les petits cratères de la Lune : tel est le cirque du Cantal, qui
a dix kilomètres.
Les cratères de Cyrille et de Catharina sur la Lune sont
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LE VOLGAN
104 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE.
accouplés comme ceux de Jumes et de Coquille, en Auvergne.
Les cirques et les pitons de laGuadeloupe, l’Etna, les volcans
de la Bolivie, ceux de l’Islande, de Santorin, des Canaries, etc.,
affectent également une foule de traits de ressemblance avec
divers accidents du sol lunaire ;et nous prenons ces faits
presque au hasard entre une foule d'exemples semblables.
On trouve parmi les météorites des roches dont le faciès
est volcanique, et qui doivent sans doute leur formation à des
phénomènes pareils à ceux qui produisent sur la Terre les
laves et les scories.
Nous avons mentionné des météorites, telles que celles
de Juvinas (Ardèche), de Jonzac (Charente), de Stannern
. (Moravie), etc., qui sont identiques aux laves de certains vol-
cans d'Islande.
Citons aussi la pierre tombée à Igast, en Livonie, en 1855,
qui reproduit dans tous les détails, ainsi que le montrent les
études de M. le professeur Grewinck (de Dorpat), certaines
pierres ponces quartzifères de nos volcans.
Le mélamorphisme, un phénomène capital, comme on l’a
vu au début de ce livre de la géologie terrestre, a été retrouvé
chez les météorites.
Dans divers pays, dans le nord de l’Irlande par exemple,
il existe des filons de roches éruptives, des basaltes qui ont
traversé à l’état de fusion des couches de craie; or, au voisi-
nage de ces filons, la craie a été métamorphisée, elle est de-
venue du marbre blanc comparable à celui que les sculpteurs
mettent en œuvre, et c’est ce changement qu’on exprime en
disant que la craie a subi le métamorphisme.
Eh bien, de même, diverses météorites ont subi le méta-
morphisme.
Les masses de ce genre appartiennent avant l’action méta-
morphique à la catégorie des météorites primitives.
L'UNITÉ DES PHÉNOMÈNES GÉOLOGIQUES. 105
Les météorites primitives sont les roches météoritiques
qui ne témoignent d'aucun phénomène autre que ceux néces-
saires à la constitution de toute roche. Elles forment léqui-
valent de nos roches cristallines et de nos roches sédimen-
taires, où l’on ne retrouve que les effets purs et simples, soit
du refroidissement d’une matière préalablement chaude, soit
du dépôt de substances préalablement tenues en suspension.
Le plus grand nombre des météorites appartient à cette
première catégorie, mais il est possible que le progrès des
études conduise à la restreindre successivement en amenant
la découverte d'actions géologiques dont les signes seraient
restés inaperçus jusqu'ici.
Nous citerons parmi les météorites normales, mais sans
nous y arrêter de nouveau, les masses décrites plus haut sous
les noms de fer de Caille et de pierres d’Aumale, de Lucé,
d'Ornans, etc.
L’un des plus beaux exemples de météorites métamor-
phiques est fourni par la pierre complètement noire tombée
en 1867 à Tadjéra, près de Sétif, en Algérie, car ilest facile
de s'assurer qu’elle n’est pas autre chose que la forme mé-
tamorphique des météorites grises, si communes, dont le type
nous est offert par la masse tombée aussi en Algérie, aux
environs d'Aumale, en 1865.
Il suffit en effet de chauffer la pierre d’Aumale pendant un
quart d'heure à la température rouge, pour constater après
refroidissement qu’elle a pris tous les caractères de la pierre
de Sétif, au point que l’on ne saurait plus l’en distinguer.
C’est exactement ainsi que la craie d'Irlande chauffée dans
certaines conditions s’est, dans les appareils de James Hall,
transformée en marbre statuaire.
L'expérience précédente, recommencée avec la roche grise
et globulaire de Montréjeau, a donné un résultat du même
genre. Cette roche s’est transformée à s’y méprendre dans la
météorite fglobulaire aussi, mais toute noire, tombée sur le
106 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE.
versant sud du Caucase, à Stavropol, en 1857 ;il en résulte que
cette dernière doit, comme la pierre de Sétif, se ranger parmi
les météorites métamorphiques.
Mais ce n’est pas tout. À côté de ces produits d’une trans-
formation complète, se placent des masses qui résultent d’un
métamorphisme partiel.
Ainsi, la météorite de Chantonnay, grise, mais traversée de
larges marbrures noires, est, à n’en pas douter, le produit
du métamorphisme incomplet de la pierre d’Aumale, et
comme un degré entre celle-ci et la pierre de Tadjéra.
Ainsi de même, la masse de Belaja-Zerkva, grise, mais
remplie de globules noirs, est indiscutablement le produit
du métamorphisme incomplet de la pierre de Montréjeau, et
marque comme une étape entre celle-ci et la pierre de Sta-
vropol.
Nous ne sommes aussi affirmatif que parce que des expé-
riences directes nous ont permis de reproduire les deux mé-
téorites de Chantonnay et de Belaja-Zerkva, en chauffant des
pierres d’Aumale et de Montréjeau, mais en ne les chauffant
pas assez pour les amener à l’état de météorites de Sétif et de
Stavropol.
Parmi les phénomènes qui jouent un grand rôle dans
l’histoire de la Terre, il faut citer à part ceux qu’on appelle
clastiques et qui ont donné naissance aux roches dites brèches
et poudingques, parce quelles sont formées de la réunion de
fragments collés ensemble. Comme exemple de poudingues
nous signalerons les hautes montagnes qui dominent le
couvent de Montserrat en Catalogne, et les roches où l’on
exploite le diamant au Cap de Bonne-Espérance. Ces phéno-
mènes paraissent se retrouver dans la Lune, et cela con-
duit à attribuer à notre satellite un régime géologique
fort analogue au nôtre. En effet la formation de brèches
exige le concours d’actions très variées : d’abord le dépôt
CATALOGNE.
MONTSERRAT EN
DE
COUVENT
DOMINE LE
QUI
MONTAGNE DE POUDINGUES
108 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE.
normal de certaines roches; puis leur concassement sous
l'effet de pressions énergiques; en troisième lieu le transport
ou charriage à une distance plus ou moins grande des frag-
ments ainsi produits; enfin la cimentation de ces fragments
sous forme de brèches ou de poudingues.
Or, suivant la remarque de Lecoq, diverses roches lunaires
onttout à fait l'aspect et la situation relative, dans les coulées
volcaniques de nos laves, des trass ou conglomérats trachy-
tiques. Tout porte à croire qu’elles ont une structure ana-
logue et par conséquent que ce sont des brèches.
Les phénomènes clastiques peuvent être retrouvés chez les
météorites, où ils ont exigé, comme sur la Terre, et confor-
mément à ce que nous avons dit plus haut, le concours d’ac-
tions très variées.
On peut même dire que chez les météorites les brèches
sont très abondantes. Souvent elles sont composées de
fragments très variés.
C’est ainsi que la météorite de Parnallée, dans l'Inde, con-
tient des débris appartenant à sept types parfaitement distincts
de roches extraterrestres. D’autres, comme les pierres de
Soko Banja, de Saint-Mesmin et de Canellas, ou comme le fer
de Deesa, ne contiennent, à l’état de mélange, que deux
roches différentes ; mais ils n’en sont pas moins intéressants
pour cela, et l’on verra tout à l'heure de quelle importance
est l'étude des brèches dans la démonstration de ce grand
fait que les météorites de types divers ont été quelque part
en relations stratigraphiques mutuelles, ou, en d’autres
termes, qu’elles dérivent d’un même gisement originel.
Des actions pareilles à celles qui ont produit nos filons
métallifères sont l’origine de certaines météorites.
On sait que dans les filons les minerais se présentent comme
des dépôts de sources circulant dans les failles. Si ces failles,
son éme hits tt it À DER de
CAP,
DE DIAMANTS AU
MINE
UNE
110 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE.
comme cela se voit souvent, renferment des fragments pier=
reux, les fragments sont enveloppés de couches successives
de minerais filoniens, et c’est ainsi que se sont faits, par
exemple, les cocardes des filons de minerais de plomb ex-
ploités dans le Harz.
Or diverses météorites, le fer du désert d’Atacama par
exemple, sont absolument semblables, sauf, bien entendu,
pour la composition chimique, à ces cocardes du Harz. Les
fragments de dunite que ce fer contient sont enveloppés
de diverses couches successives d’alliages différents, exacte-
ment comme les fragments schisteux du filon terrestre sont
enveloppés de couches superposées de quartz laiteux et de
galène.
L'action filonienne se retrouve dans d’autres météorites et,
par exemple, dans celle de la Sierra de Chaco, qu’on peut
rapprocher à divers égards des grès à ciment de cuivre natif
de Coro-Coro, en Bolivie.
3. L’UNITÉ DES PHÉNOMÈNES MÉTÉOROLOGIQUES
On retrouve à des degrés divers, dans plusieurs astres, la
srande circulation atmosphérique qui donne naissance aux
vents alizés. Il en est de même de la circulation générale de
l’eau dans le bassin des océans.
Par exemple, Jupiter offre à l'observation des nuages dis-
posés en bandes régulières qui indiquent évidemment des
alizés. Parfois on y voit des remous circulaires comparables
à nos ouragans. Un astronome anglais, M. Browning, a publié,
il y a quelques années, une intéressante étude à cet égard.
Pendant les mois d'octobre et de novembre, la planète offrait
un spectacle d’une beauté singulière et presque sans autre
exemple. Les bandes, plus nombreuses que d'ordinaire, pré-
ER UT ne . CO A
L'UNITÉ DES PHÉNOMÈNES MÉTÉOROLOGIQUES. 111
sentaient une plus grande variété de couleurs que jamais.
La bande équatoriale, qui depuis des années était la partie
la plus brillante de la planète, fut dépassée en éclat par les
bandes du nord et du sud. D'habitude rien ne faisait tache sur
le fond lumineux de cette bande; à de fréquentes reprises,
on y vit cependant l’apparence de nuages accumulés, Elle
était généralement incolore, brillant d’un gris d'argent ou
d’un gris perlé; elle devint d’un jaune profond, ressemblant
beaucoup à la couleur de l'or déposé par la pile.
Les pôles étaient bleus, et les bandes qui en sont le plus
rapprochées présentaient une teinte foncée de la même cou-
leur. Les bandes voisines étaient d’un blanc perlé, et leur
éclat l’emportait sur celui de toute autre partie de l’astre.
Les bandes sombres étaient d’un rouge de cuivre et elles
étaient séparées par la ceinture équatoriale d’un jaune d’or.
Ces changements, bientôt remplacés par d’autres, coïn-
cident avec la présence dans l’atmosphère de Jupiter de va-
peurs inconnues dans la nôtre; ils conduisent à faire admettre
que la plus grosse des planètes de notre système n’a pas
encore perdu la faculté ide luire quelque peu par elle-même.
On a vu d’ailleurs précédemment que Neptune et Uranus ont
une lumière propre.
On trouve sur Mars une météorologie identique de tous
points à la météorologie terrestre et, par exemple, des tour-
billons bien contournés en spirale comme nos bourrasques.
On peut même s'étonner de ce que,dans une planète telle-
ment plus éloignée que nous du Soleil, il puisse exister une si
complète ressemblance sous le rapport des conditions clima-
tiques. Mais on sait qu’une très faible augmentation dans
la quantité de certaines vapeurs présentes dans notre atmo-
sphère suffirait pour rendre le climat de la Terre intolérable
à cause de l’excès de chaleur, exactement comme fait une
lame de verre qui retient dans l’espace qu’elle ferme la ra-
diation solaire. Il en résulte qu’on doit croire que sur Mars
112 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE.
un arrangement convenable compense la distance plus
grande de cette planète au centre vivifiant de notre sys-
tème.
Dans tous les cas, on observe à sa surface, comme sur la
Terre, la succession des saisons; ainsi on voit vers les pôles
apparaître, croître, puis disparaître, deux taches blanchâtres
dont l'éclat est plus que double de celui des autres parties de
l’astre. La tache nord diminue d’amplitude pendant le prin-
temps et l’été de l'hémisphère auquel elle appartient; elle
augmente pendant les saisons suivantes. Le contraire à lieu
au pôle sud,et on en a conclu légitimement qu'il se forme
successivement autour des pôles de Mars des calottes éten-
dues d’une matière semblable aux neiges qui se précipitent
de notre atmosphère et dont la quantité est réglée par la
température. « Herschel, dit Arago dans son Astronomie
populaire, étudia les deux taches neigeuses avec un soin in-
fini. Le centre d'aucune de ces deux taches ne lui parut exac-
tement placé aux pôles de rotation. La déviation semblait
néanmoins plus grande pour la tache boréale que pour celle
du pôle sud. Les changements observés dans les grandeurs
absolues s’accordèrent à merveille avec l’idée que ces taches
sont des amas de glaces et de neiges. Si en 1781, par exemple,
la tache parut extrèmement étendve, ce fut après un long hi-
ver de cet hémisphère, ce fut après une période de douze mois
pendant laquelle le pôle correspondant avait été entièrement
privé de la vue du Soleil. Si, au contraire, en 1783, la même
tache se montra très petite, c'était à une époque où, depuis
plus de huit mois, le Soleil dardait ses rayons d’une manière
continue sut le pôle sud de Mars. La tache boréale offrit aussi
des variations de grandeur absolues étroitement liées avec la
position du Soleil relativement à l'équateur de la planète. »
Vénus montre des nuages irrégulièrement entraînés par
des courants atmosphériques; on à cru aussi y reconnaitre
des aurores polaires. =
méhus is à nn di
L'UNITÉ DES PHÉNOMÈNES MÉTÉOROLOGIQUES, 119
3
Le Soleil présente égalementune météorologie comparable
à la nôtre. Des cyclones proprement dits, que M. Faye a étu-
diés avec beaucoup de soin, se montrent à sa surface. L'ana-
logie est telle, que M. Sonrel cherchait dans le Soleil des en-
seignements relatifs à la météorologie terrestre.
« Les savants qui étudient les mouvements généraux de
l'atmosphère se plaignent, disait-il, de ne pas avoir sous les
yeux les cartes synoptiques journalières au moins d’un hémi-
sphère. Les astres sont là pour nous donner quelques vues
d'ensemble, et la variété des conditions dans lesquelles ils
se trouvent est bien faite pour nous renseigner utilement sur
les points encore obscurs de la circulation aérienne, »
PLANÈTE QUE NOUS HABITONS. . ÿ
CHAPITRE III
LIAISONS MUTUELLES DES ASTRES DU SYSTÈME SOLAIRE
1. LES ÉCHANGES DE RADIATIONS
L'unité entre les astres du système solaire se resserre en-
core quand on constate des uns aux autres un échange
ininterrompu de radiations qui est pour ces grands êtres
quelque chose d’analogue à ce qu'on observe dans les
relations des êtres vivants.
Nous savons, pour ce qui concerne la Terre, que les radia-
tions solaires v ont une telle importance, que les phénomènes
séologiques superficiels et les phénomènes biologiques leur
doivent leur origine.
Suivant la remarque de M. Helmholtz, « toute force à la-
quelle nous devons notre vie et nos mouvements nous vient
uniquement du Soleil ».
Les aliments dont nous nous nourrissons, le combustible
qui fait marcher nos machines sont,au propre,le produit de
la condensation des rayons solaires et par conséquent de
l'emmagasinage de la chaleur du Soleil. De telle façon que si
la radiation solaire venait à être supprimée, la vie organique
cesserait. Les vents réguliers et les courants océaniques, ayant
leur origine dans l’échauffement produit par le Soleil, s’ar-
rêteraient également. La circulation superficielle de l’eau que
nous voyons alternativement à l’état de vapeurs, de nuages, de
ue
LES APPORTS DE MATIÈRE. 115
pluie, de ruisseaux, de rivières et d’océan, n’existerait pas da-
vantage. Enfin le mouvement de cette même eau dans l’épais-
seur de la croûte terrestre, mouvement sans lequel les phéno-
mènes volcaniques ne sauraient se produire, prendrait fin,
puisque l’eau serait définitivement congelée.
Il est hors de doute que la radiation solaire agit sur les
autres planètes d’une manière analogue, et nous avons la
preuve qu'elle ne se borne pas à la lumière et à la chaleur qui
en sont les éléments les plus sensibles : l’électricité et le ma-
gnétisme sont dans son étroite dépendance.
La Terre éprouve aussi les influences très manifestes
d'autres corps célestes, tels que la lumière zodiacale, les
étoiles filantes et la Lune.
Les deux premiers ont sur la température de l’année une
action que des études spéciales ont fait ressortir; la Lune agit
d'une manière plus complexe, en déterminant concurremment
avec le Soleil des marées dans l'atmosphère et dans l'océan.
Elle donne naissance, en outre, d’après quelques savants, à
de véritables marées souterraines. M. Alexis Perrey, professeur
à la Faculté des sciences de Dijon, a cru trouver dans les trem-
blements de terre une périodicité en rapport avec les phases
du mouvement de notre satellite.
9. LES APPORTS DE MATIÈRE
La masse du globe terrestre est constamment augmentée de
matériaux, météorites et étoiles filantes, qui lui arrivent de
l'espace céleste. D’après les recherches les plus récentes, les
étoiles filantes sont des corps identiques aux comètes, consti-
tués par des gaz extrêmement raréfiés. La composition de ces
gaz n'est pas complètement connue, mais il n’est pas vrai-
semblable, d'après leurs spectres, qu'ils soient les mêmes
116 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE.
que ceux qui composent normalement notre atmosphère, dont
la constitution doit par conséquent être modifiée par ce tribut
incessant, à moins que la matière légère ainsi acquise par la
planète ne reste dans les régions supérieures de Pair.
Les météorites nous apportent des matériaux plus facilement
visibles.
Tombées sur le sol, elles s’y désagrègent et s’y altèrent avec
plus ou moins de rapidité, suivant leur nature. Elles peuvent
alors fournir aux plantes croissant sur le lieu de la chute une
certaine quantité d'éléments assimilables, qui parcourent dès
lors le cycle varié des transformations de la vie organique.
Reinchenbach n’hésitait pas à voir dans les étoiles filantes
et dans les météorites l’origine du phosphore et de la ma-
gnésie que renferment les sols arables. Étant monté sur le
Lahisberg, en Autriche, il ramassa,en un endroit que proba-
blement le pied de l’homme n’avait jamais foulé, quelques poi-
gnées de terre qu'il soumit à l’analvse.
Elles contenaient des traces de cobalt et de nickel, mé-
taux éminemment météoriliques, ainsi qu'on l’a vu tout à
l'heure.
Beaucoup plus récemment, M. Nordenskiold, le savant suc-
dois que l’Europe a fêté récemment avec tant d'enthousiasme,
a fait des remarques analogues sur des poussières que la
neige fournit par sa fusion. Des poussières de ce genre re-
cueillies en Suède et en Finlande se composaient de matière
charbonneuse alliée à des grenailles de fer métallique et par
conséquent présentaient la composition de substances météo-
ritiques. Des observations analogues faites plus récemment ont
complété la ressemblance par la découverte du nickel.
De mème, Ehrenberg a signalé la nature météoritique de
certaine poussière tombée 1l y a une trentaine d'années sur le
navire américain Josiah-Bates naviguant dans les eaux in-
diennes au sud de Java. Les grains de cette pluie singulière
offraient l'aspect d’une matière primitivement liquide, so-
os ne rheeuns à de à de,
|
|
|
L'ORIGINE POSSIBLE DE LA MÉTALLURGIE DU FER, 117
lidifiée pendant sa chute et avant d’avoir atteint la surface de
la Terre. La plupart sont creux et comparables à des montgol-
fières. Cependant l'analyse chimique n’y découvre que du fer
oxydé. Il est impossiblede ne pas être frappé de la surprenante
analogie de ces particules avec les résidus de la combustion
d’an fil d'acier brûlant au milieu d’un flacon rempli de gaz oxy-
gène. Ces corps irréguliers ont pu résulter du passage dans les
hautes régions de l’atmosphère d’un bloc de fer météoritique
qui s’y sera en partie consumé.
Le phénomène est d’ailleurs fort ancien, car nous avons re-
trouvé des globules semblables à ceux du briquet dans la
substance même de roches qui datent des premiers temps de
l’histoire des terrains stratifiés. Ge sont véritablement des mé-
téoriles fossiles.
3. L'ORIGINE POSSIBLE DE LA MÉTA'LLURGIE DE FER
Le fer natif travaillé et employé par les Esquimaux, fourni
avant tout par les masses subordonnées au basalte dont nous
parlerons bientôt, est peut-être en partie d’origine météori-
tique. En tous cas 1l est établi que les anciens ont fait un
grand usage de fers tombés du ciel. Ces faits conduisent à sup-
poser que la chute des fers à pu avoir une grande influence
sur la découverte de la métallurgie.
Tout d’abord, et comme curiosité linguistique, on peut
noter, d’après M. Piazzi Smith, que dans la langue copte,
ainsi que dans la langue sahidique actuelle, le fer s’appelle
bénipe, qui veut dire littéralement pierre des cieux, pierre du
firmament, pierre firmamentale. On conviendra que le rap-
prochement est bien surprenant s’il est fortuit.
Des armes forgées avec la matière céleste s’étant oxydées,
on aura pu être frappé de l’identité du produit de cette alté-
ration avec certaines roches terrestres, qui sont précisé-
|
à
118 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE.
és dé. satiné
ment les minerais de fer : de là à chercher le fer dans ceux-
ei, il n’y avait plus qu’un pas.
Ce qui.ne veut pas dire toutefois que l'art métallurgique
n’ait pu, selon la variété des lieux et des temps, avoir aussi
des origines toutes différentes de celle-là.
4. UNE IDÉE DE L'ORIGINE DE LA CHALEUR SOLAIRE
Le docteur Mayer (de Heilbronn) a été conduit à se de-
mander si des météorites ne pourraient pas tomber sur le So-
UN VILLAGE D'ESQUIMAUX,
leil, et il a cherché ce que cet apport devrait être, pour
compenser la diminution de force vive résultant de la radia-
tion solaire et par conséquent pour entretenir cette radiation.
UNE IDÉE DE L'ORIGINE DE LA CHALEUR SOLAIRE. 119
Le point de départ de ces calculs peut se trouver dans des
faits observés en Angleterre. M. Hodginson et M. Carrington,
ayant vu au même instant une lumière excessivement vive se
développer en un point du Soleil très voisin d’une tache, attri-
buërent ce phénomène à la chute d’une météorite et à la cha-
leur qui devait en être la conséquence.
Toutefois, et malgré les perfectionnements apportés à cette
théorie par M. Thompson, on y à généralement renoncé. Les
principales objections qu’elle a rencontrées ont pour auteur
M. Fave, qui a montré l’incompatibilité de ces effluves maté-
riels avec les délicates particularités de la surface solaire.
Aussi, aujourd'hui, est-on bien plus disposé à chercher
l'entretien de la chaleur du Soleil dans la cause même de sa
formation, c’est-à-dire dans sa concentration vers son
centre.
La théorie cosmogonique de Laplace a pour conséquence
nécessaire que les divers membres du système solaire n’ont
pas actuellement le même degré de développement. Or
l’observation confirme ce fait de la manière la plus complète.
LR
FROISIÈEME PARTIE
LES AGES DES PLANÈTES
Le Soleil, résidu de la nébuleuse mère, remet sous nos yeux
l’état originel ou initial des corps planétaires.
En prenant la Terre comme type de la planèté en plein déve-
loppement, nous voyons que certains astres, teis que les pla-
nètes supérieures, semblent n'avoir pu fournir les étapes de
l’évolution normale, etqu'ils sont encore, malgré la date recu-
lée de leur séparation, dans des états qui rappellent certaines
phases antérieures de notre globe. D’autres corps célestes, au
contraire, la Lune tout au moins, paraissent avoir dépassé la
phase que nous traversons aujourd’hui, et être arrivés à une
période de décrépitude. Les petites planètes avec leurs formes
fragmentaires se présentent assez bien comme résultant de
la décomposition d’une antique planète désagrégée, etc.
De là cette division des membres du système solaire en :
Astres normaux,
Astres embryonnaires,
Astres frappés d’arrêt de développement,
Astres morts,
Astres brisés,
Astres disparus.
On va voir que l’histoire de chacun d’eux, faite au point
de vue où nous sommes placés, offre un sérieux intérêt, et
124 LES AGES DES PLANÈTES.
que ces diverses monographies de types planétaires se répar-
tissent en trois groupes dont les caractères tiennent à l’une
de ces trois grandes causes :
4° Le rayonnement et la perte de la chaleur d’origine;
2? L’absorption des enveloppes fluides par le noyau solide;
9° La rupture spontanée de ce même noyau.
CHAPITRE PREMIER
LES EFFETS DU RAYONNEMENT ET DE LA PERTE
DE LA CHALEUR D'ORIGINE
1. FORMATION DES ROCHES PRIMITIVES
On peut qualifier d’astres embryonnaires ceux qui, plus
Jeunes que la Terre, traversent en ce moment une des phases
primitives du développement de celle-ci. Telest le Soleil, qui
est d’ailleurs dans notre système le seul astre embryonnaire
que nous puissions citer.
Il présente pour nous cette particularité extrémement
intéressante de traverser précisément la phase critique où
l’état solide se constitue pour la première fois sur un corps
céleste, et son étude, par les conséquences qu’elle fournit
quant à l’histoire de notre propre globe, doit nous arrêter
un moment.
Répétons que notre astre central, résidu de la nébuleuse
iniliale, doit être considéré comme une énorme bulle gazeuse
de composition très complexe, et dont l’état d’agitation in-
cessante est révélé à notre vue par la formation de protubé-
rances.
Plongé dans l’immensité glacée du milieu stellaire, il sy
trouve soumis sans relàche à un refroidissement, sensible
surtout à la périphérie, et que des effluves chauds, venus
des profondeurs, tendent constamment, mais infructueu-
126 LES AGES DES PLANÈTES.
sement, à contrebalancer. C’est ainsi qu'il arrive un moment
où la température de la portion la plus externe s’est assez
abaissée pour que les phénomènes de dissociations initiales
ne s’y produisent plus : les éléments chimiques, jusque-là
maintenus séparés, se groupent entre eux, et donnent nais-
sance à des composés définis.
Un nouveau progrès du refroidissement permet à ces com-
posés de se concréter en une sorte de poussière dont la for-
mation est signalée, grâce à son pouvoir rayonnant, par
Le
UNE TACHE SOLAIRE.
une exaltation de l'éclat solaire. Les courants centrifuges
existent néanmoins toujours, et c’est à l’action échauffante
exercée par eux au point de leur émergence que doit être
rattachée l'apparition des taches et des protubérances qui en
sont l’annexe obligée.
Nous sommes parfaitement renseignés, par ce qu'on à vu
plus haut, quant à lacomposition dela matière photosphérique
et de la matière protubérantielle du Soleil, et nous savons que
le magnésium, le fer, l’hydrogène, la vapeur d’eau s’y trouvent
PT
FORMATION DES ROCHES PRIMITIVES. 127
en abondance. Mais, au point de vue physique, on peut se
demander si la poussière solaire est liquide ou solide, et l’on
sait que le spectroscope est à cet égard impuissant à nous
fournir une réponse.
Heureusement, et quoique la chose puisse paraïlre bien
imprévue, les météorites fournissent à cet égard un éclair-
cissement complet.
Les météorites provenant des régions les plus variées d’un
astre construit originairement sur le même plan général
que la Terre, leur série complète comprend des masses dont
la consolidation se rapporte à Loutes les phases de l’évolution
planétaire. |
Donc, parmi ces roches, il s’en trouve nécessairement qui
présentent cette particularité de dater précisément de l’é-
poque à laquelle le Soleil est actuellement parvenu, et où
l'état gazeux initial cesse de persister.
Or nous pouvons reconnaitre à deux caractères les roches
dont il s’agit :
D'abord à leur nature magnésienne qui, conformément aux
remarques développées par M. A. Cornu, donneraient à leur
vapeur le même caractère spectral qu'aux gaz protubérantiels.
En second lieu, à l'absence dans leur masse de toute trace
de phénomènes géologiques secondaires, tels que concasse-
ment, charriage, éruption, épigénie ou métamorphisme.
Le type de ces météorites, vraiment dignes de la qualilicæ
tion de primitives, est fourni par les roches que nous avons
décrites précédemment sous les noms de luceile et d'aumalite.
L'examen de ces roches, empreint par ces remarques mème
d’un genre tout nouveau d'intérêt, permet de reconnaitre,
d’après les détails de leur structure, si elles dérivent de masses
fondues solidifiées plus ou moinslentement, ou, au contraire,
de substances amenées brusquement de létat gazeux à la
forme solide.
Sans entrer dans le détail d’une foule d'observations con-
128 LES AGES DES PLANÈTES.
cordantes, nous dirons seulement ici qu’on est en possession
de la preuve, désormais inattaquable, que les météoriles dont
il s’agit n’ont jamais passé par l’état de fusion.
On en est d’autant plus sûr que des expériences très simples
nous ont permis de les imiter dans tous leurs.détails, en dis-
posant les choses de telle façon qu'on opérait rigoureuse-
ment sur une reproduction artificielle de la photosphère du
Soleil, renfermée dans un tube de porcelaine convenablement
chaufté.
Ce résultat, qui éclaire à la fois l'histoire des météorites et
celle des astres embryonnaires dont le Soleil est le type, aura
aussi des conséquences pour notre Terre elle-même.
2. LA FORMATION DE LA CROUTE TERRESTRE
Si le Soleil en est encore à la période qui vient de nous oc-
cuper, tout un groupe d’autres astres est parvenu à un degré
plus avancé de développement. Il comprend les quatre pla-
nètes les plus rapprochées du Soleil : Mercure, Vénus, la
Terre el Mars.
Le type en est fourni par la Terre, et c’est nécessairement
elle qui va devenir 1e1 l’objet direct de notre étude; mais, sauf
des différences d’âge sur lesquelles nous reviendrons, tout
ce qui va être dit de celte planète s’appliquera aux autres
membres de son groupe.
La Terre, au moment où elle s’est séparée de la nébuleuse
mère, étail elle-même un globe vaporeux et lumineux.
Plongée dans l’espace, relativement très froid, elle se recou-
vril peu à peu d’une croûte condensée qui, s’'épaississant
progressivement, lui fit perdre toute lumière propre.
Celle croûte condensée, qui n’était pas l’épiderme du globe,
LA FORMATION DE LA CROUTE TERRESTRE. 129
mais comme une cloison établie entre le noyau interne et les
matières incandescentes qui, gazéifiées par une énorme cha-
leur, constituaient l’atmosphère, fut le point de départ d’une
double formation. A l'intérieur, elle s’accrut en épaisseur
par la solidification successive des parties sous-jacentes; à
DÉMOLITION D’UNE FALAISE PAR LA MER,
l'extérieur, elle reçut les uns après les autres les produits
condensables que renfermait l'océan gazeux.
Soumise à des efforts variés, elle se rompit souvent et la
matière fluide interne s’échappa par les fissures, en éruptions
plus ou moins importantes, dont les chaines de montagnes et
les volcans actuels nous offrent la représentation.
En mème temps que la croûte se consolidait, elle subit ex-
PLANÈTE QUE NOUS HABITONS. 9
130 LES AGES DES PLANÈTES.
térieurement la double action d’une très forte chaleur et
d'une énorme pression, la pression de l’épaisse atmosphère
qui la recouvrait. Nous avons déjà eu l’occasion de recher-
cher quelle est la nature des roches qui datent de cette
époque singulière où l’état solide s’est constitué pour la pre-
mière fois.
Pendant leur formation, l’épaississement ininterrompu de
ROCHER PERCGÉ PAR LA MER DANS LA RADE DE NAVARIN,
la paroi qui les séparait du foyer incandescent fit que la tem-
pérature externe s’abaissa progressivement. Il vint un mo-
ment où l'atmosphère, débarrassée de ses parties les plus
denses, laissa déposer à l’état liquide les eaux qu’elle retenait
en vapeur. Ainsi se fit la première mer.
Les bossellements de la surface se continuèrent et les pre-
miers continents apparurent. À peine formés, ils subirent
GRAND GEYSER D'ISLANDE.
Po
132 LES AGES DES PLANÈTES.
l’attaque des flots, qui, les désagrégeant peu à peu, transpor-
tèrent leur matière pulvérisée dans les bas-fonds, où s’accu-
mulèrent ainsi les premiers sédiments.
Sans cesse ce mécanisme fonctionne ; les fonds de mer se
soulèvent et deviennent des continenis; les continents s’affais-
sent et deviennent des fonds de mer ; et le dépôt de nouvelles
couches stratifiées, la désagrégation partielle d'anciennes for-
mations suivent leur cours, toujours déplacé et toujours
ininterrompu.
À première vue, on peut se demander si les divers phéno-
mènes dont nous venons de donner une rapide énumération
ont eu une existence réelle, ou si plutôt ils n’expriment pas
une supposition gratuite et privée d'appui. À cet égard nous
pouvons pleinement rassurer le lecteur. Grâce à une méthode
d'investigation des plus sûres et qui est connue sous le nom
de méthode des causes actuelles, on parvient à jeter la lumière
sur les chapitres les plus obscurs de la géologie.
Ainsi, la manière dont les couches du globese sont édifiées
peut, dans certains cas, être saisie, grâce au dépôt actuel du
limon, des sables, des galets qui donnent lieu à des couches
semblables, et les observations de ce genre sont d'autant plus
précieuses que notre situation à la surface des continents les
rend aussi difficiles que possible. On sait en effet que c’est
au fond des eaux, c’est-à-dire dans les régions dont l’accès
nous est interdit, que ces couches contemporaines se construi-
sent.
Les observations ont donc été très malaisées, elles sont
très loin d’être complètes, et cependant elles ont fourni dès
maintenant beaucoup de résultats certains, Les variations,
souvent brusques dans la forme et dans la structure des
couches, ont été expliquées par la même méthode, et il en a
été de même de l’état d’agglutination de roches d’une dureté
parfois considérable qui, àpremière vue, semble être l’apanage
des formations anciennes, mais qui se produit avec les mêmes
La
‘tte
GRAND GEYSER DE YELLOWSTONE.
134 LES AGES DES PLANÈTES.
caractères dans les dépôtsles plusrécents. Ceci a montré que
toutes les roches sont le siège de mouvements moléculaires qui
peuvent non seulement'en modifier l’adhérence et la ‘struc-
ture, mais même enrenouveler la substance, de façon que telle
couche peut ne plus renfermer un seul des atomes qui lacons-
lituaient au moment de son dépôt. Il y aurait lieu d’insister
sur des faits de ce genre qui offrent, par exemple, à l’occasion
de la distribution du calcaire, des applications capitales. On
en tire aussi la notion de quelques-unes des causes auxquelles
sontdues lescontrastes chimiques parfois si brusques d’assises
en contact, contrastes qui peuvent résulter aussi soit des
triages réalisés par les eaux remaniant leur limon complexe,
soit de l’arrivée de sources telle que les geysers, enrichies, dans
les profondeurs, de substances minérales.
La considération des causes actuelles s’applique d’une ma-
nière tout aussi utile à l'étude des démolitions que l’on peut
observer de toutes parts. Pendant longtemps cependant on
leur a refusé toute efficacité à cet égard, et il a fallu, pour
répondre aux objections mises en avant, faire le calcul de
l'énergie de démolition dont sont douées les vagues de
l'Océan, et bien plus encore (contrairement à l’apparencepre-
mière) les pluies et les eaux météoriques en général. C’est en
effet par milliards de mètres cubes que se traduit la quantité
annuelle de particules solides arrachées par certains fleuves
à la surface des continents. Aucun exemple de l’action démo-
lissante des pluies n’est plus net que celui des colonnes de
limon durci qu’on voit à Ritton, et qui, avec une hauteur de
6 à 30 mètres, sont ordinairement coiffées d’une pierre
unique. C’est la pluie et la pluie seule qui les a séparées de la
terrasse dont elles faisaient autrefois partie et rien n’est plus
facile que d'apprécier la quantité de matière terreuse ainsi
entraînée par le météore aqueux.
Une des conséquences de ces importantes remarques est
relative à la lenteur de beaucoup de phénomènes géologiques
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SIONS PRODUITES PAR LA PLUIE,
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LES
136 LES AGES DES PLANÈTES.
auxquels tout d’abord on serait tenté d'attribuer un dévelop-
pement pour ainsi dire instantané. Tel est le creusement des
vallées qu’il devient de plus en plus difficile de rapporter au
passage subit de violents torrents d’eau et qu’on arrive à con-
sidérer comme le résultat de l'érosion du sol par les actions
très lentes auxquelles nous assistons actuellement. Cette éro-
sion est surtoutsensible dansles montagnesdont l’état d’usure
et la hauteur peuvent, dans bien des cas, faire estimer l’âge
relatif.
C’est aux actions dont il s’agit, continuées suffisamment
longtemps, qu'il faut attribuer des éboulements de montagnes
tels qu’on en a vu dans les Alpes, à la Réunion et ailleurs. A
cette occasion il est intéressant de mettre sous les yeux du
lecteur une coupe de l'éboulement de Roquefort dans les fis-
sures duquel circulent les courants d’air auxquels sont dues
les conditions favorables à la fabrication des fromages.
L'eau solide, c’est-à-dire la glace, est de même un agent
puissant de dénudation ; il suffit d’une excursion d’un instant
sur un glacier pour être frappé de la quantité énorme de ma-
tériaux pierreux charriés par la glace.
On retrouve l’origine de ces blocs charriés dans les corro-
sions des roches qui supportent le glacier. Ces roches sont
polies, striées et cannelées. Les fiords du Groenland sont le
produit de rabotages de ce genre.
A toutes ces causes est due aussi l'existence des rochers
isolés si fréquents dans tous les pays accidentés et dont on a
sous les yeux un exemple emprunté au bord du lac de
Tanganika.
D'ailleurs toutes les dénudations ont pour résultat final de
simples déplacements de matériaux solides, qui, arrachés à
un sommet, vont combler un bas-fond. Dans un fleuve par
exemple, les troubles charriés s'arrêtent çà et là et édifent
des bancs de sable et des îles; les rivages, corrodés de plus
en plus, accentuent les méandres, et les divagations de la
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138 LES AGES DES PLANÈTES.
rivière réalisent de proche en proche le remaniement de tout
le sol de la vallée dans laquelle elle coule. A l'embouchure
des cours d’eau, des deltas s’établissent et croissent plus ou
moins vite. Enfin, dans le sein des océans, les matériaux
solides sont disposés, soit en couches sur le fond du bassin,
soit le long des rivages en cordons littoraux dont le rôle est
considérable.
A côté des dénudations purement mécaniques se placent de
véritables démolitions chimiques qui ont joué à toutes les
époques un rôle rendu sensible par les produits très recon-
naissables qu’elles ont fournis. L’altération superficielle des
roches sous l'influence de l’eau et de l’acide carbonique
atmosphérique montre comment les argiles se forment sou-
vent aux dépens des masses feldspathiques. Dans les profon-
deurs souterraines, une action du même genre, aidée par la
pression et la chaleur, donne lieu à la formation du kaolin,
dont les alluvions verticales décèlent l’origine d’une manière
si nette.
Enfin, c’est aussi en relation avec les régions profondes
que se montrent des faits de nature à élucider, au moyen des
causes actuelles, l'histoire des roches éruptives ou, plus géné-
ralement, celle des masses cristallines et des divers mouve-
ments de la croûte terrestre,
3. L'APPARITION DE LA VIE
On voit comment nous arrivons à reconstituer par l’obser-
vation du présent les périodes passées de l’histoire de la
Terre. Peu à peu les eaux de la mer, qui étaient bouillantes au
début, sont devenues tièdes, et l’air, maintenant transparent,
laisse arriver dans ses profondeurs la lumière du Soleil.
* Un phénomène nouveau se déclare: l'apparition de la vie
organique.
URE DE
EXEMPLE DE L’US
VERTE,
L’AIGUILLE
140 LES AGES DES PLANÈTES.
Au fond des mers, des algues élémentaires et des animal-
cules se montrent d’abord. Des polypiers, des foraminifères,
des spongiaires, des coquillages, des crustacés même ne tar-
dent pas à les y joindre et pour la plupart à développer une
incroyable activité architecturale. A l’aide de matériaux impal-
pables extraits de l’onde, de petits êtres gélatineux bâtissent
les récifs, les atolls, les archipels, ajoutent d'énormes assises
à l’entassement des terrains stratifiés.
En même temps, les portions arides des continents se
couvrent d’autres organismes non moins délicats, les lichens
qui surmontent les résistances de la roche la plus dure,
l’émiettent et qui, confondant leurs propres dépouilles avec
ces débris, donnent naissance à une première terre végétale
qui permettra l’éclosion d’êtres plus parfaits.
A leur tour, ceux-ci fourniront à la vie le moyen de s’élever
encore d’un degré, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elle ait
atteint son apogée.
L'étude des causes actuelles, que nous avons vue tout à
l’heure si féconde, rend compte également de la présence dans
les couches du sol de corps organisés fossiles. De toutes parts, la
fossilisation a lieu autour de nous, et il est impossible encore
à cet égard de tracer une démarcation entre l’époque pré-
sente et les âges antérieurs. Qu'il s'agisse de fossiles isolés ou
d’agglomérations de dépouilles, l'identité est complète: nos
bancs d’huitres expliquent les accumulations d’hippurites des
Corbières, nos vases à diatomées les tripolis, nos atolls les
dépôts de coraux jurassiques, et nos tourbières les couches
de houille. Partout, en passant des époques anciennes au pré-
sent, le mème mécanisme est reconnaissable.
La comparaison établie ainsi entre les anciennes assises et
les dépôts contemporains a aussi amené à reconnaître les
causes des variations que l’on constate si souvent dans chacun
d’eux en en examinant successivement divers points sur un
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142 LES AGES DES PLANÈTES.
même plan horizontal. On distingue de cette façon dans une
formation donnée les faciès pélagien, thalassique et littoral,
par comparaison avec les caractères, divers suivant les points,
du dépôt actuel de nos océans.
Dans le sens vertical, l'observation de modifications analo-
gues fait naturellement surgir de nouveaux problèmes dont
les principaux concernent les êtres organisés. Par exemple,
on voit ceux-ci varier en même temps que la nature même du
fond de la mer, d’où l’on peut conclure une influence pleine
UN ATOLL DU PACIFIQUE.
d'enseignement de la nature des milieux sur les caractères
des êtres vivants.
C’est donc par une transition insensible que ce sujet évoque
celui bien plus vaste encore des disparitions et des apparitions
d'espèces.
[iles causes locales se montrent exceptionnellement actives.
A la place des révolutions admises si longtemps el auxquelles.
correspondrait la destruction de toute la nature animée,
qu’une nouvelle création de toutes pièces devrait rétablir sur
19V19 NN UVd SHIUUVHO SUHHOOU 4 S00'!1a
144 LES AGES DES P LANÈTES.
de nouveaux frais, à la place de ces révolutions, les progrés
de la science ont fait reconnaître un phénomène continu de
rénovation, analogue pour les espèces, et à l'échelle près, à
celui que présentent en petitles individus.
Déja de toutes parts l’homme a été témoin d’extinctions
d'espèces, et à côté de celles très nombreuses dont il a été
la cause déterminante, il en a constaté d’autres résultant du
jeu d'agents différents.
Il est bien reconnu maintenant, contrairement aux hypo-
thèses anciennes, que les disparitions d’espèces ne suppo-
sent pas des conditions de milieu incompatibles avec la
manifestation de la vie, mais résultent au contraire de l’exu-
bérance de développement atteint par certaines d’entre elles.
Parmiles faitsinnombrables que l’on peut invoquer à cet égard,
deux doivent surtout être rappelés.
D'abord on reconnait dans certaines tourbières la présence,
au milieu des couches les plus anciennes, d'animaux qui,
comme le Megaceros hibernicus, n'existent plus à Pétat vi-
vani; la persistance de la tourbière, dont la végétation exige
des conditions très uniformes, montre que l'extinction s’est
faite en dehors de tout catacivsme.
En second lieu, il y a normalement les rapports les
plus intimes entre la faune actuelle d’une région donnée et
les fossiles les moins anciens qu’on y recueille. Ainsi, les
didelphes d'Australie ont élé immédiatement précédés par
une faune marsupiale maintenant éteinte, mais qui présentait
avec eux d’étroites analogies; ainsi les grands édentés du
Brésil succèdent de même à des édentés aujourd’hui fossiles
tout à fait comparables avec eux, etc.; de telle sorte qu’une
idée de filiation des fossiles aux êtres actuels se présente
comme d’elle-mème à l'esprit.
A l'inverse, on peut constater souvent l'apparition sur
certains points d'espèces amenées d’ailleurs, et ces faits d’ob-
servation journalière jettent un grand jour sur les études de
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PLANÈTE QUE NOUS HABITONS. 10
GLACIERS,
LES
EXEMPLE D'ÉROSION PAR
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146 LES AGES DES PLANÈTES.
la paléontologie. Le phylloxéra, par exemple, a été importé d’A-
mérique en Europe; le rat, au contraire, a suivi la route
inverse ; el ilnefaut pascroire que l’homme seul ait le pouvoir
de réaliser ces déplacements. Des graines de plantes passent
d’une région à une autre sous l’action des vents, des courants
de la mer, des glaces flottantes, ou bien attachées aux pattes
des oiseaux migrateurs ou à la fourrure des mammifères ; les
œufs de certains animaux aquatiques peuvent s'attacher à des
boisflottantsetceux-ci,commelesglaceselles-mêèmes,charrient
de temps en temps loin de leur patrie des animaux adultes.
Toutefois, en ce qui concerne les apparitions d’espèces jus-
que-là totalement inconnues, on n’a encore que des résultats
bien moins nets qu’au sujet des extinctions. La raison en est
dans la difficulté spéciale inhérente à de semblables obser-
vations. « La science qui a pour objet l’histoire naturelle est
restée si imparfaite jusqu’à nos jours, dit Lyell, que, de mé-
moire de témoins encore vivants, le nombre des plantes et des
animaux connus à doublé et même quadruplé dans plusieurs
classes. Des espèces nouvelles, souvent fort remarquables,
étant chaque année découvertes dans les parties de l’ancien
continent depuis longtemps habitées par les peuples les plus
civilisés, nous ne pouvons nous dissimuler à quel point nos
connaissances sont bornées, et nous en concluons toujours
que les espèces nouvellement découvertes ont pu jusqu'alors
échapper à nos recherches ou tout au moins qu’elles exis-
taient ailleurs et qu’elles ont émigré depuis peu dans les
lieux où nous les trouvons aujourd’hui. Il est difficile de
préciser le temps où il nous sera possible de faire quelque
autre hypothèse à l'égard de toutes les tribus marines et de
la plupart des espèces terrestres, telles que les oiseaux, les
insectes, un grand nombre de plantes, celles surtout de la
classe des cryptogames, dont plusieurs sont douées d’une
telle facilité de diffusion qu’on pourrait presque les ranger
parmi les espèces cosmopolites. »
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ROCHERS
118 LES AGES DES PLANÈTES.
Cependant plusieurs faits, rares encore, mais très nets,
semblent mettre sur la voie du mécanisme suivi lors de Pap-
parition d’espèces tout à fait nouvelles. De ce nombre est
l'observation d’un petit lézard cantonné sur un rocher voisin
de l'ile de Capri, et qui dérive manifestement d’un lézard
tout différent de cette île. Depuis longtemps on a signalé les
variétés du papillon appelé Heliconius et celles d’un singe
du genre Cebus, qui constitucraient de vraies espèces si l’on
ne connaissait entre elles d’insensibles intermédiaires.
4. LE RÔLE GÉOLOGIQUE DES ÊTRES VIVANTS
La place que nous avons accordée au paragraphe précédent
sera facilement justifiée, car les êtres vivants jouent dans Péco-
nomie de notre planète un rôle dont importance ne saurait
être méconnue.
Ils puisent sans cesse dans le règne minéral leurs éléments
nutritifs. Réciproquement, un grand nombre de roches sont
formées aux dépens d'êtres organisés, et c’est à bon droit
que ces êtres vivants, animaux où végétaux, ont été qualifiés
de constructeurs de continents.
Comme presque tous les faits de la géologie, le phénomène
de l'édification des roches par les êtres vivants se continue
actuellement sous nos yeux.
Regardons un instant ce qui se passe dans la première mare
venue : le microscope nous y montre d'innombrables dialo-
mées, infusoires placés le plus souvent parmi les microphyles
(de deux mots grecs qui veulent dire petite plante), abondant
dans les eaux douces et dans les eaux salées et surle sol émergé,
et enveloppés d’une carapace prismatique, siliceuse, diaphane
et fragile résultant de la juxtaposition de deux valves, ou pla-
ques parfaitement ajustées l’une sur l’autre, et laissant entre
elles une cavité qui présente toutes sortes de formes : carrée,
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150 LES AGES DES PLANÈTES.
triangulaire, cordiforme, en bateau, etc. Ces diatomées se
reproduisent non seulement par des spores, comme tous les
cryptogames, mais aussi par scission longitudinale de chaque
individu, mode de multiplication qui leur à valu le nom
qu’elles portent, et qui explique comment elles se propagent
d’une manière aussi rapide. On aura une idée de leur nombre
et de leur faible volume en se rappelant que certaines dia-
tomées ont à peine un centième de millimètre, de sorte que,
dans un millimètre cube, c’est-à-dire dans un espace plus
petit qu’une tête d’épingle, 1l y a un million de leurs cara-
paces.
Or ces carapaces siliceuses résistent après la mort du mi-
crophyte à la décomposition ; elles se déposent les unes après
les autres dans le fond de la mare, et arrivent, avec le temps,
à constituer des couches de plus en plus épaisses, de vraies
formations géologiques.
Les tripolis, roches à grain excessivement fin, quelquefois
compactes, plus souvent pulvérulentes, ont pour la plupart
une origine organique résultant de l’accumulation d’un
nombre prodigieux de carapaces de diatomées, quelquefois
marines, mais bien plus fréquemment d’eau douce. A Bilin,
en Bohème, la couche de tripoli s'étend sur une large surface
et a plus de 4 mètres d'épaisseur. Au microscope, la roche se
montre constituée de carapaces de diatomées, et surtout de
Gaillonella distans,en nombre si considérable que Ehrenberg
estime qu’un pouce cube doit contenir 41 milliards d’indi-
vidus, tous rattachés les uns aux autres sans ciment vi-
sible. Aux débris de diatomées se joignent des spicules sili-
ceuses ou supports intérieurs d’éponges d’eau douce. La
couche de tripoli est recouverte par une masse ayant l'aspect
de la calcédoine, et consistant en diatomées et en spicules
renfermées dans un ciment qui résulte de la dissolution de
la silice dans l’eau.
Au-dessous de Berlin, à une profondeur de 7 mètres, existe
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452 LES AGES DES PLANÈTES.
une nappe de tourbe argileuse, remplie d’infusoires, qui y
vivent et s’y propagent, grâce sans doute à l'humidité que
la Sprée entretient dans le sol. Ces infusoires se développent
jusqu'à une profondeur de 20 mètres; c’est ce qui a fait
dire que la ville de Berlin est bâtie sur un sol vivant.
Les vastes marais salants de la Caroline du Sud, de la
Georgie et de la Floride abondent en diatomées, dont les
coquilles, successivement entassées dans la vase, nous font
voir comment se sont formés dans la Virginie et le Maryland
des dépôts tertiaires de composition analogue et tout aussi
étendus.
Les infusoires, surtout ceux qui appartiennent au règne
végétal, forment quelquefois des masses appelées farines
fossiles ou terres édules, parce que certaines populations
vivant sous des climats rudes et improductifs les emploient
comme aliment. Il existe en Laponie une substance minérale,
vulgairement appelée bergmhel (farine des montagnes), que
les habitants de ce pays, dans lés grandes famines, mêlent à
leur farine pour en faire du pain. Gette farine des montagnes,
que les Lapons regardent comme un « don du grand Esprit»,
renferme dix-neuf espèces d’infusoires. L'encyclopédie ja-
ponaise parle également de la farine de pierre que l’on à
mangée en Chine dans les temps de disette, en la considérant
aussi comme un présent de la divinité. Get usage de certaines
terres comme aliment est répandu chez les populations indi-
oènes de l'Amérique méridionale et centrale, ainsi que dans
l'Australie. Il ne doit pas être extrêmement sain, car, dans
son voyage travers l'Amérique du Sud, M. Paul Marcoy, pris,
en sa qualité de blanc, pour un médecin par les sauvages,
eut à soigner un enfant qui, mangeant de la terre avec gour-
mandise, s’en était rendu malade jusqu’à la mort.
Les diatomées ont la propriété de s’assimiler non seule-
ment la silice, mais aussi le fer que l’on trouve dans leurs
carapaces, même les moins colorées. Le fer dit des marais est
LE ROLE GÉOLOGIQUE DES ÊTRES VIVANTS. 153
parfois pour une part le résultat de accumulation d’un nombre
prodigieux de carapaces de Gaillonella ferruginea; il en est
également ainsi pour la matière Jaune mucilagineuse qui
couvre quelquefois les ruisseaux et les eaux stagnantes. Le
Meridion circulare forme à lui seul une couche au fond des
ruisseaux de West-Point; aux premiers jours du printemps,
il constitue une matière muqueuse, ferrugineuse, recouvrant
les pierres, les branches, les herbes qui occupent le lit de
ces cours d’eau.
Les volcans eux-mêmes sont creusés de cavités plus ou
moins vastes où les eaux s’infiltrent, s'accumulent et favo-
risent le développement des infusoires. Lorsqu'une éruption
a lieu, ces infusoires sont projetés dans l’air en quantités
considérables, après avoir été en quelque sorte rissolés par
l'action du feu volcanique. Certaines cendres rejetées par
les volcans, et ensuite transportées par les courants at-
mosphériques, n’ont pas d'autre origine. L'ile de l’Ascen-
sion, dépourvue d'arbres et de sources, offre un énorme
amas de cendres volcaniques presque entièrement com-
posées de débris organiques; ce sont, pour la plupart,
des portions fibreuses de plantes, beaucoup de denticules
marginales de graminées mélangées d’infusoires siliceux
de forme exclusivement d’eau douce. La provenance
des infusoires, et surtout des diatomées qui entrent dans
la composition des cendres volcaniques, explique suffisam-
ment pourquoi ces infusoires appartiennent presque tou-
jours à des espèces d’eau douce; la seule exception à ce
fait général s’observe dans une localité de la Patagonie.
On comprend que les eaux de l'Océan ne puissent pé-
nétrer dans l’intérieur des volcans que lorsque des circon-
stances exceptionnelles les y conduisent; c’est donc un fait
extrèmement rare.
Mais quittons ces végétaux microscopiques pour arriver
à ceux qui, d’un ordre plus élevé, donnent naissance à ces
154 - LES AGES DES PLANÈTES.
masses si utiles à l’industrie sous le nom de tourbe et de
charbon de terre.
L'eau est l'agent essentiel du tourbage. En préservant les
végétaux du contact de l’air atmosphérique, elle s’oppose à
la désorganisation immédiate de leurs tissus. Elle exerce en
outre, grâce aux diverses substances qu'elle tient en dis-
solution, un effet qu'on a comparé au tannage des peaux. La
nature de ces substances n’a pas encore été déterminée d’une
manière précise; on a cité, parmi elles, l’acide ulmique, le
charbon résultant de la transformation lente du boistombé au
fond des marais,les résines et les gommes végétales, la paraf-
fine, les acides tannique, carbonique, etc. Ces substances
sont empruntées aux végétaux destinés à se convertiren tourbe;
la tourbe est elle-même une substance antiseptique, et l’on
peut dire que ce combustible, dans le phénomène du tourbage,
est à la fois cause et effet. Aussi les Hollandais ont-ils
soin, dit-on, lorsqu'ils exploitent leurs tourbières, de mé-
nager la couche inférieure de tourbe; ils ont remarqué
qu'elle se reconstitue alors plus facilement que lorsqu'on
a mis à découvert largile sur laquelle le combustible re-
pose.
La tourbe est tellement antiseptique que Lyell, dans ses
Principes de Géologie, raconte la découverte faite en 1747
du corps d’une femme, chaussée de sandales antiques et en-
fouie par conséquent depuis bien des siècles. Elle était dans
un état parfait de conservation; les ongles et les cheveux of-
fraient seuls quelques traces d’altération.
Une température trop élevée est un obstacle à la formation
de la tourbe; celle de 6° à 8° est la plus favorable.
D’après d’Archiac, pour que la tourbe se forme il faut
que les eaux ne soient pas complètement stagnantes, qu'elles
ne charrient pas une grande quantité de limon, qu'elles
soient peu sujettes à de grandes crues. Il faut en outre qu’elles
soient très peu profondes, que leur mouvement soit très
LE ROLE GÉOLOGIQUE DES ÊTRES VIVANTS. 155
peu rapide et qu’elles coulent sur un fond argileux ou peu
perméable.
Quels sont maintenant les végétaux auxquels les tour-
bières doivent leur formation ? Ce sont d’abord les Sphaignes,
mousses aquatiques vivaces, à feuilles disposées sur plusieurs
rangs, blanches avec une légère teinte roussâtre ou verdätre.
Elles doivent leur rèle important à leur mode de croissance,
à leur végétation rapide et à leurs propriétés hygroscopiques.
Elles semblent se ployer à toutes les exigences de l’habitat,
et se modifier suivant qu'elles plongent dans les eaux pro-
fondes, dans les mares vaseuses de la surface, ou qu’elles
s'élèvent au-dessus du niveau de l’eau. La seule condition
nécessaire à leur existence parait être une certaine quantité
d'humidité absorbée par la couronne ou par la tige du végétal.
Parmi les végétaux qui, avec les sphaignes, concourent à la
formation de la tourbe, citons encore quelques autres espèces
de mousses, surtout celles dont se compose le genre Hypnum,
les prèles, les jones, les carex, quelques roseaux, quelques
arbustes, tels que des érica, des andromèdes, le bouleau
blanc, le pin sylvestre.
C’est à la suite d’une transformation plus avancée des ma-
tières végétales, que les combustibles désignés sous le nom
de lignite, de houille, d’anthracite ont pris naissance. La
liaison des lignites avec la tourbe est manifeste, car tous les
troncs d'arbres enfouis accidentellement dans la tourbe sont
invariablement passés à l’état de lignite proprement dit.
Toutefois, c’est à une époque géologique antérieure, et bien
avant l'établissement d'aucune tourbière, que ce combustible
a atteint son plus grand développement, et c’est au point
que certaines couches du terrain tertiaire inférieur, déve-
loppées par exemple dans l'Aisne, dans l'Oise, sont réunies
sous le nom commun d'étage des lignites.
Doué encore de sa structure ligneuse, d’une couleur noire
intense, d’une compacité qui lui permet d'acquérir le plus par-
156 LES AGES DES PLANÈTES.
fait poli, le lignite est recherché sous le nom de jayet comme
matière d'ornement; au contraire, lorsqu'il est terreux et
brunâtre, les peintres en font usage sous le nom de terre
d'ombre ; mêlé à la fois d'argile et de pyrite, 1l est activement
exploité autour de Laon et de Beauvais comme mine d’alun
et porte le nom de cendres noires, etc.
La houille appartient surtout à l’époque très ancienne
désignée à si juste titre en géologie sous le nom de période
houillère.
De même que la tourbe, la houille s’est formée sur place et
non par charriage comme on l’a dit quelquefois, en supposant
que le transport des arbres a eu lieu d’une manière lente et
continue, ainsi que cela se passe à l'embouchure du Missis-
sipi, Car, comment concilier une pareille hypothèse avec la
stratification régulière des bancs de houille qui s'étendent
sur des surfaces de plusieurs lieues sans varier d'épaisseur ?
Comment admettre que les courants n’ont pas charrié, en
même temps que le bois, du sable et du limon, et comment :
alors expliquer la pureté de la houille? Comment comprendre
que ces courants aient respecté les verticalités des troncs
d'arbres analogues à ceux que le lecteur a sous les yeux.
M'est-il pas plus simple d’assimiler les houillères aux
tourbières actuelles, assimilation d’autant plus complète
que le combustible n’a pas été formé dans leau de
l'Océan, puisque la houille n'appartient certainement pas
à une végétation sous-marine, et que, par conséquent,
de même que la tourbe, elle n’a pu se former que dans
les lacs peu profonds et dans les dépressions maréca-
geuses.
L’anthracite est une houille presque dénuée de bitume, et
qui se présente comme ayant été naturellement distillée
dans les entrailles de la terre; et son gisement a porté
divers géologues à supposer que le pétrole ne constitue pas
autre chose que ses parties bitumineuses condensées. Pour
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158 LES AGES DES PLANÈTES.
rencontrer l’anthracite, il faut, en général, arriver au terrain
silurien et au terrain dévonien.
Enfin, mais ceci est extrèmement douteux, quelques-uns
attribuent au diamant la même origine qu’à ces divers com-
bustibles; ils auraient trouvé dans ses cendres des traces de
structure végétale.
Souvent végétaux et animaux concourent à l'édification de
nouvelles roches. Dans les golfes largement ouverts et le long
des côtes rectilignes, dit M. Élisée Reclus,la mer procède à
la construction de nouveaux rivages par voie d’envasement.
Les débris d’algues et d’animalcules, mélangés au sable et à
l'argile, sont déposés par couches profondes sur le bord, et
font avancer peu à peu le profil des rivages. C’est par cen-
taines de millions et par milliards de mètres cubes que la
boue s’est accumulée depuis l’ère historique dans l’ancien
golfe du Poitou, dans le golfe de Carentan, situé à la racine de
la péninsule du Cotentin, dans les baies de Marquenterre et
des Flandres, dans certains estuaires des Pays-Bas et de la
Frise. En ces parages, l’eau et la terre se confondent. Toute-
fois les vases qui émergent à basse mer se tassent et se con-
solident peu à peu; une espèce de conferve en recouvre la
surface d’un léger tapis nuancé de rose; puis viennent les sa-
licornes herbacées qui contribuent à l’exhaussement du sol
par leurs branches raides et sortant de la tige à angle droit.
A cette première végétation succèdent d’autres plantes ma-
rines, les Carexæ,les Plantago, les joncs, les trèfles rampants.
Alors il est temps de conquérir pour l’agriculture la prairie
limoneuse.
Dans les mers dont les eaux ont une température moyenne
élevée, les vagues ne se bornent pas à combler les baies, elles
bâtissent aussi de véritables remparts de pierre. Par suite de
la rapide évaporation que produisent les rayons du Soleil, les
molécules calcaires contenues dans l’eau et dans l’embrun
des vagues se déposent graduellement le long des plages et
LE ROLE GÉOLOGIQUE DES ÊTRES VIVANTS. 159
sur la base des promontoires. Mélangées avec du sable et des
débris de coquillages, elles finissent par former de solides ri-
vages aux contours irréguliers. À Elseneur,on à trouvé de
ces pierres qui contenaient d'anciennes pièces de monnaies
danoises. Le Musée de Montpellier possède même un canon
qu'on a découvert près de la grande bouche du Rhône sous
une couche de calcaire cristallisé.
Sur les rivages de Pile de Ascension, M. Darwin à trouvé
des conglomérats cimentés par le calcaire marin dont le
poids spécifique était de 2,65, c’est-à-dire à peine inférieur à
celui du marbre de Carrare. Ces couches de pierre compacte
renferment une certaine quantité de sulfate de chaux, ainsi
que des matières animales, qui sont évidemment le principe
colorant de toute la masse. Parfois l’enduit translucide qui
couvre les rochers a le poli, la dureté et les reflets des coquil-
lages; d’ailleurs, ainsi que le prouve lanalyse chimique, cette
espèce d’émail et les enveloppes des mollusques vivants sont
composées des mêmes substances également modifiées par la
présence des matières organisées. M. Darwin a vu de ces dépôts
calcaires dont la composilion et l’aspect nacré semblent devoir
être attribués à des excréments d'oiseaux saturés d’eau salée.
C’est dans l’embranchement des zoophytes que nous trou-
vons les exemples d'êtres organisés intervenant avec le
plus d'efficacité dans l'édification de l'écorce terrestre. La
rapidité de propagation de ces animaux compense la faiblesse
de leur volume. Les rhizopodes et les polypiers se livrent
chaque jour à des travaux gigantesques qui modifient cons-
tamment l’aspect de notre planète.
Les rhizopodes ou foraminifères sont des animaux de très
petite taille, souvent microscopiques et dont le corps est pro-
tégé par une enveloppe presque toujours calcaire, rarement
siliceuse. Le sable du littoral des mers, dit Alcide d’Orbigny,
est tellement rempli de rhizopodes, qu’il s’en montre quelque-
fois à moitié composé. Plancus en a compté 6 000 dans une
É A
160 LES AGES DES PLANÈTES.
once de sable de l’Adriatique, et d’Orbigny en a trouvé jus-
qu’à 480 000 pour 3 grammes de sable choisi aux Antilles ou
3840000 dans une once. Ces proportions, multiphiées par
un mètre cube, donnent un nombre de chiffres tel, qu’on a
de la peine à le saisir; mais que sera-ce pour peu qu’on
l’étende à l’immensité de la surface des côtes maritimes du
lobe? Les restes de rhizopodes forment, en grande partie,
des bancs qui gênent la navigation, obstruent les golfes et
les détroits, comblent les ports (comme celui d'Alexandrie)
et forment avec les coraux ces îles qui surgissent tous les
jours au sein des régions chaudes du Grand Océan. Les rhi-
zopodes entrent pour beaucoup dans la composition de
couches entières : à l’époque carbonifère, une seule espèce
du genre Fusulina a formé, en Russie, des bancs énormes
de calcaires. Le terrain crélacé en montre une immense quan-
tité dans la craie blanche, depuis la Champagne jusqu’en
Angleterre. Les bassins tertiaires de la Gironde, de l’Autriche,
de l’Italie et surtout de Paris renferment un-nombre prodi-
gieux de rhizopodes. On peut dire que la capitale de la France
est presque bâtie avec eux. Le mont Perdu est en majeure
partie composé d'assises pétries de nummulites, et c’est avec
une roche de cette nature que la plus grande des pyramides
a été construite.
Il n’est personne qui n’ait entendu parler des polypes du
corail, ces « faiseurs de monde », comme les appelle Michelet,
et qui n’ait admiré leurs constructions si précieuses et si
puissantes à la fois. Au nombre de plusieurs centaines d’es-
pèces, 1ls appartiennent presque tous à la famille des zoan-
thaires. Ils ne construisent d’iles que dans les mers chaudes :
19° centigrades au moins leur sont nécessaires, et c’est dans
une zone équatoriale d'environ 50° de largeur que, par l’éla-
boration des substances calcaires contenues en dissolution
dans les eaux, ils font surgir les terres.
Leszoanthaires coralligènes multiplient par des œufs et par
PLANÈTE QUE NOUS HABITONS.
RHIZOPODES,.
DE
DIVERSES
lORMES
162 LES AGES DES PLANÈTES.
bourgeonnement, quelques-uns sont mêmes fissipares. La
sécrétion calcaire qui donne origine à leur squelette pierreux,
forme en même temps une masse qui sert de support commun
à tous les individus d’un même groupe et les soude entre eux
d’une manière plus ou moins complète. L'ensemble des indi-
vidus soudés constitue ce qu’on appelle un polypier agrégé.
Les polypiers sont arborescents ou massifs ; ce sont ces
derniers qui concourent principalement à la production des
récifs de coraux.
Les récifs de coraux peuvent se présenter sous trois formes:
les récifs côtiers, toujours peu étendus et en contact avec le
littoral; les récifs barrières, accompagnant la côte dont ils
sont séparés par un canal plus ou moins large; et enfin les
alolls ou îles lagouns, que l’on distingue en atolls sous-
marins et en atolls proprement dits. Les premiers se com-
posent d’un cercle de coraux enveloppant un espace peu
profond dépourvu de polypiers. Les seconds sont des îles cir-
culaires ou annulaires qui n'existent que dans l'Océanie et
qui sont formées de coraux morts; car ces polypiers périssent
dès qu'ils sont en contactavec l’air atmosphérique.Peyssonnel
a décrit ainsi la formation de ces îles de corail : « Quand le
récif est d’une hauteur telle, qu'il se trouve presque à sec au
moment de la basse mer, les coraux abandonnent leurs
travaux. Au-dessus de cette ligne, on observe une masse
pierreuse continue, composée de coquilles et de mollusques,
d’échinites avec leurs pointes brisées, et de fragments de co-
raux, cimentés par un sable calcaire provenant de la pulvéri-
sation des coquilles. Il 'arrive souvent que la chaleur du Soleil
pénètre cette masse, lorsqu'elle est sèche, et occasionne des
fentes en plusieurs endroits; alors les vagues ont assez de
force pour diviser des blocs de coraux qui ont jusqu’à six pieds
de long, sur trois ou quatre d’épaisseur, et pour les lancer
sur les récifs, ce qui finit par en élever tellement la crête,
que la haule mer ne la recouvre qu’à certains moments de
LES ILES BASSES
164 LES AGES DES PLANÈTES.
l’année. Le sable calcaire n’éprouve ensuite aucun autre dé-
rangement, et offre aux graines d’arbres et de plantes que les
vagues y amènent un sol sur lequel ces végétaux croissent
assez rapidement pour ombrager bientôl sa surface éblouis-
sante de blancheur. Mème avant que les arbres soient assez
touffus pour former un bois, les oiseaux de mer y cons-
truisent leurs nids; les oiseaux de terre égarés viennent y
chercher un refuge; et, plus tard enfin, lorsque le travail
des polypiers est depuis longtemps achevé, l’homme parait
et bâtit sa hutte sur le sol devenu fertile. » La construction
des atolls est rapide; ainsi en 1825 l’île de Bikri n’attei-
gnait pas encore la surface de l’eau, et en 1860 elle avait
une quarantaine d’acres de surface sèche et portait des
arbres.
Le nombre des atolls est immense dans les mers tropi-
cales. Citons les Bermudes, les Maldives, les Laquedives, les
îles Basses, les atolls de Taïti, etc. ; leurs dimensions varient
beaucoup: depuis un ticrs de lieue jusqu’à 11 lieues de dia-
mètre, comme Bow Island.
Quant aux bases des atolls, les uns en font des montagnes
volcaniques, ce qui expliquerait leur forme circulaire; les
autres, avec Darwin, émettent une théorie d’après laquelle
l’atoll s’élèverait sur les débris des polypiers et des ma-
tières terreuses, pendant que le fond de l'Océan s’affaisserait
peu à peu : ce qui du reste est encore un phénomène volca-
nique.
Mais les polypiers coralligènes ont leurs ennemis. Lyell
rapporte qu’il existe dans les îles Bermudes et dans celles de
_Bahama des lagunes environnées de récifs madréporiques
sur le fond desquelles se dépose une vase calcaire, blanche,
molle, qui résulte, non seulement de la trituration des débris
d'animaux marins, mais encore, ainsi que Darwin l’a observé
en étudiant les îles de coraux du Pacifique, de la matière
excrémentitielle rejetée par les échinodermes, par le strombe
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GUANO.
DE
EXPLOITATION
166 LES AGES DES PLANÈTES.
géant, l’holothurie et les poissons corollaphages, qui rongent
paisiblement les coraux vivants comme les quadrupèdes herbi-
vores broutent le gazon. Une vase, ayant la mème origine,
dans les atolls des Maldives, est entrainée par d’étroites ou-
vertures des bassins intérieurs des récifs vers l'Océan et
colore les eaux jusqu'à une grande distance. En se durcissant,
cette vase forme de la craie blanche.
Ces faits conduisent insensiblement à d’autres formations
dues aussi à l'accumulation des produits de digestion. Le
guano doit être cité en première ligne.
Le guano est un véritable engrais fossile, un fumier minéra-
lisé, pour reproduire l’expression pittoresque de M. Simonin.
Il s’exploite surtout aux îles Chincha, voisines des côtes du
UN COPROLITHE.
Pérou. On le trouve aussi sur la côte Bolivienne et au nord
du Chili, vers le désert d’Atacama ; enfin, dans certainesiles
tropicales du Pacifique, de l’océan Indien, de la mer Rouge et
de l'Atlantique. C'est une déjection d'oiseaux fossilisée et ren-
fermant, outre le phosphate de chaux, des sels à base d’am-
moniaque, qui sont pour la terre végétale où on les met,
comme une manne bienfaisante qui en augmente singulière-
ment la fertilité.
Déjà depuis longtemps on exploitait comme substance fer-
tilisante, sous le nom de coprolithes, des rognons pierreux qui
sont également, au moins en partie, des déjections animales
fossilisées.
Enfin, les débris de coquilles et d'animaux marins ont
"ASSVA HAUVN Y TAHOIN-LNIVS LNOK AT
168 LES AGES DES PLANÈTES.
donné lieu de leur côté à denombreuses roches.Le terrain ter-
tiaire, par exemple, présente fréquemment des marnes gros-
sières, sableuses, où les débris de coquilles et de polypiers
forment un des éléments essentiels de la roche. Ces marnes
servent en Touraine à l’amendement des terres; elles y sont
désignées sous le nom de faluns, maintenant introduit dans
la science géologique.
En Angleterre, on appelle crag une roche ressemblant beau-
CALCAIRE COQUILLIER.
coup, sous le rapport pétrographique, aux faluns, également
employée dans l’amendement du sol et dont le nom sert aussi
à dénommer un des étages de la série tertiaire. La tanque,
composée de sables plus ou mois fins, d’argiles micacées
et de débris de crustacés, de madrépores, de coquilles, etc.,
roulés, broyés, triturés, malaxés par le mouvement incessamt
des flots, est aussi un amendement des plus fertilisants. On
l'exploite surtout en Normandie, par exemple autour du
MENTON,
ROUGES PRES
ROCHERS
170 LES AGES DES PLANÈTES.
mont Saint-Michel, eten Bretagne. Dans cette dernière région,
elle porte le nom de maerle, lorsqu'elle est surtout composée
de polypiers.
Iexiste des calcaires qu’on désigne sous le nom de calcaires
coquilliers : tel est le calcaire grossier, avec lequel on construit
à Paris. Le nom de lumachelle (de l'italien lumaca, limaçon),
pr'imitivement employé par les marbriers italiens et adopté
ensuite parles géologues, s'applique à des calcaires également
coquilliers, mais ordinairement assez durs et assez compacts
pour fournir des marbres souvent remarquables par leur
éclat nacré.
5. LE RÔLE GÉOLOGIQUE DE L'HOMME
Les animaux apparus les premiers n’ont fait qu'ouvrir le
long défilé de la série animale.
Mais, à mesure que celle-ci se développe, le rôle de la vie
change. Après avoir par ses premiers représentants réalisé le
milieu nécessaire à la production des seconds, elle tend par
le moyen des seconds à préparer la manifestation d’un prin-
cipe autre et plus élevé que le sien, quiacquiert dans l’homme
toute l'intensité d'éclat compatible avec l'existence terrestre.
L'homme a laissé çà el là par ses débris accumulés, par
exemple dans les cavernes des Rochers rouges, près de Menton,
des vestiges qu’on pourrait rapprocher de ceux qui viennent
de nous occuper. Mais son œuvre géologique propre est d’un
autre caractère.
En effet, l’isthme de Suez ouvert, le mont Cenis et le Saint-
Gothard percés; en Californie des montagnes nivelées par
les chercheurs d’or; partout d'immenses remblais opérés ;
la Hollande conquise sur les flots; la mer de Haarlem dessé-
chée; le dessèchement des étangs et des lacs; l'immersion
LE ROLE GÉOLOGIQUE DE L'HOMME. 171
des terres basses; la création de lacs artificiels au moyen de
barrages ; l'endiguement des fleuves et des rivières; le creu-
LAVAGE D’OR EN CALIFORNIE
sement des canaux; le forage des puits; l'irrigation et le drai-
nage ; le colmatage qui détourne au profit des terres le limon
fertilisant que les cours d’eau portent à la mer; la fixation des
172 LES AGES DES PLANËÈTES.
dunes; des cavernes ouvertes par l’exploitation des carrières
et des mines; l'emploi des combustibles minéraux versant
dans l’atmosphère et restituant au cercle de la vie organique
des dépôts de force immobilisée dans les profondeurs du sol:
ce sont là quelques travaux ayant un caractère géologique
très marqué, puisque les agents chimiques et géologiques qui
ont donné à la Terre son relief actuel en ont fait et en font
encore aujourd'hui de pareils.
Le même.caractère se trouve également en des travaux qui
n'existent encore qu'à l’état de projet, mais qui sont physi-
quement et humainement faisables, quoiqu’ils puissent n'être
jamais exécutés. Tels sont:la création des mers artificielles,
et en particulier de la mer de Galilée; la submersion des
Chotts algériens; la transformalion des détroits en isthmes
par de simples remblais; la fertilisation des déserts par le
forage des puits artésiens; la fabrication de la terre végétale
au moyen de torrents artificiels prenant dans la montagne,
pour les transporter dans les plaines, des débris de roches
qui se transforment chemin faisant en limon fertilisant.
Notons que, faites on à faire, ces choses ne sont encore que
des œuvres d’apprenti, l’homme ne s’étant que récemment
mis à l’école de la science. Cependant elles n'auraient besoin
dès aujourd’hui que d’être amplifiées (et la civilisation leur
procurera cet agrandissement par le seul fait de sa durée)
pour prendre rang, par la multiplicité et l'importance
de leurs conséquences, parmi les œuvres principales de la
nature.
Chacune des opérations précitées a en effet pour résultat
parfois indirect, souvent imprévu, toujours assuré, de modi-
fier en quelque chose les caractères physiques de la région où
elle s'exécute. Par elle, l'homme a appris, ce dont il était loin
de se douter, qu'il peut avoir une action modificatrice sur les
vents, sur les météores aqueux, sur la température de l'air,
et de proche en proche sur tous les éléments climatologiques
LA VIE PLANÉTAIRE. 173
ou, d’une façon plus générale, sur les conditions biologiques
de la surface de la Terre.
Par l’acquisition et par l'exercice systématique de ce pou-
voir, il peut exercer sur sa destinée et sur celle des êtres dont
l'existence est liée à la sienne une influence à la longue tout
aussi considérable que celle qu'ont eue sur son passé les agents
géologiques qui ont constitué le milieu dans lequel ila vécu.
6. LA VIE PLANÉTAIRE
Arrivé à ce point, le globe est parvenu à la plénitude
de la vie.
Il vit, en effet, et comment, après le rappel des faits qui pré-
cèdent, mettre la chose en doute? Il va d’ailleurs sans dire
que nous ne l’assimilons à aucun des êtres particuliers qu'il
renferme dans son vaste sein. Mais, étant donnée la distinction
entre corps bruts et corps vivants, il est évident que la Terre
échappe par tous ses caractères à la définition des premiers,
que toutes ses analogies sont avec les seconds, et qu’elle a
droit enfin, autant que pas un, au titre de corps organisé.
Peut-être, entre la vie du globe et celle des êtres qu’il ren-
ferme, les analogies et les différences sont-elles comparables
à celles qui, dans un de ces êtres, existent entre celui-ci et
les éléments figurés qu’il comprend. Pas plus que celle de ces
‘éléments, la place du globe n’est dans aucun des trois règnes
de la nature.
Le foyer interne qui semble établir une différence marquée
entre la Terre et les êtres supérieurs est une analogie : la
Terre à une chaleur propre. La rigidité de sa substance, autre
différence, n’est qu'une apparence, la flexibilité de l'écorce
solide étant une des clefs principales de l’histoire de la pla-
nète; comme la plupart des êtres vivants, la Terre réunit en
elle tous les états physiques de la matière. Chez elle comme
174 LES AGES DES PLANÈTES.
chez eux, on trouve des parties diverses par la structure, par
les propriétés, par les degrés de vitalité. Chez elle comme chez
eux, des fonctions spéciales sont attribuées à des organes, à
des appareils et à des systèmes déterminés. Enfin, pour la
Terre comme pour les êtres vivants, l'état sous lequel elle se
présente n’est que le résultat du conflit perpétuellement éta-
bli entre sa force propre et le milieu dans lequel elle est
plongée.
La Terre est le théâtre d’un nombre infini de circulations
variées, dans le cours desquelles, comme dans les circuits ana-
logues chezles végétaux et les animaux, les molécules peuvent
ne point éprouver de modifications ou n’éprouver que des
changements d’état, ou subir des transformations chimiques.
Les eaux, dans l’air, sous lerre ou dans l’eau, sont assu-
jetties à parcourir de nombreux circuits de ce genre. Pareils
systèmes sont constitués dans l'atmosphère, au profit des gaz,
par le mécanisme des vents réguliers.
Quant à des exemples de circulation accompagnée de
changements chimiques, il suffit de citer celle que déter-
minent les êtres vivants. Les transformations du carbone en
sont un des exemples les plus remarquables.
Certains astres, quoique plus anciens que la Terre, semblent
s'être immobilisés dans une des formes antérieures de celle-
ci. Nous les regarderons comme des astres atteints d'arrêt
de développement.
Ce groupe contient les planètes dites supérieures, savoir :
Jupiter et Saturne, Neptune et Uranus, qui manifestent, à
l'examen spectroscopique, les deux premières une structure
liquide, et les deux dernières une structure gazeuse, de sorte
que les deux plus anciennes représentent justement l’état le
moins avancé, ce qui confirme l’idée d’un arrèt de dévelop-
pement.
Il est clair, d’après leur situation excentrique dans le sys-
tème, que ces astres sont les plus âgés, c’est-à-dire ceux qui se
LA VIE PLANÉTAIRE. 175
sont séparés le plus anciennement de la nébuleuse primitive.
Mais, à cause des triages par ordre de densité, dont cette
nébuleuse a nécessairement été le siège, ainsi qu'on le voit
encore sur le Soleil, ces astres se sont trouvés constitués de
matériaux spéciaux, incapables de prendre, par l'effet du re-
froidissement, une consistance solide comparable à celle de
la croûte terrestre. Ils se sont donc maintenus dans un état
qui reproduit les phases passées de notre globe, alors qu’une
température élevée maintenail fluide toute sa substance.
CHAPITRE II
LES EFFETS DE L'ABSORPTION DES ENVELOPPES FLUIDES
PAR LE NOYAU SOLIDE
Plus jeunes ou plus anciens que la Terre, ces astres sont
moins avancés qu’elle en développement. Plus anciens qu’elle,
il en est d’autres qui ont traversé et dépassé les phases qu’elle
a parcourues. L'histoire de la Terre nous a permis de pré-
ciser la situation actuelle des membres les plus jeunes et
les moins avancés de notre système; la situation actuelle de
ceux dont il va être question nous permettra de déterminer
l'avenir de notre globe et de ses congénères, Mercure, Vénus et
Mars.
La Lune forme le type de ce groupe; et si nous classons les
astres morts selon les différents états qu'ils présentent, qui
sont à vrai dire les degrés de leur décomposition, la Lune de-
viendra le représentant unique du premier degré.
Nous verrons en quoi consistent les degrés ultérieurs et
comment ils sont représentés. Mais avant tout, et pour être
bien compris, il nous faut reprendre l’histoire des astres
morts au point où nous l’avons laissée en parlant de la Terre.
La phase à laquelle le globe terrestre est parvenu répondant
à l’état adulte, est nécessairement suivie de phases de déclin.
Le refroidissement continuant toujours, la croûte s'épaissit
de la circonférence vers le centre, et en même temps un fait
jusqu'alors négligeable devient considérable : c’est l’absorp-
tion des eaux et de l’atmosphère par la portion solide.
LA DIMINUTION DES OCÉANS. 177
{. LA DIMINUTION DES OCÉANS
On sait que les eaux pénètrent de proche en proche dans
l'épaisseur des roches et que les pierres extraites des crier
sont saturées d'humidité. La formation des terrains stralifiés
a donc fixé des quantités énormes d’eau qui auparavant fai-
saient partie de l'Océan. Les terrains sur lesquels reposent les
couches de sédiment et qui constituent, à proprement parler,
PASSAGE DE MERCURE SUR LE SOLEIL PERMETTANT D’'APPRÉCIER
L'ÉPAISSEUR DE L’ATMOSPHÈRE MERCURIELLE,
l’assise du globe, en absorbent également beaucoup. Dans un
travail spécial, Durocher a démontré que 10 000 kilogrammes
de ces roches renferment 127 grammes d’eau. L’océan actuel
n’est donc qu’un résidu de la mer des époques primitives.
On peut dire de l'air ce qui vient d’être dit de l’eau : l’at-
mosphère est bue comme l'Océan par la partie solide du
globe, et plus la Terre vieillira, plus l'Océan restreindra ses
limites, plus l'atmosphère diminuera d'épaisseur.
PLANÈTE QUE NOUS HABITONS. 12
178 LES AGES DES PLANÈTES.
Un coup d’œiljeté sur les planètes inférieures ferait res-
sortir la justesse de cette prévision, outre que l'atmosphère
de Vénus et surtout celle de Mercure sont bien plus épaisses
que celle de la Terre, ainsi qu’on s’en assure lors des éclipses;
je me bornerai à faire remarquer que, comme on l’a vu plus
haut, tandis que sur la Terre l’eau couvre les trois quarts de
la surface du globe, sur Mars, qui est bien plus âgé, elle en
baigne à peine la moitié.
Or, si l’on examine les cartes marines, où, comme sur celle
de l’océan Atlantique due au travail de Maury, Stieler, etc.,
sont tracées les courbes horizontales successives pour les
profondeurs de plus en plus grandes, on reconnait que ces
courbes tendent progressivement à limiter des zones dont la
forme est de plus en plus allongée. À 4000 mètres, par
exemple, on obtient des formes comparables de tous points
à celles des mers de Mars,
Il résulte de là que, si on suppose l’eau de l'Atlantique
absorbée par les masses profondes actuellement en voie de
solidification, de façon que le niveau de cet océan s’abaisse
de 4000 mètres, on aura à la fois une bien moins grande
surface recouverte par Peau, et une forme étroite et allongée
de la mer,c’est-à-dire la représentation exacte de ce que
Mars présente,
9 L’ÉTAT DE SÉCHERESSE DE LA LUNE
Les satellites étant plus petits que les planètes autour des-
quelles ils gravitent et la vitesse de refroidissement croissant
très vite quand le volume diminue, ils doivent être consi-
dérés comme plus âgés que ces planètes.
La Lune, par exemple, est plus âgée que la Terre et elle
représente, au moins à certains égards, l’état auquel celle-ci
L'ÉTAT DE SÉCHERESSE DE LA LUNE. 179
parviendra plus tard, Ce qui caractérise la Lune, c’est Pab-
sence d’eau et d'air. Il n’en à pas toujours été de même. Les
phénomènes volcaniques qui y sont si développés en donnent
une preuve irrélutable, car ils ne sont point possibles sans le
concours de l’eau.
Or lPépaisseur de la croûte terrestre actuellement con-
solidée est bien peu de chose par rapport au rayon du globe,
UNE CHAINE DE VOLCANS LUNAIRES.
Par le fait seul de son épaississement, la masse solide de la
Terre absorbe donc encore beaucoup d’eau. Un calcul très
simple conduit même à cette conséquence que toute l’eau de
la mer ne suffirait pas, à beaucoup près, à l’hydratation
moyenne des masses profondes en voie de solidification.
Il est aisé de se représenter les phases inévitables du phé-
nomène dont il s’agit : sous la double influence de l'appel
vers le centre produit par le refroissement et de la pression
180 L’AGE DES PLANÈTES.
atmosphérique, les régions superficielles se dessèchent au
profit des masses profondes. Dans le vide ainsi produit, l'air
pénètre peu à peu et l’astre, depuis longtemps impropre à la
vie, devient le domaine du silence; enfin, après avoir vu
s’éteindre les êtres animés qu’il portait et disparaître les
eaux qui le baignaient, il perd jusqu’à son ciel : une pro-
fondeur noire l’environne de toutes parts. Cest un astre mort,
un cadavre, Et l’on voit que la Lune présente ces caractères
dès maintenant.
CHAPITRE III
LES EFFETS DU RETRAIT
Nous avons été conduit à la conclusion nécessaire que les
météorites sont des débris d’astres. I ne semble pas que cette
conclusion puisse être attaquée. Voici donc introduite dans
la science, et pour la première fois, la notion que des
astres peuvent finir, se briser, disparaître de la voûte des
cieux.
Nous disons pour la première fois, quoique la supposition
de la rupture d’un astre ait été formulée souvent; mais la
supposition seule n’est jamais la démonstration. Ici, au con-
traire, ce n’est pas une hypothèse que l’on imagine, c’est une
conclusion qu’on tire d’études purement minéralogiques et
qu’on n’est pas libre de n’en pas déduire ; pour mieux dire,
c’est un fait qu’on constate.
Mais cette notion nous met en présence d’un problème nou-
veau. Comment un astre peut-il se réduire en fragments indé-
pendants les uns des autres, comme sont les météorites?
Les premiers qui ont parlé d’astres brisés n'étaient point à
court d'explications ; pour les uns, il y avait eu rencontre et
choc de corps célestes; pour d’autres, explosion de pla-
nète, etc. Affaire de goût et d'imagination.
Prenons une autre méthode, et, retournant sur nos pas,
voyons si les divers astres de notre système ne présentent pas
quelques caractères propres à nous mettre sur la voie de la
182 LES AGES DES PLANÈTES.
solution. Or il est impossible de se livrer à cet examen sans
reconnaître aussitôt, chez certains de ces grands corps, une
tendance à la rupture spontanée.
4. LES FAILLES DE LA TERRE
La Terre nous montre des fèlures, les failles, effets d’une
action générale qui produit les mouvements d’ensemble
désignés par Elie de Beaumont sous le nom de bossellements
LES RAINURES DE LA LUNE.
généraux, et qui est liée à la diminution progressive de
volume du noyau interne.
Le premier revêtement solide de notre planète s’est néces-
sairement concrété sur un sphéroïde fluide (gazeux) beau-
LES CREVASSES DE LA LUNE. 183
coup plus gros que n’est aujourd’hui la Terre. Au fur et à
mesure de la contraction de ce sphéroïde, le revêtement a
cédé par places, de façon à le suivre dans son mouvement de
retrait.
Or il n’a pu le faire qu’en se fendillant. Les voussoirs,
ainsi délimités, ont glissé les uns sur les autres. Ainsi se sont
formées les grandes lignes de relief du sol. En même temps,
des matériaux fluides sous-jacents s’injectaient dans les fis-
sures et formaieni les filons, les dykes, les culots, etc,
La Terre étant encore fort loin d’être refroidie jusqu’au
centre, cet ensemble de phénomènes se produit dans sa pro-
fondeur, sans que la surface éprouve autre chose que des
mouvements lents, Mais, dans la suite, ces velléités de rup-
ture, toujours contrariées dans l’état actuel par une cimen-
ation profonde, ne feront-elles pas place à une rupture
véritable?
2. LES CREVASSES DE LA LUNE
Si cette supposition est fondée, la Lune, étant plus avancée
que la Terre en développement, doit manifester cette tendance
à la rupture avec une accentuation plus marquée.
Or c’est justement ce que Pobservation révèle.
Tout le monde connaît les crevasses à la fois si étroites et si
longues qui, sur une profondeur inconnue, traversent, sans
s’infléchir, les plaines, les cratères et les montagnes de la
Lune : ce sont les rainures, commencement déjà bien caracté-
risé de la rupture de l’astre mort.
3. LES FORMES DES PETITES PLANÈTES
Cherchons dans le ciel les effets d’une action plus avancée.
Les petits astéroïdes situés entre Mars et Jupiter paraissent
nous les fournir.
184 LES AGES DES PLANÈTES.
Il semble, en effet, que la petitesse de leur masse totale,
l’enchevêtrement de leurs orbites, la forme polvédrique qu'on
leur a reconnue, l'absence de toute atmosphère, enfin la
orande distance qui les sépare du Soleil, et par conséquent
leur grand âge, soient autant de raisons pour voir dans ces
planètes, à peu près comme le voulait Olbers, les fragments
séparés d’un astre jadis unique.
Ajoutons que l'hypothèse de la rupture spontanée, substituée
à l’idée peu naturelle d’un choc ou d’une explosion, semble
faciliter beaucoup la solution de certaines objections qui ont
eu raison des idées de l’astronome de Brême.
4, LES FORMES DES MÉTÉORITES -
Les météorites représentent un terme encore bien plus
accusé de la désagrégation spontanée.
Admettons que les crevasses de la Lune, successivement
prolongées et approfondies, finissent par résoudre l’astre en
blocs distincts, et n’ayant d'autre lien que leur mouvement
orbitaire simultané.
Cette communauté d’allure pourrait évidemment durer
longtemps. Mais il n’est pas impossible d'imaginer des causes
extérieures qui déterminent leur éparpillement le long de l’or-
bite que décrivait le globe, exactement comme s’éparpillent les
étoiles filantes sur la trajectoire des comètes.
Au bout d’un temps suffisant, dans cetle manière de voir,
ils ceindraient donc d’un anneau complet l’astre central, au-
tour duquel leur ensemble gravite, et ils se précipiteraient
successivement à sa surface.
A ce moment ce seraient de véritables météorites, dont l’ar-
rivée serait accompagnée de tous les phénomènes que nous
connaissons.
<céllles
COMMENT SE SONT PRODUITES LES MÉTÉORITES. 185
COMMENT SE SONT PRODUITES LES MÉTÉORITES
ot
D'où viennent les météorites? Comment déterminer la
région du ciel où se mouvait l’astre détruit dont elles sont
les débris?
Nous avons montré que le système solaire étudié dans son
ensemble, et abstraction faite du Soleil lui-même, se diviseen
trois zones d’astres, caractérisées respectivement par leur état
physique.
Aux confins du système sont les deux planètes Neptune et
Uranus, qui manifestent au spectroscope une structure vapo-
reuse et semblent encore faiblement lumineuses par elles-
mèmes.
A leur suite viennent Saturne et Jupiter, qui se comportent
à l’observation comme des corps liquides.
Enfin arrivent tous les corps du système solaire inférieur :
les astéroïdes, Mars, la Terre, la Lune, Vénus et Mercure, qui
montrent un noyau solide et que par cette raison, afin d’évi-
ter les périphrases, nous avons appelés les planètes solides.
Nous avons reconnu que cet état solide est acquis; qu’il
résulte du refroidissement des astres plongés dans un espace
suffisamment froid pour déterminer la condensation et la soli-
dification de certaines des vapeurs dont ces astres étaient
d’abord formés. Mais en même temps nous avons constaté que
les planètes encore fluides sont précisément les plus âgées
du système, et qu’il n’y a aucune apparence, par conséquent,
qu'elles changent jamais d'état. C’est à cause de leur incapa-
cité à fournir toutes les phases de l’évolution sidérale que
nous les avons qualifiées d’astres atteints d’arrêt de dévelop-
pement.
Or les météorites étant solides doivent d’après cela provenir
d'un astre du système solaire inférieur. Il reste à voir si dans
-
186 LES AGES DES PLANÈTES.
ce système lui-même nous ne pourrons pas préciser la région
où il gravitait.
Or l’astre dont nous essayons de retrouver la place dans le
ciel pouvait :
Ou graviter autour du Soleil dans une orbite cométaire;
Ou graviter autour du Soleil dans une orbite planétaire ;
Ou graviter autour de la Terre à la manière de la Lune.
Un examen très simple des faits qui accompagnent la chute
des météorites nous permettra d'éliminer les deux hypothèses
inexactes pour conserver la bonne.
Il y a plusieurs raisons de dire que ce n’était pas une
comète, et deux sont surtout décisives. La première est tirée
de la nature même des météorites, l’autre de lPabsence de toute
périodicité dans leur arrivée sur la Terre.
Les comètes ont été soigneusement étudiées au spectro-
scope, qui a permis d’y reconnaître plusieurs corps simples et
même certains composés définis, et qui a servi à déterminer
en même temps l’état physique de ces corps errants. Le résul-
tat constant a été que les comètes sont gazeuses, par consé-
quent elles diffèrent absolument des météorites.
De plus, l'orbite des comètes coupant les orbites planétaires,
les planètes et les comètes ne peuvent se rencontrer qu’à cer-
taines époques déterminées : si les météorites étaient d’origine
cométaire, leurs chutes seraient donc plus nombreuses en
certains mois qu’en d’autres.
C'est par un raisonnement de ce genre que MM. Schiappa-
relli, Le Verrier, Adams et autres sont arrivés à reconnaitre
que les étoiles filantes sont le produit de la désagrégation
des comètes ; que l’essaim d’étoiles filantes du 10 août doit
son origine à la grande comète de 1862; que l’essaim du
13 novembre dérive de la comète de Tempel, apparue en
4866, etc.
COMMENT SE SONT PRODUITES LES MÉTÉORITES. 187
Or rien d’analogue ne se présente pour les météorites, puis-
qu’elles tombent à des époques quelconques.
L’astre d’où proviennent les météorites n’était donc pas une
comète.
Mais cette absence de périodicité pourrait se concilier avec
l'hypothèse qui ferait des météorites le produit de la désagré-
gation d'une planète. Elles formeraient alors, en effet, un
anneau autour du Soleil, concentrique à l'orbite de la Terre,
et qui par conséquent pourrait se confondre plus ou moins
avec elle.
Mais cette nouvelle supposition soulève des difficultés tel-
lement considérables, qu’on est conduit à la rejeter.
En effet, la résolution de la planète en météorites suppose
forcément, d’après les études précédentes, qu’elle soit arrivée
à la dernière phase de l’évolution sidérale. Or son grand
âge ne peut résulter que de l’une ou de l’autre de ces condi-
tions :
1° Ou bien elle gravitait aux confins mêmes du système so-
laire inférieur; plus loin que les petites planètes, puisque
celles-ci ne sont point encore réduites à l’état de météorites;
2 Ou bien elle pouvait graviter dans le voisinage de l'orbite
terrestre, mais elle était d’un volume inférieur à celui de la:
Lune elle-même, puisque celle-ci ne montre encore que les
premiers indices de démolition.
Or, dans le premier cas, les fragments n'auraient pas eu
actuellement le temps de se rapprocher du Soleil de toute la
distance qui sépare leur orbite originaire decelle de la Terre.
L’éloignement des petites planètes par rapport à Mars nous
met en droit de l’affirmer.
Et dans le second, il serait de toute impossibilité que le
phénomène de la chute des météorites ne fût pas le plus rare
possible, car on voit, par l’absence même de périodicité, que
les débris d’une planète plus petite que la Lune devraient.
188 LES AGES DES PLANÈTES.
faire autour du Soleil une ceinture ayant au moins la longueur
de l'orbite terrestre.
L’astre d’où viennent les météorites n’était donc pas une
planète. e
Arrive la troisième supposition, la dernière de celles qu'on
puisse faire, en partant, bien entendu, des données de la
Géologie comparée.
Elle consiste à voir dans l’astre qui fournit les météorites
un satellite de la Terre beaucoup plus petit que la Lune et, à
cause de cette circonstance, beaucoup plus rapidement par-
venu à l’état de décomposition.
L'absence de périodicité du phénomène de la chute des
pierres cadre parfaitement avec cette manière de voir.
Cette absence de périodicité est en effet tout expliquée
dès que la Terre emporte avec elle la cause du phénomène.
Remarquons aussi que, celui-ci étant terrestre, une autre
cause terrestre est seule en proportion de l'effet à expliquer.
QUATRIÈME PARTIE
LES PROBLÈMES DE LA TERRE
CHAPITRE PREMIER
L'AVENIR DE LA TERRE
Parmi toutes les conséquences des études que nous venons
de faire, il en est une qui est plus particulièrement de nature
à nous intéresser. Tout ce qui a été dit de l’évolution sidérale
s'appliquant à laTerre, un jour viendra où, après avoir perdu
son atmosphère, après avoir vu des rainures s'ouvrir en tous
sens à sa surface, elle pourra se réduire en fragments mé-
téoritiques.
Bien avant ce terme, les êtres vivants, et spécialement lhu-
manilé, privés des conditions nécessaires à leur existence, se
seront éteints successivement.
Notons d’ailleurs que, la loi de l’évolution sidérale s’appli-
quant également au Soleil, un temps doit venir où l’astre ra-
dieux cessera de vivifier les planètes. Si elles n'étaient pas
déjà désagrégées, elles deviendraient dès lors impropres au
séjour d’êtres vivants.
Inutile de rappeler qu’un bloc de basalte de la grosseur
de notre planète ne se refroidirait que d’un degré en neuf mil-
lions d'années. Car si cette considération rejette dans un
avenir très lointain l'évènement qui nous occupe, cela ne le
rend nullement incertain.
Un professeur distingué, prématurément enlevé à la
science, M. Trouëssart, dont l'esprit s’élait arrêté sur ces
questions, exposait en ces termes l’avenir qui nous al-
192 LES PROBLÈMES DE LATERRE.
tend et faisait ainsi connaître ses préférences sur les diverses
fins possibles du genre humain : € Un jour, dit-il, ce ‘brillant
flambeau, source ponr nous de lumière, de chaleur, de mou-
vement et de vie, s’éteindra, et nous autres, pauvres mortels
(car comment ne pas nous associer à la destinée de notre pos-
térité?), que deviendrons-nous alors? Après avoir trainé les
restes d'une mourante vie, mené la triste existence des La-
pons, des Eskimaux, des Samoyèdes, repassé lentement, à re-
culons, par tousles degrés de notre développement physique,
intellectuel et moral, il faudra finir d’épuisement, de misère,
de faim et de froid! Mieux vaudrait mille fois une dernière
catastrophe qui emporterait l'humanité en pleine civilisation,
et qui lui permettrait de dire à l'univers qui l’écraserait, sui-
vant la belle expression de Pascal, € qu'ilest encore plus noble
que lui. » — Oui, tout plutôt que cette fin misérable, où la
pensée elle-même se serait sans doute éteinte avant ce reste
indigne de vie matérielle! Mais cette catastrophe, la science
ne la prévoit pas el elle prévoit l'extinction du Soleil. »
Cependant on peut remarquer que, si la fin qui répugnait
tant à Trouëssart attend véritablement le genre humain, c’est
simplement la preuve que la loi qui régit l'espèce n’est autre
que celle qui régit l'individu. Et pourquoi donc cette loi appli-
quée à l’espèce nous causerait-elle tant d'horreur quand,
appliquée à l’individu, elle nous semble si naturelle? Si le
spectacle de l’homme qui, chargé d'années, redescend, par une
progression rétrograde, le versant de la vie, ne nous désespère
point, c’estque nous savons que cet amoindrissement continu
n’est qu'apparent et momentané, qu'il ne porte que sur des
éléments secondaires, transitoires et extérieurs, dont l’altéra-
tion nous donne seule l'illusion de l’obscurcissement de ce
qui dans l’homme est l’homme même; et que celui-ci, intro-
duit par la mort dans une autre existence, y recouvrera tout
l'éclat dont nous l'avons vu briller au moment de son apogée
moral, devenu le point de départ de l'ascension nouvelle
«jte A
L'AVENIR DE LA TERRE. 193
qu'il va fournir. Mais n’avons-nous pas les mêmes motifs de
reconfort en ce qui concerne l'humanité? Société transitoire
d'êtres immortels, appelés à remplir de concert une grande
fonction terrestre, qui est de faire sentir aux choses d'ordre
physique et physiologique la suprématie de Pesprit, si Phuma-
nité se dissout, quand £ette fonction est remplie, ce doit être
pour relormer ailleurs, en vue d’autres destinations plus
sublimes, des sociétés nouvelles, puisque les associés ne
meurent point.
Nous ne partageons donc nullement les inquiétudes si élo-
quemment exprimées par Trouëssart. Ses répugnances ne nous
paraissent pas mieux molivées. Que l'humanité doive être un
jour relevée du poste qui lui est confié ici-bas, n’est-ce pas
l'essentiel? Car si sa destinée était à jamais liée à celle de la
Terre, arrivée dès aujourd’hui, comme quelques-uns le pré-
tendent, à un état de stabilité immuable, ses progrès dans la
science et dans la puissance seraient donc limités à ce qu’on
peut acquérir de l’une et exercer de l’autre, de ce point insi-
gnifiant de l’espace sans bornes où nous sommes actuelle-
ment cantonnés!
La théorie de l’évolution sidérale dissipe cette terne per-
speclive. Et puisque nous avons la certitude que ni la raison, ni
les sens, ni le cœur, qui nous ont été donnés, ne sont de pures
sources d'illusions, ayons aussi cette confiance que la réalité
qui est devant nous vaudra mieux que tout ce que nous pou-
vons regarder comme le meilleur dans notre ignorance pro-
fonde.
PLANÈTE QUE NOUS HABITONS. 13
CHAPITRE IT
LES PROFONDEURS DE LA TERRE
L'observation directe du globe ne nous fournit aucun ren-
seignement positif sur la nature des masses existant au-des-
sous du revêtement cristalin qui sert de support aux terrains
stratifiés. Mais, en vertu du principe de l’unité de constitution
du système solaire, 4l est tout indiqué de comparer le globe
d’où viennentles météorites à ce que nous connaissons de l’é-
corce terrestre, afin de voir si cet examen ne nous mettra pas
en mesure de combler plus ou moins la lacune dont il s’agit.
1. L’UNITÉ D’ORIGINE DES MÉTÉORITES
Les divers types de météorites ont une origine commune ;
ils ont été en relations ensemble, comme les roches qui con-
stituent l'écorce de la Terre sont de leur côté en relations mu-
tuelles; ce grand fait, non soupçonné jusque dans ces der-
niers temps, se démontre à l’aide de diverses méthodes parfai-
tement indépendantesles unes des autres, et que nous allons
indiquer rapidement.
A cet égard on peut donner aux météorites le nom de fossiles
planétaires, car elles nous révèlent l’ancienne existence
d’astres disparus, en faisant naître l'espoir de les recons-
truire. Bien qu’elles nous fournissent le dernier terme de la
L'UNITÉ D'ORIGINE DES MÉTÉORITES. 195
décomposition planétaire, la matière des astres morts
rentrant par l'intermédiaire des astres vivants dans le tour-
billon de la vie planétaire, cependant les météorites ont con-
servé des caractères dus à leur ancienne union et qui trahit
celle-ci à l'œil de l'observateur.
Ainsi, il est évident qu’une brèche polygénique, ou renfer-
mant les éléments de plusieurs espèces de roches, n’a pu se
former que là où ces éléments divers coexistaient.
Les pépérines de nos volcans dans lesquelles se ren-
contrent côte à côte des fragments des roches appelées
basalte, dolérite, wacke, etc., ne prennent naissance que là
où se présentent à la fois le basalte, la dolérite et la
“wacke.
Il y a dans les Pyrénées une brèche bien remarquable par
sa complexité : c’est toute une collection de roches en petits
fragments recollés ensemble. Ony distingue le granit, le talc-
schiste, le phyllade, l'argile, le calcaire, ete. Son existence est
une preuve suffisante de l'existence du granit, du talcschiste,
du phyllade, etc., dans les lieux d’où elle provient.
Le même raisonnement s'applique évidemment aux mé-
téorites. Dès qu’une brèche météoritique renferme des frag-
ments pouvant être rapportés à des types de météorites
simples, ces types simples ont nécessairement été quelque
part en relation de position.
Or de telles brèches existent.
Citons d’abord celle qui est tombée à Saint-Mesmin (Aube)
en 18066. On y constate la coexistence de la roche du type de
Lucé et de la roche du type de Limerick. Ces deux types de
roches proviennent donc d’un même gisement.
Voici, en second lieu, la brèche tombée à Canellas, en
Espagne, le 144 mai 1861. Elle ressemble beaucoup à la pré-
cédente et contient comme elle la roche de Limerick, mais
la roche de Lucé y est remplacée par celle de Montréjeau.
196 LES PROBLÈMES DE LA TERRE.
Cette brèche prouve donc la communauté d’origine des types
de Limerick et de Montréjeau.
De ces deux premiers faits pourrait être déduite la commu-
nauté d’origine des roches de Montréjeau et de Lucé, qui se
trouvent respectivement en rapport avec la même roche de
Limerick. Mais cette démonstration s'obtient autrement,
comme on verra tout à l'heure,
La météorite tombée en 1877 à Soko Banja en Serbie fournit
la preuve de relations stratigraphiques entre la roche de Mon-
tréjeau et la roche d'Erxleben.
Arrivons tout de suite à la brèche bien plus compliquée de
Parnallée, dont nous avons déjà parlé. D’après ce qui précède,
cette brèche prouve la communauté d’origine de sept types au
moins de roches, dont trois sont représentés par des météo-
riles distinctes, savoir : celles de Tadjéra, de Chassigny et de
Bishopville. Les quatre autres offrent en plus cet intérêt
spécial qu'ils nous permettent de prédire avec certitude lar-
rivée de types météoritiques non encore observés isolément.
Parmi les brèches se rangent aussi les fers de Deesa et
d’Atacama.
Le premier démontre la communauté d’origine du fer de
Caille et de la pierre de Tadjéra; l’autre, celle du même fer
de Caille avec la pierre de Chassigny.
On pourrait beaucoup prolonger cette énumération.
Sur la Terre, les types lithologiques ne sont Jamais net-
tement définis; d'ordinaire ils passent insensiblement des
uns aux autres, et c’est ce qui rend la classification des roches
extraordinairement difficile. Or ces passages ne sauraient
s’observer si les divers types ainsi reliés ne dérivaient, en
dernière analyse, d’une seule et même source, dont le produit
a été modifié plus ou moins par les circonstances extérieures.
Quand nous trouvons parmi les météorites des types de
transition entre deux roches bien définies, nous sommes donc
L'UNITÉ D'ORIGINE DES MÊTÉORITES. 197
autorisés à conclure que ces deux roches ont été en rapport
ensemble, ou qu'elles dérivent, si l’on veut, toutes deux
de leur intermédiaire, grâce à des conditions spéciales.
Ces types de transition sont extrêmement nombreux.
Pour en citer d’abord qui nous soient déjà connus, men-
tionnons la roche de Chantonnay et celle de Belaja-Zerkva.
La première, grise el marbrée de noir, est intermédiaire
entre la roche grise d’Aumale et la roche noire de Tadjéra.
La seconde, blanche avec des globules noirs, est inter-
médiaire entre la roche blanche de Montréjeau et la roche
noire de Stavropol. |
Le météorite de Forsyth, en général compacte, mais glo-
bulaire par places, forme une transition entre la pierre com-
pacte de Lucé et la pierre globulaire de Montréjeau. De nom-
breux intermédiaires existent entre la roche serrée d’Aumale
et la roche plus friable de Lucé. La pierre d'Ohaba constitue
une transition entre celle de Montréjeau et de Limerick, etc.
Parmi les brèches, nous citerons celle d’Assam, qui est
telle qu'on ne sait si l’on doit la rapprocher de la brèche de
Saint-Mesmin plutôt que de la brèche de Canellas, etc,
James Hall, chauffant de la craie dans de certaines con
ditions, l’a, ainsi que nous l’avons vu plus haut, transformée
en un marbre blanc tout pareil à celui dont le basalte, dans le
nord de l'Irlande, a déterminé la production en traversant
des couches de craie. Il résulte de là que l’existence du marbre
blanc suppose l'existence antérieure de la craie; que le
marbre ne pourrait pas se produire là où il n’y a pas de craie;
que, par conséquent, le marbre et la craie proviennent d’un
même gisement.
Le mème raisonnement, évidemment applicable au méta-
morphisme météoritique, conduit à retrouver certains rap
ports stratigraphiques entre les roches célestes.
En effet, des expériences très simples et déjà résumées dans
198 LES PROBLÈMES DE LA TERRE.
les pages précédentes ont permis de constater que la roche
noire de Tadjéra et la roche noircie de Chantonnay sont des
transformations plus ou moins complètes de la roche grise
d’Aumale. Elles n’ont pu se produire qu’à l’aide de masses
préexistantes de cette dernière; et, par conséquent, les trois
roches qui nous occupent ont été quelque part en relations
mutuelles.
La même chose peut se dire sans variante des roches de
Stavropol et de Belaja-Zerkva, qui dérivent de la roche de
Montréjeau.
De façon que cette pure expérience de laboratoire, consis-
tant à chauffer au rouge, plus ou moins longtemps, divers
types de météorites, peut devenir un procédé de géologie stras
tigraphique, en révélant des relations de gisement entre
certaines roches.
La notion des relations stratigraphiques des météorites
résulte encore d'observations d’un autre genre. Elle se déduit
de la présence simultanée, dans certaines chutes, de types
différents qui viennent manifestement d’une même localité,
puisque c’est le même bolide qui les apporte.
Le fait s’est présenté dans des conditions extrèmement
remarquables, comme on va le voir :
Le 17 novembre 1773, on vit tomber à Sigena, en Espagne,
des météorites dont les unes présentent tous les caractères
de la roche tombée à Busti, dans l'Inde, tandis que les autres
offrent ceux de la roche complètement différente dont le type
est fourni par l’aérolithe de Parnallée.
Ces deux types de Busti et de Parnallée sont donc origi-
naires d’un commun gisement.
Si la preuve n’en était pas suffisamment établie par le
phénomène de Sigena, nous en avons la répétition identique
dans la chute survenue le 12 novembre 1856 à Trenzano, en
Italie. Là aussi sont tombées des pierres appartenant à deux
L'UNITÉ D'ORIGINE DES MÉTÉORITES. 199
types différents, et là aussi ces deux types se sont trouvés être
ceux de Busti et de Parnallée.
Ces faits sont d'autant plus remarquables, qu’on y trouve
réunies plusieurs circonstances dont chacune, prise indivi-
duellement, n’est que très rarement réalisée. Il est très rare
en effet qu’il tombe des météorites du type de Busti; ilest très
rare qu’il en tombe du type de Parnallée; enfin il est très
rare que deux types lithologiques différents arrivent sur la
Terre en même temps.
En résumé, et grâce à ces diverses méthodes d’investi-
gation, il ya actuellement plus de vingt types de roches mé-
téoritiques dont on peut dire qu’elles ont été ensemble en re-
lations stratigraphiques. Constater que ces relations sont
maintenant brisées, c’est dire que le globe dont ces roches
ont fait partie n’existe plus. L'ensemble des faits conduit donc
à cette conséquence, déjà obtenue plus haut par une autre
voie, que les météorites sont les matériaux de démolition d’un
astre disparu. Sa destruction est-elle tout ce que nous pou-
vons apprendre de son histoire, ou, de même que les restes
exhumés d'animaux éteints permettent de reconstruire des
êtres d’'époques antérieures à la nôtre, pourrons-nous, par
l'examen des météoriles, reconstituer l’astre dont ils sont
proprement les vestiges fossiles? Cet espoir est plus qu’il n’en
faut pour justifier les recherches qui sont l’objet du para-
graphe suivant.
2. COMMENT ÉTAIT CONSTITUÉ L’ASTRE D’OU PROVIENNENT
LES MÉTÉORITES
On a vu que les météorites se divisent, quant à leur mode
de formation, en primitives, éruptives, métamorphiques, bré-
chiformes non éruptives, volcaniques, filoniennes et épigé-
niques.
200 LES PROBLÈMES DE LA TERRE,
Ces diverses roches occupaient sans doute dans le globe
d’où elles proviennent des positions relatives semblables à
celles que leurs analogues occupent dans leglobe terrestre. Or
les roches primitives sont généralement superposées d’après
l’ordre de leur densité; les masses éruptives, y compris les
roches volcaniques, forment d'habitude des enclaves transver-
sales ou des filons intercalés dans les précédentes; les masses
métamorphiques sont en contact ou dans le voisinage des
filons injectés; les brèches leur sont liées d’une manière plus
ou moins intime, et enfin les filons, concrétionnés dans les
failles, peuvent recouper toutes les formations.
En rapprochant les données fournies par la géologie ter-
restre de celles que fournissent les météorites, on arrive à
reconnaitre que la région la plus profonde du globe à re-
construire devait être formée de roches volcaniques. Celles-
ci en effet, quoique moins denses que les roches de péridot
ou que les roches imprégnées de fer natif, ou même que les
roches entièrement composées de métal libre, en ont empâté
des fragments lors de leur ascension. Ce qui suppose néces-
sairement qu’elles gisaient au-dessous d'elles.
Mais la question reste indécise de savoir si ces masses ré-
onaient jusqu’au centre de l’astre en question. On peut sup-
poser que, pareil aux boulets de canon de l’ancienne artillerie,
ce globe renfermait en son centre un vide, ou chambre, re-
présentant après le refroidissement total l’espace occupé par
les vapeurs ardentes enfermées sous Ja croûte primitive. |
Cette manière toute nouvelle de concevoir l’ossature du
globe facilite d’ailleurs la solution de problèmes très variés,
et par exemple ceux qui concernent le magnétisme ter-
restre.
Quoi qu’il en soit, au-dessus des assises dont la météorite-
de Juvinas fournit un échantillon, venaient d’abord les
masses composées de fer natif nickelifère (Caille, ete.), puis les
pierres, les unes renfermant des grenailles métalliques d’a-
sn
COMMENT ÉTAIT CONSTITUÉ L'ASTRE MÉTÉORITIQUE. 901
bord très grosses, comme dans les météorites de la Sierra
de Chaco, ensuite de plus en plus fines, comme dans les
masses de Laigle, d’Aumale, de Lucé, de Montréjeau, etc.,
et les autres dépourvues de métal libre, comme les roches
dont la chute de Chassigny fournit des échantillons.
« Ces assises successives sont d'autant plus anciennes
qu’elles sont plus éloignées du centre. La pierre d’'Aumale, par
exemple, s’est solidifiée avant que les masses métalliques plus
profondes fussent assez refroidies pour cesser d’être liquides.
« Celles-ci se contractant progressivement déterminèrent,
à diverses reprises, le fendillement du revêtement pierreux,
et la masse fondue fut injectée dans les failles ainsi ou-
vertes et s’y solidifia. C’est de cette façon que se produisirent
les fers reconnaissables aux images confuses qu'ils donnent
aux acides, et parmi lesquels on peut citer les masses décou-
vertes à Octibbeha.
« En traversant les masses déjà solidifiées qui leur étaient
superposées, cesinjections métalliques leur firent subir, dans
certains cas, des modifications plus ou moins profondes,
un véritable métamorphisme, et, comme nous l’avons vu, les
pierres grises d’Aumale et de Montréjeau se tramsformèrent
respectivement : la première dans les masses de Chanton
nay et de Tadjéra, l’autre dans celles de Belaja-Zerkva et
de Stavropol.
« Du même coup il arriva que des fragments pierreux,
arrachés aux parois des failles, furent empâtés dans le métal
fondu, et que, devenus dès lors métamorphiques, ils donnèrent
lieu à des brèches du genre de celles de Deesa.
« D'ailleurs les phénomènes éruptifs ne furent pas le
privilège des roches métalliques. Les masses pierreuses,
comme il arrive si manifestement sur notre globe, fu-
rent poussées parfois des profondeurs à travers les roches
préablement crevassées qui gisaient au-dessus d’elles. Cest
ainsi que la roche d’Aumale, poussée après sa solidifica-
202 LES PROBLÈMES DE LA TERRE.
tion, prit parfois les caractères de la roche de Chantonnay
déjà produits autrement comme on vient de le voir’. »
Les roches volcaniques proprement dites, telles que celles
de Juvinas, sortirent par un mécanisme un peu différent, à
l’état pâteux, comme nos laves.
Peut-être est-ce aux têtes des filons éruptifs que se plaçaient
les roches bréchoïdes dont les liens d’origine sont si évi-
dents avec les masses normales, et qui sont représentées,
dans leurs types principaux, par les pierres de Saint-Mesmin,
de Canellas de Soko-Banja et de Parnallée. £
Certaines failles ont évidemment donné passage à des éma-
nations qui se sont concrétionnées sous la forme de filons,
dont les fers de Pallas et d’Atacama sont les échantillons les.
mieux caractérisés. Par d’autres sont sorties les émanations
d’où dérivent les masses épigéniques, comme la pyrrhotine
de Sainte-Catherine.
9. LES ROCHES TERRESTRES COMPARÉES AUX MÉTÉORITES
Le globe météoritique étant reconstitué comme on vient de
le faire, il est tout naturel de le comparer au globe terrestre.
Ce qui doit arrêter d’abord notre attention, ce sont les
roches qui, malgré l’immense distance de leurs gisements
respectifs, ne se distinguent cependant les unes des autres
par aucun caractère.
Deux surtout méritent d’être citées.
Cest d’abord la roche du type de Juvinas et Stannern,
identique aux laves de certains volcans, et spécialement à
celle de la Thjorza, en Islande. Cette identité, à laquelle nous
avons déjà fait allusion plus haut, existe non seulement dans
1. Le Ciel géologique, par Stanislas Meunier, p. 69.
LES ROCHES TERRESTRES COMPARÉES AUX MÉTÉORITES. 203
la composition minéralogique, mais même dans la structure
et l’aspect extérieur.
De même les météorites du type de Chassigny, formés,
comme on l’a vu, de péridot granulaire allié à du fer chromé,
sont rigoureusement semblables à la roche trouvée d’a-
bord à la Nouvelle-Zélande par M. de Hochstetter, qui l’a ap-
BLOC DE FER NATIF DÉCOUVERT AU GROENLAND.
pelée dunile et retrouvée à Bourbon et même en France,
dans l'Ardèche, en fragments empâtés dans les basaltes.
A côté de ces roches identiques entre elles, malgré la dis-
tance de leur gisement, il faut en mentionner qui se ressem-
blent beaucoup sans se reproduire exactement. Telles sont,
en première ligne, les curieuses roches découvertes 1l y a peu
d'années au Groenland et qui sont si étranges, qu’à première
vue on les a prises sans hésiter pour des météorites.
904 LES PROBLÈMES DE LA TERRE.
Les unes sont entièrement formées de fer métallique et
ressemblent pour l’aspectaux météorites métalliques décrites
plus haut; d’autres, au contraire, présentent de fines gre-
nailles métalliques disséminées dans une gangue pierreuse,
absolument comme les météorites primitives.
Cependant, malgré ces analogies, les roches dont il s’agit
se distinguent également par le détail de leur structure et par
leur composition des divers types connus des météoriles. À
ce dernier point de vue, le caractère le plus saillant consiste
en ce que le fer des masses d’Ovifak n’est pas complètement
libre comme celui des météorites ; outre qu'il contient beau-
coup de carbone qui en fait une vraie fonte, il est partielle-
ment combiné à de l’oxygène, sans qu'on puisse d’ailleurs
déterminer avec certitude quel en est le degré d’oxydation.
D'ailleurs, le métal est associé d’une manière intime à des
roches évidemment terrestres. Aussi, à l’époque où l’on sup-
posait encore que le métal groenlandais n’appartenait pas à
notre globe, a-t-on été conduit à supposer que la chute de ces
prétendues météorites avait eu lieu précisément à l’époque où
du basalle faisait éruption à l’état pâteux.
On conviendra que cette coïncidence, sans être impossible,
serait bien étrange. D'ailleurs une nouvelle étude des localités
est venue démontrer depuis que l'hypothèse d’une chute est
insoutenable, et que les roches groenlandaises représentent
des assises terrestres, très profondément situées. C’est un
sujet sur lequel nous aurons l’occasion de dire un mot un peu
plus loin.
Les roches de nos terrains de sédiment, non plus que celles
de l'écorce granito-gneissique de notre globe, n’ont d’ana-
logues parmi les météoriles.
A l'inverse, les météorites du groupe charbonneux, tel que
celui d'Orgueil, ne semblent pas être représentées à la surface
de la Terre.
en -
;
LES ROCHES TERRESTRES COMPARÉES AUX MÉTÉORITES. 205
Le groupe le plus nombreux se compose de météorites qui,
tout en n'étant pas identiques avec les roches terrestres, ne
sont pas non plus sans analogie avec celles-ci. Leurs diffé-
rences peuvent s'exprimer d'une manière très simple, comme
on va voir.
A première vue, les fers météoritiques semblent différer
profondément de toutes les roches terrestres. Cependant il
suffit de les oxyder dans un courant de vapeur d’eau, par
exemple, pour faire disparaitre la différence. Ce qui est
relatif à la structure spéciale de ces fers est détruit im-
médiatement, et les discordances de composition chi-
mique s’effacent. On a reconnu en effet, par des expériences
directes, que le nickel si caractéristique des fers météo-
riques tend à se séparer du fer par le fait pur et simple de son
oxydalion. Ex
Nous avons des notions encore plus nettes à l’égard des
météorites les plus fréquentes, réunies parfois, à cause de
cela, sous le nom de type commun, et qui comprennent les
pierres de Lucé, d’Aumale, de Laigle, etc.
Quand on les étudie avec soin, on trouve que, malgré cer-
taines dilférences, elles se rapprochent beaucoup des roches
terrestres éruptives, formées surtout de silicate de magnésie
et spécialement de la serpentine, qui fournit de si belles sub-
stances à l’art décoratif. [ly aurait identité entre ces deux
roches si la serpentine ne contenait pas d’eau, et si les
grenailles qu’elle renferme, au lieu d’être constituées par de
l’oxyde de fer, étaient composées de fer métallique.
Cette assertion doit être formulée avec d'autant plus d’as-
surance qu'on a pu la contrôler par l'expérience, c’est-à-dire
transformer la serpentine en une météorite rigoureusement
identique à certaines de celles qui tombent du ciel.
Jusque-là, on n'avait réalisé la reproduction artificielle
d'aucune météorile, du moins à l’aide de matériaux terrestres,
car on à vu précédemment comment la synthèse de certaines
206 LES PROBLÈMES DE LA TERRE.
météorites a été exécutée au moyen d’autres pierres de même
origine.
Eh bien, la serpentine chauffée au rouge, mais sans être
fondue, dans un courant d'hydrogène, a perdu à la fois de
l’eau et une partie de son oxygène. En même temps, elle est
devenu noire el très dure; de façon qu’elle a acquis tous les
caractères même les plus intimes des météorites métamor-
phiques du type de Tadjéra.
Comme on le voit, la différence des météorites par rapport
aux roches terrestres consiste dans une proportion moindre
d'oxygène. C’est comme le produit de la réduction de nos
roches; à moins que nos roches ne doivent être regardées
comme leur propre produit d’oxydation. Le chapitre suivant
montrera que cette seconde supposition est de beaucoup la
plus vraisemblable.
Quand on rapproche la série des roches météoritiques, telle
qu’elle résulte des études précédentes, de la série des roches
terrestres telle qu’on la conclut de l'examen direct de la
crôute de notre globe, on trouve que certaines roches du pre-
mier gisement viennent se relier et se confondre avec
certaines roches du second. L’une des séries cependant ne
complète pas l’autre : elles sont plutôt parallèles lune à
l’autre, avec une racine commune représentée par les roches
volcaniques.
Nous devons admettre, conformément aux expériences rap-
portées plus haut, que nos filons de serpentine passent pro-
gressivement dans la profondeur, à des filons d’une roche bien
voisine de la météorite de Chantonnay. De mème, nos filons de
fer oxydulé (mine d’acier) doivent, à mesure qu’on les étu-
dierait plus loin de la surface de la terre, se transformer en
substances de plus en plus comparables aux fers météoriques.
208
LE FER NATIF DES PROFONDEURS TERRESTRES. 207
4. LE FER NATIF DES PROFONDEURS TERRESTRES
Ce qui précède conduit à rechercher si certaines observa-
tions directes ne pourraient pas contrôler la supposition que
les profondeurs du globe sont composées en partie de fer
natif.
Un premier argument favorable à la présence du métal est
tiré de la densité de la Terre, égale à cinq fois et demie celle
de l’eau.
Un deuxième ordre de faits est relatif au magnétisme ter-
restre. Chladni en expliquait les phénomènes par la suppo-
sition d’une masse centrale de fer métallique.
Les raisons dont on s’est prévalu contre le physicien de
Wittemberg, savoir, la haute température des régions profon-
des du globe, ne sont plus suffisantes depuis que M. Trève a
montré comment on peut aimanter la fonte en pleine fusion.
Les idées de Chladni et celles d'Ampère qu’on leur a op-
posées devront peut-être être combinées ensemble.
Toutefois des études nouvelles sont de nature à faire croire
que le fer ne gît pas aussi profondément qu’on le suppose tout
d’abord. Des observations empruntées à la physique solaire
et à la géologie comparée, aussi bien qu’à l'examen des roches
éruptives ‘profondes, montrent que le fer métallique doit gésir
moins loin de la surface que les roches volcaniques actuelle-
ment rejetées par les montagnes ignivomes.
Et les phénomènes du magnétisme terrestre reçoivent une
explication complète si l’on imagine que toutes les molécules
magnétiques soient concentrées sur une même couche de
1 kilomètre d'épaisseur à l’intérieur de la croûte. Cette couche
magnélique, dont les masses d’Ovifak représentent des échan-
üllons, doit, pour satisfaire aux conditions du problème, être
208 LES PROBLÈMES DE LA TERRE.
une sphère creuse et se trouver à une profondeur d’environ
30 kilomètres au-dessous de la surface terrestre.
C’est plus bas que se trouverait l’assise d’où proviennent
les basaltes et les laves des volcans. Au-dessous doit d’ailleurs
exister un vide central, plus ou nous analogue à la chambre
des anciens boulets de canon.
On a vu tout à l'heure quedes observations faites au Groen-
land ont montré queles basaltes si abondants dans cette région
contiennent soit des blocs d’une roche pétrie de grenailles
métalliques, soit même des blocs très volumineux d’un métal
formé de feret de nickel, et par conséquent fort analogue aux
fers méléoriques.
Quant au mécanisme de leur sortie, on peut le comprendre
simplement. Il suffit en effet d'admettre que le basalte,
sortant des profondeurs comme il à fait partout, à pu
exceptionnellement arracher des fragments d’une assise à fer
natif et les charrier sans les fondre jusqu'aux régions super-
ficielles. C’est exactement la reproduction de ce qui a eu
lieu si souvent pour le péridot et la dunite, amenés au jour
par les basaltes qui ne les ont pas fondus.
On conçoit les conséquences qui résultent de ces observa- :
tions quant à la géologie profonde de notre planète. Mon-
trons aussi qu'elles projettent une vive lumière sur un cha-
pitre de la physique du globe à première vue bien éloigné, Il
s’agit de l’origine de l'acide carbonique contenu dans Pat-
mosphère, c’est-à-dire d’une question qui a été traitée sans
succès à maintes reprises, d’après les considérations les plus
diverses.
Étant démontré maintenant que les profondeurs de notre
globe renferment de véritable fonte, il faut remarquer qu'il
peut se développer une réaction bien connueentre la fonte et
certains dissolvants et dont les produits sont d’abord des
carbures d'hydrogène, puis, par oxydation secondaire, de
l'acide carbonique.
SURFACE LUNAIRE.
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PLAN
210 LES PROBLÈMES DE LA TERRE.
Il suffit pour cela que des liquides de composition conve-
nable parviennent au contact de la fonte infragranitique. Or
on sait que les expériences de M. Daubrée ont démontré la pos-
sibilité d’une infiltration capillaire de l’eau au travers des
pores des roches jusqu'aux régions souterraines où prennent
naissance les phénomènes volcaniques, malgré les énormes
contrepressions de vapeur qu’elle a à surmonter.
Quant à la composition du liquide d'infiltration, 1l est
évident que nous n'avons pas les éléments nécessaires pour la
déterminer, même d’une manière approximative. Mais 1l est
bien probable qu'à la température des régions infragra-
nitiques, l’eau peut posséder une énergie chimique assez
considérable pour déterminer la réaction qui nous occupe.
5. LE MODE DE SOLIDIFICATION DU GLOBE TERRESTRE
Le procédé décrit plus haut, suivant lequel a lieu la soli-
dification du globe terrestre, n’est pas regardé comme démon-
tré par tous les géologues. Quelques-uns pensent que le phé-
nomène s’est fait justement en sens inverse, le centre le
premier étant devenu solide. On a fait à cet égard des
raisonnements sans fin. L'examen des météorites semble
devoir répandre lalumière sur cette question fondamentale,
car pour leglobe d’oùelles proviennent la question est réduite
à une observation pure et simple, puisqu'il suffit de voir si
les météorites les plus denses, c’est-à-dire les fers, se sont
solidifiées avant ou après les météorites les moins denses,
c’est-à-dire les pierres.
Or nous avons vu que les fers éruptifs, tels que ceux de
Deesa et d'Hemalga, empâtent fréquemment des fragments
pierreux, tandis que les pierres éruptives, comme celles de
Chantonnay et de Pultusk, n’empätent jamais de frag-
ments métalliques.
hide >
INFORMATION FOURNIE PAR LA LUNE. 1
Donc, dans le globe dont les météorites sont les débris, la
solidification s’est faite de la surface vers le centre.
Appliquant cette conclusion au globe terrestre, nous som-
mes donc autorisé à croire qu'ici également la solhidification
procède de la surface vers le centre.
6. INFORMATION FOURNIE PAR LA LUNE
Remarquons, en terminant, que l’ordre de superposition
adopté plus haut pour les masses profondes reçoit une confir-
mation bien importante des observations dont la Lune a été
l'objet. On a dit que notre satellite a fourni toutes les étapes
de l’évolution planétaire, et entre dès maintenant dans la
période de désagrégation. Or toute la surface est recouverte
d’épanchements volcaniques semblables, à l'échelle près, à
ceux de la Terre. Considérant, d'autre part, que sur la Terre
le volcan est un phénomène relativement récent, on peut
conclure qu’il trouve son siège dans les masses de solidifica-
tion finale, et par conséquent de gisement le plus profond
On voit du même coup que notre planète aborderait dès
maintenant la dernière phase éruptive.
CHAPITRE III
L'AGE DE LA TERRE
La plupart des traditions cosmogoniques n’accordent à la
création tout entière qu'une durée extrêmement courte, et
plus on découvre qu’elle contient de phénomènes superposés,
plus on est contraint d'admettre que ces phénomènes ont
été rapides.
Si, conformément aux idées anciennes, notre Terre n’a-
vait réellement que six mille ans, 1l faudrait reconnaître
que les montagnes se sont soulevées tout à coup, que
les vallées ont été creusées comme sous l’action de gigan-
tesques rabots, que les continents se sont successivement
émergés et submergés avec des allures de pistons, et que les
faunes et les flores ont été alternativement créées comme sur
les théâtres de féeries, et détruites comme par des fléaux
incoercibles.
Mais les progrès de la science permettent à présent de sou-
mettre les doctrines gratuites à un contrôle sévère. L'étude
des parties les plus superficielles de la Terre prouve, en dehors
de toute hypothèse, que la période géologique actuelle dure
depuis un temps qui a dépassé de beaucoup toutes les prévi-
sions.
Voici quelques exemples des faits qui ont conduit à cette
conclusion capitale.
L'AGE DE LA TERRE. 213
Un géologue suisse, M. Morlot, a trouvé, dans le delta que la
Tinière édifie sans cesse en tombant dans le lac de Genève,
un véritable chronomètre. Sa section verticale pratiquée lors
de la construction du chemin de fer a montré que ce delta, en
forme de cône, est constitué par la superposition tout à fait
régulière des couches de sables ou de gravier et que son ac-
croissement est exactement proportionnel au temps. Or, à
1°,30 sous la terre végétale, on a recueilli des médailles ro-
maines datant de seize à dix-huit siècles. Une seconde couche,
pleine de débris d'industrie, se présentant à 3 mètres, on
est autorisé à lui attribuer une antiquité de quatre mille ans;
elle correspond à l’époque antéhistorique qualifiée d’âge de
bronze.
Enfin, à 6 mètres de profondeur, une troisième couche se
présente avec des poteries grossières, du bois carbonisé et
des os hrisés.
On en a retiré un squelette humain dont le crâne est
petit, rond et remarquablement épais. Il lui faut bien recon-
naitre un âge de soixante et dix siècles.
Depuis ces 7000 ans, non seulement il n’y a pas eu de
révolution géologique à l'embouchure de la Tinière, mais la
pente des terrains, l’allure du torrent et celle du lac n’ont
subi aucune variation sensible.
Ce long laps de temps n’est qu'une minute dans la période
géologique actuelle.
Au pont de Thielle, entre Bienne et Neuchâtel, des faics
analogues ont amené à reconnaître qu'il y a 6750 ans
l’homme était déjà parvenu à un état de civilisation relative-
ment avancé.
Il construisait sur pileris les habitations dites lacustres,
il fabriquait des filets et des poteries, cultivait le blé et avait
domestiqué le chien.
Mais on peut aller plus loin.
Les alluvions du Nil se superposent chaque année avec une
214 LES PROBLÈMES DE LA TERRE.
extrème régularité, et l'épaisseur, dans chaque point, s'accroît
proportionnellement au temps. Dans une localité où il se
dépose 19 centimètres de limon par siècle, M. Linant-Bey
trouva une brique à 18 mètres de profondeur et dont l’âge
par conséquent est de 12000 ans. Dans un autre point où
l'accroissement est différent, le même auteur recueillit une
autre brique datant de 30 600 ans.
Des résultats plus frappants encore ont été prouvés par
l’étude du delta de Mississipi. Sa surface étant de 77 000 kilo-
mètres carrés et son épaisseur de 4100 mètres au moins,
Lyell a calculé que sa formation a exigé plus de 400 000 ans,
depuis lesquels aucune modification sensible n’a été apportée
à la géographie physique du pays.
Agassiz, qui a étudié avec tant de soin les récifs madrépo-
riques de la Floride, constate qu’ils gagnent sur la mer 0",30
par siècle et calcule qu'il leur a fallu 435 000 ans pour
atteindre leurs dimensions actuelles. Ce fait est spécialement
intéressant à cause de la susceptibilité spéciale des zoophytes
coralligènes qui auraient cessé de prospérer, si seulement la
température de la mer s'était sensiblement modifiée. Leur
persistance montre donc depuis 1390 siècles une uniformité
climatique absolue.
Au Brésil, Claussen a signalé des cavernes dont le sol,
accru chaque année de deux couches, l’une estivale, limo-
neuse, l’autre hivernale, stalagmitique, témoigne de la per-
sistance des conditions météorologiques actuelles depuis plus
de 100 000 ans. |
Elles renferment, pour le dire en passant, des restes
de mégatherium, de glyptodon et d’autres espèces main-
tenant fossiles, dont la disparition, loin de coïncider avec un
cataciysme, est comprise comme simple détail dans la série
uniforme des sédimentations saisonnières.
Les mouvements lents du sol peuvent parfois fournir
aussi des données chronométriques. C’est ainsi que dans cer-
STALAGMITES.
Ce
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AVEC
CAVERNE
216 LES PROBLÈMES DE LA TERRE.
tains points des côtes de Suède, qui s'élèvent de 0°,75 par
siècle, on trouve des couches marines récentes soulevées à
180 mètres.
Leur émersion date donc de 24 000 ans.
Dans le pays de Galles, on trouve qu'après une élévation
qui correspond à 112 000 ans, il y a eu un affaissement qui a
exigé 24 000 ans.
Les couches modernes exhaussées sont donc sorties de l’eau
depuis 224 000 ans.
Ces 2200 siècles appartiennent tout entiers à l’époque
actuelle.
Or la conséquence de ces faits, dont l’'énumération aurait
pu être prolongée beaucoup, c’est que les phénomènes géo-
logiques les plus récents ayant rempli une aussi immense
période ont dû nécessairement avoir une allure très lente.
Autrement il faudrait supposer qu'après leurs manifesta-
tions subites, un calme absolu a existé, et cette hypothèse est
radicalement contraire à la continuité, visible partout, des
actions géologiques.
Un exemple nous fera bien comprendre.
L'observation de tous les jours montre les cours d’eau
employés sans cesse à transporter dans les mers des particules
arrachées au bassin de leur vallée, On a même pu mesurer
la quantité de limon ainsi charriée et calculer le cube qu’elle
représente au bout d’un temps déterminé.
Orsi, remontant enarrière, on cherche ce quedeviendraient
nos vallées remises en possession de toute la substance qu’elles
ont perdue si insensiblement depuis les milliers de siècles
dont nous venons de parler, on trouve, malgréle manque iné-
vitable de précision de semblables calculs, que non seulement
elles seraient comblées, mais que toute la surface continen-
tale serait épaissie.
La période actuelle n’est bien évidemment rien en durée, com-
parée à l’ensemble des époques géologiques qui l’ont précédée.
e
<xilé s* : 2 *
UT ;
L'AGE DE LA TERRE. 217
Le dépôt sur plusieurs kilomètres d'épaisseur des couches
stratifiées, dans des conditions de calme compatibles avec
le développement de la vie et la transformation lente des
espèces organiques, a exigé nécessairement un nombre incal-
culable de fois le temps dont nous venons de parler.
TABLE DES GRAVURES
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Unéséolosueisurile terrain... 5. ete seule ee ete Mrs haoncaenet LCR
LE ATOS OR RP A ee à
La phosphorescence de la mer......, DOTE nas er ie HDo none doc
Harchutedu Staubach.....,. ...... Mae e ne
Un champ de neige (le col de Sasser).......... deb not ri ot SE
in HER 00 RER At detente eine net crs Le rate NE ee DES
Hlasetde craie aubord dela mers. detente een le :
Ichthyosaure et plésiosaure (reptiles fossiles restaurés)...,..............
Forêt houillère restaurée. ....... bips DÉS SMS DO TT Ann Ce
Trilobite. Crustacé fossile sur une ardoise..... EE da re
Une carrière d'ardoises aux environs/d’Angers.......:..4...."... cu
Dykestde basalte...........1.....: Jason t de Miserere ol est see
ons ÉANTEREE P EE R ne ET noe RL D ESS So de
Éruption d’un volcan. Le Vésuve........ PR RÉ RER ES 25e
Hnitremb'ement de terre..::..,.-.......1.5.. ST SRE TM DIE Re Sc
L’auréole et les protubérances du soleil observées pendant une éclipse...
Une portion du spectre solaire, montrant la coïncidence des raies du fer,
dubnickeltduimAasnésium, etc Eee, cc cec---re--c-tr Se OU
Mercure, d’après Schræter ...... 6 EE CPS CE D HAS OU me dde
Les phases de Vénus..... eee Foie ve : Sa be LTe Joù
Carte de la planète Mars........... ste lee eine en EE ie tiers cire
Dimensions comparées de la Terre et de quatre des petites planètes......
Jupiter et ses bandes.................. sc Ce e does re
Saturne et ses anneaux...... Frotoobo nv out AD ue 0 00e D PNA
45
220 TABLE DES GRAVURES.
Pages.
Unefcomete rte retre rec eceecres Dee ace oiee sa: elle 2 CELL Ponte 49
Untouragan aux MAN IIes 6er ere ceneceucecsecscecc ee LL hou.
Explosion d’un bolide accompagnant la chute de météorites............. A fe
Le fer méléorique de Caïlle exposé dans la galerie de géologie du Muséum. 73
Les environs de Juncal où Linara Fonseca a découvert un fer météorique.. 75
lerfernde Pallas.--°"- Cr ere DobDocodonupoonoadoanpéouoc Anéocodosoacor 78
Météorite de la sierra de Chaco........... Jobhrat Bd eo uanocconsor a 7)
Laimétéornitenderluvinas cn -PRERr ec cree recC ei LCCE ste tene 82
La émétéorite d'ORRUCTRE TELE MER eee de ee DELLE ER 0 - + 83
Coupe théorique du système solaire............,....... oo SR 89
Coupe théorique de l'écorce terrestre................. DO ednenncone 90
la mébuleuse mère durtsystemersolaire 2 -cerec---e.r-t-ee HOBD LES 0 € € 91
Séparation successive des planètes de la nébuleuse mère du système solaire. 92
Montagnes a tla surface de Mercure creer D CPE 98
Prismes de basalte contourné, en Transylvanie. ...:............ de 4
Cratères volcaniques à la surface de la Lune.........,................. 101
Carte des environs de Pouzzoles, analogues aux régions à cratères de la
HUNne ere dd ado DOPTODPDDOTOBP T D00 AS conedTocosoun ue 102
Montagne de Poudingues qui domine le couvent de Montserrat en Cataiogne.. 107
Une mine #defdiamants au Cap...2-t.-...-----rc eut ur 109
Un village d’Esquimaux................ dons dr eeiecr D HA0D Co Ce 7 MLD
Uneltachetsolairesscne- Perte cree se ce oser oceccceeee CC ELLE 126
Démolition d’une falaise partla mer. ...::.:::.::...... EEE 129
Rocher percé par la mer dans la rade de Navarin.................. 130
Grandiseysendiislande Peer ECC ECC CCC Ce CCE dcoccouooc 131
GrandigeysSenide Vellowstone-rereree mener: MERCURE 133
Les érosions produites par la pluie..... DOS STATE TE dette USA oc 135
Usure de roches/par un torrent URL LC CE EEE 137
L’aiguille verte, exemple de l'usure des roches par les glaciers. .......... 139
Éboulement de Roquefort (coupe théorique). ...............4............ 141
Un atoll du Pacifique........... OO O A Mn Sons uo oc 142
Blocs de rochers charriés par un glacier. 14.5... 20000 RE 143
Fiords du Groenland, exemple d’érosion par les glaciers. ................. 145
Rochers ausboml du /Tanganika.-.1%...2:.:1.... LCR 147
Écroulement des berges d’un torrent.........................1 0 149
DEHAQu PArana rs es 0 AO UInS MOOD dc A de due once 151
Troncs verticaux de sigillaires dans une mine de houille..,..........,.... 197
KRonmes/diverses de rhizopodes...: 44225. A RP hédodoce- 161
PÉPRIPPARASSRS And. se ie a er SRE . 163
Unesexplomtation (de guano...:.:2.,:.40 EI desde 10 - CET 165
Un coprolithe..... SRB AE da Re ns ses ese steel ELEC EE 166
Le mont Saint-Michel à marée basse........ Sn oesoc trot EE 167
Calcaire coquillier............ Socoto die Mae RAP TUTO cc = 100
Le
ochers rouges près de Menton...
RP TON ON CATOrnig. 2. 2eme cac auene PER ER
Pass age de Mercure sur le Soleil permettant d'apprécier l'épaisseur de l’at-
mosphère mereurielle D a Ne tete sn
> chaîne de volcans lunaires. . SATRERE RU. PRE SPORE LRNEES
Les rainures de la lune...
5
FIN DE LA TABLE DES GRAVURES
TABLE DES MATIÈRES
ENDRODDCDION AL isa te eue aite sloieue aiaote Rate site nie near de ce de 9
PREMIÈRE PARTIE. — La Terre et sa famille planétaire.
CHAPITRE I. — NOTRE PLANÈTE........ PRET OP OO LC idee os à 2 à 11
CHAPIRRE LI. — LE SYSTÉME SOLAIRE. . =... ARE Co a Dee 39
1 LESTOISSRRSRR EEE ST PUR TS Ne em SE à 99
D TRS A Re ee A ee rt 40
RLNENUS ee 2 cle ennemis ete cela uete nes eee tal elelaie RE CE Al
M TOUTE NOR EC RSR RE PA OI CE M IDD Ua one 49
Gi ÊY RAA RER NAS AATIERSE ERREUR FE Se PR A TER RUN A 43
OPRPESANeDILEs planctes eee crrisecrerec-r-pc--h-erCer 44
HÉRUPILED See en ni nc ce ete LE DD LE 45
Ho Sont mea one te ee ee ne OS CNED on 46
TT A TLIS ES NU nn le ruinte de sielm rate le aies eee ee sie te 47
10ÉSNeptune ef. ST Te SR NE ree 'OE RER À8
MR EeSICOmMELES.. 220 MN Dau cDeeme n dotiscreniel ete CN CRU Ie ere 48
125les étolles flantes 202 NM M NAS CON ER PRE RUE 51
18 Desspiecres tombées du Ciel eee ee te ee RCE CEE 54
DEUXIÈME PARTIE. — Comment s'est fait le système solaire
CHAPITRE I. —VLA THÉORIE DEMLAPLAGE.--- 0..." 87
1° Le$ transformations des nébuleuses...".."...:.22..4"2 2.200 88
mPDiexpérience de NBIAteaU eee ocre ce CE 91
9. Les derniers progrès de la théorie..." """"""" tee eee 93
CHAPITRE II. — ANALOGIES MUTUELLES DES ASTRES DU SYSTÈME SOLAIRE... 98
RUN dec oMpOSNONIChIMIAUE Eee eee Pere 96
A ODIUMILÉ despienOMmeneseÉOSIMUENE Eee ere ECC re 97
3. L'unité des phénomènes météorologiques...................... 110
CHAPITRE III. — LIAISONS MUTUELLES DES ASTRES DU SYSTÈME SOLAIRE-... 114
JPADestéchansestde nadia ons En CPE CC CE rome ce 114
2 Mes apporis dermaliére. ere bee etreeneteer ceci 115
3. L'origine possible de la métallurgie de fer..................... 117
4, Une idée sur l’origine de la chaleur solaire.................... 118
294 TABLE DES MATIÈRES.
TROISIÈME PARTIE. — Les âges des planètes.
Pages
CHAPITRE [. — LES EFFETS DU RAYONNEMENT ET DE LA PERTE DE LA CHALEUR
D'ORIGINE eee ceretee ce Lee sl S ele MID Se ee ere ee re ee à US
1 Formationtdes roches MTiNITIVeS ere eee eee Ce cc Ce 125
SMFormation de laterodlenternesice terre cree TE 128
SAbappanituonmde Jamie er eCEEE Ce crece De one Dos asoc lle
Ale role scologique deslétres vivants"... te te ES
5. Le rôle géologique de l'homme....... as certe US Fee D
Gnramemlanetaire erreRrer ete RO D D op ou coco LU
CHAPITRE II. —- LES EFFETS DE L'ABSORPTION DES ENVELOPPES FLUIDES PAR
EMNOVAUESOPIDEeR eee eee rec isa n eee et RENAN 6
1 diminutiontdes océans ere ere rene Di LiT
2, L'état de sécheresse de la Lune............ Dos soso reel
CHAPITRE III. — LES EFFETS DU RETRAIT........ RE CRE de cotee Ce MO
IPeLestullestdelaslencer "tree ec rec ere oc ce Aloe
DATES ICTEVASSES de NA MUR ere EC eee Root sac LOS
3. Les formes de petites planètes..." PR ee ne
AAT'es tonmestdes MÉtÉOTIES enr meecec rer eee ou . 184
5. Comment se sont produites les météorites............. Demos
QUATRIÈME PARTIE. — Les problèmes de la Terre.
CHAPITRE Î. — L’AVENIR DE LA TERRE...... rerpecrcreeci CCE se der
CHAPITRE I[. — LES PROFONDEURS DE LA TERRE........ donnons NL
. L'unité d’origine des météorites........ eee ED eE 30
2, Comment était constitué l’astre d'où proviennent les météorites. 199
3. Les roches terrestres comparées aux météorites........ ss 12568 0202
4. Le fer natif des profondeurs terrestres....... shor ere m2
5. Le mode de solidification du globe terrestre.............. ee 2IO
Information fournie par la Lune...... re Jeter Se el
CHAPITRE UT. AGE DELLASTERRE. en -e.--ec--ece OT AC Se. UE
TABLE DES GRAVURES............. NT AE IC DES D RE non Cut
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.
PARIS. — IMPRIMERIE ÉMILE MARTINET, RUE MIGNON, 2
LE
MONDE ANIMAL