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Full text of "La vie de P. de Ronsard. Éd. critique avec introd. et commentaire historique et critique [par] Paul Laumonier"

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Paul    LAUMONIER 

Docteur  es  Lettres 

Maître  de  Conférences  de  Langue  et  Littérature  françaises 
à  r Université  de  Poitiers 


LA 


VIE  DE  P.  DE  RONSARD 

DE 

CLAUDE    BINET 

(1586) 

ÉDITION     CRITIQUE 

AVEC 

INTRODUCTION    ET    COMMENTAIRE 

HISTORIQUE   ET  CRITIQUE 


,2    GRAVURES    HORS    TEXTE 


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PARIS 
LIBRAIRIE  HACHETTE  ET  C'« 

79,   BOULEVARD   SAINT-GERMAIN,   79 
1910 


LA  VIE  DE  P.  DE  RONSARD 


VIE    UE   P.    DE    RONSAUU. 


Paul    LAUMONIER 

Docteur  es  Lettres 

Maître  de  Conférences  de  Langue  et  Littérature  françaises 
à  r Université  de  Poitiers 


LA 


VIE  DE  P.  DE  RONSARD 

CLAUDE    BINET 

(1586) 

ÉDITION     CRITIQUE 

AVEC 

INTRODUCTION    ET    COMMENTAIRE 

HISTORIQUE  ET  CRITIQUE 


2    GRAVURES    HORS    TEXTE 


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I  V 
PARIS  ' 

LIBRAIRIE  HACHETTE  ET  C"^ 

79,  BOOLEVAIU)  saint-ijei;mm\,  19 

1911) 


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A      MA      MERE, 


en  témoignage 
de  profonde  reconnaissance. 


INTRODUCTION 


I-  —  Origine  et  raisons  de  la  présente  édition. 

II.  —  Claude    Binet.    Sa    carrière    littéraire.     Ses    relations,   notamment    avec 
Ronsard  et  les  amis  de  Ronsard. 
Ses  trois  éditions  de  la   Vie  de  Ronsard. 

III.  —  Ses  Sources  d'information. 

A.  Documents  écrits. 
a.  Documents  oraux. 
Critique  de  sa  méthode. 

IV.  —  Disposition  de  notre  ouvrage  :    texte  fondamental,  variantes,    commen- 

taire ;  graphie  et  ponctuation  ;  exemplaires  consultés  ;  signes  adoptés. 

I 

La  biographie  de  Ronsard  que  Claude  Binet  nous  a  laissée  a  longtemps 
fait  autorité.  Comme  elle  était  la  seule  qui  fût  écrite  par  un  contempo- 
rain, un  disciple,  un  familier  du  poète,  et  qui  parût  assez  nourrie  de 
faits,  sans  avoir,  à  beaucoup  près,  l'allure  oratoire  des  panégyriques 
prononcés  le  jour  des  obsèques  solennelles  au  collège  de  Concourt,  on 
crut  pouvoir  lui  accorder  un  grand  crédit  ;  et  cela  non  seulement  au 
xviic  siècle,  peu  difficile  en  matière  de  tradition  historique,  non  seule- 
ment au  xviiic,  où,  malgré  les  progrès  de  l'esprit  critique,  on  accepta 
généralement  sur  le  compte  de  Ronsard  —  très  délaissé  —  les  connais- 
sances traditionnelles,  mais  encore  au  xix^,  qui,  plus  curieux,  étudia 
son  œuvre  avec  un  intérêt  croissant. 

Bien  mieux,  cette  biographie,  que  Binet,  en  qualité  d'exécuteur  tes- 
tamentaire de  Ronsard,  avait  eu  l'avantage  de  faire  imprimer  à  la  fin 
de  l'édition  ne  varietur  des  œuvres  du  grand  poète,  profita  largement  de 
son  regain  de  célébrité  et  de  sa  réhabilitation  au  siècle  de  la  critique. 
Plus  on  s'occupa  de  Ronsard,  plus  on  eut  recours  à  son  biographe. 
Non  seulement  les  auteurs  des  nouvelles  éditions  des  œuvres  de  Ronsard, 
choisies  ou  complètes,  et  les  historiens  de  notre  poésie  «  renaissante  » 
s'inspirèrent  tranquillement  de  cette  biographie  dans  leurs  notices 
et  leurs  études,  mais,  après  plus  de  deux  cents  ans,  elle  revit  le 
jour  jn  extenso  en  1836  par  les  soins  de  Cimber  et  Danjon  dans  les  .Ir- 
chives  curieuses  de  l'Histoire  de  France,  et,  avec  «  çà  et  là  quelques  cou- 
pures »,  en  1873  par  les  soins  de  Becq  de  Fouquières  en  tète  de  ses 
Poésies  choisies  de  Ronsard.  Sans  notes  critiques  :  Binet  l'avait  dit,  cela 
suffisait. 

Pourtant  quelque  défiance  s  était  manifestée  dès  le  xvii°  siècle  à  l'é- 
gard de  Binet  biographe.  C'est  G.    Colletet,  qui,  à    ma  connaissance,    a 


VIII  l.NTIVODl'CTION 

le  premier  relevé  une  erreur  llagraule  de  Hiiiet  '.  Mais  sa  criticiue  s'est 
bornée  là  :  il  a  encore  juge  bon  de  ne  pas  le  suivre  sur  deux  ou  trois 
points,  mais  sans  le  dire,  ni  pourquoi  -.  Binct  est  celui  de  ses  «  origi- 
naux »  auquel  il  a  fait  le  plus  d  emprunts  en  toute  confiance,  et  très 
souvent  tics  emprunts  qui  n'en  méritaient  aucune''.  —  P.  Bayle  a  lu 
Hinct  avec  plus  de  précaution  et  Ta  cité  avec  plus  de  scepticisme.  «  Chi- 
mères »,  dit  il  à  propos  des  origines  étrangères  de  la  famille  Honsart  ; 
((  réllcxions  peu  judicieuses,  froide  hyperbole  de  panégyriste,  traits  d'es- 
prit <|u'on  appelle  concctti  au  delà  des  monts  »,  à  propos  des  passages 
sur  la  naissance  et  le  baptême  du  poète  ;  «  la  narration  de  Hinet  est 
toute  remplie  de  fautes  »,  ajoute-t-il.  I)  ailleurs  il  ne  montre  pas  ces 
fautes,  sauf  celles  du  début  que  nous  venons  de  rappeler,  et  une  autre 
relative  au  temps  que  Honsard  fut  page  :  «  Binet  se  trompe  grossièrement 
dans  son  calcul  "...  »  L  abbé  Joly  n'est  pas  moins  sévère.  A  propos  de 
«  la  prétendue  satire  de  la  Truelle  crossèe,  faite,  dit  on,  contre  de  Lorme 
par  Ronsard  »,  il  écrit  :  «  Je  ne  doute  presque  point  que  Binet,  (\i\\  a 
entasse  fautes  sur  fautes  dans  sa  Vie  de  Ronsard,  comme  Bayle  l'avoué, 
n  ait  métamorphosé  un  simple  sonnet  en  satire  ''.  »  —  Sainte  Beuvc  à 
son  tour  :  m  Claude  Binet,  quoique  ami  el  disciple  de  Ronsard,  paraît 
assez  inexactement  informé  des  premières  années  de  ce  poète,  et  les  dates 
qu'il  donne  me  semblent  souvent  suspectes  »  ;  et,  à  propos  d'un  grave 
dissentiment  qui,  d'après  Binet,  serait  survenu  entre  Ronsard  et  Du 
Bellay  en  1549,  et  aurait  abouti  à  une  action  en  justice  intentée  par  Ron- 
sard, le  fin  critique  déclarait  encore  :  «  Cette  anecdote  m'a  toujours  paru 
suspecte  '".  » 

Malgré  ces  avertissements,  ce  n'est  que  tout  à  la  fin  du  xixc  siècle  qu'on 
s'avisa  de  contrôler  et  de  rectifier  Binet-  C'est  à  M.  Henri  (^liamard  que 
revient  1  honneur  d'avoir  attiré  1  attention  des  ronsardisants  sur  les 
trois  rédactions  de  la  Vie  de  Ronsard,  dont  les  variantes  nombreuses  et 
importantes  sont  la  meilleure  preuve  du  peu  de  crédit  qu'elle  mérite, 
étant  inspirées  par  un  zèle  inopportun  de  panégyriste  et  de  littérateur 
bien  plus  que  par  le  souci  de  la  vérité  «  J'avoue,  écrivait-il  en  1899, 
que  je  ne  puis  me  défendre  d'un  certain  scepticisme  en  ce  qui  touche 
cette  querelle  (celle  de  1549  entre  Ronsard  et  du  Bellay)  et  le  caractère 
qu'on  lui  prête,  et  mes  doutes  s  appuient  des  variations  de  Binet  lui-même 
sur  ce  point.  On  cite  toujours  Binet  d'après  l'édition  de  1597.  Mais  on  ou- 
blie trop  que  cette  édition  fut  précédée  de  deux  autres,  qui  présentent 
avec  elle  de  notables  divergences.  C'est  en  1586,  un  an  après  la  mort 
du  grand  homme,  que  Binet  publia  pour  la  première  fois  sa  17e  de  Ron- 
sard. L'année  suivante,  lorsque  parut,  chez    Gabriel  Buon,    la   première 


1    y.  ci  après  le  Commentaire,  p.  70,  note  sur  les  mots  «  devant  Paoie». 

2.  y.  ci-après,   p.  lôO.    fin     de  la    note   sur    l'hymne  de  Vllercule  Chresticn   ; 
p.  156,  note  sur  les  Dilhiivamhes  ;  p.   162,  note  sur  lesSo/ine/.s  pour  Astréc. 

3.  Notice    sur  /•".  de  Ronsard    éditée  par  Hlaiichemain  en  tète  des  Œuvres  iné- 
dites de  Ronsard,  en  185.')   p|).  19  el  20. 

4.  iJict    hist.  et  crit  ,  article  Ronsard,  notes  A,  H,  (>,  I) 

5.  Remarques  crit.  sur   le  Dict.  de  Bayle,  article  Ronsard. 

6.  Tableau  de  la  poés.  fr.  au  XIX^  s.,  édition  courante  in-Vi  de  la  Bibliothèque 
Charpentier,  pp.  291,  note,  et  333. 


INTRODUCTION 


édition  posthume  des  œuvres  du  poète,  Binet  y  joignit  son  Discours, 
mais  non  sans  l'avoir  profondément  remanié.  Dix  ans  plus  tard  enfin 
(1597),  la  Vie  de  Ronsard  reparut,  augmentée  et  corrigée  d'une 
manièi'e  considérable,  dans  l'édition  nouvelle  que  donna  du  Vendômois 
la  veuve  de  Gabriel  Buon.  C  était  cette  fois  la  rédaction  définitive,  celle 
qu'on  retrouve  dans  toutes  les  éditions  subséquentes,  et  qui  de  nos 
jours  continue  de  faire  autorité.  "  Et,  rapprochant  les  trois  textes  sur  le 
point  qui  l'intéressait  particulièrement,  M.  Chamard  montrait  que  le 
récit  de  Hinet,  d'abord  vraisemblable,  avait  été  par  deux  fois  tellement 
modifié  dans  le  sens  favorable  à  Ronsard  qu'il  était  devenu  invraisem- 
blable et  même  faux  '. 

J'avais  moi-même  été  frappé,  dès  le  début  de  mes  études  sur  la  vie  et 
l'œuvre  de  Ronsard,  de  l'indifférence,  disons  mieux,  de  l'ignorance  de 
Binet  en  fait  de  chronologie,  des  lacunes  de  sa  documentation,  de  son 
défaut  de  sens  critique,  du  vague  et  de  l'incohérence  de  ses  assertions, 
du  caractère  faussement  littéraire  de  sa  narration  J'y  trouvais  trop  d'en- 
jolivements, pas  assez  d'arguments,  trop  de  phrases,  pas  assez  de  faits. 
J'avais  notamment  remarqué  que,  dans  la  première  partie  de  son  opus- 
cule, Binet  s'était  contenté  de  délayer  lélégie  autobiographique  de  Ron- 
sard à  Rémi  Belleau,  sans  connaître  sa  date,  ni  sa  primitive  adresse  au 
panégyriste  Pierre  Paschal,  et  sans  se  douter,  par  conséquent,  des 
préoccupations  d'immortalité  qui  lavaient  dictée  au  poète,  lui  faisant 
embellir,  ou  altérer  d'autre  façon,  la  pure  vérité.  Cette  manière  de  bio- 
graphie ne  m'étonnait  pas  pour  l'époque  -,  mais  je  m'étonnais  qu  on 
eût  ajouté  foi  si  aisément  à  la  parole  de  Binet,  disciple  enthousiaste, 
ami  fervent,  voire  même  avocat  de  Ronsard,  très  prévenu  en  sa  faveur  et 
très  insuffisamment  informé,  et  que  personne  n'eût  encore  entrepris  mé- 
thodiquement la  critique  de  son  témoignage.  Les  pages  suggestives  de 
M.  Chamard  sur  les  trois  textes  de  la  Vie  de  Ronsard,  et  deux  autres 
observations  du  consciencieux  historien  de  Du  Bellay  présentées  en 
1900   '^    achevèrent   de  me   convaincre    de  la  nécessité  de    cette    ciitique. 

Telle  est  l'origine  de  la  présente  édition.  Elle  était  décidée  quand  je 
publiai  de  1901  à  1905  mes  articles  d'une  part  sur  la  Jeunesse  de  Ronsard, 
d'autre  part  sur  la  Chronologie  et  les  Variantes  de  ses  poésies,  où  le 
témoignage  de  son  biographe  est  souvent  complété  ou  contredit,  parfois 
même  récusé  '.  Qu'on  me  permette  de  rappeler  seulement  ce  que  j'écri- 
vais en  1902   dans    mon    étude    sur  la  Cassandre  de  Ronsard  :  «  J'ai  de 


1.  Rci>.  d'IIist.  littcr.  de  janvier  1899,  pp.  44  et  suiv. 

li^ii  réalité,  la  première  rédaction  de  Binet  parut  trois  mois  environ  après  la 
mort  de  Ronsard,  et  la  deuxième  rédaction  un  an  après  cette  mort.  V.  ci- 
après,  pp.  XXII  à  XXIV. 

2.  Cf.  la  Vie  de  Charles  IX  par  Arnaud  Sorbin  fl574),  les  Vies  des  plus  an- 
ciens et  célèbres  poètes  provençaux,  par  Jean  de  Nostredame  (1575),  les  Elogia  de 
Papire  Masson  (celui  de  Dorât,  1588),  et  les  Gallorum  doctrina  illustrium  elogia, 
par  Se.  de  Sainte-Marthe  (1598-1606). 

3.  Joachim  du  Bellay,  p.  37.  Cf.  p.  498. 

4.  Rev.  de  la  Renaiss  ,  1901  et  1902  ;  Rev.  d'Hist.  litt.,  1902  à  1905  ;  Rev.  Uni- 
versit.,  15  févr.  1903  ,  Bull,  de  la  Fac.  Letl.  de  Poitiers,  juin  1903;  Annales  Flé- 
c/io/ses,1903  et  1904  :  Rev.  des  Etudes  Rabelaisiennes,  fin  de  1903  ;  Rev.  de  la  Renaiss., 
janv.  1904,  supplément. 


INTRODtr.TrON 


sérieuses  raisons  de  me  défier  quoique  peu  des  assertions  de  Binet, 
ayant  entrepris  ici  même  la  critique  de  la  biographie  qu'il  a  consacrée 
à  Ronsard  II  ne  fut  lié  que  dans  les  dernières  années  avec  le  poète,  et 
celui-ci  ne  lui  a  dédié  aucune  des  pièces  parues  de  son  vivant  ;  il  s'est 
trop  vanté  des  confidences  que  lui  aurait  faites  Ronsard  et  s'est  trop 
«  honoré  de  se  frotter  à  sa  robe  quand  il  vivoit  »  pour  qu'on  lui  accorde 
une  entière  confiance  ;  c'est  d'ailleurs  un  panégyriste  posthume,  qui  sub- 
stitue trop  souvent  le  roman  et  la  rhétorique  à  l'histoire  '.  »  Mais  un 
travail  plus  important  et  de  plus  longue  haleine  sur  l'œuvre  lyrique  de 
Ronsard  m  empêcha  de  réaliser  mon  projet  aussitôt  que  je  l'eusse  voulu. 
A  la  fin  de  1905,  je  fus  devancé  ])ar  M"e  Hélène  Evers,  alors  étudiante 
à  l'université  de  Br5-n  Mawr  (Philadelphie)  -. 

Ce  m  est  un  devoir  fort  agréable  de  rendre  hommage  au  mérite  de 
M"''  lilvcrs,  d'autant  plus  grand  que  ses  conditions  de  travail  étaient  plus 
défavorables.  Je  sais  quelles  diflicultés  elle  eut  à  vaincre,  si  loin  de 
notre  Bibliothèque  Nationale,  des  trois  textes  de  Binet  et  de  la  collection 
des  éditions  primitives  de  Ronsard,  n'ayant  à  sa  disposition  que  des 
sources  d'information  incomplète,  que  des  moyens  d'enquête  restreints 
et  imparfaits.  Douée  d'unjugement  pénéti'ant,  guidée  par  un  excellent 
maître,  M.  Lucien  Foulet,  que  des  considérations  analogues  aux  miennes, 
mais  personnelles,  avaient  conduit  à  suspecter  la  véracité  de  Binet,  elle  a 
réussi  à  faire  une  œuvre  intéressante  et  utile.  Si,  par  les  articles  de  revue 
que  M"'?  Evers  a  souvent  cités,  j'y  ai  contribué  dans  une  certaine  mesure, 
en  revanche  son  édition  m'a  rendu  des  services  réels,  attirant  mon  atten- 
tion sur  des  points  que  j  aurais  peut-être  négligés,  confirmant  mes  rai- 
sons de   douter,  m'offrant   enfin  plus  d'une  occasion    d'argumenter. 

De  la  discussion  naît  parfois  la  lumière  C'est  un  des  motifs  qui 
m'ont  déterminé  à  poursuivre  mon  projet  d'édition.  J'en  expose  plus  loin 
quelques  autres  d'ordre  purement  technique  Je  dirai  seulement  ici  qu'une 
édition  critique  française  était  nécessaire  après  celle  que  M"<'  Evers 
a  rédigée  en  anglais  ;  qu'il  fallait  en  faire  disparaître  des  inexactitudes 
et  des  erreurs  presque  inévitables  ;  que  les  sources  d'information  et  de 
rédaction  de  Binet  devaient  être  complétées  ;  enfin  que  son  texte  même 
devait  être  éclairé  par  un  commentaire  historique  abondant,  que,  pour 
bien  des  raisons,  M'Ic  Evers   ne    pouvait    songer  à  entreprendre. 


II 

Dans  quelles  conditions  et  dans  quelles  circonstances  précises  Claude 
Binet  a-t-il  composé  le  Discours  de  la  oie  de  Ronsard  !  Pour  répondre 
à  cette  question,  il  faudrait  d'abord  être  fixé  sur  la  date  où  il  fit  la  con- 
naissance du  poète  et  sur  les  relations  qu'il  eut  avec  lui.  Il  nous  dit 
qu'il    était    encore    «  jeune   d'ans    et    d'expérience,   n'ayant    pas  encore 


1.  Reo.  de  la  Renaiss.,  oct.  1902,  p.  82.  Tirage  à  pari,  Rennes,  F.  Simon,  1903, 

P-  ^^     .  .  .  . 

2.  Critical  édition  of  the    Discours  de  la    vie  de    Ronsard  par   CL  Binet.   Voir 

ma  Bibliographie. 


INTRODUCTION  XI 

attainct  l'âge  de  quinze  ou  seize  ans  »,  quand  il  alla  voir  Ronsard  pour 
la  première  fois  et  lui  présenta  «  les  prémices  de  sa  Muse  ».  Mais  il  a 
oublié  de  nous  apprendre  l'essentiel,  en  quelle  année  et  en  quel  mois  il 
fit  cette  visite  mémorable  qui  devait  avoir  une  si  grande  influence  sur 
sa  carrière  littéraire 

Pour  moi,  Claude  Binet,  de  Beauvais,  n'avait  pas  plus  de  vingt  ans 
quand  il  publia  son  premier  recueil  de  vers,  les  Diuerscs  Pocs/es,  en  janvier 
1573  '.Il  serait  né  en  1553.  On  sait  en  effet,  par  la  Sldlislique  des  cantons 
de  rOisc  (de  Graves  et  le  Dictionnaire  des  hommes  illustres  de  l'Oise 
(de  Braisne),  qu'il  perdit  son  oncle  Jean  Binet  en  1561.  Cet  oncle,  juris- 
consulte et  poète,  avait  été  son  initiateur,  sinon  dans  la  science  du  droit, 
au  moins  dans  l'art  des  vers.  D'après  deux  strophes  de  Claude  Binet, 
qu'on  lit  dans  la  Deploration  des  misères  humaines  sur  la  mort  de  maistre 
Jean  Binet,  celui-ci  avait  «  planté  les  Lauriers  sacrez  »  dans  la  «  tendre 
poitrine  »  de  son  neveu,  et  ces  lauriers  y  «  verdirent  »  plus  tard  «  de 
soucis  et  regretz  »,  lorsque  le  neveu  fut  capable  de  comprendre  et  de 
pleurer  dignement  la  perte  qu'il  avait  faite  en  la  personne  de  ce  bon 
oncle  ^.  Je  ne  crois  pas  téméraire  d'en  conclure  qu'en  1561  Cl.  Binet 
pouvait  avoir  de  huit  à  neuf  ans.  Il  aurait  «  déploré  »  la  mort  de  son 
oncle  seulement  quelques  années  après,  mettons  dans  sa  seizième  année 
au  plus  tôt,  si  c'est  à  cet  âge,  comme  il  le  dit,  qu'il  alla  montrer  à  Ronsard 
ses  premiers   vers. 

Autres  preuves.  Outre  cette  ((  deploration  »,  le  recueil  des  Diverses 
Poésies  contient  un  Sonet  sur  les  trespas  de  Mgr  de  Guise,  de  Martigues 
et  de  Brissac  ',  dont  le  premier  est  mort  en  février  1563,  le  second  et  le 
troisième  en  1569,  une  Complainte  sur  le  trespas  de  J ■  Grevin,  mort  en 
novembre  1570,  une  Ode  trionfale  sur  l'arrivée  d'Elisabeth  d'Autriche 
Rogne  de  France  qui  eut  lieu  au  mois  de  mars  1571,  une  Complainte 
sur  le  trespas  de  M-  Claude  Despence,  mort  en  1571,  une  cinquantaine 
d'autres  pièces,  sonnets,  odelettes,  vœux,  épigrammes,  chant  forestier, 
qui  sont  de  dates  indéterminables.  Or  Cl.  Binet  était  très  jeune  quand 
il  écrivit  tous  ces  vers-  Cela  ressort  de  la  dédicace  même  du  volume 
«  à  messire  René  de  Voier,  Vicomte  de  Paulmy,  Chevalier  de  l'ordre  du 
Roy,  et  Gentilhomme  ordinaire  de  sa  Chambre  ».  J'ai  osé,  lui  dit-il, 
accompagner    les  œuvres    de  La  Peruse  «  d'un  petit   échantillon  de  mes 


L  A  la  suite  de  son  édition  des  CEuvres  de  J.  de  la  Peruse.  La  dédicace  est 
datée  du  1"  janvier  1573  (Bibl.  Nat.,  Rés.    pYe  295). 

J.  de  la  Peruse  mourut  en  lô54.  Il  n'a  donc  pas  pu  être  son  ami  comme  le 
dit  M"^  Evers,  op.  cit.,  p.  3.  Le  texte  qu'elle  cite  fait  allusion  à  l'amitié  de  René 
de  Voier,  comte  de  Paulmy,  pour  La  Peruse. 

2.  Ce  thrène  de  Cl.  Binet  est  au  recueil  des  Diverses  Poésies.  \'oici  le  pas- 
sage :  «  Car  soit  qu'ardent  le  Digeste  ou  le  Code  |  Te  tinssent  en  leur  sein,  I 
Soit  qu'Apollon  aux  gais  bords  de  Terain  |  T  empeschât  sur  uneOde  |  Ou  sur 
un  vers  d'une  aigre  douceur  plein,  |  J'estoy  l'objet  de  ta  fureur  divine  |  Et 
de  tes  vers  sucrez,  |  Quand  tu  plantois  les  vers  Lauriers  sacrez  ]  En  ma 
tendre  poitrine.    |    Qui  verdit  or'  de  soucis  et  regretz    » 

3.  Martigues  est  mort  au  siège  de  St-Jean-d'Angély  (fin  de  1569)  ;  pour  Bris- 
sac,  on  peut  hésiter  entre  le  maréchal  Charles  de  Cossé-Brissac,  mort  en  1563, 
et  son  fils  Timoléon,  mort  prématurément  en  avril  1569.  Dans  tous  les  cas,  le 
sonnet  n'a  pu  être  écrit  avant  la  fin   de  1569. 


\1I  INTRODI'CTION 

compositions,  afin  que  soubs  la  faveur  de  vostre  nom,  en  aiant  pour 
avant  garde  et  fidellc  escorte  un  La  Pcruse,  il  marchast  plus  asseuré- 
ment  en  campaignc,  auquel  par  votre  noblesse  et  courtoisie  vous  excu- 
serez s'il  vous  plaist  la  rudesse  et  peu  de  jugement,  comme  ne  venant 
pas  de  quelque  viel  routier  et  rusé  en  cest  art,  acceptant  cecy  pour 
avantcoureur  de  (juclquc  ebose  mieux  tracée-  »  Le  volume  se  termine 
par  plusieurs  pièces  de  ses  amis  en  latin  et  en  français,  parmi  lesquelles 
Antoine  Le  Fcvre,  de  Clcrmont  en  Beauvaisis,  lui  adresse  ces  distiques  : 

Si  /iio  jaiii  tcncrae  laiidanlur  .scri/)/a  juvenlae, 
(irata(|ue  suiil  doclis   muncra  prima  viris, 

Quid  faciès.  Clniidi.  fuerit  cuni  grandior   aelas  I 
Quos  quanta  pronies  sedulilate  niodos  ! 

En  1573,  il  publie  une  Ode  sur  la  naissance  et  triomphant  baptesme  de 
Marie-lsabel  de  Vallois,  fille  unique  de  France^.  En  1573  encore,  V  Adieu 
de  la  France  au  sercuissinie  roij  de  Pologne  augmenté  de  la  responce  et 
adieu  du  roy  de  Pologne  à  la  France  "-.  En  1575,  un  nouvel  opuscule, 
contenant,  entre  autres  pièces,  une  «  egloguede  chasse  »  intitulée  ^rfoni's 
ou  le  Trespas  du  roy  Charles  IX,  et  une  «  eglogue  marine  »  intitulée 
Les  Daufins  ou  le  Retour  du  roy  (Henri  III)  •''.  Et  les  amis  de  s'extasier 
toujours  sur  la  précocité  du  talent  de  l'auteur  :  François  de  Belleforest 
accompagne  l'Adieu  de  la  France  d'un  éloge  qui  commence  ainsi  : 

Binet,  puisque  Pallas,   au  printemps  de  ton  âge. 
T'a  départi  sa  grâce 

un  autre  poète,  qui  signe  B.  D.  S.,  dit  à  propos  des  Daufins  : 

1.  Paris,  Dallier.  in-S"  de  11  pages  (Bibl.  Nat.,  Ye,  15539).  Lyon,  Rigaud,  in- 
8»  de  7  a.  [M.,  8'  Ye,  pièce  5965). 

D'après  La  Croix  du  Maine,  ce  généthliaque  fut  imprimé  à  Paris  chez  Dal- 
lier  dès  1572.  La  naissance  de  Marie-Elisabeth  de  Valois  date  du  27  octo- 
bre 1572. 

2.  Paris,  Galoudeau,  in^"  de  18  ff.  (Bibl.  Nat.,  Lb^*,  40).  Le  gala  des  Tuile- 
ries donné  en  l'honneur  des  députés  polonais  qui  venaient  offrir  à  Henri 
d'Anjou  la  couronne  de  Pologne  eut  lieu  à  la  fin  d'août  1573  Henri  d'Anjou  ne 
franchit  la  frontière  allemande  que  le  5  décembre.  La  pièce  de  Cl.  Binet  date 
donc  de  la  deuxième  moitié  de  l'année 

3.  Merveilleuse  rencontre  sur  les  noms  tournez  du  liog  et  de  la  Rogne  {Présenté 
à  leurs  Majettez).  Plus  Adonis  ou  le  Trespas  du  Rog  Charles  IX  {Eglogue  de 
chasse),  A  Messire  Albert  de  Gondg,  comte  de  Retz  et  mareschal  de  France.  Les 
Daufins  ou  le  retour  du  Rog  {Eglogue  Marine,  avec  le  chant  des  Sereines  qui  est 
un  Epithalame  sur  son  mariage,  A  Monsieur  Du  Faur,  seigneur  de  Pghrac.  Par 
Cl.  Binet  Beauvaisin.  Paris,  Féderic  Morel.  impr.  ord.  du  Roy,  1575,  in-i»  de 
40  pp.  (Bibl.  Nat.,  Rés.  Z.  Fontanieu  103  ou  Recueil  de  Mémoires,  tome  103, 
Z    2284). 

P.  Lacroix  a  écrit  dans  sa  Notice  sur  les  Ballets  et  Mascarades  de  Cour  :  «  Quand 
Charles  IX  revint  dans  sa  capitale  (après  le  voyage  de  Bayonne),  on  honora  son 
retour  par  plusieurs  mascarades  à  l'Hôtel  de  Ville  de  Paris  Claude  Binet  était 
l'auteur  des  vers  qui  se  chantaient  dans  l'une  J.-A.  de  Baïf  avait  composé  les 
vers  de  l'autre,  que  récitaient  des  Nymphes.  Ronsard  fit  aussi  sa  mascarade.  » 
C  est  une  erreur  qu'il  importe  de  relever,  car  le  retour  de  Charles  IX  à  Paris 
après  le  voyage  de  Bayonne  remonte  à  1566.  P  Lacroix  a  confondu  probable- 
ment avec  le  retour  de  Henri  III,  revenant  de  Pologne,  qui  fit  son  entrée  à 
Paris  après  son  sacre  et  son  mariage  eu  février  1575  ;  c'est  ce  retour  que  Binet 
a  chanté  dans  le  recueil  de  1575. 


INTRODUCTION  MU 

D'où  vient,  diront  aucuns,  qu'ainsi  des    sa  jeunesse 
Il  receut  ce     bonheur  et  tant    noble  caresse 
Du  Dieu   Cyllenien  ? 

Kiifin  nous  savons  d'une  part  que  Cl.  Binet  «  deceda  dans  un  âge  peu 
avancé  »  ',  d'autre  part  que,  s'il  vivait  encore  le  3  septembre  1599,  il 
n'existait  plus  le  4  août  1600  -. 

Je  crois  donc  pouvoir  affirmer  qu'en  janvier  1573,  lors  de  la  publication 
de  son  premier  recueil  de  vers,  Claude  Binet  n'avait  pas  plus  de  vingt 
ans. 

Ceci  posé,  il  devient  plus  facile  de  dater  la  première  entrevue  de 
Ronsard  et  de  son  biographe.  Si  l'on  rapproche  ce  que  le  biographe  en 
a  dit  des  dates  précédentes,  elle  aurait  eu  lieu  aux  environs  de  1569.  11  ne 
semble  pas,  remarquons-le,  avoir  gardé  un  souvenir  très  précis  de  l'âge 
qu'il  avait  lors  de  cette  entrevue  ;  il  dit  vaguement  qu'il  n'avait  pas 
encore  «  attainct  l'âge  de  quinze  ou  seize  ans  »  ;  et,  dans  l'incertitude, 
il  s'est  plutôt  rajeuni,  vraisemblablement.  Cela  nous  permet  de  croire, 
avant  toute  autre  considération,  que  la  rencontre  pourrait  bien  ne 
remonter  qu'à  1570. 

Or,  Ronsard  a  passé  les  années  1568  et  1569  en  son  prieuré  de  St- 
Cosme,  retenu  par  une  longue  maladie  ;  et  ce  n'est  guère  qu'après  la 
paix  de  St-Germain  entre  catholiques  et  protestants  (août  1570]  qu'il 
revint  à  Paris.  On  le  trouve  en  septembre  à  Conflans,  chez  Villeroy,  et 
il  est  vraisemblable  qu'il  demeura  à  Paris  toute  la  fin  de  l'année  et  une 
bonne  partie  de  l'année  suivante,  non  seulement  parce  qu'il  élaborait 
alors  une  troisième  édition  collective  de  ses  œuvres,  mais  parce  qu'il  eut 
à  préparer  de  fin  novembre  1570  à  mars  1571,  avec  son  maître  Dorât  et 
son  secrétaire  A.  Jamin,  la  partie  littéraire  des  fêtes  auxquelles  donnèrent 
lieu  le  récent  mariage  de  Charles  IX  et  d'Elisabeth  d'Autriche,  le  sacre 
de  la  reine  à  Saint-Denis  et  les  entrées  solennelles  des  souverains  dans 
leur  ville  capitale  '.  C'est,  à  mon  avis,  dans  la  deuxième  moitié  de  1570 
que  Ronsard  reçut  la  visite  du  jeune  Binet,  lequel  songeait  aux  fêtes  qui 


1.  Antoine  Loisel,  Mémoires  des  pays...  de  Beaiwais  et  Beaiwaisis,  Paris,  1617. 
Cf.  la  note  de  La  Monnoye  dans  la  Biblioth.  de  La  Croix  du  Maine,  article 
Claude  Binet. 

2.  Il  assistait  le  3  septembre  1599  au  baptême  de  sa  fille  Jeanne,  dont  le  parrain 
était  Jean  de  la  Guesle.  D'autre  part,  à  la  date  du  4  août  IGOO,  la  ville  de  Riom 
expulsa  du  Palais  royal  (pour  y  loger  le  comte  d'Auvergne)  les  enfants  de  feu 
Claude  binet,  lequel  y  occupait  les  appartements  de  la  reine  mère  en  qualité 
de  lieutenant  général  de  la  sénéchaussée. 

Je  dois  la  connaissance  de  ces  faits  à  M.  Gaston  Varenne,  prolesseur  au 
Lycée  de  Beauvais,  qui  prépare  depuis  plusieurs  années  une  monographie  de 
Cl  Binet.  C  est  encore  lui  qui  m'a  signalé  les  citations  précédentes,  tendant  à 
prouver  que  Binet  n'avait  pas  plus  de  vingt  ans  en  1573.  Je  suis  heureux  de  le 
remercier  ici  de  son  obligeance. 

3.  V.  ma  thèse  sur  Ronsard,  pp.  231  à  238,  et  Annales  Fléchoises  de  septem- 
bre 1906,  pp.  261  et  suiv.  —  Cf.  Théod.  Godefroy,  Cérémonial  français,  tome  I, 
pp.  519  à  556  ^il  est  question  de  Ronsard  et  Dorât  à  la  p.  539, de  Dorât  encore  à 
la  p.  553^  ;  Rlanchemain,  éd  de  Ronsard,  1\',  200  ;  Marty-Laveaux,  éd.  de 
Ronsard,  VI,  386,  et  Notice,  cxxiii.  \'oir  encore  pour  la  récompense  que  leur 
valut  cette  participation  aux  fêtes,  et  pour  la  part  de  Jamin,  Ciraber  et  Danjou, 
Archives  curieuses,  1"^  série,  VllI,  369  ;    Œuvres  de  Jamin,  éd.  de  1575,  in  fine. 


Mv  l^TnoDl;cTIO^ 

devaient  avoir  lieu,  au  rôle  orticiel  qu'j»^  joueraient  Ronsard  et  Dorât, 
poètes  du  roi,  à  la  possibilité  pour  lui-môme  dy  participer  sous  l'égide 
de  ces  personnages  et  de  faire  son  chemin  comme  poète  de  Cour,  ce  que 
nous  voyons  qu  il  lut  par  ses  premières  publications  de  1571  à  ir)75. 

D'ailleurs  tout  porte  à  croire  qu'il  se  fit  d'abord  présenter  à  Ronsard 
chez  Dorât.  Voici  comment.  Cl.  Rinet  nous  apprend  qu'il  devait  à  Dorât 
<{  une  partie  de  ses  estudes  ».  (^e  n'est  pas,  comme  on  pourrait  le  croire, 
une  allusion  au  collège  de  Coqueret,  car  Rinet  était  encore  au  berceau 
quand  Dorât  cessa  d'en  être  principal.  Il  a  pu  être  son  auditeur  au 
Collège  Royal  vers  15GG-07  ',  ou  bien  les  années  suivantes  à  son 
domicile  du  faubourg  St-Victor,  où  Dorât  continua  longtemps  à  ensei- 
gner avec  éclat.  Quoiqu'il  en  soit,  je  pense  qu'eu  1570  il  était  en  relations 
suivies  avec  Dorât,  comme  ancien  élève  ou  comme  étudiant  nouveau  ^. 
La  maison  de  Dorât  était  très  hospitalière  et  les  jeunes  gens  qui  se 
destinaient  aux  carrières  libérales  la  fréquentaient  avidement.  Nous  ne 
le  savons  pas  seulement  par  le  Maître  ',  mais  par  l'un  de  ses  hôtes, 
l'historien  J. -A.  de  Thou.  «  J'allais  souvent  visiter  Dorât,  dit-il  en  sub- 
stance dans  ses  Mémoires,  précisément  à  l'année  1570,  et  c'est  lui  qui  me 
fit  connaître  Ronsard  ;  comme  je  me  sentais  des  dispositions  pour  la 
poésie,  je  liai  avec  lui  une  amitié  si  étroite  que  dans  l'édition  de  ses 
œuvres  qu'il  fit  faire  par  Galland  (celle  de  1587)  il  me  dédia  son  Orphée 
avec  un  éloge  magnifique.  Par  le  même  moyen  je  connus  J.-A.  Baïf  et 
R.  Relleau,  dont  depuis  je  cultivai  l'amitié  avec  un  grand  soin  »  ^.  Les 
choses  ont  dû  se  passer  de  la  même  façon  pour  Binet,  qui  avait  à  peu 
près  le  même  âge  que  J.  A.  de  Thou  '. 

Rinet  alla  donc  voir  Ronsard,  qui  l'accueillit  bien  et  encouragea  ses 
débuts  poétiques.  Mais  leurs  relations  furent  ce  qu'elles  devaient  être 
entre  un  homme  de  45  ans,  arrivé  à  l'apogée  de  la  gloire  littéraire,  et  un 
jeune  inconnu  de  17  ans  ;  elles  furent  empreintes  de  bienveillance  de  la 
part  de  lun,  d'admiration  respectueuse  et  discrète  de  la  part  de  l'autre. 
Binet  se  lia  plus  facilement  avec  A.  Jamin,  le  secrétaire  du  grand  poète 
C'est  une  impression  qui  se  dégage  très  nettement  du  premier  recueil  de 
vers  de  Rinet. 

Les  Diverses  Poésies  contiennent  en  effet  un  Sonet  pour  Jean  Dorât,  à 
la   Santé  ;    deux   épigrammes  sur  La    Vache  de    Mgron    descrite  par  les 

1.  Dorai  y  fut  professeur  de  grec,  à  l'occasion  professeur  de  latin  fcf.  Lam- 
bin, déd.  du  66  livre  de  son  Lucrèce),  pendant  onze  ans,  de  1556  à  1567.  Il  céda  .sa 
chaire  en  nov.  1567  à  son  gendre  Nicolas  Goulu  (Marty-Lav.,  Notice  sur  Dorât, 
xxin  et  xxvuï  ;  Abel  Lefranc,  La  Pléiade  au  Collège  de  France,  en  tête  de  l'An- 
nuaire du  Coll.  de  Fr.,  3'  année,  1903,  et  dans  l  Amateur  d'autographes  du 
15  juillet  1903). 

2.  Je  placerais  \olontiers  en  1568-69  le  séjour  en  Italie,  dont  Hinetnous  parle, 
durant  lequel  il  aurait  été  auditeur  de  Pctro  Vettori  à  P'Iorcnce  et  de  Petro 
Angelio  à  Pise 

3.  Martj'-Lav..  Notice  sur  Dorât,  xxviii  et  xxxvii. 

4.  Collection  Petitot,  l'«  série,  tome  XXXVII,  p.  223. 

5.  .1  -A.  de  Thou  est  né  en  1553.  IJinet  eut  avec  lui  de  bonnes  relations, 
témoin  la  part  qu'il  a  prise  au  Tombeau  de  Chr.  de  Thou  \'.  ci-après,  p.  xvii  Tou- 
tefois J  -A.  de  Thou,  énuméranl  dans  ses  Mémoires  les  auteurs  du  Tombeau  de 
son  père,  ne  nomme  pas  Binet,  et  en  1586  c'est  à  (ialland,  et  non  à  liinel,  qu'il 
adressa  ses  vers  pour  le  Tombeau  de  Ronsard. 


INTRODUCTION  XV 

Grecs  et  depuis  par  P.  de  Ronsard  '  ;  un  Chant  forestier  oit  Le  Chasseur, 
au  Seigneur  Amadis  Jamin.  Cette  dernière  pièce,  très  remarquable  par 
un  vif  sentiment  de  la  nature,  est  une  sorte  dèglogue,  où  Ferrot 
(Ronsard>,  assis  dans  un  antre  des  bords  du  Loir,  gémit  sur  l'absence  de 
Gassandre.  Elle  ne  renferme  d'ailleurs  aucune  indication  précise  sur  les 
rapports  de  Ronsard  et  de  Binet  ;  tout  ce  qu'on  peut  en  inférer,  si  elle 
n'est  pas  une  pure  fantaisie,  c'est  que  Jamin  fit  inviter  Binet  à  une 
partie  de  chasse  soit  à  Vendôme  ou  à  la  Possonnière  en  1571,  soit  au 
prieuré  de  Croixval  en  1572  -.  Elle  est  immédiatement  suivie  de  la 
Gayeté  du  Printemps,  que  Binet  dédie  A  ses  amis,  et,  bien  entendu, 
ces  amis,  qu'il  invite  à  aller  se  distraire  à  la  campagne  de  Charenton, 
ce  n'est  ni  Ronsard,  ni  aucun  poète  de  la  Pléiade,  pas  même  A.  Jamin  ; 
ce  sont  de  jeunes  étudiants  comme  lui,  De  Piennes,  Landri,  Gaiette, 
De  Lorme  ^.  Il  n'ose  encore  dédier  aucune  pièce  directement  à 
Ronsard  ;  il  se  contente  de  rendre  hommage  à  son  génie  '''. 

De  son  côté  Ronsard,  naturellement,  n'adresse  alors  aucun  vers  à 
Binet  :  ce  n'était  pas  à  lui  de  commencer.  Bien  mieux,  les  recueils  et  les 
éditions  collectives  qu'il  publia  de  1571  à  1584  ne  contiennent  pas  trace 
de  ses  relations  avec  ce  nouveau  disciple.  Si  Ion  en  croyait  Blanchemain 
et  Marty-Laveaux,  Ronsard  aurait  dédié  à  Binet  son  poème  du  Rossignol 
en  1573  ^.  Il  n'en  est  rien  :  ce  poème,  publié  en  1569  sans  dédicace  au 
titre,  était  adressé  à  Girard,  comme  le  prouvent  les  six  derniers  vers,  et 
il  ne  changea  pas  de  destinataire  avant  la  première  édition  posthume  ''. 
Rien  non  plus  à  l'adresse    de  Binet  dans  les  œuvres    de  Baïf  ',  ni   dans 


1.  Voici  la  première  :  «  Myron  me  façonna  d'airain,  |  Un  Ronsard  me  remit 
en  vie  :    |    De  l'un  je  rens  grâce  à  la  main,    |    Et  de  l'autre  à  la  poésie.  » 

2.  Ronsard,  obligé  d'abandonner  son  prieuré  de  Croixval  en  1570  et  1571, 
n'en  obtint  la  rétrocession  que  le  23  nov.  1571  (Froger,  lions,  eccl.,  pp.  40-41). 

3.  Le  volume  se  termine  par  quelques  pièces  de  ses  amis  eu  vers  latins  et  en 
vers  français,  mais  aucune  d'elles  n'est  signée  d'un  poète  de  la  Pléiade.  Pour- 
tant la  dernière  de  ces  pièces  loue  Binet  pour  ses  Epigranimes,  comme  Ronsard 
pour  ses  Odes,  Tyard  et  Du  Bellay  pour  leurs  Sonnets,  Jodelle  pour  ses  Comédies  : 

Mais,  ô  Dieu  !  pour  ce  point  combien,  combien  tu  pousses 

A  railler   doctement  tes    Muses  aigre-douces 

(Mon  Binet)  et  combien  ton  Epigramme  court 

Se    feroit  mesme  entendre  à  l'homme  le  plus  sourd. 

4.  Sa  complainte  Sur  le  trespas  de  J-  Greuin  contient  ce  quatrain,  qui,  d'ail- 
leurs, ue  dut  faire  plaisir  à  Ronsard  qu'à  moitié  : 

La  gracieuse    Olimpe  et  la  belle  Gassandre, 
L'une  de  mon  Grevin,  l'autre  d'un  grand   Ronsard, 
Ne  seront   quant  au    nom  réduites    onc  en  cendre, 
En   despit  de  l'eSort  du  fauche-tout  vieillard. 

Outre  les  noms  que  j'ai  mentionnés  parmi  les  destinataires  de  ces  poésies,  je 
relève  encore  ceux  de  Louis  Des  Masures  Tournisien  (sur  son  Enéide),  de 
François  de  Belleforest,  de  François  d'Amboise  Parisien  (sur  sa  Clion),  de 
Jean  L'Huillier  Parisien. 

5.  Œuures  de  Honsard,  VI,  118  ;  M.-L.,  Ihid.,  V,  455. 

6.  Il  s'agit,  je  crois,  de  Jean  Girard,  du  Mans,  sieur  de  Colombiers,  "  homme 
bien  docte  eu  grec  et  enlatiu  )>,dil  La  Croix  du  Maine.  Cf.  H.  Chardon,  Robert 
Garnier,  p.  125. 

7  Les  seuls  vers  de  Baïf  à  Binet  qui  nous  soient  parvenus  datent  du  Tombeau 
de  Ronsard  (1586).  El.  VIII,  240-41  ;  M.-L.,  Œuures  de  Baïf,  V,  283. 


XVI  ISTRODi:CTIO?« 

celles  de  Belleau,  ni  dans    celles  de  Jodelle  \  ni   même  —  ce  qui  est    plus 
étonnant  —  dans  celles  de  Jarain  (1575) 

Cependant  Binet  a  écrit  à  l'occasion  de  la  mort  de  Belleau  (1577)  une 
pièce  en  hendécasyllabes  d'une  importance  capitale.  Elle  est  dédiée  à 
Ronsard,  et  c'est,  à  ma  connaissance,  la  première  qu'il  lui  ait  dédiée. 
En  voici  le  début  et  la  fin,  qui  prouvent,  même  si  l'on  tient  compte 
d'une  certaine  exagération  juvénile,  que  Binet  avait  alors  des  relations 
amicales  avec  Ronsard  et    Belleau  : 

Petro  Ronsardo. 

Ergo    mortuus     est  meus  poeta 
I3ellaeus  tuus  et  meus  poeta  ? 
Ronsarde,  optime  Gnlliae  disertae, 
llle  molliculus  poctn  totus, 
Mellilusque  magis,  ningisque  lersus, 
Quain  mel,   quamque  suc  artifex  in  alveo  : 
Seu  per  gaudia  rusticalionuin 
Mille  et  delicias  juval  jocari, 
Seu  lubet  posita  severilale 
Tôt  belia  oscula  dissuaviari. 

O  bella,  ut  solida  esse  non  potestis  1 
Bellus    mortuus  est  meus  poeta, 
llle  caudidulus  bonusque  aiuicus,  • 

Quo  nil  candidius  amiciusque. 


Al  Musae  incolumem  meum  poetam 
Ronsarduni  Aoniae  arbitrum  Camrenae, 
Mi  servate  diu,  et  suis  amicis. 
Ut  qui  Pleiadas  antecellit  unus, 
His  sit  postumus  et  sibi  superstes  "•'. 


D'ailleurs  Cl.  Binet,  de  1575  à  1579,  dut  se  consacrer  aux  études  de 
droit  et  au  barreau  plus  encore  qu'à  la  poésie.  Il  se  fit  recevoir  avocat  au 
Parlement  de  Paris,  et  c'est  en  cette  qualité  qu'on  le  reti'ouve  aux 
Grands  jours  de  Poitiers   dans  la  deuxième  moitié  de  1579. 

C'est  de  ce  séjour  à  Poitiers  que  date  vraiment  pour  Binet  la  notoriété. 
Introduit,  à  la  suite  des  magistrats  de  la  Cour  parisienne,  dans  le  salon 
de  Mesdames  Desroches  mère  et  fille,  prototype  provincial  de  l'Hôtel  de 
Rambouillet,  il  brilla  en  bon  rang  parmi  les  poètes  qui  chantèrent  la  puce 
aperçue  un  jour  par  E.  Pasquier  sur  la  gorge    de    M"«  Catherine  ■^.  C'est 


1.  Le  sonnet  à  Cl.  Binet,  que  Marty-Laveaux  a  édité  comme  étant  de  Jodelle 
(II,  334),  ne  me  paraît  pas  du  tout  aulbentique  :  il  fait  allusion  au  recueil  de 
Binet  de  1575,  peut-être  même  à  celui  de  1583,  tous  deux  postérieurs  à  la  mort 
de  Jodelle  (juillet  1573j. 

2.  Pelromi  Arbitri  Epigrammata  ..  (1579),  page  30.  Sur  ce  recueil,  voir  ci- 
après,  p.  xvii.  notel.  Il  est  probable  que  cette  pièce  figurait  déjà  dans  le  Tombeau 
de  R.  Belleau,  (Luteliae,  apud  M.  Patissonium,  1577,  iu  4") 

3.  Sur  cet  épisode  des  Grands  jours  de  Poitiers,  voirE.  Pasquier,  Lettres,  livre 
VI,  n""  vu  et  vni.  Il  nomme  parmi  les  avocats  parisiens,  alors  présents  à  Poi- 
tiers, qui  prirent  part  à  ce  badinage  poétique,  l'avocat  du  roi,  Barn.  Brisson, 
puis  René  Chopin,  Antoine  Loisel,  Jacques  Mangot,  Odet  de  Turnèbe,  et  Binet. 
Parmi  les  poètes  «  chante-puce  »  citons  encore  J.  Scaligcr,  Nicolas  Rapin, 
J.Courtin  de  Cissé,  Scévole  de  Sainte-Marthe,  qui  était  alors  maire  de  Poitiers. 

Le  recueil  intitulé  La  Puce  de  Madame  Desruches  parut  en  1583,  à   Paris,  chez 


INTRODUCTION 


d'autre  part  à  Poitiers  que  Binet  publia  les  epigrammata  attribués  à 
Pétrone  et  à  d'autres  poètes  légers,  qui,  avec  un  recueil  antérieur  de 
J.  Scaliger,  iormèrent  le    noyau  primitif  de  l'Anthologie  latine  '. 

Les  années  suivantes  sont  marquées  par  de  nouvelles  productions  poéti- 
ques. En  1581  Binet  collabore  au  «  tombeau  »  d'Odet  de  Turnèbe,  à  la 
prière  d'E.  Pasquier,  qui  le  compte  parmi  les  «  lumières  »  du  siècle  ^  ; 
il  écrit  une  pièce  liminaire  pour  le  recueil  des  vers  de  J.  Courtiu  de 
Cissé  ■'  ;  il  publie  un  poème  latin  sur  lépidémic  qui  sévit  alors  à  Paris  *. 
A  la  fin  de  ]r)82  il  collabore  au  «  tombeau  »  du  président  Christophe  de 
Thou,  père  de  l'historien  ^.  En  1584,  il  écrit  un  sonnet  liminaire  pour  le 
dernier  ouvrage  d'André  Thévet,  cosmographe  du  roi  '\  Surtout  en  1583  il 
publie  un  petit  recueil  intitulé  Les  Plaisirs  de  la  vie  rustique  et  solitaire, 
qui  otTre  un  réel  intérêt  littéraire  et  historique^. 


Abel  i'Angelier  (préf.  de  septembre  1582)  ;  on  le  trouve  dans  les  Œuvres  com- 
plètes d'E.  Pasquier  éd  de  1723,  tome  11,  col.  947)  ;  il  a  été  réimprimé  par 
D.  Joiiaust  en  1868  et  en  1872  (  Cabinet  du  Bibliophile,  n°^  m  et  m  bis)  ;  la  se- 
conde de  ces  réimpressions  reproduit  textuellement  l'édition  princeps.  Claude 
Binet  y  figure  pour  six  pièces  latines  et  françaises. 

1.  C  Petronii  Àrbitri,  ileniipie  aliorunt  quurunidam  velerum  Epiçiramwalu  hac- 
tenus  non  édita.  Cl.  Binetus  conqnisivit  et  nunc  prinnim  publicauit.  Pictavii,  ex 
ofïicina  Bochetorum  IVatrum,  1579,  in-4"  de  38  pp.  (Bibl.  Nat.,  Yc  922,  etRés. 
m  Yc  65R1.  Binet  s'était  servi  d'un  manuscrit  de  Beauvais,  aujourd'hui  perdu, 
et  du  Vossianus,  qui  avait  déjà  servi  à  J.  Scaliger  pour  ses  Catalecta  parus  à 
Lyon  en  1573  (cf.  la  préface  des  Poetae  minores  de  Baehrens,  et  surtout  la  pré- 
face de  VAnthol.  latine  de  Riese,  pp.  xxxni  et  xl). 

La  dédicace  à  Barnabe  Brisson,  avocat  du  roi,  est  datée  de  Poitiers,  le  x  des 
Calendes  de  Novembre  1579.  Les  pp.  23  à  38  sont  occupées  par  des  pièces  de 
vers  latins  de  Binet  adresséeà  à  Brisson,  à  Ant.  Loisel,  à  E.  Pasquier,  à  J.  Do- 
rat,  à  M. -A.  Muret,  à  Ronsard,  à  Sainte-Marthe,  à  Petro  Vettori,  à  Petro 
Angelio  de  Barga,  à  Jean  Bonnefons  (entre  autres). 

2.  Othonis  Turnebi  Tuinulus  (Paris,  1582,  in-8°).  La  mort  prématurée  d'Odet 
de  Turnèbe  est  de  février  1581.  Pasquier  écrivait  peu  après  cet  appel  :  «  Heu 
vos  advoco,  lacrymosi  adeste  |  Turnebi  duo,  Christiane,  Drace,  |  Audeberte 
pater  simulque  fili,  |  Aureli,  Bonefi,  Vari,  Binete,  I  Et  quot  lumina  Gallicana 
nobis    I    Isto  Piérides  dedere  seclo...  <>  (Œuvres,  tome  II,  col.  937). 

3.  Les  Euvres poétiques  de  J  de  Courtin  de  Cissé  (Paris,  Bejs,  1581,  p'  in- 
12).  Une  des  Odes  de  Courtin  est  adressée  à  Binet  sur  la  mort  de  Belleau. 

i.Cl.  Bineti- .  Ad  Deum  Opt.  Max.  oratio  pestilentiae  tenipore.  Paris,  M.  Pâ- 
tisson, in  4"  de  8  pp.  (Bibl.  Nat.,  Yc  1229j.  Cf.  Marty-Laveaux.  Noa'ce  sur  Dorât, 
xxxvn. 

5.  Chr.  de  Thou  est  mort  le  1^'  nov.  1582.  Son  Tumulus  parut  chez  M.  Pâtis- 
son en  1583,  in-4''.  Binet  y  figure  avec  un  poème  latin  et  un  sonnet,  pp.  110  à  113. 

6.  Les  Vrais  pourtraits  et  vies  des  Hommes  illustres  (Bibl.  Nat  ..  G.  1493). 
Le  sonnet  de  Binet  figure  parmi  des  pièces  liminaires  de  Dorât,  Baïf,  R.  Garnier, 
Sainte-Marthe. 

7.  Plaquette  de  31  ff.,  Paris,  V^  Lucas  Breyer,  pt  in-12  (Bibl.  Nat.,  Bés.  Ye 
1839).  Ce  recueil  est  ainsi  composé  :  1"  deux  pièces  adressées  au  premier  pré- 
sident Ach.  de  Harlay  et  au  procureur  général  Jean  de  la  Guesle;  2°  l'idylle 
(dédiée  à  Pibrac  des  Plaisirs  de  la  vie  rustique  et  solitaire,  qui  donne  son  titre 
à  la  plaquette  ;  3°  des  vers  à  Jacques  et  à  François  de  la  Guesle  et    à    Hotman 

secrétaire  de  la  reine  douairière,  veuve  de  Charles  IX)  ;  40  un  sonnet  A  Pierre 
de  Bonsard  :  «  Gentil  oiseau  divin...  »,  et  un  autre  A  Philippe  Desportes  : 
«  Quand  j'entens  les  doux  sons,..  «  ;  5"  l'idylle  de  la  Truite,  dédiée  A  Pierre  de 
Bonsard  :  »  Entre  les  plus  grans  biens..,  »  ;  6"  le  Vœu  d'un  peschcur  à  Nep- 
tune ;  7»  des  poésies  latines  ;  8"  neuf  pièces,  dont  six  sonnets  ;  9"  des  vers  la- 
tins et  un  sonnet  d'amis  de  Binet. 

VIE   DE   p.    DE   RONSARD.  Z) 


WIII  INTRODUCTION 

Non  seulement  cet  opuscule  a  valu  à  Binet  l'iionneur  d'être  mentionné 
dans  l  Art  poctiijiie  de  Vauquelin  parmi  nos  nieillcuis  poètes  pastoraux  ', 
mais  il  montre  que  ses  rapports  avec  Ronsard  étaient  alors  intimes. 
On  y  trouve,  en  effet,  deux  pièces  dédiées  à  Ronsard,  qui  ne  laissent  aucun 
doute  à  ce  sujet  : 

lt>  Un  sonnet,  dont  voici  l'essentiel  : 

Gentil  oiseau  divin,  petit  ange  des  bois, 
Rossignol,  que  ma  main  a  sevré  dans  la  cage, 


S'il  est  ainsi,  mignon,  que  le  premier  tu  sois 
Hautain  sur  tout  oiseau  variant  son  ramage. 
Va  t'en   trouver   Ronsard,  le  premier  de  nostre  aage, 
Ronsard,  le  rossignol  du  Parnasse  François. 

Ravy  de  ses  douceurs,  je  désire  luy  faire 
De  mon  cœur  pur  et  net  un  aggrenble  don  ; 

2°  Une  idylle,  intitulée  la  Truite,  dont  voici  le  début  : 

Entre  les  plus  grans  biens  dont  je  veu  rendre  grâce 
Aux  Muses  et  aux  Dieux,  celuy-là  qui  surpasse, 
Et  qui  rend  dessur  tout  mes  esprits  plus  contens, 
C  est  d'avoir  esté  né  en  France  de  ton  temps. 
Ronsard,  père  de  France,  ô  la  première  source 
Et  de  ceux  qui  à  gré  d'une  bonorable  course 
Ont  part  à  ton  honneur,  et  de  ceux  qui  viendront 
Pour  en  vain  espérer  tel  honneur  sur  leur  front...  ; 

après  quoi  Binet  se  félicite  d'aimer  mieux  les  plaisirs  de  la  campagne 
que  les  vanités  de  la  Cour,  et  se  demande  à  qui  il  doit  son  goût  de  la 
simple  nature  : 

C'est  à  toj-,  mon  Ronsard,  dont  la  divine  grâce 
Des  vers  non  imitable  est  en  France  un  Parnasse  : 
Par  loy  mon  jugement  j'ay  sceu  rendre  meilleur 
Pour  priser  toute  chose  à  sa  juste  valeur. 

Vers  la  même  époque  Binet  fréquente  chez  les  magistrats  Jean  et 
Jacques  de  la  Guesle.  originaires  d'Auvergne  ;  il  y  rencontre  les  avocats- 
poètes  auvergnats  Gilles  Durant  et  Jean  Bonnefons,  les  deux  insépa- 
rables, qu'il  avait  connus  au  Palais  dés  1579  -  ;  il  est  choisi  comme  sub- 
stitut au  parquet  par  Jacques  de  la  Guesle,  qui  avait  succédé  à  son  père 
dans  la  charge  de  Procureur  général  du  roi    en  janvier  1583  ^.  Il    corres- 


1.  Livre  III,  vers  253.  Edition  G.  Pellissier,  p.  140.  Binet}'  est  cité  avec 
Pibrac.  dont  le  poème  sur  les  Plaisirs  de  la  vie  rustique  remonte  à  1576  et  repa- 
rut en  1583  également  chez  la  V»  Lucas  Breyer. 

2.  Cf.  la  Pancharis  J .  Bonefonii,  et  les  Imitations  du  latin  de  Jean  Bonnefons^ 
avec  autres  Gayetez  amoureuses  de  l'invention  de  l'autheur,  par  G.  Durant,  s""  de 
la  Bergerie.  Paris,  Abel  l'Angelier,  1587,  in-12  le  privil.  est  du  9  janvier  On 
trouve  dans  la  Pancharis  une  pièce  en  distiques  latins  Ad  CL  Binctum.  En  outre, 
Durant  adresse  deux  odes  A  Cl.  Binet  lune  imitation  et  une  invention),  et  Binet 
une  pièce  en  hendécasyllabes  latins  Ad  Janum  Bonefium,  qui  avait  paru  pour  la 
première  fois  en  1579  à  la    suite  des  Petronii  Epigrammata. 

3.  Cf.  Blanchard,  Les  Présidents  au  mortier  du  Parlement  de  Paris  (1647),  p. 301, 
et  la  fin  de  l'épitre  de  Sainte-Marthe  Ad  Cl.Binetum,  citée  deux  notes  plus  loin. 


INTRODUCTION  XIX 

pond  avec  E.  Pasquier,  qui  le  considère  comme  un  homme  de  goût,  ca- 
pable de  juger  «  les  belles  choses  »  '  ;  avec  Se.  de  Sainte-Marthe,  qui  le 
loue  comme  poète  et  comme  avocat-substitut  '^  ;  avec  M. -A.  Muret,  qui, 
de  Rome,  le  charge  d'être  son  intermédiaire  auprès  des  éditeurs  parisiens, 
et  dans  une  lettre  à  Féd.  Morellappelle  «  hominum  pereruditus  »  '.  De 
son  côté,  La  Croix  du  Maine  écrit  de  lui  que  c'est  «  un  homme  fort  docte 
en  Grec.  Latin  et  François  et  bien  versé  en  lune  et  l'autre  poésie  »,  et, 
après  avoir  énuméré  ses  principales  œuvres  :  «Il  florit  à  Paris  cette 
année  1584  '  ».  Bref  Binet  a  de  nombreuses  et  brillantes  relations  à  la 
fois  dans  le  monde  de  la  Magistrature  et  du  Barreau  et  dans  le  monde 
des  Lettres,  comme  le  constate  J.  Velliard  en  1586  ^. 

Il  est  donc  vraisemblable  et  très  probable  que  Binet,  durant  les  trois 
dernières  années  de  la  vie  de  Ronsard,  eut  l'accès  relativement  facile 
auprès  du  grand  poète,  du  moins  quand  celui  ci  venait  de  Croixval  à 
Paris,  et  seulement  jusqu'en  juin  1585,  date  où  il  quitta  Paris  pour  ne 
plus  y  revenir.  Ronsard  était  alors  l'hôte  de  Jean  Galland,  principal 
du  collège  de  Boncourt,  son  meilleur  ami,  chez  lequel  il  restait  alité  des 
mois  entiers,  aux  prises  avec  la  fièvre  et  la  goutte  ".  C'est  là,  peut-être 
à  son  chevet,  que  Binet,  à  la  faveur  d'un  procès  dans  lequel  il  semble 
avoir  été  son  avocat,  tout  au  moins  son  avocat-conseil,  s'entretint  avec 
lui  de  poésie,  essaya  de  relever  son  moral  en  lui  parlant  de  guérison  ou 
d'immortalité,  s'insinua  dans  ses  bonnes    grâces  et    gagna   sa    confiance, 

1.  Lettres  de  Pasquier,  livre  VIII,  lettre  x.  Il  l'entretient  de  poésies  qui  furent 
écrites  sur  la  Main  de  Pasquier  aux  Grands  Jours  de  Troyes  (1583i.  D'ailleurs 
Binet  n'a  pas  collaboré  à  ce  recueil,  quoi  qu'en  dise  l'abbé  Goujet  (UibL, 
tome  XII,  p.  257/  ;   l'Apologie  de  la    main    en  prose  est  de  Pasquier    lui  même. 

2.  Poemala,  Paris,  M.  Pâtisson,  1587,  p.  lOiJ  L  épître  Ad  Claudium  Binelum 
commeace  ainsi  : 

Si  quis  amor,  Claudi,  tenais  cognoscere    vatis 
Et  genus  et  curas  ipaucis  namque  omnia  pando) 
Accipe. 

Je     détache   de    la  fin    les   vers  suivants,   qui    prouvent   que  Binet  était     au 
nombre    des   substituts  du  procureur  général  .lacques  de  la  Guesle  : 
Tu  quoque  Cirrhaeis  aluit  quem  Musa  sub  umbris 
Egregiosque  inter  jussit  florere  poetas. 
Non  ideo  molli  torpes,  Binete,  veterno  : 
Sed  magni  vice  Guellaei,  qui  rcgia  jura 
Cognitor  aique  rei  serval  comniunis  honorem, 
Principis  inierea  populique  negolia  curas. 

3.  Cf  les  Mélanges  Graux,  pp.  398  à  400.  Les  lettres  en  question  sont  de  1583. 
D'autre  pari,  Muret  termine  ainsi  une  lettre  à  Jacques  Gillot,  conseiller  clerc  au 
Parlement  de  Paris  en  juillet  1584  :  «  Saluta  mihi  Nicotium,  si  istic  est,  et 
Binelum  et  Morellum  celerosque  communes  amicos,  »  [Id.  p.  402.)  Muret  a  dû 
se  lier  d'amitié  avec  Binet  du  jour  où  celui-ci  lui  adressa  un  hommage  poé- 
tique dans  son  édition  des  Petronii  Epigramnxata  (1579). 

4.  Bibliothèque,  art.  Cl.  Binet.  Cet  ouvrage  fut  publié  en  1584. 

5  Cf.  ci-après,  p.  xxji,  un  texte  de  J.  Velliard,  d'après  lequel  Binet  était  lié 
avec  tous  les  personnages   du  temps  «  omnibus   melioris  notae  viris  intimus  m. 

Les  poésies  latines  de  Binet  lui  ont  valu  l'honneur  de  figurer  dans  le  recueil 
du  savant  Jean  Gruther  intitulé  :  Delitiae  poelarum  Gallorum  hujus  superiorisque 
aevi  illuslrium,  Francfort,  1609,  trois  tomes  in-16,  publiés  par  Ranutiiis  Gherus 
(anagr.  de  Janus  Grutherus).  Voyez  le  tome  I,  pp.  539  et  suiv. 

6.  Cf  Marty-Laveaux,  Solice  sur  Ronsard,  lxxxvi  et  suiv.,  xc  et  suiv. 


XX  I^TRODUCTIO^ 

au  point  d'être  choisi,  avec  Gallaml,  comme  exécuteur  de  ses  dernières 
volontés  d'écrivain.  A  preuve  cette  aRirmation  de  Cl.  Binet  :  «  Sur  ses 
derniers  jours  me  faisant  cet  honneur  de  me  communiquer  familièrement 
tant  les  desseins  de  ses  ouvrages,  que  les  jugemens  qu'il  donnoit  des 
escrivains  du  jourd  huy,  il  se  plaignoit  fort  de  certain  stile  dur  et  ierré 
qu'il  voyoit  s'authoriser  parmjnous  »  '  ;  puis  cette  lin  de  1  ///;;ii/ic  de  Mer- 
cure, que  Ronsard  lui  dédia  en  retour  des  deux  pièces  signalées  plus 
haut  dans  les  Plaisirs  de  la  vie  rustique  : 

Hinct,  soin  d'Apollon,  dont  la  vive  éloquence 
Flate  mon  mal  d'espoir,  mon  procès  d'asscurance. 
Au  lieu  de  tes  beaux  vers,  du  trafic  de  nostrc  art. 
Des  honneurs  de  Mercure  icy  je  te  l'ay  part  "-...   ; 

enfin  ces  hexamètres  de  Dorât  qui  datent  de  1580  et  parurent  en  tête 
de  la  première  édition  posthume  des   (Euvres  de  Ronsard  : 

VJrgilio  fuerat  qui  par  Honsardus  in  omni 
Vita,  morte  parcm  sese  pracslaret  ut  illi, 
Fidos  elegit  Tuccam  et  N'arum  inter  amicos, 
Te,  Gallandi,  et  te,  Binete,  pocmata,  quorum 
Commisit  curae,  ne  corrumjjenda  périrent  ■*... 

Ronsard  mourut  en  son   prieuré    de  Saint-Cosme-lez-Tours  le    25  dé- 
cembre   1585.    Galland,    qui   l'avait    déjà  vu   très  mal  dans  l'automne  au 


1.  \'oir  ci -après,  p.  38,  ligne  23,  et  p.  39,  lignes  1  à  4. 

2.  Bl.,  V,  254.  Cf.  Marly-Lav.,  Notice  sur  Ronsard,  xc.  Il  est  possible  que  le 
procès  auquel  Ronsard  fait  ici  allusion  soit  le  même  que  celui  qu'il  eut  dès  1568 
avec  le  teinturier  F"ortin,  son  voisin  de  Saint-Cosme-lez-Tours,  et  pour  lequel 
il  écrivit  alors  au  maire  de  Tours,  à  1  avocat  Pierre  du  Lac  et  au  procureur  Julian 
Chauveau  Bl.,  VIII,  169  ;  \T,  109  et  125  .  Il  s'agit  peut-être  aussi  d'un  procès 
qu  il  eut  avec  les  religieux  de  Saint-Cosme  concernant  l'administration  du 
prieuré,  et  dont  il  reste  un  acte  daté  du  21  novembre  1581  communication  de 
M.    Ludovic  Langlois,  ancien  notaire  à  Tours). 

3.  Bl.  I,xvni.  La  collaboration  de  Galland  et  de  Binet  à  la  première  édition 
posthume  de  Ronsard  est  abondamment  prouvée.  Outre  ce  texte  de  Dorât,  voir 
trois  passages  de  la  Fie  de  Ronsard  de  Binet  corroborés  par  les  termes  mêmes  du 
privilège  de  cette  édition  ;  les  deux  dédicaces  de  celte  édition  à  Henri  III,  l'une 
en  vers  par  Binet,  l'autre  en  vers  par  Galland  ;  la  fin  du  chapitre  vi  du  livre  \'II 
des  Recherches  de  la  Fr  (qui  était  composé  en  1586,  car  ce  livreVII  était  alors  le 
livre  VI  et  Pasquier  a  écrit  dès  1584  dans  une  lettre  à  La  Croix  du  Maine  qu  il 
avait  dans  ses  tiroirs  le  manuscrit  des  livres  III  à  VI)  ;  enfin  ces  lignes  d'André  du 
Chesne  :  «  Ronsard  adressa  à  Antoine  Chasteigner  une  ode  qui  estoit  la  30°  de  son 
troisième  livre  en  l'édition  de  1567,  et  la  19<=  (en  réalité  la  20'^)  en  celle  qui  fut 
faite  un  peu  avant  le  décès  de  Ronsard,  portant  pour  inscription  :  «  A  Antoine 
Chasteigner  de  la  Rochepozay.  »  Mais,  depuis,  Claude  Binet  mettant  la  main  à 
ses  œuvres,  y  changea  en  divers  endroits,  de  façon  que  l'ode  est  demeurée  privée 
et  de  son  titre  légitime  et  du  ranc  qu'elle  tenoit  entre  les  autres  "  [Hist.  généal. 
de    la  maison  des  Chasteigners,  Paris,  Cramoisy,  1634,  p.  291.) 

Il  ressort  de  tous  ces  documents  rapprochés  que  la  part  de  chacun  fut  déter- 
minée. Binet  remania  le  texte  des  œuvres  «  selon  l'intention  ><  de  Ronsard,  fit 
les  suppressions  et  les  additions,  classa  enfin  le  tout  «  suivant  les  mémoires  et 
advis  »  de  Ronsard.  (îalland  fut  l'éditeur  proprement  dit,  obtint  le  privilège, 
s'entendit  avec  le  libraire  G.  Buon,  surveilla  l'impression  et  corrigea  les  épreuves 
(ceci  probablement  de  concert  avec  Binet).  Il  n'est  pas  question  de  Binet  dans 
les  privilèges  accordés  à  Galland,  ni  dans  celui  de  mars  1586,  ni  dans  celui  de 
janvier  1597. 


INTRODUCTION  XXI 

prieuré  de  Croixval,  alla  recevoir  le  dernier  soupir  de  son  ami.  Dès 
qu  il  fut  revenu  de  l'enterrement,  avec  les  papiers  et  les  recommanda- 
tions suprêmes  du  poète,  il  décida  de  lui  préparer  au  collège  de  Boncourt 
des  obsèques  solennelles  qui  seraient  comme  un  hommage  public  à  sa 
gloi-ieuse  mémoire.  Binet  apprit  de  la  bouche  même  de  Galland  les  der- 
nières circonstances  de  la  vie  de  Ronsard  et  prit  connaissance  des  vers 
que  celui-ci  avait  composés  sur  son  lit  d  agonie  en  novembre  et  décembre 
précédents.  Apprit-il  à  ce  moment  seulement  la  part  qui  lui  reve- 
nait comme  exécuteur  testamentaire,  ou  Ronsard  la  lui  avait-il  fixée  avant 
de  quitter  Paris'.'  On  ne  saurait  le  dire  avec  certitude,  bien  que  trois 
passages  nous  portent  à  croire  qu'il  savait  à  quoi  s'en  tenir  sur  ce  point 
avant  que  Ronsard  quittât  Paris  (voir  ci-après,  pp.  40-41,48,  50).  En 
tout  cas,  il  résolut  aussitôt,  d'accord  avec  Galland,  de  faire  imprimer  les 
Derniers  vers  de  Ronsard,  de  recueillir  les  éléments  de  son  Tombeau,  et 
de  «  dresser  les  principaux  points  du  cours  de  sa  vie  »,  de  façon  que  le 
tout  fût  prêt  à  paraître  le  jour  même  des  obsèques,  pour  lesquelles  on 
arrêta  la  date  du  24  février  1580  '. 

C'est  ce  qu'il  est  assez  facile  d'établir  en  rapprochant  les  documents 
suivants  :  1°  un  passage  de  VEclogue  de  Binet  «  représentée  »  à  ces 
obsèques  ;  c'est  lui-même  qui  parle,  s'adressant  à  Thoinet  (A.  de  Baïf)  et 
à  Philin  (Philippe  Desportes)  : 

Si  tost  que  sur  ce  bord  arriva  Gallantin, 
La  moitié  de  Perrol,  nous  contant  quel  destin 
Avolt  tranché  ses  jours,  vous  eussiez  vu  sur  Tonde 
Mainte  vague  rouler  tristement  vagabonde  "... 

2»  Une  lettre  de  Binet  à  Scévole  de  Sainte-Marthe,  le  priant  de  colla- 
borer au  Tombeau  de  Ronsard  :  «  Monsieur,  l'amitié  que  j'ay  receue  de 
Monsieur  de  Ronsard  et  qu'il  vous  a  départie  lors  qu'il  vivoit...  »,  datée 
de  Paris  23  janvier  1586  ^  ;  3°  l'épître-préface  des  Derniers  vers,  adressée 
par  Binet  «  à  la  noble  et  vertueuse  compagnie  qui  a  honoré  les  obsèques 
de  Monsieur  de  Ronsard,  Prince  des  Poètes  Fi'ançois  »,  le  jour  même  de 
ces  obsèques  ''  ;  4»  l'épître-dédicace  de  la  P.  Ronsardi  laudatio  funebris, 
composée  par  J.  Velliard.  professeur  à  Boncourt,  sur  l'ordre  de  Galland  ; 
en  voici  le  début  et  la  fin  :  «  Particula  muneris   ejus  adest  ( Gymnasiarca 


1.  Si  ion  en  croyait  une  dédicace  de  l'Or.  fun.  de  Ronsard  par  Du  Perron, 
ce  serait  chez  Desportes,  et  seulement  le  18  février  (il  y  a  mars  par  inadver- 
tance), que  K  le  dessein  de  ces  funérailles  fut  pris  ».  Ce  texte  adopté  par  Blan- 
chemain  (\'III,  180)  et  par  Marty-Laveaux  auquel  il  a  fait  commettre  deux 
erreurs  'Notice  sur  R-,  c  et  ci  ,  fait  partie  d'une  phrase  ajoutée  pai  Du  Perron 
en  1611,  après  la  mort  de  Desportes,  et  reproduite  dans  les  éd.  de  Ronsard  de 
1617  et  1623.  Non,  ce  n  est  pas  Desportes  qui  eut  l'idée  d'organiser  la  cérémo- 
nie funèbre  du  collège  de  Boncourt.  C'est  Galland  qui  l'eut,  et  cela  dès  le  mois 
de  janvier,  comme  le  prouvent  des  textes  de  1586  qui  émanent  de  Rinet  préf. 
de  la  l'>=  éd.  des  Derniers  vers  .  de  \'elliard  (dédie,  de  sa  Laudatio  funebris;.  de 
J.-A.  de  Thou  Tombeau  de  Ronsard,  Bl.,  N'IIl,  243),  de  Galland  lui-même 
(dédie  de  l'édition  posthume  des    Œuvres  de  Ronsard,    Bl.,  I,    xvi; . 

2  Cf   le  Ronsard  de  Blanchemain.  VIII    228. 

3  Cf.  le  Ronsard  de  Marty-Laveaux,  Notice,  ci  :  reproduite  par  M"*^  Evers, 
op    cit.,  Introd..  p.  3. 

4  Ibid.,  Notice,  en  ;  ibid.,  Introd.,  p.   6. 


\XII  INTROrmCTION 

sagacissime)  quod  ad  calcnd.  Fcl)ruarii  jamjam  Tiironihus  reversus  nnbis 
detulisli.  Utinam  digna  siimini  illiiis  viri  mcmoria,  cujus  nomine  jussu 
tuo  suscepta  est,  digna  sempiterna  vestra  amicitia,  digiia  hiijus  poinpae 
celebritate  quam  supra  multorum  opinionem,  totius  Galliac  applausu  et 
adniiratione  paras...  In  multis  autem  (d'ailleurs  sur  beaucoup  de  points) 
breviorcm  me  fecit  Claudii  Bineti  tibi,  omnibusqne  mclioris  notae  viris, 
intimi  solcrtia  et  sedulitas  :  bujus  enim  industria  et  studio  Gallici  poetae 
vita,  et  in  eumdcm  Galliae  totius  elogia  posteris  in  tuo  nomine  jamjam 
apparebunt.  Vale,  Lutetiae,  in  tuis  aedibus  Becodianis.  7  cal.  Martii 
1586  '.  >. 

Un  tiers  seulement  de  la  triple  publication  projetée  par  Galland  et 
Binet  fut  prêt  le  24  février.  Seuls  les  Derniers  vers  parurent  ce  jour-là 
et  purent  être  distribués  aux  plus  qualifiés  des  assistants'-.  Mais  le 
Tombeau  et  la  Vie  de  Ronsurd  étaient  déjà  en  grande  partie  sous  presse 
ou  sur  le  marbre  ;  nous  pouvons  du  moins  le  conjecturer  d'après  ce 
passage  de  la  dédicace  des  Derniers  vers  :  «  Si  la  diligence  des  ouvriers 
leust  permis,  le  papier  tant  honoré  du  beau  nom  de  Ronsard  eust  tes- 
moigné  son  dueil,  et  accompagné  voz  regretz  de  la  noire  teinture  des  vers 
des  plus  choisis  personages  de  notre  France,  que  j'ay  prié  de  ce  devoir, 
et  des  principaux  points  du  cours  de  sa  vie  que  nous  avons  dressé,  non 
pour  illustrer  sa  mémoire  davantage,  ains  pour  n'obscurcir  la  nostre,  si 
nous  faisions  autrement.  Mais  le  temps,  maistre  de  noz  actions,  ne  la 
sccu  permettre  pour  ce  jour.  Seulement  il  nous  a  permis  de  vous  pré- 
senter les  derniers  enfans  de  sa  Muse,  conceus  au  lict  de  la  mort,  et 
comme  naissans  de  son  tombeau.  »  Toutefois  il  est  vraisemblable  que 
le  lendemain  même  des  obsèques  Binet  retoucha  la  biographie  qu  il  avait 
écrite,  mettant  à  profit  quelques  passages  des  oraisons  funèbres  pro- 
noncées devant  lui  par  Du  Perron  et  par  les  élèves  de  J.  Velliard  et  de 
G-  Critton,  professeurs  à  Boncourt''  ;  et  il  est  certain  qu'il  y  inséra  seu- 
lement alors  le  récit  des  obsèques,  qui,  cela  va  de  soi,  n'avait  pu  y 
trouver  place  plus  tôt. 

Du  reste,  Binet  fut  expéditif,  et  les  «  ouvriers  »  aussi.  Ils  le  furent 
même  trop.  Les  deux  autres  publications  annoncées  par  lui  le  jour  des 
obsèques  parurent  chez  G.  Buon  avec  une  deuxième  édition  des   Derniers 

1.  23  février,  veille  des  obsèques.  Ces  dernières  lignes,  très  importantes, 
nous  montrent  que  Cl  Binet  était  lié  assez  intimement  avec  Jean  Galland,  et 
que  c'est  sous  les  auspices  de  Galland,  peut-être  même  à  son  instigation  {in  luo 
nomine  qu'il  entreprit  et  la  biographie  et  le  «  tombeau  »  de  Konsard.  La  préface 
de  l'édition  princeps  des  Derniers  vers  n'est  pas  moins  probante  à  cet  égard  : 
Binet  et  Galland  y  apparaissent  comme  agissant  tout  à  fait  de  concert,  et  si 
Binet  y  dit  en  parlant  de  la  collaboration  au  Tombeau  :  ■...  les  plus  choisis 
personages  de  notre  France,  que  j'ay  prié  de  ce  devoir  »,  il  ajoute  :  »  les  prin- 
cipaux points  du  cours  de  sa  vie  que  nous  avons  dressé.  .  le  temps  seulement 
nous  a  permis  de  vous  présenter  les  derniers  enfans  de  sa  Muse...  ».  Une  der- 
nière preuve  de  leur  entente  :  cette  édition  princeps  des  Derniers  vers,  préfacée 
par  Binet,  a  pour  épilogue  une  pièce  de  vers  latins  intitulée  Piis  amici  Ronsardi 
manibus  et  signée  Jo.  Gallandius  (cinq  distiques  qui  reparurent  dans  le  Tom- 
beau). 

2.  Paris,  G.  Buon,  in-4°  de  7  ff.  (Bibl.  Mazarine,  n»  10849). 

3.  V.  ci-après  mon  Commentaire,  p.  193,  aux  mots  «  à  sa  mémoire  «  et  <i  de 
tous  costez  »,  Cf.  pp.  53-54,  69,  73,  75-76,  83  84,  95,  96,  115,  183,  208,  etc. 


INTRODUCTION  XXIII 

vers,  dès  les  premiers  jours  du  mois  de  mars,  très  probablement  avant 
le  14,  car  le  privilège  est  encore  celui  qui  avait  servi  pour  l'édition  de 
1584  des  Œuvres  de  Ronsard  et  pour  l'édition  princeps  des  Derniers 
vers,  et  nous  savons  d'autre  part  que  Galland  obtint  en  faveur  de  G.  Buon 
un  nouveau  privilège,  daté  du  14  mars  1586,  pour  faire  imprimer  la  pre- 
mière édition  posthume  des  Œuvres  de  Ronsard  '.  La  façon  même  dont 
l'opuscule  se  présente  prouve  la  hâte  avec  laquelle  on  le  publia  En  voici 
le  titre  complet  : 

Discours  II  de  la  vie  de  \\  Pierre  de  Ronsard,  ||  Genlil-homme  Van- 
doniois.  Il  Prince  des  racles  François,  \\  avec  \\  une  Eclogue  représentée 
Il  en  ses  obsèques, par  Claude  Binei-  ||  Plus  \\  les  vers  compose:  par  || 
ledict  Ronsard  peu  avant  sa  mort  :  \\  ensemble  \\  son  Tombeau 
recueilli  \\  de  plusieurs  excellens  personnages.  (Marque  du  libraire 
éditeur.)  A  Paris,  \\  Chez  Gabriel  Buon,  au  clos  Bruneau,  à  l'image 
S.  Claude.   \\    m.  d.  lxxxvi.   ||    Avec  privilège  du  Roy. 

C'est  un  in-4o  de  128  pages.  Au  verso  du  titre  se  trouve  le  portrait 
de  Ronsard  à  l'âge  de  27  ans,  qui  avait  paru  pour  la  première  fois  en 
tête  de  l'édition  princeps  des  Amours  (1552)  -  ;  au-dessous  de  ce 
portrait  le  quatrain  qui  figurait  déjà  en  tête  de  l'édition  princeps  de  la 
Franciade  (1572)  : 

Tel  fut  Ronsard  autheur  de  cet  ouvrage, 
Tel  fut  son  œil,  sa  bouche  et  son  visage. 
Portrait  au  vif  de  deux  craj^ons  divers, 
Icj-  le  corps,  et  l'esprit  dans  ses  vers  ^. 

Ce  quatrain,  qui  avait  sa  place  tout  indiquée  en  tête  des  Derniers 
vers  publiés  isolément  le  24  février,  était  conservé  ici  bien  mal  à  pro- 
pos, son  début  ne  s'appliquant  qu'à  la  deuxième  partie  de  l'opuscule, 
de  beaucoup  la  plus  courte  et  la  moins  importante.  Le  Discours  de  la 
vie  de  Ronsard  occupe,  en  effet,  les  pp.  3  à  33.  Les  Derniers  vers 
viennent  à  la  suite,  et  n'occupent  que  les  pp.  34  à  37  ;  encore  sont- 
ils  diminués  de  deux  pièces  qui  ont  passé  dans  la  biographie  du 
poète  ^.  Le  reste  de  l'opuscule  se  compose   tout   entier  de  poésies  écrites 

1.  Il  n'y  a  pas  d'achevé  d'imprimer.  Quant  au  privilège,  c'est  encore  celui  du 
7  décembre  1583.  Si  cet  opuscule  avait  paru  après  le  14  mars  1586,  nous  pen- 
sons qu'il  aurait  été  imprimé  en  vertu  du  privilège  nouveau  obtenu  ce  jour-là 
par  Galland  en  faveur  de  Buon.  Celui-ci,  dira-t-on,  pouvait  se  servir  de  l'an- 
cien privilège  (valable  pour  dix  ans),  même  après  en  avoir  obtenu  un  nouveau. 
Aussi  présentons-nous  notre  hj'pothèse  comme  très  vraisemblable,  sans  rien 
affirmer.  Quoi  qu'il  en  soit,  tout  porte  à  croire  que  l'opuscule  contenant  la 
première  rédaction  de  la   Vie  de  Ronsard  parut  au  plus  tard  à  la  fin  de  mars. 

2.  Mais  la  mention  «  Anno  aetatis  27  »  en  a  disparu.  Voir  ci- après  la  gravure 
hors  texte. 

3  D'après  une  note  de  La  Monnaye  {Biblioth.  fr^^  de  La  Croix  du  Maine, 
éd  Rigoley  de  Juvignj',  II,  p.  359'.  ce  quatrain  est  de  René  Belet,  Angevin,  qui 
a  écrit  dès  1569  un  sonnet  sur  la  Franciade  paru  au  Septiesine  livre  des  Poèmes 
et  réimprimé  parmi  les  liminaires  de  la  Franciade  en  1572  :  Quelle  si  docte 
main  et  quel  papier  si  blanc.  Sur  ce  personnage,  voir  un  article  de  G  Ballu 
dans  la  Rev.  de  la  Renaissance  de  mars-juin  1909. 

4.  Ces    deux    pièces   sont    l'épitaphe    écrite    par    Ronsard    pour    son    propre 

tombeau  :  «  Ronsard   repose   ici...  »,    et    l'épigramme  à    son  âme  :  «    Araelette 

"Ronsardelette...  »  Les  Derniers  vers  perdaient  encore  le  prologue  de  Binet,  qui 


WIV  INTKODl  ^TIO^ 

par  ses    amis    et   admirateurs,  d  abord    1  «  eclogue  meslce  »  de  Biiiet  in- 
titulée Penol.  puis  le  Tomhcdu  proprement  dit. 

A  noter  en  outre  que  les  pièces  du  Tombeau  sont  divisées  elles- 
mêmes  en  deux  parties,  dont  l'une,  qui  s'arrête  à  la  page  112,  contient 
sur  cette  page  les  Fautes  à  corriger,  et  l'autre,  qui  est  intitulée  Antres 
vers  sur  le  tombeau  de  Ronsard,  semble  avoir  été  ajoutée  en  appendice 
après  (juc  l'opuscule  était  déjà  complètement  imprimé.  Il  y  a  même  au 
début  de  cette  sorte  d'appendice  une  pagination  adventice  de  deux 
feuillets  qui  ont  encore  été  ajoutes  au  dernier  moment,  et  qu'on  a  mis 
là  parce  que  l'Extrait  du  privilège,  qui  clôt  la  page  128,  était  imprimé 
quand  ils  sont  arrivés  à  l'atelier  (ce  sont  les  pages  112.1,  1122,  112.3 
et  112.4).  —  Une  dernière  remarque  n'est  pas  moins  probante.  Binet, 
dans  sa  hâte  de  jjublier  sa  Vie  de  Ronsard,  y  laissa  un  nombre  consi- 
dérable de  fautes  d'impression,  dont  quelques-unes  très  graves.  Il  n'en 
releva  que  quatre  dans  la  table  des  errata.  Les  autres  disparurent  à  la 
deuxième  édition. 

La  Vie  de  Ronsard  reparut  chez  G.  Buon,  dans  le  5c  volume  (tome  X 
et  dernier,  pp.  107  à  157)  de  la  première  édition  posthume  des  Œuvres 
de  P.  de  Ronsard,  dont  le  format  est  in-12.  Cette  fois  elle  est  placée 
immédiatement  après  les  Derniers  vers  de  Ronsard,  et  immédiatement 
suivie  de  VEclogue  de  Cl.  Binet  et  du  Tombeau  de  Ronsard.  Toute 
trace  de  table  d'errata  a  disparu.  Le  privilège,  dont  l'extrait  se  trouve  à 
la  fin  du  volume,  est  daté  du  14  mars  1586.  L'achevé  d'imprimer,  qui  suit 
ce  privilège,  est  daté  du  24  décembre  1586.  Cette  deuxième  édition  de  la 
Vie  de  Ronsard  est  donc  encore,  comme  la  première,  de  l'année  1586, 
quoique  les  cinq  volumes  de  l'édition  des  Œuvres  dont  elle  fait  partie 
portent  le  millésime  1587.  Neuf  mois  seulement  séparent  l'une  de  l'au- 
tre, et  dans  ce  court  intervalle,  Claude  Binet,  pourtant  très  occupé  par 
ailleurs*,  a  profondément  transformé  sa  rédaction  primitive,  corri- 
geant  les  fautes  d'impression   et    quelques  erreurs   de  faits,    allongeant 


n'avait  plus  sa  raison   d'être    après  le  24  février,  et  l'épilogue  de  Galland,  qui 
passait  dans  le  Tombeau. 

1.  C'est  dans  le  même  temps  qu'il  élabora  lai '''=  édition  posthume  des  Œuvres 
de  Ronsard,  pour  laquelle  il  composa  une  longue  dédicace  Au  Roy  de  France 
et  de  Pologne,  en  vers  alexandrins,  placée  immédiatement  après  le  portrait  de 
Henri  III.  en  tète  des  pièces  liminaires  et  bien  avant  la  modeste  dédicace  en 
prose  de  J.  Galland,  qui  précède  directement  le  texte  même  de  Ronsard.  Dans  sa 
dédicace,  Binet  fait  apparaître  et  parler  l'ombre  de  Ronsard,  comme  celui-ci 
avait  fait  apparaître  et  parler  Du  Bellay  dans  son  élégie  à  Loys  Des  Masures. 
—  Après  la  mort  de  Binet  (1600),  J.  Galland  supprima  la  pièce  entière  de  son 
collaborateur,  voulant  peut-être  se  réserver  aux  yeux  de  la  postérité  l'avantage 
d'avoir   été  le  seul  exécuteur  testamentaire. 

En  outre  Binet  publia  en  1586,  en  collaboration  avec  Dorât,  un  livre  curieux 
intitulé  Sifci///arum  duodecim  oracula  . .  Les  Oracles  des  douze  Sibylles  extraits 
d'un  livre  antique,  mis  en  vers  latins  par  Jean  Dorât  et  en  vers  français  par  Claude 
Binet  :  avec  les  figures  desdites  Sibylles  pourtraites  au  vif  et  tirées  des  vieux 
exemplaires  par  Jean  Rabel.  Paris,  J.  Rabel,  m.d  lxxxvi  In-folio  de  19  ff. 
(Bibl.  Nat.,  Rés.  Yb,  60  . 

Enfin  n'oublions  pas  que  Claude  Binet  était  alors  l'un  des  substituts  du  Pro- 
cureur général  au  Parlement  de  Paris,  et  que  par  suite  il  avait  probablement 
du  travail  au  Parquet  (voir  ci-dessus,  p.  xix,  note  2). 


INTROmr.TION  XXV 

et    transposant   plusieurs    passages,    surtout    dans    la    dernière    partie. 

En  1597,  lorsque  J.  Galland  publia  une  nouvelle  édition  des  Œuvres 
de  P.  de  Ronsard  chez  la  veuve  de  G-  Buon.  la  Vie  de  Ronsard  y 
reparut,  à  la  même  place,  c'est-à-dire  dans  le  5«  volume,  au  tome  X  et 
dernier,  après  les  Derniers  vers  '.  Même  format,  mêmes  caractères 
d'imprimerie  qu'en  1587  ;  mais  cette  fois  la  Vie  de  Ronsard  occupait 
les  pages  109  à  179  ;  elle  avait  vingt  pages  de  plus  qu'à  la  deuxième 
rédaction.  —  Binet  avait  été  «  pourvu  gratuitement  de  la  charge  de 
Lieutenant  général  de  la  Sénéchaussée  de  Riom  par  la  reine  Elisabeth 
douairière  de  Charles  IX  »  -  ;  son  compatriote  et  ami  Antoine  Loisel, 
auquel  on  doit  ce  renseignement,  ne  dit  pas  à  quelle  date  ;  ce  fut  proba- 
blement en  1587,  car  Binet- ne  porte  ce  titre  dans  aucun  des  documents 
qui  font  mention  de  lui  avant  cette  année-là,  et  d'autre  part  on  le  trouve, 
prenant  la  parole  en  cette  qualité,  aux  Etats  de  Blois  dans  la  deuxième 
moitié  de  1588  '.  Il  semble  avoir  dès  lors  abandonné  le  «  culte  des 
Muses  »,  que  ne  favorisaient  guère  les  troubles  de  la  Ligue,  et  s'être  con- 
sacré presque  entièrement  à  sa  fonction  de  président  de  tribunal,  difficile 
en  ce  temps  d'anarchie.  Mais  il  resta  fidèle  au  culte  de  Ronsard  ,  la 
preuve  en  est  dans  la  troisième  rédaction  de  sa  biographie,  à  laquelle  il 
se  remit  dès  avant  1  assassinat  de  Henri  III  (l'^'"  août  1589),  comme  on 
peut  le  conjecturer  d'après  deux  passages  '',  et  à  laquelle  il  travaillait 
encore,  un  autre  passage  en  témoigne,  après  le  sacre  de  Henri  IV  (février 
1594  ■'■  Il  apporta  tous  ses  soins  à  embellir  cette  chapelle  qu'il  avait 
élevée  sur  la  tombe  du  poète.  II  laissa  chaque  chose  à  sa  place  ;  mais  il 
répandit  de-ci  de -là  des  grains  d'encens  et  des  fleurs  ;  il  recueillit  de  nou- 
\elles  anecdotes  et  arrangea  les  anciennes  à  l'honneur  de  son  héros  ;  il 
augmenta  le  nombre  des  citations,  ajouta  des  détails  de  nature  à  justifier 
1  homme,  à  grandir  l'écrivain,  à  défendre  sa  mémoire  à  la  fois  contre  les 
haines  religieuses  et  les  critiques  littéraires  ;  il  écrivit  enfin  un  préam- 
bule moral  à  la  Tacite,  digne  entrée  du  pieux  monument. 

En  somme,  Binet  s'est  trouvé  dans  des  conditions  relativement  favo- 
rables à  la  composition  d'une  bonne  biographie  de  Ronsard.  Il  est  vrai 
qu'il  y  avait  entre  eux  une  grande  différence  d'âge  (environ  28  ans),  et 
que  Binet  ne  paraît  pas  avoir  songé  à  cette  biographie  avant  la  mort  de 
Ronsard   Mais  ayant  été  reçu  dans  la  familiarité  du  poète  trois  ou  quatre 


1.  D'ailleurs  la  fin  du  volume  se  présente  d'une  façon  différente.  Après  la 
Vie  de  flonsard  viennent  les  cinq  distiques  latins  de  J.  Galland  Piis  amici  Ron- 
sardi  manibus,  l'Oraison  funèbre  sur  la  mort  de  M.  de  Ronsard  par  Du  Perron, 
l'Kclogue  de  Binet  et  le  Tombeau. 

Nous  ne  parlons  pas  de  lédition  lyonnaise  de  Th.  Soubron  de  1592.  parce 
qu  elle  reproduit  intégralement  le  texte  de  1587  en  ce  qui  concerne  la  Vie  de 
Ronsard,  et  qu'elle  se  fit  à  l'insu  de  Galland  et  de  Binet. 

2.  Ant.  Loisel,  Mémoires  de  Beauuais  et  du  Beauuaisis.  p  221  ;  cité  par  La 
Monnoj'e  en  note  de  l'article  Claude  Binet  dans  la  Bibliothèque  de  La  Croix  du 
Maine. 

3.  Harangue  pour  les  Estats  par  G  Binet,  lieutenant  général  d  Auvergne!, 
1588,  in  8"  de  U  pp.  (Bibl.  Nat,,  Lb  -'S  531). 

4.  Voir  ci-après,  mon  Commentaire,  pp.  174  et  231,  aux  mots  «  régnant  »  et 
«  devins  ■>. 

5.  Ibid.,  p.  48.  ligne  17. 


XXVI  INTRODUCTION 

ans  avant  sa  mort,  ayant  eu  des  relations  plus  ou  moins  longues  et  sui- 
vies avec  des  hommes  qui  lavaient  connu  intimement  pendant  de  nom- 
breuses années  et  qui  survivaient,  tels  que  Dorât  son  maître,  A.  de  Baïf 
son  condisciple  et  son  émule.  A.  Jamin  son  page  et  secrétaire,  J.  Galland 
son  hôte,  dont  les  deux  premiers  furent  les  témoins  de  toute  sa  vie  de- 
puis sa  vingtième  année,  le  troisième  celui  de  sa  maturité,  le  quatrième 
celui  de  sa  vieillesse  —  sans  parler  d'E.  Pasquier,  qui  avait  été  «  em- 
brigadé »  dès  1554  —  Binet  pouvait  nous  laisser  un  ouvrage  utile  et  du- 
rable, malgré  son  admiration  passionnée  pour  Ronsard.  Malheureusement 
il  n'a  pas  su  s'y  prendre  :  il  a  employé  des  moyens  qui  coihpromettent 
gravement  l'autorité  de  son  témoignage;  il  eut  trop  le  souci  de  sa  propre 
gloire  en  glorifiant  son  grand  homme,  et  il  fit  une  œuvre  d'avocat-poète, 
non  d'historien. 


III 


Quelles  ont  été  les  sources  d'information  de  Binet  biographe,  et  com- 
ment s'en  est  il  servi?  On  peut  diviser  en  deux  grands  groupes  les  docu- 
ments qu'il  a  utilisés  :  1"  les  documents  écrits  ;  2"  les  documents  oraux. 

A.  Documents  écrits.  —  Binet  pensa  tout  d'abord  à  consulter  les  Œu- 
vres de  Ronsard,  remplies  de  renseignements  autobiographiques  et  sim- 
plement biographiques,  ceux-ci  dus  à  quelques  amis  du  poète  tels  que 
Dorât,  Muret,  Belleau,  L'Hospital.  Mais  il  se  contenta  de  les  consulter 
dans  l'édition  la  plus  récente,  l'in-folio  de  1584  (on  en  trouvera  les  preuves 
dans  mon  Commentaire)  ',  y  ajoutant  les  manuscrits  de  certaines  œuvres 
inédites  dont  il  avait  le  dépôt.  La  première  des  pièces  qui  retinrent  son 
attention  fut  YElegie  à  R.  Belleau,  où  Ronsard  parle  de  ses  ancêtres,  de 
sa  naissance  et  des  principaux  événements  de  sa  jeunesse  jusqu'à  l'entrée 
au  collège  de  Coqueret;  il  la  fit  passer  entièrement  dans  sa  prose.  Un  des 
poèmes  adressés  A  Charles  de  Lorraine  et  un  autre  adressé  A  Pierre 
L'Escot  lui  fournirent  quelques  détails  sur  le  court  passage  de  Ronsard  au 
collège  de  Navarre,  et  la  résistance  que  rencontra  chez  son  père  sa  natu- 
relle «  inclination  aux  Muses  ».  Une  ode  pindarique  de  Dorât,  écrite  dès 
1549à  la  louange  de  son  brillant  disciple  et  placée  parmi  les  liminaires  des 
Œuvres,  plus  trois  passages  des  éditions  collectives  d'Ant.  de  Baïf  (dédi- 
cace AuRoy  et  une  pièce  Aus  Poètes  Fransoés)  et  de  J.  du  Bellay  {Hymne 
de  la  Surdité)  lui  permirent,  ainsi  que  certains  témoignages  oraux  dont 
nous  parlons  plus  loin,  de  compléter  le  portrait  de  Ronsard  écuyer  et 
écolier. 

Puis  Binet  mit  très  i-apideraent  à  profit  —  trop  rapidement  —  toutes  les 
pièces  de  Ronsard  où  il  découvrit,  ou  crut  découvrir,  des  indications  sur 
ses  faits  et  gestes  aux  environs  de  la  vingt-cinquième  année,  ses  maîtres 
et  ses  condisciples,  ses  débuts  littéraires,  ses  adversaires  et  ses  protec- 
teurs à  la  Cour,  les  causes    de   l'opposition  et    les    raisons  de  son  succès 


1.  Voir  notamment  pp.  59-fiO.  aux  mots  <<  à  Remy  Relleau  «. 


INTRODUCTION  XXVII 

final,  —  sans  oublier  les  deux  premières  héroïnes  de  ses  vers  d'amour, 
Cassandre  et  Marie.  J'cnumère  les  principales  dans  Tordre  qu'il  a  suivi  : 
VEpitaphc  d'A.  Turiwbe,  Y  Elégie  à  J.  de  la  Feriisc,  le  Discours  contre 
Fortune,  la  préface  des  Odes  Au  lioy  Henry  II,  l'ode  pindarique  A  J. 
du  Bellay,  la  préface  posthume  de  la  Franciade,  YElegie  à  Loys  des  Ma- 
sures (rapprochée  de  la  2"  préface  deVOlive  de  Du  Bellay),  VEpilhulame 
d'Ant-  de  Bourbon,  V Avant-entrée  du  roy  Henry  II  (retranchée  par  Ron- 
sard), YOde  de  la  Paix  (datée  ainsi  que  la  pièce  précédente).  Yllynme 
triomphal  sur  le  trespas  de  Marguerite  de  Valois  texte  primitif  et  texte 
remanié),  un  sonnet  A  Pontus  de  Tyard,  la  2"  ode  A  Madame  Margue- 
rite, les  dédicaces  des  Commentaires  de  Muret  et  de  Belleau  sur  les 
Amours,  deux  épîtres  latines  de  L'Hospital,  l'ode  A  Michel  de  L'Hospilal, 
l'ode  A  Melin  de  Saint-Gelais.  Deux  pièces  des  Odes  adressées  à  Henri  II 
(la  dédicace  et  la  première  du  troisième  livre),  peut-être  aussi  trois  son- 
nets des  Regrets  de  Du  Bellay,  lui  apprirent  que  le  projet  de  la  Franciade 
remontait  au  règne  de  Henri  II  ;  les  Hymnes,  dont  l'un  porte  aux  nues 
Henri  II,  que  dès  ce  règne  Ronsard  donna  des  preuves  de  ce  qu'il  pouvait 
dans  le  genre  héroïque  ;  le  poème  A  Pierre  L'Escot,  oii  Henri  II  est  mis 
en  scène,  que  dès  ce  règne  Ronsard  était  honoré  comme  le  chantre  des 
gloires  nationales  ;  enfin  six  épigrammes  des  Poemata  de  Du  Bellay, 
que,  sous  ce  règne  encore,  il  avait  reçu  des  Jeux  floraux  de  Toulouse  une 
Minerve  d'argent,  dont  il  fit  présent  à  Henri  II. 

Sur  le  Ronsard  du  temps  de  Charles  IX  les  documents  abondaient  dans 
les  Œuvres.  Pourtant  Binet  ne  semble  pas  en  avoir  tiré  grand  parti,  soit 
qu'il  ait  eu  l'embarras  du  choix,  soit  plutôt  qu'il  n'ait  pas  pris  le  temps 
de  les  chercher  ni  su  comment  les  classer.  A  peine  fait-il  une  allusion 
aux  Discours  politiques,  aux  Eclogues  et  à  la  Franciade  ;  toutefois  il 
mentionne  les  vers  de  Charles  IX,  «  lesquelz  se  voyent  encores  imprimez 
parmi  les  œuvres  de  Ronsard  »,  et  les  satires  autorisées  parce  roi,  d'a- 
près un  passage  des  Estrennes  à  Henry  III  ;  il  semble  avoir  noté  dans  les 
Poèmes  quelques  vers  sur  la  fièvre  maligne  qui  alita  Ronsard  une  année 
entière,  mais  au  lieu  de  les  citer,  il  cite  une  pièce  latine  de  l'abbé  de 
Pimpont,  qui  n'offre  aucun  intérêt  historique.  Sur  les  relations  de 
Charles  IX  et  de  Ronsard  il  s  inspira  encore  de  quelques  lignes  d'Arnaud 
Sorbin  et  de  Papire  Masson,  biographes  de  ce  roi. 

Le  Ronsard  du  temps  de  Henri  III  était  sans  doute  mieux  connu  de 
Binet  ;  pourtant  il  ne  s'y  attarda  pas.  Trois  passages  des  Œuvres  con- 
firmèrent ce  qu'il  savait  des  relations  du  roi  et  du  poète,  les  deux  pre- 
mières pièces  du  Bocage  Royal  et  la  première  £'/e(/;V,  dédiées  à  Henri  III; 
mais  il  avait  hâte  d'arriver  à  la  dernière  année,  sur  laquelle  il  possédait 
des  documents  certains  et  précis  :  un  opuscule  qu'un  faussaire  avait  at- 
tribué à  Ronsard  mourant, trois  pièces  manuscritesque Binet  cite{l'Hymne 
de  Mercure,  un  fragment  inachevé  adressé  à  Galland,  une  lettre  égale- 
ment à  l'adresse  de  Galland),  et  les  Derniers  vers,  dont  il  reproduit  deux 
pièces  intégralement  et  résume  les  autres.  Il  abuse  même  des  citations 
dans  cette  fin  de  la  biographie  proprement  dite,  mêlant  aux  vers  de  Ron- 
sard trois  de  ses  propres  épigrammes  et  une  de  Dorât,  qui  n'offrent 
aucun  intérêt  historique  et  sont  du  pur  remplissage- 
Dans  la  dernière   partie    de   son   opuscule,  Binet   expose  les  opinions 


WVIII  INTRODUCTION 

littéraires,  les  goûts  domestiques,  le  caractère  de  Ronsard,  et  porte  un 
jugement  général  sur  1  homme  et  l'écrivain.  L'épître  A  Clir-  de  Choiseul 
qu'il  mentionne,  des  vers  inédits  qu'il  cite  sur  les  maladroits  imitateurs 
du  Maître,  la  préface  posthume  de  la  Franciade  et  les  Estrennes  à 
Henri)  III  dont  il  s'inspire  sans  le  dire,  la  dédicace  des  Anacreontica  de 
J.-C.  Scaliger  qu'il  reproduit  intégralement,  les  odelettes  sur  la  foret  de 
Gastine  et  la  fontaine  Belleric,  quelques  sonnets  à  Charles  IX  et  à  son 
frère  François  d'Anjou,  peut-être  aussi  certaines  pièces  des  Mealanges 
de  Jamin ,  1  ont  aidé  à  ti-acer  ce  portrait  intellectuel  et  moral  de 
Ronsard. 

Tels  sont  les  principau.\  documents  écrits  que  Binet  a  utilisés,  ou  qu'il 
semble  avoir  utilises  pour  sa  première  rédaction.  Sa  méthode  fut  des  plus 
rudimentaires  :  elle  consista  à  paraphraser  ou  à  délaj'er  certaines  pages 
de  la  dernière  édition  des  Œiirres  de  Ronsard,  à  résumer  au  contraire 
certaines  autres  en  quelques  lignes  avec  citation  à  l'appui,  à  reproduire 
des  vers  inédits  adressés  à  Galland  ou  à  lui-même,  et,  comme  ornements 
plus  que  pour  preuves,  des  épitaphes  extraites  des  Derniers  vers  ou  sorties 
de  son  cru,  enfin  des  pièces  latines  de  quelques  admirateurs  du  poète. 
Dorât,  Pimpont,  Scaliger,  le  tout  sans  la  moindre  critique  des  témoi- 
gnages Cette  méthode  fut  également  celle  de  la  deuxième  et  de  la  troi- 
sième rédaction,  avec  une  diflérence  aggravante  toutefois,  que  M'Ie  Evers 
a  très  bien  vue  :  tandis  que  pour  sa  première  rédaction  Binet  a  d'ordi- 
naire indiqué  ses  sources,  ou  emprunté  aux  œuvres  de  Ronsard  seulement 
des  faits  et  des  idées,  en  leur  donnant  une  expression  nouvelle,  au  point 
qu  il  est  parfois  difficile  de  prouver  le  plagiat,  dans  les  deux  autres  ré- 
dactions il  a  copié  parfois  la  forme  aussi  bien  que  le  fond,  sans  en  avertir 
le  lecteur  ;  il  a  pillé  surtout  certaines  pages  en  prose  que  Ronsard  avait 
retranchées  de  ses  œuvres  depuis  longtemps  et  que  par  suite  on  pouvait 
croire  vouées  à  un  éternel  oubli . 

Nous  avons  vu  que  Binet  remania  sa  Vie  de  Ronsard  dans  le  même 
temps  qu'il  élaborait  la  première  édition  posthume  des  Œuvres.  Aussi, 
cette  fois,  n'est-ce  plus  l'in-folio  de  1584  qu'il  consulta  ;  il  prit  pour  base 
de  sa  documentation  l'édition  même  de  Ronsard  qu'il  était  chargé  démettre 
au  point  et  que  sa  nouvelle  rédaction  devait  accompagner.  C'est  ainsi 
qu  il  fut  amené  à  changer  en  sept  ans  les  cinq  ans  que  Ronsard  avait 
affirmé  avoir  passés  sous  la  discipline  de  Dorât  dans  toutes  les  éditions 
publiées  de  son  vivant.  On  trouvera  dans  mon  Commentaire  d'autres 
preuves  de  ce  fait  que  la  deuxième  rédaction  de  la  Vie  de  Ronsard  est 
fondée  sur  l'édition  de  1587  '. 

Binet  ne  se  contenta  pas  de  corriger  son  texte  primitif;  il  l'amplifia  de 
documents  dus  à  une  étude  plus  attentive  des  Œuvres  de  Ronsard  et  des 
papiers  manuscrits  qu'il  avait  à  sa  disposition  comme  exécuteur  testa- 
mentaire. Pour  la  jeunesse  du  poète  il  trouva  dans  le  Tombeau  de  Mar- 
guerite de  France  duchesse  de  Savoye  certains  détails  qui  lui  permirent 
de  compléter  ou  de  rectifier  les  renseignements  qu'il  avait  puisés  d'abord 
dans  YElegie  à  R.  Belleau  -  ;  il  profita   également   de    la    Responce    aux 


1.  Voir  pp    60,  90,  98,  116.  126,  133  et  passim. 

2.  V.  ci-après.  Commentaire,  pp.  73,  74,  77-78. 


I\TRODLCTION  XXIX 

injures  ',  de  la  préface  posthume  delà  Franciade  -  et  du  premier  livre 
des  Amours  ^.  —  Pour  le  Ronsard  du  règne  de  Charles  IX,  il  mentionna 
les  Anioius  d'Eiirijmedun  cl  de  Callirée,  et  ceux  d'As/rt-e  ;  il  parla  pour 
la  première  fois  d'Hélène  de  Surgères  et  des  œuvres  que  Ronsard  lui  a 
consacrées  '  ;  il  remarqua  que  Ronsard  s'était  plaint  «  en  plusieurs  en- 
droits »  de  n'avoir  pas  été  récompensé  selon  son  mérite  '.  —  A  propos 
de  sa  mort  il  ajouta  un  quatrain  de  Pibrac,  à  l'appui  d'une  considération 
morale  qui  n'a  aucune  valeur ''.  —  Dans  la  dernière  partie  il  introduisit 
la  paraphrase  de  plusieurs  passages  de  ÏAbbregé  de  l'Art  poëlique  et  de  la 
préface  posthume  de  la  Franciade  "^  et  la  copie  presque  textuelle  de  la 
deuxième  préface,  que  Ronsard  avait  retranchée  de  son  épopée  dès  1578. 
Une  épître  en  vers  italiens  de  Speroni,  trouvée  dans  les  papiers  de  Ron- 
sard, une  lettre  du  poète  sur  la  Pacdotrophia  de  Sainte -Marthe,  commu- 
niquée par  Baïf,  deux  fragments  inédits,  l'un  de  la  Loi)  divine,  l'autre 
de  VHerculc    Tue-lion,  l'aidèrent  à  étoffer  la  fin  de  sa  biographie. 

La  troisième  rédaction  montre  de  la  part  de  Binet,  en  même  temps 
qu'une  connaissance  plus  approfondie,  ou  du  moins  plus  étendue,  des 
Œuvres  de  Ronsard,  une  tendance  plus  grande  à  les  plagier.  Cette  fois 
la  principale  source  écrite  où  il  puisa  fut  la  première  édition  des  Odes. 
Il  ne  semble  pas  l'avoir  connue  lors  des  deux  rédactions  précédentes,  ou 
s'il  la  connaissait,  il  n'en  fit  pas  usage  **.  La  consulta-t-il  par  fragments 
manuscrits,  qu'il  aurait  découverts  parmi  les  papiers  de  Ronsard,  ou 
bien  en  son  entier  dans  le  volume  de  1550,  déjà  très  rare,  qu'il  aurait 
acquis  ou  que  Dorât  lui  aurait  communiqué  entre  la  deuxième  et  la  troi- 
sième rédaction  ?  J'incline  à  croire  qu'il  eut  en  mains  le  volume  lui- 
même,  car  non  seulement  il  a  fait  des  emprunts  aux  préfaces  de  cette 
édition  princeps  supprimées  dès  1553  et  à  une  ode  supprimée  dès  1555 
(l'ode  à  Dorât,  dont  il  cite  tout  le  début),  mais  encore  au  commentaire 
de  I.  M.  P.,  supprimé  en  1555  sans  que  Ronsard,  ou  je  me  trompe  fort, 
en  ait   conservé   le    manuscrit  ■'    Quoi   qu'il  en  soit,  onze    passages    sont 


1 .  V.  ci-après,  Commentaire,  pp.  82, 120. 

2.  Ibid.,  p.  89. 

a.  Ibid.,  pp.  120-121,  122. 

4.  Ibid.,  pp.  161  à  1G4. 

5.  Ibid..  p.  167. 

6.  Ibid.,  p.  190. 

7.  Ibid.,  p.  198-199,  201.  202.  204,  229,  230. 

8.  Rien  ne  le  montre  mieux  que  le  passage  où  il  parle  des  anagrammes  faites 
sur  le  nom  de  Ronsard  à  l'exemple  de  Lycophron,  et  le  passage  qui  suit 
immédiatement,  où  il  parle  des  premières  odes  composées  par  Ronsard  (v.  ci- 
après,  p.  14,  lignes  28  et  suiv.,  et  Commentaire,  p.   112). 

9.  On  pourrait  seulement  objecter  que  s'il  avait  connu  tout  le  volimie  il  n'au- 
rait pas  manqué  d'énumérer  les  pièces  du  premier  Bocage,  profitant  de  cette 
déclaration  de  la  préface  :  <<  Il  est  certain  que  telle  Ode  (celle  à  .1.  Peletier^  est 
imparfaite,  pour  n'estre  mesurée  ne  propre  à  la  lire,  ainsi  que  l'Ode  le  requiert, 
comme  sont  encores  douze,  ou  treze,  que  j'ai  mises  en  mon  Bocage,  sous  autre 
nom  que  d  Odes,  pour  celte  même  raison,  servans  de  tesmoignage  pur  ce  vice  à 
leur  antiquité  »,  au  lieu  de  se  contenter  de  cette  phrase,  dont  le  début  est  faux  et 
la  fin  très  vague  :  «  La  première  ode  qu'il  fit  tut  la  complainte  de  Glauque  à 
Scylle  et  celle  qu'il  adresse  à  J.  Peletier...  :  aussi  ne  sont-elles  pas  mesurées  ni 
propres  à  la  lyre  ainsi  que  l'ode  le  requiert,  non  plus  que  quelques  autres  qu'il  fit 
en  ce  mesme  temps.  »  L'objection  n'est  pas  sans  valeur,  mais  elle  ne  me  paraît 


INTRODUCTION 


amplifiés  à  laide  de  phrases  ou  d'incidentes  littéralement  copiées,  sans 
rétérence  aucune,  dans  les  moiceaux  de  prose  qui  accompagnaient  primi- 
tivement les  Quatre  premiers  livres  des  Odes  '. 

II  a  également  utilisé,  le  plus  souvent  sans  le  dire,  trois  notes  de 
\\  Belleau  au  deuxième  livre  des  Amours,  l'une  sur  le  lieu  de  naissance 
de  Ronsard.  les  deux  autres  sur  sa  rencontre  avec  Marie  du  Pin  (qui  l'ont 
d'ailleurs  mal  inspiré  -,  quelques  vers  de  Vlhjmne  de  Henri  II  sur  Ron- 
sard page  ',  de  la  Bergerie  sur  Dorât  humaniste  '',  de  deux  pièces  du 
Bocage  royal,  l'une  adressée  à  la  Reine  mère,  l'autre  au  Cardinal  de 
Lorraine  ^,  une  strophe  de  l'Ode  à  Calliope  (dont  l'insertion  a  rendu  le 
passage  tout  à  fait  incohérent!  '',  quelques  vers  de  l'Elégie  prologue  du 
deuxième  livre  des  Amours  et  d'une  Elégie  à  Genevre',  un  passage  du 
(Ihanl  pastoral  à  Mad-  Marguerite  ^  :  cela  dans  la  première  partie  de  son 
opuscule,  pour  les  trente  premières  années  du  poète. 

La  deuxième  et  la  troisième  partie  présentent  des  additions  plus  lon- 
gues, fondées  pour  la  plupart  sur  des  documents  écrits-  Binet  y  utilise, 
au  sujet  de  Rousard  et  des  protestants,  deux  ou  trois  pamphlets  hugue- 
nots, deux  passages  de  la  Responce  aux  injures  et  vingt-deux  vers  des 
Dithyrambes,  qu  il  cite  en  les  attribuant,  de  bonne  foi  ou  non,  à  Ber- 
trand Berger  ^  ;  puis,  à  propos  des  relations  de  Ronsard  et  de  Charles  IX, 
les  Stances  sur  l'entrevue  de  Bayonne,  le  Tombeau  de  Marguerite  de 
France,  des  vers  qu'on  attribuait  à  Virgile,  placés  à  la  fin  des  Mascarades, 
et  quatre  satires  inédites  dont  deux  certainement  étaient  ou  avaient  été 
sous  ses  yeux  en  manuscrit  '"^.  Il  cite  une  strophe  inédite  que  Ronsard 
aurait  dictée  à  son  lit  de  mort,  deux  distiques  latins  d'un  inconnu  et 
deux  quatrains  de  Ronsard  relatifs  à  la  Franciade  (les  quatrains  bien 
maladroitement)  ".  Il  insère  une  phrase  sur  La  Ramée,  peut-être  d'après 
le  commentaire  de  la  Rhetorica  dOmer  Talon,  une  demi-page  sur  les 
substitutions  de  noms  dans  les  œuvres  de  Ronsard,  d  après  un  sonnet  des 
Amours  dédié  d'abord  à  Grevin  et  une  odelette  inédite  conservée  dans  les 
papiers  du  poète,  cinq  lignes  sur  la  composition  de  la  «  Pléiade  »,  d'après 
une  Epitre  en  prose  que  Ronsard  avait  retranchée  de  ses  œuvres  en  1578  ^^. 
Il  cite  le  début  du  poème  sur  la  Loy  divine,  qu'il  n'avait  pas  osé  publier 
sous  Henri  III,  et  le  fragment    de    la  Militie  frunçoise,  qui,  pour  grossir 


pas  péremploire,  étant  donnée  l'élourderie  ou  l'imprécision  dont  Binet  a  laissé 
tant  de  preuves  ;  je  ne  crois  pas  qu'il  se  soit  jamais  soucié  de  donner  une  liste 
exacte  et  complète  des  premiers  essais  Ij'riques  de  Ronsard,   même  le  pouvant. 

1.  V.  ci-après   le    Commentaire,    pp.    82,    111,  112,  119,    124.  126.    131,  144, 
197  et  231. 

2.  V.  ci  après  le  Commentaire,  pp.  69,  129  et  130. 

3.  Ibid.,  p.  82-83 

4.  Ibid  .  p.  90. 

5    Ibid.,  pp.  119,  125  et  146. 
G.  Ibid.,  p.  126-127. 

7.  Ibid.,  p.  131. 

8.  Ibid.,  p.  133. 

9.  Ibid.,  pp.  151  à  156. 

10.  Ibid.,  pp.    157-158.  164.  169  à  173. 

11.  V.  ci-après  le  Commentaire,  pp.  187,  205  et  206. 

12.  Ibid..  pp.   215  à  217  et  p    219. 


I^'TRODUCTIO^  XXXI 

son  opuscule,  fut  distrait  des  Œuvres  où  il  avait  paru  en  1584  et  1587  '. 
Il  ajoute  enfin  une  page  sur  Ronsard  poète  latin,  d'après  plusieurs  pas- 
sages des  (lùivics,  et  sur  Ronsard  prosateur,  d'après  le  manuscrit  d'un 
de  ses  discours  académiques  -. 

Toutes  ces  additions  de  la  troisième  rédaction  ont-elles  amélioré  le 
texte  au  point  de  vue  historique  ?  Il  s'en  faut.  Quelques-unes  ont  évi- 
demment augmentéle  nombre  des  faits  concernant  Ronsard  et  son  oeuvre  ; 
mais  la  plupart  sont  d'ordre  moral  ou  d'ordre  purement  littéraire.  Sauf 
en  deux  endroits,  Biuet  ne  s'est  guère  soucié  d"êti-e  plus  exact  que  pré- 
cédemment :  non  seulement  on  retrouve  en  1597  celles  des  erreurs  pri- 
mitives qu'il  avait  conservées  en  1587  '  et  celles  qu'il  y  avait  alors  ajou- 
tées *,  mais  il  en  commet  de  nouvelles,  dont  quelques-unes  peuvent 
passer  pour  volontaires,  car  elles  tendent  à  innocenter  Ronsard,  ou  à 
dramatiser  de  simples  affirmations  antérieures  sur  les  premières  relations 
de  Ronsard  et  de  Du  Bellay  ^  ;  et  les  citations  qu'il  insère  ont  pour  but 
d'illustrer  son  texte  bien  plus  que  de  confirmer  son  dire  ;  il  va,  tant  il 
les  aime,  jusqu  à  leur  sacrifier  la  suite  des  idées.  Le  plus  souvent  ses 
additions  lui  servent  à  développer  par  amplification  oratoire  ce  qu'il 
avançait  tout  bonnement  dans  les  premières  éditions  :  réflexions  géné- 
rales, rapprochements    artificiels,    comparaisons,    métaphores,    voilà  ce 


1.  V.  ci-après  le  Commontaire,  pp.  232  à  233. 

2.  Ibid.,  pp.  234  et  235. 

3.  Par  ex .  Ronsard  au  camp  d'Avignon  tout  de  suite  après  le  collège  de 
Navarre  ;  Ronsard  à  la  diète  de  Spire  ;  Ronsard  apprenant  en  peu  de  temps 
l'anglais  et  l'allemand  ;  Ronsard  en  Piémont  ;  plus  âgé  que  Raïf  seulement  de 
quatre  ans  ;  Ronsard  publiant  les  Amours  avant  les  Odes  ;  Ronsard  écrivant 
contre  les  protestants  et  récompensé  de  cette  intervention  sous  le  règne  de  Fran- 
çois II  ;  Ronsard  à  la  suite  de  Charles  IX  ;  dédiant  ses  Eclogues  à  Charles  IX. 

4.  Par  ex.  sur  la  première  ode  composée  par  Ronsard  ;  sur  le  Dialogue  des 
langues  de    Speroni. 

5.  Par  ex  sur  l'étj^mologie  de  la  Possonnière  ;  sur  Loys  de  Ronsarl, 
maître  d'hôtel  de  François  I<^'  ;  sur  la  naissance  du  poète  le  jour  de  la  défaite 
de  Pavie  ;  sur  sa  première  rencontre  avec  Marie  ;  sur  Charles  d'Orléans,  dont 
il  fait  le  2^  fils  de  François  l"  ;  sur  l'auteur  des  Dithyrambes  et  la  composition 
des  Folaslries  ;  sur  un  quatrain  liminaire  de  la  Franciade  ;  sur  les  circonstances 
(le  la  rencontre  de  Ronsard  et  Du  Rellay,  et  celles  de  leur  mésintelligence  pas- 
sagère. 

M"'^  Evers  allirme  inexactement  que  «  la  3^  édition  ne  contient  pas  de  correc- 
tions, qui  ne  soient  pas  aussi  dans  la  2'  »,  autrement  dit  que  la  3'=  édition  ne  con- 
tient pas  de  corrections  nouvelles  S'il  sagit  de  faits,  Rinet  vn  a  corrigé  au  moins 
deux,  l'un  avec  raison  d'après  le  Tombeau  de  Marg.  de  France,  l'autre  à  tort 
d'après  \  Hymne  de  Henri  II {v.  ci-après,  Commentaire,  pp.  74,  78  et  82  83  .  S'il 
s'agit  de  corrections  dans  le  style,  elles  sont  assez  nombreuses  :  Rinet  a  fait 
disparaître  à  l'aide  de  s3'nonymes  des  répétitions  inutiles  de  mots  (voir  ci-après, 
p.  2,  lignes  35  et  38,  où  ado  ne  remplace  lors,  région  remplace  pais)  ;  en  revanche 
il  a  introduit  des  répétitions  inutiles,  qu'il  aurait  pu  facilement  éviter  {ibid., 
p  12.  lignes  38  et  41,  les  mots  bonnes  et  des  lors  ;  p.  19,  lignes  42  et  44,  le  mot 
ressembler^  ;  il  a  supprimé  des  incidentes  inutiles,  qui  ne  faisaient  qu'alourdir 
son  texte  {ibid.,  p.  7,  1.  29,  faire  son  proffit  de  toutes  ;  p.  7.  1.  42,  sur  la  fin  de  ses 
voyages)  ;  ailleurs  il  a  supprimé  des  et  et  des  qui  ;  enfin  il  semble  bien  qu'il 
ait  voulu  éviter  des  tournures  équivoques  (ibid.,  p.  3,  1.  39,  de  la  Poésie,  telle  que 
le  temps  pouvoit  porter  ;  p.  16,  1.  24,  ce  qu'il  semble  quasi  vouloir  donner  à 
cognoistre. .  ■  et  la  note  des  pp.  120-121  ;  p.  19,  lignes  34  et  suiv.,  de  laquelle  se 
lisent  assez  de  sonnets]. 


XXXII  INTRODUCTION 

qu'il  cherche,  afin  de  donner  du  relief  à  sa  prose  et  c'est  surtout  au  poète 
lui-même  qu'il  les  emprunte,  pour  être  plus  siir  de  leur  qualité  Une 
préoccupation  analogue  lui  a  fait  rehausser  ses  personnages  :  il  insiste 
sur  les  brillantes  alliances  de  la  famille  Ronsart,  d'après  un  généalogiste 
qui  semble  peu  digne  de  foi,  sur  la  noblesse  deCarnavalet,  de  Du  Bellay, 
de  Saint-Gelais,  d'Hélène  de  Surgères,  même  de  Jacques  Desguez,  le 
modeste  aumônier  du  prieuré  de  Saint-Cosme  '  ;  il  grandit  aussi  Dorât, 
dont  il  fait  un  prophète,  et  A-  de  Ba'if,  qu'il  présente  comme  l'inventeur 
des  vers  français  mesurés  à  l'antique  -.  Et  c'est  encore  en  moraliste  et  en 
littérateur,  non  en  historien,  que  Binet  commence  et  termine  sa  Vie  de 
Ronsard  ;  1  exorde  sentencieux  et  fleuri  qu'il  adresse  à  son  fils,  la  péro- 
raison solennelle  où  il  apostrophe  l'illustre  mort  comme  son  père  adoptif, 
sont  très  caractéristiques  de  sa  manière,  qui  est  d'ailleurs  celle  du 
temps  ■'. 

Tels  furent  les  principaux  mobiles  auxquels  obéit  Binet  en  remaniant 
son  texte  pour  une  troisième  édition,  au  lieu  de  critiquer  les  témoignages, 
au  lieu  d'établir  une  bonne  chronologie  des  pièces  qu'il  citait  ou  dont  il 
s'inspirait  furtivement.  Mais  il  en  est  d'autres  moins  excusables  encore, 
que  va  nous  révéler  l'étude  de  ses  documents  oraux. 

B.  Documents  oraux.  —  Il  est  à  peu  près  certain  que  Binet  a  recueilli 
de  la  bouche  même  de  Dorât,  qu'il  fréquentait  familièrement  et  qui 
mourut  seulement  en  novembre  1588,  quelques  renseignements  sur  ses 
plus  anciennes  relations  avec  Ronsard,  d'abord  au  domicile  de  Lazare  de 
Ba'if,  ensuite  au  collège  de  Coqueret  11  est  probable  aussi  qu'Antoine  de 
Ba'if,  mort  seulement  en  1589,  fut  appelé  à  confirmer,  ou  à  rectifier,  ou 
à  compléter  les  souvenirs  de  son  vieux  professeur.  De  qui  Binet  aurait-il 
pu  tenir,  sinon  d  eux  ou  de  1  un  d'eux,  ce  qu'il  avance  dans  ses  deux 
premières  rédactions  sur  la  beauté  physique  et  la  conversation  attraj'ante 
de  Ronsard  jeune  ',  sur  la  part  qu'il  prenait  aux  jeux  du  dauphin  Henri, 


1  Voir  ci  après,  pp.  3,  lignes  25  et  suiv.  ;  11,  1  27;  15,  1.  23;  17,  1.  35  ; 
26,  1.  28  ;  34,  1.  25  ;  et  le    Commentaire,  p.  65. 

2.  Ibid.,  pp.  11,  1  38,  et  12,  1.  43.  L'addition  relative  à  Baïf  lui  fut  peut- 
être  suggérée  par  la  fin  d'une  ode  de  Baïf  qui  sert  d'épilogue  à  ses  Poëmes. 

3.  La  responsabilité  en  revient  partiellement  à  Tacite,  auteur  de  la  Vie  d'A- 
gricola.  dont  Binet  a  imité  lexorde  et  la  péroraison,  comme  il  s'est  inspiré 
ailleurs  de  la  Vie  de  Virgile  de  Donat. 

M"«  Evers  attribue  cette  addition  de  l'exorde  à  une  cause  toute  différente 
Binet,  dit-elle,  avait  senti  que  l'astre  de  Ronsard  pâlissait,  que  la  nouvelle  gé- 
nération littéraire,  tout  en  honorant  la  mémoire  de  Ronsard,  ne  le  considérait 
plus  que  comme  le  plus  fameux  représentant  d'un  art  suranné.  «  Le  long 
préambule  de  la  3'  édition  est  comme  une  excuse  ou  une  justification  d'appeler 
l'attention  du  public  une  fois  de  plus  sur  une  histoire  qui  avait  presque  cessé 
d  avoir  une  signification  »  (Op.  cit.,  Introd.,  p.  25.)  C'est  prêtera  Binet  trop  de 
clairvoyance,  étant  donné  surtout  qu'il  ne  vivait  pas  à  la  Cour,  mais  confiné 
dans  sa  fonction  de  magistrat  provincial,  et  que  Malherbe  en  1597  ne  s'était  pas 
encore  révélé  comme  un  réformateur  de  la  poétique  ronsardienne  Pour  moi,  si 
Binet  s'excuse  ou  se  justifie  de  rééditer  la  Vie  de  Ronsard,  c'est  simplement 
parce  qu'il  imite  Tacite,  qui  en  avait  fait  autant  au  début  du  panégyrique  de 
son  beau-père. 

4.  Cf.  Du  Perron,  Or.  fun.     texte  princeps')  :  <<  Car  j'ay  ouy  raconter  une  infi- 


IMROULC  TIO.N  WXIII 

ses  relations  avec  le  seigneur  Paul  %  ses  compagnons  d'étude  après  la 
mort  de  son  père,  son  goût  pour  Eschyle  (anecdote  du  Promet  liée),  pour 
Aristophane  (anecdote  du  Plutus),  pour  Homère,  Pindare  et  Lycophron, 
ses  premiers  essais  poétiques,  sa  mésintelligenfe  passagère  avec  Du 
Bellay  !  Ce  sont  eux  encore  qui  ont  guidé  Binet,  cela  n'est  pas  douteux, 
au  sujet  des  premières  publications  de  Ronsard  et  de  sa  querelle  avec 
Saint-Gelais,  car,  l'éduit  aux  seuls  documents  écrits  que  nous  avons 
énumérés,  il  n'aurait  pu  les  dater,  même  approximativement  et  vague- 
ment comme  il  l'a  fait,  la  connaissance  des  éditions  originales  et  celle  de 
la  chronologie  en  général  lui  étant  restées  presque  totalement  étrangères. 

Il  a  lui-même  laissé  échapper  le  secret  de  ces  sources  orales  ;  l'aveu  est 
précieux  à  retenir.  Dans  ses  deux  pi'emières  rédactions,  le  seigneur  Paul, 
l'un  des  plus  anciens  initiateurs  de  Ronsard  aux  beautés  de  la  poésie 
latine,  est  présenté  uniquement  comme  Piémontais  ;  mais  on  lit  dans  la 
troisième  :  «...  le  seigneur  Paul,  Escossois  ainsi  que  disent  aucuns,  Bail" 
m'a  asseuré  toutesfois  qu'il  estoit  Piemontois...  »  Comme  Du  Perron  est 
de  ceux  qui  le  disaient  Ecossais,  et  que  cette  opinion,  conservée  dans 
toutes  les  éditions  de  l'Oraison  funèbre  de  Ronsard,  avait  été  exprimée 
devant  Binet  et  publiée  dès  février-mars  158G,  comme  d'autre  part  l'opinion 
contraire  a  été  soutenue  par  Binet  dès  sa  première  rédaction,  qui  est  de 
la  même  date,  il  est  clair  que  le  témoignage  de  Baïf  remonte  à  ce  mo- 
ment-là. 

Je  ne  crois  pas  non  plus  téméraire  d'avancer  que  deux  suppressions 
importantes  de  la  deuxième  rédaction  sont  dues  à  Baïf.  Tout  d'abord 
Binet  avait  fait  intervenir  Baïf  dans  la  querelle  Ronsard-Du  Bellay  : 
<(..  encore  que  Du  Bellay  de  son  costé  eust  opinion  d'avoir  esté  picqué 
par  luy  (Ronsard),  quand  allant  voir  Ronsard  et  Baïf  il  trouva  sur  leur 
table  un  de  ses  livres  que  Baïf  avoit  apostille  en  la  marge,  remarquant 
quelques  vers  et  hémistiches,  comme  pris  de  Ronsard,  pensant  que  c'eust 
esté  luy  qui  eust  faict  telles  annotations.  »  Tout  ce  passage,  dû  vraisem- 
blablement à  un  récit  de  Dorât,  disparut  de  la  deuxième  rédaction,  sans 
que  rien  le  remplaçât.  Pour  moi,  comme  pour  M.  Chamard  -,  ce  fut  à*la 
prière  de  Baïf,  soit  qu'il  préférât  ne  pas  figurer  dans  la  querelle,  soit  que 
la  mémoire  de  Dorât  lui  eût  paru  infidèle  sur  ce  point.  —  D'autre  part 
Binet  avait  recueilli  soigneusement,  sans  doute  encore  de  la  bouche  de 
Dorât,  une  anecdote  très  circonstanciée,  relative  à  une  partie  de  ballon^ 
qui  aurait  eu  lieu  dans  le  pré  aux  clercs  entre  le  roi  Henri  H  et  M''  de 
Laval,  et  où  l'adresse  de  Ronsard,  qui  était  du  côté  du  roi,  aurait  assuré 
la  victoire  à  celui-ci.  Je  ne  vois  que  Baïf  qui  ait  pu  décider  Binet,  si  friand 
d'anecdotes,  à  supprimer  radicalement  celle-ci  de  sa  deuxième  rédaction, 
comme  controuvée  par  l'ancien  principal  de  Coqueret,  que  ses  souvenirs 
avaient  trahi  '. 

D'ailleurs  les  souvenirs    de  Baïf  lui-même  devaient   être  assez    confus 


nité   de  fois  à  ceux  qui  l'ont  cogneu  en  sa  première   jeunesse,  que...  »  (\^oir  ci- 
après.  Commentaire,  pp.   83  et  84.) 

1.  Peut-être  tenait-il  ce  dernier  renseignement  de  Velliard  (v.  ci-après,  Com- 
mentaire, p.  85i,  mais  celui-ci  le  tenait  d'Ant,  de    Baïf. 

2.  Reu.  d'Hist.  litl..  1899,  p.  45. 

3.  V.  ci-après,  p.  9. 

VIE    DE    Pc-  DE    RONSARD.  C 


XXMV  INTRODUCTION 

après  quarante  ans,  et  Binet  aurait  dû  s'en  servir  avec  beaucoup  de  pré- 
caution, ainsi  que  de  ceux  de  Dorât.  Non  seulement  il  ne  semble  pas 
l'avoir  fait,  car  il  confond  à  plusieurs  reprises  Henri  dauphin  et  le 
nunie  Henri  roi,  mais  il  a  parfois  mal  interprété,  ou  dénaturé  après  leur 
mort,  ce  qu  ils  lui  oui  dit  (par  exemple  sur  la  représentation  du  Pliitns), 
de  même  qu'il  a  parfois  mal  interprété  le  texte  même  du  poète  (par 
ex.  un  passage  de  V Elégie  à  R.  BcUeaii  sur  Loys  de  Ronsart)  '  Si  des 
témoignages  devaient  être  contrôlés  et  critiqués,  c'étaient  assurément 
les  leurs. 

Par  contre,  il  a  pu  sans  grand  risque  enregistrer  tel  quel  celui  de  Jean 
Galland.  Pour  les  derniers  mois  de  la  vie  de  Ronsard  passés  aux  prieurés 
de  Croixval  et  de  Saint-Cosme,  surtout  pour  les  derniers  jours  que  Binet 
raconte  avec  force  détails  précis,  évidemment  Galland  fut  sa  grande 
source  de  renseignements.  C'est  lui  qui  raconta  aux  amis  du  poète  tout 
ce  qu'il  avait  entendu  dire  aux  témoins  de  cette  longue  agonie  et  ce  qu'il 
avait  vu  de  ses  propres  yeux  dans  leVendômois  en  novembre,  à  Tours  en 
décembre  1585.  Aussi  l'information  de  Binet  sur  cette  partie  de  la  bio- 
graphie peut-elle  être  considérée  comme  à  peu  près  exacte,  ainsi  que  le 
récit  qu'il  nous  fait  des  obsèques  solennelles,  dont  il  a  été  le  témoin  ocu- 
laire et  même  un  des  acteurs  les  plus  importants. 

Entre  la  jeunesse  et  la  mort  de  Ronsard  il  s'est  écoulé  quelque  trente 
ans  sur  lesquels  Dorât,  Baïf  et  Galland  ne  semblent  pas  avoir  beaucoup 
éclairé  le  biographe.  Les  additions  du  troisième  texte,  assez  nombreuses 
pour  cette  période,  ne  peuvent  guère  venir  de  Dorât  ou  de  Baïf,  qui  étaient 
morts  quand  il  le  revisa,  ni  de  Galland,  qui  en  réalité  n'a  bien  connu 
que  le  Ronsard  des  dernières  années.  Restent  Estienne  Pasquier  et 
Amadis  Jamin. 

Le  premier,  un  des  plus  illustres  survivants  de  la  Brigade,  avait  écrit 
dans  ses  Recherches,  à  la  date  de  1586,  au  moins  un  chapitre  sur  Ron- 
sard, qu'il  conservait  manuscrit  avec  les  livres  III  à  VI  en  attendant  le 
moment  opportun  de  les  publier  ;  nous  savons  par  lui-même  qu'il  les 
«  communiquait  »  volontiers  «  aux  amis  qui  lui  faisaient  l'honneur  de  le 
visiter  »  '-■  On  pourrait  donc  croire  que  Binet,  qui  était  de  ses  amis,  s'est 
amplement  renseigné  auprès  de  lui.  Pourtant,  si  l'on  compare  la  bio- 
graphie de  Binet  avec  les  chapitres  correspondants  des  Recherches,  on 
s'aperçoit  qu'il  n'y  a  pas  eu  de  communication  II  est  vrai  que  Pasquier 
«  ordonnait  le  silence  »  à  ses  visiteurs  sur  les  dits  manuscrits  ;  mais, 
cette  considération  mise  à  part,  Binet  ne  pouvait-il  pas  faire  parler 
Pasquier  et  ne  pas  se  croire  obligé  au  même  silence  sur  ses  renseigne- 
ments oraux  ?  Je  pense  que  Binet  n'en  eut  même  pas  la  possibilité,  car 
tout  paraît  indiquer  que  ses  relations  avec  Pasquier,  très  amicales 
jusqu'en  1585,  s'arrêtèrent  brusquement  cette  année-là  ou  la  suivante,  du 
fait  même  de  Pasquier,  qui  aurait  été  mécontent  de  voir  un  confrère  bien 
plus  jeune  que  lui  accaparer  le  poète  en  ses  dernières  années  au  point  de 
devenir  le  dépositaire  de  ses  papiers,  le  promoteur  de   son  «  tombeau  », 


1.  V.  ci  après.  Commentaire,  pp.  62  et  102-103. 

2    Lettres,    liv.  IX,  lettre  ix,  A  Monsieur    de  la  Croix  du  Mans  (éd.    de  1723, 
tome  il,  col.  240). 


INTRODUCTION  XWV 

l'auteur  de  sa  biographie,  et  se  vanter  à  tout  venant  de  relations  avec 
Ronsard  qui  étaient  bien  plus  récentes  et  moins  familières  que  ne  l'avaient 
été  les  siennes.  Non  seulement  il  n'y  a  pas  trace  de  rapports  intimes  entre 
Fasquier  et  Binet  après  1585,  ni  dans  les  Lettres  ni  ailleurs  ',  mais  le 
nom  de  I3inet  n'est  même  pas  prononcé  clans  les  Recherches,  et  on  y 
trouve  au  contraire  une  allusion  transparente  à  Binet  vantard  et  «  regrat- 
teur  »  de  textes'. 

Quant  à  Jamin,  bien  qu'il  vécût  encore  en  1592  ^,  il  ne  semble  pas 
avoir  beaucoup  renseigné  Binet  (probablement  pour  une  raison  ana- 
logue à  celle  de  Pasquier  ,  car  ses  souvenirs  devaient  être  abondants,  en 
particulier  sur  les  années  où  il  fut  le  secrétaire  de  Ronsard,  c'est-»-dire 
de  1565  à  1574  environ,  et  ce  sont  précisément  les  années  sur  lesquelles 
Binet  est  le  plus  à  court  d'arguments  et  passe  le  plus  vite,  du  moins  dans 
ses  deux  premières  rédactions.  On  est  d'abord  porté  à  croire  que  Binet 
tenait  directement  de  Jamin  ce  qu'il  dit  des  séjours  préférés  de  Ronsard, 
de  son  goût  de  la  solitude  et  du  jardinage  ;  mais  les  œuvres  mêmes  de 
Ronsard  et  de  Jamin  contenaient  à  ce  sujet  des  documents  assez  com- 
plets pour  que  Binet  pût  s'en  contenter;  et  c'est  ce  qu'il  paraît  avoir 
fait  ''.  Tout  au  plus  peut-on  penser  que  Binet  a  recueilli  de  la  bouche  de 
Jamin,  pour  sa  troisième  rédaction,  l'anecdote  sur  Philibert  Delorme  fer- 
mant à  Ronsard  l'entrée  des  Tuileries,  et  celle  du  diamant  offert  au  poète 
par  la  reine  Elisabeth  d'Angleterre  ■'. 

Il  est  possible  que,  sur  Ronsard  et  les  huguenots,  Binet  ait  consulté 
pour  sa  troisième  rédaction  Florent  Chrestien,  qui  avait  été  l'un  des 
adversaires  de  Ronsard  au  fort  de  la  querelle,  puis  s'était  réconcilié  avec 
lui,  et  d'ailleurs  était  en  bons  termes  avec  Binet  *'.   Ce  qui  me  porte  à  le 


1.  Pasquier  a  répondu  très  sèchement  à  l'appel  de  Binet  pour  le  «  tombeau  » 
de  Ronsard  ;  on  ne  trouve  dans  l'édition  princeps  du  Tombeau,  et  dans  ses 
rééditions,  que  trois  distiques  latins  de  Pasquier,  dont  les  deux  premiers  ont 
été  écrits  quatre  ans  avant  la  mort  de  Ronsard  (d'après  les  Recherches.  \'II, 
chap.  XI,  et  le  troisième  est  simplement  suivi  de  sa  tr.iduction  française  (cf.  le 
Ronsard  de  Blanchemain,  V'III,252).  De  son  côté  Binet  n'a  pas  nommé  Pasquier 
en  158G  parmi  les  poètes  estimés  de  Ronsard.  11  ne  l'a  mentionné  que  dans 
la  2«  et  la  3"  édition. 

2.  «  J'entens  qu'il  y  a  quelqu'un  (que  je  ne  veux  nommer  qui  veut  regratter 
sur  ses  œuvres  [c.  à  d.  les  œuvres  de  Ronsard]  quand  on  les  réimprimera. 
S'il  est  ainsi,  ô  misérable  condition  de  uostre  Poi-le  !  d'estre  maintenant  exposé 
sous  la  jurisdiction  de  celuy  qui  s'eslimoit  bien  honoré  de  se  frotter  à  sa  robe 
quand  il  vivoit.  »  (Fin  du  chap.  vi  du  livre  VII,  qui  était  primitivement  le  livre  V'I 
et  fut  publié  en  1596  ) 

3.  Toutes  les  biographies  générales  le  font  mourir  «  vers  1585  ».  Son  testa- 
ment est  pourtant  daté  du  15  mai  1591.  D'après  Charles  Brunet,  il  mourut  soit 
à  la  fin  de  1592,  soit  au  commencement  de  1593.  CL  Œuvres  choisies  d' A.  Janiyn, 
éd.  Blanchemain    Paris,  Willem,  1878,  2  vol.),  Introduction. 

4.  Voir  ci-après,  notamment  pp.  228  et  229. 

5.  Pour  le  cadeau  de  Marie  Stuart,  fait  en  1583,  Binet  a  pu  le  voir  de  ses 
propres  j'eux,  comme  il  fut  à  même  de  voir  au  Louvre  la  plaque  de  marbre 
dont  il  a  reproduit  1  inscription  dans  son  troisième  texte.  \ .  ci-après,  p.  22, 
ligne  40,  et  p.  28,  ligne  47 

6.  \'.  ci-après.  Commentaire,  pp  153  et  213.  Le  recueil  des  Plaisirs  de  la  vie 
rustique  et  solitaire  1583)  se  termine  par  un  sonnet  A  Monsieur  Binet,  signé 
I.  Chrestien  P.  —  Dans  une  ode  latine  de  Paulus  Melissus  de  février  1586,  Binet 
figure  parmi  les  amis  de  FI.  Chrestien  'Bl.,  VIII,  269). 


WWI  INTRODUCTION 

croire,  c'est  que,  parlant  des  pamphlets  écrits  contre  le  poète  et  men- 
tionnant le  Temple  de  Ronsard  qu'il  attribue  à  Grevin,  il  ne  dit  pas  un 
mot  de  la  Seconde  responce  de  F.  de  la  Baronic,  qui  accompagnait  le 
Temple  et  dont  l'auteur  est  certainement  Florent  Chrestien. 

En  ce  qui  concerue  Hélène  de  Surgères,  il  est  vraisemblable  que  Binet 
ne  s'est  pas  contenté  de  passer  sous  silence  ce  qui  pouvait  nuire  à  la  répu- 
tation de  cette  «  damoiselle  ».  Il  y  a  tout  lieu  de  penser  que,  cédant  à  ses 
sollicitations,  il  a  inventé  l'anecdote  de  Catherine  de  Médicis  intervenant 
en  personne  pour  que  Ronsard  chantât  sur  le  mode  pétrarquesque  la 
noble  Saintongeaise  ;  à  moins  que  celle-ci  ne  soit  elle-même  l'auteur  de 
cette  histoire,  que  Binet,  se  liant  à  sa  parole,  aurait  enregistrée  comme 
un  fait  historique,  négligeant  ici  comme  ailleurs  la  critique  du  témoi- 
gnage. Quoi  qu'il  en  soit,  on  sent  que  tout  a  été  mis  en  œuvre  pour 
sauvegarder  l'honneur  d'Hélène;  dans  la  première  rédaction,  rien  sur 
elle  ni  sur  les  pièces  qu  elle  a  inspirées  à  Ronsard  ;  dans  la  seconde.  Binet 
en  parle  presque  uniquement  pour  faire  ressortir  le  caractère  tout  plato- 
nique de  leurs  relations;  dans  la  troisième,  il  insiste  plus  encore  sur  la 
pureté  de  ces  relations  et,  dominé  par  cette  préoccupation,  il  présente 
les  Sonnets  pour  Hélène  comme  écrits  «  sur  le  commandement  •>  de  la 
reine  mère,  laquelle  ne  pouvait  protester,  et  pour  cause  '. 

Sans  aucun  doute,  Binet  eut  avec  Hélène  une  ou  plusieurs  entrevues, 
ou  a  correspondu  avec  elle  au  sujet  de  Ronsard  -.  Cela  justifie  dans  une 
certaine  mesure,  ou  simplement  explique  la  prétention  <ju'il  avait  d'être 
bien  informé  sur  cet  épisode  de  la  vie  de  Ronsard  —  dont  pourtant  il 
n'avait  rien  dit  primitivement,  —  prétention  qui  ressort  surtout  de  trois 
notes  très  précises  et  fort  instructives,  où  son  contemporain,  l'avocat 
Richelet,  commentateur  des  Sonnets  pour  Hélène,  nous  le  présente  comme 
un  homme  dont  la  parole  faisait  autorité,  «  ayant  sceu  familièrement 
l'intention  du  Poète.  »  C'est  Hélène  qui  avait  renseigné  Binet,  au  moins 
sur  les  détails  que  nous  a  transmis  Richelet  ;  mais,  pour  donner  plus  de 
poids  à  son  propre  témoignage,  il  disait  aux  ronsardisants  qui  le  question- 
naient :  Je  tiens  cela  du  poète  en  personne  •*. 

Je  tiens  cela  du  poète  en  personne,  telle  est  l'affirmation  qui  revient 
plus  de  dix  fois,  comme  un  refrain,  dans  la  Vie  de  Ronsard,  et  que  l'on  a 
malheureusement  le  droit  de  suspecter.  C'est  ce  qu'il  nous  reste  à  montrer 
en  terminant  cette  revue  des  principales  sources  orales  de  Binet. 

Voici  ce  qu'on  lit  :  !«  à  propos  des  vers  de  Loys  de  Ronsart  :  "  Et 
me  souvient  en  avoir  ouy  reciter  quelques-uns  de  uostre  Ronsard...  » 
(dans  les  trois  textes)  ; 

2"  à  propos  des  poètes  français  que  Ronsard  lisait  :  «...  et  principale- 
ment, comme  luy  mesmes  m'a  maintesfois  raconté,  un  Jean  le  Maire  de 
Belges,  un  Romant  de  la  Rose  et  les  œuvres  de  Coquillart  et  de  Clément 
Marot...  »  (dans  les  trois  textes,  sauf  «  de  Coquillart  et  »  qui  a  disparu 
du  troisième); 

1.  Catherine  de  Médicis  est  morte  en  1589.  V.  ci-après,  pp.  25  et  26,  et  Com- 
mentaire, p.  163  et  164. 

2.  Hien  n'est  plus  vraisemblable;  (îalland  est  bien  allé  la  voir  au  nom  de  Hon- 
sard,  d'après  une  lettre  que  possédait  Colletet  (v.  ci-après.  Commentaire,  p.  166). 

3    \'.  ci-après,  Commentaire,  p.  167. 


I.NTROniCTION  XXXVII 

3"  à  propos  de  Cassandre  ;  «...  amoureux  seulement  de  ce  beau  nom, 
comme  luy  mesmes  m'a  dit  maintefois,  ce  qu'il  semble  quasi  vouloir 
donner  à  cognoistre  en  un  Sonet  cjui  commence  :  Soit  ce  nom  vrai]  ou 
faux.  ))  |1«:''  texte).  —  «...  amoureux  seulement  de  ce  beau  nom,  ainsi  que 
luy  mesmes  m'a  dit  autrefois,  ce  qu'il  semble  quasi  vouloir  donner  à 
cognoistre  par  cette  devise  qu'il  print  alors,  Q;  oov  oj;  £[a.àvr,v  :  et  par  un 
lieu  en  ses  œuvres,  où  il  dit  :  Soit  le  nom  faux  ou  vraij.  »  i2e  texte).  — 
«...  résolut  de  la  chanter,  tant  pour  la  beauté  du  suject  que  du  nom,  dont 
il  fut  épris  aussi  tost  qu'il  leut  veuc,  ainsi  que  par  un  instinct  divine- 
ment inspiré  :  ce  qu  il  semble  assez  vouloir  donner  à  cognoistre  par  ceste 
devise  qu'il  print  alors  'il^  Tôov  oi;  £|jLâvTjV  »  (3''  texte)  ; 

4°  «  Il  souloit  dire  que  ces  courtisans  envieux  ressembloient  aux  mas- 
tins  qui  cherchent  à  mordre  la  pierre  qu'ils  ne  peuvent  digérer  >-  (S^  texte)  ; 

5"  «  Il  m'a  dit  maintesfois,  que  plusieurs  pièces  de  ses  Amours  et  des 
Mascarades  avoient  esté  forgées  sur  le  commandement  des  Grans  »  (2e 
et  3e  texte)  ; 

6°  à  propos  d'Hélène  «  aimée  chastement  »  par  Ronsard  :  «  Il  me  l'a 
tesmoigné  souvent,  et  le  monstre  assez  en  ce  Sonnet,  Tout  ce  qui  est 
de  sainct  »  (2e  texte  ;  phrase  supprimée  dans  le  3®  et  remplacée  par 
l'anecdote  de  la  reine  mère)  ; 

7"  à  propos  de  l'opuscule  apociyphe  sur  la  mort  de  Ronsard  :  «  et  me 
souvient  qu'il  me  dit  un  jour  à  ce  propos,  au  dernier  voyage  par  luy  fait 
à  Paris,  qu'il  ne.-.  »  des  trois  textes)  ; 

8"  «  Sur  ses  derniers  jours  me  faisant  cet  honneur  de  me  communiquer 
familièrement  tant  les  desseins  de  ses  ouvrages,  que  les  jugemens  qu'il 
donnoit  des  escrivains  du  jourd'huy...  O,  disoit-il,  que  nous  sommes  bien 
tost  à  nostre  barbarie...  Puis  me  parlant  de  tels  auteurs...  Ils  ont,  me 
disoit-il,...  Mais  parlant  de  quelques  autres...  il  ne  peut  un  jour  se  tenir 
qu  il  ne  me  dictast  sur  le  champ  ces  vers  :  Bien  souvent,  mon  Binet...  » 
(les  trois  textes!  ; 

9"  «  Il  disoit  ordinairement  que  tous  ne  dévoient  témérairement  se 
mesler  de  la  Poésie...  »  (les  trois  textes)  ; 

10"  «  Je  ne  celeray  point  pourtant  que  par  la  complainte  d'un  amy  de 
Francus,  mort,...  il  m'a  dit  avoir  entendu  un  Prince  qui  estoit  fort  néces- 
saire pour  Testât...  »  (3^  texte)  ; 

11"  «  lia  changé  l'addresse  d'aucunes  pièces  de  ses  œuvres...  par  bonne 
raison,  ainsi  qu  il  ma  raconté,  et  que  nous  voions  au  Sonet  qui  com- 
mence :  A  Phebus,  Patoûillet...  »  (3e  texte); 

12"  à  propos  des  Satires  :  «  Il  m'en  a  monstre  quelques-unes. ..  mais  je 
croy  qu'elles  seront  perdues,  d'autant  que  m'ayant  recommandé  et  laissé 
ses  œuvres  corrigées  de  sa  dernière  main,  pour  y  tenir  l'ordre  en  l'impres- 
sion, suivant  ses  mémoires  et  advis,  et  desquels  il  s'est  fié  à  mojs  il  me 
dit,  quant  aux  Satyres,  que  l'on  n'en  verroit  jamais...  »  (les  trois  textes)^ 

Ainsi  Binet  affirme  ou  laisse  entendre  qu'il  a  été  directement  renseigné 
par  Ronsard  dans  des  conversations  familières,   ou  même  confidentielles. 


1.  Un  peu  plus  loin  (ci-après,  p  50,  ligne  29).  affirmation  analogue  dans  le 
2*  et  le  3*^  texte,  à  propos  de  la  réédition  des  Œuvres  «...  ainsi  qu'il  me  l'avoit 
recommandé,  inviolable  ». 


xwvin  I^TRonL^.TIo^ 

Mais  il  a  compté  sans  les  curieux  qui  pourraient  un  jour  comparer  ses 
trois  textes  entre  eux  et  les  confronter  avec  les  textes  du  poète.  Or  Texamen 
de  ces  textes,  ainsi  rapprochés  les  uns  des  autres  et  de  leurs  vraies  sources, 
conduit  à  des  constatations  (|ui  ne  sont  pas  toujours  à  son  avantage.  Cinq 
de  ces  prétendues  conversations  ne  sont  que  la  transcription  de  faits  ou 
d'opinions  qui  se  trouvent  imprimés  dans  les  œuvres  mêmes  de  Ronsard 
(les  n"*  4,  5,  8,  9  et  10)  ;  quelques-unes  reproduisent  jusqu'aux  expressions 
qui  sont  sorties  de  la  plume  du  poète,  parfois  même  la  transcription  est 
littérale  '■ 

Il  y  a  plus  :  l'étude  des  variantes  montre  que  certaines  de  ces  confi- 
dences sont  entièrement  fictives-  Prenons  le  no  3-  Non  seulement  Binet 
change  dans  sa  deuxième  rédaction  «  il  m'a  dit  maintes  fois  »  en  «  il  m'a 
dit  autrefois  »  ;  non  seulement  ces  derniers  mots  mêmes  disparaissent  de 
la  troisième  rédaction,  mais  encore  cette  troisième  rédaction  contredit 
nettement  l'affirmation  que  précédemment  Binet  prétendait  avoir  reçue  de 
la  bouche  de  Ronsard.  Evidemment,  en  dépit  de  cette  prétention,  Binet  ne 
savait  rien  sur  Cassandre  quand  Ronsard  mourut,  sauf  ce  qu'il  pouvait 
recueillir  dans  les  œuvres  du  poète,  et  son  opinion  n'est  rien  qu'une  façon 
d'interpréter  le  vers  qu'il  cite.  Dix  ans  plus  tard,  une  connaissance  plus 
intime  du  texte  des  Amours  et  de  son  Commentaire  l'a  conduit  à  changer 
d'opinion,  mais  cette  fois  encore  il  substitue  simplement  le  sens  de  la 
devise  grecque  citée  dès  sa  deuxième  édition,  à  celui  du  vers  cité  dans  la 
première,  sans  apporter  de  nouveaux  arguments  '^.  —  On  peut  faire  des 
remarques  analogues  sur  le  n"  6.  La  prétendue  confidence  relative  aux 
sentiments  de  Ronsard  pour  Hélène,  introduite  dans  la  deuxième  rédac- 
tion, disparaît  dix  ans  plus  tard,  remplacée  par  une  anecdote  que  Ronsard 
n'aurait  pas  manqué  de  raconter  à  Binet,  si  vraiment  il  l'avait  entretenu 
de  ce  sujet,  et  si,  en  outre,  l'anecdote  était  authentique.  Il  est  clair  qu'à  la 
mort  de  Ronsard,  Binet  ne  connaissait  de  ses  rapports  avec  Hélène  que 
ce  que  lui  révélait  l'œuvre  de  Ronsard- 

On  voit  combien  le  témoignage  de  Binet  est  sujet  à  caution.  Il  s'est 
arrangé  de  façon  à  produire  cette  impression  qu'il  avait  eu  avec  Ronsard 
des  relations  prolongées  et  intimes,  qu'il  était  devenu  son  plus  cher  confi- 
dent, et  qu'il  tenait  du  poète  lui-même  la  plus  grande  partie  des  rensei- 
gnements contenus  dans  sa  biographie,  —  depuis  le  début  tout  rempli  de 
détails  empruntés  à  l'autobiographie  de  Ronsard,  jusqu'à  cette  fin,  dont 
l'intention  n'est  pas  douteuse,  où  Binet  affirme  qu'il  alla  voir  Ronsard  dès 
sa  seizième  année,  et  insinue  qu'il  ne  cessa  depuis  de  le  fréquenter  et  de 
recevoir  de  lui  les  plus  flatteuses  marques  d'estime,  au  point  de  voir  ses 
écrits  «honorés  de  la  gloire  qui  regorgeoit  en  luy  »  et  sa  personne 
«  aimée  »  comme  celle  d'un  «  fils  »  adoptif-  Nous  avons  vu  plus  haut  ce 
qu'on  peut  raisonnablement  en  croire-  Il  y  a  eu,  cela  n'est  pas  douteux, 
à  un  moment    donné,  entre  le  poète  et  lui  des  rapports    assez    familiers, 


1.  V.  pour  ces  passages    le    Commentaire,  pp   131,  KiO,  197-198,  201-202,  207. 

2.  Ceci  a  été  très  bien  observé  par  M"'  Evers  ;  et  si,  comma  elle  s'est  plu  à 
le  dire,  je  fus  amené  en  1902  i>ar  diverses  considérations  à  conclure  que  Hinot 
savait  peu  de  chose  sur  Cassandre,  je  ne  puis  mieux  faire  aujourd'hui  que  de 
reproduire  son  argumentation  qui  me  paraît  tout  à  fait  probante. 


INTRCrnUCTION  XXXIX 

car  si  ces  rapports  n'avaient  pas  existé,  Binct  n'aurait  pas  osé  les  inventer 
dans  des  lettres  dont  les  destinataires  étaient  des  témoins  attentifs  de  la 
vie  de  Ronsard  *,  encore  moins  dans  des  documents  rendus  publics  au 
lendemain  même  de  la  mort  de  Ronsard  -.  Il  aurait  craint  d'être  démenti 
publiquement  et  de  perdre  ainsi  l'estime  des  honnêtes  gens  et  la  faveur 
des  grands  seigneurs,  qui  l'une  et  l'autre  lui  étaient  utiles-  Mais  je  crois 
que  ces  rapports  familiers  ne  remontent  guère  au  delà  de  1583  et  que 
Binet  n'a  pas  hésité  à  en  prolonger  la  durée  dans  le  passé,  à  en  exagérer 
le  caractère  intime,  pour  se  faire  valoir  auprès  de  ses  contemporains,  se 
grandir  aux  j^eux  de  la  postérité,  et  donner  à  la  biographie  du  poète  les 
apparences  d'une  œuvre  documentée  aux  meilleures  sources. 

S'il  avait  dit  vrai,  en  effet,  comment  expliquer  que  son  nom  ne  se  ren- 
contre pas  une  seule  fois  dans  les  vers  de  Ronsard  avant  la  première  édi- 
tion posthume,  et,  d'autre  part,  que  ses  renseignements  soient  tirés  prin- 
cipalement des  œuvres  imprimées  du  poète,  même  quand  il  prétend 
rapporter  l'expression  orale  de  sa  pensée  et  de  ses  sentiments  ?  Ce  qui 
est  le  plus  déconcertant,  c'est  ce  ton  d'évidente  satisfaction  qu'il  prend  en 
songeant  à  la  gloire  qu'il  ne  manquera  pas  de  retirer  de  ses  relations  avec 
le  grand  homme,  le  plaisir  qu'il  ressent  à  dire  «  comme  il  m'a  dit  maintes 
fois  »,  même  quand  il  rapporte  une  conversation  supposée  d'après  un 
passage  des  Œuvres  '. 

Est-ce  à  dire  que  ces  conversations  soient  toutes  et  entièrement  une 
invention  de  Binèt?  II  serait  très  injuste  de  le  penser.  Evidemment  l'auto- 
rité de  son  témoignage  se  trouve  amoindrie  par  toutes  ces  considérations, 
et  l'on  peut  se  demander  jusqu'à  quel  point  il  dit  vrai  même  dans  les 
passages  1,  2  7,  11  et  12  ci-dessus  reproduits.  Toutefois  il  est  bien  pos- 
sible que  Ronsard  ait  répété  en  conversations  ce  qu'il  avait  écrit  et  publié, 
et  d'autre  part  l'on  peut  expliquer  dans  une  certaine  mesure  que  Binet  se 
soit  cru  obligé  de  recourir  au  texte  écrit.  N'ayant  pas  pris  de  notes  au 
moment  où  Ronsard  parlait,  il  a  craint  peut-être  que  sa  mémoire  ne  fût 
infidèle  et  ne  déformât  la  pensée  du  poète.  Il  eut  alors  l'idée  de  chercher 
dans  les  Œuures  les  passages  qui  pour  le  sens  se  rapprochaient  le  plus  de 
ce  qu'il  avait  entendu,  et  il  les  nota  tels  quels,  ou  à  peu  près,  avec  une 
sorte  de  scrupule,  comparable,  toutes  proportions  gardées,  à  celui  des 
ministres  de  la  religion  insérant  dans  leurs  sermons  des  textes  sacrés 
qu'ils  développent.  Si  parfois  sa  conscience  fut  inquiète  à  ce  sujet,  il  put 
la  rassurer  en  considérant  que  ces  textes  de  Ronsard,  qu'il  présentait 
comme  des  confidences  personnelles,  correspondaient  à  une  réalité  que  son 
oreille  avait  perçue-  S'il  eut  des  remords  véritables  et  obsédants,  ce  fut 
seulement  à  propos  de  Cassandre  et  d'Hélène,  dont  Ronsard  rie  lui  avait 
probablement  pas  parlé  :  c'est  ce  qui  expliquerait  que  lors  de  sa  troisième 
rédaction,  après  dix  ans  de  réflexion,  il  eût  supprimé  toute  trace  de  con- 
fidence dans  les  passages  qui  les  concernent  ;  il  se  récompensa  d'ailleurs 

1.  Par  ex-  Scév.  de  Sainte- Marthe,  sollicité  de  collaborer  au  «  tombeau  »  de 
Ronsard  —  Galland,  Dorât,  Baïf,  Jamin,  Desportes,  Pasquier,  De  Thou, 
l'auraient  traité  d'imposteur. 

2.  1»  La  Vie  de  Ronsard  .  2"  l'Eg'.ogue  intitulée  Perrot  ;  3"  la  dédicace  de 
l'édition  de  1587  au  roi  de  France. 

3.  Cf.  M'i«  Evers,  op.  cit.,  Introd.,  p.  19. 


i\Tnonrr,Tio\ 


de  ce  sacrifice  en  insérant  pour  la  première  fois  trois   nouvelles  bribes  de 
conversation,  réelles  ou  imaginaires,  en  tout  cas  fondées  sur  des  textes  '. 

En  résumé,  Hinet  s'est  préoccupé  d'écrire  une  biographie  qui  servît  sa 
propre  gloire  en  même  temps  que  celle  de  Ronsard,  et  lui  permît  de  passer 
à  la  postérité  à  la  suite  du  grand  homme,  comme  une  simple  barque  dans 
le  sillage  d'un  vaisseau  de  baut  bord  II  a  fait  une  biographie  poétique, 
oratoire,  anecdotique,  bien  plus  qu'une  biographie  exacte.  Les  comparai- 
sons, les  antithèses,  les  périodes,  ne  manquent  dans  aucun  des  trois  textes, 
non  plus  que  les  rapprochements  forcés  entre  Ronsard  et  les  poètes  grecs, 
Orphée,  Homère,  Arion,  et  même  avec  Alexandre  le  Grand  2.  A  ce  point 
de  vue.  le  troisième  texte  de  la  Vie  de  Ronsard  ne  marque  pas  un  progrès 
sur  les  deux  autres,  au  contraire  :  Rinet  en  a  poli  la  forme,  plus  qu'il 
n'en  a  précisé  ou  enrichi  le  fond.  On  y  trouve,  il  est  vrai,  nombre  d'addi- 
tions, mais  la  plupart,  extraites  des  préfaces  de  Ronsard  ou  recueillies 
par  ouï-dire,  sont  des  enrichissements  de  style  bien  plus  que  de  faits.  Il 
faut  reconnaître,  d'ailleurs,  que  la  forme  en  est  généralement  plus  correcte 
et  plus  claire  que  celle  des  rédactions  précédentes.  Mais  cela  est  loin,  très 
loin  de  suffire. 

Les  lacunes  sont  considérables  et  les  erreurs  nombreuses,  quoique  Rinet 
ait  été  relativement  bien  placé,  nous  l'avons  vu,  pour  connaître  non  seu- 
lement les  grandes  lignes,  mais  encore  force  détails  de  la  vie  de  son  cher 
Poète,  même  s'il  ne  fût  pas  entré  en  relations  suivies  avec  lui  dans  les  trois 
dernières  années.  M""  Evers  s'étonne  que  Rinet  n'ait  pas  été  mieux  infor- 
mé^. La  chose  pourtant  s'explique  sans  difficulté.  La  faute  en  est  au  bio- 
graphe, évidemment  ;  mais  c'est  aussi  la  faute  des  circonstances.  Je  ne 
crois  pas  qu'il  ait  eu  l'idée  d'écrire  cette  biographie  avant  la  fin  de  1585, 
alors  que  Ronsard  ne  pouvait  plus  lui  fournir  aucun  renseignement,  étant 
à  l'article  de  la  mort  ;  peut-être  même  ne  l'a-t-il  eue  qu'au  début  de  jan- 
vier 1586,  lorsque  Galland  fut  revenu  de  Saint-Cosme-lez-Tours  et  lui  eut 
raconté  les  derniers  jours  du  poète.  Ce  récit  fut  vraisemblablement  le 
noyau  primitif,  ou,  si  l'on  préfère,  le  point  de  départ  de  la  biographie. 
En  réalité,  Rinet  n'avait  pas  pris  de  notes  sur  la  vie  de  Ronsard  avant  ce 
moment-là.  Il  fit  appel  à  ses  souvenirs  ;  il  se  remémora  tant  bien  que  mal 
certains  faits,  certaines  paroles  :  «  Et  me  souvient  que...  »,  dit-il  à  propos 
des  conversations  de  Ronsard.  Il  n'était  donc  pas  préparé  pour  ce  travail, 
surtout  pour  l'exécuter  en  deux  mois-  —  Quant  aux  contemporains  qui 
pouvaient  le  renseigner,  ou  ils  étaient  vieux,  comme  Dorât  et  Raif,  ou  ils 
étaient  silencieux,  comme  Pasquier  et  Jamin,  ou  ils  avaient  intérêt  à 
farder  ou  à  taire  la  vérité,  comme  Hélène  de  Surgères  et  Florent 
Chrestien. 

Pour  remédier  à  ces  divers  inconvénients  il  fallait  consulter  les  Œuvres 
de  Ronsard,  et  cela  intégralement,  judicieusement,  prudemment.  Rinet  eut 
bien  l'idée  de  les  consulter,  mais  son  tort  fut  de  recourir  à  peu  près  uni- 
quement à  la  dernière  édition  collective,  et  ce  fut  encore  de  le  faire  sans 


1.  V.  les  n<"  4,  10  et  11  du  tableau  présenté  ci-dessus,  p.  xxxvii. 

2.  V.  par  ex.  ci-aprè.s,  pp.  2,  4,  6,  7,  30   (lignes   32   et  33),    36  (ligne  14),  38 
(ligne  14). 

3.  Op   cit.,  Inlrod.,  pp.  18-19. 


INTRODUCTION 


discernement,  faute  de  temps  d'abord,  pour  sa  première  rédaction,  faute 
de  méthode  critique  ensuite,  pour  ses  trois  rédactions.  Son  premier  soin, 
en  admettant  qu'il  en  eût  eu  le  loisir,  devait  être  d'établir  la  chronologie 
de  toutes  les  pièces  de  Ronsard,  et  pour  cette  fin  de  relever  le  contenu  de 
toutes  ses  éditions  originales.  Un  pareil  travail  lui  était  matériellement 
impossible  en  deux  mois,  même  en  un  an,  mais  il  aurait  pu  sans  doute 
le  mener  à  bien  en  quelques  années.  Il  ne  s'en  avisa  même  pas,  ou,  s'il 
s'en  avisa,  il  n'en  eut  pas  le  courage.  Ce  premier  travail  fait  il  restait  à 
extraire  les  innombrables  renseignements  autobiographiques  contenus 
dans  les  œuvres  de  Ronsard,  à  fixer  autant  que  possible  la  date  de  leur 
composition  et  à  chercher  les  divers  mobiles  psychologiques  et  les  cir- 
constances historiques  qui  avaient  pu  les  inspirer. 

N'aj'ant  pas  suivi  cette  méthode,  la  seule  qui  fût  rationnelle  et  féconde, 
Binct  est  resté  nécessairement,  par  la  crainte  même  de  l'erreur,  dans  le 
vague  et  la  confusion,  presque  dun  bout  à  l'autre,  sauf  quand  il  rappelle 
les  derniers  moments  de  Ronsard;  c'est  aussi  une  des  raisons  qui  lui  ont 
fait  commettre  de  graves  erreurs  et  passer  sous  silence  un  très  grand 
nombre  de  faits  importants.  Non  seulement  son  insouciance  de  la  chro- 
nologie dépasse  toutes  les  bornes  permises  ',  mais  son  goût  des  anec- 
dotes, plus  ou  moins  légendaires  ou  romanesques,  son  souci  de  la  fausse 
rhétorique,  enfin  sa  double  préoccupation  de  nous  présenter  un  Ronsard 
idéal  et  un  Binet  très  en  faveur  auprès  du  Maître,  ont  singulièrement  nui 
à  la  valeur  historique  de  son  travail. 

Loin  de  moi  d'ailleurs  la  pensée  que  ce  travail  a  été  inutile  ou  est 
dénué  d'intérêt.  Il  serait  injuste  de  ne  pas  reconnaître  les  services  qu'il 
a  rendus  :  il  nous  a  appris  certains  faits  que  nous  aurions  peut-être 
toujours  ignorés  ;  il  a  éclairé  certains  points  qui  risquaient  de  rester 
dans  l'ombre  ;  il  a  soulevé  des  questions,  suggéré  des  réflexions,  rendu 
possibles  de  meilleures  biographies.  Il  offre  encore  aujourd'hui  et  con- 
servera cet  intérêt  particulier  qui  s'attache  aux  documents  psychologiques 
et  sociaux  :  non  seulement  il  nous  fait  connaître  létat  d'esprit  de  Claude 
Binet  biographe  de  Ronsard,  et  pénétrer,  si  je  puis  dire,  un  instant  dans 
son  âme  de  poète  secondaire. /)oe/a  minor,  épris,  comme  son  maître,  d'im- 
mortalité, mais  encore  il  représente  l'opinion  de  toute  une  catégorie  de 
la  société  lettrée  en  France  dans  le  dernier  quart  du  xvie  siècle  ;  il  reflète 
la  manière  de  voir  et  de  juger  des  ronsardisants  qui  appartenaient  à  la 
génération  de  Charles  IX  et  de  Henri  III.  M'Ie  Evers  l'a  déjà  dit-  :  aux 
yeux  de  Du  Bellay,  de  Baïf,  de  Jodelle,  de  Belleau,  de  Tyard,  pour  ne 
citer  que  les  poètes  les  plus  connus  du  temps  de  Henri  II,  Ronsard,  bien 
que  chef  d'école,  était  un  émule,  un  collaborateur,  primus  inter  pares  ; 
pour  la  génération  suivante,  surtout  pour  les  talents  de  second  ou  de  troi- 
sième ordre,  il  était  le  Maître,  dont  la  parole  faisait  loi,  dont  les  ensei- 
gnements passaient  pour  des  oracles.  C'est  sous  ce  jour    que    Binet   nous 


1.  Il  va  jusqu'à  faire  du  prince  Henri  un  roi  de  France  en  1543,  et  à  placer 
les  Discours  politiques  de  Ronsard  sous  le  règne  de  François  II.  —  II  dit  :  «  En 
même  temps...  ",  "  Environ  ce  temps...  »,  sans  que  ce  temps  ait  été  précé- 
demment déterminé.  V.  ci-après,  pp.  22  et  27. 

2.  Op.  cit.,  Introd.,  p.  25. 


XI.II  INTROnîT.TlON 

la  présenté  :  Ronsard  «  prince  et  père  de  nos  poètes  «  fnt  à  ses  yeux  une 
sorte  de  Dieu,  à  Icgard  de  qui  aucun  éloge  ne  parut  excessif.  Si  Ion  con- 
sidère les  choses  de  ce  point  de  vue,  même  les  erreurs  de  notre  biographe 
sont  intéressantes,  car  elles  montrent,  pour  la  plupart,  combien  la  gloire 
de  Ronsard  eut  vite  fait  de  créer  une  légende  autour  de  sa  personne  et 
d'éclipser  la  renommée  des   plus  grands  poètes  contemporains. 


IV 


Il  me  reste  à  donner  quelques  explications  sur  la  méthode  suivie  dans 
cette  réédition  de  la  Vie  de  Ronsard.  J'ai  pris  comme  texte  fondamental, 
ainsi  que  la  fait  M'"'  Evers,  et  pour  des  raisons  analogues,  la  rédaction 
primitive,  celle  qui  parut  en  mars  1586.  Elle  ne  vaut  pas,  à  vrai  dire, 
les  deux  suivantes  en  ce  qui  concerne  l'abondance,  les  matières  et  la  qua- 
lité de  1  impression  (je  ne  parle  pas  du  sens  critique  :  il  fait  défaut  dans 
les  trois  rédactions).  Mais  elle  leur  est  supérieure  par  ce  seul  fait  que 
Rinet  n'a  pas  eu  le  temps  de  la  gâter  autant  que  les  autres  en  cédant  aux 
suggestions  troublantes  del'admiration,  de  lareconnaissance,  de  l'ambition, 
de  1  imagination  et  du  faux  goût.  Ces  causes  d'erreur  existaient  bien  déjà 
lors  de  la  première  rédaction,  mais  en  deux  mois  elles  firent anoins  de 
tort  à  la  vérité  qu  en  un  an.  et  a  fortiori  en  dix  ans- 

Pour  ce  qui  est  de  la  disposition  typographique  des  trois  textes, je  pense 
que  M"e  Evers  a  eu  tort  de  placer  en  second  lieu  le  troisième  et  en 
troisième  lieu  le  second.  Malgré  sa  bonne  intention  de  rapprocher  le 
premier  et  le  troisième  texte  pour  mieux  montrer  le  point  de  départ  et  le 
point  d  arrivée  de  l'œuvre  de  Binet,  les  inconvénients  de  ce  procédé  sont 
très  graves.  1"  Cette  disposition  exige  du  lecteur  un  perpétuel  effort  pour 
se  rappeler  l'ordre  adopté  et  ne  pas  confondre  les  variantes  de  1597 
avec  celles  de  1587.  2°  Les  variantes  de  1587  étant  répétées  au  bas  de  la  page 
et  éclipsées  par  celles  de  1597,  le  lecteur  peut  croire  à  tout  instant  que  l'é- 
dition de  1587  est  insignifiante,  ce  qui  serait  très  loindela  vérité.  Cet  in- 
convénient est  surtout  visible  chaque  fois  que  les  additions  de  1587 
n'aj-ant  pas  été  très  sensiblement  modifiées  en  1597,  M""  Evers  les  repro- 
duit in  extenso  dans  les  variantes  de  cette  dernière  date  et  se  contente  de 
déclarer  au  bas  de  la  page:  «  Le  texte  est  le  même  en  1587.  »  Rien  ne  peut 
fausser  davantage  l'opinion  que  le  lecteur  doit  se  faire  de  l'importance 
respective  des  trois  éditions. 

L'ordre  qui  s  imposait,  croyons-nous,  est  Tordre  chronologique,  car  non 
seulement  il  n'offre  pas  ces  inconvénients,  mais  il  a  1  avantage  de  mettre 
dans  la  lumière  qu'elle  mérite  la  première  revision  du  texte  primitif.  Cet 
ordre  n'empêche  pas,  d  ailleurs,  de  mesurer  le  chemin  parcouru  de  la 
première  à  la  troisième  édition.  Il  permet  au  contraire  de  voir  par  quelle 
étape  très  importante  Binet  a  passé  de  l'une  à  l'autre,  et  de  mieux  suivre 
l'évolution  de  sa  pensée- 

En  outre,  bien  que  Binet  soit  mort  aux  environs  de  1600,  je  n'ai  pas 
cru  devoir  négliger  les  variantes  des  éditions  posthumes  de  la  Vie  de 
Ronsard,  publiées  à  la  fin  des  œuvres  complètes  du  poète  en   1604,  1609, 


INTRODUCTION 


(in-f^  et  in-12),  1617,  1623  et  1630.  Elles  reproduisent  en  principe  le  texte 
de  1597,  qui  est  devenu  pour  ainsi  dire  classique  par  leur  intermédiaire. 
Mais  elles  présentent  de  temps  à  autre  des  corrections  intéressantes, 
parfois  même  des  additions  et  des  suppressions  que  j'ai  toujours  indiquées. 
Ces  modifications  de  valeur  critique  sont  dues  soit  à  l'éditeur,  Nicolas 
Buon,  soit  plus  probablement  à  Jean  Galland  pour  les  deux  premières, 
à  Philippe  Galland,  à  Claude  Garnier  ou  à  Robert  III  Estienne  pour  la 
troisième  et  la  quatrième.  La  cinquième  reprend  le  texte  de  1609  in-12, 
du  moins  en  principe.  La  plus  correcte  des  cinq  est  incontestablement 
celle  de  1623'. 

Quant  aux  sources  de  Binet  provenant  des  Œuvres  de  Ronsard,  au 
lieu  de  les  indiquer  au-dessous  de  l'appareil  critique,  j'ai  cru  préférable 
de  les  réserver  pour  le  Commentaire  placé  à  la  fin  du  volume  et  de  les 
grouper  avec  les  autres  sources  en  un  tableau  d'ensemble,  ("e  sont  autant 
de  documents  qui  aident  à  comprendre  comment  Binet  a  fait  son  opuscule. 
Les  variantes,  qui  parfois  sont  très  étendues,  occupent  seules  le  rez-de- 
chaussée  des  pages  de  texte,  et  je  n'ai  eu  recours  pour  y  renvoyer  le  lec- 
teur qu'à  une  seule  espèce  de  signe,  le  chiffre.  J'ai  marqué  d'un  asté- 
risque tout  mot  ou  passage  qui  est  l'objet  d'une  note  dans  le  Com- 
mentaire, lequel,  en  dehors  de  l'indication  des  sources,  est  surtout 
historique  et  critique  -.  Enfin,  d'un  bout  à  l'autre  j'ai  nettement  séparé 
l'appareil  critique  du  texte  primitif  :  en  aucun  cas  les  additions  de  1587  et 
de  1597,  quelle  que  soit  leur  importance,  ne  sont  venues  prendre  la 
place  réservée  au  texte  fondamental. 

Une  fois  ce  texte  choisi,  l'ordre  et  le  nombre  des  variantes  arrêtés, 
voici  comment  j'ai  procédé  pour  les  établir. 

J'y  ai  respecté  scrupuleusement  la  graphie    sous  les  réserves  suivantes: 

1»  J'ai  substitué  aux  signes  abréviatifs  ^  et  '  les  consonnes  nasales  et 
les  finales  en  us  qu'ils  remplacent  au  xvi^  siècle  '. 

2"  J'ai  remplacé  les  i  et  les  u  consonnes  par  le  j  et  le  p  ;  j'ai  adopté 
pour  Vs  et  pour  Vu  les  formes  actuelles. 

3"  J'ai  rétabli  l'accent  grave  sur  à  préposition  et  où  adverbe  de  lieu  ; 
je  l'ai  supprimé  en  revanche  sur  a  verbe  et  sur  ou  conjonction  d'alter- 
native, car  cette  distinction  existe  couramment  dans  la  deuxième  moitié 
du  xvi^  siècle,  et  l'on  peut  être   certain    que,    là   où    cet    accent   manque 


1.  Jean  Galland  est  mort  en  janvier  1612.  Son  neveu,  Philippe  Galland,  lui 
succéda  comme  principal  du  collège  de  Boncourt  et  exécuteur  testamentaire  de 
Ronsard.  Claude  Garnier  a  revu  en  entier  lédition  des  CEiiures  de  Ronsard  de 
1623  (lui-même  le  dit  à  la  fin  de  son  Commentaire  sur  les  Discours),  sauf  tou- 
tefois les  Epitaphes,  le  Recueil  des  Œuvres  retranchées  et  le  Tombeau,  qui  ont  été 
corrigés  au  point  de  vue  typographique  parR.  Estienne,  de  la  famille  des  célèbres 
imprimeurs  'Cf.  le  Ronsard  de  Blanchemain,  VII,  7  ;  VIII,  74  ;  Fr.  Lachèvre, 
Bibliographie  des  recueils  collectifs  de  poésies  publiés  de  1597  à  1700,  t.  1.  pp. 
19.Î,  sur  Claude  Garnier,  et  187.  sur  Robert  III  Estienne). 

2.  C'est  à  dessein  que  les  notes  philologiques  ont  été  réduites  au  strict  néces- 
saire. La  langue  de  Binet  na  rien  de  remarquable  ;  il  emploie  un  vocabulaire 
courant  ;  sa  phrase  seule  a  parfois  besoin  d'éclaircissements,  étant  lourde, 
enchevêtrée,  équivoque. 

3.  D'ailleurs  on  trouve  écrit  indifféremment  honie  et  homme;  Frâce  et  France  ; 
;iô  et  non  ;  Rôsard  et  Ronsard  :  pP  et  plus,  etc. 


XtIV  INTKODI  r.TION 

OU  bien  est  de  trop,  il  j'  a  une  faute  d'orthographe  ou  d'impression'. 
4"  J'ai  supprimé  le  point  qui  au  xvi*  siècle  suit  souvent  encore  les 
chiffres  romains  ou  arabes  ;  ce  signe,  reste  de  la  graphie  du  moyen  âge, 
était  encore  d'un  usage  courant  à  l'époque  de  Claude  Binet  ;  mais  il  n"a 
plus  aucune  valeur  d'expression  -,  et,  par  conséquent,  ne  peut  que 
dérouter  le  lecteur  actuel,  parfois  même  le  tromper  sur  1  interprétation  du 
texte  ;  d'ailleurs  Binet,  ou  son  imprimeur,  est  loin  de  l'employer  régu- 
lièrement '. 

5"  J'ai  accentué  toutes  les  finales  en  ce,  qu'elles  appartiennent  à  des 
substantifs,  tels  que  Orphée,  risée,  contrée,  ou  à  des  participes  féminins, 
tels  que  avouée,  mesurée,  enragée,  de  nombreux  exemples  des  uns  et  des 
autres  m'3'  autorisant- 
es J'ai  mis  des  initiales  majuscules  aux  titres  des  œuvres  alléguées  par 
Binet,  et  reproduit  ces  titres  en  italiques,  du  moins  dans  le  texte  fon- 
damental. 

7"  J'ai  corrigé  les  fautes  d'impression  évidentes  du  texte  fondamental, 
a)  d'après  la  table  d'errata  '  ;  b)  d'après  la  deuxième  édition,  qui  à  ce 
point  de  vue  est  comme  une  nouvelle  épreuve  de  la  première  ;  c),  à  son 
défaut,  d'après  la  troisième  édition  ou  les  éditions  posthumes.  Même 
remarque  pour  les  fautes  d'impression  indubitables  qu'on  trouve  dans  les 
variantes.  Chaque  fois  j'ai  averti  le  lecteur  par  l'appareil  critique  sauf 
pour  quelques  fautes  évidentes  de  la  3"  rédaction,  telles  que  deux  pour 
d'eux,  vay  pour  vray,  navoir  pour  n'avoir,  dattente  pour  d'attente,  sauf 
encore  quand  j'ai  substitué  aux  initiales  minuscules  des  majuscules  cou- 
ramment usitées  au  xvjc  siècle,  et  d'ailleurs  autorisées  par  la  2^  ou  par 
la  3"'  édition     V.  ci-après,  p.   xlvi) 

8"  Quand  j'ai  donné  simultanément  les  variantes  ou  les  additions  de 
1587  et  de  1597,  j'ai  adopté  l'orthographe  et  la  ponctuation  de  1587,  sauf 
indication  contraire-  Même  remarque  pour  le  cas  où  je  n'ai  eu  à  signaler 
que  les  variantes  ou  les  additions  de  1597,  qui  ont  été  reproduites  dans 
les  éditions  suivantes  :  j'ai  adopté  alors  l'orthographe  de  1597,  sans  tenir 
compte  de  celle  des  éditions  suivantes. 

Ainsi  donc,  à  part  ces  réserves,  j'ai  respecté  l'orthographe  du  texte  fon- 
damental, ainsi  que  celle  des  variantes  et  des  additions,  qui  constituent, 
elles  aussi,  pour  leur  part,  un  texte  primitif.  Mais  je  n'ai  pas  cru  devoir 
(sauf  de  rares  exceptions  intéressantes)  signaler  les  variantes  orthogra- 
phiques que  présentent  la  deuxième  édition  par  rapport  au  texte  fonda- 
mental, la  troisième  édition  par  rapport  aux  deux  précédentes,  les  édi- 
tions posthumes  par  rapport  aux  éditions  «  anthuraes  ».  C'eût  été  sur- 
charger l'appareil  critique  sans  aucun  profit. 


1.  D'ailleurs,  en  dehors  de  ces  deux  cas  et  de  certaines  finales  latines.  l'accent 
grave  n'est  pas  employé  au  xyi"^  siècle.  On  écrit  régulièrement  père,  siècle,  pre- 
mière, près,  collège,  manière,  ds  dégénèrent,  la  Grèce. 

2.  On  le  trouve  aussi  bien  après  des  chiffres  cardinaux  qu'après  des  chiffres 
ordinaux. 

3.  Sur  dix  passages  de  la  l'*"  rédaction  qui  contiennent  des  nombres  en  chiffres, 
un  seul  présente  un  point  de  cette  nature  «  ....  et  l'an  1540.  par  son  père  fut 
mis ;  on  en  trouve  deux  dans  la  2''  rédaction,  et  onze  dans  la  3". 

4.  Voir  ce  que  j'ai  dit  de  ces  errata  ci-dessus,  p.  xxiv. 


INTUOni CTION  XLV 

Les  variantes  orthogiaphiques,  en  efict,  du  moins  dans  les  textes  de 
Claude  Binet,  n'offrent  pas  d'intérêt,  ni  à  l'historien  de  la  littérature, 
ni  même  an  philologue  Ce  qui  importe  dans  ces  textes,  c'est  avant  tout 
la  pensée  de  l'auteur,  et  jusque  dans  les  nuances  de  l'expression  ;  ce  n'est 
pas  1  orthographe,  car  elle  est  relativement  fixée  en  1586;  elle  n'a  pas  eu 
le  temps  d'évoluer  du  mois  de  mars  au  mois  de  décembre  de  cette  même 
année,  et  je  ne  vois  pas  de  différence  bien  sensible  à  cet  égard  entre  les 
deux  premières  éditions  et  la  troisième,  postérieure  de  dix  ans  .  elle  dé- 
pend enfin  le  plus  souvent  de  la  négligence  ou  de  la  fantaisie  de  l'impri- 
meur, quand  elle  s  écarte  des  habitudes  généralement  suivies  alors.  Dans 
ces  conditions,  les  variantes  orthographiques  ne  peuvent  offrir  de  docu- 
ments utiles. 

En  revanche  la  ponctuation  présente  un  réel  intérêt,  et  M"'  Evers  eût 
été  mieux  inspirée,  à  mon  avis,  si  elle  avait  porté  de  ce  côté  l'attention 
minutieuse  qu'elle  a  accordée  à  la  comparaison  des  trois  premières  gra- 
phies. Elle  n'a  pas  reproduit  les  textes  avec  assez  d  exactitude  en  ce  qui 
concerne  la  ponctuation,  laquelle  me  semble  avoir  une  grande  importance, 
soit  qu'elle  modifie  tant  soit  peu  le  sens,  soit  qu'elle  exprime  certaines 
intentions  de  l'auteur,  que  nous  n'avons  jamais  le  droit  de  négliger,  soit 
enfin  qu'elle  se  conforme  à  l'usage  du  temps. 

Par  exemple,  U  est  vrai  que  les  textes  de  Binet  contiennent  beaucoup 
de  virgules  superflues,  entre  autres  celles  qui  précèdent  le  mot  et  dans  les 
énumérations.  Mais  ces  virgules,  qui  d'ailleurs  ne  nuisent  pas  au  sens, 
étaient  d'un  usage  courant  au  xvi''  siècle  ;  elles  avaient  sans  doute  leur 
raison  d'être,  ne  fût-ce  qu  une  valeur  de  diction,  aux  yeux  des  gens  de 
l'époque  ;  cela  suffit  pour  que  nous  les  reproduisions  Même  remarque 
pour  la  virgule  après  les  mots  qui  annoncent  une  appellation  ou  un  titre  ; 
je  l'ai  conservée  quand  elle  s'est  présentée  \  bien  que  d'autres  exemples 
m'eussent  autorisé  à  la  supprimer. 

D'autre  part,  il  n'y  a  pas  de  point  et  virgule  dans  les  textes  de  Binet. 
Ce  signe  de  ponctuation  n  est  pas  seulement  absent  de  sa  prose,  il  est 
généralement  inconnu  au  xvi^  siècle,  qui  emploie  à  sa  place  deux  points. 
J'ai  donc  cru  devoir,  là  encore,  suivre  l'usage  du  xvi«  siècle  :  j'ai  conservé 
les  deux  points  là  où  nous  mettrions  maintenant  un  point  et  virgule,  et  je 
n'ai  employé  en  aucun  cas  le  point  et  virgule. 

De  même  Binet  n'emploie  jamais  les  guillemets,  ni  quand  il  cite  un 
auteur  ni  quand  il  rapporte  les  paroles  de  Ronsard  ou  d'un  autre  On 
n'en  trouve  dans  aucun  de  ses  trois  textes.  Cela  ne  lui  est  pas  parti- 
culier ;  les  guillemets  n'apparaissent  guère  au  xvi«  siècle  que  pour  mettre 
eu  relief  dans  les  vers  une  idée  générale,  sentence  ou  proverbe.  J'ai  donc 
suivi  Binet  et  l'usage  de  son  temps  en  laissant  de  côté  les  guillemets, 
d'autant  plus  volontiers  que  leur  absence  n'est  pas  du  tout  indispensable  à 
l'intelligence  du  texte. 

Les  seules  corrections  que  je  me  sois  permises  dans  la  ponctuation, 
sans  avertir  le  lecteur,  sont  les  suivantes  :  1°  j'ai  rétabli  les  virgules  dans 
les  appositions;  2"  j'ai  remplacé  la  virgule  et  le  point  par  deux  points, 
devant  une  citation  ou  des  paroles  rapportées.  J'y  étais  autorisé  par  Binet 

1.  Voir  par.  ex.  p.  2,  ligne  2  ;  p.  23,  ligne  XO  ;  p,  24,  ligue  11  ;  p.  36,  ligne  9. 


XLVI  INTRODUCTION 

lui-même,  ou  par  son  imprimeur,  qui  de  temps  en  temps  m'a  donné 
lexemple,  semblant  ne  suivre  dans  ces  deux  cas  aucune  règle,  aucun 
usage.  -  Si  j'ai  cru  devoir  corriger  la  ponctuation  dans  tout  autre  cas, 
c'est  quelle  m'a  paru  évidemment  fautive,  aussi  bien  pour  le  xvi'^  siècle 
que  pour  le  xx«  siècle,  et  nuisible  à  la  clarté  du  sens.  Je  ne  1  ai  pas  fait 
d'ailleurs  arbitrairement,  mais  autant  que  possible  d'après  les  corrections 
introduites  par  Binet  lui-même  dans  sa  deuxième  et  sa  troisième  édition, 
ou,  à  leur  défaut,  d'après  l'une  des  éditions  posthumes,  et  j'en  ai  toujours 
averti  le  lecteur  '  J'ai,  en  outre  usé  de  ces  corrections  avec  la  plus 
grande  circonspection  et  n'ai  rien  changé  dans  les  passages  dont  le  sens 
est  discutable,  quitte  à  signaler  dans  le  Commentaire  la  difficulté  d'in- 
terprétation. Enfin,  s'il  m'est  arrivé  d'apporter  un  changement  à  la  ponc- 
tuation, sans  qu'il  fût  fondé  sur  l'une  des  éditions  contemporaines  de 
Binet  ou  posthumes,  je  l'ai  signalé  dans  l'Appareil  critique  et,  au  besoin, 
justifié  dans  le  Commentaire. 

Des  remarques  analogues  s'appliquent  aux  initiales  majuscules  des 
noms.  Les  gens  du  xvi"  siècle  les  prodiguaient  jusqu'à  l'abus,  je  le  re- 
connais. Mais  c'est  surtout  avant  1560  qu'ils  en  ont  usé  sans  discrétion. 
A  I  époque  où  Binet  a  écrit  la  Vie  de  Ronsard,  l'emploi  des  initiales  ma- 
juscules se  justifie  presque  toujours;  au  point  que  certaines  initiales  mi- 
nuscules de  son  premier  texte  sont  inexplicables  autrement  que  par 
une  faute  d'impression,  qui  est  en  effet  corrigée  dès  le  second,  et  que, 
inversement,  des  majuscules  inexplicables  de  son  premier  texte  devien- 
nent avec  raison  des  minuscules  dans  le  second  et  le  troisième  J'ai  donc, 
avec  Binet,  conservé  l'initiale  majuscule  de  mots  tels  que  Roy.  Dauphin, 
Duc,  Cardinal,  Abbé,  Chevalier,  Court.  P]glise,  Université,  Poète,  Poésie, 
Lj're,  Ode,  Epithalame,  Comédie,  Hymne,  Ballade,  Lion,  etc.  —  A 
cet  égard,  comme  pour  la  ponctuation,  il  m'a  paru  bon  de  corriger  le  texte 
primitif  d'après  le  second  texte,  et,  à  son  défaut,  d'après  le  troisième.  Le 
plus  souvent,  d'ailleurs,  la  correction  de  1587  m'a  suffi,  le  second  texte 
étant  bien  plus  correct  que  le  premier  et  n'ayant  guère  été  amélioré  par 
le  troisième  sur  ce  point  particulier  ;  aussi  n'ai-je  pas  cru  devoir  signaler 
ces  sortes  de  correction  ;  elles  eussent  chargé  l'appareil  critique  inuti- 
lement ■-. 

Bref,  j  ai  fait  mon  possible  pour  améliorer  les  trois  textes  de  la  Vie  de 
Ronsard,  tout  en  me  conformant  et  à  l'usage  courant  du  xvi*  siècle  et  à 
l'intention  probable  de  Claude  Binet,  afin  de  donner  à  mon  édition  les 
deux  qualités  principales  qu  on  est  en  droit  d'exiger  délie  l'exactitude  et  la 
clarté. 

Je  me  suis  servi,  pour  les  variantes  et  les  additions,  aussi  bien  que  pour 


1  .  C'est  ainsi  qu'on  trouvera  dans  l'appareil  critique  entre  crochels  quelques 
virgules  néc<;ssaires  qui  sont  absentes  des  variantes  ou  des  additions  citées. 

2.  Il  sullit  de  dire  ici  une  fois  pour  toutes  que  j'ai  mis,  d'après  la  2^  ou  la 
3*  édition,  le  plus  souvent  d'après  lune  et  l'autre  à  la  fois,  des  initiales 
majuscules  aux  mots  suivants  :  Seigneurie,  Gentil-homme,  Couronne,  Chasteau 
(suivi  d'un  nom  propre),  Damoiselle,  Madame,  Monsieur  (désignant  des 
membres  de  la  famille  royale),  lEscurie  du  Hoj',  Impériale.  Diète,  Capitaine, 
Majesté,  Principal  (de  collège).  Laurier,  Prieuré,  Notaire,  Messe,  Bénéfices 
(ecclésiastiques),  les  Grâces,  la  Parque,  l'Aumosnier,  les  Religieux. 


1\  IltOOLCTION  XLVH 

le  texte  fondamental,  des  exemplaires  de  la  Bibliothèque  Nationale.  Klle  en 
possède  deux  de  l'édition  princeps,  l'un  qui  est  relié  à  part,  sous  la  cote 
Ln  -"',  17842,  l'autre  qui  fait  partie  d'un  recueil  factice  de  <(  tombeaux  » 
et  d'oraisons  funèbres,  sous  la  cote  liés.  mYc,  925'.  Ces  deux  exem- 
plaires sont  identiques,  sauf  pour  une  ligne  du  dernier  alinéa,  qui  pré- 
sente deux  variantes  dans  le  second  des  exemplaires,  l'une  assez  heureuse 
(un  au  lieu  de  quelque)  et  l'autre  insignifiante  (bien  au  lieu  de  biê),  intro- 
duites  très    probablement  par  l'imprimeur  en  plein  tirage  -. 

L  exemplaire  de  la  deuxième  édition  fait  partie  de  la  1''^'  édition  pos- 
thume parisienne  des  Œuvres  de  Ronsard  (t.  X.  p.  107);  on  le  trouve 
à  la  Bibl.  Nat.  sous  la  cote  Rés.  pYe,  172. 

L'exemplaire  de  la  troisième  édition  fait  partie  de  la  2'-  édition  pos- 
thume parisienne  des  Œuvres  de  Ronsard  (t.  X,  p.  109)  ;  on  le  trouve 
à  la  Bibl.  Nat.  sous  la  cote  Rés.  Ye,  1893-95,  qui  est  celle  des  trois  der- 
niers tomes  réunis  dans  le  cinquième  volume. 

J'ai  désigné  dans  l'Appareil  critique  et  dans  le  Commentaire  ces  trois 
éditions  contemporaines  de  Binet  (1586,  1587,  1597)  par  les  lettres 
A,  B,  C.  Les  éditions  postérieures  à  la  mort  de  Binet  sont  simplement 
désignées  par  leur  millésime,  1604,  1609,  1617,  1623,  1630.  Ces  sigles 
précèdent  la  variante  ou  1  addition. 

Dans  l'Appareil  critique  :  1"  les  crochets  avec  sigles  introduisent  une 
variante  partielle  dans  une  variante  plus  étendue.  Ainsi  BC...  (YJ. ..]... 
signifie  que,  dans  la  leçon  commune  à  la  deuxième  édition  et  à  la  ti'oi- 
sième,  C  introduit  une  leçon  partielle  qui  lui  est  propre. 

2"  Le  tiret  entre  un  sigle  et  le  millésime  d'une  édition  posthume,  ou 
entre  deux  millésimes  d'éditions  posthumes,  signifie  que  la  variante  est 
commune  à  ces  éditions  et  à  celles  qui  parurent  dans  l'intervalle.  Ainsi 
[1609-1630  glorieuse  i  signifie  qu'on  lit  le  mot«glorieuse  »  dans  les  éditions 
de  1609  et  de    1630  et  dans   les    éditions    intermédiaires  de  1617  et  1623. 

3"  Les  italiques  sont  réservées  aux  sigles,  à  toute  remarque  (en  paren- 
thèses ou  non)  conceinant  la  lecture  du  texte,  aux  citations  en  vers  de  B 
et  de  C  et  aux  variantes  des  citations  en  vers  de  A. 

Toutes  les  lignes  du  texte  et  de  l'appareil  critique  sont  numérotées 
dans  la  marge  de  gauche  pour  faciliter  les  références  du  Commentaire  ; 
les  numéros  placés  entre  crochets  dans  la  marge  de  droite  indiquent  la 
pagination  du  texte  fondamental,  un  trait  vertical  dans  la  ligne  corres- 
pondante le  début  de   la  page  dans  ce  texte. 


En  terminant,  j'ai  le  devoir  très  agréable  de  remercier  de  leurs  obli- 
geantes  communications  et   de   leur    précieux    concours   de    sympathies 

1  II  j'  est  inséré  entre  le  Tombeau  de  Jean  Morel  d'Embrun  (1583)  et  la 
Laudotio  funebris  de  Ronsard  par  G.  Grillon  (1586). 

2.  \'oir  ci-après  le  Commentaire,  p.  50,  lignes  33  et  34  et  p.  339.  J'ai  désigné 
par  A'  le  2"  de  ces  exemplaires.  Gomme  nous  l'avons  vu  plus  haut,  le  Disc,  de 
la  vie  de  Ronsard  dans  cette  édition  princeps  est  suivi  du  Tombeau  de  Ronsard  ; 
mais  le  dernier  feuillet  de  ce  Tombeau  manque  dans  l'exemplaire  Rcs. 
mYc,  925. 


iNTUont cxroN 


les  u  seizièmistes  «  qui  se  sont  intéressés  à  ce  travail,  notamment  : 
MM.  Henri  Chaniard,  maître  de  conférences  en  Sorbonne,  et  Charles 
Comte,  prol'essenr  au  lycée  Condorcet-  A  la  liste  des  aimables  corres- 
pondants que  j'ai  déjà  nommés  dans  l'avant  propos  de  mon  ouvrage 
sur  Ronsuid  poêle  hjriiiue,  je  suis  heureux  d'ajouter  ici  les  noms  de 
MM.  Emile  Picot,  Frédéric  Lachévre,  Léon  Séché,  Michel  Brenet,  V.-L. 
Bourrilly,  Franck  Delage,  Pierre  Dufaj',  Gaston  Varenne,  Louis  Hogu, 
E.  Thomas,  L.-A.  Hallopeau,  P.  Clément,  P.  Charbonnier,  Constantin 
Bauër  et  Mathieu  Auge.  Je  les  prie  tous  de  croire  à  ma  cordiale  gratitude. 


Pierre  de  RONSARD 

à  lâge  de  27  ans  ' 


1.  J'ai  cru    devoir  remplacer  ainsi    le    quatrain  de    l'édition  de  15^6.  pour  la  raison 
exposée  ci-dessus,  p.  xxiii. 


DISCOURS  DE  LA  VIE     t'i 

DE 

PIERRE    DE  RONSARD 

GENTIL-HOMME    VANDOMOIS, 

Par   Claude   Binet  ^. 


Pierre  de  Ronsard^  est  issu  *  d'une  des  nobles  familles  de  France, 

de  la  maison  des   Ronsards,  au  pais  de  Vandomois,    l'antiquité  de 

laquelle  est  assez  avouée  et  remarquée  des  plus  curieux,  pour  avoir 

tiré  son  origine  des  confins  de  la  Hongrie,  et  de  la  Bulgarie,  où  le 

5    Danube  voisine  de  plus  près  le  païs  de  Thrace,  qui  devoit  aussi  bien 

1.  BC    La  Vie  de  Pierre  de  Ronsard,  Gentil-homme  Vandomois,    Par    Claude 
Binet.    |    C  ajoute  A  François  son  Fils. 

2.  C  présente  avant  ces  mots  l'exorde  que  voici  : 

C'estoit  une  coustume  observée  par  les  anciens  de  représenter  les  beaux  faits  et 

10     vertueuses  actions  des  hommes  illustres  de  leur  temps*,  à  fin  que  l'exemple  vivant 
qui  avoit  instruit  les  bonnes  mœurs,  ou  enrichy  les  sciences,  ne  pouvant  tousjours 
durer,  ny  possible  se  renouveller  venant  à  faillir,  peut  [160^,  1617, 1623,  1630  peust  | 
1609  pust]     aucunement    revivre  et    servir  de    miroir  à    la  postérité  dans  la  polis- 
sure    de  leurs    immortels    escrits  [1609-1630  escrits  immortels].    Mais    comme  ces 

15  grandes  vertus  estoient  les  fruits  des  premiers  siècles,  ainsi  le  monde  s'envieillis- 
sant,  comme  une  terre  brehaigne  et  lasse  de  porter,  les  semences  aussi  dégénérant 
en  marse  *  et  perverse  nature,  il  ne  faut  point  s'estonner,  puisque  par  l'effort  de 
la  barbarie  les  plus  belles  et  rares  vertus  ont  defailly,  si  on  a  délaissé  ce  tant  utile 
labeur  *  :    advenant  ordinairement   qu'au    mesme  temps  qu'elles  paroissent,  elles 

20  trouvent  qui  les  prise  et  honore,  comme  toutes  choses  naissent  avec  leur  aliment 
naturel,  et  finissent  aussi  de  mesme  *.  Depuis,  comme  une  terre  reposée  de  longue- 
main,  nostre  France  ayant  repris  ceste  première  vigueur,  et  produit  de  nostre 
temps  tant  d'excellents  et  rares  esprits  en  toutes  sortes  d'arts  et  sciences,  j'ay  bien 
voulu  renouveller  ceste  mode  et  choisir  un  Ronsard  Prince  et  père  de  nos  Poètes*, 

25  et  celuy  qui  a  le  premier  donné  l'air  de  la  perfection  à  l'éloquence  Françoise[,]  pour 
suject,  et  descrire  sa  vie,  à  fin  que  toy  *  et  tes  semblables  soyez  aiguillonnez  à  bien 
faire  en  la  profession  où  serez  appeliez  sous  l'espérance  d'une  gloire  solide,  géné- 
reuse [1609-1630  glorieuse]  amorce  des  nobles  esprits  :  car  il  est  certain  que 
quand  on  fait  coustume  de  louer  les  belles  actions,  on  est  plus  incité  à  les  prati- 

30  quer  et  ensuivre,  et  au  contraire  lors  qu'on  ne  fait  cas  de  rendre  louanges  à  ceux 
qui  les  méritent,  on  fait  bien  peu  de  conte  de  faire  choses  louables  :  Voila  pour- 
quoy  ce  discours  ou  méritera  quelque  louange  pour  l'honneur  de  son  suject,  ou 
pour  le  moins  quelque  excuse,  pour  le  désir  que  j'auray  eu  de  restablir  une  bonne 
coustume,  presque  abolie  et  perdue  *. 

VIE   DE  p.    DE    RONSARD.  1 


DISCOURS    DE    LA    VIE 


qu'à  la  Grèce  donner  à  la  France  le  surjon  ^  d'un  second  Orphée  : 
auquel  lieu  -  se  trouve  une  Seigneurie  appelée,  le  Marquisat  de 
Ronsard.  d"où  sortit  lui  puisné  de  celle  maison,  nommé  Bauldouin  ^, 
qui  se  voulant  lairc  voye  à  l'honneur  par  les  armes  *,  assembla 
5  une  compajjuie  de  Gentils-hommes  puisnez,  ausquels  il  fit  traverser 
toute  la  Hongrie  ^  et  l'Alemaignc,  gaignant  la  Bourgongne  pour 
venir  en  France,  qui  estoit  lors  le  champ  de  vertu,  et  s'ofTrit  au  Roy 
Plîilippes  de  Valois,  lors  empesché  en  une  grande  guerre  ^  contre 
lesAnglois:  lequel  '  l'employa  en  charges   si   honorables,   et  aus- 

10  quelles  il  fit  si  bon  service  à  la  Couronne,  qu'il  eut  occasion  par 
les  bicufaicls  du  Roy  '^  d'oublier  son  pais,  et  baslir  une  nouvelle 
fortune  en  France,  où  il  se  maria  au  païs  de  Vandomois,  pais  fer- 
tile et  agréable,  tant  pour  la  température  '•',  que  pour  la  bonté  du 
terroir.  De  là  fit  souche  celte  famille  des  Ronsards  François  **',  et 

15    continua  en  nobles  et  grandes  alliances  jusques  à  Loys  de  Ronsard, 
père  de  Pierre,  qui  s'allia  de  la  maison  de  Chaudriers  ^^,  conjointe  de 
proche  alliance  à  celle  du  Bouchage,  delà  Trimoûille,  et  deRoiiaux, 
desquelles    sont   sortis   plusieurs  grands  Capi  |  laines,  et  illustres  [4] 
Seigneurs,  dont  noz  histoires  Françoisesà  bon  droit  se  glorifient  ^^, 

20  comme  aussi  de  celle  de  Chaudriers  qui  fut  ^  ■'  fort  recommandée  en 
son  temps,  pour  le  grand  service  ^^*  qu'elle  fil  à  la  France,  ayant  re- 
pris sur  les  Anglois  la  ville  de  la  Rochelle,  en  remarque  dequoy  ^^ 


1.  C  l'origine 

2.  AC  Orphée,  auquel  lieu 

25  3.  C  appellée  le  Marquisat  de  Ronsard.  Et  l'etymologie  de  ce  nom  en  monstre 

quelque  chose,  Rossard  [ i 609-/630  Ronsard J  signifiant  en  la  langue  du  païs  comme 
qui  diroit  cœur  chevaleureux  :  aussi  les  armes  de  ceste  maison  semblent 
l'exprimer,  aj'ant  pour  tjmbre  un  cheval,  et  dans  l'escusson  trois  poissons,  qu'on 
dit  en  la  mesme  langue  se  nommer  Ross,  c'est-à-dire  chevaux,  et  se  trouver  dans 

30  le  Danube*.  De  là  pourroit  avoir  esté  nommée  la  seigneurie  de  la  Poissonnière  *, 
maison  paternelle  de  Ronsard.  De  ce  Marquisat  sortit  un  puisné  nommé 
Raudoùin 

4.  C  par  la  pointe  des  armes 

5.  C  traverser  la  Hongrie 

35  6.  C  adonc  empesché  en  une  forte  guerre 

7.  AC  les  Anglois,  lequel 

8.  BC  du  Roy  qui  se  souvint  de  ses  mérites, 

9.  C  où  il  trouva  sortable  party  pour   s'establir  au  païs  de  Vandomois,    région 
fertile  et  agréable,  tant  pour  la  température  du  Ciel, 

40  10.  C  ceste  maison  des  Ronsards  Fran(;ois,  d'où  sortirent  plusieurs  grands  per- 
sonnages, et  entre  autres  un  Julian,  qui  fut  (à  ce  que  l'on  dit)  Evesque  du  Mans*  : 

11.  C  (>handrier  (/".  d'impr.  reproduite  dans  les  éd.  suiu.,  y  compris  1623) 

12.  BC  dont   nos   histoires  Franroises  et  la  France  encor,  à  bon  droit,  se  glori- 
fient \B  pas  de  inryule  après  droit]. 

45         13.   C  se  glorifient.  Quant  à  celle  de  Chandrier,  elle  fut 

14.  C  pour  le  grand   et  signalé  service   [IGO^t,  1609,  1617,  1630  pour  le   regard  et 
signalé  service    |    1623  pour  le  regard  du  signalé  service] 

15.  B  la  Rochelle  :  en  remarque  dequoy  |    C  la  Rochelle  :  En  remarque  dequoy 


DE    PIERRE    DE    ROMSARD 


y  a  une  rue  qui  se  nomme  encor  au  jourd'huy  du  nom  de  l'un  de 
cette  famille,  qui  en  ce  grand  cl  remarquable  exploict  se  montra 
le  premier  des  plus  vaillans  ^  :  ce  (pic  -  je  nay  peu  oublier,  luy 
mesme  letesmoignanten  l'Elcgie  xvi  qu'ilescrit  à  Remy  Belleau^  *. 
5  Loys  de  Ronsard  *  fut  Chevalier  de  l'Ordre  *,  et  Maistre  d'kostel  du 
Roy*,  et  pour  la  sagesse  et  fidélité  qui  estoit  en  luy,  fut  choisi^ 
pour  accompagner  Messieurs  les  enfans,  François  Dauphin  de  Vien- 
nois, et  Henry  Duc  d'Orlcans,  en  Espagne  *\  pendant  qu'ils  y  fu- 
rent en   hostages  pour    le  Roy  leur  père,  d'où  il   les    ramena,  au 

10  grand  contentement  delà  France*.  Ce  Loys  avoit quelque  cognois- 
sance  des  lettres,  et  principalement  de  la  Poësie,  telle  que  le  temps 
pouvoit  porter  :  et  faisoit  aucunefois  des  vers  assez  heureusement*'^  : 
et  me  souvient  ^  en  avoir  ouy  reciter  quelques  uns  à  nostre  Ron- 
sard, son  fils,  qui  monstroient  que  la  Poësie    vient    principalement 

15  d'un  instinct  naturel,  lequel  avec  un  plus  grand  heur  toutefois, 
comme  un  héritage  '*,  le  fils  a  monstre  avoir  continué  en  luy,  y  ayant 
conjoint  l'estude  des  lettres  Grecques  et  Latines  ^^.  De  ce  mariage  ^* 
de  Loys  et  de  Jeanne  de  Chaudrier  ^-  *,  nasquit  Pierre  de  Ronsard, 
au  Chasteau  de  la  Possonniere  *  en  Vandomois,  maison  paternelle, 

20    l'an  mil    cinq  cens  xxnii,  que   le    Roy  François  fut  pris   devant 


1.  C  qui  en  ce  grand  et  remarquable  exploit  s'estoit  rendu  chef  de  l'entreprise. 

2.  AB  vaillans  :  Ce  que    |    C  de  l'entreprise.  Ce  que 

3.  B  en  une  Elégie  à  Reray  Belleau.  |  C  en  l'EIegie  à  Remy  Belleau.  Et  la 
noblesse  de  ceste  maison  est  telle,  que  le  sieur  du  Faur  [1609,  1617 y  1623  du  Faux 

25  I  1630  du  Faur]  Angevin  nous  a  laissé  en  ses  Mémoires  par  longue  déduction 
des  Généalogies  *,  qu'elle  attouchoit  de  près  par  le  moyen  de  la  Trimoùille  à  ceste 
tresnoble  maison  de  Craon,  plus  ancienne  Baronnie  d'Anjou,  alliée  des  Comtes 
d'Anjou,  et  de  laquelle  sont  descendus  par  l'alliance  de  l'Emperiere  Mathilde  les 
Roys  d'Angleterre  :  de  manière  qu'il    mettoit  en  évidence  que  Ronsard  estoit  allié 

30  au  seize  ou  dixseptiesme  degré  d'Elizabelh  Royne  d'Angleterre.  Quoy  qu'il  en  soit, 
toutes  ces  grandes  maisons  ne  l'ignorent  point  et  s'en  glorifient. 

4.  C  Loys  de  Ronsard  son  père 

5.  C  maistre  d'Hostel  du  Roy  François  premier,  qui  pour  la  sagesse  et  fidélité 
qui  estoit  en  luy  fut  choisi* 

35  6.  C  pour  accompagner  François  Dauphin  de  Viennois,  et  Henry  Duc  d'Orléans 

ses  enfans  en  Espagne, 

7.  A  virgule  après  porter  et  après  heureusement 

8.  C  Ce  Loys  avoit  quelque  cognoissance  des  lettres,  et  principalement  de  la 
Poësie,  mesmes  faisoit  quelquefois  des  vers  tels  [160i-1630  des  vers,  tels]  toutefois 

40     que  le  temps  pouvoit  porter,  et  me  souvient 

9.  B  héritage,  et  droit  successif, 

10.  C  à  nostre  Ronsard,  qui  monstroient  que  la  Poësie  ne  s'acquiert  pas  tant 
comme  elle  s'insinue  en  nous  d'un  instinct  naturel  en  naissant,  lequel  avec  un  plus 
grand  heur  toutesfois,  ainsi  qu'un  héritage  paternel  [160i-1630  paternel,]  le  fils  a 

45  monstre  avoir  continué  en  luy  par  droit  successif,  y  ayant  le  premier  conjoinct 
l'estude  des  lettres  Grecques  et  Latines,  deux  instrumens  nécessaires  à  la  perfec- 
tion de  l'éloquence. 

11.  BC  Du  mariage 

12.  C  Chandrier  (/'.  d'impr.  reprod.   dans  les  éd.  suiv.) 


DISCOURS    DE    I.A    VIK 


Pavie,  un  Samedy  sixiesme  de  Septembre  *  *.  Et  est  à  douter  ^  sien 
mesme  temps  la  France  receut  par  cette  prinse  malheureuse  ^ 
un  plus  grand  dommage,  ou  un  plus  grand  bien  par  cette 
naissance  heureuse  S  à  laquelle  estoit  advenu  comme  à  d'au- 
5  très  de  quelques  grans  esprits,  d'estre  remarquée  d'une  si 
mémorable  rencontre  •'•  *.  Mais  peu  s'en  fahil  que  le  jour  de  sa  nais- 
sance ne  fut  aussi  le  jour  de  son  enterrement  :  car  "  comme  on  le 
portoit  bai^tizer  du  Chasteau  de  la  Possonniere  en  l'Eglise  du  vil- 
lage de  Cousture  '',  celle  qui  le  portoit,  traversant  un  pré,  le  laissa 

10    tomber  par  mesgarde  sm-   l'herbe  et  fleurs  ^,  qui   le  receurent  plus 
doucement  :  |  et  eut  encor  ^    cet    accident   une    autre   rencontre,  [5J 
qu'une  Damoiselle'*^  qui  portoit  un  vaisseau  plein  d'eau  de  roses  ^', 
pensant  ayder  à  recueillir  l'enfant,    luy  renversa  sur    le    chef  une 
partie    de    l'eauë    de  senteur  :   qui   fut  ''-    un  présage    des  bonnes 

15  odeurs,  dont  ^•'  il  devoit  remplir  toute  la  France,  des  fleurs  de 
sesescris  '^  *.  Il  ne  fut  l'aisné  '^  de  sa  maison,  ains  eut  cinq  frères 
naiz  au  paravant  luy  '•',  dont  les  deux  moururent  au  ^"^  berceau,  trois 
autres  avec  nostre  Ronsard  restèrent,  dont  l'aisné  fut  Claude  de 
Ronsard,  qui  suivit  les  armes.  Loys  ^^,  qui  estoit  l'un  des  trois,  fut 

20  Abbé  de  Tyron,  et  de  Beau-lieu  *.  Quant  à  Pierre,  son  père  le  fit 
instruire  en  sa  maison  de  la  Possonniere  ^^^  aux  premiers  traits   des 


1.  B  la  Poissonnière  en  Vandomois,  maison  paternelle,  un  samedj' unziesme  de 
Septembre  l'an  mil  cinq  cens  xxmr,  auquel  le  Roy  François  fut  pris  devant 
Pavie.    I    C  la  Poissonnière  au  village  de  Cousture  en  la  varenne  du  bas  Vandos- 

25  mois,  situé  sur  le  pied  d'un  coustau  (sic)  qui  regarde  la  région  Septentrionale*,  un 
Samedy  xi  de  Septembre  l'an  1524.  Auquel  jour  le  Roy  François  premier  fut  prins 
devant  Pavie*. 

2.  A  Septembre,  et  est  à  douter    |    C  Pavie.  Et  pourroit  on  douter 

3.  C  ceste  prinse  mal-encontreuse 
30           4.  C  ceste  heureuse  naissance  : 

5.  C  à  d'autres  de  grands  personnages,  d'estre  remarquée  d'une  si  mémorable 
rencontre.  Ainsi  que  la  naissance  du  grand  Alexandre  fut  signalée  et  comme 
esclairée  par  l'embrasement  du  Temple  de  Diane  en  la  ville  d'Ephese. 

6.  A  enterrement,  car    |    B  enterrement.  Car 
35           7.  C  de  la  Poissonnière  en  l'Eglise  du  lieu, 

8.  A  pas  de  oirçj.  après  portoit,  pré,  fleurs  |  C  le  laissa  tomber  par  mesgarde 
à  terre,  mais  ce  fut  sur  l'herbe  et  sur  les  fleurs, 

9.  A  doucement,  et  eut  encor 
10.  A  rencontre  qu'une  daraoiselle 

40  11.  C  plein  d'eau  Rose  (sic,  également  dans  les  éd.  suiv.)  et  d'amas  de  diverses 
herbes  et  fleurs  selon  la  coustume, 

12.  A  l'eauë  de  senteur,  qui  fut    |    C  l'eau  de  senteurs,  qui  fut 

13.  A  odeurs  dont 

14.  C  rem|)Iir  la  France,  des  fleurs  de  ses  doctes  escrits. 
45         15.  A  laisné  (même  f.  d'impr.  deux  lignes  plus  bas) 

16.  BC  auparavant  luy 

17.  A  aut 

18.  A  les  armes,  Loys    |    C  les  armes  :  Loys 

19.  BC  Poissonnière  [AB  virgule  après  ce  mot\ 


DE    PIEHRE    DE    RONSARD 

lettres  par  un  homme  ^  qu'il  y  tint  exprès  *,  jusques  à  l'agc  de 
neuf  ans,  qu'il  le  fit  amener  à  Paris,  au  collège  de  Navarre  2,  où 
estoit  lors  Charles  Cardinal  de  Lorraine,  qui  le  cognent,  et  l'aima 
pour  ses  vertus,  pensant  ■'  son  père  qu'il  deust  *  continuer  l'espe- 
5  rancc qu'il  avoit  concciie  de  luy,  lors  qu'avec  une  si  grande  vivacité 
d'esprit,  il  surpassoit  tous  ses  frères  à  comprendre  les  premiers 
commencemens  des  lettres.  Il  n'avoit  pas  esté  demy-an  souz  un 
régent  nommé  de  Vailly  s,  quand  rebuté  par  la  rudesse  de  sesmais- 
tres  '^',  comme  ordinairement  un    beau  naturel  ne  veut  estre  forcé, 

10  il  commença  à  se  degouster  de  l'estude  des  lettres  *  :  dequoy  '^  son 
père  adverty,  le  fit  venir  en  Avignon,  où  pour  lors  estoit  le  Roy, 
sur  les  préparatifs  d'une  grande  et  puissante  armée  contre  ^  l'Em- 
pereur Charles  cinquiesme*,  et  le  donna  pour  page  à  Charles  Duc 
d'Orléans,  le  dédiant  aux  armes  *,  où  il  continua  ^  quelque  temps 

15  fort  agréable  à  son  maistre,  tant  pour  une  beauté  grande  qui  relui- 
soit  en  luy,  que  pour  la  bonne  façon  "^  qui  en  un  agc  si  tendre  sem- 
bloit  promettre  quelque  chose  de  plus  grand  ^^  à  l'advenir.  Et  de 
fait  sur  cette  espérance,  cà  fin  de  luy  faire  voir  du  païs,  le  Duc  d'Or- 
léans le   donna  à  ^-  Jacques  de  Stuart,  Roy  d'Escosse,  qui  estoit 

20  venu  pour  espouser  Madame  Marie  de  Lorraine  ^^,  qui  l'emmena  en 
son  païs*.  En  Escosse  il  demeura  trente  mois,  et  en  Angleterre 
six,  où  ^*  ayant  appris  la  langue,  en  peu  de  temps,  il  acquit  ^^  si 
grande  faveur^*',  que  peu  s'en  falut  que  la   France  ne  perdist  celuy 

1.  BC  par  un  précepteur 
25  2.  C  le  fit  conduire  à  Paris  au  collège  Royal  de  Navarre 

3.  B  ses  vertus  :  pensant  |  C  qui  le  cognut  et  l'aima  déslors  pour  ses  premières 
vertus,  pensant 

4.  A  d'eust 

5.  C  demy  an  sous  la  charge  d'un  de  Vailly 
30           6.  BC  précepteurs 

7.  A   lettres  :    Dequoy     j    B  lettres.    Dequoj^    |    C  ne  veut  estre  forcé  par    une 
rigueur  pedantesque,  il  commença  à  se  degouster  de  l'estude.  Dequoy 

8.  AB  armée,  contre 

9.  B  pour  page  à  François  fils  aisné  du  Roy,  le  dédiant  aux  armes  :  avec  lequel 
35     il  ne  fut  que  trois  jours  qu'il  mourut  à  Tournon.  De  là  il  fut  donné  à  Charles  Duc 

d'Orléans,  où  il   continua    |     C  même  var.,  avec  une  uirg.  après  armes  et  celle  addi- 
tion Charles  Duc  d'Orléans  second  fils  du  Roj'  * 

10.  C  pour  la  bonne  et  auguste  façon 

11.  BC  quelque  chose  de  bien  grand 
40         12.  C  le  donna  page  à 

13.  BC  Madeleine  fille  du  Roj-  François 

14.  B    en  Angleterre  six  :  où 

15.  C  qui  estoit    venu    espouser  Madame  Madeleine,  fille  du    Roj'  François,  qui 
l'emmena    en  son  Royaume,  où  il  demeura  deux  ans,  et  en  Angleterre  six  mois  : 

45  ayant  appris  la  langue  en  peu  de  temps,  il  acquit  [C-1630  virgule  après  six 
mois    I    i617,  1623  deux  points  après  temps] 

16.  B  si  grande  faveur  près  de  ce  Prince,  |  C  si  grande  faveur  près  de  ce  Prince 
qui  l'aimoit  fort. 


DISCOURS    DE    LA    VIE 


qu'elle  avoil  noiirry  pourcslrcun  jour  la  trompette  dosa  renommée*. 
Le  bon  instinct  |  toutclbis  de  vray  Fran(;ois  le  chalouilloit  à  toutes  [6] 
heures  de  revenir  en  France*  :  ce  qu'il  fit  S  et  se  retira  vers  le  Duc 
d'Orléans,  son  premier  maistre  -,  qui  le  retint  en  son  Escurie  ■'', 
5  où  il  avoit  pour  compagnon  et  familier  amy  le  seigneur  de  Carna- 
valet *.  Mais  comme  le  Duc  d'Orléans  eut  pris  garde  que  Ronsard 
en  tous  exercices  estoit  le  mieux  aj)pris  de  ses  pages,  fust  à  danser, 
luitler,  sauter,  ou  escrimer,  iusl  à  mouler  à  cheval,  et  le  manier, 
ou  voltiger,  ne  voulant  qu'un  si  beau  naturel  s'engourdist    en  pa- 

10  rosse,  il  le  depescha  pour  quelques  affaires  secrettes  en  Flandres*  et 
Zelandc,  avec  charge  expresse  de  passer  jusques  en  Escosse*  :  ce 
qu'il  fit,  s'estant  embarqué  avec  le  sieur  de  Lassigny,  Gentil- 
homme François*.  Auquel  voyage  s,  pensant  tirer  en  Escosse,  le 
vaisseau  auquel  il  estoit  fut   tellement,  durant  trois  jours,   pour- 

15  mené  par  la  tempeste,  qu'il  cuida  sur  la  coste  d'Angleterre  estre 
brisé  contre  un  rocher,  mal-heur  ''  qui  fut  seulement  différé,  pour 
sauver  principalement  nostre  futur  Arion  d'un  tel  naufrage  :  car  le 
navire  qui  avoit  eschappé  tant  de  dangers,  après  avoir  laissé  sa 
charge  sur  la  rade  d'Escosse,  sans  péril  fit  '  naufrage  au  port,  brisé 

20  et  enfondré  ^  avec  tout  le  bagage,  que  le  plus  grand  soin  de  sauver 
la  vie  laissa  à  la  mercy  des  flots  *.  Retourné  qu'il  fut  de  ce  voyage, 
ayant  attaint  l'âge  de -quinze  à  seize  ans  il  sortit  hors  de  page,  et 
l'an  i54o  par  son  père  fut  mis^  en  la  compagnie  de  Lazare  de  Baïf, 
grand  personnage,  et  des  plus  doctes  de  ce  temps  là,  lequel  ayant 

25  ja  esté  employé  en  belles  et  grandes  charges,  alloit  pour  lors  ^^  Am- 
bassadeur pour  le  Roy  à  Spire,  ville  Impériale  d'Alcmaigne,  où 
l'on  devoit  tenir  une  Diète  **  *.  En  ce  voyage  il  commença  à  prati- 
quer avec  jugement  les  meurs  et  façons  estrangeres,  à  observer  cu- 
rieusement les  choses  plus  remarquables,  et  faire   son    proffit  de 

30  1.  AC  en  France,  ce  qu'il  fit, 

2.  BC  son  maistre, 

3.  C  qui  le  retint  page  en  son  Escurie, 

4.  C  pour  quelques  affaires    en  Flandres 

5.  A  François,  auquel  voj-age    |    C  François  :  Auquel  voyage 
35           6.  BC  un  rocher  :  malheur 

7.  C,  WOi,  1630  Escosse  sans  péril,  fit   |   1609,  1617,  1623  Escosse  sans  péril  fit 

8.  C  enfoncé 

9.  B  Retourné  qu'il  fut  de  ce  voyage,  ayant  attaint  l'âge  de  quinze  à  seize  ans  il 
sortit  hors  de  page,  ayant  esté  audit  Duc  d'Orléans  cinq  ans,  et  l'an  1540  fut  mis   | 

40    C  Retourné  qu'il  fut  de  ce  voyage,  aj'ant  attaint  seulement  l'âge  de  quinze  à  seize 
ans,  ayant  esté  au  Duc    d'Orléans    cinq   ans  et  jusques  à  son   decez,  et  depuis  à 
Henry  qui  fut  depuis  Roy  *  :  l'an    1540  fut  mis  [même  var.  dans  les  éd.  suiu.,  avec 
virgule  après  Roy\ 
10.  BC  alloit  lors 

45         11.  C  où  se  devoit  tenir  une  Diète. 


DE    PIERRE    DE    RONSARD 


loiiles  ^.  Tl  apprit  on  pou  do  lomps  la  langue  Alomando,  ayant  l'es- 
prit ca[)al)le  de  toutes  disciplines  *,  qu'il  façonna  beaucoup  en  la 
compaignie  d'un  si  sçavant  personnage,  rpie  les  plus  doctes  d'Ale- 
niaigne  reclierclioiont,  non  tant  pour  le  rang  qu'il  tonoit,  que  pour 
5  sa  doctrine  singulière.  Apres  ce  voyage  il  en  fil  un  autre  en  Piémont, 
avec  ce  grand  Capitaine  de  Langey,  pour  faire  service  au  Roy  en  la 
profession  où  le  flot  des  aflai  |  res  du  temps,  et  non  l'inclination  de  [7] 
sa  nature,  le  poussoit  -  *.  S'estant  puis  après  retiré  à  la  Court,  il 
luy  avint  un  mal-heur,  s'il  faut  appeler  de  ce  nom  ce  qui  futcause-' 

10  d'un  si  grand  bien.  C'est  que  '^  pendant  qu'il  estoit  en  Alemaigno,  il 
fut  contraint  de  boire  dos  vins  tels  qu'on  les  trouve,  la  plus  grand 
part  souffrez  et  mixtionnez  :  qui  fut  cause  ^  avec  les  tourmentes 
de  mer  •',  les  incommoditez  des  chemins,  et  autres  peines  de  la 
guerre,  qu'il  avoit  souffertes,  que  plusieurs  humeurs  grossières  luy 

15  montèrent  au  cerveau,  tellement  qu'elles  luy  causèrent  une  defluxion, 
et  puis  une  fièvre  tierce  '^  dont  il  devint  sourdault,  maladie  qui  luy 
a  continué  jusqu es  à  la  mort  *.  Ainsi  en  advint  à  ce  divin  Homère  ^  *, 
qui  sur  la  fin  de  ses  voyages,  s'estant  embarqué  ^  avec  le  marinier 
Mentes  ^^,    pour    apprendre   les    diverses  façons  des  peuples,  et  la 

20  nature  des  choses,  ayant  abordé  ^^  l'Isle  d'Itaque  eut  un  catherre  ^^ 
sur  les  yeux  qui  luy  fit  perdre  la  veûe  estant  arrivé  à  Colophone. 
Voila  comment  ^'^  deux  grans    Poètes,  par  un    presque   semblable 


1.  C  En  ce  voyage,  et  sous  un  si  grand  personnage,  bien  que  la  jeunesse  soit 
tousjours  esloignée  de  toute  studieuse  occupation  pour  les  plaisirs  volontaires  qui 

25  la  maistrisent,  si  est-ce  que  dés  son  enfance  ayant  tousjours  estimé  l'estude  des 
bonnes  lettres,  l'heureuse  félicité  de  la  vie,  et  sans  laquelle  on  doit  désespérer  de 
pouvoir  jamais  attaindre  au  comble  du  parfait  contentement  *,  il  '  commença  à 
pratiquer  avec  jugement,  outre  l'exercice  de  la  vertu,  les  mœurs  et  façons  estran- 
geres,  et  à  observer  curieusement  les  choses  plus  remarquables. 

30  2.  ABC  nature  le  poussoit. 

3.  ABC  de  ce  nom,  ce  qui  fut  cause 

4.  C  d'un  plus  grand  bien,  c'est  que 

5.  A  mixtionnez,  qui  fut  cause 

6.  B  mixtionnez  :  Occasion,  avec  les  tourmentes  de  mer  |   C  même  var.,  avec 
35     un  point  après  mixtionnez  {^Î60U-1630  tourmens  de  merj 

7.  C  une  defluxion,  puis  une  fièvre  tierce 

8.  B  jusques  à  la  mort,  et  qui  a  semblé  avoir  esté  fatale  à  nos  Poètes,  comme  à 
du  Bellay,  à  nostre  Dorât  et  autres  :  ainsi  que  la  perte  de  la  veuë  aux  excellens 
Poètes  Grecs,  Thamire,  Tiresie.Stesichore,  comme  pareillement  au  divin  Homère  | 

40  C  même  var.,  avec  une  virg.  après  autres,  deux  points  après  Stesichore,  et  l'orlhog. 
Tyresie 

9.  C  Homère,  qui  s'estant  embarqué 

10.  A  le  marinier.  Mentes 

11.  C  après  avoir  abordé 
45        12.  BC  receut  un  catharre 

13.  C  comme 

1.   On  lit  en  réalité  contentement  :  Il  et   cette  faute  s'est  encore  aggravée  dans  les  éd.  suiv.  qui 
donnent  contentement.  II    |   1623  contentement  ;  Il 


O  DISCOURS    DE    LA    VIE 

sort  se  virent  privez  de  sens  ^  fort  nécessaires  :  Homère,  les  escrits 
duquel  tout  le  monde  devoil  voir,  et  lire  si  soigneusement,  de  celuy 
de  la  veiie  :  et  -  Ronsard,  dont  la  douce  cadence  des  vers  devoit  ^ 
estre  recueillie  des  plus  délicates  oreilles  du  monde,  de  celuy  de 
5  l'ouye.  J'appclcray  toutefois  ce  malheur  bien-heureux,  qui  fut 
cause  que  Ronsard,  qui  pour  s'avancer  près  des  grans,  par  le  che- 
min des  courtisans,  eut  peut-estre  perdu  *  son  temps  inutilement, 
changea  de  dessein  et  reprit  les  estudes  laissées*,  encor  qu'il  eustja 
assez  bonne  part  aux  grâces  du  Roy  Henry,  nouvellement  venu  à  la 
10  Couronne*,  qui  l'eslimoil-''  entre  tous  les  Gentils-hommes  de  sa 
Court,  pour  emporter  le  prix  en  tous  les  honestes  exercices,  esquels*» 
la  noblesse  de  France  estoit  ordinairement  addonnée.  Ce  que  Dorât, 
son  précepteur,  et  la  source  de  tous  noz  Poëtes  '',  a  tesmoigné  en 
rOdc  qu'il  fit^  à  Ronsard,  quand  il  dit  de  luy  ^  : 

15  O  flos  viriim  et  * 

Dccus  olivi,  aut  illhis 

Virilis  quo  oblinitiir  '^ 

Et  artiis  terit 

Amiclaea  pubes,    |  [8] 

20  Aut  ilHiis  qiiod  hilares 

Ferc  Camœnae  oholent. 

Et  en  suivant  ^^  : 

Nam  seu  guis  *^  *  artem  sinuosaque 

Corporis  vohimina  velit, 
25  Qiiibus  corpus  apte 

Velin  equum,  vel  deequo 

Volans  micat  in  audacibus 

Pugnis,  stupebit  dicalum  gravibus  umbris 

Musarum,  agilibus  quoque 
30  Saltibus  Martis  expedisse  membra. 

Outre  que  sa  grâce  et  sa  beauté  le  rendoit  agréable  ^^  à  tout  le  mon- 
de, car  il  estoit  d'une  stature  fort  belle,  Auguste  et  Martiale  *,  avoit 

1.  C  des  sens 

2.  A  Et 

35  3.  C  et  Ronsard,  la  douce  cadence  des  vers  duquel  devoit 

4.  C  eust  (peut-estre)  perdu 

5.  C  Henrj'  Il  nouvellement  venu  à  la  Couronne,  duquel  il    avoit  esté  quelque 
temps  page  sous  la  charge  du  sieur  de  Granval  :  Car  ce  IMnce  l'estimoit 

6.  C  ausquels 

40  7.  BC  son  précepteur,  et  le  père  de  tous  nos  Poëtes, 

8.  AB  en  l'Ode,  qu'il  fit 

9.  C  quand  il  dit  de  luy  en  la  première  Antistrophe  : 

10.  A  oblivitur  {corrigé  en  oblinitur  aux  errata) 

11.  C  Puis  tout  ensuivant  en  l'Epode  : 
45         12.  C  si  quis 

13.   C  fort  agréable  (on  lit  rendoit  dans  toutes  les  éditions) 


DE    PIERRE    DE    RONSARD  9 

les  membres  forts  et  proportionnez,  le  visage  noble  S  libéral  et  vray- 
ment  François,  la  barbe  blondoyanlc,  cheveux  chastains,  nez  aqui- 
lin,  les  yeux  pleins  de  douce  gravité,  et  le  front  fort  serein.  Mais  sur 
tout  sa  conversation  estoit  facile  et  attrayante.  Ayant  esté  nourri 
5  avec  la  jeunesse  du  Roy  -  *,  et  presque  de  pareil  âge,  il  commen- 
çoit  à  estre  fort  estimé  près  de  luy.  Et  de  fait  le  Roy  ne  faisoit  partie 
où  Ronsard  ne  fust  tousjours  appelé  de  son  costé  -^  :  entre  autres*, 
le  Roy  ayant  fait  partie  pour  jouer  au  balon  au  pré  aux  clercs,  où  il 
prenoit  souvent  plaisir,  pour  estre  un  exercice  des  plus  beaux  pour 

10  fortifier  et  dégourdir  la  jeunesse,  ne  voulut  qu'elle  fust  jouée  sans 
Ronsard  :  le  Roy  ^  avec  sa  troupe  estoit  habillé  délivrée  blanche,  et 
monsieur  de  Laval,  chef  de  l'autre  parti,  de  rouge  :  là,  Ronsard, 
qui  ^  tenoit  le  parti  du  Roy,  fit  si  bien  que  sa  Majesté  disoit  tout 
hault  qu'il  avoit  esté  cause  du  gain  du  prix  obtenu   en  la  victoire  '. 

15  Or,  quelque  faveur  qui  le  peust  chatouiller,  et  qui  semblast 
le  semondre  à  une  belle  fortune,  demeurant  en  la  Court  ^,  considé- 
rant qu'il  estoit  malaisé  avec  le  vice  d'oreilles  de  s'y  avancer,  et  y 
estre  agréable  ^,  où  l'entretien  et  discours  sont  plus  nécessaires  que 
la  vertu,  et  où  il  faut  plustost  estre  muet  que  sourd,  il  pensa  de 

20    transférer  l'office   des   oreilles  aux  yeux  ^*^  par  la  lecture  des  bons 
livres,  et  se  mettre  à  l'estude  à  bon  escient,    comme    au  contraire 
Homère  ^^  s'estoit  servi  des  oreilles  pour  la  |  veiie  *.  Et  ce  qui  luy  [9] 
augmenta  ce  désir  fut  ^2  un  Gentil-homme  Piemontois  ^^  nommé  le 
seigneur    Paul,   frère  de    madame    Philippes,    qui    fut    mère    de 

25    Madame  de  Chastelleraut,  lequel  avoit  esté  page  ^*  avec  Ronsard  *,  et 

1.  A  le  visage,  noble 

2.  C  Aj'ant  pris  sa  nourriture  avec  la  jeunesse  du  Roy 

3.  A    appelé,  de  son  coslé    |    BC  partie,  soit  [C  fust]  à  la  luite,  soit  [C  fust]  au 
balon,  et  autres  exercices  propres  à  dégourdir  et  fortifier  la  jeunesse,  où  Ronsard 

30    ne  fust  toujours  appelle  de  son  costé. 

4.  A  Entre  autres 

5.  A  Le  Roy 

6.  A  rouge.  Là,  Ronsard  qui 

7.  Tout  ce  passage,  depuis  Entre  autres,  le  Roy  ajant fait  est  supprimé  dans B  et 
35     les  éd.  suiu.  Mais  en    1623   il    reparait  sous  cette  forme  raccourcie  :  Tesmoin  lorsque 

le  Roy  fit  partie  au  balon  dans  le  pré  aux  Clercs,  avec  Monsieur  de  Longueville  : 
où  le  Roy  ne  voulut  jamais  commencer  le  jeu  qu'il  n'j^  fust,  et  dit  tout  haut,  après 
avoir  gaigné,  que   Ronsard  en  estoit  la  cause.    |    1630  revient  au  texte  de  B-1617. 

8.  C  en  Court 

40  9.  C  et  d'y  estre  agréable 

10.  C  à  celuy  des  yeux 

11.  B  à  bon  escient  :  comme  au  contraire,    par  semblable  nécessité   toutesfois, 
Homère    |    C  même  var.,  sauf  à  bon  escient.  Comme 

12.  AB  ce  désir,  fut 

45        13.  A  Escossois  (corrigé  en  Piemontois  aux  errata) 

14.  C  un    Gentil-homme  nommé   le  seigneur  Paul,    Escossois   ainsi   que    disent 
aucuns,  Baïf   m'a    assuré  toutefois  qu'il  estoit    Piemontois,  lequel  avoit  esté  page 


DISCOURS    DE    LA    VIE 


ne  laissoil  de  haiiler  rEscurie  du  Hoy.  ([iii  csloit  lors  une  escole 
de  tous  lioneslcs  et  m  rlueux  exercices,  comme  aussi  faisoit  Ronsard, 
or  que  Ions  deux  fussent  sortis  de  pag^e''.  Ce  Gentil-homme  avoit 
Ibrt  bien  estudié    les    IV)ëtes  Lalins,  et  mesnies,     lors   qu'il    esloit 

5  page,  avoil  aussi  souvent  un  \  iri,'ile  en  la  main  qu'une  baguette, 
interprétant  -  aucunel'ois  à  Ronsard  quelques  beaux  traits  de  ce 
prand  Poëte,  et  Ronsard  au  contraire  ayant  tousjours  en  main 
quelque  Poëte  François  "^  qu'il  lisoit  avec  jugement,  et  principale- 
ment, comme  luy   mesmes  ma  maintesfois    raconté,    un    Jean    le 

10  Maire  de  Belges,  un  Uoinant  de  la  Rose  *  et  les  cFUvres  de  Coquil- 
lart.  et  de  Clément  Marot  *,  lescpiels  ^  il  a  depuis  appelé,  comme 
on  lit  que  \irgile  disoit  d'Ennie,  les  ^'  immondices,  dont  il  tiroit 
de  belles  limures  d'or  ''  *.  Fust  donc  par  la  lecture  de  ces  livres, 
fust  par  la  hantise  de  ce  docte  Gentil-homme,  qui  luy  donna  en- 

15  licrement  le  goust  de  la  Poésie,  et  le  premier  jetta  en  son  esprit  la 
semence  de  tant  de  beaux  fruicts,  qu'il  a  enfanté  depuis^  à  l'hon- 
neur de  noslrc  France,  l'an  ^  mil  cinq  cens  xlui  ^o  il  fit  trouver  bon 
à  son  père  ce  désir  **  de  se  remettre  aux  lettres,  mais  non  en  inten- 
tion qui!  s'adonnast  à   la    Poésie,    luy  défendant  expressément  de 

20  tenir  aucun  livre  François*.  Mais  quoy  ?  un  tel  esprit  ^"-  ne  se  pou- 
voit  forcer  d'autres  loix  que  des  siennes  propres  ^^,  joint  que  son 
père  mourut  bien  tost  après,  àsçavoirlesixiesme  jourdeJuin  i544> 
en  la  ville  de  Paris,  servant  son  quartier  chez  le  Roy*.  Ronsard  donc 


1.  C  supprime  or  que  tous  deux  fussent  sortis  de  page 
25  2.  C  avoit  tousjours  un  Virgile  en  main,  interprétant 

3.  B  de  ce  grand  Poëte,  où  il  prit  si  grand  appétit  que  depuis  il  ne  fut  jamais 
sans  un  Virgile,  jusqucs  à  l'aprendre  entièrement  par  cœur  *.  Il  ne  laissoit  toutes- 
fois  d'avoir  tousjours  en  main  quelque  Poëte  F'rançois  |  C  même  var.,  avec  cette 
addition    par  cœur,  tant  peut  servir   la  nourriture  du  premier  laict  qui  laisse  tous- 

30    jours  en  nous  une  habitude  de  sa  première  qualité.  Il  ne  laissoit... 

4.  A  de  la  rose 

5.  A  et  lesquels 

6.  A  Les 

7.  B  de  riches    limures  d'or.    |    C  un    Romant    de   la    Rose,  et  les    œuvres  de 
35     Clément  Marot,  lesquelles  il  a  depuis  appelle,  comme  on  lit  que  Virgile  disoit  de 

celles  d'Ennie,  les  nettaieures  dont  il  tiroit  comme  par    une   industrieuse  laveure 
de  riches  limures  d'or. 

8.  C  qu'il  a  depuis  produit 

9.  A  France.  L'an 

40         10.  B  l'an  mil  cinq  cens  quarante  trois    |    C  l'an  1543 

11.  C  le  désir 

12.  A  livre  François,  mais  quoy,  un  tel  esprit  I  C  livre  François,  l'ayant  cogneu 
presque  des    le    berceau   enclin    au  mestier    des    Muses.  Mais  quoy,  un  tel  esprit 

13.  B  un  tel  esprit  qui  dés  sa  naissance  avoit  receu  celte  scintille  et  fatale  impres- 
45     sion  pour  la  Poésie  qu'on  ne  peut  deslourner  *,  ne  se  pouvoit  forcer  d'autres    loix 

que  des  siennes  propres  :    |    C  même  var.,  mais  scintille  est   remplacé  par  infusion, 
forcer  par  lier,  et  le  dernier  mot  est  supprimé. 


DE    PIERRE    DE    RONSARD 


voulant  recompenser  le  temps  perdu,  ayant  le  plus  souvent  pour 
compagnon  le  sieur  de  Carnavalet*,  se  desroboit  de  l'Escurie  du 
Roy,  où  il  estoit  logé  ^  aux  Tourncllcs*,  pour  passer  l'eau  et  venir 
trouver  Jean  Dorât  -,  excellent  personnage,  et  celuy  que  l'on  peut 
5  dire  la  source  de  la  (bnlaine  qui  a  abbreuvé  ^  tous  noz  Poètes  des 
eaux  Piericnnes,  et  auquel  je  doy  aussi  une  partie  de  mes  estudes** 
Dorât  demeuroit  lors  vers  l'Université  •',  chez  le  seigneur  Lazare  de 
Baïf,  Maistre  des  Requestes  ordinaire  '"'  de  |  l'hostel  du  Roy,  et  [10] 
enseignoit  les  lettres  Grecques  à  Jan  Antoine  de  Baïf,  son  fils  *,  per- 

10  sonnage  aussi  des  plus  doctes  et  des  premiers  compagnons  de  Ron- 
sard, et  maintenant  le  dernier''  survivant  à  cette  docte  volée  ^  de 
bons  esprits,  qui  se  fit  paroitre  en  ce  temps-là  ".  Depuis,  Ronsard 
ayant  sçeu  que  Dorât  alloit  demeurer  au  collège  de  Cocqueret,  dont 
on   l'avoit  fait  Principal  '^',  ayant  souz  sa    charge  le  jeune  Baïf,  il 

15  délibéra  de  ne  perdre  une  si  belle  occasion,  et  de  se  loger  avec  luy  *; 
car  ^^  ayant  ja  esté^^  comme  charmé  par  Dorât  du  phyltre  des 
bonnes  lettres,  il  vit  bien  que  pour  sçavoir  quelque  chose,  et  princi- 
palement en  la  Poésie,  il  ne  faloit  seulement  puiser  l'eau  es  rivières 
des  Latins,  mais  recourir  aux  fonteines  des  Grecs.   Il   se  fit  compa- 

20  gnon  de  Jan  Antoine  de  Baïf,  et  commença  à  bon  escient  par  son 
émulation  à  estudier  *.  Vray  est  qu'il  y  avoit  grande  différence,  car''-^ 
Baïf  estoit  beaucoup  plus  avancé  en  l'une  et  l'autre  langue,  encor 
que  Ronsard  surpassast  beaucoup  Baïf  d'âge,  l'un  ayant  vint  ans  ^* 
passez  et  l'autre  n'en  ayant   que  seize*  :  neantmoins  ^^  la  diligence 

25  du  maistre,  l'infatigable  travail  de  Ronsard,  et  la  conférence  amia- 
ble de  Baïf,  qui  à  toutes  heures  luy   desnoiioit   les  plus  fascheux 


1.  Cde  Carnavalet,  Gentil-homme  Breton,  et  des  mieux  nourris,  se  desroboit  de 
l'Escurie  du  Roy,  près  de  laquelle  il  estoit  logé 

2.  C  Jean  Dorât,  honeur  du  pajs  Limosin 
30          3.  BC  la  source  qui  a  abbreuvé 

4.  C  eauës  Pieriennes,  ou  comme  Ronsard  a  dit  de  luy,  le  premier  qui  a  des- 
toupé  la  fonteine  des  Muses  parles  outils  des  Grecs  et  le  réveil  des  sciences  mortes, 
auquel  je  doy  aussi  une  bonne  partie  de  mes  estudes  : 

5.  C  lors  au  quartier  de  l'Université 
35           6.  C  ordinaires 

7.  BC  et  maintenant  un  des  derniers 

8.  C  à  ceste  première  et  docte  volée 

9.  C  en  ce  temps  là,  et  auquel  est  deu  l'honeur  des  premiers  vers  François, 
mesurez  à  la  mode  des  Grecs  et  François.  [i604-/630  des  Grecs  et  Latins.]  * 

40         10.  C  que  Dorât  alloit  establir  une  académie  [i609-ï630  Académie]  *  au  collège 
de  Cocqueret,  duquel  on  lui  avoit  baillé  le  gouvernement, 

11.  A  avec  luy,  car 

12.  160^-1630  ayant  esté 

13.  B  différence    :  car 
45         14.  BC  vingt  ans 

15.  A  seize  :  Neantmoins    |    BC  seize.  Neantmoins 


12  DISCOURS    DE    LA    VIE 

cominencemens  de  la  langue  Grecque,  comme  Ronsard  en  contr'- 
eschange  discouroil  dos  moyens  ^  qu'il  sçavoit  pour  s'acheminer  à 
la  Poësie  Françoyse,  lurent  cause  qu'en  peu  de  temps  il  s'apperçeul 
dun  grand  avancement- *.  El  n'est  à  ometlre  en  col  endroit  que 
5  Dorai  •'  par  un  arlifice  nouveau  iuy  apprcnoil  la  langue  Latine  par 
la  Grecque  ^  *.  Nous-''  ne  pouvons  aussi  oublier  de  quel  désir  et 
envie  ces  deux  futurs  ornemens  de  la  France  s'adonnoient  à  l'es- 
tude  :  car  ^'  Ronsard  qui  avoit  demeure  en  Court,  accoustumé  à 
\oillor  tard,    cstudioil  jusques  à  deux  heures  après  minuit'^,  et  se 

10  couchant  resveilloil  Baïf,  qui  se  levoit,  et  prenoil  la  chandelle,  et 
ne  laissoit  refroidir  la  place*.  En  cette  contention  d'honneur  il 
demeura  cinq  ans  avec  Dorai*,  continuant  lousjours  l'estude  des 
lettres  Grecques  cl  des  autres  bonnes  sciences,  pour  lesquelles  il  fut 
aussi  auditeur  d'Âdrian  Turnebe,  grand  personnage  certes,    et  tel 

15    que  Ronsard  a  estimé  ]  avoir  esté  par  le  Sonet  qu'il  fît  en  sa  mort^  *.  [11 
Il  s'adonna  deslors  souvent  à  faire  quelques  Sonets  et  tels  petits  ou- 
vrages, premiers  essais  d'un  si  brave  ouvrier^*.  Quand  Dorai  eut 
veu  que  son  instinct  se    deceloit   à   ces  petits   échantillons,  il  Iuy 
prédit  qu'il  seroit  quelque  jour  l'Homère  de  France  *,  et  pour  le 

20  nourrir  ^^  de  viande  propre  Iuy  lent  de  plain  vol  le  Promethée 
d'j^îschyle,  pour  le  mettre  en  plus  haut  goust  d'une  Poësie,  qui 
n'avoit  encor  passé  la  mer  de  deçà,  et  en  sa  faveur  traduisit  cette 
Tragédie  en  François,  laquelle  si  tost  que  Ronsard  eut  goustée  :  Et 
quoy  ^S  dit-il  à  Dorât,  mon  maistre,  m'avez  vous  caché  ^-  si  long 


25  1.  C  comme  Ronsard,  encontre  eschange,  Iuy  apprenoil  les   moyens 

2.  C  qu'en  peu  de  temps  il  recompensa  le  temps  perdu 

3.  B  Et  n'est  à  omettre  que  Dorât 

4.  C  Et  n'est  à  oublier  que  Dorât  par  un  artifice  nouveau  Iuy  apprenoit  la 
langue  Latine,  sçavoir  est,  par  la  Grecque. 

30  5.   A  par  la  Grecque  :  nous 

6.  A  à  l'estude.  Car    |    B  à  l'estude.  Car 

7.  C  Ronsard  qui  avoit  esté  nourry  jeune  à  la  Cour,  accoustumé  à  veiller  tard 
[1623,  1630  virgule  après  tard]  continuoit  à  l'estude  jusques  à  deux  et  trois  heures 
après  minuict 

35  8.  B  il   demeura  sept  ans  avec  Dorât   continuant  tousjours  l'estude  des  lettres 

Grecques  et  Latines,  et  de  la  Philosophie,  et  autres  bonnes  sciences,  pour  les- 
quelles il  fut  aussi  auditeur  d'Adrian  Turnebe,  Lecteur  du  Roy  et  l'honeur  des 
lettres  de  son  temps.  |  C  mcnie  var.,  avec  cette  fin  de  phrase  et  l'honeur  des  bonnes 
lettres. 

40  9.  C  II  s'adonna  deslors    souvent  à    faire  quelques  petits  poèmes,  où   paroissoit 

deslors  je  ne  sçay  quoy  du  magnanime  charactere  de  son  ^'irgile,  premiers  essais 
d'un  si  brave  ouvrier. 

10.  C  l'Homère  de  France  :  car  Dorât  a  eu  tousjours  je  ne  sçay  quoy  d'un  divin 
Génie  pour  prévoir  les  choses    à  venir  *,  parole    qu'il    engrava    [1609-1630   qu'il 

45     s'engravaj  fort  avant  en  l'esprit  :  cl  pour  le  nourrir 

11.  A  eut  goustée,  et  quoy    |    B  eut  goustée.  Et  quoy  |    C  eut  savouré:  Et  quoy 

12.  A  pas  de  virgule  après  maistre. 


DE    PIERRE    DE    RONSARD  l3 

temps  ces  richesses  ^  *?  Ce  fut  ce  qui  l'incita  ^à  tourner  en  Fran- 
çois le  Plulus  d'Aristophane,  et  le  faire  représenter  en  public  au 
collège^  de  Cocqueret,  qui  fut  la  première  Comédie  Françoisejotiée 
eti  France  *.  Baïf  aussi  comme  luy  y  prit  appétit*,  et  à  l'exemple 
5  de  ces  deux  jeunes  hommes  plusieurs  beaux  espris  se  réveillèrent  * 
et  vindrent  boire  en  cette  fonteine  dorée,  comme  M.  Antoine  de 
Muret,  qui  avoitja  grand  avancement  en  l'Eloquence  Latine*,  Lan- 
celot  Caries*,  et  quelques  autres  ^,  qui  tous  ensemble  à  l'envy  fai- 
soient  tous  les  jours  ^  sortir    des  fruicts  nouveaux,    et    non  encore 

10  veus  en  nostre  contrée  '^.  Mais  Ronsard  qui  n'avoit  ny  faute  de  cœur 
et  d'ambition  pour  l'honneur,  ny  d'enthousiasme  pour  monstrer  ^ 
que  la  Poésie  estoit  née  avec  luy  en  France,  osa  passer  plus  avant, 
et  pria  Dorât  de  luy  ouvrir  le  chemin  d'Homère,  dePindare,  et  de 
Lycophron.  Il  ^  ne  vit  pas  si  tost  le  passage  ouvert  qu'il  se  fistmais- 

15  tre  de  la  plaine.  Voyant  ^^  que  nostre  langue  estoit  povre^S  il  tacha 
de  l'enrichir  de  beaux  epithetes,  inventa  mots  nouveaux,  renouvela 
les  vieux,  et  traça  le  chemin  ^-  pour  aller  chercher  des  trésors  en  plus 


1.  C  d'une  poësle  qui  n'avoit  encore  passé  les  mers  de  deçà,  qui  pour  lesmoi- 
gnage  du  profit  qu'il  avoit    fait,    traduisit    ceste  Tragédie  en  François,     l'effect  de 

20     laquelle,  si  tost  que  Ronsard  eut  savouré  :    Et    quoy,  dit-il  à  Dorât,  mon   maistre, 
m'aviez  vous  caché  si  long  temps  ces  richesses  ? 

2.  B  l'incita  encor   |    C  l'incita  encor,  outre  le  conseil  de  son  précepteur, 

3.  C  au  Théâtre 

4.  jBC  comme  luy  y  mit  son  envie 

25  5.  iiC  Lancelot  Caries,  RemyBelleau  *  et  quelques  autres 

G.  BC  faisoient  chacun  jour 

7.  C  en  nostre  contrée.  Pour  ne  demeurer  ingrat  de  tant  de  biens,  une  des  pre- 
mières Odes  qu'il  fit  fut  à  la  louange  de  Dorât,  et  commençoit  ainsi  : 

Puisse-je  entonner  un  vers 
30  Qui  raconte  à  VUnivers  , 

T'en  los  porté  sur  son  aile. 

Et  combien  Je  fus  heureux 

Succer  le  laict  savoureux 

De  ta  féconde  mammelle  : 
35  Sur  ma  langue  doucement 

Tu  mis  au  commencement 

Je  ne  sçay  quelles  merveilles. 

Que  vulgaires  je  rendy. 

Et  premier  les  espandy 
40  Dans  les  Françaises  oreilles  *. 

8.  B  ny  faute  de  cœur  et  de  sang  vigoureux,  ni  de  généreuse  ambition  pour 
l'honneur,  ny  d'enthousiasme  pour  monstrer  |  C  ny  faute  de  cœur  ny  d'enthou- 
siasme, pour  monstrer 

9.  AC  Lycophron  :  il 

45    10.  C  de  la  campagne,  voyant  |  Î60i  de  la  campagne  :  voyant 

11.  BC  pauvre 

12.  BC  il  tascha  de  la  desfricher,  et  enrichir,  inventant  mots  nouveaux,  r'appel- 
lant  et  provignant  les  vieux,  adoptant  les  estrangers,  et  la  parant  [C  la  revestant] 
de  propres  Epithetes,  et  de  mots  heureusement  composez  [C  composez  à  la   façon 

50    des  Grecs] .  Brief  il  traça  le  chemin 


14  DISCOURS    DE    LA    VIE 

d'un  lion,  pour  siipploor  '  à  sa  nécessité  *.  Il  essaya  premièrement  à 
se  l'orlilier  -  sur  la  \Ave  d'Horace*,  lequel  tant  s'en  faut  qu'en  le 
lisant  et  nrall(|uaiil  on  noslre  langue  il  le  dcsbaucliasl  d'oser  quelque 
chose  a[)res  Pindarc,  que  cela  luy  servit  d'eguillou  *.  II  ne  fault, 
5  disoit-il,  que  la  crainte  se  loge  en  un  bon  cœur  :  qui  luy  fait  place 
se  rend  indigne  de  ce  qu'il  prétend  •*  *.  Il  commença  donc  alors  à 
pourpenser  de  grans  desseins,  ayant  fait  provision  de  tout  ce  qui 
esloit  nécessaire  pour  met  |  tre  noslre  langue  hors  d'enfance  :  car  [12J 
d'un  costé  *  il  avoit  leu  les  auteurs  Grecs  et  Latins  avec  tel  ménage  *, 
10  qu'il  ne  se  prosentoit  gueres  sujet  où  il  ne  fist  venir  quelque  excel- 
lent traicl  des  anciens  :  d'ailleurs  •''  il  s'esloit  csludic  aux  propres 
mots  de  nostre  langue,  ne  dédaignant  d'aller  es  boutiques  des  arti- 
sans, et  de  toutes  sortes  de  mestiers*^,  pour  y  apprendre  leurs  termes, 
et  comme  Homère  faisoit  voyageant  par  le  monde,   estant   en  tous 

15  ses  voyages  si  curieux,  que  de  prendre  garde  aux  moindres  choses 
pour  en  faire  son  profit,  soit  pour  la  considération  des  naturelles, 
ou  de  celles  que  l'artifice  des  hommes  rendoit  dignes  d'estre 
cogneiies''  *. 

Environ*^  l'an  mil  cinq  cens  quarante  neuf*,  Joachim  du  Bellay, 

20         1.  BC  et  suppléer 

2.  BC  à  se  rompre,  façonner  et  fortifier 

3.  A  en  un  bon  cœur,  qui  luy  fait  place,   se    rend    indigne  de  ce    qu'il   prétend. 
I   B  en  un  bon  cœur,  qui  luy  fait  place,  ou  se  rend  indigne  de  ce  qu'il  prétend.  Et 

la  première  Ode    qu'il  fit  fut  la   complainte  de  (ilauque  à  Scylle  *.     |    C  remplace 

25     toute  la  phrase  ainsi  que  cela  luy  servit    d'aiguillon  pour  l'entreprendre,  estimant 

l'esprit  François  capable  de  toute  perfection.    Dequoy  il  vint  si  bien   à  chef,    que 

les  plus  doctes  jugèrent  que  la  Lyre  Grecque-Latine    estoit  devenue  Françoise.  Ce 

que  Jean  Dorai,  qui  alors  desnoùoit  les  plus  envelopez  passages  de  l'obscur  Lyco- 

phron,  et   qui    le    premier  par  cest  Autheur  apprit  à  nos    François    la    façon   des 

30     Anagrames  *,  tesmoigna  par  les  premiers  qui  furent  faits  du   nom  de    Ronsard, 

dont  lun  estoit.  Rose  de  Pindare*,  et  l'autre,    ^ii^   0  TEPIIANAPOS,  les  lettres 

surabondantes,    dont    les    pareilles    ont    esté  une  fols    employées,  se    réunissant 

ensemble    par  une  licence  permise  ou  excusable  *.  La    première   Ode  qu'il   fit  fut 

la  Complainte    de   Glauque  à  Scille,  et    celle  qu'il  adresse  à  .Jacques  Peletier  sur 

35     l'argument  des    beaulez    qu'il  voudroit  en    son  amie  *  ;  aussi  ne  sont-elles    point 

mesurées  ny  propres  à  la  Lyre,  ainsi  que  l'Ode  le  requiert,  non  plus  que  quelques 

autres  qu'il  fit  en  ce  mesme  temps  *. 

4.  A  d'enfance,    car   d'un  costé    |    C   de    grands    desseins    pour    mettre    nostre 
langue  hors  d'enfance  ayant  faict   provision  de  toutes  matières  nécessaires  :    car 

40     d'un  costé 

5.  y4/i  anciens.  D'ailleurs    |    C  qu'il  ne  se  pouvoit  présenter  suject  dontil  n'eust 
remarqué  quelque  excellent  trait  des  anciens  :  d'ailleurs 

6.  B  des  artisans,  et  de  pratiquer  toutes  sortes  de  mestiers 

7.  C  transforme  toute  la  phrase  ainsi  d'ailleurs  il    avoit    couru  suffisamment    la 
45     Philosophie  en  toutes  ses  parties,  et  j)our  l'elegance  des    jiaroles,  il  n'j'  avoit  mot 

propre  en  nostre  langue  qu'il  n'eust  curieusement  recherché,  ne  desdaignant  d'aller 
aux  boutiques  des  artisans,  et  pratiquer  toutes    sortes  de  mestiers  pour  apprendre 
leurs    termes,  prenant  garde    aux    moindres    choses,  tant  naturelles  que  celles   où 
l'artifice  des  hommes  se  rend  admirable,  faisaut  son  profit  de  toutes. 
50         8.  AC  pas  d'alinéa 


DE    PIEHRE    DE    RONSARD  l5 

esprit  noble,  et  bien  iiay,  cl  qiii'avoit  quelques  bons  commcnce- 
mens  en  la  Poésie  Françoise,  estant  retourné  de  Poicliers,  de  l'es- 
tudedes  loix,  auquel  il  avoit  esté  dédié  *,  changea  beaucoup  sonstil, 
qui  sentoit  encor  je  ne  sçay  quoy  de  rance,  et  du  vieux  temps,  par 
5  la  hantise  de  Ronsard,  et  de  Baïf  ^  *.  C'estoit  à  qui  mieux  mieux 
feroit,  tantost  sur  le  sujet  d'amour,  qui  se  monstra  lors  le  plus  ordi- 
naire en  noslre  France,  tantost  sur  quelque  occasion  que  le  temps 
presentoit  -  :  comme  Ronsard  ^,  qui  ne  pouvoit  plus  se  tenir  en  ses 
bornes,  fit  premièrement  veoir  le  jour  à  un  Epithalame  ^  sur  le 

10  mariage  de  Monsieur  de  Vendosme,  qui  espousa  Madame  Jeanne 
d'Albret,  Royne  de  Navarre  *  :  puis  fit  V Entrée  du  Roy -^  qui  fut 
suivie  de  V Hymne  de  la  Paix  ^  *.  Bail"  aussi  en  mesme  temps  mit 
en  lumière  le  Poème  de  la  Paix  et  le  Ravissement  d'Europe  "'  *.  Puis 
Ronsard  s'estant  ressouvenu  d'une  belle  fdle  qui  avoit  nom  Cassan- 

15  dre  *,  qu'il  eut  seulement  moyen  de  voir,  d'aimer,  et  de  laisser  à 
mesme  instant  en  un  voyage  qu'il  fit  à  Bloys,  à  son  retour  d'Escosse*, 
il  se  délibéra^  de  la  chanter,  comme  Pétrarque  avoit  faict la  Laure^, 
amoureux  seulement  de  ce  beau  nom,  comme  luy  mesmes  m'a  dit 
maintefois  ^^  *,  ce  qu'il  semble  quasi  vouloir  donner  à  cognoistre  en 

20    un  Sonet  qui  commence  : 


1.  C  Environ  ce  temps  qui  estoit  l'an  mil  cinq  cens  quarante  neuf,  ainsi  qu'il 
retournoit  d'un  voj'age  de  Poictiers  à  Paris,  de  fortune  il  se  rencontra  en  une 
mesme  hostellerie  avec  Joachim  Du  Bellay  *,  jeune  Gentil-homme  Angevin,  et 
issu  de  ceste  illustre  et  docte   maison  de  Du  Bellaj',  lequel  en  retournant  aussi  de 

25  Poictiers  de  l'estude  des  loix,  où  il  avoit  esté  dédié,  comme  ordinairement  les 
bons  esprits  ne  se  peuvent  celer  non  plus  que  la  lumière  de  Phœbus  Apollon  leur 
guide,  ils  se  firent  cognoistre  l'un  à  l'autre,  pour  estre  non  seulement  alliez  de  pa- 
rentage,  mais  de  mesme  inclination  aux  Muses  *,  qui  fut  cause  qu'ils  achevèrent 
le  voyage  ensemble  :  et  depuis  l'attira  Ronsard  à  demeurer  avec  luy  et  Baïf,  pour 

30  en  cest  heureux  Triumvirat,  et  à  la  semonce  les  uns  des  autres,  donner  effect  à 
l'ardent  désir  qu'ils  avoient  de  reveiller  la  Poésie  Françoise  avant  eux  foible  et 
languissante  *  :  par  la  hantise  desquels  luy  qui  s'estoit  plus  adonné  à  la  Poésie 
Latine  qu'à  la  Françoise*  changea  beaucoup  son  stil,  qui  sentoit  encor  quelque 
chose  de  rance  et  du  vieux  temps. 

35  2.  C  C'estoit  à  qui  mieux  mieux  feroit,  tantost  sur  le  suject  d'Amour,  qui  deslors 

quitta  l'Italie  pour  voler  en  France,    tantost   (on  lit  France  :   tantost)  sur  quelque 
autre  suject,  que  le  temps  leur  presentoit  : 

3.  A  presentoit,  comme  Ronsard  |  B  presentoit  comme  Ronsard  |  C  presen- 
toit :  Comme  Ronsard 

40  4.  C  à  l'Epithalame 

5.  A  Navarre  :  Puis  fit  l'entrée  du  Roy 

6.  AB  Hymne  de  la  paix  |  C  puis  [fit]  un  Poëme  sur  l'entrée  du  Roy  à  Paris 
qu'il  a  suprimé,  qui  fut  suivy  de  l'Hynne  de  la  Paix 

7.  AB  le  Poëme  de  la  paix  et  le  ravissement  d'Europe  |    C  le  Poëme  de  la  Paix 
45     et  le  ravissement  d'Europe. 

8.  A  d'Escosse  :  Il  se  délibéra  |  B  qu'il  fit  à  Blois,  aiant  lors  attaint  l'âge  de 
vingt  ans  *,  il  se  délibéra 

9.  B  sa  Laure 

10.  A  luy  mesmes  ma  dit  maintefois  |  B  ainsi  que  luy  mesmes  m'a  dit  autrefois: 


l6  DISCOURS    DE    LA    VIE 

Soit  ce  nom  vrai]  ou  faux  *  *. 

Ainsi  que  le  bniict  couroit  des  Amours  de  Cassandre  ^  et  de  quA- 
tre  livres  d'Odes  *.  queja  Ronsard  proniettoit  àla  façon  d'Horace  et 
à  celle  ■' de  Pindare,  comme  ordinairement  ^  les  |  bons  esprits  sont  [13] 
5  jaloux  les  uns  des  autres,  Du  Bellay  5,  qui  avoit  sur  le  mesme  sujet 
d'amour  chanté  son  Olive  *,  fit  le  fin,  et  sans  mot  dire  '\  pensant 
prévenir  la  renonmiée  de  Ronsard,  fit  imprimer  son  Recueil  de 
Poésie  "  *  :  ce  qui  engendra  en  Ronsard ,  si  non  une  envie,  à  tout 
le  moins  un    mescontentement  ^  contre    du    Bellay,    qui  ne    dura 

10  longtemps:  car  ^  comme  les  esprits  ambitieux  de  gloire  facilement 
se  courroucent  ^^,  aussi  promptement  se  reûnissent-ils,  les  Muses  ne 
pouvant  estre  seules,  ains  vivans  toujours  en  compaignie  ^^  :  encor 
que  du  Bellay  de  son  costé  eust  opinion  d'avoir  este  picqué  parluy, 
quand  allant  voir  Ronsard  et  Baïf  il  trouva  sur  leur  table  un  de  ses 

15  livres  que  Baïf  avoit  apostille  en  la  marge,  remarquant  quelques  vers 
et  hémistiches,  comme  pris  de  Ronsard,  pensant  que  ç'eust  esté  luy 

\.  B  à  cognoislre  par  cette  devise  qu'il  print  alors,  ilS  lAON  lîS  EMANHN  : 
et  par  un  lieu  en  ses  œuvres,  où  il  dit  : 

Soit  le  nom  faux  on  vraij. 
20     I  C  d'Europe.  Depuis  Ronsard  s'estant  énamouré  d'une  belle  fille  Blesienne  qui  avoit 
nom  Cassandre,  le  vingt  uniesme  jour  d'Avril  *  en  un  voyage    qu'il  fit  à  Blois   où 
estoit  la  Cour,  aj'ant  lors  attaint  l'âge  de  vingt  ans  résolut  de  la  chanter,  tant  pour 
la  beauté  du  suject  que  du  nom,  dont  il  fut  épris  *  aussi  test  qu'il  l'eut  veuë,  ainsi 
que  par  un  instinct  divinement  inspiré  :  ce   qu'il  semble    assez  vouloir  donner  à 
23     cognoistre  par    ceste  devise    qu'il     print  alors  i2S    lAON   <>S   EMANUN    \1630  vr 
viDi  UT  iNSANii].  Aussi  par  ceste  Cassandre  Troyenne  on  dit  qu'il  représenta  misti- 
quement  l'envie  qu'il    avoit  de    chanter  l'origine    de  nos  Bois  issus  des  Troyens  : 
suject  dont  il  estoit  deslors  amoureux  *. 
2.  A  des  amours  de  Cassandre 
30  3.  B  et  de  celle 

4.  B  Pindare  :  comme   ordinairement    |    C   à  la  façon  de  Pindare  et    d'Horace, 
comme  le  plus  souvent 

5.  AC  autres.  Du  Bellay 

6.  B  son  Olive,  après  luy  sans  mot  dire  |  AB  pas  de  virgule  après  dire 
35           7.  A  recueil  de  Poésie 

8.  B  à  tout  le  moins  une  petite  jalousie 

9.  A  long  temps,  car 

10.  C  Du  Bellay,  qui  avoit  sur  le  mesme  suject  d'Amour  chanté  son  Olive,  après 
luy  voulut  s'essayer   aux  Odes    sur  l'invention   et   crayon  de  celles   de    Ronsard, 

40  qu'il  trouva  moj-en  de  tirer  et  de  voir  sans  son  sceu.  Il  (on  lit  sceu,  il)  en  composa 
quelques  unes,  lesquelles  avec  quelques  Sonets  sans  mot  dire,  pensant  prévenir  la 
renommée  de  Ronsard,  il  mit  en  lumière  sous  le  nom  de  Recueil  de  Poésie,  qui 
engendra  en  Ronsard  sinon  une  envie,  à  tout  le  moins  une  raisonnable  jalousie 
contre  du  Bellay,  jusques  à  intenter  action  contre  luy  pour  le  recouvrement  de  ses 

45  papiers,  lesquels  aj'ant  retiré  par  droit,  non  seulement  ils  quittèrent  leur  querelle, 
mais  (on  lit  querelle.  Mais)  Ronsard  ayant  incité  du  Rellaj'  à  continuer  ses  Odes, 
redoublèrent  leur  amitié,  et  jugèrent  que  telles  petites  ambitions  sont  les  plus 
douces  et  ordinaires  pestes  des  cœurs  généreux  :  et  que  comme  les  esprits  jaloux 
de  gloire  facilement  se  courroucent 

50        11.  C  ne  pouvans  demeurer  seules,  ains  vivans  tousjours  de  compagnie. 


DE    PIERUE    DE    RONSARD  I  ^ 

quieust  faicl  telles  annotations  *  *.  Mais  après  qu'il  eut  faict  impri- 
mer ses  Amours-,  et  les  quatre  livres  des  Odes  ■*  *,  à  ceste  nais- 
sante gloire  de  Ronsard  s'opposa^  un  gros  escadron  de  petits 
rimeurs  de  Court,  qui  pour  faire  une  Balade,  un  Chant  Royal  -'',  ou 

5  un  Rondeau  avec  le  refrain  mal  à  propos,  pensoient  avoir  seuls 
mérité  tous  les  Lauriers  d'Apollon  *.  Le  chef  ^  de  ceste  bande,  pource 
qu'il  sçavoil  quelque  chose  plus  que  les  autres,  et  avoit  acquis'^ 
beaucou[)  de  crédit  envers  les  grans,  et  principalement  auprès  du 
Roy,  osa  bien  se  découvrir  :  et  ^  plus  tost  meu  du  cry  de  ces  gre- 

10  nouilles  courtisanes  que  de  jugement  ^,  pensoit  troubler  l'eauë  ^^ 
Pegasine  à  cet  Apollon  nouveau,  quand  de  mauvais  cœur  en  plaine 
assemblée  il  blâma  au  Roy  ^'  les  œuvres  de  Ronsard  *.  Maisquoy? 
un  grand  1-  Poëte  comme  cestuy-cy  ne  devoit  pas  avoir  moins  de 
Zoïles  ^^  qu'Homère  et  Virgile,  puis  qu'il  devoit  succéder  à  pareille 

15  louange.  lia  touché  ^^  luy-mesmes  ceste  querelle  en  l'Hymne  triom- 
phal qu'il  fit  '"'  après  la  mort  de  Madame  Marguerite,  Royne  de 
Navarre,  imprimé  avec  ses  autres  Epitaphes*,  faicts  par  les  trois 
sœurs  Angloises,  où  se  lisoit  autrefois  sur  la  fin  : 

Ecarte  loin  de  mon  chef 
20  Tout  malheur  et  tout  meschef. 

Préserve  moi  d'infamie 

De  toute  langue  ennemie,  \  [^4] 

Et  de  tout  acte  malin. 

Et  fag  que  devant  mon  Prince 
25  Désormais  plus  ne  me  pince 

La  tenaille  de  Melin  *. 

Mais  en  faveur  de  S.  Gelais  i'\  qui  rechercha  depuis  son  amitié,  il 

1.  bC  suppriment  toute  cette  phrase  depuis  encor  que  du  Bellay 

2.  A  ses  amours 

30  3.  C  fait  voirie  jour  à  ses  Amours,  et  à  quatres  {sic)  livres  d'Odes 

4.  A  Ronsard,  s'opposa 

5.  C  qui  pour  avoir  fait  un  petit  Sonet  petrarquisé,  un  Dizain 

6.  A  d'Apollon  :  le  chef 

7.  B  pource  qu'il  sçavoit    plus  que  les  autres,  et  avoit  acquis   j    C  Le  chef  de 
35     ceste  bande  fut  Melin  ou  Melusin  Gentil-homme  de  la    maison  de    Sainct    Gelais, 

issu  de  celle  de  Lusignan  en  Poictou,  tant    célèbre  par   les  incroyables  merveilles 
de  la  Fée  Melusine,  qui  pour  sçavoir  plus  que  les  autres,  et  avoir  acquis 

8.  A  se  découvrir,  et 

9.  B  que  de  son  jugement    |    C  que  de  son  propre  jugement 
40        10.  A  leauë    |    C  l'eau 

11.  6  en  pleine  assemblée  il  calomnia  devant  le  Roy    |    C  en  pleine  assemblée 
devant  le  Roy  il  calomnia 

12.  A  Mais  quoy,  un  grant    |    C  Mais  quoy,  un  grand 

13.  B  de  Zoïles  et  de  Cabiles    |    C  de  Zoïles  et  de  Carbiles 
45        14.  A  louange  :  il  a  touché 

15.  C  en  l'Hynne  qu'il  fit 

16.  C  Saint  Gelais 

VIE   DE   p.    DE   RONSARD. 


l8  DISCOURS    DE    LA    VIE 

changea  ces  vers  '  *.  Ceux  c[ui  n'avoienl  occasion  de  le  reprendre, 
s'ils  naccusoienl  -  leur  ignorance,  avoient  recours  aux  moqueries, 
faisans  courir  contre  luy  leurs  Rondeaux  et  Dizains  avec  quelque 
froide  poincte  au  dernier  vers  et  n'y  eust  il  rien  de  bon  à  tout  le 
5  reste  :  mais  **  ces  injures  n'estoient  dignes  du  courroux  d'un  tel 
Lyon  *.  Les  autres,  qui  senibloient  procéder  avec  plus  de  jugement, 
disoient  que  sesescrits  estoient  pleins  de  vanterie,  d'obscurité  et  de 
nouveauté  *,  et  le  rcnvoioient  bien  loing  avec  ses  Odes  Pindariques, 
lournans  le  tout  en  risée  •''  *  :  dont  '•  est  venu  mesnies  le  proverbe, 
10  quand  quelqu'un  s'escoute  parler  el  veut  farder  ''  el  mignarder  son 
langage,  ou  faire  quelque  chose  de  nouveau^,  de  dire  :  Il  veut 
Pindariser  ^  *.  Toutes  lesquelles  mesdisances  il  n'a  point  voulu 
celer  luy  mesmes  en  ses  escrits,  comme  on  peut  voir  au  Sonet  à 
Pontus  de  Tyard,  qui  commence  : 

15  Tyard,  on  me  blasmoit  à  mon  commencement, 

Dequoy  f  estais  obscur,  '"  * 


1.  C  il  ne  changea  pas  seulement  ces  vers  qui  se  lisent  aujourd'huy  autrement, 
mais  l'honora  de  litres  et  louanges  non   communes  par  ses    escrits,    tesmoignages 
de  sa  naturelle  candeur,  l'appellanl  le  premier  des  mieux  appris. 
20  2.  A  s'il  n'accusoient 

3.  A  reste,  mais 

4.  B  Lion.  |  C  avoient  recours  aux  sornettes  et  mocqueries,  lisans  au  Roy 
ses  vers  tronquez  et  les  prononçants  (sic)  de  mauvaise  grâce,  mesmes  les  mots  non 
communs,  d'une  ignorance  et  courtisane  impudence*,  et  faisans  courir  contre  luy 

25  leurs  calomnieux  et  fades  escrits.  Tel  fut  jadis  Hachilide  à  l'entour  d'Hieron  Roy 
de  Sicile,  tant  noté  par  les  vers  de  Pindare  :  Et  tel  encor  fut  l'envieux,  sçavant 
toutefois,  Callimaque,  impatient  qu'un  autre  flatast  les  oreilles  de  son  R03'  Ptolo- 
mée  *.  Mais  ces  injures  n'estoient  dignes  du  courroux  d'un  tel  Ij'on,  et  pouvoit 
bien  se  vanter  de  la  victoire,  puis   que  ses  ennemis,  qui  estoient  tres-mal  embas- 

30  tonnez,  le  combatoient  si  foiblcment,  et  de  coups  qui  ne  faisoient  sinon  que  couler 
sur  le  polj'  de  sa  gloire.  Les  autres 

5.  C  avec  ses  Odes  Pindariques,  Strophes  et  Antistrophes,  lournans  toutes  choses 
en  risée 

6.  AC  en  risée,  dont 

35  7.  BC  quand  quelqu'un  veut  farder 

8.  C  son  langage,  ou  escrire  d'un  stile  obscur  ou  nouveau  et  non  accoustumé, 
ou  mesmes  affecté, 

9.  AB  de  dire.  Il  veut  Pindariser 

10.  B  Ma  Muse  estait  hlasméc  à  mon   commencement 

40  D'apparoistre  trop  haute  au  simple  populaire. 

I  C  comme  on  peut  voir  en  l'une  de  ses  Odes,  où  il  dit  ainsi  : 

Si  dés  mon  enfance 
Le  premier  de  France 
J'ay  pindarisé  : 
46  De  telle  entreprise 

Heureusement  prise 
Je  me  ooy  prisé  *. 

Aussi  au  Sonet  à  Pontus  de  Tj-ard,  qui  commence  :  [suit  la  citation  de  B) 


DE    PIERnE    DE    RONSARD  IQ 


et  on  lin  aiilroendioil  au  cinquiesiuo  Hmo  dos  Odes,  on  la  dciixiesme 
à  Madame.  Margucrilo,  Ducliossc  de  Sa\f)ye,   quand  il  dit'  : 


Et  puis 


Mais  ([lie  feray-jc  à  ce  vulgaire 
A  uni  jamais  je  nay  sccii  plaire, 
Nij  ne  plais,  nij  plaire  -  ne  veux  ? 


L'un  crie  que  trop  je  me  vanlc. 
L'autre  que  le  vers  que  je  chante 
N'est  point  bien  joinct  ne  maçonné  *. 


10    Occasion    pour  laquelle  3,  voyant  que  l'obscurité   dont  on  le  blas- 
moit  venoit  de  l'ignorance  de  ceux  qui  lisoient  ses  œuvres,  délibéra  ^' 
d'escriro  en  slile  plus  facile  les   Amours  de  Marie  *,  qui  estoit  une 
fille  d'Anjou,  et  laquelle  il  entend  souvent  |  souz  le  nom  du  Pin  de  [15] 
Bourgueil  "'•  *,  qu'il  a  via)  ment  aimée.  Et  afin''  (rosier  loute  obscu- 

15  rite,  M.  Antoine  tle  Miirel,  et  liemy  Belleau  dressèrent  des  annota- 
tions sur  la  première  et  seconde  partie  de  ses  Amours  *.  Le  mesme  '' 
Muret  (outre  ce  que  Ronsard  en  plusieurs  endroicts  défend  luy 
mesme  sa  cause)  en  l'epistre  qu'il  rescrit  à  monsieur  Fumée,  avant 
son  commentaire  sur  les  Amours,  respond  à  toutes  ces  calomnies*, 

20  lesquelles  en  fin  ressemblèrent  ^  aux  bouteilles  que  font  les  petits 
enfans,  avec  le  savon,  qui  se  crèvent  aussi  tost  qu'elles  sont  faictes, 
et  ne  laissent  aucune  marque  d'avoir  esté,  n'estant  autre  cbose  que 
vent  ^:  ou  comme  des  nues  qui  engendrées  du  brouillas  d'une  nuict, 


1.  H    Et    (on  lit  aussi  Et  en  A)  en  un    autre  endroit    au    cinquiesme  livre   des 
25     Odes,  en    celle  à  Madame  Marguerite,  Duchesse  de  Savoye,  où  il  dit  :  (suit  la  cita- 
tion de  A)    I    C  Et  en  un  autre  endroit,  [suit  la  citation  de  AD) 

2.  A  N'y  ne  plais,  n'y  plaire 

3.  BC  Raison  pour  laquelle 

4.  C  voyant  que  la  docte  obscurité,  dont  on  le  blasmoit,  venoit  de  l'ignorance  de 
150     ceux  qui  lisoient  ses  œuvres,  il  délibéra 

5.  C  qui  estoit  une  belle  011e  d'Anjou,  et  laquelle  il  entend  souvent  sous  le  nom 
du  Pin  de  Bourgueil,  parce  que  c'est  le  lieu  où  elle  demeuroit  et  où  il  la  vid  pre- 
mièrement, s'estant  trouve  là  avec  un  sien  amy  qui  estoit  Haïf  *. 

6.  A  aimée  :  Et  afin    |     B  aimée,    et    de    laquelle  *  se  lisent  assez  de    Sonnets, 
35     que  le  peu  d'artifice    et   la  pure  simplicité  recommandent.   Et  afin    |     C  II  l'a  fort 

aimée  après  avoir  fait  l'amour  à  Cassandre  dix  ans,  et  icelle  quitté  [160^  quittée] 
par  quelque  jalousie  conceuc  *.  Quant  aux  Amours  de  Marie,  il  s'y  trouve  assez 
de  Sonets,  que  le  peu  d'artifice  et  la  pure  simplicité  à  la  Catullienne  recomman- 
dent beaucoup  *.  Mais  à  fin 

40        7.  A  Lemesme 

8.  B  seconde  partie  de  ses  Amours.  Toutes  ces  calomnies  en  fin  ressemblèrent    | 
C  seconde  partie  de  ses  Amours.  Il  souloit  dire  que  ces  courtisans  envieux  ressem- 
bloient  aux  mastins  qui  cherchent  à  mordre  la  pierre  qu'ils  ne  peuvent  digérer  *. 
Toutes  ces  calomnies  en  fin  ressemblèrent 

45         9.  BC  suppriment  n'estant  autre  chose  que  vent 


20  DISCOURS    DE    LA    VIE 

s'evanouirenl  ^  aux  rayons  de  ce  Soleil-,  par  le  moyen  du  soutien 
qu'eut  sa  vertu  des  plus  grands  esprits  de  la  France,  et  principale- 
ment de  madiclc  Dame  Marguerite  -^  qui  lut  depuis  Duchesse  de 
Savoye  *  :  laquelle*,  estant  s(;avante,  fit  changer  d'o|)inion  au  Roy, 
5  qui  au  contraire  gousta  ■''  lellcmenl  la  heautédes  œuvres  de  Ronsard, 
qu'il  estima  à  grand  honneur  d'avoir  un  si  bel  esprit  en  son 
Royaume,  et  de  là  en  avant  le  gratiffia  ^  et  d'honneurs,  et  de  biens 
assez  amplement,  et  de  pension  ordinaire*.  Luy  mesme  en  l'Ode 
deuxiesme  du  cinquiesmc  livre  tcsmoigne  assez  quel  bon  office 
10    luy  fit  madicle  Dame  Marguerite  '',  escrivant  qu'elle  estoit 

Seule  en  France 

Et  la  colonne  et  Vesperance 

Des  Muses,  la  race  des  Dieux  : 

et  plus  bas  ^  : 

15  N'est-ce  point  toy  docte  Princesse 

Ainçois  ma  mortelle  Déesse 
Qui  me  donnas  cœur  de  chanter  '^  ? 

Messire  Michel  de  l'Hospital,  lors  Chancelier  de  ladicte  Dame  de 
Savoye,  et  depuis  de  France  *,  entreprit'^  la  défense  de  Ronsard,  et 
20  de  faict  ^'^  composa  une  tresdocte  Elégie  ^^  en  son  nom,  où  il  respond 
à  toutes  les  calomnies,  laquelle  n'est  encores  imprimée,  et  qui  sera 
mise  au  front  de  ses  œuvres,  commençant  : 

Magnificis  aulae  cultoribus  atque  Poêtis  *,  |  [16j 


1.  C  Toutes  ces  calomnies  en  fin  ressemblèrent  aux   boûillettes  que  la  violence 
25     d'une  pluie  fait  boursoufler  sur  l'eau,  qui  se  crèvent  aussi  tost  qu'elles  sont  engen- 
drées, et  ne   laissent    aucune  marque  d'avoir  esté,  ou  comme  des  nues  qui  enflées 
du  brouillas  [1617,  1623    brouillars    |     1630    de  broûillars]    d'une    nuict,  s'esva- 
noùirent  [1609-1630  s'esvanoûissent]  * 

2.  A  soleil  {toutes  les  éd.  suio.  ont  une  majusc.) 

'M  3.  C  et  principalement  de  ceste  unique  Marguerite 

4.  AC  Savoye,  laquelle 

5.  C  laquelle  (comme    Princesse  tres-vertueuse  et  sçavante)  fit  changer    d'opi- 
nion au  H03',  qui  depuis  gousta 

6.  BC  gratifia 

35  7.  BC  luy  fit  cette  Dame, 

8.  AB  Dieux.  Et  plus  bas 

9.  C  Qui  me  donnas  cœur  de  chanter  Y 

Et  en  un  autre  endroit  la  regrettant  : 

Qui  donnera  le  pris  aux  mieux  disans, 
40  Et  sauvera  leurs  vers  des  medisans  *  ? 

Ce    grand  Caton  de  nostre  âge  *,  Michel  de  l'Hospital,  lors  Chancelier  de  ceste 
Dame,  et  depuis  de  France,  entreprit  aussi 

10.  /i  Ronsard  :  et  de  faict    |    C  Ronsard.  Et  de  fait 

11.  C  fit  une  tresdocte  Elégie  Latine 


DE    PIERUE    DE    UONSARD 


et  une  autre  *  que  Ronsard  mosmc  a  insérée  en  ses  Hymnes  -*.  En 
recompense  dequoy  Ronsard  luy  envoya  ceste  belle  Ode,  où  con- 
firmantce  que  je  viens  de  dire  ^,  il  faict  dire  par  Jupiter  aux  Muses  : 

Siiyvez  donc  ce  guide  icy 
5  De  qui  la  docte  asseurance 

Franches  de  peur  '"  vous  fera. 

Et  celug  qui  défera 

Les  soldats  de  l'Ignorance  ■'  *. 

Cette  brigade  de  muguets  ignorans  ne  fut  pas  plustost  desfaicte  6 
10  par  l'Egide  de  ceste  Pallas  de  France  ''*,  et  par  les  vers  et  défense  de 
ce  grand  Chancelier,  que  toute  la  France  commença  à  embrasser  un 
Ronsard,  mesmes  ses  ennemis:  entre  autres  Melin  de  S.  Gelais  s, 
qui  chanta  une  Palinodie*,  et  requit  Ronsard  d'amitié,  laquelle 
Ronsard,  comme  il  estoit  d'un  cœur  fort  noble  et  bénin,  ne  refusa'^, 
15  ains  au  contraire  la  confirma  par  le  sceau  perdurable  de  ses  vers, 
en  l'Ode  \xv  du  quatriesme  livre  'o,  qui  commence  ^^  : 

Tousjours  ne  iempeste  enragée 
Contre  ses  hors  la  mer  Egée  *. 

Sa  gloire  s'estant  augmentée  par  les  mesdisances  de  ses  hai- 
20  neurs,  et  le  cœur  luy  ayant  enflé,  il  projetta  en  l'honneur  du  Roy 
Henry  et  de  ses  prédécesseurs  Roys,  d'escrire  la  Franciade  à  l'imi- 
tation d'Homère  et  de  Virgile,  et  la  promit  deslors,  mais  il  n'en 
fit  rien  voir  durant  son  règne  *.   Bien  ^-   fit  il  sortir  ses    Hymnes 


1.  A  Poclis.  Et  une  autre 
25  2.  B  où  il  respond  à  toutes  les  calomnies,  laquelle  j'ay  pensé  devoir  estre  mise 

au  jour  avec  ses    œuvres,  aussi  bien  que    le  Poërae,  que  Ronsard  mesme  a  inséré 
dans  ses  Hymnes.  Le  commencement  de  l'EIegie  est  tel   : 
Magnificis  aulae  cultoribus  atque  Poëtis. 

En  recompense    |    C  même  var.,  sauf  mise  au  jour  aussi  bien  que  le  Poëme  de  luy 
30     mesme  que  Ronsard  a  voulu  estre  enchâssé  dans  ses  Hymnes. 

3.  C  où  confirmant  ce  que  j'ay  dit 

4.  ABC  Franche  de  peur  (/".  d'impr.  évidente,  corrigée  seulement  en  Î623,  refaite 
en  1630, 

5.  AB  de  l'ignorance 

35  6.   C  de  muguetz  ignorans  qui  avoient  gaigné  quelque  crédit  plus  par  opinion  que 

par  raison,  et  qui   ne   faisoient   trouver  rien  de  bon  aux    Princes  que   ce  qui  leur 
plaisoit  *,  ne  fut  pas  plustost  défaite 

7.  BC  ceste  Pallas  Françoise 

8.  C  commença  d'embrasser  un  Ronsard,    mesmes  ses    ennemis,  entre  autres 
40     Melin  de  sainct  Gelais 

9.  C  laquelle  comme  il  estoit  d'un  cœur  fort  noble  et  bénin,    il  ne  refusa  pas, 

10.  A  virgule  après  xxv 

11.  BC  par  le  seau  perdurable  de  ses  vers,  en  ceste  Ode,  (suit  la  cit.  de  A) 

12.  A  son  règne  :  bien 


32  DlSCOriiS    DE    I,A     VIK 

|ilaiiis  1  tlo  doctrine  cl  de  Majeslé  Poëtiqiio,  où  il  monslra  -  comme 
il  avoil  l'cspril  c\  le  slyle  jiloiable  •'  à  loiilos  soties  d'argumens*. 
Ce  fiil  '  ce  (|ui  le  lil  esliniev  eiicor  diiNanlage  des  grans,  et  princi- 
palemenl  du  Cardinal  de  Chaslillon.  <|ni  lavorisoil  Corl  les  hommes 
5  de  l(ilres  *.  cl  du  Cardinal  do  Lorraine  •'',  qui  l'aima  fort,  et  l'honora 
sv\o\\  le  inerilc  de  sa  vertu  *  :  il  n'y  avoit  grand  Seigneur  en  France 
qui  ne  linl  à  grande  gloire  d'estre  en  son  aniilir.  dont  ses  œuvres 
lont  iisse/.  de  ioy  ".  Ce  lui  aussi  ce  qui  incita  "'  le  sieui-  de  (jlany*, 
à  qui   le  Roy  Hem-y  avoit  commis  la  conduite  de  l'architecture  de 

10     ses  chasleaux,    de  lairt*  enoraver  en  deniibossc  '^    sur  le    hault  du 

Louvre^  une  |  Déesse  en   forme  de  Renommée.  (|ni  '"    embouche  [17] 
une  trompette  ^K   Et  comme  un  jour  le  Hoy  estanlà  table  luy  de- 
mandoit  ce  qu'il  vouloit  signifier,    il   luy  respondit  qu'il  entendoit 
Rousard   |)ar  la  figure,   et  par  la  trompette   la    force  de   ses  vers, 

15  qui  '-  poussoit  soïi  nom,  et  celny  de  la  France  par  tout  le 
monde  ^^  *. 

En  mesme  temps  *  il  récent  de  Tolouzc  une  gratification,  non 
seulement  libérale,  mais  qui  temoignoit  le  bon  esprit  et  juge- 
ment 1*  de  ceux  qui  l'olTroient,  et  le  mérite  de  celuy  qui  la  ^^  rece- 

20  l.  BC  pleins 

2.  C  et  le  cœur  luj'^  aj'ant  enflé,  il  résolut  à  l'honeur  du  Roy  Henrj'  et  de  ses 
devanciers  Roys  d'escrire  la  Franciade  à  l'iinllation  d'Homère  et  de  Virgile,  les- 
quels il  se  proposa  pour  patrons  avec  Apolloine  Rhodien  *,  et  la  promit  deslors 
et  la  commença,  mais    il  n'en  fit   rien    voir  durant    son    règne,    pour  n'avoir    esté 

25  recompensé  comme  il  esperoit  par  ce  Prince,  dont  l'inclination  estoit  plus  aux 
armes  qu'aux  lettres  et  autres  exercices  de  paix  :  ce  qui  fit  désirer  à  nostre  Ron- 
sard le  règne  du  grand  Roy  François  I  et  d'estre  venu  de  son  temps  *.  Rien  fit-il 
sortii'  alors  ses  Hynnes  pleins  de  doctrine  et  de  Majesté  Poétique  en  faveur  de 
ceste  brave  Princesse  Marguerite  sœur  du  Roy,  où  il  monstra 

30  3.  On  lit  ploiablc  on  p\oyah\e  au  singulier  dans  toutes  les  éditions. 

4.  A  d'argumens  :  Ce  fut 

5.  C  et  de  Charles  Cardinal  de  Lorraine 

6.  C  en  son  amitié,  et  ses  œuvres  en  font  assez  de  foy. 

7.  C  ce  qui  esmeut 

35  8.  B  demi-bosse    |    C  demy  bosse 

9.  BC  sur  le  hault  de  la  face  du  Louvre 

10.  C  une  Déesse  qui 

11.  A  trompette,    et  comme    |   C  une    trompette,  et  regarde  de  front  une  autre 
déesse  portant  une  couronne    de  lauriers  [1609-1630  laurier],  et  une  palme  en  ses 

40    mains,  avec  cette  inscription  en  table  d'attente  [on  lit  dattente;  et  marbre  noir  : 

VIRTUTI     REGIS     IN- 
VICTISSIMI. 

12.  A  de  ses  vers  qui 

13.  C  ce  qu'îl  vouloit  signifier  par  cela  f,]  il  luy  respondit  qu'il  entendoit  Ronsard 
45     par  la  première  figure  [,]  et  par  la  trompette  la  force  de  ses  vers,  et  principalement 

de  la  Franciade  qui  pousseroit  son  nom  et    celuy  de  la  France  par  tous   les  quar- 
tiers de  l'univers. 

14.  C  le  bon  jugement 

15.  AB  le  [f.  d'impr.  évid.) 


DE    PIERRE    DE    RONSARD  23 

voit.  Chacun  '  sçait  le  pris  proposé  à  Thoulouze  aux  Jeux  Flo- 
raux 2  qui  furent  instituez  par  ceste  noble  Dame  ^  Clémence  Isore  à 
celuy  qui  seroit  trouvé  avoir  mieux  faict  des  vers*,  lequel  est  gra- 
tifié (le  l'Eglantine^  *.  Mais''  conibion  que  ce  prix  ne  se  donnast 
5  qu'à  ceux  qui  se  proscnloienl.  otcpii  avoiont  faict  expérience  d'un 
;4ontil  esprit  en  la  Poi'sie  sin-  le  «liamp,  toutefois  ^  de  la  franche 
et  pure  libéralité  du  Parlement  et  peuple  de  Tholouze,  entre  les- 
quels monsieur  de  Pibrac  '^  tenoit  lors  un  des  premiers  rangs  *,  et 
par  décret  public,  pour  honorer  la  Muse  immortelle  de  Ronsard  ^, 

10  qu'ils  apj)elei('nt  par  excellence,  le  Poëte  François  ^^,  estimant 
lEolanlinc  trop  potilo  pour  un  si  grand  Poëte,  lui  envoyèrent  une 
Minerve  d'argent  massif  de  grand  pris  et  valeur  *  :  laquelle  "  Ron- 
sard ayant  reçeuë,  présenta  au  Roy  ^'^,  qui  l'eut  fort  agréable,  l'esti- 
mant d'avantage  ^-^  qu'elle  ne  valoit,  pour  avoir  servy  de  marque  à 

15  la  valeur  infinie  d'un  tel  personnage,  louant  ^*  aussi  le  faict  des 
Tholousains  qui  fort  prudemment  presentoient  la  Minerve  ^^  à 
celuy  qui  estoit  le  plus  doiié  de  ses  presens  *.  Ronsard  i**  leur  en- 
voya en  recompense  V Hymne  de  rHerciile  Chrcstien  ^'^  * . 

Apres  la  mort  du  Roy  Henry  *,  le  Roy  François  deuxiesme,  son 

20  fils,  luy  ayant  succédé,  les  troubles  commencèrent  à  s'eslever  en 
France,  souz  prétexte  de  Religion  :  qui  donna  ^^  occasion  à  Ron- 
sard de  s'opposer  à  ceste  nouvelle  opinion,  et  armer  les  Muses  au 
secours  de  la  France,  faisant  voir  le  jour  à  ses  remonstrances  *, 
qui  '''  eurent  tant  d'efficace  pour  combatre  les  ennemis  de  l'Eglise 


25  1.  ^  recevoit  :  cliacun 

2.  A  jeus  floraux 

3.  C  par  ceste  genlille  Dame 

4.  BC  en  vers 

5.  C  de  l'Eglantine,  le  suivant  du  soucy,  et  le  troisième  de  la  violette  : 
30           6.  A  Eglantine,  mais 

7.  C  de  leur  gentil  esprit  en  la  Poésie,  toutefois 

8.  BC  le  sieur  de  Pibrac 

9.  î60ft-î6W  la  Muse  de  Ronsard 
10.  C  par  excellence  le  Poëte  François 

35         11.  A  valeur,  laquelle    |    C  de  grand  prix,  laquelle 

12.  C  au  Roy  soubz  le  nom  de  Pallas,  présent  convenable  à  ses  valeurs 

13.  B  beaucoup  d'avantage    |    C  beaucoup  davantage 

14.  AB  personnage  :  louant 

15.  C  le  fait  de  la   Palladienne    Thoulouse  qui    fort    prudemment    presentoit  la 
40     Minerve 

16.  A  de  ses  presens  :  Ronsard 

17.  C  l'Hynne  de  l'Hercule  Chrestien  qu'il  adressa  à  Odet  Cardinal  de  Chastil- 
lon,  lors  ar[c]bevesque  de  Thoulouse,  son  Mœcene,  et  qui  avoit  esté  des  premiers 
qui  donna  l'entrée  à  la  réputation  de  sa  Poésie  en  Cour  *. 

45        18.  AC  Religion,  qui  donna 

19.  A   remonstrances  qui    |     B  Remonstrances,   qui 


•}\  DISCOURS    DE    LA    VIF, 


Calholiqiie.    que  le  Roy  et    la  Royne   mere    l'en    gratifièrent  ^  *, 
comme  aussi  fit  le  Pape  Pie  cinquiesme,   qui  |  l'en  remercia  par  [18] 
lettres  expresses-*.  Au  reste  les  Muses,  qui  à  cause  des  divisions 
entre  les  grans  sembloient  ^  avoir  este  muettes,  commencèrent*  à  se 


5         1.   C  qui  furent  jugées  de  tant  d'efficace  pour  combatre  les  ennemys  de  la  reli- 
gion Catholique,  que  le  Roy  et  la  Royne  sa  mere  l'en  gratifièrent 

2.  C  expresses  :  ce  qui  l'ut  cause  que  ceux  de  la  nouvelle  opinion  commencèrent 
à  l'attaquer  et  dressèrent  un  Poënu'  fort    Satyrii|ue  et    mordant  contre  luy,  qu'ils 
nommoient  le  Temple  de  Ronsard,  où  en  forme  de  tapisseries  ils  depeignoient  sa 
10     vie  *  :  ils  (on  lit  vie,  ils")  firent  aussi   quelques   res])onses  à   ses  remonstrances  où 
esloit     ce    tiltre,   la  IMetanior])liose   de    Ronsard  *,   dont   les    aulheurs    furent    un 
A.  Zamariel   et  B.  de  Montdieu  ministres,    le    dernier    desquels   il  désigne    assez 
par  ces  vers  de  la  responsc  qu'il  luy  fit,  le  comparant  à  Sisj'phe, 
Qui  remonte  et  repousse  aux  enfers  un  rocher 
15  Dont  tu  as  pris  ton  nom  *. 

Ils  le  blasmoient  entre  autres  choses  d'avoir  sacrifié  un  bouc  à  Jodelle  au  village 
d'Hercueil  *,  mais  il  respond  asscs  luy  rnesme  à  ce  chef  d'accusation  *,  et  voicy 
ce  qui  en  est  :  Jodelle  avoit  fait  représenter  devant    le    Roy  la  Tragédie  de  Cleo- 
palrc,  qui  eust  tel  applaudissement  d'un  chacun,  que  quelques  jours  après,  s'estant 
20     toute  la  brigade  des  Poètes  trouvée  en  ce  village,  pour  passer  le  temps  et  s'esjouir 
aux  jours  licentieux  de    Caresme   prenant  *,  il  n'j'    eust   aucun  d'eux  qui    ne   fist 
quelques  vers  à  l'imitation  des  Bacchanales   des  anciens,  il  vint  à    propos  de  ren- 
contrer un  Bouc  par  les  rues,  qui  leur  donna  occasion  de  follastrer  sur  ce  suject, 
tant  pour  estre  victime  de  Bacchus,  que  pour  faire    contenance  de  le    présenter  à 
25     Jodelle,  et  représenter  le  loier  de  sa  Tragoedie  à  la  mode  ancienne,  à  laquelle  les 
Chrestiens  mesmes,    et    principalement   les    Poètes    recourent  par  fois,  non    par 
créance  aucune,    mais    par  allusion  permise  :  et  ce  qui  en  fit  croire  quelque  chose 
furent  les  vers  et  folastries  [160^  et  éd.  suiv.  folastreries]  de  ces  Poètes    qui    furent 
mises  au  jour  *,  et    mesmement  les  Dythirambes   (sic)  de  Bertrand    Berger  Poëte 
30     dythirarabique  [sic)  *,  où  se  lisent  ces  vers  : 

Mais  qui  sont  ces  enthyrsez 
Hérissez 

De  cent  fueilles  de  lierre. 
Qui  font  retentir  la  terre 
35  De  leurs  pieds  et  de  la  teste, 

A  ce  bouc  font  si  grand  feste. 
Chantant  tous  autour  de  luy 
Ceste  Chanson  bris'ennuy, 
lach  lach  evoé, 
40  Evoé  lach  lach. 

Tout   forcené  à  leur   bruit  je  fremy 
J'entrevois  lia'if  et    Remy, 
Colet,  Janvier,  et  Vergesse,  et  le  Comte, 
Paschal,  Muret,  et  Ronsard  qui  monte 
45  Dessus  le  bouc  qui  de  son  gré 

Marche  à  fin  désire  sacré 
Aux  pieds  immortels  de  Jodelle, 
Bouc  le  seul  pris  de  sa  gloire  éternelle. 
Pour  avoir  d'une  voix  hardie 
50  Renouvelle  la    Tragédie, 

Et  desterré  son  honeur  le  plus  beau. 

Qui  vermoulu  gisoit  soubs   le  tombeau  *. 

Tout  cela  ne  fut  qu'une  feinte  et  mascarade  *.  Au  reste... 

■i.  Ab    entre  les    grans,    sembloient    |     C  entre    les    grands,  effarouchées,  sem- 
55    broient 

4.  A  muettes  commencèrent 


10 


DE     PIKRRE    DE    RONSARD  25 

réveiller  souz  Charles  neufiesme,  bon  et  vertueux  Prince  ^  pcre  des 
bons  esprits,  et  des  ars  et  sciences  -,  lequel  print  Ronsard  en 
telle  amitié,  admirant  l'excellence  de  son  divin  esprit,  qu'il  luy 
commanda  de  le  suivre,  et  de  ne  le  point  abandonner  ^,  luy  lai- 
5  sanl  marquer  logis  et  accommoder  par  toutou  il  alloit*,  mcsme- 
mont  au  voyage  de  Bayonne,  où  il  le  voulut  avoir  tousjours  auprès 
de  soy  *.  De  ceste  faveur*  il  reprit  courage,  et  plus  que  jamais 
s'echaufa  à  la  Poésie,  et  mit  en  effcct  les  projecls  de  h  Franciade , 
dont  il  avoit  dressé  le  dessein  par  argumens  de  quatorze  livres  que 
j'ay  veus  ^  *.  Il  luy  en  présenta  quatre  seulement,  qu'il  eut  moyen 
d'achever  pendant  que  la  faveur  et  l'enthosiasme  '•  durèrent  avec 
la  vie  d'un  si  généreux  Roy  *.  Il  luy  présenta  aussi,  d'autant  qu'il 
se  plaisoit  à  la  chasse  '^  et  aux  plaisirs  rusticques,  ses  Eclogues  *,  où 
il  monstra  ^  la  fécondité  de  son  esprit,  luy  estant  aussi  facile  d'abais- 
15  ser  son  stilc  comme  il  luy  cstoit  aisé  et  quasi  propre  et  naturel  de 
le  hausser^  *. 


1.  C  Prince,  qui  succéda  à  François  son  frère, 

2.  BC  suppriment  et  des  ars  et  sciences 

3.  C  de  le  suivre  par  tout  et  ne  le  point  abandonner, 

20  4.  A  auprès  de  soy  :  de  cesle  faveur  (  C  luj'  faisant  marquer  logis  en  sa  maison, 
tesmoiu  le  voiage  de  Bayonne  en  l'avantvenuë  d'Elizabeth  de  France  Roj'ne  d'Els- 
paigne,  où  il  le  voulut  avoir  tousjours  près  de  luy  :  tesmoin  aussi  le  voiage  de  Meaux 
où  le  Roj'  cuida  estre  pris  par  les  ennemis,  lequel  il  assista  jusques  dans  Paris  *. 
De  ceste  faveur 

25  5.  A  que  j'ay  veus,  il  |  C  de  14  livres  que  j'ay  veus,  qu'il  desiroit  continuer 
jusques  à  24,  à  l'imitation  d'Homère  ;  il 

6.  BC  enthousiasme 

7.  C  généreux  Prince.  Il  luy  avoit  aussi  présenté,  d'autant  qu'il  se  plaisoit  fort 
à  la  chasse 

30        8.  B  Eclogues  :  où  il  monstra 

9.  B  hausser.  Il  m'a  dit  maintesfois,  que  plusieurs  pièces  de  ses  Amours  et  des 
Mascarades  avoient  esté  forgées  sur  le  commandement  des  Grans  *.  Voila  pourquoy 
personne  n'ignore  en  faveur  de  qui  il  fit  les  Amours  d'Eurimedon  (sic)  et  de  Cal- 
lirée  (sic)  *,  et  ceux  d'Astrée  *.  Quant  à  Heleine  de  Surgeres,  il   s'est  aidé  de    son 

35  noin,  de  ses  vertus  et  de  sa  beauté  pour  embellir  ses  vers  *,  et  luy  a  cette  gentille 
Damoiselle  servy  de  blanc,  pour  viser  et  non  pour  tirer  ou  attaindre,  l'ayant 
aimée  chastement,  et  principalement  pour  son  gentil  esprit  en  la  Poésie  et  autres 
bonnes  parties.  Il  me  l'a  tesmoigné  souvent,  et  le  monstre  assez  en  ce  Sonnet, 
Tout  ce  qui  est  de  sainct  *.  Il  luj'   consacra  une  Fonteine  qui  est  en  Vandomois,  et 

40     qui  encor  aujourd'hu3'  garde  son  nom  *.  Le  Roy  Charles... 

C  hausser.  Il  m'a  dict  maintefois  qu'aucunes  pièces  de  ses  Amours  et  des  Mas- 
carades avoient  esté  forgées  sur  le  commandement  des  grans,  voulant  dire  qu'il 
avoit  souvent  forcé  sa  Minerve  et  n'y  avoit  pris  grand  plaisir,  quelques  autres  en 
ayant  remporté  la  recompense  :  c'est  pourquoy  il  fit  mettre  au  devant  de   ces  ou- 

45  vrages  là  les  vers  de  Virgile,  Sic  i>os  non  vobis,  et  les  suivans  *.  On  sçait  assez  en 
faveur  de  qui  il  fit  les  Amours  de  Callyrée  (sic)  [,]  qui  estoit  une  Iresbelle  dame  de 
la  Cour,  de  la  noble  maison  d'Atry,  surnommée  Aqua  viva  :  comme  il  l'exprime 
assez  en  ce  Sonet  qui  commence,  La  belle  eau  vive  *  :  et  ceux  d'Astrée  qui  fut  aussi 
une  fort  belle  dame  de  la  Cour,  dont  le  nom  est  assez  embelly  parle  seul  deguise- 

50     ment  d'une  voyele  changée  en  la  prochaine  première. 

Apres  avoir  chanté  divers  subjects  il  voulut  finir  et  couronner  ses  œuvres  par  les 


2 6  DISCOURS    DE    LA    VIE 

Lo  Roy  Charles,  outre  sa  pension  ordinaire,  luy  fit  quelques 
dons  liberalemeul  *  :  vray  est*  qu'ils  n'estoient  excessifs,  car  il 
avoil  si  i;iand  riaiiu  le  de  |)crdre  son  Ronsard,  et  que  le  trop  de 
bien   ne  le  rondist  [laressoux  au  mestier  de  la   Muse,    qu'il  disoit 

5  ordinairement  (ju'un  hou  Poêle  "-  ne  se  devoit  uon  plus  engresser 
(pie  le  bon  cheval,  el  (|u'il  le  \n\\n\\  seulement  entretenir  et  non 
asson\ir-'  *.  11  lut  si  familier  avec  le  Roy  Charles,  qiie  *  le  plus 
souvent  il  le  faisoit  venir  pour  deviser  et  discourir  avec  luy,  l'inci- 
toit  à  faire  des  vers,  et  à  le  venir  trouver  ••  par  vers   qu'il   compo- 

10  soit,  lesquels  se  voyent  encores  imprimez  parmy  les  œuvres  de  Ron- 
sard '•  *  :  et  trouvoit  '^  tellement  bon  ce  qui  venoit  de  sa  part,  que 
mesmes  il  luy  permit  d'escrirc  en  Satyres,  indifleremment *^  contre 
Ici  les  personnes  qu'il  sçauroit  que  le  vice  devoit  ^  accuser,  s'offrant 
mesmes  à  n'en  estre  exempt,  s'il  voyoit  qu'il  y  eust  chose  à  repren- 

15    dre  en  luy  '^  *. 


Sonels  d'Helene,  les  vertus,  beauté/.,  et  rares  perfections  de  laquelle  furent  le  der- 
nier et  plus  digne  object  de  sa  Muse,  le  dernier  parce  qu'il  n'eust  l'heur  de  la  voir 
qu'en  sa  vieillesse,  el  le  plus  digne  parce  qu'il  surpassa  aussi  bien  que  de  qualité, 
de  vertu,  et  de  réputation   les  autres    precedens  sujectz  de  ses  jeunes  amours,  les- 

20  quels  on  peut  juger  qu'il  aima  plus  familièrement,  et  non  cctuj'-cy  qu'il  entreprit 
plus  d  honorer  et  louer,  que  d'aimer  et  servir.  Tesinoin  le  titre  qu'il  a  donné  à  ses 
louanges  [,]  imitant  en  cela  Pétrarque*,  lequel  comme  un  jour  en  sa  Poésie  chaste 
et  modeste  on  louait  devant  la  Royne  mère  du  Roy,  sa  Majesté  l'excita  à  escrire 
de  pareil  stile,  comme  plus  conforme  à  son  âge,  et  à  la  gravité  de  son  sçavoir  :  Et 

25  ayant,  ce  luy  sembloit,  par  ce  discours  occasion  de  vouer  sa  Muse  à  un  suject 
d'excellent  mérite,  il  print  le  conseil  de  la  Royne  pour  permission,  ou  plustost 
commandement  de  s'addresser  en  si  bon  lieu,  qui  estoit  une  des  filles  de  sa  cham- 
bre, d'une  tresancienne  et  tresnoble  maison  en  Saintonge.  Ayant  continué  en  ceste 
volonté  jusques  à  la  fin,  il  finit  quasi  sa  vie  en  la  louant  *.  Et  par  ce  que   par  son 

30  gentil  esprit  elle  luy  avoit  souvent  fourny  d'argument  pour  exercer  sa  plume,  il 
consacra  à  sa  mémoire  une  fouteine  en  Vandosmois,  et  qui  encor  aujourd'huy 
garde  son  nom,  pour  abbreuver  ceux  qui  veulent  devenir  Poètes  *.  Le  Roy 
Charles... 

1.  AC  libéralement,  vraj' est 

35  2.  BC  vraj'  est  qu'il  disoit  ordinairement  en  gaussant,  qu'il  avoit  peur  de  perdre 

son  Ronsard,  et  que  le  trop  de  biens  ne  le  rendis!  paresseux  au  mestier  de  la  Muse, 
et  qu'un  bon  Poète 

3.  BC  assouvir.    Neantmoins  il  le  gratifia  tousjours  fort  libéralement  [160^-1623 
fort  librement],  et  eust  fait  s'il  eust  vescu  :  car  il   n'ignoroit  pas  que  les  Poètes  ont 

40  ne  sçay  [Cje  ne  sçaj^]  quelle  S3'mpalhie  avec  la  grandeur  des  Roys,  et  sont  subjects 
à  s'irriter*,  et  fort  [C  supprime  et]  sensibles  aux  disgrâces,  quand  ils  vo5'ent  la 
faveur  ne  respondre  à  leurs  labeurs  C  labeurs  el  mérites],  comme  il  s'en  est  plaint 
en  plusieurs  endroits  * 

4.  BC  avec  ce  bon  Roy,  que 

45  5.  C  le  venir  trouver  de  Tours  à  Amboise 

B.  B  parmj'  ses  Œuvres    |    C  se  vojent  imprimez  parmj- ses  œuvres 

7.  A  Ronsard,  et  trouvoit 

8.  C  il  lui  permist  ou  plustost  l'incita  d'escrire  des    Satjres  indifféremment 

9.  BC  deust 

»0         10.  C  en  luy,  comme  de  fait  il  fit  en  la  Satyre  de  la  Dryade  violée,  où  il  repre- 


DE    PIEURK    DE    RONSARD  27 

II  liiy  donna  ^  l'Abbaye  de  Bellozane  *,  et  quelques  Prieurez*  : 
et  environ  2  ce  temps  devint  fort  malade  d'une  fièvre  quarte  |  ,  dont  [19] 
il  pensa  mourir-',  et  qui  neantmoins  esbranla  fort  sa  santé,  Icren- 
(l:int  depuis  plus  malade  que  sain  *.  El  fut  *  ccste  année  romarqua- 
.')  bic,  en  ce  que  tous  les  Lauriers,  pallissades,  et  tendres  abris- 
seaux  5,  et  la  plus  grand  part  des  arbres  moururenl.  Ce  fut  ^  ce 
qui  donna  occasion  à  monsieur  de  Pimpont  *  sur  l'un  et  l'autre 
sujet  de  faire   ces    doctes  vers  ''  : 

Parce  meiu,  Ronsarde,  Jovis  teregia  nondiim  *^ 
10  Invidit  nobis,  nec  cœli  injuria  totum 

In  Lauri  grassata  gcnus,  populala  decusque 
Arboreum,  niiper  clades  le  poscil  olympo, 
Augurinm  nec  nie  vanae  docnere  ^  Camœnae, 
Sed  laetiim  faustis  relulerunt  sortions  omen  "^. 

15  noit  aigrement  le  Roj'  et  ceux  qui  gouvernoient  lors  de  l'aliénation  du  Domaine,  et 
d'avoir  fait  vendre  la  coupe  de  la  forest  de  Gastine,  laquelle  il  avoit  consacrée  aux 
Muses  *  :  et  en  une  autre  qu'il  appelloit  la  Truelle  Crossée,  blasmant  le  Roy  de  ce 
que  les  bénéfices  sedonnoient  à  des  inaçons,  et  autres  plus  viles  personnes,  où  par- 
ticulièrement   il  taxe  un   de  Lorme,  Architecte    des    Tuilleries,  qui    avoit  obtenu 

20  l'Abbaye  de  Livry,  et  duquel  se  trouve  un  livre  non  impertinent  de  l'Architec- 
ture *.  Et  ne  sera  hors  de  propos  de  remarquer  icy  la  malveillance  de  cest  Abbé, 
qui  pour  s'en  venger  fit  un  jour  fermer  l'entrée  des  Tuilleries  à  lAonsard,  qui  sui- 
voit  la  Ro3'ne  mère  :  mais  Ronsard,  qui  estoit  assez  piquant  et  mordant  quand  il 
vouloit,  à  l'instant  fit  crayonner  sur  la  porte,  que  le  sieur  de     Sarlan    luy  fit  aussi 

25  tost  ouvrir,  ces  mots  en  lettres  capitales,  FORT.  REVERENT.  HAI3E.  Au  retour, 
la  Royne  vo3'ant  cest  escrit,  en  présence  de  doctes  hommes  et  de  l'Abbé  de  Livry 
niesmes,  voulut  sçavoir  que-  c'estoit  et  l'occasion,  Ronsard  en  fut  l'interprète,  après 
que  de  Lorme  se  fut  plaint  que  cet  escrit  le  taxoit  :  car  Ronsard  luy  dist  qu'il 
accordoit,  que  par  une  douce  ironie  il  prit   ceste  inscription  pour  luy,  la  lisant  en 

.'50  François*,  mais  qu'elle  luy  convenoit  encor  mieux  la  lisant  en  Latin,  remarquant 
par  icelle  les  premiers  mots  racourcis  d'un  Epigrame  Latin  d'Ausone,  qui  com- 
mence, Fortunam  reverenter  habe,  et  le  renvoj'ant  là  [160A-1630  suppriment  et  ef  là] 
pour  apprendre  à  respecter  sa  première  et  vile  fortune,  et  ne  fermer  la  porte  aux 
Muses  *.  La  Royne  aida  Ronsard  à  se  venger,  car  elle  tença   aigrement  l'Abbé  de 

35  Livry  après  quelque  risée,  et  dist  tout  haut,  que  les  Tuilleries  estoient  dédiées  aux 
Muses.  Il  se  trouve  aussi  une  autre  Satj're,  où  il  touche  vivement  le  mesme  Roy  et 
l'admoneste  de  son  devoir,  qui  commence. 

Il  me  desplait  de  voir  un  si  grand  Roy  de  France  *. 
Et  une  autre  encor  à  luy,  dont  le  commencement  est, 

40  Roy  le  meilleur  des  Rois"^. 

1.  C  Ce  bon  Prince  luy  donna 

2.  AB  Prieurez,  et  environ 

3.  C  devint    Ronsard  fort    malade  d'une    fièvre   quarte,  dont  il  cuida  mourir, 

4.  A  que  sain,  et  fut 

45  5.  C  fut  ceste  année  par  un  grand  froid  remarquable  en  ce  que  tous  les  lauriers 

et  arbrisseaux,  ornement  des  palissades, 

6.  A  moururent,  ce  fut    |    C  moururent  :  Ce  fut 

7.  C  au  sieur  de  Pimpont  sur  l'un  et  l'autre  suject  de  faire  ces  vers. 

8.  A  non  du  [corrigé  en  nondum  aux  errata) 

50  9.  C,    160^,   1617  vanae  nec  me  vanae  docuere    |    1609,  1630  vanae  nec  me  vana 

docuere    \    1623  vanae  nec  me  docuere 
10.  A  omen,    |    C  omen  : 


38  DISCOURS    DE    LA    VIE 

Tsfa  hiit  portcnia  siio  vel  fiinerc  Sclva 

Castra  scqnens,  vcl  tu  fehri  dcfnnctus  inerte 

Monstra  procnrasti .  At  maf/nis  vcrtcntibus  annis 

Ccntuni,  signa  dabit  dnri  pracnnnlia  luctus, 
5  Atqne  tni  in  cœlum  reditus  pater  Angiir  Apollo, 

Nempe  tuo  assurgens  scse  Lyra  eontrahet  astro, 

Delitiasquc  lues  intyadet  ApoUinis  omnes, 

Nec  soli  exiliuni  Lauro  tune  afjeret  aetas 

Sed  tota  laehrijmans  eum  gente  Iliiacinthiis  abibit 
10  In  nihilum,  funesta  sibique  a  stirpe  Cupressus 

Dcsinet  ablata  hnmanis  superare  sepulcliris  : 

Née  post  se  alterna  poterunt  reparare  salute, 

Maleriemve  unquani  rédigent  formamque  eapessent. 

l'raeta  exul  (Igthara  incompti  Pasloris  anena 
15  Mulcebit  peeus,  Admetum  Pho'busque  rcquiret  : 

Insultans  terraeque  novo  cœlum  incremento 

Gestict,  illa  situ  in  squallorem  decolor  ibit. 

Il  ne  fut  pas  moins  estimé  du  Roy  qui  est  à  présent,  duquel  les 
tant  heureuses  victoires  avoient  servy  de  sujet  à  sa  Muse  *,  que  du 

20    feu  Roy  Charles,  car  le  Roy  ^,  comme  il  a  le  jugement  tresgrand 
et  admirable,  estimant  toutes  choses  à  leur  juste  valeur,  lereçeut, 
roiiil  -,   l'ayma  et  le  gratifia  lousjours  volontiers  *.  Mais  |  d'autant  [20] 
que  depuis  douze  ans  les  gouttes  fort  douloureuses  l'avoient  assailly, 
tellement  qu'à  grand  peine  pouvoit  il  faire  la  court,  sinon  à  son 

25  lict  *  :  voila  3  pourquoy  ceste  honneste  privante  '*  qui  se  doit  acquérir 
et  continuer  par  une  hantise  ordinaire  ne  fut  telle  que  souz  le  Roy 
Charles,  encores  que  son  mérite  le  recommandast  assez,  et  le  rendist 
tousjours  présent  en  la  mémoire  de  nostre  bon  et  sage  Roy  5*.  Il 


1.  B  Chiarles.  Carie  Roy 
30        2.  A  loùit 

3.  A  son  lict  :  Voila 

4.  C  modifie  ainsi  tout  ce  passage  depuis  la  cit.  lat.  Il  ne  fut  pas  moins  estimé  du 
Roy  Henry  troisiesme  à  présent  régnant  *,  duquel  les  tant  heureuses  victoires 
avoyent  servy  de    suject   à  su  Muse,    que  du  feu  Roy  :  mais  non  si  familièrement 

35  caressé  :  et  s'en  est  plaint  ouvertement,  disant,  plein  d'humeur  Françoise,  qu'il 
vouloit  que  le  Roy  l'aimasl,  et  pour  preuve  de  l'amitié  luy  commandasl,  et  en 
signe  de  bon  service  l'honorast  et  le  gratifîast.  Vray  est  que  depuis  douze  ans  les 
gouttes  fort  douloureuses  l'avoient  tellement  assailly  qu'il  luy  estoit  presque  impos- 
sible de  faire  [1G09-1630  suivre]  la  court  :  joint  qu'il  n'avoit  oncques  esté  de   son 

40  naturel  courtisan  importun,  et  ne  se  pouvoit  contraindre  pour  trouver  \160^t-î630 
se  trouver]  aux  heures  des  grands  :  \'oi]a  pourquoy  ceste  familière  privante 

5.  C  sage  Roy.  Il  fut  tant  admiré  par  la  Roync  d'Angleterre,  qui  lisoit  ordinai- 
rement ses  escrits,  qu'elle  les  voulut  comme  comparer  à  un  diamant  d'excellente 
valeur  qu'elle  luj-  envoya  *.    De  mesmes  aussi  ceste  belle  Rojne  d'Escosse,  toute 

45  prisonnière  qu'elle  estoit,  laquelle  ne  se  pouvoit  soûler  de  lire  ses  vers  sur  tous 
autres,  en  recompense  desquels  et  de  ses  louanges  y  parsemée  \160U-1630  parse- 
mées':, l'an  1583  elle  luy  fit  présent  d'un  buffet  de  deux  mil  escus  qu'elle  luy  en- 
voya par  le  sieur  de  Nau  son  Secrétaire  *,  avec    une  inscription    sur  un    rase   qui 


DE    PIERRE    DE    RONSARD  2() 

print  telle  amitié  avec  monsieur  Galland,  Principal  du  collège  de 
Boncourl,  personnage  de  bon  esprit,  et  digne  d'une  telle  rencontre, 
que  depuis  dix  ans,  venant  à  Paris  h  diverses  fois,  il  l'a  tousjours 
choisy  pour  son  hoste  ^  *.  Le  dernier  voyage  (pi'il  y  fît  fut^  au  mois 
5  de  Février  mil  cinq  cens  quatre  vingt-cinq,  et  y  demeura  jusques  au 
treizicsme  du  mois  de  Juin  ensuivant  :  durant  lequel  temps  il  ne 
bougea  presque  du  lict,  tourmenté  de  ses  gouttes  ordinaires  *.  Il  ■' 
passoit  neantmoins  le  temps  à  faire  quelques  fois  des  vers,  et  entre 
autres  fit  ï Hymne  de  Mercure,  qu'il  me  donna,  et  où  il  descrit* 
10    son  mal  quand  il  commence  ainsi  ; 

Encor  il  me  resloit  entre  tant  de  malheurs 
Que  lavieillesse  apporte,  entre  tant  de  douleurs 
Dont  la  goutte  ni  assaut,  pieds,  jambes,  et  joincture, 
De  chanter  ja  vieillard  les  mestiers  de  Mercure  *. 

15  II  fit  faire  un  coche  pour  s'en  retourner  en  la  compagnie  dudict 
Galland,  sans  lequel  il  ne  pouvoit  vivre,  l'appelant  ordinairement 
sa  seconde  ame  *,  comme  il  déclare  assez  en  ce  fragment  qu'il  n'a 
pu  achever,  prévenu  de  mort  : 

Galland  ma  seconde  ame,  Atrehatique  race  *, 

20  Encor  que  noz  ayeux  aint  ^  emmuré  la  place 

De  noz  villes  bien  loing,  la  tienne  près  d'Arras, 
La  mienne  près  Vandosme,  oii  le  Loir  de  ses  bras 
Arrouse  doucement  noz  collines  vineuses. 
Et  noz  champs  fromentiers  de  vagues  limoneuses, 

25  Et  la  Lise  les  tiens,  qui  baignant  ton  Artois, 

S'enfuit  au  sein  du  Rhin,  la  borne  des  Gaulois  ^  : 

Pour  estre  séparé  de  villes  et  d'espaces,  |  [—1 

Cela  nempesche  point  que  les  trois  belles  Grâces, 

L'honneur,  et  la  vertu,  n'ourdissent  le  lien 

30  Qui  serre  de  si  près  mon  cœur  avec  le  tien. 


estoit  elabouré  en  forme  de  rocher,  représentant  le  Parnasse,  et  un  Pegasse  [1604- 
1630  Pégase]  au  dessus.  L'inscription  portoit  ces  mots  : 

A    RONSARD   l'aPOLLON    DE   LA 
SOURCE   DES    MUSES   *. 

35  1.  C  II  contracta  telle  amitié  avec  le  sieur  Galland,  chef  et  seigneur  de  l'Acadé- 
mie de  Boncourt,  docte  personnage  certes,  digne  de  ce  nom,  et  d'une  telle  rencon- 
tre, que  depuis  dix  ans  venant  à  Paris  à  diverses  fois,  il  l'avoit  tousjours  choisi 
pour  son  hoste,  aimant  naturellement  ce  lieu  pour  le  bel  air  et  l'appellant  le  Par- 
nasse de  Paris  *. 

40        2.  AB  qu'il  y  6t,  fut 

3.  A  ordinaires,  il  passoit 

4.  A  d'escrit 

5.  B  aynt    |    C  ayent    |    160^1630  ay'nt 

6.  A  un  point  après  Gaulois 


OO  DISCOURS    DE     [,  A    VIE 

Heureux  qui  peut  trouver  pour  passer  Vavanture 
De  ce  monde,  uit  amy  de  gentille  nature 
Comme  tu  es,  Galland,  en  qui  les  deux  ont  mis 
Tout  le  parfaict  requis  aux  plus  parfaicts  amis. 
5  Ja  mon  soir  s'cnbrunit,  et  desja  ma  journée 

Fuit  vers  son  Occident  à  demy  retournée, 
La  Parque  ne  me  veult  ny  nie  peut  secourir  : 
Encore  ta  carrière  est  bien  longue  à  courir. 
Ta  vie  est  en  sa  course,  et  d'une  forte  haleine, 
10  Et  d'un  pied  vigoureux  tu  fais  jallir  '  Vareine 

Souz  tes  pas,  aussi  fort  que  quehjuc  bon  guerrier 
Le  sublon  Jilean  -,  pour  le  pris  du  Laurier* 

Il  se  fît  mener  à  Croi\-\al,  qui  esloil  sa  demeure   ordinaire,   pour 
cslre  im  lieu  fort  [)laisanl,  el  voisin  de  la   foresl  de  Gasline,    et  de 

15  la  fonleine  Bellerie,  par  luy  tant  célébrez  *,  et  pour  estre  le  pays 
de  sa  naissance  :  mais  -^  comme  il  aimoit  à  changer,  au  mois  de 
Juillet  il  se  feit  porter  à  son  Prieuré  de  S.  Cosme,  y  demeurant 
huict  ou  dix  jours  pour  retourner  à  Croix-Aal,  où  il  séjourna  assez 
long  temps.    Le   xxu  du   mois  '*  d'Octobre  il    escrivit  audit   Gal- 

20  land  ^,  et  le  sujet  de  ses  lettres  estoit,  qu'il  estoit  devenu  fort  foible 
et  fort  maigre''  depuis  quinze  jours,  qu'il  craignoit  que  les  feuilles 
d'Autonne  ne  le  veissent  tomber  avec  elles,  que  la  volonté  de  Dieu 
fust  faicte,  et  qu'aussi  bien  parmy  tant  de  douleurs  nerveuses,  ne  se 
pouvant  soustenir,  il  n'estoit  plus  que  Iners  terrae  pondus  (ce  sont 

25  ses  mots)  le  priant  ''  au  reste  de  l'aller  trouver,  estimant  sa  pré- 
sence luy  estre  un  remède  *. 

Quelques  jours  après,  comme  la  douleur  luy  augmentoit,  et  que 
ses  forces  diminuoient,  ne  pouvant  tlormir  pour  l'indigestion  et 
grandes  douleurs  ^  qu'il  sentoit,  il  envoya  quérir   avec   un  Notaire 

30    le  Curé  de  Ternay,  auquel  il  déposa  le  secret^  de  sa  volonté*,  ouit 
la  Messe  en  grande  dévotion,  et  s'estant  |  faict  habiller  premièrement,  [22] 
récent  la  saincte  communion  ^",  ne  voulant  tant  à  son  aise  recevoir 
celuy  qui  avoil  tant  enduré  pour  nous,  regrettant  la  vie  passée  ^^  et 

1.  C  jaillir 
35  2.  A  Aclean 

3.  A  naissance  :  Mais    |   B  naissance.  Mais 

4.  A  Le  XXII,  du  mois 

5.  C  au  sieur  Galland 

6.  fiCfort  foible  et  maigre 

40  7.  J5  il  n'estoit  plus  qu'un  inutile  fardeau  sur  la  terre  le  priant    |    C  nicme  var., 

avec  virgule  après  la  terre 

8.  C  douleurs  d'estomac 

9.  C  de  Ternaj',  pour  déposer  le  secret 
10.  C  receut  la  Chrestienne  Communion 

45        11.  C  sa  vie  passée 


DE    PIERRE    DE    RONSARD  3l 

en  prévoyant  une  meilleure.  Ce  fait,  il  se  fildeveslir  et  remettre  au 
licl,  disant  :  Me  voila  au  lict  atlendanl  la  mort,  passage  coninmn  i 
d'une  meilleure  vie,  quand  il  plaira  à  Dieu  m'appeler,  je  suis  tout 
prest  de  partir.  Il  renvoya  le  Notaire,  luy  disantqu'iln'y^  avoit  encor 

5  rien  de  pressé,  et  qu'il  se  portoit  mieux,  après  avoir  mis  toute  sa 
fiance  en  Dieu.  Le  sieur  Galland  arriva  le  Ircntiesme  d'Octobre  à 
Montoire,  en  un  de  ses  Bénéfices  nommé  Sainct  Gilles  ^,  distant  de 
lieiie  et  demie  de  Croix-val,  oi'i  il  s'esloit  relire  pour  la  crainte  de 
ceux  de  la  nouvelle  opinion,  qui  rompus  du  siège  d'Angers,  espars 

10  venoient  fondre  *  en  ce  pays*.  Il  y  séjourna  six  jours,  y  ayant  solen- 
nisé  la  feste  de  Toussains.  De  là  retourna  à  Croix-val  le  lendemain  *, 
accompagné  dudit  Galland,  auquel  il  fit  escrire  un  Epigramme  en 
forme  d'inscription,  parlant  à  son  ame  en  cette  sorte  ^  : 

Amelette  Ronsardelette 
15  Mîgnonnelette,  doiicelette, 

Tres-cliere  hostesse  de  mon  corps. 

Tu  descens  là  bas  foiblelette  '*, 

Pasle,  maigrelette,  seulette. 

Dans  le  froid  royaume  des  mors  : 
'20  Toutesfois  simple,  sans  remors 

De  meurtre,  poison,  et  rancune, 

Mesprisant  faveurs  et  trésors 

Tant  enviez  par  la  commune  ' . 

Passant,  j'ay  dit,  suy  ta  fortune, 
'25  Ne  trouble  mon  repos,  je  dors  *. 

Luy  disant  :  Je  me  suis  souvenu  d'un  ancien  Epigramme  Latin, 
lequel  pour  passer  temps  je  desirois  rendre  plus  chrestiennement 
qu'il  n'est  ^  *.  Mais  ^  depuis  il  quitta  tous  passe-temps  et  ne  médita 
plus  que  choses  dignes  d'une  fin  Chrestiennc  :  car  ^"^  ne  pouvant 
30    dormir  i^,  il  se  plaignoit  incessamment,   et  pour  tromper  son  mal, 

prévoyant  neantmoins  sa  mort  prochaine,  [    médita  l'Epitaphe  ^^en  [23] 
six  vers  pour  graver  sur  son  tombeau,  qui  est  tel  : 

1.  BC  la  mort,  terme  et  passage  commun 

2.  A  ny 

35  3.  A  saînct  Gilles    |    B    S.Gilles 

4.  C  d'Angers  venoient  fondre 

5.  C  du  sieur  Galland,  lequel  il  pria  d'escrire  un  Epigramme  qu'il  avoit  médité 
pour  passer  temps,  imitant  un  ancien  en  ceste  sorte 

6.  C-1617,  1630  foiblette  (f.  dimpr.  évid.)    \    162H  rétablit   la  leçon  de  AB 
40           7.  A  Tant  enviez,  par  la  commune, 

8.  C  supprime  la  ptirase  Luy  disant...  qu'il  n'est. 

9.  A  qu'il  n'est,  mais    |    B  qu'il  n'est  :  mais 

10.  A  Chrestienne,  car   |    B  Chrestienne.  Car 

11.  BC  inquiété  et  ne  pouvant  dormir  (inquiète  en  B  est  une  f.  d'impr.) 

45         12.  Cil  se  plaignoit  et  dictoit  incessamment,  pour  alentir  ses  douleurs,  prévoyant 


32  DISCOURS    DE    LA    VIE 

Ronsard  repose  icij,  qui  hardi]  des  enfance 
Détourna  d'IIelicon  les  Muses  en  la  France, 
Suivant  le  son  du  luth,  et  les  traits  d'Apollon  '. 
Mais  peu  valut  sa  Muse  encontre  l'éguillon  - 
5  Delà  mort,  qui  cruelle  en  ce  tombeau  l'enserre'-'  : 

Son  anie  soit  à  Dieu,  son  corps  soit  à  la  terre  *. 

Et   semble  que  bien  à  propos  il  a  (ail  luy-mesmc  son  tombeau,    se 
defianl  de  se  pouvoir  renconlrcr  autre  |)ersoiine  (pii  luy  j)eusl  bastir 
assez  dignement  *  :  ce  qui  ma  l'aict  escrire  de  luy  les  vers  qui  sui- 
10    vent  5  : 

^0/1,  Ronsard  n  est  point  mort,  la  Muse  est  immortelle, 
Ou  si  Ronsard  est  mort,  c'est  un  Phœnix  nouveau, 
Qui  n  ayant  son  pareil  soy-mesme  renouvelle, 
Et  survit  à  sa  cendre,  animant  son  tombeau. 

15  Or  qu'il  ait  satisfait  *  à  luy-mesme  en  ce  que  les  autres  attendent 
d'autruy,  et  que  pour  luy  graver  un  digne  tombeau  il  ne  falustuser 
que  de  ses  propres  vers,  et  prendre  ce  qu'il  a  dit  de  luy-mesme  au 
premier  discours  à  Genevre  ^,  quand  il  escrit  : 

Je  suis  Ronsard,  et  cela  te  suffise  "^  *. 

20  toutefois  plusieurs  sçavans  personnages  de  nostrc  temps,  que  j'ay 
prié  ^  de  ce  devoir,  luy  ont  gravé  maint  tombeau,  non  pour  illustrer 
d'avantage  sa  gloire,  mais  pour  n'obscurcir  la  nostre,  si  nous  fai- 
sions autrement^*.  De  ma  part^*^  aussi  je  ne  me  suis  peu  contenir 
que  je  ne  luy  aye  fait  cette  petite  inscription^^  : 


25  sa  mort  prochaine  :  il  fit  escrire  cest  Epitaphe  |  160i,  1617,  1630  il  se  plaignoit  et 
dictoit  incessamment  pour  alentir  ses  douleurs  :  prévoyant  sa  mort  prochaine,  il  fit 
escrire  cest  Epitaphe  {leçon  meilleure,  renforcée  en  1623  ainsi  douleurs.  Prévoyant) 

1.  AC  virgule  après  Apollon 

2.  A  léguillon    |    C  l'éguillon 
30           3.  AC  virgule  après  V enserre 

4.  B  bien  à  propos  il  ait  avancé,  se  doutant  de  l'ingratitude  de  nostre  siècle, 
luy  mesme  son  Tombeau,  ou  se  desfiant,  ce  croy-je,  qu'il  se  peust  rencontrer  autre 
personne  qui  luy  bastist  assez  dignement  |  C  bien  à  propos  il  ait  avancé  luy-mesmes 
son  tombeau,  se  doutant  de  l'ingratitude  de  nostre  siècle,  ou  se  défiant,  comme  je 

35     croy,  qu'il   se  peust   rencontrer  autre  personne    qui  le  luy  bastist  assez  dignement 

5.  C  les  vers  suivans 

6.  C  ce  qu'il  a  dit  de  luy  en  la  première  Elégie  à  Genevre 

7.  La  leçon  de  toutes  les  éditions  y  compris  celle  de  1623  et  cela  te  suffise.  Toutefois 
est  fautive,   car  elle  laisse  en  suspens  la  phrase  commencée  par  Or  qu'il  ait  satisfait 

40  8.  liC  personnages,  que  j'ay  prié 

9.  C  non  pour  illustrer  d'avantage  sa  gloire,  mais  pour  n'obscurcir  la  leur  d'un 
ingrat  silence. 

10.  A  autrement  :  De  ma  part 

11.  C  ceste  inscription 


DE    PIEIWE    DE    RONSARD  33 

Le  fertil  Vandomois  naissance  me  donna, 
La  Court  de  noz  grans  Roy  s  '  à  mes  vers  s'estonna, 
La  Touraine  mes  os  dessus  -  ses  fleurs  assemble  .* 
J'ay  joint  Pallas,  Cypris,  et  les  Muses  ensemble. 

5  Les  nuicts ensuivantes  esquelles -^  il  ne  pouvoit  dormir,  quelques 
remèdes  tju'il  cust  éprouvé,  ayant  usé  de  pavot  en  diverses  façons, 
tanlost  de  la  i'ueille  criic,  puis  cuite,  lantost  de  la  graine,  et  de 
l'huyle  que  l'on  en  tire  ^  *,  il  continua  à  faire  quelques  Stances,  et 
jusqucs  à  quatre  Sonets,  lesquels  au  malin  il  recitoitau  sieur  Galland, 

10    pour  les  escrire,  ayant  la  mémoire  et  |  la  vivacité  de  l'esprit  si  en-  [24 
tieres  qu'elles  ne  sembloient  se  sentir  de  la  foiblesse  du  corps  ^  *. 
Le  long  du  jour  tous  ses  discours  estoient  pleins  de  belles  et  graves 
considérations,  mesmes  sur  les  affaires  d'estat  et  du  monde '^.  Comme 
il  languissoit  ainsi,  séjournant  encor  quinze  jours  à  Croix-vaP,  il 

15  luy  prit  envie  de  se  faire  transporter  à  Tours  en  son  Prieuré  de 
S.  Cosme  ^  *,  tant  pour  recouvior  plus  facilement  toutes  ses  commo- 
ditez,  et  subvenir  '-*  à  sa  maladie,  que  pour  satisfaire  à  l'opinion  qu'il 
avoit  que  le  changement  d'air  luy  apporteroit  quelque  secours  ^^. 
Il  n'eut  pas  esté  huict  jours  en  ce  lieu  que  ses  forces  se  diminuant 

20  à  veûe  d'œil,  et  se  voyant  et  sentant  mourir,  il  fit  venir  l'Aumosnier 
de  S.  Cosme,  l'un  de  ses  Religieux,  âgé  de  lxxv  ans  *,  lequel  ^^  après 
plusieurs  propos,  luy  ayant  demandé  de  quelle  ^-  resolution  il  vou- 
loit  mourir,  fort  promptement  et  aigrement  il  luy  respondit  :  N'ay- 
je  point   assez    fait    cognoitre  céans   ma   volonté,  et  le  but  de  ma 

25    religion  pour  juger  de  ma  vie  '^^,  comme  il  faut  que  je  meure  ?^* 


1.  BC  La  grandeur  de  nos  Roys 

2.  Leçon  de  toutes  les  éd.,  y  compris  1623.  (F.  notre  Commentaire) 

3.  C  les  nuicts  suivantes,  ausquelles 

4.  BC  tantostde  la  fueille  crue  en    salade,  puis  cuite,  tantost  de  la  graine,  et  de 
30     l'huyle    que  l'on    en  tire,  et  de  plusieurs    autres  remèdes  qu'on  reserve  aux  extre- 

mitez 

5.  BC  si  entières,  qu'elles  sembloient  arguer  de  feinte  l'extrême  foiblesse  de  son 
corps. 

6.  C  mesmes  sur  les  troubles  renaissans,  et  qui  menaçoient  nostre  siècle  de  mi- 
35    seres  nouvelles. 

7.  A  pas  de  virgule  après  ainsi  ni  après  Croix-val 

8.  A  prieuré  de  S.  Cosme    |    C  Prieuré  de  Sainct  Cosme  en  l'Isle 

9.  C  survenir    leç.    faut,    reprod.  par  les  éd.  suiv.,  y  compris  1623) 

10.  C  secours  :  ce  qu'il  fit  avec  grand  peine,  aj'ant  demeuré  en  chemin,  et  pour 
40    faire  sept  lieues,  trois  jours  entiers  :  pendant   lequel  temps  il    eut  deux    foiblesses 

grandes  *. 

11.  B  auquel 

12.  A  qu'elle 

13.  B  ma  religion,  pour  juger  par  ma  vie 

45         14.  A  deux  points  après  meure    |    C  modifie  toute  la  phrase  ainsi  l\  n'avoit  pas  esté 
huict  jours  en  ce  lieu,  que  ses  forces  se  diminuant  à  veuë  d'œil,  les  os  lu5'  perçant 

VIE    DE    p.     DE    RONSAUD.  3 


3^  DISCOURS     DE     I.A     VIE 

L'Aumosuier  ^    luy  dit  lors,    qu'il  ne    l'entendoit  en    ceste  sorte, 
mais   que  ce    qu'il    luy   avoil  dit,    estoit  -  pour  sçavoir    s'il  vou- 
loit  ordonner  quelque  chose  par  forme  de  dernière  volonté,  et  pour 
lirer  de  lii\  mesmes  ceste  résolu  lion  de  hiiMi  mourir,  qui  •'   a  grand 
5    eflicace,  quand  elle  nait  en  nous  mesmes   sans   l'allendre  d'aulruy. 
Ronsard  alors  priutla  parole  et  luy  dit  :  Je  désire  ^  donc  que   vous 
et  voz  confrères  soyez  tesmoins  de  mes  dernières  actions  ^.  Lesquels 
étant  venus,  il  ^  commença  à  discourir  de  sa  vie,  monstrant  avec 
grande  repentance  qu'il  renonçoit  à  toutes  les  blandices  de  ce  monde, 
10    s'esjoiiissant  '    que    par  ses  douleurs  Dieu    l'eust   comme  réveille 
pour  ^  n'oublier  celuy  qu'en   prospérité  nous    oublions   ordinaire- 
ment :  le    remerciant  de    bon  cœur  ^  de   ce  qu'il  luy  avoit  donné 
temps  de  se   recognoistre,    demandant  pardon  à  chacun,   disant  à 
toute  heure  :  Je  n'ay  aucune  haine  contre  personne,  ainsi  me  puisse 
15    chacun  pardonner.  Puis  s'addressa  à  ses  Religieux,  les  enhortant  de 
bien  vivre,  et  de  vaquer  soigneusement  à  leur  devoir  :  que  la  mort  ^^ 
la  plus  douce  estoit  celle  à  qui  la  propre   conscience    n'apporloit 
aucun  préjugé  de  crimes  et  meschancetez  *.  Ce  fait,  il  pria  ^^   que 
l'un  des  Religieux  celebrast  devant  luy,  et  après  il  se  |  fit  admi    [25) 
20    uislrer  les  Sacremens,  attendant  avec  une  grande  constance  et  reso- 
lution, à  laquelle  il  s'estoitde  long  temps  préparé,  que  Dieu  dispo- 
sast  de  luy^-.  Le   lendemain  il  composa  les  deux  derniers  Sonets, 


la  peau,  et  se  voyant  et  sentant  mourir,  il  fit  venir  pour  estre  consolé  l'un  des 
Religieux  nommé  Jacques  Desguez,   âgé    de    lxxv  [160i-1630  aagé    de  soixante  et 

2,")  quinze  ans],  Aumosnier  de  Sainct  Cosme,  et  issu  de  noble  maison  (car  ceste  reli- 
gion n'en  reçoit  d'autre  sorte',  auquel,  ainsi  qu'il  luy  eust  demandé  de  quelle  reso- 
lution il  vouloit  mourir,  il  respondit  assez  aigrement  et  promplement  en  ceste 
sorte  :  Qui  vous  fait  dire  cela,  mon  bon  amy  ?  doutez  vous  de  ma  volonté  ?  je 
veux  mourir  en  la  Religion  Catholique  comme  mes  ayeux,    bisayeux,   trisayeux,  et 

30     comme  j'ay  [160'J-tG23  l'a}'    |    1630  je  l'ay]  tesmoigné  assez  par  mes  escrits. 

1.  A  L'ausmonier 

2.  C  qu'il  ne  l'entendoit  en  ceste  façon,  mais  que  ce  qui  luy  en  avoit  dit,  estoit 
[160'i-l()30  ce  qu'il  luy  en  avoit  dit,  estoit] 

3.  A  de  bien  mourir  qui 

3j  4.   C  Ronsard  alors  luy  dist,  je  désire 

5.  A  deux  points  après  actions 

6.  B  Lesquels  venus,  il    I    C  Alors  il 

7.  C  monde,  qu'il  estoit  un  très-grand  pécheur,  s'esjoiiissant 

8.  C  reveillé  d'un  profond  sommeil  pour 
40          9.  C  le  remerciant  infiniment 

10.  Ali  à  leur  devoir  :  Que  la  mort  |  C  Puis  s'adressant  aux  assistans,  et  les 
exhortant  à  bien  vivre,  et  de  vacquer  soigneusement  à  leur  devoir,  leur  dit,  que  la 
mort 

11.  .1  meschancetez  :  ce  fait  il  pria 

45  12.  C  (>ela  fait,  le  jour  de  la  Nativité  de  nostre  Seigneur  il  pria '/Cft9-/fj23  Seigneur, 
il  pria;  It  Sous-prieur  d'oûir  sa  confession,  célébrer  en  sa  chambr(>,  et  luy  distri- 
buer la  Communion,  qu'il  receut  d'une  singulière  dévotion,  et  plus  grande  qu'on 
n'eust  attendu    d'un  personnage    uourry  parmy  les  desbauches  irreligieuses  d'une 


DE     l'IKlUΠ   UK    UONSARD  35 

qu'il  fit  escMÎrc  par  un  de  ses  Religieux,  entrelciiaiii  son  ame  el  l'iii 
citant  d'aller    trouver  Jesus-Cluisl,    cl   de  marcher  |)ai-    le  clieniiii 
qu'il  avoil  Irayé,  finissant  ses  vers  et  sa  vie  heureusenicnl  par  ces 
beaux  mots  de  Jesus-Christ,  et  d'Esprit  *  :  lequel  ^  il  rendit  à  Dieu, 

T)  après  avoir  esté  visité  des  plus  honestes  familles  de  Tours*,  desnué 
de  toutes  ses  forces  naturelles,  mais  plein  de  foy  et  de  ferme  résolu- 
tion *,  sur  les  deux  heures  de  nuict,  le  \endrcdy  vint-septieme  du 
mois  de  Décembre,  mil  cinq  cens  quatre  vints  et  cinq  -  *.  Et  fut 
enterré  en  l'Eglise  dudit  S.  Cosme  *  :  qui  m'a  donné  ^  occasion  de 

10    luy  dresser   encor   ce  petit  monument,    en  la    langue  de    la    des- 
poûille  *  de  laquelle  il  a  tant  enrichi*  et  fait  triompher  lanostre  : 

tvôafjLo;  âV.oajjLo;  àVjv  oxe  xÔct|ji'.oç  ô  'Pwviapooç 

Kôafjiov  £y.rja[i.Y,acV  7.ôa[jL(jj  £.wv  £7réwv  ^. 
Nùv  Ôs  Oavôvtoç  ïy[^zi  T'j[jLêoç  Koajxà  Èvî  vàw 
15  'Oaxia,  x?jç  f/iiir^ç  [jtv?j[JL7  Sî  xôjfJLOç  oXoî  *. 

Presque  en   un   mesme  temps  sont  aussi  décédez   aucuns  des  plus 


Cour,  disant  incessamment,  que  Dieu  n'estoit  Dieu  de  vengeance  ains  de  miséri- 
corde, et  que  ceste  divine  douceur,  qu'il  avoit  entièrement  en  l'imagination,  luy 
aidoit  fort  à  supporter  ses  douleurs,  lesquelles  il  meritoit  bien  et  de  plus  grandes. 
20  II  conlinua  ceste  perpétuelle  envie  de  dicter  vers,  et  fit  escrlre  ceux-cy  peu  de  jours 
avant  sa  mort,  comme  on  luy  parloit  de  manger  : 

Tonte  la  viande  qui  entre 

Dans  le  gaufre  ingrat  de  ce  ventre. 

Incontinent  sans  fruict  resort, 
25  Mais  la  belle  science  exquise 

Que  par  l'oûye  j'ay  apprise 

M'accompagne   jusqu'à  la  mort  *. 

Le  Dimanche  vingt  deuxiesme  Décembre  il  fit  son  testament,  par  lequel  il  or- 
donna de  toutes    choses,  ayant    distribué  tous  ses    biens  partie  à    l'Eglise  et  aux 

30  pauvres  de  Dieu  ainsi  les  nomme-t-il  par  son  testament),  partie  à  ses  parens  et  à 
ses  serviteurs  *.  11  eut  une  telle  constance  qu'il  demanda  à  l'Aumosnier  souvent 
combien,  à  son  advis,il  pourroit  encor'  vivre.  Il  eut  l'esprit  tousjours  sain  elentier 
et  sans  aucune  perturbation,  sinon  d'une  envie  qu'il  avoit  de  dicter  qui  l'accom- 
pagna jusques  au  mourir. 

35         1.  A  d'Esprit,  lequel 

2.  Ij  du  mois  de  Décembre  1585.  |  C  modifie  tout  ce  passage  depuis  Le  lendemain 
ainsi  Et  les  derniers  vers  qu'il  fit  sont  les  deux  derniers  Sonets,  par  lesquels  il 
entretient  son  ame,  et  l'incite  d'aller  trouver  Jésus  Ciiiust,  et  démarcher  par  le 
chemin  qu'il  avoit  fraj'é,  finissant  ses  vers  et  sa  vie  heureusement  par   ces   beaux 

40  mots  de  Jésus  Christ  et  d'esprit,  lequel,  semblable  à  celuy  qui  sommeille,  il  rendit 
à  Dieu  a\ant  les  mains  jointes  au  Ciel,  et  qui  en  tombant  firent  cognoistre  aux 
assistans  le  moment  de  son  trespas,  qui  fut  sur  les  deux  heures  de  nuict  le  \'en- 
dredy  vingt  septiesme  de  Décembre,  mil  cinq  cens  quatre  vingts  cinq,  ayant  vescu 
soixante  et  un  an  trois  mois  et  seize  jours  : 

45  3.  A  cinq  :  Et  fut  enterré  en  l'Eglise  dudit  S.  Cosme,  qui  m'a  donné  |  C  El  fut 
mis  en  sépulture  ainsi  qu'il  l'avoit  désiré  et  ordonné  au  chœur  de  l'Eglise  de 
S.  Cosme.  Ce  qui  m'a  donné 

4.  A  y  monument  en  la  langue,  de  la  despoùille 

5.  A  virgule  après  stteojv 


36  DISCOURS    DE    h\    VIE 

excellens  hommes  de  nostre  Europe  ',  à  sçavoir  le  Cardinal  Sirlet  *, 
Paul  de  Foix^*.  Cuy  du  Faur,  sieur  de  Pybrac  *,  Cliarles  Sigon  *. 
M.  Antoine  de  Murcl  *,  et  Pierre  Victor  *,  et  qui  semblent,  jaloux 
de  nostre  siècle,  ou  pluslost  effrayez  de  noz  malheurs,  avoir  voulu 
5  s'eclvpser  de  nous  pour  nous  laisser  en  ténèbres  ^  *.  L'on  a  remar- 
que souvent  des  présages  avoir  devancé  la  mort  dos  grans  et  illustres 
personnages,  comme  il  est  advenu  en  celle  de  Ronsard,  car  ''*  un  an 
auparavant  son  decez  ne  sçay  quel  Poëtastre,  plus  mal  presageux  ^ 
que  les  corbeaux  et  hiboux,  fit   imprimer  un    hvret  qu'il  inlituloit, 

10  les  '•  Epilaplics,  mort  cl  dernicrcs  paroles  de  Pierre  de  Ronsard. 
Cela  fut  veu  et  sceu  de  tout  le  monde,  qui  creut  quelque  temps  que 
Ronsard  estoit  mort,  non  sans  grand  regret,  encor  que  cette  nou- 
velle lut  découverte  aussi  tost  estre  faulse,  aussi  bien  que  les  vers  "^ 
que  ce  corbeau  vouloit attribuer  à  ce  Cygne*.  Quand  on    raconta 

15    cette  nouvelle  à  Ronsard,  il  ne  s'eji  fit  que  rire,  s'esbahissant  ^  tou- 
tefois comme  |  nostre  siècle  pouvoit  porter  des  es])rissi  misérables  :  [26] 
et  me  souvient  qu'il  médit  ''  un  jour  à  ce  propos,  au  dernier  voyage 
par  luy  fait  à  Paris  ^o,  qu'il  ne  se  faloit  esbahir  si  ces  esprits  naiz  en 
despit  de  Minerve  ^^  le  faisoient  mourir  quand  ils  vouloienl,  veu  que 

20  par  leurs  contagieux  escris  ils  faisoient  mourir  la  pureté  de  nostre 
langue,  et  de  la  Poésie.  Cette  mort  feinte  fut  neantmoins  estimée 
de  mauvais  augure,  etvoicy  un  Epigrameque  Jaii  Uoratfit  i'- quand 
il  sceut  la  vérité  : 


1.  C  de  l'Europe 
25  2.  C  Paul  de  Fois,  A.  Ferrier  * 

3.  BC  et  qui  semblent,  ennuj'ez  de  nostre  siècle,  ou  plustost  effrayez  de  nos  futurs 
malheurs,  avoir  voulu  s'éclipser  de  nous,  pour  nous  laisser  sans  regret  en  nos 
regrets  et  ténèbres.  Ce  que  le  inesme  Sieur  de  Pybrac  semble  avoir  preveu,  lors 
qu'il  dit  : 

150  Quand  lu  verras  que  Dieu  au  ciel  retire 

A  coup  à  coup  les  hommes  vertueux, 
Dy  hardiment,  I  orage  impétueux 
Viendra  bien  tost  esbranler  cest  Empire  *. 

C'est  tout  ainsi    que  celuy  qui  [C  Faisant  comme  celuy  qui]    voyant    que  le    feu 
35     voisin  doit  bien  tost    envahir  sa  maison,  retire  [C  en  retire]  et  sauve  ses    meubles 
plus  précieux. 

4.  B  de  Pionsard.  Car    (    C  de  Ronsard  :  car 

5.  BC  un  an  auparavant  son  trespas,  ne  s^ay  quel  Poctastre,  plus  mal  presa- 
gieux 

40  6.  B  qu'il  intituloit,  Les    |    C  dont  le  titre  portoit,  Les 

7.  C  encor'  que  cesle  nouvelle  fust  descouverte  bien  tost  estre  faulse,  comme  les 
vers 

8.  A  que  rire  s'esbahissant 

9.  BC  qu'il  me  dist 

45         10.  C  au  dernier  voyage  qu'il   lit  à  Paris 

11.  BC  esbahir,  si  ces  esprits  naiz  en  despit  des  Muses 

12.  C  un  Epigramme  que  Jean  Dorât  en  fit 


DE  PiEnnr;  de   ronsard  87 

Jam  semel  atqiic  itenim  liia  mors,  Ronsarde,  per  iirbem 
Sed  falsà  vulgata,  vel  omncni  Icrndl  orbem. 
Sole  bis  extincto  toti  qui  liixerat  orbi  : 
El  lanli  mors    ipso  forel,  si  vcra  fidsset  *, 
5  (//  tua  tôt  lachrymis  se  senscril  timbra  rcquiri. 

Niinc  magis  atqiie  magis   te  mortis  gloria  salvo  - 
Laetitia  cnmulet,  tua  fanera  faha  •',   supersles 
Qui  legis  ipse  tuum  Inetum,  litulumque perennem, 
Qualis  ab  Anrato  tumulo  scnlj)elur  inani. 
1"  Unus  tu  lionsardus  eras,  Graecis  quod  Homerus, 

Virgilius  Latiis,  Francis  quod  Iota  Poësis. 

La  noiivcllp  dosa  mort  trop  vrayc  apportée '*  ])ar  le  sieur  Galland, 
son  singulier  amy  5,  fut  d'autant  plus  regrettée  *,  que  nous  avions 
ja  par  la  faulse  nouvelle  première  gousté  et  appréhendé  la  perte  que 

15  nous  faisons  '''  perdant  un  Ronsard,  l'honneur  de  France  '',  nous 
estans  comme  préparez  ^  par  ce  faux  bruit  à  le  regretter  à  l'égal  de 
la  perte  vrayment  depuis  advenue.  Aussi  ledit  Galland  ^,  n'ayant 
enseveli  l'amitié  qu'il  luy  portoit  souz  un  mesme  tombeau,  faisant 
ce  que  la  France  devoit  faire,  fit  ^^^  dresser  un  magnifique  appareil  en 

20  la  chapelle  de  Boncourt,  qui  fut  tendue  de  tous  costez  de  noir, 
avec  les  armes  de  la  maison  de  Ronsard,  où  furent  célébrées  les  fu- 
nérailles 1'  fort  solenellement,  le  Lundi  vingt-quatrième  de  Février, 
i586*.  Le  service,  mis  ^-  en  Musique  nombrée,  fut  chanté  ^3  p^r 
l'eslite  de  tous  les  enfans  des  Muses,  s'y  estants  trouvez  ceux  de  la 

25    Musique  du  Roy  *,  qui  y   adjouta  son  commandement,  et   qui  re- 
gretta ^^  à  bon  escient  le  trépas  d'un  si  grand  personnage,  ornement 
de  son  royaume.  Je  n'aurois  jamais  fait  si  je  voulois  desCrire  |  par  [27j 
le  menu  les  Oraisons  funèbres,  Eloges  ^^^  et  vers  qui  furent  ce  jour 

1.  AB    pas  de  virgule  après  foret    |    C  pas  de  virgule  après  (orei  ni  après  fuisset 
30  2.  A  Salvo 

3.  160/1-1617,1630  omettent  funera    |    1623  rétablit  la  leçon  de  ABC 

4.  C  trop  vraj'ement  asseurce 

5.  BC  suppriment  son  singulier  amj' 

6.  C  que  ja  nous  nous  estions  par  la  fausse  nouvelle  première,  non  accoustumez, 
35     mais  préparez  pour  appréhender  la  perte  que  nous  faisions 

7.  B  l'honneur  et  l'estonnement  de  la  France,    aiuçois  du  monde     |  C  l'honeur 
de  la  France,  ainçois  du  monde, 

8.  C  comme  disposez 

9.  C  le  sieur  Galland 

40         10.  C  ce  que  la  France  devoit,  fit 

11.  B  Boncourl,  là  où  furent  célébrées  les  funérailles  |    C  Boncourt,  là  où  furent 
célébrées  et  imitées  ses  funérailles 

12.  AC  Le  service  mis 

13.  BC  nombrée,  animé  de  toutes  sortes  d'iustrumens,  fut  chanté 

45         14.  A  qui  y  ajoutèrent  son  commandement  et  qui  regretairent   (sic)    {corrigé  en 
adjouta    et  regretta  aux  errata)    \    B  du  Roj,    lequel  y    adjousta  son   commande- 
ment, et  regreta    j    C  du  Roy  suivant  son  commandement,  et    qui  regretta 
15.    BC  les  Oraisons  funèbres,  les  Eloges 


38  DISCOURS    DF.    LA     VIF 

sacrez  à  sa  inemoiro  *.  ci  combien  de  ijTans  Sei^jneiirs,  avec  mon- 
seigneur le  Duc  de  Joyeuse  el  monseigneur  le  Cardinal  son  lïere, 
ausquels  Ronsard  avoil  cel  honneur  d"a|)|>arlenir  *.  honorèrent  celle 
pompe  funèbre,  accompagne/  de  la  Heur  des  meilleurs  espris  de  la 
5  France  '.  Apres -disner  le  sieur  du  Perron  prononça  l'Oraison  fu- 
nèbre, avec  si  grande  aftluence  -^  de  peuple,  que  plusieurs  Princes 
el  grans  Seigneurs  fureni  conlrainls  Ac  s'en  aller  '',  poiu'  n'avoir 
peuenlrer^.  Le  desordre  el  conlusion  du  peuple  qui  s  enlrepressoit 
pour  enlendre,  augmenla  pluslosl  riiouneur  de  son  éloquence 'J,  et 

10  lesmoigna  combien  la  gloire  de  l^onsard  el  sa  perle  estoil  "^  grande, 
où  il  sembloit  que  le  public  el  chacun  en  parliculier  eusl  inleresl 
\  abordant^  de  tous  coslcz  *.  A  l'issue  de  l'Oraison  funèbre*'  fui 
représentée  une  Eclogue  par  moy  faite  *  pour  fermer  cet  acte  fu- 
nèbre.   Voila    la  fin  de  celuy  qui  avoit  donne  commencement  et 

15  accroissemcnl  à  l'honneur  de  la  langue  et  Poésie  Françoise,  et  qui 
possible  la  ensevely  avec  soy  sous  mesme  sépulture^"*. 

Il  fui  en  loule  sa  vie  autant  curieux,  et  s'il  faut  ainsi  dire,  ambi- 
tieux du  vray  honneur  ^^  que  la  vertu  nous  apporte,  conime  épar- 
gnant de  celuy  d'autruy,  n'ayant  jamais  olTensc  personne  s'il  n'estoit 

20  provoqué  au  paravant  *.  Vray  est  ^-  qu'il  s'est  quelquefois  cour- 
roucé contre  ceux  qui  brouilloient  le  papier,  el  qui  ne  faisoienl  à  son 
gré,  comme  on  peut  voir  au  second  livre  ^^  des  Poëmes,  en  celuy 
escrit  à  Christophle  de  Choiseul  ^'*  *.  Sur  ses  derniers  jours  me  fai- 


1.  A  pas  de  virgule  aprrs   funcbre    |    C  de  grans  Seigneurs,    avec    ce    généreux 
25     Prince    Charles  de  \'alois  *,  accompagné  du    Duc  de  .loyeuse  et    du  Reverendis- 

sime  Cardinal  son  frère,  ausquels  Ronsard  appartenoil,  honorèrent  ceste  poinpe 
funèbre,  à  laquelle  l'eslitc  de  ce  grand  Sénat  de  Paris  *  daigna  bien  assister, 
comme  à  un  acte  public,  suivie  de  la  fleur  des  meilleurs  esprits  de  la  F"rance. 

2.  A  de  la  France,  après 

.30  3.  B  avec  tant  d'éloquence  et  si  grande  afflucnce 

4.  B  de  s'en  retourner 

5.  C  Apres  disner  le  sieur  du  Perron  prononça  l'Oraison  Funèbre  avec  tant 
d'éloquence,  el  pour  laquelle  oiijr  l'afflucnce  des  auditeurs  fut  si  grande  que  Mon- 
seigneur   le    Cardinal    de   Rourbon  *,    et     plusieurs  autres   Princes    el    Seigneurs 

35     furent  contraints  de  s'en  retourner  pour  n'avoir  peu  forcer  la  presse. 

().  C  pour  n'avoir  peu  forcer  la  presse.  L'applaudissement  des  assistans  entres- 
grand  nombre,  et  le  regret  de  la  troupe  immense  qui  ne  peut  entrer,  fitcognoistre 
l'effect  merveilleux  de  son  éloquence 
7.  lie  et  la  perte  en  cstoit 
40  8.  BC  inleresl,  y  abordant 

9.  B(l  suppriment  funchrc 

10.  C  sépulture,  qui  le  premier  de  nos  François  osa   tracer  un  sentier  incogneu 
pour  aller    à    l'immortalité,    ayant  guidé  les  autres    au    chemin    d'un    si   hooeste 
labeur  *. 
45         11.  C  11  fut  en  toute  sa  vie  autant  ambicieux  de  l'honeur  vray 

12.  A  au  paravant  :  Vray  est    |    C  auparavant  :  vray  est 

13.  A  au  2  livre 

14.  C  comme  on  peut  voir  au  Poëme  escrit  à  Chrislolle  de  Choiseul 


DE    PIKHHK     Ki:     KON'^UU)  3p 

sant  cet  honneur  de  mo  communiquer  familièrement  tant  les  desseins 
de  ses  ouvrages,  que  les  jugeniens  (|u'il  donnoil  des  escrivains  du 
jourd'huy,  il  se  plaignoit  forl  de  certain  stile  dur  et  ferré  qu'il 
voyoit  s'aulhoriser  parmy  nous^.  O,  disoil-il,  f|ue  nous  sommes 
5  bien  tost  à  nostre  barbarie,  que  je  [)lains  nostre  langue  de  voir  si 
tost  son  Occident  -  *.  Puis  -^  me  parlant  de  tels  auteurs  qui  s'am- 
poullent  et  font  sans  chois  Mercure  de  tout  bois  :  Fis  ont,  me 
disoil-il,  l'esprit  plus  tiubulent  que  rassis,  plus  violent  qu'aigu, 
lequel    imite  les  lorrcns  d'hyver,  qui  attrainent  '*  des  moutaignes 

10    autant  de  boiie  que  de  claire  eauë  :   voulant  éviter  le  langage  com- 
mun, ils  I  s'embarrassent  de    mois   et  manières  de    parler  dures,  [28] 
fantastiques,  et  insolentes,  lesquelles  représentent  plustost  des  Chi- 
mères, et  venteuses  impressions  des  nues  qu'une  vénérable  Majesté 
Virgilienne  :  car  c'est  autre  chose  d'estre  grave  et  majestueux,   et 

15  autre  chose  d'enfler  son  stile  et  le  faire  crever*.  Pource,  faisant  ^ 
une  parodie  sur  un  vers  d'Homcre,  quand  Andromache  dit  à  son 
Hector,  le  voyant  sortir  hors  la  porte  tout  armé,  Ta  vaillance  te 
peidra  :  Ainsi  (disoit-il)  le  chaud  "  bouillon  de  la  jeunesse  de  ces 
singes    imitateurs,  el   l'impétuosité    de    leur  esprit,  conduit  seule- 

20  ment  de  la  facilité  d'une  nature  dépravée,  sans  artifice  laborieux, 
|)erdronl'^  leur  naissante  réputation*.  Disant*^  au  reste  que  quel- 
ques uns  d'iceux  eussent  peu  estre  capables  de  la  Poésie,  et*'  d'estre 
mis  au  rang  des  bons  Poètes,  s'ils  eussent  peu  recevoir  correction. 
Mais  parlant  de  quelques  autres,  qui  suivants  cette  bande  prosti- 
25  tuent  les  Muscs,  et  les  habillent  el  déguisent  à  leur  mode,  il  ne 
peut  un  jour  se  tenir  qu'il  ne  me  dictast  sur  le  champ  ces  vers  : 

Bien  souvent,  mon  Binei  *,  la  troupe  sacrilège 
Des  filles  de  Cocyte  *  entre  dans  le  collège 
Des  Muses,  et  vestant  leurs  habits  empruntez 
•W  Trompent  les  plus  rusez  de  caquets  eshontez. 

Qui  rampent  cautement,  se  coulent  et  se  glissent 
Au  cœur  des  auditeurs,  qui  effrayez  pallissent 

1.  BC  il  se  plaignoit  fort  de  ne  sçay  quelles  façons  d'escrire,  et  inventions  fantas- 
tiques et  melancholiques   d'aucuns  de   ce   temps,    qu'il  voyoit  s'authoriser    parmi 

35     nous,  et  qui  ne  se  r'apportent  non  plus  que  les  songes  entrecoupez  d'un  frénétique, 
ou  d'un  fiévreux,  duquel  l'imagination  est  blessée  *. 

2.  BC  de  voir  en  naissant  son  trespas 

3.  A  Occident  :  puis    |    C  trespas  :  puis 

4.  1609,  1617,  1630  attaignent    |    1623  atteignent 

40         5.  A  crever  :  pource  faisant    |    BC  crevei-.  Puis  faisant 

6.  A  te  perdra,  Ainsi  le  chaud    |    C  te  perdra,  ainsi  disoit-il  le  chaud 

7.  BC  perdra 

8.  A  réputation  :  disant    |    B  réputation  :  Disant 

9.  C  quelques  uns  d'iceux  pouvoient  estre  capables  de  ce  bel  art,  et 


4o  DISCOURS    DE    LA    VIE 

Estonnez  du  uuirnuirc,  et  du  jargon  des  vers: 

Et  plus  '  (7s  soni  houfjis,  plus  courent  de  travers. 

Et  plus  ils  sont  crevez  de  sens  et  de  paroles. 

Plus  ils  sont  admirez  des  troupes  qui  sont  foies. 
5  Tels  farouches  esprits  ont  un  coup  de  marteau 

Engravé  de  naissance  au  milieu  du  cerveau, 

Empcschant  de  prévoir  de  quel  saint  artifice 

On  appaise  les  Senrs  pour  leur  faire  service. 

Qui  demandent  des  /leurs,  et  non  pas  des  chardons, 
10  Non  des  coups  de  canons,  ains  des  petits  fredons. 

Je  les  ay  veu  souvent  courir  parmi  les  rues 

Servir  de  passctemps  à  no:  troupes  menues  -,  |  l^'^J 

De  ris  et  de  jouet,  ou  bien  sus-^  un  fumier 

Ils  meurent  à  la  fin,  leur  tombeau  coiistumier, 
15  Et  ^  jureurs  et  vanteurs  meurent  à  la  taverne, 

Comme  gens  débauchez  que  la  Lune  gouverne  *. 

Il  disoit  ordinairement  que  tous  ne  dévoient  témérairement  se 
mêler  de  la  Poésie  :  que  -'  la  prose  cstoit  le  langage  des  hommes, 
mais  la  Poésie  csloit  le  langage  des  Dieux  ^  *  :  et  que  les  hommes 

20  n'en  dévoient  estre  les  interprètes,  s'ils  n'estoient  sacrez  des  leur 
naissance,  et  dédiez  à  ce  ministère*^  *. 

Les  Satyres  qu'il  avoit  faites,  et  qu'il  eust  publiées,  si  nostre 
siècle  eust  esté  plus  paisible,  ne  taxoient  personne  qui  ne  l'eust 
mérité,  et  c'estoil  bien  une  de  ses  envies  de  peindre  au  vif  les  vices 

25  de  nostre  temps,  pour  corriger  les  uns,  et  espouvanter  les  autres  de 
mal  faire*.  Il  m'en  a  monslré  quelques  unes  meslécs  à  l'Horatiennc*, 
mais  je  croy  qu'elles  seront  perdues*^,  d'autant  que  m'ayant  re- 
commandé et  laissé  ses  œuvres  corrigées  de  sa  dernière  main,  pour 
y  tenir  l'ordre  en  l'impression,  suivant  ses  mémoires  et  advis,    et 


30         \.  C  Tant  plus  {même  var.   au  vers  suivant) 

2.  AB  menues 

3.  C  sur 

4.  COu 

5.  AC  Poësie,  que 

35         6.  Î623  supprime  la  prose  estoit  le  langage  des  hommes,  mais 

7.  BC  à  ce  ministère.  Il  estoit  ennemy  mortel  des  Yersificateurs  [C  des  versifica- 
teurs dont  les  conceptions  sont  toutes  ravalées],  qui  pensent  avoir  faict  un  grand 
chef  d'oeuvre,  quand  ils  ont  mis  de  la  Prose  en  vers  *.  Car  comme  Michel-ange, 
[C  Michel-Ange],  peintre  et  sculpteur  très-excellent,  diroit  [C  disoit]  pour  un  secret 

40  en  son  art,  que  la  parfaite  peinture  doit  approcher  de  la  sculpture,  et  la  repré- 
senter autant  que  l'art  le  permet,  et  au  contraire  que  la  sculpture  doit  du  tout 
s'éloigner  de  la  plate  peinture  :  ainsi  la  prose  peut  bien  exprimer  les  ornemens  de 
Poésie,  et  les  vestir  modestement.  Mais  la  Poésie  doit  estre  toute  relevée  en  bosses 
et  fleurs  apparoissantes,  et  fuyr  du  tout  le  stile  plat  et  prosaïque,  comme  son    con- 

45     traire  *.    Vient  ensuite  l'alinéa  Les  premiers  Poètes...   V.  ci-aprés,  p.  43.) 

8.  C  qu'elles  sont  fort  esgarées 


DE    PIEKRK    DE    RONSARD  4ï 

desquels''  il  s'est  fie  à  moy  *,  il  me  dll,  quant  aux  Satyres,  que 
l'on  n'en  vcrroit  jamais  que  ce  qu'on  en  avoit  veu,  nostre  siècle 
n'estant  digne  -  ny  capable  de  correction  ^  *. 

Quant  au  jugement  de  ses  œuvres  *,  il  le  laissoit  librement  à  un 
5    chacun,  et  deferoit  à  celuy  des  doctes,  mais  toutefois  n'approuvoit 
le  jugement  d'aucuns,  qui    parlans  de  sa  Franciade,  avoient  opi- 
nion qu'elle   ne    respondoit  à  ses    autres  œuvres.    Car    personne, 
disoit-il,   ne  sçauroil  juger  ainsi,  qu'il  n'accuse  son  ignorance  ^. 


1.  B  suivant  les  mémoires   et    advis,  et    desquels    |    C  suyvant  les    mémoires  et 
10     advis  desquels 

2.  C  n'estant  ny  digne, 

3.  BC  transposent  tout  ce  passage  depuis  Les  Satjaes...,  e'  l'insèrent  avant  l'alinéa 
11  avoit  envie...  {V.  ci-après,  p.  47.) 

4.  ABC   pas   d'alinéa. 

15  5.  BC  Quant  au  jugement  de  ses  ouvrages,  il  le  laissoit  librement  à  un  chacun, 
et  deferoit  à  celuy  des  doctes,  et  les  exposoit  [C  des  doctes,  les  exposant]  en  public 
à  la  façon  d'Apelle,  afin  d'entendre  le  jugement  et  l'arrest  d'un  chacun,  qu'aussi 
volontiers  il  recevoit  comme  il  pensoit  estre  candidement  prononcé  :  n'estant  pas 
vice  de  s'amender,  ains  extrême  malice  de  persister    en  son   péché.  Raison  [C  pe- 

20  ché  :  raison]  pour  laquelle,  tantost  par  un  meilleur  advis  de  soy-mesme,  tantost 
par  le  conseil  de  ses  plus  doctes  amis,  il  a  changé,  abrégé,  alongé  beaucoup  de 
lieux,  et  principalement  de  sa  divine  Franciade,  et  en  [C  et  mesmes  en]  ceste  der- 
nière main  *,  voulant  tousjours  tirer  au  but  de  perfection  qu'on  doit  [C  qui  se 
doit]  rechercher  en  la  Poésie,  pour  acquérir  de  l'honneur  *,  et  non  la  médiocrité 

25     qui  y  est  \C  qui  est]  extrême  vice  *. 

Aussitôt  après  cette  phrase  C  ajoute  J'entends  médiocrité  humble  et  abjecte,  et 
non  celle  que  le  judicieux  Horace  estime  tant,  qui  se  prent  pour  un  stile  moien 
et  tempéré,  ny  trop  eslevé  ny  trop  bas,  conforme  à  son  suject  *  qui  est  la  perfec- 
tion   mesme,    non    encor'    concédée   des   Dieux   aux   hommes  *.    11    s'est  toutefois 

30     trouvé  des  Zoïles  qui    ont    bien  osé  attaquer    sa  Franciade,  dont  la  seule  imperfec- 
tion est  de  ne  l'avoir  peu  achever,  pour  le    désir  qu'il  nous  en  a  laissé  par  un  si 
parfaict   commencement  :  Et  voicy  ce  que  l'un  d'eux  en  escrivit  : 
Dum  juuenis  Ronsardus  ouans  praeclara  canebat, 
Concepta  rapuit  compila  Franciade  : 

35  Parturiit,  Centaurus  adest,  vel  inepta  Chimera  (sic). 

Qualiacumque  ea  sint,  cauda  capulve  latet. 

II  ne  s'esraeut  pour  cela  beaucoup,  mais  respondit  en  ceste  sorte  : 
Vn  lit  ce  livre  pour  apprendre. 
L'autre  le  lit  comme  envieux, 
40  //  est  bien  aisé  de  reprendre 

Mais  malaisé  de  faire  mieux  *. 

Et  s'il  ne  l'a  pas  achevée  ce  n'a  pas    esté    faulte   de  suject,    mais    faulte  de   noz 
Roys  qui  n'ont   continué  ceste  généreuse  faveur  nourricière  des  grands  esprits.  Il 
le  tesmoigne  en  ces  vers  : 
45  Si  le  Roy  Charles  eut  vescu 

J'eusse  achevé  ce  long  ouvrage. 

Si  tost  que  la  mort  l'eust  vaincu, 

Sa  mort  me  vainquit  le  courage  *. 

Mais  par  cet  échantillon  on  peut  prévoir  quelle  devoit  estre  la  pièce  entière  *. 
50  Les  beaux  esprits  s'exerceront  à  y  cercher  [160i-1623  chercher]  des  sens  allégo- 
riques, et  laisseray  cela  à  ceux  qui  ont  plus  de  loisir.  Je  ne  celeray  point  pourtant 
que  parla  complainte  d'un  amy  de  Francus,  mort,  et  par  ses  obsèques,  il  m'a  dit 
avoir  entendu  un    Prince   qui  estoit  fort  nécessaire  pour  Testât  près   du  roy    Char- 


/|2  m  SCO  in  S     l>F.     LA     VIK 

T.es  hommes  doctos  aussi,   et  non  sonlomenl  les  nostres  ^,  mais 

les  estrangcrs,  et  principalement  les  Italiens-,  l'ont  estime  et  loue 

iiiliniinent  *,  et  le  plus  docte  d'entre  eux  •',  et  le   plus  raisonnable 

censeur  des  Poêles.  Jules  '^  Gesar  Scaliger*,  luy  dédia  ses  Anacreon- 

5    li([ues,  comme  au  premier  de  tous  les  Poêles  •"•,  en  ces  termes  : 

Quo  te  carminé,  (jna  prcce, 

Qiio  pingiii  Geniiim  thiirc  adeaiii  liiiim 

Immensi  sobolem  aclheris. 

Qui  Miisis  ''  iiniiui  ])iodi(jiis  imperas  ?  |  [oO  | 

10  O  canins  decus  anrei 

Qui  solus  stupidis  anribus  inimincs. 

O  flexus  vclcrcs  novo, 

Quos  fn'li.v  superas,  ncctare  cundiens 

Suhliniis  fidiccn  Lijrae, 
15  Graiis  picla  nolis  (Jellica  tcmperans  : 

Qui  solus  scatebris  tuis 

Latè  Pegaseos  imbuis  alveos  : 

Te  solo  magis  ac  magis 

Implens  Caslalii  consilium  chori. 
20  An  frustra,  an  lepidus  meus 

Blandus  suaviloqnus  dulcis  Anacreon, 

Ronsarde,  ad  liquidant  chelin, 

Hinc  ausil  nireis  vectus  oloribus, 

Nunc  priniiim  è  tenebris  pudens. 
25  Sacrum  stellifero  ferre  caput  polo  ? 

Cujus  luce  frequens,  pari 

Illum  luce  tua  flammeus  obruis', 

Mortes  pracripiens  traces, 

In  quoscumque  tuus  spiritus  ingruil  *. 

30  Et  ce    jugement  fut  suiv_y  de  tout  le  monde  ^,  comme  tesmoignent 


les  IX  pour  lors  *.  Comme  aussi  par  les  vices    des  Princes    faj'neants  il    a    voulu 
toucher  les  corruptions  de  nostre  temps  *. 

{BC  transposent  ces  développemenis  depuis   Quant  au  jugement   de  ses  ouvrages... 
et  les  insèrent  après  la  lettre  de  Ronsard  à  Baïf  sur  la  Pédotrophie  de   Ste  Marthe  ;  ils 
35     les  font  suivre  de  l'alinéa  qui  contient  les  vers  latins  de  Scaliger.  V.  ci-après,    p.  44, 
ligne  40.1 

1.  C  Les  beautez  de  ses  œuvres  ne  se  cognoissent  tout  d'un  coup,    ny  par    tous. 
Mais  en  gênerai  les  hommes  doctes,  et  non  seulement  les  nostres 

2.  AC  pas  de  virgule  après  Italiens 

40         3.  B  et  un  des  plus  nobles  et  doctes    d'entre  eux    |    C    ont    estimé    et  loué  les 
ouvrages  de  Ronsard  si  hautement  que  l'un  des  plus  nobles  et  doctes  d'entre  eux 

4.  BC  et  le  plus  pres-regardant  Censeur  des  I-'oëtes,  ce  grand  Jules 

5.  AC  pasde  virgule  après  Poètes 

6.  AB  niusis 

45         1 .  A  un  point  après  obruis 
H.  BC 

In  quoscumque  tuus  spiritus  ingruit. 

D'autres  excellens   personnages  aussi,  comme  Pierre    Victor,    Pierre  Barga   *,    et 


DE    PIEIIRE    DE    RONSARD  43 

SCS  œnvres  que  l'on  a  Icu,  cl  lil  on  cncorcs  pul)licr|iicmenl  aux 
cscollos  h'rançoiscs  de  Flandres,  d'Anglclerre  cl  de  Pologne,  jus- 
ques  à  Danzich  *  *. 

Les  premiers  Poètes  et  escrivains  qu'il  a  estime  ^  avoir  commencé 
5  à  bien  cscrire,  ont  esté  Maurice  Sceve,  ïlugucs  Salel  -^  et  Jacques 
Pelletier^.  Quant  aux  autres,  ils  sont  assez  cogneus  et  remarquez 
en  ses  œuvres  ^.  Il  ayma  et  estima  sur  tous  pour  la  grande  doc- 
trine, et  pour  avoir  les  mieux  escrits,  Pontus  de  Tyard  *,  aprescnt 
Evesque  de  Ghaalons,  Joachin  du  Bellay,  Jean  Ant.  de  Baïf, 
10  Remy  Belleau,  qu'il  appeloit  le  peintre  de  nature  *,  Amadis 
Jamin,  qu'il  avoit  nourry  avec  soy  *,  Robert  Garnicr,  Poète  tragi- 
que*, Philippe  des  Portes,  Abbé  de  Tyron,  Florent  Cbrcslien,  Sçe- 
vole  de  Saincte  Marthe '5*,  Jean  Passerat,  et  J.  D.  Perron,  et  quel- 
ques autres  dont  le  jugement  est  en  ses  œuvres  '^*.  [31] 

15  Speron  Sperone  *,  l'ont  tellement  estimé,  que  les  deux  premiers  m'ont  dit,  lorsque 
j'estois  \C  lorsque  je  poursuivois  mes  esludes]  en  Italie,  que  nostre  langue  par  la 
divine  Poésie  de  nostre  Ronsard  s'egaloit  à  la  Grecque  et  Latine.  Et  quant  à  Spe- 
rone, c'est  ce  qui  l'a  esnieu  au  Dialogue  des  Langues,  de  tant  estimer  la  nostre,  et 
de    faire  un  juste  Poëme    [C  en    langue  Toscane]  à  la  louange  de    Ronsard,    qui 

20  [C  de  Ronsard,  que  j'aj'  trouvé  parmy  ses  papiers,  et  qui]  mérite  bien  d'estre  leu  *. 
Et  cejugenient  a  esté  suivy  de  tout  le  monde  * 

1.  BC  transposent  cet  alinéa  et  l'insèrent  avant  celui  qui  commence  par  Aucuns  ont 
trouvé  la  correction  (y.  ci-après,  p.  iS),  niais  C  avec  cette  addition  après  Danzich. 
Aussi  le  docte  la  Ramée  en   sa  Rhétorique  n'a  peu    trouver  de    plus    beaux   exem- 

2.1  pies  pour  son  instruction  de  l'éloquence  Françoise  que  dans  les  œuvres  de  Ron- 
sard, qui  luy  en  ont  fourny  à  sulTisance,  comme  Virgile  à  Quinlilian  *.  lia  changé 
l'addresse  d'aucunes  pièces  de  ses  œuvres,  mais  ce  n'a  pas  esté  par  légèreté  ou 
inconstance  d'amitié  mais  par  bonne  raison,  ainsi  qu'il  m'a  raconté,  et  que  nous 
voions  au  Sonet  qui  commence  : 

30  A  Phebus\,]  PatoiiiUet, 

qui  s'addressoit  premièrement  à  Jaques  Grevin  médecin  *,  bel  esprit  certes,  et 
l'honeur  de  nostre  pais  Reauvaisin,  qui  le  meritoit  bien,  n'eust  esté  qu'aj^ant  aj'dé 
à  bastir  le  Temple  de  calomnie  contre  Ronsard  en  haine  des  Discours  des  misères 
de  nostre  temps,  il  s'en  rendit  indigne,  et  de  son  amitié  de  laquelle  il  honoroit  son 
35  gentil  esprit  :  Sa  vengeance  ne  fut  autre  toutesfois  que  de  raier  son  nom  de  ses 
escrits.* 

2.  C  Les  premiers  Poètes  qu'il  a  estimé 

3.  A  Hugues,  Salel  (/".  d'impr.  évidente) 

4.  BC  ont  esté  Maurice  Sceve,  Hugues  Salel,  Anthoine  Heroet,  Melin  de  S.  Gelais, 
40    Jacques  Pelletier,  et  Guillaume  des  Autels 

5.  BC  Quant  aux  autres  qui  ont  suivy  plus  heureusement,  ils  sont  assez  cogneus 
et  remarquez  par  leurs  œuvres. 

6.  A  saincte  Marthe 

7.  B  Pontus  de  Tyard,  Jean  Ant.  de  Rayf,  Joachin  du  Rellay,  Estienne  Jodelle, 
45     Rem3'  Belleau,  qu'il  appelloit  le  peintre  de   nature,  Estienne  Pasquier  *,    Amadis 

Jarain,  qu'il  avoit  nourrj'  avec  soy,  Robert  Garnier  Poète  tragique,  Philippes  des 
Portes,  Florent  Chrestien,  Scevole  de  Saincte-Marthe,  Jehan  Passerat,  J.  D.  Per- 
ron Bertaud,  et  J.  de  la  Peruse,  et  quelques  autres,  dont  le  jugement  est  en  ses 
œuvres. 
50  C  II  aima  et  estima  sur  tous  tant  pour  la  grande  doctrine  et  pour  avoir  le  mieux 
escrit,  que  pour  l'amitié  à  laquelle  l'excellence  de  son  sçavoir  les  avoit  obligez, 
Jan  Anthoine  de  Baïf,    Joachin  du   Bellay,  Pontus  de   Tyard,    Estienne    Jodelle, 


44  niscouns  df,  i.\   vie 

Sa  conversation  o?loil  fort  facile  avec  ccnx  qu'il  aymoit,  mais  il 
avmoit  snr  lonl  les  hommes  studieux,  vertueux  et  de  nette  cons- 
cience, et  qui  estoicjil  libres,  ouverts,  simples,  et  sans  tromperie*, 
comme  aussi  Uiymesme  desiroil  eslre  tel-*  :  pouvant  dire  hardi- 
5  ment  que  ses  mœurs,  comme  aussi  sesescrits  •*,  porloient  tousjours 
je  ne  sçav  quoy  de  noble  au  front,  et  en  toutes  ses  actions  on  voyoit 
reluire  *  les  effets  d'un  vray  Gentil-homme  François,  au  reste 
libéral  et  magnifique  en  la  despence  des  biens  qu'il  a  voit  •''. 

Il  se  plaisoit  ordinairement  ou  à  S.  Cosme  ^,  lieu  fort  plaisant,  et 

10    comme  l'œinde  la  Touraine,  jardin  de  la  France,  ouà  Bourgueil, 

à  cause  du  deduict  de  la    chasse,  auquel  il  s'exerçoit   volontiers  ^, 

comme  aussi  à  Croix-val,  recherchant  ores  la   solitude  de  la  forest 


Remy  Belleau  qu'il  appelloit  le  peintre  de  nature,  la  compagnie  desquels  avec  luy 
et  Dorât  à  l'imitation  des  sept  excellens  Poètes  Grecs  qui  florissoient  presque  d'un 

15  niesme  temps  il  appella  la  Pléiade*,  parce  qu'ils  estoient  les  premiers  et  plus 
excellens,  par  la  diligence  desquels  la  Poi-sie  Françoise  estoit  montée  au  comble 
de  tout  honeur.  Il  mettoil  aussi  en  cet  honorable  rang  Estienne  Pasquicr,  Olivier 
de  Maigny,  .1.  de  la  Peruse,  Amadis  Jamyn  qu'il  avoit  nourry  page,  et  fait  ins- 
truire,   Robert  Garnier    Poète    tragique,     Florent     Chrestien,    Scevole  de  saincte 

20  Marthe,  Jean  Passerat  et  Philippes  des  Portes,  J.  D.  Perron,  et  le  polj'  Bertaud, 
lesquels  ont  si  purement  escrit  qu'ils  me  font  désespérer  de  voir  jamais  nostre 
langue  en  plus  haute  perfection.  Il  faisoit  encore  estât  de  quelques  autres  dont  le 
jugement  est  en  ses  œuvres. 

Aussitôt  après  cette  phrase  BC  ajoutent  11   avoit  une   liberté  de  juger  des   escrits 

25  de  ceux  de  son  temps,  jointe  à  une  candeur  esloignée  de  toute  jalousie  (aussi 
estoit-il  pardessus  elle)  ne  retenant  les  louanges  de  ceux  ausquels  elles  estoient 
raisonablement  deuës  :  tesmoin  le  jugement  qu'il  donna  de  la  Psedotrophie  de 
Scevole  de  sainte  Marthe  que  Kaïf  luy  avoit  envoyé  [C  envoj'ée]  *.  Car  en  la  res- 
ponse  qu'il  luj'  fit,  voicy  ce  qu'il  en  dit  :  Bons  Dieux  quel  livre  m'avez  vous  donné 

30  \C  envoyé]  de  la  part  du  Seigneur  de  saincte  Marthe  ?  [1609-1623  !]  Ce  n'est  pas 
un  livre,  ce  sont  les  Muses  mesmes  :  et  s'il  m'estoit  permis  d'y  asseoir  jugement, 
je  jure  nostre  Helicon,  que  je  le  voudrois  préférer  à  tous  ceux  de  nostre  temps, 
voire  quand  Hembe,  Naugere,  et  le  divin  Fracastor  *  en  devroient  estre  cour- 
roucez. Car  adjoignant  la  splendeur  du  vers  nombreux  et  sonoreux  [C  Car  consi- 

35  derant  comme  il  a  joint  la  splendeur  du  vers  nombreux  et  savoureux]  à  la  belle  et 
pure  diction,  la  fable  à  l'histoire,  et  la  Philosophie  à  la  Médecine,  je  dy  le  siècle 
bien-heureux  qui  nous  a  produit  un  tel  homme  \C  je  ne  me  puis  tenir  de  m'escrier, 
Deus  deus  ille  Menalca,  et  de  dire  le  siècle  bien-heureux  qui  nous  a  produit  un 
tel  homme]  *. 

40  {Suivent  en  BC  les  développements  qui  commencent  par  Quant  au  jugement  de  ses 
ouvrages...  V.  ci-dessus,  p.  il,  note  5.) 

1.  B  simples,  et  sans  fiction  et  afifetterie  courtisane  |  C  ouverts  et  simples,  sans 
fiction  et  afi'etterie  courtisane 

2.  C  avoit  tousjours  désiré  d'estre  tel 

45         3.  A  pas  de  virgule  après  escrits    |    BC    ses  mœurs,  sa  face  et  ses  escrils 

4.  BC  paroislre 

5.  BC  des  biens  qu'il  avoit.  II  n'estoit  ennemy  d'aucun,  et  si  aucuns  se  sont 
rendus  ses  ennemis,  ils  s'en  sont  donné  le  subject  :  mais  sa  naturelle  douceur  les 
en  a  faict  repentir. 

50         6.  ne  Sa  demeure  ordinaire  estoil  ou  à  Sainct  Cosme 

7.  C  l'œilet    I    160^-1630  l'œillet 

8.  C  volontiers,  et  où,  pour  cet  exercice,  il  faisoit  nourrir  des  chiens  que  le  feu 
Roy  Charles  luy  avoit  donnez,  ensemble  un  Faulcon  et  un  Tiercelet  d'autour  : 


DE    PIERHE    Dr:    RONSARD  45 

de  Gastine,  ores  les  rives  du  Loir,  et  la  belle  fonteine  Bellerie  ^  *, 
où  bien  souvent  seul,  mais  tousjours  en  la  compaip:nio  des  Muses, 
ils'egaroit  pour  rassembler  les  belles  inventions,  lesquelles-  parmy 
le  tumulte  des  villes  et  du  peuple  s'escailanl  (;à  et  là -^  ne  peuvent 
5  si  bien  se  concevoir  en  nous*.  Quand  il  esloit  à  Paris  il  se  delec- 
loil  sur  tout  ou  à  Meudon,  à  cause  des  bois  et  de  la  rivière  de 
Seine  *,  ou  à  Gentilly ,  Hercueil ,  ou  Vanves  ^,  pour  l'agréable 
frescheur  du  ruisseau  de  Bievre,  et  des  fonteines  que  les  Muses 
ayment  naturellement*.  Il  prenoit aussi  singulier  plaisir  à  jardiner, 

10  et  sur  tous  lieux  en  sa  maison''  de  S.  Cosme,  où  Monsieur  le 
Duc  d'Anjou  ~',  qui  le  prisoit,  l'aimoit,  et  admiroit,  le  fut  voir  ^ 
aprez  avoir  l'aict  son  entrée  à  Tours  *.  Il  sçavoit  beaucoup '-'de  beaux 
secrets  pour  le  jardinage,  fust  pour  semer,  planter,  ou  pour  enter 
et  grefler  en    toutes  sortes,   et   souvent  en  presentoit  des  fruictz  au 

15  Roy  Cliarles,  qui  prenoit  à  gré  tout  ce  qui  venoit  de  luy  *.  Quand  il 
se  meltoità  l'estude  il  ne  s'en  retiroit  aisément^*^,  et  lors  qu'il  en 
sortoit,  il  estoit  assez  melancholique,  et  bien  aise  de  rencontrer  com- 
pagnie récréative  :  mais  "  lors  qu'il  composoit  il  ne  vouloit  estre 
importuné  de  personne,  se  faisant  excuser  librement,  mesme  à  ses 

20    plus  grans  amis,  s'il  ne  parloit  à  eux  ^-  *. 

Aucuns  ont  trouvé  la  correction   qu'il  a  faicte  en  ses  œuvres,  en 
quelques  endroicts,   moins  agréable  que   ce  qu'il  avoit  |  première-  [32] 
ment  conceu,   comme  il  advient  ^-^    principalement    en  la  Poésie, 
que  la  première  fureur  est  plus  naïve,  et  que  la   lime  trop  de  fois 


25  1.   C  Bellerie,  ou  celle  d'Helene, 

2.  AC  inventions  lesquelles 

3.  B  peuple,  s'ecartant  çà  et  là,  comme  une  semence  esgarée,    |    C  comme  une 
semence  esgarée  de  la  matrice, 

4.  BC  Quant  il  estoit  à  Paris,  et  qu'il  vouloit  s'esjouir  avec   ses  amis,  ou  com- 
30     poser  à  requoy,  il  se  delectoit  ou  à  Meudon,  tant  à  cause  des  bois  que  du  plaisant 

regard  de  la  rivière  de  Seine, 

5.  B  Hercueil,  et  Vanves    |    C  Hercueil,  Sainct  Clou,  et  Vanves 

6.  A  lieux,  en  sa  maison 

7.  A  Danjou 

35  8.  BC  le  fut  voir  plusieurs  fois. 

9.   B  II  sçavoit,  comme  il  n'ignoroit  rien,  beaucoup  |    C  II  sçavoit  assez  (comme 
il  n'ignoroit  rien  i  beaucoup    |    1609-1623  suppriment  assez 

10.  1609-1623  il  s'en  retiroit  aisément  {leçon  faut,  adoptée  par  Bl.   VIII,  51) 

11.  A  récréative  :  Mais 

40  12.  C  supprime  s'il  ne  parloit  à  eux.  Mais  à  cet  alinéa  BC  ajoutent  celui-ci  La 
peinture  et  sculpture,  comme  aussi  la  Musique,  luy  estoient  à  singulier  plaisir 
[1609  in-f^,  et  surtout  celle  du  Sieur  Mauduit,j  *:  et  principalement  aimoit  à  chan- 
ter et  à  ouj'r  chanter  ses  vers,  appellant  la  Musique  sœur  puisnée  de  la  Poésie, 
et  les  Poètes  et   Musiciens    enfans  sacrez    des   Muses    ;  que    sans    la    Musique    la 

45     Poésie  estoit  presque  sans  grâce,    comme  la  Musique  sans  la    mélodie    des    vers, 
inanimée  et  sans  vie  *.   [Vient  ensuite  i  alinéa  final  II  incitoit  fort...) 
13.  BC  comme  il  peut  avenir  [C  advenir] 


46  discot:rs  de   la   vie 

mise,  en  lien  d'eelaircir  ''  et  polir  le  fer,  ne  fail  qne  l'nser  et  le 
rendre  plus  rude  -.  Les  doctes  eu  jugeront  ■'  *.  Quant  à  ses  œuvres, 
elles  sont  tant  pleines  d'excellence  *  et  de  beauté/,  que  nous  les 
pouvons  mieux  entendre  et  admirer  que  les  expliquer  et  imiter  :  et 
5  noslrc  Ronsard  ■'•  a  lait  si  bien  son  proul'fit  de  la  profonde  science  de 
louh's  choses,  pratiqué  ''  si  bien  "'  les  grâces  anciennes,  et  à  icelles 
joint  une  telle  fureur  Poétique,  à  luy  seul  propn>,  que  depuis  le 
siècle  d  Auguste  il  ne  s'est  trouvé  vui  naturel  plus  divin,  plus  liardi, 
plus  Poétique,  et  plus  accompli    que    le  sien  *.  Il  n'y  ^  a  fleur  ou 

10  Trope  qu'il  n'ait  parsemé  et  si  subtilement  caché  en  sesescris,  qu'il 
est  à  douter  si  en  luy  l'art  surmonte  la  nature.  Et  •'  quant  à  l'art, 
il  n'en  doit  rien  aux  anciens,  et  semble,  ayant  osté  ^^  de  sa  super- 
lluité,  qu'il  ait  adjouté  beaucoup  à  son  embellissement  :  car  l'excel- 
lence et  perfection  de  bien  dire  n'est  pas  ^^  en  l'abondance  et  mes- 

lô  lange  de  toutes  fleurs,  mais  au  retranchement  et  au  chois  des  plus 
belles.  El^-  tout  ainsi  qu'au  cours  de  nostrc  vie  il  y  a  beaucoup  de 
choses  qui  se  présentent,  desquelles  peu  nous  plaisent,  et  moins 
eucor  nous  engendrent  admiration  ^^,  aussi  plusieurs  considérations 
s'offrent  en  la  conception  du  Poëte^^,  dont  il  doit  refuser  la  plus 

20  grand  part,  et  recevoir  celle  qui  plus  raisonnablement  et  avec  grand 
contention  d'esprit  luy  vient  à  gré  ^^.  De  tous  les  Poètes  qui  ont  esté 
jusques  à  présent,  les  uns  ont  emporté  l'honneur  i*"  pour  le  poëme 
Epique,  et  les  autres  pour  le  Lyrique,  et  ainsi  des  autres  :  mais  fai- 
sant comparaison  avec  chacun  Poëte   particulier,    il   est  au  lieu  de 

25    tous,  et  entre  tous,  unique  *.  Qui  n'admireroit  son  divin  Génie,  la 

1.  A  declaircir    |    B  d'csclaircir    |    C  de  esclaircir 

2.  AB  virgule  après  rude    |    C  et  polir  ne  fait  qu'user  et  corrompre  la  trempe. 

3.  BC  les  doctes  [C  Les  doctes |  qui  verront  sans  passion  ses  dernières  concep- 
tions en  jugeront. 

30  4.  BC  J'oseray  bien  prononcer  toutesfois  que  ses   œuvres   en  gênerai  sont  tant 

pleins  [C  pleines]  d'excellence 

5.  A  imiter  :  Et  nostre  Honsard 

6.  A  pratique  '/".  d'iiiipr.  cuidente) 

7.  BC  si  heureusement 
35           8.  A  le  sien,  il  ny 

9.  A  nature  :  Kt    |    C  nature  :  et 

10.  ABC  et  semble  ajant  osté  [C  esté] 

11.  C  ne  gist  pas 

12.  A  des  plus  belles:  Et     |   B  au  retranchement,  chois  et  arrengement  des  j)lus 
40     belles.  Et    |    C  au  retranchement  des  unes  et   aux  choix    et  arrengement  des    plus 

belles.  Et 

13.  B  nous  engendrent  ce  contentement    qui  meine   en  l'admiration  :    |    C  nous 
engendrent  ce  parfait  contentement  (jui   nous  ravit  en  l'admiration. 

14.  C  en  la  conception  et  phantasie  du  Poëte 

45  15.  C  celles  qui  plus  raisonnablement  et  avec  grande  corilenlion  d'esprit  luy 
viennent  à  gré. 

16.  C  ont  remporté  l'honeur 


DE    PIERRE    DE    RONSARD  Ix^ 

grandeur  et  vénérable  Majesté  de  ses  conceptions,  comme  il  est 
floride,  rond,  reserré,  pressé  quand  il  veut,  égal  à  son  sujet,  nom- 
breux, élégant  et  poli,  plein  de  propres  epitheles,  riche  de  mots  et 
termes  significatifs,  agréable  en  comparaisons  industrieuses,  ela- 
.")  bourées  et  recherchées  *,  et  en  toutes  ces  choses  autant  tousjours 
semblable  à  soymesmes  comme  en  variété  d'inventions  et  d'argu- 
luens  il  est  tousjours  dissemblable  et  diilerent  ^  P  |33] 

On  trouva  sur  son  nom   d'assez    heureuses    rencontres,    en  Grec 
Si>s  0  TEPiJANAPOi:,    et   en  François,  quelques  -    lettres    perdues, 
10    Rnae  de  Pindare,  et  d'autres  que  je  laisse  aux  plus  curieux  -^  *. 

Il  a\oil  envie,  si  la  santé  et  la  Parque  l'eussent  permis,   d'cscrire 

1.  A  un   point    après    diflerent.    BC  remanient  et   augmentent    celte    /in  d'alinéa 
ainsi  : 

li  unique.    (Jui  n'admireroit  son  divin  Génie,  la  grandeur  et   vénérable  Majesté 

15  de  ses  conceptions,  la  variété  de  ses  entrelasseniens  Poétiques,  dont  il  enrichit 
connne  de  franges  et  passeniens  ses  divins  ouvrages  :  la  facilité  inimitable  de  ses 
vers  :  comme  il  est  iloride,  rond,  reserré,  pressé  quand  il  veut,  égal  à  son  suject, 
d'un  vers  nombreux  et  sonoreux  *,  élégant  et  poly,  d'un  stile  hautain,  non  errené 
ny  traînant  à  terre  ou   efl'eminé  :  comme  il  est  aggrcable    en  comparaisons  indus- 

20  trieuses  et  nayves,  elabouré  en  vives  descriptions,  et  en  toutes  ces  choses  autant 
tousjours  semblable  à  soy-niesmes,  comme  en  variété  d'inventions  et  d'argumens 
il  est  tousjours  dissemblable  et  différent  ?  Ainsi  que  l'ingénieuse  Abeille,  il  s'est 
servi  si  dextrement  des  fleurs  des  meilleurs  escnvains,  qu'il  en  a  rendu  le  miel 
tout  sien  *. 

25  C  unique.  Prenez  garde  à  son  éloquence  diversiftiée  de  toutes  varietez  et  qui 
entièrement  imite  la  nature  mère  de  toutes  choses,  qui  n'a  esté  estimée  belle  par 
les  anciens  que  pour  estre  inconstante  et  variable  en  ses  jjerfections  *,  comme  une 
Musique  parfaite  en  son  armonie  de  plusieurs  et  divers  tons,  et  accors.  Pouvant 
appeller  le  corps  de  ses  œuvres  un  petit  monde  accomplj-  de  toutes  parties  belles 

30  en  leur  diversité,  tant  il  imite  le  monde  naturel  :  Car  comme  cettuy-cy  d'un  costé 
se  montre  fertile  et  luxuriant  en  riches  moissons,  esgaié  de  belles  et  ver-floris- 
santes prairies,  que  mille  ruisseaux  et  fonteines  resjoûissent  de  leurs  courses 
argentines,  puis  environné  de  cette  grande  mer  brûlante  qui  rehausse  et  relevé 
son  embellissement  :    d'autre   costé  vous  la  voiez  hispide   et    chevelue  de  tant  de 

35  bocages  et  hautes  forestz,  stérile  en  landes  et  bruieres,  seiche  en  tant  de  pais 
sablonneux,  et  déserte  en  tant  de  rochers  et  pierreuses  montagnes,  ce  qui  rend  ce 
Tout  parfait  [on  lit  Tout-parfait  |  en  sa  variété,  ainsi  devons  nous  admirer  le  divin 
Génie  de  sa  Poésie  *,  la  grandeur  et  vénérable  majesté  de  ses  conceptions,  la 
variété  de  ses  entrelasseniens  Poétiques  dont  il  enrichit  comme  de  franges  et  pas- 

40  semens  ses  divins  ouvrages,  la  facilité  inimitable  [on  lit  immitablej  de  ses  vers, 
comme  là  il  est  floride  et  copieux,  par  fois  aride  et  raboteux,  icj'  rond,  reserré,  et 
pressé  quand  il  veut,  d'un  vers  nombreux  et  savoureux,  élégant  et  poly,  d'un  stile 
hautain,  non  errené  ny  traînant  à  terre  ou  efl'eminé  :  agréable  en  comparaisons 
industrieuses  et   naïves,  elabouré    en    vives    descriptions,  et  en  toutes  ces  choses 

45  autant  tousjours  égal  à  son  sujet,  et  à  soy-mesmes,  comme  en  variété  d'inven- 
tions et  d'argumans  il  est  tousjours  dissemblable  et  dift'erent,  représentant  toutes 
les  Muses  ensemble  qui  ont  toutes  diverse  et  dift'erente  face,  en  laquelle  neant- 
moins  on  recognoist  que  elles  sont  sœurs  et  filles  de  Jupiter  et  Mnemosine  [sic). 
Ainsi  que  l'ingénieuse  abbeille,  il  s'est  servi  si  dextrement  des  fleurs  des  meilleurs 

50     escrivains  qu'il  en  a  lendu  le  miel  tout  sien. 

'.Vient  ensuite   l'alinéa  qui  commence  par  Les  Satyres  qu'il  avoit  faites...  .    V.  ci- 
dessus,  p.  40.) 

2.  A  François  quelques 

3.  C  développe  cette  phrase  en  la  transposant  plus  haut,  p.  li,  note  3. 


48  DISCOURS    DE    l.A    VIE 

la  naissance  du  monde,  et  Iraicter  dignement  le  subject  des  jours  de 
sa  création,  mais  il  nous  en  a  laissé  seulement  le  désir  :  bien  a  il 
commencé  un  Poëme  delà  Loy  divine  non  acbevé,  addressé  au  Roy 
lie  Navarre,  un  antre  discours  plain  de  doctrine  et  de  pbilosophie 
ô  à  mc^isiour  des  Portes,  Abbé  de  Tyron,  Vllymnc  de  Mercure,  la 
Liiicle  de  Calais  et  d'Orfée  qu'il  n'a  peu  acbever,  et  quelques  dis- 
cours sur  la  Poésie  faicts  en  prose,  qu'il  me  donna,  et  lesquels 
depuis  il  retira  pour  recorriger  :  plus  les  préfaces  en  vers  pour  mettre 
au  commencement  de  cbaque  diverse  sorte  de  Poëmes  qui  sont  en 
10  ses  œuvres,  et  plusieurs  autres  pièces  de  luy  non  encore  mises 
en  lumière,  qui  verront  le  jour  en  la  dernière  main  de  ses  œuvres  ^. 


1.  RC  développent  cet  alinéa  ainsi  : 

Il  avoit  envie,  si  la  santé  et  la  Parque  l'eussent  permis,  d'escrire  plusieurs 
œuvres  Chrestiennes,  et  traiter  ingcnieusenient  et  dignement  la  naissance  du 
15  monde  :  mais  il  nous  en  a  laissé  seulement  le  désir  :  bien  a-il  [C  avoit  il]  com- 
mencé un  Poème  de  la  Loy  divine  non  achevé,  dont  en  voicj'  l'eschantillon  [Cnon 
achevé,  qu'il  voùoit  à  Henrj^  à  présent  roj-  de  France  et  de  Navarre,  avec  présage 
de  grande  promesse,  qui  n'est  encore  manifeste  qu'au  Ciel,  et  combien  que  les 
Poètes  ayent  esté  appeliez  des  anciens  Vates  et  devins  *,  en  voicj'    l'eschantillon  : 

20  il/o;i  Prince,   illustre  sang  de  la  race  Bourbonne, 

A  qui  le  Ciel  promet  de  porter  la  couronne 

Que  ton  grand  Saint  Loy  s  porta  dessus  le  front. 

Si  la  chasse,  la  guerre,  et  les  conseils  qui  font 

Le  nom  d'un  Cappitaine  après  la  mort  revivre 
25  N'amusent  ton  esprit,  embrasse  mog  ce  livre. 

Et  ne  refuse  point  d'acquérir  le  bon-heur 

Que  ton  humble  subject  célèbre  à  ton  honneur.]  * 

Tu  ne  liras  icy  les  amours  insensées 

Des  mondains  tourmentez  de  frivoles  pensées, 
30  Mais  d'un  peuple  qui  tremble  effraie  de  la  loy 

Que  Dieu  père  éternel  escrivit  de  son  doy. 
Un  rocher  s' eslevoit  au  milieu  d'une  plaine 

Eff'roiable  d'horreur  et  d'une  vaste  areine, 

Hault  rocher  déserté  dont  le  sommet  pointu 
35  De  l'orage  des  vents  estait  tousjours  batu  : 

Une  eff'roiable  peur  comme  un  rampart  l'emmure 

D  un  torrent  csburdé    ^C  débordé],  dont  le   rauque    murmure 

Bouillonnant  effroyoit  les  voisins  à  l'entour  \C  d'alentour]. 

Des  Sangliers  et  des  Cerfs  agréable  [C  l'agréable^  séjour. 
40  Le  Ciel  pour  ce  jour  là  serenoit  la  montaigne. 

Le  vent  estoit  muet,  muette  la  campaigne. 

Quand  l'horreur  solitaire  et  l'effroy  d'un  tel  lieu 

Plus  que  les  grands  Palais  fut  agréable  à  Dieu, 

Pour  assembler  son  peuple  et  le  tenir  en  crainte, 
45  Et  luy  bailler  le  frein  d'une  douce  contrainte. 

Pour  ce  Moyse  il  appelle,  et  luy  a  dit  ainsi 

Lui  resveillant  l'esprit  :  Marche  mon  cher  soucy, 

Grimpe  au  sommet  du  mont  et  atten  que  je  vienne. 

Fay  que  mon  peuple  en  presse  au  pied  du  mont  se  tienne, 
50  De  leste,  de  visage  et  d'espaules  espes. 

Attendant  de  ma  loy  le  mandement  exprès. 

Le  Prophète  obéit,  il  monta  sur  la  roche, 

Et  plein  de  majesté  de  son  maistre  il  s'approche.  * 


DE    PIERRE    DE    RONSARD  ^9 

Il  incitoit  fort    ceux    qui  l'alloient    voir,   et    principalemeat    les 

Qui  montre  assez,  avec  autres  semblables  pièces  en    ses  œuvres,   qu'il    n'avoit 

faute  de  volonté  nj'  de    moyens  pour  loger  les  Muses  en    nos  temples  *.    Il    avoit 

aussi  desseigné  trois  livres  *  de    la  Militie  Françoise  qu'il  adressoit  au  Roy,    dont 

5     le  commencement  est  vers  la  6n  des  Poëmes  *.  [C  au  Roy,  dont  voicy  le  fragment  : 

Je  chante  par  quel  art  la  France  peut  remettre 

Les  armes  en  honneur,  vueilles  le  nioy  permettre, 

Neufvaine  qui  d'Olympe  habite  les  sommetz. 

Accomplissant  par  moy  l'a-iwre  que  je  prometz. 
10  Mars  quitte  moy  le  sein  de  Cypris  ton  amie, 

Repousse  de  les  yeux  la  jeunesse  endormie, 

Desveloppe  ton  bras  languissant  à  l'entour 

De  son  col  qui  l' énerve  empoisonné  d'Amour. 
Vien  le  dos  tout  chargé  du  fais  de  ta  cuirasse, 
15  Pren  la  hache  en  lu  main  tel  que  te  veit  *  la  Thrace 

Retournant  tout  sanglant  du  meurtre  des  Geans 

Foudroyez  à  les  piedz  par  les  champs  l'hlegreuns. 
Et  toy,   prince  Henry,  *  des  armes  la  merveille, 

Apres  le  soing  public  preste  moy  ton  oreille, 
20  Inspire  moy  l  audace,  eschauff'e  moy  la  peur. 

Et  metz  auecques  moy  la  main  à  ce  labeur] 

Pareillement  un  Poëme  intitulé  l'Hercule  Tu-lion  [C  intitulé  Hercule  Tu'lionJ  *, 
non  achevé,  qu'il  avoit  ainsi  commencé  : 

Tu  peux  te  garantir  du  Soleil  qui  nous  brusle 
25  (Dit  le  fort  locuste*  au  magnanime  Hercule) 

Dessous  ceste  umbre  assis,  s'il  te  plaist  nous  conter 

Comme  ta  force  peut  *  le  Lion  surmonter. 

Qui  prenoil  en  Nemée  et  logis  et  posture. 

Et  dont  la  peau  te  sert  encore  de  veslure. 
30  Car  à  voir  tes  sourcils,  tes  cheveux  mal-peignez. 

Tes  bras  pelus,  nerveux,  et  tes  yeux  renfrongnez. 

Nul  homme  sinon  toy  n'eust  sceu  parfaire  l'œuvre. 

Puis  ta  dure  massue  assez  le  nous  descœuvre. 

Il  n'avoit  achevé,  quand  dix  bœufs  du   Soleil,  * 
35  Effroyez  de  la  peau  du  Lion  non-pareil 

Qu'Hercule  avoit  au  dos,  le  choquant  l'irritèrent, 

Et  l'ire  de  son  fiel  agassant  despiterent. 

[C  En  sa  première  jeunesse  il  s'estoit  addonné  à  la  Muse  latine,  et  de  fait  nous 
avons  veu  quelques  vers  latins    de  sa    façon   assez   passables,    comme    ceux    qu'il 

40  addresse  au  Cardinal  de  Lorraine,  et  à  Charles  Evesque  du  Mans  et  Cardinal  de 
Rambouillet,  et  les  Epigrammes  contre  quelques  ministres,  et  le  Tombeau  du  Roy 
Charles  IX,  mais  qui  monstrent  par  quelque  contrainte  forcée,  ou  qu'il  n'y  estoit 
point  entièrement  né,  ou  qu'il  ne  s'y  plaisoit  pas,  aussi  n'en  avoit-il  continué 
l'exercice,  pour  escrire  en  uostre  langue  *. 

45  Quant  à  l'oraison  continue  *,  il  ne  disoit  pas  des  mieux  en  propos  communs, 
ou  plustost  se  plaisoit  en  une  dédaigneuse  nonchalance,  laquelle  il  mettoit  au  compte 
de  sa  liberté.  Que  s'il  avoit  à  discourir,  en  présence  ou  par  commandement  des 
grands  avec  quelque  appareil,  il  disoit  des  mieux  :  tesmoin  le  docte  discours  qu'il 
fit  sur  le  suject  des  vertus  actives*,  qui  se  voit  encores  entre  les  mains  des  curieux 

50  et  qu'il  accompagna  d'une  généreuse  et  pareille  action*,  par  le  commandement, 
et  en  présence  du  Roy  Henry  III,  lors  que  ce  prince  voulut  dresser  l'Académie  de 
son  Palais,  et  fit  choix  des  plus  doctes  hommes  de  son  roiaume,  pour  aprendre  à 
moindre  peine  les  bonnes  lettres  par  leurs  rares  discours,  enrichis  des  plus  belles 
choses  qu'on  peust  rechercher  sur  un  suject,  et  qu'ils  debvoient  faire  chacun  à  leur 

55  tour.  Du  nombre  desquels  furent  choisis  des  premiers  avec  Ronsard  le  sieur  de 
Pybrac,  qui  estoit  autheur  de  ceste  entreprise,  et  Doron  Maistre  des  Requestes, 
Tyard  Evesque  de  Chalons,  Baïf,  Desportes  Abbé  de  Tyron,  et  le  docte    du    Per- 

VIE  DE  p.    DE  RONSARD.  4 


5o  DISCOURS    DE    LA    VIE 

joimcs  hommes  qu'il  jugeoit  pouvoir  quelque  jour^  promettre  quel- 
que fruict,  à  bien  escrire  ^,  et  plustost  moins  et  mieux  faire  ^  *. 
J'estimeray  lousjours  ce  jour  bien  heureux  ^  quand  jeune  d'ans  et 
d'expérience,  n'ayant  encor  attaijicl  l'âge  de  quinze  ou  seize  ans, 
5  après  avoir  savomé  tant  soit  peu  du  miel  de  ses  escrits,  l'ayant 
esté  voir,  il  ne  récent  pas  seulement  les  prémices  de  ma  Muse,  mais 
m'incita  merveilleusement  ^  à  continuer,  et  l'aller  voir  '^  souvent, 
non  chiche  de  me  déceler  beaucoup  de  particularitez,  et  m'ayant 
aymé  et  premier  versé  '^  l'inclination  en  la  Poésie  ^,  si  peu  que  j'en 

10  puis  recongnoistre  en  moy,  et  depuis  ^  honoré  mes  escrits  de  la 
gloire  qui  regorgeoit  eu  luy  ^^  *.  En  recompense  dequoy  ayant 
reçeu  de  luy  office  de  pcre,  comme  un  fds  non  ingrat,  voulant  au- 
cunement recognoistre  cette  pieté  d'une  autre,  j'ay  faict  ce  vaisseau 
pour  y  enfermer  ses  cendres  tant  précieuses,  que  j'ay  ramassées,  et 

15  que  je  présente  à  la  postérité,  reliques  d'un  si  grand  personnage,  et 
tesmoignage  du  devoir  que  la  France  et  moy  lui  consacrons  avec 
noz  larmes  perpétuelles^^. 


ron.]  *  Il  nous  a  laissé  un  Discours  en  prose  sur  le  Poëme  Heroique,  assez  mal 
en  ordre    [C  pour  l'avoir  dicté  à    quelque    ignorant  qui  escrivoit  soubz    luy,  qu'il 

20  m'envoj'aj,  et  que  j'ay  remis  à  jDeu  près  selon  son  intention  *  :  ensemble  un  Poëme 
addressé  au  Uoy,  remis  au  Bocage  *  :  une  Elégie  pleine  de  doctrine  et  de  Philo- 
sophie à  Monsieur  Desportes,  Abbé  de  Tyron  *  :  l'Hj'nne  de  Mercure  [C  remis  au 
Bocage,  et  une  Elégie  au  sieur  Desportes,  et  l'Hynne  de  Mercure],  et  quelques 
autres  qui  suivent  *.  Plus  les  Préfaces  en  vers  pour  mettre  au  commencement  de 

25  chacune  diverse  sorte  de  Poëme  *,  et  plusieurs  autres  pièces  de  luy  non  encore 
mises  en  lumière,  qui  voyent  le  jour  en  cette  dernière  main  de  ses  Œuvres  *,  qui 
comme  un  testament  porte  sa  volonté  gravée,  ainsi  qu'il  me  l'avoit  recommandé, 
inviolable  [C  qui  comme  un  dernier  codicile  portent  sa  volonté  testamentaire 
exécutée  ainsi  qu'il  me  l'avoit  recommandé,  inviolable.]  *. 

30  {Suivent  en  BC  :  1"  l'alinéa  Sa  conversation  estoit  fort  facile...  V.  ci-dessus, 
p.  44  ;  2*  l'alinéa  11  se  plaisoit  ordinairement...  V.  ci-dessus,  p.  44  ;  3"  l'alinéa 
final  II  incitoit  fort  ceux  qui...) 

1.  .4'  un  jour 

2.  AA'  quelque  fruict  à  bien  escrire  * 

35  3.  BC  les  jeunes  hommes  qu'il  jugeoit  par  un  gentil  naturel  promettre  quelque 

fruict  en  la  Poésie,  à  bien  escrire,  et  plustost  à  moins  et  mieux  faire  :  car  les  vers 
se  doivent  peser  et  non  conter  [C  compter],  et  ressemblent  au  Diamant,  qui  estant 
de  belle  eau  et  d'excellente  grandeur  (  C  au  Diamant  parangon  qui  estant  de  belle 
eau  et  rendant  un  bel  esclat],  seul  vaut   mieux  qu'une  centaine  de  moyens. 

40  4.   BC  Je  marqueray  tousjours  ce  jour  d'un  craion  bien-heureux 

5.  BC  mais  m'incita  courageusement 

6.  B  à  continuer  et  l'aller  voir    |    C  à  continuer,  et  le  visiter 

7.  A  met  une  virg.  après  chiche  et  n'accentue  pas  versé 

8.  ne  non  chiche  de  me  déceler  beaucoup  de  ses  [1609-1630  ces]  divins  et  mis- 
45     terieux  secrets,  avec  lesquels  le  premier  il  m'eschaufa  l'inclination  en  la  Poésie 

9.  A  s'j'  peu  que  j'en  puis  recognoistre  en  moy.  Et  depuis 

10.  BC  si  peu  que,  parmj'    la  sévérité  de    nos  loix  *,  j'en    jjuis  recognoistre  en 
moy,  et  depuis    honora  mes   escrits  de  la  gloire  qui  regorgeoit    en  luy,  engageant 
mon  affection  en  son  amitié  par  l'éternel  lien  de  ses  Lauriers. 
50         11.  C  En  recompense  de  quoy.  Belle  et  généreuse  ame,  ayant  receu  de  toy  office 


DE     l'IEHKK     1)K     RONSARD 

et  faveur  de  père,  puisse-tu  au  ciel  en  toute  douceur  et  en  paix  tranquillement 
reposer  *,  recevant  en  gré,  comme  d'un  fils  non  ingrat  qui  veut  aucunement  reco- 
gnoistre  la  paternelle  pieté  d'une  autre,  ce  fraile  vaisseau  que  j'ay  fait  pour  y 
enfermer  tes  cendres  tant  précieuses,  par  nioy  ramassées,  et  que  je  présente  à  la 
posterilé,  reliques  de  tant  de  richesses  fondues  en  toy  seul,  et  suffisant  tesmoi- 
gnage  des  regrets  que  la  F"rance  et  moy  te  consacrons  avec  nez  larmes  perpe 
tuelles. 

BC  se  terminent  par  ces  mots  Fin  de  la  Vie  de  P.  de  Honsard. 


5i 


COMMENTAIRE  IIISTORIOUE  ET  CRITIQUE 


Page  1,  ligne  1.  — est  issu.  Binet  a  emprunté  les  vingt  premières  lignes 
à  l'Elégie  autobiographique  de  Ronsard,  Je  veux,  mon  cher  Belleau, 
adressée  primitivement  (dans  le  Bocage  de  1554)  à  Pierre  Paschal, 
lequel  avait  demandé  au  poète  des  documents  pour  étoffer  et  orner 
l'éloge  qu'il  avait  promis  de  lui  consacrer.  (Voir  Marty-Laveaux,  Notice 
sur  Ronsard,  pp.  ii  à  v,  et  ma  thèse  sur  Ronsard  poète  lyrique,  pp.  125 
à  127).  Voici  le  passage  de  R.  qui  a  passé  dans  la  prose  de  Binet  : 

Or  quant  à  mon  ancestre  il  a  tiré  sa  race 
D'où  le  glacé  Danube  est  voisin  de  la  Thrace. 
Plus  bas  que  la  Hongrie,  en  une  froide  part, 
Est  un  Seigneur  nommé  le  Marquis  de  Ronsart, 
Riche  d'or  et  de  gens,  de  villes  et  de  terre. 
Un  de  ses  fils  puisnez  ardant  de  voir  la  guerre, 
Un  camp  d'autres  puisnez  assembla  hazardeux, 
Et  quittant  son  pays,  faict  Capitaine  d'eux 
Traversa  la  Hongrie  et  la  basse  Allemaigne, 
Traversa  la  Bourgogne  et  la  grasse  Champaigne, 
Et  hard}^  vint  servir  Philippes  de  Valois, 
Qui  pour  lors  avoit  guerre  encontre  les  Anglois. 
Il  s'employa  si  bien  au  service  de  France, 
Que  le  Roy  lui  donna  des  biens  à  suffisance 
Sur  les  rives  du  Loir  :  puis  du  tout  oubliant 
Frères,  père  et  pays,  François  se  mariant 
Engendra  les  ayeux  dont  est  sorti  le  père 
Par  qui  premier  je  vy  ceste  belle  lumière. 

(Texte  de  1584,  consulté  par  Binet,  cf.  ci-après,  p.  60.) 

On  remarquera  que  Ronsard  ne  donne  aucun  nom  à  ce  cadet  de  fortune 
qui  émigra  de  Hongrie  en  France  ;  il  ne  nomme  pas  non  plus  Orphée, 
laissant  ce  soin  à  ses  panégyristes.  —  Même  silence  sur  ces  deux  points 
dans  Du  Perron,  qui,  du  reste,  tout  en  délayant  les  vers  de  Ronsard, 
fait  sortir  ses  ancêtres  paternels  «  de  la  Moravie,  province  située  entre  la 
Pologne  et  la  Hongrie  »  {Oraison  fun.,  1586  et  éd.  suiv.).  —  J.  Velliard 
ne  parle  pas  des  origines  étrangères  de  Ronsard  ;  il  se  contente  de  dire 
qu'il  est  issu  de  très  nobles  ancêtres  paternels  établis  depuis  longtemps 
dans  la  région  fertile  et  illustre  du  Vendômois.  —  En  revanche 
G.  Critton  paraphrase  d'un  bout  à  l'autre  les  vers  de  Ronsard,  avec 
cette  variante  que  le  capitaine  venu  au  service  de  Philippe  VI  était  le 
fils  aîné  d'un  Comte  de  Ronsard,  qui  habitait  la  Thrace,  et  il  ajoute  : 
«  Ab  hoc  genus  traxit    is  quo  rectè  gloriari   potest   Thracia  se  nostris 


54  COMMENTMHE    HISTORIQUE 

hominibus  Gallicum  Orphcum  ut  olim  Graccis  suum  dédisse.  »  (Lan- 
datio  fiin.,p-  4).  C'est  là.  peut-être,  que  Binet  a  pris  le  rapprochement 
de  Ronsard  et  d'Orphée  (qu'on  trouve  d'ailleurs  au  début  de  l'Hymne 
de  France,  Bl.,  V,  283).  Mais  où  a-t-il  pris  que  le  capitaine  venu  au 
service  de  Philippe  VI  s'appelait  Baudouin  ? 

L'authenticité  de  cette  origine  paternelle  de  Ronsard  est  très  suspecte 
et  a  été  fort  contestée.  Bayle,  après  avoir  cité  le  témoignage  de  Binet, 
ajoute  :  «  Je  croi  que  nous  pouvons  niellre  tout  cela  au  nombre  de 
tant  de  chimères,  que  la  plupart  des  Maisons  nobles  racontent  de  leurs 
premiers  fondateurs.  Elles  aiment  passionnément  à  se  dire  issues  des 
pays  les  plus  éloignez  et  de  quelque  cadet  de  noble  race,  brave  avantu- 
ricr  dont  les  beaux  exploits  méritèrent  cent  récompenses  du  Prince 
qu'il  vint  servir.  S'il  n'y  avoit  que  trois  ou  quatre  familles  qui  con- 
tassent de  telles  choses,  on  n  aurait  pas  tant  de  panchant  à  s'en 
moquer.  Au  reste  l'Auteur  que  je  cite  n'a  fait  que  traduire  en  prose  ce 
que  Ronsard  avoit  raconté  de  son  extraction  dans  l'une  de  ses  Elégies. 
Du  Perron  fit  ce  même  Conte,  mais  au  lieu  de  la  Bulgarie,  il  mit  la 
Moravie.   »  (Dictionn.,  article  Ronsard,  note  A  ) 

Il  est  certain  que  les  généalogies  dressées  au  xvi^  siècle  étaient  le 
plus  souvent  fantaisistes.  Le  Laboui-eur  en  a  fait  une  juste  critique  à 
propos  de  Fr.  de  La  Rochefoucauld,  de  Fr  d'Agoult,  de  René  de 
Sanzay,  et  de  quelques  autres  {Add.  aux  Mém.  de  Castelnau,  I, 
767-68  ;  II,  471  et  515  de  l'éd.  de  Bruxelles).  Il  a  écrit  notamment  au 
sujet  de  la  généalogie  des  Sanzay,  publiée  en  1560  et  admirée  précisé- 
ment de  Ronsard  (cf.  Bl.,  III,  389)  :  «  En  ce  temps  là  on  n'avoit  point 
la  méthode  de  dresser  des  Généalogies  sur  les  Titres  ;  on  se  contentoit 
de  traditions  et  de  contes  de  vieilles  pour  suppléer  au  défaut  de  la 
mémoire  ;  à  peine  savoit-on  son  grand  père  par  les  règles,  et  au  dessus 
de  cela  on  recevoit  pour  véritable  tout  ce  qu'il  plaisoit  à  certains  faux 
antiquaires  et  véritables  visionnaires  tels  que  Jean  le  Maire  de  Belges, 
l'auteur  du  roman  du  Chevalier  du  Cygne,  composé  en  faveur  de  la 
Maison  de  Cleves,  Forcatel  jurisconsulte,  auteur  du  Montmorency 
Gaulois,  frère  Etienne  de  Lusignan,  grand  imposteur,  et  Jean  le  Feron, 
lequel  je  n  accuserai  que  de  légère  créance,  et  qui  presta  son  nom 
comme  Roy  d'armes  à  plusieurs  généalogies  faites  à  plaisir.  » 
ill,  296.) 

Au  xix^  siècle  nombre  de  biographes  ont  admis,  à  la  suite  de  Sainte- 
Beuve,  l'origine  bas-danubienne  de  Ronsard.  On  a  même  accepté 
comme  une  vérité  incontestable  l'existence  du  Baudouin  de  Ronsart, 
dont  le  prénom  n'apparaît  que  dans  Binet  (copié  par  Colletet)  et  pour- 
rait bien  être  de  son  invention.  Blanchemain  enfin  a  cru,  sur  la  foi 
duo  écrivain  roumain,  que  cet  ancêtre  était  un  bano  hongrois,  du 
nom  de  Marucini,  qui  en  se  fixant  en  France  aurait  traduit  littérale- 
ment son  titre  et  son  nom  de  famille,  changeant  bano  en  marquis  et 
Marucini  (^Ronces  ou  Roncière;  en  Ronsart  A.  Ubicini,  Introd.  aux 
Chants  popnl.  de  la  Roumanie  recueillis  par  Alexandri,  Paris,  Dentu, 
1855  ;  Bl.,  IV,  297,  et  VIII,  2;. 

Mais  la  critique  de  Bayle  a  été  vigoureusement  reprise  en  1874  par 
un  numismate  d'Orléans,  A.  Chabouillet  :  "    On  paraît  disposé,  dit-il, 


ET    CRITIQUE  55 

à  adopter  trop  complaîsamment  l'opinion  purement  légendaire  qui 
veut  que  Ronsard  soit  issu  d'une  noble  et  ancienne  famille  de  la 
Moravie,  de  la  Hongrie  ou  de  la  Roumanie...  C'est  Ronsard  lui-même 
qui  a  accrédité  cette  légende  en  la  consignant  dans  ses  vers,  où  il  éta- 
blit qu'il  descend  d'un  seigneur  nommé  le  marquis  de  Ronsard.  Je 
n'accuse  pas  le  poète  d'avoir  inventé  cette  légende  ;  il  se  peut  qu'il 
l'ait  trouvée  établie  et  enracinée  dans  sa  famille  ;  mais  il  y  avait 
partout  de  ces  légendes,  et  la  critique  moderne  ne  les  accueille 
généralement  qu'à  bonnes  enseignes,  lesquelles  manquent  ici.  »  Après 
avoir  rappelé  les  affirmations  des  premiers  biographes  de  notre 
poète,  il  ajoute  :  «  Mais  où  donc  Ronsard,  Duperron  et  Binet  ont-ils 
pris  tout  cela  ?  M.  de  Rochambeau  dit  à  la  vérité  qu'on  voit  ce 
Baudouin  "  figurer  dans  les  actes  de  1328  à  1340  »  ;  quels  actes,  où 
sont-ils  et  que  disent-ils  ?  S'ils  existent  encore  il  aurait  fallu  les 
citer  avec  les  indications  précises  exigées  par  la  critique  »  (L.  Fro- 
ger  dit  en  1884  qu'il  n'a  retrouvé  aucune  trace  de  ces  actes,  Nouv . 
Recherches,  p.  91).  «  La  critique,  ajoute  Chabouillet,  n'a-t-elle 
pas  négligé  jusqu  à  présent  de  s'enquérir  sérieusement  de  ce  qu'il 
pourrait  y  avoir  de  fondé  dans  le  roman  versifié  de  Ronsard  ?  » 
et,  après  de  judicieuses  remarques  sur  les  armoiries  de  sa  famille, 
augmentées  par  Rochambeau  d'une  «  Couronne  de  marquis  »  imagi- 
naire :  «  J'espère  que  les  amis  de  Ronsard  me  pardonneront  de  le 
croire  plus  poète  que  gentilhomme;  mais  évidemment  il  s'est  fait  illu- 
sion sur  l'antiquité  de  sa  noblesse,  et  j'avoue  que  je  ne  crois  pas  du  tout 
au  marquis  de  Ronsard  contemporain  de  Philippe  de  Valois.  »  (Notice 
sur  une  médaille  inéd.  de  Rons.,  dans  les  Mém.  de  la  Soc.  arch.  de 
l'Orléanais,  tome  XV  ;  tirage  à  part,  pp.  14-19.) 

A  la  fin  du  xix^  siècle,  les  biographes  de  Ronsard,  gagnés  par  le 
doute,  ont  gardé  pour  la  plupart  une  sage  réserve  sur  la  question  de 
ses  origines  hongroises.  «  Rien,  dit  l'un  d'eux,  ne  paraît  moins  certain 
que  cette  glorieuse  descendance  »  (M.  Lanusse,  Chefs-d'œuvre  poét. 
de  Marot,  Ronsard,  etc  ,  p.  63).  —  Quant  aux  titres  de  noblesse  de  ses 
ascendants  paternels,  j'ai  moi-même  essayé  de  montrer  qu  ils  étaient 
loin  d'avoir  limportance  que  le  poète  et  Cl-  Binet  leur  ont  donnée 
{Reo.  de  la  Renaiss.,  1901,  p.  99).  Son  père  fut  peut-être  le  premier 
chevalier  de  la  famille  ;  son  grand-père  et  ses  arrière  grands-pères 
étaient  de  simples  écuyers.  Lors  du  recensement  de  la  noblesse  authen- 
tique ordonné  par  Louis  XIV  vers  1667,  les  Ronsard  furent  exclus  des 
listes  provisoires  ;  c'est  seulement  après  la  protestation  de  l'un  d'entre 
eux,  et  un  procès,  qu'ils  furent  réinscrits  au  nombre  des  «  gen- 
tilshommes de  la  généralité  d'Orléans  »  (cf.  Froger,  Nouv.  Rech.  sur 
la  famille  de  Ronsard,  dans  la  Rev.  arch-  du  Maine,  1884,  surtout  le 
Tableau  généalogique  et  les  Pièces  justificatives,  pp.   224-240). 

En  1902,  G.  Deschamps  disait  avec  raison  au  sujet  de  la  page  du 
poète  transposée  par  Binet  :  «  Dans  ces  vers  à  panache,  qui  font  songer 
à  Don  César  de  Bazan,  Ronsard,  tombant  dans  un  travers  auquel 
V.  Hugo  n'a  pas  échappé,  s'attribue  gratuitement  une  ascendance 
fantaisiste  ;  ainsi  le  grand  poète  romantique,  issu  d'une  famille 
d'honnêtes  artisans,  donnait  pour  ancêtre  à  sa  lignée   un  capitaine  des 


56  COMMENTAIRE    HISTOniQlE 

gardes  de  la  Cour  de  Lorraine  (anobli  au  xvie  siècle)...  »  Et,  après  avoir 
rappelé  les  lignes  de  Binct  —  historien  suspect  autant  que  disciple 
enthousiaste  —  comme  le  témoignage  d'une  légende  adulatrice  formée 
dans  l'entourage  du  poète:  «  Dans  ce  texte,  continuait-il,  une  phrase 
ajoutée  donne  1  explication  de  la  si  lointaine  origine  attribuée  au  chef 
de  la  Pléiade  :  Binet  nous  avoue  la  préoccupation  que  Ronsard  avait 
de  se  rapprocher  de  toutes  manières  du  pays  où  vécut  Orphée.  » 
[Rev-  des  Cours  el  Conférences,  20  mars  1902,  p.  51.) 

Enfin  M.  Henri  Longnon  a  écrit  pour  sa  thèse  de  l'Ecole  des  Chartes 
(janv.  1904)  un  premier  chapitre  intitulé  :  «  La  légende  du  marquis  de 
Ronsard  ;  sa  fausseté  »,  —  et  un  deuxième  chapitre  sur  les  ancêtres  du 
poète,  où  il  prouve  que  le  nom  de  Ronsard  remonte  au  xi*"  siècle. 
J'ignore  les  arguments  qu'il  a  fait  valoir,  les  «  positions  »  de  la  thèse 
a3ant  été  seules  imprimées  ;  mais  L.  Froger  a  publié,  depuis,  un 
document  qui  ne  peut  que  les  confirmer,  constatant  en  1293  l'existence 
dans  le  Vendômois  d'un  Olivier  de  la  Poçonniere,  écuyer,  marié  à 
Jehanne  Tiercelin  {Annales  Fléch.  de  septembre  1904).  Tout  me  porte 
à  croire  que  ce  personnage  est  un  des  ancêtres  paternels  du  poète,  car: 
1  '  parfois  ils  étaient  ainsi  désignés  simplement  du  nom  de  leur  fief 
principal  (cf.  une  relation  des  obsèques  de  Guill.  du  Bellay,  où  figure 
M.  de  la  Possonniere,  qui  n'est  autre  que  Loys  de  Ronsart,  Rev.  de  la 
Province  du  Maine  de  juillet  1901,  p.  212)  ;  2°  l'un  d'eux,  au  xve  siècle, 
a  également  porté  le  prénom  d'Olivier;  3"  Claude  de  Ronsart,  le  frère 
du  poète,  a  également  épousé  une  Tiercelin. 

Comme  le  dit  L.  Froger  :  Parole  de  poète  n'a  jamais  été  parole 
d'évangile.  C'est  ce  que  Binet  aurait  dû  ne  pas  oublier.  (V.  encore 
Hallopeau,  Annales  Fléch.  de  déc.  1904,  p.  313,  note  2;  de  septembre 
1905,  p.  93;  le  Bas-Vendomois,  1905,  pp.  79,  91  et  96). 

Un  adversaire  des  origines  bas -danubiennes  de  Ronsard,  non  moins 
résolu  que  les  précédents,  vient  de  se  faire  connaître  en  la  personne  de 
M.   Jean   Martellière,    de  Vendôme  ;   ses  arguments  ne   sont   pas  nou- 
veaux, mais  sa  façon  de  les  présenter  est  assurément  nouvelle  {Annales 
Fléch.  de  mai-juin  1909,  Les  Origines  des  Ronssaii). 
P.   1,  1.   10.  —  leur  temps.   Ce  début  rappelle  celui  de   la   Vie  d'Agricola 
de  Tacite  :  «  Clarorum    virorum  facta  moresque   posteris   tradere  anti- 
quitus usitatum...  »;  et  un  passage  de  la  lettre  de  Pline  le  Jeune  sur  la 
mort  du  poète  Martial  (III,  21):  «  Fuit  moris  antiqui..    » 
P.  1,  1.   17.   —    marse  nature    =^    nature   languissante,    flasque,  flétrie, 
corrompue    (du  latin    marcidus).    Le  Dictionnaire  de  Godefroy  ne  cite 
qu'un  exemple  de  cet  adjectif,  emprunté  au  Pèlerinage  d'Amour. 
P.   1,  1.   19.  —  utile  labeur.  Cf.  Pline  le  Jeune,  loc .  cit.  :    <<  nostris  vero 

temporibus,  ut  alia  speciosa  et  egregia,  ita  hoc  in  primis  exolevit.  » 
P  1,  1.  21.  —  de  mesme.  Cf.  Tacite,  loc.  cit.  :  «  adeo  virtutes  iisdem 
temporibus  optime  aestimantur  quibus  facillime  gignuntur.  )  Pline  le 
J.,  loc  cit.  :  «  Nam  postquam  desiimus  facere  laudanda,  laudari  quoque 
ineptum  putamus.  » 
P.  1.  1.  24.  —  Prince  et  père  de  nos  Pactes.  Ronsard  reçut  le  premier 
de  ces  titres  de  très  bonne  heure,  peu  de  temps  après  la  publication  de 
son  premier  recueil  d'Odes   (janv.-févr.  1550).  V.  les  Odes  du  Gave  du 


ET     CRITIQUE  67 

poète  Gascon  B.  du  Poey,  1550  (d'après  la  Thèse  fr.  de  M.  Lanusse, 
p.  142)  ;  une  ode  latine  de  Muret  «  Ad  P.  Ronsardum  Gallicorum 
poctarum  facile  principem  »,  parue  dans  les  Jiivenilia  (déc  1552)  ;  un 
sonnet  de  J.  de  La  Peruse  «  A.  P.  de  Ronsard,  prince  des  poètes  Fran- 
çois »,  paru  en  1553  à  la  fin  de  la  2"^  éd.  du  Cinquicsme  livre  des  Odes 
de  Ronsard  ;  les  Œuvres  poétiques  de  Maclou  de  la  Haj'e,  1553  ;  la 
Poésie  de  Le  Caron,  1554.  Lambin  appelle  aussi  Ronsard  «  Poctarum 
Gallicorum  princeps  »  en  1553  [Rev.  d'ilist.  litt.  1906,  pp.  497-98). 
Quant  au  titre  de  «  père  »  des  poètes,  il  était  couramment  décerné  à 
Ronsard  par  ses  nombreux  disciples:  ainsi  Du  Perron  appelle  Ronsard 
non  seulement  son  père  spirituel  [Oraison  fun.,  éd.  princeps,  pp.  8  et 
9),  mais  encore  «  le  père  commun  des  Muses  et  de  la  Poésie  »  {Ihid., 
p.  15).  Ronsard  lui-même  avait  dit  avec  raison  aux  poètes  protestants 
en  1563:  «  Vous  estes  tous  issus  de  ma  Muse  et  de  moy...  »  (Response 
aux  injures...,  vers  1025  et  suiv.,  Bl.,  VII,  128.) 
P.  1,  1.  26.  —  à  fin  que  toy.  Binet  s'adresse  à  son  fils- 
P.  1,  1.  34.  —  abolie  et  perdue-  Cf.  Tacite,  op.  cit.,  chap.  ni,  fin: 
«  Hic  intérim  liber,  honori  Agricolae  soceri  mei  destinatus,  professione 
pietatis  aut  laudatus  erit  aut  excusatus.  »  —  Il  est  certain  que  Binet 
s'est  inspiré  de  Tacite  poui'  l'ensemble  de  son  exorde  ;  même  annonce 
d'un  panégyrique,  même  ton  sentencieux,  mêmes  précautions  oratoires, 
mêmes  expressions  parfois.  —  Quant  à  la  comparaison  du  monde 
moral  avec  la  terre  tour  à  tour  féconde  et  stérile  (2"  et  3^  phrases), 
c'est  un  lieu  commun  qui  est  déjà  dans  Pindare  :  «  Les  anciennes  ver- 
tus ne  viennent  que  par  intervalles  renouveler  la  vigueur  chez  les  géné- 
rations des  hommes  :  la  noire  terre  ne  donne  pas  toujours  des  fruits  ; 
on  ne  voit  pas  l'arbre  apporter  à  chaque  révolution  des  ans  une  égale 
richesse  de  fleurs  embaumées  ;  la  nature  veut  du  repos.  «  (Ném.,  XI, 
vers  37  et  suiv.).  On  la  trouve  au  moins  deux  fois  dans  Ronsard: 
"1°  Elégie  à  Chr.  de  Choiseul  (publiée  en  1556)  :  «  Mais  ainsi  que  la 
terre  a  la  semence  enclose  |  Des  bleds  un  an  entier,  et  l'autre  an  se 
repose...  |  Ainsi  la  France  mère  a  produit  pour  un  temps  |  Comme 
une  terre  grasse  une  moisson  d'enfans  |  Gentils,  doctes,  bien  naiz, 
puis  eir  s'est  reposée,  |  ...  Maintenante  son  tour  fertile  elle  commence 
I  A  s'enfler  toutle  sein  d'une  belle  semence...  »  (Bl.,  VI,  202;  la  com- 
paraison tient  18  vers)  ;  2°  Elégie  au  sieur  Barthel.  del  Bene  (publ.  en 
1587)  :  «  Comme  on  voit  par  saisons  les  ventres  des  campagnes,  |  Fer- 
tiles maintenant  et  maintenant  brehagnes,  I  Porter  l'un  après  l'autre 
et  fourment  et  buissons  |  Et  tousjours  à  plein  sein  ne  jaunir  de  mois- 
sons: I  Ainsi  les  bons  esprits  ne  font  toujours  demeure,  |  Fertils, 
en  un  pais,  mais  changent  d'heure  en  heure,  |  Soit  en  se  reposant, 
soit  en  portant  du  fruit  ».  (Bl.,  IV,  356). 

Il  se  peut  que  Binet  ait  pris  cette  comparaison  à  Ronsard.  Mais  il  en 
a  fait  une  application,  très  difi'érente,  à  l'Antiquité,  aux  siècles  infé- 
conds du  Moyen-Age  et  à  la  Renaissance  française,  qui  rappelle  plutôt 
ces  lignes  de  J.  Peletier  :  «  Le  Temps  s'est  si  fort  démenti  que  toutes 
les  professions  libérales,  qui  avoyent  si  bien  faict  prospérer,  ont  quasi 
esté  mises  à  nonchaloir  et  à  néant  par  toutes  nations,  tout  un  grand 
espace  jusques  à  nostre  aage  :  lequel,  si  affection  ne  me  transporte,  est 


58  COMMENTAIRE    IIISTOHIQUE 

assez  fort  pour  combattre  avecqucs  les  passés.  Et  me  semble  que  le 
Temps  a  faict  ainsi  que  la  terre  labourable  ;  laquelle,  après  s'estre 
reposée  à  son  plaisir,  apporte  une  foison  de  biens  autant  et  plus  grande 
qu'elle  ne  fit  oncqucs.  Quel  temps  s'est-il  jamais  trouvé  plus  florissant 
en  Philosopbic,  Poésie,  Peinture,  Architecture  et  inventions  nouvelles 
de  toutes  choses  nécessaires  à  la  vie  des  hommes,  que  le  nostre  ?  » 
{Arithmcliquc,  1549  ;  proème  du  le  livre.) 
P.  2,  1.  30.  —  le  Danube.  Cette  étymologie  du  nom  de  Ronsard  (primi- 
tivement Rossart,  Roussart,  puis  Ronssart  et  Ronsart)  est  très  contes- 
table. Il  est  vrai  que  ross  signifie  en  allemand  cheval  de  bataille;  il  se 
peut  aussi,  comme,  l'ont  répété  Rochambeau  et  Rlanchemain  d'après 
Binet,  qu'il  y  ait  dans  le  Danube  des  poissons  appelés  ross  ;  mais  il  est 
certain  d'autre  part  que  le  mot  roussin  signifiant  cheval  de  bataille  est 
un  vieux  mot  français,  qui  existait  encore  dans  ce  sens  au  xvi^  siècle 
(cf.  Décrue,  la  Cour  de  France  et  la  Sociélé  au  XVI^  siècle,  p.  140)  ; 
et  que  le  Loir  abonde  en  rosses,  petits  «  vifs  »  du  genre  gardon,  qui 
sont  excellents  pour  la  pêche  du  brochet-  Aussi  un  Armoriai  manus- 
crit de  1608,  conservé  à  la  Biblio.  d'Angers,  donne -t-il  comme  ange- 
vines les  armoiries  de  la  famille  Ronsart,  qui  se  prétendait  d'origine 
étrangère.  V.  à  ce  sujet  l'abbé  Simon,  Hist.  de  Vendôme,  III,  p.  499, 
note;  A.  Dupré  et  de  Passac,  Mss.  de  la  Biblio.  de  Blois,  le  Vendô- 
mois,  p.  239;  Laumonier,  Genèse  du  nom  de  Ronsard  {Annales  Flé- 
choiscs  de  mai  1903). 

Je  cite  seulement  pour  mémoire  l'opinion  de  La  Monnoye,  qui  après 
avoir  prouvé,  par  un  vers  des  Neniae  de  Salmon  Macrin,  qu'on  pro- 
nonçait encore  Roussart  en  1550,  ajoute  :  «  On  sait  par  tradition  que 
Ronsard  était  rousseau,  et  c'est  apparemment  parce  que  la  plupart  de 
ceux  de  cette  famille  naissaient  roux,  qu'ils  eurent  le  nom  de  Roussart 
qu'on  a  depuis  prononcé  Ronsard.  »  [Jugcmens  des  Savans,  IV,  p.  456, 
note.) 

Le  blason  de  Ronsart  «  d'azur  à  trois  Ross  d'argent  rangés  en  fasces  », 
se  voit  partout  dans  le  Bas-Vendômois,  non  seulement  à  1  intérieur  et 
à  l'extérieur  de  la  Possonniére,  mais  dans  l'église  et  sur  le  clocher  de 
Couture,  et  dans  les  communes  voisines  où  ils  avaient  des  fiefs,  notam- 
ment à  la  Chapelle-Gaugain  :  «  Nous  retrouvons  bien  là,  dit  L.  A. 
Hallopeau,  ces  orgueilleux  seigneurs,  qui  prétendaient  tenir  leurs 
terres  des  rois  de  France  et  même  être  alliés  à  la  famille  rojale.  Ils  ont 
fait  tailler  leur  blason  dans  la  pierre  aussi  haut  qu  ils  ont  pu  le  monter; 
depuis  quatre  siècles  les  trois  Ross  rangés  en  fasces  dominent  le  val 
du  Tusson  comme  la  plaine  de  Couture,  au  nord  et  au  sud,  vers  orient 
et  vers  occident  ».  (Le  Bas-Vendomois,  p.  203.)  '. 


1.  M.  Martellière,  dans  son  article  cité  plus  haut  sur  les  Orir/ines  des  Ronssart, 
a  fait  une  vigoureuse  critique  de  ce  passage  de  Binet.  Voici  ses  conclusions, 
peut-être  aventureuses,  mais  du  moins  intéressantes  :  1"  la  famille  des  Ronsart 
tire  son  nom  d'un  nom  de  lieu.  2"  Ce  lieu  s'appelait /îonssar/,  parce  qu'il  était 
rempli  de  ronciers,  qui  sont  des  touffes  de  ronsses.  3"  C'était  donc,  si  c'était 
un  Cef,  un  fief  bien  maigre...  4"  Ce  nom  n'existe  pas  dans  les  régions  danu- 
biennes; il  est  impossible,  s'il  n'est  qu'une  traduction,  de  le  retrouver,  parce 
qu'il  est  un  mot  trop   commun...  5"  Au  contraire  ce  nom  a    existé    sans  inter- 


ET    CRITIQUE  ÔQ 

P.  2,  1.  30.  —  Poissonnière.  Binct  se  trompe  sur  l'étymologie  de  ce 
nom.  La  vraie  orthog  est  Possonniere  ;  il  l'avait  d'ailleurs  adoptée 
dans  sa  1"''  rédaction  (cf.  ci-dessus  p.  3,  1.  19).  Amadis  Jamin  dit 
avec  raison  dans  une  ode  Au  sienr  de  la  Possonniere  : 

La  Possonniere   de  posson 
Se  surnomme,  non  du  poisson 
Qui  des    Hoiisards  nomme  la  race. 

(Œuv.  poét.,  éd.  de  1575,  Meslanges,  f»  230  v°.) 

On  appelait  «  possonniercs  »  les  endroits  où  se  mesuraient  les  liquides 
à  l'aide  du /joçon  ou  posson,  terme  qui  s'est  corrompu  en  poinçon, 
ponson,  poisson.  Pour  désigner  le  domaine  des  Ronsart  à  Couture,  on 
écrivait  au  xv"  et  au  xvi"^  siècle  la  Possonniere,  et  c'est  aussi  l'orthog. 
adoptée  le  plus  souvent  dans  les  actes  notariés,  ou  ayant  un  caractère 
oniciel  quelconque,  du  xvii"  et  du  xviiie  siècle.  Cependant  c'est  l'orthog. 
Poissonnière  qui  a  prévalu,  non  seulement  chez  les  habitants  du  Bas- 
Vendomois,  mais  encore  dans  les  travaux  d'érudits,  tels  que  l'abbé 
Simon,  l'historien  de  Vendôme,  et  les  deux  derniers  éditeurs  de  Ron- 
sard, Blanchemain  et  Marty-Laveaux,  d'après  l'opinion  généralement 
répandue  que  ce  nom  vient  des  poissons  qui  figurent  dans  les  armes 
des  Ronsart.  Cette  confusion,  qui  s'explique  aisément,  fut  faite  dès  le 
xvi"  siècle,  comme  on  le  voit  par  la  2"  et  la  3^  rédaction  de  Binet.  Le 
poète  lui-même  semble  avoir  partagé  l'opinion  vulgaire,  car  il  écrit 
dans  une  lettre  à  son  ami  Passerai  en  1566  :  «  Je  m'en  iray  demain 
aux  Trois  Poissons  boire  à  vos  bonnes  grâces.  »  (Bl.,  VIIL  169  ;  M.  L., 
VI,  481.)  —  Sur  cette  question,  voir  Chabouillet,  Notice  sur  une  mcd. 
inéd.  de  Ronsard,  p.  20  ;  Froger,  Nouo.  rech.  sur  la  fam.  de  R., 
passini  ;  Laumonier,  Annales  Fléchoises  de  mai  1903,  pp.  257  et  suiv.  ; 
Hallopeau,  le  Bas-Vendomois,  pp.  59  et  suiv.) 

P.  2,  1.  41.  —  du  Mans.  Nous  n'avons  pas  trouvé  la  moindre  mention 
de  ce  Julian  Ronsart,  évêque  du  Mans,  ni  dans  Rochambeau  (op.  cit.), 
ni  dans  Froger  (op.  cz7.),  ni  dans  Hallopeau  {op.  cit.)-  Nous  l'avons 
vainement  cherché  dans  la  liste  des  évêques  du  Mans,  Gallia  Chris- 
tiana,  tome  XIV,  p.  339  ;  Mas-Latrie,  Trésor  de  Chronol.,  col.  1433. 
Binet  a  peut-être  confondu  avec  Jehan  Ronsart,  oncle  du  poète.  Il 
était  curé  de  Bessé-sur-Braye,  chanoine  du  Mans,  vicaire  général  de 
l'évêque-cardinal  du  Mans,  Louis  de  Bourbon.  Il  mourut  en  1535  et  fut 
inhumé  dans  une  des  chapelles  de  la  cathédrale,  celle  de  Saint-Nicolas 
(Froger,  Nouv.  Rech.  sur  la  famille  de  R-,  pp.  98  et  99.)  V.  ci-après, 
p.  70.  au  mot  «  exprès  ». 

P.  3,  1.  4.  —  à  Remi]  Belleau.  On  voit  que  Binet  n'a  pas  consulté 
cette  pièce  autobiographique  dans  l'édition  originale,  le  Bocage  de  1554, 
où  elle  était  dédiée  à  Pierre  Paschal,  et  qu'il  a  ignoré  par  conséquent 
pour  quelle  fin  Ronsard  l'avait  écrite.  Il  ne  s'est  pas  douté  un  instant 
qu'elle    était  primitivement  destinée    à    documenter    un   panégijrique 


ruption  du  xi^  au  xviii*'  siècle,  aux  portes  de  Vendôme,  entre  le  bourg  de 
Saint-Bienheuré  et  le  bourg  de  la  Chapelle-d'Arelnes  ..  {Annales  Fléchoises 
de  mai-juin  1909,  pp.  199  à  205,. 


6o  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

promis  par  Paschal  à  Ronsard,  et  que  pour  la  circonstance  le  poète 
avait  très  probablement  enjolivé  la  vérité.  Aussi  a-t-il  accepté  sans 
critique  les  renseignements  qu'elle  contient. 

C'est  en  1500  que  Ronsard  remplaça  Paschal  par  Rclleau  dans  l'a- 
dresse de  cette  autobiographie,  mais  elle  figurait  alors  au  premier  livre 
des  Poèmes,  n»  XX,  sans  porter  le  nom  particulier  d'élégie.  En  1567, 
1571  et  1573,  où  les  Elcgics  forment  avec  les  Eclogucs  une  section  à 
part  divisée  en  plusieurs  livres,  elle  est  classée  la  quatrième  élégie  du 
livre  IV.  En  1578,  où  les  Elégies  forment  pour  la  première  fois  avec 
quelques  Discours  une  série  continue,  elle  a  le  n"  XXIX  des  Elégies. 
C'est  en  1584  seulement  qu'elle  est  l'Elégie  XVI.  Nous  en  concluons 
que  Rinet  pour  sa  première  rédaction  s'est  servi  de  la  dernière  édition 
collective  publiée  du  vivant  de  Ronsard,  l'in-folio  de  1584.  —  Pour  les 
rédactions  de  1587  et  de  1597,  il  s'est  servi  de  la  première  édition  pos- 
thume, à  laquelle  il  avait  collaboré,  et  où  l'autobiographie  adressée  à 
Relleau  n'est  plus  l'Elégie  XVI,  mais  l'Elégie  XXI. 

Voici  les  vers  qui  ont  passé  dans  la  prose  de  Binet  : 

Du  costé  maternel  j'ay  tiré  mon  lignage 
De  ceux  de  la  Trimouille,  et  de  ceux  du  Bouchage, 
El  de    ceux  des  Roùaux,  et  de  ceux  des    Chaudriers 
Qui  furent  en  leurs  temps  si  glorieux  guerriers. 
Que  leur  noble  vertu  que  Mars  rend  éternelle 
Reprint  sur  les  Auglois  les  murs  de  la  Rochelle, 
Où  l'un  fut  si  vaillant  qu'eucores  aujourd'huy 
Une  rue  à  son  los  porte  le  nom  de  luy. 

(Texte  de  1584.  Cf.  éd.  M-L.,  IV,  96.) 

Sur  les  alliances  contractées  par  les  ancêtres  paternels  de  Ronsard, 
notamment  par  son  père,  et  sur  les  armoiries  sculptées  et  peintes  au 
manoir  de  la  Possonniere  qui  en  témoignent,  voir  Rochambeau,  op. 
cil.,  chap.  i  et  ii;  Froger,  Nouiy.  Rech.,  passiin  et  Tableau  généalog-  ; 
surtout  Hallopeau,  articles  des  Ann.  Fléch.  de  1905,  tome  V,  pp.  1,  90, 
189,  articles  recueillis  dans  son  ouvrage  sur  le  Bas-Vendômois  en 
1906,  pp.  74  à  92  et  planche  de  la  p.  176,  dont  nous  détachons  seule- 
ment ces  lignes  de  conclusion  :  «  De  1  étude  de  ces  armoiries  résulte  un 
fait  incontestable:  c'est  l'orgueil  inouï  des  seigneurs  de  la  Possonniere, 
qui,  avides  d  alliances  avec  les  plus  illustres  familles,  n'hésitent  pas  à 
s  attribuer  des  parentés  fort  discutables.  Vers  1515,  Loys  fait  sculpter 
sur  sa  cheminée  les  armes  de  Jeanne  de  Vendosmois,  par  lesquelles  les 
Ronsart  prétendaient  tenir  à  la  maison  de  Bourbon  et  aux  anciens 
comtes  de  Vendôme  ;  il  cherche  encore  à  se  rattacher  aux  barons  de 
Maillé    et  peut-être  aussi  aux  barons  de  Craon.  » 

Le  poète  en  particulier  était  très  fier  de  ses  ascendants  et  de  leurs 
attaches  plus  ou  moins  directes  avec  les  plus  nobles  familles:  ce  senti- 
ment éclate  non  seulement  dans  VElegie  à  P.  Paschal,  mais  dans  l'ode 
pindarique  A  J.  du  Bellay  (épode  IV)  et  dans  l'ode  Au  fleuve  du  Loir 
(av.  dern  stro.i;  le  caractère  aristocratique  de  sa  Muse  vient  en  partie 
de  là.  Voir  ma  Jeunesse  de  Ronsard,  où  j'ai  le  premier  signalé  l'exis- 
tence des  armes  de  sa  mère  Jeanne  Chaudrier,  au  manoir  de  la 
Possonniere.  {Rev.  de  la  Renaiss.,  févr.  1901,  pp.  105-106.) 


ET    CRITIQUE  6l 

P.  3,  1.  5.  —  de  l'Ordre.  Sur  ce  personnage,  voir  A.  de  Rochambeau, 
Famille  de  Ronsart,  1868,  éd.  elzévirienne,  pp.  22-33;  Louis  Froger, 
Nouv.  Rech.  sur  la  famille  de  Ronsard  dans  la  Revue  hislor.  et  arch. 
du  Maine,  1884,  l»-'"'  semestre,  pp.  102  et  suiv.  ;  et  ma  Jeunesse  de 
Ronsard  dans  la  Rev.  de  la  Renaissance,  1901,  pp.  99  et  suiv.  —  Il 
est  surtout  connu  par  son  protégé,  le  rhétoriqueur  poitevin  J.  Bouchet 
(Epître  liminaire  des  Triumphes  de  la  noble  et  amoureuse  dame,  repro- 
duite par  Marty-Lav.,  Notice  sur  Ronsard,  ex  ;  Epitres  familières, 
96,  97,  126  de  l'éd.  de  1545  ;  Epitaphe  de  Loys  de  Roussart,  reproduite 
par  HIanchemain,  au  tome  VIII,  p.  13,  de  son  édition  de  Ronsard).  — 
Il  fut  fait  chevalier  de  l'ordre  de  Saint-Michel  par  Louis  XII,  car  il  a 
ce  titre  dès  1504  (Rochambeau.  op.  cit.,  p.  23).  D'après  Bouchet 
(Epître  limin.  des  Triumphes),  il  1  aurait  reçu  en  récompense  des  ser- 
vices rendus  à  la  prise  de  Milan  et  d'Alexandrie,  lorsque  Ludov. 
Sforza  fut  fait  prisonnier,  c'est-à-dire  en  1500. 

P.  3,  1.  6.  —  du  Roy.  Il  s'agit  non  pas  de  François  ler^  comme  l'a  écrit 
Binet  en  1597,  mais  de  celui  de  ses  fils  qui  devint  roi  sous  le  nom 
de  Henri  II.  Il  suffit,  pour  s'en  convaincre,  de  se  reporter  à  l'Elégie 
autobiographique  dont  Binet  s'est  servi  en  1586.  Voici  ce  qu'écrivait 
Ronsard  dans  cette  Elégie  à  la  date  de  1554  et  ce  qu'on  lisait  encore 
dans  l'in-foho  de  1584,  consulté  par  Binet  : 

Mon  père  fut  toujours  en  son  vivant  icy 

Maistre  d'hostel  du  Rojs  et  le  suivit  aussy 

Tant  qu'il  fut  prisonnier  pour  son  père  en  Espagne. 

Ce  roi  qui  «  fut  prisonnier  pour  son  père  en  Espagne  »,  et  que  L.  de 
Ronsart  suivit  durant  sa  captivité,  ne  peut  être  un  autre  que  Henri  II  ; 
seulement,  lorsqu'il  remplaça  son  père  dans  les  prisons  d'Espagne,  de 
1526  à  1530,  il  n'était  encore  que  le  tout  jeune  prince  Henri,  duc  d'Or- 
léans. Ronsard  a  voulu  dire  en  1554  :  «Mon  père  fut  maître  d'hôtel  du 
prince  qui  est  aujourd'hui  notre  roi.  »  (Notons  qu  il  s'adressait 
alors  à  Paschal,  «  historiographe  du  Roy».)  Après  la  mort  de  Henri  II, 
il  aurait  dû  changer  son  texte  pour  éviter  toute  équivoque  ;  il  ne  s'en 
avisa  que  pour  l'édition  posthume  (1587),  dont  voici  la  variante  : 

Mon  père  de  Henry  gouverna  la  maison, 

Fils  du  grand  Roj'  François,  quand  il  fut  en  prison 

Servant  de  seur  ostage  à  son  père  en  Espagne. 

Du  Perron  a  bien  vu,  même  avant  l'apparition  de  cette  variante,  que  le 
roi  dont  parle  Ronsard  dans  les  éd  publiées  de  son  vivant  est  Henri  II 
et  non  François  I^''  ;  mais  il  eut  tort  de  croire  que  L.  de  Ronsart  «  fut 
maistre  d'hostel  du  Roy  Henry  second  à  son  avènement  à  la  couronne  ». 
(Or.  fun.,  tous  les  textes,  1586-1618.) 

Non,  L.  de  Ronsart  ne  fut  «maistre  d'hostel»  que  des  deux  fils  aînés 
de  François  P*",  le  dauphin  François  et  le  duc  Henri  d'Orléans.  Bou- 
chet le  dit  expressément  à  deux  reprises  (Epître  limin  des  Triumphes, 
et  Epitaphe  de  L.  de  /?.).  D'après  un  document  retrouvé  par  A.  Dupré 
et  cité  par  Rochambeau  [op.  cit.,  p.  24),  il  était  «  maistre  d'hostel  des 
princes  »  dès  mars  1522.  D'après  un  autre  document  publié  par 
M.  Lhuillier  dans  le  Bulletin  histor.  et  philol.  du  comité  des  travaux 


Ca  COMMEJiTAÎRE    HISTORIQUE 

histor.  ^1889,  p.  213),  il  était  inscrit  en  1535  comme  4e  maître  d'hôtel 
dans  «  l'Etat  delà  maison  des  princes  »  pour  une  somme  de  800  livres. 
Or,  comme  l'aîné  de  ces  princes  est  mort  en  15,%  et  que  le  cadet  n'est 
arrive  au  trône  qu'en  1547.  trois  ans  après  la  mort  de  L.  de  lionsarl, 
celui-ci  en  réalité  n'a  jamais  été  «  maistre  d'hostel  »  d'aucun  roi. 
Enfin,  si  L.  de  Ronsart  avait  eu  cette  qualité,  on  peut  être  certain 
que  Bouchet  la  lui  aurait  donnée  au  moins  une  fois,  surtout  en  tête  de 
VEpitaphe  qu'il  lui  consacra  en  1544.  Or,  en  toutes  circonstances  il  l'a 
simplement  qualifié  de  «  maistre  d'hostel  de  Monsieur  le  Dauphin  », 
même  en  tête  de  VEpitaphe- 

Binet,  cela    est    visible,  a  mal    interprété  le    texte   de   Ronsard    dès 
1586.  Il  a  aggravé  son  contresens  en  1597  par  son  addition,  d»  Roy  Fran- 
çois premier,  addition  d'autant   moins  excusable  que  le  texte  de  l'éd. 
posthume  devait  alors,  et  dès  1587,  lui  ouvrir  les  yeux.  Par  malheur, 
tous  les  biographes  de  Ronsard,  jusqu'à  Marty-Lav.  inclusivement,  ont 
ajouté  foi  au  témoignage  de  Binet.  L'un  d'eux,  CoUetet,  reproduit  sans 
contrôle  à  la  fois  le  témoignage    de  Du  Perron  et  celui  de  Binet,  et  il 
ajoute  une  troisième   erreur,  qu'ils  n'ont  pas  commise,  en  disant  que 
«  les  enfans  de  France  »    accompagnés  par  L.  de  Ronsart  en  Espagne 
furent  François   et   Charles  duc  d'Orléans    [op.  cit.,    p.    22).    L'abbé 
Simon  a  également  suivi  à  la  fois  Binet  et  Du  Perron   (Hist.  de    Ven- 
dôme, III,  p.  500).  —  Blanchemain  (VIII,  pp.  2  et  13)  et  Rochambeau 
[op.    cit.,  31)    se  sont  appuyés  pour  donner  raison   à  Binet  sur  cette 
auti-e  affirmation  de  lui  :  L.  de  R.  «  mourut  en  1544  servant  son  quar- 
tier chez  le  Roy»  (V.  ci-dessus,  p.  10).  Mais  si  L.  de  R.  mourut  «  en  ser- 
vant son   quartier  chez  le  Roy  »,    ce  n'est  pas   en   qualité  de  «   maistre 
d'hostel  de  François  P'"  »  :  c'est  qu'il  faisait  partie  des  «  cent  mansion- 
naires  »,  ou  gardes  du  corps    royaux,  ainsi  que  nous  l'appi'end  encore 
Bouchet  dans  l'Epître  limin.  des  Triumphes  et  V Epitaphe  déik  citées. 
P.  3,  1.  10.  —  de  la  France.  D'après  Bouchet  (Epître  limin.  des   Trium- 
phes, et    Epitaphe  de  L.    de   R.),  le  séjour   de   Loys    de    Ronsart    en 
Espagne  a  duré  4  ans  et  demi  «  environ  ».   Il  a  duré  exactement  4  ans, 
3  mois  et  quelques   jours,    les   deux    princes  otages    ayant  franchi    la 
Bidassoa  le  17  mars  1526.  et  l'ayant  repassée  le  !«''  juillet  1530.  (Cham- 
pollion-Figcac,   Captivité  de  Franc.  F^',  Introd.,   lxiii  ;  Mignet,  Rival, 
de  Fr.  F^  et  de  Charles  Quint,  II,  pp.  188  et  461  de  l'éd.  de  1886.) 

On  pourrait  croire  d'après  Binet  que  Loys  de  Ronsart  eut  seul,  et 
par  une  confiance  toute  spéciale,  la  mission  de  veiller  aux  deux  princes 
otages.  En  réalité,  dix  gentilhommes  composant  leur  «  maison  » 
étaient  chargés  de  cette  mission,  entre  autres  René  de  Cossé-Brissac, 
gouverneur  du  Dauphin.  Loys  de  Ronsart  était  du  nombre,  en  qualité 
de  maistre  d'hôtel  des  princes.  —  Ce  n'est  pas  François  F"  qui  les 
choisit,  mais  la  reine-mère,  Louise  de  Savoie,  qui,  pendant  l'absence  de 
François  I''"",  était  Régente  du  royaume. 

On  possède  deux  lettres  écrites  par  Loys  de  Ronsart  pendant  son 
séjour  en  Espagne.  La  première  est  datée  de  Villepende  (Villalpando)  le 
27  octobre  [1529],  et  adressée  au  gouverneur  du  Dauphin,  René  de 
Cossé-Brissac,  qui  à  cette  date  était  déjà  de  retour  en  France  (relâché 
après   la    paix   de  Cambrai,    août  1529).    Elle   a  été    publiée  pour  la 


ET    CRITIQUE  63 

première  fois  dans  le  Bulletin  Iiistor.  et  monumental  de  VAnjou, 
4«  année,  185G,  p.  49,  mais  de  façon  inexacte.  Lemarchand  en  a  donné 
une  transcription  meilleure  dans  la  Reu.  de  l'Anjou  et  du  Maine,  art. 
cit.,  p.  106-107  ;  mais  elle  a  échappé  à  Rochambeau,  Blanchemain  et 
Marty-Laveaux.  La  Biblio.  d'Angers  en  possède  l'autographe,  qui  pro- 
vient du  chartrier  de  Brissac  par  l'intermédiaire  du  cabinet  Toussaint 
Gille  iMss  1137,  no  9).  Je  remercie  M.  Louis  Hogu,  un  jeune  savant 
angevin,  qui  m'a  collationné  la  copie  de  Lemarchand  sur  l'original, 
de  son  obligeante  communication  à  ce  sujet. 

La  deuxième  lettre  est  datée  de  Pedrace  (Pedrazza),  le  15  janvier 
[1530],  et  adressée  à  Monsieur  le  Grand  Maistre  de  la  maison  du  Roi, 
Anne  de  Montmorency  ;  elle  a  été  publiée  par  Génin,  Lettres  de  Marg. 
d'Anyoulcme,  Appendice,  I,  p.  470  ;  par  Blanchemain,  Œuvres  de 
Ronsard,  VIII,  175  ;  par  Rochambeau,  op.  cit.,  p.  27,  et  par  Marty- 
Laveaux,  Notice  sur  Ronsard,  cix.  (Cf.  Bibl.  Nat.  Mss  fr.,  n"  3037, 
fo  96). 

Sur  la  joie  causée  par  le  retour  des  princes,  avec  lesquels  arriva  en 
France  la  nouvelle  reine,  Eléonore  d'Autriche,  sœur  de  Charles-Quint, 
voir  Cl.  Marot,  Chant  de  joye  au  retour  de  Messeigneurs  les  enfans 
(éd.  Jannet,  II,  91),  et  Mignet,  op.  cit.,  chap.  final. 
P.  3,  1.  12.  —  heureusement.  On  sait  par  J.  Bouchet  (iipz7.  cit.)  le  rôle 
de  protecteur  des  écrivains  que  Loys  de  Ronsart  jouait  à  la  Cour.  C'est 
ainsi  qu'il  se  chargea  de  présenter  à  Eléonore  d'Autriche  les  Triumphes 
de  la  noble  dame,  et  à  François  le''  le  Jugement  poetic  de  l'honneur 
féminin,  et  obtint  de  celui-ci  l'entrée  gratuite  d'une  des  filles  de  Bou- 
chet  au  monastère  de  Sainte-Croix  de  Poitiers,  faveur  insigne  dont  le 
remercie  avec  chaleur  le  rhétoriqueur  poitevin.  —  Ou  sait  aussi  l'in- 
fluence littéraire  qu'il  eut  sur  Bouchet,  auquel  il  révéla,  entre  autres 
secrets 

Du  tant   noble  art  de  doulce  rhétorique, 

la  valeur  esthétique  de  deux  règles  de  versification,  celle  de  l'élision 
obligatoire  de  la  coupe  féminine  (quadrature  synalephée)  et  celle  de 
l'alternance  des  rimes  mascul.  et  fémin.  dans  les  vers  à  rimes  plates 
(Cf.  ma  Jeunesse  de  Rons.,  févr.  1901,  p.  102,  et  ma  thèse  sur  Ron- 
sard p.  /yr.,  pp.  765  etsuiv.).  —  On  sait  enfin  qu'il  composa  durant 
sa  captivité  deux  traités  en  vers,  qui,  malgré  les  instances  de  Bouchet, 
sont  restés  inédits  : 

Quant  au  blason  des  armes  et  divis 

(Dont  j'ay  parlé  voire  escrit  mon  advis) 

Vous  en  scavez  autant  que  feit  onc  homme, 

Et  en  avez  fait  ung  recueil  et  somme 

Puys  peu  de  temps,  et  ung  auUre  traicté 

Ouquel  avez  tresamplement  traicté 

Comme  on  se  doit  es  maisons  des   grans    princes 

Entretenir  par  règnes  et  provinces. 

Le  deuxième  sujet  est  clair  :  il  s'agissait  des  devoirs  des  officiers  de  la 
couronne.  Mais  le  premier  l'est  moins.  Faut-il  penser  avec  Goujet 
[Bibl  fr-,  XI,  290),  Rochambeau  (o/j.  cit.,  33),  L.  Froger  [Prem.  poés. 
de  Rons-,  8,  et  Nouv.  Rech.,  105),  que  c'était  un  traité  sur  le  blason,  et 


64  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

comprendre  par  armes  et  divis  les  armoiries  et  devises  des  familles 
nobles  ?  Ou  bien  faut-il  comprendre  «  le  blason  et  divis  (pour  devis) 
des  armes  »,  dans  le  sens  de  «  description  et  discussion  sur  les  armes 
de  guerre  »  ?  On  peut  hésiter,  mais  j'adopterais  volontiers  le  second 
sens,  étant  donné  que  Bouchet  parle  dans  les  vers  précédents  des 
exploits  militaires  de  Loys  de  Housart  et  que  le  mot  blason  signifie 
description  dans  la  première  moitié  du  xvie  siècle.  Qui  sait  d'ailleurs  si 
notre  poète  ne  s'est  pas  inspiré  du  manuscrit  de  son  père  quand  il 
écrivit  en  1554  précisément  le  «  blason  »>  des  Armes  (Bl.,  VI,  39),  et 
lorsqu'il  entreprit  un  poème  didactique,  sur  la  Militie,  dont  un  fragment 
fut  publié  en  1584  i^v.  ci-dessus,  p.  49)  ? 
P.  3,  1.  18.  —  de  Chaiidrier.  Jeanne  Chaudrier  était  originaire  de 
l'Anjou,  comme  en  fait  foi  ce  passage  de  G.  Critton,  parlant  du  père  et 
de  la  mère  du  poète  :  «  Parentem  utrumque  nobili  loco  natuni  sortitus 
est,  sed  paterni  generis  origo,  quod  peregrina,  obscurior,  materna 
Andegaveusis  clarior  fuit.  »  [Laudatio  fïin.y  p.  4.) 

Fille  aînée  de  Jean  Chaudrier,  chevalier,  s''  de  Serrière  (ou  Cirières) 
et  de  Noirterre,  et  de  Joachine  de  Beaumont,  elle  était  par  sa  mère  la 
petite-nièce  de  Joachim  Rouault,  maréchal  de  France  sous  Louis  XI. 
D'après  des  pièces  communiquées  à  la  Soc  archéol.  de  Nantes  en  1873, 
elle  aurait  été  orpheline  de  bonne  heure  et  se  serait  laissé  enlever  de 
chez  sa  grand'mére  par  Jacques  de  Fontbernier,  s""  de  la  Rivière  en 
Poitou,  qui,  après  l'avoir  gardée  trois  mois,  refusa  de  l'épouser.  Mariée 
à  Guy  des  Roches,  sieur  de  la  Basme  (ou  Basne),  elle  devint  veuve  et 
épousa  en  secondes  noces  Loys  de  Ronsart,  par  contrat  du  2  févr.  1514 
(Blanchemain,  Poètes  et  Amoureuses,  p.  41,  note;  L.  Proger,  Tableau 
généal.  publié  dans  les  Nouv.  Recli.,  p.  224  ;  H.  Longnon,  Posit.  de 
la  thèse  de  l'Ecole  des  Chartes,  ch.  iv,  le  Roman  de  la  mère  de  Ron- 
sard ;  Hallopeau,  Ann.  Fléch.,  1905,  tome  VI,  p.  189). 

Bien  que  Ronsard  ne  nous  ait  jamais  parlé  de  sa  mère  (car  ce  n'est 
pas  d'elle  qu  il  est  question  dans  l'élégie  Vous  qui  passez,  Bl.,  VI, 
326),  on  peut  penser  quelle  vivait  encore  en  1540,  d  après  ces  vers  de 
l'Ode  à  Marie  Stuart  (BL,  II,  481)  : 

Si  loin  de  mon  pays,  de  frères  et  de  mère, 

J'ay  dans   le  vostre  usé  trois  ans  de  mon  enfance... 

Elle  est  mentionnée  dans  l'acte  de  tonsure  du  poète,  qui  est  daté  du 
6  mars  1542  (anc.  st.),  mais  on  ne  peut  pas  en  conclure  qu'elle  vivait 
encore  à  cette  date. 

La  leçon  Chaudrier.  qu'on  lit  à  partir  de  C  ici  et  plus  haut,  et  qui  me 
paraît  fautive,  est  préférée  à  la  leçon  Chaudrier  par  Desmaizeaux  dans 
les  Remarques  placées  en  Appendice  du  Dictionn.  de  Bayle,  éd.  de 
1730,  tome  IV,  p.  095. 

P.  3,  1.  19  —  Possonniere.  C'est  la  vraie  orthog.  de  ce  nom  (voir  ci- 
dessus,  p.  59).  Binet  la  observée  partout  en  A  ;  mais  il  écrit  Poisson- 
nière partout  en  BC- 

P.  3,  1.  26.  —  des  Généalogies.  Il  s'agit  de  Paschal  Robin,  sieur  du 
Faux  (1539-1593),  auteur  d'un  grand  nombre  de  poésies  et  d'éloges  en 
prose,  dont  la  plupart  sont  perdus.    Il  a   signé    P.  R.   D.    F.   quelques 


STATUES  TOMBALES  DE  LOYS  DE  RONSART  ET  DE  JEANNE  DE  CHAUDRIER 

(Conservées  dans  une  armoire  de  la  sacristie  de  l'église  de  Couture,  Loir-et-Cher). 

On  aperçoit  la  cotte  de  mailles  du  vieux  chevalier  autour  du  cou,  au  biceps  et  un  peu 
au-dessus  des  genouillères.  Ses  mains  recouvertes  du  gantelet  sont  jointes  pour  la  prière  ; 
la  visière  de  son  casque  à  plumet  est  écartée  de  façon  à  laisser  voir  la  barbe  et  les  mous- 
taches retroussées.  Le  nez  a  été  brisé,  les  jambes  manquent.  En  s'approchant  de  très 
près,  on  distingue  sur  la  tunique,  entre  le  tour  du  cou  et  la  pointe  des  mains,  les  trois 
poissons,  armes  des  Ronsart  de  la  Possonnière. 

La  mère  du  poète  est  également  représentée  dans  l'attitude  de  la  prière.  Sa  figure, 
presque  aussi  maltraitée  que  celle  de  son  mari,  laisse  voir  cependant  encore  d'agréables 
traits  et  une  douce  expression  E^lle  porte  le  costume  élégant  de  l'époque,  la  petite  coeffe, 
les  longues  manches  et  une  robe  serrée  à  la  taille  ;  une  cordelière,  dont  les  extrémités  à 
glands  tombent  jusqu'aux  pieds  le  long  des  larges  et  libres  plis  de  la  robe,  est  nouée 
assez  bas  pour  dessiner  l'abdomen.  Les  avant-bras  sont  recouverts  Ae  manches  ouvragées 
et  houillonnées. 

Les  tètes  reposent  sur  des  coussins.  Ces  statues,  remarquables  par  la  souplesse  des 
lignes  et  le  flni  des  détails,  offrent  un  curieux  spécimen  de  sculpture  de  la  Renaissance 
française.  Cf.  A.  de  Rochambeau,  album  qui  accompagne  son  ouvrage  La  Famille  de 
Ronsart  ;  Blanchemain,  t.  VIII.  p.  13,  note;  L.  Froger,  Revue  archéol.  du  Maine,  1884, 
]«''  semestre,  p.  111,  note;  J.-J.  Jusserand,  Ronsard  and  his  Vendômois,  Revue  du 
«  Nineteenth  Century  »,  n"  davril  1897,  p.  (502.) 


ET    CRITIQUE  65 

poésies  liminaires  pour  des  livres  d'amis,  tels  que  les  Angevins  Le 
Masle  et  Le  Loyer.  On  trouve  lénumération  de  ses  œuvres  dans  Celes- 
tin  Port  (Dictionn.  hist.  de  M.  et  L.,  III).  La  Croi.x  du  Maine,  qui  le 
connaissait  «  fort  familièrement  »,  lui  a  consacré  en  1584  un  article  dont 
nous  extrayons  ces  lignes  :  «  Il  a  écrit  l'Histoire  et  chronique  du  pays 
et  Duché  d'Anjou,  ensemble  un  Recueil  des  Généalogies  des  plus 
illustres  maisons  dudit  pays,  et  autres  voisines  d'Anjou.  Ce  livre  n'est 
encore  imprimé.  Il  a  écrit  un  petit  Discours  servant  comme  d'avant- 
coureur  d'icelle  Histoire,  dans  lequel  il  traite  de  l'excellence  et  anti- 
quité d'Anjou,  et  des  Princes  qui  y  ont  commandé,  et  en  sont  sortis, 
imprimé  à  Paris  chez  Emman.  Richard,  l'an  1582-  »  [Biblioth.,  II,  218). 
Le  Brief  Discours  gentil  et  proafitable  sur  l'excellence  et  antiquité  du 
pays  d'Anjou  (I3ibl.  Nat.,  LK-,  116),  n'a  que  18  pages  et  ne  contient 
pas  un  mot  sur  Ronsard.  D'ailleurs,  comme  le  dit  La  Croix  du  Maine, 
ce  n'est  qu'un  prologue,  qui  annonce  une  histoire  complète  de  l'Anjou 
et  la  dédie  au  sire  de  Brie,  seigneur  de  Serrant-  Il  n'y  est  question  que 
des  maisons  royales  qui  tirent  leur  origine  de  la  maison  d'Anjou. 
Quant  à  l'Histoire  d'Anjou  elle-même,  que  les  contemporains  ont 
vantée,  elle  est  restée  vraisemblablement  inédite,  car  on  lit  dans 
un  ms.  autographe  de  Bruneau  de  Tartifume,  historien  angevin  du 
xvii*^  siècle  :  «  Paschal  Robin,  homme  savant  en  toutes  sortes  de 
sciences,  a  voulu  entreprendre  l'histoire  d'Anjou  c[u'il  nommoit 
déjà  son  Angiade...  La  mort  en  le  prévenant  a  privé  l'Anjou  de  ce 
bonheur.  Il  y  en  a  qui  ont  mis  les  mains  sur  ses  mémoires  qu'ils 
retiennent  comme  ensepvelis,  semblables  à  l'avaricieux  qui  ayme  mieux 
mourir  sur  son  trésor  que  de  le  communiquer  à  ceux  qui  l'employroient 
mieux  que  luy...  »  (Bibl.  d'Angers.  Ms.  870,  pp.  449-50).  D'autre  part 
G.  CoUetet,  qui  était  un  collectionneur  passionné  de  livres  rares,  se 
contente  de  dire  dans  sa  Vie  de  R.  :  «  Mais  je  laisse  à  Claude  Binet,  à 
Paschal  du  Faux,  Angevin,  et  à  tous  nos  généalogistes  à  justifier,  par 
les  temps  et  par  les  diverses  alliances,  la  splendeur  de  la  maison  de 
nostre  Ronsard.  »  Il  est  visible  qu'il  n'a  pas  pu  consulter  les  Généalo- 
gies auxquelles  Binet  fait  allusion. 

Le  témoignage  de  Binet  repose  donc  sur  la  lecture  d'un  ms.  de 
Robin  du  Faux,  peut-être  même  sur  un  simple  ouï-dire,  et  c'est  ce 
témoignage  que  certains  biographes  ont  pris  au  sérieux  (Rochambeau, 
op.  cil-,  p.  14)  ;  l'un  d'eux,  Blanchemain,  mettant  sur  le  compte  du 
poète  l'affirmation  de  Binet,  a  osé  écrire  que  ((  Ronsard  se  prétendait 
allié  au  16'-  ou  17*'  degré  d'Elisabeth,  reine  d'Angleterre  »  (éd.  de 
Ronsard,  VIII,  4,  note),  et  un  troisième,  renchérissant,  que  «  Ronsard 
aimait  à  soutenir  avec  une  naïveté  orgueilleuse,  dont  on  s'est  moqué, 
qu'il  était  au  16"  ou  17"  degré  le  parent  de  la  reine  Elisabeth  »  (Bizos, 
Ronsard,  p.  8).  Les  œuvres  du  poète,  tout  orgueilleux  qu'il  fût,  ne 
contiennent  pas  la  moindre  trace  de  cette  prétention.  Il  me  semble  que, 
si  elle  avait  pu  se  justifier,  il  n'aurait  pas  manqué  de  l'indiquer  dans  son 
autobiographie,  ou  dans  les  pages  en  prose  et  en  vers  qu'il  adressa  en 
1565  à  la  reine  Elisabeth,  à  son  favori  Dudley  et  à  son  secrétaire 
Cecille  (Voir  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  pp.  214  et  215). 
P.  3,  I.  34.    —   fut  choisi.    Cette  leçon,  reproduite   dans  les  éd.  suiv., 

VIE  DE   P.    DE    RONSARD.  5 


(Î6  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

semble  fautive,  car  c'est  L.  de  Ronsart  et  non  pas  François  le'"  qui  fut 
choisi.  De  deux  choses  l'une  :  ou  bien  la  seule  bonne  leçon  est  celle  de 
AB  ;  ou  bien  il  faut  donner  au  qui  de  C  la  valeur  de  et  lui  (c'est-à-dire 
L.  de  Ronsart)  ;  non  seulement  cette  deuxième  inteiprétation  est  pos- 
sible, mais  elle  est  très  vraisemblable.  (Cf.  ci-après,  p.  102,  aux  mots 
((  CCS  richesses  ))). 
P.  4,  1.  1.  —  sixiesme  de  Septembre.  Binet  n'a  trouvé  cette  date  dans 
aucune  des  éditions  où  a  paru  l'Elégie  autobiographique  de  Ronsard. 
Tous  les  textes  portent,  de  1554  à  1584  inclusivement  : 

L'an  que  le  Roy  François  fut  pris  devant  Pavie, 
Le  jour  d'un  Samedy,  Dieu  me  presta  la  vie 
L'onziesme  de  Septembre. 

Binet  n'a  d'ailleurs  consulté  pour  sa  première  rédaction  que  l'in-f"  de 
1584  [cï.  ci-dessus,  p.  60).  On  doit  donc  voir  simplement  dans  A  une 
faute  d'impression  ;  l'imprimeur  aura  lu  VI^  au  lieu  de  Xle  sur  le 
manuscrit  de  Binet,  qui  corrigea  cette  erreur  dès  la  rédaction  de  B. 

La  date  de  la  naissance  de  Ronsard  a  été  très  controversée  et  l'est 
encore.  Voir  Du  Perron,  Or.fun.  ;  Colletet,  Vie  de  Bons-  ;  Moreri,  Dict., 
art.  Ron.sard,  fin  ;  Bajde,  Dictionnaire,  art.  Ronsard,  et  Bemarques  ait. 
qui  sont  à  la  fin  de  ce  Diclionn.  dans  l'éd.  de  1730  ;  Joly,  Bemarques 
critiques  sur  le  Dictionn.  de  Bayle  (1752,  p.  695);  Stoetzer,  Etude  sur 
Bons.  ;  Nouël,  Bull,  de  la  Soc.  arch.  du  Vendômois  de  janv.  1886  ; 
Martj'-Lav.,  Notice  sur  Bons.  —  D'abord  à  quelle  année  remonte-t-elle  ? 
Du  Perron  disait  déjà  en  1586  :  «  Quant  à  ce  qui  est  du  temps  de  sa 
naissance,  il  y  en  a  diverses  opinions  :  les  uns  pensent  qu'il  soit  né  l'an 
cinq  cens  vingt  deux,  et  qu'estant  decedé  sur  la  fin  de  l'année  dernière, 
il  soit  mort  en  son  an  climacterique  :  chose  que  l'on  a  remarqué  estre 
arrivée  à  une  infinité  de  grands  personnages,  qui  ont  esté  par  le  passé. 
Les  autres  s'arrestent  à  ce  qu'il  en  a  escrit  luy  mesme,  ayant  signalé 
l'année  de  sa  nativité  par  la  prise  du  Roy  François,  comme  ordinaire- 
ment il  se  rencontre  de  ces  accidens  notables  à  la  naissance  des 
hommes  illustres  et  des  grands  personnages.  »  Si,  laissant  de  côté  avec 
Binet  la  première  de  ces  opinions  qui  n'est  fondée  que  sur  un  antique 
préjugé,  on  s'arrête  à  la  seconde,  première  difficulté.  La  bataille  de 
Pavie,  en  effet,  est  du  25  févr.  1524  d'après  l'ancienne  manière  de  dater, 
du  25  févr.  1525  d'après  la  nouvelle  ;  Ronsard  a-t-il  compté  d'après 
l'anc.  st.  ou  le  n.  st.  ?  A-t-il  voulu  dire  qu'il  était  né  le  1 1  sept.  1524  ou 
le  11  sept.  1525?  S'il  a  consulté  des  pièces  officielles,  il  est  plus  que  pro- 
baljle  qu'il  a  adopté  l'ancien  style,  d'après  lequel  elles  étaient  datées. 
Toutefois  l'abbé  Goujet  adopte  sans  hésitation  la  date  du  nouveau  style 
[Biblioth.,  XII,  p.  194). 

Veut-on  corroborer  cette  date  par  d'autres  textes  de  Ronsard  ?  Nou- 
velle difficulté,  car  ils  sont  contradictoires.  Dans  son  autobiographie, 
il  dit  qu'il  avait  à  peine  seize  ans  quand  il  partit  pour  l'Allemagne  avec 
Lazare  de  Baïf  (fin  de  mai  1540,  v.  ci-après,  p.  77).  Dans  deux  sonnets  sur 
sa  rencontre  avec  Cassandre  (avril  1545).  il  dit  qu'il  allait  alors  «sur  ses 
vingt  ans  »,  mais  dans  un  autre  qu'il  allait  «  sur  ses  vingt  et  un  ans  » 
|B1.,  I,  65  ;  162  ;   M-L.,  I,  82)  ;  ailleurs  :  «  A  vingt  ans  je  choisis  une 


ET    CIUTIQUE  67 

belle  maîtresse»  (Bl.,  VII,  127).  Le  portrait  de  Bons,  qui  parut  en  tête 
des  Amours  de  sept.  1552  est  accompagné  de  cette  mention  :  «  Anno 
aetatis  27.  »  Dans  une  ode  qui  parut  en  1556,  mais  peut  avoir  été  com- 
posée avant  sept.  1555,  il  dit  qu'il  n'a  que  trente  ans  (Bl.  II,  483).  Dans 
sa  Rép.  aux  injures,  qui  est  de  mars  1563,  il  se  dit  dans  sa  37e  année 
(Bl.,  VII,  105),  et  dans  sa  Complainte  ci  la  Royne  mère,  qui  est  de  la 
même  année,  il  accuse  37  ans  passés  (Bl.,  III,  371).  Dans  une  Elégie 
au  roy  Charles  IX  qui  fut  composée  en  novembre  1565,  il  se  donne 
40  ans  iBl.,  III,  317).  Enfin  dans  une  Rép.  à  Charles  IX,  il  accuse 
22  ans  de  plus  que  ce  roi,  lequel  est  né  le  27  juin  1550  (Bl.,  III,  259). 
—  D'après  ces  textes  il  se  fait  naître  en  1524,  en  1525,  en  1526  et  même 
en  1528.  Il  y  a  des  chances  pour  qu'il  se  soit  le  plus  souvent  rajeuni 
et  que  la  vérité  se  trouve  dans  son  autobiographie,  où  il  écrit  : 

Sans   te  tromper  ne   moi  (var.    de  1554)   j   .      ... 

\»       D  11  .•     ;  j      ir/>n    {  ie  dirai  vente 

Mon  belleau  sans  mentir  (var.    de    I5o0)  ) 

Et  de  l'an  et  du  jour  de  ma  nativité. 

Ensuite,  quel  est  au  juste  le  jour  de  sa  naissance?  Becq  de  Fou- 
quières  (Poés.  choisies  de  Rons.,  p.  xiv,  note),  déclare  le  problème 
insoluble,  l'indication  donnée  par  Ronsard  ne  correspondant  pas  à  l'Art 
de  vérif-  les  dates,  d'après  lequel  le  11  septembre  1524  était  un 
dimanche,  et  le  11  septembre  1525  un  lundi.  —  Pour  H.  Longnon, 
Ronsard  est  né  le  2  septembre  1525,  qui  était  bien  un  samedi  (Posi- 
tions de  thèse  de  l'Ec.  des  Chartes,  1904,  p.  82).  Mais  dans  ce  cas  on 
devrait  admettre  que  Ronsard  est  resté  toute  sa  vie  dans  l'ignorance 
de  son  jour  natal,  ce  qui  est  peu  vraisemblable,  ou  bien  qu'il  s'est 
vieilli  d'une  année  en  plusieurs  endroits  de  ses  œuvres,  ce  qui  l'est 
encore  moins.  Certes  la  conjecture  est  intéressante,  le  poète  ayant  pu 
confondre  dans  la  lecture  de  son  «  livre  de  raison  »  le  chiffre  romain  II 
avec  le  chiffre  arabe  11  (Brunetière,  Hist.  de  la  Litt .  fr.  classique, 
tome  I,  p.  327). 

Toutefois,  jusqu'à  plus  ample  information,  je  pense  qu'il  faut  s'en 
tenir  à  la  date  traditionnelle,  celle  que  Binet  a  adoptée.  En  effet,  Ron- 
sard a  pu  avoir  une  légère  défaillance  de  mémoire  pour  le  quantième 
ou  le  jour  de  la  semaine,  lorsqu'il  rédigea  en  1554,  à  30  ans,  son  auto- 
biographie poétique.  Ensuite  (et  ce  serait  une  preuve  curieuse  des 
exigences  de  notre  versification)  de  deux  choses  l'une  :  ou  il  est  né  le 
samedi,  auquel  cas  il  ne  pouvait  écrire  sans  faire  un  vers  faux  «  le 
dixiesme  de  Septembre»  ;  ou  il  est  né  le  dimanche,  auquel  cas  il  ne 
pouvait  écrire  sans  faire  un  vers  faux  «  le  jour  d'un  Dimanche  ».  Il  a 
ingénieusement  tranché  la  difficulté  en  laissant  penser  qu'il  fit  son 
apparition  sur  le  coup  de  minuit. 
p.  4,  1.  6.  — -  rencontre.  C'est  pousser  vraiment  loin  le  système  des 
compensations.  Bayle  critique  avec  raison  ces  «  reflexions  peu  judi- 
cieuses »,  qu'on  retrouve  chez  De  Thon.  «  Voilà,  dit-il,  une  belle  com- 
pensation et  la  France  bien  dédommagée  de  la  prison  de  son  Roi  !... 
Cette  pensée  de  Cl.  Binet  ne  pourrait  estre  soufferte  que  dans  quelque 
poésie  de  panégyriste  ;  encore  y  auroit-elle  besoin  d'indulgence,  et 
n'éviteroit  jamais  la  censure  d'hyperbole  froide  parmi  les  gens  de  goût. 


68  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

Ce  fut  sans  doute  ce  qui  obligea  Duperron  à  ne  la  point  faire  paraître 
dans  rOr.  fiin.  de  P.  de  Ronsard.  Que  dira-t-on  donc  quand  on  la 
verra  en  prose  dans  une  Histoire,  je  veux  dire  dans  la  Vie  de  Ron- 
sard ?  Mais  que  dira-t-on  de  M.  de  Thou,  ce  grave,  ce  vénérable  magis- 
trat qui  a  débité  fort  sérieusement  la  même  pensée  dans  une  Histoire 
générale  qui  est  un  chef-d'œuvre  :  ^<  Natus  erat  (Ronsardus)  eodem, 
quo  infeliciter  a  nostris  ad  Ticinum  pugnatum  est,  anno,  ut  ipse  in 
elegia  ad  Remigium  Bellaqueum  scribit  :  quasi  Deus  jacturam  nominis 
Gallici  co  praelio  factam,  et  sccutum  ex  illo  veluti  nostrarum  rerum 
interitum,  tanti  viri  ortu  corapensare  voluerit.  »  [Dict-,loc.  cil.,  note  B. 
Cf.  Aug.  Thuani  Ilistor.  lib.  LXXXIII,  p.  321  de  l'éd.  de  Londres, 
1733,  et  Rem.  crit.  sur  le  Dict.  de  Bayle,  1752,  art.  Ronsard). 
P.  4,  1.  16.  —  ses  escris.  La  source  de  cette  légende  est  ce  passage  de 
l'autobiographie  : 

et  presque  je  me  vj' 

Tout  aussi  tost  que  né  de  la  Parque  ravy. 

Les  poètes  aiment  ces  antithèses,  et  ce  vers  fait  songer  involontairement 
à  ceux  où  V.  Hugo  rappelle  qu'il  vint  au  monde 

Si  débile,  qu'il  fut,  ainsi  qu'une  chimère. 
Abandonné  de  tous,  excepté  de  sa  mère, 
Et  que  son  cou  ploj'é  comme  un  faible  roseau 
Fit  faire  en  même  temps  sa  bière  et  son  berceau. 
(^Feuilles  d'Automne) 

Il  est  vraisemblable  qu'une  chute  a  failli  coûter  la  vie  au  petit  Pierre 
de  Ronsard  )e  jour  de  son  baptême.  Mais  cet  accident  est  devenu  pour 
Binet  un  indice  de  gloire  future  et  un  prétexte  à  phraséologie.  Il  a  été 
visiblement  préoccupé  d'imiter  ce  passage  de  la  Vita  Virgilii  attribuée 
à  Douât  :  «  Ferunt  infantem,  ut  fuit  editus,  nec  vagisse,  et  adeo  miti 
vultu  fuisse,  ut  haud  dubiam  spem  prosperioris  geniturae  jam  tum 
indicaret.  Et  accessit  aliud  praesagium...  »   (§  I.) 

Bayle  raille  avec  raison  «  ces  traits  d'esprit  » .  Voilà,  dit-il,  «  ce 
qu'on  appelle  concetti  au  delà  des  Alpes.  M.  Le  Pays  ne  manqua  pas  de 
rimer  sur  cette  pensée  lorsqu'il  fit  l'histoire  de  la  Muse  de  Ronsard  »  ; 
et  il  cite  la  prose  et  les  vers  de  Le  Pays  iDict . ,  loc.  cit.,  note  C).  Binet 
a-t-il  créé  cette  légende  ou  l'a-t-il  simplement  recueillie  toute  formée  ? 
En  tout  cas  les  habitants  de  Couture  la  racontent  encore  avec  des 
variantes,  et  indiquent  le  pré  à  Boiiju  comme  lieu  de  la  chute  (Voir  ma 
Jeunesse  de  Rons-,  Rev.  de  la  Rcnaiss.,  févr.  1901,  p.  107  ;  Hallopeau, 
Ann.  Fléch.  de  nov.  1905,  p.  182,  et  le  Bas-Vendômois,  p.  94). 
P.  4,  1.  20.  —  Beau-lieu.  Du  Perron  dit  de  son  côté  que  le  poète  avait 
eu  «  cinq  frères  aisnez  »  et  qu'  «  il  en  restoit  encore  trois  »  quand 
il  vint  au  monde.  La  source  commune  des  deux  biographes  est  ce 
passage  de  l'autobiographie  : 

Je  ne  fus  le  premier  des  enfans  de  mon  père. 
Cinq  davant  ma  naissance  en  enfanta  ma  niere  : 
Deux  sont  morts  au  berceau,  aux   trois  vivans  en  rien 
Semblable  je  ne  suis  ny  de  mœurs  ny  de  bien. 

On  remarquera  ;  1"  que  les  trois  textes  ne  mentionnent  que  six  enfants, 


ET    CRITIQUE  69 

dont  quatre  survivants,  alors  que  L.  Froger  en  compte  sept,  dont  cinq 
survivants,  en  se  fondant  sur  le  Tableau  généal-  delà  Biblioth.  Nation, 
qu'il  a  publié  (Noiiv.  Rcch.,  p.  110  et  224)  ;  2°  que  Binet  et  Du  Perron 
ont  substitué  le  mot  frères  au  mot  enfans,  que  le  poète  avait  employé 
plus  exactement,  puisqu'il  avait  une  sœur  aînée,  Louise,  fille  d  honneur 
de  la  reine  Eléonore  en  1531,  et  mariée  en  1532  à  François  de  Crèvent. 
D'autre  part  ce  que  dit  Binet  de  deu.x  frères  du  poète,  Claude  et  Loys, 
vient  de  ces  lignes  de  J-  Velliard  :  «  Mihi  jam  primùm  occurrit  altitudo 
animi  Claudii  Honsardi  maximi  natu,  quo  artis  niiiitaris  nemo  scien- 
tior  fuit.  Hic  enim  è  luflo  atque  è  pueritiae  disciplina,  bellis  maximis 
ac  acerrimis  hostibus  ad  exercitum  profectus  est,  extrema  pueritia 
propter  armorum  peritiam  ascitus  est  in  regiam  cohortem,  in  qua 
Martis  officina  tam  strenuè  se  gessit,  ut  in  primis  Hegi  esset  praesidio, 
suis  honori,  sibi  utilitati,  et  ornamento  patriae.  Etiam  mihi  obversatur 
ante  oculos  singularis  Lodoici  Honsardi  Lodoici  filii  pietas,  humanitas, 
pari  comitatc  condita  gravitas,  qui-,  duabus  opimis  Abbatiis  ornatus 
fuit  a  rege  Carolo,  Tyrone  apud  Unellos,  et  Belioco  apud  Cjcnomanos...» 
[Laiid.  fun.  I,  ff.  3-4).  Or  Velliard  et  Binet  ont  commis  là  une  erreur,  et 
sont  les  seuls  à  l'avoir  commise  au  xvi"  siècle.  L'aîné,  l'héritier  de  la 
F^ossonnière,  fut  bien  Claude,  qui  suivit  comme  son  père  la  carrière  mi- 
litaire, lui  succéda  parmi  les  cent  «  mansionnaires  royaux  »,  devint 
chevalier  en  1555  et  mourut  en  1556.  Mais  ils  ont  confondu  Loys  avec 
Charles,  lequel  fut  en  effet  abbé  deTiron  en  1564  et  de  Beaulieu  en  1575  ; 
il  n'y  a  jamais  eu  de  Loys  de  Ronsard,  abbé  de  Tiron,  et  le  poète  n'a  pas 
eu  de  frère  du  nom  de  Loys.  La  confusion  vient  probablement  de  ce  que 
le  fils  aîné  de  Claude  de  Ronsart  (par  conséquent  le  neveu  du  poète), 
qui  fut  un  catholique  farouche  et  mourut  vers  1578,  s'appelait  Loys. 
(Cf.  Froger,  Rev.  hist.  du  Maine,  tome  XV,  1884,  art.  cit.,  pp.  110-118  ; 
Ann.  Fléch.  de  mars  1906,  Notes  sur  la  famille  de  Ronsard,  p.  86.) 

P.  4,  1.  25.  —  Septentrionale.  Pour  cette  addition,  Binet  s  est  inspiré 
dune  note  de  R.  Belleau  :  «  Cousture  est  un  village  assis  en  la  Va- 
renne  du  Bas-Vandomois,  où  nasquit  le  poète,  au  pied  d'un  coustau 
tourné  vers  le  Septentrion,  en  un  lieu  qui  de  présent  est  nommé  la 
Possonniere,  chasteau  appartenant  aux  aisnez  de  la  maison  de  Ronsard 
{Amours,  second  livre,  commentaire  de  la  Quenouille;  Bl.,  I,  220, 
note  6). 

P.  4,  1.  27.  —  devant  Pavie.  Erreur  flagrante,  la  bataille  de  Pavie 
ayant  eu  lieu  le  24  févr.  1525  (n.  st.).  D'où  vient-elle?  Du  Perron  avait 
seulement  relevé  ce  fait  incontestable  que  le  jour  des  obsèques  de  Ron- 
sard coïncidait  avec  le  jour  anniversaire  de  la  bataille  de  Pavie  :  «  Là 
où  nous  pouvons  encore  remarquer  en  passant  que  la  prise  du  Roy 
François  devant  Pavie  qui  est  l'accident  duquel  il  (Ronsard)  a  voulu 
illustrer  l'année  de  sa  nativité,  se  rencontre  justement  en  un  mesme 
jour  que  cestuy-cy,  auquel  nous  célébrons  la  mémoire  de  sa  mort,  qui 
est  la  feste  S.  Mathias.  >>  {Or.  fun.,  texte  de  1586).  Mais  les  deux  pané- 
gyristes latins  étaient  allés  plus  loin.  G.  Critton  avait  joint  à  ses  éloges 
fun.  une  pièce  de  vers  De  die  exsequiarum  qui  Ronsardo  natalis  et 
fatalis  fuit  J.  Velliard  avait  fait  aussi  du  24  février  le  jour  anniver- 
saire de  la  naissance  du  poète  :  «   Quàm    praeclarè   divinus  hic  Poeta 


yO  COMMENTAinE    HISTORIQUE 

cxtrcmum  actum  egerit  paucis  accipite  :  qui  hoc  sexto  Cal.  Mart.  divi- 
nitus  a  caclo  delapsus  crat,  idem  sexto  Cal.  .Tan.  hinc  illuc  assumptus 
beatorum  nunicrum  auxit,  quàm  sanctî-  et  religiosè,  indicio  erunt  ejus- 
dem  oloris  voces...  »  (Lmid.  fiin.,  II,  in  fine).  Peut-être  faul-il  voir  là 
l'origine  de  l'erreur  de  liinet  ;  il  a  cédé  comme  eux  au  plaisir  de  faire 
un  rapprochement  plus  ou  moins  spirituel,  sans  souci  de  l'exactitude 
histori([ue  ;  mais  sa  fantaisie  a  dépassé  la  leur. 

Cnlletet  l'a  relevée  le  premier  en  ces  termes  :  «  Je  sçay  bien  que  la 
reflexion  (|u  il  faict  là-dessus  est  exacte,  lorsqu'il  dict  que  l'on  pouvoit 
doubter  si  en  mesme  temps  la  France  par  la  captivité  malheureuse  de 
ce  grand  prince  eust  un  plus  grand  dommage,  ou  un  plus  grand  bien 
par  l'heureuse  naissance  de  ce  grand  poëte.  Mais,  pour  faire  valoir  un 
bon  mot,  il  n'est  point  à  propos  de  tomber  dans  des  contradictions  ny 
de  choquer  la  vérité  de  l'histoire,  et  sa  pensée  après  tout  n'eust  pas 
laissé  de  subsister,  quand  il  eust  rapporté  seulement  à  l'année  ce  qu'il 
voulut  trop  ponctuellement  rapporter  au  jour  ».  (Vie  de  Bons-,  p.  19) 
Bayle  écrit  de  son  côté,  après  avoir  cité  le  passage  de  De  Thou  (v.  ci- 
dessus,  p.  68, 1.  6  et  suiv.)  :  «  Remarquez  que  M.  de  Thou  ne  met  pas  à 
un  même  jour  la  naissance  de  ce  poète  et  la  bataille  de  Pavie;  il  ne  les 
met  qu  à  la  même  année.  Mais  Cl.  Binet  ne  trouvant  point  là  un  assez 
beau  jeu,  ni  assez  de  merveilleux,  assure  que  ces  deux  choses  arrivèrent 
le  même  jour.  »  (Dictionn.,  loc-  cit.,  note  B.) 
P.  5,  1.  1.  —  exprès.  Ronsard  n'a  jamais  parlé  de  ce  précepteur  privé. 
Binet  est  le  seul  à  le  mentionner  au  xvi®  siècle.  Son  seul  témoignage  a 
guidé  tous  les  biographes  postérieurs,  entre  autres  Colletet,  qui  donne 
au  dit  précepteur  le  banal  qualificatif  de  «  savant  ».  En  admettant  son 
existence,  qui  est  du  moins  vraisemblable,  peut-on  déterminer  sa 
personne  ? 

Pour  L.  Froger  {Ann.  Fléch.  de  mars  1906,  art.  cit.,  p.  84,  note  3; 
Province  du  Maine,  n"  de  janv.  1907,  pp.  17-19),  ce  premier  maître  du 
poète  aurait  été  son  oncle  Jehan  de  Ronsart  (protonotaire  du  Saint- 
Siège  dès  1504,  puis  curé  de  Bessé-sur-Braye,  chanoine  du  Mans,  archi- 
diacre de  Laval,  vicaire  général  du  cardinal  évêque  du  Mans,  Louis  de 
Bourbon),  mort  en  1535,  auquel  il  a  consacré  une  épitaphe  de  deux 
strophes  dans  son  Bocage  de  1554  (M.-L.,  VI,  364),  et  qui,  d'après 
J.  Velliard,  était  un  excellent  humaniste  (v.  ci-après  aux  mots  «  page  avec 
Ronsard  »).  V.  encore  sur  ce  personnage  Rev.  hist.  du  Maine,  tome  XV, 
1884,  art.  cit.,  p.  98.  M.  Hallopeau,  propriétaire  actuel  de  la  Posson- 
nière,  a  retrouvé  son  blason  parmi  les  écussons  qui  étaient  peints  sur 
les  murs  de  la  salle  à  manger  {Ann.  Fléch.  de  déc  1904,  p.  313, 
note  2,  et  le  Bas-Vendôniois,  pp  87,  97,  183].  —  Il  est  évident  que  les 
termes  dont  se  sert  ici  Binet  ne  peuvent  pas  lui  convenir. 

Je  serais  plutôt  porté  à  voir  en  ce  premier  maître  de  Ronsard  Guy 
Peccate  (en  latin  Pacatus),  qui,  religieux  profès  en  févr.  1528,  devint 
prieur  de  Sougé-sur-Loir  (près  de  Couture,  à  trois  kilom.  de  la 
Possonniere)  et  curé  de  Spay.  Il  devait  avoir  environ  quinze  ans  de 
plus  que  le  poète;  il  mourut  en  juillet  1580  (Cf.  Biblioth.  du  Mans, 
Ms.  96,  f'32,  r"  ;  Piolin,  Hisl.  de  l'Eglise  du  Mans,  tome  V,  p.  518  ; 
La  Croix  du  Maine,    Bibl.   Fr.).  C'est  à  lui  que  Ronsard  a  dédié  l'ode 


ET    CRITIQUE  "]  \ 

horatienne  Guy  nos  meilleurs  ans  coulent-  (Ne  pas  le  confondre  avec 
Julien  Peccate,  auquel  Ronsard  a  dédié  dans  le  même  recueil  l'ode  0 
terre  fortunée,  et  qui  fut  le  camarade  de  Ronsard  au  collège  de  Co- 
queret.)  La  Croix  du  Maine  dit  de  lui  en  1584:  «...  Il  estoit  si  bien 
versé  en  plusieurs  arts  et  bonnes  disciplines,  et  surtout  en  la  poésie 
latine,  qu  il  a  esté  admiré  de  son  temps  pour  ses  doctes  compositions,  et 
principalement  de  Ronsard,  prince  des  poètes  français,  son  plus  grand 
ami,  lequel  a  fait  très  honorable  mention  de  lui  en  ses  poésies,  et  avoue 
avoir  eu  intelligence  des  poètes  latins  par  son  moyen  (sans  vouloir  ici 
ôter  l'honneur  dû  à  M.  dAurat)...  »  Il  est  vrai  que  j'ai  vainement 
cherché  cet  aveu  dans  les  œuvres  de  Ronsard  ;  mais  La  Croix  du  Maine 
a  pu  le  recueillir  de  la  bouciie  du  poète  ou  dans  la  correspondance  de 
celui-ci  et  de  Guy  Peccate,  avec  lequel  il  était  familièrement  lié.  Il 
paraîtra  peu  probable  que  Guy  Peccate  ait  fait  expliquer  des  poètes 
latins  à  Ronsard  avant  1  âge  de  neuf  ans  ;  cependant,  s'il  faut  en  croire 
la  préface  posthume  de  la  Franciade.  Ronsard  aurait  appris  Virgile  par 
cœur  «  des  son  enfance  "  (RI.,  111,23)  ;  et  d'ailleurs  cela  n'empêche  pas 
que  Guy  Peccate  ait  pu  «  l'instruire  aux  premiers  traits  des  lettres  ». 
P.  5,  1.  10.  —  des  lettres.  Sources  de  tout  ce  passage  : 
1°  Ces  quatre  vers  de  l'autobiographie  : 

Si  test  que  j 'eu  neuf  ans,  au  collège  on  me  meine  : 
Je  mis  tant  seulement  un  deniy  an  de  peine 
D'apprendre  les  leçons  du  régent  de  Vailly, 
Puis  sans  rien  profiler  du  collège  sailly. 

2°  Trois  pièces  où  Ronsard  nous  apprend  qu  il  fut  le  condisciple  de 
Charles  de  Lorraine  au  collège  de  Navarre  : 

a  Certes  il  me  souvient  que  vous  bien  jeune  d'âge 
Au  collège  portiez  un  severe  visage... 

[Epistre  à  Charles,  card.  de  Lorraine,  1556,  2"  livre  des  Hymnes.) 

b et  si,  je  me  sens  estre 

Heureux  d'avoir  appris  dessous  un  mesnie  maistre 
Et  en  mesme  collège  avecques  toy,  seigneur... 

(Hymne  de  Charles,  card.  de  Lorraine,  1559,  plaquette  à  part.) 

c  II  dit  par  ses  raisons  que  des  la  sienne  enfance 
(Si  cela  peut  servir)  eut  de  vous  cognoissance 
Et  en  mesme  collège  et  sous  mesme  régent. 

(Le  Procès,  à  tr.  ill.  pr.  Charles,  card.  de  Lorr.,  1565,  plaq.  à  part.) 
Voir  l'édition,  RI.,  III,  350  ;  V,  101  ;  VI,  282. 

Quant  au  dégoût  que  le  régent  de  Vailly  aurait  inspiré  à  Ronsard  pour 
l'étude  des  lettres,  voici  ce  qu'en  disait  de  sou  côté  Du  Perron  :  «  Ils 
(ses  parents)  l'envoyèrent  en  ccste  université,  là  où  leur  intention  ne 
réussit  pas  pour  la  première  fois  ainsi  comme  ils  l'espeioyent.  Car  ce 
bel  esprit  qui  estoit  plein  de  feu  et  d'action  et  ne  se  pouvoit  pas  con- 
traindre par  les  loix  et  par  la  sévérité  d'un  précepteur,  mais  avoit 
besoin  de  quelque  passion  intérieure  pour  l'exciter  à  employer  la 
vigueur  de  son  entendement,  comme  il  le  monstra  bien  du  depuis,  se 
rebuta  incontinent  des  lettres  et  de  l'estude  :  tellement  que  ses  parents 


73  COMMENTAIRE     HISTORIQUE 

furent  contraints  de  le  renvoj'er  quérir  environ  cinq  ou  six  mois 
après...  »  Ce  témoignage,  comme  celui  de  Binet,  repose  à  mon  avis  sur 
une  interprétation  abusive  des  vers  de  l'autobiographie  :  on  ne  saurait 
trop  se  défier  de  ces  phrases  enjolivées  et  emphatiques.  Le  témoignage 
de  Velliard  est  encore  plus  suspect  ;  c'est  un  dithyrambe  de  trente 
lignes,  mais  en  sens  inverse  :  à  l'en  croire,  Ronsard  fut  au  collège  de 
Navarre  un  élève  modèle  et  y  fit  de  tels  progrès,  y  acquit  une  telle 
réputation  sous  l'influence  de  maîtres  éminents,  que  cela  lui  valut  d'être 
choisi  par  François  I^'  comme  page  de  ses  fils.  Est-ce  possible  en  six 
mois,  et  le  poète  ne  dit-il  pas  lui-même  le  contraire?  —  Gritton  me 
semble  bien  plus  près  de  la  vérité  en  quelques  mots  très  simples  :  pour 
lui,  les  parents  de  Ronsard  le  retirèrent  du  collège  «parce  qu  ils  jugèrent 
que  ses  progrés  étaient  insuffisants  et  qu'il  était  plus  fait  pour  la  cour 
que  pour  l'école,  aiilac  qiiàm  scholac  aptior  »  {Laiid.  fiin.,  p.  4). 

Ne  retenons  des  vers  de  Ronsard  que  ce  qu'ils  nous  donnent,  à  savoir 
qu'il  eut  de  la  «  peine  »  à  suivre  les  leçons  du  régent  de  Vailly,  et  qu'il 
quitta  le  collège  «  sans  rien  profiter  »,  ce  qui  va  de  soi  puisqu'il  ne 
passa  là  qu'un  «  demy  an  ».  Ne  nous  extasions  pas  sur  son  «  beau 
naturel  »  incapable  de  discipline.  Non  seulement  son  court  passage  à 
Navarre  ne  lui  a  laissé  aucun  mauvais  souvenir  (v.  encore  la  préf- 
posthume  de  la /'Va/ic/ade,  Bl.,  III,  23),  mais  il  l'a  rappelé  au  contraire 
avec  complaisance  pour  se  féliciter  d'un  événement  qui  lui  a  permis 
dès  sa  tendre  jeunesse  de  connaître  de  près  Charles  de  Guise,  futur 
cardinal  de  Lorraine,  futur  favori  de  Diane  de  Poitiers  et  ministre  de 
Henri  II.  (Gf.  Rcv.  de  la  Rcnaiss.  de  mars  1901,  pp.  171-73.) 
P.  5,  1.  13.  —  cinqiiiesmc-  S'il  est  vrai  que  Ronsard,  comme  il  le  dit, 
sortit  du  collège  de  Navarre  à  9  ans  1/2,  ce  fut  soit  au  printemps  de 
1534,  soit  au  printemps  de  1535.  Or  la  rupture  entre  François  1er  et 
Gharles-Quint  ne  date  que  de  juin  1536  ;  et  la  Gour  installée  depuis 
quelque  temps  à  Lyon,  où  elle  formait  comme  l'arrière-garde  des 
armées  développées  en  éventail  de  Genève  à  Montpellier,  ne  fut  à 
Valence  que  les  premiers  jours  d'août,  et  à  Avignon  que  dans  la  pre- 
mière quinzaine  de  septembre  {Mémoires  de  Guillaume  et  Martin  du 
Bellay  ;  Décrue  de  Stoutz,  thèse  sur  Anne  de  Monlmorency).  Il  y  a  là 
un  intervalle  d'un  ou  de  deux  ans,  dont  les  biographes,  à  l'exemple  de 
Binet,  n'ont  pas  tenu  compte.  Gai'dons-nous  de  croire  que  Ronsard, 
sortant  du  collège,  alla  tout  de  suite  «  en  Avignon  »  rejoindre  son  père, 
la  Gour  et  l'armée.  Rien  n'est  plus  contraire  aux  faits  et  aux  dates. 
L'erreur  de  Binet  vient  de  ce  que  dans  son  autobiographie  Ronsard 
passe  sans  transition   de  sa  sortie  du  collège  à   son  arrivée  à  Avignon  : 

Puis  sans  profiter  du  collège  sailly. 
Je  vins  en  Avignon,  où  la  puissante  armée 
Du  Roy  François  estoit  fièrement  animée 
Contre  Charles  d'Autriche 

Binet,  ignorant  dans  quelles  circonstances  et  pour  quelle  fin  Ronsard 
écrivit  son  autobiographie  en  1554,  n'a  pas  vu  qu'il  avait  omis  volon- 
tairement les  années  de  sa  jeunesse  qui  n'offraient  rien  de  remarquable 
au  panégyriste  latin  Pierre  Paschal,  et  ne  pouvaient  servir  à  le  glorifier 


ET    CRITIQUE  78 

OU  à  illustrer  sa  biographie.  (Voir  ma  Jeunesse  de  Ronsard,  Rev.  de 
la  Henaiss.  de  mars  1901,  pp.  173  et  suiv.) 

Du  Perron  a  commis  la  même  erreur  que  Binet.  Velliard  et  Critton 
n'ont  pas  dit  un  mot  de  Ronsard  à  Avignon  ;  ils  le  donnent  comme 
page  à  Jacques  Stuart  dès  sa  sortie  du  collège  de  Navarre,  ce  qui  fausse 
davantage  encore  la  vérité- 
P.  5,  1.  14.  —  aux  armes-  Binet  continue  à  délayer  l'autobiographie 
de  Ronsard  : 

et  là  je  fus  donné 

Page    au  Duc  d'Orléans 

Mais  pour  BC  il  a  tiré  parti  d'un  des  nombreux  poèmes  qui  com- 
plètent heureusement  cette  autobiographie,  le  Tombeau  de  Marcjuerite 
de  France,  duchesse  de  Savoie...,  où  Ronsard  raconte  qu'il  fut  d'abord 
page  du  Dauphin  François,  trois  jours  avant  la  mort  de  ce  prince, 
arrivée  à  Tournon  le  10  août  1536,  et  qu'il  assista  à  son  autopsie  : 

Trois  jours  devant  sa  fin  je  vins  à  son  service  : 
Mon  malheur  me  permeil  qu'au  lict  mort  je  leveisse... 
Je  vy  son  corps  ouvrir,  osant  mes  j'eux  repaistre 
Des  poumons  et  du  creur  et  du  sang  de  mon  maistre. 

Tel  est  le  texte  de  l'édition  ne  varietnr  (1587),  que  Binet  a  consulté 
pour  BC  ;  c'est  également  celui  de  l'édition  de  1584.  Le  texte  princeps 
(1575)  porte  :    Six  jours  devant  sa  fin-..  (Bl.,  VII,  179). 

Sur  la  mort  foudroyante  du  fils  aîné  de  François  1er  et  sur  les  événe- 
ments qui  suivirent  jusqu'au  retour  de  la  Cour  à  Lyon  (5  octobre  1536), 
V.  ma  Jeunesse  de  Ronsard,  Rev.  de  la  Renaiss.  de  mars  1901,  pp.  176-81. 
P.  5,  1.  21-  —   en  son  pais.  .Source,  la  suite  de  l'autobiographie  ; 

après  je   fus  mené 

Suivant  le  Roi  d'Escosse  en  l'Escossoise  terre. 

Jacques  V  Stuart  vint  au  devant  de  François  I*"^  avec  une  imposante 
escorte  jusque  dans  le  Beaujolais.  Sur  le  retour  des  deux  rois  à  Paris, 
les  préliminaires  et  la  cérémonie  du  mariage  entre  Jacques  V  et  Made- 
leine de  France,  enfin  le  départ  du  couple  pour  l'Ecosse  avec  Ronsard 
^14  octobre  1536  —  fin  d'avril  1537),  v.  ma  Jeunesse  de  Ronsard, 
pp.  181  à  184  ;  cf.  l'Epithalame  que  Cl.  Marot  écrivit  pour  la  circons- 
tance (éd.  Jannet,  II,  94). 

L'erreur  de  Binet  faisant  d'abord  épouser  à  Jacques  V  Marie  de 
Lorraine,  qui  ne  fut  que  sa  seconde  femme,  vient  de  ce  passage,  em- 
phatique et  faux  à  tous  égards,  de  J.  Velliard:  «  Quid  verbis  opus  est? 
bac  fama  impulsus  Jacobus  Stuartus  Scotiae  Rex,  ejus  nominis  quin- 
tus,  ex  flore  nobilitatis  Galliae  hune  ephœbum  honoris  et  dignitatis 
ergo,  sibi  dari  a  rege  Galliarum  summis  precibus  contendit.  Tum 
plerique  oranes  querebantur  Scotiae  Regem  duo  clarissima  Galliae 
lumina  secum  in  Scotiam  avexisse,  Mariam  a  Lotharingia  sororem 
Illustrissimi  Guysiae  principis,  quam  in  uxorem  duxerat,  et  Petrum 
Ronsardum  Principem  juventutis.  »  {Laud.  fun.  I,  f<^  5  r°.)  C'est  seu- 
lement vers  la  tin  de  juillet  1538  que  Jacques  Stuart,  dont  la  première 
femme  était  morte  peu  après  son  arrivée  en  Ecosse,  épousa  en  secondes 


74  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

noces  Marie  de  Guise,  sœur  du  Cardinal  de  Lorraine  et  de  François  de 
Guise.  (Voir  ma  Jeunesse   de  Ronsard,  pp.  185-87). 

Binet  s  est  corrigé  dès  sa  seconde  édition  d'après  le  passage  du  Tom- 
beau de  Marijuerite  de  France,  où  Ronsard  raconte  le  premier  mariage 
de  Jacques  Stuart  avec  Madeleine  de  France,  et  la  mort  prématurée 
de  celle-ci  (BL,  VII.  179-80). 

P.  5,  î.  37.  —  second  fils  du  Roy.  Cette  addition  de  C,  conservée  dans 
toutes  les  éd.  postérieures,  est  une  erreur  historique.  François  1er 
avait  trois  fils:  1"  François,  né  le  28  févr.  1,518.  mort  en  1.5.36; 
2'^  Henri,  né  le  'M  mars  1519,  roi  sous  le  nom  de  Henri  II  de  1547  à 
1559  ;  ,3°  Charles,  né  le  22  janvier  1.522,  mort  en  1545  (Cf.  Journal 
de  Louise  de  Savoie).  C'est  de  ce  .3^  fils  qu'il  est  question  ici,  et  non  pas 
de  Henri  (autre  erreur,  commise  par  Marcassus  dans  son  commentaire 
de  l'autobiogr.  de  Ronsard.  Bl.,  IV,  299,  note  4).  Le  Dauphin  avait  le 
titre  de  Duc  de  Bretagne,  le  cadet  celui  de  Duc  d'Orléans;  c'est  ce 
dernier  titre  que  prit  Charles  lorsque  Henri  fut  devenu  Dauphin  par  la 
mort  de  son  frère  aîné.  L  erreur  de  Binet  est  flagrante  quand  on  rap- 
proche de  l'autobiographie  deu.x  vers  du  Tombeau  de  Marg.  de  France 
(Bl.,  VII,  181),  un  vers  de  la  Complainte  à  la  Rogne  mère  (III,  373)  et 
la  première  partie  de  l'Ode  Prince  tu  portes  le  nom  (II,  190). 

P.  6.  1.   1.   —  renommée.  Source,  la  suite  de  l'autobiographie  : 

en  l'Ecossoise  terre 

Où  trente  mois  je  fus  et  six  en  Angleterre. 

Du  Perron  écrit  de  son  côté  :  «  On  le  bailla  au  Roy  d'Escosse,  pour 
l'accompagner  en  son  Royaume.  Ce  qu'il  fit,  et  y  demeura  environ 
deux  ans  et  demj%  jusques  à  ce  qu'il  eust  appris  les  mœurs  et  la  langue 

de  la  province Revenant  d'Escosse  il   passa  par  l'Angleterre,  où  il 

séjourna  environ  cinq  ou  si.x  mois.  »  Or  Du  Perron  et  Binet  ont  eu  tort 
de  prendre  à  la  lettre  ce  vers  de  Ronsard.  C'est  la  versification  qui  l'a 
forcé  à  donner  dans  son  autobiogr.  cette  légère  entorse  à  la  vérité  ;  plus 
tard,  dans  le  Tombeau  de  Marguerite  de  France,  il  l'a  rétablie  ainsi  : 

et  tout  ce  fait  je  vey 

Qui  jeune  l'avois  Page  en  sa  terre  suivy, 

Trop  plus   que  mon  mérite  honoré  d'un  tel   Prince, 

Sa  bonté  m'arrestant  deux  ans  en  sa  province. 

Si  Ronsard  était  resté  trente-six  mois  dans  son  premier  voyage  d'outre- 
mer, il  n'en  serait  revenu  que  vers  la  fin  d'avril  1540,  et  n'aurait  pas 
eu  le  temps  d'effectuer  son  second  voj'age  en  Ecosse,  par  la  Flandre  et 
la  Zélande,  avant  son  départ  pour  l'Allemagne,  dont  la  date  a  été 
fixée  par  Lucien  Pinvert  au  16  mai  1540  (Lazare  de  Baïf,  trad.  fran- 
çaise, p.  70). 

Binet  s'en  est  probablement  rendu  compte  quand  il  corrigea  son 
texte  C  d'après  le  Tombeau  de  Marg.  de  France.  Tous  les  biographes 
postérieurs,  se  fondant  sur  le  texte  C,  ont  admis  que  le  premier  séjour 
de  Ronsard  en  Ecosse  ne  dépassa  pas  deux  ans,  —  sauf  Sainte-Beuve 
qui,  d'après  l'autobiogr.,  parle  d'un  séjour  de  trois  ans  «  en  Grande 
Bretagne  »  {Notice  sur  Ronsard),  et  Marty-Laveaux,  qui  garde  sur  ce 
point  un    silence   trop    prudent,  n'osant    se  prononcer   entre    les  vers 


ET    CRITIQUE  75 

du  Tombeau,  qu'il  cite,  et  le  témoignage  de  Du  Perron,  qu'il  cite 
également  [Notice  sur  Ronsard,  p.  xvi.) 

Quant  au  fait  d'avoir  appris  la  langue  anglaise,  que  signalent  Du 
Perron  et  Binet  (et  Colletet  qui  les  a  copiés),  on  nous  permettra  d'en 
douter.  Comme  le  fait  observer  M"e  Evers,  op.  cit.,  p.  119  :  «  C'est  pro- 
bablement une  pure  légende,  car  le  français  était  parlé  aux  deux  cours 
d'Ecosse  et  d'Angleterre,  et  la  langue  anglaise,  sans  tenir  compte  du 
dialecte  écossais,  était  considéré  par  les  Français  comme  une  langue 
barbare,  qui  ne  méritait  pas  la  peine  d'être  apprise.  Dans  les  œuvres 
de  Ronsard  il  n'j'  a  pas  trace  de  la  moindre  connaissance  de  la  riche 
littérature  anglaise  de  cette  époque.  »  Ronsard,  il  est  vrai,  a  écrit  dans 
une  ode  composée  vers  la  fin  de  1547  : 

L'Espagne  docte  et  l'Italie  apprise, 
Celuj'  qui  boit  le  Rhin  et  la  Tamise 
Voudra  m'apprendre  ainsi  que  Je  l'appris...   (Bl.,  II,  457.) 

Mais  ces  vers,  qui  ne  sont  qu'une  transposition  d'une  strophe  d'Horace 
(Carm.,  II,  20,  vers  17  à  20j.  ne  prouvent  pas  que  Ronsard  ait  su  lan- 
glais.  Tout  au  plus  pourrait-on  en  inférer  qu'il  s'est  fait  traduire 
durant  son  séjour  d'outre- mer  quelques  pages  de  poètes  écossais  tels 
que  Douglas  ou  Lindsay,  de  poètes  anglais  tels  que  Th.  Wyatt  ou 
Surrcy,  qui  étaient  alors  en  vogue  (sur  ces  auteurs,  v.  Jusserand, 
Hisl.  litt.  du  peuple  anglais,  II,  pp.  105-133). 

P.  6,  1.  3.  —  en  France.  Les  raisons  que  J.  Velliard  donne  de  ce 
retour  sont  différentes  ;  l'emphase  qui  les  dépare  ne  les  empêche  pas 
d'être  en  partie  plausibles  :  «  Verum  tam  angustae  Scotiae  latebrae 
tantum  delphinum  comprehendere  non  potuere,  nec  propinqui  et 
familiares  fructu  jucundissimae  consuetudinis  ejus,  nec  principes  illius 
coUoquio,  nec  Rex  illius  praesentia  diutius  carere  potuit.  Cum  itaque 
duodevigesimum  aetatis  annum  ageret,  suorum  precibus  maximisque 
omnium  votis  Lutetiam  revocatus  est.  »  {Laud.  fun.  I,  fo  5  v»)-  D'après 
ce  passage  Ronsard  aurait  été  dans  sa  dix-huitième  année  lors  de  son 
retour  d'Ecosse  :  Velliard  était  de  ceux  qui  le  croyaient  né  en  1522,  et 
mort  par  conséquent  à  63  ans,  «  en  son  an  climacterique  »  comme  dit 
Du  Perron  (v.  ci-dessus,  p.  66). 

P.  6,  1.  6.  —  Carnavalet.  Binet  n'a  pris  ce  détail  relatif  à  Carnavalet 
ni  dans  l'autobiogr.,  ni  dans  Du  Perron,  ni  dans  Velliard,  ni  dans 
Critton  ;  et  rien  dans  les  œuvres  de  Ronsard,  pas  même  dans  l'ode 
pindarique  Au  Seigneur  du  Carnavalet  publiée  en  1550  au  livre  I  des 
Odes  (Bl.,  II,  57),  ne  lui  permettait  de  faire  remonter  jusqu'en  1540 
les  relations  intimes  de  Ronsard  et  de  Carnavalet.  Sur  ce  personnage, 
v.  ci-après,  p.  89. 

P.  6,  1.  11.  —  en  Escosse.  Ce  passage  a  deux  sources  :  1°  la  suite  de 
1  autobiographie  : 

A  mon  retour  ce  Duc  pour  page  me  reprint  : 
Long  temps  à  l'Escurie  en  repos  ne  me  tint 
Qu'il  ne  me  renvoj^ast  en  Flandres  et  Zelande 
Et  depuis  en  Escosse 

2»  ces  lignes  de  Du  Perron  :  «...  et  de  là  estant  arrivé  en  France,  s'en 


76  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

retourna  trouver  Monsieur  d'Orléans,  qui  le  retint  encore  je  ne  scay 
combien  de  temps  en  son  equuric,  estant  soigneux  de  le  faire  bien  insti- 
tuer en  tous  les  exercices  que  1  on  a  accoustumé  d'apprendre  à  la 
jeunesse:  ausquels,  à  raison  de  la  disposition  naturelle  et  du  bon  tem- 
pérament qu'il  y  apportoit,  il  se.  rendait  excellent  par  dessus  tous  ses 
compaignons,  fust  à  tirer  des  armes,  on  à  monter  à  cheval,  à  nolti- 
ger,  à  lutter,  à  jetter  la  barre...  Monsieur  d'Orléans  qui  voyoit  la  fleur 
de  ceste  vertu  naissante,  et  l'espérance  que  ce  jeune  homme  commen- 
çoit  à  donner  de  luy,  délibéra  de  ne  le  laisser  en  repos  que  le  moins  qu'il 
luy  seroit  possible,  mais  de  le  faire  pratiquer  et  converser  avecques  les 
nations  estrangeres,  pour  le  rendre  un  jour  capable  d  estre  employé 
aux  belles  charges  auxquelles  il  scmbloit  que  son  instinct  et  sa  nature 
l'appelloit,  et  à  cette  occasion  l'envoyer  en  Flandres  et  en  Zelande,  et 
depuis  luy  donna  encore  une  seconde  commission  pour  retourner  en 
Escosse,  en  la  compagnie  du  Sieur  de  TAssigny.  »  (Or.  fun.,  éd.  prin- 
ceps,  pp.  28  à  30).  —  Sur  cette  période  de  la  vie  du  poète,  du  premier 
jusqu'au  second  retour  d'Ecosse  (octobre  1539  à  fin  avril  1540),  v.  ma 
Jeunesse  de  Ronsard,  mars  1901,  pp.  189-93. 

P.  6,  1.  13.  —  ç/enlilhomme  François.  Ce  nom  de  Lassignij  n'est  pas  du 
tout  une  corruption  de  d'Acigné,  comme  le  suppose  Blanchemain  (VIII, 
p.  8,  note).  C'est  celui  d'un  gentilhomme  qui  connaissait  déjà  la  Cour 
de  Jacques  V  pour  y  avoir  porté  des  dépêches  vers  le  mois  d'août  1538  ; 
ce  fait  nous  est  attesté  par  les  comptes  du  Grand  Trésorier  d'Ecosse, 
qui  mentionne  un  don  de  400  livres  fait  par  le  roi  à  son  visiteur  (Fran- 
cisque Michel,  Les  Ecossais  en  France,  I,  p.  424).  Un  officier  de  ce  nom 
est  mentionné  également  dans  les  armées  de  François  I^ret  signalé  trois 
fois  parmi  les  combattants  de  Cerizoles  (Martin  du  Bellaj^  Mémoires, 
Collection  Michaud,  V,  pp.  529,  531,  535  ;  voir  encore  pp.  139  et  455  . 
—  Enfin  M  L.  Froger  a  eu  l'obligeance  de  m'écrire  :  «  Je  crois  avoir 
réussi  à  identifier  le  Lassigni  avec  lequel  Ronsard  fît  naufrage  en 
Ecosse.  II  s'agit  à  mon  avis  d'un  membre  de    la  famille  d'Humières-  » 

P.  6,  1.  21-  —  des  flots.  Source,  la  suite  de  l'autobiographie  : 

Et  depuis  en  Escosse,  où  la  tempeste  grande 

Avecques  Lassigni,  cuida  faire  toucher 

Poussée  aux  bords  Anglois  la  nef  contre  un  rocher. 

Plus  de  trois  jours  entiers  dura  ceste  tempeste, 

D'eau,  de  gresle  et  d'esclairs  nous  menassant  la  teste  : 

A  la  fin  arrivez  sans  nul  danger  au  port, 

La  nef  en  cent  morceaux  se  rompt  contre  le   bord, 

Nous  laissant  sur  la  rade,  et  point  n'y  eut  de  perte 

Sinon  elle  qui  fut  des  flots  salez  couverte. 

Et  le  bagage  espars  que  le  vent  secoûoit 

Et  qui  servoit  flottant  aux  ondes  de  jouet. 

Cet  épisode  ne  devait  pas  être  un  banal  ornement  pour  un  éloge  de 
Ronsard;  aussi  comprend-on  qu'il  lui  ait  consacré  dix  vers  dans  un 
poème  destiné  à  renseigner  son  panégyriste  Paschal.  Mais  un  biographe 
devait-il  y  attacher  tant  d'importance  ?  Du  Perron  n'en  a  rien  dit  ; 
Velliard  et  Critton  n'en  ont  presque  rien  dit.  Binet  est  le  seul  qui  ait 
cru  devoir  insister,  sans  doute  pour  introduire  le  rapprochement  de 
Ronsard  et  d'Arion,  qui  d'ailleurs  ne  se  soutient  pas  un  instant. 


ET    CRITIQUE  nn 

p.  6,  I.  27.  —  une  Dicte.  Source,  la  suite  de  l'autobiographie: 

D'Escosse  retourné  je  fus  mis  hors  de  page 
Et  à  peine  seize  ans  avoient  borné  mon  âge 
Que  l'an  cinq  cens  quarante  avec  liaïf  je  vins 
En  la  haute  Allemaigne,  où  la  langue  j'apprins. 

Antoine  de  Baïf,  fils  de  celui  dont  il  s'agit  ici,  a  écrit  de  son  côté  dans 
la  dédicace  de  ses  œuvres  Au  Roy  (en  1572)  : 

En  l'an  que  l'Empereur  Charle  flt  son  entrée 
Receu  dedans  Paris,  l'année  desastrée 
Que  Budé  trépassa,  mon  père  qui  alors 
Aloit  ambassadeur  pour  vostre  aj-cul,  dehors 
Du  royaume  en  Almagne,  et  menoit  au  voyage 
Charle  Etiene,  et  Ronsard  qui  sortait  hors  de  page 
(Etiene  médecin,  qui  bienparlant  étoit, 
Ronsard  de  qui  la  fleur  un  heau  fruit  promettait). 
Mon  père  entre  les  mains  du  bon  Tusan  me  lesse... 

(édition  Marty-Lav.,  I,  v.) 

Binet,  en  voulant  préciser,  a  commis  une  erreur  que  tous  les  biogra- 
phes ont  répétée.  Ce  n'est  pas  à  Spire  dans  le  Palatinat,  mais  à  Hague- 
nau  en  Basse-Alsace,  que  se  tinrent  les  réunions  auxquelles  prit  part 
Lazare  de  Baïf,  et  ce  ne  tut  pas  une  diète,  mais  un  simple  convent,  qui 
devait  réglera  l'amiable  certaines  questions  religieuses.  On  peut  penser 
qu'il  a  confondu  avec  la  Diète  de  Spire  qui  eut  lieu  onze  ans  aupara- 
vant (1529).  Son  erreur  peut  venir  aussi  de  ce  fait  que  Charles-Quint 
invita  d'abord  (le  18  avril  1540)  les  membres  de  la  conférence  à  se 
rassembler  à  Spire,  puis  changea  d'avis  au  commencement  de  mai, 
cette  ville  étant  alors  décimée  par  la  peste  (cf.  Janssen,  L'Allemagne 
et  la  Réforme,  trad.,  III,  473).  Il  a  pu  enfin  se  fonder  sur  ces  lignes  de 
J.  Velliard,  op.  cit.,  f^»  5  v  :  «  Anno  enim  milesimo  quingentesimo 
quadragesimo  honoris  caussa,  privato  oflicio  a  pâtre  missus  est  cum 
Lazaro  Baiffio,  qui  tum  régis  legatus  Nemetes  totamque  Germaniam 
obibat  »,  les  Némètes,  peuplade  que  mentionnent  César  et  Tacite,  cor- 
respondant à  peu  prés  à  la  région  de  Spire- 
Sur  la  durée  de  cette  ambassade  idu  16  mai  au  14  août  1540),  sur 
les  personnages  qui  prirent  part  aux  conférences  et  le  profit  que  Ron- 
sard a  pu  en  tirer,  v.  Lucien  Pinvert,  Lazare  de  Baïf,  éd.  française, 
pp.  69-77,  et  ma  Jeunesse  de  Ronsard,  janvier  1902,  pp.  46  et  suiv. 
p.  6,  1.  42.  —  depuis  Roy.  Binet  pour  sa  rédaction  de  B  s'est  appuyé 
sur  ce  passage  du  Tombeau  de  Marguerite  de  France  : 

Les  roses  et  les  lis  en  tous  temps  puissent  naistre 
Sur  ce  Charles  qui  fut  près  de  cinq  ans  mon  maistre. 

Il  s'est  d  ailleurs  très  mal  exprimé.  Sa  phrase  est  tournée  de  telle  façon 
que  ces  cinq  ans  semblent  antérieurs  à  1540,  ce  qui  serait  tout  à  fait 
contraire  aux  faits.  Aussi  a-t-il  ajouté  en  C  «  et  jusques  à  son 
decez  ».  Mais  comme  ce  décès  eut  lieu  le  8  septembre  1545,  si  Ronsard 
était  resté  au  service  du  prince  Charles  jusqu'à  cette  date,  cela  ferait 
bien  plus  de  cinq  ans. 


78  COMMENTAIRE    IIISTOKIQUE 

Dans  le  même  Tombeau  de  Marguerite  de  France,  Ronsard  nous  dit 
à  propos  de  Henri  II  : 

Je  le  servi   seize    ans  domestique  à  ses  gages. 

Comme  ce  roi  mourut  le  29  juin  1559,  Ronsard,  d'après  ce  vers,  serait 
entré  à  son  service  vers  le  1"'  juillet  1543.  D'autre  part,  comme  il  est 
entré  au  service  du  prince  Charles  en  août  1536,  et  que,  de  cette  date 
à  celle  de  juillet  1543,  Jacques  V  le  retint  deux  ans  en  Ecosse,  c'est 
bien  durant  près  de  cinq  ans  que  le  prince  Charles  aurait  été  son 
maître.  Les  deux  passages  de  Ronsard  concordent  bien  entre  eux  et 
avec  les  dates  extrêmes  que  je  viens  de  rappeler;  mais  l'assertion  de 
Ri  net  ne  concorde  pas  avec  eux. 

Marty-Lav.  a  pensé  que  Ronsard  quitta  le  service  du  prince  Charles 
pour  celui  du  dauphin  Henri  dès  1540,  se  fondant  sur  deux  textes  où 
le  poète  déclare  avoir  cté page  de  Henri  (Notice  sur  lions.,  xvii).  L'un 
de  ces  textes  est  extrait  de  Y  Hymne  de  Henri  II  (Bl.,  V,  67),  l'autre  du 
Caprice  {Id.,  VI,  327).  Mais  en  les  regardant  de  près  et  sans  les  isoler 
du  contexte,  on  s'aperçoit  qu'ils  rappellent  des  souvenirs  postérieurs  à 
1540  et  même  à  l'avènement  de  Henri  au  trône  (avril  1547).  Et  si 
Ronsard  s'3'  est  donné  la  qualité  de  page  en  parlant  de  l'office  qu'il 
remplit  auprès  de  Henri,  dauphin  ou  roi,  bien  qu'il  ait  été  «  mis  hors 
de  page  »  en  mai  1540.  c'est  simplement  qu'il  a  abusé  du  mot,  soit  que 
ce  mot  entrât  plus  facilement  dans  son  vers,  soit  qu'il  exprimât  mieux 
l'emploi  vague  de  Ronsard  à  la  cour  de  Henri,  dauphin  ou  roi,  soit  enfin 
qu'il  désignât  à  la  rigueur,  d'une  façon  générale,  tous  les  écuyers 
subalternes  occupés  aux  Ecuries  royales  de  16  à  25  ans.  Dans  tous  les 
cas  on  ne  peut  conclure  de  là  que  Ronsard  passa  au  service  de  Henri 
dès  l'année  1540. 

Quant  à  la  rédaction  de  C,  si  elle  n'est  pas  incohérente,  elle  est  du 
moins  très  obscure.  Je  pense  qu'il  faut  rétablir  entre  les  deux  propo- 
sitions participiales  la  proposition  principale  «  il  sortit  hors  de  page», 
qui  contient  un  document  important,  emprunté  d  ailleurs  par  Binet  à 
Ronsard  lui-même  (autobiog.)  et  confirmé  par  Ant.  de  Baif  ;  cette  pro- 
position, qui  existait  en  A  et  en  B,  semble  bien  être  tombée  à  l'impres- 
sion de  C.  —  Toutefois  il  se  peut  que  Binet  ait  délibérément  sup- 
primé cette  proposition,  ayant  découvert  dans  l'Hymne  de  Henri  II  un 
texte  qui  semblait  la  contredire  :  «  J'ay,  quand  j'estois  ton  page,  autre- 
fois sous  Granval...  »  (V.  ci-après,  pp.  <S2  et  83).  Si  cela  est,  Binet  eut 
tort,  car  il  n'y  avait  entre  l'autobiographie  et  l'Hymne  de  Henri  II 
aucune  contradiction  réelle,  le  mot /3a</e  ayant  été  employé  dans  l'Hymne 
avec  le  sens  très  général  de  serviteur.  Et  encore  ne  devait-il  pas  laisser 
sa  phrase  ainsi  dépourvue  de  proposition  principale  ;  suspendue  de  la 
sorte,  elle  parut  si  étrange  que  dans  les  éditions  postérieures  on  la  souda 
à  la  phrase  suivante,  ce  qui  en  altéra  le  sens  et  ne  la  rendit  guère  plus 
claire. 

Bayle  a  bien  vu  la  difficulté  de  ce  passage,    Diciionn. ,  art-  Ronsard, 
note  D- 
P.  7,  1.  2.  —   disciplines.  Du  Perron,   pour  rendre    la    chose  plus  vrai- 
semblable, dit  que  Ronsard  «  séjourna  en  Allemagne  jusques  à  ce  qu'il 


ET    CRITIQUE  nq 

eust  appris  la  langue  de  la  province  ».  Or,  c'est  substituer  une  erreur  à 
une  invraisemblance,  car  Ronsard  ne  resta  que  trois  mois  en  Alsace, 
après  quoi  il  revint  à  la  Cour  avec  Laz.  de  Baïf.  En  admettant  même 
—  ce  qui  n'est  pas  du  tout  certain  —  que  celui-ci  eût  prolongé  de 
25  jours  son  ambassade,  comme  semblerait  l'indiquer  un  ordre  de 
«  remboursement  »  de  484  livres  «  à  Laz.  de  Baïf  ancien  ambassadeur 
en  Allemagne  et  en  Roumanie  »  (c'est-à-dire  dans  le  pays  de  Ferd. 
d'Autriche  roi  des  Romains,  comme  l'a  très  bien  montré  L.  Pinvert, 
op.  cit.,  p.  75,  note  5),  ce  qui  reporterait  la  date  de  son  retour  du 
14  août  au  9  septembre  1540,  il  est  matériellement  impossible  qu'en 
moins  de  quatre  mois  Ronsard,  tout  intelligent  qu'il  fût,  ait  réussi  à 
savoir  l'allemand,  et  surtout  à  le  parler  couramment,  comme  le  dit 
Blanchemain,  qui  renchérit  sur  Binet  et  Du  Perron  (VIII,  9).  Cela  est 
d'autant  plus  douteux  que  l'allemand,  aussi  bien  que  l'anglais  (v.  ci- 
dessus,  premier  alinéa  de  la  p.  75),  était  alors  considéré  comme  une 
langue  barbare  indigne  d'être  apprise,  et  que  l'échange  des  idées  avec 
les  Français  se  fit  à  Haguenau  en  latin. 

Que  Ronsard  ait  essayé  de  l'apprendre  et  qu'il  en  ait  retenu  les  élé- 
ments avec  quelques  bribes  de  conversation,  soit;  mais  c'est  tout  ce 
qu'on  peut  tirer  de  ce  vers  : 

En  la  haute  Allemaigne  où  la  langue  j'apprins. 

La  preuve  que  ses  biographes  auraient  dû  plutôt  en  restreindre  qu'en 
exagérer  la  portée,  c'est  que  lui-même  en  changea  ainsi  la  rédaction 
pour  son  édition  ne  varietur  : 

En  la  haute  Allemaigne,  où  dessous  luy  [Baïf]  j'apprins 
Combien  peut  la  vertu. 

On  peut  suspecter  l'authenticité  de  certaines  variantes  de  cette  édition 
(qui  fut  la  première  posthume),  mais  je  ne  vois  pas  quel  intérêt  Galland 
et  Binet,  ses  exécuteurs  testamentaires,  auraient  eu  à  changer  ce  texte 
de  leur  propre  autorité.  Je  conçois  très  bien  au  contiaire  que  Ronsard 
leur  ait  noté  ce  changement  à  faire,  soit  qu'il  ait  voulu  rendre  un 
suprême  hommage  à  l'un  de  ses  premiers  bienfaiteurs,  soit  plutôt  qu'il 
ait  été  pris  d'une  sorte  de  remords  d'avoir  jadis  avancé,  pour  son 
panégyrique,  une  affirmation  qui  ne  correspondait  guère  à  la  réalité. 
P.  7,  1.  8.  —  le  ponssoit-  Sur  Guillaume  du  Bellay,  seigneur  de  Langey, 
gouverneur  de  Turin  en  1537,  puis  lieutenant  général  du  Piémont  en 
1540,  mort  le  9  janvier  1543  à  St-Saphorin  près  de  Tarare,  dans  les 
collines  du  Lyonnais,  voir  V.-L.  Bourrilly,  Guillaume  du  Bellay ,  thèse 
de  Paris,  1904. 

J'ai  montré  dans  la  Reu.  de  la  Renaiss.  de  janv.  et  de  fév.  1902,  que 
cette  affirmation  de  Binet,  reproduite  par  tous  les  biographes  de  Ron- 
sard, n'est  pas  fondée  : 

1°  De  tous  les  hommes  du  xvic  siècle  qui  nous  ont  parlé  de  Ronsard, 
Binet  est  le  seul  à  mentionner  ce  voyage  en  Piémont.  Sont  restés  muets 
à  cet  égard  non  seulement  ses  amis  les  poètes  J.  du  Bellaj',  Magnv, 
Panjas,  Belleau,  J.  Morel,  qui,  adressant  des  vers  à  Ronsard  pendant  ou 
après  leur  séjour  au-delà  des  Alpes,  auraient  pu  lui  rappeler  ce  souvenir 


8o  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

de  jeunesse  (surtout  Morel  qui  était  à  Turin  près  de  Guill.  du  Bellay 
précisément  en  1541-42),  mais  encore  ses  autres  panégyristes,  Du  Per- 
ron, Velliard,  Critton,  qui  n'eussent  pas  manqué  d'ajouter  cet  orne- 
ment à  leurs  éloges  funèbres  si  l'affirmation  de  Binet  avait  été  fondée- 

2"'  Bonsard  lui-même  n'en  a  jamais  parlé,  ni  dans  les  vers  qu'il  adresse 
à  ceux  de  ses  amis  qui  eurent  la  bonne  fortune  de  fouler  la  terre  tran- 
salpine ;  ni  dans  ceux  où  il  vante  les  services  diplomatiques  et  mili- 
taires des  Du  Belhw,  et  parle  avec  admiration  du  «  grand  Langé  »  qui 
personnifiait  l'honneur  et  la  vertu  (v.  Iode  pindar.  A  Joachim  du 
Bellai],  Bl..  Il,  101-102)  ;  ni  enfin  dans  son  autobiographie.  Ce  dernier 
point  est  tout  à  fait  digne  de  remarque.  Si  vraiment  Bonsard  était  allé 
en  Piémont,  il  n'eût  pas  oublié  de  communiquer  à  son  panégyriste 
Paschal  un  document  si  glorieux  pour  sa  mémoire.  Il  eût  ressenti  une 
fierté  légitime  pour  avoir  été  le  compagnon  et  l'auxiliaire,  même 
humble,  du  «  docte  et  preux  chevalier  »  dont  la  mort  prématurée  causa 
de  vifs  regrets  aux  humanistes,  aussi  bien  qu'aux  gens  de  guerre. 
(Cf.  Babelais,  III,  ch.  xxi  ;  IV,  chap.  xxvi  et  xxvii). 

3°  Si  Bonsard  était  allé  avec  Guill.  du  Bellay  en  Piémont,  celui-ci 
l'aurait  probablement  couché  sur  son  testament  qu'il  fit  le  13  novembre 
1542  et  où  sont  mentionnés  Massuau,  Babelais,  tous  ses  amis  et  servi- 
teurs, à  une  ou  deux  exceptions  près  (communication  de  M.  Bourrilly). 
Il  est  vrai  que  Loys  de  Bonsart  assista  aux  obsèques  du  grand  capitaine 
au  Mans  le  5  mars  1543,  et  qu'il  tenait  même  un  des  coins  du  drap  mor- 
tuaire (L.  Séché,  Rev.  de  laRenaiss.,  févr.  1901,  p.  81  ;  L.  Froger,  Pro- 
vince du  Maine,  juillet  1901,  tome  IX,  pp.  209  et  suiv)  ;  mais  ce  fut  en 
qualité  de  parent,  de  compagnon  d'armes,  de  glorieux  vétéran  des  guerres 
d'Italie,  et  peut-être  de  mansionnaire  royal  représentant  le  roi  de  France. 
Et  si  son  fils  Pierre  fut  tonsuré  le  lendemain  au  Mans  par  l'évêque 
Bené  du  Bellay,  ce  n'est  pas  parce  qu'il  était  protégé  par  les  Du  Bellay, 
comme  ayant  suivi  en  Piémont  l'aîné  de  la  famille  ;  c'est  simplement 
parce  qu'il  était  né  dans  une  paroisse  qui  dépendait  du  Maine  pour  le 
spirituel  (cf.  B.  Charles,  Rev.  histor.  du  Maine,  tome  V,  p.  373  ; 
Froger,  Rons.  ecclés.,  p.  7  ;  Chamard,  Rev.  d'Hist.  litt.,  1899,  p.  35  ; 
Laumonier,  Rev.  de  la  Renaiss.,  mars  1902,  p.  159). 

4°  Trois  textes  des  œuvres  de  Bonsard  tendent  à  prouver  qu'il  n'a  pas 
franchi  les  Alpes  :  l'ode  Au  pais  de  Vandouiois  [l'auteur]  voulant  aller 
en  Italie,  qui  ne  peut  pas  avoir  été  composée  avant  1545  (v.  ma  thèse 
sur  Ronsard  p.  lyr.,  pp.  56-57)  ;  l'ode  A  Cl.  de  Ligneri,  publiée  en  1552, 
où  il  compte  sur  les  récits  de  son  ami  pour  connaître  l'Italie  {Ibid., 
p.  84)  ;  un  passage  du  Discours  contre  Fortune,  composé  vers  1558,  où 
Bonsard  dit  à  Odet  de  Coligny  : 

Aucunefois  (Prélat)  il  me  prend  une  envie 
(Où  jamais  je  ne  fus)  d'aller  en  Italie. 

Bien  que  les  auteurs  du  temps  distinguent  l'Italie  proprement  dite 
du  Piémont  et  même  des  "  Lombardes  campagnes  »  (cf.  Cl-  Marot, 
épître  au  Boy  du  temps  de  son  exil  à  Ferrare),  ces  textes  peuvent 
encore  servir  dans  une  large  mesure  d'argument  contre  l'affirmation  de 
Binet.  D'ailleurs,  que  Bonsard  parle   du    Piémont   ou    qu'il  parle  de 


ET  <:ritique  oï 

l'Italie,    il  est  également  muet  sur  le  voyage  que  Binet  lui  fait  faire    au 
delà  des  Alpes  en  1541-42;  voir  par  ex.  les  pièces  écrites  en  1559  à  l'oc- 
casion du  départ  de  sa   protectrice  la    princesse  Marguerite,  mariée  au 
duc  de  Savoie  (Bl.,  III,  338  ;  IV,  71). 
P.  7,  1.  17.  —  à  la  mort.  Sources  :  1"  La  suite  de  l'autobiographie  : 

Mais  las,  à  mon  retour  [d'Allemagne]  une  âpre  maladie 
Par  ne  scay  quel  destin  me  vint  boucher  l'ouïe 
Et  dure  m'accabla  d'assommement  si  lourd 
Qu'encores  aujourd'huy  j'en  reste  demy-sourd. 

2o  J.  Velliard  :  «  Dum  vero  ita  Nomadum  more  viveret,  pra;  nimia 
corporis  et  animi  contentione  in  tertianam  incidit,  ex  qua  non  ita  con- 
valuit  quin  surdaster  esse  perseveraverit  »  (op.  cit.,  f  G  v").  3°  (t.  Critton 
(il  vient  de  parler  du  naufrage  sur  les  côtes  d'Ecosse)  :  »  Surditatem 
quidem  ex  ventorum  tumultuosè  spirantium  fragore  et  undarum  assi- 
duo  fremitu  perpetuam  contraxit,  quam  primo  levem  mox  gravem  inse- 
cuta  febris  vehementius  etiam  auxit  »  (op.  cit.,  p.  5).  4^  Dorât,  dans  le 
Tombeau  de  Ronsard  (Bl.,  VIII,  237)  : 

Germanos,  Scotos  adiit  ducente  Baïfi 
Lazare  te  juvenis,  surdus  et  inde  redit. 

Aux  causes  de  la  maladie  que  donnent  Velliard  et  Critton,  Binet 
ajoute  l'usage  des  vins  «  souffrez  et  mixtionnez  »  d'Allemagne,  et  les 
«  peines  de  la  guerre  ».  Cependant  Ronsard  dut  se  trouver  à  très 
bonnes  tables  durant  sou  séjour  en  Alsace,  et  d'autre  part  on  ne  voit 
pas  de  quelle  guerre  il  aurait  eu  à  souffrir.  Sur  les  causes  plus  vraisem- 
blables et  la  nature  probable  de  sa  demi-surdité,  voir  ma  Jeunesse  de 
Ronsard,  Rev.  de  la  Renaiss.  de  mars  1902,  pp.  149  et  suiv.)  et  un 
article  de  M.  Menier  paru  dans  les  Archives  dOtologie,  n"  de  février  1906, 
pp.  211  et  suiv.  Ces  deux  études  écartent  l'hypothèse  d'une  affection 
syphilitique  et  concluent  à  une  otite  chronique  d'origine  arthritique. 
Relevons  seulement,  en  les  datant, quelques  autres  vers  de  Ronsard  sur 
son  infirmité  : 

Bl.,       L  399    Vous  me  responderez  {sic)  qu'il  est  un  peu  sourdaut 
Et  que  c'est  déplaisir  en  amour  parler  haut  (1555). 

—  III,  356      Puis  on  ne  voit  jamais  ce  poêle  à  la  Court  : 

Il  faut  qu'il  se  présente,  encore  qu'il  soit  sourd  (1561). 

—  VII,  103     Tesmoin  est  Du  Bellay  comme  moy  demy-sourd 

Dont  l'honneur  mérité  par  tout  le  monde  court  (1563). 

—  VI,  88       Je  suis,  pour  suivre  à  la  trace  la  Court, 

Trop  maladif,  trop  paresseux  et  sourd  (1571). 

—  II,  377     Pour  ne  voir  plus  rien  je  veux  perdre  les  yeux 

Comme  j'ay  l'ouïr  (1578). 

Enfin  R.  Belleau  fait  dire  à  Perrot  dans  une  églogue    de    sa  Bergerie  : 
J'ai  l'oreille  un  peu  sourde,  haussez  un  peu  la  voix  (éd.  M.-L.,  I,  298), 

et  Brantôme  s'honore  d'être  «  demi-sourd  conjme  Ronsard  »  (éd.  La- 
lanne,  tome  X,  p.  395). 
P.  7,  1.  17.  — divin    Homère.  La  comparaison  entre  la    surdité  de  Ron- 
sard et  la  cécité  d'Homère    était  courante   parmi    les   admirateurs    de 

VIE    DB    P.    DE    RONSARD.  6 


82  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

Ronsard.  Voir  par  ex.  une  pièce  latine  de  Dorât  en  tête  du  recueil  inti- 
tulé :  Sonnet:  de  P.  de  Ronsard  mis  en  musique  à  IIII  parties  par 
(niill  Boni  \CA'.  liev.  d'Hist.  litt.,  juin  1900.  p.  377).  Mais  pour  la 
rédaction  do  B  Hinet  a  eu  recours  à  ce  passage  de  la  liesponse  aux 
injures  et  ealomnies  (Bl.,  VII,  103)  : 

Des  poêles  premiers,  dont  la  gloire  cognue 
A  dcsfié  les  ans,  avaient  mauvaise  veue, 
Thamj're,  Tiresie,  Homère  et  cesluy-là 
Qui  au  prix  de  ses  yeux  contre  Hélène  parla   : 
Et  ceux  de  noslrc  temps  à  qui  la  Muse  insigne 
Aspire,  vont  portant  la  sourdesse  pour  signe  : 
Tesmoin  est  Du  Bellaj'  comme  moy  demy-sourd, 
Dont  l'honneur  mérité  par  tout  le  monde  court. 

p.  7,  1.  27.  —  contentement.  Copié  littéralement  dans  VEpitre  au  Lec- 
teur qui  servait  de  préf.  à  l'éd.  princeps  des  Quatre  prem.  livres  des 
Odes  (1550)  :  «  Bien  que  la  jeunesse  soit  toujours  elongnée  de  toute 
studieuse  occupation  pour  les  plaisirs  voluntaires  qui  la  maistrisent, 
si  est  ce  que  des  mon  enfance  j'ai  toujours  estimé  l'estude  des  bonnes 
lettres,  l'heureuse  félicité  de  la  vie,  et  sans  laquelle  on  doit  désespérer 
depouvoirjamais  attaindre  au  combledu  parfait  contentement.  »  (Bl.,  II, 
9-10;  texte  rectifié  par  M.-L.,  II.  474)  On  verra  plus  loin  (aux  pages 
106  et  111)  que  Binet  a  consulté  pour  C  non  seulement  cette  préface 
qu'il  aurait  pu  trouver  manuscrite  dans  les  papiers  de  Ronsard,  mais 
le  volume  entier  où  elle  fut  imprimée  en  1550- 
P.  8,  1.  8.  —  estudes  laissées.  Cf.  Du  Bellay,  Hymne  de  la  Surdité, 
dédié  à  Ronsard,  à  la  fin  des  Jeux  rustiques  en  janv.  1558  (la  pièce  date 
de  1556i : 

La  Surdité,  Ronsard,  seule  t'a  faict  retraire 
Des  plaisirs  de  la  court,  et  du  bas  populaire. 
Pour  suyvre  par  un  trac  encores  non  battu 
Ce  pénible  sentier,  qui  meine  à  la  vertu. 
Elle  seule  a  tissu  l'immortelle  couronne 
Du  Myrthe  Paphien,  qui  ton  chef  environne  : 
Tu  luy  dois  ton  laurier,  et  la  France  luy  doit 
Qu'elle  peut  désormais  se  vanter  à  bon  droit 
D'un  Horace,  et  Pindare,  et  d'un  Homère  encore, 
S'elle  voit  ton  Francus,  ton  Francus  qu'elle  adore 
Pour  ton  nom  seulement,  et  le  bruit  qui  en  court  : 
Dois-tu  donques,  Ronsard,  te  plaindre  d'être  sourd  ? 

p.  8,  1.  10.  —  à  la  Couronne.  Tout  ce  passage  témoigne  de  l'insouciance 
de  Binet  à  l'égard  de  la  concordance  des  dates.  Quand  Ronsard,  par 
suite  de  sa  demi-surdité,  «  changea  de  dessein  et  reprit  les  estudes 
laissées  »,  le  roi  régnant  était  François  P'",  qui  mourut  seulement  le 
1er  avril  1547.  A  l'avènement  de  Henri  II.  il  y  avait  déjà  quatre  ans  que 
Ronsard  s'était  «  remis  aux  lettres  »  (en  1543  dit  Binet  lui-même,  p.  10), 
et  au  moins  deux  ans  et  demi  qu'il  suivait  les  leçons  de  Dorât  (depuis 
la  mort  de  son  père,  juin  1544,  dit  Binet  lui-même,  p.   10.) 

La  source  de  1  addition  de  C  est  ce  passage  de  l'Hymne  de  Henri  H 
(publié  en  1555)  : 

J'ay,  quand  j'estais  ton  paye,  autrefois  sous  Granval 
Veu  dans  tou  Escurie  un  semblable  cheval 


ET    CRIT[QUE  83 

Qu'on  surnommoit  Hobere,  ayant  bien  cognoissance 

De  toy  montant  dessus  :  car  d'une  révérence 

Courbé  le  saluoit  :  puis  sans  le  gouverner 

Se  laissoit  de  luy-mesme  en  cent  voUes  tourner 

Si  viste  et  si  menu,  que  la  veùe  et  la  teste 

Tournans  s'esblouïssoyent.  tant  ceste  noble  beste 

Avoit  en  bien  servant  un  extrême  désir, 

Te  cognoissanl  son  Roy,  de  te  donner  plaisir.  (Bl.,  V,  67.) 

Claude  de  Grandval  n'était  encore  que  piqueur  de  la  fauconnerie 
royale  en  juillet  1541  [Actes  de  François  /er,  tome  IV,  p.  222).  Il  est 
probable,  d'après  ce  qu'on  a  vu  plus  haut  (p.  78),  que  Ronsard  a 
abusé  ici  du  mot  page,  en  le  prenant  dans  le  sens  général  d'écuyer 
occupé  aux  Ecuries  royales,  puisque,  «  sorti  de  page  »  en  mai  1540, 
il  n'a  jamais  été,  au  sens  propre  du  mot,  page  de  Henri  dauphin, 
encore  moins  de  Henri  roi.  Binet  ne  paraît  pas  y  avoir  songé  ;  car, 
utilisant  pour  C  le  passage  de  \  Hymne  de  Henri  H  que  je  viens  de 
citer  et  y  prenant  le  mot  page  à  la  lettre,  il  crut  devoir  supprimer  du 
même  coup  deu.x  assertions  de  AB  qui  lui  semblèrent  en  contradic- 
tion avec  ce  texte.  Ces  deux  assertions,  qui  disparurent  de  C,  sont 
les  suivantes  :  1°  «  il  sortit  hors  de  page  »  (p.  6)  ;  2°  «  or  que  tous 
deux  fussent  sortis  de  page  »  (p.  10).  La  coïncidence  de  cette  double 
suppression  avec  l'apparition  du  document  emprunté  à  Y  Hymne  de 
Henry  II  est  tout  à  fait  digne  de  remarque  :  elle  prouve  de  la  part  de 
Binet,  sinon  un  grand  embarras,  du  moins  un  scrupule  exagéré,  car 
il  n'y  avait  pas  là  de  contradiction  réelle. 

P.  8,  1.  15.  —  0  flos  virum  et.  Cette  ode  pindarique  de  Dorât  fut  publiée 
d'abord  à  la  fin  des  Quatre  premiers  livres  des  Odes  de  Ronsard  en 
1550.  Elle  fut  reproduite  dans  la  2«  et  la  3°  édition  de  ce  volume  (1553, 
1555),  puis  parmi  les  liminaires  de  toutes  les  éditions  collectives  des 
Œuvres  de  Ronsard,  y  compris  la  première  éd.  posthume  (1560  à  1587). 
On  la  trouve  dans  1  éd.  Blanchemain,  en  tête  du  tome  I,  p.  xix  La  ci- 
tation de  Binet  commence  au  milieu  du  8=  vers  de  l'antistrophe  I.  L'ode 
entière  semble  avoir  été  écrite  en  réponse  à  celle  de  Ronsard  Puissé-je 
entonner  un  vers,  que  Binet  a  citée  plus  loin  en  C.  (Cf.  ci-dessus,  p.  13.) 

P.  8,  I.  23  —  seu  quis.  Cette  leçon  de  AB  est  conforme  au  texte  princeps 
de  l'ode  (1550)  et  à  celui  qu'on  lit  parmi  les  liminaires  de  toutes  les  éd. 
collect.  des  Œuvres  de  Ronsard.  La  leçon  de  C,  si  quis,  reproduite 
dans  les  éd.  dérivées  de  C,  est  plus  logique,  étant  donné  que  rien 
dans  les  vers  qui  suivent,  en  1587  et  1597,  ne  correspond  à  seu  quis, 
mais  que,  au  contraire,  la  strophe  II  contient  un  sin  alter  qui  corres- 
pond à  si  quis  ;   c'est  sans  doute  la  raison  de  la  correction  de  C 

P.  8,  1.  32.  —  Auguste  et  Martiale.  Ces  deux  adjectifs  ont  conservé 
leur  initiale  majuscule  dans  toutes  les  éditions,  parce  qu'ils  dérivent  de 
noms  propres.  Nous  avons  cru  devoir  respecter  une  intention  qui  n'est 
pas  douteuse. 

Pour  tout  ce  portrait  physique  de  Ronsard,  cf.  Du  Perron  :  «  Car 
j'ay  ouy  raconter  une  infinité  de  fois  à  ceux  qui  l'ont  cogneu  en  sa  pre- 
mière jeunesse,  que  jamais  la  nature  n'avoit  formé  un  corps  mieux 
composé  ny  mieux  proportionné  que  e  sien  :  fust  ou  pour  la  beauté  du 
visage,  qu'il  avoit  merveilleusement  aggreable,  ou  pour  la   taille   et  la 


84  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

stature,  laquelle  il  avoil  exlreniemenl  Auguste  et  Martiale,  de  sorte 
qu'il  sembloit  quelle  eust  mis  entieremeut  son  estude  et  son  industrie 
à  préparer  un  lieu  qui  peust  recevoir  dignement  ceste  ame  excellente, 
pleine  de  tant  de  gloire  et  de  lumière,  de  laquelle  les  beautez  du  corps 
dévoient  estre  comme  la  splendeur  et  les  rayons.  "  {Or.  fun.,  texte  de 
1586.  pp.  28-29.)  —  Binet  a  certainement  profité  du  travail  de  Du  Per- 
ron, soit  qu'il  en  ait  retenu  de  mémoire  quelques  expressions,  soit 
plutôt  que  l'Oraison  funèbre  ait  été  imprimée  avant  le  Discours  de  la 
vie  de  Ronsard. 

Pour  l'iconographie  de  Ronsard,  v.  A.  de  Rochambeau,  op.  cit., 
ch.  m.  Les  portraits  qui  nous  sont  restés  de  sa  jeunesse  sont  quelque 
peu  conventionnels  (Amours  de  1552  et  1553;  Odes  de  1555;  Œuvres  de 
1560).  Mais  il  reste  quatre  œuvres  qui  sont  des  documents  du  plus 
haut  intérêt  sur  la  vraie  physionomie  de  Ronsard  après  40  ans  :  1°  Une 
médaille  de  Jacques  Primavera  {Notice  cit.,  par  Chabouillet);  2^  et  3° Un 
portrait  et  un  buste  qui  sont  au  Musée  de  Blois  [Etude,  par  P.  Dufay)  ; 
4'^  Un  crayon  qui  est  au  Musée  de  S.  Pétersbourg  [Gazette  des  Beaux- 
Arts,  de  juin  1907,  art.  de  C.  Gabillot).  —  Ronsard  vieillit  assez  vite 
au  physique  :  à  30  ans  il  était  gris  et  chauve,  et  dès  lors  maigre,  pâle, 
défait,  miné  parla  fièvre  intermittente,  en  proie  aux  douleurs  et  aux 
insomnies.  Les  peintures  qu'il  nous  a  laissées  de  lui-même  à  partir 
de  1553  sont  loin  de  correspondre  aux  descriptions  brillantes  de  Binet 
et  Du  Perron.  V.  par  ex.  les  sonnets  :  Sur  mes  vingt  ans  (1553)  ;  Dame 
je  meurs  pour  vous  (1555),  les  odes  :  Laisse  moi  sommeiller  (1554)  ; 
Quand  je  suis  vingt  ou  trente  mois  (1555)  ,  Ma  douce  jouvence  est  passée 
(id.)  ;  Ah  !  fiévreuse  maladie  (id.)  ;  Pour  avoir  trop  aimé  vostre  bande 
inégale  (1556)  ;  le  poème  à  P.  Lescot,  Puisque  Dieu  (1560,  vers  10  et 
suiv.);  la  Response  aux  injures  (1563,  vers  285). 

P.  9,  1.  5.  —  du  Roy.  Dans  tout  le  passage  qui  commence  ici  et  finit 
à  «  l'an  mil  cinq  cens  xliii  »,  Binet  quand  il  dit  «  le  Roy  »  désigne 
Henri  II,  soit  par  un  abus  conscient  de  ce  mot,  soit  plutôt  par  igno- 
rance :  en  eifet  le  prince  qui  fut  Henri  II  n'était  encore  que  dauphin  à 
l'époque  où  Binet  en  est  de  son  exposé,  bien  qu'il  eût  déjà  une  Cour 
et  des  Ecuries  particulières  sous  le  règne  de  son  père  François  I^r. 
Voir  ci-dessus,  p.  82,  aux  mots  «  à  la  Couronne  u. 

P.  9,  1.  22.  —  pour  la  veûe.  Cf.  J.  Velliard  :  «  Vir  sapiens  et  acutus, 
qui  benè  semper  audierat,  ne  tandem  (ut  est  in  aula  rerum  vicissitudo) 
ideo  maie  audiret,  quia  maie  audiebat,  ex  bac  vaga  et  irrequieta  vita, 
ubi  multo  plus  audiendum  est  quam  loquendum,  ad  requietem  animi 
sese  in  tranquillissimum  Academiae  portum  recepit...  »  [Laud. 
fun.  I,  ff.  6  v"  et  7  r"). 

P.  9,  1.  25.  —  page  avec  Ronsard.  Cf.  Du  Perron  :  «  Or  ce  fut  là  (en 
Escosse)  premièrement  qu'il  commença  à  prendre  quelque  goust  à  la 
Poésie  :  car  un  gentilhomme  Escossois,  nommé  le  seigneur  Paul,  qui 
estoit  fort  bon  poète  Latin,  et  qu'il  l'aimoit  [sic)  extrêmement,  prenoit 
la  peine  de  luy  lire  tous  les  jours  quelque  chose  de  Virgile  ou  d'Horace, 
ou  de  quelque  autre  autheur,  et  de  le  luy  interpréter  en  François  ou 
en  Escossois  :  et  luy  d'autre  costé  qui  avoit  desja  veu  quelques  rymes 
de  Marot  et  de  nos  anciens  Poètes  François,  s'efi^orçoit  de   le  mettre  en 


ET    CRITIQUE  85 

vers  le  mieux  qui  luy  estoit  possible.  »  {Or.  fun.,  texte  de  1586,  p.  27.) 
G.  Critton  n'a  pas  parlé  du  seigneur  Paul.  En  revanche  J.  Velliard 
l'a  considéré  comme  l'un  des  initiateurs  de  notre  poète  et  l'a  comparé 
à  cet  égard  à  l'oncle  Jean  de  Ronsart,  curé  de  Bessé-sur-Braye  :  «  Quid 
dixi  !  Petrum  Ronsardum,  ex  sermone  liabito  in  ea  legatione  (l'am- 
bassade de  Laz-  de  Baïf  en  Allemagne,  primum  ad  studium  poetices 
animum  adjunxisse  ?  Erravi  :  imo  multù  ante,  hune  enim  poesim  a 
lacté  nutricis  imbibisse  animo,  nec  alienis,  sed  domesticis  praeceptis 
edoctum  fuisse,  vos  jam  eritis  judices-  Habebat  ab  Avunculo,  viro  omni 
liberali  sacraque  doctrina  politissimo,  non  solum  bibliothecam  varia 
et  multiplici  librorum  supellectile  instructam,  sed  etiam  exemplum 
hujus  reconditioris  disciplinae  quod  sibi  proponeret  ad  imitandum. 
Insuper,  dum  aderat  Régi  praetextatus  assecla.  jucundus  erat  Paulo 
praefecto  Hippocomiae,  fratri  Philippae  Castelleronensis  (sic  pour 
Castelleraldensis),  qui  cum  studia  humanitatis  coleret,  et  haberet 
aures  tritas  notandis  generibus  poetarum,  seorsim  {sic  pour  seorsum) 
Virgilii  et  Horatii  intelligentia  praestabat.  Hi  duo  perspicaces  et  acuti 
viri  cum  mirarentur  bonitatem  naturae  Pétri  Ronsardi,  huic  et  ad 
suscipiendam  et  ingrediendam  rationem  studiorum  poeseos  principes 
extitere.  »  (Laud-  fun.  I,  prem.  éd.,  fo  6  r°  et  v".) 

Du  Perron  est  le  seul  des  biogr.  de  Ronsard  (avec  Colletet,  qui  l'a 
copié  littéralement  ici)  à  nous  avoir  dit  que  le  seigneur  Paul  était  un 
gentilhomme  Ecossais  ;  et  il  s'en  est  tenu  à  cette  opinion  jusqu'à  la  fin 
de  sa  vie  (1618),  malgré  les  affirmations  contraii-es  de  Binet  et  d'Ant. 
de  Baïf.  Mais  il  semble  n'avoir  pas  été  le  seul  à  penser  ainsi,  d'après 
cette  addition  de  Binet  à  son  troisième  texte  :  «...  le  seigneur  Paul, 
Escossois  ainsi  que  disent  aucuns  ".  Cette  opinion,  qui  a  contre  elle 
l'autorité  de  Baïf,  assez  grave  à  elle  seule  pour  la  ruiner,  a  peut-être 
pour  point  de  départ  un  fait  historique  :  il  se  peut  par  ex.  que  le 
seigneur  Paul  ait  accompagné  Ronsard  en  Ecosse  et  séjourné  avec  lui 
à  la  cour  de  Jacques  V,  et  je  suis  tout  porté  à  le  croire.  Il  est  d'ailleurs 
étonnant  que  Ronsard  n  ait  jamais  nommé  dans  ses  œuvres  ce  compa- 
gnon de  jeunesse,  auquel  en  somme  il  devait  tant. 

Si  le  seigneur  Paul  avait  pour  sœur,  comme  l'affirment  Velliard  et 
Binet,  la  mère  deMad.  de  Chatellerault,  il  était  sûrement  Piémontais. 
Voici  en  effet  ce  que  dit  le  P.  Anselme  sur  Mad.  de  Chatellerault,  qui 
n'est  autre  que  Diane  de  France,  fille  naturelle  de  Henri  II  :  «  Diane, 
légitimée  de  France,  duchesse  d'Angoulême,  née  de  Philippe  Duc, 
demoiselle  Piemontaise,  sœur  de  Jean  Antoine  Duc,  né  à  Montcallier 
en  Piémont,  écuyer  de  la  grande  écurie  du  roi  Henri  II.  Elle  épousa 
1"  Horace  Farnèse,  duc  de  Castro,  mort  en  1554  ;  2»  en  1557  François 
de  Montmorency,  pair  et  maréchal  de  France...  Le  duché  de  Chatel- 
lerault lui  fut  donné  par  lettres  du  22  juin  1563,  renouvelées  en  1571...  » 
(Hist.  genealog.  de  la  maison  de  France,  tome  I,  136,  D.  Madame  de 
Chatellerault,  comme  l'appelle  Binet,  ou  Madame  d'Angoulême,  comme 
on  l'appelait  plus  ordinairement  depuis  qu'elle  avait  reçu  de  Henri  III 
le  duché  d  Angoulême  en  1582,  ne  mourut  qu  en  janvier  1619.  Si  Binet, 
ou  Du  Perron,  devenu  cardinal,  avait  osé  interroger  cette  princesse  sur 
la  famille  de  sa  mère,  ils  auraient  pu  identifier  le  seigneur  Paul  et  nous 


86  COMMK.NTMHE    HISTORIQUE 

dire  si  c'était  Jean  Antoine  Duc  lui-même  (auquel  cas  ce  nom  de  Paul 
serait  un  pseudonyme),  ou  si  c  était  un  second  frère  de  Philippe  Duc. 
Quant  à  Philippe  Duc,  «  l'auteur  de  \  Abrcgé  Chronologique  et  celui 
du  roman  historique  de  la  Princesse  de  Clèves  disent  qu'elle  se  fit  reli- 
gieuse après  ses  couches,  sans  indiquer  l'ordre  qu'elle  embrassa,  ni  le 
monastère  où  elle  entra  ))  (Dreux  du  Radier,  Reines  el  Régentes  de 
Fnuice,  2''  édition,  1776.  tome  IV,  p.  455,  dans  le  chap.  intitulé  Phi- 
lippe Duc\  —  On  lit  encore  dans  Vllisi  de  Chatcllcrault  de  l'abbé 
Lalaune  (tome  II,  p.  46)  :  k  Au  mois  de  juin  15()3,  Charles  IX  donna 
la  terre  de  Chatelleraud  à  Diane,  légitimée  de  France,  sa  sœur,  pour 
lui  tenir  lieu  de  6000  livres  de  rente  Elle  était  né  en  1538  de  Henri  II, 
encore  Dauphin,  et  de  Philippe  Duc,  demoiselle  Piémontaise,  retirée, 
après  sa  faute,  dans  un  couvent,  où  elle  mourut.  »  —  Enfin,  d'après 
Brantôme,  Philippe  Duc,  dame  de  Bière,  épousa  un  gentilhomme  ita- 
lien (édition  Lud.  Lalanne,  tome  VI,  496|. 
P.  10,  1-  11.  —  Clément  Marot.  Outre  les  éd.  originales  (notamment  des 
lllustr.  de  Gaule,  1509-1513),  Ronsard  pouvait  alors  lire  les  œuvres  en 
prose  et  en  vers  de  Jean  Le  Maire  dans  plusieurs  éditions  collectives, 
entre  autres  celles  de  Paris,  Philippe  Le  Noir  (s.  d-,  vers  1520)  ;  Petit, 
Marnef  et  Viart  (1520-1523;.  Plus  tard  il  en  parut  une  à  Paris,  chez 
V.  Sertenas  1548),  et  une  à  Lj'on,  chez  J.  de  Tournes  (1549,  la  plus 
complète,  publiée  parles  soins  dAnt.  du  Moulin).  Voir  la  notice  biogr. 
et  bibliogr.  que  lui  a  consacrée  Steclier  en  tête  de  son  édition  (Lou- 
vain,  1882-91). 

Il  est  probable  qu'il  lut  le  Roman  de  la  Rose  dans  l'édition  publiée 
sous  une  forme  rajeunie  par  Cl.  Marot,  à  Paris  en  1527  et  1529,  chez 
Galiot  du  Pré  ;  en  1538,  chez  Pierre  Vidoue. 

Les  œuvres  de  Maistre  Guillaume  Coquillart(Droj7s /louueaux;  Plai- 
doyer de  la  Simple  et  de  la  Rusée  ;  Blason  des  Armes  et  des  Dames  ; 
Monologues)  avaient  été  rééditées  plusieurs  fois  avant  1540  ;  d'abord 
de  1515  à  1530  elles  ont  paru  chez  la  veuve  Trepperel,  chez  J.  Janot 
et  chez  Alain  Lotrian,  à  Paris  ;  puis  en  1532  chez  Galiot  du  Pré,  en 
1533  chez  Pierre  Leber.  à  Paris  ;  en  1535  et  1540,  chez  Fr.  Juste,  à 
Ljon  (Cf.  Téd.  Ch.  d'Héricault,  Biblio.  elzévirienne,  2  vol.  ;  l'étude 
bibliographique  est  à  la  fin  du  2"  volume). 

Quant  à  l'Adolescence  Clémentine  de  Cl.  Marot,  imprimée  en  1532 
par  Geoffroy  Tory  pour  Pierre  Rosset,  elle  avait  été  plusieurs  fois  réé- 
ditée soit  à  Paris  chez  le  même,  soit  à  Lyon  chez  Fr.  Juste,  avec  la 
Suite  de  l'Adolescence,  de  1532  à  1535-  Une  édition  très  soignée  avait 
paru  en  1538  à  L3on,chez  Gryphius,  et  trois  autres  de  1540  à  1543  à 
Lyon  chez  Etienne  Dolet.  Les  Pseaumes  parurent  en  deux  fois,  trente 
à  Paris  en  1541,  les  mêmes  et  vingt  autres  à  Genève  en  1543  (v.  Em. 
Picot,  Catalogue  Rothschild,  et  O.  Douen,  Cl.  Marot  et  le  Psautier 
huguenot). 

Sur  l'estime  que  Ronsard,  Du  Bellay  et  Baïf  avaient  pour  le  Roman 
de  la  Rose,  et  pour  les  Œuvres  de  Jean  Le  Maire,  entre  autres  les 
Illustrations  de  Gaule,  v.  la  Deffence  et  Illustration  de  la  langue  fran- 
çaise, I,  ch.  II,  éd.  Chamard,  pp.  174  à  178;  l'article  de  H.  Guy  sur  les 
Sources  françaises  de  Ronsard,  dans  la  Rev.  d'Hist.  litt.  d'avril  1902  ; 


ET    CRITIQUE  87 

ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr  ,  passim.  —  Quant  à  Coquillart,  je  ne  le 
vois  cité  et  imité  nulle  part  chez  eux,  si  ce  n'est  clans  les  Fulastries 
de  Ronsard,  et  encore  l'imitation  serait-elle  très  lointaine  ;  c'est  sans 
doute  pour  cette  raison  que  Binet  a  supprimé  Coquillart  de  sa  troi- 
sième rédaction  (à  moins  que  ce  nom  ne  soit  tout  simplement  tombé  à 
l'impression).  —  Enfin  Cl.  Marot,  que  Ronsard  appelle  «  la  seule  lu- 
mière en  ses  ans  de  la  vulgaire  poésie  »  (Kpître  au  lecteur,  prcf.  des 
Odes  de  1550,  Bl.,  II.  10),  et  auquel  il  reconnaît  le  mérite  d'avoir  écrit 
les  meilleurs  vers  qu'on  pût  écrire  alors  sur  un  sujet  élevé  (Ode  sur 
la  victoire  de  Cerizoles,  strophe  I,  Bl.,  II,  53),  a  montré  la  voie  à  Ron- 
sard dans  plus  d'un  genre  (élégie,  églogue,  blason,  épigramme,  épitaphe, 
ode,  sonnet),  et  lui  a  suggéré  plus  d'un  thème.  Cf.  H.  Guy,  art.  cit., 
pp.  246  et  suiv.  ;  P.  Laumonier,  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  passim  ; 
voir  ce  que  je  disais  déjà  dans  la  Reo.  d'Hist.  litt.  de  janv.  1902, 
notes  des  pp.  39,  53,  67,  73,  76. 

P.  10,  1-  13.  —  limiires  d'or.  Cf.  la  biographie  de  Virgile  attribuée  à 
Donat  :  «  Cum  is  aliquando  Ennium  in  manu  haberet,  rogareturque 
quidnam  faceret,  respondit  se  aurum  colligere  de  stercore  Ennii.  Habet 
enim  poeta  ille  egregias  sententias  sub  verbis  non  multum  ornatis.  » 
(§  XVIII.  Voir  le  Virgile  de  Heyne,  tome  I,  et  le  Suétone  de  ReifFers- 
cheid,  p.  67.) 

Binet  est  le  seul  biographe  de  Ronsard  qui  lui  ait  fait  tenir  ce  pro- 
pos- On  n'en  trouve  pas  trace  dans  les  œuvres  du  poète.  Mais  ce  propos 
est  vraisemblable,  et,  malgré  son  excessif  dédain,  plusjuste  que  ces  lignes 
de  l'Epitre  au  lecteur  des  Odes  de  1550,  où  Ronsard,  après  avoir  dé- 
claré qu'il  n'a  vu  «  en  nos  poètes  françois  chose  qui  fust  suffisante 
d'imiter  >:,  ajoute  avec  une  réelle  ingratitude  :  «  L'imitation  des  nos- 
tres  m'est  tant  odieuse  (d'autant  que  la  langue  est  encores  en  son 
enfance)  que  pour  ceste  raison  je  me  suis  esloigné  d'eus,  prenant  stile 
à  part,  sens  à  part,  œuvre  à  part,  ne  désirant  avoir  rien  de  commun 
avec  une  si  monstrueuse  erreur.  »  (BL,  II,  10.) 

P.  10,  1.  20.  —  livre  François.  Cette  date  correspond  à  celle  où 
Ronsard  fut  tonsuré,  et  fit  au  Mans  la  rencontre  de  Jacques  Peletier,  qui 
était  alors  secrétaire  de  l'évêque  René  du  Bellay,  6  mars  1543  (n.  st.). 
V.  à  ce  sujet  ma  Jeunesse  de  Rons.  (Rev.  de  la  Renaiss.  de  mars  1902) 
et  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  p.  23.  —  Il  est  donc  vraisemblable 
que  Ronsard,  ayant  renoncé  ainsi  aux  carrières  que  son  père  avait 
rêvées  pour  lui,  obtint  la  permission  de  «  se  remettre  aux  lettres  >'.  Il 
est  encore  possible  que  Loys  de  Ronsart  ait  conseillé  à  son  fils  de  se 
consacrer  tout  entier  à  la  carrière  ecclésiastique,  lui  remontrant  com- 
bien «  le  mestier  des  Muses  »  était  aléatoire  et  peu  lucratif.  Mais  qu'il 
lui  ait  interdit  soudain  des  lectures  qu'il  avait  jusque-là  permises,  et 
dont  le  jeune  homme  avait  déjà  largement  profité  (d'après  Binet  lui- 
même),  je  trouve  là  quelque  chose  d'invraisemblajjle  et  de  contradic- 
toire- Et  puis,  qu'aurait-on  gagné  à  lui  enlever  des  mains  les  auteurs 
français,  si  on  lui  laissait  les  auteurs  latins  et  italiens,  voire  les  au- 
teurs grecs  traduitsen  latin  .' Au  point  de  vue  paternel,  ceux-ci  devaient 
être  au  moins  aussi  dangereux  que  ceux-là  ;  il  me  semble  même  que  les 
œuvres   d'Horace,  de    Second,  le   Marulle,  de  Pétrarque,  de  Sannazar, 


88  COMMENTAIRE    HISTOniQUE 

de  l'Arioste,  étaient  beaucoup  plus  à  redouter  que  les  livres  français. 
Loys  de  Ronsart  était  très  capable  de  s'en  rendre  compte  ;  aussi  n'a- 
t-il  point  dû  faire  cette  distinction  qui  ne  s'expliquerait  guère;  c'est  son 
fils  qui  la  fit  de  lui-même,  mais  en  sens  inverse,  et  qui  choisit  les  lec- 
tures les  plus  capables  d'exciter  sa  verve,  parce  qu'il  3'  trouvait  l'expres- 
sion forte  et  pénétrante  de  ses  propres  sentiments,  c'est-à-dire  les  lec- 
tures latines  et  italiennes,  en  attendant  qu'il  traduisît  du  grec  avec 
Dorât. 

Binet  a  été  dominé  dans  tout  ce  passage  par  le  souvenir  du  poème 
A  Pierre  L' hscot,  qui  contient  des  remontrances  curieuses  de  Loys  de 
Ronsart  à  son  fils,  d  ailleurs  imitées  d'Ovide  : 

Je  fus  souventes-fois  relansé  de  mon  pere 
Voyant  que  j'aimois  trop  les  deux  filles  d'Homère, 
Et  les  enfans  de  ceux  qui  doctement  ont  sceu 
Enfanter  en  papier  ce  qu'ils  avoicnt  conceu  : 
Et  me  disoit  ainsi  :  «  Pauvre  sot,  tu  t'amuses 
A  courtiser  en  vain  Apollon  et  les  Muses... 

et  ces  réflexions  du  poète  : 

O  qu'il  est  mal-aisé  de  forcer  la  nature  ! 
Tousjours  quelque  génie  ou  l'influence  dure 
D'un  astre  nous  invite  à  suivre  maugré  tous 
Le  destin  qu'en  naissant  il  versa  dessur  nous. 
Pour  menace  ou  prière  ou  courtoise  requeste 
Que  mou  pere  me  fist,  il  ne  sceut  de  ma  teste 
Oster  la  poésie  :  et  plus  il  me  tansoit. 
Plus  à  faire  des  vers  la  fureur  me  poussoit. 

(Bl.,  VI,  189  à  192.) 

Mais  logiquement  cette  conversation  entre  le  père  et  le  fils  dut  être 
antérieure  à  la  maladie  qui  rendit  Ronsard  à  moitié  sourd,  puisque  les 
professions  que  le  père  préconise  au  fils,  le  barreau,  la  médecine,  l'ar- 
mée, sont  précisément  celles  que  la  surdité  lui  rendit  inaccessibles  ; 
et,  dans  tous  les  cas.  les  «  livres  françois  »  n'y  paraissent  pas  l'objet 
d'une  réprobation  et  interdiction  spéciales. 
P.  10,  1.  23.  —  chez  le  Roy.  Ici  «  le  Roy  »  n'est  pas  distingué  du 
«  Roy  »  dont  il  est  question  dans  tout  le  passage  précédent.  La  confu- 
sion continue  entre  François  1er  et  Henri  II,  d'autant  plus  que  ces  mots 
peuvent  désigner  ici  aussi  bien  le  roi  régnant  que  l'héritier  présomptif 
de  la  couronne,  Loys  de  Ronsart  étant  à  la  fois  «  mansionnaire  »  de 
François  lef  et  «  maître  d  hostel  »  du  dauphin.  Voir  ci-dessus,  p.  61, 
aux  mots  «  du  Roi)  »• 

Cf.  YEpitaphe  de  feu  messire  Loys  de  Roussart,  par  Jehan  Bouchet, 
qui  fut  son  protégé  et  l'un  de  ses  familiers  : 

Apres  avoir  par  soixante  quinze  ans 
Passé  mes  jours  la  pluspart  desplaisans. 
L'an  mil  cinq  cens  avec  quarante  quatre, 
La  mort  me  vint  soubdainement  abbatre 
Au  lict  d'iionneur,  par  merveilleux  bazart, 
Qui  fuz  tousjours  nommé  Loys  Roussard  'sic) 
En  mon  vivant  sieur  de  la  Possonniere... 

{Généalogies,    Effigies   et  Epitaphes,  Poitiers,    1545,  in-f",    ff.  85  r"  et  86  r».) 


ET    CRITIQUE  89 

P.  10,  1.  27.  — par  cœur.  La  source  de  cette  addition  est  dans  la  préface 
posthume  de  la  Franciade  :  «  Il  ne  faut  s'esmerveiller  si  j'estime  Vir- 
gile plus  excellent  et  plus  rond,  plus  serré  et  plus  parfait  que  tous  les 
autres,  soit  que  des  ma  jeunesse  mon  régent  me  le  lisoità  l'escole,  soit 
que  depuis  je  me  sois  fait  une  idée  de  ses  conceptions  en  mon  esprit 
(portant  tousjours  son  livre  en  la  main;,  ou  soit  que,  l'ayant  appris 
par  cœur  des  mon  enfance,  je  ne  le  puisse  oublier.  »  (Bl  ,  III,  23.) 

P.  10,  1.  45.  —  destourner.  Cette  incise  de  B  vient  de  la  préface 
posthume  de  la  Franciade  :  <<  ...  et  mille  autres  ecstatiques  descrip- 
tions que  tu  liras  en  un  si  divin  autheur  (Virgile),  lesquelles  te  feront 
poète...  et  t  irriteront  les  naïfves  et  naturelles  scintilles  de  Vame  que 
dés  la  naissance  tu  as  receues,  t'inclinant  plustost  à  ce  mestier  qu'à 
celuy-là  ;  car  tout  homme  dés  le  naistre  reçoit  en  l'ame  je  ne  sçay 
quelles  fatales  impressions  qui  le  contraignent  suivre  plustost  son  destin 
que  sa  volonté.  »  (Bl.,  III,  17.) 

P.  11,12.  —  Carnaua/e/.  François  de  Carnavalet,  de  son  vrai  nom  Kerno- 
venoy,  était  Breton.  Né  vers  1520.  il  mourut  à  Paris  en  1571.  En  1549, 
il  avait  les  fonctions  de  «  premier  écuyer  de  Henri  II  »  Aussi  dans  l'ode 
pindarique  il/a  promesse  ne  yeuf  pas,  publiée  en  janv.  1550,  Ronsard 
l'a-t-il  vanté  comme  habile  cavalier  et  professeur  des  pages  aux  Ecuries 
roj^ales,  qu'il  avait  mission  de  former  à  tous  les  points  de  vue  comme 
le  pédotribe  antique  (Bl.,  II,  57).  Dans  l'Hymne  de  France,  qui  est  de 
1549,  il  exalte  également  ses  mérites  d'écuyer  (Bl-,  V,  286;-  D'après  une 
note  de  Richelet,  reproduite  par  Blanchemain,  à  lépode  I  de  l'ode  pin- 
darique,  Carnavalet  aurait  été  alors  gouverneur  du  futur  Charles  IX  ; 
or  le  futur  Charles  IX  n'était  pas  encore  né  (il  naquit  en  juin  1550).  Car- 
navalet n'étaitpas  non  plus  gouverneurdu  dauphin,  le  futur  François  II, 
car  nous  savons  par  Ronsard  lui-même  que  Catherine  de  Méd.  avait 
confié  son  fils  aîné  aux  soins  de  D'Urfé  (Bl.,  11,179).  Les  élèves  de  Car- 
navalet dont  il  s'agit  dans  cette  ode  sont  donc  simplement  les  pages  et 
les  jeunes  écuyers  de  l'Ecurie  Royale,  qui  était  alors,  comme  dit  Binet, 
«  une  escole  de  tous  honestes  et  vertueux  exercices  ».  —  C'est  seule- 
ment quelques  années  plus  tard  que  Carnavalet  fut  nommé  gouverneur 
du  troisième  fils  de  Henri  II,  le  futur  Henri  III  (né  en  sept.  1551, 
d'abord  ducd'Angoulême,  puis  duc  d'Oi'léans,  puis  duc  d'Anjou)  ;  ainsi 
nous  le  présentent  deux  sonnets  de  Ronsard  (Bl.,  V,  345;  M. -L.,  VI,  417), 
dont  le  premier  est  adressé  en  1565  et  1567  A  Monsieur  de  Car.  gouver- 
neur de  Monseigneur  d'Orléans,  en  1571  et  1573  A  M-  de  Carnavalet 
gouverneur  de  Monseigneur  d'Anjou,  en  1578,  1584  et  1587  A  M.  de 
Carnavalet  gouverneur  du  Roy  Henry  III.  —  D'après  une  pièce  deDorat, 
citée  par  Marty-Laveaux,  c'est  vraisemblablement  sur  la  recomman- 
dation de  Carnavalet  que  Dorât  fut  choisi  pour  enseigner  le  grec  et  le 
latin  aux  filles  de  Henri  II  et  à  leur  demi-frère,  le  bâtard  d'Angoulême, 
pendant  un  an,  vers  la  fin  du  règne  de  Henri  II  (éd.  des  Œuvres  de 
Dorât.  Notice,  pp.  xix-xxi,  et  Appendice,  lvi)  ;  c'est  à  lui  encore  que 
Dorât  dut  de  conserver  sa  maison  de  Limoges  pendant  la  guerre  civile 
de  1569  [Ibid., Notice,  p  xxix,  et  Appendice,  p  lx).  —  Enfin  J.  Vel- 
liard  cite  Carnavalet  parmi  les  protecteurs  de  Ronsard  contre  les  poètes 
courtisans  de  1550  à  1553  (V.  ci-après  p.  139,  dern.  ligne). 


go  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

Mais  de  tous  ces  documents  il  ne  ressort  nullement  que  Carnavalet 
ait  accompagné  Honsard  vers  1544-45  chez  Lazare  de  Baïf  pour  assister 
aux  leçons  particulières  de  grec  cpie  Dorât  y  donnait  à  Antoine  de 
Baïf.  1/asscrtion  de  Binet,  qui  a  priori  paraît  suspecte,  ne  se  trouve 
confirmée  par  aucun  texte.  Il  a  pu  cependant  la  tenir  de  la  bouche  de 
Dorât  ou  d'Ant.  de  Baïf. 

Sur  ce  personnage,  qui  restajusqu'à  sa  mort  un  modèle  de  sagesse  et 
de  probité,  v.  encore  la  dédicace  des  Discours  sur  les  rcrtiis  de  l'anti- 
moine par  J.  (îrevin  (156())  ;  l'épitaphe  du  tombeau  que  lui  Ht  ériger 
à  Saint-Germain  l'Auxerrois  H.  de  Cheverny,  chancelier  de  Henri 
d'Anjou  ;  Le  Laboureur,  Additions  aux  Mémoires  de  Castelnau,  VH, 
notice  ;  le  P.  Anselme,  Hist-  des  c/randsoff.  de  la  Couronne.  —  L'Hôtel, 
devenu  Musée,  qui  porte  son  nom  à  Paris,  ne  lui  a  pas  appartenu  ;  il 
fut  seulement  vendu  à  sa  veuve,  Françoise  de  la  Baume,  par  le  fils  du 
Président  de  Ligneris  (Dictionn.  de  Biographie  générale). 
P.  11.  1,  3.  —  Tournclles.  On  sait  que  le  palais  des  Tournelles 
était  situé  sur  remplacement  de  la  partie  nord  de  la  place  des  Vosges 
actuelle. 
P.  11.  1,  6.  —  mes  estudes.  Si,  comme  je  le  crois,  Binet  est  né  vers 
1553,  ce  n'est  pas  au  collège  de  Coqueret  qu'il  fut  l'élève  de  Dorât; 
mais  il  a  pu  être  son  auditeur  au  Collège  de  France,  où  Dorât  enseigna 
de  1556  à  1567. 

L'addition  de  C  relative  à  Dorât  a  été  prise  à  la  Bergerie  qui  forme 
YEglognc  I,  du  moins  au  texte  de  l'édition  posthume  de  1587,  que 
voici  : 

Et  toj'  divin  Dorât,  des  Muses  artizan. 

Qui  premier  amoureux  de  leur  belle  neufvaine. 

Par  les  outils  des  Grecs  destoupas  la  fontaine 

D'Helicon. 

Blanchemain  (éd.  de  Bonsard,  IV,  p.  32)  donne  cette  variante 
comme  étant  de  1584.  Or  on  lit  dans  l'édition  de  1584  : 

Et  toj'  divin  Dorât,  des  Muses  artizan. 

Qui  premier  anobly  de  l'honneur  de  ta  peine 

As  aux  peuples  François  destoupé  la  fontaine 

D'Helicon.  (cditioQ  Marty-Lav.,  III,  380.) 

C'est  évidemment  le  texte  de  1587  que  Binet  a  consulté. 

Sur  l'influence  de  Dorât  comme  humaniste,  voir,  outre  les  témoigna- 
ges de  Ronsard,  Baïf  et  Du  Bellay  rappelés  dans  ma  thèse  sur  Ronsard 
p.  lyr.,  p.  343,  note  2),  celui  d  un  de  ses  élèves  de  Coqueret,  G.  M.  Im- 
hevt,  Sonets  exoteriques  Il518),n'>'^8  et  45,  et  celui  d'un  de  ses  auditeurs 
au  Collège  Royal,  Jean  Le  Masle,  Nouvelles  récréations  poétiques  (1580), 
pièce  sur  V  Excellence  des  poètes  français,  adressée  à  Dorât,  fo  52. 
P.  11,  1.  9.  —  son  fds.  La  maison  de  Lazare  de  Baïf  s'élevait  «  sur 
les  fossez  Saint  Victor  aux  faubourgs  »,  d  après  l'acte  de  fondation 
de  l'Académie  de  Poésie  et  de  Musique  que  son  fils  Antoine  y  établit 
en  1570  (Frémy,  Académie  des  dern.  Valois,  p.  51).  «  Domum  et 
situ  et  cultu  peramoenam  incoluit  Lutetiae  suburbiis  »,  dit  simplement 
Se  de  S.  Marthe  en  1598  {Elogia,  liv.  I,  art.  Baijfii  paler  et  fdius). 
«  Elle  estoit  à  l'entrée  de  l'un  des  plus  agréables  faubourgs  de  la   ville, 


ET    CRITIQUE  QI 

qui  est  celuy  de  sainct  Marcel  »,  ajoute  G.  Colletet  dans  sa  traduction 
des  Elogia  1644,  p.  47)  ;  et  il  le  répète  dans  sa  Vie  de  Ronsard  (éd. 
Blanchemain,  p.  31).  Sauvai  dit  de  son  côté  qu'elle  était  située  "  sur 
les  Fossés  de  la  ville  entre  la  porte  Saint  Victor  et  celle  de  Saint  Mar- 
ceau •>  (Recherchessiirles  Antiquités  de  Paris,  liv.  IX,  p.  490).  En  outre, 
une  note  marginale  ajoutée  par  François  Colletet  au  manuscrit  de  son 
père  sur  la  Vie  de  J.  Ant.  de  Baïf  nous  apprend  que  cette  maison, 
qu'il  avait  vue  dans  son  enfance,  «  estoit  située  sur  la  paroisse  de 
Saint-Nicolas-du-Chardonnet,  à  l'endroit  où  l'on  a,  depuis,  hasti  la 
maison  des  religieuses  Angloises  de  l'ordre  de  Saint  Augustin  »  (frag- 
ment cité  parS.-Beuve,  Tableau  de  la  poésie  au  XVI''  s.,  art.  sur  Des- 
portes, éd.  Charpentier,  p.  415,  note  ;  et  par  Ed.  Fournier,  Variétés 
histor.  et  /l'/L,  VIII,  p.  40,  note). Or  ce  couvent  de  religieuses  Anglaises, 
celui-là  même  où  G.  Sand  fut  élevée  {Hist.  de  ma  vie,  S'^  partie, 
chap.  X  et  suiv.),  a  subsisté  de  1639  à  1861,  époque  du  percement  de  la 
rue  des  Ecoles,  aux  n"'  23  et  25  de  la  rue  des  Fossés-Saint-Victor,  au- 
jourd'hui rue  du  Cardinal  Lemoine  (Frémy,  op.  cit.,  pp.  388-89;  L.  Pin- 
vert,  Lazare  de  Baïf,  pp.  81-82) 

Quant  à  la  date  où  Dorât  commença  à  donner  des  leçons  à  Antoine 
de  Baïf  au  domicile  de  son  père,  Binet  la  connaissait  par  la  dédicace 
des  Œuvres  d'Ant.  de  Baïf  Au  Roi],  que  nous  avons  déjà  citée.  Après  y 
avoir  dit  qu'il  fut  mis  en  pension  chez  le  professeur  Tusan  (Tusanus, 
Toussain)  «  l'année  que  Budé  trépassa  »,  c'est-à-dire  en  1540,  Baïf 
ajoute  : 

Là  quatre  ans  je  pas.'^ay,  façonnant  mon  ramage 

De  Grec  et  de  Latin 

De  là  {grand  heur  à  moy)  mon  père  me  retire. 
Me  baille  entre  les  mains  de  Dorai  pour  me  duire  : 
Dorât  qui  studieux  du  mont  Parnasse  avoit 
Reconnu  les  détours,  et  les  chemins  savoit 
Par  où  guida  mes  pas.  O  Muses,  qu'on  me  done 
De  Lorieretde  fleurs  une  fréche  courone 
Dont  j'honore  son  chef.  II  nï'aprit  vos  segrets 
Par  les  chemins  choisis  des  vieux  Latins  et  Grecs. 

(édition  Marty-Laveaux,  I,  vi.) 

Ainsi  c'est  bien  à  partir  de  1544  seulement  que  Ant.  de  Baïf  a  suivi 
les  leçons  de  Dorât,  et  que  Bonsard  a  commencé  à  en  profiter,  au  domi- 
cile de  Lazare  de  Baïf  —  et  non  pas  comme  le  dit  Sainte-Beuve  «  vers 
1541  ou  42  au  plus  tard  au  collège  de  Coqueret  »  {Notice  sur  Ronsard 
reproduite  par  l'éd.  du  Tableau  de  1843,  p.  290,  et  en  tête  de  la  l'éédi- 
tion  des  Œuvres  choisies  de  Ronsard  par  L.  Moland,  p.  xiv). 
*.  11,  1.  15.  —  se  loger  avec  luy.  Le  Collège  de  Coqueret  était  situé 
rue  Chartière,  dans  l'ancienne  «  basse-cour  »  du  séjour  de  Bour- 
gogne qui  depuis  devint  le  Collège  de  Beims,  dont  les  bâtiments  sont 
actuellement  affectés  à  l'Ecole  préparatoire  de  Sainte-Barbe  (Frémy, 
op.  cit.,  p.  12,  note  ;  cf.  H.  Chamard,  thèse  sur  J.  du  Bellay,  p.  42  ; 
L.  Séché,  Rev .  de  la  Renaiss.  de  févr.  1901,  p.  84). 

A  quelle  époque  Dorât  en  fut-il  nommé  «  principal  "  ?  On  l'ignore, 
et  il  est  vraiment  dommage  qu'aucun  des  panégjristes  de  Ronsard,  des 
Baïf  ou  de  Dorât  ne  l'ait  dit.  Pour  Goujet  (Bibl.  fr. ,  XIII,  289),  Robiquet 


92  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

(thèse  lat.  sur  Dorât,  p.  8)  et  H.  Chamard  (thèse  sur  J.  du  Bellay 
p.  45).  ce  fut  seulement  à  la  mort  de  son  bienfaiteur  Lazare  de  Baïf, 
événement  qui  lui  aurait  enlevé  le  plus  clair  de  ses  moyens  d'existence. 
Or  Lazare  de  Baïf  ne  mourut  qu'en  1547  :  il  assistait  aux  obsèques  de 
François  I*'"  le  11  avril,  mais  le  8  novembre  suivant  on  dressait  «  l'In- 
ventaire des  meubles  fait  au  lieu  seigneurial  des  Pins  après  le  decez  de 
raessire  Lazare  de  Baïf»  (L.  Pinvert,  op.  cit.,  pp.  87-88),  ce  qui  permet 
de  fixer  la  date  de  sa  mort  à  septembre  ou  octobre  1547. 

Des  textes  importants  cités  par  Joly,  Rem.  crit.  sur  le  Dict.  de  Bayle, 
p.  302,  semblent  prouver  que  Dorât  ne  fut  nommé  principal  de  Coqueret 
que  dans  la  2*  moitié  de  1547  : 

1°  D'après  deux  poèmes  de  Dorât,  auxquels  renvoient  également 
Goujet  iloc.  cit.)  et  Marty^-Laveaux  {Notice  sur  Dorât,  xvi  et  xvii),  il 
aurait  porté  les  armes  en  1544,  puis  aurait  fait  partie  delà  suite  mili- 
taire du  dauphin  Henri,  suivant  ce  prince,  devenu  roi,  jusqu'à 
Bapaumc  (juillet  1547) .  Mais  a-t-on  le  droit  d'en  conclure  avec  Joly 
qu'il  cessa  d'être  précepteur  privé  d'Antoine  de  Baïf  «  avant  la  fin  de 
1544  »,  fit  «  le  métier  de  soldat  >  pendant  trois  ans  de  façon  continue, 
et  ne  devint  principal  de  Coqueret  qu'après  ce  temps  de  service  mili- 
taire ?  Si  cela  était,  que  seraient  devenus  durant  ces  trois  années  soit 
les  élèves  qui,  comme  le  dit  Marty-Laveaux  lui-même,  suivaient  ses 
leçons  «  chez  lui  »  avant  de  les  suivre  à  Coqueret,  soit  A.  de  Baïf, 
l'élève  dont  l'instruction  particulière  lui  avait  été  confiée,  précisément 
en  1544  ? 

2o  D'après  du  Boulay  {Hist.  de  l'Université  de  Paris,  tome  VI, 
p.  968),  '<  Ronsardus  nomen  Academiae  dédit  anno  15i7,  Rectore 
Roberto  Fournier  »;  or,  comme  R.  Fournier  ne  devint  recteur  que  le 
16  décembre  de  cette  année-là,  Ronsard  ne  se  serait  fait  inscrire 
comme  étudiant  que  dans  la  deuxième  quinzaine  de  décembre  1547. 
Mais  doit-on  en  conclure  avec  Joly  que  c'était  sa  u  première  inscrip 
tion  I) ,  et  que  c'est  à  ce  moment-là  qu  il  «  entra  sous  Doi'at  au  Collège 
de  Coqueret,  dont  celui-ci  venait  d'être  nommé  principal  »  ?  Si  l'on 
adopte  cette  conclusion,  comment  expliquer  que,  dans  son  autobio- 
graphie, Ronsard  affirme  qu'il  se  rangea  sous  la  discipline  de  Dorât 
tout  de  suite  après  avoir  connu  Cassandre,  à  Blois,  où  il  «  suivait  la 
Cour  »,  c'est-à-dire  en  1545  au  plus  tôt,  en  mai  1546  au  plus  tard,  et 
qu'il  y  resta  cinq  ans  : 

Incontinent  après,  disciple  je  vins  estre, 

A  Paris,  de  Dorat  qui  cinq  ans  fut  mon  maistre  ?... 

En  réalité,  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  Dorat  ait  été  nommé  principal 
de  Coqueret  du  vivant  de  Lazare  de  Baïf-  Il  est  même  vraisemblable 
que  celui-ci  usa  de  son  influence  pour  faire  obtenir  ce  poste  au  précep- 
teur de  son  fils.  Voici  en  faveur  de  cette  hypothèse  deux  autres  argu- 
ments, qui  d'ailleurs  sont  loin  d'être  décisifs  :  1»  Dans  l'ode  A  son 
retour  de  Gascongne,  voiant  de  loin  Paris,  dont  la  composition  est  pro- 
bablement de  la  fin  de  1547,  Ronsard  se  félicite  d'avoir  quitté  la  Cour 
pour  se  consacrer  tout  entier  à  l'étude  des  littératures  grecque  et  latine, 
et  l'on  peut  penser  d'après  ces  vers  que  sa  retraite  chez  Dorat  à  Coque- 


ET    CRITIQUE  98 

ret  remonte  à  un  certain  temps,  est  tout  au  moins  antérieure  à  la  mort 
de  François  I^"'  : 

Plus  que  devant  je  t'aimerai,  mon  livre. 
A  celle  fin  que  le  sçavoir  j'apprinse 
J'ai  délaissé  et  Cour  et  Roi  et  Prince, 
Où  j'estoi  bien  quand  je  les  vouloi  suivre... 

(Bl.,  II,  457). 

2"  D'après  Claude  Garnier,  la  traduction  du  Plutus  aurait  été  jouée  à 
Coqueret  quand  Ronsard  était  dans  sa  vingt  et  unième  année  ;  il  ajoute 
que  les  fragments  de  cette  traduction,  qui  ont  été  publiés  en  1617, 
voyaient  le  jour  après  72  ans,  ce  qui  nous  reporte  bien  à  1545-  Malheu- 
reusement ce  dernier  témoignage  n'a  pas  grande  valeur,  parce  qu'il 
s'appuie  lui-même  uniquement  sur  celui  de  Binet,  lequel  est  très  con- 
testable (y.  ci-après,  pp.    103  et  104). 

En  résumé,  sans  l'aire  remonter  le  principalat  de  Dorât  jusqu'en  1544, 
comme  l'ont  fait  sans  preuves  l'abbé  Simon  [op.  cit.,  III,  p.  512), 
Frémy  [op-  cit.,  p.  11)  et  Bizos  [Ronsard,  p.  16),  on  peut  penser  qu'il 
commença  du  vivant  de  Lazare  de  Baïf,  peut-être  même  dès  1545, 
surtout  si  l'on  admet  avec  Binet  que  Ronsard,  né  en  septembre  1524, 
n'avait  que  «  vingt  ans  passés  »  quand  il  devint  élève  de  Coqueret 
(Cf.  ci-après,  p.  94.  aux  mots  «  que  seize  »). 
P.  11,  I.  21.  —  à  esliidier.  Comme  cette  partie  de  la  Vie  de  Ronsard 
est  vague  et  obscure  !  Binet  semble  bien  distinguer  deux  périodes 
dans  les  études  que  fit  Ronsard  sous  la  direction  de  Dorât  :  1°  celle 
des  leçons  particulières,  dont  il  profita  au  domicile  de  Lazare  de 
Baïf,  et  qui  étaient  forcément  interrompues  par  les  allées  et  venues 
de  la  Cour,  que  Técuyer  était  obligé  de  suivre  dans  les  différentes  rési- 
dences royales  éloignées  de  Paris,  telles  que  Blois  et  Fontainebleau  ; 
2"  celle  de  l'enseignement  public  qu'il  reçut  au  collège  de  Coqueret,  et 
pour  lequel,  abandonnant  tout  à  fait  la  Cour,  il  se  fit  volontairement 
le  pensionnaire  de  Dorât,  devenu  «  principal  »  du  dit  collège.  Mais, 
outre  que  Binet  ne  dit  pas  à  quelle  date  eut  lieu  cet  important  événe- 
ment de  la  jeunesse  de  Ronsard,  sa  distinction  des  deux  périodes  est 
tellement  confuse  qu'il  semble  parfois  l'avoir  perdue  de  vue,  et  avoir 
appliqué  à  la  première  des  anecdotes  ou  des  réflexions  qui  ne  convien- 
nent qu'à  la  seconde, et  inversement.  Ainsi  Binet  nous  dit  que  Ronsard 
au  collège  «  se  fit  compagnon  de  J.  A.  de  Baïf  et  commença  par  son 
émulation  à  estudier  »  ;  il  n'avait  donc  pas  étudié  avec  lui  auparavant? 
Binet  ajoute,  quelques  lignes  plus  loin,  que  «  Baïf  à  toutes  heures  lui 
desnoûoit  les  plus  fascheux  commencemens  de  la  langue  Grecque  »,  et 
cela  toujours  au  collège  ;  ce  n'est  donc  pas  de  grec  qu'il  était  question 
au  domicile  de  son  père  ? 

De  deux  choses  l'une  :  ou  Binet  parle  des  deux  pensionnaires  comme 
il  aurait  dû  le  faire  des  deux  élèves  libres  (dont  l'un,  Ronsard,  n'était 
qu'un  auditeur  bénévole),  ou  bien  L.  Pinvert  s'est  trompé  en  avançant 
que  dès  1544  Ronsard  traduisait  en  latin  VHécube  d'Euripide  (op.  cit., 
p.  83y,  exploit  que  E.  Frémy  place  un  peu  plus  tard  et  au  collège  de 
Coqueret    {op.  cit.,  pp.  14  à   16),  et  je  suis    moi-même  victime  d'une 


q4  commentaire  historique 

illusion  en  pensant  qu  il    imita   Pindare  dès  1545    (thèse   sur  Ronsard 
p.  lyr.,  pp.  55  à  59). 

Après  tout,  il  est  possible  que  Ronsard  ait  traduit  de  l'Euripide  en 
latin  et  imité  du  Findare  en  vers  français  sans  savoir  de  grec,  si, 
comme  il  est  probable.  Dorât  lui  en  faisait  d'abord  une  traduction  en 
prose  française  ;  il  est  également  possible  que  Ronsard  n'ait  sérieuse- 
ment travaillé  la  langue  grecque  ^vocabulaire,  morphologie  et  syntaxe) 
qu'au  collège  de  Coqueret,  et  que  1'  «  émulation  »  ne  lui  soit  pas  venue 
du  temps  qu  il  suivait  en  amateur  les  leçons  particulières  de  Dorât. 
Cela  mettrait  tout  le  monde  d'accord.  —  Voir  ci-après,  p.  96,  aux  mots 
«  par  la  Grecque  ». 

P.  11,  1.  24.  —  que  seize.  L'un  de  ces  chiffres  est  inexact  (20  ans 
passés  pour  Ronsard,  16  ans  pour  A.  de  Baïfj,  quelle  que  soit  la  date 
que  l'on  adopte  pour  la  naissance  de  Ronsard  (septembre  1524,  1525  ou 
1526).  En  effet  toutes  les  indications  que  nous  donne  A.  de  Baïf  sur  son 
âge  se  correspondent  parfaitement,  et  il  en  ressoi't  qu'il  naquit  en  février 
1532  •.  Il  y  avait  donc  entre  Ronsard  et  A  de  Baïf  une  différence 
maxima  de  sept  ans  et  cinq  mois,  une  différence  minima  de  cinq  ans  et 
cinq  mois.  —  En  outre,  d'après  l'âge  de  16  ans  que  Binet  donne  ici  à 
Baïf,  il  ne  serait  entré  à  Coqueret  qu'en  février  1548  au  plus  tôt.  Or 
cela  est  contredit  par  ce  que  Binet  lui-même  avance  plus  loin  :  "  En 
cette  contention  d'honneur  Ronsard  demeura  cinq  ans  avec  Dorât  »,  et 
par  un  texte  de  Baïf  qui  fixe  à  1550  le  terme  de  leur  séjour  à  Coqueret. 
(V.  ci-après,  p.  98  aux  mots  «  avec  Dorât  i). 

Il  semble  donc  que  le  chiffre  inexact  soit  le  chiffre  seize,  et  qu'on 
doive  y  voir  une  faute  d'impression  pour  treize.  Mais  alors  on  peut 
s'étonner  qu'il  ait  été  conservé  dans  le  deuxième  et  le  troisième  texte 
de  Binet,  sans  que  Baïf  le  lui  fît  rectifier.  Et  le  problème  semble  inso- 
luble, à  moins  de  faire  naître  Ronsard  en  septembre  1526,  d'admettre 
que  Doi'at  ne  fut  nommé  principal  de  Coqueret  qu'à  la  fin  de  1547  et 
de  forcer  les  chiffres  de  Binet,  en  donnant  21  ans  passés  à  Ronsard  et 
moins  de  16  ans  à  Baïf;  c'est  ce  qu'a  fait  Joly  (Rem.  crit.  sur  le  Dict- 
de  Bayle,  art.  Daurat),  mais  il  a  tort  de  dater  la  naissance  de  Baïf  de 
1531,  et  sa  solution  est  loin  de  nous  satisfaire  (V.  ci  dessus,  p-  91  à 
93,  aux  mots  «  se  loger  avec  luy  »). 

P.  11,  1.  39.  —  des  Grecs  et  Latins.  Baïf  s'est  en  effet  glorifié  de  cette 
invention  dans  une  ode  A  son  livre,  qui  sert  d'épilogue  à  ses  Poèmes  : 

Dy  que  cherchant  dorner  la  France 
Je  prin  de  Courvile  acointance, 
Maistre  de  l'art  de  bien  chanter  : 
Qui  me  fit,  pour  l'art  de  Musique 
Reformer  à  la  mode  antique. 
Les  vers  mesurez  inventer. 

(édit.  Marty-Laveaux,  II,  461). 

1.  Il  dit  par  exemple  qu'il  venait  de  «  muer  les  dents  »  en  1540,  quand  il 
entra  chez  Tusan  ;  qu'il  avait  15  ans  l'année  de  la  mort  de  son  père,  en  1547  ; 
20  ans  et  9  mois  quand  il  achevait  son  volume  des  Amours  de  Meline,  publié  en 
décembre  1552  ;  22  ans  quand  il  connut  Francine  à  Poitiers,  en  1554  ;  40  ans 
en  février  de  l'année  du  massacre  de  la  Saint-Barthélémy  (éd.  Marty-Laveaux, 
I,  2(3  et  96  ;  II,  202,  203,  460,. 


ET    CRITIQUE  96 

Il  est  vrai  que  c'est  Baïf  qui  a  le  plus  fait  pour  acclimater  en  l'rance 
les  vers  «  mesurés  »  ou  «  métriques  »,  composés  de  syllabes  longues 
et  brèves  sur  le  modèle  des  vers  hexamètres,  pentamètres,  alcaïques, 
saphiques,  phaléciens,  etc.,  des  poètes  gréco-latins;  et  cela,  de  concert 
avec  le  musicien  Thibaut  de  Courville,  à  partir  de  1567.  Mais  d'autres 
poètes  de  la  Brigade  en  ont  composé  bien  avant  lui:  Jodelle  en  1553, 
Nie.  Denisot  en  1555.  Est.  Pasquier  en  1556,  Cl.  Buttet  en  1558-()U. 
Cf.  Frémj',  op  cit.,  pp.  27  à  37  ;  Guivres  d'A.  de  Baïf,  éd.  M.-L.,  tome 
V,  295;  E.  Pasquier, /îec/jerc/ies,  liv.  VII,  chap.  xi  (édition  des  Œuvres 
choisies  par  Feugère,  II,  78,  et  la  note,*  ;  H.  Chamard,  éd.  de  la 
Deffence  et  Illiistr.,  p.  114,  note  5,  et  Cl.  Jugé,  thèse  sur  Nicolas 
Denisot,  pp.  74  et  104 
P.  11,  1.  40.  —  une  académie-  Que  faut-il  entendre  par  là?  D'après 
E.  Faguet,  ce  serait  «  une  réunion  libre  de  jeunes  et  vieux  étudiants  » 
(Seiz.  siècle,  p.  201).  D'après  H.  Chamard  :  «  En  dehors  des  élèves  qui 
vivaient  à  demeure  au  collège,  il  y  avait  ceux  de  l'extérieur  qui  sui- 
vaient les  cours  à  titre  bénévole  ;  car  Dorât,  non  content  d'enseigner 
en  privé,  semble  avoir  pratiqué  dès  ce  temps-là  les  grandes  leçons 
publiques.  C'est  là  sans  doute  ce  qu'il  faut  entendre  par  cette  acadé- 
mie que  le  docte  humaniste  avait,  selon  Binet,  établie  au  collège  de 
Coqueret.  A  certaines  heures  il  réunissait  autour  de  sa  chaire  tous  les 
étudiants,  jeunes  ou  vieux,  qu'animait  la  passion  de  s'instruire.  Ainsi 
s'explique  qu'il  ait  compté  dans  son  auditoire  des  savants  comme  Mu- 
ret, des  seigneurs  comme  Carnavalet,  des  évêques  comme  Lancelot 
Caries.   »  (Thèse  sur  J.  du  Bellay,  p.  46.) 

Mais  si  l'on  devait  interpréter  ce  mot  ainsi,  on  ne  voit  pas  pourquoi 
Ronsard,  afin  de  «  ne  pas  perdre  une  si  belle  occasion  »  eût  été  obligé 
d'aller  «  se  loger  chez  Dorât  »  ;  il  n'avait  pas  besoin  de  devenir  pen- 
sionnaire de  Dorât  pour  suivre  des  cours  publics.  D'après  le  contexte 
(jusqu'à  «...  mais  recourir  aux  fonteines  des  Grecs  »  inclusivement),  il 
semble  bien  que  Binet  ait  entendu  par  une  «  académie  »  des  cours 
supérieurs  de  grec,  réservés  aux  «  escoliers  ))  de  Dorât.  —  Quant  à  la 
présence  de  Carnavalet,  de  Muret  et  de  Carie  aux  leçons  de  Dorât, 
j'exprime  à  ce  sujet  des  doutes  dans  les  notes  qui  leur  sont  consa- 
crées ci-dessus,  p.  90,  et  ci-après,  pp.  104  et  105. 
P.  12,  1.  4.  —  grand  avancement.  Cf.  J.  Velliard  :  «  Gestit  animus 
commemorare  quam  bénigne  et  comiter  sibi  mutuas  opéras  tradebant. 
P.  Ronsai'dus  qui  jam  tum  non  solum  multorum  mores  et  urbes  nove- 
rat,  sed  etiam  in  aula  lepores  et  merasdelicias  linguae  Gallicae  fuerat 
aucupatus,  quod  in  Gallicis  noverat  Antonio  Baiffio  lubens  impertieba- 
tur,  ut  ab  eodem  Graecarum  literarum  intelligentiam  mutuaretur.  » 
(Laud.  fun.  I,  f"  8  ro.) 

La  phrase  de  Binet  et  celle  de  Velliard  ont  une  telle  similitude  que 
l'une  dérive  certainement  de  l'autre,  à  moins  qu'elles  n'aient  une 
source  commune  (peut  être  un  récit  de  Dorât  ou  un  récit  de  Baïfj-  En 
tout  cas,  elles  contiennent  la  raison  de  la  différence  qui  existe  entre  le 
talent  de  Ronsard  et  celui  de  Baïf.  Il  est  incontestable  que  Ba'if,  — ■  qui 
dès  sa  plus  tendre  enfance  avait  été  exercé  à  l'étude  du  latin  et  du  grec 
par  les   meilleurs   maîtres   (Charles  Estienne  et  Bonamy  pour  le  latin. 


96  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

Ange  Vergèce  pour  le  grec),  puis  avait  fait  pendant  quatre  ans  encore 
du  latin  et  du  grec  à  l'ombre  de  l'école  du  «  bon  Tusan  »  (v.  l'Epître 
dédie.  Ail  Roy,  déjà  citée),  enfin  avait  reçu  de  Dorât  au  domicile  de 
son  père  des  leçons  particulières  et  quotidiennes  de  latin  et  de  grec 
avant  de  se  renfermer  au  collège  de  Coqueret  —  était  très  supérieur  à 
Ronsard  dans  les  langues  anciennes,  bien  qu'il  eût  sept  ans  et  demi  de 
moins  que  lui.  Baïf  fut  «  escolier  »  dans  toute  la  force  du  terme  jusqu'à 
dix-huit  ans;  aussi  resta-t-il  un  poète  philologue,  grammairien  et  mé- 
tricien.  —  Ronsard  au  contraire  n'avait  pas  fait  d'études  secondaires 
ni  d'études  régulières  avant  de  devenir  pensionnaire  de  Dorât,  au 
collège  de  Coqueret,  c'est-à-dire  avant  1  âge  de  vingt  ans  et  demi  ;  et  il 
lui  est  arrivé  au  moins  deux  fois  de  parler  avec  dédain  des  exercices 
scolaires  et  des  connaissances  purement  grammaticales  (voir  l'/io-ce/Zence 
de  l'esprit  de  l'homme.  Bl.  VI,  238,  et  la  préf.  posthume  de  la  Franciade, 
III,  35-36  .  En  revanche  il  avait  vécu  jusqu'à  neuf  ans  en  pleine  cam- 
pagne, puis  voyagé  en  France  et  à  létranger  ;  il  avait  grandi  au  grand 
soleil  des  cours,  des  ambassades  et  des  camps  ;  ainsi  que  Cl.  Marot,  il 
avait  eu  pour  «  maistressed'escole  »  la  Cour,  «  où  lesjugements  s'amen- 
dent et  les  langages  se  polissent  >'  ;  il  avait  étudié  le  grand  livre  du 
monde,  avant  d'acquérir  une  science  livresque,  dont  lexcès  lui  a  nui. 
L  existence  libre  et  mondaine  qu'il  mena  jusqu'en  1545  fut  autrement 
utile  que  la  vie  à  1  école  pour  le  développement  de  sa  personnalité;  et 
c'est  sans  doute  à  cette  situation  particulièi'e,  qui  fit  de  Ronsard  un 
homme  d'expéi'ience  avant  qu'il  devînt  un  érudit,  que  nous  devons 
l'originalité  d'une  bonne  partie  de  son  œuvre.  —  Baïf  a  étudié  avant 
de  vivre;  Ronsard  a  vécu  avant  d'étudier. 

La  variante  de  C  «  en  peu  de  temps  il  récompensa  le  temps  perdu  » 
me  semble  venir  de  Du  Perron  :  '<  Considérant  donc  qu'il  s'estoit  bien 
desja  acquis  une  grande  facilité  de  faire  des  vers,  mais  que  le  sçavoir 
et  la  doctrine  luy  manquoient,  et  qu'il  ne  luj^  estoit  pas  possible  de 
voler  sur  ses  propres  ailes  si  hautement  comme  il  l'eust  désiré  :  alors  il 
commença  à  se  repentir  extrêmement  de  ce  qu'il  avoit  mesprisé  l'estude 
en  son  enfance.  Mais  si  ne  perdit-il  pas  cœur  nonobstant  :  et  encore 
qu'il  se  vist  desja  en  un  aage  où  il  sembloit  qu'il  n'estoit  plus  séant  de 
retourner  à  l'eschole  des  lettres,  pour  apprendre  les  premiers  éléments 
de  la  langue  Grecque  et  de  la  langue  Latine,  si  est-ce  qu'il  passa  par 
dessus  toutes  ces  considérations  et  estant  revenu  en  ceste  Université, 
s'alla  mettre  en  pension  chez  Monsieur  Daurat  :  là  où  il  demeura 
cinq  ans  entiers  estudiant  d  une  si  grande  ardeur,  et  d'une  si  grande 
contention  d'esprit,  qu'il  récompensa  avecques  beaucoup  d'interest 
toute  la  perte  qu  il  avoit  faicte  auparavant.  »  (Or.  fun-,  éd.  de  1586, 
pp.  32  et  33.) 
P.  12,  1.  6.  — par  la  Grecque.  «  On  voudroit  des  détails  plus  précis,  mais 
Binetsur  certains  points  est  d'un  laconisme  désolant  »,  dit  H.  Chamard, 
se  demandant  ce  qu  il  faut  entendre  par  cet  artifice  nouveau-  Pour  lui. 
Dorât,  «  faisant  du  Grec  le  principe  et  la  base  de  son  enseignement  », 
ne  perdait  aucune  occasion  de  rapprocher  les  mots  et  les  tournuies  du 
texte  latin  qu'il  expliquait,  des  mots  et  tournures  qui  leur  correspon- 
daient en  Grec  «  Il  trouva  dans  l'easeiguement  de  la  langue  grecque  un 


II 


ET    CRITIQUE  97 

point  d'appui  solide  pour  asseoir  une  culture  latine  supérieure  et  incul- 
quer à  ses  élèves,  d'une  manière  plus  intelligente,  plus  rationnelle,  les 
secrets  de  l'idiome  si  bien  manié  par  Cicéron  et  par  Virgile.  »  (Thèse 
sur  J.  du  Bellay,  pp.  51-52.) 

Pour  M"e  Evers,  l'arZ/^ce  nouveau  auquel  Binet  fait  allusion  pourrait 
bien  avoir  été  simplement  la  traduction  d'œuvres  grecques  en  latin;  ce 
qui  le  laisse  supposer,  c'est  ce  passage  de  l'épître  liminaire  de  VHécube 
d'Euripide,  traduite  par  Lazare  de  Baïf  en  1544  et  dédiée  à  Fran- 
çois l'^r  :  <(  Or  est-il,  Syre,  que  quelques  jours  passez,  me  retrouvant  en 
ma  petite  maison,  mes  enfans,  tant  pour  me  faire  apparoir  du  labeur 
de  leur  estude  que  pour  me  donner  plaisir  et  récréation,  m'apportoyeut 
chascun  jour  la  lecture  qui  leur  estoit  faicte  par  leur  précepteur  de  la 
tragédie  d'Euripide  nommée  Hecuba,  me  la  rendant  de  mot  à  mot  de 
Grec  en  Latin-  »  (Cf.  Frémy,  op.  oit-,  p.  16;  L  Pinvert,  op.  cit., 
pp.  83  et  103).  —  Mais  cette  argumentation  serait,  semble-t-il,  plus 
opportune  si  Binet  avait  écrit  :  «  Dorât  lui  apprenait  la  langue  Grecque 
par  la  Latine.  »  D'ailleurs  la  phrase  de  Lazare  de  Baïf  s'applique-t-elle 
à  Dorât  et  faut-il,  comme  l'ont  fait  Frémy  et  L.  Pinvert,  comprendre 
Ronsard  dans  l'expression  <(  mes  enfans  »?  On  peut  en  douter.  Je  ne 
vois  pas  bien  Ronsard,  qui  ne  savait  pas  un  mot  de  Grec  quand  il  sui- 
vit la  première  leçon  de  Dorât  dans  la  seconde  moitié  de  1544,  traduire 
immédialenient  du  Grec  en  Latin  VHécube  d'Euripide.  Toutefois,  il  est 
vraisemblable  que  Dorât,  dans  les  leçons  particulières  dont  profitait 
gratuitement  Ronsard  au  domicile  de  Lazare  de  Baïf,  s'occupait  surtout 
de  l'élève  paj'ant,  lequel  était  en  1544  très  capable  de  cet  effort  ;  et  l'on 
peut  admettre  que  le  «  bon  »  Lazare,  parlant  de  l'explication  commune, 
n'ait  pas  voulu  humilier  son  protégé  en  faisant  une  distinction  entre 
ses  deux  «  enfans  ». 
P.  12,  1.  11.  —  la  place.  C'est  aux  œuvres  d'Antoine  de  Baïf  lui-même 
que  Binet  a  emprunté  ce  tableau.  Baïf  dit  positivement  que  Ronsard  et 
lui  étaient  pensionnaires  chez  Dorât.  Voici  le  passage,  débaxTassé  de  sa 
graphie  bizarre  : 

Toi,  noble  Ronsard,  qui  premier,  d'un  chaud  désir 
Osant  t'écarter  des  chemins  communs  fraies 
La  France  enhardis  à  se  hausser  bien  plus  haut, 
Loin  outrepassant  tes  davanciers  trop  couars. 
Toi,  dont  la  hantise  encor  en  mes  jeunes  ans 
Me  mit  de  vertu  dans  le  cœur  un  éperon. 
Quand  c'est    que  mangeant  sous  Dorât  d'un  même  pain 
En  même  chambre  nous  veillions,  toi  tout  le  soir. 
Et  moi  davançant  l'aube  dès  le  grand  matin, 
Quand  nous  proupensions  en  commun  ce  fait  nouveau. 
(Etrénes  de  poézie  fransoêze.  Pièce  Aus  Poêles  Fransoês.  Edition  des  Œuvres 
de  Baif,  par  Marty-Lav.,   V,  p.  323.) 

Il  est  possible  aussi  que  Binet  se  soit  inspiré  de  ces  lignes  de  Velliard, 
qui  aurait  puisé  directement  à  la  source  des  œuvres  de  Baïf  :  «  Sic 
enim  hi  duo  futura  Galliae  lumina  in  simili  studio  dissimilibus  curis 
contendebant,  ut  Petrus  Ronsardus  ad  multam  noctem  semper  vigi- 
laret,  Antonius  autem  Baïffius  adeo  manè  surgeret.  ut  cum  ille  iret 
dormitum,  hic  experrectus  Musis  incumberet  :  ita  ut  continuis  amborum 

VIE   DB    p.    DE  RONSARD.  7 


()8  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

lucubrationibus    noctes  intégras    cubiculum    colluceret    luminibus.    « 
[Lami.  fini.  I,  ff.  7  v^'  et  8  r»). 
P.   12,  1.  12.  —  avec  Dorât.  Source,  l'autobiographie  de  Ronsard  : 

L'ail  d'après  en  Avril  Amour  me  fit  surprendre, 
Suivant  la  Court  à  Hlois,   des  beaux  j'eux  de  Cassandre 

Incontinent  après  disciple  je  vins  estre, 

A  Paris,  de  Daural  qui  cinq  ans  fut  mon  maistre 

En  Grec  et  en  Latin.     .     .     .     (Hl.,  IV,  300)  ; 

ce  que  j'interprète  ainsi  :  «  Immédiatement  après  ma  rencontre  avec 
Cassandre  à  Blois  (le  21  avril  1545),  je  vins  demeurer  à  Paris  (ne  sui- 
vant plus  la  Cour  dans  ses  pérégrinations  en  province),  chez  Dorât, 
dont  je  fus  le  disciple  pendant  cinq  ans.  »  Si  l'on  pèse  bien  tous  les 
termes  de  ces  vers,  les  «  cinq  ans  »  s'appliquent  uniquement  au  temps 
que  Ronsard  passa  au  collège  de  Coqueret  comme  pensionnaire. 
Quand  Ronsard  dit  «  à  Paris  »,  il  oppose  ces  mots  à  la  Cour  qu'il  a 
quittée.  C'est  dans  ce  sens  qu'il  a  encore  écrit  : 

J'aj'  suivi  les  grands  Roys,  j'aj'  suivi  les   grands    Princes, 
J'ay  pratiqué  les  mœurs  des  estranges  provinces, 

J'aij  longtemps  escalier  à  Paris  habité 

iUcsponce  aux  injures,  Bl.,  \ll,  106). 

Ces  cinq  années  n'ont  pas  dépassé  le  printemps  de  1550  :  on  trouve 
Ronsard  pensionnaire  de  Dorât  encore  en  juillet  1549  (v.  les  Baccha- 
nales, Bl.,  VI,  358),  et  Baïf  nous  dit  dans  sa  pièce  Ans  Poètes  Fran- 
soês,  publiée  et  vraisemblablement  composée  en  1574,  qu'il  s'est 
écoulé  ((  vingt  et  quatre  hivers  »  depuis  le  temps  où  Ronsard  mangeait 
le  même  pain  que  lui  et  couchait  dans  la  même  chambre  que  lui  chez 
Dorât  (édition  Marty-Lav.,  V,  323). 

D'autre  part,  ce  texte  «  qui  cinq  ans  fut  mon  maistre  »  est  celui  de 
toutes  les  éditions  contemporaines  de  Ronsard,  depuis  le  Bocage  de 
1554  jusqu'à  l'édition  collective  de  1584  inclus.  C'est  seulement  dans  la 
première  édition  posthume  (1587)  qu'apparaît  pour  la  première  fois  le 
texte  que  voici  : 

Convoiteux  de  sçavoir,  disciple  je  vins  estre 

De    Daurat  à  Paris,  qui  sept  ans  fut  mon  maistre. 

Telle  est  la  leçon  de  toutes  les  éditions  posthumes  jusqu'à  celle  de 
1C30  inclus.  C'est  elle  qui,  passant  dans  la  2''  et  la  3*  rédaction  de 
Binet,  a  été  adoptée  par  les  commentateurs  de  l'éd.  de  1623,  Claude 
Garnier  (dans  les  notes  des  Discours),  Marcassus  (dans  les  notes  des 
Elégies),  et  par  les  biographes  suivants,  entre  autres  G.  CoUetet  et 
Sainte-Beuve. 

Or,  de  deux  choses  l'une  :  ou  bien  la  variante  sept  ans  au  lieu  de 
cinq  ans  vient  de  Ronsard  lui-même,  qui,  préparant  une  nouvelle 
édition  après  celle  de  janvier  1584,  pensa  qu'il  devait,  dans  l'hommage 
rendu  à  son  maître  Dorât,  tenir  compte  des  leçons  dont  il  avait  profité 
en  amateur  avant  et  môme  après  son  séjour  au  collège  de  Coqueret,  et 
signala  à  Jean  Galland  ce  remaniement  à  faire  à  son  texte  ;  ou  bien  ce 
sont  les  exécuteurs  testamentaires,  Galland  et  Binet,  qui,  sans  respec- 


ET    CRITIQUE  99 

ter  l'œuvre  de  Ronsard,  ont  modifié  ce  passage  sur  les  indications  de 
Baïf  (mort  en  1589),  ou  plutôt  sur  la  demande  de  Dorât  (mort  en  1588), 
qui  y  avait  intérêt.  Mais,  quoi  qu'il  en  soit,  le  texte  cinq  ans,  établi 
par  Ronsard  dès  1554  et  conservé  par  Du  Perron  dans  toutes  les  édi- 
tions de  son  Oraison  fun.,  a  une  grande  valeur  historique  et  doit  être 
préféré  à  l'autre  pour  fixer  la  durée  du  séjour  de  Ronsard  au  collège 
de  Coqueret  comme  «  escolier  »  et  pensionnaire. 
P.  12,  1.  15.  —  en  sa  mort.  Adrien  Turnèbe  est  mort  le  12  juin  1565. 
Le  sonnet  auquel  Binet  fait  allusion  :  «  Je  sçay  chanter  l'honneur 
d'une  rivière  »  (Bl-,  VII,  239),  parut  d'abord  à  la  fin  dune  plaquette 
in-4o  de  4  fF.,  intitulée  Adriani  Turnebi  Regii  Philosophiae professoris 
clarissimi  Tiimiilus,..  (Paris,  Fed.  Morel).  Cf.  un  recueil  factice  de  la 
Bibl.  Nat.  coté  Rés.  mYc  925.  Puis  Ronsard  l'inséra  dans  son  recueil 
d'Elecjies,  Mascarades  et  Bergerie,  publié  dans  la  seconde  moitié  de 
1565.  Binet  le  trouva  parmi  les  Epitaphes  dans  1  édition  collective 
de   1584  (éd.  M.-L.,  V,  308). 

Il  est  probable  que  Ronsard  fut  auditeur  de  Turnèbe  de  1551  à  1553 
et  que  c'est  par  lui  qu'il  connut  les  fragments  de  Tyrtée,  de  Mim- 
nerme,  de  Panyasis,  de  Simonide  de  Céos  et  de  quelques  autres  poètes 
élégiaques  et  gnomiques  grecs  qu'il  imita  en  1553  et  1554  ^V.  ma  thèse 
sur  Ronsard  p.  lyr.,  p.  124). 

A  mon  avis,  c'est  eu  ces  années  de  liberté,  et  non  pas  durant  le  séjour 
au  collège  de  Coqueret,  qu'il  faut  placer  le  travail  de  recherche  et  de 
collection  des  textes  les  plus  rares  de  la  poésie  grecque  auquel  se  livra 
Ronsard  et  que  signale  en  ces  termes  l'un  de  ses  panégyristes, 
G.  Critton  :  «  Lutetiam  tandem  rediit,  ubi  doctore  usus  in  Graecis  et  in 
Latinis  literis  Aurato,  ex  aureis  divini  illius  hominis  fontibus  tantum 
hausit  quantum  si  non  ad  satietatem  saltem  ad  saturitatem  sitientissimo 
cuivis  homini  poterat  satisfacere.  Nec  enim  in  antiquis  Graecorum 
aut  Latinorum  mouumentis  quid  tam  abditum  et  reconditum  latet. 
quod  ille  non  perquisierit,  nuUus  solertioris  alicujus  interpretis  Graeci 
locus,  nuUa  paulô  venustior  extat  fabella,  quam  ille  non  annotant  et 
expresserit.  Jam  in  colligendis  ipsis  veterum  Graecorum  aiitographis 
et  exemplis,  in  iis  qiiae  retriisa  in  privatis  adhiic  bibliolhecis  jacent 
recensendis  quantopere  diligens  fuerit,  testantur  obsoleta  wulta  et 
exesa  penè  velustate  Graecorum  poetarum  carmina  nondum  togato- 
rum  nationi  cognita,  quae  per  Gallandium  propediem  ut  spero  lucem 
accipient  et  omnium  vestrûm  manibus  iereniur.  »  \Laud.  fun.  p.  5.)  La 
première  moitié  de  ce  développement  convient  très  bien  à  l'enseigne- 
ment de  Dorât,  dont  Ronsard  lui-même  a  écrit  : 

Ainsi  disoit  la  Nymphe,  et  de  là  je  vins  estre 

Disciple  de  Daurat  qui  long  temps  fut  mou  maistre, 

M'apprit  la  poésie,  et  me  nionstra  comment 

On  doit  feindre  et  cacher  les  fables  pi'oprement, 

Et  à  bien  déguiser  la  vérité  des  choses 

D'un  fabuleux  manteau  dont  elles  sont  encloses. 

J'appris  en  son  escole  à  immortaliser 

Les  hommes  que  je  veux  célébrer  et  priser.  (BL,  V,  190). 

Mais  la  deuxième  moitié,  que  nous  avons  soulignée,  peut-elle  se  rap- 


lOO  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

porter  également  au  séjour  de  Ronsard  à  Coqueret  ?  Pour  Critton,  c'est 
évidemment  encore  sous  l'intluence  de  Dorât  que  Ronsard  collectionna 
les  textes  rares  de  la  poésie  grecque.  Je  crois  plutôt  que  ce  fut  sous 
1  influence  de  Turnèbe,  lequel  publia  une  anthologie  de  ce  genre  préci- 
sément en  1553  ;  G.  Colletet  semble  en  avoir  eu  le  pressentiment  en 
insérant  la  paraphrase  de  ces  lignes  de  Critton  immédiatement  après  la 
mention  des  cours  de  Turnèbe  suivis  par  Ronsard.  (Voir  sa  Vie  de 
Ronsard,  éditée  par  Blanchemain,  pp.  33-34.) 

Les  témoignages  sont  nombreux  sur  les  relations  de  Turnèbe  (Tour- 
nebu  ou  Tournebœuf)  et  de  la  Brigade.  K.  Pasquier  lui  écrivit  en  1552 
une  lettre  fameuse  où  sont  reprises  quelques-unes  des  idées  de  la 
Deffence  et  Illustration  de  la  langue  fr.  [Lettres,  éd.  de  1723,  tome  II, 
p.  3)  ;  il  assistait  avec  lui  au  collège  de  Boncourt  à  la  représentation  des 
pièces  de  Jodelle  en  1553  \Rccli.  de  la  Fr.,  VU,  ch.  vi).  Turnèbe  écrivit 
vers  1558  contre  Paschal  une  satire  latine,  qui  enhardit  Ronsard  à  faire 
de  même,  et  que  Du  Bellay  traduisit  i^Marty-Lav.,  Notice  sur  Ronsard, 
pp.  III  et  suiv.  ;  M.  Chamard,  Thèse  fr.,  pp.  414  et  suiv.)  ;  en  revanche 
il  composa  pour  la  1''^'  édit.  collective  des  œuvres  de  Ronsard  (1560)  un 
éloge  liminaire,  que  Bl.  a  reproduit  au  tome  I"  de  son  édition,  p.  xvii. 
Ronsard  a  encore  parlé  de  lui  avec  admiration  en  deux  passages  de  ses 
œuvres  : 

Tournebœuf  et  Daurat,  lumières  de  nostre  âge 

(Bl.,  III,  375.  Cf.  M.-L.,III,293.) 

Un  Turnèbe,  un  Budé,  un  Valable,   un  Tusan, 
Et  toy  divin  Daurat,  des  Muses  artisan... 

(Bl.,  IV,  31  ;  M.-L.,  III,  380.) 

Sur  ce  célèbre  «  Lecteur  Royal  »,  v.  L.  Clément,  Thèse  latine  de  1899. 
P.  12  1.  17.  —  brave  ouvrier.  M"e  Evers  doute  que  Ronsard  ait  écrit  des 
sonnets  à  l'époque  dont  il  s'agit,  c'est-à-dire  de  1545  à  1549  environ, 
pour  trois  raisons  :  1"  on  n'en  trouve  pas  dans  le  premier  Bocage  ; 
2"  depuis  son  entrevue  avec  Peletier  du  Mans  en  1543,  Ronsard  semble 
ne  s'être  intéressé  qu'à  l'ode  ;  3"  il  parle  avec  mépris  du  sonnet  dans  la 
préface  des  Odes  de  1550.  «  Il  est  probable  »,  ajoute  Mi'-e  Evers,  «  que 
Ronsard  ne  partagea  pas  d'abord  la  haute  opinion  que  Du  Bellay  avait 
de  cette  forme  poétique,  et  fut  amené  à  changer  d'avis  seulement  par 
le  succès  de  VOlive  »  [op.  cit.,  p.  123j. 

Je  comprends  ce  doute  ;  Binet  lui-même  l'a  eu  quand  il  consulta  la 
préface  de  l'éd.  princeps  des  Odes,  c'est-à-dire  après  la  rédaction  de  B, 
puisqu'il  changea  pour  la  rédaction  de  C  le  mot  sonets  enpetits  poèmes. 
Mais  il  ne  me  semble  pas  suffisamment  fondé.  En  effet  :  1"  le  fait 
qu'il  n'y  a  pas  de  sonnets  dans  le  premier  Bocage  (recueil  d'odes  irré- 
gulières mis  en  appendice  des  Quatre  premiers  livres  des  Odes)  ne  peut 
servir  à  prouver  que  Ronsard  n'a  pas  fait  de  sonnets  avant  1550  ;  2°  le 
fait  que  Peletier  dans  son  Art  poétique  nous  parle  d'odes  horatiennes 
"  non  mesurées  à  la  Lire  >'  que  Ronsard  aurait  faites  «  an  grand'  jeu- 
nece  ))  et  lui  aurait  montrées  au  Mans,  vraisemblablement  en  mars 
1543  (cf.  H.  Chamard,  Rev.  d'Hist.  litt.,  1839,  p.  35,  et  ma  thèse  sur 
Ronsard  j).  lyr.,  p-  23),  ne  prouve  pas  que  Peletier  n'ait  pas  préconisé 


ET    rniTIQUE  ÎOI 

le  genre  du  sonnet  à  Ronsard  dès  ce  moment-là  ou  depuis,  comme 
il  le  préconisa  à  Du  Bellay  en  1546  (2"  préf.  de  l'Olive),  et  que 
Ronsard  n'ait  pas  suivi  le  conseil  et  l'exemple  de  Peletier,  qui  dès 
septembre  1547  dans  ses  Œuvres  Poétiques  fit  paraître  15  sonnets, 
dont  12  traduits  de  Pétrarque  ;  3°  ces  lignes  de  la  préf.  des  Odes  de 
1550  :  «  Je  ne  fai  point  de  doute  que  ma  Poësie  tant  varie  ne  semble 
fâcheuse  aus  oreilles  de  nos  rimeurs,  et  principalement  des  courtizans, 
qui  n'admirent  qu'un  petit  sonnet  petrarquizé  ou  quelque  mignardise 
d'amour  qui  continue  tousjours  en  son  propos  »,  permettent  certes  de 
penser  que  Ronsard  en  janvier  1550,  même  après  le  succès  de  l'Olive, 
qui  remontait  au  printemps  de  l'année  précédente,  faisait  moins  de  cas 
du  sonnet  (genre  à  forme  fixe),  que  de  l'ode  (genre  à  forme  libre).  Mais 
suffisent-elles  à  prouver  que  Ronsard  n'écrivit  pas  de  sonnets  au  col- 
lège de  Coqueret  ?  Je  ne  le  crois  pas. 

Non  seulement  Ronsard  admirait  les  sonnets  de  Du  Rellaj' quand  ils 
n'étaient  encore  qu'en  manuscrit,  les  égalant  à  ceux  de  Pétrarque  (ode 
Si  les  âmes  vagabondes,  El-  II,  465),  mais  il  a  très  probablement 
«  petrarquisé  »  lui-même,  surtout  après  le  mariage  de  Cassandre 
(novembre  1546),  qui  faisait  d'elle  à  son  égard  une  autre  Laure(v.  ma 
thèse,  pp.  43  et  478),  et  cela  dans  une  forme  rythmique  illustrée  en 
Italie  non  seulement  par  Pétrarque,  mais  par  tous  les  pétrarquistes, 
entre  autres  Sannazar,  Arioste  et  Bembo  qu'il  prisait  fort  dès  cette 
époque.  Au  reste,  parmi  les  183  sonnets  que  contiennent  ses  Amours, 
publiés  en  septembre  1552,  quelques-uns  portent  la  date  de  leur  com- 
position, par  ex.  :  Je  vey  tes  yeux,  et  :  L'an  mil  cinq  cens  (de  mai  1546 
au  plus  tôt,  de  mai  1547  au  plus  tard),  à  moins  d'admettre  que  les  indi- 
cations chronologiques  qu'il  y  donne  ne  soient  qu'un  procédé  pétrar- 
quesque  et  ne  correspondent  à  aucune  réalité  (Bl.,  I,  pp.  9  et  71.  Cf. 
M.-L.,  I,  375,  note  6). 

Le  sonnet:  Ja  desja  Mars  (Bl.,  ï,  42),  où  Ronsard  dit  qu'il  avait  com- 
mencé à  chanter  Francus  (allusion  probable  à  VOde  de  la  Paix,  avril 
1550)  quand  l'Amour  le  «  playant  jusqu'à  l'os  »  le  força  à  chanter  ses 
propres  exploits,  ne  doit  pas  être  pris  à  la  lettre,  puisque  Ronsard 
avait  déjà  chanté  l'Amour  et  Cassandre  dans  ses  Quatre  premiers  livres 
des  Odes  ;  par  suite  il  ne  faudrait  pas  y  voir  la  preuve  que  Ronsard 
n'avait  encore  jamais  fait  de  sonnets  amoureux  ;  tout  au  plus  ce  texte 
tendrait-il  à  prouver  qu'il  a  écrit  la  grande  majorité  des  183  sonnets 
des  Amours  de  juin  1550  à  juin  1552,  en  vue  d'un  recueil  particulier 
analogue  à  VOlive  de  Du  Bellay  ou  aux  Erreurs  amoureuses  de  Tyard 
(cf.  le  poème  A  J.  de  la  Peruse,  Bl.,  VI,  43).  Si  Ronsard  n'a  pas 
commencé  comme  Du  Bellay  et  Tyard  par  imiter  en  sonnets  Pétrarque 
et  les  pétrarquistes,  c'est  qu'il  subissait  surtout  l'influence  de  Dorât  et 
de  l'enseignement  de  Coqueret,  alors  que  Du  Bellay,  arrivé  tard  à  Co- 
queret. subissait  surtout  celle  de  Peletier  et  de  l'enseignement  reçu  à 
Poitiers  (1545-47),  et  Tyard,  étranger  à  Coqueret  et  Lyonnais  de  cœur, 
celle  de  Léon  l'Hébreu  et  de  M.  Scève. 

Au  surplus,  dans  les  pp.  suiv.  Binet  semble  bien  dire  que  Ronsard  fit 
des  sonnets  pour  Cassandre  avant  1550  :  «  C'estoit  à  qui  mieux  mieux 
feroit  sur  le  sujet  d'amour...  Ainsi  que  le  bruict  couroit  des  Amours  de 


102  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

Cassandre  et   de  quatre  livres  d'Odes »    (V,    ci -après,  p.  121,  aux 

mots  «  livres  d'Odes  »•) 

p.  12,  1.  19.  —  l'Homère  de  France. Cf.  J.  Velliard  :  «  Tejam  appello, 
Johannes  Aurate,  dicere  solebas  P.  Ronsardum  Gallicum  fore  Home- 
rum.  Doctoris  dictum  sapiens  discipuli  solertia  comprobavit.  Ut  saepe 
in  rébus  minimis  res  magnae  deprehenduntur  :  quo  vales  mentis  acu- 
mine  non  levi  conjectura  id  poteras  augurari.  »  [Laitd.  fun-  I,  £•>  7  v".) 
L'addition  de  C,  quelque  peu  obscure,  doit  être  interprétée,  me 
scmble-t-il,  comme  elle  Ta  été  par  G.  Collctet:  «  Aussy  par  ces  premiers 
échantillons  de  son  esprit,  Dorât  qui  a  toujours  eu  je  ne  scay  quoyd'un 
divin  génie  pour  prédire  les  choses  à  venir,  luy  predict  qu'il  devien- 
droit  un  jour  THomere  de  la  France,  lequel  augure  il  mit  si  avant  dans 
son  esprit,  qu'à  l'instant,  comme  il  estoit  passionnément  amoureux  de 
la  gloire,  il  rechercha  finalement  (?).  par  ses  veilles  et  par  ses  travaux 
invincibles,  tous  les  moyens  imaginables  de  le  devenir.  »  {Vie  de  Ron- 
sard, éditée  par  Blanchemain,  p.  37)  Cf.  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  hjr. 
ch.  I,  pp.  51  et  52. 

P.  12,  1.  44.  —  à  venir.  Sur  l'esprit  prophétique  attribué  à  Dorât  auteur 
d'anagrammes,  voir  Martj'-Laveaux.  Notice  sur  Dorai,  p.  xlui  ;  il 
cite  des  textes  de  Papyrc  Masson  et  de  Du  Verdier,  qui  corroborent  le 
témoignage  de  Binet  et  celui  de  Velliard  que  nous  avons  cité  plus 
haut  (dans  la  note  précédente). 

P.  13,  11.  —  ces  richesses?  Ce  texte  de  AD,  après  amélioration  de  la 
ponctuation,  est  relativement  clair.  Mais  celui  de  C,  conservé  dans 
toutes  les  éditions  suivantes,  est  très  obscur,  surtout  par  la  présence 
d'un  pronom  relatif  qui  n'a  pas  d'antécédent  grammatical.  D'après  le 
texte  de  AB  c'est  Dorât  qui  a  traduit  en  français,  «  en  faveur  »  de  Ron- 
sard, le  Prométhée  d'Eschyle,  au  lieu  de  le  traduire  en  latin  comme  il 
le  faisait  d'ordinaire  pour  les  auteurs  grecs  (cf.  ci-dessus,  à  la  page 
97).  Je  pense  qu'il  faut  comprendre  de  la  même  façon  le  texte  de  C, 
et  voici  comment  j'interprète  tout  le  passage  :  «  Dorât,  pour  témoigner 
sa  satisfaction  du  profit  que  Ronsard  avait  retiré  de  son  enseignement, 
traduisit  cette  tragédie  en  français.  Aussitôt  que  Ronsard  en  eut 
savouré  l'efTet,  il   dit  à   Dorât  :  Eh    quoi,    mon  maître,  etc..  » 

Peut-être  faut  il  lire  :  «  et  pour  tesmoignage  »,  au  lieu  de: 
«qui  pour  tesmoignage  »  11  y  aurait  là  une  faute  d'impression,  facile 
à  expliquer  par  la  présence  d'un  autre  qui  en  tête  de  la  proposition  pré- 
cédente. Peut-être  aussi  Binet  a-t-il  voulu  employer  qin  pour  et  il, 
comme  il  semble  l'avoir  fait  plus  haut  dans  cette  variante  de  C  :  «  Loys 
de  Ronsard  fut  chevalier  de  l'Ordre  et  Maistre  d'Hostel  du  Roy 
François  1er,  qui  pour  la  sagesse  et  fidélité  qui  estoit  en  luy  fut 
choisi...  »   V.  ci-dessus,  p.   65.  aux  mots  «  fut  choisi  ». 

P.  13,  1.  4.  —  jouée  en  France.  Le  texte  de  AB  est  très  équivoque. 
A  le  lire  attentivement  on  se  demande  si  c'est  Dorât  ou  Ronsard  qui 
«  tourna  en  François  »•  le  Plutus  d'Aristophane,  et  tout  le  contexte 
porte  à  croire  que  c'est  Dorât,  lequel  avait  déjà  «  traduit  en  François  » 
le  Prome//iee  d'Eschyle,  et  seul  avait  qualité  pour  faire  représenter  une 
pièce  quelconque  au  collège  de  Coqueret,  dont  il  était  le  principal. 
Binet,  voyant  l'équivoque,  ajouta  en  C  :  «  outre  le  conseil  de  son  pre- 


ET   cniTIQUE  [03 

cepteur  »,  incidente  qui,  à  elle  seule,  fait  de  Ronsard  l'auteur  de  cette 
traduction  du  Pliitiis. 

Je  dis  à  elle  seule  parce  qu'il  n'existe  pas  d'autre  texte,  ni  chez  les 
panégyristes  de  Ronsard,  ni  dans  les  œuvres  des  prosateurs  et  des 
poètes  de  la  deuxième  moitié  du  xvi*  siècle,  qui  lui  attribue  la  paternité 
de  cette  traduction.  Lui-même,  fait  plus  significatif  (car  il  était  très 
jaloux  de  la  priorité  de  ses  inventions),  n'en  a  jamais  parlé,  pas  même 
par  allusion,  pas  même  dans  le  poème  A  Jean  de  la  Peruse  m  dans  le 
discours  A  Jacques  Grevin,  où  il  attribue  à  Jodelle  le  mérite  d'avoir  le 
premier  écrit  une  comédie  française  (El.,  VI,  pp.  45  et  314).  Aucune 
allusion,  non  plus  ni  dans  le  prologue  de  VEugène  de  Jodelle,  ni  dans 
la  préface  des  Œuvres  de  Jodelle  par  Cb.  de  la  Motbe  (1574). 

Aucun  fragment  de  cette  traduction  du  Plutus  ne  se  trouvait  dans  les 
manuscrits  confiés  par  Ronsard  à  ses  exécuteurs  testamentaires,  car 
Binet  n'aurait  pas  manqué  de  le  signaler  et  même  d'en  citer  quelques 
passages  comme  il  l'a  fait  pour  d'autres  fragments  (v.  ci-dessus,  p.  48). 
En  outre,  cette  traduction,  intégrale  ou  fragmentaire,  aurait  été  publiée 
dans  la  première  édition  posthume  (1587),  ou  dans  l'une  des  trois  édi- 
tions suivantes  1 1597,  1604,  1609),  surtout  dans  celle  de  1609  qui  con- 
tient pour  la  première  fois  un  Recueil  des  pièces  retranchées  avec 
quelques  autres  non  imprimées  ci-devant.  Or  c'est  seulement  pour  l'édi- 
tion de  1617,  plus  de  ti-ente  ans  après  la  mort  de  Ronsard,  que  l'éditeur 
Nicolas  Buon  s'avisa  de  la  faire  rechercher  et  qu'il  publia  dans  le 
dernier  tome  (formé  du  Recueil  des  pièces  retranchées  avec  quelques 
autres  non  imprimées  ci-devant),  aux  pp.  386  et  suiv.,  l'Acte  premier 
et  le  début  de  l'Acte  second,  précédés  de  cet  avis  anonj'me  :  ((  Cecy  est 
un  fragment  de  la  Comédie  du  Plutus  d'Aristophane,  qui  fut  (comme  le 
tesmoigne  Binet  en  la  vie  de  Monsieur  de  Ronsard)  la  première  joiiée  en 
France,  et  fut  représentée  au  Collège  de  Coqueret,  d'où  estoit  Principal 
D'Orat.  Monsieur  de  Ronsard  estoit  lors  fort  jeune  quand  il  la  fit,  et  n'a 
jamais  esté  mise  sur  la  presse.  Ce  Fragment  a  esté  recouvré  par  le 
motjen  de  quelques-uns,  comme  plusieurs  autres  pièces  qui  sont  en  ce 
Recueil.  »  —  Le  dit  fragment  était  suivi  de  ce  dizain  également  ano- 
nyme : 

A  vingt  ans  le  grand  Vandomois, 

Sortant  de  la  maison  des  Hoys, 

Mit  cette  Comniedic  entière 

Dessur  le  Théâtre  en  lumière. 

Au  bout  de  soixante  et  douse  ans. 

Comme  une  relique  du  Temps, 

Ce  Fragment  que  sa  dent  nous  laisse 

Est  mis  au  jour  devant  les  yeux 

Sur  le  Théâtre  de  la  Presse, 

A  fin  qu'il  y  reluise  mieux. 

L'édition  suivante  (1623,  tome II,  p.  1612,  col.  2)  révélait  que  ce  dizain 
était  de  Claude  Garnier,  poète  ronsardien,  qui  avait  été  chargé  non 
seulement  de  donner  un  Commentaire  aux  Discours  de  Ronsard,  mais 
«  de  remettre  les  Œuvres  d'un  si  digne  Autheur  en  leur  premier  estât, 
et  de  leur  rendre  par  une  correction  volontaire  l'honneur  qui  leur  avoit 
esté  ravy  par   les   ignorances,   ou    par  les  négligences   de    la   presse  » 


10^  COSfMENTAIRE    HISTORIQUE 

(Bl.,  VII,  7;  cf.  VIII,  74)  ;  et  l'avis  présentait  cette  variante  :  «  Ce  frag- 
ment a  esté  recouvré  par  le  moyen  de  qiieîqiiiin,  comme  plusieurs 
autres  pièces  qui  sont  en  ce  Recueil.  » 

Après  l'e.xposé  de  ces  faits  on  ne  s'étonnera  pas  que  je  doute  fort  de 
l'authenticité  de  ce  fragment  dune  prétendue  traduction  du  Plnitis  faite 
par  Ronsard,  soupçonnant  là  ou  une  supercherie  de  l'éditeur  désireux 
de  séduire  sa  clientèle  par  de  l'inédit,  ou  plus  simplement  une  erreur 
de  Xic.  Buon  et  de  Cl.  Garnier,  qui  auraient  de  très  bonne  foi  attribué 
à  Ronsard  des  vers  anonjmes  (comme  cela  est  arrivé  pour  une  traduc- 
tion de  VAndrienne  longtemps  attribuée  à  Despériers). 

Un  autre  fait  me  paraît  encore  significatif,  c'est  que  Ronsard,  adres- 
sant en  1555  son  Hymne  de  l'Or  à  Jean  Dorât,  y  a  cité  du  Ménandre, 
du  Simonide,  du  Théognis,  même  du  Démosthène,  et  qu'on  n'y  trouve 
pas  la  moindre  citation  du  Plntus  d'Aristophane,  alors  que  l'occasion 
était  si  belle.  Enfin  l'étude  du  fragment  au  point  de  vue  du  style  ne 
peut  que  confirmer  nos  doutes  (cf.  H.  Guy,  Reo.  d'Hist.  de  la  Fr., 
1902,  p.  220).  On  en  trouve  le  texte  dans  l'éd.  BL,  VII,  281,  et  dans 
l'éd.  M.-L.,  VI,  273. 
P.  13,  1.  5.  —  se  réveillèrent-  Cf.  ces  vers  du  poème  A  Jean  de  la 
Peruse  : 

De  sa  faveur  en  France  11  (Dieu)  reveilla 
Mon  jeune  esprit,  qui  premier  travailla 
De  marier  les  odes  à  la  lyre. 


Presque  d'un  temps  le  mesme  esprit  divin 
Dessommeilla  Du  Bellay  l'Angevin. 

(Bl.,  VI,  43-44.) 

P.  13,  1.  7.  —  en  l'Eloquence  Latine.  Faut-il  entendre  par  ce  passage, 
simplement  et  d'une  façon  générale,  que  Muret,  Carie  et  quelques 
autres  ont  puisé  leur  inspiration  à  la  source  de  l'antiquité  gréco- 
latine,  ou  bien,  plutôt,  qu'ils  ont  suivi  l'enseignement  de  Dorât  et 
se  sont  par  lui  «  abreuvé  aux  eaux  Pieriennes  »  ?  Nous  adoptons  ce 
dernier  sens  et  pensons  que  Binet  désigne  Dorât  par  «  cette  fonteine 
dorée  ».  Non  seulement  le  jeu  de  mots,  mais  le  contexte  et  toute  la 
suite  des  idées  le  prouvent,  depuis:  «  Ronsard,  donc  voulant  recom- 
penser le  temps  perdu...  »,  jusqu'à  :  «  Voyant  que  nostre  langue  estoit 
povre  ».  Pour  ce  jeu  de  mots,  cf.  Critton  :  «  ...  doctore  usus  in  Grîccis 
et  in  Latinis  literis  .4 ura/o,  ex  aiireis  divini  illius  hominis  tantum 
hausit...  »  (op.  cit.,  p.  5)  ;  Ronsard,  Hymne  de  VOr,  début  ;  Joly,  P\em- 
crit.  sur   le  Diclionn.    de  Bayle,  art.  Daurat,  p    302. 

Or.  Binet  s'est  trompé  s'il  a  cru  que  Muret  fut  le  disciple  de  Dorât, 
au  collège  de  Coqueret,  surtout  avant  1550. 11  ne  le  fut  ni  avant  ni  après 
1550.  Muret  débuta  comme  professeur  à  Auch  en  1545  à  19  ans  ;  il 
enseigna  ensuite  à  Villeneuve  d'Agen,  à  Poitiers  fan  collège  Ste- 
Marthe  en  1546),  à  Bordeaux  (au  collège  de  Guj'enne  de  1547  à  1551).  Il 
ne  vint  habiter  Paris  que  vers  juillet  1551  ;  il  y  enseigna  le  latin  durant 
deux  ans  avec  le  plus  grand  succès,  au  collège  du  Cardinal  Lcmoiiic  et 
peut-être  dans  quelques  collèges  voisins,  comme  celui  de  Boncourt  (cf. 
Dejob,  Thèse  fr.,  chap.  i  et  ii).  La  préface  des  Juvenilia,    publiés  à  la 


ET   CRITIQUE  I05 

fin  de  1552,  nous  apprend  que  Muret  était  familièrement  lié  dès  cette 
année-là  avec  Ronsard.  Baïf,  Du  Bellaj',  Denisot,  Jodelle  et  leur  Mécène 
commun  Jean  Brinon-  L'ode  du  même  recueil  Ad  J .  Auratiim  virum 
utraqne  lingua  erudilissirnum  nous  apprend  qu'il  était  non  seulement 
le  compatriote,  mais  encore  le  parent  de  Dorât  (4^  stro.)  ;  on  peut  même 
conjecturer  des  premiers  vers,  que  Muret  est  allé  entendre  Dorât  aux 
cours  publics  du  collège  de  Coqueret  en  1551  ou  1552  : 

Aurate,  ge.ntis  grande  decus  meae. 
Qui  tensa  docta  fila  legens  manu, 
Seclis  inexpertum  vetustis 
Ambrosio  jacis  ore  nectar... 

On  sait  enfin  par  les  Dithyrambes  de  Ronsard  que  Muret  figurait 
avec  quelques-uns  des  auditeurs  de  Dorât  à  la  «  pompe  du  bouc  de 
Jodelle  ))  (carnaval  de  1553).  Tels  sont  les  documents  sur  lesquels 
Binet  s'est  très  probablement  appuyé.  Mais  aucun  deux  ne  l'autorisait 
à  faire  de  Muret  un  disciple  de  Dorât  comme  le  furent  Ronsard  et 
Baïf. 

On  s'est  demandé  «  ce  qui  a  permis  à  Sainte-Beuve  de  mettre  Muret 
au  nombre  des  élèves  de  Coquei-et  que  dirigeait  Dorât  »  (Fr.  Delagc, 
Un  humaniste  limousin  au  XVI^  s.,  p.  5,  note  4).  C'est  Binet  qui  est  la 
cause  unique  de  cette  erreur  commise  par  Sainte-Beuve  à  la  fois  dans 
son  Tableau  de  la  p-  au  X  V/^s.  et  dans  sa  Notice  sur  Ronsard,  et  repro- 
duite sans  contrôle  parla  plupart  des  biographes  postérieurs,  notamment 
par  Blauchemain  et  Martj'-Laveaux  dans  les  Notices  qui  accompagnent 
leurs  éditions,  par  Bizos  {Ronsard,  p,  16)  et  G.  Pellissier  {Hist.  de  la 
langue  et  de  la  litt.  fr.,  tome  III,  fascicule  15,  p.  142). 
P.  13,  1.  8.  —  Lancelot  Caries.  Il  est  possible  que  ce  personnage  ait  assisté 
à  des  cours  publics  de  , Dorât  vers  1548,  mais  ni  Ronsard,  ni  Baïf,  ne 
l'ont  jamais  considéré  comme  un  condisciple  proprement  dit.  —  Sur 
L.  Carie  (c'est  la  vraie  orthog.,  et  non  Caries),  aumônier  de  Henri  II, 
maître  des  requêtes  de  son  hôtel,  et  à  partir  de  1550  évêque  de  Riez,  voir 
T.  de  Larroque,  Vies  des  poètes  bordelais,  1873;  P.  Bonnefon,  Annuaire 
de  VAssociation  des  Et.  grecques,  1883,  p.  327  ;  L.  Delaruelle,  Rev. 
d'Hist.  litt.,  1897,  p.  408;  H.  Chamard,  J.du  Bellay,  p.  228;  E.  Picot, 
Les  Français  italianisants  au  XVI^  s  ,  tome  I,  p.  235.  —  J.  Peletierlui 
adresse  un  dizain  dans  ses  Œuvres  Poëtiq.  (1547;,  Du  Bellay  une  ode 
dans  son  Recueil  de  Poésie  (1549)  ;  celui-ci  l'avait  déjà  compris  dans 
sa  Ire  préface  de  VOlii)e  parmi  les  lecteurs  d  élite  dont  l'approbation 
lui  suffit  ;  en  1550,  il  le  compte  dans  sa  Musagnœomachie  parmi  les 
adversaires  de  l'Ignorance,  à  côté  d'Heroët,  de  Saint-Gelais  et  de 
Peletier.  Mais  une  lettre  de  L'Hospital  à  Morel  écrite  en  déc.  1552 
(publiée  par  P.  de  Nolhac  dans  la  Rev.  d'IIisi.  litt  de  1899,  p.  355)  nous 
apprend  que  Carie  partagea  l'animosité  de  Saint-Gelais  contre  Ronsard 
(v.  ci-après,  pp.  134  et  135,  aux  mots  «  de  l'Ignorance  »).  Enfin,  d'après 
une  Gayeté  de  Magny  (1554),  Carie  suivit  Saint-Gelais  dans  sa  réconci- 
liation avec  Ronsard  au  début  de  1553,  et  glorifia  celui-ci  auprès  de 
Henri  II,  en  lui  lisant  un  plan  de  la  Franciade,  en  janv.  1553  ou  plutôt 
1554  (v.  ci-après,  p.  143,  aux  mots  «  durant  son  règne  »).  C'est  en 
retour   de  cette  palinodie  que    vraisemblablement  Ronsard  lui    dédia 


io6 


COMMENT  AI  nr    HISTORIQUE 


Vlfijmne  des  Daimons  (1555).  —  Carie  avait  entrepris  une  traduction 
de  VOdijssce  ;  nous  le  savons  par  Pclctier,  qui  lui  céda  le  pas  après 
avoir  traduit  lui-même  les  deux  premiers  livres,  et  par  un  passage  de 
l'Hijmiic  des  Daimons  (Bl.,  V,  124).  Mais  cette  traduction,  dont  parle 
également  La  Croix  du  Maine,  ne  nous  est  pas  parvenue. 
P.  13,  1.  25.  —  Remij  Dcllcan.  A  (juclle  date  remontent  les  premières 
relations  de  Bellcau  et  de  la  Brigade  ?  D'après  ce  passage  on  pourrait 
croire  que  Bclleau  connut  Ronsard  au  collège  de  C()C[ueret,  et  cela 
avant  1550.  Il  n'en  est  rien.  Ce  qui  a  trompe  Binet,  c'est  cette  fin  de 
I  autobiographie  de  Ronsard,  laquelle  dans  son  édition  était  adressée  à 
Bclleau  alors  (jue  primitivement  elle  fut  adressée  à  Paschal  : 

chez  hij'  (chez  Dorât)  preniicreincnt 

Noslre    l'crine  aniilic  prit  son  cominenccmeiit. 

Non  seulement  Belleau  ne  figure  pas  au  nombre  des  joyeux  compagnons 
de  Ronsard  dans  les  Bacchanales  de  15  J9,  mais  les  premiers  vers  de 
Ronsard  où  il  soit  ([uestion  de  Belleau  ne  parurent  (jue  dans  les  Di- 
thyrandu's  et  dans  les  /.s/es  Fortunées  (carnaval  et  printemps  de  1553  . 
Si  l'on  en  croyait  l'édition  Blanchemain  (I,  15),  le  sonnet  Ce  beau 
coral,  publié  dans  la  l''^  éd.  des  Amours  (septembre  octobre  1552),  au- 
rait été  adressé  à  Belleau.  Mais  on  aurait  tort,  car  son  nom  ne  figure  ni 
dans  la  première,  ni  dans  la  seconde  édition  des  Amours  ;  au  lieu  de 
ce  vers  final  du  premier  tercet  :  «  Sinon,  Belleau,  leur  beauté  que 
j'honore...  »,  on  y  trouve  celui-ci  :  «  Sinon  le  beau  de  leur  beau  que 
j'adore.  » 

Remarquons  que  non  seulement  Ronsard,  mais  ni  Du  Bellay,  ni 
Baïf,  ni  Dorât  n'adressent  de  vers  à  Belleau  avant  1553.  Il  n'est  pas 
même  nommé  dans  les  premiers  recueils  poétiques  de  Tyard  et  de  Des 
Autels,  qui  pourtant  glorifient  les  membres  de  la  nouvelle  école.  —  Les 
premiers  vers  de  Belleau,  une  ode  et  un  sonnet,  parurent  en  tête  des 
Cantiques  de  Denisot  (1553  ;  l'achevé  d'imprimer  est  du  17déc.l552)  ; 
M-L.  les  a  recueillis  dans  son  éd.  de  Belleau  (II,  453  à  455,  et  note  10). 
On  trouve  ensuite  un  sonnet  de  Belleau  parmi  les  liminaires  deSi4moi/rs 
de  Magny  fin  de  mars  1553'.  Pour  moi, c'est  N.  Denisot  (dont  la  famille 
était  de  Nogent-le-Rotrou  comme  celle  de  Belleau)  qui  le  présenta  à 
Ronsard  ;  et  comme  Belleau  figure  déjà  parmi  les  membres  de  la  Bri- 
gade auprès  de  Denisot  (Le  Conte)  «  à  la  pompe  du  bouc  de  Jodclle  » 
(v.  le  Ronsard  de  lilanchemain,  VI,  381),  —  tout  porte  à  croire  que 
celte  présentation  eut  lieu  entre  l'apparition  des  Amours  de  Bonsard 
(premiers  jours  d'octobre  1552)  et  la  composition  de  ses  Dithyrambes 
(févr.  1553),  vers  la  fin  de  décembre  1552,  date  de  l'apparition  des  Can- 
tiques de  Denisot. 

Cf.  ci-après,  note  sur  «  la  Pléiade  »,  et  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  Itjr. 
pp.  159  à  1G3. 

P.  13,  1.  40.  -  Françaises  oreilles-  Ce  sont  les  deux  premières  strophes 
d'une  ode  de  1550  adressée  à  Dorât  (livre  I  iv>  14),  et  retranchée  par 
Ronsard  dés  1555  (Bl.,  IL  445).  Preuve  que  pour  sa  troisième  rédaction 
Binet  a  consulté  l'éd.  princeps  des  Odes 

P.   11,  1.   1.    —à  sa  nécessité.  Sources  de  ce  passage  et  de  sa  variante  : 


ET    CRITIQUE  107 

1°  Disc,  contre  Fortune  (Bl.,  VI,  159-60,  surtout  ce  vers  :  «  Je  fis  des 
mots  nouveaux,  je  restauray  les  vieux  »)  ;  2°  Responce  aux  injures 
(VII,  127,  surtout  ce  vers  :  «  Je  fis  des  mots  nouveaux,  je  r'appelay  les 
vieux  »)  :  30  Abbregé.  ds  VA-  P.,  dernier  paragr.  :  «  Tu  composeras  har- 
diment des  mots  à  l'imitation  des  Grecs  et  des  Latins...  Tu  ne  desdai- 
gneras les  vieux  mots  François...  d'autant  que  nostre  langue  est  cncores 
pauvre...  »  (VII,  335);  4°  Préf.  posthume  de  \a  Franciade  :...  «  davan- 
tage je  te  veux  bien  encourager  de  prendre  la  sage  hardiesse  d'inventer 
des  vocables  nouveaux...  »  (III,  32  et  33,  jusqu'à  :  «  tu  te  donneras 
garde  ».  C'est  là  qu'on  trouve  le  mot /j/-ot'/f//ier  ^queBinet  insère  en  B) 
appliqué  à  l'enrichissement  de  la  langue  ;  mais  Ronsard  avait  déjà 
exposé  le  procédé  du  proviguement  ou  de  la  dérivation  (car  c'est  tout 
un)  dans  son  Abbregé  de  VA-  P.,  s'inspirant  probablement  de  la  Brève 
exposition  sur  quelques  passages  du  premier  livre  des  Odes  par  Jean 
Martin  fcf.  la  réédition  que  j'en  ai  donnée  dans  la  Rev.  d'IIist  litt. 
de  la  Fr.,  1903,  p.  271  et  note  3).  —  Quant  au  Caprice  à  Simon  Nicolas, 
où  Ronsard  préconise  les  moj'ens  d'enrichissement  qu'il  a  lui-même 
employés  (VI,  329),  il  n'a  pas  paru  avant  1609.  Binct  a  pu  cependant  le 
lire  dans  les  manuscrits  de  Ronsard- 

On  trouve  un  développement  analogue  sur  l'enrichissement  de  la 
langue  et  de  la  poésie  française  par  Ronsard  dans  les  éloges  composés 
par  Du  Perron,  Velliard  et  Critton.  Je  me  bornerai  à  celui  de  Critton  : 
«  Sed  cùm  stratam  humi  submissius  repère,  nec  adhuc  erigere  se  po- 
tuisse  domesticam  Musam  animadverteret,  nec  quid  plebcios  illos  qui 
tum  legebantur  poctas  praeter  inanem  rythmum  et  verborum  similitu- 
dinem  aucupari,  primus  altius  inflare  superioribus  omnibus,  primus 
dicendi  vénères,  et  lepores  in  quibus  Grœci  potissimum  floruerunt,  nos- 
tris  versibus  intexere,  primus  ad  corumdem  exemplum  modificare  vo- 
cabula  quaedam  et  invertere,  nova  quaedam  audacius  excudere,  eadem 
inter  se  concinnitatis  quodam  ordine  componere,  nec  minus  gravitatcm 
in  sententiis  quam  in  verbis  amplitudinemcœpit  consectari.  Quôd  ergo 
tloreat  apud  nos  vernacula  poesis,  quôd  cum  qualibet  alia  gente  ser- 
monis  ubertate  possimus  contendere,  quôd  nec  Homero  in  Deorum  lau- 
dibus  concinnandis,  nec  Virgilio  in  bellicis  rébus  et  heroïcis  descri- 
bendis,  nec  Pindaro  in  delicatulis  odis.  nec  Ovidio  in  flcbilibus  elegiis 
decantandis  quid  debeamus,  totum  illud  quantumcumque  sit  (quod 
certè  est  maximum)  Ronsardi  est  proprium,  qui  quocumque  in  carmi- 
nis  génère  elaboravit,  antiquorum  multis  palmam,  posteris  omnem 
adaequandi  sui  spem  praeripuit  »  (op.  cit  ,  p.  6)-  Cette  page  éloquente 
a  passé  tout  entière  dans  la  Vie  de  Ronsard  par  CoUetet  (pp.  34  à 
36). 
P.  14,  1.  2.  —  sur  la  Lijrc  d'Horace.  Ronsard  lui-même  nous  ap- 
prend dans  la  préface  primitive  des  Quatre  premiers  livres  des  Odes 
qu'il  «  se  rendit  familier  d'Horace,  contrefaisant  sa  naïve  douceur  des 
le  même  tens  que  Clément  Marot...  se  travailloit  à  la  poursuite  de  son 
Psautier  »  (BL,  II,  10).  Mais,  contrairement  à  Mi'e  Evers,  je  ne  crois 
pas  que  Binet  ait  utilisé  ce  document  pour  la  rédaction  de  cette  phrase. 
En  effet  :  1°  Binet  date  seulement  du  séjour  de  Ronsard  à  Coqueret  ses 
premiers  essais  d'odes  horatiennes,  alors  que  la  préface  primitive  des 


108  COMMENTAIUK    IlIPTOniQUE 

Quatre  prem.  Un.  des  Odes  les  fait  remonter  à  1542  au  moins  2°  Les 
expressions  dont  il  se  sert  ici  ne  rappellent  en  rien  celles  de  cette  pré- 
face. 30  II  y  a  maintes  preuves  (v.  ci-dessus,  Introd.,  §  III,  A)  qu'il  n'a 
utilisé  que  pour  sa  troisième  rédaction  l'édition  princeps  des  Odes  qui 
seule  contenait  la  dite  préface.  —  Je  crois  plutôt  qu'il  s'est  fondé  sur 
certaines  odes  lioratienncs  qui  figuraient  encore  dans  l'édition  de  1584 
(consultée  par  lui  pour  A),  telles  que  l'ode.Sur  la  naissance  de  François, 
Dauphin  de  France,  fils  du  Roi]  Henry  II,  composée  comme  son  titre 
l'indique  en  1544,  et  sur  ce  passage  de  la  dédicace  Au  Roy  Henry  H  : 

C'est  Prince  un  livre  d'Odes 

Qu'autrefois  je  sonnay  suivant  les  vieilles  modes 
D'Horace  Calabrois  et  Pindare  Thebain. 

(éd.  M.-L.,  II,  74  et  275.) 

Il  connaissait  sans  doute  aussi,  bien  qu'elle  eût  été  supprimée  en  1578, 
l'ode  A  René  Macé,  qui  commence  ainsi  : 

Cependant    que  tu  nous    dépeins 
Des  François  la  première  histoire 
Desensevelissant  la  gloire 
Dont  nos  ayeux  furent  si  pleins, 
Horace  et  ses  nombres  divers 
Amusent  seulement  ma  lyre 
A  qui  j'ay  commandé  de  dire 
Ce  chant  pour  honorer  tes  vers... 

et  dont  le  ton  très  modeste  lui  parut  avec  raison  une  preuve  de  son 
antériorité  à  l'égard  des  odes  pindariques  (v.  ma  thèse  sur  Ronsard 
p.  lyr.,  pp.  53  à  55). 

P.  14,  1.  4.  —  d'eguillon.  Allusion  au  début  célèbre  de  la  2e  ode  du 
livre  IV  des  Carmina  d'Horace  :  «  Pindarum  quisquis  studet  aemu- 
lari...,  ))  et  à  l'épode  iv  de  l'ode  pindarique  de  Ronsard  A  Joachin  du 
Bellay  :  «  Par  une  cheute  subite  |  Encor  je  n'ay  fait  nommer  |  Du 
nom  de  Ronsard  la  mer,  ]  Bien  que  Pindare  j'imite.  |  Horace  bar- 
peur  Latin,  I  Estant  fils  d'un  libertin,  |  Basse  et  lente  avoit  l'au- 
dace :  i  Non  pas  moy  de  franche  race,  ]  Dont  la  Muse  enfle  les 
sons  1  D'une  courageuse  haleine,  |  Afin  que  Phœbus  rameine  |  Par 
moy  ses  vieilles  chansons.  »  (éd.  M.-L.,  II,  154.) 

Malgré  ces  vers,  Ronsard  a  plus  d'une  fois  associé  dans  la  même 
louange  Horace  et  Pindare.  V.  par  ex.  l'éd.  Bl.,  II,  11,  20,  51,  128,  136, 
248,  378-79  ;  VI,  44. 

P.  14,  1.  6.  —  ce  quil  prelend.  Le  texte  de  A  n'offre  pas  de  sens  satis- 
faisant, à  moins  de  le  ponctuer  comme  nous  l'avons  fait.  Le  texte 
de  B  ne  peut  signifier  que  ceci  :  «  Il  ne  faut,  disait-il,  que  la  crainte  se 
loge  en  un  bon  cœur,  qui  lui  fait  place  ;  ou  bien,  si  ce  cœur  fait  place  à 
la  crainte,  il  se  rend  indigne  de  ce  qu'il  prétend  ».  En  C  toute  la  phrase 
mise  dans  la  bouche  de  Ronsard  est  supprimée.  Nous  n'en  avons  pas 
trouvé  la  source  dans  ses  Œuvres,  à  moins  que  ce  ne  soit  l'épode  iv  de 
l'ode  A  Joachin  du  Bellay,  citée  dans  la  note  précédente. 

P.  14,  1.  9.  —  ménage.  C'est-à-dire  avec  tel  ménagement,  avec  une  telle 
économie  ou  méthode,  —  ainsi  que  l'indique  la  variante  orthographi- 
que de  BC  :  mesnage. 


ET  ruiTiQLE  loq 

p.  14,  1.  18.  —  dignes  d'estre  cogneûes.  Le  mot  d'ailleurs  qui  commence 
la  phrase  correspond  à  d'un  costc,  qui  est  deux  lignes  plus  haut  ;  c'est 
comme  s'il  y  avait:  «  d'une  part...  d'autre  part...»  —  Les  participes  yoz/a- 
geant  et  estant  se  rapportent  à  Ronsard  et  non  à  Homère  ;  il  faut  com- 
prendre comme  si  les  trois  mots  comme  Homère  faisoil  étaient  entre 
deux  virgules. 

Sources  :  Abbregé de  l'A.  P.  :  «Tu  pratiqueras  bien  souvent  les  arti- 
sans de  tous  mestiers,  comme  de  marine,  vénerie,  fauconnerie,  et  princi- 
palement les  artisans  de  feu,  orfèvres,  fondeurs,  mareschaux,  mine- 
railliers  :  et  de  là  tireras  maintes  belles  et  vives  comparaisons  avecques 
les  noms  propres  des  mestiers,  pour  enrichir  ton  œuvre  et  le  rendre 
plus  agréable  et  parfait.  »  (Bl.,  VII,  320-21).  —  Préface  posthume  de  la 
Franciadc  :  «Quant  aux  comparaisons...  tu  les  chercheras  des  artisans 
de  fer  et  des  veneurs,  comme  Homère,  pescheurs,  architectes,  massons, 
et  brief  de  tous  mestiers,  dont  la  nature  honore  les  hommes...  Tu 
n'oubliras  les  noms  propres  des  outils  de  tous  mestiers,  et  prendras  plai- 
sir à  t'en  enquerre  le  plus  que  tu  pourras,  et  principalement  de  la 
chasse.  Homère  a  tiré  toutes  ses  plus  belles  comparaisons  de  là.  » 
{Id.,  III,  26  et  31.)  —  C'est  cette  préface  de  la  Franciade,  sans  aucun 
doute,  qui  a  suggéré  à  Binet  ici  le  rapprochement  entre  Ronsard  et 
Homère.  —  Pour  la  théorie,  chère  à  l'école  ronsardienne,  du  style 
poétisé  parles  termes  techniques,  cf.  Du  Bellay,  Deffence,  II,  ch.  xi, 
éd.  Chamard,  pp.  303-304,  notes. 

P.  14,  1.  19.  —  quarante  neuf.  H.  Chamard  a  montré  que  cette  date  est 
inacceptable,  étant  donné  que  le  premier  vol.  de  Du  Bellay  contenant 
le  manifeste  de  la  nouvelle  école  poétique,  savoir  la  Deffence  et  Jllustr. 
de  la  langue  française,  plus  l'Olive  et  les  Vers  lyriques,  a  pai-u  au  plus 
tard  en  avril  1549  (n  .  st.)  (le  priv.  est  du  20  mars,  la  dédicace  du  15  fé- 
vrier) :  «  Il  faut  laisser  à  Du  Bellay  le  temps  raisonnable  d'avoir  un 
peu  complété  ses  études  auparavant  »  [J.  du  Bellay,  p.  37).  Sainte- 
Beuve  avait  remarqué  déjà  que,  dans  sa  préface  des  Odes  de  janvier  1550, 
Ronsard  loue  Du  Bellay  et  parle  de  la  longue  fréquentation  qu'ils  ont 
eue  ensemble,  «  ce  qui  suppose  au  moins  deux  ou  trois  ans  de  fami- 
liarité et  reporterait  le  début  de  leur  liaison  vers  1547  ou  1548  au  plus 
tard  »  (Note  additionnelle  au  Tableau  de  la  p.  fr.,  Notice  sur  Rons., 
éd.  de  1876).  La  Deffence  est  pleine  de  souvenirs  de  l'enseignement  de 
Dorât.  Elle  contient  en  outre  une  réponse  déguisée  à  VArt  poétique  de 
Thomas  Sibilet  publié  en  juin  1548  :  on  peut  donc  penser  que  Du 
Bellay  était  déjà  à  Paris  et  élève  de  Dorât  à  cette  dernière  date.  Il  y  a 
mieux.  Rien  ne  s'oppose  à  la  présence  de  Du  Bellay  à  Paris  en  1547, 
et  elle  est  d'autant  plus  probable  qu'il  a  rédigé  un  dizain-épilogue  pour 
les  Œuvres  Poétiques  de  J.  Peletier,  publiées  chez  Vascosan  en  sep- 
tembre 1547.  Comme  d'autre  part  Ronsard  a  également  fait  paraître 
dans  ce  recueil  sa  preraièi-e  ode,  et  que  Ronsard  et  Du  Bellay  sont  les 
seuls  poètes  dont  Peletier  ait  ainsi  admis  des  vers  parmi  les  siens,  il 
est  vraisemblable  que  Ronsard  et  Du  Bellay  firent  connaissance  à  ce 
moment-là  (s'ils  ne  se  connaissaient  pas  déjà),  et  que  c'est  Peletier  qui 
les  présenta  l'un  à  l'autre,  à  Paris  même,  en  1547. 

P.  14,  1    24    —de  Glauque  à  Scylle.   Erreur,  que    G.  Colletet  a  repro- 


IIO  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

diiite  dans  sa  Vie  de  Ronsard  (cf.  l'éd.  Blaiichemain,  Paris,  Au- 
brj-,  1855,  p.  70V  Les  (Ivuvres  de  Ronsard,  que  j'ai  examinées  dans 
toutes  leurs  éditions  fragmentaires  et  collectives  du  xvic  s.,  ne  con- 
tiennent pas  le  moindre  document  qui  justifie  cette  affirmation  de 
Binet.  D'après  la  var.  de  C  et  le  délayage  qu'en  a  fait  Colletet,  les  deux 
biographes  ont  fait  une  grave  confusion  ;  ils  n'ont  pas  compris  le  pas- 
sage delà  préface  des  Odes  de  1550 relatif  aux  pièces  du  premier  Bocage 
(Hl.,  Il,  10;  voir  ci-après,  p.  112,  aux  mots  a  en  ce  niesme  temps  )))  ;  ils 
ont  confondu  les  odes  dont  la  strophe  initiale,  modèle  des  strophes 
subséquentes,  n'observe  pas  Talternance  des  rimes  f.  et  des  rimes  m-, 
mais  qui  n'en  sont  pas  moins  très  régulières,  avec  les  odes  irréguliéres, 
dont  les  strophes  subséquentes  dilTèrent  de  la  strophe  initiale  par 
l'agencement  des  rimes  de  même  genre.  La  Complainte  de  Glauque 
est  parfaitement  «  mesurée  et  propre  à  la  Ij're»,  chaque  strophe  étant 
identique  à  la  strophe  initiale  quant  à  l'ordre  des  rimes  de  même  genre. 
La  meilleure  preuve,  c'est  que  Ronsard  ne  l'a  pas  reléguée  dans  son 
l'i'  Bocage  et  l'a  toujours  conservée  parmi  les  Ocics  (Bl.,  II,  221  ;M.-L., 
II,  285'-  On  ne  doit  pas  se  fonder  sur  l'absence  des  rimes  f.  et  des 
rimes  ni.  dans  la  strophe  pour  distinguer  les  odespar  lesquelles  Ronsard 
débuta,  car  il  n'a  observé  cette  alternance  ni  dans  les  odes  pindariques, 
qui  ne  marquent  pas  ses  débuts,  ni  dans  un  bon  nombre  d'odes  ordi- 
naires et  de  chansons  dont  la  composition  est  postérieure  à  l'appari- 
tion de  ses  Quatre  premiers  livres  des  Odes- 

La  première  ode  française  composée  par  Ronsard  est  l'ode  A  son  Luc 
qui  commence  par  :  Sianirefois  sous  Cambre  de  Gastine  (BI.,  II,  394). 
Nous  le  savons  par  une  note  que  le  poète  a  fait  imprimer  en  tête  de 
cette  ode  dans  la  prem.  éd.  collective  de  ses  Œuvres  (1560).  Entre  une 
déclaration  de  Ronsard,  datée  de  1560,  et  une  affirmation  de  Binet, 
datée  de  1587,  il  n  y  a  pas  à  hésiter,  il  faut  s'arrêter  à  la  déclaration  du 
poète  ;  d'ailleurs  la  vérité  s'impose  à  la  simple  lecture  de  la  première 
strophe  de  l'ode  A  son  Luc.  (V.  mes  articles  de  la  Rev.  d'Hist.  litt. 
de  la  Fr.,  1903,  p.  77,  note  0,  et  260,  note  7,  et  ma  thèse  sur  Ronsard 
p.  lyr.  pp.  35  à  39). 

P.  14,  1.  30.  —  Anagrames.  Ce  n'est  pas  Dorât  qui  a  le  premier  appris 
aux  Français  la  façon  des  anagrammes.  Il  suffit  pour  s'en  con- 
vaincre de  parcourir  les  œuvres  des  Rhétoriqueurs.  Ainsi  Jehan  Bou- 
chet  signait  de  son  anagramme  Ha  bien  touché  ;  Jean  Marot  a  écrit  un 
rondeau  sur  l'anagramme  Tout  bien  l'agrée  (éd.  Coustelier,  p.  250). 
Du  Bellay  dit  lui-même  que  l'anagramme  était,  ainsi  que  l'acrostiche, 
«  chose  fort  vulgaire  en  nostre  langue  »  [Deffence,  II,  ch.  viii).  Cf.  Joly, 
Rem  cril.  sur  le  Diclionn.  de  /i«y/e,art.  Daurat,  p.  305  ;  H.  Chamard, 
thèse  sur  Joachim  du  Bellag,  p.  56,  note  4.  Binet  semble  avoir  attri- 
bué faussement  à  Dorât  la  priorité  en  ce  mince  domaine  d'après  ce 
passage  de  Y  Eloge  de  Dorât  publié  par  Papire  Masson  en  1588  :  «  Pri- 
musque  artem  illam  ex  vetustissimis  poetis  prius  ignotam  ad  nos 
attulit.  »  Cf.  Marty-Lav.,  Notice  sur  Dorât,  XL  à  xLiii.  —  Dorât,  en 
imitant  et  préconisant  les  anagrammes  à  la  manière  de  Lycophron, 
ramenait  inconsciemment  ses  élèves  à  l'école  des  Rhétoriqueurs. 

P.  14,  1.  31.  —   Rose  de   Pindarc.    Cf.   les   Xenia   de     Ch.   Utenhove 


KT  rniTiQLE  1 1  r 

publiés  à  la  suite  de  VEpilaphiiim  in  mortem  Ilerrici  Galloriim  reyis 
(Paris,  R.  Estienne,  1560,  in-4°),  ï°  D  iv,  v^.  De  son  côté  Guy  Lefebvre 
de  la  Boderie  a  trouvé  dans  le  nom  de  Pierre  de  Ronsard  l'anagramme 
Se  redorer  Pindare  (cité  par  Colletet  dans  sa  Vie  de  Ronsard,  pp.  lOG 
et  107).  Enfin  Du  Bellay  a  interprété  l'anagramme  grecque  de  Ronsard 
en  six  distiques  latins  qu'on  peut  lire  dans  sesA'e/i/aseiz  Ilhtslriiim  quo- 
rundam  nomininn  Allusiones  (f^  12  r"  de  l'éd.  de  1569  ;  Bibl.  Nat., 
Yc,  1223). 
P.  14,  1.  33.  —  on  excnsable.  Ces  dernières  lignes  sont  la  variante 
d'un  alinéa  que  Binet  avait  placé  en  AB  vers  la  fin  de  son  Disconrs 
(v.  ci-dessus,  p.  47).  En  C  il  s'est  inspiré  pour  toute  cette  phrase  du 
début  de  la  Brève  exposition  de  qnelques  passages  qui  accompagne 
l'édition  princeps  des  Odes.  J.  Martin  y  explique  la  «  devise  »  grecque 
de  Ronsard  qui  est  imprimée  en  tête  et  à  la  fin  de  cette  édition.  Elle 
n'est  pas,  dit-il,  de  l'invention  de  l'auteur,  «  mais  de  .Tan  Daurat  Limo- 
sin...  lequel  Danrat  en  dcmcllanl  les  pins  désespérés  passages  de 
l'obscur  Lgcophron,  qne  nul  de  noslre  âge  navoit  encore  osé  dénouer, 
montra  publicquement  la  façon  de  remettre  en  usage  les  anagramma- 
tismes...  voulant  Jean  Daurat  figurer  par  cela  que  Tcrpandre  est  vivant 
et  ressuscité  par  Ronsard,  anagrammatisant  Uizpoç  'Pfôvaaooo^  par 
S(o;  ô  TÉpTtavôpo^,  la  seule  lettre  p  servant  deus  fois,  ce  qui  est  mêmes 
concédé  en  nos  inversions  Françoises.  »  (V.  ma  réédition  de  ce  commen- 
taire primitif  des  Odes  dans  la  Rev.  d'Hist.  lill.  19U3,  p.  268,  et  lerra- 
tum  de  1550  que  j'ai  signalé  à  la  p.  275  :  les  deus  lettres  pp  se  joignans 
et  unians  (sic)  en  une.) 

Sur  Dorât  interprète  de  Lycophron  au  collège  de  Coqucret,  voir  Du 
Bellaj',  Deffence,  II,  chap.  vni,  éd.  Cliamard,  pp.  275-77,  notes,  et 
encore  p.  158,  note  4.  On  peut  consulter  aussi  à  la  Bibl.  Nat.  (Yc,  1463) 
un  précieux  recueil  qui  m'a  été  obligeamment  signalé  par  Louis  Dela- 
ruelle.  Il  est  intitulé  Fed.  Jamotii,  Medici  Belhuniensis  varia  pocmuta 
Graeca  et  Lalina  (Anvers,  Plantin,  1593).  On  lit  à  la  p.  114  une  pièce 
à  Dorât,  dont  le  médecin  Jamot  fut  1  élève  à  Coqueret  ;  il  y  évoque  le 
souvenir  des  explications  de  Dorât,  auxquelles  assistait  Ronsard  ;  il 
rappelle  notamment  celles  de  Pindare  et  de  Lj'cophron  : 

Nainque  ego  me  puerum  memini  rudioribus  annis 

Imberbis  tiro  dum  lua  castra  scqiior, 
Cecropios  haurire  tuo  de  fonte  liquores, 

Libantem  teneris  aurea  dicta  labris, 
Grandia  seu  nobis  Dircaei  carmina  c^'cni 

Exculis,  obscuro  qutu  latuere  situ  : 
Seu  solvis  nodos,  Phrj-giaeque  acnigniala  valis, 

(^lialcidica  quoiidani  Graeca  nolala  manu, 
Undique  conveniens  studiosas  applicat  aures 

Turba,  Ljcophronios  erudienda  niodos. 
Addit  se  socium,  et  socios  sujjereniinct  onines 

Ronsardus,  patriae  maximus  arte  Ijrae. 
Hos  intcr,  spissae  fueram  pars  ima  coronae, 

Instar  apis  tbj'nibras  et  thynia  grata  Icgens. 

Le  4c  de  ces  distiques  fait  allusion  aux  commentaires  de  Tzetzès  de 
Chalcis,  dont  s'aidait  Dorât  en  expliquant  V Alexandra  de  Lycophron 
dans  l'édition  publiée  à  Bâle  chez  Oporin  en  1546. 


112  COMMENTAIRE    HISTOHIQUE 

P.  14,  1.  35-  —  en  son  amie.  Cette  ode  A  Jacques  Peletier,  Des  heaiiiez 
qu'il  voudrait  en  s' Amie,  fut,  non  pas  composée,  mais  publiée  la  pre- 
mière de  toutes  dans  les  Œuvres  Pocliqucs  de  J.  Peletier  du  Mans 
(privil.  du  l^i'  septembre  1547).  V.  la  réimpression  que  j'ai  donnée 
du  texte  primitif  dans  la  Rev.  d'IIist.  lill.  1902,  pp.  37  à  40. 

p.  14,  1.  37.  —  en  ce  mesme  temps.  Pour  la  dernière  partie  de  cette 
phrase,  depuis  :  «  et  celle  qu'il  adresse  à  Jacques  Peletier...  »,  Binet  a 
utilisé  ce  passage  de  la  préface  primitive  des  Quatre  premiers  livres  des 
Odes  (1550)  :  «  Il  est  certain  que  telle  Ode  (l'ode  A  J.  Peletier,  dont 
Ronsard  vient  de  parler)  est  imparfaite,  pour  n'estrc  mesurée,  ne  propre 
à  la  lire,  ainsi  que  l'Ode  le  requiert,  comme  sont  encore  douze,  ou  treze, 
que  j'ai  mises  en  mon  Bocage,  sous  autre  nom  que  d'Odes,  pour  cette 
même  raison,  servans  de  tesmoignage  par  ce  vice  à  leur  antiquité.  » 
(Bl.  II,  10;  texte  rectifié  par  M.-L.,  II,  474.) 

Sur  la  composition  du  premier  Bocage  de  Ronsard,  voir  l'art,  de 
IL  Cliamard  sur  VInvention  de  l'Ode  dans  la /?ei).  d'IIist.  litt.,  1899, 
pp.  36  et  suiv.  ;  l'un  de  mes  articles  de  la  même  Revue,  1903,  pp.  256 
et  suiv.,  et  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  ch.  i,  p.  34,  Sur  l'expression 
ode  «  mesurée  et  propre  à  la  lyre  »,  et  la  loi  de  la  régularité  strophique 
intégrale,  voir  encore  la  troisième  partie  de  cette  thèse,  surtout  les 
pp.  652  à  685  et  708  à  710. 

Il  est  facile  de  voir,  en  comparant  pour  tout  ce  passage  les  leçons 
de  B  et  de  C,  que  Binet  n'a  consulté  l'édition  princeps  des  Odes  que 
pour  sa  3*  rédaction. 

P.  15,  1.  3.  —  avoit  esté  dédié.  Sur  les  études  de  droit  et  la  date  du 
séjour  de  Du  Bellay  à  l'Université  de  Poitiers,  v.  H.  Chamard,  J.  du 
Bellay,  pp.  26  à  36  ;  L.  Séché,  Rev.  de  laRcnaiss.  de  févr.  1901,  pp.  77 
et  suiv.  Il  y  arriva  très  probablement  en  octobre  1545,  et  y  resta  deux 
ans  jusqu'à  la  fin  de  l'année  scolaire  de  1546-47.  En  tout  cas  il  y  rési- 
dait certainement  en  1546  ;  la  preuve  en  est  dans  les  faits  suivants  : 
Se  de  Sainte-Marthe  dans  ses  Elogia  raconte  qu'une  lutte  poétique, 
jugée  par  Salmon  Macrin,  eut  lieu  à  Poitiers  entre  Muret,  Du  Bellay 
et  Pierre  Fauveau  (lib.  I  (1598),  art.  Petrus  Fulvius,  p.  43)  ;  or  Muret 
enseignait  au  collège  Sainte-Marthe  de  Poitiers  en  1546,  comme  nous 
l'apprend  son  commentaire  des  Catilinaires,  publié  à  Venise  en  1556, 
et  dès  1547  on  le  trouve  à  Bordeaux  chargé  d'un  cours  au  collège  de 
Guyenne  (Dejob,  thèse  sur  Marc-Ant.  Muret,  pp.  9  à  13). 

P.  15,  1.  5.  —  de  Ronsard,  et  de  Baïf.  Cette  affirmation,  quelque  peu 
tendancieuse,  doit  être  bien  interprétée.  Evidemment,  comme  le  dit 
M"e  Evers  (p.  143),  l'unique  pièce  publiée  par  Du  Bellay  avant  1549,  le 
dizain  A  la  ville  du  Mans  (à  la  fin  des  Œuvres  Poëliq.  de  J.  Peletier) 
ne  suffirait  pas  à  fonder  la  critique  de  Binet.  Mais,  outre  que  la  forme 
rythmique  et  le  style  de  cette  pièce  sont  bien  «  marotiques  »,  tout 
porte  à  croire  qu'avant  de  devenir  le  condisciple  de  Ronsard  et  de  Ba'if 
à  Coqueret,  Du  Bellay  a  commencé  par  imiter  Marot,  sans  prétendre 
encore  au  style  élevé,  métaphorique,  périphrastique,  enrichi  de  «  ves- 
tiges de  rare  et  antique  érudition  »,  qu'il  a  préconisé  dans  la  Dejfence. 
A  Poitiers,  en  1546,  on  le  trouve  rimant  une  épigramme  amoureuse,  et 
c'est  vraisemblablement  à  cette  date  qu'il    compose  son  Epitaphe  de 


KT    rniTIQUE  Il3 

Cl.  Marot  (publiée  à  la  fin  de  la  première  édition  de  VfJlive),  «  dont  la 
forme  et  le  tour  rappellent  tout  à  fait  les  épiyrammcs  de  la  vieille 
école  »  (H.  Chamard,  ./.  du  Bellay,  pp.  30  et  73j. 

D'autre  part,  il  est  vrai  que  Baïf  n'avait  en  1547  que  15  ans  et  n'avait 
encore  rien  publié  quand  parurent  la  Deffencc,  ÏUliue  et  les  Vers  Lyri- 
ques de  Du  Bellay,  plus  âgé  que  lui  de  8  ans  environ.  Mais  faut-il  en 
conclure,  avec  M"*"  Evers,  que  le  jeune  Ba'if  n'a  exercé  aucune  influence 
sur  Du  Bellay  à  Coqueret  ?  Il  faudrait  admettre  aussi  que  Baïf  n'a  été 
utile  en  rien  à  Bonsard,  et  nous  savons  le  contraire  (v.  ci -dessus,  p.  11). 
L'influence  dont  parle  Binet  n'est  pas  celle  des  œuvres,  mais  celle  de 
la  conversation.  Le  style  de  Du  Bellay  a  pu  profiter  de  «  la  hantise  de 
Baïf»,  si  celui-ci  lui  interprétait  avec  enthousiasme,  comme  àBonsard, 
les  passages  les  plus  difficiles  des  poètes  grecs  et  lui  vantait  limpoi"- 
tance  de  la  mythologie  comme  moyen  d'enrichissement  de  la  poésie 
française.  Au  reste,  je  reconnais  que  le  goût  de  l'expression  érudite  et 
gréco-latine  a  dû  venir  à  Du  Bellay  plutôt  de  Dorât,  qui  avait  sur  Baïf 
l'incontestable  supériorité  de  l'âge,  de  la  science,  de  l'habitude  de  l'en- 
seignement. 

Quant  à  l'influence  de  Bonsard  sur  le  style  de  Du  Bellay,  elle  dut 
être  de  même  nature  et  s'exercer  parla  conversation,  par  1  explication 
et  l'étude  approfondie  des  poètes  anciens.  Il  est  certain,  comme  le  rap- 
pelle M"c  Evei's,  que  l'influence  antérieure  de  Peletier  du  Mans  sur  Du 
Bellaj'  a  été  considérable  ;  que  quelques-unes  des  idées  de  la  Deffence 
(principaux  chap.  du  liv.  I  et  chap.  vi  du  liv.  II)  viennent  de  la  dédi- 
cace de  la  traduction  de  Y  Art  poët.  d'Horace  (1545)  et  de  propos  tenus 
par  Peletier  à  Du  Bellay  en  1546  (à  Poitiers  ou  au  Mans)  et  en  1547 
(à  Paris),  propos  que  l'on  trouve  résumés  dans  la  pièce  des  Œuvres 
Poétiques  intitulée  A  un  poëte  qui  necrivoit  quen  latin  (septembre 
1547)  et  dans  le  «  proëme))du3«  liv.  de  l'Arithmétique  (févr.  1549,  n.  st.). 
Cf.  H.  Chamard,  /.  du  Bellay,  pp.  33  et  suiv.  ;  P.  Laumonier,  Introd.  aux 
Œuvres  Poët.,  p.  xiv-xvi,  et  Commentaire,  pp.  148  et  suiv.,  179  et  187. 
—  Il  est  certain  aussi  que  c'est  «  à  la  persuasion  de  Jacques  Peletier  » 
que  Du  Bellay  «  choisit  -  comme  genres  poétiques  et  rythmes  à  cul- 
tiver «  le  sonnet  et  l'ode  »,  et  cela  en  1546  ;  nous  le  savons  par  Du 
Bellay  lui-même  (préf.  de  la  2'' éd.  de  l'Olive,  et  ode  Contre  les  envieux 
poètes,  octobre  1550).  Cf.  H.  Chamard,  Rev.  d'Hist.  lilt.,  1899,  pp.  41- 
42,  et  J.  du  Bellay,  p.  32  ;  P.  Laumonier,  Comment,  cit.,  pp.  184  et 
suiv. 

Mais  il  ne  s'agit  laque  d'idées  pour  la  "  deffence»  de  la  langue  fran- 
çaise, et  de  cadres  poétiques,  tandis  que  Binet  ne  parle  que  du  style  de 
Du  Bellay.  Or  je  crois  précisément  que  certains  chap.  du  manifeste  delà 
nouvelle  école  signé  par  Du  Bellay,  ceux  qui  traitent  du  style  poétique 
et  des  moyens  d'  «  illustrer  »  la  langue  de  la  poésie,  ne  viennent  pas 
tant  de  Peletier  que  des  maîtres  etcondisciples  du  collège  de  Coquei-et, 
notamment  de  Ronsard,  dont  Du  Bellay  a  écrit  dans  la  2c  pi-éf.  de 
l'Olive  :  «  L'ode,  quand  à  son  vray  et  naturel  stde,  [est]  représentée  en 
nostre  langue  par  Pierre  de  Ronsai-d  »,  et  :  «  Voulant  satisfaire  à  l'ins- 
tante requeste  de  mes  plus  familiers  amis,  je  m'osay  bien  avanturer 
de  mettre  en  lumière  mes  petites  poésies  ;  après    toutesfois   les    avoir 

VIE    DE    P.    DE   RONSARD.  Q 


1t4  COMMENTAIUK    HISTOUIQLK 

communiquées  à  ceux  que  je  pensoy'  bien  estre  clcrvojans  en  telles 
choses,  singulièrement  à  Pierre  de  Ronsard,  qui  m'}'  donna  plus  grande 
hardiesse  que  tous  les  autres,  pour  la  bonne  opinion  que  j'ay  tousjours 
eue  de  son  vif  esprit,  exacte  sçavoir  et  solide  jugement  en  nostre  poésie 
Françoise.  »  ^Edition  des  Œuvres  povtiqufs  par  II-  Chamard,  tome  I, 
pp.  12  et  13.; 

C'est  sur  ce  texte,  reproduit  clans  1  édition  d'Aubert  (1568),  queBinet 
s'est  fondé  ;  peut-être  aussi  sur  ces  vers  de  Ronsard,  écrits  et  publiés 
en  1560  : 

L'autre  jour  en  donnant  (comme  une  vainc  idole 

Qui  deçà  qui  delà  au  gré  du  vent  s'envole) 

M'apparul  Du   Bellay,  nou  pas  tel  qu'il  estoit 

Quand  son  vers  doucereux  les  Princes  allaitoit, 

Et  ([u'il  faisoit  courir  la  France  après  sa  Lyre... 


Et  me  disoit  :  Amy,  que  sans  tache  d'envie 
J'aimaj'  quand  je  vivois  comme  ma  propre  vie, 
Qui  premier  me  poussas  et  me  formas  la  vois 
A  célébrer  l'honneur  du  langage  François, 
Et  compagnon  d'un  art  tu  me  montras  l'adresse 
De  me  laver  la  bouche  es  ondes  du  Permesse... 

(éd.  M.-L.,  V,  364.) 

Le  seul  reproche  que  l'on  puisse  adresser  à  Binet  ici,  c'est  de  n'avoir 
pas  fait  la  critique  de  ce  dernier  témoignage,  qui  pai'aît  un  peu  suspect 
si  on  le  rapproche  des  autres  passages  où  Ronsard  a  parlé  de  Du  Bellay. 
En  eflet,  du  vivant  de  celui-ci,  Ronsard  l'a  toujours  vanté  comme  son 
émule  et  son  égal,  non  comme  son  disciple  (BL,  l,  34,  42,  50  ;  II,  11, 
98,  117,  215,  465  ;  VI,  43)  ;  il  s'était  contenté  de  dire  vaguement  en 
1550  que  dans  le  domaine  purement  lyrique  il  avait  «  guidé  les  autres 
au  chemin  de  si  honneste  labeur  »  [Id.,  II,  9),  et,  s'adressant  à 
sa  lyre  : 

Je  l'envoyai  sous  le  pouce  angevin 

Qui  depuis  moi  t'a  si  bien  fredonnée 

Qu'à  lui  tout  seul  la  gloire  eu  soit  donnée. 

(Ibid.,  128.) 

Ce  n'est  qu'après  la  mort  de  Du  Bellay  qu'il  prétendit  ouvertement  avoir 
été  son  premier  guide  dans  lacarrière  littéraire,  sans  tenir  aucun  compte 
de  l'influence  de  Peletier,  antérieure  au  séjour  de  Du  Bellay  à  Coque- 
ret.  Bref  Ronsard  semble  avoir  voulu  se  réserver  le  mérite,  1  honneur 
d  avoir  formé  et  «  lancé  >-  Du  Bellay,  et  Binet,  loin  d'y  contredire,  a 
écrit  dans  le  même  sens,  surtout  en  C,  où  le  désir  de  grandir  le  rôle 
littéraire  de  Ronsard  lui  a  fait  commettre  de  graves  erreurs. 
p.  15,  1.  11.  —  Roy  ne  de  Navarre.  C'est  l'ode  imitée  de  Théocrite  et  de 
Catulle,  qui  est  au  tome  II  de  l'éd.  BL,  p.  241.  Ce  mariage  eut  lieu  à 
la  fin  d'octobre  1548,  à  Moulins  (cf.  De  Ruble,  Le  Mariage  de  Jeanne 
d'Albret,  p.  263  ;  A.  de  Rocliambeau,  Bull-  arch.  du  Vendômois., 
tome  XVII,  p.  38).  Ronsard  fit  paraître  sou  Epithalame  dans  les  pre- 
miers mois  de  1549  (V.  ma  Chronol.  des  poés.  de  P.  de  R.,  dans  la  Rev. 
d'IIist.  Ult.,  VJ02,  p.  40). 

Jeanne  d'Albret  n'était  pas  encore  «  Royne  de  Navarre  ».  Elle  ne  le 


ET    CRITIQUE  1x5 

devint  qu'en  1555,  par  la  mort  de  son  père,  Henri  d'Albret.  L'erreur 
de  Binet  vient  de  l'édition  des  œuvres  de  Ronsard  de  1584  (consultée 
pour  A),  qui  dans  le  titre  du  dit  Epithalame  qualifiait  ainsi  Jeanne  d'Al- 
bret (cf.  l'éd.  M.-L.,  II,  p.  308).  Erreur  analogue  dans  J.  Velliard, 
peut-être  également  trompé  par  la  dernière  édition  de  Ronsard  :  <i  Enim- 
vero  tum  demum  expectationem  illius  iugenii  omnium  vicit  admiralio, 
cum  summis  totius  Galliae  precibus  edidit  in  lucem  spécimen  artis 
Epithalamium  Antonii  Régis  Navarrae,  et  Johannae  Albretensis.  Ut 
enim  exorto  sole  stellae  occidunt,  ita  clarissimum  lioc  jubar  poetarum, 
quos  superior  tulerat  aetas,  obstruxit  luminibus.  »  (Luud.  /'tin.  1,  f"  8 
r"  et  yo.) 

P.  15,  1-  12.  —  de  la  Paix.  La  première  de  ces  œuvres  est  intitulée  Avant 
entrée  du  Roi  trescrestien  à  Paris  en  15^9  ;  elle  parut  dans  les  pre- 
miers jours  de  juin  de  cette  année  iBL,  VI,  297).  Quant  à  la  seconde 
de  ces  œuvres,  Binet  a  confondu  l'Hymne  de  France  (Bl.,  V,  283), 
publié  vers  novembre  1549,  avec  VOde  de  la  Paix  (Bl.,  II,  23),  publiée 
également  à  part  en  avril  1550  après  l'apparition  des  Quatre  premiers 
livres  des  Odes.  (V.  ma  Chronol.  des  pocs.  de  P.  de  R.  dans  la  Rev. 
d'Hist.  litt.,  1902,  p.  42  ;  1903,  pp.  257  et  275  ;  1904,  p.  437.) 

p.  15,  1.  13.  —  d'Europe.  De  ces  deux  œuvres  de  Baïf,  la  première  est, 
non  pas  comme  Ta  dit  M"c  Evers  l'Hymne  de  la  Paix  (éd.  M.-L..  II, 
223),  régulièrement  versifié  en  vers  alexandrins,  qui  fut  adressé  à  Mar- 
guerite II  de  Navarre  en  1572,  —  mais  le  poème  Sur  la  Paix  avec  les 
Anglais  Lan  mil  cinq  cens  quarante  neuf  (/6id.,  p.  404),  irrégulière- 
ment versifié  en  vers  décasyllabes,  lequel  n'a  pu  être  composé  que  tout 
à  fait  à  la  fin  de  cette  année  (la  paix  dont  il  s'agit  ne  fut  signée  qu'en 
mars  1550).  D'après  deux  pièces  de  Baïf  écrites  en  1572,  au  moment 
où  l'édition  collective  de  ses  œuvres  était  sous  presse,  il  «  commença 
à  se  faire  connaître  par  ses  labeurs  »  la  deuxième  année  du  règne  de 
Henri  II,  et  «  vingt  ti'ois  ans  »  se  sont  écoulés  entre  ses  débuts  et  son 
édition  collective,  ce  qui  nous  reporte  bien  à  1549  '. 

Quant  au  second  poème  de  Baïf  signalé  par  Binet,  le  Ravissement 
d'Europe,  comme  il  est,  lui  aussi,  irrégulièrement  versifié  en  vei's  dé- 
casyllabes (éd.  M.-L.,  II,  421),  il  a  pu  être  composé  en  1549  ;  mais  il 
ne  parut  qu'en  1552,  à  Paris,  chez  la  V?  Maurice  de  la  Porte,  in-8o  de 
16  pages  non  foliotées  (cf.  Becq  de  Fouquières,  Poésies  choisies  d'A. 
de  Baïf,  xxxiv  ,  Marty-Lav.,  Notice  sur  Baïf  p.  x;  Catal.  de  la  Biblio. 
Herpin,  publié  en  1903  par  Em.  Paul  et  fils  et  Guillemin,  p.  122).  Il 
est  imité  presque  entièrement  d'une  idylle  attribuée  à  Moschus  (mais 
qui  passait  alors  pour  du  Théocrite;  et  dun  passage  des  Métamor- 
phoses d'Ovide 

Cf.  J.  Velliard  :  «  Eadem  tempestate  Antonius  Baïflius  omnium  ap- 
plausu  typis  mandavit  poema  De  pace  cum  Anglis,  paulb  post  et  alter 
[sic)  Raptum  Europae.  »  [Laud.  fun.  I,  fo  8  v°.) 

P.  15,  1.  15.  — Cassandre  Sur  cette  première  Muse  de  Ronsard,  qui  fut 
très  probablement  Cassandre  Salviati  (pour  moi  cela  ne  fait  aucun  doute), 

1.  Voir  l'éd.  M.-L.,  II,  403,  et  I\',  U8.  Dans  la  première  de  ces    références  il 
faut  lire  au  vers  10  deuzicine  un  au  lieu  de  douzième  an. 


llG  r.OMMKNTAlUK    HISTORIQUE 

sur  ses  relations  avec  Ronsard  et  la  nature  des  sentiments  qu'elle  lui 
inspira,  voir  l'Intermédiaire  des  Chercheurs,  table  générale,  année  1891, 
articles  Ronsard,  Cassandre,  JW^e  de  Pré  ;  Marty-Laveaux,  Notice  sur 
Ronsard,  pp.  xxvi  et  suiv.  ;  Henri  Longnon,  Revue  des  questions  his- 
toriques de  janvier  1902,  pp.  224  et  suiv.  ;  P.  Launionier,  Revue  de  la 
Renaissance  d'octobre  1902,  pp.  73  à  115,  et  thèse  de  1909  sur /?onsard 
p-  lyr..  Index  des  noms.  —  J'avais  d'abord,  par  conjecture,  daté  de 
1550  son  mariage  avec  Jehan  Peigné,  seigneur  de  Pré  en  Vendômois  ; 
un  précieux  document  publié  par  M.  Jean  Martellière,  son  contrat  de 
mariage,  fait  remonter  cette  union  jusqu'en  novembre  1546  ;  un  autre 
permet  de  croire  qu'elle  mourut  seulement  en  1G06  [Bulletin  de  la  Soc. 
arch.  du  Vendômois,  année  1904,  pp.  51  et  suiv.). 

Colletet,  Vie  de  Ronsard,  p.  29,  et,  d'après  lui.  Ménage,  Ohseiv.  sur 
les pocs.  de  Malherbe,  se  sont  lourdement  trompés  en  affirmant  que 
Cassandi'e  n'était  «  qu'une  simple  fille  »,  ((  de  très  petite  condition  ». 
P.  15,  1.  16.  —  dEscosse.  Il  y  a  là  évidemment  un  lapsus  pour  «  à  son 
retour  d'Allemagne  »,  ainsi  que  Binet  pouvait  le  comprendre  à  une 
lecture  rapide  de  ce  passage  de  lautobiographie  dans  l'édition  de  1584  : 

D'Escosse  retourné,  je  fus  mis  hors  de  page. 
Et  à  peine  seize  ans  avoient  borné  mon  âge. 
Que  l'an  cinq  cens  quarante  avec  Baïf  je  vins 
En  la  haute  Allemaigne,  où  la  langue  j'apprins. 

Mais  las  !  à  mon  retour  une  aspre  maladie 
Par  ne  scay  quel  destin  me  vint  boucher  l'ouie. 
Et  dure  m'accabla  d'assommement  si  lourd, 
Qu'encores  aujourd'huy  j'en  reste  deniy-sourd. 
L'an  d'après  en  Avril,  Amour  me  fist  surprendre. 
Suivant  la  Cour  à  Blois,  des  beaux  yeux  de  Cassandre. 

D'ailleurs,  qu'il  y  ait  eu  lapsus  ou  non,  il  est  clair  que  Binet,  en  rédi- 
geant le  texte  A,  a  compris  par  l'an  d'après  l'année  1541,  comme  l'ont 
fait  depuis  Colletet,  Sainte-Beuve,  Blanchemain,  d'autres  encore.  Nous 
pensons  que  Ronsard  a  voulu  dire  par  l'an  d'après,  non  pas  l'an  qui 
suivit  son  retour  d'Allemagne,  mais  l'an  qui  suivit  sa  maladie,  ce  qui 
est  tout  différent.  La  meilleure  preuve,  c'est  que  Binet  s'est  corrigé  en 
B,  ayant  sous  les  yeux  ce  nouveau  texte  de  Ronsard  : 

je  vins 

En  la  haute  Allemaigne,  ou  dessous  luy  j'apprins 
Combien  peut  la  vertu  :  après,  la  maladie 
Par  ne  scay  quel  destin  me  vint  boucher  l'ouie. 


L'an  d'après  en  Avril,  Amour  me  fit  surprendre... 

et  aj'ant  remarqué  les  passages  nombreux  oîi  Ronsard  nous  dit  qu'il 
avait  vingt  ans  quand  il  rencontra  Cassandre  (v.  ci-après,  p.  120, 
aux  mots  «  vingt  ans  »),  ce  qui  reporte  cette  rencontre  en  1545  ou 
en  1546  (suivant  la  date  qu'on  adopte  pour  la  naissance  du  poète). 

On  pensera  que  ces  passages  et  celui  de  l'autobiographie  se  contre- 
disent. Je  crois  que  la  contradiction  n'est  qu'apparente-  Comme  tout 
porte  à  croire  que  le  poète,  au  lieu  de  documenter  son  panégyriste 
Paschal  sur  la  suite  continue  de  ses  années  de  jeunesse,  ne  lui  en   a  ra- 


ET    CIUTIQLE  I  I" 

conté  que  les  faits  saillants,  je  propose  pour  le  passage  de  l'autobiogra- 
phie l'interprétation  suivante  :  «  Après  mon  voyage  d'Allemagne, 
l'événement  qui  mérite  d'être  relaté  est  la  grave  maladie  qui  causa  ma 
surdité  ;  puis  l'an  qui  suivit  cette  maladie,  je  m'épris  de  Cassandre  » 
Or,  il  est  très  possible  que  Ronsard  n'ait  senti  les  premières  atteintes 
de  son  mal  qu'en  1542  et  qu'il  soit  resté  malade  deux  ou  trois  ans. 
Cette  h\'potlicse,  à  laquelle  rien  ne  s'oppose,  est  seule  capable  de  faire 
disparaître  la  contradiction.  (Voir  à  ce  sujet  ma  Jeunesse  de  Ronsard, 
dans  la  Rev.  de  la  Renaissance  de  mars  1902,  pp.  150  et  151.) 

Quant  au  lieu  de  la  rencontre  entre  Ronsard  et  Cassandre  Salviati, 
Ronsard  ne  l'a  pas  seulement  fait  connaître  dans  son  autobiographie, 
mais  encore  dans  un  sonnet  de  1552,  dont  voici  les  quatrains,  tels  que 
Binetles  lisait  dans  l'édition  de  1584  : 

Ville  de  Blois,  naissance  de  ma  Dame, 

Séjour  des  Roys  et  de  ma  volonté. 

Où  jeune  d'ans  je  me  vj'  surmonté 

Par  un  œil  brun  qui  m'outre-perça  l'ame  : 

Chez  toy  je  pris  ceste  première  flame. 
Chez  toj'  j'apris  que  peult  la  cruauté. 
Chez  to}'  je  vy  ceste  fiere  beauté. 
Dont  la  mémoire  encores  me  r'enflame. 

P.  15,  1.  19.  —  maintefois.  Ronsard  dit  souvent  qu'il  a  le  nom  de  Cas- 
sandre gravé  dans  le  cœur  à  l'égal  des  beautés  physiques  de  sa  dame. 
V.  par  ex.  les  sonnets  Mille  vrayment,  et  Depuis  le  jour  que  (Bl-,  I, 
30  et  61).  l'ode  Le  cruel  Amour,  vainqueur  (Id-,  II,  226,  début),  l'élé- 
gie L'absence  nij  l'oubli]  [Id.,  IV,  395),  et  le  passage  de  l'autobiogra- 
phie cité  dans  la  note  précédente.  Ne  serait-ce  pas  une  imitation  de 
Pétrarque,  sonnet  v,  deuxième  vers  : 

E  '1  nome  che   nel    cor  mi  scrisse  Amore... 

et  canzone  i  (après  la  mort  de  Laure),  vers  49  et  50  : 

L'altra  e  '1  suo  chiaro  nome 

Che  sona  nel  mio  cor  si  dolcemente...  ? 

(éd.  Camerini,  pp.  36  et  252.) 

p.  15,  1.  23  —  Joachim  Du  Bellay.  Je  pense,  avec  M'ie  Evers,  que  cette 
anecdote  d'une  rencontre  fortuite  de  Ronsard  et  de  Du  Bellay  dans  une 
«  hostellerie  »,  alors  qu'ils  revenaient  tous  deux  de  Poitiers,  est  fort 
suspecte,  pour  les  raisons  suivantes  :  1»  On  n'en  trouve  pas  trace 
ailleurs  que  dans  Binet  ;  rien  qui  puisse  la  fonder,  ni  dans  les  œuvres 
des  deux  poètes,  ni  chez  les  autres  panégyristes,  Du  Perron,  Velliard, 
Critton,  Ste-Marthe.  2"  Dans  Binet  même  elle  n'apparaît  qu  à  partir 
de  la  3"  rédaction,  comme  un  enjolivement,  analogue  à  la  prétendue 
querelle  de  propriété  littéraire  qui  aurait  éclaté  en  1549  entre  les  deux 
poètes,  et  dont  H.  Chamard  a  montré  l'inanité  (v.  ci-après,  p.  123,  au 
mot  «  annotations  »).  3"  Le  passage  contient  trois  autres  assertions  qui 
sont  fausses  ou  contestables  :  l'une,  sur  la  date  même  de  la  rencontre  des 
deux  poètes  et  de  l'entrée  de  Du  Bellay  à  Coqueret  (v.  ci-dessus,  p.  109, 
au  mot  «  quarante  neuf  )));    la  deuxième    sur  les  influences  littéraires 


Il8  COMMENTAIRE  HISTORIQUE 

que  subit  Du  Bellaj',  dont  la  plus  importante,  celle  de  Peletier,  est 
complètement  laissée  de  côté  par  Binet  (v.  ci-dessus,  p  112.  aux  mots 
«  de  Ronsard  et  de  Baïf  »)  ;  la  troisième,  sur  la  date  où  du  Bellay  écrivit 
ses  poésies  latines  (ci-après,  p.  119,  aux  mots  a  à  la  Françoise  ))). 
Il  n'en  faut  pas  plus  pour  enlever  au  témoignage  de  Binet  toute  autorité, 
et  faire  rejeter  l'anecdote  comme  une  pure  fiction. 

Toutefois  l'argumentation  de  M"c  Evers  présente  quelques  points 
faibles,  notamment  en  ce  qui  concerne  l'ode  de  Ronsard  .4  son  retour 
de  Gascongne  voiant  de  loin  Paris,  publiée  en  janvier  1550  (Bl  ,11,  456). 
On  ne  peut  tirer  de  cette  pièce  aucun  argument  pour  déterminer  la 
date  et  le  lieu  de  la  rencontre  de  Ronsard  et  Du  Bellay. 

D'abord  la  date  de  la  composition  de  cette  pièce  n'est  pas  certaine.  Il 
y  a  des  raisons  de  croire  qu'elle  remonte  à  la  deuxième  moitié  de  1547, 
aux  environs  du  mois  de  septembre  (présence  de  Dorât  à  Paris,  allu- 
sion vague  aux  Œuvres  poétiques  de  Peletier,  ambassade  de  Maclou  de 
la  Haye  à  Rome,  irrégularité  strophique)  ;  mais  enfin  ce  n'est  qu'une 
hj'potbèse,  et  si  l'on  était  sûr  que  Ronsard  n'a  pas  remanié  sa  première 
strophe  au  moment  de  l'impression,  on  serait  tenté  de  la  dater  de  1549, 
car  elle  fait  séjourner  Ronsard  depuis  «  cinq  ans  »  à  «  Paris  ))  comme 
étudiant  (Paris  s'oppose  dans  ce  cas  à  la  Cour;  cf-  ci-dessus,  p.  98, 
note  sur  les  mots  «  avec  Dorât  »),  et  c'est  précisément  ce  chiffre  que 
Ronsard  a  donné  ailleurs  pour  le  temps  qu'il  passa  à  Coqueret.  Cette 
pièce  n'offre  donc  pas   un  appui  solide  au  raisonnement. 

En  second  lieu,  de  ce  fait  que  Ronsard  n'a  pas  nommé  Du  Bellay  dans 
cette  ode,  peut-on  conclure  qu'il  ne  le  connaissait  pas  quand  il  la  com- 
posa ?  Rien  ne  nous  y  autorise-  D'une  part,  il  pouvait  avoir  fait  récem- 
ment sa  connaissance,  en  passant  par  Poitiers  à  son  retour  de  Gascogne, 
sans  parler  de  cette  rencontre  dans  son  ode  ;  je  pense  même,  étant 
donné  le  sujet  de  la  pièce,  qu'il  n'avait  pas  à  y  parler  de  cette  ren- 
contre. D'autre  part,  il  pouvait  très  bien  l'avoir  déjà  rencontré  à  Paris, 
et  le  connaître  même  depuis  longtemps,  étant  de  son  «  parentage  '  », 
sans  pour  cela  le  nommer  dans  son  ode  parmi  les  nombreux  amis  (un 
((  million  »,  dit-il)  qui  vont  lui  faire  fête  à  son  retour  à  Paris.  Antoine 
de  Baïf,  J.  Martin,  Bèze,  Des  Masures,  Carnavalet,  pour  ne  citer  que 
ceux-là,  ne  sont  pas  nommés  non  plus  ;  pourtant  Ronsard  les  connais- 
sait bien,  quelques-uns  même  depuis  plusieurs  années,  et  intime- 
ment, par  ex.  Baïf,  son  compagnon  d'études  depuis  1544.  Aurait-on  le 
droit  de  conclure  qu'il  ne  les  connaissait  pas,  de  ce  fait  qu'il  ne  les 
uomme  pas  dans  son  ode  ?  Evidemment  non  ;  l'argument  a  silentio  n  a 
ici  aucune  valeur,  en  ce  qui  concerne  Du  Bellay.  —  Lorsque  Ronsard 
écrivit  son  ode  (admettons  que  ce  soit  en  septembre  1547),  connaissait- 
il  déjà  Du  Bellay  ?  Le  couuaissait-il  de  fraîche  date  ou  depuis  long- 
temps ?  L'avait-il  rencontré  à  Poitiers,  ou  ailleurs,  en  revenant  de  Gas- 
cogne, ou  bien  étaient-ils  entrés  en  relations  à  une  date  antérieure,  au 
Mans,  ou  plutôt  à  Paris  ?  On  aurait  beau  retourner  l'ode  eu  tous  sens, 
on  n'y  trouverait  pas  la  moindre  réponse  à  ces  questions. 


1.  Les    deux  familles  étaient  en  relations,    à  preuve  la   présence  du  père    de 
Ronsard  aux  obsèques  de  Langey  du  Bellay  au  Mans. 


KT    CniTIQUE  I  19 

Quant  au  voyage  même  de  Ronsard,  non  pas  à  Poitiers  seulement, 
comme  on  pourrait  le  croire  d'après  Binet,  mais  en  Gascogne,  jusqu'aux 
«  monts  blancs  » 

Qui  ont  l'échiné  et  la  teste  et  les  flancs 
Chargés  de  glace  et  de  neige  éternelle. 

c'est,  pour  moi  du  moins,  une  énigme,  à  pareille  date.  Le  poète  nous 
dit  qu'il  n'était  plus  alors  au  service  de  la  Cour.  Quelle  nécessité  le 
força  donc  à  quitter  l'enseignement  de  Dorât  pour  entreprendre  un 
semblable  voyage?  Il  profita  sans  doute  du  moment  où  son  maître  ac- 
compagnait le  roi  à  Bapaume  et  des  vacances  qui  suivirent  (juin  à  sep- 
tembre 1547).  Est-il  allé,  comme  l'a  pensé  M.  Lanusse  (thèse  fr.  de  1893, 
p.  137)  à  Condom,  voir  son  parent  Ch.  de  Pisseleu,  titulaire  de  cet 
évêché  depuis  1545  ?  A-t-il  été  chargé  d'une  mission  par  Henri  II,  ou 
par  Marguerite  de  France,  ou  par  son  «  seigneur  »  Antoine  de  Bourbon, 
auprès  de  Marguerite  de  Navarre,  qui,  inconsolable  de  la  mort  de  son 
frère,  résidait  alors  dans  ses  châteaux  pyrénéens  ?  Nous  ne  saurions 
nous  prononcer  sur  ce  point  obscur  de  la  jeunesse  de  Ronsard.  C'est 
vraisemblablement  durant  ce  voyage  qu'il  écrivit  l'odelette  Sur  la  mort 
d'une  haquenée,  qui  tomba  dans  le  fossé  d'un  château  fort  «  sous  les 
fatales  Pyrénées  »  (Bl.,  II,  437). 
P.  15.  1.  28.  —  aux  Muses.  Source,  la  Complainte  à  la  Royne  Mère  du 
Roi],  écrite  en  1563  : 

Je  pleurois  du  Bella}',  qui  estoit  de  mon  âge 
De  mon  art,  de  mes  mœurs  et  de  mon  parentage. 

(Bl.,  III,  371.) 

Les  deux  poètes  étaient  cousins  par  leurs  grand'mères  maternelles, 
qui  toutes  deux  étaient  de  Beaumont.  La  grand'mère  maternelle  de 
Joachim  Du  Bellay  était  née  Catherine  de  Beaumont,  et  celle  de  Ron- 
sard Joachine  de  Beaumont  (Léon  Séché,  Rev.  de  la  Renaiss.  de  février 
1901,  p.  83;  Hallopeau,  le  Bas-Vendômois,  p.  90). 

P.  15,  1.  32.  —  languissante.  Source,  la  préface  de  l'éd.  princeps  des 
Quatre  premiers  livres  des  Odes  :  «  Je  fu  maintes  fois  avecques  prières 
admonesté  de  mes  amis  faire  imprimer  ce  mien  petit  labeur...  Et  mé- 
mement  solicité  par  Joachim  du  Bellai,  duquel  le  jugement,  l'étude 
pareille,  la  longue  fréquentation,  et  lardant  désir  de  réveiller  la  Poésie 
Françoise  avant  nous  foihle  et  languissante.-,  nous  a  rendus  presque 
semblables  d'esprit,  d'inventions  et  de  labeur.  »  (Bl.,  II,  11  ;  texte  rec- 
tifié par  M -L.,  II,  475.) 

P.  15,  1.  33.  —  à  la  Françoise.  C'est  à  Rome  seulement  (1553-1557)  que 
Du  Bellay  se  mit  à  écrire  des  vers  latins  qui  furent  recueillis  sous  le 
titre  de  Poëmata  (cf.  H.  Chamard,  op.  cit.,  pp.  358  et  suiv.).  Maints 
documents  indiquaient  leur  date  à  Binet,  entre  autres  ce  début  d'un 
sonnet  de  Ronsard  adressé  à  Du  Bellay  en  1555  : 

Cependant  que  tu  vois  le  superbe  rivage 
De  la  rivière  Tusque  et  le  mont  Palatin, 
Et  que  l'air  des  Latins  te  fait  parler  latin. 
Changeant  à  l'estranger  ton  naturel  langage, 
Une  fille  d'Anjou  me  détient  en  servage... 
(B1.,I,  151.) 


130  CO.MMKXTAIIU:     lllSKliKHi: 

et  la  réponse  que   Du  Bellaj*  fit  en  1556  à  ce   sonnet  dans  le  sonnet  x 
des  Regrets. 

Il  est  d  autant  plus  difficile  d  excuser  l'erreur  de  Binet  que  Du  Bellay 
lui-mènic  a  pris  soin  d'écrire  dans  la  2*?  préface  de  VOlive  :  «  Combien 
que  j'ayc  passé  laage  de  mon  enfance  et  la  meilleure  part  de  mon  ado- 
lescence assez  inutilement,  Lecteur  si  est-ce  que  par  je  ne  sçay  quelle 
naturelle  inclination,  j'ay  tousjonrs  aimé  les  bonnes  lettres  :  singulière- 
ment nostre  pocsie  françoise,  pour    m'estre    plus  familière,  qui  vivoy' 

entre  ignorans  des  langues  cstrangeres Certainement,  Lecteur,  je  ne 

pouroy'  et  ne  voudroy'  nier,  que  si  j'eusse  écrit  en  grec  ou  en  latin,  ce 
ne  meust  esté  un  moyen  plus  expédié  pour  aquerir  quelque  degré 
entre  les  doctes  hommes  de  ce  roj'aume  :  mais  il  fault  que  je  confesse 
ce  que  dict  Ciccron  en  l'oraison  pour  Murène  :  Qui  cùtn  cilluiraedi  esse 
non  posseni,  et  ce  qui  s'ensuit.  »  Edition  des  (Eiwrcs  pocliques  par 
H.  Chamard,  tome  I,  pp.  11  et  12) 
p.  15,  1.  47.  —  vingt  ans-  Cette  incidente  de  B  retombe  sur  la  pro- 
position «  qu'il  fit  à  Blois  »  ;  nous  pensons  que  la  ponctuation  de  B 
est  la  bonne,  et  non  celle  de  Ç,  conservée  dans  les  éd.  suivantes  ;  notre 
interprétation  est  confirmée  par  les  passages  des  œuvres  de  Ronsard, 
où  Binet  a  pris  ce  renseignement  : 

Ha,  Belacueil,  que  ta  douce  parolle 
Vint  Iraitrement  ma  jeunesse  offenser. 
Quand  au  verger  tu  la  menas  danser 
Sur  mes  vingt  a/is  l'amoureuse  carolle... 

;M.-L.,  I,  82  ;  sonnet  publié  en  1552.) 

Sur  mes  vinçjt  ans,  pur  d'offense  et  de  vice 
Guidé  mal-caut  d'un  trop  aveugle  oiseau, 
Aj'ant  encor  le  menton  damoiseau, 
Sain  et  gaillard  je  vins  à  ton  service... 

(BI.,  I,  65  ;  M.-L.,  I,  55  ;  sonnet  publié  en  1553.) 

A  vingt  ans  ie  choisis  une  belle  maistresse. 

fBl.,  VII,  127;  discours  publ.  en  1563.) 

Cela  n'empêche  pas  d'ailleurs  de  croire  qu'il  «  résolut  de  la  chanter  » 
aussitôt,  dés  l'année  1545,  comme  l'indiquent  ces  autres  vers: 

Ces  mots  mignards,  ces  rais  sont  les  jeunes  chansons 
Qu'à  vingt  ans  je  chantois  pour  fléchir  ma  maistresse. 

(EL,  V,  332  ;   sonnet  publié  en  1569.) 

P.  16,  1.  1.  —  vray  ou  faux  II  est  difficile  d'expliquer  que  Binet,  qui 
a  délayé  l'autobiographie  de  Ronsard,  et  l'a  même  citée  dans  les  pre- 
mières pages  de  son  opuscule,  ait  attribué  à  un  début  de  sonnet  cet 
hémistiche,  qui  se  lit  vers  la  fin  de  l'autobiographie.  A  l'endroit  où  il 
en  était  rendu  de  sa  rédaction,  il  avait  sans  doute  fermé  l'in-folio  de 
1584,  car  il  cite  de  mémoire  cet  hémistiche  en  le  défigurant  : 

Soit  le  nom  faux  ou  vray,  jamais  le  temps   vainqueur 
N'effacera  ce  nom  du  marbre  de  mon  cœur. 

Il  s'en  aperçut  pour  la  rédaction  de  B.  Il  y  ajouta  la   devise  grecque 
qui  entourait  le  portrait  de  Ronsard  dès  l'édition  princeps   des  Amours 


ET    rniTIQl'E  12  1 

(1552),  et  qui  existait  encore  dans  lin  folio  de  1584  et  dans  la  première 
éd  posthume,  où  il  la  prit.  Cette  devise  est,  comme  l'indique  Muret 
dans  son  Commentaire  du  2e  sonnet  des  Amours,  empruntée  à  Théo- 
crite  et  signifie  que  «  des  la  première  fois  qu'il  veit  Cassandre,  il  de- 
vint insensé  de  son  amour  ».  V.  le  vers  81  de  la  Magicienne.  On  trouve 
également  au  portrait  de  Ronsard  la  devise  :  Ut  vidi,  ut  perii,  que 
Virgile  a  prise  à  Théocrite  (Z?ucoZ.,  VIII,  vers  41)  Le  sonnet  Nature 
ornant  la  dame    (Bl..  I,  2)  en  est  le  développement. 

A  noter  que  cette  devise  grecque  a  été  insérée  en  B,  non  pas  pour 
venir  à  l'appui  de  cette  affirmation  «  amoureux  seulement  de  ce  beau 
nom»,  comme  on  pourrait  le  croire  parla  façon  dont  la  phrase  est 
construite,  mais  à  l'appui  de  cette  affirmation  avancée  cinq  lignes  plus 
haut  «  qu'il  eut  seulement  moyen  de  voir,  d'aimer  et  de  laisser  à 
mesme  instant  ».  Binet  s'est  aperçu  plus  tard  de  l'incohérence  de  ce 
passage  ainsi  allongé,  et  c'est  la  principale  raison  du  remaniement  qu'il 
en  a  fait  en  C. 
P.  16,  1.  3.  —  liitres  cVOdes-  D'après  cette  ligne,  conservée  dans  les 
trois  rédactions,  lo  Binet  a  pensé,  non  sans  raison,  que  Ronsard  avait 
commencé  à  écrire  des  sonnets  pour    Cassandre    dès  le    printemps  de 

1545  ou  de  1546  (selon  qu'on  adopte  pour  leur  première  entrevue  l'une 
ou  l'autre  de  ces  dates).  Aux  réflexions  que  j'ai  déjà  faites  à  ce  sujet 
(v.  ci-dessus,  p.  100,  aux  mots  «  brave  ouvrier  »),  il  convient  d'ajouter 
que  quelques-uns  des  sonnets  du  premier  livre  des  Amours  ne  peuvent 
qu'être   antérieurs  au  mariage  de  Cassandre,  qui  eut  lieu  en  novembre 

1546  ;  que  Ronsard  affirme  avoir  commencé  à  chanter  Cassandre  à 
vingt  ans  passés  (BL,  V,  332  ;  VI,  327  ;  VII,  127)  ;  enfin  que  le  poète 
dans  la  première  préface  de  ses  Odes,  et  I.  M.  P.  dans  les  dernières 
lignes  de  sa  Brève  exposition,  qui  accompagne  les  dites  Odes,  sem- 
blent faire  allusion  à  d'autres  œuvres  que  Ronsard  gardait  manuscrites 
en  1550- 

2°  Binet  n'a  pas  consulté  l'édition  princeps  ni  les  éditions  suivantes 
des  Amours,  où  le  premier  livre  des  sonnets  parut  avec  ce  simple  titre  : 
Les  Amours  de  P.  de  Ronsard.  Binet  a  pris  ce  titre  des  Amours  de 
Cassandre  dans  l'édition  de  1584,  où  il  apparut  pour  la  première  fois, 
ainsi  que  ce  titre  du  deuxième  livre  des  sonnets,  les  Amours  de  Marie 
(V.  ci-après,  p.  127,  aux  mots  «  de  Marie  »). 

P.  16,  1.  6.  —  son  Olive.  Sur  la  personnalité  que  cache  ce  pseudo- 
nyme, les  opinions  sont  très  partagées.  Pour  les  uns  (Marcassus,  Colle- 
tet.  Ménage,  Goujet,  Sainte-Beuve\  c'était  une  demoiselle  Viole,  nièce 
d'un  évêque  de  Paris  ;  pour  les  autres  (Léon  Séché,  Reo-  de  la  Renais- 
sance de  mars  1901  ;  M"e  Evers,  op.  cit.,  p.  139).  ce  serait  plutôt  Mar- 
guerite de  France,  duchesse  de  Berry.  Pour  d'autres  enfin  H.  Cha- 
mard,  /  du  Bellay,  p  177,  et  G.  Deschamps,  iîey.  des  Cours  et  Confér. 
de  1902),  ce  pseudonyme  est  seulement  symbolique  et  ne  cache  aucune 
personnalité. 

p.  16,  1.  8.  —  Recueil  de  Poésie-  C'est  le  titre  du  deuxième  recueil  de 
vers  que  Du  Bellay  publia  en  novembre  1549.  Sa  première  publication 
poétique  remonte  au  mois  d'avril  de  la  même  année  :  elle  comprenait 
l'Olive  et  les  Vers  lyriques,  et  parut  à  la  suite  de  la  Deff'ence  et  Illustra- 


132  c.OMMi.NTunr;  iiistouiqie 

tion  de  la  l.  fr.  Il  est  probable  que  Binct  a  confondu  les  deux  recueils. 
(Cf.  H.  Charaard,  J.  du  Bellay,  pp.  96,  168,203,  223.) 
P.  16,  1.  21.  —    d'Avril.    Dans   son     autobiographie    Ronsard    indique 
seulement  le  mois  d'avril  pour  sa  rencontre  avec  Cassandre.    Le  quan- 
tième n'apparaît  que  dans  le  sonnet  publié  en  1552  : 

Je  vey  les  5eux  dessous  telle  planelte... 

(Hl.,  I,  9-10.) 

Pourquoi  Binet  n'a-t-il  pas  également  indiqué  Tannée,  bien  que  Ron- 
sard ait  écrit  dans  un  autre  sonnet  également  publié  en  1552  : 

L'an  mil  cinq  cens  coulant  quarante  six 
Dans  ses  cheveux  une  dame  cruelle 
(Ne  scais  quel  plus,  las  !  ou  cruelle  ou  belle) 
Lia  mon  cœur,  de  ses  grâces  espris  ? 

{Ihid.,  71.) 

Probablement  parce  que  cette  date  ne  cadrait  pas  avec  les  deux  autres 
documents  qu  il  a  utilisés:  1°  les  seize  ans  que  Ronsard  se  donne  en 
1540  ;  2'i  les  vingt  ans  passés  qu'il  se  donne  lors  de  sa  rencontre  avec 
Cassandre.  Peut-être  aussi  a-t-il  pensé,  comme  je  l'ai  moi  même  con- 
jecturé, que  Ronsard  avait  placé  le  mot  six  à  la  fin  de  son  vers  au  lieu 
de  cinq,  qui  rime  moins  facilement.  Il  ignorait  vraisemblablement  la 
troisième  raison  qui  nous  autorise  à  préférer  l'année  1545  à  l'année 
1546,  à  savoir  que  la  Cour  ne  fut  pas  à  Bloisun  seul  jour  du  mois  d'avril 
1546,  mais  à  Fontainebleau,  Nemours,  Ferriéres,  Montargis,  puis  de 
nouveau  à  Ferriéres  (le  20  et  les  jours  suivants),  enfin  à  Fontaine- 
bleau, et  que,  par  contre,  elle  passa  le  mois  d'avril  de  1545  à  Romo- 
rantin,  Blois  et  Chenonceaux  (cf.  les  Actes  de  François  Z*'"  et  Vltinéraire 
de  François  /erj. 

Au  reste,  on  peut  penser  que  Ronsard  n'a  vu  dans  le  mois  d'avril 
que  le  compagnon  obligatoire  de  l'amour  (cf.  les  sonnets  Sons  le 
cristal  et  Le  vingtième  d'avril),  et  qu'en  adoptant  ce  mois  il  a  simple- 
ment imité  Pétrarque,  qui  tomba  amoureux,  lui  aussi,  au  mois  d'avril 
(sonnet  Voglia  mi  sprone,  deuxième  tercet),  et  avait  coutume  de  chan- 
ter chaque  année,  avec  le  retour  du  printemps,  l'anniversaire  de  son 
Innamoramento.  (Cf.  H.  Cochin,  Chronol.  du  Canzonierc,  pp.  6,  35, 
109  et  137.) 

P.  16,  1-  23.  —  dont  il  fut  épris.  Le  pronom  «  dont  »  ne  se  rapporte 
pas  au  substantif  qui  précède,  mais  à  «  belle  fille  Blesienne  »,  qui  est 
beaucoup  plus  haut. 

P.  16,  1.  28.  —  deslors  amoureux-  Voilà  une  interprétation  allégo- 
rique bien  inattendue,  tout  à  fait  comparable  aux  divagations  de 
l'exégèse  de  Virgile  (cf.  les  allusions  ridicules  et  forcées  des  Scholia 
Bernensia).  —  Elle  ne  doit  pas  cependant  nous  étonner  outre  mesure, 
si  l'on  songe  que  Laure  a  passé  également  pour  la  personnification  de 
la  Gloire,  à  laquelle  Pétrarque  avait  consacré  sa  vie,  —  et  que  la 
Béatrix  de  Dante  a  été  considérée  comme  le  symbole  de  la  Théologie. 
On  sait  que  Giovanni  Colonna  demandait  à  son  ami  Pétrarque  si  la 
véritable  dame  de  son  cœur  n'était  pas  la  Poésie  (v.  à  ce  sujet  Gidel, 


ET    CRITIQUE  123 

Pétrarque  cl  les  frouhadours,  thèse  de  1857,  p.  104  ;  Mézièrcs,  Pétrar- 
que, pp.  49-50;  Ph.  Monnier,  Le  Quattrocento,  I,  136).  Sur  la  manie 
d'interpréter  les  auteurs  allégoriquement  en  France  au  Moyen  Age, 
voir  Piaget,  Hist.  de  lalangue  et  de  la  litt.  françaises,  tome  II,  pp.  164- 
165  ;  Lanson.  Littér.  française,  ch.  m,  §  1,  fin. 

Binct  semble  bien  se  faire  l'écho  de  cette  opinion  contemporaine, 
puisqu'il  ne  la  dément  pas.  Trois  passages  des  Œn très  auraient  dû  cepen- 
dant lui  ouvrir  les  yeux  :  1°  un  sonnet  de  1552,  où  Ronsard  dit  qu'il  a 
laissé  l'épopée  de  Francus  pour  chanter  Cassandre  ;  2°  une  élégie  de 
1554,  où  Ronsard  dit  qu'il  laisse  provisoirement  la  poésie  erotique 
inspirée  par  Cassandre  pour  chanter  Francus  sur  l'ordre  de  Henri  II; 
3"  une  ode  où  il  déclare  revenir  de  Francus  à  (Cassandre  (BL,  I,  42, 
125;  II.  273). 
P-  17,  1.  1.  —  annotations.  Sur  cette  brouille  passagère  de  Ronsard 
et  Du  Bellay,  v.  H.  Chamard,  Rev.  dHist.  litt.,  1899,  pp.  43  et  suiv. 
Le  judicieux  critique,  s'appuyant  sur  les  variations  mêmes  des  trois 
textes  de  Binet,  montre  péremptoirement  que  le  biographe  de  Ronsard 
a  dénaturé  l'origine  et  la  portée  de  cette  querelle  au  point  d'en  faire 
une  vraie  légende  (malheureusement  reproduite  par  les  biographes 
postérieurs,  à  commencer  par  Colletet),  et  réussit  à  dégager  la 
vérité  des  inventions  qui  l'encombrent.  Pour  sa  troisième  l'édaction, 
Binct  a  sans  doute  rapproché,  comme  l'a  fait  H.  Chamard,  certaines 
déclarations  de  la  préface  primitive  des  Odes  et  de  la  préface  de  la 
deuxième  édition  de  ÏOlive,  et  a  tiré  de  ce  rapprochement  des  conclu- 
sions fantaisistes,  que  démentent  le  caractère  et  la  vie  de  Du  Bellay. 

Sainte-Beuve  avait  déjà  trouvé  1  anecdote  suspecte  (Notice  sur  Du 
Bella}',  à  la  suite  de  son  Tableau.. .,  éd.  Charpentier,  pp.  331-33); 
Darmesteter  et  Hatzfeld  avaient  également  fait  à  ce  sujet  de  prudentes 
réserves  (Le  Seizième  siècle  en  France,  éd.  de  1887,  p.  105). 

On  ne  lit  rien  d'analogue,  pas  même  par  allusion,  chez  les  autres 
panégyristes  de    Ronsard  (Du  Perron,  Velliard,  Critton,  E.  Pasquier). 

Binet  semble  avoir  recueilli  à  ce  sujet  des  racontars,  et  comme  ils 
furent  de  beaucoup  postérieurs  à  1549  (plus  de  35  ans)  on  ne  peut 
guère  y  ajouter  foi.  De  qui  les  a-t-il  recueillis  ?  De  Baïf  peut-être. 
Baïf  semble  avoir  conservé  une  certaine  amertume  de  ses  relations 
avec  Ronsard;  s'il  y  eut  une  brouilleentre  Ronsard  et  un  membredela 
Brigade,  ce  fut  entre  Baïf  et  Ronsard  (cf.  ci-aprés,  p.  129,  aux  mots  o  qui 
estait  Baïf»).  Or  Binet  n'a  pas  dit  un  mot  de  cette  brouille,  Baïf  s'étant 
bien  gardé  de  lui  faire  des  confidences  à  ce  sujet,  ou  lui  ayant  raconté 
que  Ronsard  avait  tous  les  torts.  A  noter  d'autre  part  que  le  rôle  de 
Baïf  dans  la  querelle  Du  Bellay-Ronsard,  signalé  en  A,  a  disparu  en 
B,  probablement  à  la  prière  de  Baïf. 
P.  17,  1.  2.  —  livres  des  Odes.  C'est  la  deuxième  fois  que  Binet 
mentionne  les  Amours  avant  les  Odes-  Ici  il  commet  une  grave  erreur 
en  faisant  paraître  les  Amours  soit  avant  les  Odes,  soit  en  même 
temps.  Les  Quatre  livres  des  Odes  parurent  en  février  1550  ;  les 
Amours  seulement  en  octobre  1552,  avec  le  Cinquiesme  livre  des 
Odes  (voir  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  pp.  29  et  78).  Nouvelle 
preuve  que  Binet  n'a  pas  consulté  l'édition  princeps   des   Amours,  pas 


la^  r.OMMF.\T\ll!|-     IIISTOIUQl  F. 

même  pour  sa  troisième  rédaction.  Il  a  été  trompé  par  ce  fait  que  dans 
toutes  les  éditions  collectives,  notamment  celle  de  1584  qu'il  consulta 
pour  A,  les  Amours  sont  placés  avant  les  Odes.  —  Estienne  Pasquier  a 
commis  une  erreur  analogue  et  pour  la  même  raison  :  «  Le  premier  qui 
y  mit  la  fin  fut  Ronsard,  lequel  premièrement  en  sa  Cassandre  et  autres 
livres  d'Amours. puis  en  ses  Odes...'»  {Rech.  de  /a Fr., livre  "VII,  chap.  vu.) 

p.  17,  1.  6.  —  d'Apollon.  Cf.  la  dédicace  du  Commentaire  des 
A /??onrs  par  Muret  :  «  N'avons-nous  veu  l'indocte  arrogance  de  quel- 
qucs  acrcstez  mignons  s'esmouvoir  tellement  an  premier  son  de  ses 
escrits,  qu'il  sembloit  que  .sa  gloire  naissante  deust  estre  esteinte  par 
leurs  efforts?  ))  (Edition  de  Ronsard,  par  Marty-Lav.,  I,  p.  374.)  Ron- 
sard lui-même  dit  qu'un  «  tas  de  courtisans  déchirent  son  nom  et  sa 
gloire  naissante  »  (Epitaphe  de  Hugues  Salel,  Bl.,  VII,  269).  —  C'est 
également  l'expression  dont  se  sert  Michel  de  L'Hospital  en  parlant  de 
Ronsard  dans  une  lettre  à  J-  Morel  de  décembre  1552:  «  Non  enim 
conducit  ejns  nascenti  gloriae  tôt  et  taies  obti-ectatoi-es  atque  aemulos 
habere.  »  {Rev.  d'Hist.  liit.  de  1899,  p.  355).  Mais  il  est  très  douteux 
que  Binet  ait  connu  cette  lettre. 

La  var.  de  C  vient  de  ce  passage  de  la  préf.  primitive  des  Odes  :  «  Je 
ne  fais  point  de  doute  que  ma  Poésie  tant  varie  ne  semble  fâcheuse  aus 
oreilles  de  nos  rimeurs,  et  principalement  des  courtizans,  qui  n'admi- 
rent qu'un  petit  sonnet  petrarquizé...  »  (Bl-,  II,  12;  texte  rectifié  par 
M.-L.,  II,  476.) 

P.  17,  1.  12  —  de  Ronsard.  Ce  dernier  détail  est  pris  soit  à  la  strophe 
que  Binet  cite  quelques  lignes  plus  loin  :  Ecarte  loin  de  mon  chef, 
soit  à  l'Elégie  de  Michel  de  L'Hospital  :  Magnificis  aulae  cultoribus, 
qui  n'était  pas  encore  imprimée  lors  de  la  rédaction  d'A,  mais  que 
Binet  avait  déjà  entre  les  mains,  puisqu'il  la  signale  plus  loin  et  en 
annonce  l'impression  pour  la  première  éd.  posthume  des  œuvres  de 
Ronsard  (cf.  BL,  IV,  361).  —  Ronsard  a  raconté  lui-même  la  tactique 
de  Saint-Gelais  dans  une  ode  A  Mad.  Marguerite  (celle  qui  devint 
duchesse  de  Savoie)  ;  mais  les  strophes  où  il  en  parle  clairement 
n'ayant  paru  que  dans  l'éd.  princeps  du  Cinquiesme  livre  des  Odes 
(cf.  Bl..  VIII,  136),  je  doute  fort  que  Binet  les  ait  connues  (voir  ci- 
après,  p.  127  et  133,  aux  mots  «  maronné  »  et  «  de  chanter  ))i.  Au  reste, 
il  a  pu  profiter  d'une  autre  strophe  de  la  même  ode  (Bl.,  IL  306,  «  Avec 
Hieron  roy  de  Sicile.  .  »),  comme  aussi  d'un  passage  de  l'ode  de  récon- 
ciliation A  M.  de  Saint-Gelais  {Ibid-,  281,  «  Pour  ce  qu'à  tort...  »). 

P-  17,  I.  17.  —  ses  autres  Epitaphes.  C'est-à-dire  les  autres  Epita- 
phes  consacrées  à  la  reine  de  Navarre.  Il  s'agit  du  recueil  intitulé  le 
Tombeau  de  Marguerite  de  Valois,  Rogne  de  Navarre,  faict  première- 
ment en  Distiques  latins  par  les  Trois  Sœurs,  Princesses  en  Angleterre. 
Depuis  traduitz  en  Grec,  Italien  et  François  par  plusieurs  des  excel- 
lens  poètes  de  la  France.  Avec  plusieurs  Odes,  Hymnes,  Cantiques, 
Epitaphes,  sur  le  même  subject-  Ce  recueil,  publié  vers  la  fin  de  mars 
1551  par  les  soins  de  Nicolas  Dcnisot,  contenait  quatre  odes  de  Ron- 
sard, entre  autres  Vllgmnc  triumphal  dont  Binet  cite  les  derniers  vers.' 
(Voir  Rev.  d'Hist-  litt.  de  la  Fr.,  1904,  p.  447,  et  ma  thèse  sur 
Ronsard  p.  lyr.,  p.  73.) 


KT    ClUTIQUE  \2b 

Cet  opuscule  très  rare  n'ayant  jamais  été  réimprimé,  et  les  vers  que 
Binct  cite  n'ayant  jamais  paru  que  là  sous  cette  forme,  il  faut  que 
Binet  l'ait  consulté,  et  cela  dès  sa  première  rédaction. 

P.  17,  1.  26.  —  deMelin.  C'est  bien  en  effet  le  texte  de  la  fin  de  Vllijmne 
tritnuphal  tel  qu'il  parut  dans  le  Tombeau  de  Maryuerile  de  Valois  en 
mars  1551.  Binet  y  a  lu,  au  mot  Melin,  cette  note  de  Nicolas  Denisot, 
qui  lui  a  permis  de  donner  ici  quelque  précision  à  son  exposé  :  «  Il 
entent  Melin  de  Sainct  Gelais,  qui  trop  envieusement  blâma  ses 
œuvres  devant  le  Roj'  ». 

P.  18,  1.  1.  —  ces  vers.  Ronsard  les  changea  en  ceux-ci  dès  la 
2»  édition  de  son  Hymne  triumphal,  dans  le  Cinqiiiesme  livre  des  Odes 
(septembre-octobre  1552): 

Préserve  moi  d'infamie 

De  toute  langue  ennemie 

Teinte  en  venin  odieux, 

Et  fay  que  devant  mon  Prince 

Désormais  plus  ne  me  pince 

Le  caquet  des  envieux. 

Ce  nouveau  texte  fut  conservé  dans  toutes  les  éditions  postérieures. 
D'après  l'édition  Blanchemain  (II,  326),  qui  prétend  donner  le  texte 
des  Odes  d'après  la  première  édition  collective  de  1560,  on  pourrait 
croire  que  le  texte  de  1551  existait  encore  en  1560,  et  M^e  Evers  l'a  cru 
[op.  cit.,  pp.  160,  162,  183),  après  L.  Froger  [Prem.  poés.  de  R., 
p.  27,  note).  Il  n'en  est  rien:  Ronsard  une  fois  réconcilié  avec  Saint- 
Gelais  le  fut  bel  et  bien,  et,  après  la  mort  de  son  ancien  adversaire 
(oct.  1558),  il  n'eut  pas  l'indélicatesse  de  reprendre  son  premier  texte. 
L'addition  de  C  fait  allusion  non  seulement  à  l'ode  de  1553  A  M.  de 
Saint-Gelais  (Bl.,  II,  278),  mais  encore  à  l'Hymne  des  Astres,  de  1555 
[Id.,  V,  275),  qui  ne  fut  supprimé  qu'en  1584  parce  qu  il  faisait  double 
emploi  avec  ï Hymne  des  Estoilles  ;  à  l'Hymne  du  Roi  Henry  H,  de 
1555  [Id.,  V,  74)  ;  au  poème  A  très  illustre  prince  Charles  Cardinal  de 
Lorraine,  composé  en  1561-62  (trois  ans  après  la  mort  de  Saint-Gelais), 
qui  contient  ce  bel  éloge: 

Sainct  Gelais  qui  estoit  l'ornement  de  nostre  Age, 

Qui  premier  des  François  nous  enseigna  l'usage 

De  sçavoir  chatouiller  les  oreilles  des  Rois 

Par  sa  lyre  accordante  aux  douceurs  de  la  vois. 

Qui  au  Ciel  egaloit  sa  divine  harmonie, 

Vit    malheureux  mestier  !j  une  tourhe  infinie 

De  poltrons  avancez,  et  peu  luj^  profitoit 

Son  luth,  qui  le  premier  des  mieux  appris  esioii. 

(Texte  de  1584,  M.-L.,  III,  274.  Cf.  Bl.,  III,  355.) 

C'est  à  ce  dernier  vers  que  Binet  a  emprunté  léloge  de  Saint-Gelais 
qu'il  met  dans  la  bouche  de  Ronsard  en  C. 

p.  18,  1.  8.  —  nouveauté.  Cf.  la  dédicace  du  Commentaire  des 
Amours  par  Muret  :  «  L'un  le  reprenoit  de  se  trop  louer,  l'autre  d'es- 
crire  trop  obscurément,  l'autre  d'estre  trop  audacieux  à  faire  nou- 
veaux mots...  «    Edition  de  Ronsard  par  Marty-Lav,,  I,  374.) 

P.  18,  1.  9.  —  en  risée.  Cf.    ce   passage   ironique  du  Quintil    Horatian  : 


luO  COMMENTAIRE    UISTOIUQCE 

«  Comme  ton  Ronsard  trop  et  tresarrogamment  se  glorifie  avoir  amené 
la  Ij-re  grecque  et  latine  en  France,  pource  qu'il  nous  fait  bien 
esbahjT  de  ces  gros  et  estranges  motz,  strophe  et  antislroplie.  Car 
jamais  ^paraventure)  nous  nen  ouysmes  parler.  Jamais  nous  n'avons 
leu  Pindar...  »  (Edition  de  la  Dcffencc  par  Chamard,  p.  225,  note  2.) 
Il  est  probable  que  c'est  une  des  sources  du  passage  de  Binct,  surtout 
en  C- 

P.  18.  1.  12.  —  Pindariser.  Cf.  Henri  Estienne  :  «  Ceux  qui  sescou- 
tant  pindarizer  à  la  nouvelle  mode,  barbarisent  aux  oreilles  de  ceux 
qui  suivent  l'ancienne  »  {Apol.  pour  Hérodote,  I,  33).  Ronsard  avait 
écrit  dans  l'ode  A  Calliope  (1550)  :  «  Le  premier  de  France  I  J'ay 
pindarisé...  »,  et  Peletier  dans  son  Art  Poétique  (1555)  lui  attribua  non 
seulement  l'invention  de  la  cbose,  mais  celle  du  mot.  Or  le  mot  pinda- 
riser est  bien  antérieur  à  Ronsard,  puisqu'on  le  trouve  dans  Rabelais 
(II,  chap.  vO,  dans  Lemaire  de  Belges  (Temple  de  Venus)  et  dans 
Octovien  de  Saint-Gelays  {Séjour  dhonneur).  Cf.  Delboulle,  Rev. 
d'Hist.  litt.  de  la  Fr..  1897,  p.  283. 

On  le  trouve  également  dans  Jean  Bouchet,  Regnars  traversant  les 
périlleuses  voyes  1502),  et  Epistrcs  familières,  no  xvni  yl545).  Ces 
deux  derniers  exemples  ont  été  cités  par  A.  Hamon  dans  sa  tlièse  sur 
Jean  Bouchet  (1901)  et  relevés  par  H.  Chamard  dans  la  Revue  cri- 
tique du  23  déc.  1901,  p.  491. 

P.  18,  1  16.  —  festois  obscur.  Voir  Bl.,  I,  147.  Binet  cite  en  A  le  texte  de 
l'éd.  coll.  de  1584  icf.  M.-L.,  I,  131)  ;  en  B  il  cite  le  texte  de  l'éd.  coll. 
de  1587.  Ce  sonnet  parut  en  1555,  en  tête  de  la  Contin.  des  Amours. 
Tj-ard  avait  mis  en  1552  dans  la  bouche  de  sa  Pasithée  un  résumé  des 
plaintes  que  la  masse  des  lecteurs  articulait  contre  l'obscurité  des  pre- 
mières œuvres  de  Ronsard    (cf.  Œuvres  de    Tijard,  éd.  M.-L.,  p.  228). 

p.  18,  1.  24.  —  impudence.  Cette  addition  est  inspirée  de  trois  vers  de 
l'Elégie  de  L'Hospital  Magnificis  aulae  cultoribus  (v.  ci-après,  p.  133): 

Diceris  ut  nostris  excerpere  carmina  libris 
Verbaque  judicio  pessima  quaeque  tuo 
Trunca  palam  Hegi  recitare  et  Régis  amicis. 

m.   IV,  362.) 

P.  18,1.  28.  —  Ptoloméc.  «  Impatient  que....  »,  latinisme  pour  «  ne  pou- 
vant souffrir  qu'un  autre...  »  Toute  cette  phrase  est  presque  textuelle- 
ment empruntée  à  la  préface  (Epitre  au  Lecteur)  de  l'édition  princeps 
des  Quatre  premiers  livres  des  Odes  (1550).  «  Tel  fut  jadis  Bacchylide 
à  lentour  d'Hieron  Roi  de  Sicile  tant  notté  par  les  vers  de  Pindare  :  et 
tel  encores  fut  le  sçavant  envieus  Challimaq  impatient  d'endurer  qu'un 
autre  flattast  les  oreilles  de  son  Roi  Ptolemée,  médisant  de  cens  qui 
tàchoient  comme  lui  de  goûter  les  mannes  de  la  roialle  grandeur.  » 
(Bl.,  II. ,  14  ;  texte  rectifié  par  M.-L.,  II,  477.)  —  Une  partie  de  la  phrase 
suivante  est  empruntée  à  cette  fin  de  l'Avertissement  au  Lecteur  qui 
précédait  la  même  édition  de  1550  :  ((  ...  lors  le  Poëte  se  doit  assurer 
d'avoir  bien  dit,  voire  de  la  victoire,  puisque  ses  adversaires,  mal  em- 
bastonnez,  le  combatent  si  foiblement    »   {Ibid.,  IS) 

P.  18,  1.  47.  — prisé.  Ode  à  Calliope,  publiée  en  1550  i^Bl.,  II.  135;.  On 


ET    r.RITIQl  E  127 

ne  voit  pas  comment  Binet  a  pu  trouver  dans  ces  vers  la  preuve  des 
«  médisances  »  dont  fut  l'objet  Ronsard  pindariseur,  puisque  le  poète 
y  dit  au  contraire  qu'il  se  voit  «  prisé  »  pour  avoir  «  pindarisé  ».  C'est 
du  remplissage  illogique. 

P.  19, 1.  9.  —  maçonné.  Cf.  Bl.,  II,  303  ;  M.-L  .  II,  380.  Ode  publiée  en 
octobre  1552,  la  3e  du  Cinquiesnie  livre  des  Odes  avec  ce  simple  titre 
A  Madame  Marguerile  (elle  ne  devint  duchesse  de  Savoie  qu'en  1559 
par  le  traité  de  Cateau-Cambrésis),  mais  composée  dès  la  seconde 
moitié  de  1550  (v.  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  pp.  79  à  82;.  Binet 
la  cite  d'après  l'éd.  de  1584. 

P.  19,  1.  12.  —  de  Marie.  C'est  en  1555  que  parurent  les  premières  pièces 
inspirées  par  Marie,  dans  la  Continuation  des  Amours  ',  les  autres  pa- 
rurent en  155G  dans  la  Nouvelle  Continuation  des  /Imoi/rs.  Elles  furent 
réunies  dans  la  première  édition  collective  (1560j  sous  le  simple  titre  : 
Deuxième  livre  des  Amours,  qui  fut  conservé  dans  les  éd.  suivantes. 
C'est  seulement  à  partir  de  1584  que  cette  section  des  Amours  se  ter- 
mina par  la  clausule  :  «  Fin  de  la  première  partie  des  Amours  de  Marie 
Angevine.  »  D'ailleurs  Ronsard  indiqua  dès  1555-60  à  plusieurs  reprises 
le  lieu  d'origine  de  sa  Marie,  la  ville  de  Bourgueil  (alors  en  Anjou,  au- 
jourd'hui dans  le  département  d'Indre-et-Loire  ;  voir  notamment  Bl,  I, 
151,  179,  191,  220,  230. 

Quant  au  changement  de  son  style,  Ronsard  en  a  lui  même  parlé  à 
la  fin  de  VElegie  à  son  livre  iBl.,  I,  146)  et  Remy  Belleau  l'a  souligné 
dans  son  Commentaire  du  Deuxième  livre  des  Amours  (M.-L.,I,  405  et 
407).  V.  ma  thèse  sur  Ronsard  p  lyr.,  pp.  150  à  175  ) 
p.  19,  1.  14.  —  de  Bourgueil.  «  Souvent  »  est  exagéré.  Ronsard  a  écrit 
une  seule  fois  : 

J'aime  un  pin  de  Bourgueil,  où  Venus  appendit 
Ma  jeune  liberté...  (Bl.,  I,  173;  M.-L,,  I,  154), 

et  encore  est-ce  une  variante  que  Binet  lisait  dans  l'édition  de  1584,  au 
lieu  du  te.xte  primitif  de  1556  «  un  pin  eslevé  ». 

Il  est  vrai  qu'il  a  également  écrit  dans  un  sonnet  de  la  même  année  : 

Si  quelque  amoureux  passe  en  Anjou  par  Bourgueil 
Voj'c  un  pin  eslevé  par  dessus  le  village.     (Bl  ,  I,  179.) 

(Binet  lisait  en  1584  :  «  Voye  un  Pin  qui  s'esleve  au-dessus  du  village  ))), 
et  dans  le  Voyage  de  Tours,  qui  est  de  1560  : 

Par  le  trac  de  ses  pas  j'irois  jusqu'à  Bourgueil 

Et  là,  dessous  un  pin,  couché  sur  la  verdure 

Je  voudrois  revestir  ma  première  figure     (Ibid.,  189)  ; 

ce  qui  suffit,  étant  données  les  habitudes  des  poètes  du  xvi**  siècle,  à 
justifier  l'hypothèse  de  Blanchemain,  appelant  cette  Angevine  Marie  du 
Pin  (Bl.  VIII,  26  ,  M.-L.,  I,  406). 

Tout  en  admettant  avec  les  deux  derniers  éditeurs  de  Ronsard  le 
jeu  de  mots  qu'il  aurait  fait  par  trois  fois  sur  le  mot  pin  (comme  Ma- 
rot  dans  l'épigramme  XII  De  Madamoyselle  du  Pin), je  crois  qu'il  s'ap- 
pliquait non  pas  au  nom  de  Marie  (à  moins  de  l'écrire  Dupin),  mais  à 


128  COMMENTAIKE    IIISTOHIQIE 

son  surnom.  Il  est  très  vraisemblable  qu'un  grand  pin  existait  tout  près 
de  Ihotellerie  tenue  par   ses  parents    (cf.  le   Commentaire  de  Belleau, 
Bl.,  I,  220,  note  1),  et  que  cette  hôtellerie  avait  pour  enseigne  :  «  Au  Pin 
de  Bourgucil  ».  D'où  l'appellation  populaire  de  Marie  du  Pin,  si  con- 
forme au.\  usages  des  campagnards,  qui  distinguent  par  le  nom  de  l'au- 
berge ou  du  hameau  qu'elles  habitent  les  différentes  personnes  portant 
le  même  prénom.  C^est  seulement  ainsi  que  peut  s'expliquer  l'addition 
de  Binet  en  C  :   «  ...laquelle  il  entend  souvent  sous  le  nom  du  Pin  de 
Bourgueil,  parce  que  c'est  le  lieu  où   elle  demeuroit  et  où  il  la  vit  pre- 
mièrement... )) 
p    ]9^  1    i().  —  ses  Amours.  Le  Commentaire  de   Muret    parut    dans    la 
seconde  édition  des  Anioins  en  mai  1553  (v.  maChroiwl.  dcspocs.dc  R. 
dans  la  Rev.  d'Hist.  litt.  de    1905,  pp.  247  et  suiv. ).    Il    fut  reproduit 
dans  toutes  les  éd.  suivantes,  mais  avec  des  additions  qui  ne  sont  pas 
et  ne  peuvent  pas  être  de  Muret,  quoiqu'elles  aient  été  imprimées  sous 
son  nom.  On  sait  que  Muret,  forcé  de  quitter  la  France  en  1554,  résida 
en  Italie  jusqu'à  sa  mort,  sauf  deux  ans  qu'il  passa  en  France  (1561-63). 
En  outre,  certains  sonnets,  rangés  en  15G0  dans  le  2«  livre  des  Amours, 
et   par    conséquent   annotés  par  Belleau,  passèrent    en    1578   dans    le 
1er  livre,  avec  leurs  notes  sous  la  signature  de  Muret.  Enfin  les  Stances 
Quand  au  temple  nous  serons,  rangées  parmi  les  Odes   jusqu'en    1578 
inclus,  puis  dans  le  1"  livre  des   Amours   en  1584,  n'ont  été  accompa- 
gnées que  dans  la  première   éd.  posthume    de    cette    note    de    Muret  : 
«  Cette  chanson  n'appartient  en  rien  à  Cassandi'e  »,    alors   que   Muret 
était  mort  à  Rome  depuis    plus    de  dix-huit   mois.  —  Il  y  a  donc  une 
question  de  l'authenticité  d'une  partie  du  Commentaire  de  Muret. 

Le  Commentaire  de  Belleau,  relatif  à  la  première  partie  du  2«  livre 
des  A77jonrs,  parut  dans  la  première  édition  collective  1560),  précédé 
d'un  sonnet  de  Gui  11.  des  Autels,  dont  voici  la  fin  : 

Ainsi  toj'  qui  n'es  pas  seulement  interprète, 
Mais  as  ja  le  front  ceint  de  l'honneur  du  poêle, 
Tu  peus  ouvrir,  Belleau.  du  grand  Ronsard  le  style. 
Je  voudrois  qu'Hésiode  époinct  d'un  tel  souci 
Eust  illustré  les  vers  de  son  Homère  ainsi. 
Et  qu  Horace  en  eust  fait  autant  de  son  Virgile. 

Ce  Commentaire  fut  reproduit  dans  toutes  les  éditions  suivantes,  mais, 
à  partir  de  1578,  avec  des  additions  et  des  variantes  contradictoires  qui 
ne  peuvent  pas  être  de  Belleau,  mort  d'ailleurs  dans  les  premiers  jours 
de  mars  1577  ;  sans  compter  que  des  notes  signées  jusque-là  par  Bel- 
leau passèrent  sous  le  nom  de  Muret  au  bas  de  pièces  transportées  dans 
le  premier  livre  des  Amours.  —  Il  y  a  donc  une  question  de  l'authen- 
ticité de  quelques-uns  des  Commentaires  de  Belleau,  notamment  de 
ceux  qui  accompagnent  à  partir  de  1578  les  sonnets  à  Sinope. 

La  deuxième  partie  du  2  livre  des  Amours,  celle  qui  est  relative  à  la 
mort  de  Marie,  a  été  commentée  par  Nicolas  Richelet.  Ce  Commen- 
taire, composé  dès  1592  d  après  la  dédicace),  parut  dans  l'édition  de 
1597  ;  il  est  donc  étonnant  que  Binet  n'en  ait  pas  parlé  dans  sa  troi- 
sième rédaction,  d'autant  plus  qu'ils  ont  été  en  relations,  nous  le 
savons  par  Richelet  lui  même  (v.  ci-après,  aux  mois  «  en  la  louant  ».) 


KT    rRITintK 


129 


p.  19,  1.  19.  —  calomnies.  Marty-Lav.  a  reproduit  une  partie  de  cette 
dédicace  dans  sou  édition  de  Ronsard,  I,  373.  Cf.  ma  thèse  sur  Ronsard 
p.  lyr.,  p.  107.  —  Le  personnage  auquel  cette  dédicace  est  adressée  est 
Adam  Fumée,   «  conseiller  du  Koy  en  son  Parlement  de  Paris  ». 

P.  19,  1.  33.  —  qui  estait  Baïf-  Assertion  très  contestable.  On  lit  dans 
le  Commentaire  de  Belleau  :  «  (Ronsard)  arriva  en  Anjou..  Un  jour 
d'Avril  accompagné  d'un  sien  ami),  r'alluma  plus  cruellement  un  nou- 
veau feu  dans  son  cœur,  et  devint  amoureux  et  aflectionné  serviteur 
d'une  jeune,  belle,  honneste  et  gracieuse  maistresse,  laquelle  il  célèbre 
en  ceste  seconde  partie  de  ses  Amours.  »  (M.-L.,  I,  407.)  Mais  que  cet 
«  amy  »  ait  été  Baïf,  j'en  doute  fort. 

D'abord  Baïf,  qui  a  parlé  de  Marie  du  Pin  à  deux  reprises,  ne  l'a 
pas  fait  comme  un  témoin  de  la  première  entrevue  entre  elle  et  Ron- 
sard, mais,  au  contraire,  comme  s'il  y  fût  resté  étranger  (éd.  Marty- 
Laveaux,  1,  8  et  9  ;  II,  129  et  130). 

Ensuite,  en  avril  1555,  date  de  la  rencontre  de  Marie,  non  seule- 
ment Baïf  était  absorbé  à  Paris  par  la  publication  des  quatre  livres 
de  l'Amour  de  Francine,  mais  Ronsard  et  Baïf  étaient  alors  fâchés, 
comme  en  témoigne  un  sonnet  du  2^  livre  de  cette  œuvre,  Ronsard  que 
les  neuf  Sœurs  (M.-L.,  1,  192).  Colletet  avait  déjà  remarqué  la  mésin- 
telligence passagère  des  deux  poètes  en  s'appuyant  précisément  sur  ce 
sonnet  (  Vie  d'A.  de  Baïf,  extrait  publié  par  A.  de  Rochambeau  dans  sa 
Famille  de  Ronsart,  éd.  elzévirienne,  p.  195)  ;  mais  il  n'en  a  dit  ni  le 
motif,  ni  la  date-  —  J'ai  indiqué  le  motif  dans  la  Revue  de  la  Renais- 
sance, d'octobre  1902,  pp.  75  à  77.  Il  est  certain  que  leur  amitié  a  subi 
une  éclipse  de  plus  d'un  an  à  la  suite  de  propos  aigres  qu'ils  avaient 
échangés  sur  la  sincérité  de  leurs  poésies  amoureuses,  Baïf  aj^ant  été 
probablement  l'agresseur  ;  voir  trois  autres  sonnets  de  Baïf:  Souvent 
Ronsard  pour  l'amitié  sincère....  Nul  je  ne  v eu  blâmer  d'écrire  à  sa 
façon.-..  Banques  on  dit  que  mon  amour  est  feinte...  (M.-L.,  I,  121, 
137  et  163),  et  un  sonnet  de  Ronsard,  Bciif  il  semble  à  voir  tes  rimes 
langoureuses  (Bl.,  I,  400  ;  M.-L.,  VI,  11).  —  Quant  à  la  date,  on  peut 
la  déterminer,  je  crois,  assez  exactement.  Les  cinq  sonnets  précités  ont 
paru  en  1555.  ceux  de  Baïf  dans  l'Amour  de  Francine  {l'«  partie  de 
l'année),  celui  de  Ronsard  dans  la  Continuation  des  Amours  (2e  partie 
de  l'année).  La  brouille  était  donc  dans  son  plein  cette  année-là.  Si, 
d'autre  part,  on  se  reporte  au  sonnet  Ronsard  que  les  neuf  Sœurs,  le 
2'  quatrain  ne  laisse  guère  de  doute  : 

Mais  le  bouillant  courroux  de  ton  cœur  ne  s'alante  : 
Lan  s'est  changé  depuis,  et  point  ue  s'est  changée 
L'ire  que  tu  conceus  pour  ta  gloire  outragée. 
S'il  est  vraj'  ce  que  nient  une  langue  méchante. 

D'api'ès  ces  vers,  ce  serait  en  1554  que  la  brouille  éclata,  soit  pendant 
les  neuf  mois  que  Baïf  passa  près  de  Francine  à  Poitiers,  soit  au  retour 
de  cette  longue  absence  vers  le  1er  décembre  (v.  les  sonnets  Comme  le 
simple  oiseau,  et  Paris  mère  du  peuple,  M.-L.,  I,  97  et  189).  Les  deux 
poètes  se  réconcilièrent  soit  vers  la  fin  de  1555,  soit  au  début  de  1556, 
comme  le  prouvent  ces  premières  lignes  des  Dialogues  contre  les  nou- 

VIE    UE    V.    DE    RO.NSAKD,  9 


l3o  r.OMMKNTAlUK    llISTOltlQLK 

veaux  Acadciniciens  de  Guy  de  Bruès,  publiés  en  1557  (Paris,  Cavellat), 
mais  avec  un  privilège  daté  du  30  août  1556  :  «  liaïf  :  J'ay  expéri- 
menté, Amv  Ronsard,  ce  que  des  longtemps  j'avois  ouy  dire,  c'est  que 
les  choses  que  nous  avons  perdues  (si  d'aventure  nous  les  recouvrons) 
nous  sont  beaucoup  plus  clicres  et  agréables  qu'elle  n'etoient  aupara- 
vant, parce  que  lors  nous  connoissons  mieux  leur  valeur  et  importance. 
Non  sans  cause  je  te  di  ceci,  car  me  voiant  maintenant  remis  en  ta 
bonne  grâce,  de  laquelle  (avec  peu  d'occasion)  j'avois  été  si  longtemps 
eloingné,  je  m'estime  sans  comparaison  plus  heureux  que  je  ne  faisois 
ci-davant,  connoissant  combien  est  honorable  l'amitié  d'un  tel  person- 
nage que  tu  es.  —  Ronsard  :  On  me  donnoit  plus  d'occasion  que  tu  ne 
dis,  de  t'estimer  peu  aiïectionné  en  mon  endroit  :  toutesfois  ce  soupçon 
incertain  estant  surmonté  par  l'amitié  qui  a  esté  entre  nous  des  nostre 
enfance,  les  admonestementz  de  nos  plus  singuliers  amys  ont  eu  plus 
de  puissance  sur  moj^  que  ceux  qui  disoient  que  tu  m'avois  offensé  : 
joint  que  de  mon  naturel  j'ayme  mieux  oublier  toutes  rancunes,  que 
vouloir  mal  à  un  tel  personnage  que  toy  :  bien  est  vray  qu'il  ne  faut 
jamais  (si  nous  pouvons)  sçavoir  combien  est  grande  la  pacience  d'un 
amv.  Mais  je  te  prie  oublions  tous  ces  propos,  et  nous  souvenons  seu- 
lement de  nous  aymer,  et  de  communiquer  nos  estudes  enscmblément, 
comme  nous  avions  acoustumé.  »  (Bibl.  Nat.,  Rés.  Z,  836.) 

Pour  en  revenir  à  Binet,  il  n'ignorait  pas  la  divergence  de  caractère 
qui  séparait  Ronsard  de  Baïf,  ni  les  «  aigres  humeurs  »  qui  les  auraient 
pour  toujours  éloignés  l'un  de  l'autre  sans  «  la  douce  raison  »  qui 
chaque  fois  les  rapprochait  (v.  le  2'ombeaii  de  Ronsard,  éd.  Bl.,  VIII, 
240  et  241).  Mais  il  semble  bien  qu'il  ait  ignoré  cet  épisode  lointain  de 
la  vie  des  deux  poètes,  surtout  sa  date.  Autrement,  il  n'aurait  pas  avancé 
que  Baïf  se  trouvait  avec  Ronsard  quand  celui-ci  i-encontra  Marie  du  Pin. 
Son  affirmation  est  d'autant  plus  suspecte  qu  elle  parut  seulement 
en  C,  plus  de  sept  ans  après  la  mort  de  Baïf,  arrivée  en  septembre  1589. 
Il  s'est  vraisemblablement  produit  une  confusion  dans  son  esprit  entre 
la  note  de  Belleau  que  nous  avons  citée  plus  haut  et  le  Voyage  de  lueurs, 
à  la  suite  duquel  il  avait  lu  cette  autre  note  du  même  commentateur  : 
«  Il  (Ronsard;  escrit  en  ce  chant  pastoral  un  voyage  que  J.-A.  de 
Baïf...  et  luy  firent  à  Tours  pourvoir  leurs  maisti'esses.  »  (Bl.,  I,  182  ) 
Or  ce  chant  pastoral  fut  composé  certainement  après  1557,  très  pro- 
bablement au  printemps  de  1560,  et,  dans  tous  les  cas,  n'a  aucun  rap- 
port avec  la  première  entrevue  de  Ronsard  et  de  Marie. 

L'ami  qui  accompagnait  Ronsard  lors  de  cette  première  entrevue  est 
bien  plutôt  Charles  de  Pisseleu,  abbé  de  Bourgneil,  auquel  Ronsard 
avait  adressé  trois  de  ses  premières  odes  et  adressait  encore  en  1555 
l'épître  Avant  que  l homme  sait  ,B1.,  II,  223,  418,  450;  VI,  308),  qui 
résidait  alors  dans  son  abbaye  et  qui  le  supplanta  dans  les  faveurs  de 
Marie  (cf.  Bl.,  I,  148,  note,  et  401,  sonnet  de  1556,  O  toy  qui  n'es...)  ; 
à  moins  que  ce  ne  soit  Belleau  lui-même,  l'auteur  du  Commentaire  de 
la  première  partie  des  Amours  de  Marie  (cf.  Bl  ,  I,  203,  Ne  me  suy 
point,  Belleau...). 
P.  19,  1.  34.  — de  laquelle.  C'est-à-dire  au  sujet  de  laquelle.  L'équivoque 
disparaît  dans  la  troisième  rédaction. 


FT    CIUTIQIE  l3l 

P.  19,  1.  37.  —  conceûe.  Binet  veut  dire  :  «  Il  a  fort  aimé  Marie  après 
avoir  fait  l'amour  à  Cassandre  pendant  dix  ans,  et  il  a  quitte  Marie  par 
quelque  jalousie  conçue.  »  Les  sources  de  cette  addition  de  C  se  trou- 
vent dans  V Elégie  à  son  livre,  prologue  du  Deuxième  livre  des  Amours, 
dans  quelques  pièces  où  la  jalousie  de  Ronsard  est  manifeste  (Bl.,  I, 
145,  148,  191,  403,  404),  enfin  dans  ce  passage  d'une  Elégie  à  Genevre: 

Je  m'espris  en  Anjou  d'une  belle  Marie... 

Mais,  o  cruel  destin,  pour  ma  trop  longue  absence 

D'un  autre  serviteur  elle  a  fait  accoinlance.         (Bl.,  IV,  229.) 

CoUetet,  interprétant  mal  la  phrase  de  Binet,  a  faussement  écrit  à 
propos  de  Cassandre  :  «  Du  moins,  au  rapport  de  Claude  Binet,  la 
quitta-t-il  pour  quelque  jalousie  conçue.  ))  {Vie  de  Ronsard,  éd.  par 
Blanchemain,  p.  60.) 

p.  19,  1.  39.  —  beaucoup.  Source  très  probable,  ces  lignes  signées  R. 
Belleau,  en  note  du  sonnet  Mes  soupirs,  mes  amis  (BL,  1,178):  «  ...  Ce 
sonnet  et  le  madrigal  précèdent,  comme  beaucoup  d'autres  de  ce  livre, 
sont  fort  simples  et  faits  sans  grand  artifice,  tout  exprès  composez  ainsi 
par  nostre  Autheur,  comme  il  m'a  dit,  pour  varier  son  style,  tantost 
haut,  tantost  bas,  tantost  médiocre,  selon  qu'il  l'a  voulu,  encores  que 
la  gravité  luy  fust  propre  et  naturelle.  »  —  Cf.  la  note  du  même  au 
sonnet  Marie  levez-vous  (B1.,I,  164)  :  «  Ce  ne  sont  que  mignardises, 
lesquelles  sont  plus  belles  en  leur  simplicité  que  toutes  les  inventions 
alambiquées  des  Espagnols,  et  de  quelques  Italiens...  » 

Quant  au  jugement  lui-même  de  Belleau  et  de  Binet,  il  ne  faudrait 
pas  l'appliquer  à  tout  le  Deuxième  livre  des  Amours,  notamment  aux 
chansons.  Celles-ci,  presque  toutes  imitées  du  poète  néo-latin  Marulle 
témoignent  au  contraire  d'un  «  artifice  »  très  visible  dans  la  composi- 
tion, et  la  «  simplicité  »  ne  s'y  manifeste  que  dans  le  vocabulaire  et 
par  l'absence  presque  complète  de  mj'thologie.  D'ailleurs  l'expression 
«  à  la  Catullienne  »  qu  emploie  Binet  est  contestable,  car  l'art  de  Catulle 
est  en  général  raffiné,  et  ce  n'est  pas  sans  raison  qu'on  a  dit  «  doctus 
CatuUus  »  (cf.  Couat,  thèse  sur  Catulle  ;  Lafaye,  Catulle  et  ses 
modèles).  Il  est  vrai  que  Ronsard  lui-même  a  opposé  le  «  beau  style 
bas,  populaire  et  plaisant  »  de  TibuUe,  d'Ovide  et  du  «  docte  Catulle  » 
à  celui  de  Pindare  (fin  de  V Elégie  à  son  livre,  prologue  du  Deuxième 
livre  des  Amours)  ;  et  il  est  encore  vrai,  comme  l'a  remarqué  Belleau 
dans  la  préface  de  son  Commentaire,  que  le  style  des  poésies  inspirées 
par  Marie  est  plus  simple  et  plus  clair  que  le  stj'le  des  poésies  inspi- 
rées par  Cassandre.  —  Pour  toute  cette  question,  v.  ma  thèse  sur 
Ronsard  p.  lyr  ,  pp.  153  et  suiv.,  534  à  549. 

P.  19,  1.  43.  —  digérer.  Cette  phrase  insérée  en  C  vient  de  VEpitre  au 
Lecteur,  préface  de  l'éd.  princeps  des  Quatre  prem.  livres  des  Odes 
C155Û)  :  «  Pour  telle  vermine  de  gens  ignorantement  envieuse  ce  petit 
labeur  n'est  publié,  mais  pour  les  gentils  esprits,  ardans  de  la  vertu  et 
dedaignans  mordre  comme  les  mastins  la  pierre  qu'ils  ne  peuvent 
digérer.  «  (Bl.,  II,  12.) 

p.  20,  1.  4.  —  de  Savoye.  En  1559,  par  son  mariage  avec  Emmanuel- 
Philibert,  duc  de  Savoie,  auquel  le  traité  de  Cateau-Cambrésis  rendait 


I,")3  CdMMKM' \lHi:     lllSTOltKH   I" 

son  cluclié.  Sur  icttf  princesse,  qui  fut  la  digne  nièce  de  Marguerite  I  de 
Navarre  par  la  protection  qu'elle  accorda  aux  écrivains,  en  particulier 
aux  deux  chefs  de  la  Brigade,  v.  II.  Chamard,  ./.  du  Bcllaij,  p.  222  et 
passini  ;  Roger  Peyre,  Une  Princesse  de  la  Renaissance,  et  H.  Patry, 
Bulletin  du  Protestantisme  de  janv.  1904.  Ronsard  l'a  maintes  fois  célé- 
brée, notamment  dans  un  Chant  pastoral  de  1559  et  dans  le  Tom- 
beau de  Marg  de  France  de  1574  ^Bl  ,  IV,  71  ;  VII,  177). 
P  20,  1.  8.  — pension  ordinaire-  Ronsard  n'a  pas  eu  à  se  louer  de  la 
générosité  de  Henri  II  autant  que  Binet  lallirme  ici.  Il  s'est  au  con- 
traire plaint  à  plusieurs  reprises  de  l'inditrérencc  de  ce  roi  pour  les 
poètes  et  delà  difïiculté  pour  eux  d'obtenir  ses  dons.  Voir  par  ex.  BL, 
VI,  pp.  285  et  suiv.,  pièce  parue  dans  les  Hymnes  de  1556;  VI,  166, 
Discours  contre  Fortune,  composé  au  début  de  1559  ;  III,  401,  élégie 
composée  en  1559;  III,  355,  poème  composé  en  1561  et  publié  en  1565  ; 
III,  316,  poème  composé  en  1565  et  publié  en  1567.  Une  seule  fois  il  a 
loué  Henri  II  comme  protecteur  des  écrivains,  mais  c'est  dans  une  com- 
plainte à  Catherine  de  Médicis,  écrite  en  1563,  et  encore  avec  quelles 
restrictions  !  (BL,  III,  375à377).  —  D'ailleurs  Binet  s'est  contredit  par 
une  addition  de  G,  insérée  plus  loin  à  propos  de  la  Franciade  (v.  ci- 
après,  p.  146,  note  sur  les  mots  «  de  son  temps»). 

C'est  néanmoins  sous  ce  règne  que  Ronsard  obtint  :  1°  le  bénéfice  de 
la  cure  de  MaroUes-en-Brie  (1553)  ;  2°  en  échange  de  celui  ci,  le  béné- 
fice de  la  cure  de  Challes  au  Maine  (1554)  ;  3°  le  bénéfice  de  la  cure- 
baronnie  d'Evaillé  au  Maine  (1555);  4'  le  bénéfice  de  la  cure  de  Warluis 
en  Beauvaisis  (1557)  ;  5"  probablement  celui  de  la  cure  de  Cbampfleur 
au  Maine  (1557  ou  58  '!)■  Mais  ce  fut  par  suite  des  libéralités  directes  des 
prélats  Jean  du  Bellay.  Odet  de  Châtillon,  Charles  de  Pisseleu,  peut- 
être  Charles  de  Lorraine  (cf.  L.  Froger,  Rons.  ecclésiastique  ;  P.  Bon- 
nefon,  Rev.  d'Hist.  lilt-  de  1895,  p.  244)  ;  et  L-  Froger  a  eu  raison 
d'écrire  :  «  Henri  11  aimait  le  chef  de  la  Pléiade,  mais  c  était,  paraît-il, 
d'une  amitié  toute  platonique.  Le  titre  daumônier  et  la  pension  de 
douze  cents  livres  attachée  à  cette  sinécure,  tel  fut,  croyons-nous,  tout 
le  bilan  des  générosités  du  monarque  »  {Op.  cit.,  p.  30)  Encoreaurait- 
il  fallu  ajouter  que  Ronsard  n'obtint  le  titre  de  «  conseiller  et  aumos- 
nier  ordinaire  du  Roy  »  qu  aux  environs  du  l«r  janv.  1559.  sans  doute 
à  la  place  de  Mellin  de  Saint-Gelais,  mort  en  octobre  1558.  Il  en  est  fait 
mention  pour  la  première  fois  dans  un  privilège  daté  du  23  févr.  1558 
(1559,  n.  st  .)>  qu'on  lit  dans  le  Discours  de  M(jr  le  Duc  de  Savoie  et 
dans  la  Suite  de  l'Hymne  du  Cardinal  de  Lorraine,  avec  cette  addition  : 
«...  du  Roy  et  de  Madame  de  Savoie  »  (Bibl-  Nat.,  Ye,  501  ;  Ye,  498). 
Cf.  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  /yr.,  chap.  m,  §  4-  —  La  pension  annuelle 
de  1.200  livres  tournois  attachée  à  cette  sinécure  était  payée  à  Ronsard 
par  trimestres  (cf.  B1.,VIII,  39,  note  3;  Rochambeau,  op.  cit.,  p.  141  ; 
mais  Bl.  a  lu  1563  pour  la  date  de  cette  quittance,  et  Rochambeau  1573) . 
D'après  un  texte  que  nous  citons  plus  loin  (p.  147,  aux  mots 
«  pris  et  valeur  »),  Ronsard  avait  déjà  le  titre  de  «  poète  ordinaire  du 
Roy  ))  en  mai  1554.  En  outre,  on  trouve  dans  le  recueil  des  Odes, 
Enigmes  et  Epigrammes  de  Ch.  Fontaine,  publié  à  Lyon  en  1557,  un 
quatrain  A  Pierre  de  Ronsard  Poêle  du  Roy. 


ET    CRITIQUE  I  33 

P.  20,  I.  17.  —  de  chanter.  Ode  .1  Madame  Marguerite,  publiée  la 
3e  du  Cinquiesme  livre  en  1552.  Ici  comme  plus  haut,  Binet  cite  d'après 
l'éd.  de  1584  (à  part  point  au  lieu  de  pas),  non  d'après  l'éd.  princeps, 
qui  ne  contenait  pas  la  .strophe  d'où  ces  vers  sont  extraits,  ni  d'après 
les  éd.  de  1553  et  de  1560,  où  se  lit  la  variante  : 

Quoi  ?  n'esse  pas  loi,  vierge  n'esse, 
N'esse  pas  toi,  docte  l'riiicesse, 
Qui  me  donnas  cœur  de  chanter... 

P.  20,  1.  19.  —  de  France.  L'expression  est  impropre  et  obscure. 
Marguerite  de  France  prit  LHospital  pour  Chancelier  à  partir  d'avril 
1550,  en  qualité  de  Duchesse  de  Berry  ;  puis  en  1559,  en  qualité 
de  Duchesse  de  Savoie.  Enfin  L'Hospital  fut  nommé  Chancelier  de 
France  et  Garde  des  Sceaux  le  30  juin  1560.  (Voir  Dupré-Lasale,  Michel 
de  rilospital,  I).  Binet  s'est  heureusement  corrigé  en  C 

P.  20,  1.  23.  —  atqne  Poëtis.  Cf.  Bl  ,  IV,  361.  Dupré-Lasale  s'est 
trompé  en  disant  que  cette  élégie  latine  fut  publiée  pour  la  première 
fois  dans  l'éd.  de  Ronsard  de  1609  (op.  cit.,  I,  319).  Elle  parut  dans 
la  prem.  éd  posthume  de  Ronsard  '1587),  mais  non  pas  «  au  front  de 
ses  œuvres  »,  comme  Binet  l'annonce  en  A  ;  elle  fut  insérée  à  la  fin  du 
tome  VI,  à  la  suite  des  Elégies,  où  elle  a  toujours  été  conservée.  Binet 
s'est  corrigé  sur  ce  point  en  B.  —  D'ailleurs  elle  n'a  pas  été  insérée 
dans  les  œuvres  de  M.  de  L'Hospital  avant  1732  (parmi  les  Carmina 
miscellanea  de  l'édition  d'Amsterdam,  pp.  458  et  suiv.  —  Bibl.  Nat., 
Yc,  8285). 

P.  20,  1.  28.  —  s'esvanoiiissent.  C'est  la  leçon  de  ABC  et  de  1604  qui 
nous  semble  la  vraie,  et  non  pas  celle  de  1609  à  1630,  s'esvanouissent. 
Il  s'agit  en  effet  non  plus  d'une  reflexion  générale  comme  dans  la  com- 
paraison précédente,  mais  d'un  fait  passé.  La  phrase  de  Binet  est  d'ail- 
leurs très  incorrecte,  par  suite  du  mélange  de  deux  tournures  :  lo  ou 
[ressemblèrent]  à  des  nues  qui  enflées  du  brouillas  d'une  nuit  s'évanoui- 
rent ;  2o  ou  comme  des  nues  enflées  du  brouillas  d'une  nuict  [elles] 
s'évanouirent.  —  En  somme  le  mot  gui  est  de  trop  ;  si  on  le  supprime 
la  phrase  devient  correcte  et  claire.  —  II  faut  entendre  par  «  ce  Soleil  » 
Ronsard. 

P.  20,  1.  40.  —  medisans.  Vers  extraits  du  Chant  pastoral  écrit  en  1559 
en  l'honneur  de  Madame  Marguerite,  récemment  mariée  au  duc  de 
Savoie  (Bl.,  IV,  79). 

P.  20,  1.  41.  —  nostre  âge.  Cette  expression  appliquée  à  Mich.  de  L'Hos- 
pital se  trouve  dans  le  sonnet  A  P.  de  Ronsard,  liminaire  des  Plaisirs 
de  la  Vie  rustique  de  Plbrac,  publiés  en  1576  (Paris,  Fed.  Morel)  : 

Ce  grand  Caton  François,  encor  en  sa  vieillesse 
Delà  saincte  fureur  des  neuf  Muses  épris... 

P.  21,  1.  1.  —  en  ses  Hymnes.  Cette  «  Epistola  commendatrix  », 
qu'on  peut  lire  dans  l'éd.  Bl.  au  tome  V,  p.  81,  date  de  la  fin  de  1558 
ou  du  commencement  de  1559.  Adressée  par  L'Hospital  à  Charles,  car- 
dinal de  Lorraine,  en  faveur  de  Ronsard,  elle  accompagnait  manuscrite 
VHgmne  de  Charles  Cardinal  de  Lorraine,  lequel  fut  composé  dans  les 


l3'l  fOMMKNTAÎRK     ITISTORKMK 

derniers  mois  de  1558,  et  imprimé  seulement  vers  le  1"  avril  1559. 
Bien  que  l'éd.  princeps  de  cet  Hymne  ne  contienne  pas  ladite  épître 
latine,  c'est  la  lecture  de  cet  Hi]mne  qu'elle  recommande  au  cardinal. 
Il  suffit  pour  s'en  convaincre  de  lire  de  suite  les  deux  pièces,  celle  de 
Ronsard,  puis  celle  de  L'Hospital,  en  ayant  soin  de  préciser  et  de  dater 
les  événements  historiques  auxquels  il  est  fait  allusion  dans  l'une  et 
dans  l'autre.  Ces  vers  notamment  ne  laissent  aucun  doute  ni  sur  la  date 
de  la  composition  de  l'épître,  ni  sur  l'œuvre  de  Ronsard  que  vante 
L'Hospital  : 

Janique  lui  dotes  animi  quam  sedulus  omnes 
Exequitur,  quaeqiie  hoc  bis  senos  Rege  per  annos 
Gesseris,  incipiens  a  priivo  flore  juventae. 
Ut  nunc    implicitum  bcllis,  quae    maxinia    noslrum 
Circumstant  Regem...  (et  ce  qui  suit). 

Cette  épître  latine  a  été  publiée  pour  la  première  fois  dans  l'éd.  collec- 
tive de  1560  au  premier  livre  des  Hymnes,  où  elle  précède  Y  Hymne  de 
la  Justice  de  1555  (avec  lequel  elle  n'a  aucun  rapport),  Y  Hymne  des 
Daimons  de  1555  (avec  lequel  elle  n'a  aucun  rapport,  Y  Hymne  du 
Cardinal  de  Lorraine  (avec  lequel  elle  a  un  rapport  étroit).  Elle  a  con- 
servé cette  place  dans  toutes  les  éd.  collectives  jusqu'en  1584  inclus. 
C'est  seulement  à  partir  de  la  première  édition  posthume  qu'on  la 
trouve  placée  où  elle  doit  être,  immédiatement  avant  YHymne  du  Car- 
dinal de  Lorraine. 

Binet  a  évidemment  cru,  lors  de  sa  première  rédaction,  que  L  Hos- 
pital  avait  composé  YEpistola  à  1  occasion  de  la  querelle  Saint-Gelais- 
Ronsard,  puisqu'il  en  parle  comme  d  une  œuvre  parallèle  à  YElegia,  et 
que  les  mots  «  En  recompense  dequoy...  »  retombent  à  la  fois  sur  les 
deux  pièces  latines  de  L'Hospital.  Cette  première  rédaction  dénote 
donc  une  grande  ignorance  ou  négligence  de  la  chronologie.  Mais  Binet 
fit  disparaître  la  confusion  en  B,  s'étant  rendu  compte  que  YEpistola 
(désormais  rapprochée  de  YHymne  du  Card.  de  Lorraine  dans  l'éd. 
posthume  des  œuvres  de  Ronsard)  n'avait  pu  être  écrite  que  12  ans 
après  l'avènement  de  Henri  II  au  trône,  c'est-à-dire  à  la  fin  de  1558  au 
plus  tôt,  et  que  d  ailleurs  elle  ne  faisait  aucune  .allusion  à  la  fameuse 
querelle.  Colletet,  interprétant  mal  Binet,  a  faussement  rattaché  cette 
Epistola  à.  la  querelle  Saint-Gelais-Ronsard  (  \7e  Je /?o/is.  éditée  par 
Bi.,  p.  39).  Marty-Laveaux  a  commis  la  même  erreur,  et  encore  une 
autre  en  citant  à  propos  de  cette  querelle  des  vers  qui  n  ont  aucun 
rapport  avec  elle,  extraits  d'une  Epître  de  Ronsard  au  Cardinal  de 
Lorraine,   publiée    parmi     les    Hymnes  de  1556  (Notice  sur   Ronsard, 

p.    XXXIII   . 

p.  21,  1.  8-  —  de  l'Ignorance.  Epode  xx  de  l'ode  pindarique  A  Michel 
de  L'Hospital,  publiée  en  septembre  1552.  mais  composée  dès  1550 
(y.  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr-,  pp.  79  à  82). 

On  a  vu  dans  la  note  précédente  que  les  mots  :  «  En  recompense 
dequoy  »,  qui  en  A  s'appliquent  aux  deux  pièces  latines  de  L'Hospital 
{YElegia  et  YEpistola)  ne  retombent  plus  en  BC  que  sur  YElegia. 
M"fi  Evers  a  essayé  de  montrer  que  Binet  s'était  trompé  même  dans  ses 
deux  dernières  rédactions,  et  que  l'ode  A    Michel  de  L'Hospital  ne  fut 


ET    riUTIQLE  r35 

pas  écrite  «  en  récompense  »  de  VEleçjia^  celle-ci  ayant  été  vraisembla- 
blement composée  en  décembre  1552. 

On  sait  par  une  lettre  latine  de  L'Hospital  à  Jean  de  Morel  du 
1er  décembre  1552.  publiée  par  P.  de  Nolhac  {Rev.  d'Hist  litt.,  1899, 
pp.  351  à  356),  quelle  ingénieuse  diplomatie  L'Hospital  a  déployée  pour 
amener  Ronsard  à  faire  la  paix  avec  Mellin  de  Saint-Gelais  et  Lancelot 
Carie,  évoque  de  Riez  :  L'Hospital,  qui  est  avec  la  Cour  à  Fontaine- 
bleau, charge  son  ami  Morel  d'intervenir  auprès  de  Ronsard  pour  lui 
faire  entendre  que  ses  adversaires  sont  prêts  à  capituler  ;  qu'il  y  va  de 
son  intérêt  de  ne  pas  repousser  leurs  avances,  de  cesser  ses  invectives, 
et  même  de  leur  adresser  à  l'occasion  du  Icr  janvier  quelques  vers 
d'  «  estrennes  »  qui  témoignent  de  sa  bienveillance  à  leur  égard  ; 
qu'enfin  il  évite  dans  ces  vers  les  nouveautés  bizarres  [abstineat  novis 
et  insolilis),  qui  ont  provoqué  leurs  critiques.  L'Hospital  demande 
encore  à  Morel  de  lui  répondre  de  telle  façon  qu'il  puisse  montrer  sa 
lettre  à  Carie,  et  il  lui  donne  le  canevas  de  cette  réponse:  «  Vous  direz 
qu'ayant  parlé  à  Ronsard  vous  avez  appris  de  sa  bouche  qu'il  n'a 
soupçonné  personne,  ni  l'évêque  de  Riez  ni  d'autres  ;  qu'il  pense  avoir 
leurs  sympathies,  n'aj'ant  pas  voulu  les  offenser;  que,  s'il  a  des  envieux 
qui  le  desservent  auprès  du  roi,  il  ne  veut  avoir  d'autres  patrons  et 
défenseurs  que  les  deux  hommes,  auxquels  il  est  lié,  sinon  par  un 
commerce  dintime  amitié,  du  moins  par  la  communauté  des  goûts 
littéraires. . .  »  —  Il  ressort  de  cet  important  document  que  L'Hos- 
pital élabora  en  détail  un  plan  de  réconciliation,  et  cela  à  l'insu  de 
notre  poète  (car  un  post-scriptum  recommande  à  Morel  de  ne  mon- 
trer la  lettre  de  L  Hospital  à  personne,  pas  même  à  Ronsard).  Ce  plan 
réussit  et  eut  pour  résultat,  entre  autres,  d'amener  Ronsard  à  modifier 
sa  manière  dans  le  sens  de  la  simplicité  Marotique  :  les  Folastries 
d'abord  1^1553)  le  2^  Bocage  et  les  Meslanges  ensuite  (1554),  enfin  la 
Continuation  et  la  Nouvelle  Continuation  des  Amours  (1555  et  56)  en 
sont  la  meilleure  preuve  (v.  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  hjr.,  première 
partie,  chap.  ii  et  m). 

Or  M"''  Evers  pense  [op.  cit.  p.  170  que  VElegia  de  L'Hospital  fut 
probablement  écrite  peu  après  la  lettre  à  Morel,  pour  les  raisons  sui- 
vantes: 1°  Les  deux  pièces  donnent  à  Ronsard  le  même  conseil,  celui 
de  changer  son  style,  mais  dans  la  lettre  à  Morel  il  est  présenté  comme 
tout  à  fait  nouveau,  et  L'Hospital  n'y  fait  pas  la  moindre  allusion  à 
VElegia,  qu'il  n'aurait  pas  manqué  de  montrer  à  Morel  si  elle  avait  été 
écrite  avant  la  lettre.  2»  Si  Ronsard  avait  déjà  connu  l'opinion  de 
L'Hospital  parle  moj'en  de  VElegia,  il  n'y  aurait  pas  eu  besoin  de  la  lui 
présenter  avec  tant  de  mj'stère  par  l'intermédiaire  de  Morel.  UElegia 
fut  donc  écrite  après  la  lettre  pour  corroborer  et  enfoncer  profon- 
dément les  idées  déjà  suggérées  à  Ronsard  par  Morel. 

Cette  argumentation  me  semble  plus  spécieuse  que  solide.  D'abord 
VElegia  a  très  bien  pu  être  écrite  avant  la  lettre  à  Morel,  surtout 
deux  ans  avant,  dans  la  seconde  moitié  de  1550,  sans  que  L'Hospital 
en  reparlât  dans  une  lettre  de  décembre  1552.  — En  outre,  si  L'Hospital 
procède  avec  mystère  dans  sa  lettre,  c'est  plus  encore  à  l'égard  de 
Saint-Gelais  et  de  Carie  qu'à  l'égard   de    Ronsard,  et  bien    plus  pour 


l36  (.o\i\ir\ r\iiu:   iiistouku  r 

ménager  l'amour-propre  des  deux  partis  que  pour  obtenir  de  Ronsard 
un  changement  de  style  dans  toutes  ses  œuvres.  Il  y  avait  deux  ans 
déjà  que  L'Hospital  et  quelques  amis  désintéressés  de  Ronsard 
cherchaient  à  lui  montrer  le  tort  qu'il  se  faisait  par  les  excès  de  sa 
manière  pindarique  et  alexandrine  :  le  conseil  que  L'Hospital  charge 
Morel  de  donner  à  Ronsard  était  loin  d'être  nouveau,  et  d'ailleurs  il  ne 
concerne  que  le  style  des  vers  qu'on  lui  demande  de  composer  en 
faveur  de  Saint-Gelais  et  de  Carie.  —  Enfin,  si  L'Hospital  avait  écrit 
VElcgia  au  moment  même  où  il  voulait  réconcilier  les  adversaires,  il 
n'y  eût  pas  étalé,  comme  il  l'a  fait,  les  torts  de  Saint-Gelais,  il  ne 
l'eût  pas  criblé,  comme  il  l'a  fait,  des  traits  de  la  plus  mordante  ironie. 

M"e  Evers,  prévoyant  cette  dernière  objection,  répond  subtilement 
que  ce  fut  là  de  la  part  de  L'Hospital  une  suprême  habileté  pour  ame- 
ner Ronsard  à  faire  la  paix,  et  que.  s'il  a  rempli  son  Elegia  de  sar- 
casmes et  de  reproches  à  l'adresse  de  Saint-Gelais.  c'est  simplement 
pour  flatter  la  vanité  de  Ronsard  et  rendre  plus  acceptable  le  conseil 
déplaisant  qu'il  lui  donnait,  à  savoir  de  sacrifier  l'érudition  dont  il 
était  si  fier,  et  même  de  flatter  ses  adversaires,  pour  obtenir  d'eux  le 
silence  et  la  paix  ;  que  d'ailleurs  il  faut  supposer  que  cette  Elegia  ne 
fut  jamais  lue  de  Saint-Gelais  ni  de  ses  amis,  qui,  se  V03'ant  traités 
si  insolemment,  auraient  repoussé  toute  idée  de  réconciliation. 

Si,  pour  étayer  le  raisonnement  de  M'ie  Evers,  une  telle  supposition 
est  nécessaire  —  et  elle  l'est  en  effet  -  ce  raisonnement  tombe  de  lui- 
même,  car  elle  est  inadmissible.  Comment  croire  que  L'Hospital  se 
fût  donné  la  peine,  pour  arriver  à  ses  fins,  d'écrire  une  pièce  de  176 
vers  latins,  et  quel  besoin  aurait-il  eu  de  la  mettre  dans  la  bouche  de 
Ronsard  comme  une  apostrophe  adressée  par  Ronsard  à  ses  ennemis, 
si  elle  avait  dû  rester  confidentielle?  Tout  porte  à  croire,  au  contraire, 
qu'elle  fut  écrite  pour  être  lue  de  toute  la  Cour,  comme  une  œuvre 
sortie  de  la  plume  de  Ronsard  lui-même,  et  par  conséquent  dès  le 
début  de  la  querelle  ouverte,  vers  juillet-août  1550.  Les  quatre  pre- 
miers vers  suffiraient  à  dater  cette  Elegia  : 

Magnificis    aulae  cuUoribus  atqiie    Poetis 

Hapc  Loria  scribit  valle  Poeta  novus, 
Excusare  volens  vestras  quod  laeserit  aures, 

Obsessos  aditusjani  nisi  livor  habet. 

Quant  au  passage  où  M"''  Evers  voit  un  conseil  détourné  à  Ronsard, 
tout  à  fait  comparable  à  celui  que  contient  la  lettre  de  L'Hospital  à 
Morel,  le  voici  traduit,  avec  l'insulte  qui  le  précède  et  la  menace  qui  le 
suit  :  «  Et  cependant  dit  Ronsard)  il  est  une  chose  qui  me  console,  et 
sert  de  baume  aux  coups  et  blessures  que  j'ai  reçus.  Si  j'étais  méprisé 
de  toi,  tu  n'attaquerais  pas  ainsi  mes  vers,  tu  ne  me  mordrais  pas  si 
souvent,  comme  tu  le  fais  de  ta  bouche  rageuse,  tu  ne  ci'aindrais  pas 
que  tes  œuvres  fussent  délaissées  quand  on  aura  lu  les  miennes,  tu  ne 
dirais  pas  en  toi-même  :  «  Hélas  !  que  faire  ?  Il  va  nous  détrôner,  nous 
rendre  au  commun  des  mortels,  nous  susciter  mille  ennuis.  Dès  qu'on 
aura  vu  et  entendu  ses  vers,  ils  plairont;  ils  plairont,  et  les  nôtres  sans 
valeur  seront  foulés  aux  pieds  honteusement.  »  Voilà  ce  que  tu  penses, 


ET    rR!TIQl-E  187 

si  tu  5' vois  quelque  peu  clair  en  toi-même,  si  tu  n'es  pas  égaré  par  la 
passion  ou  inconscient. 

«  Quel  courage  maintenant,  quelles  forces  pour  faire  des  vers,  quel 
espoir  dans  l'avenir,  je  dois  avoir,  qu'en  dis-tu  lorsque  je  me  vois, 
moi  chétif,  houspillé  pour  ces  médiocres  vers,  qui  me  plairaient  à 
peine  s'ils  ne  te  déplaisaient  pas'  Car  je  ne  m'admire  pas  autant  que 
tu  l'imagines;  je  ne  vais  pas  jusqu'à  trouver  bon  d'emblée  tout  ce  que 
j'écris.  Bien  mieux,  je  changerais  volontiers,  même  sur  tes  indications, 
ce  qu'il  y  a  de  nouveau  et  d'étranger  dans  mes  vers,  pour  que  doréna- 
vant tu  n'aies  plus  de  raisons  de  médire  de  moi,  ni  de  cribler  d'é- 
paisses ratures  les  mots  malsonnants,  et  que  je  fasse  cesser  ce  rire,  qui 
suffit  à  te  faire  passer  pour  un  grand  bouffon  parmi  nos  gens  d'élite. 
Combien  cette  façon  d'agir  est  digne  d'un  défenseur  sacré  du  Christ, 
vois  le  toi-même,  toute  la  France  le  voit 

«  Mais  après  que  tu  auras  reçu  satisfaction,  à  ton  tour  cesse  de  lancer 
contre  moi  les  traits  de  ta  bouche,  et  dépose  les  armes.  Mon  cœur  ne 
sera  pas  toujours  armé  de  patience,  je  ne  supporterai  pas  toujours  tes 
médisances  et  tes  moqueries.  A  regret,  je  le  jure,  je  m'armerai  des 
iambes  cruels,  et  sous  la  blessure  je  te  lâcherai  mille  vers,  qui  t'obli- 
gent à  te  pendre,  ou  à  t'exiler  honteusement  de  France;  afin  qu'on 
sache  bien  quel  sort,  quelle  miséral)le  fin  sont  réservés  à  la  langue 
intempérante  et  à  la  bouche  indiscrète-  » 

Je  le  demande  :  entre  cette  critique  très  désobligeante  et  ce  vigou- 
reux ultimatum,  peut-on  prendre  au  sérieux  les  propositions  de  paix 
du  milieu  de  ce  morceau,  et  croire  qu'elles  engagent  à  fond  leur  auteur? 
De  telles  avances  ou  concessions  dans  un  pareil  cadre  paraissent  plutôt 
une  ironie,  et  une  ironie  qui  n'eût  guère  été  opportune  si  L'IIospital 
avait  écrit  cette  satire  au  moment  même  où  il  mettait  tout  en  œuvre 
pour  réconcilier  les  deux  adversaires. 
P.  21,  1.  10.  —  Pallas  de  France.  Cf.  la  strophe  et  l'antistro.  11  delà  pre- 
mière ode  de  Ronsard  A  Madame  Marguerite,  publiée  en  1550  (Bl  ,  II, 
49),  un  passage  de  l'Hymne  de  Henri  II  (Id.,\,  74),  un  passage  du  Tom- 
beau de  la  même  princesse  (Id.,  VII,  189),  et  l'épître  d'Est.  Jodelle 
A  Mad.  Marguerite  publiée  en  tête  du  2"  livre  des  Hymnes  de  Ronsard 
en  1556  (Id..  V,  7  et  suiv  ).  —  Elle  était,  dit  Brantôme,  «  si  sage,  si 
vertueuse,  si  parfaite  en  sçavoir  et  sapience  qu'on  lui  donna  le  nom  de 
la  Minerve  ou  Palas  de  la  France»;  elle  portait,  dans  ses  armes,  ajoute- 
t-il,  un  rameau  d'olivier,  emblème  de  Pallas,  avec  cette  devise  :  Rerum 
sapientia  custos  (édition  Lalanne,  VIII,  128). 
P.  21,  1  13.  —  une  Palinodie.  Binet  fait-il  allusion,  comme  le  pense 
MUe  Evers  (op.  cit.,  p.  162),  aux  rétractations  orales  faites  à  la  Cour 
par  Saint-Gelais,  rétractations  dont  parle  Ronsard  dans  son  ode  A  M. 
de  Saint-Gelai.<i  : 

Mais  ore,  Melin,  que  tu  nies 

En  tant  d'honnestes  compaignies 

N'avoir  mesdit  de  mon  labeur. 

Et  que  ta  bouche  le  confesse 

Devant  moy-mesme,  je  délaisse 

Ce  despit  qui  m'ardoit  le  cœur. 

(M.-L..  II,  354.) 


i38 


roMMr\Tunr.  uisTonrotr: 


Ou  bien  fait-il  allusion,  comme  l'ont  pensé  Colletet,  Blancheniain  et 
Marty-Laveaux,  à  une  palinodie  écrite,  imprimée  en  tête  de  la  2'-  édition 
des  Amours  lôô3)  sous  le  titre  :  Sonet  de  M.  de  S.  G.  en  faveur  de 
P.  de  Ronsard  ?  (Cf.  le  Ronsard  de  Blanchemain,  I,  xxvi  ;  le  Saint- 
Gclais  du  même,  II.  262.^ 

J  adopte  cette  seconde  interprétation,  bien  que  1  expression  ><  chanter 
la  palinodie  »  soit  une  expression  toute  faite,  synonyme  de  «  se  ré- 
tracter »,  comme  dans  le  passage  de  la  lettre  à  Morel  où  L'Hospital  écrit 
en  parlant  des  adversaires  de  Ronsard  :  «  Mihi  videntur  palinodiam 
canere.  »  Mais  je  ne  suis  plus  de  l'avis  de  Colletet,  quand,  après  avoir 
cité  le  premier  quatrain  de  ce  sonnet  : 

D'un  seul  malheur  se  peut  lamenter  celle 
P>u  qui  tout  l'heur  des  astres  est  compris  : 
C'est,  ô  Ronsard,  que  tu  ne  sois  espris 
Premier  que  moy  de  sa  vive  estincelle... 

il  ajoute  :  «  Et  le  reste  qui  justifie  assez  clairement  que  Mellin  de 
Saint-Gelaisluy-mesmc  estoit  aussy  amoureux  de  Cassandre,  et  qu'aiiisy 
il  n'estoit  pas  moins  son  rival  en  amour  qu'en  poésie.  Et  peut-estre 
seroit-ce  la  raison  qui  obligea  Ronsard  de  la  quitter  après  l'avoir  aimée 
dix  ans  entiers.  »  {Vie  dcRons..  p.  60.)  Cette  opinion,  qui  a  été  prise  au 
sérieux  et  adoptée  par  Ménage  Ohserv.  sur  les  poés  de  Malherbe,  p.  553} 
et  Marty-Laveaux  'Notice  sur  Ronsard,  xxxv),  est  insoutenable,  car  en 
1553  Saint-Gelais  avait  62  ans,  Ronsard  28,  et  d'ailleurs  Cassandre 
Salviati,  mariée  dès  novembre  1546  à  un  châtelain  du  Vendômois, 
n  était  pour  Ronsard  qu'une  maîtresse  intellectuelle.  Blanchemain,  qui 
avait  d'abord  suivi  Colletet  dans  son  éd.  de  Ronsard  i  VIII,  23),  a  eu 
raison  de  s'en  séparer  dans  son  éd.  de  Saint-Gelais  (II,  263),  et  de  sup- 
poser que  dans  cet  obscur  sonnet  il  s'agit  de  Madame  Marguerite,  sœur 
de  Henri  II,  protectrice  commune  des  deux  poètes,  mais  célébrée  par 
Saint-Gelais  avant  de  l'avoir  été  par  Ronsard. 

Une  dernière  question.  Dans  les  œuvres  de  Saint-Gelais,  à  partir  de 
1  édition  Coustelier,  qui  est  de  1719,1e  dit  sonnet  est  adressé  à  Clément 
Marot,  et  on  lit  au  3e  vers  : 

C'est,  ô  Clément,  que  tu  ne  fus  espris... 

Faut-il  en  conclure,  avec  Blanchemain,  ou  que  Saint-Gelais,  réconcilié 
seulement  à  la  surface,  a  remplacé  dans  son  sonnet  avant  de  mourir  le 
nom  de  Ronsard  par  celui  de  Clément  éd.  de  Ronsard,  VIII,  24),  ou 
plutôt  qu'il  s'est  contenté  en  1553  d'adresser  à  Ronsard  un  vieux  sonnet 
primitivement  écrit  pour  Marot  (éd.  de  Saint-Gelais,  I,  24,  et  II,  263)  ? 
La  première  de  ces  hypothèses  (adoptée  par  M"e  Evers,  op.  cil.,  p.  166, 
n.  5)  me  semble  devoir  être  écartée,  car  la  réconciliation  fut  très  sincère 
delà  part  du  vieux  poète,  comme  le  prouve  un  sonnet  de  1554,  édité  par 
Blanchemain  (éd.  de  Saint  Gelais,  III,  112).  La  deuxième  hypothèse 
est  plus  plausible,  car  1"  du  temps  de  Marot  ce  sonnet  pouvait  très  bien 
s'appliquer  à  Marguerite  de  Navarre,  sœur  de  François  I""",  et  en  1553 
convenir  encore  à  sa  nièce,  Madame  Marguerite;  2"  Ronsard  a  fait 
quelque  chose  d'analogue,  précisément  dans  la  seconde  édition  des 
Amours,  en  ce  qui  concerne  le  sonnet  qui  commence  ainsi  : 


I 


ET    r.RlTIQfE  l3f) 

Pour  célébrer  des  astres  devestus 

L'heur  escoulé  dans  celle  qui  me  lime     (Bl  ,  I,  50  , 

remplaçant  le  douzième  vers  de  l'édition  princeps  : 

Et  me  faudroit  un  Desaultelz  encore-.. 

par  celui-ci  : 

Et  me  faudroit  un  Saingelais  encore...  ' 

Mais  cette  deuxième  lij'pothèse  n'en  reste  pas  moins  insuffisamment 
étayée,  vu  que  le  sonnet  de  Saint  Gelais  n'est  adressé  à  Cl.  Marot  dans 
aucune  édition  antérieure  à  celle  de  1719,  et  que  Blanchemain  déclare 
lui-même  ne  pas  savoir  où  l'éditeur  Coustelier  Ta  pris  (éd.  de  Ronsard, 
VIII,  24,  note). 

Il  se  pourrait  donc  que  Saint-Gelais  eût  écrit  le  sonnet  D'un  seul  mal- 
heur... en  1553,  tout  entier  à  la  louange  de  Ronsard,  et  que  seul  l'édi- 
teur du  XVIII®  siècle  fût  responsable  du  changement  d'adresse  et  de  la 
variante  du  3^  vers. 
P.  21,  1.  18.  —  mer  Egée.  Sur  cette  ode  A  Melin  de  Saint  Gclais,qm  parut 
en  appendice  de  la  2e  édition  des  Amour.';  (1553),  v.  ma  thèse  sur  Ron- 
sard p  lijr.,  pp.  108  à  110  et  p.  402  Comme  je  l'écrivais  déjà  dans 
\a.Rev.  d'IIist.  litt.  d'avril  1905,  p  247  :  «  C'est  à  cette  ode  que  Ron- 
sard fait  allusion  dans  une  lettre  qu'il  adressa  vers  la  fin  de  décembre 
1552  à  son  ami  et  protecteur  Jean  de  Morel  :  «  L'ode  de  Sainct  Gelays 
est  faite  et  ne  veux  la  lui  faire  tenir  sans  vous  l'avoir  premièrement 
communiquée.  «  Cf  A.  Rochambeau,  Rech-  sur  la  famillede  /?.,  p.  185. 
Michel  de  LHospital  et  Jean  de  Morel  désiraient  vivement  la  réconci- 
liation de  Ronsard  et  de  Saint-Gelais,  et  c'est  à  leurs  instances  que 
céda  notre  poète  en  écrivant  cette  ode  ;  cf.  Rev-  d'Hist.  litt.,  de  juillet 
1899,  art.  de  P    de  Nolhac,  pp.   353-55.  » 

Voici  le  rang  qu'elle  occupe  dans  les  éditions  collectives  du  xvi''  siè- 
cle :  elle  est  la  31^  du  quatrième  livre  en  1560,  la  30''  en  1567,  1571, 
1572,  la  28"  en  1578,  la  25"  en  158i,  la  21<'  dans  les  éd.  posthumes  ; 
nouvelle  preuve  que,  pour  la  rédaction  de  A,  Binet  a  consulté  la  der- 
nière édition  publiée  du  vivant  de  Ronsard. 

Sur  la  querelle  de  Saint-Gelais  et  de  Ronsard,  sur  les  personnages 
qui  intervinrent  en  faveur  de  notre  poète,  et  sur  son  ode  de  réconci- 
liation, voici  ce  que  dit  Velliard,  qui  ne  paraît  guère  mieux  renseigné 
que  Binet:  «  Petrus  Ronsardus...  iniitgratiam  non  ita  quidem  ab  om- 
nibus, quin  inter  aulicos  conflaverit  sibi  ingentem  invidiae  molem. 
Quemadmodumenim  lippi  clarum  solis  lumen  ferre  nequeunt,  itatanti 
ingenii  splendore  multis  oculi  doluere.  Vix  certe  vir  gravissimus  pro- 
cellas  invidiae  devitasset  sine  praesidio  et  auctoritate  illustrissimi 
principis  Caroli  Cardinalis  a  Lotaringia,  Mich-  Hospitalii  paulo  post 
Galliae    cancellarii,    Carnavalaei   -     et    Urbani    Mallei.     At    ut   crescit 


1.  Sur  cette    variante   Blanchemain    (VU,  3511    et  M"«  Evers  fp.   161)  se  sont 
trompés.  Hartwig  au  contraire  a  raison  {Ronsard-Studien,  I,  49-50). 

2.  Le    nom    de    Carnavalet  ne  figure  que  dans  la   2'^  édition  de    la  Laudatio 
funebris,  publiée  comme  la  première   en  1586  (Bibl.  Nat-,  Ln-^  17840). 


I.'JO  COMMENT  VinK,    IIISTOUIQUE 

vulnere  virtus.  tanto  scsc  vchcmcntius  excitavit  ad  omnes  partes  bcne 
audieiidi.  Paulatini  vero  viri  gravissimi  qui  cum  humanitatis,  tum 
litterarum  caussa  praestantibus  ingeniis  favcbant,  cum  illis  amicitiam 
conciliarunt,  eorumdemque  studiorum  similitudo  benevolentiam  postea 
conjunxit.  Intercessit  etiam  summa  Reg.  Catharinae  auctoritas,  quae 
non  solum  extinxit  omnes  invidiae  faces,  sed  eti:im  omnem  simultatis, 
omncm  alieni  animi  suspicionem  penitus  delevit.  P.  Honsardus  qui 
vera  cum  gloria  de  se  praedicare  poterat  illud  Plauti  elogium  :  In  me 
nunquam  invidia  innata  est,  neu  malitia  mala,  bono  ingenio  me  esse 
ornatum,  quam  auro  multo  malo,  —  P.,  inquam,  Ronsardus  qui  loties 
vetuit  hoc  caelesti  munere,  divino  furore,  Musarum  virginal!  pudore  et 
verecundia,  ad  pctuhuitiam  et  calumnias  abuti,  ne  cui  suspicionem 
ficte  reconciliatae  gratiae  daret,  Oden  cecinit  testem  candoris  animi 
sui,  et  obsidem  suae  in  omnes  voluntatis.  T>(Laiid.  fiin-  I,  f»  9  r»  et  V.) 

Mlle  Evers  a  consacré  à  la  querelle  de  Saint-Gelais  et  de  Ronsard  une 
intéressante  dissertation,  où  sont  étudiés,  entre  autres  choses:  l'origine 
de  la  querelle  ;  les  griefs  de  l'ancienne  école  contre  Ronsard  ;  la  période 
de  lutte  ouverte  ;  celle  de  la  réconciliation  ;  la  nature  de  cette  récon- 
ciliation (op.  cit.,  pp.  147  à  187).  On  y  trouve  des  remarques  justes  et  de 
fins  aperçus,  fondés  sur  de  nombreuses  citations.  L'ensemble  est  mal- 
heureusement gâté  par  des  erreurs  de  chronologie  et  de  variantes,  et  des 
conjectures  aventureuses,  dont  nous  avons  déjà  relevé  quelques-unes. 
Nous  devons  encore  signaler  ici  certaines  faiblesses  de  son  argumentation. 

Ainsi  que  M'I"-  Evers,  je  pense  qu'il  y  eut  une  période  de  rivalité 
sourde  entre  la  nouvelle  école  et  l'ancienne,  et  que  les  agresseurs  furent 
Du  Bellaj'  et  Ronsard.  Mais  il  faut  bien  distinguer  d'une  part  la  que- 
relle Du  Bellay-Sibilet-Aneau,  qui  se  passe  en  dehors  de  la  Cour  et 
éclate  dés  l'apparition  de  la  Deffence,  de  la  querelle  Ronsard-Saint- 
Gelais,  qui  se  passe  à  la  Cour  et  n'éclate  qu'un  an  plus  tard,  après  l'ap- 
parition des  Quatre  livres  des  Odes  II  y  a  évidemment  des  points  com- 
muns :  ainsi  le  régent  Lyonnais,  Barth.  Aneau,  en  critiquant  la 
Deffence  en  1550  dans  son  Quintil  Horatian,  prend  également  à  partie 
Ronsard  auteur  des  odes  pindariques  et  raille  ce  dernier  de  la  même 
façon  que  Saint-Gelais  devait  le  faire  presque  en  même  temps  à  la  Cour 
(édition  de  la  Deffence,  par  Chamard,  p.  225,  note  2).  Mais  Du  Bellaj', 
malgré  deux  allusions  malicieuses  de  la  Deffence  aux  œuvres  anonymes 
de  Saint-Gelais  (II,  ch.  ii  et  iv  ;  édit .  cit.,  pp.  182  et  212),  semble 
être  toujours  resté  en  bons  termes  avec  lui. 

D'autre  part,  quoi  qu'en  dise  Mll«  Evers,  H.  Chamard  a  eu  raison 
d'écrire  :  «  Le  différend  de  Saint-Gelais  et  de  Ronsard  surgit  en  1550 
après  l'apparition  des  Odes-  »  Avant  sa  première  Epiire  au  Lecteur,  de 
févr.  1550,  je  ne  vois  sous  la  plume  de  Ronsard,  dans  ses  œuvres  im- 
primées ou  celles  qui  pouvaient  circuler  manuscrites,  que  des  allusions 
vagues  à  l'ignorance  des  jjoètes  Marotiques  et  à  la  platitude  de  leur  style. 
Quant  aux  passages  de  la  Deffence,  des  Vers  lyriques  et  de  YHijmne 
de  France,  que  cite  M"*'  Evers  (p.  149),  ils  ne  contiennent  aucune 
allusion  à  Saint-Gelais  ;  je  n'y  vois  que  des  lieux  communs  sur  l'Igno- 
rance et  l'Envie,  qui  étaient  courants  chez  les  poètes  français  depuis  la 
querelle  MarotSagon    Enfin  lorscjue  Du  Bellay  écrit  dans  la  préface  de 


ET    CItITIQUK  I^I 

la  2"  édition  de  l'Olive  :  «  Or  aj'-je  depuis  expérimenté  ce  qu'au  para- 
vant  j'avoy  assez  preveu,  c'est  que  d'un  tel  œuvre  (la  Deffence)  je  ne 
rapporteroy  jamais  favoralilemcnt  jugement  de  noz  rethoriqueurs  », 
ce  n'est  pas  Saint-Gelais  qu  il  désigne  ainsi,  mais  Sihilet  et  Harth. 
Ancau,  lesquels  avaient  en  effet  riposte  à  certaines  attaques  de  la  Def- 
fence, le  premier  dans  la  préface  de  son  Iphigene,  le  second  dans  le 
Quiniil  Horatian  ;  et  la  preuve,  c'est  que  dans  la  Musagnceomachie, 
publiée  en  même  temps  que  la  seconde  édition  de  l'Olive,  il  compte 
Saint-Gelais  parmi  les  «  favoris  des  Grâces  »  et  dans  les  rangs  des 
doctes  poètes  qui  combattent  le    monstre    Ignorance. 

Non,  il  ne  faut  pas  mêler  Du  Bellay  à  la  querelle  de  Saint-Gelais  et 
de  Ronsard,  à  laquelle  il  ne  semble  pas  avoir  pris  part,  et  qui  a  duré  de 
juin  1550  environ  au  1^''  janvier  1553.  En  veut-on  une  nouvelle  preuve? 
Guillaume  des  Autels  n'a  pas  dit  un  mot  de  Du  Bellay  dans  l'ode  inti- 
tulée De  l'accord  de  Messieurs  de  Saingelais  et  de  Ronsart,  qui  est  la 
dernière  de  ses  Façons  lyriques  (publiées  en  juin  1553). 

Aussi  la  fameuse  satire  de  Du  Bellay  intitulée  le  Poëte  Courtisan,  à 
laquelle  M'Ic  Evers  consacre  plusieurs  pages  (op.  cit.,  pp.  175  et  suiv.), 
n'a-t-elle  aucun  rapport  avec  la  querelle  de  Saint-Gelais  et  de  Ronsard. 
Non  seulement  elle  a  été  publiée  en  1559,  et  composée  au  moment  même 
où  Du  Bellaj'  écrivait  pour  Saint-Gelais  une  très  louangeuse  épitaphe  et 
préparait  son  Tombeau  de  Saint-Gelays,  où  il  célèbre  «  la  grâce  de  ses 
poésies  et  se  fait  l'apôtre  de  sa  gloire  »,  alors  que  rien  ne  l'y  obligeait 
(Cbamard,  J.  du  Bellay,  pp.  422  et  suiv)  ;  mais  Du  Bellay  dans  le 
Poëte  Courtisan  n'a  pas  visé  Saint-Gelais  plus  que  les  autres  poètes  du 
temps  de  Henri  II,  et  la  plupart  des  traits  de  cette  satire  retombent 
autant  sur  les  poètes  de  la  Pléiade  que  sur  les  derniers  représentants 
de  l'école  Marotique  :  en  1559,  il  n'y  a  pas  en  France  de  poète  plus 
«  courtisan  »  que  Ronsard  et  Du  Bellay  (cf.  Chamard,  /(/.,  pp.  431 
et  suiv.,  et  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr  ,  première  partie,  chap.  iii^ 
s?^  3-5). 

Une  dernière  remarque  critique.  M'ie  Evers  s'attache  à  prouver  que 
la  réconciliation  ne  fut  pas  sincère,  ni  d'un  côté  ni  de  l'autre.  En  ce 
qui  concerne  Saint-Gelais,  les  preuves  invoquées  (p.  166,  note  5)  n'ont 
aucune  valeur  :  ce  sont  deux  textes  de  Blanchemain,  dont  l'un  est 
démenti  par  les  faits  et  extrait  d'une  page  que  M"''  Evers  elle-même 
reconnaît  ailleurs  (p.  159)  purement  fantaisiste  (il  s'agit  de  la  p.  24  de 
la  Notice  sur  Mellin  de  S.  G),  et  l'autre,  tiré  de  la  Notice  sur  Ronsard 
(VIII,  24),  a  été  heureusement  corrigé  par  Blanchemain  lui-même  au 
tome  II  de  son  éd.  des  œuvres  de  Saint-Gelais,  p.  263  (v.  ci-dessus, 
p.  137,  note  sur  les  mots  n  une  Palinodie  »). 

En  ce  qui  concerne  Ronsard,  les  seules  preuves  indiquées  avec  une 
apparence  de  force  viennent  de  suppressions  ou  de  variantes  de  ses 
éditions  postérieures  à  la  mort  de  Saint-Gelais.  Il  est  vrai  que  le  nom 
de  Saint-Gelais  disparaît  en  1560  du  sonnet  Pour  célébrer  des  astres,  et 
n'y  reparaît  plus  ;  mais  cela  s'explique  sans  faire  intervenir  l'antipathie 
ou  le  mépris  de  Ronsard  pour  Saint-Gelais:  Pontus,  Du  Bellay,  Des 
Autels  et  Baïf,  qui  seuls  sont  nommés  en  1560  dans  ce  sonnet,  avaient 
tous  célébré  une  femme  dans  un  recueil  de    sonnets    (Pasithée,  Olive, 


l/|3  COMMKNTAinE    HISTOIUQIF. 

Sainte,  Francine)  ;  Ronsard  les  nomme  donc  de  préférence  à  Saint- 
(iclais,  qui  n'avait  rien  fait  de  seniblaljlc.  —  Il  est  vrai  que  le  sonnet 
de  Saint-Gelais  En  faveur  de  Ronsard  disparaît  des  liminaires  des 
œuvres  de  Honsard  à  partir  de  15G0  ;  mais  cela  ne  prouve  rien  contre 
Ronsard  ;  c'est  peut-être  la  conséquence  de  la  suppression  du  nom  de 
Saint-Ciclais  dans  le  sonnet  Pour  célébrer  des  astres  qui  semble  lui  cor- 
respondre ;  cela  peut  s'expliquer  encore  par  l'amphigourisme  du  sonnet 
lui-même  ou  sa  primitive  destination  (v.  ci-dessus,  p.  137,  aux  mots 
«  une  Palinodie  »).  —  Il  est  vrai  que  V Hymne  des  Astres,  adressé  en 
1555  à  Saint-Gelais,  disparaît  de  l'œuvre  de  Ronsard;  mais  c'est  seule- 
ment en  158-1  (non  en  1560,  comme  le  croit  M"*^  Evers),  et  parce  qu'il 
faisait  alors  double  emploi  avec  l'Hymne  des  Estoilles,  composé  en 
1574  d'après  la  même  source  (un  hymne  de  MaruUe).  —  Quant  à  la 
reprise  que  Ronsard  aurait  faite  en  150U  du  texte  primitif  de  la  fin 
de  son  Hymne  triumphal  :  «  La  tenaille  de  Mellin  »,  au  lieu  de  «  Le 
caquet  des  envieux  »,  variante  introduite  dans  la  2o  édition  en  1552, 
—  c'est  une  erreur,  déjà  commise  par  L.  Froger,  dont  Blanchemain 
est  responsable  [\.  ci-dessus,  p.  125,  note  sur  les  mots,  «  ces  vers  »). 

D'autre  part,  non  seulement  Ronsard  a  conservé  dans  toutes  ses 
éditions  l'ode  de  la  réconciliation,  Tousjours  ne  tempeste  enragée,  y 
compris  ce  serment  solennel  : 

Dressant  à  nostre  amitié  neuve 

Un  autel,  j'atteste  le  fleuve 

Qui  des  parjures  n'a  pitié 

yue    ni  l'oubli,  ni  le  temps  niesme. 

Ni  la  rancœur,  ni  la  Mort  blesme 

Ne  desnou'ronl  nostre  amitié... 

et  les  deux  strophes  suivantes  ;mais  encore  il  a  introduit  dans  un  poème 
postérieur  de  trois  ans  à  la  mort  de  Saint-Gelais  un  très  grand  éloge 
de  son  ancien  rival,  auquel  il  n'était  nullement  tenu  (v  ci-dessus, 
p.  125,  note  sur  les  mots  «  ces  vers  «). 

On  voit  combien  sont  peu  justifiées  ces  lignes  de  Mi'o  Evers  (p.  183)  : 
«  Il  est  tout  à  fait  clair  que  la  paix  qui  avait  été  maintenue  si  long- 
temps fut  une  paix  armée  de  la  part  de  Ronsard,  puisqu'après  la  mort 
de  Mellin,  quoiqu'il  ne  publie  aucune  nouvelle  attaque  contre  lui,  il  en 
reprend  une  ancienne  et  supprime  les  preuves  de  leur  réconciliation, 
comme  pour  montrer  que  sa  vraie  opinion  sur  son  rival  n'avait  jamais 
changé.  »  —  Que  Ronsard  se  soit  réconcilié  par  intérêt,  qu'il  ait  vanté 
les  mérites  de  Saint-Gelais  pour  se  ménager  la  faveur  de  Henri  II  ou  du 
Cardinal  de  Lorraine,  ou  même  celle  du  vieux  poète,  dont  le  crédit 
était  toujours  puissant  à  la  Cour,  je  l'accorde  ;  mais  il  ne  s'ensuit  pas 
qu'il  n'ait  pas  été  sincèrement  réconcilié.  Il  est  certain  que  Ronsard  en 
la  circonstance  n"a  pas  été  aussi  désintéressé,  ni  par  suite  d'un  cœur 
aussi  «  noble  et  bénin  »  que  Binet  l'a  cru  et  la  dit  ;  mais  il  serait 
injuste  de  prétendre,  par  réaction  contre  l'opinion  trop  complaisante 
de  Binet,  que  l'attitude  de  Ronsard  à  l'égard  de  Saint-Gelais  après  la 
réconciliation  fut  celle  d'un  hypocrite.  Quant  aux  sentiments  qu'il  a 
pu  avoir  après  la  mort  de  Saint-Gelais,  je  ne  suis  pas  éloigné  de  croire 
ce  qu  en  a  dit  G.  CoUetet  d'après  Scévole  de  Sainte-Marthe:  «  Ronsard 


1 


i:t  r.niTiQiK  i^3 

fut  un  de  ceux  qui  le  regretta  davantage:  en  quoy  il  fit  bien  paraître 
qu'il  avoit  complètement  oublié  les  mauvais  offices  qu'il  en  avoit 
reçus  ».  {Vie  de  M.  de  Sainct  Gelais,  publiée  par  Gell.  des  Seguins  en 
1863  ;  cf.  les  Elogia  de  Se.  de  S-  Marthe,  livre  II,  publié  en  1(502, 
art.  Melliiuis  Sangelasiiis,p.  122.  i 
P.  21,  1.  23.  —  durant  son  règne.  Le  projet  de  la  Franciade  remonte 
plus  haut  que  ne  le  croit  Binet.  Dès  1549  Ronsard  écrivait  dans 
y  Hymne  de  France  : 

Et  Jupiter  à  main  gauche  a  tonné, 
Favorisant  le  François,  qu'il  estime 
Enfant  d'Hector,  sa  race  légitime 

(Bl.,  V,  280)  ; 

dans  l'ode  pindariqueA  Boujn  Angevin:  «  Mais  mon  ame  n'est  ravie   | 
Que    d'une   bruslante  envie    |    D  oser  un    labeur  tenter    |     Pour  mon 
grand  Roy  contenter...  (131.,  II,  106  ;  et  à  la  fin  de  l'ode  A  Calliope  : 

.Je  veus  sonner  le  sang  Hectorean, 
Changeant  le  son  du  Dircean  Pindare 
Au  plus  haut  hruit  du  chantre  Smyrnean. 

(Bl.,  II,  136.) 

Dés  avril  1550,  il  présentait  au  Roi,  dans  l'Ode  de  la  Paix,  une 
esquisse  de  la  Franciade  qui  diffère  peu  des  grandes  lignes  de  l'épopée 
qu'il  publia  en  1572.  —  Trois  autres  pièces,  écrites  en  pleine  querelle 
avec  Saint-Gelais  et  les  poètes  de  Cour,  parlent  de  la  «  Franciade  com- 
mencée »  :  le  sonnet  Ja  dcsja  Mars..,  l'ode  A  Michel  de  L'Hospital  et 
l'ode  A  Claude  de  Ligneri  (Bl.,  I,  42;  II,  87  et  338). 

Puis,  la  querelle  terminée,  et  Lancelot  Carie  ayant  lu  à  Henri  II, 
en  janvier  1554,  avec  force  louanges,  un  «  dessein  »  de  la  Franciade 
(cf.  Magnj',  Gayetez,  ode  A  Lancelot  de  Carie,  achevé  d'impr.  23  juin 
1554,  réimpr.  Blanchemain,  p.  88),  le  Roi  exhorta  Ronsard  à  composer 
la  dite  épopée.  On  le  sait  par  l'élégie  A  Cassandre  :  «  Mon  œil,  mon 
cœur...  »  et   l'ode  A  A/r   d'Angoulesmc,  écrites  en    1554   (Bl.,  I,  124; 

II,  197). 

Mais  Ronsard  ayant  réclamé  une  récompense  anticipée,  telle  qu'une 
abbaye,  dont  les  revenus  lui  permissent  de  composer  à  loisir  cette 
œuvre  de  longue  haleine,  et  le  Roi  ayant  fait  la  sourde  oreille  ou  lui 
ayant  fait  de  vagues  promesses,  Ronsard  suspendit  et  finalement  aban- 
donna son  travail.  Voir  Iode  de  1554,  Nagueres  chanter  je  voulois;  la 
dédicace  des  Odes  de  1555,  et  l'ode  Au  Roy  qui  parut  à  la  même  date 
en  tête  du  3'^  livre  ;  Yéyiiie  au  Cardinal  de  Lorraine,  publiée  dans  les 
Hymnes  de  1556;  un  sonnet  de  1556,  Roy  qui  les  autres  Roy  s;  un 
sonnet  à  d'Avanson  de  1558,  Entre  les  durs  combats;  une  Complainte 
à  la  Royne  Mère  de  1563  iBl.,  II,  273,  21,  172  ;  VI,  287 ,   V,  302,  335  ; 

III,  377,  et  VII,  138). 

On  peut  voir  encore  sur  le  projet  de  la  Franciade,  agréée  de  Henri  II, 
attendue  par  toute  la  Brigade,  mais  abandonnée  par  Ronsard  faute 
d'espèces  sonnantes,  Magny,  Odes,  éd.  Courbet,  I,  69;  Du  Bellay, 
sonnets  xix,  xxii,  xxiii   des  Regrets  ;  Cl.   Buttet,  rééd.  du  Bibliophile 


i^4  COMMKMAIHE     IIISTOIUQCE 

Jacob,  II,  29  ;  J.  Béreau,  rééd.  de  Hovyn  de  Tranchère,  p.  209,  sonnet 
final  (cf.  ci-après  p    158,  note  aux  mots  «  que  j'aij  vciis  »). 

P.  21,  1.  37.  —  leur  plaisait.  Addition  qui  vient  de  VEpitre  au  Lecteur 
de  1550,  déjà  citée  :  «  Mais  que  doit-on  espérer  d'eus  ?  lesquels  étants 
parvenus  plus  par  opinion,  peut  cstre,  que  par  raison,  ne  font  trouver 
bon  aux  princes  sinon  ce  qu'il  leur  plaist...  »  (Bl.,  II,  13-14;  texte 
rectifié  par  M.-L.,  II,  477). 

P.  22,  1.  2.  —  d'argumens.  «  Bien  fit-il  sortir  ses  Hymnes  »  signifie  : 
Mais  du  moins,  mais  toujours  bien  il  publia  ses  Hymnes.  Le  premier 
livre  parut  en  1555,  dédié  «  à  très  illustre  et  reverendissime  Odet, 
Cardinal  de  Chastillon  »  ;  le  second  livre  en  155(),  dédié  «  à  très  illustre 
princesse  Madame  Marguerite  de  France,  Sœur  unique  du  Roy  et 
Duchesse  de  Berry  ».  —  Pour  leur  contenu,  v.  mon  Tableau  Chronolo- 
gique des  Œuvres  de  Ronsard.  —  Quelques-uns  sont  de  petites  épopées, 
par  exemple  l'Hymne  de  Henri  H,  et  l'Hymne  de  Castor  et  Pollux,  que 
Ronsard  présente  à  l'amiral  Coligny  comme  un  prélude  de  chants 
épiques  plus  importants.  Les  quatre  Hymnes  des  Saisons,  tant  admi- 
rés d'Estienne  Pasquier,  ne  parurent  qu'à  la  fin  de  1563,  dans  le  second 
livre  du  Recueil  des  Nouvelles  Poésies. 

p.  22,  1.  5.  —  hommes  de  lettres.  Odet  de  Coligny,  dit  le  Cardinal  de 
Chastillon  du  château  de  ce  nom,  où  il  naquit  en  1517),  frère  aîné  de 
l'amiral  Gaspard  de  Coligny  et  du  colonel  François  de  Coligny  d'An- 
delot,  était  évêque-comte  de  Beauvais,  cardinal  depuis  1532,  arche- 
vêque de  Toulouse  depuis  1534.  Entre  autres  écrivains  il  protégea 
Rabelais,  qui  lui  dédia  en  1552  le  quatrième  livre  du  Pantagruel.  Il 
faisait  partie  du  (>onseil  privé  du  Roi  et  à  ce  titre  résidait  au  Louvre 
et  suivait  la  Cour.  C'est  là  qu'il  témoigna  dès  1553  la  plus  grande 
bienveillance  à  Ronsard,  qui  en  maints  endroits  de  ses  œuvres  l'appelle 
son  «  support  »  et  son  «  Mécène  ».  —  Voici  les  pièces  nombreuses 
que  Ronsard  lui  adressa  :  1"  la  dédicace  du  premier  livre  des  Hymnes 
(Bl.,  VI,  275)  ;  2°  le  Temple  de  Messeigneurs  le  Connestable  et  les 
Chastillons  {Ibid.,  301);  3"  l'Hymne  de  la  Philosophie  {Id.,  V,  157); 
4°  la  Prière  à  la  Fortune  {Ibid.,  289)  ;  5"  l'Hymne  de  l'Hercule  Chres- 
tien  (Ibid.,  168);  6o  l'Ode  :  «  Mais  d'où  vient  cela  mon  Odet...  »  (/cf., 
11,238);  la  Complainte  contre  Fortune  {Id.,  VI,  157);  8o  l'Elégie: 
((  L'homme  ne  peut  sçavoir...  »  [Ibid.,  193);  9"  Y  Elégie  :  «  Tout  ce  qui 
est  enclos...  »  {ibid. ,2'è2)  ;  10"  la.Bienvenue  de  M^'^  le  Connestable  {Ibid-, 
224)  ;  11"  le  Sonnet  :  «  Nul  homme  n'est  heureux...  »  {Id.,  V,  328.) 

Les  cinq  premières  de  ces  pièces  parurent  en  1555  ;  les  autres  furent 
composées  de  1556  à  1560.  Voir  encore  l'ode  Au  Roy  publiée  en  1555 
en  tête  du  4^  livre,  et  l'Hymne  de  Castor  et  Pollux  dédié  en  1556  à 
Gaspard  de  Coligny.  Mais  après  1560,  Odet  de  Coligny  étant  devenu 
huguenot  (comme  ses  deux  frères  et  sa  mère  Louise  de  Montmorency), 
Ronsard  ne  lui  adressa  plus  aucun  vers  ;  il  se  contenta  de  déplorer 
profondément,  dans  deux  de  ses  Discours,  !'«  erreur  »  dubon  Odet,  tout 
en  restant  dévoué  à  sa  personne  (Bl.,  VII,  29  et  74).  Enfin,  après  la 
mort  de  son  ancien  protecteur  (1571),  après  celle  de  Gaspard  de  Coli- 
gny (1572),  qu'il  avait  souhaitée  à  plusieurs  reprises,  Ronsard  eut  la 
faiblesse  de  retrancher   de    ses    œuvres    bon    nombre   de   vers  et  des 


ET    CRITIQUE  l/j5 

pièces  entières,  où  il  avait  célébré  Odet  de  Coligny  et  ses  frères, 
notamment  la  dédicace  du  premier  livre  des  Hymnes,  le  Temple  des 
Chastillons  et  la  Prière  à  la  Fortune,  expressions  de  son  éternelle 
gratitude. 

P.  22,  1.  6.  —  sa  verlii.  Charles  de  Guise,  cardinal  de  Lorraine, 
archevêque  de  Reims,  favori  de  Diane  de  Poitiers,  était  le  frère  cadet 
du  grand  capitaine  François  de  Guise.  Né  en  1525,  il  avait  été  le  con- 
disciple de  Ronsard  au  Collège  de  Navarre  (v.  ci-dessus,  p.  71,  note  sur 
les  mots  ndes  lettres  »).  Il  fut  le  bras  droit  de  Henri  II,  sous  le  règne  du- 
quel il  eut  la  direction  des  Finances  et  delà  Justice, ambitionna  la  tiare 
pontificale  et  se  fit  donner  par  Rome  en  1558  les  pouvoirs  de  l'Inquisi- 
tion. Il  fut  le  vrai  roi  sous  le  règne  de  François  II,  lequel  avait  épousé 
sa  nièce  Marie  Stuart,  fille  de  Marie  de  Lorraine.  Mais  son  crédit  dimi- 
nua peu  à  peu  sous  le  règne  de  Charles  IX,  après  la  disparition  de  son 
frère,  tué  par  Poltrot  de  Méré  en  février  1563.  Sa  résidence  ordinaire 
était  le  château  de  Meudon,  que  Ronsard  a  célébré  en  janvier  1559 
dans  le  Chant  pastoral  sur  les  nopces  de  Mi?''  Charles  duc  de  Lorraine 
et  de  Madame  Claude  (RI-,  IV,  54).  —  Voici  en  outre  les  nombreuses 
pièces  que  Ronsard  lui  adressa  :  1°  une  Ode  pindarique  publiée  en 
1550  (RI.,  II,  51)  ;  2°  la  Harangue  du  duc  de  Guise,  publiée  en  1553 
(VI,  28);  3"  VHijmne  delà  Justice,  en  1555  (V,  106);  4°  l'Epître: 
«  Quand  un  prince  en  grandeur...  »,  en  1556  (VI,  276)  ;  5°,  6°  et  7"  les 
Sonnets  :  «  Delos  ne  reçoit  point...  ;  Le  monde  ne  va  pas...  ;  Prélat  bien 
que  nostre  âge...  »,  écrits  de  1556  à  1559  (V,  326  et  327)  ;  8"  l'Hymne 
du  Cardinal  de  Lorraine,  en  1559  (V,  83)  ;  9°  la  Suite  de  V Hymne  du 
Cardinal  de  Lorraine,  même  année  (V,  270)  ;  10°  le  Sonnet  :  «  Monsei- 
gneur je  n'ay  plus...  )),en  1560  (I,  426)  ;  11°  l'Epître  intitulée  le  Procès, 
publiée  en  1565,  mais  écrite  avant  avril  1562  (III,  349). 

Rinet  ne  semble  pas  avoir  profité  de  cette  dernière  pièce,  pourtant 
très  intéressante  pour  la  biographie  de  Ronsard  ;  ou  bien  il  l'a  négligée 
à  dessein,  car  le  poète  y  reproche  précisément  au  Cardinal  de  ne  pas 
l'avoir  «  honoré  selon  le  mérite  de  sa  vertu  »,  ainsi  qu'il  le  lui  repro- 
chait déjà  indirectement  dans  1'  «  Elégie»  de  1560  Au  Seigneur  L'Huillier 
(RI.,  II,  401).  Après  le  Procès,  Ronsard  n'adressa  plus  aucun  vers  à 
Charles  de  Lorraine,  bien  que  celui-ci  ne  soit  mort  qu'en  1574.  Il  ne 
lui  a  consacré  aucune  épitaphe,  non  plus  qu'à  Odet  de  Coligny  et  à 
Michel  de  L'Hospital. 

p.  22,  1.  8  —  de  Clany.  Pierre  Lescot  ou  L'Escot,  «  Conseiller  et 
aumônier  ordinaire  du  Roi,  abbé  de  Cleremont  et  seigneur  de  Clany  », 
tels  sont  les  titres  que  Ronsard  donne  à  ce  célèbre  architecte  du 
Louvre,  en  lui  dédiant  en  1560  le  deuxième  livre  des  Poèmes.  Dans 
l'éd.  de  1584,  consultée  par  Rinet,  1'  «  Elégie  »  Puisque  Dieu  ne  m'a 
fait..,  à  laquelle  il  a  emprunté  l'anecdote  qui  suit,  était  encore  dédiée 
«  à  P.  L'Escot,  seigneur  de  Clany  ».  Les  poètes  latins  appelaient  cet 
architecte  Clanius. 

P.  22,  I.  16.  —  par  tout  le  monde.  Rinet  a  tiré  cette  anecdote  de 
l'tt  Elégie  »  A  P.  L'Escot,  publiée  en  1560,  en  tête  du  2^  livre  des  Poi-mes  : 

Il  me  souvient  un  jour  que  ce  Prince  à  la  table 
Parlant  de  la  vertu  comme  chose  admirable, 

VIE   UE  p.   DE  RO:«SARD.  10 


l!i6  COMME-NTAIUK     UISTOKIQUE 

Disoit  que  tu  avois  de  toy-niesines  appris, 
Et  que  sur  tous  aussi  tu  emportols  le  pris  : 
Coiinne  a  fait  mou  Ronsard,   qui  à  la  poésie, 
Mau{îré  tous  ses  parons,  a  mis  sa  fantaisie. 

Et  pour  cela  tu  fis  cngraver  sur  le  haut 
Du  Louvre  une  Déesse,  à  qui  jamais  ne  faut 
Le  vent  à  joue  enflée  au  creux  d'une  trompeté. 
Et  la  montras  au  Hoj',  disant  qu'elle  estoil  faite 
Exprès  pour  figurer  la  force  de  mes  vers. 
Qui  comme  vent   portoyent  son  nom    par  l'Univers. 

(Bl.,  VI,  192;   M.-L.,  V,  178. 

On  pourrait  croire  d'après  les  trois  textes  de  Binet,  surtout  d'après  A 
et  B,  que  l'idée  de  P.  L'Escot  lui  fut  suggérée  par  la  lecture  des 
Hymnes  et  que,  pai*  couséqueut,  l'anecdote  se  place  en  1556.  Mais  je 
pense  que  ces  débuts  de  phrase  :  «  Ce  fut  ce  qui  le  fit  estimer...  Ce  fut 
aussi  ce  qui  incita...  »,  doivent  retomber  sur  le  projet  de  la  Franciade 
et  non  sur  la  publication  des  Hymnes.  Binet  semble  avoir  voulu 
rendre  tout  le  passage  plus  clair  par  cette  addition  de  C  «  et  principa- 
lement la  Franciade  ».  En  tout  cas,  l'anecdote  est  certainement 
antérieure  à  la  publication  des  Hymnes  et  doit  se  placer  en  1554, 
comme  en  témoigne  une  pièce  de  vers  latins  de  Robert  de  la  Haye  : 
Heiirico  Régi  Rob.  Hayus  de  P.  Ronsardo,  publiée  dés  le  mois  de 
janvier  1555  à  la  fin  de  la  3'=  édition  des  Odes  de  Ronsard,  f°  132  r". 
(Voir  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  p.  146.)  Ces  vers  latins,  repro- 
duits parmi  les  liminaires  des  éditions  de  1560  et  1567,  ont  disparu  des 
éditions   suivantes  et,  partant,  sont  restés  inconnus  de  Binet. 

P.  22,  1-  17.  —  En  mesme  temps.  Rien  de  plus  vague  que  cette  indica- 
tion. Elle  montre  une  fois  de  plus  combien  Binet  ignorait  la  chrono- 
logie de  son  sujet  ;  il  vient  de  parler  du  projet  de  la  Franciade,  qui 
remonte  à  1549,  mais  qu'il  croit  postérieur  à  la  querelle  Saint-Gelais- 
Ronsard  terminée  en  janvier  1553,  —  puis  de  la  publication  des 
Hymnes,  qui  date  de  la  seconde  moitié  de  1555  et  de  la  seconde  moitié 
de  1556  ;  et  maintenant  il  va  parler  d'un  événement  de  la  vie  de  Ron- 
sard qui  date  du  3  mai  1554. 

P.  22,  1.  23.  —  Apolloine  Rhodien.  C'est-à-dire  Apollonius  de  Rhodes. 
Cf.  la  première  préface  et  surtout  l'argument  du  1er  livre  de  la  Fran- 
ciade, par  Amadis  Jamin,  premières  lignes  (BL,  III,  9,  12,  41). 

p.  22,  1.  27.  —  de  son  temps.  Cf.  le  Discours  contre  Fortune  (Bl.,  VI, 
166  :  «  Du  temps  du  Roy  François...  »)  ;  Y Epitaphe  de  Hugues  Salel 
(Vil,  268:  «  François  le  premier  Roy...  »)  ;  la  Complainte  à  la  Royne 
mère  (III,  372:  «  O  docte  Roy  François...  »).  Il  est  vraisemblable  que 
c'est  ce  dernier  poème  qui  a  inspiré  ici  Binet,  parce  qu'il  contient  ces 
vers  relatifs  précisément  à  la  Franciade  : 

J'avois  l'esprit  gaillard  et  le  cœur  généreux 
Pour  faire  un  si  grand  œuvre  en  toute  hardiesse. 
Mais   au  besoin  les  Hoys  m'ont  failly    de    promesse... 

p.  23,  1.  4.  —  l'Eglantine.  Sur  l'origine  des  Jeux  P^loraux  de  Tou- 
louse, V.  Gidel,  Thèse  fr.  de  1857,  p.  91  ;  Aubertin,  Hist-  de  la  langue 
et  litt.  fr.  au  Moyen  Age,  I,  335  et  suiv.  ;  Ant.  Thomas,  Grande  Ency- 


ET    CRITIQUE  l/»7 

clopédie,  art.  Clémence  Isaure,  Jeux  Floraux.  La  prétendue  fondatrice 
ou  réformatrice  des  Jeux  Floraux  est  un  personnage  légendaire,  que 
tout  le  monde  au  xvi^  siècle  croyait  réel.  —  On  trouvera  nombre  de 
renseignements  dans  l'Histoire  du  Languedoc  de  Dom  Vaissete  et 
Cl-  Devic,  tome  X,  qui  contient  une  longue  et  très  savante  note  de 
M.  Chabaneau. 
p.  23,  1.  8.  —  premiers  rangs.  Guy  du  Faur,  s""  de  Pibrac,  né  à 
Toulouse  en  1529,  élève  de  Pierre  Bunel,  de  Cujas  et  d'Alciat,  se  plaça 
«  au  premier  rang  d'honneur  »,  selon  le  mot  de  Du  Vair,  dès  ses 
débuts  au  barreau  toulousain  à  vingt  ans.  En  1554  il  était  Conseiller 
au  Parlement  de  sa  ville  natale  ;  sa  doctrine  et  son  talent  de  parole 
faisaient  déjà  l'admiration  des  jurisconsultes  les  plus  expérimentés  ; 
on  lit  dans  son  Tombeau  : 

A  peine    tu  avois  de  la  barbe   au  menton 
Que  Thoulouse  te  vit  un  troisième  Caton. 

Juge-mage  de  la  sénéchaussée  de  Toulouse  en  mars  1557.  commissaire 
royal  aux  Etats  de  Montpellier  en  nov.  1558.  et  délégué  à  ceux  d'Or- 
léans (1560),  puis  au  concile  de  Trente  (1562;,  il  fut  nommé  par  L'Hos- 
pital  Avocat  général  au  Parlement  de  Paris  en  1565.  Conseiller 
d'Etat  depuis  1570,  panégyriste  de  la  Saint-Barthélémy,  il  fut  nommé 
chancelier  de  Henri,  duc  d'Anjou,  qu  il  accompagna  dans  son  royaume 
de  Pologne  en  mai  1573.  A  son  retour  il  devint  Président  au  Parle- 
ment de  Paris  (1577),  puis  chancelier  de  Marguerite  de  Navarre  et  du 
dernier  fils  de  Henri  II,  François  d'Anjou.  Il  mourut  en   1584. 

V.  les  Quatrains  de  Pibrac,  éd.  J.  Claretie,  Notice  ;  Id.,  éd.  H.  Guy, 
Annales  du  Midi,  t.  XV  et  XVI  ;  E.  Frémy,  op.   cit.,  chap.  m. 

On  ignore  la  part  que  Pibrac  a  pu  prendre  dans  l'attribution  de  la 
récompense  offerte  à  Ronsard  par  les  Jeux  Floraux  en  1554.  Il  avait 
lui-même  obtenu  l'Eglantine  dés  1543,  mais  il  ne  devint  «  mainteneur  », 
c'est-à-dire  juge  des  concours  de  cette  Académie,  qu'à  partir  du  l*^""  mai 
1558,  à  la  place  de  son  oncle,  nommé  chancelier  des  Jeux  Floraux 
(communication  de  M.  Henry  Guy).  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  Ron- 
sard n'a  pas  dit  un  mot  de  lui  dans  ses  œuvres  jusqu'à  l'époque  où 
Pibrac  accompagna  Henri  d'Anjou  en  Pologne  (Hymne  des  Hstoilles, 
et  Tombeau  de  Marguerite  de  France,  fin,  composés  en  1574). 
p.  23,  1.  12.  —  pris  et  valeur.  Un  érudit  toulousain,  M.  Jules  de  Lahon- 
dès,  a  publié  en  décembre  1907  des  documents  officiels  qui  corroborent 
et  précisent  cette  affirmation  de  Binet.  On  lit  dans  le  résumé  de  la 
délibération  du  Collège  de  rhétorique  de  Toulouse  ',  à  la  date  du 
3  mai  1554,  après  ce  qui  concerne  l'attribution  des  fleurs  «  de  la  vio- 
lette et  de  la  soulcie  »  : 

«  Et  quant  à  la  fleur  de  l'eglantine,  fut  aussy  par  commun  advis  et 
délibération  arresté  qu'elle  seroit  adjugée  à  Mons""  Pierre  de  Ronsard, 
poète  ordinaire  du  roy  nostre  sire,  pour  excellense  et  vertu  de  sa  per- 
sonne, et  que    la  dicte  fleur  soit  augmentée  de  prix  selon  ce   qui  seroit 

1.  Ainsi  s'appelait  alors  l'Académie  des  Jeux  Floraux. 


1^8  COMME.NTAlUi:     HISTOIUQIE 

advisc,  laquelle  luy  seroit  envoyée  de  portée  en  la  court,  et  en  son 
lieu  seroit  reçue  et  acceptée  par  M.  Pierre  Pascal,  docteur  et  maistre 
en  la  dicte  science.  » 

La  fleur  ne  fut  pas  envoj'ée,  et  la  délibération  du  5  mai  de  l'année 
suivante  dit  : 

<<  Et  après  fust  aussj^  délibéré  entre  les  dicts  sieurs  mainteneurs  et 
capitols  et  maistres  en  la  dicte  science  sur  la  facture  de  la  fleur  de 
l'eglantine  adjugée  l'année  passée  à  Monsieur  Ronsard,  poëte  ordinaire 
du  roy,  et  fust  arrestée  par  commun  advis  quelle  seroit  augmentée  de 
tel  prix  qu'il  seroit  advisé  parles  dicts  sieurs  cappitols,  et  fust  commise 
la  cliarge  de  ce  faire,  et  envoyer  la  dicte  fleur  au  dict  Honsard,  au  dict 
noble  Pierre  Delpech,  bourgeois  et  cappitol,  qui  accepta  et  od'rit  faire 
son  devoir.  » 

De  la  Minerve  d'argent  il  n'est  pas  question,  ni  dans  les  délibérations 
du  Collège  de  rhétorique,  ni  dans  celles  du  Conseil  de  ville  de  cette 
époque.  Mais  le  registre  des  comptes  du  Conseil  de  ville  de  1555 
porte  : 

«  Plus  ay  païé  à  Biaise  Colom,  maitre  orphevre,  la  somme  de 
quarante  livres  tournoises  pour  commencement  de  paie  de  la  Minerve 
d'argent  qu'il  a  prins  à  faire  pour  faire  présent  à  Monsieur  Ronsard, 
poëte  du  roy  nostre  sire,  par  mandement  du  m  juillet.  »  (Registre 
ce.  749.  Comptes  1555-56,  f<^  45)  Et  le  registre  suivant  porte  cette 
indication,  à  la  date  de  décembre  1555  :  «  Plus  ay  païé  à  Biaise  Colom, 
maître  orphevre  de  Thl. ,  la  somme  de  quarante  livre  seitze  sols  huict 
deniers  tournois  pour  fin  de  paie  de  huictante  livres  seitze  soûls  et 
huit  deniers,  tant  pour  la  fourniture  qu'il  a  faicte  de  la  Minerve  que 
pour  la  fasson  d'icelle.  Icelle  a  esté  faicte  pour  faire  un  présent  à 
M.  Ronsard.  »  (Registre  CC  750.  Comptes  1555  56,   f<'  49  ro.) 

Il  ressort  de  ces  documents  —  extraits  du  Bulletin  de  la  Société 
archéol.  du  Midi  de  la  France,  1908,  nouv.  série,  n»  38,  pp.  183  et 
suiv.  —  que  la  Minerve  offerte  à  Ronsard  coûta  80  livres  16  sols  et 
8  deniers,  et  qu'elle  ne  lui  fut  envoyée  que  dans  la  deuxième  moitié 
de  1555.  Mais  ils  ne  disent  pas  si  l'eglantine,  accordée  à  Ronsard  dès 
1554,  fut  convertie  en  cette  Minerve,  ou  si  le  poète  reçut  à  la  fois  la 
fleur  et  la  statue. 

D'autres  documents,  postérieurs  à  ceux-ci  de  plus  de  trente  ans,  ne 
laissent  aucun  doute  à  ce  sujet.  D'après  un  procès-verbal  du  3  mai  1586, 
quelques-uns  des  «  Mainteneurs  et  maistres  ez  jeux  fleuraulx  »  réunis 
dans  le  Consistoire  des  Comptes,  voulant  honorer  tout  particulièrement 
Ant.  de  Baïf,  rappelèrent  aux  Capitouls  présents  à  la  séance  «  comme 
en  l'année  mil  cinq  cens  cinquante  quatre  en  pareille  assemblée  la  fleur 
de  l'Eglantine  feut  adjugée  à  Pierre  de  Ronsard  pour  son  excelent  et 
rare  scavoir  pour  l'ornement  qu'il  avoict  appourté  à  la  poésie  françoise 
et  que  le  pris  d'icelle  avoict  esté  converti  en  une  Pallas  d  argent  qui  luy 
feust  envoyée  de  la  part  dudict  Collège  et  des  Capitoulz,  dont  s'estant 
extimé  ledict  Ronsard  bien  fort  honuoré,  il  en  auroict  rendu  action  de 
grâces  et  par  autres  infinis  tesmoignages  qui  se  treuvent  parmy  ses 
œuvres  faict  connoistre  combien  ce  présent  luy  auroict  esté  agréable...  » 
Et,  après   délibération  des  Capitouls,  il  lut  décidé  que,  vu   le  piemier 


ET    CRITIQUE  t49 

rang  occupe  par  Ant.  de  Baïf  entre  les  poètes  du  temps  depuis  la  mort 
de  Ronsard,  «  et  pour  avoir  esté  le  mesme  faict  autreffois  à  M'=  Pierre 
de  Ronsard  »,  on  ferait  à  Baïf  «  un  présent  en  argent  jusques  à  la 
somme  de  cent  livres  ». 

Ce  document,  extrait  du  Vie  Livre  des  «  Conseils  de  la  Maison  de 
ville  dcTholose»,  autrement  dit  du  Registre  des  délibérations  des 
Capitouls  (année  1586,  lî.  371  v"  et  372  r»),  a  été  publié  dans  le  Bulle- 
tin de  la  Soc.  archéol.  du  Vendomoîs  de  1867,  p.  209,  puis  par  Rocham- 
beau  dans  sa  Famille  de  Fionsarl,  p.  261. 

M-  Mathieu  Auge,  qui  fait  imprimer  actuellement  une  thèse  sur 
Antoine  de  Baïf,  m'a  appris  par  une  obligeante  lettre  que  les  Archives 
des  Jeux  Floraux  contiennent,  à  la  date  du  3  mai  1586,  les  mêmes 
affirmations.  11  y  est  dit  notamment  que  le  prix  de  l'Eglantine  adjugée 
à  Ronsard  «  fut  converti)  en  une  Minerve  d'argent  »,  et  que  Ronsard 
«  fist  cognoistre  combien  ce  présent  luy  avoit  esté  agréable  par  les 
actions  de  grâces  qu'il  en  rendist  et  par  beaucoup  d'autres  tesmoi- 
gnages  qui  se  treuvent  parmy  ses  œuvres  et  parmy  celles  des  autres 
poètes  de  ce  temps  qui  en  ont  fait  mention  dans  leurs  escripts.  »  (Regis- 
tre   des    délibérations    de  1584  à   1640;  mai  1586,  f' 18    v».) 

Mais  j'ai  vainement  cherché  dans  les  œuvres  de  Ronsard  les  «  tesmoi- 
gnages  »  de  la  satisfaction  du  poète.  Il  n'a  pas  même  fait  la  moindre 
allusion  à  cet  événement,  comme  s  il  avait  eu  quelque  honte  à  être 
récompensé  par  l'une  de  ces  sociétés  littéraires  de  province  que  la 
nouvelle  école  poétique  avait  traitées  avec  un  suprême  dédain  par 
l'organe  de  Du  Bellay  (Deffence,  II,  ch.  iv,  début j. 
P.  23,  1.  17.  —  de  ses  presens.  Je  ne  connais  qu'un  seul  ouvrage  qui 
contienne  la  preuve  du  fait  avancé  ici  par  Binet  :  ce  sont  les  Poëmata 
de  Du  Bellay,  publiés  en  1558.  On  y  trouve  six  courtes  pièces  consa- 
crées à  célébrer  la  Pallas  d'argent  offerte  par  Toulouse  à  Ronsard,  puis 
par  celui-ci  au  Roi,  ff.  26  v"  à  28  r»  (communication  de  M.  H.  Chamard), 
Voici  la  3"  de  ces  pièces,  qui  a  sans  doute  inspiré  Binet  : 

Tholosa  ingenua,  et  Tholosa  verè, 
Tarn  bellam  tibl  quae  dédit  Minervam. 
Tu  quoque  ingenuus,  tibi  datam  qui 
Régi  Pallada  maximo  dedisti. 
Nunc  suo  posita  est  loco  Minerva  : 
Quid  Princeps  tibi  maximus  rependet? 

Si  le  geste  de  Ronsard  en  la  circonstance  fut  une  habile  flatterie  à  l'a- 
dresse du  Roi,  était-il  aussi  flatteur  pour  le  Collège  des  Jeux  Floraux? 
On  peut  en  douter. 
P.  23,  1.  18.  —  l'Hercule  Chreslien.  Je  ne  vois  pas  ce  qui  a  pu  autoriser 
Binet  à  écrire  cette  phrase.  Rien  ne  prouve  que  l'Hymne  de  V Hercule 
Chrestien  ait  été  «  envoyé  »  aux  Toulousains  «  en  recompense  »  de 
l'honneur  fait  à  Ronsard  par  le  Collège  des  Jeux  Floraux.  Binet  s'est 
quelque  peu  corrigé  en  C,  en  ajoutant  que  Ronsard  «  adressa  »  cet 
Hymne  à  Odet  de  Chastillon,  qui,  en  qualité  d'archevêque  de  Tou- 
louse, aurait  été,  semble-t-il  dire,  comme  un  intermédiaire  entre  le 
poète  et  ses  admirateurs.  Cet  Hymne  fut  en  effet  dédié  dès  l'édition 
princeps  (1555)  «  à   Odet,  Cardinal  de  Chastillon,   lors  archevesque  de 


l5o  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

Toulouse,  son  Mcccne  »  ;  mais  il  ne  contenait  pas  le  moindre  hémi- 
stiche à  l'adresse  des  Toulousains,  pas  la  moindre  allusion  aux  Jeux 
Floraux  ou  à  la  Pallas  d'argent.  Cela  suffirait  pour  rendre  très  suspecte 
l'assertion  de  Binet. 

Il  y  a  plus.  Le  Cardinal  Odet  ne  résidait  pas  dans  son  archevêché. 
Conseiller  d'Etat,  il  faisait  partie  de  la  suite  du  Hoi  en  ces  années-là 
(v.  /?(•!>.  d'IIist.  Utt-,  190(),  pp.  469  et  suiv.,  lettres  de  Lambin  publiées 
par  H.  Potez  ;  (Kuvres  de  Ronsard,  Disc,  contre  Fortune,  Bl..  \T,  160). 
Enfin  il  est  très  probable  que  Ronsard  a  songé  à  écrire  l'Hymne  de 
Vllercule  Chrestien  dès  le  mois  de  juin  1553,  comme  en  témoigne  ce 
passage  d'une  lettre  de  P.  des  Mireurs  à  J.  de  Morel,  écrite  à  cette  date 
à  propos  des  Folastries,  qui  avaient  paru  le  30  avril  précédent  :  «  Plane 
confido  (quae  est  Terpandri  nostri  humanitasl  hune  aliquando  Cliris- 
tiani  Herculis  res  praeclare  gestas  feliciore  versu  decantaturum  » 
p.  de  Nolhac,  auquel  on  doit  la  publication  de  cette  lettre,  pense  avec 
une  grande  apparence  de  raison,  que  ce  souhait  <<  est  inspiré  par  une 
information  assez  certaine  sur  les  projets  du  poète  »,  et  considère  le 
«  pieux  poème  »  de  VUcrcnlc  Chrestien  comme  <i  une  sorte  de  rachat  des 
Folastries  »  (Rev .  d'IIist.  Utt.,  1899,  p.  358).  Perdrizet  partage  cette 
opinion  [Fans,  et  la  Réforme,  p.  63,  note).  Mais  au  lieu  d'ajouter  avec 
eux,  sur  la  foi  de  Binet.  qu'il  fut  «  envoyé  l'année  suivante  aux  Capi- 
touls  de  Toulouse  »  en  remerciement  de  leur  statue  de  Pallas,  je 
verrais  plutôt  dans  la  phrase  de  P.  des  Mireurs  une  preuve  que  Ron- 
sard ne  l'a  pas  écrit  à  leur  intention,  et  je  croirais  volontiers  que 
Binet,  ne  trouvant  nulle  part  l'expression  de  la  reconnaissance  du  poète, 
a  fait  à  ce  sujet  une  simple  conjecture,  fondée  uniquement  sur  ce 
qu'Odet,  auquel  l'Hymne  en  question  est  dédié,  était  alors  archevêque 
de  Toulouse  Si  maintenant  cet  unique  fondement  paraissait  suffire  à 
rendre  sa  conjecture  plausible,  il  faudrait  au  moins  avouer  que  Ronsard 
eut  une  singulière  façon  de  remercier  les  Capitouls  et  le  Collège  des 
Jeux  Floraux. 

Aussi  E.  Pasquier  s'est-il  contenté  d'écrire  (Rech.  de  la  Fr.,  VII, 
eh,  vi)  :  «  Sur  la  recommandation  de  son  nom,  aux  Jeux  Floraux  de 
Tholose,  on  lui  envoya  l'eglantine  »  (ce  qui  d'ailleurs  est  inexact),  et 
G  Colletet,  qui  a  tant  copié  Binet,  notamment  en  ce  qui  concerne 
l'opposition  de  Saint-Gelais,  l'anecdote  de  P.  Lescot  et  la  décision  des 
Capitouls,  s'est-il  bien  gardé  de  lui  prendre  cette  fin  de  paragraphe. 
P.  23,  1.  19.  —  du  Roy  Henry.  Notons  ici  une  lacune  de  plus  de  trois 
années  dans  l'exposé  de  Binet,  car  tout  ce  dont  il  a  parlé  jusqu'ici  est 
antérieur  à  1556,  et  la  mort  de  Henry  II  est  de  juillet  1559.  Binet 
passe  même  sous  silence  six  années,  si  l'on  considère  qu'il  mentionne 
seulement  le  règne  de  François  II  et  arrive  immédiatement  aux  Re- 
monstrances,  qui  datent  de  1562.  Même  lacune  dans  les  panégyriques 
de  Du  Perron,  de  Velliard   et  de  Critton. 

Au  reste,  rien  de  plus  vague  et  de  plus  trompeur  que  les  dix  premières 
lignes  de  cet  alinéa.  On  dirait  que  Binet  a  daté  du  règne  de  François  II 
la  publication  des  Discours  politiques  de  Ronsard  et  même  le  pontificat 
de  Pie  V  ;  et  il  n'a  rien  fait,  ni  en  B  ni  en  C,  pour  améliorer  sa  rédac- 
tion. Il  est  possible  qu'il  ait  fait  commencer  le   régne   de  Charles  IX 


ET    CRITIQUE  l5l 

seulement  à  sa  majorité  (15  août  1563);  mais,  en  tout  cas,  il  ne  devait 
pas  laisser  croire  que  Ronsard  «  arma  les  Muses  au  secours  de  la 
France  »  sous  le  règne  de  François  II,  lequel  mourut  en  décembre 
1560.  C'est  sous  la  régence  de  Catherine  de  Médicis,  et  seulement  en 
1562,  que  Ronsard  écrivit  ses  Discours  contre  les  protestants  et  sa 
Remonstrance  au  peuple  de  France;  et  le  roi  qui  l'en  gratifia,  c'est 
Charles  IX,  et  non  pas  François  II,  comme  on  pourrait  le  croire  d'après 
Binet. 

P  23,  1.  23.  — ses  rcmonstrances.  S'aqit-il  seulement  du  «  discours  » 
intitulé  la  Remonstrance  au  peuple  de  France,  que,  selon  moi,  Ronsard 
a  écrit  pendant  le  pseudo-siège  de  Paris  par  Louis  de  Condé  et  les 
troupes  huguenotes  (du  22  nov.  au  10  déc  1562),  ou  bien  —  le  mot 
étant  au  pluriel  —  non  seulement  de  la  Remonstrance,  mais  encore  du 
Discours  sur  les  Misères  du  temps  (qui  remonte  à  la  fin  de  mai,  au 
le  juin  au  plus  tard)  et  de  la  Continuation  du  Discours  (qui  remonte 
au  mois  de  septembre,  aux  premiers  jours  d'octobre  au  plus  tard)? 
J'adopte  cette  deuxième  interprétation,  d'autant  plus  volontiers  qu'après 
avoir  donné  en  B  une  majuscule  initiale  au  mot  Rcmonstrances,  Binet 
est  revenu  en  C  à  la  minuscule  de  A,  qui  depuis  a  toujours  été  con- 
servée. Voir  un  autre  argument  ci-après,  pp.  153-154,  note  sur  les  mots 
«  ton  nom  ».  —  Il  est  même  possible  que  Binet  ait  compris  encore 
sous  ce  terme  général  ÏElegie  à  G.  des  Autels  de  1560,  réimpi'imée 
en  1562  avec  des  remaniements  et  pour  servir  à  la  polémique  avec  ce 
sous-titre  :  Sur  les  troubles  d'Amboise. 

P.  23,  1.  44.  —  en  Cour.  V.  ci-dessus,  p.  144,  aux  mots  «  hommes  de 
lettres  »,  et  surtout  dans  les  œuvres  de  Ronsard,  la  Complainte  contre 
Fortune  (Bl.,  VI,  156  et  suiv). 

P.  24,  1  1.  —  gratifièrent.  Velliard  (v.  note  suivante)  parle  dune 
pension  annuelle  de  400  livres  ;  mais  je  pense  que  c'est  une  allusion  à 
l'abbaye  de  Bellozane,  octroyée  à  Ronsard  vers  mai  1564,  et  au  prieuré 
de  St-Cosme,  octroyé  en  mars  1565.  D'ailleurs  ce  ne  fut  pas  sans  peine 
que  Ronsard  obtint  la  récompense  de  son  intervention  dans  la  guerre 
civile.  Voir  notamment  l'épître  à  Charles  de  Lorraine  intitulée  le 
Procès,  écrite  en  1561  ou  en  1562,  où  faisant  allusion  à  son  «  elegie  » 
Sur  les  troubles  d'Amboise,  Ronsard  rafraîchit  ainsi  la  mémoire  du 
Cardinal  : 

Quand    le  peuple  incertain,  errant  deçà  delà 
Tenoit  l'un  ceste  foj',  et  l'autre  ceste-là 
Et  que  mille  placards  diffamoient  vostre  race 
Il  opposa  sa  Muse  à  leur  félonne  audace... 

(Bl.,  III,  353)  ; 

le  poème  de  la  Promesse,  A  la  Rogne,  publié  en  1563,  à  propos 
duquel  Brantôme  a  dit  en  parlant  de  Catherine  de  Médicis  :  «  Belles 
paroles  et  promesses  ne  manquoient  jamais  à   la  revue  (aussi  M.  Rons- 

sard  luy  desdia  lors  l'himue  de  la  Promesse) "  (Bl.,  VI,  246;  M.-L., 

IV,  117  et  389)  ;  enfin  la  Complainte  à  la  Rogne,  mère  du  Rog  (1563), 
dont  Ronsard  lui-même  a  écrit  dans  1"  «  Epistre  au  Lecteur»  des  Nou- 
velles Poésies  :  «  Il  est  vray  qu'autrefois  je  me  suis  fasché,  voyant  que 
la  faveur  ne  respondoit  à  mes  labeurs  (comme  tu  pourras  lire  en  la  com- 


l53  CONniENTAinK    HISTORIQUE 

plainte  que  j'ay  n'a  gucros  escrite  à   la  Royne)...  »  (Bl.,   III,  369  ;  VII, 
138.) 

P.  24,  1.  3.  —  lettres  expresses.  Mcme  affirmation  dans  Du  Perron  : 
«  Dont  oultre  l'obligation  que  toute  la  France  luy  en  eut,  et  l'honneur 
que  le  Roy  et  la  Royne  sa  mère  luy  firent  en  ceste  considération  : 
encore  mesme  le  Pape  Pie  cinquiesme  prit  la  peine  de  l'en  remercier 
par  cscript,  et  de  tesmoigner  solennellement  les  bons  et  agréables  ser- 
vices que  l'Eglise  avoit  receuz  de  luy.  »  (Or.  fuii-,  1580,  pp.  39  et  40.) 
Du  Perron  et  Binet  sont  les  seuls  qui  nous  aient  parlé  de  ces  remer- 
ciements écrits  de  Pie  V  ;  et  cependant  Critton  et  surtout  Velliard 
insistent  tout  particulièrement  sur  l'éloquence  et  l'eKicacité  religieuse 
des  «  discours  »  de  Ronsard  contre  les  huguenots.  Velliard  écrit  :  «  Fre- 
inant alii  licet,  dicam  quod  sentio,  unus  Pétri  Ronsardi  libellus  in 
confutandis  haereticorum  erroribus  facile  omnia  omnium  Theologorum 
volumina  superavit...  Scdulitatem  optimi  Poetae  Carolus  censuit 
praemio  dignam  :  hujus  enim  mandato  ea  tempestate  habuit  a  ratioci- 
nario  publico  aunua  congiaria  quadi'ingentorum  coronatoi'um  :  opimis 
etiam  sacerdotiis  ab  eodem  paulo  post  ornatus  fuit...  ))  (Laiid.  fiin. 
II,  ï°  13  r°  et  f°  14  r').  Mais  pas  un  mot  des  félicitations  de  Pie  V. 

Le  bref  de  ce  pape  à  Ronsard  n'a  jamais  été  publié.  Du  moins,  on 
n'en  trouve  pas  trace  dans  le  recueil  des  cinq  livres  de  ses  Apostolicae 
Epistolae  publié  pour  la  première  fois  par  le  jésuite  Goubeau  en  1640, 
à  Anvers  (Bibl.  de  l'Institut,  F.  56),  ni  dans  la  traduction  de  ces  lettres 
par  De  Potter  ;  pas  la  moindre  mention  non  plus  dans  la  Vie  de  Si 
Pie  V  par  De  Falloux.  D'après  une  enquête  toute  récente  faite  à  Rome 
par  les  soins  de  M.  l'abbé  P.  Charbonnier,  qui  prépare  une  thèse  sur 
«  la  poésie  militante  à  la  fin  du  .\vi^  siècle  »,  la  collection  des  lettres 
de  Pie  V  conservées  aux  Archives  du  Vatican  ne  renferme  pas  la 
fameuse  lettre  de  félicitations  à  Ronsard-  —  Notons  d'ailleurs  qu'au 
fort  de  la  lutte  de  Ronsard  contre  les  huguenots,  le  pape  régnant  était 
Pie  IV  (élu  en  décembre  1559,  mort  le  9  décembre  1565),  et  que  Pie  V 
ne  fut  élu  qu'en  janvier  1566.  Si  vraiment  Pie  V  (mort  le  l"""  mai  1572) 
a  félicité  Ronsard,  ce  fut  après  avoir  lu  les  quatre  pièces  qu'il  écrivit 
en  1569  à  la  gloire  des  vainqueurs  de  Jarnac  et  de  Moncontour  (cf.  ma 
thèse  sur  Ronsard  p.  Igr.,  pp.  233  et  234). 

P.  24,  1.  10.  —  sa  vie.  Le  Temple  de  Ronsard  fut  publié  dans  une  pla- 
quette intitulée  :  Seconde  Response  de  F-  de  la  Baronie  à  Messire 
Pierre  de  Ronsard,  Prestre-Gentilhonime  Vandomois,  Evesc/ue  futur. 
Plus  le  Temple  de  Rons^ard  oii  la  légende  de  sa  vie  est  briefvemcnt 
descrite.  m.d.lxui,  s.  1.  (Bibl.  Nat.  Rés.  Ye  1027).  Mais  il  fut  aussi 
imprimé  à  part,  et  c'est  une  de  ces  éditions  isolées  que  Binet  semble 
avoir  lue,  puisqu'il  ne  parle  pas  de  l'œuvre  de  F.  de  la  Baronie.  En  tout 
cas,  le  Temple  de  Ronsard  n'est  que  le  4^  ou  le  5^'  pamphlet  des 
huguenots  contre  notre  poète,  et  non  pas  le  l»'',  comme  on  pourrait  le 
croire  d'après  Binet.  Il  est  postérieur  à  la  Responce  aux  injures  et 
calomnies-..,  où  Ronsard  répliquait  déjà  (dès  mars-avril  1563)  à  trois 
autres  pamphlets,  dont  nous  parlons  dans  la  note  suivante.  Il  parut  en 
septembre  1563,  d'après  une  épître  liminaire  en  prose  datée  du  8  de  ce 
mois. 


ET    CRITIQIF,  l53 

On  trouvera  le  Temple  de  Ronsard  au  tome  VII  de  l'édition  Blan- 
chemain,  p.  88-  Il  aurait  dû  être  inséré  à  la  p.  136.  immédiatement 
avant  VEpistrean  lecteur,  qui,  publiée  en  octobre  1563  comme  préface 
des  Xoiivelles  Poésies,  prend  à  partie  les  auteurs  du  double  pamphlet 
précité.  Quels  sont  ces  auteurs  ?  Pour  qui  lit  attentivement  cette  Epistre 
au  lecteur  après  avoir  lu  le  double  pamphlet,  l'auteur  de  la  Seconde 
Responsc,  F.  de  la  Baronie,  est  Florent  Chrestien,  «  le  chrestien 
reformé  »  ',  et  l'auteur  du  Temple  de  Ronsard  (du  tout  ou  dune  par- 
tie) est  Jacques  (îrevin,  «  le  jeune  drogueur  ».  —  Il  est  possible  que 
Binet  n'ait  pas  cité  le  pamphlet  de  V.  de  la  Baronie  à  la  prière  de 
FI.  Chrestien  lui-même,  qui  s'était  réconcilié  avec  Bonsard.  Quant  à 
Grevin,  mort  en  1570,  Binet  le  nomme  plus  loin  comme  «  aj-ant  aidé  à 
bastir  le  Temple  de  calomnie  contre  Bonsard  ».  V.  ci-après,  aux  mots 
«  en  ses  œuvres  »  et  «  de  ses  escrits  ». 
P.  24,  1.  11.  --de  Ronsard.  II  s'agit  de  «  trois  petits  livres  »  qui  furent 
envoyés  à  Bonsard  «  cinq  semaines  après  l'assassinat  du  Duc  de 
Guise  »,  c'est-à-dire  vers  le  25  mars  1563,  comme  nous  1  apprend  Bon- 
sard lui-même  dans  YEpisire  en  prose  qui  sert  de  préface  à  sa  longue 
Responce  en  vers    Bl.,  VII,  84). 

Ces  trois  pamphlets  ont  paru  ensemble  sous  ce  titre  général  :  Res- 
ponse  (sic)  aux  calomnies  contenues  au  Discours  et  Suyte  du  Discours 
sur  les  Misères  de  ce  temps,  faits  par  Messire  Pierre  Ronsard,  jadis 
Poète,  et  maintenant  Prebstre  \  La  première  par  A.  Zamariel,  les 
deux  aultres  par  B.  de  Mont-Dieu.  \  Où  est  aussi  contenue  la  Méta- 
morphose dudict  Ronsard  en  Prebstre.  m.d.lxhi,  s.  1. 

Après  ce  titre  général,  viennent  les  trois  «  responses  »,  chacune  avec 
un  titre  particulier  suivi  du  pseudonyme  de  l'auteur.  Celle  de 
A.  Zamariel  répond  à  la  fois  aux  deux  «  discours  »  que  Bonsard  avait 
écrits  l'un  vers  la  fin  de  mai  1562,  l'autre  vers  la  fin  de  septembre  1562; 
la  première  de  B.  de  Mont-Dieu  répond  au  premier  de  ces  «  discours  »  ; 
la  seconde  de  B.  de  Mont-Dieu  répond  au  second  de  ces  «  discours  ». 
On  lit  à  la  fin  du  troisième  pamphlet  :  «  faict  le  24  de  febvrier  1562  » 
(qu'il  faut  lire  1563  d'après  le  n.  st.). 

Quant  à  la  Métamorphose  de  Ronsard  en  Prebstre,  qui  d'après  le 
titre  général  et  d'après  Binet  semblerait  être  une  pièce  à  part,  elle 
se  compose  simplement  des  50  derniers  vers  de  la  «  response  »  de 
A.  Zamariel  (le  titre  est  imprimé  en  manchette). 

La  Bibl.  Nat.  possède  cette  plaquette  à  trois  parties,  sous  la  cote 
Bés.  pYe  173.  Elle  en  possède  aussi  une  réimpression  de  Ljon,  1563, 
sous  la  cote  Bés.  Ye  1909. 
P.  24,  1.  15.  —  ton  nom.  Voir  au  tome  VII  de  1  éd.  Bl.,  p.  99.  Cette  cita- 
tion est  extraite  de  la  Responce  aux  injures  et  calomnies  de  je  ne  scay 
quels  predicans  et  ministres  de  Genève,  sur  son  Discours  et  Continua- 
tion des  Misères  de  ce  Temps.  Tel  est  le  vrai  titre  de  la  longue  réplique 

1.  M.  l'abbé  P  Charbonnier  ma  communiqué  à  la  Nationale,  avec  une 
bonne  grâce  dont  je  le  remercie,  un  document  qui  corrobore  cette  opinion.  On 
lit  en  marge  du  titre  d'une  réédition  de  1564  cette  inscription  manuscrite  : 
«  Florent  Chrestien  Seigneur  de  la  Baronnie  qui  appartient  encore  aujourdhuy 
à  AF  Chrestien  son  filz  comme  il  m'a  conté.  »  'Bibl.  Nat,  Rés.  Ye  1913.) 


l54  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

(le  Ronsard  dans  Téd.  princeps  qni  parut  en  avril  1563.  Il  faut  donc 
comprendre  la  phrase  de  Binet  ainsi  :  «  Ils  firent  aussi  quelques  ré- 
ponses à  SCS  remontrances  non  pas  à  la  Renionslrancc  au  peuple  de 
France  mais  au  Discours  des  Misères  de  ce  Temps  et  à  la  Conliuua- 
lion  du  Discours  ;  le  mot  «  remonstrances  »  ici  n'est  pas  un  titre,  mais 
un  nom  commun),  réponses  où  était  ce  titre,  la  Métamorphose  de 
Ronsard,  et  dont  les  auteurs  furent  un  A.  Zamariel  et  B.  de  Mont-Dieu, 
ministres,  etc.   » 

Quant  aux  vrais  noms  de  ces  ministres,  les  avis  sont  partagés.  Binet 
croit  que  seul  le  pseudonj'mc  B.  de  Mont-Dieu  désigne  le  ministre 
Antoine  de  la  Boche-Chandieu  ;  en  ([uoi  il  se  trompe  certainement,  car 
ce  ministre  signait  d'ordinaire  ses  œuvres  poétiques  de  l'autre  pseudo- 
nj'me,  Zamariel  (qui  en  hébreu  signifie  Chant  de  Dieu).  —  Bayle 
pense  que  les  deux  pseudonymes  désignent  le  même  personnage,  la 
Roche-Chandieu,  et  son  avis  est  aussi  celui  de  Pierre  Perdrizet  (/?ons. 
cl  la  Reforme,  p.  25).  —  Je  me  range  plutôt  du  côté  de  la  Monnoye  et 
de  Bernus,  pour  qui  B.  de  Mont-Dieu  désigne  le  ministre  Bernard  de 
Montmeia,  non  seulement  parce  que  en  hébreu  la  dernière  syllabe  de 
ce  nom,  /a,  signifie  Dieu,  mais  parce  que  La  Roche-Chandieu  n  avait 
pas  de  raison  de  prendre  deux  pseudonymes,  et  que  d'autre  part  l'ini- 
tiale du  prénom,  B,  coïncide  avec  celui  de  Bernard,  comme  l'A  de  Za- 
mariel correspond  à  l'initiale  d'Antoine,  prénom  de  La  Roche-Chandieu. 
Pour  toute  la  polémique  entre  Ronsard  et  les  huguenots,  voir  Viollet-le- 
Duc,  Calai,  de  la  Biblio .  poét . ,  p.  281  ;  Pierre  Perdrizet,  Ronsard  et  la 
Réforme,  notamment  le  chap.  ii  sur  la  Bibliographie  de  cette  polémique, 
dont  la  chronologie  est  malheureusement  à  refaire  ;  mes  Notes  hist.  et 
crit.  sur  les  Discours  de  Ronsard,  dans  la  Rev.  Universit.  de  févr.  1903. 

P.  24,  1.  17.    —    d'Hercueil.    C'est-à-dire     d'avoir    sacrifié    un   bouc  à 
Bacchus  en  l'honneur  de  Jodelle  au  village  d'Arcueil. 

P.  24,  1.   17.  —  ce  chef  d'accusation     II  est  ainsi   présenté  dans  la   Res- 
ponce  de  A.  Zamariel  : 

Athée  est  qui  un  bouc  à  Bacchus  sacrifie  ; 

et  dans  la  2e  Response  de  B.  de  Mont-Dieu  : 

Celuy  cognoit,  Ronsard,  ta  profane  malice 
Qui  sait  comme  tu  fis  d'un  bouc  le  sacrifice 
Lez  Paris,  daus  Arcueil,  accompagné  de  ceux 
Qui,  payens  comme  toy,  lui  ofl'rirent     des  vœux. 

C'est  à  ces  passages  que  Ronsard  répliqua  en  25  vers  dans  sa  Responce 
aux  injures  et  calomnies...  Bl.,  VII,  110  et  111),  et  non  pas,  comme  on 
pourrai*,  le  croire  d'après  l'éd.  de  Bl.,  au  Temple  de  Ronsard,  que 
Ronsard  ne  connaissait  pas  encore.  La  même  accusation  s'y  retrouve, 
il  est  vrai,  ainsi  que  dans  la  Remonstrance  à  la  Roijne  (également  de 
1563);  mais  ces  pamphlets  protestants  sont  postérieurs  de  quelques 
mois  à  la  réplique  en  vers  de  Ronsard. 
P.  24,  1.  21.  —  Caresme  prenant.  La  date  traditionnelle  de  cet  épisode 
serait  le  carnaval  de   l'année  1552,  si  l'on  en  croyait  VHist.  du  théâtre 


ET    CRITIQUE  l55 

français  des  frères  Parfaict,  qui  citent  Pasquier.  Mais  d'abord  Pasquier 
ne  donne  aucune  date  et  se  contente  de  dire:  "Geste  comédie  (la 
Rencontre)  et  la  Cleopâtre  furent  représentées  devant  le  roi  Henri  à 
Paris,  en  l'Hostel  de  Reims,  avec  un  grand  applaudissement  de  toute  la 
compagnie,  et  depuis  encore  au  collège  de  Boncour,  où  toutes  les 
fenestres  estoient  tapissées  d'une  infinité  de  personnages  d'honneur,  et 
la  cour  si  pleine  d'escoliers  que  les  portes  du  collège  en  regorgeoient. 
Je  le  dis  comme  celui  qui  y  estoit  présent,  avec  le  grand  Tornebus,  en 
une  mesme  chambre.  Et  les  entreparleurs  estoient  tous  hommes  de 
nom  :  car  mesme  Hemy  Bclleau  et  Jean  de  la  Pcruse  jouoient  les  prin- 
cipaux roulets.  »  (Rech.  de  la  Fr.,  VII,  ch-  vi.)  -  Ensuite  la  date  de 
1552  n'apparaît  au  xvie  siècle  que  dans  la  préface  écrite  par  Ch.  de  la 
Mothe  pour  l'éd.  princeps  des  Œuvres  de  Jodelle  (1574  ;  réimpr.  par 
Marty-Lav.,  I,  5),  et  rien  n'empêche  de  croire  que  ce  biographe  a 
suivi  l'ancienne  manière  de  dater  Tout  porte  à  croire  au  contraire  qu'il 
faut  lire  1553,  d'après  le  nouveau  style,  et  que  la  fête  en  l'honneur  de 
Jodelle  eut  lieu  durant  le  carnaval  de  1553. 

Pour  la  discussion,  v.  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  p.  100,  note  2. 
Aux  arguments  que  j'y  présente  il  faut  ajouter  une  lettre  de 
Lambin  à  Prévost,  régent  du  collège  de  Boncourt,  qui  avait  dû  assister 
à  la  représentation  delà  Rencontre  et  de  Cleopâtre  [Rev.  d'Hist.  litt.  de 
1906,  p.  495,  art  de  H.  Potez).  Cette  lettre,  où  Lambin  remercie 
Prévost  de  lui  avoir  vanté  les  nouvelles  œuvres  dramatiques  françaises, 
est  datée  du  10  mars  1553.  Il  est  plus  que  probable  qu'elle  a  été  écrite 
dans  les  semaines  qui  ont  suivi  le  succès  de  Jodelle,  et  non  treize  mois 
après. 
P.  24,  1.  29.  —  mises  an  jour.  Allusion  au  recueil  des  vers  qui  parut  en 
avril  1553  sous  ce  titre  :  Livret  de  Folastries  A  Janot  Parisien  Plus 
quelques  Epigrames  grecs  et  des  Dithyrambes  chantés  au  bouc  de  E. 
Jodelle  poète  Iragiq.  Paris,  chez  la  Veuve  M.  de  la  Porte.  (V.  ma  thèse 
sur  Ronsard  p.  lyr.,  pp.  93  et  suiv.)  Ce  recueil  est  anonyme  et  Binet  a 
cru  (ou  feint  de  croire  pour  décharger  la  mémoire  de  son  maître)  qu'il 
était  l'œuvre  de  plusieurs  poètes.  Or  il  n'en  est  rien.  Toutes  les  pièces 
qu'il  contient  ont  pour  auteur  Ronsard,  car  elles  ont  toutes  été  réim- 
primées en  ordre  dispersé  dans  ses  œuvres  les  années  suivantes,  sauf 
la  Folastrie  VIII,  intitulée  Le  Nuage  ou  l'Yvrongne,  les  épigr.  10  et  13 
et  les  deux  sonnets  lubriques  de  la  En.  E.  Pasquier  semble  avoir  été 
mieux  renseigné  (ou  plus  franc)  que  Binet  sur  ce  point-là  :  «  II  n'est 
pas  qu'en  folastrant  il  (Ronsard)  ne  passe  d'un  long  entrejet  des  poètes 
qui  voulurent  faire  les  sages...  Lisez  un  petit  livre  qu'il  intitula  les 
Folastries,  où  il  se  dispensa  (se  permit)  plus  licencieusement  qu'ailleurs 
de  parler  du  mestier  de  Venus.,  il  seroit  impossible  de  vous  en 
courroucer  sinon  en  riant.  »  {Rech-  de   la  Fr.,  VII,  ch.  vi.) 

Ce  recueil  de  1553  fut  reproduit  en  1584  sous  le  même  titre,  intégra- 
lement et  page  pour  page,  augmenté  seulement  de  deux  petites  pièces 
anodines  qui  sont  également  de  Ronsard,  mais  sans  nom  de  lieu  ni 
d'éditeur.  C'est  probablement  cette  réédition  (due,  suivant  Bl.,  à  la 
vengeance  de  quelque  huguenot)  que  Binet  a  consultée.  Il  a  pu  aussi 
s'inspirer  de  la  dédicace  d'une  pièce  publiée   par  Baïf  au  livre  IV  de 


l56  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

ses  Poënies  et  intitulée  Dillujranihcs  à  la  pompe  du  houe  de  E.  Jodelle, 
1553  (ëd.  M.-L,  II,  209). 

Quoi  qu'il  en  soit,  non  seulement  il  a  eu  tort  de  dire  que  les  Folas- 
tries  étaient  l'œuvre  de  plusieurs  poètes,  mais  la  façon  dont  il  en  parle 
pourrait  faire  croire  qu'elles  furent  toutes  composées  à  l'occasion  des 
premiers  succès  dramatiques  de  Jodelle  ;  et  on  l'a  cru  en  effet,  comme 
le  prouve  ce  titre  fantaisiste  dune  réimpression  de  la  Folastrie  III 
publiée  en  caractères  gothiques  vers  150(S-99  Paris,  s.  d.):  Les  Folas- 
tries  de  la  bonne  chambrière,  A  Janol  Parisien,  reeilées  au  Bouc  de 
Eslienne  Jodelle.  Même  pièce  et  même  titre  à  la  suite  du  Banquet  des 
Chambrières,  réimpr.  par  Pinard  en  1830  ou  183(5  (Paris,  s.  d.).  Aimé 
Martin,  qui  possédait  Téd.  de  1584  du  Livret  de  Folastries,  a  écrit  au 
sujet  de  ce  vol.  une  note  (jui  prouve  que  lui  aussi  a  été  induit  en  erreur 
par  le  te.xte  de  Binet  qu'il  cite  (v.  la  réimpr.  de  l'édition  princeps  du 
Livret  de  Folastries  par  Jules  Gay,  Paris,  1862,  pp.  vi  et  xu  de 
l'Avant-propos). 

p.  24.  1-  30.  —  Poclc  dijlhiramhique.  Binet  est  le  seul  écrivain  du  xvi^  siècle 
qui  ait  attribué  ces  Dithyrambes  à  Bertrand  Berger,  et  c'est  sur  ce  seul 
témoignage  qu'on  les  lui  attribue  encore  aujourd'hui.  Chose  notable, 
Colletet,  qui  d'ordinaire  copie  servilement  Binet,  les  a  attribués  sans 
hésitation,  et  pardeuxfois.  à  Ronsard  (Vie  de  Muret,  passage  reproduit 
par  Rochambeau,  op.  cit.,  p.  234  ;  Viede  Ronsard,  éditée  par  Bl.,  p.  95). 
Je  crois  avoir  démontré  suffisamment  que  Colletet  a  raison  contre 
Binet  (thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  pp.  99  à  102,  et  pièce  justifie.  I) 
Sur  Bertrand  Berger  (ou  Bergier)  de  Montembeuf,  v.  Chamard, 
J.  du  Bellay,  p.  47  ;  Laumonier,  Ronsard  p.  Igr.,  passim.  Parmi  les 
pièces  que  les  poètes  de  la  Brigade  lui  ont  adressées,  à  noter  ici,  à 
cause  de  leur  titre  dont  Binet  s'est  inspiré  :  une  odelette  de  Du  Bellay 
publiée  dans  les  Jeux  Rusticjues  (1558),  A  Bertran  Beryier,  Poëte  dithy- 
rambique ;  une  épigramme  du  même  composée  en  1559,  mais  publiée 
seulement  dans  les  Xenia  (1569),  Montibos   poêla  dithyrambicus. 

P.  24,  1.  52.  —  sous  le  tombeau.  Cf.  Bl.,  VI,  381  ;  M.-L.,  Appendice  de 
la  Collection  de  la  Pléiade,  I,  51.  Binet  n'a  guère  pu  copier  ces  vers 
que  dans  la  réédition  subreptice  des  Folastries  de  1584,  car  ils  ne 
reparurent  pas  parmi  les  œuvres  de  Ronsard  avant  l'éd.  collective  de 
1604,  et  d  autre  part  le  livret  original  de  1553  devait  être  déjà  raris- 
sime. Notons  pourtant  que  dans  les  deux  seules  éditions  des  Folastries 
publiées  au  xvie  siècle,  on  lit  au  4e  vers  cette  leçon  différente  de  la 
sienne  : 

Qui  font  rebondir  la  terre. 

P.  24,  1.  53.  —  et  mascarade.  V.  à  ce  sujet  de  judicieuses  réflexions 
dansViollet-le-Duc,  o/).  cj/.,p.  282;  Blanchemain,  éd  de  Ronsard,  VIII, 
.32,  et  Perdrizet,  op.  cit.,  p.  52. 

P.  25,  1-  5.  —  oii  il  allait.  Cf.  Arnaud  Sorbin,  Histoire  contenant  un 
abbregé  de  la  vie,  mœurs  et  vertus  du  roy  très  chrestien  et  débonnaire 
Charles  IX...  amateur  des  bons  esprits  (1574).  Sorbin,  évêque  de  Nevers, 
était  le  prédicateur  et  le  confesseur  de  Charles  IX.  Voici  ce  qu'en  dit 
Colletet  :  «  Il  remarque  que  ce  prince  généreux  aimoit  la  poésie  et  pre- 


ET    CRITIQUE  ibj 

noit  plaisir  à  faire  des  vers,  qu'il  envoyoit  à  son  poète  M.  de  Ronsard, 
homme,  adjouste-t-il,  qui  se  f'aict  plus  paroistre  par  ses  vertus  et  doctes 
vers  que  je  ne  le  sçaurois  descrire,  de  qui  la  lecture  lui  estoit  si  agréable 
que  bien  souvent  il  passoit  une  partie  de  la  nuict  à  lire  ou  à  faire  reciter 
ses  poèmes,  à  quoy  il  emploj'oit  volontiers  Amadis  Jamyn,  Adrian 
Leroy,  maistre  de  la  musique  de  sa  chambre,  et  quelques  autres  de  ses 
serviteurs  domestiques.  »  [Vie  de  lions.,  p.  120).  La  Vie  de  Charles  IX 
par  Sorbin  a  été  réimprimée  dans  les  Archives  curieuses  de  Cimber  et 
Danjou  lire  série,  tome  VIII  ,  mais  le  passage  cité  par  Colletet  y  est 
quelque  peu  différent  :  on  lit  facture  au  lieu  de  lecture,  et  Estienne  le 
Roy,  ou  lieu  d'Adrian  Leroy  (p.  300).  —  Ronsard  a  écrit  de  son  côté 
dans  le  Tombeau  de  Marguerite  de  France  : 

Quatorze  ans  ce  bon  Prince  alegre  je  suivy  : 
Car  autant  qu'il  fut  Roy  autant  je  le  servy. 
Il  faisoit  de  mes  vers  et  de  moi  telle  estime 
Que  souvent  sa  Grandeur    me  rescrivoit  en  rime. 
Et  je  luy  respondois  m'estimant  bien  heureux 
De  me  voir  assailly  d'un  Roy  si  généreux. 
Ainsi  Charles  mourut,  des  Muses  la  défense 
L'honneur  du  genre  humain,  délices  de  la  France. 

(Bl.,  VII,  187  ) 

Mais  Binet  a  eu  tort  de  prendre  à  la  lettre  le  premier  de  ces 
vers.  Ronsard,  comme  «  conseiller  et  aumônier  ordinaire  du  Roy  », 
faisait  partie  de  sa  suite,  mais  Charles  IX  ne  lui  commanda  pas 
«  de  le  suivre  partout  »,  et  en  fait  Ronsard  passa  des  mois  et  des 
mois  loin  de  Charles  IX,  par  exemple  dans  son  prieuré  de  Saint- 
Cosme. 
P.  25,  1.  7.  —  auprès  de  soy.  Ici  l'erreur  de  Binet  est  flagrante. 
D'abord  le  voyage  de  Bayonne  a  duré  plus  d'un  an  et  demi,  Charles  IX, 
sa  mère  et  leur  Cour  étant  partis  de  Fontainebleau  en  mars  1564,  étant 
arrivés  à  Baj'onne  en  juin  1565,  après  avoir  passé  par  Troyes,  Bar-le- 
Duc,  Dijon,  Lyon,  Marseille,  Montpellier,  Carcassonne,  Toulouse, 
Bordeaux,  Mont-de-Marsan,  et  étant  revenus  (à  partir  de  juillet)  par 
Nérac,  Angoulême,  Cognac,  Saintes,  La  Rochelle,  Nantes,  Angers, 
pour  aboutir  à  Plessis-lez-Tours  le  20  novembre.  (Cf.  la  Correspon- 
dance de  Catherine  de  Médicis,  et  le  Recueil  et  Discours  du  voyage 
du  Roy  Charles  IX,..,  par  Abel  Jouan,  «  l'un  des  serviteurs  de  Sa 
Majesté  »,  publié  en  1566). 

Ensuite  Ronsard,  qui  prit  une  grande  part  aux  fêtes  du  Carnaval  de 
Fontainebleau  en  1564  et  participa  encore  à  celles  de  Bar-Ie-Duc,  où  il 
était  avec  la  Cour  dans  les  premiers  jours  de  mai,  n'accompagna  pas 
plus  loin  Charles  IX.  Nommé  alors  abbé  de  Bellozane,  il  dut  aller 
prendre  possession  de  son  abbaye.  D'autre  part,  il  a  écrit  vers  la  fin  de 
juillet  le  poème  des  Nues,  où  il  fait  connaître  l'état  d'esprit  des  Pari- 
siens aux  voyageurs  royaux  qui  étaient  alors  aux  environs  de  Lj'on  ; 
puis,  dans  les  derniers  mois  de  1564,  il  a  adressé  de  Paris  une  élégie  à 
Catherine  de  Médicis  qui  parcourait  alors  avec  ses  fils  la  Provence  et  le 
Languedoc  (Bl.,  VI,  259;  III,  381). 

Enfin  il  prit  possession  de  son  prieuré  de  Saint-Cosme-lez-Tours  en 


l58  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

mars  1565,  et  c'est  probablement  de  là  que,  sur  l'ordre  de  Charles  IX, 
il  partit  en  mai  pour  rejoindre  la  Cour  à  Bayonne,comme  le  dit  J.-A.de 
Thou  :  «  Uluc  etiam  ultro  accersitus  fuerat  P.  Uonsardus...  qui  versus 
inpompis  illis  récitâtes  fecit  ..  »  {Ilist.,  XXXVII,  éd.  de  1733,  tome  II, 
p.  435).  Mais  je  crois,  sans  pouvoir  toutefois  l'affirmer,  que  Ronsard, 
malade,  s'arrêta  «  aux  bords  de  la  Garonne  »,  à  Bordeaux,  comme  il 
ressort  du  poème  de  la  Lyre  (Bl.,  VI,  53),  et  qu'il  se  contenta  de  com- 
poser là  les  Stances  pour  i Avant-venue  de  la  Royne  d  Espagne  (IW, 131), 
qui  furent  lues  à  Bayonue  au  début  des  fêtes,  sans  qu'il  y  pût  assister. 
Cette  pièce,  à  laquelle  Binet  fait  allusion  en  C,  et  J.-A.  de  Thou  dans 
son  Histoire,  parut  dans  le  recueil  des  Elégies,  Mascarades  et  Bergerie 
vers  le  !>;''  août  1565- 

Voici  les  raisons  qui  me  font  douter  de  la  présence  de  Ronsard  à 
Bayonne  :  1°  Nulle  part  Ronsard  n'en  a  dit  mot,  bien  qu'il  pût  s'en 
glorifier,  pas  même  dans  le  poème  de  la  Lyre,  où  l'occasion  était  pour- 
tant belle,  ni  dans  le  Tombeau  de  Marguerite  de  France,  où  il  dit  en 
parlant  de  Charles  IX  et  de  la  retraite  de  Meaux  : 

Je  me  trouvay  deux  fois  à  sa  royale  suite... 

2"  Les  Stances  ci-dessus  mentionnées  contiennent  un  vers  qui  semble 
prouver  qu'il  ne  fut  pas  témoin  des  fêtes  de  Bayonne  : 

Le  jour  heureux  quejoar  penser  j'honore. 

3''  Cette  pièce  est  la  seule  qu'il  ait  recueillie  dans  ses  œuvres,  pour 
des  fêtes  qui  durèrent  18  jours  (du  12  au  30  juin),  alors  que  Baïf  a 
publié  une  vingtaine  de  mascarades  et  inscriptions  qu'il  composa  à 
Baj'onne  (éd.  Marty-Laveaux.  II,  331  à  342). 

4o  Aucun  des  ouvrages  qui  relatent  ou  jugent  ces  fêtes  ne  signale  la 
présence  de  Ronsard.  V.  notamment  la  (^orresp.  de  Catherine  de 
Médicis,  t.  II  ;  le  Voyage  du  Roy  Charles  IX,  par  Abel  Jouan  (Paris, 
Bonfons,  1566)  ;  VAmple  discours  de  l'arrivée  de  la  Royne  Catholique 
(Paris,  Dallier,  1565)  ;  le  Recueil  des  choses  notables  faites  à  Bayonne 
(Paris,  Vascosan,  1566)  ;  les  Menio/resde  Brantôme  et  de  Marguerite  de 
Navarre,  qui  tous  deux  étaient  à  Bayonne.  La  Popelinicre  (Hist.  de 
France,  1581,  t.  1.  liv.  x,  p.  381)  se  contente  de  renvoyer  au  Recueil  des 
choses  notables  et  ne  dit  pas  un  mot  de  Ronsard.  Rien  non  plus  dans 
Davila,  dans  P.  Mathieu,  dans  le  P.  Daniel. 

Mais,  tout  bien  pesé,  ces  raisons,  presques  toutes  a  silenlio,  ne  m'ont 
pas  paru  suffisantes  pour  conclure  catégoriquement  que  Ronsard  ne  fut 
pas  à    Bayonne,  et  qu'il  se  contenta  d'j'  envoj'er  les  fameuses  Stances. 

Cf.  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  pp.  223  à  225,  et  Appendice,  pièce 
justifie.  II. 
P.  25,  1.  10.  —  que  j'ay  veus.  L'affirmation  de  Binet  sur  l'existence  des 
«  arguments  »  de  quatorze  livres  de  la  Franciade  est  corroborée  par 
ces  lignes  de  Colletet:  «  Et  il  est  si  vray  que  Ronsard,  en  nous  donnant 
cet  eschantillon  d'un  poème  épique  (les  4  premiers  livres),  avoit  l'inten- 
tion de  nous  donner  la  pièce  entière,  que  Cl.  Binet  rapporte  en  quelque 
endroit  de  sa  vie,  qu'il  luy  en  avoit  montré   les    argumens    des   douze 


ET    CRITIQUE  IÔQ 

premiers  livres,  ce  que  Cl.  Garnier  m'a  confirmé  depuis,  lorsqu'il  me 
dict  que  feu  Jean  Gallandius  les  gardoit  encore  parmj'  ses  papiers...  » 
{Vie  de  Ronsard,  p.  74.)  On  sait  que  Claude  Garnier  est  le  commenta- 
teur de  la  Franciade  et  en  a  publié  une  suite  en  1604. 

C'est  seulement  en  1566  que  Ronsard  se  remit  à  la  Franciade.  A  la 
fin  de  1563  le  projet  n'était  pas  encore  repris,  à  preuve  la  Complainte  à 
la  Roy  ne  mère  etl'wEpistre  au  Lecteur»  des  Nouvelles  Poésies  [El  ,111, 
377  ;  VII,  138).  A  la  fin  de  novembre  1565,  durant  les  dix  jours  que 
Charles  IX  passa  à  Plessis-lez-Tours,  Ronsard,  qu'il  alla  voir  alors  en 
son  prieuré  de  Saint-Cosme,  lui  disait  encore  : 

Pource,  mon  R03',  s'il  vous  pinist  que  je  face 
La  Franciade,  œuvre  de  long  espace, 
Oyez  mes  vœux  :  Il  seroit  bien  saison 
Qu'eussiez  esgard  à  moy,  pauvre  grison  '... 

Charles  IX  encouragea  fortement  Ronsard  à  reprendre  son  ancien 
projet,  en  lui  faisant  obtenir  un  second  prieuré,  celui  de  Croixval  (car 
Amadis  Jamin  n'en  devint  alors  titulaire  que  pour  le  céder  le  22  mars 
1566  à  Ronsard  dont  il  était  le  secrétaire)  ;  mais  il  lui  demanda  d'écrire 
la  Franciade  en  vers  décasyllabiques,  à  preuve  ces  lignes,  insérées  dans 
la  2«  édition  de  VAbbregé  de  l'Art  poët.  (achevé  d'imprimer  le  4  avril 
1567)  :  «  Si  je  n'ay  commencé  ma  Franciade  en  vers  Alexandrins..,  il 
s'en  faut  prendre  à  ceux  qui  ont  puissance  de  me  commander  et  non  à 
ma  volonté  :  car  cela  est  fait  contre  mon  gré,  espérant  un  jour  la  faire 
marcher  à  la  cadance  Alexandrine  :  mais  pour  cette  fois  il  faut  obeyr.  » 
P.  25,  1.  12.  —  généreux  Roy-  Les  Quatre  premiers  livres  de  la 
Franciade,  publiés  quelques  jours  après  le  massacre  de  la  Saint- 
Barthélémy  (l'achevé  d  imprimer  est  du  13  septembre  1572),  sont  en 
effet  dédiés  à  Charles  IX  ;  et  sous  un  portrait  du  roi,  placé  en  tête  de 
l'éd.  princeps  auprès  de  celui  du  poète,  on  lit  ce  quatrain  signé  A.  L 
(Amadis  Jamin)  : 

Tu  n'as,  Ronsard,  composé  cest  ouvrage, 
Il  est  forgé  d'une  royale  main  : 
Charles  sçavant,  victorieux  et  sage 
En  est  l'autheur,  tu  n'es  que  lescrivain. 

P.  25,  1.  13.  —  ses  Eclogues.  Les  Eclogues  de  Ronsard,  qu  il  appelle 
encore  «  chants  pastoraux  »,  ont  paru  à  diverses  dates.  Deux  en  1559  : 
Un  pasteur  Angevin,  et  J'estois  fasché  ;  deux  en  1560  :  De  fortune  Bellot, 
et  Contre  le  mal  d'amour  (ces  quatre  premières  figurent  parmi  les 
Poèmes  dans  l'éd.  collective  de  1560)  ;  deux  en  1563-64  dans  les  Nou- 
velles Poésies  :  Paissez  douces  brebis,  et  Deux  frères  pastouraux  ; 
une  en  1565,  la  «  bergerie  »  :  Les  chesnes  ombrageux.  Ces  trois  der- 
nières et  les  quatre  premières  sont  mélangées  aux  Elégies  dans  les  éd. 
collectives  de  1567,  1571  et  1573.  C'est  seulement  à  partir  de  1578 
qu'elles  sont  groupées  en  tête  d'une  section  distincte,  intitulée  Les 
Eclogues  et  Mascarades  et  dédiée  à  François  de  France,  duc  d'Anjou. 

1.  BI.,III,   317  ;  le  poème  d'où  j'extrais    ces  vers  parut  dans  l'éd.  colI«ctive  de 
1567. 


l6o  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

Mais  dans  aucune  édition  fragmentaire  ou  collective  elles  ne  sont 
dédiées  au  roi  Charles  IX,  et  je  ne  sais  comment  expliquer  l'erreur  de 
Binet,  qui  a  persisté  dans  ses  trois  textes. 

Sur  le  goût  de  (Iharles  IX  pour  la  chasse  (car  le  second  j7  de  la 
phrase  de  Binet  se  rapporte  au  roi,  tandis  que  le  premier  et  le  troi- 
sième i7  se  rapportent  au  poète),  cf.  les  vers  que  Ronsard  a  écrits 
comme  préface  de  La  (Chasse,  ouvrage  inachevé  de  ce  roi,  et  qui  paru- 
rent dans  Téd.  collective  de  1584  (Bl.,  III,  253;  M.-L  ,  III,  177),  et 
Brantôme,  éd.  Lalanne,  tome  V,  passiin. 

P.  25,  1.  16.  —  Iiausser.  Source  probable  de  cette  fin  de  phrase  :  une 
note  de  R.  Belleau,  citée  plus  haut  i^p.  131  au  mot  «  beaucoup  »),  et  un 
passage  de  la  préface  de  son  Commentaire  où  il  déclare  que  Ronsard  a 
abaissé  son  style  dans  le  Deuxième  livre  des  Amours  «  tant  pour 
satisfaire  à  ceux  qui  se  plaignoyent  de  la  grave  obscurité  de  son  style 
premier,  que  pour  monstrer  la  gentillesse  de  son  esprit,  la  fertilité  et 
diversité  de  ses  inventions,  et  qu'il  sçait  bien  escrimer  à  toutes  mains 
des  armes  qu'il  manie  »  (éd.  de  Ronsard,  par  M.-L.,  I,  402). 

Binet  a  déjà  fait  une  remarque  analogue  à  propos  des  Hymnes,  où 
Ronsard  «  monstra  comme  il  avoit  l'esprit  et  le  style  ploiable  à  toutes 
sortes  d'argumens  ». 

P.  25,  1.  23.  —  jusques  dans  Paris.  Source  quatre  vers  du  Tombeau  de 
Marguerite  de  France  : 

Je  me  trouvaj'  deux  fois  à  sa  roj'ale  suite. 
Lorsque  ses  ennemis  lui  donnèrent  la  fuite, 
Quand  il  se  pensa  voir  par  trahison  surpris 
Avant  qu'il  peust  gaigner  sa  ville  de  Paris. 

(Hl  ,  VII,  186;  M.-L.,  V,  257.) 

Il  s'agit  de  la  retraite  de  Cbarles  IX,  d'abord  de  Monceaux  à  Meaux, 
puis  de  Meaux  à  Paris,  pendant  la  deuxième  guerre  civile,  en  sep 
tembre  1567. 
P.  25,  1.  32.  —  des  Grans.  Ronsard,  en  effet,  a  souvent  composé  des 
vers  à  la  demande  des  Princes,  des  dames  de  la  Cour  et  de  ses  amis  ;  et 
il  avoue  lui-même  que  sa  Muse  ne  le  servait  pas  toujours  à  souhait  et  à 
l'heure  : 

car  faire  je  ne  puis 

Un  trait  de  vers,  soit  qu'un  Prince   commande, 
Soit  qu'une  dame  ou  l'ami  m'en  demande. 
Et  à  tous  coups  la  verve  ne  me  prend. 

(Hl.,  VI.  55.) 

Il  est  probable  que  Binet  s'est  appuyé  sur  ce  passage,  et  sur  cette  petite 
note  en  prose,  dont  Ronsard  a  accompagné  la  pièce  liminaire  des  /i/f- 
gies  pour  l'édition  de  1587  :  «  Si  j'eusse  composé  la  meilleure  partie  de 
ces  Elégies  à  ma  volonté,  et  non  par  exprès  commandement  des  Roys 
et  des  Princes,  j'eusse  été  curieux  de  la  briefveté  :  mais  il  a  fallu  satis- 
faire au  désir  de  ceux  qui  avoient  puissance  sur  moy...  »  (Bl.,  IV,  210.) 
Il  a  également  profité  de  cette  note  écrite  par  Belleau  (et  non  par 
Muret)  au  bas  du  sonnet  de  156.5,  Douce  beauté  qui  me  tenez  le  cœur  : 
«  Le  poète    m'a  quelquefois  dit  que  ce  sonnet  n'est  fait  pour  represen- 


ET    CRITIQUE  l6l 

ter  sa  passiou,  mais  pour  quelque  autre  dont  il  fut  prié,  désirant  infi- 
niment n'estre  point  recherché  de  tels  importuns  ».  (Bl.,  I,  49.)  lia  pu 
se  servir  d'un  quatrième  texte,  du  sonnet  à  Henri  III,  Prince  quand 
tout  mon  sany..-,  qui  remonte  sans  doute  à  l'époque  où  ce  roi  pria 
Ronsard  de  chanter  sa  maîtresse  Renée  de  Châteauneuf,  ainsi  que  le 
faisaient  Desportes  et  Amadis  Jamin  : 

Maintenant  que  je  suis  sur  l'aulonne  et  grison. 
Les  amours  pour  Honsard  ne  sont  plus  de  saison  : 
Je  ne  veux  toutesfois  m'excuser  dessus  l'âge. 

Vostre  cuniinandeiuent  de  jeunesse  me  sert, 
Lequel  niaugré  les  ans  m'allume  le  courage, 
D'autant  que   le  bois  sec  brusle  mieux  que  le  verd. 

(Bl.,  V,  312.) 

Outre  ceux-ci  et  ceux  que  mentionne  Binet,  les  exemples  abondent  de 
pièces  écrites  par  Ronsard  au  nom  d'autres  personnes.  V.  le  sonnet  de 
15G5,  On  dit  qu  Amour,  adressé  par  une  femme  à  un  homme  (Bl.  I, 
421)  ;  1  élégie  de  15G5,  Pour  vous  montrer  que  j'ay,  adressée  par 
une  femme  à  une  femme,  et  le  sonnet  de  1565,  Anne  m'a  fait,  qui  est 
la  réponse  à  cette  élégie  (Bl.  IV,  375  ;  I,  428). 

J'ai  pensé  même  que  la  plus  jolie  des  chansons  de  Ronsard,  Quand 
ce  beau  printemps  je  voy...  qui  date  de  1563,  fut  écrite  pour  le  prince 
Louis  de  Coudé  et  adressée  en  son  nom  à  sa  maîtresse  Isabeau  de 
Limeuil  (cf.  Rev.  d'IIist.  litt  ,  1902,  p.  443)  Mais  j'ai  abandonné  cette 
première  opinion  (cf.  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  pp.  210  à  212). 
p.  25,  1.  34.  —  Callirée.  Ces  poésies  ont  été  écrites  «  en  faveur  »  de 
Charles  IX,  amoureux,  comme  Binet  a  osé  le  dire  en  C,  d'Anne  d'Atri 
d'Acquaviva.  Sur  cette  Napolitaine,  demoiselle  d'honneur  de  Catherine 
de  Médicis,  fille  du  duc  François  d'Atri,  et  petite-fille  du  prince  de 
Melfe,  mariée  à  l'Italien  Dadjacetto,  et  devenue  par  ce  mariage  com- 
tesse de  Clîâteauvillain,  voir  Brantôme,  éd.  Lalanne,  II,  28  et  232  ; 
VII,  394  ;  IX,  49;  E.  Frémy.op.  cit.,  p.  190. 

Sur  la  nature  des  relations  que  Charles  IX  entretint  avec  Anne 
d'Atri  d'Acquaviva,  Brantôme  a  laissé  un  curieux  renseignement. 
Comme  une  grande  dame  de  la  Cour  disait  au  Roi  :  «  Vous  ne  portez 
point  d'affection  aux  femmes  et  faites  plus  de  cas  de  la  chasse  et  de  vos 
chiens  que  de  nous  autres,  »  il  répondit  :  «  Dont  avez  [vous]  ceste 
opinion  de  moy,  que  j'aj'me  plus  l'exercice  de  la  chasse  que  le  vostre? 
Et  par  Dieu,  si  je  me  despite  une  fois,  je  vous  joindray  de  si  près 
toutes  vous  autres  de  ma  court,  que  je  vous  porteray  par  terre  les  unes 
après  les  autres  »;  et  Brantôme  ajoute^:  «  Ce  qu'il  ne  fit  pas  pourtant 
de  toutes,  mais  en  entreprit  aucunes,  plus  par  réputation  que  lasciveté, 
et  très  sobrement  encore  :  et  se  mit  à  choisir  une  fille  de  fort  bonne 
maison,  que  je  [ne ,  nommeray  point,  pour  sa  maistresse,  qui  estoit  une 
fort  belle,  sage  et  honneste  damoy selle,  qu'il  servit  à  tous  les  honneurs 
et  respectz  qu'il  estoit  possible,  et  plus,  disoit-il,  pour  façonner  et 
entretenir  sa  grâce  que  pour  autre  chose,  n'estant  rien,  disoit-il,  qui 
façonnast  mieux  un  jeune  homme  que  l'amour  logée  en  un  beau  et 
noble  subject-  Et  a  tousjours  aymé  ceste  honneste  damoyselle jusqu'à  la 

VIE  DB  p.   DE  RONSARD.  11 


l62  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

mort,  bien    qu'il  eust  sa  femme,  la    reyne   Elisabet,    fort  agréable  et 
aymable  princesse.  »  (éd.  Lalanne,  tome  V,  p.  274.) 

Ces  lignes  peuvent  servir  de  commentaire  non  seulement  aux 
Amours  d'Eiirymedon  et  de  Callirée,  œuvre  de  Ronsard,  mais  encore  à 
une  pièce  de  Desportes  intitulée  Stances  pour  le  Roy  Charles  IX  à 
Callirée:  <>  Cesse,  Amour,  tes  rigueurs,  mets  fin  à  ta  poursuite..  » 
(éd.  A.  Michiels,  p.  405). 

Dreux  du  Radier  s'est  lourdement  trompé  en  disant  que  le  nom  de 
Callirhoé  (sic)  cache  Marie  Touchet,  la  maîtresse  la  plus  connue  de 
Charles  IX,  et  en  attribuant  à  Dorât  les  Stances:  «  De  fortune  Diane  et 
l'archerot  Amour...  »  {Reines  et  Régentes  de  France,  2''  éd.,  177(), 
tome  V,  pp.  114-115).  —  A.  Michiels  a  reproduit  la  première  de  ces 
erreurs  dans  la  notice  placée  en  tête  de  son  édition  des  Œuvres  de 
Desportes  (p.  xvii). 
P.  25,  1.  34.  —  ceuxd'Astrée.  Ainsi,  d'après  Binet,  les  Sonnets  et  Madri- 
gals  pour  Astrée  auraient  été  écrits  «  sur  le  commandement  »  et  «  en 
faveur  »  d'un  grand  seigneur,  peut-être  même  de  Charles  IX  ou  de  l'un 
de  ses  frères.  Si  cela  était,  comment  expliquer  la  fin  du  premier 
sonnet  d'Astrée  ; 

Et  moi  je  veux  honorer  ma   contrée 
Démon  sepulchre,  et  dessus  engraver: 
Ronsard,    voulant    aux  astres  s'eslever 
Fut  foudroyé  par  une  belle  Astrée. 

(Bl.,  I,  265.) 

Comment  expliquer  ce  passage  du  douzième  sonnet  : 

Alors  qu'Amour  dont   les    traits  sont  cuisants 
Me  dit  :  Ronsard,  pour  avoir  un  bon  guide...  ? 

A  moins  que  notre  poète  n'ait  pris  pour  lui,  au  moment  de  la  publica- 
tion (1578),  les  soupirs  et  les  déclarations  qu'il  avait  mis  primitive- 
ment dans  la  bouche  d'un  autre,  et  substitué  alors  son  nom  à  celui  de 
l'amant  qu'il  faisait  parler  d'abord,  ce  qui  lui  est  arrivé  d'autres  fois. 
Marcassus,  qui  commenta  ces  poésies  en  1623,  a  compris,  contrai- 
rement à  Binet,  qu'il  s'agissait  d'une  maîtresse  de  Ronsard,  cour- 
tisée 

Trois  mois  entiers  d'un  désir  volontaire 

(/fcid.,271); 

et  CoUetet,  préférant  cette  interprétation  à  celle  de  Binet,  a  écrit 
de  son  côté  :  «  Les  Amours  d'Astrée  sont  de  véritables  marques  de 
lardante  passion  que  Ronsard  conceut  pour  une  belle  dame  de  ceste 
ancienne  et  illustre  famille  d'Estrée,  dont  il  voulut  desguiser  le  nom 
parle  changement  d'une  seule  voyelle  en  une  autre.  »  [Vie  de  Ronsard, 
édit.  citée,  p.  65) 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  dame  de  la  Cour  qui  inspira  cette  passion  s'ap- 
pelait Françoise  d'Estrée  ;  à  cet  égard,  le  quatiième  sonnet  de  Ronsard 

Douce  Françoise,  aiuçois    douce  framboise... 


ET    CRITIQUE  l63 

complète  les  renseignements  donnés  par  la  dernière  rédaction  de  Binet 
et  par  Colletet. 
P.  25,  1.  35.  —  pour  embellir  ses  vers.  Sur  cette  demoiselle  d'honneur 
de  Catherine  de  Médicis,  fille  de  René  de  Fonsèque,  seigneur  de  Sur- 
gères, et  d'Anne  de  Cossé-Brissac,  et  sur  les  poésies  que  Ronsard 
lui  a  consacrées,  voir  P.  de  Nolhac,  Le  dernier  amour  de  Ronsard 
{Nouv.  Rev.,  15  septembre  1882)  ;  E.  Frénij-,  op.  cit.,  pp.  191  et  suiv.  ; 
Marty-Lav.,  Notice  sur  Ronsard,  lxv  et  suiv.  ;  ma  thèse  sur  Ronsard, 
p.  lyr.,  pp.  256-57  eipassim. 

Hélène  de  Surgères  ne  s'est  pas  mariée,  comme  le  prouve  non  seule- 
ment une  généalogie  manuscrite  qui  donne  son  nom  avec  cette 
simple  mention  «  morte  fille  »  (P.  de  Nolhac,  op.  cit.  p.  6),  mais  encore 
un  passage  de  l'Hist.  (jénéal.  de  la  maison  des  Chasteigners  par  André 
du  Chesne  (Paris,  S.  Cramoisy,  1634),  pp.  431-32.  On  pourrait  croire 
le  contraire  à  première  vue  en  consultant  VHist.  généal.  de  la  maison 
de  Snrgères  par  Louis  Vialart  (Paris,  J.  Chardon,  1717).  Cet  auteur 
mentionne  à  la  p.  66  une  Hélène,  dame  de  Surgères,  qui  épousa  Isaac 
de  la  Rochefoucauld  et  en  eut  quatre  enfants  ;  mais  il  s'agit  là  d'une 
petite-fille  de  René  de  Fonsèque,  qui  fut  la  nièce  de  l'Hélène  de  Ron- 
sard. Si  Vialart  et  d'autres  généalogistes  n'ont  pas  mentionné  celle-ci, 
c'est  précisément  parce  qu'elle  resta  fille. 

Comment  faut-il  entendre  cette  phrase  de  Binet  :  «  Il  s'est  aidé  de 
son  nom  pour  embellir  ses  vers  »  ?  C'est  que  le  nom  d'Hélène  est  «  de 
louange  immortelle  »  depuis  Homère,  et  que  Ronsard  a  chanté  le  nom 
même  de  sa  dernière  Muse,  qu'il  rapproche  plus  d'une  fois  de  l'Hélène 
grecque  (cf.  Bl.,  I,  283,  322-23,  341,  347,  353,  354,  384).  —  Quant  à 
sa  vertu  et  à  sa  beauté,  elles  ont  été  vantées  l'une  et  l'autre,  non  seu- 
lement par  Ronsard,  mais  par  plusieurs  de  ses  contemporains,  entre 
autres  Desportes  (éd.  Michiels,  p.  429),  Am.  Jamin  (Œuvres,  1575, 
f«  284  ro  ;  second  volume  des  Œuvres,  1584,  f"  83  r°)  et  Passerat 
(Œuvres,  éd.  de  1606,  p.  237). 
P.  25,  1.  39.  —  ce  qui  est  de  sainct.  Cf.  l'éd.  Bl.,  I,  283.  Il  est  permis  de 
ne  pas  croire  à  la  chasteté  des  sentiments  de  Ronsard  à  l'égard  d'Hélène, 
et  Binet  me  semble  bien  avoir  ici  fardé  la  vérité.  Au  sonnet  qu'il  cite, 
on  pourrait  opposer  vingt  autres  pièces  qui  prouvent  le  contraire  de  ce 
qu'il  voulait  nous  faire  croire.  V.  par  ex.  les  sonnets  Bien  que  l'esprit 
humain  ;  Ma  Dame  se  levoit  ;  Ha,  que  la  loy  ;  Quand  je  pense  ;  Vous 
triomphez  de  moi  ;  et  surtout  les  pièces  qui,  écrites  à  l'adresse  d'Hé- 
lène, furent  classées  dès  la  seconde  édition  dans  les  Amours  diverses 
ou  même  ne  furent  pas  imprimées,  probablement  à  la  requête  de  l'in- 
téressée, telles  que  la  chanson  Plus  estroit  que  la  vigne,  les  sonnets 
Cest  honneur,  cesle  loy  ;  Maistresse,  embrasse  moy  :  Je  n'aime  point 
les  Juifs  ;  Je  irespassois  d'amour  (BL,  I,  383,  384,  416  et  suiv.). 

A  noter  que  Binet  allongea  en  C  le  passage  relatif  à  Hélène  unique- 
ment pour  insister  sur  le  caractère  platonique  de  ses  relations  avec  le 
poète,  et  que  ce  seul  fait  doit  rendre  suspecte  l'anecdote  de  l'interven- 
tion de  Catherine  de  Médicis  au  début  de  ces  relations,  intervention 
dont  la  preuve  n'existe  nulle  part.  Il  est  vraisemblable  que  Binet,  en 
faisant  cette  addition  à  son  texte,  céda  aux  instances  d'Hélène   de  Sur- 


l64  COMMENTAIRE    UKSTORlgUE 

gères  elle-même,  qui  appréhendait  fort  l'opinion  et  avait,  suivant  l'ex- 
pression de  sou  poète,  «  la  peur  d'infamie  »  ;  témoin  la  démarche 
qu'elle  fit  auprès  de  Du  Perron,  le  priant  d'écrire  une  épître  liminaire 
aux  œuvres  de  Ronsard  «  pour  monstrer  qu'il  ne  l'aimoit  pas  d'amour 
impudique  »  (Perron/ana,  art.  Goiirnai),  Cologne,  1C94,  p.  178.  Cf.  Bl., 
I,  283  et  338  ;M.-L.,  Notice  sur  lions.,  lxxhi). 

P.  25,  1.  40.  —  garde  son  nom.  Voir  le  sonnet  Afin  que  ton  honneur  ;  les 
Stances  de  la  fontaine  d'IIelenc  ;  le  sonnet  11  ne  suffit  de  boire,  et 
l'élégie  Six  ans  estoient  coulez  (Bl.,  I,  357-63  ;  M.-L.,  I,  331-39).  C'est 
au  prieuré  de  Croixval  que  Ronsard  a  écrit  ces  vers  exquis,  en  1574 
ou  1575.  La  fontaine  d'Hélène  a  réellement  existé,  comme  celle  de  la 
Bellerie  ;  mais  tandis  que  la  Bellerie  était  sur  le  territoire  de  Couture, 
à  quelque  cent  mètres  de  la  Possonniére,  la  fontaine  d'Hélène  se  trou- 
vait à  quelques  lieues  de  Couture,  sur  la  commune  des  Hayes,  dans  la 
vallée  de  la  Cendrine,  en  amont  du  prieuré  de  Croixval.  J'en  trouve  la 
preuve  dans  le  sonnet  //  ne  suffit  .de  boire  en  Veau  que  j  uy  sacrée  : 
Ronsard  y  parle  du  «  père  Saint  Germain,  qui  garde  la  contrée  »  ;  or 
la  fontaine  de  Saint-Germain,  dont  l'eau  a  une  vertu  curative  toute 
spéciale  et  attire  toujours  des  pèlerins,  existe  encore  tout  prés  de  la 
propriété  de  Rocantuf,  voisine  de  Croixval.  Cf.  P.  Clément,  Monogra- 
phie de  la  paroisse  des  Hayes-en-Vendoinois,  pp.  39-40- 

P.  25,  1.  45.  — et  les  suivons.  Voici  les  vers  en  question  : 

Sic  vos  non  vobis  fertis  aratra  boves. 
Sic  vos  non  vobis  nidificatis  aves. 
Sic  vos  non  vobis  mellificatis  apes, 
Sic  vos  non  vobis  vellera  fertis  oves. 

On  chercherait  vainement  ces  pentamètres  dans  les  œuvres  de  Virgile, 
car  ils  ne  sont  pas  de  lui  ;  c'est  la  Vita  Viryilii  de  Donat  (vi  XVH), 
ou  un  interpolateur  de  cette  biographie,  qui  les  lui  attribue  (cf.  le 
Virgile  de  Heyne,  tomel,  qui  juge  ainsi  l'anecdote  relative  à  ces  vers  : 
Ineptum  grammatici  scii  monachi  commentum)-  On  les  chercherait 
aussi  vainement  dans  le  Ronsard  de  Blanchemain  ou  celui  de  Marty- 
Laveaux.  Binet  dit  que  le  poète  les  «  fit  mettre  au  devant  des  Amours 
et  des  Mascarades  »  :  affirmation  doublement  erronée.  Ces  vers,  qui 
n'apparaissent  que  dans  les  éditions  posthumes  de  Ronsard,  n  y  sont 
pas  au  devant  des  Amours,  ni  au  devant  des  Mascarades  ;  on  ne  les 
trouve  qu'à  la  fin  du  tome  V,  qui  contient  les  Eclogues  et  les  Masca- 
rades ;  et  encore  n'en  voit-on  que  trois  en  1587  et  en  1597,  les  deux 
derniers  ayant  été  fondus  à  l'impression  en  un  seul  vers  ridicule  : 

Sic  vos  non  vobis  vellera  fertis  apes. 

D'ailleurs  Ronsard  avait    tiré    parti    de    ces    vers  latins  dès  les  pre- 
mières années  du  règne  de  Charles  IX,  dans  le  poème  du  Procès  : 

Ainsi  les  gros  toreaux  vont  labourant  la  plaine, 
Ainsi  les  gras  moutons  au  dos  portent  la  laine, 
Ainsi  la  mousche  à  miel,  en  son  petit  estuj'. 
Travaille  en  se  tuant  pour  le  profit  d'autruj' 

(Bl.,  111,  354)  ; 


ET    CRITIQUE  l65 

et  il  les  a  développés  dans  VElcgie  à  Desportes,  publiée  seulement  en 
1587  (Bl.,  IV,  219  :  «  Nous  semblons  aux  taureaux...  »).  Avant  lui 
Cl.  Marot  les  avait  paraphrasés  intégralement  dans  sa  Chanson  38  (éd. 
P.  Jannet,  II,  193.) 
P.  25,  1.  48.  —  La  belle  eau  vive.  Les  mots  «  surnommée  Aqua  viva  » 
retombent  sur  «la  maison  d'Atry  »,  et  non  sur  «  une  très  belle  dame 
de  la  Cour  ».  —  Ensuite  la  pièce  à  laquelle  Binetnous  renvoie  n'est  pas 
un  sonnet,  mais  une  chanson  par  stances  (Bl.,  I,  263).  —  Enfin  elle  ne 
commence  pas  par  :  La  belle  eau  vive..,  mais  par  : 

Ah  belle  eau  vive,  ah  fille  d'un  rocher... 

P.  26,  1.  2.  —  libéralement-  Il  faut  ici  entendre  par  ces  «  dons  »  des 
gratifications  en  espèces,  qui  venaient  de  temps  à  autre  et  irrégu- 
lièrement s'ajouter  à  la  pension  ordinaire,  laquelle  était  au  contraire 
un  traitement  fixe. 

Dans  un  compte  des  dépenses  de  Charles  IX  pour  octobre-décembre 
1572,  on  voit  figurer  Dorât,  Jodelle  et  Baïf  pour  des  sommes  de  250  à 
500  livres  tournois.  Ronsard  n'y  figure  pas;  en  revanche  il  figure  dans 
la  liste  des  «  dépenses  faites  à  l'entrée  du  roy  et  de  la  reyne  à  Paris  en 
1571  »  pour  une  somme  de  270  livres  «  à  luy  ordonnée  par  Messieurs 
de  la  Ville  »  (Cimber  et  Danjou,  Archives  curieuses,  P"  série, 
tome  VIII,  pp.  355  à  369). 

Il  sera  question  plus  loin  des  bénéfices  ecclésiastiques,  principale 
source  des  revenus  de  Ronsard.  Quant  à  la  pension  ordinaire,  elle 
s'élevait  à  1.200  livres,  que  Ronsard  touchait  comme  «  Aumosnier  et 
Poëte  françois  du  Roy  ».  Blanchemain  (VIII,  39,  note  3)  et  Rocham- 
beau  (op.  cit.,  p.  141)  ont  publié  la  quittance  du  3"  quartier  de  cette 
pension  pour  l'année  1563  (Rochambeau  a  lu  1573).  V.  encore  Marty- 
Laveaux,  Notice  sur  A.  de  Baïf,  p.  xli,  note. 

p.  26,  1.  7.  —  non  assouvir.  Source  de  ce  passage,  Papire  Masson, 
Hisloria  vitae  Caroli  IX  (Paris,  1577)  :  «  Ex  latinis  Poetis  dilexit 
Auratum,  ex  Gallicis  Ronsardum  Vindocinensem  et  Baïffium  Lazari 
filium  :  quos  sua  Poemata  recitantes  attentissime  audivit.  Dabat  et  eis 
praemia,  non  magna,  ut  brevi  redirent,  et  novi  aliquid,  déficiente 
pecunia,  meditari  cogerentur  :  Poetas  generosis  equis  similes  esse 
dicens,  quos  nutriri  non  saginari  oporteat.  »  (Opusc.  réimprimé  dans  les 
Additions  aux  Mémoires  de  Castelnau,  tome  III  de  l'éd.  de  Bruxelles, 
1731.)  —  Cf.  La  Popeliuière,  Histoire  de  France  (Paris,  1581),  tome  II, 
p.  219:  «  Il  (Charles  IX)  aymoit  la  Musique  et  la  Poezie  jusques  à  les 
pratiquer  par  passe  temps,  la  dernière  mesmement  incité  par  Ronsard, 
Baïf,  Dorât  et  Jamin,  ausquels  il  a  faict  quelques  biens.  Mais  sans  les 
enrichir  (hors  le  premier),  disant  que  les  Poètes  resembloyent,  en 
certaines  choses,  aux  genêts  et  autres  généreux  chevaux,  qu'il  faut 
nourrir  sans  engresser,  afin  qu'ils  ne  deviennent  porcs.  »  (Bibl.  Nat., 
Rés.  L^'  a  15.)  —  V.  encore  Brantôme,  qui  a  presque  traduit  les  lignes 
de  Papire  Masson,  citées  plus  haut  (éd.  Lalanne,  V,  281-82). 

P.  26,  1.  11.  —  les  œuvres  de  Ronsard.  On  trouvera  deux  pièces  de  vers 
du  roi  Charles  IX  à  Ronsard  au  tome  III  de  l'éd.  Bl.,  pp.  255  et  suiv., 
avec    les  réponses    du   poète  au    roi.  Elles    furent    signalées    pour    la 


l66  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

première  fois,  chacune  par  ses  deux  premiers  vers,  dans  la  plaquette 
pariio  chez  G-  Buon  en  1575  sous  ce  titre  :  Les  Esloilles...  et  Deux 
rcsponscs  ù  deux  Elégies  envoyées  par  le  feu  roy  (Jiarles  à  Ronsard. 
C'est  en  1584  seulement  qu'elles  parurent  en  entier.  —  Il  existe  une 
troisième  pièce  du  roi  à  Ronsard,  qui  contient  de  très  beaux  vers  et 
qu'on  cite  partout  ;  mais  elle  a  paru  pour  la  première  fois  en  1652  dans 
Vllist.  de  France  de  Jean  Royer  et  ne  semble  pas  authentique  (cf. 
Martv-Lav.,  111,  543,  et  Nolice  sur  Ronsard,  xlix). 

Binet  fait   allusion  —  cela  est  évident   par  l'addition  de  C    —  à   ces 
vers  de  la  première  pièce  : 

Donc  ne  t'amuse   plus  à  faire  ton  mesnagc, 
Mainlenanl  n'est  plus  temps  de  faire  jardinage  : 
Il  faut  suivre  ton  Roj'  qui  t'aime  par-sus  tous 
Pour  les  vers  qui  de  loy  coulent  braves  et  dous  : 
Kt  croj-  si  tu  ne  viens  me  trouver  à  Amboise, 
(Ju'cntre  nous  adviendra  une  bien  grande  noise. 

P.  26,  1.  15.  —  reprendre  en  Iny  Cf.  ces  vers  des  Eslrennes  au  Roy 
Ilcnry  III  écrites  en  décembre  1574  : 

je  seraj'  satj'rique, 

Disoy-je  à  vostre  frère,  à  Charles  mon  seigneur, 
Charles  qui  fut  mon  tout,  mon  bien  et  mon  honneur. 
Ce  bon  Prince  en  m'oyant  se  prenoit  à  sourire, 
Me  prioit,  m'enhortoit,  me  commandoit  d'escrire, 
D'estre  tout  satj'rique  instamment  me  pressoit 

(BI.,  III,  286.) 

P.  26,  1.  22.  —  en  cela  Pétrarque-  Binet  a  voulu  dire,  je  crois,  que  Ron- 
sard, au  lieu  d'intituler  les  poésies  inspirées  par  Hélène  :  le  Troisième 
livre  des  Amours,  ou  bien  :  les  Amours  d'IIelene,  les  a  intitulées 
Sonnets  pour  Hélène  {on  lit  aussi  en  1584  à  la  fin  de  ces  poésies  Sonne/s 
d  Hélène),  à  l'exemple  de  Pétrarque,  dont  le  Canzoniere  avait  pour 
titre  (du  moins  dans  les  éd.  du  xvi^  siècle)  :  Sonetti  e  Canzoni  in  vita 
e  in  morte  di  Madonna  Laura.  A  moins  que  les  mots  «  imitant  en  cela 
Pétrarque  »  ne  retombent  sur  la  fin  de  la  phrase  pi'écédente,  ce  qui  est 
encore  très  possible,   malgré  la  ponctuation. 

P.  26,  1.  29.  —  en  la  loiiant.  Ceci  n'est  pas  tout  à  fait  exact.  Ronsard 
cessa  déchanter  Hélène  de  Surgères  en  1575  au  plus  tard,  alors  qu'il 
n'avait  encore  que  cinquante  ans.  Il  dit  lui-même,  dans  l'avant-dernier 
des  Sonnets  pour  Hélène,  que  ses  «  dix  lustres  passez  lui  sonnent  la 
retraite  ».  Presque  toutes  les  pièces  inspirées  par  Hélène  ont  paru 
dans  l'éd.  collective  de  1578,  alors  que  Ronsard  avait  encore  huit  ans 
à  vivre.  Seule  une  élégie  publiée  en  1584  et  un  sonnet  publié  en  1587 
sembleraient  donner  raisonà  Binet  (El., 1,362  et  364:  «Vous  ruisseaux...»). 
D'ailleurs  Colletet  nous  apprend  que  Ronsard  ne  cessa  pas  d'entretenir 
avec  Hélène  d'amicales  relations  :  <<  J'ay  encore  par  devers  moy,  dit-il, 
quelques  lettres  escrittes  de  sa  main  peu  de  temps  avant  sa  mort,  par 
lesquelles  il  supplie  son  cher  amy  Galandius  de  présenter  ses  humbles 
baisemains  à  Mi'e  de  Surgères,  et  mesme  de  la  supplier  d'employer  sa 
faveur  envers  le  thresorier  régnant  pour  le  faire  payer  de  quelque  an- 
née de  sa  pension.  »  (Vie  de  Ronsard,  édit.  citée,  p.  67.) 


ET    CRITIQUE  167 

P.  26,  1.  32.  —  devenir  Poêles-  V.  le  sonnet  Afin  que  ton  honneur  (BI.,  I, 
357.) 

Au  sujet  d'Hélène  il  convient  de  compléter  ici  l'exposé  de  Binet  par 
quelques  renseignements  que  Richelet  a  recueillis  de  sa  propre  bouche 
pour  les  commentaires  qui  parurent  en  1597  et  furent  écrits,  d'après 
la  dédicace  de  Richelet, dès  1592.  1"  En  note  du  sonnet  Te  regardant 
assise  :  «  Le  sieur  Binet  qui  a  sceu  familièrement  l'intention  du  Poète, 
m'a  dit  que  la  primitive  conception  de  ce  sonnet  a  esté  dressée  pour 
la  Comtesse  de  Mansfeld,  fille  ainée  du  Mareschal  de  Brissac.  Depuis 
il  l'a  accommodée  à  sesamoui's.  »  2"  Au  sonnet  Dessus  l'auteld' Amour  : 
«  J'aj'  appris  du  sieur  Binet  que  ce  serment  fut  juré  sur  une  table  ta- 
pissée de  Lauriers,  symbole  d'éternité,  pour  remarquer  la  mutuelle 
liaison  de  l'amitié  procédante  de  la  Vertu,  qui  est  immortelle.  ))  3»  Au 
sonnet  Passant  dessus  la  tombe  :  «  Geste  Lucrèce  estoit  M"e  de  Bac- 
queville,  jeune,  belle,  sçavante,  des  plus  parfaictes  de  la  Cour,  et  qui 
estoit  des  meilleures  amies  d'Helene,  comme  jay  sceu  du  sieur  Binet.  » 
11  est  étonnant  que  Binet  n'ait  pas  parlé,  dans  sa  3^  rédaction,  du 
Commentaire  des  Sonne/s  pour  Hélène  écrits  par  Richelet  pour  l'édition 
de  1597.  V.  ci-dessus,  p.  128,  fin. 

P.  26,  1.  41.  —  à  s'irriter.  Cf.  Horace,  Epitres,  II,  ii,  102  «...  genus  irri- 
tabile  vatum  » . 

P.  26,  1.  43.  —  en  plusieurs  endroits.  V.  ci-dessus,  pp.  132,  145,  146, 
aux  mots  «  pension  ordinaire  ;  sa  vertu  ;  de  son  temps  »  ;  en  outre, 
l'Ëlegie  au  Sgr  Bâillon,  trésorier  de  l'Epargne  du  Roi  : 

Je  me  suis  tourmenté  sans  nulle  recompense  : 

Car  envers  mes  labeurs  trop  ingrate  est  la  France... 

(Bl.,  IV,  260), 

le  Poème  à  Moreau,  autre  trésorier  de  l'Epargne  (VI,  265),  et  le  Dia- 
logue des  Muses  deslogées  (III,  306). 
P.  27.  I.  1.  —  Bellozane.  On  lit  au  tome  XI  delà  Gallia  Christiana,  col. 
335-36,  dans  la  liste  des  abbés  de  «  Bellosanne  »  (diocèse  de  Rouen)  : 

«  XXIII.  Jacobus  Amyot,  vir  eruditissimus...,abbatiam  dimisit  anno 
1564  in  gratiam  sequentis. 

«  XXIV.  Petrus  I  Ronsart,  poeta  suo  tempore  famosissimus,  abba- 
tiam  anno  156i  et  capessivit  et  abdicavit.  » 

Ainsi,  d'après  ce  document  précieux  (le  seul  qui  nous  renseigne  à  ce 
sujet),  Amyot  abandonna  son  abbaye  de  Bellozane  en  faveur  de  Ronsard, 
et  celui-ci,  après  l'avoir  acceptée,  y  renonça  la  même  année,  1564.  La 
raison  de  ce  dernier  fait  nous  échappe,  car,  tout  en  préférant  comme 
résidence  le  prieuré  qu'il  obtint  peu  après,  celui  de  St-Cosme-lez-Tours, 
voisin  de  son  Vendômois,  de  Bourgueil  et  des  châteaux  royaux  de  la 
Loire,  Ronsard  aurait  pu,  semble-t-il,  cumuler,  comme  tant  d'autres,  les 
revenus  de  l'abbaye  et  du  prieuré. 

Ronsard  n'a  jamais  eu  d'autre  abbaye  que  celle  de  Bellozane,  et  il 
n'en  a  joui  que  quelques  mois.  Aussi  lit-on  avec  quelque  étonneraent 
dans  Sainte-Beuve  que  Ronsard  «  touchait  les  revenus  de  mainte  ab- 
baye »,  dans  Blanchemain  que  Charles  IX  lui  accorda  «  l'abbaye  de 
Bellozane,  celle  de  Beaulieu,  celle  de  Croixval»,  dans  Rochambeau,  qui 


l68  COMMENTAIRE    HISTOBIQUE 

pourtant  renvoie  à  la  Gallia  Christiana,  que  Ronsard  «  fut  ahbé  com- 
mcndataire  de  BcUozanc  jusqu'à  sa  mort  »,  sans  parler  de  biographes 
plus  récents  qui  les  ont  copiés. 
P.  27,  1.  1.  —  quelques  Prieurez.  Sur  les  cures  obtenues  par  Ronsard  du 
temps  de  Henri  II,  v.  ci-dessus,  p.  132, aux  mots  «  pension  ordinaireT». 
De  plus  il  avait  été  nommé  en  juin  1560  archidiacre  de  Château-du-Loir 
administrateur  des  biens  temporels)  et  chanoine  de  St-Juliendu  Mans. 
11  obtint  encore  le  canonicat  de  St-Martin  de  Tours  en  janvier  1566. 

Quant  aux  prieurés,  Ronsard  en  a  obtenu  cinq,  dont  quatre  au  moins 
sous  le  règne  de  Charles  IX  :  1"  le  prieuré  de  Si-  Cosme-lez-Tours 
(mars  1565,  n.  st.)  ;  2°  celui  de  Croixval,  qui  était  une  baronnie  (mars 
1566);  3»'  celui  de  St-Guingalois  de  Château  du-Loir  (déc.  1569); 
4°  celui  de  Mornant  (oct.  1573)  ;  5"  celui  de  St-Gilles  de  Montoire  (à  une 
date  indéterminée).  —  Mais  l'investiture  de  deux  de  ces  prieurés  donna 
lieu  à  de  vives  contestations  :  pour  pouvoir  garder  celui  de  St-Guin- 
galois, Ronsard  dut  céder  pendant  quelque  temps  à  son  compétiteur 
Florentin  Regnard  le  canonicat  de  St-Martin  de  Tours  et  le  prieuré  de 
(^.roixval  ;  quant  au  prieuré  de  Mornant,  Ronsard  ne  put  en  prendre 
possession  que  le  18  avril  1575  par  un  «  procureur  substitué  »,  et  il  en 
fut  dépouillé  dès  le  15  avril  1576  par  un  nommé  Claude  de  Chassagny. 
Dans  les  quatorze  dernières  années  de  sa  vie,  Ronsard  toucha  les  revenus 
des  quatre  autres  prieurés.  En  outre,  comme  prieur  de  St-Gilles,  il  fut 
de  droit  jusqu'en  1584  curé  commcndataire  de  Montoire.  Enfin,  à  partir 
d  une  date  indéterminée,  mais  certainement  antérieure  à  1571,  le  titu- 
laire de  l'abbaje  de  la  Roë  (Mayenne  dut,  par  ordre  de  Charles  IX, 
prélever  chaque  année  une  somme  de  mille  livres  sur  les  revenus  de  la 
dite  abbaye  en  faveur  de  Ronsard,  et  notre  poète  jouissait  encore  de 
cette  rente  annuelle  en  1582. 

Cf.  Froger,  Rons.  eccL,  chap.  m  et  iv  ;  J-B.  Vanel,  art.  sur  Ronsard 
prieur  de  Mornant,  paru  dans  le  Bulletin  historique  du  diocèse  de 
Lyon,  de  janv.-févr.  1905  ;  Angot,  note  sur  Ronsard  et  l'abbaye  de  la 
Roë,  publié  dans  les  Annales  Flêchoises  de  mai-juin  1906. 
P.  27,  1.  4.  — plus  malade  que  sa//}  Les  mots  «environ  ce  temps  >i,  qui  ne 
se  rapportent  à  aucun  fait  précis,  montrent  une  fois  de  plus  la  négligence 
de  Binet  pour  la  chronologie  de  son  sujet.  C'est  dans  la  première  moitié 
de  1566  que  Ronsard  tomba  gravement  malade,  au  point  que  les  hu- 
guenots de  Bourges  répandirent  le  bruit  de  sa  mort  (cf.  une  lettre  de 
Passerat,  du  20  août  1566,  dans  le  Ronsard  de  M.-L.,  VI,  480).  Mais  je 
croirais  plus  volontiers  que  Binet  a  fait  allusion  ici  à  la((  fièvre  quarte  » 
qui  compromit  la  santé  du  poète  pendant  plus  d'un  an  qu'il  ne  bougea 
du  prieuré  de  St-Cosme,  en  1568-69,  et  dont  les  preuves  abondent  dans 
les  deux  livres  de  Poèmes  publiés  en  août  1569.  Voir  M.-L.,  V,  59,  60, 
70,  77,  96,  101,  107,  109,  112,  etc.,  notamment  ces  vers  : 

Onze  mois  sont  passez 

Que  j"ay  la  fièvre  en  mes  membres  cassez  fp.  60). 

Voyla,  Jamyn,  vojla  mon  souv'rain  bien. 
En  attendant  que  de  mes  veines  parte 
Geste  exécrable  horrible  fièvre  quarte, 
Qui  me  consomme  et  le  corps  et  le  cœur, 
Et  me  fait  vivre  en  extrême  langueur  (p.  77). 


I 


ET    CRITIQUE  I  69 

Ainsin,  Odin,  je  passe  la  journée 
Lors  que  la  fièvre  en  mon  corps  encharnée 
Ronge  mes  os,  succe  mon  sang...  (p.  107). 

Tandi.s,  Girard,  que  la  fièvre  me  tient 
Heins,  teste,  flanc,  la  Muse  m'entretient 
Kt  de  venir  à  mon  lit  n'a  point  honte  (p,  109)  '. 

Voir  encore  un    sonnet  d'Am.   Jamin,  publié  en  tête  de  ces  Poèmes  de 
1569: 

Fait  nouveau  mesnager,  mon  Uonsard,  ton  plaisir 

N'estoit  que  rebâtir  et  régler  ton  mesnage 


Quand  Phœbus  despité  de  voir  son  Luc  moisir 
De  longue  fiebvre  quarte  a  voulu  te  saisir..., 

et  une  ode   du  même  A  la  Santé  pour  M.  de  Ronsard  malade    de  la 
fièvre  quarte  : 

Méchante  fièvre  n'as-tu 

Assez  Ronsard  abatu 

Père  aux  François  de  la  Lyre  ? 

Jà  la  lune  quin^ze  fois 

A  recommencé  le  mois 

Depuis  qu'il  est  en  martyre. 

[Œuvres,  1575,  liv.  V.) 

P.  27,  1.  7.  —  Monsieur  de  Pimpant.  C'est  Germain  Vaillant  de  la  Guérie, 
abbé  de  Pimpont.  11  signait  ses  pièces  latines  G.  Valens  Guellius  PP., 
ou  simplement  PP.  L'édition  princeps  de  la  Franciade  présente  parmi 
ses  liminaires  trois  pièces  de  lui,  dont  un  sonnet  signé  PP.  On  trouve 
également  des  vers  latins  de  lui  en  tête  de  la  Bergerie  et  des  Pierres 
précieuses  de  R.  Belleau.  Les  Œuvres  d'Am.  Jamin  contiennent  un 
«  Discours  à  M.  de  Pimpont,  Conseiller  du  Roy  en  sa  Cour  de  Parle- 
ment »  ;  Baïf  lui  a  dédié  une  ode;  Belleau  a  traduit  deux  de  ses  Epitaphes 
latines  ;  Ronsard  le  met  au  nombre  des  «  divines  têtes,  sacrées  aux 
Muses  »,  qu'il  regrette  de  voir  s'exprimer  en  latin  (préf.  posthume  de  la 
Franciade) .  Sur  ce  personnage,  qui  fut  évêque  d'Orléans  dans  les  der- 
nières années  de  sa  vie,  voir  Se.  de  Sainte-Marthe,  Elogia,  traduits  par 
G.  Colletet  en  1644. 

P.  27,  1.  17.  —  consacrée  aux  Muses.  Blanchemain  a  le  premier  déclaré, 
après  en  avoir  «  acquis  la  certitude  »,  que  la  «  satire  ))  de  la  Dryade 
violée  n'était  autre  que  1'  «  élégie  ))  aux  bûcherons  de  la  forêt  de  Gas- 
tine  (VIII,  30  et  100),  et  depuis  on  l'a  répété  sans  contrôle.  Or  rien 
n'est  moins  certain. 

D'abord  la  fameuse  élégie  :  «  Quiconque  aura  premier  la  main  embe- 
songnée...  »  n'a  paru  qu'en  1584,  dix  ans  après  la  mort  de  Charles  IX, 
et  avec  ce  simple  titre  :  Elégie  XXIV  ;  elle  figure  encore  dans  les  pre- 
mières éditions  posthumes  (de  1587  à  1617  inclus)  avec  le  simple  titre 

1.  Je  renvoie  ici  à  l'éd.  M-L.,  parce  qu'elle  reproduit  celle  de  1584  que  Binet 
a  consultée.  Mais  le  texte  princeps  est  assez  différent,  ainsi  que  celui  de  Blan- 
chemain, lequel  d'ailleurs  a  mal  daté  toutes  ces  pièces  (cf.  Bl.,  VI,  69,  70,  79, 
106,  112,  117-18,  120,  123). 


-O  COMMENTAIRE    HISTOniQCE 

d'Blegie  C'est  seulement  à  partir  de  1623  qu'on  a  ajouté  le  sous-titre 
Contre  les  Bûcherons  de  la  foresl  de  Gastine.  Quant  à  l'appellation  de 
«  Satire  de  la  Dryade  violée  »,  on  ne  la  trouve  pour  cette  pièce  dans 
aucune  édition,  contemporaine  ou  posthume,  ni  comme  titre  ni  comme 
sous-titre  ;  les  mots  dryade  et  violée  ne  se  rencontrent  même  pas  dans 
la  pièce  elle-même,  et  d'ailleurs,  en  fait,  elle  n  est  pas  une  satire  mais 
une  élégie. 

D'autre  part,  Binct  dit  un  peu  plus  loin,  et  dès  sa  première  rédaction, 
que  les  Satires  de  Ronsard  ne  furent  pas  publiées,  et  qu'il  tenait  de  la 
bouche  même  du  poète  que  «  quant  aux  satyres  on  n'en  verroit  jamais 
que  ce  qu'on  eu  avoit  veu  ))  (allusion  probable  aux  «  discours  »  politi- 
ques, et  peut-être  aussi  à  certains  passages  des  Estrennes  du  Roy 
Henri  III,  de  décembre  1574  (Bl.,  III,  285-86  ;  VII  306).  La  tournure 
sj'ntaxique  employée  par  Binet  pour  parler  de  la  Dryade  violée,  covame 
de  la  Truelle  crossée,  ne  semble-t-elle  pas  indiquer  aussi  que  ces  deux 
satires  n'ont  pas  été  publiées  ? 

Enfin,  on  ne  voit  pas  que  dans  VElegie  contre  les  bûcherons  Ronsard 
«  reprenne  aigrement  de  l'aliénation  du  domaine  et  d'avoir  fait  vendre 
la  coupe  de  la  forest  de  Gastine  le  Roy  et  ceux  qui  gouvernaient  lors  ». 
Elle  ne  contient  pas  un  seul  vers  où  il  soit  question  d'eux.  Et  s'il  est 
vrai,  comme  je  le  crois  (sans  toutefois  en  être  sûr),  que  le  bûcheron  de 
la  forêt  de  Gastine  ne  faisait  qu'exécuter  l'ordre  d'un  roi,  et  que  les 
apostrophes  du  poète  s'adressent  à  ce  roi  bien  plus  qu'au  bûcheron,  il 
est  faux  que  ce  roi  soit  Charles  IX.  En  effet,  d'abord  il  ressort  de  tous 
les  documents  relatifs  aux  aliénations  du  domaine  royal  sous  les  règnes 
de  Charles  IX  et  de  Henri  III  (1566,  1574,  1579)  que  ces  rois,  bien  loin 
de  faire  abattre  ou  de  laisser  abattre  les  forêts  qui  en  dépendaient,  ont 
cherché  à  en  assurer  la  conservation  par  des  ordonnances,  édits  et  rè- 
glements très  sévères  (cf.  Fontanon,  Ordonnances  des  Rois  de  France, 
II,  pp.  363-67  ;  Isambert,  Recueil  des  Ane-  Lois,  XIV,  p.  454  ;  Pec- 
quet.  Lois  forestières,  II,  p.  451).  En  second  lieu  la  forêt  de  Gastine 
n'appartenait  pas  au  roi  de  France,  mais  à  Henri  de  Bourbon,  duc  de 
Vendôme  depuis  la  mort  de  son  père  (1562)  et  roi  de  Navarre  depuis  la 
mort  de  sa  mère  (1572)  ;  et  c'est  le  roi  de  Navarre  qui  a  vendu  la  forêt 
de  Gastine  en  1573  pour  commencer  à  payer  avec  son  patrimoine  les 
dettes  contractées  par  Jeanne  d'Albret  (cf.  un  article  de  J.  Martelliére, 
Annales  Fléch.  de  mai  1907,  p.  186). 

Pour  moi,  la  «  Satire  de  la  Dryade  violée  »  était  tout  autre  chose, 
de  bien  plus  long,  plus  direct  et  plus  violent,  que  l'Elégie  contre  les  bû- 
cherons. Tout  au  plus  pourrait-on  dire  que  nous  possédons  dans  1  Elégie 
un  fragment  que  Ronsard  a  détaché  lui-même  delà  Satire  en  question  et 
a  consenti  à  publier  ainsi  en  1584.  La  Satire  était  dans  ses  manuscrits 
depuis  1573  ;  elle  circulait  même  probablement  sous  le  manteau.  En 
1584,  Ronsard  se  sera  décidé  à  en  publier  une  partie,  la  plus  anodine, 
la  plus  générale,  celle  où  la  personne  du  roi  de  Navarre,  suzerain  des 
Ronsart  de  la  Possonnière,   disparaissait   à   peu  prés  complètement. 

CoUetet  parle  aussi  de  la  Dryade  violée  (Vie  de  Régnier,  fragment 
cité  par  Rochambeau,  op.  cit.,  p.  238)  ;  mais  son  témoignage  n'éclaire 
en  rien  la  question,  n'étant  que  la  reproduction  de  celui  de  Binet. 


ET    CRITIQUE  I7I 

P.  27,  1.  21.  —  de  VArchitectiire.  Blanchcmain  a  cru  que  cette  satire  de 
la  Truelle  crossée  n'est  autre  que  le  sonnet  Penses-tu  mon  Aubert..., 
qu'il  a  réédité  au  tome  VIII  de  son  édition  de  Ronsard,  p.  139  (cf. 
pp.  30,  100  et  106).  Je  ne  puis  partager  son  opinion. 

D'abord,  quoiqu'il  existe  des  sonnets  satiriques,  dont  les  Regrets  de 
Du  Bellay  présentent  des  modèles,  un  sonnet  n'est  pas  précisément  une 
satire  comme  celles  dont  Binet  parle  ici.  —  Ensuite  le  sonnet  dont 
parle  Blanchemain  a  paru  pour  la  première  fois  en  1556  dans  la  Nou- 
velle Contin.  des  Amours,  tandis  que  la  satire  dont  parle  Binet  aurait 
été  écrite  sous  Charles  IX  et  avec  sa  permission  —  En  outre,  ce  sonnet 
avait  pour  titre,  non  pas  la  Truelle  crossée,  comme  on  pourrait  le  croire 
d'après  l'éd.  Bl.,  mais  simplement  Sonet,  et  cela  non  seulement  dans 
l'éd.  princeps,  mais  dans  les  deux  réimpressions  de  Rouen  et  de  Paris 
en  1557  (Ronsard  l'a  retranché  de  ses  œuvres  dès  1560).  —  Enfin,  dans 
ce  sonnet,  Ronsard  ne  «  blâme  »  pas  «  le  roy  de  ce  que  les  bénéfices  se 
donnaient  à  des  maçons  et  autres  plus  viles  personnes  »  ;  ce  n'est  pas 
l'idée  générale,  le  sujet  même  de  cette  pièce  ;  et  le  premier  tercet,  qui 
seul  fait  allusion  aux  riches  bénéfices  des  architectes  royaux,  ne  vise 
aucun  d'eux  «  particulièrement  »,  mais  pourrait  s'appliquer  aussi  bien 
à  Pierre  Lescot  qu'à  Philibert  Delorme. 

Quand  il  a  voulu  «  taxer  particulièrement  »  Delorme,  il  l'a  fait  d'une 
façon  plus  explicite,  par  ex.  dans  la  Complainte  contre  Fortune,  écrite 
aux  environs  du  1er  janv.  1559  : 

Maintenant  je  ne  suis  ny  veneur  ny  maçon 
Pour  acquérir  du  bien  en  si  basse  façon, 
Et  si  ay  faict  service  autant  à  ma  contrée 
Qu'une  vile  truelle  à  trois  crosses  tyinbrée. 

(Bl.,  VI,  166.) 

Philibert  Delorme  (ou  de  l'Orme)  possédait  en  effet  trois  abbayes  à  la 
fois  :  celle  de  Geveton  au  diocèse  de  Nantes  (depuis  1547),  celle  de 
St-Barthélemy  au  diocèse  de  Noyon  (depuis  1548),  celle  de  l'Ivry  (ou 
d'Ivry)  au  diocèse  d'Evreux  (depuis  1548).  Il  avait  encore  obtenu,  dès  le 
début  du  règne  de  Henri  II,  la  fonction  de  Conseiller  et  aumônier  ordi- 
naire du  roi,  et  la  charge  de  Surintendant  des  bâtiments  royaux;  un 
peu  plus  tard,  mais  toujours  sous  Henri  II,  il  fut  nommé  chanoine  de 
Notre-Dame  de  Paris. 

Après  la  mort  de  Henri  II  et  le  départ  de  Diane  de  Poitiers,  dont  il 
avait  construit  le  château  d'Anet,  il  tomba  en  disgrâce  et  perdit  sa 
charge  officielle  de  Surintendant,  donnée  à  son  ennemi  le  peintre  Pri- 
matice.  En  1560,  ayant  renoncé  à  l'abbaye  de  l'Ivry  en  faveur  d'un 
frère  de  Diane,  il  reçut  en  compensation  celle  de  St-Serge  d'Angers,  et 
jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en  1570,  il  s'intitula  abbé  de  St-Serge,  comme 
auparavant  il  s'intitulait  abbé  de  l'Ivry.  Rentré  en  grâce  auprès  de  Ca- 
therine de  Médicis  vers  1564,  il  fut  chargé  par  elle  de  la  construction 
du  palais  des  Tuileries  ;  et  c'est  évidemment  vers  la  fin  de  sa  vie  qu'il 
faut  placer  l'anecdote  racontée  par  Binet. 

L'ouvrage  dont  parle  Binet  a  paru  en  1567  sous  ce  titre  :  Le  premier 
tome  de  l'Architecture  de  Philibert  de  l'Orme,  Conseiller  et  Aumônier 


7»  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

ordinaire  du  Roij  et  Abbé  de  St-Sergc-Ies-Angiens  (Paris,  Fed.  Morel). 
Sur  la  vie  et  les  œuvres  de  cet  architecte  royal  on  trouvera  de  plus 
amples  renseignements  dans  un  ouvrage,  actuellement  sous  presse,  de 
M.  Henri  Clouzot,  intitulé  Les  Maîtres  de  l'Art  :  Philibert  de  l'Orme 
(Paris,  Pion  et  Nourrit,  in-16). 

Ronsard   conserva  toujours  pour  Delorme  une   véritable  antipathie, 
témoin  ces  vers  adressés  à  Moreau,  «  trésorier  de  l'Espargne  »  : 

Il  ne  faut  plus  que  la  Roj'iie  bastisse 


Mais  que  nous  sert  son  lieu  des  Thuilleries  ? 

(BI.,  VI,  266.) 

et  ceux-ci  d'une  odelette  satirique  à  Charles  IX  : 

J'ay  veu  trop  de  maçons 

Bastirles  Tailleries...  (Bl  ,  VIII,  106.) 

Tout  cela  nous  fait  regretter  d'autant  plus  que  la  satire  de  la  Truelle 
crossée  n'ait  pas  été  publiée,  et  soit  encore  à  retrouver,  quoi  qu'en  ait 
pensé  Blanchemain. 

Peut-être  aussi  faut-il  croire  avec  l'auteur  des  Remarques  critiques 
sur  le  Dictionnaire  de  Bayle  (in-fo  de  1752,  p.  480),  que  la  satire  de  la 
Truelle  crosscc  n'a  jamais  été  écrite,  et  par  conséquent  n'est  point  à 
retrouver.  Il  pense  que  Binet  «  a  métamorphosé  un  simple  Sonnet  en 
Satire  »,  et,  après  avoir  cité  le  sonnet  à  G.  Aubert,  Penses  tu  mon  Au- 
bert  (d'après  la  réédition  de  Rouen,  1557),  il  conclut  :  «  C'est  sans  doute 
ce  Sonnet,  que  Binet  n'avait  apparemment  pas  vu,  et  dont  il  n'avait  ouï 
parler  que  d  une  manière  confuse,  qui  a  donné  lieu  au  conte  de  la  Satire, 
laquelle,  selon  lui,  avait  pour  titre  :  la  Truelle  crossée.  » 

P.  27,  1  30.  —  en  François.  Philibert  Delorme,  ainsi  que  Ronsard  s'y 
attendait,  avait  lu  ces  trois  abréviations  latines  comme  trois  mots 
français  complets  :  Fort  révérend  abbé. 

P.  27,  1.  34.  —  la  porte  aux  Muses.  \\  s'agit  de  l'cpigramme  viii  d'Ausone, 
intitulée  Exhortalio  ad  modestiam;  ce  sont  quatre  distiques  dont  voici 
le  dernier  : 

Fortunam  reverenter  habe,  quiconque  repente 
Dives  ab  exili  progrediere  loco. 

Un  biographe  de  Delorme,  J.  S.  Passeron,a  jugé  cette  anecdote  con- 
trouvée,  d'autant  plus  suspecte,  dit-il,  que  Delorme  n'ignorait  pas  le 
latin.  A  quoi  Ad.  Berty  a  répondu  avec  raison  qu'on  ne  peut  rien  con- 
clure de  là  contre  l'authenticité  de  l'anecdote,  car  «  présentés  sous  la 
forme  tronquée  que  leur  avait  donnée  Ronsard,  les  trois  premiers  mots 
du  distique  d'Ausone  n'éveillaient  point  l'idée  d'un  texte  latin  à  com- 
pléter et  à  traduire,  mais  étaient  calculés  pour  fourvoyer  celui  qui  cher 
cherait  à  les  interpréter.  ))  (Gazette  des  Beaux-Arls,  tome  IV,  octobre 
1859  pp   83-84.) 

P.  27,  1  38  —  Roy  de  France.  Cette  satire  n'a  jamais  été  publiée  et 
semble  perdue  (cf.  Bl.,  VIII,  .30  et    101). 

P.  27,  1.  40.  —  le  meilleur   des    Rois.    Odelette    satirique    publiée    par 


II 


ET    HISTORIQLE  178 

Blanchemain,  d'après  un  manuscrit  de  L'Estoile  {Œuvres  inédites  de 
Ronsard,  p.  127,  et  tome  VIII  des  Œuvres,  p.  105).  Son  authenticité  a 
été  mise  en  doute  par  Marty-Laveaux  [Œuvres  de  Ronsard,  VI,  493)  ; 
mais  il  s'est  bien  gardé  de  citer  le  témoignage  de  Binet  qui  lui  donne 
tort.  Voir  ce  que  j'en  ai  dit  dans  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr., 
pp.  245  et  246. 

P.  28,  1.  19.  —  à  sa  Muse.  Voir  l'Hymne  du  Roy  Henri  ///,  qui  fut  écrit 
non  pas,  comme  le  dit  l'édition  de  Bl.  (V,  144),  «  pour  la  victoire  de 
Moncontour  »,  mais  pour  celle  de  Jarnac  (il  parut  le  1«''  août  1569  dans 
les  Poèmes  sous  ce  titre  :  «  Chant  triomphal  pour  jouer  sur  la  lyre  sur 
la  victoire  qu'il  a  plu  à  Dieu  de  donner  à  Mgr  le  duc  d'Anjou  )))  ;  puis  les 
trois  pièces  écrites  avant  et  après  la  bataille  de  Moncontour,  savoir  : 
«  Prière  à  Dieu  pour  la  victoire  ;  IHydre  desfaict;  les  Elemens  ennemis 
de  l'Hj'dre))  (Bl.,  VII,  149  etsuiv.),  —  dont  la  seconde  parut  en  1569  dans 
les  Paeanes  sive  Hymni  in  triplicem  victoriam...  de  Dorât  et  quelques 
autres  poètes.  Le  souvenir  de  ces  chants  de  victoire  est  longuement 
rappelé  par  Ronsard  dans  le  Discours  au  Roy  après  son  retour  de  Po- 
logne {Ul,  276-78). 

P.  28,  1-22.  —  volontiers.  Voir  cinq  sonnets  publiés  en  1578  (Bl.,  V,  310- 
13),  une  bonne  partie  du  Bocage  Royal  (III,  265  à  310)  et  la  dédicace 
des  Elégies  (IV,  215).  Quant  aux  gratifications  de  Henri  III,  Bonsard  y 
fait  allusion  dans  le  Panégyrique  de  la  Renommée,  publié  en  1579  : 

Nul  poëte  François,  des  Muses  servi  leur. 

Ne  présenta  jamais  d'ouvrage  à  sa  hauteur 

Qu'il  n'ait  recompensé  d'un  présent  magnifique... 

(III,  274.) 

Ronsard  a  très  probablement  écrit  ces  vers  après  avoir  été  récompensé 
des  épitaphes  qu'il  composa  en  l'honneur  des  mignons  du  Roi,  Quelus 
et  Maugiron,  tués  en  duel  au  mois  d'avril  1578.  On  sait  en  outre  par 
P.  de  l'Estoile  ce  que  Henri  III  donna  à  Ronsard  pour  sa  participation 
aux  fêtes  du  mariage  de  Joyeuse  en  septembre  1581  :  «  Le  Roy  donna 
à  Ronsai'd  et  Baïf,  poètes,  pour  les  vers  qu'ils  firent  pour  les  masca- 
rades, combats,  tournois  et  autres  magnificences  des  nopces  et  pour  la 
belle  musique  par  eux  ordonnée  et  chantée  avec  les  instrumens,  à 
chacun  deux  mil  escus,  et  donna  en  son  nom  et  de  sa  bourse  les 
livrées  de  drap  de  soie  à  chacun...  w  (Registre-Journal  de  P.  de  l'Es- 
toile, édition  Brunet  et  ÇhampoUion,  tome  II,  p.  23.)  Cf.  P.  Lacroix, 
Ballets  et  Mascarades  de  Cour,  Introduction,  et  le  Ronsard  de  Blan- 
chemain, tome  IV,  pp.  170  à  176  et  211. 
P.  28,  1.  25.  —  à  son  lict.  Il  est  possible  que  Binet,  ne  connaissant  pas 
la  date  d'apparition  des  pièces  qu'il  consultait,  se  soit  inspiré  dans  ce 
passage,  surtout  pour  l'addition  de  C,  du  poème  de  la  Salade  : 

Tu  me  diras  que  la  vie  est  meilleure 
Des  importuns  qui  vivent  à  toute  heure 
Auprès  des  Roj's  en  crédit  et  bonheur, 
Enorgueillis  de  pompes  et  d'honneur  : 
Je  le  scay  bien,  mais  je    ne  le  veux  faire 
Car  telle  vie  à  la  mienne  est  contraire. 
Il  faut  mentir,  flater  et  courtiser 


I'-4  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

Rire  sans  ris,  sa  face  desguiser 

Au  front   dautruy,  et  je  ne  le  veux  faire, 

Car  telle  vie  à  la  mienne  est  contraire.  * 

Je  suis  pour  suivre  à  la  trace  la  Court 

Trop  maladif,  trop  paresseux  et  sourd.. 

(Bl.,  VI,  88  ) 

Mais    ce    poème  parut  dès    1569  dans  le  Sixiesme  livre  des  Poèmes,  et 
par  conséquent  fut  écrit  en  plein  règne  de  Charles  IX. 
P.  28,  1.  28.  —  hon  et  sage  Roy-  Voir  les  Muses  deslogées: 

3'ay  peu  de  cognoissance  à  sa  grandeur  royale... 

(Bl.,  111,310) 

et  la  dédicace  des  Elégies  (1578),  devenue  l'Elégie  I  en  1584  : 

Ainsi  quand  par  fortune  ou  quand  par  maladie 
Je  m'absente  de  vous,  ma  Muse  est  refroidie 


Ne  faites  pas  vers  moy  ainsi  qu'un  mauvais  maistre 
Fait  envers  son  cheval  ne  luy  donnant  que  paistre 
Encor  qu'il  ait  gagné  des  batailles  sous  luy. 
Lorsque  la  maladie,  ou  le  commun  ennuy 
D'un  chascun,  la  vieillesse,  accident  sans  ressource, 
Refroidit  ses  jarrets  et  empesche  sa  course. 

Il  est  certain  que  le  poète  favori  de  Henri  III  ne  fut  pas  Ronsard,  mais 
Desportes,  qui  l'avait  accompagné  en  Pologne  et  chantait  ses  amours. 
P.  de  l'Estoile  est  allé  jusqu'à  écrire  que  Henri  III  «  ne  fit  jamais  à 
Ronsard  grande  démonstration  de  faveur,  ni  aucun  avancement  » 
[op.  cit.,  II,  222). 

Sur  une  liste  de  pensionnaires  du  roi  Henri  III,  de  l'année  1577,  on 
lit  :  «  Me  Pierre  de  Roussard  [sic],  poète  françois,  XII'  1.  »  (Jal,  Dict. 
crit.,  au  mot  Ronsard.)  Mais  cette  pension  de  1.200  livres,  Ronsard 
lavait  déjà  sous  Henri  II  et  sous  Charles  IX.  V.  ci-dessus,  p.  132,  aux 
mots  «  pension  ordinaire  ». 

p.  28,  1.  33.  —  régnant.  Ce  passage  tendrait  à  faire  croire  que  Binet  a 
préparé  sa  troisième  édition  dès  avant  la  date  de  la  mort  de  Henri  III 
(1er  août  1589).  Mais  on  ne  s'explique  pas  qu'en  1597  il  ait  laissé  ces 
trois  mots  «  à  présent  régnant  ».  Cf.  ci-après,  au  mot  «  devins  ». 

P.  28,  1.  44.  —  envoya.  Ronsard  a  dédié  par  une  longue  préface  en 
prose  l'un  de  ses  recueils  à  la  reine  d'Angleterre  Elisabeth.  Ce  sont  les 
Elégies,  Mascarades  et  Bergerie,  publiées  en  1505  cf.  l'éd.  Marty- 
Laveaux,  VI,  446,  et  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  p.  214).  Ce 
recueil  contenait  en  outre  trois  poèmes  très  flatteurs,  adressés,  l'un  à 
la  reine  Elisabeth,  l'autre  à  son  favori  lord  Dudley,  comte  de  Leicester, 
le  troisième  à  son  secrétaire  Cecille  (cf.  l'éd.  Bl.,  III,  323,  391  ;  IV,  382). 
C'est  probablement  en  retour  de  cette  dédicace  et  de  ces  trois 
poèmes  que  la  reine  d'Angleterre  envoya  à  Ronsard  ce  diamant  de  grand 
prix,  dont  Binet  est  seul  à  parler. 

p.  28,  1.  48.  —  son  Secrétaire.  Cette  leçon,  reproduite  en  1604,  nous 
semble  la  vraie  leçon,  au  lieu  de  «  le  sieur  de  Nauson  Secrétaire  », 
qu'on  lit  très    distiactement  dans  les  deux  éditions    ia-f"   et  iD-12  de 


ET    CRITIQUE  \']5 

1609  et  dans  celles  de  1617  et  1630.  En  1623,  on  a  rétabli  la  leçon  pri- 
mitive :  «  le  sieur  de  Nau  son  Secrétaire  ».  G.  Colletet,  qui  avait  sans 
doute  sous  les  yeux  l'édition  de  1609,  ou  celle  de  1617,  qu'il  a  pillée 
sans  vergogne,  a  écrit  :  «  Cette  princesse,  toute  prisonnière  qu'elle 
estoit,  l'an  1583,  luy  envoya  par  un  de  ses  secrétaires,  nommé  le 
seigneur  Nauzon,  un  buffet  de  deux  mille  escus.  »  {Vie  de  Ronsard,  éd. 
citée,  p.  43).  Cimber  et  Danjou  ont  adopté  la  leçon  de  1609,  en  l'aggra- 
vant par  une  virgule,  «  le  sieur  de  Nauson,  secrétaire  »  {Arch.  cur.  de 
l'Hisl.  de  Fr.,  l^e  série,  tome  X,  p.  391).  Enfin  l'abbé  Simon  a 
corrompu  encore  plus  le  texte  de  Binet  en  donnant  pour  secrétaire  à 
Marie  Stuart  «  le  sieur  de  Nanson  »  [Hist.  de  Vendôme,  III,  p.  537). 
Bien  que  Nanson  ait  un  air  plus  anglais  ou  écossais  que  Nau,  nous 
croyons  sage  d'adopter  la  leçon  primitive,  ainsi  que  l'a  fait  Blanche- 
main  dans  la  notice  de  son  éd.  de  Ronsard  (VIII,  40). 
P.  29,  1.  4.  —  pour  son  hoste.  Jean  Galland,  d'Arras,  fut  avec  Binet 
l'exécuteur  testamentaire  de  Ronsard,  et  rédigea  la  dédicace  de  la  pre- 
mière édition  posthume  de  ses  Œuvi'es  au  roi  Henri  III,  où  l'on  voit 
qu'il  ((  acquit  par  le  droit  d'hospitalité  la  familière  accointance  de 
feu  M''  de  Ronsard  »  (Bl.,  I,  xv  et  xviii).  Cette  dédicace  est  suivie  de 
vers  latins  de  Nicolas  Ellain,  médecin  parisien,  Ad  Janiim  Gallan- 
diiim  P.  Ronsardi  Pijladem.  Le  Tombeau  de  Ronsard  contient  quel- 
ques distiques  latins  de  J.  Galland  Piis  amici  Ronsardi  manibus  {Id., 
VIII,  253). 

Jean  Galland  était  simple  clerc  tonsuré  du  diocèse  de  Saint-Omer. 
Le  pape  Sixte -Quint  le  fit  entrer  en  possession  de  trois  prieurés 
laissés  vacants  par  la  mort  de  Ronsard  (v.  ci-après,  aux  mots  «  de  sa 
volonté  et  ses  serviteurs  »),  à  la  condition  qu'il  recevrait  le  sous-diaco- 
nat dans  les  six  mois  suivants,  et  se  disposerait  à  la  prêtrise  dans  le 
délai  d'une  année  (Arch.  dép.  de  la  Sarthe,  registre  G.  349,  f°  121,  r"). 
Sur  ce  personnage,  v.  La  Croix  du  Maine,  op-  cit.,  au  nom  de  Pierre 
Galland,  oncle  de  Guillaume,  qui  fut  lui-même  oncle  de  Jean  :  tous 
trois  se  succédèrent  comme  principaux  du  Collège  de  Boncourt  :  et 
quand  Jean  Galland  mourut,  en  janvier  1612,  ce  fut  son  neveu,  Phi- 
lippe Galland  qui  lui  succéda  non  seulement  comme  principal  du  dit 
Collège,  mais  comme  prieur  de  Croixval  et  de  Saint-Gilles  de  Montoire. 

Sur  le  Collège  de  Boncourt  {Becodiana  domus),  qui  était  situé  à  l'em- 
placement de  l'Ecole  Polytechnique  (du  côté  des  rues  Descartes  et 
Clovis),  cf.  E.  Frémy,  L'Acad.  des  derniers  Valois,  p.  56. 

Sur  les  fréquents  séjours  de  notre  poète  au  Collège  de  Boncourt,  les 
exemples  de  piété,  d'érudition  et  d'éloquence  qu'il  y  donnait  aux  pro- 
fesseurs et  aux  élèves,  les  visites  qu'il  y  recevait  et  les  soins  affectueux 
dont  Galland  r3'  entoura  jusqu'en  1585,  voir  un  long  développement  de 
Jacques  Velliard  :  professeur  au  collège  et  témoin  oculaire,  il  en  parle 
avec  émotion  dans  sa  deuxième  Laudatio  funebris,  à  partir  de  :  «  Te 
semper  fortunatam  duxi,  Becodiana  domus,  et  quoad  vivam  felicem 
prîedicabo...  «  (ff.  16  r"  à  17ro).  Cf.  G.  Critton  :  «  Hem,  tune,  Ronsarde, 
quem  toties  obstupescentibus  oculis  praesentem  sumus  intuiti,  toties 
in  hac  area  sub  umbraculis  bis  et  lucis  inambulantem...  ))  {Laud. 
fun.,  p.  10.) 


I-jG  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

P.  29,  1.  7.  —  gouttes  ordinaires  La  date  que  donne  Binet  du  dernier 
séjour  de  Ronsard  à  Boncourt  est  corroborée  par  Velliard  et  Critton  ; 
il  y  était  au  moment  des  fêtes  de  Pâques  1585.  «  superioribus  pasclia- 
libus  »,  dit  le  premier,  «  proximo  superiori  paschatis  festo  »,  dit  le 
second.  Cf  Du  Perron,  dont  l'exposé  relatif  à  la  dernière  année  de 
Ronsard  diffère  sensiblement  de  celui  de  Binet  :  «  Cependant  ce  dernier 
labeur  '  le  réduisit  à  une  telle  extrémité  que,  estant  tombé  malade  de 
la  goutte,  à  laquelle  il  y  avoit  déjà  quelque  temps  qu'il  estoit  sujet,  il 
demeura  dix  mois  continuels  en  ceste  ville  -  perclus  et  arresté 
dedans  un  lict,  avecques  des  douleurs  qu'il  est  plus  facile  d'imaginer 
que  de  représenter.  Or  ceste  maladie  lui  ayant  duré  jusques  aux 
premiers  mois  de  l'année  précédente  ^,  comme  il  veid  que  le  prin- 
temps commençoit  à  revenir,  et  qu'il  y  avoit  quelque  espérance  que  le 
changement  de  saison  et  d'air  luy  pourroit  ayder  aucunement  à  recou- 
vrer sa  santé,  luy  qui  estoit  plein  d'impatience  de  son  naturel,  n'eut 
pas  le  loisir  d'attendre  que  le  beau  temps  l'eust  un  peu  remis  pour  se 
faire  porter  à  un  prieuré  qu'il  avoit  en  Vendomois,  qui  se  nomme 
Croix-val,  dépendant  de  l'Abbaye  de  Tyron.  Cependant  vous  pouvez 
penser  combien  1  agitation  et  l'ébranlement  du  coche  apportoit  de 
douleur  à  une  personne  disposée  comme  il  estoit.  Nonobstant  toutes 
ces  difficultés  il  arriva  finalement  à  Croix-val.  Aussitost  qu'il  y  est 
arrivé,  voilà  les  armes  qui  se  lèvent  par  toute  la  France...  Il  est  vray 
que  ce  premier  feu  ne  dura  pas  longtemps...  Les  choses  ne  furent  pas 
si  tost  pacifiées  de  ce  costé  là,  que  ce  fut  à  recommencer  de  laulre.  Car 
voilà  les  armes  entre  les  mains  de  ceux  de  la  religion  et  le  chasteau 
d'Angers  pris  pour  eux,  et  leurs  compagnies  qui  passent  la  rivière  de 
Loire,  et  mettent  tout  l'Anjou  et  le  Vendomois  en  alarme.  Sur  ces 
entrefaites  M''  de  Joyeuse  arriva  là,  duquel  l'expédition  fut  si  heureuse... 
qu'après  avoir  remis  la  place  entre  les  mains  du  Roj'. . .  il  les  estonna 
de  telle  sorte  qu'il  dissipa  en  moins  de  rien  toutes  leurs  troupes... 
M'  de  Ronsard  qui  ne  sçavoit  encore  rien  du  desordie  de  ceste  armée, 
et  qui  avoit  seulement  les  nouvelles  que  toutes  les  forces  de  ceux  de  la 
religion  venaient  fondre  en  Vendosmois,  prist  l'alarme  extrêmement 
chaude,  pensant  que  c'estoit  ceste  guerre  qui  s'y  venoit  terminer  :  et 
comme  il  n'avoit  aucune  envie  de  tomber  entre  leurs  mains,  se  résolut 
de  desloger  sur  1  heure  mesme,  tout  malade  comme  il  estoit,  et  se 
faire  rapporter  en  ceste  ville  ^  :  là  où  si  tost  qu'il  fut  arrivé,  le  voilà 
plus  cruellement  traicté  que  jamais,  avecques  des  douleurs  estranges  et 
insupportables,  desquelles  il  fut  affligé  environ  trois  sepmaines  ou  un 
mois,  ayant  esté  si  rompu  et  si  travaillé  par  les  chemins,  qu'il  n'estoit 
pas  possible  de  plus. 

«  Au  bout  de  ce  temps-là...  il  s'alla  imaginer  quec'estoit  l'air  de  Paris 
qui  luy  estoit  ainsi  contraire,  et  qu'il  falloit  qu'il  se  fist  reporter  en 
Vendosmois,  là  oii  toutes  choses  estoient  pacifiées  et  asseurées  comme 

1.  Il  s'agit    de   la  préparation    de   l'édition  in-folio    de  ses    Œuvres,    qui   fut 
achevée  d'imprimer  le  4  janvier  1584. 
2-    C'est  à-dire  à  Paris. 

3.  C'est-à-dire  de  l'année  1585 

4.  C'est-à-dire   à  Paris. 


ET    CBITIQLE  I77 

auparavant.  Joinct  aussi  que  les  visitations  qu'il  recevoit  en  ceste  ville 
l'ennuyoient  et  l'affligeoient  aucunement...  Or  avoit-il  beaucoup  plus 
de  courage  que  de  force,  tellement  que  quelques  remonstrances  que 
ses  plus  familiers  luy  sceussent  faire  de  l'incommodité  du  temps,  de 
l'indisposition  de  sa  santé...,  il  ne  fut  jamais  en  leur  puissance  de 
retarder  ce  malheureux  voyage,  auquel  je  ne  vous  sçaurois  exprimer 
les  peines  et  les  tourments  qu'il  endura,  sinon  que  ce  fut  encore  pis  en 
s'en  retournant  que  ce  n'avoit  esté  en  venant. 

«  Comme  il  fut  arrivé  à  Croix-val  pour  la  seconde  fois,  ce  fut  alors 
qu'il  commença  à  désespérer  du  tout  de  sa  vie...  »  {Or.  fun-,  texte  de 
158G,  pp.  72  à  78.) 

D'après  Binet  (les  3  textes),  Ronsard  n'a  pas  fui  devant  les  huguenots 
jusqu'à  Paris,  mais  simplement  jusqu'à  Montoire,  en  son  prieuré  de 
Saint-Gilles,  à  deux  lieues  au  plus  de  Croixval,  et  c  est  à  Montoire  que 
Galland  vint  retrouver  le  30  octobre  son  cher  poète,  qui  avait  quitté 
Paris  depuis  le  13  juin.  (V.  ci-après,  p.  179,  aux  mots  «  fondre  en  ce  pays  )).) 
P.  29,  1.  14.  -  mestiers  de  Mercure.  Bl.,  V,  249;  M.-L.,  VI,  316.  Cet 
Hymne  de  Mercure,  composé  en  1585  (ou  1584)  et  dédié  à  Binet,  est 
imité  en  partie  de  YHymnus  Mercurio  de  MaruUe  :  «  Ergo  restabat 
mihi..  »  (éd.  de  1561,  Paris,  Wechel,  f"  72  r°).  La  6n  contient  cette 
prière,  qui  le  date  du  mois  de  février  au  plus  tard  . 

Donne  moy  que  je  puisse  à  mon  aise  dormir 
Les  longues  nuicts  d'Hyver,  et  pouvoir  affermir 
Mes  jambes  et  mes  bras  débiles  par  la  goutte... 

Sur  le  misérable  état  de  santé  de  Ronsard  durant  son  dernier  séjour 
au  collège  de  Boncourt  et  les  soins  touchants  que  lui  prodiguait  son 
ami  Galland,  voir  la  fin  de  la  seconde  Laudalio  funebris  de  J.  Vel- 
liard,  à  partir  de  :   «  Sed  quo  me  rapit  saeva  nécessitas  ?...  »  (f°  18 v"). 

P.  29,  1.  17.  —  sa  seconde  anie.  G.  Critton  nous  apprend  que  Ron- 
sard avait  coutume  d'appeler  son  ami  Galland  [JLOvo<piXo'j[j.£VO(;,  le 
seul  aimé  [Laud.  fun.,  p.  11).  Binet  l'appelle  encore  dans  son  Ecîogue 
funèbre  «  la  moitié  de  Perrot  »,  diniidiuni  animae  (Bl.,  VIII,  228); 
Galland  lui-même  appelle  Ronsard:  «  Pars  animae  quondam  dimidiata 
meae  »  {Ibid.,  253).  Enfin  N.  Ellain  appelle  Galland  le  Pylade  de  Ron- 
sai'd  (v.  ci-dessus,  p.  175,  aux  mots  n  pour  son  hosle  »). 

P.  29,  1.  19.  —  Atrebatique  race.  C'est-à-dire  enfant  du  pays  des  Atre- 
bates  (Artois).  Atrebales  est  l'ancien  nom  de  la  ville  d'Arras. 

p.  29,  1.  34.  —  SouacE  des  Muses.  Cf.  G.  Critton:  «  Maria  certè  Sco- 
torum  Regina,  quae  tametsi  captiva  a  multis  eum  annis  munerare  non 
destitit,  ut  est  literata  imprimis  Princeps,  videre  videor  quàm  llebiles 
elegias,  quàm  tristes  et  tali  argumento  dignos  iambos,  quàm  arguta 
meditetur  epitaphia  »  {Laud-  fun-,  p.  14). 

Les  pièces  où  Ronsard  a  chanté  Marie  Stuart  sont  assez  nombreuses  : 
une  ode  de  1556,  O  belle  et  plus  que  belle  ;  un  sonnet  de  1560,  L'An- 
gleterre et  l'Escosse  ;  une  élégie  de  1561,  Comme  un  beau  pré;  deux 
élégies  de  1563,  Le  jour  que  vosire  voile,  et  L'Huillier  si  nous  perdons; 
la  Bergerie  de  1565,  qui  lui  est  dédiée  ;  1'  «  envoi  »  de  1567,  Je  n'ay 
voulu  Madame  ;  la  «  fantaisie  ))  de  la  même  année,  Bien  que  le  trait  ;  le 

VIE    DE    p.    DE    RONSARD.  12 


l'jb  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

sonnet  de  1578,  Encores  que  la  mer,  qui,  à  cette  date,  est  placé  en 
tête  du  deuxième  livi'e  des  Pocmcs  dédié  à  Marie  Stuart.  Voir  l'éd. 
Blanchemain,  mais  sans  tenir  compte  de  sa  chronologie  (II,  481  ;  IV, 
5  ;  V,  304  ;  VI,  9,  10,  14,  19,  21,  24). 

Quant  à  l'inscription  rapportée  par  Binet,  elle  est  un  peu  obscure. 
Je  pense  que  «  l'Apollon  de  la  source  des  Muses  »  est  une  apposition  à 
«  Ronsard  ».  On  l'appelait  alors  couramment  «  l'Apollon  François  ». 
Voir  notamment  le  romhean  de  Ronsard  (Bl.  VIII,  223,  240,  263.  270). 

p.  29,  1.  39.  —  de  Paris.  VcUiard,  parlant  du  collège  de  Boncourt, 
dont  il  vante  l'air  salubre,  les  beaux  arbres,  les  réunions  savantes, 
l'appelle  :  «  Academiae  Parisiensis  lux  »  et  «  Musarum  delubrum  »  ;  et 
il  ajoute  qu'à  voir  Ronsard,  marchant  et  parlant  au  milieu  des  élèves, 
on  eût  dit  qu'Apollon  en  personne  était  descendu  du  ciel,  ayant  choisi 
pour  son  Parnasse  ce  coin  béni  :  «  aut  ipsum  Apolliiiem  caelo  in 
terras  fuisse  delapsum,  qui  hune  Parnassum,  haec  sua  delubra  lustra- 
ret  ».  {Laiid.  fim.  II,  f°  17  r"). 

P.  30,  1.  12.  -  dn  Laurier.  Bl.  VII,  307  ;  M.-L.  VI,  293. 

P.  30,  1.  15.  —  tant  célébrez.  Sur  Croixval,  prieuré  dépendant  de  l'ab- 
baj^e  de  Tiron,  cf.  Froger,  Rons.  ceci.,  p.  35;  J.-J.  Jusserand,  Ronsard 
and  his  Vendomois  dans  le  Nineteentli  centnry  d'avril  1897,  p.  600  ; 
André  Hallays,  Au  paijs  de  Ronsard,  dans  les  Débals  du  10  octobre 
1902,  art.  reproduit  par  les  Annales  Flécli.  de  mars  1903  ;  Hallopeau, 
op.  cit.,  chap.  I,  §  3,  le  Vallon  de  la  Cendrine  ;  P.  Laumonier,  Notes 
d'hisl.  lit  t.  dans  les  Annales  Flcch.  de  septembre  1906  ;  P.  Clément, 
Monographie  de  Ternai]  (tirage  à  part,  1907,  pp.  8  et  siiiv.)  ;  P.  Du- 
fay,  Ronsard  et  le  prieure  de  Croi.rval,  dans  la  Rcv-  de  la  Renaiss.  de 
janvier  1909. 

Sur  les  poésies  consacrées  à  la  forêt  de  Gastine  et  à  la  fontaine  Bel- 
lerie  (laquelle  était  à  Couture,  et  non  à  Croixval),  v.  ma  thèse  sur 
Ronsard  p.  hjr.,  pp.  432  et  suiv.  —  Sur  la  fontaine  même  de  la  Bellerie, 
v.  ci-après,  p.  227,  aux  mots  «  fonteine  Bellerie  ». 

P.  30,  I.  26.  —  estre  un  remède.  Nous  avons  là  un  résumé  très  précieux 
d'une  lettre  de  Ronsard  à  Galland,  que  celui-ci  a  certainement  com- 
muniquée à  Binet.  Le  texte  de  A,  avec  sa  citation  latine,  se  rapproche 
plus  de  la  lettre  du  poète  que  celui  de  B  et  de  C  Cette  lettre  est  l'une 
de  celles  dont  l'original  était  «  tombé  entre  les  mains  »  de  G.  Collelet. 
Or  celui-ci  Fa  résumée  de  son  côté  en  y  conservant  la  citation  latine, 
qu'il  n'a  pu  prendre  que  dans  l'autographe  de  Ronsard,  puisque  des 
trois  rédactions  de  Binet  il  n'a  consulté  que  la  troisième,  d'où  la  cita- 
tion est  absente  (Vie  de  Ronsard,  éd.  citée,  pp.  51-54). 

P.  30,  1.  30.  —  de  sa  volonté.  On  est  d'abord  tenté  de  croire  avec 
Mlle  Evers  (p.  130)  que  Binet  fait  ici  allusion  au  premier  acte  testamen- 
taire de  Ronsard,  par  lequel  il  résignait  en  faveur  de  Galland  ses 
prieurés  de  Si- Gilles  de  Montoire,  de  S^'-Magdelaine  de  Croix- 
val et  de  S'-Guingalois  de  Château-du-Loir,  acte  qui  fut  dressé  par- 
devant  notaire  à  Croi-xval  le  20  septembre  1585,  et  que  l'abbé  Charles 
a  publié  in  extenso  dans  son  étude  sur  Saint  Guingalois  et  son  prieuré 
à  Chat  eau- du- Loir  (Revue  hist.  et  archéol.  du  Maine,  tome  V,  1879, 
1er  semestre,  p.  380). 


I 


FT    CRITIQUE  1 79 

Mais  on  aurait  tort,  car  1°  la  date  de  cette  résignation,  20  septembre, 
ne  correspond  pas  à  celle  qu'indique  Binct,  «  quelques  jours  après  le 
22  octobre  »  ;  2"  cette  résignation  a  été  faite  par  le  notaire  de  Saint- 
Pater  (S'-Paterne),  en  présence  de  Louis  de  Bueil,  chevalier,  seigneur 
de  Racan,  de  Jacques  de  Boyer,  écuyer,  seigneur  de  S'-Sulpice  de 
Roquemeur,  et  de  Jean  de  Loré,  seigneur  des  Prés  (le  curé  de  Tcrnay 
n'est  pas  nommé  parmi  les  témoins)  ;  3*  le  20  septembre,  Ronsard  a 
dicté  sa  volonté  à  un  notaire,  tandis  qu'à  la  fin  d'octobre  il  s'est  con- 
tenté de  l'exprimer  oralement  au  curé  de  Ternay,  et,  d'après  Binct,  «  il 
renvoya  le  notaire,  luy  disant  qu'il  n'y  avoit  encore  rien  de  pressé...»  j 
bien  plus,  si  l'on  s'en  tient  à  la  rédaction  de  C,  Ronsard  n'a 
exprimé  d'aucune  façon  sa  dernière  volonté  dans  l'entrevue  d'octobre. 
L'abbé  Froger  a  bien  fait  cette  distinction,  quand,  après  avoir  parlé 
du  testament  4"  20  septembre,  puis  de  la  lettre  à  Galland  du  22  oc- 
tobre, il  ajoute  :  «  On  put  croire  un  moment  que  Galland  n'arriverait 
pas  à  temps.  Peu  de  jours  après  avoir  écrit  cette  lettre,  le  poète,  se 
trouvant  plus  mal,  fit  appeler  le  curé  de  Ternay,  se  confessa  et  reçut 
la  sainte  communion.  Un  mieux  léger  s'étant  produit,  il  renvoya  le 
notaire  qu'il  avoit  d'abord  réclamé.  »  {Ronsard  eccL,  pp.  50  à  52.) 

Ternay  est  la  paroisse  sur  le  territoire  de  laquelle  se  trouvait  le 
prieuré  de  Croixval.  Cf.  Hallopeau,  op.  cit.,  chap.  i,  >;  3,  le  Vallon  de 
la  Cendrine  ;  P.  Clément,  Monographie  de  Ternay. 

Plusieurs  pièces  des  Arch.  dép.  du  Loir-et-Cher  mentionnent  le 
curé  de  Ternay  que  Ronsard  fit  appeler  à  son  prieuré  de  Croixval  le 
25  ou  le  26  octobre  1585.  C'est  un  nommé  Pierre  Martin.  En  outre, 
son  acte  de  décès  se  trouve  dans  un  registre  paroissial  de  Ternay,  qui 
est  actuellement  parmi  les  registres  paroissiaux  de  Villedieu,  commune 
voisine,  sous  le  titre  l'ernacensisyn"  3.  Cet  acte,  qui  se  lit  à  la  date  de 
1591,  entre  un  acte  du  22  août  et  un  autre  du  14  octobre  de  la  même 
année,  est  ainsi  conçu  :  «  Icy  deceda  messire  Pierre  Martin,  après  avoir 
deservi  en  dignité  et  qualité  la  parrouesse  de  Terne  sept  années,  et  ce 
après  le  deces  de  deffunct  le  poyte  Ronsard,  duquel  par  sa  faveur  il 
en  avoit  estépourveu  ».  —  Je  dois  ce  renseignement  à  l'obligeance  de 
M.  P.  Clément,  instituteur  d'Artins,  qui  a  ainsi  complété  et  rectifié 
ce  qu'il  en  avait  dit  dans  sa  Monographie  des  liages,  p.  42,  et  dans  sa 
Monographie  de  Ternay,  pp.  14  et  41. 
P.  31,  1.  10.  —  fondre  en  ce  pags.  Ainsi  ce  n'est  pas  à  Paris,  commele 
dit  Du  Perron,  mais  simplement  à  Montoire,  que  Ronsard  s'est  retiré 
par  crainte  des  huguenots,  et  cela  seulement  dans  les  derniers  jours 
d'octobre  1585  (v.  ci-dessus,  p.  176,  aux  mots  «  gouttes  ordinaires  ))). 

Sur  la  prise  du  château  d'Angers  par  les  protestants  (fin  de  septem 
bre),  l'expédition  du  prince  de  Condé,  venu  de  la  Saintonge  en  Anjou 
pour  soutenir  ses  coreligionnaires  dans  le  courant  d'octobre,  et  la  dis 
persion  de  ses  troupes  par  celles  du  duc  de  Joyeuse  le  25  octobre 
les  jours  suivants  dans  la  vallée  du  Loir  et  la  direction  de  Vendôme 
cf.  De  Thou,  Hist.,  liv.  LXXXII,  trad.  de  1734,  tome  IX,  pp.  385 
396. 

Sur  le  prieuré  de   Saint-Gilles  de  Montoire,    dépendant  de  l'abbaye 
de  S'-Calais,  voir  Rochambeau,  op.  cit.,  p.  93  ;  André    Hallays,   Jour- 


l8o  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

nal  des  Débats  du  3  octobre  1902,   article   reproduit    avec    illustrations 
dans  les  Annales  Fléchoises  de  janv.  1903  ;  Hallopcau,  La  Chapelle  du 
prieuré  de  S*-Gilles,  Annales  Fléeh.  de  septembre   1907. 
P.  31,  1.   11.  ^  le    lendemain.    Ronsard  a  donc   scjounié  à  Montoire  pour 

la  dernière  fois  du  28  octobre  au  2  novembre  1585. 
P.  31,  1.  25.  —  je  dors.  Pièce  publiée  dans  la  plaquette  posthume  qui  a 
pour  titre  Derniers  vers  de  P.  c/e /?onsard  (février  1586;  v.  ci-dessous,  p.  180, 
au  mot  «  autrement  >>),  mais  non  recueillie  dans  les  éditions  posthumes 
des  Œi/prf.s,  sauf  dans  celles  de  Blanchcmain  (VII,  315)  et  de  Marty-Lav. 
(VI,  304).  Binet  et  Galland  jugèrent  sans  doute  qu'il  sulïisait  qu'elle 
fût  reproduite  in  e.ilcnso  dans  la  Vie  de  Ronsard,  laquelle  était  impri- 
mée au  tome  X  de  l'édition  de  1587,  immédiatement  après  les  Epi- 
taphes  et  les  Derniers  vers. 
P.  31,  1.  28.  — plus  cbrestiennemcnl  qu  il  n'est.  Il  s'agit  d'une  épigramme 
de  l'empereur  Hadrien,  qu'il  fit  à  Baia  quelques  jours  avant  de  mou- 
rir : 

Auiinula  vagula,  blandula, 
Hospes  comesque  corporis, 
Quae  nunc  abibis  iu  loca 
Pallidula,  rigida,   nudula, 
Nec,  ut  soles,  dabis  jocos... 

V.  l'Anthologie  grecque,  traduite  sur  l'édition  de  Fr.  Jacobs  (Paris, 
Hachette,  1863,  tome  II,  p.  354). 

P.  32,  1.  6  -  soit  à  la  terre.  Bl.  VII,  315  ;  M.-L.  VI,  303.  Même  re- 
marque que  ci-dessus,  p.  180,  aux  mots  n  je  dors  ». 

P.  32,  1.  15-  —  Or  qu'il  ait  satisfait  =^  Bien  qu'il  ait  satisfait.  Ces  mots 
ont   pour   corrélatifs  :  «  toutefois  plusieurs  sçavans...  » 

P.  32,  1.  19.  —  cela  te  suffise.  Bl.  IV,  228  ;  M.-L.  IV,  16.  Ce  vers  tron- 
qué est  extrait  d'une  pièce  qui  portait  en  effet  dans  l'édition  de  1584, 
consultée  par  Binet,  le  titre  Discours  I  en  forme  d'Elégie,  et  s'adresse 
à  Geuèvre,  laquelle  fut  une  des  maîtresses  de  Ronsard  vers  1561.  Elle 
avait  paru  pour  la  première  fois  en  1563  dans  le  troisième  livre  du 
Recueil  des  Nouvelles  Poiisies,  sous  ce  titre  :  Discours  amoureu.v  de 
Genevre. 

P.  32,  1.  23.  —  autrement.  Ces  lignes  sont  empruntées  presque  textuelle- 
ment à  l'épître  datée  du  24  février  1586,  que  Binet  avait  écrite  en  tête 
des  Derniers  vers  de  P.  de  Ronsard  (édition  princeps,  Paris,  G.  Buon, 
qui  ne  contient  ni  le  Discours  delà  Vie,  ni  le  Tombeau  de  Ronsard- 
Bibl.  Mazarine,  n"  10.849)  :  «  Si  la  diligence  des  ouvriers  l'eust  per- 
mis, le  papier  tant  honoré  du  beau  nom  de  Ronsard  eust  tesmoigné 
son  dueil,  et  accompaigné  voz  regretz  de  la  noire  teinture  des  vers 
des  plus  choisis  personages  de  nostre  France,  que  fay  prié  de  ce  de- 
voir, et  des  principaux  points  du  cours  de  sa  vie  que  nous  avons 
dressé,  non  pour  illustrer  sa  mémoire  davantage,  ains  pour  n'obscur- 
cir la  nostre.  si  nous  faisions  autrement  »  (Cf.  Marty-Lav.,  Notice 
sur  Ronsard,  p.  cm.) 

P.  33,  1.  3-  —  assemble.  Le  texte  dessus  ses  fleurs  paraît  d'abord  fau- 
tif :  on  est  tenté  de  lire  dessous  ses  fleurs.  Cependant  nous  croyons 
devoir  conserver  la  leçon  de  toutes  les  éditions,  considérant  que  Binet 


ET    r.RTTTQUE  l8l 

a  exprimé  la  même  idée  de  la  même  façon  dans  un  sonnet  du  Tombeau 
de  Ronsard  : 

Homère  gist  d'Ios  sur  les  célestes  fleurs, 
X'irgile  dans  ton  sein,  Partenope  sereine, 
Et  Ronsard  sur  la  soye  aux  jardins  de    Touraine. 

(Hi.  VIII,  254.) 

P.  33,  1.  8.  —  que  l'on   en  tire.  La  source  de  ce  passage  est  le  troisième 
sonnet   des  Derniers   vers,  dont  voici  les  tercets  : 

Heureux,  cent  fois  heureux,  animaux  qui  dormez 
Demy  an  en  vos  trous,  sous   la  terre  enformez. 
Sans  manger  du  pavot,  qui  tous  les  sens    assomme. 
J'en  ay  mangé,  j'ay  beu  de  son  just  oublieux, 
En   salade,  cuit,  cru,    et  toutesfois  le  somme 
Ne  vient  par  sa  froideur  s'asseoir  dessus  mes  yeux. 

(Bl.  VII,  313  ;  M.-L.  VI,  .-ÎOl.) 

Du  Perron  dit  de  son  côté  :  «...  Voyant  qu'il  ne  reposoit  nullement, 
et  qu'il  avoit  tousjours  les  j^eux  ouverts  et  l'âme  éveillée  et  sensible 
aux  pointes  et  aux  aiguillons  de  sa  douleur,  il  fut  contrainct  pour 
charmer  et  conjurer  la  cruauté  de  son  mal,  d'avoir  recours  à  un  somme 
artificiel,  et  de  se  mettre  à  boire  du  just  de  pavot,  lequel  au  lieu  de 
luy  apporter  quelque  ayde  et  quelque  soulagement,  luy  engourdit  tel- 
lement les  fonctions  naturelles,  et  luy  refroidit  si  fort  le  sang  et  les 
esprits,  qu'il  tomba  tout  à  faict  en  une  atrophie  et  en  un  default  de 
nourriture,  de  sorte  que  toutes  ses  extremitez  ne  recevoient  plus  au- 
cun aliment  ny  aucune  substance...  »  {Or.  fun-,  édition  princeps,  p.  79-) 

Ronsard,  de  tempérament  neuro-arthritique,  semble  avoir  eu  des 
insomnies  de  très  bonne  heure,  par  suite  de  surmenage  intellectuel  et 
phj'sique,  témoin  le  Vœn  au  Somme  (1550),  le  sonnet  Quand  le  soleil 
(1552u  l'ode  Laisse-moy  somtneiller  Amour  (1554).  Il  usa  également  de 
bonne  heure  de  pavot  pour  combattre  linsomnie,  témoin  l'ode  Cinq 
jours  sont  jà  passez  (1555),  et  l'élégie  à  Jamin,  Couvre  mon  chef  de 
pavot  (1569). 
p.  33,  1.  11.  —  foiblesse  du  corps.  Ce  sont  les  cinq  premières  pièces  des 
Derniers  vers,  savoir  les  stances  J ay  varié  ma  vie....,  et  les  sonnets 
I  à  IV  (Bl.  VIT,  311  et  suiv.  ;  M.-L.  VI,  299  et  suiv.).  De  son  côté.  Du 
Perron  a  écrit  un  long  développement  sur  la  force  d'âme  de  Ronsard  en 
ces  heures  douloureuses  et  sur  les  poésies  qu'il  dicta  dui'ant  son  der- 
nier séjour  à  Croixval  {Or.  fun-,  pp.  80  et  suiv.  de  l'éd.  princeps)  ; 
mais  en  ses  trois  ou  quatre  pages  il  est  moins  précis  et  moins  exact 
que  Binet  en  ses  deux  ou  trois  phrases  :  il  ne  dit  pas  que  Galland  était 
là  pour  recueillir  les  poésies  dictées  par  Ronsard,  ni  quel  fut  leur 
nombre. 

Dans  sa  première  rédaction,  celle  qui  fut  lue  le  24  févr.  1586  à  la 
cérémonie  funèbre  du  collège  de  Boncourt,  Du  Perron  a  fait  venir  Gal- 
land à  Croixval  dans  le  courant  de  novembre,  tandis  que  Binet  fait 
rejoindre  le  poète  par  Galland  à  Montoire  dès  le  30  octobre  (et  cela  dans 
ses  trois  textes);  puis  il  a  raconté,  comme  ayant  eu  lieu  à  Croixval, 
une  émouvante  entrevue  qu'auraient  eue  alors  le  poète  et  son  ami. 
Mais  dans  sa  deuxième  rédaction,  celle  de  1597,  Du  Perron  a  passé  sous 


iSa  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

silence  le  vojage  de  Galland  à  Croixval  et  a  reporte  dix  pages  plus  loin 
cette  émouvante  entrevue,  comme  ayant  eu  lieu  à  Si-Cosmc,  la  veille 
même  de  la  mort  du  poète. 

Il  est  vraisemblable  que  le  récit  de  Binet  (les  troix  textes)  et  celui  de 
Du  Perron  (la  deuxième  rédaction)  se  complètent  :  que,  d'une  part, 
Galland  a  bien  rejoint  Ronsard  à  Montoirc  le  30  octobre  et  passé  une 
partie  de  novembre  avec  lui  à  Croixval  ;  que,  d'autre  part,  il  revint  le 
voir  à  S'-Cosme  à  la  fin  de  décembre,  la  veille  de  sa  mort,  assez  à  temps 
pour  recevoir  au  milieu  des  larmes  son  dernier  adieu.  Mais  le  vraisem- 
blable n'est  pas  toujours  le  vrai.  (V.  ci-après  p.  191,  au  mot  «  regrettée  »). 

P.  33,  1.  16.  —  S.  Cosme.  Sur  ce  prieuré,  situé  au  bord  de  la  Loire,  tout 
près  du  château  de  Plessis-lcz-Tours,  voir  Blanchemain,  éd.  des  Œu- 
vres de  Ronsard,  VII,  341  et  suiv.;  abbé  Chevalier,  Rapport  sur  la  re- 
cherche des  restes  de  Ronsard  au  prieuré  de  Saint-Cosme,  dans  le  Bulle- 
tin de  la  Société  archéol.  du  Vendômois,  t.  IX,  1870,  p.  170  ;  Louis 
Chollet,  article  du  Mois  littéraire  et  pittoresque  de  novembre 
1902  ;  André  Hallays,  Journal  des  Débats  du  10  octobre  1902,  art. 
reproduit  avec  illustrations  dans  les  Annales  Fléch.  d'avril   1903. 

P.  33,  1.  21.  —  âgé  de  lxxv  ans.  Cet  aumônier,  du  nom  de  Jacques 
Dcsguez,  faisait  valoir  le  bénéfice  de  St-Cosme  en  l'absence  de  Ronsard. 
Il  était  son  «  procureur  spécial  »  (Arch.  dép.  d'Indre-et-Loire,  G.  497; 
Froger,  Ronsard  eccL,  p.  33).  Outre  l'aumônier,  il  y  avait  à  S'-Cosme 
un  sous-pricur,  un  sacristain,  un  hostellier  et  deux  religieux  profès, 
dont  nous  connaissons  les  noms  par  un  acte  du  25  novembre  1575 
(Arch.  d'Indre-et-Loire,  G.  507;  Froger,  op.  cit.,  p.  45),  et  par  un  autre 
du  21  novembre  1581,  que  j'ai  publié  dans  les  Annales  Fléch-  de  février 
1904,  p.  74. 

Le  nom  de  Desguez  figure  encore  parmi  les  témoins  de  la  résignation 
faite  par  Ronsard  de  trois  de  ses  bénéfices  le  22  décembre  1585  (Froger, 
op.  cit.,  pp.  69  et  70). 

P.  33,  1.  41.  — faiblesses  grandes.  Ce  dernier  voyage  de  Croixval  à  Saint- 
Cosme,  sur  lequel  Binet  ne  donne  aucun  détail  en  A  B  et  se  contente 
de  ces  trois  lignes  en  C,  a  été  longuement  raconté  par  Du  Perron  en 
février  1586:  «...  il  se  fit  vestir  et  habiller  tout  perclus  et  estropié 
comme  il  estoit  :  et  se  fit  porter  dans  son  coche,  comme  un  tronc  et 
comme  une  statue,  sans  se  mouvoir,  sans  se  remuer,  et  sans  avoir 
plus  aucun  acte  de  vie  que  le  sentiment  de  sa  douleur.  Or  estoit  le 
temps  si  mauvais  qu'il  n'j^  avoit  aucun  ordre  de  se  mettre  par  les 
champs  quand  c'eust  esté  l'homme  du  monde  qui  se  seroit  le  mieux 
porté  :  tellement  qu'il  luy  fallut  différer  son  voyage  jusques  à  une 
autre  fois,  et  attendre  que  le  mauvais  temps  fust  passé.  Ce  fut  là  la 
catastrophe  de  la  Tragédie  :  car  il  ne  voulut  jamais  permettre  qu'on  le 
dcspouillast,  pour  l'appréhension  qu'il  avoit  du  mal  qu'il  luy  faudroit 
souffrir  quand  ce  viendroit  à  remettre  ses  habillements  :  de  sorte  qu'il 
fallut  qu'il  demeurast  par  l'espace  de  trois  jours  et  de  trois  nuits  ainsi 
vestu  et  habillé.  Au  quatriesme  ne  pouvant  plus  avoir  la  patience  d'at- 
tendre d'avantage,  il  commanda  que  l'on  luy  attelast  son  coche  des 
deux  heures  devant  le  jour  :  et  s'estant  mis  aux  champs  par  le  vent  et 
par  la  pluye,  fit  tant  de  ceste  première  traitte,  qu'il  alla  coucher  à  une 


ET    CRITIQUE  l83 

lieue  de  là  :  de  manière  que  ayant  faict  cinq  ou  six  telles  journées 
pour  venir  à  bout  de  quatre  ou  cinq  lieues  de  chemin  qui  luy  restoient, 
il  arriva  finalement  à  Saint-Cosme  un  jour  de  dimanche  sur  les  cinq 
heures  du  soir.  »  {Or.  fun.,  éd.  princeps,    pp.    91  à  93). 

Ce  fragment  méritait  d'autant  plus  d'être  cité  qu'il  n'est  pas  connu, 
Du  Perron  l'ayant  réduit  à  six  lignes  dès  la  rédaction  suivante  de  son 
Oraison  (1597). 
P.  34,  1.  18.  —  crimes  et  mcschancetez.  Ce  discours,  très  sommairement 
indiqué  par  Binet,  avait  été  présenté  avec  bien  plus  de  développement 
par  Du  Perron,  qui  le  place  au  jour  même  de  la  mort  du  poète,  le  ven- 
dredi 27  décembre,  tandis  que  d  après  Binet  il  aurait  été  tenu  le  26.  — 
Marty-Laveaux  a  eu  raison  de  reproduire  la  version  de  Du  Perron,  qui, 
malgré  ses  allures  oratoires,  peut  servir  à  compléter  celle  de  Binet,  car 
elle  doit  avoir  «  pour  fond  principal  les  paroles  que  Ronsard  a  pronon- 
cées ».  {Notice  sur  Ronsard,  p.  xcvi.)  D'ailleurs  le  texte  que  cite  M.-L. 
n'est  pas  celui  de  l'édition  princeps,  non  plus  que  celui  que  Bl.  a  re- 
produit dans  son  Ronsard  (VIII,  209-210),  mais  les  différences  ne 
valent  pas  la  peine  qu  on  les  signale  ici. 
P.  35,  1.  4—  et  d'Esprit.  Ce  sont  les  sonnets  v  et  vi  des  Derniers 
vers:  «  Quoy,  mon  ame  ..  »,  et  :  «Il  faut  laisser  maisons...  »  (Bl.  VII, 
314  ;  M.-L.,  VI,  302). 

Du  Perron  avait  écrit  de  son  côté  ;  «  Le  jeudy  environ  sur  les  deux 
heures  après  midy,  comme  sa  chaleur  naturelle  commençoit  à  s'esteindre 
totalement,  et  à  n'estre  plus  suffisante  pour  entretenir  le  sentiment  de 
sa  douleur,  il  commença  à  tomber  en  un  assoupissement,  auquel  après 
avoir  demeuré  environ  une  heure  de  temps,  il  se  resveilla,  et  commanda 
que  l'on  prist  la  plume  pour  escripre  ce  qu'il  nommeroit  :  et  alors  il  re- 
cita deux  sonnets,  l'un  addressant  à  son  ame,  là  où  il  l'excitoit  coura- 
geusement à  se  préparer  à  ce  bien-heureux  département,  lequel  il  sen- 
toit  approcher  de  jour  en  jour  (suit  le  délayage  du  sonnet)...  Le  second 
estoit  comme  une  espèce  d'Adieu  qu'il  disoit  à  toutes  les  choses  cadu- 
ques et  périssables,  lesquelles  il  estoit  prest  de  laisser  et  d'abandonner, 
et  comme  une  admonition  qu'il  se  faisoit  à  luy  mesme  (suit  le  délayage 
du  sonnet)...  :  et  sur  ce  qu'il  en  vouloit  encore  nommer  d'autres,  il 
commanda  qu'on  luy  releust  ceux  qu'il  venoit  de  prononcer  pour  veoir 
comme  il  les  avoit  escripts,  mais  trouvant  qu'il  y  avoit  autant  de  faultes 
que  de  mots,  pour  ce  que  ceulx  qui  les  recueilloieut  soubs  luy  estoient 
personnes  entièrement  ignorantes,  cela  le  rebutta  et  le  descouragea.  » 
{Or.  fun.,  éd\t.  princeps,  pp.  93-96  ;  la  dernière  phrase  a  été  supprimée 
en  1597.) 
p.  35, 1.  5.  —  de  Tours.  Du  Perron  avait  écrit  de  son  côté  :  «  Le  lendemain 
sur  le  midy,  les  plus  notables  hommes  de  la  ville  de  Tours,  qui 
l'avoient  souvent  visité  depuis  qu'il  estoit  arrivé  à  Sainct  Cosme,  ayant 
entendu  qu'il  n'y  avoit  plus  gueres  d'espérance  qu'il  peust  passer  ce 
jour-là,  s'avancèrent  de  le  venir  veoir  de  meilleure  heure  que  les  jours 
précédents.  »  {Or.  fun.,  édit.  princeps,  p.  96  ) 
p.  35,  1.  7.  —  resolution.  —  Pour  tout  ce  passage,  cf.  l'épître-préface  que 
Binet  a  placée  en  tête  des  Derniers  vers  de  P.  de  Ronsard  (plaquette 
publiée  dès  le  24  févr.  1586),  depuis  :  «  Seulement  il  (le  temps)  nous  a 


l84  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

permis...  »,  jusqu'à  la  fin  (M.-L..  Notice  sur  Ronsard,  p.  cm).  Binet  a 
repris  à  cette  préface  quelques  expressions,  sans  parler  de  la  distinc- 
tion très  nette  entre  les  dernières  poésies  dictées  à  Croixval  et  les  der- 
nières poésies  dictées  à  St-Cosnie. 
P.  35.  1.  8.  —  quatre  vints  et  cinq.  —  Il  est  exact  que  le  27  décembre 
158Ô  était  un  vendredi.  Mais  on  peut  se  demander  ce  que  Binet  a  en- 
tendu par  «  sur  les  deux  heures  de  nuit  le  vendredi  27  décembre.  ))  A- 
t-il  voulu  dire  c[ue  Ronsard  mourut  dans  la  nuit  du  26  au  27  à  2  heures 
du  matin,  suivant  notre  façon  actuelle  de  noter  les  jours  (de  minuit  à 
minuit),  ou  bien,  suivant  la  façon  de  compter  des  Romains  (d'un  lever 
de  soleil  à  l'autre),  dans  la  nuit  du  27  au  28,  deux  heures  après  la 
tombée  de  la  nuit,  c'est-à-dire  le  27  vers  6  heures  du  soir  ? 

A  première  vue,  après  une  lecture  rapide  de  A  B,  on  est  porté  à 
croire  que  Ronsard  mourut  dans  la  nuit  du  26  au  27  à  2  heures  du 
matin  :  il  aurait  écrit  ses  deux  derniers  sonnets  et  reçu  la  visite  «  des 
plus  honnestes  familles  de  Tours  »  le  jeudi  26,  «  le  lendemain  d  du 
jour  où  il  eut  son  solennel  entretien  avec  l'aumônier  et  les  autres  reli- 
gieux de  Saint-Cosme. 

La  rédaction  de  C  ne  contredit  pas  ces  dates, puisqu'elle  fixe  l'entretien 
de  Ronsard  avec  l'aumônier,  sa  confession  et  sa  communion,  au  jour 
de  «  la  Nativité  de  notre  Seigneur  »,  c'est-à-dire  au  25  décembre.  Mais, 
en  revanche,  Binet  y  est  moins  précis,  parce  qu'il  a  intercalé  entre  le 
récit  de  la  journée  du  25  et  celui  de  la  journée  du  26  un  acte  antérieur, 
le  testament  (qu'il  date,  avec  raison  d'ailleurs,  du  dimanche  22  dé- 
cembre ,  et  a  été  obligé  ainsi  de  supprimer  les  mots  «  le  lendemain  », 
parlant  tout  de  suite  après  des  deux  derniers  sonnets  de  Ronsard.  — 
Première  raison  de  douter. 

En  second  lieu.  Du  Perron  n'est  pas  d'accord  avec  Binet.  D'après  Du 
Perron.  Ronsard  arriva  à  Saint-Cosme  le  dimanche  22  décembre  «  sur 
les  cinq  heures  du  soir  »,  et  il  dicta  ses  deux  derniers  sonnets  le  jeudi 
26  ;  et  jusque-là  les  deux  biographes  sont  d'accord,  car  on  peut  parfai- 
tement admettre  que  Ronsard,  arrivé  le  dimanche  22  sur  les  cinq 
heures,  ait  dicté  son  testament  dans  la  soirée  du  même  jour,  comme  le 
dit  le  texte  C  de  Binet. 

Mais  voici  où  commence  la  différence,  qui  est  très  sensible.  D'après 
Du  Perron  (texte  primitif  et  suivants),  Ronsard  vécut  encore  tout  le 
lendemain  du  jour  où  il  a  dicté  ses  deux  derniers  sonnets,  et  c'est  le 
vendredi  27  «  sur  le  midy  »  qu'il  reçut  «  les  plus  notables  hommes  de 
la  ville  de  Tours  »  ;  c'est  de  midi  à  trois  heures  qu'il  eut  son  solennel 
entretien  avec  «  tous  ses  religieux  »  ;  c'est  enfin  «  sur  les  trois  heures  » 
qu'il  demanda  les  derniers  sacrements,  et  que,  «  après  les  avoir  sainte- 
ment et  dévotement  reçus,  et  avoir  dit  les  dernières  paroles,  il 
commença  à  se  tourner  de  l'autre  costé  comme  s'il  eust  voulu  reposer  ». 
—  Dans  sa  seconde  rédaction  (onze  ans  plus  tard).  Du  Perron  a  fait 
plus  :  il  a  placé  également  en  ce  jour  l'arrivée  de  Galland  et  son  en- 
trevue émouvante  avec  Ronsard,  entrevue  qu'il  avait  d'abord  placée  à 
Croixval  dans  le  courant  de  novembre.  Voici  ce  qu'on  lit  en  1597  :  «  Le 
Vendredy,  environ  sur  le  midy,  arriva  le  sieur  Gallandius,  qui  avoit 
tousjours  esté  son  intime  et  particulier  amy...   (Suit  le  récit   de    l'en- 


ET    CRITIQUE  l85 

trevue,  où  Ronsard  cherche  à  consoler  son  ainl,  et  qui  se  termine  «  avec 
des  larmes  départ  et  d'autre  »  par  une  suprême  séparation)...  Aumesme 
temps  survindrent  plusieurs  notables  hommes  de  la  ville  de  Tours,  qui 
l'avoient  souvent  visité  depuis  qu'il  estoit  arrivé  à  St-Cosme...  Un  peu 
après  donc  qu'ils  furent  entrez  le  Prieur  de  St-Cosme  (lapsus  pour  l'Au- 
mônier ou  le  Sous-Prieur)  qui  les  avoit  conduits,  prit  la  parole  et  luy 
dit...  »  (Suit  l'entretien  édifiant  de  Ronsard  avec  l'aumônier,  puis  à  tous 
ses  religieux.) 

Quant  à  préciser  le  moment  de  la  mort  de  Ronsard,  Du  Perron  s'en 
est  bien  gardé  dans  l'une  ou  l'autre  de  ses  rédactions.  Il  a  préféré  em- 
bellir son  récit  d'un  dernier  acte  du  poète,  d'un  geste  d'artiste  qui  ne 
voulait  pas  ((  qu'il  luy  eschapast  aucune  parole  indigne  de  l'esprit  et 
de  la  bouche  du  grand  Ronsard  »,  et  ajouter  ces  lignes  plus  oratoires 
que  précises:  «  Et  cela  fait,  inclina  derechef  sa  teste  sur  le  chevet  de 
son  lit  pour  reposer  comme  il  avoit  fait  au  précèdent  '.  Mêlas  !  à  la 
mienne  volonté  que  je  peusse  mettre  icy  fin  à  mes  paroles,  et  que  je  ne 
fusse  point  obligé  de  poursuivre  cette  narration,  et  la  continuer  plus 
avant!  Car  qui  est-ce  qui  donnera  de  l'eau  à  mon  chef,  comme  dit  le 
prophète,  et  qui  est-ce  qui  donnera  des  fontaines  de  larmes  à  mes 
yeux  ?  Qui  est-ce  qui,  etc..  »  Cf.  le  Ronsard  de  Bl.,  VIII,  207-212.  — 
Deuxième  raison  de  douter. 

Restent  deux  témoignages,  qui  ne  permettent  pas  seulement  le  doute, 
mais  l'imposent,  car  ils  ont  une  égale  valeur  et  se  contredisent. 
J.  Velliard,  qui  s'était  renseigné  auprès  de  son  «  principal  »,  J.  Galland, 
le  témoin  des  derniers  moments  de  Ronsard,  fait  mourir  notre  poète 
le  27  décembre  :  «  Sexto  Cal.  Jau.  hinc  illuc  assumptus  beatorum  nu- 
merum  auxit  »  [Laiid-  fun-  II,  in  fine.). De  Thou,  qui  n'avance  rien  à  la 
légère  et  avait  pu  interroger  non  seulement  Galland,  mais  encore  Du 
Perron  et  Binet  lui-même,  avec  lesquels  il  était  en  l'elations,  fait 
mourir  Ronsard  le  28  :  «  Animam  reddidit  V  Kalendas  Januarias  ». 
(Hist.,  liv.  LXXXII,  fin,  éd.  de  1733.) 

En  résumé,  d'après  Du  Perron,  Ronsard  a  vécu  tout  le  jour  du  ven- 
dredi 27  décembre  au  moins  ;  d'après  'Velliard  il  est  mort  entre  les 
7  heures  1/2  du  matin  du  27  décembre  et  les  7  heures  1/2  du  matin  du 
28.  Il  est  donc  vraisemblable  que  Binet  a  voulu  dire  de  son  côté  que 
Ronsard  mourut  dans  la  nuit  du  27  au  28.  Mais  alors  que  devient  le 
témoignage  de  De  Thou  ?  Il  n'y  a  qu'un  moyen  de  le  faire  coïncider 
avec  les  trois  autres;  c'est  d'admettre  —  ce  qui  n'est  pas  impossible 
—  que  De  Thou,  bien  qu'il  écrivît  en  latin,  comptait  les  journées 
comme  nous  les  comptons  actuellement,  de  minuit  à  minuit,  tandis 
que  Binet,  bien  qu'il  écrivît  en  français,  les  comptait  à  la  romaine, 
cest-à-dire  à  partir  de  7  heures  1/2  du  matin  dans  les  derniers  jours 
de  décembre. 

Dans  ce  cas,  il  n'y  aurait  aucune  contradiction  réelle  entre  les 
quatre  témoignages.  Mais  encore  faudrait-il  admettre  que  Binet  a  en- 
tendu par  1  expression  «  sur  les  deux  heures  de  nuit  du  27  »  les  2  heures 
du  matin  du  28,  —  ce  qui  semble  une  façon  bien  peu  romaine  de  noter 

1.  Var.  de  1597  et  éd.  suivantes  ;  <i  un  peu  auparavant  ». 


l86  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

les  heures  de  la  nuit,  car  pour  les  Romains  la  2c  heure  de  la  nuit  à  la 
fin  de  décembre  devait  correspondre  à  peu  près  à  6  heures  du  soir, 
bien  que  leur  nuit  fût  divisée  en  veilles  et  non  en  heures. 

On  voit  combien  la  question  reste  obscure.  L'âge  que  Binet  donne 
en  C  à  Ronsard  au  moment  de  sa  moi*t,  à  savoir,  61  ans,  3  mois  et 
16  jours  (ce  qui  reporte  sa  naissance  à  la  date  traditionnelle  du  11  sep- 
tembre 1524),  ne  nous  permet  pas  de  la  résoudre  mieux,  car  il  faudrait 
encore  connaître  l'heure  de  sa  naissance. 
P.  35,  1.  9.  —  (hidii  S.  Cosme.  Il  fut  enterré  dans  le  chœur  à  gauche  du 
grand  autel.  On  nelui  éleva  d'abord  aucun  tombeau  (v.  ci-dessous, p.  186, 
au  motoXoç,  la  remarque  d'E.  Pasquier).  Ce  fut  seulement  en  1609  que 
Joachim  de  la  Chétardie,  prieur  de  St-Cosme  depuis  1605,  mit  à  cette 
place  une  plaque  tumulaire  en  marbre,  ornée  du  buste  du  poète  et  d'une 
inscription  qui  a  été  reproduite  par  Colletet  [Vie  de  Ronsard,  p.  117), 
par  Blanchemain  (éd.  de  Ronsard,  VIII,  53),  par  Marty-Laveaux  [No- 
tice sur  Ronsard,  p.  c.iv). 

V.  encore  Rochambeau,  op.  cit.,  p.  111  :  abbé  Chevalier, op.cj/.;  Hal- 
lays,  Ann.  Flécli.  d'avril  1903,  qui  reproduit  ce  monument  d'après le/?e- 
cueil  de  Gaignicres,  p.  186  ;  et  surtout  l'étude  très  exacte  et  documentée 
de  P.  Dufay  sur  Le  Portrait,  le  Buste  et  l'Epitaphe  de  Ronsard  au  Musée 
de  Blois,  pp.  14  et  suiv.  Le  marbre  funéraire  de  St-Cosme,  avec  son 
inscription  très  lisible  encore,  figure  au  Musée  de  Blois,  sous  le  n°  765. 
P.  35,  1.  11.  —  enrichi.  Cf.  l'ode  A  sa  Lire  : 

Je  pillai  Thebe  et  saccageai  la  Fouille 
T'enrichissant  de  leur  belle  dépouille..., 

et  l'épître  dédie,  du  Commentaire  des  Amours  par  Muret  :  «....  lequel 
pour  avoir  premier  enrichy  nostre  langue  des  Grecques  et  Latines 
despouilles,  quel  autre  grand  loyer  en  a-il  encores  rapporté  ?  » 

Même  métaphore  dans  G.  Critton  :  «  Sed  patriae  nimia  charitas 
efficit  ut  Gallicam  Musam  lubentius  arriperet,  quam  externis  illis  et 
transmarinis  Graecorum  ac  Latinorum  spoliis  satis  habuit  locupletari, 
verba  ipsa  populis,  a  quibus  ea  profecta  sunt  censuit  relinquenda.  » 
[Laud.  fun.,  p.  6.) 
P.  35,  1.  15.  —  ôXoç.  Ces  deux  distiques,  dans  lesquels  Binet  j,oue 
avec  complaisance  sur  les  mots  Cosmos  (monde)  et  Cosme,  sont  du 
plus  mauvais  goût.  Ce  fut  souvent  celui  du  xn^'  siècle.  Le  calembour 
grec,  latin  et  français  était  volontiers  cultivé  par  les  gens  lettrés, 
notamment  par  les  magistrats  et  les  avocats. 

Cf.  Est.  Pasquier  :  «  Ronsard  mourut  le  27  décembre  1585,  en  son 
prioré  de  Saint-Cosme,  près  de  Tours,  où  il  fut  enterré  à  costé  senestre 
de  l'autel  (si  vous  entrez  dedans  l'église),  sans  qu'il  y  ait  aucune 
marque  du  tombeau,  fors  une  vingtaine  de  carreaux  neufs  de  brique,  au 
milieu  de  plusieurs  autres  vieux  :  qui  fut  cause  qu'un  jour  Saint  Marc, 
1589,  oyant  vespres  en  ce  lieu,  poussé  de  son  influence  ou  bien  d'un 
juste  dépit  de  voir  ce  grand  personnage  en  une  sépulture  si  pauvre,  je 
lui  fis  sur-le-champ    cet  autre   epitaphe,    qui  ne    peut   être    approprié 

qu'à  lui  : 

Si  Latiis  niundus,  Graiis    qui  /.OTfJLOî  habetur 
Atque  tuus  toto  florct  in  orbe  labor, 


ET    CRITIQUE  187 

Dignius  hoc  nulliim  poleras  sperare  sepulcrum, 
In  Cosmi  sancta  qui  requiescis  humo. 

Et  à  l'instant  mesme  le  traduisis  en  cette  façon  : 

Si  Cosme  en  grec  dénote  l'univers. 

Et  que  ton  nom  embelli  par  tes  vers 

Passe  bien  loin  les  bornes  du   royaume. 

Tu  ne  pouvois  choisir  manoir  plus  beau, 

Pour  te  servir,  mon  Ronsard,  de  tombeau. 

Que  ce  saint    lieu,    ainçois  que   ce  saint  Cosme  ». 

(Rech.  de  la  Fr.,  VII,  chap.  x,  éd.  d'Amsterdam  1723,  tome  I,  col. 
730  ;  cf.  tome  II,  col.  932.  A  noter  que  ce  chap.  a  été  rédigé  vers  1607, 
avant  l'érection  du  marbre  funéraire  dû  à  Joachim  de  la  Chétardie.) 

P.  35,  1.  27.  —  jusqu'à  la  mort.  Ce  sizain  n'est  qu'une  variante,  ou 
plutôt  une  réminiscence,  des  deux  premières  strophes  d'une  odelette 
A  P.  Paschal,  publiée  en  tête  du  Bocage  de  1554,  supprimée  par 
Ronsard  dès  sa  première  édition  collective  en  1560,  et  par  conséquent 
inconnue  de  Binet.  La  source  primitive  est  un  fragment  de  Callimaque, 
publié  par  Turnèbe  en  1553,  et  traduit  antérieurement  par  Muret 
dans  ses  Juvenilia  (v.  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lijr.,  pp.  124  à  126, 
surtout  la  note  1  de  la  p.  126). 

P.  35,  1.  31.  —  ses  serviteurs.  Binet,  d'après  la  parenthèse  de  cette 
phrase,  devait  avoir  sous  les  yeux  le  testament  de  Ronsard,  ou  une 
copie  communiquée  par  Galland.  Cette  pièce  semble  aujourd'hui  per- 
due. Mais,  le  même  jour,  il  fit  rédiger  par  M''  Chevrolyer,  notaire  à 
Tours,  un  acte  complémentaire  qui  nous  est  parvenu  :  «  Oubliant,  dit 
L.  Froger,  l'abandon  qu'il  avait  fait  de  ses  prieurés  en  faveur  de  Jean 
Galland  (le  20  septembre  précédent;  v.  ci-dessus,  p.  178,  aux  mots  «  de  sa 
volonté  ))),  ou  cédant  à  des  influences  que  nous  ignorons,  faute  de  con- 
naître assez  les  personnages  qui  l'entouraient  »,  Ronsard  abandonna  les 
mêmes  bénéfices  à  d'autres,  celui  de  Saint-Guingalois  à  Gatien  Mo- 
reau,  prêtre  du  diocèse  du  Mans,  celui  de  Croixval  à  René  Guétier, 
prêtre  du  diocèse  du  Mans,  celui  de  Saint-Gilles  à  Pierre  Mouzay, 
prêtre  du  diocèse  de  Tours.  La  copie  de  cette  résignation,  qui  se 
trouve  aux  Archives  de  la  Sarthe  (XVIIIe  registre  des  Insinuations, 
f°  108  ro),  a  été  publiée  par  l'abbé  Froger  dans  son  Ronsard  ecclésias- 
tique, p.  68. 

Après  le  décès  de  Ronsard,  ces  trois  personnages  se  hâtèrent  de 
prendre  possession  des  susdits  bénéfices.  Galland  ne  put  les  devancer; 
il  réussit  cependant,  en  avril  1586,  à  écarter  ses  concurrents  et  resta 
paisible  possesseur  des  trois  prieurés  que  son  ami  avait  d'abord  résignés 
en  sa  faveur  (cf.  un  article  de  l'abbé  Froger,  De  trois  bénéfices  vacants 
à  la  mort  de  Ronsard,  Ann.  Fléch.  de  mai  1907,  p.  169). 

P.  36,  1.  1.  —  Sirlet.  Guillaume  Sirlet,  né  en  1514  à  Guardavalle  (Ca- 
labre),  mourut  à  Rome  le  8  octobre  1585.  Professeur  de  rhétorique  à 
Rome,  puis  précepteur  du  futur  pape  Marcel  II,  il  devint  en  1555  secré- 
taire du  Concile  de  Trente,  cardinal,  évêque  de  San  Marco,  enfin  con- 
servateur de  la  Bibliothèque  du  'Vatican.  Grand  érudit,  qui  a  laissé  des 
Adnotationcs  in  psalmos,    quelques  Vies  des  Saints,  traduites  en  latin 


l88  r.OM-\IF.\T\inF     mSTOUlQLF 

du    grec  de    vSimcon  Métaphraste,  et   une   traduction  latine   du  Méno- 
logedes  Grecs.  A  en  somme  peu  produit. 

P.  36,  1.  2.  —  Foix.  Paul  de  Foix,  né  en  1528,  mourut  à  Rome  en  mai 
1584.  C'est  Marc-Antoine  Muret  qui  prononça  son  Oraison  funèbre  le 
20  mai,  jour  des  obsèques,  en  l'église  Saint-Louis- dès-Français.  Il  fut 
conseiller  au  Parlement  de  Paris  dès  1546,  ambassadeur  en  Fcosse  et 
Angleterre  1561-65)  ;  puis  conseiller  d'Etat,  ambassadeur  à  Venise 
(1570)  et  derechef  en  Angleterre,  archevêque  de  Toulouse  (1576),  enfin 
ambassadeur  à  Rome  jusqu'à  sa  mort.  Dans  une  Elégie  de  1565,  Ron- 
sard lui  avait  prédit  qu'il  serait  garde  des  sceaux  à  la  mort  de  L'Hos- 
pital  (Bl.,  III,  363)  ;  en  quoi  il  fut  mauvais  prophète.  —  Les  Lettres  de 
Messirc  Paul  de  Foix  ont  été  publiées  en  1628,  avec  la  traduction  du 
panégyrique  latin  que  Muret  lui  avait  consacré. 

P.  36,  1.2.—  Pybrac.  Il  mourut  le  27  mai  1584.  V.  ci-des.sus,  p.  147, 
aux  mots  «  premiers  rangs  ». 

P.  36,  1.  2.  —  Sigon.  Charles  Sigon  (Carlo  Sigonio,  en  latin  Sigonius), 
né  à  Modéne  en  1524,  mourut  en  1584.  Professeur  de  grec  à  Modène, 
puis  de  littérature  à  Venise,  puis  d'éloquence  à  Padoue,  où  il  fonda  le 
Ggmnasinni  pataviniim,  il  alla  se  fixer  en  1563  à  Bologne,  où  il  jouit 
comme  archéologue  d'une  immense  réputation.  A  surtout  étudié  la 
politique  des  Anciens  et  rendu  de  grands  services  à  la  science  dans  le 
domaine  de  l'histoire  et  du  droit.  Les  œuvres  nombreuses  de  cet  érudit, 
dont  la  critique  était  très  sûre  et  le  style  latin  d'une  suprême  pureté, 
ont  été  réunies  et  publiées  à  Milan  en  6  vol.  in-folio,  de  1732  à  1737, 
avec  sa  biographie  par  Murât ori. 

P.  36,  1.  3.  —  Muret.  Mort  à  Rome  le  4  juin  1585.  V.  ci-dessus,  p.  104, 
aux  mots  «  en  V Eloquence  Latine  ».  Claude  Binet  fut  en  relations  de 
correspondance  suivie  avec  lui,  sans  doute  à  partir  de  la  publication 
de  son  anthologielatine,  Peironii  Arbitri Epigrammata  (Poitiers,  1579), 
qui  contient  un  hommage  poétique  au  célèbre  humaniste.  Trois  lettres 
de  Muret  publiées  par  P.  de  Nolhac  nous  renseignent  surleur  intimité, 
l'une  adressée  à  Féd.  Morel  en  septembre  1583,  l'autre  au  même  en 
novembre  1583,  et  la  troisième  à  Jacques  Gillot  en  juillet  1584  {Mélan- 
ges Graux,  pp.  398,  399-400,  402).  —  Dans  cette  dernière  lettre,  où 
Muret  parle  de  ses  misères  physiques  et  prévoit  sa  fin  prochaine,  je 
relève  cette  phrase  qui  a  peut-être  inspiré  ici  Binet  (car  les  lettres  de 
Muret  circulaient  chez  les  amis)  :  «  Quicquid  erit  feram  aequo  animo. 
Lumina  sis  oculis  etiam  très  illi  magni  viri  Foxius,  Pibracus,  Ferrerius 
reliquerunt,  quorum  quilibet  multis  rébus,  quam  ego  sum,  mclior  et 
reipublicae  utilior  fuit.  » 

p.  36.  1.  3.  —  Victor.  Pierre  Victor  (Petro  Vettori,  en  latin  Victorius), 
né  à  P^lorence  en  1499,  mourut  dans  la  même  ville  le  19  décembre 
1585.  Gonfalonier  de  la  république  florentine,  puis  professeur  de  litté- 
rature ancienne  après  la  chute  de  Florence.  Ses  cours  très  brillants 
sur  les  auteurs  grecs  et  latins  attiraient  des  élèves  de  toute  l'Europe. 
Sénateur  de  Florence  en  1553.  Homme  exceptionnel  tant  au  pointde  vue 
politique  qu'au  point  de  vue  scientifique.  A  créé  la  critique  des 
textes  par  la  comparaison  des  manuscrits.  A  publié  des  éditions  de 
Cicéron  (Lettres),    des    Agronomes    latins,  d'Aristote,    d'Eschyle,    de 


ET    CUn  IQIE  189 

Térence,  et  35  livres  de  Variae  lectiones,  recueil  d'études  et  de  correc- 
tions sur  les  auteurs  anciens- 
P.  36,  1.  5.  —  en  ténèbres.  On  connaît  les  ligues  de  Montaigne  sur 
deux  de  ces  hommes  :  «  Ainsi  en  parloit  le  bon  monsieur  de  Pibrac, 
que  nous  venons  de  perdre...  Cette  perte,  et  celle  qu'en  mesme  temps 
nous  avons  faicte  de  Monsieur  de  Foix,  sont  pertes  importantes  à 
nostre  couronne.  Je  ne  scay  s'il  reste  à  la  France  de  quoy  substituer 
une  autre  coupple,  pareille  à  ces  deux  Gascons,  en  sincérité  et  en  suffi- 
sance, pour  le  conseil  de  nos  Roys.  C'estoyent  âmes  diversement  belles... 
Mais  qui  les  avoit  logées  en  cet  aage,  si  desconvenablcs  et  si  dispropor- 
tionnées à   nostre  corruption,  et  à  nostempestes  ?  »  [Essais,  III,  ch.  9.) 

On  trouvera  un  jugement  analogue  sur  ces  deux  hommes  dans  De 
Thon,  qui  note  lui  aussi  la  disparition  simultanée  d'une  douzaine  de 
personnages  éminents  dans  la  politique  ou  les  lettres,  entre  autres 
Foix  et  Pibrac  en  1584,  Sirlet,  Muret,  Vettori,  Sigonio  et  Ronsard  en 
1585.  [Ilist.,  fin  des  livres  LXXX  et  LXXXII,  trad.  de  1734,  tome  IX, 
pp.  256  et  409.) 
P.  36,  1.  14.  —  ù  ce  Cygne.  La  Biblioth.  Nationale  possède  cette  pla- 
quette falsifiée,  sous  la  cote  Ln-^,  17838.  Voici  son  titre  complet  : 

Epitaphes,  |  Mort  et  dernières  |  parolles  de  Pierre  de  |  Ron- 
sard, gentil-homme  Vandomois,  Poëte  du  Roy. 

Ensemble  les  excellens  vers  Chrestiens,  qu'il  a  faits,  six  heures 
avant  que  mourir. 

Plus  le  dernier  à  Dieu,  qu'il  a  donné  à  ses  amis  :  et  la  belle  remons- 
trance  qu'il  leur  fit  en  mourant. 

A  Paris,  pour  Laurens  du  Coudret,  à  la  rue  des  Coipeaux.  1584.  Avec 
privilège  du  Roy. 

Cette  plaquette  se  compose  de  8  ff.  y  compris  le  titre  et  le  privilège 
royal,  qui  est  du  1er  août  1584.  —  Le  titre  est  répété  au  r°  du  deuxième 
f'^.   Puis  vient  cette  préface  : 

«  Les  veilles,  lestravauset  les  ennuysqui  ontaccompagné  la  jeunesse 
de  Monsieur  de  Ronsard,  les  gouttes  et  les  assidues  maladies  qui  l'ont 
saisi  en  sa  vieillesse,  luy  ont  de  beaucoup  advancé  ses  jours.  Joint 
qu'il  a  tenu  et  suyvi  tousjours  la  vie  de  garçon,  comme  aymant  mieux 
complaire  à  son  naturel,  qu'au  régime  de  sa  santé.  Je  ne  vous  donne 
point  ce  mot  de  discours  pour  y  chanter  ses  louanges.  Ces  louanges 
sont  si  éventées  et  si  recomnïandées  à  tous  les  bons  esprits  qu'il  n'est 
point  besoing  de  les  recommander  d'avantage.  Ce  n'est  seulement  qu'un 
advertissement  de  sa  mort,  afin  que  d'un  plus  ample  et  plus  grand 
discours,  quelque  docte  plume,  non  une,  mais  cent,  fasse  voler  la 
tristesse  et  le  regret  de  sa  mort  par  la  France,  de  la  France  par  l'Eu- 
rope, de  l'Europe  par  l'Atïrique,  par  l'Asie,  et  de  l'Asie  par  le  monde 
de  nouveau  créé  :  tant  que  les  Mers  rouges,  bleues,  grises.  Fleuves, 
Rivières,  Fontaines,  n'ayent  autre  nom  au  bruit  de  leurs  ondes,  que 
le  nom  du  grand  Ronsard  :  tant  que  les  Montz  cornus,  bossus,  plats, 
pointus,  tertres,  mottes,  grottes,  cavernes,  antres  n'ayent  autre  écho 
que  le  nom  de  ce  grand  de  Ronsard  :  que  les  bois,  forests,  boccages, 
saullaies,  arbres  et  buissons,  n'ayent  autre  cliquetis  que  du  nom  de 
Ronsard,  comme  son  mérite  le  demande. 


IQO  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

«  Crois-val,  une  de  ses  maisons  où  il  se  plaisoit  le  plus,  il  s'estoit 
retiré  là  pour  vaquer  tant  ù  la  vie  rustique  qu'à  l'entretenement  de  ses 
fantasies.  Comme  il  s'adonnoit  à  divers  exercices,  une  fièvre  le  print 
après  avoir  mangé  d'un  cocombre.  Cette  fièvre  fut  tierce,  de  tierce  elle 
devint  quotidienne  et  de  cotidicnne  [sic]  elle  devint  continue  :  tellement 
qu'estant  afloibli  par  la  fièvre  et  saisi  de  douleur  par  tous  les  membres, 
il  commença  à  redouter  la  mort.  Et  s'asseura  de  mourir,  car  il  se 
trouva  fort  saisi  du  costé,  si  bien  qu'il  ne  pouvoit  avoir  son  alleine 
qu'à  grand  peine.  Il  n'avoit  rien  si  sain  que  l'esprit,  comme  il  monstra 
le  lendemain  qui  estoit  ung  Dimanche:  environ  les  huict  heures  dudict 
Dimanche,  après  qu'il  eust  pris  un  boillon,  il  dicta  et  fit  escrire  les 
vers  qui  s'ensuj'vent.  Le  suget  desquels, comme  je  croy,  il  avoit  prémé- 
dité, avant  qu'il  fut  malade.  » 

Suit  une  ode  de  sept  huitains,  intitulée  «  Vers  chrestiens,  faits  par 
Monsieur  Ronsard  sis  heures  auparavant  sa  mort  »  ;  puis,  en  prose,  les 
dernières  paroles  du  poète  à  ses  amis  ;  puis  deux  épitaphes  en  forme 
de  sonnets  ;  quatre  vers  sur  la  Franciade  ;  enfin  le  privilège  du  Hoy. 

J'ai  réédité  la  plaquette  entière  dans  les  Annales  Flcch . ,  no  de  mai- 
juin  1908. 
P.  36,  1.  25.  —  Fcrrier.  Arnauld  ou  Arnoul  Ferrier,  jurisconsulte,  ma- 
gistrat, diplomate,  homme  d'Etat,  né  à  Toulouse  en  1508,  mort  en  1585. 
Professeur  de  Droit  à  Bourges,  puis  à  Toulouse  ;  conseiller  au  Parle- 
ment de  Paris  ;  ambassadeur  au  Concile  de  Trente,  puisa  Venise  ;  enfin 
chancelier  de  Henri  de  Navarre.  Cf.  Se.  de  S.  Marthe,  Elogia  ;  E.  Frémy, 
Un  ambassadeur  libéralsous  Charles IX  et  Henri  III,  Paris,  1880,  in-8. 
P.  36, 1.  33.  —  ccst  Empire.  C'est  le  no  cxv  des  Quatrains  du  Sgr  de  Py- 
brac.  Il  a  paru  dès  1575  dans  la  Continuation  des  Quatrains  (Paris, 
Fed-  Morel).  Cf.  la  réédition  de  1874,  par  J.  Claretie,  pp.  98  et  158. 
—  Mais  ce  n'est  pas  le  recueil  de  Pibrac  qui  suggéra  à  Binet  l'idée  de 
citer  ce  quatrain  en  B.  L'idée  lui  en  vint  à  la  lecture  d'un  sonnet  qui 
avait  été  inséré  dans  l'édition  princeps  du  Tombeau  de  Ronsard.  Il  suffit 
pour  s'en  convaincre  de  lire  ce  sonnet  et  de  remarquer  qu'il  contient 
l'addition  de  B  relative  à  Arnauld  Ferrier  ;  on  n'hésitera  plus  à  le 
prendre  pour  une  source  de  Binet,  quand  on  saura  qu'il  n'existe  que 
dans  l'édition  princeps  du  Tombeau  et  que  Binet  le  fit  disparaître  de  la 
réédition  après  en  avoir  fait  passer  la  substance  dans  la  Fie  de  Ron- 
sard. Voici  ce  sonnet,  extrait  de  la  p.  123  du  Tombeau  : 

Pybrac  a  bien  dit  vra5%   que    lors  que  Dieu  retire 
D'entre  nous  coup  à  coup  les  hommes  vertueux, 
C'est  un  signe  certain  d'orage  impétueux 
•  Qui  doit  faire  trembler  tosl  après  un  Empire. 

Il  n'estoit  presque  mort,  par  manière   de  dire. 
Que,  De;  Foix  le  suivant  au  tombeau  hictueux 
Avecques  Du  l'iîiiuncii,  un  temps  tempestueux 
N'ayt  brouillé  cet  Kstat  de  feu,  de  sang  et  d'ire. 

Tout  depuis  nous  n'avons,  helas  !  oiiy  parler 
Sinon  de  remu'ments  bastans  pour  esbranler 
La  France  vers  sa  lin,  si  Dieu  ne  la  contemple  : 

Mais  j'en  suis  hors  d'espoir,  puis  que  semblablement 
Ce  grand  Ronsard  est  mort,  Ronsard  qui  fut  le  Temple 
Des  Vertus,  et  qui  fut  des  François  l'ornement. 

1.  Lenglez,  Secrétaire  de  feu  Monseigneur. 


I 


ET    CUITIQUE  191 

P.  37,  1.  13-  —  regrettée.  Galland  était-il  au  prieuré  de  S*-Cosme  au 
moment  de  la  mort  de  Ronsard,  ou  n'y  arriva-t-il  que  pour  assister 
à  l'enterrement  ?  A  cet  égard  le  témoignage  de  Binet  est  extrêmement 
vague  et  ne  nous  renseigne  nullement. 

Du  Perron  raconte  que  Galland  arrivaàS'-Cosrae  la  veille  delà  mort  du 
poète,  assez  à  temps  pour  avoir  avec  lui  un  suprême  entretien,  qu'il  expose 
tout  au  long  (v.  ci-dessus,  pp.  181  et  184,  aux  mots  «  faiblesse  dn  corps  » 
et  «  quatre  vints  et  cinq  ))  ;  et  le  Ronsard  de  Bl.,  VIII,  207-208).  Mais 
on  aurait  le  droit  de  suspecter  son  témoignage  ;  car  cet  entretien,  qui 
d'après  sa  première  rédaction  avait  eu  lieu  à  Croixval  en  novembre, 
n'a  pris  place  à  S'-Cosme  à  la  fin  de  décembre  que  dans  sa  seconde 
rédaction,  onze  ans  après  la  mort  du  poète,  et  peut-être  sur  la  demande 
de  Galland  (Du  Perron  s'est  contenté  de  le  transposer).  — G.  Critton 
n'y  a  pas  fait  la  moindre  allusion.  Seul  J.  Velliard  a  laissé  à  ce  sujet 
un  document,  qui, lu  à  la  cérémonie  funèbre  du  collège  de  Boncourt  le 
24  février  1586,  deux  mois  à  peine  après  la  mort  de  Ronsard,  et  fondé 
très  probablement  sur  un  récit  de  Galland,  inspire  une  certaine  con- 
fiance et  nous  porte  à  croire  que  celui-ci  vit  bien  Ronsard  la  veille  de 
sa  mort.  D'abord  Velliard  commence  ainsi  son  épître-préface  à  Gal- 
land :  «  Particula  muneris  ejus  adest,  Gymnasiarcha  sagacissime, 
quod  ad  calend.  Februarii  jamjam  ïuronibus  reversus  nobis  detu- 
listi.  »  Ceci  pourrait  simplement  prouver  que  Galland  est  allé  à  Tours  ; 
mais  voici  qui  est  plus  précis  :  «  Cum  superioribus  diebus  eum  (Ron- 
sardum)  visisti  ad  divum  Cosmum,  quô  se  tanquam  ad  /Esculapium 
valetudinis  gratia  receperat,  illis  ipsis  summis  angoribus  quibus  im- 
plicatus  omnes  ab  aspectu,  a  consortio,  a  sermone  semoverat  :  vir 
senio  confectus,  lecto  defixus,  gravissimè  doloribus  totius  corporis 
oppressus,  involavit  tibi  in  coUum,  exiluit  gaudio  et  triumphavit 
laetitia,  te  amplexatus  est,  lateribus  quani  potuit  firmissimis  testatus 
est  tui  unius  causa  vitam  sibi  non  esse  acerbam,  quam  tum  ita  miserè 
trahebat  ut  eam  mox  egerit,  te  ut  antiquum  hospitem  humanissimè 
accepit,  ut  intimum  splendidè  tractavit,  ut  filium  unicum  haeredem 
ex  asse  fecit.  »  (Laud-  fan.  II,  f*  19  r"  et  v".) 

P.  37,  1.  23.  —  Lundi  24"  de  février  15<S6.  Cette  date  de  la  cérémonie 
funèbre  en  l'bonneur  de  Ronsard  est  confirmée  par  Du  Perron  dans  son 
Oraison  fun.  :  «  Là  où  nous  pouvons  encore  remarquer  en  passant  que 
la  prise  du  Roy  François  devant  Pavie  (24  février  1525),  qui  est  l'ac- 
cident duquel  il  a  voulu  illustrer  l'année  de  sa  nativité,  se  rencontre 
justement  en  un  mesme  jour  que  cestuy-cy,  auquel  nous  célébrons  la 
mémoire  de  sa  mort,  qui  est  la  feste  S.  Matthias  »  {texte  princeps,  pp. 
24  et  25). 

Elle  est  encore  confirmée  par  la  fin  de  la  dédicace  des  Derniers  vers 
de  P.  de  Ronsard.  Cf.  Marty-Laveaux,  Notice  sur  Ronsard,  pp.  c  à 
cm,  en  ayant  soin  de  lire  le  début  :  «  Près  de  deux  mois  après...  », 
au  lieu  de  :  «  Près  de  trois  mois  après...  »,  et  de  corriger  le  lapsus  de 
Du  Perron,  qui  est  cause  de  cette  erreur.  Ce  n'est  pas  le  18  mars  que 
«  le  dessein  de  ces  funérailles  fut  pris  «dans  un  «  festin  »  offert  par 
Desportes  à  quelques  admirateurs  de  Ronsard  ;  c'est  le  18  février,  mardi 
gras  de  l'année  1586.  Ce    lapsus,  commis  par  Du  Perron  dans  la  dédi- 


iga  COMMENTAIKE    HISTORIQUE 

cace  de  son  Oraison  fnn.,  n'apparaît  qu'à  partir  de  la  5e  édition  (1611), 
ainsi  que  toute  la  phrase  qui  le  contient,  depuis  :  «  Et  vous  souvien- 
drez... » 

Dans  cette  phrase  insérée  après  la  mort  de  Desportes,  Du  Perron  dé- 
clare que  «  le  dessein  de  ces  funérailles  fut  pris  »  chez  Desportes.  Si 
cela  veut  dire,  comme  l'a  cru  Marty-Laveaux,  qu'on  y  décida  de  faire 
la  cérémonie  funèbre  en  l'honneur  de  Ronsard,  c'est  une  erreur  de  Du 
Perron,  car  Galland  en  a  revendiqué  l'initiative  soit  par  la  plume  de 
Binet,  soit  parla  sienne  ;  en  outre  J.  Velliard  (dédicace  de  sa  Laiidatio 
fnnehris)  et  J.  de  Thou  [Ilist.,  LXXXII,  fin)  ont  dit  expressément  que 
ce  fut  Galland  qui  projeta  et  organisa  cette  cérémonie.  Marty-La- 
veaux, en  attribuant  cet  honneur  à  Desportes,  a  été  trompé  par  le  texte 
très  postérieur  de  Du  Perron,  ou  l'a  mal  interprété.  Je  croirais  plutôt 
que  Du  Perron  a  voulu  dire  qu'on  arrêta  chez  Desportes,  d'accord 
avec  Galland,  au  dîner  du  18  février,  le  plan  de  la  cérémonie. 
En  fait  d'initiative.  Desportes  eut  seulement  celle  de  «  faire  entrepren- 
dre »  ce  soir-là  à  Du  Perron  VOraison  funèbre  de  Ronsard,  qui  fut  par 
conséquent  composée  en  moins  d'une  semaine  ;  voilà  ce  qui  ressort 
nettement  de  la  dédicace  primitive  de  ce  discours. 
P.  37,  1.  25.  —  Musique  du  Roy.  Le  Requiem  en  cinq  parties  chanté 
aux  funérailles  de  Ronsard  a  été  récemment  remis  en  lumière  par 
M.  Julien  Tiersot,  à  la  fin  de  sa  brochure  sur  Ronsard  et  la  musique 
de  son  temps,  pp.  72  et  suivantes  :  «  Le  poète,  dit-il,  ne  fut  pas  seule- 
ment célébré  par  la  parole  ;  il  le  fut  aussi  par  la  musique  :  un  Requiem 
fut  composé  tout  spécialement  pour  la  circonstance.  Cette  œuvre  eut 
pour  auteur  un  jeune  compositeur  qui,  pour  ses  débuts,  avait  été  l'âme 
musicale  de  cette  Académie  de  Baïf  dont  la  fondation  était  encore  due 
à  l'influence  des  idées  de  Ronsard  et  de  la  Pléiade  sur  l'union  de  la 
musique  et  de  la  poésie  «  Or  tant  de  poètes  qui  florissoient  alors  ne 
sembloient  produire  leurs  gentillesses  que  pour  les  faire  vivre  sous  les 
airs  de  Mauduit.  »  Ainsi  s'exprime  le  P.  Mersenne,  dans  VEloge  de 
Jacques  Maudiiit,  excellent  musicien,  qu'il  imprima  à  la  fin  du  premier 
volume  de  son  Harmonie  universelle.  «  La  première  pièce  qui  fit  pa- 
roistre  la  profonde  science  de  ses  accords,  ajoute  Mersenne,  fut  la  messe 
de  Requiem  qu'il  mit  en  musique  et  fit  chanter  au  service  de  son  amy 
Ronsard,  en  la  célèbre  assemblée  de  la  chapelle  du  Collège  deBoncourt, 
où  le  grand  du  Perron  se  fit  admirer  par  l'Oraison  funèbre  de  ce  pro- 
digieux génie  de  la  poésie-  »  Le  livre  de  Mersenne  est  de  1636  :  déjà 
Malherbe  était  venu,  et  c'est  dans  l'année  même  que  Corneille  donna 
le  Cid.  Et  pourtant  on  vient  de  voir  comment  un  homme  d'esprit  supé- 
rieur savait  encore  parler  de  Ronsard.  Ainsi  par  la  musique  le  poète 
touche  à  deux  siècles.  A  1  heure  de  ses  débuts  il  avait  eu  pour  premier 
collaborateur  le  vieux  Janequin,  le  musicien  de  François  h'',  le  chantre 
de  Marignan  ;  puis  tous  les  maîtres  de  son  temps  avaient  tenu  à  hon- 
neur de  lui  apporter  l'hommage  de  leurs  harmonies  et  d'en  orner  ses 
vers.  Un  plus  jeune  écrivit  les  accords  funèbres  qui  retentirent  autour 
de  sa  dépouille  ;  et  voilà  que  plus  de  50  ans  après  sa  mort  nous  trou- 
vons encore  un  éloge  catégorique  sous  la  plume  du  plus  savant  mu- 
sicien qu'ait  connu  le  nouveau    siècle,    Mersenne,    1  ami  de   Descartes. 


ET    CRITIQUE  l<).H 

La  suite  du  chapitre  de  l'Harmonie  universelle  reproduit  le  répons  de 
Mauduit.  »  (Il  s'agit  du  répons  de  l'absoute,  que  Tiersot  transcrit  aussi.) 
Sur  la  Musique  du  Roi  et  sur  Mauduit,  v.  encore  Fétis,  Diclionn.  des 
Musiciens,  et  E.  Frémy,  Acad.  des  dern.  Valois,  pp.  116  et  389,  n.  2. 
p.  38,  1.  1.  —  à  sa  mcnio/rp.  Outre  rOraJso/i/"n;i.  de  Du  Perron, dont  nous 
parlons  plus  loin,  deux  professeurs  du  collège  de  Boncourt,  Jacques 
Velliard,  chartrain,  et  Georges  Critton,  écossais  (d'après  Colletet,  Vie 
de  Ronsard,  éd.  cit-,  p.  119,  composèrent  pour  la  circonstance  des 
Eloges  funèbres  en  latin.  Ces  éloges  furent  lus  par  leurs  meilleurs  élè- 
ves, comme  en  témoignent  les   diverses  éditions  : 

If  La  Laudatio  fnnehris  I  de  Velliard,  par  F.  Canelle,   de  Paris  ; 
2"  La  Laudalio  fan-  II  de  Velliard,  par  F.  Cheminart,  de  Nantes  ; 
3"  Le  Carmen  hcroïcum  de  Velliard,  par  J .  Meunier,  de  Dijon  ; 
4°  La  Laudatio  fun.  de  Critton,  par  Pierre  Perreau,  de  Moulins  ; 
5°  L.Epicedinm   de  Critton,  par  Charles  Bindé,  d'Orléans. 
Les  deux  opuscules  où  parurent  ces  Eloges   contenaient  en  outre  des 
distiques  et  des  «  épigrammcs  »  latins  de  .lacques  et  Louis  Velliard,  de 
J.  Galland,  de   Georges  Critton  et  de  Guill.  Chauveau,  Le  Tombeau  de 
Ronsard  ne  put  être  publié  que  quelques  semaines  après  cette  cérémonie, 
mais  la  plupart  des  pièces  qui    le  composaient  durent  être  écrites  pour 
le  24  février,  jour  des  obsèques  solennelles  (v.  ci-dessus,  Introd.  §  II). 
P.  38,   1.  3.   —  d'appartenir.  Expression  vague  qui  fait  sans    doute  allu- 
sion aux  relations    qui  s'étaient  établies  entre  Ronsard  et  le  duc  Anne 
de  Joyeuse,  amiral  de  France,  au  moment  du  mariage  de    celui-ci  avec 
Marguerite  de   Lorraine- Vaudemont,  belle-sœur  de    Henri  III  (24  sep- 
tembre 1581);  V.  ci-dessus,  p.  173,  au  mot  <  volontiers  »,  et  P.  Lacroix, 
Ballets    et   Mascarades    de    la    Cour,   Introd.  On    trouvera   les   pièces 
(épithalame  et  mascarades)    que   Ronsard   a    écrites    pour   ce  mariage 
au  tome  IV  de  l'édition  Blanchemain,  pp.  170    à    176    et  p.   211.  En 
outre,  le   livre  des  Elégies    est  dédié  à  ce  même  personnage   en    1584. 
Quant  à  son  frère  cadet,  François  de  Joyeuse,   qui  fut  nommé  arche- 
vêque de  Narbonne  à  20  ans  en  1582,  et  cardinal  l'année   suivante,  on 
ne  voit  pas  comment  Ronsard  pouvait  alors   lui  «  appartenir  ».    Peut- 
être  Binet  fait-il  allusion  à  ce  fait  que   la  volumineuse   anthologie  de  la 
Muse   chrestienne,     publiée  en    1582  (à  Paris,    chez  Germain  Malot)    et 
dédiée  précisément  à  François  de  Joyeuse,   contient  un    grand    nombre 
de  pages  extraites  de  l'œuvre  de  Ronsard.  Pour  ce  personnage,  au  ser- 
vice duquel  fut  Régnier  à   partir  de  1587,  v.  la  thèse  de  J.  Vianey   sur 
Mathurin  Régnier,  pp.  4  et  suiv. 
P.  38,  1.  12   —  de  tous  coslez.  Ce  discours  fut  publié    quelques  jours  ou 
quelques  semaines  après  la   cérémonie,   sous  ce  titre  :  Oraison   funèbre 
sur  la  mort    de  Monsieur    de   Ronsard,  parJ.  D.  du  Perron,    Lecteur 
de  la  Chambre  du  Roy,  à  Paris,   par  Federic    Morel,   imprimeur  ordi- 
naire du  Roy.  M.D.Lxxxvi.  Avec    privilège  dudict  Seigneur. 

La  Bibl.  Nat.  possède  deux  exemplaires  de  cette  édition  princeps  : 
l'une  (cote  Ln"^"  17839)  sans  dédicace,  l'autre  (cote  Ln'^^  17839  A) 
avec  dédicace  «  A  Monsieur  Desportes,  Abbé  d'Oreillac  [sic],  de  Tyron 
et  de  Josaphat  ».  Du  Perron  n  était  pas  encore  entré  dans  les  ordres  ;  il 
n'avait  que  27  ans  (d'après  le   titre  d'une  édition  postérieure,  celle  de 

VIE    DE   p.    DE    RONSARD.  13 


HJC\  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

1611).  Il  nous  apprend  dans  sa  dédicace  que  c'est  Desportes  qui  l'a- 
vait encouragé  à  «  entreprendre  »  cette  Oraison  et  à  la  publier,  Des- 
portes, auquel  il  semblait,  dit-il,  que  Ronsard  avait  «  resigné  la  gloire 
de  sa  profession  »,  le  laissant  «  comme  son  unique  successeur  ». 

On  lit  encore  dans  cette  dédicace  primitive  ces  lignes  intéressantes, 
qui  complètent  le  récit  de  Binet  :  «  Je  vous  l'envoie  donc  imprimée  de 
mot  à  mot,  tout  ainsi  qu'elle  a  esté  prononcée,  excepté  une  des  parties 
de  la  narration,  que  je  fu  contraint  de  laisser  à  cause  des  interruptions 
que  la  multitude  des  auditeurs  m'apportoit,  et  du  peu  de  loisir  qui  me 
restoit  pour  achever  de  la  prononcer  ».  Malheureusement  cette  dédi- 
cace n'est  pas  datée,  et  aucun  des  deux  exemplaires  de  la  Bibl.  Nat.  ne 
contient  de  privilège  (malgré  la  promesse  du  titre),  ni  d'achevé  d'impri- 
mer. 

En  revanche,  on  trouve  à  la  fin  ce  «  sonnet  de  R.  Cailler  Poitevin  »  : 

A  Monsieur   du    Perhon 

Verse,  grand  du  Perron,    sur  ceste  sépulture. 
Verse  le  doux  nectar  de  tes  divins  propos. 
Arrosant  de  Ronsard  les  cendres  et  les  os  : 
L'odeur  s'en  espandra  sur  la  race  future. 

Le  los  du  grand  Ronsard,  miracle  de  Nature, 
Aux  siècles  à  venir  annoncera  ton  los  : 
Soubs   mesmes  monuments  vous   vous    verrez    enclos, 
Et  jouyrez  tous  deux  d'une  mesme  adventure. 

A  pas  égaux  iront  son  renom  et  le  tien  : 
Toy  tu  seras  Mercure,  et  luy  le  Cynthien, 
Faits  ensemble  immortels  par  ta  bouche  faconde. 

D'une  gloire  semblable  on  vous  honorera  : 
D'estre  loué  de  toy  Ronsard  se  vantera. 
Et  toj'  tu  te  verras  loué  de  tout  le  monde. 

U Oraison  fiin.  de  Ronsard  par  Du  Perron  fut  rééditée  avec  des  rema- 
niements nombreux  et  importants  dans  les  éditions  collectives  de  Ron- 
sard, à  partir  de  1597,  à  la  suite  de  la  Vie  de  Ronsard  par  Binet.  La 
Bibl.  Nat.  possède  en  outre  deux  éditions  séparées,  l'une  de  1611  (cote 
Ln-^'  17839  B),  l'autre  sans  lieu  ni  date  (cote  Ln^'  17839  C). 

Sur  Du  Perron,  v.  l'abbé  P.  Féret,  Le  Cardinal  Du  Perron,  orateur, 
controuersiste,  écrivain  (Paris,  Didier,  1877,  in-8),  notamment  le 
livre  II,  chap.  i,  §  3,  qui  a  trait  à  son  oraison  funèbre  de  Ronsard. 

Sur  les  honneurs  que  J.  Galland  rendit  à  la  mémoire  de  Ronsard, 
voici  un  détail  intéressant  que  nous  devons  à  l'historien  De  Thou, 
lequel  est  un  témoin  tout  à  fait  digne  de  foi  ;  je  ne  l'ai  trouvé  nulle 
part  ailleurs  que  dans  son  ouvrage,  et  chez  Colletet,  qui  l'a  copié.  Après 
avoir  rappelé  les  relations  intimes  de  Galland  et  de  Ronsard,  la  céré- 
monie funèbre  du  collège  de  Boncourt  et  le  discours  de  Du  Perron,  De 
Thou  ajoute  :  «  Galland  fit  même  élèvera  Ronsard  une  statue  de  marbre 
dans  sa  chapelle  ;  et  longtemps  après  il  célébrait  encore  son  anniver- 
saire par  un  service  solennel,  et  par  des  disputes  littéraires,  dont  les 
tenans  étaient  les  meilleurs  étudians  de  son  Collège.  »  {Hist.,  livre 
LXXXII,  trad.  de  1734,  tome  IX.  p.  413). 
P.  38,  1.  13.  —  par  moy  faite.  Cette  «  Eclogue  »,  publiée  dans  l'éd. 
princeps  du    Discours    de  la    vie    de  Ronsard,  par  Cl.  Binet,  a  reparu 


ET    CRITIQli:  I()5 

dans  toutes  les  éd.  posthumes  des  Œuvres  de  Ronsard,  en  tête  de  son 
Tombeau-  On  la  trouvera  dans  léd.  Blanchemain,  t.  VIII,  p.  223. 
p.  38,  I.   16.  —   sépulture.  On  remarquera    lantithèse    de  mauvais  goût 
contenue  dans  cette  phrase   qui  clôt  la  biographie  proprement   dite.  — 
Pour  l'idée  contenue  dans  la  fin  de  la  phrase,  cf.  Du  Perron  :  «  Aussi 
certainement  pouvons  nous  dire   maintenant  que  la  poésie  Françoise  a 
faict  son  tour  et   sa  révolution   dans  le  cercle  et  dans   le  période  de  sa 
vie.  Il  Ta  veuë   en  son  orient,   il  l'a   veué  en    son    occident,  il  l'a  veuë 
naistre,  il  l'a  veuë  mourir  avec  luy  :  elle  a   eu  un  mesme  berceau,  elle 
a  eu  une  mesme  sépulture.  »  (Or.  fun.,  éd.  princeps,  pp.  82  et  83.) 
p.  38,  1.  20.  —  au  paravant.  Assertion  contestable  en  ce  qui  concerne  sa 
querelle  avec  les  poètes  de  cour,  de  1549  à  1553,  notamment  avec  M.  de 
Saint-Gelais,  et    peut-être  aussi   sa   querelle  avec  1  architecte  Ph.    De- 
lorme,  dont  la  fortune  rapide  semble  lui  avoir  fait  envie.  En  revanche, 
ces  lignes   de  Binet  paraissent  fondées  en  ce  qui   concerne  sa  brouille 
passagère  avec  A.  de  Baïf  en  1555  \y.  ci-dessus,  p.  129,  aux  mots  «  gui 
estait  Baïf  ï)),  avec  P.  de  Paschal,  bistoriogi-aphe  du  roi,  qui  abusa  de 
sa  confiance  (v.  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr-,  p.  127),  sa  rupture  avec 
Ch.   de  Pisseleu,  abbé  de  Bourgueil,  qui  fut  son  rival  heureux  auprès 
de  Marie    du    Pin    (ibid.,  p.    153),  sa   querelle  avec  les    huguenots  en 
1562  et  les  années  suivantes    (notamment  avec  Th.  de  Bèze,  Grevin  et 
FI.  Chrestien),  enfin  son  animosité  contre  André  Thevet,  qui  railla  les 
héros  de  la   Franciade  dans  sa    Cosmographie    universelle  (1575)  et  ne 
compta    pas    notre   poète   dans    la   galerie    de    ses    Hommes  illustres 
(1584). 

Binet  me  semble  d'ailleurs  s'être  inspiré  ici  d'un  passage  de  l'épître- 
préface  de  la  Responce  aux  injures,  où  Ronsard  dit  qu'il  a  répondu 
en  ce  poème  «  comme  par  contrainte  n  aux  livres  qu'on  avait  composés 
contre  lui,  et  ajoute  :  «  J'atteste  Dieu  et  les  hommes  que  jamais  je 
n'eu  désir  ny  volonté  d'offenser  personne,  de  quelque  qualité  qu'elle 
soit».  (Bl.,  VII,  p.  85.) 
P.  38,  1.  23.  -  Choiseul.  Cf.  BL,  VI,  201  ;  M.-L.,  V,  184.  Cette  pièce, 
très  importante  à  tous  égards,  parut  pour  la  première  fois  en  tête  de  la 
traduction  des  Odes  d'Anacréon,  par  R.  Belleau  (Paris,  A.  Wechel, 
1556),  sous  ce  titre  Elégie  de  P.  de  Ronsard  à  Chretophle  de  Choiseul 
abbé  de  Mureaux  ;  puis  Ronsard  l'inséra  la  même  année  à  la  fin  du 
2e  livre  des  Hymnes  (cf.  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  pp.  162  et  170). 
Dans  toutes  les  éditions  collectives  de  Ronsard,  contemporaines  ou 
posthumes,  on  la  trouve  imprimée  parmi  les  Poèmes,  et  dans  toutes, 
sans  aucune  exception,  elle  reste  dédiée  A  Chr.  de  Choiseul.  Mais  il 
n'en  va  pas  de  même  si  Ion  consulte  les  éditions  de  R.  Belleau.  Celui- 
ci,  après  avoir  dédié  son  Anacréonk  Chr.  de  Choiseul  en  1556,  trouva 
bon  de  le  dédier  à  partir  de  1572  Au  seigneur  Jules  Gassot,  Secrétaire 
du  Roy,  et  de  changer  en  même  temps  l'adresse  de  l'élégie  liminaire 
de  Ronsard  à  Choiseul,  qui  devint  VElegie  à  Jules  Gassot,  non  seule- 
ment dans  les  rééditions  de  VAnacréon,  mais  encore  dans  les  éditions 
collectives  des  œuvres  de  R.  Belleau  (Paris,  Mamert  Pâtisson,  1578, 
1585,  et  éd.  dérivées,  de  Lj'on,  1592,  de  Rouen,  1604). 

On  voit   quel  cas  il   faut    faire    de    cette    assertion    trompeuse    de 


T()()  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

G.  Colletet  :  «  Ainsi  l'élégie  (juc  Honsard  adressoit  à  Jules  Gassot,  sur 
le  subject  des  œuvres  de  Hem}'  Belleau,  passa  depuis  soubs  le  nom  de 
Christophle  de  Choiseul,  pour  des  raisons  qui  me  sont  incognues.  » 
(Vie  de  Ronsard,  p.  81.)  Colletet  aura  sans  doute  consulté  l'édition 
collective  de  Belleau  de  1578,  où  la  susdite  élégie  est  dédiée  à  Gassot, 
puis  une  édition  collective  de  Ronsard  postérieure  à  cette  date  ', 
sans  remonter  jusqu'à  l'édition  princcps,  sans  même  consulter  les 
éditions  collectives  de  Ronsard  antérieures  à  celle  de  Belleau  ;  de  là 
son  erreur.  —  Sainte-Beuve,  qui  pourtant  connaissait  le  Ronsard 
in-folio  de  1609,  a  renvoj'é  ses  lecteurs  à  «  l'élégie  ou  épître  de  Ron- 
sard à  Jules  Gassot  au  sujet  de  Rémi  Belleau  »  :  indication  également 
trompeuse,  car  on  chercherait  vainement  dans  les  œuvres  de  notre 
poète  cette  élégie  ainsi  intitulée.  Le  fait  d'avoir  ignoré  la  date  de  sa 
'publication  a  quelque  peu  faussé  le  jugement  que  porte  Sainte-Beuve 
sur  le  goût  littéraire  de  Ronsard.  {Tableau  de  la  p .  j'i\,  éd.  Charpen- 
tier, pp.  98,  note  1,  99  et  392.  Cf.  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr., 
p.  284,  note  2.) 

Pour  les  28  premiers  vers,  auxquels  Binet  fait  allusion,  Ronsard 
semble  s'être  inspiré  d'une  lettre  que  lui  adressa  en  1555  Estienne 
Pasquier  (la  8'^  du  livre  I  dans  les  Œuvres  complètes  de  Pasquier, 
Amsterdam,  1723). 

P.  38,  1.  25. —  Charles  de  Valois.  l\  s'agit  du  fils  naturel  de  Charles  IX  et 
de  Marie  Touchet,  qui,  d'après  le  P.  Anselme,  naquit  en  avril  1573 
et  mourut  en  1650.  Destiné  dès  sa  jeunesse  à  l'ordre  religieux  de  Malte, 
nommé  abbé  de  la  Chaise-Dieu  en  1586,  il  succéda  comme  Grand 
Prieur  de  France  à  Henri  d'Angoulême,  bâtard  de  Henri  II,  le  2  août 
1587.  «  Des  loi's,  dit  P.  de  l'Estoile,  le  roi  le  retira  et  fist  demeurer  à 
la  Cour,  près  sa  personne,  lui  faisant  grandes  démonstrations  de  bonne 
affection  et  bienveuillance.  »  Mais  en  1589  il  quitta  l'ordre  de  Malte 
pour  se  marier,  et  c'est  alors  que  Henri  III  lui  donna  les  comtés  de 
Clermont  et  d'Auvergne.  Après  cette  donation  il  prit  le  titre  de  comte 
d'Auvergne,  sous  lequel  on  le  désigna  couramment  durant  le  règne  de 
Henri  IV.  Il  fut  créé  duc  d'Angoulême  en  1617.  Cf.  Anselme,  Hist. 
généal.  de  la  maison  deFr.,  tome  I,  p.  202  ;  P.  de  l'Estoile,  Mémoires, 
éd.  Brunet,  II,  338;  III,  59,  etpassim  ;  Brantôme,  Mémoires,  éd.  La- 
lanne,  V.  275. 

Si  l'on  songe  que,  lors  des  obsèques  de  Ronsard,  ce  bâtard  de 
Charles  IX  n'avait  pas  encore  13  ans  et  n'occupait  aucun  rang  à  la 
Cour,  qu'il  était  au  contraire  un  puissant  personnage  lors  de  la  troi- 
sième rédaction  de  Binet,  où  son  nom  apparaît  pour  la  première  fois, 
ne  peut-on  pas  trouver  cette  addition  de  C  suspecte  et  y  voir  une  flat- 
terie plutôt  qu'une  vérité  ?  Oui,  d'autant  plus  que  Binet  était  alors 
lieutenant  général  de  la  Sénéchaussée   de  Riom. 

P.  38,  1.  27.  —  Sénat  de  Paris.  Autrement  dit  le  Parlement  de  Paris,  qui 
est  toujours  désigné  dans  les  écrits  latins  du  temps  par  les  mots  Sena- 
ius  parisiensis. 


1.  Il  déclare  dans  sa  Vie  de  Ronsard  qu'il  s'est  servi  de  l'édition  de  1623  pour 
juger  ses  œuvres  (p.  57). 


ET    CRITIQUE 


'97 


P.  38,  1.  34.  —  Cardinal  de  Bourbon.  Charles  de  Bourbon,  cardinal 
archevêque  de  Rouen,  était  un  des  frères  cadets  d'Antoine  de  Bourbon- 
Vendôme.  Par  le  traité  de  Joinville  du  31  décembre  1584,  entre  Henri 
de  Guise  et  le  roi  d'Espagne,  la  succession  des  Valois  lui  était  assurée. 
A  la  mort  de  Henri  III,  le  duc  de  Mayenne  le  fit  proclamer  roi  à  Paris 
sous  le  nom  de  Charles  X,  pendant  que  son  neveu  Henri  de  Navarre 
était  proclamé  au  camp  de  Saint-Cloud,  sous  le  nom  de  Henri  IV.  Il 
mourut  peu  après,  le  9  mai  1590,  n'ayant  été  «  qu'un  roi  de  théâtre  et 
en  peinture,  car  il  n'exerça  un  seul  moment  la  royauté  »  {P.  de  l'Es- 
toile,  Mémoires,  éd.  Brunet,  V,  247,  et  Table,  p.  48,  au  nom  de  Bour- 
bon (Charles  de),  cardinalis  Borboniiis. . .) 

P.  38,  1.  44.  —  honeste  labeur .  Extrait  de  VEpislre  au  lecleur  qui  avait 
servi  de  préface  aux  Odes  4ie  1550  :  «  Si  les  hommes  tant  des  siècles 
passés  que  du  nostre,  ont  mérité  quelque  louange  pour  avoir  piqué 
diligentement  après  les  traces  de  ceus  qui  courant  par  la  carrière  de 
leurs  inventions,  ont  de  bien  loin  franchi  la  borne:  combien  davan- 
tage doit  on  vanter  le  coureur,  qui  galopant  librement  par  les  campai- 
gnes  Attiques,  et  Romaines,  osa  tracer  un  sentier  inconnu  pour  aller  à 
r immortalité  J  ^on  que  je...  Mais  quand  tu  m'appelleras  le  premier 
auteur  Liriquc  François,  et  celui  quia  guidé  les  autres  au  chemin  de  si 
honneste  labeur,  lors  tu  me  rendras  ce  que  tu  me  dois...  »  (Bl-,  II,  9  ; 
texte  rectifié  par  M.-L.,II,  474.) 

P.  39,  1.  6.  —  son  Occident.  Cf.  le  Caprice  au  seigneur  Simon  Nicolas, 
poème  composé  après  la  mort  de  François  d'Anjou  fjuin  1584),  puisque 
Ronsard  y  parle  de  Henri  de  Navarre  comme  de  l'héritier  du  trône.  Il 
se  trouvait  parmi  les  manuscrits  que  le  poète  laissa  aux  mains  de 
Galland  et  de  Binet,  mais  ne  fut  publié  qu'en  1609.  Je  ne  crois  pas 
d'ailleurs  que  Binet  s'en  soit  inspiré  ici,  les  vers  suivants,  cités  par 
M'io  Evers,  faisant  allusion  plutôt  à  la  situation  politique  et  sociale 
de  la  France  qu'à  l'état  de  la  langue  française  : 

A    peine,    hclasi  à  peine    a-t'on  chassé 
La  barbarie,  où  les  gens  du  passé 
Se  delectoient  (o  perverse  influance), 
Qu'elle  revient  importuner  la  France... 

(Bl.,  VI,  327.) 

p.  39,  1.  15.  —  le  faire  crever.  Cf.  ces  passages  de  la  troisième  préface 
de  la  Franciade  :  «  Tu  enrichiras  ton  poëme  par  varietez  prises  de  la 
nature,  sans  extravaguer  comme  un  frénétique.  Car,  pour  vouloir  trop 
éviter,  et  du  tout  te  bannir  du  parler  vulgaire,  si  tu  veux  voler  sans 
considération  par  le  travers  des  nues  et  faire  des  grotesques,  Chimères 
et  monstres,  et  non  une  naïfve  et  naturelle  poésie,  tu  sei'as  imitateur 
d'Ixion,  qui  engendra  des  phantosmes  au  lieu  de  légitimes  et  naturels 
enfans.  »  —  «  La  plus  grande  partie  de  ceux  qui  escrivent  de  nostre 
temps  se  traisnent  énervez  à  fleur  de  terre...  Les  autres  sont  trop 
empoulez  et  presque  crevez  d'enflures  comme  h3'dropiques,  lesquels 
pensent  n'avoir  rien  fait  d'excellent,  s'il  n'est  extravagant,  creux  et 
bouffy,  plein  de  songes  monstrueux  et  de  paroles  piaft'ées...  Les  autres 
plus  rusez  tiennent  le  milieu  des  deux,  ny  rampans  trop  bas,  nj^  s'esle- 


Ip8  COMMENTAIRK    HtSTOniQfE 

vans  trop  haut  au  travers  des  nues,  mais  qui  d'artifice  et  d'un  esprit 
naturel,  elabouré  par  longues  estudes...  descrivent  leurs  conceptions 
dun  style  nombreux,  plein  d'une  vénérable  majesté,  comme  a  faict 
Virgile  en  sa  divine  yEneidc.  »  (Hl.,  III,  18  et  23.) 

Il  est  possible  que  Binet  se  soit  inspiré  de  ces  passages  qui  datent 
de  l'année  1584  au  plus  tôt  ;  il  se  peut  aussi  qu'il  ait  rapporté  des 
paroles  vraiment  prononcées  en  sa  présence  par  Ronsard.  Quoi  qu'il 
en  soit,  on  ne  peut  mettre  en  doute  l'opinion  du  chef  de  la  Pléiade  sur 
ses  maladroits  imitateurs  et  sur  la  nécessité  du  juste  milieu  dans  le 
style  poétique.  On  verra  dans  les  notes  suivantes  qu'elle  est  confirmée 
par  d'autres  témoignages  importants,  et  par  deux  pièces  de  vers,  où 
Ronsard  s'est  exprimé,  comme  ici,  en  véritable  père  de  l'école  clas- 
sique. Malherbe  et  Boileau  ne  penseront  pas  autrement  que  lui. 
P.  39,  1.  21.  —  réputation.  Cf.    Iliade,  VI,  vers  407:  Aa'.jjiôvte,  cpBfaei  ae 

P.  39,  1.  27.  —  mon  Binet.  On  remarquera  dans  tout  ce  passage  l'insis- 
tance de  Binet  à  montrer  qu'il  était  le  confident  intime  de  Ronsard. 
Binet  n  est  pas  seulement  heureux  de  citer  de  l'inédit  ;  il  est  visiblement 
très  satisfait  de  se  mettre  en  scène.  Rien  ne  nous  permet  de  suspecter 
1  authenticité  de  ces  vers  :  Ronsard  a  très  bien  pu  en  effet  les  dicter  à 
Binet  soit  en  1584,  soit  en  1585,  alors  qu'il  était  perclus  de  rhuma- 
tismes. Mais  nous  ne  pouvons  nous  défendre  d'une  certaine  défiance  au 
sujet  de  leur  adresse,  en  songeant  que  deux  autres  pièces  sont  adressées 
à  Binet  dans  la  1^*^  édition  posthume  (qu'il  fut  chargé  d'élaborer  avec 
Galland  ,  alors  que  du  vivant  de  Ronsard  elles  étaient  dédiées  à 
d'autres  :  le  poème  du  Rossignol,  qui,  de  1569  à  1584  inclusivement, 
était  dédié  à  Jean  Girard,  et  le  sonnet  Veux  tu  sçavoir,  qui,  de 
1555  à  1584  inclusivement,  était  dédié  à  Guy  de  Brués.  Nous  pou- 
vons d'autant  moins  nous  en  défendre  que  le  commentaire  de  cette 
dernière  pièce  a  subi  dans  la  l'*^  édition  posthume  une  variante  qui 
donne  à  réfléchir.  On  lit  en  note  sous  la  signature  de  Belleau  dans 
toutes  les  éd.  collectives  parues  du  vivant  de  Ronsard  :  «  Il  adresse  ce 
sonnet  à  Brués,  homme  fort  docte  et  des  mieux  versez  en  la  cognois- 
sance  du  Droict  et  de  la  Philosophie,  comme  il  a  fait  paroistre  par  cer- 
tains Dialogues  qui  se  lisent  aujourd'huy...  »  ;  dans  la  Ire  éd.  posthume, 
toujours  sous  la  signature  de  Belleau  :  «  Il  adresse  ce  sonnet  à  Claude 
Binet,  homme  fort  docte  et  des  mieux  versez  en  la  cognoissance  du 
Droict  et  de  la  Poésie,  et  l'un  de  nos  meilleurs  amis...  »  Belleau  étant 
mort  en  1577,  et  ce  sonnet  étant  encore  dédié  à  Brués  en  1584,  est-il 
téméraire  de  penser  que  Binet -a  substitué  lui-même  son  nom  à  celui 
de  Brués  et  transformé  à  son  avantage  le  texte  primitif  du  commen- 
taire? Il  se  peut  d  ailleurs  que  Ronsard  l'ait  autorisé  à  faire  ces  chan- 
gements, ou  les  ait  faits  de  sa  propre  main  sur  l'exemplaire  de  1584 
qu'il  corrigea  en  vue  d  une  nouvelle  impression. 

P.  39,  1.  28.  —  filles  de  Cocyte.  Ce  sont  les  Furies.  Imitation  de  Virgile, 
qui  appelle  l'une  d'elles,  Alecto,  Cocytia  virgo  {En.,  VII,  vers  479). 

P.  39,  1.  36.  —  est  blessée.  Extrait  de  VAbbregé  de  l'Art  poct.  fr.  (1565): 
«  Quand  je  te  dy  que  tu  inventes  choses  belles  et  grandes,  je  n'entends 
toutesfois  ces  inventions  fantaslicques  et  mélancoliques,  qui  ne  se  rap- 


RT    r.RITIQCF: 


'00 


portent  non  plus  l'une  à  Vautre  que  les  songes  entrecoupez  d'un  fréné- 
tique, ou  de  quelque  patient  extrêmement  tourmenté  de  la  fièvre,  à 
l'imagination  duquel,  pour  estre  blessée,  se  représentent  mille  formes 
monstrueuses  sans  ordre  ny  liajson...  »  (texte  de  1567,  d'après  l'éd. 
M.-L.,  VI,  452  ;  cf.  Bl.,  VII,  322).  Voir  encore  la  première  préf.  delà 
Franciade  (1572):  «...  non  toutefois  pour  feindre  une  Poësie  fantastique 
comme  celle  de  l'Arioste,  de  laquelle  les  membres  sont  aucunement 
beaux,  mais  le  corps  est  tellement  contrefaict  et  monstrueux  qu'il 
ressemble  mieux  aux  resveries  d'un  malade  de  fièvre  continue  qu'aux 
inventions  d'un  homme  bien  sain.  »  (M.-L.,  III,  514  ;  cf.  Bl.,  III,  8.) 

Dans  ces  deux  passages,  Ronsard  s'est  inspiré  d'Horace,  Epitre  aux 
Pisons,  vers  1  à  9. 
-*.  40,  1.  16.  —  gouverne.  Parmi  les  poètes  dont  Ronsard,  dans  ses  der- 
nières années,  déplorait  les  excès  de  fantaisie  et  de  style,  on  cite 
Guillaume  Salluste  du  Bartas,  dont  la  Sepmaine  avait  paru  en  1579, 
les  Œuvres  revues  et  augmentées  en  1580  et  1582,  la  Seconde  Sepmaine 
en  1584,  —  et  Jean  Edouard  du  Monin,  qui  publia  en  1582  ses  Nou- 
velles Œuvres  «  contenant  Discours,  Hymnes,  Odes,  Amours.  Contra- 
raours,  Eglogues,  Elégies,  Anagrammes  et  Epigrammcs  ».  Il  devait 
toutefois  mettre  entre  eux  une  assez  grande  différence,  que  Binet  a 
marquée  dans  ces  lignes  :  «  Disant  au  l'este  que  quelques-uns...  » 

On  raconte  qu'à  l'apparition  de  la  Sepmaine  Ronsard  ne  put  s'empê- 
cher d'exprimer  généreusement  son  estime  pour  l'auteur  de  cette 
épopée  biblique,  ce  qui  n'est  pas  invraisemblable.  Les  protestants 
firent  courir  aussitôt  le  bruit  qu'il  cédait  la  souveraineté  de  la  poésie  à 
leur  poète  et  s'était  avoué  vaincu.  Mais  Ronsard,  qui  d'ailleurs  après 
son  premier  mouvement  n'avait  pas  tardé  à  faire  ses  réserves  au  moins 
sur  le  stj'le  de  l'œuvre,  donna  un  démenti  formel  à  ses  adversaires  dans 
le  sonnet  adressé  à  Dorât,  qui  commence  ainsi  :  Ils  ont  menti,  d'Aurat, 
et  qui  dans  l'édition  de  1617,  où  il  parut  pour  la  première  fois,  est 
suivi  du  sizain  Je  n'agme  point  ces  vers,  lequel  semble  bien  viser  direc- 
tement l'œuvre  de  Du  Bartas  {Recueil  des  Sonnets...  et  autres  pièces 
retranchées,  p.  78;  on  trouvera  les  deux  pièces  dans  l'édition  Bl.,  V, 
348  et  349  ;  je  cite  le  sizain  ci-après,  p.  204).—  Cf.  les  Remarques  criti- 
ques sur  le  Dictionnaire  de  Bayle,  in-fo  de  1752,  p.  698,  et  Sainte- 
Beuve,  article  de  1842  sur  Du  Bartas,  inséré  dans  le  Tableau  de  la 
poés.  fr.  au  XVI^  s.,  éd.  Charpentier,  pp.  391  et  392. 

Quant  à  Edouard  du  Monin,  ses  poésies  sont  très  loin  d'avoir  eu  le 
succès  de  la  Sepmaine  de  Du  Bartas.  et  dès  leur  apparition  il  passa 
pour  un  auteur  profondément  obscur  et  alambiqué.  Voir  Laudun 
d'Aigaliers,  Artpoët.,  1598,  liv.  IV,  chap.  v.  Colletet  écrit  dans  la  bio- 
graphie qu'il  lui  a  consacrée  :  «  C'était  de  Du  Monin  que  Ronsard 
vouUoit  parler  lorsque,  considérant  les  esprits  de  son  siècle,  il  dit:  Il 
y  en  a  qui  ont  l'esprit  plus  turbulent  que  rassis...  »  (cité  par  Rocham- 
beau  dans  sa  Famille  de  Ronsart,  éd.  elzévir.,  p.  236).  Pour  être 
aussi  afîirmatif,  Colletet  ne  s'est  pas  fondé  seulement  sur  une  tradition 
orale.  Il  aurait  pu  alléguer  plusieurs  passages  de  Y  Académie  de  l'Art 
poët.  de  P.  de  Deimier  (1610),  celui-ci  entre  autres,  où  il  est  également 
question  de   Du  Bartas  :  «  Du  Monin  faisoit   gloire  d'escrire  ainsi    en 


200  r.OMVDNTAinF,    IIISTOUIQUE 

langage  de  la  my-iniiet  :  et  si  bien  qu'il  ne  luy  sembloit  pas  d'avoir 
bien  faiet,  si  ses  vers  n'estoyent  tous  couvers  et  flottans,  parmy  un 
ténébreux  et  continuel  nuage  de  métaphores,  d'antithèses,  de  "metoni- 
mics,  de  périphrases,  et  de  nouveauté  de  mots  et  dictions  estranges, 
dont  à  tout  propos  il  embarrassoit  ses  conceptions-  Et  là  dessus,  il 
disoit  qu'il  escrivoit  tout  exprès  ainsi  afin  de  n'estrc  entendu  que  des 
doctes.  Mais  on  a  veu  enfin  que  ses  œuvres  ont  esté  mesprisées  des 
hommes  les  plus  sçavans,  veu  la  broùillerie  et  rudesse  qui  estoient  en 
elles,  et  d'autre  part  en  mesme  temps  du  tout  desdaignées  et  aban- 
données du  vulgaire,  pour  l'obscurité  et  pour  le  mauvais  langage  dont 
elles  estoient  couvertes  et  enflées...  Quelques-uns  se  trompans  en  la 
chimère  du  grand  sçavoir  qu'ils  s'imaginent  en  l'obscurité  d'un  Poème, 
estiment  que  les  passages  plus  obscurs  de  Du  Bartas  sont  les  plus 
beaux,  et  tout  au  contraire  ce  sont  ceux  qui  le  sont  le  moins,  et  où  les 
vers  sont  les  plus  désagréables  pour  les  périphrases  et  métaphores 
impropres  dont  ils  sont  chargez,  et  qui  en  les  enlaidissans  les  rendent 
envelopez  d'une  obscurité  par  trop  cstrange-  yA»s.si  Ronsard  appcrce- 
vanl  que  cesl  aullieur  melaphorisoil  el  s'obscurcissoil  par  Irop  en  quel- 
ques endroicts,  et  que  Du  Monin  en  usoit  par  tout  de  la  sorte,  disoit 
parfois  à  ses  amis  que  Du  Monin  et  Du  Bartas  luy  avoyenl  yaslé  la 
Poésie.  »  (Chap.  x,  pp.  259  et  272  ;  cf.  chap.  v,  pp.  118-19;  xiv, 
p.  390.) 
P.  40,  1.  19.  -  des  Dieux.  Cf.  ÏElegie  à  Chr.  de  Choiseul  : 

Chetifs  !  qui  ne  sçavoient  que  noslre  poésie 
Est  un  don  qui  ne  tombe  en  toute  fantaisie, 
Un  don  venant  de  Dieu,  que  par  force  on  ne  peut 
Acquérir,  si  le  ciel  de  grâce  ne  le  veut  ; 

et  encore  le  Discours  à  J.  Grevin,  début.  (Bl.,  VI,  202  et  311.) 
P.  40,  1.  21.  —  à  ce  ministère.  Voir  par  ex.  les  odes  Errant  par  les 
champs  de  la  Grâce  (discours  de  Jupiter  aux  Muses,  str.  xii  à  xvi)  ; 
Celuy  qui  ne  nous  honore  (Bl.,  II,  68  et  117  .  En  ce  qui  concerne  Ron- 
sard lui-même,  les  textes  abondent  où  il  se  vante  d'être  né  poète  ;  voir 
l'éd.  Bl.,  II,  134-35,  247,  395,  414,  426,  446  ;  III,  316  ;  V,  157,  188  à 
190  ;  VI,  44,  191  ;  VII,  270,  notamment  l'ode  Descen  du  ciel  Calliope, 
1  hymne  de  V Automne  et  le  poème  A  Pierre  l'Escot. 

Sur  la  haute  idée  qu'il  se  faisait  du  poète  vraiment  digne  de  ce  nom, 
cf.  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  pp.  55,  335,  340. 
P.  40,  1.  26.   —  de  mal  faire.   Cette  envie   d'écrire  des  satires  et   cette 
crainte  d'en  publier  apparaissent  bien  dans  deux  pages  des  Estrennes 
au  Roy  Henry  III  {1^^  janvier  1575),  notamment  eu  ces  vers  : 

Il  faut  que  mon  humeur  se  purge  sur  quelqu'un  : 

Mais  je  ne  puis  sans  vous  :  sans  vostre  faveur.  Sire, 

Je  n'ose  envenimer  ma  langue  à  la  satj're. 

Si  est-ce  que  la  rage  et  l'ulcère  chancreux 

Me  tient  de  composer  :  le  mal  est  dangereux 

Qui  desplaist  à  chacun:  mais  si  je  vous  puis  plaire, 

Il  me  piaist,  vous  plaisant,  d'escrire  et  de  desplaire. 

■       (Bl,  111,285.) 

Mais  Henri  III,  loin  de  l'avoir  autorisé  à  faire  la  satire    des   vices  de 


KT    miTIQUE  20I 

son  temps,  semble  lui  avoir  interdit  certaines  allusions  blessantes,  car 
le  poète  supprima  de  ces  Estrcnnes,  en  1578,  huit  vers  qui  s'appli- 
quaient trop  bien  aux  mignons  du  roi  et  au  roi  lui-même  (Bl.,  VII,  306). 
P.  40,  1.  26.  —  à  illoratienne.  C'est-à-dire  des  satires  où  l'indigna- 
tion et  la  souriante  ironie  sont  mêlées,  à  la  façon  de  celles  d'Horace. 
C'est    ainsi  que  Boileau  dira  plus  tard  ; 

Horace  à  cette  aigreur  mêla  son  enjouement, 

en  se  souvenant,  ainsi  que  Binet,  du  début  de  la  satire  .\  du  livre  I,  où 
Horace  définit  la  satire  telle  qu'il  la  comprenait  : 

Kt  sermone  opus  est  modo  Iristi,  saepe  jocoso... 

L'opinion  de  la  Pléiade  fut  plus  favorable  à  la  satire  générale  et 
adoucie  d'Horace  qu  à  la  satire  personnelle  et  violente  de  Juvénal.  Du 
Bellay  a  proposé  le  premier  comme  modèle  à  cause  de  son  urbanité  et 
de  sa  modération  [Deffeiice,  II,  ch.  iv).  Ronsard  de  son  côté  adonné 
celte  définition  de  la  satire  telle  qu'il  l'entendait,  dans  les  Esirenncs  au 
Roij  Henry  III    Bl.,  III,  286)  : 

Il  n'j-  a  nj'  rhcubarbc,  agaric,  ny  racine 
Qui  puisse  mieux  purger  la  malade  poitrine 
De  quelque  patient  fiévreux  ou  furieux 
Que  fait  une  satyre  un  cerveau  vicieux, 
Pourveu  qu'on  la  dcstrempe  à  la  mode  d'Horace, 
Et  non  de  Juvenal,  qui  trop  aigrement  passe. 
11  faut  la  préparer  si  douce  et  si  à  point, 
Qu'à  l'heure  qu'on  l'avalle  on  ne  la  sente  point. 
Et  que  le  mocqueur  soit  à  mocquer  si  adestre. 
Que  le  mocqué  s'en  rie,  et  ne  pense  pas  l'estre. 

P.  40,  1.  38.  —  Prose  en  vers.  Inspiré  de  deux  passages  de  VAbbregé  de 
VA.  P.,  où  Ronsard  recommande  à  Delbene  de  «  se  donner  garde  sur 
tout  d'estre  plus  versificateur  que  poète  )»-  «  Car  la  fable  et  la  fiction, 
dit-il,  est  le  sujet  des  bons  poètes,  qui  ont  esté  depuis  toute  mémoire 
recommandez  de  la  postérité  :  et  les  vers  sont  seulement  le  but  de 
l'ignorant  versificateur,  lequel  pense  avoir  fait  un  grand  chef  d'œuvre 
quand  il  a  composé  beaucoup  de  carmes  rimez,  qui  sentent  tellement 
la  prose  que  je  suis  esmerveillé  comme  nos  François  daignent  imprimer 
telles  drogueries,  à  la  confusion  des  autheurs,  et  de  nostre  nation  »  ; 
et  un  peu  plus  loin  :  «  Tu  les  feras  donc  les  plus  parfaits  que  tu 
pourras,  et  ne  te  contenteras  point  (comme  la  plus  grand'part  de  ceux 
de  nostre  temps),  qui  pensent,  comme  j'ay  dit,  avoir  accompli)  je  ne 
sçay  quoy  de  grand,  quand  ils  ont  rymé  de  la  prose  en  vers.  Tu  as 
desja  l'esprit  assez  bon  pour  descouvrir  tels  versificateurs  par  leurs 
misérables  escrits...  »  i  Bl.,  VII,  325  et  330  )  —  Ronsard  fut  «  l'ennemy 
mortel  des  versificateurs  »  et  méprisa  «  leur  prose  rimée  »  jusqu'à  la 
fin  de  sa  vie.  Voir  le  Caprice  à  Simon  Nicolas,  écrit  après  juin  1584 
(BL,  VI,  326),  et  surtout  ce  passage  de  la  3^  préface  de  la  Franciade, 
publiée  seulement  après  sa  mort  :  «  Tous  ceux  qui  escrivent  en  carmes, 
tant  doctes  puissent-ils  estre,  ne  sont  pas  poètes.  Il  y  a  autant  de  difi"e- 
rence  entre  un  poète  et  un  versificateur  qu'entre  un  bidet  et  un  géné- 
reux coursier  de  Naples...    Ces   versificateurs    se  contentent    de  faire 


303  r.OMMFNTAlUE     HISTORIQUE 

des  vers  sans  onicment,  sans  grâce  et  sans  art,  et  leur  semble  avoir 
beaucoup  fait  pour  la  republique  quand  ils  ont  composé  de  la  prose 
rimée.  »  (Bl.,  III,  19  et  20  ;  cf.  le   bas  de    la  p.  29.) 

Voir  encore  une  curieuse  page  du  Discours  à  Jacques  Grevin  (Bl., 
VI.  313^. 

p.  40.  1.  45.  —son  confraire.  Ceci  me  semble  encore  inspiré  de  la  3''  pré- 
face de  la  Franciade  :  Il  faut,  dit  Ronsard  en  parlant  des  vers  alexan- 
drins, qu'ils  soient  «  bastis  de  la  main  d'un  bon  artisan,  qui  les  face 
autant  quil  lui)  sera  possible  hausser  comme  les  peintures  relevées,  et 
quasi  séparer  du  lancjage  commun,  les  ornant  et  enrichissant  de  figures, 
shemes,  tropes,  métaphores,  phrases  et  périphrases  eslongnées  presque 
du  tout,  ou  pour  le  moins  séparées  de  la  prose  triviale  et  vulgaire  {car 
le  style  prosaïque  est  ennemy  capital  de  l'éloquence  poétique),  et  les  il- 
lustrant de  comparaisons  bien  adaptées,  de  descriptions  floridcs...  » 
Plus  loin  :  «  C'est  le  fait  d'un  historiographe  d'esplucher  toutes  ces 
considérations,  et  non  aux  poètes  qui  ne  cherchent  que  le  possible...  et 
d'une  petite  cassine  font  un  magnifique  palais,  qu'ils  enrichissent, 
dorent  et  embellissent  par  le  dehors  de  marbre,  jaspe  et  porphire,  de 
guillochis,  ovalles,  frontispices  et  piedestals,  frises  et  chapiteaux,  et 
par  dedans  de  tableaux, /apjsscr/es  eslevces  et  hossées  d'or  et  d'argent,  et 
le  dedans  des  tableaux  cizelez  et  burinez,  raboteux  et  difficiles  à  tenir 
es  mains,  à  cause  de  la  rude  engraveure  des  personnages  qui  semblent 
vivre  dedans...  »  (Bl.,  III,  16  et  24.) 

P.  41,  1.  1.  —  fié  à  moy.  Voir  ci-après,  p.  238,  au  mot  «  inviolable  ». 

P.  41,  1.  3.  —  correction.  Binet  a  déjà  dit  plus  haut  (p.  26),  en  s'appuyant 
sur  un  passage  des  Estrennes  au  Roy  Henry  III,  que  Charles  IX  avait 
permis  à  Ronsard  d  écrire  des  Satires,  même  contre  sa  personne,  et 
que  R.  avait  usé  de  cette  autorisation  en  écrivant  la  Dryade  violée,  la 
Truelle  crossée,  une  autre  pièce  commençant  par  //  me  deplaist  de  voir 
et  une  quatrième  commençant  par  Roy  le  meilleur  des  Roys.  Nous  avons 
vu  ce  qu'il  faut  penser  des  deux  premières  de  ces  Satires,  dont  l'existence 
estdouteuse  ;  que  la  quatrième,  publiée  par  Blanchemain,  n'est  pas  une 
Satire  proprementdite  à  la  façon  d'Horace,  mais  une  ode  satirique.  La  troi- 
sième seule  pourrait  avoir  été  au  nombre  des  Satires  «  à  l'Horatienne  » 
que  Ronsard  montra  à  Binet,  car  celui-ci  en  parle  bien  comme  d'une 
pièce  qu'il  a  vue  de  ses  propres  yeux. 

«  Il  me  dit  que  l'on  n'en  verroit  jamais  que  ce  qu'on  en  avoit  veu  ». 
A  quelles  pièces  publiées  ce  passage  fait-il  allusion  ?  Probablement  à 
celles  qu  il  composa  en  1562  et  1563  contre  les  protestants  (les  deux 
Discours  sur  les  Misères  de  ce  temps,  la  Remonstrance,  la  Responce 
aux  injures)  ;  peut-être  aussi  à  «  l'elegie  ))  de  1569,  intitulée  plus  tard 
«  invective  »,  écrite  contre  un  blanc-bec  de  Cour  qui  avoit  raillé  ses 
vers  et  sa  personne  :  Pour  ce.  Mignon,  que  tu  es  jeune  et  beau.  (Bl.,  IV, 
350.)  Mais  ce  ne  sont  pas  de  vraies  satires;  ce  sont  des  discours  poli- 
tiques ou  des  apologies  personnelles,  qui  d'ailleurs  se  recommandent 
par  une  verve  indignée  et  furieuse  à  la  façon  de  Juvénal,  bien  plus  que 
par  une  douce  ironie  à  la  façon  d'Horace.  Peut-être  faut  il  expliquer 
auti  ement  l'allusion  de  Ronsard  et  de  Binet. 

Ronsard  avait  toutes  les  qualités  requises  pour  écrire    un  recueil  de 


ET    CRITIQUE  3o3 

Satires  morales,  littéraires  et  politiques  (d'ailleurs  plus  d'éloquence 
que  d'esprit  proprement  dit,  comme  Juvénal,  d  Aubigné,  V.  Hugo).  Il 
ne  l'a  pourtant  point  fait,  et  cet  honneur  revient  à  deux  de  ses  dis- 
ciples, Vauquelin  et  Régnier.  Mais  son  œuvre  est  pleine  de  pages  sati- 
riques en  vers  alexandrins  ou  décasj'llabiques  àrimes  plates,  contre  les 
abus  et  les  ridicules  de  son  époque  et  de  tous  les  temps.  Ces  pages, 
détachées  de  leur  ensemble,  pourraient  former  une  anthologie  dont  les 
morceaux  paraîtraient  provenir  d'un  recueil  de  Satires.  Voir,  entre 
autres,  les  Isles  Fortunées  (début),  VElegie  à  son  livre  (page  contre  les 
femmes)  ;  l'Elégie  à  Chr  de  Choiseul  (début,  contre  les  méchants  poè- 
tes) ;  l'épître  à  Odet  de  Colignj',  L'homme  ne  peut  sçavoir  (contre  les 
flatteurs  de  Cour)  ;  VElegie  ù  L'Huillier  (page  contre  les  intrigants  sans 
valeur)  ;  la  Complainte  contre  Fortune  ;  l'Elégie  à  Rob.  de  la  liage  ;  le 
Procès  ;  la  Complainte  à  la  Rogne  mère  ;  la  Promesse  ;  les  Nues  ou 
Nouvelles  ;  les  Esirennes  à  Henry  III  ;  le  Discours  à  H.  de  Cheverng, 
pièces  écrites  et  publiées  à  des  dates  diverses,  de  1553  à  1584  (Bl.,  I, 
143;  III,  284-86,  354-56.  375  et  suiv  ,  401,  421  et  suiv.  ;  IV,  291';  VI, 
156,  170,  193,  201,246,  257). 

Rappelons,  enfin,  que  deux  pièces  satiriques,  écrites,  l'une  vers  1572 
(A  Moreau,  trésorier  de  l'Espargne),  l'autre  à  la  fin  de  1584  {Caprice 
à  Simon  Nicolas),  ne  parurent  que  plusieurs  années  après  la  mort  de 
Ronsard,  la  première  dans  l'éd.  coll.  de  1604,  la  seconde  dans  celle  de 
1609  (Bl.,  VI,  265  et  326).  Une  troisième  satire,  écrite  en  1580  {Sur 
une  médaille  d' Antinous),  n'a  été  publiée  qu'au  xix^  siècle  (Bl  ,  VIII, 
109  ;  M.-L.,  VI,  411). 

P.  41,  1.  23.  —  ceste  dernière  main,  c'est  à  dire  cette  dernière  édition, 
celle  de  1587,  élaborée  par  Ronsard  en  1584  et  1585. 

p.  41,  1.  24.  —  de  l'honneur.  Binet  a  démarqué  ici  sans  le  dire  cette 
courte  préface  que  Ronsard  écrivit  pour  la  seconde  édition  de  sa  Fran- 
ciade  (début  de  1573)  et  supprima  en  1578  : 

«  J'ay,  Lecteur,  à  la  façon  d'Apelle,  exposé  mon  ouvrage  au  public, 
afin  d'entendre  le  jugement  et  l'arrest  d'un  chacun,  qu'aussi  volontai- 
rement je  reçoy,  que  je  le  pense  estre  candidement  prononcé.  Et  ne 
suis  point  si  opiniastre,  que  je  ne  vueille  au  premier  admonnestement 
d'un  homme  docte,  non  passionné,  et  bien  versé  en  la  poésie,  recevoir 
toute  amiable  correction  :  car  ce  n'est  pas  vice  de  s'amender,  mais  c'est 
extrême  malice  de  persister  en  son  péché.  Pour  ce,  par  le  conseil  de 
mes  plus  doctes  amis  j'ay  changé,  mué,  abrégé,  alongé  beaucoup  de 
lieux  en  ma  Franciade  pour  la  rendre  plus  parfaicte  et  luy  donner  sa 
dernière  main.  Et  voudrois  de  toute  affection  que  nos  François  dai- 
gnassent faire  le  semblable,  nous  ne  verrions  tant  d'ouvrages  avortez, 
lesquels,  pour  n'oser  endurer  la  lime  et  parfaicte  polissure,  n'aportent 
que  des-honneur  à  l'ouvrier,  et  à  nostre  France  une  mauvaise  répu- 
tation. »  (Dernier  vol.  de  l'éd.  coll.  de  1573.  —  Bibl.  Nat..  Rés.,  pYe 
355,  f-^  Aij.) 

Cette  préface  remplaçait  à  elle  seule  celle  de  la  première  édition  de  la 
Franciade,  où  se  lisait  déjà  cette  déclaration  :  «  Or,  Lecteur,  —  je  te 
d3'  qu'il  ne  se  treuve  point  de  livre  parfaict,  et  moins  le  mien,  auquel 
je  pourray  selon  la  longueur  de  ma  vie,  le  jugement  et  la  syncere   opi- 


204  COMMENTAIRE    IIISTORIQI  E 

nion  de  mes  amis,  adjouter  ou  diminuer,  comme  celuy  qui    ne  jure  en 
l'amour  de  sovmcsmes,  nj' en  l'opiniastreté  de  ses  inventions.  » 

Ronsard  fut  toujours  très  attentif  aux  conseils  et  aux  remarques  de 
l'élite  de  ses  lecteurs.  Son  empressement  à  recueillir  les  jugements  des 
amis,  à  noter  même  les  critiques  des  adversaires,  en  vue  d'une  nou- 
velle édition,  et,  en  général,  sa  docilité  à  l'égard  du  public  lettré,  éton- 
nent de  la  part  d'un  chef  d'école  arrivé  presque  d'emblée  à  une  gloire 
sans  rivale.  Ce  livre  ne  t'est  lâché,  disait-il  au  lecteur  de  ses  Odes  en 
1550,  «  que  pour  aller  découvrir  ton  jugement,  affin  det'euvoier  après  un 
meilleur  combatant.  »  (Cf.  Bl.,  II,  13.)  Et  quinze  ans  plus  tard,  alors 
qu'en  son  pajs  et  à  l'étranger  il  passait  pour  le  plus  grand  poète  fran- 
çais, voici  le  conseil  qu'il  donnait  à  Alphonse  Delbene  dans  son  Ab- 
hregé  de  l'Art  poétique  :  «  Tu  converseras  doucement  cl  honnestement 
avec  les  Poètes  de  ton  temps  :  lu  honnoreras  les  plus  vieux  comme  tes 
pères,  tes  pareils  comme  tes  frères,  les  moindres  comme  tes  enfans,  et 
leur  communiqueras  tes  escrits  :  car  tu  ne  dois  rien  mettre  en  lumière, 
qui  n'aj't  premièrement  esté  veu  et  revende  tes  amis,  que  tu  estimeras 
les  plus  expers  en  ce  mestier  ».  (Cf.  Bl.,  VII,  319.) 
P.  41,  1.  25.   —  extrême  vice.  Réminiscence  de  ces  vers   d'Hoi'ace  : 

.     mediocribus  esse  poetis 
Non  homines,  non  di,  non  concessere  columnae... 
Sic  animis  natum  invenlumque  poema  juvandis. 
Si  paulum  summo    decessit,  vergit  ad  inium... 

{Epit.  aux  Pisons,  370  et  suiv.) 

ou  plutôt  plagiat  de  ces  lignes  de  Ronsard  parues  dans  la  première 
édition  posthume  :  «  Tu  n'ignores  pas,  lecteur,  qu'un  poète  ne  doit 
jamais  estre  médiocre  en  son  mestier,  ny  sçavoir  sa  leçon  à  demy,  mais 
tout  bon,  tout  excellent  et  tout  parfaict.  La  médiocrité  est  un  extrême 
vice  en  la  poésie  :  il  vaudroit  mieux  ne  s'en  mesler  jamais  et  ap- 
prendre un  austre  mestier.»  (3o  préf.  de  la  Franciade,  Bl.,  III,  32.) 
P.  41,  1.  28.  —  à  son  suject.  Il  n'y  a  de  virgule  après  suject  dans  aucune 
édition.  Le  passage  étant  obscur  j'ai  respecté  la  ponctuation  ;  mais  je 
pense  qu'il  faut  comprendre  comme  s'il  y  avait  une  virgule,  et  iaire 
rapporter  qui  à  style  moien. 

Cf.  Horace,    Epitre   aux  Pisons,  vers    24  et    suiv.;  Ronsard,    dans 
l'élégie  A  Chr.  de  Choiseul  (1556)  : 

Mais  ce  n'est  -pas  le  tout  que  d'ouvrir  le  bec  grand, 

11  faut  garder  le  ton  dont  la  grâce  despend 

Ni]  trop  haut,  ny  trop  bas,  suivant  nostre  nature 

Qui  ne  trompe  jamais  aucune  créature...  (Bl.,  VI,  201.) 

et  dans  ce  sizain  que  lui  inspira  la  Sepmaine  de  Du  Bartas,  vers  la    fin 
de  sa  vie  : 

Je  n'ayme  point  ces  vers  qui  rampent  sur  la  terre, 

Ny  ces  vers  empoullez,  dont  le  rude  tonnerre 

S'envole  outre  les  airs  :  les  uns  font  mal  au  cœur 

Des  liseurs  desgoutcz,  les  autres  leur  font  peur  : 

A'y  trop  haut  ny  trop  bas,  c'est  le  souverain  style. 

Tel  fut  celui  d'Homère  et  celuy  de  Virgile.  (Bl  ,  V,  349.) 


i:t  (uitiqle  2o5 

Sur  cette  théorie  du  juste  milieu  en  poésie,  voir  ce  qu'ila  encore  écrit 
dans  la  troisième  préface  de  la  Franciade  (ci-dessus,  p.  197,  aux  mots 
«  le  faire  crever  »  ). 
P.  41,  1.  29.  —  aux  hommes.  Cf.  Ronsard,  les  douze  premiers  vers  du 
Discours  à  J.  Grcvin,  qui  développent  les  vers  d'Horace  ci-dessus  cités, 
et  y  ajoutent  cette  idée  : 

Car  la  Muse  icy  bas  ne  fut  jamais  parfaite 

Ny  ne  sera,  Grevin  :  la  haute  Deité 

Ne  veut  pas  tant  d'honneur  à  nostre  humanité 

Imparfaite  et  grossière  :  et  pour  ce  elle  n'est  digne 

De  la  perfection  d'une  fureur  divine.  (Hl.  VI,  311.) 

P.  41,  1.  41.  —  faire  mieux.  Ce  quatrain  terminait  la  première  préface 
de  la  Franciade  (septembre  1572)  «  pour  fermer  la  bouche  à  ceu.\  qui 
de  nature  sont  envieux  du  bien  et  de  l'honneur  d'autruy  »  (Bl.  III.  13  ; 
M.-L.  III.  518).  Donc,  Ronsard  ne  l'a  pas  écrit,  comme  Binet  l'allirme, 
en  réponse  à  certaines  critiques  exprimées  après  l'apparition  de  sa 
Franciade.  C'était  bien  plutôt  une  réponse  anticipée  à  des  jugements 
qu'il  prévoyait,  une  sorte  de  précaution  oratoire  contre  la  critique  mal- 
veillante, considérée  en  général,  précaution  analogue  à  maintes  pièces 
Au  détracteur  ou  A  l'envieux  qu'on  lit  en  tête  ou  à  la  fin  d'autres 
œuvres  du  xvi"  siècle  (v.  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  p.  332, 
note  2),  Notons  d'ailleurs  que  le  vrai  texte  de  Ronsard  diffère  très 
sensiblement  de  celui  de  Binet  : 

Un  list  ce  livre  pour  apprendre. 
L'autre  le  list  comme  envieux... 

Par  cette  forme  qui,  après  mûre  réflexion,  me  semble  bien  être  un 
imparfait  du  subjonctif,  Ronsard  entendait  ce  qui  pouvait  se  produire, 
et  non  ce  qui  s'était  produit.  C'est  un  «  potentiel  »  qui  équivaut  à  : 
Il  peut  se  faire  qu'on  me  lise...  Ronsard  a  écrit  «  un  list  »  an  lieu  de 
«  qu'on  lise  ))  à  cause  des  exigences  de  la  versification. 

L'erreur  de  Binet  s'explique  dans  une  certaine  mesure.  En  effet,  la 
préface  en  prose  qui  accompagnait  le  quatrain  et  en  donnait  la  vraie 
signification  disparut  dès  la  2e  édition  de  la  Franciade,  et  le  quatrain 
resta  isolé  de  son  contexte  en  tête  du  poème  jusqu'en  1584  inclus  ; 
après  quoi,  il  disparut  lui-même  des  éditions  posthumes  ;  si  bien  que 
Binet,  la  reprenant  dans  les  papiers  de  Ronsard  pour  en  orner  sa 
3^  rédaction,  sans  remonter  à  son  origine,  perdit  de  vue  son  véritable 
sens.  Mais  la  forme  list  (pour  leist,  de  legisset),  qu'on  trouve  dans 
toutes  les  éd.  de  la  Fra/icj'ade  parues  du  vivant  de  Ronsard,  aurait  dû 
le  mettre  en  garde  contre  une  interprétation  de  fantaisie. 

Sur  les  opinions  diverses  qui  accueillirent  les  quatre  livres  de  la 
Franciade,  voir  G.  Colletet,  Vie  de  Ronsard,  pp.  74  à  78,  et  Marty- 
Laveaux,  édition  de  Ronsard,  III,  538. 
P.  41,  I.  48.  —  le  courage.  Ce  quatrain  parut  à  la  fin  de  la  Franciade 
dans  l'éd.  de  1578,  la  première  qui  vit  le  jour  après  la  mort  de  Char- 
les IX,  et  il  conserva  cette  place  dans  les  éd.  suivantes  (Bl.  III,  252  ; 
M.-L.  III.  176). 

La  suite  des  idées  semble  ici  défectueuse.  Binet  dit  que  Ronsard  n'a 


3o6  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

pas  achevé  la  Franciade  «  faulte  de  noz  Roys  qui  n'ont  continué  ceste 
faveur  nourricière  des  grands  esprits  »,  et, à  lappui  de  son  dire,  il  cite 
un  quatrain  où  il  n'est  question  que  de  la  faveur  de  Charles  IX.  Or  après 
la  mort  de  Charles  IX,  Ronsard  ne  connut  que  le  règne  de  Henri  III  ; 
le  pluriel  c  noz  Roys  »  semble  donc  étrange.  Je  soupçonne  Binet  de 
s'être  fondé  sur  un  autre  texte,  dont  il  ignorait  la  date  et  qu'il  aura  par 
suite  mal  interprété  :  je  veux  parler  de  ce  passage  de  la  (Complainte  à 
la  Roijne  mère  publiée  en  1563  : 

.l'avois  l'esprit  gaillard  et  le  cœur  généreux 
Pour  faire  un  si  grand  œuvre  en  toute  hardiesse, 
Mais  au  besoin  les  Roys  ni'oiil  failly  de  promesse  : 
Ils  ont  tranché  mon  cours  au  milieu  de  mes  vers  : 
Au  milieu  des  rochers,  des  forests,  des    desers 
Ils  eut  fait  arrester,   par  faute   d'équipage, 
Francus,  qui  leur  donnoit  Ilion  eu  partage. 

(Bl.  111,377.) 

Or  ces  vers  font  allusion  à  Henri  II,  à  François  II,  à  Catherine  de 
Médicis,  régente  jusqu'en  1563,  et  au  premier  projet  de  la  Franciade, 
qui  était  en  alexandrins  ;  ils  ne  font  pas  du  tout  allusion  au  deuxième 
projet,  qui,  encouragé  par  Charles  IX,  aboutit  aux  quatre  livres  en  dé- 
casyllabes publiés  en  1572.  Marty-Lav.  a  commis  une  erreur  analo- 
gue en  renvoyant  à  ces  vers  de  1563  pour  expliquer  l'interruption  du 
poème  de  la  Franciade  tel  qu'il  nous  est  parvenu  (III,  538). 

Sur  ces  deux  projets  d'épopée  et  leurs  dates  respectives,  v.  ci-dessus, 
pp.  143  et  158,  aux  mots  «  durant  son  règne  »   et  «  que  j'ay  veus  ». 
P     41,  1.  49.  —  pièce  entière.  Cf.   Dorât,  dans  le    Tombeau  de  Ronsard 
(Bl.  VIII,  237;  : 

Franciadem  si  non  perfecit,  tambene  ccepit 
Aeneidl  ut  certet,  certet  et  Iliadi. 

P.  42,  1.3.  —  infiniment.  A  ce  sujet  nous  avons  le  témoignage  de  Ron- 
sard lui-même,  qui  a  écrit  dès  la  fin  de  1563  que  les  poètes  huguenots 
ses  adversaires  (il  s'agit  de  FI.  Chrestien  et  de  .1.  Grevin)  avaient  le 
cœur  rongé  d'envie  «  de  le  voir  estimé  des  peuples  estrangers,  et  de 
ceux  de  sa  nation  »■  (Epistre  au  lecteur,  publiée  en  tête  des  Nouvelles 
Poésies,  vers  le  l^r  novembre  1563;  cf.  BL,  VII,  149.) 

En  ce  qui  concerne  particulièrement  l'estime  des  Italiens,  les  témoi- 
gnages sont  nombreux.  Outre  ceux  de  J.-C.  Scaliger,  de  P.  Victor,  de 
Bargœus  et  de  Speroni  que  Binet  invoque,  rappelons  entre  autres  deux 
odes  de  Barth.  del  Bene,  auxquelles  Ronsard  a  répondu  (Bl.,  II,  380  ; 
IV,  356  à  360),  un  dialogue  où  le  Tasse  a  comparé  Ronsard  au  poète 
Annibal  Caro  (Marty-Lav.,  Notice  sur  Ronsard,  p.  lxxvii),  l'anecdote 
rapportée  par  Brantôme  d'un  grand  seigneur  vénitien  prisant  Ronsard 
deux  fois  plus  que  Pétrarque  'Gandar,  thèse  fr.,  p.  123;  Blauchemain, 
Œuvres  de  Ronsard,  VIII,  38),  et  quatre  sonnets  de  Grigioni,  Zampini, 
Malespina  et  Ruggieri  qui  figurent  dans  son  Tombeau  {]il.  VIII,  282-84) 

P.  42,  I.  4.  —  J.-C  Scaliger.  Philosophe,  humaniste  et  médecin  italien, 
né  en  1484,  probablement  à  Padoue,  mort  en  octobre  1558  à  Agen,  où 
il  avait  été  ameué  en  1525  par  l'évêque  Antonio  della  Rovere.  Le  plus 


ET    CRITIQUE  2O7 

connu  de  ses  ouvrages  est  une  Poétique  divisée  en  sept  livres,  qui  eut 
un  grand  retentissement    (cf.    Lintilliac,  thèse   latine  de    Paris,  1888). 

—  Sou  fils,  Joseph  Scaliger,  fut  un  des  critiques  de  textes  les  plus  éru- 
dits  de  son  temps  ;  c'est  lui  qui  publia  la  première  Anthologie  latine 
en  1573,  si.\  ans  avant  celle  de  Claude  Binet  ;  il  enseigna  à  Genève, 
puis  à  Leyde.  Lui  aussi  a  dédié  une  de  ses  œuvres  à  Ronsard,  la  tra- 
duction grecque  du  Moreliim  en  I^Ck]  (cf.  Egger,  Hellénisme  en  France, 
I,  222,  note),  l'année  même  où,  de  son  côté.  Lambin  dédiait  à  Ronsard 
le  2e  livre  de  son  édition  de  Lucrèce. 

P.  42,  1.  29.  —  ingruit.  Ces  vers  forment  la  dédicace  entière  des  Ana- 
creontica  de  Jules-César  Scaliger,  publiés  pour  la  première  fois  dans 
son  recueil  de  Poemata  à  Genève  en  1574,  par  les  soins  de  son  fils.  Je 
les  ai  lus  dans  une  édition  postérieure  des  Poemata  (Genève,  1591, 
première  partie,  p.  472).  Ils  sont  bien  dédiés  Ad  Petrum  Ronsardiim . 
Strophes  asclépiades  (2  glyconiques  et   2  petits  asclépiades  entrelacés). 

P.  42,  1.  31.  —  pour  lors.  Il  faut  comprendre  :  «  Je  ne  cèlerai  point 
pourtant  que  par  la  complainte  sur  la  mort  d'un  ami  de  Francus,  et 
par  les  obsèques  de  cet  ami,  il  m'a  dit  avoir  entendu  un  Prince  qui 
estoit  fort  nécessaire  pour  l'Etat  près  de  Charles  IX  qui  regnoit  alors.  )) 

—  Cf.  l'argument  du  3e  livre  de  la  Franciade,  vers  le  milieu  :  «  Fran- 
cus célèbre  les  funérailles  d'un  capitaine  son  cher  amy  »,  et  cette  note 
écrite  par  A.  Jamin  pour  l'éd.  primitive  :  «  Je  me  doute  que  l'autheur 
entend  icy  dessous  quelque  grand  capitaine  de  nostre  temps  ».  (Bl.  III, 
140  et  164  à  168.) 

Ce  grand  capitaine  est  sans  doute  François  de  Guise,  mort  en  févr. 
1563,  à  moins  que  ce  ne  soit  Anne  de  Montmorency,  mort  en  nov. 
J567  ;  si  l'on  s'en  rapporte  à  Binet,  c'est  de  François  de  Guise  qu'il 
s'agit,  car  le  titre  de  Prince    ne  convient    qu'à  lui. 

P.  42,  1,  32.  —  nostre  temps-  Les  épopées  antiques  furent  interprétées 
allégoriquemeut  durant  tout  le  Moyen  Age.  Pétrarque  lui-même  voyait 
des  allégories  partout  dans  V Enéide-  Cette  façon  d'interprétation  re- 
monte à  Si  Basile  et  à  Fulgence  Planciade.  Au  xvi^  siècle,  sous  l'in- 
fluence persistante  de  la  scolastique,  on  en  usait  encore,  témoin  Le- 
maire  de  Belges  en  ses  Illustrations  de  Gaule  (I,  ch.  xxxi  et  xxxv  ;  cf. 
Stecher,  Œuvres  de  Lemaire,  Notice.)  Au  xvii^  siècle.  Chapelain  dé- 
clarait encore,  dans  la  préface  de  sa  Pucelle,  que  Charles  VII  y  repré- 
sentait la  volonté  humaine,  et  Jeanne  d'Arc  la  grâce  divine.  —  Cf. 
ci-dessus,  p.   122,  aux  mots  «  deslors  amoureux  ». 

p.  42,  I.  48.  —  Barga.  Pour  P.  Victor,  v.  ci-dessus,  p.  188.  —  Pierre 
Barga,  c'est  Pietro  degli  Angeli,  ou  Angelio,  originaire  de  Barga  en 
Toscane,  d'où  son  surnom  latin  Bargeus  ou  Bargœus.  Poète  néo-latin, 
né  en  1517,  mort  en  1596  ;  professeur  à  Reggio,  puis  à  l'Université 
de  Pise,  où  le  connut  sans  doute  Cl.  Binet.  Ses  principales  œuvres 
sont  le  Cgnegeticon  (6  chants)  et  la  Syriade  (12  chants).  Ses  poésies 
complètes  ont  paru  à  Florence  en  1568. 

Binet  a  adressé  une  pièce  de  vers  latins  à  Pierre  Victor,  et  une  autre 
à  Angelio  de  Barga  ;  elles  ont  été  publiées  en  octobre  1579  à  Poitiers, 
à  la  fin  de  l'opuscule  de  Binet  intitulé  C.  Petronii  Arbitri  Epigrammata 
pp.  32  et  33.  Voir   ci-dessus.  Introduction,  §  II. 


2o8  COMMENTAI  UlC     HISTORIQUE 

P.  43,  I.  .'{•  —  Danzich.  Cf.  Du  Perron:  «  C'est  ce  grand  Ronsard  qui 
a  le  premier.  .  ostendu  la  gloire  de  nos  paroles  et  les  limites  de  nostre 
langue.  C'est  luy  qui  a  faict  que  les  autres  provinces  ont  cessé  de  l'es- 
timer barbare  comme  auparavant,  et  se  sont  rendues  curieuses  de 
l'apprendre  et  de  l'enseigner,  et  qu'aujourd'bu}'  Ion  en  tient  escbole 
jusques  aux  parties  de  l'Europe  les  plus  esloignées,  jusques  en  la 
Moravie,  jusques  en  la  Poloigne,  et  jusques  à  Dansik,  là  on  les  œuvres 
de  Ronsard  se  lisent  publiquement.  »  {Or.  fnn.,  éd.  priiiceps,  pp.  48 
et  49.) 

J'ai  eu  déjà  plusieurs  fois  l'occasion  de  constater  les  ressemblances 
qui  existent  entre  l'opuscule  de  Binet  et  celui  de  Du  Perron,  bien  qu'ils 
diffèrent  très  sensiblement  sur  certains  points.  M"''  Kvers  écrit  à  ce 
propos  :  ;<  Peut-être  se  sont-ils  inspirés  d'un  même  ouvrage  imprimé  ; 
peut-être  aussi  ont-ils  seulement  répété  ce  qui  se  disait  couramment 
autour  d'eux.  «  La  deuxième  lij'pothèse  me  semble  la  meilleure  pour 
ce  passage.  Ils  ont  pu  recueillir  la  même  affirmation  au  cours  d'une 
conversation  avec  Galland,  Desportes  ou  Dorât,  à  laquelle  ils  assis- 
taient l'un  et  l'autre.  Desportes,  qui  était  allé  à  Cracovie,  à  la  suite  de 
Henri  d'Anjou,  roi  de  Pologne,  leur  avait  vraisemblablement  parlé  de 
la  vogue  de  Ronsard  en  ce  pays,  peut-être  au  «  festin  »  qu'il  avait  offert 
aux  admirateurs  du  poète  le  18  février  1586  (v.  ci-dessus,  pp.  191  et 
192).  Au  surplus,  je  crois  que  Binet  a  profité  de  VOr-  fan.  de  Du 
Perron,  qu'il  entendit  prononcer,  et  dont  il  eut  entre  les  mains  soit 
le  manuscrit,  soit  le  texte  imprimé  (v.  ci-dessus,  p.  193,  aux  mots 
«  de  tous  costez  »)■  —  Velliard  dit  de  son  côté  que  Ronsard  n'était 
pas  seulement  lu  avidement,  appris  par  cceur  comme  un  auteur 
classique,  loué  par  les  érudits,  accepté  par  la  foule  comme  un  oracle, 
tout  cela  eu  France,  mais  encoi'e  que  ses  œuvres  étaient  traduites 
en  langue  étrangère,  religieusement  conservées  dans  les  coffrets  des 
rois,  répandues  jusqu'aux  confins  du  monde  civilisé  «  ...  è  gallico  in 
peregrinum  sermonem  transferri,  in  arculis  et  scriniis  regum  sanc- 
tissimè  asservari,  spargi  ac  disseminari  in  barbaras  et  externas  gen- 
tes...  »  {Laud.  fiin.  II,  ff.  15  vo  et  16  r°.) 

Quant  au  fait  même  que  les  œuvres  de  Ronsard  étaient  lues  en  1586 
dans  les  pays  étrangers  du  Nord  et  de  l'Est  aux  «  cscolles  françoises  )), 
il  n'est  pas  douteux.  —  Elles  devinrent  «  classiques  »  de  bonne  heure 
en  Angleterre,  en  Ecosse,  dans  les  Pays-Bas  et  en  Allemagne,  où  sa 
gloire  alla  grandissant  à  mesure  qu'elle  déclinait  en  France,  ne  fût-ce 
que  par  1  intermédiaire  des  élèves  étrangers  de  Dorât  (M.-L-,  Notice 
sur  Dorât,  xxxix  etxL).  Binet  entend  par  les  «  escolles  françoises  » 
non  pas  seulement  celles  où  enseignaient  des  Français,  mais  les  cours 
de  français  qui  étaient  faits  dans  les  universités  étrangères  par  des 
étrangers  '.  En  Angleterre,  par  ex.,  l'enseignement  de  la  langue  fran- 
çaise était  très  répandu  dans  la  deuxième  moitié  du  xvi'^  siècle,  et  l'un 
des  Anglais  qui  l'enseignaient  alors,  John  Eliot,  préconise  dans  la  pré- 


1.  G.  CoUelet  écrit  de  son  côté  :  «...  il  a  esté  admiré  de  toutes  les  nations 
du  monde,  dont  la  pluspart  le  lisent  publiquement  dans  leurs  escholes  fran- 
çoises... »  {Op.  cit.,  p.  100.) 


ET    CRITIQUE  aOQ 

face  d'un  ouvrage  didactique  paru  à  Londres  en  1593  la  lecture  de 
Marot,  Ronsard,  Belleau,  Desportes,  Du  Bartas,  et  autres  esprits 
«  inimitables  en  poésie  ».  Voir  à  ce  sujet  Louis  Charlanne,  Influence 
française  en  Angleterre  an  XVII'  siècle  (thèse  de  Paris,  1906),  première 
partie,  chap.  m,  §  3,  surtout  les   pp.  183  à  191. 

Au  reste,  la  meilleure  preuve  que  les  œuvres  de  Ronsard  étaient  lues 
et  pi'oposées  comme  des  modèles  dans  les  «  escolles  »  de  ces  pays, 
c'est  la  très  grande  influence  littéraire  qu'elles  y  ont  exercée.  En  An- 
gleterre, où  deux  amis  de  Ronsard  lurent  ambassadeurs  de  1561  à  1575 
(Paul  de  F'oix  et  Castelnau  de  Mauvissière),  son  influence  se  fit  sentir 
dès  les  premières  années  du  règne  d'Elisabeth,  à  laquelle  il  dédia  en 
1565  son  recueil  d'Elégies,  Mascarades  et  Bergerie  (cf.  ma  thèse  sur 
Ronsard  p.  lyr.,pp-  214  à  220).  Non  seulement  il  est  probable  que 
ce  recueil  développa  le  goût  des  «  mascarades  »  à  la  cour  d'Elisabeth, 
mais  il  est  certain  que  les  autres  œuvres  de  Ronsard,  surtout  ses  son- 
nets d'amour  et  ses  odes,  furent  fréquemment  imitées  par  les  poètes 
anglais  de  cette  époque,  entre  autres  Watson,  Sidney,  Southern  et 
Lodge.  Cf.  Saintsbury,  Elizabethan  Literature  (Londres,  1893),  pp.  108 
et  112  ;  Sidney  Lee,  Elizabethan  Sonnets  (Cambridge,  1904,  dans  la 
nouvelle  édition  de  VEnglish  Garner),  Introduction  ;  Gregory  Smith, 
édition  des  £'/!:a/)e//ifl/i  critical  Essaijs  (Oxford,  1904),  Introduction; 
A.  Horatio  Upham,  The  French  influence  in  English  Literature  from 
the  accession  of  Elizabeth  to  the  Restoration  (New-York,  1908),  chap. 
II  et  III. 

Binet  ne  parle  pas  de  l'Ecosse  ;  mais  là  Ronsard  fut  lu  et  admiré 
autant  qu'en  Angleterre.  Nous  avons  vu  que  ses  œuvres  contiennent  de 
nombreux  hommages  à  Marie  Stuart  (ci-dessus,  pp.  177  et  178).  Cette 
reine,  qui  avait  vécu  treize  ans  en  France  (de  1548  à  1561),  dut  contri- 
buer pour  une  large  part,  avec  son  entourage  français  (dont  fut  quelque 
temps  Brantôme),  à  faire  connaître  en  Ecosse  son  poète  favori.  G.  Bu- 
chanan,  le  poète  humaniste  qui  avait  enseigné  à  Paris  jusqu'en  1560, 
dut  aussi  louer  Ronsard  dans  les  milieux  lettrés  de  1  Ecosse.  Le  savant 
écossais  Alex.  Bodius,  dans  ses  Lettres  Héroïdes,  imprimées  à  An- 
vers en  1592,  a  écrit,  parlant  des  poètes  illustres  de  tous  les  siècles  : 
Fuit  qiioque  qui  linguam  coluit  gallicam,  Petrus  Ronsardus-  De  hoc 
quid  dicam  ?  Addo  nonum  sidus,  solumque  refera  horum  in  nume- 
rum,  quos  mirer  miser.  Cf.  G.  Colletet,  Vie  de  Ronsard,  p.  102. 

Au  delà  du  Rhin,  Ronsard  fut  également  très  goûté  et  imité.  D'après 
G.  Colletet,  les  poètes  allemands  Melissus  et  Posthius  «  ont  rempli 
leurs  ouvrages  des  louanges  de  Ronsard»  [op.  cit.,  p.  102).  Le  pre- 
mier, qui  était  conservateur  de  la  bibliothèque  d'Heidelberg  et  qu'on 
appelait  pour  ses  poésies  latines  le  Pindare  de  l'Allemagne,  a  écrit  une 
longue  ode,  dédiée  à  Florent  Chrestien,  pour  le  Tombeau  de  Ronsard 
(éd.  Blanchemain,  VIII,  268).  On  étudiait  les  œuvres  de  Ronsard  avec 
passion  à  l'université  d'Heidelberg  vers  la  fin  du  xvie  siècle,  et  c'est  de 
là  que  partit  le  mouvement  de  la  Renaissance  poétique  en  Allemagne. 
Parmi  les  poètes  humanistes  qui  subirent  le  plus  profondément  l'in- 
fluence de  Ronsard,  citons  Rudolf  Weckherlin  et  Martin  Opitz.  Ce  der- 
nier surtout  non  seulement  s'est  inspiré   de  la  technique  ronsardienne 

VIE  DE  p.    DE  RONSARD.  14 


aïO  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

dans  son  traité  de  la  Deuischcn  Poelerci  (1624),  mais  encore  a  imité 
Honsard  de  très  près  en  maintes  pièces.  Voir  l'Introduction  des  œuvres 
choisies  d'Opitz,  par  Jules  Tittmann  (Leipzig,  1869),  et  la  belle 
édition  des  œuvres  de  Weckherlin,  publiée  par  Hermann  Fischer 
(Tubingen,  1894),  tome  I,  pp.  108  à  186,  et  II,  p.  508.  Parmi  les  études 
consacrées  à  ce  sujet,  cf.  Richard  Beckherrn,  Martin  Opitz,  P.Ron- 
sard et    D.  Hcinsiiis  (Konigsberg,  18881. 

Dans  les  Flandres  et  la  Hollande,  l'influence  de  Ronsard  ne  fut  pas 
moindre.  Elle  commença  même  plus  tôt  qu'en  Allemagne,  peut-être 
par  l'intermédiaire  du  célèbre  imprimeur  d'Anvers,  Christophe  Plan- 
tin,  qui,  d'après  son  biographe,  aurait  édité  dès  1556  les  Amours  et  le 
deuxième  Bocage  de  Ronsard  '  ;  sans  doute  aussi,  grâce  à  des  poètes 
humanistes,  tels  que  Charles  Utenhove  de  Gand,  Jean  Dousa  le  père, 
premier  curateur  de  l'Université  de  Leyde,  qui  avaient  vécu  dans  la 
familiarité  de  Dorât  et  de  ses  élèves,  ou  encore  Joseph  Scaliger,  un 
autre  admirateur  de  Ronsard,  qui  enseigna  à  heyàe.  —  Sur  Jean  Van 
Houl,  initiateur  de  la  Hollande  aux  principes  de  la  Pléiade,  voir  un 
article    de  J.   Prinsen    dans   la  Iiei>.   de  la    Renaissance  de  juin    1907. 

Quant  à  la  pénétration  de  l'œuvre  de  Ronsard  en  Pologne  et  «  jusques 
à  Danzich  »,  elle  fut  singulièrement  facilitée  par  les  relations  poli" 
tiques  qui  s'établirent  entre  la  France  et  la  Pologne  de  1572  à  1574. 
Rappelons  que  c'est  Jean  de  Monluc,  un  ami  de  Ronsard,  qui,  après 
avoir  déployé  des  trésors  d'éloquence  à  la  diète  de  Varsovie,  finit  par 
obtenir  la  succession  au  trône  des  Jagellons  pour  Henri  de  Valois,  duc 
d'Anjou  ;  que  Ronsard  collabora  au  gala  des  Tuileries,  d'août  1573, 
organisé  en  l'honneur  des  ambassadeurs  polonais,  éblouis  de  tant  de 
faste  ;  que,  parmi  les  Français  qui  accompagnèrent  Henri  de  Valois  en 
Pologne,  se  trouvaient  de  nombreux  admirateurs  et  amis  de  Ronsard, 
entre  autres  Pibrac,  Desportes,  Du  Gast,  et  que  l'un  d'eux,  Guy  du 
Faur  de  Pibrac,  auquel  Ronsard  adressa  à  Cracovie  l'ode  des  Esloilles, 
était  chancelier  du  nouveau  roi  de  Pologne  et  émerveilla  par  son  élo- 
quence les  lettrés  de  ce  royaume  lointain.  (V.  ma  thèse  sur  Ronsard 
p.  lyr.,  pp.  242  à  244,  250  et  251,  et  Appendice,  pièce  justif.  III.) 
P.  43,  1.  8.  —  Tyard.  Ronsard  a  nommé  Tyard  pour  la  première  fois 
dans  le  sonnet  des  Amours  de  1552:  Pour  célébrer  des  astres  devestus 
(Bl.,  I,  50).  Eu  1553,  dans  la  2''  éd.  des  Amours  il  lui  adressa  le  sonnet, 
très  élogieux,  De  tes  Erreurs  l'erreur  industrieuse  {Ihid. ,  424).  La  même 
année  il  le  comptait  parmi  les  compagnons  des  Isles  Fortunées  (VI, 
173),  et  il  en  faisait  encore  l'éloge  dans  V Elégie  à  J.  de  la  Peruse  (Id., 
44).  Enfin  en  1555,  en  tête  de  la  Continuation  des  Amours,  il  lui 
adressa  le  sonnet  Tyard  chacun  disait  à  mon  commencement  (I,  147), 
que  Binet  rappelle  plus  haut. 

De  son  côté,  Tyard  n'a  pas  loué  Ronsard  avant  son  second  recueil  de 
vers,  la  Continuation  des  Erreurs  amoureuses  (Lyon,  1551)-  C'est  dans 
le  sonnet  Je  n'atten  point,  où  il  l'appelle  un  «  autre  Terpandre  »,  et 
dans  le  Chant  en  faveur  de  quelques  excellens  poètes  de  ce  temps,  où  il 


1.  Roosès,  Christophe  Pluntin    (Anvers,  1890),  p.    35.    fBibl.   Nat.  Ln27,  355 
38  A.) 


ET    (HITIQUE  J  I  1 

consacre  une  strophe  à  lui  et  à  Du  Bellay.  Le  troisième  recueil  des 
Erreurs  amoureuses,  paru  en  1554,  contient  deux  sonnets  où  Tyard 
porte  aux  nues  Ronsard,  Du  Bellay  et  Baïf  (éd.  Marty-Lav.,  pp.  105 
et  112j. 

J'en  conclus  que  Ronsard  et  Tyard  ne  se  sont  pas  connus  au  collège 
de  Coqueret  ;  que  c'est  Tyard  qui  a  fait  les  premières  avances  en 
1551  (ou  même  eu  1550,  car  la  dédicace  de  son  second  recueil  est  de 
1550)  ;  que  Ronsard  répondit  à  son  éloge  dans  le  sonnet  des  Amours 
de  1552;  qu'à  partir  de  1553  Tyard  fut  admis  dans  la  Brigade.  En 
1554,  E.  Pasquier  adjoint  Tyard  à  Ronsard  et  à  Du  Bellay,  comme 
étant  des  trois  poètes  de  son  temps  et  de  son  pays  qui  ont  le  mieux 
écrit  sur  le  sujet  de  l'amour  {Monopliile.  liv.  II  ;  Lettres,  I,  m). 

Le  Maçonnais  Pontus  de  Tyard  fut,  avec  son  cousin  le  Charollais 
Guillaume  des  Autels,  le  vrai  trait  d'union  entre  l'école  lyonnaise  de 
Maurice  Scève  et  l'école  parisienne  de  Ronsard. 
P.  43,  1.  10.  —  peintre  de  nature.  Sur  R.  Belleau,  v.  ci-dessus,  p.  100. — 
Je  n'ai  vu  nulle  part  dans  les  Œuvres  de  Ronsard  que  Belleau  était 
appelé  par  lui  le  «  peintre  de  nature  »  ;  mais  voici  ce  qu'on  lit  dans 
la  dédicace  des  Amours  d'Ant.  de  Baïf,  qui  date  de  1572  : 

Belleau    gentil,     qui    d'esqiiise    peinture 
Soigneusement  imites  la  nature. 
Tu  consacras  de  tes  vers  la  plus  part 
De  Cytherée  au  petit  fils  mignard. 

[Œuvres  de  Baïf^  éd.  Marty-Lav.,  I,  9.) 

P.  43,  1.  11.  —  nourri]  avec  soy.  C'est-à-dire  qu'il  l'avait  élevé  auprès 
de  lui,  dans  sa  propre  maison.  Le  texte  de  C  porte  :  «  Amadis  Jamyn, 
qu'il  a  voit  nourry  page,  et  fait  instruire  ».  A  quelle  date  exacte,  et  par 
suite  de  quelles  circonstances  Jamin  entra-t-il  au  service  de  Ronsard? 
On  ne  saurait  le  dire  actuellement.  Trois  odes  du  2^  Bocage  (nov.  1554) 
et  une  autre  des  Meslanges  (ibid.)  sont  adressées  par  Ronsard  à  un 
serviteur  nommé  Corydon.  Ce  Corydon  a  réellement  existé;  si  son 
nom  est  imaginaire,  sa  personnalité  ne  l'est  point  et  ne  peut  être  mise 
en  doute.  V.  à  ce  sujet  la  pièce  A  Corydon  serviteur  de  Ronsard  dans 
les  Gayetez  d'O.  de  Magny  (1554),  et  le  premier  des  Dialogues  de  Guy 
de  Brués  (1556).  Etait-ce  Amadis  Jamin?  Peut-être.  Il  avait  à  cette 
date  environ  quinze  ans.  En  tout  cas,  en  1563  l'auteur  du  Temple 
de  Ronsard  distingue  Corydon  d'Amadis  parmi  les  domestiques  de 
Ronsard  ;  d'après  ce  pamphlet,  comme  du  reste  d'après  les  odes  du 
2"  Bocage,  il  semble  que  Corydon  ait  été  un  «  valet  cuisinier  »  plutôt 
qu'un  «  page  ».  Ronsard  lui-même  distingue  nettement  son  page  et 
son  cuisinier,  mais  sans  leur  donner  de  nom,  dans  l'odelette  J'oste 
Grevin   de  mes  escrits,  qui  est  du  début  de  1567  (Bl.,  II,  436). 

Je  ne  connais  que  deux  documents  au  .xvio  siècle  qui  signalent 
Jamin  comme  «  page  ))  de  Ronsard  :  1"  Ce  passage  du  Temple  de  Ron- 
sard, qui  est  de    septembre  1563  et   a  pour  auteur  le  poète  protestant 

Grevin  : 

Tu  mettras  en  avant  l'asseuré  tesmoignage 

Du  laquais  ton  mignon,  et  d'Amadis  ton  page... 

(Bl.,  VII,  93); 


ai2  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

2>>  le  texte  C  de  la  V7(*  de  Ronsard  i[uc  nous  commentous. 

Greviii  devait  savoir  à  quoi  s'en  tenir  sur  ce  point,  ayant  vécu  dans 
la  familiarité  de  Ronsard  trois  ans  au  moins,  de  1558  à  1561  ;  mais  les 
termes  d'un  pamphlet  sont  toujours  sujets  à  caution.  Quanta  Binet,  ou 
il  s'est  fondé  uniquement  sur  le  texte  de  Grevin,  ou  il  s'est  renseigné 
auprès  de  Jamin  lui-même,  qui  vivait  encore  en  1591.  Peut-être  aussi 
a-t-il  spontanément  conclu  que  Jamin  avait  été  le  «  page  »  de  Ronsard, 
en  relisant  l'élégie  Couvre  mon  chef  de  pavois  et  le  poème  de  la  Salade, 
adressés  à  Jamin  en  août  1569  (du  moins  c'est  la  date  de  leur  publica- 
tion) dans  les  Sixiesme  et  Septiesme  livres  des  Poëmes-  Mais  dans 
aucune  des  éditions  qu'il  pouvait  consulter  ces  pièces  ne  portaient 
l'cn-tête  «  A  Amadis  Jainyn  son  page  »,  qu'on  trouve  dans  l'éd. 
Blanchomain  (IV,  394  ;  VI,  87).  Jamais  Ronsard  n'a  ainsi  qualifié 
Jamin,  pas  même  dans  la  première  pièce  qu'il  lui  dédia,  le  Chant  des 
Serenes,  publiée  dans  l'édition  collective  d'avril  1567  (Bl.,  I,  224)  ^ 
C'est  seulement  à  partir  de  l'édition  posthume  de  1G17  qu'on  trouve 
cette  mention  en  tête  de  certaines  pièces  «  A  Amadis  Jamyn  son  page  ». 
C'est  une  addition  de  l'éditeur  N.  Buon,  ou  du  commentateur  Cl.  Gar- 
nier,  faite  d'après  le  texte  C  de  Binet  ;  et  c'est  sur  cette  addition,  ainsi 
que  sur  le  texte  C  de  Binet,  que  Colletet  s'est  fondé  pour  affirmer  dans 
sa  Vie  d' Amadis  Jamin  qu'il  avait  été  «  page  »  de  Ronsard. 

On  sait  d'autre  part  que  Jamin  fut  le  «  secrétaire  »  de  Ronsard,  de 
1565  à  1573  environ.  Discrctus  vir,  magister,  clericus  lingonensis  dio- 
cesis,  Jamin  céda  à  Ronsard  le  prieuré  de  Croixval  en  mars  1566 
(Froger,  Rons.  eccl.,  pp.  35  et  63).  Il  figure  dans  un  acte  d'avril  1568 
comme  «secrétaire  du  prieur  de  St-Cosme»  [Ibid.,  pp.  35  et  39). 
L'examen  de  ses  œuvres,  surtout  de  celles  qui  sont  disséminées  dans 
les  publications  faites  par  Ronsard  de  1569  à  1572,  nous  a  prouvé  qu'il 
resta  près  de  lui  ces  années-là  comme  «  secrétaire  »,  jusqu'au  jour  où 
Ronsard  obtint  pour  lui  de  Charles  IX  la  charge  de  «  Secrétaire  et 
Lecteur  ordinaire  de  la  chambre  du  Roy  »  (dans  le  courant  de  1573  ou 
au  début  de  1574). 

Cf.  mes  articles  de  la  Rev.  d'Hist.  litt.  de  janvier  1906,  et  des 
Annales  Fléchoises  de  septembre  1906,  sur  Ronsard  et  Jamin  et  sur  les 
pièces  qu'ils  composèrent  l'un  pour  l'autre  ou  s'adressèrent  mutuelle- 
ment ;  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr-,  Index. 
P.  43,  1-  12.  —  Poète  tragique.  Pour  l'opinion  de  Ronsard  sur  Robert 
Garnier,  voir  le  sonnet  Je  suis  ravi  quand  ce  brave  sonneur,  qui  parut 
en  tête  de  la  tragédie  de  Porcic  (1568)  ;  le  sonnet  //  me  souvient,  Gar- 
nier, qui  parut  en  tête  de  VHippolyte  (1573)  ;  le  sonnet  Le  vieil  cothurne 
d'Euripide,  qui  parut  en  tête  de  la  Cornclie  (1574)  ;  le  sonnet  Quel  son 
masle  et  hardij,  qui  parut  en  tête  de  la  Troade  (1579).  On  trouve  ces 
quatre  sonnets  réunis  dans  l'éd.  Blanchemain,  V,  pp.  353  à  355.  —  De 
son  côté,  Rob.  Garnier  a  écrit  à  la  louange  de  Ronsard  le  sonnet  Tu 
gravais  dans  le  ciel,  et  une  longue  pièce  élégiaque  d'un  beau  rythme 
pour  son  «tombeau  »  (Bl.,  I,  140  ;  VIII,  243).  Cf.    II.  Chardon,  Robert 


1.  L'odelette  de  1554,  Ha  si  l'or  pouvait  allonger  (Bl.,  II,  288),  ne  fut  dédiée 
à  Jamin  qu'eu  1578- 


KT    HISTORIQUE  3l3 

Garnier,  pp.  116  et  241,  et  le  compte  rendu  que  j'ai  donné  de  cet  ouvrage 
dans  la  Revue  critique  du  5  février  1906. 

P.  43,  1.  13.  —  Scevole  de  Saincte  Marthe-  Pour  l'opinion  de  Ronsard 
sur  ce  poète  français  et  néo-latin,  voir  le  Discours  d'un  amoureux 
désespère,  écrit  et  publié  en  1569,  en  retour  des  Premières  Poésies  de 
Sainte-Marthe,  «  gentilhomme  lodunois  ))  (Paris,  Fed.  Morel,  1569)  ; 
la  lettre  de  Ronsard  à  Ant.  de  Baïf  sur  la  Paedotrophia  (ci-dessus, 
p.  44,  1.  29  etsuiv.)  ;  la  fin  d'une  lettre  de  Cl.  Binet  à  Sainte-Marthe, 
publiée  par  Marty-Laveaux,  Notice  sur  Ronsard,  ci.  —  Sur  cet  illustre 
Poitevin,  voir  Dreu-x  du  Radier,  BUA.  hisl.  et  cril.  du  Poitou  (Paris, 
1754),  tome  V,  pp.  147  à  223  ;  Léon  Feugèrc,  Caractères  et  portraits 
littéraires  du  XVIo  s.  (Paris,  Didier,  1859  et  1875),  tome  I  ;  P.  de  Lon- 
guemare,  Une  famille  d'auteurs  aux  XVI<^,  XVII*^  et  XVIII*'  s-  :  les 
Sainte-Marthe  (Paris,  Picard,  1902),  et  le  compte  rendu  de  cet  ouvrage 
par  H.  Chamard  (Rev.  dHist-  litt.  de  1903,  p.  344).  Ses  poésies  latines 
ont  été  étudiées  par  l'abbé  Aug.  Hamon  dans  une  thèse  de  Paris,  1901, 
De  Scaevolae  Sammarthani  vita  et  latine  scriptis  operibus- 

P.  43,  1.  14.  —  en  ses  œuvres.  Cette  dernière  proposition,  comme  l'in- 
dique bien  la  rédaction  de  C,  ne  retombe  que  sur  les  mots  «  quelques 
autres  ».  Elle  ne  peut  s'appliquer  en  effet  à  «  J.  D.  Perron  »,  compris 
dans  l'énumération  précédente,  car  les  œuvres  de  Ronsard  n'en  contien- 
nent pas  la  moindre  mention.  Quant  à  Florent  Clirestien,  il  n'y  parut 
d'abord  qu'en  très  mauvaise  posture  (Bl.  VII,  141  à  149).  De  Thou 
affirme  que  dans  la  suite  Ronsard,  trouvant  qu'il  avait  été  finement 
censuré  par  lui,  «  regarda  comme  un  grand  honneur  l'amitié  et  les 
louanges  de  ce  bel  esprit  ».  {Ilist-  univ.,  XIII,  p.  36).  Défait,  Ron- 
sard supprima  en  1578  l'épître  en  prose  de  1563  «  ou  succinctement  il 
respondoit  à  ses  calomniateurs  »  et  prenait  à  partie  Florent  Chres- 
tien  ;  de  son  côté  Chrestien  adressa  en  1582  dans  le  «  tombeau  »  de 
Christophe  de  Thou  une  idylle  grecque  à  P.  de  Ronsard,  qui  commence 
ainsi  :  «  Bon  vieillard,  tête  chère  aux  Muses,  ô  Ronsard  ;  agite  une 
branche  de  laurier,  car  tu  es  l'Apollon  des  Français  ;  réveille-toi  et 
fais  résonner  ta  lyre  ;  fais-lui  rendre  en  ta  langue  maternelle  une 
plainte  qui  rivalise  avec  celle  des  Grecs  et  des  Latins,...  car  il  y  a 
neuf  jours  que  de  Thou  est  mort...  »  [Chr.  Thuani  Tumulus,  p.  26.) 
Enfin  FI.  Chrestien  est  mentionné  avec  éloge  dans  la  préface  posthume 
de  la  Franciade  (Bl.  III,  35).  Voir  encore  dans  le  Tombeau  de  Ronsard 
une  ode  latine  de  Paul  Melissus  Ad  Florentem  Cbristianum  (Bl.  VIII, 
268). 
P.  43,  1.  15-  —  Speron  Sperone-  C'est  Speroni  (prénom  Sperone), 
célèbre  humaniste  de  Padoue,  né  en  1500,  mort  en  1588,  champion  de 
la  langue  italienne  contre  le  latin,  comme  Bembo  ;  a  laissé,  entre 
autres  œuvres,  la  tragédie  de  la  Canace  et  des  Dialogues  sur  des 
sujets  moraux  et  littéraires.  —  Cf.  l'édition  de  ses  Opère  publiée 
à  Venise  en  1740,  Introduction  ;  les  Mémoires  du  P.  Nicéron, 
tome  XXXIX,  p.  42  ;  Ginguené,  Hist.  litt-  de  l'Italie,  2^  édition, 
tome  VI,  p.  82  ;  P.  Villey,  Les  Sources  italiennes  de  la  Deffence  (Paris, 
Champion,  1908,  et  Rev.  de  la  Renaissance  dejanv.  1909,  p.  11). 
La  forme  francisée  de   son  nom  dont    se   sert  Binet  est  courante  au 


9.1  Cl  COMMKNTAIRK    HISTOnTQUE 

xvic  siècle  ;  v.  par  ex.  Cl.  Gruget,  trad.  des  Dialogues,  et  E.  Pasquier, 
Hcch.  delà  Fr.,  VII,  chap.  iv,  début. 
P.  43,  I.  20.  —  cstre  leu.  Le  Dialogue  des  langues  est  l'un  des  dix 
Dialogues  qui  parurent  en  1542  et  furent  traduits  en  français  par 
Claude  Gruget  en  1551.  <■  Le  septiesme  est  des  langues  »,  dit  Gruget 
dans  son  avis  au  lecteur,  «  où  se  peut  recueillir  de  grand  fruit,  comme 
l'a  bien  sceu  faire  l'un  de  noz  excellcntz  François  en  parlant  de 
l'honneur  de  nostre  langue  '.  Aussi  à  la  vérité  Speron  confesse  la  langue 
Italienne  procéder  de  nous,  ou  du  moins  la  meilleure  chose  qu'ilz 
aj'cnt.  »  Ce  ne  sont  donc  pas  les  œuvres  de  Ronsard,  pas  même  les 
premières  publiées  (1549-1550),  qui  «  ont  esmcu  »  Speroni  «  de  tant 
estimer  nostre  langue  »,  et  Binet  a  commis  là  une  grosse  erreur. 

Quant  au  poème  de  Speroni  «  à  la  louange  de  Ronsard  »,  que  Binet 
trouva  en  1586  parmi  les  papiers  de  notre  poète,  c  est  une  réponse  à 
un  flatteur  hommage  de  Ronsard  lui-même.  On  sait,  en  effet,  par  une 
lettre  très  intéressante  de  Filippo  Pigafetta  à  Speroni,  datée  de  Paris, 
10  juillet  1582,  que  celui-ci  reçut  un  volume  de  vers  de  Ronsard,  qui 
désirait  en  avoir  son  sentiment.  Pigafetta  raconte  dans  cette  lettre  que, 
conversant  avec  Ronsard  des  poètes  italiens  et  entre  autres  de  Speroni, 
il  lui  arriva  de  dire  qu'il  était  l'ami  de  Speroni  depuis  plus  de  vingt- 
quatre  ans  ;  «  donc,  répartit  Ronsard,  comme  il  est  aussi  mon  ami 
depuis  déjà  trente  ans,  il  vous  plaira  de  lui  envoyer  un  de  mes  volu- 
mes, en  le  priant  de  le  lire,  et  de  m'en  écrire  tout  à  loisir  et  brièvement 
son  opinion  »  ;  et  Pigafetta,  après  avoir  dit  qu'il  a  confié  ce  volume  à 
l'ambassadeur  du  duc  de  Ferrare  pour  qu'il  arrive  plus  sûrement  à 
destination,  ajoute  ces  mots  :  «  Votre  Seigneurie  voudra  bien  répondre 
à  1  auteur  en  une  lettre  aimable,  je  suis  sûr  qu'elle  fera  œuvre  cour- 
toise, et  je  lui  en  saurai  bon  gré  »  ((Fuvres  de  Speroni,  éd.  de  Venise, 
1740,  tome  V,  p.  371).  —  La  réponse  de  Speroni  est  une  épître  de 
314  vers,  qui  commence  ainsi  : 

Leggo  spesso  ira  me  tacito  e  solo, 
Dotto  Ronsard,  le  vostre  ode  honorate,.. 

Elle  n'a  pas  dû  parvenir  à  Ronsard  avant  le  12  avril  1584,  car  Speroni, 
qui  était  né  le  12  avril  1500,  y  déclare  au  dixième  vers  qu'il  a  84  ans 
accomplis.  On  la  trouvera  in  extenso  au  tome  IV  de  ses  Opère  dans  la 
susdite  édition  de  1740,  pp.  350  à  365  (Bibl.  Nat.,  Z.  5762  à  5766),  et  à 
la  fin  du  Tombeau  de  Ronsard  dans  les  éditions  de  ses  Œuvres  de 
1609,  1617,  1623,  avec  quelques  variantes.  Antoine  Teissier  la  signale 
en  1715  à  la  fin  de  l'article  consacré  à  Ronsard  dans  ses  additions  aux 
Eloges  tirez  de  l'IIist.  de  M.  de  Thon  (tome  III,  p.  359). 
P.  43,  1  21.  —  /ci///  le  monde.  La  rédaction  de  B  C,  avec  ses  additions, 
est  moins  claire  ici  que  celle  de  A.  Ce  «jugement  »  est-il  celui  de  Sca- 
liger,  ou  celui  de  Victor  et  de  Barga,  ou  celui  de  Speroni  ?  Nous  pen- 
sons qu'il  faut  interpréter  ainsi  :  Cette  opinion,  à  savoir  que  Ronsard 
a  rendu  la  langue  française  l'égale  des  langues  grecque  et  latine,  a  été 


1    Allusion  à  J.  du  Bellay,  qui  s'en  est  inspiré  dans  la  Deffence. 


ET    r.RITTQt'K  3  t5 

suivie  de  toute  l'Europe,  non  seulement  des  peuples  du  Midi,  mais  aussi 
de  ceux  du  Nord  et  de  l'Est. 
P.  43,  1.  26.  —  Quintilian.  Cette  addition  de  C  n'a  été  faite  qu'après  la 
mort  de  Dorât  (l"'  novembre  1588),  qui  avait  détesté  mortellement 
Pierre  La  Ramée  ou  Ramus  (v.  le  Dorât  de  Marty-Laveaux,  Notice, 
pp.  XXV  et  suiv). 

Nous  avons  cherché  vainement  une  Rhétorique  de  Ramus  ornée  de 
citations  de  Ronsard.  Ramus  a  fait  paraître  en  1549  des  Rhetoricae 
dislincliones  (résumé  de  Gicéron  et  de  Quintilien),  où,  cela  va  sans 
dire,  il  n'est  pas  question  de  Ronsard.  C'est  seulement  dans  la  préface 
de  sa  Dialectique,  publiée  en  1555,  qu'on  trouve  trois  citations  de  Ron- 
sard, ou  plutôt  des  traductions  en  vers  de  Virgile  et  d'Horace,  après 
chacune  desquelles  il  y  a  en  parenthèses  le  nom  de  Ronsard. 

Ramus  a  écrit,  d'autre  part,  des  Praelectiones  in  Audomari  Talaei 
Rhctoricam.  La  Rhctorica  d'Omer  Talon  avait  eu  trois  principales 
éditions  du  vivant  de  l'auteur,  en  1544,  1554  et  1562  (Parisiis,  apud 
A.  Wechelum,  in-8".)  Après  la  mort  de  Talon  (1562),  Ramus,  qui  avait 
été  pour  lui  le  plus  intime  des  amis,  commenta  cet  ouvrage  au  Collège 
Royal,  et  le  fit  réimprimer  avec  ses  propres  remarques  sous  ce  titre  : 
Audomari  Talaei  Rhetorica  P.  Rami  praelectionibus  illustrata.  Editio 
postrema  (Parisiis,  apud  A.  Wechelum.  1567).  Or,  non  seulement  les 
adversaires  de  Ramus  l'accusèrent  de  s'être  attribué  l'ouvrage  de  son 
ami,  malgré  ce  titre  et  un  avis  de  Ramus  au  lecteur  qui  ne  laissaient 
pas  place  à  une  telle  accusation,  mais  encore  l'opinion  devint  courante 
chez  ses  admirateurs  que  cette  Rhctorica  était  bien  l'œuvre  de  Ramus, 
et  cette  opinion  s'accrédita  facilement,  de  ce  fait  qu'il  avait  publié 
d'autres  ouvrages  de  sa  façon  sous  le  nom  d'Omer  Talon.  A  cet  égard, 
rien  n'est  plus  significatif  que  ce  titre  des  œuvres  complètes  d  Omer 
Talon,  publiées  à  Bâle  en  1575  :,  Audomari  Talaei,  quem  Pétri  Rami 
Theseum  dicere  jure  possis,  opéra. 

On  peut  expliquer  ainsi  que  Binet  ait  attribué  une  Rhétorique  à  Ramus . 
Mais  il  n'y  a  pas  trace  de  citations  de  Ronsard  dans  la  Rhetorica  pro- 
prement dite  d'Omer  Talon  ;  et,  si  elles  existent,  ce  ne  peut  être  que 
dans  les  Praelectiones  dont  Ramus  l'avait  «  illustrée  ».  Or  je  n'ai  pu 
me  procurer  ni  l'édition  parisienne  de  1567,  ni  la  réimpression  de  Bâle 
de  1573,  signalée  par  Waddington  dans  sa  thèse  sur  Ramus  (1856).  J'ai 
seulement  puconsulterun  opuscule  intitulé  Audomari  Talaei  Rhetorica, 
e  P.  Rami  regii  professoris  praelectionibus  observata  (Lutetiae,  apud 
A.  Wechelum,  1572)  ',  et  un  volume  intitulé  Pétri  Rami  Veromandui, 
regii  professoris,  Dialecticae  libri  duo,  cum  Audomari  Talaei  Rhetorica, 
e  Pétri  Rami  regii  professoris  praelectionibus  observata  (Francofurti, 
apud  Z.  Palthenium,  m.  dc) -.  Et  je  n'j'  ai  pas  trouvé  la  moindre  citation 
de  Ronsard. 

Une  dernière  remarque.  Peut-être   Binet  a-t-il  fait    simplement    une 


1.  Bibl.  Nat,,  Inv.  X.  17839. 

2.  Bibl.  Nat.,  Inv.  X.  17983.  Ce  volume  et  le  précédent  sont  signalés,  entre 
autres  œuvres  d'O.  Talon,  dans  le  Répertoire  des  ouvrages  pédagogiques  du 
XVI^  siècle,  Bibl.  Nat.,  8°  R.  6879,  fascicule  3. 


Tlh  COMMENTAinE    HISTORIQUE 

confusion  entre  la  Rhetorica  de  Talon,  attribuée  à  Hamus,  et  la  Rhéto- 
rique fraïuyisc  d'Antoine  Foclin,  publiée  en  lô'jô,  dont  la  dédicace  <<  à 
Madame  Marie  Hoyne  d'Escosse  »  contient  les  lignes  suivantes  :  «...  J'ay 
traduit  les  préceptes  de  Rhétorique,  fidèlement  amassez  des  livres  des 
anciens  Rhéteurs  Grecz  et  Latins,  et  rengez  en  singulier  ordre  de  dis- 
position par  Omer  Talon,  homme  non  moins  excellent  en  cet  art,  que 
parfait  en  toutes  autres  disciplines.  A  l'aveu  et  conseil  du  quel  j'ay  ac- 
comodé  les  préceptes  de  cet  art  à  nôtre  langue,  laissant  toutesfois  ce  à 
quoy  le  naturel  usage  d'icelle  sembloit  répugner  :  adjoutant  aussi  ce 
quelle  avoit  de  propre  et  particulier  en  soy ,  outre  les  Grecz  et  les  Latins  : 
et  déclarant  chacun  précepte  par  exemples  et  tesmoignages  des  plus 
apronvcz  autheurs  de  notre  langue,  ce  que  fort  méthodiquement  et  in- 
génieusement je  voyois  avoir  esté  fait  par  le  même  autheur  en  la  La- 
tine '.  » 

La  confusion  de  Binet  s'expliquerait  d'autant  mieux  que  cette 
lihcloriqiic  française  parut  également  chez  A.  Wechel,  que  Foclin 
(ou  Fouquelin)  était  «  de  Chauny  en  Vermandois  »,  par  conséquent  le 
compatriote  de  Talon  et  de  Ramus,  enfin  que,  parmi  «  les  plus  aprou- 
vez  autheurs  de  notre  langue  »  auxquels  Foclin  a  emprunté  ses  exem- 
ples, Ronsard  figure  au  premier  rang. 
P.  43,  1-  3L  —  médecin.  Ce  sonnet  de  la  deuxième  partie  des  Amours 
était  en  effet  dédié  à  Grevin  dans  l'édition  de  1560,  et  fut  dédié  à  Patoil- 
let  (ou  Patouillet)  dans  les  éditions  suivantes  (cf.  Bl.  l,  208).  On  pour- 
rait croire  d'après  l'exemple  choisi  par  Binet  qu'il  a  connu  la  première 
édition  collective  de  Ronsard  ;  je  ne  le  crois  pas,  pour  ma  part,  car  s'il 
en  était  ainsi,  Binet  aurait  certainement  profité  pour  sa  biographie  des 
précieux  renseignements  que  contient  cette  édition.  Il  a  simplement 
connu  VOlympe  de  Grevin,  recueil  de  vers  qui  parut  en  15G0  avec  le 
susdit  sonnet  de  Ronsard  comme  liminaire,  et  il  a  remarqué  la  substi- 
tution du  nom,  en  rapprochant  le  texte  primitif  de  ce  sonnet  du  texte 
des  éditions  de  Ronsard  de  1584  et  de  1587,  qu'il  possédait. 

C'est  un  fait  bien  curieux  que  cette  substitution  de  noms  propres 
dans  les  dédicaces  des  œuvres  de  Ronsard.  Eut-elle  toujours  lieu  «  par 
bonne  raison  »,  comme  dans  le  cas  de  Grevin  cité  par  Binet  ?  Nous  ne  le 
chercherons  pas  ici.  Remarquons  seulement  quelle  fut  bien  plus  fré- 
quente que  notre  panégyriste  ne  semble  le  croire,  et  que  son  témoi- 
gnage est  quelque  peu  suspect,  puisque,  dans  la  première  édition  pos- 
thume, son  propre  nom  s'est  trouvé  substitué  deux  fois  à  d'autres,  et 
celui  de  son  collaborateur  Galland  une  fois. 

Sans  parler  des  noms  d'amis  littéraires  que  Ronsard  changea  dans 
l'intérieur  de  certaines  pièces,  telles  que  le  poème  des  Isles  fortunées 
de  1553,  l'ode  Nous  ne  tenons  en  nostre  main  de  1554,  l'Hymne  de 
Henri  II  de  1555  ;  sans  compter  les  nombreux  sonnets  d'amour  qui  ont 
changé  d'adresse  (quinze  d'un  coup  ont  passé  en  1578  du  second  livre 
des  Amours  consacré  à  Marie  dans  le  premier  livre  des  Amours  consa- 
cré à  Cassandre),  —  voici  quelques  exemples  de  changements  de  dédi- 

1.  Bibl.  Nat.,  Rés.  X.  2534.  La  réimpression  de  1557  porte  comme  nom  d'au- 
teur Antoine  Fouquelin. 


ET    CRITIQUE  aiT 

cace,  dont  les  uns  s'expliquent,  se  justifient  même,  dont  les  autres  me 
semblent  témoigner  plutôt  d'une  certaine  «  inconstance  d'amitié  », 
surtout  ceux  qui  ont  eu  lieu  après  la  mort  des  intéressés  : 

L'ode  de  1550  Si  l'oiseau  qu'on  voit  a  été  successivement  dédiée  à 
Jean,  puis  à  Abel  de  la  Harteloire,  enfin  à  Dorât. 

L'ode  de  1550  0  terre  fortunée  est  dédiée  à  Julien  Peccate  jusqu'à 
l'édition  de  1578  inclus,  à  Des  Autels  dans  les  éd.   suivantes. 

L'ode  de  1550  Que  nul  papier  dorénavant  est  dédiée  d'abord  à  Ch.  de 
Pisseleu,  à  partir  de  1555  au  seigneur  de  Lanques. 

L'ode  de  1550  Tu  me  fais  mourir  et  le  sonnet  de  1555  E  que  me  sert, 
la  Traduction  de  quelques  epigr-  grecz  de  1554,  l'élégie  de  1554  Je  veux 
mon  cher  Paschal,  l'hymne  de  la  Mort  de  1555,  dédiés  d'abord  à  Pas- 
chal,  le  sont  à  partir  de  1560  à  Pasquier,  à  Muret,  à  Belleau,  à  Des 
Masures. 

L'ode  de  1554  Du  malheur  de  recevoir  est  dédiée  à  Revergat  jusqu'à 
l'éd.  de  1578  inclus,  à  Robertet  dans  les  éd.  suivantes. 

La  chanson  de  1560  Qui  veut  sçavoir  Amour  est  dédiée  à  O.  de 
Magny  dans  les  deux  premières  éditions  collectives,  mais  à  partir  de 
1571  à  Nicolas,  secrétaire  du  Roi. 

L'élégie  de  1560  Mon  Lhuillier  tous  les  arts  et  le  sonnet  de  1563 
Quand  Apollon  auroit  faict  restent  dédiés  à  L'Huillier  de  Maisonfleur 
jusqu'à  l'édition  de  1571  inclus  ;  à  partir  de  1573,  lélégie  est  dédiée  à 
Troussily,  le  sonnet  à  Lansac  le  jeune. 

La  Paraphrase  du  Te  Deum,  dédiée  en  1565  au  seigneur  Boulan, 
l'est  à  partir  de  1567  à  Monsieur  de  Valence  (Jean  de  Monluc). 

Le  sonnet  de  1565  Quand  tu  naquis  est  d'abord  dédié  à  Vaumény, 
à  partir  de  1578   à  Edinton,  un  autre  joueur  de  luth. 

Dans  la  première  édition  posthume,  J.-A.  de  Thou  remplace  De  Bray 
(dédicace  de  l'Orphée)  ;  Binet  remplace  Girard  (dédicace  du  Rossignol) 
et  Brués  (dédie,  du  sonnet  de  1555  Veux  tu  sçavoir  )  ;  Galland  rem- 
place Troussily,  déjà  nommé  ;  Belon  remplace  Thevet,  auquel  Ronsard 
avait  dédié  en  1560  l'ode  Hardy  celui  qui  le  premier  et  le  sonnet  Si  du 
nom  d'Ulysses. 

Pour  la  disparition  du  nom  de  Grevin,  v.  la  note  suivante.  Pour 
celle  du  nom  de  Paschal,  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr-,  pp.  125  et 
suiv.  Pour  l'apparition  du  nom  de  Binet,  ci-dessus,  p.  198-  —  Sur  cette 
question,  voir  encore  Colletet,  Vj'e  de  Ronsard,  pp.  80  et  suiv.,  en  ayant 
soin  de  corriger  ce  qu'il  dit  de  Gassot  et  de  Choiseul,  comme  nous 
l'avons  fait  ci-dessus,  pp.  195-196;  Blanchemain,  tome  V  de  son  jRon- 
sard,  p.  239,  note  ;  Marty-Laveaux,  Notice  sur  Ronsard,  p.  lxxxix- 
P.  43,  1-  36.  —  de  ses  escrits.  Nous  avons  à  ce  sujet  le  témoignage  de 
Ronsard  lui-même,  dans  une  courte  pièce  qu'il  écrivit  à  l'époque  où  fut 
imprimée  la  2^  édition  collective  de  ses  œuvres  (mars  1567).  En  voici  le 
début  : 

Joste  Grevin  de  mes  escris 
Parce  qu'il  fut  si  mal  appris, 
Afin  de  plaire  au  Calvinisme 
(Je  vouloy  dire  à  l'Athéisme) 
D'injurier  par  ses  brocards 
Mon  nom  cogneu  de  toutes  parts, 


2l8  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

lîl  tlonl  il  f;usoil  tant  d'estime 
Par  son  discours  et  par  sa  rime.  . 

(Bl..  II,  43();  M.-L..  VI,  91.) 

Rlanchcmain  l'a  datée  à  tort  de  1572  (pour  la  discussion,  cf.  ma  thèse 
sur  Ronsard  p.  lyr.,  pp.  240  et  241). 

C'est  à  partir  de  1567  que  le  nom  de  Grevin  disparut  des  œuvres  de 
Ronsard.  Non  seulement  celui  de  Patouillet  le  remplaça  dans  le  sonnet 
de  1560  A  Phcbus,  mon  Grevin,  tu  es  du  loul  senddahlc,  mais  l'ode 
Vous  faisant  de  mon  escrilure,  dédiée  primitivement  à  Cli.  de  Pisseleu, 
puis  en  1560  à  Grevin,  devint  l'ode  A  (ïrujet,  et  le  poème  des  Isles 
fortunées  mentionna  Turrin  au  lieu  de  Grevin  parmi  les  membres  de 
la  Brigade.  Quant  au  Discours  à  Grevin,  que  Ronsard  avait  écrit  en 
1561  pour  le  Théâtre  de  son  ami,  il  fut  sacrifié. 

Grevin  a  certainement  collaboré  au  Temple  de  Ronsard-  Le  témoi- 
gnage de  Binet,  qui  était  son  compatriote  et  s'entretint  vraisemblable- 
ment de  lui  avec  Ronsard,  ne  permet  guère  d'en  douter.  Il  n'y  a  plus  de 
doute  si  l'on  songe  que  la  pièce  dont  on  vient  de  lire  le  début  se  plaint 
en  même  temps  de  Florent  Chrestien,  l'auteur  de  la  Seconde  Rcsponsc, 
qui  avait  paru  avec  le  Temple  de  Ronsard,  et  si  on  lit  attentivement 
VEpistre  au  lecteur  '  où  R-  a  pris  à  partie  (en  octobre  1563)  à  la  fois 
FI.  Chrestien  et  J.  Grevin  «  ce  jeune  drogueur,  de  qui  la  vie  ne  sera 
pas  mauvaise  descrite  »  (allusion  au  titre  complet  du  Temple  de  Ron- 
sard, publié  dans  les  premiers  jours  de  septembre  1563). 
p.  43,  1.  40.  —  des  Autels  Les  premiers  témoignages  de  l'estime  de  Ron- 
sard pour  Peletier,  Sceve,  Heroët  et  Saint- Gelais  setrouventdans  lapré- 
face  des  Odes  de  1550  (Bl.,n,  10  et  11)  ;  pour  Salel  dans  l'épitaplic  qu'il 
lui  consaci'a  en  1553  (VII,  268)  ;  pour  G.  des  Autels  dans  le  sonnet  de 
1552  Pour  célébrer  des  astres  devestus  (I,  50).  Ses  œuvres  en  contiennent 
d'autres,  surtout  à  l'adresse  de  Peletier,  de  Saint-Gelais  et  de  Des 
Autels.  Cf.  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  Index.  —  Du  Bellay  les 
comptait  aussi  parmi  les  ennemis  du  <'  monstre  Ignorance  »  ;  voir  la 
fin  de  sa  première  préf-  de  l'Olive  et  sa  Musagnœomachie,  et  la  thèse 
de  H.  Chamard  sur  J.  du  Bellay,  Index. 
P.  43,  1.  45.  —  Estienne  Pasquier.  L'omission  de  ce  nom  dans  la  pre- 
mière rédaction  est  très  remarquable.  Peut-être  fut-elle  volontaire,  car 
les  rapports  entre  Pasquier  et  Binet  semblent  avoir  été  très  froids  en 
1585  et  1586  (v.  ci-dessus,  Introduction,  §  III,  B). 

La  liaison  de  Ronsard  et  de  Pasquier  remonte  à  1554,  et  c'est  vrai- 
semblablement Pasquier,  avocat  au  Parlement  de  Paris  et  grand  ami 
de  Sibilet,  qui  fit  les  avances.  Au  livre  II  de  son  Monophile,  il  pré- 
senta Ronsard,  avec  du  Bellay  et  Tyard,  comme  le  plus  grand  poète 
du  temps  pour  chanter  les  passions  de  l'amour  (édit.  des  Œuvres 
de  1723,  tome  II,  col.  771).  Ronsard  dédia  à  Pasquier  un  sonnet  de  la 
Continuation  des  Amours  (1555),  devenu  plus  tard  madrigal,  qui  com- 
mence par  E  n'esse  mon  Pasquier  iBl-,  I,  157);  Pasquier  en  dédia  deux 

1.  Cf.  Bl.,  VII,  136  et  suiv.  Cette  Epistre  servait  de  préface  aux  Nouvelles 
Poésies,  parues  dans  le  courant  d'octobre  de  1563.  (V.  ma  thèse  sur  Ronsard 
p.  lyr.,  pp.  209-210., 


ET    CRITIQUE  3ig 

à  Ronsard  dans  ses  Rimes  et  proses  (privil.  d'octobre  1555).  La  même 
année  ils  échangèi'ent  de  curieuses  lettres.  Puis  en  1560,  Ronsard  dédia 
à  Pasquier  deux  pièces  primitivement  adressées  à  Paschal,  le  sonnet  de 
1555  E  que  me  sert,  et  l'ode  de  1554  Tu  me  fais  mourir  (Bl-,  I,  401  ; 
II,  289).  Signalons  encore  comme  preuves  de  leur  intimité  et  de  l'ad- 
miration de  Pasquier  pour  Ronsard  une  pièce  de  vers  latins,  qui  date 
de  1575  (v.  le  Ronsard  de  Blanchemain,  I,.xxv),  et  le  livre  VII  fprimi- 
tivement  VI)  des  Recherches  de  la  France,  chap.  vi  à  ix.  Cf.  ma  thèse 
sur  Ronsard  p.  lyr.,  Index,  au  nom  de  Pasquier. 
P.  44,  1.  4.  —  estre  tel-  Cl",  ce  passage  de  V Hymne  de  la  Surdité  de  Du 
Bellay  : 

Tout  ce  que  j'ay  de  bon,  tout  ce  qu'en  moy  je  prise. 
C'est  d'estre,  comme  toy,  sans  fraude   et  sans  feinlise, 
D'estre  bon  compagnon,  d'estre  à  la  bonne  foy. 
Et  d'estre,  mon  Ronsard,  demy-sourd  comme  toy  ; 

et  encore  ces  lignes  d'une  Epistre  au  lecteur  publiée  par  Ronsard  en 
1563  :  «  Peu  de  personnes  ont  commandement  sur  moi  :  je  fais  volon- 
tiers quelque  chose  pour  les  Princes  et  grands  Seigneurs,  pourveu  qu'en 
leur  faisant  humble  service  je  ne  force  mon  naturel  et  que  je  les 
cognoisse  gaillards  et  bien  naiz,  faisant  reluire  sur  leur  front  je  ne 
sçag  quelle  attrayante  et  non  vulgaire  vertu.  »  (Bl.,  VII,  138.) 
P.  44,  1.  15.  —  la  Pléiade.  Ces  deux  dernières  lignes  ont  été  emprun- 
tées presque  textuellement  à  une  épître  en  prose  que  Ronsard  avait 
insérée  en  tête  de  son  Recueil  des  Nouvelles  Poésies  public  en  octo- 
bre 1563  ',  et  qu'il  avait  supprimée  de  l'édition  collective  de  ses 
Œuvres  en  1578.  Dans  cette  Epistre  au  lecteur,  Ronsard  «  respondoit 
succinctement  à  ses  calomniateurs  »,  c'est-à-dire  à  Florent  Chrestien, 
«  le  chrestien  reformé  »,  auteur  de  la  Seconde  Response,  et  à  Jacques 
Grevin,  «  le  jeune  drogueur  »  auteur  du  Temple  de  Ronsard.  Il  y  repre- 
nait, entre  autres  choses,  un  sonnet  que  FI.  Chrestien  avait  «  mis  au 
devant  de  sa  Responce»,  et  après  avoir  cité  le  second  quatrain  : 

Bien   qu'esloigné   de    ton   sentier  nouveau. 
Suivant  la  loy  que  tu  as  massacrée, 
Je  n'ay  suivy  la  Pléiade,  enyvrée 
Du  doux  poison  de  ton  brave  cerveau, 

il  commentait  ainsi  l'expression  Pléiade  enyvrée  :  «  Je  n'avois  jamais 
ouy  dire,  sinon  à  toy,  que  les  estoilles  s'enyvrassent,  qui  les  veux  ac- 
cuser de  ton  propre  péché...  La  colère  que  tu  descharges  sur  ces  pau- 
vres astres  ne  vient  pas  de  là.  Il  me  souvient  d'avoir  autrefois  accom- 
paré  sept  poètes  de  mon  temps  à  la  splendeur  des  sept  estoilles  de  la 
Pleïade,  comme  autrefois  on  avoit  fait  des  sept  excellens  poètes  Grecs 
qui  florissoient  presque  d'un  mesme  temps.  Et  pource  que  tu  es  extrê- 
mement marry  dequoy  tu  n'estois  du  nombre,  tu  as  voulu  injurier  telle 
gentille  troupe  avecques  moy  »  (édit.  Bl.,  VII,  147)- 

1.  Pour  cette  date,  voir  ma  thèse  sur  Ronsardp.  lyr.,  pp.  209  et  210.  —  Blan- 
chemain (Vil,  136)  et  ceux  qui  l'ont  suivi  ont  daté  ce  recueil  de  1564  d'après  la 
seconde  édition. 


aaO  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

Ce  passage,  plagié  par  Binct,  offre  cet  intérêt  particulier  qu'il  nous 
fixe  sur  la  vraie  valeur  historique  du  terme  de  Pléiade  appliqué  à 
l'école  de  Ronsard.  Ce  ne  fut  primitivement  qu'une  métaphore,  et  non 
pas  une  appellation  réelle,  courante,  ayant  un  caractère  officiel  ou  sim- 
plement public.  Bien  mieux,  cette  métaphore  ne  remonte  pas  au  delà  de 
1556,  Ronsard  est  le  seul  à  l'avoir  emploj^ée  parmi  les  poètes  dits  «  de 
la  Pléiade  »,  et  il  ne  l'a  employée  qu'une  seule  fois.  C'est  dans  VElerjie 
à  Clir.  de  Choiscid,  publiée  en  tête  de  VAnacrcon  de  R.  Bellcau  au 
mois  d'août  1556  '•  Après  y  avoir  rappelé  que  «  cinq  ou  six  poètes  seu- 
lement »  s'étaient  distingués  au  début  du  règne  de  Henri  II,  et  qu'ils 
furent  suivis  d'une  «  tourbe  incognue  de  serfs  imitateurs  »,  Ronsard 
compare  la  France  poétique  à  une  terre  qui  a  d'abord  produit  une  bril- 
lante moisson,  puis  s'est  reposée,  se  laissant  envahir  de  mauvaises  herbes, 
et  il  ajoute  ces  vers  : 

Maintenant  à   son    tour  fertile  elle  commence 
A  s'enfler  tout  le  sein  d'une  belle  semence, 
Et  ne  veut  plus  souffrir  que  son  gueret  oiseux 
De  chardons  se  hérisse  et  de  buissons  ronceux, 
Te  concevant,  Belleau,  qui  vins  en  la  brigade 
Des  bons  pour  accomplir  la  septiesme  Pléiade. 

Tel  est  le  passage  de  1556  auquel  Ronsard  a  fait  allusion  dans  son 
Epislre  au  lecteur  de  1563.  On  voit  qu'il  s'était  contenté  d'assimiler 
métaphoriquement  sept  poètes  français  à  la  Pléiade  alexandrine  con- 
temporaine des  premiers  Ptolémées  -. 

Comme  l'a  fort  bien  remarqué  M''^'  Evers  {op.  cit.,  p.  134),  l'expres- 
sion de  1563  «  Il  me  souvient  »  et  l'explication  que  Ronsard  a  donnée 
alors  du  sens  du  mot  Pléiade  suffiraient  à  prouver  que  cette  appellation 
n'était  pas  généralement  connue,  et  que  par  conséquent  elle  ne  servait 
pas  encore  à  désigner  l'école  de  Ronsard.  Ce  sont  les  poètes  huguenots 
qui,  raillant  cette  métaphore  de  Ronsard  comme  un  témoignage  de  son 
orgueil,  la  répandirent  à  partir  de  1563  ;  si  bien  qu'on  finit  par  la  lui 
appliquer  sans  moquerie,  à  lui  et  aux  poètes  catholiques  de  sa  «  volée  » 
qui  «  s'estoient  fait  apparoistre  comme  grandes  estoilles  »  ^.  Dès  1566, 
H.  Estienne  emploie  ce  terme  de  Pléiade  avec  l'acception  qu'il  a 
gardée  jusqu'à  nos  jours,  comme  nom  distinctif  de  l'école  érudite  dont 
Ronsard  était  le  chef,  et  il  l'emploie  sans  explication  comme  un  terme 
que  ses  lecteurs  devaient  facilement  comprendre  :  «...  aux  poètes  de  la 
Pléiade  qui  sont  pour  le  jour  d'huy  »;  «  s'il  m'est  permis  de  pleïadizer, 
c'est-à-dire  contrepeter  le  language  de  messieurs  les  poètes  de  la 
pléiade  »  {Apologie  pour  Hérodote).  On  peut  penser  qu'à  cette  époque, 
sous  la  plume  de  H.  Estienne,  qui  était  un  ami  de  Th.  de  Bèze,  ces  pas- 

1.  La  dédicace  de  VAnacréon  de  Belleau  à  Chr.  de  Choiseul  est  datée  du  15 
août.  Sur  l'élégie  liminaire  de  Ronsard,  voir  ci-dessus,  p.  195,  au  mot 
«  Choiseul  ». 

2.  Les  «  sept  excellens  poètes  Grecs  »  qui  formaient  la  Pléiade  alexandrine 
sont  :  ^Eantide,  Apollonius  de  Rhodes,  Aratus,  Homère  le  jeune,  Lycandre, 
Lycophron  et  Théocrite  (cf.  Suidas,  tome  I,  p.  105). 

3.  Expressions  de  Ronsard  lui-même  tirées  de  VEpistre  au  Lecteur  citée  plus 
haut  Bl..  VII.  145. 


ET    CRITIQUE  321 

sages  n'allaient  pas  sans  une  pointe  de  malice.  Mais  quelques  années 
plus  tard,  en  1578,  c'est  sans  la  moindre  ironie  qu'il  parle  de  «  cer- 
taines odes  d'aucuns  des  poètes  qui  sont  de  la  Pléiade  »  {Dialogues  du 
nouveau  langage)  '.  A  la  même  date  paraissent  les  Sonets  exoleriques 
de  G. -M.  Imbert,  un  ancien  condisciple  de  Ronsard  et  de  Baïf  au  col- 
lège de  Coqueret,  qui  leur  exprimait  une  admiration  sans  réserve  et 
dont  le  témoignage,  par  conséquent,  ne  peut  pas  être  suspecté  ;  or 
voici  le  sonnet  qu'il  adressait  à  Dorât  : 

Le  disciple  parfois  en  grandeur  de  savoir 
Et  en  toute  vertu  va  surmontant  le  niaistre: 
Ce  cas  est  advenu  maintefois,  et  peut  estre 
Que  le  maistre  candide  a  plaisir  de  le  voir. 

D'Aurat,  ce  m'est  plaisir  que  de  ramentevoir 
Que  Dieu  m'ait  fait  ce  bien  que  de  me  faire  naistre 
En  ton  temps,  et  m'ait  fait  de  ta  doctrine  paistre. 
Que  j'ay  fait  par  l'oreille  à  l'esprit  recevoir. 

Mais  ce  n'est  moi  qui  rend  ce  propos  véritable, 
Ne  méritant,  d'Aurat,  d'estre  à  toi  comparable, 
Ni  d'estre  mis  au  rang  des  disciples  premiers. 

Car  je  sçay  que   ne  suis  de  la  docte  brigade. 
Et  quencor  moins  je  suis  de  ceux  de  la  Pléiade. 
Qui  dit  que  je  ne  sois  le  moindre  des  derniers  "^  ? 

Ainsi  donc  la  dénomination  de  «  la  Pléiade  »  a  bien  existé  du  temps 
de  Ronsard  pour  désigner  les  sept  meilleurs  poètes  de  son  école  (lui 
compris).  Mais  il  est  inexact  de  dire,  comme  l'a  fait  Binet,  et  comme 
on  l'a  répété  depuis  plus  de  trois  siècles,  que  c'est  Ronsard  lui-même 
qui  est  l'auteur  de  cette  dénomination,  et  qu'elle  date  du  règne  de 
Henri  IL  Elle  date  en  réalité  du  régne  de  Charles  IX,  et  c'est  aux 
huguenots  que  nous  la  devons  ''. 

Je  vais  plus  loin  :  je  pense  que  cette  dénomination  ne  fut  même  pas 
très  courante  sous  les  règnes  de  Charles  IX  et  de  Henri  III,  et  que  c'est 

1.  Ces  passages  de  H.  Estienne  ont  été  cités  par  L.  Clément  dans  sa  thèse  sur 
Henri  Estienne  et  son  œuvre  française,  pp.  154,  160,  169,  et  par  M"''  Evers,  loc. 
cit. 

2.  Réimpression  de  Tamizey  de  Larroque,  1872,  p.  21. 

3-  Je  crois  utile  de  signaler  ici  trois  textes  curieux  du  temps  de  Henri  II,  où 
le  terme  de  Pléiade  ne  figure  pas,  bien  que  sa  place  y  fût  tout  indiquée,  sem- 
ble-t-il,  s'il  avait  désigné  dès  lors  l'école  ronsardienne  :  1°  Au  livre  II  de  son 
Monophile,  qui  date  de  1554,  E.  Pasquier,  parlant  des  trois  meilleurs  poètes 
français  de  son  temps  qui  aient  écrit  sur  le  sujet  de  l'amour  (Ronsard,  Du  Bel- 
lay, Tyart),  et  des  autres,  qui,  malgré  leur  infériorité,  «  méritent  grande 
louange  et  immortalité  de  nom  »,  se  contente  de  dire  «  toute  ceste  compagnie  » 
(^Œuvres  de  Pasquier,  édition  d'Amsterdam,  1723,  t.  Il,  col.  771).  —  2»  La 
même  anuée,  Loys  le  Caron  réunissait  dans  une  pièce  de  sa  Poésie,  intitulée  le 
Ciel  des  Grâces,  comme  membres  de  la  «  troupe  chantante  »,  Ronsard,  Saint- 
Gelais,  Jodelle,  Sceve,  Bellay,  Dorât,  Muret,  Peruse,  le  Masconnois  (Tyard), 
Baïf,  Panjas,  Alcinois  (Denisot),  Tahureau,  Des  Autelz,  Magny  et  De  Mesme. 
—  3°  En  1556,  parut  à  Lyon  chez  Thibauld  Payan  un  volume  contenant  une 
réédition  de  l'Art  poët.  de  Th.  Sibilet,  une  réédition  du  Quintil  Horatian  et  un 
Autre  Art  poétique  réduit  en  bonne  méthode  (anonj'me),  le  tout  couronné  par  un 
sonnet,  également  anonyme,  où  se  trouvent  énumérés  les  «  excellens  poètes 
François  n  d'alors,  savoir  :  Ronsard,  Jodelle,  du  Bellay,  Tyard,  Le  Caron, 
Sibilet  et  Denisot.  Aucune  trace  du  terme  de  Pléiade  dans  ce  volume,  pas  même 
une  allusion,  non  plus  que  dans  l'Art  poétique  de  J.  Peletier,  paru  en  juin  1555. 


222  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

Binet  qui  l'a  vraiment  vulgarisée  par  sa  troisième  rédaction  de  la  Vie 
de  Ronsard  tout  à  tait  à  la  fin  du  xvi*^  siècle.  On  ne  la  trouve,  en  efl'et, 
ni  dans  les  Epithclcs  françaises  de  Maurice  de  la  Porte  (1571),  où 
pourtant  il  est  souvent  question  de  Ronsard  et  de  son  groupe  litté- 
raire ;  ni  dans  la  préface  de  l'édition  collective  des  Œuvres  de  Tyard 
(1573),  où  celui-ci  énumère  les  six  ou  sept  meilleurs  poètes  de  l'école 
ronsardienne,  en  ajoutant  que  «  quelques  autres  suivirent  doctement 
mesme  trace  »  ;  ni  dans  la  préface  de  l'éd.  coll.  des  Œuvres  de  Jodelle 
par  Ch.  de  la  Mothe  (1574),  où  pourtant  l'occasion  s'offrait  également 
belle  ;  ni  dans  les  Œuvres  pocliques  d'Am.  Jamin  (1575,  1577,  1579, 
1584)  ;  ni  dans  le  Tombeau  de  Ronsard,  ni  dans  les  éloges  funèbres 
composés  en  son  honneur  par  Du  Perron,  Velliard,  Critton,  pas  plus 
que  dans  les  deux  premières  rédactions  de  la  Vie  de  Ronsard  par 
Binet  ;  ni  chez  Brantôme,  ni  chez  d'Aubigné,  ni  chez  de  Thou,  ni  chez 
Estienne  Pasquier. 

Quant  au  terme  de  Brigade,  à  la  fois  plus  belliqueux  et  plus  modeste 
que  celui  de  Pléiade,  on  le  trouve  au  contraire  couramment  employé 
dans  la  seconde  moitié  du  xvie  siècle,  et  dès  1549,  pour  désigner  Ron- 
sard et  le  groupe  nombreux  de  ses  émules.  M"e  Evers,  argumentant  à 
ce  sujet  contre  M.  Chamard,  conclut  que  le  terme  brigade  est  toujours 
employé  comme  non  commun,  et  non  pas  comme  nom  distinctif 
appliqué  spécialement  à  Ronsai'd,  à  ses  condisciples  de  Coqueret  et  à 
ses  amis  littéraires  (op.  cit. .pp.  132  à  134).  Je  ne  puis  partager  entière- 
ment sou  opinion.  Evidemment  dans  la  plupart  des  exemples  qu'elle  cite 
le  mot  brigade  est  un  simple  synonyme  de  troupe  :  «  amoureuses  briga- 
des de  satyres  «(Ronsard, Bl.,  II,  160),  «  le  premier  d'une  tellebrigade  », 
«  la  céleste  Draine  entre  ceste  brigade  »  (Dorât,  M.-L.,  23  et  52), 
«  Belleau  qui  vins  en  la  brigade  des  bons  »  (Ronsard,  Bl.,  VI,  202), 
«  ceste  brigade  de  muguets  ignorans  »  (Binet).  Mais,  d'abord,  les  deux 
autres  exemples  invoqués  par  elle  : 

lo,  j'entens  la  brigade, 

J'oy  l'aubade 
De  nos   compaings  enjouez... 


Sus,  conduisez  d'une  aubade 

La  brigade, 
O  vous,  chantres  honorez... 


extraits  des  Bacchanales  de  Ronsard  (1549),  me  semblent  de  nature  à 
prouver  le  contraire  de  ce  qu'elle  avance,  car  le  mot  brigade  y  est 
employé  absolument,  pour  désigner  spécialement  Ronsard  et  «  la 
joyeuse  trouppe  de  ses  compaignons  ».  Ensuite  il  n'est  pas  exact  de 
dire  que  l'interprétation  du  mot  brigade  comme  un  nom  propre  ou 
distinctif  «  est  fondée  uniquement  sur  ces  passages  ».  Belleau,  dans 
une  ode  qu'il  écrivit  en  15(30  pour  le  l^  livre  des  Recherches  d'E.  Pas- 
quier, déplore  les  tristes  destinées  de  la  «  brigade  »,  qui  vient  de  perdre 
Du  Bellay  (éd.  Marty-Lav.,  I,  118).  En  février  1553,  Ronsard  dans  ses 
Dithyrambes  désigne  par  ce  terme  la  troupe  des  poètes  qui  fête  à 
Arcueil  les  succès  dramatiques  de  Jodelle  (Bl.,  VI,  382),  et  il  le  reprend 
ainsi  dix  ans  plus  tard,  dans  sa  Responce  aux  injures  : 


ET    CRITIQUE  223 

Jodelle  ayant  gaigné  par  une  voix  hardie 
L'honneur   (jue    l'homme  (irec  donne  à  la  tragédie, 

La  Brigade,  qui  lors  au  ciel  levoit  la  teste 
(Quand  le  temps  permettoit  une  licence  honneste) 

Luy  fit  présent  d'un  bouc,  des  tragiques  le  prix. 

(Bl.,  VII,  111.) 

De  son  côté,  E.  Pasquier  emploie  toujours  le  mot  brigade  pour 
désigner  l'école  des  poètes  ronsardiens,  au  nombre  desquels  il  se  range 
(v.  par  ex.  Rech.  de  la  Fr.,  VII,  chap.  vi).  Sans  affirmer  que  ces  exem- 
ples sont  péreinptoires,  on  peut  penser  qu'ils  sont  assez  probants  pour 
justifier  dans  une  large  mesure  l'opinion  opposée  à  celle  de  M'Ie  Evers. 

En  tout  cas,  il  reste  acquis  que  l'école  poétique  dite  «  de  la  Bri- 
gade »  se  composa  d'abord  d'une  quinzaine  de  disciples  de  Dorât 
rangés  en  1549  sous  la  bannière  de  Ronsard  et  entraînés  par  le  mani- 
feste de  Du  Bellay  ',  qu'elle  s'augmenta  les  années  suivantes  dun  bon 
nombre  de  poètes,  dont  quelques-uns  très  remarquables,  tels  que  Des 
Autels,  Tyard,  Magny,  Jodelle,  La  Péruse,  Belleau,  Tahureau,  et  qu'en 
peu  de  temps  la  petite  troupe  primitive  devint  légion.  C'est  pour 
réagir  contre  cette  invasion  d'imitateurs,  dont  les  médiocres  risquaient 
de  compromettre  la  gloire  de  son  école,  que  Ronsard  distingua  une 
élite  dans  la  Brigade  dès  1553.  C'est  dans  l'élégie  A  J.  de  la  Péruse 
qu'il  fit  connaître  cette  élite,  assez  discrètement  d'ailleurs,  savoir  : 
Du  Bellay,  Tyard,  Baïf,  Des  Autels,  Jodelle  et  La  Péruse  -.  Ce  dernier 
étant  mort  dans  le  courant  de  1554,  Belleau  vint  à  sa  place  «  en  la  bri- 
gade des  bons  »,  pour  parfaire  le  nombre  des  sept  étoiles  qui  dans 
l'esprit  de  Ronsard  formaient  un  groupe  comparable  à  celui  de  la 
Pléiade  alexandrine  (v.  ci-dessus,  p.  220). 

Et  l'on  voit  que  la  composition  de  la  Pléiade  française  diffère  sensi- 
blement de  celle  qui  est  traditionnelle.  Dorât  n'en  faisait  pas  partie, 
pour  cette  raison  bien  simple  qu'il  écrivait  presque  toujours  en  grec  et 
en  latin  ;  on  le  mettait  en  dehors  et  au-dessus  ;  on  lui  réservait  le  titre, 
d'ailleurs  mérité,  de  <<  père  des  poètes  »  ^.  Mais  ce  qui  est  surtout 
curieux,  c'est  que  Ronsard,  voulant  y  faire  entrer  Jacques  Peletier 
après  la  publication  de  VArl  poétique  (juin  1555),  lui  sacrifia  Des 
Autels,  qu'il  estimait  pourtant  d'une  façon  toute  particulière.  Nous 
avons  la  preuve  de  cette  substitution  dans  huit  vers  de  l'Hymne  de 
Henri  //,  qui  parurent  dans  la  deuxième  moitié  de  1555  et  furent  con- 
servés dans  l'édition  collective  de  1560  : 

Non  je  ne  suis  tout  seul,  non,  tout  seul  je  ne  suis. 
Non  je  ne  le  suis  pas  qui  par  mes  œuvres  puis 

1.  Cf.  Chamard,  thèse  sur  J  du  Bellay,  pp.  47  à  49  ;  Laumonier,  thèse  sur 
Ronsard  p.  lyr.,  pp.  49  à  51. 

2.  Cf.  Bl.,  VI,  43  à  45.  A  la  même  époque  d'ailleurs  Ronsard  publiait  le 
poème  des  Iles  fortunées,  où  il  faisait  entrer  dans  sa  «  chère  bande  »  plus  de 
quinze  poètes,  outre  les  sept  de  l'élégie  A  J.  de  la  Peruse,  peut-être  pour  atté- 
nuer l'effet  de  ses  exclusions.  (V.  mon  Ronsard  p.  lyr.,  p.  110.) 

3.  Cf.  A.  de  Baif,  éd.  Marty  Laveaux,  II,  440. 


224  COMMENTAlBE    HISTORIQUE 

Donner  aux  grands  Seigneurs  une  gloire  éternelle  : 

Autres  le  peuvent  faire,  un  Bellay,  un  Jodelle, 

Un  Baïf,  Pelletier,  un  Belleau  et  Tiard, 

Qui  des  neuf  Sœurs  en  don  ont  reçu  le  bel  art 

De  faire  par  les  vers  les  grands  Seigneurs  revivre. 

Mieux  que  leurs  bastimcnts,  ou  leurs  fontes  de   cuivre  '. 

Telle  fut  la  vraie  composition  de  la  Pléiade  française,  avec  ses  varia- 
tions, de  1553  à  1560.  Du  Bellay  mort,  il  est  possible  que  Dorât 
«  poeta  et  interpres  regius  »  ait  passé  pour  la  septième  étoile  aux  yeux 
des  huguenots,  quand  ils  disaient  «  messieurs  de  la  Pléiade  »  en  par- 
lant de  leurs  adversaires  poètes.  Mais,  dans  tous  les  cas,  Binet,  qui  eut 
d'ailleurs  grandement  raison  de  compter  Du  Bellaj^  parmi  les  «  sept  », 
eut  tort  de  sacrifier  Des  Autels  ou  Peletier,  pour  pouvoir  faire  figurer 
Dorât  dans  ce  nombre-  Malheureusement  son  témoignage  a  prévalu.  Sa 
liste,  composée  quelque  peu  arbitrairement,  se  retrouve,  dans  un  ordre 
dififérent  mais  avec  les  mêmes  noms,  sous  la  plume  de  Ménage  :  Ron- 
sard, Du  Bellay,  P.  de  Tyard,  Jodelle,  Belleau,  Baïf  et  Dorât  (Ofeser- 
vations  sur  les  Poésies  de  Malherbe,  1GG6,  p.  396).  Elle  a  fait  autorité 
jusqu'à  nos  jours,  et  l'on  sait  que  la  Collection  de  la  Pléiade  française, 
publiée  par  Marty-Laveaux,  comprend  les  pauvres  vers  français  de 
Dorât,  qui  était  avant  tout  un  poète  grec  et  latin. 

Je  ne  cite  que  pour  mémoire  cette  autre  liste  tout  à  fait  fantaisiste 
d'un  ancien  commentateur  de  Ronsard  :  «  L'excellente  Pléiade  des 
esprits  de  sou  temps,  d'Aurat,  du  Bellay,  Belleau,  Baïf,  Jodelle,  Se.  de 
Saincte-Marthe,  Muret,  et  nostre  Poëte  par  dessus  tous  ».  Telle  est 
l'interprétation  que  Nicolas  Richelet  a  donnée  de  l'expression  «  la 
Musine  troupe  »,  employée  par  Ronsard  dans  l'ode  fameuse  où  il 
convie  ses  amis  à  fêter  la  publication  des  Anacreontea  par  H.  Estienne 
(éd.  de  1604,  tome  II,  ode  xv  du  cinquième  livre  des  Odes)  : 

Fay    moy    venir  d'Aurat  ici 
Fais  y  venir  Jodelle  aussi 
Et  toute  la  Musine  troupe. 

Richelet  ne  connaissait  ni  la  date  de  la  composition  de  cette  ode,  ni 
les  transformations  subies  par  ce  texte.  Voici  en  effet  la  leçon  primi- 
tive {Meslanges  de  1554)  : 

Fai  moi  venir  d'Aurat  ici, 
Paschal,  et  mon  Pangeas  aussi. 
Charbonnier  et  toute  la  troupe.... 

et  la  variante  de  la  première  édition  collective  des  Œuvres  (1560)  : 

Fai  moi  venir  d'Aurat  ici, 
Grevin,  Belleau,  Baïf  aussi. 
Et  toute  la  Musine  troupe. 


1.  On  chercherait  vainement  ces  vers  dans  les  éditions  de  Blanchemain  et  de 
Marty-Laveaux  ;   supprimés  par  Honsard,    ils  n'ont  reparu  qu'en    1905  dans  la 
Reu.  d  Hist.  litl.,  n"  d'avril- juin,  p.  256.  Ils  étaient  insérés  avant  celui-ci  : 
Mais  quoi.  Prince,  on  dira  que  je  suis  demandeur... 

(Bl.,  V.  79  ;  M.-L.,  IV,  199.) 


ET    CRITIQUE  2  25 

En  1567,  Grevin  fut  remplacé  par  Gruget,  et  c'est  seulement  eu  1578 
que  Ronsard  établit  le  texte  qui  parvint  à  la  connaissance  de  Richelet. 
11  ressort  de  ce  simple  tableau  comparatif  que  «  la  Musine  troupe  )) 
désigne  la  Brigade  et  non  pas  la  Pléiade. 

Quant  à  la  liste  elle-même  de  la  Pléiade  dressée  par  Richelet,  elle 
est  trois  ou  quatre  fois  erronée  :  d'abord  elle  comprend  une  étoile  de 
trop  ;  ensuite  elle  admet  Dorât  et  exclut  Tyard  ;  enfin  on  y  voit  figurer 
Muret,  qui,  chassé  de  France  à  la  fin  de  1553,  semble  avoir  perdu 
quelque  temps  la  sympathie  de  Ronsard  et  d'ailleurs  n'avait  aucun 
titre  à  l'honneur  que  lui  a  fait  Richelet,  et  Se.  de  Sainte-Marthe,  qui 
ne  fut  guère  connu  de  Ronsard  avant  1569,  année  de  la  publication  de 
ses  Premières  Poésies  (v.  ci -dessus,  p.  213),  et  dont  le  chef-d'œuvre,  la 
Paedutrophia,  publié  au  complet  seulement  eu  1584,  est  un  poème 
latin. 

Par  malheur,  cette  liste  de  Richelet  a  influencé  certains  critiques  du 
xixe  siècle,  notamment  Sainte-Beuve,  qui  a  écrit  ces  lignes  regretta- 
bles :  «  Par  une  sorte  d'apothéose,  Ronsard  imagina  une  Pléiade 
poétique,  à  l'imitation  des  poètes  grecs  qui  vivaient  sous  les  Ptolé- 
mées  ;  il  y  plaça  auprès  de  lui  Dorât  sou  maître,  Amadis  Jamyn  son 
élève,  Joachim  du  Bellay  et  Remy  Belleau  ses  anciens  condisciples, 
enfin  Etienne  Jodelle  et  Pontus  de  Thiard,  ou  par  variante  Se.  de 
Sainte-Marthe  et  Muret.  La  vénération  du  siècle  s'empressa  de  consa- 
crer cette  constellation  nouvelle.  »  {Tableau  de  la  p.  fr.  an  XVI'^  s., 
éd.  courante  de  Charpentier,  p.  64.)  On  peut  ne  voir  qu'une  faute 
d'impression  dans  l'absence  du  nom  de  Baïf,  que  Sainte-Beuve  partout 
ailleurs  a  mis  au  rang  des  «  sept  »  ;  mais,  outre  les  erreurs  déjà  signa- 
lées, on  en  trouve  là  une  autre  qu'il  est  difficile  d'expliquer  :  c'est  la 
présence  d'Amadis  Jamyn,  dont  les  Œuvres  poétiques,  d'ailleurs  très 
estimables  et  trop  dédaignées  de  nos  jours,  parurent  pour  la  première 
fois  en  1575. 

P.  44,  1.  28.  —  envoyée.  La  Paedotrophia  de  Se.  de  Sainte-Marthe  est  un 
poème  didactique  de  quinze  cents  vei's  latins,  divisé  en  trois  livres, 
qui  traitent,  le  1'-'"  du  régime  que  doit  suivre  la  femme  enceinte  et  de 
l'accouchement,  le  2^  des  soins  à  donner  au  nouveau-né,  le  3*-'  des 
remèdes  contre  les  maladies  de  l'enfance.  Il  est  agrémenté  d'épisodes 
à  la  façon  des  Géorgiques.  Publié  au  complet  en  1584  (Paris,  Mamert 
Pâtisson  ;  dédicace  à  Henri  III),  il  eut  un  très  vif  succès.  On  alla  jus- 
qu'à dire  en  Italie  comme  en  France  que  Virgile  en  eût  été  jaloux.  Dix 
éditions  se  succédèrent  du  vivant  de  l'auteur,  et  dix  autres  après  sa 
mort.  Ce  poème  devint  classique  :  il  fut  commenté  et  traduit  dès  la  fin 
du  xvie  siècle  dans  plusieurs  universités  de  l'Europe.  —  Pour  la  bi- 
bliographie, v.  ci-dessus,  p.  213,  aux  mots«  Scevole  de  Sainte-Marthe  ». 

P.  44,  1.  33.  —  le  divin  Fracastor.  Bembe,  c'est  le  cardinal  vénitien 
Pietro  Bembo,  chef  de  l'école  cicéronienne  et  des  néo-pétrarquistes, 
mort  en  1547.  Entre  autres  œuvres  latines  et  italiennes,  en  prose  et  en 
vers,  il  a  laissé  un  livre  de  Carniina,  publié  en  1548  à  Venise,  et 
réédité  en  1549  et  1552  à  Florence  (Torrentino)  avec  les  poésies  latines 
de  Navagero,  Castiglione,  Gotta  et  Flaminio,  sous  le  titre  Carmina  quin- 
que  illustrium  poetarum.  C'était  un  des  auteurs  de  chevet  de  Ronsard. 

VIE    DE    p.    DE    RONSARD.  15 


2  26  COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

D  après  G.  Colletet,  Ronsard  avait  «  marqué  et  annoté  de  sa  main 
propre  »  un  exemplaire  des  <i  diverses  rj'mes  italiennes  »  du  cardinal 
Bembo  [Vie  de  Ronsard,  publiée  par  Blanchemain,  p.  58i.  La  forme 
Bembe  est  courante  au  xvic  s-  (v.  par  ex.  Du  Bellay,  Dejfence,  éd. 
Chamard,  pp.  162  et  329  ;  E.  Pasquier,  Recherche  de  la  Fr.,  VII, 
chap.  IV,  début). 

Naugere,  c'est  Naugerius,  nom  latin  du  poète  et  ambassadeur 
vénitien  Andréa  Navagero,  qui  a  laissé  un  livre  de  poésies  latines 
publié  sous  le  titre  de  Lusus  un  an  après  sa  mort,  en  1530  (Venise, 
J.  Tacuiuo).  Les  poètes  de  la  Brigade  l'ont  beaucoup  imité,  surtout 
Du  Bellay,  Ronsard  et  Baïf.  Voir  VEpitaphc  d'André  Nauger,  au 
3«  livre  des  Passetems  de  Baïf  (éd.  Martj'-Lav.,  tome  IV,  p.  331)  ;  la 
thèse  de  H.  Chamard  sur  J.  du  Bellay  et  ma  thèse  sur  Ronsard  p-  lyr-, 
Index. 

Fracastor,  c'est  le  médecin-poète  de  Vérone,  mort  en  1553.  Entre 
autres  œuvres  latines,  il  a  composé  un  poème  en  trois  livres,  intitulé 
Syphilis,  sive  De  morbo  gallico  et  dédié  au  cardinal  Bembo.  Ce  poème 
eut  un  succès  prodigieux  en  Italie  et  à  l'étranger.  Ronsard  compte 
Fracastor  parmi  les  bons  poètes  latins  :  «  De  nostre  temps,  dit-il  dans 
la  préface  posthume  de  la  Franciade,  Fracastor  s'est  montré  très 
excellent  en  sa  Syphilis,  bien  que  ses  vers  soient  un  peu  rudes  ». 
(El  ,  III,  22.) 
P.  44,  1.  39.  —  un  tel  homme.  Blanchemain  a  publié  cette  lettre  en 
1867,  d'après  une  «  copie  »  communiquée  par  un  «  amateur  »  (éd.  de 
Ronsard,  VIII,  p.  174).  —  A.  de  Rochambeau  en  1868  a  joint  au  texte 
de  Blanchemain  rectifié  un  fac-similé  de  l'original  [Famille  de  Ron- 
sart,  p.  8).  —  Enfin  Marty-Laveaux  a  donné  de  ce  fac-similé  une 
transcription  meilleure  mais  encore  fautive  (éd.  de  Ronsard,  VI, 
p.    485).    —  Nous  la    reproduisons    avec   de  nouvelles   corrections  ^  : 

«  Bons  dieux  !  quel  livre  m'avez-vous  donné  de  la  part  de  monsr  de 
S'e  Marthe.  Ce  n'est  pas  un  livre,  ce  sont  les  Muses  mesmes,  j'en  jure 
tout  nostre  mystérieux  Helicon,  et  s'il  m'estoit  permis  d'y  assoir  mon 
jugement  je  le  veulx  préférer  à  tous  ceulx  de  mon  siècle,  voire  quand 
Bembe  et  Naugere  et  le  divin  Fracastor  en  devroient  estre  courroussez, 
car,  ajoignant  la  splendeur  du  vers  nombreux  et  sonoreux  à  la  belle  et 
pure  diction,  la  fable  à  l'histoire,  et  la  philosophie  à  la  médecine,  je  di 
deus  deus  ille  Menalca  et  le  siècle  heureux  qui  nous  a  produit  un  tel 
home.  C'est  assez  dit,  je  m'en  vais  dormir.  Je  vous  donne  le  bon  soir. 
Ronsart.  » 

Se.  de  Sainte-Marthe,  auquel  Baïf  avait  communiqué  cette  lettre  dès 
1584,  la  traduisit  en  latin  et  la  fit  imprimer  comme  une  glorieuse  pré- 
face, en  tête  de  toutes  les  éditions  postérieures  de  la  Paedolrophia 
(y  compris  celles  des  Poëmatc,  1587,  1596,  1606,  etc).  Voici  cette 
traduction  telle  qu'on  la  trouve  dès  la  seconde  édition,  publiée  en  1585 
(Poitiers,  J.  Blanchet)  : 


1.  Je  lis  dieux  au  lieu  de  Dieux  ;  Muses  au  lieu  de  muses  ;  nostre  mystérieux 
au  lieu  de  mon  mystérieux  ;  devroient  au  lieu  de  devroit  ;  ajoignant  au  lieu  de 
joignant  ;  deus  deus  au  lieu  de  Deus,  Deus  ;  Ronsart  au  lieu  de  Ronsard. 


KT    CIUTIOLE 


Ex  epistola  P.  Ronsanli  ad  J.  Ant.  Buïfiuni-  DU  boni,  qiiem  milii 
librum  niisisli  a  nostro  Sammarthano  conscriptum  !  Non  liber  est, 
siint  ipsacMiisae:  lotnm  noslriini  Ilelicoint  testent  appello.  Quin  et  si  de 
eo  judicium  mihi  concessiini  sit,  velini  equidem  illum  omnibus  hujus 
seculi  poëtis  anteponerc  :  vel  si  Benibus,  Naiigerius,  diuinusque  Fracas- 
torius  aegre  laturi  sinl-  Diim  enim  perpcndo  qnàm  apte  suavitatcm 
carminis  parue  tersaeque  dictioni,  fabulum  hisloriae,  philosophiam 
arli  mcdicae  conjnnxerit,  libet  cxclamare  —  deus,  deus  ille  Menalca, 
seculiunque  isliid  felixdicere,  quod  nobis  talem,  lantiimque  viruni  pro- 
tulerit. 

Ainsi  Binet  n'a  pas  été  le  premier  à  pulilier  le  jugement  de  Ronsard 
sur  la  Puedoirophia.  Bien  mieux,  il  semble  que,  après  avoir  reproduit 
en  1587  certaine  tournure  elliptique  et  obscure  de  l'original  commu- 
niqué par  Bail,  il  ait  eu  recours  en  1597  au  latin  élégant  de  Sainte- 
Marthe  pour  éclairer  et  arrondir  la  dernière  partie  de  sa  citation. 
P.  45,  1.  1.  —  fonteine  Bellerie.  Ce  n'est  pas  un  nom  de  fantaisie. 
D'après  un  acte  notarié  du  11  mai  17G5,  Robert  Lorin,  prêtre,  «  baille 
à  ferme  une  pièce  de  terre  tant  en  nature  de  pré  ou  noue  fauchable  que 
chenevril  enclos  de  hayes  vives  en  dépendantes  situées  au  lieu  de  la 
Bellerie,  paroisse  de  Couture,  près  ledit  lieu  des  Pastils  (autrement 
nommé  le  Vauméan),  près  le  chemin  qui  conduit  de  Couture  aux 
Essarts-  »  Dans  un  autre  acte  du  24  mai  1777,  il  est  question  de  la 
Maugarierie  proc/ie  f/e  Z«  /?e//er/e  (Archives  dép.  du  Loir-et-Cher).  — 
Le  cadastre  de  la  commune  de  Couture  mentionne  aussi  la  terre  de  la 
Bellerie.  Mais  les  habitants  de  cette  commune  disent  par  corruption 
la  ferme  de  la  Belle  Iris,  croyant  à  une  vague  tradition  locale  d'après 
laquelle  Ronsard  aui'ait  fréquenté  ce  lieu  avec  l'une  de  ses  maîtresses 
(peut-être  faut-il  voir  l'origine  de  cette  tradition  dans  l'ode  Je  veux, 
Muses  aux  beaux  yeux,  où  le  poète  dépeint  Cassandre  dormant  nue 
au  bord  de  la  fontaine  Bellerie;. 

Quant  à  la  «  fontaine  »  même,  elle  jaillissait  d'un  antre  creusé  dans 
le  tuf,  que  l'on  aperçoit  encore  au  fond  de  la  cour  de  la  dite  ferme, 
située  à  trois  ou  quatre  cents  mètres  à  l'est  du  manoir  de  la  Possonnière. 
Elle  existe  toujours,  mais  elle  est  captée  et  a  perdu  tout  son  charme. 
On  voit  seulement  à  l'entrée  de  la  ferme  un  déversoir  de  la  source, 
entouré  de  peupliers,  d'où  elle  fuyait  vers  le  Loir,  à  la  limite  orientale 
des  Fiefs  Communs-  Avant  un  éboulement  de  tuf  survenu  en  1870,  elle 
formait  encore  au  seuil  même  de  son  antre  une  nappe  d'eau  courante 
qui  servait  de  lavoir  aux  gens  du  Vauméan,  et  de  rendez-vous  l'été  pour 
les  veillons  (veillées;  cf.  réveillon).  —  On  ne  doit  pas  la  confondre 
avec  une  autre  source,  dite  du  Haul-Vauméan,  située  au  delà  de  ce 
hameau,  à  droite  de  la  route  de  Couture  aux  Essarts,  captée  aussi, 
mais  à  ciel  ouvert,  et  bordée  d'acacias,  au  demeurant  presque  tarie. 

On  voit  ce  qu'il  faut  penser  de  l'assei'tion  de  l'abbé  Simon,  d'après 
lequel  la  fontaine  Bellerie  aurait  été  dédiée  à  Belleau  par  Ronsard  et 
aurait  pris  son  nom  de  lui  {Hisl.  de  Vendôme,  III,  533)  ;  c'est  une  opi- 
nion d'autant  plus  fausse  qu'en  1550  Ronsard  ne  connaissait  pas  encore 
Belleau  et  que  cependant  il  fit  alors  paraître  deux  odes  A  la  fontaine 
Bellerie  ;  je  ne  l'aurais    même  pas  relevée,  si  elle  n'avait  pas   reparu 


■J2S  COMME.NÏAIHE    HISTOniQUE 

dans  la  Vie  de  Ronsard  queBlanchemain  a  placée  en  tête  du  tome  VIII 
de  son  édition,  p.  oO,  note  1,  et  dans  l'étude  historique  de  F  de  Nolhac 
sur  Hélène  de  Surgères  (tirage  à  part,  p.  29). 

P.  45,  1.  5.  —  en  nous.  Cf.  l'odelette  A  la  forest  de  Gastine  ;  pour  l'idée, 
le  Dialogue  des  Orateurs  de  Tacite,  cliap.  xii. 

P.  45,  1.  9.  —  naturellement.  Sur  Meudon,  voir  ce  que  Ronsard  a  écrit 
dans  sa  3*^  églogue,  intitulée  C/ian/pa.s/o/a/ .sur /es  nopcesde  Mgr  Charles 
duc  de  Lorraine  (Bl.,  IV,  pp.  55  et  suiv.).  Il  en  faisait  venir  le  nom  de 
«  l'antique  Méduse  »  (El.,  V,  96).  —  Quant  à  Hercueil,  dont  il  faisait 
venir  le  nom  d'Hercule,  c'est  Arcueil  ;  voir  ce  qu'il  en  a  dit  ainsi  que 
de  sa  «  fontaine  »  dans  les  Bacchanales  (El.,  VI,  pp.  372  et  suiv.),  et 
dans  le  texte  primitif  de  l'ode  J'ag  l'esprit  tout  ennuyé  (v.  ma  thèse  sur 
Ronsard  p.  Igr.,  p.  572). 

P.  45,  I.  12.  —  d  Tours.  Allusion  à  cinq  sonnets  que  Ronsard  a  publiés 
en  1578  et  que  Einet  lisait  dans  l'éd.  collect.  de  1584  avec  les  titres 
suivants  : 

1.  A  Monstr''  le  duc  de  Touraine.  François  de  France,  fils  et  frère  de 
Roy,  entrant  en  la  maison  de  l'Autheur. 

2.  Audit  seigneur  duc,  entrant  en  son  jardin. 

3.  Audit  seigneur  duc,  entrant  dedans  son  bois. 

4.  Audit  seigneur  duc,  luy  présentant  du  fruict. 

5.  Audit  seigneur  duc,  faisant  son  entrée  à  Tours. 

François  d'Alençon,  frère  du  roi  Henri  III,  avait  été  investi,  à  la  paix 
de  Eeaulieu  dite  de  Monsieur  (mai  1576),  des  duchés  d'Anjou,  de 
Touraine  et  de  Eerry.  Sur  son  entrée  solennelle  à  Tours,  qui  eut  lieu  le 
28  août  1576,  et  sur  la  part  que  Ronsard  y  a  prise,  v.  Marty-Lav.,  Notice 
sur  Ronsard,  pp.  lxxxv  et  cxxii  ;  L.  Dorez,  Comptes  rendus  de  VAcad. 
des  Inscriptions,  séance  du  8  janvier  1904,  p.  18.  Les  sonnets  que 
Ronsard  écrivit  pour  la  circonstance,  et  lors  des  visites  du  prince  au 
prieuré  de  St-Cosme,  sont  dans  l'éd.  B1.,I,  422-23;  V,  320-23;  et  dans 
l'éd.  M.-L.,  II,  4  à  7.  Mais  M.-L.  a  eu  tort  d'écrire  que  «  la  maison 
de  l'Autheur  »  mentionnée  en  tête  du  premier  de  ces  sonnets  est  «  le 
manoir  de  la  Poissonnière  »  (II,  p.  465,  note  3). 
p.  45,  I.  15.  —  ce  qui  venoit  de  luy.  Allusion  au  sonnet  de  Ronsard 
Au  rog  Charles  IX  luy  présentant  des  pompons  de  son  jardin  :  «  Eien 
que  Bacchus...  »,  que  Binet  lisait  avec  ce  titre  dans  léd.  collective 
de  1584  (cf.  éd.  M.-L.,  II,  23).  Ce  sonnet  faisait  primitivement  partie 
d'un  groupe  de  cinq  sonnets  que  Ronsard  écrivit  en  novembre  1565  au 
prieuré  de  St-Cosme,  lorsqu'il  y  reçut  la  visite  de  Catherine  de  Médicis 
et  de  ses  fils  Charles  IX  et  Henri  d'Anjou  (le  château  du  Plessis,  où 
résidait  la  Cour,  était  tout  proche  du  dit  prieuré).  Ils  ont  paru  pour  la 
première  fois  en  1567,  groupés  dans  l'ordre  et  avec  les  titres  suivants  : 
1.   Au  Roy  :  Bien  que  Bacchus  soit  le  prince  des  vins 

2  A  la  Royne  :  De  mon  présent  moy-mesme  je  m'estonne 

3  Au  Roy:  Le  grand  Hercule  avant  qu'aller  aux  cieux 

4.  A  la  Royne  :  Vous  qui  avez  forçant  la  destinée 

5.  A  Monsieur  :  Prince  bien  né  la  seconde  espérance...  ; 

El.  les  a  réédités  en  les  séparant  (V,  306,  310,  314-15)  et  a  fait  suivre  le 
3e  (qui  devient  chez  lui  le  l'-f)  de  cette  suscription  fantaisiste  :  «  L'Au- 


ET    CRITIQUE  33f) 

theur  le  recevant  en  sa  maison  de  la  Poissonnière  ».  l»  Cette  suscription 
n'existe  dansaucune  des  éd.  contempor.de  Ronsard,  et  quand  ce  sonnet, 
supprimé  en  1578,  reparut  en  1617  Recueil  des  pièces  retr-,  p.  91),  il 
n'eut  derechef  que  ce  simple  titre  :  Au  Roy.  2"  On  lit  très  nettement 
au  6*  vers  dans  les  trois  éd.  coUect.  de  1567,  1571  et  1573  : 

Loire  en    ses  flots  vos   Majestez  admire 

au  lieu  de  la  leçon  de  Bl.  :  «Loir  en  ses  flots...  )>  3"  Le  quatrième  de  ces 
sonnets  nous  apprend  que  la  Reine  mère  et  ses  fils  sont  venus  visiter 
Ronsard  dans  une  maison  qu'ils  lui  ont  donnée  «  en  faveur  des  Muses  ». 
Il  s'agit  donc,  non  pas  de  la  Possonniére,  qui  d'ailleurs  n'était  pas 
«  sa  maison  »,  mais  bien  du  prieuré  de  St-Cosme-en-l'Isle  près  de 
Tours,  dont  le  poète  avait  pris  possession  précisément  en  1565,  au 
mois  de  mars. 

Marty-Lav-  a  publié  le  sonnet  Le  grand  Hercule...,  au  tome  VI  de 
son  éd.,  p.  257,  sans  lasuscription  de  BI.,  maisavec  la  même  erreur  du 
6"  vers  :  «  Loir  en  ses  flots...  ».  J.-J.  Jusserand,  tout  en  reconnaissant 
que  Ronsard  ne  fut  jamais  propriétaire  de  la  Possonniére,  s'est  laissé 
tromper  par  Bl.  et  M.-L.,  car  il  a  raconté  que  le  poète  eut  une  fois  la 
permission  d'y  recevoir  Charles  IX,  et  a  cité  comme  preuve  le  son- 
net Le  grand  Hercule.  (Nineteenth  Centurj',  April  1897,  p.  603.) 

Quant  au  goût  très  vif  de  Ronsard  pour  le  jardinage,  il  apparaît  en 
plusieurs  autres  endroits  de  ses  œuvres,  qui  ont  pu  servir  de  sources 
à  Binet  :  v.  par  ex.  le  poème  de  la  Lyre  et  celui  du  Chat  publiés  en 
1569  (Bl.,  VI,  pp.  54  et  69),  et  cf  deux  pièces  d'Am-  Jamin,  une  ode 
pindarique  intitulée:  Pour  un  laurier  planté  par  M.  de  Ronsard  en  un 
lieu  nommé  Croix-val  (v.  mon  article  des  Annales  Fléch  de  sept.  1906), 
et  un  sonnet  liminaire  du  Sixiesmc  livre  des  Poëmes  de  Ronsard 
(1569) : 

Fait  nouveau  mesnager,  mon  Ronsard,  ton  plaisir 
N'estoit  que  rebastir  et  régler  ton  mesnage. 
Planter,  semer,  enter,  aimer  le  jardinage 
Et  la  vie  rustique  avant  toutes  choisir... 

Ces  deux  pièces  avaient  été  recueillies  dans  les  trois  éd.  collectives  des 
Œuvres  Poct.  de  Jamin  (1575,  1577,  1579),  au  5^  livre,  où  Binet  a 
pu  les  lire. 

P.  45,  1.  20.  —  s'il  ne  parlait  à  eux.  Pour  ces  deux  dernières  phrases, 
voirie  sonnet:  Je  veux  lire  en  trois  jours  l'Iliade  d'Homère  (Bl.,  I, 
413)  ;  l'ode  du  livre  II  :  J'ay  l'esprit  tout  ennuyé  (II,  162j  ;  le  poème 
A.  P-  UEscot  et  le  discours  A  Jacques  Grevin  (VI,  189  et  312)  ;  la 
Responce  aux  injures,  vers  513  et  suiv.  (VII,  112-13). 

P.  45,  1.  42.  —  Mauduit.  Cette  incidente  ne  se  trouve  que  dans  l'in-folio 
de  1609  ;  elle  n'est  même  pas  dans  l'édition  in-12  de  la  même  année. 
—  Sur  le  musicien  Mauduit,  voir  ci-dessus,  pp.  192  et  193. 

P.  45,  1-  46.  —  sans  vie.  La  principale  source  de  cette  addition  est  cer- 
tainement ce  passage  de  ïAhbr.  de  l'A.  P.  :  «...  tu  feras  tes  vers  mascu- 
lins et  fœminins  tant  qu'il  te  sera  possible,  pour  estre  plus  propres  à 
la  Musique  et  accord  des  instrumens,  en  faveur  desquels  il  semble  que 


r.OMMKNT  MllK     IlISTOIU(>LE 


la  Poi'sie  soit  née  :  car   la  Poësie  sans  les  instrunicns,  ou  sans   la  grâce 
d'une  seule  ou  plusieurs  voix,  n'est  nullement  aggreable,  non  plus  que 
les  instrumens  sans  ostre  animez  de  la  mélodie  d'une  plaisante  voix  ». 
^Bl..  Vil,  320.1  Mais  Binet    s'est  également  souvenu  d'un   avis  en  prose 
sur  les  vers  saphiques,  édité  en  1587,   où    Bonsard     dit    que  les   ins- 
trumens «  sont   la  vie  et  l'ame    de    la  Poésie  »  (II,  376),  et   peut-être 
aussi   de  Vllijmnc  de    France  où  il   exalte    n  la  Poésie   et   la  Musique 
sœurs  »,  en  même  temps    que    les   tL'uvres  de  nos  peintres   et   de  nos 
sculpteurs  (V,  287-88).  Voir  encore  l'ode  de  ses  débuts  A  son  Luc,  où  il 
se  déclare    un    admirateur  passionné  de  la  musique  et   de  la    peinture 
(11,395-90);    les   odes    Bien  que    le  repli    de    Sarle,    et    Tableau    que 
Velenielle  gloire  (II,  339  et  410)  ;   un  passage  de  l'Hymne  du  Card.  de 
Lorraine   sur  les  concerts    donnés  par   Ferabosco,    et    un   sonnet  à  la 
louange    du   luthiste    Vaumeny    (V,  96   et    341)  ;    l'épitaphe    d'Albert 
Bipe,   autre  luthiste,  célèbre  à    la    cour  de  François   Fr,  et   surtout  la 
préface  des  Mcslanges  musicaux  (VII,  247  et  337-40)-  Cf.  Ch.  Comte  et 
P.  Laumonier,  art.    sur  Ronsard  et  les  Musiciens  du  XVh  s.    dans  la 
Rev.  d'IIisl.  lin.  de   juin  1900;  J.  Tiersot,  op.  cit. 
P.  46,  1.  2.  —  en  jugeront.  V.  ma  thèse  sur  Ronsard  p-  lyr.,  première  par- 
tie, chap.  V,  §  3  :  Ronsard aristarque  de  ses  œuvres-  —  Binet  me  semble 
s'être  souvenu  ici  d'un  passage  de  Quintilien,  Inst-  Orat.,  liv.   X,  §  4: 
«    Et    ipsa  emendatio  finem  habeat.  Sunt  enim  qui  ad  omnia   scripta 
tanquam  vitiosa    redeant...    Sit  ergo  aliquando  quod  placeat  aut  certe 
quod  sufficiat,  ut  opus  poliat  lima,  non  exterat.  » 
p.  46,  1.  9.  —  le  sien.  C'est   également  l'opinion    de  l'historien  J.-A.  de 
Thou  qui  estime  Ronsard  «  post  Augusti  aetatem  poeta  praestantissi- 
mus  »  \Hist..  XXXVII,  éd.  de  1733,  tome  II,  p.  435). 
P.  46,  1.  25.  —  unique.  Même    opinion    dans  G.    Critton,    v.    ci-dessus, 
p.    107,  deuxième    alinéa;  Du    Perron,    Or-    fun.  (voirie  Ronsard  de 
Bl.,  VIII,  191)  ;  Pasquier,  Recherches  de  la  Fr.,  VII,  ch.  vi  :  «  Davan- 
tage, Pétrarque  n'écrivit  qu'en  un  sujet,  et  cetui  en  une  infinité  :  il  a  en 
nostre  langue  représenté  uns  Homère,  Pindare,Theocri  te, Virgile,  Catulle, 
Horace,  Pétrarque,  et  par  mesme  moyen  diversifié  son   style  en  autant 
de  manières  qu'il  lui  a  plu,  ores  d'un  ton  haut,  ores  moyen,  ores  bas...  » 
P.  47,  1.  5.  —  recherchées.  La  plupart  de  ces   expressions  et  celles  que 
Binet  ajoute  en  B  se  trouvent  dans   la  préface  posthume  de  la   Fran- 
ciade  :  «...    les    illustrant  de  coniparaisons    bien  adaptées,   de  descrip- 
tions florides,  c'est-à-dire  enrichies   de  passcmens,    broderies,    tapisse- 
ries et  enlrclassemens  de    fleurs  poétiques   »;  «...  l'enrichissant  d'epi- 
thetes  significatifs  et  non  oisifs,  c'est-à-dire  qui  servent  à  la  substance 
des  vers  »  ;  «  les  autres...  d'artifice  et  dun  esprit  naturel,  elabourc  par 
longues    estudes...  descrivcnt   leurs  conceptions  d'un  style  nombreux, 
plein    d'une     vénérable   majesté  comme    a    faict  Virgile    en    sa   divine 
iEneide  »  ;  «  il  ne  se  faut  esmerveiller  si  j'estime  Virgile  plus  excellent 
et  p/us  rontZ,  p/us  serré  et  parfait  que  tous  les    autres   »    (BL,  III,    16, 
18,  22,  23). 
P.  47,  1.   10.  —  curieux.  Voir  ci-dessus,  pp    110  et  111,  aux  mots  «  Rose 

de  Pindare  ». 
p.  47,  1.   18.  —  nombreux    et   sonoreux.  Source:  la  lettre  de  Honsard  à 


ET    CRITIQUE  sSl 

Baïf  (v.  ci  dessus,  p.  44, 1.  29)  ;  la  preuve,  c'est  qu'en  1597  la  variante  de 
la  lettre,  nombreux  et  sauoureux,  apparaît  également  dans  ce  passage. 
P.  47,  1.  24.  —  le  miel  lotit  sien.  Sources  :  1"  Argument  du  lei'  livre  de 
la  Franciade  par  Am.  Jamin  :  «  II  ressemble  à  labeille,  laquelle  tire 
son  profit  de  toutes  les  fleurs  pour  en  faire  son  miel.  »  (Bl..  III,  41.) 
2"  Fin  du  poème  cVHylas:  «  Mon  Passerai,  je  ressemble  à  l'abeille... 
(Bl.,  VI,  144.)  3°  Fin  d'une  épître  au  Cardinal  de  Lorraine:  «Tout  ainsi 
que  l'abeille...  »  (Ibid  ,291.)  4"  Essais  de  Montaigne,  I,ch.  xxv-:  «Les 
abeilles  pillotent  deçà  delà  les  fleurs  :  mais  elles  en  font  après  le  miel, 
qui  est  tout  leur  ».  —  Cette  comparaison,  très  employée  au  xvi"  siècle, 
remonte  àPindare  par  Sénèque,  Horace,  Lucrèce  et  Platon.  Lemaire  de 
Belges  avait  terminé  le  premier  livre  de  ses  Illustrations  de  Gaule  par 
ces  vers  de  Lucrèce  : 

Floribus  ut  apes  in  saltibus  omnia  libant, 
Omnia  nos  itidem  decerpsimus  aurea  dicta. 

P.  47,  1.  27.  —  perfections.  Source  :  Epifre  au  Lecteur  de  1550,  déjà 
citée  :  «  Je  suis  de  cette  opinion  que  nulle  Poésie  se  doit  louer  pour 
acomplie  si  elle  ne  ressemble  la  nature,  laquelle  ne  fut  estimée  belle 
des  anciens,  que  pour  estre  inconstante,  et  variable  en  ses  perfections.  » 
(Bl..  II,  12;  texte  rectifié  par  M.-L-,  II,  476.) 

p.  47,  1.  38.  —  sa  Poésie.  Une  comparaison  tout  à  fait  analogue  se 
trouve  au  début  du  Discours  à  Louys  Des  Masures,  qui  servait  d'épi- 
logue au  tome  III  (fin  des  Poèmes)  de  la  première  éd.  collective  (1560). 
Voir  Bl.,  VII,  49,  et  ma  thèse  sur  Ronsard  p.  lyr.,  p.  198. 

P.  48,  1.  19.  —  devins.  Binet  veut  dire  :  «...  quoique  les  poètes  aient  été 
appelés  vates  et  devins  par  les  Anciens  ».  Le  mot  latin  vates  avait  été 
francisé  par  Bonsard  dans  l'Hymne  de  Bacchus  (Bl.,  V,  234-35). 

Ce  passage  tendrait  à  faire  croire  que  Binet  a  préparé  sa  3^  édition 
dès  avant  la  date  de  la  mort  de  Henri  III  (1er  août  1589).  Mais  on  ne 
s'explique  pas  qu'en  1597  il  ait  laissé  ces  lignes,  démenties  par  les 
faits.  A  cette  date,  on  ne  pouvait  plus  dire  que  la  prédiction  de  Bon- 
sard "  n'était  encore  manifeste  qu'au  Ciel  x.  Pour  une  inadvertance  du 
même  genre,  v.  ci-dessus,  p.  174,  au  mot  "  régnant  ». 

Nous  devons  ici  noter  une  erreur  d'Est.  Pasquier  écrivant  en  1598 
que  Ronsard  avait  prophétisé  le  règne  de  Henri  IV  dès  la  naissance  de 
ce  roi,  erreur  qui  montre  une  fois  de  plus  combien  alors  on  était  peu 
curieux  de  la  chronologie,  mais  préoccupé  de  faire  des  phrases.  Voici 
ce  qu'on  lit  au  livre  XVI  des  Lettres  de  Pasquier,  lettre  vu,  col.  478: 
«  Comme  dans  les  grands  Poètes  le  Ciel  influe  quelquefois  un  esprit 
de  prophétie:  aussi  notre  grand  Ronsard  des  vostre  naissance,  y  ayant 
lors  six  testes  qui  avoient  le  devant  de  vous  à  la  Couronne,  prophétisa 
et  vostre  future  Royauté,  et  ceste  reformation  générale  de  vostre  part, 
dans  un  sonnet  qu'il  vous  adressoit,  sous  le  nom  de  Duc  de  Beaumont 
que  portiez  lors,  dont  y  a  quatre  vers  de  telle  teneur  : 

Quand  l'aage  d'homme  aura   ton  cœur  attaint, 

S'il  reste  encor  quelque  train  de  malice  (trac,  dit  Ronsard) 

Le  monde  adonc,  ployé  sous  ta  police, 

Le  pourra  voir  totalement  estaint.  » 


a32  C.OMMK.MAIIU:     HlSlOlUgLE 

Or  ce  sonnet,  publié  en  octobre  1552  dans  la  première  éd.  des  Amours, 
tut  écrit  pour  la  naissance  du  fils  aîné  d'Antoine  de  Bourbon,  Henri 
duc  de  Boaumont-nu-Maine,  né  le  21  septembre  1550  et  mort  le  20  août 
1552;  Ant.  de  Bourbon  eut  un  second  fils,  Louis-Charles,  comte  de 
Maries,  né  le  19  fcvr  1552  et  mort  la  même  année;  un  troisième  fils 
lui  naquit  le  13  décembre  1553,  Henri,  et  ce  fut  celui-là  qui  devint 
Henri  IV. 

L'erreur  de  Pasquicr,  reproduiteparBIanehemain  (V,  318),  s'explique 
par  une  fausse  interprétation  de  ce  titre  équivoque  qu'on  lit  dans  les  éd. 
de  Ronsard  à  partir  de  1584  :  «Sur  la  naissance  du  duc  de  Beaumont, 
fils  aîné  du  duc  de  Vendôme  et  Roj'  de  Navarre».  — Les  premiers  vers, 
et  les  seuls,  à  vrai  dire,  que  Ronsard  ait  adressés  à  Henri  de  Bourbon 
datent  de  son  mariage  avec  Marg.  de  Valois  (août  1572),  et  il  se  serait 
bien  gardé  alors  de  faire  la  moindre  allusion  à  la  possibilité  de  son 
avènement  au  trône  de  France  (Bl.,  V,  319).  C'est  seulement  dans  un 
poème  élégiaque,  le  Caprice  à  Simon  Nicolas,  écrit  à  la  fin  de  1584, 
alors  que  le  dernier  fils  de  Henri  H,  François  d'Anjou,  venait  de 
mourir  (juin  1584),  et  que  son  avant-dernier  fils,  Henri  HT,  avait  la  répu- 
tation de  ne  pouvoir  être  père,  c'est  seulement  dans  ce  poème  (resté 
inédit  jusqu'en  1609)  que  Ronsard  appela  de  tous  ses  vœux  le  règne 
du  prétendant  huguenot  Henri  de  Bourbon,  qui  était  devenu  le  plus 
proche  héritier  de  Henri  III  (Bl.,  VI,  330). 

On  voit  à  quoi  se  réduit  la  prophétie  de  Ronsard  relative  au  futur 
Henri  IV.  Le  Caprice  et  le  fragment  de  la  Loi)  divine  cité  par  Binet 
prouvent  simplement  qu'après  avoir  soutenu  le  parti  des  (Catholiques 
pendant  tout  le  règne  de  Charles  IX,  notre  poète  s'était  rallié  dans  les 
dernières  années  de  sa  vie  au  parti  des  Politiques.  Sur  ce  point  ont  vu 
juste  Gandar,  thèse  fr.,  pp.  129-32,  et  Perdrizet,  Ronsard  et  la 
Reforme,  pp.  131  à  139. 
P.  48,  1-  27.  —  à  ton  honneur.  Comme  on  le  voit,  <(  l'eschantillon  »  du 
poème  ne  commençait  qu'après  ces  huit  vers  en  1587.  Binet  ne  les  avait 
pas  publiés  alors  par  respect  pour  Henri  III,  qui  régnait  encore.  Mais 
quand  Henri  de  Navarre  fut  devenu  roi  de  France  (février  1594),  Binet 
n'eut  plus  le  même  scrupule,  et  il  publia  le  fragment  complet  à  la  fin 
d'un  ouvrage  intitulé  Les  Destinées  de  la  France  (Paris,  J.  Met- 
tayer,  1594,  in^").  Cf.  tome  VIII  de  l'éd.  Bl.,  p.  89,  et  Brunet, 
Manuel  du  Libraire,  5c  édition,  tome  IV,  p.  1386.  Ces  huit  vers  parais- 
saient donc  pour  la  deuxième  fois  en  1597. 
P.  48,  1.  53-  —  il  s^approche.  Tout  ce  fragment  a  été  réimprimé  avec 
d'autres  à  la  fin  des  Œuvres  de  Ronsard,  dans  les  éditions  de  1617  et 
de  1623,  où  les  éditeurs  du  xix**  siècle  l'ont  pris.  (Bl.,  VII,  280;  M.-L.,VI, 
271.)  Il  y  était  suivi  d'une  note  anonyme  (probablement  de  Claude 
Garnier),  que  ces  éditeurs  ont  reproduite  sans  en  faire  remarquer 
l'incohérence.  La  voici  telle  que  je  la  lis  dans  l'éd.  de  1617  (tome 
supplémentaire  des  «  pièces  retranchées  »,  p.  385)  :  «  Ces  vers  qui 
semblent  un  oracle  par  Monsieur  C.  Binet  Beauvaisin  après  la  mort  de 
Ronsard,  ce  qu'il  n'avoit  osé  faire  imprimer  du  vivant  de  Henri  3,  ont 
été  donnez  à  un  autre  Beauvaisin  qui  les  a  conservés  à  la  postérité.  » 
Il  est  évident  qu'un  mot  est  tombé    à  l'impression  après  oracle  :  Bl. 


ET    CKllIQUF.  333 

rétablit  le  mot  publiez  ;  M-L.  le  mot  donnez.  Mais  cette  correction, 
que  d'ailleurs  ils  n'ont  pas  signalée,  laisse  la  phrase  obscure  et  l'asser- 
tion inexacte.  Si  l'on  a  voulu  désigner  tout  le  fragment  —  et  cela  paraît 
certain  —  on  s'est  trompé,  puisque  Binet  la  fait  imprimer  en  1587,  du 
vivant  de  Henri  III,  sauf  les  huit  premiers  vers,  qu'il  a  publiés  seu- 
lement sous  le  règne  de  Henri  IV  ;  d'autre  part,  puisque  Binet  les  a 
publiés,  c'est  lui  qui  les  a  «  conservés  à  la  postérité  »,  et  non  pas  un 
autre  Beauvaisin,  auquel  il  les  aurait  «  donnez  ». 

P.  49,  I.  3.  —  en  nos  temples.  C'est-à-dire  qu'il  pouvait  consacrer  sa 
Muse  aux  sujets  religieux,  et  réussir  aussi  bien  que  S.  du  Bartas, 
auteur  de  la  Sepmaine,  dont  la  gloire  balançait  celle  de  Ronsard,  du 
moins  aux  yeux  des  huguenots.  —  Binet,  parlant  d'  «  autres  sem- 
blables pièces  »,  fait  allusion  à  l'Hymne  triomphal  sur  le  trespas  de 
Marguerite  de  Navarre,  à  l'Hymne  de  l'Hercule  chrestien.  à  l'Hymne  de 
la  Mort,  à  la  Paraphrase  du  2c  Deum,  à  la  Prière  à  Dieu  pour  la  vic- 
toire, à  l'Hymne  de  Si  Roch  (Bl.,  II,  373  ;  V,  168,  239,  255,  262  ;  VII, 
149). 

P.  49,  I-  4.  —  desseignc  trois  livres.  C'est-à-dire  :  II  avait  aussi  fait  le 
plan,  tracé  les  grandes  lignes  de  trois  livres. 

P.  49,  1.  5.  —  vers  la  fin  des  Poèmes.  Ce  début  de  poème  didactique  fut 
publié  pour  la  première  fois  dans  l'éd.  collective  de  1584  :on  l'y  trouve 
l'avant-dernière  pièce  des  Poèmes  ;  dans  l'éd.  de  1587,  c'est  la  der- 
nière pièce  des  Poèmes.  Il  est  transporté  en  1597  dans  la  Vie  de  Ron- 
sard de  Binet,  où  il  reste  dans  les  éditions  postérieures  ^  ;  mais  à 
partir  de  1609,  il  est  en  même  temps  réimprimé  à  la  fin  des  Œuvres 
parmi  les  pièces  «retranchées  »  et  les  «  fragments  ».  En  1584,  1587, 
1609  et  éd.  suivantes,  il  ne  porte  pas  de  titre,  ni  de  dédicace  au  Roi, 
mais  est  précédé  de  cet  avis  :  «  Il  appert  par  ce  fragment  que  l'au- 
teur vouloit  entreprendre  un  plus  grand  ouvrage.  »  (Bl.,  VII,  279  ; 
M.-L.,  V,  236.) 

p.  49,  1.  15-  —  te  veit.  C'est  la  vraie  leçon,  celle  qui  parut  du  vivant  de 
Ronsard  (en  1584;  et  qui  fut  reproduite  en  1623.  On  lit  le  veit  en  1597 
et  1604,  le   veut  en  1609  et  1630,  te  veut  en  1617. 

P.  49,  1.  18  —  prince  Henry.  S'agit-il  de  Henri  III,  comme  le  pense 
Blanchemain  ?  Si  oui,  l'hémistiche  «  des  armes  la  merveille  »  ne  corres- 
pond guère  à  la  vérité,  à  moins  d'y  voir  une  allusion  aux  victoires 
retentissantes  de  Jarnac  et  de  Moncontour,  remportées  en  1569  sur  les 
huguenots,  alors  que  le  futur  Henri  III  n'était  que  le  duc  Henri  d'An- 
jou, lieutenant  général  du  roj'aume  à  17  ans  (cf.  l'Hymne  :  «  Tel  qu'un 
petit  aigle  sort  >-  (Bl.,  V,  144),  l'Hydre  desfait  (Id.,  VII,  155),  les 
premières  pièces  du  Bocage  Royal  (Id.,  III,  277-78,  et  304). 

P.  49,  1.  22.  —  Tu-lion.  Pour  cette  forme,  cf.  dans  les  œuvres  de 
Ronsard  le  Tu-geant  (Bl.,  I,  127  ;  II,  76).  Ces  vers  sont  reproduits 
dans  l'éd.  Bl.,  VII,  306,  et  dans  l'éd.  M.-L.,  VI,  295. 


1.  Aiasi  Binet  obtint  de  Galland  en  1597  qu'une  pièce  fût  distraite  des 
Œuvres  de  Ronsard  pour  passer  dans  sa  biographie,  comme  en  1586  il  avait 
obtenu  la  même  faveur  pour  deux  pièces  des  Derniers  vers,  et  en  1587  pour  un 
sonnet  du  Tombeau  de  Ronsard  (v.  ci-dessus,  pp,  180  et  190). 


20a  C0MME>T.\1BE    IIISTOUIQLE 

P  49,  1.  25.  —  locasic.  Il  faut  lire  ici  locaste,  et  non  Jocaste,  qui  ren- 
drait le  vers  faux. 

P.  49,  1.   27.  —  peut.  Forme  régulière  pour  put-  Cf  ci-dessus,  p.  39, 1.  26. 

P.  49,  1.  34.  —  Soleil.  Blanchemain  annote  ainsi  ces  vers:  «  Sans  doute 
la  suite  eût  expliqué  ces  dix  bœufs  du  soleil.  J'ai  reproduit  les  mots  sans 
les  comprendre.  »  Sans  parler  du  vers  8  du  premier  livre  de  V Odyssée 
où  sont  mentionnés  les  «  bœufs  du  Soleil  »,  Ronsard  a  imité  directe- 
ment ce  passage  de  lidj'Ue  XXV  de  Théocrite,  Hercule  tueur  de  lion  : 
«  Puis  venaient  trois  cents  taureaux...  puis  en6n  douze  consacrés  au 
Soleil...  le  plus  irritable,  le  plus  vigoureux  et  le  plus  fier  d'entre  eux 
était  le  grand  Phaéton...  Or,  ayant  aperçu  la  peau  du  lion  terrible,  il 
se  rua  sur  l'habile  archer  Hérakiès  pour  le  frapper  au  flanc  du  choc 
de  son  front  solide.  » 

P.  49,  1.  44.  —  nostre  langue-  Sur  les  premiers  vers  latins  de  Ronsard, 
cf.  H.  Chamard,  Rev.  d'IIist.  litt. ,1S99,  p.  34;  P.  Laumonier,  Rev.  de 
la  Renaissance,  1902,  pp.  97-98.  — Pour  le  début  et  la  fin  de  cet  alinéa, 
Binet  s  appuie  sur  deux  passages  des  œuvres  de  Ronsard  : 

Si  autrefois  sous  l'ombre  de  Gatine 
Avons  joué  quelque  chanson  Latine 
D'Amarille  énamouré... 

(Ode  A  son  Luc,  Bl.,  II.  394  ;  M-L.,  VI,  57.) 

Je  fu  premièrement  curieux  du  Latin  : 
Mais  cognoissant,  helas  !  que  mon  cruel  destin 
Ne  m'avoit  dextrement  pour  le  Latin  fait  naistre 
Je  me  fey  tout  François,  aimant  certe  mieux  estre 
En  ma  langue  ou  second,  ou  le  tiers,  ou  premier 
Que  d'estre  sans  honneur  à  Rome  le  dernier. 

(Poëme  A  P.  UEscot,  Bl.,  VI,  191  ;  M.-L.,  V,  177.) 

Quant  aux  vers  latins  que  mentionne  Binet,  on  peut  lire  ceux  que 
Ronsard  adresse  à  Charles  d'Angennes,  évêque  du  Mans,  au  tome  VII 
de  l'éd-  Bl.,  p.  6,  une  épigramme  contre  les  calvinistes  et  l'épitaphe  de 
Charles  IX,  au  même  tome,  pp.  134-35,  176.  Mais  on  chercherait  vai- 
nement les  vers  au  Card.  de  Lorraine  dans  les  éd  du  xix^  s.  ;  c'est  un 
distique  qui  a  paru  en  1565  à  la  fin  de  la  plaquette  intitulée  le  Procès, 
et  qu'on  retrouve  à  la  fin  de  la  même  œuvre  dans  les  éd.  collectives 
de  1567,  1571,1573  [Poèmes,  I,  n"  4).  Ce  poème,  qui  commence  par  : 
«  J'ay  procès.  Monseigneur,  contre  votre  grandeur...  »,  a  été  reproduit 
par  Bl.  III,  349  et  par  M.-L.  III,  268,  mais  sans  le  distique  latin.  Tou- 
tefois M.-L.  a  signalé  ce  distique  dans  le  dernier  vol.  de  la  Pléiade 
française,  Appendice,  II,  414  : 

Ad  Carolum  Lotharingum. 

Carole,  Ronsardum  sine  vincere,  victus  ab  illo 

Post  tua  victurus  facta  supersles  eris. 

Ajoutons  les  treize hendécasyllabes  Ad  ru/Zcuni, publiés  parBl-,  VIII, 
135-  Cela  fait  au  total  67  médiocres  vers,  écrits  après  1560.  Qu'on  juge 
par  là  de  ceux  que  Ronsard  composa  vingt  et  trente  ans  plus  tôt  !  Il  a 
écrit  aussi  aux  environs  de  15.16  un  Eloge  latin  de   Pierre  Paschal,  qui 


ET    CRITIQUE  235 

ne  nous  est  pas  parvenu  (Est.  Pasquier,  Lettres,  I,  lettre  xvi,  citée  par 
M.-L.  dans  sa  Notice  sur  Ronsard)  ;  mais  rien  ne  prouve  que  cet  Eloge 
satirique  fût  en  ve»s. 

P.  49,  1.  45.  —  oraison  continue  =  prose  (cf.  le  latin  soliita  oratio). 

P.  49,  1.  49.  —  des  vertus  actives.  Ce  discours  a  été  conservé,  mais  avec 
ce  titre  :  Des  vertus  intellectuelles  et  morales.  On  possède  un  autre 
discours  de  Ronsard,  sur  VEnvie,  également  prononcé  à  l'Académie 
du  Palais,  que  Binet  semble  ne  pas  avoir  connu.  Gandar  a  analysé  le 
premier  et  publié  intégralement  le  second,  dans  sa  thèse  française 
(pp.  199  à  209).  Ils  ont  été  reproduits  in  extenso  dans  les  éditions  de 
Ronsard,  de  Blanchemain  (VIII,  155  et  suiv.)  et  de  Marty-Laveaux 
(VI,  466  et  suiv.),  enfin  dans  l'Acac/enKe  des  derniers  Valois  d'Edouard 
Frémy,  pp.  225  et  349  (cf.  pp.  205  et  suiv.). 

P.  49,  1.  50.  —  action.  11  faut  entendre  ce  mot  dans  le  sens  technique 
d'action  oratoire  (attitude,  gestes,  véhémence). 

P.  50,  1.  2.  —  moins  et  mieux  faire.  J.  Peletier  avait  pris  pour  devise 
Moins  et  meilleur,  dès  1544  (traduction  de  l'A.  P.  d'Horace),  ce  qui 
est  vraiment  remarquable  pour  une  époque  où  la  prolixité  et  la  négli- 
gence étaient  précisément  les  plus  graves  défauts  des  écrivains,  et  où 
la  facilité,  une  facilité  souvent  déplorable,  était  encore  considérée 
comme  la  qualité  maîtresse  du  poète  par  les  Rhétoriqueurs  et  les  Ma- 
rotiques  survivants.  Ces  trois  mots,  en  effet,  inspirés  d'ailleurs  par 
Horace  (Satires,  I,  iv,  11  et  suiv.  ;  x,  10  ;  Art  poct.,  vers  335),  posaient 
comme  un  principe  fondamental  de  la  littérature  moderne  le  souci  de  la 
concision  forte,  le  travail  de  la  lime,  la  recherche  de  l'expression  la  plus 
exacte  et  la  plus  belle  de  la  pensée,  la  substitution  de  la  qualité  à  la 
quantité,  la  notion  de  l'art  en  un  mot,  que  Du  Bellay  et  Ronsard  ont 
placée  si  haut  parmi  leurs  préoccupations  esthétiques.  C'est  vraiment 
par  «  le  travail  et  les  lenteurs  de  la  lime  »  que  l'école  de  1550  se  dis- 
tingue surtout  des  écoles  précédentes,  qui  négligeaient  le  côté  artistique 
ou  s'en  faisaient  une  idée  fausse-  Moins  et  mieux,  ces  trois  mots  conte- 
naient en  germe  la  Rhétorique  et  la  Poétique  de  l'avenir,  celles  de  nos 
écrivains  classiques  tout  au  moins.  Malherbe  et  Boileau,  Pascal  et  la 
Bruyère  n'en  auront  pas  d'autres,  et  BufFon  dira  comme  Ronsard  que 
les  ouvrages  «  bien  écrits  »  sont  «  les  seuls  qui  passent  à  la  postérité  ». 
Ronsard,  à  vrai  dire,  a  été  plus  exubérant  qu'eux  tous,  plus  admira- 
teur des  qualités  naturelles  que  des  qualités  acquises,  enfin  partisan 
convaincu,  avant  nos  Romantiques,  de  la  liberté  et  même  de  la  fantaisie 
dans  l'art  ;  son  œuvre  contient  des  longueurs  ;  il  a  trop  aimé  la  des- 
cription pour  elle-même  et  abusé  des  comparaisons.  Mais  à  mesure 
qu'il  a  pris  de  l'âge,  il  a  plus  apprécié  les  qualités  de  concision  et  de 
force  dans  la  brièveté,  et  c'est  l'une  des  principales  raisons  des  coupures 
de  plus  en  plus  nombreuses  qu'il  a  faites  dans  ses  œuvres,  de  sa  pre- 
mière édition  collective  (1560)  à  la  dernière  (la  première  posthume, 
publiée  à  la  fin  de  1586).  Il  a  surtout  singulièrement  aimé,  cultivé  et 
respecté  la  langue  française. 

P.  50,  1.  11.  —  en  lug-  Pour  tout  ce  passage,  voir  mon  Introduction, 
§  II.  On  trouve  une  déclaration  analogue  dans  l'églogue  de  Binet  inti- 
tulée Perrot,  qui  fut  «    représentée   »    au  collège    de  Boncourt  le  jour 


.l36  COMMFNTAIIU".     IIISTORUMF. 

des  obsèques  de   Ronsard.  C'est   Binet  lui-même  qui  parle  sous  le  nom 
du  «  pescheur  »  Claudin  : 

Ah  !   il  faut  que  je  laisse 

Les  mcstiers  qu  il  m'apprit,  déduit  de  ma  jeunesse, 

La  pesche  industrieuse 

Car  c'est  luy  qui  premier  m'apprit  à  fredonner 
De  la  conque  aux  replis,  fascheux  à  entonner, 
Qu'un  jour  il  me  donna    me  disant  :  «  Je  te  donne 
Ce  présent,  mon  Claudin  :  jamais  autre  personne 
Ne  IVmboucha  que  moj-.  Les  peuples  escaillez 
Quelque  jour  à  tes  chants  se  rendront  oreillez.  » 

(Bl.,  VIII,  230.) 

Ronsard  avait  ainsi  accueilli  et  encouragé  des  poètes  tels  que  J.  Gre- 
vin  vers  1558;  FI.  Chrestien  dans  l'été  de  1563  (cf.  Bl..  VII.  141)  : 
A.  d'Aubigné  en  1570  (cf.  ses  Lettres,  éd.  Réaume,  tome  I,  p.  457,  et  la 
préf.  des  Tragiques,  tome  IV,  p.  6)  ;  J.-A.  de  Thou  vers  la  même  épo- 
que (cf.  ci-dessus,  Introd-,  i^  II);  Pierre  le  Loyer  avant  1575  (cf.  dans 
VErotopegnie  et  dans  les  Œuvres  et  Mcslanges  poct.  un  sonnet  et  une 
ode  A  Ronsard]  ;  Du  Perron  (Or.  fun.  de  Ronsard,  éd.  princcps, 
p.  8,  où  il  dit  que  Ronsard  lui  a  servi  dans  la  poésie  de  «  père  ))  et  de 
«  précepteur  »)  ;  Bertaut  (Elégie  du  Tombeau  de  Ronsard,  BL,  VIII, 
264). 

«  Ronsard  dans  la  vie  privée,  dit  Sainte-Beuve,  était  le  plus  doux  et 
le  plus  modeste  des  hommes....  Etranger  à  toute  idée  d'envie,  il  proté- 
geait les  jeunes  poètes  et  combla  d  encouragements  Desportes  et  Ber- 
taut. L'un  des  préceptes  de  son  Art  poétique  est  celui-ci  :  «  Tu  con- 
verseras doucement  et  honnestement  avec  les  poètes  de  ton  temps,  tu 
honoreras  les  plus  vieux  comme  tes  pères,  tes  pareils  comme  tes  frères, 
les  moindres  comme  tes  enfans,  et  leur  communiqueras  tes  escris.  )) 
(Tableau  de  la  p.  au  XVI^  s.,  éd.  courante  Charpentier,  p.  77,  note  2) 
p.  50,  1.  18.  —  et  le  docte  du  Perron.  Sur  cette  Académie,  voir  le  livre 
très  documenté  d'E.  Frémy,  notamment  le  chapitre  m,  sur  Guy  du 
Faur  de  Pibrac,  «  réformateur  de  l'Académie  »  ;  le  chap.  iv,  sur 
Henri  III,  «  protecteur  de  l'Académie  »  ;  le  chap.  v,  sur  les  «  Académi- 
ciens et  Académiciennes  ».  On  trouvera  le  passage  de  Binet  cité  à  la 
page  143  et  rapproché  des  témoignages  de  d'Aubigné,  Est.  Pasquier, 
Ch.  Sorel  et  G.  Colletet. 
P.  50,  1.  20.  —  selon  son  intention.  Ce  discours  en  prose  a  paru  en  tête 
de  la  Franciade  dans  l'éd.  de  1587  pour  la  première  fois  (Bl.,  III,  15  ; 
M.-L.,  III,  520).  C  est  comme  une  troisième  préface  de  la  Franciade, 
dont  la  première  (1572)  a  été  reproduite  par  Bl.  et  par  M.-L.,  et  la 
seconde  (Paris,  1573,  et  Turin,  1574)  n'a  revu  le  jour  qu'au  mois  de 
mars  1904  [Annales  Fléchoises,  art.  de  L.  Froger  ;  cf.  Rev-  d'Hist. 
litt.  de  1904,  p.  456,  note  2). 

A  première  vue,  il  semble  y  avoir  contradiction  entre  cette  déclara- 
tion très  nette  de  B  et  les  deux  passages  où  Binet  afiirme  avec  non 
moins  de  netteté  qu'il  a  exécuté  fidèlement  et  .strictement  les  dernières 
volontés  de  Ronsard  touchant  la  revision  de  ses  Œuvres.  Mais,  à  y  re- 
garder de  près,  la  contradiction  n'existe  pas.  Binet  semble  dire  au  con- 


ET    CRITIQUE  287 

traire  ici  que,  par  exception,  il  a  remanié  le  texte  de  sa  propre  initia- 
tive parce  que  c'était  nécessaire,  et  d'ailleurs  en  se  conformant  autant 
que  possible  à  «  l'intention  »  du  poète.  Ce  qui  n'empêche  pas  que  les 
déclarations  de  Binet  exécuteur  testamentaire  restent  sujettes  à  caution 
parce  que  la  première  édition  posthume  présente  des  remaniements  de 
texte  très  suspects,  et  des  modifications  de  classement  si  peu  judicieu- 
ses que  nous  nous  refusons  à  croire  qu'elles  ont  été  faites  «  selon  l'in- 
tention »  du  poète. 

Mlle  Evers  a  eu  raison  d'écrire  à  propos  de  la  préface  posthume  de 
la  Franciade  qu'on  ne  saurait  déterminer  la  nature  et  l'étendue  de  la 
revision  qui  en  fut  faite,  étant  donné  surtout  que  cette  préface  est 
écrite  dans  la  prose  claire  de  Ronsard  et  ne  présente  pas  trace  du  style 
confus  et  plat  de  Binet.  «  Il  se  peut,  ajoute-t-elle,  que  le  biographe  ait 
exagéré  sa  part  dans  l'élaboration  de  l'édition  posthume,  mais  la  décla- 
ration très  franche,  qu'il  a  revisé  le  «  discours  sur  le  poëme  héroï- 
que »,  suffit  à  montrer  qu^  les  éditeurs  de  1587  n'ont  pas  reproduit 
purement  et  simplement  les  notes  de  Ronsard,  mais  ont  usé  de  leur 
propre  jugement  en  les  arrangeant.  »  (Op.  cit.,  Introd.,  pp.  22  et  23) 

P.  50,  1.  21.  —  Bocage.  C'est  la  pièce  des  Parques  :  «  Les  Parques,  qui 
leur  chef  de  chesne  couronnèrent...  »,  dédiée  à  Henri  III,  et  publiée 
pour  la  première  fois  dans  l'éd.  coll.  de  1587,  n°  6  du  Bocage  Royal 
(B1.,III,  303  ;  M.-L.,  VI,  308). 

p.  50,  1.  22.  —  Tgron.  C'est  l'élégie  A  Philippe  Desportes  :  «  Nous 
devons  à  la  Mort  et  nous  et  nos  ouvrages...  »,  publiée  pour  la  première 
fois  dans  l'éd.  collect.  de  1587,  no  2  des  Elégies  (Bl.,  IV,  217;  M.-L., 
VI,  311). 

P.  50,  1.  24.  —  qui  suivent.  UHynne  de  Mercure  parut  en  effet  pour  la 
première  fois  dans  l'éd.  collective  de  1587,  vers  la  fin  du  2®  livre  des 
Hynnes  ;  il  était  dédié  A  Claude  Binet  Beauvoisin,  Poëte  français. 
Des  trois  pièces  qui  le  suivaient,  la  première,  la  Paraphrase  sur  le  Te 
Deum,  avait  été  publiée  dès  1565  ;  les  deux  autres,  Vllgnne  des  Pères 
de  famille  et  l'Hynne  de  Saint  Roch,  étaient  inédites  (Bl.,  V,  249-63; 
M.-L.,  VI,  316-25). 

P.  50,  1.  25.  —  sorte  de  Poëme.  Ceci  n'est  pas  tout  à  fait  exact.  Ronsard 
n'a  paslaissé  dans  ses  papiers  inédits  de  préface  en  vers  pour  les  Amours, 
ni  pour  les  Gayetez,  ui  pour  les  Odes,  ni  pour  les  Eclogues,  ni  pour 
les  Discours.  Celles  qu'il  a  laissées,  et  qui  furent  publiées  pour  la 
première  fois  dans   l'éd.  de  1587,  sont  les  suivantes  : 

Pour  \a  Franciade  :  «  Homère,  de  science  et  de  nom  illustré...  »(BI., 
III,  37)  ;  pour  le  Bocage  Royal  :  «  Comme  un  seigneur  pratique  et 
soigneux  du  raesnage...  »  [Ibid.,  264);  pour  les  Mascarades  :  «  Masca- 
rade et  Cartel  ont  prins  leur  nourriture...  »  [Id.,  IV,  120)  ;  pour  les 
Elégies  :  «  Les  vers  de  l'Elégie  au  premier  furent  faits...  »,  et  :  «  Soit 
courte  l'Elégie  en  trente  vers  comprise...  »  (Ibid.,  210)  ;  pour  les 
Hynnes  :  «  Les  Hynnes  sont  des  Grecs  invention  première...  »  {Id., 
V,  11)  ;  pour  les  Poèmes  :  «  Poëme  et  poésie  ont  grande  différence...  )> 
(Id.,  VI,  7)  ;  pour  les Epitaphes  :  «  Le  derrenier  honneur  qu'on  doit  à 
l'homme  mort...  »  {Id.,  VII,  168).  Pour  les  Odes,  il  laissait  un  Avis  au 
lecteur  en  prose  qui  parut  également  en  1587  et  que  Bl.  a  reproduit  (II,  7). 


338  COMME>TAlRE     HISTORIQUE 

P.  ôlt,  1  2().  —  de  ses  Œuvres.  Ces  autres  pièces  de  Ronsard  éditées 
pour  la  première  lois  en  1587  étaient  :  aux  Amours,  deux  sonnets  pour 
Hélène  :  u  Vous  ruisseaux,  vous  rochers...  »,  et  :  «  Est-ce  tant  que  la 
mort  ^)  (Bl-,  1,  364-65  ;  aux  Sonnets  à  diverses  personnes:  «  Vous  estes 
desja  vieille...  »,  et:  «  Que  je  serois  marrj'...  »  [Id..  V,  365)  ;  aux 
Gaijetez.  le  sonnet  :  «  Madeleine,  ostez  moi  ce  nom  de  l'Aubespine...  » 
{Ihid.,  338'  ;  aux  Mascarades,  la  dédicace  à  Henri  de  Lorraine,  et  les 
deux  pièces  :  «  Pégase  fit  du  pied...  »  et  :  «  Qui  est  ce  livre...  »  (Id., 
IV,  121  ;  VI,  414  et  415);  aux  Elégies,  la  pièce  :  «  Del  Bene,  secoud 
Cygne...  »  [Id.,  IV,  356)  ;  aux  Epitaphes,  celle  du  Président  de 
S'-André  (Id-,  VII,  231).  —  En  outre,  les  deux  Odes  saphiqucs  étaient 
précédées  d'un  avis  en  prose  l'Bl.,  II.  370',  et  le  dialogue  des  Muses  des- 
logées était  allongé  d  une  apostrophe  finale  de  huit  vers  à  Henri  III 
(7tf.,III,  310. 

Quant  à  la  pièce  de  100  vers  qui  était  insérée  en  1587  vers  la  fin  des 
/'oemes  avec  ce  titre  :A  une  grande  dame,  et  ce  début  :«  Lorsquej'oydire 
à  ceux  qui  vous  cognoissent...  »,  il  faut  se  garder  de  la  prendre  pour  une 
œuvre  encore  inédite.  Ce  n'était  en  efifet  qu'un  fragment  détaché  d'une 
longue  épître  adressée  en  1565  à  la  reine  d'Angleterre  Elisabeth  :  «Mon 
cœur  esmeu  de  merveille  se  serre-..  »,  et  publiée  alors  en  tête  des  Elé- 
gies, Mascarades  et  Bergerie.  Ce  fragment  comprenait  les  vers  13  à 
113  de  la  dite  épître.  Blanchemain  s'est  donc  trompé  en  affirmant 
(III,  326.  note  Ij  que  ces  vers  ne  figurent  pas  dans  les  éditions  pos- 
thumes :  supprimés  en  1584,  ils  ont  été  réédités  en  1587  sous  ce  titre 
déroutant  :  A  une  grande  dame,  au  2^  livre  des  Poèmes,  tandis  que  l'é- 
pître  dont    ils  faisaient  primitivement  partie  figurait  au  Bocage  Royal. 

P.  50,  I.  29.  —  inviolable.  C'est  la  seconde  fois  que  Binet  nous  déclare 
avoir  été  l'exécuteur  testamentaire  de  Ronsard  en  ce  qui  concerne  la 
réimpression  de  ses  œuvres  (v.  ci-dessus,  pp.  40,  ligne  29,  et  41,  li- 
gne 1  .  Cf.  l'extrait  du  privilège  royal  qui  est  en  tête  de  l'édition  collec- 
tive de  1587  :  «  Par  grâce  et  privilège  du  Roy  il  est  permis  à  M-  Jean 
Galandius,  Principal  du  Collège  de  Boncourt,  de  choisir  et  élire  tel 
libraire  que  bon  lui  semblera  pour  imprimer  ou  faire  imprimer  Les 
Œuvres  de  P.  de  Ronsard  gentilhomme  Vandomois.  reveues,  corrigées 
et  augmentées  par  l'Autheur  peu  avant  son  trespas  et  mises  en  leur 
ordre  suyvant  ses  mémoires  et  copies,  le  tout  rédigé  en  dix  Tomes...  » 
(daté  du  14  mars  1586). 

D  après  ces  lignes  et  la  déclaration  de  Binet,  c'est  cette  première 
édition  posthume  qui  devait  être  1  édition  ne  varietur.  Toutefois  les 
deux  éditions  parisiennes  qui  1  ont  suivie  i'1597  et  1604)  présentent  des 
remaniements  de  quelque  importance,  qui  montrent  que  lédition 
de  1587  n'était  pas  définitive  et  «  inviolable  »  '.  C'est  Binet  et  Galland 


1.  Par  ex.  en  1597  les  Sonnets  ù  dioerses  personnes  et  les  Gayele:  passent  de  la 
fin  du  tome  I  à  la  fin  du  tome  \'II1  ;  ce  tome  \'III  est  diminué  d'un  fragment 
qui  passe  dans  la  Vie  de  Bonsard,  et  augmenté  du  poème  des  A'ues  ;  enfin  un 
sonnet  qui  se  trouvait  auparavant  parmi  les  épigr.  tirées  du  grec  prend  place  à 
la  fin  des  Sonnets  à  diverses  personnes.  En  1604,  les  remaniements  sont  plus 
nombreux:  on  y  constate  notamment  de  nouveaux  déplacements  et  des  addi- 
tions. 


ET    CRITIQUE  a.Sc) 

qui  ont  été  chargés  de  l'élaborer  et  de  la  publier  :  le  premier  semble 
avoir  eu  la  mission  de  veiller  à  la  revision  du  texte  d'après  les  indica- 
tions de  [Ronsard,  le  second  celle  d'en  assurer  la  publication.  Binet 
écrivit  pour  cette  édition  un  long  poème  dédicatoire  Au  Roy  de 
France  et  de  Pologne,  Galland  une  courte  dédicace  en  prose  Au  Roy- 
Voir  ci- dessus,  Introduction,  i;  II,  notes. 

P.  50,  1.  34.  —  bien  escrire.  A  et  A'  sont  identiques,  sauf  en  ce  passage. 
Voici  la  différence:  A  II  incitoit  fort  ceux  qui  l'alloient  voir,  et  princi- 
palement les  jeunes  hommes  qu'il  jugeoit  pouvoir  quelque  jour  pro- 
mettre quelque  frui  et  à  /)ic  escrire  |  A' Il  incitoit  fort  ceux  qui  l'al- 
loient voir,  et  principalement  les  jeunes  hommes  qu'il  jugeoit  pouvoir 
un  jour  promettre  quelque  fruict  à  bien  escrire. 

Il  est  assez  curieux  que  ces  deux  seules  corrections  aient  été  faites, 
alors  que  dans  le  même  alinéa,  dans  la  même  phrase,  il  y  avait  à  faire 
des  corrections  bien  plus  urgentes,  par  ex.  une  virgule  après  fruict  ; 
non  chiche  de  me  déceler  au  lieu  de  non  chiche,  de  me  déceler  ;  si  peu 
que  au  lieu  de  s'y  peu  que. 

Ces  deux  corrections  isolées,  introduites  dans  le  texte  A  alors  qu'on 
en  avait  déjà  tiré  un  certain  nombre  d'exemplaires,  ne  peuvent  pas  être 
dues  à  Binet,  car  il  aurait  certainement  corrigé  du  même  coup  les  fautes 
grossières  qui  environnent  la  ligne  rectifiée. 

P.  50,  I.  47.  —  nos  loix.  Allusion  aux  occupations  professionnelles  de 
Cl.  Binet,  qui  était  Avocat  au  Parlementde  Paris,  depuis  1575  environ. 
En  1583,  le  Procureur  général  Jacques  de  la  Guesle  l'avait  attaché  à 
son  parquet  comme  Substitut.  En  1587  îl  fut  nommé  Lieutenant  géné- 
ral de  la  Sénéchaussée  de  Riom,  fonction  qu'il  exerça  jusqu'à  sa  mort, 
arrivée  soit  à  la  fin  de  1599,  soit  dans  la  première  moitié  de  1600.  Voir 
ci-dessus,  Introduction,  §  IL 

P.  51,  1.  2.  — reposer.  Cette  apostrophe  à  Ronsard  et  ce  souhait  sont 
imités  des  deux  derniers  chapitres  de  la  Vie  d'Agricola  de  Tacite  : 
«  ...  Tu  vero  felix,  Agricola,  non  vitae  tantum  claritate,  sed  etiam 
opportunitate  mortis...ij  guis  piorum  manibus  locus,  si, ut  sapientibus 
placet,  non  cum  corpore  exstinguuntur  magnae  animae.  placide  quies- 
cas...  ))  Cela  est  d'autant  plus  probable  que  Binet  a  également  utilisé 
pour  l'exorde  de  C  les  trois  premiers  chapitres  de  la  Vie  d'Agricola 
(\.  ci-dessus,  pp.  56  et  57). 


BIBLIOGRAPHIE 


Angot  (A.)-  Ronsard  et  l'abbaye  de  la  Roè.  ^ote  parue  dans  les  Annales 
Fléchoises  de  mai  19UG  et  corroborant  une  afiirmation  de  l'abbé  Froger 
présentée  dans  la  même  revue  en  mars  1906. 

Anselme  (le  P.)-  Hist-  généal.  delà  maison  de  France, 0  vol.  in-fo,  3"=  édi- 
tion, Paris,  Fr.  Didot,  1726. 

Archives  dép.de  Loir-et-Cher  (commune  de  Couture)  et  d'Indre- et  Loire 
(prieuré  de  Saint-Cosme). 

AuBAis  (marquis  d')  et  Ménard.  Pièces  fugitives  pour  servir  à  l'Hist  de 
Fr.  Paris,  Chaubert,  1759,  3  vol.  in-4".  Au  tome  I,  pp.  lUl  et  suiv., 
Itinéraire  des  rois  de  France  (François  1er  à  Henri  III). 

AuBiGNÉ  (Agrippa  d').  Edition  des  Œuvres  complètes,  par  Réaume,  de 
Caussade  et  Legouez.  Paris,  Lemerre,  1873-1892,  6  vol.  in-8'J  :  Lettres, 
tome  I,  p.  457  ;  le  Printems,  tome  III,  p.  17  ;  préf.  des  Tragiques, 
tome  IV,  p.  6. 

Baillet.  Jugemens  des  Savans  sur  les  principaux  ouvrages  des  auteurs 
(1685).  Ed.  revue,  corrigée  et  augmentée  par  La  Monnoye  ;  Paris,  1722, 
tome  IV,  pp.  456  et  suiv.   (Les  notes  sont  de  La  Monnoj'e.) 

Bayle  (Pierre).  Dictionnaire  historique  et  critique.  4«  édition,  revue,  cor- 
rigée et  augmentée  ..  par  M.  Des  Maizeaux-  Amsterdam  et  Lejde,  1730, 
4  vol.  in-folio.   L'article  sur  Ronsard  est  au  tome  IV. 

Becq  DK  FouQuiÈRKS-  Poésics  choîsics  de  P.  de  Ronsard.  Par'\s,  Charpen- 
tier, s.  d.,  in-12  (l'Avert.  est  de  nov.  1873).  En  tête,  extraits  de  la  Vie 
de  Ronsard  de  Cl.  Binet  (texte  de  1597,  d'après  l'édition  des  Œuvres 
de  1609,  in-fo). 

Béreau  (Jacques).  Œuvres  poétiques,  avec  préface  et  notes  par  Hovyn  de 
Tranchera  et  R.  Guyet.  Paris,  Cabinet  du  Bibliophile,  1884,  in-12. 
(Réimpr.  de  l'éd.  de  1565.). 

Berty  (Ad)  Philibert  de  l'Orme-  Gazette  des  Beaux- Arts,  tome  IV,  n» 
d'octobre  1859. 

BiNET  (Claude).  Voir  ci-dessus,  Introd.,  î;.!:;  II  et  IV,  notamment  pp.    xi    à 

XXVI. 

Bizos  (Gaston).  Ronsard.  Paris,  Lecène  et  Oudin,  1891,  in-8°. 

Blanchard  (Fr).  Les  Presidens  au  mortier  du  Parlement  de  Paris.  Pa- 
ris, Besongne,  1647,  in-f". 

Blanchemain  (Prosper).  Œuvres  inédites  de  P.  de  Ronsard,  précédées 
d  une  Notice  sur  la  vie  et  l'œuvre  du  poète  par  G.  Colletet.  Paris,  Au- 
bry,  1855,  p^  in-S». 

VIE    DE   P.    DE    RONSARD.  1() 


3^2  KIBI.IOCiRAPHlE 

Blanchemain  (Prospcr).  Edition  des  Œuvres  complètes  de  Ronsard. 
Paris.  Pion,  lS57-67Hibl.elzév.),  8vol.  in-16.  Le  tome  VIII  contient 
notamment  une  Vie  de  Ronsard,  la  bibliogr.  de  ses  (cuvres,  son 
oraison  fun     par  Du  Perron,  et  son  «  tombeau  ». 

—  Edition  des  Œuvres  de   Mellin  de  Sainct-Gelaijs.    Paris,  Pion,  1873 

(Bibl.  elzév.),  3  vol.  in-16,  avec  Notice  biogr.    et  Notes. 
BoNSEFON  (Paul).  Ronsard    ecclésiastique    Rcv.  d'Hist.    litt.  d'avril  1895, 

p.  244, 
BoucHET  (Jean).  Les  Triumphes  de  la  noble  et  amoureuse  dame...  Paris, 

Bossozel,  1536,  in-f"^.  Epîtrelimin.  en  vers. 

—  Epitres  morales    et  familières-    Poitiers,  Jacques  Boucbet,  1545,    in- 

t'M^p.  fam.  96,97  et  126  . 

—  hes  Généalogies,  Effigies  cl  Hpitaphes  des    Roy  s  de   France...    Poi 

tiers,  Jacques  Boucbet,  1545,  in-f\  p.  85. 
Brantôme.    Œuvres  complètes.  Edition  Lud.    Lalanne,  1864-1882,  douze 

vol.  in-8o.  Voir  la  table,  au  nom  de  Ronsard. 
Bruès  (Guy  de).  Dialogues  contre  les  nouveaux  Académiciens.  Paris,    G. 

Cavellat,  1557,  in-4o,  —  Bibl.  Nat.,  Rés.  Z,  836. 
Brl'nktikre    (Ferdinand).     Un    épisode  de  la  vie    de  Ronsard.    Rev.  des 

Deu.x  Mondes  du  15   mai  1900.  Article  reproduit  dans    la  7'"   série  des 

Etudes  critiques,  Paris,  Hachette,  1903- 

—  L  Œuvre  de  P  de  Ronsard.  Rev.  des  Deux  Mondes  du  15  octobre 
1904.  Article  reproduit  dans  VHist.  de  la  Litt.  fr.  classique,  tome  I, 
2e  partie,  pp.  323  et  suiv.,  Paris,  Delagrave,  s.  d. 

Buttet  (Marc-Claude  de).  Œuvres  poétiques,  précédées  d'une  Notice  et 
accompagnées  de  Notes  par  le  Bibliophile  Jacob.  Paris,  Cabinet  du 
Bibliophile,  1880,  2  vol.  in-12.   (Réimpr.  d'après  les  éd.  du  xvi"  s.) 

Catalogue  des  Actes  de  François  /«''  (Collection  des  Ordonnances  des 
Rois"  de  France).  Paris,  Impr.Nat.,  1887-1908,  10  tomes  in-4°. 

Charouillkt  (A.).  Notice  sur  une  médaille  inédite  de  Ronsard  par  Jac- 
ques Primavera-  Orléans,  G.  Jacob,  1875,  in-8".  Extrait  du  tome  XV 
des  Mémoires  de  la  Société  archéol.  et  histor.  de  l'Orléanais. 

Lire  à  la    p-  17  de    cet  extrait   Macrin   (Salmou  Macrin),  au  lieu  de 
Marin,  et  ne  tenir  aucun  compte  de  la  note  sur  Marin. 

Chamard  (Henri).  L'Invention  de  V  «  ode  f  et  le  différend  de  Ronsard  et 
de  Du  Bellay.  Rev.    d'Hist.  litt.  de  la  France,  de  janvier  1899. 

—  Joachimdu  Bellay. Thèse.  Lille,  L.  Bigot.  1900,  in  8". 

—  La  Deffence  et  Illustration  de  la  langue  françoyse.  Edition  critique. 

Paris,  Fontemoing,  1904,  in-8''. 

—  Œuvres  poétiques    de   Joachim  du  Bellay.  Edition  critique,    tome  I 

(publ.    de  la   Soc  des   Textes   fi'ançais  modernes).  Paris,  Cornély, 
1908.   pt  in-8o. 
Chardon  (Henri).  La   Vie    de    Tahureau.  Paris,  A.    Picard,  1885,    in-S". 
(Extrait  de  la  Rev.  hist.  et  archéol.  du  Maine.) 

—  Robert  Garnier,  sa  vie,  ses  poésies  inédites-  Paris,  H.  Champion,  1905, 

in-8°. 

Cf.  mon  compte  rendu    de  ce  dernier  ouvrage  dans  la  Revue  Critique 

du  5  février  1906. 

Charles  (abbé  Robert  .  SuinlGuingalois,   ses    reliques,  son  culte    et  son 

prieuré  à    Chàleau-du-Loir-  Rev.    hist.  et  archéol.  du  Maine  (tome  IV, 

1878,  2e  semestre,  p.  262  ;  tome  V,  1879,   lei    semestre,  pp.  75  et  330). 

Chevalier  (abbé  Casimir).  Rapport  sur  la  recherche    des  restes  de  Ron- 


BIBLIOGRAPHIE  2^3 

sard  au  prieuré  de  Saint-domne.  Bull,  de  la  Soc.  aicli.  du  Vendôniois, 
tome  IX,  1870. 

Ci.MBFR  ET  Danjou.  Arcliives  cnrieitses  de  IHist  de  France,  l'e  série, 
tome  VIII  (Vie  de  Charles  IX  par  Arnaud  Sorbin,  et  Compte  des  dé- 
penses de  (Hiarlcs  IX)  :  tome  X  (Vie  de  Ronsard,  par  Cl.   Binet  ' 

CLAKiiTiE  (Julesj.  Lcs  Quatruins  de  Pibrac,  suivis  de  ses  autres  poésies, 
avec  une  Notice.  Paris,  A.  Lemerre,  1874,  in-12.  (Réimpr.  d'après  les 
éditions  du  xvie  s.) 

(>LÉMENT  (Louis).  Henry  Estienne  et  son  œuvre  française.  Thèse,  Paris. 
A.  Picard.  1898,  in-8-. 

—  De  Adriani     Turnebi    re(/ii    professoris   praefationibus    et  poemutis 

Ibid.,  1899,  in-8" 
Clément     P.).     Monu(jra/)liic    de    la    paroisse    des  Hayes-en-Vendûmois- 
Bulletin  de  la  Société  arcliéolug    du  Vendômois  de  juillet  1905.  Tirage 
à  part,  Vendôme,   Vilette,  1905. 

—  Monographie  de  Ternay.  Bull,  des  Se.  écon.  et    soc.  du  Comité    des 

trav.  hist.  et  scient.,    année  1906.  Tirage  à  part,  Paris,  Impr-  Nat., 
1907. 
CoLi.ETET  (Guillaume).  Pierre  de  Ronsard,  dans    les   Œuvres   inédites  de 

Ronsard,  publiées  par  Blanchemain.  Paris,  Aubry.  1855,  p'  in-8". 
Correspondance  de  Catherine  de  Médicis.  Voir  Perrière  (Hector  de  la). 

Critton  (Georges).  Georg.  Crittonii  laudatio  funebris,  habita    in  exequiis 

Pétri  Ronsardi  apud  Becodianos,  cui  praeponuntur    ejusdeni    Ronsardi 

carmina  partima  moriente, partim  a  languente  dictata.  Ad  virum  vere 

primanum.  loanneni  Gallandium  Gymnasiarcham  Becodianum.    Lute- 

tiae,  apud  Abrahamum  d'Auvel,  1586.  In-4'J  de  30  pp.  et  4  ff.  prélimin 

(Bibl.  Nat.,  Ln^"  17841.) 
Darmesteter  et  Hatzfeld.  Le  Seizième  siècle  en  France.  Paris,  Delagrave, 

in-12.  Edition  de  1887. 
Deimier  (Pierre).  L'Académie  de  V Art  poétique.  Paris,  Jean  de  Bordeaulx, 

1610,pt  in-8°.    Bibl.  Nat.,  Rés.  Ye,  1218. 
Dejob    (Charles).    Marc-Antoine    Muret.    Thèse      Paris,    Thorin,   1881, 

in-S". 
Delage  (Franck).  Un  humaniste  Limousin  au  XV F  siècle  :  Marc-Antoine 

de  Muret.  Limoges,  Ducourtieux,  1905,  plaquette  in-8o.  Etude  bio-bibl. 
Des  Altelz  (Guillaume L    Les    Façons  lyriques  à  la  suite  de  l'Amoureux 

repos.    Lyon,    Jean   Temporal,  m.d.liii,    in-8".    (Bibl.    Nat  ,    Rés.  Ye, 

1405.) 
Deschamps    (Gaston).   La    poésie  de  la  Renaissance.  Rev    des    Cours  et 

Conf.  de  janvier  à  juin  1902. 
Desportes.  Œuvres.  Edition  A.  Michiels.  Paris.  Delahaye,  1858,  in  12. 
Dorez  (Léon).    Comptes  rendus  de    l'Acad.    des    Inscriptions   et    Belles 

Lettres,  du  8  janvier  1904,  p    18. 
Dreux  du  Radier.  Biblioth.  hist    et  crit.  du  Poitou;  Paris,  Ganeau,1754, 

5  vol    in-12. 
Du  Bellay    i  Joachim).    Voir    aux  noms  de    Chamard    et  Marty-Laveaux. 

Outre  les    œuvres    françaises,  j'ai    consulté    les   Poemata  et  les  Xenia. 

(Paris,  Fed.  Morel,  1558  et  1569,  2  vol.  in-4».) 
Du   Boulay    (lat.  Bulaeus).  Hist.    Univ.    Parisiensis...  Paris,    Fr.  Noël, 

1665-73,  6  vol.  inf°  (tome  VI). 


2/|4  lilBI.lOGRAPHlE 

Du  Chesne  (André).    Hist .  généal.  de  la  maison  des  Chasteigners.    Paris, 

Cramoisy,  1634,  iii-f"    pp.  291,  431  et  432). 
Dii-AY  (Pierre^  Le  Portrait,  le  buste  et   l'cpitaphe  de  Ronsard    an  Musée 

de  Blois.  Etude  iconogr.,  Paris,  H.   Champion,  1907,  plaq.  in-S^'. 

—  Ronsard  et  le  prieuré  de  Croixval.    Rev.  de    la  Renaiss.    de   janvier 

19U9. 
Du  Perron   J.  Davy).    Oraison  funèbre  sur   la  mort  de  Monsieur  de  Ron- 
sard- Paris,    Fed.  Morel,    m.d.lxxxvi,    in-8^>.    (Voir  ci-dessus,  pp.    193 
et  194.) 

—  Perroniana,  article  Gournay.  2"^  édition,  Cologne,  1694,  p.    178. 

Dii'RÉ  (A).  Cf.  Cat.  gén.  des  Mss-  des  Ribl.  publ.  de  Fr.,  Tome  XL  Suppl., 
tome  I,  pp    558  et  suiv.  Blois,  Papiers   Dnpré,  iv"^  185  à  187. 

Dupré-Lasale  (Emile).  Michel  de  VHospital  avant  son  élévation  au  poste 

de  chancelier  de  France.   -  1"^  partie  (1505-1558).  Paris,  Thorin,  1875; 

2-  partie  (1555-1560).  Paris,  Fontemoing,  1899,  2  vol.,   in-8'J. 
Egger  (KmWe).  L'Hellénisme  en  France-  Paris,   Didier,  1869,  2  vol.  in-8°. 
EvERS    Miss  Hélène  M  i.    Critical    Edition    of  the  Discours  de  la    vie    de 

Pierre  de  Ronsard  par  Claude  Binet-    A  dissertation  presented     to  the 

Facultg  of  Bryn  Mawr  Collège  for  the  degree  of  doctor  of  Philosophg ■ 

Philadelphia,  the  John  C.  Winston  Co.,  1905    in-8'. 
Fagi  ET    Emile).  Seizième  siècle-  Article  sur   Ronsard.    Paris,    Lecène    et 

Oudin,  1894,  in-l2. 
Ferrière  (Hector  de  la).    Lettres  de  Catherine  de   Médicis,    publiées  avec 

une  Introduction  dans    la  collection  des  Documents  inédits  sur  l'Hist. 

de  France  (continué    par  Baguenault   de  Puchesse).  Paris,  Imp.  nat., 

1890-95,  9  vol.  in-4o. 
FocLiN  (Antoine).  Rhétorique  française.  Paris,  A.  Wechel,  1555,  pt  in-S". 

Bibl.  Nat.,  Rés.  X.  2534. 
Frémy  (Edouard).  L'Académie  des   derniers  Valois.  Paris    Leroux,    1887, 

gr.  in- 8°. 
Froger  (abbé    Louis).    Ronsard   ecclésiastique.    Rev.    hist.     et  arch.  du 

Maine,  tome  X,  1881. 

—  Nouvelles    recherches    sur  la    famille   de  Ronsard.  Ibid  ,  tome    XV, 

1884,  If'  semestre,  deux  articles. 

—  Les  Premières  poésies  de  Ronsard.  Mamers,  Fleury  et  Dangin,  1892, 

in-8''. 

—  Les  Obsèques  de  (juillaumc  du  Bellay.  Article  paru  dans  la  Province 
du  Maine,    tome  IX,  juillet  1901. 

—  Série  d  articles  publiés  dans  les  Annales  Fléchoises,    de  mars  1904  à 

décembre  1907  notamment  :  Un  seigneur  de  la  Possonnière  en  1293 
(septembre  1904)  ;  Notes  sur  la  famille  de  Ronsard  (mars  1906)  ; 
De  trois  bénéfices    vacants  à  la  mort  de  Ronsard  (mai  1907). 

—  Le  Portail  de  l'ancienne  église  paroiss.  de  Bessé-sur- Braye.  Article 

paru  dans  la  Province  du  Maine,  tome  XV,  janv.   1907. 
Gabillot.    Les  Portraits   de  Ronsard,    Gazette  des  Beaux-Arts,    de  juin 

1907. 
Gallia  Christiana,  tomes  XI  (diocèse  de  Rouen)  ;  XIV  (diocèse  du  Mans). 
(jandar    (Eugène).    Ronsard  considéré  comme   imitateur  d'Homère   et  de 

Pindare.  Thèse,  Metz,  impr.  Blanc,  1854,  in-S». 
GouEFROY  (Théodore)     Cérémonial    français,  Paris,    S.  Cramoisy,    1649, 

2  vol.  in-f"  :  tome  I,  pp.  539  et  553. 


BIBLIOGRAPHIE  345 

GoiTJET  (abbé).  Bibliothèque  française,  tomes  XI,  XII  et  XIII. 
Graux  (Charles).  Voir  Nolhac. 

Grevin  (Jacques'.  L'Olimpe  ..  Ensemble  les  autres  œuvres  Poétiques... 
Paris,  R.  Estienne.  1560,  in-8". 

—  Le  Théâtre...  Ensemble  la  seconde  partie  de  l'Olimpe  et  de  la  Gelo- 
dacrye.  Paris,  V.  Sertenas,  1501,  in-8". 

Guy  (Henry^.  Les  Quatrains  de  Pibrac.  Toulouse.  E.  Privât,  1904,  plaq. 
in-8".  (Extrait  des  Annales  du  Midi,  tomes  XV  et  XVI  ) 

Hallays  (André).  En  flânant  :  au  pays  de  Ronsard.  Journal  des  Débats 
du  3  et  du  10  octobre  1902  Articles  reproduits  dans  le  vol.  intitulé 
En  flânant,  1903,  in-16,  et  dans  les  Annales  Eléchoises,  no»  de  janvier, 
février,  mars  et  avril  1903  (avec  illustr.  de  A.  Leroy). 

Hallopeau  (L.-A.).  Le  Bas-Vendômois.  Excursions  sur  les  rires  du  Loir 
et  de  la  Braye,  au  pays  du  poète  Ronsard.  La  Chartre-sur-Loir,  Moire, 
1906,  in-8». 

—  Série  d'articles  archéologiques  et  historiques,  publiés  dans  les  Anna- 

les Fléchoises,  de  décembre  1904  à  octobre  1907,  sur  le  manoir  de 
la  Possonniére,  les  armoiries  des  Ronsard,  le  prieuré  de  S'-Gilles, 
le  monument  funéraire  du  prieuré  de  S'  Cosme. 
Hartwig    (Hermann).    Ronsard-Studien.      l^e    partie,    Greifswald,    1901 
(étude  sur  lé  texte  des  Amours  de  Ronsard)  ;  2*^  partie,  Bielefeld,  1902 
(étude  critique  sur  les  Prem.  poés.  de  Ronsard,  de  L.  FrogerJ. 
Imbert    (Gérard-Marie).    Sonets    exoteriques.   Bordeaux,  Millanges.  1578, 
p'  in-S"  (Bibl.  Mazarine,   n"  21683).  Réimpression  de  1872  par  Tamisey 
de  Larroque.  Paris,  Claudin  ;  Bordeaux,  Gounouilhou. 
Intermédiaire    des   Chercheurs.  Table  générale    pour  1864-1891,  p.  601  ; 
n°  du  10  mai  1895,  p.  493  ;  table  de  l'année  1896,  p  784  ;  art.  Ronsard, 
Cassandre,   M^^^  de  Pré. 

Jal.  Dictionnaire  critique  d'histoire   et  de   géographie.  Paris,  Pion,  1868, 

au  mot  Ronsard. 
Jamot     (Federic).    Fed-    Jamolii,  Medici  Bethuniensis,    varia     poemata 

Graeca  et  Latina.  Anvers,  Plantin,  1593.  —  Bibl.  Nat.,  Yc.  1463. 
Jamin    ou   Jamyn     (Amadis).    Œuvres  poétiques     Paris,    R.    Estienne  et 

M.  Pâtisson,  1575.  1  vol.  in  12  en  cinq  parties.  Bibl.Nat-,  Rés.  Ye484. 
J'ai  aussi  consulté  les    deux     éd.  suivantes  (1577,  1579).    Bibl.  Nat., 

Rés.  Ye  1875  et  1876. 
Janssen  (Jean).  L'Allemagne  et  la  Réforme,  trad.  française,    Paris,   Pion 

et  Nourrit,  1887-99,  5  vol.  in-8"  (tome  III,    1892,    traduction    E.  Paris, 

p.  473). 
Joly  (Abbé).  Remarques  critiques   sur  le  Dictionnaire   de  Bayle.  Paris, 

Ganeau  et   Guérin.  1748-1752,  deux    parties  en    1  vol.  in-folio,  articles 

Daurat  et  Ronsard- 

JouAN  (Abel) .  Recueil  et  Discours  du  voyage  du  Roy  Charles  IX-..  Paris, 
Bonfons,  1566,  p'  in  8".  A  été  réédité  dans  les  Pièces  fugitives  pour  ser- 
vir à  l'Hist.  de  Fr.,  par  d'Aubais  et  Ménard,  1759,  tome  I. 

Journal  de  Louise  de  Savoie,  dans  la  collection  des  Méniuires  relat.  à 
l'Hist.  de  Fr.  par  Petitot,  tome  XVI. 

Cf.    un  article  critique  de  H.    Hauser    dans    la  Rev.  histor.  de  1904, 
4e  trimestre,  p.  297. 

Jugé  abbé  Clément).  Nicolas  Denisot  du  Mans  Thèse  de  Caen.  Paris. 
Lemerre,  1907,  in-8". 


3^6  Hiiu,ior.nArmF. 

JussERAND  ,J  -.1.)    Ronsard  and  his  Vendoniois.  Dans    le  Nineteenlh    Cen 
tury.  avril  1897. 

Lachèvrk  Frédéric).  Bibliographie  des  recueils  collectifs  de  poésies 
publiés  de  139:  à  1700  Paris,  H.  Leclerc,  1901-1905,  4  vol.  111-4" 
(tome  I). 

Lacroix  (Pauli.  Ballets  et  mascarades  de  Cour  de  1581  à  1652.  Genève 
et  Turin,  J    Gay,  1868,  6  vol-  in-16,  Introduction. 

La  Choix  du  Maine  et  Du  Verdier.  Bibliothèques  françoises  (1584).  Edi- 
tion Rigoley  de  Juvigny    Paris.  Gaillant,  1772,  6   vol.  in-4'>. 

La  Haye  ^Maclou  de;.  Œuvres  Poétiques-  Paris,  Est.  Groulleau,  1553. 
(Bihl.  Arsenal,  B.  L.  6478,  Rés.) 

Cf.  un  article  d'E   Turquéty  dans  le  Bulletin  du  Bibliophile  de  1860, 
pp.  1365  et  suiv. 

Lahondks  ulules  de).  Ronsard  aux  Jeux  Floraux.  Bulletin  de  la  Société 
archéol.  du  Midi,  1908,  nouv.  série,  n"  38,  p.  183. 

Lanusse  (Maxime)  De  Vinfluence  du  dialecte  gascon  sur  la  langue  fran- 
çaise de  la  fin  du  XF"-"  siècle  à  la  seconde  moitié  du  XVIh-  Thèse.  Gre- 
noble. 1863,  in-8». 

—  Chefs-d'œuvre  poétiques  de  Marot.  Ronsard,    Du  Bellay,    d  Aubigné, 

Régnier.  Paris,  Belin.  1896,  in-12. 
La  Popelinière  (Lancelot  Voisin   de).    Histoire  de  France...  Paris,  Jean 

Poupy,  1581,  in-f". 
La    Porte  (Maurice  de).  L,es  Epithetes  françoises.  Paris,   G.  Buon,    1571, 

pt  in-8o.  Bibl.  Nat..  Rés  X.  1964. 
Laudun  d'Aigai.iers  (Pierre    de).  L'Art  poétique  franrois.    Paris,    A.  du 

Breuil,  1598,  in-16.  (Bibl.  Nat.    Rés.  Ye  4283.) 
Laumonier    '^Paul).    Ronsard  et  les  Musiciens  du  XVF  siècle.  ï{ev    d'Hist. 

litt.  de  la    France,    de   juillet  1900    (en  collaboration  avec  Ch.  Comte). 

—  La  Jeunesse  de  P.  de   Ronsard.  Rev.  de  la  Renaissance,  no>  de  février 

et  avril  1901,  de  janvier,  février,  mars  et  juin  1902. 

—  La  Cassandre  de  Ronsard.  Ibid.,  n»  d'octobre  1902. 

—  Chronologie  et  Variantes  des  poésies  de  P.  de  Ronsard.  Rev .  d'Hist. 

litt.  de  la   P'rance,  no^  de    janvier  1902,    de   janvier   1903,  d'avril 
1903,  de  juillet  1904,  d'avril  1905. 

—  Cinq  poésies  non  rééditées   de  Ronsard-    Rev    d'Hist.     litt.  de  la  Fr. 

de  juillet  1902,  pp.  441  et  suiv. 

—  Noies  historiques  et  critiques  sur  les  Discours  de  Ronsard    Rev.    uni- 

versitaire de  février  1903. 

—  La  Genèse  du  nom  de  Ronsard  et  la    véritable  orlhog-  de  la  Posson- 

nière.  Annales  Fléchoises  de  mai  1903. 

—  UEpitaphe    de    Rabelais  par    Ronsard     Rev.  des  Etudes    Rabelai- 

siennes, 1903,  pp.  205  et  suiv. 

—  Tableau  chronologique  des  Œuvres    de  Ronsard.  Annales  Fléchoises 

de  juillet,  août,    novembre  1903  et  avril  1904- 

—  De  la  prêtrise   de  Ronsard  à  propos  d'un  acte  inédit  de   1581.  Anna- 

les Fléchoises,  n'^  de  février  1904- 

—  Les  Œuvres  Poët-  de  J.  Peletier  (1547)    Rééd.  par  L.  Séché,  Rev.  de 

la  Renaiss.,   1904;  Notice  biographique  et  Commentaire- 
—      Trois  pièces   attribuées  à  Ronsard,  restituées  à  Amadis  Jamin.  Bev. 
d  Hist.  litt.  de  la  Fr.  de  janv.  1906,  pp.  112  et   suiv. 

—  Notes  d'histoire  littéraire  à    propos    d'une  ode  pind.  d'A.   Jamin  en 

l'honneur  de  Ronsard.  Ann.  Fléch.  de  septembre  1906. 


BIBLIOGRAPHIK  2^" 

Laumonier  (Paul).  Un  faux  en  librairie  à  propos  de  la  mort  de  Ronsard. 
Ibid.,  n°  de  mai-août  1908. 

—  Contribution  à  l'étude  historique  de  Ronsard (l.  Note  sur  deux  sonnets 

de   1552  ;  II.  Une  pièce  perdue  de  Ronsard  ;  III.  Une  brouille    en- 
tre Ronsard  et  Ant.  de  Raïf!-   Ibid..  n"  de  juillet  1909. 

—  Ronsard  poète  lyrique.  Etude  historique    et  littéraire.  Thèse   de  Pa- 

ris. Hachette,"  1909,  in-8",  li-806  pp. 
Lk  Caron  (Loys),    dit    Charondas.   La  Poésie,   Paris,  V.  Sertenas,  1554, 
pt  in  8°. 

—  Les  Dialogues:  (notamment  le  dialogue  IV,  intitulé  Ronsard  ou  De  la 

Poésie).  Paris,  J.  Longis,  1556,  in-8°   (Bibl.  Nat.,  R.  18271.) 

Lefranc  (Abel).  La  Pléiade  au  Collège  de  France,  en  tête  de  l'Annuaire 
du  Coll.  de  Fr..  S*'  année,  1903,  et  dans  l'Amateur  d'autographes  du 
15  juillet  1903  (Paris,  Charavay). 

L'EsTOiLE   Pierre  de).  Mémoires-Journaux.  Edition  Rrunet  Champollion. 

Paris,  1875-1884.  11  vol.  in-8°.  Voir  la  table,  au  nom  de  Ronsard. 
Le  hARovREVB.  Additions  aux  Mémoires    de    Castelnau.    Bruxelles,    Jean 

Léonard,  1731,  3  vol.  in-folio. 
Le  Loyer  (Pierre).    Erotopegnie  ou  Passetemps   d'Amour.    Paris,    Abel 

L'Angelier,  1576,  in-8". 

—  Œuvres  et  Meslanges  poétiques.  Paris,  Jean  Poupy,  1579,  in-12. 

Le  MASLE(Jean).  Nouvelles  récréations  poétiques   Paris,  Jean  Poupy,  1580. 
LoiSEL  (Antoine),  il/emoî'res  c?c.s />ays,    villes-.,   et  personnes  de  renom    de 

Beauvais  et  Beauvoisis.   Paris,  1617,  in-4". 
LoNGNON  (Henri).  La  Cassandre  de  P.  de  Ronsard.    Rev.    des    questions 

hist.  de  janvier  1902. 

—  Essai  sur  P-  de  Ronsard.  Ses  ancêtres,  sa  jeunesse    (Positions  de   la 

thèse  soutenue  en  janvier  1904,  à  la  sortie  de  l'Ecole  des  Chartes.) 
Magny    Olivier  deV  Les  Amours  (1553)  ;  les  Gagetez  (1554)  ;    les  Soupirs 

(1557).  réédités  par  Blanchemain.  Turin,  J    Gay,  1869-70,  3  vol    in-4"; 

les  Odes  (1559j,  rééditées  par  E.  Courbet,  Paris,  Lemerre,  1876,  2  vol. 

in-12. 
Martellière  (Jean).  Nouveau.r   renseignements  sur  Ronsart    et  Cassandre 

Salviati.  Bulletin  de  la  Soc.  archéol.  du    Vendômois  (XLIII,  1904,  pp. 

51  à  57). 

—  Cassandre  Salviati   et  la  Cassandre  de  Ronsart.    Ibid.,  XLV,    1906, 

pp.  165  à  183. 

—  Du  roi  qui  fît  couper  la  forêt  de   Gastines  et  la  date  de    cette  coupe. 

Annales  Fléchoises,  de  mai  1907. 

—  Les  amis  Vendômois  de  Ronsart  :  I.  Maclou  de  la  Haye  ;  II.  Florent 

Chrestien.  Ibid.,  n"'de  juillet  1907  et  de  septembre-décembre  1908- 

—  Les  origines  des  Ronssart.  Ibid.,  n"  de  mai-juin  1909. 

Ces  ai'ticles  doivent  être  lus  avec  précaution. 
Marty-Laveaux  (Charles).    La  Pléiade   française.    Edition    des    œuvres 
poétiques  de  Du  Bellay,  Ronsard,  A.  de  Baïf,  R.  Belleau,  Jodelle,  Pon- 
tus  de  Tyard  et  Dorât,  avec    Notices   biographiques.    Paris,    Lemerre, 
1866-1898,  20  vol    in-8°,  y  compris  deux  vol.  d  Appendice 

Ménage  (Gilles).  Observations  sur  les  Poésies  de  Malherbe.  Paris,  Billaine, 

1666,  in-8o. 
Menier  (M).  La  Surdité   de  Ronsard.    Archives  d'Otologie,    n^  de  février 

1906. 


3^8  KIIU.IOGRAPHIE 

MoRKRi.  Grand  Dictionnaire  historique.  Edition  de   Paris,  Drouet,  1759  ; 

tome  IX,  article  Ronsard. 
MuBET  (Marc-AntoiiicV  Jnvcnilia  Paris, Vu  Maurice  de  la  Porte,  1552,  in-8o. 

NoLHAC  (Pierre  de).  Le  dernier  amour  de  P.  de  Ronsard,  Hélène  de  Sur- 
gères. Nouvelle  Revue,  du  15  septembre  1882.  Tirage  à  part,  Paris, 
Charavay. 1882. 

—  Lettres    inédites  de    Muret,  publiées  dans  les  Mélanges  Grawr.  Paris, 

Thorin,  1884,  in-8°. 

—  Documents    nouveaux  sur    la    Pléiade  :  Ronsard,   Du     Bellay.    Rev. 

d'Hist.  litt.   de  la  Fr.  de  juillet  1899 

NouEL  (Eugène).  Note  critique  sur  le  jour  de  naissance  de  Ronsard,  avec 
une  note  additionnelle  sur  la  Durée  exacte  de  la  vie  de  Ronsard.  Bull, 
de  la  Soc.   arch.  du  Vendômois,  tome  XXV,  janvier  1886,  pp.  58  à  65. 

Pasquier  (Estienne).  Œuvres  complètes.  Amsterdam,  1723,  2  vol.  in- 
folio. 

Passerat  (Jean).  Recueil  des  Œuvres  poétiques,  augmenté  de  plus  de  la 
moitié,  outre  les  précéd.  impressions.  Paris,  Claude  Morel,  1606, 
in-8°.  (Bibl.  Nat.,  Rés.  Ye  4545.) 

Peyre  (Roger).  Une  princesse  de  la  Renaissance  Marguerite  de  France, 
duchesse  de  Beny,  duchesse  de  Savoie.  Paris,  Em.  Paul  et  Guillemin, 
1902,  in-8». 

Peletier  (Jacques).  Œuvres  Poétiques,  Paris,  Vascosan,  1547,  p'  in-S» 
(Bibl.  Nat.  Rés.  Ye  1853.)  —  Rééditées  par  L.  Séché,  avec  Notice  bio- 
graphique et  Commentaire  par  P.  Laumonier  (/Îpi>-  de  la  Renaissance, 
1904). 

—  Art.  Poétique.  Lyon,  J.  de  Tournes  et  G.  Gazeau,  1555,  in-S".  (Bibl. 

Nat.,  Rés.  Ye  1214.) 
Perdrizet  (Pierre).  Ronsard  et  la  Réforme    Thèse  de  TUniv.  de   Genève. 

Paris,  Fischbacher,  1902,  in-8". 
PiBRAC  (Guj'  du  Faur  de).  Voir  Claretie  et  Guy. 

Picot  (Emile).  Les  Français  italianisants  au  XVP  siècle.  Paris, 
H.  Champion,  1907,  2  vof.  În-S». 

PiNVERT  (Lucien).  Jacques  Grevin  (1538-1570)  :  sa  vie,  ses  écrits,  ses  amis. 
Thèse  de  Nanc\'.  Paris,  Fontemoing,  1898,  in-8''. 

—  Lazare  de  Baïf.  Paris,  Fontemoing,  1900,  in-8°. 

C'est  l'éd.  française,  revue  et  corrigée,  de  la  thèse   latine  De    Lazari 
Baifii  vita    ac    latinis    operibus  et    de    ejus   amicis,  publiée  à  la  même 
librairie  en  1898. 
Port  (Célestin).  Dictionnaire  historique,  géographique  et  biographique  de 
Maine-et-Loire-  Paris  et  Angers,  1878,  3  vol.  in-8o. 

PoTEz  (HenriV  La  jeunesse  de  Dengs  Lambin.  Rev.  d'Hist.  litt.,  de 
juillet  1902. 

—  Deux  années  de  la  Renaissance,  là.,  juillet  et  octobre  1906. 
RiCHELET  'Nicolas).  Commentaire  des   Sonnets  pour  Hélène  dans  l'édition 

des  Œuvres   de  Ronsard  de  1597. 

—  Commentaire    des  Odes    dans    l'édition    des  Œuvres  de  Ronsard  de 

1604. 
RocHAMBEAC  (Achille  de).  La  Famille  de  Ronsart.    Recherches  généalogi- 
ques, historiques  et  littéraires  sur  Ronsard  et  sa  famille.  Paris,  Franck, 
1868,  in-16  (Bibl.  elzév.).  —  Ouvrage  publié  également  en  in-8°. 


BIBLIOGRAPHIE 


2^9 


Ronsard.  Œuvres.  Voir  aux  noms  de  Bi.anchemain  et  Marty-Laveaux. 
J'ai  consulté  les  œuvres  de  Ronsard  surtout  dans  les  éd.  originales  et 
les  éd.  collectives  anciennes,  dont  on  trouvera  la  liste  et  la  cote  dans  la 
Bibliographie  de  mon  ouvrage  sur  Ronsard  poète  lyrique-  Voir  encore 
pour  les  Discours  de  Ronsard  et  quelques-uns  des  pamphlets  huguenots 
qui  s'y  rattachent,  ci- dessus,  pp.  151  à  154. 

Sainte-Bklve    Tableau  hist.  et  crit.  de  la  poésie  fr.   au  A' V/c  siècle  (1828). 
Réédition  très  augmentée  de  1843,  Paris,  Charpentier,  in-12  de  508  pp. 
J'ai  renvoj'é  le  lecteur  à  l'édition  courante  de  la    Biblioth.    (charpen- 
tier, qui  est  postérieure  et  n'a  que  499  pp. 

Sainte-Marthe  (Scévole  de).  Poemala.  Paris,  M.  Pâtisson,   1587,  p.  103. 

—  Gallornm  doctrina  illnstrium  Elogia.    Les  trois  éditions  de  Poitiers, 

1598,  1602,  1606,  et  la  traduction  de  G.  Colletet  (1644). 
Cf.  ci  dessus,  pp.  213,  225  et  226. 
Séché  (Léon).   Vie  de  Joachim  \du  Bellay'},  première    partie    Rev.  de  la 
Renaissance  de  février  et  de  mars  1901 

—  Voir  au  nom  de  Peletier  . 

SiBiLET    (Thomas).    Art    Poétique    François    il548).    Réédition    de  1556 

(Lyon,  Thibaud    Payan),  suivie  d'une  réédition  du    Quintil  Horatian, 

et  d'un  Autre  Art  Poétique   réduit  en  bonne  méthode    (anonyme).    — 

Bibl.  Nat..  Rés.  Ye  1212. 
Simon  (abbéi.  Histoire  de  Vendôme  et  de  ses  environs.  Vendôme,  Loiseau, 

1835,  3  vol.  in-8'. 

La  notice  sur  Ronsard  se  trouve    au  3"  vol    L'auteur  y  a   suivi  Binet 

et  Du  Perron,  et  reproduit  presque  toutes  leurs    erreurs.    Il  a  en  outre 

délayé  le  jugement  de  Boileau. 
Speroni  (Sperone).  Opère,  édition  de  Venise^  Dom.  Occhi,  1740,  5  vol.  in- 

40  ;  tomes  IV  et  V.  —  Bibl.  Nat.,  Z.  5765  et  5766. 
Stoetzer  (O.  G.).  Etude  sur  Ronsard  et  son  école.  Buetzow,  Fr.  Werner, 

1874,  plaquette  in-4''. 
Teissier  (Antoine).  Les  éloges  des  hommes  savons,  tirez  de  l'Histoire  de 

M.  de  Thou,  avec  des  additions...  4^  édition,  Leyde,  1715,  4  vol.  in-12, 

tome  III. 
Thou  (J. -A.  de).   Historiarum    sui  temporis  libri    CXXXVHI.    Londini, 

S.  Buckley,  1733,  livres  XIII.  XXXVII,  LXXXII  et  LXXXIII 

—  Mémoires.  Collection  Petitot,  l'e  série,  tome    XXXVII. 

—  Chr.  Thuani  Tumulus.    Lutetiae,  apud  M.  Patissonium,  1583.  in-4°. 
TiERSOT  (Julien).  Ronsard    et  la    musique  de  son  temps.  Paris,  Fischba- 

cher,  1902,  in-8o.  Tirage  à  part  des  vol.  trimestriels  de  la  Soc.  internat. 

de  Musique.  Année  IV,  cahier  1. 
Ubicini.  Introduction   aux  Chants    populaires  de    la  Roumanie,    recueillis 

par  Alexandri-  Paris,  Dentu.  1855. 
Utenhove  (Charles).    Epitaphium  in  mortem    Herrici   Gallorum  régis..-, 

suivi  des  Xenia  seu  aliquot  ad  illustrium  quorundam  Galliae  nomina 

Allusiones-  Paris,  R.  Estienne.  1560,  in^". 
Van  Bever  (Adolphe).  Rééd.  du  Livret   de    Folastries.  Paris,  Mercure  de 

France,  1907,  in-12. 

Cf.    Jacques     Madeleine   et     P.  Laumonier,  Revue   Critique   du 
14  nov.  1907. 
Vanel  (J.-B.).   Ronsard  prieur  de  Marnant.  Bulletin  historique  du  dio- 
cèse de  Lyon,  janvier-février  1905. 


aOO  BIBLIOGRAPHIE 

Vauquelin  de  la  Fresnaye.  Art  poctitiuc,  éd.  G.    Pelissier.  Paris,  Garnicr, 
1885.  in-12,  p.  140.  ' 

Velliard  (Jacques).  Pelri  lionsardi  Poetac  Gallici  laudatio  funcbris.  Ad 
vita  et  moribns  spectatissimum  viriim  loanneni  Gallandiiim,  Becodia 
nae  domiis  dominiini-  Jacobiis  Velliardiis  Carniitensis  ad  hanc  pom 
pam  has  paraint  orationes  ciim  lieroîco  carminé.  Parisiis,  apud  Ga- 
brielem  Buon,  1546  {sic,  pour  1586),  in-4o.  —  Bibl.  Nat.,  Ln  '-"  17840 
Al.  —  Plaquette  de  21  ff. ,  divisée  en  deux  parties  :  f.andatio  fune- 
bris  I  :  Laudatio  funebris  II.  (Voir  ci-dessus,  p.  193  ) 

Une  2e  édition  parut  la  même  année,  revue  et  augmentée.  Même  titre, 
avec  cette  addition  :  Huic  postreniae  edilioni  adjecta  sitnt  alitjuot  viro- 
riim  illustr.  in  eiinidem  elogia-  Parisiis,  ex  typographia  Dionysii  a 
Prato...  ^Bibl.  Nat..  Ln  ■^'  17840). 

ViLLEY    Pierre).  Les  Sources  italiennes  de  la  «  Deffense  et  illustration  de 
la  langue  française  »  deJ.  du  Bellay.  Paris,  H.  Champion,  1908.  in-S». 

Waddington   Ramus  {Pierre   delà  Ramée).  Sa  vie,  ses  écrits  et    ses  opi- 
nions. Thèse.  Paris,  Mejruis,  1855,  in-S". 


INDEX  ALPHABÉTIQUE  DES  NOMS 


Ai.BRET  (Henri  d'},  roi  de  Navarre,  115. 
Albret  (Jeanne  d'  ,  fille  du  précédent, 

15,  114,  115,  170. 
Alexandre,  roi  de  Macédoine,  xl,  4. 
Amyot  (Jacques),  167. 
Aneau  (Barthélémy,  140,  141. 
Angelio  (Petro)   de    Barga    (lat.    Bar- 

geus),  XIV,  xvn,  42,  206,  207,  214. 
Angënnes    (Charles    d),     évêque     du 

Mans,  49,  234. 
Angot  (A.),  168. 

Angoulème  (Monsieur  d').  V.  Henri  III. 
Anjou  (François    duc    d'),  dernier  fils 

de  Henri  II.  encore  appelé  François 

d'Alençon    ou  François   de    France, 

xxvui,  45,  147,  159,  197,  228. 
Anselme  (le  P.),  85,  90,  196. 
Apelle,  peintre  grec,  41,  203. 
Apollonius  de  Rhodes,  22,  146. 
Arioste  (1'),  88,  101,  199. 
Arion,  XL,  6,  76. 
Aristophane,  xxxiii,  13,  102,  103. 
AcQUAVivA    ou   Aquaviva  (Anne  d'Alri 

d"),  161. 
AuBERT  (Guillaume  ,  114,  171,  172. 
AuBERTIN,    146. 

Aubespine  (Madeleine  de  1'  ,  238 
AcBiGNÉ  (Agrippa  d'\  203,  222,  236. 
AuGÉ  (Mathieu),  149. 
AusoNE,  27,  172. 
AuTELz  ou  Autels   Guillaume  des),  43, 

106,   128,    139,    141,    151,  211,   217, 

218,  221,  223,  224. 


B 


Bacqueville  fM'ie  de;,  167. 

Baif  (Jean-Antoine  de  ,  xii,  xiv,  xv, 
XXI.  xxvi,  XXIX,  XXXI,  xxxii,  xxxiii, 
XXXIV,     XXXIX,  XL,  XLI,  9,    11,   12,  13, 


15,  16,  19,  43,  44,  49,  77.  78,  85,  86, 

90  à  99,  105,  106,  112,  113.  115,  118, 

123.  129,  130,  141,  148, 149,  155,  158, 

165,    169,    173,  192,  195,   211,    213, 

221,  223  h  227,  231. 
Baif  (Lazare   de),  xxxii,  6,  11,  66,  74, 

77,  79,  85,  90,  91,  92,  93,  97,   116. 
Bâillon,  trésorier  de   l'Epargne,  167. 
Ballu  (Camille),  xxiii. 
Bartas  (G   Salluste  du),  199,  200,  204, 

209,  233. 
Bayle  (Pierre;,  viii,  54,  64,  66,  67,  68, 

70,  78,  92,  172,  199. 
Beaumont    (Catherine  de),  grand'mère 

maternelle  de    Joachim    du    Bellay, 

119. 
Beaumont    (Joachine    de),  grand'mère 

maternelle  de  Ronsard,  64,  119. 
Becq  de  Fouquières,  VII,  67,  115. 
Beckherrn  (Richard),  210. 
Belet  (René),  xxiii. 
Bellay  (Guill.   du),  seigneur  de    Lan- 

gey,  capitaine,  7,  56,  72,  79,  80,  118. 
Bellay  ;.Iean    du),  cardinal,  frère  du 

précédent,  132 
Bellay    (Martin  du),   capitaine,    frère 

des  précédents,  72,  76. 
Bellay  (René    du  ,    évêque,  frère   des 

précédents,  80,  87. 
Bellay  (Joachim  du),  le  poète,  viii,  ix, 

XV,    XXIV,    XXVI,     XXVII         XXXI    à    XXXIII, 

XLI,  7,  14  à  16,  43,  60,  79,  80,  81,  86, 
90,  100,  101,  105,  106,  108  à  114,  117 
à  120,  123,  140,  141,  143,  149,  156, 
171,  201,  211,  214,  218,  219,  221  à 
226,  235. 

Belleau  (Rémi  ,  ix,  xiv,  xvi,  xxvi, 
XXVII,  xxviii,  XXX.  XLI,  3,  13,  19,  43, 
44.  59  et  60,  69,  79,  81,  106, 127,  128, 
130,  131,  155,  160,  169,  195,  196, 
198,  209,  211,  217,  220,  222,225,227. 

Belleforest  (François  de',  xii,  xv. 

Bellerie  (fontaine),  30,  45,    178,  227. 


3,^3 


INDEX    ALPHABETIQUE    DES    NOMS 


Bellozane  (abbaj'e  de),  27,  167. 

Belox  (Pierre\  217. 

Bembo  (Pietro).  44,  101,  213,  225,  226. 

Békeau  (Jacques',  144- 

Berger    Bertrand),  xxx,  24,  156. 

Bernus,  154. 

Bertaut  (Jean),  43,  44,  2'Mî. 

BERTY(Ad.1,  172. 

Bèze  (Théodore  de),  118,  195,  220. 

BiNDÉ  ^Charles),  élève  du  coll.  Bon- 
court,  193. 

HiNKT  (ClaudeV  Voir  Introduction  et 
Commentaire. 

Binet  (Jean^,  oncle  du  précédent,  xi. 

Blanchard  (Fr.),  xviii. 

Blanchemain  (Prosper),  viii,  xiii,  xv, 
XXXV,  xLiii.  54,  58,  59,  62,  63,  64,  65, 
76,83,  89,90,  102, 105,106,  116.  125, 
127,  138.  141,  142,  1.53,  156.  164, 
165,  167, 169, 171,  172, 173,  175,  178, 
180,  182,  186,  202,  206.  212,  217, 
218,219,  224,226,  228,  232  à  235,  238. 

BoDius  (Alexandre).  209. 

BoiLEAu,  198,  201.  235. 

BoNAMY,  maître  d'A.  de  Baïf,  95. 

BoN-NEFON  (Paul),  105,  132. 

Bonxefons  (Jean),  xvii,  xviii. 

Boni  (Guillaume),  82. 

Bouchet  (Jean),  61  à  64,  88.  110,  126. 

BoDLAN  fie  Sgr),  217. 

Boulay  (du),  92. 

Bourbon  'Antoine  de\  xxvii,  197,  232. 

BorRBON(CharIes  de\  cardinal,  38, 197. 

Bourbon  (Henri  de  .  Voir  Henri  IV. 

Bourgueil,  ville  oui  habitait  Marie  du 
Pin,  44.  127,  130. 

Bourrilly  (V.-L.),  79,  80. 

Boyer  (Jacques  de),  179. 

BrAISNE,  XI. 

Brantôme,    81,86,    137,  151,  158,160, 

161,165,  196,  206,  209,  222. 
BRAY(de),  217. 
Brinon  (Jean),  105. 
Bhisson  (Barnabe),  xvi,  xvn. 
Bruès  (Guy  de),  130,  198,  211,  217. 
Bruneau  de  Tartifume,  65. 
Brunet  (Charles),  xxxv. 
Brunetiére  (Ferdinand),  67. 
Buchanan  (Georges).  209. 
BiEiL  (Louis  de',  179. 
Buffon,  235. 
BuoN  (Gabriel,,  xxiii 
Buox  (Nicolas),  xuii,  103,  104,  212. 
Buttet(M.-C1.  de),  143. 


Cailler  (Baoul  ,  194. 

Callimaque,  18,  126. 

Canelle  (F.),  élève  du  coll.  B&ncourt, 
193. 

Carle  (Lancelot),  13,  95,  105,  106.  135, 
136.  143. 

Carnavalet  (Fr.  de),  xxxii,  6,  11,  75, 
89,  90,  95,  118,  139. 

Caro  (Annibal),  206 

Cassandre.  Voir  Salviati  (Cassandre). 

Castelnau  (  Michel  ,sgr  de  Mauvissièrc, 
54,  165,  209. 

Catherine  de  Médicis, reine  de  France, 
xxxvi,  132,  151,  157,  161,  163,  171, 
206,  228. 

Catulle    114, 131,  230. 

Cf.c.ille,  secrétaire  d'Elisabeth,  reine 
d'Angleterre,  65,  174. 

Chabaneau  (M.),  147. 

Chabouillet  (A  ),  54,  59,  84 

Chamard  (Henril,  viii,  ix,  xxxiii,  80, 
86,  91.  92,  95,  96,  100,  105,  109  à 
114,  117,  119  à  123,  126.  132,  140, 
141,  156,  218,  222,  223,  226,234. 

Champollion-Figeac,  62. 

Chapelain,  207. 

Charbonnier  (abbé  P.)    152,  153. 

Chardon  (Henri),  xv.  212. 

Charlanne  (Louis),  209. 

Charles  (abbé),  178. 

Charles,  duc  d'Orléans,  3«  fils  de 
François  W,  5,  6,  62,  76. 

Charles  IX,  roi  de  France,  xii,  xiii, 
XX VII  à  XXXI,  25  à  28,  41,  49,  67.  86, 
89,  150,  151,  156  à  161,  165  à  172, 
174,  196,  202,  205  à  207,  212,  221, 
228,  232,  234. 

Charles  de  Valois,  fils  naturel  de 
Charles  IX,  38,  196. 

Charles-Quint,  77. 

Chassagny  (Claude  de),  168. 

Chateauneuf  (Renée  de),  161. 

Chaudrier  (Jeanne  de),  mère  de  Ron- 
sard. 3.  60,  64. 

Chauveau  (Guillaume),  193. 

Chauveau  (Julien),  xx. 

Cheminart  (F.),  élève  du  coll.  Bon- 
court,  193. 

Chesne  (.André  du  ,  xx,  163. 

Chétardie  (Joachim  de    la),  186,  187. 

Chevalier  (abbé  Casimir),  182,  186. 

Cueverny  (Huraut  de,  203. 

CyKVROLYER,  notaire  de  Ronsard,  187. 

Choiseul  'Chretophle  de),  xxviii,  57, 
195,  196.  200,203,  204,  217,  220. 


INDEX     ALPHABÉTIQUE     DES     NOMS 


253 


Choli-et  (Louis),  182. 

Chopin  (René),  xvi. 

CiiBESTiEN  {FIorent\    xxxv,  xxxvi,  xi-, 

43,  44.  153,  195,  206,  209,  213,  218, 

219.  236. 
CicÉRON,  97,  120. 

CiMBER   ET   DaNJOU,    VII,    XIII,      157,    165, 

175. 
Clahetie  (Jules),  147,  190. 
Clément  (Louis)    100,  221. 
Clément  (P.),  164,  178,  179. 
Clouzot  (Henri',  172. 
CocniN  (Henri;.  122. 
CoLiGNY    ^François   de),    s"-  d'Andelol, 

144. 

CoLiGNY  (Gaspard  de  ,  l'amiral,  144. 

CoLiGNY  ;Odet  de  ,  cardinal  de  Chaslil 

Ion,   frère  aîné   des    précédents,   22, 

23,  80,  132,   144,  145,  149,  150,  203. 

Collège  de    Boncourt,  vii,    100,   175, 

178,  181,  191  à  194,  235,  238. 
Collège  DE  Coqueret,  xiv,  xxvi,  xxxii, 
xxxiii,  11,  13,  90  à  96,   98,  99,  101, 
103,  105    à  107,  111,  113,  117,  118, 
211,221. 
Collège    de  Navarre,    xxvi,  xxxi,    5, 

72,  145. 
Collège  Royal  ou  de  France,  xvi,  90. 
Colletet    (Guillaume),  vu,  xxxvi,  54, 
62,  65,  66,  70.   75,  85,   91,  98,  100, 
102, 107,  109, 110,  111,  116,  121, 123, 
129,    131,  134,    138,  142,    150.    156, 
157,  158,  162.  163,  166,  169   170,  175, 
178,  186,    196,  199,  205,    208,    209, 
212,  217,  226,  236. 
Colletet    (Fran(,-ois),    Gis    du    précé- 
dent, 91. 
CoLOM  (Biaise),  148. 
Comte  (Charles),  230. 
CoNDÉ  (Louis  de),  151,  161. 
Coquillart  (Guill.;,  xxxvi,  10,  86,  87. 
Cossé-Brissac  (Anne  dei,  163. 
Cossé-Brissac  (Charles  de),  xi 
Cossé-Brissac  (René  de),  62. 
COUAT  (A.),  131. 
CouDRET  (Laurens  du\  189. 
Courtin  DE  CissÉ  (Jacques),  xvi,  xvii. 
CouRviLLE  (Thibault  de),  94  et  95. 
Crèvent  (François  de),  69. 
Critton   (Georges),  xxii,  xlvii.  53.  64, 
69,  72,   73,  76,  80,  81,   85,    99,  100, 
104,   107,    117,  123.  150,    152,    175, 
176,  177,  186,  191,  193,  222,  230. 
Croixval  (prieuré  de),  xv,  30.  31,  33, 
44,  159,  164, 168, 176  à  179,  181, 184, 
187,  190,  212,  229. 


Daniel  (le  P.),  158. 
Darmesteter  (Arsène^  123. 
Davila,  158. 

Décrue  de  Stoutz  (Francis),  58.  72. 
Deimier  (Pierre  de",  199. 
Dejob  (Charles),  104,  112. 
Delaruelle  (Louis),  105,  111. 
Delbene  ou  del  Bene  (Alphonse),  201, 

204. 
Del  Bene  (Barthélémy),  57,  206,  238. 
Delboulle,  126. 
Delorme  ou     de    l'Or.me    (Philibert), 

xxxv,  171,  172,  195. 
Delpecii  (Pierre).  148. 
Denisot  (Nicolas),   95,   105,    106,  124, 

125,  221. 
Deschamps  (Gaston),  55,  121. 
Desgcez  (Jacques I,  xxxii,  34,  182. 
Desmaizeaux  ou  Des  Maizeaix,  64. 
Desportes  (Philippe),  xvii,  xxi,  xxxix, 
43,  44,  48,  49,    50,   161    à  163,   165, 
174,  191  à  194,  208  à  210,  236,  237. 
Desroches    ou    Des    Roches    (Mesda- 
mes),  XVI. 
Diane  de  France,  duchesse  de  Châtel- 

lerault,  puis  d'Angoulême,  9,  85. 
Diane  de  Poitiers,  72,  145    171. 
DoNAT,  XXXII,  68,  87,  164. 
DoRAT,  Daur.vt  ou  d'Aurat  (Jean),  ix, 
xni,  xiv,    XVII,  XX,  .XXIV,  xxvi  à  xxx, 
XXXII  à  xxxiv,  xxxix,  XL,  7,  8,  12,  14, 
36,  44,  71,    81  à  83.  89  à  102.  104  à 
106,  109   à  111.  113,    118.  119.   165, 
173.  199,  206.  208,  210,  215,  217,  221 
à  223,  225. 
Dorez  (Léon),  228. 
DoRON,  49. 

Douglas,  poète  écossais,  75. 
Dousa  (Jean),  210. 
Dreux  du  Radier,  86,  162,  213. 
Duc  (Jean- Antoine),  85,  86. 
Duc  (Paul).  Voir   Paul  (le  Sgr). 
Duc  (Philippe),  85,  86. 
Dudley  (lord),  comte  de  Leicester,  65, 

174. 
DuFAY  (Pierre),  84,  178,  186. 
Du  Lac  (Pierre),  xx. 
Du  Perron   (Jacques  Davy  ,    xxi,  xxii, 
XXV,  xxxii,  xxxHi,  38,  43,   44,  49,  53, 
54,  55,  57,  61,  62,  66,  68,  69,  71,  73 
à  76,   78,  79,    83   à  85,  96,  99,  107, 
117,  123,  150, 152,  164,  176,  179,  181 
à  185,  191  à  195,  208,  213,  222,  236 
Duprk(A.),  58,  61. 
Dupré  L.\sale  (Emile),  133. 
Durant  (Gilles),  s-^  de  la  Bergerie, xviii. 


354 


IXDEX     ALPHABÉTIQUE    DES    NOMS 


Edinton,  217. 
Egger  (Emile,  207. 
Eléonored'Autkiche,  reine  de  France, 

63. 
Eliot  'John  ,  208. 
Elisabeth,  reine  d'Angleterre,  xxxv,  3, 

65.  174,  238. 
Elis.abkthd'Autbiche,  reine  de  France, 

XIII,    XXV. 

Elis.abeth  de  France, reine  d'Espagne, 
25,  158 

Ellain  f  Nicolas\  175,  177. 

Eschyle,  xxxiii,  12,  102. 

EsTiESNE  (Charles),  77,  95. 

Estienne    Henri),  126,  220,  221,  223. 

EsTiENNE    Robert  III),  xliii. 

EsTRÉE    Françoise  d'),  162. 

Euripide,  93,  97. 

EvERs  (Miss  Hélène),  x,  xi,  xxi,  xxxi, 
xxxii,  xxxviii  à  xLii,  XLv,  75,  97,  100, 
107,  112,  113,  115, 117, 118,  121, 125, 
134  à  142,  178,  197,  208,  220  à  223, 
237. 


Faguet  (Emile),  95. 

Falloux  (Alfred-Pierre  de),  152, 

Faur  (Guy  du).  Voir  Pibrac. 

Fauve  AU  (Pierre),  112. 

Robin  du  Faux  (Paschal  >  64  et  65. 

Ferabosco,  230. 

Féret  (abbé  P.  ,  194. 

Fébon  (Jean  \e\  54. 

Ferrier  (Arnauld),  36,  190. 

Fétis  (François;,  193. 

Feugère  (Léon),  95,  213. 

Fischer  (Hermann',  210. 

FocLiN  ou  Fouquelin  (Antoine',  216. 

Foix  (Paul  de),  36,  188,  189,  209. 

Fontaine  (Charlesi,  132. 

FoNT.ANON    Gabriel),  170. 

FoNTBERNiER  (Jacqucs  de),  64. 

Forcatel  ou  Forcadel,  54. 

Fortin,  xx. 

FouLET  (Lucien),  x. 

FouRMER  (Robert),  92. 

FoNSÈQUE  (René  de),  163. 

Fracastor,  44.  225,  226. 

François  hr^  roi  de  France,  xxxi,  3, 
4,  5,  22,  61,  62,  63,  66,  69,  72,  73, 
74,  82,  84,  88,  93,  97,  102,  122,  146, 
191,  192,  230. 

François,  Dauphin,  fils  aine  du  précé- 
dent, 3,  5,  61,  62,  74. 


François  II,  roi  de  France,   108,  145, 

150,  151,206. 
François    de    France,    duc    d'Anjou. 

Voir  An.iou. 
François  d'AjiBoisE,  xv. 
Francus,  héros  de  la  Franciade,  xxxvii, 

41,  207. 
Frémy  lEdouard),  93,  95,  97,  161,  163, 

175,  190,  193,  235,  236 
Froger    (abbé  Louis),  55,  56,  59,  60, 

61,  63,   64,  69,  70,    76,  80,  125,  132, 

142,  168,  178,  179.  182,  187,  236. 
Fulgence  Planciade,  207. 
Fumée  (Adam),  19,  129. 


Gabillot  (C),  84. 

Galt  AND  (Jean),  xiv,  xix  à  xxviii,  xxxiv, 

XXXVI,  29  à  33,  37,  98,  159,  166,  175, 

177  à   182,  184,  185,   187,  191  à  19-J, 

197,  198,    208,   216,    217,  233,    238, 

239. 
Galland  (Philippe),  xliii,  175. 
Gandar  (Eugène),  206,  232,  235. 
Garnier   (Claude),  xliii,   93,   98,   103, 

159,  212,  232. 
Garnier  (Robert),  xv,43,  44,  212,  213 
Gassot    Jules\  195,  196,  217 
Gast  (Réranger  du)  ou  Le   Gast,  210. 
Gastine  (forêt  de  ,  27,  30,  45,  169,  170, 

118,  234. 
Genèvre,   maîtresse  de  Ronsard,  xxx, 

32,  131,  180. 
Génin  (François),  63. 
Gidel  (Charles),  146. 
Gillot  (Jacques),  xix,  188. 
Ginguené,  213. 
Girard  (Jean  ,  xv,  198,  217 
GoDEFROY  (Théodore),  xiii . 
GoNDY  (Albert  de),  xii. 

GoDBEAU,  152. 

Goujet  (abbé;,  63,  66.  91,  92,  121. 

Goulu  (Nicolas),  xiv. 

Grandval  (Claude  de),  8,  83. 

Graves,  xi. 

Grévin  (Jacques^    xi,  xv,    xxx,    xxxvi, 

43,  90,  103,  153,  195,   200,  202,  205, 

206,  211,  212,  216    .h  219,  224,   225, 

229,  236. 
Grujet  (Claude),  214,  218,  225. 
Gruther  ou  Gruter  (Jean),  xix. 
Guerle     (Germain    Vaillant     de    Ia\ 

abbé  de    Pimpont,    xxvii,  xxviii,  27, 

169. 
GuESLE  (François  de  la',  xvii. 
Guesle  (Jacques  de   la),  xvn,  xviii. 


INDEX     ALPHABÉTIQUE    DES     NOMS 


255 


GuESLE  ('Jean  de  la^,    xiii,  xvii,    xviii, 

239. 
(lUÉTiER  fReiié  ,  187. 
Guise    ^Charles    de).    Voir    Louhaine 

(Charles  de). 
Gi'iSE  (François  de),  145,  207. 
Guy  iHenry^  86,  87,  104,  147. 

H 

Hallays  (André),  178,  179,  182,  18(). 

Hallopeau  (L.-A.;,  56,  58,  59,  60,  64 
68,  70,  119,  178,  179,  180. 

Ha.mon  (abbé  a.',  126,  213. 

Haiilay  (Achille  de  ,  xvii. 

Harteloire  (Abel  et  Jean  de  la\  217. 

Hartwig  (Hermann  ,  139. 

Hatzfeld  (Adolphe),  123. 

Hélène.  Voir    Suhgères    (Hélène   de^. 

Henri  H,  duc  d'Orléans,  puis  dauphin, 
et  roi  de  France,  xxvn,  xxx,  xxxiii, 
3,  8,  22,  23,  61,  74,  78,  82,  83,  84, 
88,  105,  108,  119,  132,  134,  138,  143, 
145,  150,  168,  171,  196,  206,  220, 
221,  232. 

Henri  HI,  duc  d'Angoulême,  puis 
d'Orléans,  puis  d  Anjou,  puis  roi  de 
Pologne,  et  roi  de  France,  xii,  xxiv, 
x.w,  xxvn,  xxviii,  xxx,  28,  49,  85,  89, 
90,  143,  147,  161.  166,  170,  173,  174, 
190,  196,  197,  200,  202,  206,  208, 
210,  225,  228,  231  à  233,  236  à   238. 

Henri  I\',  duc  de  Hourbon-\'endônie, 
puis  roi  de  Navarre  et  roi  de  France, 
XXV,  48,  170,  190,  196,  197,  231  à 
233. 

Henri  d'Angoulême,  bâtard  de  Henri 
II,  196. 

Henri  de  Lorraine,  238. 

HERoiiT  (Antoine  ,  43,  105,218. 

HoGu  (Louis),  63. 

Homère,  xxxiii,  xl,  7,  9,  13,  14,  21,  22, 

25,  39,  81,82,  109,  230. 
HOR.A.CE,   14,  16,    41,    75,    82,  84,   87, 
107,   108,    167,    199,   201.  202,    204, 
205,  215,  230,  231,  235. 

HOTMAN,    XVII. 

HouT  (Jean  Van^,  210 
Hugo  (Victor),  55,  68,  203. 

I 

Lmbert    Gérard-Mariel,  90,  221. 

ISAMBERT,  170. 


Jacques  V  Stu.vrt.  roi  d'Ecosse,  5,  73, 
74,  76,  78. 


Jal,  174. 

Jamin  ou  Jamyn  (Amadis),  xiii,  xiv,  xv, 

XVI,  xxvr.  XXVIII,  xxxiv,  xxxv,  xxxix, 

XL,  43,  44,    59,    146,    157,   159,  161, 

163,  165,    169,    181,    207.  211,    212, 

222,  225,  229,  231. 
JAMor    Frédéric  ,  111. 
.Ianequin,  musicien,  192. 
Janssen,  77. 

Jeux  floraux,  148,  149.  150. 
jodelle.  xv,  xvi.  xli,  24,  43,  95,  100, 

103,  105,    106,    137,   154,    156,    165, 

221,  222,  223,  225. 
JoLY  (abbé),  viii,  66,  92,  94,  104,    110. 
JouAN  (Abel  ,  157,  158. 
Joyeuse  (Anne,    duc  de),    amiral,  38, 

173,  176,  179,  193. 
Joyeuse  ^François   del,    cardinal.    38, 

193. 
Jugé  (Clémentl,  95. 
JUSSERAND    J.-J),  178,  229. 
JuvÉNAL,  201,  202,  203, 


La  Bruyère,  235. 

Laciièvre  (Frédéric  ,  xliii. 

Lacroix  (Paul),    xii,  173,  193. 

La    Croix  du  Maine,  xii,  xiii,  xv,  xix, 

xxiii,  XXV,  XXXIV,  65,  70,  71,  106,  175. 
Lafaye    g.',  131 . 
La  Haye  (Maclou  de  la),  57 
La  H.\ye  (Robert  de  la),  203 
Lahondès  (Jules  de\  147. 
Lalanne  (abbé  ,  86. 
Lambin,  xiv,  57,  150,  155,  207. 
La  Monnoye,  xm,  xxv,  58,  154. 
La  Mothe    Charles  de),    103.  155,  222. 
Langlois  (Ludovic),  xx. 
Lanques  [de  ,  217. 
Lansac  le  jeune,  217. 
Lanson  (Gustave).  123. 
Lanusse  (Maxime),  55,  57,  119. 
La  PERUsE(Jean  de  la),  xi,  xir,  xxvn, 

43,  44,  57,  101,   103,  104,    155,   210, 

221.  223. 
La  Popelinière  (Lancelot   Voisin  de), 

158,  165. 
La  Porte  (Maurice  de),  222 
La  Ramée.  Voir  Ramus. 
Lassigny  (le  s"-  de),  6,  76. 
Laudun    d'Aigahers  (Pierre    de\  199. 
Laure  de  Noves,  15,  117,  122. 
Laval  (M""  de),  xxxiii,  9. 
Le  Caron  (Lovs),  dit  Charondas,    57, 

221. 
Lee  (Sidney),  209. 


256 


INDEX     ALPHABÉTIQUE    DES    NOMS 


Lefbanc  'Abel),  xiv. 

Lefebvre  de  la  BouF.iuE  (Guy),  111. 

Le  Fevhe  (Antoine),  xii. 

Le  Labovreiu,  54,  90. 

Le  Loyer  i Pierre),  65,  23(i. 

Lemaire  ou  Le  Maire  de  Belges, 
XXXVI.  10,  54.  86.  126,  207,  231. 

Lemarciiand,  63. 

Le  Masle  (Jean),  65,  90 

Lexglez  (J.),  190. 

Leone  Hebreo  ou  Léon  i.'Hebrei',  101. 

Le  Pays,  68. 

Lescotou  L'Escot  (Pierre),  XXVI.  xxvii, 
84,  88.  145,  146,  150.  171.  200.  229. 
234. 

LEsToiLKi  Pierre  de  ,  173, 174, 196,197. 

Leroy  ou  Le  Roy  (Adrien),  157. 

L'HospiTAL  ^Michel  de),  xxvi,  xxvii. 
20,  105,  124.  126,  133  à  138,  143, 
145.  147,  188. 

Lhvillier,  61. 

Lhuillier  (Jean),  xv. 

L'Hl'illier  de  Maisonfleur,  145,  177, 
203,  217. 

LiGNERi   C Claude  de),  80,  143. 

LiMEUiL  (Isabeau  de),  161. 

LiNDSAY,  poète  écossais,  75. 

LiNTiLHAC   Eugène),  207. 

LoDGE,  poète  anglais,  209. 

Loisel  (Antoine),  xiii,  xvi,  xvii,  xxv. 

LoNGNON  (Henri),  56,  64,  67,  116. 

Longuemare  (P.  de),  213. 

LoNGUEviLLE  (M""  de),  9. 

Lorraine  (Charles  de),  d'abord  car- 
dinal de  Guise,  puis  de  Lorraine, 
XXVI,  XXX,  5,  22,  49,  71,  72,  125,  133, 
134.  142,  143,  145,  151,  228,  230, 
234. 

Louis  XII,  roi  de  France,  61. 

LoLis  XIV,  roi  de  France,  55. 

Louise  UE  Savoie,  mère  de  François  I'', 
62,  74. 

LoRÉ  (Jean  de),  179. 

Lucrèce,  XIV.  207,  231. 

LusiGNAN  (Etienne  de  ,  54. 

Lycophron,xxix,  XXXIII,  13, 14, 110,111. 


M 


Macé  (René),  108. 

Machin   Salmon-,  58,  112. 

Madeleine  de  Franxe,  fille  de  Fran- 
çois I«',  5,  73,  74. 

Magny  Olivier  de  ,  44,  79,  105.  106, 
143,211,  217.  221,  223. 

Malherbe    Fr.  de),  xxxii,  192,198,235. 


Mangot  (Jacques),  xvi 
Mansfeld  (Comtesse  de),  167. 
Marcassus  (Pierre  de),  74,  98, 121,  162. 
Marguerite      de     Valois-Angoulème, 

steur    de     François    I'^',      reine      de 

Navarre,  17,  63,    119,  124,    125,  132, 

138,  233. 
Marguerite      de     France,    sœur      de 

Henri    II,  duchesse  de    Berry,  puis 

de  Savoie,  19,  20,  22,  73,  74.  77.  78, 

81,  119,    121,   124,  127,    131  à    133. 

144,  160. 
Marguerite      de     France,     sœur    de 

François   II,    de    Charles   IX  et    de 

Henri    III.    reine  de    Navarre.    115, 

147,  158,  232 
Marguerite  de  Lorraine-\'aude.mont, 

193. 
Marie  de  Lorraine,  reine  d  Ecosse,  5, 

73-74,  145,  216. 
Marie  Dupin,  ou  du    Pin,  maîtresse  de 

Ronsard,  xxvii,  xxx,    19,   127  à  131, 

195. 
Marie-Elisabeth  de  ^'ALOIs,  xii. 
Marie  Stuart,  reine    de  France,  puis 

d'Ecosse,    XXXV,    64,  145,    175,  177, 

178,  209. 
Marot  iClément),  xxxvi,    10,    63,    73, 

80.  84,    86,    87,    96,    107,    11'2-113, 

127,  138,  139,  140,  165,  209. 
Marot  (Jean),  110. 

Martellière   (Jean^,  56,  58,  116,  170- 
Martigues,  XI. 
Martin  (Aimé),  156. 
Martin  (Jean),  107,  111,  118. 
Martin  (Pierre),  179. 
Marty-Laveaux,  XIII,  XV,  xvi,  xvii,  53, 

59,  61,  63,  66,  74,  89,  92,  102,  105, 

106,    116,   129,  134,  138,  163   à  166, 

169,  173,  180,  183,  186,  191-192.  205, 

206,  215,  217,  224,  226,  228,  229. 
Mari'lle  (Michel),  poète  néo-latin,  87, 

131,  142,  177. 
Mas-Latrie,  59. 
Masson  (Papire),   ix,   xxvii,   102,    110, 

165. 
Massuau,  80. 
Masures  (Louis  des),   xv,    xxiv,  xxvii, 

118,217,  231. 
xMatiiieu  (P.),  158. 

Mauddit   (Jacques),  45,  192,  193,  229. 
Maugiron,  173. 
Médicis  (Catherine  de).  Voir  Catherine 

de  Médicis. 
Melissus     (Paulus),    poète     néo -latin, 

XXXV,  209,   213. 
Ménage  (Gilles  .  116,  121,  138. 


INDEX     ALPHABÉTIQUE    DES     NOMS 


257 


Menier  (M.  ,81. 
Mersenne  lie  P.),  192. 
Mesmes    Jean  Pierre  de  ,  221. 
Meunier    J.i,  élève  du  coll.  Hoiicoiirl, 

193. 
Mkziïires  (A.  ,  123 
Michel  (Francisque^  76. 
Mien  EL- Ange,  40. 
MicHiELs(A.),  162. 
Mignet  (Fr.-Aug  ),  62,  63. 
MiREURS  (Pierre  des),  150. 
MoNiN  (Jean-Edouard  du),  199  et  200 
MoNLUc  (Jean  de),  évèque  de  ^'alence, 

210,  217. 
MoNNiER  iPhilippel,  123. 
Montaigne,  189,  231. 
Montmorency  (Anne  dei,  63. 
Montmorency  (François  de  1,  85. 
Mont-Dieu  (B.  de),  24,  153,  154. 
Moreau,  trésorier    de    l'Epargne,  167, 

203. 
Moreau    Gatien),  187. 
MoREL  (Federic),  xix,  188. 
Morel  fJean    de^  ou  siraplemenl  Jfian 

Morel,  xLvii,  79,  80,   105,  124,  135, 

136,  138,  139,  150. 

MORERI,   66. 

MoscHus,   115. 

Moulin  (Antoine  du),  86. 

MouzAY  (Pierre),  187. 

Muret  (M.  A.  de),  ou  simplement 
M  -A.  Muret,  xvii,  xix,  xxvi,  xxvn, 
13.  19,  36,  57,  95,  104,  105,  112, 
124,  125,  128,  156,  160,  186,  188, 
189,  217,  221,  224,  225. 


N 


Nau,  secrétaire  de  Marie  Stuarl,  28, 
174-175. 

Naugerius  ou  Navagero,  poète  néo- 
latin,  44,  225,  226. 

NicÉRON  (le  P.),  213. 

Nicolas  (Simon), 197,  201,  203,  217,232. 

NoLH.\c  (Pierre  de^  105,  135,  139,  150, 
163,  188,  228. 

Nostredame  (Jean  de),  ix. 

NouEL  (Eugène),  66. 


Olivier  de  la  Poconnière,  56. 
Opitz  (Martini,  209,  210. 
Orphée,  xl,  2,  54,  56. 
Ovide,  88,  131. 

vie  de  v.  de  ronsard 


Pange.^s  ou  P.\NJAS,  221,    224. 

Pascal  (Biaise),  235 

Paschal  (Pierre  de),  ou  simplement 
Pierre  Paschal,  ix,  59,  60,  61,  72, 
76,  80,  100,  106,  148,  187,  195, 
217,  219,  234. 

Pasquier  (Esticnne),  xvi,  xvii,  xix,  xx, 
XXVI,  xxxiv,  XXXV,  XXXIX,  XL,  43,  44, 
95,  100,  123,  124,  144,  150,  155,  18(), 
196,  211,  214,  217,  218,  219,  221, 
222,  223,  226,  230,  231-232,  235,  236. 

Passac  (de  ,  58. 

Passer.\t  (Jean),  43,  44,  59,  163,  168, 
231. 

Passeron  (J.  S.),  172. 

Patouillet,  XXX VII,  43,  218. 

Patry  (H.),  132. 

Paul  (le  Sgr),  xxxiii,  9,  84,  85. 

Pecc.^^te  (Guy),  70,  71. 

Peccate  (Julien),  71,  217. 

Pecquet,  170 

Peigné  (Jehan),  Sgr  de  Pré  ou  Praj' 
116. 

Peletier  (Jacques),  xxix,  14,  43,  57, 
87,  100,  101,  105,  106,  109,  113,  114, 
118,   126,  218,  221,  223,  235. 

Perdrizet  (Pierre),  150,  153,  156,  232. 

Perreau  (Pierre),  élève  du  coll.  Bon- 
court,  193. 

Pétrarque,  15,  26,  87,  101,122,  166, 
206,  207,  230. 

Pétrone,  xvii. 

Peyre  (Roger),  132. 

Philibert-Emmanuel,  duc  de  Savoie 
131. 

Philippe  VI  de  Valois,  2,  53,  55. 

Piaget  (Arthun,  123. 

Pibrac  (Guy  du  Faur,  si^  de',  xii,  xvii, 
xvni,  XXIX,  23,  36,  133,  147,  188, 
189,  190,210,  236. 

Picot  (Emile),  86,  105. 

Pie  IV,  pape,  152. 

Pie  V,  pape,  24,  152. 

PiGAFETTA  (Filippo),  214. 

Pindare,  xxxiii,  13,  14,  16,  18,  47,  57, 
82,94,  108,  111,  126,  131,  230. 

PiNVERT  (Lucien),  74,77,  79,  91,  92, 
93,  97. 

PiOLiN  (dom),  70. 

PissELEu  Charles  de),  119,  130,  132, 
195,  217,  218. 

Pl\ntin  (Christophe),  210. 

Platon,  231 

Pline  le  Jeune,  56. 

PoEY  ou  PouY  (Bernard    du),   57. 

17 


858 


INDEX      VLPIIABETIQUE     DES    NOMS 


POLTROT  DE  MÉRÉ,   145. 

Port  (Célestin),  65. 

PossoNNiÈRE    manoir  de  la),  \v,  2,  3, 

4,  59,  64,  228,  229. 
PosTHius.  poète  néo- latin,  209. 
PoTEz  (Henri),  150,  155. 
PoTTER  (de),  152, 
Prévost,  régent  du    Collège    de    Bon- 

court,  155. 
Primatice  (Le),  171. 
Phim.weua  ^Jacques),  84. 
Prinsen  (J.),  210, 


Q 


QuiNTILIEN,   43. 


Rabelais,  80,  126. 

Ramis  ou  La  Ramée  (Pierre),  xxx,  43. 

215-216. 
Rapin  (Nicolas),  xvi. 
Regxard  (Florentin^  168. 
Régnier  (Mathurin),  170,  193,  203. 
Revergat  (François  dej,  217. 
Richelet  (Nicolas),  89,  128,  167,  224, 

225. 
Ripe  (Albert),  luthiste,  230. 
RoBERTET  (Florimond),  217. 
Robin (Paschal), sieur  du  Faux, 3, 64-65. 

ROBIQUET,   91. 

RocHAMBEAu  (Achille  de),  55,  58  à  63, 

84,  114,  129,  132,  139,  149,  156,  165, 

170,  179,  186,  199,  226. 
Roches  (Guy  des),  s'  delà  Basnie,  64. 
Roman  de  la  Rose,  10,  86. 
RoNSART  ^Baudouin  de),  2,  54-55. 
RoNSART  (Charles    de),    frère  aîné    du 

poète,  69. 
RossART  (Claude    de),    frère    aîné    du 

poète  et  du  précédent,  56,  69. 
RoNSART  (Jehan  de),  oncle    du    poète, 

59,  70,  85. 
RoNSART  (Julien  de,,  2,  59. 
RoNSART    (Louise  de),    sœur  aînée    du 

poète,  69. 
RoxsART   (Loj's  de),    père    du    poète, 

XXXI,  XXXIV,  XXXVI,  2,  3,  56,  61  à  64, 

66,  69,  80,  87,  88,  102. 
RoNSAKT  (Loys  de),  neveu  du  poète,  69. 
RoosÈs.  210. 
RouAULT  (Joachim),  64. 
RoYER  fJean),  166. 


Sagos  ^François),  140. 


Saint-Cosme  (prieuré    de),    30,  33,  35, 

44,  45,  157,  159,  168,  175,  182  à  187, 

191,  228,  229. 
Saint-Gelais    (Melin    ou    Mellin    de), 

xxxiii,  17,  21,  43,  124,  125,  132,  135 

à  142,  150,  195,  218,  221. 
Saint-Gilles  (prieuré  de),  31,  168,  175, 

177  à  180,  187. 
Saint-Guingalois  (prieuré  de),  168,  187. 
Sainte-Beuve,  viii,54,74,  91,  105,  109, 

116,121,   123,   167,   196,    199,   225, 

236. 
Sainte-Marthe    (Scévole   de),  ix,    xvi, 

XVII,  XIX,   XXI,  XXIX,   XXXIX,    43,   44, 

90,  112,  117,  142,  143,  169,  190,  213, 

224  à  227. 
Saintsbury,  209. 

Salel  (Hugues),  43,  124,  146,  218. 
Salviati     (  Cassa  ndre),     maîtresse    de 

Ronsard,    ix,      xv,      xxvii,     xxxvii, 

xxxviii,    XXXIX,  15,    16,    66,  92,   98, 

101,  115  à  117,  121  à  124,  128,  131, 

138,  143,  216,  227. 
Sannazar,  87, 101. 
Sanzay  (René  de),  54. 
Scaliger   Jules-César),  xxviii,  42,  206, 

207,  214. 
Scaliger  (Joseph),    fils  du   précédent, 

XVI,  xvii,  207,  210. 
Sceve    (Maurice),    43,    101,    211,    218, 

221. 
Séché  (Léon),  80,  91,  112,   119,  121. 
Second (Jean),  87. 
Seguins  (Gell.  des),  143. 
Sénèque  le  philosophe,  231. 
Sforza  (Ludovic),  61. 
Sibilet  ^Thomas),  109,    140,  141,  218, 

221. 
SiDNEY  (Philippe),  poète  anglais,  209. 
SiNOPE,  maîtresse  de  Ronsard,  128. 
SiGON  (Charles),  36,  188,  189. 
Simon  (abbé  ,  58,  59,  62,  93,    175,  227. 
SiRLET  (Guillaume),  36,  187,  189. 
SixTE-QuiNT,  pape,  175. 
Smith  (Gregory),  209. 
SoRBiN  (Arnaud),  ix,  xxvii,  156,  157. 
SoREL  (Charles),  236. 
Southern,  poète  anglais,  209. 
Speroni  (Sperone),  xxix,  xxxi,  43,  206, 

213  et  214. 
Stecher,  86,  207. 
Stoetzer  (O.  g.),  66. 
Stuart.  Voir  Jacques  et  Marie  Stuart. 
Suugères    (Hélène    de),    xxix,     xxxii, 

xxxvi    à  XL,    25,  26,  163,    166,    167, 

228,  238. 
SuRREY,  poète  anglais,  75. 


INDEX    ALPHABETIQUE    DES    NOMS 


269 


Tacite,  xxv,  xxxii,  56,  57,  228,  239. 

Taiiureau  (Jacques),  221,  223. 

Talox  (Omer),  en  latin  Audomaïus 
Talaeus,  xxx,  215  et  216. 

Tamisey  deLarroque,  105,  221. 

Tasso  (Torquato),  206. 

Teissier  (Antoine),  214. 

Terpandre,  111. 

Théocrite,  114,  115,  121,  230,  234. 

Thévet  (André),  xvn,  195,  217. 

Thomas  (Antoine),  146. 

Thou  îChristophe  de),  xvii,  213. 

Thou  /Jacques-Auguste  de\  xiv,  xxxix, 
67,  68,  70,  158,  179,  185,  189,  192, 
194,  214,  217,  222,  230,  236. 

TlBt'LLE,   131. 

T1ERCELIN  (Jehanne),  56. 

TiERsoT  (Julien),  192,  230. 

TiTTMANN  (Jules^,  210. 

TofCHET  (Marie),  maîtresse  de  Char- 
les IX,  162,   196. 

Troussily,  217. 

TuRNÉBE  (Adrien),    x.wii,  12,  99,  100. 

TuRNÈBE  (Odet  de),  xvi,  xvii. 

TusAN  ou  Toussain,  maître  d  A.  de 
Baïf,  91,  94,  96. 

Tyakd  (Fontus  de),  xv,  xxvii,  xi.i,  18, 
43,  49,  101.  106,  126,  141,  210,  211, 
218,  221,  222,  223,  225. 

Tzetzès,  111. 


U 


Ubicini  (A.),  54. 

IJpHAM    A.  Horatio),  209. 

Utenhove  (Charles),  110,  210. 


Vailly  (de),  régent  du  Collège  de 
Navarre,  5,  71. 

Vanel  (J.-B.),  168. 

Varenne  (Gaston),  xiii. 

Vaumeny,  luthiste,  217,  230. 

Vauquelin,  s'  de  la  Fresnaj'e,xviii,203. 

Velliard  (Jacques),  xix,  xxi,  xxii, 
xxxni,  53,  69,  70,  72,  73,  75,  76,  77, 
80,  81,84,85,  89,  95,  102,  107,  115, 
117,  123,  139,  150,  151,  152,  175, 
176,  178,  185,  191,  192,  193,208,222. 

Velliard  (Louis;,  193. 

Vendomois  (Jehanne  de),  60. 

Vergèce  (Ange), maître  d  A.  de  Baïf,  96. 

Vettori  (Petro).  Voir  Victor  (Pierre). 

ViALART  (Louis),  163. 

Vtaney  (J.),  193. 

Victor  (Pierre),  xvii,  36,  42,  188,  189, 
206,  207,  214. 

Vii.LEROY  (Nicolas  de  Neufville,  s"^  de), 

XIII. 

ViLLEY  (Pierre),  213. 

ViOLLET-LE-DuC,   154,    156. 

Virgile,  xxx,  xxxii,  10,  12,  21,  22,  25, 
43,  71,  84,  87,  89,  97,  121,  122,  164, 
198,  215,  230. 

VoiER  (René  de), vicomte  de  Paulm3',xi. 

W 

Waddingtox,  215. 
Watson,  poète  anglais,  209. 
Weckherlin  (Rudolf),  poète  allemand, 

209,  210. 
Wyatt  (Thomas),  poète  anglais,  75. 


Zamariel  (A.),  24,  153,  154. 


LA  VIE  DE  P.  DE  RONSARD 


ADDITIONS  ET  CORRECTIONS 

(Prière  d'insérer  à  la  page  261) 


Page  XVI,  note  2,  ligne  2,  corrigez  ainsi  :  Cette  pièce  ne  flgurait  pas  dans  le  Tombeau 
de  R.    Belleau. 

P.  95,  dernière  ligne,  supprimez  et  Bonamy. 

P.  121,  ligne  41,  lisez  de  mai-juin  1901,  p    239,  au  lieu  de  mars  1901 

P.  138,  lignes  6  à  10,  corrigez  ainsi  :  J'adopte  cette  seconde  interprétation  parce  que 
l'expression  «  chanter  une  Palinodie  »  me  semble  désigner  particulièrement  une 
pièce  de  vers  qui  contenait  une  palinodie.  Si  Binet  avait  voulu  parler  de  rétractations 
orales,  il  aurait  emploj'é  l'expression  toute  faite  et  générale  «  chanter  la  palinodie  », 
sj'nonyme  de  se  rétracter,  ainsi  que  l'a  fait  L'Hospital  dans  sa  lettre  à  Morel  :  ((  Mihi 
videntur  palinodiam  canere   » . 

P.  213.  ligne  38,  lisez  Paulus  Melissus 

P.  215.  lignes  10  à  13,  corrigez  ainsi:  C'est  seulement  dans  sa  Dialectique  'éd.  princeps 
de  1555  et  rééd.  de  1576).  que  l'on  trouve  des  citations  de  Ronsard,  ou  plutôt  des 
traductions  en  vers  de  Virgile,  Horace.  Ovide  et  autres  poètes  latins,  devant  ou 
après  chacune  desquelles  il  y  a  le  nom  de  Ronsard. 

p.  215,  ligne  36,  lisez  dans  son  ouvrage  sur  Ramus    1855i,  p.  464. 

P.  216,  ligne  18.  après  Ramus,  ajoutez  ,  qu'il  professait  la  Rhétorique  au  collège  de 
Presles  dirigé  par  Ramus 

P.  248,  ligne  32,  ajoutez  :  Le  premier  vol.  a  paru  en  1906. 

P.  250,  dernière  ligne,  supprimez  Thèse,  et  lisez  Meyrueis. 

P.  252,  supprimez  la  ligne  relative  à  Bonamy. 


ADDITIONS  ET  CORRECTIONS 


Page  43,  ligne  48,  mette:  une  virgule  entre  Peri-on  et  Berlaud 

Pp.  70-71.  A  propos  du  premier  précepteur  de  Ronsard  à  la  Possonnière, 
a/'ou/e2  cette  référence:  Louis  Kroger,  Guy  Peccate,  note  parue  dans  les  An- 
nales Fléchoises  de  septembre-octobre  1909,  trop  tard  pour  que  j'aie  pu  la 
signaler  en  son  lieu.  Je  pense  d'ailleurs  que  le  Peccate  mentionné  par  Ron- 
sard dans  les  Bacchanales  n'est  pas  celui-là,  mais  Julien  Peccate,  dont  parle 
M.  Froger  en  terminant. 

P.  75,  1.  38,  lisez  Au  Seigneur  de  Carnavalet 

P.  82,  1.  3,  lisez  juillet  1900 

P.  87,  dernière  ligne,  lisez  de  Marulle 

P.  100,  avant-dern.  ligne,  lisez  1899  au  lieu  de  1839 

P.  102,  1.  20,  lisez  Papire  Masson 

Pp.  115-116,  à  la  liste  des  études  consacrées  à  Cassandre,  la  première  Muse  de 
Ronsard,  ajoutez  :  Raymond  Clauzel,  Cassandre  ^Revue  Bleue  du  23  janvier 
1909,  p.  112)  ;  Louis  de  Tombelaine,  Le  poète  Ronsard  et  sa  Muse  Cassandre 
Salviati  i.Re\ue  d'Europe  de  mai  1909,  pp.  48  à  57)  ;  Pierre  Dufaj-,  Autour 
de  Cassandre  :  les  Salviati,  à  propos  du  testament  de  Jacques  Salviati  (Annales 
Fléchoises  de  septembre-octobre  1909,  pp.  332  à  347). 

P.  124,  1.  5,  lisez  y  mist  la  main  au  lieu  de  y  mit  la  fin 

P.  128,  dern.  ligne,  lisez  (V.  ci-après,  p.  167,  aux  mots  «  devenir  Poètes  »). 

P.  182,  aux  références  concernant  le  prieuré  de  S'-Cosme,  ajoutez  :  A.  Vincent, 
note  d'une  page  sur  Ronsard  à  Saint-Cosme  'Bull,  de  la  Soc.  arch.  de  Tou- 
raine,  1898-99,  p.  103). 

P.  206,  1    5,  lisez  Recherches  de  la  Fr. 

Pp  211-212,  aux  références  concernant  A.  Jamin.  ajoutez  :  Louis  Froger, 
Amadis  Jamyn  au  Vendômois  Annales  Fléchoises  de  septembre-octobre  1909, 
pp.  364  à  369).  Cette  note  nous  apprend  que  Jamin  obtint  le  bénéfice  de  la 
cure  d'Artins,  près  de  Couture  et  de  Croixval,  le  29  juillet  1572  ;  mais,  en  la 
lisant,  il  ne  faut  pas  oublier  que  le  poème  de  la  Salade  dédié  par  Ronsard  à 
Jamin  remonte  à  1569,  et  que  c'est  en  1574  (et  non  en  1584)  que  parut  la  Irad. 
de  quelques  livres  de  l'Iliade  (et  non  de  l'Odyssée)  par  Jamin  avec  Iode  de 
Ronsard  Homère  il  suffisoit  assez,  à  laquelle  M.  Froger  fait  allusion  en  termi- 
nant. 

P.  230,  1.  18,  hsez  juillet  1900 

P.  231,  1.  22,  lisez  au  début  de  l'Elégie  à  L.  Des  Masures 

Qu'on  me  permette  enfin  de   signaler  ici  quelques    nouvelles  fautes  d'impres- 
sion aperçues  dans  mon  ouvrage  sur  Ronsard  poète  lyrique  ; 
P.  265,  note  5,  lisez  Jean  Bonnefons 
P.  775,  1.  10,  lisez  juillet  1900 
P.  777,  1.  1,  lisez  Recueil   et  Discours  ;  1.   2,  lisez  1566  au  lieu  de  1556  ;  dernière 

ligne,  lisez  de  janvier  1902. 
P.  779,  1.  17,  lisez  Vascosan 
P.  784,  lisez  Bonnefons  (Jean). 


TABLE   DES   MATIERES 


INTRODUCTION 


I.  —  Origine  et  raisons  de  la    présente  édition 

II.  —  Claude  Binet.  Sa  carrière  littéi-aire  Ses  relations,  notamment 
avec  Ronsard  et  les  amis  de  Ronsard.  Ses  trois  éditions  delà  Vie 
de  Ronsard 

III.  —  Ses  sources   d'information. 

A.  Documents  écrits. 

B.  Documents  oraux. 

Critique  de  sa  méthode 

IV.  —  Disposition  de  notre  ouvrage  :  texte  fondamental,  variantes, 
commentaire  ;    graphie  et  ponctuation   ;  signes    adoptés. 


DISCOURS  DE  LA  VIE  DE  P.  DE  RONSARD,  PAR  CL.  BINET. 

Texte  de  1586  et  appareil  critique 1  à     51 


COMMENTAIRE  HISTORIQUE  ET  CRITIQUE 51  à  239 


Bn5i,ioGR.\pniE 241  à  250 

Index  alph.\bétique  des  noms 251  à  259 

Additions  et  corrections 261 


ACHEVE     D   IMPRIMER 
Le  15  Novembre  1909 

PAU  i.A 

SOCIÉTÉ  FKANÇAISE  D'IMPRIMERIE  ET  DE  LIBRAIRIE 

6-8,    rue   Henri-Oiidin,  POITIERS. 


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PQ 
1677 

1910 


Binet,  Claude 

La  vie  de  P.  de  Ronsard 


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À 


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UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 


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