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Full text of "La pomone française;"

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POMONE FRANCAISE 


TRAITÉE 


DE LA CULTURE ET DE LA TAILLE 


DES ARBRES FRUITIERS. 


IMPRIMERIE DÉ GUIRAUDET ET JOUAUST, 
rue Saint-Honoré, 315. 


LA 


POMONE FRANCAISE 


OÙ 


TRAITÉ DES ARBRES FRUITIERS 


MAILLÉS ET CULTIVÉS 


D'APRÈS LA FRUCTIFICATION ET LA VÉGÉTATION PARTICULIÈRE 
A CHAQUE ESPÈCE, 


PAR 
M. LE C'E LELIEUR, DE VILLE-SUR-ARCE, 


nn. 
Chevalier de l’ordre royal et militaire de S.-Louis, 
Æx-Administrateur des parcs, pépinières et jardins de la couronne ; 
Membre étranger de la Société d'agriculture de Londres. 


Deuxième édition. 


PARIS, 
H. COUSIN, LIBRAIRE-EDITEUR, 


RUE JACOB, 95. 


1842 


Ne 
sn  NR 
En RENAN 


AVANT-PROPOS. 


Quoique la première édition de la Pomone fran- 
çaise , qui ne contenait que le traitement de la vigne 
et du pêcher, ait été épuisée promptement, nous a- 
vons cependant eu le loisir de reconnaitre certaines 
fautes et beaucoup de corrections à opérer, ce qui 
nous fut un avertissement salutaire pour examiner 
avec plus de soin les autres parties de la Pomone 
que nous avions en portefeuille. Plus nous nous som- 
mes consacré à ce travail, plus nous avons reconnu 
qu'on se presse toujours beaucoup trop de livrer à 
l'impression les ouvrages qui traitent de la culture (1) ; 
et si nous nous décidons aujourd’hui à donner une 
seconde édition corrigée et complétée par la culture 
de presque tous nos arbres fruitiers, ce n’est pas que 
nous soyons entièrement satisfait de notre travail, 
mais parce que du moins nous y avons apporté tous 
nos soins , et qu'il nous a fallu céder aux instances de 
nos amis et aux demandes réitérées de beaucoup de 
propriétaires. D'ailleurs nous avons trouvé un motif 
d'encouragement dans les ouvrages qui ont paru de- 
puis la Pomone, et qui tous, sans restriction , ont ad- 


(1) La re édition de la Pomone a paru en 1816, et depuis cette époque l’au- 
teur à travaillé constamment a compléter l’ouyrage qu'il livre aujourd’hui à 
l'impression. 


1 


if 


opté nos principes généraux, sans cependant que les 
auteurs de ces ouvrages se soient conformés à l’usa- 
ge qui veut que ceux qui écrivent sur un sujet déjà 
traité fassent connaître en quoi les principes qu'ils an- 
noncent diffèrent de ceux des auteurs qui les ont pré- 
cédés , et cela dans le but de mettre en évidence les 
erreurs ou les omissions commises de part et d’au- 
tre. Nous croyons, dans l'intérêt de nos lecteurs, de- 
voir suppléer à cetoubli en signalant, à mesure que 
l'occasion s’en présentera, les opinions qui diffèrent 
des nôtres, afin qu'ils puissentmettre par eux-mêmes 
en expérience dans la pratique les points contestés. 
De cette maniere on s’instruira véritablement, toute 
incertitude cessera; on travaillera avec fruit, et la 
science horticole fera plus rapidement des progrès. 
Nous espérons que lorsquenos principes sur laculture 
etlataille despoiriers, pommiers,etautres arbresfrui- 
tiers, seront plus répandus, ils serviront, comme ont 
servi ceux de la taille de la vigne et du pêcher, à for- 
mer de nouveaux professeurs. Notre but, en‘écrivant 
la Pomone, sera atteint si ceux qui viennent après 
nous trouvent dans les connaissances que nous leur 
transmettons des moyens d'en acquérir de nouvelles, 
et contribuent à leur tour aux progrès d’une science 
bienfaisante pour toutes les classes, et qui, dans tous 
les temps, a charmé les loisirs et a délassé de travaux 
plus graves des hommes qu’elle a rendus heureux. 


LA 


POMONE FRANÇAISE. 


DE LA VIGNE EN GÉNÉRAL. 


Notre intention est de traiter successivement de la culture 
de chaque espèce d’arbresfruitiers, et nous avons cru devoir 
commencer par la vigne et le pêcher, parce que leurs tailles, 
moins compliquées, ont d’ailleurs quelque analogie en ce 
sens que, dans la vigne comme dans le pêcher, la taille des 
branches fruitières a pour but de les concentrer le plus près 
possible de la branche qui les porte, en ménageant à leur 
talon un bourseon de remplacement pour l’année suivante. 

De toutes les cultures, celle de la vigne, comme visno- 
ble , est la plus variée ; chaque canton, chaque village mê- 
me , a une méthode particulière que le temps a consacrée, 
parce qu’elle a été jugée la plus appropriée au sol et au cli- 
mat. Aussi un traité de la culture de la vigne n'est-il souvent 
que celui du canton habité par l’auteur. Si la personne qui 
écrit veut innover, elle ne peut raisonnablement le faire 
qu’en présentant de nouveaux résultats, obtenus par un 
grand nombre d'années de travaux et comparés avec ceux 
de l’ancienne méthode. Ce travail, qui demanderait du 


4 LA POMONE FRANÇAISE. 


temps et de la persévérance, ne serait encore que partiel 
par rapport au sol de la France. D’après ces considérations, 
il paraît difficile, pour ne pas dire impossible, que nous 
possédions de long-temps un traité complet de la culture de 
la vigne. 

C’est d’après ces raisons que j’engage les particuliers qui 
veulent s’adonner à l’agriculture à se tenir en garde contre 
les charlatans de science agricole ; ceux-ci mettent dans leurs 
écrits une théorie formée au coin de leur feu à la place de vé- 
rités reconnues, et pourraient les entraîner dans des erreurs 
étranges et toujours onéreuses. Il faut cultiver la vigne sui- 
vant la méthode du pays jusqu’à ce que, par des essais com- 
paratifs souvent répétés, on ait acquis la faculté d'innover 
avec connaissance de cause. Les cultivateurs novices doivent 
se persuader que ce qui paraît vraisemblable en théorie n’est 
pas toujours vrai. Dans le doute, il faut toujours préférer les 
résultats positifs aux spéculatifs, quoique d’ailleurs ces der- 
niers soient annoncés comme réels dans les écrits de gens 
dont la réputation en agriculture esi souvent étonnante. 

Je suis cependant très loin de penser que la culture de 
chaque vignoble soit portée au degré de perfection qu’elle 
peut atteindre. J’entrevois, dans ceux que je connais. beau- 
coup de changements à opérer; mais je n’oseraisles ndiquer 
qu’en masse : pour les proposer avec détail, il faudrait avoir 
fait des expériences plus en grand. Je crois même que l’art 
de faire le vin est encore dans l'enfance , et que la France 
pourrait obienir, avec les mêmes récoltes, des résultats plus 
avantageux (1). J’ajouterai que l’espèce de raisin cultivée 


(1) Le miel et le sucre, mêlés dans le moût avant la fermentation , ajoutent à 
la qualité du vin. Macquer rapporte, dans un mémoire lu à l’Académie des 
sciences en 1779, les procédés qu’il a employés à cet égard avee succès; et, de- 
puis, Chaptal a donné un traité sur la fabrication des vins. L’art de fabriquer 


LA POMONE FRANCAISE. b 


dans chaque vignoble n’est pas toujours celle qui convien- 
drait le mieux au sol du canton. 

La réunion, en 1801, au jardin du Luxembourg, de tou- 
tes les espèces de vignes cultivées en France, nous a fait 
pressentir les avantages que les pays vignobles pourraient 
tirer un ‘jour d’une pensée aussi belle que rapidement exé- 
cutée. Maintenant que toutes les espèces sont reconnues, 
classées et multipliées , il faudrait qu’on en formât des col- 
lections complètes pour être envoyées de Paris au chef-lieu 
de chaque département : par ce moyen, les cultivateurs qui 
cherchent le perfectionnement se trouveraient à portée de 
juger si telles ou telles espèces ne seraient pas plus avanta- 
geuses à leur sol que celles qu'ils cultivent , faute d’en con- 
naître d’autres ; ils auraient à choisir, entre quatre à cinq 
cents sortes de raisins, celles qui pourraient mürir plus fa- 
cilement , dont les qualités pour la cuve seraient préféra- 
bles, etc., etc. 

La collection du Luxembourg nous a déjà fait gagner, 
pour le climat de Paris, au moins une douzaine d’espèces 
de très bons raisins de table qui jusque là y étaient incon- 
nues. Plusieurs de ces raisins valent le chasselas , d’autres le 
remplaceraient avec avantage dans les jardins où il ne müû- 
rit pas bien. Le raisin est un des fruits les plus salutaires 
lorsqu'il est parfaitement mür ; mais aussi il est pernicieux 
pour ceux qui en mangent quand il ne l’est pas. Ce motif 
est bien suffisant pour nous décider à rechercher avec soin 
les espèces qui mürissent facilement et à bannir les autres. 

La culture de la vigne est et doit être variée en raison 


ES 


les vins, qui souvent dégénère jusqu’à la falsification, était connu chez les Grecs 
et les Latins. Suivant Pline, on pouvait rarement juger du mérite des vins de 
la province de Narbonne, parce que les habitants, pour en changer la couleur 
et le goût, employaient des herbes, de la fumée, et même des choses nuisibles, 
jusqu’à de l’aloès. 


6 . LA POMONE FRANÇAISE. 


des qualités du sol; c’est en vain que l’on ferait venir à 
grands frais du plant de Chypre, de Madère ou de la Bour- 
sogne , si le terrain et le climat où l’on veut l’élever diffè- 
rent essentiellement de ceux qui lui conviennent, et si l’on ne 
sait pas lui donner une culture appropriée à ces différences. 

Le travail commencé au potager de Versailles, où j’ai fait 
cultiver la nombreuse collection du Luxembourg, restreint 
déjà le nombre des espèces à propager aux environs de Paris 
à douze ou quatorze pour la table, et à une cinquantaine 
pour la cuve; ainsi il faudrait peu de temps et d'expériences 
pour choisir entre elles. Au reste, je ne recommande ces 
expériences qu'aux propriétaires éclairés , car rien n’est en 
général aussi nuisible aux progrès de la science agricole 
que des essais mal dirigés ; et c’est ce motif qui m'a fait, au 
commencement de cet article, engager les nouveaux acqué- 
reurs , ou Ceux qui commencent à s’occuper d'agriculture , 
à se conformer d'abord aux usages reçus dans leur canton ; 
en supposant même qu'ils aient des connaissances et des 
moyens pécuniaires, ils seront plus fructueusement employés 
après quelques années d'observations. 

De toutes les cultures, celle de la vigne pour la cuve de- 
mande le plus d'expérience et d’avances de fonds. Deux 
choses doivent être prises en considération lorsqu'il s’agit 
de l’améliorer : veut-on récolter pour le commerce ou pour 
sa propre consommation? La culture de la vigne pour le 
commerce est déjà portée dans chaque canton à un certain 
degré d'avancement, c’est-à-dire que partout on en est 
vraisemblablement arrivé à faire produire à la vigne la plus 
grande quantité possible. Dans ce cas, l'amélioration à 
opérer consisterait donc à trouver parmi les plants d’un 
grand rapport ceux qui, à quantités égales de produit, s’ac- 
commoderaient mieux du terrain et surpasseraient en qualité 
ceux déjà cultivés. 


Quant à l'amélioration absolue sous le rapport de la-qua- 


LA POMONE FRANÇAISE. 3 


lité, il n'appartient qu’à des propriétaires riches de l’effec- 
tuer. Leur choix fait, ils devront planter avec plus de soin, 
ne pas tailler autant , ni sur un aussi grand nombre de cour- 
sons, ne pas fumer les terres avec des fumiers trop verts. 
Il n’est point de vignoble sur lequel on ne puisse , en opérant 
de cette manière, récolter de bon vin; il faut même attri- 
buer la détérioration des vins des environs de Paris à l’ad- 
option de pratiques contraires (1). 

J'ai vu dans ma jeunesse s’opérer, à Ville-sur-Arce et 
dans les environs, une altération notable dans les vins de 


(1) Les vins des environs de Paris, ceux d'Orléans et autres, ont eu bien cer- 
tainement des qualités supérieures à celles qu’ils ont aujourd’hui. On sait que 
l’empereur Julien a donné des éloges à ceux des environs de Paris. Henri Ier 
estimait singulièrement celui de Rebrechien près d'Orléans; Louis-le-Jeune, 
en 1147, écrivait de la Terre-Sainte à Suger, son premier ministre, de donner 
à son cher et intime ami Arnould, évêque de Lisieux, soixante mesures de son 
très bon vin d'Orléans. En 1510, lorsque les ambassadeurs de empereur Maxi- 
milien traversèrent la France pour se rendre à Tours, où était Louis XII, la 
reine, à leur passage à Blois, leur envoya trois barils de vin de Beaune et 
d'Orléans; ce dernier était donc comparable à celui de Beaune, qui était bon 
alors, car depuis 1508 c'était le vin que les moines de Cluny étaient obligés de 
fournir pour la table de Sa Sainteté; on en transportait à Reims pour la céré- 
monie du sacre des rois de France. Peut-on révoquer en doute que les coteaux 
de Meudon, Garche, Ruel, Saint-Cloud, Surêne, etc., aient autrefois produit 
de bons vins, puisque Louis XIV, au dire de l’abbé de Marolles, en faisait ses 
délices ? La bonne réputation de celui de Surêne existait encore en 1702 : l'abbé 
de Chaulieu représente son ami, le marquis de La Fare, allant souvent en 
boire au cabaret à Surêne. Il est hors de doute que l’excessive verdeur qui se 
fait remarquer aujourd’hui dans les vins de ces mêmes coteaux n’a pu être prise 
par nos rois ni par les gourmets du temps pour une qualité qui les leur fit com- 
parer aux vins de Bourgogne. La réputation du clos des célestins à Mantes n’est 
déchue que depuis une cinquantaine d’années : on assimilait ce vin au bordeaux, 
au Cahors, parce qu'il ne perdait rien de sa qualité après un voyage de long 
cours : on assure en avoir porté en Perse sans qu’il ait éprouvé la moindre 
altération. On doit doublement regretter la destruction du clos et du plant : 
il eût été intéressant d’acquérir par nous-mêmes la preuve qu’un canton aussi 
voisin de la Normandie peut donner des vins épais et spiritueux, comparables 
à ceux du midi de la France, 


8 LA POMONE FRANCAIS. 


mon pays. À l'exemple des autres habitants du canton, on 
a arraché successivement le plant de pinneau de toutes nos 
vignes , pour le remplacer par le gamet, parce que ce raisin 
rapporte cinq à six fois davantage, est moins délicat, et 
résiste mieux aux variations des saisons. Un seul coteau 
nommé Valperouse a été excepté, du moins pendant que 
nous en sommes resté le propriétaire; à l’imitation de nos 
ancêtres, nous avions l’habitude de réserver la récolte de 
ce coteau pour la consommation de notre table, et peu de 
vins de la bonne Bourgogne pouvaient lui être comparés. 
Voilà donc de nos jours, sur un vignoble bien plus étendu 
que celui de Surèêne , la qualité totalement échangée contre 
la quantité. Or, si un pareil changement, calculé à la fois 
par un sigrand nombre de propriétaires, a pu s'effectuer à 
une distance de cinquante lieues de Paris, doit-on s’étonner 
que les mêmes calculs aient été faits quelques années plus 
tôt par ceux dont les vignobles sont placés près du centre 
de la consommation. 

_ Il n’y a donc pas de doute que les cépages de tous les vi- 
gnobles des environs de Paris n'aient été successivement 
changés, pour être remplacés par des espècesinfiniment plus 
abondantes; on augmente même chaque jour ces vertus pro- 
ductives par des engrais de toute nature, tels que les immon- 
dices que la police fait sortir des villes pour leur salubrité. 
Quoique la qualité actuelle des vins fasse reconnaître l’abus 
de l’emploi de ces sortes de fumiers, le débit n’en est pas 
moins aussi rapide qu’assuré , tant le nombre des consom- 
mateurs d’un goût peu délicat est considérable. Ce dernier 
motif est si puissant, que les vignerons de Surène ne vou- 
draient pas changer leur cépage, à moins qu’on ne leur en 
offrit de plus abondants, la qualité dût-elle encore en être 
amoindrie. C’est aussi le voisinage d’une capitale et l’aug- 
mentation d’une population qui ont détruit en Italie la qua- 
lité du Messique, du Cécube, du Falerne, si vantés au temps 


! LA POMONE FRANCAISE. 9 


d'Horace, et qui cent ans après étaient tous détériorés 
au point où nous les voyons aujourd’hui. Déjà nos vins de 
Bourgosne commencent à dégénérer. Il n'y a que les par- 
ticuliers riches résidant sur leurs propriétés qui puissent 
conserver le type des bons vins de leur pays (1). 

Dès le moment où les rois ont cessé de paraître s'intéresser 
à leurs vignobles, bientôt les grands et les riches ont suivi 
leur exemple; dès lors les vignes ontété abandonnées à l’es- 
pritmercantile, qui, pouvant se livrer sans réserve et sans 
entraves àson sénie, atout détérioré, jusqu’au tempsheureux 
où un prince viendra encore prendre , pour le bonheur des 
peuples, letitre de seigneur immédiat des meilleurs vins 
de la chrétienté. Le sol de la France ne peut être abâtar- 
di ; il n’a point dégénéré ni cessé d’ètre aussi riche qu'il l’a 
toujours été ; il est prèt encore de justifier, ainsi que ses ha- 
bitants, tous les titres que nos princes voudront tirer de son 
fonds , de leur industrie et de leur amour (2). 


(1) Nos ducs de Bourgogne étaient désignés, dans les autres cours, sous le 
nom de Princes des bons vins ; ils prenaient le titre de Seigneurs immédiats 
des meilleurs vins de la chrétienté. Philippe le Bon ne voyageait point qu’il 
m’eüt à sa suite des vins de ses domaines. On voit par les Capitulaires de Charle- 
magne qu’il y avait des vignobles attachés à chaque palais d'habitation , avec un 
pressoir et tous les ustensiles nécessaires à la fabrication des vins. Ce prince en- 
tre avec ses économes dans les plus petits détails : il leur défend de se servir 
d’outres, il veut qu’ils emploient de bons barils cerclés en fer. L’enclos du Lou- 
vre, comme les autres maisons royales, a renfermé des vignes jusqu’en 4160. 
Louis le Jeune put assigner annuellement sur leur produit six muids de vin au 
curé de Saint-Nicolas. D’Aussy dit que lorsque les Portugais s’établirent à l’île 
de Madère, en 1420, ils y apportèrent des plants de Chypre, dont le vin passait 
alors pour le premier de l’univers. Ceux que recueillit la colonie nouvelle acqui- 
rent une grande réputation ; et François Ier, encouragé par cet exemple , vou— 
lut imiter les Portugais. Dans ce dessein, il fit planter cinquante arpents près 
de Fontainebleau avec des ceps venus de la Grèce; on bâtit même près du vi- 
güoble, selon l’ancien usage, un pressoir, qui fut nommé le Pressoir du roi, 
et qui a été reconstruit par HenriIV. 

(2) Après avoir cité les époques qui ont été les plus favorables à la culture de 


49 LA POMONRE FRANÇAISE. 


Notre intention n'étant pas de faire un traité sur la cuitu- 
re des vignobles , nous nous bornerons à cet égard aux ré- 
flexions qui précèdent; quoique très succinctes. elles suffi- 
ront pour indiquer les causes de cette détérioration, les 
moyens de l'arrêter, et la marche à suivre pour rame- 
ner les choses à un meilleur état. L’objet principal de ce 
traité est la culture de la vigne dans les jardins, et le but 
que nous nous sommes proposé est de fournir aux nombreux 
propriétaires de maisons d'agrément les moyens d'exécuter 
par eux-mêmes, ou de faire exécuter sous leur direction 
immédiaie , les améliorations faciles dont cette culture est 


la vigne , nous croyons devoir, pour satisfaire la curiosité des lecteurs, indiquer 
celles qui lui ont été contraires. Six cents ans avant Jésus-Christ, la Gaule avait 
acquis, par ses vins, une réputation et une source de richesses, qui fut malheu- 
reusement fermée tout à coup par les tyrans auxquels elle était soumise. En lan 
92, Domitien, à l’occasion d’une année de disette en grain, qui avait été en même 
temps excessivement abondante en vin, ordonna d’arracher toutes les vignes 
qui croissaient dans les Gaules. Cet arrêt de proscription fut exécuté avec ri- 
gueur et eut son effet pendant près de deux siècles entiers. Ce fut le sage et vail- 
lant Probus qui, après avoir donné la paix à l'empire par ses victoires, rendit 
aux Gaulois, en l’an 282, la liberté de replanter la vigne. Ils en profitèrent avec 
empressement. Les légions romaines répandues dans la Gaule furent même em- 
ployées à ces plantations. Bientôt la plupart des coteaux furent couverts de vi- 
gnes ; elles n’eurent plus pour bornes les Cévennes, comme sous les deux premiers 
Césars, et s’étendirent jusque sur le territoire des Parisiens. 

Lorsque la vigne fut introduite chez nous pour la première fois par les Pho- 
céens, nos pères suivirent pour sa culture tous les procédés grecs; mais, à la 
seconde époque, comme ce fut un présent des Romains, il est probable qu’ils 
adoptèrent les méthodes de ceux-ci, leurs instruments, leurs pressoirs , leurs 
lois pour la vendange, etc., etc. 

En 1566, le royaume ayant éprouvé une disette, Charles IX, abusé comme 
l'avait été précédemment Domitien , en attribua la cause à la trop grande abon- 
dance de vignes ; et une ordonnance régla que, dans chaque canton, elles ne 
pourraient occuper que le tiers du terrain; il voulut que les deux autres tiers 
fussent convertis en terres labourables ou en prés. Henri II, en 14577, modifia 
l’ordonnance du roi son frère. Louis XV, en 1731, fit défense de faire de nou- 
velles plantations de vignes et de renouveler celles qui seraient restées incultes 
pendant deux années seulement. 


LA POMONE FRANCAISE, 14 


susceptible , et que l'indifférence et l’esprit de routine font 
presque généralement népliger. 

Nous adepterons la méthode de culture suivie à Thomery, 
parce que nous l'avons pratiquée en grand dès 1804, lors de 
la restauration de la treille impériale du château de Fontai- 
nebleau. Cette circonstance nous a fait étudier à Thomery 
les procédés de culture suggérés à ses habitants par un sol 
peu favorable à la maturité du raisin. Cette assertion éton- 
nera sans doute beaucoup de personnes qui se sont persua- 
dées , sans examen à la vérité, que la réputation du raisin 
de Thomery était due exclusivement aux qualités toutes 
particulières du terrain. Cette croyance aveugle a été jus- 
qu'ici un obstacle au perfectionnement de la culture de la 
vigne dans nos jardins, en ce sens qu’elle a empêché qu’on 
imität le mode de culture suivi à Thomery. Il est à propos, 
à cet égard, que l’on sache que le vignoble de Thomery et 
ceux environnants produisent un très mauvais vin. Les cul- 
tivateurs de ces cantons ont eu à lutter, même pour leurs 
raisins de treille, contre une maturité tardive ; ils ont sur- 
monté cet obstacle par la culture , en mettant la vigne dans 
une situation qui la force de mürir hâtivement son bois, et 
par conséquent son fruit, aussi bien que par une égale ré- 
partition de la sève dans toutes les parties de la plante. Leurs 
autres procédés de culture découlent de ceux-ci; d’où il ré- 
sulte que leur méthode ne ressemble en rien à celle prati- 
quée ailleurs. 

Quoique le sol de la treille royale de Fontainebleau soit 
aussi différent de celui de Thomery que de celui des envi- 
rons de Paris, il a suffi de cultiver cette treille à la Thome- 
ry pour lui faire produire de meilleurs et de plus beaux rai- 
sins qu'à Thomery même; ce qui est dû au sol infiniment 
supérieur, à quelques perfectionnements de culture, et aux 
soins que nous avons exigés, et que les cultivateurs de Tho- 


LÉ LA POMONE FRANCAÏSE. ; 


mery ne pourraient donner à leurs vignes, à cause qu'ils 
sont toujours surchargés d'ouvrage. 

Nous avons de fortes raïsons de croire que; si les treilles 
des jardins des environs de Paris étaïent cultivées à la Tho- 
mery, le raisin serait meilleur encore et plus hâtif que 
celui de Fontainebleau. Mais les propriétaires auront à com- 
battre à cet égard l'esprit de routine de leurs jardiniers, et la 
fatale croyance où ils sont que c’est le sol seul, et non la 
culture, qui fait produire de bons raisins. Nous les invitons 
cependant à réfléchir que, sile sol de Thomery était aussi 
favorable à la vigne qu'ils le supposent, les habitants de 
Thomery n’eussent rien changé à leur antique culture ; mais 
comme il en est tout autrement, il faut bien croire qu’ils y 
ont été déterminés parce que le sol ne répondait pas à leur 
attente , et que, ne pouvant le changer, ils se sont décidés à 
changer la culture, et ils en ont imaginé une nouvelle tout 
à fait différente de l’ancienne, je veux dire de celle que 
nous suivons encore. Dès ce moment ils ont quitté la routine 
pour entrer dans Îes voies du perfectionnement, qui donne à 
leurs récoltes une prépondérance incontestable , tandis que 
nos jardiniers, plus habiles sous d’autres rapports , suivent 
encore l’antique routine pour la culture des treilles. Nous 
exposerons à la fin de cet article la comparaison de la cul- 
ture ancienne et de la culture à la Thomery ; on sera sans 
doute étonné qu’une aussi grande différence entre les deux 
cultures, pour une même plante, n’en produise pas une 
plus grande encore dans les résultats. 

Nous terminerons par quelques détails sur les diverses 
méthodes à suivre pour hâter et forcer la maturité du rai- 
sin, et enfin par des considérations générales sur les moyens 
à employer pour l'introduction dela culture de la vigne dans 
les pays nouvellement défrichés. 


LA POMONE FRANÇAISE, 15 


DESCRIPTION DE LA VIGNE. 


Notre visne est un arbrisseau (1) sarmenteux, garni de 
mains ou de vrilles à l’aide desquelles il s'attache aux murs 
où aux autres arbres. 

Le bois de la vigne est recouvert de deux éeorces, dont 
celle extérieure est, sur le jeune bois, d’une couleur plus 
ou moins foncée, suivant celle du fruit, et présente des 
fibres longitudinales qui se détachent facilement ; l'écorce 
intérieure est au contraire très adhérente au boïs, lequel 
est lui-même dur et sans aubier perceptible, Cette observa- 
tion a fait dire aux auteurs anciens, et aux modernes, qui 
les ont vraisemblablement crus sur parole, que, cette plante 
n'ayant ni liber ni couche corticale, la sève monte éqale- 
ment des racines à l'extrémité supérieure des rameaux par 
toutes les parties du bois , au lieu de passer, comme dans les 
autres arbres , entre l’écorce et la partie ligneuse ; d'où il suit 
(disent-ils) que la vigne seule peut étre greffée sans avoir 
besoin du contact des deux écorces. H sera d'autant plus né- 


(4) Strabon, qui vivait au temps d’Auguste, rapporte qu’on voyait dans la 
Margiane des ceps de vigne que deux hommes pouvaient à peine embrasser. 
Pline nous apprend qu’à Populonium il existait une statue de Jupiter faite d’un 
seul morceau de bois de vigne, et qui, après plusieurs siècles, n’avait pas é- 
prouvé d’altération. Les temples de Junon, à Patera, à Marsilia (Marseille), à 
Metapontum , étaient soutenus par des colonnes de vigne. La charpente du tem- 
ple de Diane, à Ephèse, était construite avec le même bois. 

On prétend que les portes de la cathédrale de Ravenne sont en bois de vigne, 
dont les planches ont plus de 4 mètres de hauteur sur 25 à 28 centimètres de 
largeur. On a vu dans les châteaux de Versailles et d’Ecouen de très grandes 
täbles d’une seule planche de ce bois. Des voyageurs qui ont pénétré en Afri- 
que ont remarqué des vignes qui avaient jusqu’à 3 à 4 mètres de circon- 
férence. En Amérique, je n’en ai point vu de cette grosseur ni qui en appro- 
chassent ; mais beaucoup s'élèvent au dessus des plus grands arbres, 


CE LA POMONE FRANÇAISE. 


cessaire de relever cette dernière erreur, qu’elle a été adop- 
tée par des auteurs très estimés. 

Les bourgeons de la vigne sont garnis de nœuds saillants, 
dont chacun porte d’un côté un «œil, et du côté opposé une 
srappe, ou une vrille, ou rien. 

Les feuilies sont alternes, divisées en cinq lobes inégaux, 
dont les bords sont dentelés irrégulièrement. Elles sont 
portées par des péticles ou queues fortes, grosses, longues, 
cylindriques, de même nature que le sarment dont elles sont 
le prolongement. Chaque queue présente à son insertion 
deux yeux : l’un, petit, que l’on nomme faux bourgeon, se 
développe en même temps que la feuille; et si, dans une 
vigne vigoureuse, on le laisse subsister, il donne naissance 
à plusieurs bourgeons inutiles qui se développent au préju- 
dice du fruit. L'autre œil, gros, obtus, enveloppé d’une 
bourre très fine et très serrée, recouverte d’écailles, ne 
s'ouvre qu'après l'hiver; il est toujours double et quelque- 
fois triple. | 

Au printemps, presque tous les yeux formés l’année pré- 
cédente s'ouvrent et produisent à leur tour d’autres bour- 
seons. Les bourgeons qui sont d’une force modérée portent 
dans leur partie inférieure depuis une jusqu’à trois grappes; 
et dans certaines espèces jusqu’à cinq et six; celle du talon 
est presque toujours la plus forte. Lorsque la sève arrive 
avec trop d’abondance, la grappe dégénère en vrille. 

On distingue l’avortement de la coulure. L’avortement a 
lieu lorsque l’acte de la fécondation est incomplet : dans ce 
cas, les grains sont sans pépins, ils n’atteignent pas la moitié 
de leur grosseur ordinaire, maisilssont plus délicats au goût, 
et mürissent plus tôt que les autres. La coulure entraîne la 
perte complète d’une partie des grains et quelquefois même 
de la grappeentière; elle est cccasionnée par lespluies froides 
et continues dans le temps de la floraison : alors la corolle ne 
se détache point, les étamines restent collées, ne peuvent 


LA POMONE FRANCAISE. 15 


lancer leur poussière, et la fécondation n’a pas lieu. Outre 
les circonstances atmosphériques , la coulure peut encore 
être occasionnée par une maladie particulière de la plante 
(la gerçure ) dont nous parlerons ci-après. Toutes les fois 
que la floraison de la vigne a lieu par un temps pluvieux, 
mais accompagnée desoleil et de chaleur, la fécondation n’en 
est pas moins complète, et le fruit réussit parfaitement. On 
a prétendu mal à propos garantir les vignes de la coulure en 
leur enlevant un anneau d’écorce au dessous du fruit (1). 


(4) L’anneau cortical employé pour hâter la maturité des fruits ne doit et ne 
peut se pratiquer que lorsqu'ils sont noués. Cette opération ne peut donc em- 
pêcher la coulure ; elle réussit très bien sur la vigne, mais elle est très variable 
dans ses effets. Nous ayons vu de certaines années où elle n’avançait la maturi- 
té que d’une manière très peu sensible, et d’autres où elle la devançait de trois 
semaines. L’anneau pour la vigne se pratique immédiatement au dessous du 
fruit ; si on le place entre deux grappes, il en résulte que la plus basse n’est 
quelquefois pas encore arrivée à sa grosseur que celle au dessus de anneau est 
müre. 

Cette opération est une preuve évidente que la sève monte par les étuis mé- 
dullaires, descend par les écorces, et n’y monte pas, puisque le bourrelet que 
la sève forme, tendant à fermer la plaie, est sur la lèvre supérieure de l’anneau, 
et qu'il n’y en a point sur celle inférieure. Lorsque l’anneau a été enlevé de 
bonne heure , et qu’il est peu large par rapport à la grosseur du bourgeon , ou 
qu'il y a dans l'arbre un grand mouvement de sève, la plaie est promptement 
fermée; mais, si on enlève de nouveau l'écorce qui la recouvre, .on trouvera 
que le bois qui avait été mis à découvert est très noir, et que cette couleur 
s'étend plus loin, en se dégradant insensiblement et également des deux côtés de 
l'anneau. 

Nous avons fait faire, pour cerner la vigne, un outil dans lequel on place le 
bourgeon au moyen d’un ressort qui le presse également et toujours davantage 
à mesure qu’on le tourne. C’est une espèce de petit rabot. La description en se- 
rait difficile; nous nous bornerons à annoncer qu’on peut se le procurer à Ver- 
sailles, chez Varin, coutellier, rue Saint-Pierre. 

Ilest à propos de prévenir que, pour cerner les bourgeons de la vigne, on 
doit attendre non seulement que le grain soit bien formé, mais encore que le 
bourgeon ait acquis assez de consistance pour supporter l'opération; autrement 
on S’exposerait à couper le bourgeon ou à l’affaiblir tellement que le moindre 
vent le casserait. 

L’anneau coriical était connu depuis long-temps par les physiologistes beau- 


16 LA POMONE FRANÇAISE. 


La fleur de la vigne répand une odeur suave, principale- 
ment le soir et le matin, lorsque le temps est calme et chaud. 


coup plus que par les cultivateurs, lorsqu’en 1811 un particulier annonça à 
plusieurs sociétés d’agriculture que cet anneau pratiqué sur la vigne garantis- 
sait le fruit de Ja coulure; il colporta, comme preuve de son assertion, à ces so- 
ciétés, au Jardin des Plantes, ailleurs et chez moi, des sarments chargés de 
très beaux raisins noirs. Sa visite se terminait par demander une approbation 
écrite; il était déjà nanti de celle de M. Thouin et de plusieurs autres savants 
très distingués. Mon refus à cette demande fut motivé sur l’impossibilité de pra- 
tiquer Ja plaie annulaire avant ou pendant la floraison de la vigne, attendu que 
le bourgeon était encore trop tendre et l'écorce trop peu formée pour supporter 
cette opération ; qu’elle n’était praticable, et encore avec beaucoup de précau- 
tion, qu'après la formation du grain parvenu à la grosseur d’un plomb de 
chasse n° 3, essais que nous avions, fait réitérer plusieurs fois au potager 
de Versailles; en conséquence, qu’il était inadmissible que la plaie annulaire 
püt empêcher la coulure de la grappe, puisqu’elle ne pouvait pas être pratiquée 
avant sa formation et celle ligneuse du bourgeon. Ces raisonnements, qui restè- 
rent sans réponse valable, n'empêchèrent pas cet individu de chercher ailleurs 
d’autres attestations; il obtint un' rapport ou plutôt un procès-verbal favorable 
des autorités locales et environnantes où étaient situées ses vignes. On put croire 
alors que les récoltes en vin étaient désormais assurées en France. 

Vers cette époque, l’ouverture des chambres eut lieu pour la session de 
4811, et M. le comte de Montalivet, alors ministre de lintérieur, traçant 
dans son discours le tableau prospère de la France sous le rapport du pro- 
grès des sciences, des arts, des manufactures , et en particulier de l’agricul- 
ture, annonça l’abondance que cette heureuse découverte allait répandre sur 
notre pays. 

Nous citons cette anecdote pour s'gnaler d’une manière remarquable l’époque 
où l’on a commencé plus particulièrement à étudier les avantages que lagricul- 
ture pourrait tirer de anneau cortical , et en même temps pour faire voir que, 
si, au centre des lumières, les discours d’un simple villageois ont pu faire com- 
mettre une telle erreur, les particuliers doivent être très réservés lorsqu'il 
s’agit de merveilleuses découvertes, surtout en agriculture. Combien de per- 
sonnes se sont trouvées ruinées pour avoir été trop crédules à de semblables 
merveilles ! Je m’estimerai très heureux si mon avertissement peut être salutaire. 

Nous rentrons dans notre sujet en saisissant cette occasion pour renouveler 
Pavis que nous avons déjà donné, celui de ne croire sur parole aucun auteur 
agricole, et moi tont le premier, et de n’admettre pour valables nos assertions 
qu'après les avoir vérifiées une à une, parce que, fussent-clies bonnes ou mau- 


vaises, en suivant cette marche, elles ‘concourront également toutes à lin- 
struction de ceux qui l’adopteront. 


LA POMONE FRANÇAISE. 47 


Elle est petite, et composée d’un calice bordé de quatre ou 
cinq onglets, de quatre ou cinq pétales verts disposés en rose 
qui demeurent long-temps fermés, de quatre ou cinq étami- 
nes chargées de poussière fécondante qui s'échappe au mo- 
ment de l'épanouissement de la fleur. L’ovaire devient, 
comme l’on sait, une baie charnue, fondante, qui varie de 
grosseur, forme, couleur, odeur et saveur, suivant les diffé- 
rentes variétés ; elle est couverte d’une peau lisse et mince, 
et renferme depuis un jusqu’à cinq pépins, presque ligneux, 
en forme de larme. 

Le raisin contient, outre la semence, deux substances très : 
différentes, la pulpe et la résine colorante. La pulpe forme 
le muqueux, le suc du raisin, et n’est généralement point 
colorée (1). La résine colorante est adhérente intérieure- 
ment à la peau ; elle conserve une espèce d’âcreté, malgré 
Ja maturité du fruit ; la fermentation de la cuve développe, 
divise et mêle avec le suc du raisin toutes les parties de cette 
résine , ce qui cause la colorisation du vin (2). 

La grappe est formée de plusieurs grappillons ou bouquets, 
dont les supports sont attachés dans un ordre alterne sur la 


Il serait intéressant de connaître quelle influence éprouverait la graine d’un 
fruit dont la maturité aurait été hâtée par l’anneau cortical; quelie différence 
il y aurait entre le produit des graines de deux grappes séparées par l’anneau 
cortical. k 

On pourrait, sur ce sujet, proposer aux jeunes gens qui entrent dans la car- 
rière beaucoup de questions semblables à résoudre. 

(4) On sait que la pulpe de Pespèce dite teinturier fait exception, et qu’elle 
est si fortement colorée, que, dans certains cantons, on la cultive pour donner 
de la couleur au vin. | 

(2) L'art de faire du vin blanc avec du raisin noir n’était pas encore généra- 
lement connu au douzième siècle : car un moine de Saint-Denis nommé Guil- 
laume , le même qui a donné la Vie de Suger, écrivait à ses amis que, près de 
Châtellerault, il avait vu, non sans surprise, faire du vin blane avec du raisin 
noir, 

2 


18 LA POMONE FRANÇAISE. 


queue ou rafle. Cette rafle, ainsi que les vrilles, sont de méë- 
me nature que les parties constituantes des bourgeons. Il y 
a des espèces vigoureuses où la grappe est surcomposée. 

Les racines de la vigne sont plutôt chevelues et latérales 
que pivotantes ; elles sont creusées par le bout, percées 
d’une infinité de petits trous ou pores, et elles ont en géné- 
ral peu de volume relativement à l'étendue du cep; d’où 
l’on a inféré que cette plante pompe plus de matières nutri- 
tives par ses feuilles que par ses racines ; cependant le moin- 
dre retranchement fait à celles-ci produit des effets très sen- 
sibles sur la vigueur de la plante. 


MANIÈRE DE VÉGÉTER DE LA VIGNE. 


Avant de vouloir tailler et gouverner la vigne, il est in- 
dispensable de connaître sa manière de végéter, afin de pou- 
voir seconder ses dispositions naturelles ou s’y opposer effi- 
cacement si elles contrarient trop nos projets sous le rap- 
port de la forme à laquelle nous voulons l’assujeitir et des 
produits que nous désirons en obtenir. 

La vigne porte toujours son fruit sur le bourgeon de l’an- 
née, c’est-à-dire que la grappe et le bourgeon se trouvent. 
encore au printemps renfermés dans la même bourre. (On 
appelle bourre de la vigne ce que l’on nomme œil dans les 
autres arbres.) Ainsi, à cetie époque, la vigne commence 
par pousser le bois sur lequel sera attachée la srappe qui 
müûrira à l’automne. Chaque printemps aussi fait ouvrir 
tous les yeux formés sur le bois de la pousse précédente, 
à moins que les bourgeons n’aient pas été taillés ou qu'ils 
l’aient été trop longs ; dans ce cas, les yeux de leur talon ne 
s’ouvrent pas et s’affaiblissent ; mais ils ne perdent pas en- 
tièrement leur faculté végétative. 

Chaque œil de la vigne est toujours accompagné d’un ou 
de deux sous-yeux, qui, en cas d’avortement ou de gelée, 


LA POMONE FRANCAISE. 49 


remplacent l'œil principal; ils se développent quelquefois 
tous les trois, et pertent des grappes lorsqu’on les laisse sub- 
sister ; leur développement est plus tardif que celui de l'œil 
principal. 

La vigne a la faculté de percer de son vieux bois dans 
tous les endroits où il y a eu le rudiment d’un œil. 

D’après cette manière de véséter, il est évident qu’une 
vigne abandonnée à sa nature se dégarnirait successive- 
ment chaque année par le bas pour porter vers le haut ses 
nouveaux bourgeons. D'un autre côté, tous les yeux s’ou- 
vrant à la fois, la sève, trop inésalement partagée, ne pro- 
duirait que des bourgeons grèles, incapables de donner de 
bons fruits. 

Ainsi les produits d’une vigne abandonnée à elle-même 
sont nuls; l’art de la culture et celui de la taille sont donc 
indispensables pour la vigne, qui, sous ce rapport, est une 
véritable conquête de l’homme. Heureusement sous sa main 
elle devient aussi féconde que docile. Simèême elle était moins 
facile à conduire, on ferait plus d’efforts pour chercher ce 
qui lui convient le mieux ; mais elle s’'accommode de pres- 
que toutes les cultures, elle vit toujours malgré les mauvais 
traitements, et ce n’est que par la comparaison de ses pro- 
duits que l’on peut juger quelle est, parmi les différentes 
manières de la cultiver, celle qui lui est la plus favorable 
suivant le terrain, l'exposition et le climat où elle sectrouve. 


DES TERRES PROPRES A LA CULTURE 
DE LA VIGNE. 


L'espèce de terre la plus favorable à la végétation de la 
vigne est sans contredit une terre franche, saine, riche, 
conservant sa fraîcheur naturelle pendant les chaleurs de 
Pété. Les pousses d’une vigne plantée dans un tel sol sont 
d’une vigueur extraordinaire, et le fruit a les plus belles ap- 


20 ELA POMONE FRANCAISE, 


parences; nous en avons Vu pousser, la seconde année de 
leur plantation, des sarments de onze pieds de long, et, la 
troisième, de vingi-et-un pieds. Cependant un pareil terrain 
ne serait nullement favorable aux qualités du raisin. Il pa- 
raît constant que celles-ci sont en raison inverse de la force 
végétative de la plante, ou du moins, pour qu’elles soient 
les meilleures possible, la végétation doit être égale dans 
toutes les parties de la plante et en rapport avec l'intensité 
et la durée de la chaleur atmosphérique. Si la plante ne con- 
tient pas une abondance de sève capable de résister à l’ac- 
tion de la chaleur, elle languit, meurt ou reste stérile ; mais 
si, au contraire, elle attire plus de sève que la chaleur at- 
mosphérique ne peut en élaborer, le bois ne prend point de 
consistance , la sève continue toujours de s’élancer ayec 
force et rapidité vers le haut des bourgeons sans refluer 
vers les grappes, el celles-ci, quoique très grosses, sont 
aqueuses et dépourvues de principe sucré. 

Ainsi , toute terre qui conserve beaucoup de fraîcheur 
est sénéralement un obstacle à la maturité et aux qualités 
du raisin, quoiqu’elle soit favorable à laccroissement du 
bois. Une terre douce, légère, en pente, laissant écouler 
les eaux et retenant la chaleur, est celle qui convient le 
mieux à la culture de la vigne pour les produits. 

Îl n’y a point de jardins dans le climat de Paris où le rai- 
sin ne puisse venir aussi beau, aussi bon, aussi parfait que 
celui de Fontainebleau (1); il suffira de se conformer au 
mode de culture suivi à Thomery. 


(1) Ou plutôt Thomery, village voisin qui s’est fait, dit d’Aussy, le courtier, 
pour les grains et les fruits, de tout le canton. Depuis d’Aussy, ce commerce, 
loin de diminuer, s’est étendu jusque dans le Nivernais, le Bourbonnais et PAu- 
vergne. 

À Fontainebleau même, il n'existe que la treille royale (de 1584 mètres de 
longueur), dont la culture a été pour ainsi dire abandonnée pendant vingt-cinq 


LA POMONE FRANÇAISE. a 


“ 


Mais les propriétaires aisés, par lesquels l'amélioration 
devrait commencer, sont d'une indifférence extrème; ils 
paraissent ignorer complétement tout ce qu’ils peuvent à 
cet égard. La plupart, avec des dépenses extraordinaires 
en achats de terre de bruyères, font croître à leurs murs 
du nord des plantes qui ne sont qu'agréables, et ils n’ont pis 
l’idée qu'avec beaucoup moins de frais ils obtiendraient, à 
leurs murs du midi, du levant et du couchant, des productions 
plus utiles. Le rapport de quelques tombereaux de terre lé- 
#ère et sablonneuse, mélangée avec celle des plates-bandes 
de l’espalier, suffirait le plus souvent pour faire produire au 
terrain des arbres qui couvriraient les murs d’une belle ver- 
dure et de fruits délicieux. 

On se dispense ordinairement d’une opération aussi sim- 
ple que peu dispendieuse , et l’on garnit ses espaliers sans 
s'inquiéter si la qualité de laterre et la disposition du sol sont 
convenables ou non au plant qu’on veut lui confier. La vi- 
gne, qui croit partout, pousse presque toujours trop bien; 
mais le fruit est sans qualité , mürit très tard, ou ne mürit 
point du tout , et le propriétaire finit par se persuader qu'il 
est apparemment impossible d'obtenir de bons raisins contre 
les murs de son jardin ; il devrait pourtant se rappeler qu’a- 
vant le rapport de terre de bruyères dans ses plates-bandes 
du nord, on n’y voyait point croître des rhododendron , des 


ans ; depuis quelques années seulement, j’ai eu les moyens d’en faire coucher 
et renouveler une partie. On vient de commencer, cette année, la réparation 
des murs , qui étaient entièrement dégradés; j’ai profité de cette circonstance 
pour demander des chaperons en tuiles avec une saillie de 30 à 33 centimètres 
Les treillages, quil étaient aussi ruinés, seront renouvelés. La treille royale 
sera bientôt un monument et un modèle de culture que les amateurs de jardi- 
nage pourront venir consulter. Les espérances à cet égard sont d’autant mieux 
fondées que le jardinier du roi, M. Brassin, chargé du soin de cette treille, a 
d’excellents principes , qu’il est soigneux , et qu’il porte l'amour de son art aus- 
si Join qu'on peut le désirer. 


où LA POMONE FRANCAISE. 


magnolia, des azaléa, des cléthra, des calmia latifolia, et 
mille autres plantes de pur agrément que nous avons su faire 
croître. 

Assez généralement la terre des jardins est trop compacte 
pour la vigne , surtout lorsque les ceps sont plantés à de 
srandes distances les uns des autres; dans ce cas, on peut 
facilement la diviser avec du sable végétal pris à la surface 
des terrains de cette sorte. Si, au contraire , le sol du jar- 
din était d'une nature trop aride, il faudrait l’'amender avec 
de la terre franche, qu'on amalgamerait bien avec celle de 
l’espalier. Il faut éviter toute parcimonie dans les frais de 
plantation ; la prospérité et la durée des sujets sont toujours 
en raison des soins qu’on a apportés dans cette première 
opération. On ne doit point cultiver de légumes dans les 
plates-bandes, ni souffrir que les arbres environnants ap- 
prochent trop des racines de la vigne. 

Les terrains natureliement glaiseux et humides présen- 
tent le plus de difficultés pour y cultiver la vigne avec suc- 
cès; cependant, en vidant entièrement les plates-bandes, 
en plaçant dans le fond des plâtras, et en remplissant le reste 
avec de la terre légère , en pente, exhaussée au dessus des 
allées, on obtiendrait encore des productions dont on aurait 
lieu d’être satisfait et qui pourraient dédommager de la dé- 
pense. | 

Le sol naturel de Thomery est bien loin d’avoir les quali- 
tés qu’on lui suppose. J'ai visité souvent ce canton avec 
beaucoup d'attention : la terre y est très inférieure à celle 
des plates-bandes de nos jardins , que l’on pourrait d’ailleurs 
préparer à peu de frais pour la vigne. On croit généralement 
que les sables de Fontainebleau sont hâtifs, c’est encore une 
erreur ; ces sables sont brûlants par lardeur du soleil qu'ils 
reflètent , et ils sont glacés pendant la nuit. Si le raisin est si 
bon, si hâtif à Thomery, il faut en chercher la cause, com- 
me nous Pavons déjà dit, dans les soins éclairés qu’on y ap- 


LA POMONE FRANÇAISE. g3 


porte à la plantation, à la taille et à la culture de la vigne, 
plutôt que dans les qualités du sol. 

Lorsqu'on voudra faire la dépense nécessaire, la plupart 
de nos jardiniers sont aujourd'hui assez instruits pour pré- 
parer convenablement les terres de leurs espaliers de maniè- 
re, à y recevoir de la vigne, des pèchers, des poiriers, elc., 
en faisant toutefois pour chaque espèce des amalgames dif- 
férents : car il est bien reconnu que ces divers arbres ne doi- 
vent plus être confondus le long du mème mur les uns avec 
les autres. Cependant on les plante presque toujours dans le 
même sol, comme si on était en droit d'attendre que les- 
pèce de terre qui amène la poire à sa perfection püt y ame- 
ner aussi bien les autres fruits. Les propriétaires se conten- 
tent de ce que leur terrain, tel qu’il se trouve, peut produi- 
re. Il y a en effet des qualités de terre où tout vient à peu 
près bien ; mais il y a tant de nuances dans le bien, tandis 
que la perfection n’en admet point! Quoi qu’il en soit, il n’y 
a point de propriétaire qui ne fasse toutes les années à sa 
campagne des dépenses beaucoup moins bien entendues et 
plus considérables que celle que je propose ici; d’ailleurs les 
essais peuvent s’opérer sur une petite longueur d’espaliers, 
et, par ce moyen, ils ne seront jamais ruineux ni désa- 
streux pour ceux qui voudront les tenter. 


DES MOYENS DE MULTIPLIER LA VIGNE. 


Le bois de la vigne, ainsi que celui de toutes les plantes 
sarmenteuses remplies de moelle, se multiplie très facile- 
ment de boutures et de marcottes. 

Les boutures ou crossettes sont des sarments de la derniè- 
re pousse , longs d’un pied et demi à deux pouces, ayant à 
leur talon un peu de bois de deux ans; on les place vertica- 
lement en bonne terre au mois de mars, après les avoir fait 
tremper pendant quelque temps dans du jus de fumier, en 


où LA POMONE FRANCAISE. 


ne laissant sortir que deux yeux bien aoûtés ; mais il serait 
_ mieux de les coucher dans des rigoles de dix à onze pouces, 
suivant la qualité du sol. Ces boutures prennent racine dans 
l’année mème, et sont en état de donner des fruits au bout 
de trois ou quatre ans, si toutefois pendant cet intervalle les 
gelées ne fatiguent pas trop les bourgeons. Il n'est pas ri- 
goureusement nécessaire de laisser du bois de deux ans au 
talon des crossettes, parce que les sarments prennent racine 
à l'endroit de tous les yeux qui sont enterrés. La bonne dis- 
position des yeux qui sont hors de terre est indispensable. 
On doit préférer, pour effectuer une plantation, les boutu- 
res au plan enraciné. 

La marcotte, couchage ou chevelée, doit se faire dans le 
mois de février ou de mars, et mème jusqu’au mois de mai. 
Pour marcotter la vigne, on couche un brin de l’année , te- 
nant à la souche, dans une rigole profonde de cinq à six pou- 
ces, et de manière que la partie enterrée ait au moins un 
pied de longueur. Le succès dépend du choix d’une place 
bien aërée pour y coucher le sarment, et du rapport de ter: 
re neuve ou d'engrais dans la risole si l’ancienne se trouvait 
trop épuisée. Les précautions à prendre pour obtenir des 
marcottes bien enracinées sur toute la longueur du bois en- 
terré consistent à retirer tous les yeux de la branche à par- 
üir du cep jusqu’au point où elle commence à entrer en ter- 
re, à ne point faire faire au sarment un coude trop raide 
soit à l'entrée, soit à la sortie de la rigole ; moins on rompt 
les fibres du bois, plus on obtient de belles et nombreuses 
racines. On marcotterait même un bois de deux ans natu- 
rellement coudé avec plus d’avantases qu’un jeune sarment 
que l’on serait forcé de trop contraindre. Le bois de deux ans 
pousse de plus fortes racines, mais en moins grande quan- 
tité. 

Les couchages affament les souches ; un pied de vigne 
Serait bientôt ruiné si on le marcottait souvent. Cette opé- 


LA POMONE FRANCAISE, 4 


ration , à Thomery, n’est pratiquée que sur les ceps ruinés, 
usés, malades, que l’on veut détruire; c’estle dernier moyen 
que les cultivateurs de ce pays emploient pour en tirer par- 
ti; ils appelient ces marcottes des chevelées. 

Ce moyen de multiplier la vigne par couchage n’améliore 
pas les espèces, qui restent absolument les mêmes; les bou- 
tures propagent plus sûrement les accidents heureux que la 
culture produit quelquefois sur un seul sarment ou sur tous 
ceux d’un mème cep. Elles ont en outre l'avantage inap- 
préciable de ne point altérer la souche, qui continue à servir 
d'étalon et à produire de bonnes récoltes. 

Les habitants de Thomery, qui cultivent une très grande 
quantité de chasselas à leurs espaliers ou dans leurs vignes, 
ont remarqué que cette espèce présente souvent d’heureux 
accidents ; aussi ont-ils le plus grand soin de choisir pour 
leurs plantations des crossettes prises sur les ceps qui sont 
le moins sujets à couler, qui rapportent le plus abondam- 
ment, qui sont les plus hâtifs, et ceux surtout dont les grap- 
pes sont le mieux faites, et dont les srains blonds, iranspa- 
rents, égaux , peu serrés, se colorent le plus facilement. On 
conçoit qu'ils ne voudraient pas marcotter de tels pieds dans 
la crainte de les épuiser; ces cultivateurs rivalisent entre 
eux à qui possédera une variété supérieure. Mais ce mode 
de toujours choisir, pour former des plantations, sur les 
ceps qui rapportent le meilleur raisin , tend nécessairement 
à perfectionner l’espèce. 

Les provins sont des marcottes qui ne doivent pas être 
trausplantées , et qu’on établit, ‘par cette raison , dans des 
rigoles ou des fosses plus profondes. 

_ On multiplie aussi la vigne par semences ; mais ce moyen 
n’est point usité , parce qu'il donne des variétés le plus sou- 
vent inférieures à celle qui les a produites. J’ai fait semer 
au potager de Versailles une assez grande quantité d’espè- 
ces de raisin. Ce plant très nombreux a commencé à rappor- 


26 LA POMONE FRANCAISE. 


ter au bout de quatre à cinq ans; ce qui est en opposition. 
avec le résultat des expériences de Duhamel, qui assure 
qu’un pied de vigne élevé de pepin n’avait encore produit 
chez lui aucun fruit au bout de douze ans de culture. 

Nous avons éprouvé que les variétés obtenues au potager 
de Versailles rentraient à peu près dans les espèces origi- 
naires , c'est-à-dire que les pepins récoltés sur des chasse- 
. las ont donné des raisins assez ressemblants au chasselas ; 
mais aucun jusqu'ici ne l’a égalé. Quoi qu’il en soit , il ne 
faut pas se décourager, et les grands établissements doivent 
essayer les semis. 

On propage encore les diverses sortes de vignes par la 
greffe. Ce moyen fournit d’abord des pousses de dimensions 
incomparablement plus fortes que l’espèce sur laquelle on a 
coupé Îles rameaux; les premiers fruits se ressentent un peu 
de cette vigueur ; la seconde année , les pousses deviennent 
moins vigoureuses ; enfin, chaque année, les pousses sont 
moins fortes , jusqu’à ce que la sève, trouvant des canaux 
assez multipliés , ne soit plus forcée de créer des bourgeons 
qui sortent des proportions que la nature , non contrariée, 
a fixées à cette plante. 

La greffe, en dernière analyse, pour là vigne, comme 
pour toutes les autres espèces d’arbres , ne fait que perpé- 
tuer les espèces sans les changer ; l'amélioration n’est qu'ap- 
parente, et n’a de durée que le temps nécessaire à la nature 
pour faire rentrer dans l’ordre les choses que la main a de 
l’homme a dérangées. 

La sreffe de la vigne se fait en fente , ainsi que celle pra- 
tiquée sur les arbres de plein vent ; plus elle est près de terre, 
plus elle est assurée. On étète provisoirement les sujets , et 
l’on rafraichit la coupe au moment de l’opération , qui se fait 
un peu avant la sève; on taille le rameau en coin, avec une 
retraite qui repose sur l'aire de la coupe du sujet. Ces deux 
entailles seront faites près du seul œil que doit avoir le ra- 


LA POMONE FRANCAÏSE, 27 


meau ; cet œil, placé ainsi au niveau du sommet de la fente, 
devra, par son empatement, recouvrir la plaie faite au sujet- 
On placera le rameau de manière à faire coïncider les écor- 
ces avec celles du sujet; on assujettira le tout avec de la 
ficelle ; puis on enduira la partie greffée avec la poix chau- 
de employée à cet usage. 

Si la vigne que l’on a greffée est contre un mur, on aura 
soin de coiffer la greffe avec un cornet de papier, afin de 
l’abriter des rayons du soleil et de l’air trop souvént renou- 
velé. 

Il arrive toujours que l’opération de la greffe retarde 
d'une quinzaine de jours au moins le développement du 
rameau, qui ensuite s’élance avec force et rapidité, pro- 
Jongeant indéfiniment sa végétation. On pincera plusieurs 
fois ces greffes pour les arrêter et faire mürir le bois; s’il 
restait herbacé, malgré cette précaution, on devrait le 
couvrir aux approches des gelées. On attendra à l’année 
suivante pour couper la ficelle, afin qu’elle ne cause pas 
d’étranglement. 

Les rameaux de vigne destinés à la greffe doivent ètre 
cueillis avant que la sève soit en mouvement ; on laissera 
du vieux bois au talon du rameau , plutôt pour prolonger 
Sa conservation que pour s’en servir. Les rameaux seront 
mis dans de la mousse et déposés dans un lieu frais jus- 
qu’au moment de l’opération, ou bien on se contentera de 
les piquer en terre et à l’ombre au nord. 

On se sert de la greffe pour rajeunir un pied de vigne ; ce 
qui vaut mieux que de le receper entre deux terres, en 
ce sens que les bourgeons qui sortent des yeux bien formés 
de la greffe ouvrent plus promptement et sont plus vigou- 


reux que ceux qui percent de l’écorce du cep que l’on veut 
rajeunir. 


28 LA POMONE FRANÇAISE, 


PLANTATION NEUVE DES VIGNES EN TREILLES 
MENÉES PAR CORDONS. 


Chaque pied ne doit porter qu’un seul cordon de chaque 
côté. La distance la plus convenable à mettre entre les cor- 
dons est de 50 centimètres, et celle entre les ceps de 65 à 
65 au plus, ainsi que le pratiquent les cultivateurs de 
Thomery. Les qualités de la terre peuvent modifier un peu 
ces dimensions. Si le mur est assez élevé pour recevoir cinq 
étages de cordons, les ceps ne seront qu'à 55 centim. de 
distance l’un de l’autre (voyez la fig. [, pl. 1'e) , afin que la 
longueur de chaque bras ne soit que de 1 ‘mètre 39 ceni. 
Avec moins de cordons, or pourra écarter les ceps jusqu’à 
66 cent.; s’il n’y a que deux étages de cordons, et que 
l’on veuille conserver toujours entre les ceps cette même 
distance de 66 cent. , chaque tige n'aura qu'un seul bras 
de 1 mètre 33 cent. d’étendue , et tous les bras seront 
tournés du même côté. 

Ce mode de plantation à la Thomery n’entraine pas d’a- 
bord la destruction des arbres qui sont contre les murs; on 
ne les arrache que lorsque la jeune vigne est assez forte 
pour être couchée vers le mur et commencer à produire. 
En conséquence, on ouvre, à 1 m.33 c. en avant du mur, une 
tranchée, qui lui est parallèle, de 27 à 30 cent. de profon- 
deur sur 45 de largeur. On place dans cette tranchée , sur 
de la terre meuble, et dans le sens de sa longueur, des 
crossettes bien choisies ayant environ 66 cent., que l’on ar- 
que vers l’extrémité , afin de la faire sortir au dessus du 
sol; la partie excédante sera taillée à deux yeux (1). La 


(4) On ne doit pas coucher les crossettes en travers de la tranchée, afin de 


n'être pas obligé, lors du second couchage, de forcer ou de briser le premier 
coude. 


LA POMONE FRANCGAISE, 29 


tranchée sera ensuite remplie à demi avec de la terre neu- 
ve, sur laquelle on répandra un lit de fumier assez épais 
pour conserver la fraicheur des arrosements nécessaires au 
développement des racines. Si l’on remplissait entièrement 
la fouille , il se formerait au collet de la crossette des racines 
qui seraïent inutiles, puisqu'elles se trouveraient détruites 
lors du second couchage; celui-ci s’exécutera aussitôt que 
les ceps auront pris assez de force et de consistance pour 
produire des jets visoureux en élat de gagner le mur (ce 
qui arrive ordinairement vers la troisième année de ja plan- 
tation des crossettes ). 

Alors on défoncera le reste de la plate-bande entre les 
crosseltes et le mur; on arrachera les arbres qui y sont, 
ayant soin d’en retirer toutes les racines, de renouveler en 
partie les terres et de les fumer , ieur donnant une pente 
assez rapide vers l’allée. La défonce étant terminée , on ou- 
vrira vis-à-vis de chaque cep une risole de 35 cent. de pro- 
fondeur, se dirigeant vers le mur, dans laquelle on couche- 
ra toute la vigne composée d’un seul jet que l’on aura laissé 
pousser ceite année sur chaque souche. Ce jet sera garni 
de lous ses yeux (1); arrivé au mur, on lui fera faire un 


(4) Nous différons ici d’opinion avec M. Dalbret, qui recommande, p. 464, 
d'annuler avec la serpette tous les yeux qui se trouvent enterrés sur la vigne 
que lon couche vers le mur. L’erreur grave que commet ici M. Dalbret pro- 
vient de deux causes : la première, c’est qu’il n’a vraisemblablement jamais pra- 
tiqué ce qu'il professe à cet égard; la deuxième , qu’il aura sans doute mal in- 
terprété la Pomone, lorsque nous recommandons, à l’article Marcotte, da’nnu- 
ler tous les yeux qui se trouvent hors de terre, et non en terre, à partir du pied- 
mère qui fournit la marcotte jusqu'au point où elle entre en terre, attendu que 
ces yeux donneraient naissance à autant de bourgeons qui nuiraient au dévelop- 
pement des deux ou trois yeux qui soné à l’autre extrémité de la marcotte. Quant 
aux yeux enterrés, ils sont destinés à fournir des faisceaux de racines qui don- 
neront la vie à la marcotte; et si on les supprimait avec la serpette, comme le 
recommande M. Dalbret , il ne sortirait point ou très peu de racines. Le pro- 


30 | LA POMONE FRANCAISE. 


coude non brusque pour sortir de terre, précisément à la 

place que l’on aura marquée sur le mur. On raccourcira ce 
jet autant que possible à la hauteur du premier cordon, 
plutôt en dessous qu’en dessus. On aura soin d’espacer éga- 
lement toutes les tiges ; puis les risoles seront remplies à 
demi avec la terre de la fouille, et le surplus avec du fu- 
mier à moitié consommé. Ces jeunes vignes produiront de 
{rès beaux raisins dès la première année du couchage; les 
tiges , tout en continuant d'atteindre la hauteur où elles 
doivent former lentement leurs cordons, produiront aussi 
des fruits. 

En ne donnant pas aux rigoles plus d’un pied de profon- 
deur, les racines se trouvent placées assez près de la surface 
du sol pour éprouver les influences bienfaisantes de l’atmo- 
sphère , sans se trouver exposées à être offensées par Îles 
labours , qui , du reste , doivent toujours se faire avec la 
houx à crochet. 

On pourrait se persuader que l’on jouirait plus (ôt en plan- 
tant un espalier avec des marcottes ou chevelées ; mais nous 
devons avertir que les crossettes sont préférables sous beau- 
coup de rapports. D’ailleurs, l'avantage que semble promet- 
tre l'immense quantité de racines qui sortent de chaque &il 
de la chevelée est illusoire ; ces racines périssent presque 
toutes après la plantation. Quant aux marcottes couchées 
dans des pots ou des mannequins, il faut en bannir l’usage, 
parce qu'il est bien reconnu que les cultivateurs ne couchent 
jamais les vignes en bon rapport; ils ne marcottent que les 
vignes usées , qu’ils veulent détruire. 

Ce mode de plantation est très opposé à celui générale- 


priétaire qui aurait suivi un tel conseil perdrait non seulement sa vigne , mais 


encore les trois ou quatre années de culture employées jusqu’au moment du 
couchage de la vigne. 


LA POMONE FRANÇAISE. _ 


ment adopté. La plupart des jardiniers plantent la vigne au 
pied des murs, dans des plates-bandes nivelées et destinées 
à d’autres cultures ; ils placent les ceps à de grandes distan- 
ces les uns des autres, et il résulte de là une vépétation 
trop active et trop prolongée pour que les fruits puissent 
facilement mürir dans notre climat. 

À Thomery, la vigne est mise dans une situation bien 
différente. Les ceps sont rapprochés, et leurs racines, qui se 
croisent de toutes parts, garnissent la terre de la plate-ban- 
de, qui ne peut leur fournir un excès d'humidité : aussi les 
pousses sont moins fortes et leur végétation est plus tôt ter- 
minée , les yeux sont plus rapprochés , et enfin la terre, en- 
tretenue par une srande quantité d'engrais, fournit chaque 
année à des récoltes précoces et toujeurs abondantes (1). Ii 
faut ajouter que la taille et le pincement pratiqués sur ces 
vignes distribuent la sève également sur toutes les parties de 
la plante. 


DE LA TAILLE. 


La vigne, après avoir été provignée vers le mur, et taïilée 
sur trois ou quatre yeux , fournira autant de bourgeons por- 
tant fruits qui seront palissés, ébourgeonnés et arrêtés en 
saison convenable. On ne laissera pas à ces bourgeons tou- 
tes les grappes dont ils seraient chargés. Aussitôt après la 
récolte, si elle est faite de bonne heure, ou sinon au mois 
de février ou de mars, on supprimera sur chaque tige Île 


(1) On peut doubler les distances des ceps sans augmenter ja longueur des 
bras en plantant alternativement au midi et au nerd, et en pratiquant dans le 
mur des trous à la hauteur des cordons provenant des ceps du nord, afin de 
les faire passer au midi, où ils viendraient remplir je cadre général. C’est ainsi 
qu’on peut en user Gars les terrains légers et arides. (V. fig. I le cordon de la 
üge £.) 


59 LA POMONE FRANÇAISE. 


bourgs#eon supérieur pour la rabattre très près de la naïs- 
sance du bourgeon inférieur, à moins que celui-ci ne soit 
faible, car il faut toujours conserver le plus fort, que l’on 
taille ensuite plus ou moins long , suivant sa destination et 
la vigueur avec laquelle la visne a poussé. On n’aveuglera 
pas, ainsi que cela se pratique trop souvent, les yeux qui 
sont sur les tiges, pour ne laisser croître que ceux du haut; 
on laissera tout pousser, parce que le bois de la vigne , plus 
que celui des autres arbres, ne profite et ne prend du corps 
qu’en raison du nombre de bourgeons dont il est garni; on 
aura soin seulement de favoriser la pousse des autres bour- 
geons en pinçant, rognant, rabattant même les bourgeons 
du dessous qui tendraient à l’épaler; aucun de ces der- 
niers, si la vigne est bien conduite, ne devra acquérir trop 
de force. 

Apres cette première opération de ravalement, on rac- 
courcira toutes les tiges À pour faire naître sur chacune 
deux bras horizontaux dirigés suivant (la fivure [); toutes 
ces Lives À seront taillées sur un œil double qui se trouvera 
au droit de la latte horizontale qui détermine par avance la 
place que doit occuper le premier cordon. Si cet œil double 
ne se trouvait pas où on le désire, on raccourcirail les tiges 
À sur le premier œil, immédiatement au dessous de la latte, 
afin de faire naître un nouveau bourgeon qui offrira l’année 
suivante, par ce double rapprochement à son talon, deux 
yeux assez rapprochés pour former exactement au droit de 
la latte le premier cordon. 

Les tiges B seront également taillées sur le premier œil 
au dessous de la latte, qui devra recevoir le second étage de 
cordon, afin de préparer pour la taille suivante le dévelop- 
pement de ce second étage de cordon.Toutesles autres tiges 
seront un peu plus ou un peu moins raccourcies à cette bau- 
teur. On ne laissera développer sur chaque tige que deux ou 
trois bourgeons portant les fruits; les autres seï ont pincés, 


LA POMONE FRANÇAISE. LE 


rognés, et tenus de court , ne devant avoir d'existence que 
pour attirer la sève sur la tige. Les autres tiges seront suc- 
cessivement traitées comme les tiges À et B. 

On mettra la même lenteur pour prolonger les cordons que 
l’on a mis pour former les tiges. On allonsera chaque année 
les cordons en raccourcissant à trois ou quatre yeux le bour- 
geon de prolongement , ayant soin d’asseoir la taille sur un 
œil placé du côté du mur ou en dessous, afin que le cordon 
suive dans son développement une ligne droite, sans nœuds 
et sans coudes. On ne laissera développer à fruit que les 
bourgeons placès sur la partie supérieure du cordon; les 
autres , sur le devant ou en dessous, seront pincés plusieurs 
fois dans le cours de la saison, puis définitivement suppri- 
més à l'automne. 

La seconde année , au temps de la taille, on raccourcira 
les trois bourgeons qui sont sur les cordons ; ils seront tail- 
lés à deux yeux, sinon le terminal, qui sera taillé à trois ou 
quatre yeux comme bourgeon de prolongement. Les deux 
autres bourgeons que nous venons de désigner, et que quel- 
ques personnes nomment broches , étant tailiés en coursons 
sur deux yeux, pousseront deux ou trois bourgeons que l’on 
palissera, ébourgeonnera et arrêtera en saison convenable, 
observant de différer de quelques jours le pincement sur le 
bourgeon le plus près du cordon, dans le but d’en favoriser 
le développement, parce que c’est toujours sur ce bour- 
geon le plus rapproché du cordon que doit se faire la taille 
de l’année suivante, les autres au dessus devant être tous sup- 
primés à la taille. On pincera plusieurs fois, comme il en a 
déjà été question, les pousses qui sont placées en dessous ou 
sur le devant du cordon pour ensuite les supprimer tout à 
fait à l'automne. 

Les yeux sur les cordons qui donnent naissance aux cour- 
sons doivent toujours être placés sur le dessus du cordon, et 
avoir entre eux une distance de 16 à 20 cent., afin que 


à 


LA POMORE FRANÇAISE. 


Sel 
NE 5 


les deux ou trois bourgcons que produit annuellement cha- 

que courson après la taille trouvent place au palissage. Nous 
appelons courson ce que dans le midi de la France on ap- 
pelle coq. Cette distance des coursons entre eux sur les cor- 
dons s’obtiendra par le même procédé que l’on a empleyé 
sur les tises pour obtenir les coräons précisément à la place 
qui leur était assisnée, c’est-à-dire par un double rappro- 
chement. On continuera ainsi chaque année l'établissement 
des coursons, et le prolongement des cordons et celui des 
tiges, jusqu'à ce qu’ils aient rempli le cadre qui leur a éfé 
réservé; après quoi les cordons n'auront plus de bourgeon 
de prolongement ; ils ne seront garnis que de coursons. 

On pourrait être tenté de donner, dès la première année, 
aux cordons, toute la longueur qu’ils doivent avoir, c’est- 
à-dire À mètre 33 cent. de chaque côté. Il résulterait decet 
empressement deux fautes : l’une, que les yeux placés sur le 
cordon pourraient se trouver à une trep grande distance les 
uns des autres, ce que l’on évite en empioyant plus de temps 
pour former les cordons; secondement, tous les coursons 
sur un cordon ainsi improvisé se trouveraient être du même 
âge ; alors celui de l’extrémité conserverait toujours des élé- 
ments de visueur beaucoup plus considérables que ceux plus 
rapprochés de la tige ; la sève, qui tend naturellement à se 
porter à l'extrémité du cordon, se trouverait excitée à sui- 
vre ses penchants, tandis que, lorsqu'on établit successive- 
ment les coursons, ceux près de la tige sont déjà constitués 
lorsque ceux des extrémités commencent à naître. Nous a- 
vons déjà dit que c’est dans légale répartilion de la sèvesur 
toutes les parties de la vigne, que les cultivateurs de Thome- 
ry savent établir et maintenir, que réside la cause la plus ré- 
elle de leurs succès. C’est aussi pour atteindre ce but plus 
facilement qu'ils ne forment les coursons.que les uns après 
les autres, ei qu’ils ne donnent aux cordons de leurs vignes 
que peu d'étendue. Il est alors facile, par le pincement, de 


LA POMONE FRANÇAISE. 53 


faire refluer la sève sur les coursons les plus près de la 
ge ; tandis que, si les cordons avaient'7 à 19 mètres de lon- 
gueur, comme cela se voit dans presque tous les jardins des 
environs de Paris, le pincement produirait peu d'effet, et 
la sève se porterait avec d’autant plus d’impétuosité vers les 
extrémités, que les cordons seraient plus longs. Dans ce cas, 
la sève ne pouvant être refoulée vers la tige , les pousses de 
ces longs cordons deviennent de plus en plus inégales entre 
elles ; les fruits ne sont beaux que vers l'extrémité des cor- 
dons, décroissant de beauté vers la tige (1). 

Lorsque la surface du mur sera régulièrement couverte 
par la vigne, les soins du cultivateur se borneront à main- 
tenir constamment la treille dans cet état prospère. Il y par- 
viendra en asseyant la taille annuelle des coursons toujours 
sur le bourgeon le plus près du cordon ; cependant, en ob- 
servant seulement cette condition, il pourrait arriver que 
le bourseon sur lequel on taille, se trouvant chaque année 
un peu plus éloigné du cordon, finirait à la longue par en 
être distant de 16 à 20 centimètres, et mème au delà, ce qui 
occasionnerait un très srand vide sur toute la surface du 
mur. On prévient cette défectuosité et mème cette perte en 
profitant des bourgeons qui percent souvent au talon des 
coursons ou sur la vieille écorce des cordons. Dans ce cas, 


(1) Ces faits sont en opposition avec le principe que M. Dalbret veut établir, 
p. 167 : Qu'il vaut mieux, dit-il, dans ce genre de végétal (la vigne), forcer la 
sève à se porter &u centre à l'extrémité que de l'extrémité au centre. M. Dal- 
bret n’a sans doute pas réfléchi que, si le principe qu’il veut établir était admissi- 
ble pour la culture de la vigne, il ne serait pas nécessaire de forcer la sève à se 
porter aux extrémités des cordons, puisqu'elle s’y précipite tout naturellement, 
C’est pour cette raison que nous devons travailler sans cesse à l’en détourner ; 
et , si on suivait l'avis de M. Dalbret , on occasionnerait un très grand désordre 
dans toute la plante. M. Dalbret n'indique pas non plus la longueur à donner 
aux cordons de la vigne; son dessin sur les planches laisserait croire qu’elle 
peut Ctre illimitée. 


36 LA POMONE FRANCAISE. 


on favorise leur développement par tous les moyens connus, 
et lorsque ce bourgeon est assez fort pour remplacer le cour: 
son, on supprime celui-ci avec la seie. On peut provoquer la 
sortie de ces bourgeons de remplacement par une taille courte 
ou par des engrais; mais les jardiniers soigneux évitent de 
recourir à ces moyens en ne népligeant point d'accueillir les 
bourgeons qui percent de la vieille écorce, etn’échappant ja- 
mais l’occasion de renouveler les coursons. Nous ajouterons 
que les bourgeons destinés à former les cordons doivent être 
abaissés avec beaucoup de précaution vers la latte horizon- 
tale, dans la crainte de les rompre. Ïl faut attendre qu’ils 
soient devenus tout à fait lisneux pour les ployer et les ap- 
pliquer sur la latte. 

Beaucoup de jardiniers se croiront sans doute plus habi- 
les que les cultivateurs de Thomery parce qu’au lieu d’em- 
ployer sept ou huit années à élever une treille, ils:ne met- 
tront que deux outrois ans, formant destiges de2 m. 33 cent. 
de hauteur, avec des jets de l’année, et établissant de suite 
des cordons à leur sommet, qu’ils allongent avec la même 
précipitation. Ces jardiniers attribuent notre lenteur au seul 
amour de la symétrie. Certes, une treille conduite selon no- 
tre méthode satisfait l’œil bien autrement que celle dont les 
cordons sont établis sans prévoyance et sans soins, tels que 
les bourgeons se présentent, offrant partout des arcs et des 
coudes. Cependant ce n’est pas seulement l’amour de la sy- 
métrie qui détermine notre conduite dans la formation de 
nos treilles, mais bien plutôt l’opportunité d’une marche 
lente qui assure dans toutes les parties dela plante l’égaleré- 
partition de la sève et salibre circulation. Cette marche dif- 
fère essentiellement de celle que suivent par routine la plu- 
part des jardiniers ; mais, pour peu qu’on réfiéchisse sur les 
conséquences de ces deux méthodes si opposées, on com- 
prendra que la sève doit s’élaborer bien différemment dans 
les tiges sur lesquelles on a fait développer successivement 


LA POMONE FRANCAISE. 37 


des germes de fructification très rapprochés les uns des au- 
tres que dans celles abandonnéessans obstacles à toute la fou- 
gue d’une jeune végétation. Sur celles-ci, les yeux sont très 
espacés, beaucoup s’oblitèrent, et les mérithalles sont très 
allongés. Est-il surprenant que deux treilles élevées d’après 
des méthodes si opposées offrent des produits aussi différents 
que ceux qui se font remarquer sur les treiiles de Thomery 
et sur celles des environs de Paris ? 

La récolte de ces treilles commence dès l’année même du 
couchage. Les tiges vigoureuses fournissent trois ou quatre 
bourgeons qui peuvent rapporter chacun deux grappes; on 
supprime ces bourgeons à mesure que la tige s'élève, et l’an- 
née suivante on en laisse sortir de nouveaux, qui seront sup- 
primés à leur tour. Ainsi les ceps destinés à former les der- 
niers cordons n’en seront pas moins productifs jusqu’au mo- 
ment où ils viendront remplir le cadre général de l’espalier. 

On ne peut disconvenir qu'une vigne menée par cordons, 
et de cette manière, offre trois avantages importants : 1° une 
égale distribution de la sève dans toute la plante; 20 de gar- 
nir régulièrement et sans perte tout l’espace qui lui est con- 
sacré; 3° de rendre la taille si simple et si facile, lorsque les 
cordons sont établis, qu’elle puisse être faite par tout ou- 
yrier qui en aurait la plus légère notion. On ajoutera qu’elle 
donne lieu à une très grande économie de temps, que l’on 
serait forcé d'employer à réfléchir au lieu d’agir si la vigne 
était étalée sans symétrie sur les murs, parce qu’il faudrait, 
à chaque coup de serpette, prévoir si les bourgeons qui vont 
sortir des yeux sur lesquels on taille trouveront place au pa- 
lissage sans nuire aux autres. On est étonné que les habi- 
tants de Montreuil-aux-Pèches, qui consacrent des murs 
entiers à la culture de la vigne, ne la conduisent point par 
cordons ; aussi leurs murs ne sont-ils jamais garnis comme 
ceux de Thomery. Il est visible que leur culture, à cet é- 


58 LA FOMONE FRANÇAISE. 


gard, n’a point changé depuis deux cents ans, et qu’ils sont 
encore dans le sillon de la routine. 

Après avoir parléide la taille sous le rapport de la forme à 
faire prendre à la vigne, il reste à parler deses effets sur les 
branches à fruits ou coursons. Ils tendent en général à em- 
pêcher la dissémination de sève qui aurait lieu si on laissait 
subsister tous les nombreux sarments et bourseons anti- 
cipés disposés à sortir des yeux, des sous-yeux, et même 
de l’écorce. La taille et le pincement concourent à établir 
dans la plante le rapport convenable entre ses facultés d’as- 
piration et celles d’évaporation. Lorsqu'une vigne a trop de 
moyens de pomper une liumidité toujours renaissante, le 
mouvement de ses principes séveux est trop rapide, la sève 
ne s’élabore point, ne se concentre point, et l’on n'obtient 
que des raisins aqueux, et par suite des vins sans qualité et 
sans durée. 

Il faut donc mettre la vigne dans une situation telle qu’on 
puisse , sans de grands inconvénients, en restreindre le vo- 
lume , et ne lui faire aspirer qu’une quantité de parties a- 
queuses relative à la chaleur du climat où elle se trouve : 
ua 50! peu riche, ne retenant que l'humidité nécessaire au 
développement d’une végétation lente , mais substantielle , 
remplit chez nous ces conditions. Si le sol est trop humide, 
on est oblisé de proportionner la taille à l’abondance de la 
sève. Les vignes , à Thomery, plantées le long des murs à 
65 centim. de distance l’une de l’autre sous la forte saillie 
du chaperon des murs, et pincées de bonne heure, n’é- 
prouvent, par l’effet de toutes ces circonstances, qu'une 
végétation modérée, toujours terminée avant les froids. 
Dans la plupart des jardins, au contraire , nous voyons des 
vignes dont la végétation trop prolongée n’est arrètée que 
par les gelées ; aussi ces plants rapportent-ils des fruits infé- 
rieurs qui parviennent rarement à une maturité complète. 


LA POMONE FRANCAISE. 39 


Pour revenir à la taille, nous observerons que celle qui est 
faite (ainsi que cela se pratique ordinairement pour la vigne) 
sur des bourgeons sortis dessous-yeux, étant moins favorable 
à la force et à l’étendue de l’arbre que si elle était pratiquée 
sur les yeux bien conformés, est par conséquent plus avan- 
tageuse aux produits. Cependant en allongeant çà et là quel- 
ques bourgeons, et les taillant sur de bons yeux, ceux-ci 
se développeront avant les autres et porteront des grappes 
plus belles et plus hâtives ; mais il ne faudrait pas abuser de 
ce moyen, car on finirait par affamer les ceps.; les autres 
pousses décroîtraient , et l’espalier présenterait bientôt des 
vides. Une taille bien entendue établit et maintient léquili- 
bre entre tous les coursons d’un même bras, er même temps 
qu’elie concentre les jeunes pousses le plus près possible des 
cordons. | 

La taille des coursons ou branches fruilières se pratique 
en rabattant sur le bourgeon le plus voisin de leur insertion, 
pour tailler ensuite ce bourgeon à un, deux, ou même 
trois yeux , suivant la qualité de terre et l'exposition. 

Cette taille des coursons est annuelle, et doit être faite 
plus ou moins longue, suivant l'indication donnée par les 
pousses précédentes, c’est-à-dire que si, par exemple, 
après avoir taillé sur un seul œil, on a obtenu une pousse 
trop vigoureuse, on aura soin , l’année suivante, de dissé- 
miner la sève en taillant sur deux yeux, et même sur trois, 
sauf par suite à revenir sur ses pas si les pousses faiblis- 
saient. 

On conçoit que, si l’on donnait aux bourgeons une taille 
trop allongée par rapport à leur vigueur, les yeux ou les 
sous-yeux du talon n’ouvriraient que faiblement ou même 
point du tout; dans ce cas, la taille de l’année suivante se 
trouverait assise sur un bourgeon déjà distant de quelques 
pouces du cordon, et bientôt l’espace d’un cordon à l’autre 
ne serait plus suffisant pour contenir les branches fruitières, 


40 LA POMONE FRANCAÏSE. 


qui se dévarniraient d’ailleurs par le bas, et le mur cesse- 
rait d’être entièrement couvert, 

Les considérations qui doivent guider en général dans la 
détermination du nombre des coursons et de la longueur à 
ieur donner lors de la taille sont : 1° que la vigne chargée 
d’un trop grandnombre de coursons et de bourgeons s’épui- 
se, et qu’elle dépérit aussi lorsqu’on la tient trop courte par 
rapport à son âge et à l’étendue de ses racines, parce qu’elle 
ne donne alors que du bois sans solidité ; 2° que dans le cas 
où le raisin a coulé, ce qui a tourné au profit de la végéta- 
tion du bois, on ne risque rien à la taille suivante d’allon- 
ser, sauf à rétrograder par la suite; et que, si au contraire 
les selées, les vers blancs, ou autres accidents, ont fatigué 
la pousse, il faut tailler court et ne laisser que peu de bour- 
geons bien choisis. De certaines espèces, toutes choses éga- 
les d’ailleurs , doivent être taillées plus courtes que d’au- 
tres : telles sont le gamet, le meunier, le précoce, le mé- 
lier, et autres, dont les boutons rapprochés se chargent 
d’une grande quantité de grappes. Les espèces que l’on doit 
tailler long sont les muscats en général, particulièrement le 
blanc, les chasselas vigoureux, le gouet, le morillon blanc, 
et autres, dont les yeux sont très éloignés. 

Quant aux vignes en treilles, plantées à petites distances 
comme nous l’avons prescrit, on taillera leurs coursons à 
un ou deux yeux, y compris celui du talon. Dans le cas seu- 
lement où la vigne aurait beaucoup de vigueur, parce 
qu’elle serait jeune ou nouvellement fumée , il conviendrait 
de tailler une partie des bourgeons sur trois yeux; encore 
faudrait-il qu’ils fussent très rapprochés. 

Les coursons des visnes de souches se taillent suivant les 
mèmes principes ; seulement dans certaines contrées on 
laisse sur un des coursons un brin sans le tailler. Ce brin 
s'appelle pique, ployon ou marcotte, suivant qu’on le con- 
serve droit, ou qu'on le pléie, ou qu’on l’enfonce en terre 


LA POMONE FRANÇAISE. A 


pour lui faire prendre racine. Îl rapporte quelquefois au- 
tant à lui seul que le reste des coursons de la souche ; mais 
il faut, pour charger une vigne de ces longs bois, qu’elle soit 
vigoureuse , plantée dans un bon terrain, et qu’elle ait au 
moins quatre années de plantation; les vignerons des envi- 
rons de Paris les multiplient beaucoup trop, ce qui épuise 
la plante et diminue Ja qualité des produits. Le fruit des 
coursons mürit toujours avant celui des longs bois ; il y 
a encore pour ces derniers une différence prononcée en- 
tre les époques de maturité des grappes du sommet et de 
celles de la partie inférieure. Leur plus grand avantage est 
d'offrir, lorsque les gelées printanières ont détruit les 
jeunes pousses, la ressource des yeux ou sous-yeux de 
leur talon quin’auraient pas poussé, et sur lesquels on pour- 
rait rabattre. 


CONSIDÉRATIONS SUR LA NÉCESSITÉ DE L'ÉGALE 
RÉPARTITION DE LA SÈVE DANS LA VIGNE. 


Lorsque nous recommandons l’égale répartition de la 
sève dans les arbres, nous n’avons pas seulement pour but 
de les soumettre plus facilement aux formes que nous vou- 
lons leur imposer, mais encore de donner à leurs produc- 
tions toute la perfection dont elles sont susceptibles , etaux 
récoltes une résulière abondance. 

Les cultivateurs de Thomery ne doivent en partie la 
grande supériorité de leurs fruits et de leurs récoltes 
qu’au bon emploi qu’ils savent faire de la sève en la dis- 

-tribuant également sur chaque cep de leurs vignes. L’in- 
tellisence ou peut-être l'instinct qui a dirigé ces cultiva- 
teurs à cet égard est d'autant plus admirable que la vigne 
se soumet à toutes les formes, sans qu’il soit nécessaire de 
s'occuper, comme pour les autres arbres, du balancement 
de la sève. Il a faïlu qu’ils aient pressenti, puis reconnu, 


42 LA POMONE FRANÇAISE. 


qu’une égale répartition de la sève dans toute la piante 
était moins nécessaire à la forme de l’arbre qu’à la perfec- 
tion des fruits , sur lesquels elle a des effets extrèmement 
remarquables ; aussi est-elle observée par ces cultivateurs 
avec une grande exactitude , tandis que nos jardiniers sem- 
blent ignorer tout à fait son utile influence. Il savent seu- 
lement qu’ils peuvent se passer de cette répartition de la 
sève pour soumettre sans obstacle la vigne à toutes les for- 
mes qu’ils veulent lui donner. ils abusent tellement d’une 
docilité qui les trompe, que l’on pourait croire qu'ils ont 
pour but principal, dans la culture de la vigne, de répartir 
la sève de la manière la plus inégale sur toutes les parties de 
cette plante ; aussi voyons -nous que la différence des récol- 
tes est en raison de la différence des cultures. 

Pour mieux faire comprendre comment les cultivateurs 
de Thomery parviennent à une égale distribution de la sève 
dans la culture de la vigne, jetons d’abord un eoup d'œil 
rapide sur la manière tout opposée dont la plupart des jar- 
diniers des environs de Paris traitent cette plante. Si la tige 
de la vigne est destinée à atteindre le haut de l’espalier, ils 
se hâtent de l’y conduire ; et aussitôt que les sarments des- 
tinés à former les cordons commencent à se développer, ils 
les étendent de toute leur longueur, se contentant , lors de 
la taille, d’en retrancher la moitié et de supprimer tous les 
yeux qui sont sur le dessous du cordon, ne laissant se dé- 
velopper que ceux placés sur le dessus; à la pousse, ces 
yeux ouvrent en autant de bourgeons, tous d’une force 
très inégale: ceux de l’extrémité sont très vigoureux, et 
ceux près de la tige sont très faibles. Au printemps suivant, 
ces jardiniers allongent encore les cordons de manière àleur 
faire acquérir très promptement 8 à 10 mètres d’étendue ; 
puis ils taillent tous les sarments qui sont sur les cordons à 
un ou deux yeux, ce qui établit des coursons; ce sont de 
ces Coursons que sorliront désormais chaque année les bour- 


LA POMONE FRANCAIS. 43 


geons de la vigne. On conçoit que les canaux séveux des 
coursons de l’extrémité des cordons sont plus larges et peut- 
. être plus multipliés que ceux près de la tige, d’où il ré- 
sulte que les bourgeons qui naîtront sur ces coursons ainsi 
établis conserveront toujours entre eux une inégalité de 
force qui devient pour toujours un obstacle insurmontabie 
à l'unité de végétation dans toutes les parties de la vigne, si 
nécessaire à la perfection de ses produits. 

Les cultivateurs, à Thomery, agissent bien différemment : 
ils établissent les coursons successivement, et toujours très 
lentement, de manière à ce que chaque nouveau courson 
n’ait de vigueur en plus sur son voisin que celle inévitable 
due à sa position, mais qu’on parvient facilement à neutra- 
liser par le pincement. Les cordons de leurs vignes n’ont au 
plus que 1 m. 33 cent. d’étendue de chaque côté, et chaque 
pied de vigne n’en porte que deux : ainsi la différence de 
vigueur entre les bourgeons de l'extrémité et les bourgeons 
près de la tige n’est jamais très sensible , et le pincement a 
toujours assez d'efficacité pour, sur une aussi petite éten- 
due , faire refluer la sève depuis l'extrémité du cordon jus- 
que vers la tige. L'effet d’une égale distribution de la sève 
dans toute la plante a pour résultat très prononcé une ma- 
turité hâtéeet complète du bois et des fruits en même temps ; 
ce qui est un double avantage , parce que la maturité par- 
faite du bois assure toujours celle des fruits, et prépare 
pour l’année suivante une abondante récolte. Faut-il s’éton- 
ner si de ces deux manières si différentes de tailler la vigne 
on obtient de part et d'autre des produits si différents?’ Il 
est bon de remarquer que nous ne faisons ici mention que 
de la taille : nous ferons plus tard la comparaison plus com- 
plète de tous les procédés de culture suivis à Thomery et 
de ceux suivis aux environs de Paris. 


gt LA POMONE FRANÇAISE. 


DE LA COUPE. 


La coupe des bourgeons à raccourcir ne doit jamais être 
faite près d’un œil, parce que, le bois de la vigne étant su- 
jet à mourir jusqu’à une certaine distance de cette coupe, 
il pourrait arriver que la mortalité gagnât jusque sous l’œil, 
l’affamât ou le fit périr; d’ailleurs, si le bourgeon était trop 
près de l’extrémité, il serait exposé à être très facilement 
décoilé par le vent. On prévient tout inconvénient en tail- 
lant à trois ou quatre lignes au dessus de l'œil. IL est essen- 
tiel que la surface inclinée de la coupe soit opposée à l'œil 
terminal, afin que celui-ci ne soit pas mouillé par les pleurs; 
ce qui lui serait nuisible, surtout s’ilsurvenait des gelées. On 
taillera sur des yeux latéraux ou tournés vers le mur, de 
facon que les bourgeons puissent être facilement palissés. 
On aura soin de couper les bourgeons à supprimer très près 
de l'insertion de celui sur lequel on rabat, afin de faciliter 
le recouvrement de la plaie; et dans le cas où il n’y aurait 
pas de semblables suppressions à faire, il faudrait toujours 
rabattre de la même manière l’onglet de la taille précédente. 
On ne doit pas oublier, en taillant, que, la vigne n’ayant pas 
d’aubier sensiblement appparent, ses plaies sont très diffi- 
ciles et très longues à se cicatriser; il importe donc de faire 
les amputations avec précaution et netteté, et surtout d’é- 
viter d’en faire d’inutiles. On aura soin de couvrir d’onguent 
de Saint-Fiacre les plaies un peu considérables. 

Beaucoup de personnes qui ne voudraient pas se servir 
de sécateur pour tailler leurs autres arbres fruitiers s’en 
servent pour tailler la vigne; nous les invitons à réfléchir 
que la vigne, ayant peu de moyens de recouvrir les plaies 
qui lui sont faites, semblerait devoir être très ménagée à 
cet égard, surtout lorsqu'il s’agit de la suppression d’un 
bourgeon près de l'insertion d’un autre, ou seulement du 


LA POMONE FRANÇAISE. 5 


ravalement des onglets. On comprend combien il importe 
alors de se servir pour ces opérations d’un instrument très 
tranchant. 

On a peu de ménagements, en général, pour la vigne, 
parce que, tel traitement qu’on lui fasse subir, sa végétation 
n’en paraît pas affectée ; mais ce sont les produits qu’il fau- 
drait consulter, on s’apercevrait qu’ils accusent toujours 
les mauvais traitements et le mauvais emploi de la sève. Le 
sécateur est plus expéditif, il est vrai, mais il est aussi fatal 
à la vigne qu'aux autres arbres fruitiers. 


DE L'ÉBOURGEONNEMENT. 


L’ébourgeonnement s’exécute lorsque le développement 
des nouveaux bourgeons est commencé, et consiste à cou- 
per avec un instrument tranchant tous les bourgeons fai- 
bles, excepté ceux destinés à remplacer ou à concentrer 
les eoursons ; on supprime aussi les bourgeons doubles où 
triples , et même ceux portant fruit, qui n'auraient pas as- 
sez de vigueur pour l’amener à maturité, ou qui seraient 
trop chargés relativement à l’âge ou à la faiblesse du cep. 
On retranche, en un mot, tous ceux qui feraient confusion 
au palissage et qui ne seraient pas uliles aux produits de 
l’année ou nécessaires à la taille de l’année suivante, et l’on 
ne conserve communément sur chaque courson qu'un ou 
deux bourgeons portant fruit. 

Un ébourgeonnement prématuré produit les mêmes effets 
qu’une taille tardive, en donnant lieu à des épanchements 
de sève trop abondants. On attendra donc, pour supprimer 
les bourgeons trop nombreux ou ceux mal placés, que la 
sève se soit formé de nouveaux canaux en développant une 
quantité suffisante de feuilles, et qu’elle ait déjà pris une 
certaine consistance. Ces bourgeons ne seront point retran- 
chés jusqu’au ras de l'écorce ; mais on aura soin de leur lais- 


16 LA POMONE FRANCGAISE. 


ser un petit talon garni d’une feuille, sauf à rabattre celui- 
ci à la taille d'hiver, s’il y a lieu. 

L’éboursecnnement de la vigne est indispensable ; il doit 
être cui et répété autant de fois qu’il devient nécessai- 
re. li arrête toujours la végétation de la plante sur laquelle 
on l’opère, et cette suspension est plus où moins prolongée, 
suivant le nombre des bourseons supprimés; c’est pourquoi 
il ne faut pas en ôter trop à la fois lors de la floraison. 

L’ébourseonnement des vignes plantées el taillées suivant 
nos préceptes est presque nul : chaque courson ne conserve 
qu’une ou deux pousses. 

Quant à l’ébourgeonnement des vignes plantées à de gran- 
des distances, il n’a lieu que lorsque les bourgeons ont ac- 
quis de 32 à 40 centimètres de longueur, et par consé- 
quent assez d’étendue pour avoir de la consistance ; autre- 
ment on ferait perdre inutilement à ces vignes visgoureuses 
une trop srande quantité de sève. 

On sera très exact à supprimer, au fur ct à mesure de leur 
développement, les ailerons ou entre-feuilles qui sortent 
dans les aisselles de chaque feuille. Pour cette opération, 
on doit saisir le bourgeon principal de la main gauche, afin 
de l’assujettir, et de la droite, en commençant par le haut, 
on prend chaque bourgeon anticipé en le tirant en contre- 
bas : ii se détache presque toujours avec facilité ; mais si l'en 
avait trop attendu, et qu'il fût ligneux, il faudrait le couper. 


DE L'ÉVRILLEMENT. 


L'évrillement des grappes s'effectue de bonne heure, et 
dans les années d’abondance on doit même supprimer les 
grappillons dont les fortes grappes sont ordinairement ac- 
compagnées, et qui nuiraient à leur accroissement et à leur 
qualité. Le fanehenent des vrilles est nécessaire, parce 
qu’elles consommeraient une grande quantité de sève au dé- 


LA POMONE FRANÇAISE. 41 


iriment du fruit et du bois, surtout dans les chasselas, où el- 
les sont très longues ; elles auraient aussi l'inconvénient de 
rendre, par leurs enlacements, le palissage longs et difficile. 
Dès que les bourgeons ont développé deux ou trois vrilles, 
il faut être soisneux de les supprimer lorsqu'elles sont enco- 
re herbacées, parce qu’elles peuvent être coupées avec les 
ongles : on ne doit jamais les arracher; le moindre mal qui 
en résulterait serait une perte de sève. Si on les laisse de- 
venir ligneuses, il faut de toute nécessité se servir de la 
demi-serpettie; alors opération devient longue. Les vrilles 
ne doivent pas être coupées au ras de l’écorce ; il faut tou- 
jours leur laisser un pelit talon de 5 millimètres de longueur. 
On répète l’évrillement autant de fois qu’il est nécessaire. 


DU PINCEMENT. 


Le pincement est très utile pour la culture des arbres frui- 
tiers en général, et particulièrement pour celle de la vigne. 
Les habitants de Thomery en font usage avec beaucoup de 
succès et d'intelligence. 

il a pour effet de suspendre momentanément la pousse 
des bourgeons sur lesquels on le pratique, ce qui favorise 
la formation de tous les yeux et boutons de ce bourgeon, 
en raison de leur proximité de l'endroit pincé. Cette opéra- 
tion accélère par conséquent la maturité de ce même bour- 
geon, qui devient plus tôt ligneux et solide, et favorise 
d'autant les bourgeons voisins qui ne sont point pincés. 

On conçoit qu'il ne faudrait pas pincer de trop bonne 
heure, parce que les yeux du talon, mürissant trop prom- 
ptement, pourraient s'ouvrir avant lesgeléeset détruire Pes- 
poir de l’année suivante. Si au contraire on ne pingait pas 
da tout, et qu'en même temps on entretint par des engrais 
ei des arrosements multipliés la végétation et le développe- 
ment des bourgeons jusqu'aux gelées, alors les extrémités 


48 LA POMONE FRANÇAISE. 


de ceux-ci se trouveraient fatisguées, tandis que Îles boutons 
- du talon seraient avortés : il faut donc prendre un juste mi- 
lieu entre ces deux extrèmes. 

Le but du pincement est de concentrer la sève sur les cor- 
dons , en fortifiant les yeux inférieurs, afin de pouvoir y 
asseoir la taille avec avantage. | 

A Thomery, on pince les bourgeons d’une vigne formée 
lorsqu'ils ont 50 centimètres, c’est-à-dire lorsqu'ils attei- 
snent le cordon immédiatement supérieur, qu'on ne leur 
laisse jamais dépasser; ainsi on les arrête sur le huitième 
où neuvième œil. Les bourgeons faibles qui n’atteignent pas 
le cordon sont pincés à des hauteurs variables ; le but n’est 
plus alors de les arrêter, mais bien de fortifier, selon le be- 
soin , les yeux de remplacement. 

Une vigne de trois ans de couchage est pincée du onzième 
au treizième nœud ; et les jeunes vignes qui ne sont pas er- 
core en cordon le sont du douzième'au quinzième œil, sui- 
vant les localités. 

Il arrive souvent que les bourgeons de l’extrémité des cor- 
dons attirent à eux toute la sève, et que ceux plus près de 
la tige languissent. On rétablit promptement l’équilibre (qu'il 
eût mieux valu ne point laisser rompre) en pinçant à plu- 
sieurs reprises les forts bourgeons. Le pincement sert donc 
aussi à régler la force respective des bourgeons d’un même 
bras. On pincera huit jours plus tôt les bourgeons des 
extrémités. 

Comme les treilles de la plupart des jardins sont plantées 
à de grandes distances, elles poussent plus vivement, ce qui 
force à mettre 66 cenlim. d'intervalle entre les cordons. 
Malgré cet espacement, les bourgeons s’élancent encore au 
delà, et l’on ne croit pouvoir les arrêter qu’en coupant l’ex- 
cédant lorsqu'ils sont devenus ligneux. Cette opération s’ap- 
pelle rogner la vigne. 


Il y a trente ans que les habitants de Thomery condui- 


LA POMONE FRANÇAISE. à9 


saient encore leurs treilles de cette manière ; mais, depuis 
qu'ils ont oblenu des variétés de chasselas dont le bois est 
moins gros et les yeux moins écartés, et surtout depuis 
qu'ils ont planté à des distances plus rapprochées, le pince- 
ment seul leur a suffi, ainsi qu’on vient de le dire, pour ré- 
oler la végétation des coursons ; bien entendu que ces cour- 
sons ont été formés lentement et successivement. 


DU PALISSAGE. 


L’inclinaison des bourgeons de la vigne ne paraît pas avoir 
d'influence marquée sur af force de leur végétation. Ainsi, 
lorsqu'une treille ne sera pas formée en cordon, on pourra 
sans inconvénient étendre ses pousses sur le mur telles qu’el- 
les se présenteront, de manière à le garnir et à bien exposer 
les fruits. il n’en serait pas de mème des branches de tout 
autre arbre, sur le développement desquelles une direction 
plus ou moins inclinée produit des effets très sensibles. 

L'époque du palissage est indiquée par la croissance des 
bourgeons et le besoin de les attacher, afin d’empècher 
qu'ils ne soient décollés ou rompus par le vent. On doit 
commencer par ceux qui sont destinés à former des tiges; 
on attache ensuite les bourgeons destinés à former des bras. 
Les jeunes vignes doivent être palisséesies premières, puis- 
qu'elles poussent plus vigoureusement. 

Les premiers liens seront volants, afin que le bourgeon 
qui croît en grosseur ne soit ni gêné ni blessé. On ne fixe- 
ra définitivement les bourgeons que lorsqu'ils seront deve- 
nus assez lisneux pour supporter cette opération. On s’ex- 
poserait à casser les pousses visoureuses si l’on voulait leur 
faire changer brusquement de direction ; il faut les y ame- 
ner sraduellement, et l’on n’y parvient ee qu’à la 
deuxième année. 

On veillera à ce que les bourgeons ne se glissent point 


Un 


rw 


50 LA POMONE FRANCAISE. 


entre le treillage et le mur, et jamais on ne les croisera l’un 
sur l’autre. 

Chaque bourgeon vertical des vignes disposées en cor- 
dons et plantées selon notre méthode recevra deux atta- 
ches : l’une sur la latte intermédiaire , et l’autre sur celle 
du cordon supérieur, que les bourgeons ne devront pas dé- 
passer. 


RETRANCHEMENT DES GRAPPES. 


Quelque temps après le premier palissage, on doit retran- 
cher, surtout si l’année est abondante, une partie des #rappes, 
qui, trop nombreuses, qui müriraient difficilement. On doit 
aussi supprimer la grappe la plus élevée sur Îles bourgeons 
qui en auraient trois; on retranche même quelquefois les 
grappes provenant des sous-yeux lorsque le bourseon est 
trop faible pour les nourrir ou lorsqu'on a intérèt à le con- 
server. L'époque la plus favorable pour ces suppressions est 
celle où le grain est déjà de la grosseur d’un pois. C’est aussi 
l’époque de desserrer les grains sur les grappes, ce qui fait 
grossir davantage ceux qu’on laisse. 

Cette opération aura dü être précédée par la recherche 
des chenilles d’un sphinx qui se retire de préférence dans 
les grappes à grains serrés, où il s’enveloppe de fils soyeux, 
qui retiennent l'humidité dans les années pluvieuses, et font 
pourrir la grappe (1). On éclaircira aussi les grains trop ser- 
rés des muscats et autres, qui mürissent difficilement faute 
de cette précaution. 


(2) Cette recherche des vers est une opération assez considérable, et à Tho- 
mery elle est exécutée avec soin chaque année par des femmes et des enfants. 


LA POMONE FRANCAISE. 51 


EPAMPREMENT. 


On est dans l’usage d’effeuiller la vigne pour faire pren- 
dre au chasselas des treilles bien exposées les couleurs vives 
et transparentes que le soleil seul peut produire; ceux qui 
viennent à l’exposition nord ne sauraient les acquérir, et se 
distinguent par là très facilement dans les marchés. 

Il faut une certaine expérience pour saisir le moment fa- 
vorable d’effeuiller. Si l’on épampre trop tôt, le raisin ne 
mürit plus ; il reste aigre, grisonne et durcit. Si l’on ef- 
feuille trop tard, lorsque le raisin est mûr, il ne se colore 
plus. On évite ces deux écueils en s’y prenant à trois fois 
différentes et commençant lorsque le raisin est mür aux 
trois quarts. Dans le doute, il vaudrait mieux opérer trop 
tard. L’épamprement modère le cours de la sève; il pour- 
rait même l'arrêter si l’on en faisait abus. 

Pour bien effeuiller sans endommager le pétiole ou 13 
queue, dont la conservation est nécessaire pour la nourri- 
ture des fruits et des boutons, il faut prendre la feuille en- 
tre les deux premiers doigts en appuyant le pouce dessus, 
et lever subitement le poignet, afin de la séparer net du pé- 
tiole à l'endroit de son insertion sur lui. Il n’y a que les ou- 
vriers sans expérience qui se servent des ongles ou de la 
serpette. D'ailleurs les feuilles sans pétiole qu’on retire par 
ce moyen sont plus propres à l’emballage des pèches et au- 
tres fruits. | 


SOINS À DONNER AUX RAISINS SUR LA TREILLE. 


_ Le raisin que l’on veut conserver pour l’hiver doit être 
mis en sac, un peu avant la maturité, par un temps sec et 
après avoir bien épluché les grappes. Il n’est alors presque 
jamais coloré; mais il n’en est pas moins savoureux lorsqu'il 


52 LA POMONE FRANCAISE. 


21 


est venu à la bonne exposition. Les sacs garantissent le fruit 
de la voracité des oiseaux et des mouches ; ils le préservent 
des pluies et de la pourriture, retardent sa maturité, em- 
pèchent qu'elle ne soit tout à fait complète, et le rendent 
enfin par là moins susceptible de s’altérer. Les sacs de crin 
sont préférables à ceux de papier, que les pluies et les oi- 
seaux peuvent percer; ils sont à la vérité plus chers, mais 
c’est une dépense une fois faite. Ceux que l’on trouve dans 
le commerce n’ont que 23 centimètres de longueur ; il fau- 
drait qu’ils eussent au moins 25 à 28 centimètres. Lorsque 
le tissu en est peu serré, le raisin s’y conserve ésalement 
bien et s’y calore davantage. Les habitants de Thomery ne 
font point usage de sacs ; ils conservent ordinairement du 
raisin sur leurs treilles jusqu'au commencement de décem- 
bre, et souvent jusqu’à Noël. Dans ce cas, leurs fruits sont 
abrités des premiers froids par äes draps, des couvertures, 
des tapisseries, etc.; ensuite ils placent sur les grappes des 
poignées de fougère qu’ils passent ou attachent au treillage. 
On a vu en 1816, pour la première fois, un particulier de ce 
pays employer des paillassons au lieu de draps et de couver- 
tures. 


DE LA CUEILLE ET DE LA CONSERVATION 
DU RAÏSIN. 


La cucille du raisin, soit pour être emballé, soit pour 
être conservé, doit être faite par un temps très sec, autre- 
ment il se gâterait promptement. On évitera de le manier en 
le cueillant : on le prendra par la queue, afin de ne point 
enlever le duvet ou la fleur. Les pluies abondantes enlèvent 
celui du raisin , qui ne le reprend plus ; rien ne peut le lui 
rendre , etles essais faits à cet égard ont été infructueux. Ce 
duvet est plus perceptible sur le raisin noir ou violet que sur 
le chasselas. On sesert de laserpette pour lacueille, ennelais- 


LA POMONE FRANÇAISE. 53 


sant pas de queue au raisin qu’on emballe; mais, pour le con- 
serverdans le fruitier, onle coupe un peu au dessous dunodus, 
qui jaunit etse détache facilement lorsque la grappe est mûre. 
Les raisins que l’on veut conserver se cueillent avant leur 
parfaite maturité ; autrement ils ne se sarderaient pas : c’est 
sans doute ce qui fait dire que les raisins venus en terre 
forte s’altèrent moins promptement que ceux venus en terre 
légère , parce qu’en effet la maturité des premiers est plus 
tardive. Les cultivateurs de Thomery élendent leur raisin 
sur un lit de fougère pour le conserver, dans les années où 
cela est possible. Mais les particuliers qui voudraient le sus- 
pendre à des cordes de crin feront bien, pour l’y attacher 
promptement et sans trop le manier, d'employer de petits 
fils de fer de deux pouces de long pliés en $ : on passe un des 
crochets dans le bas de la grappe, que l’on renverse, et l’au- 
tre sur la corde ; les grains, se trouvant dans le sens con- 
traire à celui qui leur est naturel , ne se touchent point et 
sont moins sujets à se corrompre. Il faut, avant et après cette 
opération , éplucher soigneusement le raisin. 
_ On peut encore conserver du raisin très long-temps en 
faisant passer un cep dans une caisse pour lui faire prendre 
racine. On sépare ce cep de la souche lorsque le raisin est 
près d’être mûr, et l’on rentre la caisse dans une orangerie, 
où le fruit reste frais jusque après l'hiver. 


EMBALLAGE. 


Pour bien emballer le raisin dans les paniers, on se sert 
de feuilles non mouillées, dont on forme des lits qui alter- 
nent avec les rangs de grappes, en laissant le moins de vide 
possible. Le fond et les côtés du panier doivent être garnis 
avec du foin doux. Le raisin sera toujours épluché avant 
d'être emballé. 

Les habitants de Thomery emballent leurs raisins avec de 


84 LA POMONE FRANÇAISE, 


la fougère , qui est pour eux un article très important. Sa 
récolte commence du 8 au 10 août ; alors tous les habitants 
du canton se répandent dans la forèt de Fontainebleau, et 
bientôt toute la fougère est moissonnée ; ils sont mème obli- 
oés quelquefois d’aller jusque dans la forèt d'Orléans, et 
souvent de faire huit à dix lieues. 

La fougère qui vient au pied des rochers est préférable à 
celle qui eroit sous les arbres, parce que ses feuilles sont 
plus serrées, mieux garnies à la base, et moins étiolées. On 
les étend d’abord à l'air pour les faire sécher à demi, puis 
on les lie soigneusement par paquets, et on les rentre pour 
s’en servir au besoin. 


DES LABOURS. 


Les labours se font à la houe ; ils seront trés lésers, pour 
ménager les racines, que l’on doit craindre d'offenser. Le 
premier labour, danslesterres fortes, se donne aussitôt après 
la chute des feuilles, afin que les gelées puissent pénétrer et 
diviser plus profondément la terre. Le second labour aura 
lieu immédiatement après la taille. Les habitants de Thome- 
ry ne donnent ce labour qu’à la fin de mai. 

Les binages se répètent aussi souvent que les herbes pa- 
raissent ; il ne faut jamais les laisser croître assez pour effri- 
ter la terre, et priver la plante des rosées et de l’air qui lui 
sont nécessaires. Il est inutile d’insister pour que les labours 
ne s'exécutent, dans les terres fortes surtout, qu’après qu’el- 
les seront ressuyées, et toujours par un beau temps. 


FUMIER ET ENGRAIS. 


L'opinion générale proscrit l’usage du fumier pour la cul- 
ture de la vigne ; aussi dans les jardins particuliers ne re- 
Goit-elle d’autres engrais que ceux qu’on répand sur les 


LA POMONE FRANÇAISE. FE 


plates-bandes des espaliers pour les fleurs ou les légumes 
qu’on y cultive. Les habitants de Thomery sont au contraire 
dans l’usage de fumer très amplement leurs treilles tous 
les trois ans. À cet effet, à l’entrée de l’hiver ils ouvrent 
au pied du mur de leur espalier une vive jauge de 85 cent. 
à 1 mètre de largeur, dans laquelle ils jettent une assez 
orande quantité de fumier à demi consommé, qu'ils re- 
couvrent ensuite légèrement de terre ; l’année suivante, ils 
font une opération semblable, en avant , sur le reste de la 
largeur de la plate-bande. Ils apportent si peu de précaution 
à ce travail , que le fumier repose souvent sur les racines, 
qui doivent sans doute en être altérées ; cependant la qua- 
lité du fruit n’en éprouve aucun dommage : car il est cer- 
tain qu’il est toujours le plus délicat et le plus parfait, sans 
contredit, qu’on puisse se procurer à Paris, et peut-être 
mème ailleurs. 

Quoi qu’il en soit, je pense que les vignes plantées à pe- 
tites distantes doivent être fumées amplement , mais qu'il 
serait mieux de ne pas découvrir autant les racines. Les fu- 
miers nouveaux ne seront employés, pour la vigne surtout, 
qu'avec beaucoup de réserve ; il vaut mieux attendre qu’ils 
soient en partie consommés. 

Les meilleurs engrais dont je conseille l’usage sont les 
terres neuves, les curures de fossés et d’égouts , les immon- 
dices des rues, mélangées avec le marc de raisin ou avec du 
fumier, lit par lit, et remaniées plusieurs fois jusque après la 
décomposition ; on mettra le tout en meule , et ces terres, 
ainsi préparées, attendront le temps convenable pour être 
employées (1). 


(1) Les Gaulois, qui amendaient leurs terres avec de la marne, imaginèrenñt 
aussi de famer leurs vignes avec de la cendre. Pline dit qu’on en saupoudrait 
même les raisins lorsqu'ils commençaient à müûrir ; et l’on ne peut nier, ajoute- 
t-il, que la poussière, dans cette contrée (il parle de Narbonne) , ne contribue 
plus à leur maturité que le soleil même. 


56 LA POMONE FRANÇAISE. 


EFFETS DU PAVAGE SUR LES RACINES DE LA VIGNE. 


C'est ici le lieu de faire remarquer que les vignes palis- 
sées contre les bâtiments au pourtour desquels il règne 
un revers en pavé, et qui ne sont jamais fumées ni labou- 
rées, vivent plus long-temps sans s’épuiser, ont une végé- 
tation plus réglée que les autres, et donnent des raisins aussi 
beaux et plus abondants. Je citerai à cette occasion un fait 
récent et de nature à suggérer des expériences utiles. À Tho- 
omery, l’ésout d’un mur élevé de 5 mètres nuisait, parle re- 
jaillissement de la terre, aux deux cordons inférieurs d’une 
treille très belle et très étendue , CXposée ‘au.midi, et le pro- 
priétaire , pour y remédier, nt le pied: ‘de ce mur d'un 
pavage en tablettes de grès de 55 cent. Sur 65? 

Dès ce moment, la vésétation de sa vigne, dont les raci- 
nes n’éprouvaient plus ire manière aussi brusque les al- 
ternatives de la sécheresse et de l'humidité , à été beaucoup 
mieux réglée, et les raisins, frappés par la réverbération du 
soleil sur 18 grès , sont devenus plus savoureux. Le succès 
de cette opération , qui date de quatorze ans, avait déter- 
miné le frère de ce particulier à suivre son exemple et à 
paver une assez grande longueur de plate-bande d’espaliers. 
il crut perfectionner en garnissant avec soin en ciment tous 
les joints des dalles; mais iln’eut de bonnerécolte que la pre- 
mière année : bientôt la vigne faiblit, et il fut obligé d’enlie- 
ver le pavé, qu'ila fait replacer depuis, avec le mème succès 
au’avait obtenu son frère, en se gardant bien, cette fois, de 
boucher les joints, par lesquels s’introduit une partie des 
eaux pluviales, nécessaire pour entretenir une humidité 
salutaire. Îl est peut être bon d’ajouter que le même culti- 
vateur, ayant levé , en 1814, quelques pierres, fut effrayé 
de trouver les racines à la superficie du sol, s’empressa de 
recharger toute la plate-bande de terre neuve , et fit repla- 


LA POMONE FRANCAISE. | 57 


cer ensuite les pavés ; en sorte que le seul amendement qu’il 
ait donné depuis douze ans n’a pas même été commandé par 
Paffaiblissement de la végétation. 

Je dirai, en passant , que toutes les vignes palissées con- 
tre les maisons de Thomery ont été plantées à 1 m. 35 cent. 
ou 1 m. 65 cent. en ayant de ces bâtiments, pour être en- 
suite couchées dans une tranchée ; après quoi on a rétabli 
le pavé qui règne généralement au pourtour des maisons . 

L'abbé Rosier avait fait , dit-on, paver à Béziers une vi- 
gne en plein champ, dans laquelle il récolta abondamment 
d'excellents vins pendant plusieurs années , qui furent sté- 
riles pour les vignobles voisins. Au moment où il allait être 
imité , sa vigne périt tout à coup. Ce que nous avons rap- 
porté plus haut nous laisse entrevoir les causes qui ont dû 
produire à Béziers la perte de cette vigne ; mais ilest fâcheux 
que nous ne connaissions pas les motifs auxquels l’abbé Ro- 
sier l’attribuait. 


DE THOMERY. 


Il nous reste encore à parler de la disposition des murs et 
de la construction des treillages , lorsqu'ils doivent être ex- 
clusivement destinés à la vigne : or nous ne pouvons don- 
ner de meilleurs préceptes à cet égard qu’en indiquant ce 
qu’on fait à Thomery. Nous saisirons cette occasion pour 
entrer dans quelques détails descriptifs sur le seul emplace- 
ment où l’on ait cultivé jusqu’à présent avec un succès sans 
&gal le chasselas, comme objet principal de spéculation. 

Le village de Thomery se compose de trois hameaux : 
ceux d’Effondray et de Thomery se touchent au pied d’un 
coteau baigné par la Seine ; un peu plus loin , et beaucoup 
plus élevé, est celui de By, où il paraît qu’on a cultivé plus 
anciennement le chasselas ; tous les trois sont dans la forêt, 


ue LA POMONE FRANÇAISE. 


_ à une lieue de Fontainebleau. Le versant du coteau regarde 
le nord et l’est : Ie nord pour Effondray et une partie de 
Thomery, et l’est pour By. 

 Surla rive gauche est un autre coteau plus élevé, plus 
rapide et également proche de la rivière : malgré sa pente 
rapide, il avait été autrefois planté en vigne , et l’on y voit 
encore un pressoir bâti ou plutôt réparé par Henri IV. Les 
effets de la gelée s’y font sentir beaucoup plus vivement qu’à 
Thomery. 

La rivière , resserrée entre le coteau des Pressoirs et celui 
de Thomery, offre un aspect des plus agréables et des plus 
pittoresques que l’on puisse rencontrer dans la forêt de Fon- 
tainebleau : cette position , souvent environnée de vapeurs 
et de brouillards , réunit, sous ce rapport, les conditions 
les plus favorables à la végétation de la vigne et à la colo- 
risation de son fruit lorsque le soleil vient le frapper. 

La terre de Thomery est en général de médiocre qua- 
lité ; les veines y sont très inésales ; beaucoup d’espaces sur 
ce coteau n’ont pas été jugés assez fertiles pour mériter d’é- 
tre enclos ; on n’y compte pas plus de 205 hectares en- 
tourés de murs. La culture du chasselas comme raisin de 
table pour la consommation de ia capitale est moderne : il 
y à quarante ans que les terrains qui y sont employés au- 
jourd’hui étaient plantés de vignes produisant un vin dont 
le prix était de 15 à 20 fr. la pièce ; ce n’est même que de- 
puis vingt ans que l’on a commencé à bâtir dans les clos des 
murs de refend. À cette époque, le sommet du coteau était 
encore couvert de bois; il a été depuis défriché et planté en 
vigne. La qualité de la terre, dans ce dernier emplacement, 
paraissait d'abord favorable ; mais on trouve , à peu de pro- 
fondeur, un lit de glaise qui retient l’eau. La vigne à pu y 
réussir pendant les premières années ; elle y dépérit actuel- 
lement ; les ceps deviennent noirs, et en les arrachant on 


LA POMONE FRANÇAISE 59 


trouve jeurs racines pourries. Dans l’année 1817, beaucoup 


ont été détruites pour être remplacées par d'autres cultu- 
res (1). 


DES MURS. 


Le sol de Thomerÿ est généralement assez ferme pour 
qu’il ne soit pas nécessaire de descendre la fondation des 
murs de clôture à plus de 50 ou 65 cent. ou au dessous de 
sa surface. On donne à ces murs 2 mètres 65 centimètres 
d’élévation au dessus de terre; ceux de refend, dans Pin- 
térieur des clos, n’ont que 2 mètres 15 cent., et ne sont 
construits que trois ans après la plantation des crossettes, 
c'est-à-dire lorsque la vigne est assez forte pour être cou- 
chée ; les uns et les autres sont maçonnés avec la terre de 
la fouilte , puis recrépis à chaux et sable fin , mélangés avec 
du ‘plâtre. Tous ces murs sont chaperonnèés en tuiles, ver- 
sant l’eau des deux côtés, avec une faîtière sur l’arête ; il y 
a cinq rangées de tuiles sur chaque face, ce qui fait à peu 
près cinquante tuiles par mètre courant pour les deux côtés 
du chaperon. Les tuiles avancent assez pour former une 
Saillie de 25 à 30 cent. El est présumable que les habitants de 
Thomery mont d'abord construit cette saillie que dans la 
vue de mettre leur raïsin à l’abri des eaux pluviales. Cepen- 
dant ils retirent encore de cette saillie d’autres grands avan- 
tages auxquels ils re semblent pas donner beaucoup d’at- 
tention, tels que ceux de garantir, jusqu’à un certain point, 


(1) Les bonnes qualités du sol à sa superficie ne suffiseut pas toujours pour 
décider de la réussite d’une plantation : la nature des couches inférieures , leur 
épaisseur, leur inclinaison , les vapeurs et les exhalaisons qui se portent à la 
surface, peuvent seules expliquer les causes du suecès ou de la non-réussite en 
opérant sur divers ‘terrains semblables en apparence. On ne saurait donc étu- 
dier avec trop d'attention le sol qu’on se propose de planter. 


66 LA POMONE FRANÇAISE. 


les bourgeons des gelées printanières, et celui de modérer 
et de ralentir l’action de la sève dans tous les temps, et plus 
utilement encore après l’ébourgeonnement etle pincement. 
Si on lui reproche de couvrir de son ombre le cordon supèé- 
rieur, et d’être quelquefois un obstacle à la parfaite matu- 
rité de l'extrémité de ses bourgeons, cette défaveur est 
compensée par la faculté de conserver jusqu’à Noël les 
grappes sur les cordons. On pourrait mème les laisser au 
delà de ce terme en plaçant des paillassons par dessus la 
fougère qui enveloppe ces grappes. 

Les expositions du midi, du levant et du couchant, sont 
plantées en vignes. Les murs de clôture sont garnis de cinq 
étages de cordons, et les autres de quatre. L'exposition 
nord est plantée en poiriers très mal dirigés. Le défaut de 
connaissance dans cette culture empêche les habitants de 
Thomery d’en tirer un meilleur parti. Quelques uns plan- 
tent au nord des vignes dont les raisins sont très inférieurs, 
parce que le soleil n’y darde ses rayons qu’au commence- 
ment et à la fin du jour; les plus industrieux font passer.au 
travers de leurs murs, par les trous qui ont servi pour l’é- 
chafaudage de la construction, des brins de vigne qu’ils 
disposent en cordons à la bonne exposition; cette combi- 
naison a pour butde moins fatiguer la plate-bande du midi, 
où les ceps pourraient être plantés à une plus grande di- 
Siance, si cet arrangement était ordonné d’une manière ré- 
gulière, tel que je l’ai indiqué planche I (1). 

Îl est remarquabie que les vignes plantées au mur du 


(1) M. Dalbret, p. 163, conseille, lorsque des issues ou barbacanes auront 
été pratiquées au pied du mur, d'y faire passer la tige, ce qui est préférable 
à ce que la Pomone enseigne. M. Dalbret semble ignorer que des barbacanes ne 
se pratiquent qu'aux murs de terrasses ou autres pour l'écoulement des eaux, 
et que, dans ce cas, il ne doit pas être question d’y planter de la vigne. 


LA POMONE FRANÇAISE, 64 


nord , et dont on a fait passer les brias au midi, sont quel- 
quefois atteintes par la gelée, lorsque celles plantées au midi 
et palissées au même mur en sont exemples; ce qui peut 
être attribué à la plus grande sbondance de la sève des 
bourseons du nord : les grappes et les grains de ces bour- 
secns sont aussi un peu plus gros, et mürissent plus tard 
que ceux du midi. On a soin de boucher avec de ia terre 
franche les trous par où l’on a fait passer la vigne , afin que 
les insectes ne s’y retirent pas, et aussi pour éviter un cou- 
rant d’air défavorable aux productions qui en seraient 
frappées. 

Les murs de refend doivent être paralièles, à 12 à 14 
mètres de distance l’un de l’autre; auelques parlicutiers ne 
laissent que 8 m. 35 cent., ce qui n’est pas suffisant, le 
terrain se trouvant alors trop couvert par l'ombre, qui nuit 
aux plants qu'on y cultive ; l'intervalle de 12 à 14 mètres 
permet, au contraire, d'établir avec avantage des contre- 
espaliers etdes visnes dont on tire encore un grand produit. 

La direction des murs de refend suit assez généralement 
la pente du sol: ainsi, au hameau d’Eftondray, les murs sont 
du levant au couchant; à Thomery, ils s’inclinent un peu 
vers le midi; enfin à By, il sont dirigés du midi au nord. 
L'exposition la plus estimée pour être hâtive est celle du 
midi; aussi les cullivateurs de ce pays ne manquent-ils ja- 
mais de se la donner toutes les fois que la division des héri- 
tages et la situation du terrain le comportent. Ceux exposés 
au levant produisent davantage, parce qu'aucune des deux 
faces du mur n’est absolument mauvaise. 

Les murs sont généralement très bien entretenus ; on n’y 
voit ni trous, nijoints, ni crevasses, qui favorisent ja retraite 
et la propagation des insectes. Les cultivateurs de Thomery 
préfèrent la chaux au plâtre pour la construction de leurs 
murs. Fls ont soin de les blanchir, afin d'argmenter la cha- 
leur sur la grappe par la réflexion des rayons; ils attachent 


62 LA POMONE FRANÇAISE. 


une grande importance à ce que les grappes soient très pro- 
ches du mur. 

Le terrain entre les murs est divisé par des contre-espa- 
liers en treillages de 2 m. 65 c. en 2 m.55 c., et chaque 
intervalle entre ceux-ci est planté d’un rang de vignes sou- 
tenues par des échalas et cultivées comme celles des champs; 
on les appelle plants de souche. Ceux qui mettent plus de 
distance entre les contre-espaliers y élèvent deux rangs de 
vignes de souche. Le contre-espalier le plus près du mur 
n’en est éloigné que de 2 mètres; cet espace est occupé par 
un sentier et une plate-bande de 1 m. 50 c. à 1 m. 65 c., 
dans iaqueile on ne cultive jamais rien. 

Le treillage des contre-espaliers a 1 m. 16 cent. de hau- 
teur ; il est soutenu par des poteaux de 1 m. 65 cent. en 
1 m. 65 cent., et disposé de manière à recevoir deux 
étapes de cordons. L'intervaile entre ces cordons est de 
50 cent. | 

Les vignes de souche sont, dans chaque rang, distantes 
de 1 mètre 33 cent. , et sont taillées sur quatre ou cinq cour- 
sons, lesquels sont montés à 33 ou 40 centim. au dessus 
du sol, afin que la terre délayée par les pluies ne rejaillisse 
pas sur le chasselas. Ce raisin de souche se met dans le fond 
des paniers, parce qu’il n’est jamais ni si beau ni si bon que 
celui des treilles. Lorsque les années sont abondantes et 
qu’on ne peut le vendre comme raisin de table, on en fait 
du vin. 

Quelques cultivateurs de Thomery ont construit, en der- 
nier lieu, des contre-espaliers en maçonnerie de 1 mètre 
16 centim. de hauteur et de 16 à 20 centim. d'épaisseur; ils 
n'en placent qu’un seul en avant de leurs grands murs du 
midi , et donnent à leurs chaperons, qui n’ont qu’une seule 
pente, une saillie de 14 centim. Les particuliers qui ont 
un bon terrain, bien exposé , tireront un grand parti de ces 
espèces de contre-espaliers. 


LA POMONE FRANÇAISE. 63 


Ces industrieux habitants ont encore imaginé de rempla- 
cer les piquets des contre-espaliers en treillage par de petites 
barres de 74 centim. de longueur, scellées avec du soufre 
dans des prismes de grès de 66 centim. de long sur 11 à 
14 centim. d’équarrissage ; ces prismes, qu’ils nomment 
coins, sont enfoncés en terre de 1 mètre 65 centim. en 
1 m. 65 cent., à 40 ou 43 cent. de profondeur. Lorsqu'ils 
sont tous plantés et bien alignés, on lie à chaque barre un 
montant de treillage qui s'élève jusqu’à 1 mêtre 16 cent. 
au dessus du sol, et l’on arrête à ces montants princi- 
paux cinq lattes ou traverses à 25 centim. de distance l’une 
de l’autre, en commencant par le haut, de manière que la 
dernière soit à 16 centim. au dessus de la terre. C’est elle 
qui soutient le premier cordon; le second est sur ia troisiè- 
me traverse. Le tout est maintenu par des montants inter- 
médiaires, comme dans les autres treillages. 

Chaque coin de grès, armé de la petite barre de fer, coûte 
un franc, c'est-à-dire le double des piquets en bois; mais 
la durée de ceux-ci n’est que de’neuf à dix ans, landis que 
celle des coins est illimitée, et au’ils dispensent des soins de 
l'entretien annuel. Beaucoup de particuliers de By et de 
Thomery usent de ce moyen. Il serait mieux que le scelle- 
ment füt en plomb ou d’une autre matière, parce que le 
soufre peut faire éclater la pierre. 


DES TREILLAGES. 


Le treillage contre les murs est formé de lattes horizonta- 
les à 25 centim. de distance, et de lattes verticales à 50 
ou 55 centimètres. Ces dernières n'ont d'autre usage que 
de maintenir contre le murles lattes horizontales, qui ser- 
vent seules à attacher les cordons et à palisser la vigne. Ce 
treillage est moins dispendieux que celui employé ordinai- 
rement pour le palissage des autres arbres fruiliers, et dont 


64 LA POMONE FRANÇAISE. 


ja maille est de 22 sur 28 centimètres. Nous préférons mulhti- 
plier les crochets pour maintenir les lattes horizontales et 
réformer les verticales. 

Après avoir indiqué le genre de treillage en usage à Tho- 
mery, nous indiquerons celui dont nous faisons usage, parce 
qu’il est plus favorable à la maturité du raisip, plus com- 
mode pour le cultivateur, eten mêmetemps plus économique. 
Il consiste dans la réforme de toutes les lattes verticales, et 
même dans celles horizontales qui sont entre les cordons; 
celles-ci sont remplacées par de gros fil de fer que l’on tend 
d’un crochet à l’autre et que l’on tourne autour au crochet. 
Nous ne conservons de lattes que celles nécessaires pour at- 
tacher les cordons et les maintenir sur une ligne droite et 
horizontale. On aura soin que la tète des erochets soit assez 
près de la latte pour que le cordon de vigne ne puisse s’y 
trouver engagé. Ce treillage laisse approcher les grappes plus 
près du mur; il évite au jardinier ce donner un premier lien 
volant aux bourgeons ; il lui suffit de les passer derrière le 
fil de fer, ce qui se fait très promptement. Ce ireillage n’of- 
fre pas aux insectes des abris qui les dérobent aux recher- 
ches du cultivateur. Les lattes horizontales doivent toujours 
être parallèles au chaperon du mur, quelle que soit la pente 
du sol ; il faut avoir ésard à cette condition pour déterminer 
par avance la place de chaque corden. 

Les échalas destinés aux vignes de souche sont de bois 
sec ; ceux de châtaigner ou de chène encore verts, étant 
chargés d’une substance âcre , deviendraient nuisibles aux 
jeunes racines; si l’on n’en a pas d’autres, il faut les faire 
tremper dans l’eau pendant plusieurs jours; on aura soin 
aussi de faire écorcer les échalas , afin que les vers ne puis- 
sent s’y loger. 


L'A POMONE FRANCAISE. 65 


RÉSUMÉ COMPARATIF DE LA CULTURE DE THOMERY 


ET DE CELLE PRATIQUÉE DANS LA PLUPART DES JARDINS. 


Après avoir traité de la culture de la vigne avec détail, et 
en donnant presque toujours la préférence à ce qui est pra- 
tiqué à Thomery, nous pensons qu’il pourrait être utile de 
résumer les principales différences qui existent entre la cul- 
ture de ce canton et celle en usage dans les jardins des en- 
virons de Paris, avec d'autant plus de raisons qu’il y a déjà 
vinst-cinq années que nous avons consisné , dans la premiè- : 
re édition de cet ouvrage, les procédés de culture pratiqués 
à Thomery , et que nous ne connaissons que très peu de cul- 
tivateurs qui les aient imités. En recherchant la cause d’un 
fait si extraordinaire dans un pays où il ne manque ni de 50- 
_ciétés horticoles, nimême de professeurs ni de lecteurs, puis- 
que deux mille exemplaires de la première édition de la Po- 
mone ont été promptement épuisés, nous pensons que nous 
avons peut-être omis de démontrer assez clairement que les 
succès obtenus à Thomery étaient dus plutôt au mode de 
cuiture qu’à la qualité ou à l'exposition toute particulière 
du sol ; nous n’avons sans doute pas assez fait connaître com- 
ment les cultivateurs de Thomery étaient parvenus à met- 
re la vigne dans une situation où elle est forcée de mürir 
chaque année hâtivement son bois, et par conséquent ses 
fruits ; procédé tout à fait indépendant des qualités du sol, 
puisqu'on peut obtenir les mêmes résultats sur presque tous 
les terrains des environs de Paris. Nous allons essayer, dans 
cette seconde édition, de réparer cette omission en consa- 
crant un chapitre pour exposer les différences qui existent 
entre la culture de la vigne à Thomery et celle en usage à 
Paris. 

Nous espérons que nos lecteurs comprendront que, si Île 

5 


66 LA POMONE FRANÇAISE. 


raisin de Thomery et celui de Paris étaient venus sur 
des vignes cultivées à peu près de même, on serait alors 
fondé à croire que le sol de Thomery est infiniment pré- 
férable, pour la beauté et les qualités du fruit, à celui 
de Paris; mais, comme la vigne est cultivée très diffé- 
remment dans ces deux localités, on trouvera plus raison- 
nable d'attribuer la différence des produits à la différence 
des cultures plutôt qu’à celle des qualités toutes particuliè- 
res du sol. 

Dans les jardins aux environs de Paris, on plante la vi- 
one ordinairement dans le pied des murs; à Thomery, on 
la plante à 1 mètre en avant, pour, après deux ou trois 
ans de culture, la coucher vers le mur. À Paris, on plante 
des chevelées; à Thomery, des crossettes choisies sur les ceps 
qui portent toujours les plus beaux fruits. 

À Paris, on laisse entre chaque cep un intervalle de 7 à 
8 mètres; à Thomery, de 55 à 68 cent. 

La vigne, à Paris, est étendue en éventail sur les murs ou 
plus souvent en cordons de 7 à 8 mètres de longueur de 
chaque côté, et la même vigne ‘forme quelquefois deux 
étages de cordons; à Thomery, chaque cep fournit un seul 
cordon de 1 m. 35 centim. seulement d’étendue de chaque 
côté. 

À Paris, on profite de toute la vigueur des jeunes pous- 
ses pour former très promptement des tiges et des cordons; 
à Thomery, on met plusieurs années pour obtenir les mêmes 
résultats. 

À Paris, les murs ont des chaperons de 5 à 7 centim. 
seulement de saillie, et souvent pas du tout; à Thomery, 
les murs sont chaperonnés en tuiles qui saillissent de 24 à 
26 centim. 

À Paris, les plates-bandes où sont plantées la vigne sont 
de niveau avec les allées ; à Thomery, elles sont fortement 
inclinées. 


LA POMONE FRANCAÏSE, 67 


À Paris, les cordons de vigne sont espacés de 65 centim. ; 
à Thomery, de 50 cent. 

À Paris, les cordons de vigne occupent le haut des murs, 
et le reste est couvert par des pèchers, des abricotiers, des 
poiriers , etc.; à Thomery, on ne place au même ur qu’une 
même variété d'arbre. 

À Paris, on cultive toutes sortes de plantes dans les pla- 
tes-bandes ; à Thomery, on n’y cultive rien, et on les fume 
amplement tous les trois ans. 

À Paris, on éteint les yeux qui sont mal placés ou qui gè- 
neraient pour allonger promptement les tiges et les cordons; 
à Thomery, on laisse tout pousser, mais l’on pince ces pous- 
ses. 

Nous pourrions encore citer les différences qui existent 
sous le rapport de la taille, de l’ébourgeonnement, du pin- 
cement , du palissage, de l’épamprement , et autres soins 
divers; mais celles dont nous venons de faire mention pa- 
raîtront sans doute assez considérables pour avoir une très 
srande influence sur les produits, indépendamment du sol. 
= Nous essaierons encore, pour déterminer la convietion 

des cultivateurs, de développer ici les conséquences qui ré- 
sultent de chaque procèdé. Les vignes plantées à de #ran- 
des distances ont nécessairement des cordons très allongés, 
qui se chargent d’une quantité de feuilles et de bourgeons. 
Ces nombreuses productions excitent les racines à fournir 
une srande abondance de sève; elles obéissent d'autant 
mieux, qu’elles peuvent plus facilement s’étendre et se sa- 
turer de l’hamidité de la terre qui les environne ; d’où il ré- 
sulte queles vignes, dans cette situation, prolongent leur vé- 
sétation jusqu'aux gelées, de sorte que les fruits et le bois 
en mürissent tardivement et toujours imparfaitement. À 
Fhomery, les nombreuses racines de la vigne , après avoir 
contribué au développement d’un petit nombre de bour- 
secns et de feuilles, ne trouvant plus dans la terre qui les 


68 LA POMONE FRANÇAISE. 


environne un excès d'humidité, laissent plus efficacement 
aux feuilles et aux bourgeons à puiser dans l’atmosphère 
l'humidité et les gaz qui doivent élaborer, perfectionner et 
enfin terminer leur formation, laquelle s'opère d’autant 
mieux et d'autant plus promptement, que les racines y con- 
tribuent alors avec des éléments plus concentrés. Quoique 
l'exposition que nous faisons ici de la marche que suit la na- 
ture dans l’accomplissement d’un fait peut être contestée, le 
fait n’en existe pas moins, et il importe infiniment au eulti- 
vateur de le reconnaître, afin d’être à même de le repro- 
duire et de s’en servir. 

Nous avons souvent remarqué, aux environs de Paris, 
que la même espèce de raisin mürissait plus tardivement à 
lespalier que dans les vignes, pour deux causes : la premiè- 
re, c’est que la sève est plus également répartie dans les ceps 
que sur les cordons; la deuxième, c’est que là les ceps 
sont plantés à des distances beaucoup plus rapprochées et 
dans un sol en pente et moins profond ; et, par les mêmes 
raisons , le contraire arrive à Thomery : le chasselas ve- 
nu sur les ireilles y mürit toujours plus tôt que celui venu 
sur les souches, celles-ci étant espacées de 1 mètre 33 cen- 
timètres. 

La grande étendue des cordons occasionne une grande 
inégalité dans la répartition de la sève, qui afflue toujours 
beaucoup plus abondamment dans les bourgeons des extré- 
mités que dans ceux près de la tige. À Thomery, les cordons 
n'ayant que 1 mètre 33 centimètres, cette inégalité de sève 
est moins sensible ; il suffit d’ailleurs, pour l’éviter, de pin- 
cer un peu plus tôt les bourgeons de l’extrémité que ceux 
près de la tige. On comprend que toutes les parties d’une 
plante dans lesquelles la sève coule également accomplissent 
mieux et plus promptement les différents périodes de leur 
végétation. 

À Paris, on profite de toute la vigueur des jeunes pousses 


LA POMONE FRANCAIS, 69 


“our former très rapidement une vigne en Cordons d’une 
srande étendue ; à Thomery, on met plusieurs années pour 
former une vigne qui a peu d’étendue ; d'où il résulte que la 
sève s’élabore bien différemment dans ces vignes lorsqu’el- 
les sont formées. 

On sait sénéralement que les chaperons qui ont une forte 
saillie, indépendamment de ce qu’ils conservent les murs, 
préservent la vigne des gelées printanières; ils influent avan- 
taseusement dans toutes les saisons sur la végétation , con- 
servent les raisins dans toute leur beauté, et facilitent les 
moyens de les laisser sur la treille jusque vers le milieu du 
mois de décembre. Il est à propos d’ajouter que les cultiva- 
teurs de Thomery blanchissent souvent leurs murs, afin que 
les rayons du soleil soient reflétés sur le fruit , hâtent sa ma- 
turité et le colorent. 

À Thomery, les feuilles de la vigne ne partagent pas avec 
celles des autres arbres les bienfaits des gaz et de l'humidité 
qui les environnent. « 

À Paris, les cultivateurs sont dans la nécessité de laisser 
66 centimètres d'intervalle d’un cordon à l’autre, parce que, 
les principes de la taille y étant mal suivis, les bourgeons 
croissant trop vivement et trop lons-temps , on ne pourrait 
sans inconvénients les arrêter au dessous de 66 centimètres ; 
à Thomery, on arrète les bourgeons avec avantage à 50 cen- 
timètres , d’où il résulte que l’on obtient plus hâtivement, 
sur une surface égale, un cinquième de plus de récolte qu’à 
Paris, puisque, sur un mur de 2 mètres 66 centimètres d’é- 
lévation , on peut avoir cinq étages de cordons au lieu de 
quatre. 

Avant que l’on se fût avisé de faire la comparaison que 
nous venons de lire sur les deux cultures, on était très éloi- 
gné de soupconner que les habitants de Thomery cultivas- 
sent la vigne autrement que nous; c’est eette ignorance qui 
a fait atiribuer aux qualités de leur sol la supériorité non 


79 LA POMONE FRANÇAISE. 


contestée du chasselas de Thomery sur nos marchés, lors= 
que ce sol est au contraire si peu favorable à la vigne, qu’il a 
forcé les cultivateurs de quitter l’ancienne routine de cul- 
ture pour en substituer une autre plus appropriée aux exi- 
gences de ce sol. Ainsi c’est aux soins et à l'intelligence 
des habitants de Thomery qu'est due la supériorité de leurs 
récoltes, ainsi que l'exemple qu’ils nous donnent. 

Nous ajouterons que nous avons eule loisir d’étudier par- 
ticulièrement le sol de Thomery; que nous l’avons trouvé 
d’une qualité très inférieure à celui de la treille royale du 
château de Fontainebleau , ainsi qu’au sol de la plupart des 
jardins environnant la capitale; d’où il résulte les plus 
srandes probabilités pour que la vigne, cultivée sur ces ter- 
rains comme nous avons fait cultiver la treille royale, 
donne de plus beaux raisins qu’à Thomery. 

Nous désirons que les explications que nous venons de 
donner déterminent quelques cultivateurs à vérifier jusqu’à 
quel point nos assertions sont fondées; quant à ceux qui vou- 
dront bien nous croire sur parole , nous les engageons à 
consulter le chapitre de laPlantation, afin de ne rien déran- 
ser de leur espalier jusqu’à ce que les vignes qu'ils auront 
fait planter à la Thomery commencent à être en rapport. 

Malgré l'exposé que nous venons de faire de la différence 
notable qui existe entre la culture de la vigne à Thomery et 
celle pratiquée à Paris, dans le but de prouver que l’infé- 
riorité des produits de la vigne à Paris est due plutôt à la 
différence de la culture qu’à celle du sol , nous n’osons nous 
flatter de voir s’opérer de long-temps aucun changement 
en France à cet égard, parce que nous avons à lutter con- 
tre la routine et contre un préjugé qui accorde au sol de 
Thomery des qualités toutes particulières pour la vigne. 
Nous espérons beaucoup mieux de la Belgique, où l’on est 
cependant plus arriéré encore qu’à Paris pour la culture des 
treilles. Nous avons remarqué , en parcourant tout’ récem- 


LA POMONE FRANÇAISE. 71 


ment ce riche pays, une quantité considérable de vignes 
plus mal plantées et plus mal dirigées que partout ailleurs; le 
produit de ces vignes est nul ou presque nul. Cet état de 
choses en Belgique fait mieux sentir la nécessité de recou- 
rir à des moyens d'amélioration. Déjà, à Anvers, M. le 
chevalier Parthon de Von, un des hommes les plus distin- 
gués de ce pays, et auquel l’horticulture doit chaque année 
de nouveaux progrès, a fait une plantation de vigne en plein 
air pour être cultivée comme à Thomery. L'intelligence ré- 
fléchie de son jardinier rendra très efficace la sollicitude de 
M:|Parthon de Von pour le perfectionnement de la culture de 
laïvigne. Nous ne faisons aucun doute qu’un exemple donné 
dans ce pays par M. Parthon de Von ne soit plus entraînant 
que les conseils les plus éloquents que nous pourrions prodi- 
guer à ce sujet. Nous nous bornerons donc, pour ce qui regar- 
de la Belgique, à signaler aux jardiniers de ce paysles fautes 
qu'ils commettent le plus ordinairement dans la culture de 
la vigne soit en plein air, soit dansleurs serres tempérées. 
L'espèce le plus généralement cultivée est le frankentha- 
ler, connu en France sous le nom de tourdeau de la Drôme ; 
c’est aussi le raisin que l’on force ordinairement en Anpgle- 
terre ; il est. cependant plus tardif que le chasselas, qui de- 
vrait lui être préféré sous le rapport de la qualité. Le bois du 
frankenthaler est plus gros, les nœuds plus espacés, les 
feuilles beaucoup plus larges ; les grappes sont énormément 
grosses ; les grains sont rouges, ronds, gros, et tellement 
serrés, que l’on doit nécessairement les éclaircir. Ce raisin a 
la plus belle apparence, surtout lorsqu'il conserve sa fleur ; 
son eau est abondante, elle n’a ni sue ni saveur, elle perd 
son acidité aussitôt que le raisin commence à prendre de la 
couleur, ce qui rend ce raisin supportable, mais insignifiant. 
La culture du chasselas est préférable, non seulement sous 
le rapport de la qualité , mais encore sous celui de la quan- 


#9 LA POMONE FRANÇAISE. 


tité, parce que ses feuilles et son bois occupent moins de 
place dans les serres. 

En Belsique, un seul pied de vigne est planté au pied des 

pignons ou des murs de jardins, où l’eau séjourne parce 

que le terrain n’est pas en pente; les rameaux de la vigne 
sont étendus en éventail sur les murs, comme le seraient 
des branches de poiriers très rapprochés les uns des autres. 
Les bourgeons sortis de ces rameaux, ne trouvant pas de 
place lors du palissage, sont nécessairement supprimés, ou 
se croisent. Il faut considérer que la vigne pousse chaque 
année de longs bourgecns qui doivent d'avance avoir leur 
place marquée sur le mur sans se croiser sur de nouvelles 
ou sur d'anciennes pousses ; autrement il y a confusion et 
perte de sève pour la plante, parce que les membres sont 
beaucoup plus nombreux qu’iis doivent l'être pour la pro- 
duction du fruit ; il y a aussi perte de temps pour l’ouvrier, 
qui, au lieu d'agir mécaniquement, s’il suivait la méthode 
de Thomery, est forcé de réfléchir pour savoir ce qu’il doit 
faire de chaque branche qu’il touche. Nous insistons autant 
sur cette faute, parce qu’elle est extrêmement contraire à 
une bonne culture et qu’elle est généralement commise en 
Belgique ; nous l’avons remarquée mème au jardin botani- 
que de Bruxelles, où l’on trouve cependant une grande in- 
tellisence dans la culture des plantes exotiques; mais là 
comme ailleurs on paraît avoir négligé, avant de cultiver 
la vigne, d'étudier la manière dont elle végète. Les jardi- 
niers belges semblent ignorer la formation régulière et per- 
manente des coursons. Nous les engageons à consulter cet 
article, ainsi que la planche I. 

Quant aux vignes qui sont dans les serres tempérées, 
toutes sont à peu près diposées comme celles que nous avons 
vues chez M. Wangeert dans son bel établissement à Anvers, 
près le chemin de fer. Sa serre a 29 m. 33 c. de longueur 


LA POMONE FRANÇAISE. 73 


sur 8m. de largeur et10 dehauteur. Les vignes sont plantées 
en dehors , au midi, de 1 mètre 50 centimètres en 1 mètre 
50 centimètres, sous l’égout des châssis; on les palisse 
tous les ans, en dedans, tout contre le verre, qui est immo- 
bile; chaque cep , en parcourant 10 mètres d’élévation, 
couvre une larseur de 1 mètre 50 centimètres. On conçoit 
qu'un seul pied de vigne qui est parvenu rapidement à oc- 
cuper une aussi grande surface, et dont la végétation est 
constamment favorisée par le verre et par l’humidité de la 
terre du dehors , se prolonge indéfiniment ; aussi le fruit et 
le bois mürissent à peine. Al résulte encore de ces disposi- 
tions que le bois de cette vigne, qui n’est plantée que de- 
puis dix ans, est déjà de la grosseur du poignet. Le jardi- 
nier semble ignorer l’art d'établir et de maintenir les cour- 
sons , d’où il suit qu’au palissage il y a vide et confusion. 
Les grappes, dans ces vastes orangeries, sont dans la même 
position que celles qui pendent sous un berceau, qui ne 
mürissent presque jamais, parce qu’elles sont privées de 
soleil. Néanmoins M. Wangeert récolte annuellement 5 à 
6centskilogrammes de raisin frankenthaler, qui, faute d’au- 
tre , se vend généralement 4 à 6 francs le kilogramme. Nous 
sommes donc très éloigné de conseiller à M. Wangeert de 
détruire une vigne qui lui donne un aussi bon produit , et 
puisque c’est la mode d'utiliser ainsi ces vastes serres , nous 
lui conseillons du moins d'apporter à la culture de cette vigne 
tous les changements que la culture de Thomery pourra 
sugpèérer, et, s’il devait en établir d’autres dans ses serres, de 
se conformer au mode que nous venons de lui indiquer. El 
trouvera même encore plus d'avantage de planter de la vi- 
gne en plein air, pour ètre conduite en treille comme à 
Thomery, et de faire porter, après la sortie desplantes , ses 
Châssis devant les murs. Il pourra remarquer que la cou- 
leur blanche des murs, réfléchissant les rayons du soleil sur 


ta LA POMONE FRANÇAISE, 


les grappes qui y sont appliquées, hâtera leur parfaite matu- 
rité en les colorant vivement ; tandis que les raisins qui sont 
dans sa vaste serre, quoique la vigne soit palissée tout con- 
tre le verre, ne reçoivent point les rayons du soleil : ils en 
sont privés par leur poids, quiles entraîne souslesbourseons 
et les feuilles ; d'autre part, ils sont à une trop grande di- 
stance du mur pour en éprouveriles bons effets ; d’ailleurs 
le srand volume et le courant d’air qui circule dans la serre 
autour des grappes est trop vif et trop considérable pour 
laisser s’opérer une maturité hâtée et parfaite. Les jardi- 
niers belges doivent savoir que les vignes forcées sous 
bâches ou sous châssis sont presque étouffées; elles sont 
plongées dans un air chaud , humide , et peu raréfié; ce- 
pendant les fruits de ces vignes parcourent promptement 
tous les périodes qui les conduisent à une parfaite maturité. 
Il est mème remarquable que ces fruits ainsi forcés sont 
plus beaux et plus exquis que ceux venus en plein air, mè- 
me aux expositions les plus favorables à la vigne ; cette 
plante diffère en cela de toutes celles que nous connaissons, 
sinon le fraisier, dont les fruits acquièrent encore plus de 
parfum étant forcés. 

Les arbres, en général, donnent libéralement leurs fruits ; 
mais ceux de la vigne , du pècher, du groseillier, du fram- 
boisier et du fraisier, dégénèrent aussitôt qu’on cesse de les 
cultiver, c’est-à-dire de contraindre ou de favoriser leur 
végétation naturelle, suivant nos intérêts. À Thomery, la 
contrainte exercée sur la vigne est mieux entendue et plus 
sévère que celle exercée à Paris. Il faudrait sans doute, 
sous des climats moins favorisés, ajouter à ces contraintes 
pour certaines parties de la plante et en favoriser d’autres : 
c’est une étude à faire. Danstousles cas, il fauttoujours com- 
mencer par admettre celles pratiquées à Thomery, et se per- 
suader que l’organisation de la vigne peut se plier à beau- 


LA POMONE FRANÇAISE, | 73 


coup d’exigences, pour peu qu'elles soient calculées sur la 
végétation naturelle , comparée à l’état auquel la culture l’a 
déjà soumise. | 


MOYENS DE HATER ET DE FORCER LA MATURITÉ 
DES VIGNES. 


Après avoir donné sur la culture de la vigne en plein 
air, en espalier et contre-espalier, tous les détails que nous 
avons crus nécessaires à son amélioration, ilnous reste en- 
core à décrire les moyens employés pour hâter la maturité 
du raisin, soit en faisant usage de vitraux mobiles, soit en 
cultivant dans les serres ou sous des bâches. 


VITRAUX MOBILES. 


On peut hâter l’époque de la maturité des raisins d’une 
treille disposée contre le mur en plaçant au devant des 
chässis vitrés. En supposant que le mur ait 2 mètres 50 cen- 
timètres de hauteur, les châssis devront avoir 2 mètres 66 
centimètres. On les posera sur des montants inclinés ap- 
puyés contre le mur, et portant sur une sablière , élevée de 
33 centimètres au dessus du sol, à 2 mètres du mur. Ces 
montants seront distants entre eux de la largeur du châssis, 
qui en général est de 1 mètre 33 centimètres, et seront as- 
semblés à trait d’équerre sur la sablière. Cette charpente 
légère et mobile sera en même temps durable , parce qu’elle 
-woffre aucune mortaise dans laquelle l'humidité puisse sé- 
journer. 

Les châssis seront mis en place, pour le climat de Paris, 
ver la mi-février, aussitôt après la taille et Le labour de la 
vigne. Un fourneau sera construit en dehors , et des tuyaux 
de chaleur circuleront en dedans, près le devant des vi- 
traux. Des paillassons, pendant les nuits et les journées 


76 LA POMONE FRANÇAISE, 


froides , seront étendus sur les châssis; on aura soin de les 
enlever aussitôt que le soleil paraîtra. On fera en sorte que 
la température intérieure éprouve peu de variations ; c’est 
pour cette raison qu’il faut qu’elle soit modérée. La visne, 
sous ces châssis , est plutôt hâiée que forcée. On doit se con- 
duire de manière à ménager la treille, et à ne point la fati- 
guer soit par une taille plus longue, soit en lui laissant plus 
de grappes que de coutume. L’évrillement , l'ébourgeonne- 
ment , le pincement, l’épamprement, doivent être les mè- 
mes pour ces vignes que pour celles qui ne sont point cou- 
vertes par des vitraux. On sera plus attentif à éviter la con- 
fusion , et on ne laissera rien croître d’inutile. 

On suppléera aux bénéfices des rosées et de l'humidité de 
Vair extérieur, dont les feuilles de vigne semblent très avi- 
des , en faisant tomber sur ces feuilles des pluies artificielles 
très fines au moyen d’un piston ou d’une pompe à l'usage 
des serres; ilsuffit le plus souvent d’un bassinage. L’eau de- 
yra être au mème degré de température que l’atmosphère 
dans laquelle on la répandra. Ces arrosements auront lieu en 
raison de la chaleur et de l'avancement de la végétation de 
la vigne; le temps de la floraison n’est pas même excepté, 
pourvu que la chaleur les commande, car la vigne noue 
malgré la pluie lorsque l’atmosphère est chaude et que le so- 
leil succède aux ondées. On peut arroser par le soleil à neuf 
heures du matin et à une heure après midi. 

Si le vitrage n’a que 24 mètres de longueur, on ne donnera 
de l’air que par les portes des extrémités; mais lorsque la 
grappe sera défleurie et que le temps le permettra , on sou- 
lèvera quelques châssis; au reste, moins on pourra se dispen- 
ser de donner de l’air, plus on avancerala maturité du raisin. 
Les châssis doivent rester sur la treille jusqu’après la cueille 
du fruit ; si l’espalier a été ménagé, il pourra ètre hâté 
plusieurs années de suite. On aura soin, vers le temps où 
la vigne forme les boutons qui doivent ouvrir l’année sui- 


LA POMONE FRANÇAISE. 11 


vante, de la favoriser dans ce travail, soit en arrosant la 
terre avec du jus de fumier, ou simplement en ne la laissant 
pas trop se dessécher, parce que les vitraux privent les ra- 
eines des bienfaits de la pluie et des rosées.On taillera aussi 
ces vignes avant l’hiver. 

On éclaircira les grains trop serrés aussitôt qu’ils auront 
atteint la grosseur d’un pois. Il ne faudrait pas attendre, pour 
faire cette opération, qu’ils fussent trop gros, parce qu’en 
maniant la grappe on pourrait lui faire perdre sa fleur ou 
lempècher de la prendre. On évitera de raccourcir les 
srappes, qui doivent toujours conserver leur forme pyra- 
midale. | 

Le devant des vitraux sera utilisé par une plantation de 
fraisiers en pots. 


DE LA VIGNE SOUS BACHES. 


La culture de la vigne sous bâche est beaucoup plushâtée 
que celle que nous venons de décrire ; on peut mème dire 
qu’elle est forcée ; c’est ee que les jardiniers appellent chauf- 
fer. Aussi les plants soumis à cette opération sont-ils fati- 
sués, et ne peuvent être chauffés de nouveau qu’après une 
année de repos; le cultivateur doit pendant cette année les 
ménager et les soigner très particulièrement. 

Les vignes chauffées sous bâches doivent avoir été dispo- 
sées à cet effet depuis quatre ou cinq ans; on les plante à 
2 mètres de distance sur la ligne, et les lignes sont espacées 
entre elles de 3 mètres 33 centimètres, afin de pouvoir 
chauffer plusieurs rangées de bâches sans qu’elles se portent 
de l’ombre. Après deux ou trois années de plantation, on 
provigre ces plants sur la même ligne, en conservant aux 
nouvelles tises la même distance de 2 mètres entre elles. 

La même année du couchage, on établira un treillage lé- 
ser d’un peu moins de 1 mètre de hauteur ; la latte horizon- 


18 LA POMONE FRANCAIS. 


tale qui doit soutenir le cordon sera fixée à 42 centimètres 
au dessus du sol, afin que le bout des grappes soit assez 
éloisné du sol, qui, toujours humide dans l’intérieur des bâ- 
ches , conserverait leur verdeur et les empêcherait de mü- 
rir. Les tiges, les cordons et les coursons, seront établis len- 
tement et d’après les principes que nous avons déjà indi- 
qués. Chaque pied de vione fournira deux bras de 1 mètre 
d’étendue chacun. On fera en sorte de ne pas laisser plus 
de 16 centimètres entre chaque courson. il importe de 
mettre la plus grande régularité dans l’éducation de ces vi- 
ones , afin que le peu d'espace qui existe sous les bâches 
soit exactement rempli sans vide et sans confusion. 

Lorsque ces vignes seront formées et auront acquis assez 
de force pour être chauffées, elles seront taillées et labou- 
rées dans les premiers jours de février, si elles ne l’ont pas 
été avant l’hiver. On placera sur ces vignes des coffres sans 
fond dont le grand côté, ayant 1 mètre de hauteur, sera 
contre le treillage; le petit côté aura 33 centimètres d’élé- 
vation. Chaque coffre est destiné à recevoir deux chassis 
vitrés de 1 mètre 50 centimètres de longueur sur 1 mètre 
33 centimètres de largeur. Les coffres seront construits en 
bois de sapin où en bois blanc de 4 centimètres d'épaisseur, 
simplement assemblés à queue d’aronde. Le bois de chère, 
ainsi que les équerres en fer, doivent être proscrits non 
seulement par économie, mais parce que les constructions 
trop solides intercepteraient la chaleur des réchauds de fu- 
mier. Les châssis seulement seront en chène, et les traverses 
pour le verre en fer, le tout peint à l'huile et toujours bien 
entretenu. 

On creusera en dehors des coffres sur le devant et sur le 
derrière une rigole de 50 centimètres de largeur sur 33 cen- 
timètres de profondeur, pour recevoir un réchaud de fu- 
mier, qu’on élèvera jusqu’au niveau du sommet des cof- 
fres ; ce fumier sera remanié environ trois fois avant la flo- 


LA POMONE FRANCAISE. +9 


raison de la vigne; il procure, avec un peu de feu, assez 
de chaleur dans l’intérieur pour ménager le combustible ; 
mais lors de la floraison on doit s'abstenir de le remanier, il 
ne servira plus que d’abri en empêchant l'air extérieur de 
renouveler l’air intérieur. Lorsqu'on remanie les réchauds, 
la vapeur du fumier pénètre dans les bâches; elle est de na- 
ture à flétrir les fleurs, à faire couler les grappes et à les 
noircir. C’est pour cette raison qu’on renonce vers cette 
époque au bénéfice de la chaleur que pourraient procurer les 
réchauds. Plus tard , lorsque les grappes sont formées et les 
grains déjà gros, on doit fencore s’en abstenir, parce que 
cette vapeur, dont l’odeur est pénétrante, donnerait au 
fruit un goût très désagréable, ainsi que nous l'avons é- 
prouvé. | 

On construit un fourneau en dehors des bâches, et on fait 
cireuler dans l’intérieur, sur le devant , un tuyau de cha- 
leur. On se sert maintenant de tuyaux de zinc contenant de 
l’eau chaude , et d’un appareil du prix de 150 francs, qui 
peut chauffer l’intérieur de neuf coffres, ou 23 mètres 40 
centimètres de long. Cet appareil remplace avec un grand 
avantage des fourneaux qui ne chauffaient que lintérieur 
de trois coffres, ce qui multipliait les feux, les constructions 
et la surveillance. La chaleur humide qui règne dans les bà- 
ches rend moins souvent nécessaires les pluies factices. Il 
faudra cependant ne point les négliser; on les répandra 
avant que le besoin s’en fasse sentir. En résumé, on devra 
donner de l’air à propos, mais peu; retrancher les vrilles, 
rogner les bourgeons lorsqu'ils seront assez avancés pour 
que cetie opération tourne au profit de la grappe, pincer 
à propos les bourgeons qui s’allongeront trop, afin de ga- 
oner le temps favorable pour les rogner définitiment ; enfin 
ne rien népliser de toutes les précautions que nous avons 
déja recommandées pour la visne hâtée , avec cette diffé- 
rence, qu’elles doivent être plusrigoureusement observées ; 


89 LA POMONE FRANCAISE. 


en un mot, on doit éviter tout ce qui occuperait inutilement 
de la place sous les bâches. Pendant les nuits et les journées 
froides, on étendra des paillassons sur les châssis, et on au- 
ra soin de les enlever aussitôt que le soleil paraîtra. 

La culture forcée sous les bâches est beaucoup plus hâtive 
et économique que celle pratiquée dans les serres, qui ne 
peuvent être chauffées que par le feu , tandis que les bâches 
le sont avecle feu et le fumier, et d'autant plus efficacement 
qu’elles ne contiennent pas un volume d’air aussi considé- 
rable que celui qui circule dans les serres. Les dimensions 
des bâches que nous avons décrites sont ordinairement en 
usage chez les cultivateurs qui ont pour principe de n'avoir 
pas dans leur établissement plusieurs échantillons de bâches 
et de châssis. Ce système offre sans doute de grands avanta- 
ges ; mais nous pensons que pour ceux qui font de la culture 
forcée de la vigne fune spéculation spéciale il serait très 
profitable d’avoir deux cordons de vigne sous leurs bâches 
au lieu d’un seul. Dans ce cas, le srand côté de la bâche au- 
rait 1 mètre 50 centimètres au lieu de 1 mètre, et le petit 
côté 50 centimètres; les châssis vitrés auraient 1 mètre 75 
centimètres de longueur au lieu de { mètre 50 centimètres; 
ils conserveraient toujours Î mètre 35 centimèt. de largeur. 

La vigne serait plantée à 1 mètre sur la ligne au lieu de 2 
mètres , et les lignes seraient espacées de 4 mètres 65 centi- 
mètres au lieu de 3 mètres 50 centimètres. Les ceps impairs 
formeraient le cordon du bas, et les ceps pairs celui du haut; 
chaque cep aurait deux bras de Î mètre de longueur chacun ; 
le treillage aurait un peu moins de 3 mètres 50 centimèt. 

Pour ne rien laisser perdre de la chaleur que le soleil peut 
produire sous les vitraux, il faudrait qu'ils fussent perpen- 
diculaires à la direction des rayons du soleil, et devraient 
en conséquence varier chaque jour. 

Nous allons rapporter le tableau de ces inclinaisons. cal- 
culées de mois en mois pour la latitude de Paris. 


C2 


e 
(LA POMONE FRANÇAISE. gi 


Pour le 21 janvier 68052 Pour le 21 juillet 268019 


le 21 février 59 35 le 21 août 36 29 
le 21 mars A8 50 le 24 septemb. 48 50 
le 21 avril 31 11 le 21 octobre 59 19 
le 21 mai 28 AG ie 21 novemb. 68 39 
le 21 juin 25 22 je 21 décemb. 72 18 


Ces indications suffisent pour les constructeurs; mais les 
jardiniers, ordinairement dépourvus d'instruments, pour- 
ront faire usage d’une méthode pratique fort simple, qui 
n’en exige d'autre qu’une planche carrée bien dressée, sur- 
montée d’un style perpendiculaire ; ils la poseront sur le vi- 
trare, et, lorsque l’ombre du style sera d’équerre à la face 
intérieure de la bâche, ils soulèveront ou abaisseront Îe 
châssis jusqu’à ce que l’ombre s’anéantisse au pied du style. 

Quant aux serres dont les châssis ne sont point mobiles, 
il est convenable d'adopter pour ceux-ci inclinaison moyen- 
ne entre celles des mois d’autornne et d'hiver, pendant les- 
quels les plantes sont renfermées. D’après le tableau ci-des- 
sus, l’angle avec l'horizon devrait donc être de 63 degrés, 
toujours pour la latitude de Paris. 

Ces considérations sont d’une telle simplicité, et se pré- 
sentent si naturellement, qu’on peut s'étonner des différen- 
ces entre les inclinaisons adoptées pour les châssis de la plu- 
part des serres existantes , lors même qu’elles sont destinées 
au même genre de culture. 


INSECTES NUISIBLES À LA VIGNE. 


Parmiles animaux et les insectes qui nuisent le plus à la 
vigne, nous sisnalerons : 
Les taupes, qui éventent les racines. On doit être très soi- 
eneux de les détruire , parce qu’elles font de grands dégâts. 
Les rats, les mulots et les loirs, attaquent le raisin et mèê- 
6 


| à 
82 LA POMONE FRANÇAISE. 


me quelquefois les bourgeons naïssants. On doit tendre des” 
assommoirs et employer contre eux tous les moyens possi- 
bles de destruction. 

Les oiseaux , et principalement les moineaux, merles, gri- 
ves, gros-becs, etc., ont bientôt fait disparaître le raisin des 
treilles si l’on ne prend des précautions contre leur pillage. 
Il suffit, pour le prévenir ou le faire cesser, de tirer quel- 
ques coups de fusil le matin, à midi, et le soir avant le cou- 
cher du soleil ; de suspendre les morts, d’éparpiller les plu- 
mes, d’en attacher à des ficelles que l’on tend vis-à-vis les 
treilles, etc. 

Les limaces se logent dans les murs mal entretenus, et 
causent beaucoup de tort à la vigne en mangeant et salissant 
les bourgeons et le fruit ; elles ne sortent guère qu'après le 
coucher du soleil. 

Les limaçons ou escargots abondent aussi dans les murs 
mal entretenus. La grosseur et la lenteur de ces animaux, 
ainsi que la régularité de leurs habitudes, rendent leur de- 
struction facile, et l’on ne doit pas la négliger. Comme ils 
craignent la chaleur, on est certain de les trouver le matin 
à la rosée ou pendant les temps de pluie. Ils déposent leurs 
œufs en terre; ces œufs sont en pelote, ronds, blancs, de 
la grosseur d’une très forte tête d’épingle. | 

Le hanneton fait beaucoup de mal aux racines de la vigne 
lorsqu'il est à l’état de ver ; le nombre de ces vers blancs est 
quelquefois si grand, qu’il fait périr la plante. Lorsqu'une 
vigne attaquée par les racines ou par le Collet peut résister, 
elle languit et ne montre plus qu’une végétation affaiblie (1). 
Un cultivateur dont l’œil est exercé s'aperçoit, au port ou à 
la couleur des feuilles, de la présence du ver blanc; il le 
trouve au pied de la plante et le détruit. Des laitues, des fè- 


(1) Les fruits d’un arbre ainsi attaqué sont plus précoces. 


LA POMONE FRANÇAISE. 85 


ves de marais, plantées çà et là, servent aussi à les faire dé- 
couvrir, parce qu’ils donnent la préférence à leurs racines ; 
ces plantes attaquées se fanent promptement, et décèlent 
par là le ver qui est à leur pied. 

La chemlle arpenteuse naît au printemps en même temps 
que les bourgeons ; elle les ronge à mesure qu'ils se dévelop- 
pent. Cette chenille pourrait tromper les personnes qui ne la 
connaissent pas, parce qu’elle ressemble à un petit morceau 
de bois desséché, et paraît sans mouvement et sans vie. Elle 
n’est jamais éloignée d’un bourgeon détruit, parce qu’elle 
ne passe de l’un à l’autre qu'après avoir entièrement man- 
sé le premier attaqué. Souvent les cultivateurs de Thomery 
sortent la nuit avec des lanternes pour chercher cette che- 
nille, qui pourrait détruire tous les bourgeons d’un cordon 
les uns après les autres. 

Le ver de la vigne est une larve provenant d'un œufdépo- 
sé dans le pepin lorsque le fruit est à peine formé. Il se nour- 
rit d’abord de la chair de ce grain, dont il sort avant sa ma- 
turité en élargissant la piqüre, qui est toujours voisine du pé- 
doncule ; il file des conduits d’un grain à l’autre. Les prap- 
pes à grains serrés sont les plus attaquées, et ce ver occa- 
sionne leur pourriture dans les années humides. Il se tient 
enfermé dans je grain pendant la nuit et pendant la rosée du 
matin. On le voit dans les temps froids se promener au 50- 
leil sur les fruits ; mais au moindre bruit, au plus léger mou- 
vement , il se cache avec promptitude. Les cultivateurs de 
Thomery emploient des journées à chercher et à détruire 
ces vers, qui leur porteraient un dommage considérable. 

L’urbec et le becmore sont deux charançons très nuisibles 
à la vigne. Ils paraissent lorsque les bourgeons ont 14 à 17 
centimètres de long, s’attachent aux feuilles nouvelles, les 
roulent en spirale, et pondent, dans les replis qu’ils ont for- 
més , des œufs extrèmement petits. Pour rendre ces feuilles 
flexibles et faciles à rouler, l’insecte a eu la précaution d’in- 


84 LA POMONE FRANÇAISE. 


ciser fortement le bourseon, ce qui détruit Pespoir de la ré- 
colte. La larve de ces charancons n’est pas moins funeste que 
linsecte parfait, parce qu’elle se nourrit comme lui du bour- 
geon et du pédoncule des feuilles. Ce sont ces charançcons 
que les cultivateurs de Montreuil appellent velours-vert , 
ailleurs coupe-bourgeon, diableau, lisette, etc. 

Le gribouri de la vigne, Ce gribouri fend les grains du 
raisin et détruit le parenchyme des feuilles. Lorsque la 
vigne est aitaquée par cet insecte, ses feuilles sont percées 
comme un crible, son bois est peu nourri, son fruit est rare 
et mal conditionné. 

Le kermès. Les vignes négplisées, celles en espaliers sur- 
tout, sont quelquelois couvertes d’une espèce de kermès 
particulière à la plante, et que les jardiniers appellent pu- 
naise, parce qu’ils la confondent avec les insectes qui appar- 
tiennent à ce genre. Les kermès sont très préjudiciables à la 
vigne sur laquelle ils s’attachent ; ils en amoindrissent sensi- 
_ blement toutes les productions, et elle cesse même de porter 
fruit lorsqu'ils y sont très multipliés. 

On doit détruire les kermès avant la mi-avril, c’est-à-dire 
avant qu’ils aient fini leur ponte. Ils sont alors fixés sur le 
bois de la dernière pousse, rangés proche à proche , parfai- 
tement immobiles, ressemblant à de gros grains de poivre 
oblongs, et échancrés du côté où ils sont appliqués. Nous 
nous réservons de signaler ce senre d’insecte d’une manière 
plus détaillée lorsque nous parlerons de l’espèce qui lui res- 
semble beaucoup, et qui vit sur le pêcher, où elle fait plus 
de ravages encore. 

Les mouches, les guépes et les frelons, font de grands dé- 
gats sur les treilles lorsqu'on ne prend pas de précautions 
pour les détruire ou pour les écarter. Ils entament les fruits 
les plus mürs, et toujours de préférence ceux de meilleure 
qualité. On doit attacher de très bonne heure contre les murs 
des fioles emmiellées à goulot très évasé, dans iesquelles les 


LA POMONE FRANCAISE. 83 


mouches et les suèpes viennent se prendre. On se met aussi 
à l'abri des suêpes et des frelons en faisant la recherche de 
leurs nids. Un propriétaire soigneux ne doit point laisser 
subsister à l’entour de ses jardins de vieux arbres couron- 
nés, qui servent d'asile à des armées de guèpes. Les sacs de 
crin dans lesquels on enferme le raisin le garantissent de 
toute atteinte. 


DES MALADIES DE LA VIGNE. 


Les maladies de la vigne sont plus communes dans les jar- 
dins, parce que les particuliers qui veulent planter se pro- 
curent des marcottes qui ne proviennent presque jamais de 
jeunes vignes en plein rapport, mais bien de ceps que l’on 
veut détruire pour cause d’épuisement ou de maladie. Gé- 
néralement les jardiniers ne connaissent pas les signes des 
maladies, et, s’ils rejettent des marcottes maisaines, c’est 
qu’elles leur paraissent chétives. 

Dans les vignobles, la majeure partie des plants est saine, 
parce que le vigneron choisit toujours ceux qu’il veut em- 
ployer; il les marque avant la vendange, soit chez lui, soit 
ailleurs. Ce qui contribue surtout à rendre les maladies ra- 
res, c’est que, pour propager les espèces, on n’est pas dans 
l’habitude de les greffer ni de les semer, comme on le prati- 
que à l’ésard des autres arbres fruitiers, et il serait à souhai- 
ter qu’on apportât dans le choix de ces arbres autant de soin 
que les vignerons en mettent dans celui de leurs plants ; nos 
pépinières et nos jardins ne seraient pas dans un état aussi 
déplorable. 

Il est cependant une maladie qui affecte spécialement les 
vignes, et que l’on nomme gerçure, probablement à cause 
des crevasses que l’on aperçoit alors sur les branches. Com- 
me ses effets sont plus sensibles dans les lieux glaiseux et 


85 LA POMONE FRANÇAISE. 


humides, on en a conclu que le terrain est la cause de ce 
mal ; mais la gerçure fait partie des maladies graves inhéren- 
tes aux sujets. Elle se propage par les semences, la greffe, 
les couchages et les boutures ; ainsi son principe n’est pas 
dans le terrain. 

Cette maladie se manifeste parles feuilles, qui deviennent 
rudes au toucher et se couvrent de taches brunes ou cou- 
leur de rouille; les feuilles inférieures des bourgeons sont 
attaquées les premières. Souvent un pied de vigne atteint de 
gercure présente des branches malades et d’autres saines. Il 
est d’autant plus extraordinaire que le bas soit affecté, lors- 
que le haut reste encore sain, que le contraire arrive dans 
les autres arbres fruitiers. 

Un effet très particulier de cette maladie est de ne porter 
quelquefois que sur la moitié d’une branche dans son épais- 
seur, c’est-à-dire que tous les bourgeons d’un côté de la 
branche meurent, ainsi que la partie du bois qui les porte, 
tandis que le côté opposé conserve de la vie et mème de la 
vigueur. Dans ce cas, le côté mort de la branche est extrè- 
mement dur sous la serpette, et ies bourgeons décolorés 
tombent en pourriture. 

Les fruits de la vigne attaquée de la gercure s’en ressen- 
tent plus ou moins suivant le degré de la maladie, ils cou- 
lent en tout ou en partie, la rafle se dessèche et devient 
noire ; les grains, d’inégale srosseur, restent verts et acides, 
se dessèchent à leur tour, et tombent avant demürir. La ser- 
cure malheureusement n’est pas toujours un obstacle à la 
belle pousse des provins ; il est facile de s’y tromper ; toute- 
fois , dès la seconde année, ces pousses, quoique belles, laïs- 
sent apercevoir les effets de la maladie. Les provins ne font 
point de racines si la souche est fortement atteinte. 

Les cultivateurs de Thomery désignent les ceps affectés 
de cette maladie par le nom de plant coulart ou de mauvais 


LA POMONE FRANCAISE. 87 


plant. Iissavent très bien que ce mauvais plant se propage 
par les marcottes ou les boutures. Quelques cultivateurs les 
appellent aussi plants paralysés. 

Puisque cette maladie se perpétue par les semis et par la 
oreffe , ainsi que j'en ai fait l'épreuve au potager de Ver- 
sailles, il en faut conclure qu’il n’y a aucun remède , et que 
l'on doit s’empresser de détruire tous les mauvais plants 
pour les remplacer par d’autres d'espèces saines et convena- 
bles à la nature du sol, qu’il ne faut plus accuser de donner 
ou d'engendrer de semblables maladies; il ne peut , selon 
ses qualités, qu’en retarder ou hâterle développement lors- 
que les individus qui lui sont confiés en recèlent le #erme. 

Il est des maladies dont les causes sont accidentelles, et 
que l’on peut prévenir ou guérir ; telles sont celles qui pro- 
viennent de la gelée, de l'humidité, des mauvais traitements 
de la part des hommes, des animaux ou des insectes. 


DES FAUTES 


QUI SE COMMETTENT LE PLUS SOUVENT EN CULTIVANT LA VIGNE. 


Il devrait suffire d’avoir indiqué ce qu’il faut faire pour 
bien conduire la vigne ; mais nous pensons qu'il ne sera pas 
inutile d'indiquer iciles traitements vicieux que nous avons 
vu pratiquer par des jardiniers malhabiles. 

Il leur arrive trop souvent de planter la vigne avec peu 
de précautions, et dans de très petits trous. Si on leur donne 
des marcottes de 66 centimètres à 4 mètre de couche, ils ne 
manquent pas de les raccourcir à la mesure de leurs trous, 
en coupant les racines presque toujours au ras du bois ; si 
la marcotte est encore trop longue lorsqu'on la présente de- 
vant le trou, ils l’enfoncent d’un coup de talon bien ap- 
puyé, jettent de la terre dessus, la piétinent, et l’opéra- 
tion est finie. Ils ont encore pour habitude de laisser la tige 


58 LA POMONE FRANÇAISE, 


de toute sa longueur, au lieu de la rabattre sur les deux 
yeux inférieurs, comme cela doit toujours se faire, lors 
même que le cep serait destiné à former une haute tige; ils 
retirent au contraire les yeux du bas pour ne garder que les 
terminaux, et exécutent cet aveuglement , ou plutôt cet 
ébourseonnement à sec, sans précaution, ce qui laisse des 
plaies difficiles à cicatriser, et fait languir la plante. 

C’est une très mauvaise pratique encore que de planter 
des vignes achetées en pois ouen mannequins, dans l’espoir 
de jouir plus tôt : de pareils moyens n’atteisnent pas le but 
de ceux qui Îles emploient. Lalenteur avec laquelle la nature 
opère est nécessaire à la perfection de ses produits ; et c’est 
pour vouloir les häter, dans la vue d’une prompte jouis- 
sance, que l'on se trouve condamné à de longues privations. 
Les pots sont trop petits pour contenir les racines d’une 
plante telle que la vigne; aussi les trouve-t-on souvent con- 
tournées autour du vase, qu’elles tapissent, et où elles 
sont desséchées et comme brülées. Les mannequins, qui 
pèchent souvent aussi par le défaut de srandeur, ont un au- 
tre inconvéuient : c’est qu'il est rare que les vignes aient été 
marcottées dedans; les pépiniéristes qui en font commerce 
lèvent les chevelées à lautomne, et les plantent dans des 
paniers ou mannequins remplis d’une terre très humide, 
qu’ils savent pétrir de manière à ce que la plante tienne 
ferme dans le panier, ce qui fait croire qu’elle y a été é- 
levée. 

La délicatesse des racines de la marcotte ne permet pas 
de faire avec avantage dans les champs une plantation un 
peu considérable avec du plant enraciné, parce que ses ra- 
cines seraient nécessairement exposées à être flétries par le 
hâle ou le froid avant d’être mises en terre. Il sera toujours 
plus sûr de planter des crossettes, ainsi que nous l’avons con- 
seillé pour les treilles des jardins. D’ailleurs on ne marcotte 
que des vignes usées ou rapportant de mauvais raisins. 


LA POMONE FRANGAISE. 89 


Les jardiniers ne savent pas toujours concentrer la vigne ; 
ils laissent trop de longueur aux coursons , et les murs of- 
frent à la fois des vides et de la confusion. Ils ne font point 
assez souvent usage du pincement sur les bourgeons de 
l'extrémité des bras, pour l'arrêter dans cette partie où 
la sève se porte toujours avec trop de force, et la faire cir- 
culer dans les bourgeons plus près du corps dela tige, qu’elle 
abandonnerait sans cette précaution. On néglige aussi de 
rabattre les onglets, qui, après dix ou douze ans, restent en- 
core disposés par étage les uns au dessus des autres, sui- 
vant leur rang d’ancienneté. Les forts brins sont mal am- 
putés; si l’on prend la scie, les coupes sont mal faites et 
lon oublie de parer la plaie. On décolle les bourgeons au 
lieu de les couper avec la serpette , en laissant un petit ta- 
lon, etc. 

Les méfaits que je viens de signaler sont très communs, 
et leur influence sur le sort de la plante est cependant très 
funeste. 

La faute que commettent la plupart des cultivateurs qui 
chauffent la vigne est de la tailler trop longue et de con- 
server toutes les grappes qui se présentent. Ils ne font rien 
pour aider à la formation des bourgeons qui doivent ouvrir 
l’année suivante. Ils ne mettent pas à profit le temps accor- 
dé à la vigne pour la rétablir, qui devrait être spécialement 
employé à favoriser le bourgeon sur lequel devra se faire la 
taille ; ils négligent aussi de supprimer toutes les grappes sur 
les vignes qui ont besoin de repos. 


90 LA POMONE FRANÇAISE. 


CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 


SUR L’INTRODUCTION DE LA CULTURE DE LA VIGNE 
DANS LES PAYS NEUFS. 


La vigne ne saurait être cultivée avec succès dans les 
pays neufs qu'autant que la population y serait déjà de- 
venue nombreuse, et que les défrichements en auraient 
assaini le sol en procurant aux eaux des écoulemenis fa- 
ciles. 

En supposant même que les défrichements ne fussent pas 
nécessaires pour adoucir le climat ou assainir le sol, ils se- 
raient toujours indispensables pour détruire ou au moins 
pour éloigner les animaux et les insectes dont les pays neufs 
sont infestès. Quant à la population, elle doit être considè- 
rable pour subvenir à toutes les opérations d’une culture 
qui fournit dans ses détails des occupations à tous les sexes 
et à tous les âges. La récolte seule suppose l'emploi d’un 
srand nombre de bras; il serait à désirer, mème en France, 
qu’elle fût toujours faite assez rapidement pour ne point 
troubler le commencement de la fermentation, ce qui ar- 
rive lorsqu'on ne remplit pas la cuve dans le même jour, et 
que l'en est obligé de verser la vendange sur celle des jours 
précédents. 

Une compagnie a déjà fait aux États-Unis des dépenses 
aussi considérables que mal entendues pour introduire la 
culture de la vigne; on a été jusqu’à faire venir du plant 
et des vignerons de Bourgogne ; mais rien n’a réussi, parce 
qu’on a voulu faire, près de Philadelphie, ce qu’on avait 
l’habitude de faire près de Dijon, quoique le sol et le climat 
des deux pays fussent très différents. M. Carroll, à Ana- 
polis , dans le Maryland, a fait aussi venir du plant et des 
vignerons de France , sans obtenir plus de succès. 

Les fautes que j'ai vu commettre à cet égard m’enbardis- 


LA POMONE FRANÇAISE. 94 


sent à consigner ici mon avis sur la manière de procéder 
dans un pays neuf en état de recevoir la culture de la vi- 
one : faire venir des vignerons avec un jardinier habile 
pour les diriger ; se procurer en France des plants sains, 
nombreux, et choisis parmi nos meilleures espèces ; faire 
planter les mêmes espèces à des expositions diamétralement 
opposées, même contre toute apparence de réussite, et 
surtout n’abandonner un essai qu'après l’avoir répété pen- 
dant trois années consécutives: enfin, tenir un journal 
détaillé et exact des opérations et de leurs résultats , afin 
d'éviter aux autres cultivateurs des recherches infruc- 
tueuses. 

Sile choix est tombé sur un jardinier instruit, et que lon 
ait pour lui le degré de confiance et toute la considération 
due à un homme dont les connaissances et le travail peu- 
vent devenir utiles à toute une population, je ne doute pas 
qu’on ne parvienne à vaincre rapidement les premières dif- 
ficultés, et qu’en continuant de suivre une marche métho- 
dique, telle que celle que l’on vient de tracer, on n’apla- 
nisse avec facilité celles qui pourraient se présenter par la 
suite. On ne saurait trop se persuader que des premiers 
essais mal dirigés découragent, donnent des idées fausses 
et éloignent l’époque de l'introduction des nouvelles cul- 
tures. 

Non seulement on s’y est mal pris pour cultiver la vigne 
aux États- - Unis d'Amérique, mais on a commencé beau- 
coup trop tôt: ; le pays était trop peuplé d'animaux et d’in- 
sectes , dont le nombre prodigieux sera encore long-temps 
un des obstacles les plus insurmontables à la culture de la 
vigne. 

Après avoir cultivé dans n. Jersey, près de New-York, 
une assez grande quantité de pieds de vigne , j’ai pu remar- 
quer, pendant dix ans, qu’elle poussait avec une extrême 
vigueur, et qu'aucun es amateurs qui la cultivaient aussi 


92 LA POMONE FRANÇAISE. 


dans ce pays ne savait proportionner la taille à cette vi- 
gueur, ébourgeonner à propos et saisir le moment favora- 
ble pour arrêter les bourgeons. D'une autre part, la florai- 
son était à peine commencée qu'un gribouri nommé dans 
le pays rosebuqg dévorait les fleurs; quelques unes échap- 
paient-elles, un charançcon déposait ses œufs dans le grain 
encore très petit. Ce mème insecte attaque de la mème ma- 
nière les prunes de reine-claude, les abricots, les brugnons, 
les pêches lisses, en sorte que ces fruits ne pouvaient enco- 
re, en 1801, réussir aux États-Unis, quoique les arbres de 
toutes ces espèces fussent très vigoureux; tous leurs fruits 
tombaient au moment de la maturité, ou pourrissaient sur 
l'arbre. À cet inconvénient majeur des insectes, il faut ajou- 
ter que beaucoup de plants de vignes que j'ai vus étaient at- 
taqués de la gerçure, surtout le chasselas. 

Jai connu un particulier à New-York, qui recueillait de 
très beaux chasselas dans sa cour, par la seule raison que 
les insectes étaient moins nombreux au centre de cette 
srande ville qu'à la campagne. Je n'ai obtenu de raisins, 
d’abricots et de brugnons, qu’autant que j'ai pu envelop- 
per avec de la gaze très claire la jeune grappe ou les fruits 
avant qu'ils fussent noués. Le chasselas et les pêches lisses 
étaient d’une saveur incomparablement plus délicate et plus 
riche que ceux qui mürissent en France , même dans les an- 
nées les plus heureuses. 

Il est donc hors de doute que le climat de New-York est 
favorable à la culture de la vigne, et que cette contrée doit 
produire un jour d'excellents vins : la vigne sauvage y croît 
naturellement dans les forêts, elle s’élève au dessus des plus 
grands arbres. La plupart de ces espèces sauvages ont le 
grain très sros, la peau dure et épaisse , la pulpe d’une sa- 
veur douceâtre et désagréable. Les chasselas que j’ai greffés 
sur elles dans les Jersey ont parfaitement réussi; mais, 
quant au produit, il a été nul, par les raisons que je viens 


LA POMONE FRANÇAISE. 95 


d'exposer; seulement jai vu çà et là quelques grains dont 
la saveur n'avait rien de commun avec le fruit sauvage (1). 

Au reste, on ne doit pas s'étonner que Île climat d’un pays 
où la pêche en plein vent est délicieuse, la pomme etla poire 
parfaites , où les arbres quiles donnent n’ont d’autres causes 
de destruction que les insectes ou la charge des fruits, ne 
puisse être aussi propre à la culture de la vigne LUE aucune 
autre partie de la terre. 


(4) Jai eu la curiosité de faire semer à Saint-Cloud des pepins de vigne sau- 
vage que j'ai rapportés d'Amérique. La saveur des fruits est restée la même; 
mais la vigueur des plants est beaucoup moindre que dans leur pays natal, quoi- 
qu’ils aient été mis dans une terre franche de première qualité. Ces vignes ont 
qninze ans et rapportent chaque année. On cultive au potager de Versailles le 
vitis vulpina d'Amérique, dont la fleur est plus odorante et plus hâtive que 
celle de nos vignes; ses bourgeons sont minces, longs, très vigoureux ; son fruit 
est petit et de très mauvais goût ; ses feuilles lisses, d’un beau vert, 


CATALOGUE DES ESPÈCES DE RAISINS 


. Faisant partie des 500 sortes de la collection du Luxembourg, 
etquiviennent à maturité sous le climat de Paris. 


Nora. Les espèces qui donnent les meilleurs raisins sont distinguées 
par des astérisques. 


RAISINS POUR LA TABLE, 


POUVANT AUSSI ÈTRE CULTIVÉES POUR LA CUVE: 


FRUITS NOIRS ET OVALES. 


* Boudales, H autes-Pyrénées. 
* Aspirant, de l’Æérault. 
* Muscat noir, du Jura. 


FRUITS NOIRS ET RONDS. 


* Caïllaba, Hautes-Pyrénées. 

* Arroya, Hautes-Pyrénées. 
Pied de perdrix, Hautes-Pyrénées. 
Alexandrie, Doubs. 
Gros-Guillaume , Alpes-Maritimes. 
Muscat, P6. 
Morillon, Jura. 
Bordelais, Mayenne. 
Tripied, Alpes-Maritimes. 
Madeleine, Seine. 
Raisin perlé, Jura. 


FRUITS BLANCS A GRAINS OVALES. 


* Joennen hâtif, V’aucluse. 


LA POMONE FRANCAISE. 


Muscat d'Alexandrie, de l’Aéraut. 
Panse musquée, Bouches-du-Rhône. 
Panse commune, Bouches-du-Rhône. 


FRUITS BLANCS A GRAINS RONDS. 


* Chasselas doré , Seine-et-Marne. 
* Sauvignon, Lot. 
* Muscat, Jura. 

Muscat, Bas-Rhin. 

Chasselas , Jura. 

Blanc doux, Landes. 


FRUITS GRIS OÙ VIOLETS À GRAINS OVALES. 


Damas violets, de l'Hérault. 
Feldlinger, Bas-Rhin. 


FRUITS GRIS OU ViOLETS A GRAINS RONDS. 


* Chasselas violet, P6. 

* Chasselas rose, P6. 
Muscat rouge, Loir-et-Cher. 
Gormier violet, Cantal. 
Pinneau gris, Côte-d'Or. 
Muscat oris, Côte-d'Or. 
Barba rosa, P6. 


RAISINS POUR LA CUVE SEULEMENT. 


FRUITS NOIRS A GRAINS OVALES. 


* Pinneau fleuri, Côte-d'Or. 
* Pinneau de Coulange , Yonne. 
Pinneau noir, Vienne. 


OÙ À À À x 


HR HE ES Ne xs de ae N° Xe te À, eg À À À 


LA POMONE FRANCAISE. 


Rouge espagnol, Landes. 
Liverdun bon vin, Vosges. 
Bourguignon noir, Seine-et-Marne. 
Pulsare, Haute-Saône. 

Raisin perlé, Jura. 

Servant noir, de l'Hérault. 

Pique poule, Dordogne. 

Petit rougeaune , Lot-et-Garonne. 
Malaga, Lot. 

Plan malin, Côte-d'Or. 

Barbara noir, P6. 

Soule-bouvier, de l’'Héraul.. 
Pied sain, de la Mayenne. 


FRUITS NOIRS A GRAINS RONDS. 


Pinneau noir, Côte-d'Or. 
Jacobin, Vienne. 

Pique poule, Landes. 

Mauzac, Lot. 

Gros pique poule, Dordogne. 
Gruselle , Drôme. 

Pique poule sorbier, Lot-et-Garonne. 
Pique poule noir, Dordogne. 
Meunier, Bas-Rhin. 

Morillon, Bas-Rhin. 

Pinneau, de l'Yonne. 

Raisin noir, Drôme. 

Epicier grande espèce, Vienne. 
Epicier petite espèce, Vienne, 
Picardeau gros, Vaucluse. 

Gros noir, Charente. 

Pinneau franc, Haute-Saône, 
Balzamina, P6. 


* TE SN 


% # # * 


LA POMONE FRANÇAISE. c7 


Espar, de l'Hérault. 
Trousseau , Jura. 

Boutique , Tarn. 

Camaran, Hautes-Pyrénées. 
Melon, Jura. 

Tinto, Ardèche. 
L'Houmeau, Charente. 
Tokai, Hautes-Pyrénées. 
Malvoisie rouge , P6. 

Pique poule noir, Vaucluse. 
Chasselas noir, Doubs. 


FRUITS BLANCS À GRAINS OVALES, 


Jacobin, Vienne. 

Pique poule, Lot-et-Garonne. 
Pied sain, de la Mayenne. 
Raisin perlé, Jura. 
Muscatelle , Lot. 


FRUITS BLANCS A GRAINS RONDS; 


Sauvignon , Jura. 

Raisin de crapaud, Lot. 
Sauvignon , Charente-Inférieure. 
Auvernat, Maine-et-Loire. 
Folle verte, Charente. 
Nebiolo commun, P6. 
Blanquette, Jaute-Garonne. 
Mauzac blanc, Lot. 

Doucet , Lot-et-Garonne. 
Gamet blanc, Maine-et-Loire. 
Guilandoux , Lot-et-Garonne. 


LA POMONE FRANÇAISE, 


Chaupine, Aisne. 
Kniperlé, Bas-Rhin. 


FRUITS GRIS OU VIOLETS A GRAINS OVALES. 


Gentil brun, Bas-Rhin. 


FRUITS GRIS OÙ VIOLETS À GRAINS RONDS. 


Cromier violet, Cantal. 


LA POMONE FRANÇAISE. 99 


DU PECHER. 


Îlest assez généralement reconnu que la culture dés ar- 
bres, sous les rapports de la qualité de terre, des exposi- 
tions, ou des traitements à leur donner, doit être différente 
pour chaque espèce ; il en est de même de la taille, qui doit 
aussi être appropriée à leur manière de végéter. On sera 
donc fort loin d’avoir traité de la taille de tous les arbres 
parce qu’on aura indiqué plus particulièrement celle du pè- 
cher. Cette opération doit être tellement modifiée suivant 
les espèces, que les personnes qui veulent cultiver d’après 
les livres incomplets de certains auteurs sont exposées à des 
incertitudes que j'ai moi-même éprouvées, et que je vou- 
drais éviter à celles qui s'occupent d'élever des arbres frui- 
tiers. 

La meilleure manière de se servir des livres d'agriculture 
n’est pas de suivre leurs préceptes comme des oracles, mais 
de les mettre d’abord en pratique avec l'intention de les sou- 
mettre à une vérification. C'est par cette marche que je me 
suis convaincu de la vérité ou de l’inexactitude des faits 
énoncés , et que je suis parvenu à me former une doctri- 
ne. Je désire, par amour pour l’art, être traité à cet égard 
ainsi que j'ai traité les autres. 

Des personnes très recommandables ont hasardé d'écrire 
que la taille des arbres fruitiers est inutile; nous ne nous ar- 
rèterons pas à les réfuter : les praticiens ont trop bien re- 
connu , ainsi que nous, que cette opération doit être faite 


100 LA POMONE FRANCAISE. 


aux arbres dès leur jeunesse, dans la vue de répartir nor 
seulement la sève avec égalité dans tous leurs membres, 
mais encore les fruits sur toutes leurs branches. 

Les arbres taillés perdent, il est vrai , leur port naturel, 
et leur aspect est moins pittoresque ; mais ils fournissent des 
pousses plus belies et plus appropriées aux produits, et rap- 
portent de plus beaux et de meilleurs fruits. La vigne, le 
#roseillier, le coignassier, le néflier, les pêchers et les abri- 
cotiers, sont de tous les srbres ceux dont les fruits offrent 
la différence la plus sensible lorsqu'ils ont ou n’ont pas été 
taïllés. D'ailleurs la taille donne les moyens de diriger con- 
tre les murs des arbres dont les productions seraient souvent 
avortées si dans notre climat on les laissait eroître en plein 
air. 

Les arbres à plein vent qui composent nos vergers, ceux 
mème destinés à rapporter des fruits à cidre, devraient être 
taillés pendant leurs premières années et dirigés sur des mè- 
res-branches d’égale force, également espacées. La charpen- 
te de ces arbres étant ainsi disposée, ils offriraient , par la 
suite, lorsqu'ils seraient abandonnés à eux-mêmes, de plus 
belles têtes et de plus belles productions ; les fermiers ne se- 
“aient pas si souvent dans la nécessité de faire de fortes plaies 
pour retrancher les branches qui, ne trouvant plus de pla- 
ce, finissent par nuire aux autres. Enfin une tailie bien rai- 
sonnée pour chaque espèce, et même pour chaque variété 
d'arbres, conduit à des résultats si avantageux, qu’on a lieu 
de s'étonner que, malgré ke #rand nombre d'ouvrages sur la 
taille des arbres, nous n’en possédions pas encore d’assez dé- 
taillés sur cet article important de l’agriculture. La science 
et l'instruction n’ont pas manqué à nos auteurs; mais leurs 
écrits supposent presque toujours des connaissances préli- 
minaires, et j'ai eu l’intention de remédier à cet inconvé- 
nient en cherchant à être intelliszible, mème pour ceux qui 
n’ont pas les plus lévères notions de l’art, En cela, j'ai prin- 


LA POMONE FRANCAISE. 401 


cipalement en vue les propriétaires de maisons de campagne, 
auxquels je voudrais donner les moyens d'agir par eux-mè- 
mes, ou du moins de bien choisir et de guider leur jardinier. 
Si j'ai le bonheur de remplir le but que je me suis proposé, 
je me croirai bien récompensé de mon travail en pensant 
que j'aurai contribué à leur rendre le séjour de la campagne 
plus intéressant. En effet, comment ne s’attacheraient-ils 
pas à leurs habitations lorsqu'ils pourront , dans leurs loi- 
Sirs, suivre la marche et les progrès de la végétation, la di- 
risger, s’en rendre maîtres sans la forcer ; enfin ne reconnai- 
tre plus, dans tout ce qui croît et prospère sous leurs yeux, 
que l'effet de leur prévoyance et pour ainsi dire de leur vo- 
lonté. 


Le PècuER est originaire de la Perse, et il a été apporté 
dans les Gaules par les Romains. Il est cultivé en pleine ter- 
re depuis long-temps dans les cantons vignobles de ja France. 
Columelle parle avec éloge de la pêche gauloise. Parmi les 
pèches de nos provinces, celles de Troyes et celles du Dau- 
phiné jouissaient d’une s#rande réputation ; les pèches de vi- 
gne venues de Corbeil étaient les plus estimées à Paris : La 
Framboisière, médecin de Henri IV, puis de Louis XIIT, 
écrivait, en 1614, que la meilleure péche est celle de Cor- 
beil, qui a la chair sèche et solide, tenant aucunement au 
noyau. 

L'introduction des bonnes espèces n’a eu lieu que lorsqu’on 
a commencé à connaître l’art de cultiver le pècher en espa- 
lier. Cette époque ne remonte guère qu’au commencement 
du siècle de Louis XIV. Du temps de La Quintinie, on re- 
gardait le pècher comme un arbre trop indomptable pour 
être soumis à l’espalier, et les murs les mieux exposés n’é- 
taient encore sarnis que de poiriers. On erut d’abord que le 
pêcher devait nécessairement se dégarnir du bas; c’est pour- 


n pe 


102 LA POMONE FR ANCGAISE. 


quoi il fut long-temps d'usage de faire régner au dessous des 
arbres le cordon de vigne que nous voyons aujourd’hui au- 
dessus. Quoique le motif de cet usage tint à l'enfance de Part, 
il faut observer, en passant, que ce cordon de vigne était 
moins mal placé, puisque le raisin y mûrissait plus tôt, et que 
les larges feuilles de la vigne ne dérobaient pas, comme à 
présent , l’air et la rosée aux espaliers. | 

Les progrès les plus marqués dans la culture du pècher da- 
tent de l’époque où Girardot s’y est consacré. Après avoir 
dissipé sa fortune au service, ce chevalier de Saint-Louis 
quitta les mousquetaires de Louis XIV et se retira dans un 
petit fief de dix arpents qu'il possédait encore tant à Bagno- 
let qu'à Malasie, près de Montreuil. Il divisa cet emplace- 
ment par des murs parallèles éloignés de 8 mètres, et qui 
ont été depuis imités dans la province, où on les appelait 
murs à la Girardot (1). Cet établissement, d’un genre tout à 
fait nouveau , prospéra si bien, que le seul jardin de Bagno- 
let, de trois arpents et demi, lui rapporta 12,000 fr. année 
commune, et celui de Malasie deux fois autant. 

« Ces murs (dit Le Grand-d’Aussy) avaient tous à leur ex- 
» trémité supérieure un chaperon. Girardot avait fait scel- 
» ler de distance en distance, et à une certaine hauteur, des 
» rais de vieilles roues de carrosse ; il posait dessus des plan- 
» ches qui formaient un toit volant, et auquel, lorsqu'il y 
» avait à craindre, il suspendait des paillassons. 

» Girardot déployait tant d'industrie et d'activité, non seu- 
» lement à se procurer des fruits lorsqu'il n’y en avait point 
» ailleurs, maïs encore à les obtenir meilleurs, plus beaux, 
» et surtout plus hâtifs, qu’il a vendu des cerises jusqu’à un 
» franc chaque. La ville donnant une fête dans la saison des 


(1) La Quintinie en avait cependant fait construire ayant lui de semblables, 
au potager de Versailles, mais sans saillie au chaperon. 


LA POMONE FRANCAISE. 103 


» pêches, une certaine année où elles avaient manqué par- 
» tout, excepté chez Girardot, on lui en acheta trois mille, 
» qui furent payées un écu pièce. 

» Quoiqu'il ne népligeät la culture d’aucun des fruits es- 
» timés, cependant il s'était attaché de préférence à celle 
» des pèches. Tous les ans il allait à Versailles en présenter 
» au roi. Son jardin de Bagnolet était devenu, mème pour 
» les Parisiens opulents, un but de promenade ét une partie 
» de plaisir ; on y allait en foule, dans la saison des fruits, se 
» régaler de pêches et admirer la beauté de ses espaliers, et 
» il n’était pas rare d'y compter, dans certains jours de la 
» semaine , jusqu’à cinquante ou soixante carrosses à la 
» fois. » 

Tant d'éclat devait à coup sûr éveiller l’émulation des 
cantons voisins. Animé par l’exemple, celui de Montreuil se 
iivra tout entier à la culture des fruits; et les personnes 
qui savent avec quel succès, depuis cette époque, s’y sont 
appliqués les habitants de ce village, avoueront que c’est là 
la véritable gloire de Girardot. 

Fun des écrivains qui ont le plusloué l’industrie des Mon- 
treuillois est abbé Roger, dans sa Pratique du jardinage , 
année 1770. Mais il a porté trop loin son zèle pour ces esti- 
mables cultivateurs. Si on l’en croit, ce sont eux qui ont 
inventé les murs de refend , les paillassons , brise-vents. 
le palissage à la loque , l'emploi des os de mouton pour 
ireillage, etc. Suivant lui, leur vocation au jardinage est 
due à l’un de ces événements singuliers qu’enfante quelque- 
fois le hasard , etc. Il n’était pas besoin d’anecdote invrai- 
semblable et romanesque pour imaginer que des cultivateurs 
voisins de la capitale ont pu se consacrer à la seule culture 
âes arbres fruitiers. L'assurance du débit, l’appât du gain, 
etsurtout l'exemple de Girardot, dont ils avaient la fortune 
sous les yeux , ont aù suffire pour leur inspirer ceite idée. 
Mais ils n’ont rien inventé de tout ce que leur attribue l’ab- 


404 LA POMONE FRANCAISE. 


bé Roger ; tout subsistait avant eux. Rarement , dans les 
arts qui tiennent à l'intelligence , le simple cultivateur ima- 
sine quelque chose de nouveau. Il n’a ni le temps nécessai- 
re , ni l’avance , ni les lumières qu’il lui faudrait pour en- 
treprendre et pour suivre certaines découvertes. S’il cultive 
des fruits, il mettra ses soins à les avoir ou plus abondants, 
ou plus gros, ou plus hâtifs, parce que ces moyens sont 
ceux qui lui rapportent davantage ; mais tout ce qui ne ten- 
dra uniquement qu’à perfectionner les espèces , à les rendre 
meilleures, tout ce qui ne s’annoncera pas à lui avec la 
perspective d’un débit plus prompt ou plus avantageux , il 
le néglisera. 

Ce n’est point que par là je prétende diminuer en rien 
la gloire des Montreuillois ; mais il faut ne leur attribuer au 
moins que celle qui leur est due : or la leur c’est de s'être 
rendus également habiles dans la culture de tous les fruits 
dans un temps où on s’en occupait peu ; c’est d’avoir su 
pratiquer avec une inconcevable économie tout ce qu’on a 
inventé avant eux de plus favorable aux espaliers ; c’est 
surtout d’avoir perfectionné la taille et la conduite des ar- 
bres. | 

L'abbé Roger a été imité par presque tous les auteurs qui 
ont écrit après lui sur la taille et la culture du pêcher ; tous 
ont loué exclusivement la méthode de Montreuil , en an- 
nonçÇant que les principes qu’ils professaient et qu’ils don- 
naient au public étaient exactement ceux suivis par les in- 
dustrieux habitants de ce pays ; ce qui d’ailleurs n’était pas 
toujours vrai. Si je ne partage pas toutes les opinions de ces 
auteurs, ce ne sera pas par esprit d'innovation , mais bien 
parce que je profiterai de l'avantage d’être venu après ceux 
dont les lumières et même les erreurs doivent servir à notre 
instruction. La méthode que j'indiquerai sera donc celle 
de tous ceux qui m'ont précédé , sans appartenir à aucun 
d'eux en particulier, et je n’ai fait, à proprement parler, 


LA POMONE FRANCAISE. 105 


qu’un choix éclairé par de longs travaux : les principes 
établis et que j’ai reconnus bons seront conservés , et quel- 
ques erreurs seront remplacées par des vérités qui paraïtront 
peut-être nouvelles à beaucoup de personnes, mais qui 
sans doute sont déjà pratiquées par un grand nombre de 
cultivateurs exercés. Je n’ai rien négligé des connaissances 
du siècle pour m'’instruire dans l’art que je traite ; je me suis 
même souvent aidé des lumières et de l'expérience de jar- 
diniers distingués, dont, par ma place, j’ai pu m’environ- 
ner, tels que les frères Souchet, Gabriel , Ecoffay, Poiteau, 
Brassin, Dumoutier, etc. Je suis fondé à croire que la 
science agricole gagnerait beaucoup à mettre en action les 
talents de ces hommes habiles, surtout ceux du dernier, 
parce qu’il est plus jeune , et semble particulièrement né 
pour l’état qu’il a embrassé. 

La taille du pêcher a été considérée jusqu'ici par tous les 
auteurs comme très difficile, et nous verrons qu’elle est la 
plus simple de toutes , après celle de la vigne. Suivant eux, 
le pêcher serait le plus indomptable de tous les arbres frui- 
tiers , on ne pourrait le maîtriser qu’en supprimant le ca- 
nal direct de la sève, et en l’établissant sur deux branches 
égales formant le V ; quelques uns même veulent que l’ou- 
verture de ce V soit risoureusement de 45 degrés , attribuant 
à cette précision des vertus extraordinaires: et cependant 
j'offre ici (fig. 2 et 3) quatre pèchers dessinés le 12 novembre 
1815 à Boissy-Saint-Léger, à 16 kilomètres de Paris (maison 
Corse ; Corbie , jardinier), comme preuve matérielle du 
défaut de fondement de cette doctrine. 

Les pêchers (fig. 2) ont été plantés à Boissy-Saint-Léger 
le 2 mars 1810, au pied des pilastres d’une grande porte 
charretière. Je les ai dessinés le 12 novembre 1816. Ils 
avaient trois ans de greffe lorsqu'ils ont êté mis dans cet em- 
placement, et ont été rabattus à 16 centimètres au dessus 
de la greffe. La première année , on les a amplement fumés 


106 LA POMONE FRANCAISE. 


“et arrosés ; aussi la tige a-t-elle poussé un jet de 2 mètres 
16 centimètres de hauteur; que entre-feuilles ou bour- 
seons anticipés avaient jusqu’à 1 mètre 16 centimètres de 
longueur. L'arbre de droite est ‘une chevreuse garnie de 
trente bras horizontaux. Cet arbre est très fortement atta- 
qué du blanc; celui de gauche est une grosse mignonne ayant 
trente-deux bras. 

Les pilastres ont 3 mètres 33 centimètres d’écartement 
et 4 mètres 33 centimètres d’élévation ; chaque pilastre a 
trois faces , sur lesquelles les bras sont palissés horizontale- 
ment et à angle droit avec la tige (la face du devant a 1 mè- 
tre, chacune des deux autres a 1 mètre 33 centimètres ; 
développement total pour chaque arbre :, 3 mètres 66 cen- 
timètres). 

Le palissage contre ces pilastres ; étant fait à la loque, a 
donné la facilité de mettre une attache à l’extrémité de cha- 
que bras, à mesure qu’ils arrivaient aux angles des pilastres, 
et de les faire tourner au moment le plus favorable, c’est- 
à-dire lorsque le jet cessait d’être herbacé pour commencer 
à devenir ligneux; le bourgeon pouvait alors avoir 20 à 
22 centimètres : par ce moyen, les bras , sans quitter le mur, 
font parfaitement le tour d’équerre. On est fondé à conclure 
de cet exemple que l’inflexion, quoique très brusque lors- 
qu'elle est donnée avant que les fibres lisneuses ne soient 
consolidées, ne devient point un obstacle à la circulation de 
la sève, car les branches coudées n’ont rien perdu de leur 
vigueur (1). 

Le jardinier a employé très fréquemment le pincement, 
afin de maïntenir dominante la pousse terminale de chaque 
bras, et de favoriser le remplacement des branches fruitie- 


(1) Le Jardinier français, imprimé en 1651, dit que Les branches contraintes 
ne rapportent que de petits fruits, à moins qu’elles ne j’aient été dans leur jeu- 
nesse. 


LA POMONE FRANÇAISE. 107 


res. J’ai pu remarquer qu’il a pincé cette année jusqu’à trois 
et quaire fois les mêmes bourgeons ou entre-feuilles venus 
en dessus des bras, et qui annonçaient trop de vigueur. Le 
sieur Corbie, à l’aide de cette opération , a tellement réussi 
à maintenir un équilibre parfait dans ses deux arbres, que 
pas un bras ne l’emporte sur son correspondant, et que la 
partie inférieure des bras est aussi bien garnie que la partie 
supérieure. On remarque aussi sous le chaperon de la porte 
deux bras qui sont près de se joindre. £ 

Les tiges de ces arbres, qui ont 4 mètres de hauteur, sont 
lisses, droites, et ne laissent apercevoir qu’à peine, aux Con- 
naisseurs même, les nodus des tailles. L'exposition est au 
midi pour la face. 

Les deux pèchers (fig. 3) ont été plantés le 5 mars 1805 
contre le mur d’un pavillon isolé , dont la face est circulaire, 
exposée au nord pour la partie droite, et au levant pozr la 
partie gauche , côté B. Ces arbres ont été également dessinés 
le 12 novembre 1815. 

Si la plus grande vigueur qui se fait remarquer dans l’ar- 
bre de droite n’a pu rien changer à la régularité du dessin 
que le jardinier avait projeté à l’avance , il faut convenir 
que cette différence dans la végétation de ces deux arbres a 
dû nécessiter de la part du jardinier des combinaisons va- 
riées pour la taille et le gouvernement de chacun d'eux. 

Dès la première pousse il n’a pas tardé à s’apercevoir que 
l'arbre À végétait avec bien plus de force , aussi a-t-il fait 
prendre au bras de droite une direction forcée et surbaissée 
bien différente de celle du bras correspondant de l'arbre B. 
C’est à cette direction forcée qu'est due l'égalité de végé- 
tation qui se fait remarquer dans ces deux bras; ils sont 
appliqués sur les angies du bâtiment , et leurs branches sont 
palissées sur les deux faces, c’est-à-dire en retour du mur. 

L'arbre À , après avoir parcouru comme l’autre la moitié 
du cintre de la porte, s’élève pour garnir seul le tour de 


108 LA POMONE FRANÇAISE. 


deux fenêtres. La visueur de cet arbre s’est tellement soute- 
nue, que l'artiste a cru pouvoir se servir d’un bourgeon an- 
ticipé pour garnir la partie gauche, qui devait s'élever au 
second étage; il est vrai que la tige qui est entre les deux 
fenêtres m’a paru faible’; mais M. Corbie, à qui j’en ai fait 
la remarque, n’a aucune inquiétude sur le sort de cette 
tige : c’est ce que le temps pourra éclaircir. 

On est d’abord frappé de la régularité de ces deux arbres; 
mais l’étonnement s'accroît lorsqu’en approchant on recon- 
naît que ce sont des pêchers, les plus indomptables, dit-on, 
de tous les arbres fruitiers, et que l’art de la culture a ce- 
pendant soumis à un tel point. Pas une seule branche sour- 
mande ou défectueuse ne trouble l’ordre et la symétrie, qui 
est aussi exacte sur le mur qu’elle peut l’être sur le papier. 
Le sraveur, M. Poiteau , qui est en mème temps jardinier, 
ne croyait pas d'abord à l'exactitude de mon premier cro- 
quis, et il a été lui-même faire le dessin sur les lieux. 

Les deux tiges droites formant pyramides s'élèvent à 
4 mètres 60 centimètres; le bras gauche du pècher À par- 
court une hauteur verticale de 6 mètres 80 centimètres. 
Les bras inférieurs qui contournent la porte sont trop près 
des bords , ce qui ne laisse pas assez de place sur le mur 
pour palisser et étendre les pousses du dessous ; aussi a-t-on 
été obligé de les palisser en retour sur l'épaisseur de la par- 
tie cintrée. Le jardinier s’est corrigé de cette imprévoyante 
en faisant décrire un plus grand cerele aux membres qui 
entourent les deux fenêtres; l'intervalle qu’il a ménagé suf- 
fit rigoureusement pour le palissase, qui est fait à la loque. 

Les coupes des dix tailles qui ont déjà eu lieu sur les ti- 
ses principales ont été assises sur des yeux si heureusement 
placés, que les membres qui forment tiges sont droits et 
sans aucun nodus. Il en est de même pour les membres 
cintrés , à peine peut-on y distinguer la place des tailles; 
les inflexions pour passer d’une direction à une autre sont 


LA POMONE FRANCAISE. 109 


si nettes , si courtes et si arrondies en même temps, que 
l'on pourrait croire que c’est un métal qu’on a eu à ma- 
nier. 

Les quatre pêchers qu’on vient de décrire étaient garnis 
en 1815 de très beaux fruits, comme ils le sont encore cet- 
te année 1816; le pourtour de la fenêtre la plus élevée 
était garni de dix-huit pèches, celui de la fenêtre du pre- 
mier en avait trente. Ce n’est pas que nous proposions ces 
pêchers comme des modèles à imiter, mais bien pour encou- 
raser les jeunes jardiniers , et leur persuader qu'avec la 
connaissance du mouvement de la sève, qu'ils doivent étu- 
dier avant de tailler un arbre, ils pourront faire prendre 
au pêcher toules les formes qu’ils voudront. 


DESCRIPTION DU PÉCHER. 


Le pècher qui croît naturellement ne s'élève pas à une 
srande hauteur, même dans les pays où le climat lui est le 
plus favorable. L’amandier est l’arbre avec lequel il a le 
plus d’analogie et de ressemblance; mais il est moins touffu 
et moins gros (1). 

L’écorce des bourgeons est rouge du côté du soleil et 
verte du côté opposé ; les feuilles, alternes, lancéolées, 
pointues, plus ou moins profondément dentelées et surden- 
telées, répandent uue odeur d'amande très prononcée lors- 
qu’on les touche. La fleur s’épanouïit avant les feuilles ; elle 
est située sur le rameau d’un an, à la place qu’ocecupait la 
feuille de l’année précédente. Cette fleur, de grandeur va- 


(1) Le contraire a l‘eu cependant dans certaines contrées, telles que lAméri- 
que septentrionale, où les amandiers réussissaient si mal lorsque j’habitais ce 
pays, que j'ai dû , pour en former des arbres et en obtenir des fruits, les gref- 
fer sur pêcher de noyau. 


110 LA POMONE FRANCAISE. 


riable et d’un rouge mat plus ou moins foncé, est composée 
d’un calice à cinq dents et d’une corolle à cinq pétales. Les 
étamines , au nombre de trente environ , sont très courtes, 
implantées sur le calice; au pistil, qui est velu, presque 
rond , succède un fruit à peau cotonneuse ou lisse, suivant 
la variété. La chair, ferme ou fondante , recouvre un noyau 
dur , ovoïde, sillonné et rustiqué à la surface, renfermant 
une et souvent deux amandes à deux lobes. Le pédoncule 
du fruit est très court et reste adhérent à la branche ; il est 
enfoncé dans une dépression du fruit plus ou moins pro- 
fonde. Le bois est dur, veiné , coloré de rouge, et l’on 
pourrait, si le tronc était de dimension plus forte , s’en ser- 
vir pour l’ébénisterie. Les fleurs sont purgatives , ainsi que 
l'écorce du jeune bois, qui conserve cette vertu même 
pendant l'hiver. 


VÉGÉTATION DU PÊCHER. 


La végétation du pècher offre des particularités remar- 
quables, qu’il est essentiel de connaître , afin de se rendre 
maitre de ses mouvements, et de pouvoir plus facilement 
les diriger. La sève, dans le pêcher, a plus que dans tout 
autre arbre une tendance à se porter vers les extrémités 
des bourgeons, au préjudice de leur base, qu’elle aban- 
donne. La végétation de cet arbre est très active et presque 
incessante depuis le commencement de la belle saison jus- 
qu’à la fin d'octobre. 

Le jeune bois du pècher, c’est-à-dire celui de la dernière 
pousse, est le seul qui produise du fruit et de nouveaux 
bourgeons : aussi un rameau de pêcher qui a produit fruits 
ou bourgeons n’en produira plus, et les bourgeons sortis de 
cette branche auront à leur tour le mème sort l’année sui- 
vante ; d’où il suit que les branches d’un pêcher abandonné 
à lui-même doivent successivement se dégarnir par le bas, 


LA POMONE FRANCAIÏSE, A14 


et n'avoir bientôt plus de verdure qu’à leur extrémité. 

Tous les rameaux du pêcher sont terminés par un œil à 
bois, et garnis d’yeux à feuilles, qui se façonnent, durant le 
cours de la saison, en yeux à bois simples , doubles et même 
triples, et aussi en boutons à fleurs, pour ouvrir et épa- 
nouir tous , sans exception, au printemps suivant. 

Après ce mouvement général, qui a fait tout ouvrir et 
épanouir , il ne naîtra plus rien sur les rameaux, ni œil ni 
boutons ; ils resteront seulement garnis des bourgeons qui 
viennent de s’ouvrir ; quant aux fleurs ou aux fruits, rien 
après eux ne les remplacera. Les boutons à fleurs du pêcher 
n’ont pas, comme ceux des fruits à pepins, la faculté de 
laisser après eux des moyens de reproduction; le rameau 
dénudé n’a donc plus d’autre fonction à remplir que celle 
de conduire la sève dans les bourgeons qui ont pris naissan- 
ce sur lui: Il en sera de mème de ces nouveaux bourgeons, 
qui à leur tour deviendront des rameaux en se subdivisant 
en autant de bourgeons qu'ils contiennent d’yeux; et, si 
l'on considère que les bourgeons qui ouvrent à la base du 
rameau sont infiniment plus faibles que ceux qui naissent 
vers son extrémité supérieure, on comprendra que la sub- 
division des bourgeons du bas, pour peu qu’elle soit répé- 
tée, rendra ces bourgeons si faibles et la sève si rare chez 
eux, qu'ils disparaîtront, et que les rameaux se désarniront 
successivement par le bas, et n'auront plus de verdure qu’à 
leur extrémité. Telle est la marche de la végétation d’un 
pècher qui n’est pas soumis à la taille. ù 

C’est à l’art à convertir des dispositions aussi fâcheuses 
en d’autres plus favorables à la santé, à la fructification et à 
la durée du pêcher, en distribuant la sève plus également 
dans toutes ses parties , et en forçant cet arbre , dont la na- 
ture nous à paru long-temps si indomptable , à couvrir nos 
murs de son feuillage et de ses fruits avec un luxe et une 
régularité si admirables, que l’on croirait que c’est la natu- 


142 LA POMONE FRANÇAISE. 


re elle-même qui a doué le pècher de tant de souplesse , et 
l’a doté d’un principe de vie si également actif dans tous ses 
membres. 

Les moyens que l’art met à notre disposition pour attein- 
dre ce but sont la taille, le pincement, le palissage, l’é- 
bourgeonnement et la greffe. Par la taille , nous nous op- 
posons à ce que les yeux du bas dantienis naissance à de 
trop faibles bourgeons , en raison de la grande distance qui 
les sépare de l’œil terminal ; ainsi, en raccourcissant le ra- 
meau , nous diminuons à volonté cette distance et augmen- 
tons la force des bourgeons du bas. Il est vrai que la taille, 
en favorisant ces derniers bourgeons, donne trop de vi- 
gueur à ceux qui sont proches d'elle ; mais nous nous oppo- 
sons à cette vigueur en pinçant ces bourgeons aussitôt qu'ils 
paraissent. Alors la sève, trouvant un obstacle là où elle 
devait affluer, reflue dans les bourgeons non pincés , leur 
donne une force qu’ils n'auraient pas eue, et le bourgeon 
terminal, que nous avons intérêt à rendre dominant , n'é- 
tant pas pincé , en devient plus vigoureux. Le pincement 
sert à réduire les bourgeons pincés, qui sont près de la taille, 
à des proportions égales à celles des bourgeons qui en sont 
les plus éloignés , c’est-à-dire près du talon du rameau tail- 
lé ; le pincement sert donc à répartir la sève également dans 
toutes les parties de l'arbre. Nous en profitons pour garnir 
constamment de branches fruitières les grosses branches du 
pècher dans toute leur étendue. | 

Le palissage partiel concourt aussi à modérer le cours de 
la sève dans les bourgeons où elle semble affluer trop vive- 
ment, tandis qu’elle continue de circuler sans interruption 
dans les bourgeons laissés en liberté. | 

L’ébourgeonnement arrète momentanément la sève dans 
la branche sur laquelle on le pratique. Cette branche est 
privée de l’accroissement qu’elle eût pris en raison du nom- 
bre de bourgeons qu’on lui a enlevés ; d’un autre côté, la 


LA POMONE FRANCAISE, 113 


branche non ébourgeonnée est d'autant plus favorisée, que 
celles qui l’environnent ont été plus rigoureusement ébour- 
seonnées. 

Nous nous servons de la greffe pour placer des yeux Ià 
où il nous importe qu’il naisse un bourgeon que la nature 
n'avait pas admis dans ses dispositions , mais que l’art peut 
faire naître avec facilité , surtout sur le jeune bois de l’ex- 
trémité de toutes les branches. 

On pourrait encore remarquer que les diverses branches 
d'un pêcher qui croît librement ont presque toutes des di- 
mensions de forces différentes, tandis que les branches d'un 
pêcher bien cultivé n’ont que deux dimensions, grosses ou 
petites. 

Les grosses, que nous appelons branches à bois, sont per- 
sistantes, et forment la charpente de l’arbre ; leur destina- 
tion est de continuer le prolongement et l’étendue de l’ar- 
bre en donnant naissance à des ramifications que l’on main- 
tient toujours d’une force inférieure aux branches princi- 
pales , afin que la sève soit ésalement et proportionnelle- 
ment répartie dans toutes. 

Les petites branches , que nous appelons fruitières , sont, 
au contraire, annuellement renouvelées, et doivent, autant 
que possible, être d’égale force entre elles. Ces petites bran- 
ches proviennent de bourgeons qui seraient devenus plus 
ou moins forts, et même branches à bois, suivant leur posi- 
tion , sile cultivateur ne s’y était opposé en réduisant, par 
le pincement , les bourgeons destinés à prendre de la force 
aux dimensions des plus faibles bourgeons. Il est à propos 
de bien se pénétrer, à cet égard, que c’est au début du dé- 
veloppement de ces bourgeons qu’il importe de leur impo- 
ser, par le pincement , le degré de force que les petites 
branches doivent acquérir. En effet, c’est à l’insertion mê- 
me de chaque petite branche qu’il importe le plus que ies 
canaux séveux soient réduits aux dimensions qu’ils doivent 

8 


414 LA POMONE FRANÇAISE. 


avoir ou plutôt conserver pour que la sève circule dans 
toutes les petites branches également; autrement, on serait 
sans cesse exposé à exercer des répressions continuelles. La 
destination de ces petites branches est de garnir régulière- 
ment de fruits les deux côtés des grosses branches, d'attirer 
et de faire circuler la sève dans toutes les parties de l’arbre, 
et de faire aussi grossir toutes ses branches. Le renouvelle- 
ment périodique de ces petites branches s'opère en faisant 
développer, à leur insertion, l’œil qui s’y trouve, pour les 
remplacer au temps de la taiile d’êté ou après celle d'hiver. 
C’est dans ce sens que nous avons dit que les branches frui- 
tières du pêcher se taillaient, comme celles de la vigne, 
toujours sur du nouveau bois, et dans le but d’obtenir au 
talon du rameau taillé un nouveau rameau de remplace- 
ment pour asseoir la taille de l’année suivante. 

Tels sont très sommairement les dispositions naturelles 
du pêcher et les moyens de les modifier selon notre volon- 
té; c’est au jardinier intelligent à faire usage de ces moyens. 
Il nous reste à les développer pour les lui rendre plus fami- 
liers. | 

Il existe une srande différence entre le pècher greffé et 
les autres arbres fruitiers : c’est qu’il ne conserve pas com- 
me eux des yeux qui, après être restés plusieurs années 
sans s’ouvrir, deviennent, suivant les circonstances , bran- 
ches à bois, branches à fruits, et même rosettes ou boutons 
à fleurs. Dans le pècher, le retour de la sève au printemps 
fait éclore tous les yeux ou boutons dont cet arbre est cou- 
vert; et, si dans ce mouvement général quelques uns res- 
tent dans l’inaction , ils perdent leurs facultés végétatives. 
Les exceptions à cette loi sont toujours partielles et très 
rares. On aura lieu d’être surpris qu’un cultivateur de 
Montreuil aussi exercé que M. Lepère annonce, danssa 
taille du pècher carré , que, pour rajeunir un pécher usé qui 
n’a plus de verdure qu’à ses extrémités, il faut rabattre cha- 


LA POMONE FRANÇAISE. 145 


que aile jusque sur le tronc qu'a formé la greffe ; ce refou- 
lement de la sève, dit-il, fait sortir quelques yeux sur la 
partie conservée. Le plus grand inconvénient d’un tel con- 
seil sera de faire perdre une année à ceux qui le suivront, 
au lieu d’arracher l’arbre usé et d’en replanter de suite un 
autre. 

La plupart des arbres que l’on rabat de très près sur la 
tise mème percent des bourgeons au travers de l'écorce, 
tandis que le pècher greffé, qui n’a point cette faculté, 
mourrait si on le traitait de cette manière (1) : on ne peut 
donc le tailler que sur des yeux déjà formés. 

Cette tendance du pêcher à ouvrir à la fois tous ses yeux 
est si forte, que souvent il n'attend pas que le nouveau 
bourgeon qui doit leur donner naissance soit lui-même dé- 
veloppé ; ainsi les bourgeons des gros rameaux , ceux qu'en 
termes de jardinage on nomme branches à bois, tout en se 
développant , font éclore de leurs yeux à peine formés 
d’autres bourgeons longs et minces que certains jardiniers 
nomment faux bourgeons ou entre - feuilles , et à Mon- 
treuil redugeons, et que nous appelons bourgeons anti- 
cipés. La mème chose peut être observée aussi sur les bour- 
geons visoureux de quelques autres espèces d'arbres frui- 
tiers ; mais aucun ne montre autant de bourgeons anticipés 
que la vigne et ie pècher; leur nombre est si #rand sur celui- 
ci, que l’on est quelquefois embarrassé , au temps de la 
taille , de trouver, à la place oùil faudrait tailler, un œil 
qui ne soit pas ouvert en bourgeon anticipé. 


(4) Geci ne peut s’appliquer au pêcher franc de noyau, qui perce assez sou- 
vent de la tige et des grosses branches lorsqu'il est tenu court. 

Le Jardinier français, par Bonnefons, publié en 1651, recommande aux 
possesseurs idolâtres de leurs fruits de recéper jusque sur le vieux bois leurs pé- 
chers maltraités par la gelée , les mauvais vents, la vieillesse, ou par toute au- 
tre cause , afin de leur en faire pousser du nouveau. On pourrait conclure de 
cette observation que, du temps de Bonnefons, on ne greffait pas le pêcher. 


416 LA POMONE FRANCAISE. 


__ Ilest aisé de remarquer que ces bourgeons, dont l’exi- 
stence est anticipée d’une année , ne sont pas constitués 
comme les bourgeons sortis des yeux de l’année précé- 
dente ; ceux-ci sont pourvus de feuilles et de boutons 
dès leur insertion , tandis que les bourgeons anticipés n’ont 
de boutons qu’à 6, 8 et même jusqu'à 6 centimètres de 
leur origine. Il en résulte que, si l'on est obligé de tailler 
sur eux, on a des rameaux déjà dénudés par le bas. Mais 
lorsque les yeux qui donnent naissance aux bourseons an- 
ticipés sont doubles, il en reste un au talon qui ne s’ouvre 
point et se fortifie : on doit ménager avec soin les bour- 
seons anticipés ainsi pourvus, parce qu'ils peuvent offrir 
des ressources à la taille. 

Nous distinguerons deux sortes de branches sur le pêcher 
taillé, celles à bois et celles à fruit, c’est-à-dire les grosses 
et les petites. Les premières se divisent en branches-mères, 
en membres, et en sous-mères. Les branches-mères B ( fis. 
6) donnent naissance aux membres C et D, et ceux-ci aux 
sous-mères E, F, etc. On obtient leur prolongement en 
raccourcissant plus ou moins chaque année le bourseon 
terminal. Les rameaux à fruit plus nombreux, placés avec 
ordre et à égale distance sur les branches à bois, doivent 
toujours être concentrés, de manière à ombrager celles-ci 
par leur feuillage. | 

Ces rameaux doivent leur dimension de branche à fruit 
à leur position et au pincement : nous les appellerons pro- 
ductions fruitières. On concentre ces rameaux le plus près 
possible de la branche sur laquelle ils ont pris naissance, en 
faisant naître à leur insertion un nouveau bourgeon , dont 
on protége le développement ; puis à la taille d’été ou à celle 
d'hiver on supprime tous les autres bourgeons qui sont au 
dessus de ce bourgeon deréserve, que l’ontraiteet que l’on 
taille de là même manière , afin d’en obtenir du fruit et un 
bourseon de réserve à son talon ; de cette sorte les grosses 


# 


mise : 


LA POMONE FRANÇAISE. 27 


branches d’un pêcher sont toujours alimentées de sève par 
une multitude de jeunes bourgeons destinés à se renouve- 
ler annuellement et à porter des fruits. 

Les gourmands sont aussi des rameaux à bois, mais ex- 
trèmement vigoureux. Ils s'emparent de toute la sève qui 
était destinée à alimenter la partie de la branche au delà 
de leur insertion , et bientôt cette partie languit, dessèche 
et meurt. On fait plus de tort à un arbre en voulant re- 
trancher un gourmand déjà formé, ou même trop décidé, 
qu’en le laissant croître et remplacer sans violence la partie 
de branche que sa seule présence a condamnée à périr (tôt 
ou tard ; mais il est plus sage de ne point laisser développer 
les bourgeons destinés à devenir gourmands, afin de rester 
maître de la forme de l'arbre. 

L'emplacement des bourgeons destinés à devenir gour- 
mands est sénéralement ie dessus des branches. On les 
reconnaît , dès leur naissance , à leur force et à leur empa- 
tement plus large que celui des autres qui sont sur la même 
branche. Si on les laisse pousser, cet empatement s'étend 
et embrasse toute la branche. Les sourmands développés 
ont les yeux petits, plats, très distants les uns des autres, 
ceux du bas presque éteints ; leurs feuilles larges et épais- 
ses ; l’écorce est plus raboteuse que celle des autres bran- 
ches ; le bois n’est pas rond d’abord , et reste aplati jusqu’à 
ce qu'il ait pris tout son accroissement. Si on se décide à 
conserver un gourmand, il faut à la taille d'été le raccour- 
cir à une certaine hauteur, afin de faire gonfler les yeux 
du bas et les disposer à être utiles après la taille d'hiver. 

. Une branche faible de la pousse précédente peut tout à 
coup devenir gourmande , soit parce qu’on aura irop rac- 
courci les autres branches, soit par toute autre cause ten- 
dante à arrêter la circulation de la sève dans les parties su- 
périeures de l’arbre. Les arbres taillés, palissés, contraints, 


118 LA PONONE FRANCAISE. 


à branches arquées, etc., sont plus sujets à produire des 
sourmands que les arbres abandonnés à eux-mêmes. 

On laisse croître les gourmands sur les arbres que l’on 
veut rajeunir en renouvelant leurs branches; dans tout 
autre cas, leur présence atteste ou négligence de la part 
du jardinier, ou bien un système de conduite à la Mon- 
treuil : celui-ci peut convenir à des cultivateurs qui n’ont 
que peu de temps à donner à chaque arbre , mais ne doit 
pas être adopté par des particuliers jaloux d’avoir des es- 
paliers bien soignés et susceptibles d’une longue durée (1). 

Il serait à désirer que la grosseur des fruitières qui gar- 
nissent les côtés des grosses branches n’excèdassent pas celle 
d’un fort tuyau de plume, ce qui indique assez qu’il faut, 
lors de Ja taille, conserver un certain nombre d’yeux qui 
soit en rapport avec la quantité de sève que l’on aura à 
leur distribuer après la taille et le pincement ; c’est-à-dire 
que, si onne laissait pas assez d’yeux pour beaucoup de sève, 
les fruitières deviendraient trop fortes. On distingue sur les 
rameaux diverses dispositions dans le placement des yeux 
et des boutons qui les sarnissent ; quelquefois un bouton à 
fleur est accompagné d’un œil à bois (pl. EL, fig. 1), ou bien 
ils sont séparés, ou un œil à bois est entre deux fleurs (fig. 2) ; 


quelquefois deux yeux à bois sont ensemble , ou même trois 


(fs. 3). Dans ce cas, le plus fort et le plus hâtif est au milieu. 


(1) L’abbé Roger de Scabol avance dans ses écrits, ainsi que les auteurs qui 
l'ont successivement copié, que les gourmands sont le signe d’une heureuse fé- 
condité, sur laquelle il faut établir toute l’économie et la disposition des jeu- 
nes pêchers. Sans doute un arbre annonce de la vigueur lorsqu'il veut pousser 
des gourmands; mais n'est-il pas plus avantageux de faire participer toutes les 
parties de l’arbre à ces bonnes dispositions que de laisser la sève se fixer sur 


un seul point, et de l’employer ainsi à renouveler inutilement du bois qui n’est 
pas usé? 


sn td nee 


LA POMONE FRANÇAISE. 119 


Ïl arrive dans les arbres épuisés qu’un rameau ne contient 
que des boutons à fleurs (fig. 4) qui sont ordinairement sté- 
riles, à moins que le terminal ne soit à bois ; lorsque ces ra- 
meaux ont un œil à bois au talon B , on doit s’empresser de 
le tailler sur cet œil B pour en obtenir un bourgeon de 
remplacement. On remarque encore dans les arbres formés 
une espèce de dard de 8 centimètres environ de longueur 
(fig. 5), entouré de petits bouquets de fleurs, au milieu du- 
quel est un œil à bois qui chaque année s’allonge très peu , 
etproduit pendant plusieurs récoltes les fruits les plus beau x 
et les plus assurés. Il semblerait que ces dards sont des bour - 
geons qui ont été arrêtés dans leur développement ; où 
pourrait les considérer comme les véritables branches frui- 
tières du pêcher. On doit les ménager partout où elles se 
trouvent, et ne les supprimer que lorsque, s'étant allongées, 
_elies sont trop désarnies à leur base. On ies appelle à Mon- 
ireuil jets de mai, cochonnets , petits bouquets, etc. Ces ri- 
ches productions ne prennent naissance que sur le jeune 
bois, et non sur le vieux , comme semble l'indiquer M. Le- 
père, page 39. La fig. 7 représente une branche fruitière et 
son bourgeon de remplacement À , sur lequel on s’empres- 
sera de rabattre aussitôt les fleurs ou les fruits tombés, afin 
que la sève qui passerait dans la partie supprimée profite au 
bourgeon À . La fis. 8 représente en A le pédoneule de la 
pêche qui reste après le rameau lorsqu'elle est müre. 

Les très jeunes pêchers ne portent pas d'aussi gros fruits 
que les arbres plus âgés. Ceux qui sont sur leur déclin, mais 
bien poussant, rapportent ordinairement les plus beaux 
fruits (1). Les branches les plus visgoureuses sur un même 


(1) Les pêchers , en vieillissant, se garnissent, lorsqu'ils sont fatigués, de 
branches à boutons simples; il y en a même sur ces arbres qui n’ont pas d'œil 
terminal à bois ; alors tous ces boutons sont stériles, 


190 LA POMONE FRANCAISE. 


sujet donnent des fruits inférieurs en grosseur et en qua- 
lité. 

Il est très remarquable que le fruit du pêcher ne vient à 
perfection qu’autant qu’il est accompagné d’un bourgeon 
à bois ; il pourrait cependant arriver qu’un fruit dépourvu 
de ce bourgeon nourricier fût alimenté par un bourgeon 
voisin de ce fruit; mais lorsqu'on taille on ne doit compter 
que sur les boutons à fleurs accompagnés d’un œil à bois. 

Les branches à bois (fig. 3), appelées ainsi à cause de 
leur srosseur et de leur emploi pour former la charpente 
de l’arbre (1), ont, comme celles à fruits, des boutons dou- 
bles ou triples ; elles ont en outre des yeux à bois doubles 
et triples, et ceux-ci demanderont , dès le moment de leur 
pousse et lors du premier ébourgeonnement , une atten- 
tion très particulière. Ils sont très communs sur le pêcher. 

Les boutons à fleurs sont ronds et ceux à bois (fig. 3) 
sont pointus; lorsque ces derniers sont doubles ou triples, 
un d’eux fournit un bourgeon dominant par sa grosseur. 

Quand le pècher a passé la fougue de la première jeu- 
nesse , il se couvre à peu près toutes les années d’une égale 
quantité de fleurs ; mais la plupart coulent ou tombent, soit 
par lPeffet des gelées printanières , soit parce que les cir- 
constances de l’été précédent auraient été peu favorables à 
la formation des boutons : ainsi un été trop sec ou trop hu- 
mide , une excessive abondance de fruits, la maigreur du 
terrain , le manque de nourriture, etc. , sont autant de cau- 


(1) Les dénominations de branches à fruits et de branches à bois sont vicieuses 
dans le pêcher ; mais elles sont consacrées par l’usage. Toutes les branches d’un 
pêcher sont également à fruits et à bois; cependant on a pris l’habitude d’appe- 
ler branches à bois celles qui sont plus fortes et plus disposées à donner du 
bois que du fruit, et de désigner par le nom de branches à fruits celles qui, 
étant plus faibles, sont aussi plus propres à retenir et à donner des fruits. 


LA POMONE FRANCAISE. 421 


ses d’avortement pour la floraison du printemps suivant ; 
mais si, à l’époque de la formation des boutons à fleurs, qui 
est ordinairement pour le pêcher vers la fin de juin ou au 
commencement de juillet, on prenait quelques soins pour 
Ja favoriser, il ny a pas de doute que les arbres seraient 
moins sujets à la coulure ; il suffirait le plus souvent de 
quelques engrais et d’arrosements donnés à propos. 


DE LA MULTIPLICATION DU PÉCHER. 


On multiplie généralement le pêcher par la greffe en é- 
cusson, faite sur l’amandier à coque dure et à amande douce; 
quelques variétés seulement , telles que la bourdine, la ma- 
deleine rouge , la royale, la grosse et petite violette et la 
violette tardive, doivent être greffées sur des sujets prove- 
nus d'amandes amères. L’amandier convient à toutes sortes 
de terrains, à moins que le fond ne soit tuf ou glaise ; dans 
ce dernier cas, on greffe sur les pruniers de Saint-Julien ou 
de Damas. 

J'ai eu occasion d’observer un espalier de 1600 mètres, 
garni de pèchers greffés sur sujets des deux espèces, et j'ai 
pu reconnaître que dans les premières années le prunier 
prenait moins d’étendue et rapportait davantage ; ces inéga- 
lités de vigueur et de produit deviennent moins sensibles 
avec l’âge, et disparaissent au bout de treize à quatorze 
ans. Quant à la qualité des fruits , elle est la même sur les 
uns que sur les autres. 

L’amandier a des racines plus grosses et plus plongeantes 
que celles du prunier, qui rampent à la surface du soi. La 
connaissance de ce fait doit suffire pour diriger les planteurs 
dans le choix de ces deux sortes de sujets, suivant la qua- 
Jité de la terre qu'ils ont à leur donner. Ils planteront le 
prunier moins profondément que l’amandier. 

On plante vers le milieu d'avril des amandes que l’on a 


192 LA POMONE FRANCAISE. 


“eu soin de mettre au germoir, dès le commencement de 
l'hiver, dans une terre douce , fraîche , à l’abri de la gelée 
et des mulots. Ces amandes auront été recueillies sur des 
arbres sains, exempts de somme et de blanc ; cette atten- 
tion est de la plus grande importance pour le succès de la 
plantation. On doit avoir la précaution au printemps, avant 
de les mettre en pépinière, de couper le pivot avec les on- 
les, afin de faire pousser les racines à la superficie , ce qui 
assure la reprise des arbres lors de leur transplantation en 
espalier. Cette suppression, qui ne donne pas des arbres 
aussi forts , promet plus tôt des fruits. Il faut aussi observer 
que les racines de l’amandier ont peu de chevelu, et qu’é- 
tant transplantéesles srosses racines produisent difficilement 
des spongioles à leurs extrémités ; c’est ce qui fait rebuter 
avec raison les pèchers sur amandier qui ont plus d’une an- 
née de greffe , parce que la reprise de ces arbres est peu as- 
surée, et qu'ils restent toujours languissants lors même 
qu’elle a lieu. 

La mème année , vers la fin d'août dans les lerraïins secs, 
ou après la mi-septembre dans ceux qui conservent de la 
fraîcheur, on écussonne ces amandiers à œil dormant à 12 
ou 15 centimètres de terre. Les sujets qui ne seraient ni sains 
ni vigoureux ne seront pas sreffés , et l’année suivante on 
arrachera ceux qui n’auront pas pris la greffe : car la non- 
réussite d’une greffe faite par une maïn exercée annonce 
toujours dans le sauvageon un vice radical. On choisira pour 
écussonner les yeux triples, parce qu’on est toujours assuré 
que celui du milieu est à bois. (Voyez fig. 6.) On aura soin 
de desserrer les lisgatures assez à temps pour qu’elles n’occa- 
sionnent pas d’étranglement. Les amandiers seront écus- 
sonnés quelques jours plus tard que les pruniers (1). 


(1) L’écusson À, planche 3, doit se lever d’un seul coup, et rester sur la lame 


LA POMONE FRANÇAISE. #5 


Les jeunes arbresgreffés seront rabattusaucommencement 
du printemps suivant, à 8 ou 10 centim. au dessus de l’écus- 
son ;les yeux du sauvageon, à l'exception d’un seul à l’extré- 
>, seront éteints ; le bourgeon qui en sortira sera sou- 
nt pincé , afin ue , Sans attirer trop de sève, il puisse 
seulement entretenir la vie dans la partie du sujet supérieure 
à l'écusson , ce qui facilitera la cicatrisation de la plaie lors- 
qu'au moment de la plantation on rabattra cette partie tout 
près de l'insertion de l’écusson. On soutiendra les jeunes 
greffes par des tuteurs , pour les empêcher d’être décollées 
par le vent, ou bien on les attachera à la partie supérieure 
du sauvageon. 

La greffe ne doit pousser la première année qu’une tige 
dominante , accompagnée de ses bourgeons anticipés ; si, 
par un accident quelconque, une greffe venait à être rom- 
pue , il faudrait s’empresser de la rabattre sur le plus fort 
bourgeon , afin que celui-ci puisse remplacer la tige et la 
continuer. é. 

Il est avantageux que les yeux du bas des jeunes pousses 
de la greffene s'ouvrent point en bourgeons anticipés, parce 
que ce sont eux qui , lors de la transplantation , doivent 
fournir les branches destinées à former l'arbre que l’on se 
propose d'élever en espalier. On éloignera donc autant que 
possible toutes les causes qui tendraient à produire cet effet, 
telles que la rupture ou la courbure de la greffe , ou l’é- 


du greffoir, que l’on insinue entre le germe du bouton et l’aubier. Cette maniè- 
re d’opérer permet de se servir d’un rameau coupé depuis plusieurs jours, et 
qui aurait déjà perdu une partie de sa sève. La plupart des auteurs prescrivent 
de cerner l’œil par trois incisions et de le détacher à laide du pouce. il y a ici 
plusieurs inconvénients : 4° l’obligation d’avoir un rameau coupé fraîchement, 
sans quoi l’écusson ne pourrait être enlevé qu'avec effort, et l’œil courrait ris- 
que d’être offensé; 2° la forme convexe B, planche 35, que présente alors cet 
écusson , et qui le rend moins propre à être appliqué exactement sur le sujet. 


124 LA POMONE FRANCAISE. 


bourgeonnement inconsidéré de bourgeons anlicipés supé- 
rieurs, 

Les sujets de pruniers sont élevés de noyaux que l’on 
fait germer pendant l'hiver, ou de drageons des deux rs 
Julien ou des deux damas. Ces sujets ne peuvent être cus- 
sonnés que la seconde année deleur plantation en pépinière. 
On gouverne les greffes sur pruniers ainsi que nous venons 
de l’expliquer pour l’amandier. On aura l'attention de ne 
prendre que des drageons ou des noyaux provenus d’arbres 
sains et vigoureux ; les rameaux pour greffer seront égale- 
ment choisis autant que possible sur les arbres en bon état. 
Je dis autant que possible, parce qu’il y a des espèces qui 
ont constamment le blanc. Il est à présumer qu’elles ont èté 
importées avec ces maladies ou qu’on les aura greffées dans 
l’origine sur des sujets viciés qui auront perpétué le mal. 

Toutes les espèces de pèches réussissent sur les quatre 
sortes de pruniers que nous avons indiquées ; les pèches lis- 
ses et les deux chevreuses seulement ne réussissent pas sur 
le petit damas. Ce sujet est facile à reconnaître pendant l’é- 
té, parce que l'extrémité de ses pousses est rouge , lorsque 
celle de l’autre espèce est blonde ou jaunûtre ; il se distingue 
aussi pendant l'hiver par son bois, qui est plus fort ou moins 
velu que celui du gros damas. Le fruit de l’un et de l’autre 
est assez hâtif, violet, petit et rond. 

Tout ce qu’on vient de dire sur la greffe suppose que 
cette opération a été faite en pépinière; mais, comme la 
transplantation fatigue et retarde toujours les arbres gref- 
tés , il est plus avantageux de planter des sujets en place à 
l’espalier, pour ensuite les y greffer. Dans ce cas , on pla- 
cera deux sujets pour avoir à choisir. Quelques personnes 
“prétendent avoir greffé sur épine noire le pècher, afin d’ob- 
tenir des arbres nains. Nous n’avons pas vérifié cette asser- 
tion. 

Il n’est pas d'usage de greffer le pêcher sur des sujets d’a- 


LA POMONE FRANÇAISE, 195 


mandés à coques tendres ou de noyaux de pêche ; on croit 
que les arbres ainsi greffés ne seraient pas de longue durée. 
Je n’ai point fait en France d'expériences à cet ésard, mais 
je sais qu'aux États-Unis d'Amérique les pèchers, qui sont 
tous à plein vent, viennent de noyau ou sont greffés sur 
noyau, et que la cause de leur destruction, lorsqu'elle a 
lieu, est totalement étrangère à cette circonstance. 

On peut, par les semis, obtenir de très bonnes variétés 
de pêches ; il serait à désirer qu’on les multipliât davantage, 
ne füt-ce que pour remplacer nos meilleures espèces, pres- 
que toutes attaquées de maladies qui abrégent la durée des 
arbres et influent toujours sur la qualité des fruits. Je rè- 
pète qu’il est essentiel de récolter les noyaux destinés aux 
semis sur des arbres bien portants. 


CHOIX DES ARBRES DANS LES PÉPINIÈRES. 


On ne saurait apporter trop de soins et d'attention au 
choix et à la levée des arbres dans les pépinières. Le choix 
des pépinières elles-mêmes est fort important ; toutes cho- 
ses égales d’ailleurs, on doit préférer la plus voisine, afin 
que les racines soient moins long-temps exposées aux in- 
convénients de la route, ainsi qu'aux effets du häâle, des 
selées, etc. Les pépinières situées en plein champ, à l'air li- 
bre, sur des endroits élevés et lésèrement en pente, doi- 
vent être préférées à celles entourées de murs, à lPabri des- 
quels plusieurs sortes d'insectes qui s’attachent aux arbres 
croissent et multiplient à l'infini. En tirant des sujets de ces 
pépinières , on s'expose à introduire dans les plantations des 
germes de destruction d'autant plus dangereux, qu'ils opè- 
rent lentement, et que le propriétaire n’est amené à pren- 
dre un parti violent qu'après plusieurs années de non-jouis- 
sance. 

. Il est des pépinières où les insectes du genre des coccus 


126 LA POMONE FRANCAISE. 


sont tellement multipliés, qu’il n’y a peut-être pas d'autre 
remède que de les renouveler entièrement. 

Parmi les espèces que l’on désire , on doit prendre les ar- 
bres les”plus forts, les plus vigoureux , dont les tiges bien 
droites se soutiennent naturellement, et dont le bas de la 
greffe soit le mieux garni de bons yeux. 

Il est plus avantageux de faire ce premier choix dans le 
courant de septembre, avant que les pépiniéristes aient net- 
toyé et arrangé la tige et les branches des arbres qu’ils des- 
tinent à la vente, parce qu’on reconnaît mieux alors ceux 
qui donnent des signes de maladies, telles que le blanc, la 
somme, etc. Le blanc se remarque sur les feuilles des ex- 
trémités ; la gomme se décèle par quelques petites taches, 
ou même par la mortalité ou le desséchement de quelques 
bourgeons anticipés , ce qui n’empèche pas la pousse et le 
reste de l’arbre de paraître très vigoureux. Les plus légers 
signes de maladie sur une jeune greffe annoncent toujours 
que cette maladie prendra par la suite, après la transplan- 
tation , un caractère plus fortement prononcé. 

À la levée des arbres , lors de la chute des feuilles, on 
pourra encore épurer le choix fait en septembre, et rebuter 
tous ceux qui, n'ayant plus de feuilles à leur extrémité, en 
auraient conservé dans le bas ou dans le milieu de l’arbre, 
ce qui décèle une mauvaise constitution ; les dernières feuil- 
les qui doivent tomber d’un pècher dont l’organisation n’est 
point altérée sont celles des extrémités. 

On rejettera aussi les sujets dont les yeux inférieurs, sur 
lesquels on doit rabattre , seraient ouverts en bourgeons an- 
ticipés. La greffe devra n’avoir qu'un an, et être placée sur 
le sauvageon à 11 centimètres de terre. Nous avons dit plus 
haut pourquoi la greffe sur amiandier ne doit avoir qu'un an. 

Les pépiniéristes rabattent près de l'insertion de la greffe 
les pèchers dont la première pousse a été défectueuse ou 
ceux qu'ils n’ont pu vendre. Ils obtiennent par ce moyen, 


LA POMONE FRANCAISE. 127 


l'année suivante, de plus beaux jets, qui séduisent les per- 
sonnes peu expérimentées; mais il faut se garder de pren- 
dre des pèchers ainsi rebottés, dont les racines sont trop for- 
tes pour le succès de la transplantation , surtout lorsque les 
arbres ont été greffés sur amandier. Le travail de la levée, 
tel qu’il s’exécute dans les pépinières marchandes, exige 
qu'on fasse aux racines de fortes amputations, et ces plaies, 
qui se cicatrisent difficilement dans le pècher greffé sur a- 
mandier lorsqu'il a plus de deux ans d'âge, sont très pré- 
judiciables à sa prospérité. 

On trouve assez communément dans les pépinières des 
pêchers déjà élevés sur deux et même sur quatre bras. Ra- 
rement l’ésalité de force est établie dans ces jeunes arbres ; 
mais, lors mème qu’ils seraient parfaitement dressés, on de- 
vrait préférer encore ceux qui n’ont qu’une seule tige: car 
le pêcher greffé ne comporte pas, sans de graves inconvé- 
nients, d'être formé ailleurs que dans la place où il doit res- 
ter. Ces pêchers tout formés sont une véritable déception 
que subissent les propriétaires qui s’imaginent jouir très 
promptement parce qu'ils auront payé fort cher des pè- 
chers; mais ils ignorent qu'ils se privent indéfiniment du 
plaisir d'obtenir des récoltes abondantes de fruits savou- 
reux. Ces pèchers tout formés restent toujours plus ou 
moins lapguissants, parce que les racines de l’amandier 
sont alors trop vieilles pour supporter la transplantation, 
et que cette transplantation fait perdre à l’écorce du pêcher 
tout formé son élasticité. On sait que l'interruption ou mème 
le ralentissement de la sève enire les écorces d’un pêcher 
d’une certaine étendue occasionne un mal irréparable, dont 
les effets se font sentir sur la végétation future de l'arbre 
pendant toute son existence. Aussi , le plus sûr moyen pour 
avoir.des arbres sains et de longue durée est-il, comme nous 
avons déjà dit, de planter à l’espalier des noyaux ou des 
sauvageons , ce qui laisse d’ailleurs la faculté de choisir des 


198 LA POMONE FRANCAISE. 


_ sujets exempts de maladie, tandis que les pépiniéristes gref- 
fent indistinctement les bons comme les mauvais; ils ont 
même l'adresse de greffer de préférence les espèces natu- 
rellement vigoureuses sur les sujets les plus délicats; en 
sorte que leurs arbres ont d’abord une apparence de santé 
qu'ils perdent avec la première jeunesse , lorsque la mala- 
die du sauvageon s’est communiquée à la greffe : le proprié- 
taire se persuade alors trop lésèrement que le fond de son 
terrain ne convient pas apparemment aux arbres fruitiers. 

Il y aurait en mème temps de l’économie à suivre ce sy- 
stème , puisque les arbres greffés coûtent plus que les sau- 
vaseons ; et cette considération, quoique faible en général, 
lorsqu'il s’agit de planter, doit être accueillie dans ce ee 
puisqu'elle se joint à d’autres plus importantes. 

Un autre motif en faveur des sauvageons, c’est qu'on é- 
vite d’être trompé et exposé à cultiver pendant plusieurs 
années une espèce pour une autre. En faisant grelffer chez 
soi, on peut toujours prendre des rameaux sur des arbres 
sains et dont on a goûté les fruits : car dans une mème espèce 
il se trouve des variétés supérieures et qui se perpétuent par 
la greffe. Toutes ces petites attentions, qui ont de grandes 
conséquences pour le propriétaire, ont peu d'intérêt pour 
les pépiniéristes , qui les négligent trop souvent. | 

Lorsqu'on procède à la levée, il est bon de donner aux 
ouvriers une gratification par pied d'arbre dont les racines 
sont bien ménagées. Le jardinier, qui sera toujours présent 
à cette opération, examinera les arbres les uns après les 
autres, à mesure qu'on les sortira de terre ; il rebutera tous 
ceux dont les racines seraient éclatées, meurtries, chan- 
crées, chancies, ou entamées vertement par les vers blancs. 

Les arbres seront étiquetés et emballés avec soin : on aura 
dû à cet effet se munir de paille pour couvrir les racines et 
entortiller les tiges, afin de préserver celles-ci du frottement 
et les autres de l’action de l'air. Les arbres seront mis en 


LA POMONE FRANCAISE. 129 


jauge à leur arrivée, un par ün , debout , en étendant et 
séparant les racines avec autant de précaution que pour la 
plantation , düt-on la commencer le lendemain , parce que 
le temps ou les affaires n’amènent que trop fréquemment 
des changements aux projets de la veille, et que des arbres 
bien mis en jauge peuvent attendre et sont à l’abri de tous 
accidents. 


DE LA FORME. 


il est à propos de se décider, avant la plantation , sur la 
forme que l’on veut faire prendre aux jeunes arbres, afin 
de régler leurs distances en raison de cette forme, de bien 
placer, en plantant , les yeux qui peuvent y concourir. 

Il faudrait , pour ainsi dire , tracer d’avance sur le mur 
les places que les branches principales devront occuper au 
fur et à mesure de leur développement. On ne travaillera 
qu’au hasard si l’on n’a pas toujours ce tracé devant les 
yeux , et, loin de diriger et de conduire , on s’exposera à 
être soi-même entraîné par toutes les circonstances qui se 
présenteront pendant le cours de la végétation. Il est donc 
évident qu'il vaut mieux prendre l'initiative, prévoir et 
donner, dès le départ de la sève, à tous les mouvements 
qui vont avoir lieu, des directions qui feront arriver les 
bourgeons doucement et sûrement vers le but qu’on se pro- 
pose , que d’être sans cesse forcé à réformer par la taille , 
par les amputations, et autres moyens violents. 

L’art de conduire le pêcher est bien moins difficile qu’on 
ne se l’imagine. Nous avons été les premiers à annoncer en 
1816, lors de la {re édition de {a Pomone , que l’on pouvait 
faire prendre au pêcher toutes les __. imapinables ;: 
nous eûmes alors le rare bonheur de trouver dans les en- 
virons de Paris des pêchers auxquels on avait fait prendre 
des formes tracées d'avance sur les murs ; quelques unes 
Q 


LE 


130 LA POMONE FRANÇAISE. 


d’elles étaient si correctes et si extraordinaires, que nous les 
fimes dessiner géométriquement , pour que ces pêchers fus- 
sent très fidèlement représentés. Nous avons indiqué les lo- 
calités où étaient ces arbres. Ceux qui ont eu des doutes 
ont été mis à même de vérifier siles dessins s’écartaient en 
quoi que ce soit des modèles vivants, et ce serait en vain 
que l’on voudrait aujourd’hui faire naître des doutes à cet 
égard. Ce fut M. Poiteau , dont on connaît l’exactitude scru- 
puleuse , qui voulut bien se charger de dessiner ces arbres. 
Les beaux pèchers de Trianon et du fleuriste de Saint- 
Cloud , conduits par M. Dumoutier sous la forme d’un V ou- 
vert (pl. LI, fig. 3), ont été aussi dessinés géométriquement. 
Cette forme était alors la seule que nous eussions adoptée 
dans les jardins de la couronne. Beaucoup d’objections nous 
ont été adressées de toutes parts contre cette forme, et 
même contre la grande étendue qu’on lui avait donnée à 
Trianon. On a prétendu que tous les jardiniers n’avaient 
pas l’entente ni le temps nécessaire pour conduire des ar- 
bres d’une aussi grande étendue , et qu’il fallait encore, 
pour l’atteindre, rencontrer des arbres très vigoureux et 
un sol extrèmement propice ; enfin, que, si un de ces ar- 
bres venait à faillir, ou seulement un de ses membres, il 
laissait à découvert une #rande surface de mur. 

Après avoir pris en considération ces objections, et nous 
être aidé , selon notre usage , de la conversation, et même 
des bons avis de plusieurs cultivateurs , nous avons fait 
choix de cinq formes parmi beaucoup d’autres : 2 de la 
forme en cordons (1) (fig. 9); 3° de celle en palmette à dou- 


* 


(1) Quoique M. Lepère vienne d'annoncer, dans son ouvrage sur le pécher 
carré, qu’il s’occupe d’élever des pêchers comme on élève la vigne à Thomery, 
nous ne croyons pas que, par crainte d’être taxé de plagiaire , nous devions pri- 
ver nos lecteurs du dessin de cette forme, que nous avons en portefeuille depuis 

ong-temps. Nous ignorons du reste jusqu’à quel point notre dessin et nos moyens 


LA POMONE FRANÇAISE. 151 


ble tige (fig. 10); 4° de la palmette à doubie tige (fig. 11) 
dont les bras sont successivement formés par la tige ; 50 des 
pêchers non taillés en palmettes. 

La deuxième forme, celle en cordons, qui nous a été pré- 
sentée par Dumoutier, pour couvrir les murs avec le pè- 
cher, comme nous les avons couverts avec la vigne (fig. 1), 
à Fontainebleau, où six pieds de vigne, dont chacun a deux 
bras de 1 m. 35 cent. d’étendue, couvrent un mur de 2 m. 
70 cent. de longueur sur 3 mètres de hauteur; ici (fig. 9) 
trois pèchers, dont chacun a cinq bras de 5 mètres d’éten- 
due , couvrent un mur de 40 mètres de longueur sur 3 de 
hauteur. Les bras de la vigne viennent tous s’intercaler suc- 
cessivement et symétriquement à leur place ; ceux des pè- 
chers viennent ésalement s’intercaler ainsi à leur place ; ils 
ont mème l’avantage de se suppléer les uns les autres, dans 
le cas où quelques uns viendraient à faillir. Ainsi, cette 
forme satisfait autant que possible aux objections les mieux 
fondées qui nous ont été adressées. On verra que les trois 
autres formes, celles en palmettes à doubles tiges , ont l’a- 
vantage de requérir moins de temps et de surveillance ; mais 
aucune , quelle que soit celle que le jardinier adopte, ne le 
dispense de connaître nos principes et de s’y conformer exac- 
tement ; elle ne lui suppose pas non plus moins d'intelligence 
qu'il n’en faut pour conduire un pècher sous la forme d’un V 
ouvert ; seulement il aura moins souvent l’occasion de l’exer- 
cer. Malgré notre déférence aux objections, nous maintenons 
la forme du V ouvert, sans toutefois lui laisser parcourir 
toute l’étendue qu’elle est susceptible de prendre. Ïl suffira 


d'exécution sont conformes à ceux employés par M. Lepère, qui lui-même n’a 
vraisemblablement connu la forme que l’on donne à la vigne à Thomery que 
dans {a Pomone , puisque personne avant nous n’en a fait mention. Dans tous 
les cas, nous ne réclamons niinvention ni priorité, notre instruction et notre 
ouvrage étant le résultant de l'instruction générale de l’époque. 


432 LA POMONE FRANÇAISE. 


qu’elle remplisse le cadre qui lui est assigné. Elle sera donc 
contenue, et les distances , lors de la plantation, seront ré- 
glées en conséquence ; mais si un arbre, par sa trop grande 
vigueur et par le bon emploi qu’on a su en faire, peut occu- 
per beaucoup plus d'espace que celui qui lui était d’abord 
désigné, il ne faudrait pas priver le jardinier de l’occasion 
qui se présente de jouir de son travail ; qu’il lui soit donc 
permis , dans ce cas, de restreindre les arbres de droite et 
de gauche, à mesure que le pêcher qu’il affectionne peut s’é- 
tendre. Le jardinier qui est assez heureux pour offrir des 
modèles vivants, et qui méritent l’admiration des cultiva- 
teurs , favorise plus efficacement le progrès de son art que 
ne peut le faire toute espèce d'encouragement. 

Ces exemples suffiront sans doute pour convaincre que 
l’on peut faire prendre au pêcher toutes les formes possibles, 
et pour détruire tous les préjugés contraires. Sans paraître 
vouloir innover, il est donc permis maintenant de chercher 
la forme la plus avantageuse : ce sera celle qui, troublant 
et tourmentant le moins le pêcher dans sa vépétation, cou- 
vrira le plus promptement une surface donnée, et pour- 
ra être facilement contenue dans les limites de cette sur- 
face , sans nuire aux produits, ni à la santé, ni à la durée de 
l'arbre, 

En annonçant que l’on peut faire prendre au pèchertoutes 
les formes que l’on veut lui donner, il est bon d'ajouter : 
pourvu que le cadre qui doit contenir ces formes ne soit ni 
trop restreint ni trop étendu, devant nécessairement être 
en rapport avec la vigueur ou plutôt avec le degré d’exten- 
sion naturelle à cet arbre. L’art n’a point encore pu faire 
du pècher un arbre nain, donnant des produits et prolon- 
seant son existence. C’est faute de réflexion que des per- 
sonnes ont prétendu garnir un espalier avec une multitude 
de pêchers plantés proches les uns des autres et élevés sur 
une seule tige , tous inclinés du même côté. Les inventeurs 


LA POMONE FRANÇAISE. Fo 


de cette méthode ont d’abord eu des imitateurs ; mais bien- 
tôt les arbres ont dépéri , parce qu’ils n’ont pu parcourir les 
divers degrés de leur croissance dans des limites aussi re- 
streintes. On s’étonnera sans doute que des innovations, en 
culture surtout, contraires au bon sens, soient suivies avec 
empressement , tandis que l’on trouve de si fortes opposi- 
tions pour faire adopter des méthodes consacrées par des 
succès , par une longue pratique, et d’ailleurs basées sur des 
principes conformes aux lois de la nature, tels que le mode 
de la culiure de la vigne à Thomery, qui reste toujours con- 
finé exclusivement à Thomery. 

La première forme que nous adoptons de nero 
est représentée par la planche 6; nous l’appelons forme 
à la Dumoutier, pour rendre hommage aux talents de cet 
habile jardinier. Elle nous parait la plus facile à obtenir, 
et c’est peut-être la plus convenable pour des pèchers plan- 
tés à des murs de 3 mètres à 3 mètres 35 centimètres d’élé- 
vation ; elle offre en mème temps des moyens simples de fai- 
re prendre aux arbres, en les allongeant sur les côtés, toute 
l'étendue que leur vigueur comporte. On conçoit cependant 
qu'il ne faudrait pas abuser de cette faculté, et qu’il serait 
mieux, après leur avoir laissé prendre un certain essor, de 
ménager leur vigueur en la concentrant. 

Lorsque nous aurons suffisamment fait connaître, dans le 
cours de cet ouvrage, quels sont les moyens à employer 
pour diriger les pousses d'un arbre dans sa végétation, 
quelle que soit la forme adoptée, nous ferons l’application 
de ces principes à l'éducation du pêcher que nous donnons 
ici pour modèle. Le dessin n’est point idéal ; il a été pris d’a- 
près un arbre existant planté à Trianon en 1806. C'est après 
avoir reçu neuf tailles qu’il est arrivé à l’état de perfection 
où ilest aujourd’hui, remplissant parfaitement le cadre qui 
lui a été tracé, ct dans lequel on veut désormais le mainte- 
dir. Son étendue est de 14 mètres sur 3 mètres 35 centimé- 


æ 


ar: 


134 LA POMONE FRANÇAISE. 


tres de hauteur. Les fisures des planches 2 et 4 font connaïi- 
tre la marche progressive qu’on a suivie pour arriver à ce 
but. 

La figure 1 est le sauvageon qu’on a planté à l’espalier, 
et sur lequel on a posé deux écussons. La figure 2 est la pre- 
mière pousse des deux écussons formant les deux mères- 
branches B; celles-ci étaient alors peu inclinées , afin que 
les yeux du dedans, qui ont une tendance naturelle à deve- 
nir plus forts que ceux du dessous, ne fussent pas trop fa- 
vorisés dès leur origine au détriment de ces derniers. 

La figure 3 indique l’état de l’arbre la seconde année, 

ainsi de suite. Les mêmes branches sont désignées sur tou- 
tes les figures par les mêmes lettres , et l’ordre alphabétique 
de celles-ci indique celui de la naissance des branches. Les 
emplacements des tailles successives sur les branches prin- 
cipales sont également indiqués par des numéros correspon- 
dants à l’année où elles ont été faites ; ainsi, dans la figure 
6, la branche F, qui n’a qu’une marque de taille portant 
le numéro 5, a été taillée pour la première fois lorsque la 
branche-mère B recevait la cinquième taille. 
_ Le quart de cercle, ivisé en degrés, marque la progres- 
sion suivant laquelle on a abaïissé chaque année les mères- 
branches B jusqu’à l’inclinaison de 68 degrés, où elles se 
trouvent maintenant fixées (fig. 8); elles n’ont été allon- 
gées et chargées de tous leurs membres que graduellement, 
suivant leur force, toujours en favorisant, par les moyens 
que nous donnerons ci-après, les branches inférieures que 
leur position désavantageait , et en restreignant au contraire 
l'accroissement de celles supérieures. 

Ainsi la branche C, qui prend sa naissance en dessous de 
la branche B, n’a qu’un an de moins ; on les a fait marcher 
toutes deux également, tandis que la branche D qui est en 
dessus , et dont la place était désignée dès la seconde année, 
a été au contraire travaillée, contrainte et retardée dans son 


LA POMONE FRANÇAISE. 133 


développement, en s’opposant, par le pincement, à ce que 
son empatement sur la mère-branche prenne de l’ampleur ; 
les conduits de la sève ainsi réduits à la base de la branche 
D pendant quatre à cinq années, on a pu sans inconvénient 
permettre alors à la branche D de commencer à se dévelop- 
per pour remplir le cadre qui lui a été réservé. 

Enfin les membres G et H (fig. 8) ont été formés les der- 
niers , lorsque les membres inférieurs avaient acquis une vi- 
sueur capable de leur résister et de conserver la sève que 
ces branches presque verticales tendaient à leur enlever. 

Les branches principales allant en divergeant, il a été 
nécessaire d'établir à une certaine distance du point de leur 
insertion des ramifications ou sous-mères - branches pour 
remplir les intervalles. On a fait prendre naïssance à ces ra- 
mifications toujours en dessous des membres et jamais en 
dessus (si ce n’est à la branche M, établie la dernière de 
toutes), parce que la sève aurait trop de tendance à s’y por- 
ter, et qu'on ne parviendrait à l’en détourner qu’en tour- 
mentant l’arbre, le fatiguant dans sa végétation, et con- 
sommant en surveillance un temps précieux. 

Toutes les branches principales d’un pècher, quelle que soit 
sa forme, sont également garnies de branches fruitières qui 
paraissent du même âge, parce qu’en effet elles sont renou- 
velées tous les ans. On n’a pu exprimer dans ce dessin, à 
cause de la petitesse de l'échelle, les tailles successives et 
toujours très rapprochées de l’insertion qu’il a fallu opérer 
chaque année pour leur concentration. | 

Les moyens pour établir les autres formes seront indiqués 
à l’article de l'application des principes généraux de la con- 
duite des pèchers. 


136 LA POMONE FRANCGAISE. 


DES TERRES PROPRES AU PÊCHER. 


Une terre neuve, douce, riche et légère, reposant sur un 
lit de sable terreux , laissant facilement écouler les eaux, 
est la plus favorable à la culture du pècher tant pour la vi- 
sueur et la santé des arbres que pour la qualité des fruits. 
J'entends par terre neuve celle dans laquelle on n’a pas en- 
core cultivé de pêchers. Il est à propos que le sol soit élevé, 
très aéré, un peu en pente. Ce n’est pas que le pêcher ne 
puisse croître dans des terres fortes et froides, mais alors 
ses fruits sont pâteux, amers, ou aigres, ou insipides, au 
lieu d’avoir cette eau abondante, vineuse, sucrée et parfu- 
mée, qui donne à ce fruit la prééminence sur tous les autres. 

Si le terrain était trop compacte, on le modifierait par des 
engrais et par des amalsames avec des terres légères prises 
à la surface d’un sol sablonneux. Les gazons levés sur un bon 
fond de terre, et qué l’on met en meule pour en laisser con- 
sommer les racines, forment une terre dans laquelle tous 
les arbres prospèrent; on peut même, soit dit en passant, 
s’en servir pour les plantes délicates, à défaut de terre de 
bruyère ; mais il faut pour cela que le fond sur lequel on 
lève les gazons soit riche et légèrement sablonneux , et en 
mème temps que l'épaisseur de terre enlevée avec le gazon 
soit peu considérable. 


FOUILLE ET PLANTATION. 


La plate-bande destinée à une nouvelle plantation de pé- 
chers doit être complétement fumée et défoncée un an d’a- 
vance , dès le mois de février ou de mars, sur une largeur 
de 2 mètres 70 centimètres et une profondeur de 1 mètre 
à 1 mètre 17 centimètres. Cependant si la terre végétale 
n'avait pas autant d'épaisseur, et que le fond füt tuf ou 


LA POMONE FRANCAISE. 451 


glaise, il faudrait le percer, pour donner de l’écoulement 
aux eaux; On mettrait des pierres et des gravois dans le 
fond, puis on surchargerait alors la plate-bande avec des 
terres de rapport, en aus#mentant en même temps sa lar- 
geur. Dans ce cas, il faudrait choisir le pècher greffé sur 
prunier, dont les racines ne sont pas pivotantes. 

Si la plate-bande que l’on veut défoncer avait déjà été 
piantée en pèchers, on en sortirait toutes les terres pour 
les remplacer par de nouvelles, prises dans les carrés du 
jardin, et que l’on amalsamerait avec d’autres, si cela était 
nécessaire, pour les rendre propres à la culture du pêcher. 
Si le jardin était coupé par des murs de refend, et que l’on 
eût l'intention de renouveler la plantation des deux côtés de 
ces murs, on échangerait les terres du nord avec celles du 
midi en y ajoutant les amalsames nécessaires, Enfin, si le 
sol était pierreux, on extrairait avec soin les cailloux, et 
l’on pourrait même passer les terres à la claie. 

Les plates-bandes fumées et défoncées au printemps se- 
ront tenues en culture pendant tout l’été; on y plantera 
des haricots hâtifs, et si la terre était forte, on ferait suc- 
céder aux haricots des plantes qui la rendent meuble , que 
l’on terreauterait amplement. Aussitôt que celles-ci seront 
passées, on donnera un bon labour, après lequel on ouvrira 
des trous de 10 en 10 ou de 12 en 12 mètres, suivant la 
bonté du terrain, si l’on veut conduire les arbres à la Du- 
moutier, ou seulement de 4 en 4 ou de 5 en 5 mètres, si on 
veut les conduire par cordons. Lorsque les cultivateurs de 
Montreuil plantent dans un terrain neuf, ils laissent 8 mè- 
tres de distance d’un pêcher à un autre, et placent dans 
l'intervalle un poirier, afin de se ménager des ressources 
dans le cas où les pèchers (1) réussiraient mal ou imparfai- 
tement. 


(1) Le pêcher est l’arbre auquel les Montreuillois donnent la préférence, et 


138 LA POMONE FRANCAISE, 


Si la terre est légère, on plantera aussitôt après la chute 
des feuilles ; si elle est forte , on laissera les trous ouverts 
pendant l'hiver, afin que les gelées la pénètrent et la ren- 
dent meuble, et l’on plantera au mois de février ou de mars, 
suivant l’année, mais toujours avant le mouvement de la 
sève. On ne doit point renoncer au bénéfice des gelées sur 
les terres qui reposent au bord des trous, sous le vain pré- 
texte que les trous seraient remplis d’eau au moment de la 
plantation , d'autant que des terres assez compactes pour 
ne point laisser écouler les eaux ne conviendraient point à 
la culture du pêcher. 

On choisira pour planter un temps doux, et le moment 
où les terres seront ressuyées , afin qu’elles puissent facile- 
ment couler et s’insinuer entre toutes les racines. On rafraî- 
chira le bout de celles-ci en leur conservant le plus d’éten- 
due possible , et l’on aura soin que les coupes soient faites 
en dessous et portent sur terre. Ces coupes devront faire 
disparaître les parties meurtries, chancrées , et en général 
tout ce qui serait offensé. On supprimera entièrement les 
racines éclatées , ainsi que la partie du chevelu qui serait 
desséchée ; il n’y a que les arbres très nouvellement levés 
auxquels on puisse en conserver une partie en les plantant, 
pour que la terre s’introduise facilement sur les grosses ra- 
cines ; autrement l’air interposé occasionnerait la moisissure 
ou le blanc de champignon, qui ferait périr l’arbre. Les plaies 
un peu fortes doivent être promptement recouvertes avec 
de l’onguent de Saint-Fiacre , afin de faciliter la cicatrisa- 
tion. 

L'effet du tassement des terres devra être calculé au mo- 


s’ils en cultivent d’autres, c’est toujours parce que le terrain ou l’exposition ne 
lui sont pas favorables. Le pêcher, aux portes de la capitele, doit être en effet 
d’un grand rapport. 


LA POMONE FRANÇAISE. 139 


ment de la plantation de manière que, par la suite , les ra- 
cines ne se trouvent pas trop profondément enterrées, sur- 
tout dans les terres fortes ; on plantera plus avant dans les 
terres légères, mais toujours de manière que le soleil puisse 
avoir de l’action sur les racines. Il faut encore avoir soin 
1° de planter l'arbre un peu incliné , à 16 centim. du mur ; 
20 de mettre autant de fortes racines d’un côté que de l’au- 
ire ; 3° de tourner l'arbre de façon que les yeux les mieux 
formés soient sur les côtés ; 4° d'élever assez la greffe pour 
qu’elle ne se trouve pas au dessous du sol environnant 
après le tassement des terres. 

Ces quatre points bien observés (1), on couvrira de terre 
les racines , en les séparant et en les établissant lit par lit : 
toutes doivent passer par les mains du planteur, pour être 
espacées convenablement et étendues dans toute leur lon- 
gueur, sans jamais les forcer. La prospérité d’un arbre ain- 
si planté dédommagera toujours du temps et des soins que 
lon aura mis à l’arrangement de ses racines, qui sont la 
source de sa santé et de sa vigueur. 

Si la plantation a lieu au printemps, on fera au pied de 
chaque arbre un bassin dans lequel on versera lésèrement, 
à plusieurs reprises, la valeur de deux arrosoirs d’eau, afin 
de lier la terre aux racines, et de mettre plus promptement 
celles-ci en végétation : cette opération s'appelle plomber à 
l’eau ; elle doit être faite ayec précaution, pour que l’eau 
arrive partout également à la fois ; autrement on courrait 
risque de faire enfoncer les racines inégalement. 

Au moment où les boutons commenceront à se gonfler, 
on rabattra la tête de l’arbre à 12 ou 13 centim. au dessus 
de la greffe, plus bas encore si cette partie est garnie de 
bons yeux , et autant que possible sur un œil de côté. On 


(4) Les trois premiers s'appliquent aussi à la plantation des sauvageons. 


20. LA POMONE FRANCAISE. 


retranchera en même temps tous les bourgeons anticipés 
qui seraient placés sur cette tige , en ayant soin de ne pas 
les couper au ras de l’écorce, pour ménarger le petit bour- 
relet qui se trouve à leur insertion, et qui facilite le re 1 
vrement de la plaie ; d’ailleurs , il existe assez souvent au 


à 


talon du bourgeon un œii bien placé qui peut donner naïs- 
sance à une très bonne branche, et qui par cette raison doit 
ètre ménagé. 


DE LA TAÏLLE. 
DES EFFETS DE LA TAILLE. 


On ne saurait trop encourager les personnes qui veulent 
s'occuper de la culture du pècher à bien en étudier, avant 
tout, la vépétation et les habitudes. Je le répète, ce n’est 
que d’après cette connaissance approfondie qu’elies pour- 
ront employer avec discernement et avantage les moyens 
que l’art a mis à notre disposition, et qui sont la taille , le 
pincement , l’ébourseonnement et le palissage. | 

La taille, ou le raccourcissement des branches, a pour 
résultat de donner une grande vigueur à l'œil qui devient 
le terminal , et de faire participer les yeux inférieurs à cet: 
accroissement de force, en raison de leur proximité du ter- 
minal. Ainsi, lorsqu'on la pratique sur de fortes branches, 
elle change " bourgeons destinés à devenir branches à 
fruits en branches à bois, et lorsqu'on lapplique à des 
branches dont les bourgeons eussent été stériles, elle 
donne à ces bourgeons la force nécessaire pour produire 
des fruits. 

Si l’on taille pendant que la sève est en grande activité, 
par exemple lorsque le fruit est noué, on a pour résultat 
des pousses faibles et très peu allongées, tandis qu’en faisant 
cette opération au premier mouvement de la sève, ou mê- 


LA POMONE FRANÇAISE. 141 


me avant, on obtient des bourgeons beaucoup plus visou- 
reux. 

Ainsi, on taillera de bonne heure les arbres faibles, et 
l’on domptera ceux qui sont trop vigoureux en les taillant 
plus tard, afin qu’ils retiennent mieux leurs fruits. 

Lorsque la taiile est assise sur un œil bien conformé et 
bien placé, la sortie terminale donne un rameau qui devient 
plus fort que celui qu’on a retranché. 

Si.elle est faite au contraire sur un œil moins favorisé, 
un sous-œii par exemple, on a une sortie plus tardive et 
aussi plus faible que n’était la partie de branche supprimée. 
Il en résulte que deux branches d’inégale force que l’on aura 
néglisé d’équilibrer à la pousse pourront être ramenées à 
l'égalité par la taille , en tenant la forte beaucoup plus cour- 
te, afin de rabattre sur les yeux inférieurs, ordinairement 
mal conformés , tandis que la faible sera taillée sur ses meil- 
leurs yeux. 

Ce principe a été écrit pour la première fois dans la Po- 
mone française. Les auteurs qui nous ont précédé ont émis 
un avis tout opposé. 

En laissant , sans la raccourcir, une branche à bois (1) 
dont les yeux sont francs, c’est-à-dire rapprochés et propres 
à donner du fruit, mais qui est trop vigoureuse pour la place 
qu’elle doit occuper, on l’arrète à peu près au point où elle 
est, tandis que les branches voisines, rabattues sur de bons 
yeux , augmenteront en force , et pourront, s’il est néces- 
saire, l’égaler à la fin de la saison. 

Le ravalement d’une branche à bois sur un bourgeon à 
fruit en arrête les progrès ; cette opération doit être peu 
pratiquée , surtout sur les parties inférieures de l'arbre. 


(1) On entend bien que les bourgeons à fruit placés sur cette branche seront 
taillés et concentrés comme si on avait raccourci la branche à bois. 


142 LA POMONE FRANCAÏSE. 


Le ravalement d’une branche à bois sur un bourgeon à 
bois dont les yeux sont rapprochés, et qu’on laisse de toute 
sa longueur, aura pour résultat de retarder la croissance de 
cette branche , de la modérer, et en même temps de con- 
centrer avec avantage la sève dans les parties plus basses. 

La suppression d’une sous-mère branche sur un membre 
qui serait trop vigoureux par rapport à la branche - mère 
fait refluer la sève dans la branche-mère , depuis l’iusertion 
du membre sur elle jusqu’à son extrémité supérieure. 

Une taille trop courte sur toutes les parties d’un arbre 
donne naissance à des gourmands. Une taille trop allongée 
met tout à fruit, arrête l’arbre et l’épuise. 

En général, les branches à bois, grosses et bien faites 
seront taillées , pour étendre l'arbre, un peu au delà de la 
moitié de leur longueur, à moins qu’il ne soit nécessaire de 
faire naître d’autres branches à bois plus rapprochées du ta- 
lon ; les rameaux minces , au contraire , doivent être taillés 
en deçà de la moitié de leur longueur. 

Une taille trop courte sur les branches à bois fait éclore 
beaucoup de bourgeons à bois trop près les uns des autres, 
ce qui nuit à l'arbre sous le rapport de la forme et sous ce- 
lui de la santé , en jetant un grand désordre dans sa végé- 
tation, puisqu'on est obligé, par la suite, de supprimer une 
partie de ces branches, pour la formation desquelles la sève 
a été employée en pure perte. 

Une taille trop longue sur les rameaux à fruit prépare 
des vides, en ce qu’elle nuit au développement de l’œil le 
plus voisin du talon de ce rameau ; cet œil doit cependant 
donner naissance à un bourgeon dont la prospérité intéresse 
beaucoup, puisque c’est lui qui remplacera le rameau ac- 
tuel à la première taille. Il est donc bien important de ne 
pas trop l’éloigner du bourgeon terminal , surtout si le ra- 
meau à fruit était déjà faible. Dans certaines espèces qui ne 
portent leurs fruits qu'aux extrémités, on est forcé de tail- 


LA POMONE FRANÇAISE. 445 


ler long ; mais alors on favorise le talon en aveuglant, c’est- 
à-dire en supprimant les yeux intermédiaires : c’est ce que 
quelques cullivateurs appellent abréger, parce que cette 
opération détruit l'effet de la distance du talon au bourgeon 
terminal ; laveuglement des yeux ne doit être pratiqué que 
dans ce seul cas , c’est-à-dire sur les fruitières qui ont été 
taillées longues, afin d'obtenir le fruit placé à l'extrémité su- 
périeure, et de profiter en même temps de l’œil qui se trouve 
au talon, sur lequel on rabat le rameau aussitôt après la 
cueille ou la chute du fruit. 

Le défaut de la plupart des jardiniers est de tailler les ra- 
meaux à fruit trop longs, et les brahches à bois trop courtes. 

Si l’on taille sur un bouton à fleur non accompagné d’un 
œil à bois, le rameau se dessèche dans cette partie jusqu’au 
premier bourseon à bois. 

Moins on laisse de fruit sur une branche, plus les bour- 
geons de cette branche s’allongent et deviennent forts , et 
vice versd. 

La taille des branches à bois du pècher a pour objet la 
forme de l'arbre , le maintien et l'accroissement de la force 
de sa charpente , en faisant naître de nouvelles branches à 
bois là où elles sont nécessaires. Le vice inséparable de cette 
opération est de multiplier ces branches à bois au delà du 
besoin ; mais on y remédie par le pincement , dont nous 
parlerons ci-après. 

La taille des rameaux à fruit du pêcher a pour objet le 
renouvellement complet de ces sortes de rameaux en les ra- 
battant annuellement sur le bourgeon le plus voisin de leur 
insertion , que l’on aura favorisé à cet effet lors de son déve- 
loppement ; elle concentre la sève du pècher en maintenant 
sans cesse de nouvelles pousses près des branches à bois, et 
ressemble en quelque sorte à la taille des coursons de la vi- 
gne , qui, ainsi que nous l'avons vu, consiste à rabattre près 
du talon du bourgeon inférieur tout ce qui a poussé au des- 


144 LA POMONE FRANÇAISE. 


sus, pour ensuitetailler sur ce dernierbourgeon. Quoique tous 
les rameaux à fruit du pêcher ne nécessitent pas un rappro- 
chement aussi rigoureux , il est bon de le concevoir d’abord 
tel que nous l’annoncons ici pour être mieux entendu lors- 
que nous en parlerons avec plus de détails. Tout l’art de la 
conduite des rameaux à fruit consiste à ménager des yeux 
au talon de ces rameaux, à les faire éclore , et à les favori- 
ser dans leur développement. 

En résumé, la taille concentre la sève dans toutes les par- 
ties de l’arbre conservéés, mais principalement dans celles 
qui lui sont immédiatement inférieures ; en sorte que la vi- 
gueur de ces parties augmente, si ce n’est dans le seul cas 
où cette taille aurait fait disparaître tous les yeux bien con- 
formés pour n’en laisser que de faibles. 

Un pêcher bien taillé vit beaucoup plus long-temps que 
ceux qui sont abandonnés à la nature ; c’est surtout lorsque 
l'arbre a jeté le feu de la première jeunesse que les bons ef- 
fets de la taille sur son organisation et sur la qualité des 
fruits sont plus sensibles. 


DE L'OPÉRATION DE LA TAILLE. 


Il est nécessaire de dépalisser entièrement l’arbre que l’on 
veut tailier, afin d’éviter de casser ou d’éclater les branches, 
eten même temps pour donner la facilité de détruire les'in- 
sectes et les repaires où ils peuvent se retirer; l’entretien 
de la propreté des murs, des treillages, et surtout de l’écor- 
ce des arbres, est un objet extrèmement essentiel pour leur 
conservation et leur santé. 

L'époque de la taille ne peut être précisée; elle est mar- 
quée par celle où la sève commence à enfler lésèrement les 
bons boutons, ce qui souvent a lieu à la fin de janvier ou au 
commencement de février, à moins que l'hiver ne se pro- 
longe ou n'ait été très rude. 


Beaucoup de jardiniers attendent, pour commencer àtail- 


LA POMONE FRANÇAISE. 1 


45 


ler, que les arbres soient en pleine fleur. Le plus grand mal 
occasionné par cette routine est laffaiblissement des bou- 
tons et des yeux de la partie inférieure des branches, à cause 
de la perte de sève déjà montée inutilement dans le haut de 
l'arbre ; et le moindre estla destruction de beaucoup de fleurs 
et de bourgeons bien placés, que le jardinier même le plus 
adroit ne saurait éviter d’abatire avec ses mains ou ses vête- 
ments. : 

En outre, les yeux ayant déjà poussé, la crainte de les 
blesser fait que la taille ne peut en être aussi rapprochée 
qu’elle devrait l’être, et l’on est obligé alors de laisser des 
onglets. 

Par la méthode que nous suivons, on ET do. 
plus rapidement et plus correctement, et l’économie du 
temps au commencement de la saison est un avantage pré- 
cieux qui influe sur le succès de toutes les opérations de 
Pannée; d’ailleurs les plaies sont plus tôt recouvertes, et en 
sénéral les fruits noués sur une branche taillée de bonne 
heure profitent beaucoup plus que celui des arbres taillés en 
pleine sève. | 

Les branches à bois formant la charpente de l'arbre se- 
ront toujours taillées en raison de leur vigueur et de la for- 
me que l’on veut donner à l’arbre. On ne raccourcira point 
une branche principale avant de s'être assuré que celle qui 
lui correspond est ésalement munie d’un @il Bien constitué 
et bien piacé pour être taillée soit à égale hauteur, soit plus 
bas ou pius haut, suivant la force respective des deux bran- 
ches: car, si elles n'étaient pas d’épale force, on taillerait la 
plus faible plus longue que la plus forte, et on la maintien- 
drait en outre dans une position plus rapprochée de la verti- 
cale , et par conséquent plus BIOBTÉ à favoriser son dévelop- 
A. 

Les bourgeons anticipés se taillent ordinairement à deux 
ou trois yeux, afin de concentrer la sève et de préparer le 

10 


446 LA POMONE FRANÇAISE. 


plus près de leur insertion des branches à fruit et de rem- 
placement pour l’année suivante. 

On évite, à la taille et à l’ébourgeonnement, de laisser de 
forts bourgeons à la partie supérieure de l'arbre et sur le 
dessus des branches, afin que la sève ne soit pas trop attirée 
par ces sorties avantageusement placées. En cas de népli- 
rence sur ce point, on y remédierait, comme on le dira ci- 
après, par le pincement, le palissage et les rapprochements 
en vert; mais il est mieux, lorsqu'on le peut, de ne passe 
mettre dans la nécessité de recourir à ces moyens de répres- 
sion. 

Les branches fruitières qui prendraient trop de force se- 
ront tailleés courtes au dessous de leurs meilleurs yeux ; et 
celles qui faibliraient seront taillées, proportion gardée, plus 
longues et sur leurs meilleurs yeux. C’est à tort qu’on a pre- 
scrit le contraire dans quelques livres de jardinage. 

En effet , lorsqu'on taille lonsue une branche forte, d’une 
part on la rabat sur les yeux le mieux conformés, et de l’au- 
tre il se trouve une plus srande quantité de forts bourgeons 
qui, en attirant la sève à eux, la font passer à la branche qui 
les porte; celle-ci devient donc plus visoureuse, loin _ de 
s’affaiblir, et ce résultat est d'autant plus marqué dans le pê- 
cher, qu’il ouvre tous ses yeux et boutons à la fois. | 

Les branches fruitières dont la visueur serait modérée 
seront ravalées sur leurs bourgeons de remplacement, et 
ceux-ci seront taillés suivant leur force et l’état de l’arbre. 

Les rameaux qui n’auraient que des boutons à fleurs se- 
ront supprimés, après qu'on se sera assuré qu’ils n’ont 
point d'œil à bois au talon ; auirement on pourrait tailler 
sur cet œil pour obtenir ur bourgeon de remplacement. 


DE LA COUPE. 


Le recouvrement plus ou moins prompt des plaies que l’on 
est forcé de faire lors de la taille dépend de la manière dont 


LA POMONE FRANCÇAISF, 147 


on l’opère. L’instrument sera bien affilé, afin que les plaies 
soient unies ef nelîtes. La coupe doit être peu oblique pour 
présenter moins de surface, et ètre faite à 2 112 ou 3 milli- 
mètres au dessus de l'œil, suivant la grosseur du rameau. 
Plus la coupe est oblique, plus le recouvrement de l'onglet, 
ou bois mort renfermé sous l'écorce est long à s’effectuer. 
Lorsque la coupe est faite trop au dessus de l'œil, il est rare 
que la sève puisse dès la première année recouvrir la plaie ; 
souvent elle n’en a pas encore la force les années suivantes. 
et il reste ce qu’on appelle un chicot ou bois mort desséché, 
qu’on est obligé d'enlever. Si, au contraire, la coupe des- 
cend trop bas et jusque derrière l’œil, on dit qu’elle l’affa- 
me , parce qu’en cffet la sève qui devait servir au dévelop- 
pement du germe se trouve éventée. 

Lorsqu'on supprime une forte branche, il faut la couper 
au ras dé l’écorce de la branche plus grosse sur laquelle elle 
est insérée ; si dans ce cas on fait usage de la scie, il faut 
rafraîchir promptement la plaie et la rendre nette et unie; 
on doit ménager l’écorce, comme la partie essentielle au re- 
couvrement des plaies. On conçoit combien l'emploi du sé- 
cateur est nuisible aux arbres. Il n’y à que les cultivateurs 
accablés d'ouvrage et toujours pressés qui osent faire usage 
du sécateur pour le pêcher, ainsi que cela a lieu à Montreuil, 
où les qualités toutes particulières du sol viennent atiénuer 
les dommages. On appliquera l’onguent de Saint-Fiacre sur 
toutes les plaies un peu fortes; le recouvrement sera d’au- 
tant plus prompt que l’on mettra plus de soin et de célérité 
à empècher l'effet du contact de Pair. On n’attendra jamais 
pour amputer une branche malade qu’elle soit entièrement 
morte, parce que la cicatrisation de la plaie serait plus lon- 
sue et pourrait même ne jamais s'effectuer. 

L'emploi de la scie ne demande point de force ; l’ouvrier 
évitera que la monture de l’outil ne vienne frapper contre 


448 LA POMONE FRANÇAISE. 


l'écorce, ce qui pourrait la meurtrir. Il doit aussi prendre 
garde, avant de terminer l’opération, d’éclater la branche, 
en pesant trop dessus ; il pourra facilement prévenir cet ac- 
cident en donnant un coup de serpette sur le côté opposé à 
celui où il a commencé à scier. . 


DU PINCEMENT. 


Le pincement pratiqué sur les très jeunes bourgeons a 
pour objet de modérer leur accroissement, de manière 
qu’ils ne puissent recevoir que la quantité de sève néces- 
saire pour produire des branches fruitières ou des branches 
à bois utiles à la forme de l'arbre. Le pincement est d'autant 
plus efficace qu’il agit davantage sur l’empatement des ea- 
naux séveux. L'effet de la taille sur les branches principales 
est presque toujours de donner naissance à une plus grande 
quantité de branches à bois qu’on ne peut en employer, et 
le pincement offre le moyen de faire tourner en bourgeons 
à fruit les bourgeons à bois surabondants, qu’il faudrait 
sans cela supprimer, ce qui est toujours préjudiciable à la 
fécondité et à la prospérité de l'arbre. 

Le pincement peut done être considéré sous ce rapport 
comme le correctif des inconvénients inséparables de la 
taille. 

Le pincement d’un bourgeon en arrète la croissance pen- 
dant tout le temps que la sève met à reformer à son extré- 
mité le rudiment nécessaire à son prolongement. Lorsque 
ce temps sera long (comme il arrive dans le commencement 
de nos printemps, où la température reste souvent froide), 
les bourgeons non pincés, dans lesquels fa sève continue de 
couler, prendront une avance qui leur assurera pour tou- 
jours la supériorité de force; mais si, au contraire, la ré- 
paration était prempte, il faudrait pincer de nouveau. 


LA POMONE FRANCAISE. 149 


Ainsi, à l’aide de cette opération faite à temps, on change 
à volonté la destination des bourgeons, surtout lorsque le 
pincement opère sur lempatement. 

L'abbé Roger, sachant que la suppression des gourmands 
est dangereuse, surtout lorsqu'elle est brusque, et, ne re- 
connaissant pas d’ailleurs tous les avantages du pincement, 
recommande expressément de fonder toute l’économie des 
arbres sur les sourmands; il enseigne que, pour les dom- 
pter, il faut les tailler longs , les courber, les éciater même ; 
et, quant à ceux dont il faut se débarrasser, il veut qu’on 
les rabatte plusieurs fois de suite pendant la durée de la 
sève. 

Des auteurs plus modernes preserivent de tordre les sgour- 
mands, de les fendre, de les éclater, de les scier à moitié 
épaisseur, d'enlever à leur insertion un anneau d’écorce, 
etc. Je connais des amateurs qui taillent eux-mêmes leurs 
arbres, et qui enchérissent encore sur ces moyens de dom- 
pter les gourmands : ils les ciouent contre le mur. | 

On conçoit que des arbres mutilés de cette sorte, et dont 
on ne sait pas mieux employer la force etla visueur, doivent 
en être bientôt dépouillés. Sans avoir besoin d’une grande 
expérience en culture , il suffit d’avoir l'esprit juste pour 
sentir qu'il est au moins inutile de laisser chaque année les 
arbres se couvrir de branches superflues qu’on est obligé de 
supprimer soit à l’ébourgeonnement , soit à la taille, et qu’il 
est préférable de les bien diriger pendant tout le cours de 
ieur végétation, afin de ne pas se trouver dans la nécessité 
d’avoir recours par suite au fer et à la violence. D'ailleurs 
retrancher un gourmand n’est pas supprimer la cause qui 
Va fait naître; sa suppression amène de nouveaux désor- 
dres et ne remédie point à une taille trop courte, à des en- 
sorsements, à un excès de sève causé par des engrais, elc., 
etc. Une branche sur laquelle on a retranché un gourmand 
doit nécessairement languir, parce que les couches ligneu- 


159 LA POMONE FRANÇAISE. 


ses qui restent , et qui sont pour ainsi dire les racines de ce 
sourmand , ne pouvant plus être en rapport avec lui, dépé- 
rissent avec ja branche qui les porte, et d'autant plus prom- 
ptement, que la réparation est grande et les moyens usés. 

Ce n’est point, comme lindiquent quelques auteurs très 
modernes, pour obtenir des ramifications que je recom- 
mande l’usage du pincement ; c’est seulement , ainsi qu'on 
l’a déjà dit, pour arrêter les progrès d’un bourgeon, qui 
sans cette opération deviendrait plus fort qu'il n’esi néces- 
saire à la forme ou à la fructification de l'arbre. 

On ne peut trop se hâter de pincer les bourgeons près du 
terminal, placés en dessus , et qui annonceraient devoir 
l’égaler ; mais on attendra, pour pincer ceux du dessous, 
qu’ils soient déjà assez avancés, parce que leur développe- 
ment est plus lent, et qu'il est rare que leur force devienne 
nuisible. 

Cette faculté que donne le pincement de régler à volonté 
la force respective des branches , et de les faconner pour 
ainsi dire sous les doigts pnedant la première durée de la 
pousse , me semble si précieuse, que je ne puis comprendre 
les motifs qui ont décidé des auteurs très recommandables 
à en proscrire l'usage ; Pabbé Roger Schabol , notre maître, 
auquel l’art du jardinage doit beaucoup, le condamne d’une 
manière formelle , surtout pour le pêcher. D’un autre côté, 
cette opération est prescrite dans les ouvrages d'auteurs 
plus anciens (de Bonnefous, en 1651 ; Venette, en 1685; Le- 
sendre, en 1681 ; de Combes, en 1645 ; et plus récemment, 
en 1773, dans un ouvrage rédigé par une société d'amateurs). 
L'abus que les jardiniers pouvaient faire de cette opération, 
du temps de labbé Roger, la lui aurait-il fait condamner 
trop légèrement sans qu’il connüt toutes ses propriétés, ni 
mème la manière de la pratiquer convenablement. 


LA POMONE FRANÇAISE. 151 


DE L'OPÉRATION DU BINCEMENT, 


Le pincement s'opère en comprimant entre ses doigts et 
séparant ensuite l’extrémité des bourgeons naïssants. Si, au 
lieu de comprimer d’abord, on coupait net avec les ongles, 
le dommage causé au bourgeon serait moins sensible et plus 
tôt réparé. Cette petite différence dans lPopération en pro- 
duit d'assez grandes dans les résultats : c’est au jardinier à 
savoir se servir à propos de ces nuances délicates. 

L'opération est bien faite lorsqu'on a seulement retran- 
ché la petite extrémité qui doit nécessairement se reformer 
avant que le bourgeon puisse continuer à croître en lon- 
sueur; elle est mal faite lorsqu'on a trop différé et que l’on 
retranche une assez grande longueur pour arriver jusqu’à 
un œil formé et prêt à s'ouvrir ; dans ce cas, c’est un taille 
en vert que l’on a pratiquée, et non un pincement, et l’on doit 
s'attendre que les résultats seront aïors accompagnés de 
tous les inconvénients inséparables de la taille. En effet, la 
sève aboutissant à l'œil terminal déjà formé du bourgseon 
rogné y trouvera une soriie assez grande par où elle s’é- 
chappera , et qui fera développer avec force et promptitude 
ce même œil, ainsi que ceux au Gessous, et le prolongement 
se trouvera remplacé presque sans interruption et sans 
avoir amoindri les canaux séveux de l’empatement du bour- 
seon. Dans le premier cas, au contraire, la sève se trouve 
arrètée pour un temps plus ou moins long, et ne se porte 
plus qu'en moindre quantité dans le bourgeon pincé, pour 
reformer péniblement cette partie indispensable à son or- 
ganisation ; alors l'excès de sève que ce bourgeon aurait at- 
tiré se répartit avantageusement dans les autres parties de 
l'arbre. 

Aussi , pour tirer tout le parti possible du pincement, il 

aut V’effectuer ayant que le bourgeon soit trop allongé , et 


152 LA POMONE FRANÇAISE. 


iorsque les yeux sont encore rapprochés les uns des autres 
et peu formés : ce doit être, en un mot, une opération de 
prévoyance. 

Si quelques bourgeons, mal jugés d’abord parce qu’on 
n'aurait pas fait assez d’attention à leur empatement, pre- 
naient tout à coup un trop grand développement, lorsque 
la vésétation serait déjà avancée, il faudrait bien alors 
avoir recours à l’amputation, supprimer la moitié du bour- 
geon , ou même davantage, et le rabattre à la fin de juillet 
sur le bourgeon anticipé le plus bas. Cette opération s’ap- 
pelle rapprochement en vert. | 

Par l'effet du pincement bien administré, la sève ne trou- 
ve de passage que pour circuler dans des rameaux utiles à 
la forme et à la fructification de l’arbre, tandis que, si l’on 
est obligé d’avoir recours aux suppressions, la sève aura été 
inutilement employée à former les rameaux qu’on enlève, 
et se perdra encore par les plaies. Cette perte est plus où 
moins préjudiciable à la qualité des fruits, à la vigueur et 
à la santé de l’arbre , selon que les bourgeons qu’on rac- 
courcit sont plus ou moins formés. Ii faut donc, lorsqu’on 
s’est mis dans le cas de n'avoir plus d’autres ressources , se 
décider à l’employer de bonne heure , afin d’éviter l’opéra- 
tion plus désastreuse de la suppression totale du bourgeon 
à l’époque de la taille. 

M. Dalbret, page 55, fait usage du pincement pour faire 
bifurquer un bourgeon , et suppléer à une bifurcation qui 
aurait été préparée par la taille et qui n'aurait pas réussi. 
Nous n’approuvons point ce moyen de se procurer des bi- 
furcations, surtout dans le pècher. On en verra plus tard la 
raison. 

Il est évident , d’après ce que nous venons de dire, que 
le bon emploi du pincement suppose une certaine expé- 
rience pour juger le degré de force que vont acquérir tels 
où tels bourgeons si on les laisse croître librement, et que 


LA POMONE FRANCAISE. 158 


par le raccourcissement on supplée au défaut de cette ex- 
périence : il faudrait en manquer tout à fait pour ne pas 
s’apercevoir de la destinée d’un bourgeon qui serait déjà 
arrivé au quart de sa croissance ; dans ce cas, on serait 
obligé de couper à la taille, tandis qu'avec plus de science 
on aurait seulement rogné et qu'il aurait suffi aux plus ha- 
biles de pincer. Ces derniers n'auront jamais sur leurs ar- 
bres ni sourmands ni branches fortes qu'aux endroits où 
ils les voudront avoir. 

La sève peut être considérée comme un torrent qu'il est 
aisé de maintenir dans le lit que ia nature ou la main de 
l’homme lui a tracé ; il faut seulement se porter à temps 
aux endroits où elle veut faire irruption , la prévenir, ob- 
struer les passages en même temps qu'on lui laisse dans le 
voisinage assez de canaux libres pour s’écouler ; alors elle 
_ portera l'abondance et la vie dans ces mêmes canaux qu’elle 
eüt abandonnés et qui se fussent desséchés si on lui eùt laissé 
la liberté de s’en frayer de nouveaux, suivant son caprice. 


DE L'ÉBOURGEONNEMENT. 


Le pècher est, par sa nature, celui de tous les arbres 
fruitiers dont la prospérité ou le dépérissement dépendent 
le plus des effets de l’ébourgeonnement. 

L’ébourgeonnement a pour but de préparer les opéra- 
tions de la taille, et il doit être fait avec discernement et 
prévoyance, pour que la taille puisse avoir de l'efficacité sur 
la forme de l'arbre. 

Il faut distinguer deux sortes d’ébourgeonnement : celui 
fait sur le bois de la taille, c’est-à-dire de la dernière pousse, 
et celui des bourgeons anticipés sur les bourgeons de l’année. 

L’ébourseonnement sur le bois de la taille a pour objet de 
supprimer tous les bourgeons inutiles qui feraient confusion 
OU qui ne trouveraient pas de place au palissage ; cet ébour- 


134 LA POMONE FRANCAISE. 


seonnement doit commencer avant que les bourgeons aient 
3 centimètres de longueur. Dans la 1re édition de {a Pomone, 
nous avions recommandé l’ébourgeonnement à sec, c’est-à- 
dire la suppression de tous les yeux placés sur le devant ou 
derrière les branches à bois avant qu’ils eussent ouvert, mais 
nous avons reconnu depuis qu'il est mieux de laisser tous 
ces yeux pousser, pour ensuite réduire leurs bourgeons à 
deux ou trois feuilles qui servent à protéger les branches des 
ardeurs du soleil, et favorisent d’autant la cireulation de la 
sève, tandis que l'ébourgeonnement à sec occasionne des 
plaies et une perte de sève employée à leur cicatrisation. 
Nous ne faisons usage de cet ébourgeonnement à sec que 
sur les fruitières, pour favoriser le développement du bour- 
geon de remplacement. 

M. Lepère, page 48, conseille d'éborc gner sur les branches 
à bois tous les yeux qui poussent devant et derrière, et quel- 
ques uns parmi les doubles ou triples qui se trouvent souvent 
à leur sommet , etc. Nous regrettons d'autant plus d’avoir 
commis cette erreur, que c’est peut-être en lisant la Pomone 
que M. Lepère a adopté ces principes, car cette opération 
n’est pas ordinairement pratiquée à Montreuil. 

L’ébourgeonnement sur les bourgeons de l’année consiste 
dans le retranchement des bourgeons anticipés inutiles ou 
mal placés ; cette opération est successive et de tous les 
moments ; en un mot, elle dure autant que la pousse ; elle 
doit être conduite de manière à ne point faire de plaie et à 
ne point laisser de traces. 

M. Lepère, page 50, considère l’ébourgeonnement comme 
étant la suppression des bourgeons développés des yeux 
échappés à l’éborgnage ou au pincement ; il pense que dans 
les arbres bien soignés on ne doit ébourgeonner qu’au prin- 
temps et en été. C’est ainsi que l’on se conduit à Montreuil, 
parce que le temps manque aux cultivateurs de ce pays pour 
opérer un ébourgeonnement successif. 


LA POMONE FRANÇAISE, 155 


L'effet de l’ébourgeonnement sur le bois de la taille est de 
ménager, pour les bourgeons conservés, la sève et l'air que 
les autres eussent absorbés en pure perle si on les eût laissé 
croître &e 50 centimètres et plus, ainsi que cela se pratique en- 
core dans beaucoup trop de jardins, et surtout à Montreuil. 
Les fruits accoutumés de bonne heure à l’air sont plus assu- 
rés ; les rameaux qui restent sont aussi plus robustes, sur- 
tout à la partie inférieure, où il est si important de ménager 
les yeux pour le remplacement de ces mèmes rameaux 
après qu’ils auront rapporté fruit. 

Un ébourgeonnement tardif oblige à faire en pleine sève 
des plaies mullipliées qui suspendent tout à coup la véséta- 
lion dans toutes les parties de l’arbre à la fois, et l’on con- 
çoit que cette suppression, et le retour même de la sève 
lorsqu'elle reprend son cours, sont des révolutions qui doi- 
vent nécessairement influer d’une manière très préjudicia- 
ble sur la qualité des fruits comme sur la santé des arbres 
ainsi traités. 

L'abbé Roger estimait que les suppressions faites par l’é- 
bourgeonnement , le raccourcissement des bourgeons et le 
 retranchement des branches à la taille, s’élevaient , chaque 
année, à plus des deux tiers des produits de là végétation. Si 
des pèchers ainsi traités prennent de l’accroissement , il est 
évident qu'ils ne le doivent qu’à un sol très propice et à 
Pextrème vigueur dont ces individus sont doués ; mais {ous 
ne sont pas si bien constitués ; aussi dans les terres ordinai- 
res une caducité anticipée est-elle leur partage. 

L'effet de l’ébourgeonnement sur les bourgeons de l’an- 
née, en supprimant les bourgeons anticipés placés sur le 
devant , le derrière , et encore ceux des côtés qui seraient 
trop rapprochés, est aussi de donner de la force à ceux que 
l’on conserve. 

En général, ies bourgeons ou les bourseons anticipés 
d’une branche qu’on laisserait intacte seraient incompara- 


456 LA POMONE FRANÇAISE. 


_blement plus faibles que ceux d’une autre ébourgeonnée de 
bonne heure ; si donc on ébourgeonnait trop tôt un arbre 
taillé trop court, on obtiendrait des bourgeons trop forts pour 
être fructueux , et vice versi. Ainsi, l’ébourgeonnement tel 
que nous l’enseisnons fournit en quelque sorte les moyens 
de corriger la taille lorsqu'elle n’a pas été proportionnée à 
Ja force de l’arbre, et, d’un autre côté, permet de tailler long 
pour étendre plus promptement les arbres sans les fatiguer : 
car il suffit seulement, dans ce dernier cas, a en 
dès la naissance des pousses. 

Une autre conséquence de ces principes est qu’on ne doit 
jamais employer l’ébourgeonnement pour équilibrer la force 
des branches à bois entre elles, parce qu’on s’exposerait à 
faire perdre aux bourgeons la qualité des rameaux à fruit, 
en affaiblissant les unes et donnant trop de force aux autres; 
la plus grande utilité de l’ébourgeonnement est de préparer 
une taille facile, qui ne consiste plus que dans des raccour- 
cissements, et non dans des suppressions, toujours préjudi- 
ciables à l’arbre. 


DE L'OPÉRATION DE L'ÉBOURGEONNEMENT. 


L'opération de l’ébourgeonnement doit se pratiquer ou 
avec les ongies, ou avec une lame forte, à dos arrondi, 
étroite , et montée sur un long manche. 

On attendra, pour supprimer les bourgeons trop rappro- 
chés, qu’ils se soient allongés de 15 à 25 millimètres; alors 
ces petits bourgeons s’annonceront assez pour qu’on puisse 
distinguer ceux qu’on doit conserver. Le choix sera réglé 
par la distance à observer pour que tous puissent prendre 
place , et on laissera toujours de préférence les plus faibles 
en dessus des branches et les plus forts en dessous. 

Les auteurs avant nous n’ont pas indiqué la manière de 
traiter l’ébourseonnement des yeux à bois doubles ettri- 


LA POMONE FRANÇAISE. 157 


ples que l’on trouve très souvent sur les branches du pêcher 
(V. pl. II, fig. 3); cependant, ces yeux ne devant pas pro- 
duire des bourgeons également forts, il est à propos de les 
examiner avec soin, afin de pouvoir supprimer ou réserver, 
avec connaissance de cause et selon le besoin, les uns plu- 
tôt que les autres : or l’œil qui doit donner naissance au bour- 
seon le plus fort est toujours celui du milieu, puis celui du 
devant , et ie plus faible est le plus voisin du mur. Les deux 
à supprimer lorsqu'ils auront poussé ne seront relirés que 
successivement, et le second sera laissé plus ou moins lons- 
temps selon le degré d’affaiblissement où l’on veut amener 
celui que l’on conserve ; l’affaiblissement de celui-ci résultera 
non seulement du partage de la sève, mais encore des per- 
tes par la plaie, qui seront d'autant plus considérables que 
le bourgeon supprimé sera plus gros. 

Nous distinouerons, comme nous l’avons dit, une troisiè- 
me sorte d’ébourgecnnement, qui consiste à supprimer, pen- 
dant la pousse, sur les bourgeons de l’année, tous les bour- 
geons anticipés du devant et du derrière. Ii s'effectue avec 
les ongles , pendant que les bourgeons sont encore herbacés. 
On doit toujours laisser la feuille qui est à l'insertion du bour- 
seon anticipé ; elle entretient dans cette partie le cours de la 
sève et favorise la cicatrisation. Avant de se décider à sup- 
primer un bourgeon anticipé qui paraît être en ayant ou en 
arrière , il faut bien s'assurer si telle est réellement sa posi- 
tion, parce qu’il arrive souvent que le bourseon principal, 
en continuant de s’allonser, tourne sur lui-même, surtout 
lorsqu'il n’est pas bien attaché. Cette observation s'applique 
aux bourgeons anticipés qui seraient à de trop grandes di- 
stances les uns des autres, et que l’on aurait en conséquence 
grand intérêt à ménager pour éviter les vides. : 

Quant aux bourgeons anticipés qui sont placés en dessus 
et en dessous , on attendra pour les éclaircir qu’ils aient at- 
teint de S à 10 centimètres de longueur ou même davantage, 


158 LA POMONE FRANÇAISE. 


toujours afin d’être en état de faire un bon choix et de ne 
pas enlever un trop grand nombre de bourgeons à la fois sur 
la même branche , ce qui jetterait du désordre dans sa vé- 
gétation. 

Les bourgeons anticipés conservés alierneront et ne seront 
jamais diamétralement opposés lun à l’auire, parce que ce- 
lui qui serait en dessus de la branche s’emparerait de la sève 
au préjudice de l’autre; ils ne doivent pas ètre rapprochés 
de plus de 12 à 14 centimètres ; on conservera de préféren- 
ce ceux qui ont un œil au talon ou à peu de distance de l’in- 
sertion. Comme ces bourseons anticipés à éclaircir seront li- 
oneux, On se servira d’une lame étroite et à dos rond, afin 
de ne pas blesser le bourgeon principal, qui forme souvent 
un angle très aigu avec celui qu’on supprime. 

On coupera ces bourgeons anticipés déjà développés à 9 
ou # millimètres, et non au ras de lécorce, parce que les 
plaies multipliées sur un jeune bourgeon qui n’est pas en- 
core formé pourraient faire fluer la gomme. On conservera 
aussi la feuille du talon , afin qu'elle puisse alimenter la pe- 
tite portion de bois laissée, de manière que celle-ci dispa- 
raisse petit à petit sans occasionner sur le bourgeon princi- 
pal ni plaies ni cicatrices ; en outre cette feuille servira à ga- 
rantir ce bourgeon des coups de soleil, qui, frappant sur la 
plaie et le jeune bois, pourraient y faire un mal irréparable. 

À l’époque de l’ébourgeonnement, et après la floraison, 
les rameaux à fruit doivent recevoir un rapprochement en 
vert, qui consisie à supprimer la partie supérieure du ra- 
meau qui n'aurait pas retenu de fruit ou dont la conserva- 
tion ne serait pas nécessaire à la nourriture des fruits noués. 
Dans le cas où le rameau en serait totalement dépourvu, on 
le rabattrait jusque sur l’avant-dernier bourgeon ou le der- 
nier bourgeon du côté de l'insertion, afin de favoriser les 
moyens de remplacement pour l’année suivante. Mais si le 
rameau était fort, et que l’on eût à craindre que le bour- 


LA POMONE FRANCAISE. 139 


geon de remplacement ne perdit ses qualilés de rameau à 
fruit, on serait le maître, pour les lui conserver, de sarder 
un plus grand nombre de bourgeons ou de différer le rap- 
prochement jusqu’au moment du palissage, ou même de la 
taille. 


DU RAPPROCHEMENT EN VERT. 


Le rapprochement en vert est une opération aussi essen- 
tielle au pêcher que l’ébourgeonnement ; il a pour objet de 
donner de la force aux bourseons qui en ont besoin, en mè- 
me temps qu’il fortifie les branches principales sur lesquelles 
il s'opère ; il ranime l’activité de la sève, et favorise à pro- 
pos le complément de la formation des boutons à fruit ; en- 
fin il prévient la confusion en reiranchant toutes les bran- 
ches ou parties de branches nuisibles à l’arbre ou aux fruits, 
et qu’il faudrait toujours supprimer à la taille. 

En général , on ne doit pratiquer le rapprochement en 
vert que lorsque la sève commence à se modérer et que les 
fruits commencent à srossir, c'est-à-dire dans le courant de 
juillet. S’il était fait trop tôt, il procurerait une sève trop 
abondante aux parties qui restent , et ne remplirait pas son 
objet , surtout dans les arbres très vigoureux, et jamais as- 
sez tôt dans les arbres qui ne le sont pas. 

Il s’opère sur toutes les parties de l'arbre, sur les jeunes 
bourgseons pincés aussi bien que sur le vieux bois. Le rap- 
prochement en vert est sans doute ce que les anciens auteurs 
appellent la taille d’été ; elle se pratique plus particulière- 
ment sur les fruilières, rarement sur les grosses branches. 


DU PALISSAGE. 


Le palissase a pour but de diriger la forme et le dévelop- 
pement de l’arbre ; il favorise la circulation de Pair entre 


160 LA POMONE FRANÇAISE, 


toutes ses parties, et contribue à la beauté ainsi qu’à la ma- 
_turité des fruits, qu’il permet d'exposer, lorsqu'il en est 
temps, aux ràyons du soleil et à l'impression de l'air. Il peut 
servir aussi à ralentir la végétation : car une branche forte, 
palissée, perd bientôt ses avantages sur celle qui ne Pest 
pas ; ou plutôt elle ne perd rien, mais la faible gagne plus 
qu’elle , ce qui tient à ce que celie-ci reste mieux exposée 
aux influences de l'atmosphère ; si même on avait des rai- 
sons pour faire prendre beaucoup de force à une branche, 
il suffirait de la dépalisser et de la placer en avant de l’espa- 
lier ; mais dans ce cas , pour conserver la position des bour- 
seons qui sont sur les côtés, il conviendra de la fixer à trois 
saulettes enfoncées en terre (pl: HE, fig. 9) ; sans cette 
précaution, les bourgeons de dessus, attirés en avant par 
l'air, feraient contourner la branche. ù 

Une branche faible, palissée verticalement , égalera plus 
promptement aussi une branche plus forte palissée horizon- 
talement. C’est au jardinier qui veut établir l'équilibre entre 
diverses branches à savoir régler le degré d’inelinaison qu’il 
faut donner à chacune d'elles, et lorsqu'il est rétabli il doit 
s’empresser de dépalisser ces branches, pour les ramener à 
la place qui leur est destinée dans le système général de 
l'arbre. | 

Une branche ou un bourgeon palissé verticalement a un 
double avantage : celui d'être sans contrainte dans la direc- 
tion que la sève a le plus de tendance à parcourir, et celui 
de présenter l’extrémité de ses pousses àV’air et à la lumière. 

D’après ces dernières considérations, on ne doit ausmen- 
ter l’ouverture de l'angle formé par les deux mères-bran- 
ches d’un jeune arbre que progressivement et au furet à 
mesure que ses ramifications exigent de la place pour s’é- 
tendre. En effet, d’une part les branches-mères plus verti- 
cales pousseront plus vivement , et de l’autre la différence 


LA POMONE FRANÇAISE. 164 


de force végétative des yeux du dessus et de ceux du des- 
sous sera moins sensible‘(1). 

Les effets du palissage sont peu sensibles sur un bourgeon 
déjà formé. Dans le bourgeon naissant, la sève suit les sinuo- 
sités qu’on veut lui faire parcourir ; mais, dans le bourseon 
formé, ses canaux s’obstruent plus ou moins , en raison de 
la courbure qu’on fait prendre à la branche. La courbure ne 
doit se pratiquer que rarement, sur quelques fruitières seu- 
lement, afin de faire développer plus promptement et plus 
vivement l’œil du talon, destiné à le remplacer. Le jardi- 
nier intelligent saura, suivant les circonstances, tirer parti 
de l'exposé général de ces faits. | 


DE L'OPÉRATION DU PALISSAGE. 


La nécessité du palissage est indiquée par celle de soute- 
nir les bourgeons , et de donner aux branches la direction 


(1) Cette ouverture progressive de l’angle des deux branches-mères offre. 
comme on le voit, de grands avantages pour faciliter le balancement de la sève 
entre les bourgeons du dessus et ceux du dessous; cependant presque tous les 
auteurs recommandent de porter, dès la première année, cet angle à quarante- 
cinq degrés; quelques uns le veulent encore plus ouvert. Mais d’autres attri- 
buent à cette ouverture précise de quarante-cinq degrés des propriétés extra- 
ordinaires pour la distribution exacte de la sève dans toutes les parties de l’ar- 
bre, qui, selon eux, est troublée aussitôt que les mères-branches sont atta- 
chées en deçà ou au delà de ces quarante-cinq degrés. Les personnes qui n’ont 
eu d’autres guides que ces écrits ont dù trouver que les bourgeons du dessus 
prenaient toujours une supériorité de force trop prononcée, et il n’est pas éton- 
nant que le pêcher leur ait paru un arbre indomptable. Jai vu des particuliers 
qui voulaient ouvrir leurs arbres tout à coup être obligés de chasser de très 
forts clous dans le mur, et d'appuyer leurs branches dessus après avoir employé 
beaucoup d'efforts pour les abaisser. On conçoit que cette opération, en ser- 
rant les fibres , ferme à la sève une partie de ses passages, et l'empêche de cir- 
culer dans les pousses inférieures, sans pour cela que son cours soit favorisé 
dans le reste de la branche; aussi ne manque-t-elle jamais de s'ouvrir, dans ce 
cas, de nouveaux passages en dessus, et de transformer au sommet des courbu- 
res les bourgeons en gourmands, d'autant plus embarrassants qu'ils sont plus 
près de l’insertion des branches-mères. 


11 


162 LA POMONE FRANÇAISE. 


voulue parle système adopté pour la forme de l'arbre. Son 
exécution est simple ; elle consiste à fixer les bourgeons sur 
le treillage ou sur les murs,*en les plaçant suivant l’ordre 
où ils ont commencé à croître. | 

On se sert de clous et de loques sur les murs crépis en 
plâtre, d’osiers et de jonc sur les ireillages. Les branches 
palissées après la taille sont attachées avec de l’osier, les 
bourgeons avec du jonc (1). 

On évitera d’enfermer les feuilles sous les liens, de trop 
serrer les branches ou les bourgeons qui ont encore beau- 
coup à grossir avant la fin de la sève. Il faudra visiter ces 
liens de temps en temps, les relâcher au fur et à mesure 
qu'ils en auront besoin, et ne pas attendre qu'ils aient déjà 
occasionné un étranglement. 

Quelle que soit l’inclinaison qu’on veuille donner à la 
branche , on doit toujours la palisser en ligne droite, sans 
coude ni arc ; on ne croisera jamais les branches l’une sur 
l'autre, à moins d’une nécessité absolue, pour remplir un 
vide; ce sera toujours un défaut, mais qu'il faut tolérer lors- 
qu’il en masque un autre plus grand. Ou aura soin qu'au- 
cun bourgeon ne s’introduise entre le treillage et le mur. 

On attachera autant que possible les bourgeons à des di- 
stances ésales en laissant tomber les feuilles sur les fruits, 
afin de les garantir des impressions trop vives du soleil et de 
Pair; etsi, par l’opération du palissage, un fruit qui était 
caché se trouve découvert, il faut avoir la précaution de le 
couvrir avec un petit paquet de bourgeons provenant de l’é- 
bourseonnement, et que £on insinue sous le treillage. 

Le danger de l'impression subite de l’air et du soleil, lors- 
qu’on palisse après l’ébourgeonnement , est moins #rand lors- 


(4) On ne doit point employer le jonc de Marseille, parce qu’il est trop dur, 
qu’il meurtrit les bourgeons, et émousse les serpettes. 


LA POMONE FRANÇAISE. 105 


qu’on a pincé et ébourgeonné de bonne heure, parce que 
les fruits sont peu couverts et déjà accoutumés à l'air. Par 
la raison contraire, lorsqu'on n’a pas ébourgeonné et qu’on 
palisse tard, les fruits qui se sont attendris à l’ombre doi- 
vent avoir beaucoup à souffrir lorsque enfin il faut palisser. 

Le bourgeon terminal des branches à bois sera toujours 
palissé de manière à prolonger la branche sur une ligne par- 
faitement droite. 

Les jeunes pêchers , qui poussent plus vivement, seront 
palissés les premiers, avant que les bourgeons aient acquis 
une force et une roideur qui obligeraient d'employer la con- 
trainte pour leur faire changer de direction. Le motif de cet 
empressement est aussi la crainte qu'ils ne soient rompus par 
les srands vents, ce qui présenterait beaucoup de difficultés 
pour ramener l'arbre à la forme que l’on se propose de lui 
donner, surtout si cet accident arrivait à un bourgeon ter- 
minal. 

Gn commencera à palisser par l’extrémité des branches 
les bourgeons ou bourgeons anticipés qui seront suscepti- 
bles d’être attachés, en inclinant, autant que possible, les 
bourgeons du dessus sur la branche principale, afin d’éloi- 
sner ces bourgeons de la ligne verticale; les bourgeons du 
dessous , au contraire, seront rapprochés le plus possible de 
cette direction. Gn comprend que cette manière d'opérer a 
pour but de diminuer l’avantage que les boürgeons du des- 
sus ont naturellement sur ceux du dessous. C’est encore dans 
cette vue que l’on palissera les premiers quinze jours plus 
tôt. Enfin, d’après ce même principe, on palissera de très 
bonne heure çà et là les bourgeons qui annonceraient de- 
voir être plus vigoureux que les autres, en les approchant 
plus ou moins du mur, et ils perdront bientôt ieurs avan- 
tages. | 

On favorisera, suivant le besoin, les bourgeons de rempla- 
sement, qu'il ne faut pas plus perdre de vue que les bour- 


164 LA POMONE FRANÇAISE. 


.geons terminaux des branches à bois. Lorsqu'on visite un 
arbre, les yeux doivent toujours se porter sur ces deux es- 
pèces de bourgeons, parce que c'est par les derniers que 
l’arbre doit s'étendre, et que les autres servent à concentrer 
la sève près des branches principales, ce qui maintient en 
tout temps l’arbre plein et en vigueur. Le bourseon de rem- 
placement sera palissé au besoin sur celui que l’on doit sup- 
primer après la récolte. 

Un palissage exécuté dans la vue de n’y plus revenir, 
comme on le fait à Montreuil, seraït, par cela seul, très 
mal fait, puisqu'on rencncerait ainsi à tous les avantages 
qu’il présente pour établir ou maintenir l’équilibre de la 
sève dans toutes les parties de l'arbre, avantages d’autant 
plus précieux qu'ils s’obtiennent sans violence. 

Un palissage bien entendu n’est terminé qu’à la chute des 
feuilles; et, à cette époque, les branches doivent être arrè- 
tées et serrées contre le mur pour ne pas être froissées par 
les vents, et aussi pour que les neises, les givres et les ver- 
glas, puissent moins facilement s’y fixer. Il faut qu’à cette 
époque l’œil puisse d’abord saisir l’ensemble de l’arbre, en 
suivre sans peine toutes les ramifications, et reconnaître 
dans chaque partie le système général. Les mères-branches, 
les membres, les sous-branches-mères et les productions frui- 
tières, doivent s’y distinguer facilement par leur force gra- 
duée. Chaque branche, comme disent les jardiniers, doit 
former i'arète de poisson. Un pêcher bien palissé, quoique 
âgé, offre un coup-d’œil infiniment plus beau et plus agréa- 
ble que le plus jeune et le plus vigoureux pècher abandon- 
né à sa nature, même dans les climats les plus favorables à 
la vésétation de cet arbre. 

Le palissage occasionnant toujours une suspension dans 
le mouvement de la sève, il sera à propos, lorsque le soleil 
ne frappera plusie mur, d’arroser avec une pompe les feuil- 
les des arbres qui auront été palissés dans la journée. Cet 


LA POMONE FRANCAISE. 165 


2 


arrosement , qui doit être un bassinage léger, suffit pour que 
la sève reprenne plus promptement son cours. Le palissage 
tel que nous le pratiquons entraîne peu d’inconvénients; 
mais le mode suivi à Montreuil et dans beaucoup de jardins 
exige la suppression en masse de beaucoup de branches , ce 
qui arrète tout à coup la sève pendant plus ou moins de 
temps. Les feuilles, découvertes subitement par ces sup- 
pressions , étant exposées au soleil, jaunissent et tombent, 
ainsi que les fruits; enfin la sève se trouve détournée de son 
cours pour être employée à recouvrir à la fois une mulii- 
tude de plaies. 

Il serait à désirer, pour la prospérité de nos plantes, que 
leur végétation ne commençât chaque année qu’à une épo- 
que de la saison assez favorable pour qu’elle se continuât 
sans interruption jusqu’au terme que la nature a fixé pour 
leur repos. Sous ce rapport, les pèchers ont beaucoup à 
souffrir des changements subits de la température de nos 
printemps , et nos soins doivent tendre à les en préserver. 
Il ne faut donc pas, sans une nécessité absolue, arrêter la 
sève dans son cours par nos opérations ; et, si l’on est obli- 
gé de le faire pour le maintien de l’équilibre, il faut tâcher 
que cette interruption ne soit que partielle, ou se hâter d’y 
porter remède si elle doit être générale. 

Cessuspensions momentanées de la végétation, ajoutées 
aux mauvais traitements, favorisent aussi le développement 
des maladies dont nous voyons les arbres attaqués chaque 
année , suivant que les saisons sont plus ou moins variables 
et les opérations du jardinier plus ou moins vicieuses. 


DES BRANCHES DE REMPLACEMENT ET DE RÉSERVE. 


L'art du remplacement des branches à fruit consiste à 
faire naître tous les ans et à favoriser au talon de chaque 


106 LA POMONE FRANÇAISE. 


branche un bourgeon sur lequel on puisse rabattre à [a 
taille suivante. 

La nécessité de concentrer annuellement les branches 
fruitières du pêcher sur le bourseon inférieur est fondée 
sur la connaissance Ge sa vésétation. En effet , chaque prin- 
temps les branches du pêcher donnent naissance à autant de 
bourseons qu’elles portent d’yeux ; et, si l’arbre était aban- 
donné à la nature, il ne tarderait pas à se charger de bran- 
ches à fleurs qui n'auraient bientôt plus d’œil à bois qu’à 
leur extrémité ; en sorte qu’après la floraison , ces branches 
se trouveraient dépouillées dans toute leur partie inférieu- 
re, sans espoir de se regarnir jamais, puisque le pècher, 
greffé comme on sait, ne perce point ou très rarement de 
l'écorce. Il est facile de concevoir qu’un arbre dépérit cha- 
que année avec rapidité lorsque ses branches se désarnis- 
sent par le bas sur une plus grande longueur qu’elies ne 
s’allongent. C’est ainsi que nous voyons, dans beaucoup 
de jardins où l’art du remplacement est mal pratiqué, 
des pêchers dont la vie semble s’être réfugiée à l’extré- 
mité des branches, par où on croirait qu’elle va s’échap- 
per. 

Les rameaux à fruit se taillent ordinairement, ainsi que 
nous l'avons déjà dit, à 9 ou 10 centimètres, excepté dans 
de certaines espèces, qu'on est obligé de tailler plus long 
parce qu’ils portent leurs fruits à une plus grande distance 
de l’insertion des branches. Dans ce dernier eas, lœil du 
bas ne donnerait naissance qu’à un bourgeon très faible, et 
les intermédiaires plus près de la taille lui enlèveraient la 
sève si l’on n’avait pas eu la précaution de les supprimer de- 
puis l'endroit B (fig. 7), où commence le fruit, jusqu’à l’œil 
À. Par cet ébourgeonnement à sec on conserve la sève pour 
l'œil inférieur, qu’on a soin en outre de favoriser pendant 
tout le cours de son dévelospement, afin d’en former un 


LA POMONE FRANÇAISE. 467 


bourgeon assez fort pour remplacer à la taille suivante le 
rameau B, qui a porté fruit. 

On n'attend pas toujours à la taille pour rabattre le ra- 
meau sur le bourgeon de remplacement. Ainsi, lorsque ce 
rameau est faible , on peut faire cette opération après la ré- 
colte des fruits, pourvu toutefois que l’époque de leur ma- 
turité ne passe pas la fin d’août. Si les fruits ne nouaïent pas 
ou tombaient avant d’être mûrs, on rabattrait aussitôt sur 
ce rameau, qui profiterait alors pendant le reste de la sai- 
son de toute la sève, qui aurait coulé en pure perte dans les 
bourgeons supérieurs B, C, D (fig. 2), lesquels seraient de- 
venus eux-mêmes d'autant plus forts qu'ils n’auraient plus 
eu de fruits à nourrir. Mais, lorsque les rameaux de rem- 
placement auront natureliement des dispositions de force, 
il faudra prendre garde de les augmenter outre mesure en 
ne leur laissant pas assez partager la sève avec les bourgeons 
supérieurs, et l’on devra conserver quelques uns de ceux-ci. 

Dans la supposition où les fruits tiendraient, on favorisera 
le bourseon de remplacement en pinçant ou rognant les 
bourgeons nourriciers dont l’accroissement serait jugé de- 
voir lui être nuisible ; il faut mème, dans certains cas, sa- 
voir se priver du fruit pour sauver ou même seulement 
pour fortifier le bourgeon de remplacement. Telle est, en 
général, la conduite à tenir pour gouverner les branches 
fruitières. 

Lorsqu'un de ces rameaux aura une certaine force, on ne 
devra le remplacer tout à fait que la seconde ou la troisième 
année. Alors on rabattra à la taille, sur l’avant-dernier 
bourgeon B (fig. 2), que l’on taillera long pour avoir du fruit. 
Le bourgeon À du bas, qui était le bourgeon de remplace- 
ment, deviendra rameau de réserve : on le taillera à deux 
ou trois yeux. 

Si au contraire un rameau était trop faible pour rappor- 
ter, et qu’il fût cependant nécessaire pour garnir une place, 


168 LA POMONE FRANÇAISE. 


on pourrait le gouverner pendant deux ou trois ans en fe 
taillant court , mais sur de bons yeux , et l’on finirait par 
en obtenir un bon rameau à fruit (1). 


COURBURES DES PRANCHES FRUITIÈRES. 


Lorsqu'un arbre est jeune ou trop vigoureux, on peut, 
lors de la taille, laisser des rameaux à fruit de toute leur 
longueur, pourvu qu’on les courbe fortement. On ralentit 
par là le mouvement de la sève, et l’on assure par consé- 
quent les fruits, qu’une végétation trop vive aurait fait cou- 
ler ou avorter ; en même temps le développement des yeux 
du talon se trouve favorisé, de manière à pouvoir fournir de 
beaux rameaux de remplacement. 

Ce moyen ne doit être employé que rarement et lorsqu'on 
veut avoir promptement des échantillons de fruits, afin de 


(1) La conduite à tenir pour effectuer le remplacement annuel des branches 
à fruit est si simple, si facile, et tellement commandée par la manière dont le 
pêcher végète, que l’on s'étonne que Buteret , édition de 1795, ait pu annoncer 
dans son ouvrage, d’ailleurs très estimé, que l’opération du remplacement 
des branches à fruit n’est connue qu'à Montreuil. Pour admettre cette asser- 
tion, il faudrait supposer que la nécessité de concentrer le pêcher n’eût été sen- 
tie qu’à Montreuil, et que le remplacement des branches fruitières füt resté un 
secret renfermé exclusivement chez les cultivateurs de ce pays jusqu’au mo- 
ment où Buteret en a fait la révélation. Il est @’ailleurs notoire que presque 
tous les auteurs qui ont traité de la culture du pêcher ont fait mention des 
branches de remplacement. Combes, édition de 4745, Le Berriais, l’abbé Ro- 
ger Schabol, etc., en ont parlé, et plusieurs auteurs qui les ont précédés re- 
commandent de tailler les branches à fruit alternativement longues et courtes, 
et ces indications pouvaient suflire à des cultivateurs exercés. Enfin on trouve, 
dans un essai sur la taille du pêcher imprimé en 4773 par une société d’ama- 
teurs, un article positif sur les branches de remplacement, où il est dit que la 
taille des branches fruitières a pour objet de leur faire porter quelques fruits, 
et en outre d'obtenir leurs branches de remplacement. Quoi qu’il en soit, Bu- 
teret a traité du remplacement des branches à fruit d’une manière claire et pré- 
cise, 


LA POMONE FRANCAISE. 169 


reconnaître si l’on n’a pas été trompé dans le choix des es- 
pèces ; encore les fruits d’une branche arquée n’ont-ils ja- 
mais ni la grosseur ni les qualités de ceux des branches 
droites. 


Afin de récapituler les principes que nous venons d’expo- 
ser en détail, nous allons en faire l’application en suivant 
toutes les opérations de la culture d’un pêcher depuis sa 
plantation jusqu’à sa cinquième année, en supposant suc- 
cessivement qu'on veut lui donner la forme à la Dumoutier 
et celle à bras horizontaux ou en cordons. 


APPLICATION DES PRINCIPES GÉNÉRAUX 


A LA CONDUITE DU PÊCHER 


SUIVANT LA FORME À LA DUMOUTIER. 


PLANTATION ET GREFFE. 


On peut commencer l’éducation d’un pècher sur l’arbre 
déjà greffé et choisi dans les pépinières ; mais il est mieux 
de planter soi-même des amandes ou des sauvageons, 
parce qu'on ne risque pas d'être trompé dans le choix des 
espèces , et que l’on est plus assuré des bonnes qualités du 
sujet. 

Les sauvageons seront choisis sains et vigoureux ; ceux 
d’amandiers parmi les semis de l’année, et ceux de pruniers 
parmi les semis de deux ans. On les plantera avec toutes 
les racines qu’on aura pu conserver, en prenant les soins 
que nous avons recommandés par rapport à la distance du 
mur, à celle des arbres entre eux , etc. , et ils seront rabat- 


170 LA POMONE FRANCAISE. 


tus à la hauteur de 33 centimètres au point À (fig. 1). 

À la pousse, on laissera sortir une tige dominante et deux 
ou quatre bourseons sur les côtés (fig. 2), qu'on maintien- 
dra dans un équilibre parfait pendant tout le cours de leur 
végétation , à l’aide de l’ébourgeonnement et du palissage. 
Cet équilibre dansles pousses latérales du sauvageon ne doit 
pas être népligé, parce qu’il tend à établir, dès l’origine, 
une égalité de vigueur dans les racines, ce qui doit faciliter 
par la suite la conduite de l’arbre. 

Vers le milieu du mois d'août ou le commencement de 
septembre, on placera sur le vieux bois, à 10 centimètres 
de terre, aux points B (fig. 2), deux écussons, à l’opposé l’un 
de l’autre, qui proviendront d’arbres bien portants et d’es- 
pèces choisies. 

Au mois de février suivant, on coupera le sauvageon au 
ras des écussons, et l’on y appliquera de suite, sur la plaie, 
Ja poix à greffer. 

La pousse des écussons sera dirigée ainsi que le repré- 
sente la fix. 3; on aura le plus grand soin de les favoriser 
dans leur développement et de les maintenir dans une par- 
faite égalité de force. 

L’ébourgeonnement des bourgeons anticipés qui sorti- 
ront des greffes, en avant et en arrière, devra être fait avec 
les ongles, en laissant la feuille au talon ; on ne retirera des 
côtés que ce qui ne trouverait pas de place au palissage. 
Cette dernière opération ne s’effectuera que le plus tard 
possible , afin de favoriser la végétation des greffes. 

Si rien ne dérange l’équilibre , on attendra que les jets de 
la greffe aient acquis une certaine longueur pour être atta- 
chés au treillage. Cette opération n’aura d’autre but que de 
les empêcher d’être rompus ou froissés par les grands vents, 
et de leur faire prendre la direction dans laquelle ils doivent 
croître ; mais ils ne seront pas serrés contre le mur, dans 
la crainte de nuire à leur développement. 


LA POMONE FRANÇAISE. 174 


Aussitôt qu'un bourgeon annoncera plus de vigueur que 
l'autre , on s’empressera d'y remédier en faisant usase des 
ressources qu'offre le palissase : on attachera le jet le plus 
jort très près du mur, en laissant l’autre en liberté, ou bien 
on palissera le plus fort plus bas que le plus faible ; on relè- 
vera celui-ci, ou mème, s’il était nécessaire , on le fixerait 
en avant à des échalas, ainsi qu’on le voit fig. 9. 

Comme la taille des deux greffes (fig. 3) devra être assise 
l’année suivante ( pour la forme de l’arbre) assez proche de 
leur insertion , il est inutile , pendant la première année, 
d’ébourgeonner sans nécessité absolue, parce qu'on pour- 
rait faire développer des bourgeons dans la partie qui doit 
rester au dessous de la taille, ce qui dérangerait l'édifice 
qu’on se propose d'établir et forcerait à de nouvelles com- 
binaisons. En un mot, les yeux inférieurs, sur lesquels toutes 
les espérances sont fondées, devront être préservés de tout 
accident , et s'ils ouvraient en bourgeons anticipés, on y 
appliquerait des écussons. 

Les deux directions des mères-branches formeront entre 
elles un angle d’abord très peu ouvert, assez seulement pour 
donner place sur le mur aux bourgeons anticipés qu’elles 
produiront. 

Si par un accident quelconque une des deux branches- 
mères venait à périr, ou restait {rop faible, on ramènerait la 
plus forte à la direction verticale pour la rabattre sur deux 
bons yeux au temps de la taille, afin d'obtenir deux nou- 
velles branches-mères, mais alors on aurait perdu une 
année. 6 


PREMIÈRE ANNÉE APRÈS LA GREFFE. 


Tous les soins pendant la première pousse de la greffe ont 
dû avoir pour résultat de préparer les deux mères-branches 
B , sur lesquelles va reposer toute la charpente de l'arbre. 


172 LA POMONE FRANGAISE. 


La fig. 3 indique la disposition d'un pècher après sa pre- 
mière pousse et au moment de la taille, soit qu'il ait été 
greffé sur place ou qu’il ait été pris tout greffé dans les pé- 
pinières. 

L'opération de la taille peut et doit se faire aussitôt que 
les froids rigoureux ne sont plus à craindre. Les habitants 
de Montreuil pensent que l’époque la plus favorable est de- 
puis le 15 de février jusqu’au 15 de mars. Il est reconnu que 
les arbres faibles poussent mieux lorsqu'ils sont taillés aussi- 
tôt que la saison le permet, et que ceux trop vigoureux re- 
tiennent mieux leurs fruits lorsqu'ils sont taillés plus tard. 
D'où il résulte que l’on doit toujours tailler de bonne heure 
un arbre jeune dont on veut hâter le développement. 

Avant de tailler, on commencera par dépalisser entière- 
ment l'arbre, puis on retirera avec soin tous les corps étran- 
gers qui pourraient se trouver entre le treillage et le mur. 

On rabattra le chicot P (fig. 3) du sauvageon, si on l'a 
laissé , le plus près possible des écussons, sans les offenser. 
La coupe sera aussitôt recouverte d’onguent de Saint-Fiacre. 

On raccourcira sur un œil du devant , ou, à son défaut , 
sur un œil du dessous, les deux mères-branches B, à 40 ou 
50 centimètres de longueur, proportionnellement à leur 
force , aux points n° {, afin de leur faire développer près 
de la pousse terminale B les membres du dessous C (fig. 4). 
Les autres yeux du devant et du derrière seront pincés lors- 
qu’ils auront acquis la longueur de 27 millimètres; ceux qui 
sont sur les côtés seront conservés ; mais ils ne devront don- 
ner naissance qu à des bourgeons faibles, de la grosseur et de 
la qualité de ceux à fruit ; ce que l’on obtiendra par le pin- 
cement et le palissage plus ou moins précoce. 

On sent bien que la longueur de la taille, pour cette pre- 
mière année seulement , est déterminée moins par la force 
de la pousse précédente que par la forme à donner à l'arbre, 
parce que la sortie des membres C a des places fixes, dont 


LA POMONE FRANÇAISE. 178 


on ne peut beaucoup s’écarter. Si donc la taille se trouve 
trop courte par rapport à la vigueur de l'arbre, il faudra 
mettre ses soins à amoindrir dès leur naissance les autres 
bourgeons ; dans le cas contraire, il faudra les laisser croître 
naturellement, et il suffira de les palisser plus tôt et plus 
proche du mur, afin de conserver toujours un avantage très 
décidé aux bourgeons B etC, destinés à former des branches 
principales. 

La taille terminée , on attachera au mur les deux mères- 
branches dans la direction qu’elles avaient d’abord, et ce 
n’est qu’au mois ‘de juillet que l’on leur donnera un peu 
plus ‘d'ouverture à l’angle. 

Après la taille , et pendant la pousse, quatre choses doi- 
vent fixer plus particulièrement l’attention : 

1° Les pousses terminales des mères-branches B ; 20 celles 
des membres C; 3° celles des bourgeons qui sortiront des 
yeux placés au dessous des bourgeons terminaux ; 4° enfin, 
celles des bourgeons anticipés qui naîtront sur les pousses 
terminales B et C. 

Si l’œil à bois de la pousse terminale était double ou tri- 
ple , on ne laisserait que le bourgeon du milieu, comme 
étant le plus vigoureux et le plus en état de former le pro- 
longement de la mère-branche, et l’on retirerait les autres. 

On attendra , pour diriger les pousses terminales sur le 
prolongement des mères-branches, et telles qu’on les voit 
dans la fig. 4, que ces pousses soient devenues flexibles en 
passant à l’étatlisneux, carlesbourgeons herbacés cassentnet 
lorsqu'on veut les contraindre. On attachera d’abord légè- 
rement ces pousses par le bas, pour faire disparaître petit 
à petit le coude occasionné par la taille, sans gêner la cime 
des bourgeons qu'il faut laisser à l’air pour les favoriser. Si 
la pousse était vive, on resserrerait les liens plus souvent, 
mais toujours sans effort , afin que les bourgeons ne soient 


472 LA POMONE FRANCAISE. 


pas blessés en grossissant, ce qui formerait un bourrelet. Si 
l’endroit de la maille du treillage où se présente la pousse 
n’était pas favorable pour l’attacher, il faudrait lier la bran- 
che-mère à une baguette qui la dépasserait et sur laquelle 
on palisserait la pousse terminale. 

La pousse des membres C sera favorisée par tous les 
moyens que nous avons enseignés , et l’on ne doit pas craïn- 
dre que leur force puisse nuire un jour aux branches-mè- 
res. On les palissera plus tôt ou plus tard , suivant leur wi- 
sueur : en général, on ne se hâtera pas. 

Les pousses des yeux qu'on a laissés sur les côtés seront 
amoindries par le palissage précoce , le pincement réitéré, 
et mème les rapprochements en vert sur des bourgeons an- 
ticipés, s’il est nécessaire, afin de ne faire de ces bourgeons 
que des branches fruitières , toute la force devant se porter 
dans les bourgeons terminaux des branches-mères B et dans 
les membres C, 

Quant aux bourgeons anticipés qui naîtront sur les pousses 
terminales B et les membres C, ceux qui sont placés en avant 
et en arrière seront ébourgseonnés avec les ongles, en laissant 
la feuille du talon, et plus tard on éclaircira ceux des côtés, 
mais avec discernement : si par exemple les mères-branches 
avaient été taillées trop courtes en raison de leur végétation 
précédente , et qu’elles poussassent avec beaucoup trop de 
vigueur, il ne faudrait pas conserver seulement les bour- 
seons qui doivent trouver place à la taille suivante, parce 
qu'ils deviendraient trop forts pour leur destination ; on 
devrait au contraire, dans ce cas, les laisser natureilement 
s’amoindrir, en partageant avec ceux qui sont mal placés 
une sève trop vive et trop abondante pour la formation 
d’une petite quantité de bonnes branches fruitières. 


LA POMONE FRANCAISE. 175 


SECONDE ANNÉE APRÈS LA GREFFE. 


La première taille aux points n° 1, et la conduite de 
Varbre par le pincement, l’ébourgeonnement et le palis- 
sage, auront produit quatre parties distinctes, savoir : 

1° Les prolongements des deux mères-branches B (fig. 4), 
égaux en force et à peu près aussi garnis de bourgeons an- 
ticipés l’un que l’autre ; j 

920 Deux membres du dessous C, bien placés, à égale 
hauteur et d’égale force; 

3° Diverses pousses X , sortant d’yeux placés immédia- 
tement sur les mères-branches ; 

4° Des bourgeons anticipés , sortis tant des bourgeons 
terminaux B que des membres C , et qui ont été éclaircis et 
palissés plus ou moins rigoureusement , suivant la force de 
leur végétation. | 

C’est dans cet état que l'arbre (fig. 4) doit être soumis 
aux opérations de la taille de la seconde année. 

Avant e dépalisser l’arbre, on l’examinera avec atten- 
tion , afin de s’assurer s’il est bien dans son ensemble ; en- 
suite on le détaillera dans toutes ses parties, comparant 
celles de droite avec celles de gauche, afin de vérifier si la 
sève a êté répartie bien ut des deux côtés. 

Après avoir pris une détermination tendante à rétablir 
l'équilibre s’il est troublé, ou à le maintenir s’il n’a pas été 
rompu, on détachera toutes les branches du treillage , et 
l’on opérera de la manière suivante, en se proposant d’ar- 
river au résultat qu'offre la fig. 5. 

1° On raccourcira (fig. 4) les rameaux terminaux des 
mères-branches B, suivant la force avec laquelle ils auront 
poussé. (On suppose que les coupes soient faites aux points 
n° 2.) 

. On supprimera les bourgeons anticipés mal placés, et l’on 


176 LA POMONE FRANCAISE. 


taillera ceux qui restent en branches-crochets, c’est-à-dire à 
deux ou trois yeux , comme les coursons de la vigne. On 
laissera plus d’yeux sur les branches-crochets dans le bas 
de l’arlre que dans le haut , afin d’y attirer la sève. Si quel- 
ques uns de ces bourgeons anticipés étaient plus vigoureux 
dans le haut que dans le bas, on les supprimerait, ou, si on 
ne le pouvait, on se réserverait de surveiller leurs pousses 
pour les affaiblir, afin de retenir la sève dans la partie infé- 
rieure. 

20 Les deux membres C seront raccourcis plus ou moins, 
selon leur vigueur, mais toujours de manière qW’ils puissent 
prendre de la force et de l'étendue. Les bourgeons antici- 
pés, s’il s’en trouve, seront taillés en branches-crochets. 

3° Les divers bourgeons X , au dessous de la première 
taille n°1, et que l’on aura dû amoindrir pendant leur pousse, 
seront taillés courts, et même sur les yeux près du talon s’ils 
ont poussé trop vigoureusement , afin d’en faire des bran- 
ches fruitières ; mais s’ils sont modérés on les taillera à 
quatre ou six yeux, ménageant au talon un œil pour servir 
de branche de remplacement à la taille suivante. Si l’un de 
ces bourg#eons était resté trop faible , on le taillera, propor- 
tion gardée, plus long que les forts, on l’attachera plus 
verticalement, ou même on le laissera libre. 

4° Les bourgeons anticipés seront taillés en branches- 
crochets , comme l’année précédente. 

Après la taille, on s’occupera de tout ce qui est relatif à 
la propreté des murs, des treillages et des arbres. 

On attachera toutes les branches sous l'angle où elies 
étaient avant la taille, à moins que l’on n’ait des raisons d’en 
affaiblir une , en l’attachant plus horizontalement que l’au- 
tre. Le palissage doit donc être fait par l’ouvrier qui taille, 
et immédiatement après l'opération, afin qu'il ait encore le 
souvenir des motifs qui ont dirigé sa taille. 

À la pousse, lorsque les bourgeons s’ouvriront, on pin- 


. LA POMONE FRANÇAISE, 177 


cera ceux placés immédiatement au dessous du terminal, et 
qui lui seraient égaux en force ; cette précaution est presque 
toujours suffisante pour décider la supériorité très marquée 
du terminal, en mème temps qu’elle conserve la sève aux 
bourgeons inférieurs. 

Quant aux autres bourgeons placés sur les côtés des mè- 
res-branches, on attendra , pour ébourgeonner ceux qui 
seraient doubles ou triples, qu’ils aient 3 centimètres de 
longueur pour ceux du dessous, et6 à8 pour ceux du dessus. 
On laissera alors les plus forts en dessous et les plus faibles 
en dessus; ceux-ci se trouveront d'autant plus affaiblis que 
Von aaur ébourgeonné plus tard, parce qu’ils auront partagé 
ja sève plus long-temps avec ceux que l’on supprime, et que 
la suppression plus tardive de ceux-ci occasionne de plus 
larges plaies. 

Les yeux à boistriples, doubles ousimples, et surtout ceux 
en dessus des rameaux, devront être surveillés pendant leur 
pousse ; on redoublera d'attention pour ceux quisont placés 
près de la taille; si on les perdait de vue un seul moment, 
ils pourraient égaler la pousse terminale, qui doit toujours 
être la pousse dominante. 

Au moyen du pincement, on se rendra le maïtre de gra- 
duer à volonté la force de toutes les pousses; maïs il faut 
pouvoir disposer de son temps pour visiter souvent ses pè- 
chers, afin d'exercer une surveillance très active sur les 
mouvements de la sève, qu’il est extrêmement facile de ré- 
primer dans ces premiers moments de la végétation. 

Les bourgeons. anticipés taillés en branches-crochets de- 
vront attirer l'attention du jardinier sous le rapport des yeux 
dutalon, qu’il traitera dès lors comme des bourgeons de rem- 
placement ; il fortifiera ceux qui sont trop faibles en pinçant 
le bourgeon qui est au dessus, ou même en le supprimat. 

Chaque bourgeon terminal des branches à bois B et C, de- 
puis les points n° 2 jusqu’à leur extrémité, va faire éclore , 

12 


478 LA POMONE FRANCAISE. 


en s’allongeant, des bourgeons anticipés dont il faut s’occu: 
per; on retirera avec les ongles ceux de devant et de der- 
rière à mesure qu'ils atteindront 8 à 10 centimètres de lon- 
gueur et lorsqu'ils seront encore herbacés; mais on conser- 
vera toujours avec soin la feuille du talon, et en même temps 
on ne détruira pas l’œil supplémentaire qui pourrait s’y trou- 
ver. 

Quant à ceux des côtés, cn attendra, pour les éclaircir, 
qu’ils aient atteint 24 à 28 centimètres de longueur, et, pour 
les palisser, qu'ils en aient 35 à 40; on palissera les bourgeons 
du dessus quelques jours plus tôt que ceux du dessous. On 
enlèvera alors avec le couteau à lame étroite ceux qui, étant 
trop rapprochés, feraient confusion ou troubleraient l’équi- 
libre , et de préférence ceux qui n’auraient pas d’œil au ta- 
lon. On fera encore en sorte que les bourgeons anticipés re- 
stants soient alternes et jamais opposés ; on ne les retranche- 
ra pas au ras de l’écorce du bourgeon principal , mais à 8 ou 
9 millimètres au dessus ; enfin la feuille du talon sera con- 
servée comme pour les bourgeons herbacés. 

On aura toujours soin de renouveler les osiers du palis- 
sage avant que le gonflement des branches y contraigne. 

Lorsque les bourgeons terminaux des branches principa- 
les seront palissés dans toute leur longueur, et sur une ligne 
parfaitement droite, on exécutera, en commençant par le 
sommet de l'arbre, le palissage des bourgeons anticipés qui. 
seront assez longs pour être attachés, et on rapprochera 
- le plus possible ceux du dessous, et particulièrement ceux 
du dessus, du corps de leur mère-branche. 

Le palissage des branches principales, l’ébourgeonne- 
ment et le palissage des bourgeons anticipés, seront conti- 
nués successivement jusqu’à la fin de la saison au fur et à 
mesure du besoin. Si un bourgeon anticipé annonçait de- 
voir prendre trop de supériorité sur les autres, il faudrait 
le pincer ou le rogner, surtout s’il était en dedans du V for- 


LA POMONE FRANÇAISE. 179 


mé par les deux branches-mères. S'il arrivait, par une cause 
quelconque , que l’extrémité de la branche-mère vint à fai- 
blir, il faudrait la rabattre sur le premier bourgeon anticipé 
vigoureux. 

On ne se pressera pas trop de palisser les bourgeons anti- 
cipés des extrémités ; il faut attendre qu’ils soient bien for- 
més ; ceux de la fin de la pousse doivent rester libres jus- 
qu’à ce que la sève soit arrêtée. 

Si l’un des côtés de l'arbre acquérait de la supériorité sl 
ne faudrait pas pour cela palisser le bourgeon terminal plus 
bas ; ce serait une grande faute, parce que l’on ferait perdre 
à la branche la ligne droite qu’elle doit conserver ; mais alors 
on dépalisserait tout ce côté et on l’inclinerait davantage, 
tandis qu’on relèverait l’autre, en l’attachant mème, sil 
était nécessaire, en avant du mur, sur trois piquets, com- 
me le représente la figure 9. 

Il convient de reconnaitre dès lors les bourgeons qui par 
leuremplacement sont destinés à devenir des membresde bi- 
furcation, afin de favoriser ceux du dessous et de restreindre 
avec prudence la force de ceux du dessus, de manière que 
ces derniers, tels que les bourgeons D, ne soient que très 
modérés lorsqu'on sera obligé de leur laisser prendre un 
certain essor pour remplir leur destination, ce que l’on ob- 
tiendra en pinçant le bourgeon D dès son apparition, pour 
ainsi dire , de façon que son empatement n’ait pas le temps 
de s'étendre sur la branche-mère. On ménage successive- 
ment au talon de ce bourgeon un rameau de remplacement 
que l’on s'applique à réduire à de petites dimensions à sa 
base jusqu’au moment où l’on pourra sans inconvénient en 
former un membre de ramification. 


TROISIÈME ANNÉE APRÈS LA GREFFE. 


On peut voir, par la fig. 5, que les résultats de la seconde 
taille sont à peu près les mêmes que ceux de la première 


180 LA POMONE FRANÇAISE. 


(fig. 4), sinon que les mères-branches B et les membres C 
ont pris plus d’étendue et sont devenus beaucoup plus forts, 
ce qui permettra bientôt d'établir sur eux les ramifications 
nécessaires pour remplir les intervalles qui les séparent. 

Les branches fruitières qui ont déjà reçu deux tailles ont 
aussi pris plus de consistance, et ont poussé des bourgeons 
plus francs , dont les yeux rapprochés promettent quelques 
fruits. 

La troisième taille que l’on va donner aura pour but (fig. 
6) 1° la continuation du prolongement des mères-branches 
B et des membres C ; 2° le commencement du développe- 
ment de la branche D, dont on modérera la végétation ; 
3° la naissance des branches de bifurcation E et F, que leur 
position désavantageuse commande de favoriser avec mo- 
dération ; 4° la concentration ou le renouvellement des 
branches fruitières sur les branches principales. 

Après s'être bien pénétré de ces conditions , et s’être ren- 
du compte, par un examen attentif, de la situation de l’ar- 
bre sous le rapport de la force relative des deux côtés, on - 
le dépalissera en entier et l’on raccourcira plus ou moins 
l'extrémité des branches B, suivant la vigueur de la derniè- 
re pousse (on suppose que les coupes sont faites aux points 
n°3), en observant toujours de ne point raccourcir une bran- 
che avant de s'être assuré si celle qui lui correspond pré- 
sente un œil sur lequel elle puisse être taillée dans les rap- 
ports voulus pour l'équilibre de la sève (1). 


(1) La difficulté de trouver dans le pêcher un œil également bien constitué 
sur chacune des branches-mères, et, de plus, placé sur le devant et à la hauteur 
où l’on voudrait tailler, m’a fait penser que l’on pourrait chtenir tous ces avan- 
tages en écussonnant, au mois de septembre et un peu avant que la sève ne 
soit arrêtée, les branches-mères précisément à la hauteur où elles devront être 
taillées. Cette opération , que beaucoup d'écrivains ont recommandée dans des 
circonstances où elle est moins praticable et moins utile, sera très simple dans 


LA POMONE FRANÇAISE. 181 


On raccourcira de même les membres C suivant leur force 
et avec les mêmes précautions, mais toujours sur les yeux 
les plus favorables à leur développement et placés de manié- 
re à fournir des prolongements naturels de la première di- 
rection , afin de n’être pas dans le cas de les contraindre. 

Le bourseon D sera taillé assez court et sur un œil plus 
favorable à la direction de ce membre qu’à sa vigueur. 

Les bourgeons E et F doivent être fournis, autant que 
possible , par des yeux placés vers la moitié de la longueur 
de la taille, là où les yeux sont ie mieux conditionnés, sur 
lies branches principales et à mème hauteur de chaque côté 
de l’arbre. 

Les branches fruitières qui ont déjà recu plusieurs tailles 
seront rabattues sur les rameaux de remplacement que l’on 
aura dû ménager près de leur insertion, et ceux-ci seront 
taiilés, pour porter du fruit, à cinq ou six yeux, suivant leur 
force et suivant l’espèce de pèchers. 

Mais si les bourgeons de l’ancienne branche étaient 
francs (1), on pourrait en tirer le fruit et garder encore 


ce cas, et offrira des résultats très avantageux pour le balancement de la sève, 
l'étendue et la belle forme de arbre; d’ailleurs les branches-mères ne porte- 
ront plus les marques de toutes ces amputations plus ou moins malheureuses 
qui leur sont faites sur des yeux mal placés. 

L’œil placé sur le devant d’une branche est plus favorablement situé que 
tout autre pour former le prolongement de cette branche. Si on la rabat sur 
cet œil, on peut espérer qu’en peu de temps et avec quelques soins le nouveau 
bourgeon prendra tellement bien la place de la partie retranchée, que l’on ne 
distinguera plus l’endroit où la coupe aura été faite; mais si, au contraire, on 
taille sur un œil du dessus , sa tendance à s’élever, étant plus forte, sera un ob- 
stacle presque insurmontable pour faire disparaître le nodus de la coupe, qui 
restera toujours marqué par un coude plus ou moins prononcé. Cette recom- 
mandation d’éviter des nodus aux endroits de la taille est plutôt pour laisser à 
la sève un libre cours que pour satisfaire l’amateur de beaux arbres. 

(1) On dit qu’un bourgeon est franc lorsque les yeux et les boutons sont rap- 
prochés. 


182 LA POMONE FRANÇAISE. 


la branche de remplacement pour l’année suivante : ainsi, 
au lieu de rabattre sur le dernier bourgeon, on rabatirait 
sur l’avant-dernier, que l’on taillerait assez long, en ébour- 
geonnant à sec les yeux qui ne seraient pas accompagnés de 
fleurs ; et, quant aux bourgeons de remplacement, on les 
taillerait à deux yeux, qui devraient être traités dès ce mo- 
ment avec tous les ménagements que l’on observe à l'égard 
des branches de réserve. | 

Les bourgeons que l’on aura pincés l’année précédente 
pour les réduire aux proportions de branches fruitières se- 
ront taillés courts pour les maintenir dans ces proportions. 

Les bourgeons anticipés seront taillés en branches-cro- 
chets. 

Avant d'attacher l’arbre dans la position où il était lors 
de la taille, on fera une recherche entre le treillage et le 
mur, et surtout sur le corps et les branches de l’arbre, afin 
d’enlever autant que possible les œufs d'insectes. C’est en- 
core le moment qu’on saisira pour faire les incisions sur les 
branches qui annonceraient être ou devoir être affectées de 
la gomme. Un pècher gommeux atteste l’inadvertance du 
jardinier, de même que la présence des gourmands sur les 
arbres. 

Lorsque les diverses pousses seront assez longues pour 
être pincées , ébourgeonnées et palissées, on se conduira, 
pour ces opérations, d’après les principes déjà détaillés et 
ainsi qu’on l’a fait les années précédentes. On devra surtout 
les surveiller dès le commencement de leur développement, 
afin de pincer à temps toutes celles qui tendraient à devenir 
des gourmands ou des branches à bois là où on ne voudrait 
avoir que des branches à fruits. 

Le développement de la pousse des bourgeons D sera sur- 
veillé avec une attention très particulière , afin de les empé- 


cher de prendre une vigueur que leur position rendrait bien- 
tôt embarrassante. 


LA POMONE FRANÇAISE. 183 


Au contraire, on favorisera par tous les moyens possibles 
le développement des bourgeons E et F, qui doivent former 
les branches de bifurcation ; on y parviendra en pinçant les 
bourgeons qui se trouvent entre elles et le bourgeon ter- 
minal, en les palissant plus tard, ne les approchant pas 
autant du mur, ou mème en les maintenant en avant à 
l’aide d’échalas pour décider de bonne heure la sève à s’y 
porter. 

Le système de bifurcation adopté par M. Dalbret et par 
M. Lepère n’est applicable qu’au début de la formation de 
l'arbre , afin d'établir en même temps les deux branches- 
mères et les sous-mères. Dans ce cas seulement, on peut 
tailler la mère-branche sur deux yeux et y laisser affluer la 
sève librement , sans crainte de nuire à aucune production, 
puisqu'il n’y en a pas encore d’établie ; au contraire, la 
grande vigueur de ces deux bourgeons terminaux, formant 
la mère-branche et la sous-mère , contribuera puissamment 
au développement des racines, et l’arbre n’en sera que mieux 
attaché au sol ; mais ce même système devient funeste lors- 
que , plus tard, on l’applique méthodiquement sur des mem- 
bres déjà garnis de branches fruitières. En effet, M. Dalbret, 
conseillant d'établir les bifurcations à l'extrémité d’une bran- 
che taillée (sur le bourgeon qui suit immédiatement le ter- 
minal), attire par ce procédé la sève sur un mème point ; 
elle y afflue avec une véhémence extraordinaire ; le bour- 
geon terminal et son suivant , faisant l’office de deux pom- 
pes qui s’aident mutuellement, aspirent la sève. Il en ré- 
sulte que le bourgeon terminal et celui qui forme la bifur- 
cation prennent à peu près également une force et une éten- 
due considérables ; la sève continue à se précipiter trop ra- 
pidement vers eux, pour s’arrèter dans les petites branches 
fruitières qui sont au dessous ; leurs canaux s’oblitèrent, ces 
branches fruitières languissent, et on peut déjà prévoir le 
dépouillement plus ou moins prochain de l'arbre. 


184 LA POMONE FRANCAISE. 


Les personnes qui ont suivi le système de M. Dalbret se- 
ront plus à mème que d’autres d'apprécier la valeur de nos 
observations. 

Un autre vice encore attaché à ce système , c’est que le 
bourgeon qui forme la bifurcation est presque aussi fort que 
celui du prolongement de la mère-branche ; et bien qu’on 
n’ait pas à craindre que ce bourgeon de ramification l’em- 
porte sur l’autre, cela ne suffit pas ; il doit être sensible- 
ment plus faible , en raison de sa position et des fonctions 
qu’il est destiné à remplir. Mais M. Dalbret , loin de cher- 
cher à établir dans ses bifureations des proportions relatives. 
s’en éloigne encore en conseillant de leur donner une taille , 
plus allongée que celle qu’on a donnée à la mère-branche. 
Ainsi, lorsque l’équilibre de force qui doit régner entre les 
branches principales et leurs ramifications est rompu dès 
l'origine , il n’est plus possible de le rétablir par la suite. 
Une très: longue pratique, d'accord avec nos prin- 
cipes, nous a démontré que l’on ne doit jamais former de 
branches de bifurcation si près de l’œil terminal , surtout 
sur des arbres en éventail ; il arrive mème, lorsque les 
arbres sont très vigoureux , qu’on ne doit point établir de 
bifurcation sur le bourgeon de l’année, on ne peut que l’y 
préparer ; encore faut-il que ce soit sur le troisième ou qua- 
trième bourgeon au dessous de la taille précédente : plus 
haut les canaux séveux y sont trop dilatés pour que l’on soit 
le maître de bien régler le cours de la sève. 

Ces fautes ne seraient pas croyables de la part d’un pra- 
ticien, si elles n’étaient commises dans les démonstra- 
tions écrites et fisgurées (pl. LIT) de l'ouvrage de M. Dalbret, 
où l’on pourra encore remarquer que les branches C et D, 
destinées à former des branches de bifurcation de linté- 
rieur, sont palissées en dehors mème de la ligne verticale ; 
de telle sorte que, si l’on eût figuré l’autre moitié de l'arbre, 
les branches correspondantes se croiseraient. Toutes les 


LA POMONE FRANCAISE. 185 


branches fruitières sur la même branche-mère sont auss 
palissées trop verticalement. 

Si l’on oppose à cette critique, qui concerne aussi le sy- 
stème de M. Lepère, que nous ayons annoncé et même prou- 
vé par des modèles vivants que l’on pouvait faire prendre 
au pêcher toutes les formes imaginables, nous ajouterons 
que c’est sous la condition expresse que l’on sera attentif à 
détourner la sève , dès son début , de son cours le plus na- 
turel , pour la répartir avec mesure dans toutes les parties 
de larbre, selon les fonctions que chacune doit remplir, etnon 
par à coup. C’est donc en interceptant à la sève plus ou moins 
les passages par où elle ne manquerait pas d’affluer, et en 
lui en ménageant d’autres dans lesquels elle pourra se ré- 
pandre ; c’est aussi en la forçant à rétrograder et à se ré- 
partir dans les branches fruitières , ou autres qu’elle eût 
abandonnées si on lui eût laissé suivre son cours naturel. 
Mais M. Dalbret , en établissant ses bifurcations sur le bour- 
geon qui suit immédiatement le bourgeon terminal, ne 
s'oppose en rien au cours ordinaire de la sève ; il fait plus, 
il le favorise , il l’augmente , et rend inévitable la perte de 
la forme des arbres traités d’après son système de bifur- 
cation. 

Les élèves de M. Dalbret, ayant, dès le début de l’arbre, 
établi concurremment , et en même temps avec succès, les 
branches-mères et les sous-mères , ont dû trouver tout sim- 
ple de suivre la même marche pour établir les autres rami- 
fications ; mais ils ne se sont peut-être pas aperçus que les 
circonstances environnantes n’étaient plus les mêmes : c’est 
pour leur faire remarquer quelle en est la différence , et les 
détourner d’une méthode qui entraïînerait la perte des ar- 
bres , que nous nous sommes autant étendu sur ce sujet im- 
portant. 

On s’occupera des bourgeons de remplacement et l’on ai- 
dera ceux qui seraient tardifs dans leur développement. Les 


186 LA POMONE FRANCAISE. 


branches de réserveseront traitées encore avec plus de mé- 
nagement : en nelaisserasur la branche fruitière quele bour- 
geon terminal et ceux qui sont nécessaires à la nourriture 
des fruits. Ces derniersbourgeons seront pincés et raccourcis ; 
et, dans le cas où le fruit ne nouerait pas ou viendrait à 
tomber, on s’empresserait de ravaler sur le bourgeon de 
remplacement, afin de le faire profiter d'autant. Cependant, 
s’il était déjà vigoureux , il ne faudrait pas faire le rappro- 
chement en vert que nous venons d'indiquer, parce qu’on 
s’exposerait à lui donner trop de force et à lui faire perdre 
les qualités et proportions de bonne branche à fruit; du 
moins on ne pourrait alors les iui conserver que par un 
travail dont le moindre inconvénient serait la perte de 
temps. 

On accueillera et l’on favorisera avec soin les sorties qui 
naïtront au talon des bourgeons anticipés taillés en bran- 
ches-crochets, et, s’il est nécessaire, on leur sacrifiera toutes 
celles qui leur sont supérieures. 

Si l'extension des pousses du dedans exigeait qu’on ou- 
vrit l’angle formé par les mères-branches, il faudrait tout 
dépalisser, afin d'effectuer progressivement leur écartement 
sans rien forcer, sans jamais les faire courber, et en les fai- 
sant pour ainsi dire pivoter sur leur insertion. On n’ouvrira 
point au delà de ce qui sera rigoureusement nécessaire pour 
le palissage de l’année, et l’on opérera avec précaution, dans 
la crainte d’abattre les fruits et d’offenser les bourgeons. 
Ce n’est que pendant la circulation de la sève que l’on peut 
abaisser les branches principales. | 

Aux approches de la maturité , les fruits seront décou- 
verts progressivement , pour ne pas les exposer tout à coup 
‘aux rayons du soleil. 


LA POMONE FRANÇAISE. 387 


QUATRIÈME ANNÉE APRÈS EA GREFFE. 


Après la troisième année de la taille on aura donc récolté 
quelques fruits , et l’arbre sera tel que la fig. 6 le repré- 
sente , c’est-à-dire qu’il aura des branches-mères B et des 
membres C d’une étendue et d’une force assez considérables 
pour qu’on ait pu déjà commencer à laisser se développer 
les membres D, quoique en les contraignant, ainsi que les 
branches E et F de bifurcations , que l’on a au contraire fa- 
vorisées. 

Toutes les parties de l’arbre se trouveront d’ailleurs éga- 
lement bien garnies de branches fruitières déjà taillées une 
ou plusieurs fois, suivant leur âge et celui des branches 
auxquelles elles appartiennent. 

La quatrième taille n’aura d’autre but que d’étendre 
de fortifier les parties de l'arbre, tandis que l’ébour- 
geonnement des jeunes bourgeons, celui des bourgeons 
anticipés, le pincement, le palissage , les rapprochements 
en vert qu’on exécutera successivement , et au fur et à me- 
sure du besoin, pendant le cours de la végétation, maintien- 
dront ou ramèneront toutes ces parties à un parfait équili- 
bre de forces respectives , de manière à obtenir à la fin de 
l’année les résultats indiqués par la fig. 7. 

L'examen, et pour ainsi dire la reconnaissance générale 
de l'arbre, avant de prendre un parti pour la taille , exigera 
celte fois un temps plus long, puisque le système est déjà 
plus compliqué. 

Avant d'opérer on dépalissera , mais en laissant cepen- 
dant une attache à chaque branche principale , dans la 
crainte qu’elle ne soit entraînée par son poids. 

On commencera par le raccourcissement de ses rameaux 
terminaux, en suivant les mèmes principes que pour la 
taille précédente. 


188 LA POMONE FRANÇAISE. 


On passeraensuite aux fruitières, que l’on chargera plus 
ou moins suivant leur vigueur et l’état de santé de l’arbre ; 
puis on s’occupera des rameaux et bourgeons anticipés, que 
l’on taillera en branches-crochets, et, avant de palisser, on 
fera la recherche des insectes, de la gomme, etc. 

À mesure que l’arbre avance en âge et que les branches 
se multiplient , le travail de la taille et des autres opérations 
qu’exige la conduite de l’arbre devient nécessairement plus 
considérable; mais les principes sont toujours les mêmes : 
ils se réduisent à favoriser les branches qui sont faibles ou 
les bourgeons que leur emplacement condamnerait à le de- 
venir si l’on ne venait à leur secours, et à dompter au con- 
traire les branches déjà fortes, ou mieux à réprimer les 
dispositions de celles qui tendraient à le devenir. 

On devra constamment avoir pour but que les fruitières 
du dedans ne soient pas plus fortes que celles du dehors (1 ); 
que la partie inférieure de l'arbre soit aussi bien garnie que 
la partie supérieure ; enfin que les fruitières soient telle- 
ment rapprochées du corps des branches principales, que 
celles-ci semblent rajeunies chaque année par des pousses 
nouvelles. 

En continuant à gouverner l’arbre de cette manière , et 
en établissant successivement des branches de bifurcation 
où elles sont nécessaires pour remplir les intervalles, il se- 
ra facile d'obtenir, aprèsianeuvième taille , un pêcher aussi 
parfait que celui qui est offert pour modèle (fig. 8), et dont la 
charpente est telle, que les mères-branches, les membres, 
les branches de bifurcation et les branches fruitières, pré- 
sentent des proportions relatives à leurs diverses fonctions. 


(1) Nous entendons par branches du dedans celles en dessus des branches de 
la charpente, et par branches du dehors celles en dessous. 


LA POMONE FRANCAISE. 139 


FORME DITE CARRÉE. 


Nous n’avons voulu faire mention du pêcher carré pré- 
senté par M. Lepère comme une forme nouvelle devant 
servir de modèle qu'après avoir suffisamment fait connaî- 
tre la forme à la Dumoutier, afin que le lecteur puisse ju- 
ger par lui-même quels sont les moyens les plus efficaces, 
de ceux de M. Lepère ou des nôtres, pour arriver à remplir 
avec un pêcher l’espace compris dans un carré long, autre- 
ment dit un parallélogramme (1). 

Nous répéterons ici qu’il est très vrai que l’on peut faire 
prendre et faire conserver au pècher toutes les formes 
qu’on voudra lui donner, pourvu, toutefois, que dès leur 
naissance on donne aux bourgeons qui doivent former les 
branches principales une direction qui ne soit pas précisé- 
ment celle vers laquelle la sève a le plus de tendance à se 
porter, et qu’en outre on garnisse les côlés de ces membres 
de petites branches fruitières , que l’on façonne en pinçant 
tous les bourgeons qui annonceraient des dispositions à de- 
venir trop forts. Ces petites branches doivent être toutes à 
peu près d’égale force, et être renouvelées annuellement ; 
ce sont elles qui attirent la sève également dans les mem- 
bres, qui les maintiennent en vigueur, les font grossir et 
allonger, sans qu’il y ait nulle part dans l’arbre des explo- 


(1) La forme que propose M. Lepère consiste en deux branches-mères dispo— 
sées en V ouvert, dont chacune est garnie en dessous de trois membres qui 
sont formés au bout de six ou sept ans; alors M. Lepère remplit l’intérieur du 
V en faisant , sur chaque branche-mère, développer à la fois trois membres qui 
atteignent tout à coup le haut du mur. Jusqu'ici rien n’est nouveau, tout est 
simple et très facile; mais la difficulté consiste à maintenir cette forme ainsi 
établie; cette difficulté commence aussitôt que la forme est remplie par le dé— 
veloppement des trois membres du dedans. 


490 LA POMONE FRANÇAISE. 


sions de sève qui nécessiteraient de la part des cultivateurs 
des répressions violentes. | 

D’après cet exposé, il suffit de jeter un coup d’œil sur le 
pêcher carré de M. Lepère pour s’aperceyoir qu’il n’y a 
presque aucune de ces conditions qui soit remplie, sur- 
tout la plus importante, puisqu’au lieu de détourner lasève, 
M. Lepère fait développer à la fois, sur la mère-branche, 
trois membres auxquels il donne une direction presque ver- 
ticale, et cela dans la position la plus favorable à l’ascension 
de la sève ; aussi ces membres font l’effet de trois pompes 
s’aidant mutuellement pour aspirer toute la sève que l’arbre 
pourra leur fournir. I devient donc indispensable , pour 
s’opposer à une aussi grande puissance de végétation vers 
un seul point, d'employer des répressions sans cesse renais- 
santes, et mème des violences, parce que la sève tendra 
toujours à se précipiter vers des passages ouverts dans les 
endroits où elle a précisément le plus de tendance àse porter. 

M. Lepère croit avoir obvié à ces inconvénients parce 
qu’il a eu la précaution d’établir tous les membres du des- 
sous avant de commencer à faire développer ceux du des- 
sus. Cette précaution n’aura d’autre résultat que de retar- 
der le dépérissement absolu des membres du dessous , parce 
que, ceux-ci ayant déjà acquis une certaine étendue, il fau- 
dra plus de temps pour qu’ils soient tout à fait épuisés par 
les membres du dessus, qui continueront cependant de tou- 
jours attirer à eux la sève au préjudice de toutes les autres 
parties de l’arbre ; ainsi les soins, le temps et les répressions 
employés pour s'opposer à un effet naturel aussi puissant , 
ne serviront qu’à retarder plus ou moins le dépérissement 
total des membres inférieurs. 

A cette première cause de répression que nécessite le pè- 
cher carré de M. Lepère, il faut en ajouter une auire qui 
n’est pas moins considérable : c’est que des trois membres 
que l’on laisse à la fois se développer sur la branche-mère , 


LA POMONE FRANCGAISE. 191 


le plus fort, dans l’ordre naturel, devrait être celui de l’ex- 
trémité supérieure , et Le plus faible celui près de la base de 

la branche-mère. Or, comme le modèle qu'offre M. Lepère 

exige le contraire de ce qui se passe dans l’ordre naturel de 

la végétation , il devient donc nécessaire d'exercer encore 

des répressions d’un autre genre pour s’y conformer ; et ce- 
pendant M. Lepère ne trouve point de danger (page 64) 
de donner à chacun de ces membres, dès la première année 

de leur développement, une taille allongée de 1 m. 60 cent. 

de longueur d’après l'échelle , se réservant, dit-il, de pin- 
cer les bourgeons qui sortiront au dessous de cette taille : 

comme si cela pouvait empècher les membres de grossir et 
de recevoir une quantité de sève au delà de ce qu’il convien- 
drait. Aussi l’affluence de la sève est devenue si considéra- 
ble dans cette partie supérieure de l’arbre, qu’à la troisième 
taille ces membres sont représentés déjà plus gros que les 
premiers membres du dessous, qui ont reçu six tailles. 

Nous ajouterons que ce grand et brusque mouvement de 
la sève , qui a nécessairement lieu dans l'arbre carré de M. 
Lepère , soit que la sève se porte en avant, soit qu’elle 
rétrograde , est incompatible avec une abondante fructifi- 
cation. On peut voir au contraire , par l'inspection de la 
planche VIIT , que, la forme donnée aux pêchers de Boissy- 
Saint-Léger n’ayant dû nécessiter aucune violence, la sève 
coulant doucement et également dans toutes les parties 
de l'arbre , les branches y sont couvertes de très beaux 
fruits. : 

Nous avons vu comment , en suivant les mêmes princi- 
pes, nous sommes arrivé, avec la forme à la Dumoutier, 
au but que M. Lepère se propose vainement d'atteindre par 
sa forme dite carrée. Sans vouloir entrer dans d’autres dé- 
tails , nous finirons par conclure, en supposant même que 
M. Lepère eût réalisé la forme qu’il offre pour modèle, 
qu'elle est moins admissible que celle des pèchers de Boissy- 


192 LA POMONE FRANÇAISE. 


Saint-Léger (pl. VIIT et IX), attendu qu’elle nécessiterait en- 
core plus de temps et de soins pour opérer les répressions 
indispensables au maintien de cette forme. 

D’après ce que nous venons de dire , tout le monde con- 
ceyra facilement que l’on puisse façonner ‘un pêcher sous 
telle forme que ce soit, et sans violence , seulement er dé- 
tournant doucement la sève , lui fermant les passages par 
où elle a le plus de tendance à s'échapper, et en lui en mé- 
nageant d’autres ; mais on ne concevra pas qu’il puisse en 
être autrement. Tous les jardiniers savent par expérience 
qu’un seul bourgeon qu’on laisserait se développer jusqu’à 
4 m. 75 centimètres ou 2 mètres d’étendue sur le dessus d’un 
membre suffirait à lui seul pour affamer ce membre et détruire 
la forme déjà donnée à l'arbre. Ces jardiniers pourront donc 
prévoir quel sera le résultat des trois rameaux que M. Le- 
père laisse ainsi se développer tous les trois à la fois sur le 
mème membre. M. Lepère annonce, pour prouver la bonté 
de sa méthode, qu'il aura toujours de jeunes pêchers de l’âge 
de celui qui lui a valu la médaille à faire voir aux amateurs 
qui lui feront l'honneur de le visiter. Dans ce cas, nous en- 
gageons ces amateurs à porter plus particulièrement leur 
‘attention sur les pèchers le plus anciennement établis d’a- 
près cette méthode : ce sont ces pèchers qui peuvent seuls 
faire juger du mérite de la forme tant préconisée. 

Nous sommes persuadé que personne n’est plus capable 
de saisir la justesse de nos observations que M. Lepère sil 
se montre , dans son écrit , trop bien pénétré de nos prin- 
cipes pour ne pas comprendre que son travail matériel est 
en opposition avec’son ouvrage écrit, à l’égard surtout de 
la forme earrée et des pèchers tout formés (1) ; d’où l’on 


(1) M. Lepère conseille (page 47), ainsi que cela se pratique à Montreuil et 
ailleurs , de ne point planter de pêchers lorsqu'ils ont plus de dix-huit mois de 


LA POMONE FRANÇAISE. 195 


peut conclure qu'il n'a pas encore mis tout à fait en pratique 
les principes énoncés dans la Pomone française depuis plus 
de vingt-cinq années, et dont cependant il semble s’être 
pénétré dans son ouvrage , qui ne peut, du reste, qu'être 
utile aux personnes qui s'occupent de la taille du pêcher. 
Nous finirons en disant que, si les Sociétés d’horticulture ont 
des récompenses à décerner au cultivateur qui sacrifie gé- 
néreusement un temps précieux de son existence pour 
communiquer son instruction à tous ceux qui la réclament, 
M. Lepère mérite éminemment ces récompenses : sa con- 
duite à cet égard lui à déjà concilié l’estime des honnêtes 
sens. Nous touchons au terme de la tâche pénible que nous 
nous sommes imposée pour l'instruction de nos lecteurs, 
celle de leur faire connaître sur quels points nous différons 
des auteurs qui ont écrit après notre Îre édition de la Po- 
mone. Nous espérons que l’on a une assez bonne opinion de 
notre jugement pour être persuadé que ce n’est qu'après 
un mür examen, aidé de toute notre expérience, que nous 
avons osé qualifier d'erreurs des assertions émises, d’une 
part, par un homme qui a préparé pendant quinze ans les 
Jecors de M. Thouin, et, de l’autre, par un cultivateur né à 


greffe, parce que les racines de l’amandier, devenant trop fortes, ne suppor- 
tent plus la transplantation. Ceci est très juste. Mais plus loin (pages 22 et 90), 
on y trouve le conseil de planter des pêchers tout formés, annonçant, cette fois, 
qu’ils peurront facilement reprendre et même qu’ils pousseront mieux que ceux 
de dix-huit mois. Cependant ces pêchers tout formés ne peuvent avoir moins 
de trois ou quatre années. Nous devons à nos lecteurs de répéter, à cette occe- 
sion , que des pêchers tout formés sont presque toujours , pour ceux qui se les 
procurent, une véritable déception, parce que la transplantation fait toujours 
perdre à l'écorce des branches du pêcher, en raison de leur étendue, léiasticité 
qui est indispensable à la libre circulation de la sève dans cet arbre. Il arrive 
toujours , lorsque les pêchers tout formés ne meurent pas après la transplanta- 
tion, qu'ils n’acquièrent plus jamais la vigueur qu’ils devraient avoir, et qui est 
si nécessaire à la beauté et à la saveur des fruits du pêcher. 


13 


494 LA POMONE FRANÇAISE. 


Montreuil même, qui vient d’écrire sur la taille du pêcher. 
Notre réserve a été d'autant plus grande que l'opinion pu- 
blique , et même le préjugé , doivent être favorables aux 
deux auteurs que nous venons de citer ; d’ailleurs, nous 
avens annoncé et nous répétons que pour profiter de nos 
écrits il ne fallait pas les croire aveugiément , mais se pro- 
poser, en pratiquant, de vérifier chacune de nos assertions, 
afin de s’approprier l'instruction que nous offrons, et d’être 
à mème de rejeter tout ce qui serait erroné. Si celte marche 
avait toujours été suivie , nes connaissances en culture ne 


seraient pas aussi arriérées. 


PÉCHERS EN CORDONS. 


La seconde forme que nous indiquons comme étant la 
plus facile et la plus convenable pour couvrir également les 
murs dans toute leur étendue, à mesure que les arbres crois- 
sent, est celle à bras horizontaux en longueur et à {ige ver- 
ticale (pl. VI). On peut commencer l’éGucation d'un pè- 
cher en cordons, soit sur un arbre déjà grefié et choisi dans 
les pépinières, soit sur un sauvageon greffé en place, ce 
qui est préférable. Dans tous les cas, les arbres seront plan- 
tés de 5 mètres en 5 mètres, dans un bon terrain, ou de 
& mètres en À mètres, si la terre a moins de qualité. On aura 
soin, en plantant , d’espacer les racines et de les éloigner de 
la maçonnerie de 17 à 19 centimètres , en inclinant la tête 
de l’arbre versie mur. Si l'arbre est pris dans les pépinières, 
on rabattra la tige à 27 ou 28 centimètres au dessus de la 
greffe ; et lors de la pousse on fera choix du bourgeon qui 
annoncerait avoir le plus de vigueur pour former une tige, 
que l’on favorisera en pinçant tous les autres bourgeons. On 
maintiendra cette tige droite ; elle ne sera palissée que.pour 
la préserver d’être rompue ou froissée contre le mur. On 
lui laissera tous les bourgeons anticipés qui ouvriront, afin 


LA POMONE FRANCAISE. 195 


de lui donner plus de force et de favoriser aussi le déve- 
loppement des racines. On aura soin de laisser sous la taille 
un bourgeon, que l’on pincera de bonne heure ; ce bourgeon 
n’a d'autre objet que d'entretenir la vie au dessus de l’in- 
sertion du bourgeon principal. En opérant ainsi, on se mé- 
nage les moyens d'enlever au printemps suivant la totalité du 
bois mort qui forme le chicot ou l’onglet, sans jamais cou- 
rir le risque d’offenser l’empatement de la jeune tige, qui 
au contraire recouvrira promptement la plaie faite sur une 
partie vivante. En général, les jardiniers n’attachent pas 
assez d'importance à éviter que le bois mort ne soit pas re- 
couvert par les nouvelles pousses, ce qui porte cependant ur 
préjudice notable à la santé de larbre et à la qualité des 
fruits. 5 

On devra former au pied de chaque arbre un bassin garni 
de terreau neuf, pour recevoir les arrosements ; on jettera 
de l’eau sur les feuilles lorsque le temps sera chaud ; on fera 
des fumigations de tabac pour écarter les pucerons ; on 
donnera au moins trois ou quatre binages au pied des arbres 
pendant la saison , en renouvelant chaque fois les bassins et 
le terrain ; enfin , on ne néplizera aucun de tous les moyens 
capables de favoriser et de soutenir la végétation la plus 
active. 

La première année après la plantation , on raccourcira la 
tige ou le jet de la greffe qui aurait poussé en place, à 50 ou 
52 centimètres environ au dessus du 50! , afin d'obtenir du 
bourgeon terminal et de son suivant la continuation de la 
tige et le premier bras À du côté droit. Si l’œil terminal à 
bois était double ou triple , ainsi que celui qui doit produire 
le premier bras, on conserverait celui du milieu. Ces deux 
premiers bourgeons pourront croître l’un près de l’autre, et 
concurremment, sans aucun inconvénient. Îln’en sera pas de 
même pour la formation des autres bras , qui doivent tou- 
_ jours être éloignés du ‘terminal. Tous les autres bour- 


496 LA POMONE FRANGAISE. 


SCONS qui oùvriront sur le devant et derrière seront pincés 
aussitôt qu’ils auront atteint 25 millimètres de longueur ; 
ceux des côtés seront palissés et traités pour en former 
des branches fruitières. La tige de cet arbre ne doit pas seu- 
lement produire des cordons, elle doit aussi être garnie sur 
les côtés de branches fruitières, et , sur le devant, de petits 
bourgeons qui auront été réduits ainsi par le pincement. On 
fera en sorte que les bras, ainsi que la tige, ne soient jamais 
dénudés de feuilles sur le devant; ces bourgeons sur le de- 
vant, quoique réduits, ne laissent pas que d’attirer la sève 
et de portier la vie dans les membres sur lesquels on a su 
les ménager ; d'ailleurs , ils Les abritent de la trop vive ar- 
deur du soleil, et finissent , sur les arbres plus àgés, par se 
fourner en rosettes. 

Il arrive assez souvent que les yeux du talon des bour- 
secns qui sont derrière prennent place sur les côtés et peu- 
vent remplir un vide. Nous avons eu tort de recommander, 
dans la fre édition de la Pomone , l’ébourgeonnement à sec 
de ces yeux, c’est-à-dire de détruire le germe de ces bour- 
seons mal placés avant qu’ils ouvrissent; une plus longue 
expérience nous a fait connaître les inconvénients de cette 
pratique : nous n’ébourseonnons plus à sec que sur les bran- 
ches fruitières, pour favoriser le bourseon de remplacement, 
dans le cas où l’on est forcé de tailler les fruitières très lon- 
gues, pour jouir des fruits qui sont à leur extrémité ; alors 
nous ne laissons de bourgeons s'ouvrir que ceux qui sont né- 
cessaires à la nourriture des fruits, encore pince-l-on ces 
bourgeons; quant aux yeux à bois intermédiaires , jusqu’au 
bourgeon de remplacement exclusivement , ils sont tous 
pincés ou éboursecnnés à sec. | 

Le prolongement de la tige et du premier bras À seront 
favorisés dans leur développement. On palissera la tige ver- 
ticalement, et le bras sous un angle de 60 à 50 degrés ; les 
bourgeons anlicipés qui ouvriront sur le devant et le derrière 


LA POMONE FRANÇAISE. 197 


de la tige et du bras seront ébourgeonnés avec les ongles, 
en observant de laisser la feuille qui est à leur insertion, et 
de ménager l’œil du talon , s’il s’en trouvait. Les bourgeons 
anticipés placés sur les côtés seront palissés, après qu’on aura 
supprimé avec le couteau à lame longue, étroite, et à dos 
arrondi, ceux qui feraient confusion ; on aura soin de lais- 
ser aussi la feuille qui se trouve à leur insertion. Les der- 
niers bourgeons anticipés qui pousseront vers le sommet de 
la tige et sur l'extrémité du bras resteront libres. 

Dans le courant du mois d'août, avant que la sève soit 
arrêtée, on s’assurera s’il se trouve un œil bien placé à la 
hauteur où doit naître le second bras, au point B, sur le 
côté gauche de l’arbre , environ à 1 m. 50 centimètres au 
dessous du sol ; dans le cas où il ne s’en trouverait pas, on y 
placera un écusson. 

La première taille, après l’année de la plantation, et la con- 
duite de l'arbre par le pincement , l’ébourgeonnement et le 
palissage , aura produit quatre parties distinctes : 1° le pro- 
longement de la tige, 20 l'établissement du premier bras À, 
30 diverses pousses sorties dessus la tige, 4° des bour- 
geons anticipés, sortis tant du bourgeon de prolongement 
de la tige que du nouveau bras ou cordon. 

C’est dans cet état que l’arbre doit ètre soumis aux opé- 
rations de la taille de la seconde année. 

Après avoir dépalissé l'arbre , on raccourcira la tige de 
manière à laisser l’œil qui doit fournir le second bras à peu 
près au milieu de la partie qui restera sous la taille. Nous 
éviterons désormais de former les bras avec le bourgeon 
qui se trouve immédiatement au dessous du terminal, non 
que l’on ait à craindre que le bras ne devienne trop fort, 
mais dans le but de répartir plus également la sève, et de 
ne pas l’attirer trop vivement sur un seul point de la tige. 
La taille sera assise sur un œil du devant , si cela est pos- 


198 LA POMONE FRANÇAISE. 


sible , afin que le prolongement de la tige soit sans coude 
et sans nodus apparents. 

On raccourcira le premier bras sur un œil de devant, pour 
que le bourgeon terminal de ce bras se prolonge sans coude et 
sans nœud sur une ligne parfaitement droite. Ce raccourcis- 
sement a pour but de donner de la force aux bourgeons qui 
sont les plus éloignés du terminal, se réservant, par le pince- 
ment, d’amoindrir ceux qui en sont les plus près. On taillera 
en branches-crochets, c’est-à-dire à deux yeux, comme les. 
coursons de la vigne, les bourreons anticipés qui ont poussé 
l’année précédente. Les bourgeons anticipés sur le corps de 
l'arbre seront taillés sur deux , trois ou quatre yeux. 

La taille terminée , on palissera l'arbre dans la même si- 
tuation où il était avant d’être taillé. 

À la pousse , on s’appliquera à favoriser le prolongement 
de la tige. Si le bourgeon terminal destiné à ce prolonge- 
ment fléchissait, on s’empressera de le rabattre sur un 
bourgeon qui annoncerait de meilleures dispositions. La 
tige sera toujours maintenue dans une direction verticale. 

On favorisera le développement du second bras B en 
pinçant tous les bourgeons qui se trouvent sur la tige entre 
lui et le terminal. Les yeux qui ouvriront devant et der- 
rière la tige seront pincés aussitôt qu'ils auront atteint 27 
millimètres de longueur, on palissera ce second bras sous 
un angle de 60 à 50 degrés ; les autres bourgeons sur les cô- 
tés seront ésalement palissés. | 

Le prolongement du premier bras sera favorisé et dirigé 
dans son développement sur une ligne parfaitement droite. 
On veillera à ce que les bourgeons de remplacement des 
branches fruitières se fortifient ef prennent du corps, sans 
sortir des proportions que doivent avoir ces branches. Les 
bourgeons qui ouvriront devant et derrière seront pincés et 
réduits ; ceux qui pousseront sur les côtés seront palissés ; on 


LA POMONE FRANCAISE. 199 


supprimera ceux qui ne trouveraient pas de place; on aura 
la plus grande attention à ce que les bourgeons qui ouvri- 
ront sur le dessus du premier bras ne prennent pas plus de 
force que ceux du dessous : le bourgeon après le terminal 
sera pincé de bonne heure. 

Les bourgeons anticipés sur les nouvelles pousses qui ou- 
vriront devant et derrière seront ébourgeonnés avec les on- 
gles ; on laissera la feuille qui est à leur insertion ; on pourra 
abaisser un peu plus le premier bras; on palissera les bour- 
geons qui ouvriront sur les côtés ; on supprimera , avec le 
couteau à lame étroite, ceux qui ne trouveraient pas de 
place ; on laissera croître en liberté ceux qui ouvriront sur 
lextrémité de nouvelles pousses vers la fin de la saison. 

Lorsque lasève sera ralentie, on dépalissera le premier bras 
pour l’incliner un peu plus. 

On aura soin, avant que la sève soit arrêtée , de s'assurer 
s’il se trouve un œil au point C sur le côté droit de la tige, 
à la distance d’un mètre environ du premier bras : dans le 
cas contraire, on y placerait ur écusson. 

La seconde taille a eu pour résultat , après le pincement, 
l’ébourgeonnement et le palissage : 

1° Le prolongement de la tige et celui du premier bras À ; 
20 ]a création du second bras B; 3° l’établissement de branches 
fruitières sur le corps de l’arbre et sur la première partie du 
premier bras ; 4° plusieurs bourgeons anticipés sur les nou- 
velles pousses des membres. Toutes ces diverses productions 
ont été façonnées par le pincement et le palissage dans des 
proportions relatives aux fonctions qu’elles doivent remplir. 

C’est dans cet état que l’arbre doit être soumis aux opé- 
rations de la troisième taille. 

Après avoir entièrement dépalissé l'arbre, on raccourcira 
la tige sur un œil favorable à son prolongement, et de ma2- 
nière à laisser l’œil qui doit fournir le troisième bras € 
éloigné du terminal. 


200 LA POMONE FRANÇAISE. 


On raccourcira le second bras B, toujours sur un œil fa- 
vorablement placé pour son prolongement ; la partie con- 
servée après ce raccourcissement doit être assez courte pour 
aw’il suffise, par le pincement pratiqué sur les deux pre- 
miers bourgeons après le terminal, à établir une épalité de 
force entre ces bourgeons pincès et ceux non pincés du bas 
de la taille. 

On raccourcira aussi, d’après le même principe, la pousse 
terminale du premier bras À ; on taillera {es branehes frui- 
tières, dans le but de les concentrer sur les membres et dans 
celui de préparer sur chacune à leur talon une branche de 
réserve. La taille des fruitières ne doit encore avoir pour 
but que leur formation, et non la fructification, qui pourrait 
entraîner à leur donner une taille trop allongée. On doit sa- 
voir que les fruits énervent les branches d’un arbre trop 
jeune encore; et comme ce sont en général les branches les 
plus faibles qui retiennent le fruit, il faut, pour la conser- 
vation de ces branches , éviter une faute que l’on est trop 
souvent tenté de commettre. 

Tous les nouveaux bourgeons , ainsi que les bourgeons 
anticipés , seront taillés en branches-crochets. 

La troisième taille effectuée , on palissera l’arbre dans la 
même position où il était avant d’être taillé, à moins qu’en 
taillant l’on n’ait eu des motifs d'agir différemment. C’est 
pour cette raison qu’il est essentiel que cesoit le même ou- 
vrier taille et palisse immédiatement après la taille. A 
Montreuil, les eultivateurs, favorisés par le sol, et n’ayant 
jamais de temps à donner à des opérations aussi délicates, 
laissent aux femmes les soins du palissage. 

À la pousse, on favorisera le bourgeon de prolongement 
de la tige et le développement de l’œil qui doit produire le 
troisième bras C en pinçant les bourgeons intermédiaires 


entre ce bras et le terminal, surtout celui qui suit le ter- 
minal. 


LA POMONE FRANÇAISE. 201 


On favorisera aussi le prolongement du premier et du se- 
cond bras, on n’oubliera pas de pincer de bonne heure le 
premier bourgeon près du terminal. On sera aussi très at- 
tentif à ce que les bourgeons placés sur [e dessus du bras ne 
prennent pas plus de force que ceux qui sont placés dessous, 
soit en pinçant ou en palissant plus tôt les uns et laissant les 
autreslibres, soit en ébourgeonnant plus tôt ceux de dessous. 
Le ravalement en vert des fruitières qui seraient faibles surle 
bourgeon de réserve doit être fait à temps pour être profi- 
table à ce bourseon. On ne saurait mettre trop de soins à 
maintenir une égalité de force entre toutes les branches 
fruitières du même bras. 

On pincera les bourgeons qui ouvriront sur le devant et 
derrière; on palissera ceux qui ouvriront sur les côtés, 
après avoir supprimé ceux qui ne trouveraient pas de place. 

Les bourgeons anticipés qui ouvriront sur le devant et 
derrière seront ébourgeonnés avec les ongles, on laissera 
la feuille à leur insertion; on palissera ceux qui ouvriront 
sur les côtés, on laissera la feuille au bas de ceux que l’on 
supprimera. Vers la fin de la saison, on laissera croître libre- 
ment les bourgeons anticipés qui pousseraient à l'extrémité 
des branches. 

Avant que la sève soit arrêtée, on s’assurera si l'œil qui 
doit former le quatrième bras est placé convenablement ; 
dans le cas contraire , on posera un écusson au point D. 

Vers la fin de juillet, on dépalissera les bras que l’on vou- 
dra incliner. 

On se conduira, pour la quatrième et la cinquième taille, 
comme on s’est conduit pour les précédentes, toujours dansle 
but de créer de nouveaux cordons, d’allonger ceux qui sont 
établis et de concentrer les fruitières sur les membres, en fa- 
vorisant à leur talon le développement d’un bourgeon des- 
tiné à les remplacer. On aura soin d’entretenirsur le devant 
de la tige et des membres des bourgeons pincés de très près 


20? LA POMONE FRANÇAISE. 


dans le but de conserver des feuilles pour garantir la tige et 
les membres des coups de soleil. Le dernier bras sera formé 
avec le prolongement de la tige, dont on dirigera la pointe 
doucement vers l'emplacement de ce dernier bras. 
On aura le plus grand soin, en taillant, d'examiner avec 
beaucoup d'attention si l’écorce, particulièrement des der- 
nières pousses, n’est pas affectée de taches livides qui an- 
noncent la présence très prochaine de la somme et des 
chaneres; dans ce cas, on prévient le mal en praliquant sur 
ces rameaux, sur la tise, ou sur les membres qui les por- 
tent, des incisions longitudinales très légères, n’entamant 
que l’épiderme : cela suffit pour suppléer au défaut d’élasti- 
cité de l’écorce. L’instrument dont on se sert doit être très 
affilé, pour ne point déchirer, mais fendre net l’épiderme. 
Cette opération favorise si puissamment l’extension des 
branches , qu'il faut l’employer avec ménagement , dans la 
crainte de déranger l’équilibre des branches entre elles. Si 
la gomme avait déjà flué, on incisera à l’opposé de la plaie 
après l'avoir netioyée. On s’abstiendra de mettre ni onguent 
ni quoi que ce soit sur ces incisions : c’est l’action de l’air 
qui doit contribuer à leur cicatrisation. La présence de la 
gomme sur un pêcher atteste l’ignorance des moyens que 
nous indiquons pour la prévenir ou. la faire disparaitre, ou 
la négligence de la part du jardinier. : 
Dans la première édition de {« Pomone, nous avions déjà 
fait connaître ce procédé comme ayant été pratiqué avec 
succès par Dumoutier (1), à Trianon, mais pendant trop 


(1) Dumoutier est entré au Jardin des Plantes en 1806; il s’est trouvé sous 
les ordres de M. Thouin comme préparateur des leçons du cours d’agriculture 
pratique lors de sa création. Nous l’obtinmes de M. Thouin, et en 1813 nous le fi- 
mes entrer dans les jardins de l’empereur, où il restaura les arbres du potager 
de Versailles, d’où il est sorti pour devenir propriétaire à Châville. Il est mainte- 


LA POMONE FRANÇAISE. 205 


peu de temps pour que nous ayons osé l’annoncer comme 
infaillible. M. Dalbret , dans sa première édition, doute que 
Dumoutier ait guéri les pèêchers de Trianon; il manifeste 
toujours les mêmes doutes dans ses deuxième et troisième 
éditions. Il nous semble que, d’une édition à l’autre, M. Dal- 
bret eût pu trouver le temps nécessaire pour sortir de ses 
doutes et se mettre en état d'annoncer quelque chose de 
positif sur cet article, qui intéresse tant les cultivateurs , 
lorsqu’en définitive il est si facile de prévenir ou de faire 
disparaître un fléau aussi destructeur pour le pêcher. 

Si un des cordons fléchissait, il faudrait en prévoir les 
conséquences et préparer des bifurcations sur quelques 
branches fruitières des deux autres cordons, afin de remplir 
les vides ; tel est le principal avantage de cette forme, de se 
ménager les moyens d’avoir toujours sous la main des bran- 
ches pour couvrir le mur. 


PÊCHER EN PALMETTE. 


Telle est Ia forme exacte d’un pècher que nous avons 
dessiné chez M. de Nemours, et que l’on voyait déjà dans 
la première édition de la Pomone française (planch. 10) ; 
depuis lors, nous avons cultivé plusieurs pèchers sous cette 
forme, ce qui nous a mis à même d’en connaître les avan- 
tages et les inconvénients. Les avantages sont la simplicité 
de la forme. l’uniformité de tous ses membres, et celle des 
moyens employés pour les établir successivement. Ses in- 


nant retiré à Courbevoie , maison Le Pelletier. C’est le seul des jardiniers dis- 
tingués que nous avons cités dans la Pomone dont les loisirs soient disponi- 
bles. Nous ne connaissons personne qui entende aussi bien la plantation, la cul- 


ture et la taille des arbres, ainsi que le tracé et l’exécution des jardins pitto- 
resques. 


204 LA POMONE FRANCAÏISE. 


convénients sont que des deux bras formés en même temps 
l’un tend toujours à prendre plus de force que l’autre, et 
que le palissage , qui est le seul moyen dont, dans ce cas, on 
puisse faire usage comme correctif, s’étant trouvé souvent 
insuffisant , il a fallu que les tailles rétablissent l’équilibre. 

Le désir de parvenir aux mêmes résultats par des moyens 
beaucoup plus doux nous a conduit à nous servir de la 
palmette à double tige ( planch. VIT), et à ne pas faire 
usage de la serpeite pour obtenir la naïssance des bras; 
bien entendu que ces bras seront ensuite taillés, afin de 
favoriser leur développement. En suivant ce mode, nous 
avons reconnu que la palmette à double tige était exempte 
des inconvénients de celle à tige simple dans la création de 
ses deux bras, puisque ceux qui sont établis en mème temps 
sur la double tige, étantséparés , n’ont point à lutter de force, 
et restent toujours indépendants l’un de l’autre ; en outre le 
bourgeon qui figure le prolongement de la flèche, prenant 
naissance sur les bras, laisse à ceux-ci le temps de se forti- 
fier, et rend moins sensibles les avantages de sa position, qui 
sont bientôt modérés par le palissage, et par l’inclinaison 
plus ou moins brusque que l’on donne à son extrémité, 
pour le disposer à former un nouveau bras; enfin la taille, 
sur le nouveau bras, pouvant se pratiquer à une distance 
plus ou moins éloignée du bourgeon de prolongement de la 
flèche, donne au cultivateur les moyens de modérer ou 
d'augmenter sa vigueur sans qu’il soit besoin d'exercer des 
violences. ; EL. 

Nous sommes fondé à annoncer que cette forme est pré- 
férable à l’autre , puisque pour l’obtenir nous n’avons pas dû 
contrarier autant la sève dans ses mouvements naturels, 
comme nous l'avons fait à l’égard de la palmette à tige 
simple. 

Si donc pour élever une palmette à double tige on n’avait 
pas eu la prévoyance de greffer en place un sauvageon en 


LA POMONE FRANCAISE. 205 


posant deux écussons en face l’un de l’autre pour obtenir 
deux tiges, on plantera, à ce défaut, un pêcher pris dans 
les pépinières, que l’on rabattra à 15 ou 20 centim. au des- 
sus de terre , afin d’obtenir deux bourgeons destinés à for- 
mer deux tiges. Ces bourgeons seront favorisés dans leur 
développement en leur laissant la presque-totalité de leurs 
bourgeons anticipés, eten ne les palissant que pour les main- 
tenir d’égale force et les préserver d’être froissés contre le 
mur ou le treillage. 

Au printemps suivant, on taillera chaque lise sur deux 
yeux bien conditionnés, afin d'obtenir les premiersbras À, 
et la continuation du proiongement des flèches destinées à 
former le commencement des seconds bras B. En rabattant 
. les deux tiges, comme nous venons de le dire, on aura égard 
à l’écartement qui doit régner entre elles. Les deux tiges 
seront verticales, parallèles, et maintenues dans un écarte- 
ment de 32 centim. environ, les bras seront distants l’un 
de l’autre de 50 à 55 centim. , et le dernier, près ie chape- 
ron du mur, en sera distant de 44 centim. 

: Les bourzeons formant le premier bras A seront d’abord 

palissés sous un angle de 70 à 690 desrés pour successive- 
ment descendre et rester fixés à celui de 10 degrés; les 
bourgeons anticipés seront palissés; on retirera ceux qui 
ne trouveraient pas de place. 

Les flèches seront palissées verticalement, et lorsqu'elles 
auront dépassé de 16 centimètres environ la hauteur où doi- 
vent être fixés les seconds bras B, on les courbera douce- 
ment vers cet endroit, pour, de ce point , les palisser sous 
un angle de 70 à 60 degrés, pour ensuite les descendre peu 
à peu à 10 degrés. Les bourgeons anticipés seront palissés 
avec soin; on retirera ceux qui feraient confusion. L’espace 
des bras, étant fixé entre 50 à 55 centimètres, laisse la facili- 
té de disposer la courbure de manière à laisser un œil bien 


206 LA POMONE FRANCAISE. 


conditionné sur la courbure, sur la partie qui doit former 
le bras , soit du côté du mur, soit en dessus. soit en avant; 
“mais mieux vaudrait en avant. Cet œil est destiné , au prin- 
temps suivant ou plus tôt, à former une nouvelle flèche dont 
la partie supérieure formera le commencement du troisième 
bras. On veillera à ce que la partie de l'arbre qui figure la 
tige soit garnie sur les côtés de branches fruitières ; on lais- 
sera même sur le devant quelques petits bourgeons , qu’on 
pincera pour y entretenir de la verdure et garantir la tige 
des rayons du soleil. On doit, autant que possible, éviter 
que les tiges et les membres du pêcher se dénudent. 

Lors de la taille, le premier bras À sera raccourci, en 
vue de favoriser son prelongement et de faire développer 
des fruitières dans les proportions de grosseur les plus con- 
venables à ces branches ; les bourgeons anticipés seront tail- 
lés en branches-crochets. | 

Le second bras B sera taillé à quatre ou cinq yeux au des- 
sus des bourgeons anticipés, ce qui pourrait faire que la taille 
de ce bras fût assise à l'extrémité du bourgeon. Les bour- 
geons anticipés, soit sur la tige, soit sur les bras, seront tail- 
lés en branches-crochets. 

Lors de la pousse, on favorisera le bo Eee qui doit fi- 
gurer la continuation de la flèche; il sera palissé verticale- 
ment plus tôt ou plus tard, suivant sa vigueur. Lorsqu'il au- 
ra dépassé 16 centimètres, on le courbera plus ou moins, 
suivant sa vigueur, pour lüi faire occuper la place du troi- 
sième bras. he bourgeons anticipés qui trouveront place 
seront palissés. 

Au temps de la taille, on se conduira comme nous l’avons 
expliqué pour les bras déjà établis. Le dernier cordon sera 
palissé à une distance assez éloignée du chaperon, afin de 
laisser assez de place pour palisser les fruitières. 

L'espace d’un bras à un autre est calculé pour y placer 


LA POMONE FRANÇAISE. 207 


quelques ramifcations de branches fruitières, qui, en cas 
d'accidents survenus au bras, pourraient le remplacer et 
laisser toujours le mur couvert. 

Le prolongement de la flèche aura toujours lieu sans le 
secours de la serpette, à moins d’accidents qui obligeraient 
de s’en servir. 

D’après ce mode, on doit peu craindre le trop de vigueur 
de la flèche , parce qu’elle se trouve bientôt modérée par la 
courbure qu’elle éprouve versson extrémité lorsqu'elle com- 
mence à former un bras. Si cependant elle menaçaïit de deve- 
nir préjudiciable au bras qui lui a donné naissance, on ferait 
usage du pincement. Cette forme n’interdit aucun de nos 
moyens de répression; seulement elle les requiert moins 
souyent. ; 

Si un des côtés de l'arbre prenait plus de force que l’au- 
tre , on le dépalisserait entièrement pour donner aux bras 
de ce côté plus d’inclinaison ; on pourrait aussi relever les 
bras du côté faible. Tout le côté faible sera taillé plus tôt, 
plus long , et palissé plus tard , si le cas l’exigeait. Si, sur le 
côté fort, un bras ou deux étaient faibles, au lieu delesbais- 
ser, on les retirerait en avant et on les palisserait sur des 
échalas. | 

Chaque arbre ainsi conduit couvrira entièrement , la qua- 
trième ou cinquième année , tout l’espace qui lui est desti- 
né ; et ce qui doit le plus intéresser le cultivateur, c’est que 
les moyens à employer par la suite pour maintenir l’arbre 
dans les bornes qui lui sont tracées tendront aussi à le con- 
server ésalement garni partout. 

Pour contenir dans leurs limites les arbres menés par cor- 
dons, on rabattra Îles bras sur un bourgeon plus ou moins 
rapproché de la taille précédente, puis on raccourcira ce 
bourgeon suivant la vigueur du bras, ou quelquefois même 
on le laissera intact, si l’on avait intérêt à modérer la force 
de ce bras. Ce moyen doit être employé avec discernement 


958 LA POMONE FRANÇAISE. 


et ménagement , parce que, s’il était répété deux années de 
‘suite , comme il arrête l’arbre par les extrémités des bras, 
la sève resterait concentrée vers la tige, d’où il pourrait sor- 
tir des gourmands. Il serait facile , à la vérité, de s'opposer 
au développement de ceux-ci; mais il est mieux Ge ne pas 
se trouver dans l’obligation de fatiguer l'arbre par des ré- 
pressions en le contrariant dans sa pousse. 

Pour être bien en état de diriger les arbres de cette ma- 
nière , il importe surtout de se bien pénétrer des effets qu’on 
peut produire en taillant ou ne taillant pas les bourgeons 
terminaux des bras. Par la taille, on appelle la sève avec 
force à l'extrémité des branches raccourcies : l’œil devenu 
le terminal donne naissance au bourgeon le plus fort, et 
les autres vont en décroissant à mesure qu'ils s’en éloignent. 
Lorsqu'on ne taille pas, surtout pendant plusieurs années 
de suite (1), l’effet contraire a lieu; la sève se concentre 
près du corps de Parbre, le bourgeon terminal est le plus 
faible, et ceux qui le suivent vont croissant en srosseur et 
en lonsüeur jusque près de l'insertion de la mère-branche, 
comme des tuyaux d’orgues; c’est au jardinier à faire à pro- 
pos et à modifier suivant les circonstances l’emploi de l’un 
ou de l’autre moyen. 


CULTURE DU PÉCHER 
SANS RACCOURCIR LES BRANCHES PRINCIPALES. 


Plusieurs personnes ont annoncé, avec plus ou moins 
d'importance, une prétendue méthode de cultiver le pêcher 


(4) On entend ici par ne pas tailler laisser seulement le bourgeon termisal 
d’un membre ou d’un bras de toute sa longueur sans en rien retrancher ; mais 
en même temps on taille, comme de coutume, toutes les branches fruitières 
qui sont sur ce membre ou sur ce bras, afin d’en obtenir un bourgeon de rem- 
placement placé le plus près possible du membre ou du bras. 


LA POMONE FRANÇAISE. 209 


sans jamais raccourcir les branches principales ; bien enten- 
du que , dans ce système, les fruitières sont laillées ct re- 
nouvelées chaque année. 

Les premiers pèchers qu’on nous engagea de visiter com- 
me n'ayant pas té taillés avaient acquis en peu de temps 
une srande étendue sous la forme du V cuvert; ces arbres 
étaient dirigés avee beaucoup d’intellisence par M. Sciole, 
jardinier instruit dans son état; mais , les arbres qu’il culti- 
vait étant sujets au blanc, il fut assez souvent forcé de faire 
infraction à la loi qu’il s’était imposée, ct nous ne pümes 
apprécier alors les avantages que l’on pouvait retirer en ne 
raccourcissant point les branches principales du pêcher. 

Depuis ce temps, nous avons été à mème de voir souvent 
plusieurs pèchers élevés en palmeltes à bras horizon- 
taux non raccourcis ; ces pêchers étaient sains, vigoureux, 
et non attaqués du blanc, de sorte que c’est très rarement 
que l’on a dû raccourcir la tête de quelques uns des bras. 

Nous avons d’abord remarqué que les membres et la tige 
de ces pèchers étaient, dansleur début, très grèles, jusqu'à 
ce queles branches fruitières, devenues plus multipliées, 
plusfortes, ei étant souvent renouvelées, aient attiré une 
plus grande abondance de sève dans les membres; ce ne fut 
qu’alors que la tige et les membres prirent une srosseur 
proportionnée à leur étendue. 

Il est encore utile d'observer que, si, dans lepoirier et au- 
tres arbres, nous raccourcissons le rameau terminal de cha- 
que membre, c’est dans le but de faire ouvrir les yeux du 
talon de ce rameau, qui n’ouvriraient pas sans ce raccour- 
cissement ; mais dans le pêcher, où tous les yeux ouvrent à 
la fois sans exception, le raccourcissement du rameau a un 
autre objet : celui d'éviter qu’il y ait une trop grande int- 
galité de force entre les fruitières du talon et celles de l’ex- 
trémité supérieure du rameau. Mais si l’on se prive de 
cette ressource en ne raccourcissant point le rameau ter- 

1 


210 LA POMONE FRANÇAISE, 


minal, il devient indispensable, pour établir l’épalité de 
force entre un plus grand nombre de fruitières , de se servir 
du pincement réitéré , du palissage partiel, des rapproche- 
ments en vert, etc.; aussi les pêchers dent nous parlons 
ont-ils nécessité une grande surveillance afin d'établir une 
égale circulation de la sève dans toutes les parties de Parbre. 

Nous dirons encore qu’à mesure que ces pêchers non 
taiilés atteignaient le degré de développement dont chacum 
d'eux était susceplible, les pousses terminales de ces pè- 
chers cessaient d'année en année d’être aussi fortes et 
aussi aliongées , et que la sève, au lieu de se porter vers les 
extrémités des membres, ainsi que cela arrive dans tous les . 
arbres taillés, et surtout dans le pècher, affluait davanta- 
re dans les fruitièresles plus proches de la tige. Ceci est une 
preuve que lorsqu'on cesse de raccoureir lerameau terminai 
d’un membre plusieurs années de suite, c’est-à-dire lorsque 
l’on cesse d’attirer par la taille la sève vers l'extrémité de ce 
membre, elle reflue vers la tige, et offre au eultivateur les. 
moyens faciles de renouveler les membres qui seraient usés 
ou trop fatigués. : 

La raison de ce fait, c’est que la sève est continuellement 
attirée sur les fruitières par la taille, faite dans le but de re- 
nouveler ces fruitières chaque année, et que, n'étant plus 
appelée sur le rameau terminal des membres, elle entre de 
préférence dans les fruitières les plus proches de sa source, 
arrivant plus tardivement et de plus en plus lentement vers 
celles qui en sont à une distance plus éloignée ; d’ailleurs, 
Y œil terminal du rameau de prolongement, cessant d’année 
en année d’être aussi bien constitué , finit par ne plasattirer 
Ja sève que faiblement. 

On peut conclure des faits que nous venons d'exposer que 
la forme donnée au pêcher à membres horizontaux nom 
tailiés a l’avantage de ne pas tendre incessamment à dé- 
passer trop vivement le cadre qui lui a été assigné, de s’y 


LA POHONE FRANÇAISE. 211 


maintenir long-temps, offrant toujours des récoltes très 
abondantes, jusqu’à ce que le mouvement de la sève qui se 
concentre, dans ces pèchers, de plus en plus vers la tive, 
soit devenu assez énergique pour avertir le cultivateur qu'il 
est temps de commencer à procéder au rajeunissement de 
l'arbre, en renouvelant tôus ses membres. 

Ce que nous venons de dire mérite l'attention des per- 
sonnes qui s'occupent spécialement de la taille du pêcher. 


DES PÊCHERS HATÉS OU FORCÈS. 


Il y a peu d'avantage à forcer le pècher, mais il y en a 
beaucoup à le hâter : on est plus assuré des récoltes, et Les 
arbres, loin d’être fatigués, se rétablissent et acquièrent 
même plus de vigueur, lorsqu'ils se trouvent seulement hä- 
tés, étant à l’abri de la température variable de nos prin- 
temps, qui détruit trop souvent les récoltes et mème les 
arbres, dont la végétation, se trouvant interrompue par le 
passage subit du chaud au froid, cause presque toutes les ma- 
ladies qui affectent le pècher, surtout celles qui se déclarent 
à l'extrémité des jeunes pousses, telles que la cloque, et par 
suite la gomme et autres maladies. On hâtera doncla végé- 
tation des jeunes pèchers que l’on veut former pour être as- 
suré du succès, aussi bien que la vésétation de ceux tout for- 
més dont on veut obtenir des récoltes hâtives et abondantes. 

Les espèces à hâter ou à forcer sont celles qui sont natu- 
rellement hâtives ou qui produisent abondamment. On aura 
dû, lors de la plantation, prévoir l'usage éventuel des vitraux 
mobiles devant l’espalier, et ne point mélanger les espèces 
tardives avec celles qui sont hâtives. 

On placera devant l’espalier, vers les premiers jours de 
janvier, des châssis mobiles établis comme ceux dont nous 
avons déjà donné les dimensions pour hèter la vigne. On 
construira un fourneau en dehors, et l’on fera circuler 


212 LA PONONE FRANÇAISE. 


des tuyaux de chaleur sur ie devant de cette serre. On 
pourra placer sur le devant deuxrangées de pots contenant 
des fraisiers, et, plus en arrière , un rang de cerisiers ou de 
pruniers en pots. 

On ne commencera à faire de feu pour mettre les plantes 
en végétation qu'après que les arbres auront été taillés. La 
température obtenue par le feu sera maintenue entre dix 
à douze desrés (de Réaumur) ; celle qui est produite par le 
verre et le soleil, quoique plus élevée, ne pourra jamais 
ètre nuisible, parce qu’elle permettra de donner beaucoup 
&’air, qui concourt à fortlifier les plantes. Bien entendu que 
la serre sera ombrée lorsque cela sera nécessaire. 

Avant la floraison, on suspendra des fioles emmiellées au 
treillage , afin de prendre les fourmis, qui détruiraient beau- 
coup de fleurs. Après la floraison, on répandra de l’eau en 
pluie très légère sur les arbres avec la pompe à main ; cette 
eau sera à la température de la serre. Il est à propos d’ob- 
server que les fruits noués grossissent d'abord assez prom- 
ptement , et qu’ils sont ensuite stationnaires jusqu’à la for- 
malion du noyau. À ceite époque critique, beaucoup de 
fruits se fanent et tombent; ceux qui résistent srossissent 
très visiblement. C’est alors que l’on doit supprimer tous ceux 
qui sont trop nombreux, mal placés ou trop rapprochés, et 
surtout ceux qui nuiraient au développement du bourgeon 
de remplacement ; on doit toujours sacrifier le fruit à la pro- 
spérité de ce bourgeon, qui attire la sève dansles membres, 
les maintient toujours garnis, et perpétue l’abondance des 
récoltes. On fera en sorte que l’arbre soit modérément et 
également garni de fruits dans toutes ses parties , à moins 
qu’on n'ait intérêt d’amoindrir la vigueur d'un membre : 
dans ce ças on lui laissera une plus #rande quantité de fruits à 
nourrir ; on ne saurait trop recommander aux jardiniers de 
ne pas abuser des dispositions que les pêchers dont la végéta- 
tion est ainsi hâtée ont à retenir beaucoup de fruits, parce 


LA POMONE FRANCAISE. 215 


qu'il arriverait que ces fruits seraient moins beaux, moins 
savoureux , et que les arbres s’épuiseraient très prompte- 
ment. 

Les bourgeons seront pincés, ébourgeonnés et palissés 
souvent , et avec plus de soins que s'ils étaient en plein air. 
On veillera à ce que les pucerons n’attaquent pas l’extré- 
mité des bourgeons; il faudra, au moinüre indice de leur 
apparition , les faire disparaitre avec la fumée de tabac, 
que l’on dirige à l’aide d’un soufflet et d’un appareil dispo- 
sès pour cet objet. Le tuyau conducteur de la fumée doit 
avoir une certaine longueur pour que la fumée n'arrive pas 
trop chaude sur l'extrémité des bourgeons. On renouvellera 
ces fumigations aussi souvent qu'il sera nécessaire ; autre- 
ment les pucerons, favorisés par la température dela serre, 
se multipüeraient tellement, que la végétation des pêchers 
serait arrêtée par l'extrémité des branches, ce qui leur por- 
terait un préjudice considérable. 

À la fin de juin ou dans les premiers jours de juillet, on 
arrosera Île pied des arbres afin de favoriser la formation des 
boutons qui devront fleurir l’année suivante. On arrosera 
aussi les feuilles avec la pompe à main. On donnera de 
Vair aussi souvent qu’on le pourra afin d'éviter que les jeu- 
nes pousses ne s’étiolent ainsi que les fruits ; c’estàal’air libre 
que ceux-ci doivent acquérir le dernier degré de grosseur 
et de maturité. Une partie des châssis aura dû être enlevée 
avant celte époque. 

Lorsque les fruits auront atteint toute leur grosseur, on 
détournera ou l’on supprimera les feuilles qui les couvrent, 
afin de leur faire prendre de la couleur. 

On pourra tous les ans placer les châssis devant l’espalier 
pour hâter les mêmes arbres, qui, loin d’être fatigués dans 
ieur végétation, n’en deviennent que plus vigoureux. On 
accordera une ou deux années de repos aux pèchers qui 
auront été forcés sous bâches ou dans la serre chaude. 


‘214 LA POMONE FRANCAISE, 


DU PÉCHER À PLEIN VENT. 


Le pêcher à plein vent franc de pied croit assez bien 
dans les vignes aux environs de Paris, à Corbeil, Brie, 
Melun, Thomery, etc. Ces pèchers, venus de noyaux, ont 
sur ceux greffés l'avantage de pousser quelquefois de nou- 
veaux bourgeons sur les vieilles branches, ce qui les renou- 
velie et prolonge leur existence. Plusieurs de ceux que j'ai 
visités dans les vignes des pays cités m'ont paru être âgés de 
trente à trente-cinq ans. Ces arbres, abandonnés à la nature, 
ont un port peu agréable ; mais au moment où ils sont en 
fleur ils forment un bel ornement pour les campagnes où ils 
se trouvent multipliés. 

Leurs fruits sont plus tardifs que ceux de la mème espèce 
qui sont plantés en espalier ; ils sont aussi plus petits , plus 
acides, et ils ont un goût acerbe que l’on retrouve toujours, 
même dans les variétés qui, par leur couleur etleur grosseur, 
sembleraient annoncer qu’elles sont déjà perfectionnées. 

Les pèchers greffés dans Îes pépinières et replantés ne 
réussissent point en plein vent et périssent promptement. 
Les variations subiies de l'atmosphère au printemps, dans 
notre climat, suspendent la végétation de ces arbres et leur 
font éprouver des dommages irréparables. 

On a quelques raisons de penser que des pèchers venus 
de noyaux greflés sur place résisieraient micux et pour- 
raient donner des résultats avantaseux s'ils étaient, chaque 
année , taillés et concentrés avec art, et surtout si l’on avait 
le soin de choisir des espèces qui ne fussent ni trop hâtives 
ni trop tardives. Il serait à propos, pour gagner des varié- 
tés, de ne greffer les pèchers à plein vent que lorsqu'ils au- 
raient produit leur fruit naturel. En général, les pèches 
tendres, à peau fine , ne réussissent jamais aussi bien qu’en 
espalier, mème dans les climats les plus favorables. 


LA POMONE FRANÇAISE. 913 


_ YRAITEMENT DES PÉCHERS DÉTÉRIORÉS. 


Les personnes qui se sont pénétrées des principes déve- 
joppés dans le ceurs de cet ouvrage trouveront qu'il est su- 
perflu de donner un article détaillé pour ia manière de 
gouverner des pèchers détériorés par l’âge ou les mauvais 
traitements; aussi nous bornerons-nous à dire sommaire- 
ment qu’il faut commencer de bonne heure la taille de ces 
sortes d’arbres, les ménager, les décharger de tout le bois 
faible et inutile; supprimer successivement les anciennes 
pousses usées, en les remplaçant par de nouvelles ; accueillir 
et favoriser les gourmands bien placés qui se présenteraient, 
et dont on pourrait tirer parti pour renouveler l’arbre. Dans 
ce cas, on rognera ces gourmands aussitôt qu'ils auront at- 
teint de 75 centimètres à 4 mètre de longueur, afin de faire 
grossir les yeux du bas; autrement ces yeux s’oblitéreraient, 
et le nouvel arbre serait déjà denudé à sa Base ; on ébour- 
geonnera rigoureusement, afin de donner plus de force aux 
bourgeons restants, et d’avoir peu de suppressions à faire 
lors de la taille ; enfin on les palissera plus tard , et on éclair. 
cira les fruits de manière à n’en laisser qu’une quantité pro- 
portionnée à l’âge et à la vigueur de l’arbre : on couvrira de 
fumier la terre qui environne les racines de ces arbres, sans 
offenser les racines. 

Au reste, de jeunes pèchers bien conduits croissent et 
s’étendent assez promptement pour qu'il soit presque tou- 
jours plus avantageux et plus satisfaisant de replanter à neuf 
que de restaurer d'anciens pêchers trop affaiblis, qui exige- 
raient de la part du jardinier beaucoup d'expérience et de 
connaissances acquises. On doit dire cependant que de vieux 
pèchers qui conservent encore quelque vigueur donnent 
de meilleurs et de plus beaux fruits que les jeunes, quoique 
en moindre quantité. 

On a lieu d’être très étonné qu’un cultivateur né à Mon- 


[y 


LS 


16 LA POMONE FRANÇAISE. 


treuil, M. Lepère, indique (page 91) comme moyen de ra- 
jeunir le pêcher de rabattre les deux ailes de l'arbre un peu 
au dessus du tronc formé par la greffe. Ce refoulement de la 
sève, ajoute-t-il, fera sortir quelques yeux sur la partie con- 
servée, etc. On ne conçoit pas qu'un cultivateur qui con- 
naît aussi bien la nature du pêcher puisse donner un tel 
conseil, qui causerait immanquablement la perte totale de 
Parbre s'il était suivi. C’est pour éviter cette perte à nos 
lecteurs que nous relevons une erreur d'autant plus dan- 
gereuse qu’elle est propagée par un cultivateur dont l’habi- 
leté est reconnue pour très bien rétablir des pêchers qui ont 
été mal dirigés ,; mais qui ont encore de la vigueur. 

Tous les cultivateurs savent qu’il n’en est pas du pêcher 
comme des autres arbres, qu’il suffit de rabattre sur le vieux 
bois pour chtenir de nouvelles pousses ; ce n’est que très ra- 
rement qu’il sort des pousses de la vieille écorce des pèchers 
greffés qui ont été annuellement taillés ; et lorsquecela a lieu, 
ce n’est pas parce qu’on les aura rabattus sur le tronc. Il ar- 
rive, lorsque les pèchers sont usés, qu'il sort un ou plu- 
sieurs jets sur le sauvageon ; dans ce cas, on favorise ces 
jets, on les greffe, et un seul peut suffire pour établir un 
nouvel arbre. 

Il ne sera pas hors de propos de faire remarquer ici qu’il 
n'existe de bourgeons que là où il y a un germe ou un œil, 
il n’est pas étonnant que le poirier, le pommier, et autres 
arbres qui sont munis d’yeux et d’une multitude de sous- 
yeux, qui d'abord n’ouvrent point , finissent par être recou- 
verts par les écorces. Ces germes, ainsi enveloppés, restent 
engourdis jusqu’à ce que la sève , manquant de sortie, 
vienne, par un brusque mouvement , réveiller ces germes, 
qui alors se font jour au travers de lécorce, et produisent 
des bourgeons d'autant plus vigoureux qu'ils sont les seuls, 
dans un arbre recépé, à recevoir une sève abondante par 
excès. 


LA POMONE FRANÇAISE. 217 


Quoique le pècher n’ait point de sous-yeux, et que tous 
les yeux ouvrent à la fois, il peut arriver, dans un pècher 
venu de semence qui pousse vivement, que queiques yeux 
soient recouverts par les écorces avant qu'ils aient pu com- 
mencer à se développer ; mais , dans un pècher greffé dont 
on rabat la sreffe toujours très près de son insertion , il ne 
peut rester d’yeux qui n’ouvrent point, puisque c’est la 
tendance naturelle de la plante, et qu’on l'y force encore 
par une taille très courte. 


SOINS À DONNER AUX FRUITS. 


La trop grande abondance de fruits nuit à leurs qualités 
et à leur grosseur, ainsi qu'à la végétation des bourgeons, 
et par conséquent à la récolte de l’année suivante. On attend 
vers les premiers jours de juillet pour éclaircir les fruits. 
‘Très peu de cultivateurs à Montreuil prennent ce soin; ils 
laissent en général sur les arbres tout ce qui ne tombe pas. 
Il résulte de cette conduite que, dans les années très abon- 
dantes, les fruits restent petits, sans saveur, et se vendent à 
vil prix ; tandis que, si on les eût éclaircis, le débit eût été 
plus facile et plus avantageux, et les arbres n’eussent pas été 
épuisés à nourrir des fruits sans valeur. C’est donc vers le 1er 
de juillet qu’il convient en effet de retrancher tous ceux qui, 
étant par bouquet, mal placés ou trop serrés, se nuiraient 
réciproquement et ne pourraient arriver à perfection. On 
fait tomber de préférence ceux qui sont à l'extrémité des 
branches faibles et ceux des branches dont le bourgeon de 
remplacement ne serait pas assez vigoureux ; dans ce der- 
nier cas, en Ôtant le fruit, on rabat en mème temps sur ce 
_ bourgeon. Après l’opération, l’arbre doit être partout à peu 
près uniformément garni, et l’un des côtés ne doit pas être 
plus chargé que l’autre, à moins qu’on n'ait l'intention de 


318 LA POMONE FRANÇAISE. 


V'affaiblir pour ramener l'équilibre. On détachera les fruits à 
supprimer en les tournant dans les doists, sans donner de 
secousses aux branches ni ébranter les fruits qu’on veut lais- 
ser. On sera quelquefois obligé de dépalisser quelques bran- 
ches; enfin le résultat sera le meilleur possible lorsqau’on au- 
ra visé plutôt à la qualité qu’à la quantité, et que l’arbre au- 
ra été ménagé de manière à n'être chargé qu’en raison de son 
âge et de sa vigueur. Après ces suppressions, si la terre était 
sèche, on donnerait aux arbres une voie d’eau. 

On découvre les pèches pour leur procurer le goût, le 
parfum et lies couleurs qu’elles sont susceptibles d'acquérir. 
Cette opération ne doit précéder, pour les pêches rouges, 
que d’une quinzaine de jours l’époque de leur maturité. 
On ne doit point exposer tout à coup les fruits au soleil , et 
les pêches d’un même arbre ne seront effeuillées que suc- 
cessivement, à moins qu’on ne veuille les avoir mûres tou- 
tes à la fois. Les pèches tardives se découvriront beaucoup 
plus tôt par rapport à l’époque de leur maturité. On enlève 
les feuilles avec la serpette , en conservant leur pétiole , et 
souvent on laisse le tiers ou la moitié de la feuille , si les 
parties supprimées suffisent pour découvrir le fruit. On ne 
doit point perdre de vue que ces feuilles doivent être mé- 
nagées , comme les mères nourrices des yeux ou des bou- 
tons qui sont à leur insertion. Le bouton dont on arrache- 
rait la feuille ne donnerait au printemps qu’une fleur avortée, 
et souvent elle n’ouvrirait pas. D’après cette considération , 
on conservera toutes celles quiappartiendraient à une partie 
de bourgeon qui ne doit pas tomber à la taille. 


DE LA CUEILLE DES PÉCHES. 


La maturité de la pèche se reconnaît à la partie opposée 
au soleil, qui change alors sa couleur verte en jaune plus ou 


LA POMONE FRANÇAISE. 219 


moins clair. On ne doit point toucher le fruit vers cette épo- 
que, si ce n’est pour le cueillir. Alors on le saisit avec pré- 
caution, et il doit rester sans effort dans la paume de la 
main. Les cultivateurs de Montreuil qui cueillent avant la 
maturité donnent un demi-tour de poignet en tirant un peu 
à eux, afin de détacher le fruit sans ébranier ni donner de 
secousses aux autres. Quelques personnes ne savent s’assu- 
rer de la maturité qu’en pressant fortement avec les doigts 
ou le pouce ; elles ignorent sans doute que la moindre meur- 
trissure faite à un fruit aussi délicat lui fait perdre prompte- 
ment ses qualités. C’est à la vue et au toucher très lérer que 
l’on doit reconnaître le degré de maturité de la pêche. 

On ne cueillera jamais des pêches sans être muni d’un pa- 
nier. Ceux dont on se sert à Montreuil pour cet usage sont 
plats, de 65 centimètres de long sur 48 centimètres de lar- 
ge, avec une anse assez élevée et solide ; leur fond est garni 
d’un morceau de drap plié en double ou d’ancienne tapisse- 
rie recouverte de feuilles de vigne non humides. Les bords 
de ce panier ne sont pas à jour, tant pour ia solidité que pour 
éviter les pressions inégales, et ils n’ont que 25 centimètres 
de hauteur, afin que l’on ne soit pas tenté de mettre plus de 
trois rangées de fruits. Ces cultivateurs ne tiennent jamais 
à la fois plusieurs pêches dans la main, mais ils les déposent 
au fur et à mesure sur le panier en les enveloppant chacune 
d'une feuille de vigne. On ne doit point cueillir pendant la 
pluie; ni lorsque l’arbre est encore chargé d'humidité, ni 
pendant l’ardeur du soleil. 

Les pêches portées à l’office doivent rester dans les pa- 
niers vingt-quatre heures jusqu’au moment de les servir; 
alors on enlèvera, avec une brosse douce et légère , le du- 
_vet qui les couvre et qui cache la beauté et la vivacité de 
leur coloris. Ce duvet serait désagréable à la bouche ; ilex- 
citerait des démangeaisons qu’éprouvent assez vivement les 


220 LA POMONE FRANÇAISE, î 


personnes qui les brossent (1); d’ailleurs il est de nature à 
se charger de poussière et à retenir les émanations des in- 
sectes. 

Lorsque les pèches sont destinées à être transportées, il 
faut les cueillir un ou deux jours avant leur maturité par- 
faite, en raison de l’époque où elies doivent être consom- 
mées. Les jardiniers de Montreuil, pour avoir la facilité 
de les manier sans les gâter, de les transporter et d'attendre 
la vente, les cueillent toujours beaucoup trop tôt ; aussi 
ont-elles un goût aigrelet, et jamais le parfum délicieux et 
l’eau sucrée et relevée de celles qui sont cueillies à leur 
véritable point. Il y a une différence considérable entre le 
fruit de la halle et celui que l’on trouve chez ur propriétaire 
amateur. La pêche cueillie avant sa maturité conserve tou- 
jours , malgré l'emploi du sucre , un acide dont on ne peut 
plus la dépouiller et qui attaque les intestins, ce qui fait croi- 
re à la multitude que ce fruit délicieux est malsain et indi- 
geste. La pêche cueillie comme nous le recommandons est 
un fruit aussi bienfaisant que délicieux, qui mérite tous les 
soins que nous nous donnons pour l’oblenir. Les Montreuil- 
lois ne brossent les pèches qu’au moment de les emballer, 
les rangent avec précaution en les serrant de manière qu’el- 
les ne puissent ballotter, mais pas assez pour les meurtrir ; 
elles posent sur un lit de mousse fine recouvert de feuilles 
de vigne; chaque pêche est elle-même enveioppée de deux 
feuilles ; enfin le pourtour et le dessus du panier sont égale- 
ment bien sarnis de feuilles. 

Le marché de Paris étant peu éloigné, ils disposent leurs 


(1) À Montreuil, les personnes qui brossent les pêches n’ont que les doigts et 
le visage découverts, afin de se garantir le plus possible des effets de ce duvet. 


LA POMONE FRANÇAISE. at 


pèches par huit sur de petits paniers plats sans bords, dont 
le fond contient deux rangs de trois chacun, surmonté d’um 
rang de deux. Ces petits paniers sont placés proche à proche 
sur un noguel qui en contient douze; le tout est arrangé, 
couvert et emballé avec soin pour la halle. Mais, en ne 
mettant qu'un rang dans un seul et grand panier, et ficelant 
le tout avec soin, les fruits supporteraient un voyage de plu- 
Sieurs jours. 


DES ARROSEMENTS. 


Les arrosements pour les racines doivent toujours préve- 
pir l’extrème sécheresse ; mais lorsqu'on a trop attendu, ef 
que les feuilles commencent déjà à se faner, il n’est plus 
temps ; il faut laisser les arbres souffrir de ia sécheresse plu- 
tôt que de les arroser. En effet, la terre étant alors extrème- 
ment chaude aux environs de l’arbre, si Pon s’avisait, dans 
cetétat, de porter de l’eau sur les racines, il s’y établirait 
une fermentation intérieure qui en attaquerait l’épider- 
me (1), et, si l’arbre ne périssait pas dans l’année, il lan- 
guirait plus ou moins long-temps, et finirait par mourir des 
suites d’une opération tardive et irréfléchie. On pourrait 
cependant arroser; mais alors il faudrait humecter les feuil- 
les par des pluies factices avec la pompe à main pendant plu- 
sieurs jours avant de verser de l’eau au pied des arbres. On 
mettra sur la plate-bande où sont plantés les pèchers du fu- 
mier court pour que les arrosements tiennent. Si les arbres 
ont une certaine étendue , il sera à propos que la pente du 
terrain conduise l’eau doucement au bas de la plate-bande, 


- 


(4) Je me suis assuré , immédiatement après une pluie d’orage survenue à la 
suite d’une grande sécheresse, que la température s'était élevée à 26 degrés 
dans une plate-bande de jacinthes où j'avais plongé un thermomètre. 


922 LA POMONE FRANÇAISE. 


où l’on aura fait une retenue afin que l’eau s’y arrête, parée 
que c’est vers l'extrémité des racines, sur les spongioles, 
qu’il importe le plus d’humecter la terre. 

Les arrosements des feuilles doivent avoir lieu de temps 
en temps, le soir des journées chaudes et lorsque le soleil 
ne frappe plus sur l’espalier ; ils s’'exécutent au moyen d’une 
pompe que l’on fait doucement jouer. Ces arrosements fa- 
vorisent singulièrement la végétation ; ils la soutiennent et 
la raniment lorsqu'elle a été suspendue par la chaleur, par 
un ébourgeonnement, ou par le palissage : car il suffit seu- 
lement de manier les branches d’un pêcher lorsqu'il fait 
ehaud pour arrêter le cours de ia sève, qu’une pluie douce 
ou des arrosements donnés à propos raniment promptement. 
On conçoit combien il importe de ne pas laisser dessécher la 
terre au pourtour des racines d'une plante qui prolonge sa 
vésétation pendant toute la durée de la belle saison , jus- 
qu’à la mi-octobre. 


DES LABOURS. 


Le pêcher est un des arbres sur la végétation desquels 
les labours, ou plutôt les binages, ont les effets les plus 
heureux et les plus sensibles. Par la raison que sa végé- 
tation est incessante , il faut que la terre qui environne ses 
racines soit toujours perméable aux influences atmosphé- 
riques. 

On doit remuer la terre des plates-bandes avec la fourche 
plate, et jamais avec la bêche, dans la crainte de couper les 
racines. On labourera avant l'hiver si la terre est forte , et 
après la taille si elle est légère. Les binages auront lieu tou- 
tes les fois qu’ils seront nécessaires pour empècher les mau- 
vaises herbes de croître ou pour ouvrir la terre trop tassée 
par les pluies. Les cultivateurs de Montreuil, qui ne font 
rien d’inutile, donnent à leurs arbres trois forts binages : un 


LÀ POMONE FRANÇAISE. 23 


aprés la taille, l’autre aprèsle palissage , et ie dernier dans 
les premiers jours d'août. 

Un eultivateur jaloux de la prospérité de ses espaliers ne 
doit jamais permettre aucune culture dans ses plates-ban- 
des , à moins que ce re soit une bordure d’oseiile, ou de sa- 
fade , ou de fraisiers, dans le seul but de détourner les vers 
blanes des racines des pèchers , et l’on rendra par des ter- 
reaux neufs les sucs que ces plantes auront enlevés. 

Pour ne point piétiner la terre des plates-bandes, le jardi- 
nier soignenx placera des planches de 35 à 40 centimètres 
de large au pied des arbres lorsqu'il devra tailler, ébour- 
geonner ou palisser. Ces planches seront légères et assez 
longues pour que l'obligation de les déplacer trop souvent 
ne fasse pas renoncer à ce soin minutieux, mais important. 


DES FUMIERS ET DES ENGRAIS. 


En général, les fumiers à demi consommés que l’on est 
dans l’usage d’enterrer au pied des pêchers sont très préju- 
dicables à l'arbre et à ses fruits; ils font développer des 
pousses extraordinaires qui ne sont pas soutenues, et que 
l’on est d’ailleurs forcé de réduire, afin de maintenir la for- 
me de l'arbre. Les fruits se ressentent d’une sève trop abon- 
dante, mal élaborée, et dont le cours est encore troublé 
par les nombreux retranchements que l’on ne peut se dispen- 
ser d'opérer en pleine végétation. 

J'ai souvent eu occasion de remarqüer Îles effets perni- 
cieux du fumier employé inconsidérément ; je citerai l’exem- 
ple récent d’un particulier qui, ayant eu à sa disposition 
une #rande quantité de fumier, provenant d’un camp voi- 
sin de sa propriété, en avait fait garnir avec profusion le 
pied de ses espaliers ; il ajouta à cetie faute celle de tailler 
aussi court que si les arbres n’eussent pas été fumés ; aussi 
dès le mois de juin étaient-ils déjà couverts de gomme, 


(aje] 


294 LA POMONE FRANÇAISE. 


quoique jusque alors ces arbres, âgés seulement de dix à 
douze ans, n'eussent donné aucun sione sensible de cette 
maladie. En général , on doit être très réservé dans lemploi 
des fumiers, et aitendre que les arbres en annoncent le be- 
soin ; dans ce cas, les curures d’étang, de mares, de fossés, 
qui ont subi l’action de la gelée, ainsi que les terres légères 
-@t limoneuses déposées par les eaux, sont les meilleurs en- 
srais que l’on puisse donner au pècher. A leur défaut, on 
pourra se servir de terreau neuf et bien consommé, que l’on 
répandra à la surface du terrain lorsque Îles fruits seront 
noués et le danger des gelées passé: mais les amendements 
préférables à tous les engrais consistent à remplacer les 
terres de la surface des plates-bandes par des terres neuves 
ou des gazons COnsSOMMÉS. 

Les cultivateurs de Montreuil garnissent tous les deux ans 
le pied de leurs espaliers avec du fumier très vert; maisil 
reste étendu sur la superficie du sol pendant tout l'hiver et 
le reste de la campagne, et n’est enfoui qu’au printemps 
suivant. Ce mode a l'avantage, pour les terrains légers , de 
maintenir la fraîcheur au pied des arbres, et d’empècher 
aussi la terre de se sceller, soit par les averses, ‘soit par le 
piétinement des ouvriers ; mais d’un autre côté il favorise 
la retraite des insectes, ct souvent leur développement. 
On taillera plus long et l’on ébourgeonnera plus tard les ar- 
bres nouvellement fumés. Il ne faut pas perdre de vue que 
la végétalion incessante du pêcher a besoin d’être soutenue, 
mais jamais forcée; ainsi les engrais seront employés dans 
ce seul but et avec beaucoup de ménagements. 


DES MURS ET DE LEURS EXPOSITIONS. 


L'exposition la plus favorable pour le pècher, dans le cli- 
mat de Paris, est le levant et le midi. On se sert encore de 
celle du couchant dans les terrains chauds et lésers ; mais 


LA POMONE FRANÇAISE. 225 


celle du nord doit être réservée pour d’autres productions. 

Pour établir un nouvel espalier, on choisira de préférence 
un sol élevé et en pente, et l’on y fera construire des murs 
parallèles à 10 ou 12 mètres l’un’de l’autre. Si on les expose 
au levant , il seront disposés de manière à recevoir le soleil 
depuis son lever jusqu’à midi et demi, afin que le côté du 
couchant offre encore une exposition favorable. Les murs 
au midi devront être frappés par le soleil, en été, jusqu'à 
quatre heures du soir seulement, lorsqu'on voudra laisser 
aux murs du nord assez d'avantages pour en pouvoir tirer 
un bon parti, soit en poiriers, soit en autres arbres. 

La hauteur des murs sera de 2 mètres 86 centimètres à 3 
mètres, et ils seront recouverts d’un chaperon en tuile, of- 
frant une saillie de 25 à 28 cent. Les habitants de Mor- 
treuil construisent leurs chaperons en plâtre avec une saillie 
de 11 centim. seulement ; mais jai eu lieu de me convaincre 
qu’une forte saillie au dessus des pèchers abrite les fruits et 
facilite les moyens de maintenir la sève dans la partie infé- 
rieure des arbres, en même temps qu’elle les garantit de 
beaucoup d’inconvénients. 

Les cultivateurs de Montreuii avaient l'habitude de faire 
sceller sous les chaperons, et de mètre en mètre, des bätons 
de 50 centim. de saillie et un peu en pente, destinés à re- 
cexoir des paillassors, qu'ils plaçaient au mois de février pour 
les laisser jusque vers la fin de mai (1). Maintenant ils n'en 
font presque plus usage, parce qu'ils ont remarqué que les 
arbres au dessus desquels on continuait de les étendre étaient 


(1) La construction de ces paillassons est simple : ce sont des espèces de claies 
formées avec des gaulettes entre lesquelles on met de la paille; leur largeur est 
égale à la saillie des bâtons, et leur longueur est d’un peu plus de 2 mètres, afin 
qu'ils puissent porter chacun sur trois bâtons , auquels on les fixe avec des brins 
osier. Ces paillassons doivent être peu épais. 


Î 


Qt 


226 LA POMONE FRANCAISE. 


au printemps plus attaqués du vero que les autres. Il parai- 
trait en effet que l'abri qw’ils offrent favorise la propagation 
et le développement des insectes, qui sont (rès multipliés 
dans un pays où les murs sont si rapprochés; mais comme 
les particuliers dont les jardins sont isolés ne doivent pas 
craindre ces inconvénients , je conseille l’usage des paillas- 
sons, surtout aux murs du couchant et du midi. 
Dans les pays où ie plätre est commun, on fera sur les 
murs un enduit de 34 millimètres d'épaisseur, afin qu’en 
palissant à la loque, les clous puissent avoir assez de solidité. 
Les Montreuillois ne font crépir leurs murs neufs qu’à me- 
sure que les pèchers prennent de l’étendue. Ils donnent pour 
raison que la mise de fonds se trouve alors divisée par an- 
née , et que les produits viennent les aider successivement 
à cette dépense ; d’ailleurs, ils ont observé que les clous 
tiennent beaucoup mieux dans le plâtre neuf, et que pour 
attendre le crépissage les murs n’en sont pas moins so- 
lides (1). s 
Stles murs sont à chaux et sable, les joints doivent être 
soisneusement faits. Lorsque les murs sont vieux, et qu’on 
veut procéder à une nouvelle plantation, il faut absolu- 
ment enlever le treillage et faire recrépir ou blanchir de 
manière à ne point laisser de retraite aux insectes, et 
détruire ceux qui y sont attachés, ainsi qu’au treillage. S'il 
restait quelques vieux arbres qu’on ne voulüt point arra- 
cher, il faudrait, à l’entrée de l’hiver, les enduire avec du 
lait de chaux pour faire périr les tigres , les kermès, etc., 
dont presque toujours ces arbres anciens et négligés sont 


(1) Les Montreuillois construisent leurs murs avec des pierres tendres et la 
terre du fossé. Ils mettent, de 65 en 65 centimètres ( suivant la hauteur), une 
couche horizontale de plâtre, et, de 2 en 2 mètres (suivant la longueur), une 
chaîne verticale d’un mètre de largeur, maçornée en plâtre. 


LA POMONE MRANGAISE. 227 


infestés, et qui ne manqueraient pas de se propager sur les 
jeunes. 

Les murs de terrasses, ên général, ne sont pas propres 
au pêcher, parce qu’ils sont toujours placès dans un terrain 
bas où la plantation manque d’air, et que leur pied est im- 
prégné d’une humidité constante , très nuisible aux racines 
du pècher ; quelquefois leur partie supérieure mème est 
humide ou fraîche ; et dans ce cas les branches qu’on y pa- 
lisserait ne tarderaient pas à en être affectées. Les murs de 
terrasses ont d’ailleurs un talus qui rend nul l'effet de la 
saillie des chaperons. 

On pourrait, en construisant des murs neufs, ménager 
au devant de l'emplacement de chaque arbre un évide- 
ment en voûte dans la fondation. Ce moyen , employé dans 
les terrains secs surtout, donnerait de la facilité aux racines 
pour s'étendre des deux côtés du mur. Je n’ai point fait cet 
essai; mais ce qui m'a suggéré l’idée de le conseiller, c’est 
qu'ayant vu dans un sol peu riche des pêchers continuer 
de pousser avec une grande vigueur, j’ai reconnu qu’il fal- 
lait l’attribuer à ce que les racines de ces arbres avaient 
passé au travers du mur, dont le mortier n’était fait qu'avec 
la terre du fossé, et qu’elles étaient presque aussi nombreu- 
ses d’un côté que de l’autre. Au reste, il ne faudrait pas que 
les arcades dont il s’agit s’élevassent au dessus du sol, parce 
qu’elles établiraient des courants d’air très préjudiciables à 
la végétation des arbres. 

Nous avons eu l’occasion de voir un mur de clôture dont 
la construction bien entendue et économique n’est pas un 
_ obstacle à la végétation des arbres qui y sont appuyés ; au 
contraire , elle la favorise. 

La fondation de ce mur est la même que celle des autres 
murs ; elle s’élève jusqu'à 22 centimètres au dessus du sol. 
Sur cette fondation on pose une caisse ou un moule en bois 
sans fond, que l’on remplit de plâtras, de gravois et de moel- 


228 LA POMONE FRANÇAISE. 


lons tendres, rangés prossièrement; puis on coule sur la 
caisse du plâtre qui s’insinue dans tous les vides, ce qui 
forme un tout compacte. On monte ainsi le mur par partie, 
en le réduisant d'épaisseur, de manière à ce qu’il n’ait que 
22 centimètres au sommet, que l’on termine par une ou 
deux pentes, suivant que le chaperon doit avoir un ou deux 
égouts ; on couvre les pentes de tuiles, que l’on fait saillir 
autant qu’on le peut. Si le chaperon a deux pentes, on place à 
leur sommet une faîtière. Le mètre courant d’un mur ainsi 
construit, élevé à2 m. 65 centimètres de hauteur, coûte de: 
6 fr. 50 à 7 fr. 

Nous espérons que la construction solide et économique 
de ces murs déterminera peut-être les architectes à faire des 
murs de jardins utiles à la culture. 


NÉCESSITÉ D’UNE FORTE SAILLIE AUX CHAPERONS. 


Il est bien certain que les Montreuillois doivent à la qua- 
lité de leur terrain et à la disposition de leurs murs l’avan- 
tase d'obtenir tous les ans d’abondantes récoltes; cepen- 
dant, à l’époque où j'écris, les murs de presque tous les 
jardins des environs de Paris, et ceux même des potagers 
du roi, manquent de l’abri conservateur qui couronne les 
murs de Montreuil ; aussi les espaliers n’y donnent-ils point 
de récolte régulière : les produits sont subordonnés aux plus 
légères intempéries du printemps, et une seule nuit suffit 
pour détruire les plus riches apparences. 

Les architectes et les maîtres maçons quise chargent de 
faire bâtir des murs de jardins ignorent en général ce qui 
convient à la prospérité des cultures pour lesquelles ces murs 
sont élevés; la saillie qu’ils donnent aux chaperons est trop 
faible, et devient, par cette raison, plus préjudiciable qu’u- 
tile. En effet, lorsque le chaperon n’a que 4 à 5 centimètres 
de saillie, l’eau qui en découle par les faux dégels tombe 


LA POMONE FRANÇAISE. 229 


sur les branches ainsi que sur les boutons, s’y gèle de nou- 
veau , et fait un tort considérable, dont on reconnaît toute 
l'étendue lorsque la sève entre en mouvement ; la gomme et 
les chancres se manifestent alors et entraînent bientôt la 
perte totale des arbres. Ces inconvénients n’auraient jamais 
lieu , et les récoltes dépendraient beaucoup moins de lirré- 
gularité des saisons, siles murs étaient chaperonnés en tuiles 
avec une saillie suffisante pour jeter les eaux un peu en avant 
du pied des arbres. Avec cette addition, les murs et les treil- 
lages n’exigeraient pas autant d'entretien, et auraient une 
bien plus longue durée ; la sève tendrait moins à se porter 
aux extrémités, comme il arrive dans les jardins actuels, 
où l’on voit que toute la vigueur des pèchers se porte 
dans le haut de l’arbre, en abandonnant le bas , qui se dé- 
garnit. 

La saillie de 11 centimètres qu’on donne aux chaperons 
des murs de Montreuil ne me paraît pas encore assez forte, 
et je pense qu'elle devrait avoir de 28 à 30 centimètres pour 
les murs de 2 m. 65 centimètres à 3 mètres. Je puis citer à 
Pappui de cette opinion un espalier à Livry-le-Château, près 
de Brie (Chenel, jardinier), qui a près de 1600 mètres de 
longueur, et dont les murs, de 2m. 16 centimètres d’élé- 
vation seulement, ont une saillie de 27 à 30 centimètres. 
Toute la surface de ces murs est parfaitement couverte, le 
bas aussi bien que le haut. Les branches inférieures sont si 
près de terre, que les pèches qu’elles portent seraient salies 
lors des pluies, si l’on n’avait la précaution de répandre de 
la litière sur le sol. Quant aux récoltes, elles sont chaque an- 
née aussi abondantes qu’assurées. 

J’ajouterais à ces chaperons un recrépissage en plâtre, 
qui ferait disparaître lanple intérieur et les joints des tuiles 
en dessous , afin d’ôter aux insectes tous moyens de re- 
traite. Il y a déjà plus de vingt-cinq ans que nous avons fait 
connaître combien il est de l'intérêt des propriétaires de 


236 LA POMONE FRANCAISE. 


faire ainsi chaperonner les murs de leurs jardins, cepen- 
dant nous n’avons encore vu suivre ce conseil par personne, 
tant les améliorations en faveur de la culture ont de la peine 
à lutter contre les mauvaises et vicieuses routines. 


DES ABRIS. 


Nous venons d'indiquer les abris qui s’établissent en mèé- 
me temps que les murs, et, quoiqu'ils suffisent presque 
toujours pour garantir les pèchers, il est à propos d’indi- 
quer d’autres moyens dont on puisse facilement et prom- 
ptement faire usage au printemps dans les années défavo- 
rables ; tels sont les brise-vents et les toiles. Les brise-vents 
ou éperons peuvent être faits en maçonnerie, ou seulement 
avec des paillassons posés verticalement et à angle droit 
contre les murs, et de manière à garantir etabriter des vents 
dangereux. 

On emploie les toiles en les plaçant en pente et en prolon- 
sement de l’auvent ; on les fixe d’une part à des crochets 
adaptés sous les chevrons de l’auvent, et de l’autre à des 
piquets fichés à la surface du sol. Les pièces de 2 mètres 
65 centimètres à 3 mètres de hauteur sont formées de mor- 
ceaux de toile d'emballage ou de canevas très clair, assem- 
blés lé à lé. Le fil de la toile doit être d’une très bonne qua- 
lité, et les deux bords portant les attaches seront garnis de 
tresses. 

Ces toiles pourront être d'une longue durée si on a le 
soin , chaque année avant de les rentrer, de les faire trem- 
per pendant vinst-quatre heures dans une lessive de tan non 
tirée au clair et qui aura bouilli l’espace d’une heure. On 
étendra ensuite cette toile, sans la tordre, pour la faire sé- 
cher avant de ia rentrer. 

Quelques particuliers se servent aussi de branches d’ar- 
bres rameuses qu'ils fichent en terre sur plusieurs rangs 


LA POMONE FRANÇAISE. 231 


devant leurs espaliers, et à une distance d’environ 50 cent.; 
elles sarantissent jusqu’à un certain point des effets immé- 
diats du vent et des givres, qui frappent d’abord sur ces 
branches mortes. 

D’autres accrochent à leur treillage des cosses de pois qui 
préservent également les fleurs et les fruits, mais qui atten- 
drissent par leur ombre la partie inférieure des bourgeons ; 
on ne peut les retirer entièrement que lorsque les fruits ont 
déjà pris de la force, et jamais cependant sans les offenser 
plus ou moins ; ainsi que les bourgeons. 

En général, les auvents suffisent pour préserver les fleurs 
et les fruits du pècher de l’atteinte des gelées printanières, 
et si quelquefois on est obligé de recourir aux abris supplé- 
mentaires dont on vient de parler, on doit les employer avec 
intelligence , et les retirer aussitôt qu'ils ne sont plus néces- 
saires, paree que l'air est indispensable à Ia prospérité des 
pêchers. Au reste, si cet arbre exige pendant tout le cours 
de sa végétation des attentions continuelles, aucun peut-être 
ne récompense plus Hibéralement et plus constamment les 
soins du cultivateur visilant. 

L'ancienne méthode de couvrir les pêchers avec des pail- 
lässons appliqués contre les murs est vicieuse, à cause de la 
difficulté de les retirer et de les étendre sans endommager 
les bourgeons , et parce qu'ils privent les arbres d'air et at- 
tendrissent les pousses. 


DES TR£ILLAGES, 


Le treiliage appliqué contre les murs pour le palissase des 
pèchers doit présenter des mailles de 14 centim. de large sur 
28 centim. de hauteur. Les brins horizontaux seront soli- 
dement attachés à des crochets de fer ou à des os de mou- 
ton scellés à cet effet dans le mur, et ayant 27 millim. de 
saillie ; on doit avertir que les os que l’on a fait bouillir pour 


EX LA POMONE FRANCAISE. 


en extraire diverses substances ne sont point propres à être 
sceilés dans les murs, parce qu’ils ont perdu leurs principes 
conservateurs, et qu’alors ils deviennent friables étant ex- 
posés à l'air ; après quoi les montants seront appliqués et 
cousus sur ceux-ci avec du fil de fer. Tous ces brins de- 
vront avoir recu deux couches de peinture avant d'être em- 
ployés, et l’on donnera une troisième couche après la con- 
struction. 

On aura soin d'exiger du treillageur qu’il n'arrête point 
son attache en avant, et qu’il riveles pointes, dans la crainte 
qu’elles ne fassent aux branches des plaies par où la gomme 
ne manquerait pas de fluer. [Il convient aussi que le treillage 
soit cousu de gauche à droite pour un rang, et de droite à 
gauche pour Île rang suivant, afin de donner plus de solidité 
à l'ouvrage. 

Les montants ne sont éloignés l’un de l’autre que de 14 
centim., parce que c’est sur eux que l’on palisse presque 
toutes les branches , et qu’il est commode pour cette raïson 
de les trouver rapprochés. Quant aux traverses, on pourrait 
même les éloigner plus que je ne lai indiqué, parce qu’elles 
ne servent qu’à maintenir les montants; cependant le treil- 
lage que je propose est d’une bonne proportion, sans em- 
ployer plus de bois que la maille ordinaire de 22 centim. sur 
25,qui n'offre pas autant de facilités pour la pe des 
branches du pêcher. 

Le treillage doit être préféré à tout autre moyen de fixer 
les branches. Le palissasge à la loque permet cependant 
d'obtenir pour l’arbre des formes plus correctes, puisque 
Von peut fixerles bourgeons au point où l’on veut les avoir; 
il expose moins les fruits à être déformés , il les garantit 
mieux des gelées printanières , et enfin il favorise leur ma- 
turité, parce que les branches , appliquées immédiatement 
contre le mur, se ressentent plus fortement des rayons du 
soleil ; mais aussi cet effet devient quelquefois assez violent 


LA POMONE FRANCAISE. 235 


pour faire périr des branches tout à coup, surtout lorsque 
les arbres sont déjà mal disposés et plantés dans des terres 
sèches. Le treillage expose moins la santé des arbres sans 
compromettre la sûreté des fruits, toutefois lorsque le cha- 
peron a une saillie suffisante pour abriter des givres, des 
verglas et des gelées du printemps. L'air qui circule derriè- 
re le treillage est salutaire pour la végétation des branches 
et des fruits ; enfin un pècher palissé contre un treillage est 
toujours plus vert, plus vigoureux, et d’une plus grande 
étendue. Quant à la promptitude de l’ouvrage, le palissage 
à la loque est plus expéditif. 


MONTREUIL. 


On est tellement persuadé de l’excellence de ja culture du 
pêcher à Montreuil, que je redoute presque d'attaquer une 
idée presque généralement adoptée ; mais, il faut le dire, 
les progrès que nous avons faits dans le jardinage laissent 
Montreuil , qui depuis cent soixante ans n’a rien changé à 
ses habitudes , bien loin derrière nous ; et ni la taille ni la 
conduite de ses arbres ne peuvent plus être proposées com- 
me des modèles à suivre. J’engage cependant très fortement 
les jeunes jardiniers à visiter Montreuil , afin qu’ils puissent 
juger par eux-mêmes de l’état actuel de la culture de ce 
canton si renommé : une erreur détruite est un grand pas 
vers la vérité. Le moment le plus favorable pour faire cet 
examen critique est le mois de novembre , lorsque le feuil- 
lage ne dérobe plus aux yeux les imperfections qu’il couvre 
pendant l’été. La première chose qu’ils auront à remarquer 
est le peu de distance d’un arbre à l’autre ; beaucoup d’entre 
eux ne sont pas à plus de 2 mètres ; les vieux arbres sont 
mèêlés parmi les jeunes, et ce mode de plantation ne peut 
promettre de brillants succès. Le désir du gain, qui s’oppose 
à tout sacrifice, même momentané , ne permet pas, lors- 


254 LA POMONE FRANÇAISE. 


qu’une plantation est usée, de la renouveler entièrement, 
ou seulement par grande partie. Le mème espalier est donc 
éternellement entretenu par de jeunes arbres plantés, pro- 
che à proche, sous la tête des mourants et parmi les racines. 
Or la mème terre, quoique bien famée, doit enfin se fati- 
guer de toujours alimenter des racines d'arbres, surtout de 
pêchers. Cette manière vicieuse de planter doit nécessaire- 
ment amener avec le temps la destruction et l’abâtardisse- 
ment des arbres et des espèces ; et l’on conçoit facilement 
que, si l’on opérait, au contraire , des renouvellements par 
masse , on aurait la facilité de défoncer le terrain, ou même 
encore d'ouvrir une vive jauge, et de renouveler la terre. 
Tout ceci explique pourquoi les clos qui se sont formés de- 
puis peu en dehors de Montreuil , dans des terrains de qua- 
lité inférieure, mais neufs pour le pêcher, offrent cependant 
des productions préférables à celles des anciens clos ; il faut 
même que la terre de ce canton soit aussi faverable au pècher 
Pour qu’elle puisse toujours être productive. On voyait en- 
core il y a vingt-cinq ans, çà et là, quelques anciens pêchers 
dont les restes attestent qu’ils ont été autrefois beaucoupplus 
beaux que ceux dont la plantation est plus moderne. 

Ce n’est pas que les cultivateurs intelligents de Montreuil 
ne connaissent très bien la nature du pècher et sa manière 
de végéter ; ils possèdent celte connaissance à un plus haut 
desré que qui que ce soit. Un cultivateur né dans ce pays 
vient de publier un ouvrage sur la taille du pêcher dit earré, 
dans lequel les principes sénéraux, fondés sur la végétation 
du pêcher, sont si parfaitement déduits, que l’on a lieu de 
s'étonner de le voir préconiser une forme contraire à une 
théorie si bien exposée. Les cultivateurs de Montreuil n’i- 
gnorent pas non plus que l’on peut mieux travailler le pé- 
cher ; mais ils savent aussi qu’il faudrait y mettre plus de 
temps qu'ils n’en ont à dépenser; l’avidité, la crainte de ne 
plus récolter s'ils s’écarlaient de l’ancienne routine, les 


LA POMONE FRANÇAISE. 235 


tiendront long-temps encore esclaves des procédés dont les 
produits connus et accoutumés suffisent à leurs besoins. 
Cette crainte les empêche de servir leurs véritables intérêts, 
et leur fait repousser des moyens qui les conduiraient à des 
suceès plus durables. On ne peut se défendre , en voyant 
leur manière de travailler, de l’idée de locataires qui sont à 
la fin de leur bail. 

La culture de Montreuil , quoique très étendue , doit être 
rangée dans la classe des très petites cultures, car rien ne 
s’y fait en grand ; chaque propriétaire est persuadé que sa 
terre ne peut rien produire de profitable pour lui que par 
ses mains ou celles de sa famille ; c’est le maître qui taille et 
ébourgeonne lui-même ; le palissage , regardé comme moins 
important , est abandonné aux femmes. Un très habile cul- 
tivateur de ce pays me déclarait avoir près de 6000 mètres 
d’espaliers à soigner, ce qui suppose entre 28 et 30 hectares 
de clos. Serait-il raisonnable d'attendre la perfection de la 
part de sens écrasés de travail, et auxquelsle temps manque 
sans cesse? ils n’en ont jamais à donner qu'aux opérations 
les plus indispensables. Cependant, le pêcher est de tous les 
arbres le seul peut-être dont on doive sans cesse s'occuper. 

Parmi les obstacles qui s'opposent encore à l’étendue et 
à la beauté des arbres cultivés à Montreuil, on peut compter 
l'usage où sont ses habitants de ne cultiver que trois ou qua- 
tre espèces de pêchers, qui toutes sont attaquées du blanc 
ou de la gomme : ces maladies se développent à Montreuil 
plus qu'ailleurs, parce que le terrain y est épuisé; à leurs 
murs de l’est, le blanc fait des ravages surprenants. On con- 
çcoit facilement qu’il est impossible que de tels arbres puissent 
prendre de l'étendue , et que leurs fruits ne sauraient avoir 
la perfection de ceux qui proviennent d’arbres sains. En ef- 
fet , les habitants de Montreuil envoient beaucoup de fruits à 
Paris , mais très peu de beaux, qui sont par conséquent fort 
chers; encore la plupart de ces derniers viennent des jar- 


236 LA POMONE FRANCAISE. 


dins particuliers des environs, où les sens de Montreuil vont 
les acheter. 

La forme des pêchers de Montreuil est, dès la première 
année , celle du V; mais rarement il y a égalité de force 
dans les deux mères-branches, par une raison très simple: 
c’est qu'après la taille on ne s’oppose à rien jusqu’au temps 
de l’ébourgeonnement, qui chez eux est tardif, et se faitune 
seule fois pour n’y plus revenir ; on ne supprime les bour- 
geons que lorsqu'ils sont arrivés aux trois quarts de leur dé- 
veloppement ; ils ne font donc aucun usage du pincement, 
et Le palissage , qui leur offrirait de très grands moyens pour 
le balancement de la sève , est abandonné aux femmes, par 
le peu d’importance qu’on y attache , ou plutôt parce que 
ie propriétaire, occupé de l’ébourgeonnement, n’a pas le 
temps de palisser : il ne peut tout faire. 

Les cultivateurs de Montreuil se pressent beaucoup trop 
d’établir les membres du dessus , et la force de ces derniers 
lemporte tellement sur celle des membres inférieurs, que 
ceux-ci disparaissent promptement ; alors ils sont obligés, 
pour garnir le bas, d’abaisser les branches-mères ; les mem- 
bres que cette manœuvre favorise s’emportent, les bran- 
ches-mères dépérissent et sont remplacées à leur tour. Tout 
ce srand mouvement ou plutôt tout ce désordre ne se passe 
pas sans faire pousser du jeune bois, et par conséquent sans 
donner du fruit. Mais la durée de mouvements aussi brus- 
ques et aussi irréguliers ne saurait se prolonger lons-temps ; 
le mur se dégarnit par parties, les arbres s’épuisent et 
meurent après avoir rapporté abondamment pendant quel- 
ques années des fruits de grosseur et de qualité médiocres, 
parce qu’ils n’en suppriment jamais; nous avons vu, en 
1839, plus de fruits que de feuilles sur leurs arbres ; ils sem- 
blent ignorer que, s'ils en retiraient les trois quarts, le reste 
serait très beau , se vendrait mieux et n’épuiserait pas leurs 
arbres. 


LA POMONE FRANCAISE. 257 


À Montreuil, on se sert de tout ce qui se présente pour 
remplir des vides ; on fait croiser des branches les unes sur 
les autres, et, malgré ces licences , les murs ne laissent pas 
d’être dégarnis par le bas et dans beaucoup d’endroits. Des 
chicots, des onglets, des traits de scie, que Ia serpette ne 
vient presque jamais rafraîchir; des mères-branches for- 
mant des coudes considérables ; des yeux terminaux dou- 
bles, que l’on a laissés pousser à la fois, l’un faisant le pro- 
longement de la mère-branche, et l’autre un membre: 
telles sont ies fautes intolérables dont on est frappé, et qui 
seraient capables d’empècher tout connaisseur judicieux de 
prendre à son service le jardinier qui les aurait commises. 
Ce n’est cependant pas qu’ils manquent ici de connaissan- 
ces: MM. Lepère et Mallot en sont une preuve ; mais ceux- 
là n’ont pas beaucoup d’arbres à soigner, tandis que les au- 
tres cultivateurs , encore une fois, sont toujours si pressés, 
qu'il leur est même impossible d'accorder à chaque arbre 
le temps de la réflexion nécessaire pour les bien tailler : 
quelque habile que l’on soit, on ne peut tailler un arbre 
avant de l’avoir suffisamment examiné, afin de prendre un 
parti dont ladétermination est toujours d'autant plus longue 
que l'arbre est plus sorti des bornes qu’on lui avait tracées. 
Cest ici que se font sentir tous les avantages d’une bonne 
direction donnée aux arbres dès leur jeunesse : alors les ré- 
flexions sont courtes, parce que tout est à sa place ; quoique 
les ramifications soient multipliées, elles se rattachent à un 
mème système , et tout se déroule facilement sous la main 
du jardinier, qui ne perd point de temps à réfléchir lorsqu'il 
faut agir. 

Les jardiniers qui ont visité Montreuil reconnaissent tous 
l'exactitude de l’exposé que nous ayons fait de la culture 
du pècher dans ce canton. MM. Lepère et Maillot ont tort de 
vouloir faire croire par leurs écrits que la culture du pè- 


258 LA POMONE FRANCAISE. 


cher, à Montreuil , est arrivée presque à sa perfection, et 
de l’offrir pour modèle. Ces auteurs semblent ignorer qu'ils 
s'adressent à une jeunesse laborieuse et studieuse, qui 
cherche à s’instruire, et à laqueile nous ne cesserons de ré- 
péter qu’elle ne trouvera de véritable instruction que par 
la vérification de toutes nos assertions, bonnes ou mau- 
vaises. 

Il est probable que les habitants de Montreuil cultivent 
aujourd’hui le pêcher comme ils le cultivaient il y a un 
siècle, et qu’ils le cultiveront dans deux siècles comme 
aujourd’hui. Il ne serait pas raisonnable d’atteñdre de 
ces cultivateurs des changements et des progrès sérieux ; 
satisfaits de leurs succès, ils n’iront pas, par des essais, 
compromettre leur revenu, et courir des hasards qui pour- 
raient les arriérer. Il n'appartient qu’à des amateurs, ou à 
des personnes qui, comme nous, ont été chargées du soin 
des jardins d’un grand prince, de faire des recherches pour 
perfectionner la culture. Chez lui, nous pouvions multiplier 
les essais, les commander sur de grandes surfaces à la fois, 
et sur des terrains de diverses qualités, en suivre et en re- 
cueillir les résultats , les comparer, et les offrir enfin au pu- 
blic; mais celui qui attend pour vivre le produit de son 
travail ne peut, sans risquer de compromettre son existence 
et celle de sa famille, essayer de sortir du sillon que ses 
pères ont tracé. Néanmoins les cultivateurs de Montreuil 
pourraient , sans réformer totalement leur méthode, profi- 
ter d’une partie de nos observations pour la modifier en 
quelques points très vicieux, surtout en ce qui concerne la 
première éducation de leurs arbres, qu’il leur serait facile de 
diriger avec plus de soins, ce qui leur assurerait plus d’éten- 
due et de durée, et tendrait à leur faire produire des fruits 
meilleurs et plus beaux. 

La critique que je viens de faire n’étonnera que les per- 


LA POMONE FRANÇAISE. 239 


sonnes peu éclairées dans l’art du jardinage , qui a suivi as- 
sez rapidement les progrès que les sciences naturelles ont 
faits parmi nous. 

Depuis quelques années, la plupart des jardiniers, dans 
la vue de se mieux placer, ont cherché à devenir botanistes ; 
ils ont été arrachés à leur vie sédentaire, etle désir de s’in- 
truire , amené par la nécessité, a changé entièrement cette 
classe de cultivateurs. On peut se rappeler qu’il y a quarante 
ans un jardinier ne croyait pas qu'on püt lui rien enseisner ; 
aussi chacun d’eux avait-il sa manière de travailler et de 
tailler les arbres; ils se seraient crus déshonorés de prendre 
leur voisin pour modèle, tant la vanité et l’isnorance étaient 
chez eux à un égal degré. 

Les meilleurs auteurs de ce temps n’ont jamais été lus 
par les jardiniers contemporains ; il n’en est pas de mème 
aujourd’hui ; les jeunes sens qui se destinent à cette pro- 
fession étudient, s’instruisent, et les propriétaires , plus 
éclairés, sont devenus aussi plus exigeants. J’avertirai ceux- 
ci, en passant, que dans l'examen des qualités qu’ils dési- 
rent trouver dans un jardinier ils ne doivent pas omettre 
la prévoyance , comme étant une de celles qui sont le plus 
indispensables au cultivateur, car il ne fait rien que pour 
l'avenir. Aussi le jardinier instruit et prévoyant n’a-t-il que 
des espérances fondées sur la raison et sur une expérience 
éclairée ; il est soutenu dans son travail par la certitude du 
succès ; rien ne le décourage, parce qu'il voit son but; ni 
ses forces ni sa patience ne peuvent être lassées, et il par- 
vient à surmonter la foule des obstacles qu’il rencontre à 
chaque pas; l'assurance de recueillir lui donne cette activité 
de corps et d'esprit dont il est toujours animé ; son sommeil 
est léger, parce que ses plantes requièrent encore ses soins 
pendant la nuit; ilne prend de repos qu'après avoir porté 
ses regards vers le ciel, ets’être assuré s’il doit lui être pro- 


240 LA POMONE FRANÇAISE. 


pice : les frimas , les orages, et toutes les intempéries de 
Vair, rien ne peut l'empêcher de venir régulièrement offrir 
à la société les plus belles et les plus aimables productions 
de la terre. 

L’homme que ses occupations obligent d'interroger sans 
cesse la nature, soit pour la suivre, soit pour la modifier 
et la diriger selon ses vues, doit avoir de la sagacité : il a 
besoin de patience et de résignation, parce qu’il est plus 
souvent qu’un autre soumis à l'empire de la nécessité. Un 
bon jardinier est donc nécessairement instruit, laborieux, 
sage et soumis. 

Si les jardiniers ne jouissent pas d’une plus grande consi- 
dération dans la société, c’est qu'ils n’ont pas tous les vertus 
de leur état, car leur profession devrait sans contredit leur 
assurer le premier rang parmiles cultivateurs. 

Des écoles destinées à l’instruction des jardiniers seraient 
un bienfait dont la société tirerait de grands avantages; 
cette idée n’est peut-être pas indigne de la sollicitude d’un 
gouvernement paternel, ni de la pensée d’un homme d’é- 
tat. Les particuliers trouveraient dans ces écoles des sujets 
instruits dans leur art en même temps que des exemples 
de bonne conduite à introduire dans leurs habitations. 
Un des moyens d'augmenter le nombre des bons jardiniers 
serait aussi de bien traiter et de bien payer ceux qui sont 
éclairés. 


DES FAUTES 
QUI SE COMMETTENT LE PLUS SOUVENT EN CULTIVANT LE PÊCHER. 


Toutes les fois qu’on ne sera pas allé dans les pépinières 
faire son choix avant la chute des feuilles, on sera exposé à 
recevoir des arbres malades; et les personnes qui n’ont pas 


LA POMONE FRANÇAISE. 4 


une longue expérience pourront admettre comme bons des 
arbres écussonnés trop bas, rebottés, établis sur deux bran- 
ches, ou déjà dressés , dépourvus d’yeux près dutalon de la 
greffe, mal levés et offensés dans leurs racines ; celles même 
qui s’y connaissent le mieux pourront être trompées sur les 
espèces demandées, que le pépiniériste remplace souvent 
par d’autres qui ne conviennent pas : j'ai vu un espalier 
d’une étendue assez considérable planté entièrement en 
grosse mignonne , quoique l'intention du propriétaire eût 
été de planter des espèces qui se succédassent dans leur ma- 
turité. 

Souvent les transports sont faits sans la précaution de ga- 
rantir les racines des hâles ou des gelées, et les tiges du 
frottement qui peut les entamer; enfin Îles arbres arrivés à 
ieur destination ne sont pas mis assez promptement en 
jauge , ou le sont mal, ce qui est pire. 

Quant à la plantation , il faut se garder de la faire par un 
temps humide, dans une‘terre mouillée, trop forte ou usée. 
En général , il ne faut jamais planter dans une terre qui n’a 
pas été défoncée , maniée et préparée pour l'espèce d'arbre 
qu’on veut lui confier. Il est assez commun de trouver des 
espaliers dont les arbres sont trop rapprochés les uns des 
autres, plantés trop près da mur, ou dont les racines sont 
écourtées, mal distribuées et rassemblées en paquet, dont 
la greffe est enterrée , ou dont la tige se présente mal, parce 
que les yeux ne se trouvent point sur les côtés. 

Les propriétaires ne devraient pas souffrir que les murs 
de leurs jardins fassent sans chaperons, mal entretenus, 
offrant des abris à tous les insectes, au lieu d’être rejoin- 
toyés , crépis et blanchis : ils ne devraient pas non plus per- 
mettre les cordons de vignes au dessus des arbres, ni la cul- 
ture de gros légumes ou de pois hâtifs dans les plates-bandes 
des espaliers , ni enfin l’emploi de la bèche au lieu de la four- 

16 


242 LA POMONE FRANGAISE. 


che plate et de la houe pour remuer la terre au pied des 
arbres. | 

Beaucoup de jardiniers attachent peu ou même point 
d'importance aux irrégularités qui se font remarquer dans 
. leurs jeunes arbres dès la première année de la plantation ; 
il semblerait, à les entendre, qu’ils seront toujours à temps 
de les redresser; mais ils devraient se persuader que ce qui 
était facile la première année le sera moins la seconde, parce 
que les racines , dont le développement s’est proportionné à 
celui des branches de la pousse précédente, seront toutes, 
au renouvellement dela sève , disposées à continuer les mê- 
mes effets, et qu’en s’y opposant alors on occasionnera une 
plus ou moins grande désorganisation dans le système géné- 
ral de larbre. 

On taille presque toujours trop tard ; les jardiniers peu 
instruits tiennent généralement les branches à bois trop cour- 
tes et celles à fruit trop longues ; ils n’ont ni la prévoyance ni 
la précaution de favoriser le développement du bourgeon 
terminal des branches à bois et des bourgeons du talon qui 
doivent remplacer les branches fruitières lors de la taille ou 
immédiatement après la chute ou la cueille des fruits ; il y 
en a même qui n’ont point de plan de charpente arrêté : aussi 
les pèchers, entre leurs mains, sont-ils peu étendus et prom- 
ptement dégarnis, surtout dans les parties inférieures et 
dans le centre de l’arbre. Ils s’empressent aussi de suppri- 
mer les gourmands ou les branches trop fortes, ce qui est 
une faute aussi grande que celle de les avoir laissés croître. 
On sentira toute l’énormité de cette faute si on veut com- 
prendre que ces gourmands ont des couches lisneuses qui 
se prolongent au dessous de leur insertion ; que ces couches, 
n'étant plus alimentées, dépérissent, et font obstacle à la cir- 
culation de la sève, ce qui occasionne la gomme et fait naï- 
tre ailleurs de nouveaux gourmands , que l’on supprimera 


LA POMONE FRANCAISE. 245 


sans doute encore ; mais en allant de suppression en sup- 
pression on altère bientôt les branches , et par conséquent 
le corps de l'arbre , qui languit et dépérit promptement. 

Il faut, lorsqu'on n’a pu empècher les sourmands de 
croître , ou plutôt lorsqu'on les trouve établis (car on peut 
toujours s’opposer à leur développement), ne pas y remé- 
dier par leur suppression, mais chercher à en tirer par- 
ti, comme on le fait à Montreuil, en sacrifiant pour leur 
faire place des branches usées ou près de l’être. On pourra 
ainsi, en changeant la forme de l'arbre, réparer la faute, 
pourvu qu'on le gouverne ensuite de manière à prévenir 
la pousse de nouveaux gourmands. Il est à propos d'ajouter 
que les gourmands dont on veut se servir doivent être arrè- 
tés à une certaine hauteur, afin de faire gonfler les yeux du 
bas, qui, faute de cette précaution, s’annuleraient. 

Les espaliers offrent trop souvent le spectacle de vieux 
arbres surchargés de fruits, et qui n’ont pas été renouvelés 
par des gourmands lorsque l’occasion s’est présentée ; ou, 
s'ils l’ont été, on n’a pas su empêcher les yeux du talor de 
s’oblitérer. 

Aux fautes capitales que l’on vient de signaler on peut 
ajouter celles que l’on commet dans l’opération de la taille 
lorsqu'elle est maladroitement faite, en laissant des onglets 
et des chicots, en donnant des coups de serpette sans égard 
au placement des yeux sur lesquels on taille, en ne rafrai- 
chissant pas les traits de scie avec un instrument tranchant, 
en éclatant les branches, ou en employant des serpettes mai 
affilées, ou mème le sécateur, comme à Montreuil, etc. 

Le pincement est un acte de prévoyance que la plupart 
des jardiniers exécutent trop lard, ou mème qu'ils ne pra- 
tiquent pas ; alors ils sont forcés de rabattre successivement 
à moitié , au tiers, puis aux trois quarts de leur longueur, 
les bourgeons qu'ils ont laissés en pure perte devenir trop 
forts, ou gourmands ; d’autres tordent ces gourmands dans 


2% LA POMONE FRANGAISE. 


la vue, disent-ils, de les dompter;ou bien ils les éclatent, enlé- 
vent à leur base un anneau d’écorce, les fendent, les clouent 
contre le mur; jen ai vu même qui étaient sciés à demi- 
épaisseur. On conviendra que de telles violences ne peuvent 
remplacer une opération simple qui aurait détourné le mal 
dès son origine ; aussi n’ont-elles d’autres résultats que 
d’amoindrir les récoltes et d'abréser la durée des arbres. 

Si l’ébourgeonnement tardif est un vice, parce qu’il favo- 
rise le développement des branches inutiles et des gour- 
mands aux dépens des bourgeons qui doivent rester; d’un 
autre côté, si l’on ébourgeonne à sec ou trop tôt un arbre 
qui déjà aurait été taillé trop court, les bourgeons restants 
deviendront trop forts, et perdront leurs qualités et pro- 
portions de branches à fruits. Dans tout autre cas, c’est-à- 
dire si l’on a donné une taille proportionnée à la vigueur 
de la pousse précédente , on ne saurait ébourgeonner trop 
tôt , et les arbres, étant traités comme nous l’enseisnons, 
perdront promptement une grande étendue en se couvraut 
de fruit. | | 

L'opération de l’ébourgeonnement, quoique faite à temps, 
peut être vicieuse lorsqu'on supprime, sans distinction de 
force et de grosseur, les bourgeons du dessus comme ceux 
du dessous des branches, et qu'on ne conserve pas de pré- 
férence les bourgeons les plus forts en dessous et les plus 
faibles en dessus, à des distances à peu près égales et en 
alternant. On opère encore mal lorsqu'on retranche les 
bourgeons anticipés au ras du rameau, et qu'on enlève 
avec eux la feuille qui est à leur insertion. 

Les jardiniers qui font un palissage tardif pour n'y plus 
revenir se privent d’un des plus puissants moyens pour 
maintenir ou rétablir l'égalité de force entre les. branches 
correspondantes. 

Un palissage mal fait offre des branches arquées au lieu 
d’être en ligne droite, des feuilles renfermées dans les liens, 


LA POMONE FRANÇAISE. 245 


des osiers trop serrés, qui, après avoir occasionné des bour- 
relets et des étranglements ‘finissent par être recouverts par 
l'écorce. Les jardiniers peu attentifs laissent les bourgeons 
s'engager derrière‘le treillage , ce qui les prive de branches 
quelquefois très utiles à la forme de l’arbre ; beaucoup de 
fruits sont souvent contrefaits parce qu’ils ont été contraints 
dans leur développement ; l’osier ou le jonc ne sont pas tou- 
- jours passés dans le sens indiqué par la position de la bran- 
che à attacher, etc. 

- Ilarrive aussi que les fruits sont trop tôt et trop prom- 
ptement découverts , au lieu de l’être graduellement ; alors 
ils durcissent et prennent de la couleur aux dépens de la 
qualité de la chair, qui n’est pas aussi fondante ni aussi su- 
crée. Les ouvriers que l’on charge du soin de découvrir les 
fruits ne connaissent presque jamais assez les fonctions im- 
portantes des feuilles par rapport au bouton ou à l'œil qui 
est à leur insertion; aussi arrachent-ils ces feuilles , au lieu 
de les couper avec soin, en laissant le pétiole et tout ce 
qu'on peut conserver sans priver le fruit des rayons du so- 
leil ; ils découvrent aussi à la fois tous les fruits d’un mème 
arbre , ce qui occasionne une trop grande révolution dans 
Parbre et fait mürir ces fruits simultanément. 

La pêche est souvent cueillie avant le moment de sa ma- 
turité, quoique pour s’en assurer on lait quelquefois beau- 
coup trop maniée ; souvent aussi on cueille par l'humidité 
ou dans la chaleur du jour, ce qui tend à détériorer les 
fruits. 

Les fumiers sont presque toujours enfouis trop verts ct 
trop près des racines. Au temps de la taille, on n’a pas assez 
d’égards pour les arbres nouvellement fumés ; on les tient 
souvent aussi courts que de coutume, ce qui produit de 
srands désordres dans l’économie de ces arbres , à cause de 
l'excès de vigueur dans la vésétation , et des suppressions 
non prévues auxquelles elle donne lieu. 


246 LA POMONE FRANÇAISE. 


DES INSECTES QUI ATTAQUENT LE PÉCHER. 


Beaucoup d’insectes nuisent à la végétation du pêcher em 
attaquant les feuilles, le bois ou les racines. Ceux que nous 
avons remarqués plus particulièrement dans le climat de 
Paris sont : le kermès, les pucerons, les perce-oreilles , le 
véro, les tigres sur feuilles et sur bois, les lisettes, vers gris, 
limaces, limaçons , rats, loirs, etc.; les guèpes , frelons, 
mouches ; les hannetons et les vers blancs; les mulots, tau- 
pes et courtilières. 

Kermèés. Les jardiniers, et mème des auteurs distingués , 
tels que l’abbé Roger, Le Berriays, etc. , donnent assez gé- 
néralement le nom de punaise aux kermès ; ces insectes, 
qui font un tort considérable aux arbres fruitiers, et par- 
ticulièrement au pêcher, doivent être signalés aux culti- 
vateurs, afin qu’ils puissent choisir les moments les plus fa- 
vorables pour procéder à leur destruetion , et nous avons 
pensé qu’il pourrait être utile de donner quelques détails 
sur l’histoire naturelle de ces animaux , que leur immobilité 
pourrait faire confondre avec des productions du règne vé- 
gétal. 

Le kermès femelle a bien deux antennes très courtes et 
six pattes, mais qui disparaissent sous un corps semblable à 
une baie, sans anneaux distincts, lorsqu’il a pris tout son 
accroissement. 

Le mâle est une petite mouche dont la tête , le corps, le 
corcelet et les six jambes, sont d’un rouge foncé ; il a deux 
ailes, grandes, d’un blanc sale, avec un liséré rouge carmin ; 
il porte à l'extrémité de l’abdomen deux filets blancs, dont 
la longueur, qui est le double de celle des ailes, accompagne 
un aiguillon plus court, qui se recourbe un peu en dessous. 

Ces insectes, du même genre que les cochenilles, courent 
en naissant sur les feuilles et sur les tiges, sont presque im- 


LA POMONE FRANCAISE. 947 


perceptibles, etressemblent assez à de petits cloportes blancs; 
au bout de quelque temps la femelle se fixe sur un point et 
y reste parfaitement immobile ; bientôt son corps se gonfle, 
la peau se tend, devient lisse et sèche; les anneaux s’effa- 
cent et disparaissent ; enfin elle perd tout à fait la forme et 
la figure d’un insecte, et ressemble plutôt aux galles ou 
excroissances qu’on trouve sur les arbres, ce qui lui a fait 
donner par quelques auteurs le nom de gallinsecte. 

Les pèchers, ceux en espaliers surtout, sont quelquefois 
couverts de deux espèces de kermès : l’une semblable à de 
petits grains de poivre qui approchent de la figure sphéri- 
que, et l’autre , plus grosse, en forme de bateau renversé. 
Ces espèces de tubercules, lorsque l’animal est vivant , adhè- 
rent tellement aux branches, qu’on ne peut les en détacher 
entièrement qu’à l’aide d’une lame. 

Au mois d'avril, les kermès qui avaient passé l’hiver ap- 
pliqués sur les branches, où ils offraient l'aspect de très pe- 
tites taches blanchâtres, se dépouillent de leur peau, de- 
viennent immobiles , et dès ce moment prennent un accrois- 
sement rapide. Lorsque celui-ci est parvenu à son terme, 
les mâles sortent de leur coque par la partie postérieure et 
vont féconder les femelles, qui conservent toujours la forme 
de galie. Bientôt les mâles meurent, et les femelles font leur 
ponte ; mais les œufs ne restent pas à l'extérieur ; ils sont con- 
duits entre la peau du ventre et le lit de duvet blanchâtre sur 
lequel la femelle est posée. Gelle-ci meurt à son tour, etson 
corps, sans changer de forme, sert encore d’enveloppe et 
d’abri aux œufs, dont le nombre est de plus de mille, sans 
adhérence entre eux , et semblables à une poussière rou- 
geätre. Dix ou douze jours après, les œufs donnent naissance 
à de petits insectes, qui, lorsqu'ils ont le degré de force né- 
cessaire, sortent enfin vers le commencement de juin et se 
répandent sur les feuilles, où ils se meuvent avec une très 
grande rapidité jusqu’à ce qu’ils aient choisi la place qui leur 


248 LA POMONE FRANCAISE, 


convient ie mieux. Ils ne sont perceptibles qu’à la loupe ; 
mais les fourmis qu’ils attirent décèlent leur existence. Ils 
ne rongent point les feuilles ; ils en pompent le suc avec une 
trompe placée près de la première paire de pattes. L’expé- 
rience a appris aux Cultivateurs que ces insectes épuisent 
les arbres, les font languir et mème dépérir. El paraît qu’ils 
font sortir beaucoup plus de sève qu’il ne leur en faut pour 
leur nourriture : car la terre est quelquefois mouillée au 
dessous des branches attaquées par les jeunes kermès, et ces 
branches elles-mêmes deviennent noires, sales et couvertes 
d’une substance sucrée ayant la consistance du miel. 

A cette époque, comme on l’a déjà dit, les jeunes kermès 
sont tellement petits, qu’on les aperçoit très difficilement ; 
mais si l’on détache dans les jours chauds une des feuilles 
sur lesquelles ils sont appliqués, elle se dessèche bientôt ; les 
insectes, n’y trouvant plus de sucs, se mettent en mouve- 
ment pour en aller chercher de plus fraiches, et l’on peut 
les voir alors avec plus de facilité. Vers le mois de novem- 
bre, lorsque les feuilles vont tomber, la plupart des kermès 
les abandonnent et gagnent les jeunes branches, sur lesquel- 
lesils s’attachent , et restent engourdis pendant l'hiver. Sept 
degrés de froid que nous avons éprouvés aux mois de no- 
vembre et décembre 1816 n’ont point fait périr des kermès 
restés sur des feuilles humides, tombées et très fréquem- 
ment gelées; aussitôt que ces feuilles ont été approchées du 
feu, les kermès ont retrouvé toute leur agilité ; d’où il résulte 
qu’on doit, avant que les feuilles ne tombent , les couper, 
pour les enterrer ou les brüler. 

Les cultivateurs , pour lesquels nous écrivons, ont sur- 
tout besoin de connaître les moyens les plus efficaces pour 
parvenir à la destruction des kermès. Or, d’après l’exposé 
succine{ que nous venons de faire , il est évident que l’épo- 
que la plus favorable est celle qui suit immédiatement la 
fécondation , c’est-à-dire vers le milieu de mai pour le cli- 


LA POMONE FRANCAISE. 249 


mat de Paris : car alors les femelles qui restent seules, ayant 
pris tout leur accroissement, s’aperçcoivent mieux ; comme 
elles sont déjà mortes ou près de mourir, elles n’adhèrent 
plus autant à l’écorce, et en les faisant disparaître, on 
anéantit dans son germe toute la génération nouvelle dont 
on craignait les ravages. Les gens de Montreuil se servent 
de brosses un peu rudes , qu’ils font mouvoir du basen haut 
des branches pour ne point offenser les yeux et les boutons. 
Ii ne faut donc pas que les jardiniers puissent croire plus 
long-temps que les coques de kermès qu’ils voient sur les 
branches sont autant de punaises que leur peu d’agilité 
rend toujours faciles à détruire, dans un temps comme dans 
un autre. 

Puceron. Le puceron est sans contredit l’insecte qui cause 
le plus de dommage aux jeunes pèchers ; il pullule surles 
feuilles, qu'il fait recoquiller, et paraît s’attacher de préfé- 
rence à celles de l’extrémité des pousses ; ce qui arrête mo- 
mentanément la végétation de ces bourgeons, quise courbent 
et perdent leur direction naturelle. 

Les fourmis, qui semblent vivre des dégäts commencés 
par les pucerons , viennent aussi augmenter par leur nom- 
bre et leurs fréquentes allées et venues. 

On détruit les pucerons en nettoyant les feuilles une à 
une , et en coupant celles qui sont trop roulées, ou bien en 
faisant des fumigations de tabac, ce qui est plus expéditif 
et moins nuisible à la santé de l’arbre. On se sert pour cette 
opération d’un appareil en cuivre, dans lequel on met du 
feu et du tabac un peu humide. La fumée est chassée par 
le vent d’un soufflet dans un long tuyau que l’on dirige vers 
les branches attaquées. On doit éviter que la fumée n'arrive 
trop chaude sur les feuilles, et surtout à l'extrémité des 
bourgeons, ce que l’on obtient en se servant d’un long 
tuyau pour conduire la fumée. Pour opérer, il faut choisir 


250 LA POMONE FRANCAISE. 


un temps calme, et commencer toujours avant que le mal 
ait fait de trop grands progrès. 

On pourrait faire les fumigations sous un chässis portatif, 
extrèmement léger, en bois blanc , garni de papier huilé, et 
fermé latéralement , qu’on appliquerait contre le treillage, 
en ayant soin de garnir avec de la mousse ou des linges 
mouillés l'intervalle entre le treillage et le mur, afin de ne 
laisser aucune issue à la fumée, qui détruira promptement 
tous les pucerons, même ceux qni sont cachés dans les feuil- 
les repliées. Il est surtout très important de préserver des 
pucerons les jeunes arbres que l’on forme. 

Perce-oreilles. Les perce-oreilles font beaucoup de mal 
en attaquant les feuilles, et ensuite les fruits, qu’ils percent, 
afin de s’y loger. Pour les prendre, les jardiniers de Mon- 
treuil placent derrière le treillage, ou entre les branches, 
de petits paquets de bourgeons liés ensemble et garnis de 
feuilles ; les perce-oreilles s’y retirent dans le jour, et des en- 
fants viennent visiter les arbres, et secouent ces paquets 
dans un vase assez lisse pour qu’ils ne puissent en sortir. On 
place aussi au pied des arbres des pieds de moutons ou d’au- 
tres animaux, dans lesquels les perce-oreilles se retirent , et 
où l’on peut facilement les détruire. 

Le vero ou verdellet, ainsi appelé par les cultivateurs de 
Montreuil, est un petit ver très agile, qui attaque, au prin- 
temps, et surtout pendant la sécheresse, les fleurs et les 
feuilles du pêcher ; il semble sortir de l’extrémité des bour- 
geons, qu'il fait fourcher. Il est très multiplié à Montreuil, 
où il commet plus de dégats'qu’ailleurs. Le cocon du vero est 
très allongé, d’un blanc jaunûâtre, ainsi que la soie qui l’atta- 
che et qui est très fournie; il en sort un petit papillon de 
couleur soufrée. On peut le détruire facilement lorsqu'il est 
à l’état de chrysalide. 

Tigre sur feuilles. Le tigre sur feuilles et le tigre sur bois, 


LA POMONE FRANÇAISE. 254 


ainsi nommés par les cultivateurs de Montreuil, causent de 
srands dommages aux feuilles et au bois de leurs pèchers. 
Ceux qui s’attachent sous les feuilles en détruisent le paren- 
chyme ; ils sont ailès, blancs, très nombreux, très actifs, et 
passent par masses d’une feuille à l’autre. Les temps de sé- 
cheresse et les expositions chaudes les favorisent; aussi 
est-ce aux murs du midi et du levant qu’ils multiplient da- 
vantage. | 

Tigre sur bois. Le tigre sur bois se plaît aux mêmes expo- 
sitions, mais il semble immobile ; on croirait voir quelques 
petits points de blanc de céruse que l’on aurait posés avec 
la pointe d’un pinceau très délié autour d’une branche, mais 
plutôt en avant du côté du mur. Quelques uns de ces petits 
points seulement suffisent pour occasionner dans la partie où 
ils se trouvent le desséchement de l’écorce. La sève tend 
cependant à monter au dessus de cet obstacle, et forme un 
bourrelet allongé ; mais il en résulte toujours des obstructions 
très préjudiciables. On peut y remédier en donnant du jeu à 
l'écorce par ure incision longitudinale de l’épiderme. Mais 
d’où viennent ces insectes ? Comment se multiplient-ils? C’est 
ce que les cultivateurs ignorent. Il serait à désirer que les 
entomologistes s’occupassent particulièrement des insectes 
qui causent des ravages dans les jardins; leurs recherches à 
cet égard seraient très utiles à l’agriculture, parce qu’elles 
sugséreraient sans doute des moyens de destruction qui nous 
manquent. | 

Le tronc et les branches principales des pèchers semblent 
quelquefois couverts d’une poussière d’un blanc sale, qui 
n’est que la réunion de dépouilles d'insectes et des insectes 
eux-mêmes , qui sont probablement du genre des kermès : 
quelques cultivateurs les prennent encore pour des lichens ; 
mais la matière rougeâtre qui sort de cette poussière lors- 
qu’on l’écrase ne permet plus de douter qu’elle soit animée. 
Get effet est plus sensible vers la fin de juin. 


959 LA POMONE FRANCAISE. 


Plusieurs entomologistes, auxquels je me suis adressé pour 
avoir des renseignements sur ces insectes, m'ont déclaré 
qu'ils ne les avaient pas encore observés. 

Je ne suis parvenu à en débarrasser les branches, aux- 
quelles ils causent des obstructions, qu’en les faisant laver, 
à la chute des feuilles, avec une lessive de cendre et d'urine, 
et les enduisant ensuite avec un lait de chaux; il faut recom- 
mencer cette opération plusieurs années de suite. 

Lisette. La lisette verte et la grise, connues sous le 
nom de coupe-bourgeons, sont de petits charançons qui 
coupent en effet l’extrémité des jeunes bourgeons. On les 
éloigne en aspergeant de temps en temps l'extrémité des 
pousses avec de l’eau dans laquelle on fait bouillir des feuilles 
de tabac et du savon noir, et que l’on a mêlée ensuite avec 
du tabac en poudre. Cette aspersion éloigne aussi les puce- 
rons (1). La lisette cause de grands dégâts, surtout lorsqu’elle 
détruit l'extrémité d’un bourgeon terminal d’une branche- 
mère ou d’un membre. 

Ver gris. Les pèchers sont sujets à être attaqués par de 
petits vers de couleur cendrée, qui se fixent principalement 
à l’insertion dela greffe et à celle des grosses branches. Leur 
présence s’annonce par la vermoulure et le flux de gomme, 
qui est plus ou moins abondant dans ces parties en raison 
du nombre des insectes. On les dccouvre en coupant Pé- 
corce par couche; ils pénètrent quelquefois jusqu’à l’au- 
bier, et même jusqu’au bois. Ces insectes commencent à 
attaquer l'arbre du côté du mur, et, lorsqu'il est près de 
périr épuisé , ils descendent au dessous de la superficie 
qu sol, 


(1) serait dangereux de la faire, ainsi que toute autre espèce d’arrosement de 
feuilles, lorsque le soleil frappe sur l’espalier. 


LA POMONE FRANÇAISE. de 


Ces insectes se fixent plutôt sur les vieux arbres que sur 
les jeunes. 

Je ne connais pas d'autre moyen de les détruire que d’en- 
tamer l'écorce, ce qui est toujours un grand mal, que l’on 
pourrait prévenir en tenant les arbres propres, et les cou- 
vrant avec un enduit de chaux, de cendre et d’urine. 

Limaces et limaçons. Les limaces et les limaçcons enta- 
ment les pèches avant leur maturité, et elles préférent 
celles qui ont la peau lisse; elles sucent aussi les jeunes 
pousses. Nous avons parlé, à l’article de la Vigne, des 
moyens de les détruire. 

Rats, loirs, etc. Les rats et les loirs mangent les pêches 

lorsqu'elles commencent à tourner, aussi doit-on mettre de 
très bonne heure des appâts avec de la noix vomique pour 
les détruire ; il faut avoir la précaution de mettre le poison 
dans de petits vases que l’on attache au mur pour que les 
“animaux domestiques ne puissent y atteindre : il y a négli- 
gence de la part du jardinier lorsque les fruits sont atta- 
qués par les rats ou les loirs , parce que leur destruction est 
facile. k 

Guépes , frelons, mouches, etc. Voyez la Vigne. 

Hanneton et ver blanc. Voyez la Vigne. 

Mulots, muserels. Ces animaux rongent les jeunes pous- 
ses des pêchers à mesure que les bourgeons se dévelop- 
pent. J'ai vu, à Trianon, tout un espalier nouvellement 
planté être dévasté par ces animaux. Ces accidents accusent 
limprévoyance du jardinier, qui n’a pas su prévenir le mal 
et tendre des piêges avant le moment de la plantation. Les 
mulots détruisent aussi les amandes et les noyaux que l’on 
met en terre. 

Taupes et courtilières. Les taupes et les courtilières ou 
taupes-srillons font beaucoup de tort aux pêchers par les 
souterrains qu’elles pratiquent le long des murs, et qui 
éventent les racines; en outre, les courtilières rongent 


254 LA POMONE FRANCAISE. 


ces mèmes racines , dont les plaies guérissent difficilement. 
J'ai donné, dans un traité sur la culture des patates douces, 
un moyen de détruire les courtilières , qui est aussi infailli- 
ble qu’aisé à pratiquer. On leur prépare ; en différents points 
du jardin, à l’automne , des couches avec du fumier chaud, 
où elles viennent se rendre. En enlevant ces couches à l’au- 
tomne, et nettoyant la place avec un balai, on reconnait 
bientôt les trous où les courtilières sont retirées aux petites 
élévations produites par la terre qu’elles rejettent en s’en- 
fonçant; on découvre chaque trou, qu’on remplit d’eau, 
en ayant soin de verser doucement , afin qu’elle n’entraîne 
pas au fond la terre des parois ; on verse ensuite une seule 
goutte d'huile, que l’eau, en s’imbibant, conduit surle corps 
de la courtilière, et qui obstrue ses trachées : l’animal sort 
alors pour chercher l'air extérieur, et périt aussitôt. 

Si l’on aperçoit dans les plates-bandes une trace de cour- 
tilière , il faut la suivre avec le doigt, et lorsqu'on arrive 
à l'endroit où cette trace s'enfonce, on élargit le trou avec 
le doigt : puis on verse de l’eau avec précaution, et enfin 
de l'huile; et s’il arrivait que la courtilière ne sortit point, 
parce que la terre trop mouvante aurait retenu l’huile, on 
arrosera amplement le terrain, on marchera dessus pour le 
tasser ; et si la courtilière trace encore, on finira par la pren- 
dre en réitérant l’opération. 


DES MALADIES DU PÉCHER. 


Les pèchers , ainsi que tousles autres arbres, sont exposés 
à diverses maladies qui rendent leur végétation languissante, 
et abrésent la durée de leur existence. Les causes de ces 
maladies sont ou externes ou fnternes. Dans le premier cas, 
le jardinier soisneux et intelligent peut prévenir, détourner 
ou guérir le mal; mais si elles sont internes et inhérentes au 
sujet, on ne peut que soulager celui-ci par des traitements 


LA POMONE FRANÇAISE. 255 


appropriès à son état, sans parvenir jamais à le guérir ra- 
dicalement. 

Les causes externes qui agissent sur le pècher sont les in- 
tempéries des saisons , les insectes, les autres animaux, 
ainsi que les mauvais traitements. Les moyens à employer 
pour détruire leurs effets sont exposés dans les articles pré- 
cédents. 

Quant aux causes internes, elles donnent lieu à quatre 
maladies graves, qui se propagent par les semis et la greffe. 
Ces maladies sont : le blanc, la gomme, la cloque et le 
rouge. 

Du blanc.Le blanc, appelé vulgairement lèpre, est connu 
à Montreuil sous le nom de meunier, à cause de la couleur 
blanchâtre que contractent les feuilles, les rameaux et mêé- 
me les fruits des arbres qui en sont atteints. Quelques per- 
sonnes veulent que cet effet soit dû à la production d’une 
matière cotonneuse qui empèche la transpiration. En consé- 
quence , l’abbé Rozier conseille de laver les feuilles et les ra- 
meaux attaqués, afin d'ouvrir les pores obstrués. Je ne blâ- 
me point ce procédé ; mais il ne détruit pas le mal, dont le 
principe est inhérent à l'individu. 

Le blanc est une des maladies les plus funestes aux arbres 
fruitiers ; il se déclare en juin, juillet, août et septembre, 
et se manifeste d’abord à l'extrémité des pousses. L'arbre 
arrêté ainsi cesse de s'étendre jusqu’à la fin de la saison. 
Quelquefois cependant un arbre très vigoureux, attaqué 
faiblement et de très bonne heure , repousse à la nouvelle 
sève ; mais le. blanc ne manque pas de reparaïître à l’au- 
tomne. 

Les effets du blanc varient suivant l’époque à laquelle le 
mal se déploie. Un arbre attaqué vers la fin de septembre est 
peu retardé ; mais celui qui est saisi dès le mois de juin souf- 
fre beaucoup et a peine à s'étendre. Les parties malades exha- 
lent une odeur désagréable , perdent leurs feuilles avant le 


256 LA POMONE FRANCAISE. 


temps, et ne portent que des yeux avortés. La sève se con- 
centre alors dans le bas des branches. 

Les fruits ont souvent des taches blanches qui les rendent 
plus ou moins amers et pâteux, selon les espèces et suivant 
le degré de force de la maladie. 

Les arbres viciés par le blanc sont attaqués tous les ans 
d’une manière plus ou moins apparente , selon la saison : ce 
mal est absolument incurable ; il se communique par les se- 
mis et par la greffe si le rameau a été pris sur un arbre atta- 
qué, lors même que ce rameau serait sain. Les sujets com- 
muniquent aussi le blanc à la greffe. | 

De ce que le blanc se manifeste par l’extrémité des pous- 
ses, M. de Ville-Hervé a conclu qu’il était produit par des 
causes extérieures : car, dit-il, les maladies inhérentes doi- 
vent se manifester du bas en haut, en suivant la marche de 
la sève. Mais on pourrait, par analogie, objecter que la 
goutte chez les hommes, qui provient assurément d’une 
cause intérieure , attaque cependant presque exclusivement 
les extrémités. & 

L'exposition influe sur l'intensité du mal. On voit à Mon- 
treuil des espaliers au levant dont les arbres ont presque 
tous le blanc , tandis que d’autres de la même espèce, ex- 
posés au couchant, en paraissent exempis (1). Beaucoup de 
personnes en ont conclu mal à propos que l’exposition donne 
la maladie. On croit encore assez généralement que certai- 
nes espèces y sont plus sujettes que d’autres. | 

Les causes d’une maladie aussi funeste intéressent trop la 
culture pour n'avoir pas excité la curiosité des savants, et 


(1) L’exposition en développe tellement les symptômes, qu’en 1816 le pêcher 
des pilastres no 2, palissé sur trois faces, présentait, à la face du levant, des 
branches violemment attaquées, lorsque celles du même arbre palissées au 
couchant ne l’étaient que très faivlement. 


üA POMONE FRANCAISE. 25 


vlusieurs en ont fait l’objet de leurs recherches. M. de La 
Ville-Hervé veut que le principe du blanc soit la somme qui 
lue des feuilles (gomme qui diffère de l’autre en ce qu’elle 
ne se dégage pas par bouillon, mais par petites parcelles). 
Il prétend que la sève , redescendant après son mouvement 
d’ascension , trouve à son retour les passages fermés, et se 
rejette à l'extérieur, 

Le mème auteur avance que le blanc est causé par les 
vents froids, qui arrêtent subitement la transpiration. Cette 
opinion est difficile à accorder avec les temps auxquels la 
maladie attaque les arbres, car on la voit souvent se dé- 
ployer dans la canicule. On a, par un système opposé, pré- 
tendu que le blanc provenait de la sécheresse ; mais nous 
le voyons se manifester dans les saisons pluvieuses, en au- 
tomne. 

L'abbé Rozier pense que la maladie du blanc a le même 
principe que la miellée , qui n’est qu’un épanchement acci- 
dentel de sève. 

Duhamel attribue ce mal à l'effet d’ane extravasion de 
sève mal digérée , et il la juge sans remède. « L’amputation 
» de toutes les branches attaquées, dit-il (si toutefois c’est 
» une ressource), ne doit point être différée; encore ce 
» soin est-il inutile : votre arbre languira malgré cet expé- 
» dient. S’ii donne des fruits, ils seront sans saveur et très 
» âpres; et définitivement, au bout de trois ans au plus, 
» vous perdrez l’arbre. » 

Quant à l’impossibilité d’extirper le mal, Duhamel a très 
certainement raison; maisil est dans l’erreur quant à la 
courte durée qu'il fixe à l’arbre malade ; on sait qu’ils peu- 
vent vivre très long-temps avec le blanc. 

D’autres auteurs enfin voient la source du blanc dans le 
principe »ommeux poussé trop abondamment vers l’extré- 
mité des bourgeons et détourné dans sa circulation. Ils ont 
cru y remédier par un pincement des branches attaquées ou 

17 


258 LA POMONE FRANÇAISE. 


par un élagage. Ils se sont flattés d’écarter, par ces procé- 
dés, la partie sangrenée, et d'obtenir de nouveaux bour- 
geons dont les pores soient autant de canaux de circulation 
pour la sève. M. de La Ville-Hervé notamment justifie cette 
méthode curative par des raisonnements qui paraissent in- 
contestables, et il finit par dire qu’elle lui a toujours réussi. 
Cette assertion est malheureusement contredite par l’expé- 
rience. Tous ces prétendus remèdes contre le blanc ne sont 
pas mème des palliatifs; le pincement et la mutilation sur- 
tout ne rendent jamais à un arbre l’état de santé et de vi- 
gueur. 

L'opinion vulgaire est que le blanc se communique aux 
arbres sains par le voisinage des arbres attaqués; mais lex- 
périence dément encore ce préjugé. Au potager de Versail- 
les, de grands arbres très anciens, affectés du blanc, étaient 
immédiatement contigus à d’autres pèchers également ägés, 
qui sont restés constamment en état de santé, quoique j’aie 
fait croiser à desseinles branches des uns sur celles des autres. 

Forcé de reconnaître l’impossibilité de guérir les indivi- 
dus attaqués, je conserve encore l’espérance qu’on pourrait 
parvenir petit à petit à résénérer les espèces détériorées par 
cette maladie en les propageant par boutures herbacées. 

La gomme. La gomme affecte plus particulièrement les 
arbres fruitiers à noyaux, parce que leur écorce n’obéit pas 
aux affluences déréglées de la sève; ainsi tout ee qui fait 
obstacle à son libre passage est une cause qui détermine la 
somme. Les meurtrissures, les gelées, les coups de soleil 
sur les jeunes pousses, les tailles marquées par autant de 
coudes très saillants, les nodus, les plaies non recouvertes, 
et surtout le peu d’analogie des sujets avec le rameau de la 
sreffe, qui sont autant d'empêchements au libre cours de la 
sève , doivent contribuer à faire fluer la gomme. Toutes ces 
causes, étant accidentelles, offrent des moyens de guérison; 
mais lorsque l'arbre est attaqué de la gomme parce que la 


LA POMONE FRANÇAISE. 259 


semence dont il provient ou le sujet était gommeux, nous 
considérons cette maladie comme dangereuse, étant inhé- 
rente à l'arbre : dans ce cas, elle se propage par la greffe 
ou par les semences. 

La gomme se manifeste au printemps et au mois d’août 
sur les nouvelles pousses et sur celles de l’année précédente, 
et affecte plus volontiers les bourgeons les plus vigoureux. 
Si l’on observe à ces époques les branches d’un pêcher dis- 
posé à être attaqué, on pourra remarquer, sous l'écorce, 
des dépôts qui la rendent flasque au toucher. Lorsque ces tu- 
meurs sont petites et peu nombreuses, elles fluent naturel- 
lement, et l'arbre s’en débarrasse par sa vigueur. Mais lors- 
que l’épiderme ne cède point et que la matière ne peut s’é- 
pancher, son séjour prolongé occasionne la chute des feuil- 
les, puis l’extinction des yeux et des boutons inférieurs; la 
végétation, se portant alors à l'extrémité des branches, pro- 
duit un effet contraire à celui du blanc, qui concentre la 
sève dans le bas des branches. On voit même périr subite- 
ment par la gomme des branches, des membres entiers 
chargés de fruits (1). Il faut donc se garder de planter de 
jeunes sujets attaqués de la gomme, car, malgré l’art du jar- 
dinier pour la taille, il aurait peine à les diriger contre les 
murs , où ils offriraient constamment un aspect désagréable 
à cause des vides qui se formeraient dans le bas et de ceux 
qu’occasionnerait la suppression forcée des membres; d’ail- 
leurs leurs fruits se ressentiraient toujours des mauvaises 
dispositions de l’arbre. 

Un jeune arbre attaqué de la somme n’en pousse pas 
moins visoureusement ; mais, malgré ses belles apparences, 


(4) La moelle des branches que la gomme a fait périr est jaune ou noire, ou 
seulement parsemée de points noirs. Les racines d’un arbre malade sont tou- 
jours plus maltraitées que les branches, 


960 LA POMNONE FRANÇAISE, 


on doit le rejeter dès la première année , aussitôt que la som- 
me se décèle.Quelquefois ceile-ci ne fait périr d’abord qu’une 
ou deux petites brancheslatérales de Hagreffe; celasuffit pour 
indiquer la présence du mai. Les pépiniérisies soisneux ont 
habitude de retrancher les branches attaquées de la gom- 
me ; l’acquéreur doit donc observer s’il y a des branches cou- 
pées, et s'informer quels en ont êté les motifs. Les pêchers 
taillés trop courts, fumés à contre-sens, et troublés dans 
leur pousse, sont plus sujels à la somme, parce que, dans 
le pècher, l’affluence de la sève ne force pas, comme dans 
les autres arbres, l'écorce à céder, àse détendre. Dans ces 
arbres. les fibres sont longitudinales , et dans le pêcher elles 
sont cylindriques. | 

Le remède contre la somme accidentelle consiste à pra- 
tiquer au dessus et au dessous du mal {rois où quatre petites 
incisions longitudinales très légères, de 27 millimètres en- 
viron de longueur, dans le but de faire désorger le peu de 
gomme qui ne serait pas encore sortie ; puis, à l’opposé du 
mal, on pratiquera une ou deux ineisions longitudinales de 
10, 15, 20 centimètres et plus de longueur, suivant le be- 
soin et la grosseur de la branche. Toutes les incisions surles 
arbres sujets à la gomme doivent être très nettes et très lé- 
sères, atteignant un peu plus que l’épiderme. 

On aura soin, avant tout, de retirer la somme et de net- 
toyer la plaie. On s’abstiendra de faire usage de quelque 
ongsuent que ce soit: les corps que l’on mettrait sur ces 
sortes de plaies conserveraient ou renfermeraient une cer- 
taine humidité qui serait très préjudiciable à larbre ; ces 
plaies doivent rester exposées à l’air et au soleil. 

Nous avons acquis la presque-certitude que la gomme n’a 
lieu que parce que les écorces ne cèdent pas assez aux af- 
fluences de la sève, qui sont souvent déréglées dansle pè- 
cher. Il faut, pour éviter le mal que peuvent causer ces af- 
fluences, aussitôt qu’on s’aperçoit que les écorces sont trop 


LA POMONE FRANCAISE. 261 


serrées, s’empresser de les ouvrir. On en reconnaît le be- 
soin aux pousses grèles de la branche, et à l'inspection de 
l'écorce , qui a des taches livides. Dans ce cas , une incision 
longitudinale sur l'épiderme laisse à l’écorce la facilité de 
se dilater et d’obéir aux mouvements de la sève, qui, trou- 
vant de nombreux canaux pour la recevoir, les parcourt 
sans obstacles. Nous avons dit que les incisions faisaient gros- 
sir et profiter les branches sur lesquelles on les pratiquait ; il 
faut donc prendre garde de rompre par des incisions inuti 

les légalité de force des branches entre elles. 

Dumoutier a traité, au petit Trianon, une assez grande 
quantité de pèchers qui étaient pour ainsi dire abandonnés 
à cause de la somme. Tous ceux sur lesquels il a pratiqué 
des incisions ont donné des pousses plus fortes et plus allon- 
gées, les arbres ont repris de la vigueur, et ils étaient en- 
core, en 1895, très remarquables par la beauté et la couleur 
foncée de leur feuillage. La gomme a disparu , et les bran- 
ches sur lesquelles elle séjournait depuis long-temps en lais- 
sent seulement apercevoir les traces, qui sont sèches, un peu 
noires, mais parfaitement cicatrisées. 

Le résultat de ces expériences est contraire à l’opinion 
émise dans mon traité sur les maladies des arbres, où j'ai 
regardé la gomme comme incurable ; mais, depuis la pre- 
mière édition de cet ouvrage, nous avons acquis la pleine 
conviclion-que les incisions faites avec ménagement et en 
temps convenable suffisaient pour guérir les arbres atta- 
qués de la somme par causes accidentelles. Quant aux arbres 
viciés parce que les sujets proviennent d'amandes gommeu- 
ses ou de greffes prises sur de tels arbres, nous en possé- 
dons deux que nous empêchons depuis plusieurs années de 
périr en les secourant par des incisions aussi souvent répé- 
tées que ia gomme reparaît. Ces arbres vivent, poussent çà 
et là de forts rameaux ; ils sont assez étendus, mais ils ne 
produisent que très peu de fruits, les fleurs étant très rares. 


262 LA POMONE FRANCAISE. 


Les amandes de ces fruits sont gommeuses, la chair coton- 
neuse et insipide. 

La cloque. La cloque doit être considérée comme une ma- 

ladie inhérente, puisqu'il est constant qu’elle se propage par 
la greffe. C’est surtout au printemps ou à la seconde pousse, 
lorsqu’à de vives chaleurs succèdent des pluies ou des temps 
froids, que cette maladie se développe dans les sujets qui en 
recèlent le germe. Alors les feuilles épaississent et se bour- 
souflent , leur couleur se ternit, elles se crispent , et les bour- 
geons se contournent ; on croirait que toutes les parties de 
l'arbre éprouvent les effets d’une transpiration arrêtée. Le 
mal est d'autant plus grand que les bourgeons sont plus jeu- 
nes. 

Les suites de ces accidents sont la chute des feuilles et des 
fruits, ainsi que l’appauvrissement des yeux et des boutons, 
qui ne donnent plus que des productions avortées. 

Les jardiniers peu observateurs attribuent la cause de 
cette maladie aux mauvais vents, sans réfléchir qu'au mè- 
me mur, frappé dans toutes ses parties par ces mauvais 
vents , on voit des sujets sains à côté de ceux qui sont atta- 
qués; d’où l’on peut conclure que la maladie que recèlent 
ces arbres se développe plus ou moins, suivant que leur vé- 
gétation est arrêtée par l’air froid ou les pluies froides. 

Nous avons eu occasion d'observer depuis plusieurs an- 
nées au potager de Versailles divers effets de la cloque, en- 
tre autres sur un pêcher dont une moitié est palissée sous 
une corniche très saillante, et l’autre contre un mur sans 
chaperon; il est remarquable que cette dernière moitié de 
Jarbre est presque tous les ans atteinte par la cloque, tandis 
que la première en est garantie ; quelquefois seulement des 
bourgeons de cette partie sontlésèrement frappés, mais c’est 
toujours ceux qui se détachent du mur et dont l'extrémité 
se présente davantage à l’air libre. 

Nous proposons comme préservatif, non seulement des 


LA POMONE FRANÇAISE. 263 


chaperons en tuile (planche IIT, fig. 10), mais encore des 
auvents en paillassons (fig. 11) qui auraient 50 centimètres 
de saillie, et que l’on pourrait placer et retirer à volonté. 
Cette dernière couverture sera plus nécessaire aux exposi- 
tions du couchant pour certains sujets et pour certaines es- 
pèces , telles que la mignonne à grande fleur, etc. 

Comme les pucerons occasionnent aussi la déformation 
des feuilles et des bourgeons, on a pu croire quelquefois 
que des arbres attaqués par ces insectes étaient atteints de 
la cloque, et de là on a conclu que les arbres cloqués atti- 
raient plus que d’autres les fourmis et les pucerons ; mais 
c’est une erreur : ces derniers animaux ne s’attachent 
qu'aux feuilles tendres et jeunes de l'extrémité des bour- 
geons. 

Pour guérir l'arbre, on s’empresse souvent de couper les 
feuilles et même les bourgeons malades ; mais il vaut mieux 
attendre, sinon la fin de la crise, le moment où la sève com- 
mence à reprendre son cours. Si la saison n’est pas trop avan 
cée, on rabattra ces bourgeons sur des yeux sains, même 
sur ceux du talon. On pourra alors espérer d’avoir des fruits 
l’année suivante. Dans le cas contraire, il faudra ajourner 
toute suppression à la taille du printemps. Lorsque des ar- 
bres se trouvent dans ce cas, on doit soutenir la végétation 
des nouvelles pousses par des engrais bien consommés et par 
des arrosements de jus de fumier. 

Du rouge. Le rouge est une maladie exclusivement pro- 
pre au pêcher, et jusqu’à présent incurable. Tout le jeune 
bois prend d’abord une teinte rougeâtre , et le sujet périt 
bientôt, en même temps que la couleur devient plus vive. 
Quelques arbres néanmoins prolongent une existence lan- 
guissante pendant trois ou quatre années , au bout desquel- 
les ils périssent tout à coup et dans leur entier. Cet événe- 
ment arrive communément au printemps ou lors de la ma- 
turité des fruits, dont les arbres attaqués sont naturellement 


264 LA POMONE FRANÇAISE. 


très chargés, parce que leurs rameaux, poussant vigoureu- 
sement, se mettent tous à fruit. 

Les pêchers sont plus susceptibles d’avoirle rouge lorsqu'ils 
ont été greffés sur des sujets d’amandiers à coques tendres, 
parce qu’ils poussent d’abord plus vigoureusement que ceux 
qui proviennent d'amandes à coques dures. Cette vigueur 
apparente trompe les pépiniéristes et les acquéreurs. 

Des observations multipliées m'ont convaincu qu’elle af- 
fecte aussi presque toujours les arbres provenus d'amandes 
tachées de somme intérieurement, ou même seulement sur 
le brou. 

On a cru remarquer que les pèchers étaient plus fréquem- 
ment alteints de la maladie du rouge lorsqu'on plaçait des 
cordons de vignes au dessus des espaliers ; mais je ne par- 
tage point cette opinion ; le rouge est une maladie inhérente 
au sujet, et indépendante des causes accidentelles qui peu- 
vent seulement la faire développer plus promptement et en 
augmenter les effets. Sous ce point de vue, les cordons (qui 
ont d’ailleurs beaucoup d’autres inconvénients) peuvent être 
nuisibles , aussi bien que la mauvaise qualité de la terre, 
etc:Sretc. 

On ne connaît encore aucun moyen de sauver un arbre 
attaqué du rouge. Aussitôt qu’on apercoit les symptômes de 
la maladie, il faut sacrifier l’arbre, dont les fruits, plus hâ- 
tifs, sont pâteux et insipides malgré leur belle apparence. 

Le rouge se transmet par la greffe et les semis. Puisqu’il 
est incurable, on ne peut s’en préserver qu’en plantant des 
pèchers sains : aussi avons-nous recommandé de faire choix 
dans les pépinières avant la chute des feuilles , parce qu’on 
juge mieux alors l’état de santé des arbres. 


LA POMONE FRANÇAISE. 265 


NOMENCLATURE ET DESCRIPTION 


DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE PÊCHES. 


Quoique la nomenclature de Duhamel pour les diverses 
espèces de pêches soit la plus généralement adoptée, j'ai dû 
préférer celle de M. Poiteau , parce que, lorsque j'ai voulu, 
aux époques de la floraison et de la maturité, déterminer 
les fruits suivant Duhamel, je me suis aperçu que l’on ne 
s'entend plus, que plusieurs espèces ont disparu, et que 
Duhamel à quelquefois donné des noms différents à des es- 
pèces semblables ; par exemple la belle chevreuse est évi- 
demment l’admirable, qu’il aura décrite dans un certain état 
de maladie. 

Duhamel n’a employé pour base de ses descriptions que 
six Caractères, et M. Poiteau dix, ce qui facilite les recher- 
ches. Qu’on veuille en effet trouver le nom d’une pourprée 
hâtive avec Duhamel, on sera obligé de chercher pénible- 
ment parmi douze espèces qui ont comme elle les fleurs 
grandes, le fruit duveté et la chair adhérente au noyau; 
tandis que, suivant la méthode de M. Poiteau , on la déter- 
Minerait sur-le-champ, parce qu’elle est la seule, parmi ces 
douze sortes, dont les slandes soient réniformes (1). 


(1) Les glandes réniformes présentent une petite cavité dans leur centre; el- 
les sont moins régulières, mais plus grandes que les glandes globuleuses. Le 
nombre des glandes varie de deux à cinq ou six sur chaque feuille dans les es- 
pèces qui n’ont pas pour caractère d’en être absolument privées. 


266 LA POMONE FRANCAISE. 


D'ailleurs je n’ai admis dans le catalogue ci-après que les 
espèces recommandables, parce qu’elles seules intéressent 
les cultivateurs et les particuliers. Il est bien reconnu queles 
CHaonss nombreux égarent les planteurs , et ne sont favo- 
rables qu'aux FÉPAÈtEse 

Les semis que j'avais fait commencer dans la vue de re- 
nouveler ou d'augmenter les bonnes espèces auraient offert 
sans doute beaucoup de nouvelles variétés, dont nous n’au- 
rions conservé que les plus parfaites ; mais ces semis ont été 
détruits ou abandonnés après que j’ai été mis à la retraite. 

Les cultivateurs commerçants préfèrent les espèces colo- 
rées, celles qui produisent beaucoup , qui rapportent cha- 
que année, enfin celles qui sont moins sensibles aux effets 
des gelées printanières. Aussi les jardiniers de Montreuil 
bornent-ils leur choix à quatre espèces, qui , étant plantées 
à diverses expositions, suffisent pour entretenir la vente 
pendant toute la saison. Ces espèces sont : la Grosse Mi- 
gnonne , la Bourdine, la Madeleine à moyenne fleur, et la 
Chevreuse tardive. 

Les espèces dont les fruits sont plus gros et plus savou- 
reux sont en général moins productives ; aussi ne les trou- 
ve-t-on que dans les jardins des connaisseurs, qui, malgré 
les gelées et la délicatesse de ces espèces, pourront assurer 
chaque année la récolte des fruits en faisant chapero nner 
leurs murs ainsi que nous l’avons indiqué. 


DESCRIPTION DES ESPÈCES ET VARIÉTÉS 


COMPRISES DANS LE TABLEAU CI-JOINT. 


FRUITS A DUVET DONT LA CHAIR QUITTE LE NOYAU. 


1. Avant-Péche blanche (Duh.). L'arbre, de médiocre 
grandeur, a les bourgeons effilés, les feuilles dénuées de 


LA POMONE FRANÇAISE. 267 


glandes et bordées de grandes dents. À sa fleur grande et 
très pâle succède un petit fruit arrondi d'environ 27 milli- 
mètres de diamètre , toujours blanc, dont la chair quitte 
difficilement le noyau, et dont l’eau, ordinairement très 
sucrée, n’a le parfum musqué dont parle Duhamel que dans 
le cas où l’arbre, en pleine santé, est cultivé dans une cer- 
taine qualité de Lerre. Au reste, le plus grand mérite de ce 
petit fruit est de mürir dans la première quinzaine de 
juillet. Cette espèce était autrefois cultivée à Montreuil. 

_ 2, Péche d'Ispahan. L'arbre est venu de noyaux rappor- 
tés de Perse en 1799 par Brugnières et Olivier, et il a fruc- 
tifié pour la première fois en France en 1806. Ses feuilles 
sont dénuées de glandes et bordées de grandes dents; il a la 
fleur grande et très pâle. Son fruit, jusqu'ici encore petit et 
peu coloré, décèle d'excellentes qualités, et pourrait le dis- 
puter à nos meilleures pèches si, comme elles, il était cul- 
tivé avec tous les soins convenables. Il mürit à la mi-septem- 
bre à Paris, et en novembre à Ispahan. 

3. Madeleine de Courson (Dubh.). Cet arbre, très sujet au 
blanc, vigoureux , est d’ailleurs très fertile, et ses feuilles 
sont dénuées de glandes et bordées de grandes dents aiguës ; 
ses fleurs sont grandes et bien colorées. Son fruit, un peu 
moins gros que la Grosse Mignonne, est plus ferme, plus 
coloré, surtout plus vineux et plus parfumé. Il mürit vers 
la mi-septembre et se garde assez bien. Mais la Grosse Mi- 
gnonne, qui mürit en mème temps, doit lui être préférée. 

4. Péche de Malte (Duh.). L'absence de glandes et les 
gandes dents des feuilles du pècher le rapprochent naturel- 
lement des Madeleines. Ses fleurs sont grandes et très pâles; 
ses fruits ronds, aplatis au sommet, de médiocre grosseur, 
marbrés d’un rouge de brique du côté du soleil. La chair 
en est des plus fondantes, presque transparente, fine et très 
délicate ; elle a l’eau assez sucrée, fort agréable, mais pas 
assez parfumée. Cependant la pèche de Malte mérite une 


268 LA POMONE FRANÇAISE. 


place distinguée par sa délicatesse. Elle mürit du 20 août au 
20 septembre. Un terrain préparé donne à ce fruit le parfum 
le plus délicieux. 

5. Péche-Cardinal(Duh.). Cet arbre est d’une petite statu- 
re, très fertile, et ses feuilles, absolument dénuées de glan- 
des, sont bordées de grandes dents surdentelées. Les fleurs 
sont grandes comme celles de la Madeleine de Courson, et 
les fruits de moyenne grosseur, ordinairement aplatis au 
sommet. Leur peau est recouverte d’un duvet roussätre 
qui ressemble à de la moisissure; mais elle se détache aisé- 
ment de la chair, qui est fortement marbrée de rouge-vio- 
let vers la circonférence. Cette chair, fondante lors de la 
maturité, est fade et devient ensuite pâteuse; son eau est 
sans saveur. Cette’ pèche mürit à Paris vers le 15 octobre. 
Elle ne doit être cultivée que pour l'office. Dans le midi de 
la France, il existe plusieurs sortes de pèches rouges très 
bonnes, venues de noyau, que l’on appelle Pèches-Bettera- 
ves. J'ai vu, aux Etats-Unis, des Pavies de cette couleur 
d’une grosseur monstrueuse. 

6. Mignonne hâtive (Poit.). Simple variété de la Grosse 
Misnonne, mais plus petite. Ce fruit, presque toujours ter- 
miné par un mamelon fort élevé, a le précieux avantage de 
mürir douze ou quinze jours plus tôt. 

1. Grosse Mignonne, Vineuse, Belle-Bauce. La Grosse 
Mignonne est une des plus anciennes et des meilleures espè- 
ces de pêches connues ; mais, comme on la mulliplie assez 
souvent de noyaux, il en est résulté un grand nombre de 
variétés inférieures qui l’ont un peu discréditée. Cependant 
il paraît que le type primitif s’est reproduit dans la varièté 
appelée la Pelle-Bauce , äu nom de celui qui la retrouvée : 
il faudrait donc multiplier aujourd’hui cette Belle-Bauce, et 
abandonner toutes les variétés abâtardies. 

L'arbre est très fertile et devient fort grand; le bois en est 
flexible, menu , rouge du côté du soleil; ses feuilles sont 


LA PONONE FRANÇAISE, 269 


bordées de petites dents et munies de glandes globuleuses ; 
sa fleur est grande ; son fruit arrondi, divisé en deux lobes 
par un profond sillon attaché par une queue très courte, et 
assez souvent muni d'un petit mamelon au sommet. Cette 
pêche a ordinairement de 6 à 7 centimètres de diamètre , et 
se colore d’un très beau rouge velouté. Lachair en est une 
des plus fondantes, et, quoiqu’elle soit généralement fort 
bonne, on désirerait qu’elle ‘fût plus constamment parfu- 
mée. La maturité de ce beau fruit arrive vers le 20 août ; il 
dure peu , et devient plus pâteux que les autres dans les an- 
nées pluvieuses. Duhamel en fixe mal à propos la maturité 
à la mi-septembre. 

8. Grosse Mignonne frisée (Poit.). Autre variété de la 
Grosse Misnonne, et dont les fleurs sont tellement frisées, 
qu’on a peine à les reconnaître pour des fleurs de pêcher à 
une certaine distance. Le fruit, très abondant, n'offre rien 
de particulier ; up peu aigrelet, il mürit plus tard que les 
autres et est un peu inférieur en qualité. Cette variélé a été 
décrite au potager de Versailles. 

9. Pourprée hâtive ( Duh.). Les arbres qui donnent cette 
pêche et ceux qui produisent les Madeleines sont les espè- 
ces sur lesquelles le blanc fait le plus de ravages. Quand ils 
ne sont pas atteints de cette maladie, ils acquièrent en peu 
de temps une grande étendue par leur vigoureuse végéta- 
tion : leurs feuilles, bordées de petites dents, sont munies 
de grosses slandes réniformes ; aux fleurs nombreuses, gran- 
des et extrèmement colorées , succèdent de superbes fruits 
bien arrondis, qui atteignent jusqu’à 7 centimètres de dia- 
mètre, et qui se colorent d’un rouge-brun très foncé du cô- 
té du soleil et de jaune du côté du mur ; ils ont la chair très 
fondante , l’eau sucrée et un peu vineuse. La maturité de 
cette excellente espèce arrive vers la fin d'août et précède 
un peu la Grosse Mignonne. 

10. Péche à fleur double (Duh.). Les fleurs, belles, gran- 


210 LA POMONE FRANÇAISE. 


des et semi-doables, ne sont pas toujours stériles ; elles sont 

souvent remplacées par des fruits arrondis, d’un rouge vif 

du côté du soleil, et qui acquièrent jusqu’à 45 millimètres 

de diamètre. Ils ont la chair savoureuse, acidulée et très 

bonne. Leur maturité arrive en plein vent dans la dernière 
"quinzaine de septembre. 

11. Madeleine à moyenne fleur (Poit.). Cette dénomina- 
tion est plus exacte que celle de Madeleine à petite fleur, 
qu’on lui a donnée jusqu’à présent. L'arbre a la force, la 
fertilité et les feuilles de la Madeleine de Courson ; il n’en 
diffère que par ses fleurs de moyenne grandeur, par son fruit 
un peu moins gros, meilleur, plus vineux et plus coloré. Ce 
fruit mürit immédiatement après la Madeleine de Courson, 
et quelques auteurs l’appellent Madeleine tardive. Cet ar- 
bre, sujet au blanc, se charge beaucoup, et la grosseur ain- 
si que les qualités de son fruit dépendent de l'exactitude que 
l’on a mise à l’éclaircir. Il peut devenir plus volumineux et 
plus coloré que la Grosse Mignonne. 

12. Alberge jaune, Avant-Péche jaune, Rosanne. Cette 
espèce varie beaucoup par la grosseur et l’époque de la ma- 
turité de ses fruits ; elle est d’ailleurs très fertile. Ses feuilles, 
munies de glandes globuleuses, sont à petites dents, et pren- 
nent un ton de rouille de très bonne heure ; sa fleur est de 
moyenne g#randeur ; son fruit, arrondi ou comprimé sur les 
côtés, muni ou dépourvu de mamelon au sommet, atteint 
jusqu’à 55 millimètres de diamètre ; il est remarquable par 
la couleur jaune qu’il prend en dehors et en dedans long- 
temps avant de mürir; il se teint ensuite d’une couleur 
rouge foncé du côté du soleil à l’époque de sa maturité, qui 
arrive dans la dernière quinzaine d'août. Il faut que ce fruit 
soit très mûr pour être bon. J'ai remarqué que cette pêche 
perd son jus et devient sèche quand l'arbre rentre en sève, 
ainsi que cela s’observe généralement sur les orangers. 

13. Admirable (Duh.). Par ce nom on distingue un pè- 


LA POMONE FRANÇAISE. 971 


cher de la plus grande taille et de la plus belle végétation, 
qui a les feuilles bordées de petites dents et munies de glan- 
des globuleuses. Les fleurs en sont de moyenne grandeur et 
vivement colorées. Son fruit étonne quelquefois par son volu- 
me ; mais il a le plus communément 7 centimètres de diamè- 
tre, est toujours bien arrondi, marqueté du côté du soleil 
d’un rouge clair, vif, peu étendu; sa chair est fondante et 
son eau très sucrée. Il mürit dans la dernière quinzaine de 
septembre. 

Si l'arbre n’est pas bien portant, le fruit devient amer et 
souvent le noyau est ouvert. 

14. Galande (Duh.). La Galande, connue aussi sous le nom 
de Bellegarde , est d’une espèce très fertile et d’un bon rap- 
port. Le pêcher qui la porte a les feuilles finement dentées 
et munies de glandes globuleuses; sa fleur est petite , peu 
colorée; son fruit est de moyenne #rosseur, ordinairement 
bosselé dans les années pluvieuses, et toujours si coloré, 
qu’il paraît presque noir. Il est d’ailleurs excellent quand sa 
saveur n’est pas altérée par un goût d’àäcreté qu'il contracte 
lorsque l’arbre n’est pas en état de santé. On le trouve en 
maturité vers la fin d'août. Autrefois il était très cultivé 
à Montreuil. 

15. Bourdine(Dub.). Cet arbre, vigoureux et fertile, réus- 
sit en plein vent aussi bien que le pêcher de la Grosse Mi- 
gnonne. Ses feuilles, bordées de petites dents, sont munies 
de glandes globuleuses ; sa fleur est petite ; son fruit gros, 
rond, rarement mamelonné, d’un beau rouge du côté du so- 
leil; a la chair fine et fondante, l’eau vineuse et le noyau 
petit. Il mürit fin de septembre. 

16. Téton de Vénus (Duh.). L'arbre, les feuilles , les glan- 
des et les fleurs du Téton de Vénus, sont comme ceux de 
la Bourdine; mais ici le fruit est ordinairement plus gros, 
moins rouge, et constamment surmonté d’un gros mame- 


912 LA POMONE FRANÇAISE. 


lon. Cependant , comme il y a aussi des Bourdines ün peu 
mamelonnées qu’on pourrait confondre avec le Téton de 
Vénus, on fera observer que le noyau de la Bourdine est 
petit enraison du volume du fruit, et que celui du Téton de 
Vénus est fort gros. L’une et l’autre mürissent à la fin de sep: 
tembre. 

17. Petite Mignonne (Duh.). L'arbre qui la donne est un 
peu plus srand , plus fertile que le précédent , et presque 
aussi délicat. Ses feuilles sont étroites, bordées de petites 
dents, et munies de glandes réniformes ; sa fleur est petite, 
peu colorée; son fruit, d’un beau rouge tendre marqué de 
petits points toujours bien arrondis, varie en grosseur de- 
puis 27 jusqu’à 40 millimèt. de diamètre, et son sommet est 
ou aplatiou muni d’un mamelon aigu ; la chair, blanche, en 
est fine , fondante ; l’eau sucrée et délicieuse. Cette excel- 
lente pêche mürit dans le commencement d’soût, et se con- 
serve long-temps sur larbre, mais elle y devient molle. 

48. Chevreuse tardive (Duh. ). Le pècher qui la produit 
est sans contredit le plus fertile de tous. Ses feuilles sont 
bordées de petites dents et munies de grosses glandes réni- 
formes ; sa fleur est petite et peu colorée. Le fruit est très 
duveté, allongé, souvent bosselé et irrégulier jusque vers 
le 20 août ; à cette époque, sa chair se forme, il s’arrondit, 
commence à se colorer d’un rouge vif qui passe ensuite au 
rouge pourpre foncé du côté du soleil; enfin sa maturité ar- 
rive presque subitement du 15 au 30 septembre. Cette pè- 
che, ayant la chair bien fondante et l’eau très vineuse , doit 
être placée au rang des meilleures espèces. 

49. Pourprée tardive (Dubh.). Ce pêcher se reconnaît à ses 
feuilies crépues en automne, et sarnies de glandes qui sont 
grosses et réniformes. Sa fleur est petite et peu colorée. Le 
fruit en est très velouté, de moyenne grosseur, assez arrondi, 
d’un beau rouge du côté du soleil; mais dans ies années froi- 


LÀ POMONE FRANÇAISE. 278 


des il se colore à peine en dehors , quoique sa chair soit très 
rouge autour du noyau. C’est la meilleure pèche du com- 
mencement d'octobre. 


FRÜITS À DUVET DONT LA CHÀIR ADHÈRE AU NOYAÜ. 


20. Pavie Madeleine. On est convenu d’appeler Pavié 
toute pèche couverte de duvet et dont la chair adhère for- 
tement de toutes parts au noyau. Les Pavies, trèsestimées en 
Italie et aux États-Unis d'Amérique, le sont peu et ne mé- 
ritent guère de l’être aux environs de Paris , où la tempéra- 
ture n’est pas assez constamment élevée pour leur donner 
toutes les qualités qu’elles acquièrent dans les provinces 
plus méridionales (1). La Pavie Madeleine est celle qui mü- 
rit le mieux à Paris. Son arbre a le bois gros, les feuilles 
srandes , d’un vert foncé, dénuées de glandes et garnies 
de grandes dents; sa fleur est grande et très pâle; le 
fruit est bien arrondi, de moyenne grosseur, tout blanc, 
ou légèrement nuancé de rose du côté du soleil ; la chair en 
devient fondante et l’eau assez sucrée dans la parfaite matu- 
rité, qui arrive en septembre. Duhamel lui trouve l’eau vi- 
neuse et le noyau petit. 

21. Pavie de Pomponne. Cet arbre est très #rand, d’une vé- 
sétation vigoureuse, à feuilles finement dentelées et munies 
de glandes réniformes ; la fleur en est grande et très belle. 
Cette pèche est la plus grosse et la plus belle de toutes celies 
qui nous sont connues ; elle a communément de 7 à 8 cen- 
timètres de diamètre , se termine presque toujours par un 
gros mamelon droit ou courbé, et se colore du plus beau 
rouge du côté du soleil ; sa chair est très ferme, et son eau 


(1) Aux Etats-Unis, où l’on fait de l’eau-de-vie de pêches, on a reconnu que 
les pavies fournissent plus d’alcool. 


18 


274 LA POMONE FRANCAISE. 


vineuse vers le 15 octobre , époque à laquelle on est obligé 
de la cueillir pour la préserver des gelées. 

29, Pavie jaune. (Duh.). Ce pècher a les feuilles finement 
dentelées et les glandes réniformes ; sa fleur est petite. Son 
fruit est très beau; il atteint jusqu’à 75 millimètres de dia- 
mètre, devient jaune en dehors et en dedans long-temps 
avant l’époque de sa maturité, qui arrive vers la fin de sep- 
tembre. 


FRUITS LISSES DONT LA CHAIR QUITTE LE NOYAU. 


23. Péche Déprez (1) (Poit.). M. Noiïsette, habile cultiva- 
teur, a rapporté ce pècher du Brabant en 1808. C’est une 
espèce délicate, peu multipliée, qui a les feuilles finement 
dentelées et muniesde s#landes réniformes ; les fleurs ensont 
grandes et assez pâles ; le fruit est lisse, de moyenne 9#ros- 
seur, arrondi ou un peu allongé, blanc d’abord, et tirant un 
peu sur le jaune à l’époque de sa maturité, qui arrive dans 
la dernière quinzaine d’août. Cette espèce a été décrite dans 
l’'Abrègé des bons fruits, par Merlet, page 24, édition de 
1667; elle se présente avec des apparences avantageuses : 
le temps et la culture en détermineront le mérite. 

24. Péche-Cerise (Duh.). Cetarbre, petit et délicat , a les 
feuilles finement dentelées et munies de glandes réniformes; 
les fleurs en sont petites et peu colorées ; les pêches, égale- 
ment petites, en sont lisses, très luisantes, terminées par un 
mamelon, et se colorent d’un beau rouge cerise du côté du 
soleil. Leur maturité arrive vers la fin d'août. Ces fruits sont 
fort jolis sur l’arbre, et c’est à peu près tout leur mérite. 


(4) Du nom de M. Déprez, juge à Alençon, auquel nous devons les premières 
notions exactes sur l'existence et la forme des glandes qui accompagnent le pé- 
tiole des feuilles dans le plus grand nombre des espèces de pêchers. 


LA POMONE FRANÇAISE. 275 


25. Petite Violette hâtive (Duh.). Cet arbre devient rare- 
ment aussi grand que celui de la Petite Mignonne. Il a les 
feuilles bordées de petites dents et munies de #landes réni- 
formes; ses fleurs sont petites; sen fruit est lisse, d'un rouge 
violet du côté du soleil ; sa chair est fine et fondante, et son 
eau sucrée et vineuse le met au rang des bonnes pêches. Il 
mürit au commencement de septembre, et précède ordi- 
nairement la Grosse Violette hâtive. 

26. Grosse Violette hâtive (Duh.). Celle-ci s'appelle Grosse 
Violette hâtive, relativement à la précédente. car elle n’est 
que de moyenne grosseur. Son arbre est srand et vigou- 
reux : il a les feuilles finement dentelées et munies de 
glandes réniformes ; les fleurs en sont petites ; lefruit lisse, 
arrondi, teint ou marbré de rouge-violet du côté du soleil. 
Les goûts sont partagés sur sa bonté. Il mürit dans le cou- 
rant de septembre. 

Cet arbre a le défaut de trop se charger de fruits; mais, 
lorsqu’on a la précaution de les éclaircir, ceux qui restent 
deviennent parfaits. La couleur foncée de ce fruit le fait 
cueillir presque toujours avant l’époque de sa maturité ; Ja 
santé de cet arbre influe aussi beaucoup sur sa qualité. 


FRUITS LISSES DONT LA CHAIR ADHÈRE AU NOYAU. 


27. Brugnon musqué (Duh.). L'arbre en est vigoureux et 
fertile. Les feuilles en sont finement dentelées et munies de 
glandes réniformes. La fleur en est grande. Le fruit, de 
moyenne srosseur, a la peau lisse, et d'un beau rouge- 
violet du côté du soleil; la chair est ferme, adhérente au 
noyau ; l’eau , abondante, est vineuse et musquée. Ce fruit 
mürit vers la fin de septembre; on doit le laisser un peu 
faner sur l'arbre ou dans le fruitier. 


276 LA POMONE FRANCAISE. 


Les meilleures espèces de pêches peuvent être divisées en 
deux classes. 


ire classe. 2e classe. 
L’Avant-Pêche blanche, La Mignonne hâtive, 
La Petite Mignonne, La grosse mignonne frisée, 
La Grosse Mignonne, L’Alberge jaune, 
La Galande, | La Madeleine de Courson, 
La Pourprée hâtive, Le Téton de Vénus, 
La Pèche de Malte, La Pourprée tardive, 
La Madeleine àmoyenne fleur, La Chevreuse tardive, 
La Bourdine, La Petite Violette, 
L’Admirable, Le Brugnon Musqué, 


La Grosse Violette hätive. La Pavie de Pomponne. 


LA POMONE FRANCAISE. 


TABLEAU ANALYTIQUE 


DES MEILLEURES ESPÈCES ET VARIÉTÉS DE PÊCHES 


CULTIVÉES DANS LES JARDINS DE PARIS ET DE SES ENVIRONS. 


Fruit duveté, 
[| dont la chair 
i| quitte le noyau. 


Fruit duveté, 
dont la chair 


Fruit lisse, 
dont la chair 


Fruit lisse, 
dont la chair 


adhère au noyau. 
| quitte le noyau. 


adhère au noyau. 


NOMS. 


Fleurs grandes. 


4 Avant-Pêche blanche. 

2 Pêche d'Ispaham 

5 Madeleine de Courson 

4 Pêche de Malte. . ... . 

5 Pêche Cardinale LS 

6 Mignonne hâtive . . . . 

7 Grosse Mignonne, B.-B. b. 

8 Grosse Mignonne frisée . 

9 Pourprée hâtive te 

10 Pêécher à fleur double . . 

11 Madeleine à moyenne fleur. 

12 Avant-Pêche jaune, Alb. j.! 

13 Admirable ° . e ° e » 

14 Galande . Sabre 

15 Bourdine. . . 

16 Téton de Vénus 

17 Petite Mignonne 

18 Chevreuse tardive. 

19 Pourprée tardive . 

20 Pavie-Madeleine 

24 Pavie de Pomponne . 

29 Pavie jaune. . ... 
Ê Pêche Déprez . 


eo » 


BÉBÉS 


BRnISISIMeISIEIBI ES) 


24 Pêche-Cerise re 
95 Petite Violette hâtive. 
26 Grosse Violette hâtive 


ete gel 1e 05 Hat enper, 2e Melo ige 
CET RER MERS LUE, * CIOTO MOT EEE EAN. APRO LEP 


{ar Brugnon musqué . . 


Fleurs moyennes. 
Fleurs petites. 


EE NL 


| 


Glandes réniformes. 


Glandes globuleuses. 
Glandes nulles. 


EEE 


CARACTÈRES ESSENTIELS, 


FSI IAI LS RIRSISIBIEl 


Bear EE 


| 


ae À 
RIRE] 


(Et Ie: 


BASS 


je Tee 


EPOQUE 
moyenne 
de 


la maturité | 


des fruits. 


Feuilles à grandes dents. 
Feuilles à petites dents. 


— 15 au 20 juil. 
— {15 septembre |} 
—,15 septembre |} 
—;Août et sept. 
—;15 octobre. 
Aer août. 

120 août. 

20 août. 

25 août. 

15 au 20 sept. 
20 septembre 
15 au 20 août|l 
15 au 20 sept.|| 
125 août. 
15 septembrel| 
10 septembre 
50 juillet. 
15 au 30 sept. 
40 octobre. | 


Chaque barre transversale indique labsence du caractère énoncé en tête de la 
olonne, 


ME 
l 


 'e JE ë 
N Ar AE 
AE 


LA POMONE FRANÇAISE. 219 


DÜ POIRIER ET DU POMMIER. 


Le poirier est un des plus grands et des plus beaux arbres 
fruitiers de notre climat; les branches en sont droites, nom- 
breuses , disposées sans confusion, le bois en est dur, très 
compacte et agréablement veiné ; il doit sa pesanteur et sa 
solidité à la quantité de sclérogène déposée contre les pa- 
rois intérieurs de ses tubes et de ses cellules. Cette sub- 
stance est la mème que le rocher qui entoure les capsules 
renfermant les pepins de la poire ; elle se fait aussi remar- 
quer sous l’épiderme de ce fruit ; elle est moins abondante 
dans certaine variétés que dans d’autres, mais toujours as- 
sez pour qu’une poire mise dans l’eau tombe au fond. C’est 
aussi la même concrètion qui enveloppe la semence des 
fruits à noyaux. Elle est étrangère à l'organisme des plantes, 
elle est amenée dans les végétaux par l’eau de la sève, puis 
concrétée et déposéeaux parois intérieures des organes creux 
et élémentaires dont est formé le tissu végétal. 

Les fleurs du poirier sont composées d’un calice charnu 
à cinq échancrures qui restent attachées à l’extrémité du 
fruit, de cinq pétales blancs, de vinst à trente étamines 
divergentes , et d’un pistil, dont les cinq styles déliés, sur- 
montés de leurs stigmates, reposent sur un ovaire qui fait 
partie du calice ; les fleurs sont portées sur des pédicules 
attachés à un pédoncule commun. 

La tige du pommier est moins élevée que celle du poi- 
rier ; les branches en sont moins élancées, quelquefois pres- 


280 LA POMONE FRANCAISE. 


que horizontales, plus nombreuses, et forment une tête ar- 
rondie ; le bois en est moins compacte, et moins bien coloré 
que celui du poirier, parce que ses cellules ne contiennent 
pas autant de sclérogène ; le tissu de la pomme, étant plus 
lâche, contenant plus d’air et de sclérogène, surnage sur 
l’eau. Les fleurs sont rassemblées en bouquet, dont toutesles 
queues sont attachées au pédoncule commun. Les étamines, 
réunies à la base, restent rapprochées ou convergentes. 
Telles sont les différences les plus remarquables entre ces 
deux arbres. Tout ce que nous aurons à dire de la eulture 
de l’un sera commun à l’autre, si ce n’est que le pommier 
doit être taillé plus court que le poirier, à cause que les 
yeux du bas des rameaux ouvrent en moins grande quan- 
tité; le tissu en étant aussi moins serré , il ne supporte pas 
de fortes amputations sans de graves inconvénients. 

Les feuilles du poirier et du pommier sont stipulées, en- 
tières, attachées sur le rameau dans un ordre alterne, par 
des queues plus ou moins longues; les bords en sont unis 
ou dentelés plus ou moins profondément ; le dehors est 
d’un vert blanchâtre , relevé de nervures fines et plus sail- 
Jantes , le dedans est lisse et un peu luisant. 

L'ovaire devient un fruit charnu succulent, terminé par 
un œil ou ombilic bordé de cina échancrures desséchées du 
calice ; il est attaché par une queue plus ou moins longue et 
grosse suivant les espèces. On trouve dans l’intérieur cinq 
capsules, ou loges séminales, rangées autour de l’axe, et 
formées de membranes minces et faciles à rompre ; quelque- 
fois on n’en trouve que quatre. Chaque loge contient un ou 
deux pepins de la forme d’une larme ;. composé de deux 
lobes, et enveloppés d’une pellicule assez dure; de certai- 
nes espèces sont sans pépins. Nul autre arbre n'offre autant 
de variétés distinguées par la forme de ses fruits, leur cou- 
leur, leur saveur, et l'époque de leur maturité. 


LA POMONE FRANCAISE. 281 


DESCRIPTION DES POMMIERS DE PARADIS ET DE 
DOUCAIN , ET DU COGNASSIER. 


Pommier de Paradis. C’est une espèce qui se reproduit 
toujours la mème par la semence. Le fruit en est petit, 
contenant peu d'acide. La tige s’élève à 55 millimètres en- 
viron et se garnit de ramilles ; les racines en sont charnues , 
très cassantes, minces et très nombreuses , restant à la sur- 
face du sol. Ce sujet, étant greffé, donne lieu à de nombreu- 
ses pousses que le vent agite, et l'arbre mal attaché au sol 
est exposé à être renversé sur le côté. On est dans l'usage 
de multiplier ce sujet par marcottes. Il serait plus solidement 
attaché au sol si on le multipliait par semence, parce qu’il 
aurait sans doute un pivot. 

Pommier de Doucain. C’est une espèce qui se reproduit 
constamment la même par la semence. Le fruit en est hâtif; 
il a la peau blanche, la chaïr douceâire, sans acide; ses 
nombreuses racines s’enfoncent dans la terre et acquièrent 
de la solidité.On est dans l'usage de multiplier cette essence 
par marcottes. Lorsque l’on greffe le pommier sur le dou- 
cain , on obtient des arbres quelquefois assez vigoureux 
pour faire croire qu'ils ont été greffés sur franc. On ne 
conçoit pas que M. Dalbret (page 173) confonde le Paradis 
avec le Doucain. Le pommier greffé sur Doucain remplace 
dans les jardins, avec beaucoup d’avantages, le pommier sur 
franc, et devient d’une étendue assez considérable, tandis que 
le pommier greffé sur Paradis reste nain, et ne s’élève guère 
au dessus d’un mètre à un mètre 33 centimètres. 

_ Cognassier. Le poirier n’ayant pas de sujets nains de son 
espèce, comme le pommier, on se sert du copnassier de Por- 
tugal pour en tenir lieu. Cet arbre s’élève peu ; le boisen est 
dur, contourné ; les rameaux minces, nombreux, diffus. Il 
porteses fruits à l’extrémité des rameaux. Le fruit enest gros, 


382 LA POMONE FRANÇAISE, 


piriforme, la peau couverte d’un duvet blanchâtre ; la chair 
en est sèche, acerbe, astringente, graveleuse au centre, 
répandant une odeur très forte et fétide. Le cognassier 
prend facilement de bouture, mais on est dans l'usage de le 
marcotter. Le cognassier ne vésête bien que dans un sol 
chaud, léger, riche et frais. Peu de terrains lui conviennent. 


NOMENCLATURE DES DIVERSES SORTES DE POUSSES DU POIRIER 
ET DU POMMIER. 


Ces diverses sortes sont : le tronc oula tige, les bourgeons 
à bois ou les rameux, les brindilles, les dards , les rosettes, 
les boutons à feuilles, les boutons à fleurs, les bourses, les 
lambourdes , les sourmands , les branches adventives , les 
branches de faux bois, et enfin les branches chiffonnes. 

Le tronc ou tige est la partie qui s élève depuis la racine 
jusqu’à la tête de l'arbre. 

Les bourgeons à bois (n° 1) sont, parmi les pousses 
de l’année, celles qui sont les plus fortes; elles prennent 
naissance sur un rameau. il arrive quelquefois que les yeux 
des bourgeons ouvrent en bourgeons anticipèés, comme dans 
le pêcher. Lorsque la sève est arrêtée , les bourgeons à bois 
sont presque tous terminés par un œil à bois, alors ils pren- 
nent le nom de rameau; d’autres fois l’œil terminal est à 
fleur, ce qui arrive plus particulièrement dans les Boyen- 
nés, la Duchesse d'Angoulème, la Madeleine, le Gracioili et 
autres. Le bois des rameaux est gros, iong, ligneux, flexible; 
les yeux dont ils sont pourvus sont allongés, éloignés les 
uns des autres, mais très rapprochés vers le sommet ; ceux 
du bas sont plats, ils sont d’abord à bois, tous sont accompa- 
gnés de deux sous-yeux supplémentaires. L’œil principal B 
de l'extrémité du rameau ouvre pour en continuer le prolon- 
sement; les autres, au dessous , ouvrent latéralement dans 
l’ordre suivant : en bourgeons, brindilles, dards, rosettes, 


LA POMONE FRANÇAISE. 283 


boutons à feuilles ; et ceux qui sont près du talon n’ouvrent 
pas, ils s’oblitèrent , en raison de la distance qui les sépare 
du bourgeon de prolongement vers lequel la sève afflue ; 
mais on peut les faire ouvrir en abrégeant cette distance, 
ce qui a lieu en raccourcissant le rameau à moitié ou au 
tiers de sa longueur. Les autres rameaux qui ont ouvert et 
qui ne sont pas nécessaires à la forme ou à la charpente de 
l'arbre sont remplacés, lors de la tailie, par de nouvelles 
productions plus fructifères , ce qui s'opère en supprimant 
ces rameaux à l’épaisseur d’un écu, c’est-à-dire qu’on laisse 
assez de bois à la base du rameau supprimé pour conser- 
ver les sous-yeux qui sont à l’insertion du rameau; c’est 
ce que Laquintinie appelle tailler à l'épaisseur d’un écu. 
Mais il fallait dire dans quel cas seulement il est bon d’en 
faire usage , et ajouter que cette épaisseur ne doit exi- 
ster qu’à la partie supérieure de la coupe, devani commen- 
cer à zéro au talon du rameau, de telle sorte que l'aire de 
la coupe vue de bas en haut offre un onglet court dans la 
partie supérieure, el enfin qu’on doit approcher la coupe 
plus ou moins près du sous-œil, suivant qu’on veut en 
obtenir une pousse plus ou moins faible. Le résultat de la 
taille à l'épaisseur d’un écu est de faire ouvrir les sous-yeux 
en rosettes , en boutons à fleurs, où en brindilles, suivant 
la volonté du cultivateur, subordonnée à l’âge et à la vigueur 
de l’arbre. Au dessous des rameaux naïssent les brindilles. 
Nous en distinguons de deux sortes : les unes naturelles 
(n° 2), qui paraissent sur un rameau qui n’a pas été rac- 
courci;, les autres accidentelles (n° 3), qui proviennent 
d'yeux qui avaient été façonnés pour devenir boutons à 
fleurs, mais que le raccourcissement du rameau a forcés à 
s'ouvrir en brindilles. Celles-ci se distinguent par des rides 
circulaires à leur base À, et par des dispositions plus pro- 
noncées à fructifier ; le bois des unes et des autres est min- 
ce , allongé, ligneux, flexible, terminé par un bouton à 


284 LA POMONE FRANCAISE. 


fleur ou à feuille, suivant l’espèce ou l’âge de l'arbre. Les 
yeux qui garnissent les brindilles sont plus saillants et plus 
rapprochés les uns des autres que ceux des rameaux; ils se 
transforment aussi plus promptement en boutons à fleurs, 
si on ne les force pas, par la taille ou autrement, à ouvrir à 
bois. Les yeux de la brindille sont aussi accompagnés de 
deux sous-yeux supplémentaires. Vers la mi-juillet on casse 
les brindilles (n° 2), au point P, à quatre ou cinq feuilles, 
ou sinon.on les raccourcit lors de la taille à 12 ou 15 cen- 
timètres, afin qu’elles puissent soutenir sans rompre et 
amener à bien les fruits qu’elles doivent porter. Les pre- 
mières fleurs sont toujours placées à l'extrémité supérieure. 
Le raccourcissement des brindilles a encore pour objet 
d’empècher les yeux du bas de s’oblitérer, et le cassement 
de disposer plus tôt que ne le ferait la taille les yeux qui 
en sont proches à se façonner à fruit , la sève étant forcée 
de se répandre et de séjourner plus long-temps pour réparer 
une fracture qu’une amputation, surtout faite à une époque 
où le mouvement de la sève est très ralenti. On ne doit ja- 
mais se servir de brindilles pour greffer. 

Au dessous des brindilles naissent les dards (n° 4): ce sont 
des boutons à fleurs que le mouvement de la sève semble 
avoir portés en avant, par un commencement de pousse. Le 
dard ne prend naïssance que sur un rameau:; il forme un 
angle presque droit avec le rameau sur lequel il croît, il 
n’a point de rides circulaires à la base comme Îles brindilles 
accidentelles ; sa longueur varie depuis 15 jusqu’à 70 milli- 
mètres. Son bois est très roide, lisgneux, et très dur sous la ser- 
pette ; il est quelquefois, après son éclosion, terminé par un 
bouton à fleur , mais plus souvent par un œil pointu d’un 
aspect épineux. Cet œil acquiert chaque année, pour deve- 
nir bouton à fleurs, un plus grand nombre de feuilles ; 
alors il s’arrondit, épanouit, et laisse après la fleur une 
bourse. Le dard se distingue encore du bouton à fleur en 


LA POMONE FRANÇAISE, ab 


ce que la base de celui-ci casse net au moindre choc, tandis 
que le dard, qui est roide et ligneux, résiste. Il a aussi à sa 
base des sous-yeux supplémentaires. Il est rare que l’on 
soit dans le cas de tailler un rameau sur un dard ; lorsque 
cela arrive, on doit raccourcir le dard Sur ses sous-yeux 
C, afin que le prolongement du rameau ne fasse pas un 
coude , qui serait très défectueux, si dans ce cas on ne re- 
tranchait pas l’œil E, qui termine la pointe du dard. Le 
raccourcissement du dard a encore lieu lorsqu'un arbre 
tiré des pépinières est tellement dégarni du bas, que l’on 
est obligé de ravaler et de supprimer toutes les pousses qui 
restent sur sa tige. Dans ce ravalement général, on rac- 
courcit les dards, afin qu’il sorte de leur insertion des 
bourgeons à bois dont on puisse tirer parti pour former 
la charpente de larbre. Enfin, lorsqu'une branche n’est 
garnie que de boutons à fleurs, on enprévient l'épuisement 
en raccourcissant un ou plusieurs dards, d’où il sort des 
brindilles ou des rosettes, etc., qui, attirant la sève sur cette 
branche, la font grossir et l’alimentent. 

Nous avons dit que presque tous les yeux qui se trouvent 
sur un rameau de poirier ou de pommier peuvent devenir 
autant de boutons à fleurs (n° 5), s’ils ne sont pas détournés 
de cette destination par la taille, ou par d’autres causes qui 
attirent sur eux une trop grande affluence de sève. Ces yeux 
se façonnent lentement, en acquérant chaque année un plus 
grand nombre de feuilles qui sont comme implantées au pour- 
tour ; elles aident sans doute à la formation du bouton, qui 
devient complète après deux ou trois années. Lorsque le 
bouton est accompagné de cinq ou sept feuilles, alors il 
épanouit. Ces feuilles concourent non seulement au per- 
fectionnement du bouton à fleur, mais chacune d’elles nour- 
rit encore l’œil qui est à son insertion. Ces yeux ainsi 
groupés forment, après l'épanouissement du bouton à 
fleur, d’autres boutons qu’on appelle bourse, partie char- 


286 LA POMONE FRANCAISE. 


+ 


nue de laquelle il sort successivement des boutons à 
‘fleurs ou des lambourdes, suivant que la sève afflue plus 
ou moins dans la bourse , ce que le cultivateur peut opérer 
à son gré. Les bourses et les lambourdes ne peuvent donc 
exister que sur un arbre qui a déjà fleuri. 

Les feuilles placées au pourtour des bourses nous parais: 
sent encore indispensables à la nourriture et au perfection- 
nement des fruits, puisque leur création précède toujours 
celle des boutons à fleurs. Ce sont ces feuilles qui élaborent 
les sucs que les fruits ont la faculté de s’approprier; c’est 
de leur nombre, et des substances aériennes dont elles s’im- 
prègnent , sous l'influence des rayons solaires, que dépen- 
dent la grosseur et surtout la saveur des fruits ; si ces feuilles 
ne recevaient qu’imparfaitement ces influences, elles n’au- 
raient à transmettre que l’eau pure de la sève, telle que les 
spongioles la préparent : dans ce cas les fruits seraient sans 
saveur; ce sont donc les feuilles encore plutôt que les fruits 
qu’il importe d'exposer à Pair libre. ; 

Le n° 6 représente un amas de bourses qui se sont for- 
mées sur l’extrémité d’un dard. La bourse est d’une nature 
molie, spongieuse, charnue, cassante. C’est pour cette rai- 
son que l’ouvrier qui taille des pyramides ou des vases doit 
avoir des manches étroites en toile, et non en laine, afin 
d’enfoncer librement le bras entre les branches sans s’ex- 
poser à casser les boutons à fleurs, surtout si la taille est 
faite tardivement. L'aspect de la bourse est écailleux; la 
quantité de ses boutons placés les uns près des autres, qui for- 
mentla bourse, la chute répétée de leurs feuilles, établissent 
chaque année une espèce de plaie et de bourrelet à leur ba- 
se, ce qui donne aux bourses l’aspect raboteux qu’auraient 
de petites écailles superposées ou représentant une vis. Il 
y à des bourses qui ont jusqu’à 27 millimètres de diamètre, 
et même quelquefois 36 ou 40. Les yeux sur la bourse 
sont plats, enfoncès et évasés ; de ces yeux naissent des bou- 


LA POMONE FRANÇAISE. 987 


tons à fleurs ou des lambourdes plus ou moins allongés, 
suivant la vigueur de l'arbre. Au dessous de la bourse 
sont agglomérés des yeux qui concourent à la formation du 
bouton à fleur; ces yeux, pointus dans leur origine , s’ar- 
rondissent et bientôt deviennent boutons à fleurs. 

Le nombre de bourses sur un arbre en constitue la fécon- 
dité ; on ne doit donc rien faire qui puisse détruire ou seu- 
lement altérer celles qui sont immédiatement placées sur 
les membres, à moins qu’elles ne soient tellement multi- 
pliées, que la branche ou le membre se trouve dépourvu de 
brindiiles ou de lambourdes, dont une certaine quantité, ré- 
partie çà et là, est nécessaire à la nourriture des bourses et 
indispensable à la circulation de la sève dans les membres 
pour augmenter leur extension. Alors, en supprimant une 
partie de la bourse en H, on obtient sur celle qui reste une 
lambourde ; si on supprime toute la bourse comme en E, on 
obtient ordinairement au dessous un bourgeon à bois, ou 
une brindille , ou un dard. Les soins les plus ordinaires à 
donner aux bourses se bornent , après la cueille ou la chute 
des fruits, à rafraîchir, au temps de la taille, avec la ser- 
petite , la petite portion charnue de la bourse à laquelle 
était attaché le fruit ; autrement cette partie pourrirait, et 
le recouvrement de la plaie, vu le tissu peu serré de la 
bourse , serait par sa lenteur préjudiciable à la bourse. Elle 
peut encore se trouver offensée lorsqu’en cueillant le fruit 
trop tôt ou maladroïtement, on enlève avec la queue une 
portion de la bourse. 

On sacrifie les bourses qui se formeraient à l’extrémité 
des rameaux, des brindilles, ou des lambourdes trop al- 
longées ; alors on attend que le fruit soit cueilli. Cette sup- 
pression a lieu pour ne point laisser se former de bourses 
trop éloignées du corps de l’arbre ou des branches, où le 
fruit est toujours plus beau et plus assuré. 

N° 7. La lambourde ne prend naïssance que sur les bour- 


288 LA POMONE FRANÇAISE. 


ses; c'est une production essentiellement fertile, presque 
toujours terminée par un bouton à fleur qui n’épanouit sou- 
vent que la seconde année après son émission. La longueur 
de cette sorte de rameau varie depuis 3 jusqu’à 50 cent., et 
même au delà ; sa grosseur semble être plus forte vers sa 
base ; son bois est roide, serré, ligneux, sa fibre courte; ilne 
casse pas net; ses yeux sont plus saillants vers l’extrémité 
supérieure et plus rapprochés que ceux desautres rameaux ; 
ils fleurissent successivement en commencant par ceux du 
sommet; souvent ceux de la base s’oblitèrent lorsqu'on ne 
raccourcit pas la lambourde; chaque œil est accompagné de 
deux sous-yeux supplémentaires. 

On peut, selon le besoin, en taillant sur une lambourde, 
obtenir une branche pour suppléer au remplacement d’une 
autre ; dans ce cas, les yeux qui sont au dessous de la taille, 
sinon le terminal, restent disposés à se façonner prompte- 
ment à fleurs. Sur les jeunes arbres on laisse épanouir le 
bouton à fleur qui termine la lambourde , quelque allongée 
qu’elle soit; mais à la taille suivante on raccourcit la lam- 
bourde à 12 à 15 centimètres de longueur. Une lambourde 
peut naître sur une lambourde ou sur une bourse, mais ja- 
mais ailleurs. La lambourde reste toujours dans des propor- 
tions modérées ; elle ne peut jamais devenir une branche 
sourmande. On ne doit point se servir de lambourde pour 
sreffer, parce que les boutons de la lambourde ont plus de 
dispositions à fructifier qu'à donner du bois. 

Nc 8. On appelle branche gourmande un rameau qu’on a 
laissé par mégarde se développer avec beaucoup plus de 
force et de rapidité que les autres. Le bois d’un gourmand 
est comprimé, son empatement est large, son écorce est 
rude, ses feuilles sont grandes et étoffées, ses yeux sont 
aplatis et plus distants les uns des autres que ceux des au- 
tres rameaux; le tissu en est peu serré et mou. En un mot, 
toutes les parties qui le composent sont plus fortes que cel- 


LA POMONE FRANCAISE. 289 


les des autres rameaux, ct plus précoces dans leur dévelop- 
pement ; d’où il résulte que la sève afflue dans ces rameaux, 
au préjudice des autres productions, qui dépérissent 
d'autant plus promptement, que le gourmand prend plus 
d'extension. 

Les arbres mal dirigés et trop contraints sont plus ex- 
posés que d’autres à avoir des branches gourmandes. On 
remarque que leur explosion a lieu le plus ordinairement sur 
le coude des branches arquées, sur le dessus des branches 
inclinées , et dans le voisinage de celles sur lesquelles la cir- 
culation de la sève se trouve obstruée. 

Les endroits où les gourmands peuvent naître étant tou- 
jours indiqués au cultivateur, c’est à lui d’y porter son 
attention, afin de prévenir les désordres qu’ils pourraient 
occasionner si on leur laissait le temps de se constituer et de 
former de larges canaux par lesquels la sève ne manque ja- 
mais d’affluer rapidement. fl lui suffira de pincer ou plutôt 
d’écraser l'extrémité du bourgeon naissant , qui pourrait, 
sans cette opération, devenir gourmand ; et si la sève ré- 
parait trop promptement la plaie faite près de l’empatement 
du bourseon, on le pincerait une seconde et même une 
troisième fois s’il le fallait , pour forcer la sève à se répar- 
tir dans les autres passages qu’on leur a laissés ouverts. 

La suppression d’un gourmand qui serait entièrement 
développé ne servirait qu’à agoraver le désordre déjà causé 
par cette production , parce qu’il resterait toujours l’action 
des fibres descendantes de ce gourmand, entre le bois et l’é- 
corce de la branche sur laquelle il s’est développé, action 
en dehors de notre portée; d’où il résulte qu’il est moins 
préjudiciable, dans ce cas, d'utiliser le gourmand en lui sa- 
crifiant peu à peu toutes les parties altérées par sa présence. 
Neus répéterons qu’un arbre dans lequel la sève est égale- 


ment répartie ne donne jamais lieu à l'explosion de bran- 
19 


290 LA POMORE FRANCAISE. 


ches sourmandes. On ne doit jamais se servir de ces braz- 
ches pour le rameau de la greffe. 

On nomme branches adventives des bourgeons qui percent 
vigoureusement au travers de l’écorce, à endroit, bien en- 
lendu, où il y a eu des yeux ou des sous-yeux qui sont res- 
tés oblitérès ; ce qui arrive fréquemment sur la tise ou sur le 
tronc des arbres dont les branches sont usées, et à l’extré- 
mité desquelles il n’y a plus de circulation : alors la sève 
refoulée fait explosion sur les germes où elle trouve moins 
de résistance à son passage. Ces sortes de rameaux sont, à 
leur début, mous et spongieux , ce qui les expose à être at- 
taqués par l’insecte qui cause les chancres. On peut cepen- 
dant, lorsqu'ils ne sont pas attaqués, tirer parti de ces pro- 
duetions pour renouveler l'arbre où elles apparaissent: mais 
il serait préférable de prévoir ces explosions en procédant 
au rajeunissement de l’arbre par la greffe en couronne. Ces 
productions adventives ont tous les caractères des branches 
gourmandes. 

On a jusqu'ici désigné sous le nom de branches de faux 
bois des bourgeons venus accidentellement sur le vieux 
bois ; ces rameaux n’ont rien qui justifie le nom qu’on leur 
a donné, puisqu'ils peuvent servir à remplir un vide, à re- 
nouveler même la branche sur laquelle ils ont pris naissance, 
et qu'ils sont d’ailleurs de nature à pouvoir être utilisés; 
c’est ce que nous nommons branches adventives. Nous n’ad- 
mettons sous la dénomination de branches de faux bois que 
lies bourgeons restés imparfaits, parce que leur émission a 
été provoquée à contre-saison et qu’ils n’ont pas eu le temps 
de s’aoûter. L'émission de ces bourgeons doit être soigneu- 
sement évitée, non seulement paree qu’il devient nécessaire 
de les supprimer lors dela taille, maïs encore par le désordre 
qu'ils causent dans toutes les productions qui les avoisinent. 

Les branches chiffonnes sont des rameaux aplatis dès leur 


LA POMONE FRANÇAISE. 291 


origine, s’allongeant obliquement etrapidement : ils donnent 
naissance à des ramilles très multipliées ; ces rameaux de- 
viennent de plus en plus incapables de soutenir le poids des 
ramilles qui augmentent chaque année à leur extrémité, 
et toujours avec d'autant plus d’exagération que le sommet 
du rameau perd de sa perpendicularité. Le poids des ramil- 
les s'accroît tellement, qu’il entraîne le sommet du rameau 
à plomb vers le sol, c’est-à-dire que la partie qui devrait 
être tournée vers le ciel est tournée vers la terre. La direc- 
tion de ce rameau étant arrivée à être diamétralement op- 
posée à ce qu’elle devrait être, la sève descendante ne peut 
plus circuler, son poids la retenant au sommet du rameau 
qui est devenu beaucoup plus bas que son insertion; ainsi, 
comme il est impossible à la sève descendante de gravir, 
elle reste dans la partie renversée du rameau, ou elle for- 
me un nodus, et une multitude infinie de petites ramilles 
courtes, chargées de boutons qui sembleraient devoir fleu- 
rir, mais qui ne produisent que des feuilles, quoique très 
nombreuses, etne donnent aucune nourriture au rameau; 
celui-ci reste toujours mince et disproportionné par rap- 
port aux productions dont il est chargé. Quant à la sève 
montante , elle ne peut atteindre le sommet du rameau 
qu’en descendant, puisque ce sommet est dirigé vers la terre 
au lieu de l'être vers le ciel. Les ramilles se multiplient et 
se prolongent comme les lambourdes sur les bourses, les 
unes au bout des autres, pendantes vers le sol; on en trouve 
qui ont pius de six pieds de longueur; dans cet état, elles 
sont le jouet des vents, qui les cassent par portion. Lorsque 
ces ramilles sont feuillées , elles offrent à une certaine di- 
stance l'aspect d’une touffe de gui plus ou moins arrondie 
ou allongée; ces sortes de productions arrivées à ce degré 
de développement ne se trouvent que sur des arbres aux- 
quels on ne donne aucun soin. Le poirier, le pommier, et 
surtout le prunier, sont sujets à cette monstruosité. Elle a 


GE LA POMONEB FRANCAÏSE. 


pour résultat une stérilité complète , et cause un grand dé- 
sat dans les arbres qui en sont affectés. Nous isnorons quel- 
le est Ia cause qui détermine dans ces bourgeons, dès leur 
origine , un vice de conformation et une fausse direction ; 
quoi qu’il en soit, c’est au cultivateur attentif à prévenir le 
développement de ces branches chiffonnes. | 

Telle est la classification que nous avons adoptée pour les 
diverses pousses du poirier et du pommier, parce qu’elle nous 
a paru plus simple et surtout plus naturelle que celle qui a 
été suivie jusqu’à ce jour, qui n’est que de convention pu- 
rement arbitraire, et par conséquent sujette à erreur. En 
effet, quelle idée nette et positive peut-on se former d’une 
branche fruitière de premier. ordre, sur laquelle il s’agit 
d'opérer différemment que sur celle de deuxième ou de troi- 
sième ordre ? Une telle désignation doit nécessairement je- 
ter de l'incertitude dans le choix de ces branches du pre- 
mier, deuxième ou troisième ordre. Cette classification 
vicieuse prive de clarté les ouvrages qui l'ont adoptée.Celle 
que nous proposons étant basée sur l’origine de chacune des 
parties qui composent l’arbre, nous espérons qu’il suffira de 
nommer une de ces parties pour trouver sur-le-champ etsans 
hésiterl’endroit où elle se trouve placée, queltraitement lui 
est applicable, et quel résultat il doit produire. Nous n'in- 
sistons sur cet objet qu'afin de démontrer l’utilité d'adop- 
ter une innovation que nous croyons nécessaire à l’intel- 
ligence de la science ou de l’art au perfectionnement 
duquel nous avons déjà contribué par de plus grandes inno- 
vations encore. Les noms dont nous nous servons dans 
notre classification sont connus depuis long-temps, nous 
leur donnons seulement une application plus directe et 
plus coordonnée. 


LA POMONE FRANÇAISE, 293 


DE LA MULTIPLICATION DES POMMIERS ET DÉS POIRIERS 
PAR SEMIS. | 


Nous considérons la multiplication du poirier et du pom- 
mier par la voie des semis et autres moyens sous deux rap- 
ports : l’un pour se procurer des sujets propres à la greffe, 
l’autre pour obtenir des variétés nouvelles et des fruits 
meilleurs que ceux que nous possédons déjà. 


DE LA MULTIPLICATION DES DIVERS SUJETS PROPRES À LA GREFFE, 


La multiplication du pommier et du poirier par la voie 
des semis, pour élever des sujets destinés à être greffés, 
demande des considérations particulières dans le choix des 
graines , dans la manière de les conserver, dans celle de les 
semer, etc. Nous citerons comme exemple la culture 
des cantons d’où les pépiniéristes tirent plus particulière- 
ment les plants de poiriers et de pommiers dits Romots. Ce 
nom est celui d’un canton du département de l'Eure qui 
paraît éminemment propice à l’éducation du plant de pom- 
mier et depoirier, comme celui de Clamart et de Fontenay- 
aux-Roses l’est aux plants de Paradis, de Doucin et de 
Cognassier. 

Nous rapporterons ici le mode de culture suivi dans je 
Romois comme un modèle pour ceux qui voudront s’y 
conformer , laissant à chacun le soin de le perfectionner. 
Les cultivateurs de ce canton obtiennent îes pépins dont ils 
se servent pour semer, de beaux fruits choisis sur des arbres 
sains et vigoureux, dont les feuilles sont larges et le bois 
peu épineux. Iis déposent ces fruits en tas, et les y laissent 
ressuyer, ou plutôt suer, pendant un mois environ ; on les 
porte ensuite sous les meules, puis au pressoir. On extrait 
les pepins du marc au moyen d’un crible, on les lave pour 


294 LA POMONE FRANÇAISE. \ 


les épurer davantage, et, après les avoir exposés à l’air et am 
soleil, onles dépose dans des baquets tenus dans un lieu frais 
et tempéré, tel qu’une écurie, un cellier ; les baquets sont 
soigneusement couverts, pour empêcher les rats ou les 
souris d'y pénétrer. 

Vers le mois de mars, on sème à la volée les pepins, comme 
on sème le blé, mais moins dru, sur une terre bien labourée 
et rendue meuble ; des hommes conduisent une herse pour 
couvrir la graine, et l’on étend ensuite sur le sol un lit de 
paille peu épais, provenant de démolition de couche ou 
autre, afin que les pluies ne battent pas trop la terre, et 
que les hâles ne la dessèchent pas. Le terrain a dû être fumé 
avec des engrais chauds, tels que colombine , poudrette, ba- 
layures des rues , etc. 

Lorsquele plant est assez fort pour être désherbé, on y pro- 
cède à l’aide de crochets à deux branches faits particulière- 
ment pour cette opération. Ces crochets ouvrent légèrement 
la terre ; ce qui fait périr les mauvaises herbes, sans nuire 
au jeune plant, dont les racines sont déjà assez profondément 
attachées à la terre. Cette opération ne doit jamais se faire 
par un temps humide , ni même lorsque la rosée est encore 
sur les feuilles ; dans ce cas, le plant serait arrêté dans sa vé- 
gétation , le blanc gagnerait tout le semis, et il serait avorté, 
parce que le jeune plant se trouverait offensé à la fois 
dans ses racines et dans ses feuilles : dans les racines en 
marchant sur la terre humide, ce qui la scelle beaucoup 
au dessous de la surface, que le crochet doit seulementouvrir; 
dans les feuilles, en arrêtant tout à coup dans la plante 
naissante les secrétions devenues très abondantes par l’ac- 
tion du soleil sur les feuilles chargées de rosée. D’après ces 
observations, il paraîtrait que le jeune plant de pommier et 
de poirier, comme celui de beaucoup d’autres plants, reste 
toujours languissant lorsqu'il éprouve des dérangements 
dès le début de sa végétation. 


LA POMONE FRANÇAISE. ge 


Si le plant est bien soigné, il aura acquis à la fin de la 
saison une hauteur moyenne de 35 centimètres à un mètre. 
Vers le mois de novembre de la même année du semis, on 
le lève entièrement pour le livrer au commerce. Si on le lais- 
sait une année de plus, il dépérirait. On fait de ce plant trois 
lots: le premier désigné sous le nom de baliveau, dont le prix 
ordinaire est de vingt-cinq à trente francs le mille; le deu- 
xième lot est désigné sous le nom de plant marchant, dont le 
prix est de douze à quinze francs ie mille ; enfin le petit plant, 
qui se vend cinq à six francs le mille. On forme des paquets 
de cent, composés de deux poignées, chacune de cinquante, 
que l’on met en tas, les racines de l’une sur les têtes de 
l’autre ; le tout est lié dans le milieu avec un osier. C’est 
dans cet état qu’il est mis dans des sacs préparés à cet usage, 
et expédiés selon les commandes. 

Le plant de cognassier, de pommier, de doucain “ de pa- 
radis, s’élève, pour l'usage des pépiniéristes des environs 
de Paris, à Clamart et à Fontenay-aux-Roses, sur des mères 
destinées à cet effet. On recèpe les mères pour faire sortir 
de leurs souches des drageons, auxquels on fait prendre 
racine en les bouturant; on entretient la terre de la 
butte toujours fraîche. Ces drageons enracinés scott en état 
d’être livrés la même année du recépage. Si on laissait le 
plant de cognassier passer lhiver sur les mères, il serait 
exposé à être gelé; c’est pour cette raison que les culiiva- 
teurs n’attendent pas que ce plant soit vendu pour, dès le 
commencement de novembre, le séparer des mères, l’étêter, 
et le mettre en règle. Le plant de cognassier et celui de 
doucain se vend ordinairement de douze à quinze francs le 
mille ; et le plant de paradis, de six à huit francs. Il paraît 
que:le terrain de Clamart et ceiui de Fontenay-aux-Roses 
sont éminemment propices à l’enracinement de ces planis. 

On peut encore se servir, pour greffer le poirier, de di- 
vers autres sujets qui sont plus ou moins favorables, suivant 


296 LA POMONE FRANÇAISE. 


la nature des terres où les arbres sont cultivés. Ces sujets 
sont l’épine blanche et le cormier. Quelques pépiniéristes 
trouvent un grand avantage à se servir du sorbier des 
oiseaux. Dans ce cas, ils commencent par greffer près 
de terre le sorbier sur épine blanche. Ils obtiennent par ce 
procédé, avec beaucoup moins de temps que s’ils élevaient 
un égrain, de très fortes tiges de sorbier, d’une grande 
visueur, et d’une très belle apparence, très lisses et sans 
nœuds, sur lesquelles ils greffent le poirier; mais comme le 
sujet ne peut communiquer sa vigueur à la greffe, ainsi que 
nous l’avons déjà vu, cette vigueur du sorbier lui devient 
même fatale, parce qu’elle surpasse de beaucoup celle du 
rameau; ainsi, ces greffes, après avoir poussé vivement 
la première année, se décollent à la troisième ou quatrième 
année au plus tard, et l’arbre périt. 


De l’éducation des plants dans la pépinière. 


Le plant de poirier et de pommier, de semis du premier 
choix, dit baiiveau, destiné à former des égrains, est raccourci 
à 22 centimètres au dessus du tronc, de manière qu’après la 
plantatio®, il n’y ait que {0 cent. dehors de terre; on ra- 
fraichit les racines. Ce plant est planté à 50 ou 55 centime- 
tres sur la ligne, les lignes espacées entre elles de 72 centi- 
mètres; les pépiniéristes regardent ces distances comme 
suffisantes pour faciliter les binages, et au besoin les labours, 
qui ne doivent avoir que 11 mètres au plus de profondeur, 
afin de ménager les racines et le chevelu. 

À la pousse, on supprime les bourgeons près du sol. Le 
traitement à observer pendant les deux première années de 
la plantation consiste dans des binages, de facon à tenir 
constamment le terrain propre, et à remplacer exactement 
les plants qui auraient manqué. 

Au commencement äu deuxième printemps, avant le 


LA POMONE FRANCAISE. 297 


mouvement de la sève, on recèpe tout le plant rez 
terre, et l’on donne ensuite un léger labour. Au temps de 
l'ébourgeonnement , vers le mois de juin , on fait choix sur 
chaque pied du bourgeon le plus fort et le mieux placé pour 
former une nouvelle tige, puis on détruit tous les autres 
bourgeons , et tous ceux qui paraîtraient vouloir pousser 
pendant le reste de la saison. 

Par l’opération du recépage , on procure aux racines une 
grande activité qui se soutient en donnant à l'arbre une 
nouvelle tige dont les tissus sont beaucoup pluslarges et plus 
perméables aux influencesatmosphériques, etqui devient dès 
l’année même du recépage plus forte que n’était l’ancienne 
tige, déjà endurcie. Ainsi le nouvel arbres’établit avec tous 
les principes de vigueur dont son espèce est susceptible ,se- 
lon que la graine a été plus ou moins bien fécondée. 

À l’époque de la nouvelle pousse, on s’occupera des opé- 
rations à faire sur la tige des égrains pour en former des 
arbres droits, élancés, à écorce lisse et sans nœuds. Îl de- 
vient nécessaire, avant de commencer aucune opération, 
de connaître comment se forme naturellement la tige des 
arbres. Nous remarquerons d’abord que l’œil terminal de la 
tige, destiné à former son prolongement , a été façonné par 
la nature spécialement pour cet objet, et qu’il est placé de 
manière à s'élancer avec force verticalement ; que les yeux 
latéraux qui sont au dessous se trouvent d'autant plus rap- 
prochés les uns des autres qu’ils sont plus près de l'œil ter- 
minal. Tous ces yeux ainsi rapprochés garnissent la partie 
la plus mince de la tige , mais qui acquerra bientôt , par le 
développement de ces mêmes yeux, une grande ampleur. 
En effet, lorsque ces yeux commenceront à s'ouvrir, leurs 
fibres descendantes s’allongeront entre le bois et l’écorce de 
la tige ; ils s’y convertiront en bois, ausmenteront très sen- 
siblement son volume, et formeront une base large et so- 
lide à la flèche, pendant qu’elle s’élance verticalement. D'un 


298 LA POMONE FRANÇAISE. 


autre côté, les fibres ascendantes de ces mêmes yeux forme- 
ront des bourgeons latéraux très rapprochés, affectant une 
direction plus ou moins horizontale suivant les espèces. Si 
alors on laisse croître librement les deux ou trois premiers 
bourgeons qui sont au dessous du terminal, ils acquerront 
une force à peu près ésale à celle de la flèche ; dans ce cas 
leur suppression, qui devient nécessaire lors de la taille, 
occasionne de larges plaies sur latige de l'arbre. On évitera 
ce grave inconvénient en pinçant de très bonne heure ces 
deux ou trois premiers bourgeons, afin d'en arrêter l’en- 
tier développement, et de faire tourner lasève qu’ils eussent 
absorbée sans cette précaution au profit de la flèche et des 
bourgeons inférieurs. 

Il résulie de ces observations que nous avons très peu de 
chose à faire pour seconder la nature dans le développement 
de la tige des arbres , puisqu'il suffira de s’abstenir de rem- 
placer par la taille ou autrement l’œil terminal de la flèche, 
à moins qu'il ne lui soit arrivé quelque accident, ce qui re- 
tarderait et dérangerait beaucoup l’organisation de la tige. 
Nous remarquerons en passant que la nature opère de même 
pour le prolongement des branches ; mais que, loin d'aider 
ce prolongement naturel dans les arbres greffés , nous le re- 
tardons et le restreignons, afin de les garnir de fruits égale- 
ment dans toute leur longueur, à mesure que nous permet- 
tons à ces branches de s'étendre : ainsi là nous aidons la na- 
ture en secondant ses penchants , et iei nous la contrarions 
pour servir également nos jouissances. C’est au cultivateur 
intelligent à savoir employer à propos l’art ou la nature. Il 
est donc nécessaire avant tout qu’il connaisse la marche 
que suit la végétation des plantes qu’il prétend gouverner. 

À la fin d'octobre on supprimera sur la tige des égrains 
les bourgeons qui seraient trop près les uns des autres. Gette 
suppression doit se faire avec beaucoup de soin, en temps 
opportun , ef de manière à ce que les plaies se recouvrent 


: LÀ POMONE FRANÇAISE. 999 


facilement, sans cependant approcher le taillant de la ser- 
pette trop près de la tige. La distance que l’on doit observer 
est marquée par un ride qui est à la base du rameau; la 
coupe, sans attaquer ce ride, sera parallèle à la tige de 
l'arbre, afin que le recouvrement s'opère épalement. Nous 
appelons cette opération dégorgement, qui doit toujours 
ètre précédé , ainsi que nous lavons vu, du pincement, 
afin d'augmenter d’une part la force de la flèche, et de l’au- 
tre de diminuer la largeur des plaies occasionnées par la 
suppression des bourgeons pincés. S'il arrivait qu'un bour- 
geon surpassät en force la flèche, ül faudrait couper la flè- 
che à 15 ou 18 cent. de longueur et ramener le bourgeon 
dans la direction verticale en liant par un osier le bourgeon 
coupé à la nouvelle flèche; bien entendu qu'on interposera 
un Corps étranger entre l’osier et la flèche pour ne point 
loffenser. L’année suivante, on retranchera tout à fait le 
bourgeon ainsi raccourci. 

À mesure que le jeune égrain s'élève ainsi naturellement 
d'année en année, la sève se porte toujours avec plus de 
force dans le haut et abandonne les rameaux du bas, qui 
languissent, se dessèchent, ei finissent par périr. Nous préve- 
nons ce dépérissement en supprimant chaque année, au temps 
de la taille ; de distance en distance, le long de la tige, les 
plus forts rameaux, et en raccourcissant les autres à 10 ou 
12 centim. , afin d'attirer la sève et de faire grossir l’ar- 
bre. On fera peu à peu disparaître ces rameaux en les 
retranchant près du corps de l'arbre; je dis près, parce 
qu’alors le bois supprimé et celui de la tige sont bien 
formés. La coupe sera nette, et faite de facon à ce que les 
plaies que ces suppressions occasionnent puissent se recou- 
vrir promptement ; que l'écorce de la tige soit lisse, claire, 
et exempte de noûus au moment où ces arbres seront en 
état d’être transplantés ou livrés au commerce. 

La quatrième année après le recépage, ces arbres ainsi 


300 LA POMONE FRANCAISE. 


conduits doivent avoir acquis assez de corps et assez de dé- 
veloppement pour être tous également rabattus à une hau- 
teur de 2 mètres 30 cent. à 2 mètres 60 cent. sous tête. 
Toute la pièce doit être débarrassée la septième ou hui- 
tième année au plus après la plantation, pour peu qu’elle 
ait été bien travaillée. 

Ces arbres non greffés, désignés sous le nom d’égrains, 
sont destinés à être plantés dans les champs, en ligne , sur 
le bord des routes ou dans les vergers. On les greffe ensuite 
la seconde ou la troisième année après leur transplantation, 
lorsque les racines sont bien attachées au sol. On préfère 
greffer les égrains hors de la pépinière , parce que l’ob- 
servation à fait connaître qu’un arbre greffé, étant trans- 
planté, s'attache moins bien au sol par ses racines qu'un 
sauvageon, et qu’il ne donne jamais par la suite d'aussi 
bons résultats. En effet, le tissu dilaté des écorces de la 
greffe, étant disposé dans les conditions les plus favorables 
à recevoir une grande quantité de sève, se trouvant resserré 
par l'effet de la transplantation, cette contraction dans la 
jeune greffe influe sur toute son organisation à venir. 

Le poirier étant plus délicat et plus lent à se former que 
le pommier, il faudra laisser subsister une plus grande quan- 
tité de brindilles le long de la tige afin de la faire grossir. 
On réglera aussi avec plus de soins les dimensions de la tête, 
qu’il ne faut pas laisser s’emporter et sortir des proportions 
qu’elle doit avoir avec le corps de l'arbre. La tige d’un 
égrain, pour être bien constituée , doit avoir à sa base 14 à 
16 centim. de circonférence , et 10 à 12 centim. à la hau- 
teur de 2 mètres. 


LA POMONE FRANÇAISE. 304 


De l'éducation, dans la pépinière, du plant de poirier de semis 
de second et de troisième choix, pour y étre greffé, et y 
former des demi-tiges , des quenowlles, et des nains ou 
buissons. 


On n’est point dans l’usage d'élever dans les pépinières du 
plant de pommier de semis du second choix pour y être 
greffé, parce que le pommier sur franc pousse trop vigou- 
reusement dans les jardins, et d’ailleurs ne supporte pas 
sans de oraves inconvénients des tailles multipliées. 

Quant au poirier de semis du second choix, que les pé- 
piniéristes destinent à former des demi-tiges , des quenouil- 
les et des nains, après avoir raccourci le plant à 22 cent. 
de hauteur au dessus du tronc et rafraîchi les racines, ils le 
plantent à 50 ou 55 centim. de distance en lignes, les li- 
gnes espacées entre elles de 80 centim. Ces distances peu- 
vent suffire pour élever à la manière des pépiniéristes des 
demi-tiges et des quenouiiles, qui ne peuvent être, comme 
nous le verrons, de nul usage pour ceux qui se les procu- 
rent. Il faudrait planter à 80 centim. en tous sens, afin de 
pouvoir élever des arbres propres à former des pyramides, 
des vases, des éventails, des palmettes ; mais les pépinié- 
ristes, après avoir planté, comme nous l’avons dit plus haut, 
s’occupent, lors dela pousse, de supprimer les bourgeons qui 
sont trop près de la terre. Le seul traitement qu’ils obser- 
vent pendant les deux premières années après la plantation 
consiste dans des binages de façon à tenir le terrain propre, 
et à remplacer très exactement les plants qui auraient man- 
qué. 

Au commencement du deuxième printemps après la plan- 
tation, avant le mouvement de la sève, on recèpe tout le 
plant rez terre, et on donne ensuite un léger labour. 
Au temps de l’ébourgeonnement, vers la mi-juin, on fait 


302 LA POMONE FRANCAISE. 


choix , sur chaque pied , du bourgeon le plus vifetle mieux 
placé pour former une nouvelle tige , puis on détruit tous 
les autres bourgeons et tous ceux qui voudraient paraître 
pendant le cours de la saison. 

L'année suivante, au temps de la taille, on raccourcit 
toutes les tiges à 40 ou 50 centimètres de hauteur, plus ou 
moins, suivant leur force. Pendant le cours de la végétation 
on ébourgeonne les pousses qui paraïtraient au dessous de 
l'endroit où l’on se propose de placer les écussons, que l’on 
pratique à œil dormant vers la mi-juillet, à 6 ou 8 cent. au 
dessus du sol. On a soin, avant l'hiver, d’enlever toutes les 
laines qui enveloppent les écussons. 

Au commencement du printemps, avant le labour, on ra- 
bat toutes les tiges ou sujets à 8 centim. environ au dessus 
de l’œil des écussons qui ont réussi, et on place les échalas. 
À la pousse, on attache le bourgeon de la greffe après la 
tige du sujet ainsi raccourci, afin qu’elle ne soit pas décol- 
liée par les vents. Plus tard on place des tuteurs pour maïin- 
tenir le jet des greffes dans une direction verticale. 

Au printemps suivant, le pépiniériste rabat le jet des plus 
fortes greffes à 1 mètre 32 cent. pour en former des demi- 
tiges, et les moins fortes à 1 mètre ou 1 mètre 15 centimèt. 
de hauteur pour en former des quenouilles ; le reste des 
greffes qui ont peu poussé sont rabattues selon leur force 
pour en faire des poiriers nains. À la pousse , la sève se porte 
vers la tête des demi-tiges et vers le sommet des quenouilles 
ainsi raccourcies, dont les yeux du bas s’oblitèrent d’autant 
plus qu’ils sont plus éloignés de l’œil terminal sur lequel on 
a raccourci les tiges; il en résulte que les yeux du bas, si 
précieux pour former la base de la charpente de ces mêmes 
arbres lorsqu'ils seront plantés dans nos jardins, s’éteignent 
tout à fait par le manque d’air, dont les prive le feuillage 
touffu des demi-tiges, des quenouilles ou des nains, tous 
pêle-mêle dans la mème pièce de terre , car c’est la force ou 


LA PONONE FRANÇAISE. 305 


la faiblesse de chaque individu qui en détermine le classe- 
ment. 

Si le pépiniériste, au lieu de donner une première taille 
aussi allongée sur les tiges, les eût raccourcis à 30 ou 32 
centimètres de hauteur, pour faire ouvrir les yeux du bas en 
autant de bourgeons latéraux, afin de commencer ainsi 
- la charpente du nouvel arbre telle qu’eïle devrait ètre, 
ces bourgeons n’eussent pas trouvé de place sur les côtés 
pour s'étendre ; c’est pour cette raison que nous avons 
indiqué qu’il fallait planter les sujets dans la pépinière à 80 
centimètres de distance en tous sens. Mais le pépiniériste 
n’eût pu faire entrer sur 6 mètres 50 centimètres carrés que 
64 sujets au lieu de 96; d’où il résulte que son intérêt le 
porte. à nous livrer à un prix modique, il est vrai, 
des arbres absolument contraires à ce qu’ils devraient 
ètre; et si à cette cause de détérioration des arbres on 
ajoute que les quenouilles élevées dans les pépinières sont 
le second choix d’un plant qui est lui-même le second 
choix de tout un semis, on comprendra qu'il est impossi- 
ble qu'en nous procurant de tels individus, nous puissions 
former de beaux arbres dans nos jardins. 

Quant aux poiriers dit nains, qui ne sont nains que parce 
qu'ils sont le rebut de ce dernier choix, ils viendront aug- 
menter, lors de la vente, ie nombre des arbres détériorés 
mis chaque année en circulation. 

Ces arbres ainsi traités sont mis en vente la deuxième et 
la troisième année de la pousse de la greffe. Nous pensons 
que les arbres très jeunes qui ont des dispositions à se mettre 
promptement à fruits, ou qui fleurissent dans les pépinières 
malgré la richesse du terrain, pourraient avoir été preffés 
sur des sauvageons de poiriers de troisième choix, ou sur 
des Cognassiers, avant que ceux-ci ne fussent assez forte- 
ment attachés au soi. Nous fréquentons souvent une pépi- 
nière aux environs de l'habitation que nous occupons, dans 


30: LA POMONE FRANCAISE. 


laquelle le pépiniériste récolte chaque année pour ure 
somme assez considérable de fruits. Cette récolte lui vaut 
encore beaucoup d’acquéreurs, qui s’imaginent jouir très 
promptement en achetant des arbres qui se montrent aussi 
fertiles. Tous les cultivateurs savent qu’un jeune arbre sain 
et bien organisé, sauf quelques espèces, doit d’abord pous- 
ser beaucoup de hboïs, et que si au contraire il commence 
par se mettre à fruit dans la pépinière , ou aussitôt qu'il en 
est sorti, c’est le signe le plus évident que l’organisation de 
cet arbre est vicieuse, qu’il est déjà languissant , et le de- 
viendra toujours de plus en plus, quelques soins qu’on lui 
prodigue, mème en restant dans la pépinière, à plus forte rai- 
son lorsqu'il est transplanté ailleurs. Nous avons connu des 
propriétaires assez étrangers à la marche que doit suivre la 
végétation d’un jeune arbre pour s’applaudir d’avoir des 
fruits sur de jeunes arbres plantés l’année même. Nous es- 
pérons que ces personnes ne nous sauront pas mauvais gré 
de n'avoir pas plus tôt détruit leur illusion à cet ésard; elles 
comprendront sans doute qu'il eût fallu appuyer nos conseils 
de tous les raisonnements que nous venons d'exposer, ce 
qui les eùüt fatisuées sans peut-être les persuader, tandis 
qu’elles peuvent maintenant commenter à loisir nos raisons 
écrites dans leur intérêt, et s'assurer jusqu’à quel point 
elles sont fondées. , 
Nous avons encore à nous occuper de la manière dont on 
traite le plant de semis de poirier de troisième choix. Ce 
plant, qui en bonne culture devrait être rebuté, est mis en 
rigole à 12 ou 14 centimètres de distance, les rigoles es- 
pacées entre elles de 32 centimètres. Ce petit plant reste en 
rigole pendant deux ans, puis on le lève pourle planter en 
ligne dans la pépinière. On comprend que Pemploi que l’on 
fera de ce plant arriéré dans son développement ne pour- 
ra qu'augmenter le nombre des arbres défectueux mis dans 
le commerce. Il peut cependant arriver que des graines bien 


LA POMONE FRANCAISE. 305 


conditionnées se soient mal développées, parce qu’elles au- 
ront été semées trop dru, dans ce cas le plant provenu de 
ces graines ne serait pas complétement vicié, mais il se res- 
sentirait toujours d’avoir souffert dès le début de son 
développement, et par cette seule raison il devrait être ré- 
formé par tous ceux qui ont l'intention d'élever des arbres 
vigoureux. R | 

Plus nous observons, et plus nous sommes convaincu que 
nous ne nous sommes point mépris lorsque nous avons at- 
tribué la rareté des beaux fruits à la détérioration des ar- 
bres ; mais nous n’avions pas aussi bien jugé la cause de cette 
détérioration en l’attribuant à des maladies naturelles, tan- 
dis qu’elle n’est que l’effet des mauvais traitements de l’hom- 
me, qui, pour propager les variétés par la greffe, s’est servi 
de sujets avortés, provenant de graines elles-mèmes avortées 
ou mai conditionnées. C’est en voulant étudier à fond l’art 
du pépiniériste que nous avons trouvé réuni dans une seule 
pépinière toutes les causes de détériorations portées à un si 
haut degré, que nous n'avons pu les méconnaïtre. Ce sont 
ces mêmes causes que nous venons de signaler. C’est surtout 
aux propriétaires qui ont renoncé à faire cultiver le poirier 
sur leur habitation à se convaincre par eux-mêmes de la 
vérité de nos assertions en faisant planter des sujets de 
poiriers de semis du premier choix, dits baliveaux, dans la 
place mème où ils veulent avoir des arbres, afin de les yfaire 
greffer; bien entendu que le terrain aura été défoncé pro- 
fondément ; et lorsque leur expérience aura fait adopter ce 
mode peu dispendieux de plantation, il n’y a pas de doute 
qu'avant peu, tous les jardins seront garnis d'arbres sains 
et vigoureux , parce qu'il n’est aucun propriétaire qui en- 
tende assez mal ses intérêts pour choisir du plant de seconde 
et troisième qualité, au lieu de prendre celui de premier 
choix. 

Quant à la grande vigueur des arbres ainsi établis, et dont 

20 


306 LA POMONE FRANÇAISE. 


se plaindront peul-être quelques jardiniers ignorants qui ne 
savent pas en tirer parti, ils trouveront dans la Pomone les 
moyens d'employer cette vigueur à produire des récoltes 
abondantes, tout en laissant les arbres prendre l’entier de- 
veloppement dont ils sont susceptibles, ou en les restreisnant 
dans des limites possibles, mais toujours en produisant d’a- 
bondantes récoltes. 


De l'éducation, dans la pépinière, du plant enraciné de 
Cognassier. 


Les pépiniéristes, après avoir raccourci le plant de co- 
gnassier à 22 centimètres au dessus du tronc, le plantent à 
36 centimètres de distance sur la ligne , les lisnes étant es- 
pacées de 66 centimètres. Cette distance n’est pas suffisante, 
elle devrait être de 65 centim. sur 80. 

À la pousse , on ébourgeonne, et l’on fait choix du bour- 
geon le plus vif et le plus près du sol, pour former une tige; 
vers la fin de juin, on rabat le plant sur cette nouvelle tige. 

Au printempssuivant, on raccourcit la tige à 32 ou 40 cen- 
timètres, suivant sa force. 

À la pousse, on ébourgeonne pour préparer la place de 
l’écusson, que l’on pose à œil dormant , vers la mi-juillet, 
à 6 ou 8 centimètres au dessus du sol; puis on à soin de 
relever les bourgeons qui sont au dessus de la greffe, pour 
les attacher tous ensemble avec un osier, afin que l’œil de 
l’écusson recoive l’air qui est nécessaire à son adhésion au 
sujet. 

Au printemps suivant, on rabat les sujets à 8 centimètres 
au dessus de l’œil des greffes qui ont réussi. 

À la pousse, on attache le jet des greffes au sujet d'abord, 
puis à des échalas pour les maintenir droits, et pour les 
préserver d’être décollés par les vents. Bien entendu que l’on 
détruira tous les bourgeons qui viendraient à pousser. 


LA POMONE FRANCAISE. 307 


L'année d’après la pousse de la greffe, les pépiniéristes 
rabattent les tiges les plus vigoureuses à un mètre 33 centi- 
mètres de hauteur, pour en former des demi-tiges; ils rabat 
tent les autres à un mètre ou un mètre 15 centimètres de 
hauteur, pour en former des quenouilles, et ceux qui ont 
le moins bien poussé sont rabattus suivant leur force, pour 
en fermer des nains; et au printemps suivant, le pépinié- 
riste donne encore une taille très allongée aux rameaux 
formant la tête des demi-tiges et celle des quenouilles. Nous 
avons déjà dit en quoi la conduite des pépiniéristes est vi- 
cieuse à cet épard. À l’automne suivant, c’est-à-dire trente 
mois après la pousse de l’écusson, ces arbres sont mis en 
vente. Nous avons déjà dit que l’on ne devait s#reffer le coi- 


snassier que lorsqu'il était très fortement attaché au sol par 
ses racines. 


De l'éducation, dans la pépinière, du plant enraciné 
des pommiers de Doucain et de Paradis. 


Lorsque les pépiniéristes recoivent le plant enraciné de 
pommier paradis et de doucain, ils le rabattent à 20 ou 
22 centimètres au dessus du tronc, et plantent les pieds à 45 
ou 50 centimètres l’un de l’autre sur la ligne, les lignes 
étant espacées de 65 centimètres. 

A la pousse, on ébourgeonne le sujet, afin de préparer la 
place où doit être posé l’écusson que l’on pratique sur le 
vieux bois, vers la mi-juillet, à œil dormant, à 6 ou 8 cen- 
timètres au dessus du sol. Si la saison n’avait pas été favo- 
rable, et que la sève ne füt pas abondante, on remettrait 
l’opération de la greffe à l’année suivante. On retire avant 
hiver les laines qui assujettissent les yeux de la greffe. 

Au printemps suivant, on rabat les sujets à 8 centimètres 
au dessus de l’œil des greffes qui ont réussi ; à la pousse, on 
attache le bourgeon de la greffe au sujet. Si les greffes pous- 
sent vivement, on leur donne des tuteurs. 


308 LA POMONE FRANCAISE. 


L'année d’après la pousse de la greffe, on rabat le jet des 
pommiers paradis à 24 ou 28 centimètres au dessus de son 
insertion , et les jets de pommier doucain à 40 ou 50 centi- 
mètres, pour former des pyrades. 

La troisième ou quatrième année après la plantation D 
ces plants, les arbres sont exposés à la vente. 

Après avoir suivi avec détail toutes les opérations qui se 
pratiquent dans la pépinière , il s'ensuit que nous venons de 
voir que quatre causes principales doivent nécessairement 
contribuer à la détérioration des arbres de l'espèce du poi- 
rier, savoir : 

1° La sreffe sur cognassier, parce que la végétation du 
poirier ainsi greffé devient languissante, étant contrariée 
par celle du cognassier, qui n’est pas de la même nature, à 
beaucoup d’égards. 

20 Le tort que l’on a de toujours greffer le poirier sur des 
semis de deuxième et troisième qualité, moins vigoureux 
que les autres, ce qui doit produire des arbres qui tendent 
à la dégradation. 

3° La mauvaise habitude où l’on est de raccourcir le jet 
de la greffe vers son sommet a l'inconvénient d'attirer une 
affluence extraordinaire de sève vers cette partie, au préju- 
dice du bas, où les yeux s’annulent, les canaux séveux s’0b- 
litèrent, les écorces s’endurcissent; et la force des bourgeons 
du sommet de ces arbres ne pouvant se soutenir, ils dépéris- 
sent. Mieux vaudrait encore laisser croître le jet de la greffe 
que de le raccourcir ainsi vers son sommet, tandis que, si 
au contraire on eût raccourci ce jet à 30 ou 35 centimètres 
au dessus de l'insertion de la greffe, tous les yeux qui sy 
trouvent eussent ouvert, les fibres descendantes de ces bour- 
seons eussent formé du larves et nombreux canaux à la 
sève, les écorces se fussent ditatéts, et l'arbre eût eu dès sa 
base tous les principes de vigueur dont sa nature le rend 
susceptible, 


LA POMONE FRANÇAISE. 309 


âo La nécessité de toujours prendre des rameaux pour la 
greffe, sur des arbres ainsi élevés, souffrants, dérangés dans 
leur organisation, ce qui doit en propager tous les vices ; 
on sait que par la greffe on perpétue les mauvaises aussi 
bien que les bonnes qualités de l'arbre sur lequel on a pris 
le rameau, et que même un rameau pris sur un arbre dé- 
crépit, et porté sur un jeune et vigoureux sujet, produit la 
caducité. | 

Nous avons déjà dit que des arbres plantés dans un même 
terrain, et qui ne vépétaient pas aussi vivement que les au- 
tres , restaient toujours languissants, tels soins qu’on leur 
donnât ; enfin, qu’il était plus profitable de les réformer que 
de vouloirlesutiliser. Ceci est une véritéreconnue depuistrès 
long-temps : Laquintinie faisait arracher immédiatement, 
pour les remplacer, tous les arbres, dans les jardins du roi, 
qui lui paraïissaient tant soit peu languissants. L'expérience 
lui avait appris que ces arbres restaient toujours à peu près 
au même point. Ceci est fondé sur ce que tous les sujets ne 
sont pas doués des mêmes principes de vigueur, surtout 
dans les arbres de semis. Ces principes de vigueur ou de 
lansueur que recèle chaque arbre s’annoncent dès leur 
jeunesse ; c’est pourquoi, dans le même semis de pommier 
ou de poirier, le plant d'élite se paie trente-six francs le 
mille , celui de second choix quinze francs, et le reste, qui 
ne devrait être que du plant de rebut, se vend encore cinq 
ou six francs le mille. L'emploi de ce dernier plant par les 
pépiniéristes contribue, dans une trèssrande proportion, à 
auÿmenter chaque année le nombre des arbres vendus qui 
ne peuvent croître, sans cependant mourir tout à fait; ce 
- quiest plus dommageable, parce qu’ils occupent inutile- 
ment le terrain pendant tout le temps que le propriétaire 
met à se décider à les remplacer, se flattant toujours, mais 
vainement, que ces arbres, à force de soins, finiront par 
pousser. 


310 LA POMONE FRANÇAISE. 


Nous avons lieu de regretter plus que jamais de n'être 
pas encore parvenu à propager par bouture les arbres frui- 
tiers, notamment le poirier, comme on propage dans les 
serres à boutures les camellias, les rosiers, etc. Ce mode de 
propagation conserverait dans toute leur pureté non seule- 
ment les variétés de fruits, mais aussi les arbres, que la 
greffe tend à détériorer. Il appartient aux sociétés d’horti- 
culture d'apprécier les avantages qui pourraient résulter de 
ce mode de propagation, et de proposer des prix pour l’en- 
courager. | 

On peut remarquer que sur un certain nombre de boutu- 
res très peu sont susceptibles d’être réformées faute de vi- 
gueur ; d’ailleurs il suffit qu'une plante bouturée ait émis 
des racines pour que ces racines continuent de croître et de 
se multiplier, étant convenablement plantées. Îl n’en est pas 
ainsi du plant d’arbres de semis : peu sont susceptibles d’être 
du premier choix, beaucoup sont à rebuter; c’est-à-dire 
tout ce qui n’a pas poussé vivement doit être rebuté, parce 
que le défaut de vigueur provient ici des qualités de la 
graine , plus ou moins bien fécondée, et d'autres causes en- 
core , qui font que les soins les plus recherchés ne peuvent 
changer la nature première de ces individus, qui, étant pris 
pour sujets par les pépiniéristes à cause de leur bas prix, 
ne peuvent jamais former, étant greffés, que des arbres 
rachitiques. Quoique le plant de Cognassier ne-soit pas dans 
les mêmes conditions que celui de semis, il n’en est pas 
moins vicié comme sujet, parce qu'il a le très grave incon- 
vénient ne n'être pas de la mème espèce que les greffes, 
qu’il de réussit que dans certaines terres, et enfin qu’on le 
fait avorier en g#reffant ce plant presque toujours avant 
qu'il soit assez fortement attaché au sol. Du reste, nous avons 
vu que les greffes faites sur ces sujets ne sont pas mieux 
traitées dans les pépinières que les autres. 

Ïl est remarquable que depuis que les pépinières très an- 


LA POMONE FRANÇAISE. 311 


ciennement établies se sont confondues avec les nouvelles, 
et que celles qui avaient été fondées et cultivées par les 
ordres religieux on disparu, ont ne trouve plus, pour 
planter les jardins en arbres fruitiers, que des poiriers 
dépourvus de la vigueur qu’ils devraient avoir, soit dans 
le sauvageon , soit dans la greffe, et le plus souvent dans 
tousles deux. Faut-il s'étonner que le poirier, aussi mal 
traité depuis si long-temps, soit arrivé à ce degré de dété- 
rioration, qu'il est très rare d’en trouver dans nos jardins 
qui n'aient pas dès leur jeunesse des dispositions à se cou- 
ronner, c’est-à-dire à perdre leurs feuilles d’abord par les 
extrémités supérieures des rameaux avant de les avoir per- 
dues par le bas, et cela plus hâtivement d’année en année; 
ii n’est pas rare de voir des arbres dont les extrémités 
soient dépouillées de leurs feuilles dès le quinze de juillet , 
et même plus tôt: aussi es arbres ne peuvent ni s'étendre 
ni produire, leur végétation est désorganisée, car dans 
l'ordre naturel les dernières feuilles venues devraient être 
les dernières à tomber. 

Les pépiniéristes sont comme entraînés et forcés à culti- 
ver ainsi par l'ignorance et l’avarice de la plupart des acqué- 
reurs, qui, ne sachant pas reconnaître ni apprécier les im- 
menses avantages d'arbres soisneusement cultivés, s’éloigne- 
raient peut-être du pépiniériste qui aurait été obligé d’éle- 
ver ses prix à cet effet. Ce serait aux sociétés d'agriculture 
et d'horticulture à se charger d'opérer un perfectionne- 
ment aussi désirable ; il suffirait, pour y parvenir, de faire 
connaître le pépiniériste qui se serait amendé à cet égard et 
qui aurait changé sa culture. Si, comme nous le croyons, 
l'approbation de ces sociétés a quelque valeur, elle ferait la 
fortune du pépiniériste qui la mériterait, attendu que les 
améliorations demandées et si désirées sont d’une utilité gé- 
nérale , non seulement pour les propriétaires, mais encore 
pour toute la population. 


512 LA POMONE FRANÇAISE. 


_ Il résulte de l'exposé que nous venons de faire sur le tra- 
vail des pépinières que le poirier y est tellement mal traité, 
que c’est à cette cause particulièrement que l’on peut attri- 
buer la rareté des beaux arbres dans les jardins , et celle des 
beaux fruits sur les marchés. On peut prévoir, si les pépi- 
niéristes agissent toujours de la sorte, que la disette des 
fruits deviendra encore plus grande, parce que les arbres 
qui sortent des pépinières sont en crise visible de dépérisse- 
ment, et qu'ils ne produiront bientôt plus ni bois ni fruits, 
ce qui fera renoncer à leur culture; déjà beaucoup de pro- 
priétaires aux environs de Paris, après avoir renouvelé plu- 
sieurs fois, sans aucun succès, les plantations de leurs jar- 
dins, et ne sachant à quoi en attribuer la cause, se sont ima- 
ginés que leur terrain apparemment ne convenait point au 
poirier, comme si une terre cultivée depuis un certain temps 
en potager n’était pas éminemment propice à la culture des 
arbresfruitiers ! 

Nous engageons de nouveau les propriétaires à faire 
planter à demeure dans leurs jardins des plants de poiriers 
de premier choix , dits baliveaux, et de les faire greffer en 
place la seconde année. Bien entendu que la plantation sera 
faite sur un terrain très profondément défoncé et largement 
fumé. Nous recommandons de planter aux distances que 
nous avons indiquées, soit sur les lignes , soit très en arrière 
du bord des allées, pour n'avoir pas le regret, lorsque les 
arbres ainsi traités auront pris une grande étendue, d’être 
obligé de les sacrifier pour maintenir le passage des allées 
libre. 


DE LA MULTIPLICATION PAR SEMIS POUR OBTENIR 
DE NOUVELLES VARIÉTÉS DE FRUITS. 


Les semis faits dans le but d'obtenir de nouvelles varié- 
tés demandent aussi des considérations particulières dans 


LA POMONE FRANCAISE. 348 


ie choix des graines. Les cultivateurs ne sont pas encore 
d'accord sur ces considérations; mais la plus srande partie 
reconnaissent que les graines recueillies sur nos anciennes 
variétés de bons fruits ne donnent, étant semées, que des 
sauvageons plus ou moins épineux, dont les fruits sont 
acerbes et se font long-temps attendre. Nous avons même 
de fortes raisons de croire que les semences provenant de 
fruits greffés participent moins des qualités de la greffe quede 
celles du sauvageon, quoiquel’influence de celui-ci sur la sa- 
veur des fruits soit nulle ou insensible. M. Poiteau, à qui nous 
devons la connaissance de la théorie Van-Mons, donne une 
autre raison de ce fait : il annonce, selon cette théorie, 
qu’un arbre venu de semence qui produit un fruit savou- 
reux sort des lois générales, et que, dans ce cas, la nature 
tend sans cesse à reprendre ses droits en agissant peu à 
peu, d’année en année, sur les semences de cet arbre, pour 
les faire rentrer sous la loi primitive. Il en conclut qu’il ne 
faut recueillir de semence que sur les fruits obtenus le plus 
nouvellement. M. Van-Mons prétend que les arbres de cha- 
que nouvelle génération de fruits ainsi obtenus sont non 
seulement meilleurs et plus fertiles, mais encore plus pré- 
coces à produire. 11 nous apprend qu'il a attendu vingt 
années avant d'obtenir des fruits des premiers arbres qu’il 
avait semés; les autres arbres provenant des pepins de 
ceux-ci ont produit après quinze années de semis ; la troi- 
sième génération a produit au bout de dix ans, la qua- 
trième génération à huit ans, et la cinquième génération 
au bout de six ans, toujours plus hâtivement et de meilleurs 
en meilleurs fruits. 

M. Van-Mons a eu la bonté de m'adresser, en 1836, des 
plants de poiriers et de pommiers de la septième génération 
et des pepins de la huitième. Nous avons cultivé le tout 
avec beaucoup de soins, et nous n’avons ehcore obtenu, en 
1840, qu’une poire d’été très insignifiante, sur un arbre 


d14 LA PBOMONE FRANCAISE. 


qui est resté nain. Les autres arbres, dont la plupart sont 
vigoureux et très épineux , n’annoncent pas de prochaines 
récoltes. Quant aux épines plus ou moins nombreuses, 
M. Van-Mons assure, et nous sommes de son avis, qu’elles 
ne doivent pas être, dans les jeunes individus des semis, 
une cause de réprobation, parce que l’arbrese dépouille peu 
à peu desesépines. À mesure qu'il acquiert l’âge de la virilité, 
ses feuilles deviennent pluslarges et plus étoffées ; il change 
tout à fait d'aspect. Nous avons eu l’occasion de remarquer 
des têtes d’ésrains ayant très peu d’épines, portant de 
beaux fruits , lorsque des rameaux restés dans le bas, sur 
le corps de l’arbre , auraïent donné lieu de croire, par les 
longues et nombreuses épines dont ils étaient couverts, que 
ces arbres avaient été sreffés. 

M. Poiteau a recu aussi de M. Van-Mons plus d'un mil- 
lier de jeunes plants de poiriers et d’autres arbres qui le 
mettront mieux que nous à même de prononcer sur ce 
qu’il y a de positif dans la théorie Van-Mons. En attendant, 
nous nous croyons fondé à récuser ia précocité des arbres 
dans leurs rapports, qui, selon la théorie, aurait lieu en rai- 
son du nombre de leur génération, toujours suecessif et di- 
rect. Mais nous admettons, avec connaissance de cause, 
que les graines devront être prises sur les variétés les plus 
succulentes et le plus récemment obtenues, sur les plus 
beaux fruits de ces variétés et sur les plus mürs. Quoique 
ces deux dernières qualités puissent être indifférentes pour 
déterminer le choix des graines , elles supposent au moins 
que l'acte de la fécondation s’est passé dans lescirconstances 
les plus favorables , telles qu’une exposition chaude et aé- 
rée. [l ne faut pas oublier que c’est la fécondation qui for- 
me la graine et lui donne ses qualités, soit qu’elle s’opère 
avec le pollen de la variété ou celui d’une autre. 

M. Van-Mons pense que la graine doit mürir après 
que Île fruit est récolté ; il croit mème préférable qu’elle ne 


AP 


Rte 


LA POMONE FRANCAISE. 315 


soit pas parfaitement mûre. D’autres personnes sont d’un 
avis contraire : elles veulent que la graine reste dans le fruit 
jusqu’à sa décomposition. Ces personnes ne se sont pas aper- 
cues sans doute que la nature avait mis la graine à l’abri dela 
pourriture dufruit en l’isolant dansle vide, et enentourant ce 
vide de parois d’une nature imperméable, sèche et coriace. 

Les vertus contenues dans les sermes sont dues à la na- 
ture de la variété sur laquelle s’opère la fécondation, et 
non à l’état dans lequel se trouve le fruit, long-temps après 
la fécondation de la graine, pourvu qu'il soit parvenu à 
une maturité complète. Nous pensons aussi qu’il doit y avoir 
plus de principes saccharins dans des germes fécondès à 
une exposition sud et aérée que dans ceux qui sont formés 
au nord.| On peut encore ajouter à ces heureuses circon- 
stances le pouvoir du pollen sur les stisgmates , afin d’obte- 
nir des hybrides participant des bonnes qualités de deux 
variétés. 


Inconvément de la greffe et avantage de la bouture 
herbacée pour propager les nouvelles variétés obtenues. 


Si, d’après ces considérations ou toute autre, les cultiva- 
teurs parviennent à obtenir de bons fruits, ils auront en- 
core à s'occuper des meilleurs moyens à employer pour 
perpétuer ces variétés et les maintenir dans toute leur pu- 
reté ; moins ces moyens seront simples et naturels, plus les 
arbres qui en proviendront auront de tendance à dégénérer. 
Il est à propos de remarquer que les arbres qui portent les 
nouveaux fruits joignent à la vigueur qu'ont ordinairement 
toutes les plantes venues de semence l’abondance dans les 
produits ; tandis que ceux qui portent nos anciennes varié- 
tés sont la plupart stériles, languissants, et dans un état de 
dégradation presque complet. Nous croyons apercevair la 
cause de cette dégradation dans le mode employé con- 


316 LA POMONE FRANCAISE. 


stamment pour leur propagation, celui de la greffe, d'autant 
plus funeste pour Le poirier, que, n’ayant pas de sujet nain de 
son espèce, comme le pommier, qui a le doucain et le pa- 
radis, on s’est cru obligé de greffer le poirier sur cognas- 
sier pour en tenir lieu, et l’on s’est servi, dans le même but 
sans doute, de sujets de semis de deuxième et troisième 
choix, et enfin on a trop souvent commis la grande faute de 
prendre des rameaux sur des arbres ainsi greffés. Mais 
avant de démontrer comment la greffe tend peu à peu et 
progressivement à l’affaiblissement des arbres, il est utile 
de faire remarquer que les espèces d’arbres que l’on propa- 
ge ordinairement par d’autres moyens, tels que par marcot- 
tes ou par boutures, n’offrent aueun signe de dégénération 
dans l'espèce, et que, s’il arrive que quelquesindividus soient 
moins féconds, ou sujets à la coulure , ou affectés de mala- 
dies, ces affections sont individuelles; et, dans ce cas, on s’ab- 
stient tout naturellement de propager de tels individus. On 
ne prend pour étalons que les sujets les plus vigoureux, les 
plus sains, et produisant abondamment les plus beaux fruits. 
Les greffeursn’ayant pastoujours malheureusement apporté 
les mêmes soins dans le choix des rameaux destinés à être 
sreffés, et de plus les sujets étant très souvent d’inférieure 
qualité ou d’une espèce différente de celle du rameau,ilen est 
résulté ane langueur et un malaise général @ans les arbres 
ainsi propagés. On peut encore ajouter à ces causes de dé- 
gradations que dans un arbre greffé le rameau domine le 
sujet, qu'il lui communique sa langueur aussi bien que sa 
vigueur, et que, comme au contraire la vigueur du sujet 
surpasse de beaucoup celle du rameau , elle devient une 
cause de dégradation ou mème de mortalité pour le sujet, 
parce que sa vigueur naturelle se trouve refoulée par la 
sreffe sans moyens proporlionnels d'expansion; dans ce cas, 
les greffeurs disent que telle variété tue son sujet. Le ra- 
meau domine encore le sujet lorsqu'il a été pris sur une va- 


LA POMONE FRANÇAISE. g17 


riété naturellement vigoureuse, et qu’il est greffé sur un 
jeune sujet délicat , mais sain, de son espèce ; alors il com- 
munique sa vigueur au sujet et semble le faire grossir rapi- 
dement. Cette dernière circonstance peut se rencontrer 
parmi les nouvelles variétés ; mais elle est très rare dans les 
anciennes, puisque les arbres qui les portent sont presque 
tous déjà détériorés. Ceci confirme une vérité devenue vul- 
gaire : c'est que la greffe perpétue exactement les mauvai- 
ses aussi bien que les bonnes qualités de l'arbre sur lequel 
on a pris le rameau ; elle perpétue même les accidents qui 
surviennent sur une portion de l'arbre, ainsi que les mala- 
dies et la caducité. ré 

Si nous insistons autant sur ces faits, c’est qu’il importe 
que l’on soit bien persuadé de leur existence, afin que les 
cultivateurs comprennent que les arbres toujours propagés 
par la greffe doivent progressivement désénérer, d’autant 
plus rapidement, que l’on aura pris moins de précautions 
dans le choix des sujets et dans celui des rameaux. Nous 
venons de voir qu'il ne suffit pas seulement que le sujet soit 
de la même espèce que le rameau, mais qu’il faut encore 
qu’il ne contienne pas des éléments de vigueur dispropor- 
tionnés avec ceux de l'arbre sur lequel on a pris le rameau. 
Les pépiniéristes, quin’ignorent pas ces vérités, ne peuvent 
cependant en éviter les conséquences, à cause de l’ordre du 
catalogue de leur pépinière , qui exige que l’on greffe à la 
suite, sur la même figne, la même variété. 

D’après ces observations, on ne peut méconnaïtre que la 
greffe entraine avec elle une multitude de chances qui doi- 
vent nécessairement occasionner la dégradation des arbres 
ainsi propasés. Nous pourrions encore ajouter à toutes ces 
causes de dégradations le bourrelet qui se forme quelque- 
fois au pourtour de l'insertion de la greffe. Ce bourrelet a 
lieu à cause de la trop grande inépalité d’élasticité entre les 
écorces du sujet et celles de la greffe ; dans ce cas, les fibres 


Sig LA POMONE FRANCAISE. 


descendantes, étant trop nombreuses pour s’insinuer toutes 
entre le bois et l'écorce du sujet, se reploient sur elles- 
mêmes , et se contournent autour de l'insertion de la preffe, 
où elles sont alimentées par un plus srand volume de cam- 
bium, qui les aide à former, en cet endroit, une monstruosité 
de couches lisÿneuses. On conçoit que le bois du sujet, n'étant 
plus ou presque plus recouvert de nouvelles couches li- 
eneuses fournies par la greffe, reste mince et hors de pro- 
portion avec la partie greffée, qui continue de grossir; d’où 
il suit que cette détérioration ee la constitution des arbres 
est encore un des inconvénients attachés au mode de propa- 
sation par la greffe. 


De la manière dont végètent les greffes, les boutures. et les 
marcottes. 


Si nous examinons comment s'opère le développement 
des greffes , des boutures et des marcottes, nous serons sol- 
licités à mettre en usage les ressources infinies que nous 
offre la nature, afin de propager par la voie la plus simple 
et la plus sûre les belles variétés que l’art, ou plutôt le 
hasard, jusqu'ici, nous a procurées. L'observation a démon- 
tré que tous les yeux où boutons qui sont sur un arbre 
renferment chacun, étant détachés de l’arbre, autant d’indi- 
vidus exactement semblables en qualités à l’arbre qui lesa 
produits. Il résulte de cette observation, comme nous venons 
de le dire, que nos efforts doivent tendre à mettre à profit 
les ressources infinies et directes que nous offre la nature 
pour propager les variétés sans nous servir de la greffe, 
qui n’est qu'un moyen détourné et compliqué, toujours 
accompagné de très sraves inconvénients : d’où résulte la 
stérilité et la dégradation progressive des arbres. 

La pratique nous a déjà fait connaître que, si l’on sépare 
un œil d’un arbre, et qu’on le place dans une situation 
convenable, où il puisse se conserver un certain temps sans 


LA POMONE FRANCAISE. 319 


s’altérer, comme dans une atmosphère chaude, humide 
et tranquille, et qu’on l’entoure d’une nourriture appro- 
priée, les fibres descendantes de cet œil pénétreront dans la 
terre et y formeront des racines, pendant que les fibres 
ascendantess’élèveront dans l’espace, par la pointe de l’œil, 
pour former une lige, garnie bientôt de boutons ou d’yeux 
tous semblables, et ayant la même faculté, celle de repro- 
duire de nouveaux individus identiquement semblables par 
leurs qualités. 

Mais si, au lieu de faire reposer l’œil sur la terre, on l’in- 
sinue entre le bois et l'écorce d’un sujet de la même espèce 
ou analogue , les fibres descendantes , au lieu de former des 
racines, formeront du bois, qui, aidé et nourri par le 
- cambium , s’adaptera sur celui du sujet, pendant que les 
fibres ascendantes formeront la tige. Plus tard les fibres de- 
scendantes de tous les boutons qui sont sur cette nouvelle 
tige, et qui s’ouvriront , viendront se superposer sur le bois 
du sujet, et augmenter son ampleur par autant de couches 
ligneuses. Dès ce moment le sujet ne srossit plus que par le 
rameau de la greffe, et non par ses propres boutons, que l’on 
a soigneusement supprimés ; il n’est plus que le support des 
couches ligneuses émises par les seuls bourgeons de la greffe, 
qui viennent l’envelopper. Le sujet est encore le conducteur 
de la sève ou de l’eau envoyée par les spongioles. Le sujet 
semble #rossir par ses propres moyens lorsque c’est la vi- 
sueur plus ou moins vive du rameau qui, par la multitude 
de ses boutons, mis en mouvement, par l'air, la chaleur, 
le stimulus enfin, procure son ampleur. Mais si au con- 
traire le sujet est seul, d’une nature trop vigoureuse, cette 
Migueur ne pouvant s’épancher, son tissu se resserre ; son 
écorce, comme disent les jardiniers, s’endurcit; l’arbre ne 
profite plus ou presque plus, et il reste pour toujours lan- 
guissant. On conçoit que, si l’on prenait des rameaux sur 
un tel arbre, l’on propagerait inévitablement son état de 


520 LA POMONE FRANCAÏSE. 


langueur. Nous avons dit l’eau ou la sève envoyée par les 
spongioles, parce que l’on considère ordinairement cette 
eau comme étant pure, jusqu'à ce qu’elle soit sécrétée 
par les feuilles ; mais nous avons lieu de penser que cette 
eau n’est pas d’abord aussi pure qu’on le croit, et puisqu’en 
passant par les tissus du sauvageon, elle recoit déjà une 
préparation assez importante pour limiter les dimensions de 
l'arbre greffé, quelle que soit lanature de celui sur lequel on 
a pris le rameau. C’est par cette cause que les pommiers 
de la pius grande dimension restent nains, étant greffés sur 
paradis. On pourrait peut-être croire que l’arbre ainsi greffé 
reste nain parce que les racines du pommier paradis ne 
peuvent fournir assez de sève à la greffe; mais on acquiert 
la preuve contraire par l'examen des racines du paradis, 
qui font connaître, à la multitude des spongioles dont ce 
sujetest pourvu, que ce ne peut être la quantité d’eau de vé- 
sétation, ou desève, qui manque à la greffe. Il faut donc que 
cette eau, en passant par les tissus du sujet, reçoive une pré- 
paration qui ne peut plus être modifiée, à certains égards, 
par les tissus de la greffe, dont la nature est visiblement 
changée sous le rapport de l’extension qu’elle prendrait sur 
tout autre sujet. D'où il résulte que la végétation de cet 
arbre, élant plus concentrée, se porte peu en avant, et que la 
sève est sécrétée en boutons à fruit vers les extrémités, au lieu 
de l’être en boutons à bois; aussi les cultivateurs n’ont pas à 
s'occuper de substituer aux rameaux à bois des brindilles, 
des dards ou des roseites, parce que ces arbres sont tou- 
jours très facilement couverts de fleurs et de fruits, pour- 
vu toutefois qu’on n’offense pas les racines par des labours 
ou des binages trop profonds, faits à contre-saison, et de 
manière à priver les spongioles de l'humidité de la terre qui 
les environne. Si au contraire la sève manquait aux arbres 
sreffés sur paradis, comme elle manque aux sujets de poiriers 
de deuxième et troisième choix, ils seraient languissants, 


LA POMONE FRANÇAISE. #91 


he pousseraient pas aussi répulièrement, el ne seraient pas 
surtout aussi fertiles qu’ils le sont en très beaux fruits. 

Nous sommes conduit par ces observations à reconnaîlre 
comme dépendant du sujet : {° les dimensions de larbre en 
moins, jamais en plus; 2° celle des fruits; 3° l'abondance 
des produits, et peut-être aussi les qualités des graines. 
Quant aux autres qualités, bonnes ou mauvaises, particu- 
lières à l'arbre sur lequel on a pris le rameau, elles sont 
toujours exactement reproduites par la greffe , même la sa- 
veur des fruits, qui est tout à fait indépendante du sujet. 

Les marcottes et les boutures que l’on fait selon la mé- 
thode ordinaire émettent leurs racines par les mêmes 
moyens : les fibres descendantes des bourgeons parviennent 
avec plus ou moins d'obstacles jusqu’à la terre, en pas- 
sant entre le bois et lécorce de la branche marcottée, 
- bouturée ou provignée ; et si les fibres ne peuvent atteindre 
la terre, pour s’y plonger et former des racines , elles con- 
tinuent à former du bois; mais les cultivateurs attentifs 
évitent de faire parcourir aux fibres descendantes un long 
trajet ; ils font ce qu'ils appellent un talon à la bouture , en 
coupant le bois aussi nettement et aussi près que possible de 
l'œil le plus bas, sans cependant l’'endommasger. 

Il est à propos de remarquer que le mouvement des fibres 
descendantes doit toujours précéder celui des fibres ascen- 
dantes : c’est une condition indispensable à la réussite des 
greffes et des boutures. Ce premier mouvement étant déter- 
miné, il peut se passer sans dommage un intervalle de 
temps assez long avant que le mouvement des fibres ascer- 
dantes ait lieu , ainsi que cela se voit dans les écussons à œil 
dormant, qui restent attachés au sujet par leurs fibres des- 
cendantes huit à neuf mois avant de pousser. Nous avons 
appliqué ce principe à la greffe en fente, que lon croyait 
communément ne pouvoir se faire qu’au printemps; nous 
l'avons pratiquée à l’automne, au commencement d’août, 

21 


392 LA POMONE FRANÇAISE. 


assez {0t pour que le rameau ait eu le temps de se souder 
au sujet, mais assez tard pour que les fibres ascendantes 
n'aient éprouvé aucun mouvement apparent. Persuadé com- 
me nousle sommes que les cultivateurs de profession devan- 
cent souvent la théorie, nous avons à l’automne parcouru 
beaucoup de pépinières pour nous assurer si on y faisait 
usage de la greffe en fente à œil dormant ; nos prévisions 
se sont réalisées :‘ nous avons trouvé à Versailles, dans le 
bel établissement de M. Bertin, une pièce de terre plantée 
en lilas, tous greffés en fente. M. Bertin nous a assuré avoir 
pratiqué la greffe en fente faite à l’automme avec un égal 
succès sur tous les arbres fruitiers que l’on greffe ordinaire- 
ment en fente au mois de mars. 

Au printemps nous avons greffé autant de sujets que nous 
en avions preffé à l'automne, ayant eu soin de les choisir 
de la même espèce et de la même force. Le résultat obtenu 
a été que les greffes faites à l'automne ont poussé plus tôt 
que celles faites au printemps ; celles-ci ont moins bien vé- 
sété durant le reste de la saison, parce que les hâles de mars 
ont été cette année très desséchants et très contraires à la 
végétation des greffes nouvellement pratiquées. Nous ci- 
tons ee fait moins pour donner à cet égard un conseil profi- 
table aux pépiniéristes qui ont beaucoup de greffes à faire, 
que pour exposer sensiblement la manière de croître des vé- 
sétaux, et par cela même mieux régler la culture qui doit 
leur être appliquée. 

Les explications que nous venons de donner découlent du 
système de végétation de Lahire, auquel M. Poiteau à, le 
premier, donné le nom de l’auteur. Ce système a été publié 
en 1708, et a constamment été repoussé, jusqu’à ce mo- 
ment même, par l’Académie des sciences, tandis qu’il a été 
adopté à l'étranger par tous les savants , et mis en pratique 
par les cultivateurs, qui ont su en tirer un très bon parti 
pour la multiplication des plantes dont ils font un grand 


LA POMONE FRANÇAISE. 193 


commerce. Nos cultivateurs commencent seulement à suivre 
leur exemple en construisant des serres spécialement con- 
sacrées à la multiplication des plantes par bouture. Leurs 
serres ressemblent à des manufactures, dans lesquelles il se 
fabrique des milliers de rosiers de toutes les sortes, des ca- 
mellias, et d’autres plantes destinées à être livrées au com- 
merce. On s'étonne, à la vue d’une aussi prodigieuse quan- 
tité de plantes, aussi rapidement créées, qu’il y ait assez de 
demandes pour soutenir des maisons de commerce qui se li- 
vrent à ce genre d'industrie. Il a suffi, pour opérer ces mer- 
veilles de création, de faire simplement connaître aux cul- 
tivateurs une vérité émise il y a plus de cent cinquante ans 
par un Français presque ignoré dans sa patrie. 

C’est ce mode de multiplication dont nous voudrions qu’on 
se servit pour remplacer la greffe dans la propagation des 
nouvelles variétés de fruits, parce qu'ilestle seul qui puisse 
conserver aux arbres toute la vigueur, toute la fertilité et 
toute la pureté de leur origine. Nous avions prié M. Bertin, 
horticulteur très distingué à Versailles, d'élever dans ses 
serres à boutures une certaine quantité de poiriers. fl s’en 
est occupé cette année, et continuera de s’en occuper jus- 
qu'à ce qu'il ait réussi, tant il est persuadé qu’il ne s’agit que 
de saisir l’époque la plus convenable pour bouturer le poi- 
rier, ainsi quil a fallu trouver celle qui est favorable pour 
bouturer les autres plantes. 


DE LA BOUTURE EN OEIL. 


Les cultivateurs qui voudraient propager les poiriers et 
les pommiers par bouture devront se rappeler que les grai- 
nes , les germes et les boutures, ne poussent de tige qu'a- 
prés avoir commencé à pousser des racines. Ils doivent 
aussi savoir que, si l’on détache un œil d’un bourgeon ou 
un bourgeon d’une branche, la sève continue toujours de 


324 LA POMONE FRANÇAISE. 


se porter vers l'extrémité supérieure de la partie détachée , 
surtout si elle reste exposée à l'air libre ou au soleil; dans 
ce cas, l’évaporation de la sève, et par conséquent le des- 
séchement de la bouture, est le seul résultat de ce mouve- 
ment naturel d’ascension de la sève. Mais si au contraire on 
la force de se précipiter vers le talon de la bouture!, en la 
privant de l’action de l'air et de celle du soleil, elle forme- 
ra des racines, d'autant plus promptement qu’on aura pi- 
qué les boutures à la surface d’un sable léger, entretenu 
toujours humide et maintenu à une température de dix à 
vinot degrés au plus. Ge sable blanc sera contenu dans des 
terrines recouvertes de cloches de verre. Si humidité se 
fixait contre les parois intérieures de la cloche, on l’enlève- 
rait avec une éponge ou un linge doux. On prévient l'excès 
de ceite humidité en ne laissant pas trop baisser la tempé- 
rature de la serre , parce que l’air froid frappant sur l’exté- 
rieur de la cloche fait condenser les vapeurs intérieurement. 
On doit avoir l'attention de retirer les feuilles qui pren- 
draient de la moisissure, car on ne supprime point les feuilles 
attachées aux bourgeons herbacés qui sont à bouturer. 

Lorsque les boutures ont poussé de petits mamelons ou des 
appendices de racines, on les repique une à une dans de 
très petits pots, de 3 centimètres de diamètre, remplis de 
terre de bruyère très tassée; on fait un petit trou dans cette 
terre, et l'on appuie fortement la bouture vers les parois du 
pot , ce qui l’éloigne du centre. On place ces petits pots pro- 
che à proche sur une tannée tiède, et on les couvre d’une 
cloche ; on donne de l'air peu à peu, à mesure que les bou- 
tons poussent, et l’on bassine les boutures de facon que 
le dessus de la terre contenue dans les pots soit toujours 
frais. 

Lorsque les racines ont fait des progrès, on donne à la 
jeune plante un plus grand pot rempli d’une terre plus sub- 
stantielle ; alors on place la bouture avec sa motte dans le 


LA POMONE FRANCAISE, 32h 


040 


centre du nouveau pot. Les plantes ainsi rempotées restent 
encore dans la serre ou dans une orangerie jusqu’à ce qu’el- 
les soient assez fortes pour ètre plantées en pleine terre, en 
place ou en pépinière. É 

Les moyens de propager les variétés de fruits qui ne sont 
pas douées du don de se reproduire exactement les mêmes 
par là semence ne sont que l'application du système de 
Lahire, soit qu’on greffe, qu’on écussonne, qu’on mar- 
cotte, qu'on provigne , ou qu'on bouture avec le bois ou 
sans le bois. C’est à nous à choisir entre tous ces moyens, 
sinon le plus facile , du moins le plus efficace , pour lequel il 
faut se résoudre à avoir assez de courage pour changer ses 
babitudes et sortir de l’antique routine. 

Plusieurs écrivains ont émis l’opinion que les arbres pro- 
pagés par boutures désénéraient et n'acquéraient jamais 
autant détendue et de force que les arbres greffés; enfin 
que les variétés que l’on propagerait toujours par boutures 
finiraient par s’anéantir. Nous ne ferions pas mention d’une 
telle opinion si elle n'avait pas trouvé de partisans et si nous 
n’espérions pas les mettre à portée de juger par eux-mèê- 
mes combien peu est fondée leur croyance à cet égard. Nos 
observations nous ont fait connaître qu'une plante boutu- 
rée, avant qu'elle soit ligneuse , égale peut-être en vigueur 
celle qui est produite par la semence. Nous avons souvent 
remarqué, sur un certain nombre de boutures faites ainsi, 
que peu étaient dans le cas d’être réformées par manque de 
vigueur ; tandis que sur des plants venus de semis il est or- 
dinaire de n’en trouver qu’un quart de premier choix et un 
autre quart de second choix. Nous opposons encore à l'opi- 
nion qui veut que la bouture tende à la dégpénération l’exem- 
ple du peuplier d'Italie, qui dans notre climat ne peut se 
multiplier que par boutures, et n’offre cependant rien en 
lui qui fasse soupconner qu’il ait dégénéré depuis le temps 
que nous le cultivons, quoique lon apporte ordinairement 


920 LA POMONE FRHANCAISE. 


très peu de précautions dans le choix des boutures du peu- 
plier ; tandis que ceux de nos arbres fruitiers qui sont tou- 
jours propagés par la greffe se dépouillent d’abord de leurs 
feuilles par les extrémités, et chaque année plus hätivement : 
de telle sorte que ces arbres, étant arrêtés de bonne heure 
par les extrémités, se trouvent restreints dans leur végéta- 
tion, ne peuvent s'étendre, et sont presque toujours cou- 
ronnés avant d’avoir produit quelques fruits, qui du reste 
sont rares et se ressentent le plus souvent du dépérissement 
des arbres qui les ont produits. 

En atiendant qu’une saine pratique ait mis en usage le 
nouveau mode que nous proposons pour propager les di- 
verses variétés d'arbres fruitiers, nous indiquerons les pré- 
cautions que nous sommes habitué de prendre pour propa- 
ser les variétés par la greffe. Nous choisissons de préférence 
jes sauvageons de poirier de semis de premier choix pour 
greffer le poirier. Nous ne nous servons du cognassier pour 
sujet que dans le cas où nous disposons d’un terrain très 
propice à cette essence. Nous nous abstenons très risgoureu- 
sement de prendre des rameaux sur un arbre greffé sur co- 
gaassier,sur doucain ou sur paradis, quelle que soit la vigueur 
de ces arbres. Les rameaux seront toujours choisis sur des 
arbres greffés sur frane de premier choix, c’est-à-dire sur des 
sauvageons de leur espèce; les arbres devront être vigou- 
reux, sains et en bon rapport; on choisira de préférence les 
rameaux placés vers le sommet de l’arbre, et toujours par- 
mi ceux dont la direction est verticale. On n’emploiera pour 
oreffer que les yeux bien formés, c’est-à-dire ceux de l’ex- 
trémité supérieure du rameau, et jamais ceux du talon, 
parce que ceux-ci, se développant plus tardivement, ne 
peuvent, pendant la durée de la pousse, produire une vé- 
sélation aussi vigoureuse et aussi bien aoûtée. On aura aus- 
si l’attention de ne jamais prendre pour rameaux des brin- 
dilles ou des lambourdes, parce que ces productions émet- 


j,A POMONE FRANCAISE. 97 


tent des bourgeons qui sont de leur nature peu visoureux, 
moins disposés à donner du bois que des fruits, ce qui ar- 
rête le développement de l'arbre dès sa naissance. Nous 
nous bornerons aux précautions que nous venons d'indi- 
quer comme étant les pius indispensables pour propager 
par la greffe les arbres fruitiers, Nous sommes bien con- 
vaincu que, si elles avaient toujours été suivies, nos arbres, 
notamment les poiriers, ne seraient pas dans un état aussi 
déplorable que celui où nousles voyons maintenant. 


DE LA VÉGÉTATION NATURELLE DÜ POMMIER 
ET DÜ POIRIER. 


Nous essaierons de consigner ici, dans l’espace le plus 
limité qu’il nous sera possible, la manière naturelle de 
végéter du pommier et du poirier, afin de mettre le lec- 
teur à même de connaïtre les moyens les plus efficaces 
de contraindre où de seconder leurs habitudes. C’est en 
étudiant ainsi la végétation du pêcher que nous sommes 
parvenu à faire prendre à cet arbre, que l’on avait consi- 
déré jusque alors comme indomptable, toutes les formes 
qu’il nous a plu de lui imposer. Voulant de même sou- 
mettre le poirier et le pommier à diverses formes , afin de 
les mettre plus tôt à fruit, d'en obtenir de plus belles pro- 
ductions , des récolles mieux réglées , plus abondantes et 
plus assurées, nous allons d’abord examiner en quoi leur 
végétation naturelle diffère de celle du pècher. 

Nous avons déjà remarqué que les yeux et les boutons à 
fleurs du pêcher se formaient en même temps que le ra- 
meau qui les porte, pour ouvrir tous à bois ou à fruit, sans 
exception, au printemps suivant; chaque rameau étant ter- 
miné ordinairememt par un œil à bois. 

Sur le poirier et le pommier, chaque rameau est aussi ter- 
æiné ordinairement par un œil à bois; tous les autres yeux qui 


328 LÀ POMONE FRANCAISE. 


sont au dessous du terminal sont également à bois d’abord. 
Au printempe suivant, ces yeux se façconnent, en commençant 
par le sommet du rameau , en bourgeons, brindilles, dards, 
en boutons à fleurs ou à feuilles. Quant aux yeux près le 
talon du rameau, ils s’oblitèrent, étant trop éloignés du bour- 
seon terminal ; mais ils restent toujours disposés à reprendre 
leur faculté végétative, lorsqu'on les y sollicite par la taille 
ou autrement. Les boutons à fleurs , dans les jeunes arbres, 
sont plusieurs années à se former. Tous les yeux sont ac- 
compagnés de deux sous-ÿyeux supplémentaires, qui ne 
s'ouvrent que lorsqu'on les y force , ou naturellement, pour 
remplacer l’œil principal lorsqu'il est détruit. 

Le pêcher n'a pas de sous-yeux supplémentaires ; on 
trouve sur ses forts rameaux des yeux à bois doubles ou tri- 
ples, mais ils ouvrent tous en même temps. Après la fleur ou 
ie fruit, il ne reste rien sur le rameau pour remplacer ces 
productions , ce qui oblige de tailler les branches frui- 
tières du pècher, comme celles de la vigne, en coursons; au- 
trement les branches principales se dégarniraient par le bas, 
et n’auraient bientôt plus de verdure qu’à leur extrémité. 

Dans le poirier, après le fruit, ou seulement après la fleur, 
il reste une partie charnue que l’on appelle bourre, sur la- 
quelle sont distribuées proche à proche une multitude de 
boutons à fleurs qui se succèdent pendant plusieurs années. 
Il existe sur le pêcher une production à peu près semblable, 
mais elle est rare : c’est un petit dard qui est environné à sa 
base de fleurs qui se renouveilent autant de fois que le petit 
dard croît et s'ailonge ; ensuite il disparaît, et la place qu’il 
occupait resie nue. 

Nous avons dit que dans le pècher tous les yeux et tous 
les boutons ouvraient dans la mème année, et qu'aucun ne 
restait en réserve. 

Dans le poirier ou le pommier, tous les yeux qui sont sur 
un rameau, après s'être modifiés diversement, chacun sui- 


LA POMONE FRANCAISE. 599 


vant le rang qu’il occupe sur le rameau , conserve toujours 
ses sous-yeux instacts, tous disposés à remnlacer ces diver- 
ses productions lorsqu'elles seront usées, ou même plus tôt, 
selon la volonté du cultivateur. 

Le pêcher greffé ne perce que très rarement des bour- 
geons sur la vieille écorce ; tandis qu'il suffit de rabatre une 
branche de poirier ou de pommier pour qu’il sorte, aux 
environs de l’amputation, des bourgeons qui renouvellent 
la branche. En dirigeant le pècher, on doit sans cesse s’occu- 
per à refouler la sève vers le bas, afin de préparer des bran- 
ches fruitières pour remplacer celles qui viennent de donner 
leurs fruits ou seulement leurs fleurs. 

Dans le poirier, on doit aussi s’occuper de refouler la sève 
vers le bas des rameaux; mais c’est seulement pour forcer 
les yeux qui s’y trouvent à ouvrir et les empêcher de s’obli- 
térer. La formation des boutons à fleurs se fait attendre 
dans le poirier; mais ces boutons sont persistants en pro- 
ductions , et doués d’ailleurs d’autres organes supplémen- 
taires, toujours disposés au rajeunissement. 

La comparaison que nous venons de faire suffira sans 
doute pour indiquer les moyens qui doivent être employés, 
afin de ne pas prétendre diriger de même deux espèces 
d'arbres si différentes dans leur manière de végéter. 

Toutefois, pour ne parler que de la végétation naturelle 
du pommier et du poirier, nous ajouterons qu’un rameau 
quelconque destiné à devenir une tige ou une branche 
s’allonge par son œil terminal, qui est toujours à bois; ce 
prolongement forme ce que nous appelons la seconde sec- 
tion : nous entendons par section la pousse de l’année; pen- 
dant cette création de la nouvelle section, les yeux qui sont 
immédiatement au dessous d'elle, sur la première section, 
s’allongent latéralement plus ou moins en raison de leur 
proximité de la seconde section; les deux premiers yeux, 
par exemple, formeront de forts bourgeons, tandis que les 


850 LA POMONE FRANCAISE, 


yeux qui sont au dessous de ceux-ci ne formeront que des 
brindilles, des dards, des boutons à feuilles, et enfin les yeux 
du talon de cette première section resteront sans ouvrir, 
et s’oblitéreront. 

Le printemps suivant, la tige ou la branche continuera 
de s’allonger par l’addition d’une troisième section ou 
d’une nouvelle pousse, qui prendra naissance sur la seconde, 
comme celle-ci a pris naissance sur l'extrémité de la pre- 
mière. Pendant la durée de son développement, la seconde 
section végétera de la même manière qu’a végété l’année 
précédente la première section. Ainsi chaque année il s’é- 
tablit une nouvelle section sur la dernière, dont le dévelop- 
pement est en tout semblable à celui de la section qui la 
précédée. 

Il résulte de la végétation naturelle au poirier et du pom- 
mier que le bas de chaque section ou de chaque nouvelle 
pousse est totalement dénudé, tandis que le haut est garni 
de rameaux à bois très rapprochés les uns des autres; le 
centre seul de chaque section contient des brindilles, des 
dards ou des boutons à feuilles. Chaque branche, qui est un 
composé de ces diverses sections, prend rapidement une 
grande étendue, qui ne peut être proportionnée avec son 
peu de grosseur, parce que la sève est trop inégalement 
répartie dans chaque section; ce qui est contraire à une 
fructification abondante et régulière , ainsi qu’à la force et 
à la durée de l’arbre; et mème nous ajouterons : aux qua 
lités des fruits. 


MOYENS DE MAÎTRISER PAR LA TAILLE LA VÉGÉTATION 
NATURELLE: 


On prévoit combien il nous sera facile de changer avan- 
tageusement l’ordre de choses naturel. Il suffira, pour 
distribuer la sève plus également sur toutes les parties 


LA POMONE FRANÇAISE. #31 


de chaque section, de faire ouvrir les yeux du bas, qui ne 
s’oblitèrent que parce qu'ils sont à une trop grande distance 
de ceux du haut; ilsuffira, dis-je, d'abréser cette distance, 
en raccourcissant le rameau de la section à moitié ou au 
tiers environ de sa longueur ; puis d'empêcher la sève d’af- 
fluer dans les deux ou trois premiers bourgeons latéraux 
au dessous du terminal en les pinçant, ce qui fera refluer 
la sève dans ceux du bas, et donnera en même temps plus 
de force au terminal formant la section supérieure. 

Nous verrons qu’au temps de la taille on supprimera, à 
l’épaisseur d’un écu , les bourgeons que le pincement n’au- 
rait pas réduit à des proportions fruitières ; on cassera les 
brindilles trop allongées à trois ou quatre pouces de lon- 
gueur. Les autres productions de la section seront laissées 
intactes ; c’est désormais au temps et à l’âge de l'arbre à les 
façonner à fruits. On aura aussi à surveiller les productions 
qui sortiront des sous-yeux des rameaux taillés à l'épaisseur 
d’un écu, afin de les pincer si elles prenaient trop de force. 
Les autres sections qui croîtront successivement au dessus 
parcourront toutes les mêmes phases et subiront les mêmes 
opérations. 

Aïnsi, en suivant notre méthode, on voit qu’à mesure 
qu’une nouvelle section s'établit , elle laisse celle qui est au 
dessous d'elle sarnie dans toute son étendue de productions 
fruitières ou tendant à le devenir, en telle quantité, que 
l’on est bientôt obligé de convertir quelques unes d’elles en 
brindilles ou en lambourdes, afin de ne paslaisser les bran- 
ches s’épuiser sous les fruits, et de leur fournir au contraire 
les moyens de se fortifier, de grossir, et de mieux nourrir 
les fruits dont elles sont chargées. On voit que l’arbre soumis 
à la taille s'étend plus lentement; mais ses branches rac- 
courcies prennent une force relative à leur étendue, et sont 


d’ailleurs sarnies de productions fruitières dans toute leur 
longueur. 


332 LA POMONE FRANÇAISE. 


Après avoir suivi le développement naturel de la végéta- 
tion du poirier et du pommier, et avoir indiqué sommaire- 
ment les moyens que nous employons pour modifier cette 
végétation et la rendre éminemment productive, nous fe- 
rons remarquer que nos moyens ne sont aussi simples que 
parce que la végétation naturelle du pommier et du poirier 
s'écarte peu de nos exigences, et qu'elle est docile à s’y 
soumettre ; il suffit seulement, comme nous venons de le 
voir, que le cuitivateur prenne la peine de lui tracer le che- 
min et de lui préparer les voies qu’il veut qu’elle suive. 
mais celui qui n’a rien prévu, rien préparé, qui resle sans 
agir pendant que la vésétation suit sen cours ordinaire, et 
qui croit ensuite ja soumettre par des violences, n’obtiendra 
rien que désordre et confusion dans ses arbres. Ceci est une 
vérité trop évidente pour que les jeunes gens qui cherchent 
à s’instruire n’en soient pas pénétrés. Je leur réitère à cette 
occasion l'invitation de s'approprier l’enseisnement que 
nous leur offrons en le soumettant de point en point à 
leur pratique et à leur contrôle. 


DE LA TAILLE EN GÉNÉRAL DU POMMIER ET DU POIRIER. 


Beaucoup de personnes s’imaginent que les principes 
de la taille des arbres fruitiers sont encore très incertains, 
attendu que la plupart des jardiniers ont des méthodes par- 
ticulières de tailler les arbres, et que chacun d’eux croit 
avoir la meilleure. Ceci prouve seulement que ces jardiniers 
ignorent qu'il existe des principes invariables de la taille, 
fondés sur la physiologie végétale et sur la manière parti- 
culière de croître de chaque espèce. Ces mêmes personnes 
reprochent aux auteurs qui ont écrit sur ja taille et la cul- 
ture des arbres fruitiers de s'être successivement copiés. 
Nous espérons que ce reproche ne pourra en aucune façon 
être imputé à la Pomone Française, bien que nous nous 


LA POMONE FRANÇAISE. 533 


soyons éclairé des auteurs qui nous ont précédé, et qe nous 

ayons profité même de leurs fautes, ce qui nous a donné 
les moyens de nous créer une méthode que quelques per- 
sonnes qualifient avec raison d'école nouvelle. Cette mé- 
thode n’est sans doute pas exempte d'erreurs; aussi, loin 
de demander une aveuple confiance à ceux qui voudront 
bien nous lire, nous les invitons seulement, pour s’instruire 
avec nous, à se donner la peine de nous contrôler en prati- 
quant nos principes. Ce que nous pourrions dire des ouvra- 
ges qui ont précédé la Pomone serait superflu ; nous n’exer- 
cerons donc de critique que sur les ouvrages qui ont paru 
depuis la première édition de la Pomone Française , et cela 
à mesure que nous aurons à traiter un article qui serait par 
trop en opposition à ce que d’autres personnes recomman- 
dent. Notre critique a pour but d’éviter aux cultivateurs 
des erreurs plus ou moins graves, en les mettant à même 
de s’assurer par leur propre expérience quelle est l’opinion 
qu'ils doivent avoir à l'égard de faits sur lesquels divers 
auteurs et nous ne sommes pas d'accord. 

La taille des arbres fruitiers a pour but de distribuer la 
sève également et proportionnellement dans toutes les par- 
ties de l’arbre , afin que les fruits acquièrent toutes les qua- 
lités qu’ils peuvent avoir ; la taille dispose aussi les arbres à 
donner résulièrement et abondamment de beaux fruits dans 
toutes leurs parties à mesure qu'ils prennent de l’étendue 
et qu’ils avancent en âge ; elle prolonge leur existence en les 
maintenant en santé, mais elle en restreint le volume. La 
taille sert encore à donner aux arbres une forme quelcon- 
que déterminée par les intérêts ou seulement le caprice du 
cultivateur. 

La taille, telle que nous la concevons , est basée sur la 
végétation particulière à chaque espèce d'arbres; alors elle 
est une et invariable , quelle que soit la forme que l’on don- 
ne à l'arbre. C’est l'ignorance de ces véritables principes 
qui a fait croire à quelques professeurs qu’il devait exister 


334 LA POMONE FRANCAISE. 


autant de sortes de taille que l’on pouvait concevoir de for- 
mes d'arbres; aussi traitent-ils séparément , et par chapi- 
tres, de la taille en éventail, de la taille en vase, et même 
des tailles anciennes et hétéroclites. Cette nomenclature 
de tant de sortes de tailles imaginaires ne sert qu’à don- 
ner de fausses idées aux jeunes gens, qui cherchent en 
vain une interprétation raisonnable à des mots vides de 
sens. En effet, que signifie une tœlle en éventail, une taille 
en vase ? Il serait plus rationnel, au contraire, de faire re- 
marquer aux jeunes élèves que les tailles ne varient ja- 
mais, et que celle de la vigne, par exemple , malgré toutes 
les formes que l’on peut lui faire prendre, est toujours 
la même, parce que les principes en sont fondés sur la 
manière dont cette plante végète. Il en est de même 
du pêcher. Ceux des planches 8 et 9, que nous avons fait 
dessiner géométriquement à Boissy-Saint-Léger par M. Poi- 
teau, pour prouver uniquement que l’on pouvait soumettre 
le pècher à toute espèce de forme, et que cet arbre n’était 
pas indomptable comme on l’avait cru jusque alors; ces 
pêchers, dis-je, ont été dirigés ainsi par un jardinier qui 
n’a pas eu recours à plusieurs sortes de tailles: une seule et 
unique lui a suffi ; c’est celle que nous professons , fondée 
sur la marche particulière de la végétation de l'arbre que 
l'on veut diriger. Autrement on ferait croire aux élèves 
que l’art de la taille des arbres fruitiers est très difficile, 
ou au moins très compliqué; tandis que rien n’est plus 
simple, lorsqu'elle est restreinte à ses véritables prin- 
cipes. : 

M. Dalbret, jardinier en chef, a professé la taille des ar- 
bres fruitiers au Jardin des Plantes pendant plusieurs an- 
nées , à la satisfaction de beaucoup de monde, et avec tout 
le zèle d’un jardinier qui a l’intime conviction de l’effi- 
cacité des moyens qu’il indique ; tellement que, pour les 
étendre au delà de son auditoire, il a publié ses lecons 
écrites. 


LA POMONE FRANÇAISE. 335 


M. Dalbret a donné là un très bon exemple qui devrait 
être suivi par tous les professeurs d’horticulture, dont la 
science deviendrait profitable à tous ; d’ailleurs leurs leçons 
écrites seraient encore pour le public une garantie de leur 
capacité, car jusqu'ici ils se sont eux-mêmes créés profes- 
seurs, sans concours et sans examen ; il a suffi qu’ils fus- 
sent botanistes pour qu’on les crût de fort habiles cultiva- 
teurs. Il y a cependant une très grande différence entre 
professer la botanique d’après Linnée, Jussieu, Desfon- 
taines et autres, et professer l’horticulture d’après quel- 
ques auteurs qui n’ont écrit que sur des spécialités : car 
personne n’est dupe aujourd’hui de ces titres de Cours com- 
plet d'agriculture, titre ambitieux , donné sans doute par 
des éditeurs. Nous ferons remarquer qu’il n’est pas néces- 
saire que le professeur de botaniqne ait acquis une grande 
pratique et une longue expérience pour enseigner une 
science exempte d'erreurs par sa nature , puisque l’on a 
sous les yeux et sous la main les objets qui font le sujet 
des démonstrations : une feuille ronde ne peut être carac- 
térisée de feuille pointue. Ce n’est pas que nous voulions 
déprécier une science que tous les jardiniers devraient con- 
naître. Il n’en est pas de même en horticulture: le profes- 
seur n’a jamais assez d'expérience ; celle même de ceux qui 
écoutent pourrait quelquefois lui être utile. S'il expose 
une théorie , elle doit être appuyée des notions que nous 
avons de la physiologie végétale , et il aura encore à indi- 
quer au cultivateur quels sont les moyens qu'il doit em- 
ployer pour que la pratique confirme toujours par ses ré- 
sultats la théorie qu’il professe. : 

En observant la marche que suit la végétation d’une 
plante, on sait théoriquement quelle est la culture qui doit 
lui être appliquée ; et si les résultats obtenus par la culture 
répondent aux indications voulues par la théorie, on a la 
preuve acquise que la marche de la végétation de cette 


936 LA POMONE FRANÇAISE. 


plante est bien connue ; dans le cas contraire , il faut l’étu- 
dier plus attentivement. : 

Les résultats heureux obtenus souvent fortuitement en 
culture peuvent aussi faire découvrir la marche naturelle 
que suit la végétation d’une plante. Ainsi la science et la 
pratique devraient être inséparables pour s’éclairer mutelle- 
ment: mais comme les savants sont rarement cultivateurs, 
il en résulte que les progrès de cette science sont très lents. 
Il est donc essentiel que les hommes qui sont assez instruits 
pour professer l’horticulture laissent des traces de leurs en- 
seisnements, afin non seulement que ceux qui viendront 
après eux lessuivent ou les dépassent sciemment, mais en- 
core afin que le professeur lui-même puisse être averti, et 
ne soit pas exposé à enseigner et à propager des erreurs. 
Si, par exemple, M. Dalbret n'avait pas écrit ses leçons, il 
aurait toujours continué d'enseigner sa singulière méthode 
du provignement de la vigne, et son mode erroné de la 
bifurcation des branches; son système de charpente dansles 
poiriers, dont les membres et les branches sont beaucoup 
trop rapprochés les uns des autres, et autres graves erreurs 
que nous indiquerons à leur place ; ce qui mettra le profes- 
seur à même, dans une prochaine édition, d'opérer des 
corrections; et s’il ne profitait pas de ces avertissements, 
ce que nous sommes très éloigné de supposer, son audi- 
toire ou ses lecteurs eux - mêmes sauront bien vérifier ces 
articles contestés. 

Lorsque M. Poiteau fut choisi pour professeur de l’école 
d’horticulture de Fromont, il s'empressa de justifier cette 
préférence (qui, du reste, ne pouvait s'adresser à d’autres 
plus capables) en éerivant ses lecons. Nous avons à regret- 
ter que ce bel établissement n’ait pu continuer, et que le 
cours d’horticulture de M. Poiteau ait été interrompu à la 
troisième leçon; ce qui privera la société d’un ouvrage 
extrêmement nécessaire , et pour lequel on attendra peut- 


LA POMONE FRANÇAISE, 337 


être encore très long-temps avant qu’il se présente pour 
lexécuter un homme aussi laborieux et aussi consciencieux 
que M. Poiteau , réunissant toutes les connaissances de 
science et de pratique indispensables à une telle entreprise. 
Le professeur d’horticulture doit être aussi essentiellement 
opérateur et manipulateur que le sont les professeurs de 
chirurgie , de chimie ou de physique, dans ce qui concer- 
ne le matériel de la science. 

Faisons des vœux, dans l’intérèt de l’avancement de la 
science horticole, pour que les professeurs soient tenus de 
donner leurs lecons écrites. Nous invitons les sociétés d’hor- 
ticulture et d'agriculture à demander au ministre, qui 
nomme les professeurs d’horticulture et d'agriculture , de 
leur imposer cette obligation. Notre indulgence et notre 
reconnaissance sont de droit acquises aux professeurs qui 
écriront leurs lecons , parce qu’ils auront posé les premiers 
jalons qui serviront à tracer une route sans laquelle a 
science horticole ne peut faire de rapides progrès. 

Pour revenir à la taille du pommier et du poirier, nous 
avons dit qu’étant pratiquée d’après la connaissance de la 
manière de véséter de ces arbres, elle était simple et 
facile, parce que toutes les branches - mères ou secondai- 
res, quelle que soit la forme de l’arbre, se taillent toutes et 
s'élèvent toutes d’après les mèmes principes. Pour revenir à 
la taille , nous allons essayer de la rendre si simple, qu’elle 
soit à la portée de toutes les personnes le moins exercées 
dans notre art. Il sera à propos qu’on ait toujours sous les 
yeux la manière dont nous avons décrit plus haut la vésé- 
talion naturelle du poirier et du pommier. 


DE LA TAILLE APPLIQUÉE A LA FORMATION DES MEMBRES. 


Nous considérons séparément l’arbre et ses membres. La 
forme à donner à l’arbre est purement arbritaire ; le traite- 
22 


538 LA POMONE FRANÇAISE. 


ment des branches ou des membres est invariable, ne devant 
avoir qu'un but principal, celui de les garnir de fruits sur 
toute leur étendue. Ainsi, quelle que soit la forme de l'arbre, 
la facon à donner à toutes les branches est toujours la même. 
Quant à la forme , la meilleure est celle qui permet à la sève 
de circuler également et proportionnellement dans toutes 
les parties de l'arbre, parce qu'elle favorise davantage l’a- 
bondance des récoltes, sans épuiser l'arbre, sans l'empêcher 
de s'étendre et sans lui faire perdre les formes qui lui ont 
été imposées ; nous ajouterons que cette égale circulation 
de la sève donne aux fruits toutes les qualités dont chaque 
espèce est susceptible. 

Tout le monde sait que la tige d’un arbre, les bras d’une 
pyramide, d’une palmette, les membres d’un éventail ou 
d’un vase, ont tous la même origine, celle d’un rameau que 
l’on raccourcit au temps de la taïlle, afin de supprimer les 
yeux du haut, sur lesquels le mouvement de la sève eût été 
trop vif, et de l’exciter sur céux qui restent au dessous de 
la taille, ce qui fait développer ses yeux, srossir cette par- 
tie, et produit en même temps un prolongement plus vigou- 
reux. Ce sont ces prolongements annuels qui constituent la 
tige , les bras ou les membres d’un arbre soumis à la taille. 
Nous distinguons ces prolongements sous le nom de section 
première , section seconde, troisième , etc. 

La seconde section s’établira par les mêmes procédés que 
la première ; elle parcourt aussi, dans la végétation et dans 
les diverses transformations de ses productions , la mème 
marche que la première section a suivie. Il en est de mé- 
me de la troisième section et de toutes les autres, qui par- 
courront successivement les mêmes degrés d avancement 
et de perfectionnement qu'ont suivis toutes celles qui les 
ont précédées. Ce perfectionnement a lieu sur la première 
section lorsque tous les yeux, qui étaient d’abord à bois, 
se sont successivement convertis en dards , brindilles, ro- 


LA POMONE FRANCAISE. 359 


settes, boutons à fleurs, bourses et lambourdes , ce qui 
s'opère à mesure que de nouvelles sections s’établissent au 
dessus de la première. L'art ne fait que hâter, favoriser et 
régulariser ces conversions. 

L'éducation de la première section a une durée de trois 
années, elle doit servir de modèle pour les autres sections. 
Himporte au cultivateur de connaître quelles sont les opéra. 
tions qui auront été faites sur cette première section, et 
quels sont les moyens employés par l’art; quoique nous 
les ayons déjà indiqués, nous allons les répéter à l’aide de 
figures. 

Fig. 1. Au temps de la taille, on raccourcit le rameau qui 
doit former la première section suivant sa force et les dis- 
positions de l’espèce à ouvrir plus ou moins de bourgeons 
au dessous de la taille. Le pommier, par exemple, ouvre 
moins de bourgeons que le poirier ; l'épargne, dans le poi- 
rier, en ouvre moins que d'autres variétés : les rameaux de 
ces arbres seront donc plus raccourcis que les autres. Le ra- 
meau sera raccourci au point À pour former la première 
section. 

Fig. 2. À la pousse, l'œil terminal A s’allonge pour former 
le bourseon B de la deuxième section ; en même temps les 
deux ou trois yeux E et F, qui sont immédiatement au des- 
sous du terminal À sur la première section , s’ouvrent la- 
téralement en bourgeons à bois d'autant plus forts qu'ils 
sont plus près du terminal À ; les autres yeux M et N, qui 
sont au dessous, ouvrent en brindilles ou en dards ; ceux 
qui sont près du talon ouvriront en boutons à feuilles. 

À la seconde taille, on raccourcira à moitié ou au tiers 
environ de sa longueur le rameau terminal en B, ce qui 
formera la deuxième section. On taillera, sur la première 
section, les rameaux E et F à l’épaisseur d’un écu, s'ils ne 
sont pas nécessaires à la charpente de l'arbre. On raccour- 
cit les brindilles M et N à quatre ou cinq pouces de lon- 


340 LA POMONE FRANÇAISE. 


gueur ; les dards et les boutons à feuiiles qui sont au des- 
sous restent intacts, c’est au temps à les façonner à fleurs. 

Fig. 3. À la pousse , après la seconde taille , l’œil termi- 
nal B de la deuxième section s’allonge pour former le bour- 
scon C de la troisième section; en même temps les deux 
ou trois yeux G et H qui sont au dessous près du terminal B 
ouvrent à bois; les autres yeux O et P au dessous ouvrent 
en brindilles ou en dards ; ceux qui sont plus près du talon 
ouvrent en boutons à feuilles. 

Les rameaux E et F, sur la première section, qui ont été 
taillés à l'épaisseur d’un écu, devront produire de leurs 
sous-yeux des brindilles, des dards , ou des rosettes. 

À la troisième taille, on raccourcira à moitié ou au tiers 
environ le rameau en C, ce qui formera le rameau D de la 
troisième section. 

On taille à l’épaisseur d’un écu , sur la deuxième section, 
les rameaux à bois G et H s'ils ne sont pas nécessaires à la 
charpente de l'arbre ; on raccourcit les brindilles O et P à 
trois ou quatre pouces; les dards et les autres productions 
au dessous restent intactes, c’est au temps à les façonner à 
fleurs. 

Sur la première section, les rameaux à bois E et F, qui ont 
éts taillés à l’épaisseur d’un écu, s’ilss’étaient reproduitsavec 
trop de force , seraient taillés très courts ; s'ils avaient pro- 
duit des brindilles, on les casserait à trois ou quatre pouces. 

Fig. 4. A la pousse après la troisième taille, l’œil terminal 
C s’allonge pour former le rameau D de la quatrième sec- 
tion ; en même temps les yeux I et K , sur la troisième sec- 
tion, au dessous du terminal C, ouvrent en bourgeons à 
bois ; les yeux au dessous de ceux-ci Q et R ouvrent en 
brindilles ou en dards ; ceux qui sont près du talon ouvrent 
en rosettes. E 

Les rameaux à bois G et H , sur la deuxième section, qui 
avaient été taillés à l'épaisseur d’un éeu, ont ouvert en 


LA POMONE FRANCAISE. sit 


brindilles , ou en dards, ou en rosettes ; les brindilles O et P, 
qui avaient été cassées , ont formé des boutons à fleurs, et 
au dessous se sont formées des rosettes. 

Les productions sur la première section se sont plus ou 
moins perfectionnées, quelques unes sont à fleurs. 

Lors de la quatrième taille, on raccourcira le bourgeon 
terminal au point D, qui formera la quatrième section. 

Sur la troisième section, on taillera à l’épaisseur d’un 
écu les rameaux à bois I et K: on cassera les brindilles Q 
et R à trois ou quatre pouces de longueur ; les autres pro- 
ductions sur cette troisième section resteront intactes. 

Sur la deuxième section, les rameaux GetF, qui avaient 
été taillés à l'épaisseur d’un écu, ont produit des brindilles 
que l’on cassera à trois ou quatre pouces ; et les brindilles 
O et P, qui avaient été cassées , doivent été garnies de bou- 
tons très renflés ; au dessous , près du talon de cette deuxiè- 
me section, sont des dards, des rosettes, plus ou moins 
près de fleurir. 

Sur la première section, toutes les productions sont à 
fleurs, sinon celles qui sont près du talon dont les yeux 
sont très gonflés. 

On traitera la deuxième section comme on a traité la 
première , la troisième comme la seconde, et la quatrième 
comme on a traité la troisième, jusqu’à la dernière sec- 
tion ; toutes recevront le même traitement , ayant pour 
but de les garnir successivement de productions fruitières ; 
c’est au temps et à l’âge de l’arbre à faire le reste. 

Nous ne faisons point mention ici de petites irrégularités 
qui pourraient survenir pendant le cours de la vésétation, 
parce qu'il faudrait entrer dans des détails qui empèche- 
raient de saisir aussi bien l’ensemble de notre méthode, 
dont on ne saurait trop se pénétrer pour bien tailler les 
arbres. 


Plus tard il deviendra nécessaire, sur les sections le plus 


542 LA POMONE FRANCAISE. 


anciennement établies, de remplacer çà et là quelques bou- 
tons à fleurs et quelques bourses par des rameaux à bois, 
ou plutôt par des brindilles ou des lambourdes, afin d’atti- 
rer la sève dans les branches, qui s’épuiseraient à toujours 
porter des fruits. Ainsi on voit par nos répétitions que la 
taille du poirier et du pommier est toujours la même , at- 
tendu que toujours aussi la marche de la végétation de ces 
arbres est la même. 

C’est d’après cette observation que nous avons fixé la 
taille du poirier et du pommier, qui est une pour l’établis- 
sement et le prolongement de toutes les been quelleque 
soit la forme donnée à l’arbre. 

Le raccourcissement du rameau de prolongement à moi- 
tié ou au tiers environ de sa longueur a pour but de faire 
ouvrir tous les yeux du rameau au dessous de la partie rac- 
courcie : autrement les yeux du bas de ce rameau s’oblitére- 
raient , la branche resterait désarnie et faible par rapport 
à son étendue, la sève et les fruits y seraient très inésale- 
ment répartis. 

Nous supprimons les rameaux à bois, inutiles à la char- 
pente de l'arbre, en les taillant à l’épaisseur d’un écu , afin 
de substituer à ces rameaux à bois des productions fruitiè- 
res ; autrement ces rameaux deviendraient un obstacle à la 
fine de l’arbre, feraient confusion, et jetteraient du dés- 
ordre dans la tion de la sève. 

Les brindilles sont raccourcies de 12 à 15 cent:, afin que 
les yeux ‘du talon de ces brindilles qui n’ouvriraient pas 
s’arrondissent et se façconnent en boutons à fleurs; autre- 
ment les fleurs naîtraient à l’extrémité des brindilles, trop 
minces pour supporter sans rompre le poids des fruits. 
D'ailleurs les fruits sont toujours plus beaux, plus assurés 
et mieux nourris, étant placés près du corps de la branche. 

Quant à la charpente de l’arbre, il n’y a point de jardinier 
tant soit peu intelligent qui ne soït en état de faire naître 


LA POMONE FRANCAISE. SAS 


sur un arbre sain, en le rabattant, plus de rameaux à bois 
qu’il n’en faut pour en former la charpente selon la forme 
voulue, et dont on aura soin de laisser le modèle sous ses 
yeux; autrement un jardinier qui travaille un arbre sans 
un plan arrêté, au lieu de le diriger, est lui-même dirigé par 
la végétation de l’arbre. 

Les branches formant la charpente peuvent être parallè- 
les entre elles comme dans une palmette , ou disposées en 
rayons comme dans un éventail et autres; dans ce dernier 
cas, plus elles s’allongent, plus elles laissent d’espace vide en- 
ire elles : on remplit cet espace en établissant une ramifica- 
tion sur la branche. Le jardinier a seulement besoin de sa- 
voir qu’une bifurcation ne doit jamais être formée par un 
bourgeon placé immédiatement au dessous du bourgeon 
terminal, mais bien à une certaine distance, comme à moitié 
de la section ; autrement la sève se porterait avec trop de 
véhémence sur un seul point, cesserait d’être aussi utile aux 
productions inférieures ; et l'égalité de son cours, que nous 
cherchons à maintenir dans toutes les parties de l'arbre, se- 
rait rompu. D'ailleurs la branche de bifurcation doit avoir 
dès son début, et conserver toujours, une infériorité de 
force très marquée entre elle et la branche qui lui donne 
naissance. 

Le but que nous nous sommes proposé par notre méthode 
est de rendre la culture du poirier et du pommier aussi 
simple et aussi facile que celle de la vigne lorsqu'elle est 
dirigée en cordons , sans qu’il faille déployer plus d’intelli- 
sence pour l'une que pour l’autre. Nous croyons avoir at- 
teint ce but en ayant dirigé le cultivateur de manière à ce 
qu'il n’éprouve jamais la moindre indécision dans le travail 
que nous lui prescrivons. Ainsi l'application des diverses 
opérations de la taille se réduit à un simple mécanisme qui 
n'a à s'exercer que sur des productions que le jardinier a 
fait naître, oùüil a voulu qu’elles fussent, et pour chacune des- 


344 LA POMONE FRANCAISE. 


quelles il lui est assigné un traitement spécial, connu, et qui 
ne peut varier sensiblement. Il n’en est pas de mème de la 
taille et des autres opérations à pratiquer sur des arbres 
qui ont été mal dirigés, et sur lesquels on a laissé se déve- 
lopper les bourgeons selon le mouvement naturel de la sève 
sans s’y être opposé, où rien sur ces arbres n’a été prévu, 
où rien n'est à sa place, où tout est confusion, et où la 
forme même de l'arbre n’est souvent pas déterminée. Lors- 
qu’un jardinier est obligé d'opérer sur de tels arbres, il se 
trouve très embarrassé d'agir, soit qu’il veuille conserver ou 
supprimer une branche plutôt qu’une autre ; son travail est 
nécessairement lent , il devient très compliqué et demande 
beaucoup plus d'intelligence et de temps pour établir un 
ordre de choses désormais révulier, favorable au travail , à 
la fructification et à la prospérité de l’arbre. Ayant eu nous- 
même à surmonter ces difficultés sans avoir trouvé de 
suides, nous pensons pouvoir être utile en communiquant 
à nos lecteurs les résultats de notre expérience à cet égard; 
ils les trouveront consignés dans le chapitre Du rapproche- 
ment et du rajeunissement des arbres fruitiers. 

Nous n'avons fait mention jusqu'ici que de la taille, 
afin que l’on puisse mieux comprendre combien elle 
est simple et facile; mais si, après avoir taillé, nous 
mous aidons du pincement, de l’'ébourgeonnement et du 
palissage, on trouvera encore plus de facilité pour ren- 
dre les arbres extrêmement fertiles sans les mutiler ; 
telle est notre méthode. Nous disons notre méthode, 
car jusqu'ici le poirier et le pommier soumis à la taille ont 
paru si lents à fructifier et produisent tellement peu, que 
lon s’est imaginé, pour obtenir des récoltes abondantes, de 
diriger l'extrémité des branches vers la terre, ce qui donne 
aux poiriers ainsi traités l'aspect du frêne parasol. 

L'emploi de tels moyens atteste l'ignorance des principes 
de la taille et de la physiologie végétale. Comment conce- 


LA POMONE FRANCAISE. 54% 


voir en effet que l’on prenne le temps et la peine d’élever 
des arbres pour ensuite renverser les branches dans une 
direction qui les empêche de continuer à se développer, et 
en faire espérer de bons résultats ? Il est plus surprenant en- 
core que cette manière barbare de traiter les arbres aït fait 
le sujet de plusieurs rapports lus à la Société royale d’horti- 
culture de Paris, sans qu’aucun de ses membres ait désap- 
prouvé cette conduite. C’est que dans ces réunions d’hom- 
mes instruits les cultivateurs de profession manquent de 
l'assurance nécessaire pour émettre facilement leur opinion, 
d’où il résulte que les sociétés d’horticulture semblent être 
dirigées par quelques orateurs dont la fàächeuse éloquence 
en impose aux hommes de pratique, qui n’oseraient se per- 
mettre la moindre objection dans la crainte de se trouver 
forcés à soutenir la discussion contre des orateurs qui ma- 
nient si bien la parole. Nous ajouterons en passant qu'il se- 
rait à désirer qu’on avisât au moyen d’encourager les culti- 
valeurs à prendre la parole pour communiquer plus souvent 
à la société ce dont eux seuls ont une véritable connaissan- 
ce. L’encouragement dont nous parlons serait un grand pas 
vers le perfectionnement de toute culture. C’est l’amour de 
ce perfectionnement qui nous fait entretenir notre lecteur 
de choses qui peuvent lui paraître peut-être étrangères à 
notre sujet , lorsqu’au contraire elles en sont inséparables. 

Quoi qu’il en soit, l’arqüre ou la courbure des branches 
vers la terre ne sera vraisemblablement jamais pratiquée 
par les personnes qui auront compris la manière dont nous 
élevons les arbres fruitiers. Qu'un propriétaire trouve sur 
son terrain des arbres vigoureux , mais stériles par suite de 
tailles faites à contre-sens ou par toute autre cause, qu'illes 
livre à l’arqüre faute de connaître d’autres moyens de les 
rendre productifs , cela se conçoit; mais qu’on élève des ar- 
bres dans le but de les arquer, c’est une erreur qui ne peut 
provenir que de l'ignorance complète des avantages de la 


546 LA POMONE FRANCAISE. 


taille et des lois de la végétation , ou d’une aveugle con- 
_fiance dans les recommandations inconsidérèées de person- 
nes qui ne justifient pas dans cette circonstance leur répu- 
tation de cultivateur. 

Lorsque nos arbres ont atteint l’âge de produire, ils sont 
aussi couverts de fruits que les arbres à branches arquées, 
avec cette différence qu’ils conservent la faculté de toujours 
s'étendre. Nous supprimons aussi une certaine quantité de 
boutons à fleurs et de bourses, afin de leur substituer des 
rameaux qui attirent la sève dans les branches, les font 
srossir et leur donnent les moyens de mieux nourrir les 
fruits. La place de ces rameaux vivifiants est toujours dé- 
terminée sur chaque branche de nos arbres, ce qui ne peut 
se faire sur des branches arquées, où la sève tend toujours à 
s'échapper vers un seul point, celui qui est le plus saïllant 
sur la courbure. 

Nos arbres produisent tous les ans des récoltes également 
abondantes sans s’épuiser, parce que la sève coule librement 
et également dans toutes les parties. 

Dans les arbres dont les branches sont arquées, l’épui- 
sement est progressif; il entraîne la destruction de l'arbre , 
ou au moins de la forme, que l’on est obligé de renouveler 
à l’aide de la serpe et de la scie. Nos arbres portent abon- 
damment pendant beaucoup d'années de beaux fruits tou- 
jours savoureux et bien faits; tandis que les fruits d’un ar- 
bre qui tend à se détériorer perdent de grosseur, devien- 
nent de plus en plus sans qualités, quoique toujours plus 
nombreux à mesure que l'arbre s’épuise davantage. 

Nous insistons avec autant de persévérance parce que 
nous savons que les méthodes les plus vicieuses se propa- 
sent toujours trop rapidement. On peut encore se rappeler 
que sur lesimple dire de M. Cadet il n’était plus nécessaire de 
tailler les arbres, il devait suffire d’arquer les branches pour 
qu'elles se couvrissent de fruits ; dès ce moment les arbres 


LA POMONE FRANGAISE. 347 


dans toute la France furent arqués jusque dans les localltés 
même les plus éloignées du lieu d’où partaient de tels avis. 
Il n’a fallu rien moins qu’une triste expérience et la dégra- 
dation de plusieurs millions d'arbres fruitiers pour désabu- 
ser les personnes trop crédules. Ce n’est pas que l’arqüre 
à la manière de M. Cadet ne puisse être employée quelque- 
fois seulement et toujours partiellement ; mais il faudrait, 
pour en profiter, avoir beaucoup plus de connaissance des 
lois de la vésétation que n’en ont ordinairement les jardi- 
niers. Quant à l’arqûre des branches tout à fait renversées 
et qu'on semblerait vouloir proposer pour modèle, elle 
n'est pas tolérable, et ne pourrait convenir tout au plus 
qu’à un locataire peu consciencieux qui serait à fin de 
bail. 

Nous avons appris, depuis, que l’on avait voulu élever de 
jeunes arbres en renversant les branches vers le sol à me- 
sure qu’elles poussaient. On a fait beaucoup valoir l’appari- 
tion de quelques fruits sur ces très jeunes arbres ; mais on 
n'a pas annoncé avec le même empressement que ces arbres 
avaient cessé de croître : ceci prouve que, si des arbres déjà 
très développés résistent pendant quelque temps à l'arqüre 
des branches, c’est qu’ils sont pourvus d’un principe de vie et 
de végétation plus étendu , pour la destruction desquels il 
faudra un peu plus de temps qu’il n’en a fallu pour détruire 
l'arbre naissant. Nous espérons que les réflexions auxquelles 
ces faits doivent nécessairement donner lieu serviront à l’in- 
struction de nos lecteurs en les préservant de l’arqûre. 


DU DÉFONCEMENT DES TERRES. 


Il ne suffit pas, pour assurer le succès d’une plantation, 
de renoncer à prendre dans les pépinières des arbres qui ne 
peuvent prospérer, ni de planter des sauvageons destinés à 
être greffés en place ; il est encore d’autres soins aussi in- 


548 LA POMONE FRANCAISE. 


dispensables, tels que ceux à donner à la terre dans Îa- 
quelle les arbres doivent être plantés. Cette terre doit ètre 
profondément remuée et amplement fumée, afin que les 
racines des arbres puissent facilement s’y former, s’y étendre 
et recevoir la fraicheur du fond de la terre, surtout lorsque 
cette lerre est desséchée à sa surface , pendant les chaleurs 
de l’été ou les hâles du printemps. 

Les propriétaires qui font planter sans faire défoncer ni 
fumer leur terrain isnorent sans doute combien ces opé- 
rations, surtout la défonce, sont indispensables au succès 
de leur entreprise. Quant à ceux qui trouvent ces travaux 
trop dispendieux , et qui apportent à cet égard un esprit de 
parcimonie , nous les engageons à ne point planter; ils évi- 
teront non seulement l’achat des arbres, mais encore les 
frais d’une plantation faite en pure perte. Tant il est vrai 
qu'il arrive trop souvent en culture que, si l’on manque à 
une seule chose essentielle , tout ce qu’on a fait est perdu ! 

Il est encore utile que les propriétaires sachent que les 
pépiniéristes ne manquent jamais de faire défoncer et fumer 
leurs pépiniéres, sans quoi les arbres ne pourraient s’y élever. 
Cette connaissance fera apprécier la nécessité de donner aux 
arbres qu’on plantera une terre aussi favorable à la véséta- 
tion que celle dans laquelle ils ont été élevés. Autrement 
la transplantation, qui fait toujours souffrir l’arbre, surtout 
lorsqu'il est greffé, le rendra pour toujours languissant , si 
on le met dans une terre moins bien préparée. C’est parce 
que la plupart des propriétaires ignorent ces choses qu'ils 
ne peuvent parvenir à se créer de belles plantations, que les 
beaux arbres fruitiers sont si rares dans les jardins même, 
et que les beaux fruits sont ésalement si rares, et toujours 
d’un prix excessif. Cette privation de bons fruits est pour 
la population d'autant plus déplorable, que le sol et le climat 
de la France sont en général très favorables à la végéta- 
tion des arbres fruitiers et à leurs produits. 


LA POMONE FRANCAISE. 549 


On profitera de la belle saison qui précède l’époque de la 
plantation pour faire défoncer à vive jauge les plates-bandes 
destinées à recevoir les poiriers et les pommiers. Le mode 
à suivre pour cette défonce est de jeter la terre sur berge 
à deux pieds et demi devant soi. On creusera jusqu’à deux 
pieds de profondeur, et on donnera ensuite dans le fond 
de la jauge un labour d’un fer de bèche, ou bien un 
piochage. On couvrira ce labour d’une épaisseur de terre 
d’un fer de bêche, prise sur la jauge qui va s’ouvrir. Sur ce 
fer de bèche de bonne terre on étendra un lit épais de fu- 
mier; après qu’on l’aura piétiné, on continuera la défonce 
sur la seconde jauge, qui aura, commela première et comme 
toutes celles qui la suivront , 2 mètres 60 centimètres de lar- 
geur sur autant de profondeur, y compris ie piochage dans le 
fond. On avancera ainsi toujours en reculant de 2 mètresen 
2 mètres et demi jusqu’au bout du terrain. Enfin on rem- 
plira la dernière jauge avec la terre provenant de la pre- 
mière que l’on a jetée sur la berge en commençant. Cette 
opération devra être terminée pendant la belle saison, afin 
de laisser aux terres le temps de se tasser. 

Les fumiers, en se décomposant, dégagent des émanations 
qui se combinent avec celles que l’humidité de la terre a 
produites; le tout est absorbé par les spongioles, qui le trans- 
mettent dansle système de l'arbre, dont les productions de- 
viennent d'autant plus vigoureuses que les émanations de 
l'engrais et celles de la terre se trouvent combinées plus fa- 
vorablement. C’est pourquoi nous préférons employer les 
engrais qui ne sont pas entièrement consommés, et c’est 
aussi la raison qui nous les fait placer à une certaine pro- 
fondeur. Du terreau bien réduit et des terres très amendées 
placées au pourtour des racines déterminent la formation 
des nouvelles sponsioles, et la reprise de l'arbre. 


350 LA POMONE FRANCAISE. 


DU CHOIX DES ARBRES DANS LES PÉPINIÈRES. 


On se transportera aux pépinières à la chute des feuilles, 
afin de ne pas être exposé à prendre des arbres qui au- 
raient commencé à perdre leurs feuilles par les extrémités 
avant de les avoir perdues par le bas. Nous avons déjà dit 
que les dernières feuilles venues devaient être les dernières 
à tomber, et que lorsqu'il en était autrement c’était un si- 
#ne visible que l’organisation de l'arbre était viciée. Le dé- 
pouillement de ces arbres devient chaque année de plus en 
plus précoce ; nous en voyons qui perdent leurs feuilles par 
les extrémités dès le commencement de juillet; de tels ar- 
bres sont couronnés dès leur jeunesse , et ne peuvent plus 
s'étendre ni mürir leurs fruits. 

On choisira les poiriers et les pommiers éorains parmi 
ceux dont les tiges sont droites, lisses, les cicatrices bien 
recouvertes, l’écorce vive, nette, sans mousse et sans 
nœuds, surtout vers l'endroit où doit être placée la greffe 
en fente , une ou deux années après la transplantation. 

Les quenouilles seront choisies parmi celles qui sont gref- 
fées sur poirier franc, à moins qu’on n’ait un terrain extré- 
mement propice à la végétation du cognassier. Les que- 
nouilles dont le jet de la greffe aurait été rabattu plus haut 
que de 33 à 40 centimètres au dessus du sol seront rebutées, 
parce que les yeux du bas ne pourraient plus ouvrir que 
faiblement, ou mème point du tout. Si on ne trouvait que 
des quenouilles qui fussent dégarnies par le bas, on ferait 
son choix parmi les demi-tiges, qui, ayant plus de vigueur, 
donneront, après avoir été rabattues, de moins mauvais ré- 
sultats. 

Nous avons vu que les poiriers dits nains, provenant de 
greffes qui ont le moins bien poussé, devaient être rejetés , 
parce qu'il est reconnu qu’un arbre qui ne vésète pas aussi 


LA POMONE FRANÇAISE, 301 


bien que les autres dès ses premières années reste toujours 
languissant , tels soins qu’on lui prodigue. 

Les pommiers greffés sur doucain destinés à former des 
pyramides, des vases, des contre-espaliers, seront choisis 
parmi ceux qui ont poussé le plus vivement, et qui ont 
été rabattus assez près de terre pour faire ouvrir les yeux 
du bas. 

Les pommiers greffés sur paradis destinés à former des 
nains ou des buissons seront également choisis parmi ceux 
qui ont poussé le plus vivement. On aura le plus grand soin 
de visiter la tige et les bourgeons les plus forts pour s’assu- 
rer qu’ils ne recèlent point le commencement d’un chancre ; 
ce germe est toujours sur un œil placé près de terre, ou à 
l'insertion d’un fort rameau. L’æil qui recèle le ver qui 
occasionne le chancre est éparpillé et détruit, les pommiers 
qui en sont affectés seront rebutés, à moins qu’en taillant 
l'arbre on puisse supprimer la partie attaquée. 

Tous les arbres qui auront poussé peu de bois, et qui se- 
ront couverts de boutons à fleurs, seront rebutés, parce que 
de tels arbres sont arrêtés dans leur végétation avant le 
temps et qu’ils ne peuvent que dépérir après la transplan- 
tation. 

Nous devons encore dire que les pépiniéristes, en rabat- 
tant le jet des greffes aussi haut qu’ils le peuvent afin de 
donner plus d'apparence à leurs arbres, font pousser au 
sommet cinq ou six rameaux dont on n’a nul besoin ; en se 
conduisant ainsi, ils nousprivent non seulement des branches 
du bas indispensables à la charpente des arbres que nous 
voulons former, mais encore ils mettent un obstacle invin- 
cible à ce que les arbres puissent jamais acquérir de la vi- 
gueur. Pour comprendre tout le dommage qui résulte de 
leur conduite, il faut se bien pénétrer de cette vérité, que 
les arbres ne grossissent que par les fibres descendantes des 
bourgeons arrivant jusqu’à l’extrémité des racines, où elles 


352 LA POMONE FRANCAISE. 


font naître les spongioles ; mais lorsqu'on raccourcit le jet 
de la greffe aussi haut, il n’y a que les yeux du sommet qui 
ouvrent en bourgeons, et alors les fibres descendantes de 
ces bourgeons ont à parcourir une longue distance, sur l’é- 
tendue de laquelle tous les yeux s’étant oblitérés , ellesn’en 
peuvent être secondées, et sont si faibles lorsqu'elles arri- 
vent aux racines, qu'elles n’y exercent que peu ou point 
d'effet ; tandis que, si au contraire on eût fait ouvrir en bour- 
geons tous les yeux du talon de la greffe, leurs fibres des- 
cendantes fussent entrées immédiatement er communica- 
tion avec les racines et eussent produit à leurs extrémités 
une grande quantité de spongioles, et par conséquent tous 
les éléments de force, de vigueur et de durée, nécessaires à 
la charpente de l’arbre que nous avons à former. Nous nous 
répétons, parce que nous pensons que l’on ne saurait trop 
inculquer dans l'esprit de la plupart de nos lecteurs une 
vérité, quoique évidente, qui a été tellement méconnue, 
que cette ignorance est la cause de la détérioration de nos 
arbres fruitiers. 

On se servait autrefois de demi-tiges pour placer entre 
les arbres nains plantés contre les murs, parce que l’on 
croyait qu'un espalier ne pouvait acquérir assez d’étendue 
pour couvrir le mur ; aujourd’hui il n’y a que les jardiniers 
qui ne savent pas tailler les arbres qui se servent de demi- 
tiges pour cet objet. 

Après qu’on aura fait le choix des arbres, on veillera à ce 
que les racines soient levées de terre sans être éclatées ni 
meurtries. On aura soin, en chargeant les arbres sur la voi- 
ture, que les ridelles soient bien garnies de paille, et que 
l’ouvrier qui est sur la voiture pour la charger n’ait point 
à ses pieds de souliers ferrés. On garnira aussi de paille les 
endroits où portent les cordes qui assujettissent les arbres 
après le chargement. 


LA POMONE FRANÇAISE. 353 
N 


De la mise en jauge et de l’habillement des arbres. 


Aussitôt l’arrivée des arbres à leur destination, on les 
mettra en jauge dans du terreau neuf, après les avoir ha- 
billés; ils seront placés de manière à pouvoir les retirer un 
à un lors de la plantation. Si elle n’a lieu qu'après l'hiver, 
le terreau aura favorisé singulièrement la sortie des mame- 
lons qui forment les spongioles ; dans ce cas, à mesure que 
lon sortira un arbre de la jauge pour le planter, on plongera 
plusieurs fois les racines dans un baquet rempli de terre 
franche déilayée avec de la bouze de vache : cette précau- 
tion 2ous a toujours parfaitement réussi. | 

Habiller un arbre, c’est raccourcir ses racines et ses 
branches avant de le planter ou de le mettre en jauge. Cette 
opéralion, quoique très simple, a beaucoup plus d’impor- 
tance qu'on ne croit sur le succès des plantations, parce que 
Parbre se ressent pendant toute sa durée des fautes que l’on 
a commises à cet égard, et qu’elles sont de nature à être 
toujours irréparables. | 

- Comme nous ne partageons point l’'epinion actuellement 
en faveur sur le raccourcissement des racines, qui veut 
que lon laisse aux arbres toutes celles qu'on a pu leur 
conserver en les déplantant, nous pensons devoir justifier 
notre opinion par toutes les raisons qui nous semblent les 
plus plausibles, d'autant qu’il n’est pas dans nos principes 
d'enseignement qu'on nous croie: sur parole ; ainsi nous 
commencerons par examiner comment naissent les racines, 
comment elles se dévelcppent en sortant de la graine, et 
quelles sont leurs fonctions. 

L’embryon contenu dans la graine, après s’être gonflé et 
avoir rompu ses téguments , s’allonge en se dirigeant vers 
le bas, puis. bientôt vers le haut. Le point de a. de 
ces deux directions forme un centre de communication 
continuelle. 

23 


554 LA POMONE FRANÇAISE. 


Les circonstances les plus favorables au développement 
de la graine sont d’être enveloppée dans lobscurité et re- 
couverte plus ou moins d’une terre légèrement humide, 
maintenue à une température égale et plus élevée que celle 
de l’air extérieur ; cette terre devant être assez tassée ou 
assez compacte à sa surface pour arrêter la trop libre circu- 
lation de l’air intérieurement, qui rendrait sa température 
trop variable. 

Dans cette situation, les racines s'étendent dans tous les 
sens par l’addition de matières qui descendent d’abord des 
feuilles séminales, puis ultérieurement des feuilles et des 
bourgeons dans les racines par leur écorce, et qui viennent 
s’accumuler à leurs pointes en molécules ou en filets extré- 
mement déliés. Ces filets nourriciers ont la faculté d’absorber 
incessamment el très rapidement les fluides ou les matières 
devenues gazeuses à leur portée, et qui sont de là attirées 
au travers des racines et des tiges par les feuilles, les bou- 
tons et les écorces, jusqu’au sommet de l'arbre , avec d’au- 
tant plus de rapidité que ces parties sont éclairées par le 
soleil et plongées dans une atmosphère plus ou moins 
chaude. Ces racines nourricières et avides d'humidité se 
nomment spongioles ; elles sont le commencement de toutes 
les plus jeunes racines, qui, une fois devenues solides, n’ont 
plus la propriété d’absorber les sucs nourriciers, à moins qu'il 
ne se forme sur leur écorce quelques spongioles; encore 
n’en reçoivent-elles de cette manière que très peu de sues. La 
partie solide des racines contient seulement les canaux par 
lesquels passent les sues nutritifs ascendants destinés à pro- 
duire le prolongement des branches, et les sucs descendants 
destinés à l’élongation des racines, passent entre le bois et 
l'écorce de l'arbre et des racines. Les spongioles ont donc la 
faculté de recevoir constamment l'addition de nouvelles 
matières vivantes venant du dedans et poussées au dehors 
vers leurs extrémités, ce qui nous donne lieu de penser 


LA POMONE FRANÇAISE. 558 


_ que tout ce qui pénètre naturellement dans les plantes 
{tourne à leur extension, soit à cellle des branches, soit 
à celle des racines, et que les plantes n’ont point, comme 
quelques physiologistes le supposent des matières excré- 
mentitielles. Nous ferons remarquer, à cette occasion, que 
l'on s'expose toujours à commettre de graves erreurs en 
attribuant au règne végétal les mêmes fonctions qu'au rè- 
gne animal; ces comparaisons, auxquelles on est très enclin, 
ont dû être un obstacle aux progrès de la science. 

“Les racines nouvellement formées périssent si leur ap- 
parilion n’est pas immédiatement suivie par la formation 
de nouvelles feuilles. 

La principale fonction des racines est de puiser dans Îla 
terre la nourritüre nécessaire à l’arbre ; dans ce but elles 
sont pourvues d’une pointe extrêmement hygrométrique ca- 
pable d’aspirer incessamment toute matière propice qui se 
trouve à sa portée. Sa force d'absorption est toujours pro- 
portionnée à la quantité de nourriture qu’exige la plante 
lorsqu'au printemps la sève est rapidement employée par 
les feuilles, ce qui met les racines dans une grande acti- 
vité; mais à l’automne elles tombent dans un état de tor- 
peur de plus en plus srand. Cependant les racines ne res- 
tent complétement inactives à aucune époque de l’année, 
à moins qu'elles ne soient gelées; autrement elles puisent 
toujours des sucs nourriciers dans le sein de la terre pour 
les porter à l'extrémité du végétal, où ils s’amassent, pour 
ainsi dire , jusqu’au printemps; alors les yeux et les bou- 
tons se gonflent , s’arrondissent , et ensuite les jeunes 
pousses viennent s’en emparer. 

L’embryon n’a pas à lui seul la faculté de donner nais- 
sance aux racines ; les yeux des rameaux, une fois for- 
més , l'ont aussi, et celte faculté se trouve même dans les 
anciennes racines lorsqu'on en supprime l’extrémité. 

D'après cet exposé de la formation des racines , de leur 


356 LA POMONE FRANÇAISE. 


croissance et de leurs fonctions , il est évident que les 
jeunes racines ou les spongioles sont les seules nourricières 
de la plante , et que, si sa végétation n’est point interrom- 
pue , elles continueront de toujours s'allonser, de grossir 
et de se ramifier, tout en contribuant à augmenter dans les 
mêmes proportions l’extension des branches. Mais s’il ar- 
rive que l’on soulève toutes les racines , que l’on en brise 
les extrémités , l'arbre ne pourra plus reprendre une nou- 
velle vésétation qu’en se créant de nouvelles racines nour- 
ricières ; les anciennes, quelque allongées et quelque nom- 
breuses qu’elles soient, né peuvent servir que de supports, 
ou de mères, ou de souches, aux nouvelles racines. Il 
nous importe, dans ce cas, de connaître sur quelle partie de 
ces racines raccourcies les spongioles se formeront le plus 
promptement et en plus grande quantité , et à quelle di- 
stance du tronc de l’arbre ïl est le plus avantageux de 
faire naître les nouvelies spongioles. | 

L'expérience a appris que l’on favorise la sortie des spon- 
sioles en raccourcissant les racines selon leur force, tou- 
jours sur une partie charnue et assez dilatée pour former 
vromptement autour de l’amputation beaucoup de mame- 
lors , et par conséquent beaucoup de spongioles. Si au COR. 
taie on raccourcissait les racines vers leurs extrémités, il 
en sortirait moins de spongioles; il pourrait même arriver 
qu’il n’en sortit point du tout, parce que l'air aurait dessé- 
ché cette extrémité. Si enfin il ne sortait que peu de spongio- 
les, la reprise de l'arbre serait faible, il resterait pour tou- 
jours languissant, parce qu'il n° y aurait aucun moyen de re- 
médier à cette faute; d’ailleurs la nourriture pompée par 
les spongioles aurait à parcourir, pour arriver jusqu’au 
tronc , une longue distance au travers de canaux plus ou 
moins obstrués par Peffet de la transplantation; en outre. 
ces spongioles placées à une certaine distance du tronc ne 
pourraient profiter des bénéfices de la terre neuve qui l’en- 


L @" 


LA POMONE FRANCAISE. 3#7 


œure ; enfin il semble que moins l'eau de végétation aura 
de distance à parcourir pour arriver au tronc, plus il y aura 
d'activité dans sa circulation. | 

Nous pensons que ja règle à suivre pour le raccourcisse- 
ment des racines d’un arbre que l’on veut transplanter doit 
être proportionnée à sa force et à son élévation, de sorte que 
l'arbre, étant habillé, puisse rester debout et done solide: 
ment fixé au sol lorsque” les racines seront couvertes de 
terre. Il ne faudrait pas, en admettant trop rigoureusement 
notre système, rétrograder, et trancher, comme autrefois, 
avec la serpe sur le billot les racines tout contre le tronc. 
Nous avons voulu seulement faire comprendre ici combien 
il serait nuisible à la végétation d’un arbre transplanté de 
lui conserver toutes ses racines, quelque allongées qu’elles 
soient, ainsi que le prescrivent la plupart des écrivains de 
cette époque. Après avoir donné contre une telle opinion 
toutes les raisons que nous croyons les meilleures, nous ajou- 
terons que notre théorie pour les plantations est fondée sur 
les résultats que nous avons obtenus en suivant avec beau- 
coup de soins pendant plus de vingt-cinq ans les plantations 
considérables que nous faisions Era dans les parcs, pépi- 
nières et jardins de la couronne, en modifiant souvent fa 
manière de planter et en nous en rendant toujours un 
compté exact; nous avons encore journellement sous les 


… yeux les résultats de nos expériences, notamment entre les 
deux Trianons. Lors de ces essais comparatifs, nous assis- 


tions à la levée des arbres dans des pépinières dépendant 
de notre administration ; nous recommandions que les ra- 
cines ne fussent ni meurtries ni éclatées près du tronc et 
aux endroits de leur bifurcation; et pour rendre l'exécution 
de notre volonté plus facile, nous limitions la longueur des 
racines en raison de la force et de la hauteur des arbres à 
déplanter, avec injonction très expresse de ne jamais em- 
ployer d'effort pour sortir l'arbre de terre avant que toutes 


358 LA POMONE FRANCAISÉ. 


les racines n'en fussent détachées. Quant aux arbres que 
nous voulions faire planter avec toutes leurs racines, nous 
redoublions de précautions afin de les obtenir entières et 
d’une FRE étendue. Mais ces arbres, malsré les soins et 
te temps qu’on leur consacrait, ont toi br nas réussi; On 
peut même considérer ces plantations comme étant mari- 
quées si on les compare avec ceiles qui ont élé faites dans 
le mème terrain, mais dont les racines avaient été rac- 
courcies aux endroits qui promettaient le plus de spongioles. 
Cet article de la formation des racines n'a pas seulement 
pour but de ne laisser aucun doute sur la manière dont or 
doit habiller les racines d'un arbre avant de le D 
d'assurer sa reprise et sa prospérité, mais encore de. 
connaître au cullivateur combien il importe que les nou- 
velles racines qui doivent se former se trouvent environnées 
de tout ce qui peut favoriser les fonctions qu’elles ont à 
remplir ; il sait déjà que c’est dans une terre profondément 
remuée que se forment, que cireulent et que se combinent 
ces vapeurs. Le mécanisme des racines, étant bien connu, lui 
fera comprendre qu’il vaut mieux ne point planter que de 
mettre Îles racines dans une situation où les conditions qué 
doivent les animer sont rares ou mème nulles. L'expérience 
doit lui avoir appris que, si à une terre profondément défon- 
cée on ajoute des matières fermentescibles, placées à une | 
profondeur où elles se décomposent lénterene les jeur es 
racines sont bientôt excilées, et altirées vers le foyer de 
cette douce fermentation, dont les vapeurs nutritives sont 
absorbées plus avidement encore que toutes les autres par 
les spongioles. é 
Nous avons toujours obtenu de bons résultats en mélant 
aux terres défoncées des plâtras et des démolitions concas- 
sées ; nous avons eu lieu de remarquer que ces matières 
agissaient par les sels qu’elles contiennent et aussi comme 
divisant la terre et y multipliant les couches d’air. Les plan- 


LA POMONELFRANCAISE. 339 


- fations qui se font sur de grandes lignes réussissent beau- 
coup mieux lorsqu’au lieu de faire des trous pour chaque 
arbre, on ouvre une tranchée sur toute l'étendue de la 
ligne, parce que les émanations sont plus abondantes, se 
combinent mieux par leur circulation et deviennent plus 
favorables aux sponzsioles qui se les approprient. 

Les procédés que nous venons d'indiquer procurercont 
aux arbres une vigoureuse végétation, forceront les jarai- 
niers à apprendre les moyens d'employer cette vigueur à 
produire &es récoltes abondantes. Ces moyens si simples et 
si naturels sont à la portée de tous les cultivateurs, il ne 
tiendra qu’à eux de s’en servir. C’est par une isnorance 
complète de ces moyens que quelques jardiniers préfèrent 
encore choisir dans les pépinières des quenouilles et des 
arbres nains, afin de n’être pas embarrassés de la vigueur 
de ces arbres. 


Plantation des Egrains. 


Onpianteles poiriers et pommiers égrains dans les champs, 
dans les vergers, et en lisne sur les bords des chemins. 
Pendant l'été, on fait ouvrir les trous destinés à rece- 
voir ces arbres on leur donne 2 mètres carrés sûr À mètre 
de profondeur, avec un piochage dans le fond. On aura 
soin , en fouiliant la terre, de mettre les gazons sur un des 
côtés, les terres de la superficie sur un autre, et Tes terres 
du fond sur un troisième côté, afin, lors du remblai, de 
mettre dessus ce qui était dessous. Lors de la plantation, on 
mélangera une forte quantité de fumier avec la terre de la 
fouille, et l’on se sera muni d’une terre riche, sèche et légère, 
pour l’insinuer entre les racines , que l’on aura soin de bien 
espacer ; puis on assurera l’arbre solidement. On ne népsli- 
gera pas d’entourer la tige d’épines solidement fixées pour 


360 LA POMONE FRANCAISE. 


défendre l'arbre contre les bestiaux. [ serait à désirer que 
le champ où sont plantés les arbres fût cultivé en plantes qui 
nécessitent des binages , surtout pendant les premières an- 
nées de la plantation; il serait inutile de planter une pièce 
de terre que l’on destinerait à être semée en luzerne ou 
en sainfoin. 

Après la plantation, lors de la pousse, on aura soin d’é- 
bourgeonner les arbres, de leur donner au moins trois forts 
binages. On s’occupera, après la seconde année, de greffer 
les arbres qui auront poussé vivement et qui seront bien 
attachés au sol par leurs racines. 

Si l’on destine les fruits que doivent porter les égrains 
greffés à faire du cidre ou autre boisson, on choisira parmi 
les espèces les plus renommées celles qui mürissent à peu 
près en même temps, afin, lors de la récolte, de les trouver 
réunies dans le même canton. On doit savoir que ce n’est 
pas seulement la qualité du sol qui produit le meilleur cidre, 
mais aussi le mélange sgraduë de diverses sortes de fruits; 
l'expérience a dû apprendre dans chaque canton ce qu'il y 
a de mieux à faire à cet égard ; nous ne pouvons qu'attirer 
‘attention des propriétaires sur ce sujet, lorsqu'il s’agit de 
greffer les égrains. 

Les rameaux destinés aux greffes seront cueillis à la fin de 
janvier ei piqués dans de la terre franche, à une exposition 
nord, puis entourés de mousse, ou bien piqués dans un 
gâteau de plaise et descendus à la cave. Au mois de mars, 
un peu avant que la sève soit en mouvement, on étêtera 
les égrains et l’on procédera à la greffe. 

Ces arbres ayant une certaine #rosseur, il arrive que 
Von est obligé d'introduire dans le centre de la fente un 
coin, afin de la maintenir assez ouverte pour recevoir les 
deux greffes. Les inconvénients que nous avons trouvés 
lorsqu'on retire ce coin nous ont fait adopter un instrument 
très simple pour le remplacer; il est de l'invention de 


LA POMONE FRANÇAISE. 861 


M. Le Roux, jardinier, entrepreneur de jardins paysasistes 
(fig. 200). Au milieu est une lame dont le taillant est en bi- 
seau des deux côtés, elle est surmontée d’une têle sur 
laquelle on frappe pour faire entrer la lame et fendre le 
sujet ; à chaque bout de l’instrument est un crochet un peu 
long, plat, aiguisé et ouvert; on l’introduit dans le centre 
de la fente, et, en pesant sur l’autre bout, on la tient autant 
et aussi peu ouverte qu'il est nécessaire pour le placement 
des greffes ; ensuite il suffit de rendre la main pour que le 
crochet se trouve dégagé sans la moindre secousse , et sans 
ébranler les greffes. A l’aide de cet instrument , on opère 
plus promptement. L’emploi de cet outil n’est recommandé 
que pour les arbres d’une certaine dimension, et lorsque le 
bec de la serpette est insuffisant. 

On aura l’attention de toujours entailler le rameau près 
d'un œil, de manière que cet œil se trouve placé au ni- 
veau de l’aire de la coupe du sauvageon , et non engagé 
dans la fente , afin que l’empâtement de l’œil recouvre plus 
promptement la plaie sans faire un trop fort nodus. Bien 
entendu qu'avant de placer les greffes on aura rafraichi 
l'aire de la coupe du sujet avec un instrument très tran- 
chant, Il arrive quelquefois, lorsque les greffes sont placées, 
que les deux côtés de l'arbre tendent à se rapprocher trop 
fortement , surtout lorsque les arbres sont #ros et vigou- 
reux; ce rapprochement pourrait trop comprimer Îles 
greffes; dans ce cas , on introduit à demeure dans le centre 
de la fente un petit coin de bois dur et sec. Si au contraire 
arbre manquait d’élasticité, on ferait une ligature. L’opé- 
ration terminée, on enduit la greffe avec la poix à greffer. 
On aura soin de l’appliquer chaude , mais non bouillante, 
et de l’étendre de manière à ne pas laisser la moinpre 
ouverture par où les pluies ou l'air puissent pénétrer. On 
entourera les greffes de ramilles solidement fixées après 
le corps de l'arbre, pour que les jets des greffes ne soient 


/ 


362 LA POMONE FRANCAISE. 


pas exposés à être décollés par les vents ou par les oiseaux 
qui viendraient s’y abattre. 

Au printemps suivant, on raccourcira aux deux tiers 
environ le jet des greffes, dans le but d’établir la tête de 
l'arbre sur quatre ou cinq branches principales, également 
espacées entre elles , et aussi äfin d'identifier fortement fa 
sreffe au sujet par les fibres descendantes des bourgeons qui 
sortiront du talon de la greffe; à la pousse, on donnera 
un ébourgeonnement. L'année suivante, on leur donnera 
encore une taille et un ébourgeonnement ; ensuite on pourra 
laisser croître ces arbres librement, à moins qu’on n'ait le 
loisir de les soigner plus loñg-temps et de continuer à en 
diriser la charpente, de la régularité de laquelle dépend 
la durée de leur existence. Tous ces arbres doivent recé- 
voir chaque année trois ou quatré binages profonds. 

Si l’on greffe des fruits à couteau, il faut éviter de 
choisir des rameaux de fruits fondants et d’un gros volume, 
surtout à longue queue, parce que, ces arbres prenant une 
grande élévation, les vents détruisent une partie des ré- 
coltes. On choisira parmi les fruits fondants ceux qui müris- 
sent après avoir été cueillis pendant et après l’hiver, et que 
l’on doit même avoir cueillis avant leur parfaite maturité. 


Poiriers et pommiers dirigés en palmettes à tige simple. 


On suppose que les arbres sont tels qu’ils arrivent des pé- 
pinières , c’est-à-dire plus ou moins dégarnis du bas. Ceux 
qui sont destinés à ètre appuyés contre Îles murs seront 
plantés de manière à ce que les racines soient écartées de 
22 centimètres , la tête inclinée vers le mur. Les arbres se- 
ront espacés entre eux de 3 à 5 mètres, suivant la nature 
du sol, qui a dü être défoncé et amplement fumé. 

On ravalera la tige à 50 ou 66 centimèlres au dessus 
de terre, et l’on supprimera à l'épaisseur d’un écu 


LA POMONE FRANCAISE. 364 


toutes les pousses, mème les dards, qui se trouveront au 
dessous de ce ravalement , afin d'obtenir un développement 
sénéral de tous les yeux et sous-yeux qui peuvent se trouver 
sur cette tige; ce qui donnera la facilité d'établir les pre- 
mières bases de la charpente de l’arbre. 

La formé que nous voulons donner étant celle de là pal- 
mette à une seule tige , les branches ou les bras latéraux 
seront espacés de 35 centimètres ; on ne laissera donc se dé- 
velopper que les bourgeons nécessairés à cette forme ; on 
supprimera , à mesure qu'il paraîtra, celui des bourgeons 
doubles qui sera le moins bien placé, afin de favoriser celui 
que l’on conservera. L'équilibre entre les bourgeons des- 
tinés à former des bras s’établira et se maintiendra par le 
palissage et ensuite par la taille. Il sera donc à propos, dès 
ce premier début, de tirer (outle parti qu'offre le palissaxe 
et d'y apporter la plus srande attention. Les bras seront 
dirigés et attachés contre le mur sous un angle de dix à 
quinze degrés, plus ou moins, suivant que l’on voudra fa- 
voriser le développement de l’un et restreindre celui de 
l’autre. 

Le bourgeon terminal qui doit former la flèche sera 
maintenu verticalement ; il ne faut pas perdre de vue que 
c’est par le raccourcissement successif de cette flèche que 
naîtront les deux bras qui doivent continuer la forme de 
l'arbre , jusqu’à ce qu’il soit parvenu à garnir sans vide et 
sans confusion tout l’espace qui lui est destiné. 

Après la chute des feuilles, ou au plustard vers la fin de 
février, avant de donner les façons à la terre , on dépalissera 
l'arbre; on raccourcira la flèche à 26 ou 33 centimètres, 
suivant sa vigueur, sur un œil de devant bien conditionné 
et placé de manière à ce que Îe bourgeon qui en naîtra con- 
ünue le prolongement de la tige par une ligne parfaitement 
droite. 

Les deux premiers bras seront faillés de 14 à 17 centi- 


364 LA POMONE FRANCAISE, 


mètres, plus ou moins ; ceux que l’on voudra modérer se- 
_ront taillés moins longs et sur un œil moins bien formé, mais 
toujours sur un œil placé favorablement pour continuer le 
prolongement du bras sur une ligne droite. 

À la pousse , on palissera le premier un membre plutôt 
qu’un autre, suivant que l’on veut restreindre l’un ou favo- 
riser celui que l’on palissera plus tard ; on abaissera plus ou 
moins les bras, ils ne seront jamais placés horizontalement , 
Jeur plus grande inclinaison sera de soixante-quinze à qua- 
tre-vingts degrés, où ils arriveront successivement et peu 
à peu. 

L’ébourgeonnement ou le cassement des brindilles sur 
un espalier de fruits à pepins ne doit avoir lieu que vers la 
fin de juillet ; plus tôt on s’exposerait à ce que les yeux au 
dessous, qui doivent se façonner lentement , et former, par 
la stagnation de la sève, des boutons à fleurs, s’ouvrissent 
et ne produisissent rien dont on pût Lirer parti; c’est par la 
même raison que le pincement, qui est si essentiel dans la 
conduite du pêcher, doit être modéré pour les arbres à 
pepins. Il ne doit avoir lieu que sur le premier et le deuxiè- 
me bourgeon au dessous du terminal, sur les bourgeons 
qui poussent sur le devant, et enfin sur les sourmands pour 
prévenir leur développement. 

Au premier ébourgeonnement, on ne supprimera que ce 
qui aura poussé derrière l'arbre ; on pincera les bourgeons 
qui pousseront sur le devant. On attendra au temps de la 
taiile pour supprimer le reste , afin de ne pas occasionner 
ure explosion de sève. 

Au temps de la taille, le raccourcissement de la flèche 
aura pour but la création d’un ou de deux bras, et le pro- 
longement de l'arbre. On fera en sorte qu’il se trouve un ou 
plusieurs bourgeons entre le bras naissant et le terminal, 
afin de ne pas attirer la sève trop vivement sur un seul point 
où elle n’a déjà que trop de tendance à se porter. On rac- 


LA POMONE FRANÇAISE. 365 


courcira les bras selon leur force et leur position; on tail- 
lera à l'épaisseur d’un écu les rameaux qui sont sur ces bras, 
et les brindilles seront raccourcies de 10 à 12 centimètres. 

A la pousse, on pincera les bourgeons intermédiaires, on 
favorisera le développement des bras qui sont au dessous ; 
on emploiera le palissage pour maintenir l’équilibre entre 
eux ; la flèche sera maintenue dans une position verticale. 

Aux tailles suivantes, on se conduira d’après les mêmes 
principes; on supprimera à l'épaisseur d’un écu les ra- 
meaux , afin de ne laisser sur les membres que des boutons 
à feuilles, à fleurs, des dards, et des brindilles, qui seront 
tenues courtes; on laissera aussi des bourses et des lam- 
bourdes. On n’établira de bifurcation sur les bras que dans 
le cas où un accident survenu au bras voisin laisserait un 
vide. L’intervalle de 35 centimètres que nous laissons d’un 
bras à l’autre suffit pour ne pas être forcé de trop raccourcir 
les lambourdes et les brindilles. Ces productions doivent 
d’abord avoir une certaine longueur ; ce n’est que plus tard, 
lorsque l'arbre est en bon rapport, que l’on opère sur elles 
des rapprochements pour leur donner plus de vigueur et 
d’étendue. Le pommier doit être taillé un peu moins long 
que le poirier, parce que les yeux se développent en moins 
grande quantité sous la taille; c’est aussi pour cette raison 
que l’on pratiquera le pincement. Si ce que nous venons de 
recommander est bien observé, il suffira de sept à huit an- 
nées pour garair entièrement un mur de huit à neuf pieds 
d’élévaiion. 


Palmette à double tige de poiriers greffés en place sur sau- 
vageon ou sur cognassier, et de pommiers sur doucain. 
(PI. XIV.) 


C'est après avoir reconnu que l’éducation d’une palmette 
à tige simple était moins prompte et moins facile que celle 


366 LA POMONE FRANCAISE. 


d’une palmette à double tige que nous proposons cette 
‘forme pour modèle. La double tige prète mieux à une 
égale répartition de la sève dans tous les bras. Nous allons 
opérer sur des sujets greffés en place, plantés selon nos 
indications et à des distances convenables : 5 mètres 
dans les bons terrains, et 3 mètres 33 centimètres dans les : 
terrains médiocres. 

Chaque sujet ayant recu deux greffes placées en A etB, 
diamétralement opposées l’une à l’autre, et les greffes à 
œil dormant ayant poussé deux jets devant former les 
deux liges qui ont été élevées de manière à être d’ésale 
force , on rabattra, au temps de la taille, chaque jet à 
25 centimètres au dessus du sol, suivant la vigueur de 
la pousse, sur deux yeux, l’un destiné à continuer le 
prolongement de la tige, et l’autre à former le premier 
bras O immédiatement au dessous du terminal. Si l’on 
avait pris les arbres dans les pépinières, on les rabattrait 
en les plantant de manière à obtenir deux tiges. 

À la pousse, les tiges seront dirigées verticalement, 
inclinant légèrement l’une à droite, l’autre à gauche, 
pour établir entre elles un écartement de 26 à 32 centi- 
mètres ; on approchera ces tiges plus ou moins contre le 
mur, suivant que l’on voudra restreindre l’une et favoriser 
l’autre. Les bourgeons immédiatement au dessous du 
terminal, destinés à former les deux premiers bras, l’un à 
droite, l’autre à gauche, seront favorisés dans leur déve- 
loppement, et leur égalité de force sera réglée par le 
palissage ; les autres seront pincés. S’il se développait des 
entre-feuilles, quoique cela arrive rarement sur iles arbres 
à pepins, on les pincerait en laissant la feuille qui est à 
leur insertion. 

On palissera les bras sous un angle de dix degrés. Le 
palissage servira, comme nous l’avons dit, à distribuer la 


LA POMONE FRANÇAISE, 567 


sève également dans les deux tiges et dans les deux pre- 
miers bras O. 

Le résultat de la première taille, du pincement et du 
palissage , a dû produire, à la fin de la saison , deux tiges 
d’égale force et deux bras O épaux aussi en force. C’est 
sur ces productions que nous allons pratiquer la seconde 
taille. Chaque nouveau prolongement d’un bras ou d’une 
tige établit une nouvelle section. 

Avant d'opérer le raccourcissement de la première 
section, il est à propos de se rappeler que les bras doivent 
avoir entre eux une distance de 35 à 40 centimètres; en 
conséquence, on raccourcira les lises de manière à ce 
que l’œil qui donnera naissance au second bras soit assez 
éloigné de l'œil terminal pour ne pas attirer sur un même 
point, comme on a pu le faire sans inconvénient pour 
l'établissement du premier bras O, une trop grande af- 
fluence de sève. Cette condition suppose une taille allongée 
de 40 à 42 centimètres sur la première section de la tige ; 
elle sera faite autant que possible sur un œil du devant, afin 
que la plaie ne soit pas exposée aux rayons du soleil, et 
aussi pour que le prolongement de la tige soit sans coude 
et sans nœud apparent. S’il arrivait que les tiges n’eussent 
pas assez poussé pour supporter cette longueur de taille, 
ce qui serait extraordinaire, on attendrait à l’année sui- 
vante pour former le second bras. 

On raccourcira le premier bras O à 20 ou %5 centi- 
mètres de longueur, suivant sa force, et toujours sur un 
œil qui puisse donner un prolongement direct, horizontal, 
sans coude et sans nœud. Cette taille, qui sera aidée du pin- 
cement sur les deux premiers bourgeons au dessous du 
terminal , a pour but de faire ouvrir tous les yeux qui sont 
au dessous; nous appelons cette partie première section 
du premier us. 


Lors de.la pousse, on dirigera les tiges verticalement 


368 LA POMONE FRANCAISE. 


plus ou moins approchées du mur, suivant qu'on voudra 
- restreindre l’une et favoriser l’autre. On pincera tous les 
bourgeons qui sont sur la tige, surtout ceux qui sont entre 
le terminal et celui destiné à former le second bras P, 
que l’on favorisera dans son développement. Les bour- 
geons qui sont sur le devant et entre les deux tiges seront 
pincés plus sévèrement que ceux qui sont en dehors. On 
supprimera ceux qui sont contre Île mur. 

Le bourgeon terminal de la première section, sur le pre- 
mier bras, sera dirigé sur une ligne droite, quoique inclinée ; 
on pincera les deux premiers bourgeons qui se trouvent 
au dessous, pour donner de la force au bourgeon terminai 
qui doit à la taille prochaine former la seconde section, et 
aussi pour faire oùvrir les yeux du talon de la première 
section de ce premier bras. 

Au palissage, on attachera les tiges A de 
manière à maintenir une parfaite égalité de force entre 
elles. 

On palissera sous un angle de dix degrès le second bras. 

On dépalissera entièrement le premier bras pour l’in- 
cliner un peu plus; si les bourgeons près du terminal 
avaient, malgré le pincement, pris trop de force, on les 
ébouquetterait en attendant ie moment de les supprimer à 
l'épaisseur d’un écu, lors de la taille. Les brindilles trop 
allongées seront aussi ébouquetées à la longueur qu’elles 
doivent conserver, c’est-à-dire à 10 ou 12 centimètres. 
Cette dernière opération sera faite assez tard pour que les 
yeux au dessous de la fracture n’ouvrent pas; ils doivent 
seulement retenir un reste de sève qui les fasse gonfler. 

Les résultats de la seconde taille sur les tiges et de la 
première sur les premiers bras, le tout aidé du pincement 
et du palissage, ont produit : 1° sur les tiges, la conti- 
nuation d'une parfaite égalité de force dans leur prolon- 
gement et ies moyens d'y établir un troisième bras R ; 


LA POMONE FRANCAIS. GO 


20 l'établissement du second bras P; 3° le prolongement de 
la première section du premier bras, sur lequel prolon- 
sement sera établie la seconde section. On remarque que 
tous les yeux sur la première section se sont ouverts plus 
ou moins en raison de leur proximité du terminal; il a 
suffi que les yeux du bas de cette section ouvrissent en 
rosettes : s’ils étaient plus développés, ce serait un indice 
que la taille aurait été trop courte par rapport à la visueur 
de l'arbre, et un avertissement pour alonger davantage 
celle de la section au dessus. 

Après la chute des feuilles, on dépalissera entièrement 

l'arbre pour procéder à la troisième taille. Les flèches se- 
ront raccourcies, cette fois, à 33 centimètres de longueur 
seulement à cause des 11 centimètres qui restent de libre au 
dessous de la taille précédente. Cette taille est restreinte par 
rapport à la distance chiigée des bras entre eux ; mais celle 
des bras peut être plus ou moins allongée suivant leur force et 
le besoin qu’on a de faire ouvrir {ous les yeux au dessous. La 
taille “des tiges sera toujours assise sur un œil favorablement 
placé pour effectuer le prolongement direct de la tige et 
le prompt recouvrement de la plaie. Cette taille a pour 
but le prolongement de la tige et la formation du troisième 
bras R, dont l'insertion sur la tige sera toujours à une cer- 
taine distance de l'œil terminal. 
. Le rameau formant le second bras P sera raccourci à 22ou 
28 centimètres de longueur , afin de faire ouvrir tous les 
yeux au dessous de la taille , de donner de la force à cette 
première section du second bras, et d'obtenir du bourgeon 
terminal un prolongement visoureux. 

Le rameau terminal du premier bras O sera raccourci se- 
Jon sa force ; la partie restant au dessous de la taille forme 
la deuxième section du premier bras. Ce raccourcissement 
doit être calculé ainsi que le pincement, pour faire ou- 
vrir tous les yeux qui sont sur la seconde section, comme 

21 


LS 


310 LA POMONE FRANÇAISE, 


cela a eu lieu sur la première section. L’œil terminal devra 
se prolonger vigoureusement en ligne droite sans coudes et 
sans nœuds. 1 

On raccourcira sur la première section, à l’épaisseur d’un 
écu, les rameaux qui sont trop forts pour former des frui- 
tières; on raccourcira aussi à 8 ou 10 centimètres les brin- 
dilles dont les yeux de l'extrémité, après l’ébouquetage, se 
seraient ouverts ; autrement on les laisserait de la longueur 
qu’ils avaient après l’ébouquetage. 

On palissera ensuite l’arbre dans la mème position où il 
était avant la taille. 

Lorsque l’arbre aura acquis, toujours en suivant la même 
marche, le nombre de bras que comporte la hauteur du 
mur où il est palissé, on inclinera doucement la pointe de 
la flèche ou de la dernière section n°8 pour lui faire former 
le dernier bras X. : 

Nous ne poursuivrons pas plus loin la formation de pal- 
mette à double tige, parce que les moyens que nous em- 
ployons pour la création d’un bras sont les mêmes pour tous. 
Les sections qui composent chaque bras s’établissent aussi 
de la même manière, elles sont formées après avoir recu 
trois tailles; toutes celles du même âge doivent se ressem- 
bler. (Voir à cet égard ce qui a êté dit pour l’éducation des 
bras ou des membres, planches {1 et 12.) Si donc nous vou- 
lionssuivre l’arbre dans son développement , jusqu’à cequ'’il 
ait rempli le cadre qui lui est destiné, il faudrait , pour ne 
pas se répéter à chaque instant, trouver d’autres termes et 
faire d’autres phrases pour dire exactement la même chose. 
Il suffira que le jardinier porte la plus grande attention aux 
opérations qui ont eu lieu sur la première section du pre- 
mier bras, ainsi qu'aux résultats qu’il aura obtenus, parce 
que la conduite qu’il aura à tenir pour former et gouverner 
les autres sections à mesure que l'arbre s’étendra sera tou- 
jours la même, à quelques lépères modifications près, qui 


LA POMONE FRANÇAISE. 


571 

Jui seront toujours indiquées par une végélalion plus ou 
moins vigoureuse. La connaissance qu’il à du mouvement 
de la sève lui a déjà appris qu’elle a plus de tendance à se 
porter vers le haut de larbre que vers le bas ; il la forcera 
donc de changer sês habitudes en donnant des tailles plus 
allongées dans le bas de l’arbre que dans le haut. Ceci est 
fondé sur ce que plus une branche a de bourgeons et par 
conséquent de feuilles, plus elle attire à elle de sève et plus 
elle grossit ; c’est ainsi qu’il favorisera le bas de l'arbre et 
qu'il restreindra le haut en supprimant à la sève les canaux 
par où elle n’eût pas manqué d’affluer. 

Le jardinier doit encore se rappeler que la première sec- 
tion du premier bras, après avoir recu trois tailles , ne re- 
quiert plus aucune autre opération jusqu’à sa fructification, 
quine dépendra plus que du temps, de l’âge de l'arbre, et do 
augmentation d'un plus £rand nombre sections, qui de- 
vront toutes être formées comme la été la première, dont 
toutes les productions vont successivement et tout naturelle- 
ment se façonner en boutons à fruits, parce que lasève, aulieu 
de couler rapidement dans ces parties et de lui faire pousser 
du bois et des feuilles, perdra de son activité; elie deviendra 
de plus en plus stasnante; les boutons cesseront de s’al- 
longer, ils s’arrondiront ef se formeront en boutons à fleurs. 
Quoique leur nombre annonce l’abondance, on doit veiller à 
ce que ces productions ne soient pas exclusives, parce qu’elles 
tendent à épuiser l'arbre, ou plutôt les portions de larbre 
sur lesquelles on ne trouve que:des dards, des boutons à fleurs 
et: des bourses. C'est au jardiner à faire naître sur ces por- 
tions d’arbres trop garnies de fleurs des lambourdes et des 
brindilles , afin d'y attirer une sève plus active, nourricière 
des fruits et des membres qui les portent : c’est en raccour- 
cissant les dards qu’ilobtiendra des brindilles, et c’est en 
diminuant le volume des bourses qu’il obtiendra des lam- 
bourdes. 


312 LA POMONE FRANCAISE. 


. En résumé , quelle que soit la forme que l’on veuille faire 
prendre au poirier ou au pommier, rien n’est moins com- 
pliqué que les moyens que nous employons pour diriger ces 
arbres. On sait que la taille ne se pratique ordinairement 
que sur le nouveau bois : tout se borne à raccourcir annuel- 
lement, vers la moitié ou le tiers de leur longueur, les ra- 
meaux terminaux des branches qui forment la charpente 
de l’arbre , puis à supprimer à l'épaisseur d’un écu tous les 
autres rameaux qui ne sont pas nécessaires à la charpente 
et qui feraient confusion, afin d’obtenir à leur place des 
productions qui se tournent promptement à fruit. Mais on 
ne doit pas abuser de cette facilité que l’on a de garair de 
fraits les branches à mesure qu’elles s’allongent : nous avons 
vu en Belgique le pignon d’une grange, ayant une grande 
surface, être régulièrement couvert par un seul poirier, dont 
les branches étendues étaient très minces par rapport à leur 
longueur ; elles n'étaient uniquement garnies que de dards, 
de boutons à fleurs et de bourses. On se plaignait que les 
fruits de cet arbre, après avoir été très abondants et très 
beaux , avaient dégénéré. On attribuait ce vice à la terre, 
que, disait-on, les racines avaient épuisée. On aurait dû voir 
plutôt que le peu de sève qui circulait au travers de ces 
branches minces était entièrement absorbé par les fruits, 
et que le seul moyen d’attirer la sève dans ces branches, 
pour les faire grossir et mieux nourrir leurs fruits, eût été de 
faire naître sur elles de distance en distance des brindilles et 
des lambourdes. Nous avons déjà vu combien lepoirier et le 
pommier sont dociles et comment le cultivateur peut changer 
à voionté les rameaux à bois en boutons à fruits, et ceux-ci 
en brindilles et en lambourdes. 

Nous insistons tant sur les facilités que les jardiniers 
ont de faire du poirier et du pommier tout ce qu’ils veu- 
lent, que l’on doit croire, d’après la manière dont ces 
arbres sont ordinairement si mal dirigés aux environs de 


LA POMONE FRANÇAISE. 815 


Paris, que les jardiniers les taillent tous les ans sans y 
réfléchir aucunement, tandis qu’il serait si facile d'obtenir 
de beaux arbres qui par leurs formes feraient l’ornement 
des habitations et par leurs fruits les délices de la table du 
propriétaire. 

La recommandation que j'ai faite de laisser un intervalle 
de 30 à 35 centimètres entre les membres ou les bras d’un 
éventail ou d’une palmette diffère tellement des conseils 
que plusieurs auteurs prescrivent, tout récemment encore 
M. Dalbret, page 148, qui n'accorde que 16 centimètres 
d'intervalle, que nous croyons devoir entrer à cet égard dans 
quelques explications , afin de faire connaître l’erreur que 
commettraient les cultivateurs qui se laisseraient entrainer 
à suivre un tel conseil ; erreur d'autant plus grave qu’étant 
commise, il ne serait plus possible de la réparer. Il est évi- 
dent qu’un intervalle de 16 centimètres entre deux membres 
ne peut suffire pour entretenir le développement des pro- 
ductions fruitières, dont les bras ou les membres doivent 
être pourvus sur toute leur étendue. Comment, en effet, 
placer dans un intervalle aussi restreint les brindilles et les 
lambourdes, qui doivent se trouver placées de distance en 
distance sur les bras ou sur les membres, surtout si l’on 
considère que cet intervalle de 16 centimètres se trouvera 

_ bientôt réduit par l’extension que prendront les membres ? 
- Apeine si cet espace pourra contenir les dards, les boutons 
* à fleurs et les bourses. Un tel système de charpente dans un 
arbre, n’admettant ni brindilles, ni lambourdes d’une cer- 
taine étendue sur les membres, doit finir par épuiser 
l'arbre et préparer très prochainement la nécessité de le 
rajeunir par le recépage , car le simple ravalement repro- 
duirait les mêmes inconvénients. Un tel conseil n’a pu être 
donné par un jardinier qui professe l’art de la taille des 
arbres : cette erreur ne peut provenir que du rédacteur ; 
c’est à quoi sont exposés les jardiniers qui veulent commu- 


374 LA POMONE FRANÇAISE. 


niquer leurs connaissances, et qui n’ont pas assez de coù- 
fiance dans eux-mêmes pour dire simplement ce qu'ils 
savent. Ils devraient se persuader que les fautes de lansare 
qu’ils sont exposés à commettre ne les empêcheraient pas 
d’être compris, sans entraîner à de graves erreurs les per- 
sonnes qui veulent profiter de leurs connaissances. 

Nous avons déjà dit que la sève circule peu, lentement, 
et seulement au profit des fruits, dans les membres qui ne 
sont garnis que de dards , de boutons à fleurs et de bourses; 
nous admettons aussi ces productions ; mais nous voulons, 
pour la beauté des fruits et la prospérité des membres, 
qu’elles soient alimentées par des brindilles et deslam- 
bourdes, afin que celles-ci, par leur étendue, le nombre et 
les diverses qualités de leurs feuilles, sollicitent et entre- 
tiennent le mouvement de la sève dans toute l'étendue des 
branches qui les portent. C’est pour remplir ce but que 
nous laissons 34 centimètres d'intervalle entre les bras ou 
les membres des palmettes ou des éventails, pour que 
toutes ces productions, étant palissées, puissent y trouver 
place en se ramifiant et en se subdivisant. On sait que c’est 
la subdivision des branches, surtout de celles qui sont 
essentiellement fruitières dans Îles arbres à pepins, qui 
procure aux cultivateurs qui savent la faire naïtre à propos 
de darables êt d’abondantes récoltes de fruits bien nourris" 
bien élaborés, ayant tous évalement les divers caractères de 
jeur espèce, soit par la forme, la grosseur, et la couleur, 
soit par la saveur, et l’époque dela maturité. 

Les variètés de poiriers qui réussissent [e mieux contre 
les murs sont, en palmettes ou en éventail : 


Le Bon Chrétien d'hiver, Muscat Robert ou à la reine, 


La Crasanne, Armiré Joannet, 
Le colmars, La Madeleine, 


La Royale d'hiver, Orange d'hiver, 


Qt 
1 
Qt 


LA POMONE FRANÇAISE. 


Poire sans peau, Martin sec, 
Le Messire-Jean, Messire-Jean doré. 
Beurré gris, Petit Rousselet de Reims, 
Chaumontel, Beurré d’été ou Milan blanc, 
La Marquise, Beurré de Soulers ou de Pâq., 
Duchesse d’'Angoulème, Beurré d'Aremberp, 
Doyenné d'hiver, Sucré vert, 

Muscat royal, Doyeuné blanc ou St-Michel. 


+ 


# 


* Pommiers et poiriers dirigés sous la forme d’un éventail. 


(Fig. 15.) 


Les sujets destinés à former des poiriers ou des pommiers 
dirigés en éventail, ayant été plantés à 7 mètres 80 centi- 
mètres de distance les uns des autres, soit pour être cul- 
tivés au pied d’un mur ou sur une plate-bande , soit pour y 
former des espaliers ou des contre-espaliers, devront, après 


avoir été soignés selon les indications que nous avons déjà 


données , être écussonnés à œil dormant à 10 ou 12 cen- 
timètres au dessus du sol. Au printemps, on rabattra les 
sujets tout contre l’écusson, et l’on couvrira immédiate- 
ment la plaie avec la poix à greffer. On placera des tuteurs 
pour soutenir les jets des greffes avant que le besoin s’en 
fasse sentir. 

À Ia pousse, on maiïntiendra le jet de la greffe dans une 
direction verticale, à l’aide du treillage ou d’un tuteur. 
Si les sous-yeux de la sreffe s’ouvraient, on les pincerait 
pour les supprimer plus tard, parce qu’ils se trouveraient 
trop près de la terre pour former les premiers membres, 
qui doivent être au moins à 22 centimètres du sol; d’ail- 
leurs ces bourgeons priveraient le jet principal d’une partie 
de la force qu'il est à propos de lui faire acquérir. Vers 
la fin de la saison, on ébouquettera le jet de la greffe pour 
arrêter la sève dans le haut et la faire refluer dans les yeux 


316 LA POMONE FRANÇAISE. 
du bas, qui auront, par ce procédé, plus de dispositions 
à ouvrir. à 

Au temps de la taille, on raccourcira le jet de la greffe - 
à 40 ou 48 centimètres au dessus de terre, dans le but 
d'obtenir neuf à dix bourgeons, placés sur les côtés de la 
tige et destinés à former les rayons de l'éventail ou la char- 
pente de l’arbre , À, B, OC, D, E. | 

À la pousse, tous les bourgeons inutiles à la charpente 
de l’arbre seront pincés et tenus très courts. On pincera … 
aussi le terminal et les deux ou trois autres rayons au 
dessous, afin que les cinq ou six rayons inférieurs acquiè- 
rent une force à peu près égale à celle des rayons pincés. 
On supprimera les bourgeons qui pousseront vers le mur. 

On palissera les rayons À, B, C, D, E, en ayant soin de 
laisser entre eux une égale distance. On profitera du palis- 
sage pour établir une ésalité de force entre les rayons; 
c’est-à-dire que l’on palissera plus tôt et plus serré contre 
le mur les bourgeons qui annonceraient devoir prendre 
plus de force que les autres. On n’a pas la ressource, dans 
la forme en éventail, d'incliner plus ou moins un rayon 
pour en détourner la sève; ils doivent toujours être palissés 
sous le même angle. Mais on pourra tirer en avant un 
rayon faible, et l’attacher sur une ou deux gaulettes diri- 
sées dans la direction que doit avoir le rayon. On ne doit 
rien népliser, dès la formation de ces rayons, pour disposer 
la sève à suivre un autre cours que celui qui lui est naturel; 
on y parviendra en restreignant les passages habituels, en 
mème temps qu’on en ouvrira d’autres plus faciles. 

Au temps de la première taille, on dépalissera l'arbre ; 
puis on raccourcira chaque rayon sur un œil placé de 
manière à continuer le même prolongement en ligne droite, 
sans coude, et sans nœud. Les rayons les plus voisins 
du sol, élant plus minces, seront favorisés par une 
taille plys allongée que celle des rayons plus élevés. La 


n 


t 


LA PONONE FRANCAISS. 377 


parlie qui reste sous cette première taille forme la pre- 
mière section de chaque rayon. Cette partie sera traitée : 
comme l’ont été toutes les premières sections des bras et 
des membres des arbres dirigés en palmettes ou en py- 
ramides. : 

À la pousse, on pincera sur chaque rayon les deux pre- 
miers bourgeons au dessous du terminal ; celui-ci restera 
intact et sera favorisé dans son développement. On pincera 
aussi les bourgeons qui poussent sur le devant et derrière 
les rayons. 

On profitera de l’ébourgeonnement et du palissage pour 
maintenir une ésalité de force entre les rayons, qui seront 
toujours attachès sur le prolongement de leur première 
direction, mais plus tôt ou plus tard, plus ou moins rap- 
prochés du mur; ainsi le palissage se fera successivement 
et partiellement : il ne sera terminé qu'avec la fin de la 
saison. On ébourseonnera plus sévèrement les rayons dont 
on veut arrèter les progrès ; à la fin de juillet, on ébouquet- 
tera les brindilles à 16 ou 18 centimètres de longueur. 

Au temps de la seconde taille, on dépalissera Parbre 
entièrement, et l’on raccourcira la pousse terminale de 
chaque rayon, selon sa force et sa position, et toujours 
sur un œil favorablement placé , pour continuer en ligne 
droite le prolongement du rayon. La partie restant sous 
la coupe forme la seconde section des rayons. 

On supprimera à l’épaisseur d’un écu les rameaux qui 
sont sur les premières sections ; on raccourcira les brindilles 
dont les yeux du haut se seraient ouverts après l’ébouque- 
tage. On palissera l’arbre dans la mème position où il était 
avant la taille. 

À la pousse , on pincera sur chaque rayon les deux pre- 
miers bourgeons au dessous du terminal; celui-ci restera 
intact et sera maintenu dans la continuation directe de son 
prolongement. On pincera encore, sur cette seconde sec- 


513 LA POMONE FRANCAISE. 


‘tion, les bourgeons qui pousseraient en avant et en arriére. 

Si les sous-yeux des rameaux , que l’on a taillés à l'épais- 
seur d’un écu sur la première section, annonçaient devoir 
pousser avec trop de force, on les pincerait pour ne leur 
laisser acquérir que la dimension de brindille. On fera con- 
courir l’ébourgeonnement et le palissage à maintenir l’éga- 
lité de force entre les rayons. 

Après cette troisième taille , la première section de tous 
les rayons se trouvera garnie de productions fruitières, qui 
n’attendent pour fleurir que l’âge viril de l'arbre. Toutes 
es autres sections s’établiront successivement de la même 
manière que nous avons établi la première. Nous n’aurons 
plus à nous occuper que des moyens à employer pour rem- 
pür les intervalles qui vont se trouver vides entre les rayons, 
par leur prolongement continu : cet intervalle sera rempli 
par des ramifications prises sur chaque rayon. Ces ramifi- 
cations F, G, H, I, seront toutes formées de la même ma- 
nière et sur la même section. Si lon suppose que ce soit 
sur la quatrième section qu’il devienne nécessaire de faire 
ramifier les rayons, après avoir établi cette section par la 
taille, on aura soin, à la pousse, de pincer tous les bourgeons 
sur cette quatrième section qui se trouvent entre le ter- 
minal et le bourgeon 4ésigné pour former la ramification. 
Ce bourgeon sera toujours choisi sur le dessous du rayon, 
et à une certaine distance du terminal, afin qu’il soit tou- 
jours inférieur en force à celui-ci, et que la sève se trouve 
ésalement répartie sur cette section, en la dirigeant ainsi 
vers deux points éloignés l’un de l’autre. 

Au temps de la taille, cette ramification sera traitée 
comme étant le commencement d’une nouvelle branche, 
ou plutôt d’un nouveau rayon qui se prolongera annuelle- 
ment par la taille de section en section. 

l restera encore d’autres ramifications à établir pour 
remplir l’espace vide qui se trouve dans le haut de l'arbre. 


LA POMCOXNE FRANCAISE. 319 


Mais la position de ces ramifications nécessite d’autres pré- 
cautions que celles que nous avons prises pour établir fes 
premières qui prennent leur origine en dessous des rayons; 
celles-ci M , N , O, doivent la prendre en dessus, où la sève, 
ayant beaucoup plas d'activité, pourrait faire explosion, et 
changer ces ramifications ainsi placées en branches sour- 
mandes. En conséquence, nous attendrons, pour former ces 
ramifications sur le dessus des rayons, que l'arbre ait déjà 
fleuri, afin d’en profiter ou de faire naître une brindille ou 
une lambourde là où l’on veut former une ramifcation; 
par ce procédé, nous n’aurons pas à redouter qu'elle puisse 
prendre trop de force, devenir une branche sourmande, 
ef affamer tout ce qui l’avoisine ; ce qui occasionnerait la 
perte de la forme de Farbre et celle de la régularité des 
récoltes. Ceci est fondé sur ce qu'ure brindille, et surtout 
une lambourde, ont la propriété de pouvoir fournir des 
branches d’une certaine étendue, sans jamais s’emporter 
et devenir branche sourmande. Il est à propos de remar- 
quer que nous avons créé les premières ramifications en 
mème temps que la section qui les porte, tandis que les 
dernières sont établies lons-temps après la création de la 
section sur laquelle elles sont. 

Lorsque l'arbre sera en bon rapport, on n’attendra 
pas que les récoltes, qui deviennent toujours de pius en 
plus abondantes, soient excessives et qu’elles épuisent 
les membres; on aura soin de faire naître sur ces mem- 
bres, de distance en distance, des brindilles, en raccour- 
cissant des dards et des lambourdes, en diminuant de 
volume des bourses. Les yeux de ces productions, avant 
d’avoir acquis le nombre de feuilles nécessaire pour en 
former des boutons à fleurs, auront attiré et fait circuler 
la sève dans les membres, ce qui aura contribué à les faire 
grossir, tout en leur donnant la faculté précieuse de mieux 
nourrir les fruits qu’ils portent. | 


380 LA POMONE FRANCAISE. 


- Poiriers et pommiers dirigés en vases coordonnés avec la 
forme en pyramide. (Planche XVI.) 


Les poiriers et les pommiers dirigés sous la forme de 
vase se faisaient jadis remarquer dans nos jardins : ils y 
figuraient aux angles et quelquefois au centre des carrés du 
potager, dont les côtés étaient plantés en contre-espaliers ; 
mais l’emplacement trop considérable que ces vases isolés 
occupaient a fait renoncer à cette forme, avec d’autant 
pius de raison qu’on ne s'était pas avisé d’intercaler les vases 
entre deux pyramides , ainsi que l'indique la fig. 15; tel 
est le motif qui a fait abandonner la forme la plus favorable 
aux récoltes abondantes et à la qualité des fruits. La forme 
pyramidale a été conservée ; mais elle est généralement si mal 
exécutée, qu’elle est aussi sur le point d’être abandonnée, 
d'autant que l’on s’est persuadé qu’elle était d’une exécution 
difficile et peu favorable à la fructification. Les personnes qui 
ont suivi ce que nous avons dit jusqu'ici pourront com- 
prendre qu’il n’est pas plus difficile de faire prendre aux 
arbres la forme pyramidale que toute autre forme. Quant 
au reproche de stérilité, il ne peut s’adresser aux arbres 
dirigés selon nos principes; ces arbres sont nécessairement 
aussi fertiles que le comporte leur nature, puisque leurs 
branches, sous notre main, ne peuvent se prolonger qu’au- 
tant que toutes les productions au dessous du prolongement 
ont été disposées à la fructification, soit en substituant aux 
rameaux à bois, inutiles à la charpente de l’arbre, d’au- 
tres productions plus disposées à se tourner à fruits, soit par 
d’autres moyens aussi simples et d’une exécution aussi 
facile. Ainsi le reproche de stérilité n’est mérité que pour 
les pyramides mal dirigées, sur lesquelles on établit une 
mullitude de membres trop rapprochés qui s’ôtent l'air et 
la [amière, indispensables à la formation des boutons à fleurs 
et à leur fécondation. 


LA POMONE FRANÇAISE. 381 


Ii résulte de la disposition que nous donnons à notre plan- 
{ation queles vases, loin d'occuper inutilement trop deplace, 
n’occupent que l’espace vague qui reste libre entre deux 
pyramides. Quant aux racines, elles ont assez d'espace pour 
ne point se nuire; ainsi un terrain occupé par des arbres 
dirigés de cette manière produira une fois plus de fruits- 
que si les pyramides étaient disposées sur une seule ligne, 
et les vases sur une autre, tel que cela se voit encore au 
Jardin des Plantes, où ces arbres sont offerts au public comme 
des modèles, quoique beaucoup plus rapprochés qu’ils ne 
devraient l’être. 

Nous pensons que, pour peu qu’on sache assigner un em- 
placement convenable à une plantation semblable à celle 
que nous proposons, on obtiendra des rideaux de verdure 
d’un très bel effet, tantôt fleuris, tantôt couverts d’excel- 
lents fruits, et offrant dans toutes les saisons un ensemble 
parfait ; les deux côtés des allées principales d’un grand po- 
tager pourraient être plantés en sauvageons distants les uns 
des autres de 4 à 5 mètres et destinés à être greffés en place ; 
on élèverait alternativement sur chaque ligne une pyra- 
mide et un vase. 

Quoique les moyens que nous indiquons pour la direc- 
tion des arbres fruitiers soient plus simples que ceux 
indiqués jusqu'ici, nous croyons que le jardinier qui le pre- 
mier exécutera le modèle de la pl. XVI donnera une preuve 
manifeste de capacité, en même temps qu’un témoignage 
des progrès de l’art, puisqu'il aura réuni deux formes d’ar- 
bres , dont l’une était abandonnée, parce qu’on n’avait pas 
su ste et l’autre rendue nulle ou CHER RTE nulle par le 
manque d’une bonne exécution. 

Les sujets destinés à former des arbres dirigés en vase, 
ayant reçu deux écussons diamétralement opposés, et dont les 
- pousses, à aide de tuteurs, ont été dirigées un peu oblique- 
ment de chaque côté, et sont arrivées, à l’aide de cette obli- 


382 LA POMONE FRANÇAISE. 


quité, à être d'une force égale, seront, au temps dela taille, 
LU à 12 ou 15 etes afin d'obtenir trois forts 
bourgeons sur chacun d’eux, l’un formant la mère-branche, 
à les deux autres les premiers membres du vase. On feras 
choix , pour asseoir la taille, d’yeux placés de manière à fa- 
voriser la direction évasée de la pousse, qui doit toujours 
avoir lieu sur une ligne parfaitement droite, sans coude ei 
sans nœud. Si l'arbre est pris dans Îles pépinières, on le ra- 
baitra afin d'obtenir deux ou trois branches. | 

À la pousse, on fera choix de six bourgeons, les mieux 
placés sur les côtés ; on pincera les autres. Cn palissera ces 
bourgeons sur R cerccaux au dessous l’un de l’autre, de 
diamètre un peu différent, et soutenus par trois tuteurs. On 
profitera du palissage pour régler la force des bourgeons 
entre eux. Ceux de prolongeme nt de deux mères-branches 
seront favorisés. 

Au temps de la seconde taille, on dépalissera. arbre, on 
retirera le cerceau du bas et l’on baissera celui du haut, 
pour donner aux branches un peu plus d'évasement ; cet éva- 
sement doit être calculé sur les proportions que SU 
les pyramides. On raccourcira les deux mères-branches pro- 
portionnellement à leur force, toujours sur des yeux placés 
favorablement, pourque la pousse continue le prolongement 
en s’écartant du centre de Parbre et en lisne droite. Cette 
taille a pour but d'obtenir un prolongement vigoureux. et. 
de faire ouvrir tous les yeux qui sont au dessous. Ces deux 
branches-mères devront pendant quelques années dominer 
les quatre premiers membres de bifurcation, comme ceux-ei 
domineront les bifarcations auxqueiles par la suite elles don- 
neront naissance. 

Lesquatre premiers membres seront raccourcis selon leur 
force, dans le même but qui a fait raccourcir les mères-. 
branches et toujours un peu plus que celles-ci, et de manière, 
avec l’aide du pincement , à faire ouvrir tous les yeux qui 


LA POMONE FRANÇAISE. 385 


sont au dessous de la taille. Puis on palissera l’arbre dans la 
mème position où il était avant la taille. 

À la pousse, on pincera Îles deux bourgeons qui sont les 
plus près du terminal, afin de faire refluer la sève sur les 
yeux qui n’ont pas ouvert, pour les disposer à se façonner 
en dards, en bouions à fleurs, ou tout simplement en bou- 
tons à feuilles. On palissera les bourgeons terminaux des 
méres-branches et des membres sur un nouveau cerceau. 
On pincera très court tout ce qui paraîtra en dehors ou 
en dedans du vase et ce qui ferait confusion sur les côtés. 
Vers la fin de juillet, après avoir ébouqueté légèrement les 
bourgeons les plus forts et cassé les brindilles de 12 à 15 
centimètres , on ajoutera un nouveau cerceau pour y aita- 
cher les rameaux. On ménagera un petit passage sur l’un 
des côtés du vase, pour que F ouvrier puisse s’y introduire 
et travailler plus ir l’intérieur. 

- Au temps de la troisième taille, on dépalissera l'arbre , 
on retirera le cerceau le plus bas et on baïissera les autres, 
pour donner un peu plus d’évasement aux membres. On 
raccourcira Île rameau terminal des mères-branches et des 
membres , selon leur force et leur position, on fera choix, 
pour asseoir la taille, de l’œil le mieux placé pour éloigner du 
centre de l'arbre le bourgeon de prolongement. On taillera 
les rameaux à l'épaisseur d’un écu ; on raccourcira les brin- 
dilles à 10 ou 12 centimètres de man ; au lieu de sup- 
primer celles qui sont placées en dedans et en dehers du 
vase , ou qui sont trop rapprochées les unes des autres, on 
les taillera à l’épaisseur d’un écu. On palissera l'arbre. 

À la pousse , on pincera les deux premiers bourgeons au 
dessous du terminal de chaque mère-branche ou de chaque 
membre. On palissera les bourgeons sur un nozveau cer- 
ceau, et plus tard on en ajoutera un autre. | 

Les membres, en s'étendant, s’écarteront nécessairement 
ies uns des autres, ei laisseront entre eux un espace vide, que 


384 LA POMONE FRANÇAISE. 


Von remplira par une ramification. On fera choix, après la 
_taille, de l’œil le mieux placé pour établir cette ramification, ” 
qui devra toujours être à une certaine distance de l’œil ter- 
minal ; à la pousse, on pincera tous les bourgeons qui se trou- 
veront entre le bourgeon terminal et celui qui est destiné à la 
ramification. Les ramifications sur les membres seront tou- 
jours alternes, à moins de cas particuliers. Si la première ra- 
mification sur un membre est sur le côté droit, il faut 
aussi que la première sur tous les autres membres soit du 
mème côté, afin que tout le pourtour du vase soit égale- 
ment plein, sans qu’il y ait de confusion nulle part. Bien 
entendu que les ramifications se multiplieront à mesure que 
l'arbre prendra de l’étendue ; mais toutes s’établiront règu- 
lièérement de la mème manière et par le même procédé. 

Après avoir indiqué suffisamment la manière dont on doit 
établir les ramifications sur un vase et avoir dirigé l’arbre 
jusqu’à sa troisième taille, il ne reste plus rien autre chose 
à faire, pour prolonger indéfiniment le vase, que de con- 
tinuer de faire les mêmes choses qui ont déjà été faites et de 
les répéter dans le mème ordre. Ce serait supposer trop peu 
d'intelligence à nos lecteurs, si, après tout ce qui a été dit pré- 
cédemment, nous nous permettions d'ajouter un mot de plus. 

Les variétés de poiriers qui se prêtent le plus facilement 
à prendre la forme de vase sont : 


Le Saint- Germain, Le Catillac, 

Le Beurré d'Aremberg, Le Doyenné gris , 

Le Doyenné d'hiver, Bergamote d’hiver, 
La Bergamote de Pâques, Bergamote d'automne, 
La Jalousie, Le Passe-Colmars. 


+ 


Les variétés très vigoureuses qu'il faut planter à la suite 
les unes des autres afin de leur donner plus d’espace sans 
rompre l’ordre établi sont : 


LA POMONE FRANÇAISE, 


La Virgouleuse, | La Royale d'hiver, 
Le BonChrétien d'hiver, Le Colmars, 
La Crassane, Le Petit-Muscat. 


Porriers et pommuers greffés en place destinés à former des 
pyramides. 

Les sauvageons destinés à être greffés en place pour for- 
mer des pyramides placées entre deux vases seront plantés 
à 4 ou 5 mètres de distance les uns des autres sur une plate- 
bande défoncée et largement fumée. Les sujets seront greffés 
à 12 ou 15 centimètres de terre. 

Le jet de la greffe sera maintenu durant son développe- 
ment dans la direction verticale. Au temps de la taille, on 
raccourcira ce jet à 40 ou 48 centimètres suivant sa force. 
On ferachoix pour asseoir la taille d’un œil bien constitué, 
et favorablement piacé, pour continuer le prolongement de 
la tige sur une ligne verticale. 

Le but de cette taille est d'obtenir le prolongement de la 
tige en même temps que le développement de tous les yeux 
qui sont au dessous , afin de choisir les bourgeons qui sont 
le mieux placés pour former les premiers bras de la pyra- 
mide sur cette portion de l’arbre que nous désisnons sous 
le nom de première section de la tige , qui contiendra à peu 
près six ou sept bras; le plus près du sol en sera distant de 
20 à 24 centimètres. 

_ A la pousse, on maintiendra le bourgeon terminal, qui 
doit former la deuxième section de la tige, dans une direc- 
tion parfaitement verticale ; on pincera les deux ou trois 
premiers bourgeons qui sont les plus proches du terminal, 
afin d'obtenir une égalité de force avéc ceux qui sont au 
dessous ; on choisira parmi ces bourgeons ceux qui sont le 
mieux placés pour former les bras de cette première sec- 
25 


386 LA POMONE FRANCAÎSE. 


tion : leur distance doit être de 20 à 22 centimètres et ré- 
siée de façon à leur faire décrire autant de rayons autour 
de latige, sans qu'aucun soit directement à plomb sur un 
autre ; ces rayons ou ces bras doivent simuler les marches 
d’un escalier qui seraient appuyées autour d’une colonne. 
On ne détruira pas les bourgeons superflus à la création des 
bras, mais on les pincera de très près. 

Au temps de la seconde taille, on raccourcira la tige de 
l'arbre, toujours sur un œil favorablement placé pour con- 
tinuer son prolongement par une ligne droite et verticale, 
qui formera la troisième section de la tige. Le but de cette 
taille est de faire ouvrir tous les yeux qui sont au dessous, 
sur cette seconde section; elle sera donc plus ou moins al- 
longée. | 

Le rameau terminal de chaque bras, sur la première sec- 
tion de la tige, sera raccourci en raison de la vigueur de 
j'arbre, et chacun plus ou moins, en raison de sa position ; 
ceux du bas seront tenus plus longs que ceux du haut de cette 
première section, afin de leur faire acquérir plus de force, et 
aussi pour se conformer à la forme que doit avoir une py- 
ramide. La taille de ces bras devra être assise sur un œil 
dont la position tende à prolonger le bras horizontalement, 
inclinant dans sa pousse vers la droite , ou vers la gauche, 
suivant le besoin de le maintenir sur la lisne qu'il doit oc- 
cuper par rapport à l’ensemble des autres bras, qui ne 
doivent jamais être d’aplomb les uns sur les autres. On pourra 
se servir d’un osier pour attirer un bourgeon vers la place 
qu’il doit cecuper, s’il s’en éeartait. 

À la pousse, on maintiendra le bourgeon terminal ou la 
flèche qui doit former la troisième section de la tige sur 
une ligne verticale ; on pincera les deux ou trois bourgeons 
qui sont les plus proches du terminal, afin de faire refluer 
la sève et d'obtenir une égalité de force avec ceux qui sont 
au dessous; on choisira parmi ces bourgecns ceux qui 


LA POMONE FRANÇAISE. s87 


sont le mieux placés, pour former les bras de la deuxième 
section; on pincera sévérement tous les autres bourgeons 
superflus à la formation des bras de cette seconde sec- 
tion. i 

Les bourgeons qui sont près du terminal, sur les bras de 
la première section, seront pincés pour diminuer leur vi- 
gueur, faire refluer la sève et donner de la force au ter- 
minal , que l’on dirigera sur une ligne horizontale. 

Au temps de l’ébourgeonnement vers le mois d’août, sur 
la première section on ébouquettera les plus forts bourgeons 
qui paraîtraient prendre trop de force; on pourra aussi 
casser les brindilies à 16 ou 18 centimètres. Les autres pro- 
ductions sur ces bras resteront intactes ; elles se converti- 
ront d’elles-mêmes , avec l’âge, en dards, roseltes, boutons 
à fleurs, bourses et lambourdes. 

A la troisième taille, on raccourcira la tige sur un œil 
bien placé, pour que le bourgeon de prolongement qui 
formera la quatrième section de la tige soit sur une ligne 
parfaitement verticale. Le but de cette taille est de faire 
ouvrir tous les yeux qui sont au dessous; elle sera donc 
pius ou moins allongée. 

Le rameau terminal de chaque bras de la deuxième sec- 
tion sera raccourci en raison de la vigueur de l’arbre; 
et chacun plus ou moins, suivant sa position : ceux du bas 
sur cette seconde section seront tenus un peu plus longs que 
ceux du haut. La taille de ces bras devra être assise sur un 
œil dont la position tende à prolonger le bras horizonta- 
lement. | 

On raccourcira le rameau terminal des bras de la pre- 
mière section de la tige, toujours dans le but de faire ou- 
vrir tous les yeux qui sont au dessous ; on taillera à l’épais- 
seur d’un écu les rameaux qui ont été ébouquetés au mois 
d'août, aussi bien que ceux qui ne l’auraient pas été. Si 
les brindilles qui ont été cassées avaient poussé, on les 
raccourcirait au dessous de la pousse. 


588 LA POMONE FRANÇAISE. 


À la pousse, on maintiendra le bourgeon terminal qui 
doit former la quatrième section de la tige sur une ligne 
parfaitement verticale ; on pincera les deux ou trois pre- 
miers bourgeons, sur la troisième section , les plus près du 
bourgeon de prolongement , afin de faire reïluer la sève 
et d'obtenir une égalité de force avec ceux qui sont au 
dessous ; on choisira parmi ces bourgeons ceux qui sont le 
mieux placés pour former les bras de la troisième section; 
les autres, jugés inutiles à la formation des bras, seront 
pincés très courts. | 

Le prolongement des bras de la seconde section de la 
tise sera favorisé dans son développement horizontal; 
on pincera les deux bourgeons qui sont les plus proches de 
ce prolongement, afin de lui donner de la force et de faire 
refluer la sève dans ceux au dessous. 

Le prolongement des bras de la première section sera 
favorisé ; on pincera les deux bourgeons au dessous du 
terminal. Quant aux rameaux de cette première section 
qui ont été taillés à l’épaisseur d’un écu sur leurs sous- 
yeux, on veillera à ce qu’ils ne prennent pas trop de force; 
dans ce cas, on les pincerait. 

A l’ébourgeonnement, vers la fin de juillet, on ébou- 
quettera les bourgeons les plus forts, les terminaux exce- 
ptés ; on cassera à cinq ou six feuilles toutes les brindilles. 
Si, dans le cours du travail, quelque chose s’opposait à ce 
que nous indiquons, c’est au jardinier intelligent à y sup- 
pléer. 

Vouloir continuer l’explication de la formation de toutes 
les sections qui doivent composer une pyramide, jusqu” à 
ce qu’elle ait atteint sa plus grande élévation, ce serait 
s’exposer, non seulement à d’inutiles et continuelles répé- 
titions, mais encore à faire croire aux jeunes élèves que 
Ja formation d’un arbre pyramidal est une chose extrème- 
ment compliquée et difficile, tandis que rien n’est plus aisé, 
puisqu'il suffit, pour bien opérer, ainsi que nous venons de 


LA POMONE FRANÇAISE. 389 


le voir, de pratiquer sur une nouvelle section ce qui a été 
pratiqué sur la précédente. Il ne servirait donc de rien, 
pour l'instruction des jeunes gens, de les accompagner de 
section en section jusqu’à la dernière, étant déjà suffisam- 
ment guidés par ce que nous avons fait pour établir les deux 
premières sections et le commencement de la troisième et 
quatrième section. D'ailleurs les élèves, en formant eux- 
mêmes toutes les autres sections, achèveront leur instruc- 
tion ; ce sera désormais bien moins avec nous qu’ils pour- 
ront se perfectionner qu'avec lés arbres mêmes ; noslecons 
ont dü les mettre en état d'observer la marche de leur vé- 
gétation , et de s’en rendre compte, si les opérations aux- 
quelles ils les ont soumis ont atteint le but qu’ils s'étaient 
proposé , sinon d’en rechercher les causes, ce qui les mettra 
à même d’ajouter notre expérience, qui est devenue la 
leur, celle qui leur sera propre, et qui ne pourra que s’ac- 
croître chaque jour en suivant cette méthode. 

Pour ne pas répéter jusqu’à satiété ce que nous avons 
déjà dit concernant le souvernement des bras, il sera à 
propos de bien posséder cet article et de s’y conformer, 
parce qu’il est applicable aux bras et aux membres de tous 
les arbres de cette sorte. Quant à la direction de la forme 
pyramidale , elle continuera d’avoir lieu par le raccourcis- 
sement annuel du rameau qui termine la flèche, par Île 
pincement , par l’établissement successif des sections ; par 
le raccourcissement annuel du rameau terminal de chaque 
bras; par la suppression, à l’épaisseur d’un écu, de tous 
les rameaux inutiles à la charpente de l’arbre, ainsi que 
le raccourcissement des brindilles ; par quelques brins d’o- 
sier fixés à des bourgeons, pour les attirer à la place qu'ils 
doivent occuper , lorsqu'ils s’en écartent : telles sont les 
opérations que nous venons de pratiquer pour la forma- 
tion, le prolongement et la mise à fruit, de tous les bras de 
la première section de la tige. Ces mèmes opérations seront 


390 LA POMONE FRANÇAISE, 


répétées sur les bras de chaque section à mesure qu’elles 
se formeront. Nous répéterons que le raccourcissement de 
la flèche doit toujours avoir lieu sur un œil bien conformé, 
et bien placé pour son prolongement vertical ; bien entendu 
que, si le bourgeon terminal fléchissait, et que celui au 
dessous s’annonçât pour devoir être plus fort, il faudrait 
s’empresser de le remplacer par celui-ci. Le rameau ter- 
minal de chaque bras sera raccourci sur un œil placé en 
dessous ou sur le côté, afin que la direction du bourgeon 
tende à s’écarter du corps de l'arbre sur une ligne horizon- 
tale, évitant en même temps d’être à plomb au dessus ou 
au dessous d’un autre bras. 

Nous avons jusqu'ici considéré les bras simplement 
dans leur naissance, mais il devient bientôt nécessaire de 
les considérer comme les rayons d’un cercle dont l'arbre 
est le centre ; ces rayons, en se prolongeant, laissent entre 
eux des espaces vides que l’on garnira par des ramifications 
prises sur ces mêmes rayons. On observera, à cet égard, 
la règle que nous avons déjà suivie : celle d’éloigner toute 
ramification naissante du bourseon terminal, non seule- 
ment pour qu’elle ne rivalise pas de force avee le bourgeon 
terminal, mais encore pour ne pas aitirer sur un seul point 
un trop grand volume de sève, ce qui serait contraire à 
légale répartition que nous nous efforcons d'établir, vou- 
lant d’ailleurs qu'une ramification soit toujours inférieure 
en force à la branche qui lui donne naissance. On établira 
donc ces ramificalions à mesure que le besoin s’en fera 
sentir. 

Nous avons recommandé de raccourcir le rameau ter- 
minal des bras selon leur vigueur. Il est à propos de préve- 
nir que cette règle doit être observée rigoureusement sur 
les bras des premières sections, mais qu’il faut la restreindre 
de section en section jnsqu’au haut de l’arbre , attendu que 
les pousses y sont progressivement plus vives ; si on réglait 


LA POMONE FRANÇAISE. 391 


la longueur des tailles Sur cette vigueur, la sève se porte- 
rait avec plus de force encore vers le haut, et abanäonne- 
rait le bas : ce qui entrainerait la perte de la forme de 
l'arbre, et avec elle s’évanouirait toute espérance de ré- 
coltes abondantes et régulières. Il ne faudra donc pas tailler 
les plus forts rameaux plus longs que les rameaux qui sont 
minces; mais, au contraire, on taillera les forts rameaux 
plus courts, sur des yeux d’autant moins bien conditionnés 

ls sont plus près du talon; et, les rameaux minces étant 
hs plus longs, la taille se trouvera assise sur des yeux 
mieux conditionnés et en plus grande quantité après la 
taille. 

Lorsque l'arbre est arrivé à une certaine élévation, et 
que la sève se porte trop abondamment vers la flèche, on 
refoulera la sève en détruisant à la pousse l’œil terminal qui 
devait former le prolongement de la tige, afin que le pro- 
logement ait lieu par l’un des sous-yeux de l’œil supprimé. 
Dans ce cas, on pincera celui des sous-yeux quisera le moins 
bien placé pour continuer le prolongement de latige, et on 
le pincera plus tôt ou plus tard, suivant que l’on voudra 
fatisuer le terminal. On fixera à la tige une petite baguette 
sur laquelle on attachera le bourgeon terminal sorti tardi- 
vement du sous-œil. Les deux ou trois autres bourgeons au 
dessous seront pincés de très bonne heure ; on pourra mème, 
selon les circonstances, supprimer aussi l’œil principal de 
ces bourgeons. 

Les variétés qui se prêtent le plus facilement à prendre 
la forme pyramidale sont : 


La Jargonelle ou Bellissime, La Douvilie, 
Le Martin sec, Le Saint-Lézin. 
La Bersamote d'automne, St-François ou Bonne Amet, 
La Bergamote de Pâques ou Bergamote d'Angleterre, 
de Soulers, Beurré d'hiver, 


392 LA POMONE FRANCAISE. 


La Bergamote suisse, Le Doyenné pris, 

Bergamote de Hollande ou Poire de livre ou Râteau gris, 
Amoselle, St-Germain inconnue la Fare, 

.La Louise bonne, Duchesse d'Angoulème, 


Et généralement les nouvelles poires qui tiennent des beur- 
rés et des doyennés. 


Variétés qui ne se prêtent point à la forme pyramidaie : 
ÿ 
L’Eparone, | La Madeleine, Fe 
Le Chaumontel!, Le Beurré gris. 


Du pommier greffé sur paradis. 


Après avoir traité de la culture et des diverses formes 
que l’on peut donner aux poiriers et aux pomimiers greffés 
sur franc, sur cognassier et sur doucain, il nous reste à 
indiquer le parti que l’on peut tirer du pommier sreffé sur 
paradis. Ces pommiers , traités avee soin, sont très prompts 
à fructifier, et offrent d’abondantes récoltes; les fruits sont 
sans comparaison plus assurés, plus beaux et beaucoup 
plus gros que ceux de la même variété venus sur des ar- 


bres à‘plein vent ; mais ils ne se conservent pas aussi long- 


temps dans le fruitier, parce qu’on a la mauvaise habitude 
de les cueillir trop tard, lorsqu'il faudrait les récolter avant 
les autres, parce que le pommier de paradis arrête sa végé- 
tation plus tôt. 

Les pommiers sur paradis occuperont un terrain qui leur 
sera particulièrement consacré. Ces pommiers réussissent 
ordinairement mal dans les plates-bandes parmi d’autres 
arbres et d’autres plantes, parce que les labours annuels 
nécessaires à ces plantes sont très préjudiciables à ces ar- 
bres, en attaquant les racines et le chevelu qui sont à la 


=“ 


LA POMONE FRANÇAISE. 505 


surface du sol, ou seulement en éventant Ia terre, ce qui 
les empèche de profiter et surtout de fructifier. 

On évitera de planter le pommier de paradis dans dés 
terrains qui sont en pente, parce que les racines seraient 
immanquablement déchaussées par les pluies et les averses. 
On plantera ces arbres dans un terrain à peu près nivelé ; 
il sera même ulile, dans les terres très lésères, de faire en 
sorte que les lignes sur lesquelles les arbres sont plantés 
soient un peu au dessous du niveau du soi, sur une largeur 
de 70 centimètres au moins, afin de conserver la fraîcheur 
au pied des arbres. 

Les massifs destinés à ces arbres, ainsi que le devant des 
espaliers , seront défoncés et bien fumés pour être plantés 
en sujets de pommiers de paradis, espacés de 1 mètre 
66 centimètres en tous sens. Ces sujets de paradis seront 
écussonnés en place , la mème année de Fa plantation, sur 
le vieux bois, et traités à eeét égard comme le doucain. Les 
écussons ou les greffes seront placés à 10 centimètres au 
dessus du sol, afin qu’elles ne puissent s’enraciner. Si on 
prend les arbres greffés dans les pépinières, on les rabattra 
à 20 ou 25 centimètres au dessus de la greffe. 

Les soins à donner au terrain après la plantation con- 
sistent dans de légers binages, ou seulement des ratissases 
pour empêcher les herbes de croître, On aura soin de tenir 
toujours le terrain très propre, surtout à l’entrée de l'hiver, 
afin qu'il ne reste point d'herbes, telles que mourons, se- 
necons et autres, dont les racines, qui profitent pendant 
cette saison , pourraient se mêler avec le chevelu, le soule- 
ver, lorsqu’au printemps il faudra les arracher ; d’ailleurs 
ces herbes s’approprient en pure perte les sucs de la terre. 

On répandra du. fumier de couches de champignons ou 
tout autre, pour tenir le terrain frais et favorable à la vé- 
gétation. Les drageons qui pousseront au pied des paradis 
seront exactement retirés. On s’abstiendra de marcher 


394 LA POMONE FRANCAÏSE. 


dans la plantation , toutes les fois que le terrain sera hu- 


-mide , aussi scrupuleusement que sur une terre fraîche- 


ment labourée. 

On rabattra les greffes, au temps de la taille, à 20 ou 
24 centimètres, afin de consoïider la greffe au sujet par 
les fibres descendantes des trois ou quatre bourgeons que 
l’on obtiendra, et que l’on favorisera en pinçant les autres, 
pour établir les membres du nouvel arbre. 

La conduite à tenir pour la forme à donner aux pom- 
miers de paradis greffés est la même que pour les autres 
pommiers, avec cette différence que l’on doit se borner 
à essayer pendant les quatre ou cinq premières années de 
leur faire prendre une forme évasée, afin que les fleurs et 
les fruits jouissent des bienfaits de l’air et de ceux du soleil. 
On croit que la nature de cet arbre s'oppose à toute forme 
régulière, parce que la mortalité d’une ou de plusieurs 
de ses branches arrive au moment où on s’y attend le 
moins ; ces branches sont remplacées par d’autres très vi- 
goureuses, qui bientôt subissent le même sort. Il ne faut 
pas non plus vouloir donner à ces arbres plus d'étendue 
que leur nature le comporte ; il est rare que l’on puisse leur 
donner plus de 1 mètre 33 centimètres d’élévation sans 
les exposer à être renversés par les vents, parce que les 
racines du pommier de paradis ne plongent pas assez avant 
dans la terre, ce qui nécessiterait l'emploi de tuteurs. 

Nous pensons que l’on peut, dans cet espace, quoique 
limité, faire prendre et conserver au pommier greffé sur 
paradis des formes régulières, surtout depuis que nous 
croyons avoir découvert la cause qui s y opposait : celle de 
la perte successive des membres, occasionnée uniquement 
par les chancres. Nous avons observé que le pommier, et 
particulièrement de certaines variétés, sont plus sujets 
que le poirier à être piqués par l’insecte qui occasionne 
les chancres. Cet insecte dépose au printemps le germe de 


LA POMONE FRANÇAISE. 393 


sa progéniture sur un œil à peine formé d’un bourseon 
naissant , destiné par sa position à devenir très vigoureux. 
Le mal est d’abord imperceptible ; ce n’est qu’au printemps 
suivant, lors de la taille, que l’on s’en aperçoit par les déjec- 
tions du ver, et par la pointe de Pœil, qui est éparpülée, 
et son germe détruit. Dans le courant de la saison, le mal 
devient plus visible : l'écorce qui environne l'œil se des- 
sèche, la plaie ausmente lentement, la sève semble s’en 
éloigner au lieu d’y affluer; le rameau cependant continue 
de croître et de s'étendre, ce n’est que lorsque la plaie a 
complétement cerné la branche que sa perte est décidée 
pour le printemps suivant. La partie qui doit périr reste 
encore verte pendant tout le reste de la saison, parce qu’elle 
continue d’être alimentée par la sève montante; maïs la 
sève descendante, étant empêchée de Moacsdhé , CCCa- 
sionne, pour l’année suivante, la sortie de branches sour- 
mandes , qui auront le même sort. Il résulte de cet exposé 
que c’est moins la perte d’une branche qui cause le dom- 
mage que la manière lente dont elle périt, qui désorganise 
aussi toutes les autres parties de cet arbre, en boulever- 
sant sa vésétation. 

Ainsi, les cultivateurs ne parviendront : à régler la a 
tation des pommiers greffés sur paradis, comme ils règlent 
celle des autres arbres , qu’en les garantissant de cet insecte, 
ou en ne laissant sur les forts rameaux, après les avoir 
taillés, que des yeux bien conditionnés et non attaqués; 
c'est ce que nous pratiquons depuis quelque temps avec 
succès. 

On sait qu’une plaie quelconque faite à un arbre déter- 
mine la sève à s’y porter pour la cicatriser; il n’en est pas 
ainsi de la piqüre de cet insecte; nous aurons à chercher 
pourquoi une simple piqüre , imperceptible d’abord, peut 
faire exception à une loi aussi générale de la végétation. Il 
est à propos d'observer que la piqüre atteint le centre du 


396 LA POMONE FRANÇAISE. 


_rameau. Lorsqu'il est encore en lait, la moelle, qui cesse 
d’être nécessaire à l'existence d’un rameau tout formé, 
serait-elle indispensable pour donner au rameau qui con- 
tinue de croître les moyens de se réparer ? 

Le principal but que l’on doit se proposer en taillant un 
pommier greffé sur paradis est d'obtenir du fruit et assez 
de bois pour le bien nourrir. Cette taille consiste à dégager, 
lorsqu'il y a lieu, l’intérieur de l'arbre, à faire choix des 
branches bien placées, pour former une apparence de vase: 
ou toute autre forme favorable à ja fructification ; de sup- 
primer, à l'épaisseur d’un écu, tous les rameaux inutiles, 
tels que ceux qui se croisent, qui sont surbaissés et qui se 
tournent vers la terre , ou qui seraient susceptibles de faire 
confusion. Après ce raccourcissement, on procède à celui 
des rameaux que l’on a d’abord choisis pour la forme ou 
la charpente de l’arbre , au tiers environ de leur longueur, 
selon leur force, en ayant soin de laisser l’œil sur lequel 
on taille vers le point où l’on veut que le bourgeon qui 
en sortira se dirige. Si le rameau que l’on a taillé ne prend 
pas la direction que l’on veut qu’il ait, on pourra Île ra- 
mener en fixant un osier d’une branche à l’autre. Nous 
raccourcissons en dernier les rameaux qui sont destinés à 
former la charpente, afin que l’on puisse mieux juger de la 
régularité de la forme que l’on veut donner à l'arbre. II 
naltra à l'extrémité des rameaux à bois ainsi raccourcis un 
ou deux rameaux à bois au dessous du terminal, que l’on 
taillera l’année suivante à l’épaisseur d’un écu; les brin- 
diles au dessous seront raccourcies à 10 ou 12 centimètres; 
les dards , les boutons à fleurs et les rosettes, resteront in- 
tacts. Si les brindilles sont courtes, elles seront conservées » 
attendu que leur extrémité sur le paradis est ordinaire- 
ment terminée par un bouton à fleur ; mais après la fleur 
ou le fruit, on raccourcira ces brindilles. Si les brindilles 
sont trop nombreuses, elles seront taillées à Pépaisseur 


LA POMONE FRANCAISE. 507 


d’un écu; il se forme ordinairement à la base de ces brin- 
dilles ainsi raccourcies des boutons à fleurs, ou de nou- 
velles brindilles d’une plus petite dimension. 

Il est à observer qu’une lambourde (c’est-à-dire une 
branche qui a pris naissance sur une bourse), ne peut en 
aucun temps, dans aucune posilion, devenir sourmande; 
ces branches ne doivent jamais être taillées à l’épaisseur 
d’un écu , à moins qu'il n’y en ait une trop grande quantité 
réunies susceptibles de se nuire et de faire confusion. Si ces 
branches sont près d’une place où on ait besoin de remplir 
un vide, on peut les employer avec avantage, parce qu’elles 
sont en mème temps, selon l’occasion, branche à bois et 
à fruit : branche à bois par l’œil sur EE uel on taille, et 
branche à fruit par tous les yeux qui sont au dessous. 

Lors de la pousse, au printemps, on veillera à ce qu’il 
ne se développe pas de gourmands, soit sur la tige , soit sur 
les membres ou vers le bas, sur le corps de l'arbre ; on les 
pincera à la longueur de 10 ou 18 millimètres, c’est-à-dire 
assez tôt et assez rapprochés de leur insertion pour que 
la sève n'y trouve que des passages obstrués, ce qui la 
forcera de se répartir sur d’autres parties de l’arbre. Les 
bourgeons à bois près du terminal pourront aussi être pincés 
s'ils annonçaient devoir prendre trop de force pour être 
plus tard taillés à l’épaisseur d’un écu. 

L'arbre prenant de l’âge, les bourses et les lambourdes 
devenant trop vieilles, trop multiples et trop allongées, on 
les raccourcira sur des boutons à fleurs plus rapprochés du 
corps de l’arbre , ou des noue sur lesquelles elles ont 
pris naissance. 

Si l’on était dans la nécessité de supprimer de fortes 
branches, on devrait prendre garde que la secousse occa- 
sionnée par la serpette n’ébranlât ou ne déracinàt l’arbre, 
attendu que la plus grande partie de ses racines se trouvent 
à là surface du sol et qu’elles sont de leur nature très cas- 
santes. 


398 LA POMONE FRANCAISE. 


On aura soin, après la taille, de s’assurer qu’il ne reste 
pas de bagues de chenilles sur les branches conservées. On 
aura encore la plus grande attention que les yeux que l’on 
laisse au dessous de la taille, sur les forts rameaux, ne 
soient pas attaqués par l’insecte qui cause les chancres; 
dans le cas où un œil serait attaqué, on descendrait la taille 
au dessous. Ii est facile, avec un peu d’attention, de re- 
connaître après l'hiver les yeux qui recèlent le germe d’un 
chancre : la pointe de ces yeux, comme nous l'avons déjà 
dit, est détruite et comme éparpiilée; à cette époque, om 
trouve encore quelquefois sous l'écorce du rameau le petit 
ver qui occasionne le chancre. 


Taille des productions fruitières. (PI. XVII.) 


On a déjà vu (pl. XI) comment sur toute l'étendue de la 
charpente d’un arbre, quelle que soit sa forme, on fait naître 
des productions fruitières, à mesure que les branches se fa- 
connent et s'étendent. 

Il nous reste à faire connaître comment ces fruilières 
doivent être traitées, afin de les maintenir en état de tou- 
jours produire de beaux fruits, ou d’être renouvelées selon 
le besoin. En conséquence, nous avons fait dessiner aussi 
exactement que possible une branche que l’on peut consi- 
dérer comme étant un membre appartenant à une palmette, 
à une pyramide, à un éventail ou à un arbre de toute autre 
forme, puisque toutes les branches qui composent la char- 
pente des arbres doivent être toutes élevées de la même 
manière. On a fait en sorte que l’échelle sur laquelle cette 
branche a été dessinée fût assez grande pour qu’on puisse 
facilement distinsuer lestailles des fruitières qui se trouvent 
sur les cinq sections de cette branche. Ce nombre de sec- 
tions nous a paru contenir tout ce qu'il importe au jardi- 
nier de savoir concernant le (traitement des productions 
fruitières du pommier et du poirier. Le format du livre a 


LA POMONE FRANÇAISE. 399 


nécessité la suppression du bout seulement des branches 
inférieures. 

La branche ou le membre (pl. XVIT) est composé, com- 
me nous l’avons dit, de cinq sections. La pousse terminale 
de la cinquième section a été tranchée au point K , et placée 
sur le côté de la planche. Toutes les productions de la pre- 
mière section ont élé converties successivement en frui- 
tières. 

La brindille A provient d’un rameau à bois qui a été taillé 
à l'épaisseur d’un écu; cette brindille a été raccourcie au 
point n° 1. Ïl en est résuité le proionsement de cette brin- 
dille, et cinq autres pousses au dessous de cette taille b, c, 
d,e et f. Le bourgeon b, paraissant devoir acquérir trop de 
force, a été pincé assez court; il en est sorti par lasuite des bou- 
tons à fleurs, et, après, une bourse. Au dessous est la brin- 
dille c. Son raccourcissement a produit son prolongement, 
qui s’est couronné en même temps que les yeux au dessous 
de la taille se sont gonflés, se préparant à se façonner en 
boutons à fleurs. La brindille d a reçu une taille; il en est ré- 
sulté son prolongement terminé par un petit bouton à fleur, 
plus une petite brindille à sa base, qui a été raccourcie, 
puis enfin une autre vers la coupe, qui a été aussi raccour- 
sie; les bourseons entre cette brindille et le terminal ont 
été pincés pour faire refluer la sève dans le bas et faire 
srossir les boutons de la brindille d. Au dessous est une 
brindille e qui a été raccourcie, ce qui a fait grossir les 
yeux au dessous du prolongement de cette brindille e. Près 
du membre est une brindille f, qui, après avoir été cassée, 
s’est couronnée par un bouton à fleur, qui, après avoir pro- 
duit, a donné naissance à une bourse sur laquelle sont plu- 
sieurs boutons à fleurs ; les yeux au dessous se sont façonnés 
en boutons à fleurs. Tel est le résultat de la première sec- 
tion de la brindille À. La deuxième section de cette même 
brindille commence à la taille n° 2; elle a eu pour résultat 
le prolongement de la brindille À, pendant lequel se sont 


4D0 LA POMONE FRANÇAISE. 


ouvertes les productions q, h,2, k, L, m. La brindille g a étè 
raccourcie, ce quia produit son prolongement, et fait 
gonfler les yeux au dessous de la taille. 

La petite brindille À s’est couronnée , et les yeux au des- 
sous, qui étaient à feuilles, se préparent pour devenir autant 
de boutons à fleurs. La brindille 2, qui est au dessous, a été 
raccourcie ; il en est résulté son prolongement , au dessous 
duquel étaient des pousses que l’on a pincées, plus un œil à 
feuille qui s’est faconné en bouton à fleur, ensuite un dard 
qui était pointu, et qui s’est couronné ; après la fleur s’est 
formé une bourse, et dessus un autre bouton à fleur; au des- 
sous de ce dard est un bouton à feuille qui est devenu un 
bouton à fleur; les autres yeux de la brindille à au dessous 
de la taille se préparent à fleurir. 

La brindille £, qui a un dard couronné près de son inser- 
tion, a recu une tailie très allongée, d'où est résulté un 
prolongement très faible, et au dessous quatre petits dardsou 
petites brindilles. Le dard couronné , après la fructification, 
a laissé une bourse sur laquelle s’est formé un bouton à 
fleur et un autre qui se prépare. Il en est sorti avec la brin- 
dille {, à son insertion, un petit dard pointu ; ce dard 
s’est arrondi et a formé un bouton à fleur. La brindille / a 
été raccourcie, ce qui a produit son prolongement et fait 
srossir les yeux au dessous. La très petite brindille m» est. 
laissée sans être raccourcie. Ainsi se terminent les produc- 
tions qui sont sur la deuxième section de la brindille À. Le 
prolongement de cette brindille étant raccourei au point n° 
3, il en est résulté son prolongement et la sortie de trois 
ou quatre bourgeons, qui ont été pincés de très près ; ce qui 
a fait ouvrir les deux brindilles » et o, qui sont au dessous, 
et que l’on a raccourcies , afin de faire grossir les yeux du 
talon des deux brindilles n et o. Ainsi se terminent les di- 
verses tailles de toutes les productions fruitières qui sont 
sur les trois sections de la brindille A. 

Le bouton à fleur B provient d’un œil à feuilles qui a 


LA POMONE FRANÇAISE. 401 


produit un bouton à fleur , après lequel estrestée une bourse 
sur laquelle sont sortis deux boutons à fleurs, et une lam- 
bourde, qui n’a pas été taillée et qui s’est couronnée. 

L’œil à feuilles C s’est formé en bouton à fleurs; après la 
fleur est restée une bourse sur laquelle est sortie une lam- 
bourde couronnée, très courte; après le fruit s’est formée 
une forte bourse qui a donné naissance à cinq lambourdes 
plus ou moins allongées, à l'extrémité desquelles se sont for- 
més des boutons à fleurs. La plus longue a été raccourcie. 
Plus tard on pourra supprimer la fruitière C, en la rabat- 
tant vers sa base, afin d’obtenir une lambourde plus rappro- 
chée du membre et de rajeunir cette partie. Ce rajeunisse- 
ment ne doit se faire que selon le besoin , afin de ne pas dé- 
garnir inutilement l'arbre de fruits. 

Les boutons à fleurs D placés sur le devant du membre 
proviennent de boutons à feuilles quise sont faconnés à 
fleurs ; celui E a produit une bourse sur laquelle est sortie 
une lambourde couronnée ; au fruit a succédé une forte 
bourse, et dessus une lambourde très courte couronnée. On 
pourra plus tard raccourcir cette lambourde E. 

La brindille F provient des sous-yeux d’un rameau qui 
a élé taillé à l'épaisseur d’un écu; cette brindille, annon- 
çcant encore trop de vigueur, a été pincée près de son inser- 
tion, d’où sont sorties deux brindilles p et q. Les sous-yeux 
au dessous du pincement se sont façonnés avec le temps en 
boutons à fleurs. On a raccourci les brindilles p et q au n°1; 
il en est résulté le prolongement de ces brindilles, et le déve- 
loppement des fruitières r, s, £, u et v, sur la première sec- 
tion des brindilles p et q. 

- Le raccourcissement de la brindille r a fait ouvrir eux 
faibles brindilles, que l’on a cassées pour faire grossir les yeux 
du dessous. Le bouton à fieur s provient d’un très petitard 
qui s’est couronné , et la fleur a laissé une bourse, qui a pro. 
duit deux boutons à fleurs. La brindille {, ayant à sa base 

26 


402 LA POMONE FRANCAISE. 


un petit dard pointu d’abord, a été raccourcie; ce qui a 
produit son prolongement et en mème temps a fait grossir 
les yeux au dessous et hâter la formation du bouton à fleur 
sur le dard. 

Au dessous de la première section de la brindille gq est 
sortie la brindille u, parce qu’on a pincé les bourgeons qui 
ont ouvert sous le terminal q. La brindille uw a été rac- 
courcie toujours dans le but de faire grossir les yeux au des- 
sous de la taille. La brindille v s’est couronnée ; après la 
fieur est restée une bourse qui a produit d’autres fleurs ; 
pendant ce temps les yeux du dessous se sont façonnés en 
boutons à fleurs, la brindille vest restée sans être raccourcie. 
Après avoir taillé les fruitières qui sont sur la première sec- . 
tion des brindilles p et q, nous raccourcirons la brindille p 
au point n° 2, et la brindille q au point n° 2, et enfin la brin- 
dille p au point n°5. Ily a peu de chose à dire sur les 
pousses auxquelles ces dernières tailles donnent lieu. 

S'il arrivait que la brindille p prit trop de force, on la 
rabattrait sur la brindille £, et l’on inclinerait davantage 
ia brindille g pour remplir le vide que cette suppression oc- 
easionnerait. Par suite on pourra pour cause d’épuisement , 
s’il a lieu, rabattre la brindille F sur les sous-yeux des 
bourses qui sont à son insertion ; mais ces rapprochements 
ne doivent jamais s'effectuer tout à coup, ils occasionne- 
raient des explosions de sève; ils doivent s’opérer peu à 
peu et toujours partiellement. 

Après avoir expliqué avec détails les opérations à faire 
sur les productions fruitières qui sontsur la première section 
du membre représenté (pl. XVII), nous croyons pouvoir 
nous abstenir de nous répéter pour les autres productions 
qui sont sur les trois autres sections, dans la crainte de fa- 
tisuer le lecteur d'autant plus inutilement que les tailles 
sont marquées par un trait sur toutes les fruitières. 


LA POMONE FRANCAISE. 403 


Des inconvénients qui résultent de ne pas raccourcir la char- 
pente des arbres, et du traitement à suivre pour ceux qui 
ont été mal dirigés. 


Quelques personnes ont conseillé de ne point raccourcir 
les principaux membres des arbres élevés en quenouilles o 
en espaliers, n’admettant de taille que sur les 5ranches qui 
feraient confusion. 

Les résultats fâcheux de ce conseil, s’il était suivi pour 
les poiriers et pommiers, seraient que le prolongement an- 
nuel des membres deviendrait chaque année moindre, que 
la sève abandonnerait peu à peu les extrémités, ralen- 
tirait aussi la circulation dans ‘toutes les autres parties de 
arbre ; les bourses n’émettraient plus de lambourdes, les 
unes et les autres s’useraient en fleurissant, et plus tard 
la floraison serait stérile ; les lambourdes et les brindilles 
fleuriraient aux extrémités supérieures, les yeux du bas 
s’oblitéreraient, et leur bois finirait par se dessécher ; enfin, 
les fruits deviendraient plus rares, perdraïient peu à peu 
leursaveur, leur volume, et les caractères distinctifs de leur 
espèce. Ces arbres, après avoir couvert le mur de leurs 
branches pendant peu de temps, se dégarniraient , laisse- 
raient des vides, et deviendraient bientôt très inférieurs 
à ceux qui sont abandonnés dans les champs à leur ma- 
nière naturelle de végéter. | 

Loin d'admettre un tel mode de conduite, nous conseil- 
lons non seulement de former et d'étendre se arbres par la 
taille, mais d'entretenir encore par la taille la forme et la 
fructification de ces arbres. On veillera donc, lorsque l'arbre 
sera formé et en rapport, à maintenir une vie active dans 
toutes les parties, depuis l'insertion des membres jusqu’à 
leur extrémité, soit en raccourcissant ou rabattant les bou- 
tons à fleurs , les dards, les bourses, les lambourdes et les 


404 ; LA POMONE FRANÇAISE. 


brindillesusées sur de nouveaux boutons plus rapprochés des 
membres; ces lambourdes serontrabattues sur des sous-lam- 
bourdes ou même sur des sous-yeux; toutes ces parties, 
étant moins allongées, seront mieux nourries, mieux condi- 
tionnées, et l'arbre plus aéré. On conçoit que la sève ne peut 
pas être attirée par la taille dans une partie quelconque de 
arbre sans que toutes Îles autres se ressentent plus ou moins 
de ce mouvement ; si ce mouvement n’est pas assez sensible 
sur les yeux ou sous-yeux du bas pour les faire ouvrir, il 
les nourrit, les empêche de s’oblitérer, et les tient tout 
disposés à s’ouvrir lorsqu'ils seront plus directement et plus 
vivement excités par la taille. 

Nous appliquerons ces principes au rétablissement des 
arbres de dix à douze ans en rapport qui auront été mal 
traités, en ayant toutefois la prudence de ne pas vouloir les 
ramener à l’ordre trop promptement, non seulement pour 
ne pas interrompre les récoltes, mais encore parce qu'il 
faut, autant que possible, n’exercer de violence sur les ar- 
bres que modérément, et pour les amener plus sûrement au 
point où nous voulons qu’ils soient. Il sera donc mieux de 
faire chaque année quelques rapprochements ésalement ré- 
partis dans tout l'arbre, et de ramener peu à peu, sous une 
forme régulière, la vie active et féconde dans tous ses 
membres. 

Si l'arbre n'avait pas une forme régulière, qu'il y eût 
confusion dans des parties et des vides dans d’autres, et 
qu’il fût encore vigoureux, on pourrait faire des ravale- 
ments, afin d'obtenir des sorties que l’on favoriserait pour 
établir une charpente. Dans ce cas on ferait choix des bour- 

seons les mieux placés ; on pincerait les uns et on favorise- 
. les autres. 

Si l'arbre a une forme ou une charpente, et que les mem- 
bres soient épuisés par les rapports trop abondants ou les 
mauvais traitements, on pourra ravaier tous les membres 


LA POMONE FRANCAISE. 405 


près du corps de l'arbre pour les greffer. La greffe, dans 
ce cas de ravalement, est nécessaire, lors même que l’on 
ne voudrait pas changer l'espèce. Si les membres ont un 
certain diamètre, on les greffera en couronne , afin de pla- 
cer plusieurs greffes. Le plus beau jet de la greffe , destiné 
à remplacer le membre, sera favorisé ; les autres seront plus 
ou moins promptement arrètés dans leur développement 
par le pincement. Ceux qui ne sont destinés qu’à favoriser 
le recouvrement de la plaie seront pincés de très bonne 
heure ; ceux qui doivent attirer la sève vers le jet de pro- 
longement seront pincés plus tard. 

Si l’on veut profiter du ravalement d’un arbre usé pour 
lui donner la forme d’un éventail, on doit le greffer en cou- 
ronne rez terre. | 


DU RAJEUNISSEMENT DES ARBRES FRUITIERS. 


Il est constant que l’on ne peut rajeunir les arbres frui- 
tiers comme l’on rajeunit les arbres des forêts ; nous offrons, 
à l’appui de cette assertion, un exemple patent qui a été 
opéré depuis dix ans sur une assez grande quantité de pom- 
miers et de poiriers, dans le jardin de Monsieur le directeur 
de la manufacture royale de Sèvres. La plupart de ces ar- 
bres sont maintenant dirigés en éventail d’une étendue de 
6 mètres d'élévation sur 15 à 17 de face. Lorsque nous vi- 
sitämes ces arbres, ils étaient chargés de très beaux fruits, 
choisis parmi les espèces les plus nouvelles. Nous préférons 
donner pour exemple le travail d’un jardinier qui ignore 
complétement les principes de la taille, afin de montrer à 
quel point le rajeunissement des arbres est avantageux, et 
combien il le deviendrait encore plus si on évitait certaines 
fautes que nous allons avoir l’occasion de signaler. 

Les arbres dont nous parlons ont été établis sur de très 
anciennes pyramides, sur d'anciens vases et éventails qui, 


406 LA POMONE FRANÇAISE. 


depuis nombre d'années , étaient annuellement mal taillés, 
et ne rapportaient presque jamais de fruits. Le jardinier qui 
a succédé à l’ancien, ne connaissant point les principes de 
la taille , et ayant remarqué que ses confrères ruinaient les 
arbres en les taillant, a eu le bon sens et la conscience de 
s’en abstenir ; toutefois il a procédé au rajeunissement de 
tous Les vieux arbres en les sciant à 5 centimètres au des- 
sus du sol et en les sreffant en couronne, plaçant chaque 
sreffe à 22 ou 25 millimètres l’une de l’autre ; quelques ar- 
bres ont reçu jusqu’à vinst et quelques greffes, chacune 
munie de deux yeux : toutes ont généralement poussé. Le 
jardinier n’a supprimé aucune pousse , elles ont toutes été 
sitachées sur des échalas, puis sur des lattes, et enfin sur 
de grandes perches fichées dans la terre et liées ensemble 
par quelques lattes placées en travers. Cet édifice est sou- 
tenu par très peu de bois sec : les branches et le treillage 
attachés ensemble obéissent au vent, mais en masse ; au- 
cune branche ne peut être agitée isolément; d’où il résulte 
que les fruits ne sont point froissés, et se trouvent aussi as- 
surés que si l’arbre était palissé. contre une muraille, avec 
cette différence qu’ils jouissent librement des bienfaits de 
l'air. Nous pensons mème que le balancement de l’arbre 
occasionné par les vents exerce une heureuse influence sur 
sa fructification. Nous ajouterons qu’il n’y a point ou presque 
point de propriétaires qui ne fussent très satisfaits de possé- 
der des arbres en aussi bon rapport; ils ont nécessité la 
construction d’un fruitier. 

Les jardiniers qui visiteront ces arbres seront sans doute 
corrigés de l’abus qu’ils font de la taille, et ceux qui n’en 
ont aucun principe comprendront que, dans ce cas, il vaut 
mieux ne point tailler, mais diriger et palisser toutes Îles 
pousses, comme l’a fait M. Briffaut , qui n’a connu chez ses 
confrères que les méfaits de la taille, sans avoir été à même 
d'apprécier les bons résultats qu’on peut en obtenir. 


LA POMONE FRANCAISE. 407 


Les arbres de M. Briffaut pourraient sans doute être 
mieux dirigés , et la sève y être mieux répartie ; alors ses 
arbres, sans avoir une aussi grande étendue , offriraient des 
récoltes encore plus abondantes, et surtout une existence 
beaucoup plus assurée. Quoi qu’il en soit, le travail de M. Brif- 
faut est tellement supérieur à celui de la plupart de ses con- 
frères, qu’il mérite des éloges; mais, comme ilest présuma - 
ble qu’il aura des imitateurs, nous devons exercer une cri- 
tique sévère sur son travail afin de les mettre à même de 

surpasser leur modèle. J'espère que M. Briffaut , au mérite 

duquel je me plais à rendre hommage , reconnaîtra la jus- 
tesse de mes observations, qui sont faites dans l'intérêt de 
l’art et dans le sien mème ; l’expérience ne peut s’acqué- 
rir qu’après de longues années de travail, et j'aurai tout à 
l'heure à signaler mes propres fautes à l'égard du rajeunis- 
sement des arbres. 

Loin de trouver trop considérable le #rand nombre de 
greffes placées au pourtour du tronc de l’arbre que l’on veut 
rajeunir, nous approuvons ce procédé, parce qu’il est né- 
cessaire de ménager de nombreuses sorties à la sève d’un 
arbre dont on vient de supprimer la tête et la tige , et dont 
les racines restent encore intactes; mais nous n'approu- 
yons pas qu'on ait laissé se développer également tous les 
bourgeons de ces greffes ; il eüt été préférable de faire un 
choix de ceux qui étaient le mieux placés et les plus vigou- 
reux, pour établir la charpente du nouvel arbre : elle se 
serait focmée d’autant plus facilement que tous les autres 
bourgeons eussent été pincés et réduits successivement à ne 
servir qu’à entretenir la sève sur la couronne , et à recou- 
vrir la large plaie qu’on a dû faire à l’arbre. 

M. Briffaut laisse tout pousser; il établit ainsi sur les côtés 
de larbre qu’il veut former en éventail une très grande 
confusion de branches, surtout au point de départ, où elles 
sont les unes sur les autres. Ces branches forment autant de 


408 LA POMONE FRANÇAISE. 


rayons qui, en divergeant, laissent entre eux des vides 
qu’il faut remplir par des ramifications; le jardinier se sert 
de celles qui sont sous sa main, et qui souvent ne sont ni 
bien placées ni favorablement constituées pour remplir ces 
vides. Il y a dans cette multitude de branches une srande 
inégalité de force distribuée sans ordre, tandis que l’on. pou- 
ne. se rendre maître du mouvement de la sève, la distri- 
buer à volonté, la faire couler abondamment dans de cer- 
tains bourgeons et la rendre plus rare dans d’autres ; enfin, 
il était facile de créer des mères-branches, Surtequeiés de 
eùt établi des ramifications. ch 

En s'imposant la loi de ne rien retrancher, si ce n’est fé 
rameaux qui poussent devant et derrière P'événtant ,et qu’il 
coupe, avec le sécateur, à 5 ou 7 millimètres, M. Brit- 
faut se condamne à voir la sève se porter de préférence vers 
les extrémités, laissant les yeux du bas de la pousse de cha- 
que année ouvrir faiblement, et ceux du talon s’oblitérer. 
La fructification d'un tel arbre doit être nécessairement 
aussi mal répartie que sa végétation est mal réglée, quoi- 
que, pour ce moment , l’une et l’autre soient encore abon- 
dantes. Si, au contraire, on eût raccourci la pousse de 
chaque année, plus ou moins, suivant sa force et sa posi- 
tion, on aurait, avec l’aide du pincement pratiqué sur les 
bourseons les plus près du terminal, forcé la sève de refluer 
vers le bas et de se mettre en équilibre avec les bourgeons 
du haut, et le peu de bourgeons qui, après la fin de la sai- 
son, se seraient trouvés trop forts ou trop allongés pour 
Pen. des branches fruitières, auraient été taillés à l'épais- 
seur d’un écu, afin d'obtenir, dé sous-yeux de ces bour- 
geons, des brindilles, des dards ou des rosettes. Aïnsi les 
branches, en s’allongeant, se seraient fortifiées et garnies 
de fruits réculièrement sur toute leur étendue, ce que l’on 
ne voit point dans des arbres qui sont dénudés au talon de 
la pousse de chaque année. 


LA POMONE FRANCAISE. 409 


M. Briffaut, conservant les branches dans toute leur lon- 
geur, éprouve l'inconvénient que beaucoup de ses branches 
restent trop minces par rapport à leur étendue, d’où il ré- 
sulte qu’elles seront promptement épuisées par les fruits, 
dont elles sont toujours trop disposées à se charger. Bientôt 
ces fruits cesseront d’être aussi bien nourris, les branches 
cesseront de s’allonger, et la sève, refoulée vers le bas par 
cause d’épuisement, donnera naissance à des sourmands ; 
alors l’arbre se désorganisera. Telle est la marche d’une 
plante qui n’a pas été dirigée et contenue par une volonté pré- 
voyante, et d’après la connaissance des lois de la végétation. 

Ce jardinier laisse beaucoup de branches croiser l’une 
sur l’autre; il prétend que ces croisements multipliés lient 
toutes les parties de l'arbre et contribuent à sa solidité ; 
mais il pourrait obtenir cette solidité par des morceaux de 
lattes placés cà et là en écharpe : d’ailleurs l'effet de ces 
branches croisées ne sera bientôt plus tolérable. 

Il est embarrassé de la vigueur de ses arbres, parce qu'il 
n’emploie d'autre moyen de faire usage de cette vigueur 
que de les étendre ; mais, en étudiant avec plus d'attention 
le mouvement de la sève , il saurait la répartir partout éga- 
lement , et emploierait cette vigueur à la production des 
fruits, en concentrant son arbre au lieu de l’étendre jusqu’à 
extinction. 

Quoi qu'il en soit, nous devons à M. Briffaut d’avoir don- 
né un exemple très utile du parti que l’on peut tirer des 
arbres épuisés par l’âge ou par les mauvais traitements, en 
les rajeunissant par la greffe en couronne. On conçoit qu’il 
pe faudrait pas attendre, pour procéder au rajeunissement, 
que l'arbre fût devenu trop caduc, et que son bois füt al- 
téré jusqu’à l'endroit où l’on se propose de placer les greffes, 
parce qu'alors elles ne réussiraient pas. Nous avions déjà 
remarqué , du côté de Ham , de Saint-Quentin, et même en 
Normandie , que le ravalement était pratiqué sur les arbres 


410 LA POMONE FRANCAISE. 


à hautes tiges, dans les vergers, lorsque les branches frui- 
tières sont épuisées soit par l’âge, soit par de trop abon- 
dantes récoltes consécutives : alors on scie les principales 
branches et l’on place dessus une multitude de greffes en 
couronne. 

En 1864, lorsque nous fûmes chargé de l'administration 
des parcs, pépinières et jardins de la couronne, nous irou- 
vâmes les arbres du potager de Versailles dans un tel état 
d’épuisement et de dégradation, que nous en fimes faire le 
ravalement ; mais nous eûmes le tort de ne point faire pla- 
cer de greffes sur l'extrémité des branches ainsi ravalées. 
Néanmoins, de nombreux bourgeons percèrent en quan- 
tité sur l’écorce; les jets le mieux conditionnés furent di- 
risgés sur le treillage ; mais après deux ou trois ans ils flé- 
chirent, et beaucoup, parini les plus vigoureux , furent 
attaqués du chancre; enfin ces arbres succombèrent. Cet 
événement, dont nous avons cherché à connaître les cau- 
ses, nous a donné lieu de penser que les bourgeons sortis 
tardivement sur l’écorce étaient trop tendres et trop spon- 
gieux, ce qui les avait rendus attaquables par l’insecte qui 
cause les chancres. Nous avons dü aussi reconnaître qu’il y 
a une très grande différence entre la constitution d’un bour- 
geon sorti de l’œil bien formé d’une greffe, et des bour- 
geons qui percent tardivement de l'écorce, provenant 
d’yeux oblitérés depuis long-temps, et qui ne se raniment 
que par un brusque dérangement de la circulation de la sève. 

Les faits que nous venons d'exposer pourront donner lieu 
à des expériences comparatives, qui mettront ceux qui 
les auront suivies à même d’énoncer une opinion plus po- 
sitive à cet égard. 

Il nous reste encore à connaître combien de fois un arbre 
fruitier pourrait être rajeuni. Ce qui se passe dans les forêts 
nous dorne lieu de croire que la même souche pourrait 
durer plusieurs générations d'hommes : l’arbre des forêts 


LA POMONE FRANCAISE. ui 


est coupé rez terre, les bourgeons sortent tardivement 
de l'écorce, et la plaie est long-temps à se cicatriser ; tan- 
dis que celle de l'arbre fruitier est cicatrisée presque im- 
médiatement, les bourseons des greffes ouvrent prompte- 
ment , et sont tous placés de la manière la plus favorable au 
recouvrement de la plaie. Or, si depuis des siècles on ra- 
jeunit tous les vingt-cinq ans les arbres d’une forêt en les 
coupant rez terre, il est présumable que les arbres frui- 
tiers, traités avec plus de ménagement, auront une exi- 
stence encore plus prolongée. 

Nous terminerons ce qui a rapport au travail de M. Brif- 
faut en ajoutant que sa manière de greffer en couronne 
n’est pas tout à fait celle qui est enseignée dans nos écoles; 
elle a de légères modifications qui rendent l’opération plus 
facile et plus assurée. M. Briffaut a eu la complaisance de 
sreffer devant nous plusieurs arbres qu’il voulait rajeunir : 
après avoir scié ces arbres à 5 millimètres environ au des- 
sus du sol, il a taillé plusieurs rameaux comme on les taille 
pour la greffe en fente ; à mesure que les rameaux étaient 
taillés, on les jetait dons un vase rempli d’eau. Cette ma- 
nière de tailler les rameaux diffère de celle que l’on pratique 
pour la greffe en couronne, que l’on n’entame ordinairement 
que d’un seul côté, comme on taille une plume à écrire. 

M. Briffaut, avant de se servir d’une pleine bien affilée 
et d’une serpette pour rafraîchir le trait de la scie et unir 
la coupe , enceint le tronc de l’arbre avec une longue fi- 
lasse qu’il tourne plusieurs fois fortement autour du tronc. 
Après avoir bien lissé et serré cette filasse, il insinue 
entre le bois et l’écorce du sujet un petit morceau de 
fer poli de la grosseur à peu près des rameaux taillés, et 
aussitôt qu'il retire le fer, il y introduit un des rameaux 
qu’il sort de l’eau , il frappe avec un marteau sur le rameau 
pour le faire entrer avec un peu de force. C’est pour sup- 
porter sans dégradation les petits coups de marteau réité- 


412 LA POMONE: FRANÇAISE. 


rés que le sommet des rameaux est coupé horizontale- 
ment. Aussitôt que toutes les greffes sont ainsi placées, à 
22 ou 25 millimètres d’écartement l’une de l’autre, on cou- 
vre les bords de l'écorce et tout le bois avec de la poix à 
greffer, ayant soin que le pourtour de chaque rameau, à 
son insertion, en soit bien garni. 

La filasse est ici employée pour contenir l’écorce, dans 
le cas où, étant forcée, elle céderait. L'opération terminée, 
on à soin de placer devant les greffes, du côté du midi, 
une planche ou une tuile , pour abriter les greffes du soleil 
et de la reverbération de ses rayons sur la terre. Le succès 
constant de cette greffe, ainsi pratiquée par M. Briffaut, 
nous a décidé à la décrire. | 

Pour revenir au rajeunissement des arbres, nous ferons 
observer que tous les cultivateurs savent qu’il est inutile de 
planter, à la place d’un arbre mort, un jeune arbre, surtout 
s’il est de la même espèce. L'expérience a prouvé que les 
racines du nouvel arbre ne pouvaient s’établir dans un ter- 
rain que l’on considère comme épuisé par les racines de 
celui qui l’a précédé. Mais tous les cultivateurs ne connais- 
sent pas également combien il est avantageux de prévenir 
la perte des arbres en les recepant, ni ce qui se passe, à cet 
égard, dans les arbres soumis à cette opération. Beaucoup 
de personnes s’imaginent que c’est l'épuisement de la terre 
qui nécessite le recepage ; nous hasardons de consigner ici 
quelques observations à ce sujet. 

Le recepage devient nécessaire lorsque les branches sont 
dégarnies sur une grande partie de leur étendue, soit parce 
qu’elles sont épuisées ou desséchées par des récoltes succes- 
sives et trop abondantes, soit par toute autre cause ; alors 
les canaux séveux s’oblitèrent, le tissu des écorces se res- 
serre, et les pousses deviennent de plus faibles en plus fai- 
bles chaque année ; dans ce cas ce ne sont ni les engrais, ni 
le renouvellement des terres au pourtour des racines , ainsi 


LA POMONE FRANÇAISE. 413 


qu’on le conseille, qui peuvent rétablir la libre circulation 
de la sève : nous ne connaissons que le ravalement ou le 
recepage qui aient ce pouvoir, parce qu’ils produisent le re- 
nouvellement de toutes les parties de l’arbre, même celui 
des racines. 

Si nous suivons les effets du recepage ou du ravalement, 
nous verrons que les racines, que cette opération n’a pas 
d’abord atteintes, continuent d'envoyer une surabondance 
de sève qui vient aboutir au pourtour de la plaie causée par 
Pamputation , et y former une multitude de mamelons d’où 
sortent des bourgeons; ou si, après l’amputation, on a greffé 
l’arbre en couronne, les yeux des greffes ouvrent plus 
promptement en bourgeons largement constitués et dispo- 
sès à recevoir une plus #rande quantité de sève, laquelle, 
après s'être élaborée , descend entre les écorces de la tige 
et celle des racines, ainsi que les fibres qui sont au talon 
des bourgeons, se rendant vers les extrémités des racines 
les pius proches , pour y former des spongioles plus en rap- 
port avec les nouvelles pousses de l’arbre. Les anciennes 
spongioles, plus éloignées du tronc, cessent peu à peu de 
fonctionner, et les grosses racines périssent à mesure qu’il 
s’en établit d’autres plus en harmonie avec l'arbre régénéré. 

On conçoit que les nouvelles pousses ne peuvent absor- 
ber toute la sève qui était destinée à l’arbre et à toutes 
ses branches, et que, partout où cette sève reste stagnante 
dans les racines, elle s’y corrompt et en cause la destruc- 
tion ; toutefois, les anciennes racines maintiennent la terre 
soulevée, facilitent la circulation des gaz combinés avec 
la chaleur humide de la terre, et la décomposition de ces 
mèmes racines; d’où il résulte une source intarissable d’ali- 
ments sans cesse renaissants, qui procurent de l’activité 
aux nouvelles spongioles, et de là à tout le système de 
l'arbre. 

Ceci explique suffisamment pourquoi on ne trouve jamais 


414 LA POMONE FRANCAISE. 


de pivot à un arbre qui a été recepé, et aussi comment il 
arrive qu’un arbre venu sur une cepée a souvent plus de 
vigueur et plus détendue que l’arbre qu’il remplace. 

On voit, par ces faits, que les personnes qui laissent leurs 
arbres périr sur pied éprouvent un grand dommage , puis- 
que les racines de ces arbres ent tellement épuisé la terre 
où elles ont vécu, que cette terre devient impropre aux ra- 
cines des jeunes plants qu’on lui confie; tandis que les ar- 
bres que l’on prend le soin de rajeunir continuent de vivre 
pendant plusieurs générations avec une vigueur toujours 
nouvelle. Bien entendu que le recepage ou le ravalement 
précédera toujours le dépérissement des racines, autrement 
l'arbre recepé ne donnerait que des bourgeons grêles , ou 
même ne pousserait point du tout. Nous dirons en passant 
que les arbres très âgés, qui sont séculaires, étant recepés', 
ne poussent plus sur le tronc aussi bien que quelques espèces, 
qui n’ont pas besoin d’être âgées, telles que les pèchers, les 
amandiers, les hêtres , le tremble, et en général tous les ar- 
bres résineux. 

Nous devons croire la théorie de la circulation de la sève, 
telle que nous venons de l’expliquer, d'autant mieux fon- 
dée qu’elle ne se trouve contredite par aucune de nos opé- 
rations en culture. Nous nous sommes étendu sur ces faits 
parce qu'ils sont de nature à faire naître dans l'esprit des 
cultivateurs une multitude d'observations qui devront né- 
cessairement conduire à d'heureuses et utiles applications. 

La découverte de M. Boucherie, qui consiste à colorer 
l’intérieur des bois, soit que les arbres soient abattus ou 
non, a donné sujet à quelques personnes d'expliquer l’ascen- 
sion des matières colorantes par la circulation de la sève. Il 
est à propos de faire connaître en quoi ces explications sont 
erronées ; autrement on serait fondé à croire que notre sy- 
stème de la sève est faux. En effet , il résulte de l’ascension 
des liqueurs colorantes, qui d’abord a lieu par l’aubier, que 


LA POMONE FRANÇAISE. 115 


LI 


la sève ne monte pas par Ne et ne descend pas par 
laubier. 

La meilleure réponse que nous puissons faire à cet égard 
est de mettre sous les yeux de nos lecteurs les résultats de 
diverses expériences pour la coloration des bois, faites par 
. M. Millet, employé à l'administration générale des forêts, 

tant au bois de Boulogne qu’au pare de Mousseaux, et. dont 
nous avons été témoins. 

M. Millet, après avoir fait couper plusieurs grosses ra- 
cines à un arbre sur pied, en a plongé le bout dans un 
sac de caoutchouc contenant des dissolutions de matières 
colorantes (1); la liqueur est montée assez rapidement jus- 
qu'au haut de l’arbre par l’aubier, qui seul a été coloré. 

Un autre arbre séparé de son tronc, une branche de sa 
tige , ont été plongés par le gros bout dans un réservoir 
rempli de liqueur colorante, laquelle est montée jusqu’au 
sommet par l’aubier, qui seul a été coloré. 

Nous avons eu lieu de nous assurer que l’ascension des 
liqueurs colorantes était d’autant plus prompte que le bois 
était plus récemment abattu ; nous nous sommes aussi assu- 
ré que les feuilles n’exerçaient à cet égard qu’une action 
très accessoire , puisque des arbres dépourvus de feuilles - 
ont été Plonient colorés. 

Deux fortes racines coupées près du tronc, placées du | 
même côté, ayant été immergées dans la liqueur, il en est 
résulté que l’aubier n’a été coloré que du seul côté de l’ar- 
bre où étaient les racines. Nous avons aussi acquis la preu- 
ve que la liqueur, une fois montée, ne descend pas. 

Un arbre scié par le haut et séparé de son tronc, a été 
maintenu dans une position verticale, ayant à son sommet un 


(4) Matières colorantes : acétate et sulfate de fer, prussiate de potasse, gal- 
late de fer, acétate de plomb, chromate de potasse, etc. 


416 LA POMONE FRANÇAISE. 


réservoir ou un manchon rempli de liqueur colorante. Cette 
liqueur est descendue assez promptement dans le bas de 
l'arbre en passant par l’aubier, qui seul a été coloré ; d’où 
il résulte que, la liqueur étant introduite de cette manière, 
soit par un bout , soit par un autre, l’aubier seul est coloré. 

Cependant M. Millet est parvenu à colorer tout l’intérieur 
en forçant la liqueur de s’infiltrer par les couches ligneuses 
au lieu de passer par l’aubier. À cet effet, il a luté ou cou- 
vert toute la zone d’aubier avec du mastic de fontainier, et 
de plus il a exercé une forte pression sur la liqueur ; ce qui 
a eu lieu sur un arbre récemment abattu et mis dans une 
position très inclinée. On a placé le pied de cet arbre dans 
un sac de caoutchouc rempli de liqueur colorante, que l’on 
a mis en communication, à l’aide d’un tuyau, avec un réser- 
voir élevé de deux à trois mètres, rempli ésalement de li- 
queur colorante; la pression a fait monter cette liqueur au 
travers de la tige, qui s’est trouvée colorée, excepté les 
nœuds, les parties sèches, la moelle, et les parties les plus 
compactes de l’arbre. 

Une tise séparée de son tronc a été maintenue verticale- 
ment et sciée par le haut, la zone d’aubier ayant été masti- 
quée ; la liqueur placée au sommet est descendue au bas de 
l'arbre, passant par les couches lisneuses, qui ont été co- 
lorées. 

Nous n’avons pas à examiner si ces matières colorantes 
donnent plus de nerf aux bois qui en sont imprégnés , nous 
ne le croyons pas; ni si elies les préservent de l'attaque des 
insectes : nous le pensons, c’est cependant au temps à nous 
apprendre ; mais quant aux preuves que nous avons à don- 
ner que l’infiltration des liqueurs dans l'arbre n’offre rien 
qui soit contradictoire au système de la circulation vitale de 
la sève, il suffit d’avoir exposé les faits pour démontrer que 
l’infiltration s'opère par voie de succion capillaire sur des 
parties mortes ou qu’on peut considérer comme telles, 


LA POMONE FRANCAISE. 417 


puisqu'elles sont séparées des feuilles et des spongioles y OTr- 
ganes de la vie indispensables à la végétation de l'arbre, 
Nous pouvons briser à volonté les organes vitaux des 
plantes et en soumettre ensuite les résuitals à nos opérations 
chimiques ou industrielles ; mais il nous est impossible de 
faire fonctionner ces organes selon nos caprices. Les per- 
sonnes qui veulent tenter des essais à cet ésard ne de- 
vraient jamais perdre de vue que les racines, ou plutôt les 
spongioles, n’absorbent que des gaz, des vapeurs ou de 
l’eau pure, pour la transmettre ensuite aux arbres, et que 
c’est cette eau de végétation qui, en passant par les tissus de 
l'arbre, reçoit une préparation ou une décomposition mysté- 
rieuse qui lui donne les qualités qu’elle doit avoir pour for- 
mer touteslesparties qui constituent l'espèce. Ainsi la même 
eau se change en poison ou en sucre selon qu’elle passe par 
les spongioles et les tissus du manglier ou de l’érable sac- 
charin. Nous avons déjà eu l’occasion de faire remarquer 
que l’eau de végétation qui passe par les spongioles et les 
tissus du pommier de paradis change la nature du rameau 
de la greffe placée à son sommet, qui, au lieu de continuer 
le développement d’un pommier très élevé, ne forme plus 
qu’un arbre nain, tout en conservant les autres qualités de 
l'espèce. Nous dirons à cette occasion que la terre n’est pour 
les plantes qu’un support dans lequel plongent les racines; les 
qualités de la terre sont de contenir plus ou moins de cha- 
leur et d'humidité qui accélèrent convenablement la décom- 
position des diverses substances qu’on y dépose, les réduisent 
en vapeurs, en #az, en facilitent les mélanges et une lente cir- 
culation (1). Les merveilles de la création sont peut-être plus 
admirables encore dans la vie des vésétaux que dans celle 


(4) L’eau combinée dans les corps concourt à leur donner de la dureté. 
L’eau peut être considérée comme le ciment général de la nature. 
927 


AfS LA POMONE FRANÇAISE. 


des animaux, à cause de la simplicité des moyens, de ja 
destinée et de la fin des individus (1). 


Des incisions sur les arbres. 


Les incisions longitudinales qu'il est quelquefois néces- 
saire de pratiquer sur l'écorce des poiriers et des pommiers 
sont indiquées par une #rande affluence de sève qui fait ou- 
vrir imparfaitement et par petites parties l’écorce, là où la 
sève afflue le plus abondamment, et où elle trouve le moins 
de résistance ; dans ce cas, on doit s’empresser de fendre l’é- 
corce avec la pointe d’une serpette très affilée sur une lon- 
sueur plus ou moins étendue , suivant que l’on juge que la 
sève est plus ou moins surabondante, en ayant soin que la 
pointe de la serpette ne pénètre pas au delà de l’écorce. Un 
jardinier expérimenté prévient ces explosions de la sève et 
ouvre l’écorce avant qu’elles aient lieu, toujours du côté de 
arbre le moins droit ou le plus mince. Les indications don- 
nées par l’arbre sont une prompte vésétation, l’état des 
feuilles , celui des bourgeons , un je ne sais quoi indéfinissa- 
ble, mais très sensible pour le cultivateur qui observe et 
qui suit à chaque instant les plus petites nuances qui exi- 
stent dans la végétation des plantes avec lesquelles il passe 
pour ainsi dire tousses moments; aussi distingue-t-il prom- 
ptement, parmi un nombre considérable de plantes, celles 
qui souffrent et qui requièrent plus particulièrement ses 
soins. 

On profite de ia nécessité des incisions pour rendre un 


(1) En observant les traces des matières colorantes dans le bois, on peut pen- 
ser qu’il nous serait possible de remplir les tissus ligneux par du silex ou des 
matières calcaires , et de métamorphoser l’arbre en un bloc de pierre plus ou 
moins dur ; on sait que la nature opère cette merveille, mais que les condi- 
tions réunies pour qu’elle ait lieu se présentent très rarement. 


LA POMONE FRANCAISE. 419 


arbre plus droit : elles. font toujours grossir l'arbre et sur- 
tout les parties sur lesquelles elles ont lieu. Après l’opéra- 
tion, l’incision n'offre que la trace d’une ligne droite à peine 
visible; mais plus tard les écorces se séparent de plus en 
plus jusqu’à la fin de la saison ; elles sont alors d'autant plus 
séparées que l’opportunité de l'opération s’est fait sentir. 
On peut faire sur une tige deux, trois ou même quatre in- 
cisions longitudinales. On rie doit point considérer une in- 
cision comme une plaie accidentelle sur laquelle il est né- 
cessaire d'appliquer de l’onguent de Saint-Fiacre ou de la 
poix à greffer ; dans ce cas, on renfermerait sous cet on- 
suent une certaine humidité qui deviendrait très nuisible ; 
c’est à l’air et au cours rapide de la sève à sécher et à cica- 
triser ces incisions , surtout lorsqu'elles sont faites en temps 
opportun et avecun instrument très tranchant. Les incisions 
sont beaucoup moins indispensables sur les écorces dont la 
fibre est longitudinale que sur celle qui est cylindrique, 
comme dans le pêcher, le cerisier, etc., parce que celle-ci 
ne prête point dans ce sens aux efforts de la sève, qui alors 
reste stagnante, se corrompt, et cause une grande désorgani- 
sation dans tout le système de l'arbre. Les effets salutaires des 
incisions naturelles ou artificielles nous conduisent à penser 
combien est grande la perturbation qui doit régner dans un 
arbre dont les écorces, qui sont endurcies, résistent aux af- 
fluences de la sève, ce qui doit necessairement avoir lieu 
dans les arbres greffés sur des sujets qui ne sont pas dans 
une harmonie parfaite avec le rameau ; il en résulte toujours 
une foule de conséquences fâcheuses que nous ne répéte- 
rons pas, parce que nous les avons déjà signalées. 

Les incisions transversales faites en chevron brisé dé- 
tournent la sève descendante de l’endroit au dessous du- 
quel elles sont pratiquées. On s’en sert pour amoindrir une 
branche trop vigoureuse et en favoriser une autre ; mais un 
cultivateur intelligent ne doit jamais être dans le cas d’em- 


420 LA POMONE F RANCÇAISE. 


ployer de tels moyens ; aussi nous n’en parlons que pour les 
leur déconseiller. 


DES MALADIES. 


Les diverses maladies dont les poiriers et les pommiers 
sont affectés doivent être attribuées aux cultivateurs qui né- 
gligent d'assortir les sujets aux rameaux des greffes. Il ar- 
rive encore plus souvent que la mauvaise constitution des 
plants de poiriers venus de semence et dont les pépiniéris- 
tes se servent pour sujets, au lieu de les rebuter, ne pro- 
duisent, étant greffés , que des arbres avortés. Ce vice de 
naissance ou de conformation dans les sujets est d'autant 
plus funeste, que ni les soins ni tous les efforts de l’art ne 
peuvent rien à cet égard. Ces arbres se couronnent dès leur 
jeunesse, ne peuvent plus s'étendre, perdent dès le mois de 
juillet les feuilles de l'extrémité des nouvelles pousses, et 
le bois, n’étant pas encore assez formé, sèche et devient 
noir : c’est ce que nous nommons la brülure ou le charbon. 
Les fruits de ces arbres, lorsqu'ils en portent , ne peuvent 
recevoir les premiÊres dispositions indispensables à la ma- 
turité; aussi n’a-t-elle jamais lieu. 

La cessation des causes de la maladie incurable . nous 
venons designaler dépend entièrement de la volonté des pro- 
priétaires , dont l'ignorance absolue à cet égard a tellement 
favorisé et enraciné les mauvaises habitudes des pépinié- 
ristes, que les propriétaires ne pourront de long-temps ob- 
tenir des pépinières des arbres assez vigoureux pour assu- 
rer le succès des plantations qu’ils voudraient faire. C’est à 
eux , comme nous l’avons déjà dit, à élever les poirers né- 
cessaires aux plantations de leurs jardins. 

Les chancres , occasionnés par la piqûre d’un insecte ; les 
obstructions et les nodosités provenant de la présence du 
puceron laniger, ne sont, comme la brülure, que des mala- 


LA POMONE FRANCAISE. pl 


dies accidenteiles dont on peut se préserver ; mais ces acci- 
dents sont d'autant plus funestes que le malaise qu'ils oc- 
casionnent dans les arbres se propage par la greffe. 


# DES INSECTES NUISIBLES. 


Les insectes les plus nuisibles aux pommiers et aux poi- 
riers sont les chenilles, les hannetons et leurs larves, le ti- 
gre-punaise (de Geoffroy), le puceron laniger, et le ver qui 
occasionne les chancres. 

Les Chenilles, en dépouillant les arbres de leurs feuilles, 
occasionnent un dommage considérable qui détruit la récolte 
présente et celle à venir. On se préserve de cet accident en 
visitant souvent ses arbres, même pendant l'hiver, afin de 
détruire les nids de chenilles qui sont renfermés dans des 
feuilles sèches roulées et suspendues aux branches, où elles 
sont fortement attachées. On détruit au printemps les cou- 
vains qui sont encore enveloppés dans leur toiles, avant 
qu’elles en soient sorties et éparpillées; c’est le matin, 
après la fraîcheur de la nuit, pendant qu’elles sont encore 
toutes engourdies et rassemblées, qu’il est facile de les dé- 
truire. BE 

On doit aussi, en taillant les arbres , avoir le soin de dé: 
truire les bagues placées autour des jeunes rameaux. Ces 
bagues sont composées d’une multitude d’œufs de chenille 
agslomérés, fortement collés au rameau et unis ensemble. 

Les Hannetons , avant la ponte, dévorent les feuilles des 
arbres. C’est encore après la fraîcheur des nuits que l’on 
doit, dès la pointe du jour, secouer les arbres pour détruire 
les hannetons engourdis, qui n’ont pas la force de s’accro- 
cher aux feuilles et de résister à la secousse, qui les fait 
tomber : on les ramasse et on les détruit. Les femelles dé- 
posent leurs œufs dansles terres chaudes et légères, au bord 


422 LA POMONE FRANÇAISE. 


des gazons ou dans l’intérieur des pièces dont l’herbe n’est 
pas très touffue, où encore de préférence au pied des frai- 
siers , des framboisiers , des jeunes arbres et des salades, 
dont les racines peuvent servir d'aliments aux jeunes vers 
après qu’ils seront éclos. C’est pour cette raison qu'il est à 
propos de planter des salades ou des fraisiers sur les plates- 
bandes où sont plantés de jeunes arbres , afin de les pré- 
server. 

Le Tigre, vulgairement connu sous ce nom, est un in- 
secte qui s'attache sur l'écorce des arbres, où il fait sa 
ponte. Après l’éclosion, les jeunes insectes se rendent sur 
le dessous des feuilles, où ils se fixent ; ils en détruisent tout 
le parenchyme, ce qui épuise les arbres et leur cause un 
préjudice considérable. Cet insecte pullule extraordinaire- 
ment. Lorsqu’un lait de chaux récemment éteinte éten- 
du sur les arbres avant que les insectes quittent les feuilles 
pour venir se fixer sur le bois ne produit aucun effet pour 
la destruction de ces insectes , il est plus expédient de rabat- 
tre l’arbre sur le tronc, de le greffer en couronne, et d’a- 
voir le plus grand soin de ne pas laisser ces insectes s'établir 
sur le jeune bois du nouvel arbre. Ce moyen ne serait pas 
encore efficace si on laissait subsister dans le même jardin 
un seul arbre qui füt fortement attaqué par les tigres. Nous 
avons éprouvé de bons effets en arrosant avec une pompe 
le dessous des feuilles avec de l’eau dans laquelle on a mis 
assez d'acide sulfurique pour la rendre piquante. Ces arro- 
sements doivent se répéter et avoir lieu lorsque les très jeu- 
nes insectes viennent après l’éclosion pour se fixer sur le 
dessous des feuilles. 

Le Puceron laniger est un très petit insecte qui se fixe 
par groupe dans les fentes des écorces, aussi bien que sur 
les parties lisses. Il est recouvert d’une espèce de coton 
blanc très léger que le vent emporte par partie, et qui décèle 
la présence de cet insecte. La sèvese trouve arrêtée aux en- 


LA POMONE FRANÇAISE. 423 


droits où sont fixés ces insectes; elle s’y engorge et y forme 
sur l’aubier des grosseurs au dessus desquelles l’écorce sem- 
ble être boursouflée et former des nodus. Cet insecte est 
peut-être de tous celui qui désorganise le plus la végétation 
de l’arbre sur lequel il s'attache. On a tenté beaucoup de 
remèdes ,.qui jusqu'ici ont été inutiles, et même préjudicia- 
bles; le plus court est de ravaler sur les fortes branches ou 
sur la tige et de greffer en couronne les arbres qui sont 
fortement attaqués. On peut, dans les jardins , se préserver 
de ces insectes en étant très attentif et très soigneux de les 
détruire aussitôt qu’ils paraissent ; mais dans les champs ces 
insectes font périr les arbres; il serait mieux de les greffer 
que de les arracher. 


Le ver qui occasionne le chancre est un insecte que nous 
croyons ne pas avoir été décrit; il dépose son germe vers le 
talon ou sur la pointe d’un œil d’un bourgeon naissant. Ce 
sont toujours les bourgeons les plus gros, les plus tendres 
ou les plus spongieux, qu’il attaque de préférence. On ne 
s'aperçoit de la présence de ce ver qu’au printemps suivant : 
la pointe de l'œil est éparpillée ; si elle l’est peu, on trouve 
encore le ver; mais si l’œil est tout à fait détruit, il n’y est 
plus. Les effets du mal sont que la place où était l’œil est 
sèche jusqu’à la moelle ; cette place, qui n’est d’abord qu’un 
point, s'agrandit peu à peu, devient noire, et finit par en- 
vahir tout le tour de la branche, qui n’est plus alimentée 
que par la sève ascendante; de telle sorte qu'avant de périr, 
cette branche occasionne nécessairement une grande désor- 
sanisation dans l’arbre ; à ces branches succèdent ordinai- 
rement des gourmands. 


Nous ne connaissons aucun moyen de détruire l’effet du 
mal ; il est très extraordinaire que la sève ne puisse recou- 
vrir et envelopper la piqüre d’un très petit insecte. Nous 
avons souvent essayé d'enlever avec le sreffoir l’œil attaqué ; 


424 LA POMONE FRANCAISE. 


il ne reste plus, après l’opération terminée, assez de bois 
pour le soutenir. Nous ne connaissons d’autre moyen de 
garantir les arbres des effets du chancre que d’asseoir la 
taille au dessous de l'œil attaqué ; c’est au jardinier, lors- 
qu'il taille un fort rameau, à bien s'assurer qu'il ne laisse 
pas vers la base aucun œil qui soit attaqué. 

Le poirier et le pommier sont également sujets au chan- 
cre ; mais certaines variétés en sont plus souvent attaquées, 
telles que les calvilles, les pommiers greffés sur paradis, sur 
lesquels il cause plus de dégâts, parce que ces arbres ont 
moins de moyens de se réparer. : 


DE LA RÉCOLTE, DU FRUITIER, ET DE LA CONSERVATION 
DES FRUITS. 


“Ja 

Les pommes et les poires, même celles d'été, doivent 
toujours être récoltées avant leur maturité ; ces fruits per- 
draient leurs meilleures qualités s’ils achevaient de mürir 
sur les arbres. C’est dans le fruitier que la maturité doit se 
continuer etse terminer sans éprouver aucune interruption. 

On attendra, pour cueillir les fruits, qu’ils aient acquis 
toute leur grosseur ainsi que les premiers #ermes de la ma- 
turité , qu’ils ne peuvent plus acquérir après avoir été sépa- 
rés de l’arbre. 

L'époque la plus favorable pour cueillir les fruits est mar- 
quée par le changement qui s’opère dans la couleur des 
fruits, dans la peau, qui devient très tendue, et par les dis- 
positions de la queue, dont le bout s’arrondit et semble 
prêt à se séparer de la bourse où elle est encore attachée. 
Les fruits de cette saison, et ceux du commencement de 
l'automne, doivent être cueillis quinze à vingt jours avant 
leur maturité. Les pommes d'été, qui sont douces, seront 
cueillies dix à douze jours avant leur maturité; elles de- 
viennent plus juteuses et plus sucrées. | 


LA POMONE FRANCAISE. 493 


Quant aux fruits qui mürissent pendant ou après l'hiver, 
il faut les récolter un peu avant que la sève soit arrêtée 
dans les arbres, parce que plus tard les feuilles qui seraient 
encore en rapport avec les fruits n'auraient à leur trans- 
mettre que des sucs peu favorables à la continuation de la 
maturité telle que nous la désirons. Les fruits doivent être 
cueillis avant que les temps froids n’arrèêtent la sève trop 
brusquement ; les arbres couronnés, dont la sève s’arrète 
trop tôt, et lorsque les fruits n’ont pas encore reçu ce com- 
mencement vers la maturité , restent imparfaits et ne mù- 
rissent jamais. 

C’est ordinairement à la fin de septembre ou dans les 
premiers jours d'octobre, selon les années, que se trouvent 
accomplies les conditions les plus favorables à la récolte : 
alors on choisira un temps sec, et, après que le soleil aura 
dissipé la rosée , on cueillera les fruits un à un, ayant soin 
de ménager les bourses, sans cependant rompre ia queue 
du fruit, qui est essentielle à la continuation de la matu- 
rité. On placera les fruits avec précaution dans des paniers, 
puis on les déposera en tas, espèce par espèce, sur de la 
paille récoltée l’année précédente; ianouvelle paille donnerait 
un goût désagréable aux fruits. Le local sera aéré, les fruits 
y resteront en tas pendant plusieurs jours , pour les faire 
suer; de 1à on les portera au fruitier, où ils seront rangés 
sur des tablettes de bois blanc garnies de paille, et d’un re- 
bord élevé de 26 à 40 millimètres. Ces tablettes seront à 
peu de distance les unes des autres, moins pour ménager 
la place que pour rompre l'effet du rayonnement et celui 
de l'agitation de l'air, qui doit toujours être tranquille, 
peu renouvelé, afin que la température reste toujours la 
même , de huit à dix degrés de chaleur. Un cellier ou une 
cave sèche conviendrait parfaitement pour un fruitier, 
qui ne doit être ni humide ni trop sec. On aura soin de 
couvrir les fruits aux approches des fortes gelées. Il ne fau- 


426 LA POMONE FRANÇAISE. 


drait pas hâter la marche de la maturité des fruits d'hiver 
en élevant la température : cette maturité doit s’opérer len- 
tement , sans interruption, à l’aide d’une chaleur douce et 
égale. Il ne doit pas en être de même pour la maturité des 
fruits d’été : le soleil pourra échauffer la pièce où ils seront 
déposés ; mais ils devront être abrités de ses rayons et même 
de la lumière. 

La maturité s'opère par la combinaison des parties acides 
et fibreuses, qui se convertissent en parties sucrées. La ma- 
turité de la pomme se connaît à l’odorat , à la couleur de 
la peau, qui de verte devient d’un jaune plus ou moins. 
clair. Peu de variétés de pommes restent vertes après la 
maturité. 

La maturité des poires fondantes 3 lieu lorsque la couleur 
verte ou grise devient plus ou moins jaune , et que le rouge 
devient plus foncé. Si on veut s’assurer de la maturité par le 
toucher, c’est par une lèsère pression sur les flancs. On ne 
doit jamais mettre le pouce vers la queue, parce que, si l’on 
offense cette partie du fruit, d’où partent tous les fibres, il 
ne müûrit plus : il est préférable de s'abstenir de toucher. 

La maturité des fruits cassants ne peut se reconnaître 
qu'au changement de la couleur de la peau. 

Ii n’est pas nécessaire, pour les fruits à cuire , que la ma- 
turité soit complète, parce que la chaleur du feu qui les 
pénètre la termine , lorsque toutefois l’époque n’en est pas 
très éloignée. 

Il y a des fruits fondants qui ne terminent point leur ma- 
turité, parce qu'ils sont cueillis après la chute des feuilles, 
ou parce que le fruitier est à une température trop basse. 

Les fruits greffés sur Paradis, Doucain ou Cognassier, 
mürissent plus tôt que les autres. 

Il y a des espèces qui perdent leur qualités lorsqu'elles ne 
mürissent pas promptement, telles que le Chaumontel, la 
Pastorale, la Merveille-d'Hiver, le Passe-Colmar, la Grande- 


LA POMONE FRANÇAISE. 497 


Bretagne , la Fondante de Brest; ces variétés font exce- 
ption. C’est au jardinier à faire des observations à cet égard, 
et à les noter. f 

Les fruits qui ont atteint leur maturité doivent sortir du 
fruitier pour être consommés , ou être placés dans un en- 
droit propice à leur conservation, parce qu'un plus long 
séjour dans le fruitier les ferait outrepasser la perfection 
en les faisant arriver promptement à la décomposition. 

On peut voir, par ce que nous venons de dire, qu’un frui- . 
tier ne doit pas conserver les fruits, mais bien les faire 
avancer vers leur maturité, au delà de laquelle commence 
leur décomposition ; il s'agirait donc, pour les en préser- 
ver, d'arrêter les progrès de la maturité à un degré conve- 
nable , plutôt en deçà qu’au delà : c’est l'expérience seule 
qui nous instruira à cet égard. Les fruits arrivés à ce degré 
seront placés dans un endroit froid, privé d’air et d’humi- 
dité ; enfin dans une situation tout à fait contraire à la vé- 
gétation et à la fermentation. 

M. Loiseleur de Longchamp, qui a obtenu un prix pour 
la conservation des fruits, a bien voulu me communiquer 
ses procédés et satisfaire à toutes mes questions. Immédia- 
tement après avoir acheté des fruits sur le marché, M. Loi- 
seleur de Longchamp a enveloppé chaque poire d’un dou- 
ble papier, l’un de papier Joseph, et l’autre de papier gris. 
Ces fruits ont été placés ainsi dans des boîïtes en zinc, con- 
tenant chacune de douze à vingt poires; le couvercle de 
ces boîtes a été luté avec des bandes de papier collé : toutes 
ont été mises dans une grande boîte de bois, qui a été dé- 
posée sur la glace dans une glacière. À mesure que l’on a 
retiré ces boîtes de la glacière, on a mis les fruits qu’elles 
contenaient dans le fruitier, afin de les faire mürir, ou plu- 
tôt, comme le croit M. Loiseleur de Longchamp , pour con- 
tinuer et terminer leur maturité. 

Quoique nous ne nous soyons jamais occupé de la con- 


428 LA POMONE FRANCAIÏSE. 


servation des fruits au delà de leur maturité, l’expérience 
que nous avons de la marche qu’elle suit, des causes qui 
peuvent la troubler, ou peut-être même l’arrêter pour tou- 
jours, nous fait aussi proposer de très lésères modifica- 
tions aux procédés suivis par M. Loiseleur de Longchamp. 
Ainsi, avant d’envelopper les fruits et de placer les boîtes 
sur de la glace , nous conseillerions de laisser les fruits mü- 
rir dans le fruitier, parce qu’une longue expérience nous a 
appris que, si la maturité est vivement interrompue dans 
son cours, en exposant les fruits à une température trop 
basse, ils ne la reprennent plus et ne mûrissent jamais : ce 
qui arrive trop souvent dans des fruitiers mal organisés où 
le froid pénètre, sans que pour cela il y gèie. Nous vou- 
drions aussi que le couvercle des boîtes fût soudé au lieu 
d’être collé, parce que M. Loiseleur de Longchamp s’est 
aperçu que la grande humidité de la glacière avait détrempé 
la colle. 

Il faudrait aussi exiger des ouvriers qui tirent la glace de 
la glacière de ne déplacer les boîtes qu'avec beaucoup de 
précautions et de ménagements, ce que M. Loiseleur de 
Lonschamp n’a pu obtenir. 

Nous ajouterons, pour l'instruction de ceux qui vou- 
draient s’occuper de la conservation des fruits, que t'est à 
tort que l’on s’imagine qu’il sèle dans une glacière, et que 
les fruits qu’on y dépose ne peuvent plus être d'aucun usage. 
Il est bon que l’on sache que les glacières, même celles qui 
conservent le mieux la glace , n’ont jamais moins d’un de- 
gré et demi au dessus de zéro, et que beaucoup ont une 
température encore plus élevée : de sorte qu’il y dégèle 
sans cesse, à moins qu'on ne les laisse ouvertes lorsqu'il 
sèle au dehors. On conçoit que l’humidité qui règne dans 
une glacière bien fermée est très considérable et très con- 
traire à la conservation des objets qu’on y dépose ; on aura 
donc soin de les en garantir. 


LA POMONE FRANÇAISE, 429 


Nous pensons que l’exposé de toutes ces considérations, 
et le peu de changements que nous proposons aux procédés 
de M. Loïseleur de Longchamp, ne peuvent que les rendre 
plus efficaces. 


CATALOGUE DES MEILLEURES VARIÉTÉS DE POIRES 
ET DE POMMES. 


M. Léon Le Clerc, ancien député, s’occupe depuis long- 
temps de réunir chez lui toutes les espèces de fruits qu’il 
a pu se procurer, mème ceux des contrées les plus éloi- 
snées. Après avoir cultivé ces fruits, il a réformé ce qui ne 
méritait pas ses soins, et a fini par rester possesseur d’une 
très belle collection d'excellents fruits. Ce sont les meilleurs 
de cette collection que M. Léon Le Clerc a bien voulu me 
communiquer et dont nous donnons le catalogue suivant. 
M. Léon Le Clerc remarque avec nous que les arbres de nos 
anciennes variétés sont tellement détériorés, que l’on doit 
maintenant les cultiver en espalier, afin que leurs fruits 
soient beaux. et acquièrent une maturité complète dans 
le fruitier, tandis que les variétés nouvellement obtenues 
soient parfaitement en plein air, et que, quoique très 
vigoureux , ils se chargent d’une si grande quantité de 
fruits, qu’ils sont promptement épuisés, si on ne leur donne 
pas les soins que nous recommandons à cet égard (page 371); 
tous ces nouveaux fruits mürissent parfaitement dans le 
fruitier. 
Poires. 

L’Epargne , au mur. 

Beurré d'été, ou Milan de la Beuvière. 

La Bonne Louise, ou Beurré d’Avranches, au mur, forme 
élégante, fécond. 

Beurré gris et roux. 

Beurré galeux. 

Rousselet de Reims. 


450 LA POMONE FRANÇAISE. 


Doyenné d'automne, ou Saint-Michel. 
- Le Saint-Germain, au mur. 

Le Chaumontel, au mur. 

La Crassane , au mur. 

Le Colmar, indispensablement au mur, tardive. 

Doyenné d'été, très hâtive , excellente. 

La William, ou Bon Chrétien William, très belle et très 
bonne, août, musqué. 

- La Wilhelmine. 

Beurré d'Amanlis, excellente, septembre et octobre. 

La Secklecaur. Ressemble au Rousselet, mürit plus tard ; 
plus gros et plus fin. 

L'Urbaniste, très vigoureux, très fécond, très beau, 
très bon. 

Beurré Spence , très vigoureux, très fécond , très beau, 
très bon. 

Le Napoléon, ou Bon-Chrétien Napoléon, beau et très 
fondant de bouche. 

Beurré d'Arembers, excellent, janvier. 

Le Colmarnelis, très beau et très bon, moins vigoureux 
que les précédents. 

Le Passe-Colmar, excellent, janvier. 

Le Passe-Colmar doré, excellent, plus parfait, octobre 
et novembre. 

Beurré Rance, très beau, très fondant, février, très fécond. 

Le Bon-Chrétien jaspé, très tardif de maturité, plus dé- 
licat et plus fondant que le Bon Chrétien d'hiver. 

Marie-Louise, excellente, octobre et novembre. 

Le Doyenné d’hiver, trop fécond , excellent. 

La Fortunée. | 

La Fondante des bois, excellent, très fin, grosseur 
moyenne. 

La Vanmons Léon Le Clerc, octobre, forme de Saint-Ger- 
main, plus gros, plus relevé, trop fécond, pour compote. 


LA POMONE FRANCAISE. si 


Le Bon Chrétien d'Espagne. 
Id. d'hiver. 

Le Bezy d'Héry. 

Le Martin sec. 

La Bergamote de Pâques, ont de plus l’avantage de 
faire, comme le Rousselet de Reims, d’excellentes 
poires tapées. 

Le Bon-Chrétien ture. 

La Comtesse de Tervueren, ou Bolivar, énorme, acerbe. 

Léon Le Clerc. Se conserve d’une année à l’autre ; fort 
belle chair mi-fondante, passable, crue, délicieuse en com- 
pote. 

Le Doyenné d'hiver. Doit être cueilli très tard. Il com- 
mence à mürir en janvier, et continue quelquefois jusqu’en 
juillet. 

La Bergamote de la Pentecôte. Id. 

Le Beurré d'Angleterre. Ses fruits mürissent presque 
tous en même temps, et ils passent promptement, tandis 
que la maturité de la plupart des fruits nouvellement ob- 
tenus est successive ; on peut en déterminer le commen- 
cement, mais non la fin. 


Pommes. 

Calville blanc d’hiver. Le Roi-de-Rome, très hä- 

Reinette du Canada. tive, fleurit très tard. Arbre 

Reinette dorée. très productif. 

Reinette grise. Pomme de Hollande pour 

Le Gros-Faros. compote. Se garde jusqu'en 

Court-Pendu. juillet. La chair très blanche. 
_ Pomme d’Api rose. Fleurit très tard. L’arbre très 


Pomme de Châtaignier. productif. 


Nous ajouterons à ce catalogue celui de fruits choisis 
chez M. Dewael, possesseur d’une très belle propriété près 


452 LA POMONE FRANÇAISE. 


d'Anvers, que nous avons visitée. M. Dewael a les mêmes 
soûts que M. Léon Le Clerc, il a eu aussi la bonté de faire 
un choix de grefles parmi les meilleurs fruits de sa nom- 
breuse collection. 

On concevra que, les jardins de la couronne n’étant plus 
sous notre direction, nous sommes obligé de prendre chez 
les particuliers les renseignements que nous croyons utile 
de transmenttre à nos lecteurs. 


Doyenné Sentelet. Belle de Bruxelles, ou Fan- 
Calbasse verte. fareau. 
D’Amande. Beurré Capiomont, ou Beurré 
Fondante prise. aurore. 
Fondante des Bois. Beurrèé d’Amanlis, ou Poire 
Fondante de Chemeuse. Hubard. 
Princesse d'Orange. Beurré Coloma. 
Soldat Laboureur. Beurré Le Fèvre, ou de Mort- 
Beurré anglais. Fontaine. 
Arbre Courbé. Délices d’'Hardampont. 
Dumortier. Poire Ananas. 
Immense d'été. Verte longue d’automne. 
Colmar gris. Williams. 
Melon, ou Beurré magni- Poire de Curé. 

fique. Saint-Michel-Archange. 
Dary. Duchesse d’Angoulème. 


Nous avons pensé que les deux catalogues ci-dessus , qu 
ne contiennent que soixante variétés bien choisies, convien- 
dront mieux au lecteur pour déterminer son choix que les 
catalogues des pépiniéristes, qui offrent trois cents variétés, 
parmi lesquelles celles d’une bonne et d’une très médiocre 
qualité sont confondues. Nous avons vu avec surprise qu’une 
bonne poire d'automne, la Piquery, est qualifiée de la meil- 
lieure poire connue, lorsqu'elle n’est que passablement 
bonne et très petite. 


LA POMONE FRANÇAISE. 


453 


DÜ PRUNIER. 


Le prunier est originaire de la Grèce et de l'Asie. Il est 
sujet à la gomme comme tous les arbres dont la fibre exté- 
rieure de l'écorce est dirigée horizontalement, au lieu de 
l'être longitudinalement. Cet arbre est d’une moyenne 
taille, formant une tête arrondie, d’un port gracieux, 
lorsqu'on a donné aux premières branches de la charpente 
de l'arbre une égale force et une direction régulière. 

Le bois du prunier est dur, agréablement veiné, d’une 
couleur rouge. 

Les fleurs sont composées d’un calice ovale, strié, glan- 
duleux intérieurement, divisé en cinq découpures cblon- 
sues, d’abord ouvertes en cloche, et ensuite réfléchies; 
de cinq pétales oblongs, ouverts, insérés à l’orifice du 
calice, et alternes avec ses divisions ; d’une vingtaine d’é- 
tamines , insérées également à l’orifice du calice; elles ont 
le filet de la longueur des pétales, et les anthères ovales, 
bilobées ; d’un ovaire libre, ovale, surmonté d’un style tors 
de la hauteur des étamines, et terminé par un stigmate 
élargi, aplati en dessus, échancré latéralement ; l'ovaire 
contient deux ovules dans une seule loge. 


Le fruit est attaché à la branche par une queue plus ou 
moins longue : c’est un drupe charnu, ovale ou arrondi ; 
la peau fort lisse, couverte d’une espèce de poussier très fine 

28 


454 . LA POMONE FRANCAISE. 


que l’on nomme fleur. La chair est plus ou moins intense 
et sucrée ; elle enveloppe un noyau osseux, qui renferme 
une amande à deux lobes et à radicules supérieures. 


Les feuilles du prunier sont entières, attachées sur le 
rameau, dans un ordre alterne, par des queues plus ou 
moins longues; leurs bords sont dentelès plus ou moins 
profondément, relevés de nervures saillantes ; le dessous est 
d’un vert moins foncé que le dessus, qui est luisant. 


Les diverses pousses du prunier sont les rameaux à bois, 
les brindilles, les dards, les boutons à fleurs, les bourses, 
les lambourdes, les gourmands, les branches adventives et 
les Branches chiffonnes. 


Nous appelons rameaux ou branches à bois, outre la tige, 
le rameau de la greffe, et les premiers bourgeons qui pous- 
sent sous la serpette, parce que tous les yeux dont ils sont 
sarnis sont d’abord à bois, et que si l’on taille, n'importe 
sur lequel de ses yeux, il en sort un rameau. Les rameaux 
sont toujours terminés par un œil à bois ; chaque œil à bois 
est solitaire et très saillant à sa base. 


Au printemps, pendant que l’œii terminal s’allonge pour 
former son prolongement, tous les yeux qui sont au dessous 
sur ce rameau, excepté celui qui est au dessous du termi- 
ral, se faconnent en boutons à fleurs multiples pour épa- 
nouir l’année suivante. L’œil au dessous du terminal ouvre 
en bourgeon, et forme une bifurcation que l’on pince lors- 
qu’il s'ouvre, ou que l’on supprime à la taille s’il n’est pas 
nécessaire à la charpente de l'arbre. 

Les brindilles, comme dans le poirier, ne prennent naïs- 
fance que sur des branches à bois ou sur des branches qui ont 
été taillées ; eïles sont placées au dessous Ges bourgeons les 
plus forts, elles sont minces et effilées ; il semblerait qu'il 
ne leur a manqué que de recevoir une plus grande quantité 
de sève pour en former des branches à bois, elles ne sont 


LA POMONE FRANGAISE. 435 


restées faibles que par leur position respective. Les yeux 
qui sont sur les brindilles sont, comme ceux des rameaux, 
plus forts ; il leur faut aussi une année entière après leur for- 
mation pour qu'ils soient faconnés en boutons à fleurs mul- 
tiples. À la taille, on raccourcit les brindilles trop allongées 
ou qui feraient confusion. 

Les dards, comme sur le poirier, ne prennent naissance 
que sur des rameaux à bois; ils sont roides, ligneux, et 
placés à angle droit sur les rameaux ; ils sont très épineux 
sur des pousses vigoureuses ; leur longueur est depuis 15 
millim. jusqu’à 8 centim. et plus.'Le dard se garnit depuissa 
base jusqu’à son extrémité d’une quantité plus ou moins 
considérable de boutons à feuilles et à fleurs. Il recèle à sa 
base des yeux oblitérés qui s’ouvrent lorsqu'ils y sont exci- 
tés. Il n’a pas de rides multipliées à sa base, comme celles 
qui se font remarquer au dessus des boutons à fleurs. Le 
dard du prunier diffère de celui du poirier en ce que le 
bouton terminal de celui-ci est solitaire , tandis que celui 
du prunier est multiple, en faisceau , au nombre de trois à 
cinq fleurs et plus, au milieu desquelles est presque tou- 
jours un bouton à feuilles. Les yeux qui sont sur des dards 
sont comme ceux des rameaux; il leur faut toute une 
année pour se façonner en boutons à fleurs. Si on recèpe 
un dard, on peut obtenir à sa base la sortie d'un bouryeon 
à bois ou d’une brindille. 

Les boutons à fleurs du prunier, sur les rameaux à bois, 
ne sont, la première année, que des yeux à bois simples; ils 
emploient la seconde année à se convertir en boutons mul- 
tiples pour fleurir l’année suivante, #roupés en faisceau , 
au centre duquel est ordinairement un œil à feuille, qui 
peut se prolonger s’il y est excité par la taille, le pincement 
sur le bourgeon supérieur, ou simplement par la vigueur 
de l’arbre. L’œil à feuille placé au centre du faisceau n’est 
visiblement que le rudiment d’une lambourde qui, en sal- 


436 LA PONONE FRANÇAISE. 


longeant, façonne de nouveaux yeux et de nouvelles 
fleurs pour remplacer celles qui vienvent de s'épanouir, 
-soit que les fruits aient noué ou non. Nous disons que cet 
œil est le rudiment d’une lambourde, parce que, comme 
dans le poirier, cette production remplace la fleur ou le 
fruit, et qu'elle prend naissance sur une bourse; la base 
des boutons à fleurs, étant, comme dans le poirier, très 
charnue , se casse au moindre choc. 

Les boutons à fleurs du prunier qui garnissent les ra- 
meaux dans toute leur étendue, ayant la même origine, 
fleurissent presque tous en même temps; ils sont moins 
saillants et moins multipliés à la base du rameau qu’au 
sommet, où ils ont quelquefois depuis 15 millimètres jusqu’à 
8 centimètres de longueur. 

Les boutons à fleurs qui se trouvent dans le bas des ra- 
meaux de l’année, étant solitaires, fleurissent quelquefois 
pendant que ceux du haut se faconnent et deviennent mul- 
tiples pour fleurir l’année suivante ; d’où il résulte que ces 
boutons solitaires , tant par leur épanouissement anticipé 
que par leur position, ne sont quelquefois pas remplacés ; 
dans ce cas, il faut prévoir le dénûment de ces rameaux 
ou de ces brindilles, et les tailler près de leur insertion. 

Les bourses du prunier ne diffèrent de celles du poirier 
que parce que celles-ci sont toujours très apparentes et 
placées au dessous du bouton solitaire, et que dans le pru- 
nier elle est au milieu du faisceau de fleurs d’où il sort une 
lambourde plus ou moins allongée. 

La lambourde du prunier succède aux fleurs en s’avan- 
çant peu à peu, et en façconnant d’autres fleurs qui les rem- 
placent. Les lambourdes , en s’allongeant peu à peu chaque 
année, se dégarnissent par le bas, laissant les marques des 
feuilles et des fleurs qui sont successivement tombées, 
et forment des rides et des cavités très prononcées; les 
fruits sont plus rares, moins beaux, étant plus éloignés du 


LA POMONE FRANÇAISE. 437 


corps de la branche ; ors il devient nécessaire de rempla- 
cer ces lambourdes usées, ce qui s'opère en les rabattant 
sur des sous-lambourdes, afin non seulement de raviver 
celles-ci, mais encore d’exciter l'apparition de quelques 
yeux presque éteints. Mais, devenus apparents, on taille- 
rait dessus, et les lambourdes qu’ils feront éclore détermi- 
neront encore lPapparition d’autres yeux ; ce qui permettra 
d'arriver successivement à rétablir de nouvelles lam- 
bourdes à l'emplacement même où les premières fleurs ont 
pris naissance sur les branches à bois. Les précautions que 
nous recommandons ici ne sont pas nécessaires pour les 
fruits à pepins ; mais elles sont indispensables pour les fruits 
à noyaux, non seulement à cause de la contexture de leur 
écorce, mais encore parce que leurs germes ne restent pas 
aussi souvent en arrière d’éclore, et qu’ils s’oblitérent tou- 
jours davantage lorsque cela arrive. Le pêcher offre à cet 
ésard peu ou point de ressource ; mais le prunier, le ceri- 
sier et l’abricotier, en offrent beaucoup plus, dont on pourra 
profiter, en observant les précautions que nous venons de 
recommander. 

Les bourgeons gourmands sur le prunier sont, comme 
ceux de tous les autres arbres, des rameaux à bois très vi- 
soureux , se développant très rapidement, et dont les yeux 
sont plats, très espacés les uns des autres. Ces productions 
ont lieu plus ordinairement sur le dessus des branches in- 
clinées , et sont toujours occasionnées par le défaut de cir- 
culation de la sève dans quelques parties de l'arbre. Les 
espèces sujettes à la gomme sont plus exposées que d’autres 
à produire des sourmands très vigoureux qui occasionnent 
un très grand désordre dans la végétation de ces arbres. 
C'estau cultivateur à prévenir ces désordres en répartissant 
la sève ésalement dans les branches composant la char- 
pente de ses arbres, et en s’opposant à temps au développe- 
ment des gourmands. 


433 LA POMORE FRANCAISE. 


Les rameaux adventifs sont des bourgeons qui percent 
de l'écorce et qui souvent deviennent des branches sour- 
mandes. On doit ne pas laisser développer ces productions 
lorsqu'elles ne sont pas nécessaires au rajeunissement de 
l'arbre ou de ses branches. 

Quant aux branches chiffonnes, nous en avons donné 
une description très détaillée à l’article du poirier et du 
pommier ; on peut le consulter ( page 290). 

Il résulte de la végétation naturelle du prunier que les 
rameaux de cet arbre se garnissent de fleurs dans toute 
leur étendue sans qu’on soit obligé de les raccourcir, comme 
dans le pommier ou le poirier, dont les yeux du talon s’o- 
blitéreraient si on laissait le rameau de toute sa longueur. La 
taille du prunier n’étant pas nécessaire à la conversion des 
yeux à bois en boutons à fleurs, elle ne doit donc avoir lieu 
que pour obtenir des rameaux à bois indispensables à la 
charpente de l’arbre et au renouvellement des ilambourdes. 
On raccourcit encore un rameau afin de faire naître une 
bifurcation où elle est jugée nécessaire pour remplir un 
vide. Cette bifurcation doit toujours être à une certaine 
distance du bourgeon terminal. 


De la Multiplication du prunier. 


On multiplie le prunier de noyaux, ou de drageons, vul- 
gairement connus sous le nom de pétrasse, afin de se pro- 
curer des sujets pour greffer les variétés que l’on veut 
propager. La cerisette et le Saint-Julien, étant pris pour 
sujets, donnent des arbres moins élevés, mais plus fertiles 
que le gros Damas noir, qui produit des arbres plus vigou- 
reux et plus élevés. Le prunellier produit des arbres ‘très 
nains. On peut aussi se servir pour sujets de l’'amandier, 
du pêcher et de l’abricotier; mais il est toujours mieux de 


LA POMONE FRANCAISE. 439 


greffer le prunier sur des sujets de prunier venus de 
noyaux. 

Les espèces qui se perpétuent les mêmes par la semence 
se perpétuent aussi les mêmes par drageons. Les variétés 
élevées de boutures ont la même faculté ; mais les arbres 
élevés sur des drageons ont l'inconvénient d’en reproduire 
d’autres , ce qui épuise l’arbre lors mème qu’on a le soin 
de les supprimer, parce que. cette suppression excite les 
racines à en produire toujours davantage. C’est pour cette 
raison que l’on doit choisir dans les pépinières les pruniers 
qui ont été greffés sur des sujets venus de noyaux. 

Les prunes destinées à la semence seront choisies parmi 
les plus belles et les mieux conformées de leur espèce, 
récoltées sur des arbres sains et vigoureux. Les noyaux 
seront mis avant l'hiver au germoir, c’est-à-dire dans un 
cellier ou une cave, où ils seront rangés sur du sable ter- 
reux, lit par lit, et par espèces séparées. On aura soin que 
ce sable soit toujours humide. Vers la fin de mars ou la 
mi-avril, les noyaux étant germés, on pincera la pointe 
de la radicule à mesure qu’on les plantera dans la pépinière, 
sur un terrain défoncé et fumé. On ne supprimera point le 
pivot des sujets que l’on plantera à demeure pour y être 
greffés. 

Le jeune plant sermé sera planté dans la pépinière à la 
distance de 40 centimètres sur les lignes, les lisnes étant 
espacées entre elles de 65 cent. Si ce plant est destiné à 
former des tiges plus ou moins élevées pour être greffées 
en tête, on élaguera peu à peu la jeune tige, en évitant 
avec soin tous les accidents qui pourraient nécessiter la 
suppression du bourgeon ou de l’œil terminal de la tige. 
(Voir à ce sujet ce qui a été dit page 297, relativement à 
l'éducation des tiges de pommiers ou de poiriers égrains.) 
Lorsque la jeune tige sera parvenue à la hauteur voulue, 
on posera deux écussons à œil dormant au dessous de la 


440 LA POMONE FRANCAISE. 


tète de cette tige, et, si au printemps ces écussons ne se 
disposaient pas à pousser, on grefferait ces tiges en fente. 

Le plant de drageon, dont on a le tort et néanmoins 
l'habitude de se servir, après avoir été raccourci à 8 cent. au 
dessus de terre et avoir eu les racines rafraîchies, sera planté 
dans la pépinière à la même distance que les noyaux 
germés. À la pousse, on choisira le bourgeon le plus vigou- 
reux et le plus près du sol pour l’élever, et lécussonner à 
la mi-juillet à œil dormant , lorsqu'il sera assez fort pour - 
supporter cette opération, que l’on pratiquera à 8 ou 10 
cent. au dessus de terre. Les pruniers seront enlevés de 
la pépinière la seconde ou la troisiéme année après la 
greffe. ; 

Les pruniers de deux ans de greffe, destinés aux espa- 
liers, seront rabattus en les plantant à 12 ou 15 cent. au 
dessus de la greffe , afin d'obtenir les rameaux nécessaires 
à la forme que l’on veut donner à l’arbre, qui peut prendre 
toutes les formes que nous avons déjà indiquées (planche 14, 
15 et 16) pour les poiriers et les pommiers, et qui peuvent 
servir pour établir la charpente du prunier. Le choix des 
rameaux étant fait pour une de ces formes , on veillera, 
pendant la durée de la pousse, à établir une égalité de force 
parfaite entre ces rameaux. Au printemps suivant, on pourra 
s'abstenir de raccourcir les branches formant la charpente; 
mais à la pousse on aura soin de pincer le premier et le 
second bourgeon qui ouvriront au dessous du terminal, le 
prolongement de celui-ci sera dirigé sur une ligne parfai- 
tement droite, dans la direction que doit occuper la branche. 
On fera usage du palissage pour maintenir l'égalité de force 
des branches entre elles. 

La seconde année, au temps de la taille, on ne raccour- 
cira que les rameaux que le pincement n’aurait pu ré- 
duire, ainsi que les brindilies trop allongées qui ne trouve- 
raient pas de place et qui feraient confusion. A la pousse, 


LA POMONE FRANCAISE. a 


on pincera de très bonne heure le bourgeon au dessous du 
terminal de chaque branche, et tout ce qui poussera de- 
vant et derrière, de manière à ne conserver que des rosettes 
sur le devant. 

Les branches principales ne seront raccourcies que pour 
obtenir des ramifications là où elles seront jugées néces- 
saires pour remplir des vides ; on se rappellera, à cet égard, 
que le bourgeon destiné à former la ramification doit 
toujours être à une certaine distance du bourgeon de pro- 

onsgement. 

Onlaissera d’abord tous les yeux se façonner à fleurs. 
La petite lambourde qui se forme au milieu des fleurs 
sera rabattue vers sa base , lorsque cette base sera dé- 
nudée, et la lambourde trop allongée, afin d'obtenir une 
nouvelle lambourde plus rapprochée du corps de la branche. 
Ce rapprochement sera partiel, de distance en distance, 
sur les branches ; si on négiigait de l’opérer à temps, ces 
petites lambourdes trop allongées s’épuiseraient, la sève les 
abandonnerait, et elles périraient. 

On aura soin de supprimer tous les bois secs ou mou- 
rants. On entretiendra une grande propreté sur les écorces, 
afin d’écarter les insectes et les teignes , qui causent un 
grand préjudice aux arbres et aux fruits. 

-On donnera des binages légers aussi souvent qu'il sera 
nécessaire pour empêcher les mauvaises herbes de croître ; 
mais les labours à la bèche sont interdits au pied des pru- 
niers , afin de ne point offenser les racines, et de ne point 
provoquer la sortie des drageons. 

Quoique les pruniers réussissent sous toutes les formes, on 
le cultive plus ordinairement dans les vergers à haute tige, 
greffés en tête , plantés à une distance de 6 mètres en tous 
sens. Nous préférons planter des tiges de sauvageons à cette 
distance et lés sreffer la seconde année après la plantation, ' 
lorsqu'elles sont bien attachées au sol par leurs racines, 


442 LA POMONE FRANCAISE. 


parce qu’un arbre greffé souffre davantage étant trans- 
planté qu’un arbre qui ne l’est pas. Bien que les racines du 
prunier courent entre deux terres lorsqu'elles ne trouvent 
pas à plonger, il est très utile, avant la plantation, d’ouvrir 
des tranchées profondes sur toute l'étendue des lignes, 
parce que les émanations, les gaz et l'humidité, renfermés 
dans la terre, étant facilement mis en circulation, dans 
ces tranchées, sur une grande étendue , deviennent extrè- 
mement favorables aux fonctions que les spongioles ont à 
remplir, sans qu’elles soient forcées à aller les chercher 
loin du tronc de l'arbre. Une plantation, avec ces soins, ne 
peut manquer de prospérer. 

On rabattra la greffe qui aura poussé sur ces tiges, assez 
près de son insertion pour obtenir 3 à 4 rameaux également 
espacés, que l’on maintiendra d’égale force et qui forme- 
ront la charpente de l'arbre ; on palissera ces rameaux sur un 
ou deux cerceaux, afin de leur donner une direction évasée. 
L'année suivante, à la pousse, on pincera le premier et 
le second bourgseon au dessous du terminal , aussitôt qu’ils 
auront atteint 28 à 36 millim. de longueur. On continuera 
ainsi jusqu’à ce que les branches, en se prolongeant , lais- 
sent entre elles un espace vide. Alors on raccourcira les 
branches afin d'obtenir des ramifications qui remplissent 
ces vides. En conséquence, après la taille, lors dela pousse, 
on pincera les bourgeons au dessous du terminal, pour faire 
ouvrir plus bas un bourgeon que l’on destinera à former la 
ramification; on fera en sorte qu’elles soient toutes du 
mème côté, afin d'éviter la confusion. Après 3 ou # ans 
de soins et de direction donnés à la formation de la tête 
de l'arbre, on pourra l’abandonner à sa végétation naturelle. 

Nous possédons très peu de bonnes variétés de prunes, 
lorsqu'il serait facile d’en obtenir un plus grand nombre. 
Nous avions fait faire, pour atteindre ce but, un semis assez 
nombreux au potager du roi, à Versailles. Parmi les pruniers 


LA POMONE FRANCAISE. 443 


provenant de ce semis, une centaine environ portèrent des 
fruits qui furent trouvés presque tous passables; mais aucun 
ne fut jugé avoir assez de mérite pour être propagé. Deux 
arbres seulement , dont les fruits resemblaient à la reine- 
claude, moins beaux, mais meilleurs, furent conservés. 
Nous eûmes l’honneur de présenter au roi Louis XVIIT une 
corbeille de ces fruits, qui en’ effet furent trouvés , par 
S. M., préférables à la reine-claude, dont l’eau est trop 
épaisse et trop sucrée, tandis que celle du nouveau fruit 
était beaucoup plus abondante et assez suerée pour êire 
très agréable et exciter l’appétit. Il en est de même du 
chasselas de Fontainebleau , que l’on préfère généralement 
aux raisins du Midi, quoique ceux-ci soient PESEReUR plus 
riches et plus sucrés. 

Nous ignorons ce que sont devenus les arbres que nous 
avons laissés au potager du roi ; plus tard nous n’avons pu 
en obtenir des greffes. 

Ce semis était un premier pas vers l’amélioration de 
l'espèce ; pour en faire un second, il aurait fallu semer les 
noyaux de ces nouveaux fruits, et continuer ainsi de tou- 
jours semer les fruits les meilleurs le plus récemment 
obtenus. 

M. Vanmons affirme que tous les‘pruniers provenant du 
troisième semis produisent d’excellents fruits, quoiqu'il 
n’ait rien trouvé, dit-il, qui surpassât la reine-claude. 

Toutes les terres conviennent à la végétation du prunier, 
pourvu qu’elles ne soient point arsileuses et qu’elles soient 
profondément défoncées. Les terres qui conviennent le 
mieux à cet arbre sont celles qui sont substantielles, douces 
et lésères. j 

Lorsque les branches seront dégarnies par le bas sur une 
trop longue étendue, et que les pousses deviendront de 
plus en plus faibles, on procédera au ravalement de ces 
branches , que l’on- greffera en fente. Nous possédons des 
pruniers qui fleurissaient très abondamment chaque année 


44 LA POMONE FRANCAISE. 


Sans nouer leurs fruits, quoique les saisons fussent très fa- 
vorables ; depuis que nous les avons ravalés et greffés, ils 
offrent des récoltes très abondantes. 

Les vergers plantés en DRGIMERS sont d’un granä de 
sur les bords du Rhin, ainsi qu’à Asen et dans ses environs, 
où il se fait un commerce considérable et très lucratif de 
prunes sèches. On pourrait s'étonner que la culture du 
prunier destiné à ce genre de commerce ne s’étende pas à 
d’autres cantons, et reste toujours confinée dans les mêmes. 
Sans doute que cette fois on ne donnera pas pour raison de 
ce fait les qualités toutes particulières de la terre, puis- 
qu’il est bien reconnu que le prunier croît partout où l’on 
veut le cultiver. Nous voudrions pouvoir persuader aux 
Propriétaires qui ont des terrains dont ils tirent peu de 
produit de les planter en pruniers, et de les faire greffer en 
prunes d'Agen; ce fruit, étant séché, est toujours coté dans 
le commerce à un prix beaucoup plus élevé que les autres. 
La prune de Tours était autrefois en réputation; mais ia 
prune d'Agen et la solden drap, ou Coë, assez nouvelle- 
ment obtenue en Angleterre, sont très supérieures pour 
sécher. Cette dernière mürit en septembre ; elle est longue, 
très grosse, très charnue, sucrée, bonne crue, et fait les plus 
beaux et meilleurs pruneaux que nous ayons encore vus; 
l'arbre produit très abondamment. | 

La quetschen se reproduit constamment la même par da 
semence, pourvu que l'arbre sur lequel on la récolle m’ait 
pas été rs Le fruit de la quetschen est très abondant, 
mais tardif. 

Le prunier d'Agen doit être greffé; l'arbre est très pro- 
duetif. Le fruit est gros, charnu, sucré, et plus hâtif quela 
quetschen; ce qui fait que, étant séché dans la belle saison, 
ilest mieux conditionné , sans que l’on soit obligé de le 
passer aussi souvent à la chaleur du four après qu’onen a 
retire le pain. 

Le prunier est un arbre que l’on peut facilement forcer 


LA POMONE FRANCAISE. 445 


dans les serres ; on plante à l'automne ou au printemps, 
dans des pots à ananas, des pruniers de 2 à 3 ans de sreffe, 
élevés pour cet objet sous une forme régulière. Les pots 
sont enterrés à une bonne exposition, très aérée , où ils re- 
stent 4 an ou 18 mois avant d’être placés dans la serre ou 
sous les bâches. La plantation de ces arbres, faite dans des 
pots, dispose la plante à une fructification extrêmement abon- 
dante, beaucoup plus que si l'arbre avait été planté en 
pleine terre. On choisit de préférence pour chauffer la 
prune de mirabelle , parce que l’arbre charge beaucoup et 
noue bien son fruit. On chauffe aussi avec avantage la prune 
de monsieur hâtive et la reine-claude. Les mêmes arbres 
peuvent être forcés deux ou trois ans de suite. 

On ne ceueille le fruit de ces arbres que sur la table, où 
ils figurent au dessert. 

La prune, pour avoir toutes ses qualités, doit mürir sur 
arbre : une lésère secousse fait tomber ceiles qui sont ar- 
rivées à leur point de maturité ; c’est le matin, à la fraî- 
cheur, que l’on doit récolter ce fruit, et jamais après qu’il 
a été échauffé par le soieil. Si on cueille la prune avec la 
queue et qu'on la dépose dans un lieu frais, elle peut se 
conserver plusieurs jours. 

La prune venue en espalier à une exposition chaude est 
plus grosse, plus belle, plus colorée et beaucoup plus sucrée 
que celles qui sont venues en plein vent. Il n’en est pas de 
ia prune comme de l’abricot, dont le parfum ne se déve- 
loppe que lorsqu'il mürit au très grand air ; la prune n’a 
point de parfum, sa chair est plus ou moins ferme, son eau 
plus ou moins sucrée. Il est remarquable que dans les années 
très abondantes ce fruit manque de sucre ; alors il est fade. 
Les cultivateurs ne sauraient trop se persuader combien les 
fruits perdent de leurs qualités lorsqu'ils sont trop nom- 
breux sur les arbres. Ils devraient savoir que les tissus d’un 
arbre ne préparent qu’un certain volume de sucs propres, 


146 LA POMONE FRANÇAISE. 


par leur combinaison avec certaines parties des fruits, à 
se convertir en matières sucrées ; que, si les fruits, qui ont 
la faculté de s'approprier tous également ces sucs, sont trop 
nombreux pour que chacun en recoive assez, alors la ré- 
duction dans le fruit est incomplète : il reste acide, ou de- 
vient insipide et sans saveur. Il importe donc que les fruits 
n’excèdent pas en masse celle des sucs préparés pour leur 
perfectionnement. C’est au cultivateur à savoir établir 
l'équilibre en laissant plutôt moins que trop de fruits sur 
les arbres. 

Le fruit du prunier est considéré comme nourrissant et ra- 
fraîchissant ; pris en trop grande quantité, surtout lorsqu'il 
n’est pas parfaitement mür, ou dans les années où la récolte 
est trop abondante, il devient fiévreux. On le donne comme 
pruneaux aux convalescents. Il s’en fait une grande con- 
sommation dans nos hôpitaux. 

Le prunier n’a d’autres maladies que celles qui sont oc- 
casionnées par des sujets qui ont peu d’analogie avec le 
rameau de la greffe, ou bien provenant de semences mal 
conditionnées. Ces causes occasionnent la somme, qui, dans 
ces cas, reparaît toujours maloré les incisions réitérées, 
tandis qu’eile cède aux incisions faites pour cause de trop 
de vigueur dans l’arbré, ou d’une surabondance de sève 
provenant d'engrais, ou occasionnée par une saison extraor- 
dinairement propice à la végétation du prunier, ou enfin 
par une taille trop courte. 

Les insectes qui attaquent le prunier sont les mêmes qui 
attaquent les cerisiers : ce sont des vers et diverses sortes de 
chenilles, qui paraissent au moment de la floraison. Les 
cultivateurs des environside Marly, Bougival et autres com- 
munes, procèdent à la destruction de ces insectes, après une 
forte pluie, en secouant chaque branche vivement l’une 
après l’autre à l’aide d’un fort crochet entouré d’étoupe 
et fixé au bout d’un bâton. On répète cette opération plu- 


LA POMONE FRANCAISE. 447 


sieurs fois pendant et après la pluie, afin de déterminer plus 
facilement la chute des insectes. On a eu la précaution de 
goudronner le tronc des arbres à la hateur de 40 centim., 
afin d'empêcher les insectes de remonter sur les branches. 


Les meilleures espèces de prunes sont : 


Jaune hâtive, ou de Cata- Le Perdrigon violet, ou de 


logne. Brignolles. | 
La Royale. LaReine-Claude, ou Abricot vert. 
Le Gros Monsieur hâtif. La Reine-Claude violette. 
La Mirabelle. Impériale blanche. 
Le Drap d’or. De Saint-Maurin. 


Le Gros Damas violet. Prune suisse. 
Prune de Riom. 


Les meilleures espèces pour faire sécher sont : 


La Golden drap, ou Coë. 
‘ La Prune d'Agen. 
La Quetschen. 


LA POMONE FRANÇAISE. 349 


DE L'ABRICOTIER. 


L’abricotier est originaire de l'Arménie. Il est sujet à ja 
gomme. Cet arbre est d’une taille moyenne, très visoureux 
dans sa jeunesse; son existence se prolonge pendant beau- 

coup d'années lorsqu'on prend le soin de le ravaler sur ses 
grosses branches. Le bois de cet arbre est dur, veiné de 
rouge, il est revêtu d’une écorce grisâtre ; celle qui enve- 
loppe les racines de quelques variétés , telle que l’abricotier 
de Hollande, est d’un rouge de corail vif. Ses rameaux sont 
très étalés, ils sont garnis de feuilles placées dans un ordre 
alterne , larges à la base en forme de cœur, dentelées sur 
.îes bords, portées par de longs pédoncules, dont laisselle 
couvre des yeux simples, doubles, triples et multiples, placés 
sur un support très saillant, et très rapprochés les uns de- 
autres. Les fleurs sont sessiles, sroupées ie long des ra- 
meaux ; elles sont blanches, inodores, soutenues d’écailles 
et d'un calice souvent irès rouge; elles s’épanouissent or- 
dinairement en mars ou avril, long-temps avant ie dévelop- 
pement des feuilles, ce qui les expose à être souvent mois- 
sonnées par les gelées printanières , qui les saisissent avant 
-mêème qu'elles soient épanouies ; Îles jardiniers appellent 
cela geler en bourre. 

Les fleurs ont un calice monophylle, dont le lube est 
campanulé , et le limbe découpé en cinq divisions ovales 
réfléchies; cinq pétales arrondis, lésèrement onguiculés, in- 
sérés à l’orifice du tube du calice ; une trentaine d’étaminess 

29 


450 | LA POMONE FRANÇAISE. 


insérées sur deux rangs, au même lieu que les pétales ; elles 
ont les filets simples , les anthères ovales, bilobées, bilocu- 
laires, et s’ouvrant latéralement ; un ovaire libre, unilocu- 
laire, pubescent, ovale, surmonté d’un style simple de la 
hauteur des étamines, terminé par un stigmate élargi et 
papilleux , échancré d’un côté en sillon qui descend en spi- 
rale le long du style, jusqu'à la base de l’ovaire : cet ovaire 
contient deux ovules pendants ; un fruit que les botanistes 
appellent drupe ; il est arrondi, divisé sur l’un de ses côtés 
par un sillon longitudinal, composé d’une peau adhérente 
à une chair plus ou moins savoureuse, parfumée, qui re- 
couvre un noyau formé de deux valves, qui ne s'ouvrent na- 
turellement que dans la germination, contient une grosse 
amande blanche à deux lobes, douce ou amère, renversée, 
c'est-à-dire que sa radicule est dirigée vers le sommet du 
ruit. 

Les diverses pousses de l’abricotier sont des rameaux à 
bois et à fruits tout à la fois. Les rameaux de l’année sont 
garnis de boutons à bois et à fruits entremèlés sur toute 
leur étendue, très rapprochés les uns des autres, dans un 
ordre alterne. Les yeux de ces rameaux se façonnent à 
fleurs multiples l’année mème de la formation du rameau, 
pour épanouir au printemps suivant; ces yeux sont gros, 
placés sur un support très saillant, surtout vers l'extrémité 
de chaque rameau. Il arrive souvent, lorsque les arbres sont 
vigoureux, qu'après le solstice , d'été , les yeux vers le 
haut des rameaux ouvrent en petites brindilles de deux à 
huit pouces de longueur, garnies de boutons à fleurseet à 
bois; pareille chose arrive aussi quelquefois dans le bas des 
rameaux visoureux. Îl en résulte que labricotier s’épuise 
en productions tardives qui n’ont souvent pas le temps de 
s’aoûter et dont les extrémités périssent pendant l’hiver. Cet 
arbre a une végétation extrêmement irrégulière : tantôt il 
pousse à peine, et d’autres fois avec excès. 


LA POMONE FRANCAISE. 451 


Les branches se dénudent à mesure qu'elles prennent 
plus d'âge, l’extrémité des lambourdes cesse de pousser, 
elle se dessèche, noircit et meurt. Tels sont la marche et 
les accidents de la végétation naturelle de l’abricotier. C’est 
au cultivateur à prévoir le dénüment des branches en rac- 
courcissant à temps les lambourdes sur un œil à bois placé 
vers leur insertion. Il doit être attentif à supprimer, avant 
le mouvement de la sève, tous les bois morts ou mourants, 
toujours beaucoup au dessous de la partie morte, Les dés- 
ordres d’une végétation aussi irrégulière proviennent en 
grande partie du défaut de circulation de la sève dans un 
arbre aussi sujet à la gomme que l’abricotier. Cet arbre 
sera toujours taillé de très bonne heure ; on apportera le 
plus grand soin à répartir la sève le plus également possible 
dans les rameaux composant la charpente de l’arbre, aussi 
bien que dans toutes ses parties; il devient plus nécessaire 
que cette égalité de force soit maintenue dans l’abricotier 
que dans tout autre arbre. On doit éviter autant que pos- 
sible d’être forcé de supprimer des rameaux à la taille; 
c’est par le pincement et par l’ébourgeonnement très suivi 
que l’on dirigera les pousses de cet arbre et que l’on at- 
teindra ce but. On supprimera par le pincement tous les 
bourgeons doubles ou triples ; on pincera très exactement 
les deux ou trois bourgeons qui se développent ordinaire- 
ment au dessous du terminal de chaque rameau un peu 
fort. On pincera de très court les bourgeons qui sont de- 
vant et derrière, ét enfin ceux qui sont sur les côtés qui 
annonceraient devoir prendre trop de force, pour ensuite 
les raccourcir à deux ou trois yeux lors de la taille. On ne 
laissera développer que les bourgeons qui peuvent trouver 
place sans faire de confusion et sans rompre l’équilibre de 
la sève, afin de n’avoir presque rien à supprimer lors de 
la taille, 


L’abricotier doit nécessairement être traité avec tous les 


452 LA POMONE FRANÇAISE. 


ménagements que nous recommandons lors même qu’il est 
‘en plein vent. On fera usage des incisions, sans cependant 
les prodiguer. On visitera souvent les arbres pour nettoyer 
jusqu’au vif les plaies occasionnées par la gomme, ayant 
soin d'appliquer de la terre franche pétrie avec de la bouze 
de vache sur toutes celles qui sont un peu considérables 
après le pansement. 

Quoiqu'il soit aisé de soumettre l’abricotier à toutes les 
formes, puisque cet arbre produit très facilement des bour- 
geons sur la vieille écorce, nous ne conseillons qu’une 
seule forme, celle en vase monté sur une tige plus ou moins 
élevée, parce que ce n’est qu’en plein vent que les fruits 
de l’abricotier acquièrent une chair succulente, sucrée et 
parfumée ; étant toujours fade, sans saveur, et insipide, 
lorsque ce fruit müûrit contre les murs. La chaleur seule ne 
suffit pas pour faire développer dans ce fruit le sucre et le 
parfum dont il est suceptible; il faut encore qu'il soit exposé 
à l’action du grand air. On peut cependant avoir un ou deux 
abricotiers en espalier de l’espèce connue sous le nom d’abri- 
cotin, par cela seul que cette variété a le mérite d’être très 
hâtive. 

L’abricotier se multiplie de semence; nous ne connaissons 
que l’abricot de Hollande et l’Alberge qui se reproduisent 
constamment les mêmes, lors toutefois que la semence n’a 
pas été récoltée sur un arbre greffé. Les autres variétés, étant 
semées, donnent toutes des fruits assez bons pour faire croire 
qu’il n’y a pas d’abricotier sauvage. On propage les variétés 
par la oreffe sur des sujets de prunier de Saint-Julien ou 
de gros Damas noir. Il serait plus naturel de les propager 
sur lPabricotier, mais les pépiniéristes prétendent que ce 
n’est pas l'usage. Nous n’avons pas d'expériences assez po- 
sitives à cet égard; mais nous pensons que la végétation de 
l’abricotier, s’il était greffé sur lui-même, serait mieux 


LA POMONE FRANÇAISE. 455 


réglée, moins sujette à la gomme, et ne produirait pas des dra- 
geons comme le prunier. Nous sommes fondé à croire qu’il 
serait moins sujet à la gomme, parce que nous avons fait 
élever un certain nombre d’abricotiers de noyaux, qui ont 
tous porté des fruits sans donner des signes de somme. On 
peut aussi greffer l’abricotier sur amandier et sur pècher. 

Les terres riches et légères sont les plus favorables à la 
végétation de l’abricotier, dont la tête doit toujours être ex- 
posée au soleil et au grand air. 

Nous ne cultivons que l’abricot Noor, parce qu’il a l’avan- 
tage sur l’abricot-pèche de mürir également du côté exposé 
à l'ombre, comme du côté du soleil; qu’il est plus sucré, 
plus juteux et plus savoureux, que l’abricot-pèche, auquel il 
succède immédiatement pour la maturité. 

On rajeunit l’abricotier lorsque les branches sont dépar- 
nies sur une trop grande étendue, et que les pousses sont 
faibles ; alors on recèpe les grosses branches assez près de 
la tige ou de la greffe; on couvre ensuite les plaies avec 
de la poix à greffer ou de l’onguent de Saint-Fiacre. On 
choisira parmi les jets qui sortiront au dessous du rava- 
lement les plus vigoureux et les mieux placés pour rem- 
placer les branches supprimées ; on pincera les autres jets 
de manière à ce qu’iis puissent seulement attirer la sève 
vers la plaie et la cicatriser. Ce ravalement doit être fait 
de très bonne heure , toujours avant que la sève soit en 
mouvement ; en cela il ne faut pas imiter les jardiniers qui 
attendent pour opérer que les fleurs aient été moissonnées 
par les gelées printanières ; ii résulte de ce faux calcul non 
seulement une grande perte de sève, mais encore que le 
nouvel arbre s'établit sur des pousses tardives, mal condi- 
tionnées, qui s’aoütent difficilement et ne donnent jamais 
par la suite de bons résultats. 

L'abricotier ne réussit point étant chauffé dans les serres 


434 LA POMONE FRANÇAISE. 


ou sous des bâches, parce que ses fruits, parvenus à leur 
grosseur, se sercent et se fendent lorsqu'ils approchent de 
la maturité, qu’ils ne peuvent atteindre. Nous n'avons pu 
encore nous rendre raison de ce fait. 


LS 


LA POMONE FRANÇAISE. 455 


DU CERISIER. 


Le cerisier fut apporté par Lucullus, de l'Asie en ftalie, 
l'an de Rome 680. Nous en distinguons aujourd’hui plusieurs 
espèces, savoir : les merisiers, les guigniers, les bigarreau- 
tiers et les cerisiers. Le merisier croît dans les forêts ; c’est 
up arbre élevé dont les branches sont horizontales ; les gui- 
gniers et les bigarreautiers forment des arbres moins hauts, 
mais plus gros, et ne se trouvent que dans les endroits cul- 
tivés ; les rameaux de ces arbres sont gros et pendants. Le 
fruit du guignier a la chair molle, celui du bigarreautier l’a 
ferme et croquante. Les cerisiers se divisent en deux sortes: 
l’une à rameaux droits, et l’autre à rameaux flexibles et 
pendants. 

Les feuilles sont placées sur les rameaux dañs un ordre 
alterne; elles sont ovalaires, allongées, pointues par les 
deux extrémités, dentelées et surdentelées par les bords, 
portées par de longues queues. 

Les fleurs, qui s’ouvrent en mars et avril, sont composées 
d’un calice en godet percé par le fond , fendu par les bords 
en cinq échancrures concaves ; de cinq pétales blancs, ar- 
rondis, minces ; de vingt à trente étamines ; d’un embryon 
arrondi, qui porte un style terminé par un stigmate. Ordi- 
nairement il sort d’un bouton plusieurs fleurs dont les pédi- 
cules sont attachés sur un support commun. 

Les fruits sont succuients, couverts d’une peau mince 
et lisse ; ils renferment un noyau dur et lizsneux, qui con- 
lient une petite amande. 


486 LA POMONE FRANCAISE. 


Le cerisier a quatre écorces : la re, coriacée et très dure; 
la 2e, coriacée, beaucoup moins solide ; la 3e, spongieuse et 
fort tendre, ont les fibres Mn et spirales ; la 4e est 
spongieuse, et ses fibres sont longitudinales. Cet arbre est 
sujet à la somme, que l’on guérit ou que l’on prévient par 
des incisions longitudinales faites sur la première écorce. 

Le bois du cerisier est agréablement veiné, il prend un 
beau poli; il est employé par les luthiers, Te qu'il est 
très sonore. 

Les branches à bois sont le jet de la mreffe ou les ra- 
meaux les plus forts. Chaque rameau est garni dans toute 
son étendue d’'yeux simples très saillants dans les arbres à 
bois droit. L’année suivante ces mêmes yeux, excepté les 
deux ou trois au dessous du terminal, se faconnent en bou- 
tons à fleurs, composés de huit à dix boutons, qui fleuris- 
sent le printemps suivant, c’est-à-dire la troisième année 
après la formation du rameau ; les deux ou trois yeux au . 
dessous du terminal ouvrent en bourgeons à bois et à fleurs. 
Ïl sort ordinairement du milieu des boutons à fleurs un 
bouton à bois qui s’allonge de 1 à 2 pouces. Ce petit ra- 
meau n’est évidemment qu’une lambourde, qui pendant 
trois ou quatre ans s’allonge si peu, qu’elle ne rend jamais 
l’arbre épais ni diffus, à moins que les lambourdes ne soient 
excitées à s'allonger par la taille, ou par trop de vigueur 
dans l’arbre. Les branches, dans le cerisier, se dégarnissent 
moins promptement que dans le prunier. Les cerisiers à 
bois pendant se désarnissent plus tôt. : 

Les rameaux sont toujours terminés par un œil à bois. 
Les boutons à fleurs sont plus rapprochés les uns des autres 
vers l'extrémité supérieure de chaque pousse. 

La plupart des boutons fleurissent dans la 3° année, et sont 
remplacés par une petite lambourde au bas et autour de la- 
quelle sont groupés cinq ou sept boutons à fleurs ; les yeux à 
bois s’allongent en bourgeons ou en brindilles. Leslambourdes 


LA POMONE FRANÇAISE. 457 


sont beaucoup plus minces et plus courtes que les brindilles ; 
les unes et les autres sont garnies de boutons solitaires ou 
multiples à bois ou à fleurs. Si l’œil à bois qui termine ordi- 
nairement la brindille ou la lambourde n'existe pas, ou 
par un accident quelconque ne se prolonge pas, elles sè- 
chent, meurent , et laissent un vide, à moins qu’il ne se 
trouve quelques yeux latents à sa base. On ne doit pas at- 
tendre que ces productions soient entièrement usées pour 
les rapprocher, en faisant ouvrir les yeux qui sont à leur 
base. Les dards ne semblent pas exister dans le cerisier. 

On taille long le cerisier, seulement pour entretenir l'arbre 
plein et pour que ses bourgeons naissent où ils sont néces- 
saires pour remplir des vides ; nul arbre n’est aussi docile 
et ne forme sur les murs un tapis plus régulier et plus agré- 
able , si peu qu’il soit bien dirigé. 

L’ébourgeonnement sera différé jusqu’à la fin de la sai- 
son ; au lieu de supprimer les bourgeons trop vigoureux 
que l’on aura négligé de pincer, on les raccourcira à deux 
ou trois yeux, afin de leur faire produire de petites bran- 
ches à fruits. 

Si quelque partie d’une branche se dégarnit, on peut, 
en la rapprochant, obtenir la sortie, sur l’écorce, de quel- 
ques bourgeons, même dans les parties les plus basses de 
l'arbre ; aussi le cerisier exige-t-il moins de soins dans la 
direction de ses rameaux, que l’on peut ranger dans l’ordre 
le plus régulier, sans crainte que les branches placées ver- 


ticalement ne prennent trop de force, au préjudice des 
autres. 


DE LA MULTIPLICATION. 
On multiplie le cerisier par semence, afin d'obtenir de 


nouvelles variétés, et l’on propage les variétés obtenues 
par la greffe sur des sujets de merisiers noirs pour former 


456 LA POMONE FRANCAISE. 


de grands arbres, ou sur des sujets de Sainte-Lucie pour 
former des arbres beaucoup moins élevés. 

On se procure des sujets de merisiers et de Sainte-Lucié 
en récoltant des graines de ces espèces sur des arbres qui 
soient sains et vigoureux, et en plaçant ces graines au ger- 
moir, avant l'hiver, pour lesenretirer germées en mars ou à 
la mi-avril. À mesure que l’on plantera dans la pépinière ces 
graines germées, on pincera la pointe de la radicule, ex- 
_cepté aux plantes que l’on destine à rester en place pour y 
êtregreffées, auxquelles on laissé le pivot. Le terrain aura été 
défoncé et fumé ; on plañtera à la distance de 50 centimères 
sur les lignes, les lignes espacées entre-elles de 65 centimètres 
On donnera à ce plant les façons d'usage dans les pépinières, 
ainsi que nous l’avons déjà indiqué. 

Lorsque les jeunes sujets destinés à former des espaliers, 
des vases ou des pyramides, seront assez forts pour être 
greffés, on les écussonnera à œil dormant vers la mi-juil- 
let, à 10 ou 12 centimètres au dessus du sol. 

Les sujets destinés à former des tiges plus ou moins éle- 
vées seront élagués peu à peu, ainsi que nous l'avons in- 
diqué pour l’éducation des pommiers et poiriers égrains 
(page 297). Lorsque les tiges auront acquis la hauteur vou- 
lue , on les écussonnera à œil dormant, ou bien on les gref- 
fera en fente au printemps. 

Les cerisiers destinés à être plantés contre les murs ou 
à former des vases et des pyramides seront enlevés de la 
pépinière après la seconde année de la greffe. On les plan- 
tera avec tous les soins que nous avons recommandés pour 
la transplantation des arbres. 

Le cerisier se prête à toutes les formes que l’on veut lui 
faire prendre, pourvu que l’on ne fasse usage de la taille 
que pour établir la charpente de l'arbre, et qu’une fois 
établie on ne s'occupe qu’à l’étendre , et non à le concen- 
trer. On évitera autant qu’on le pourra les suppressions en 


LÀ POMONE FRANCAÏSE. 459 
pinçant les bourgeons mal placés qui tendraient à se dé- 
velopper. Ces bourgeons ainsi pincés seront raccourcis lors 
de la taille à trois ou quatre yeux, au lieu qu’on aurait été 
forcé de les supprimer si on les avait laissés se développer 
entièrement. 

On raccourcira à temps les brindilles et les lambourdes 
pour les rajeunir, toujours avant qu’elles soient trop épui- 
sées. 

S'il se fait des vides, on pourra les remplir en taillant 
sur le gros bois afin d'obtenir des sorties dont on fera usage. 

Enfin, si les branches se dégarnissent sur une trop longue 
étendue, on pourra les ravaler près de la tige afin de les 
sreffer toutes en fente ou en couronne, pour rajeunir l’arbre 
et lui donner üne nouvelle existence et une forme que l’on 
dirigera comme la première. 

Quant aux cerisiers à tige, plantés en ligne, ou dans des 
vergers, on aura dù , en les plantant, les rabattre assez près 
de l'insertion de la greffe, afin de faire pousser cinq ou si* 
rameaux qui seront distribués à égale distance les uns des 
autres, et maintenus d’uné égale force pendant toute la du- 
rée de la pousse. Ce sont ces rameaux, auxquels on don- 
nera une direction évasée, qui formeront la charpente de 
la tête de l'arbre. On pourra palisser ces rameaux sur ün 
ou deux cerceaux. Ces cerisiers seront ainsi dirigés pen- 
dant trois ou quatre années et pourront ensuite être aban- 
donnés ä leur végétation naturelle. 

Lorsque les productions fruitières, sur ces arbres, seront 
usées , on les rajeunira en rabattant les branches formant la 
charpente de l’arbre près de leur insertion afin de les gref- 
fer en fente ou en couronne. 

Le cerisier croît dans presque tous les terrains en pente, 
légers, chauds et substantiels, 

On peut chauffer les cerisiers en espaliers, ou seulement 
en hâter la maturité, en plaçant des vitraux mobiles contre 


à60 LA POMONE FRANÇAISE. 


les mus où ils sont plantés. (Voir à cet égard page 211, ce 
qui a été prescrit pour le pècher, afin d'en faire l’applica- 
tion au cerisier, pour ce qui lui convient.) 

_ Le plus grand obstacle à la culture du cerisier en serre 
est d'opérer la destruction d’une très grande quantité de 
diverses sortes de chenilles, de vers, de teignes, qui pullu- 
lent sur le cerisier. Nous avons compté jusqu’à sept sortes 
de ces insectes, qui paraissent à mesure que les diverses 
pousses se développent ; beaucoup sortent entre les écailles 
qui recouvrent les boutons de fleurs, qui sont dévorées à 
mesure qu’elles épanouissent. Il en est de même des feuilles, 
sur lesquelles s’attache une teigne qui pique le fruit à peine 
noué, et le fait tomber avant la maturité. 

Le jardinier, pour détruire ces insectes dans les serres, 
doit être armé d’une petite pince très délicate , afin de les 
saisir un à un. Les soins les plus suivis doivent commencer 
aussitôt le premier mouvement de la sève, etse prolonger 
jusqu’au parfait épanouissement des fleurs. 

On chauffe aussi le cerisier en pots que l’on place dans 
une serre ou sous une bâche. Ces cerisiers sont choisis par- 
mi ceux greffés sur Sainte-Lucie ayant deux ans de greffe, 
que l’on plante dans des pots à ananas, et que l’on enterre 
à une bonne exposition aérée , où ils restent un an ou dix- 
huit mois, avant d’être introduits dans les serres. Les espèces 
que l’on choisit pour chauffer sont à bois droïts ; on chauffe 
ordinairement la cerise anglaise. 

Le jardinier doit greffer et élever lui-mème les cerisiers 
qu’il destine à mettre en pots, parce que les pépiniéristes 
ne rabattent jamais assez près de terre le jet des greffes 
pour que ces arbres prennent dès leur début une forme py- 
ramidale, qu’ils doivent avoir avant d’être empotés. La forme 
de ces arbres, lorsqu'ils paraissent sur les tables au dessert, 
ajoute beaucoup d’agréments au mérite des fruits, qui sont 
alors répartis également sur l'arbre. 


LA POMONE FRANÇAISE. Ç 461 
Choix des meilleures cerises. 


La Cerise anglaise hâtive. Le Gros Bigarreau noir lui- 


La Belle de Choisy. sant, 

Cerise du Nord tardive. La Cerise ambrée. 

La Griotte de Chaux. La Belle magnifique, ou Belle 
La Guigne à fruit rouge. de Châtenay tardive. 


Cerise de Portugal. 


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LA POMONE FRANÇAISE. 463 


DU GROSEILLIER. 


Les bourgeons du groseillier à grappes contiennent des 
yeux à bois, à feuilles et à fleurs; leur extrémité est toujours 
terminée par un œil à bois. Ces bourgeons sont droits, 
flexibles, prennent une direction verticale. Leur grosseur, 
leur longueur et leur nombre, sont en raison dela qualité du 
terrain , de l’âge du sujet, et de la taille plus ou moins 
allongée qu’il a reçue. Les jeunes bourgeons sont sillonnés 
d’une espèce d’épiderme blanchâtre, cendré, qui tombe au 
premier printemps ; ils sont recouverts de quatre écorces, 
toutes analogues à celles du cerisier : la première et la se- 
conde sont cylindriques et très coriaces ; la troisième est 
spongieuse et fort tendre, ses fibres sont transversales et en 
spirale ; enfin la quatrième est spongieuse et ses fibres sont 
longitudinales. 

Les feuilles sur les bourgeons sont alternes, pétiolées, 
simples, découpées peu profondément , en trois grandes 
principales pièces, bordées de dents inésales, terminées par 
une pointe glanduleuse. 

À la base des feuilles sont des yeux pointus, bruns et sail- 
lants : ceux à bois et à feuilles sont solitaires; ceux à fleurs 
sont recouverts de trois écailles, dont deux sont caduques 
et la troisième est une petite foliole persistante. Du centre 
de ce bouton sort une seule grappe, accompagnée de chaque 
côté de deux rosettes composées chacune de trois feuilles, 
toutes d’une dimension remarquablement inégale. Ces ro- 


464 LA POMONE FRANCAISE. 


settes ont à leur extrémité le rudiment nécessaire à leur 
prolongement. 

Les fleurs épanouissent dès le commencement du prin- 
temps; elles sont rangées sur une grappe au nombre de dix 
à quinze, attachées à la rafle par des pédoncules fort déliés, 
sortant d’une très petite collerette persistante, qui semble- 
rait destinée à maintenir le pédoncule à sa base. Les fleurs 
sont petites, d’un vert jaunâtre, composées d’un calice en 
sodet évasé, divisé en cinq échancrures, de cinq pétales, de 
cinq étamines forts courtes, d’un pistil dont le style, fendu 
en deux branches, est placé sur un embryon qui devient une 
baie fondante, succulente, d’un goût aigrelet ou acide, con- 
tenant de quatre à douze pepins, et recouvert d’une peau 
fine, unie, luisante et transparente, terminée par les débris 
de la fleur, qui sont persistants sur la baïe. Les fruits mü- 
rissent en juin et juillet. 

Au printemps l’écorce des rameaux devient lisse, lui- 
sante, d’un brun foncé. Lorsque l’œil terminal s’allonge, il 
sort communément près de sa base, sur le rameau de l’année 
précédente, une ou plusieurs grappes, accompagnées de 
leurs deux rosettes; les autres yeux qui sont au dessous ou- 
vrent à bois, en rosettes, ou à feuilles. Le bouton des ro- 
settes en renferme toujours deux avec ou sans grappe so-. 
litaire. Lorsque les rosettes prennent le caractère de brin- 
dilles, elles sont d’autant plus allongées qu’elles sont plus 
proches du bourgeon terminal. 

Le groseillier porte donc déjà quelques fruits vers le haut 
du rameau de la dernière pousse; maïs, pendant le cours de 
la saison, les yeux qui sont à la base des feuilles des rosettes, 
sur ce rameau, se façconnent en boutons à fleurs , ainsi que 
les autres, pour épanouir au printemps suivant. On peut, 
dès la chute des feuilles, apercevoir les nombreux boutons 
que ces feuilles ont nourris, et qui promettent d’abondantes 
récoltes pour l’année suivante, c’est-à-dire la troisième 


LA POMONE FRANCAISE. 268 


année de la formation de cette portion de la branche ; à la 
quatrième année , cette même portion de la branche don- 
nera une récolte encore plus abondante; passé cet âge, cette 
portion de branche tendra à se dénuder et à devenir stérile. 

Telle est la marche qué suit la végétation du groseillier ; 
elle mous indique celle que nous devons suivre pour obtenir 
régulièrement de cette plante tout ce qu’elle peut produire, 
soit en qualité, soit en quantité, sans trop altérer son exi- 
stence. | | 

Notre expérience, jointe à nos observations, nous a 
conduit à élever le groseillier en pépinière en le propageant 
de boutures prises sur des pieds en plein rapport, sains et 
vigoureux, nullement sujets à la coulure, portant de lon- 
gues grappes garnies de grains transparents et espacés. 

Nous plantons le groseillier à l’air libre, en massif, plutôt 
que dispersé sur les plates-bandes; nous y avons trouvé pro- 
preté, économie de terrain et de temps, soit pour la cul- 
ture, soit pour la cueille du fruit. La distance entre chaque 
touffe est de 1 mètre 35 centimètres en tous sens. 

Le jeune plant de groseillier doit être bien enraciné ; On 
le rabattra, en le plantant à demeure, sur trois ou quatre 
yeux, afin d'obtenir trois ou quatre bourgeons qui seront 
le commencement des premières branches. On détruira 
avec soin tous les bourgeons qui prendraient naissance sur 
la souche : les sens de Louveciennes ont pour cette Opé- 
ration une houlette étroite , coupante, montée sur un long 
manche. 

Au temps de la taille, les trois ou quatre jeunes rameaux 
destinés à la formation de la touffe seront raccourcis, sui- 
vant leur force, sur le premier œil bien constitué vers le 
sommet. Il ne faut pas perdre de vue que ce seront les ro- 
seties, que cette taille favorisera, qui donneront une récolte 
abondante Pannée suivante, et que les grappes, sur le gro- 
seillier à fruit rouge ou blanc, sont (oujours plus grosses et 

90 


466 LA POMONE FRANÇAISE. 


plus multipliées vers le haut de la portion de branche en 
rapport que vers la base. Ainsi une taille trop allongée lais- 
serait les yeux du bas sans production, indépendamment 
qu’il est préférable de faire naître le fruit près du sol, sans 
toutefois l’exposer à être sali par la terre : les premières 
grappes doivent être à environ 35 centimètres au dessus 
de la terre. 

Si après cette taille les yeux du haut ouvrent en bour- 
geons, On les raccourcira à la taille suivante en coursons, 
comme on taille la vigne. On continuera chaque année à 
étendre ainsi le prolonsement de chaque branche sans y 
laisser s'établir de ramification ; il ne doit s’en trouver que 
dans le bas des branches lorsqu'elles sont jugées nécessaires 
soit à la création de nouvelles branches , soit au rem- 
plisase des anciennes ou d’un vide. On augmentera suc- 
cessivement le nombre des branches, suivant l’âge et la 
force de la plante. On ne laissera se développer que les 
bourgeons nécessaires à la formation graduelle de ces 
branches composant la charpente de larbre, dont le 
nombre ne doit pas dépasser neuf ou dix, afin d’éviter la 
confusion, de ménager aux branches assez d’air entre elles, 
et faire que leurs productions ne soient pas étiolées. Ce 
n’est qu'après six ou sept années qu’une touffe de gro- 
seillier est formée et qu'elle a atteint le maximum de son 
rapport. Toutes ses branches doivent être disposées à former 
un vase. 

En suivant régulièrement cette méthode, les branches se 
trouveront chaque année surmontées d’une nouvelle pousse. 
Lorsqu'une branche sera composée de six pousses, on la 
supprimera avant qu'elle soit surmontée de la septième; 
dans ce cas, on aura pourvu à son remplacement par un 
jeune bourgeon sorti du talon d’une branche. S'il ne se 
présente pas de bourgeon, on opérera de mème la sup- 
pression, parce qu’elle provoquera presque toujours la sortie 


LA POMONE FRANÇAISE. 467 


d'un bourgeon de remplacement; on favorisera ce bourgeon 
dans sa pousse. 

Il est à propos de faire remarquer qu’en supprimant ré- 
gulièrement une ou plusieurs branches pour maintenir la 
touffe du groseillier dans l’état le plus favorable à sa fructi- 
fication, on est forcé de sacrifier les deux dernières pousses 
qui la surmontent avant qu’elles aient produit; la troisième 
pousse, celle d’après, n’aura produit qu’une fois; la qua- 
trième, celle du dessous, aura donné deux récoltes; la cin- 
quième, encore au dessous, trois, et enfin la sixième, la plus 
ancienne, quatre récoltes, après lesquelles cette sixième 
portion de la branche commence à se dénuder; elle de- 
viendrait tout à fait stérile et absorberait inutilement une 
quantité de sève qu’il est mieux de ménager pour les por- 
tions de branches qui produisent. En un mot, il faut, autant 
que possible, ne point laisser de bois inutile sur les branches, 
ce qui est facile en les supprimant toujours à propos et 
avant qu'il s’en établisse. C'est par cette raison que, 
l'année où l’on supprime une branche, on retranche par 
avance, après que le fruit est noué, les deux dernières: 
pousses du sommet, qui absorberaient inutilement beaucoup 
de sève ; cette opération favorise et le fruit, et le bourseon 
de remplacement. 

Nous avons l’habitude de ne point laisser subsister de 
branche au delà de l’âge de cinq à six ans, autant pour ne 
point donner trop d’élévation aux branches que pour ne 
pas surtout épuiser la souche en lui laissant alimenter des 
portions de bois dénudées et inutiles à une belle fructifica- 
tion. Nous avons observé que la portion de branche qui a 
atteint quatre ans est tellement chargée de fleurs, et les 
grappes y sont si multipliées, si proches les unes des autres, 
que les feuilles qui devaient les alimenter et les accom- 
pagner avortent ; il en résulte que la plante s’épuise, que 
le fruit reste petit, peu succulent, et que les grappes, réu- 


468 _ À LA POMONE FRANÇAISE. 


nies en paquet, ne laissent pas l’air ressuyer l'humidité 
causée par les pluies ou Îes rosées ; la moisissure s'établit 
au centre et avarie promptement toute ia masse : dans ce 
cas, l'abondance est une double perte pour le propriétaire. 
Nous n’avons encore rien trouvé qui ait pu obvier prompte- 
ment à cet inconvénient. En résumé, le sroseillier doit être. 
conduit de manière à ce que chaque branche arrive succes- 
sivement à être composée de six pousses au dessus les unes 
des autres, et à supprimer les branches avant qu’elles soient 
surmontées de la septième pousse. 

Les personnes qui récoltent chaque année beaucoup de 
groseilles , sans avoir pris aucun soin, seront très portées 
à croire qu’il est parfaitement inutile d’appliquer Var de 
la taille et celui de la culture à leurs groseilliers ; dans ce 
cas, elles continueront à récolter des fruits inégaux dans 
leur volume, des srappes dont les grains ne contiennent 
qu’un jus aigre et peu abondant. Il faut cependant que ces 
personnes sachent que le groseillier bien cultivé offre des 
fruits tellement beaux, qu’on croirait qu'ils appartiennent 
une à variété inconnue chez nous. C’est surtout en Hol- 
lande que nous avons remarqué, pour la première fois, 
combien la culture a d’influencé sur la beauté et la saveur 
des fruits du groseillier. 

Le groseillier peut s'élever sur une seule tige; mais il réus- 
sit mieux en touffe, composée de trois pieds plantés dans le 
même trou en triangle. Il se propage ordinairement de bou- 
tures, de marcottes et d’éclats. On est dans le mauvais usage, 
lorsqu'il a épuisé la terre où il est planté, @e l’arracher, et 
d’éclater les plus jeunes brins pour les planter dans une 
autre terre. Les habitants de Marly, Louveciennes, Voisine, 
La Selle, Saint-Cloud, etc., qui cultivent une grande quan- 
tité de groseilliers en plein champ, préfèrent le propager 
de boutures mises en pépinières, où elles restent deux ans. 
Ces cultivateurs apportent beaucoup de soin dans le choix 


) 


LA POMONE FRANÇAISE. 469 


de ces boutures; ils les prennent sur les touffes aw’ils ont 
marquées pendant la belle saison pour être les plus franches, 
c’est-à-dire qui ne sont point sujettes à la coulure, dont 
les feuilles sont larges et d’un beau vert, les pousses vives, 
élancées, bien nourries, les grappes longues, le grain trans- 
parent, gros, et bien espacé sur la grappe. On conçoit faci- 
lement qu’une variété de fruit quelconque , toujours ainsi 
propagée, doit se conserver jeune et abondante aussi lons- 
temps que l’homme voudra prendre soin de sa propagation. 
Cependant quelques auteurs, dont la science d’ailleurs a ex- 
cité notre admiration, ont émis assez récemment une opinion 
toute contraire : ils prétendent que les variétés, ainsi que les 
individus, n’ont qu’une existence limitée, et qu’elles dispa- 
raissent totalement lorsqu'elles ont atteint cette limite. Ils se 
fondent sur ce que le rameau , soit de la greffe, soit de la 
bouture ou de la marcotte, dont onse sert pour les propager, 
n’est que la continuation d’une portion d’un individu péris- 
sable, plus ou moins près de sa fin. Ce raisonnement serait 
fondé si l’on prenait le rameau toujours sur le même indi- 
vidu , ou sur des individus âgés ou maladifs ; il arriverait une 
époque où cette portion d’un individu malade, caduc, re- 
produirait la maladie ou la caducité : dans ce cas seulement 
la variété périrait, ainsi que son type. Nous citerons un 
fait à l'appui de cet axiome. Il se trouvait, sur notre do- 
maine de Ville-sur-Arce , un pommier de Rambourg d'été 
dont le fruit était d’une grosseur extraordinaire. Cet arbre 
avait déjà dépassé l’âge de cent cinquante ans, que les ha- 
bitants des villages environnants continuaient toujours d'y 
venir prendre des greffes. A la fin, les arbres qui en prove- 
naient étaient chancreux, galeux , et atteints de toutes les 
infirmités de la caducité. En conclura-t-on que cette variété 
avait atteint le terme de sa durée, ainsi que tout ce qui 
provenait d’elie ? N’est-il pas évident que, si cette belle va_ 
riété eût été moins extraordinaire, on n'aurait pas pris 


410 LA POMONE FRANÇAISE. 


exclusivement des greffes sur le type mème , et que, si 
l’on avait agi d’après les principes des gens de Louvecien- 
nes, cette variété serait encore dans toute la force de sa 
première jeunesse, parce que c’est sa force, sa jeunesse, et 
non sa caducité, que l’on eût toujours propagée en prenant 
des rameaux sur des sujets vigoureux ? Ceci nous indique 
suffisamment que nous devons attribuer le dépérissement 
de nos meilleures variétés de fruits à l’ignorance des cau- 
ses qui l’ont produit plutôt qu'à la nature, tellement 
bienfaisante dans ses dons, qu’elle nous a confié le soin 
de les propager et de les maintenir toujours purs, toujours 
jeunes et durables. Nous nous sommes déjà expliqué à cet 
égard plus amplement aux articles Poirier et Pommier; 
nous espérons que le lecteur est devenu plus familiarisé 
avec notre méthode, et que nous sommes mieux compris. 
Nous terminerons en ajoutant que l'observateur attentif, 
qui se rend compte des procédés employés journellement 
sous ses yeux, peut ésalement puiser dans tous, bons ou 
mauvais, d'utiles leçons. En effet, nous venons de voir 
que les gens de Ville-sur-Arce ont, à cet égard, contri- 
bué à notre instruction aussi bien que ceux de Louve- 
ciennes (1). | 

Nous avons dit que les cultivateurs de Louveciennes préfé- 


(4) Les cultivateurs de Louveciennes ne sont pas les seuls qui aient reconnu 
que la bouture choisie avec discernement était le moyen le plus assuré de 
propager les variétés dans toute leur pureté ; ceux de Thomery, près de Fon- 
tainebleau, ont également reconnu cette vérité pour la vigne ; ils s’en servent 
même comme d’un moyen de perfectionner les variétés : ainsi un cep qui porte 
accidentellement des fruits plus hâtifs, plus beaux qu'unautre, est marqué pour 
fournir des boutures ou crossettes. S’il arrive à ces cultivateurs attentifs de mar- 
cotter une vigne usée , ruinée, ce n’est jamais pour planter eux-mêmes ces 
marcottes, mais bien pour les vendre; c’est le dernier produit qu’ils tirent 
d’une mauvaise souche avant de la mettre au feu. Il arrive que les particuliers 


LA POMONB FRANCAISE. 47 


raient propager le groseillier par des boutures plutôt que par 
deséclatspris sur les vieilles souches qui ont épuisé leur terre 
et qui sont elles-mêmes ruinées. On pourrait s'étonner que 
ces cultivateurs , qui se montrent si éclairés relativement 
aux moyens de la propagation, plantent leurs sroseilliers 
sous l’ombre de toutes sortes d'arbres, même sous celle du 
noyer. Ils n’ignorent cependant pas le que sroseillier serait 
infiniment mieux placé à l’air libre, que le fruit y serait plus 
beau et plus abondant ; mais ils ne connaissent aucune autre 
plante dont ils puissent obtenir des récoltes à peu près pas- 
sables sur un terrain et un emplacement aussi défavorables. 
La conduite de ces particuliers, qui sont vraisembiablement 
dans la nécessité de tirer un parti quelconque de la moindre 
parcelle de leur terrain , ne doit pas être à cet égard une 
règle pour l’amateur ou le propriétaire qui fait, cultiver 
pour ses jouissances et sa propre consommation. 

Les variétés les plus connues du groseiilier à grappes 
sont : 1° le groseillier ordinaire, à fruit rouge ou blanc; 
2° celui à fruit rose, couleur de chair; 3° le groseillier de 
Hollande, à fruit rouge ou blanc; 4° le groseillier à feuilles 
d'érable ; 5° une variété à très gros fruit, rouge foncé, 
cultivée plutôt comme objet de curiosité que pour l'usage; 
le fruit, sans être cassant, en est ferme et contient peu de 
jus ; 6° le cassis ou poivrier, à fruit noir. 


qui achètent ces sortes de plants s’étonnent que de la vigne achetée’ à Fontai- 
bleau même produise de mauvais fruit et en aussi petite quantité, alors ils s’en 
prernent à leur terrain et se persuadent que celui de Fontainebleau est émi- 
 nemment et exclusivement propre à la culture de la vigne. Cette erreur est tel- 
lement accréditée, que nous n’osons nous flatter de la détruire entièrement. 
Quoi qu’il en soit, ces cultivateurs sont coupables envers les acquéreurs , puis- 
qu’ils agissent avec connaissance de cause, Mais l’on ne peut nier que les variétés 
chez eux se conserveront dans toute leur pureté; elles pourront même s’y perfec- 
tionper, tandis qu'ailleurs elles iront toujours en dépérissant de plus en plus et 
donneront lieu de croire mal à propos qu’elles n’ont qu’une existence limitée, 


472 LA POMONE FRANCAISE. 


Les variétés à fruit blanc, comme toutes celles non co- 
lorées , sont en général plus douces, moins acides que les 
autres. On mêle le jus de ces variétés avec celui des rouges 
pour donner à celui-ci, par la cuisson, plus de transpa- 
rence. 

Le fruit de la groseille couleur de chair est gros, espacé 
sur de longues grappes. La gelée faite avec le jus de cette 
sroseille a une belle couleur, se conserve mieux et retient 
davantage le soût de la groseille, parce que cette variété, 
plus tardive, mürissant après les chaleurs de la canicule, 
n’est pas aussi exposée à fermenter , quoiqu’on la laisse 
moins long-temps sur le feu. On peut obtenir le même 
avantage des autres variétés plus précoces en faisant em- 
pailler les groseilliers lors de leur maturité, par un temps 
très sec, afin de les garantir de l'humidité des pluies, des 
brouillards, et de celle des rosées ; les fruits ainsi abrités se 
conservent parfaitement bien jusqu'aux gelées. Quelques 
personnes effeuillent les groseilliers avant de les empailler ; 
nous nous en abstenons dans la crainte de faire développer 
dans le fruit trop d’acide. 

La variété à fruit blanc de la groseille de Hollande a la 
peau extrêmement fine, ce qui l’expose à s’avarier ; la peau 
de ce fruit est tellement blanche et transparente, que l’on 
pourrait compter les pepins qu’elle recouvre. Le grain est 
gros, espacé sur de longues srappes; ce fruit est moins 
acide que celui de toutes les autres variétés. Le feuillage et 
le bois sont d’un jaune pâle qui contraste d’une manière 
très prononcée avec celui à fruit rouge. Le fruit du groseil- 
lier à feuilles d'érable est rouge, la grappe longue, le grain 
gros et extraordinairement acide. Le bois de ce groseillier a 
des proportions en longueur et grosseur plus que doubles 
de celles des autres groseilliers. On peut élever cette variété 
comme un petit arbre. Les variétés qui méritent d’être pré- 
férées sont le groseillier de Hollande et celui à fruit rose. 


LA POMONE FRANÇAISE. 473 


Le jus de groseille cru ou cuit passe pour être rafraîchis- 
sant et tempérant. 

Le cassis ou poivrier est originaire de la Suisse et de la 
Suède. C’est un arbrisseau aussi touffu que le groseillier à 
fruit rouge ; ses feuilles sont plus larges , légèrement pube- 
scentes en dessous; toutes ses parties ont plus de volume ; 
les bourgeons sont plus gros, plus rares, lisses , luisants , 
d’un jaune pâle. Les boutons à fleurs garnissent le bas aussi 
bien que le haut du rameau d’un an. Ces boutons ne con- 
tiennent qu’une seule rosette accompagnée d’une grappe, 
ou de deux sur les forts bourgeons. Les grappes sont gar- 
nies de dix à douze fleurs à doubles pétales, verdâtres, 
lavées d’une teinte de violet roussâtre foncé, en godet rond 
et profond. Comme les fleurs du bout des srappes épa- 
nouissent long-temps après celles du talon elles sont expo- 
sées à la coulure. Toutes les parties de cette plante ont une 
odeur très forte que beaucoup de personnes trouvent désa- 
gréable. 

Le cassis diffère des autres groseilliers à grappes en ce 
que ceux-ci ne commencent à donner de récolte abondante 
que sur le bois de deux ans, et le cassis sur celui d’un an; 
la srappe des uns est accompagnée de deux rosettes, et dans 
le cassis, au contraire, les rosettes sont solitaires et les 
grappes doubles. La suppression d’une branche, dans le 
cassis, n’entraîne la perte d'aucune portion de la branche 
avant qu’elle ait produit, si ce n’est de la pousse de l’année. 
Les branches seront supprimées la quatrième année après 
leur rapport, c’est-à-dire que la branche AD TRE sera 
toujours surmontée de quatre pousses. 

Les moyens de multiplication sont les mêmes que pour 
les autres groseilliers à grappes. 

On attribue aux feuilles et au fruit du cassis des propriétés 
médicinales : les feuilles prises en infusion sont apéritives, 
propres à la digestion ; on fait avec le jus du fruit un sirop 


414 LA POMONE FRANÇAISE. 


pour les maux de gorge, ce qui lui a fait donner, dans 
quelques contrées, le nom de baie à l’esquinancie; le fruit, 
infusé dans de l’eau-de-vie, tempère l’ardeur de l'estomac, 
et n’échauffe pas, dit-on , comme les autres liqueurs spi- 
ritueuses. Les propriétés, vraies ou fausses, attribuées 
au cassis, donnent lieu à un commerce assez considéra- 
ble, dont les produits sont consommés à Paris et dans ses 
environs. Senlis est réputé pour ses fabriques de ratañfia de 
Cassis. 

Le groseillier épineux a les mèmes caractères que ceux 
du g#roseillier à fruit noir. Les brins sont beaucoup plus 
minces, s'élèvent moins, et prennent en croissant une di- 
rection arquée, le bout tendant vers la terre, où il s’enra- 
cine lorsqu'il y repose. 

Les bourgeons de l’année sont, au temps de la maturité, 
des fruits fauves à la base, blanchâtres au sommet. Les feuilles 
sont légèrement pubescentes des deux côtés, grandes, lui- 
santes, d’un vert foncé, les unes arrondies et peu découpées, 
les autres divisées en trois lobes principaux assez allongés ; 
leur support est orné, à sa base, de trois forts aiguillons dans 
les deux tiers de la longueur du rameau, et d’un seul aiguil- 
lon dans l’autre tiers. Ces aiguillons n’ont d’adhérence que 
pendant l’année de leur formation, après quoi ils meurent, 
sèchent, et se détachent facilement. Les boutons à fleurs, 
comme dans le cassis, ne contiennent qu’une seule rosette 
et une ïleur solitaire ou géminée portée sur un pédoncule 
assez long ; lorsqu'il y.a deux fleurs ensemble, elles ont le 
même pedoncule. Le fruit est beaucoup plus gros que celui 
des groseilliers à grappes; il est couvert d’une peau dure, 
qui contient une chair fondante, pleine d’eau acidulée, plus 
ou moins sucrée, et de douze à trente pepins. Dans quelques 
variétés, l’ovaire est garni de deux sortes de poils, les uns 
soyeux et plus nombreux, les autres plus gros, plus courts, 
et terminés par une {tête colorée, visqueuse, c’est cette der- 


LA POMONE FRANÇAISE. 415 


nière sorte de poils, que l’on peut appeler papille, qui grandit 
avec le fruit et le rend hérissé. Le fruit est terminé par le 
calice , desséché. 

Les bourgeons de la nouvelle pousse sont garnis dans 
toute leur étendue d'yeux qui se façonnent à fleurs pour 
épanouir l’année suivante , excepté le bourgeon terminal , 
qui est à bois ; les boutons sur lesquels on taille poussent 
à bois. 

La fructification du groseillier épineux est comme celle 
du cassis ; elle a lieu sur le bois d’un an, et successivement 
sur celui de deux et de trois ans, après quoi les rosettes, sur 
ces portions de branches, s’oblitèrent. On pourvoira donc 
au remplacement des branches qui auront produit trois 
récoltes. Au temps de la taille, on raccourcira en coursons 
tous les bourgeons qui auraient poussé sur les rameaux, 
excepté ceux qui ne se seraient ayancés que de 2 à 3 
centimètres, et ceux qu’on jugerait nécessaires pour former 
de nouvelles branches et des branches de remplacement. On 
aura aussi l'attention de laisser assez d’espace entre les bran- 
ches pour faciliter la cueille des fruits. 

Le groseillier épineux se propage par drageons, par le 
couchage, ou par boutures. Les drageons qui sortent de fa 
souche doivent être soigneusement supprimés avant leur 
entier développement. 

Les semis ont produit une grande quantité de très belles 
variétés, dont les plus remarquables sont décrites et pein- 
tes dans le savant et magnifique ouvrage de MM. Poiteau 
et Turpin ( Le nouveau Duhamel). On y voit les variétés 
à fruit lisse ou velu, rond ou oblons, colorées dans toutes 
les nuances. Nous avons trouvé chez M. Bertin, à Ver- 
sailles, la réunion complète de cette intéressante collection. 
C’est en Angleterre et en Hollande que l’on a obtenu la 
plus srande partie de ces variétés. 

Les pâtissiers et les cuisiniers anglais et hollandais font 


416 LA POMONE FRANÇAISE. 


un fréquent usage des fruits du groseillier épineux avant 
leur maturité. Nous avons fait exprimer le jus de cette 
eroseille, étant mûre, pour en faire une confiture, qui 
est plus délicate que celle qu’on fait avec la groseille à 
srappes. 


LA POMONE FRANCAISE. 477 


DU FRAMBOISIER. 


Leraisonnement et l’expérience nous ont appris que, pour 
appliquer à chaque plante le senre de culture qui lui con- 
vient le mieux, il fallait d’abord avoir observé et suivi at- 
tentivement la manière particulière de végéter de chacune 
d'elles, afin de favoriser leurs habitudes ou de les con- 
trarier suivant nos intérêts, et d’être en état de soumettre 
à l'expérience la culture indiquée par cette étude, ne l’ad- 
mettant définitivement que par l’autorité de succès tou- 
jours constants. 

Nous avons donc fait précéder la culture de chaque arbre 
par des observations sur leur manière de végêter, commen- 
cant toujours par des espèces dont la végétation donne les 
résultats le moins compliqués, et dont la culture semble 
par cette raison offrir le moins de combinaisons; nous espé- 
rons par là rendre plus facile à nos lecteurs la méthode 
d'enseignement que nous leur proposons de suivre. 

. La plupart des jardiniers sont tellement persuadés qu’ils 
savent tout ce qu’ils doivent savoir sur la culture du fram- 
boisier, que beaucoup ne daigneront pas lire cet article ; 
lis ont même sous les yeux la manière dont les cultiva- 
teurs de la campagne tirent avec intelligence parti du fram- 
boisier sans que ce soit pour eux une lecon utile ; ceux-là 
sont très éloignés de penser qu’ils pourraient, par quelques 
observations suivies, se rendre capables de faire constam- 


478 LA POMONE FRANCGAISE. 


ment produire au framboisier, et à tous les arbres en géné- 
ral, des récoltes plus belles, plus abondantes et plus assu- 
rées, tout en répandant sur leurs travaux plus d’intérêt et 
plus de satisfaction. Tel est l’esprit de conduite que nous 
voudrions transmettre aux cultivateurs. Nous avons pensé 
en faire ressortir davantage l’utilité en appliquant des lois 
rationnelles à la cuiture du framboisier, tout à fait négligée 
jusqu'ici, autant par les jardiniers que par les auteurs qui 
nous ont précédé. 

Le bois du framboisier contient beaucoup de moelle ; il 

est spongieux, cassant, #arni, dans quelques variétés, de 
points épineux, très courts, colorés comme le fruit. Ce bois 
meurt après la seconde année de sa formation. 
_ Il est renouvelé chaque année par de nouveaux drageons 
sortis au pourtour du collet de la souche ou des racines ; 
ils ont depuis 1 m. 35 cent. jusqu’à 2 m. de longueur; ils sont 
munis, dans toute leur étendue, de feuilles alternes, com- 
posées de trois à cinq folioles de grandeur inégale, allon- 
sées, arrondies vers la queue, terminées régulièrement en 
pointe, dentelées profondément et surdentelées. 

La queue de chaque feuille couvre à sa base deux yeux : 
l’un, très petit, est destiné à produire une seule feuille ; 
Jautre, gros, à produire une brindiile à fruit, longue de 
10 à 40 centimètres. 

Au printemps suivant, ces yeux se développent ; la brin- 
dille s’allonge et produit dans un ordre alterne de très pe- 
tits rameaux accompagnés d’une feuille à leur base. Chaque 
rameau se divise en plusieurs filets ou pédicules déliés, 
couverts d’une gaine ou foliole à leur naissance, et ter- 
minés par un bouton conique à fleurs. 

La fleur est composée d’un calice divisé en cinq grandes 
échancrures longuettes et pointues, de cinq petits pétales 
blancs, d’un très grand nombre d’étamines disposées en 
deux rangs, couchées, serrées, rassemblées contre un fai- 


LA POMONE FRANÇAISE. 279 


sceau de styles terminés par leurs stigmates, qui reposent 
sur autant d’ovaires oblonss, attachés sur un support com- 
mun au fond du calice; ces ovaires deviennent de petites 
baies succulentes, qui, jointes ensemble sur le support, for- 
ment le fruit hémisphérique nommé framboise. La graine 
du framboisier est renfermée dans la chair du fruit ; celle 
du fraisier est à nu en dehors du fruit. Le senre framboi- 
sier est celui qui a le plus de rapport avec celui du frai- 
sier. | 

Après la récolte ou plutôt après l’époque de la maturité 
des fruits, les brindilles sèchent, et la tige qui les porte 
meurt ; elle est remplacée, comme nous venons de le dire, 
par des drageons sortis au printemps au pourtour du collet 
de la souche ou des racines. 

D’après cet exposé du cours ordinaire de la végétation 
du framboisier, il est évident que l’on ne doit laisser dé- 
velopper que la quantité de drageons nécessaire au rem- 
placement de ceux qui meurent après la récolte. On arra- 
chera donc, vers le milieu de juin, tous les drageons jugés 
inutiles ; on ne les laissera ni s’enraciner, ni épuiser la sou- 
che et la terre, ni ombrer les fleurs et les fruits. Il suffira 
de réserver quatre ou cinq drageons au plus par touffe en 
plein rapport ; ceux-ci acquerront plus de force et fourni- 
ront des fleurs mieux élaborées et des fruits incomparable- 
ment plus beaux , plus nombreux et plus savoureux, sans 
que la souche soit épuisée par des pousses superflues, ainsi 
que cela se voit dans presque tous les jardins. 

Les tises du framboisier, se renouvelant chaque année 
par de nouveaux drageons formés au pourtour de la cou- 
ronne de la souche, indiquent suffisamment au cultivateur 
que la souche doit être entretenue dans une situation favo- 
rable pour fournir long-temps à une succession nombreuse 
de forts drageons bien conditionnés. On parviendra à ce but 
en plantant les framboisiers dans des risoles, afin que la 


480 LA POMONE FRANÇAISE. 


souche recoive chaque année un léger chargement de terre, 
et que les racines profitent des engrais qu’on y déposera. 
Le jeune plant ainsi traité croîtra promptement et s’éta- 
blira avec vigueur. Lorsque, après six ou sept années de plan- 
tation, les rigoles se trouveront comblées, on continuera 
de charger les souches de terre, en la prenant sur les ados 
jusqu'à ce qu’ils soient creusés, et que les souches se trouvent 
assez élevées au dessus du sol pour être fatiguées par les sé- 
cheresses ; alors on avisera à faire une nouvelle plantation, 
afin de détruire l’ancienne, lorsque celle-ci commencera à 
être en rapport, ce qui arrive la seconde ou la troisième 
année de la plantation. k 

On mettra, au commencement du printemps, en rigole 
le plant de framboisier destiné à une nouvelle plantation; 
il restera ainsi en pépinière jusqu’à l’automne de la même 
année , où il pourra être employé. Le plant sera toujours 
choisi sur des touffes en bon rappert, non fatôuses par l’âge 
ou par toute autre cause. à 

Le terrain destiné à une plantation de biens sera 
exposé à l'air libre et profondément labouré, puis faconné 
en rigoles de 50 centimètres de largeur sur 40 de pro- 
fondeur. Les terres provenant de la fouille seront mises de 
chaque côté en ados. La distance du centre d’une rigole à 
l’autre centre sera de 1 m. 65 cent. Les framboisiers seront 
plantés dans le fond des rigoles, et espacés ide 1 mètre 
35 cent. On mettra dans chaque trou deux forts drageons êle- 
vés en pépinière, bien enracinés, et qui seront munis à leur 
collet de rudiments de nouvelles pousses déjà apparents. 
Onraccourcira ces drageons à 12 ou 15 centimètres au dessus 
de terre. On ne doit point viser à obtenir du fruit cette 
première année , mais de nouveaux drageons ; ce sont eux 
qui assurent la réussite de la plantation. La jeune planta- 
tion sera entretenue par de légers binages, des engrais, et 
de faibles chargements de terre. Les souches devront être 


LA POMONE FRANÇAISE. 461 


fumées au moins deux ou trois fois avant que les rigoles 
soient comblées. On Pourra , les deux premières années, 
cultiver, sur les ados, des carottes » de l'oignon, des frai- 
siers, en ayant soin que ces Cultures ne fassent pas de- 
scendre la terre dans les rigoles , qui ne doivent être comM- 
blées que peu à peu chaque année. 

Au mois de mars, lors de la taille , après avoir débar- 
rassé les touffes de tout le bois mort, On raccourcira les tiges 
selon leur force, depuis deux jusqu’à quatre pieds au des- 
sus de terre. Leur force consiste à pouvoir soutenir sans 
être renversées les brindilles chargées de fruits qui naîtront 
sur elles. Si le temps semblait devoir faire craindre des selées 
tardives , on différerait la taille d’une Quinzaine de jours 
et même plus; dans ce cas, il n’y aurait d’exposées que les 
pousses du sommet. Après que les gelées ne sont plus à 
craindre , soit qu’elles aient ou non Offensé les jeunes nous- 
ses du sommet, on raccourcit les liges sur les yeux qui, 
n'ayant pas ouvert, se sont trouvés garantis ; par ce moyen, 
la récolte est plus assurée ; Mais il ne faut pas sans néces- 
sité user de ce procédé, qui épuiserait la souche. 

On doit savoir que tous les Jeux sur les tires sont à fruit. 
Le but de la taille est de faire ouvrir tous les boutons qui re- 
stentsur latige raccourcie, jusqu’à un pied environ au dessus 
de terre... Il ne faut pas tailler trop court afin d'éviter de 
faire naître des fruits plus bas, ils seraient eEXposés à être 
avariés et salis. Tous les boutons étant à fleurs, ils se déve- 
loppent après la taille en brindilles plus ou moins allongées 
Suivant qu’elles sont plus près du sommet de Ja tige rac- 
Courcie ; ces brindilles sont garnies de feuilles à l'insertion 
desquelles sont des grappes de fleurs, et Chaque brindille 
est terminée par une grappe de fleurs. Il convient donc de 
Proportionner la longueur de Ja taille des tiges à leur gros- 


Sur, et à la quantité de brindilles dont elles sont char- 
gées. 


C3 


pe 


482 LA POMONE FRANCAISE. 


. Si l’on ne raccourcissait pas les tiges du framboisier, il en 
résulterait que les boutons du centre ne donneraient que des 
brindilles avortées, ou mème s’oblitéreraient comme ceux 
du dessous ; les plus fortes brindilles se formeraient vers le 
sommet de la tige, qui, étant trop faible et trop flexible dans 
cette partie, ne pourrait ni bien nourrir ni mème soutenir 
une si grande quantité de brindilles chargées de fruits. Il est 
donc d’une nécessité absolue de tailler le framboisier, afin de 
faire tourner à l’avantage du fruit les sources abondantes 
dont cette plante est douée pour en produire. 

Si, au lieu de raccourcir les tiges, on les coupait toutes 
ou en partie, rez terre, il arriverait que les nouveaux dra- 
geons produiraient vers leur sommet, avant la fin de la sai- 
son , une grappe de fleurs à l'insertion de chaque feuille. 
Cette floraison anticipée est nécessairement plus tardive que 
celle qui vient sur le vieux bois ; elle en diffère encore en 
ce que! l’œil qui devait se faconner et produire après l'hiver 
une brindille contenant plusieurs grappes ne produit sim- 
plement qu’une srappe.Le nouveau drageon, presque encore 
herbacé, fonctionne comme le ferait la brindille. Il sem- 
blerait que la souche ou les racines du framboisier con- 
tiennent une quantité considérable de substance propre à 
la formation des fruits, et que, lorsqu'on supprime les or- 
ganes qui étaient préparés dans le courant de l’année pré- 
cédente pour la recevoir, elle se porte avec abondance dans 
les nouveaux organes, avant même qu'ils aient reçu leur en- 
tière formation. Ce fait semblerait devoir fixer l’attention des 
physiolosistes ; quant aux cultivateurs, il leur suffit de con- 
naître son existence ; ils pourront s’en servir pour prolonger 
de plusieurs semaines la récolte sur une certaine portion de 
leurs framboisiers, et faire coïncider la maturité de ces 
plants avec l’époque où l’on confectionne la gelée de gro- 
seille, parce qu’alors le prix de la framboise est plus élevé. 

Les fruits du framboisier n'atteignent leur grosseur que 


LA POMONE FRANÇAISE. 485 


successivement, suivant la place qu’ils occupent sur les srap- 
pes , el mürissent de même. Les habitants de Louveciennes ’ 
Voisme, Boupival , Marly, Vincennes » ElC., qui cultivent le 
framboisier dans les Champs avec beaucoup plus d’intel- 
lisence qu’on jes cultive dans ros jardins, estiment que 
la récolte de la framboise se fait en quatre où cinq cueil- 
les, dont aucune ne peut être différée d’un seul jour, parce 
que le fruit, étant mür, tourne Promptement, et Je moindre 
vent qui agite la plante le fait tomber. Malgré cette sujé- 
tion , la culture du framboisier est d’un assez bon produit 
Pour que beaucoup de cullivateurs aux environs de Paris 
lui consacrent exclusivement de bonnes terres très bien 
exposées. 

Nous ne possédons encore que trois sortes de framboi- 
siers qui peuvent être cultivées avec aVan{age dans nos 
jardins : 

1° Le framboisier à fruit rouge ou jaune, que l’on cultive 
le plus ordinairement aux environs de Paris. Le fruit de 


cette variété offre l’avantage d’être Plus persistante sur 1a 
&rappe, ce qui la fait rechercher Par plusieurs cultivateurs, 
quoique je fruit en soit moins beau. Le bois de ces variétés 
est jaunâtre, uni, lisse, sans épines ou Presque sans aspé- 
rités. 

2° Le framboisier à gros fruit rouge et jaune. Nous te- 
ROnS cette variété précieuse de M. Bertin, Pépiniériste-pro- 
Priétaire à Versailles, qui n’a Pü nous apprendre ni son 


riété est plus hâtif, plus gros, plus doux que celui de la 
framboise ordinaire. Le fruit jaune de la même sorte est en- 
core plus hâtif et beaucoup plus sucré quele rouge de la même 
xariété. Le bois de la variété à fruit rouge est fortement Co- 
loré, parsemé de petits points épineux noirâtres ; celui de 


484 LA POMONE FRANÇAISE. 


la variété à fruit jaune est plus gros, coloré de jaune, ainsi 
que ses aspérités, qui sont extrèmement nombreuses. Lors- 
que les drageons de cette variété sont encore très tendres, 
ils sont exposés à être attaqués, un peu au dessus de terre, 
par une espèce de charançon qui occasionne une plaie. Quoi- 
que le drageon, en terminant sa croissance, recouvre cette 
plaie, le bois n’en reste pas moins vicié dans cette partie; il 
y est cassant et sujet à être décollé par les vents. C’est pour- 
quoi nous recommandons d’attacher par un lien les jeunes 
drageons de cette variété aux anciennes tiges. On aura 
aussi l'attention, lorsqu'on arrachera les jeunes drageons 
trop nombreux’, de supprimer de préférence ceux que les 
insectes auraient offensés. Le feuillage de la variété à fruit 
rouge est d’un vert foncé ; celui de la jaune d’un vert plus 
tendre. 

39 Le framboisier des Alpes, ou des quatre saisons. Ce 
framboisier fleurit quelquefois jusqu'aux gelées. Le fruit 
de cette variété, ou plutôt de cette espèce, est rouge et sphé- 
rique, plus acide et plus parfumé que celui des autres sortes; 
nous ignorons s’il en existe à fruit jaune. Le feuillage et le 
bois du framboisier des Alpes sont d’une couleur terne, 
les points épineux sur le bois sont d’une couleur foncée ; 
les boutons sont plus rapprochés que ceux des autres va- 
riétés. | 

Ce framboisier porte deux fois du fruit sur la même tige, 
mais non la même année : une fois à l’automne, sur lex- 
irémité des nouveaux drageons de l’année, et une seconde 
fois au printemps suivant sur ces mêmes drageons, que l’on 
raccourcit après l'hiver, au dessous des boutons qui ont ou- 
vert l'été précédent ; d’où il résulte que cette espèce de 
framboisier ne diffère des autres variètés que par une flo- 
raison anticipée sur du bois qui n’a pas encore atteint son 
entier développement, Nous avons dit plus haut que les 
boutons qui ouvrajent par anticipation, au lieu d'ouvrir en 


LA POMONE FRANCAISE. 485 


brindilles chargées de grappes, ne produisaient qu’une seule 
grappe de fleurs, et qu’alors le drageon terminé par une 
grappe de fleurs fonctionnait comme la brindille. Dans ce 
cas, le sommet des drageons, étant chargé d’une multitude 
de grappes, est entrainé vers le sol; il devient utile pour la 
conservation des fruits de ne pas les laisser reposer sur la 
terre : on les soutiendra donc en les attachant simplement 
après les tiges de l’année précédente, de façon seulement 
que les sommets ne touchent pas la terre. Si on maintenait 
dans une direction verticale la partie qui doit fleurir, il en 
résulterait l'avortement des fleurs en tout ou en partie. Les 
grappes du framboisier sont naturellement inclinées, et 
doivent rester telles. 

Si, après avoir taillé le framboisier des Alpes, il arrivait 
que les gelées ou toute autre cause eussent totalement dé- 
truit la floraison du printemps, alors celle des nouveaux 
drageons aurait lieu non seulement sur leur extrémité, mais 
encore sur presque toute leur étendue ; dans ce cas ,ilne 
resterait que peu d’yeux sur lesquels on pourrait tailler au 
printemps suivant, ce qui occasionnerait une grande per- 
turbation dans toute la plante. Pour obvier autant que pos- 
sible à ces inconvénients, on ne se pressera jamais de tailler 
le framboisier des Alpes, et l’on ne détruira les nouveaux 
drageons trop nombreux qu'après que les premiers fruits 
seront noués. Les gelées printanières ayant des conséquences 
plus graves pour cette espèce de framboisier, on lui don- 
nera un terrain où elle y soit moins exposée. 

Soit que le framboisier des Alpes soit plus délicat, que 
son fruit soit moins beau, ou que sa culture ne soit pas assez 
appropriée à ses exigences, toujours est-il que nous avons 
remarqué que cette espèce n’était point cultivée dans les 
champs parmi le framboisier ordinaire, et qu’elle était même 
rare dans les jardins. 

Nous pourrions, sous le rapport seulement de la consom- 


486 i,A POMONE FRANÇAISE, 


mation, assimiler à ces trois sortes de framboisiers üné 
ronce cultivée aux États-Unis de l'Amérique à cause de ses 
fruits qui se vendent dans toutes les villes des états, avec 
beaucoup de faveur, sous le nom de framboise. Cette mûre 
n’est point parfumée, mais elle est plus grosse, beaucoup 
plus douce et plus succulenie que la framboise. L’introduc- 
tion de cette mûre augmenterait la consommation de la fram- 
boise, que l’on ne manquerait pas d'employer pour la par- 
fumer. Cette ronce offre deux variétés : l’une à fruit rouge, 
et l’autre à fruit jaune. Elle ne drageonne point comme 
le framboisier, mais ses tiges sont beaucoup plus longues ; 
on est obligé de les soutenir sur des gaulettes placées hori- 
zontalenent et fixées à des échalas, parce qu’elles se pro- 
pagent comme les ronces par les extrémités lorsqu'on les 
laisse reposer sur le sol, où elles s’enracinent. On croit que 
cette plante n’épuise pas la terre autant que le framboisier. 
Nous nous abstiendrons d'indiquer d’une manière plus pré- 
cise la culture de cette plante, parce que nous n’avons pas 
‘été à même d’observer assez particulièrement sa végétation. 

La framboise est employée pour parfumer la groseille , 
les sirops de vinaigre ; son jüs est rafraîchissant. La gelée 
de framboise est aussi belle que celle de groseille, mais le 
degré de cuisson qu'il faut lui donner pour la conserver lui 
enlève fort à propos une partie de son parfum, qui serait 
trop prononcé. , 

Les insectes nuisibles au framboisier sont les chenilles, 
surtout celles à bagues, parce que leurs œufs sont forte- 
ment collés autour des tiges et peuvent échapper aux 
cultivateurs ; les variétés à bois lisse y sont plus exposées 
que celles dont le bois est couvert de nombreuses petites 
aspérités épineuses. Il est facile , avec un peu de soin, de 
garantir les framboisiers des désastres causés par les chenil- 
les ; il suffira, à mesure que l’on taille, de faire la recherche 
des bagues et de les détruire. 


LA POMONE FRANCAISE, 487 


Les vers blancs sont plus redoutables au framboisier que 
les chenilles; nous avons vu de très grandes plantations to- 
talement détruites par ces insectes, qui ont pour le fram- 
boisier une égale prédilection que pour le fraisier. On ne 
se garantira des pertes considérables que ces vers font 
éprouver aux cultivateurs qu'en détruisant chaque année 
les hannetons avant le temps de leur ponte. Il serait à dé- 
sirer que l'autorité fit hannetoner comme elle fait éche- 
niller. 

La plupart des jardiniers ont l'habitude de destiner au 
framboisier la plus mauvaise exposition de leur jardin, 
celle du nord, ou mème celle ombrée par des bâtiments 
ou des arbres touffus ; ils ne plantent point dans des rigoles, 
ne chargent point de terre les souches, et ne fument jamais; 
ils croiraient faire un contre-sens. Ils ont aussi pour coutume 
delaisser croître tousles drageons qui se présentent, ce n’est 
que lorsqu'ils deviennent par trop multipliés sur les sou- 
ches âgées, qu’ils prennent le parti de les arracher après 
leur entier développement ; ils sont alors forcés de se servir 
d’un outil pour les extirper, sans réfléchir que les racines 
qu’ils offensent donneront naissance à une plus grande 
quantité de drageons que ceux qu’ils détruisent. Ces jardi- 
niers, en se conduisant de la sorte , laissent la terre s’épui- 
ser par un nombre considérable de productions inutiles, 
Dans cet état de choses, les drageons deviennent de plus en 
plus grèles , donnent naissance à des brindilles courtes, 
menues, peu garnies de fleurs, dont la plupart coulent ou 
donnent des fruits avortés, noueux, mal faits, et dans les- 
quels les vers s’établissent. Il faut encore ajouter à ces mé- 
faits que la taille de ces framboisiers est souvent faite avec 
les gros ciseaux à tondre les charmilles; sans égard à la 
force ou à la faiblesse de chaque tige, toutes sont tondues à 
une égale hauteur. Doit-on s'étonner siles fruits que portent 


485 LA POMONE FRANÇAISE. 


des framboisiers ainsi traités sont inférieurs aux fruits sau= 
vages venus dans nos forêts ou sur les Alpes! 

L’indifférence avec laquelle on cultive depuis si long- 
temps le framboisier dans nos jardins fait que l’on ne s’est 
pas encore avisé d'en perfectionner les fruits en obtenant 
par des semis de nouvelles variétés. Espérons que l’intro- 
duction d’une culture mieux appropriée à cette plante nous 
fera connaître des variétés qui n’attendent , pour sortir du 
néant, que la main de l’homme laborieux et intelligent ; la 
création et la perfection des variétés en général semblent 
avoir été réservées comme récompense à l'intelligence 
humaine développée par un travail assidu. 

La culture du framboisier, telle qu’on la pratique ordi- 
nairement dans les jardins, est tellement opposée à ce 
qu’elle devrait être d’après la manière dont nous venons de 
voir que cette plante vésète, que nous l'avons décrite avec 
autant de détail dans le but de mieux faire comprendre 
aux jeunes cultivateurs combien il leur importe d’étudier 
et d'observer la manière de végéter qui est propre à chaque 
plante, afin de les cultiver d’après les connaissances qu’ils 
auront acquises par cette étude. C’est elle qui doit les gui- 
der dans toutes leurs opérations, dont ils doivent prendre 
l’habitude de se rendre compte ; autrement ils agiront sans 
jamais rien apprendre , sans discernement, par routine, pas 
plus avancés après vingt années de pratique quele premier 
jour de leur apprentissage. Nous espérons que ceux que 
nous aurons convaincus de cette vérité se trouveront par 
cela même en état d’en profiter et qu'ils parviendront en 
peu de temps à obtenir de chaque plante tout ce qu’elle 
peut produire de plus beau, de plus parfait, soit en fleurs, 
soit en fruits. On sait qu'un terrain extrèmement propice, 
le hasard, ou un concours de eirconstances favorables, 
peuvent aussi faire naître de très belles productions; mais 


LA POMONE FRANCAISE. 489 


le jardinier observateur et instruit n’attend rien du hasard: 
il sait préparer ses terres, faire naître à son gré les circon- 
stances favorables, et les utiliser. 

Nous sommes très éloigné d’avoir fait toutes les obser- 
vations que comporte la végétation de la plante dont nous 
venons de donner la culture , telle que nous la pratiquons 
avec succès depuis plusieurs années; c’est aux cultivateurs 
qui nous succéderont à étendre davantage les observations 
que nous n’avons qu’ébauchées. 


LA POMONE FRANCAISE. aol 


DU FRAISIER. 


Quelques personnes pourraient peut-être s'étonner de 
trouver dans la Pomone française, consacrée spécialement 
à la culture des arbres fruitiers, un article sur le fraisier, 
que l’on considère ordinairement comme étant une plante 
herbacée ; mais plusieurs auteurs très distingués, et dont 
les écrits ont toujours été pour nous d’utiles leçons, ont 
compris le fraisier dans leur traité dés arbres fruitiers , tels 
que MM. Duhamel, Poiteau et Turpin. Nous suivrons 
d'autant plus volontiers l’exemple qui nous est donné, que 
la culture du fraisier est très peu connue par la multitude, 
quoique pratiquée dans tous les jardins, et que les proprié- 
taires nous sauront gré sans doute de leur apprendre que 
la beauté et les bonnes qualités de ce fruit dépendent essen- 
tiellement d’une culture très facile et plus ou moins bien ap: 
propriée à cette plante. Ils sauront aussi que c’est la faute 
de leur jardinier si leur table n’est pas toujours abondam- 
ment pourvue de ce fruit, aussi agréable que bienfaisant. 
D'un autre côté, les jardiniers comprendront qu’il ne suffit 
pas, pour satisfaire le désir de leurs maîtres, de planter 
chaque année, suivant la routine ordinaire, un certain 
nombre de pieds de fraisiers, si au préalable ils ne prennent 
toutes les précautions nécessaires pour assurer non seule- 
ment des récoltes abondantes et continues, mais encore des 
fruits parfaits. Ils doivent savoir que le fraisier des Alpes, 
planté selon leur méthode, donne des fruits petits, ronds, 


498 LA POMONE FRANCAISÉ, 


secs, acides, ne terminant jamais complétement leur ma- 
turité ; tandis que ces mêmes fraisiers, cultivés par ceux qui 
s’en occupent spécialement, produisent de gros fruits, al- 
longés, doux et succulents. Cette grande différence dépend, 
comme nous venons de le dire, d’une culture plus appro- 
priée à la plante. Nous espérons, par cet article, donner 
aux propriétaires les moyens d'indiquer à leur jardinier nos 
procédés à cet égard. 

Les caractères distinctifs du fraisier sont le calice persi- 
stant, à dix découpures lancéolées, dont cinq sont extérieures 
et plus étroites ; cinq pétales arrondis, en forme de coin, 
rétrécis en onglet à la base, attachés au bord du calice et 
alternes avec les divisions intérieures ; vingt étamines au 
moins sont attachées au milieu ; les filets sont courts, élargis 
à la base, terminés par des anthères cordiformes, fixés à un 
réceptacle commun , de forme conique ; ovaires nombreux ; 
chacun a un style latéral , simple , épaissi en un stigmate 
obtus ; un fruit succulent, ovale, formé du réceptacle com- 
mun devenu charnu , à la superficie duquel sont nichées, 
dans de légers enfoncements, un srand nombre de graines 
nues, jaunâtres au sommet ; et d’un embryon à deux lobes 
ovales, à radicule courte et supérieure. 

N'ayant pas fait une étude assez suivie des diverses va- 
riétés de fraisiers qui composent les collections de notre 
époque, nous ne nous hasarderons pas à en donner ici un 
catalogue avec des descriptions qui seraient copiées, et que 
nous ne pourrions garantir ; nous y suppléerons en indi- 
quant celles que M. Poiteau a fait insérer dans le Journal 
d'agriculture pratique, mois de novembre 1839, sous le 
titre d'Histoire | multiplication , culture et usage des frai- 
siers. On pourra consulter cet article. Nous donnerons sim- 
plement les noms des cinquante-quatre variétés portées au 
catalogue descriptif de M. Poiteau. Parmi ces nombreuses 
variétés, quatre seulement sont cultivées par les jardiniers 


LA POMONE FRANÇAISE. 493 


qui approvisionnent les marchés de Paris; ce sont les seu- 
les que nous ayons spécialement étudiées, savoir : la fraise 
des Alpes, la Keen’s seedling ; l'Eltone de M. Knight, et la 
fraise de Montreuil. Ces variétés sont reconnues aujourd’hui 
pour réussir le mieux et être les plus profitables au culti- 
vateur. Comme toutes ces variétés ne suivent pas la même 
marche dans leur végétation, leur culture doit nécessaire- 
ment subir quelques modifications ; c’est ce qui nous déter- 
mine, pour ne rien confondre, à traiter séparément la cul- 
ture de chacune ces plantes. 


DU FRAISIER DES ALPES. 


Le fraisier des Alpes, fragaria semperflorens , fleurit con- 
tinuellement jusqu'à ce qu’une trop grande sécheresse ou 
les frimas viennent en suspendre la végétation. Les tiges 
de ce fraisier ont 15 ou 20 centimètres de longueur; les 
montants se teisnent en violet , ils se divisent supérieure- 
ment en plusieurs rameaux qui se subdivisent eux-mêmes : 
la première division est accompagnée d’une feuille parfaite 
opposée au plus jeune rameau : cette feuille a son pétiole 
garni à sa base de deux grandes stipules, comme les radi- 
cules; les autres divisions sont accompagnées d’une simple 
foliole ou seulement de deux stipules. 

Les fleurs sont blanches et les plus petites de tous les frai- 
siers cultivés. Les cinq divisions extérieures du calice sont 
presque toujours fendues au sommet. Les pétales arrondis, 
avec un onglet, s'élèvent rarement au dessus de cinq; les 
étamines sont petites, nombreuses, alternativement courtes 
et longues. 

Les fruits ont la forme d’un pain de sucre, un peu renflé 
vers la base ; chaque montant en produit de quatre à dix, 
qui mürissent successivement, et dont les premiers mürs 
sont toujours plus gros que les derniers. La chair est blan- 


494 LA POMONE FRANCAISE. 


che au centre, rougeûtre à la circonférence, et d’un rouge 
vif à l’extérieur du côté du soleil. C’est la fraise qui est 
réputée pour avoir le plus de parfum; mais la Keen’s seed- 
ling en abeaucoup plus. Ilse trouve dans les semis de la fraise 
des Alpes des individus à fruit blanc qui sont plus précoces et 
ont un goût plus délicat et moins acide que les rouges; mais 
ceux-ci sont préférés pour la vente. Le fraisier des Alpes 
doit être cultivé de préférence aux variétés qui ne fleuris- 
sent naturellement qu’une fois chaque année ; la beauté 
de celles-ci, et même leurs qualités, ne peuvent compenser 
les avantages d’une fructification continue, qui se prolonge 
jusqu'aux gelées, et qui offre d’ailleurs , lorsqu’elle est bien 
soignée, de beaux fruits très parfumés et très savoureux. On 
peut considérer les autres variétés comme accessoires et 
concourant passasèrement au luxe des tables. 

Le fraisier n’est point délicat ; il croît naturellement dans 
les terres légères, mais il ne produit de très beaux fruits 
que dans une terre franche et très substantielle , rendue lé- 
gère par beaucoup d'engrais très consommés. Le terrain et 
la culture bien combinés exercent une puissance remar- 
quable sur la végétation du fraisier et sur ses productions. 
Les tiges et les feuilles du fraisier doivent être exposées à 
l'air libre et au soleil, tandis que ses racines en seront ga- 
ranties par les feuilles de la plante et par la paiile courte 
dont on couvrira la terre pour garantir aussi les fruits. Les 
arrosements seront assez fréquents pour toujours maintenir 
la terre fraiche. Telles sont les conditions principales pour 
obtenir du fraisier les plus beaux fruits et les plus abon- 
dantes récoltes ; toutefois il faut ajouter à ces premières 
conditions que le plant en rapport sera jeune et qu’il aura 
été élevé en pépinière par deux repiquages avant d’être 
mis en place, et autres soins que nous recommandons. 

Le fraisier est doué d’une grande faculté de reproduction, 
soit par ses fruits, qui sont couverts extérieurement d’une 


LA POMONE FRANCAISF. 495 


grande quantité de graines, soit par ses filets ou coulants; 
mais cette dernière faculté , lorsqu’elle n’est point contra- 
riée par le cultivateur, est un obstacle à une belle et abon- 
dante fructification. Les filets sont des iiges rampantes, très 
allongées, se dirigeant dans tous les sens, et prenant racine 
à chaque nœud qui repose sur la terre, ils affaiblissent 
d'autant le pied-mère ; la multitude de ces filets enracinés 
a bientôt couvert le sol par de petites touffes qui, en se 
multipliant de même, s’affament mutuellement sans qu’au- 
cune puisse acquérir la force nécessaire pour produire de 
belles et fortes tiges, garnies de fleurs et de beaux fruits. 
On supprimera donc tous les filets avant qu’ils se soient en- 
racinés, dans le but de centraliser sur le maître-pied toute 
la force de production dont cette plante est douée. 

Après avoir tourné au profit du maître-pied un luxe de 
reproduction qui était nuisible à son parfait développe- 
ment, on doit encore vouloir centraliser ses racines, qui ont 
nécessairement, comme les filets, une tendance à vaga- 
bonder et à s’écarter du maître-pied ; cette seconde opéra- 
tion essentielle s’effectuera dans la pépinière par deux re- 
piquages, qui précéderont toujours la plantation définitive, 
soit en pot , soit en pleine terre. 

La floraison et la fructification épuisent aussi les jeunes 
plantes ; on ne les laissera donc point fleurir avant qu’elles 
soient sorties de la pépinière, et qu’elles soient assez forte- 
ment constituées pour donner pendant toute une saïson de 
belles et abondantes récoltes : autrement on aurait des 
plantes avortées qui n’offriraient que de petits fruits, secs 
et noueux, ne terminant jamais complétement leur matu- 
rité ; la plante cesserait même de fructifier avant la fin de 
la saison , ainsi que cela arrive trop souvent lorsque ces 
soins ont été négligés. 

Le fraisier des Alpes émet ses moyens de reproduction 
spontanément ; les feuilles , les fleurs et les filets, poussent 


396 LA POMONE FRANCAISE. 


en même temps, et leur développement continue également 
jusqu’à ce que l’intempérie des saisons vienne les arrêter. 
On a remarqué que les premières fleurs qui paraissent après 
l'hiver sont presque toujours mal élaborées, les fruits qui 
en proviennent sont le plus souvent petits et mal faits; mais 
ensuite ces plantes produisent très abondamment de beaux 
fruits pendant l’espace de trois semaines environ. Ce luxe 
extraordinaire de fructification est suivi d’un intervalle 
de repos, mais non tout à fait absolu : il est d’une durée 
de quinze jours, que le temps soit sec ou pluvieux, pen- 
dant lesquels le fraisier des Alpes reprend sans doute de 
nouveaux moyens de vigueur, qui ne l’abandonnent plus 
jusqu'aux gelées. 

Le fraisier des Alpes, étant une espèce distincte, se re- 
produit constamment le même par la graine, que l’on re- 
cueille sur les plus beaux fruits provenant des plantes les 
plus franches de l’espèce. On sèmera cette graine dans les 
premiers jours de mai au pied d’un mur exposé au nord 
ou au couchant. Après avoir semé la graine sur un terrain 
riche, frais et très meuble, nouvellement labouré et ratissé ; 
on couvrira la graine légèrement avec de la terre tombant 
sur le semis au travers d’un tamis, puis on appuiera eette 
terre avec la main ou un petit rouleau. On fera en sorte 
que le terrain, sans être trop humide, soit toujours main- 
tenu frais à la surface jusqu’à la levée de la graine, qui a lieu 
ordinairement au bout de quinze ou vingt jours après avoir 
été semée. On ne doit point semer dans des terrines, et en- 
core moins repiquer dans des pots. Quoique la graine de frai- 
sier fraîchement récoltèe lève mieux que celle qui a été con- 
servée, on ne cédera point à cette considération en semant à 
contre-saison, c’est-à-dire avant ou après le mois de mai; 
autrement ie plant serait trop vieux ou trop jeune. Il importe 
avant tout de se régler sur l’éducation du semis en pépi- 
nière, de telle sorte qu’à la fin d'octobre les plantes puis- 


LA POMONE FRANÇAISE. 497 


sent être mises en pots ou en pleine terre avec le degré de 
force qu'elles doivent avoir pour donner l’année suivante 
des récoltes successives et abondantes. 

Vers le 15 juillet, lorsque ile jeune plant provenant 
des semis du fraisier des Alpes aura quatre ou cinq feuilles, 
on le lèvera pour le repiquer deux à deux, à 8 centimè- 
tres de distance en tous sens, puis on le couvrira avec des 
paillassons soutenus par des gaulettes. Le terrain sur lequel 
on fera ce repiquage sera en parti composé de terreau neuf. 
L'exposition sera aérée , afin que, le jeune plant étant bien 
repris, et les paillassons enlevés, il profite des bienfaits de 
Pair et de ceux du soleil. Autant ses rayons sont funestes au 
jeune plant de fraisier nouvellement repiqué , autant ils lui 
sont profitables après la reprise. Il faut environ dix à douze 
jours d’un temps propice pour que la reprise du plant de 
fraisier nouvellement repiqué soit assurée. 

Par ce premier repiquage, on se ménage la facilité de 
relever en motte ce mème plant sans qu’il éprouve la plus 
légère altération. Si nous nous rendons compte de l'effet de 
ce repiquage sur les racines, nous verrons, en arrachant 
quelques pieds plantés depuis deux jours seulement , qu’à 
l'extrémité de chaque racine raccourcie on aperçoit déjà 
poindre trois ou quatre petites aiguilles blanches; ce sont 
ces aiguilles ou spongioles qui , en se fortifiant et se multi- 
pliant, retiennent la terre autour d'elles, et facilitent la 
levée en motte de la plante. On conçoit qu’un second re- 
piquage en motte; augmentera, dans une progression très 
considérable , l'émission de nouvelles petites racines nour- 
ricières autour de la motte, et en facilitera encore la trans- 
plantation. 

Ainsi, dans les premiers jours d’août, lorsque les racines 
auront acquis assez de force , on lèvera le plant en motte 
pour le planter encore en pépinière sur une plate-bande, 
composée de terreau neuf ou deïterre très riche, ayant 

32 


498 LA POMONE FRANCAISE. 


4 mètre 32 centimètres de largeur, rayonnée de cinq 
lisnes distanies l’une de l’autre de 15 centimètres; on 
plantera en échiquier à 20 centimètres de distance sur les 
lignes. Avant de planter, on examinera avec soin chaque 
touffe , afin de détruire les herbes qui pouraient avoir 
sermé au centre de la touffe. On détruira les fleurs et les 
filets qui se seraient déjà formés, ainsi que les feuilles ava- 
riées ; on continuera de même jusqu'au moment où on 
mettra ce plant en place. On aura soin, en plantant, de faire 
autour de chaque pied un petit bassin. Quinze ou vingt 
jours après ce second repiquage, on donnera une façon à 
la main, pour remuer la terre dans le but de détruire le 
germe des mauvaises herbes qui commenceraient à pousser. 
On épluchera en même temps chaque touffe ; on retirera 
les fleurs, les filets et les feuilles avariées; on aura soin 
d'enlever avec la feuille le pétiole jusque près de la terre. 
Ces débris ne resteront pas sur le terrain, on les déposera 
à mesure dans le sentier pour ensuite être enlevés. Cette 
facon doxnera beaucoup d’activité à la plantation en pépi- 
nière. 

Pendant le cours de cette éducation, on reconnaîtra faci- 
lement les fraisiers des Alpes désénérés ; on doit être soi- 
sgneux de les détruire : ces plantes se font remarquer par 
une végétation plus vigoureuse, parce qu’elles ont des feuil- 
les plus larges, plus étoffées et plus nombreuses, et enfin 
parce qu’elles n’offrent pas successivement des fleurs à dé- 
truire : car un des caractères distinctifs du fraisier des Alpes 
est de fleurir continuellement, et il arrive souvent que les 
filets mêmes fleurissent avant d’être enracinés. 

À la fin d'octobre ou vers le milieu de novembre, selon 
que la saison sera plus ou moins fauorable, on lèvera en 
motte dans la pépinière les touffes de fraisiers provenant de 
semence ou de filets. Nous disons ou de filets, parce que 
ceux-ci auront pu être élevés aussi en pépinière exactement 


LA POMONE FRANÇAISE. 499 


de la mème manière que le plant de semis. Une partie de ce 
plant levé en motte sera empoté dans des pots de 15 centim., 
soit pour être chauffé, soit pour garantir les plantes des vers 
blancs. Après l’empotage, les pots seront rangés sur le ter- 
rain, proche à proche, dans un coffre que l’on pourra recou- 
vrir de vitraux ou de paillons pour les garantir des trop 
grandes pluies qui lessiveraient la terre contenue dans les 
pots, et aussi des trop grands froids. 

Les autres plantes seront plantées en pleine terre sur des 
plates-bandes profondément labourées et bien amendées. 
Ces plates-bandes, de 5 mètres 50 centimètres de large, 
seront rayonnées de quatre lignes, espacées l’une de Pautre 
de 31 centimètres. On plantera les fraisiers des Alpes à 
50 centimètres de distance sur les lignes et en échiquier. 
Avant de planter, on fera très soigneusement la recherche 
des herbes qui pourraient se trouver dans les touffes. La 
plantation terminée, on répandra du terreau neuf entre tou- 
tes les touffes, puis on donnera un labour au sentier, sur 
lequel on pourra repiquer un rang de salade d'hiver. La 
distance que nous conservons entre chaque touffe est calculée 
pour que le feuillage, lorsqu'il sera développé, couvre la 
terre et l’abrite des ardeurs du soleil, sans nuire aux tiges 
en leur portant de l’ombre. Au printemps suivant on don- 
nera une facon à la terre, et l’on formera de petits bassins 
autour de chaque touffe. On attendra pour pailler la terre 
que les fleurs commencent à paraître. Les arrosements au- 
ront lieu le matin ou le soir, suivant la saison. On aura le 
plus grand soin de supprimer les filets avant qu’ils se soient 
enracinés. 

On plantera encore deux rangs seulement de fraisiers 
de semence sur une plate-bande de 1 mètre 35 centimètres 
de large, destinés uniquement à donner l’année suivante 
des filets, pour suppléer au semis dans le eas où il viendrait 
à manquer. Les filets qui proviendront de cette plantation 


500 LA POMONER FRANÇAISE. 


faite sur deux lignes seulement seront trapus, rustiques , 
et non étiolés, comme ceux qui sont venus sous des touffes 
trop rapprochées. Ces filets seront repiqués au mois de juil- 
let, deux à deux, dans la pépinière, où ils seront élevés 
comme le plant de semis. 

La plupart des jardiniers qui se proposent de häter sans 
feu ni fumier les fraisiers sous chässis se dispensent de les 
empoter; ils se contentent de les planter en pleine terre 
de manière à les couvrir de verre au printemps. fls pré- 
tendent que le fraisier ainsi traité végète plus vigoureuse- 
ment et a une meilleure apparence. Mais celui qui cultive 
le fraisier en pot obtient, il est vrai, des plantes moins vi- 
soureuses, mais beaucoup plus fertiles, et surtout plus hà- 
tives ; ce qui double, sur les marchés, le prix de sa récolte, 
qui est terminée iorsque celle des fraisiers plantés en pleine 
terre sous châssis ne fait seulement que commencer. 

Beaucoup de jardiniers, qui n’ont pas l'habitude d'élever 
le plant de semis de la fraise des Alpes en le repiquant deux 
fois dans la pépinière, ne se servent de ce plant que pour en 
obtenir des filets avec lesquels ils font leurs diverses plan- 
tations. Ils prétendent que le plant de semis est trop vigou- 
reux, qu’il pousse trop en feuilles et en filets, et que les 
fruits, trop couverts par le feuillage, ne prennent point de 
couleur et mürissent mal. Quoique l'opinion des jardiniers 
qui cultivent pour leur propre compte ait toujours excité 
toute notre attention, nous avons voulu connaître jusqu’à 
quel point cette epinion était fondée. En conséquence nous 
avons laissé croître sur le terrain même du semis un cer- 
tain nombre de pieds de fraisiers isolés, afin de suivre leur 
développement naturel ; tous ont poussé avee une vigueur 
extraordinaire. Après avoir arraché successivement un cer- 
tain nombre de ces fraisiers à diverses époques de leur dé- 
veloppement, nous avons remarqué qu'ils étaient pourvus 
de quelques racines seulement, très allongées, sans che- 


LA POMONE FRANCAISE. 501 


velu. Au printemps suivant, ces fraisiers formaient des touf- 
fes considérables en hauteur, qui ont tardivement produit 
des fruits dont la plus s#rande partie n’a point pris de cou- 
leur ; les autres fraisiers de ce même semis, élevés dans la 
pépinière, et qui ont subi deux repiquages avant d'être défi- 
nitivement plantés en pleine terre, ont formé des touffes, il 
est vrai, beaucoup moins volumineuses, mais qui ont été 
d’une grande fécondité pendant toute la durée de la saison. 
Hi résulte de ee fait que, si les jardiniers se donnaient la peine 
de centraliser les racines du fraisier de semis par plusieurs 
repiquages, ils n'auraient plus à redouter une vigueur qu’ils 
laissent devenir stérile dans ces sortes de plants. (est par 
déférence pour les cultivateurs dont nous combattons ici 
l’opirion que nous sommes entré dans autant de détails. 

Nous continuerons donc à nous servir du plant de semis 
repiqué deux fois dans la pépinière, soit pour le mettre en 
pot afin de le chauffer, ou seulement de le hâter, soit pour 
le planter en pleine terre sur des plates-bandes destinées 
au rapport, soit enfin pour être planté sur deux lignes, 
afin d'obtenir des filets dans le cas où le semis de l’année 
suivante viendrait à manquer. Ces filets participent de la 
vigueur du semis sans en avoir les inconvénients ; si, au 
contraire, on prenait des filets sur de vieilles touffes, les 
fruits qu’ils produiraient feraient connaître d’une manière 
plus ou moins remarquable la dégénération de la plante 
qui les aurait produits. 


Des fraisiers des Alpes forcés sous bâches ou dans 
les serres chaudes. 


Les fraïsiers des Alpes destinés à fructifier dans les serres 
chaudes ou sous des bâches, qui ont été mis en pots à cet 
effet, seront, dès les premiers jours de février, nettoyés et 
débarrassés de toutes leurs feuilles mortes où avariées ; 
puis on lavera les pots et on les introduira dans la serre, 


504 LA POMONE FRANÇAISE. 


Les fraisiers empotés dans ce but, et destinés à fructifier à 
Vair libre, seront mis en place à la fin de mars, soit sur trois 
lignes au pied d’un mur exposé au midi, soit dans l’intérieur 
des carrés, sur une plate-bande de 1 mètre 33 centimètres de 
large, rayonnée de quatre lignes; les pots seront distribuës 
sur leslignes à 33 centimètres de distance, et en échiquier. Le 
terreau ou la terre dans laquelle on les enfoncera sera très 
riche et bien préparée, afin que les racines soient excitées 
à sortir par les quatre longues fentes que l’on a fait prati- 
quer à ce dessein au fond des pots ; autrement, si les racines 
y étaient confinées, les plantes ne fleuriraient que pendant 
cinq ou six semaines, puis elle dépériraient ; mais lorsque 
les nombreuses petites racines qui sont autour de la plante 
se trouvent secondées par d’autres qui ont la liberté de 
s'étendre au dehors, on voit la plante continuer à se cou- 
vrir de fleurs et de beaux fruits jusqu’à ce que les gelées 
viennentenarrêter la végétation. Les fentes de ces pots sont 
ménagées de manière à laisser sortir les racines sans que 
les vers blancs puissent s’y introduire. Il est à propos d’a- 
jouter que les pots ne doivent être enfoncés dans la terre 
que jusqu’à la moitié de la moulure, pour que les racines 
ne puissent sortir dessus les pots et LL l'entrée aux 
vers blancs. | 

Lorsque les pots seront enfoncés dans le sol, on gouver- 
nera les plantes comme si elles étaient mises en pleine 
terre; seulement les arrosements seront plus fréquents 


tures longitudinales, dont deux , prolongement l’une de l’autre , parta- 
gent le fond du pot en deux, en remontant à 10 centimètres sur les cô- 
tés ; les deux autres fentes sont également pratiquées sur la carre, s’ap- 
prochant du centre, mais sans partager le fond comme le font les deux 
premières. Ces ouvertures sont faites avec une scie, dont la voie a les 
dimensions voulues ; les pots sont ainsi sciés lorsque la terre est assez 
sèche pour être mise au four. 


LA POMONE FRANÇAISE. 505 


et toujours bien réglés. Nous avons remarqué que le frai- 
sier des Alpes mis en pot produisait moins de filets, moins 
de feuilles, mais beaucoup plus de fruits que ceux mis en 
pleine terre ; c’est pourquoi nous n’espacons les pots sur la 
piate-bande que de 35 centimètres en tous sens. 

Au mois d'octobre, on dépotera ces fraisiers pour Îles 
remplacer par d’autres pris dans la pépinière. Les fraisiers 
äépotés seront plantés en pleine terre, tels qu’ils sont , sans 
rafraîchir les racines. Ils seront plantés à 50 centimètres 
sur la ligne, les lignes écartées de 35 centimètres. Ces frai- 
siers ainsi plantés produisent trés abondamment de très 
beaux fruits pendant six semaines environ, après quoi 
ïis déclinent ; mais ils ont donné le temps d'attendre que le 
jeune plant soît en plein rapport. 

D’après beaucoup d'observations et d'expériences com- 
parées, nous avons acquis la certitude que la fructification 
des fraisiers en pots est plus hâtive et plus abondante que 
celle qui s’opère communément en pleine terre ; nous n’hé- 
sitons pas, d’après les bons résultats que nous avons obtenus, 
de conseiller aux amateurs qui cultivent le fraisier des 
Âlpes en pleine terre de faire mettre en pots chaque année 
un certain nombre de toufles élevées en pépinière, même 
lorsqu'il ne serait pas nécessaire de prendre des précautions 
contre les vers blancs. 


Observations générales. 


Quelques personnes plantent le fraisier en bordure; nous 
ne conseillons point cet usage, parce que les résultats d’une 
telle plantation sont toujours très peu favorables. Le meil- 
leur parti que l’on puisse tirer du fraisier planté isolément 
est de s’en servir pour garantir les dahlia des vers blancs ; 
dans ce cas on prépare dès le mois de mars le terrain de- 
stiné aux dahlia, on marque les places qu’ils doivent oc- 


508 LA POMONE FRANÇAISE. 


du climat; cependant il est plus que probable qu’une in-. 
terruption de végétation dans ces plantes occasionnée par 
une cause quelconque entraînerait la destruction d’une 
grande partie de leurs petites racines; c’est ce qui nous fait, 
recommander la plus grande exactitude dans les arrose- 
ments. 

En résumé, on sèmera, chaque année au mois de mai, 
le fraisier des Alpes, puis dans les premiers jours de juillet 
on repiquera le plant de semis, et à son défaut des filets. 
pris sur des plantes provenues du semis de l’année précé- 
dente. Au commencement du mois d'août, on lèvera en 
motte les plantes repiquées, pour leur donner plus d'espace. 
Enfin, à la fin d'octobre, on mettra en pots ou en place les 
fraisiers élevés dans la pépinière. Si la terre du jardin était 
forte, elle pourrait se trouver battue et trop scellée après: 
l'hiver; dans ce cason attendra au printemps pour mettre le 
plant en place sur une plate-bande fraîchement labourée. : 

Ce dernier paragraphe eût suffi aux jardiniers habitués 
à suivre nos indications ; c’est pour les autres que nous nous 
sommes cru obligé d'étendre autant l’article du fraisier, 
croyant nécessaire d'appuyer chacune de nos assertions par 
des faits positifs ; nous avons même cru indispensable 
à leur conviction de les faire entrer avec nous dans les 
voies de perfectionnement que nous avons suivies. à cet 
égard. En outre, après avoir souvent recommandé d’'étu- 
dier avant tout la nature de la plante que l’on désire cul- 
tiver , nous avons voulu, par cet artiele, laisser aux jeunes 
cultivateurs un canevas dont ils puissent s’aider pour. étu- 
dier la végétation des plantes dont ils auront à s'occuper. 

Nous avons remarqué dans les divers établissements que 
mous avons souvent visités, et dans lesquels on s'occupe 
spécialement de la culture du fraisier, que presque dans 
tous on ne sème la fraise des Alpes que pour en obtenir 
des filets. On n’y fait en sénéral qu’un seul repiquage, 


LA POMONE FRANCAISE. 509 


L 


qu'on lève en motte pour le mettre en pots où en pleine 
terre ; aussi tous ces cultivateurs sont d’avis que le plant de 
semis est trop vigoureux pour fructifier abondamment. 
Aucun n'emploie le plant de semis pour la pleine terre, si: 
non pour en obtenir des filets. Ces cultivateurs ne conser- 
vent jamais une seconde année ure plantation qui a déjà 
produit. Beaucoup réunissent, lors du repiquase, deux, 
trois et même quatre brins, pour en faire une seule touffe, 
Nous pensons à cet ésard que le désir de beaucoup récolter 
pourrait les abuser. La plupart disposent leurs plantations 
en pleine terre de manière à les couvrir avec des châssis; les 
plus éclairés mettent les plantes en pots, c’est le petit nom- 
bre. Dans ces établissements on ne cultive guère que la 
fraise des Alpes; la Keern’s seedling commence à s’y intro- 
duire ; l’Elton n’a pas eu de succès chez ceux qui n’ont pas 
étudié la manière particulière de véséter de cette plante et 
qui ont voulu la traiter comme ïls traitent la Keen’s. Ces cul- 
tivateurs profitent de leurs serres et de leurs bâches à ananas 
pour forcer les fraisiers; ils introduisent dans les serres 
deux rangées de pots, l'une sur le devant, l’autre sur une 
tablette ésalement très rapprochée du verre; ceux qui ont 
voulu placer une troisième tablette contre le mur ont été 
forcés d'y renoncer, les fraisiers s’y trouvaient trop éloignés 
des vitraux. Ils ont aussi des bâches qui ne servent que 
pour forcer le fraisier. Nous avons remarqué que ces cul- 
tivateurs placent des soucoupes sous les pois qu’ils intro- 
duisent dans les serres chaudes, pour recevoir l’eau des 
arrosements qui s'écoule par le fond des pots; ils ont soin 
mème d'entretenir toujours un peu d’eau dans ces vases, 
qui ont deux objets, celui de la propreté et celui de maïn- 
tenir frais le fond de ces pois. On 5e tromperait beaucoup 
si l’on pensait pouvoir se dispenser d’arroser par dessus les 
pots. 3 

Quant à l’époque où l’on commence à mettre en végéta- 


519 LA POMONE FRANÇAISE. 


tion les fraisiers que l’on veut forcer, elle est variable et 
déperd de la volonté de chaque cultivateur. Celle que nous 
avons indiquée est adoptée par les jardiniers qui ne man- 
quent presque jamais leur saison, parce qu’ils se conten- 
tent d’avoir terminé leurs récoltes lorsque celles de ia 
pleine terre commencent. Les jardiniers qui mettent plus 
tôt leurs plantes en végétation peuvent gagner beaucoup, 
mais ils ont moins de chances de succès , et il leur arrive 
trop souvent de manquer leur saison; alors ils recommen- 
cent avec d’autres plantes qui fructifient plus tardivement 
que celles de leurs confrères qui ont eu moins d’ambition. 
Nous avons cru utile de faire connaître le degré d’avan- 
cement où est arrivée à l’époque où nous écrivons la culture 
du fraisier, telle qu’elle est pratiquée par les cultivateurs 
qui en tirent un grand produit; nous allons signaler par 
opposition la eulture du fraisier pratiquée par la plupart des 
jardiniers qui ne travaillent pas à teurs frais. Ceux-là ne 
sèment jamais et ne font point d’élèves de fraisiers en pé- 
pinière , ils se contentent de planter à demeure des filets 
pris souvent sur de vieux pieds épuisés; äls plantent au 
mois de septembre, lorsque les chaleurs sont passées , afin 
que la reprise soit plus assurée. Ces filets donnent quelques 
fruits dans le courant de juillet ; mais, comme ces jardiniers 
isnorent l'utilité de sacrifier les premières fleurs qui parais- 
sent sur les jeunes plantes avant qu’elles aient acquis la 
force nécessaire pour continuer d’en produire utilement, 
ils s'empressent de récolter le peu de fruit qui se présente, 
cequi énerve les jeunes fraisiers ; aussi cessent-ils de fleurir 
avant la fin de la saison. Il résulte de cette manière d'agir 
qu'au lieu de récolter en mai pour toujours continuer, ces 
jardiniers ne commencent à récolter qu’en juillet pour 
cesser presque aussitôt, laissant, pour la récolte de l’année 
suivante, des plantes irop âgées, avortées, qui ne mürissent 
jamais parfaitement leurs fruits. Ce qui étonne le plus dans 


LA POMONE FRANCAISE. 517 


la conduite de ces jardiniers , c’est qu’ils travaillent chaque 
année de la même manièré, sans être corrigés par l’expé- 
rience, ni même par la honte de voir leurs voisins, de sim- 
ples maraîchers, venir résulièrement offrir leurs récoltes de 
fraises depuis le commencement du printemps jusqu’à la 
fin de l'automne. 


DE LA KEEN’S SEEDLING. 


La Keen’s seedling fleurit naturellement une seule fois 
dans l’année. Les tiges sont srosses, longues de 5 centi- 
mètres ; les montants ont à peu près 12 centimètres; ils 
se subdivisent en plusieurs rameaux, qui se subdivisent 
eux-mêmes, Quelquefois la tige a moins de 3 centimètres 
de long ; alors Îles montants, étant plus près de la souche, 
présentent un groupe de fleurs plus concentrées. 

Lesfleurs paraissent avant que les nouvelles feuilles soient 
entièrement développées; elles sont d’un blanc pur, gran- 
des, à pétales larges et arrondis; elles exhalent, sous les 
bâches , une lésère odeur d’aubépine. 

Les feuilles, peu nombreuses, sont luisantes, plissées, plus 
Jongues qu'ovales, berdées de larges dents aiguës; elles 
sont assez inclinées pour laisser le cœur de la plante exposé 
à Pair et au soleïl. Les pétioles sont inelinés, longs, gros et 
très lisses. Lorsque les feuilles ont atteint leur développe- 
ment, elles sont sujettes, selon les localités, à prendre des 
taches de rouille; ce qui se fait remarquer dans les cultures 
de Versailles, mais bien moins dans celles de Paris. Ces 
taches ne paraissent avoir aucune influence fàcheuse sur la 
qualité des fruits. 

Les fruits sont très gros, d’une forme conique; mais il 
arrive souvent qu'ils sont monstrueux, aplatis par Je bout. 
Chaque tige en produit de dix à vingt, mais les dernières 


59 LA PONONE FRANCAISE. 


fleurs avortent souvent. Le pédoncule est lony, il facilité 
l'opération des confiseurs qui placent ces fraises. Lorsque 
le fruit est mür, le centre est marqué par un point très 
rouse, environné d’une chair blanche qui rougit de plus en 
plus en approchant de la circonférence ; le fruit extérieu- 
rement, lorsqu'il est mür, est d’un rouge très foncé dans 
tout son pourtour, luisant comme sil était verni ; la chair 
est ferme, compacte, douce , succulente et très parfumée. 
Cette variété est aussi hâtive que la fraise des Alpes, soit 
sous verre, soit en plein air. La durée de son rapport est 
de huït jours sous verre et de quinze en pleine terre. La 
construction de cette plante et la manière dont elle végète 
la rendent éminemment propice à être forcée, les boutons 
à fleurs n’étant jamais privés par les feuilles de l’action de 
Vair et du soleil. Elie est d'autant plus productive que 
l'on peut empoter de très fortes toufles âgées de deux à 
trois ans. 

Les variétés qui fleurissent naturellement une seule fois 
chaque année émettent leurs moyens de production l’un 
après l’autre, d’une manière très tranchée : d’abord la fruc- 
tification, puis les filets. La végétation du printemps ne 
produit ordinairement sur la Keen’s seedling que les feuilles 
absolument nécessaires au développement des tiges et des 
fleurs ; ce n’est qu'après que les fruits ont déjà acquis une 
certaine grosseur que la plante commence à pousser des filets 
et de nouvelles feuilles, c’est alors qu’elle forme de nou- 
veaux cœurs et qu’elle prend une plus grande étendue. 

L'observation nous a fait connaître que l’on ne pouvait 
trop tôt mettre en pépinière les filets de la Keen, autre- 
ment cette plante ne produit qu'un seul montant qui ne 
donne que très peu de fruit, deux ou trois; ce n’est que 
l’année suivante qu’elle rapporte abondamment et qu’on 
la met en pot à l’automne pour être chauffée. Nous avons 
pensé que pour obtenir des filets plus hâtivement il suf- 


LA POMONE FRANÇAISE. s13 


firait de supprimer sur les pieds-mères les tiges à mesure 
qu’elles paraîtraient ; en effet, toutes les plantes que l’on 
a ainsi empèêchées de fleurir ont immédiatement produit 
des filets que l’on s’est empressé de mettre en pépinière. 
Ces plantes n’ont cependant pas été jugées, au mois d’oc- 
tobre, encore assez fortes pour être empotées ; mais, élant 
mises en pleine terre pour attendre, elles y ont fructifié 
beaucoup plus abondamment que celles provenues de filets 
plus tardifs. 

Nous venons de voir que l’obstacle apporté au dévelon- 
pement des fleurs a eu pour résultat immédiat l’émission 
plus hâtée des filets. Ce fait nous a donné lieu de présumer 
qu’un empêchement sembiable apporté au développement 
des filets serait immédiatement suivi d’une seconde florai- 
son. L'application de cette pensée a été faite sur plus de 
deux cents touffes de Keen , qui, aussitôt après leur fructi- 
fication sous bâches, ont été privées d’eau, afin d’en arrêter 
la végétation. Lorsque ces touffes ont été presque fanées, 
on les a dépotées et mises en pleine terre en supprimant 
une partie des feuilles, mais sans rien retrancher aux ra- 
cines. Cette opération a été faite à la fin de juin ; les plantes 
ont promptement recommencé une nouvelle végétation qui 
s’est d’abord annoncée par des fleurs ; on a favorisé leur dé- 
veloppement, qui a produit des fruits dans les premiers 
jours d’août, seconde fructification aussi belle et peut-être 
plus abondante que la première. 

D’après ce fait, exposé avec assez de détail pour que 
chacun puisse facilement le répéter , 1l résulte que les va- 
riètés de fraisiers qui ne produisent naturellement qu’une 
seule fois chaque année produiront désormais deux ré- 
coltes, au gré des cultivateurs qui voudront prendre la 
peine de détourner à leur profit l’ordre naturel de la végé- 
tation de ces variétés. Chaque année, depuis trois ans, nous 
obtenons ainsi une seconde récolte; cette année encore 


ÿ14 LA POMONE FRANÇAISE, 


M. Truffaut a bien voulu nous envoyer le dépotage de plus 
de cinq cents touffes de Keen, qui venaient de produire 
sous ses bâches une récolte admirable et très lucrative 
pour lui, et qui en ont produit immédiatement une seconde 
chez moi en pleine terre. 

La reproduction par filets aura nécessairement lieu pour 
les variétés qui ne se reproduisent pas constamment les 
mêmes par la graine. On ne prendra de filets que sur de 
jeunes plantes; on les plantera deux à deux, en pépinière, 
où ce plant subira deux transplantations en motte. 

Au mois d'octobre on plantera sur des plates-bandes de 
1 mètre 35 centimètres de large, rayonnées de quatre 
lignes, les touffes de Keen élevées en pépinière ; on les 
plantera à 50 centimètres de distance sur les lignes ; 
on empèchera de fleurir celles sur lesquelles on voudra 
prendre des filets; ce n’est qu’au mois d'octobre suivant 
que l’on lèvera les mêmes plantes en motte pour les em- 
poter et plus tard les chauffer. 

Si le plant de Keen était destiné à fructifier en pleine 
terre et à y rester deux ou trois ans, on l’espacerait à 50 
centimètres en tous sens. : 

Vers les premiers jours de février on introduira dans les 
serres chaudes et sous les bâches les pots contenant la Keen. 
On nettoiera et on débarrassera la plante des feuilles mortes 
ou avariées ; puis on lavera les pots avant de les ranger sur 
les tablettes, qui seront très rapprochées des vitraux. On in- 
troduira aussi les pots sous les bâches, on ne placera que 
quatre pots de Keen sur chaque banquette par panneau. 

Cette plante, dans les serres ou sous les bâches({), ne né-. 
cessite pas la surveillance et les soins qu’il faut avoir pour. 


(1) Les bâches sont chauffées à l’eau chaude par un appareil du prix de 
250 fr. , qui suffit pour chauffe une étendue de 20 mètres de longueur sur un 
mètre 50 centimètres de largeur , et un mètre réduit de profondeur. 


LA POMONE FRANÇAISE. d15 


le fraisier des Alpes, dont le feuillage , tendre, nombreux ct 
élancé, peut, lorsqu'il est offensé , avarier promptement 
toute la plante et la faire avorter. Le feuillage de la Kcen 
ne s'élève pas, il est d’abord très peu nombreux, laisse à 
découvert le cœur de la plante, qui fleurit avant lémission 
de nouvelles feuilles. Cette plante est très favorable au cul- 
tivateur qui veut la chauffer , parce qu’il peut empoter, 
comme nous l’avons déjà dit, de très forts pieds qui don- 
nent jusqu’à six ou sept montants, sans que le feuillage 
soit un obstacle à une floraison aussi abondante et toujours 
précoce. 

On peut espérer que les fraisiers Keen mis en végéta- 
tion sous bâche ou dans les serres au commencement de 
février offriront leurs fruits vers le 15 avril. La récolte de 
la Keen sera terminée vers le 16 mai. 

Les touffes qui auront fleuri dans la serre chaudef seront 
détruites après la récolte. Celles qui auront fructifié sous 
bâches seront privées d’eau et de chaleur, et lorsque la vé- 
gétation sera arrêtée on les dépotera pour les mettre en 
pleine terre, où elles donneront une seconde récolte ; puis, 
au mois d'octobre, on pourra lever ces plantes en motte, 
les empoter , pour être encore une fois forcées dans les 
serres ou sous bâches. 

Lorsque la Keen est plantée en pleine terre pour y rester, 
ce n’est que la seconde année qu’elle produit très abon- 
damment. Nous avons obtenu, après la première récolte en 
pleine terre, une seconde récolte, en supprimant les feuilles 
aussitôt après la première récolte ; mais les fleurs n’ont pas 
noué en aussi grande quantité que sur les plantes qui 
avaient produit sous bâches et que l’on avait dépotées; 
cependant ce moyen de faire fleurir une seconde fois des 
plantes qui ont fructifié une première fois en pleine terre 
mérite qu’on s’en occupe. 

Si on désire obtenir par les semis de nouvelles variétés 


516 LA POMONE FRANCAISE. 


de la Keen ou de l’Elton, on se conformera, pour la récolte 
des graines , pour les semer, et pour l'éducation du pliant 
en pépinière , à ce qui a déjà été indiqué à cet égard pour 
le fraisier des Alpes. 


L’ELTON DE M. KNIGHT. 


L’Elton fleurit naturellement une seule fois dans l’année ; 
ses tiges sont grosses, velues, longues de 3 centimètres en- 
viron ;!les montants ont à peu près 5 centimètres de long, 
ils se divisent en plusieurs rameaux. | 

Les fleurs paraissent après l'émission des feuilles ; elles 
sont lentes à se développer, sont d’un blanc mat, de moyenne 
grandeur ; les pétales arrondis ; les divisions du calice sont 
oblongues et réfléchies; chaque tige produit de huit à 
quinze fleurs, qui ne sont pas sujettes à couler, toutes müû- 
rissant successivement, ce qui prolonge la durée des ré- 
coltes. 

Les feuilles sont rondes, glauques, velues, dentelées 
profondément , nombreuses et verticales ; les pétioles sont 
raides , droits, couverts de longs poils très nombreux, qui 
se teignent en rouge, à leur base sont de grandes stipules 
allongées et aiguës. Le feuillage de ce fraisier contraste 
avec celui de la Keen; ilest net, d’un vert doux et uni qui 
le fait distinguer de tous les autres; il dérobe le cœur de 
la plante aux influences ‘de l’air, ce qui est un obstacle, 
lorsque cette plante est devenue un peu forte, à ce qu’on 
puisse l’introduire avec avantage dans les serres. 

Les fruits sont gros, allongés , ordinairement très bien 
faits; chaque tige en produit de huit à quinze, qui müris- 
sent tous successivement ; le pédoncule, long, fait rechercher 
ce beau fruit par les glaciers, qui en tirent un parti admi- 
rable. La chair intérieurement est très rouge, le centre est 
marqué d’un point encore plus rouge, autour duquel règne 


LA POMONE FRANÇAISE. B17 


un filet blanc; tout le pourtour extérieur du fruit est d’un 
rouge brillant et vernissé lorsque la fraise est müre ; sa chair 
est ferme, douce, succulente, et n’a nullement l’acidité que 
quelques personnes qui l’ont décrite lui ont trouvée; il est 
probable que ces personnes n’ont pas eu à leur disposition 
des fruits bien mürs. L’Elton est plus tardive de trois se- 
maines au moins que la Keen. C’est une des fraises les plus 
belles et les plus productives que nous possédions, soit cul- 
tivée en serre , soit cultivée en pleine terre. 

L'Elton se propage par les filets, comme tous les fraisiers 
qui ne se reproduisent pas les mêmes par la semence; on 
les pique en pépinière deux à deux. Il n’est pas nécessaire, 
comme pour la Keen, de se hâter de mettre en pépinière 
les filets de l’Elton destinés à être chauffés. Ces plantes 
seront toujours assez fortes au sortir de la pépinière pour 
être empotées ; on choisira même pour cet usage les touffes 
les moins fortes; il n’en sera pas de mème pour celles qui 
sont destinées à fructifier en pleine terre. On conçoit que 
le volume du feuillage de l’Elton, déjà peu favorable à la 
floraison de cette plante, lui devienne tout à fait contraire 
lorsqu'il se trouve augmenté dans son développement 
par la chaleur de la serre. Beaucoup de jardiniers, ayant 
voulu traiter l’Elton comme la Keen, n’ont pas réussi et ont 
renoncé à la cultiver, la regardant comme venant mal et 
peu productive. S'ils eussent étudié sa végétation, ils ne 
se seraient pas privés, par ignorance , d’une plante aussi 
belle que productive. 

Nous répéterons que la végétation de l’Elton commence 
par le développement de ses feuilles, qui sont nombreuses, 
affectant une direction verticale; ensuite paraissent lente- 
ment les tiges, les fleurs et les fruits, puis les filets. La 
marche lente que suit cette végétalion indique assez au 
cultivateur qu'il doit préférer, pour forcer ce fraisier, de 
jeunes plantes à des plantes plus forteset plus âgées ; le feuil 


518 LA POMONE FRANÇAISE. 


jage épais de celles-ci deviendrait dans la serre un obstacle 
au développement des fleurs. Le cultivateur doit encore 
observer que, la floraison de cette plante étant lente à se 
former, on ‘la ferait avorter si on la forçait trop brusque- 
ment par une température d’abord trop élevée; ce qui in- 
dique que la serre à ananas ne lui convient point. Ces obser- 
vations n’ont point échappé à un cultivateur aussi distingué 
que M. Truffaut, qui obtient de l’Elton, chauffée sous ses 
bâches, des quantités considérables de très beaux fruits, 
doux, juteux , suceulents et savoureux, dont il tire tous 
les ans un grand produit. Très peu d’horticulteurs traitent 
les plantes avec autant de discernement et de bonheur que 
MM. Truffaut père et fils. L’épais feuillage n’empèche dans 
la serre que la formation de la fleur, il n’est pas un obstacle 
à la maturité du fruit lorsqu'il est noué, puisque les grap- 
pes chargées de fruits pendent le long des pots, et se trou- 
vent exposées au soleil; mais, nous le répétons, la floraison 
de cette plante doit s’opérer lentement pour venir à bien. 

Au mois d'octobre on lèvera en motte, dans la pépinière, 
les touffes d’Elton, soit pour les empoter, soit pour les 
planter définitivement en pleine terre. On choisira pour 
empoter les touffes les moins grosses; celles destinées à la 
pleine terre seront plantées sur des plate-bandes rayonnées 
de quatre lignes, espacées entre elles de 50 centimètres, 
et on les placera sur les lignes à 50 centimètres les unes 
des autres. 

Vers les premiers jours de février on introduira sous les 
bâches les pots contenant les Elton, on les mettra en vé- 
gétation par une chaleur très douce , que l’on ne s’empres- 
sera point d'augmenter, afin de donner aux fleurs le temps 
de se former; une forte chaleur d’abord ne serait profi- 
table qu’aux feuilles. Nous bornerons nos conseils à cette 
seule observation, dans ce qui concerne la conduite à tenir 
pour la culture de la plante sous bâche. 


LA POMONE FRANCAISE. 519 


L’Elton, mise en végétation dans les premiers jours de 
février, ne donnera ses fruits que dans les premiers jours 
de mai ; toutes les fleurs venant à nouer, la récolte se pro- 
longe jusqu’en juin. 

L'Elton , mise en pleine terre, offrira des fruits quelques 
temps après les premières récoltes de la quatrième saison, 
et continuera de produire jusqu’au temps où le fraisier des 
Alpes recommence à se couvrir de fruits. Ce fraisier réussit 
parfaitement en pleine terre, où il peut rester deux ans; il 
y produit abondamment, même la première année, surtout 
si les filets ont été mis de bonne heure en pépinière. 

Nous possédons depuis cette année la British queen et 
la Victoria queen, que les pépiniéristes anglais nous ont si- 
snalées comme des plantes très supérieures à celles que l’on 
a déjà. Nous attendons leurs produits pour les juger. 


FRAISIER DE MONTREUIL. 


Ce fraisier est cultivé à Bagnolet, Sceaux, Charonne, 
Châtou et autres communes environnant la capitale, où 
elle est vulsairement connue sous le nom de dent de cheval. 
Cette fraise est grosse, difforme, d’un beau rouge; la chair 
em est sèche, sans saveur ni parfum; mais la plante est peu 
délicate, et supporte jusqu’à un certain point le manque 
d’eau. Ce fraïisier produit beaucoup pendant le courant de 
juin et une partie de juillet, après quoi il cesse jusqu’à 
l’année suivante. Les glaciers et les confisieurs n’emploent 
Ja fraise de Montreuil qu’à défaut d’autres ; cependant cette 
varièté, malsré le peu de qualité de ses fruits, sera toujours 
préférée au fraisier des Alpes par les cultivateurs qui s’oc- 
cupent spécialement de la culture du pêcher, ou autres cul- 
tures analogues ; attendu que le fraisier des Alpes, étant 
beaucoup plus délicat, produirait moins entre leurs mains 
que celui de Montreuil; en outre, pendant la saison du 


520 LA POMONE FRANCAISE. 


palissage et ceile de la cueillette des pèches, il serait im- 
possible à ces cultivateurs de trouver le temps nécessaire 
à la récolte journalière des fraises. Ceci explique suffisam- 
ment comment les jardiniers de Montreuil ne peuvent pro- 
fiter des avantages qu'offre ailleurs la culture du fraisier des 
Alpes. Nous ne nous étendrons pas davantage sur une va- 
riété dont nous ne conseillons pas la culture. Nous pensons 
que l’Elton pourrait la remplacer avec beaucoup d’avan- 
tages. 


DES INSECTES ET DES MALADIES DU FRAÏSIER. 


Les insectes nuisibles au fraisier sont les larves du han- 
neton, appelé ver blanc ; les loches, les limaçons, les li- 
maces et les cloportes, qui attaquent les fruits dans les bà- 
ches ou sous les châssis. C’est la nuit que l’on peut faire la 
chasse à ces insectes et parvenir facilement à les détruire ; 
quant aux vers blancs, nous ne connaissons point de plante 
qu’ils préfèrent au fraisier et dont on pourrait se servir 
pour les en détourner. Nous pensons que les cultivateurs 
ne pourront se garantir des ravages occasionnés par les vers 
blancs qu’en détruissant les hannetons ou en les éloignant 
de leurs cultures. Lorsqu'un pied de fraisier est attaqué par 
le ver blanc, on s’en aperçoit au feuillage qui se flétrit ; 
dans ce cas nous conseillons d’arracher la touffe pour cher- 
cher avec facilité les vers et les détruire. Il est inutile de 
replanter une touffe qui a été fatiguée par les vers blancs 
ou autrement ; on a dü laisser dans la pépinière des plants 
destinés à réparer les dégâts occasionnés par les vers blancs. 

Nous nous sommes aperçu que les punaises des jardins, 
lorsqu'elles sont encore très petites, s’attachent sur les fruits 
de l’Elton, qui sont mürs à cette époque. Nous n’avons pas 
trouvé de fruits entamés, mais le nombre considérable de 
ces petits insectes qui couvrent les fruits en fait désirer la 


LA POMONE FRANCAISE. 524 


destruction. Ces petits insectes paraissent ronds et très 
rouges ; ils sont conduits par les gros, qui sont longs, plats, 
rayés de rouge et de noir. 

Le fraisier est sujet à une maladie qui s'annonce d’abord 
sur les feuilles du pourtour des touffes ; ces feuilles se fa- 
nent , se dessèchent successivement jusqu’au centre de la 
touffe, ce qui la fait périr. Les racines suivent ou devan- 
cent les mêmes progrès de la maladie ; elles perdent d’a- 
bord leur chevelu, qui disparaît totalement ; les grosses ra- 
cines prennent une teinte livide de suie, se dessèchent et 
meurent. Nous nous sommes assuré de ces faits en arra- 
chant plusieurs touffes de fraisiers à divers degrés d’inten- 
sité de la maladie. Quant aux recherches que nous avons 
faites pour connaître les causes du mal, elles nous portent 
à croire que son principe est dans les racines , qui se trou- 
vent affectées par des substances qui leur sont pernicieuses, 
surtout lorsque les eaux pluviales ou les arrosements leur 
donnent plus d'activité; ainsi les fumiers encore verts, ou qui 
ne sont pas entièrement dissous et amalgamés avec la terre, 
seraient la cause la plus commune de cette maladie. Nous 
avons observé dans un jardin d’une quarantaine de per- 
ches, où l’on ne cultive depuis sept années rien autre chose 
que des fraisiers des Alpes, que la maladie y était com- 
mune ; des carrés entiers en sont affectés. Il faut remarquer 
que l’on est ici dans la nécessité de planter presque tou- 
jours sur une terre récemment fumée, tandis que les 
maraîchers qui cultivent le fraisier dans du terreau con- 
sommé ne connaissent point ou presque point cette ma- 
ladie. Nous ne mentionnons ici que deux observations ; 
nous pourrions en citer un plus #rand nombre que nous 
avons suivies, toutes nous portent à croire que le fraisier est 
de la nature des plantes de terre de Bruyère, auxquelles 
l’engrais végétal convient essentiellement , et que, s’il pro- 
spère dans des terres très riches et bien fumées, c’est que 


529 LA POMONE FRANÇAISE. 


V’engrais animal est mêlé, dissous et confondu avec la terre, 
avant qu’on y ait planté le fraisier. 


Il a paru en 1838 et 1841, dans le Journal d'agriculture 
pratique et dans les Annales de la Société royale d’horti- 
culture de Paris, deux articles sur la culture du fraisier: 
Les préceptes de cette culture différent tellement de ceux 
que nous venons d'indiquer que nous allons en signaler les 
différences, afin de donner toute facilité à nos lecteurs de 
vérifier par eux-mêmes quelle est celle des deux cultures 
qu’ils leur conviendra d’adopter; nous sommes d'autant 
plus sollicité à en agir ainsi que les deux articles sont de 
M. Poiteau. Ce serait de notre part trop de présomption 
que de croire que, sans donner de très fortes raisons, om 
suivra nos conseils plutôt que ceux d’un homme aussi ex- 
périmenté. Le seul avantage que nous croyons avoir dans 
cette occasion sur M. Poiteau tient à {ce que notre article 
sur le fraisier est le narré exact de notre culture, pratiquée 
depuis plusieurs années avec un succès égal à celui qu’ob- 
tiennent les jardiniers les plus habiles que M. Poiteau a été 
visiter, mais dont il n’a vraisemblablement pas répété chez 
lui les procédés de culture ; autrement il se serait aperçu 
des erreurs qu’il professe dans ses deux articles, et que ne 
commettent certainement pas les cultivateurs distingués 
qu’il cite et dont nous avons aussi visité les établissements 
pour notre instruction. 

L'auteur des articles conseille de semer le fraisier des 
Alpes en juin et juillet, et, si le plant est dru, de le repiquer 
à l’âge de six semaines ; s’il est clair, de ne le mettre en 
place qu'à la mi-septembre; il ajoute que, si on sème au 
printemps, on récoltera des fruits à l’âge de six semaines. 
D'où il résulterait, d’après cette supposition, qu'il serait inu- 


LA POMONE FRANCAISE. 525 


tile de semer en juillet. Nous semons au commencement de 
mai , et en juillet nous repiquons dans la pépinière tout le 
jeune plant ; puis, au commencement d'août, nous relevons 
en motte ce mème plant pour le planter à de plus #randes 
distances; enfin, à la mi-octobre ou dans le commencement 
de novembre, nous levons ce plant en grosse motte, afin de 
le planter soit en pot, soit en pleine terre pour y rester. 
Nous traitons le plant de coulants exactement de la même 
manière que le plant de semis. 

C’est en octobre que M. Poiteau conseille de détacher les 
coulants des maîtres-pieds pour les mettre en place ou en pé- 
pinière. IL rafraîchit les racines et coupe les plus grandes 
feuilles. On vient de voir que nous traitons le plant de cou- 
Jants comme le plant de semis, mais nous ne coupons au- 
cune feuille, et nous le mettons en pépinière au commen- 
cement de juillet. 

Dans son second article. M. Poiteau a cru remarquer que 
les jardiniers les plus habiles semaient dans le courant 
de juin en pépinière, qu’ils continuent de soigner ce plant 
sur place pendant le reste de la campagne, parce qu’il est 
plus aisé, ajoute-t-il, de le garantir là des accidents de 
l'hiver que s’il était repiqué. En mars ils plantent chacun 
des plus beaux pieds de ce plant à la distance de 35 centi- 
métres sur A5 centimètres. Dés le mois d'avril ce plant pro- 
duit des coulants et des fleurs, que l’on démonte soigneuse- 
ment ; on ne permet qu'aux feuilles de croître jusqu’en juin; 
alors en laisse les fraisiers pousser des fleurs et des cou- 
lants. Ce sont ces coulants que l’on plante au mois d'août, 
soit en pleine terre, soit en pots, afin de donner l’année sui- 
vante des récoltes abondantes. M. Poiteau appelle ces cou- 
lants du troisième âge; il pense que les coulants qui se déve- 
loppent en juin sont les plus fertiles. Nous croyons que cet 
article est totalement erroné. Nous ne plantons de cou- 
lants qu’à défaut de plant de semis, et nous ne prenons 


b24 LA POMONE FRANÇAISE. 


de coulanis que sur des fraisiers de semis élevés en pépi- 
nière et mis en place à la fin d'octobre après deux repi- 
quages. 

Un peu plus loin M. Poiteau conseille de prendre les cou- 
lants sur de vieux pieds que l’on veut détruire ; ce qui sup- 
pose que ces pieds sont usés. Nous ne pouvons donc que 
protester contre ce procédé, aussi bien que contre celui 
d’éclater les vieux pieds pour les multiplier. 

M. Poiteau semble croire, d’après l’assertion d’un très 
célèbre physiologiste anglais, M. Knight , que les coulants 
n'épuisent pas les maîtres-pieds et ne nuisent pas à la gros- 
seur et au nombre des fruits. Il pense aussi qu’il n’est pas 
indispensable que les coulants soient enracinés pour faire 
de bons plants. M. Poiteau fait dire à Duhamel que tous les 
nœuds dun coulant sont disposés alternativement de ma- 
nière à produire l’un une nouvelle plante et l’autre un nou- 
veau coulant, de sorte qu’un coulant ne donne qu’à peu près 
la moitié de jeunes plantes qu'il y a de nœuds sur sa lon- 
gueur. Duhamel n’a pu commettre une erreur aussi pal- 
pable. 

M. Poïiteau, contradictoirement à Duhamel, conseille 
deux choses : 1° de retrancher les fleurs de l'extrémité su- 
périeure des grappes, dans le but de faire grossir les fruits 
du bas; ce qui est une erreur, puisque les fruits du haut ne 
peuvent nuire en rien à ceux du bas, attendu qu’ils n’exi- 
stent déjà plus lorsque les autres commencent ; 2° de sup- 
primer une certaine quantité de hampe , afin que les fruits 
qui restent sur les hampes conservées soient plus beaux. 
Ceci est encore une pratique erronée qui ne laisse aucun 
dédommagement sensible de la perte qu’elle occasionnerait. 
Ici M. Poiteau professe d’après une théorie qu’il s’est for- 
mée en l’absence de la pratique ; tandis qu’une théorie ne 
devrait être que l’expression abrégée de la plus saine pra- 
tique : autrement les théoriciens croiraient pouvoir prescrire 


LA POMONE FRANÇAISE. 595 


des lois aux cultivateurs, tandis que les uns et les autres 
doivent s’éclairer mutuellement. 

Après avoir reconnu qu’en bonne culture on ne doit con- 
server le fraisier que deux ans, M. Poiteau ajoute que, la 
physiologie venant en aide au jardinier, il est possible de 
conserver les fraisiers en état de fertilité pendant six à 
huit années en les rechaussant, et que l'expérience a con- 
firmé la vérité de cette théorie. Nous protestons contre une 
telle pratique. 

M. Poiteau conseille d’éviter de mouiller les fleurs, les 
fruits, et méme les feuilles du fraisier, parce que les Anglais, 
qui sont encore nos maîtres, ajoute-t-il, dans plusieurs 
points de culture, prennent toutes les précautions possibles 
pour ne mouiller que les racines. Ils conseillent de placer 
chaque pot dans une petite terrine, et de verser de l’eau dans 
la terrine seulement, afin que les fraisiers puissent ne s’im- 
biber que par les racines, sans étre obligé d’arroser par 
dessus les pots. M. Poiteau a pu voir, en effet, dans les bâ- 
ches et dans les serres chaudes de nos cultivateurs, des sou- 
coupes sous les pots ; mais elles sont plutôt employées pour 
la propreté, afin de recevoir l’eau des arrosements qui se 
font par dessus les pots, et non pour éviter ces arrosements. 
Nous pensons au contraire qu’il serait nuisible de s’abs- 
tenir de mouiller les feuilles, les fleurs , et même les fruits. 

M. Poiteau conseille de planter dès le mois d’août, dans 
les pots , de forts œilletons destinés à étre forcés; il recom- 
mande de les soigner de manière à ce qu’ils grossissent le 
plus possible pendant tout l'automne. Ceci est une grave 
erreur; l’éducation des plantes doit se faire en pleine terre 
par plusieurs repiquages en motte ; on ne doit mettre dans 
les pots ou en pleine terre que des plantes toutes formées, 
ce que nous faisons à la fin d’octobre ou dans les premiers 
jours de novembre. 

M. Poiteau conseille un procédé indiqué par Lindley, et 


526 LA POMONE FRANCAISE.' 


pratiqué, ajoute-t-il, avec un plein succès au potager de 
Versailles, pour avoir en août et septembre une récolte de 
fraises des Alpes au moins aussi abondante que celle de juin. 
Ce procédé consiste à supprimer jusqu'au mois de juin 
toutes les hamipes et les coulants, et en juin de couper toutes 
les feuilles rez terre ; on bine profondément, ete. Ce conseil, 
s’il était suivi, donnerait une récolte moins belle au mois 
d'août que la récolte naturelle de juin, et priverait évidem- 
ment de la récolte du printemps. Nous pouvons affirmer ce 
fait, parce que nous avons malheureusement suivi le con- 
seil donné par Lindiey. 

On ne plante point non plus en pleine terre les plantes 
que l’on veut chauffer sous des bâches ou sous {des châssis, 
ou les plante en pots. 

On hâte le fraisier planté en pleine terre en posant 
dessus des châssis. C’est le verre seul, sans le secours du 
fumier, qui met les plantes en végétation et les conduit 
jusqu’à la maturité, qui serait encore beaucoup plus hâtée, 
si les fraisiers ainsi traités avaient été plantés dans des 
pots, au lieu de l'être en pleine terre. 

Un labour d’un fer de bèche n’est pas non plus safRéant 
pour planter des fraisiers; il faut donner un profond labour, 
et placer le fumier dans le fond de la jauge. 

Les plates-bandes sur lesquelles on plante les fraisiers 
n’ont pas À mètre 35 ou 1 mètre 70 centimètres de lar- 
ge, elles doivent avoir 1 mètre 35 centimètres. Elles ne 


sont pas rayonnées de quatre ou cinq sillons ; elles doiveny 
l'être de quatre, afin que l’on puisse cultiver et récolter 
avec une ésale facilité de chaque côté de la plate-bande , 
sans y mettre les pieds. 

M. Poiteau conseille de mettre en pots, en août et septem- 
bre, trois ou quatre fois plus de fraisiers des Alpes que l'on a 
de place à leur donner dans les serres , afin de faire au moins 
trois ou qua're saisons. On commence à chauffer à la fin de 


LA POMONE FRANCAISE, 527 


novembre ou de décembre. On ne fait point trois saisons de 
fraises, surtout dela fraise des Alpes, qui n’est jamais épuisée 
avant que la récolte de la pleine terre commence; d’ailleurs 
trois saisons sont impossibles, puisqu'il faut au moins trois 
mois d’une saison à l’autre. Il ne sert à rien de mettre des 
fraisiers en végétation dès le mois de décembre et de jan- 
vier, parce que dans ces mois il est ordinairement impos- 
sible de renouveler l’air des serres aussi souvent qu’il le 
faudrait pour faire nouer les fleurs du fraisier. Les plus ha- 
biles cultivateurs commencent ordinairement à mettre en 
végétation leurs fraisiers, soit sous bâches ou dansles serres, 
vers les premiers jours de février, pour récolter vers le 
15 avril. Il est évident que M. Poiteau a été tout à fait in- 
duit en erreur à cet égard. Il serait à désirer que toutes 
les personnes qui écrivent sussent qu’elles ne doivent pas 
s’en rapporter aux simples renseignements donnés par les 
cultivateurs, sans les avoir vérifiés eux-mêmes en les met- 
tant en pratique. Cette critique est aussi destinée à faire 
mieux comprendre combien il est impossible de professer 
une culture quelconque sans l'avoir soi-même pratiquée 
avec succès et perfection; c’est ce qui nous fait répéter à 
la fin de cet ouvrage le vœu que nous avons déjà formé, 
dans lintérêt de la science, pour que le ministre, qui 
nomme des professeurs d'agriculture et d’horticulture sans 
qu'ils aient subi ni concours ni examen, leur imposât au 
moins l’obligation d'écrire leurs leçons et de les adresser à 
toutes les sociétés d’horticulture , afin que parmi ies mem- 
bres de ces sociétés ceux qui s'occupent plus spécialement 
de telle ou telle culture en particulier puissent, étant con- 
sultés par les présidents, donner de bons avis, empêcher les 
erreurs de se propager et mettre les professeurs à même de 
produire des cours instructifs pour tous, au lieu de leçons 
qui, lorsqu'elles ne sont pas stériles, ne sont du moins pro- 
fitables qu’à un très petit nombre de personnes. 


CATALOGUE DES FRAISIERS DÉCRITS PAR M. POITEAU. 


Are Section. FRAISIERS COMMUNS. 


Fraisier des bois à fruit rouge. 
— à fruit blane. 
— à fleurs doubles. 
— à fleurs simples. 
— de Montreuil. 
— de Florence. 
— des Alpes. 
— de Plymouth. 
— Buisson. 
— de Gallion. 


De Section. FRAISIERS ÉTOILES. 


Fraisier de Champagne. 

— Duchesne. 

— de Longchamps. 
de Bargemont. 
—  hétérophylle. 

— de Suède. 


3e Section. CAPRONS. 


Capron commun. 
— mâle. 
—  abricot. 
— framboise. 
— royal. 


4 Section. FRAISIERS ÉCARLATES.| 


Fraisier du Canada. 

— de Virginie. 

— écarlate d'Autriche. 
d'automne. 


Fraisier écarlate américaine. 
rose Berry. 


— = — 


noire. 
carminée. 
de la baie d'Hudson. 
de grappes. 
oblongs. 
Gimstone. 
— princesse Charlotte. 
— écarlate Garnston. 
nec plus ultra. 
— grosse écarl. de M. Knight. 
— écarlate Vernon. 


ss — — 


— —— 


5e Section. ANANAS. 


Ananas de la Caroline à fruit rond. 
— — à fruit long. 

— de Bath. 

— à grandes fleurs. 

— à fruits longs. 

— de Keen. 

— de Maytt. 

—  Dowion. 

— noire de Gibbe. 

— Pit maston noire. 

— Prince Noir. 


6° Section. FRAISIERS -CHILIENS. 


Fraisier du Chili. 


—  duChili EE ! 
—  Souchet. 

—  Wilmot. 

— du Chili jaune. 


FIN. 


TABLE DES MATIÈRES 


CONTENUES DANS LA POMONE FRANÇAISE. 


DE LA VIGNE. 


Pages 
De la vigne en général. 1 


Considérations générales sur la culture de la vigne pour la cuve. 
Collection de toutes les espèces de vignes à la pépinière du Luxem- 
bourg ; parti qu’on en pourrait tirer. Détails historiques sur les vigno- 
bles de la France. Causes de la détérioration des vins des environs de 
Paris. L’auteur ne traitera que de la culture dela vigne sous le rapport 
du jardinage; il adoptera presque exclusivement les procédés suivis à 
Thomery , où l’on récolte le raisin dit de Fontainebleau, le meilleur 
qui se consomme à Paris. 


Description de la vigne. 13 
Manière de végéter de la vigne. 18 
Des-terres propres à la culture de la vigne. 19 


Les jardins des environs de Paris peuvent produire des raisins aussi 
bons que ceux de Thomery. 
Moyens de multiplier la vigne. 93 
Boutures et crossettes préférables aux plants enracinés. Marcottes, 
ou chevelées ; précautions à prendre pour les coucher. Provins ; en quoi 
ils diffèrent des marcottes. Semis ; ce moyen n’a jusqu'ici rien produi 
au potager du roi qui soit avantageux. Greffe de la vigne; donne mo- 
mentanément des raisins très gros lorsqu'on la pratique sur d’anciens 
ceps. Manière de greffer la vigne ; choix des rameaux, etc. 
Plantation neuve des vignes en treilles menées en cordons. 28 
Distance entre les cordons , leur nombre; distance entre les ceps ; 
préparation de l’emplacement , plantation; en quoi nous différons de la 
pratique d’un auteur moderne. 


3/1 


539 LA POMONE FRANÇAISE. 


De la taille. 31 
La vigne ne peut être productive si elle n’est taillée. Des effets de la 
taille sur le bois et sur le fruit. But de la taille sous le rapport de la 
forme et des produits. Moyens pour disposer une vigne en ireille et en 
cordons. Moyens pour disposer une vigne en souche. Avantage que 
présente une treille disposée en cordons. Des effets d’une taille assise 
sur les sous-yeux et sur les bourgeons qui en proviennent. Des effets 
d’une taille assise sur les yeux les mieux conformés. Considérations gé- 
nérales sur la taille des coursons ou branches à fruit. Taille des cour- 
sons d’une vigne en treille. Taille des coursons d’une vigne en souche. 
Considérations sur ia nécessité de l’égale répartition de la sève 
dans la vigne. A 
Elle décide de la perfection des fruits, de leur abondance, aussi bien 
que de la régularité de la forme de l’arbre. La méthode de Thomery 
différe essentie!lement à cet égard de celle qui est suivie aux environs 
de Paris. 
De la coupe. 44 
Précautions à prendre en opérant lors de la taille et de l’aveugle- 
ment des boutons. 
De l’ébourgeonnement. 45 
Ses effets sur la végétation ; précautions à prendre lorsqu'on ébour- 
geonne au temps de la floraison. Manière d'opérer. Pourquoi doit-on 
ébourgeonner plus tard les vignes plantées à de grandes distances. 
De l’évrillement. 46 
Les vrilles doivent être supprimées lorsqu’elles sont encore herbacées; 
on ne doit point les arracher ni les éclater , on doit leur laisser un petit 
talon, à la base. 
Du pincement. 47 
Il détermine la maturité du bois et du fruit. Sert aussi à rétablir et à 
maintenir l’égale répartition de la sève dans tous les bourgeons d’un 
même bras. Les cultivateurs de Thomery pratiquent le pincement avec 
succès. 
Du palissage, 49 
Il sert à soutenir les bourgeons. La direction plus ou moins inclinée 
qu’on fait prendre à ceux-ci n’influe pas d’une manière sensible sur 
leur végétation, comme il arrive ordinairement à tous les autres arbres 
fruitiers. 
Du retranchement des grappes. 50 
Epamprement. 51 
Soins à donner aux raisins sur la treille. 51 


TABLE DES MATIÈRES. s51 


De la cueilie et de la conservation du raisin. 52 
Emballage. 53 
Labours. 54% 
Fumiers et engrais. 54 


Les cultivateurs de Thomery fument leurs treilles très amplement 
tous les trois ans. 


Effets du pavage sur les racines de la vigne. 56 
De Thomery. | | 57 


Description du site. Qualité de la terre. Distribution intérieure des 
enclos. d 
Des murs. 59 
Els sont garnis de chaperons très saillants. Murs de NT PEUT 
Des treillages. 63 
Résumé comparatif de la culture de Thomery et de celle qui 
est pratiquée dans la plupart des jardins. 65 
Pourquoi l’on ne suit pas les procédés de culture pratiqués à Tho- 
mery. Comparaison de ces divers procédés avec ceux suivis ailleurs. Ces 
procédés seront plus tôt adoptés en Belgique qu’en France. 
Moyens de hâter et de forcer la maturité des vignes. 75 
Vitraux mobiles. 75 
Culture de la vigne sous ces vitraux. Les productions seulement hâtées 
sont préférables à celles qui sont forcées. Des cordons dans les serres où 
dans les orangeries ; ces cordens sont peu productifs. 
Vignes sous bâches. 27 
Le fumier dont on environne les bâches y fait élever la température 
jusqu’à 36°. C’est le moyen le plus efficace et le moins dispendieux pour 
obtenir des raisins hâtifs. De l’inclinaison à donner aux vitraux. Usage 
des bâches pour estimer à l’avance les produits de l’année. 


Des insectes nuisibles à la vigne. 81 
Des maladies de la vigne. 89 
Des fautes qui se commettent le plus souvent dans la culture de 
la vigne. | 87 
Considérations générales sur l'introduction de la vigne dans les 
pays neufs. 90 


Catalogue des espèces de raisins faisant partie des 500 sortes de 
la collection du Luxembourg et qui viennent à m aturité sou 
le climat de Paris. 94 

Raisins pour la table. 

Raisins pour la cuve seulemeni. JD 


352 LA POMONE FRANÇAISE, 


DU PÊCHER. 


Réflexions générales sur la nécessité de la taille ; elle doit étreappro- 
priée à la manière de végêter de chaque espèce d’arbres. Détails histo- 
riques sur la culture du pêcher en France. L’auteur ne partage pas 
l'admiration exclusive” de l’abbé Royer sur la manière de cultiver le 
pêcher à Montreuil. C’est à tort que l’on a regardé le pêcher comme 


l'arbre le plus indomptable, Preuves du contraire. 99 
Direction du pêcher. 109 
Végétation du pêcher. 110 


Particularités remarquables de la végétation naturelle du pêcher; el- 
les s’opposent aux formes que l’on veut imposer à cet arbre. L’art 
change ces dispositions naturelles; moyens que l’art emploie. Des gros- 
ses branches, des petites branches ou fruitières. Le pêcher comparé aux 
arbres fruitiers. Des gourmands. Le cultivateur est le maître de régler 
lui-même les proportions et les dimensions de toutes les branches du 
pêcher. De l’âge où le pêcher devient très productif. 

De la multiplication du pêcher. 121 

De la greffe en écusson, des divers sujets, ceux qui sont préférables, 
choix des rameaux, etc. Semis, avantages qu’on pourrait en obtenir. 

Choix des arbres dans les pépinières. 195 

À quelle époque de la saison doit-on faire ce choix, quelles considéra- 
tions doivent le diriger. Inconvénients de choisir des pêchers tout for- 
més ; ils sont une véritable déception pour l’acquéreur. Précautions 
pour la levée et le transport des arbres. 

De la forme à donner au pêcher. 129 

Nécessité de déterminer la forme avant la plantation. On peut don- 
ner au pêcher telle forme que ce soit ; il se soumet à toutes; preuves de 
cette assertion. De la forme à la De ben De la forme en cordons 
disposés comme la vigne à la Thomery. De la forme en palmette à dou- 
ble tige, dont chaque bras est formé par la tige sans le secours de la 
serpelte. 


Des terres propres au pêcher. 136 
Fouille et plantation. 136 
De la taille. 140 


Des effets de la taille en général. Des effets de la taille suivant qu’on 
l’exécute avant ou pendant la sève; la taille concourt à rétablir ou à 
maintenir l’égalité de force entre des branches symétriquement placées, 
elle peut servir en conséquence à diriger l’arbre sous le rapport de la 


TABLE DES MATIÈRES. 533 


forme. Des effets de la taille selon qu’elle est assise sur des yeux bien 
ou mal conformés, ou placés plus ou moins avantageusement. Des ef- 
fets d’une taille trop courte sur les branches à bois, des effets d’une 
taille plus ou moins allongée sur les branches à fruits. Le pêcher vit 
plus long-temps lorsqu’il est bien taillé que lorsqu'il est abandonné à sa 
végétation naturelle. 
De l’opération de la taille. 144 
Ce qui doit la précéder. De l’époque. Taille des branches à bois , ou 
formant la charpente de l’arbre. Taille des HIT SNUE anticipés. Taille 
des branches fruitières. 
De la coupe. 146 
Elle doit être faite avec un instrument très tranchant. Le sécateur 
doit être proscrit. 
Du pincement. 148 
Le pincement est le correctif des inconvénients inséparables de la 
taille. Des effets du pincement. Il peut, lorsqu'il est pratiqué à temps, 
changer la destination des bourgeons et régler sans violence et à volonté 
la force de toutes les pousses. L’abbé Royer condamne formellement le 
pincement, surtout sur le pêcher ; cependant la lecture des anciens au- 
teurs prouve qu’il était pratiqué avec succès de leur temps. Des abus du 
pincement. 
De l’opération du pincement. 151 
Comment il s’opère , dans quel cas, à quelle époque. On ne doit point 
faire usage du pincement pour faire bifurquer un bourgeon et suppléer 
à une ramification , ainsi que le conseille un auteur moderne. Différence 
entre rogner ou pincer. 
De l’ébourgeonnement. 153 
L’ébourgeonnement à sec, ou l’aveuglement des yeux, ne doit se pra- 
tiquer que sur les branches fruitières, avant la pousse. Un auteur mo- 
derne conseille d’éborgner sur les branches à bois tous les yeux qui se 
trouvent devant et derrière ; inconvénients graves d’une telle pratique. 
Effets de l’ébourgeonnement. 
De l’opération de l’ébourgeonnement. 156 
Du choix des bourgeons à supprimer. De l’ébourgeonnement des 
bourgeons à bois doubles ou triples. Utilité de conserver la feuille au ta- 
Jon des bourgeons anticipés que l’on supprime. De l’ébourgeonnement 
des branches à fruit. Inconvénient d’un ébourgeonnement tardif, tel 
qu’on le pratique à Montreuil. L’ébourgeonnement doit commencer et 
finir avec la végétation. 
Du rapprochement en vert. 159 


\ 


534 LA POMONE FRANCAISE. 


De ses bons effets. De l’époque où on doit le pratiquer, sur quelles 
parties. Le rapprochement en vert est sans doute la taille d’été indi- 
quée par les anciens auteurs. 

Du palissage. 159 

But du palissage. {l offre des moyens puissants pour maintenir ou 
même pour établir l’équilibre de la sève dans toutes les parties de 
l'arbre. 


De l’opération du palissage. 161 
Epoque à laquelle on doit le commencer et le terminer. 
Des branches fruitières de remplacement et de réserve. 165 


La nécessité et l’importance du remplacement des fruitières est une 
conséquence immédiate de la manière dont végètele pécher. Moyens 
de préparer et de se ménager des branches de remplacement et de 
réserve. Avantage qu’on en peut tirer sous le rapport du fruit. Les bour- 
geons bien placés, mais trop faibles , doivent être traités comme bran- 
ches fruitières de réserve. 

Courbures des branches fruitières. 168 

On doit rarement employer ce moyen. 

Application des principes généraux à la conduite du pêcher sui- 
vant Ja forme à la Dumoutier. 


Plantation et greffe. 169 
Première année après la greffe. 171 
Seconde année après la greffe. 173 
Troisième année après la greffe. 179 
Vice du système de ramification adopté par les auteurs modernes. 
Quatrième année après la greffe. 187 
Forme dite carrée. 189 


En quoi consiste celte forme. Vice de cette forme par la manière dont 
l’auteur prétend l’établir, obstacles à sa durée. 
Pêchers à cordons. 194 
Plantation. Premières dispositions à donner à l’arbre. De la forma- 
tion successive des bras. Moyens de les obtenir à la place même où ils 
doivent être. Des soins à donner après chaque taille. 
Pêcher en palmette. 203 
De la palmette à tige simple. En quoi celle à double tige est préféra- 
ble. De la marche à suivre pour établir cette forme. 
Culture du pêcher sans raccourcir les branches principales. 206 
Des inconvénients de cette méthode. 
Des pêchers hâtés ou forcés. 211 
Choix des espèces. Epoque où l’on doit commencer à mettre les ar- 


“35 TABLE DES MATIÈRES. 


hres en végétation. De la conduite à tenir à l’égard de ces arbres et des 
fruits. Les pêchers hâtés plusieurs années de suite n’en sont que plus vi- 
goureux. 


Des pêchers à plein vent. 914. 
Les pêchers élevés dans les pépinières ne réussissent point à plein vent. 
Traitement des pêchers détériorés. 215 


Un auteur moderne conseille de rabatire les deux ailes de l'arbre un 
peu au dessus du tronc formé par la greffe. En quoi ce conseil est er- 
roné. Le pêcher ne perce que très rarement sur la vieille écorce. 


Soins à donner aux fruits, 217 
De la cueille des pêches. 218 
Elles doivent mürir sur l’arbre , et se perfectionner dans l'office. 
Des arrosements. 221 
Des labours. 292 
Des fumiers et des engrais. 223 
Des murs et de leurs expositions. 224% 
Nécessité d’une forte saillie aux chaperons des murs. 228 
Des abris. 230 
Des treillages. 231 
Montreuil. | 233 


La culture suivie à Montreuil est très au dessous de sa réputation. 
Pourquoi les arbres de deux ou trois cultivateurs sont beaucoup mieux 
traités que ceux de leurs confrères. D’où vient que ce bon exemple n’est 
pas suivi par eux. 

: Des fautes qui se commettent le plus souvent en cultivant le 


pêcher. 240 
Des insectes qui attaquent le pêcher. 246 
Des maladies du pêcher. 254 


On distingue les maladies accidentelles et celles qui sont inhérentes 
aux sujets. 
Le blanc ; de ses effets; il est incurable , se communique par la greffe 
et les semis. 
La gomme ; moyens de la guérir lorsqu’elle est accidentelle, et d’en 
diminuer les effets lorsqu'elle est inhérente. 
La cloque est inhérente ; moyens d’en prévenir le développement. 
Du rouge; est absolument incurable et sans palliatifs connus. 
Nomenclature et description des différentes espèces de pê- 
ches. 265 
Description des espèces et variétés comprises dans le tableau ci- 
joint. 267 


Lé 


556 LA POMONE FRANÇAISE. 


Fruits à duvet dont la chair quitte le noyau. 267 
Fruits à duvet dont la chair adhère au noyau. 273 
Fruits lisses dont la chair quitte le noyau. 274 
Fruits lisses dont la chair adhère au noyau. 275 
Tableau analytique des meilleures espèces et variétés de pêches 
cultivées dans les jardins de Paris et de ses environs. 277 


DU PORRERER KE DU FPONMMIRR. 


Description des pommiers de paradis, de celui de doucain , et du 


coignassier. 281 
Nomenclature des diverses sortes de pousses du poirier et du pom- 
mier. 282 


Tous les yeux sont accompagnés de deux sous-yeux supplémentaires. 

Des bourgeons à bois ; leurutilité ; comment on substitue à leur place 
des productions rc 

Des brindilles ; où elles naissent ; ce que l’on en doit faire. 

Des dards; oùils naissent; de leur traitement ; du parti que l’on en 
peut tirer. 

Des boutons à fleurs ; où ils naïssent ; ce qui reste après la fleur ou le 
fruit. 

Des bourses; où elles naissent ; leur description ; comment on doit les 
gouverner. 

Des lambourdes ; où elles prennent naissance ; leur description ; qu 
parti qu’on en peut tirer. 

Des branches gourmandes; leur description ; où elles naïssent ; on ne 
doit point les laisser se développer, ni les supprimer lorsqu’elles sont 
établies. 

Des branches adventives; parti qu’on en peut tirer. 

Ce que l’on entend par branches de faux bois. 

Branches chiffonnes ou rameaux aplatis, etc. 

Multiplication des pommiers et des poiriers par semis pour su 
jets. 293 
De la multiplication des divers sujets propres à la greffe. 293 

Choix des graines ; préparation du terrain ; du semis ; soins à donner 
au jeune plant. 

Classement du plant en trois qualités pour être fie aux pépiniéristes. 
Où et comment s’élève le plant de doucain, de paradis et de coïgnassier. 


TABLE DFS MATIÈRES. 557 


De l’éducation des plants dans la pépinière. 296 
Comment se cultive le plant de premier choix, dit baliveaux, dans la 
pépinière, sa destination ; durée de son éducation ; il sort de Ja pépi- 
nière sans être greffé; il est connu sous le nom d’égrains. De quelques 
soins plus particuliers à donner à la formation de la tige du poirier. 
De léducation dans la pépinière du plant de poirier de semis de 
second et troisième choix pour y être greffe, et y former des de- 
mi-tiges, des quenouilles , et des nains ou buissons. 301 

Pourquoi on n’élève pas dans les pépinières du plant de semis de pom- 
mier pour être planté dans les jardins. À quelle distance on plante le 
plant de second choix. Culture; à quel âge il est greffé. Taille trop al- 
longée donnée au jet des greffes. En quoi l’éducation de ce plant dans 
la pépinière est vicieuse. Les arbres reçoivent dans les pépinières une 
direction tout à fait opposée à celle qu’ils devraient avoir. Des arbres qui 
fleurissent ou qui portent des fruits dans la pépinière ; illusion com- 
plète des acquéreurs à cet égard. Le plant de troisième choix mis en 
rigole lorsqu'on devrait le réformer. La greffe sur ces plants introduit 
chaque année dans le commerce une quantité considérable d’arbres dé 
fectueux. 

De l’éducation dans la pépinière du plant enraciné de coignas- 
sier. 306 

De la greffe. À quel âge ces arbres sortent de la pépinière. Ces arbres 
sont aussi mal élevés que ceux sur tronc. 

De l'éducation dans la pépinière du plant enraciné de pommier 
de doucain et de celui de paradis. 307 

De ia greffe. A quel âge ces arbres sortent de la pépinière. 

Conduite de La Quintinie à l’égard des arbres languissants. Réflexions 
sur les plants de semis de premier, deuxième et troisième choix. Avan- 
tage de la propagation par bouture. Des anciennes pépinières et de cel- 
les qui étaient tenues par des ordres religieux. Améliorations que les 
sociétés d’horticulture peuvent opérer. Des causes de la rareté et de 
la cherté des beaux fruits. Ce que les propriétaires doivent faire pour 


assurer le succès de leurs plantations. 309 
De la multiplication par semis pour obtenir de nouvelles varié- 
tés de fruits. 312 


Choix des graines. Théorie Van-Mons. Des jeunes arbres très épi- 
neux. Des vertus contenues dans les germes. 
Mode pour la propagation des nouvelles variétés obtenues. 315 
Vigueur et abondance des arbres qui portent les nouveaux fruits. 
Précautions à prendre pour propager ces nouvelles variétés et leur con- 


538 LA POMORE FRANCAISE. 


server foule la pureté de leur origine. Des inconvérients de la greffe. 
Système de la végétation des greffes, des boutures et des mar— 
cottes. 318 
Tous les yeux qui sont sur un arbre sont autant de germes d’arbres 
en tout semblables à celui sur lequel sont tous ces yeux. Démonstration 
de cette vérité par la pratique. Avantages de faire enraciner ces yeux 
dans le sol; inconvénients de les faire se développer sur un autre arbre. 
Ce système découle de celui de Lahire, mis en pratique dansles vastes 
serres à boutures de M. Bertin à Versailles, et dans celles de beau- 

coup d’autres habiles cultivateurs. 


De la bouture en œil. 323 
Comment elle s’opère. Préjugé contre les boutures en général. 
De la végétation naturelle du pommier et du poirier. 327 


Comparée à celle du pêcher. Nécessité de connaître la végétation na- 
turelle d’un arbre pour le bien gouverner. 
Moyens de maîtriser par la taille la végétation naturelle. , 330 
De la taille en général du pommier et du poirier. 332 
Avantages qui résulteraient si ceux qui enseignent Ja Laille des ar- 
bres ou Pagriculture écrivaient leurs lecons. Bon exemple donné à cet 
égard par M. le professeur de l’école d’horticulture de Fromont. C’est 
aux sociétés d’horticulture et d’agriculture à obtenir du gouvernement 
ce bienfait. 
De la formation des branches opérée par la taille. 337 
La forme est purement arbitraire. La taille à donner aux branches 
à mesure qu’elles se prolongent afin de les couvrir de fruits est une et 
invariable. Des sections. Chaque nouvelle section se taille comme a été 
taillée celle qui l’a précédée. Taille des quatre premières sections. Rai- 
sons de ces procédés. Rien n’est plus simple que Ja taille du poirier et 
du pommier ; elle devient encore plus facile lorsque l’on fait usage du 
pincement, de lébourgeonnement et du palissage. De l’erreur de ceux 
qui emploient des moyens violents, comme la courbure des branches 
vers la terre, pour rendre les arbres productifs. Comment. de sembla- 
bles procédés viennent à être cités devant des sociélés savantes sans que 
les membres qui pourraient les improuver osent émeltre leur opinion à 
cet égard, 
Du défoncement des terres. 347 
De la manière d'employer le fumier dans les défonces, et commentil 
opère de bons effets. 
Du choix des arbres dans les pépinières. 350 
Del’emballage et du transport des arbres. 


TABLE DES MATIÈRES. 559 


De la mise en jauge et de l’habillement des arbres. 353 

Ce que c’est qu’habiller un arbre. De la trop grande étendue que l’on 
veut conserver aux racines des arbres qu’on transplante. Examen très 
détaillé de la végétation des racines, tendante à démontrer comment 
on doit les raccourcir. Des spongioles ; de la connaissance de ce qui peut 


les favoriser. 
Plantation des égrains. 359 


Préparation de la terre. À quelle époque greffe-t-on les égrains. Du 
choix des rameaux ; d’un outil propre à la greffe ; des soins à donner aux 
greffes. 

Poiriers et pommiers dirigés en palmettes à tige simple. 362 
Palmette à double tige de poiriers grelfés en place sur sauvageon 
ou sur Coignassier , et des pommiers sur doucain. 365 

Avantages de la palmette à double tige. Direction de la charpente de 
arbre. Application de la taille par section. Inconvénients de n’avoir sur 
Jes branches que des fruitières ; précautions à prendre à cet égard. De la 
distance qui doit régner entre chaque membre ; les conseils donnés à 
cet égard pàr un auteur moderne entraineraient à de graves erreurs. 
Des variétés de poiriers qui réussissent le mieux en palmettes. 

Pommiers et poiriers dirigés sous la forme d’un éventail. 375 
Poiriers et pommiers dirigés en vases, coordonnés avec la forme 
en pyramide. 380 

Des avantages de ces deux formes jorsqu’elles sont alternativement 
établies sur une même ligne. Plantation et distance. Comment s’établit 
Ja forme en vase. Des variétés de poiriers qui se prêtent le plus facile- 
ment à cette forme. 

Poiriers et pommiers greffés et destinés à former des pyrami- 
des. 385 

Plantation et distance. Comment s'établit la forme pyramidale. Des 
variétés les plus propices à cette forme. 

Du pommier greffé sur paradis. 392 

Ces arbres nains sont très productifs. Les fruits sont plus gros et plus 
assurés. Ces arbres doivent occuper un terrain spécialement consacré à 
leur culture. Des soins à donner à ce terrain. Motifs qui ont fait croire 
qu’on ne pouvait donner une forme régulière au pommier greffé sur pa- 
radis. La piqûre qui occasionne les chancres ne guérit jamais ; la sève, 
si abondante qu’elle soit ,. s’en éloigne de plus en plus. La raison de 
cet effet ne nous est pas encore connue. But que l’on doit se proposer en 
taillant les pominiers de paradis. Des précautions à prendre en taillant 
et après la taille. 


540 LA POMONE FRANCAISE. 


Taille des productions fruitières. 398 
Comment on taille les branches fruitières lorsqu'elles sont établies. 
Des inconvénients qui résultent de ne pas raccourcir la char- 
pente des arbres, et du traitement à suivre pour ceux qui ont 
été mal dirigés. 403 
Du rajeunissement des arbres fruitiers. 405 
Comment s’opère le rajeunissement des arbres fruitiers. Ce mode 
était pratiqué du temps de Pline. Il a été exécuté il y a dix ans dans le 
jardin de la manufacture royale de Sèvres, avec un grand succès. Ma- 
nière de greffer en couronne, de M. Briffaut. Des effets du recepage sur 
les racines. Les arbres recepés perdent leur pivot , et peu à peu leurs 
plus anciennes racines. Tout se renouvelle dans un arbre recepé. Ex- 
plication de ces faits. Ces explications donnent lieu de croire que c'est 
par erreur que l’on a attribué la coloration des bois, telle que l’opère 
M. Boucherie , à la circulation de la sève. Diverses expériences faites à 
cet égard en présence de l’auteur ; elles ont démontré que la circula- 
tion de la sève n’a aucune part à cette manière de colorer les bois. De 
quelle manière les plantes vivantes reçoivent-elles les matières ou plu- 
tôt les gaz qui les font croître. Ces mêmes matières, en passant par les 
tissus des végétaux, s’y transforment diversement ; les uns se convertis- 
sent en poison , les autres en sucre. 
Des incisions sur les arbres. 418 
Des maladies. 420 
Les causes des maladies du pommier et du poirier peuvent être attri- 
buées en grande partie à l’ignorance des cultivateurs. 
Des insectes nuisibles. 421 
De la récolte; du fruitier, et de la conservation des fruits. 424 
À quelle époque doit-on cueillir les fruits. A quel degré de tempéra- 
ture le fruitier doit-il être maintenu. Le cours de la maturité ne doit 
être ni interrompu ni accéléré. De la conservation des fruits après qu’ils 
ont atteint un certain degré de maturité. Leur dépôt dans une gla- 
cière. Des précautions à prendre pour garantir les fruits de l’extrême 
humidité qui règne dans les glacières lorsqu’elles sont fermées. La tem- 
pérature d’une glacière est ordinairement élevée de un à deux degrés 
au dessus de zéro. 
Catalogue des meilleures variétés de poires et de pommes. 429 


TABLE DES MATIÈRES. 541 


DU PFHRUNIER. 


Description du prunier. De ses diverses productions. De sa végétation 
naturelle. 433 
De la multiplication du prunier. 438 
Sur quels sujets il est greffé. De l’éducation des sujets. De la greffe. 
De la taille après la greffe. Des terres propres à la culture du prunier. 
Des semis. Opinion de M. Van-Mons. Conduite à tenir lorsque les 
branches dépérissent. Des vergers plantés en pruniers. Du prunier en 
espalier. Du prunier dans les serres. Remarque sur l’abondance des 
fruits. Maladies. Insectes ; des moyens de les détruire. Catalogue des 
meilleures variétés de prunes. 


DE L'ABRICOTIER. 


Description de l’abricotier. De ses diverses pousses. Sa manière de 
végéter. On‘peut soumettre l’abricotier à toutes les formes. Les fruits 
sont incomparablement plus savoureux lorsqu'ils mürissent en plein 
vent. De la multiplication de l’abricotier. Des sujets pour la greffe. 
Des terres propres à l’abricotier. Du rajeunissement de l’abricotier. Il 
ne réussit point dans les serres. 499 


DU CÉRISIER. 


Description. Des diverses sortes de branches. Sa manière de végéter. 

Du dégarnissement des branches. 455 

De la multiplication. 457 

Des sujets , ‘de la greffe. Le cerisier se prête à toutes les formes; il 

doit être peu taillé. Du cerisier en espalier. Du cerisier à haute tige. 

Quelle terre lui convient. On force le cerisier avec avantage. Des in- 
sectes. Catalogue des meilleures variétés. 


DU GROSEILLIER. 


Description. Sa manière de végéter. Soins particuliers pour sa mul- 


542 LA POMONE FRANCAISE. 


tiplication. Forme à donner au groseillier. De la taille ; des différentes 
sortes de groseilles à grappes. Des groseilliers épineux. Leur manière de 
végéter, propagation , etc. La culture influe singulièrement sur la 
beauté des fruits. 463 


EU FMIRANEONSEEEE. 


Description. Sa manière de végéter indique quelle culture doit lui 
être appliquée ; elle influe d’une manière très sensible sur la beauté et 
la qualité des fruits. Préparation du terrain ; plantation ; taille ; ce qu'il 
arriverait si on ne taillait pas. La cueille des fruits ne peut être différée. 
Des variétés. Emploi des fruits. Des insectes. Les jardiniers croient 
pouvoir donner au framboisier la plus mauvaise exposition de leurs 
jardins. 477 


EU FRAISIRR. 


Pourquoi cette plante est comprise parmi les arbres fruitiers. Peu de 
personnes connaissent la culture du fraisier telle qu’elle devrait être 
pratiquée. 491 

Peu de personnes pratiquent la culture du fraisier telle qu’elle est 
suivie chez les cultivateurs qui en font une ispécialité. Des quatre varié- 
tés presque exclusivement cultivées. | 

Du fraisier des Alpes. 493 

Description de la plante. Queile terre lui couvient. De ses facultés 
de reproduction. De l'utilité de concentrer les racines. De quelle ma- 
nière le fraisier des Alpes émet ses moyens de production. Le fraisier 
des Alpes se reproduit constamment le même par les semences. Du 
choix des graines. À quelle époque doit-on semer. Du premier repi- 
quage dans la pépinière ; du deuxième repiquage dans la pépinière; du 
troisième repiquage. On ne met en place ou en pots que des plantes 
formées. 

Des fraisiers des Alpes chauffés ; époque où on doit les mettre en vé- 
gétation dans la serre ou sous les bâches. Epoque de la récolte. Du frai- 
sier des Alpes hâté sous châssis sans le secours de fumier. Préjugé 
contre le plant de semis. 025 


TABLE DES MATIÈRES. 545 


Moyens de préserver les fraisiers des vers blancs. 503 

Observations générales. 505 
Résumé. 

De la récolle. 506 


De la manière dont la plupart des jardiniers cultivent le fraisier des 
Alpes. 
De la Keen’s seedling. 510 
Description de la plante. Marche de sa végétation. Reproduction par 
filets. De l’éducation des filets en pépinière par deux repiquages. La 
Keen ne peut être mise en pot pour être forcée que la seconde année de 
son éducation en pleine terre. On peut même empoter des plantes 
de trois ans. Epoque dela mise en végétation dans les serres ou sous 
les bâches ; époque de la récolte. Ce fraisier peut produire immédiate- 
ment une seconde récolte en pleine terre après avoir été chauffé. 
De PElton. 515 
Description de la plante; elle se propage par filets; marche de sa 
végétalion ; elle diffère de celle de la Keen. L'éducation des filets en 
pépinière est terminée par deux repiquages. L’Elton peut être mise en 
pot ct chauffée la première année après son éducation. Pourquoi on ne 
doit point chauffer des plants de l’£lton qui ont deux ans; elle pro- 
duit en pleine terre la première année après son éducation. 


Fraisiers de Montreuil. 518 
Des insectes nuisibles aux fruits. 
Des maladies. 590 


En quoi la cuiture du fraisier par M. Poiteau diffère-t-elle de celle- 
ci. L’auteur de la Pomone iermine son ouvrage en démontrant que le 
professeur d’horticulture doit nécessairement pratiquer avec succés, et 
même avec perfection ce qu’il veut enseigner. 521 

Catalogue des fraises décrites par M. Poiteau. 597 


FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. 


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M: CNRS 


7 


ERRATA. 


La dernière planche de la Pomone française porte le n° XVII, et cependant 
l'ouvrage n’en a que XV, 


Pages. Lignes. 


405, 25, (fig. 2 et 3), ajoutez planche IX et VII, 

405, 29, (fig. 2), ajoutez planche IX, 

407, 14, (fig. 3), ajoutez planche VII, 

416, 17 (fig. 6), lisez fig. 7, planche IV, 

420, 9, (fig. 3), ajoutez planche II, 

422, 28, (fig. 6), ajoutez planche III. 

430, 42, (planche LI, fig. 3), lisez fig. 8, planche V. 

430, 28, (fig. 9), ajoutez planche VI. 

431, 4, (fig. 40), on n’a pas donné de dessin de cette foure, 
ni de la planche X, qui n'existe pas. 

454, 4, (fig. 41), ajoutez planche VIE, 

434, 9, (fig. 9), ajoutez planche VI, 

434, 4, (fig. 1), ajoutez planche IL 

434, 5, (fig. 2), ajoutez planche II, 

134, 44, (fig. 3), ajoutez planche IL 

134, 48, (fig. 6), ajoutez planche IV. 

134, 24, (fig. 8), ajoutez planche V. 

435, 7 (fig. 8), ajoutez planche V. 

166, 30, (fig. 7), ajoutez planche III, 

467, 11, (fig. 2), ajoutez planchelIIL, 

470, 4, (fig. 4), ajoutez planche II. 

470, 3, (fig. 2), ajoutez planche IT, 

170, 42, B (fig. 2), lisez À fig. 4, planche II. 

470, 19, (fig. 3), lisez fig. 2, planche II, 

471, 7, (fig. 9), ajoutez planche III, 

474, 8, (fig. 3), lisez fig. 2, planche II. 

474, 32, B, ajoutez planche II et fig. 41, 

472, A, (fig. 3), lisez fig. 2, planche Il. 

472, 147, chicot P, fig. 3, lisez fig. 2. 

172, 24, (fig. 4), lisez fig. 3. 

473, 7, Bet C, ajoutez fig. 3, planche, 

473, 415, B, ajoutez fig. 3, planche II, 

475, h, (fig. 4), lisez fig. 3, planche II. 

475, 15, (fig. A), lisez fig. 8. 

475, 26, (fig. 5), lisez fig. 4. 

475, 27, (fig. À), lisez fig. 3. 

479, 46, (fig. 9), ajoutez planche III, 

179, 32, (fig. 5), lisez fig. 4, planche IT. 


Pages. Lignes. 
480, 4,  (fGg. 4), lisez fig. 3. 
480, 10, (fig. 6), ajoutez planche IV. 
487, 2, (fig. 6), ajoutez planche IV. 
487, 21, (fig. 7), ajoutez planche IV. 
188, 26, (fig. 8), ajoutez planche V. 
491, 23, planche VIIL, ajoutez et de la planche IX, 
203, 20, plancheX, On a cru devoirne pas reproduire cette planche. 
204, 8, planche VII, ajoutez fig. A1, Les lettres indicatives des 
branches de cette figure sont omises ; on les ajouteraæ 
en commencant par la lettre À, qu'on mettra sur la 
branche du bas, et en terminant par la lettre F, qui 
sera placée sur la dernière du haut. 
281, 4, Doucain, lisez Doucin. 
282, 46, n° 14, ajoutez planche XI. 
897, 29, après la 29e ligne, ajoutez 327 et 830. 
33%, 42, (fig. 1), ajoutes planche XII. 
375, 40, (fig. 15), ajoutez planche XV. 
882, 48, après trois tuteurs, ajoutez que les cerceaux qui sont placés 
sur la figure en dehors doivent être placés en dedans du vase 
998 44%, planche XI, lisez planche XII, 


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