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Full text of "La planète que nous habitons. Notions familières d'astronomie physique"

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UN GEOLOGUE 


LE TERRAI 


SUR 


BIBLIOTHÈQUE 
DES ÉCOLES ET DES FAMILLES 


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LA PLANETE 
QUE NOUS HABITONS 


NOTIONS FAMILIÈRES D'ASTRONOMIE PHYSIQUE 


STANISLAS MEUNIER 


PARIS 
LIBRAIRIE HACHETTE er C® 


19, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 1) 


1881 


Drons de propriéls et de traducuon réservés 


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D'HISTOIRE NATURELLE 


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Géologie 


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LA PLANETE 


QUE NOUS HABITONS 


INTRODUCTION 


Supposez qu'un voyageur, organisé d’une manière conve- 
nable et venant d’où vous voudrez, pénètre dans l’univers ; 
il verra d’abord, de tous côtés, des amas de matière opa- 
lescente et comme laiteuse. Ce sont les nébuleuses. TI 
pourra en compter des milliers et des centaines de milliers, 
el il en verra toujours. Les astronomes essayent d’en faire 
des catalogues, mais tous les jours ils en trouvent de nou- 
velles. 

En s’approchant, notre voyageur s’apercevra que beaucoup 
de ces nébuleuses sont formées d'innombrables étoiles tour- 
nant les unes autour des autres dans des orbites immenses. 
Certaines de ces étoiles sont, en effet, à de telles distances les 
unes des autres, que leur lumière, malgré sa vitesse de 77 000 
lieues par seconde, met des milliers d'années à franchir la 


distance qui les sépare. 


6 INTRODUCTION. 

Pour étudier la composition intime de ces nébuleuses, 
admettez que notre promeneur choisisse justement, sans 
doute par hasard, car aucune bonne raison ne peut l'y pous- 
ser, admettez qu'il choisisse une des plus petites, celle que 
nous appelons la Voie lactée : peut-être remarquera-t-il une 
des plus petites étoiles qui la constituent. Or savez-vous quel 
est cet astre minuscule? Le Soleil. — Le Soleil, s’il vous plait, 
qui produit cependant, grâce à sa proximité relative (33 mil- 
lions de lieues seulement!),tant d’effet dans notre ciel et qui 
rend si pénible au mois d'août, à midi, la traversée de la 
place de la Concorde. 

Et si notre observateur est doué d’une vue suffisamment 
perçante, il verra tourner, autour de ce grain de poussière 
étincelant, de pelites particules sombres et ternes. L'un 
des moins remarquables de ces ‘atomes est la Terre, sur la- 
quelle l’homme fait tout ce que vous savez, mélangeant le bien 
au mal, et poursuivant, avec une ardeur fébrile, souvent sans 
l’atteindre, un but grand ou petit. 

A cette vue, le voyageur en question, si c’est un homme, 
chose invraisemblable, est bien forcé de revenir de l’idée des 
anciens, si flatteuse à première vue, que tout a été créé pour 
le seul usage de la Terre et de ses habitants; mais nous n’y 
perdrons rien, car il vaut mieux cent fois être un pygmée 
capable, même au prix de souffrances infinies, de se 
rendre compte de ce qui l'entoure, qu’un enfant gâté Jouis- 
sant, par privilège gratuit de naissance, de domaines... ima- 
ginaires. 

Or, nous savons de source certaine que la Terre est un 
globe à peu près sphérique de 3000 lieues de diamètre, et 


INTRODUCTION. 7 
qu’elle pèse 9881 quatrillions de tonneaux de 1000 kilo- 
grammes, les physiciens ayant imaginé une véritable balance 
qui donne le poids de notre globe comme celle de lépicier 
donne le poids d’un fromage de Hollande. 

La Terre décrit, en un an, autour du Soleil, une ellipse 
dont celui-ci occupe un des foyers ; et l’on sait comment, par 
suite de l’inclinaison de l'axe du globe sur le plan de cette 
ellipse, les diverses saisons se succèdent avec leurs divers 
caractères. 

En outre, notre pérégrinateur cosmique pourrait nous dire 
que, vue du dehors, notre Terre présente une épaisse couche 
gazeuse, transparente, troublée çà et là par des bandes mo- 
biles et de couleur grise. Cette couche, c’est l'atmosphère, et 
les flocons sont les nuages. 

Au-dessous de l’atmosphère, se trouve une autre couche 
qui ne s'étend que sur les trois quarts environ de la surface 
du globe et qui est liquide : on la connaît sous les noms de mer 
et d’océan. 

Enfin, plus profondément encore, et formant le fond de la 
mer, est une masse solide qui constitue la terre proprement 
dite et qui émerge de l’eau sur un quart à peu près de la 
surface du globe. Cette portion émergée prend les noms de 
continents, d’iles, etc. 

La masse solide se prète à divers genres d'étude. On 
peut s'occuper de ses particularités de forme et de relief, et 
lon fait alors de la géographie physique; on peut rechercher 
comment les hommes s’en sont partagé la surface, c’est-à-dire 
quelles sont les limites respectives des divers États, et c’est 
la géographie politique; enfin on peut chercher à savoir de 


8 INTRODUCTION. 
quelle matière la terre est bâtie et comment elle s’est formée, 
c’est alors de la géologie que l’on fait. 

On va voir combien ce dernier point de vue, qui est celui 
que nous allons choisir, est riche en horizons variés et com- 
ment il nous mettra successivement aux prises avec l’infini- 


ment petit et l’infiniment grand. 


PREMIÈRE PARTIE 


LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE 


CHAPITRE PREMIER 


NOTRE PLANÈTE 


Considérée dans son ensemble, et conformément à ce 
qui vient d’être dit, la Terre se compose de la réunion de 
trois parlies nettement distinguées entre elles par leur état 
physique. 

La plus extérieure, gazeuse et transparente, est l'atmosphère. 
Elle est composée par l’air, d’où les chimistes retirent les deux 
corps simples appelés oxygène etazote et qui y sont,non pas com- 
binés entre eux, mais simplement mélangés. On y trouve aussi 
de la vapeur d’eau, de l’acide carbonique et quelques autres 
substances très peu abondantes. Sous une faible épaisseur, l'air 
est absolument invisible; refroidi, il se trouble, la vapeur d’eau 
qu'il tient en dissolution se précipitant sous forme de brouillard. 
Quand son épaisseur est très considérable, il apparait avec une 
nuance bleue que l’on attribue d'ordinaire, au préjudice de la 
vérité, aux profondeurs du ciel. En effet, si l’on s’élève en ballon 
ou sur le sommet des montagnes, on reconnait que la nuance 
bleue du ciel, au lieu d'augmenter, diminue et fait place au noir 
de plus en plus parfait. Le ciel, cette source de la lumière, est 
plongé dans une obscurité absolue; pour que la lumière de- 
vienne sensible à nos yeux, il faut de toute nécessité qu’elle se 
brise sur quelque corps solide, — La solitude de l’espace est 
le domaine de la nuit. : 

On ne connaît pas d’une manière aussi précise la hauteur de 


12 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 
l'atmosphère terrestre. Certains météores, tels que les au- 
rores boréales qui se développent dans les couches les 
plus supérieures, montrent par leur altitude que l’atmos- 
phère est très épaisse. On sait aussi, grâce au baromètre, 
en mesurer la pression, variable à chaque instant. On sait 
enfin que l'air, loin d’être immobile, est soumis à une circu- 
lation continue que ne peuvent masquer complètement les 
vents irréguliers. 


La deuxième partie du globe terrestre que nous avons 
mentionnée se rapproche de la précédente par son extrême 
mobilité; elle s’en distingue d’ailleurs par son état liquide 
et constitue l’ensemble des océans, des mers et des grands 
lacs. | 

Nous avons dit déjà que la mer recouvre les trois quarts 
de la surface de la terre. Elle est formée d’eau tenant en 
dissolution un très grand nombre de substances, au premier 
rang desquelles il faut citer le sel ordinaire, le sel de cui- 
sine, qui mérite bien le nom de sel marin qu'il porte sou- 
vent. Il est si abondant dans l’eau de mer, qu'il suflit de 
mettre une goutte de celle-c1 sur la langue pour en recon- 
naître la saveur salée; si une flaque d’eau de mer se dessèche, 
elle dépose une sorte de gelée blanche qui est composée de 
sel. 

La profondeur de la mer est très variable; elle est si grande 
en certains points qu’on n’est pas parvenu à la mesurer. Le 
fond a parfois été rencontré à 9000 mètres. 

Un caractère remarquable de la mer est d’être tellement 
remplie d'êtres vivants, animaux et végétaux, qu'on peut 
presque la regarder comme vivante elle-même. Outre les 
poissons, les coquilles et les autres gros animaux faciles à 
élever, outre les fucus et les algues, l’eau contient une in- 
nombrable quantité d'organismes visibles seulement au mi- 
croscope. C’est à des êtres de ce genre que doit son origine la 


= 5 UNE AURORE BORÉALE. 


1 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 
phosphorescence de la mer, phénomène à la fois si gracieux et 
si imposant. 

On trouve des animaux et des plantes jusque dans les abimes 
les plus profonds des océans, jusque sous la croûte éternelle des 
olaces du nord, c’est-à-dire dans une obsecurité à peu près com- 


LNENTEELETTEU 


RON TEN TROT ENTREE EREEAREEEENE 


LA PHOSPHORESCENCE DE LA MER. 


plète et dans un froid intense. Chose curieuse! les habitants de 
ces retraites glacées et sombres sont parés de couleurs si vives, 
qu’elles ne le cèdent pas à celles des fleurs et des oiseaux des 
tropiques. 


La mer est en mouvement continuelet, lors des tempêtes, son 


| 
Il 


LA CHUTE DU STAUBACH, 


16 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


agitation est quelquefois extrême. En outre, ses eaux suivent 
un régime de courants réguliers dont nous aurons à dire un mot 
un peu plusloin. Sous l’action combinée du Soleil et de la Lune, 
les flots obéissent en outre à un balancement régulier qui se 
manifeste par le phénomène des marées. 

Soumise, par l'effet du Soleil, à une évaporation continue, 
la mer diminuerait constamment de volume si ses pertes nese 
trouvaient à chaque instant compensées par l’arrivée de 
grandes quantités d’eau douce. Celle-ci arrive dans le bassin 
des océans soit sous forme de pluie tombant directement 
des nuages, soit sous forme de courants (torrents, ruisseaux, 
rivières, fleuves) qui ruissellent de toutes parts à la surface 
des continents. Une bonne partie de ces eaux proviennent 
de la fusion des glaciers, et telle est en particulier l’origine 
des célèbres cascades des Alpes, visitées par tous les touristes, 
et dont le Staubach, dont vous avez ici la représentation, est 
un exemple entre beaucoup. 

Sous la forme de glace, l’eau alimente de véritables fleuves 
appelés glaciers et qui, pour être solides, n’en sont pas moins en 
mouvement lent. Ils chassent, comme les fleuves liquides, des 
matériaux solides, limon, sables, galets, et même des quartiers 
de roche parfois extrêmement volumineux. 

Les glaciers offrent à l'observation une foule de sujets d’é- 
tude du plus haut intérêt. Nous nous bornerons ici à men- 
tionner les preuves certaines maintenant acquises que la 
glace la plus limpide des glaciers résulte des transformations 
successives de la neigé tombée dans les régions les plus hautes 
des montagnes. Aux plus grandes altitudes en effet on ne ren- 
contre jamais des glaciers proprement dits, mais des champs 
de neige. 


Outre l'atmosphère et l’océan, la Terre présente, comme vous 
savez, une portion solide. Celle-ci émerge de la surface aqueuse 
et constitue alors les continents et les îles; mais elle se pour- 


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NOUS HABITONS. 


PLANÈTE QUE 


18 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE, 


suit sous lies eaux et forme le fond des mers et des lacs. 

La masse solide de notre planète est composée de matériaux 
très variés appelés roches el qui fournissent une foule de sub- 
slances utilisées de manières très diverses. C’est en effet parmi 
les roches que nous recueillons les minerais d’où sortent les 
métaux, le charbon de terre, source de chaleur et de force, les 
pierres de construction, les marbres, les porphyres et les 
autres pierres de décoration, la pierre à plâtre, la terre à 
brique, le sable et le caillou dont on fait le mortier. C’est aussi 
parmi les roches que compte la terre végétale où poussent les 
plantes et par conséquent où presque tous les êtres vivants 
puisent les éléments de leur existence. 

Il suffit de quelques promenades dans des localités bien 
choisies pour reconnaitre que les diverses roches ne se présen- 
tent pas de la même manière. 

Le long des falaises de la Manche, par exemple à Étretat, au- 
près du Havre, on voit sous la terre végétale une succession de 
100 mètres d’épaisses assises de picrre tendre el blanche ren- 
fermant des noyaux très durs de pierre à fusil. La même dis- 
position en couches superposées se rencontre dans les car- 
rières de pierre à bâtir des environs de Paris ct d’une foule 
d’autres localités, et, dans tous les cas de ce genre, on dit que 
le sol est formé de terrains stratifiés. 

Ces terrains, très simples dans leur constitution générale, 
sont composés surtout de quartz sous ses états divers de 
sable, de grès, et de meulière; — de calcaire, marbre, craie, 
ou pierre à chaux, — et d'argile, dont le type est l'argile plas- 
tique outerre à briques exploitée activement pour la fabri- 
cation des poteries grossières. 

Parmi les caractères les plus généraux des terrains stratiliés, 
il faut citer, outre leur disposition en couches superposées dont 
nous venons de parler, la présence dans leur masse de cailloux 
roulés et de débris ayant appartenu à des êtres vivants, animaux 
ou végétaux. C’est ainsi que la chaîne des Vosges est faite en 


20 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


partie de couches où les galets sont accumulés comme sur 
le rivage de la mer. La pierre à bâtir de Paris est toute 
pétrie de coquilles devenues fossiles, suivant l’expression con- 
sacrée. Et le charbon de terre ou lahouille n’est pasautre chose 
que le produit de la décomposition et de la fermentation sou- 
terraines de forêts enfouies tout entières depuis des milliers de 
siècles. 


FALAISE DE GRAIE AU BORD DE LA MER. 


Ces différents caractères concordent pour faire admettre que 
les terrains stratifiés se sont déposés successivement au fond de 
l’eau, et la nature de leurs fossiles apprend à reconnaitre ceux 
qui ont eu la mer pour origine de ceux qui ont pris naissance 
au fond des lacs et autres amas d’eau douce. 

On voit tout de suite, d’après cette notion, admise d’ailleurs 
par tout le monde comme évidente, que les différents terrains 


NOSSILES RESTAURÉS.) 


(REPTILES 


PLÉSIOSAURE. 


CHTHYOSAURE 


22 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


stratifiés n’ont pas le même âge. Les plus anciens ont servi 
de support aux plus récents, et leur ensemble, considéré sur 
toute la Terre,peut se comparer à la réunion des couches d’ac- 
croissement annuel d'un sapin gigantesque. 

En remontant de proche en proche dans la série stratifiée qui 
montre une succession de fossiles dont la variété et la richesse 
excitent au plus haut point l’admiralion de l'observateur, on ar- 
rive à des masses qui constituaient le fond de la mer lors des pre- 
miers de ces dépôts. Ces masses, mises à nu dans diverses lo- 
calités à la suite d'actions diverses, peuvent être représentées 
par une roche qui est bien connue de vous tous : Le granit. On 
n’y voit plus cette structure en assises superposées qui vient 
d’être signalée et c’est en vain qu’on y chercherait des galets, 
à plus forte raison des fossiles. A leurplace se montrent, comme 
éléments constituants, des cristaux divers remarquables par 
leur état d'association confuse. 

Évidemment les roches de ce genre ont eu un mode de forma- 
tion bien différent de celui des terrains stratifiés. Pendant bien 
longtemps on les a regardées comme les roches primitives, sup- 
posant qu’elles datent du moment où il y a eu pour la première 
fois des roches solides sur la Terre. Beaucoup de personnes con- 
serventmême encore cette opinion. Mais nous verrons, lorsque 
les progrès de ce livre nous auront amené à un sujet si élevé, 
qu’il n’en est rien et que les roches vraiment primitives sont 
essentiellement différentes du granit. 

Pour le moment,contentons-nous d'observer la manière d’être 
des matériaux dont notre planète est constituée. Et remarquons 
qu'il arrive souvent qu’au voisinage du granit les terrains strati- 
fiés ont pris des caractères très spéciaux. C’est là par exemple 
que le calcaire, au lieu de se présenter sous les formes de pierre 
à chaux et de craie, affecte la forme si recherchée de marbre. 
(est là aussi que l'argile, devenue impropre à servir aux in- 
dustries céramiques, est dure, feuilletée, et sert, sous le nom 
d’ardoise, à la couverture des édifices. Les fossiles n’en ont pas 


E, 


RESTAURÉ 


A 


FORET 


HOUILLERE 


24 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


pour cela disparu, ni les galets, mais il n’est pas rare de trouver 
avec eux du cristal. On a donc là comme des terrains ambigus 
participant à la fois de la nature des terrains stratifiés et de 
celle des terrains granitiques. On pense avec beaucoup de vrai- 
semblance que ce sont des terrains stratifiés originairement 
conformes au type décrit plus haut et c’est ce qu'on a voulu 
exprimer en leur attribuant le nom de terrains métamorphiques. 
Vous verrez qu'ils nous offriront un intérêt tout spécial. 

Mais nous n’avons pas encore épuisé l’énumération des ter- 
rains dont notre globe est constitué. En effet il existe un grand 
nombre de roches qui se présentent sous la forme d'immenses 


TRILOBITE. CRUSTACÉ FOSSILE SUR UNE ARDOISE. 


murs souterrains appelés filons ou dykeset qui traversent indis- 
tinctement les masses granitiques et les masses stratifiées. Elles 
se perdent dans la profondeur et lon a de très fortes raisons de 
croire qu’elles sont en relation de situation et d’origine avec des 
réservoirs souterrains remplis des mêmes substances. Comme 
ces roches ont tous les caractères des laves et des autres masses 
vomies par les volcans lors de leur éruption, on les réunit sous 
le nom de roches éruptives. C’est parmi elles qu'on rencontre 
les porphyres et Les serpentines que vous connaissez tous à cause 
des objets d'ornement qu’on en fabrique. 


NOTRE PLANÈTE. 25 
Souvent, quand les roches éruplives traversent les terrains 
stratifiés, on reconnaît que ceux-ci, au voisinage, eussent-ils plus 


UNE CARRIÈRE D'ARDOISES AUX ENVIRONS D'ANGERS. 


loin les caractères normaux, se sont souvent métamorphosés sur 
une plus ou moins grande épaisseur. Ainsi, dans le nord de 


96 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


l'Irlande, la craie blanche passe progressivement à l’état de 
véritable marbre blane, à mesure qu’on l’examine de plus en plus 
près de gros filons de basalte, roche éruptivenoire, qui le tra- 
verse. Vous verrez comment ce fait sera plus loin intéressant 
à rappeler. 

I faut d’ailleurs faire attention de ne pas confondre les roches 
éruptives avec d’autres roches qui se présentent sous une forme 
généralement analogue, c’est-à-dire en filonstraversant tous les 
terrains. Ces filons,au lieu d’être composés d’une nature unique 
comme ceux des roches éruptives, ont en général une nature 
complexe qui impose l’idée d’une origine toute différente. On a 
reconnu qu'ils résultent de l’incrustation de grandes fentes du 
sol par des matériaux déposés par des sources chaudes. C’est 
dans les filons de ce genre qu’on va chercher, à l’aide de puits 
et de galeries de mines, la plupart des substances métalliques 
dont l’industrie tire un si grand parti. Le plus grand nombre des 
substances métalliques ou concrétionnées est d’ailleurs variable 
de l’un à l’autre ; il en estoù aucun ordre n’apparaît nettement, 
tandis que chez d’autres on voit une disposition rubanée souvent 
fortélégante et symétrique par rapport au plan médian du filon. 
Cette manière d’êtretient à ce qu’un filon, loin d’être homogène; 
contient diverses substances dont lesunes, propresà l'extraction 
des métaux, s'appellent minerais, tandis que les autres, tout à 
fait stériles, ont conservé le nom allemand de ganques. 

Une forme de filon que nous devons signaler, parce que 
plus tard elle se représentera devant nous, est celle que les 
mineurs du Harz qualifient de cocardes. Elle est propre aux 
filons qui renferment dans leur substance des fragments de 
la roche encaissante, incrustée de couches successives de 
minerais varié et de gangues. Ces sortes de filons rentrent 
dans la catégorie des brèches et supposent, outre les phéno- 
mènes chimiques auxquels les filons doivent leur origine, des 
actions mécaniques extrèmement énergiques qui ônt concassé 
les roches. 


BASALTE. 


D 


DYKES 


23 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


La date de consolidation des roches éruptives, comme la 
date de concrétion des filons métallifères,est évidemment pos- 
térieure à la date de constitution des roches traversées par 
ces divers matériaux. Leur existence témoigne en même temps 
de l’existence d’un laboratoire récemment actif, dont le siège 
est dans les profondeurs infra-granitiques. 


FILONS MÉTALLIFÈRES. 


Or nous sommes sûrs que ce laboratoire continue de nos 
jours à fonctionner. 

Les volcans en sont une preuve, auprès de laquelle les 
autres sont presque superflues. Ils donnent lieu à un double 
phénomène qui explique en effet le gisement des roches qui 
viennent de nous occuper. 

D'abord, comme nous l'avons déjà dit, l’éruption 
des laves qui imitent exactement par leurs diverses formes 
les épanchements de porphyre, ensuite le crevassement 


NOÔTRE PLANÈTE. 29 
du sol qui ouvre des fentes sans fond, toutes semblables 
à celles que les filons métallifères ont incrustées. 


ÉRUPTION D'UN VOLCAN. LE VÉSUVE, 


En traversant les assises calcaires ou argileuses, les laves 
volcaniques y développent parfois des modifications métamor- 
phiques comparables à celles qui se montrent au voisinage 


30 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 

des roches éruptives, et c’est par exemple ce qu’on peut ob- 
server très bien au Vésuve pour le calcaire, et dans la Haute- 
Loire pour lPargile. 

Les crevassements du sol, et les tremblements de terre 
qui les accompagnent, nous fournissent du reste une autre 
notion de première importance. Cest que la prétendue fixité 
du « plancher des vaches » opposée si souvent à ’immobilité de 
«l'élément perfide » est loin d’être absolue. Certaines régions, 
telles que le Pérou, les îles Philippines et l’Asie Mineure, à 
Smyrne et aux environs, sont dans une trépidation presque 
perpétuelle et à chaque instant funeste aux malheureux habi- 
tants. Bien plus, on s'assure avec des appareils convenables 
qu'il n’est pas une localité à la surface du globe qui ne subisse 
de temps en temps des oscillations parfois très faibles, mais 
cependant sensibles. En outre, des observations incontes- 
tables, poursuivies maintenant depuis plus d’un siècle, ont 
démontré qu'il est des parties de la surface terrestre qui s’é- 
lèvent lentement au-dessus de leur niveau primitif, pendant 
que d’autres subissent un mouvement inverse d’affaissement. 
C’est ainsi que le nord de la Scandinavie s’est élevé d’une 
quantité très notable depuis l’époque de Linné et de Celsius 
pendant que le sud, la Scanie, s’est affaissé. 

Tous ces faits rapprochés les uns des autres concourent à 
nous faire considérer la partie solide du globe terrestre comme 
formant une espèce d’écorce ou de croûte très peu épaisse 
comparée au rayon de la planète, et qui renferme des 
régions très chaudes pleines de matériaux fluides. C’est, à la 
température près, la constitution d’un ballon de taffetas plein 
de gaz, et, bien qu’ils aient pour cause des effets internes et 
non pas des pressions venues de l'extérieur, les mouvements 
de la croûte rappellent les ondulations de l'enveloppe aérosta- 
tique sous l'influence du vent. 

Que renferme la croûte terrestre ? Évidemment les éléments 
d’où dérivent les roches éruptives et les filons métallifères. 


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32 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


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Mais n’y a-t-il là rien autre chose, et comment ces éléments 
sont-ils arrangés les uns par rapport aux autres? Je ne vous 
surprendrai pas en vous disant que nous n'avons pas à cet 
égard de notions directes. 

Toutefois, vous verrez par la suite que ce sujet, en appa- 
rence si bien à l'abri de nos investigations, a cependant été 
abordé avec succès par la méthode scientifique et que les 
oéologues sont bien loin d’être, sur ce chapitre, dans 
Pignorance profonde où l’on pourrait les croire plongés. 

Après cette description très rapide de la planète que nous 
habitons, il nous sera plus facile de concevoir des notions 
précises sur les autres membres du système solaire. 


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; 


CHAPITRE II 


LE SYSTÈME SOLAIRE 


On a vu dans l'introduction que notre Terre n’est pas, 
comme on pourrait le croire à première vue et comme 
on l’a cru bien longtemps, un objet sans analogue dans le 
monde. C’est une des plus grandes découvertes des 
temps modernes que d’avoir reconnu qu’elle est l'un 
des membres d’une grande famille groupée autour du Soleil 
comme autour de son chef, et qui comprend des planètes, 
sœurs de notre globe, et des satellites, frères de la Lune, On 
donne à cette famille le nom de système solaire. 

Nous disons que la découverte du système solaire est une 
des plus grandes des temps modernes ; il faut ajouter que 
c'était une des plus difficiles à faire. En effet, toutes les pre- 
mières apparences des choses étaient mensongères et sem- 
blaient conspirer pour maintenir les hommes dans l’igno- 
rance. 

Ne dit-on pas encore communément que le Soleil se lève le 
matin et qu’il se couche le soir? Et cette expression ne rend- 
elle pas bien exactement le déplacement que le Soleil parait en 
effet subir dans la voûte du ciel ? 

Aussi n'est-ce que tout petit à pelit que des hommes de 
génie, au premier rang desquels il faut citer Galilée, ont re- 
connu que nous sommes victimes d’une illusion. Les choses 


se passent ici, malgré leur plus grande échelle, comme lors- 
PLANÈTE QUE NOUS HABITONS. 3 


34 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


que les objets voisins de la voie ferrée semblent fuir en sens 
inverse du wagon qui nous emporte. Nous sommes de même 
entraînés par la Terre qui tourne de Pouest vers l’est, et le 
Soleil, réellement immobile, nous parait s’avancer de Pest vers 
l’ouest. 

Depuis l’époque où l’on a commencé à avoir des idées 
exactes sur la situation du Soleil, la science a fait des progrès 
eisantesques. On sait maintenant que le Soleil a 692000 
. kilomètres de diamètre; qu'il est à 148 000 000 de kilomètres 
de la Terre; qu’il tourne sur lui-même en 30 jours environ. 
De plus, grâce à un procédé de recherches digne de toute 
notre admiration et que l’on appelle l'analyse spectrale, on 
est arrivé à savoir beaucoup de choses de la nature intime de 
ce gros astre, source de chaleur, de lumière et de vie. 

Il n'entre pas dans notre plan de décrire ici la méthode 
dont il s’agit, mais il est indispensable d’en rappeler en peu 
de mots le principe et les conséquences. 

Vous savez que quand on regarde une flamme au travers 
d'un prisme de xerre, elle se déforme tout à fait, s'étale et 
s’irise de toutes les nuances de l’arc-en-ciel. Le résultat est ce 
que les physiciens nomment le spectre de la flamme. On s’est 
assuré que l'étude convenablement conduite du spectre 
donné par une flamme indique la nature chimique des ma- 
tières tenues en suspension dans cette flamme et même celle 
des matières que les rayons lumineux qu’elle émet ont pu 
traverser. Ces diverses substances déterminent en effet dans 
le spectre la production de raies transversales que le physi- 
cien Fraüenhofer avait observées dans le spectre du Soleil, 
mais dont il n’avait pas découvert la signification. 

Les corps, simples ou composés, donnent des rales caraclé- 
ristiques situées à des places parfaitement fixes du spectre, de 
facon que la détermination de ces raies est aussi sûre que la 
meilleure analyse chimique pour décider de la présence des 
corps qui les produisent. 


Nr 


LE SOLEIL. 35 

En outre, ce merveilleux procédé permet de reconnaitre si 
le corps dont on à la caractéristique spectrale est porté à 
l’ignition, ou si sa vapeur sert de milieu à la transmission de 
la lumière. La lumière est-elle émise par un corps cpaque, 
solide ou liquide, incandescent, le spectre est continu, c'est- 
à-dire qu'il ne présente pas de raies et ne peut par conséquent 
rien enseigner quant à la nature chimique de la source lumi- 
neuse. Au contraire, le corps lumineux est-il gazeux ou 
réduit en vapeur, les raies qu’il donne dans le spectre sont 
brillantes. Enfin, la lumière émise par une source quelconque 
traverse-t-elle avant d'arriver au prisme une épaisseur plus 
ou moins grande de vapeurs sombres, ce gaz ou ces vapeurs, en 
vertu de leur composition chimique, absorbent certaines 
radiations qui, manquant dès lors dans le spectre, sont rem- 
placées par des lignes sombres. 

Ce n’est pas tout. L'étude prismatique indique létat plus 
ou moins grand de pression du gaz en expérience, par la 
largeur des raies ; et mème l’état de mouvement dont ce gaz 
peut être animé, par la forme de ces mêmes raies. 

Ainsi, composition, température, état physique, pression, 
mouvement de substances hors de portée pourvu qu’elles 
ne soient pas hors de vue, toutes ces notions sont fournies 
par l'examen d’un simple rayon lumineux. 


1. LE SOLEIL 


Cette admirable méthode, appliquée à l'étude du Soleil par 
un grand nombre d’observateurs de premier ordre, a con- 
duit à reconnaitre que cet astre est constitué par un noyau 
central gazeux et relativement obscur, autour duquel s’est 
condensée une sorte de poussière solide ou liquide. Celle-ci 
est lumineuse grâce à son pouvoir rayonnant, et la couche 
qu'elle forme est appelée photosphère*. 


L. De deux mots grecs qui signifient sphere de lumiere. 


36 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 

La photosphère se déchire de temps en temps par places 
sous l’action de courants chauds venant de l’intérieur et qui 
la font passer à l’état gazeux non lumineux. Elle laisse voir 
alors, par les ouvertures ainsi produites, le noyau gazeux et 
obscur, et on donne le nom de taches aux apparences qui en 
résultent. 

Sur la photosphère est une enveloppe gazeuse très peu 


TEEN 


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} 


L'AURÉOLE ET LES PROTUBÉRANCES DU SOLEIL OBSERVÉES PENDANT' 
UNE ÉCLIPSE. 


dense, appelée chromosphère!, à cause de sa belle couleur 
rose très vif, dans laquelle se produisent des phénomènes 
srandioses connus sous le nom de protubérances, Ce sont de 
gigantesques panaches très mobiles, très variables de forme, 
que pendant longtemps on n'apercevait qu'à la faveur des 


1. De deux mots grecs qui signifient sphere colorée. 


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38 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 
éclipses totales, mais qu’on sait à présent observer en tous 
temps. Nous allons y revenir dans un moment. 

M. Janssen a récemment montré que cette enveloppe pré- 
sente une structure très régulière, sensible seulement sur 
les photographies, et que l’auteur appelle réseau photogra- 
phique. Ce réseau a beaucoup d’analogie avec les figures 
que les vibrations produisent à la surface d’une bulle de 
savon. On voit que cette analogie tient à l’analogie même 
de structure, le Soleil étant, toute proportion gardée, une 
gigantesque vessie pleine de gaz. 

Il faut ajouter, pour finir la description du Soleil, qu'au- 
tour de la chromosphère existe une énorme atmosphère qui 
s'étend jusqu'à une immense distance, et qui, comme le 
montre la figure ci-jointe, apparaît durant les éclipses sous la 
forme bien connue de l’auréole solaire. On a soumis séparé- 
ment les diverses parties du Soleil à l'examen spectrosco- 
pique. , 

La chromosphère donne un spectre qui, contrairement 
au spectre solaire ordinaire, est composé de raies bril- 
lantes : ce qui indique, d’après les faits exposés plus haut, 
que cette couche est formée d’une matière gazeuse lumi- 
neuse. D’après la position des raies, on y a reconnu la pré- 
sence prédominante de hydrogène, puis le sodium, le ba- 
ryum et le magnésium. 

Les protubérances, que leur situation rattache à la chro- 
mosphère, sont en réalité de tumultueuses éruptions de 
substances violemment expulsées par ies régions profondes de 
l’'astre. On dirait une matière gazeuse lancée verticalement 
dans un espace rempli par une atmosphère très peu dense, 
s’y épanouissant et retombant ensuite lentement en affectant 
les formes les plus capricieuses. Le spectroscope permet de 
reconnaitre, lors de la formation des protubérances, l'in- 
jection de certaines vapeurs, telles que celles du magnésium 
et du fer, 


LE SOLEIL. 39 

Passons à la photosphère, c’est-à-dire à la couche même 
d’où émanent la chaleur et la lumière que le Soleil répand à 
orands flots dans l’espace. C’est elle qui donne le spectre 
solaire proprement dit. Les innombrables raies obscures qui 
le sillonnent indiquent dans la source lumineuse lexistence 
d’un très grand nombre de corps qui tous, résultat de la 
plus haute portée, existent sur la Terre. Les plus nettement 
caractérisés sont le sodium, le fer, le magnésium, le cuivre, 
le zinc, le baryum, etc. 

Étant obscur, le noyau interne ne peut fournir aucun 
résultat au spectroscope. 

Disons en passant que l’analyse spectrale n’a pas été res- 
treinte à l’étude du Soleil. Appliquée aux autres étoiles, elle 
a fourni des résultats dont l’importance contraste avec l’ab- 
sence de données tirées de l'emploi des télescopes. Tandis 
que dans ces appareils, même les plus puissants, les étoiles 
restent sans disque, à l’état de simples points brillants, elles 
manifestent dans le spectroscope des caractères d’où l’on 
peut conclure la notion de leur nature intime. 

À première vue, les spectres des étoiles présentent les 
analogies les plus étroites avec le spectre solaire. Ils 
montrent, comme celui-ci pour le Soleil, que la lumière 
qui les produit émane d’une matière solide ou liquide 
chauffée au blanc intense et qu’elle traverse une atmosphère 
de vapeurs absorbantes. De plus, on y retrouve les raies 
caractéristiques de corps simples connus sur la Terre, au 
moins pour la plupart. 

Cependant les différentes étoiles observées jusqu’à pré- 
sent sont loin d’être identiques au point de vue spectros- 
copique. Les astronomes ont reconnu que les étoiles se 
rapportent pour la plupart à quatre types parfaitement 
tranchés. Cependant quelques spectres peu nombreux, au 
lieu de se ranger nettement dans ces catégories, semblent 
servir d’intermédiaires entre elles. 


40 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


2. MERCURE 


Il y a peu d'années tout le monde était d'accord pour dire 
que la planète la plus voisine du Soleil est Mercure. C’est la 
plus petite de celles que les anciens ont connues. Sa densité, 
égale à 6,84, près de 7 fois aussi forte que celle de l’eau, est 
la plus grande des densités planétaires 

Mercure présente des taches très sensibles, surtout auprès 
du bord intérieur du croissant où la lumière est le plus faible, 
ce qui prouve l'existence d’une atmosphère, laquelle paraît 
même plus dense que celle des planètes voisines. 

Mercure est difficile à observer, 
à cause de la proximité du Soleil 
qui en masque l'éclat. 


Un progrès récent de l’astrono- 
mie a consisté dans cette décou- 
verte que le système solaire admet 
des corps dont l'orbite est inté- 
rieure à celle de Mercure. 

Tout d’abord, en 1862, un mé- 
decin d'Orgères, M. le D' Lescarbault, vit passer sur le disque du 
Soleil un point noir dont l'allure lui parut être celle d’une 
planète intramercurielle. Le fait, soumis par Le Verrier à 
a critique la plus sévère, sortit victorieux de cet examen et 
personne n’aurail douté de sa réalité si, malgré les efforts les 
plus répétés, on était jamais parvenu à revoir cette planète si 
intéressante, 

Toutefois, en calculant la marche de Mercure, Le Ver- 
rier était parvenu à cette conclusion qu'il est absolument 
nécessaire d'admettre l'existence d’une ou de plusieurs 
planètes encore inconnues, très voisines du Soleil; et, en 
compulsant d'anciens registres d'observations, on a trouvé 


MERCURE D'APRÈS SCHRŒTER. 


VÉNUS. {! 
des faits qui semblent prouver que les astres en question 
ont été réellement observés plusieurs fois. On leur a at- 
tribué provisoirement le nom de Vulcain, auquel leur donne 


LES PHASES DE VENUS. 


bien droit la proximité du foyer solaire, et la question est ac- 
tuellement l’objet d’études suivies dans tous les observaloires. 


3. VÉNUS 


Vénus se trouve dans des conditions très analogues à celles 
de la Terre. 


42 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


Son volume et sa densité,9,10, sont presque les mêmes que 
ceux de la Terre. Son atmosphère est très épaisse, Pintensité 
de la radiation solaire y est double de ce qu’elle est sur notre 
globe, mais en revanche, l’axe de rotation étant beaucoup 
plus incliné sur le plan de l'orbite, Parc diurne est très variable 
et par conséquent les climats doivent présenter des extrêmes 
bien plus tranchés que chez nous. 

Vous savez que cette planète se signale dans notre ciel par 
l'éclat dont elle brille et il n’est personne qui n’ait entendu 
parler des expéditions que les astronomes organisent jusqu'aux 
antipodes pour observer le passage de Vénus sur Le Soleil. L’exa- 
men de ce phénomène conduit en effet à apporter une rigueur 
de plus en plus grande à la mesure des éléments du système 
solaire. Observée au télescope, Vénus dont les-changements 
d'éclat s'expliquent par les véritables phases subies par la pla- 
nèle,montre comme on le voit surla figure ci-jointe,des taches 
sombres correspondant à des océans, et des portions plus bril- 
lantes qu'il est légitime de considérer comme des continents. 


4. LA TERRE 


La densité de la Terre est égale à 9,5. Vu du Soleil, son 
diamètre apparent est égal à celui que Vénus nous offre à sa 
distance moyenne. 

A un spectateur placé en dehors de notre planète, celle-ci 
présenterait des taches constantes analogues à celles que 
Vénus vient de nous offrir et des zones variables, dues, 
les unes aux mers et aux continents, les autres aux nuages. 
Il y aurait de part et d'autre de l’équateur des zones sombres 
formées par les régions sereines des vents alizés; au delà 
se trouveraient des zones brillantes plus ou moins inter- 
rompues correspondant aux régions des plaines des tropiques. 
Dans le voisinage des pôles, l'aspect serait très variable suivant 
les saisons. | 


MARS. 4 


La Terre a un satellite, la Lune, qui plus loin nous occupera 
en détail. 


5. MARS 


Mars possède une mince atmosphère qui laisse voir les 
continents assez distinctement et permet de constater, comme 
une des particularités les plus remarquables de cette planète, 
le grand nombre de passes longues et étroites et de mers en 
goulots de bouteille, pour nous servir de l’expression pitto- 
resque d’un astronome anglais. 

Cette disposition diffère essentiellement de tout ce que l’on 
connaît sur la Terre. Ainsi la passe d'Huggins est un long ca- 
nal fourchu beaucoup trop grand pour qu’on puisse le com- 

-parer à aucune rivière terrestre. Il s'étend sur 3000 milles 
anglais environ et joint la mer d’Ayry à celle de Maraldi. La 
passe de Bessel est presque aussi longue. Un autre canal, que 
les cartes désignent sous le nom de Nasmyth, est encore plus 
remarquable :commençant près de la mer de Tycho, il coule 
vers l’est, parallèlement à elle et à celle de Beer, puis se 
courbe brusquement vers le sud, et, s’élargissant alors, forme 
le fond de la mer de Kaiser. | 

Les mers en goulots de bouteille ou lacs constituent un 
trait singulier de la planète Mars. Celles que réunit le canal 
d'Oudemann forment une paire très remarquable. On en 
voit deux autres qui se ressemblent encore bien plus 
entre elles : elles sont séparées de l’océan Deiarue par un 
isthme courbe et étroit. N’étaient ses vastes dimensions, on 
serait tenté de voir dans tout cet ensemble le résultat d'un 
travail artificiel. Mais chacune des deux mers a 3000 milles 
de longueur et 130 milles de large; un camal qui les réunit 
à l'océan Delarue n’a pas une longueur moindre de 250 
milles, | 

On sait que sur la Terre les océans ont trois fois la surface 


Æ Culleur de” 


44 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


des continents, et l’on doit noter que l'Europe, l'Asie 
et l'Afrique forment ensemble une seule grande île, 
tandis qu'une autre île consiste dans la réunion des deux 
Amériques. Or, sur Mars, il existe une disposition tout à 
fait différente. D'abord, 1l y a une égalité presque complète 
entre les surfaces occupées par les continents et par les mers, 
et, en second lieu, ceux-ci sont mêlés les uns aux autres 
de la manière la plus compliquée. C’est au point qu’un 
voyageur pourrait, soit par voie de terre, soit en bateau, 


CARTE DE LA PLANÈTE MARS. 


visiter presque tous les quartiers de la planète sans avoir à 
quitter l'élément sur lequel il aurait commencé son voyage. 

La densité de Mars dépasse 4,5. C’est tout récemment qu’on 
lui a découvert deux satellites. 


6. LES PETITES PLANÈTES 


Au delà de l'orbite de Mars se rencontre tout un monde de 
petites planètes. C'est en 1801 que la première, appelée Cérès, 
fut découverte à Palerme par Piazzi. Aujourd’hui on en con- 
naît 219, etilne se passe pas d’année qu’on n’en découvre 
plusieurs. 


JUPITER. 45 

Leur volume est très petit : Pallas, qui est la plus grosse, 
a 426 lieues seulement de diamètre. La surface totale de Vesta 
n’est que le neuvième de celle de l’Europe. Pour le plus 
grand nombre ces astéroïdes sont beaucoup plus petits en- 
core. 

Ceux d’entre eux qui se prêtent à l’observation télesco- 
pique se montrent comme n'étant pas sphériques, présentant 
tantôt des pointes, tantôt des surfaces plus larges. C’est ce qui 
explique leur extrème variabilité d'éclat et les divergences 
qu'on remarque dans la mesure de leurs dimensions. C’est 


Pallas Junon 


Vesta Céres 


DIMENSIONS COMPARÉES DE LA TERRE ET DE QUATRE DES PETITES 
PLANÈTES. 


ainsi que Cérès aurait 185 lieues de diamètre d’après 
Schrœtter, 90 d’après Argelander, et seulement 85 d’après 
W.Herschel. 
Aucune de ces minuscules planètes n’a d’atmosphère, 
Leurs orbites, inclinées très inégalement sur lécliptique, 
se croisent de la manière la plus compliquée. 


7. JUPITER 


Jupiter est la plus grosse des planètes. Sa masse, trois 
fois plus considérable que celle de toutes les autres réunies, 
représente 334 fois celle de la Terre. Jupiter est escorté de 
quatre satellites, dont le plus petit dépasse de beaucoup la 


46 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 
Lune en grosseur, et dont le plus gros a des dimensions com- 
parables à celles de Mars. 

Son volume est 1900 fois plus grand que celui de la Terre; 
mais sa densité, égale à 1,29, est moindre que celle du Soleil 
et à peine plus grande que celle de l’eau. La gravité à sa 
surface est deux fois et demie plus considérable qu'ici : il 


JUPITER ET SES BANDES, 


doit en résulter une très forte pression qui, jointe à la fai- 
ble densité de la planète, ne permet pas de la croire à l’état 
solide. 


8. SATURNE 


Saturne est la plus grande des planètes après Jupiter. Sa 
masse égale 102 fois celle de la Terre; son volume est propor- 
tionnellement très grand, car sa-densité est représentée par 
0,73. On peut donc à fortiori lui appliquer ce que nous avons 
dit de l’état liquide de Jupiter. On est confirmé dans cette 
opinion par les bandes nombreuses que présente la surface 


URANUS. 7 
de Saturne. Ses pôles ont une couleur approchant du bleu, 
tandis que son équateur est d'un blanc éclatant. 

Saturne possède Le plus beau cortège de satellites de tout 
le système solaire : outre huit lunes, dont la plus grosse est 
compärable à la planète Mars, il s’entoure d'un merveilleux 
anneau dont on ne voit le pareil nulle part. 


J URANUS 


La densité d'Uranus est très faible : 0,82, Cette planète 


est faiblement lumineuse par elle-mème et se comporte 


SATURNE ET SES ANNEAUX. 


comme un corps gazeux, aussi comprend-on que lorsqu'il la 
vit pour la première fois, le 13 mars 1781, entre dix et onze 
heures du soir, l’illustre astronome Herschel n’hésita pas à la 
qualifier de comète. C’est sous ce nom qu'il en fut d’abord 
question à la Société royale de Londres. 

Le volume d'Uranus est égal à 82 fois celui de la Terre. 

Autour de la planète circule un cortège de nombreux satel- 
lites, de lunes plus ou moins analogues à la nôtre. Herschel 
et Lassel ont découvert huit astres secondaires de ce genre, 
mais on ne les a pas tous revus. 


48 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


10. NEPTUNE 


Neptune est le corps planétaire le plus éloigné du Soleil. 
IL fut découvert par Le Verrier à l’aide de méthodes dont le 
succès a été un vrai triomphe pour le principe de la gravita- 
tion. 

Son volume est plus grand que celui d’Uranus, mais il est 
invisible à l’œil nu à cause de sa distance. Sa densité, qui n’a 
pu être déterminée, est très faible. Sa couleur verte analogue 
à celle de l’eau de mer montre que Neptune exerce une forte 
absorption sur les rayons solaires. Le vif éclat dont il brille 
malgré son énorme distance du Soleil pourrait faire croire 
qu'il est un peu lumineux par lui-même. 

On n'arrive pas à voir son contour nettement terminé, ce 
qui conduit à supposer, conformément à la nature de son 
spectre, que cetle planète est, comme Uranus, à l’état gazeux. 

Neptune possède un satellite. L’astronome Lassel a annoncé 
en avoir observé un second, mais on n’a jamais pu le revoir. 


11. LES COMÈTES 


Les comètes sont des astres qui, comme les planètes, se meu- 
vent à travers les constellations et occupent ainsi des positions 
très différentes dans le ciel, Ordinairement elles se distinguent 
des planètes par l'aspect. 

En effet, une comète consiste le plus souvent en un point 
plus ou moins brillant environné d’une nébulosité qui s'étend 
sous forme de trainée lumineuse, dans une direction parti- 
culière, Le point brillant se nomme le noyau de la comète; 
la trainée lumineuse qui accompagne le noyau se nomme la 
queue, et la partie de la nébulosité qui environne immédiate- 
ment le noyau, abstraction faite de la queue, se nomme la 
chevelure. 


1 
| D) 


UNE COMÈTE. 


PLANÈTE QUE NOUS HABRITONS. 


90 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


Cette nébulosité, que l’on est en droit d’assimiler à une 
sorte de brouillard analogue à celui qui se produit de temps en 
temps dans notre atmosphère, est bien loin d’être aussi peu 
transparente. Des étoiles, même très faibles, peuvent être 
aperçues à travers la queue ou la chevelure d’une comète, 
quoique les rayons lumineux qui viennent de ces étoiles aient 
souvent à la traverser dans des parties où elle présente uné 
grande épaisseur. La nébulosité d’une comète doit donc être 
regardée simplement comme une vapeur très légère qui 
accompagne le noyau. 

Les changements, souvent très rapides, qui surviennent dans 
la forme d’une comète, contribuent encore à nous confirmer 
dans cette idée. Nous citerons comme exemple la comète de 
Halley, qui fut observée avec beaucoup de soin par Herschel, 
au Cap de Bonne-Espérance, à la fin de 1835 et au commen- 
cement de 1836. 

L'analyse prismatique des comètes prouve que leur sub- 
stance est identique à celle des nébuleuses gazeuses. Dès 1864, 
M. Donati trouva que le spectre d’une comète apparue cette 
année-là était formé de trois raies brillantes, verte, jaune et 
rouge, séparées par des lacunes. Depuis, M. Huggins observa 
dans une autre comète l’existence simultanée de deux spectres, 
dont l’un, très faible et continu, fourni par la chevelure, mon- 
tra que celle-ci devait sa visibilité à la lueur réfléchie du so- 
leil, et dont l’autre, dû au noyau, lumineux par lui-même, 
consistait en une raie brillante. De nombreuses observa- 
lions faites par divers savants sur les comètes de Tempel, de 
Brorsen, de Winnecke, etc.,ont donné lieu à des découvertes 
analogues. Le dernier de ces astres a présenté à Secchi 
des raies qui coïncidaient avec celles qui caractérisent le 
carbone. 


LES ÉTOILES FILANTES. ol 


12. LES ÉTOILES FILANTES,. 


Les étoiles filantes sont ces points brillants qui, ressemblant 
complètement à des étoiles, se meuvent rapidement dans 
le ciel, de manière à traverser plusieurs constellations en 
quelques instants, et disparaissent ensuite. Il est rare qu’on 
n'en aperçoive pas, quand, par une belle nuit sans nuages, 
on reste un certain temps dans un lieu d’où l’on découvre 
une partie du ciel étoilé. 

Chaque nuit, un observateur peut compter environ cinq 
étoiles filantes par heure; mais, à certaines époques de 
l’année, principalement vers le 10 août et le 13 novembre, le 
phénomène acquiert une intensité remarquable. Toutefois 
le flux de ces météores est loin de se présenter chaque année 
avec le mème éclat, C’est ainsi qu'avant la belle apparition de 
novembre 1833, 11 fallait remonter jusqu’au 12 novembre 1799 
pour retrouver un phénomène aussi brillant et, à cette époque, 
les habitants de Cumana (Amérique) informaient de Humboldt 
et Bonpland qu’en 1766 un phénomène analogue avait été 
observé. Ces apparitions de 1766, 1799, 1838, frappèrent 
l’astronome Olbers, qui, en 1837, annonça que le retour des 
grandes averses de novembre s’effectuait tous les trente-trois 
ans. La prédiction d’Olbers se réalisa complétement en 1866. 

Le nombre des étoiles filantes d'août varie également chaque 
année. En 1848, on a observé un maximum (113 étoiles par 
heure); à partir de 1848, ce nombre a été constamment en 
diminuant jusqu’en 1858; depuis cette dernière époque, on a 
observé une série de maxima et de minima qui ont fait varier 
de 37 à 67 le nombre des étoiles vues en une heure. 

Les étoiles filantes d’août et de novembre semblent, à 
chaque apparition, émaner d’un même point du ciel, situé, 
pour l’essaim d'août, dans la constellation de Persée, et pour 
l’essaim de novembre dans la constellation du Lion.On donne 
en conséquence aux météores de novembrelenom de Léonides 


52 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 
et aux étoiles qui apparaissent vers le 10 août le nom de 
Perséides. 

Cette direction constante des étoiles filantes, lors de leurs 
apparitions en août et en novembre, les distingue nette- 
ment des étoiles dites sporadiques qu’on observe durant 
toutes les nuits. Cependant, parmi ces dernières, un certain 
nombre ont pu être rattachées à des apparitions périodiques 
émanant de points fixes situés dans le eiel, et qu'on a appelés 
points radiants. M. Heis, de Münster, a déterminé la position 
de 56 points radiants dans notre hémisphère; M. Neumayer, 
de Melbourne, a fait connaître l'existence de 39 points radiants 
dans l'hémisphère austral. 

Le phénomène des étoiles filantes présente des variations 
annuelle, diurne et azimutale. 

Nous ne pouvons entrer dans de longs détails sur cette in- 
téressante question; ajoutons seulement que la hauteur à la- 
quelle ces météores se produisent serait, d’après Secchi, 
de 120 kilomètres; et que leur vitesse, d’après MM. Newton 
et Schiapparelli, serait égale à celle de la Terre multipliée par 
le nombre 1,41. | 

L’essaim de novembre a un mouvement rétrograde; cette 
particularité oblige les astronomes à admettre que cel essaim 
ne saurait appartenir au même ordre de formation que les 
planètes, et qu’il est d’une époque postérieure. En traçant 
l'orbite de l’essaim, on remarque qu’elle est rencontrée par 
l'orbite d'Uranus. M. Le Verrier s’est demandé si la planète 
Uranus n'aurait pas détourné de sa route primitive cet 
essaim et, par son attraction, ne l'aurait pas jeté dans l'orbite 
oùuil se meut aujourd'hui. Or, au commencement de l’année 
196 de notre ère, la planète Uranus était assez voisine de l’es- 
saim pour que l'attraction de cette planète pût se manifester. 
M. Schiapparelli, avant M. Le Verrier, avait également admis 
l'action perturbatrice d’une planète; seulement, d’après l’as- 
tronome italien, cette planète serait Jupiter ou Saturne. 


LES ÉTOILES FILANTES. 53 

Ainsi, l’essaim de novembre est nouvellement entré dans 
notre système; la matière dont il est formé s’est désagrégée, 
en s'étendant le long de son orbite, et, l’action perturbatrice 
de la planète ne cessant d'exister, on peut prévoir que cette 
matière s’étendra de plus en pluset finira par embrasser l’an- 
neau tout entier. € Le phénomène de novembre, dit Le 
Verrier, apparaitra donc dans la nuit des temps pendant un 
plus ou moins grand nombre d'années, mais en s’affaiblissant 
en intensité. Cette diminution d'éclat provient non seulement 
de la répartition de l’ensemble des corpuscules sur un plus 
grand arc de l'orbite, mais, en outre, de ce qu'à chaque 
apparition la Terre en dévie un très grand nombre de leur 
route. » | 

La formation de l’anneau d’août est vraisemblablement due 
à une cause identique. Les apparitions annuelles ont, dans ce 
mois,un éclat presque uniforme; on peut en conclure que la. 
matière de l’essaim d’août est presque uniformément répartie 
sur cet anneau et que par conséquent sa formation est plus 
ancienne. 

M. Schiapparelli a montré, d’une part, que l'orbite de l’es- 
saim d'août coïncide avec celle d’une grande comète observée 
en 1862, et, d’autre part, que l'orbite de l’essaim de novembre 
est la même que celle d’une autre comète découverte à 
Marseille par M. Tempel au commencement de l’année 1866. 
Depuis, on a acquis de fortes raisons de croire qu’un essaim 
d'étoiles filantes que l’on observe vers le 10 décembre décrit 
dans l’espace la même ellipse que la singulière comète de 
Biela, et que la même relation existe entre un essaim paraissant 
le 20 avril et la première comète de 1801. Une pareille con- 
nexion entre les étoiles filantes et Les comètes est évidemment 
de la plus grande importance au point de vue de la constitu- 
tion de l'univers. 

On a commencé l'étude spectrale des étoiles filantes,et na- 
turellement on s’est d’abord occupé des bolides, que leur gros 


D4 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


volume rend plus commodes à observer. M. Alexander Her- 
schel a fait connaître le spectre de plusieurs de ces météores 
et il a signalé divers faits intéressants. Le plus net est la pré- 
sence du sodium en vapeur dans la traînée de divers bolides. 


13. LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 


Les méléoriles sont des corps solides, d’origine extra- 
terrestre, dont on observe de temps en temps la chute à la sur- 
face du sol.On à désigné successivement ces corps sous un 
très grand nombre de noms différents, tels que aérolilhes, 
pierres de foudre, pierres de tonnerre, céraunies, pierres boli- 
diennes,uranolithes, méléorolithes, etc. 

Le nom de météorites, plus généralement adopté, présente 
Pavantage de ne rien préjuger ni sur l’origine ni sur la nature 
des corps auxquels il s'applique. 

Avant d'entreprendre l’étude des météorites, il convient de 
les bien distinguer de toutesles autres substances qui peuvent 
accidentellement tomber à la surface du sol; et, comme on va 
voir, cette distinction est facile, 

En effet,les circonstances qui accompagnent la chute des 
météorites se reproduisent avec une constance des plus re- 
marquables et qui contraste avec la variété des phénomènes 
qui peuvent faire cortège à la chute des masses non météo- 
ritiques. Nous verrons en outre que la nature minéralogique 
des pierres tombées du ciel ne permet de les confondre avec 
aucune autre substance, et suffit pour indiquer leur origine. 

Les corps terrestres qui accidentellement tombent sur le 
sol sont de nature quelconque. Ils ont été arrachés à leur 
position naturelle, et élevés vers les hautes régions de lat- 
mosphère, puis, au bout d’un certain temps, abandonnés à 
leur propre poids. Les agents qui produisent le plus souvent 
ces transports sont principalement les volcans, les grands 
vents (ouragans) et les trombes. 


ANTILLES, 


OURAGAN AUX 


UN 


56 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


Ces dernières comptent même parmi les causes les plus 
énergiques de transport. On peut se faire une idée de leur 
puissance par l'exemple si souvent cité de la trombe qui, le 
19 août 1845, causa tant de désastres dans le voisinage de 
Rouen, à Monville et à Malaunay. Après avoir détruit trois 
grandes filatures, sous les ruines desquelles les ouvriers 
furent ensevelis, elle transporta jusque auprès de Dieppe, à 
des distances de 2 et 38 kilomètres, des débris de toutes 
sortes, tels que vitres, ardoises, planches, pièces de charpente, 
voyageant par les airs à une telle hauteur, que ceux qui les 
aperçurent crurent voir des feuilles d'arbres. On cite parmi 
ces débris une planche de 40 centimètres de long sur 12 de 
large et 1 d'épaisseur. 

Parmi les transports dus aux grands vents, on mentionne 
surtout les pluies de sable observées loin de tout amas de 
cette substance et, par exemple, en pleine mer. Pareille chose 
arriva entre autres le 7 février 1863 à Ténériffe, dont le pic 
se trouva pendant la nuit véritablement saupoudré d’un 
sable fauve arraché au désert de Sahara, distant de plus dé 
920 kilomètres. 

Enfin, chaque éruption volcanique projette dans les airs des 
quantités plus ou moins considérables de matériaux pulvé- 
rulents, désignés généralement sous le nom de cendres, et 
dont la composition n’a rien de fixe. Si l'air est calme, la 
cendre retombe sur le cône même de la montagne ou dans 
son voisinage, et c’est ainsi qu’en l'an 79 de notre ère eut lieu 
la ruine de Pompéi, ensevelie sous une pluie de cendres 
vomies par le Vésuve ; mais si l’air est agité, et s’il existe dans 
les couches supérieures de l'atmosphère un courant horizon- 
tal suffisamment énergique, les cendres sont entrainées latéra- 
‘Jement. Quand la vitesse du vent supérieur diminue, la cendre 
abandonnée à elle-même tombe sur le sol. Les éruptions 
du Vésuve ont quelquefois couvert Constantinople de cendres, 
ou même certains points de l'Égypte, et les cendres des vol- 


LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 57 
cans d'Islande sont allées fréquemment tomber en Norvège. 
À ces trois causes principales de transport, il faut ajouter 
l'électricité atmosphérique, dont les effets mécaniques ont 
été parfois très remarquables, Arago, dans sa Nolice sur le 
tonnerre, cite plusieurs exemples d’arbres entiers et de 
pierres ainsi transportés ;1l raconte même le cas d’un mur 
pesant environ 26000 kilogrammes, et que la foudre porta 
tout d’une pièce à près de 3 mètres de distance. 

Ces différents agents mécaniques une fois signalés, et les 
matériaux qu'ils transportent une fois écartés, il reste les 
véritables météorites, dont nous allons nous occuper d’une 
manière exclusive. 

Les circonstances qui accompagnent la chute des pierres 
sont remarquablement uniformes. Le phénomène une fois 
décrit d’une manière générale, il n’y a pas de changement 
notable à faire à la description, pour qu’elle s'applique à 
chaque chute prise en particulier. C’est toujours un globe 
de feu qui traverse rapidement l'atmosphère, éclate avec 
un grand fracas et laisse tomber sur le sol un nombre plus 
ou moins considérable de corps solides. 

Le bolide est le globe de feu dont l’arrivée constitue la pre- 
mière phase du phénomène. 

Dans certains cas, ce météore n’a pas été aperçu, mais on 
peut croire que sa présence a été simplement dissimulée, 
soit par l’interposition d'une couche de nuages, soit par le 
voisinage du Soleil qui en a éteint l'éclat. Dans les conditions 
favorables, c’est-à-dire par de belles nuits, l'éclat des globes 
de feu est souvent remarquable ; il n’est pas rare que la lu- 
mière de la Lune en soit complètement effacée. Leur couleur 
est d’ailleurs variable, tantôt rouge, tantôt blanche, et tan- 
tôt changeante. Leur, grosseur apparente, très inégale, est 
parfois supérieure à la grosseur de la lune, et leur hauteur, 
qu'on est arrivé à mesurer dans certains cas, est comparable à 
celle qu’on attribue à la couche atmosphérique. 


58 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 

Les bolides suivent une trajectoire très inclinée et souvent 
sensiblement horizontale; leur vitesse est hors de proportion 
avec toutes celles que nous observons sur la terre. Les 30 à 
60 kilomètres qu’ils parcourent à la seconde suffisent à dé- 
montrer que ce sont des corps planétaires. On sait que Mars 
franchit 24 kilomètres par seconde, et Mercure 48. 


EXPLOSION D'UN BOLIDE ACCOMPAGNANT LA CHUTE DE MÉTÉORITES. 


Dans leur marche rapide, les bolides, comme les locomo- 
tives, laissent derrière eux une traînée vaporeuse, qui souvent 
persiste dans l'atmosphère pendant un temps considérable. 

Après avoir parcouru une trajectoire plus ou moins étendue, 
le globe fait explosion, on le voit se diviser en éclats, et 
l'essaim de corps solides (météorites) dont il se composait 
se précipite dans diverses directions. 

Il faut souvent, à cause de la hauteur du bolide, plusieurs 


LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 59 
minutes pour que le bruit parvienne aux spectateurs : ce 
bruit est formidable. En général, 11 se fait entendre sur une 
très grande étendue de pays. La chute de Laigle (Orne) fut 
précédée d’explosions entendues à 120 kilomètres à la ronde, 
et celle d’Orgueil (14 mai 186%) fut perçue à plus de 360 
kilomètres. D’ailleurs l'explosion est rarement simple : souvent 
on entend deux ou trois détonations, et, à leur suite, des 
roulements plus ou moins forts qui se prolongent plus ou 
moins longtemps. 

C’est après tout cet ensemble de phénomènes que des siffle- 
ments particuliers annoncent l’arrivée des météorites. Les 
Chinois comparent ces sifflements au bruissement d’une étoffe 
qu'on déchire, ou encore à celui des ailes des oies sauvages; 
le bruit d’un obus qui traverse l’air a également de l’analogie 
avec celui dont 1l s’agit. 


La température des météorites au moment de leur chute est 
d'ordinaire trop élevée pour qu’on puisse les toucher avec la 
main. Mais cette température élevée est tout à fait localisée 
à leur surface. Leur intérieur est remarquablement froid. 
Lors de la chute de Dhursalla dans l'Inde (14 juillet 1860), 
une pierre ayant été brisée presque aussitôt après son ar- 
rivée à terre, les témoins furent extrèmement surpris du froid 
intense de ses parties internes. Ce froid est celui de l’espace 
interplanétaire, où la pierre s’en est imprégnée. 

Le nombre des météorites d’une même chute ou d'un 
même bolide est extrêmement variable; il va d’une seule 
pierre à plusieurs milliers. On estime que le bolide de Pul- 
tusk, en Pologne (30 janvier 1868), a fourni cent mille 
pierres; chacune d’elles est complétement enveloppée d’une 
écorce noire, et par conséquent entière, c’est-à-dire telle 
qu'au moment où l'explosion a eu lieu dans l'atmosphère. 

Quand les pierres sont très nombreuses, il y a intérêt à 
voir comment elles se distribuent sur le terrain. M. Daubrée, 


60 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


à l’occasion de la chute d’Orgueil (Tarn-et-Garonne), 14 mai 
186%, a publié une carte qui montre comment les échantillons 
recueillis étaient répartis à la surface du sol. Le bolide se 
mouvait sensiblement de l’ouest vers l’est; les pierres recou- 
vrirent une sorte d’ellipse dont le grand axe avait la même 
orientation. Mais tandis que les fragments les plus volumineux 
parvinrent à l'extrémité orientale de lellipse, les petits tom- 
bèrent à l’ouest et les moyens prirent des positions intermé- 
diaires. De façon que, comme le dit l’auteur, € ce triage a 
été évidemment produit par l’inégale résistance que l'air op- 
posait à ces projectiles selon leur masse, ce qui s'accorde 
avec la supposition qu'ils arrivaient suivant la même direc- 
tion et très rapprochés les uns des autres. » | 

La description de la chute des météorites ne serait pas 
complète si nous ne disions un mot de l'impression profonde 
que le phénomène produit sur les spectateurs. 

Lors de la chute de Saint-Mesmin (Aube), 30 mai 1866, un 
poseur du chemin de fer éprouva une grande frayeur et fut 
saisi d’un frisson qui dura quatre minutes et d’un bourdon- 
nement dans les oreilles qui persista près d’une heure. 

On assure que les animaux eux-mêmes sont très vive- 
ment affectés, avant même que l'explosion se soit fait en- 
tendre. 

Biot en cite plusieurs exemples à propos de l'explosion du 
bolide de Laigle; des faits analogues, sinon plus significatifs 
encore, ont été observés à Boulogne-sur-Mer lors de la chute 
du 20 juin 1866. | 

Ainsi, un témoin assure que son chien, quelques minutes 
avant le phénomène, était tourmenté; qu'il avait la tête en 
l'air à la porte du bureau et qu'il tremblait. C’est en cher- 
chant la cause de ces allures inaccoutumées que le maitre 
aperçut dans le ciel la trainée lumineuse. D’un autre côté, le 
gardien dufanal d’Alpseck assure que peu de temps avant 
l'explosion « ses poules, ses canards et ses pigeons étaient 


LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 6 
rentrés au logis tout aussi précipitamment que s'ils eussent 
été poursuivis par un chien. » 

D'ailleurs, on est parfaitement en droit de n’accorder à ce 
phénomène grandiose qu'une admiration mêlée d’appréhen- 
sion, car plus d’une fois il a été la cause de terribles acci- 
dents. On lit, dans le catalogue dressé par M. Biot fils des 
météorites observés en Chine, qu'une pierre, tombée en 
l'an 616 de notre ère, fracassa un chariot et tua dix hommes. 

Le capitaine hollandais Willmann rapporte qu’étant en mer 
une boule de 4 kilogrammes tua deux hommes en tombant 
sur le pont de son navire qui voguait à pleines voiles. Le fait 
se passait à la fin du xvrr° siècle. Vers la même époque, un 
franciscain fut tué à Milan par une petite pierre. En 1837, un 
assez grand nombre de bœufs furent tués ou blessés à Macao, 
au Brésil, par une pluie de pierres. Nous pourrions multiplier 
ces exemples. 

D'un autre côté, d’après divers récits, des météorites au- 
raient parfois déterminé des incendies. Ainsi, on trouve dans 
les Mémoires de l'Académie de Dijon que, dans la nuit du 
11 au 12 octobre 1761, une maison fut incendiée par la chute 
d'une météorite à Chamblou, en Bourgogne. Les Comptes 
rendus de l’Académie des sciences rapportent de même que, 
le 13 novembre 1835, un brillant météore apparut vers neuf 
heures du soir par un ciel serein, dans l’arrondissement de 
Belley (Ain), éclata près du château de Lauzières et incendia 
une grange couverte de chaume: les remises, les écuries, les 
récoltes, les bestiaux, tout fut brûlé; on ajoute qu’une météo- 
rite fut trouvée sur le théâtre de l’évènement. Cependant il 
n’est pas certain que la pierre dont ils’agit ait été la cause 
du sinistre; et il semble certain que les météorites, quoique 
souvent très chaudes, comme on l’a observé, par exemple, à 
Braunau (14 juillet 1847), n’ont pas d'ordinaire une tempéra- 
ture suffisante pour déterminer l’inflammation des corps sur 
lesquels elles tombent. 


62 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


La liste des accidents causés par les bolides ne serait pas 
complète si nous n’ajoutions qu’ils ont constitué parfois de 
véritables pommes de discorde envoyées du ciel parmi les 
mortels. À propos de deux chutes, l’une à la Bécasse (Indre), 
l’autre en Vendée, les tribunaux ont été saisis de demandes 
en dommages-intérêts, et ont eu à examiner la question de 
savoir à qui devait appartenir la météorite tombée dans un 
champ. L’ouvrier qui y travaillait au moment de la chute et 
le propriétaire du champ se la disputaient. Les tribunaux 
ont, dans les deux cas, donné raison au propriétaire du 
champ. 

Cependant, tout en nous inclinant devant cette décision 
avec tout le respect dû à la chose jugée, nous pouvons nous 
étonner d’une semblable solution. Qu’auraient dit en effet 
ces mêmes propriétaires, si empressés à faire valoir leurs 
titres, si des ouvriers salariés par eux eussent été tués sur 
le terrain par les pierres objet du litige et si les familles de 
ces malheureux avaient réclamé des dommages-intérêts à ceux 
pour le compte desquels ils travaillaient? Tout droit implique 
des devoirs; si l’on se refuse à accepter des charges même 
aléatoires qui découlent de l'exercice d’un droit, ne doit-on 
pas renoncer à ce droit même? C’est ce à quoi sans doute on 
n’a pas assez songé dans la circonstance. 

La chute des météorites est loin d’être rare et date de la 
plus haute antiquité. Les populations primitives, frappées de 
son imposant cortège d’éclairs et de détonations, n’ont pas 
manqué d’en faire entrer la description dans leurs légendes. 

Elle joue même dans les traditions un rôle si grand, qu’on 
lui a rattaché des phénomènes qui n’ont rien de commun avec 
elle : par exemple, la dispersion à la surface de la Crau des in- 
nombrables galets qui la recouvrent, et ce fait dont témoigne 
le passage suivant du Prométhée délivré : 

« Te faire une arme des pierres du chemin, il n’y faut pas 
compter; tout le pays n’est que terre molle. Mais, en voyant 


* 


LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 63 
ta perplexité, Zeus te prendra en pitié, et grâce à lui, de la 
nuée entr’ouverte, ce sera une grêle de galets à couvrir la 
terre. Avec eux, sans peine, tu accableras l’armée des Ligures. » 

Certains épisodes des grandes épopées scandinaves (de la 
Voluspa et de l'Edda Junior) sont ainsi résumés par M. Mo- 
reau de Jonnés : 

«Le chemin de la lune gronde sous le char de Thor, le dieu 
du tonnerre... Les régions aériennes s’enflamment, le ciel 
brûle au-dessus des hommes... Des yeux ronds semblables à 
des lunes sont formés par les flammes dans les cieux, la terre 
se déchire, les roches se détachent, et le sol est couvert d’une 
grêle. » 

Et quoique le savant auteur oublie d’en faire la remarque, 
il est impossible de ne pas voir dans ce récit une description 
de chutes météoritiques. 

«Ailleurs, ajoute M. Moreau de Jonnès, les poèmes runiques 
comparent la foudre lancée par Thor à une masse de fer brû- 
lante. » Et cela achève de compléter la ressemblance, 

Non seulement les anciens ont décrit des chutes de météo- 
rites, mais les peuples primitifs ont dû souvent utiliser les 
produits de ces chutes. 

«C'est sans doute donner une interprétation plausible de l’a- 
necdote mythologique, qui nous montre le maître des dieux 
envoyant un secours de flèches aux combattants qu’il veut fa- 
voriser,que d'y voir l'indication de ce fait que des masses mé- 
talliques tombées des nues, avec accompagnement d’éclairs et 
de tonnerre, ont été employées à faire des flèches. La fable qui 
représente les cyclopes forgeant la foudre témoigne égale- 
ment de l'emploi primitif du fer météorique ; par cela seul, en 
effet, que le métal, si inévitablement identifié avec la foudre, 
est considéré comme un produit de la forge, il est évident 
qu'on savait qu'il pouvait être forgé. Des forgerons mettant 
en œuvre du fer tombé d’en haut auront donné lieu à cette 
fable, et l’origine céleste des premiers matériaux de leur in- 


64 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 

dustrie peut n’ètre pas étrangère au caractère sacré que les 
traditions nous montrent avoir appartenu, à l'OHEUES aux ou- 
vriers qui travaillent le fer. » 

A des époques moins reculées,les historiens grecs, romains 
ctautres, ont enregistré avec beaucoup de soin d'innombrables 
chutes de météorites : Pindare, Plutarque, Tite-Live, Pline, 
Valère-Maxime, Julius Obsequens, César, Ammien Marcellin, 
Photius, Mézeray, Avicenne, Sauval, etc., en mentionnent des 
exemples. 

Mème plusieurs pierres météoriques furent élevées au rang 
de divinités. Témoin celle qui était adorée sous le nom d’Éla- 
gabale chez les Phéniciens, de Cybèle ou de mère des Dieux 
chez les Phrygiens, de Jupiter Ammon dans la Libye, et qui, 
10% ans avant notre ère, fut transportée à Rome, où elle devint 
l’objet d’un culte particulier. 

Une autre pierre, tombée près du temple de Delphes, passait 
pour avoir été rejetée par Saturne ; une autre, tombée à Abydos, 
en Asie Mineure, était conservée dans le gymnase de cette ville ; 
une autre, tombée à Posidée, en Macédoine, étant regardée 
comme d’un favorable augure, y avait attiré une puissante 
colonie. On dit que la pierre noire de la mosquée de la Mecque 
est une météorite. On voyait encoreen 1789, dans l’église même 
de la petite ville d’Ensisheim, en Alsace, une grosse pierre 
tombée au xv° siècle, devant Maximitien, empereur d’Alle- 
magne. 

Il n’est d’ailleurs pas besoin de remonter dans le passé pour 
sisnaler des croyances de ce genre. Entre mille exemples 
qu’on en pourrait citer, nous rapporterons, d'après M. Hart- 
mann, que chez les nègres Ashantis les prêtres présentent au 
peuple des météorites comme le principalemblème de la divi- 
nité. On trouve des traces de superstitions semblables chez des 
populations qui n’ont rien de commun avec les nègres. Ainsi 


1. Le Ciel géologique, par M. Stanislas Meunier, p. 135. 


LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 65 
durant l'expédition du Mexique, nos soldats trouvèrent, en- 
châssé dans le mur de la petite église de Charcas, un fer 
tombé du ciel à une époque inconnue. Ce bloc était l'objet 
de dévotions assidues et rapportait de beaux bénéfices à la 
fabrique. Les dames mexicaines se distinguaient surtout par 
leur empressement à en faire l’objet de leurs offrandes. Ne 
s'imaginaient-elles pas que cette masse, dont la forme rappelle 
celle des bornes sacrées de l'Inde, possédait le pouvoir de les 
soustraire aux horreurs de la stérilité”? 

Il n’est pas nécessaire, à la rigueur, de traverser l’Atlan- 
tique pour rencontrer des croyances aussi absurdes que celle 
qui vient d’être signalée. En France, l’année dernière, des 
paysans qualifiant de champ maudit une pièce de terre où 
était tombée une météorite, s’en sont écartés avec eflroi pen- 
dant plusieurs jours. 

Il ne nous vient guère d'échantillons météoritiques que les 
amis des sciences ne soient obligés d’user de ruse ou d'adresse 
pour en opérer le sauvetage. Tantôt nos paysans sont per- 
suadés que les pierres portent malheur, et alors ils veulent 
les détruire ; tantôt ils pensent au contraire que leur posses- 
sion est un gage de prospérité, et dans ce cas, pour se les 
partager, ils les brisent en petits éclats. 

Ce qu'il faut leur faire savoir, c’est que ces pierres portent 
bonheur, mais en ce sens qu’on les paye fort.cher au Jardin 
des Plantes, et qu’on yles paye d'autant plus qu’elles ont subi 
moins de détériorations. 

Malgré des témoignages innombrables, contre-signés sou- 
vent des noms les plus illustres, les savants, jusqu’à la fin du 
xvur siècle, rejetèrent ce phénomène sans seulement l’exa- 
miner, et ne virent dans tous ces faits qu’une preuve de plus 
« de la crédulité du bas peuple ». 

Nous n’inventons rien. 

Voicicomment,en1768, s'exprimait dans un rapport à l'Aca- 


démie l’immortel Lavoisier, au sujet d’une chute observée tout 
PLANETE QUE NOUS HABITONS. D 


66 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


récemment dans le Maine, avec la plus vive émotion, par la 
population de Lucé : «L'opinion qui nous parait la plus pro- 
bable, celle qui cadre le mieux avec les principes reçus en 
physique, avec les faits rapportés par les témoins, et avec nos 
propres expériences, c’est que cette pierre (un échantillon de 
météorite), qui peut-être était couverte d’un peu de terre et de 
gazon, aura été frappée par la foudre, et qu’elle auraété mise 
en évidence. » 

La réprobation prononcée par Lavoisier fut acceptée par 
tous comme un article de foi. Un exemple prouve tout le cré- 
dit dont jouissait au point de vue scientifique l’ancien fer- 
micr général. En juillet 1790 Saint-Amans, professeur à l’école 
centrale d'Agen, reçut avis qu’à Barbotan (Landes) des pierres 
étaient tombées du ciel en grand nombre. On parlait de lap- 
parition en même temps, vers dix heures du soir, d’une lu- 
mière des plus brillantes avec accompagnement de détona- 
tions épouvantables. Quant aux pierres tombées sur le sable 
fin de la lande, ajoutait-on, elles n’y seraient pas restées 
deux jours sans attirer l'attention si quelqu'un les avait ap- 
portées avant le phénomène. Il était impossible d’être plus 
précis et plus complet. | 

Malsré ce luxe de détails, l’opinion, grâce au rapport de 
Lavoisier, était si bien faite que Saint-Amans n’y vit que l’oc- 
casion de se livrer à des gorges chaudes avec son ami Ber- 
thollon ; et c’est lui-même qui, avec une loyauté dont on doit 
lui tenir compte, s’en accusa plus tard. Pour augmenter le di- 
vertissement qu'il tirait dece « conte fait à plaisir », ne trouva- 
t-il pas plaisant de faire constater une pareille absurdité par 
un acte authentique et de demander sur les lieux un procès- 
verbal de la chute des pierres et la liste de ceux quien avaient 
été témoins? 

Le procès-verbal arriva. Contre l'attente du savant on y 
avait annexé une note d’où il résultait que trois cents per- 
sonnes pouvaient rendre témoignage de l'authenticité du fait. 


Dm 


LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 67 

Berthollon fit insérer le tout dans son Journal des Sciences 
utiles publié à Montpellier. I fit d’ailleurs suivre cette rela- 
tion des commentaires les plus méprisants au sujet de la 
crédulité des paysans. 

Mais voici qui paraitra plus fort. En 1802, Pictet, passant à 
Paris, présenta à l’Académie des sciences un mémoire dans 
lequel il concluait à la réalité du phénomène. Son auditoire 
était si mal disposé que, suivant l'expression d’un historien, 
il lui fallut un vrai courage pour achever sa lecture. Or il est 
à remarquer que Pictet arrivait d'Angleterre où, grâce à la 
discussion des témoignages arrivés de Bénarès en 1798, grâce 
surtout aux analyses de météorites exécutées par Howard, 
l'opinion était désormais fixée. 

Le verdict de l’Académie n’empêcha cependant pas les 
pierres de tomber, et l’époque parait même avoir été parti- 
culièrement fertile en chutes. 

Enfin, la chute observée en 1803, dans l'Orne, contraignit 
les physiciens à prendre enfin en considération le témoignage 
des paysans, et l’on vit un membre de Pfnstitut, Biot, aller 
demander aux villageois des environs de Laigle de faire son 
éducation et celle de l’Académie sur un des chapitres les plus 
importants de la physique du monde. 

Si l’on peut s'étonner de la lenteur que mit l'Académie à 
s'informer du phénomène, on ne doit pas manquer de rendre 
hommage à la méthode essentiellement scientifique suivie par 
Biot dans son enquête. Lorsqu'on lit son admirable Relation, 
on est frappé de sa précision. Sa plus grande crainte est de 
se former trop tôt une opinion qui l'empêche de discerner 
la vérité. Et sa conduite en cette affaire est d’un si grand 
exemple pour ceux qui ont le goût des sciences, que nous 
croyons devoir la montrer avec quelques détails. 

Il ne se rendit pas directement à Laigle. Il nous dit 
pourquoi : 

« Si l’explosion du météore avait réellement été aussi vio- 


68 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


lente qu’on nous l’annonçait, on devait en avoir entendu le 
bruit à une très grande distance. Il était donc conforme 
aux règles de la critique de prendre d’abord des informations 
dans des lieux éloignés sur ce bruit extraordinaire, sur le 
jour et l'heure auxquels on Pavait entendu, d'en suivre la 
direction, et de me laisser conduire par les témoignages jus- 
qu’à l'endroit même où le météore avait éclaté. » 

Guidé par ces considérations, l’académicien se rendit à 
Alençon, qui est situé à 15 lieues au sud-ouest de la ville 
de Laigle. 

Les renseignements ne tardèrent pas : le courrier de Brest 
à Paris lui dit que le mardi 6 floréal (26 avril), à neuf lieues 
d'Alençon, il vit dans le ciel un globe de feu qui parut par 
un temps serein du côlé de Mortagne, et sembla tomber 
vers le nord. Quelques instants après on entendit un grand 
bruit semblable à celui du tonnerre. L'heure était celle de 
midi trois quarts. Par la marche de ce globe de feu, par 
le bruit, et surtout par l'heure, M. Biot jugea que c'était 
le commencement du météore de Laigle. 

A Alençon, le bruit de la ville n'avait pas permis de per- 
cevoir celui du bolide. 

A Séez, à Nonant, au Merlerault, tous les habitants ques- 
tionnés furent unanimes dans la description du phéno- 
mène : globe lumineux et bruit. 

Du Merlerault, Biot se rendit à Sainte-Gauburge, Chemin 
faisant il interrogea une foule de paysans. 

Un petit chaudronnier de dix à douze ans, qui faisait 
route avec sa tôle et ses outils sur le dos, écoutait une 
femme du pays à qui l’académicien demandait des détails 
de l'explosion. « Oh! monsieur, dit l'enfant, on l’a entendue 
beaucoup plus loin; on l’a entendue à trois lieues d’A- 
vranches. — Vous avez donc oui dire cela ? — Monsieur, Je le 
sais mieux que par oui-dire, puis que j'y étais. » Il y a 36 
lieues d’Avranches à Laigle. 


4 


LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 69 

Dans le village de Sainte-Gauburge, à quatre lieues ouest- 
sud-ouest de Laigle, tout le monde avait entendu l'explosion. 
Il n’y était pas Lombé de pierres, mais on avait entendu parler 
de celles qui étaient tombées près de Laigle, et plusieurs ha- 
bitants en possédaient des échantillons. M. Biot avait em- 
porté de Paris une pierre qu’on disait être tombée du ciel à 
Barbotan, près Roquefort, en 1790, et la montra à l'un de 
ces collectionneurs, qui la reconnut aussitôt pour être tombée 
du ciel; celui-ci ayant ensuite exhibé sa pierre qui pesait 
environ une livre, elle se trouva en tout semblable à celle 
de Barbotan. 

Il n’était pas tombé de pierres à Laigle même, mais un ha- 
bitant, M. Humphroy, beau-frère de Leblond, membre de PA- 
cadémic des sciences, parla à Biot d’une masse pesant 8k,56 
qui avait été ramassée à la Vassolerie, village situé à une lieue 
de Laigle. M. Humphroy, qui s'était transporté sur les lieux le 
jour même de l’évènement, avait vu les paysans encore as- 
semblés autour du trou que la pierre avait fait en tombant. 
Ce trou, que Biot vit aussi, était profond de 50 centimètres; 
la terre avait été lancée à plus de 4*,86 de distance. M. Biot 
recueillit les témoignages des enfants qui avaient vu tomber 
à vingt pas d'eux, et à leur grande épouvante, la masse 
métécritique. 

La chute était bien constatée. Il restait à l’académicien à 
prendre des renseignements propres à lui faire connaître la 
route que le météore avait suivie, et l'étendue du pays sur 
lequel il paraissait avoir éclaté. 

Nous n’avons pas le loisir de le suivre dans cette seconde 
série de recherches; elle ne fut pas moins intéressante que 
la première; et Biot rapporta du département de l’Orne un 
grand nombre de pierres météoritiques, qui furent déposées 
au Muséum d'histoire naturelle, où on peut les voir encore. 


Pendant fort longtemps, les météorites ont paru à ceux qui 


70 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


s’en occupaient toutes identiques entre elles ou du moins peu 
différentes les unes des autres. Cette opinion, pour le dire en 
passant, a même été fort utile pour amener les savants à 
reconnaître la réalité du phénomène qui nous occupe :de ce 
que les pierres étaient toutes semblables, on en concluait plus 
aisément que leur origine était commune. Aujourd’hui, au 
contraire, il est reconnu qu’il existe autant de variétés entre 
les météorites qu’entre les rochesterrestres, et l’on en est même 
arrivé à ce point que leurs caractères communs se bornent à 
fort peu de chose. 

Ce qui frappe tout d’abord quand on regarde les météo- 
rites, c’est l’irrégularité de leur forme extérieure.Leursangles, 
sans doute vifs à l’origine, sont émoussés comme par l'effet 
d’un frottement énergique ou longtemps continué; l’analogie 
de leurs formes avec celles des blocs de roches terrestres qui 
ont subi des actions analogues se reconnait à première vue. 

Un second caractère général des météorites consiste dans 
l'existence d’une écorce noire, extrêmement mince. Cetteécorce 
n’est pas identique dans toutes les météorites. Ordinairement 
d’un noir mat, elle est très luisante chez certaines pierres que 
nous citerons tout à l'heure, et même une météorite tombée 
en 1843 à Bishopville aux États-Unis offre une croûte luisante 
et presque blanche. 

A part ces deux caractères, forme fragmentaire et surface 
vernissée, les masses qui tombent du ciel n’offrent rien de 
général; nous constaterons même entre elles de profondes 
différences. 

Certaines roches météoritiques à peu près dépourvues d’a- 
nalogues parmi les roches terrestressont composées de fer mé- 
tallique compact. On les désigne depuis longtemps sous le 
nom de fers méléoriques, et par opposition d’autres sont appe- 
lées pierres méléoriques. Entre ces deux termes extrêmes, les 
fers et les pierres, on trouve des masses qui établissent des 
transitions presque insensibles. 


LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 71 


Le fait de la présence ou de l'absence du fer métallique 
paraît être le meilleur caractère pour faire les grandes divisions 
parmi les météorites, quoique, en examinant les choses de 
près, on reconnaisse que les pierres absolument dépourvues 
de fer sont extraordinairement rares. La plupart des météo- 
rites contiennent du fer et de la pierre en proportions d’ail- 
leurs extrêmement variables. Mais la situation relative de ces 
minéraux es! loin d’être toujours la même. Tantôt la pierre est 
à l’état de grains englobés dans le fer, tantôt, au contraire, 
le métal est en grenailles disséminées dans la pierre. 

Les fers météoriques constituent des roches très singulières, 
non seulement en comparaison des roches terrestres, mais 
même par rapport aux autres météorites. 

Is sont formés d’un métal compact tout à fait pareil pour 
l'aspect et les principales propriétés physiques à l’acier le 
mieux fabriqué. 

La chute de ces fers est beaucoup plus rare que celle des 
autres météorites. Depuis plus de cent vingt années on n’a 
observé dans l’Europe entière que quatre chutes de fers et 
même l’une de ces chutes est douteuse. Elles ont eu lieu à 
Hraschina, près d’Agram, en Croatie, le 26 mai 1751 ; à Bau- 
fremont, dans les Vosges, en 1842 (c’est celle-ci qui est dou- 
teuse); à Braunau, en Bohême, le 14 juillet 1847; enfin à 
Tabarz, en Thuringe, le 18 octobre 1854. 

Cette rareté contraste avec le nombre relativement très 
grand des chutes de pierres. Pendant ces mêmes cent vingt 
années on a compté en Europe plus de 190 pluies de 
pierres dont plusieurs se composaient de milliers de météo- 
rites. 

On n’en a pas moins trouvé à lasurface du globe un nombre 
considérable de blocs métalliques qui sont évidemment d’ori- 
gine météoritique. Quoique leur chute n’ait pas eu de témoins, 
onles reconnaitcomme météoritiques, avec autant de certitude 
que si on les avait vus tomber, à tout un ensemble de carac- 


12 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


tères qu'aucune roche terrestre ne présente et que nous allons 
faire connaître. 

La composition des fers météoriques n’est pas aussi simple 
qu'on pourrait le croire, et contraste sous ce rapport avec 
celle de l'acier. Il est vrai que l'analyse chimique donne des 
résultats en général peu compliqués, mails, comme on va le 
voir, ils ne rendent pas compte de la nature spéciale de cha- 
que fer. Ainsi, M. Rivot, analysant le célèbre fer de Caille, sur 
lequel nous reviendrons dans un moment, y a trouvé : 


LS OO none ob toie Dn Dore 93 
NICKEL RTS AE GE eee ER Re es PAR 6,2 
SihCiumMs: 2027 AAA -ANNrAN SE tete 0,9 
Cobalt, Chrome Ce HTC Lecce oies traces 
100,4 


Ces nombres fournissent des notions évidemment très 
utiles, mais très incomplètes. Un coup d'œil suffit en effet 
pour montrer que le fer analysé n’est pas un minéral défini, 
semblable à lui-même dans toutes ses parties; mais que, 
comme la plupart des roches, il consiste dans le mélange 
de plusieurs minéraux différents. Outre le fer nickelé qui en 
constitue la masse principale, on y voit de gros rognons cy- 
lindroïdes d’une matière spéciale appelée troilite, qui est 
formée d’un sulfure double de fer et de nickel. Sous l’in- 
fluence des agents atmosphériques, ce sulfure très atta- 
quable disparaît peu à peu et laisse vide la place qu'il oc- 
cupait; c’est pour cela que le gros échantillon de Caille 
exposé dans la collection du Muséum et dont voici une repro- 
duction est tout lardé de cavités cylindroïdes que pendant 
longtemps on a crues forées artificiellement. Autour de la 
troïlite on reconnait des couches concentriques de graphile 
tout à fait analogue à la mine de plomb et qui pourrait 
comme elle servir à la fabrication de crayons. Enfin, dans 
certaines régions, on reconnaît des amas d’une matière mé- 
tallique appelée schreibersite, qui est formée par la combi- 


LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 73 

naison du phosphore avec le fer, le nickel et le magnésium. 
Ce n’est pas encore tout. Le fer nickelé, que nous considé- 
rons comme simple, est lui-même fort complexe. Une expé- 
rience très Imgénieuse, imaginée par le physicien Widmans- 
tætten, montre qu'il consiste dans l’assemblage de lamelles 
formées d’alliages définis, mais différents les uns des autres. 


Pour faire l’expérience de Widmanstætten, on produit sur 


LE FER MÉTÉORIQUE DE CAILLE EXPOSÉ DANS LA GALERIE 
DE GÉOLOGIE DU MUSÉUM. 


un fer une surface plane, puis on la polit avec soin et, cela 
fait, on la soumet à l’action d’un acide, de l’acide chlorhy- 
drique par exemple. Au lieu de s'attaquer uniformément 
comme ferait du fer terrestre, le métal céleste laisse appa- 
raître un réseau admirablement dessiné, qui doit son origine 
à ce que divers alliages, inégalement attaquables, occupent, 
les uns vis-à-vis des autres, des situations très régulières. 
En poussant l'attaque à un degré convenable, la surface 


74 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


primitivement lisse du fer se transforme en un véritable 
cliché dont on peut tirer des épreuves comme d’une planche 
gravée. Les divers alliages associés dans la figure de Wid- 
manstætten sont, comme nous venons de le dire, parfai- 
tement définis : on a pu les isoler, les purifier, les analyser, 
et c’est alors seulement qu’il a été possible de classer les 
fers météoriques. On a vu ainsi, par exemple, les soixante-dix 
chutes de fer météorique que possède le Muséum se répartir 
entre onze types parfaitement définis, dont.chacun a pu consé- 
quemment se présenter à diverses reprises. 

Nous insistons sur celte dernière remarque qui reviendra 
pour d’autres météorites, et sera fertile en enseignements. 
Pour montrer comment des fers de chutes différentes peuvent 
être rigoureusement identiques, il suffira de dire que préci- 
sément les trois plus gros blocs de notre grande collection 
nalionale, qui proviennent, comme on va le voir, de localités 
très différentes, appartiennent à un même tvpe. 

Le moins volumineux, pesant 104 kilogrammes.et remar- 


La 


quable par sa forme conique, a été découvert au Chili en 
1866. | 

Cest don Lisara Fonseca qui la rencontra sur l’un des 
sommets des andes chiliennes près de Juncal, dont on a une 
représentation sous les veux. 

Don Lisara explorait la montagne en quête de gîtes métal- 
lifères. Rien n'avait pu l'arrêter ; ni les chaleurs de lété si 
redoutables dans ces régions élevées de 3000 mètres au- 
dessus du niveau de la mer, ni la sècheresse qui était telle, que 
les ongles se brisaient comme du verre et que l’épiderme se 
fendillait. La caravane, composée au départ de vingt-cinq 
mules etde plusieurs mineurs, avait été décimée par lasoif, par 
la fatigue, par la maladie, et il ne restait plus que quatorze 
bêtes chancelant de besoin. Si l’on excepte le chef de l’expédi- 
tion, tous les hommes semblaient à bout de force et de cou- 
rage. 


FER MÉTÉORIQUE, 


ÉCOUVERT UN 


FONSECA A DECO 


ENVIRONS DE JUNCAL OU LINARA 


LES 


16 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 

A la vue de l'échantillon minéralogique, l’ardeur renaît et 
l’on décide qu’on le descendra, coûte que coûte, dans la plaine, 
bien que 104 kilogrammes soient en semblable occurrence de 
quelque considération. A force d’héroïsme, on vient à bout de 
cette tâche et le bloc arrive enfin à Nantoco. 

On s’imaginera peut-être, d’après ce récit, que don Lisara 
Fonseca est un minéralogiste déterminé; qu’il porte aux mé- 
téorites un grand intérêt, et qu’à ce titre 1l a droit à la recon- 
naissance de tous ceux qui cultivént les sciences naturelles. 
Hélas ! il faut détruire une opinion siflatteuse pour lexplora- 
teur chilien. La vérité est que, si notre homme n'avait pas 
vécu dans une bienheureuse ignorance à l'égard des pierres 
tombées du ciel, si seulement il avait In un livre tel que celui- 
ci, la belle masse qu'on peut admirer au Muséum gésirait 
encore dans sa solitude desséchée. Don Lisara Fonseca ne 
l'en a tirée, en effectuant un prodige de transport, que parce 
qu'à la suite d’un examen très sommaire il avait pris cette 
masse de fer pour un bloc d'argent massif, annonçant dans le 
voisinage l’existence de précieux filons métalliques. 

La seconde masse de fer météorique du Muséum (la seconde 
quant au poids) a été découverte en 1828 par Brard à la porte 
de l’église du petit village de Caille (alors Var, aujourd’hui 
Alpes-Maritimes).On la connaissait dans le pays sous le nom 
de la pierre de fer, et l’on racontait qu’elle avait été trouvée, 
deux cents ans auparavant, sur la montagne voisine d’Audi- 
bert à la suite d’un violent orage. Elle pèse 540 kilogrammes, 
et nous venons d'en donner l’image. 

Enfin la plus grosse de toutes, du poids de 780kilogrammes, 
a été rapportée de Charcas (Mexique) en 1866 par notre armée. 
Nous l'avons déjà citée à proposdes superstitions dont elle était 
l’objet. 

Une seconde division parmi les méléorites concerne des 
masses qui consistent en fers renfermant çà el là des grains 
pierreux. Certains fers proprement dits, renfermant à l’état 


_# 


V 


LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 17 
microscopique des cristaux de nature pierreuse, établissent 
entre cette division et la précédente une transition insensible: 
tel est le fer trouvé à Tuczon, au Mexique, en 1846, qui con- 
tient plus de » pour 100 de petits cristaux de péridot dissé- 
minés dans sa masse. 

Les échantillons de la seconde division sont beaucoup moins 
nombreux que les fers proprement dits. Leur portion métal- 
lique se prète à l'expérience de Widmanstætten et l’on reconnait 


- souvent alors qu’elle consiste en divers alliages qui encadrent 


les grains pierreux. Ce point est très important, comme on 
verra plus loin, en ce qui concerne l’origine de ces masses. La 
nature des grains pierreux est variable suivant les cas, et leur 
étude est très Instructive. 

L'une des plus célèbres météorites de cegroupe est celle que 
l’on appelle le fer de Pallas. Cest comme une éponge de fer 
dont les vacuoles sont remplies de cristaux parfaitement nets 
du minéral appelé péridot. Le fer de Pallas fut trouvé en 1776, 
par Pillustre naturaliste russe dont il porte le nom, à Krasno- 
Jarsk, en Sibérie, où Pavait apporté peu de temps auparavant 
un Cosaque forgeron quil’avait découvert sur une haute mon- 
tagne de lIénisséi. Son apparence, absolument différente de 
celle des roches du pays, avait conduit les habitants à lui 
altribuer des vertus et une origine surnaturelles. Cet échan- 
üllon pesait 700 kilogrammes, et l’on peut voir au Muséum un 
moulage en carton reproduisant sa forme originelle; mais 
l'original a été débilé en un nombre immense d'échantillons, 
répartis entre les diverses collections du monde. 

Parmi les autres masses faisant partie du même groupe, 
nous devons en citer deux particulièrement instructives, 
comme on verra plus loin, relativement à l’origine des météo- 


_riles. 


L’une provient du désert d’Atacama, au Chili. A première 
vue, elle ressemble beaucoup au fer de Pallas, et sa partie 
métallique est mêmeidentique à celle de celui-ci, mais la por- 


78 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 

tion pierreuse en diffère tout à fait, puisque, au lieu d’être 
formée par des cristaux de péridot, elle consiste en fragments 
anguleux d’une roche appelée dunite, quise compose de péri- 
dot granulaire associé à du fer chromé. 

La seconde masse vient aussi du Chili, mais de la Cordillère 
de Déesa, près de Santiago. Elle présente des caractères toutà 
fait exceptionnels. Sa portion métallique, quoique de même 
composition que le fer de Caille, ne donne pas par les acides 
les figures de Widmannstætten;sa portion pierreuse consiste 
en fragments irréguliers d'une roche noire très dure et de 
composition très complexe. Le fer de Déesa joue un très 


LE FER DE PALLAS. 


grand rôle dans ce que nous appellerons la géologie des 
méléoriles. 

Les pierres météoriques les plusnombreuses sont caractéri- 
sées par l'existence du fer nickelé en grenailles disséminées 
au milieu d’une gangue pierreuse. 

La proportion relative du fer et de la pierre est extrème- 
ment variable. Parmi les masses dans lesquelles le fer est le 
plus abondant, il faut citer celles que l’on a recueillies en très 
erand nombre dans la sierra de Ghaco, en Bolivie, et qui, 
par parenthèse, sont parfaitement identiques à la météorite 
tombée devant de nombreux témoins, le 4 juillet 1842, à 
Logrono, près de Baréa, en Espagne. La portion pierreuse 


LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 19 
consiste en cristaux ou en fragments de péridot et de py- 
roxène ; les grenailles, parfois très volumineuses, ont sensi- 
blement la composition du fer de Caille, et donnent comme 
lui, par les acides, de très belles figures de Widmannstætten. 
Les grenailles métalliques et les grains pierreux sont d’ail- 
leurs cimentés par un très fin réseau métallique. 

Mais en général les pierres météoriques ne renferment le 
fer qu’en grenailles très petites. Leurs types sont beaucoup 
trop nombreux pour que nous songions à les mentionner 
tous ; il suffira de citer les principaux. 

Certaines de ces météorites se distinguent tout de suite 


MÉTÉORITE DE LA SIERRA DE CHACO. 


par leur couleur noire. En tête se place la masse tombée le 
9 juin 1867, à Tadjéra, près de Sétif, en Algérie, et dont la 
trajectoire était, comme nous l'avons dit, tellement inclinée, 
qu’en arrivant l'épave céleste creusa sur le sol un sillon de 
plus d’un kilomètre de longueur. Cette roche est pour nous 
très intéressante, à cause des actions géologiques que son 
étude nous révèlera. 

On peut faire la même remarque à l’égard de la météorite 
tombée le 24 mars 1857 à Stavropol, sur le versant sud du 
Caucase. Elle ne diffère de la précédente que par sa structure 
oolithique , c’est-à-dire composée de petites boules juxta- 
posées. 


80 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


Une pierre tombée le 24 mars 1857 à Renazzo, en Italie, 
est noire aussi et globulaire; mais sa nature minéralogique 
est toute différente, ainsi que son aspect qui est vitreux 
et rappelle un peu les obsidiennes des volcans. 

Il y a des météorites qui, sans être noires, sont cependant 
de couleur foncée. Du nombre sont la pierre tombée le 
11 juillet 1868, à Ornans, dans le Doubs, complètement ooli- 
thique, et si friable, qu’elle tache les doigts; et les pierres 
tombées à Lancé, près Authon (Loir-et-Cher), le 24 juillet 
1872. 

Les couleurs sombres sous forme de marbrures se re- 
trouvent dans certaines météorites dont le type est fourni 
par celle de Chantonnay, en Vendée (5 août 1812). Ces 
pierres marbrées ont un très grand intérêt au point de vue 
oéologique, leur composition est sensiblement celle des 
pierres d’un gris clair dont il nous reste à parler. 

Celles-ci sont si fréquentes, qu’on les avait réunies sous le 
nom, aujourd'hui abandonné, de prerres du type commun. 
En les examinant de près, on voit cependant qü'elles sont 
loin d’être identiques entre elles. Au point de vue de la struc- 
ture, on peut les ranger en trois catégories. 

D'abord voici les très nombreuses météorites dont celles 
d'Aumale, Algérie (25 août 1859), et de Lucé, Sarthe (13 sep- 
tembre 1768), forment les types. Celles-ci sont uniformément 
compactes : les premières à la façon de certains calcaires, les 
autres comme nos trachytes. 

D'ailleurs, pour la composition, elles s’écartent également 
de ces deux roches, étant formées surtout de silicates ma- 
onésiens. 

Une deuxième catégorie comprend les pierres grises dont 
la structure est oolthique. Le type qui appartient à la chute 
de Montréjeau (Haute-Garonne), 9 décembre 1858, s'est 
représenté à maintes reprises. La composition est analogue 
à celle des roches précédentes. 


LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL, 81 


Enfin un dernier groupe est formé de masses sur lesquelles 
nous reviendrons longuement et qui sont bréchoïdes, c’est-4- 
dire composées de fragments ressoudés les uns avec les autres, 
Nous pouvons citer les pierres de Saint-Mesmin, Aube (mai 
1866), de Canellas, Espagne (14 mai 1861), de Parnallée, 
Indes anglaises (28 février 1857), mais sans en rien dire de 
plus pour le moment. 

A la suite de ces diverses météorites, il faut citer celles où 
le fer estsi peu abondant qu’on n’en décèle la présence qu’au 
moven d'expériences spéciales. 

Parmi celles-ci, nous mentionnerons une dernière pierre 
peu riche en fer et tout à fait exceptionnelle comme nous 
l'avons déjà dit par la croûte presque blanche qui l'enveloppe. 
C’est la pierre dont on a observé la chute, le 25 mars 1843, à 
Bishopville, aux États-Unis. A l’intérieur elle est d’une blan- 
cheur de lail et consiste en une variété particulière de 
pyroxène. 


Les pierres météoriques dépourvues de grenailles métal- 
liques diffèrent complètement de toutes les masses qui précè- 
dent et offrent avec les roches terrestres beaucoup de ressem- 
blance. 

Elles sont remarquables avant tout par l'éclat de la croûte 
qui les enveloppe. Cette croûte doit son brillant à l'extrême 
fusibilité dont jouissaient au moment de leur entrée dans 
l'atmosphère les substances qui l’ont formée. Dans certains 
cas la matière de la croûte a ruisselé pendant le passage des 
pierres dans l’air, et a produit des bourrelets qui permettent 
de se représenter la position du projectile à son arrivée sur la 
Terre. 

Au point de vue minéralogique, plusieurs de ces météorites 
se présentent comme identiques à certaines laves terrestres, 
par exemple à celles du volean de Thjorzà, en Islande. Parmi 


les météorites de cette sorte, deux sont françaises : l’une est 
PLANÈTE QUE NOUS HABITONS,. 6 


82 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


tombée en 1819 à Jonzac, dans la Charente, et l’autre à Juvi- 
nas, dans l'Ardèche, en 1821. 

La pierre tombée à Igast, en Livonie, le 17 mai 1855, est 
tout à fait exceptionnelle. N’était la présence d’un peu de fer 
nickelé, cette météorite serait absolument pareille à certaines 
roches caractéristiques de nos volcans terrestres. Sa struc- 
ture scoriacée et sa composition minéralogique, qui consiste 


LA MÉTÉORITE DE JUVINAS. 


dans le mélange du feldspath orthose avec le quartz ou cristal 
de roche, en font une véritable pierre ponce. 

Nous reviendrons plus loin sur cette pierre, dont l'étude 
est très instructive. 

La météorite de Chassigny, Haute-Marne (15 janvier 1815), 
est à rapprocher des précédentes; elle reproduit également 
une roche terrestre, la dunite, déjà citée, et qui nous occupera 
plus loin. Cette méléorite, dont la croûte est terne, comme celle 
des pierres ordinaires, est formée par l'association du péridot 
avec le fer chromé. 

Certaines météorites privées de fer sont colorées en noir par 


LES PIERRES TOMBÉES DU CIEL. 83 
une forte proportion de charbon libre, et, à cause de cela, on 
les désigne très souvent sous le nom de méléorites charbon- 
neuses. Elles renferment en outre des composés hydrocarbonés, 
tout à fait comparables à ceux de la chimie organique, et à 
ce titre elles sembleraient pouvoir intéresser Les physiologistes 
non moins que les minéralogistes et les chimistes. En effet, la 
question est de savoir si ces composés ont pu se former sans 
l'entremise de la vie; en cas de réponse négative, une preuve 
matérielle serait acquise que la vie exerce son empire en dehors 
de notre globe. Cette question est encore pendante et demande 
de nouveaux efforts. Cependant toutes les probabilités sont 
pour queles météorites char- 
bonneuses soient analogues, 
quant à l’origine, aux sub- 
stances bitumineuses vomies 
par les volcans et par les 
salzes en l'absence de toute 
action physiologique. 

Les météoriles charbon- 
neuses sont très peu fré- 
quentes. Jusqu'ici on n’en à 
constaté la chute que quatre 
fois, savoir : le 15 mars 1806 
à Alais, dans le département 
du Gard; le 13 octobre 1838 à Cold Bokkeweld, au Cap de 
Bonne-Espérance; le 15 avril 1857 à Kaba, en Hongrie; et 
enfin le 14 mai 1863, à Orgueil, Tarn-et-Garonne. 

Cette dernière, la mieux étudiée, est représentée au Muséum 
par de très nombreux échantillons (le plus volumineux, dont 
la forme est représentée ici, pèse environ 2 kilogrammes). C’est 
une roche uniformément noire, très friable et rappelant, pour 
l’aspect, certaines terres végétales ou certains lignites terreux. 

Chaque échantillon est complètement enveloppé d’une 
croûte vitrifiée qui n’a pas un aspect uniforme sur les diffé- 


LA MÉTÉORITE D'URGUEIL- 


81 LA TERRE ET SA FAMILLE PLANÉTAIRE. 


rentes faces de la pierre. En une partie de son étendue, cette 
croûte est excessivement mince, unie et souvent irisée, tandis 
qu'en une autre partie elle est notablement plus épaisse, ru- 
gueuse et comme chagrinée. L’écorce épaisse se détache sur 
l'écorce mince par une sorte de rebord ou de bourrelet; elle 
est nécessairement postérieure à celle sur laquelle elle s’est 
étendue. 

Une propriété très remarquable des pierres charbonneuses 
est de se désagréger complétement sous l'influence de l’eau, 
pour reprendre d’ailleurs leur cohésion par la dessiccation. 

Il résulte de là que si le bolide d’Orgueil, par exemple, au 
lieu d'arriver par un ciel serein, avait traversé une atmosphère 
chargée d'humidité, ileût pu fournir de la poussière au lieu de 
pierres, et peut-être même de la boue, si l'humidité eût été 
suffisante. | 

Ce cas s’est nécessairement réalisé dans une foule de cir- 
constances, et ainsi s'expliquent les chutes de poussière ob- 
servées fréquemment à la suite de l’explosion des bolides et 
sans doute aussi les chutes de matières pâteuses ou vis- 
queuses, rapportées par les anciens auteurs sans qu’on en ait 
cependant d'exemple bien éludié. 

Oa n’a pas jusqu'ici constaté d’une manière positive la chute 
de liquides consécutive à l'explosion de bolides et il en est de 
mème de l’arrivée possible de gaz. Mais beaucoup de météorites 
pierreuses, étudiées au microscope, montrent de petites va- 
cuoles contenant les unes des gaz et les autres des liquides 
d’origine évidemment extra-terrestre comme les masses qui 
les contiennent. 


DEUXIÈME PA RTIE 


L . 1 


_ COMMENT S'EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE 


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ER L. 


CHAPITRE PREMIER 


THÉORIE DE LAPLACE 


Les quelques détails qui précèdent sur les corps qui gravitent 
avec nous autour du Soleil peuvent être résumés de façon à nous 
fournir une idée très simple de la famille astronomique dont 
la Terre fait partie. 


Si nous supposons que nous nous éloignons du Soleil, 
centre incandescent du système, nous trouvons d’abord la 
série des planètes dites inférieures (Mercure, Vénus, la Terre 
et Mars), construites exactement sur le même modèle, l’obser- 
vation y montrant autour d’un globe solide (partie conti- 
nentale). une couche liquide (partie maritime) et une enveloppe 
aériforme (partie atmosphérique). 

En faisant abstraction, pour y revenir tout à l’heure, des 
planètes télescopiques qui sont également solides, nous 
trouvons ensuite les planèles supérieures, et tout d’abord 
Jupiter et Saturne, quise comportent à l’observation spectro- 
scopique comme des corps essentiellement liquides. 

Enfin, arrivent les deux dernières planètes de notre sys- 
tème, Uranus et Neptune, qui, encore faiblement lumineuses 
par elles-mêmes, se présentent à l’analyse prismatique 
comme des masses gazeuses. 


88 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE. 


Or on est immédiatement frappé de l’analogie de cette 
succession régulière avec la succession de couches offerte 
par la coupe géologique théorique du globe terrestre consi- 
déré à part. Et c’est ce que fontressortir les deux coupes théo- 
riques ci-jointes. 

Dans cette comparaison, le Soleil répond au noyau encore 
à l’état d’ignition que renferme notre planète, Neptune et: 
Uranus répondent à son atmosphère, Saturne et Jupiter à la 
masse liquide de nos océans; et le reste, c’est-à-dire les as- 
téroïdes, Mars, la Terre, Vénus et Mercure, aux roches solides 
proprement dites. 


Gette analogie imprévue pourra au premier abord paraîlre 
fortuite. Mais il sera facile de montrer qu’elle a sa source 
dans la nature même des choses, le mode de formation du 
système solaire tout entier ayant été au fond exactement le 
même que le mode de formation de la Terre. 


À. LES TRANSFORMATIONS DES NÉBULEUSES 


I faut, pour assister à la formation d’un système solaire, 
imaginer, à l'exemple du grand géomètre Laplace, qu'une ré- 
gion de l’espace suffisamment éloignée de tousles autres soleils 
soit remplie d’une substance d’une ténuité infinie dont les 
particules, animées de vitesses inégales, pourraient se disper- 
ser à la longue si leurs attractions mutuelles ne les tenaient 
agolomérées. Sous l'influence de ces attractions, la matière 
cosmique se ramasse dans un espace de plus en plus petit, et 
à mesure qu'elle se condense, une partie du mouvement qui 
l'anime se convertit en chaleur:la masse entière s’échauffe 
donc et même assez pour devenir faiblement lumineuse. La 


1 


LES TRANSFORMATIONS DES NÉBULEUSES. 89 


condensation continuant toujours, devient prépondérante au 
centre de la nébuleuse. En même temps il se produit au sein 
de la masse des tourbillonnements que l’on peut assimiler à 
de véritables trombes intestines. Peu à peu tous ces mouve- 
ments giratoires se coordonnent 
et la nébuleuse tourbillonne sur 2 ."""# 
elle-même avec un ensemble qui 
peut amener la masse entière à 
prendre un mouvement derotation 
comparable à celui d’une toupie 
qui dort. 

Maintenant, examinons plus 
spécialement la nébuleuse d’où DRE 
est sorti le système solaire. Au ar. 
moment où nous la considérons, 
elle est incandescente ; sa forme 
est celle d’une sphère aplatie; 
son mouvement de rotation est 
autour de son plus court dia- 
mètre. plier 

À chaque instant, elle émet au LE sa 
dehors sa chaleur; à chaque ins 1 
tant aussi elle se contracte en 
obéissant aux forces intérieures 7 
qui la sollicitent. Cet incessant 
rétrait produit un double effet. 
D'une part, le mouvement de ro- couvre THÉORIQUE DU SYSTÈME 
tation s'accélère; de l’autre, la Le ds 
nébuleuse s’aplalit de plus en plus. 
Nous l’avions assimilée à une sphère; il devient plus exacte 
de la comparer à une lentille de dimension démesurée. Le 
retrait continuant, et la vitesse augmentant, une rupture se 
détermine circulairement tout le long de l'équateur, d’où se 
détache un vaste anneau de vapeurs ardentes qui peu à peu se 


90 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE. 


renfle, se ramasse, se pelotonne. Cette pelote qui décritune 
orbite embrassant la nébuleuse sera la planète Neptune. 

La nébuleuse poursuit son retrait; la rotation s'accélère 
encore ; un nouvel anneau se détache qui se rompt comme 
le premier et en s’agglomérant donne le rudiment de la planète 
Uranus. 

De nouveaux retraits, de nouveaux accroissements de vi- 


É- 


: 
Ë = 


COUPE THÉORIQUE DE L'ÉCORCE TERRESTRE. 


tesse, de nouveaux anneaux, de nouvelles ruptures, donnent 
successivement Saturne, Jupiter, l’astre d’où dérivent prô- 
bablement, comme nous le dirons, les planètes télesco- 
piques, puis Mars, puis la Terre, puis Vénus, enfin Mercure. Il 


ne reste plus qu’une masse sphérique qui constitue notre 
Soleil. 


L'EXPÉRIENCE DE PLATEAU. 91 


9. L'EXPÉRIENCE DE PLATEAU 


Telle est brièvement résumée la théorie de Laplace, à 
laquelle, contre toute attente, un physicien belge, M. Plateau, 
a su procurer la confirmation de lexpérience. Voici com- 
ment : 


On prépare un mélange d'eau et d'alcool ayant rigoureu- 


LA NÉBULEUSE MÈRE DU SYSTÈME SOLAIRE, 


sement la densité de l'huile d'olive, dont on introduit une 
crosse goutte au milieu du mélange où elle prend la forme 
d’une sphère parfaite. 

Cette sphère est immobile, mais si on fait passer par son 
centre un axe vertical doué d’un mouvement de rotation, 
elle en prendra peu à peu le mouvement et s’aplatira 
progressivement vers les pôles. La force centrifuge aug- 


92 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE. 
mentera si l’on augmente la vitesse, et on verra la ré- 
sion équatoriale se renfler de plus en plus : à un certain 
moment un anneau se séparera qui continuera de tourner 
autour de la planète centrale, comme on l’observe pour Sa- 
turne. 

En s’accélérant l'anneau s’agrandira et bientôt se brisera ; 
sa matière se réunira en un petit sphéroïde, et cette planète 


SÉPARATION SUCCESSIVE DES PLANETES DE LA NEBULEUSE 


MÈRE DU SYSTÈME SOLAIRE. 


microscopique se mettra à graviter autour de la miniature 
de soleil d’où elle est sortie. 

Cette belle expérience nous met donc en présence de vé- 
ritables systèmes planétaires artificiels. Toutefois elle laisse 
de côté une particularité très importante de la nébuleuse. 
C’est que cette nébuleuse n’est pas homogène. Des vapeurs 
de densités diverses y sont mélangées qui subissent peu à peu 


- ds 


LES DERNIERS PROGRÈS DE LA THÉORIE. 93 
un vérilable triage : il en résulte que les planètes Les plus 
extérieures sont formées des particules les plus légères ; elles 
sont comme les témoins des couches les plus rares ; et que les 
planètes les plus intérieures sont produites aux dépens de 
couches de plus en plus lourdes : elles sont les témoins de 
ces couches. 

Cette remarque s'applique non moins rigoureusement à 
la série des phénomènes dont chaque planète, une fois sé- 
parée de la masse générale, devient le théâtre. Ces phéno- 
mènes, en effet, sont tout à fait les mêmes que ceux qui 
viennent d’être décrits, et la formation des satellites, ou pla- 
nètes de planètes, prouve que la comparaison est exacte. 

De plus, la séparation de couches distinctes de densités 
diverses, évidente- dans la nébuleuse originelle, perceptible 
dans le résidu actuel de cette nébuleuse, c’est-à-dire dans 
le Soleil, donne lieu dans les planètes (au moins dans les pla- 
nèles inférieures) à la superposition de l'atmosphère, de 
l'océan et de enveloppe solide. 

On voit donc bien que analogie de structure du système 
solaire et d’une planète convenablement choisie telle que la 
Terre, n’est pas un effet du hasard : elle tient à l’essence 
mème des choses, et c’est pour cela qu’elle jette du Jour sur 
l'origine des mondes. 


2. LES DERNIERS PROGRÈS DE LA THÉORIE 


I est vrai qu'on a fait à la théorie de Laplace plu- 
sieurs objections; mais 1l ne semble pas qu’elles doivent 
conduire à autre chose qu'à de légères modifications de 
détail. 

Laplace croyait que le sens de rotation des planètes et de 


94 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE. 

leurs satellites est le même pour tous, et la supposition des 
anneaux se détachant successivement de la nébuleuse primi- 
tive au fur et à mesure de sa contraction semble rendre cette 
condition tout à fait nécessaire. Or on sait maintenant que 
cette uniformité n'existe pas, les satellites d'Uranus et ceux de 
Neptune étant animés de mouvements rétrogades. Il faudrait 
aussi dans la théorie de Laplace que les satellites exéculassent 
leur révolution en plus de temps que la planète qu’ils accom- 
pagnent n’en met à tourner sur elle-même; or les satellites 
nouvellement découverts de Mars n’obéissent pas à cette pré- 
tendue loi. 

C’est pour répondre à ces objections que M. Faye a publié 
récemment les résultats de recherches dont il n’est pas possible 
de donner ici plus que l’esprit général. Le savant astronome 
montre comment des considérations très simples permettent 
de rendre compte de ces deux zones concentriques du système 
solaire dont la plus externe est caractérisée par des rotations 
rétrogrades, tandis que l’autre ne présente que des rotations 
directes. Pour cela il part simplement de ce fait, difficile à 
réfuter, que dans la nébuleuse originelle la densité allait en 
croissant de la périphérie vers le centre. On a la preuve di- 
recte de cette condition réalisée dans une foule de nébu- 
leuses. Or, ceci posé, le calcul montre que la pesanteur dans 
une masse ainsi constituée, croit d’abord à partir de la sur- 
face en raison inverse d’une puissance de la distance au 
centre. Mais cette progression atteint bientôt un maximum, 
après lequel la pesanteur est proportionnelle seulement à la 
même distance, de telle sorte qu'au centre même elle est 
nulle, Si l’on admet dans une nébuleuse ainsi bâtie la sépa- 
ration des anneaux planétaires, on voit que ceux provenant 
de la région externe seront tels que la vitesse de la circonfé- 
rence la plus grande sera moins considérable que la vitesse 
de leur autre circonférence; donc s'ils se réduisent en un 
elobe tournant sur lui-même, ce globe se mouvra dans le 


LES DERNIERS PROGRÈS DE LA THÉORIE. 95 
sens rétrograde. Au contraire, pour des anneaux formés par 
la seconde région, les vitesses relatives seront inverses et la 
rotation du globe produit sera nécessairement directe, La 
particularité fondamentale du système solaire serait donc 
ainsi expliquée. 


CHAPITRE II 


ANALOGIES MUTUELLES DES ASTRES DU SYSTÈME SOLAIRE 


Les confirmations fournies par l’astronomie physique et par 
la géologie comparée à la déduction tirée des seuls faits astro- 
nomiques par le génie de Laplace relativement à l'unité d’ori- 
gine de tous les membres du système solaire, ces confirma- 
tions sont siéclatantes, que la théorie cosmogonique qui vient 
d’être exposée pourrait être présentée aujourd’hui comme une 
simple conclusion de faits d'observation. 

On en aura la preuve par les paragraphes suivants. 


{. L’UNITE DE COMPOSITION CHIMIQUE 


Comme nous l'avons déjà dit, le spectroscope a conduit à re- 
connaître dans le Soleil, dans les étoiles, dans les comètes et 
même dans certaines planètes, la présence du fer, de hydro- 
sène, du magnésium, du chrome, du potassium, du sodium, 
toutes substances existant sur la Terre. 

Il est vrai que ces recherches n’ont montré ni le zine, ni 
l'argent, ni lPantimoine, ni le cuivre, ni l’aluminium, ni le 
cobalt; mais le fait peut tenir ou à ce que ces corps n’exis- 
tent qu'en très faible proportion, ou à ce que la méthode, si 
merveilleuse qu'elle soit, n’est pas assez parfaite pour ne 
rien laisser échapper. Nicklès a, par exemple, signalé un cas 
dans lequel le spectroscope est tout à fait en défaut. Mais rien 


LT td 


L'UNITÉ DES PHÉNOMÈNES GÉOLOGIQUES. 97 
ne laisse soupconner dans les astres qui ont été étudiés une 
constitution véritablement différente de celle de notre globe. 

On peut donc dire qu'entre les membres du système solaire 
existe une unité complète de constitution chimique. 


9, L’UNITÉ DES PHÉNOMÈNES GÉOLOGIQUES 


Mais l’unité ne s’en tient pas là, et dès maintenant on a pu 
reconnaître au double point de vue géologique et météorolo- 
gique une conformité qui n’est pas moins parfaite. 

Cest ce qu’il nous sera aisé de démontrer. 


Le phénomène éruplif se retrouve partout dans le système 
solaire; et c’est certainement sur le Soleil lui-mème qu’il a le 
plus de développement. 

Autour de cet astre se voient constamment, comme nous 
l’avons déjà dit, des sortes de flammes roses appelées protu- 
bérances, qui ne sont autre chose que des colonnes gazeuses 
violemment poussées dans son atmosphère. On observe dans 
ces protubérances l'injection de vapeurs très lourdes, comme 
celles du fer et du magnésium, qui viennent nécessairement de 
la profondeur de l'astre et prouvent que le phénomène tient à 
une cause générale. 

Sans doute les phénomènes éruptifs s’exercent dans les 
planètes, puisque nous y observons des montagnes. On sait, en 
elfet, que l'axe des montagnes terrestres est ordinairement 
formé par des roches poussées de la profondeur par suite de 
pincements de l’écorce, dirigés perpendiculairement à la lon- 
gueur de la chaine. A la Lune aussi cette remarque peut 
tout particulièrement s'appliquer. Les chaînes de montagnes 
y sont extrêmement nombreuses. On retrouve également hors 
de la Terre des phénomènes de soulèvement proprement dits 


sur Mars, Vénus, Mercure, qui montrent au télescope des 
PLANÈTE QUE NOUS HABITONS, 7 


98 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE. 

chaines de montagnes toutes pareilles aux nôtres et dues évi- 
denment à l'exercice des mêmes actions. C’est au point 
qu’on à cru retrouver parmi les chaines de Mars et parmi 
celles de la Lune certains caractères de symétrie qui, d’après 
l'un de nos géologues les plus illustres, Élie de Beaumont, 
dominent à la surface de la Terre la distribution générale 


des montagnes. 


Les météorites présentent souvent des caractères condui- 
sant à reconnaitre que, dans leur gisement primitif, se pro- 
duisaient des phénomènes de soulèvement analogues à ceux 
qui sur la Terre sont liés d’une manière si intime à la for- 
mation des chaines de montagnes. 

Ces signes sont des failles. 

On appelle ainsi,en géologie, d'immenses félures qui dé- 
bitent, pour ainsi dire, toute 
l'écorce terrestre en une série 
de fragments juxtaposés à la ma- 
nière des pierres d’une voûte. 

En général, on reconnait 
les failles aux dénivellations 
qu’elles ont déterminées, ou, 
en d’autres termes, à ce fait 
que les couches du sol, qui ori- 
oinellement étaient en conti- 

naNenEs A lLA eurracE © NUIIÉ,, ne Se ITÉDONUCNTES 
BEÉMPREURE de part et d’autre de la faille 
et qu’elles ont même subi des rejels considérables. 

Or certaines météorites sont coupées par des surfaces of- 
frant la trace manifeste de frictions énergiques, et polies 
comme les miroirs des failles terrestres. De plusil arrive que, 
de pareillessurfaces se recoupant, ilen est parmi elles quisont 
rejelées par d’autres. Leur signification ne saurait alors être 
douteuse : ce sont de vraies failles témoignant de l’exercice 


PILE 
se 


£ 


PRISMES DE BASALTE CONTOURNÉ, EN TRANSYLVANIE. 


100 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE. 
d'actions mécaniques pareilles à celles qui accompagnent les 
soulèvements et les abaissements de l’écorce terrestre. 

Les failles sont spécialement abondantes et bien caracté- 
risées dans les météorites des types d’Aumale et de Lucé. 

Il y a des météorites éruptives, c’est-à-dire des météorites 
qui ont conservé des traces non douteuses de phénomènes 
éruptfs. 

Les roches terrestres éruptives sont celles qui, poussées 
des profondeurs, alors qu’elles étaient à l’état pâteux ou 
fluide, se sont fait jour au travers des failles pour constituer 
les dykes, sortes de murs souterrains souvent très étendus 
en longueur. Nos lecteurs ont sous les yeux un pareil dyke 
photographié d’après nature en Transylvanie. 

Un des accidents les plus caractéristiques de ces dykes 
consiste dans les brèches spéciales dont ils sont parfois for- 
més, brèches résultant de fragments de la roche encaissante 
cimentés par la matière même du dyke. Ainsi, pour reprendre 
un exemple déjà cité, dans les filons ou dykes de basalte de 
l'Irlande, on trouve par places de véritables brèches formées 
de fragments de craie agglutinés par le basalte. De plus, cette 
craie, avant subi l’action métamorphisante du basalte, est 
passée, comme on l’a dit, à l’état de marbre blanc. 

Il est des météorites qui reproduisent toutes ces circon- 
stances. L'exemple le plus net est celui du fer bréchoïde dé- 
couvert dans la cordillère de Deesa, au Chili. 

On se rappelle qu’il consiste en une pâte de fer dans laquelle 
sont disséminés des fragments irréguliers d’une roche noire. 
Le fer a rigoureusement la composition de celui de Caille, 
mais il n’en à pas la structure, puisqu'il ne donne pas par les 
acides les figures de Widmannstætten. Or le fer de Caille ne 
les donne pas davantage quand il a été fondu, puis abandonné 


à un refroidissement même fort lent. D'un autre côté, la 
? 


pierre du fer bréchoïde de Deesa est de tous points comparable 
à la roche météorique de Tadjéra, qui, comme on le verra, 


L'UNITÉ DES PHÉNOMÈNE S GÉOLOGIQUES. 101 

n’est rien autre chose que la pierre d'Aumale chauflée à 

une température analogue à celle où le fer se ramollit. 

Le fer de Deesa est donc une véritable brèche de filon 
éruptf. 

Des considérations du même genre, étayées de comparai- 


sons avec la roche terrestre appelée serpentine, dont nous 


CRATÈRES VOLCANIQUES A LA SURRACE DE LA LUNE. 


païlerons tout à l'heure, conduisent de même à reconnaitre 
dans la roche météoritique grise marbrée de noir de Chan- 
tonnay un échantillon de filon pierreux. 

Pour les phénomènes volcaniques on rencontre la même 
analogie entre divers astres. On sait sur quelle échelle énorme 


Là 


ces phénomènes sont développés à la surface de la Lune, dont 


102 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE. 


le côté visible nous offre au moins cinquante mille cratères. 
Ces cratères présentent les plus grandes ressemblances avec 
les cratères terrestres. 

M. Secchi a pu comparer la montagne lunaire de Kopernik 
aux cratères volcaniques des Champs Phlégréensaux environs 
de Pouzzolles. Henri Lecoq, professeur à la Faculté des 


CHAMPS PHLEGRÉENS 


Cravé chez Erhard. VE 
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CR 
es ee 3 © © 40%. 


CARTE DES ENVIRONS DE POUZZOLES, ANALOGUES AUX RÉGIONS A 
CRATÈRES DE LA LUNE. 


sciences de Clermont-Ferrand, y voyait l’analogue des mon- 
tagnes trachytiques du Puy de Dôme. Certains cirques grani- 
tiques de l’Auvergne rivalisent par leurs dimensions avec 
les petits cratères de la Lune : tel est le cirque du Cantal, qui 
a dix kilomètres. 

Les cratères de Cyrille et de Catharina sur la Lune sont 


ji Li 
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DE L’ILE HAWAI. 


LE VOLGAN 


104 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE. 


accouplés comme ceux de Jumes et de Coquille, en Auvergne. 
Les cirques et les pitons de laGuadeloupe, l’Etna, les volcans 
de la Bolivie, ceux de l’Islande, de Santorin, des Canaries, etc., 
affectent également une foule de traits de ressemblance avec 
divers accidents du sol lunaire ;et nous prenons ces faits 
presque au hasard entre une foule d'exemples semblables. 


On trouve parmi les météorites des roches dont le faciès 
est volcanique, et qui doivent sans doute leur formation à des 
phénomènes pareils à ceux qui produisent sur la Terre les 
laves et les scories. 

Nous avons mentionné des météorites, telles que celles 
de Juvinas (Ardèche), de Jonzac (Charente), de Stannern 
. (Moravie), etc., qui sont identiques aux laves de certains vol- 
cans d'Islande. 

Citons aussi la pierre tombée à Igast, en Livonie, en 1855, 
qui reproduit dans tous les détails, ainsi que le montrent les 
études de M. le professeur Grewinck (de Dorpat), certaines 
pierres ponces quartzifères de nos volcans. 


Le mélamorphisme, un phénomène capital, comme on l’a 
vu au début de ce livre de la géologie terrestre, a été retrouvé 
chez les météorites. 

Dans divers pays, dans le nord de l’Irlande par exemple, 
il existe des filons de roches éruptives, des basaltes qui ont 
traversé à l’état de fusion des couches de craie; or, au voisi- 
nage de ces filons, la craie a été métamorphisée, elle est de- 
venue du marbre blanc comparable à celui que les sculpteurs 
mettent en œuvre, et c’est ce changement qu’on exprime en 
disant que la craie a subi le métamorphisme. 

Eh bien, de même, diverses météorites ont subi le méta- 
morphisme. 

Les masses de ce genre appartiennent avant l’action méta- 
morphique à la catégorie des météorites primitives. 


L'UNITÉ DES PHÉNOMÈNES GÉOLOGIQUES. 105 

Les météorites primitives sont les roches météoritiques 
qui ne témoignent d'aucun phénomène autre que ceux néces- 
saires à la constitution de toute roche. Elles forment léqui- 
valent de nos roches cristallines et de nos roches sédimen- 
taires, où l’on ne retrouve que les effets purs et simples, soit 
du refroidissement d’une matière préalablement chaude, soit 
du dépôt de substances préalablement tenues en suspension. 

Le plus grand nombre des météorites appartient à cette 
première catégorie, mais il est possible que le progrès des 
études conduise à la restreindre successivement en amenant 
la découverte d'actions géologiques dont les signes seraient 
restés inaperçus jusqu'ici. 

Nous citerons parmi les météorites normales, mais sans 
nous y arrêter de nouveau, les masses décrites plus haut sous 
les noms de fer de Caille et de pierres d’Aumale, de Lucé, 
d'Ornans, etc. 

L’un des plus beaux exemples de météorites métamor- 
phiques est fourni par la pierre complètement noire tombée 
en 1867 à Tadjéra, près de Sétif, en Algérie, car ilest facile 
de s'assurer qu’elle n’est pas autre chose que la forme mé- 
tamorphique des météorites grises, si communes, dont le type 
nous est offert par la masse tombée aussi en Algérie, aux 
environs d'Aumale, en 1865. 

Il suffit en effet de chauffer la pierre d’Aumale pendant un 
quart d'heure à la température rouge, pour constater après 
refroidissement qu’elle a pris tous les caractères de la pierre 
de Sétif, au point que l’on ne saurait plus l’en distinguer. 

C’est exactement ainsi que la craie d'Irlande chauffée dans 
certaines conditions s’est, dans les appareils de James Hall, 
transformée en marbre statuaire. 

L'expérience précédente, recommencée avec la roche grise 
et globulaire de Montréjeau, a donné un résultat du même 
genre. Cette roche s’est transformée à s’y méprendre dans la 
météorite fglobulaire aussi, mais toute noire, tombée sur le 


106 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE. 


versant sud du Caucase, à Stavropol, en 1857 ;il en résulte que 
cette dernière doit, comme la pierre de Sétif, se ranger parmi 
les météorites métamorphiques. 

Mais ce n’est pas tout. À côté de ces produits d’une trans- 
formation complète, se placent des masses qui résultent d’un 
métamorphisme partiel. 

Ainsi, la météorite de Chantonnay, grise, mais traversée de 
larges marbrures noires, est, à n’en pas douter, le produit 
du métamorphisme incomplet de la pierre d’Aumale, et 
comme un degré entre celle-ci et la pierre de Tadjéra. 

Ainsi de même, la masse de Belaja-Zerkva, grise, mais 
remplie de globules noirs, est indiscutablement le produit 
du métamorphisme incomplet de la pierre de Montréjeau, et 
marque comme une étape entre celle-ci et la pierre de Sta- 
vropol. 

Nous ne sommes aussi affirmatif que parce que des expé- 
riences directes nous ont permis de reproduire les deux mé- 
téorites de Chantonnay et de Belaja-Zerkva, en chauffant des 
pierres d’Aumale et de Montréjeau, mais en ne les chauffant 
pas assez pour les amener à l’état de météorites de Sétif et de 
Stavropol. 


Parmi les phénomènes qui jouent un grand rôle dans 
l’histoire de la Terre, il faut citer à part ceux qu’on appelle 
clastiques et qui ont donné naissance aux roches dites brèches 
et poudingques, parce quelles sont formées de la réunion de 
fragments collés ensemble. Comme exemple de poudingues 
nous signalerons les hautes montagnes qui dominent le 
couvent de Montserrat en Catalogne, et les roches où l’on 
exploite le diamant au Cap de Bonne-Espérance. Ces phéno- 
mènes paraissent se retrouver dans la Lune, et cela con- 
duit à attribuer à notre satellite un régime géologique 
fort analogue au nôtre. En effet la formation de brèches 
exige le concours d’actions très variées : d’abord le dépôt 


CATALOGNE. 


MONTSERRAT EN 


DE 


COUVENT 


DOMINE LE 


QUI 


MONTAGNE DE POUDINGUES 


108 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE. 


normal de certaines roches; puis leur concassement sous 
l'effet de pressions énergiques; en troisième lieu le transport 
ou charriage à une distance plus ou moins grande des frag- 
ments ainsi produits; enfin la cimentation de ces fragments 
sous forme de brèches ou de poudingues. 

Or, suivant la remarque de Lecoq, diverses roches lunaires 
onttout à fait l'aspect et la situation relative, dans les coulées 
volcaniques de nos laves, des trass ou conglomérats trachy- 
tiques. Tout porte à croire qu’elles ont une structure ana- 
logue et par conséquent que ce sont des brèches. 


Les phénomènes clastiques peuvent être retrouvés chez les 
météorites, où ils ont exigé, comme sur la Terre, et confor- 
mément à ce que nous avons dit plus haut, le concours d’ac- 
tions très variées. 

On peut même dire que chez les météorites les brèches 
sont très abondantes. Souvent elles sont composées de 
fragments très variés. 

C’est ainsi que la météorite de Parnallée, dans l'Inde, con- 
tient des débris appartenant à sept types parfaitement distincts 
de roches extraterrestres. D’autres, comme les pierres de 
Soko Banja, de Saint-Mesmin et de Canellas, ou comme le fer 
de Deesa, ne contiennent, à l’état de mélange, que deux 
roches différentes ; mais ils n’en sont pas moins intéressants 
pour cela, et l’on verra tout à l'heure de quelle importance 
est l'étude des brèches dans la démonstration de ce grand 
fait que les météorites de types divers ont été quelque part 
en relations stratigraphiques mutuelles, ou, en d’autres 
termes, qu’elles dérivent d’un même gisement originel. 

Des actions pareilles à celles qui ont produit nos filons 
métallifères sont l’origine de certaines météorites. 

On sait que dans les filons les minerais se présentent comme 
des dépôts de sources circulant dans les failles. Si ces failles, 


son éme hits tt it À DER de 


CAP, 


DE DIAMANTS AU 


MINE 


UNE 


110 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE. 


comme cela se voit souvent, renferment des fragments pier= 
reux, les fragments sont enveloppés de couches successives 
de minerais filoniens, et c’est ainsi que se sont faits, par 
exemple, les cocardes des filons de minerais de plomb ex- 
ploités dans le Harz. 

Or diverses météorites, le fer du désert d’Atacama par 
exemple, sont absolument semblables, sauf, bien entendu, 
pour la composition chimique, à ces cocardes du Harz. Les 
fragments de dunite que ce fer contient sont enveloppés 
de diverses couches successives d’alliages différents, exacte- 
ment comme les fragments schisteux du filon terrestre sont 
enveloppés de couches superposées de quartz laiteux et de 
galène. 

L'action filonienne se retrouve dans d’autres météorites et, 
par exemple, dans celle de la Sierra de Chaco, qu’on peut 
rapprocher à divers égards des grès à ciment de cuivre natif 
de Coro-Coro, en Bolivie. 


3. L’UNITÉ DES PHÉNOMÈNES MÉTÉOROLOGIQUES 


On retrouve à des degrés divers, dans plusieurs astres, la 
srande circulation atmosphérique qui donne naissance aux 
vents alizés. Il en est de même de la circulation générale de 
l’eau dans le bassin des océans. 


Par exemple, Jupiter offre à l'observation des nuages dis- 
posés en bandes régulières qui indiquent évidemment des 
alizés. Parfois on y voit des remous circulaires comparables 
à nos ouragans. Un astronome anglais, M. Browning, a publié, 
il y a quelques années, une intéressante étude à cet égard. 
Pendant les mois d'octobre et de novembre, la planète offrait 
un spectacle d’une beauté singulière et presque sans autre 


exemple. Les bandes, plus nombreuses que d'ordinaire, pré- 


ER UT ne . CO A 


L'UNITÉ DES PHÉNOMÈNES MÉTÉOROLOGIQUES. 111 
sentaient une plus grande variété de couleurs que jamais. 
La bande équatoriale, qui depuis des années était la partie 
la plus brillante de la planète, fut dépassée en éclat par les 
bandes du nord et du sud. D'habitude rien ne faisait tache sur 
le fond lumineux de cette bande; à de fréquentes reprises, 
on y vit cependant l’apparence de nuages accumulés, Elle 
était généralement incolore, brillant d’un gris d'argent ou 
d’un gris perlé; elle devint d’un jaune profond, ressemblant 
beaucoup à la couleur de l'or déposé par la pile. 

Les pôles étaient bleus, et les bandes qui en sont le plus 
rapprochées présentaient une teinte foncée de la même cou- 
leur. Les bandes voisines étaient d’un blanc perlé, et leur 
éclat l’emportait sur celui de toute autre partie de l’astre. 
Les bandes sombres étaient d’un rouge de cuivre et elles 
étaient séparées par la ceinture équatoriale d’un jaune d’or. 

Ces changements, bientôt remplacés par d’autres, coïn- 
cident avec la présence dans l’atmosphère de Jupiter de va- 
peurs inconnues dans la nôtre; ils conduisent à faire admettre 
que la plus grosse des planètes de notre système n’a pas 
encore perdu la faculté ide luire quelque peu par elle-même. 
On a vu d’ailleurs précédemment que Neptune et Uranus ont 
une lumière propre. 

On trouve sur Mars une météorologie identique de tous 
points à la météorologie terrestre et, par exemple, des tour- 
billons bien contournés en spirale comme nos bourrasques. 

On peut même s'étonner de ce que,dans une planète telle- 
ment plus éloignée que nous du Soleil, il puisse exister une si 
complète ressemblance sous le rapport des conditions clima- 
tiques. Mais on sait qu’une très faible augmentation dans 
la quantité de certaines vapeurs présentes dans notre atmo- 
sphère suffirait pour rendre le climat de la Terre intolérable 
à cause de l’excès de chaleur, exactement comme fait une 
lame de verre qui retient dans l’espace qu’elle ferme la ra- 
diation solaire. Il en résulte qu’on doit croire que sur Mars 


112 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE. 


un arrangement convenable compense la distance plus 
grande de cette planète au centre vivifiant de notre sys- 
tème. 

Dans tous les cas, on observe à sa surface, comme sur la 
Terre, la succession des saisons; ainsi on voit vers les pôles 
apparaître, croître, puis disparaître, deux taches blanchâtres 
dont l'éclat est plus que double de celui des autres parties de 
l’astre. La tache nord diminue d’amplitude pendant le prin- 
temps et l’été de l'hémisphère auquel elle appartient; elle 
augmente pendant les saisons suivantes. Le contraire à lieu 
au pôle sud,et on en a conclu légitimement qu'il se forme 
successivement autour des pôles de Mars des calottes éten- 
dues d’une matière semblable aux neiges qui se précipitent 
de notre atmosphère et dont la quantité est réglée par la 
température. « Herschel, dit Arago dans son Astronomie 
populaire, étudia les deux taches neigeuses avec un soin in- 
fini. Le centre d'aucune de ces deux taches ne lui parut exac- 
tement placé aux pôles de rotation. La déviation semblait 
néanmoins plus grande pour la tache boréale que pour celle 
du pôle sud. Les changements observés dans les grandeurs 
absolues s’accordèrent à merveille avec l’idée que ces taches 
sont des amas de glaces et de neiges. Si en 1781, par exemple, 
la tache parut extrèmement étendve, ce fut après un long hi- 
ver de cet hémisphère, ce fut après une période de douze mois 
pendant laquelle le pôle correspondant avait été entièrement 
privé de la vue du Soleil. Si, au contraire, en 1783, la même 
tache se montra très petite, c'était à une époque où, depuis 
plus de huit mois, le Soleil dardait ses rayons d’une manière 
continue sut le pôle sud de Mars. La tache boréale offrit aussi 
des variations de grandeur absolues étroitement liées avec la 
position du Soleil relativement à l'équateur de la planète. » 

Vénus montre des nuages irrégulièrement entraînés par 
des courants atmosphériques; on à cru aussi y reconnaitre 
des aurores polaires. = 


méhus is à nn di 


L'UNITÉ DES PHÉNOMÈNES MÉTÉOROLOGIQUES, 119 


3 

Le Soleil présente égalementune météorologie comparable 
à la nôtre. Des cyclones proprement dits, que M. Faye a étu- 
diés avec beaucoup de soin, se montrent à sa surface. L'ana- 
logie est telle, que M. Sonrel cherchait dans le Soleil des en- 
seignements relatifs à la météorologie terrestre. 

« Les savants qui étudient les mouvements généraux de 
l'atmosphère se plaignent, disait-il, de ne pas avoir sous les 
yeux les cartes synoptiques journalières au moins d’un hémi- 
sphère. Les astres sont là pour nous donner quelques vues 
d'ensemble, et la variété des conditions dans lesquelles ils 
se trouvent est bien faite pour nous renseigner utilement sur 
les points encore obscurs de la circulation aérienne, » 


PLANÈTE QUE NOUS HABITONS. . ÿ 


CHAPITRE III 


LIAISONS MUTUELLES DES ASTRES DU SYSTÈME SOLAIRE 


1. LES ÉCHANGES DE RADIATIONS 


L'unité entre les astres du système solaire se resserre en- 
core quand on constate des uns aux autres un échange 
ininterrompu de radiations qui est pour ces grands êtres 
quelque chose d’analogue à ce qu'on observe dans les 
relations des êtres vivants. 

Nous savons, pour ce qui concerne la Terre, que les radia- 
tions solaires v ont une telle importance, que les phénomènes 
séologiques superficiels et les phénomènes biologiques leur 
doivent leur origine. 

Suivant la remarque de M. Helmholtz, « toute force à la- 
quelle nous devons notre vie et nos mouvements nous vient 
uniquement du Soleil ». 

Les aliments dont nous nous nourrissons, le combustible 
qui fait marcher nos machines sont,au propre,le produit de 
la condensation des rayons solaires et par conséquent de 
l'emmagasinage de la chaleur du Soleil. De telle façon que si 
la radiation solaire venait à être supprimée, la vie organique 
cesserait. Les vents réguliers et les courants océaniques, ayant 
leur origine dans l’échauffement produit par le Soleil, s’ar- 
rêteraient également. La circulation superficielle de l’eau que 
nous voyons alternativement à l’état de vapeurs, de nuages, de 


ue 


LES APPORTS DE MATIÈRE. 115 
pluie, de ruisseaux, de rivières et d’océan, n’existerait pas da- 
vantage. Enfin le mouvement de cette même eau dans l’épais- 
seur de la croûte terrestre, mouvement sans lequel les phéno- 
mènes volcaniques ne sauraient se produire, prendrait fin, 
puisque l’eau serait définitivement congelée. 


Il est hors de doute que la radiation solaire agit sur les 
autres planètes d’une manière analogue, et nous avons la 
preuve qu'elle ne se borne pas à la lumière et à la chaleur qui 
en sont les éléments les plus sensibles : l’électricité et le ma- 
gnétisme sont dans son étroite dépendance. 

La Terre éprouve aussi les influences très manifestes 
d'autres corps célestes, tels que la lumière zodiacale, les 
étoiles filantes et la Lune. 

Les deux premiers ont sur la température de l’année une 
action que des études spéciales ont fait ressortir; la Lune agit 
d'une manière plus complexe, en déterminant concurremment 
avec le Soleil des marées dans l'atmosphère et dans l'océan. 

Elle donne naissance, en outre, d’après quelques savants, à 
de véritables marées souterraines. M. Alexis Perrey, professeur 
à la Faculté des sciences de Dijon, a cru trouver dans les trem- 
blements de terre une périodicité en rapport avec les phases 
du mouvement de notre satellite. 


9. LES APPORTS DE MATIÈRE 


La masse du globe terrestre est constamment augmentée de 
matériaux, météorites et étoiles filantes, qui lui arrivent de 
l'espace céleste. D’après les recherches les plus récentes, les 
étoiles filantes sont des corps identiques aux comètes, consti- 
tués par des gaz extrêmement raréfiés. La composition de ces 
gaz n'est pas complètement connue, mais il n’est pas vrai- 
semblable, d'après leurs spectres, qu'ils soient les mêmes 


116 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE. 


que ceux qui composent normalement notre atmosphère, dont 
la constitution doit par conséquent être modifiée par ce tribut 
incessant, à moins que la matière légère ainsi acquise par la 
planète ne reste dans les régions supérieures de Pair. 

Les météorites nous apportent des matériaux plus facilement 
visibles. 

Tombées sur le sol, elles s’y désagrègent et s’y altèrent avec 
plus ou moins de rapidité, suivant leur nature. Elles peuvent 
alors fournir aux plantes croissant sur le lieu de la chute une 
certaine quantité d'éléments assimilables, qui parcourent dès 
lors le cycle varié des transformations de la vie organique. 

Reinchenbach n’hésitait pas à voir dans les étoiles filantes 
et dans les météorites l’origine du phosphore et de la ma- 
gnésie que renferment les sols arables. Étant monté sur le 
Lahisberg, en Autriche, il ramassa,en un endroit que proba- 
blement le pied de l’homme n’avait jamais foulé, quelques poi- 
gnées de terre qu'il soumit à l’analvse. 

Elles contenaient des traces de cobalt et de nickel, mé- 
taux éminemment météoriliques, ainsi qu'on l’a vu tout à 
l'heure. 

Beaucoup plus récemment, M. Nordenskiold, le savant suc- 
dois que l’Europe a fêté récemment avec tant d'enthousiasme, 
a fait des remarques analogues sur des poussières que la 
neige fournit par sa fusion. Des poussières de ce genre re- 
cueillies en Suède et en Finlande se composaient de matière 
charbonneuse alliée à des grenailles de fer métallique et par 
conséquent présentaient la composition de substances météo- 
ritiques. Des observations analogues faites plus récemment ont 
complété la ressemblance par la découverte du nickel. 

De mème, Ehrenberg a signalé la nature météoritique de 
certaine poussière tombée 1l y a une trentaine d'années sur le 
navire américain Josiah-Bates naviguant dans les eaux in- 
diennes au sud de Java. Les grains de cette pluie singulière 
offraient l'aspect d’une matière primitivement liquide, so- 


os ne rheeuns à de à de, 


| 
| 
| 


L'ORIGINE POSSIBLE DE LA MÉTALLURGIE DU FER, 117 


lidifiée pendant sa chute et avant d’avoir atteint la surface de 
la Terre. La plupart sont creux et comparables à des montgol- 
fières. Cependant l'analyse chimique n’y découvre que du fer 
oxydé. Il est impossiblede ne pas être frappé de la surprenante 
analogie de ces particules avec les résidus de la combustion 
d’an fil d'acier brûlant au milieu d’un flacon rempli de gaz oxy- 
gène. Ces corps irréguliers ont pu résulter du passage dans les 
hautes régions de l’atmosphère d’un bloc de fer météoritique 
qui s’y sera en partie consumé. 

Le phénomène est d’ailleurs fort ancien, car nous avons re- 
trouvé des globules semblables à ceux du briquet dans la 
substance même de roches qui datent des premiers temps de 
l’histoire des terrains stratifiés. Ge sont véritablement des mé- 
téoriles fossiles. 


3. L'ORIGINE POSSIBLE DE LA MÉTA'LLURGIE DE FER 


Le fer natif travaillé et employé par les Esquimaux, fourni 
avant tout par les masses subordonnées au basalte dont nous 
parlerons bientôt, est peut-être en partie d’origine météori- 
tique. En tous cas 1l est établi que les anciens ont fait un 
grand usage de fers tombés du ciel. Ces faits conduisent à sup- 
poser que la chute des fers à pu avoir une grande influence 
sur la découverte de la métallurgie. 

Tout d’abord, et comme curiosité linguistique, on peut 
noter, d’après M. Piazzi Smith, que dans la langue copte, 
ainsi que dans la langue sahidique actuelle, le fer s’appelle 
bénipe, qui veut dire littéralement pierre des cieux, pierre du 
firmament, pierre firmamentale. On conviendra que le rap- 
prochement est bien surprenant s’il est fortuit. 

Des armes forgées avec la matière céleste s’étant oxydées, 
on aura pu être frappé de l’identité du produit de cette alté- 
ration avec certaines roches terrestres, qui sont précisé- 


| 
à 


118 COMMENT S’EST FAIT LE SYSTÈME SOLAIRE. 


és dé. satiné 


ment les minerais de fer : de là à chercher le fer dans ceux- 


ei, il n’y avait plus qu’un pas. 
Ce qui.ne veut pas dire toutefois que l'art métallurgique 
n’ait pu, selon la variété des lieux et des temps, avoir aussi 
des origines toutes différentes de celle-là. 


4. UNE IDÉE DE L'ORIGINE DE LA CHALEUR SOLAIRE 


Le docteur Mayer (de Heilbronn) a été conduit à se de- 
mander si des météorites ne pourraient pas tomber sur le So- 


UN VILLAGE D'ESQUIMAUX, 


leil, et il a cherché ce que cet apport devrait être, pour 
compenser la diminution de force vive résultant de la radia- 
tion solaire et par conséquent pour entretenir cette radiation. 


UNE IDÉE DE L'ORIGINE DE LA CHALEUR SOLAIRE. 119 


Le point de départ de ces calculs peut se trouver dans des 
faits observés en Angleterre. M. Hodginson et M. Carrington, 
ayant vu au même instant une lumière excessivement vive se 
développer en un point du Soleil très voisin d’une tache, attri- 
buërent ce phénomène à la chute d’une météorite et à la cha- 
leur qui devait en être la conséquence. 

Toutefois, et malgré les perfectionnements apportés à cette 
théorie par M. Thompson, on y à généralement renoncé. Les 
principales objections qu’elle a rencontrées ont pour auteur 
M. Fave, qui a montré l’incompatibilité de ces effluves maté- 
riels avec les délicates particularités de la surface solaire. 

Aussi, aujourd'hui, est-on bien plus disposé à chercher 
l'entretien de la chaleur du Soleil dans la cause même de sa 
formation, c’est-à-dire dans sa concentration vers son 
centre. 

La théorie cosmogonique de Laplace a pour conséquence 
nécessaire que les divers membres du système solaire n’ont 
pas actuellement le même degré de développement. Or 
l’observation confirme ce fait de la manière la plus complète. 


LR 


FROISIÈEME PARTIE 


LES AGES DES PLANÈTES 


Le Soleil, résidu de la nébuleuse mère, remet sous nos yeux 
l’état originel ou initial des corps planétaires. 


En prenant la Terre comme type de la planèté en plein déve- 
loppement, nous voyons que certains astres, teis que les pla- 
nètes supérieures, semblent n'avoir pu fournir les étapes de 
l’évolution normale, etqu'ils sont encore, malgré la date recu- 
lée de leur séparation, dans des états qui rappellent certaines 
phases antérieures de notre globe. D’autres corps célestes, au 
contraire, la Lune tout au moins, paraissent avoir dépassé la 
phase que nous traversons aujourd’hui, et être arrivés à une 
période de décrépitude. Les petites planètes avec leurs formes 
fragmentaires se présentent assez bien comme résultant de 
la décomposition d’une antique planète désagrégée, etc. 

De là cette division des membres du système solaire en : 

Astres normaux, 

Astres embryonnaires, 

Astres frappés d’arrêt de développement, 

Astres morts, 

Astres brisés, 

Astres disparus. 

On va voir que l’histoire de chacun d’eux, faite au point 
de vue où nous sommes placés, offre un sérieux intérêt, et 


124 LES AGES DES PLANÈTES. 


que ces diverses monographies de types planétaires se répar- 
tissent en trois groupes dont les caractères tiennent à l’une 
de ces trois grandes causes : 
4° Le rayonnement et la perte de la chaleur d’origine; 
2? L’absorption des enveloppes fluides par le noyau solide; 
9° La rupture spontanée de ce même noyau. 


CHAPITRE PREMIER 


LES EFFETS DU RAYONNEMENT ET DE LA PERTE 


DE LA CHALEUR D'ORIGINE 


1. FORMATION DES ROCHES PRIMITIVES 


On peut qualifier d’astres embryonnaires ceux qui, plus 
Jeunes que la Terre, traversent en ce moment une des phases 
primitives du développement de celle-ci. Telest le Soleil, qui 
est d’ailleurs dans notre système le seul astre embryonnaire 
que nous puissions citer. 

Il présente pour nous cette particularité extrémement 
intéressante de traverser précisément la phase critique où 
l’état solide se constitue pour la première fois sur un corps 
céleste, et son étude, par les conséquences qu’elle fournit 
quant à l’histoire de notre propre globe, doit nous arrêter 
un moment. 

Répétons que notre astre central, résidu de la nébuleuse 
iniliale, doit être considéré comme une énorme bulle gazeuse 
de composition très complexe, et dont l’état d’agitation in- 
cessante est révélé à notre vue par la formation de protubé- 
rances. 

Plongé dans l’immensité glacée du milieu stellaire, il sy 
trouve soumis sans relàche à un refroidissement, sensible 
surtout à la périphérie, et que des effluves chauds, venus 
des profondeurs, tendent constamment, mais infructueu- 


126 LES AGES DES PLANÈTES. 
sement, à contrebalancer. C’est ainsi qu'il arrive un moment 
où la température de la portion la plus externe s’est assez 
abaissée pour que les phénomènes de dissociations initiales 
ne s’y produisent plus : les éléments chimiques, jusque-là 
maintenus séparés, se groupent entre eux, et donnent nais- 
sance à des composés définis. 

Un nouveau progrès du refroidissement permet à ces com- 
posés de se concréter en une sorte de poussière dont la for- 


mation est signalée, grâce à son pouvoir rayonnant, par 


Le 


UNE TACHE SOLAIRE. 


une exaltation de l'éclat solaire. Les courants centrifuges 
existent néanmoins toujours, et c’est à l’action échauffante 
exercée par eux au point de leur émergence que doit être 
rattachée l'apparition des taches et des protubérances qui en 
sont l’annexe obligée. 

Nous sommes parfaitement renseignés, par ce qu'on à vu 
plus haut, quant à lacomposition dela matière photosphérique 
et de la matière protubérantielle du Soleil, et nous savons que 
le magnésium, le fer, l’hydrogène, la vapeur d’eau s’y trouvent 


PT 


FORMATION DES ROCHES PRIMITIVES. 127 
en abondance. Mais, au point de vue physique, on peut se 
demander si la poussière solaire est liquide ou solide, et l’on 
sait que le spectroscope est à cet égard impuissant à nous 
fournir une réponse. 

Heureusement, et quoique la chose puisse paraïlre bien 
imprévue, les météorites fournissent à cet égard un éclair- 
cissement complet. 

Les météorites provenant des régions les plus variées d’un 
astre construit originairement sur le même plan général 
que la Terre, leur série complète comprend des masses dont 
la consolidation se rapporte à Loutes les phases de l’évolution 
planétaire. | 

Donc, parmi ces roches, il s’en trouve nécessairement qui 
présentent cette particularité de dater précisément de l’é- 
poque à laquelle le Soleil est actuellement parvenu, et où 
l'état gazeux initial cesse de persister. 

Or nous pouvons reconnaitre à deux caractères les roches 
dont il s’agit : 

D'abord à leur nature magnésienne qui, conformément aux 
remarques développées par M. A. Cornu, donneraient à leur 
vapeur le même caractère spectral qu'aux gaz protubérantiels. 

En second lieu, à l'absence dans leur masse de toute trace 
de phénomènes géologiques secondaires, tels que concasse- 
ment, charriage, éruption, épigénie ou métamorphisme. 

Le type de ces météorites, vraiment dignes de la qualilicæ 
tion de primitives, est fourni par les roches que nous avons 
décrites précédemment sous les noms de luceile et d'aumalite. 

L'examen de ces roches, empreint par ces remarques mème 
d’un genre tout nouveau d'intérêt, permet de reconnaitre, 
d’après les détails de leur structure, si elles dérivent de masses 
fondues solidifiées plus ou moinslentement, ou, au contraire, 
de substances amenées brusquement de létat gazeux à la 


forme solide. 
Sans entrer dans le détail d’une foule d'observations con- 


128 LES AGES DES PLANÈTES. 

cordantes, nous dirons seulement ici qu’on est en possession 
de la preuve, désormais inattaquable, que les météoriles dont 
il s’agit n’ont jamais passé par l’état de fusion. 

On en est d’autant plus sûr que des expériences très simples 
nous ont permis de les imiter dans tous leurs.détails, en dis- 
posant les choses de telle façon qu'on opérait rigoureuse- 
ment sur une reproduction artificielle de la photosphère du 
Soleil, renfermée dans un tube de porcelaine convenablement 
chaufté. 

Ce résultat, qui éclaire à la fois l'histoire des météorites et 
celle des astres embryonnaires dont le Soleil est le type, aura 
aussi des conséquences pour notre Terre elle-même. 


2. LA FORMATION DE LA CROUTE TERRESTRE 


Si le Soleil en est encore à la période qui vient de nous oc- 
cuper, tout un groupe d’autres astres est parvenu à un degré 
plus avancé de développement. Il comprend les quatre pla- 
nètes les plus rapprochées du Soleil : Mercure, Vénus, la 
Terre el Mars. 

Le type en est fourni par la Terre, et c’est nécessairement 
elle qui va devenir 1e1 l’objet direct de notre étude; mais, sauf 
des différences d’âge sur lesquelles nous reviendrons, tout 
ce qui va être dit de celte planète s’appliquera aux autres 
membres de son groupe. 


La Terre, au moment où elle s’est séparée de la nébuleuse 
mère, étail elle-même un globe vaporeux et lumineux. 
Plongée dans l’espace, relativement très froid, elle se recou- 
vril peu à peu d’une croûte condensée qui, s’'épaississant 
progressivement, lui fit perdre toute lumière propre. 

Celle croûte condensée, qui n’était pas l’épiderme du globe, 


LA FORMATION DE LA CROUTE TERRESTRE. 129 
mais comme une cloison établie entre le noyau interne et les 
matières incandescentes qui, gazéifiées par une énorme cha- 
leur, constituaient l’atmosphère, fut le point de départ d’une 
double formation. A l'intérieur, elle s’accrut en épaisseur 
par la solidification successive des parties sous-jacentes; à 


DÉMOLITION D’UNE FALAISE PAR LA MER, 


l'extérieur, elle reçut les uns après les autres les produits 
condensables que renfermait l'océan gazeux. 

Soumise à des efforts variés, elle se rompit souvent et la 
matière fluide interne s’échappa par les fissures, en éruptions 
plus ou moins importantes, dont les chaines de montagnes et 
les volcans actuels nous offrent la représentation. 


En mème temps que la croûte se consolidait, elle subit ex- 
PLANÈTE QUE NOUS HABITONS. 9 


130 LES AGES DES PLANÈTES. 


térieurement la double action d’une très forte chaleur et 
d'une énorme pression, la pression de l’épaisse atmosphère 
qui la recouvrait. Nous avons déjà eu l’occasion de recher- 
cher quelle est la nature des roches qui datent de cette 
époque singulière où l’état solide s’est constitué pour la pre- 
mière fois. 

Pendant leur formation, l’épaississement ininterrompu de 


ROCHER PERCGÉ PAR LA MER DANS LA RADE DE NAVARIN, 


la paroi qui les séparait du foyer incandescent fit que la tem- 
pérature externe s’abaissa progressivement. Il vint un mo- 
ment où l'atmosphère, débarrassée de ses parties les plus 
denses, laissa déposer à l’état liquide les eaux qu’elle retenait 
en vapeur. Ainsi se fit la première mer. 

Les bossellements de la surface se continuèrent et les pre- 
miers continents apparurent. À peine formés, ils subirent 


GRAND GEYSER D'ISLANDE. 


Po 


132 LES AGES DES PLANÈTES. 

l’attaque des flots, qui, les désagrégeant peu à peu, transpor- 
tèrent leur matière pulvérisée dans les bas-fonds, où s’accu- 
mulèrent ainsi les premiers sédiments. 

Sans cesse ce mécanisme fonctionne ; les fonds de mer se 
soulèvent et deviennent des continenis; les continents s’affais- 
sent et deviennent des fonds de mer ; et le dépôt de nouvelles 
couches stratifiées, la désagrégation partielle d'anciennes for- 
mations suivent leur cours, toujours déplacé et toujours 
ininterrompu. 

À première vue, on peut se demander si les divers phéno- 
mènes dont nous venons de donner une rapide énumération 
ont eu une existence réelle, ou si plutôt ils n’expriment pas 
une supposition gratuite et privée d'appui. À cet égard nous 
pouvons pleinement rassurer le lecteur. Grâce à une méthode 
d'investigation des plus sûres et qui est connue sous le nom 
de méthode des causes actuelles, on parvient à jeter la lumière 
sur les chapitres les plus obscurs de la géologie. 

Ainsi, la manière dont les couches du globese sont édifiées 
peut, dans certains cas, être saisie, grâce au dépôt actuel du 
limon, des sables, des galets qui donnent lieu à des couches 
semblables, et les observations de ce genre sont d'autant plus 
précieuses que notre situation à la surface des continents les 
rend aussi difficiles que possible. On sait en effet que c’est 
au fond des eaux, c’est-à-dire dans les régions dont l’accès 
nous est interdit, que ces couches contemporaines se construi- 
sent. 

Les observations ont donc été très malaisées, elles sont 
très loin d’être complètes, et cependant elles ont fourni dès 
maintenant beaucoup de résultats certains, Les variations, 
souvent brusques dans la forme et dans la structure des 
couches, ont été expliquées par la même méthode, et il en a 
été de même de l’état d’agglutination de roches d’une dureté 
parfois considérable qui, àpremière vue, semble être l’apanage 
des formations anciennes, mais qui se produit avec les mêmes 


La 
‘tte 


GRAND GEYSER DE YELLOWSTONE. 


134 LES AGES DES PLANÈTES. 


caractères dans les dépôtsles plusrécents. Ceci a montré que 
toutes les roches sont le siège de mouvements moléculaires qui 
peuvent non seulement'en modifier l’adhérence et la ‘struc- 
ture, mais même enrenouveler la substance, de façon que telle 
couche peut ne plus renfermer un seul des atomes qui lacons- 
lituaient au moment de son dépôt. Il y aurait lieu d’insister 
sur des faits de ce genre qui offrent, par exemple, à l’occasion 
de la distribution du calcaire, des applications capitales. On 
en tire aussi la notion de quelques-unes des causes auxquelles 
sontdues lescontrastes chimiques parfois si brusques d’assises 
en contact, contrastes qui peuvent résulter aussi soit des 
triages réalisés par les eaux remaniant leur limon complexe, 
soit de l’arrivée de sources telle que les geysers, enrichies, dans 
les profondeurs, de substances minérales. 

La considération des causes actuelles s’applique d’une ma- 
nière tout aussi utile à l'étude des démolitions que l’on peut 
observer de toutes parts. Pendant longtemps cependant on 
leur a refusé toute efficacité à cet égard, et il a fallu, pour 
répondre aux objections mises en avant, faire le calcul de 
l'énergie de démolition dont sont douées les vagues de 
l'Océan, et bien plus encore (contrairement à l’apparencepre- 
mière) les pluies et les eaux météoriques en général. C’est en 
effet par milliards de mètres cubes que se traduit la quantité 
annuelle de particules solides arrachées par certains fleuves 
à la surface des continents. Aucun exemple de l’action démo- 
lissante des pluies n’est plus net que celui des colonnes de 
limon durci qu’on voit à Ritton, et qui, avec une hauteur de 
6 à 30 mètres, sont ordinairement coiffées d’une pierre 
unique. C’est la pluie et la pluie seule qui les a séparées de la 
terrasse dont elles faisaient autrefois partie et rien n’est plus 
facile que d'apprécier la quantité de matière terreuse ainsi 
entraînée par le météore aqueux. 

Une des conséquences de ces importantes remarques est 
relative à la lenteur de beaucoup de phénomènes géologiques 


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136 LES AGES DES PLANÈTES. 

auxquels tout d’abord on serait tenté d'attribuer un dévelop- 
pement pour ainsi dire instantané. Tel est le creusement des 
vallées qu’il devient de plus en plus difficile de rapporter au 
passage subit de violents torrents d’eau et qu’on arrive à con- 
sidérer comme le résultat de l'érosion du sol par les actions 
très lentes auxquelles nous assistons actuellement. Cette éro- 
sion est surtoutsensible dansles montagnesdont l’état d’usure 
et la hauteur peuvent, dans bien des cas, faire estimer l’âge 
relatif. 

C’est aux actions dont il s’agit, continuées suffisamment 
longtemps, qu'il faut attribuer des éboulements de montagnes 
tels qu’on en a vu dans les Alpes, à la Réunion et ailleurs. A 
cette occasion il est intéressant de mettre sous les yeux du 
lecteur une coupe de l'éboulement de Roquefort dans les fis- 
sures duquel circulent les courants d’air auxquels sont dues 
les conditions favorables à la fabrication des fromages. 

L'eau solide, c’est-à-dire la glace, est de même un agent 
puissant de dénudation ; il suffit d’une excursion d’un instant 
sur un glacier pour être frappé de la quantité énorme de ma- 
tériaux pierreux charriés par la glace. 

On retrouve l’origine de ces blocs charriés dans les corro- 
sions des roches qui supportent le glacier. Ces roches sont 
polies, striées et cannelées. Les fiords du Groenland sont le 
produit de rabotages de ce genre. 

A toutes ces causes est due aussi l'existence des rochers 
isolés si fréquents dans tous les pays accidentés et dont on a 
sous les yeux un exemple emprunté au bord du lac de 
Tanganika. 

D'ailleurs toutes les dénudations ont pour résultat final de 
simples déplacements de matériaux solides, qui, arrachés à 
un sommet, vont combler un bas-fond. Dans un fleuve par 
exemple, les troubles charriés s'arrêtent çà et là et édifent 
des bancs de sable et des îles; les rivages, corrodés de plus 
en plus, accentuent les méandres, et les divagations de la 


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138 LES AGES DES PLANÈTES. 


rivière réalisent de proche en proche le remaniement de tout 
le sol de la vallée dans laquelle elle coule. A l'embouchure 
des cours d’eau, des deltas s’établissent et croissent plus ou 
moins vite. Enfin, dans le sein des océans, les matériaux 
solides sont disposés, soit en couches sur le fond du bassin, 
soit le long des rivages en cordons littoraux dont le rôle est 
considérable. 

A côté des dénudations purement mécaniques se placent de 
véritables démolitions chimiques qui ont joué à toutes les 
époques un rôle rendu sensible par les produits très recon- 
naissables qu’elles ont fournis. L’altération superficielle des 
roches sous l'influence de l’eau et de l’acide carbonique 
atmosphérique montre comment les argiles se forment sou- 
vent aux dépens des masses feldspathiques. Dans les profon- 
deurs souterraines, une action du même genre, aidée par la 
pression et la chaleur, donne lieu à la formation du kaolin, 
dont les alluvions verticales décèlent l’origine d’une manière 
si nette. 

Enfin, c’est aussi en relation avec les régions profondes 
que se montrent des faits de nature à élucider, au moyen des 
causes actuelles, l'histoire des roches éruptives ou, plus géné- 
ralement, celle des masses cristallines et des divers mouve- 
ments de la croûte terrestre, 


3. L'APPARITION DE LA VIE 


On voit comment nous arrivons à reconstituer par l’obser- 
vation du présent les périodes passées de l’histoire de la 
Terre. Peu à peu les eaux de la mer, qui étaient bouillantes au 
début, sont devenues tièdes, et l’air, maintenant transparent, 
laisse arriver dans ses profondeurs la lumière du Soleil. 

* Un phénomène nouveau se déclare: l'apparition de la vie 
organique. 


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EXEMPLE DE L’US 


VERTE, 


L’AIGUILLE 


140 LES AGES DES PLANÈTES. 


Au fond des mers, des algues élémentaires et des animal- 
cules se montrent d’abord. Des polypiers, des foraminifères, 
des spongiaires, des coquillages, des crustacés même ne tar- 
dent pas à les y joindre et pour la plupart à développer une 
incroyable activité architecturale. A l’aide de matériaux impal- 
pables extraits de l’onde, de petits êtres gélatineux bâtissent 
les récifs, les atolls, les archipels, ajoutent d'énormes assises 
à l’entassement des terrains stratifiés. 

En même temps, les portions arides des continents se 
couvrent d’autres organismes non moins délicats, les lichens 
qui surmontent les résistances de la roche la plus dure, 
l’émiettent et qui, confondant leurs propres dépouilles avec 
ces débris, donnent naissance à une première terre végétale 
qui permettra l’éclosion d’êtres plus parfaits. 

A leur tour, ceux-ci fourniront à la vie le moyen de s’élever 
encore d’un degré, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elle ait 
atteint son apogée. 


L'étude des causes actuelles, que nous avons vue tout à 
l’heure si féconde, rend compte également de la présence dans 
les couches du sol de corps organisés fossiles. De toutes parts, la 
fossilisation a lieu autour de nous, et il est impossible encore 
à cet égard de tracer une démarcation entre l’époque pré- 
sente et les âges antérieurs. Qu'il s'agisse de fossiles isolés ou 
d’agglomérations de dépouilles, l'identité est complète: nos 
bancs d’huitres expliquent les accumulations d’hippurites des 
Corbières, nos vases à diatomées les tripolis, nos atolls les 
dépôts de coraux jurassiques, et nos tourbières les couches 
de houille. Partout, en passant des époques anciennes au pré- 
sent, le mème mécanisme est reconnaissable. 

La comparaison établie ainsi entre les anciennes assises et 
les dépôts contemporains a aussi amené à reconnaître les 
causes des variations que l’on constate si souvent dans chacun 
d’eux en en examinant successivement divers points sur un 


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142 LES AGES DES PLANÈTES. 

même plan horizontal. On distingue de cette façon dans une 
formation donnée les faciès pélagien, thalassique et littoral, 
par comparaison avec les caractères, divers suivant les points, 
du dépôt actuel de nos océans. 

Dans le sens vertical, l'observation de modifications analo- 
gues fait naturellement surgir de nouveaux problèmes dont 
les principaux concernent les êtres organisés. Par exemple, 
on voit ceux-ci varier en même temps que la nature même du 
fond de la mer, d’où l’on peut conclure une influence pleine 


UN ATOLL DU PACIFIQUE. 


d'enseignement de la nature des milieux sur les caractères 
des êtres vivants. 

C’est donc par une transition insensible que ce sujet évoque 
celui bien plus vaste encore des disparitions et des apparitions 
d'espèces. 

[iles causes locales se montrent exceptionnellement actives. 
A la place des révolutions admises si longtemps el auxquelles. 
correspondrait la destruction de toute la nature animée, 
qu’une nouvelle création de toutes pièces devrait rétablir sur 


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144 LES AGES DES P LANÈTES. 

de nouveaux frais, à la place de ces révolutions, les progrés 
de la science ont fait reconnaître un phénomène continu de 
rénovation, analogue pour les espèces, et à l'échelle près, à 
celui que présentent en petitles individus. 

Déja de toutes parts l’homme a été témoin d’extinctions 
d'espèces, et à côté de celles très nombreuses dont il a été 
la cause déterminante, il en a constaté d’autres résultant du 
jeu d'agents différents. 

Il est bien reconnu maintenant, contrairement aux hypo- 
thèses anciennes, que les disparitions d’espèces ne suppo- 
sent pas des conditions de milieu incompatibles avec la 
manifestation de la vie, mais résultent au contraire de l’exu- 
bérance de développement atteint par certaines d’entre elles. 
Parmiles faitsinnombrables que l’on peut invoquer à cet égard, 
deux doivent surtout être rappelés. 

D'abord on reconnait dans certaines tourbières la présence, 
au milieu des couches les plus anciennes, d'animaux qui, 
comme le Megaceros hibernicus, n'existent plus à Pétat vi- 
vani; la persistance de la tourbière, dont la végétation exige 
des conditions très uniformes, montre que l'extinction s’est 
faite en dehors de tout catacivsme. 

En second lieu, il y a normalement les rapports les 
plus intimes entre la faune actuelle d’une région donnée et 
les fossiles les moins anciens qu’on y recueille. Ainsi, les 
didelphes d'Australie ont élé immédiatement précédés par 
une faune marsupiale maintenant éteinte, mais qui présentait 
avec eux d’étroites analogies; ainsi les grands édentés du 
Brésil succèdent de même à des édentés aujourd’hui fossiles 
tout à fait comparables avec eux, etc.; de telle sorte qu’une 
idée de filiation des fossiles aux êtres actuels se présente 
comme d’elle-mème à l'esprit. 

A l'inverse, on peut constater souvent l'apparition sur 
certains points d'espèces amenées d’ailleurs, et ces faits d’ob- 
servation journalière jettent un grand jour sur les études de 


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EXEMPLE D'ÉROSION PAR 


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146 LES AGES DES PLANÈTES. 
la paléontologie. Le phylloxéra, par exemple, a été importé d’A- 
mérique en Europe; le rat, au contraire, a suivi la route 
inverse ; el ilnefaut pascroire que l’homme seul ait le pouvoir 
de réaliser ces déplacements. Des graines de plantes passent 
d’une région à une autre sous l’action des vents, des courants 
de la mer, des glaces flottantes, ou bien attachées aux pattes 
des oiseaux migrateurs ou à la fourrure des mammifères ; les 
œufs de certains animaux aquatiques peuvent s'attacher à des 
boisflottantsetceux-ci,commelesglaceselles-mêèmes,charrient 
de temps en temps loin de leur patrie des animaux adultes. 
Toutefois, en ce qui concerne les apparitions d’espèces jus- 
que-là totalement inconnues, on n’a encore que des résultats 
bien moins nets qu’au sujet des extinctions. La raison en est 
dans la difficulté spéciale inhérente à de semblables obser- 
vations. « La science qui a pour objet l’histoire naturelle est 
restée si imparfaite jusqu’à nos jours, dit Lyell, que, de mé- 
moire de témoins encore vivants, le nombre des plantes et des 
animaux connus à doublé et même quadruplé dans plusieurs 
classes. Des espèces nouvelles, souvent fort remarquables, 
étant chaque année découvertes dans les parties de l’ancien 
continent depuis longtemps habitées par les peuples les plus 
civilisés, nous ne pouvons nous dissimuler à quel point nos 
connaissances sont bornées, et nous en concluons toujours 
que les espèces nouvellement découvertes ont pu jusqu'alors 
échapper à nos recherches ou tout au moins qu’elles exis- 
taient ailleurs et qu’elles ont émigré depuis peu dans les 
lieux où nous les trouvons aujourd’hui. Il est difficile de 
préciser le temps où il nous sera possible de faire quelque 
autre hypothèse à l'égard de toutes les tribus marines et de 
la plupart des espèces terrestres, telles que les oiseaux, les 
insectes, un grand nombre de plantes, celles surtout de la 
classe des cryptogames, dont plusieurs sont douées d’une 
telle facilité de diffusion qu’on pourrait presque les ranger 
parmi les espèces cosmopolites. » 


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118 LES AGES DES PLANÈTES. 

Cependant plusieurs faits, rares encore, mais très nets, 
semblent mettre sur la voie du mécanisme suivi lors de Pap- 
parition d’espèces tout à fait nouvelles. De ce nombre est 
l'observation d’un petit lézard cantonné sur un rocher voisin 
de l'ile de Capri, et qui dérive manifestement d’un lézard 
tout différent de cette île. Depuis longtemps on a signalé les 
variétés du papillon appelé Heliconius et celles d’un singe 
du genre Cebus, qui constitucraient de vraies espèces si l’on 
ne connaissait entre elles d’insensibles intermédiaires. 


4. LE RÔLE GÉOLOGIQUE DES ÊTRES VIVANTS 


La place que nous avons accordée au paragraphe précédent 
sera facilement justifiée, car les êtres vivants jouent dans Péco- 
nomie de notre planète un rôle dont importance ne saurait 
être méconnue. 

Ils puisent sans cesse dans le règne minéral leurs éléments 
nutritifs. Réciproquement, un grand nombre de roches sont 
formées aux dépens d'êtres organisés, et c’est à bon droit 
que ces êtres vivants, animaux où végétaux, ont été qualifiés 
de constructeurs de continents. 

Comme presque tous les faits de la géologie, le phénomène 
de l'édification des roches par les êtres vivants se continue 
actuellement sous nos yeux. 

Regardons un instant ce qui se passe dans la première mare 
venue : le microscope nous y montre d'innombrables dialo- 
mées, infusoires placés le plus souvent parmi les microphyles 
(de deux mots grecs qui veulent dire petite plante), abondant 
dans les eaux douces et dans les eaux salées et surle sol émergé, 
et enveloppés d’une carapace prismatique, siliceuse, diaphane 
et fragile résultant de la juxtaposition de deux valves, ou pla- 
ques parfaitement ajustées l’une sur l’autre, et laissant entre 
elles une cavité qui présente toutes sortes de formes : carrée, 


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150 LES AGES DES PLANÈTES. 


triangulaire, cordiforme, en bateau, etc. Ces diatomées se 
reproduisent non seulement par des spores, comme tous les 
cryptogames, mais aussi par scission longitudinale de chaque 
individu, mode de multiplication qui leur à valu le nom 
qu’elles portent, et qui explique comment elles se propagent 
d’une manière aussi rapide. On aura une idée de leur nombre 
et de leur faible volume en se rappelant que certaines dia- 
tomées ont à peine un centième de millimètre, de sorte que, 
dans un millimètre cube, c’est-à-dire dans un espace plus 
petit qu’une tête d’épingle, 1l y a un million de leurs cara- 
paces. 

Or ces carapaces siliceuses résistent après la mort du mi- 
crophyte à la décomposition ; elles se déposent les unes après 
les autres dans le fond de la mare, et arrivent, avec le temps, 
à constituer des couches de plus en plus épaisses, de vraies 
formations géologiques. 

Les tripolis, roches à grain excessivement fin, quelquefois 
compactes, plus souvent pulvérulentes, ont pour la plupart 
une origine organique résultant de l’accumulation d’un 
nombre prodigieux de carapaces de diatomées, quelquefois 
marines, mais bien plus fréquemment d’eau douce. A Bilin, 
en Bohème, la couche de tripoli s'étend sur une large surface 
et a plus de 4 mètres d'épaisseur. Au microscope, la roche se 
montre constituée de carapaces de diatomées, et surtout de 
Gaillonella distans,en nombre si considérable que Ehrenberg 
estime qu’un pouce cube doit contenir 41 milliards d’indi- 
vidus, tous rattachés les uns aux autres sans ciment vi- 
sible. Aux débris de diatomées se joignent des spicules sili- 
ceuses ou supports intérieurs d’éponges d’eau douce. La 
couche de tripoli est recouverte par une masse ayant l'aspect 
de la calcédoine, et consistant en diatomées et en spicules 
renfermées dans un ciment qui résulte de la dissolution de 
la silice dans l’eau. 

Au-dessous de Berlin, à une profondeur de 7 mètres, existe 


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452 LES AGES DES PLANÈTES. 

une nappe de tourbe argileuse, remplie d’infusoires, qui y 
vivent et s’y propagent, grâce sans doute à l'humidité que 
la Sprée entretient dans le sol. Ces infusoires se développent 
jusqu'à une profondeur de 20 mètres; c’est ce qui a fait 
dire que la ville de Berlin est bâtie sur un sol vivant. 

Les vastes marais salants de la Caroline du Sud, de la 
Georgie et de la Floride abondent en diatomées, dont les 
coquilles, successivement entassées dans la vase, nous font 
voir comment se sont formés dans la Virginie et le Maryland 
des dépôts tertiaires de composition analogue et tout aussi 
étendus. 

Les infusoires, surtout ceux qui appartiennent au règne 
végétal, forment quelquefois des masses appelées farines 
fossiles ou terres édules, parce que certaines populations 
vivant sous des climats rudes et improductifs les emploient 
comme aliment. Il existe en Laponie une substance minérale, 
vulgairement appelée bergmhel (farine des montagnes), que 
les habitants de ce pays, dans lés grandes famines, mêlent à 
leur farine pour en faire du pain. Gette farine des montagnes, 
que les Lapons regardent comme un « don du grand Esprit», 
renferme dix-neuf espèces d’infusoires. L'encyclopédie ja- 
ponaise parle également de la farine de pierre que l’on à 
mangée en Chine dans les temps de disette, en la considérant 
aussi comme un présent de la divinité. Get usage de certaines 
terres comme aliment est répandu chez les populations indi- 
oènes de l'Amérique méridionale et centrale, ainsi que dans 
l'Australie. Il ne doit pas être extrêmement sain, car, dans 
son voyage travers l'Amérique du Sud, M. Paul Marcoy, pris, 
en sa qualité de blanc, pour un médecin par les sauvages, 
eut à soigner un enfant qui, mangeant de la terre avec gour- 
mandise, s’en était rendu malade jusqu’à la mort. 

Les diatomées ont la propriété de s’assimiler non seule- 
ment la silice, mais aussi le fer que l’on trouve dans leurs 
carapaces, même les moins colorées. Le fer dit des marais est 


LE ROLE GÉOLOGIQUE DES ÊTRES VIVANTS. 153 


parfois pour une part le résultat de accumulation d’un nombre 
prodigieux de carapaces de Gaillonella ferruginea; il en est 
également ainsi pour la matière Jaune mucilagineuse qui 
couvre quelquefois les ruisseaux et les eaux stagnantes. Le 
Meridion circulare forme à lui seul une couche au fond des 
ruisseaux de West-Point; aux premiers jours du printemps, 
il constitue une matière muqueuse, ferrugineuse, recouvrant 
les pierres, les branches, les herbes qui occupent le lit de 
ces cours d’eau. 

Les volcans eux-mêmes sont creusés de cavités plus ou 
moins vastes où les eaux s’infiltrent, s'accumulent et favo- 
risent le développement des infusoires. Lorsqu'une éruption 
a lieu, ces infusoires sont projetés dans l’air en quantités 
considérables, après avoir été en quelque sorte rissolés par 
l'action du feu volcanique. Certaines cendres rejetées par 
les volcans, et ensuite transportées par les courants at- 
mosphériques, n’ont pas d'autre origine. L'ile de l’Ascen- 
sion, dépourvue d'arbres et de sources, offre un énorme 
amas de cendres volcaniques presque entièrement com- 
posées de débris organiques; ce sont, pour la plupart, 
des portions fibreuses de plantes, beaucoup de denticules 
marginales de graminées mélangées d’infusoires siliceux 
de forme exclusivement d’eau douce. La provenance 
des infusoires, et surtout des diatomées qui entrent dans 
la composition des cendres volcaniques, explique suffisam- 
ment pourquoi ces infusoires appartiennent presque tou- 
jours à des espèces d’eau douce; la seule exception à ce 
fait général s’observe dans une localité de la Patagonie. 
On comprend que les eaux de l'Océan ne puissent pé- 
nétrer dans l’intérieur des volcans que lorsque des circon- 
stances exceptionnelles les y conduisent; c’est donc un fait 
extrèmement rare. 

Mais quittons ces végétaux microscopiques pour arriver 
à ceux qui, d’un ordre plus élevé, donnent naissance à ces 


154 - LES AGES DES PLANÈTES. 
masses si utiles à l’industrie sous le nom de tourbe et de 
charbon de terre. 

L'eau est l'agent essentiel du tourbage. En préservant les 
végétaux du contact de l’air atmosphérique, elle s’oppose à 
la désorganisation immédiate de leurs tissus. Elle exerce en 
outre, grâce aux diverses substances qu'elle tient en dis- 
solution, un effet qu'on a comparé au tannage des peaux. La 
nature de ces substances n’a pas encore été déterminée d’une 
manière précise; on a cité, parmi elles, l’acide ulmique, le 
charbon résultant de la transformation lente du boistombé au 
fond des marais,les résines et les gommes végétales, la paraf- 
fine, les acides tannique, carbonique, etc. Ces substances 
sont empruntées aux végétaux destinés à se convertiren tourbe; 
la tourbe est elle-même une substance antiseptique, et l’on 
peut dire que ce combustible, dans le phénomène du tourbage, 
est à la fois cause et effet. Aussi les Hollandais ont-ils 
soin, dit-on, lorsqu'ils exploitent leurs tourbières, de mé- 
nager la couche inférieure de tourbe; ils ont remarqué 
qu'elle se reconstitue alors plus facilement que lorsqu'on 
a mis à découvert largile sur laquelle le combustible re- 
pose. 

La tourbe est tellement antiseptique que Lyell, dans ses 
Principes de Géologie, raconte la découverte faite en 1747 
du corps d’une femme, chaussée de sandales antiques et en- 
fouie par conséquent depuis bien des siècles. Elle était dans 
un état parfait de conservation; les ongles et les cheveux of- 
fraient seuls quelques traces d’altération. 

Une température trop élevée est un obstacle à la formation 
de la tourbe; celle de 6° à 8° est la plus favorable. 

D’après d’Archiac, pour que la tourbe se forme il faut 
que les eaux ne soient pas complètement stagnantes, qu'elles 
ne charrient pas une grande quantité de limon, qu'elles 
soient peu sujettes à de grandes crues. Il faut en outre qu’elles 
soient très peu profondes, que leur mouvement soit très 


LE ROLE GÉOLOGIQUE DES ÊTRES VIVANTS. 155 


peu rapide et qu’elles coulent sur un fond argileux ou peu 
perméable. 

Quels sont maintenant les végétaux auxquels les tour- 
bières doivent leur formation ? Ce sont d’abord les Sphaignes, 
mousses aquatiques vivaces, à feuilles disposées sur plusieurs 
rangs, blanches avec une légère teinte roussâtre ou verdätre. 
Elles doivent leur rèle important à leur mode de croissance, 
à leur végétation rapide et à leurs propriétés hygroscopiques. 
Elles semblent se ployer à toutes les exigences de l’habitat, 
et se modifier suivant qu'elles plongent dans les eaux pro- 
fondes, dans les mares vaseuses de la surface, ou qu’elles 
s'élèvent au-dessus du niveau de l’eau. La seule condition 
nécessaire à leur existence parait être une certaine quantité 
d'humidité absorbée par la couronne ou par la tige du végétal. 

Parmi les végétaux qui, avec les sphaignes, concourent à la 
formation de la tourbe, citons encore quelques autres espèces 
de mousses, surtout celles dont se compose le genre Hypnum, 
les prèles, les jones, les carex, quelques roseaux, quelques 
arbustes, tels que des érica, des andromèdes, le bouleau 
blanc, le pin sylvestre. 

C’est à la suite d’une transformation plus avancée des ma- 
tières végétales, que les combustibles désignés sous le nom 
de lignite, de houille, d’anthracite ont pris naissance. La 
liaison des lignites avec la tourbe est manifeste, car tous les 
troncs d'arbres enfouis accidentellement dans la tourbe sont 
invariablement passés à l’état de lignite proprement dit. 
Toutefois, c’est à une époque géologique antérieure, et bien 
avant l'établissement d'aucune tourbière, que ce combustible 
a atteint son plus grand développement, et c’est au point 
que certaines couches du terrain tertiaire inférieur, déve- 
loppées par exemple dans l'Aisne, dans l'Oise, sont réunies 
sous le nom commun d'étage des lignites. 

Doué encore de sa structure ligneuse, d’une couleur noire 
intense, d’une compacité qui lui permet d'acquérir le plus par- 


156 LES AGES DES PLANÈTES. 


fait poli, le lignite est recherché sous le nom de jayet comme 
matière d'ornement; au contraire, lorsqu'il est terreux et 
brunâtre, les peintres en font usage sous le nom de terre 
d'ombre ; mêlé à la fois d'argile et de pyrite, 1l est activement 
exploité autour de Laon et de Beauvais comme mine d’alun 
et porte le nom de cendres noires, etc. 

La houille appartient surtout à l’époque très ancienne 
désignée à si juste titre en géologie sous le nom de période 
houillère. 

De même que la tourbe, la houille s’est formée sur place et 
non par charriage comme on l’a dit quelquefois, en supposant 
que le transport des arbres a eu lieu d’une manière lente et 
continue, ainsi que cela se passe à l'embouchure du Missis- 
sipi, Car, comment concilier une pareille hypothèse avec la 
stratification régulière des bancs de houille qui s'étendent 
sur des surfaces de plusieurs lieues sans varier d'épaisseur ? 
Comment admettre que les courants n’ont pas charrié, en 
même temps que le bois, du sable et du limon, et comment : 
alors expliquer la pureté de la houille? Comment comprendre 
que ces courants aient respecté les verticalités des troncs 
d'arbres analogues à ceux que le lecteur a sous les yeux. 
M'est-il pas plus simple d’assimiler les houillères aux 
tourbières actuelles, assimilation d’autant plus complète 
que le combustible n’a pas été formé dans leau de 
l'Océan, puisque la houille n'appartient certainement pas 
à une végétation sous-marine, et que, par conséquent, 
de même que la tourbe, elle n’a pu se former que dans 
les lacs peu profonds et dans les dépressions maréca- 
geuses. 

L’anthracite est une houille presque dénuée de bitume, et 
qui se présente comme ayant été naturellement distillée 
dans les entrailles de la terre; et son gisement a porté 
divers géologues à supposer que le pétrole ne constitue pas 
autre chose que ses parties bitumineuses condensées. Pour 


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UX D IGILLAIRES DANS UNE MINE 


158 LES AGES DES PLANÈTES. 
rencontrer l’anthracite, il faut, en général, arriver au terrain 
silurien et au terrain dévonien. 

Enfin, mais ceci est extrèmement douteux, quelques-uns 
attribuent au diamant la même origine qu’à ces divers com- 
bustibles; ils auraient trouvé dans ses cendres des traces de 
structure végétale. 

Souvent végétaux et animaux concourent à l'édification de 
nouvelles roches. Dans les golfes largement ouverts et le long 
des côtes rectilignes, dit M. Élisée Reclus,la mer procède à 
la construction de nouveaux rivages par voie d’envasement. 
Les débris d’algues et d’animalcules, mélangés au sable et à 
l'argile, sont déposés par couches profondes sur le bord, et 
font avancer peu à peu le profil des rivages. C’est par cen- 
taines de millions et par milliards de mètres cubes que la 
boue s’est accumulée depuis l’ère historique dans l’ancien 
golfe du Poitou, dans le golfe de Carentan, situé à la racine de 
la péninsule du Cotentin, dans les baies de Marquenterre et 
des Flandres, dans certains estuaires des Pays-Bas et de la 
Frise. En ces parages, l’eau et la terre se confondent. Toute- 
fois les vases qui émergent à basse mer se tassent et se con- 
solident peu à peu; une espèce de conferve en recouvre la 
surface d’un léger tapis nuancé de rose; puis viennent les sa- 
licornes herbacées qui contribuent à l’exhaussement du sol 
par leurs branches raides et sortant de la tige à angle droit. 
A cette première végétation succèdent d’autres plantes ma- 
rines, les Carexæ,les Plantago, les joncs, les trèfles rampants. 
Alors il est temps de conquérir pour l’agriculture la prairie 
limoneuse. 

Dans les mers dont les eaux ont une température moyenne 
élevée, les vagues ne se bornent pas à combler les baies, elles 
bâtissent aussi de véritables remparts de pierre. Par suite de 
la rapide évaporation que produisent les rayons du Soleil, les 
molécules calcaires contenues dans l’eau et dans l’embrun 
des vagues se déposent graduellement le long des plages et 


LE ROLE GÉOLOGIQUE DES ÊTRES VIVANTS. 159 
sur la base des promontoires. Mélangées avec du sable et des 
débris de coquillages, elles finissent par former de solides ri- 
vages aux contours irréguliers. À Elseneur,on à trouvé de 
ces pierres qui contenaient d'anciennes pièces de monnaies 
danoises. Le Musée de Montpellier possède même un canon 
qu'on a découvert près de la grande bouche du Rhône sous 
une couche de calcaire cristallisé. 

Sur les rivages de Pile de Ascension, M. Darwin à trouvé 
des conglomérats cimentés par le calcaire marin dont le 
poids spécifique était de 2,65, c’est-à-dire à peine inférieur à 
celui du marbre de Carrare. Ces couches de pierre compacte 
renferment une certaine quantité de sulfate de chaux, ainsi 
que des matières animales, qui sont évidemment le principe 
colorant de toute la masse. Parfois l’enduit translucide qui 
couvre les rochers a le poli, la dureté et les reflets des coquil- 
lages; d’ailleurs, ainsi que le prouve lanalyse chimique, cette 
espèce d’émail et les enveloppes des mollusques vivants sont 
composées des mêmes substances également modifiées par la 
présence des matières organisées. M. Darwin a vu de ces dépôts 
calcaires dont la composilion et l’aspect nacré semblent devoir 
être attribués à des excréments d'oiseaux saturés d’eau salée. 

C’est dans l’embranchement des zoophytes que nous trou- 
vons les exemples d'êtres organisés intervenant avec le 
plus d'efficacité dans l'édification de l'écorce terrestre. La 
rapidité de propagation de ces animaux compense la faiblesse 
de leur volume. Les rhizopodes et les polypiers se livrent 
chaque jour à des travaux gigantesques qui modifient cons- 
tamment l’aspect de notre planète. 

Les rhizopodes ou foraminifères sont des animaux de très 
petite taille, souvent microscopiques et dont le corps est pro- 
tégé par une enveloppe presque toujours calcaire, rarement 
siliceuse. Le sable du littoral des mers, dit Alcide d’Orbigny, 
est tellement rempli de rhizopodes, qu’il s’en montre quelque- 
fois à moitié composé. Plancus en a compté 6 000 dans une 


É A 


160 LES AGES DES PLANÈTES. 

once de sable de l’Adriatique, et d’Orbigny en a trouvé jus- 
qu’à 480 000 pour 3 grammes de sable choisi aux Antilles ou 
3840000 dans une once. Ces proportions, multiphiées par 
un mètre cube, donnent un nombre de chiffres tel, qu’on a 
de la peine à le saisir; mais que sera-ce pour peu qu’on 
l’étende à l’immensité de la surface des côtes maritimes du 
lobe? Les restes de rhizopodes forment, en grande partie, 
des bancs qui gênent la navigation, obstruent les golfes et 
les détroits, comblent les ports (comme celui d'Alexandrie) 
et forment avec les coraux ces îles qui surgissent tous les 
jours au sein des régions chaudes du Grand Océan. Les rhi- 
zopodes entrent pour beaucoup dans la composition de 
couches entières : à l’époque carbonifère, une seule espèce 
du genre Fusulina a formé, en Russie, des bancs énormes 
de calcaires. Le terrain crélacé en montre une immense quan- 
tité dans la craie blanche, depuis la Champagne jusqu’en 
Angleterre. Les bassins tertiaires de la Gironde, de l’Autriche, 
de l’Italie et surtout de Paris renferment un-nombre prodi- 
gieux de rhizopodes. On peut dire que la capitale de la France 
est presque bâtie avec eux. Le mont Perdu est en majeure 
partie composé d'assises pétries de nummulites, et c’est avec 
une roche de cette nature que la plus grande des pyramides 
a été construite. 

Il n’est personne qui n’ait entendu parler des polypes du 
corail, ces « faiseurs de monde », comme les appelle Michelet, 
et qui n’ait admiré leurs constructions si précieuses et si 
puissantes à la fois. Au nombre de plusieurs centaines d’es- 
pèces, 1ls appartiennent presque tous à la famille des zoan- 
thaires. Ils ne construisent d’iles que dans les mers chaudes : 
19° centigrades au moins leur sont nécessaires, et c’est dans 
une zone équatoriale d'environ 50° de largeur que, par l’éla- 
boration des substances calcaires contenues en dissolution 
dans les eaux, ils font surgir les terres. 

Leszoanthaires coralligènes multiplient par des œufs et par 


PLANÈTE QUE NOUS HABITONS. 


RHIZOPODES,. 


DE 


DIVERSES 


lORMES 


162 LES AGES DES PLANÈTES. 


bourgeonnement, quelques-uns sont mêmes fissipares. La 
sécrétion calcaire qui donne origine à leur squelette pierreux, 
forme en même temps une masse qui sert de support commun 
à tous les individus d’un même groupe et les soude entre eux 
d’une manière plus ou moins complète. L'ensemble des indi- 
vidus soudés constitue ce qu’on appelle un polypier agrégé. 

Les polypiers sont arborescents ou massifs ; ce sont ces 
derniers qui concourent principalement à la production des 
récifs de coraux. 

Les récifs de coraux peuvent se présenter sous trois formes: 
les récifs côtiers, toujours peu étendus et en contact avec le 
littoral; les récifs barrières, accompagnant la côte dont ils 
sont séparés par un canal plus ou moins large; et enfin les 
alolls ou îles lagouns, que l’on distingue en atolls sous- 
marins et en atolls proprement dits. Les premiers se com- 
posent d’un cercle de coraux enveloppant un espace peu 
profond dépourvu de polypiers. Les seconds sont des îles cir- 
culaires ou annulaires qui n'existent que dans l'Océanie et 
qui sont formées de coraux morts; car ces polypiers périssent 
dès qu'ils sont en contactavec l’air atmosphérique.Peyssonnel 
a décrit ainsi la formation de ces îles de corail : « Quand le 
récif est d’une hauteur telle, qu'il se trouve presque à sec au 
moment de la basse mer, les coraux abandonnent leurs 
travaux. Au-dessus de cette ligne, on observe une masse 
pierreuse continue, composée de coquilles et de mollusques, 
d’échinites avec leurs pointes brisées, et de fragments de co- 
raux, cimentés par un sable calcaire provenant de la pulvéri- 
sation des coquilles. Il 'arrive souvent que la chaleur du Soleil 
pénètre cette masse, lorsqu'elle est sèche, et occasionne des 
fentes en plusieurs endroits; alors les vagues ont assez de 
force pour diviser des blocs de coraux qui ont jusqu’à six pieds 
de long, sur trois ou quatre d’épaisseur, et pour les lancer 
sur les récifs, ce qui finit par en élever tellement la crête, 
que la haule mer ne la recouvre qu’à certains moments de 


LES ILES BASSES 


164 LES AGES DES PLANÈTES. 


l’année. Le sable calcaire n’éprouve ensuite aucun autre dé- 
rangement, et offre aux graines d’arbres et de plantes que les 
vagues y amènent un sol sur lequel ces végétaux croissent 
assez rapidement pour ombrager bientôl sa surface éblouis- 
sante de blancheur. Mème avant que les arbres soient assez 
touffus pour former un bois, les oiseaux de mer y cons- 
truisent leurs nids; les oiseaux de terre égarés viennent y 
chercher un refuge; et, plus tard enfin, lorsque le travail 
des polypiers est depuis longtemps achevé, l’homme parait 
et bâtit sa hutte sur le sol devenu fertile. » La construction 
des atolls est rapide; ainsi en 1825 l’île de Bikri n’attei- 
gnait pas encore la surface de l’eau, et en 1860 elle avait 
une quarantaine d’acres de surface sèche et portait des 
arbres. 

Le nombre des atolls est immense dans les mers tropi- 
cales. Citons les Bermudes, les Maldives, les Laquedives, les 
îles Basses, les atolls de Taïti, etc. ; leurs dimensions varient 
beaucoup: depuis un ticrs de lieue jusqu’à 11 lieues de dia- 
mètre, comme Bow Island. 

Quant aux bases des atolls, les uns en font des montagnes 
volcaniques, ce qui expliquerait leur forme circulaire; les 
autres, avec Darwin, émettent une théorie d’après laquelle 
l’atoll s’élèverait sur les débris des polypiers et des ma- 
tières terreuses, pendant que le fond de l'Océan s’affaisserait 
peu à peu : ce qui du reste est encore un phénomène volca- 
nique. 

Mais les polypiers coralligènes ont leurs ennemis. Lyell 
rapporte qu’il existe dans les îles Bermudes et dans celles de 
_Bahama des lagunes environnées de récifs madréporiques 
sur le fond desquelles se dépose une vase calcaire, blanche, 
molle, qui résulte, non seulement de la trituration des débris 
d'animaux marins, mais encore, ainsi que Darwin l’a observé 
en étudiant les îles de coraux du Pacifique, de la matière 
excrémentitielle rejetée par les échinodermes, par le strombe 


il | un 
LUS: 
(fl 


GUANO. 


DE 


EXPLOITATION 


166 LES AGES DES PLANÈTES. 


géant, l’holothurie et les poissons corollaphages, qui rongent 
paisiblement les coraux vivants comme les quadrupèdes herbi- 
vores broutent le gazon. Une vase, ayant la mème origine, 
dans les atolls des Maldives, est entrainée par d’étroites ou- 
vertures des bassins intérieurs des récifs vers l'Océan et 
colore les eaux jusqu'à une grande distance. En se durcissant, 
cette vase forme de la craie blanche. 

Ces faits conduisent insensiblement à d’autres formations 
dues aussi à l'accumulation des produits de digestion. Le 
guano doit être cité en première ligne. 

Le guano est un véritable engrais fossile, un fumier minéra- 
lisé, pour reproduire l’expression pittoresque de M. Simonin. 

Il s’exploite surtout aux îles Chincha, voisines des côtes du 


UN COPROLITHE. 


Pérou. On le trouve aussi sur la côte Bolivienne et au nord 
du Chili, vers le désert d’Atacama ; enfin, dans certainesiles 
tropicales du Pacifique, de l’océan Indien, de la mer Rouge et 
de l'Atlantique. C'est une déjection d'oiseaux fossilisée et ren- 
fermant, outre le phosphate de chaux, des sels à base d’am- 
moniaque, qui sont pour la terre végétale où on les met, 
comme une manne bienfaisante qui en augmente singulière- 
ment la fertilité. 

Déjà depuis longtemps on exploitait comme substance fer- 
tilisante, sous le nom de coprolithes, des rognons pierreux qui 
sont également, au moins en partie, des déjections animales 
fossilisées. 

Enfin, les débris de coquilles et d'animaux marins ont 


"ASSVA HAUVN Y TAHOIN-LNIVS LNOK AT 


168 LES AGES DES PLANÈTES. 
donné lieu de leur côté à denombreuses roches.Le terrain ter- 
tiaire, par exemple, présente fréquemment des marnes gros- 
sières, sableuses, où les débris de coquilles et de polypiers 
forment un des éléments essentiels de la roche. Ces marnes 
servent en Touraine à l’amendement des terres; elles y sont 
désignées sous le nom de faluns, maintenant introduit dans 
la science géologique. 

En Angleterre, on appelle crag une roche ressemblant beau- 


CALCAIRE COQUILLIER. 


coup, sous le rapport pétrographique, aux faluns, également 
employée dans l’amendement du sol et dont le nom sert aussi 
à dénommer un des étages de la série tertiaire. La tanque, 
composée de sables plus ou mois fins, d’argiles micacées 
et de débris de crustacés, de madrépores, de coquilles, etc., 
roulés, broyés, triturés, malaxés par le mouvement incessamt 
des flots, est aussi un amendement des plus fertilisants. On 
l'exploite surtout en Normandie, par exemple autour du 


MENTON, 


ROUGES PRES 


ROCHERS 


170 LES AGES DES PLANÈTES. 

mont Saint-Michel, eten Bretagne. Dans cette dernière région, 
elle porte le nom de maerle, lorsqu'elle est surtout composée 
de polypiers. 

Iexiste des calcaires qu’on désigne sous le nom de calcaires 
coquilliers : tel est le calcaire grossier, avec lequel on construit 
à Paris. Le nom de lumachelle (de l'italien lumaca, limaçon), 
pr'imitivement employé par les marbriers italiens et adopté 
ensuite parles géologues, s'applique à des calcaires également 
coquilliers, mais ordinairement assez durs et assez compacts 


pour fournir des marbres souvent remarquables par leur 
éclat nacré. 


5. LE RÔLE GÉOLOGIQUE DE L'HOMME 


Les animaux apparus les premiers n’ont fait qu'ouvrir le 
long défilé de la série animale. 

Mais, à mesure que celle-ci se développe, le rôle de la vie 
change. Après avoir par ses premiers représentants réalisé le 
milieu nécessaire à la production des seconds, elle tend par 
le moyen des seconds à préparer la manifestation d’un prin- 
cipe autre et plus élevé que le sien, quiacquiert dans l’homme 
toute l'intensité d'éclat compatible avec l'existence terrestre. 

L'homme a laissé çà el là par ses débris accumulés, par 
exemple dans les cavernes des Rochers rouges, près de Menton, 
des vestiges qu’on pourrait rapprocher de ceux qui viennent 
de nous occuper. Mais son œuvre géologique propre est d’un 
autre caractère. 

En effet, l’isthme de Suez ouvert, le mont Cenis et le Saint- 
Gothard percés; en Californie des montagnes nivelées par 
les chercheurs d’or; partout d'immenses remblais opérés ; 
la Hollande conquise sur les flots; la mer de Haarlem dessé- 
chée; le dessèchement des étangs et des lacs; l'immersion 


LE ROLE GÉOLOGIQUE DE L'HOMME. 171 
des terres basses; la création de lacs artificiels au moyen de 


barrages ; l'endiguement des fleuves et des rivières; le creu- 


LAVAGE D’OR EN CALIFORNIE 


sement des canaux; le forage des puits; l'irrigation et le drai- 
nage ; le colmatage qui détourne au profit des terres le limon 
fertilisant que les cours d’eau portent à la mer; la fixation des 


172 LES AGES DES PLANËÈTES. 


dunes; des cavernes ouvertes par l’exploitation des carrières 
et des mines; l'emploi des combustibles minéraux versant 
dans l’atmosphère et restituant au cercle de la vie organique 
des dépôts de force immobilisée dans les profondeurs du sol: 
ce sont là quelques travaux ayant un caractère géologique 
très marqué, puisque les agents chimiques et géologiques qui 
ont donné à la Terre son relief actuel en ont fait et en font 
encore aujourd'hui de pareils. 

Le même.caractère se trouve également en des travaux qui 
n'existent encore qu'à l’état de projet, mais qui sont physi- 
quement et humainement faisables, quoiqu’ils puissent n'être 
jamais exécutés. Tels sont:la création des mers artificielles, 
et en particulier de la mer de Galilée; la submersion des 
Chotts algériens; la transformalion des détroits en isthmes 
par de simples remblais; la fertilisation des déserts par le 
forage des puits artésiens; la fabrication de la terre végétale 
au moyen de torrents artificiels prenant dans la montagne, 
pour les transporter dans les plaines, des débris de roches 
qui se transforment chemin faisant en limon fertilisant. 

Notons que, faites on à faire, ces choses ne sont encore que 
des œuvres d’apprenti, l’homme ne s’étant que récemment 
mis à l’école de la science. Cependant elles n'auraient besoin 
dès aujourd’hui que d’être amplifiées (et la civilisation leur 
procurera cet agrandissement par le seul fait de sa durée) 
pour prendre rang, par la multiplicité et l'importance 
de leurs conséquences, parmi les œuvres principales de la 
nature. 

Chacune des opérations précitées a en effet pour résultat 
parfois indirect, souvent imprévu, toujours assuré, de modi- 
fier en quelque chose les caractères physiques de la région où 
elle s'exécute. Par elle, l'homme a appris, ce dont il était loin 
de se douter, qu'il peut avoir une action modificatrice sur les 
vents, sur les météores aqueux, sur la température de l'air, 
et de proche en proche sur tous les éléments climatologiques 


LA VIE PLANÉTAIRE. 173 
ou, d’une façon plus générale, sur les conditions biologiques 
de la surface de la Terre. 

Par l’acquisition et par l'exercice systématique de ce pou- 
voir, il peut exercer sur sa destinée et sur celle des êtres dont 
l'existence est liée à la sienne une influence à la longue tout 
aussi considérable que celle qu'ont eue sur son passé les agents 
géologiques qui ont constitué le milieu dans lequel ila vécu. 


6. LA VIE PLANÉTAIRE 


Arrivé à ce point, le globe est parvenu à la plénitude 
de la vie. 

Il vit, en effet, et comment, après le rappel des faits qui pré- 
cèdent, mettre la chose en doute? Il va d’ailleurs sans dire 
que nous ne l’assimilons à aucun des êtres particuliers qu'il 
renferme dans son vaste sein. Mais, étant donnée la distinction 
entre corps bruts et corps vivants, il est évident que la Terre 
échappe par tous ses caractères à la définition des premiers, 
que toutes ses analogies sont avec les seconds, et qu’elle a 
droit enfin, autant que pas un, au titre de corps organisé. 

Peut-être, entre la vie du globe et celle des êtres qu’il ren- 
ferme, les analogies et les différences sont-elles comparables 
à celles qui, dans un de ces êtres, existent entre celui-ci et 
les éléments figurés qu’il comprend. Pas plus que celle de ces 
‘éléments, la place du globe n’est dans aucun des trois règnes 
de la nature. 

Le foyer interne qui semble établir une différence marquée 
entre la Terre et les êtres supérieurs est une analogie : la 
Terre à une chaleur propre. La rigidité de sa substance, autre 
différence, n’est qu'une apparence, la flexibilité de l'écorce 
solide étant une des clefs principales de l’histoire de la pla- 
nète; comme la plupart des êtres vivants, la Terre réunit en 
elle tous les états physiques de la matière. Chez elle comme 


174 LES AGES DES PLANÈTES. 

chez eux, on trouve des parties diverses par la structure, par 
les propriétés, par les degrés de vitalité. Chez elle comme chez 
eux, des fonctions spéciales sont attribuées à des organes, à 
des appareils et à des systèmes déterminés. Enfin, pour la 
Terre comme pour les êtres vivants, l'état sous lequel elle se 
présente n’est que le résultat du conflit perpétuellement éta- 
bli entre sa force propre et le milieu dans lequel elle est 
plongée. 

La Terre est le théâtre d’un nombre infini de circulations 
variées, dans le cours desquelles, comme dans les circuits ana- 
logues chezles végétaux et les animaux, les molécules peuvent 
ne point éprouver de modifications ou n’éprouver que des 
changements d’état, ou subir des transformations chimiques. 

Les eaux, dans l’air, sous lerre ou dans l’eau, sont assu- 
jetties à parcourir de nombreux circuits de ce genre. Pareils 
systèmes sont constitués dans l'atmosphère, au profit des gaz, 
par le mécanisme des vents réguliers. 

Quant à des exemples de circulation accompagnée de 
changements chimiques, il suffit de citer celle que déter- 
minent les êtres vivants. Les transformations du carbone en 
sont un des exemples les plus remarquables. 

Certains astres, quoique plus anciens que la Terre, semblent 
s'être immobilisés dans une des formes antérieures de celle- 
ci. Nous les regarderons comme des astres atteints d'arrêt 
de développement. 

Ce groupe contient les planètes dites supérieures, savoir : 
Jupiter et Saturne, Neptune et Uranus, qui manifestent, à 
l'examen spectroscopique, les deux premières une structure 
liquide, et les deux dernières une structure gazeuse, de sorte 
que les deux plus anciennes représentent justement l’état le 
moins avancé, ce qui confirme l’idée d’un arrèt de dévelop- 
pement. 

Il est clair, d’après leur situation excentrique dans le sys- 
tème, que ces astres sont les plus âgés, c’est-à-dire ceux qui se 


LA VIE PLANÉTAIRE. 175 
sont séparés le plus anciennement de la nébuleuse primitive. 
Mais, à cause des triages par ordre de densité, dont cette 
nébuleuse a nécessairement été le siège, ainsi qu'on le voit 
encore sur le Soleil, ces astres se sont trouvés constitués de 
matériaux spéciaux, incapables de prendre, par l'effet du re- 
froidissement, une consistance solide comparable à celle de 
la croûte terrestre. Ils se sont donc maintenus dans un état 
qui reproduit les phases passées de notre globe, alors qu’une 
température élevée maintenail fluide toute sa substance. 


CHAPITRE II 


LES EFFETS DE L'ABSORPTION DES ENVELOPPES FLUIDES 
PAR LE NOYAU SOLIDE 


Plus jeunes ou plus anciens que la Terre, ces astres sont 
moins avancés qu’elle en développement. Plus anciens qu’elle, 
il en est d’autres qui ont traversé et dépassé les phases qu’elle 
a parcourues. L'histoire de la Terre nous a permis de pré- 
ciser la situation actuelle des membres les plus jeunes et 
les moins avancés de notre système; la situation actuelle de 
ceux dont il va être question nous permettra de déterminer 
l'avenir de notre globe et de ses congénères, Mercure, Vénus et 
Mars. 

La Lune forme le type de ce groupe; et si nous classons les 
astres morts selon les différents états qu'ils présentent, qui 
sont à vrai dire les degrés de leur décomposition, la Lune de- 
viendra le représentant unique du premier degré. 

Nous verrons en quoi consistent les degrés ultérieurs et 
comment ils sont représentés. Mais avant tout, et pour être 
bien compris, il nous faut reprendre l’histoire des astres 
morts au point où nous l’avons laissée en parlant de la Terre. 

La phase à laquelle le globe terrestre est parvenu répondant 
à l’état adulte, est nécessairement suivie de phases de déclin. 
Le refroidissement continuant toujours, la croûte s'épaissit 
de la circonférence vers le centre, et en même temps un fait 
jusqu'alors négligeable devient considérable : c’est l’absorp- 
tion des eaux et de l’atmosphère par la portion solide. 


LA DIMINUTION DES OCÉANS. 177 


{. LA DIMINUTION DES OCÉANS 


On sait que les eaux pénètrent de proche en proche dans 
l'épaisseur des roches et que les pierres extraites des crier 
sont saturées d'humidité. La formation des terrains stralifiés 
a donc fixé des quantités énormes d’eau qui auparavant fai- 
saient partie de l'Océan. Les terrains sur lesquels reposent les 
couches de sédiment et qui constituent, à proprement parler, 


PASSAGE DE MERCURE SUR LE SOLEIL PERMETTANT D’'APPRÉCIER 
L'ÉPAISSEUR DE L’ATMOSPHÈRE MERCURIELLE, 


l’assise du globe, en absorbent également beaucoup. Dans un 
travail spécial, Durocher a démontré que 10 000 kilogrammes 
de ces roches renferment 127 grammes d’eau. L’océan actuel 
n’est donc qu’un résidu de la mer des époques primitives. 

On peut dire de l'air ce qui vient d’être dit de l’eau : l’at- 
mosphère est bue comme l'Océan par la partie solide du 
globe, et plus la Terre vieillira, plus l'Océan restreindra ses 
limites, plus l'atmosphère diminuera d'épaisseur. 


PLANÈTE QUE NOUS HABITONS. 12 


178 LES AGES DES PLANÈTES. 

Un coup d’œiljeté sur les planètes inférieures ferait res- 
sortir la justesse de cette prévision, outre que l'atmosphère 
de Vénus et surtout celle de Mercure sont bien plus épaisses 
que celle de la Terre, ainsi qu’on s’en assure lors des éclipses; 
je me bornerai à faire remarquer que, comme on l’a vu plus 
haut, tandis que sur la Terre l’eau couvre les trois quarts de 
la surface du globe, sur Mars, qui est bien plus âgé, elle en 
baigne à peine la moitié. 


Or, si l’on examine les cartes marines, où, comme sur celle 
de l’océan Atlantique due au travail de Maury, Stieler, etc., 
sont tracées les courbes horizontales successives pour les 
profondeurs de plus en plus grandes, on reconnait que ces 
courbes tendent progressivement à limiter des zones dont la 
forme est de plus en plus allongée. À 4000 mètres, par 
exemple, on obtient des formes comparables de tous points 
à celles des mers de Mars, 

Il résulte de là que, si on suppose l’eau de l'Atlantique 
absorbée par les masses profondes actuellement en voie de 
solidification, de façon que le niveau de cet océan s’abaisse 
de 4000 mètres, on aura à la fois une bien moins grande 
surface recouverte par Peau, et une forme étroite et allongée 
de la mer,c’est-à-dire la représentation exacte de ce que 
Mars présente, 


9 L’ÉTAT DE SÉCHERESSE DE LA LUNE 


Les satellites étant plus petits que les planètes autour des- 
quelles ils gravitent et la vitesse de refroidissement croissant 
très vite quand le volume diminue, ils doivent être consi- 
dérés comme plus âgés que ces planètes. 

La Lune, par exemple, est plus âgée que la Terre et elle 
représente, au moins à certains égards, l’état auquel celle-ci 


L'ÉTAT DE SÉCHERESSE DE LA LUNE. 179 
parviendra plus tard, Ce qui caractérise la Lune, c’est Pab- 
sence d’eau et d'air. Il n’en à pas toujours été de même. Les 
phénomènes volcaniques qui y sont si développés en donnent 
une preuve irrélutable, car ils ne sont point possibles sans le 
concours de l’eau. 

Or lPépaisseur de la croûte terrestre actuellement con- 
solidée est bien peu de chose par rapport au rayon du globe, 


UNE CHAINE DE VOLCANS LUNAIRES. 


Par le fait seul de son épaississement, la masse solide de la 
Terre absorbe donc encore beaucoup d’eau. Un calcul très 
simple conduit même à cette conséquence que toute l’eau de 
la mer ne suffirait pas, à beaucoup près, à l’hydratation 
moyenne des masses profondes en voie de solidification. 

Il est aisé de se représenter les phases inévitables du phé- 
nomène dont il s’agit : sous la double influence de l'appel 


vers le centre produit par le refroissement et de la pression 


180 L’AGE DES PLANÈTES. 
atmosphérique, les régions superficielles se dessèchent au 
profit des masses profondes. Dans le vide ainsi produit, l'air 
pénètre peu à peu et l’astre, depuis longtemps impropre à la 
vie, devient le domaine du silence; enfin, après avoir vu 
s’éteindre les êtres animés qu’il portait et disparaître les 
eaux qui le baignaient, il perd jusqu’à son ciel : une pro- 
fondeur noire l’environne de toutes parts. Cest un astre mort, 
un cadavre, Et l’on voit que la Lune présente ces caractères 
dès maintenant. 


CHAPITRE III 


LES EFFETS DU RETRAIT 


Nous avons été conduit à la conclusion nécessaire que les 
météorites sont des débris d’astres. I ne semble pas que cette 
conclusion puisse être attaquée. Voici donc introduite dans 
la science, et pour la première fois, la notion que des 
astres peuvent finir, se briser, disparaître de la voûte des 
cieux. 

Nous disons pour la première fois, quoique la supposition 
de la rupture d’un astre ait été formulée souvent; mais la 
supposition seule n’est jamais la démonstration. Ici, au con- 
traire, ce n’est pas une hypothèse que l’on imagine, c’est une 
conclusion qu’on tire d’études purement minéralogiques et 
qu’on n’est pas libre de n’en pas déduire ; pour mieux dire, 
c’est un fait qu’on constate. 

Mais cette notion nous met en présence d’un problème nou- 
veau. Comment un astre peut-il se réduire en fragments indé- 
pendants les uns des autres, comme sont les météorites? 

Les premiers qui ont parlé d’astres brisés n'étaient point à 
court d'explications ; pour les uns, il y avait eu rencontre et 
choc de corps célestes; pour d’autres, explosion de pla- 
nète, etc. Affaire de goût et d'imagination. 

Prenons une autre méthode, et, retournant sur nos pas, 
voyons si les divers astres de notre système ne présentent pas 
quelques caractères propres à nous mettre sur la voie de la 


182 LES AGES DES PLANÈTES. 

solution. Or il est impossible de se livrer à cet examen sans 
reconnaître aussitôt, chez certains de ces grands corps, une 
tendance à la rupture spontanée. 


4. LES FAILLES DE LA TERRE 


La Terre nous montre des fèlures, les failles, effets d’une 
action générale qui produit les mouvements d’ensemble 
désignés par Elie de Beaumont sous le nom de bossellements 


LES RAINURES DE LA LUNE. 


généraux, et qui est liée à la diminution progressive de 
volume du noyau interne. 

Le premier revêtement solide de notre planète s’est néces- 
sairement concrété sur un sphéroïde fluide (gazeux) beau- 


LES CREVASSES DE LA LUNE. 183 
coup plus gros que n’est aujourd’hui la Terre. Au fur et à 
mesure de la contraction de ce sphéroïde, le revêtement a 
cédé par places, de façon à le suivre dans son mouvement de 
retrait. 

Or il n’a pu le faire qu’en se fendillant. Les voussoirs, 
ainsi délimités, ont glissé les uns sur les autres. Ainsi se sont 
formées les grandes lignes de relief du sol. En même temps, 
des matériaux fluides sous-jacents s’injectaient dans les fis- 
sures et formaieni les filons, les dykes, les culots, etc, 

La Terre étant encore fort loin d’être refroidie jusqu’au 
centre, cet ensemble de phénomènes se produit dans sa pro- 
fondeur, sans que la surface éprouve autre chose que des 
mouvements lents, Mais, dans la suite, ces velléités de rup- 
ture, toujours contrariées dans l’état actuel par une cimen- 
ation profonde, ne feront-elles pas place à une rupture 
véritable? 


2. LES CREVASSES DE LA LUNE 


Si cette supposition est fondée, la Lune, étant plus avancée 
que la Terre en développement, doit manifester cette tendance 
à la rupture avec une accentuation plus marquée. 

Or c’est justement ce que Pobservation révèle. 

Tout le monde connaît les crevasses à la fois si étroites et si 
longues qui, sur une profondeur inconnue, traversent, sans 
s’infléchir, les plaines, les cratères et les montagnes de la 
Lune : ce sont les rainures, commencement déjà bien caracté- 
risé de la rupture de l’astre mort. 


3. LES FORMES DES PETITES PLANÈTES 


Cherchons dans le ciel les effets d’une action plus avancée. 
Les petits astéroïdes situés entre Mars et Jupiter paraissent 
nous les fournir. 


184 LES AGES DES PLANÈTES. 


Il semble, en effet, que la petitesse de leur masse totale, 
l’enchevêtrement de leurs orbites, la forme polvédrique qu'on 
leur a reconnue, l'absence de toute atmosphère, enfin la 
orande distance qui les sépare du Soleil, et par conséquent 
leur grand âge, soient autant de raisons pour voir dans ces 
planètes, à peu près comme le voulait Olbers, les fragments 
séparés d’un astre jadis unique. 

Ajoutons que l'hypothèse de la rupture spontanée, substituée 
à l’idée peu naturelle d’un choc ou d’une explosion, semble 
faciliter beaucoup la solution de certaines objections qui ont 
eu raison des idées de l’astronome de Brême. 


4, LES FORMES DES MÉTÉORITES - 


Les météorites représentent un terme encore bien plus 
accusé de la désagrégation spontanée. 

Admettons que les crevasses de la Lune, successivement 
prolongées et approfondies, finissent par résoudre l’astre en 
blocs distincts, et n’ayant d'autre lien que leur mouvement 
orbitaire simultané. 

Cette communauté d’allure pourrait évidemment durer 
longtemps. Mais il n’est pas impossible d'imaginer des causes 
extérieures qui déterminent leur éparpillement le long de l’or- 
bite que décrivait le globe, exactement comme s’éparpillent les 
étoiles filantes sur la trajectoire des comètes. 

Au bout d’un temps suffisant, dans cetle manière de voir, 
ils ceindraient donc d’un anneau complet l’astre central, au- 
tour duquel leur ensemble gravite, et ils se précipiteraient 
successivement à sa surface. 

A ce moment ce seraient de véritables météorites, dont l’ar- 
rivée serait accompagnée de tous les phénomènes que nous 
connaissons. 


<céllles 


COMMENT SE SONT PRODUITES LES MÉTÉORITES. 185 


COMMENT SE SONT PRODUITES LES MÉTÉORITES 


ot 


D'où viennent les météorites? Comment déterminer la 
région du ciel où se mouvait l’astre détruit dont elles sont 
les débris? 

Nous avons montré que le système solaire étudié dans son 
ensemble, et abstraction faite du Soleil lui-même, se diviseen 
trois zones d’astres, caractérisées respectivement par leur état 
physique. 

Aux confins du système sont les deux planètes Neptune et 
Uranus, qui manifestent au spectroscope une structure vapo- 
reuse et semblent encore faiblement lumineuses par elles- 
mèmes. 

A leur suite viennent Saturne et Jupiter, qui se comportent 
à l’observation comme des corps liquides. 

Enfin arrivent tous les corps du système solaire inférieur : 
les astéroïdes, Mars, la Terre, la Lune, Vénus et Mercure, qui 
montrent un noyau solide et que par cette raison, afin d’évi- 
ter les périphrases, nous avons appelés les planètes solides. 

Nous avons reconnu que cet état solide est acquis; qu’il 
résulte du refroidissement des astres plongés dans un espace 
suffisamment froid pour déterminer la condensation et la soli- 
dification de certaines des vapeurs dont ces astres étaient 
d’abord formés. Mais en même temps nous avons constaté que 
les planètes encore fluides sont précisément les plus âgées 
du système, et qu’il n’y a aucune apparence, par conséquent, 
qu'elles changent jamais d'état. C’est à cause de leur incapa- 
cité à fournir toutes les phases de l’évolution sidérale que 
nous les avons qualifiées d’astres atteints d’arrêt de dévelop- 
pement. 

Or les météorites étant solides doivent d’après cela provenir 
d'un astre du système solaire inférieur. Il reste à voir si dans 


- 


186 LES AGES DES PLANÈTES. 


ce système lui-même nous ne pourrons pas préciser la région 
où il gravitait. 

Or l’astre dont nous essayons de retrouver la place dans le 
ciel pouvait : 

Ou graviter autour du Soleil dans une orbite cométaire; 

Ou graviter autour du Soleil dans une orbite planétaire ; 

Ou graviter autour de la Terre à la manière de la Lune. 

Un examen très simple des faits qui accompagnent la chute 
des météorites nous permettra d'éliminer les deux hypothèses 
inexactes pour conserver la bonne. 


Il y a plusieurs raisons de dire que ce n’était pas une 
comète, et deux sont surtout décisives. La première est tirée 
de la nature même des météorites, l’autre de lPabsence de toute 
périodicité dans leur arrivée sur la Terre. 


Les comètes ont été soigneusement étudiées au spectro- 
scope, qui a permis d’y reconnaître plusieurs corps simples et 
même certains composés définis, et qui a servi à déterminer 
en même temps l’état physique de ces corps errants. Le résul- 
tat constant a été que les comètes sont gazeuses, par consé- 
quent elles diffèrent absolument des météorites. 

De plus, l'orbite des comètes coupant les orbites planétaires, 
les planètes et les comètes ne peuvent se rencontrer qu’à cer- 
taines époques déterminées : si les météorites étaient d’origine 
cométaire, leurs chutes seraient donc plus nombreuses en 
certains mois qu’en d’autres. 

C'est par un raisonnement de ce genre que MM. Schiappa- 
relli, Le Verrier, Adams et autres sont arrivés à reconnaitre 
que les étoiles filantes sont le produit de la désagrégation 
des comètes ; que l’essaim d’étoiles filantes du 10 août doit 
son origine à la grande comète de 1862; que l’essaim du 
13 novembre dérive de la comète de Tempel, apparue en 
4866, etc. 


COMMENT SE SONT PRODUITES LES MÉTÉORITES. 187 
Or rien d’analogue ne se présente pour les météorites, puis- 
qu’elles tombent à des époques quelconques. 
L’astre d’où proviennent les météorites n’était donc pas une 
comète. 


Mais cette absence de périodicité pourrait se concilier avec 
l'hypothèse qui ferait des météorites le produit de la désagré- 
gation d'une planète. Elles formeraient alors, en effet, un 
anneau autour du Soleil, concentrique à l'orbite de la Terre, 
et qui par conséquent pourrait se confondre plus ou moins 
avec elle. 

Mais cette nouvelle supposition soulève des difficultés tel- 
lement considérables, qu’on est conduit à la rejeter. 

En effet, la résolution de la planète en météorites suppose 
forcément, d’après les études précédentes, qu’elle soit arrivée 
à la dernière phase de l’évolution sidérale. Or son grand 
âge ne peut résulter que de l’une ou de l’autre de ces condi- 
tions : 

1° Ou bien elle gravitait aux confins mêmes du système so- 
laire inférieur; plus loin que les petites planètes, puisque 
celles-ci ne sont point encore réduites à l’état de météorites; 

2 Ou bien elle pouvait graviter dans le voisinage de l'orbite 
terrestre, mais elle était d’un volume inférieur à celui de la: 
Lune elle-même, puisque celle-ci ne montre encore que les 
premiers indices de démolition. 

Or, dans le premier cas, les fragments n'auraient pas eu 
actuellement le temps de se rapprocher du Soleil de toute la 
distance qui sépare leur orbite originaire decelle de la Terre. 
L’éloignement des petites planètes par rapport à Mars nous 
met en droit de l’affirmer. 

Et dans le second, il serait de toute impossibilité que le 
phénomène de la chute des météorites ne fût pas le plus rare 
possible, car on voit, par l’absence même de périodicité, que 
les débris d’une planète plus petite que la Lune devraient. 


188 LES AGES DES PLANÈTES. 


faire autour du Soleil une ceinture ayant au moins la longueur 
de l'orbite terrestre. 

L’astre d’où viennent les météorites n’était donc pas une 
planète. e 

Arrive la troisième supposition, la dernière de celles qu'on 
puisse faire, en partant, bien entendu, des données de la 
Géologie comparée. 

Elle consiste à voir dans l’astre qui fournit les météorites 
un satellite de la Terre beaucoup plus petit que la Lune et, à 
cause de cette circonstance, beaucoup plus rapidement par- 
venu à l’état de décomposition. 

L'absence de périodicité du phénomène de la chute des 
pierres cadre parfaitement avec cette manière de voir. 

Cette absence de périodicité est en effet tout expliquée 
dès que la Terre emporte avec elle la cause du phénomène. 

Remarquons aussi que, celui-ci étant terrestre, une autre 
cause terrestre est seule en proportion de l'effet à expliquer. 


QUATRIÈME PARTIE 


LES PROBLÈMES DE LA TERRE 


CHAPITRE PREMIER 


L'AVENIR DE LA TERRE 


Parmi toutes les conséquences des études que nous venons 
de faire, il en est une qui est plus particulièrement de nature 
à nous intéresser. Tout ce qui a été dit de l’évolution sidérale 
s'appliquant à laTerre, un jour viendra où, après avoir perdu 
son atmosphère, après avoir vu des rainures s'ouvrir en tous 
sens à sa surface, elle pourra se réduire en fragments mé- 
téoritiques. 

Bien avant ce terme, les êtres vivants, et spécialement lhu- 
manilé, privés des conditions nécessaires à leur existence, se 
seront éteints successivement. 

Notons d’ailleurs que, la loi de l’évolution sidérale s’appli- 
quant également au Soleil, un temps doit venir où l’astre ra- 
dieux cessera de vivifier les planètes. Si elles n'étaient pas 
déjà désagrégées, elles deviendraient dès lors impropres au 
séjour d’êtres vivants. 

Inutile de rappeler qu’un bloc de basalte de la grosseur 
de notre planète ne se refroidirait que d’un degré en neuf mil- 
lions d'années. Car si cette considération rejette dans un 
avenir très lointain l'évènement qui nous occupe, cela ne le 
rend nullement incertain. 

Un professeur distingué, prématurément enlevé à la 
science, M. Trouëssart, dont l'esprit s’élait arrêté sur ces 
questions, exposait en ces termes l’avenir qui nous al- 


192 LES PROBLÈMES DE LATERRE. 
tend et faisait ainsi connaître ses préférences sur les diverses 
fins possibles du genre humain : € Un jour, dit-il, ce ‘brillant 
flambeau, source ponr nous de lumière, de chaleur, de mou- 
vement et de vie, s’éteindra, et nous autres, pauvres mortels 
(car comment ne pas nous associer à la destinée de notre pos- 
térité?), que deviendrons-nous alors? Après avoir trainé les 
restes d'une mourante vie, mené la triste existence des La- 
pons, des Eskimaux, des Samoyèdes, repassé lentement, à re- 
culons, par tousles degrés de notre développement physique, 
intellectuel et moral, il faudra finir d’épuisement, de misère, 
de faim et de froid! Mieux vaudrait mille fois une dernière 
catastrophe qui emporterait l'humanité en pleine civilisation, 
et qui lui permettrait de dire à l'univers qui l’écraserait, sui- 
vant la belle expression de Pascal, € qu'ilest encore plus noble 
que lui. » — Oui, tout plutôt que cette fin misérable, où la 
pensée elle-même se serait sans doute éteinte avant ce reste 
indigne de vie matérielle! Mais cette catastrophe, la science 
ne la prévoit pas el elle prévoit l'extinction du Soleil. » 
Cependant on peut remarquer que, si la fin qui répugnait 
tant à Trouëssart attend véritablement le genre humain, c’est 
simplement la preuve que la loi qui régit l'espèce n’est autre 
que celle qui régit l'individu. Et pourquoi donc cette loi appli- 
quée à l’espèce nous causerait-elle tant d'horreur quand, 
appliquée à l’individu, elle nous semble si naturelle? Si le 
spectacle de l’homme qui, chargé d'années, redescend, par une 
progression rétrograde, le versant de la vie, ne nous désespère 
point, c’estque nous savons que cet amoindrissement continu 
n’est qu'apparent et momentané, qu'il ne porte que sur des 
éléments secondaires, transitoires et extérieurs, dont l’altéra- 
tion nous donne seule l'illusion de l’obscurcissement de ce 
qui dans l’homme est l’homme même; et que celui-ci, intro- 
duit par la mort dans une autre existence, y recouvrera tout 
l'éclat dont nous l'avons vu briller au moment de son apogée 
moral, devenu le point de départ de l'ascension nouvelle 


«jte A 

L'AVENIR DE LA TERRE. 193 
qu'il va fournir. Mais n’avons-nous pas les mêmes motifs de 
reconfort en ce qui concerne l'humanité? Société transitoire 
d'êtres immortels, appelés à remplir de concert une grande 
fonction terrestre, qui est de faire sentir aux choses d'ordre 
physique et physiologique la suprématie de Pesprit, si Phuma- 
nité se dissout, quand £ette fonction est remplie, ce doit être 
pour relormer ailleurs, en vue d’autres destinations plus 
sublimes, des sociétés nouvelles, puisque les associés ne 
meurent point. 

Nous ne partageons donc nullement les inquiétudes si élo- 
quemment exprimées par Trouëssart. Ses répugnances ne nous 
paraissent pas mieux molivées. Que l'humanité doive être un 
jour relevée du poste qui lui est confié ici-bas, n’est-ce pas 
l'essentiel? Car si sa destinée était à jamais liée à celle de la 
Terre, arrivée dès aujourd’hui, comme quelques-uns le pré- 
tendent, à un état de stabilité immuable, ses progrès dans la 
science et dans la puissance seraient donc limités à ce qu’on 
peut acquérir de l’une et exercer de l’autre, de ce point insi- 
gnifiant de l’espace sans bornes où nous sommes actuelle- 
ment cantonnés! 

La théorie de l’évolution sidérale dissipe cette terne per- 
speclive. Et puisque nous avons la certitude que ni la raison, ni 
les sens, ni le cœur, qui nous ont été donnés, ne sont de pures 
sources d'illusions, ayons aussi cette confiance que la réalité 
qui est devant nous vaudra mieux que tout ce que nous pou- 


vons regarder comme le meilleur dans notre ignorance pro- 
fonde. 


PLANÈTE QUE NOUS HABITONS. 13 


CHAPITRE IT 


LES PROFONDEURS DE LA TERRE 


L'observation directe du globe ne nous fournit aucun ren- 
seignement positif sur la nature des masses existant au-des- 
sous du revêtement cristalin qui sert de support aux terrains 
stratifiés. Mais, en vertu du principe de l’unité de constitution 
du système solaire, 4l est tout indiqué de comparer le globe 
d’où viennentles météorites à ce que nous connaissons de l’é- 
corce terrestre, afin de voir si cet examen ne nous mettra pas 
en mesure de combler plus ou moins la lacune dont il s’agit. 


1. L’UNITÉ D’ORIGINE DES MÉTÉORITES 


Les divers types de météorites ont une origine commune ; 
ils ont été en relations ensemble, comme les roches qui con- 
stituent l'écorce de la Terre sont de leur côté en relations mu- 
tuelles; ce grand fait, non soupçonné jusque dans ces der- 
niers temps, se démontre à l’aide de diverses méthodes parfai- 
tement indépendantesles unes des autres, et que nous allons 
indiquer rapidement. 

A cet égard on peut donner aux météorites le nom de fossiles 
planétaires, car elles nous révèlent l’ancienne existence 
d’astres disparus, en faisant naître l'espoir de les recons- 
truire. Bien qu’elles nous fournissent le dernier terme de la 


L'UNITÉ D'ORIGINE DES MÉTÉORITES. 195 
décomposition planétaire, la matière des astres morts 
rentrant par l'intermédiaire des astres vivants dans le tour- 
billon de la vie planétaire, cependant les météorites ont con- 
servé des caractères dus à leur ancienne union et qui trahit 
celle-ci à l'œil de l'observateur. 


Ainsi, il est évident qu’une brèche polygénique, ou renfer- 
mant les éléments de plusieurs espèces de roches, n’a pu se 
former que là où ces éléments divers coexistaient. 

Les pépérines de nos volcans dans lesquelles se ren- 
contrent côte à côte des fragments des roches appelées 
basalte, dolérite, wacke, etc., ne prennent naissance que là 
où se présentent à la fois le basalte, la dolérite et la 
“wacke. 

Il y a dans les Pyrénées une brèche bien remarquable par 
sa complexité : c’est toute une collection de roches en petits 
fragments recollés ensemble. Ony distingue le granit, le talc- 
schiste, le phyllade, l'argile, le calcaire, ete. Son existence est 
une preuve suffisante de l'existence du granit, du talcschiste, 
du phyllade, etc., dans les lieux d’où elle provient. 

Le même raisonnement s'applique évidemment aux mé- 
téorites. Dès qu’une brèche météoritique renferme des frag- 
ments pouvant être rapportés à des types de météorites 
simples, ces types simples ont nécessairement été quelque 
part en relation de position. 

Or de telles brèches existent. 

Citons d’abord celle qui est tombée à Saint-Mesmin (Aube) 
en 18066. On y constate la coexistence de la roche du type de 
Lucé et de la roche du type de Limerick. Ces deux types de 
roches proviennent donc d’un même gisement. 

Voici, en second lieu, la brèche tombée à Canellas, en 
Espagne, le 144 mai 1861. Elle ressemble beaucoup à la pré- 
cédente et contient comme elle la roche de Limerick, mais 
la roche de Lucé y est remplacée par celle de Montréjeau. 


196 LES PROBLÈMES DE LA TERRE. 
Cette brèche prouve donc la communauté d’origine des types 
de Limerick et de Montréjeau. 

De ces deux premiers faits pourrait être déduite la commu- 
nauté d’origine des roches de Montréjeau et de Lucé, qui se 
trouvent respectivement en rapport avec la même roche de 
Limerick. Mais cette démonstration s'obtient autrement, 
comme on verra tout à l'heure, 

La météorite tombée en 1877 à Soko Banja en Serbie fournit 
la preuve de relations stratigraphiques entre la roche de Mon- 
tréjeau et la roche d'Erxleben. 

Arrivons tout de suite à la brèche bien plus compliquée de 
Parnallée, dont nous avons déjà parlé. D’après ce qui précède, 
cette brèche prouve la communauté d’origine de sept types au 
moins de roches, dont trois sont représentés par des météo- 
riles distinctes, savoir : celles de Tadjéra, de Chassigny et de 
Bishopville. Les quatre autres offrent en plus cet intérêt 
spécial qu'ils nous permettent de prédire avec certitude lar- 
rivée de types météoritiques non encore observés isolément. 

Parmi les brèches se rangent aussi les fers de Deesa et 
d’Atacama. 

Le premier démontre la communauté d’origine du fer de 
Caille et de la pierre de Tadjéra; l’autre, celle du même fer 
de Caille avec la pierre de Chassigny. 

On pourrait beaucoup prolonger cette énumération. 


Sur la Terre, les types lithologiques ne sont Jamais net- 
tement définis; d'ordinaire ils passent insensiblement des 


uns aux autres, et c’est ce qui rend la classification des roches 


extraordinairement difficile. Or ces passages ne sauraient 
s’observer si les divers types ainsi reliés ne dérivaient, en 
dernière analyse, d’une seule et même source, dont le produit 
a été modifié plus ou moins par les circonstances extérieures. 

Quand nous trouvons parmi les météorites des types de 
transition entre deux roches bien définies, nous sommes donc 


L'UNITÉ D'ORIGINE DES MÊTÉORITES. 197 
autorisés à conclure que ces deux roches ont été en rapport 
ensemble, ou qu'elles dérivent, si l’on veut, toutes deux 
de leur intermédiaire, grâce à des conditions spéciales. 

Ces types de transition sont extrêmement nombreux. 

Pour en citer d’abord qui nous soient déjà connus, men- 
tionnons la roche de Chantonnay et celle de Belaja-Zerkva. 
La première, grise el marbrée de noir, est intermédiaire 
entre la roche grise d’Aumale et la roche noire de Tadjéra. 
La seconde, blanche avec des globules noirs, est inter- 
médiaire entre la roche blanche de Montréjeau et la roche 
noire de Stavropol. | 

Le météorite de Forsyth, en général compacte, mais glo- 
bulaire par places, forme une transition entre la pierre com- 
pacte de Lucé et la pierre globulaire de Montréjeau. De nom- 
breux intermédiaires existent entre la roche serrée d’Aumale 
et la roche plus friable de Lucé. La pierre d'Ohaba constitue 
une transition entre celle de Montréjeau et de Limerick, etc. 

Parmi les brèches, nous citerons celle d’Assam, qui est 
telle qu'on ne sait si l’on doit la rapprocher de la brèche de 
Saint-Mesmin plutôt que de la brèche de Canellas, etc, 


James Hall, chauffant de la craie dans de certaines con 
ditions, l’a, ainsi que nous l’avons vu plus haut, transformée 
en un marbre blanc tout pareil à celui dont le basalte, dans le 
nord de l'Irlande, a déterminé la production en traversant 
des couches de craie. Il résulte de là que l’existence du marbre 
blanc suppose l'existence antérieure de la craie; que le 
marbre ne pourrait pas se produire là où il n’y a pas de craie; 
que, par conséquent, le marbre et la craie proviennent d’un 
même gisement. 

Le mème raisonnement, évidemment applicable au méta- 
morphisme météoritique, conduit à retrouver certains rap 
ports stratigraphiques entre les roches célestes. 

En effet, des expériences très simples et déjà résumées dans 


198 LES PROBLÈMES DE LA TERRE. 


les pages précédentes ont permis de constater que la roche 
noire de Tadjéra et la roche noircie de Chantonnay sont des 
transformations plus ou moins complètes de la roche grise 
d’Aumale. Elles n’ont pu se produire qu’à l’aide de masses 
préexistantes de cette dernière; et, par conséquent, les trois 
roches qui nous occupent ont été quelque part en relations 
mutuelles. 

La même chose peut se dire sans variante des roches de 
Stavropol et de Belaja-Zerkva, qui dérivent de la roche de 
Montréjeau. 

De façon que cette pure expérience de laboratoire, consis- 
tant à chauffer au rouge, plus ou moins longtemps, divers 
types de météorites, peut devenir un procédé de géologie stras 
tigraphique, en révélant des relations de gisement entre 
certaines roches. 


La notion des relations stratigraphiques des météorites 
résulte encore d'observations d’un autre genre. Elle se déduit 
de la présence simultanée, dans certaines chutes, de types 
différents qui viennent manifestement d’une même localité, 
puisque c’est le même bolide qui les apporte. 

Le fait s’est présenté dans des conditions extrèmement 
remarquables, comme on va le voir : 

Le 17 novembre 1773, on vit tomber à Sigena, en Espagne, 
des météorites dont les unes présentent tous les caractères 
de la roche tombée à Busti, dans l'Inde, tandis que les autres 
offrent ceux de la roche complètement différente dont le type 
est fourni par l’aérolithe de Parnallée. 

Ces deux types de Busti et de Parnallée sont donc origi- 
naires d’un commun gisement. 

Si la preuve n’en était pas suffisamment établie par le 
phénomène de Sigena, nous en avons la répétition identique 
dans la chute survenue le 12 novembre 1856 à Trenzano, en 
Italie. Là aussi sont tombées des pierres appartenant à deux 


L'UNITÉ D'ORIGINE DES MÉTÉORITES. 199 
types différents, et là aussi ces deux types se sont trouvés être 
ceux de Busti et de Parnallée. 

Ces faits sont d'autant plus remarquables, qu’on y trouve 
réunies plusieurs circonstances dont chacune, prise indivi- 
duellement, n’est que très rarement réalisée. Il est très rare 
en effet qu’il tombe des météorites du type de Busti; ilest très 
rare qu’il en tombe du type de Parnallée; enfin il est très 
rare que deux types lithologiques différents arrivent sur la 
Terre en même temps. 


En résumé, et grâce à ces diverses méthodes d’investi- 
gation, il ya actuellement plus de vingt types de roches mé- 
téoritiques dont on peut dire qu’elles ont été ensemble en re- 
lations stratigraphiques. Constater que ces relations sont 
maintenant brisées, c’est dire que le globe dont ces roches 
ont fait partie n’existe plus. L'ensemble des faits conduit donc 
à cette conséquence, déjà obtenue plus haut par une autre 
voie, que les météorites sont les matériaux de démolition d’un 
astre disparu. Sa destruction est-elle tout ce que nous pou- 
vons apprendre de son histoire, ou, de même que les restes 
exhumés d'animaux éteints permettent de reconstruire des 
êtres d’'époques antérieures à la nôtre, pourrons-nous, par 
l'examen des météoriles, reconstituer l’astre dont ils sont 
proprement les vestiges fossiles? Cet espoir est plus qu’il n’en 
faut pour justifier les recherches qui sont l’objet du para- 
graphe suivant. 


2. COMMENT ÉTAIT CONSTITUÉ L’ASTRE D’OU PROVIENNENT 
LES MÉTÉORITES 


On a vu que les météorites se divisent, quant à leur mode 
de formation, en primitives, éruptives, métamorphiques, bré- 
chiformes non éruptives, volcaniques, filoniennes et épigé- 
niques. 


200 LES PROBLÈMES DE LA TERRE, 


Ces diverses roches occupaient sans doute dans le globe 
d’où elles proviennent des positions relatives semblables à 
celles que leurs analogues occupent dans leglobe terrestre. Or 
les roches primitives sont généralement superposées d’après 
l’ordre de leur densité; les masses éruptives, y compris les 
roches volcaniques, forment d'habitude des enclaves transver- 
sales ou des filons intercalés dans les précédentes; les masses 
métamorphiques sont en contact ou dans le voisinage des 
filons injectés; les brèches leur sont liées d’une manière plus 
ou moins intime, et enfin les filons, concrétionnés dans les 
failles, peuvent recouper toutes les formations. 

En rapprochant les données fournies par la géologie ter- 
restre de celles que fournissent les météorites, on arrive à 
reconnaitre que la région la plus profonde du globe à re- 
construire devait être formée de roches volcaniques. Celles- 
ci en effet, quoique moins denses que les roches de péridot 
ou que les roches imprégnées de fer natif, ou même que les 
roches entièrement composées de métal libre, en ont empâté 
des fragments lors de leur ascension. Ce qui suppose néces- 
sairement qu’elles gisaient au-dessous d'elles. 

Mais la question reste indécise de savoir si ces masses ré- 
onaient jusqu’au centre de l’astre en question. On peut sup- 
poser que, pareil aux boulets de canon de l’ancienne artillerie, 
ce globe renfermait en son centre un vide, ou chambre, re- 
présentant après le refroidissement total l’espace occupé par 
les vapeurs ardentes enfermées sous Ja croûte primitive. | 

Cette manière toute nouvelle de concevoir l’ossature du 
globe facilite d’ailleurs la solution de problèmes très variés, 
et par exemple ceux qui concernent le magnétisme ter- 
restre. 


Quoi qu’il en soit, au-dessus des assises dont la météorite- 


de Juvinas fournit un échantillon, venaient d’abord les 
masses composées de fer natif nickelifère (Caille, ete.), puis les 
pierres, les unes renfermant des grenailles métalliques d’a- 


sn 


COMMENT ÉTAIT CONSTITUÉ L'ASTRE MÉTÉORITIQUE. 901 
bord très grosses, comme dans les météorites de la Sierra 
de Chaco, ensuite de plus en plus fines, comme dans les 
masses de Laigle, d’Aumale, de Lucé, de Montréjeau, etc., 
et les autres dépourvues de métal libre, comme les roches 
dont la chute de Chassigny fournit des échantillons. 

« Ces assises successives sont d'autant plus anciennes 
qu’elles sont plus éloignées du centre. La pierre d’'Aumale, par 
exemple, s’est solidifiée avant que les masses métalliques plus 
profondes fussent assez refroidies pour cesser d’être liquides. 

« Celles-ci se contractant progressivement déterminèrent, 
à diverses reprises, le fendillement du revêtement pierreux, 
et la masse fondue fut injectée dans les failles ainsi ou- 
vertes et s’y solidifia. C’est de cette façon que se produisirent 
les fers reconnaissables aux images confuses qu'ils donnent 
aux acides, et parmi lesquels on peut citer les masses décou- 
vertes à Octibbeha. 

« En traversant les masses déjà solidifiées qui leur étaient 
superposées, cesinjections métalliques leur firent subir, dans 
certains cas, des modifications plus ou moins profondes, 
un véritable métamorphisme, et, comme nous l’avons vu, les 
pierres grises d’Aumale et de Montréjeau se tramsformèrent 
respectivement : la première dans les masses de Chanton 
nay et de Tadjéra, l’autre dans celles de Belaja-Zerkva et 
de Stavropol. 

« Du même coup il arriva que des fragments pierreux, 
arrachés aux parois des failles, furent empâtés dans le métal 
fondu, et que, devenus dès lors métamorphiques, ils donnèrent 
lieu à des brèches du genre de celles de Deesa. 

« D'ailleurs les phénomènes éruptifs ne furent pas le 
privilège des roches métalliques. Les masses pierreuses, 
comme il arrive si manifestement sur notre globe, fu- 
rent poussées parfois des profondeurs à travers les roches 
préablement crevassées qui gisaient au-dessus d’elles. Cest 
ainsi que la roche d’Aumale, poussée après sa solidifica- 


202 LES PROBLÈMES DE LA TERRE. 


tion, prit parfois les caractères de la roche de Chantonnay 
déjà produits autrement comme on vient de le voir’. » 

Les roches volcaniques proprement dites, telles que celles 
de Juvinas, sortirent par un mécanisme un peu différent, à 
l’état pâteux, comme nos laves. 

Peut-être est-ce aux têtes des filons éruptifs que se plaçaient 
les roches bréchoïdes dont les liens d’origine sont si évi- 
dents avec les masses normales, et qui sont représentées, 
dans leurs types principaux, par les pierres de Saint-Mesmin, 
de Canellas de Soko-Banja et de Parnallée. £ 

Certaines failles ont évidemment donné passage à des éma- 
nations qui se sont concrétionnées sous la forme de filons, 
dont les fers de Pallas et d’Atacama sont les échantillons les. 
mieux caractérisés. Par d’autres sont sorties les émanations 
d’où dérivent les masses épigéniques, comme la pyrrhotine 
de Sainte-Catherine. 


9. LES ROCHES TERRESTRES COMPARÉES AUX MÉTÉORITES 


Le globe météoritique étant reconstitué comme on vient de 
le faire, il est tout naturel de le comparer au globe terrestre. 

Ce qui doit arrêter d’abord notre attention, ce sont les 
roches qui, malgré l’immense distance de leurs gisements 
respectifs, ne se distinguent cependant les unes des autres 
par aucun caractère. 

Deux surtout méritent d’être citées. 

Cest d’abord la roche du type de Juvinas et Stannern, 
identique aux laves de certains volcans, et spécialement à 
celle de la Thjorza, en Islande. Cette identité, à laquelle nous 
avons déjà fait allusion plus haut, existe non seulement dans 


1. Le Ciel géologique, par Stanislas Meunier, p. 69. 


LES ROCHES TERRESTRES COMPARÉES AUX MÉTÉORITES. 203 


la composition minéralogique, mais même dans la structure 
et l’aspect extérieur. 

De même les météorites du type de Chassigny, formés, 
comme on l’a vu, de péridot granulaire allié à du fer chromé, 
sont rigoureusement semblables à la roche trouvée d’a- 
bord à la Nouvelle-Zélande par M. de Hochstetter, qui l’a ap- 


BLOC DE FER NATIF DÉCOUVERT AU GROENLAND. 


pelée dunile et retrouvée à Bourbon et même en France, 
dans l'Ardèche, en fragments empâtés dans les basaltes. 

A côté de ces roches identiques entre elles, malgré la dis- 
tance de leur gisement, il faut en mentionner qui se ressem- 
blent beaucoup sans se reproduire exactement. Telles sont, 
en première ligne, les curieuses roches découvertes 1l y a peu 
d'années au Groenland et qui sont si étranges, qu’à première 
vue on les a prises sans hésiter pour des météorites. 


904 LES PROBLÈMES DE LA TERRE. 


Les unes sont entièrement formées de fer métallique et 
ressemblent pour l’aspectaux météorites métalliques décrites 
plus haut; d’autres, au contraire, présentent de fines gre- 
nailles métalliques disséminées dans une gangue pierreuse, 
absolument comme les météorites primitives. 

Cependant, malgré ces analogies, les roches dont il s’agit 
se distinguent également par le détail de leur structure et par 
leur composition des divers types connus des météoriles. À 
ce dernier point de vue, le caractère le plus saillant consiste 
en ce que le fer des masses d’Ovifak n’est pas complètement 
libre comme celui des météorites ; outre qu'il contient beau- 
coup de carbone qui en fait une vraie fonte, il est partielle- 
ment combiné à de l’oxygène, sans qu'on puisse d’ailleurs 
déterminer avec certitude quel en est le degré d’oxydation. 

D'ailleurs, le métal est associé d’une manière intime à des 
roches évidemment terrestres. Aussi, à l’époque où l’on sup- 
posait encore que le métal groenlandais n’appartenait pas à 
notre globe, a-t-on été conduit à supposer que la chute de ces 
prétendues météorites avait eu lieu précisément à l’époque où 
du basalle faisait éruption à l’état pâteux. 

On conviendra que cette coïncidence, sans être impossible, 
serait bien étrange. D'ailleurs une nouvelle étude des localités 
est venue démontrer depuis que l'hypothèse d’une chute est 
insoutenable, et que les roches groenlandaises représentent 
des assises terrestres, très profondément situées. C’est un 
sujet sur lequel nous aurons l’occasion de dire un mot un peu 
plus loin. 

Les roches de nos terrains de sédiment, non plus que celles 
de l'écorce granito-gneissique de notre globe, n’ont d’ana- 
logues parmi les météoriles. 

A l'inverse, les météorites du groupe charbonneux, tel que 
celui d'Orgueil, ne semblent pas être représentées à la surface 
de la Terre. 


en - 


; 


LES ROCHES TERRESTRES COMPARÉES AUX MÉTÉORITES. 205 

Le groupe le plus nombreux se compose de météorites qui, 
tout en n'étant pas identiques avec les roches terrestres, ne 
sont pas non plus sans analogie avec celles-ci. Leurs diffé- 
rences peuvent s'exprimer d'une manière très simple, comme 
on va voir. 

A première vue, les fers météoritiques semblent différer 
profondément de toutes les roches terrestres. Cependant il 
suffit de les oxyder dans un courant de vapeur d’eau, par 
exemple, pour faire disparaitre la différence. Ce qui est 
relatif à la structure spéciale de ces fers est détruit im- 
médiatement, et les discordances de composition chi- 
mique s’effacent. On a reconnu en effet, par des expériences 
directes, que le nickel si caractéristique des fers météo- 
riques tend à se séparer du fer par le fait pur et simple de son 
oxydalion. Ex 

Nous avons des notions encore plus nettes à l’égard des 
météorites les plus fréquentes, réunies parfois, à cause de 
cela, sous le nom de type commun, et qui comprennent les 
pierres de Lucé, d’Aumale, de Laigle, etc. 

Quand on les étudie avec soin, on trouve que, malgré cer- 
taines dilférences, elles se rapprochent beaucoup des roches 
terrestres éruptives, formées surtout de silicate de magnésie 
et spécialement de la serpentine, qui fournit de si belles sub- 
stances à l’art décoratif. [ly aurait identité entre ces deux 
roches si la serpentine ne contenait pas d’eau, et si les 
grenailles qu’elle renferme, au lieu d’être constituées par de 
l’oxyde de fer, étaient composées de fer métallique. 

Cette assertion doit être formulée avec d'autant plus d’as- 
surance qu'on a pu la contrôler par l'expérience, c’est-à-dire 
transformer la serpentine en une météorite rigoureusement 
identique à certaines de celles qui tombent du ciel. 

Jusque-là, on n'avait réalisé la reproduction artificielle 
d'aucune météorile, du moins à l’aide de matériaux terrestres, 
car on à vu précédemment comment la synthèse de certaines 


206 LES PROBLÈMES DE LA TERRE. 
météorites a été exécutée au moyen d’autres pierres de même 
origine. 

Eh bien, la serpentine chauffée au rouge, mais sans être 
fondue, dans un courant d'hydrogène, a perdu à la fois de 
l’eau et une partie de son oxygène. En même temps, elle est 
devenu noire el très dure; de façon qu’elle a acquis tous les 
caractères même les plus intimes des météorites métamor- 
phiques du type de Tadjéra. 

Comme on le voit, la différence des météorites par rapport 
aux roches terrestres consiste dans une proportion moindre 
d'oxygène. C’est comme le produit de la réduction de nos 
roches; à moins que nos roches ne doivent être regardées 
comme leur propre produit d’oxydation. Le chapitre suivant 
montrera que cette seconde supposition est de beaucoup la 
plus vraisemblable. 

Quand on rapproche la série des roches météoritiques, telle 
qu’elle résulte des études précédentes, de la série des roches 
terrestres telle qu’on la conclut de l'examen direct de la 
crôute de notre globe, on trouve que certaines roches du pre- 
mier gisement viennent se relier et se confondre avec 
certaines roches du second. L’une des séries cependant ne 
complète pas l’autre : elles sont plutôt parallèles lune à 
l’autre, avec une racine commune représentée par les roches 
volcaniques. 

Nous devons admettre, conformément aux expériences rap- 
portées plus haut, que nos filons de serpentine passent pro- 
gressivement dans la profondeur, à des filons d’une roche bien 
voisine de la météorite de Chantonnay. De mème, nos filons de 
fer oxydulé (mine d’acier) doivent, à mesure qu’on les étu- 
dierait plus loin de la surface de la terre, se transformer en 
substances de plus en plus comparables aux fers météoriques. 


208 


LE FER NATIF DES PROFONDEURS TERRESTRES. 207 


4. LE FER NATIF DES PROFONDEURS TERRESTRES 


Ce qui précède conduit à rechercher si certaines observa- 
tions directes ne pourraient pas contrôler la supposition que 
les profondeurs du globe sont composées en partie de fer 
natif. 


Un premier argument favorable à la présence du métal est 
tiré de la densité de la Terre, égale à cinq fois et demie celle 
de l’eau. 

Un deuxième ordre de faits est relatif au magnétisme ter- 
restre. Chladni en expliquait les phénomènes par la suppo- 
sition d’une masse centrale de fer métallique. 

Les raisons dont on s’est prévalu contre le physicien de 
Wittemberg, savoir, la haute température des régions profon- 
des du globe, ne sont plus suffisantes depuis que M. Trève a 
montré comment on peut aimanter la fonte en pleine fusion. 
Les idées de Chladni et celles d'Ampère qu’on leur a op- 
posées devront peut-être être combinées ensemble. 

Toutefois des études nouvelles sont de nature à faire croire 
que le fer ne gît pas aussi profondément qu’on le suppose tout 
d’abord. Des observations empruntées à la physique solaire 
et à la géologie comparée, aussi bien qu’à l'examen des roches 
éruptives ‘profondes, montrent que le fer métallique doit gésir 
moins loin de la surface que les roches volcaniques actuelle- 
ment rejetées par les montagnes ignivomes. 

Et les phénomènes du magnétisme terrestre reçoivent une 
explication complète si l’on imagine que toutes les molécules 
magnétiques soient concentrées sur une même couche de 
1 kilomètre d'épaisseur à l’intérieur de la croûte. Cette couche 
magnélique, dont les masses d’Ovifak représentent des échan- 
üllons, doit, pour satisfaire aux conditions du problème, être 


208 LES PROBLÈMES DE LA TERRE. 


une sphère creuse et se trouver à une profondeur d’environ 
30 kilomètres au-dessous de la surface terrestre. 

C’est plus bas que se trouverait l’assise d’où proviennent 
les basaltes et les laves des volcans. Au-dessous doit d’ailleurs 
exister un vide central, plus ou nous analogue à la chambre 
des anciens boulets de canon. 

On a vu tout à l'heure quedes observations faites au Groen- 
land ont montré queles basaltes si abondants dans cette région 
contiennent soit des blocs d’une roche pétrie de grenailles 
métalliques, soit même des blocs très volumineux d’un métal 
formé de feret de nickel, et par conséquent fort analogue aux 
fers méléoriques. 

Quant au mécanisme de leur sortie, on peut le comprendre 
simplement. Il suffit en effet d'admettre que le basalte, 
sortant des profondeurs comme il à fait partout, à pu 
exceptionnellement arracher des fragments d’une assise à fer 
natif et les charrier sans les fondre jusqu'aux régions super- 
ficielles. C’est exactement la reproduction de ce qui a eu 
lieu si souvent pour le péridot et la dunite, amenés au jour 
par les basaltes qui ne les ont pas fondus. 

On conçoit les conséquences qui résultent de ces observa- : 
tions quant à la géologie profonde de notre planète. Mon- 
trons aussi qu'elles projettent une vive lumière sur un cha- 
pitre de la physique du globe à première vue bien éloigné, Il 
s’agit de l’origine de l'acide carbonique contenu dans Pat- 
mosphère, c’est-à-dire d’une question qui a été traitée sans 
succès à maintes reprises, d’après les considérations les plus 
diverses. 

Étant démontré maintenant que les profondeurs de notre 
globe renferment de véritable fonte, il faut remarquer qu'il 
peut se développer une réaction bien connueentre la fonte et 
certains dissolvants et dont les produits sont d’abord des 
carbures d'hydrogène, puis, par oxydation secondaire, de 
l'acide carbonique. 


SURFACE LUNAIRE. 


E LA 


’UNE PARTIE D 


D 


S 


DETAIL 


4 


1 


NS, 


OUS HABITO 


ETE QUE N 


PLAN 


210 LES PROBLÈMES DE LA TERRE. 


Il suffit pour cela que des liquides de composition conve- 
nable parviennent au contact de la fonte infragranitique. Or 
on sait que les expériences de M. Daubrée ont démontré la pos- 
sibilité d’une infiltration capillaire de l’eau au travers des 
pores des roches jusqu'aux régions souterraines où prennent 
naissance les phénomènes volcaniques, malgré les énormes 
contrepressions de vapeur qu’elle a à surmonter. 

Quant à la composition du liquide d'infiltration, 1l est 
évident que nous n'avons pas les éléments nécessaires pour la 
déterminer, même d’une manière approximative. Mais 1l est 
bien probable qu'à la température des régions infragra- 
nitiques, l’eau peut posséder une énergie chimique assez 
considérable pour déterminer la réaction qui nous occupe. 


5. LE MODE DE SOLIDIFICATION DU GLOBE TERRESTRE 


Le procédé décrit plus haut, suivant lequel a lieu la soli- 
dification du globe terrestre, n’est pas regardé comme démon- 
tré par tous les géologues. Quelques-uns pensent que le phé- 
nomène s’est fait justement en sens inverse, le centre le 
premier étant devenu solide. On a fait à cet égard des 
raisonnements sans fin. L'examen des météorites semble 
devoir répandre lalumière sur cette question fondamentale, 
car pour leglobe d’oùelles proviennent la question est réduite 
à une observation pure et simple, puisqu'il suffit de voir si 
les météorites les plus denses, c’est-à-dire les fers, se sont 
solidifiées avant ou après les météorites les moins denses, 
c’est-à-dire les pierres. 

Or nous avons vu que les fers éruptifs, tels que ceux de 
Deesa et d'Hemalga, empâtent fréquemment des fragments 
pierreux, tandis que les pierres éruptives, comme celles de 


Chantonnay et de Pultusk, n’empätent jamais de frag- 


ments métalliques. 


hide > 


INFORMATION FOURNIE PAR LA LUNE. 1 
Donc, dans le globe dont les météorites sont les débris, la 
solidification s’est faite de la surface vers le centre. 
Appliquant cette conclusion au globe terrestre, nous som- 
mes donc autorisé à croire qu'ici également la solhidification 
procède de la surface vers le centre. 


6. INFORMATION FOURNIE PAR LA LUNE 


Remarquons, en terminant, que l’ordre de superposition 
adopté plus haut pour les masses profondes reçoit une confir- 
mation bien importante des observations dont la Lune a été 
l'objet. On a dit que notre satellite a fourni toutes les étapes 
de l’évolution planétaire, et entre dès maintenant dans la 
période de désagrégation. Or toute la surface est recouverte 
d’épanchements volcaniques semblables, à l'échelle près, à 
ceux de la Terre. Considérant, d'autre part, que sur la Terre 
le volcan est un phénomène relativement récent, on peut 
conclure qu’il trouve son siège dans les masses de solidifica- 
tion finale, et par conséquent de gisement le plus profond 
On voit du même coup que notre planète aborderait dès 
maintenant la dernière phase éruptive. 


CHAPITRE III 


L'AGE DE LA TERRE 


La plupart des traditions cosmogoniques n’accordent à la 
création tout entière qu'une durée extrêmement courte, et 
plus on découvre qu’elle contient de phénomènes superposés, 
plus on est contraint d'admettre que ces phénomènes ont 
été rapides. 

Si, conformément aux idées anciennes, notre Terre n’a- 
vait réellement que six mille ans, 1l faudrait reconnaître 
que les montagnes se sont soulevées tout à coup, que 
les vallées ont été creusées comme sous l’action de gigan- 
tesques rabots, que les continents se sont successivement 
émergés et submergés avec des allures de pistons, et que les 
faunes et les flores ont été alternativement créées comme sur 
les théâtres de féeries, et détruites comme par des fléaux 
incoercibles. 

Mais les progrès de la science permettent à présent de sou- 
mettre les doctrines gratuites à un contrôle sévère. L'étude 
des parties les plus superficielles de la Terre prouve, en dehors 
de toute hypothèse, que la période géologique actuelle dure 
depuis un temps qui a dépassé de beaucoup toutes les prévi- 
sions. 

Voici quelques exemples des faits qui ont conduit à cette 
conclusion capitale. 


L'AGE DE LA TERRE. 213 

Un géologue suisse, M. Morlot, a trouvé, dans le delta que la 
Tinière édifie sans cesse en tombant dans le lac de Genève, 
un véritable chronomètre. Sa section verticale pratiquée lors 
de la construction du chemin de fer a montré que ce delta, en 
forme de cône, est constitué par la superposition tout à fait 
régulière des couches de sables ou de gravier et que son ac- 
croissement est exactement proportionnel au temps. Or, à 
1°,30 sous la terre végétale, on a recueilli des médailles ro- 
maines datant de seize à dix-huit siècles. Une seconde couche, 
pleine de débris d'industrie, se présentant à 3 mètres, on 
est autorisé à lui attribuer une antiquité de quatre mille ans; 
elle correspond à l’époque antéhistorique qualifiée d’âge de 
bronze. 

Enfin, à 6 mètres de profondeur, une troisième couche se 
présente avec des poteries grossières, du bois carbonisé et 
des os hrisés. 

On en a retiré un squelette humain dont le crâne est 
petit, rond et remarquablement épais. Il lui faut bien recon- 
naitre un âge de soixante et dix siècles. 

Depuis ces 7000 ans, non seulement il n’y a pas eu de 
révolution géologique à l'embouchure de la Tinière, mais la 
pente des terrains, l’allure du torrent et celle du lac n’ont 
subi aucune variation sensible. 

Ce long laps de temps n’est qu'une minute dans la période 
géologique actuelle. 

Au pont de Thielle, entre Bienne et Neuchâtel, des faics 
analogues ont amené à reconnaître qu'il y a 6750 ans 
l’homme était déjà parvenu à un état de civilisation relative- 
ment avancé. 

Il construisait sur pileris les habitations dites lacustres, 
il fabriquait des filets et des poteries, cultivait le blé et avait 
domestiqué le chien. 

Mais on peut aller plus loin. 

Les alluvions du Nil se superposent chaque année avec une 


214 LES PROBLÈMES DE LA TERRE. 

extrème régularité, et l'épaisseur, dans chaque point, s'accroît 
proportionnellement au temps. Dans une localité où il se 
dépose 19 centimètres de limon par siècle, M. Linant-Bey 
trouva une brique à 18 mètres de profondeur et dont l’âge 
par conséquent est de 12000 ans. Dans un autre point où 
l'accroissement est différent, le même auteur recueillit une 
autre brique datant de 30 600 ans. 

Des résultats plus frappants encore ont été prouvés par 
l’étude du delta de Mississipi. Sa surface étant de 77 000 kilo- 
mètres carrés et son épaisseur de 4100 mètres au moins, 
Lyell a calculé que sa formation a exigé plus de 400 000 ans, 
depuis lesquels aucune modification sensible n’a été apportée 
à la géographie physique du pays. 

Agassiz, qui a étudié avec tant de soin les récifs madrépo- 
riques de la Floride, constate qu’ils gagnent sur la mer 0",30 
par siècle et calcule qu'il leur a fallu 435 000 ans pour 
atteindre leurs dimensions actuelles. Ce fait est spécialement 
intéressant à cause de la susceptibilité spéciale des zoophytes 
coralligènes qui auraient cessé de prospérer, si seulement la 
température de la mer s'était sensiblement modifiée. Leur 
persistance montre donc depuis 1390 siècles une uniformité 
climatique absolue. 

Au Brésil, Claussen a signalé des cavernes dont le sol, 
accru chaque année de deux couches, l’une estivale, limo- 
neuse, l’autre hivernale, stalagmitique, témoigne de la per- 
sistance des conditions météorologiques actuelles depuis plus 
de 100 000 ans. | 

Elles renferment, pour le dire en passant, des restes 
de mégatherium, de glyptodon et d’autres espèces main- 
tenant fossiles, dont la disparition, loin de coïncider avec un 
cataciysme, est comprise comme simple détail dans la série 
uniforme des sédimentations saisonnières. 

Les mouvements lents du sol peuvent parfois fournir 
aussi des données chronométriques. C’est ainsi que dans cer- 


STALAGMITES. 


Ce 
E 
EA 
< 
< 
E 
a 


AVEC 


CAVERNE 


216 LES PROBLÈMES DE LA TERRE. 

tains points des côtes de Suède, qui s'élèvent de 0°,75 par 
siècle, on trouve des couches marines récentes soulevées à 
180 mètres. 

Leur émersion date donc de 24 000 ans. 

Dans le pays de Galles, on trouve qu'après une élévation 
qui correspond à 112 000 ans, il y a eu un affaissement qui a 
exigé 24 000 ans. 

Les couches modernes exhaussées sont donc sorties de l’eau 
depuis 224 000 ans. 

Ces 2200 siècles appartiennent tout entiers à l’époque 
actuelle. 

Or la conséquence de ces faits, dont l’'énumération aurait 
pu être prolongée beaucoup, c’est que les phénomènes géo- 
logiques les plus récents ayant rempli une aussi immense 
période ont dû nécessairement avoir une allure très lente. 
Autrement il faudrait supposer qu'après leurs manifesta- 
tions subites, un calme absolu a existé, et cette hypothèse est 
radicalement contraire à la continuité, visible partout, des 
actions géologiques. 

Un exemple nous fera bien comprendre. 

L'observation de tous les jours montre les cours d’eau 
employés sans cesse à transporter dans les mers des particules 
arrachées au bassin de leur vallée, On a même pu mesurer 
la quantité de limon ainsi charriée et calculer le cube qu’elle 
représente au bout d’un temps déterminé. 

Orsi, remontant enarrière, on cherche ce quedeviendraient 
nos vallées remises en possession de toute la substance qu’elles 
ont perdue si insensiblement depuis les milliers de siècles 
dont nous venons de parler, on trouve, malgréle manque iné- 
vitable de précision de semblables calculs, que non seulement 
elles seraient comblées, mais que toute la surface continen- 
tale serait épaissie. 

La période actuelle n’est bien évidemment rien en durée, com- 
parée à l’ensemble des époques géologiques qui l’ont précédée. 


e 


<xilé s* : 2 * 
UT ; 


L'AGE DE LA TERRE. 217 

Le dépôt sur plusieurs kilomètres d'épaisseur des couches 

stratifiées, dans des conditions de calme compatibles avec 

le développement de la vie et la transformation lente des 

espèces organiques, a exigé nécessairement un nombre incal- 
culable de fois le temps dont nous venons de parler. 


TABLE DES GRAVURES 


P 
Unéséolosueisurile terrain... 5. ete seule ee ete Mrs haoncaenet LCR 
LE ATOS OR RP A ee à 
La phosphorescence de la mer......, DOTE nas er ie HDo none doc 
Harchutedu Staubach.....,. ...... Mae e ne 
Un champ de neige (le col de Sasser).......... deb not ri ot SE 
in HER 00 RER At detente eine net crs Le rate NE ee DES 
Hlasetde craie aubord dela mers. detente een le : 
Ichthyosaure et plésiosaure (reptiles fossiles restaurés)...,.............. 
Forêt houillère restaurée. ....... bips DÉS SMS DO TT Ann Ce 
Trilobite. Crustacé fossile sur une ardoise..... EE da re 
Une carrière d'ardoises aux  environs/d’Angers.......:..4...."... cu 
Dykestde basalte...........1.....: Jason t de Miserere ol est see 
ons ÉANTEREE P EE  R ne ET noe RL D ESS So de 
Éruption d’un volcan. Le Vésuve........ PR RÉ RER ES 25e 
Hnitremb'ement de terre..::..,.-.......1.5.. ST SRE TM DIE Re Sc 


L’auréole et les protubérances du soleil observées pendant une éclipse... 
Une portion du spectre solaire, montrant la coïncidence des raies du fer, 


dubnickeltduimAasnésium, etc Eee, cc cec---re--c-tr Se OU 
Mercure, d’après Schræter ...... 6 EE CPS CE D HAS OU me dde 
Les phases de Vénus..... eee Foie ve : Sa be LTe Joù 
Carte de la planète Mars........... ste lee eine en EE ie tiers cire 
Dimensions comparées de la Terre et de quatre des petites planètes...... 
Jupiter et ses bandes.................. sc Ce e does re 
Saturne et ses anneaux...... Frotoobo nv out AD ue 0 00e D PNA 


45 


220 TABLE DES GRAVURES. 


Pages. 
Unefcomete rte retre rec eceecres Dee ace oiee sa: elle 2 CELL Ponte 49 
Untouragan aux MAN IIes 6er ere ceneceucecsecscecc ee LL hou. 
Explosion d’un bolide accompagnant la chute de météorites............. A fe 


Le fer méléorique de Caïlle exposé dans la galerie de géologie du Muséum. 73 
Les environs de Juncal où Linara Fonseca a découvert un fer météorique.. 75 


lerfernde Pallas.--°"- Cr ere DobDocodonupoonoadoanpéouoc Anéocodosoacor 78 
Météorite de la sierra de Chaco........... Jobhrat Bd eo uanocconsor a 7) 
Laimétéornitenderluvinas cn -PRERr ec cree recC ei LCCE ste tene 82 
La émétéorite d'ORRUCTRE TELE MER eee de ee DELLE ER 0 - + 83 
Coupe théorique du système solaire............,....... oo SR 89 
Coupe théorique de l'écorce terrestre................. DO ednenncone 90 
la mébuleuse mère durtsystemersolaire 2 -cerec---e.r-t-ee HOBD LES 0 € € 91 


Séparation successive des planètes de la nébuleuse mère du système solaire. 92 


Montagnes a tla surface de Mercure creer D CPE 98 
Prismes de basalte contourné, en Transylvanie. ...:............ de 4 
Cratères volcaniques à la surface de la Lune.........,................. 101 
Carte des environs de Pouzzoles, analogues aux régions à cratères de la 
HUNne ere dd ado DOPTODPDDOTOBP T D00 AS conedTocosoun ue 102 
Montagne de Poudingues qui domine le couvent de Montserrat en Cataiogne.. 107 
Une mine #defdiamants au Cap...2-t.-...-----rc eut ur 109 
Un village d’Esquimaux................ dons dr eeiecr D HA0D Co Ce 7 MLD 
Uneltachetsolairesscne- Perte cree se ce oser oceccceeee CC ELLE 126 
Démolition d’une falaise partla mer. ...::.:::.::...... EEE 129 
Rocher percé par la mer dans la rade de Navarin.................. 130 
Grandiseysendiislande Peer ECC ECC CCC Ce CCE dcoccouooc 131 
GrandigeysSenide Vellowstone-rereree mener: MERCURE 133 
Les érosions produites par la pluie..... DOS STATE TE dette USA oc 135 
Usure de roches/par un torrent URL LC CE EEE 137 
L’aiguille verte, exemple de l'usure des roches par les glaciers. .......... 139 
Éboulement de Roquefort (coupe théorique). ...............4............ 141 
Un atoll du Pacifique........... OO O A Mn Sons uo oc 142 
Blocs de rochers charriés par un glacier. 14.5... 20000 RE 143 
Fiords du Groenland, exemple d’érosion par les glaciers. ................. 145 
Rochers ausboml du /Tanganika.-.1%...2:.:1.... LCR 147 
Écroulement des berges d’un torrent.........................1 0 149 
DEHAQu PArana rs es 0 AO UInS MOOD dc A de due once 151 
Troncs verticaux de sigillaires dans une mine de houille..,..........,.... 197 
KRonmes/diverses de rhizopodes...: 44225. A RP hédodoce- 161 
PÉPRIPPARASSRS And. se ie a er SRE . 163 
Unesexplomtation (de guano...:.:2.,:.40 EI desde 10 - CET 165 
Un coprolithe..... SRB AE da Re ns ses ese steel ELEC EE 166 
Le mont Saint-Michel à marée basse........ Sn oesoc trot EE 167 


Calcaire coquillier............ Socoto die Mae RAP TUTO cc = 100 


Le 


ochers rouges près de Menton... 
RP TON ON CATOrnig. 2. 2eme cac auene PER ER 
Pass age de Mercure sur le Soleil permettant d'apprécier l'épaisseur de l’at- 
mosphère mereurielle D a Ne tete sn 
> chaîne de volcans lunaires. . SATRERE RU. PRE SPORE LRNEES 
Les rainures de la lune... 


5 


FIN DE LA TABLE DES GRAVURES 


TABLE DES MATIÈRES 


ENDRODDCDION AL isa te eue aite sloieue aiaote Rate site nie near de ce de 9 


PREMIÈRE PARTIE. — La Terre et sa famille planétaire. 


CHAPITRE I. — NOTRE PLANÈTE........ PRET OP OO LC idee os à 2 à 11 
CHAPIRRE LI. — LE SYSTÉME SOLAIRE. . =... ARE Co a Dee 39 
1 LESTOISSRRSRR EEE ST PUR TS Ne em SE à 99 
D TRS A Re ee A ee rt 40 
RLNENUS ee 2 cle ennemis ete cela uete nes eee tal elelaie RE CE Al 
M TOUTE NOR EC RSR RE PA OI CE M IDD Ua one 49 
Gi ÊY RAA RER NAS AATIERSE ERREUR FE Se PR A TER RUN A 43 
OPRPESANeDILEs planctes eee crrisecrerec-r-pc--h-erCer 44 
HÉRUPILED See en ni nc ce ete LE DD LE 45 
Ho Sont mea one te ee ee ne OS CNED on 46 
TT A TLIS ES NU nn le ruinte de sielm rate le aies eee ee sie te 47 
10ÉSNeptune ef. ST Te SR NE ree 'OE RER À8 
MR EeSICOmMELES.. 220 MN Dau cDeeme n dotiscreniel ete CN CRU Ie ere 48 
125les étolles flantes 202 NM M NAS CON ER PRE RUE 51 
18 Desspiecres tombées du Ciel eee ee te ee RCE CEE 54 


DEUXIÈME PARTIE. — Comment s'est fait le système solaire 


CHAPITRE I. —VLA THÉORIE DEMLAPLAGE.--- 0..." 87 
1° Le$ transformations des nébuleuses...".."...:.22..4"2 2.200 88 
mPDiexpérience de NBIAteaU eee ocre ce CE 91 
9. Les derniers progrès de la théorie..." """"""" tee eee 93 


CHAPITRE II. — ANALOGIES MUTUELLES DES ASTRES DU SYSTÈME SOLAIRE... 98 


RUN dec oMpOSNONIChIMIAUE Eee eee Pere 96 
A ODIUMILÉ despienOMmeneseÉOSIMUENE Eee ere ECC re 97 
3. L'unité des phénomènes météorologiques...................... 110 


CHAPITRE III. — LIAISONS MUTUELLES DES ASTRES DU SYSTÈME SOLAIRE-... 114 


JPADestéchansestde nadia ons En CPE CC CE rome ce 114 
2 Mes apporis dermaliére. ere bee etreeneteer ceci 115 
3. L'origine possible de la métallurgie de fer..................... 117 


4, Une idée sur l’origine de la chaleur solaire.................... 118 


294 TABLE DES MATIÈRES. 


TROISIÈME PARTIE. — Les âges des planètes. 


Pages 
CHAPITRE [. — LES EFFETS DU RAYONNEMENT ET DE LA PERTE DE LA CHALEUR 
D'ORIGINE eee ceretee ce Lee sl S ele MID Se ee ere ee re ee à US 
1 Formationtdes roches MTiNITIVeS ere eee eee Ce cc Ce 125 
SMFormation de laterodlenternesice terre cree TE 128 
SAbappanituonmde Jamie er eCEEE Ce crece De one Dos asoc lle 
Ale role scologique deslétres vivants"... te te ES 
5. Le rôle géologique de l'homme....... as certe US Fee D 
Gnramemlanetaire  erreRrer ete RO D D op ou coco LU 
CHAPITRE II. —- LES EFFETS DE L'ABSORPTION DES ENVELOPPES FLUIDES PAR 
EMNOVAUESOPIDEeR eee eee rec isa n eee et RENAN 6 
1 diminutiontdes océans ere ere rene Di LiT 
2, L'état de sécheresse de la Lune............ Dos soso reel 
CHAPITRE III. — LES EFFETS DU RETRAIT........ RE CRE de cotee Ce MO 
IPeLestullestdelaslencer "tree ec rec ere oc ce Aloe 
DATES ICTEVASSES de NA MUR ere EC eee Root sac LOS 
3. Les formes de petites planètes..." PR ee ne 
AAT'es tonmestdes MÉtÉOTIES enr meecec rer eee ou . 184 
5. Comment se sont produites les météorites............. Demos 
QUATRIÈME PARTIE. — Les problèmes de la Terre. 
CHAPITRE Î. — L’AVENIR DE LA TERRE...... rerpecrcreeci CCE se der 
CHAPITRE I[. — LES PROFONDEURS DE LA TERRE........ donnons NL 
. L'unité d’origine des météorites........ eee ED eE 30 
2, Comment était constitué l’astre d'où proviennent les météorites. 199 
3. Les roches terrestres comparées aux météorites........ ss 12568 0202 
4. Le fer natif des profondeurs terrestres....... shor ere m2 
5. Le mode de solidification du globe terrestre.............. ee 2IO 
Information fournie par la Lune...... re Jeter Se el 
CHAPITRE UT. AGE DELLASTERRE. en -e.--ec--ece OT AC Se. UE 
TABLE DES GRAVURES............. NT AE IC DES D RE non Cut 


FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. 


PARIS. — IMPRIMERIE ÉMILE MARTINET, RUE MIGNON, 2 


LE 


MONDE ANIMAL